SETRS FLITIS se, PERTE : : S RSR HAS a A LS PRÉR > LI Er (VON IE Lu 4 PI in Ut A L L { "E 7 ! | | $ LA Li E o Û LI | Re. | . LT : À C 1 OBSERVATIONS AUER: LA PHYSIQUE, SUR? L'HISTOIRE NATURELLE ET SUR LES ARTS, AVEC DES PLANCHES EN TAILLE-DOUCE, DÉDIÉES A Ma. LE COMTE D’ARTOIS; Par M. l'Abbé RozrER, de plufieurs Académies , & par M. J. À. Moncez le jeune , Chanoine Régulier de Sainte- Geneviève, des Académies Royales des Sciences de Rouen , de Dijon, de Lyon, &c. &c. JUIL LR 1784 TOME XX V. AO PEANRITS", AU BUREAU du Journal de Phyfique, rue & Hôtel Serpente, MD CIC PL XX 2 I VE AVEC PRIVILÉGE DU RO re ET NOT ESP DES EE CRE = a LR NUL nez UE AD ME SN — GX S LL 7 L Z S SE RE MÉMOIRES SUR LA PHYSIQUE, SURCE UISTOIRE NATURELLE: ET SUR LES ARTS ET MÉTIERS. REC RRIMUA ROUE US © Sur l'origine & la nature de la Matière verte de M. Prieflley , Jur la production de l'air déphlogiftiqué par le moyen de cette matière , & [ur le changement de l'eau en air dephlo- gifliqués Par Jean INGEN-Housz. J E me füuis propofé de publier mes obfervations fur la nature de la matière verte du Dour Prieitley dans le fecond volume de mon Ouvrage Tome XXV, Par, IT, 1784. JUILLET. A2 4 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, fur les végétaux, que j'avois efpéré de pouvoir mettre au jour depuis long-temps , ayant la matière prête, & ayant déjà ajouté à La fin de la Préface du premier tome un apperçu de plulieurs articles que j'avois deflein de traiter dans le volume fuivant. Dans le temps que je travaillois encore aux recherches que je deftinois pour ce volume , j'envoyai à l’Imprimeur de Paris un manufcrit de diffé- renus Opufcules qui.devoient faire un livre à part, & dont j'ai prefé , autant que j'ai pu, l'imprelion, pour envoyer enfuite le manufcrit du {e- cond volume des expériences fur les végétaux. Mais ayant été fruftré juf- qu’à préfent dans l'attente de voir paroïtre cette collection d'Opufcules(r), je me fuis déterminé à communiquer au Public , par le moyen du Jour- nal de Phylique , quelques remarques fur la matière verte, & fur quelques autres fujets, me réfervant d’en traiter plus amplement dans l'Ouvrage que j'ai indiqué. | M. Prieftley , à qui les Sciences naturelles doivent déjàsinfiniment , a remarqué le premier, que lorfqu’on expofe au foleil de l’eau , fur-tout de l'eau de fource , il sy engendre, après quelques jours, une fubftance verte , glutineufe au contaî ; & que , quand cette matière eft produite, on trouve dans le vafe une grande quantité d'air pur ou déphlogiftiqué, qui fe développe pendant que le vafe eft expofé au foleil. Il avoit déjà obfervé auparavant , que les plantes pofsèdent la faculté de produire de l'air pur , de corriger l'air méphitifé ou phlogiftiqué , & d'améliorer l'air commun, Mais en trouvant que cette opération falutaire n’étoit rien moins que conftante, & que les plantes enfermées avec l’air commun le gâtent fort fouvent , au lieu de laméliorer , il devinoit fi peu la raifon de cette inconftance, qu'il paroiffoit prêt à abandonner un fyftéme fi beau, que fes expériences précédentes fembloient avoir mis hors de toute contefta- tion. La raifon principale pourquoi il commençoit à douter de la folidité de fon fyflême, étoit , qu'ayant enfermé des plantes dans des bouteilles remplies d'air, & contenant aflez d’eau pour tenir les plantes en vie, il trouva, qu'après avoir Ôté les plantes de ces bouteilles, la production d’air pur continuoit toujours comme auparavant; ce qui le fit conclure, que le développement de cet air pur , qu'il avoit attribué à la préfence des plantes, étoit du à la préfence de la matière verte, dont il trouva les parois de (x) M. Molitor , Profeffeur défigné de Chimie à Maïence , ayant traduit en Alle- mand ces Manufcrits, pour les publier dès que l'édition originaire feroit imprimée à Paris, s’impatientant, autant que moi, qu'on en différât continuellement l'impreflion, mit fa traduétion fous preffe. File voit déjà le jour depuis le mois de Mars 1722. Letitre en eft : Johann Ingen-Honf?....vermifehre fchrifren Phyfisch- Medicinifchen Inhabrs. Uiberferzr und heraufsegeben von Niklas Karl Aolitor.... Wien, bey Johann Pau Krauff, 1782. Vers le temps que j'eavoie cet Ecrit, on m'annonce de Paris ( au com- mencement de Novembre 1783), qu’on cft à la fin de l'impreflion dudit Ouvrage. LUE SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. S ces bouteilles enduites, & que les plantes n'avoient contribué en rien à la production de cet air. Ce peu de prédilection pour fon propre fyftème fait d'autant plus d'honneur à fon caraëtère, qu’elle eft rare parmi les Savans. S'il avoit pris la matière verte pour un végétal, il n'eût pu man- quer de découvrir la raifon pourquoi les plantes avoient tantôt amélioré & tantôt détérioré l'air; car ayant déjà reconnu que la matière verte ne fournifloit de l'air pur qu'au foleil , il en eût naturellement conclu (s'il avoit reconnu cette matière pour une plante), que les autres plantes devoient être dans le même cas: mais il fut fi éloigné de prendre cette matière pour un végétal, qu'en obfervant qu'elle sengendre même dans les vaiffeaux fermés , & en n'y trouvant, par un examen réitéré, à l’aide de bons microfcopes , aucune organifation, il croyoit que cette matière n'étoit, par fa nature , ni animale, ni végétale, & même qu’elle ne pou- voit être ni de lune , ni de l’autre, mais qu'elle étoit une fubftance parti- culière fui generis, qu'il convenoit de déligner par un nom particulier , celui de matière verte fimplement. Dans cette fuppoñition, il ne ponvoit que s'éloigner de plus en plus de la route, pour trouver la véritable caufe de l'incertitude ou inconftance qu'il obfervoir dans l'influence des végé- taux fur l’air renfermé avec eux: J'ai été affez heureux pour rMoudre l'énigme, & pour découvrir la raifon de cette incertitude, en trouvant que les végétaux produifent de l'air pur feulement au foleil, 8 même en grande abondance, & qu'ils évaporent à l’ombre & pendant la nuit un air méphitique , mais en très- petite quantité ; qu'ils corrigent au foleil l'air ordinaire, gâté par quelque procédé phlogiftique , 8& améliorent l'air bon, tandis qu'elles le méphi- tifent à un haut degré, à l'ombre & pendant la nuit. Ayant obfervé ces deux effets contraires , & découvert leurs caufes , j'en conclus que, puifque les plantes ont le pouvoir de produire de l'air pur feulement au foleil , il étoit probable que la matière verte, qui produifoit le même effer, füc auffi une efpèce de végétal , fans cependant avoir d'autre garant de ma conjecture que l'analogie des phénomènes. Nous allons voir fi ma fuppoñ- tion étoit fondée ou non. M. Prieftley ayant décrit la matière verte comme un fédiment muqueux de l'eau ( dans fon quatrième volume furles airs, imprimé en 1779 ), l'é- lève au rang des végétaux dans fon cinquième volume imprimé en 1781, fur le témoignage de fon ami M. Bewly, & il la claffe parmi les con- ferves, fans vouloir déterminer fi c’eft la conferva fontinalis du Docteur Withering , ou quelque autre de cette efpèce. M. Forlter l’avoit prife pour le byflus botryoïdes de Linnée, M. Senebier, dans fon Ouvrage égales ment intéreffant & curieux fur la lumière folaire, imprimé en 17821, a cru que ni M. Prieftley, ni M. Forfter n’ont connu la véritable nature de cet être. Il dit qu’en examinant de plus près cette plante , il l'a reconnue pour être la conferva cefpitofa flis reélis undique divergentibus, Halleri, F . 6 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, n°. 2114. Si c'eft la conférva fontinalis du Doéteur Withering , il faut qu'elle ait des fibres au moins de la longueur d’un demi-pouce, Si c’eft la plante pour laquelle M. Serebier la prend , il faut que les fibres foient encore plus longues, Selon ce dernier, Les fibres paroiffent déjà at: bout de deux jours, lorfqu’on expofe l’eau commune à l'action immédiate du foleil. I1 dit qu'on les voit s'élever graduellement & tapifler les parois fur tout de fond du verre. Cette plante , pourfuit M. Senebier, devient fort ferrée en bas, % parvient à une grandeur fi confidérable, qu'il la vu s'élever pendant deux mois à la hauteur de 2 pouces & demi au-deflus du fond. Il ne m'eft certainement pas permis de jeter Le moindre doute fur l’exac- titude de M. Senebier, en obfervant la conferve dont il parle; mais il m’eft permis de douter fi la plante qu’il a obfervée, eft la matière verte que M, Prieftley décrit dans fon quatrième volume; & effectivement , lorfqu’on compare une mafle informe, muqueufe , fans aucune organifa- tion apparente , comme M. Prieftley la décrit, avec une plante qui, fe- lon M. Senebier, tapifle comme un tiflu fort ferré coutle fond du vafe, & qui s'alonge jufqu'à 2 pouces & demi en hauteur, & par conféquent qui eft très-vifible à l'œil à plufieurs pa&de diftance , on ne fauroit guère s'abftenir de douter fi ces deux êtres font les mêmes. Lorfque M. Prieftley me montroit lui-même à Londres cette matière verte dont une cloche remplie d'eau étoit tapiflée , je n’y voyois pas plus que lui la moindre apparence de fibres; & fi elles euflent exifté, au moins d'une manière auti manifelte que M. Sencbier les décrit , elles n’auroïent pu échapper aux yeux d'un obfervateur aufli attentif que M. Prieftley. Il paroïîtra bientôt, je penfe, à cout Phyficien qui fe donnera la peine d'examiner cette fubitance fans préjugé , fque le Docteur Prieftley, en décrivant cette fubftance dans fon quatrième volume, s’eft montré un obfervateur aufli exacte qu'il eft univerfellement reconnu pour l'être. J'ai examiné journellement, depuis plus de trois ans , cette fubftance, & l'ayant fuivie depuis fes premiers principes, par tous les changemens qui lui arrivent dans différentes circonftances, je crois être en etat de pouvoir en donner une defcription aflez claire, pour ne plus fe tromper fur fon identité, & peut-être aufñi fur fa nature. J'en ai fait faire des def- fins exacts , & je les ai fait graver, pour en orner le fecond volume de mes expériences fur les végétaux. Je me contenterai ici d’en donner une defcription abrégée, Pour éviter tout danger de prendre une fubftance pour l’autre, la pru- dence exige que nous produifions la matière verte fous nos yeux , de la mème manière que M. Prieftley l'a produite , c’eft-à-dire, dans des vafes de verre bien tranfparens , remplis d'eau de fource & expofés au foleil. Afin de voir plus à mon aife ce qui arrive au fond de ces vafes & à leurs parois, fans déranger ni l'appareil, ni la matière verte , je place com- , : SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS 7 munément quelques morceaux de verre plat au fond , & j’en fufpends quel- ques autres au milieu de l'eau, attachés à des morceaux de liége par le moyen de fils. Lorfqu'après quelques jours on aura obfervé une bonne quantité des bulles d'air monter continuellement dans l'eau , on trouvera les parois du vafe intérieurement parfemées de corpufcules ronds ow ovales , ou approchant de ces figures, & d'une couleur verdâtre. Le nombre de ces corpufcules augmente journellement , & devient, au bout de quelques femaines, une croûte dont la verdure eft plus ou moins foncée, en raïfon du temps que l’eau a été expofée au foleil, & du nombre des corpufcules qui s’y font accumulés. La plupart de ces cor- pufcules s’attachent communément vers le fond du vafe; quelquefois cependant on en trouve la plus grande quantité vers la partie la plus haute, Quoiqu'on puiffe voir aflez bien la forme de ces corpufcules, en appliquant un bon microfcope à l'extérieur du vafe, pendant que le fo- leil éclaire l’eau', on peut les obferver cependant infiniment mieux , en mettant au foyer d'un microfcope, fur-tout d'un microfcope compofé, un des morceaux de verre placés au fond du vafe , ou fufpendus au mi- lieu de l’eau. On trouvera que ces corpufcules font d’une forme affez ré- gulière entre eux, extrêmement petits, enveloppés dans une matière muqueufe. On les reconnoîtra bientôt pour de véritables infectes qui ceflent de fe mouvoir, lorfqu'ils fe trouvent embarraffés dans cette couche glaireufe. On s'en convaincra aïfément, dès qu'on en trouvera encore quelques-uns nageant à travers l’eau qui adhère au morceau de verre. Parmi ces infectes attachés au verre, on trouve communément une grande quantité de corps durs , tranfparens , angulaires, qui paroiflent être des fels, ou plutôt des criftaux pierreux. Ces criftaux font en général beaucoup plus volumineux que lesinfectes, & fe trouvent en plus ou moins grand nombre , felon la nature particulière de l’eau qu'on y a employée. Lorfque cette croûte verte eft devenue, après quelque temps , d’une certaine épaifleur & d'une verdure foncée, par l'accumulation des infec= tes verts qui continuent de s’y attacher , on ne diltingue plus fi aifémene ces corpufcules ou infectes verts, parce qu'étant extrêmement petits & entaflés les uns fur les autres , ils fe trouvent fi confondus avec la croûte muqueufe {qui elle-même eft ordinairement fans couleur), que le tout paroït être une mafle glaireufe verte, fans aucune apparence manifefte d'organifation : elle reflemble alors parfaitement à ce que M. Pricftiey l’a trouvé être , une dépolition glaireufe de l’eau, devenue verte au foleil, & flmy matter. Si on examine cette croûte dans un état encore plus avancé, on trou- vera généralement qu’elle a acquis encore plus de confiftance , & que les corfpufcules ou infedes verts fe font encore plus intimément incorporés avec la matière muqueufe ; de façon qu'on en fauroit à peine reconnoître les traces , lorfqu’on regarde une petite mafle de cette fubitance ; mais fi 8 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, on l’éparpille en erês-petits lambeaux, on obferve que fes bords déchirés font tous hériflés de fibres tranfparentes, fans aucune couleur reffemblans à des tubes de verre. On obfervera ces fibres douées d’un mouvement manifelte ; elles fe plient en tout fens, s’approchent, s’entrelaflent, & fe sortillent de nouveau. Ce mouvement , qui reflemble à celui de certaines animalcules aquatiques , qui ont la forme des anouilles ; fe fait par inter- valles très-irréguliers. M. l'Abbé Fontana m'a montré, il y a plufieursannées, des fibres femblables , mais vertes , douées d’un tel mouvement. Il Les prit poûr des animaux-plantes ; & les crut des êtres intermédiaires entre ceux du règne animal & végétal. Dans les lambeaux déchirés de cette croûte muqueufe , on remarque çà & là les débris des infectes verts qui conftituoient le commencement de la croûte, & on reconnoît diftinétemiene que ce n’eft pas La croûte muqueufe qui eft verte elle-même; mais qu'elle doit fa verdure aux infectes verts qui s'y trouvent accumulés. Les chan- gemens que j'ai indiqués jufqu'à préfent, ne fe trouvent que rarement plus avancés à la fin du troifième mois : j’ai même trouvé la matière verte avancée feulement à ce degré après quatre & même cinq mois; quelque- fois elle parvient à cer état plus tôt; cela dépend du degré de lumière qu’elle a reçu , de la qualité de l’eau qu’on a employée, & fur-tout des corps étrangers qui fe font putréfés dans cette eau , & dont je parlerai après, Si on s’obftine à abandonner à elle-même cette croûte muqueufe, ou la matière verte , les changemens déjà arrivés ne s'arrêtent nullement là. La croûte, communément liffe & polie au commencement, & aflez égale en épaifleur , devient raboteufe, fe gonfle irrégulièrement, & forme des efpèces de petites boffes. En examinant ces inégalités vers le fixième mois, j'y trouvois communément un grand nombre de fibres vertes & entortillées entre elles, fur-tout vers la partie fupérieure. Jai vu ces fibres quelque- fois plus tôt , & d'autres fois plus tard. En laiffant le vafe encore plus long-temps expofé au foleil (fi on prend garde de ne pas le laiffer s’échauffer trop; car la matière verte s’al- tère par trop de chaleur, & prend une couleur orangée), ces inégalités s'élèvent de plus en plus, mais très-lentement, en forme de pyramides , & parviennent, dans le temps de dix à douze mois, à une hauteur de 1 ou 2 pouces. Les fibres vertes, qui étoient toutes couchées dans la croûte lorfqu'elle commençoit à s’élever en boffes, s’érigent graduellement avec ces éminences, & deviennent perpendiculaires à leur longueur. Ces pyra- mides font d'un vert plus foncé vers leur partie fupérieure & latérale, qu'au milieu & en bas. Leur fubftance reffemble à une gelée affez ferme pour fe foutenir fous l’eau. Si elle mérite réellement le nom d’une plante, elle doit , je penfe , être claffée parmi les sremelles, Les changemens détaillés jufqu’ici, font à peu près conformes à ce qui arrive le plus ordinairement lorfqu’on laiffe La matière verte toujours dans SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 9 dans Le même vafe, fans la déranger , & qu'on ne communique aucun mou- vement à l’eau, que lorfqu’on la renouvelle detemps en temps : maisilarrive quelquefois que cette efpèce de sremella ne fe forme pas , fur-tout lorfque la matière verte eft engendrée dans des vafes dans lefquels l'eau eft fujerte à beaucoup de mouvement, foit par les vents , foit par d’autres raifons ; par exemple , dans les grands baflins ou réfervoirs d’eau des jardins. Ces eaux étant beaucoup remuées & fouvent renouvelées , la croûte muqueufe ne fe forme pas, ou très-imparfaitement; les infectes verts tombent au fond, fans s'attacher aux parois, defquelles la plupartd’eux font trop éloignés ; ils s’attachent enfemble en petites mafles granulées vertes , aflez fermes, fore irrégulières & en figures & en grandeur. Ces petites mafles granulées, qu'on trouve en abondance dans les grands baflins d'eau bätis en pierre, font très-fouvent entrelacées avec des fibres de la conferva rivularis , qui y croît en abondance, Lorfqu'on a nétoyé de toute ordure les grandes cuves de bois où l’on tient toujours de l’eau au Jardin Botanique de Vienne, pour arrofer les plantes, on ya tronvé au commencement la matière verte prefque comme dans Les vafes de verre; mais après quelque temps, on n'y a rencontré prefque rien que la véritable conferva rivularis , dont les fila- mens, obfervés au microfcope, paroiffent être des tubes tranfparens, fans couleur, ayant des interfeétions plus ou moins diftantes les unes des autres. Ces fibres tubulaires femblent devoir leur couleur aux petits cor- pufcules verts, dont ils font comme farcis, & qu'on feroit tenté de pren- dre pour des reftes des infectes dont la matière verte eft compofée , ou pour ces infectes mêmes , qui y font enfermés comme ils feroient dans un tube de verre, c’eft-à-dire, en liberté, fans être attachés au tube même, dont on les voit fortir librement & affez fouvent , lorfqu’on obferve au mi- crofcope les extrémités des fibres coupées. On placera peut-être les con ferves parmi les zocphites , lorfqu'on fera convaincu que ces corpufcules verts, dont les fibres de la conferve font comme farcies, font des infectes morts ou vivans, Eft ce que la matière verte de M. Prieftley , toute compofée d'infeétes véritables dans le premier temps de fon exiftence, fe change elle-même, tantôt en tremellé, & tantôt en conferve ? Je me contenterai , dans cet abrépé, de la relation du fait tel qu'il eft. J'invite les Phyfieiens à fuivre en été les progrès de cette fubftance vrai- ment curieufe, & entièrement négligée avant M. Prieftley , au moins dans l’état dans lequel il l’a obfervée. Mais fi l’on défire abréger le temps, & ob- tenir bientôt une quantité très-confidérable de la véritable matière verte de M. Ptieftley, on n’a qu'à fuivre la méthode fimple de la produire, qu’il a indiquée dans fon cinquième volume, imprimé en 1781 : elle con- fifte à mettre dans l’eau expofée au foleil, un morceau de viande, de poiflon , de pomme de terre, ou quelque autre fubftance putrefcible. On verra bientôt ( quoique pas infailliblement ) toute l’eau devenue verte. En Tome XXV , Part, Il, 1784. JUILLET, B - 10 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, examinant cette eau au foyer d’un bon microfcope, on trouvera que la couleur lui eft donnée par un nombre infini de petits infetes verts, très- manifeftement vivans pendant affez long-temps. Ces infectes font commu- nément ronds ou ovales. J'en ai rencontré des familles entières, qui pa- roifloient doubles, la tête étant féparée durefte de leur corps par un fila- ment extrémement fin. J'ai obtenu conftamnient, par le moyen de la fiente de vache & de pigeon, mife enfemble au foleil dans une grande cuve d’eau , une race d’infeétes verts, oblongs, & dont les deux extré- mités font pointues. [ls font beaucoup plus volumineux que ceux qu'on obtient ordinairement par d’autres moyens, Je produis ces mêmes infectes fouvent dans l’eau légèrement teinte de fang. Ces infeétes oblongsfont fujets à une métamorphofe aflez fingulière, dont je parlerai dans mon Ouvrage indiqué. J’en ai fait faire une figure. La matière verte, produite de cette manière abrégée , eft infiniment plus abondante , plus caraétérifée, & donne beaucoup plus d’air déphlogiftiqué que celle qui eft produite fpon- tanément dans l’eau. Les changemens qu’elle fubit ne diffèrent des mé- tamorphofes auxquelles l’autre eft fujette, que parce qu'ils s'opèrent plus manifeftement , & en général plus promptemenr. Il nv'eft arrivé fi rarement de voir quelque apparence d’une plante vé- ritable , c’eft-à-dire, de la conferva rivularis (car je n’en ai jamais ren- contré d'autre ), parmi la matière verte de M. Prieftley, pendant Les deux premiers mois, que je les ai pris pour un pur accident. J'aicependant vu qu'un bafin de faïence, rempli d’eau & expofé au foleil pendant quelques mois, éroit tout hériflé de conferva rivularis , fur-tout aux parois ; mais jy avois mis, à deffein prémédité, quelques filamens de cette plante, pour voir ce qui en arriveroit, Je fuis tenté de croire que ce que je produifis à volonté , ou ce qui n’arrive que rarement, a été pris, par M, Senebier, pour un hénomène conftant. Je ne m'érigerai Céiens pas en juge fur cette affaire ; il décidera lui-même ce qui en eft, après avoir obfervé affez fouvent ce qui arrive, non pas par pur hafard , ou rarement, mais dans le cours ordinaire de la Nature, en plaçant l'eau commune au foleil, foit pure, foit pour abréger la recherche , en y ajoutant des fubftances putrefcibles, felon le confeil de M. Prieftley. Il paroîtra peut-être furprenant que ces infectes verts donnent de l'air déphlosiftiqué également, lorfqu'ils font encore dansMla vigueur de leur vie, ou lorfqu'ils fe trouvent moits, ou fans mouvement, embarraflés dans la croûte glaireufe, & qu'ils continuent d’en fournir en grande abon- dance au foleil, quelque métamorphofe qu'ils aient fubie après. Lorfqu'ils font devenus de petites mafles granulées , dont j'ai parlé plus haut, on en obtient une quantité furprenante d'air d’une qualité exquife ; de façon que la quantité de cette fubftance qui occupe 4 ou $ pouces cubiques , eft en état de fournir peut-être plus de 1000 pouces cubiques de cet air, quoi- que placée dans une eau qui ne pofsède pas un atôme d'air , c’eft-à-dire, ÿ SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 11 dans une eau qui a été bouillie pendant plufieurs heures , pourvu qu'on renouvelle cette eau detemps en temps. Je me réferve d'en parler plus amplement ailleurs. Si la matière verte de M. Prieftley étoic une véritable plante, & qu’elle fournie de l'air déphlogiftiqué au foleil , en l’élaborant comme les autres plantes, dans fes organes bien conftitués , il s’enfuivroit qu’ellen’en den- neroit pas, lorfqu'on détruit abfolument toute l’organifation qu'on lui fuppofe , tout comme les feuilles qui ne donnent jamais le moindre air déphlosiftiqué , lorfque leur organifation eft détruite , ou leur vigueur vitale perdue, Mais le fait eft , que cette matière, broyée fortement dans un mortier, & réduite en une efpèce de marmelade très-fine, donne de l'air déphlogiftiqué , tout comme fi on l’avoit laiflée dans fon état na= turel. IL fuit de ce qui a été dit, que ce ne font pas les plantes feules, qui, en répandant parmi l’atmofphère un air épuré , entretiennent l’air commun dans un degré de falubrité néceflaire ; mais que des êtres qui appartien- nent indubitablement au règne animal, nous rendent le même office , cette découverte eft certainement importante. Je n'ai cependant pas le droit de m'en attribuer l'honneur ; elle appartient à mon illuftre ami l'Abbé Fon- tana, Il m'a communiqué, depuis quelques années, que certains infectes qui fe trouvent dans les eaux ftagnantes , évaporent unair déphlogiftiqué. Il en a aufi parlé , mais long-temps après, dans une Differtation épif- tolaire, adreflée au Profeffeur Murray , à Upfal. J'ajouterai encore un mot fur le changement de l’eau en air, & même en air déphlosiftiqué, Le changement de différentes fubftances en air at- mofphérique, & le retour de cet air dans la compolfition des fubftances dont il avoit jadis fait partie , n'eft pas une doétrine nouvelle. Les plus anciens Philofophes l’enfeignoient en termesexprès , & clairement, Je me contenterai de rapporter ici Le fait qui me paroît l'indiquer ; le Leéteur ju- gera lui-même s’il eft aflez concluant, « Je fais bouillir de l':au de » fource pendant plus de deux heures ; je la verfe route bouillante dans un > globe L verre ( ceux dont je me fuis fervi pour cette expérience, > contenoient environ 200 pouces cubes) ; je ferme l’orifice d'abord avec » un bouchon, afin d'empêcher que l’eau , en fe refroidiffant, n'abforbe » de l'air atmofphérique, Dès que l’eau eft affez refroidie, jy mets 4 ou » $ pouces cubes de cette matière granulée dont j'ai déjà parlé, qu'on >» trouve au fond des grands réfervoirs d’eau des jardins, ou qu’on produit > dans des bains de verre ou de faïence, en les expofant pendant très- » longtemps pleins d'eau au foleil. Avant d'y mettre cette fubftance » verte, j'ai foin d’en exprimer toute l’eau dont elle eft pénétrée. Je ferme » lorifice du globe avec un bouchon qui a une petite rainure longitu- » dinale à côté, pour laiffer pafler l’eau, lorfque l'air, développé la force » de fortir du globe. Je place le globe ainfi fermé au foieil, dans un vafe Tome X XV, Part, IT, 1784. JUILLET, B 2 y 12 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, » L o 2 La 2 ÿ > ÿ >» y ÿ rempli de mercure, de façon que l’orifice foit plongé au delà de 1 pouce a de de la furface du fluide métallique. Cette eau, dépouillée , par Pébullition , de tout air , commence par abforber une grandepartie de l'air déphlogiftiqué que Ja matière granulée donne; mais en étant bientôt fa- turée, elle refufe d’en abforber davantage; & au bout de quelques jours on trouve une bonne quantité d'air flottant fur la furface de l'eau. Lorf- qu'on a ainfi obtenu 18 à 20 pouces cubes d'air , l’eau commence à de- venir nuifible à la nature de cette matière verte, & la produ&tion d'air commence à fe ralentir, Ileft bon alors d'examiner l'air déjà obtenu (qu'on trouvera déphlogiftiqué & d'une qualité exquife), & d'ôter l’eau du vafe, pour y en mettre de la nouvelle fraîchement bouillie. Cette nouvelle eau fe comporte de la même manière que la première, On la renouvelle à fon temps, comme la précédente, & on peut continuer ainfi aufli long-temps qu'on veut. Au moins, en renouvelant quatre ou cinq fois de cette façon l’eau, je n'ai pas obfervé que la matière verte fût de la moindre façon épuifée. D'où peut venir cette grande quantité d’air ? Certainement ce n’eft pas de l’eau qui en étoit dépouillée par l’é- bullition. Un globe pareil à l'autre, rempli d'eau bouillie , mais fans matière verte , placé à côté de l’autre au foleil, & renverfé de même fur du mercure, n’avoit pas fourni un atôme d’air pendant une année entière, On pourroit dire , avec quelque raifon , que la première quan- tité d'air pourroit avoir été contenue dans la matière verte, & que la lumière l’a développée. Mais pourroit-on fuppofer, avec quelque fon- dement, qu’il y eût dans cette matière cette énorme quantité d'air qu'on peut en obtenir de la façon que je viens d'expliquer ? Si cela étroit, elle devroit cependant à la fin fe trouver épuifée d'air, & être diminuée à proportion de volume; mais ni l'un, ni l’autre n’a lieu. Cette matière paroît inépuilable , & nullement diminuée de volume, quelque long- temps qu’on l'expofe à cette expérience ; elle ne peut non plus avoir épuifé cet air de l’atmofphère dans le temps qu'on renouvelle l'eau ; car j'avois toujours foin de la laiffer aflez couverte d’eau, pour que Pair atmofphérique ne vint pas en contaé avec elle. El me paroît donc pro- » bable que cette fubftance, & peut-être toutes les plantes , pofède une y ÿ ÿ > æ —— faculté de changer, à l’aide du foleil , l’eau en air. Si cette faculté paroît merveilleufe , celle de la chaleur feule de convertir l'acide ni- creux en air déphlogiftiqué, paroîtra encore plus étonnante, quoique non moins certaine », ske SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 13 D S'oU: Tel TE DES OBSERVATIONS ET EXPÉRIENCES pe M KIRWAN (à); Traduites par M. L. D, B. de l'Académie de Dijon. De la quantité de Phlogifiique dans l'air fixe, A VANT d'efflayer de déterminer [a quantité de phlogiftique contenue dans l'air fixe, il faut prouver d’abord qu'il en contient ; & pour cette fin, examiner en détail fa nature & fon origine. Le Doéteur Prieftley a le premier découvert que, dans tous les procédés où Le phlosiltique eft dégagé de quelque fubftance , comme dans la com- buftion , la refpiration , la calcination des métaux, la putréfaction , la décompofition de l’air nitreux par l'air refpirable , l'air fixe eft précipité de l'air commun ou de l'air déphlogiftiqué dans lefquels on opère; que ces deux efpèces d'air font diminués en poids & en volume; qu'ils deviennenc enfuite moins propres à ces opérations , & que même ils n’y font plus propres abfolument, fuivant la quantité de phlogiftique qui a été déga- gée. Ces faits font généralement admis dans tous les fyftèmes, Cependant le Docteur Prieftley croit avoir trouvé une exception à cette règle : il die que , dans la combuftion de l'air inflammable avec l'air commun, ilnya point d'air fixe précipité ( Prieftley , tom. V, p.124 ). Il paroît encore admettre une autre exception , dans le cas de la combuftion du foufre, Les queftions qui fe préfentent ici, font de favoir, premièrement, fi Fair fixe qui paroît dans ces circonftances , provient de l'air refpirable ou non. Secondement, dans le cas où il proviendroit de l'air refpirable ; s’il préexiftoit dans cet air, ou s'il a été produit Pro l'opération; & dans ce cas, quelles font fes parties conftituantes. La première queftion eft fa- cile à réfoudre; car dans les procédés phlogiïftiques qui entraînent la deftruétion des fubftances qu’on fait contenir de l’air fixe, comme celles des règnes animal & végétal, on peut fuppofer que l’air fixe, en bien des cas , provient à [a fois de la fubftance décompofée & de l'air refpirable, La RE (x) Voyezle cahier de Mars, pag. 188, 14 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, combuftion des fubftances animales & végétales, & la fermentation font dans ce cas-là ; mais l'air fixe qui réfulte d'opérations fur ces fubitances qui n'en contiennent point , ne peut être attribué qu’à l'air refpirable. Nous avons quatre exemples bien clairs de ce dernier cas; la calcination des métaux, la décompofition de l'air nitreux par l'air refpirable, la diminu- tion de l'air commun par l’étincelle électrique; & enfin , fa diminution par l'amalgamation. 1°. Quant à la calcination des métaux , le Docteur Prieftley a obfervé que l'air refpirable ( & l'air refpirable feul ) fe trouve, par cette opération, diminué du quart au cinquième en poids & en volume. Mais M. Lavoifier a démontré, qu’il ne fe perd rien à travers les vaif- feaux ( comme M. Scheele l’a prétendu ) ; car le poids & la matière n’é- prouvent aucune diminution, quand l'opération fe fait en vaifleaux clos. (Mém. Paris 1774). Cependant cette partie que l'air a perdue , eft re- prife par la chaux métallique qui s’eft trouvée en effet avoir gagné préci- fément le mème poids que l'air a perdu, L’air contenu dans la chaux eft donc de l'air fixe ; car M, Lavoilier a aufli obfervé que, dans la calci- nation du plomb au foyer du verre ardent , faite fur l’eau de chaux, cette eau a pris un petit coup-d'œil louche ( M. Lavoilier, tom, I, 291 ). Il eft vrai que, dans une femblable expérience, le Docteur Prieftley n'a point remarqué que l’eau fût devenue trouble; mais il explique très-bien cette circon(tance , en fuppofant que la chaux de plomb avoit abforbé l’air fixe préférablement à l’eau de chaux 3 & cette fuppofñtion n’eft point gratuite , cat'on fait que les chaux métalliques, & particulièrement celle de plomb , attirent l'air fixe avec autant & même plus de force que ne fait la chaux vive (1); & ce qui met cette propofition hors de doute , c’eft que toute les chaux de plomb cèdent l'air fixe par la chaleur, & particuliè- rement la chaux grife de plomb. C’eft celle qu'emploie le Docteur Prieftley dans l'expérience dont je parle, & qui, par la chaleur, lui fournit de l'air fixe uniquement. Les autres chaux de plomb produifent encore , après l'air fixe, de l'air déphlogiftiqué; mais je montrerai que cet air étoit originai- rement de l'air fixe, Si l'on mêle de la limaille de fer avec de l’eau dans des vaifleaux clos, elle fera réduite en rouille, & la diminution du volume de Vair et d’un quart , comme l’attefte M. Lavoifier (p. 192); mais le Docteur Prieftley a montré quecette chaux de fer ne cède guère que de l'air fixe qui en eft dégagé par la chaleur feule (tom, I, pag. 112 ); le fer feul, expofé pendant trois mois à l’air commun fur un vaiffeau rempli d'eau , a diminué cet air d'un cinquième ; expofé à l'air déphlogiftiqué dans l’ap- ee © (1) Voyez $. 599 , 2 nov.a@t. Upfal 240. IX. Mém. Sav. & 544. Prieftley , 182. $ Prieftley , 253. SUR L’'HIST. NATURELLE ET LES ARTS, 15 pareil au mercure, il l’a réduit d’un dixième en neuf mois, Dans tous ces cas, l'air fixe né pouvoit sûrement provenir que de l'air refpirable & du phlogiftique du métal. 2°, Il eft bien connu que fi l'air nitreux eft décompofé par l'air ref- pirable fur l’eau de chaux , la chaux fera précipitée (1); dans ce cas en- core l'air fixe doit provenir de l'air refpirable & du phlogiftique de l'air nitreux ; car il ne peut pas provenir de l'acide nitreux , puifque cet acide n'eft pas décompofé ; mais que l’eau fur laquelle on fait le mélance des deux airs s’en empare, comme M. Bewly l'a démontré d'une manière in- conteftable; & c’eft pour cela qu’à moins d'employer une quantité d’eau de chaux confidérable , & qui puifle fufire à l’aûtion des acides nitreux & aérien, il n'y aura point de précipitation, comme la obfervé M. Fon- tana ; car l'acide nitreux s'empare de Îa chaux , plutôt que l'acide aérien. Le Docteur Prieftley a obfervé à la vérité, que fi l’on trempe dans l’eau de chaux une vellie pleine d'air fixe , il fe précipite de la chaux à la furface de l'eau (Prieftley, tom. [, p.213) ; mais il reconnoît d’ailleurs que cela provient de ce que la veflie ne peut contenir. l'air nitreux @Y M. Baumé l’avoit obfervé il y a long-temps, fans avoir aucune connoif fance de cet air (fur l'éther, pag. 285 )3 le phlogiftique pañle à travers de la veflie, & s’unit à l'air commun qui eft en contaét (tom.3, pag. 156); d’ailleurs l’air nitreux agit fur la veflie même, & en extrait l'air fixe ( Prieftley , tom. I, pag. 214). Ainf, lorfqu’on fait abforber à l’eau de pluie, purgée d’air par l’ébullition , une quantité d’air nitreux , il s’en dégage dans fon premier état de pureté, fi on l'a fait bouillir ; mais fi l'on imbibe de la même manière l'eau commune avec l'air nitreux, & qu’enfuite on la fafle bouillir, il s'en dégagera aufli une portion d'air fixe (Prieftley, tom. IT, p.109 ). N’eft -il pas évident que l'eau commune, conte- nant de l'air atmofphérique, ou un peu plus pur, il eft convertien air fixe par fon mélange avec l'air nitreux, dans lequel l'union du phlooiltique avec l’acide eft très-légère. 3°. Quand on tire l’étincelle électrique dans l'air commun , cet air eft diminué d’un quart ; la diffolution de chaux qui eft en conta& eft précipi- tée, & la diffolution de tournefol teinteen rouge. (Prieftley, tom.I, p. 184, 186). D'où peut ici provenir l'air fixe, fi ce n’eft de l'air commun & du phlooiftique des conduéteurs métalliques? Ce grand Philofophe a même prouvé qu'il ne pouvoit provenir d'ailleurs; car après que cet air commun , en contribuant à la produétion de l’air fixe , a été diminué au- tant qu'il étoit poflible , il a changé les liqueurs, fans pouvoir opérer au- cun changement dans leurs couleurs , ni le moindre figne d'air fixe, Cette (x) Prieftley, tom. 1,p. 114; tom.IIl,p. 30; tom.I, p.138. . (2) Prieftley , tom. I, p. 76 & 128, 16 OBSE RVATIONS SUR LA PHYSIQUE, expérience a été répétée en France : on a mouillé avec une diffolution d’alkali fixe cauftique l’intérieur d’un tube de verre dans lequel il y avoit de l'air commun; & après l’épération l’alkali s’eft trouvé criftallifé; mais lorfque Le tube étoit vuide d'air , l'expérience répétée ne produifoit aucun changement dans J'alkali. ( Effai fur l'Eleüricité, par M. le Comte de la Cépède, vol, 1, pag. 153.) 4. Si lon agite du plomb & du mercure dans une phiole en partie rem- plie d'air commun, cet air eft diminué d’un quart, & le refte eft complè- tement phlogiftiqué. La diminution fera encore plus grande , fi la phiole contient de l'air déphlogiftiqué (Prieftley, rom, I, p. 149); le plomb eft con- verti en Chaux, la calcinationétant un effetconnu de l'amalgamedes métaux imparfaits, & cette chaux abforbe l’air fixe produit ; car le Docteur Prieft- ley en a dégagé cer air (Prieftley, tom.I ,p. 144). C'eft pour cela qu'un amalgame de plomb & de mercure décrépite quand on les chaufle (Malouin, tom. I, p. 105). Cet air nepeut donc provenir que de l'air ref pivable , car fürement ni le plomb ni le mercure n’en contiennent. Si l’on fait attention aux expériences précédentes, la réponfe à la fe- conde queftion fe préfentera d'abord. Il eft certain que l'air -commun ne contient pas un quart de fon volume d'air fixe; car fi cela étoit, les trois quarts reftans feroient de l'air déphlogiftiqué; & alors Le poids ab- folu d'un mélange de trois quarts d’air dépblogiftiqué , & d’un quart d’air fixe, devroit égaler, du moins à peu près, le poids abfolu d'un pareil volume d'air commun: mais, dans le fait, il s’en faut bien que cela ne foit; car 4 pouces d'air commun pèfent 1,54 grains ; mais un mélange de 3 pouces d'air déphlogiftiqué & de 1 pouce d'air fixe , pèfe 1,83 grains: d'ailleurs, on n'a jamais fuppofé qu'il exiflât une fi grande portion d'air fixe dans l'air commun; de plus, fi l'air fixe préexiftoit dans l'air com- mun , on pourroit bien l'en féparer par l'eau de chaux, du moins en quel- ques degrés. J'ai mêlé dans des vaifleaux clos une partie d’air fixeavec vingt parties d'air déphlogiftiqué, & autant d’air phlogiftiqué ; ces mélanges n’ont pas manqué de troubler l'eau de chaux. Mais qu'on agite dans des vaif- feaux clos, auf long-temps qu’on voudra, l'air commun avec l’eau de chaux , iln'y aura pas le moindre nuage. L'air commun , dans ces circonf- tances, ne produit pas même le plus léger effer fur La chaux vive, comme l'a obfervé le Docteur Prieftley (tom. Il, pag. 184). La précipitation fpontanée de l’eau de chaux provient donc de la diflufion accidentelle de l'air fixe dans l'air commun, & la lenteur de cette précipitation prouve que la quantité en eft très-petite. L'induétion qu'on peut tirer des expé- riences ci-deflus, fera beaucoup plus forte contre la préexiftence de l'air fixe dans l'air refpirable, fi , au lieu d’air commun, l’on emploie de l'air dépbhiogiftiqué ; car la diminution en eft fi grande, & la quantité d'air fixe produit, fi confidérable , qu’on ne peut en aucune façon fuppofer qu'il ait préexilté, fes propriétés étant fi fort oppofées à celles de l'air déphlogiftiqué. À SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 17 À cela, l'on a répondu d’abord , que l'air fixe eft uni dans l'air commun avec quelque bafe inconnue qui l’attire plus puifflamment que ne fait la chaux vive ; mais qu'il eft précipité de cette bafe par le phlogiitique qui fe dégage dans Les procédés phlogiftiques, & qui eft toujours atuiré avec plus de force par cette bafe; fecondement, que la diminution de poids & de volume de l'air refpirable, dans les opérations phlogiftiques, ne vient pas entièrement de la féparation de l'air fixe, mais de quelque autre caufe. Mais aucune de ces réponfes n'eft fatisfaifante; car la fuppofition d'une telle bafe eft gratuite, dès qu’elle n’eft fondée fur aucune expérience: elle eft d’ailleurs contraire à l’analogie , puifqu'il n’y a point d'exemple que l'air fixe , ou quelque autre acide, ait été féparé d'aucune fubftance, uni- quement par la grande affinité du PACE avec cette fubftance: elle eft d’ailleurs infufffante , relativement à l’objet pour lequel on la forme; car 97 parties d'air déphlogiftiqué fur 100, fe convertiflent en air fixe par des procédés phlogifliques. Éft-il pofible d'imaginer que 97 parties fur 100, ne fuffent que de l'air fixe ani à moins trois parties d'une bafe inconnue ? Je dis moins de trois parties; car, fuivant cette fuppofition, Ja bafe inconnue a pris à cette fubftance le phlogiftique qui en avoit féparé Fair fixe, & cependant cette bafe, & la quantité entière de phlogiftique qu'elle a pris, ne montent qu'à 3 parties fur cent. Eft-il poflible de fup- pofer que cette proportion énorme d'air fixe ne produira pas fur l’eau de chaux le plus léger efft, comme on fait qu'il arrive , avec l'air dé- phlosiftiqué, qu’une quantité immenfe d’air fixe feroit aufli éminemment propre à toutes les opérations phlogiftiques, tandis que l’air fixe, dans fon état libre , n’y eft abfolument point propre? D'ailleurs cette bafe in- connue n'eft autre chofe , après tout, que l'air phlogiftiqué , avec lequel l'air fixe ne peut contracter aucune union; & fi on lave fon phlogiftique (c’eft-à-dire , fi on pañle cet air dans l’eau), cet air n’eft pas différent de V'air commun qu'on a fi légèrement injurié : aufli trouvons-nous que cette conjecture, d’abord avancée par le Docteur Prieftley, dans l'enfance de fes recherches, a été abandonnée dans fon cinquième volume, pag. 31. IL penfe donc maintenant, avec raifon, que l'air commun ne contient pas au-delà de + de fon volume d’air fixe. Quant à la diminution de volume, il eft certain qu’elle ne provient pas entièrement de la féparatior de l'air fixe ; car, quoiqu'il n’y ait aucune partie d’air fixe abforbée, cependant, dès qu'une partie de l'air commun eft convertie en air fixe , il doit y avoir une dimirution de volume, puif- que l'air fixe eft fpécifiquement plus pefant que l'air commun, & que les. volumes font en raifon inverfe des gravités fpécifiques ; mais la di- minution du poids doit en totalité, & celle du volume] pour la plus grande partie, provenir de l’abforption de l'air fixe par l’eau ou la fubf- tance d'où procède le phlogiftique. J'ai ajouté fucceflivement fix mefures Toms XXV, Part. II, 1784. JUILLET, C 18 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, d'air nitreux à deux mefures d'air déphlogiftiqué, tiré du précipité per fes après chaque addition, j'ai paflé le mélange à l’eau de chaux nouvelle- ment faite, & chaque fois j'ai trouvé de la chaux précipitée, jufqu'à ce que tout l'air ait été réduit à environ + ; en forte que = de cet air déphlo- giftiqué ont été évidemment convertis en air fixe: & puifque l'air fixe n'eft pas préexiftant dans l'air déphlogiftiqué, il a donc été produit par l'union du phlogiftique de l'air nitreux avec la partie vraiment déphlogiftiquée de Vair déphlogiftiqué. Nous voyons par-là comment l'air fixe eft produit dans beaucoup d’autres procédés phlogiftiques qui fe font dans l’air commun ; le phlogiftique eft attiré par la partie déphlogiftiquée de l'air commun, s’y unit, chafle une partie de fon feu, & forme ainfi l'air fixe. Cependant une partie de cet air pur échappe généralement l'aétion du phlogiltique, & s’en trouve garantie par la quantité d'air phlogiftiqué qui fe rencontre toujours dans l'air commun, & qui en forme environ les deux tiers, de la même ma- nière que For eft garanti par l'argent , & l'argent par l'or, de l’action de Jeurs diffolvans refpe&tifs. C’eft la raifon pour laquelle , dans quelques procédés phlogiftiques , la diminution eft plus confidérable que dans d’autres , & continue lentement pendant un long temps, Ce n'eft poinc une fuppofition gratuite, que l'air commun confifte en deux fluides, lun phlosiftiqué , l’autre déphlogiftiqué; plufeurs expé- riences Je confirment. Si l’on fait un mélange de trois parties d’air phlogif- tiqué & pos d'air déphlosiftiqué , ce mélange aura exactement les propriétés de l'air commun, une chandelle y brüûlera , un animal y vivra comme dans l'air commun (Mém. Paris, 1777, pag. 191 ); d’ail- leurs l'air commun peut en quelque manière être féparé dans fes parties conftituantes, en le confervant fur l’eau pure; car l'air déphlogiftiqué eft beaucoup plus mifcible à l’eau que l'air commun, ainfi que M. Fontana Va remarqué ( Tranf. Phil, 1779, pag. 443) [1]; & M. Scheele (fur le feu, $. 94). Si donc l'air commun refte quelque temps fur l'eau pure, il fera diminué, fa partie pure étant prefque entièrement abforbée par l'eau; & le refte confifte en une quantité fi grande d’air phlogiftiqué , qu'une chandelle ne peut y brûler (Prieftley, vol. I, pag. 158 ; vol. IV, pag. 353 ). M. Scheele a retiré cette partie , que l'air avoit abforbée, & a trouvé que c’étoit de l’air déphlogiftiqué. 11 atrouvé aufli que l'air phlo- giftiqué ne s’eft point du tout abforbé par l’eau. Cela nous fait voir comment la totalité d’une quantité d'air commun ne peut jamais être convertie en air fixe y car dans l'air commun la par- tie déphlooiftiquée eft la feule qui puifle s'unir avec le phlogiftique, & [1]11 na mandé, que l'eau prend un quatorzième de fon volume d'air déphlogif- que, & feulement >, d’air commun. J SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 19 cette partie n'excède jamais le tiers du rot, M. Scheele l'a prouvé d’une manière décilive , en expofant le foie de foufré dans un° mélange d'air phlogiftiqué & d'air déphlogiftiqué ; le mélange a été diminué propor- tionnellement à ce qu'il contenoit d'air déphlogiftiqué , & pas plus. ( Scheele, &. 42). L'air phlogiftiqué n’eft donc pas toujours le produit des procédés phlo- giftiques communs ; mais ce qui refte de phlogiftique , après les opéra- tions , exiftoit auparavant, aînfi qu'il fe trouve après le mélange de l'air nitreux & de l'air vraiment déphlogiftiqué : car preîque tour celui ci fe convertit en air qu'abforbe l’eau , & qui précipite la chaux, comme nous l'avons déjà vu; en forte qu'aucune partie ne fe convertit en air phlo- giftiqué ; qui n'eft point mifcible à l’eau. L'air nitreux produit le même effet fur l'air commun , feulement dans uh degté différent. Ainf, l'air phlogiftiqué qui fe trouve après la phlooiftication de l'air commun par les opérations ordinaires, n’en eft pas l'effet , mais exifloit précédem- ment. L'air phlogiftiqué eft compofé d'air fixé fuperfaturé de phlogiftique, comme le foufre dans l'acide vitriolique volatil fuperfaruré de phlogifti- que , & de même que le foufre ne fe forme point par l'union du phlo- giftique avec l'acide vitriolique , maïs feulement avec l'acide vitriolique volatil ; de même l'air n'eft pas phlociftiqué, lorfque le phlogiftique s’u- nit à l'air pur, maisà l’air fixe. Je dis fuperfaturé, parce qu'il contient une affez grande quantité de phlosiftique, pour être infuluble dans l’eau. Cette compoftion de l'air phlogiftiqué eft clairement établie par un grand nombre d'expériences du Doëteur Prieftley. Il a trouvé que fi l’on agite Pair phlogiftiqué dans de l’eau purgée d'air par l'ébullition , & dont la furface eft expofée à l’atmofphère, il fera en grande partie purifié (de même que le foufre eft décompofé par la trituration dans l’eau ), Si on le pafle enfuite deux ou trois fois à travers l’eau de chaux, elle devient trouble. (Prieftley ; tom. II, p. 218). Ici donc , l'excès de phlogiftique , à raifon de la répulfion qu'iléprouve de la part de l’eau ; eft aifément attiré par la partie déphlogiftiquée de Fatmofphère commun’, qui eft immédiatement imbibée par l'eau purgée d'air , au moyen de l’ébullition. L'air phlogiftiqué eft sinfi décompofé & en partie converti en air fixe, qui rend l’eau trouble ; une partie de l'air fixe eft décompofée, d’où vient le degré de pureté qu'il acquiert : bien plus, fi Pétincelle électrique eft tirée dans l'air fixe, les trois quarts de cet air feront rendus infolubles dans l’ezu; la totalité.le deviendra même, fi l'opération eft'continuée affez long temps (Prieftley com, I, p. 248), M, Fontana atrouvé que ce réfidu infolubleéroit de l'air phlogiftiqué, & que fi on l’agitoit dans de l’eau dont la furface cft expof£e à l’armofphère, il redevenoit de l'air commun (Recherches Phyfiques , 1777) ; c’eft-à-dire, qu'il acquiert un degré de pureté prefque égale à celle de Pair commun, Tome XXV, Part. Il, 1784. JUILLET, C2 20 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, Ceci confirme entièrement tout ce que l’on a dit jufqu’ici fur cesairs. Si fon expofe dans Lair fixe un mélange de limaille de fer & de foutre, donton a faitune pâte, & qu'on le fafle fermenter, une partie de l'air fixe fe conver- tiraen air phlogiftiqué (Prieftley, tom. IT, p. 257). Il a trouvé, par une autre expérience également curieufe, que l'air vitriolique fe convertit en foufre par le phlooiftique qui s'exhale graduellement d’une diffolution de cet air dans l’eau ; &-c'eft ce qui arrive journellement dans lés bains chauds, à Aix-la-Chapelle. Nous voyons par-là, que l’air fixe, même dans fon état d’élafticité , peut prendre un excès de phlogiftique, quand celui-ci fe fé- pare infenñblement de quelque fubitance , & il devient alors de l'air phlo- giftiqué. L'air phlogiftiqué peut auf être formé par une affluence rapide & abondante de phlogiftique , dans de certaines circonftances , comme nous Le verrons bientôt, Je ne dois pas omettre que l'air phlogiftiqué , après avoir été purifié de tout phlogiftique par l'agitation dans l'eau , peut être diminué de nouveau par les opérations phlogiftiques, & que l'air fixe eft précipité comme à l'ordinaire (Prieftley, tom. II, p.219 ); circonf- tance que jufqu’à ce temps l'on avoit regardée comme inexplicable , & qui de feroit en effet par d’autres principes que ceux qui viennent d'être ex- pofés , & dont elle eftune conféquence immédiate. Après avoir ainfi prouvé, par la fynthèfe , que Les parties conftituantes de l'air fixe fonc l'air pur élémentaire & le phlogiftique, je vais eflayer maintenant de le prouver par l’analyfe. Premièrement, 1l contient du phlo- giftique , même en aflez grande quantité , pour mériter d'être claffé parmi les acides phlogiftiqués: c'eft ce qui réfulte de fon action fur la manganèfe noire, Cette chaux demi-métallique eft complètement foluble que dans ‘les acides phlogiftiqués , comme il a été prouvé par cet admirable Chi- mifte (M. Scheele), & on l’en précipite par les alkalis fixes fous la forme d’une chaux blanche. Il a encore trouvé que cette manganèfe eft auf fo- luble dans l’eau fortement imprégnée d’air fixe, & qu’on l'en précipite auffi fous la forme d’une chaux blanche. ( Mém. de Stockholm , vol. 35 ; ag. 96). E & lon diffout plufieurs fois de l'air fixe dans l’eau, & qu’on l'en dé- gage, il laifle chaque fois un réfidu qui eft infoluble dans l'eau , diminué par l'air nitreux, & propre à la refpiration. Il eft donc évidemment écompofé, le phlogiftique s’en fépare & s’unit graduellement à l’atmof- phère commun , à raifon du pouvoir répulfif qui exifte entre le phlogif- tique & l'eau. Le Docteur Prieftley a trouvé à la vérité qu’une chandelle n'y brûle pas; mais cela ne provient que du mélange d’une petite quar= tité d’air fixe qui n'eft pointencore décompolé , & dont ur neuvième fuffit pour éteindre une chandelle, fuivant les expériences de M. Cavendifch (1). (x) Prieftley, v. 34 pag. 40 t. IE S2ro 119 SUR LHIST. NATURELLE ET LES ARTS. 21 M. Achard a converti l'air fixe dans un air à peu près auffi pur que l'air commun , en le faifant pafler cinq ou fix fois au travèrs du nitre fondu (Mém. Berlin, 1778). M. Cavallo , qui ne l'y a faic pafler qu'une fois, Va trouvé confidérablement amélioré; car il étoit diminué par l'air nitreux. Dans cecas , l'acide nitreux attire le phlogiftique; car on fait que Fait fixe devient phlogiftiqué par la fufion du nitre, au point que les acides végétaux mêmes peuvent le dégager (nouv. aét. d'Upfal , tom. If, p.171), & l’eau régale peut être faite par Le mélange du nitre avec l’acide marin, Je vais maintenant examiner ce qu'on peut oppofer à cette doc- trine. D'abord , il paroît difficile à concevoir que l'addition du phlooiftique puiffe rendre une fubftance plus foluble dans l’eau, puifqu’on fait qu'il rend la plupart des acides moins folubles! dans ce liquide. Maïs, avec un peu d'attention, l’on verra que le: phlogiftique rie rend pas toujours les fubftances moins folubles dans l'eau qu’elles n'étoient auparavant ; car la- cide du fucre eft moins foluble dans l’eau: que le fucre même, quoique le fucre foir compofé de cet acide uni au phlogiftique. L’acide marin dé- phlogiftiqué s’unit plus difficilement à Feau' que ce même acide phlogif- tiqué | comme l’a obfervé l'illuftre M. Bergmann (1). L’alkali volatil cauftique a été décompofé par M. Scheele, qui la trouvé compolé d’un air infoluble: dans Peau; & de phlogiftique; en foite qu'il n’eft rendu foluble dans l'eau que par l'union avec le phlogiftique: Il feroit étranger à mon füujet d'entrer dans les raifons de ces exceptions ; mais Les faits font certains, ! On peut tirer une autre objection d’une expérience remarquable qui fe trouve dans le cinquième volume des Obfervations du Doëteur Prieltley , où il rapporte, qu'ayant enflammé, par une étincelle électrique fur l’eau de chaux , l'air inflammable & Pair commun , il y a eu À La fois dimi- nution, & que la chaux n’a pas été précipitée, Mais comme il eft égale- ment vrai que l'air fixegft précipité par d’autres opérations phlogiftiques, cette expérience prouve feulement que, dans ces circonftances où une grande quantité de phloviftique fe trouve foudainement échauffée & tranf. portée rour à la fois fur la partie déphlogiftiquée de l'air commun ; l'air phlogiftiqué peut être formé, de même que le foufre & l’acide volatil , lorfqu’une quantité confidérable de phlogiftique échauffé eft unie tout à la fois à Facide vitriolique. M. Cavallo, par une expérience analogue à celle-ci, a découvert que l'explofon de la poudte à canon produifoir une quantité confidérable d'air phlogiftiqué (pag. 812); & le Docteur Prieftiey a trouvé auf, qu’en allumant un mélange de parties égales de foufre & ‘de nitre, il n'y avoit mn, () Anteïtung, € 333. 22, OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, . eu de produit qu'un douzième d'air fixe , le refte étoit de l'air phlogiftiqué. Mais J'avoue que les circonftances de la première expérience ne me font pas encore aff#z bien connues, n’ayant pu la répéter de manière à écarter toutfoupçon , que, pendant la combuftion , il ne s’échappe de l'air à travers le maftic qui fixe la verge qui conduit le feu éleétrique, ou que la pe- tite quantité d'air inammable n'empêche l'air fixe d'être fenfible. IL peut arriver aulh que, pour la production de l'air fixe , il foit néceffaire que le phlogiftique foit cond:nfé à un certain degré , comme il arrive communé- ment; & peut-être ,loriqu’il eft exceflivement raréfñié, comme dans l'air infammable des métaux, forme-t-il quelque autre compofé encore inconnu. Toujours elt-il certain que tous les autres airs inflammables , allumés par létincelle électrique, :produifenr de Fair fixe, & tout autre air in- flammable eft: fpécifiquement plus lourd que celui des métaux, & ne contient point. d’aix re Finflammation, M. Warlrire, après avoir brûlé Pair inflammable des métaux , a trouvé une /ubffance blanche pulvérulente ( probablement une chaux), qui peut avoir abforbé l'air fixe, Cependant, dans les opérations ordinaires de la combuftion des fub£ tances animales & végétales il eft certain que l'air fixe ft féparé de l'air commun, & que la diminution totale provient de fa produ&tion & de fon abforption, M: Lavoilien a mis.ce point de fait dans le jour le plus évident. Ia introduit une chandeile allumée dans:un récipient pofé fur le mercure ; l'air s’eft raréfié d’abord à raifon de la chaleur, & la chandelle s’eft éteinte peu après; mais-après le refroidiffement , à peine la diminution étoir-elle fenfble. ILa erifuite introduit fous Le bocal de l’alkali fixe cauf- tique en liqueur; l'air a été immédiatement diminué, & la diminution approchoit d’un neuvièmé du tout, Il a introduit une petite quantité d’a- cide vitriolique ; l'aikali fur le champ a fait effrvefcence, & a abandonné fon air fixe; le mercure eft redefcendu de neuveau, & l'air a occupé dans: le récipient le même efpace qu'auparavant. Ainfi gette expérience eft con- cluante, Il a allumé auffi une chandelle dans l'air déphlogiftiqué; & lorf qu'elle a été éteinte, ily aïintroduit un alkali fixe en liqueur ; alors , &, feulement alors , cet air a été diminué de deux tiers; ce qui prouve que deux tiers de cet air ontiété convertis enkair fixe: mais le tiers reftant étoit bien éloigné de l’état d'air phlogiftiqué, puifqu'une chandelle y brû - Joit auffi bien qu'auparavant. Après qu’elle en a. été retirée ; moitié de cet air a été abforbé par un alkali fixe cauftique, & le refte étoit toujours un peu plus mauvais que l'air commun. (Méni. Paris, 1777 , pag. 19 57, 86: ) Cependant, M, Lävoifier penfe qu'il ne fe produit point: d’air fixe par la calcination des métaux , mais qu'ils abforbent la partie déphlogifti- quée de l’aircommun, & font par-là convertis en chaux. C’eft fur cela qu’eft fondée fon opinion de la non exiftence du phlogiftique , tandis qu'il SUR LHIST. NATURELLE ET LES ARTS. 23 eft évident que le mercure même fournit de l'air inflammable , & contiert par conféquent du phlogiftique; qu'il en perd une partie durant la calci- pation, & par conféquent, qu'il,ÿ a production.d'air fixe; ce qu'il recon- noîc lui-même avoir lieu pendant la;combuftion par l’union de l’air in- flammable & dela partie déphlogiftiquée de d'air, commun, qui, après cette union , eft abiorbée par.la chaux. IL. eft vrai que,les chaux de mer- cure & de plomb , &:beaucoup d'autres, donnent de Pair déphlogiftiqué; mais le mercure eft toujours revivifié; en forte qu'il eft évident qu'il re- prend le phlogiftique de l’air fixe, & qu'il ne refte que la partie déphlo- giftiquée , qui paraît en conféquence fous la forme d’air déphlogiftiqué. Le Docteur Pricftley n’a jamais trouvé la totalité du! mercure revivifiée, & conféquemmeutil retire un peu’d’air fixe dela chaux de mercure. (Prieftiey, tom, ÎE, p.217). Mais M, Lavoifier a ‘trouvé tout le mercure revivifié; & par certe raifon , tout l'air déphlogiftiqué, & point d'air fixe. C’eft ainfi qu'il s’ex- pliquent clairement leurs réfulrats, doet la différence vient probablement des degrés différens de la chaleur qu’ils ont employée, & de la difé- rente phlogifticarion de leurs acides. L'air déphlogiftiqué qui eft extrait du minium , provient aufli d’une revivification partielle du plomb, qui a tou- jours lieu (1). [ln'eft donc pas étonnant que cette chaux déphlogiftique l'air fixe , puifqu’elle déphlogiftique aufl l'acide marin, comme M. Scheele la 'obfervé (2). | L'on objectera probablement, que l'air déphlogiftiqué peut préexifter dans le minium , puifque l’acide marin l'en dégage; mais ce n’en eft pas une conféquence; car Hi l’on diflout de la manganèfe dans l'acide marin commun, qui eft phlogiftiqué, & qu'enfuire on l'en dégage par l'acide vitriolique , on le trouvera aufli déphlogiftiqué. Maintenant , je vais examiner quelle eft la proportion du phlogiftique & de l'air elémentaire ou refpirable dans l'air fixe, Le Docteur Prieftley , dans le quatrième volume de fes obfervations , page 380 , a prouvé, d’une manière fatisfaifante, que l’air nitreux aban- donne autant de phlogiftique à l'air commun , que lui en abandonne un volume égal d'air inflammable, quand il brûle dans la même proportion de l'air commun. Maintenant, quand l'air inflammable fe combine avec l'air commun , fon poids s’y unit en-totalité, car l'air inflammable ne contient que du phlogiftique pur. Ainf, puifque l'air nitreux phlogiftique l'air commun au même degré que le fait l’air inflammable, cet air nitreux abandonne une quantité de phlogiftique égale au poids du volume d’air inflammable , femblable à ceiui de Fair nitreux. Mais 100 pouces cubi- ques d'air inflammable pèfent 3,5 grains ; donc 100 pouces cubiques d’air: ———s (1) Baumé, pag. 7; Port. Lithog. 1.29; Di@. Chim. 3-205. () Kon. Ver. Acad. Handling. vol. 35 ; pag. 193. 1 24 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, nitreux abandonnent 3,5 grains de phlogiftique , quand ils communiquent leur phlogittique’à autant d'air commun qu'ils en peuvent prendre. Je dis que l'air nitreux abandonne autant de phlosiftique , parce qu'il eft certain qu’il n'abandonne pas la totälité de fon phlogiftique à l'air commun ou à l'air: déphlogiftiqué ; car il en contient beaucoup plus, comme on l’a déjà montré , & comme il paroît par la couleur rouge qu'il prend conftam- ment, lorfqu'il eft mêlé avec l'air commun ou l’air déphlogiftiqué ; cou- leur qui appartient à l'air nitreux, combiné avec le phlogiftique quiflui refte, mais non pas à l'air fixe qui le produit alors , ni à l'air phlogiltiqué reftant; ce qui eft évident, C’eft pour cela que l’acide ainfi formé eft vo- latil. (Prieitiey , tom. LV, p.267). Une mefure d'air, déphlogiftiqué le plus pur, & deux mefures d'air nitreux, n’occupent que ./- partie d’une mefure , ainfi que le Doéteur Prieftley l'a obfervé (vol. 4, pag: 245). Suppofons qu'une mefure con- tienne 100 pouces cubiques, alors prefque tout l'air nitreux difparoïtra , puifque fon acide s'unit à l’eau fur laquelle en fait l'expérience, & aux 97 pouces cubiques d’air déphlopgiftiqué , qui eft converti én air fixe par fon union avec le phlogiftique de l'air nitreux ; par conféquent , 97 pouces cubiques d’air déphlogiftiqué. prennenttout le phlogiftique que 200 pouces cubiques d'air nitreux abandonnent; & nous avons trouvé ce total de 7 grains. Un poids d’air fixe égal à celui de 67 pouces cubiques d'air dé- phlogiftiqué , & 7 de phlogiftique , contiendra donc 7 grains de phlogif- tique. Mais 97 pouces cubiques d’air déphlogiftiqué péfent 40,74 grains, à quoi ajoutant 7 grains , nous aurons , pour le total du poids de l'air fixe, 47,74 grains— 83,75 $ pouces cubiques ; con/équemment, 100 pouces cubiques d'air fixe contiennent 8,3$7 grains de phlogiffique , & Le refie d'air élémentaire, 100 grains d'air fixe contiennent 14,661 de phlogiflique, & 85,339 d'air élémentaire. Lorfqu’il eft dépouillé de phlogiftique , & imprégné de {a proportion propre de feu élémentaire, il devient derechef air déphlogif- tiqué ; donc aufli 100 pouces cubiques d’air déphlogiftiqué font convertis’ en air fixe par 7,216$ grains de phlogiftique, & font par conféquent ré- duirs au volume de 84,34 pouces cubiques. - Etréciproquement, 100 pouces cubiques d’air fixe étant décompofés,, fourniront 115,821 pouces cubiques. d'air déphlogiftiqué , & abandonne- ront 7,216$ grains de phlogiftique , en fuppofant que la décompofition eft complette , c'eft-à-dire, que Pair déphlogiftiqué eft abfolument pur. - Après avoir lu au Docteur Prieftley le compte que je viens de rendre de la nature de l’air fe, j’aiteu la fatisfa@tiou d’obrenir entièrement fon approbation, dont il na autorifé à faire mention, malgré ce qu'il a. avancé de contraire dans fes derniers Ouvrages, De + SUR L'HIST. NATURELLE-ET LES ARTS :2$ De la quantité de Phlogiflique dans L'air ébalique, Voici la méthode que j'ai fuivie. 1°. J'ai trouvé la quantité d’air nitreux que, fournit un, poids donné de cuivre diffout dans l'acide nitreux déphlogiftiqué , ‘& par ce moyen , la quantité de phlosiftique qu’il abandonne., | : 2°, J'ai trouvé la quantité de cuivre qu'une quantité donnée d'acide vitriolique déphlogiftiqué peut difloudre , & j'ai obfervé qu'il ne-pouvoit diffoudre la plus grande quantité de cuivre, fans en déphlogiftiquer une plus grande quantité qu'il n’en peut diffoudre. ! 3°. J'ai trouvé de combien il déphlogiftique celui qu’il diffout complè- tement, & de combien il déphlogiftique celui qu'il ne fait que cal- rien faire fur elles. Les vapeurs qu’un vent général pouffe par un des rumbs de concours, venant promptement de loin, s'arrêtent tout à coup, © reflent ffationnair:s a l'approche d'une montagne: on diroit quelles en ont été comme attirées. Elles reflent ainfi fixes quelquefois plus d'un quart- d'heure, & reprennent leur direélion & leur marche ; car la même caufe qui les accélère, en appro- chant de la montagne, les retarde en s'éloignant. Leur vitefle en allant vers la montagne, eft celle du vent dominant, plus celle du rumb de con- cours ; puis leur viteffe, en s'éloignant de la montagne, eft celle du vent dominant moins celle du rumb de concours. En approchant, leur vitefle eft donc une fomme ; en s’éloignant, c’eft une différence. Ainfi, cette vitefle , devenue la plus rapide en finiffant de s'approcher, la plus lente en commençant de s'éloigner , les fait paroître ftationnaires , quoiqu'elles marchent tou,ours, Atrivées un peu loin de la montagne, elles fuivent leur marche ordinaire, Plus les vapeurs approchent des deux fommets , plus elles fe courbent vers eux; car lorfque le vent général coupe un rumb de-concours, ce vent s’op- pofe à ce que les vapeurs arrivent au point de concours; mais le rumb de concours devient plus fort à mefure que ces vapeurs font plus rappro: chées de la colonne afcendante. Elles fuivent donc la réfultante de ce vent & de ce rumb, & décrivent une courbe infléchie vers la montagne , parce que le vent général eft fuppofé alors conflant, au lieu que le rumb de concours s’accroit à mefure qu'il approche de la montagne. Les vapeurs étant parvenues à ce qu’on peut appeler leur apfde inférieure , le rumb de concours s’afloiblit enfuite toujours , & devient infenfible , puis nul. Le réfumé de cette belle defcription, c’eft que la montagne fimple ou doubleattire les vapeurs nées au loin ; que ces vapeurs montent au zénith, après avoir atteint cette montagne ; que ces vapeurs étant arrivées à la hauteur qui convient à leur denfité, s’y accumulent , jufqu'à ce qu’elles fe réfolvent en eau ; que les vapeurs preflées, non vers cette montagne , Mais près d’elle par la tangente , fe courbent vers elle, & fe courbent davan- tage à mefure qu'elles approchent davantage , ainfi que les comètes allant au périhélie, que les vapeurs preffées directement ou obliquement vers la montagne, ont une vitelle accélérée. SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 35 M. Guettard fournit donc cinq caraëtères à la théorie des nuages para- fites ; 1°. rumbs concourant vers la montagne, prife pour centre ; 2°. vitefle accélérée dans ces rumbs; 3°. colonne afcendante fur la montagne indi- quée par ces vapeurs, qui ne montent qu'après être arrivées chez elle ; 4°. permanence du nuage au-deffus du fommet ; $”. déviation des vapeurs vers la montagne, croiflante avec leur voifinage. Ces cinq caraétères font très-nets. 6°. Quant à La hauteur des montagnes, nous favons qu’elle eft confi- dérable , & M. Guettard le fuppofe dans tout le contexte; 7°. quant à l'abondance des eaux , elle eft toujours plus confidérable fur les mon. tagnes plus hautes. Ainfi ce feptième caraétère, dont M. Guettard ne parle pas , eft appuyé fur l'obfervation de tous les temps & de tous les pays. 8°. Quant à la difformité des Vofges, elle eft connue , fans pou- voir vraifemblablement être comparée à celle des Alpes, des Cordillières, de l’Ida. Ainfi, l’on pourroit compter fur huit caraétères dans ce fait; mais en employant ce témoignage, il faut ne rien déduire, & n'avoir égard qu'aux chofes expreffément fpécifiées. La fuite du contexte nous fournit d’autres caractères , que nous pourrons joindre aux cinq. Dans les plaines & les balles montagnes, les vapeurs humides s'élèvenc rarement de la terre peu à peu pour former des nuages. Ces vapeurs , des hautes montagnes apparemment , paroiffent tout a coup , forment des brouillards plus où moins épais , qui recombent peu après en pluie douce, ou fe diffipent, pour donner, quelques heures après , ou le lendemain ,une pluie affez forte. Les nuées qui donnent de la pluie aux plaines ou aux balles montagnes , viernent ordinairement de plus loin ; mais il n'eft prefque pas de jour dont chaque heure ne montre quelques maffes de vapeurs ou petits nuages fur les montagnes éle- vées. Bien plus , pendant des pluies affex fortes , des trombes de vapeurs s'y élèvent verticalement*( pag. 74 ), des nuages plus ou moins gros $'élevoient en differens endroits d'une ou plufieurs montagnes ; leur réunion donnoit des averfes terribles ( pag. 76). Les nuages ne naïflent donc pas ordinairement dans les plaines qu'ils arrofent : les plaines n’ontpas des cheminées particulières, qui aillent exhaler le feu fouterrain dans le domaine des froidures, qui par-là dilatent l'air , le faffent monter, & l’obligent à dépofer le brouillard , le nuage & la pluie: aufliles pays-bas n'ont-ils que des vapeurs vezues de loir , & pour d’autres caufes ; au lieu que ces nuages naiflent fubitement fur les hautes monta- gnes tous les jours, toutes les heures du jour; c’eft-à-dire , au moment ue la colonne afcendante, délivrée des caufes perturbatrices, peut fuivre a direétion naturelle , produire fon effet naturel, la fecrétion , le brouil- lard, le nuage, la pluie. Ces méréores font fes parafires. M. Guettard ajoute don® ainfi trois caractères aux cinq que nous te= Tome XXV, Pare. II , 1784. JUILLET. E2 si LCATITA TENTE f 36 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, pions de lui; 1°. montagnes élevées, puifqu’il Les fuppofe telles ; 2°. nuages - naiflans & croiflans fur ces montagnes , jufqu’à former des trombes ; 3°. ces nuages tendent à fe réunir de toutes parts dans un certain local. Ce local paroît devoir être celui qui tient à peu près le milieu dans le fyflême de ces montagnes, toutcomme ce qu’on appelle centre de gravité dans un fyftème de corps. Ce local eft l'axe de la colonne afcendante , afife fur la totalité de ces montagnes. Puifque ces nuages fe réuniffent, ilsontun point de concours. Nous fommes donc affurés que les nuages dont parle M. Guettard , font parafites. M. Beffon va nous fournir un autre fait: Le Couvent de Saint-Bernard eff, dit-il , a fource des orages qui vont répandre l'effroi dans les plaines ; l'année n'y donne pas dix jours fèreins. Le 31 Juilles | il éroit environné de nuages. tranquilles , épais , & la [érérité régnoit à l'entour. Après demi-heure de marche, ous fimes hors de cette atmofphère humide & [ombre : foleil chaud , ciel fe- rein. Dans Le lointain, les fommets des plus hautes montagnes étoient auffi nébuleux que Le Saint-Bernard, tandis que les fommets moindres , nos voifens,. étoient découverts. Les montagnes vers Le fond de la vallée Saint-Remi, à deux lieues du Couvent , étoient privées de toute lumière, tandis que nous avions un foleïl vif a leur vue. Revenu au Saint-Bernard le foir , pluie hor- rible , qui continua le lendemain. Le vent redoubla, pouflant & roulant de bas en haut de gros nuages qui fe fuccédoient à la file, s'amalfoient , fe pref= Joiene , refloient immobiles derrière la montagne , à l'abri du vent, répandoient Les ténèbres autour du Couvent. La pluie, la neige, la grêle alternoïent ou fe mé- loient pendant crois jours, Tels font en général les météores des hautes Alpes. Le ciel s’ouvrit , & le 4 Août fue le troifième beau jour qu’eut le Couvene cette année, Les Religieux nous affurèrent que certaines années n'en donnoient pas un entier ( Tableau topogr. de la Suifle, pag: 34). Voilà prefque en tout la peinture de la baie Duski, tracée par Coock & Forfter. M. Beflon, placé près. du Pic Saint-Bernard, & par confé- quent dans la colonne aérienne afcendante , étoit environné de ténèbres, de brouillards &-de pluie, fecrétion de cette colonne: il n'avoit pas de- mi-lieue à parcourir pour en fortir, pour trouver un foleil ardent, un ciel parfaitement ferein. Les nuages noirs qui naïflent & crèvent fur cette montagne , font fouvent emportés par des vents généraux , & vont ravayer les plaines. Les pics éloignés , ifolés , élevés comme la Droffa , aiguille du Saint-Bernard , étoient enveloppés & couverts commeelle & par lamême raifon , d’une colonne aérienne , afcendante ,obfcure, humide. Les mon- tagnes intermédiaires, beaucoup moindres, beaucoup moins ifolées , avoient un ciel ferein, parce que leurs nuages quelconques étoient entraînés vers les grands pics par le mouvement horizontal de l'air qui affluoit vers cha- cun de ces pics pris pour centre , & alloit y recevoir l’effluve du feu fou- terrain , s'y dilater, s'élever , dépofer toutes les fubftances qu'il tenoit en SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 37 diffolution. Ces hauts fommers fcabreux prenoient ainf toutes les vapeurs de l'horizon. C'eft précifément ce mécanifme qui rend fi pur & fi délicieux l'air en- tier des Alpes hors de ces colonnes afcendantes , propres aux fommets les plus élevés & les plus difformes. Rarement, dit M. Beffon , Ls nuages defcendent fur ces croupes moindres, excepté dans les longues pluies des équinoxes : elles ont auffi moins de fources & de cataraëtes que Les hautes chaines. Ces montagnes du nord font de petites collines ,en comparaifon des Alpes méridionales, Ibid. Les étoiles, dit M. Coxe , font des étincelles bril- Lantes fans cetre fcintillation qui les diflingue des planètes , le foleil petit & Sans rayon, a un éclat incroyable. L'açur foncé du ciel paroët fuir derrière lui, La nuitne pénètre point en été fur ces fommers. (Lettre fur la Suifle , tom. T, pag: 237). La tranfparence de Pair [ur les hautes Alpes nous faifoit prendre pour des bruyères , les fapins fitués au bord oppofe des lacs Trubli , Sée, Englefleerfée, près de Lucerne, pag. 239. M. Coxe appelle ces montagnes hautes , par rapport fans doute aux environs de Lucerne ; car il fait ou doic: favoir , comme vient de nous l’attefter M. Beffon , que les Alpes vérita- blement élevées font vers les fources de la Ruff, déjà groffe à Lucerne. L'air fec fur les montagnes de Lucerne, eft purifié par les Alpes du fud qui attirent les vapeurs de la Suiffe nord. L'horizon de Lucerne devient ex= ceflivement ferein fur les hauteurs, parce que l’air dont elles font environ- nées eft moins détourné , arrêté dans fa direétion habituelle vers le fud, que l'air des vallées. M. Coxe nous parlera fur un autre ton de ces mon- tagnes méridionales. Les nuages, nous dira-t-il , ezveloppent conflamment le Waetterhorn , pic des orages, & le Sereckhorn , pic de terreur , fon voifir Le centre & La plus haute des montagnes Suiffes. Il fépare du Valais le Canton de Berne, pag. 263 ; c'eft-à-dire, que fes eaux coulent d’une part vers la Méditerranée par le Rhône ; de l’autre, vers l’océan par le Rhin, le Sereckhorn , le Wetterhorn, fe chargent, s’habillent de toutes les vapeurs du voifinage , qui y affluent avec l’atmofphère en corps. Ces fom- mets crénelés, aflis fur la plus haute bafe de l'Europe, vont porter bien haut Le feu fourerrain, l'exhalent par une furface énorme, produifent dans l'air qui les entoure une raréfaction qui le fait monter. Il depofe donc ces nuages bruyans qui font appeler ces fommets, pic des orages, pic de terreur. L'air, toujours pouffé par tous les rumbs vers ces pointes, comme centre , entraîne les vapeurs formées dans le voifinage, qui devient ainf parfaitement ferein. MM. Deluc, de Sauffure & autres Voyageurs des Alpes, nous affectent de même par leurs narrationss tous femblent ne pouvoir affez célébrer la tranfparence de cet air, qui fait prendre des forêts éloignées pour des bruyères voifines, qui répand la volupté dans l'ame & la vigueur dans le corps, tandis qu’ils ne fe laffent pas de peindre la noirceur, la perme- 38 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, nence, le fracas des méreores qui entourent & couvrentles plus hautes fom mités.t M. Beflon , après nous avoir montré toutes les formes du nuage para- fie au Saint-Bernard , entame une defcription toute femblable pourlemont' Saint-Gothard , & s'arrête, en difane: Four ce que j'ai rapporté de l'un eff l'hifloire de l'autre, ou plutôt de toutes les hautes montagnes , pag. 146. Ain, dans un trait de plume, il trace tout ce dont la Suifle a frappé fes yeux en ce genre. Aucune de ces hautes fommités n’a donc dix jours fereins dans l'année, Plufieurs années ne leur donnent pas même un jour ferein tout entier, tandis que le voifinage , beaucoup moins élevé , jouit fi fouvent du ciel le plus beau, de l'air le plus falubre. , Analyfons maintenant les caraétères que ce détail nous fournit. 1°, l'ex- ceflive élévation de ces montagnes eft connue de toute l'Europe; 2°. ainfi que leur difformité ; 3°. nuage permanent ; 4°. férénité dominante dans les environs; $°. eaux abondantes, puifque les pluies, les neiges y font pref- que continuelles & fortes, les fources & cataractes plus nombreufes ; 6°. nuages affluens que lLes-vents traînent du fond même des vallées, en les roulant ; 7°. nuages naiflans fur le local même, puifque l'horizon entier eft ferein; 8°, cés nuages vont fe réfugier derrière la Droffa, comme derrière les autres montagnes , pour fe fouftraire à la violence des vents généraux. Ces huit caractères font parfaits. Il me paroît inutile de rapporter ce que les Voyageurs cités & autres ajoutent à ces beaux détails. Donner de nouveaux portraits, ce feroit mon- trer à part cous les individus d’une efpèce parfaitement développée, & ne montrer jamais que cette efpèce. +. - .« . . Cœlum intercipit umbra, Nullum verd ufquam nullique æflatis honores. Sola jugis habitat fedefque tuerur Perpetuas deformis hiems : illa undique nubes Huc atras agit & mixtos cum grandine nimbos. Sil. Ital. (La fin au Cahier prochain. ) Le GKS SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 39 Li 2 oi 4 + MÉMOIRE Sur l'équilibre des Machines aéroflatiques ; fur les différens moyens de les faire monter & defendre, & fpécialement fur celui d'exécuter ces manœuvres , fans jeter de left, & Jans perdre d'air inflammable, en ménageant dans le ballon une capacité particulière ; deflinée à renfermer de l'air atmofphérique. Préfenté à l'Académie , le 3 Décembre 1783 (1). Avec une Addition contenant une application de cette théorie au cas particulier du Ballon que MM. Robert conftruifent à Saint-Cloud, & dans lequel ce moyen doit être employé pour la première fois. Par M. MEUSNIER, Lieutenant en premier au Corps Royal du Génie, & de l'Académie Royale des Sciences. L ORSQUE, pour faire defcendre une machine aéroftatique, on donne iflue à l'air inflammable qui y eft renfermé, on ne fait autre chofe que diminuer fon volume aux dépens du Auide qui en avoit occafonné l'af- cenfion: elle ne déplace plus dès-lors dans l’atmofphère un poids d'air égal au fien propre, & l'excès de pefanteur qu'elle acquiert par ce moyen, la détermine à s’abaifler. Mais fi l’on confidère qu’à mefure qu’elle atteint des couches de l’armofphère plus baffes que le point dont elle eft partie, la pzeflion plus grande qui y règne, diminue de plus en plus le volume de l'air inflammable qui y étoit demeuré, & précifément dans le (1) La confervation des dates, qui s’obferve très-foigneufement à l'Académie , eft un objet d’autant plus digne d’attention , qu’on doit en quelque forte regarder comme public ce qui fe lit dans fes affemblées , toujours très-nombreufes , tant par les, Acadé- miciens qui les compofent, que par les étrangers que différentes circonflances y amè- nent fréquemment, Le moyen dontil s’agit ut imaginé dans le temps que M. Charles préparoit avec MM. Robert la belle expérience du 1° Décembre ; & le 3 du même mois, ce Phyficien étant venu rendre compte à l’Académie de fon voyage aérien, l’on faifit avec un vrai plaifir certe occafion d’expofer des idées qu'il s’'éroit mis fi fort en état de bien apprécier. 40 : OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, même rapport que la pefanteur fpécifique de l’air environnant augmente; on verra que Le poids de l'air , déplacé par le ballon, demeure exacte- ment le même jufqu'à ce qu'il atteigne la furface de la terre, & que l'ex- cès de pefanteur qui en avoit occafonné:la première defcente , fubfiftant ainfi à toutes fortes de’‘hauteurs , il eft impoffible que la machine fe retrouve jamais en équilibre. IL n’eft donc plus permis de s'arrêter, dès qu’on a commencé à s’abaifler ainfi, & ce moyen , feul employé jufqu'ici, peut biei fervir à revenir à terre ; mais il ne peut aider à choifir dans l'air la hauteur que les circonftances pourroient rendre la plus convenable, On ne remplira pas mieux cet objet , de choifir une hauteur déterminée, en combinant la déperdition du left avec celle de L'air inflammable. Dès que la machine n'eft remplie qu'en partie, comme le demande la fuppoli- tion qu'on ait évacué une portion de l’air inflammable qu'elle renfermoit , l'équilibre qu'elle obtiendra ainfi ne l’aflujettira point à occuper une pofi- tion unique. On déduit au contraire des principes expofés ci-deflus, que l'égalité entre Le poids de toute la machine & celui de l'air qu’elle déplace, aura lieu indifféremment à toutes fortes de hauteurs, depuis le niveau de l'horizon jufqu'au point où la diminution de denfité de l'air environnant permettroït à l'air inflammable de remplir totalement la capacité du ballon. Ïl y aüra donc une:latitude très-grande , dans laquelle une machine aérof- tatique , réduite aux moyens dont il s'agit, he pourra prendre qu’une po- fition fortuite & indépendante des Navigateurs qu’elle portera. ; IL réfulte de ces réflexions., que la méthode Mrs jufqu’ici pour faire defcendre & monter les machines aéroftatiques, n’a pas feulement l’incon- vénient qu'on lui avoit déjà reproché, de mettre en peu de temps l'aérof. tat hors d'état de’ naviguer, en confumant fucceflivement l’air.inflamma- ble & leleft, defquels dépend toute fa manœuvre ; elle rend encore fa pofition continuellement variable & chancelante ; & fi l’on examine même plus particulièrement l’état actuel de ces machines, on verra que, fans qu'il foit queftion de monter ni de defcendre , leur conftru@ion les affujettit fans cefle à ce défaut capital; l’appendice appliqué à la partie inférieure du. ballon étant une caufe. de plus qui la rend inévitable. Cette communi- cation établie entfe l'air intérieur & celui del’atmofphère, produifant en; effet une parfaite égalité entre l’élafticité de ces deux airs, la machinene parvient au point le plus haut de fa courfe , qu'après avoir évacué tout l'air inflammable furabondant à fon état d'équilibre. La moindre caufe fuffit dès-lors pour.en déterminer la defcente ; & la perte d'air inflam- mable , à laquelle les écoffes que l’on 4 employées ont toujours été fu- jettes, donne bientôt à l'aéroftat un petit excès de pefanteur , qui, malgré les Navigateurs, les rameneroit bientôt à la furface de la terre, quand même la déperdition continuée ne l’augmenteroit pas de plus en plus. C'eft pour éviter cette chute forcée , qu’il devient: néceffaire de rendre à la ma- chine un certain excès de légèreté, en jetant une quantité de left qui furpafle SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. at furpafle de quelque chofe l'excès de pefanteur qu’elle avoit açquis; elle re- monte alors , pours’aller mettre en équilibre d'autant plus au-deffus du point où elle s’étoit élevée d'abord , que la quantité de left qu’on a jetée a été plus confidérable; il s'échappe par l'appendice une nouvelle quantité d'air inflammable en vertu de cette augmentation de hauteur ; & l'équilibre, bientôt troublé de nouveau , occafonne une feconde defcente, qu'on ne peut empêcher d’être complette, qu’en jetant encore du left avant de tou- cher la terre. C’eft ainfi que l’état habituel des machines aéroftatiques , celles qu'on les a vues jufqu'ici, eft de monter & de defcendre alterna- tivement, en faifant de grandes ofcillations, dont l'étendue va toujours en augmentant , jufqu'à ce qu'ayant jeté tous les poids inutiles, il devienne impoñlible de tenter de nouvelles afcenfions. IL eft aifé de voir que c’eft à l'égalité de preflion entre l'air intérieur des ballons & celui de l’atmofphère , & au changement continuel que leur volume éprouve par la dilatation ou la compreflion fpontanée que le moindre degré d’afcenfion ou de defcente occafonne à l'air inflamma- ble dont ils font remplis, qu’il faut attribuer ce défaut de fixité; & il en réfulte que, pour déterminer une machine aéroftatique à conferver une certaine élévation, il feroit néceffaire ou que fon enveloppe fürinflexible , ou que le fuide dont elle eft remplie y füt comprimé de manière à êtra doué d’une force élaftique, fupérieure de quelque chofe à celle de Pair environnant. Dans les deux cas en effet, fi une caufe quelconque portoit la machine au-deffus ou au-deffous du point où elle doit être en équi- libre , fon volume ne pouvant changer , tandis que la pefanteur de l'air ambiant auroit varié, cette machine ne déplaceroit plus davs l’armofphère un poids égal au fien propre, & feroit forcée par-là de revenir à fa pre- mière potion. On fent , au refte, que l’hypothèle de l'inflexibilité de l’en« veloppe n’a été employée ici, que pour traiter la queftion dans toute fa généralité : on fait aflez que la pratique ne permet point d'en fabriquer de pareilles ; & le fecond moyen, qui met la flexibilité de l’écoffe d’ac- cord avec l’immuabilité du volume , eft le feul exécutable, Cet excès de preffion de l'air intérieur fur celui de l'atmofphère, propre à donner à l’étoffe du ballon une tenfion qui conferve fa forme, eft donc une condition indifpenfable pour l'équilibre ferme & permanent dont un aéroftat doit être fufceprible à chacune de fes pofitions, Il nous refte à donner le moyen d'en changer à volonté, de manière que la machine, tranfportée , au gré des Navigateurs, à une hauteur différente, y trouve encore un équilibre permanent comme le premier. Mais avanr d'en ve- nir aux méthodes de s'élever & de s’abaifler , qui fuppofent l'excès de preflion dont il vient d’être fait mention , nous devons traiter de celle qui exige au contraire que les machines aéroftatiques confervenc la conf- æruction qu'on leur a donnée à l’origine de la découverte, IL s’agit de l’idée, Tome XXV, Part, II, 1784. JUILLET, F 42 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, propofée par plulieurs perfonnés, d'employer ; pour monter & defcendré, dés äilés où dès râmes , comme pour la direction horizontale, Où pêut dite en effet quec’eft lé ful moyen qui foit applicable à la conftruttion aétuelle des machines aéroftatiques , & l'égalité de preflion €htre l'air intérieur du ballon & celui qui l’environne , que nous leur avons reprochée, comme ne pouvant produire qu'un équilibre indiffé- rént à un grand nombre de politions , devient au contraire , dans le cas préfent , une propriété avantageule; puifqu'en vertu de cètre indifférence même, la machine prendra , avec une égale facilité , toutes les pofitions auxquelles fes ailes tendront à la porter. Mais la moindre caufe l'en éloi- gneroit tout aufi facilement : &c fi fur-tout il fe fait uhe lécère déper- dition d'air inflammable ; fi un changement dans la température n'influë pas également fur les denfités refpectives des fluides intérieur & extérieur , il naîtra dès-lors dans la machine une tendance permanente , foit à mon- ter, foit à defcendre; & ce n’eft qu'en la combattant par un travail con- tinuel , aux dépens de la direction & des autres manœuvres eflentielles, qu'il feroit poflible de garder, pendant un certain temps, une élévation à peu près conftante; le ballon Éprouveroït d’ailleurs dès changermens de volume confidérables, devenant flafque aux ‘approches de la terre, & fe gonflant au contraire dans les hautes régions de l’armofphère; & ces va- tiations répétées agiffant néceffairement fur les points d'attache d’où dé- pend tout ce que porte l'aéroftat, il y auroic lieu de craindre qu'il n'en réfulrât des dérangemens ficheux. Le moyen de defcendre & de monter avec des ailes ou dés rames difpofées convenablement , eft donc loin de fatisfaire à ce qu'exige la navigation qu'il s’agit de créer, & il faut en revenir aux ballons doués d'un équilibre permanent, à f'aide de la tenfion intérieure que nous avons vu leur être néceffaire. La queftion qu'il s’agit de réfoudre, confifte donc à muñir ces aérof- tats d'un moÿen quelconque, propre à déterminer leur ‘équilibre à des hauteurs différentes à volonté: or , ïlne peut y avoir que deux méthodes différentes pour templir cet objet; foit en faifant varier le volume du ballon, fans rien changer à fon poids , foit en rendant He poïds de la-Mma- chine variable , fon volume reftänt le même : ces deux principes embraf- fenc évidemment toutes les difpofitions qu’il ‘eft poffible d'imaginer. Exa- inons-les fucceflivement , pour nous arrêter à celui dont l'application à la pratique préfentera le moins de difficultés où d'inconvéniens. Si l’on adoptoit la première méthode, il faudroit emploÿer un méca- nifme dont l'effet für defaireichanger le‘ volume du ‘ballon , dans le rap- port des denfités de l’atmofphère , aux points extrêmes de la hauteur que la machine auroit à parcourir, & de donner fucceflivement à cette capacité routes les grandeurs intermédiaires ; l’aéroftat iroit de ‘toute né- seflité chercher l'équilibre darts la région de l'atmofphère où fon volume SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 43 aëtuel déplaceroit un poids d'air égal au fien. L’on découvre même une propriété très-avantageufe de cette efpèce de ftatique , en examinant {uivant quelle loi La différence des hauteurs fait varier l’excès de preflion de l'air intérieur , dont nous avons vu la néceflité; & l’on trouve que, toujours proportionnel à la denfité de l'air extérieur , il ne fauroit jamais expofer l’étoffe à des tenfions trop confidérables, puifqu'il va toujours en diminuant à mefure que la hauteut augmente , fans pouvoir cependant être jamais anéanti entièrement, Mais le moyen dont il s’agit paroît d'une exécution bien difficile : comment en effet armer le ballon d’un filet aflez variable , pour lui permettre d'occuper fuccefliyement des volumes peut- être doubles l’un de Pautre, felon les hauteurs plus ou moins confidéra- bles auxquelles on voudroit qu’il püt s'élever ? Quelle pourroit être la difpofition dés cordons deftinés à opérer une telle comprefion? Et quand il fexoit queftion de les relâcher , leur frottement n’empécheroïit il pas fouvent l'élafticité de l'air renfermé , d'agir , & d'augmenter le volume de la machine , pour la déterminer en même temps à monter? Nous avons vu d’ailleurs ce que l'idée d’une variation perpétuelle dans la forme exté- rieure du ballon, préfente d'inconvéniens, & tout femble par conféquent s’oppofer à cette manière de monter & de defcendre, par l’accroiflement ou la diminution de la capacité de la machine, IL ne refte donc plus que le fecond moyen, qui confifte à faire varier le poids, fans que le volume change: & cette idée fubdivifée en ren- ferme plufieurs que nous allons parcourir rapidement. On peut en effec changer le poids d’un aéroftat, foit en jerant quelques-uns de ceux qui le leftent , foit en évacuant une partie de l'air inflammable qu’il contient; & il eft bien remarquable que ce dernier moyen, qui n’a fervi jufqu'ici qu’à faire defcendre les machines aéroftatiques, produiroit l'effet contraire, dès qu'on admet l'excès de prellion intérieure que nous demandons pour la permanence de l’équilibre, Si du refte l’on examine ce que devient cet excès de preffion , à mefure que, par l’un ou l’autre de ces moyens, l’aé- roftat atteint des hauteurs différentes, on verra qu'il diminue, quand l'afcenfion a été déterminée par l'évacuation de l'air inflammable, tandis qu'au contraire il augmente, quand c’elt par la déperdition du left; de forte qu’en combinant enfemble ces deux manières d’opérer, fuivant une loi facile à déterminer, on pourroit obtenir dans toutes les politions un excès conftant de preflion intérieure, quelques différentes qu'elles fuflenc entre elles. Mais à quoi bon approfondir plus long temps deux méthodes qui ne rempliffenc ni l’une ni l’autre les objets qu'on doit défirer? Non feulement.elles ont le défavantage de faire à chaque manœuvre une perte irréparable , en confumant l'air inflammable ou le left dont une certaine dépenfe devient le terme inévitable de la navigation , mais elles ne peuvent fervir qu'àélever de plus en plusila machine aéroftatique; & les moyens nous manquent encore pour la faire defcendre, Tome X XV, Part, II, 1784. JUILLET, F2 44 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, Conduits en effet, par une fuite de raifonnemens néceffaires, À conférver au ballon une forme invariable, pour le faire mouvoir par Î:s change- mens de fon poids, nous avons facilement réufli à diminuer ce poids , par l'évacuation d’une partie de ceux que porte la machine; mais il n'en peut réfulter que des to fucceflives ; & pour lui procurer le mou- vement contraire, il faudroit pouvoir augmenter fa pefanteur. Que peut- on donc ajouter à un corps ilolé de tous les autres , fi ce n’eft une portion de l'air même dans lequel il nage © Or, c'eft à quoi nous n'avions pas en- core penfé, & cependant toutes les difficultés difparoiffent dès lors. Hl eft clair en effet qu'en comprimant dans le ballon de l'air atmofphérique, fon poids augmentera fans que fon volume change, & qu'il fera par conféquent déterminé à defcendre, Il n'eft pas difficile d'imaginer après cela de faire remonter la ma- chine, en évacuant ce même air armofphérique ; elle ne manœuvrera plus alors aux dépens de fa propre fubftance, & le milieu qui l’envi- ronne fera la caufe unique de tous fes mouvemens , comme il étoit celle de fon équilibre. Mais cet air qu'on introduit dans l’aéroftat , devant bien- tôt en reflortir, il faut qu'il foit préfervé de rout mélange avec l'air in- Hamimable, & contenu, par cette raifon, dans une capacité particu- lière. Tel eft le moyen que nous cherchions de faire defcendre & monter les machines aéroftatiques , fans jeter de left, fans perdre d’air inflam- mable, & en confervant au mobile, à chacune de fes pofitions, un équi- libre aufli fixe que fi c’éroit la feule qu'il dût jamais occuper. La fimpli- cité de ce moyen ne laiffe rien à defirer, & ce concours de tous les avan- tages à la fois eft d'autant plus heureux , que nous n'avions pas le choix: il eft aifé de voir que cette méthode eft unique, & la marche qui nous y a conduits en eftelle-même une démonftration rigoureufe ; puifque c'eft en parcourant toutes Les hypothèfes poflibles , & par une fuite d’exclufions con- tinuelles , que nous y fommes parvenus. Rien ne peut donc fuppléer cetre organifation que nous fommes forcés de donner aux machines aérofta- tiques; & tout inventeur y fera conduit d’une manière néceflaire, dès que la queftion fera fufifamment approfondie, Mais développons les détails de ce mécanifme, & les différens moyens qu'il peut y avoir de le mettre en pratique, De quelque manière qu'un ballon foit conftruit , quelle que foit fa forme, pourvu qu’il contienne deux capacités diftinétes, dont l’une#oit deftinée à renfermer une quantité d'air inflammable toujours conftante, & l’autre un volume variable d’air atmofphérique , il fera propre à tous les chan- gemens de hauteur qu'il s’agifloir d'obtenir. Il faut feulément que Ja fomme des deux capacités fafle coujours un volume conftant, & que les deux airs y foient foumis à une compréflion un peu plus forte que celle de l'air environnant, I] fufft alors , pour que la machine monte, d'ouvrir SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 45 une iffue à l'air atmofphérique intérieur, par le moyen d'un fimple robi- net. La preflion que cet air éprouve en détermine la fortie , le poids de la machine diminue , elle s'élève , & cette afcenfion dure autant que l’écou- lement de l'air intérieur. Ainfi, dès que le robinet par lequel il s’échappoit fera fermé de nouveau, le ballon fe fxera , & la denfité de l'air environ- nant fera diminuée alors dans la proportion de la perte de poids que la machine aura faite, On voit aifément que, pendant cette afcenfon, le reffort de l'air in- flammable fait augmenter la capacité qui le renferme , aux dépens de celle d’où l'air atmofphérique s'échappe , & qu'’ainfi le terme de la hauteur que peut acquérir l’aéroftat, arrivera, lorfque l'efpace deftiné à l'air at- mofphérique étant réduit à rien, celui de l'air inflammable occupera la capacité entière du ballon. On voit de même que, pour déterminer la defcente, il fufñra d’intro. duire de l'air commun dans l'efpace dont il s’agit, avec le fouffler le plus fimple. Le poids de la machine augmentant par-là, elle ne pourra plus retrouver l'équilibre que dans une région où la pefanteur fpécifique de l'air extérieur foit devenue plus grande en même proportion; & quoique ce foit avec un fluide très léger qu’on cherche à faire varier ainfi le poids de l'aéroftar, comme c’eft le même que celui dans lequel il flotte, la caufe des variations de denfité de ce milieu fe trouve de même ordre que celle des changemens du poids de la machine, & de petites quantités d’air introduites ou évacuées, fuffent, par cette raifoff, pour occafionner des changemens notables dans la pofition du mobile. Il ÿy a une autre remarque très-importante à faire; c’eft que, malgré l'idée qui fe préfente naturellement , que c'eft en comprimant l’airinté- rieur par l'addition d’un nouvel air, que l’on détermine le ballon à defcen- dre , il éprouve cependant toujours la même preflion intérieure , à quelque hauteur qu'on le fuppofe en équilibre. Cette propriété précieufe de la dif pofition dont il s’agit, dépend de ce que l’aéroftat defcendant, trouve des couches d'air douées d’une plus grande élafticité, en même temps qu'elles ont une pefanteur fpécifique plus confidérable ; & la preflion ex- térieure augmentant ainfi, détruit celle qui réfulteroit intérieurement, fans cela ; d’une plus grande quantité d’air logée dans le même efpace. Il fuit de cette obfervation , confirmée par la folution analytique de la quef- tion préfente , que l’excès de l'élafticité du fluide intérieur fur celle de l'air environnant, demeurant toujours le même , l’éroffe n’eft point expofée à une tenfon variable, & qu'il n’y a par conféquent aucune limite aux ufages du moyen que nous venons de donner. Il peut fervir à parcourir l'atmofphère, & à y choifir une place à volonté, depuis la furface de la terre jufqu'aux régions les plus hautes auxquelles l'homme puifle fub- fifter. Il faut cependant obferver que la machine doit être conftruite 46 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, d'avance, & fon étendue calculée d’après la plus grande hauteur à laquelle on voudra qu’elle parvienne. Cette hauteur db du rapport qui fe trouve entre la quantité d’air inflammable renfermée dans la machine , & fa ca- pacité totale; &, comme nous l'avons déjà remarqué plus haut, l'aérof- tac parviendra au terme de fon afcenfion, quand cet air inflammable, diminuant de denfité en même temps que l'air environnant, aura rempli tout l’efpace renfermé par l'étoffe. On ne peut donc, avec une machine donnée , aller au delà de certaines bornes ; mais on peut d'avance leur donner une étendue que rien ne limite, Mais quelle doit être la difpofition de ces deux capacités deftinées à loger deux airs différens? On fent qu'il y a plufieurs manières de réfoudre cette queftion dans la pratique ; & nous allons encore les parcourir en eu de mots. On peut féparer l’une de l’autre ces deux capacités par une forte de diaphragme flexible | femblable pour la forme à une des moitiés de l'enveloppe du ballon. C’eft ainfi que j'ai defliné la machine fur le tableau de l’Académie. L'air inflammable occupe le deflus, laiffant le bas à l'air atmofphérique, & le diaphragme qui les fépare -doit être habituellemenc Hafque , excepté dans le cas de la plus haute afcenfion , où l'ait inflam- mable occupant tout le vuide duballon, & l'air armofphérique étantentière- ment échappé, ce diaphragme feroit exaétement appliqué contre l'hémil- phère inférieur, On pourroit effcore loger l'air atmofphérique dans un-efpace renfermé lui-même tout entier dans Le ballon qui contient l'air inflammable , en em- ployant pour cela un autre ballon moindre que le premier. L'air atmof- phérique rempliroit totalement ce ballon intérieur , lorfque la machine {e- roit encore au point le plus bas de fa courfe ; mais au point le plus haut, Cet air étant totalement évacué , fon enveloppe feroit tout-à-fait déprimée, & l’air inflammable occuperoit l’efpace entier du ballon extérieur. La capacité du ballon intérieur ne doit de pas être plus grande que ce dont Vair inflammable devroit fe dilater , par la plus haute afcenfion dont on voudroit rendre la machine fufceptible ; d'où il fuit que cette méthode fe- roit la plus économique du côté de la quantité d'étoffe à employer, & du poids quien réfulte. L Mais , dans l’une & dans l’autre de ces difpofitions, la compreflion in- térieure dont j'ai tant parlé dans ce Mémoire , &que l'objet auel rend indif. penfable , devient une caufe de plus pour la déperdition de l'air infam- mable, déjà fi difficile à contenir, &le fuccès de l'appareil dont il s’agit ici, dépend au contraire de la confervation la plus exacte de ce fluide léger. — Je préférerois donc une méthode tout-à-fait oppofée , & je propofe de renfermer le ballon à air inflammable dans un autre; l'air armofphérique feroit logé dans l'intervalle des deux-enveloppes ,'& environneroitde coutes SURL'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. ‘47 parts celui qui logeroit l'air inflammable. Cette méthode exige à la vérité l'emploi d’une quantité d’étoffe plus grande que les deux premieres dont j'ai parlé, fur-tout s'il n'étoit queltion que de s'élever à de petites hauteurs: mais un avantage bien précieux qu'elle préfente , ft que la compreflion intérienre ne tend plus à-difliper l'air inflammable , puifque l'étoffe qui le renferme éprouve cette compreflion également par {es deux furfaces ; l’en- veloppe extérieure eft feule tendue parcette preflion , maiselle ne peut laiffer échapper que de l'air atmofphérique, & c'eft une perte aifée à réparer. Il ne faut pas croire au refte que cet excès de preflion intérieure, né- ceffaire pour conferver la forme du ballon, doive être bien confdérable; il fuffroit qu'il pût foutenir quelques lignes de mercure : mais comme c’elt encore de certe preffion que dépend l'excès de légèreté avec lequel l'aéroftat peut s'élever au moment du départ, & qu'il lui faut une cer- taine vitefle pour évier alors les édifices ou les arbres contre lefquels le vent pourroit le porter, ontrouve , par le calcul , que , pour une machine de {a taille de celle qui vient de partir aux Tuileries, l'excès habituel de l'élafticité de l'air intérieur fur celui de l'atmofphère , doit faire équilibre à environ 1 pouce de mercure, & qu'alors la viteffe de la première afcen- fion pourroit être de 6 à 7 pieds par feconde ; ce qui eft plus que fufifant, Tels font les principes d’après lefquels on pourra toujours :organifer une machine aéroftatique , de manière qu'après un long voyage elle foie encore dans le même état qu’au moment de fon départ. C'eft en effet le feul moyen d'obtenir la navigation aérienne que l’on défire fi vivement; & s'il falloit toujours confommer des reffources confidérables , à chaque pas Fa l'homme voudroit faire dans l’atmofphère, on:ne verroit jamais que des expériences fugitives, & des promenades fans intérêt comme fans utilité. Ce Mémoire n’eft au refte qu’un fimple expofé de l’état de la quef- tion. Cette matière demande d’être traitée par des voies plus rigoureufes, & l’on ne doit regarder ce qui précède que comme une introduétion à des calculs dont l’objet méritoit d’être préfenté d’une manière auñi dé- taillée, 48 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, DD DUR OR AU MÉMOIRE PRÉCÉDENT, Conténant une application de la théorie qui y eft expofée, à un exemple particulier. MM. RoBERT, qui conftruifent à Seint- Cloud un très grand ballon ; dont ils projettent de faire incefflamment l'expérience, fe propo- fant de le gouverner , tant en montant qu'en defcendant, par le moyen d’une capacité particulière , renfermant de l'air atmofphérique , & d’après des principes entièrement conformes à ceux que j'avois expofés dans le, Mémoire précedent ; je ne faurois choifirun meilleur exemple pour faire en nombres l'application de cette théorie à quelque cas particulier. Outre l'avantage de fixer les idées & d’en rendre le développement plus fenfible pour le grand nombre de perfonnes qui ont vu l'exécution de cette belle machine aéroftatique avec tout l'intérêt qu'elle mérite , il peut encore ré- fulter de ce travail quelque utilité pour le fuccès même de l'expérience; l'ufage du moyen qui y fera employé pour la première fois, demandant , gomme on va le voir , à être dirigé par le calcul de fes effets. Le ballon de Saint Cloud eft un folide formé d’une portion cylindrique de 20 pieds de longueur entre deux demi-fphères de 30 pieds de dia- mètre , ainfi que le cylindre dont il s’agit. La capacité de ce ballon eft par conféquent double de celle d'une fpère de 30 pieds, c’eft à-dire, de 28,274 pieds cubes. Le poids d’un pareil volume d’air atmofphérique, pris à la furface de la terre, feroit par conféquent d'environ 2457 livres, à de légères variétés prés, dépendantes de la température & de l'état du baromètre. La manière dont MM. Robert difpofent Îa capacité qui doit contenir l'air atmofphérique , pour déterminer l'afcenfion ou la defcente du ballon, eft la feconde des trois que j'ai examinées dans mon Mémoire , c'eft-à- dire , que cette capacité eft renfermée tout entière dans l'air inflammable : elle confifte en un ballon fphérique de 19 pieds de diamètre, placé au milieu de la longueur du ballon principal. La capacité de cette fphère de 19 pieds eft de 3sox pieds cubes, & peut contenir! un poids de 312 livres d’air atmofphérique. Ce ballon intérieur porte un appendice ou tuyau flexible , auquel doit être adapté un foufflet placé dans la galerie qui fera fufpendue à la ma- chine, L'air atmofphérique étant introduit à volonté dans le ballon in- térieur , à l’aide de ce foufflet, produira des augmentations nes pol SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 49 poids , dont l’effec doit être de faire defcendre l’aéroftat, pour ainf dire, pas à pas à chaque coup de foufflec que donneront les Navizateurs: Quand ils permettront au contraire à ce même air atmofphérique de s'échapper par une iflue fufceptible d’être ouverte ou fermée à volontés, le ballon doit remonter par la diminution de fon poids; & la durée de ces diffé- rens mouvemens étant déterminée par celle des manœuvres que nous ve- pons de décrire , la pofition de la machine; dans le fens vertical, fera né- ceffairement au choix de ceux qui la gouverneront. On voit au refte de quelle néceflité il eft que l'air intérieur du ballon y éprouve la petite com- preflion dont j'ai faic une mention fréquente dans mon Mémoire, Cette circonftance eft indifpenfable pour déterminer la fortie de l'air atmofphé- rique, lorfqu’il fera queftion de faire élever le ballon; & j'ai montré d’ail- leurs que la néceflité d’un équilibre permanent, à la hauteur quelconque que les Navigateurs voudront conferver , exige également cette con- dition. Après cette defcription du mécanifme adopté par MM. Robert , on voit que la grandeur déterminée de leur ballon intérieur met néceffaire- ment des bornes à l'efpace vertical que ce moyen peut faire décrire à volonté à la machine. Cette hauteur eft comprife depuis la furface de la terre jufqu'au point où la dilatation acquife par l'air inflammable aura réduit à rien le ballon intérieur, en forçant tour l'air qu'il contenoit à s'échapper. Il eft donc aifé de la déterminer d’avance, en diminuart {a hauteur du baromètre à la furface de la terre, dans le rapport des capa- cités du ballon intérieur & du ballon principal; c’eft-à-dire, dans le rap- port de 3$91 à 28,274. On aura, parce moyen, fur la hauteur com- mune du baromètre, que nous prendrons de 28 pouces, une diminution d'environ 3 pouces & demi. Cet abaiflement convient à une hauteur d'à peu près 566 toifes, Tant que le ballon fera en équilibre à une élévation moirdre, il pourra donc toujours revenir jufqu'à terre, à l'aide du ballon intérieur ; mais fi, par trop de légèreté, il étoir porté plus haut, & qu’on fit enfuite agir le foufflet pour déterminer fa defcente, le ballon intérieur fe trouve- roit tout-à-fait rempli avant que cette defcente fut entière, & il ne de- viendroit poffible de s'abaiffer davantage, qu’en évacuant de l'air inflam- mable , fuivant l'ancienne pratique, On voit par-là qu’il feroit nuifible de charger trop peu la machine; mais il eft aifé de déterminer d'avance quel poids total elle doit avoir au moins, Si Pon confidère en effect que, du moment où l’on commence à faire entrer de l'air commun dans Le ballon intérieur, jufqu'à celui où il fera entièrement rempli, on aura ajouté au poids de lasmachire celui d’un vo- lume d’air que nous avons évalué à 312 livres, & qu'alors elle doit être revenue à terre, c'eft-à-dire , un peu plus pefante que l'air déplacé par tout le ballon; ce poids étant de 2457 livres, il s'enfuit, qu’en en déduifant Tome XXV , Part, II, 17984. JUILLET. G so, OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, 312 livres, le refte, 214$ livres, indiquera ce que doit au moins pefer Ja machine , indépendamment de l'air atmofphérique qu'on pourra y faire entrer pat la fuite, Mais comme ce poids comprend celui de l'air inflam- mable qu’elle contiendra alors , il faut ençore le déduire, pour avoir un réfultat qui ne regarde que Les objets fufcepribles d'être pefés à la ba- lance. Or, le ballon intérieur étant fuppofé alors plein d'air atmofphérique, l'air inflammable n’occuperoit que le refte de la capacité du grand ballon , c'eft-à-dire , 24,683 pieds cubes. Evaluant donc la pefanteur fpécifique de ce gaz au fixième de celle de l'air commun, on aura un poids de 357 livres environ à déduire encore de celui qui vient d’être trouvé; ce qui donne 1788 livres pour le terme au-deflus duquel il convient de por- , ter le rotal des objets qui compofent la machine , ou qui doivent être en- levés par elle. On voit, par Le calcul que nous venons de faire pour déterminer cette limite, que le feul cas où elle pourroit fe trouver un peu foible, feroic celui où l'on emploieroit de l'air inflammable beaucoup plus léger que nous he l'avons fuppofé; mais il eft difficile de l'atrendre d’une opération faite aufli en grand, L'air atmofphérique contenu originairement dans les vaifleaux , altère toujours, par fon mélange, la légèreté du gaz qui s'en dégage; &, à en juger d’après les eypériences antérieures , notre eftima tion feroit même un peu trop favorable, C’eft au refte une caufe d’erreur peu importante , & toujours facile à corriger d'avance, à l’aide de quel- ques effais préliminaires fur la nature du gaz que l'appareil adopté peut produire. Plus on chargera la machine au delà du point de 17388 livres, plus on fera donc für qu’elle pourra revenir jufqu’à terre, à l’aide du fouflet, & que Le ballon intérieur ne fe trouvera pas même entièrement rempli , lorf- que la defcente fera achevée; mais il faudra en même temps employer d'autant plus d'air inflammable; & , au lieu des 24,683 pieds cubes, qui font jufte la différence de capacité des deux ballons, il deviendra néceflaire d'en introduire en fus ce qu'il s’en faudroit que le ballon intérieur ne für tout-à-fait plein, au moment de la defcente qu'on vient de fuppofer. Certe confidération va nous fournir l’autre limite à laquelle la fomme des poids de toute la machine doit fatisfaire, car , en fuppofant qu’on em- plifle entièrement le grand ballon d'air inflammable , le poids total de ce gaz, qui feroit alors de 409 livres environ, fouftrait de celui de l'air déplacé par le ballon , donne 2048 livres pour le plus grand poids que puiflé porter la machine, C’eft donc entre 2048 livres & : 788 livres que ce poids doit être pris, & il peut, comme on voit, varier dans une latitude de 260 livres. [ n’y a donc jufqu’ici aucune précifon embarraffante à obferver dans les préparatifs de l'expérience dontil s’agit. Commençant par introduire de SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. [A l'air atmofphérique dans le ballon intérieur jufqu'au tiers ou au quart. de fon volume total , fuivant qu'en voudra fe borner d’abord au tie:s ou au quart de la hauteur de 566 toifes, qui répond à la capacité entière , &-rempliflant enfuite d'air inflammable tout ce qui reftera d’ef- pace dans le ballon principal , on déterminera, par le fait même, Le poids que toute la machine ain difpofée doitavoir pour s’élever ; ce qui le fera néceffairement quadrer avec les limites que nous avons établies , & avec l'objet qui en a occafonné la recherche. Mais il eft maintenant effentiel d’afligner la preflion intérieure qu'il convient de donner à l'air renfermé dans le ballon, & les moyens de l’ob- tenir. Or, la quantité de cette preflion dépend uniquement de l'excès de légèreté avec lequel on laïffera partir la machine , & fur lequel nous n'a- vons encore rien déterminé. Si l’on confidère en effet la machine s’élevant avec un certain excès de légèreté, & qu'on fuppofe , fi l’on veut, qu'au moment de fon départ elle ne foit pas complètement remplie, on verra d'abord la machine fe développer entièrement pendant les premiers mo- mens de fon afcenfion , par la diminution graduelle du refort de l'air en- vironnant; mais fon volume augmentant dans la même proportion que Frise diminue de pefanteur fpécifique , tant qu'elle croîtra ainfi, déplacera toujours le même poids abfolu d’air atmofphérique, &c confervera par conféquent le même excès de légèreté, Ce n'eft qu'au mo- ment où , ayant acquis une entière plénitude , elle ne pourra plus aug- menter de volume , que, trouvant toujours de l'air de plus en plus léger, elle perdra fucceflivement fon excès de légèreté , qui fera enfin tor- à-fait anéanti au moment où l'équilibre aura lieu, Si donc la machine eft exac- tement fermée, l’air qu’elle contiendra, confervant la même élafticité qu'avoir l'air extérieur au moment où elle s'eft trouvée remplie, fera , au point de l’équilibre , plus comprimé que l'air environnant, & la difé- rence des hauteurs du baromètre aux deux points dont il s'agir, eft la mefure précife de cet excès de preflion: mais cet abaiflement du baro- mètre étant en même temps la mefure de la diminution du poids de l'air déplacé, qui eft elle-même égale à l'excès de légèreté que lafcenfion a détruit , on voit qu'il y a une dépendance réciproque & une proportion conftante entre l'excès de légèreté & la preflion intérieure qui #établit dans la machine, foit qu'elle ait été entièrement remplie ou non au mo- ment de fon départ. La colonne de mercure qui mefure certe preflion , eft donc à la ha'g=ur torale du baromètre , comme l'excès de légèreté eft au poids de tout l'air déplacé par le ballon. On trouve, d’après cette pro- portion, que, pour acquérir une preflion intérieure, mefurée par 1 pouce de mercure, il fuffiro> que la machine eût en partant un excès de lé- gèreté de 88 livres, c’eft à dire, la 28° partie du poids de l'air dont le ballon tient la place, \ Mais une force médiocre pouvant occafionner de très-grands degrés Tome XXV, Part, U,1784. JUILLET. G 2 s2 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, de tenfion , lorfqu’elle agit contre une enveloppe dont l’érendue eft con- fidérable, il feroit à craindre que la machine ne fouffrît beaucoup, fi on J'abandonnoit fans examen à un excès de légèreté capable d'y faire naître une preflion intérieure, même fort légère en apparence. Nous allons donc encore traiter cette queftion, & dérerminer quelle eft la tenfion qu'une preflion donnée peut faire naître dans une furface dont la forme eft connue, Confidérons le ballon partagé par un plan quelconque en deux parties ou hémifphères concaves ; l'effet de la preflion, qui agit dans fon inté: rieur, eft de tendre à féparer l’une de l’autre les deux parties dont il s'agit, & cette force eft contrebalancée par la fomme des tenfions de l'é- toffe aux différens points qui font la jonétion entre es deux. hémifphères que nous avons confidérés. Puis donc que cet équilibre exifte à la fois dans toutes les feétions faites par le nombre infini de plans qu'il eft poffible - de concevoir, on auroit , en l'exprimant par une équation générale, la loi des tenfions. d’une étoffe de figure quelconque dans fes différens points, & fuivant tous les fens poffibles. Mais ce n’eft pas le lieu d’expofer ici cette méthode, qui dépend de la théorie générale des furfaces courbes, & nous allons réfoudre direétement la queftion pour Le ças mere | nous avons à traiter, en cherchant fucceflivement la tenfion qu'éproûve chacune des deux parties fphériques du ballon dont nous avons décrit la forme , & celle de la portion cylindrique qui les joint, Nous remarquerons pour cela , que la tenfion de chacune des deux parties fphériques eft évidemment la même que fi, à égalité de preffion , elles étoient réunies pour ne former qu’une fphère de 30 pieds. Or, on trouve , par la méthode que j'ai publiée à l’occafion du premier ballon du Chanip de Mars (1), que la force qui tend à féparer deux hémifphères quelconques d’une fphère, eft égale au poids d’un folide de mercure qui auroit pour bafe le grand cercle de la fphère, & pour hauteur, celle de la colonne du même fluide qui mefure la preflion intérieure. Si donc on fuppofe cette preflion due à une colonne de 1 pouce de mercure, & qu'on calcule le grand cercle d'une fphère de 30 pieds, qui eft de 707 pieds carrés, on verra que la force tendante à féparer les deux hé- mifphères , eft égale au poids d'environ fo pieds cubes de mercure; c’eft- à dire, à $6,050 livres, le poids de ce Auide étant évalué à 950 livres par pied cube. Cette force étant évidemment la fomme de toutes les r; fions de l’é- toffe aux points qui forment la jonction des deux hémifpheres , il ne faut donc que la divifer par Le nombre de pieds contenus dans la circonférence du grand cercle de la fphère, pour avoir la tenfisn répartie fur 1 pied. , (1) Lettre à M. Faujas de Saint-Fond, pag. 159 de la defcription des expériences aéroftatiques. SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 53. Ce contour eft de 94 pieds 3 pouces: c’eft donc une tenfion de $04 livres qu'éprouveroit chaque pied d'étoffe dans toute l'étendue des deux demi- fphères qui font aux extrémités du ballon. Si l’on conçoit la partie cylindrique du ballon coupée de même par des plans perpendiculaires à l'axe , l'égalité de diamètre entre ce cylindre & Les demi-fpheres , montre évidemment que le calcul précédent s'applique encore à la force qui tend à féparer ces différentes tranches. Le même réfultat exprime donc aufli la force avec laquelle l’écoffe du cylindre eft tiraillée daus le fens parallèle à fon axe. Pour trouver maintenant la force qui rend à ouvrir le cylindre dans le fens de fa longueur, confidérons un plan quelconque qui coupe le ballon en paflant par l’axe. La furface de cette fection , formée de deux demi - cer:les & d’un carré long de 20 pieds fur 30, fera de 1307 pieds carrés. La force tendante à féparer les deux moitiés du ballon ; fera donc, d’après un calcul femblable au précédent :de 103,5 jo livres; mais la ten- fion réunie des deux demi-fphères fupporte, comme. on a vu, 6 oçol. IL refte donc 47,500 livres à fupporter par le cylindre, c’eft-3-dire, par 40 pieds d'étoffe , & chaque pied fe trouveroit par conféquent tendu avec une force de 1188 livres. Cette force eft double de la précédente; la théorie indique en effec qu’en général un cylindre, foumis à une preflion quelconque, éprouve , fuivant fa circonférence, une tenfion double de celle de la fphère du même diamètre; & nous dirons en paflant , que cette obfervation juflifie bien la manière dont MM. Robert ont employé l'écoffe qui forme la partie cylindrique de leur ballon. Chaque pièce eft difpofée en forme de ceinture autour de ce cylindre, & la chaîne, plus forte que la trame , fe trouve par conféquent dans le fers du plus grand effort , en même temps que les coutures qui uniflent les différentes pièces, n'ont à réfifter qu'à la tenfion longitudinale que nous avons vu être la moindre, | On n'auroit pas foupçonné d’avance qu'une preflion de 1 pouce de mercure püt tendre aufli violemment l’enveloppe fur laquelle elle agir, On voit que c'eft à l'étendue de la machine qu'il faut attribuer ce grand effort; & les élémens de notre calcul montrent en effet, qu’à preffion égale , la tenfion fuit exactement le rapport des diamètres. il feroit au refte polible, à la rigueur, que létoffe réfiftât , fans fe rompre , aux efforts que nous avons trouvés; des épreuves faites fur Le poids néceffaire pour rompre des bandes de taffetas de différentes largeurs , donnent lieu de Le penfer; mais il n’eft guère douteux qu’une enveloppe ordinaire, foumife à de telles tenfions, n’éprouvât au moins un relichement dans fon tiflu , qui laifleroit bientôt tamifer de grandes quantités d'air inflam- mable. jetés Il paroîtroit donc imprudent jufqu'ici de laiffer à la machine un excès de légèreté de 88 livres; tout indique au contraire qu’il faudroit le bornez s4 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, à 15 ou 20 livres, pour réduire la preflion intérieure à 2 ou 3 lignes de mercure au plus, Je dois , avant d’aller plus loin, prévenir une objection qui fe préfentera fans doute à l'efprit des Lecteurs , & qui demande une fofution particu- lière : c’eft qu'en évaluant les preffions qui peuvent avoir lieu dan l'intérieur de la machine, j'ai paru oublier celle qui s'exerce dans tous les cas contre l'hémifphère fupérieure, & en vertu de laquelle le poids de la machine eft porté. Mais fi l’on confidère, ce que j’ai démontré ci-deflus, qu'une preflion d’un pouce de mercure fur tous les points de la furface intérieure du ballon, exerceroit contre chacune de fes moitiés un effort de près de 104,000 livres, on verra facilement que Le poids de toute la machine étant environ cinquante fois moindre, une preflion très- légère contre l'hémifphère fupérieur , fera fufceptible de le porter , & qu'un quart de ligne eft plus que fufifant pour cela, Cette caufe particulière de tenfion dans l’étofle , eit donc très-petite en comparaifon de celle dont il a été queftion plus haut, & c’eft par cette raifon que je l'ai négligée dans les confidérations précédentes. Il faut d’ailleurs obferver encore que la plupart des poids portés par la machine étant immédiatement fufpendus à un filet qui doit en couvrir la partie fupérieure , c’eft ce dernier qui fupportera, pour la plus grande partie, la tenfion qui peut réfulter du petit degré de preflion qui vient d'être déterminé , & que par conféquent la fatigue éprou- vée par l'étoffe n’en feroit pas fenfiblement augmentée, On fera un raifon- nement femblable fur une autre caufe de preflion intérieure qu'on peut ajouter aux précédentes, dans le cas où la machine feroit fufceptible d'être dirigée horizontalement ; je veux parler de la réfiftance de l'air contre fa partie antérieure: mais on va voir que l'effet que cette caufe peut pro- duire fur le reflort de l'air intérieur , mérite encore moins d’être confi- déré. Quand même en effet la machine feroit, par rapport à l'air, une route de dix-huit pieds par feconde ( ce qui fait plus de cinq lieues à l'heure & furpafle de beaucoup ce qu'il eft poñlible d’efpérer dans le cas actuel), fa partie antérieure n’éprouveroir encore qu'une réfftance de 315 livres environ. Or on.a vu qu’un hémifphere de trente pieds, foumis à une preflion d’un pouce de mercure , en recevoit un effort de 56,050 livres: une force de 315 livres ne répond donc qu'à environ -- de ligne de mercure , & la preflion intérieure ne recevroit par conféquent aucune aug- mentation fenfible dans les momens où la machine fe dirigeroi. Il eft donc bien prouvé , par tout ce qui précède, que la machine dont nous nous occupons ne devant point être foumife à une preflion intérieure de plus de 2 à 3 lignes de mercure ; il eft effen- tiel qu'elle nait pas , au moment de fon départ , un excès de légèreté de plus 4 15 à 20 livres, Si elle eft alors entièrement rem- plie par les deux airs différens qu'on y fuppofe introduits d’avance , elle montera jufqu'à ce que Le baromètre ait baiflé de 2 à 3 lignes, c’eft-à-dire, SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. ss qu’elle ira chercher fon premier équilibre à 30 toifes environ de hauteur: mais s'il y reftoit encore quelque vide à l'inftant du départ , l'élévation de ce premier équilibre feroit plus grande, en raïfon de la hauteur que devroit parcourir l’aéroftat avant de fe déployer rout-à fait. La machine fera de ce moment fufceptible de toutes les manœuvres que nous avons décrites; & fi des caufes accidentelles n’agiflent pas fur elle, la preffion intérieure une fois déterminée, ne ceflera d’être la même à toutes les pofitions qu’elle pourra fucceflivement occuper par le jeu du ballon inté- rieur. Mais avec quelle viteffe montera cette machine , douée originairement d’un excès de légèreté d'environ 20 livres ? Cette queftion eft importante, & le fort de l’expérience peut en dépendre; car f la première afcenfion fe faifoit avec une lenteurtelle, que la marche de la machine füt incer- taine & tortueufe ; fi, dominée par le vent , elle fuivoit une direction trop inclinée , ou fi le moindre reflet, dirigé de haut en bas, fufhloir pour con- trebalancer , pendant quelques inftans, la force médiccre qui détermine l'afcenfion, rous les obftacles environnans , les édifices, les arbres, du milieu defquels elle s'élève , deviendroient pour elle autant d’écueils contre lefquels elle échoueroïit avant de fortir du port. Déterminons donc encore la quantité de cette vitefle, dont le calcul devient bien fim- ple, fi l’on fait attention qu’elle fera uniforme dès que la réliftance op- pofée par l'air au mouvement afcenfonnel , fera égale à l'excès de lége- reté, Nous ne pouvons mieux faire, pour afligner la viteffe d'où dépend cette égalité, qu'en confultant quelque expérience bien connue, dont on puiffe comparer Les circonftances avec celles que nous avons en vue. Or, on trouve , dans l'Ouvrage que j'ai déjà cité, que le ballon du Champ de Mars, d'environ 12 pieds de diamètre , & doué de 35 livres d'excès de légèreté, avoir acquis en peu de fecondes fon maximum de viefle , qui étoit d'environ 15 pieds par feconde (1). La forme de celui-ci eft à la vérité un peu différente ; & fi nous avons été fondés à eftimer la réfiftance que l'air oppofoit au premier, comme étant les deux cinquièmes de celle AN à même vitefle une furface plane, égale au grand cercle e cette fphère , nous devons évaluer fur un pied un peu plus fort la ré- fiflance que nous avons maintenant à confidérer ,à caufe de la portion cy- lindrique qui fe trouve entre les deux demifphères da ballon dont il s’a- gir. Nous fuppoferons donc cette réfiftance comme la moitié de celle qu'une même vitefle feroit éprouver à une furface plane , quiferoit égale à la coupe horizontale de la machine, Le ballon du Champ de Mars , ayant fon grand cercle de 116 pieds carrés, éprouvoit donc la même réfiftance qu'une furface plane de 46 pieds carrés; & celui de Saint-Cloud aura la fienne mefurée par une —— (1) Voyez la Lettre à M, Faujas de Saint-Fond , pag. 150. sé OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, furface de 7ÿ4 pieds carrés, quiet la moitié de fa coupe horizontale. Puis donc que les réfiftances , qui doivent devenir égales à 35 livres & à 20 livres, font entre elles en raifon compofée des furfaces & du carré des vitefles, on ‘trouve, par une fimple proportion , que Le ballon de Saint Cloud . partant avec un excès de lévèreré de 20 livres, doit acquérir, dans les premiers momens, une vîreffe de 3 pieds par feconde, L'afpect des lieux , & lefpèce de vent qu'on voudra choifir pour entre- prendre l'expérience , peuvent feuls décider fi cette viîtefle eft fufifante , & fi le ballon l’acquerra dans un intervalle affez court ; mais fi elle n’étoit pas jugée telle , il s’enfuivroir que l'expérience dont il s'agit préfenteroit de grandes difficultés ; car on ne pourroit augmenter la viteffe afcenfion- nelle , qu'en rendant , toutes chofes égales d’ailleurs, la machine plus lé- gère ; & l’on a vu qu'on augmenteroit en même temps la preflion inté- rieure & la tenfion de l’éroffe, qui font déjà affez confidérables. L'on fent déjà la néceflité dont il feroit en général, dans la conftruc- tion des machines aéroftatiques, de les mettre en étar de réfifter à de beau- coup plus grandes tenfions.. Mais une circonftance que nous n’avons pas encore traitée, fufiroit feule pour établir certe néceflité, bien plus que les confidérations que nous avons faites jufqu’ici. La maffe d'air renfermée dans la machine , & garantie de tout contact avec l’atmofphère , peut en effet acquérir une autre température; & fi les rayons du foleil frappent , pendant un certain temps, la furface du ballon, leur aétion fur un vo- lume d'air non renouvelé, devient bien différente de ce qu’elle eft fur V’air libre. Cette propriété , que des expériences aflez récentés avoient déjà montrée dans des mafles d'air circonfcrites par des parois tranfparentes , a également lieu ici ; & fi la chaleur acquife dans ce cas ne va pas aufli loinque dans les appareils de MM. de Sauflure & du Carla, du moins s'élève- t-elle d’une quantité très-notable au-deflus de la cempérature extérieure. M. de Morveau vient de nous apprendre que la différence à cet égard pourroit aller jufqu'à 14 ou rs degrés, & des expériences faites avec un thermomètre introduit dans l’intérieur du ballon de Saint-Cloud, dans des circonftances favorables, confirment ce réfultar, Si donc l’élafticité de l'air renférmé s'accroit de —- par chaque degré de chaleur qu'il reçoit ; comme l'indiquent les oblervations de M. de Luc, 15 degrés l’augmen- teroient de près d’une quatrième partie, ce qui équivaut au poids d'une colonne de 2 pouce: de mercure , la force élaftique.de l'air extérieur étant cenfée mefurée par 28 pouces du même fluide. Il fuit de là, que la feule température peut occalionner des preflions intérieures bien plus confidé- rables que celles dont nous avions précédemment calculé les effets, & il eft bien évidént qu'un ballon ordinaire n’y réfifteroit pas. Il feroit donc indifpenfable d'augmenter de beaucoup la force des en- veloppes , puifqu'indépendamment de toute autre caufe, la chaleur qui peut naître d'un moment à l'autre dans leur intérieur, fufit pour les dif- tendre SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. S7 tendre avec une violence confidérable, Or, ily a pour cela un moyen bien fimple , & qui permet néanmoins l’ufage des écoffes les plus fréles, & par conféquent Les plus légères; c'elt d'agrandir le filer qui couvre déjà la moitié de la machine , de manière qu'il la renferme tout entière, & de donner à cetre enveloppe extérieure des dimenfions en tout {ens un peu moindres que celles da ballon lui-même: il fera dès-lors impofñlible que celui-ci éprouve jamais aucune renfion, quelle que foir la force élaftique de l'air intérieur ; & l'effort qu'il peut faire pour s'échapper , étant réduit à la fimple preffion, d:vient oul en quelqu: forte, par rapport aux ti- raillemens en tout fens que Le riu effuieroit fans cela, & qui n: pourroient qu'y ouvrir tôt où tard un grand nombre d'iflues imperce,tibles. On peut doncdire que l'idée donc il s'agit , faprrimeroit un des plus grands inconvéniens que la conftruétion aétuelle préfente, depuis que l'objet de monter & de defcendre à volonté, exige da pretlion intérieure dont j'ai établi la néceffité. 11 faudroit feulement donner au filer une force fufi- fante pour en éviter la rupture; & c’eft à quoi il eft aifé de pourvoir. Mais MM. Robeït n'ayant point, àce qu'il paroît , envifagé leur ma- chine fous ce point de vue , il faut néceffairement indiquer un autre moyen d’obvier à l'effort que la chaleur peut faire naître, & de doner, fans tifque, un plus grand excès de légèreté au ballon. Or, äl ne refte évi- demment qu'une feule marière de remplir cet objer, & il devient nécef- faire. de donner à l’air irAammabl: une évacuation fufffante , dès que fon élafticité pañlera les bornes qui ont été déterminées plus haut. Mais puif- qu'il faut cependant qu'il conferve encore une certaine tenfion , il paroi- troit peu sûr de laiffer aux Navigateurs le foin d’en gouverner l'iflue à volonté, Ils pourroient, dans certains cas, ne pas l'ouvrir à propos , ou détruire, dans d’autres, l'excès de preflion intérieure que l'air irflammable doit éprouver habituellement, en en laiffant échapper une trop grande quantité; & l’on doit regarder comme tout-à-fait impraticable d'obfer- ver dans cette efpèce de manœuvre aucune efpèce de préciliin. Ce ne font donc point les moyens d'évacuer l'air inflammable , tels qu'on les a em- ployés jufqu'ici, qui conviennent au but aëtuel; mais il faut une fou- pape qui puifle s'ouvrir d'elle-même , quand l’élafticité de l'air intéri-ur en preffera la furface avec une force fufifante, & l’on doit oppofer à fon ouverture une réfiftance calculée d’après la preffion intérieure qu'on aura deffein d'entretenir habituellement dans la machine. Si l’on veut, par exemple, que cette prefion foit conftamment équivalerte au poids d'une colonne de deux lignes de mercure , le poids d'une mafle de ce fluide ayant la furface de la foupap rbafe, & 2 lignes de hauteur, fera la mefure de la force que doit avoir le reflort qui l'empêche de s'ouvrir, … Jleft inutile de dire que cette foupape doit êrre travaillée avec beaucoup d'exactitude , pour ne laiffer échapper l'air inflammable que dans les mo- Tom, XXV, Part, IH, 1784. JUILLET, H s8 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, mens où elle feroit réellement foulevée. Il feroit également à propos de le pbs dans la partie inférieure du ballon, pour la mettre en état d’être: yilitée fréquemment. Avecce moyen fimple, il feroit impoflible de craindre aucune efpèce d'accident de Ja dilatation de l'air inflammable, & il n’y a plus de bornes à l'excès de légèreté qu'il eft permis de donner à la machine: mais il faut encore que la foupape ait une ouverture fufffante pour évacuer l’air inflammable aufli vite qu'il fe dilate, fur-tout fi cet effec eft occafionné par la première afcenfion de la machine , à laquelle je fuppofe un excès de légèreté confidérable. Qu'elle parte, par exemple , avec 80 livres d’ex- cès de légèreté , cette quantité , quadruple de ce que nous avons derniè- xement fuppofé. procureraà l’aéroftat une viteffe afcenfionnelle double, c'eftà-dire, qu'il parcourra 6 pieds en une fecorde, Il faut donc que la foupape ait un orifice fuhfanr, pour que , pendant cet intervalle, la pref- fion intérieure de 2 lis. de mercure faffe fortir un volume d’air inflammable égal à l'augmentation que tout Le fluide qui remplit la machine tend à pren- dre en, vertu de la diminution de leffort de l'air environnant qui répond à cette afcenfion. Cette condition eft effentielle pour que la renfion fouf- ferte par l'éroffe, demeure conftante pendant le mouvement afcenfionnel ; & l'on trouve, en appliquant à ce problème les formules d’hydraulique qui fervent à calculer les écoulemens , que , dans le cas dont il s'agit, le paffage réel fourni par la foupape, doit être équivalent à un orifice circu- laire de 2 pouces 4 lignes de diamètre. Puis donc que cette foupape ne fauroics’ouvrir entièrement, on ne peut guère lui donrer un diamètre de moins de, 3 pouces. On feroit un calcul analogue, fi l’on avoit befoin de trouver cette ouverture dans l’hypothèfe d’une viteffe afcenfionnelle & d’une preflion intérieure , différentes de ce que nous avons fuppofé pour celui-ci: mais on peut l’abréger beaucoup , & faire , dans tous les cas. fervir le réfulrat que nous venons de donner, fi l’on fe contente de favoir que lesidiamètres des orifices déduits de cette théorie , fuivent conftam- ment une loi telle que leur quatrième puiffance eft en raifon compofée de la directe des excès de lésèreté, & de l’inverfe des preflions intérieures, Cette confidération réduit la recherche de l'orifice que doit. avoir la foupape, à une fimple règle detrois. , Mais fuppofons qu'on s’en tienne aux données que nous avons prifes, & qui paroiflent aflez convenables, nous pouvons maintenant effectuer le calcul:que nous n'avions fait qu'indiquer , fur la force du reffort qu'on doit oppoler à l’ouverture:de la foupape, dont nous venons de déterminer la grandeur. C'eft en effet le poids d'un. dre de mercure de 3 pouces de diamètre fur 2 lignes d’épaifleur , c'elt-à-dire , une: force d'environ 70 onces +7 | La foupape, dont nous venons de déterminer les dimenfions & la force , eft donc un moyen sûr pour empêcher la preflion intérieure & la \ Le SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 59 tenfion de l'enveloppe de paffer jamais Les bornes qu’on leur aura prefcrites, Mais fuppofant, comme on l’a vu , des évacuations néceflaires d'air in- flammable, il s’enfuit que cette précaution, imaginée pour obvier au dé- faut de force fuffance dans l'éroffe, ne laiffe pas au moyen nouveau, dont l'exécution nous occupe ici , tous les avantages qui lut font propres, On a vu en effit que cette méthode d’organifer les machines aéroftatiques, a pour but principal de les rendre fufcepribles de routes fortes de mouve- mens , & de pafler par tous les états poflibles à des hauteurs très-différen- tes, fans qu’il y furvienne aucun changement; de telle forte, qu'après une navigation quelconque , la même machine foit aufli en état d'entreprendre un nouveau voyage , qu'au moment de fon premier départ. Il arrivera au contraire, dans l'expérience dont nous nous occupons, que dès que le ballon , partant avec un excès de légèreté de plus de 15 à 20 livrés, aura évacué, en allant chercher le lieu de fon premier équilibre , une quantité, d'air inflammable furabondante à la preflion intérieure de 2 lignes de mercure à laquelle nous voulons le borner , ou dès qu'une augmenta- tion de chaleur ayant fait encore fortir une nouvelle quantité de gaz, celui ui reftera fera revenu à la température primitive, la machine aura fait pertes irréparables; & fi l'éroffe n’eft pas abfolumert imperméable à l'air inflammable , une caufe continuelle ajoutera encore à ces déperditions accidentelles, La machine aéroftatique dont il s’agit n’eft donc point en- tièrement propre à montrer tous les avantages du mécanifme qu'on y mecen ufage; mais l'emploi du ballon intérieur retardera du moins de beaucoup le terme de cette navigation, puifque, par fon moyen , on ré- duira les pertes aux feuls cas où elles feront inévitables, & que les diffé- rentes, marœuvres qui sexécuteront entre les limites que l'étendue du ballon intérieur met à fon ufage, n'en provoqueront point de nouvelles: il faut feulement introduire originairement dans la machine beaucoup plus d'air inflammable que ne le demanderoit l'exécution ftricte du moyen dont il s'agir, & le remplir même entièrement , en laiflant d'abord le ballon à air atmofphérique entièrement déprimé. La machine aéroftatique fera fufceptible par-là de porter an commencement un poids d'autane plus confidérable , & le plus approchant pollible de notre limite la plus forte , qu'on a vu être de 2048 livres; ce dont il s'en faudra que le poids total n'égale cette limite , conftituera l'excès de légèreté; & fi, comme nous avons déjà fuppofé, cet excès fe trouve d'environ 80 livres, la machine montant avec une vitefle d'environ 6 pieds par feconde, ira fe mettre en équilibre à une hauteur telle , que Le baromètre fe trouve environ ? pouce plus bas qu'à la furface de la terre ; ce qui donne une élévation d'à peu près 166 toifes. L’enveloppe aura alors le degré detenfion dû à la force de la foupape , & aura évacué en montant tout l'air inflammable furabondane 2 cette tenfon. Après avoir examiné fuccefivement tout ce qui tient à la conftru&tion Tome XXV, Pare, II, 1784. JUILLET, 02 60 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, prime de la machine , ainfi qu'aux opérations qui précèdent fon afcems 10n , il nous refte à la confidérer du moment qu'elle eft en l'air, pour nous. faire une idée nette de la fuite de fes manœuvres, & des effets qui doi-. venten réfulter, Si cette machine étoit imperméable au fluide léger qu’elle contient, & foumife à une température uniforme , nous avons vu qu'il auroit fu d’y introduire environ 24,683 pieds cubes d'air inflammable, & de la charger de manière , qu’avéc l'excès de lépèreté & la viteffe con- venables , elle füt fe mette en équilibre à une hauteur de 566 toiles, qui eft la plus grande d’où elle puiffe revenir à verre , à l’aide du: ballon inté-- rieur. Confervant dès-lors un état conftant, elle auroit permis aux Navi. gateurs de parcourir l’atmofphère pendant un temps illimité, foic en fe: tenant à la hautenr qui vient d’être défignée, foit en defcendant à volonté: à quelque pofition plus bafle, à l'aide du foufflec dont ils font munis, pour sy maintenir aufi long-temps qu'ils n’auroient pas intention d'en changer : mais bien des caufes empêchent abfolument cette immuabilité ,. qui feroit le terme de la perfeétion des machines aéroftatiques; & celle-- ci doit être regardée comme dans un état continuellement variable, par: les diminutions répétées qu'éprouvera l'air inflammable. Confidérons-la’ donc, pour un moment, dansune pofition quelconque , renfermant une certaine quantité d'air commun , que je fuppofe dans le ballon déftiné à: le contenir, & tendue par la preffion intérieure que la foupape déter- mine. La machine eft alors fufceptible de s'élever en évacuant une por-- tion de l'air atmofphérique ,oude s’abaiffer, fi l'on y en introduit de nou-- veau ; & l'étendue de ces mouvemens, déterminée par la grandeur du: ballon intérieur, finit aux deux points auxquels ce ballon feroit entièremenc: vide ou entièrement plein. I] y a donc pour chaque état de la machine: deux points très-remarquables. dans lefpace , puifque ce font les limites: hors defquelles l’équilibre fpontané ne fauroit avoir lieu. Nous.les nom-- merons, par cette raifon, limite fupérieure &c limite inférieure d'équilibre, Nous avons déjà vu que. quand la plus baffle fe trouve à la furface de: la terre, l’autre eft à une hauteur de 566 toifes ; & il eft aifé de démon-- trer que , quelque lieu qu'elles puiffent occuper l’une & l’autre, leur dif-- tance entre-elleseft conftamment la même. Il fuffit donc, dans tous les cas , d’envifager la pofition de lune de ces: deux limites , celle, par exemple, de la limite fupérieure, l’autre fe trou- vant conftamment à la.même diftance au-deffous. Or, cette limite fupé-- rieure étant évidemment le lieu où le ballon fe riendroit en équilibre, après avoir évacué tout l'air atmofphérique, & devenu-entièrement rempli d'air inflammable , il. feroit facile de la dérerminer pour chaque état de la machine, en confidérant à quelle hauteur dans l’atmofphère un volume d'air, égal à celui da ballon , auroit le même poids a@tuel que la machine entière , y compris l’air inflammable qu'elle contient, Le lieu des limites: d'équilibre dépend donc à chaque inftant du poids de l’aéroftar, & de la- SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS, 6r quantité d’air inflammable qu’il renferme ; & comme l'un & l’autre vone toujours en diminuant , 1 antens dont il s’agit s’élevetont continueile- ment pendant la durée de la navigation. ' S'il fe fait en effet une petite déperdition d'air inflammable, ou fi la machine éprouve un refroidiflement quelconque , il en réfulte néceflairemenc une diminution fucceflive dans la preflion intérieure, dont les Navigateurs s'appercevront facilement , & qui, amenant bientôt une diminution réelle dans le volume du ballon, feroit le préfage d’une defcente prochaine , fi on ne rétablifloit la tenfion de l'enveloppe, en jetant quelques poids inu- tiles ; fur quoi il eft à remarquer, que 15 livres de moins fuffifent pour faire naître dans la machine une preflion intérieure de deux lignes de mercure, & que la foupape n’érant pas fuppofée conftruire pour en fou- tenir d'avantage , fi l’on jetoit un poids plus confidérable , on occalion- neroit une nouvelle évacuation d’air inflammable, On voit par-là com- ment la déperdition de ce gaz , & la diminution du poids de la machine: font deux effets qui fe ferveur mutuellement de caufe ; & qu'ainfi la pe- fanteur totale de l’aéroftat diminuant par une double raifon , Le point de la limite fupérieure d'équilibre doit , comme nous l'avons dit , s'élever de plus en plus, On peut même rendre très fenfible la loi de cette élévation fuccefive, en confidérant que l'air inflammable confervant à peu près le même rap- port de pefanteur fpécifique avec l'air environnant , à quelque hauteur qu'on fuppofe la machine , parce que ces deux airs fe dilatent l’un & l’autre fuivant la même proportion , le poids du gaz renfermé dans le ballon fera toujours la fixième partie de celui de l'air déplacé , l'équilibre étant cenfé avoir lieu à la limite fupérieure, où le ballon intérieur doit être: entière- ment déprimé. Le refte des matériaux de la machine ou des poids portés par elle, formera donc alors les cinq fixièmes du poids de l'air déplacé, ou, ce qui eft la même chofe, ce poids furpaflera d’un cinquième la totalité de ceux qui chargent l’aéroftat, Le lieu de la limite fupérieure d’é- quilibre fe trouve donc toujours déterminé par le poids actuel de la ma- chine , puifque la pefanteur fpécifique de l’air de cette région diminue fui- vant le même rapport, & que les hauteurs du baromètre fuivent par con-- féquent la même loi. I eft aifé, d’après cela , de calculer d’avance les différentes. hauteurs de peuvent fuccellivement occuper les limites d'équilibre , fuivant les ifférens poids auxquels la machine fera réduite’ par degrés. Le tableau fuivant préfente un certain nombre de ces réfultats pour une fuite de poids dont les termes diminuent par des différences de 40 livres. Il fera toujours facile d’intercaler les xéfultats néceffaires pour des poids intermédiaires. = 62 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, ERA 0 OVER, RPREN EE. PE TABLE À u des hauteurs où doivent fe trou- ver les limites d'équilibre , fuivant Îles différens poids dont l’aéroftat fera chargé ; Calcuié dans les fuppofitions que le baromètre marque 28 | pouces à la furface de La terre, que l'air inflammable Joit fix fois plus léger que l'air commun, & que la tem- perature foit conflamment à dix degrés du thermomètre. D Hauteurs du baro-|Haureurs de Hfa| Hauteurs cor- fives du poids|pondantes du|mètre aux différen-|limite fupé-|refpondantes de la machiné,|poids dé Pairltes pofñrions de lafrieure d'équili-|de la limite in- non comprisique le ballon|limite fupérieurelbre au- deflus|ferieure d'équi-|y celui des “airs|déplaceroit à la| d'équilibre, du niveau ter-|libre au-deffus quelle ren-| limite fuperieu- reftré. du méme ni- erme. re d'equilibre. veau, Valeurs fuccef-| Valeurs corref- pouce, Lig. dixie. toif: pieds. 2048 Liv. | 2417 liv. | 28 ,0 o 2008 2409 27 54 82 1968 2361 26 10, ,9 166 1928 2313 54 1888 126$ 1848 2217 1808 2169 ——— rm a cu’ Wb + On © u a m4 O B bu m © OQ Î tif. pieds. 1788 214$ ZANUS 733 66 3 © o 1768 2121 2 DE 613 3 47 Q 1718 2073 3 ON GREY 709 0 142 3 1688 202$ 28 QUO! 539 806 4 240 ! | 16:8 1977 221116. 13 906 4 340 1! 1608 1929 20 1,8 |;1009 2 44 1568 1887 21 SU EU LETTTA NE? $47 5 1528 1833 LOTO ONE 2 NL 65$. 4 1488 1785 LOMAPAME UE EI 7 3 NO 766 3 | 1448 1737 19 9 ,5 | 1446 4 | S8o 7 1408 1689 190 2 :59 | 2563 3 597: o | 1368 1641 18 .18.,4 | 12693 3.{| 1127! © 1328 1593 TS x 9 |11807 14 L'1227 1 1288 154$ 7 MAT PRES ne CCE HR do EE 1248 1497 17 oo ,7 | 2067 o |“#ioo 3 1208 1449 n6: |. 6 li;rlp 2203, co | 646 D3 1168 1401 1 at #1 2343123 V5 777: 0 1128 1353 15 # ,0 | 2489 Oo | 1922, 3 1088 { 130$ 14001014 1 26394 Al 1207301 1048 1257 14.358 | 2796. © |:2229 3 1008 1209 13 9402 2958 ,2.| 2391,5 968 1167 13 CU AE 4 EE D ler tt do) 928 1113 12 ISA 2 USM 1402737200 888 106$ 12 EMEA A487 03 MIN2027r 210 848 1017 ln 7 or) es r13 212 ne ERENET TR EEE REE ER ESnES SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 63 Jemefuis déterminé d'autant plus volontiers à inférer ici ce tableau , qu'il préfente une idée nétte de toute la fuite de la navigation dont nous nous occupons, & qu'il peut même être très-utile aux Navigateurs pendant le cours de leur voyage. Il eft en effet très-ailé de dérermi- ner d'avance , avec exactitude , le poids des différens objets qui compos fent la machine; & fi l’on ajpris en outre!la précaution de difhofer Le Left par parties d’un poids connu, lon fera à tout inftanit en état de favoir au jufte le poids total de l'aéroftat , & par conféquent à quel terme durableau répond fon érat actuel, ou quels font ceux entre lefquels il tombe: on peut même facilement imaginer différentes méthodes de diftribuer Le left & d'en marquer les portions, de manière qu'en les jetant dans un ordre défigné, on fache toujours le poids de tout ce qui refte ; un plus long dé- tail à cet égard feroit fuperflu, On faura donc dès-lors quelles font à chaque inftant les limites d'équilibre entre lefquelles la machine peut fe placer à volonté , & le baromètre indiquant en même temps la hauteur réelle qu'on occupe, par la feule infpection des termes correfpondans de la troifième & quatrième colonne, qui peuvent fervir à cetufage, on verra facilement à quelle diffance on eft de chacune de ces deux limites, & qu'elle eft, pour le moment la quantité d'air armofphérique exiftante dans le ballon intérieur, dont l’état feroit fort diflicile à connottre fans ce fecours. Ce tableau montrera donc à chaque inftant, non feulement la pofñtion actuelle de Paéroftat , mais encore les bornes de celles qu’il peut occuper, fans changer de poids: il indique par conféquent auf la pelanteur que devroit avoir la machine pour s'élever à des régions qui feroient pour le moment hors des limites d'équilibre , & fert, en pareil cas , à déterminer au jufte combien de left il faut jetér pour gagner promptement une telle potion que les circonftances pourrôient rendre la plus convenable aux vues des Voyageurs, On peut donc regarder cet affemblage de réfulrars numériques, comme une vraie table nautique , néceflaire dans la naviga- tion aérienne ; & c’eft fous ce point de vue que je la préfente ici, en ob- {ervant toutefois que chaque machine exigera la conftruction d’une table différente; celle que je donne dans ce Mémoire, dépendant, comme on l'a vu, des dimenfions des deux ballons qui appartiennent au cas que nous traitons, J'ai divifé ce tableau en trois parties principales ; la première comprend tous les cas où la limite fupérieure d'équilibre étant moins élevée que 566 toiles, & la limite inférieure ne fe trouvant pas par conféquent plus haute que la furface de la terre, il fera toujours poffible à fa machine de defcendre tout-à-fait, pour remonter enfuite par la feule manœuÿre dù ballon intérieur. C’eft alors que l'aéroftat jouira de toutes fes facultés; & cette première époque du voyage durera d'autant plus, qu’on fe fera d’a- bord élevé moins haut, & que l'étoffe fera moins perméabie à l’airinflan- mable, Jai infcrit à part Le cas particulier où le poids de fa machine feroic 64 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, tel, que la limite inférieure d’équilibre fût jufte à la furface de la terre : il in- dique le moment où la conftraction, mile en ufage pour monter & def cendre à volonté, eft fur le point de perdre une partie de fes avantages, puifque , dans toute la fuite du voyage, elle n’eft plus fuffifante pour rame- ner la machine jufqu’à terre, & que tout l'efpace qui fe trouve au-deffous de Ja limite inférieure d'équilibre,ne lui eft plus acceflible, qu'enévacuant de l'air inflammable parune iffue placé: dans la partie fupérieure, comme on le pratiquoit d'abord ; moyen qui, comme on a vu, ne peut procu- rer qu'une defcente complete, fans qu'il foir pofMible , en en faifant ufage, de s'arrêter à aucune pofition itermédiaire. La feconde partie du tableau fe rapporte à la feconde époque du voyage, perdant laquelle la limite inférieure d'équilibre fe trouve plus haute que le niveau terreftre, & va en s’élevant de plus en plus par la diminution toujours continuée du poids de l'aéroftat. J'ai fuppofé que cette machine fût montée par trois perfonnes, & j'ai en conféquence terminé la partie du tableau dont il s’agit, au cas où le poids total feroir de 1083 livres , parce que c'eft en effet à peu prèsle moindre qu'on puifle fuppofer au fyfiême entier de la machine , chargée-du poids de rois perfonnes, & que ne por- tant plus par conféquent aucun objet inutile, elle feroit alors néceflitée à revenir à terre, On voit que , dans cette expérience, trois hommes peuvent être élevés jufqu’à 2540 toifes de hauteur, & qu'elle donne lieu, plus qu’au- cune autre de celles qui ont précédé, à des obfervations phyfiques crès- intéreffantes. La troifième partie du tableau fuppofe que le poids total puiffe encore diminuer de 240 livres: c’eft le cas où un homme feulement relteroit dans la machine, après avoir remplacé le poids de ceux qui le quitteroient par des objets fufceptibles d’être jetés en détail. La durée du voyage pour- roit être prolongée par-là d'environ un quart, & la hauteur acquife par l'aéroftat , augmentée de plus de 1000 toiles, mettroic le Navigateur à portée de faire des obfervations d'autant plus inftruétives. IL n'eft pas néceffaire de faire remarquer ici que la grande différence de l'air d’une région aufli haute, avec celui que nous refpirons , doit fuggé- rer quelques précautions à ceux qui entreprendroient de s’y élever. La hau- teur corre{pondante du baromètre, qu’on trouve fur notre tableau , réduite à près de 11 pouces & demi , indique qu’à une telle hauteur la denfité de l'air feroit diminuée de plus des quatre feprièmes ; de forre qu'il feroic imprudent de s’expofer trop promptement à une aufi grande vicifitude: mais il paroît en même temps, par l'exemple de ceux qui fe font élevés fur les plus hautes montagnes , qu'on peut, fans danger, fe foumettre à des preflions très-inégales, pourvu que ces changemens fe faflent par de- grés, & dans un temps aflez long. La principale précaution, dans le cas dont il s’agit ici, feroit donc de monter avec une grande lenteur vers ges régions fupérieures. Entre x SURIL'HIST. NATURELLE ET LES ARTS, 6$ Entre la foule des recherches qu’il feroit infiniment utile de tenter à des hauteurs confidérables , une de celles qui intéreffent le plus les Phyfciens , eft la connoiffance de la nature chimique de l'air des hautes régions de l’atmofphère, qui, par bien des raifons, paroît devoir être aflez diffé- rente de celle qui fe rencontre ici bas. Or, c’eft ce qu'il feroit très-ailé d’éclaircir, en vidant à une telle hauteur un vafe rempli d'eau, qu'on fermeroit enfuite avec un robiner très-exact. Un autre moyen , préférable peut-être , feroit d'ensporter un globe vide d’air , qu'on n'ouvriroit en- fuite qu'à une grande élévation, pour le refermer de nouveau. 1$ à 20 pintes de ce fluide fe réduiroient à 8 ou 10 , quand elles feroient tranf- portées dans nos laboratoires; mais ce feroit une quantité très fufhfante, pour en faire tout l'examen néceflaire; & celui qui nous rapporteroit ainfi une portion de cet air, que Les météores feuls ont habité jufqu'ici, rendroic aux Sciences un fervice vraiment utile. Mais revenons à l'objet principal de l'expérience que nous examinens, qui eft de donner à la navigation le plus de durée poflible. Or, on voit que la diminution du poids de [a machine, rendue néceffaire par la perte quel- conque d’air inflammable à laquelle elle fera fujette, eft ce qui l'approche par degrés du terme auquel fon retour fur la terre devientinévitable, Il faut donc apporter la plus grande économie aux quantités de left qu’on jettera, & ne faire de cette manœuvre qu'un ufage très-modéré , dans les circonf- tances fréquentes où la tenfion de l’écoffe, prête à s’anéantir, indiquera qu’on doit y avoir recours. Puis donc qu’en jetant feulement un poids de 15 livres, on feroit naître dans l'enveloppe une preflion intérieure de deux lignes de mercure, ainf que nous l'avons vu, on peut, avec beaucoup moins , entretenir une petite prellion , fufffante feulement à la permanence de l'équilibre , & fe borner , dans ces fortes de cas, à ne jeter à la fois que cinq livres. IL feroit donc à propos de partager d'avance le left en portions de cette pefanteur, fauf à en jeter plus fouvent ou un plus grand nombre dans les cas qui lexigeront. Dans les occafons où il fera queftion de s'élever, en ouvrant une iflue à l'air atmofphérique du ballon intérieur , on poutra le déterminer à fortir plus promptement, en faifant naître toute la preflion intérieure due à 1$ livres de left; & quand enfin l’on aura pour objet de fe porter à des points plus élevés que ne le permet la capacité du ballon intérieur pour le poids aétuel de la machine, on verra, par le tableau, quel eft le poids qui convient à cette nouvelle polition de la limite fupérieure d'équilibre , & par conféquent quelle eft au jufte la quantité de left à jeter pour y parvenir, en donnant en même temps iflue à l'air atmofphérique renfermé. ? Nous devons , avänt de terminer ce Mémoire , faire encore quelques calculs relatifs aux dimenfions du foufflet, & à la charge qu'il convient de lui donner. Or, on conçoit facilement que l'air que ce foufflet afpire pour Le porter dans le ballon intérieur , étant toujours de même denfité Tome X XV, Part. II, 1784. JUILLET. I 66 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, . que celui que la machine déplace , le poids que chaque coup de foufflet y ajoute , eft toujours dans un même rapport avec celui de l'air déplacé; c’eft à-dire , comme la capacité de ce foufflet eft à celle même de tout le ballon, Il fuit de là , que la defcente occalionnée par chaque coup de foufflet , eft conftamment la même, à quelque hauteur que fe trouve la machine; & fi l’on vouloit que cette defcente partielle fût, par exemple, d'une toife, on trouveroit, par un calcul très-tacile, que la capacité du foufflet doit, pour le cas actuel , être d’à peu près 6 pieds cubes 2 tiers; rélulrat qui ne s'éloigne pas beaucoup des dimenfions adoptées par MM. Robert; de forte qu'à chaque coup de foufflet leur machine doit def cendre de $ à 6 pieds environ: quant au poids dont il eft néceflaire de charger ce foufflet , il dépend abfolument de Ja preflion intérieure que le ballon doit conferver habituellement, & que le foufflet doit vaincre, pour y faire entrer de nouvel air. Si, par exemple, cette preflion doit être de 2 lignes de mercure, elle fera intérieurement contre chacune des feuilles du foufflet un effort égal au poids de mercure qu'il faudroit pour les couvrir fur 2 lignes d'épailfeur. Si l'on fuppofe donc encore qu'elles aient chacune ure fuperficie de 6 pieds carrés, l'effort que la charge doit vaincre, fera d'environ 80 livres. Il fuit de là que la conftruétion de cet inftrument doit être d’une certaine folidité , puifqu'il doit exercer fré- quemment des efforts aflez confidérables. Tousles calculs que nous avons faits jufqu'ici , ont toujours fuppofé emploi d’une foupape qui s'ouvre du dedans vers le dehors, & qui, à l'aide d’un reflort d’une force déterminée , ne permette pas à la preflion intérieure de s'élever au delà de certaines bornes, comme , par exemple, de 2 lignes de mercure. Mais fi, au lieu de cette foupape, on ne failoit ufage, comme dans les précédentes expériences , que d'un appendice, formant par le bas de la machine , entre elle & l’armofphère, une com- munication libre , qui ne feroit interrompue que quand les Navigateurs en tiendroient orifice fermé , les réfultats infcrits fur letableau que nous avons donné , n’en feroient pas moins exa@s. Il arriveroit feulement que la prefion intérieure devenant nulle beaucoup plus fréquemment, & toutes les fois que les Voyageurs abandonneroient , pendantun certain temps, le foin de l'appendice , il deviendra aufli plus fouvent néceflaire de jeter du left, pour empêcher des defcentes toujours prêtes à fe faire ; ce qui à cet égard abrégeroit d'autant la durée du voyage: mais, d'un autre côté, pour peu que l’étoffe für perméable à un certain point, il pour- roit y avoir queique avantage à n’entretenir habituellement aucune pref- fion dan: la machine , pour-ne pas ajouter à la tendance naturelle du gaz, poux s'échapper. On peut donc fe pafler de la foupape que nous avons ropofée, dans Le cas où l’étoffe feroir d’une nature très imparfaite ; mais alors le ballon intérieur ne feroit d’aucun ufage pour faire monter la machine ; aucune force ne endroit à en faire fortir l’air atmofphérique; SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 67 & le left qu'il faudroit jeter pour déterminer ce mouvement, agiroit précifément comme fi ce ballon n’exiftait pas. Ce mécanifme ne pourroic donc plus fervir que pour faire defcendre l’aéroftat , & perdroit par confé- quent la moitié de fes propriétés. I1 faut remarquer encore que la limite inférieure d'équilibre fe trouvant bientôt plus élevée que la furface de la terre , il deviendra dès-lors néceflaire, pour defcendre tout-à-fair, d’ou- vrir, par le haut de la machine, une iflue à l'air inflammable , & que la foupape, appliquée à la partie fupérieure , qu’on a toujours employée juf- qu'ici, & qui s'ouvre de dehors en dedans, par le moyen d’un cordon aboutiffant à la galerie , mérite à cer égard d’être confervée. Mais on voit par-là, que c’eft à jufte titre que , dans mon mémoire général, j'ai préféré une difpofition différente de la capacité deftinée à renfermer l'air atmof- phérique, Après avoir parcouru routes les méthodes poflibles, j’ai propofé de loger au contraire le ballon à air inflammable dans l'intérieur de l’au- tre; par-là, l’efpace occupé par l'air atmofphérique n'ayant jamais d’autres bornes que celles mêmes que lui prefcrit l'étendue totale de la machine, il n’exifteroit plus alors de limite inférieure d'équilibre ; & quelque pare que l’aéroftat füt porté , il pourroit toujours revenir jufqu’à rerre, ou occu- per toutes les pofitions intermédiaires , fans jamais évacuer d'air inflam- mable, C'eft donc un avantage de plus à ajouter à celui que j’avois remarqué d'éviter par ce moyen à l'enveloppe qui contient ce gaz léger , toute efpèce de tenfion propre à en accélérer la perte. Cette enveloppe feroit d'ailleurs à l'abri de toute infulte, & de nombreufes raifons fe réuniffent ainf pour faire regarder cette conitruction comme préférable à route autre. Quoi qu'il en foit, le ballon dont nous nous occupons aura toujours la fa- culté de fe mouvoir à volonté dans une étendue de $66 toifes, & de cher- cher dans cet intervalle la direction du vent qui lui fera la plus favorable, C’eft à l'expérience à montrer fi cette latitude eft fufhfante & proportion- née aux diftances que la Nature a mifes entre les différentes couches de vent. Il feroit également impoflible de déterminer d'avance quelle peut être la durée du voyage que fera cette machine, Cette queftion dépend abfo- lument du degré d'imperméabilité de l’étoffe qui y a été employée. Mais on voit, par le tableau inféré ci-deflus, qu'en la fuppofant chargée de trois perfonnes, la navigation finiroit quand l’air, déplacé par la ma- chine à fa plus haute pofñtion , ne peferoit plus que 130$ livres, ou quand le poids de l'air inflammable , toujours la fixième partie de celui que nous venons d'écrire , feroit par conféquent de 217 livres & demie. On voit d'un autre côté, que fi la machine part avec 80 livres d'excès de légèreté, & va en conféquence fe placer d'abord à une hauteur correfpon- dante au troifième terme du même tableau, elle déplacera alors 2561 liv, d'air commun; d'où il fuir, qu’elle contiendra 393 livres & d:mie d'air inflammable, Il faut donc qu'il fe perde 176 livres de gaz , pour que la Tome XXV, Part. Il, 1784 JUILLET, 12 68 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, navigation cefle, Or, la machine partie des Tuileries le 1°’ Décembre dernier, a perdu 7 livres d’air inflammable en un peu moins de deux heu- res, comme on a pu le voir par le calcul que j'ai donné à ce fujet dans le Journal de Paris. Puis donc qu'à parité d’étofle, les déperdicions qui fe font font en raifon compofée des furfaces & des preflions, & que le ma- chine dont il s'agit ici a une fuperficie un peu plus que double de celle du ballon des Tuileries, il ne nous manque que de connoître le rapport des preflions intérieures dues à la pefanteur des machines, qui font les feules que nous confidérerons ici, Nous avons déjà déterminé celle qui re- garde la machine actuelle, & nous l'avons trouvée de = de ligne de mer- cure. En faifant les mêmes raifonnemens fur celle des Tuileries, ontrouve que la preflion moyenne qu’elle éprouvoit, pouvoit être d’environ = de ligne. Combinant donc ce rapport avec celui des furfaces, il en réfulrera que la déperdition de la machine dont il s'agit ici , peut être triple de celle du ballon des Tuileries, c’eft-à-dire, qu'elle laifleroit échapper 21 liv. d’air inflammable en deux heures, & qu’il lui faudroit par cenféquent dix-fept heures pour perdre les 176 livres defquelles dépend le terme de fa navigation, On voit, par le même raifonnement, & en confultant le dernier termedu tableau , que , pour mettre la machine hors d'état de por- ter, même un feul homme, il faudroit qu’elle eût perdu 224 livres d'air inflammable ; ce qui donne vingt-une heures pour la plus grande durée pofible du voyage avec un feul Navigateur, Ce calcul fuppofe que , poux une machine donnée ,la déperdition d'air inflammable , évaluée ainfi en poids, eft la même à toutes fortes de hauteurs, & c’eft ce qu'il eft encore aifé de démontrer. En effet, à mefure que le poids de l’aéroftat diminue, la preflion qu'il occafonne contre l'hémifphère fupérieure, diminue dans le même rapport; mais la hauteur augmentant en même temps , la denfité de Fair ambiant , ainfi que celle de l'air inflammable contenu , décroiffent en- core dé même. L’écoulement de l'air inflammable eft donc dû continuel- lement à une force qui varie dans le même rapport que fa denfité, & il en doit par conféquent fortir des mafles égales en temps égaux , quelle quefoit la hauteur de la machine. Ce calcul au furplus eft néceffairement fort hypothétique , & dépend d'un grand nombre de chofes qu’on ne fauroit prévoir avec quelque cer- titude. Il fuppofe en effet que l'enveloppe a@uelle eft de même nature que celle qui fut employée aux Tuileries, & il peut à cet égard y avoir des différences. L’aétion de la chaleur peut encore influer beaucoup fur La déperdition de l'air inflammable , & d’une manière certainement incalcu- lable :maisiln’y a aucune raifon pour fuppofer les réfultats que nous ve- nons de donner, plutôt trop forts que trop foibles, & l'événement feul _peut prononcer, . Je terminerai ce Mémoire , en faifant obferver que les différens cal- culs que j'y ai misen ufage , ne doivent pas non plus être regardés comme d’une exactitude rigoureufe, Le baromètre eft rarement à 28 pouces jufte; SUR L'HIST, NATURELLE ET LES ARTS. 69 la température eft fouvent fort différente de celle de 10 deorés, fur la- uelle j'ai toujours compté; elle varie prodigieufement à des hauteurs différentes , & l'air inflammable peut avoir un degré de légèreté différent de celui que je lui ai fuppofé. Enfin , je n'ai jamais tenu compte de la reffion intérieure de 2 lignes de mercure, quand il s’eft agi d'évaluer les poids des mafes d'air renfermées dans la machine , parce que cette pref- fion fera naturellement très-variable , & toujours exceflivement petite , par rapport à celle de l'atmofphère ; mais, en pareille matière , il eft impof- fible de fe conduire autrement qu’en prenant fur chaque objet la moyenne la plus vraifemblable , & il n'en peut réfulter au furplus aucune erreur de quelque importance pour les objets que nous avons eus en vue, EXTRAIT des Regiftres de l’Académie Royale des Sciences , du 3 Juillet 2784. Les Commiflaires de l’Académie nommés pour examiner un Mémoire de M. Meufnier fur l'équilibre des machines aéroffatiques à air inflammable ; Jur les moyens de Les faire monter & defcendre, & fpécialement [ur celui d'exe- cuter ces manœuvres, fans jeter de lefl G& fans perdre d'air inflammable , en ménageant dans le ballon une capacité particulière deflinée à renfermer de l'air atmofphérique; préfenté à l'Académie le 3 Décembre 1783, & que M. Meufnier a demandé d'imprimer , en ont fait le rapport fuivant. » Dans ce Mémoire, M, Meufnier expofe les principes fur lefquels eft établi l'équilibre des aéroftats à air inflammable dans l’atmofphère, & fait voir , d’une manière très-claire , que les moyens que l’on a employés jufqu'ici pour Les faire monter & defcendre, ne peuvent leur procurer la faculté de refter d'une manière fixe dans les couches de l’armofphère où on fe propoferoîit de les faire demeurer. Ayant fait voir l'infufffance de ces moyens à cet égard, il expofe, avec La même clarté , ceux qui font indiqués dans le titre de fon Mémoire, pour y fuppléer, & prouve évi- demment que, par ces moyens, on peut, après avoir une fois déterminé la plus grande hauteur où l’on veut s'élever, refler exactement dans telle couche qu’on voudra, defcendre dans une autre , &, fi l'on veut , y refter de même, remonter encore , &c. Ces manœuvres font d'autant plus im- portantés, qu’elles mettent à portée de louvoyer, fi cela fe peut dire, de haut en bas, & de bas en haut , & de fe fixer dans l'air de vent dont la direction paroït la plus conforme à la route que l’on veut fuivre. D’après cet expofé, nous croyons que l'Académie a pu prendre une idée du Mémoire de M. Meufnier, & des raifons qui nous le font croire très- digne de l'impreflion. Fait dans l'Académie des Sciences, le 3 Juillet 1784. Je certifie Le préfent extrait conforme à l'original & au Jugement de l'Académie, À Paris, ce 3 Juillet 1784. Signé le Marquis DE CONDORCET. 70. OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, SUITE DES EXTRAITS DU PORTE-FEUILLE DE M. L'ABBé DICQUEMARE, MÉMOIRE Sur l'orgenifation des parties par lefquelles certains mollufques s’attachent & faififfent leur proie. Sr ROIT-1L poflible d’appercevoir de beaux effets, fans défirer d'en connoître la caufe, fur-tout lorfqu'on préfume que cette connoiflance pourroit donner lieu à des applications utiles ? Comme les grands polypes marins, les cornets, les sèches , certains vers , les petits polypes d'eau douce, & quelques autres animaux aqua- tiques, les anémones de mer ont le pouvoir de faifr leur proie au paflage, par la feule application de leurs membres ; mais cette propriété de s’atta-" cher par Le fimple contact, eft plus étendue, & le mécanifme en paroît plus multiplié, plus varié chez elles que dans les autres; elle y eft com- mune aux membres , à la robe, à la bafe, en un mot, à toute l'habitude du corps de l'animal , & y fert même à diférens ufages. Le mécanifme par lequel elle s’opère dans les grands polypes marins , étoit facile à faifir , à caufe de la grandeur & de la forme he inftrumens. [n'en cft pas de même de l’organifation merveilleufe & variée qui procure aux anémones de mer la facilité de faifir la proie, de fe former une cuirafe, & de s'attacher avec force par la bafe & par les côtés. Je vais donc l'in- diquer ; elle me paroît d’ailleurs très- propre à nous inftruire fur ce que peut être celle des polypes d’eau douce, fur laquelle on ne nous a donné que des conjeétures, & même celle des floriformes & autres animaux d'une petiteffe ou d’une délicatefle extrême, dont la mer eft remplie. Qu'ilme foit permis de faire remarquer que, lorfqu'on n’eft pas dans l'habitude d’obferver , on pourroit croire qu'il fuffit d’avoir de bons mi- crofcopes, pour tout voir, On n'imagine pas que la traniparence plus ou SURIL'HIST. NATURELLE ET LES ARTS" 7x1 moins grande de quelques objets, qui favorife à certains égards, fait fou- vent obftacle à une vifion parfaite ; que lorfqu'on obferve dans l’eau des animaux vivans, il naît he illufions d'oprique, & qu’ordinairement un concours de circonftances favorables de repos , de mouvement, de pof- tions, de lumière, de couleurs, d’accidens, de décompofition même, eit néceflaire pour appercevoir ce qu'on a intérêt de connoître. Je ne rougi- rai donc point d’avoir obfervé , pendant quatorze ans & plus, les ané- mones de mer, fans avoir apperçu le vrai mécanifme par lequel elles s'at- tachent, & qu’il nous étoit important de connoître , pour nous fami- liarifer avec les pofibilités, & peut-être, en limitant, acquérir de la fa- cilité dans certains Arts. On a dit que c’éroit par une glu que les anémones de mer s'attachoienr. Je crois avoir prouvé précédemment que ce moyen n’eft pas celui qu’elles emploient, Quoiqu’elles foient abondamment pourvues d'une fubftance à peu près femblable à celle qui enduit le poiffon , jamais il ne m'eft arrivé, après avoir long-temps touché, même à fec, plufieurs grandes anémones qui me faififloient les doigts, que l’un de mes doigts pofé fur l’autre, s’y foit attaché ou ait fait la moindre réfiftance, & on n'appercevoit rien du toutfur ma ‘peau, Je n'ai donc jamais pu croire que ces animaux s'atta- chaffent par une glu. C’eft principalement fur les groffes anémones de mer de la feconde efpèce que j'ai tenté dernièrement de découvrir le fecret. Ces animaux faififlent, comme plufeurs autres , la proie par le fimple contact de leurs membres ; mais l’organifation de ces membres eft fi déliée, que je n’y avois apperçu aucun organe diftinét par lequel ils puffent produire cet effet. Ces ané- mones s'attachent aufli les corps qui touchent leur robe, & pour cela, font ufage de certains mamelons dont elles font pourvues, & fe forment ainfi une cuirafle compofée des débris de tous les animaux qu’elles ont tués & mangés. On y voit ceux de l'armure des cruftacées , redoutables, par leurs pinces, à tant d’autres animaux , & à l'homme même, lorfqu'il cherche à les faifir: on y apperçoit de même des fragmens des teftacées fi bien défendus , des écailles de poiffons forts & agiles, des coquilles de moules & autres bivalves , que nous ouvrens difficilement avec des inf- trumens. Quel trophée pour un animal mou & fans armes ! C’eft la peau du lyon dont Hercule fe décore. La figure 1°*° (1) repréfente l’une de ces anémones attachée fur des cailloux dans le fable , & en partie recouverte de fon armure: on y apperçoit aufli les plus gros mamelons qui fervent à cet ufage. Je dis Les plus gros, car entre ceux-ci il yen a un plus grand G) La planche qui appartient à ce Mémoire a été inférée , par inadyertence , dans le cahier de Juin, auquel il faut avoir recours. 72 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, nombre de petits, En examinant ces mamelons avec de fortes loupes, on n'y apperçoit point de trou, & leur organifation eft au moins aufli fine que celle des membres. On voit donc très-diftinétement , comme je viens - de le dire , que ces mamelons font les inftrumens avec lefquels les ané- mones de mer failiffent fortement Les corps , & les retiennent des femaines, des mois, des années , & même des fuites d'années, On voit qu’en un inf- tant elles ceflent de les retenir, & qu'alors ils tombent par leur propre poids. On comprend bien que l'anémone ne fait pas un grand effort ha- ‘bituel pour Les retenir, qu'elle les ranime feulement au befoin. ls tiennent fi fort dans ce cas, qu'il eft impoflible de les en arracher. Cependant on n'apperçoit rien du mécanifme par lequel ces inftrumens produifent cet effer, & on eft arrêté, même déconcerté , lorfqu'on ne veut pas s’en tenir à des conjeétures. J'ai donc été obligé d'attendre l’un de ces momens où la Nature femble fe prêter à fatisfaire nos défirs. Une anémone plus grofle de moitié que celle de la figure première, que j'avois récemment pêéchée, s'étant trouvée bleflée, & fe tourmentant beaucoup, me fit voir fes ma- melons fi faillans , que je fus tenté de les obferver de nouveau , & j'é- prouvai la même difficulté à en reconnoître la texture ; mais ils prirent différentes formes : je les vis, au lieu d’être faillans en forme de boutons, devenir concaves , comme la cupule d'un gland. Je remarquai, mieux que je n'avois pu le faire, qu'ils font formés par la membrane qui eft fous la robe. Cette robe eft percée , & le mamelon fort par l’ouverture comme une pierre de fon chaton & de la fertiflure qui la retient , ou comme un œil de fes paupières; ce qui le fortifie. La membrane qui forme ces mamelons, mife en action par des mufcles circulaires & longitudinaux qui fe croifent à angles droits, fervent à y former des cavités & des plis plus ou moins oblongs, qui fe répètent fur la robe. Celle-ci eft encore parfemée de petits boutons prefque imperceptibles, qui rempliffent les incerftices des grands; & la fuperficie de tous ces tubercules , vue avec de fortes loupes, ne paroît pas parfaitement lifle; ils font légèrement chagrinés, & ce cha- griné eft fans doute une multitude d'organes à peu près femblables. aux plus grands. Il eft aifé de comprendre comment , avec de pareils inftru- mens, une anémone de mer peut s'attacher fur fa robe les petits corps dont elle fe forme une cuirafle , aflez fortement pour qu’on ait de la peine, qu'on ne puifle même parvenir à les détacher. Ces mamelons , appliqués fur une furface, & ceflant d'être convexes , pour devenir concaves, font l'effet de ventoufes ou du cuir mouillé avec lequel les enfans lèvent des cailloux de la molette des Peintres , qui s'attache fi fortement à la pierre, qu'on peut l’enlever avec , &c. L'application parfaite, la concavité & la ma- tière vifqueufe des anémones de mer produifent les mêmes effets, qui s'exécu- tent, de la part de l'animal , avec autant & peut-être plus de: facilité que n’en ont les doiots de l'Organifte. Ajoutez, comme je l'ai dit dans un autre démon. SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 75 autre Mémoire, que les bords de ces cavités font comme des lèvres qui fe plient & replient, pour s’accommoder à toutes les furfaces ; elles pren- nent même aifément la figure anguleufe ou étoilée de certaines cavités de polypiers , &c. Voilà donc pour la robe ; examinons fi le mécarime qui procure l’adhérence des membres eft le même. L'organifation femble y être différente: je n’ai pu y appercevcir de mamelons, Cependant la peau n’en ‘paroît pas life à la loupe; ce qu'on y apperçoit aflez facilement, c’eft la faculté de fe ftrier & de former des ca- vités oblongues , qui donnent à ces membres à peu près la forme d’un épi de maïs ou blé de Turquie, dont on a retiré Les grains. Ces cavités , jointes aux applications parfaites de leurs bords & des parties voilines, aidées de la matière vifqueufe, peuvent procurer l’adhérence, Combien ce mécanifme n’eft-il pas admirable & caché, par fa fimplicité, par la promptitude & l'efficacité de fes effets ! Toucher & faifr la proie ne font qu'une même chofe. Quant à ce que je vais dire de la bafe, il pourroit être accompagné d'une bonne figure, que j'ai deflinéc depuis long-remps, & qui repréfente les différentes crifpations que prend cette partie failie dans un moment avantageux: mais cette figure À quoiqu'intéreffante, ne paroîtra point ici; elle demande à être gravée fous mes yeux, & à être expliquée d’une manière toute particulière, On peut fe contenter de celle que je vais produire, & qui fera plus fenfible. Dans l’état ordinaire, cette bafe paroît unie ou légèrement rayonnée; & fi on l'obferve attachée contre un verre, elle ne Laifle appercevoir rien qui puifle faire foupçon- ner d'autre moyen d’adhérence , qu'une fimple application, aidée d'une matière vifqueule : mais fi on confidère qu'il eft prefque impoñible de dé- tacher les anémones de la feconde efpèce de deflus les cailloux, même liffes, fur lefquels elles font quelquefois attachées, fans les déchirer, & ue plus on fait d'effort, plus l'animal de fon côté fait de réfiftance , juf- qu’à fe laiffer déchirer; oneft perfuadé qu'il emploie pour cela quelque moyen qu'on ignore, J'ai très-fouvent détaché, avec toute la patience & ladreffe dont j'étois capable , de ces anémones. Je l'ai fait à la lumière du foleil ; je fortifiois ma vue par des verres, & je n’appercevois qu'une quantité fort grande de petites lames qui fe détachoïient fucceflivement : c'étoit la matière vifqueufe , & tous les organes, de l’exiftence defquels je ne pouvois m'aflurer, éroient retirés à mefure que l’animal lâchoit prife ; de forte que je ne voyois rien qui püt me fatisfaire. Mais une anémone fouffrante m'a dévoilé le myftère ; ce font, comme on peut Île remarquer dans la figure 2, des mamelons femblables à peu près à ceux de La ke - & plus proches les uns des autres, comme les baies réunies qui forment la furface de la framboife. IL eft certain que les grands polypes marins qui s’attachent fi fortement, ne le font que par des organes formés à peu près comme la cupule d'un Tome XXV , Part, Il, 1784. JUILLET. K 74 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, gland. Je dis à peu près, parce que ces inftrumens ont une rentrée dans le milieu; la peau qui les forme renferme un cartilage où je n'ai jamais pu appercevoir de trou: d'où on doit conclure qu’il n'y a point de fuccion, à moins, ce que je ne crois pas , qu'elle ne s’opérât par Les pores de la mem- brane au bord intérieur de ces organes. J'ai coupé le cou à de grands po- lypes marins; & comme leurs membres naiffent de la tête, l’un & l'autre éroient féparés du corps; les membres, après cette opération, me failif- foient encore le poignet & le bras avec une force étonnante ; leurs organes S'appliquoient avec autant , ou prefque autant de force que fi l'animal eût été entier, & moccafionnoient des rougeurs momentanées. On pourroit croire que la prétendue fuccion auroit encore lieu, parce qu'une partie confidérable de l'animal qu'on voit fe mouvoir ainf, auroit une organifa- tion aflez générale pour fucer; mais un feul membre , une partie de membre s'attache de même. On penferoit peut-être qu'il refte à même affez d’organifation pour que la fuccion ait lieu; mais ce qui doit ache- yer de convaincre, c’eft que, lorfque l'animal eft mort, que l'on en fé- pare un membre, le tout ou la partie ne donnant abfolument aucun figne de vie, fi on applique le doigt {ur lun de ces organes, il y tient encore. Ce n'eft pas ici l'effer de la matière vifqueufe; les poiffons qui en font les mieux pourvus ne retiennent jamais Les doigts des Pêcheurs. Les mollufques ne font pas les feuls animaux aquatiques qui ont la propriété de s'attacher fans le fecours de la fuccion , & par des organes concaves , ou qui peuvent prendre cette forme. J’ai defliné un poiffon, rare dans Les parages du département du Havre, & peu connu des Ich- thiologiftes , qui a fur la poitrine un organe de 3 pouces & demi de lon- gueur fur 3 pouces de largeur, moyen, membraneux, tendineux & car- tilagineux , formé à peu près comme une coquille dont la concavité feroit en dehors, & la convexiré un peu engagée dans la peau; de forte que fes bords en font détachés. Le poiffon étant mort, j'en ai féparé cet organe; & en l'appliquant fur un carreau de marbre pefant huit livres, j'enlevois ce carreau , & j'aurois pu en enlever un beaucoup plus pefanr. Ce qui s'opère en grand ici, S'apperçoit dans prefque tous les mollufques, & jufque dans les Aoriformes , dont l’organifation merveilleufe ne peut être apperçue que par fes effets, Li SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 75 RÉPONSE DE UT NE ES REINE MB TUE RE Bibliothécaire de la République de Genève , A M. LE BAron DE MARIVETZ, Monsieur, J’aienfin achevéla lecture de la longue Lettre que vous m'avez fait l'honneur de m’adrefler dans le Journal de Phyfique , pour répondre au paragraphe d’une de mes Lettres particulières , que vous avez non feulement cité fans ma participation, mais que j’avois encore défapprouvé , dans une réponfe que je fis à la Lettre où vous m'apprites votre deflein d'examiner mes Mémoires du Journal de Phyfique , relatifs à vos opinions fur la lumière, Vous vous êtes ainfi procuré , malgré moi, le plaifir de la difpute ; per- mettez-moi de jouir, malgré vous, de celui du filence. Le Public, fu- famment inftruit par votre Réponfe & mes Mémoires , trouvera peut-être la vérité. Vous me renvoyez , Monfieur , à vos Ouvrages, pour y étudier les preuves de vos opinions. Je vous l'ai toujours dit naïvement , elles ne fauroient me convaincre; mais, à votre exemple, je vous renvoie aufli au fecond Livre Philofophie Naturalis Principia Mathematica, Auflore Ifaaco Newtono, pour y mefurer la folidité de la bafe fur laquelle repofe l’exiftence du vide. Tant que vous n'aurez pas démontré mathématiquement que Newton fe trompe , en démontrant mathématiquement l'impofhbilité du plein, vous me permettrez de renvoyer l'examen de votre réponfe , qui exige, comme vous l'obfervez fort bien, qu'on ait des principes communs. Etudiez donc , avec votre fagacité, lib. 2, fe&t. vir, prop. xxxv, probi. vir ; fémedium rarum ex particulis quam minimis quieftentibus æquali- bus & ad æquales ab invicem diftantias liberè difpofêtis conflet : invenire refif- centiam globi in hoc medio uniformiter progredientis, Après la folution de ce problème, vous trouverez la fcholie qui en eft un développement, & qui me femble rout-à-fait digne de-votre attention. In hac propofitione expofui refiflentiam € rerardationem projettilium fphæ- ricorum in mediis non continuis | & oflendi quèd hec refetentia fit ad vim Tome XXV, Part. II, 1784. JUILLET. Kk 2 + 76 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, qu& Lotus globi motus vel 1olli poffir, vel generart, quo tempore globus duas ter- rias diametri fu partes velocitate uniformiter continuat4 defcribat, ut denft- tas medit ad denfitatem globi, f? modo globus & particulæ medii int furmmè elaflica Ë vi maximé refleerdi polleant : quodque hec vis fit duplo minor ubi plobus & particule medit funt infinitè dura & vi refle&tendi prorfis def- tituta , in medis autem continuis qualia funt aqua, oleum calidum , 6 ar- gentuum vivum in quibus globus non incidit immediate in omnes fluidi par- ciculas refiffentiam generantes, [ed premet tantäm proximas particulas , & hæ premunt alias & hœ alios, refiflentia eft adhue duplo minor, Globus utique in hujus modi mediis fluidiffimis refiflentiam paricur quæ ef ad vim qué votus ejus motus vel tolli poffit, vel generari quo tempore , motu illo uniformiter con- tinuato , partes oëlo tertias diametri [uæ defcribat, ut denfitas medii ad denf- tatem globr, Td quod ex fequentibus conabimur offendere. Enfin , jugez la conclufion tirée par Newton de la prop. xL, Probl. 1x, après plufieurs expériences. Et proptereà fpatia cæleflia per que globi planerarum & cometarum in omnes partes liberrèmè & fine omni motës diminutione fenftbili perperud mo- ventur fluido omni corporco deflituatur, [? fortè vapores longè tenwffimos G tra- jeëlos lucis radios excipias, Quoi qu’il en foit, Monfieur , vous pourvoirez toujours très - agréable- ment aux plaifirs de mon efprit par la le@ure de votre Phyfique élo- quente, & à ceux de mon cœur par les fentimens d’eftime dont vous paroiflez m'honorer, Je fuis , &c. L'ET TRE DE M. SENEBIER, Bibliochécaire de la République de Genève, Re NE UR NU GE PN'ETE OEUNSEZ" Médecin de Sa Majeflé Impériale, Membre de la Société Royale de Londres, A l'occafion des Obfervations fur l'eau imprégnée d'air fixe, de différens acides, publiées dans le Journal de Phyfique du mois de Mai 1784. MoxsreuRr, J'ai fait, ilya long-temps ; Ce que vous défirez dans les obfrvations für l'eau imprégnée d'air fixe & de différèns acides, inférées au Journal de SUR L'HIST, NATURELLE ET LES ARTS. 77 Phyfique pour le mois de Mai 1784 Tandis que vous failiez à Vienne, pendant l'été de 1783 , les expériences que je viens de lire, j’en publiai de femblables à Genève , avec des réfultats parfaitement parallèles aux vôtres, dans mes Recherches fur l'influence de la lumière folaire | pour mo- difier l'air fixe en air pur par la végétation , avec des expériences & des confi- dérations propres à faire connoître la nature des fubffances aériformes , qui furent publiques à Genève au mois de Juillet 1783, & dont vous auriez u voir une notice analytique dans le Journal de Phyfique du mois de HAT pour la même année, de même qu’un extrait raifonné dans le Journal des Savans pour le mois de Janvier 1784. Je fuis étonné que vous n’ayez pas remarqué que je ne regardois les ob- fervations que vous cirez fur les eaux acidulées avec les acides minéraux, rapportées dans Le premier volume de mes Mémoires Phyfico-Chymiques, publiés en 1782 ,que comme des eflais bien éloignés de me fatisfaire : aufli je m’en occupai immédiatement après ; & vous trouverez , dans l'Ou- vrage que je vous indique, mes eftorts & leurs effets : j'y ai même fait connoître la caufe de l'erreur que vous ne me reprochez avec fondement, que parce que vous ne favez vraifemblablement pas que je lai recon- nue & corrigée. La lecture de vos obfervations na fait le plus grand plaifir; elles démontrent, fans concert, la folidité des miennes, puifque vous les aviez publiées dans l’idée de me combattre. Je fuis enchanté d’avoir vu comme vous: vous êtes dans le nombre des Phyficiens qui honorent le plus la Phyfique par des découvertes brillantes & utiles, Ce fera certaine- ment pour moi un bonheur de me rencontrer avec vous fur quelques füjets , parce que ce fera toujours pour moi une preuve que je fuis dans le chemin de la vérité, que nous cherchons avec la même ardeur. Permetrez-moi de vous remercier de l'indulgence & de lhonnêteté avec laquelle vous parlez de mes petites produ“tions; faites-moi efpérer que je pourrois profiter de vos confeils & de vos avis, Je fuis, &c,. sx fo = 78 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, NOUVELLES LITTÉRAIRES. E LÉMENS de Mathématiques a l'ufage des Colléses des Pays-Bas ; par M. BourNoNs , de ? Académie Impériale & Royale des Sciences G& Belles- Lettres, Profeffeur Royal de Mathématiques au Collège Théréfien. À Bruxel- les , de l’Imprimerie Académique, première partie, contenant le prin- cipe du calcul en nombres entiers. Nous avons un grand nombre d’élémens de mathématiques ; mais on ne fauroit trop les multiplier : il en faudroit prefque autant qu'il y a de comimençans qui défirent apprendre les mathématiques & veulent les apprendre fans maître, Un efprit prompt & facile à concevoir, demande de la brièveté dans l’expofé & dans les preuves. Un efprit plus lent défire au contraire un expofé plus long , & veut qu'on lui donne la folution. C'eft à quoi l’Auteur s’eft attaché dans l'Ouvrage que nous annonçons; les calculs y font expofés au long, de même que les preuves, & M. Bournons nous paroît avoir rempli les vues de J. J. Rouffeau. C’eft un fervice rendu aux Mathématiques , que d’en faciliter la connoiffance au plus grand nombre de ceux qui défirent les apprendre, Recherches & doutes [ur le Magnétifine animal ; par M. THOURET, Doéleur. Régent de la Faculté | & Membre de la Société Royale de Médecine, À Pa- ris, chez Prault , Imprimeur du Roi, quai des Augultins, 1784. On rendra un compte détaillé de cet Ouvrage fingulièrement intéreffant, approuvé par un rapport très-favorable de la Société Royale de Médecine, dans le Journal prochain. Zez Maydis morbus ad uflalisinem vuled relatus. Auëlore Franc. Jacob. JMHor. Argentorat, die 11 Juin. 1784, in-4°. de 3$ pages, avec une planche. On trouve dans cette Differtation l’hiftoire très-détaillée d'une mala- die qui attaque affez fouvent les épis du blé de Türquie, & qui eft une efpèce de carie. La pouflière noire qui eft contenue dans les tumeurs qui ont lieu dans ce cas, eft examinée avec foin, & les animalcules qu’elle produit font aufli décrits. L’analyfe chimique vient enfuite; les différentes efpèces d'air qu'on obtient de cette pouflière font décrites; Les effets de SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 79 cette même pouflière fur les animaux , la caufe de la maladie, L'amputa- tion des parties malades eft le feul remède qu'on puifle employer pour empêcher les plantes faines d'être attaquées de la même maladie, The Hiflory of Sumatra , &c. Hifloire de Sumatra , contenant une defeription des Loix, du Gouvernement, des Ufages & des Coutumes des Habitans de cette Ifle, avec une deféription des produffions de la Nrture, & une Hifloire Politique ancienne de certe Ifle; par M. W. MARSDEN , de la Société Royale de Londres , ci-devant Secrétaire du Confeil du Fort Mart- borough , feconde édit, Londres 1784 , in-4°. avec une carte géovra- phique, de 373 pages. Antoni Michelit, &c. Difquifitio Phyfiologica, Gc. Difquifition Phyfro- logique des caufes de la refpiration ; par Antoine MICHELITZ, Doéteur en Médecine , Confeiller de l'Empereur, Profeffeur Royal de Médecine & de Matière Médicale dans l'Univerfité de Prague , 1783. À Prague, chez Gerle ; à Strafbourg , chez Kænig; in-8°. de 72 pages. Le problème des caufes de la refpiration eft encore à réfoudre; vaine- ment les meilleurs Phyfiglogiftes ont tenté d'en donner la folution ; juf- qu'à préfent nous n'avons lä-deffus que des hypothèfes ingénieufes, & nous fommes encore forcés d'avouer notre ignorance, M. Michelitz ne prétend pas non plus, dans cet Ouvrage , décider un point fi difficile; fon bureft feulement de recueillir les opinions de ceux qui l'ont devancé. Il ne donne au Public qu'un feul chapitre eflentiel de Phyfologie, qui offre, dans trente-quatre paragraphes, enun feultableau , tout ce que les Auteurs ont dit pour rendre raifon du mouvement alternatif de la refpiration. On peut rapporter à deux claffes Les {entimens de ceux qui fe font occu- pés de cet objet. Les uns ont regardé l'ame feule comme le mobile du mouvement alternatif de la poitrine ; les autres ont eu recours à des caufes plus mécaniques. M. Michelitz rapporte ainfi, fous deux divifions, toutes les opinions pour & contre : il recueille, il confronte , il compare ; il donne les argumens & les objections; il finit par avouer fes propres doutes & fa propre ignorance , en ajoutant cependant qu'il préféreroit à tout autre fen- timent , celui qui regarde le ftimulant de l'air comme mettant le jeu dans les organes de la refpiration. Selon ce fentiment, l'air qui entre dans la poitrine excite fur les nerfs très-fenfibles des narines, de la rrachée- artère &, des poumons, une impreflion, par la force de laqueile les nerfs des mufcles de la refpiration font aufli affetés & obligés de dilater la poi- trine, C’eft ainfi que , dans l'éternuement , les nerfs de la refpiration font aufñli affectés par la fympathie qui règne entre eux & les olfactifs, 80 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE , &c. TABLE DEs ARTICLES CONTENUS DANS CE CAHIER. R E MARQUES [ur l'origine & La nature de la Matière verte de M. Prieflley, fur la produ&lion de l'air déphlogifliqué par le moyen de cette matière, 6 fur le changement de l'eau en air déphlogifliqué ; par Jean INGEN-Housz. Page 3 Suite des Obfervations & Expériences de M. KiRwAN 5 traduites par M. L. D.B. de l'Académie de Dijon. 13 Mémoire [ur le Spath phofphorique calcaire d'Apremont ; par M. NicoLas, Profeffeur de Chimie a Nancy. 28 Suite du Mémoire fur Les Nuages parafîtes ; par M. DUCARLA. 31 Mémoire fur Péquilibre des Machines aéroflatiques , fur Les différens moyens de Les faire monter & defendre , & fpécialement fur celui d'exécuter ces ma- nœuvres, fans jeter de lefh 6 fans perdre d'air inflammable, en ménageant dans le ballon une capacité particulière , deflinée à renfermer de P air at- mofphérique ; avec une Addition contenant une application de cette théorie au cas particulier du Ballon que MM. Robert conftruifent a Saint-Cloud, € dans lequel ce moyen doit être employé pour la première fois 3 par M. MEUSNIER , Lieutenant en premier au Corps Royal du Génie, & de l'Académie Royale des Sciences. 39 Suite des Extrairs du Porte-Feuille de M. l'Abbé DICQUEMARE. Mée- motre fur l'organifation des parties par lefquelles certains mollufques $’at- tachent G faififfenr leur proie, : 79 Réponfe de M. SENERIER, Bibliothéçaire de la République de Genève, à M. le Baron DE MARIPETZ. 75 Lettre de M. Jean SENEBIER , Bibliothécaire de La République de Genève, à M. INGEN-Housz, Médecin de Sa Majeflé Impériale, Membre de la Societé Royale de Londres, a L occafion des obfervations fur l’eau impre- gnée d'air fixe, de différens acides , publiées dans le Journal de Phyfique du mots de Mai 1784. j 76 Nouvelles Littéraires, 78 APPROBATION. J'x lu , par ordre de Monfeigneur le Garde des Sceaux, un Ouvrage qui a pour titre : Oëfervations fur La Phyfique, fur l'Hiftoire Naturelle & fur Les Aris, Ëc.; par MH. Rozier & MoNcez le jeune , &e. La Colleétion de faits importans qu’iloffre périodi- quement à {es Leëteurs, mérite l'accueil des Savans; en conféquence, j’eftime qu’on peut cn permettre l’imprefion, A Paris, ce 22 Juillet 1784. VALMONT DE BOMARE. SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS, St SU PP LÉ MENT ‘AU CAHIER DE JUILLET 1784 DE ce JourNAL (1). Nota. Les Planches I & IT, qui fe trouvent dans le Cahier de Juiller dernier , appartiennent aux deux Mémoires fui- Vans, qui, par erreur, n'ont point été inférés dans ledis Calier. OBS ER AST IV ON Sur un Agneau né fans tête 6 fans extrémités antérieures, O: a foutenu le 15 Décembre , aux Ecoles de la Faculté de Médecine de Nancy, une Differtation fur un monftre fait pour étonner tous les Phy- fiologiltes, IL a été mis bas à Saulxures, près de Nancy ,le 11 Décembre 1783, par une brebis, avec un autre agneau bien conformé, La defcrip- tion extérieure fera faifie facilement, à la feule infpection de la fioure, PI, I de Juillet 1784. On obfervera feulement qu’il a fa grandeur naturelle, comme on peut le voir par l'échelle : mais le plus merveilleux fe trouve dans l’intérieur. M, Jadelot, Profeffeur de Médecine, à qui ce monftre avoit été envoyé par Madame la Marquife d’Andrezel, l’avoit donné à M. Moreau, Etudiant en Médecine, pour fujet de fa Thèfe de Baccalau- réat, & il fallut ouvrir le monftre pour en faire une defcription exacte, QOn ne s’attendoit pas à y trouverles merveilles qu’il a préfentées, Il n’avoic ni tête, ni colonne épinière jufqu’aux vertèbres dorfales ; il mavoit point de col, point de traces de ces parties, non plus que des extrémités antérieu- res : mais ce qui eft plus étonnant, il n’y avoit ni cœur, ni poumons dans la poitrine, qui d’ailleurs étoit fort reflerrée & remplie d'un tiffu mu- queux rougeâtre, comme inorganique. La cloifon qui fépare le bas-ventre . (1) LeRelieur mettra ce Supplément à la fin du Cahjer de Juillet, immédiatement après la Table. * Tom. XX, Part, II, 1784. JUILLET: L 82 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, de la poitrine, exiftoit , mais elle ne préfentoit pas un diaphragme ; c'étoit une efpèce de membrane épaifle & mal conformée. Dansle bas-ventre, il n'y avoit point de foie, de rate, d’eftomac , de pancréas, de reins, de veflie, d’organes du fexe, de méfentère, ni d’inteftins. Ce n’étoit ce- pendant pas une mafle inorganique; il s’en falloit de beaucoup, Le cor- don ombilical , qui avoit la potion & la groffeurnaturelle, comme on le voic fur la figure, étoit aufli formé comme dans l’état naturel de la veine & des deux artères ombilicales. Les artères ombilicales naiflent des hypogaltriques, & celles ci éroient la continuation d’une artère qui occu- poit la place de l'aorte, & qui fe divifoit dans fon trajet en plufieurs branches qui fe répandoient dans toutes les parties du monftre. On n’a pas pu les fuivre rout-à-fait dans les parties fupérieures, parce qu’on ne S'atrendoit pasque ce monftre fût aufli extraordinaire, & qu'on ne avoit pas injecté. La veine ombilicale fe portoit à une efpèce de véficule fpon- gieufe, & remplie d’une matière vifqueufe, brunâtre & infipide; de là elle alloit au vaiffeau fanguin, qui faifoit la fonction de veine cave, & fe répandoïit aux parties fupérieures & inférieures. De cette efpèce de véficule remplie de matière vifqueufe brune, naifloit un canal affez large, qui d’a- bord faifoit une petite courbure, enfuite alloit droit à l'anus, fans faire aucune ani & étoit fixé le long du bas-ventre, par un tiflu cellulaire, mais fans méfentère; beaucoup de graifle l’environnoit: de toutes parts. Ce canal n'étoit point ouvert à la partie inférieure; il n'y ayoit point d’anus, Ce montftre eft confervé dans Le Cabinet d’Hiftoire Naturelle de la Fa- culté de Médecine de Nancy. Il a donné occafon à M. Moreau de traiter de la nutrition du fœtus, & il avoit un argument bien invincible pour appuyer le fentiment de ceux qui croient que le fœtus ne fe nourrit pas par la bouche. Ce monftre préfente bien d’autres queftions très-dificiles . à réfoudre, quant à fa nutrition, puifqu'il manquoit de cœur & des or- ganes les plus effentiels à la vie, Si ce n'eft pas Le fang de la mère qui pale au fœtus , comme le penfent les Phyfiolopiftes, comment ce monftre a- t-il pu être nourri, & venir à terme ? L'hiftoire de l’Anatomie préfente peu d'obfervations aufli fingulières que celle-là. M. Meriadonné, dans les Mémoires de l’Académie des Scien- ces, année 1720 , la defcription d’un fœtus humain, venu à fix mois, qui, de même que le nôtre, étoit fans tête , fans bras, fans cœur, fans pou- mons, fans eftomac , fans reins, fans inceftins grêles, fans foie , fans rate, fans véficule de fiel, fans pancréas, &c. Un autre a été décrit par M. Winflow, de l'Académie des Sciences, en 1740; il n’offroit que l'extrés mité du tronc, avec Les cuifles & les jambes, & il étoit venu à terme. Un autre, en 1711, étoit né fans cerveau, ni cerveler, ni moelle épi- nière , quoique très-bien confoxrmé- d'ailleurs, On peut encore en trouver SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 5; quelques faits analogues dans les obfervations des Médecins, & dans le Journal de Phyfique , Introd. tom. 1 & I; 1773, tom. I & IL; 1777, tom.IX; 1778, tom. XII; & 1779, tom. XV. Ce font-là des faits au-deffus de nos recherches , quant à la caufe , & qui doivent arrêter ceux qui veulent rendre raifon de tout : mais du moins ils fervent à prouver, contre quelques Phyficiens, qu'il exifte des germes naturellement monftrueux ; & de plus, que la Nature peut foutenir la vie animale, du moins jufqu’à un certain point, par des moyens différens de ceux que nous croyons Les plus nécefaires, OBS ECR VIA MERE ON Sur un Veau monftrueux. OO: nous mande de Niémiérow en Ukraine un fait important pour l’Hiftoire Naturelle. Le 23 Septembre de cette année, un Juify tua une vaäthe pleine qui étoit alors à fon feptième. On en fépara un fœtus mâle d'une conformation fingulière, étant en vie, mais qui mourut peu de minutes après. Le corps de cet animal, PL. II de Juillet 1784, reflem- blant d’ailleurs parfaitement à celui d’un veau , eft fans poil, & d’un rouge foncé; la corne des pieds eft d’un volume extraordinaire, & le deffus de ceux de devant eft couvert de poils courts d’un brun clair; le front & le derrière de la tête , entièrement chauves, imitent tout-à-fait ceux d’un homme ; à la place du nez, on voit un groin , qui ne tient à La tête que par la partie fupérieure à l'endroit où le front finit; il eft fouple , fans os ni tendon; ila 3 pouces de long , & 1 pouce & demi de diamètre, me- fure de France; à l'extrémité de ce groin , qui-repréfente en petit par- faitement la trompe d’un éléphant , on voit une ouverture de 4 lignes de diamètre, entourée de courts poils ; les yeux, dont la fente a 1 pouce en longueur , font placés au - deffous de l’endroit où commence le groin, confidérablement enfoncés dans la tête; les paupières font hériflées de poils, comme celles de Phomme; cinq poils longs, placés des deux côtés , & relevés vers Le front, fervent de fourcils. Le refte du vifage a la plus grande refflemblance avec celui de l'homme; les joues font rondes & couvertes d'une peau unie ; la lèvre de deflus eft fort groffe , & garnie d’une barbe crépue & bien fournie; le bout de la langue eft fendu à la profondeur de 3 lignes au lieu de la mâchoire fupérieure, on ne voit que des cartilages ; celle de deflous eft munie de quatre dents incifoires. Le men- 84 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, ton eft aflez grand, & hériffé d’une barbe touffue, dont les poils font d'un brun clair. La longueur de l'animal eft de 26 pouces À; fa hauteur, depuis les extrémités des pieds de devant jufqu’aux épaules , eft 12 pouces & demi, & depuis Les extrémités des pieds de derrière jufqu’à celle de l'épine , de 15 pouces, Il pèfe 23 livres & demi , poids de Pologne. Par ordre de M. le Comte Vincent de Potoski , Grand-Chambellan du Roi de Pologne, on a misce monftre dans un vafe de verre, fait exprès pour l’y conferver , avec de l'efprit-de-vin. Il fe trouve à préfent à l'Apothicairerie de la Cour. | TOUT, ordon ba 7 dapres naËure agir F2?) et Grave par JuilllE 1784 DAS SA de à ÈS ——— é + ne vé… marin is om a 4 tetes cr sure EPPSSELE EE te n 1.48 « \ cat 4 - . | JOURNAL DE PHYSIQUE. | AOUST 1784. 14 F5 ——— je 0 DIN A CE RE ET ZA nn ne | NOUVEAU VOYAGE MINÉRALOGIQUE, Fait dans cette partie du Hainaut ; connue fous le nom de Thierache ; Par M MONNET, Infpeteur des Mines, Ju parcouru plufeurs fois ce pays , circonfcrir , comme on fait, dans un très-petit efpace, & toujours avec un nouveau plaifir, y obfervant chaque fois des objets qui m'avoient échappé précédemment, Je dois dire que ce pays, trop peu connu des Naturaliftes, & qui mérite de l'être , m'a infpiré Le premier cette paflion pour la Minéralogie géogra- phique, qui manime & me fait fupporter les fatigues & Les peines infé- parables des voyages longs & fouvent difficiles , à caufe des viciflitudes du temps & des mauvais gites où l’on eft forcé de s’arrèter dans des lieux écartés des Villes & des grandes routes. J'ai regardé ce pays comme un Propriétaire fon domaine , en y revoyant les objets qui m'avoient frappé la premiere fois; jy ai confidéré avec intérêt l'effet que le temps, l'air & l’eau y ont produit , à peu près comme un homme qui, en en ren- contrant un autre qu'il n’a pas vu depuis long-temps , eft éronné des chan- gemens de fa figure. Sous le nom de Thiérache, je comprends un pays beaucoup plus étendu que ne le font les Géographes, en confidérant La nature, la forme & l'élévation du terrain, qui par-là fe diftingue de tout ce qui l’en- toure, J'ai toujours défiré qu'on püt divifer ainfi les terrains ; cette divifion minéralogique feroit bien plus réelle & plus jufte que celle que la politique ou l'intérêt des Princes a fait imaginer. J'ai déjà dit, dans la première partie de la Minéralogie de la France, que les terrains fe diftinguent entre eux/par des matières qui leur font propres, & que l’on peut dire pays à craie, pays à marbre, & pays à ardoife , &c. ; foit parce que chacune de ces matières en fait le fol, ou foit que les deux ou les trois étant placées l’une fur l’autre, le forment enfemble: mais quand Les matières font Tome XXV, Part, II, 1784. AOUST, L Le ARE ad dite CA, de PNR ES né De AA? TT TR 82 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, féparées l'une de l'autre , elles conftituent chacune en particulier un pays différent, Celui-ci en conféquence peut fe fubdivifer en plufieurs cantons, felon les matières différentes dont 1l eft formé, qui font les ardoifes & les marbres dont nous allons parler. Je prends ce pays de Charleville jufqu'à Givet, d’un côté; de Givet jufqu'à Beaumont & Barbançon ; & de Barbançon jufqu’à Aubenton, de Pautre ; ce qui fait un arrondiffement de quarante-deux lieues à peu près, qui comprend Rocroy, Revin, Fumai, Philippeville, Marienbourg, Couvin , Signy-le-Petit, Maubert & Chimay. Toute cette étendue de terrain n'appartient pas à la France. Les Etats de Liége en ont une bonne partie, & l'Empereur une autre. L’efpace compris entre Rocroy & Cou- vin, à une lieue près, & routes celles qu’il y a entre Couvin & Philippe- ville, à l'exception d’une demi-lieue d’entourage des Villes de Marien- bourg & Philippeville, appartiennent à la Principauté de Liége , aini que celle qui eft comprife entre Philippeville & Barbançon., Il faut en- core en diftraire la Principauté de Chimay, qui eit entre ce dernier lieu & Signy-le-Petit, qui relève des Pays-Bas Autrichiens. Il ne faut pas s'attendre à trouver dans ce pays de hautes montagnes qui frappent la vue de loin ; c’eft feulement un pays dont l'élévation eft générale fur tout ce qui l'entoure, & eft coupé profondément par des vailées ou ravins , ouvrage des eaux , qui , là comme ailleurs , ont ufé & coupé peu à peu les terreins & les roches Les plus dures , pour s'ouvrir un paflage ; & peut-être pourroit-on dire, fi la diminution des eaux n’étoit pas trop fenfible, qu'un jour ce pays offrira des montagnes hautes & efcar- pées comme tant d’autres, après que les eaux auront creufé, pendant des milliers de fiècles, fes gorges, fes ravins, 8 diminué la largeur des mafles de terrain qui fontentre eux. Quant à préfent , on ne peut y voir que de petites montagnes, ou plurôt des boffes de terre, avec des platures plus ou moins confidérables à leur fommet, avec des côtes coupées plus ou moins obliquement, ou plus ou moins droites. Ce qu'on peut y trou- ver de fingulier, c’eft que ces petires montagnes font prefque toutes plus baffes que les plaines qui les avoifinent, encore ne font-elles que dans la partie calcaire. La plus profonde tranchée de ce pays eft, fans contredit, celle où coule la Meufe, qui, malgré la dureté des roches d’ardoife & de quartz au travers defquelles elle pañle , a coupé le terrain depuis Charleville jufqu'à Givet, à une très grande profondeur. Dans cette diftance, on voit prefque par-tout Les côtes coupées prefque à pic fur la rivière, de deux À trois cents pieds de hauteur perpendiculaire ; & conne c’eft une règle générale, que plus les côtes font coupées droites , moins elles font dif- tantes l’une de l’autre, on conçoit que le canal de la Meufe , dans cette étendue de terrein , doit être fort étroit, eu égardà beaucoup d’autres, où il coule un bien moindre volume d'eau. Cela n'empêche pas qu'on SUR 'L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 83 n’y apperçoive des marques de la règle générale que fait l’eau, & n'y ait taillé des angles faillans & des angles rentrans, qui font très-grands en certains endroits, Nous verrons que Revin & Fumai, deux lieux princi- paux des bords de la Meufe , font fitués fur deux des plus grandes de ces ouvertures, où fe trouvent des platures aflez vaftes pour permettre, outre un emplacement confidérable pour les maifons, l'établiffemenc de beaucoup de jardins, & même des pièces à grains & des prairies. Auf, quand on arrive fur La tranchée de la Meufe, les lieux & les terrains cul- tivés qu’on voit dans fon fond, paroiflent comme féparés de tous les autres, & comme dans un autre pays. Les autres coupures ou ravins de ce pays , quoique bien moins pro- fonds, offrent cependant cette fingularité , remarquée déjà ailleurs, que leur grandeur & profondeur ne font point du tout proportionnées au vo- lume de l’eau qui y coule. Telle eft fur-tout celui où eft fitué Couvin, bourg confdérable du pays de Liége: mais nous allons revenir en détail far ces différens objets. J'ai pris mon point de départ de Charleville. J'ai déjà fait remarquer, dans la première partie de la Minéralogie de la France, que cette Ville confine précifément à un changement de pays, qu'elle eft même placée fur une portion de ce pays nouveau , qui eft celui des ardoifes & du quartz, & qui, comme je l'ai dit encore, s'étend de Charleville jufqu’auprès de Givet , & d’un autre côté, de Charleville jufqu'à Bouillon & l'Abbaye de Saint-Hubert. Ce fingulier pays (1) eft entouré de tous les côtés par de la pierre calcaire ordinaire, ou banc de tuf calcaire ou de marbre, Mais nous verrons qu'il y a, indépendamment du pays aux ardoifes proprement dit, des parties du pays à marbre où fe trouvent des bancs obliques , d’un fchyte mince & feuilleté, à côté des couches de marbre , difpofées par-deffus ,; comme je l'ai repréfenté par une coupe gravée fur la Carte minéralogique , n°. 10 , qui fait partie de celles qui font jointes à la première partie de cet Atlas. J'ai dit de plus, que la Meufe décrivoit un grand demi-cercle autour de cette Ville, & que fes bords oppofés étoient fort exhauflés , & formoient des coupes prefque perpen- diculaires fur la Meufe. Cette fois-ci, quoique beaucoup contrarié par le mauvais temps , je paffai & repaflai plufieurs fois cette rivière. Je montai fur cette côte, & la füivis du lieu où la pierre calcaire & le fchyte fe joignent , ou, pour mieux dire, du lieu où le pays calcaire finit, & où le pays aux ardoifes com- EE DR (x) Dans la première partie de l'Atlas minéralogique de la France, j'ai juftifié ce motpays, employé pour défigner une nature particulière de terrain, ou qui fe diftingue d'une autre. - Tome X XV, Part. II , 1784. AOUST. T2 84 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUÉ, mence, J'étois extrêmement curieux de voir cette jonction, comme jé l'avois toujours été d'en voir de pareilles en d’autres occafons, Mais c'eft ici où la Nature fe cache, & femble fe jouer de notre curiofité. Bien des fois , en pareille occafion , j'ai été trompé dans mon efpérance; & après avoir épuifé mes forces à chercher cette jonction, je n’en trouvai que de foibles indices, couverts par le mafque ordinaire qui contrarie tant les Naturaliftes; je veux dire Le terreau ou Le fable. Ici cependant j’efpérois être plus heureux, la difpofition du terrain me le promettoit. En effer, à cent toifes , à peu près, plus loin que la partie de cette côte qui fait face au paflage de la rivière par le bac, dans une coupure qui eft tout-à-fait fur le bord de l'eau, je vis cette jonétion, mais pas bien diftinétement à la vérité ; car la terre, qui la couvroit en partie , men empêchoit. Je crus ce- pendant appercevoir, au premier abord, que la pierre calcaire anticipoit fur l'ardoife ; & dès-lors, je fis Le projet de fuivre cette côte, en retournant fur mes pas, & de fuivre cette manière d’être de la pierre calcaire &c de l’ardoife , tant qu’elle s’étendroit. Je parvins de cette manière fur cette montagne qui domine Charleville de quelques centaines de pieds , où il y avoit jadis un château fort, dont on voit encore de grands reftes, Là, je vis bien diftintement, c’eft-à-dire , au-deffous des fondations de cette mafure, plufñeurs bancs parfaitement horizontaux, aflis fur l’ardoife, J’en comptois cinq fupérieurs de 6 à 7 pouces chacun d’épaifleur, dans lefquels je vis beaucoup de parties de coquilles , & même d’entières, celles que des grifites pétrifiés calcairemenr. Il eft bon d’obferver , à l'égard de ces co- quilles , qu’elles font extrêmement abondantes dans le pays calcaire, qui joint de ce côté Le pays aux ardoifes ; & comme elles font dans les pre- mières couches, & prefque entières, elles y tiennent fort peu , ces couches étant, fort peu folides. Ces coquilles s'en détachent facilement, & fe difperfent, au moyen de l’eau, fur la furface de la terre: de là vient qu'on en trouve aflez communément çà & là, Et j'ai déjà fait remarquer comme une fingularité, de voir dans ce pays, des coquilles parmi des fragmens d'’ardoife & de quartz ; du moins on peut aflurer que rien n’eft plus rare que de voir du quartz à côté de coquilles. À cette occafion , nous nous voyons obligés de dire, qu'une fingularité de ce pays aux ardoifes eft d’être parfemé de quartz, & mème de la plus belle efpèce, qui eft celui qu’on nomme quartz laiteux, Nous aurons occalion de revenir par la fuite fur ce fujet intéreflant. En attendant, nous remarquerons que les bancs de pierres calcaires inférieurs contiennent d'autres fortes de co- quilles, telles que des petites cames & des moules; ce qui prouve bien évidemment que ces bancsont été formés en des temps différens. L'obfervation que je venois de fairé de ces couches calcaires, pofées fur l'ardoife , me faifoit voir , ce que j'avois vu ailleurs , que certains pays aux ardoifes font comme le granit primitif, & qu'ils forment pareillement SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 8 le fond de la terre (1) , tandis que les pays calcaires les furmontent par- tout, ou peuvent les furmonter, comme on en a un exemple ici, On peut régarder ces couches comme le réfultat du dépôt des eaux: mais je dois convenir que c’étoit la première fois que j'avois vu bien diftinétement de la pierrecoquillière pofée fur un pays primitif, & que je ne l'ai plus revue dans ce même pays au delà de la montagne de Charleville, L'ordre & l’arrangement des ardoifes dans ce pays, eftcomme ailleurs ; les feuillets en font pofés très-obliquement; maïs on y diflingue comme des efpèces de bancs particuliers , pofés les uns derrière les autres, ou à côté les uns des autres, dans Le même fens & felon la même obliquité que fes feuilles. Ces bancs , diftingués quelquefois entre eux par des fentes remplies de terre ocracée, ont de 40 à 60 pieds de largeur; ils font tra- verfés fouvent , & dans certains endroits, par des veines de quartz blanc; & ce qu'il y a de fingulier, c’eft que ces veines, larges de quelques pouces, & quelquefois feulement de quelques lignes, ne fe détournent pas en paflant d’un banc à l’autre ; ce qui prouve bien que tous ces bancs fe font formés à la fois o@ dans le même temps, & que ce n’a été que dans le defflèchement que ces divifions fe font formées; mais ily a auili des parties de pays où l’ardoife n’aaucune diftinétion & aucune veinede quartz, comme il y ena d’autres où l'ardoife ou les roches d'ardoifes font colorées différemment, foit en rouge lie de vin, foit en violer ou en verdâtre ; ce qui fait que de loin les coupes de ce pays paroiflent fort agréables à voir, Celle qui eft devant Charleville, au-deffous de la montigne dont j'ai parlé, en eft un exemple bien frappant: on y voit fur tout un banc d’un beau rouge lie de vin, & une partie d'un autre coloré en vert. Dans cette même coupe, on trouve de ces fentes dont j'ai parlé. Il y en a une très-remar- quable vis-à-vis le paflage de Ja rivière, dans laquelle j’ai trouvé de la mine de fer brune, mais très-légère, avec de la terre colorante , aufñi brune, De Charleville, je pris Le chemin de Rocroy , qui en eft éloigné de fix grandes lieues. En fuivant la grande route , on fe détourne beaucoup de la ligne fur laquelle coule la Meufe : on fort même du pays aux ardoifes : on marche jufqu'auprès de Rimogne , village célèbre, à caufe d’une des plus fameufes mines d’ardoifes de la France qu’on y exploite: on marche, dis-je, fur le pays calcaire, qui n’eft pas le même que celui qui eft au delà de Charleville & de Mézières. Le terreau fort épais qui couvre ce (1) Je ne fais fi cette ohbfervation, qui, je crois , n’a point été faite jufqu’à préfent, eft importante ou nôn ; mais je fais que, bien loin detrouver du quartz dans d’autres ardoiles , telles que celles d'Angers, on y trouve toutes les marques des pierres fecon- daïres, des empreintes de coquilles de poiffons & de plantes, ce qu'on ne trouve nulle- ment dans celles-ci, qui font d’ailleurs d’une plus grande dureté , & ont routes les qua- Tités qu'on peut défirerdans les fchytes des montagnes. €6 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE; pays , renferme en quelques endroits beaucoup de mine de fer jaunâtre; d’une excellente qualité. La pierre calcaire eft elle-même très-ferrugineufe, principalement les premières couches , fur lefquelles font pofées les mor- ceaux de mine de fer. C’eft à une demi-lieue à peu près de Rimogne qu'on voit reparoître l'ardoife , qui eft rougeñtre. Cependant, la gauche du chemin, le pays calcaire fe montre toujours vers Maubert & Siony-le- Petit, Le pays aux ardoifes décrit par conféquent un grand demi-cercle autour de celui qui eft calcaire; ce qui eft digne de remarque, & ce qu'on peut voir fur la carte du n°. ro Lis, Rimogne peut être , avec jufte raifon, le fujet de la ftation d’un Miné- ralogifte, non feulement à caufe du commencement du pays aux ardoifes, où ily a toujours quelque chofe digne d'attention, comme dans tous les autres changemens de pays, mais encore à caufe d’un des plus grands bancs de bonne ardoife à toit qu’il y ait en Europe, puifqu'il a au moins 80 pieds d'épaifleur. Ce banc énorme eft accompagné par deux autres couches ou petits bancs de la même ardoife , dont l’un a 2$ pieds d’é- paifleur , & l’autre 35. L’ardoife que l’on tire du printipal banc eft d’une excellente qualité; elle eft très-ferme, & tachée de vert & de rouge cou- leur de vin; elle ne s’effleurit jamais; rarement y trouve-t-on de la pyrite cubique , comme dans les autres ardoifes: mais ce qu'ily a de bien plus remarquable, c'eft que toutes ces couches fe dirigent & fe penchent de la même manière, c’efl-à-dire, du fud-eft au nord-oueft, La fingularité aug- mente bien encore aux yeux du Naturalifte, quand il voit que tous les bancs de bonne ardoife de ce pays obfervent la même direction & le même penchant, Celui-ci a été pourfuivi pendant plus de 1800 toiles ; & comme il eft incliné de 18 à 20 degrés au nord, on conçoit qu’on s’enfonce prodigieufement en terre, en le fuivant dans fon penchant : aufli a-t-on été forcé, depuis quelque temps, d'y établir une machine hydrau- lique à tirans, pouren vider les eaux, telle que celle que j'ai décrite dans mon Traité de l'exploitation des mines. De là, on s'élève infenfiblement jufqu’à Rocroy, qui paroît pofé!fur la plus grande hauteur du terrein aux ardoifes. Rien en effet de ce qui l’a- voifine n’égale fa hauteur , & c’eft par-là que cette petite Ville de guerre eft une des plus fortes qu'il y ait en France. Avant d’arriver fur la plature fu: laquelle elle eft pofée, qui s'étend de ce côté une bonne demi-lieue, on trouve prefque à la furface de la terre , des couches brifées d’une pierre blanche, que de loin on prendroit pour de la pierre calcaire, & qui eft une variété de la roche ardoifée. C’eft une forte de pierre de fable, mais dont les parties, au lieu d’être angulaires ou arrondies, font un peu alongées & comme fibreufes. Nous aurons occafon de parler encore de cette pierre fingulière , qui eft friable & fe détruit facilement. Toute la pla- ture fur laquelle eft fitué Rocroy, eft fort peu fertile , ou eft prefque ftérile vers le côté par où j'y fuis arrivé; le terrain eft graveleux jufqu'à SUR'HIST. NATURELLE ET LES" ARTS: 87 une très-grande profondeur, parfemé de cailloux ufés, & mêlés à une terre ocracée , ou rouge ou blanchätre, & quelquefois argileufe. Mais je confidérois , comme bien plus digne d'attention ; de grandes roches grifes très-dures, & qui tiennent de la nature du grès & dela roche d’ardoife en même temps, où l'on diftingue des veines ou des parties de quartz, comme on voit dans les bancs de vérirables roches d’ardoife, C’eft ce qui prouve que ces roches font bien véritablement une variété de ces der- nières; & ce feroit ici une occafion, entre mille autres, où l’on verroit une variété ou une modification fingulière d'une efpèce de roche, dont on ne peut afligner la différence que dans l’augmentation de la matière quart- zeufe , & dans la manière dont fa patte s’eft folidifiée. On a tout lieu de croire cependant que ces roches ont été figurées régulièrement , ou, pour mieux dire , qu'elles ont été de vrais criftaux , mais dont les angles font actuellement ufés. Ces roches, ainfi que les graviers & les pierres ufées, prouveroient aflez que cette plature a été jadis le lit d’une rivière; & cette efpèce de démonftration nous empêche d'établir comme une règle générale , que Ja pierre blanche dont nous avons parlé ci-devant , & qui fe trouve entre Rimogne & Rocroy , forme une forte de banc qui couvre les roches ar- doifées | ou les couvroit auttefois; car, comme je l'ai dit, cette plature eft plus haute que le terrain où j'ai obfervé ces pierres. Je crains d’au- tant plus de former ce fyftème, que nous verrons plus loin que cette même pierre blanche defcend bien plus bas que cette plature, Il fauc donc nôus borner à dire qu'il y a des endroits où cette pierre fe trouve comme plaquée dans le pays aux ardoifes, & y forme des mafles plus ou moins grandes, qui font jointes ou adoffées aux roches ardoïifées. Au deflous de Rocroy, à left, ontrouveun des plus grands enfonce- mens de ce pays, formé fans doute par les eaux qui y ont coulé à force de la hauteur. Cette grande coupe, quoique très-oblique , peut donner une idée de la compoñition de ce pays. J'y defcendis , malgré la pluie qui tomboit alors abondamment , & celle qui étoit rombée auparavant; je regardois même certe circonftance comme très favorable au deffein que j'avois d'examiner l’ordre & l’arrangement des roches & de leurs couches, parce que je fuppofois que ces grandes pluies les avoient layées & mifes à nu; d'ailleurs , j'étois extrèmement curieux de voir à quelle profondeur je retrouverois l’ardoife. Je defcendis plus de 209 pieds avant de rien appercevoir de régulier ; tout jufque - là me paroïffoit un entaffement de matières pareilles à celles que j'avoisvues fur la plature de Rocroy , excepté que j'y voyois plus de fragmens de fchyte ou d’ardoife ; ce qui prouve bien que les bancs de ces ardoifes avoient é dans cet efpace, & que les morceaux que je voyois çà & là, & même formant des efpèces de couches avec la terre qui avoit été entraînée & dépofée aveg eux, prove- noïent de la deftruction de ces bancs. Ce méfut qu’à 330 pieds de profon- 88 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, deur que je trouvai enfin Les bancs véritables de l’ardoife, mais abfolu- ment privés de quartz, qui en effet ne fe trouve que dans les roches ar- doifées ,qu'il faut bien diftinguer des bancs de la véritable ardoife ; les feuillets en étoient prefque droits à 60 ou 80 pieds plus bas : là, je vis deux ou trois petites cafcades d’eau qui avoient ulé l’ardoife, & la faifoienc paroître entièrement dépouillée en la lavant continuellement ; en forte qu'elles me préfentoient un fpeétacle minéralogique fort agréable. Je me plaifois à voir ces feuilles d’ardoife découpées fort profondément; & la pluie s'étant un peu modérée, je m'aflis fur le bord d’une de ces petites cafcades, comme fur un banc, pour voir plus à mon aife l’ordre & l’ar- rangement de ces ardoifes que l’eau ufoit fi fingulièrement, en fe préci- pitant fur elles perpendiculairement, & enfe relevant en bouillonnant. C’eft-là une de ces petites fatisfactions que goûtent les Minéraloogiftes , après s'être bien fatigués à gravir ou à defcendre des côtes efcar- pées. ._ Après m'être repofé là quelque temps , je fus vifiter une coupe que je voyois à ma gauche, à trois cents pas de moi à peu près, fur un ruif- feau qui vraifemblablement l’avoit faite. IL eft bon d’obferver que les eaux qui s’écoulent dans cette gorge, car en cet endroit c’en eft une , fe raflemblent avec impétuofité, à caufe de la grande pente, & forment un torrent extrèmement rapide , & très-propre à couper ou à balayer le ter- rain, qui n'eft là qu'un aflemblage de cailloux , de graviers & de terre.’ Cette coupe, de 25 à 30 pieds de hauteur en quelques endroits, eft remar- quable de loin par des raies d’un rouge de colcotar, qui, en certains en- droits, forment des efpècés de veines irrégulières. Attiré par-là , & animé par le defir de faire quelque découverte intéreflante , je franchis , quoi- qu'avec peine , les obftacles qui s’oppoloient à mon pañlage. Mais cet em- preffement ne fut pas aufli bien récompenfé que je lavois d’abord cru; çar je ne vis là que des cailloux arrondis, de l'efpèce de roche que j'ai dit fe trouver fur la plature de Rocroy, lefquels étoient enveloppés d’une terre graveleufe , colorée comme je viens de ledire, & qui me paroif- foient provenir de décombres qui avoient éprouvé l'action du feu. La feule fingularité que je trouvois en cela , eft que cette terre colorée ne s’étoit pas confondue avec les autres, & quelle devoit avoir été dépofée en particu- lier. De R , je fus à Revin, en fuivant cette grande tranchée qui conduit l’eau dans la Meufe. Si je voulois m’arrêter à décrire les lieux pittorefques & fo- litaires par où je paflai dans cette étendue de trois lieues, où il ny ani villages, ni maifons, je ne finirois pas; mais ce n’eft ici qu'un voyage minéralogique. Je trouva angles faillans qui me préfentèrent des mallifs de pierre d’ardoife , aVec des mafles de quartz confidérables , d’un beau blanc , & qui contraftoient fingulièrement avec le noir de l’ardoife ; mais ayant été obligé de m'élever {ur la hauteur , àcaufe des eaux qui combloient SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 89 combloient le chemin par où je märehois, j’eus occafion de voir dans un bois Les plus beaux blocs de quartz blanc laiteux que l'on puiffe voir; ils éroient difperfés çà & là dans ce bois, Cette rencontre fortuite me dédom- magea fort de la peine que j'avois eue à me dérourner de mon chemin. - Je confidérois ces nombreux blocs de quartz, comme des débris d’an- ciens bancs qui n’exiftoient plus depuis bien long -remps, tandis qu'in- finiment plus durs que les autres parties qui formoient ces bancs, ils avoient réfifté jufqu’ici, comme pour en atrefter l’exiftence. Je ne me laflois pas de les admirer; j’allois de l’un à l’autre, comme pour les interroger fur leur âge; mais muzts, monimagination répondoit pour eux: je me tranf- portois par eux auf loin que je le pouvois , & je me perdois dans la nuit des temps. Inutilement quelquefois j'étois tenté de croire qu’ils avoient été formés ifolément & indépendamment d: [a matière de l’ardoife: mais quand je confidérois que leurs angles étoient extrémement ufés, & qu'ils éoient pofés fur du gravier, ancien fond de rivière , je changeois d'avis, & revenois à ma première idée. Quoique le lieu dont je parle foit abaiffé au-deffous de Rocroy de plu- fieurs centaines de pieds, je defcendis encore , pour arriver fur le bord de la Meufe, en face de Revin , plus de So pieds, felon une ligne appro- chant plus de la perpendiculaire que de la ligne oblique, & je ne ceffai pas de voir des mafles de quartz, mais d’un bien moindre volume que celle que je venois de quitter. Lorfque je fus enfin furle bord de la rivière, je confidérois avec grand plaifir ces grandes coupes que j'ai dit être l'ou- vrage de la Meufe , & qui ont là de 3 à 400 pieds de hauteur perpen- diculaire. Ce font d'énormes bancs obliques de roches d’ardoife , où l'on diftingue quelquefois des veines de quartz fort blanc, & qui, comme je Pai dit, ne fe détournent pas pour pañler d’un banc l’autre. Je dois dire que l’autre côté de la Meufe, où eft fitué Revin, eft bien différent ; il n’offre pas de coupes ni fi droites, ni fi près de la rivière, Nous avons déjà dit que Revin eft pofé fur une vafte plature, relativement au canal de la Meufe. Toute cette plature eft, comme on peut bien le penfer, une ancienne grève , formée par conféquent de l’aflemblage du débris des roches du pays, des galets ou cailloux roulés: on y trouve même des galets calcaires , qui viennent vraifemblablement d’au-deflus de Charleville, Je n'ai pas rencontré fur le bord de la Meufe de veines ou bancs d’ar- doife qu’on puiffe exploiter avec fruir. Il y a à la vériré quelque bonnes. petites veines de cette pierre utile; mais étant fi près des grands bancs d'excellente ardoife de Fumay , on n’y fait pas d'attention: d’aill-urs, di- fonc que les dépenfes qu’on feroit pour les exploiter , équivaudroient au profir qu'on pourroit en tirer ; car il faut remarquer que les dépenfes pour fuivre une petite veine , font aufli confidérables que pour en fuivre une grande, dont on tire , dans le même efpace de temps, plus d’ardoife, Tome XXV , Part. IT, 1784 AOUST. M MN go OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, Mais ces petites veines nous donnent lieu de faire une obfervation impor- tante; c’eft qu'elles fe préfentent aflez communément perpendiculaires , tandis que les grands bancs d’ardoife, ceux qu'on exploite, font, comme nous l'avons dit, couchés fur une ligne de 15 à 20 degrés. Je fuivis jufqu’a Fumay le bord de la Meufe , où j'obfervai des coupes comme celles dont je viens de parler. Rien n’eft plus difficile que ce trajet, à caufe du peu d’efpace que la rivière laiffe quelquefois au Voyageur , & à caufe des détours qu'il faut faire pour paffer les avances faillantes & ren- trantes, Lu Fumay eft une petite Ville dont toute l'induftrie, & la popula- tion qui y eft confdérable , eu égard à fa petitefle , font dus à l'exploitation & au commerce des ardoifes. La facilité qu'on y a de les embarquer fur la Meufe, fait fleurir ce commerce, Quand Fumay dé- psndoit de la Principauté de Liése, le magafin des ardoifes étoit dans cette ville capitale ; & quoiqu'il n’en dépende plus aujourd’hui, il ne laifle pas d'y en aller confidérablement, & de là en Hollande ; & beaucoup de maifons de Batavia en font couvertes. Fumay eft auf fitué fur une plature confidérable , qui eft l’efpace de l'angle rentrant , mais bien plus fertile, à ce qu'il n'a paru, & plus agréable que celui fur lequel eft firué Revin. Î en diffère encore, en ce qu'il eft à gauche du cours de la Meufe. On compte fept couches ou bancs d’ardoife dans la côte de Fumay, qui eft fur cette plature, & plufieurs autres dans la côte qui lui eftoppofée, c’eft-à dire, dans celle qui eft au delà de la rivière; mais on n’en exploite que deux a@uellement, une qui a 35 pieds d’épaifleur, & qui eft au bas de la première côte, & l’autre qui en a 4$, & qui.eft au-deflous de Fu- may même , & bien plus bas que le lit actuel de la rivière : aufli ce banc eft-il très-aqueux ,@e qui a obligé les Entrepreneurs à y établir une ma- chine à feu, pour en enlever les eaux, Ce banc a été tellement excavé, & il avoit été fi peu étayé dans fon toit par des maflifs d’ardoife qu’on y devoit laiffer de diftance en diftance , que la mafle des maifons qui eft deflus , a fait Aéchir ce toit; en forte que les maifons fe font abaiffées de plufeurs pieds en terre: on y a tremblé long-temps que cet abaïffement ne devint plus confidérable, Cet affaiffement ne s'eft pas fair tout à coup, mais infenfiblement; en forte qu'on ne s’eft point apperçu tout de fuite de ce funefte accident. Maintenant les décombres qu'on a mis dans les parties excavées de ce banc, font efpérer que ce toit ne fe rapprochera pas da- vantage du fol, & les paiñbles habitans de Fumay dorment maintenanc tranquillement dans leurs lits. Nous ne nous étendrons pas davantage fur ce qui concerne ce lieu, pour ne pas répéter ce que nous avons dit dans la première partie de la defcription minéralogique de la France. J’ajouterai cependant une réflexion qui me paroït convenir parfaitement à ce fujet, qui eft que cet exemple montre la nécefité qu'il y a que , dans tous les pays bien policés, il y ait SX DÉS ra - » SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. CI + des furveillans aux travaux fouterrains de la part du Gouvernement, qui, en ménageant la vie des Citoyens, confervent à la Patrie les richeiles minéralogiques le plus long-temps poflible, C’eft ce défaut de police qui eft'caufe que les autres bancs d’ardoife de Fumay ont été abandonnés; car , après les avoir longuement excavés , on les a laiflé s’obftruer par les décom res, Si nous voulions appuyer ce principe , nous n'auriens qu'à citer encore l'exemple que nous préfente le Forez, dont tout le fol n'eft prefque qu’une mine de charbon toute nue , & qui eft entièrement boule- verfé, pour y. avoir travaillé fans règle & fans ordre ; nous verrions qu’un jour les habitans de cette petite Province déploreront l'ignorance & la cupidité des premiers exploitans , qui les ont privés de l'avantage d’avoir facilement du charbon, Pour revenir à l’hiftoire de mon voyage , je dirai que , fuivant encore le cours de la Meufe , par un très-bon chemin pour ce pays, je fus à un village affez confidérable , que l’on nomme Vireux, qui eft, ainfi que Fumay , tout-à-fait fur le bord de la Meufe. Dans cette diftance, je fus agréablement occupé à obferver les variétés fingulières des bancs & des veines. La côte contre laquelle eft appuyé le village dont je parle, offre plufieurs veines qui traverfent dans un fens prefque perpendiculaire les bancs d’ardoife, dans lefquels j'apperçus des criftaux de quartz d'un beau blanc , avec des taches rouges ocracées. Je ne continuai pas cette fois-ci ma route jufqu'à Givet. J’ai déjà rendu compte, dans la première partie de la Miréralogie de la France, de certe diftance, & j'ai fait voir qu'après une lieue & demie à peu près de ce village, on frt du pays aux ardoifes, on entre dans celui à marbre. J'ai parlé des montagnes de marbre qui fonc derrière Givet, & de celle fur laquelle eft fitué Charlemont. J’ai fait voir que , bien loin que les bancs de marbre qui forment la montagne du petit Givet , foient horizontaux, comme on feroit tenté de le croire, d’après les principes de quelques Naturaliftes fyftématiques, qui perfenc que tous les bancs de pierres calcaires ne fauroient être autrement ; j'ai fait voir , dis-je, que ces bancs font prefque perpendiculaires à l'horizon; & de plus, qu’ils font tellement collés Les uns contre les autres, qu'à peine on peut les diftinguer. De Vireux, je revins à Rocroy , d’où je continuai mon voyage fur Couvin & Marienbourg. Je vis une autre forme de pays à une demi- lieue de Rocroy; je perdis de vue & les roches de quartz que j'avois ad- mirées , & Les bancs de roche ardoifée fur lefquels j’avois gravi ff fouvent. C'eft un autre ordre de chofes , quoique je ne fortiffe pas encore de ce pays. À une lieue & demie de Rocroy à peu près , je retrouvai cette pierre blanche & crayeufe , que j’avois obfervée en venant de Rimogne à Rocroy. Je defcendis dans un vallon, dont les côtes, auli bien que le fond, fonr formées de couches brifées de cette pierre, & d’une efpèce de fable fin & doux qui provient du détritus de cette pierre friable. Mais Tome XXV, Part. II, 1784. AOUST.. M 2 Pi = UCNSOMENX ERNST E D OT TEE : 14 PME Ee | Le CLR D - . PLAT ‘ pa nl PRES 4 ’, 4 gs 7 s o2 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE; comme il eft ordinaire de trouver toujours quelque variété dans le même individu ; quand j’eus bien examiné cette pierre , jy trouvai en effet quel- ques différences qui m'empêchèrent de la confondre avec la première qua- lité de cette pierre. J'y remarquai des grains d'un quartz virreux & gris, ui faifoient que cette pierre donnait des étincelles lorfqu'elle étoit ÉD avec le briquet, ce que l'autre ne fait point. Il ne faudroit pas ce- pendant confondre certe pierre avec les pierres fableufes, & encore moins avec les grès, dont elle diffère de beaucoup; car, excepté ces grains de quartz, qui ne fe trouvent pas dans toutes, fes parties communes fonc un peu alongées, & même un peu fibreufes. La grande quantité de fable dont eft remplie cette vallée, prouve la friabilité de cette pierre: mais il y en-a une autre un peu plus loin, qui ne fe détruit pas aufli facilement, parce qu’elle eft compofée de beaucoup plus de parties de quartz, qui fonc bien plus adhérentes enfemble , ou, fi l’on veut, liées par un fluide qui s'eft coagulé avec elles. Il y a loin de cette pierre , que je regarde comme une variété de roches ardoifées, aux véritables ardoifes. La compofition de toutes ces pierres eft due aux terres quartzeufes & argileufes , & à la terre talqueufe , que je démontrerai un jour être une éfpèce particulière & diftinéte des autres, qui conftitue les bonnes ardoifes , & fait, ainfi que le quartz, qu'elles réliftent aux injures de l'air, fans s’effleurir |, comme je ferai voir que cette terre, qu'on délignera fous la dénomination de terre tal- queufe, fi l’on veut , rélifte au grand feu, fans fe fondre. Les différences de toutes ces Pherres, quoique compofées des mêmes matières, mais dans des proportions différentes, font frappantes, & pourroient faire croire qu'elles n’appartiennent pas à ce genre. Mais qui ne voit ici que toutes ces différences ou ces variétés ne font dues qu'aux modifications de la matière première, quellea éprouvées, foit en fe mêlant avec des matières hétéro- gènes, provenantes du débris des êtres qui ont exifté , comme l'argile, par exemple, qui, de l’aveu de prefque tous les Naturaliftes , eft le pro- duit de l’organifation des plartes , ou foit en fe mêlant avec de la matière déjà folidifiée depuis long-temps? Or, nous ne craignons pas de dire, ce que nous avons dit plufieurs fois quand l’occafion s’en eft préfentée , que cette matière unique, qui fe modifie felon les occañons & les circonftances, & qui prend un caraCtère analogue aux matières qu'elle rencontre, eft l'eau , que beaucoup de Naturaliftes cherchent vainement ailleurs. Ils ne peuvent tomprendre, malgré les exemples frappans qui pourroient les porter à adopter cette opinion, que ce fluide général foit l'élément des corps folidés du règne minéral, comme il left de ceux du règne vé- gétal & du règne animal. L'on cherche férieufement, par des expériences chimiques , à découvrir fi l’eau eft fufceprible de fe convertir en.terre ; comme fi la Nature n’avoit pas d'autre moyen que nous de la faire pailer de l’état fluide à L'état folide. Voyez le fpath calcaire & le quartz tranf- SURIMHIST, NATURELLE ETILES ARTS. , 93 parens; eft-il à préfumer qu'ils ne font que le réfulrat du dépôr des ma- tières terreufes fait par les eaux ? mais , dans ce cas-là encore, il faut fup- pofer que l’eau qui eft reftée entre ces parties , s’eft folidifiée ; car , qu’elt- elle donc devenue, & quel eft donc le lien qui a uni ces parties , & leur a fait prendre une forme régulière ? IL eft vrai qu'on nous parle d’un fuc lapidifique ; mais c’eft-là un être de raifon, dont il feroit bien plus difh- cile d’écablir l'exiftence, que de croire à la folidification de l'eau. On nous donne cependant comme un principe certain , que l'eau charie d’un lieu à un autre Les matières qu'elle a diffoutes , & qu'elle les dépofe à la manière des fels. Mais c’eft fuppofer une chofe démentie par l'expérience; favoir, que l’eau ait la propriété de diffoudre les matières terreufes , telles que la quartzeufe. À la vérité, M. Achard de Berlin y joint de l'air fixe; mais cet air fixe ne fauroic tenir en diflolution un atôme de quartz dans l'eau ; & quelle qu'ait été l'exactitude de ceux qui ont répété les expé- riences de M. Achard, on n’a pu réuflir à imiter la Nature, c’eft-à-dire, à former des criftaux quartzeux, comme il l’a annoncé. Que l’eau ait Ja faculté de tenir en diflolution quelques petites parties de terre calcaire, au moyen de cet air fixe, il n’en faut pas conclure qu'elle puifle former de cette manière tous les criftaux calcaires, fans que l'eau elle-même y con- coure pour fa part; car ce feroie conclure quelquefois que la partie feroic égale au tour. Voyez ces géodes calcaires & arpgileufes , qui renferment des criftaux nombreux de quartz ou de fpath calcaire; ne font-ils que le réfultat du dépôt de l’eau qui y a été renfermée , ou que la criftallifation pure & fimple des molécules que vous fuppofez avoir été tenues en diflolu- tion par cette eau? [l naïîtroit de cette opinion une foule d’objettions qu'il feroit impoflible de réfoudre, Cependant M. Guettard , dans la Mi- néralogie du Dauphiné , qui vient de paroître , Ouvrage très-eftimable à beaucoup d’égards, explique, felon cette manière de penfer , la formation des criftallifations quartzeufes qu’on trouve dans certaines géodes de cette Province, & celles des mines de criftal des hautes montagnes. En fup- pofant même comme vraie l'explication qu’il en donne, on trouveroit en cela un des plus grands problèmes, & des plus difficiles à réfoudre qu’il y ait en Minéralogie ; car d’abord il faudroit expliquer comment une fi pe- tite quantité d’eau que celle qui a été renfermée dans les géodes, & celle qui eft parvenue dans les fentes des rochers, ont pu fournir une fi grande quan- tité de matière que ceile qui conftirue ces criftallifations , &,ce qui n’eft pas le moins difficile à concevoir , comment l’eau a pu charier cette matière à travers tant de matières différentes, & la conferver précifément pour certe deftination: comment, par exemple, l’eau eft venue dépofer de la terre quartzeufe dans les maffes énormes de pierres calcaires , qui forment la côte qui domine le village de Champigny, à quatre lieues de Paris jau delà de Saint-Maur ; car s’il nous faut citer un exemple frappant de certe 94 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, fingularité, & à portée d'être vue des Naturaliftes qui font dans la Capitale, je ne puis mieux faire que de citer cete côte, une des plus curieufes de la France, &que je me propofe de faire connoître en détail dans la troifième partie de la Minéralogie de la France. On verra, dis-je, dans cette bonne pierre à chaux , & une des plus pures des environs de Paris , de très abondantes criltallifations de quartz tranfparent, & quelquefois de belle eau, que les Ouvriers font forcés de féparer de la partie calcaire , à laquelle elles adhèrent forremenr. Mais c’eft trop nous arrêter à com- battre une opinion qui doit fon origine aux premières idées qu'ont eues les premiers Obfervateurs en Minéralogie, qui fe détruira d’elle- même, comme tant d’autres dont il nous refte à peine le fouvenir, (La fin au Cahier prochain. ) SUITE DU. MÉMOIRE D'OEANME OORU MUC AURAS SUR LES NUAGES PARASITES. Je: termineraice Mémoire, en préfentaut au Lecteur le plus vafte , le plus opiniâtre & le plus fombre des nuages parafites: mais je crois devoir auparavant réunir, comme fous un {ul point de vue, divers petits traits qui montreront encore mieux l'univerfalité de la loi, & jy ajouterai les réflexions analogues en petit nombre que je pourrai découvrir dans les Auteurs. Je dis en petit nombre, car la théorie n’ayant encore rien dit à deflus , je ne conçois pas même comment j'ai pu rien trouver dans l'ob- fervation. Ceci m'a prouvé de plus combien font utiles les bonnes théories ; elles font naître les faits , en les rendant fenfibles ; fanselle , tout eft inutile, parce qu’on ne voitrien: Le foleil brille , le ciel tourne, le venc court, la fumée monte, Les corps tombent , fans aucun.fruit pour notre intelligence, quand nos fens extérieurs font les feuls affectés. Cela eft parce qu'ileft, & le plus fouvent les chofes font inutilement pour notre intelli- gence , puifqu on ne les diftingue point. ; x Quelle que foir la férénité des montagnes , dit M. de la Tourette, / efè peu de jours dans lefquels on puif[e efpérer de la voir conflante. Un brouillard humide & fombre, preffé, précédé par les vents , porte fubicement de noires & froides ténèbres dans le jour le plus beau, (Noy.au mont Pilat, pag, 5.) La plupart des orages € des pluies de Lyon & du Dauphiné fe forment au mont Pilat ; elles Sy raffemblent comme un chapeau , qui lui donna fans SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 9$ doute fon nom, pag. 19. Les brouillards, les vents, les pluies, les orages, les fleuves naiffent fur les montagnes, pag: 26. Les montagnes, dit M. Bertrand, reçoivent , recueillent , arrétent fixent les rofées , Les brouillards & les exhalaifons fouterraines, (Recueil de divers Traités, pag. s2.) Soir attraëlion , impulfion ou preffion, il eff certain que les exhalaifons des mers, des lacs , des lieux bas , Les portent vers les hauts lieux ; La ces vapeurs, qui fans cela fe diffiperoient , font raffemblées, con- denfées ; accumulées. C'efl ce qui multiplie les orages dans les détroits , les golfs, les côtes avancées , les promontoires , Les caps , les prefqu’iles, qui for- ment autant de montagnes , pag. 159. C'ef? donc dans les montagnes qu'il faut chercher l'origine des principales fources, C'ef? fur elles que naïffent ces eaux f néceffaires, dont David difoit : « Tu arrofes , Seigneur , les mon- » tagnes de ces grands réfervoirs que tu fufpends fur nos têtes ». On a prétendu que les montagnes fourniffent plus d’eau que la pluie. Les montagnes en hument, , en recueillent , en reçoivent La plus grande partie, € produi- Sent ainff tant de fources abondantes , pag. 163. Les vapeurs produites au loin & tout autour des hautes montagnes, vont donc fe réunir auprès d'elles, felon M. Bertrand , y refter , s’y fondre, pour n’en point revenir. Leur colonne aérienne afcendante eft un goufre où l’atmofphère en corps va s’engloutir pour monter au zénith, y dépofer les matières vifibles où invilibles qu’elle traîne. Cet Auteur a donc re- connu la tendance horizontale , univerfelle, permanente, de tous les rumbs libres vers chaque terre élevée, devenue à cet égard le rendez-vous de l'horizon , puifque des lieux Les plus bas, les vapeurs s'élèvent dans leur région naturelle autour & au-deffous des grandes hauteurs. Elles ont donc aufli un mouvementafcendant , & fuivent la réfultante de ces deux direc- tons ; l’une horizontale, pour aller a cette montagne ; Pautre verticale, pour aller dans leur propre région; & M, Bertrand croit ces deux mou- vemens fi déterminés, fi conftans & fi généraux, qu'il les attribue à des attractions, preflions, impulfions , dont la montagne eft ou le principe, ou l’origine, ou le terme: il montre les brouillards fe preffant, s’accumu- lant , fe condenfant , fe fondant fur ces montagnes , y arrivant toujours pour n’en point revenir, [1 réfume en un mot tout ce que j'ai dit du phénomène, Dampierre nous donne auffi ce réfumé, qu'il a pris dans trois Voyages autour du Monde. Les nuages, dit-il, volent vers La côte, où ils reflent Jufpendus, fur-tout dans les pays élevés , tom. I, pag, 360. Ce n'eft plus un fait particulier, mais une loi; une loi qui réunit cinq caraétères des nuages parafites ; 1°. tendance horizontale de tous les rumbs vers les mon- tagnes ; 2°. vers les montagnes élevées fur-rout, car l'effet augmente avec la caufe ; 3°. ces nuages reftent fixes fur ces montagnes, qui font donc leur point de concours, leur ec plus ultra ; 4°. la férénité en réfulte pour es environs , puifque Les nuages qui pourroient la troubler , volent vers ce 96 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, centre; 5°. ils y vont par une vitefle accélérée, puifqu'on n’a point re- marqué cette tendance quand ils font loin; les nuages arrivés auprès, volent : & remarquez que ces caractères nous font fournis par Dam- pierre, Les fommets élevés, dit Woodward, font couverts de brouillards & d’efpèce de nuages quelque temps avant la pluie. De grandes pluies , accompagnées de ronnerre, tombent parfois fur ces montagnes , quoiqu'il faffe beau tour autour, (Géogr. Phyf trad, par Nooués, pag. 222.) La quantité d'eau d'une rivière ef? généralement proportionnelle à la hauteur des fources, € à la gran- deur ou groffeur des montagnes où elles naïffent , pag. 152. Le nuage para- fie eft donc le préfage de la pluie; car, 1°. lorfqu’il doit pleuvoir fur un horizon, les caufes qui empêchoient la pluie naturalifée fur les montagnes, ont donc ceffé, & il pleutfur la montagne alors dégagée de ces obftacles quelconques ; 2°. il eft naturel quil pleuve plutôt fur ces montagnes, puifqu'une caufe locale s'y joint à la caufe commune des pluies ; 3°. la caufe des pluies, particulière aux montagnes , agit fouvent à l'abfence de la caufe commune, Elles ont alors la pluie, quoique la férénité règne autour ; 4°. la pluie n’eft point perpétuelle fur ces montagnes, car quelque- fois le dehors de la montagne eft aufli chaud que l'intérieur de la terre; & alors plus d'efluve ignée, plus de colonne afcendante, plus de fecré- tion, de brouillard ; 5°. lors même que la montagne eft plus refroidie par l'air extérieur, mille caufes peuvent empêcher la formation du brouillard ; un vent fort, par exemple, le difperfe à mefure qu'il fe crible dans la co- lonne afcendante ; 6°. du temps de Woodward , on ne connoiïfloit pref- que aucun des exemples que je viens de citer. On avoit entendu parler des Cordillières , des Alpes, de leur hauteur vaguement déduite, de leurs nei- ges, de leurs autres météores , mais fans détail , fans enfemble , fans in- tefligence, On avoit des yeux fans voir; on ne favoit pas même les ou- vrir fur ces chofes, quoiqu’on füt fi fublime dans tant d’autres : on igno- roit jufqu'aux glaciers, Ainfñ, Woodward, qui prétendoit parler de mon- tagnes fort hautes, ne pouvoit même connoître Les faits, Cependant il nous fournit quatre caractères ; 1°. nuages permanens , 2°. fur les mon- tagnes fort hautes ; 3°. férénité dans le voifinage ; 4°. eaux croiflantes avec la hauteur de ces montagnes. M. Caflini rapporte que le Village des Bains, au Mont d'Or, ef? prefque toujours couvert de brouillards (Mém. de l’'Acad, 1740, pag 116); car ces bains fuppofent un feu local fupérieur à celui qu’on trouve dans les fouterrains. L’effluve ignée du Mont d'Or dans un air prefque toujours gla- cial , doit donc réfulter de deux caufes fimultanées ; favoir, le feu local qui échauffe les bains, & le feu fouterrain trouvé par-tout, La colonne aérienne aflife fur le Mont d'Or, eft donc fort raréñiée, monte donc fort vite, dépofe donc beaucoup d’eau; tout près font le. Cantal & le Pui de Dôme 4 SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 97 Dôme, que j'ai vus, pendant plufeurs années , coiffés de brouillards les journées & les femaines entières, tandis que la férénité régnoit autour. Ces trois montagnes font cependant petites; elles n’ont guère que 100 toifes, J'ai obfervé cela fur nos montagnes du haut Languedoc, que le Peuple appelle grandes, En voyant ramper le nuage parafite, il dit: /as crabes couriffen ; les chèvres cheminent & fe préparent à la pluie. M. le Baron de Servières m'a communiqué cette note, que je tranfcris mota mot. La Ville de Mende en Gévaudan eff bâtie dans ur érroit val- lon , auprès d’une montagne affez haute, qu'on appelle montagne de Saint- Privat, du nom de fon premier Evéque. Cette montagne , au [ud de la Ville, Je prolonge à plufieurs lieues dans une direëlion circulaire du fud a l'ouef?. Lorfqwune de fes pointes les plus élevées, diflante d'environ trois quarts de lieue, la couvre d'un chapiteau de vapeurs, ft l'on peut fe fervir de cette ex- Preffion , ef? un avant-coureur prefque infaillible de pluie : auffi les Bergers ont-ils beaucoup de confiance en ce proverbe : Cant Flagit prén fon capel, Paftre, cargo toun mantel. Quand Flagit prend fon chapeau ; Berger, faifis 107 manteau. Vers les fources du Teffin & du Rhin , ef? le pic de Sierre, dont les Payfans difent: Cuÿa chil pits da Sierri fo chiapi, fchi lacha derla forthe & piglia il rafti. (Grouner, Hiff. Nat. des Glac. Suif. pag. 211); c'eft-à-dire, Prends garde que le pic de Sierri Je cache ; laiffe la foffile & prendsle ra- Lean. Le P. Cotte nous dit que la Suifle, à caufe de fes hautes montagnes, doit être expofée à des pluies plus fréquentes. (Météorol. pag. 316.) Cet Auteur fait, comme Coock, Forlter, Bertrand & tout le monde, que les montagnes donnent plus d’eau, à mefure qu'elles font plus élevées & plus vaftes. Halles dit quil tombe 22 pouces d’eau dans les plaines de Teddington, près Hamptoncourt & autres pays plats, & 42 fur les montagnes du Lan- caffre, où Les rofées font même plus abondantes, (Stat. des végét. Paris 1779, pag. 45.) Venons au grand fait que j'ai promis, La chaîne appelée, par extenfon, Cordillière ,va du détroit Magel- lanique au Groënland, par l'ifthme de Panama. Elle eft par-tout fort éle- vée , mais plus vers Quito que dans toutes fes autres parties connues; & voici comme je le préfume, A 2 degrès 30 minutes fud de Quito, dit en fubftance M. de la Conda- mine, oz cefle de voir des neiges. On pale le Paramo de l'Affuai , où les deux branches méridiennnes parallèles de la Cordillière fe réuniffent , pour ne * plus atteindre que 2200 toifes de hauteur. En pouffant davantage au Jud vers Cuengça , le verrein continue à baifler mollement ; peu à peu l'on perd devue ces fommets arides , inhabitables, epèces de landes appelées Paramos , fi fréquentes dans la haute Cordillière; € les montagnes voifines de Loxa, couvertes de forêts & de verdure, ne paroiffent plus être que des collines, Tome XXV, Part, II, 1784. AOUST. 98 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, ( Mém, de l’Ac, 1745 » pag. 403.) Or, Cuença eft prefque fur a lati- tude , & près de Gaïaquil ; ce qu'il ne faut pas oublier. D'autre part, M. Bouguer nous apprend que , vers Le 2° deg. nord, la Cordillière fe réduit au quart de la hauteur qgwelle a vers Quito ; mais qu’elle Je relève rout-a-coup au nord du Popayan. (Fig. de laterre , p. 50.) Nous favons aufli , d’une manière bien vague à la vérité, que dans l’Iftme de Panama, cette chaîne, toujours bien haute, left beaucoup moins qu’au Pérou. Ainfi, dans le Popayan & jufque vers Porcobello , la Cordillière a une hauteur fort reffemblante à celle qu’on lui trouve à Quito; elle ne s'abaifle que près la Ville de Popayan, dans unintervalle de quelques lieues. Dans le refte de fa partie intertropique, elle n'a que peu de fom- mets neigés épars. On peut donc regarder la partie fituée entre Cuença & Panama, comme un bloc particulier d'environ 10 degrés, ou 200 lieues de lon- gueur méridienne fur une largeur arbitrairement évaluée à 40 lieues pa- rallèles à l’équinoxiale. Ce bloc, qui peut avoir 1000 toifes de hauteur moyenne , a pour bafe la plus haute chaîne de l'Univers. On peut le confi- dérer comme un comble {ur lequel font calqués des dômes, des canaux, des pyramides, qui traverfent prefque entièrement la région des nues. C'eft Là qu'on trouva le Pichincha , plus hautide 16 toifes que notre mont Blanc , réputé fupérieur à tous les fommets de l’ancien continent ; le Co- raçon , plus haut de 58 toifes que le mont Blanc; le Tongoura- ga , plus haut de 202 toifes que le mont Blanc ; le Saugai , plus haut de 258 toifes que le mont Blanc; l’Iliniffa, plus haut de 298 toifes que le mont Blanc; PAntiniffa , plus haut de 532 toifes que le mont Blanc; le Cayambour, plus haut de sor toifes que le mont Blanc ; le Chimboraco, plus haut de 800 toifes que le mont Blanc , haut lui-même de 2440 toif. (Bouguer, figure de la Terre , pag. So.) * Tous ces fommets ont été mefurés par MM. les Académiciens , en- VOYÉS vers 1737 au Pérou, pour mefurer un arc du méridien , & avec tout le fcrupule qu'infpiroit une opération fi difficile, payée par un Roi de France, faite au nom de l’Académie, attendue par toute l'Europe fa- vante, & fur laquelle on devoit juger Newton. Combien d’autres montagnes femblables n’auroient pas trouvé ces Aca- démiciens, s'ils avoient pu s'écarter de la fcène étroite deftinée à leurs opé- rations trigonométriques | caril n’eft pas évident que la Nature ait déployé fur ce local unique fa plus grande magnificence. La montagne de Sainte- Marthe, par exemple , qui appartient ou touche à la Cordillière, me pa roît pour le moins égale au Chimboraco, Vofgien lui donne deux lieues de haut ; ce qui prouve, non que Vofgien fût au fait de ces chofes, mais que cette montagne pafle pour prodigieufe. ( Voyez, pour les autres élévations de cet efpace, les relations de mes illuftres garans.) Pour prendre une idée de fa hauteur, rappelons-nous feulement que Quito, fon point à peu près le plus bas, eft à 1456 toiles fur le niveau de la | | | ) | SUR L'HIST, NATURELLE ET LES ARTS. 99 mer, Ce point le plus bas eft par conféquent plus haut de 16 toifes quele Canigou, réputé, bien ou mal à propos, le plus haut des Pyrénées. Voilà pour la hauteur ; venons à la forme. Certe efpèce de bofle oblongue & crénelée eft peinte comme la plus hériflée qui exifte , ou plutôt qui puiffe exifter ; car elle ne peut l'être da- vantage fans s’écrouler , plufieurs de fes parties s’écroulent même tous les jours. Analyfons D. Ulloa. Les chemins , ou plutôt les petits [entiers par où l'on va de Quajaquil a Quito, font femés de trous pleins de bous, appelés camelons , profonds de 2 pieds, où les mules mettent leurs jambes. Ce fonr des efcaliers que les Voi- turiers creufent dans la craie , pour avancer, @ que la pluie emporte la nuit Juivante, Au milieu de ces précipices , dont la vue fait treffaillir les braves, Les mules defcendent avec la rapidité du vent | avec des précautions que l’homme ne furpaffe point, & en montrant l’effroi qui les pénètre. La Largeur de la route fuffit à-peine à celle de la monture. Une mule exercée dans ce ma= nège acquiert une grande célébrité. (Voy, d'Amér. p. 182, tom. [.) Nous trouvämes trois fois ces fortes de chemins , en allant de Quajaquil à Quito. (pag. 186.) Voilà la partie la plus commode de cette Cordillière ;car on n'a pas fans doute choifi la plus mauvaife route; ce qui donne une idée du refte, Mais le Capitaine Byron renchérit indireétement fur le tableau de cette même route. Les montagnes du Magellan, dit-il, vers le cap Forward , font da bordure la plus hideufe qu'on puifle voir, À L'EXCEPTION DE LA Cor- DILLIÈRE. ( Voy. des Angl. tom. I, pag. 85.) Il ajoute, que ce bloc Ma- gellanique, plus élevé que les nues , ne paroït être qu'un amas de ruines , 6 il répète qu'on n'imagine rien de plus affreux. ( pag. 96.) Comment donc ima- giner cetre Cordillière qui eft pire ? qui eft pire dans la route fréquen- tée? Ces montagnes Magellaniques , dit le Capitaine Wallis, dominent Les nues ; c'efl plus affreux que tout ce qu'on avoit vu: ce r’eff qu'un monctau de ruines. ( pag. 40.) C’eft ainf que parlent du Magellan tous ceux quien parlent, Il eft cependant moîns difforme que la Cordillière , fuivane Byron. Un homme que des dangers, des travaux & des fouffrances de tous les momens portent à des idées noires ; que l'intérêt du merveilleux, que le détir naturel d'intérefler le Ledteur, pouflent à l'exagération malgré lui; un tel homme , fans être néceilité par aucune circonftance de fon récit, va chercher un trait pour effacer un tableau qui lui coûte tant! La Cordillière eft loin; il eft environné des ruines Magellaniques, & Pune cependant lui paroît plus horrible que les autres. Le feul fouvenir de Ja Cordillière l’affecte plus que les fenfations du Magellan. Narbourous, qui avoit appelé le Magellan /2 defolation du fid , auroit donc appelé défola: tion du monde, la partie la plus douce de la Cordillière. Pour qu’un pays foit affreux, il doit avoir une foule de vallées étroites, excavées comme à l'infini les unes dans les autres 3. que leur profondeur Tome XXV, Part. II, 1784 AOUST, N 2 100 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, foultraite à la clarté du jour, que longent par conféquent des chaînes efflanquées , dont les parois, femées d’abîmes , portent de vaftes rochers en faillie, comme des demi-voûtes, toujours prêtes à entraîner leur bafe latérale. C’eft avoir une furface prodigieufe ; c’eft être la Cordillière de Quito, On fent maintenant avec quelle perfévérance & quelle vivacité le feu fouterrain doit fortir de ces conducteurs , parmi lefquels logent la glace & les nues. C’eft donc dans cet efpace entre Cuença & Panama , que l'air de la moyenne région eft le plus vivement raréñé par cette effluve ; qu'il dépofe une plus grande quantité de vapeurs de torrens fournis par cette atmofphère qui accourt par tous les rumbs. Un nuage épais & continuel , dit D. Ulloa, ous enveloppoit fur le Pi- chincha | & nous cachoïr les objets & huit pas. Il defcendoit quelquefois au col de la montagne , qu'il environnoit de près € au loin. C'étoit comme une vafle mer , du milieu de laquelle, comme dans une Ifle, on entendoit l'orags crever fur Quito. Nous avions de jour l'obfcurité des nuits, & nous entre re- connoiffions à la lueur des Lampes. (Voy. d’Amér. pag. 197 & fuiv. tom. [°.) Ce brouillard , dont nos climats n’offrent point d'image, puifque nous n’eûmes jamais recours aux flambeaux pour nous éclairer en plein jour, reflemble au brouillard déjà remarqué dans la baye Duski. Toutes fes variations fe bornent à monter ou defcendre de quelques cent toiles, fui- vant les variations inégales des denfités dans les vapeurs & dans l'air , poux fervir alternativement de ceinture & de bonnet au Pichincha. IL AA la vallée , ou couvre ce fommet de neige, & dépofe par conféquent , fans prefque aucun relâche; en forte que fa fecrétion monte à 7 pouces d’eau dans les vingt-qnatre heures, ainfi que je lai montré dans le Mémuire {ur les inondations volcaniques. La peinture du Pichincha [e trouve celle de tous les hauts fommets. Sur cer ho- rigon , toutes Les flations des triangles reffembloient de près au Pichincha. Quand nous étions dégages du brouillard , les autres montagnes en étoient enveloppes. Ainfi ,quandnous pouvions les regarder ,'elles n'étoient pas vifibles ; € quand elles étoient vifibles, nous ne pouvions les regarder : nous ne voyions le ciel que par des éclaircis rares, brufques , étroits.æ( Ib. paffim.) C’eit la perma- nence & l’opacité de ce brouillard qui prolongèrent jufqu'à huit années la fixation des triangles, qu’on compléta dans un an, & en même temps à Tornéo. On employa trois femaines à faire, fur Le feul Pichincha, le travail d’une matinée fereine. Dans mon Mémoire fur Jes inondations volcaniques, j’ai attribué ces nuages au feu des volcans: c’eft le même principe, Si le feu fouterzssin , naturel , univerfel & conftant, iflu des hautes montagnes, produit des nuages parafites, à plus forte raifon en produira-t-il quand il fera fecondé par un incendie local. Les volcans qui paroiffent être nombreux, vaftes, violens & plus conti- motard et or SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS, 1ox nus fur cette fcène qu'ailleurs ; forment une forte d’enfemble dont le centre commun eft quelque part, comme le centre de gravité d'un fy{- tême de corps. C’eft vers ce centre que l’atmofphère eft atrirée des deux océans , pour gravir fucceflivement au zénith, & dépofer fa charge ; mais chaque volcan attire à lui une portion de cet air affluent, Cette partie de- vient une colonne afcendatte , propre à ce volume quelconque , & dépofe fur & autour de lui le brouillard &, la pluie. Ces nuages deviennent paralites de ces volcans particuliers. C’eft ainfi que les moindres planètes circulent autour des grandes , qui circulent autour du foleil , leur centre commun, Celles de ces montagnes qu'on appelle volcans éteints , font aufli de véritables volcans ; nous l'avons reconnu : elles exhalent dans leur neige un fleuve de feu. Elles deviennent donc auñi bafes d’une colonne afcen- dante, qui les habille d’un nuage épais prefque perpétuel, mais moins fans doute que les volcans enflammés. La Cordillière de Quito fe trouve entiérement éompofée de ces deux efpèces de volcans, les uns brûlans par bouffées, puis en fecret, mais exhalant toujours de la fumée , & par conféquent beaucoup de feu, les autres exhalant fans ceffe un feu paiñble, égal, trouvé dans tous les fou- terrains, Le fyftème entier de ces volcans attire fans cefle & par tous les rumbs l'air éloignè vers fon centre d'énsrgie, & chacun de ces volcans attire à lui l'air de fon voifinage , à mefure qu'il arrive fur cette fcène. La forme de tous ces volcans des deux efpèces , attire donc en général la fubftance des pluies; mais ces pluies font incomparablement plus vives, plus foutenues fur chaque volcan que fur fon voifinage; & tandis que les hauts fommets logent dans des ténèbres éternelles, les vallées, les plaines , les intervalles qui les féparent ont fréquemment une parfaite fé- rénité : on y fème, on s’y promène, en prenant fon temps , parmi les carac- tères des climats heureux. Les nuages qui , dans les mêmes inftans , inondent les hauts fommets, ont donc une tendance propre, habituelle, bien décidée vers ces fom- mets ; ils y font donc attirés, ou plutôt ils y font pouffés par l'air de rous les rumbs , qui vient yremplacer l'air rendu continuellement afcendant par l'effluve ignée fouterrain, continuel fur ces fommets , qui contribuent par cela même à {a férénité du voilinage. Ainf, la Cotdilliere de Quito vérifie cette doctrine de M. Bertrand, queles vapeuts rendent d2 toutes parts & de loin des lieux basvers leshautes fommités, Ce gros mallif, qu'on pourroit appeler Le dôme de l'Amérique méridionale, attire donc route Patmofphère de cette Amérique & des mers Voilines, & les creneaux de ce dôme attirent l’air chacun à foi, felon Ja directe des forces & l’inverfe des diftances, Ceux de ces creneaux qui font actuellement enflammés, ont des forces plus grandes, chacun a 102 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, une fphère d'activité beaucoup plus étendue ; mais les creneaux non brülane font auûi des volcans, ainfi nommés par extenfion, & ont chacun aufi leur fphère d'aivité, quoique moindre, Tous ces volcans, foit propre- ment, foit improprement appelés, en s'habillant de vapeurs , donnent, chacun à leur voilinage , la férénité. Autant ils prennent de vapeurs , au- tant ce voifinage en perd. Mais aux vapeurs que prennent par eux ces volcans , fe joignent celles qui naiffent dans leur colonne aérienne, toujours afcendante | toujours fe criblant. Le refte de la Cordillière net point aufli célèbre par fes brouillards, ni par fes pluies, parce qu'il eft plus bas. On ne retrouve ces phénomènes qu'au Magellan, mais point aflez détaillés pour que je puifle m'y ar- rèter. La Cordillière de Quito fournit donc quatre caractères à la théorie des nuages parafices; 1°. montagnes élevées ; 2°. bizarres ; 3°. nuages perma- nens; 4°. eaux abondantes furle Pichincha même, volcan éteint, & où tombent 7 pouces d’eau tous les jours. Je finis par obferver que , fur Le fommer du Pichincha, la température varie d'entre — ç$ deg. & 13 deg. felon Ulloa; car j'ai fait voir que l'air voifin des hauts fommets eft échauffé par eux, fans quoi le Pichincha va- rieroit peut-être d’entre — 40 des. & — 60 deg. Son air feroit donc d'environ 48 deg. moins froid que celui de mêmes latitude & niveau, mais éloigné des montagnes. EXPÉRIENCES Sur la refpiration animale dans le gaz déphlogiftique ; Par M. le Comte DE Morozzo. Q UOIQUE, d’après les nouvelles découvertes du Docteur Prieftley fur les différens fluides aériformes , les Sciences naturelles aient fait des progrès rapides , par les infatigables foins des illuftres Phyficiens qui s'en font occupés , la partie cependant qui regarde l'économie animale eft en- core bien éloignée d’en avoir retiré Les avantages qu’on étroit en droit d’en attendre. C'eft fur cette branche , qui intéreffe fi près l'humanité, que j'ai dirigé mes recherches, Les premières expériences que j'ai entreprifes, ont été re- latives à la refpiration animale dans le gaz déphlopgiftiqué. Dans lamut tiplicité des nouveaux faits qui fe font préfentés , j'ai conçu la flatteufe D A er Oo 3 SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 103 efpérance de pouvoiren faire quelque application utile pour le bien de la Société. Engagé par cette confidération, j'ai pourfuivi le travail avec ar- deur; mais je me fuis trouvé avoir recueilli un fi grand nombre de faits, que les bornes d'un Memoire ne fufhiroient pas pour en rendre compte, Je me bornerai donc à préfenter l'extrait des expériences & des ob- fervations les plus intéreflantes, me réfervant de traiter plus particuliére- ment de cette matière dans un autre Mémoire. Parmi Les découvertes du célèbre Docteur Prieftley , la plus furprenante fans doute, eft celle d’avoir retiré artificiellement un fluide aériforme, qu’il nomme air déphlogiftiqué , très fupérieur en bonté à l’air que nous refpirons, dans lequel les animaux vivent beaucoup plus long-temps, & dans lequel une bougie brûle avec une vivacité éblouiffante, Je n’examinerai pas à préfent fi le gaz déphlogiftiqué eft un être tout-à-fait fimple , ou un compofé, ni fi ce fluide eft parfaitement le même , quoique retiré des différens corps qui peuvent le fournir, Je trai- terai ailleurs cette queftion , & j'efpère démontrer encore que ce gaz, que l'on appelle déphlogiftiqué , eft parmi les gaz un de ceux qui contient plus de phlopiftique , & qu'il eft le principe identique de tous les acides. Le gaz déphlogiftiqué que j’ai employé dans le cours de ces expériences, a été retiré du précipité rouge, & le plus fouvent du nitre, les ayant re- connus parfaitement égaux en bonté. Les animaux dont je me fuis fervi, font des lapins & des moineaux ; & pour avoir toujours des réfultats comparables, j'ai pris ces animaux adultes, ayant remarqué que les animaux vivoient plus ou moins long-temps dans un air vicié , felon qu'ils étoient plus ou moins jeunes. Cette différence n'a cependant plus lieu dès que les animaux font parvenus au dernier point de leur accroiffement, Certe obfervation de la durée de la vie des animaux de divers âge dans un air vicié , a quelque rapport avec ce que Muffchen- broëck a remarqué fur les animaux renfermés dans le vide de la machine pneumatique. Comme mon premier foin a été de comparer la durée de la vie des animaux dans le gaz déphlogiftiqué , avec leur durée dans l'air atmofphé- rique , jai commencé par les expériences fuivantes. J'ai pris deux flacons égaux , qui pouvoient contenir 9 onces d’eau, l'un rempli d'air commun, & l’autre de gaz déphlogiftiqué; j'ai renfer- mé un moineau dans chacune; les ayant enfuite parfaitement fcellés , la durée de leur vie a été: Dans l'air atmofphérique , 1 heur. $ min. Dans legaz déphlogiftiqué, 4 . . . . . environ. J'ai répété plufeurs fois la même expérience avec des flacons égaux entre 104 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, eux, mais de plus grande capacité; les réfultats que j'en ai obtenus font que les animaux renfermés dans le gaz déphlogiftiqué ont toujours vécu quatre, même cinq fois autant que dans l'air commun. Lo Ces expériences confirment ce que les Phyficiens modernes avoient déjà obfervé fur Ja plus longue durée de la vie animale dans cette efpèce d’air. Après la mort de l'animal, une bougie allumée & plongée dans le flacon contenant de l'air atmofphérique, s’éteignit tout de fuite à l’orifice, comme on devoit s’y attendre (1). Mais ce qui eut lieu de me furprendre, c'eft qu'une autre bougie allumée , plongée dans le facon rempli de gaz déphlogiftiqué , y conferva fon brillant & fa vivacité ; elle y brüla comme fi l'animal n’y fût pas mort. Ce phénomène me frappa d'autant plus, qu'il eft contraire à ce que nous obfervons dans l'air commun, lequel, lorfqu'il eft vicié par la refpiration animale , éteint la flamme long-temps même avant qu'il foit aflez gûté pour fiffoquer les animaux ; ce que M. le Doteur Cigna a démontré le premier (2), TE J'ai remarqué que les oifexux, en entrant dans le gaz déphlogiftiqué, paroiflent plus gais, & qu'ils fe remuent davantage que dans Pair atmof- phérique, & que lorfque leur refpiration paroît être génée (ce qui arrive plus tard que dans l'air commun ), ils n’ouvrent pas le bec autant que les autres, & la fin de leur vie n’eft pas accompagnée par des convullions fi violentes que dans ceux qui meurent dans l'air atmofphérique ; mais ordi- nairement ils font couchés fur leur Aanc, ouvrant très-peu le bec, & leur refpirätion eft à peine fenfible, J'ai recherché enfuite fi un fecond animal auroit la faculté de vivre dans une capacité remplie de gaz déphlogiftiqué , Où un autre animal auroit déjà péri. i Nous favons , d'après les expériences de M. le Docteur Cigna ; que fi » dans une capacité remplie d’air atmofphérique, dans laquelle on a laiffé Mourir un animal, on en introduit un fecond, il y meurt dans deux ou trois minutes ; qu'un troifième n’y vit pas une minute (3). J'ai donc en- fermé un moineau dans un flacon rempli de gaz déphloviftiqué, de la ca- pacité de 21 onces d’eau ; il a vécu fix heures environ. J'y en ai introduit un fecond tout de fuite après la mort de celui-là ;il a vécu deux heures & quelques minutes. Une bougie que jai introduite après la mort du fecond animal , a brülé avec beaucoup de vivacité ; fa flamme s’eft alongée, & 2 ——— 2 ———— (x) Mélange de la Societé Royale de Turin, tom. I, pag. 47, $. 44. (2) Mélange de la Société Royale de Turin, tom. I, pag. 49, 6. 46. Voyez auf Prieftley, Expériences & Obfervations {ur la Phyfique , tom. III, pag. 144. (3) Ibid. tom, II , pag. 168 & 159. nc Se SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 10$ ne fut point fenfiblement différente de ce qu’elle eft dans l'air déphlopiftiqué très-pur. J'ai refait la même expérience avec trois animaux enfermés l’un après la mort de l’autre ; ils ont vécu , Û Le premier, $ heur. 14 min. Eesfecond,\b-24,,- 11 Petroifième, 1 044. 30 La bougie introduite après la mort du dernier, brûla avecune très-grande vivacité. Le fecond & le troifième des animaux que j’avois enfermés donnèrent en entrant des marques d’une reïpiration pénible; & en approchant de‘leur fin, leur refpiration étoit fort lente, comme dans les pre- miérs. Les réfultats de cette expérience m'engagèrent à obferver fi, en intro- .duifant un grand nombre d'animaux les uns après la mort des autres, je pourroisärvenir à vicier l'air au point que l'animal introduit ne fût plus en état d'y vivre que quelques minutes, & la Aamme d’une bougie de s'é- teindre en l’introduifant. Pour m'en aflurer , je fis l'expérience fuivante. . Dans un facon de la capacité de 30 onces d’eau, rempli de gaz déphlo- gifiqué , j'introduis différens moineaux les uns après la mort des autres ; la durée de leur vie fut comme ci-après. Le premierwécut, 6 heur. 30 min. Lefeconde . 2 .…. s$ Letroifènese. .\_rz. .. 4 Le quatrième, . 1 RO Le cinquième, . 2 , 39 Le fie a nl 0: 3 La bougie introduite dans le flacon après la mort du dernier animal ; brüla encore avec une vivacité furprenante, Jai enfuite tâché de reconnoître file gaz déphlooiftiqué avoit la faculté de laiffer brûler une bougie , non feulement lorfqu'il eft vicié par la ref piration animale, mais aufli lorfqu'il eft combiné avec les gaz méphitiques, & j'ai reconnu (l'ayant combiné avec l'air fixe en différentes proportions) que toutes Les fois que Pair fixe n'excède pas les + du mélange , la bougie y demeure encore allumée. Nous verrons plus bas Les effits de la ref- piration animale dans ces mélanges. Je me fuis fait un véritable plaifir de faire part du réfultat de ces expé- riences à Mi le Doeur Cigna; mon eftime pour lui , & l'amitié qui nous lie, étoïent des titres fufifans , auxquels on doit ajouter celui d’avoir pu- blié , dans les volumes de notre Société, plufeurs excellens Mémoires Tom. XXV, Part. II, 1784. AOUST. O 106 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, fur la refpiration animale , & fur l’état de la Aamme dans l'air atmof- phérique (1). IL me communiqua quelques réflexions inférées dans üne lettre en date du 11 Juin 1783, adreflée à M. Magellan à Londres, dans laquelle il lui faifoit part des nouvelles expériences que je venois de faire, & me confeilla de varier mes expériences, & de les répéter avec un appareil femblable à celui dont il s’étoit fervi dans celles qui fonc rap- portées dans le fecond volume de la Société Royale. Je pris donc une cloche de criftal de la capacité de huit livres d’eau; & au moyen d’un cordon qui portoit fur une poulie, je paflois une cage de fil de fer qui contenoit les oifeaux, dans la cloche qui étoit montée fur un trépied, & plongeoit dans un baflin rempli d’eau , comme on peut le voir par la figure jointe à ce Mémoire (fig. 2 & 3, PL.[.) Letempsque j'employois à pafler l'animal de l'air atmofphérique dans la capacité de la cloche à travers de l’eau , n’a jamais excédé 2 fecondes. Pour avoit un terme de comparaifon , j'ai vérifié en premier lieu Ja durée de la vie des animaux dans cette cloche remplie d’air atmofphérique ; elle a été comme ci-après. Le premier moineau vécut trois heures environ. Le fecond y mourut dans trois minutes. Le troifième n’arriva pas même à une minute. Ces réfultats font le terme moyen de plufeuts expériences, & font parfaitement conformes à ceux obtenus par M. le Doéteur Cigna. Il en a éré de même à l'égard des battemens & des angoiffes dont étoient tour- mentés ces animaux dans la courte périude de leur vie. mn Dans ces expériences, on obferve dans la capacirésdenla cloche une abforption d’eau qui va toujours en diminuant. Le premier animal pro- duiGr une abforption de 8 lignes ; le fecond une de 4, & les autres n'en produifirent aucune, Voyons à préfent la différence que l’on obferve , enr répétant la même expérience dans le gaz déphlogiftiqué & dans le même appareil, Le premier moïneauya vécu $ heur. 23 min. Teteconde TE ENNEMI EEO, Éetroifemeste eee IN ESS Lefaqnenteme tee NT IE NMReNELE Oo) Petciaquieme 0 MM IR RE Detiniemes tee PRE re QI Les fepièmes se PS ARE TN 1 MO ME MoN al nus EEE Éolnenvieme 4 AN RENE Le diniémes 2e AN SUNSET ER (x) Voy. Mém. dela Soc. Roy.tom. I, pag. 47 ; &t. I, p.168; &e. V,p. 111. 0 me = SUR'L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 107 Voyant alors que la durée de la vie des animaux , depuis le cinquième , ne décroifloit pas dans une proportion marquée , j'ai cru qu'en mettant deux animaux à la fois , ils auroient fini plus vite leur vie, comme cela arrive dans l'air commun. J'ai donc mis deux moïneaux enfemble dans la même cage; un de ceux-ci eft mort dans 20 minutes; l’autre fembloit meu- rant après une demi-heure qu'il fut enfermé ; mais il évoit encore eu vie après une heure. Défefpérant alors de vicier davantage l'air par l'introduction répétée des animaux, & ayantwu qu'il y avoit, pour ainfi dire, un terme fta- tionnaire où la vie animale ne décroifloit plus, ayant d’ailleurs pour ob- jet d'examiner l'air de la capacité, M. le Comte de Saluces , les Docteurs Cigna & Bonvoifin, qui me firent la grâce d’aflifter à cette expérience, me proposèrent de fortir cet animal mourant ; ce queje fis, & le moineau s'en trouva aflez bien , parce que , moyennant nos foins & un peu d’aikali volatil Auor, il fut rappelé à la vie, au point qu’il fut en état , une heure après, de s'envoler par la fenêtre. , Ayant examiné l'air refpiré par ces douze animaux, en y introduifant une bougie , elle y brüla avec une vivacité très-grande , & fa flammere parut prefque point différente de ce qu’elle eft dans le gaz déphlogiftiqué tcès-pur (1). A la vérité, M. Scheele affure (2) qu'après avoir refpiré cinquante- fix fois l'air du feu (le gaz déphlogiftiqué), cet air éteignit la Aamme, Mais il n’y a qu’à comparer fa méthode d’expérimenter avec la mienne, pour voir laquelle des deux eft plus fujette à l'erreur. M. Scheele refpiroit Vair contenu dans une veflie; & dans l'infpiration , il n’étoit pas aflez für de ne point tirer dans fes poumons, par les narines , ou bien par la bouche même avec l'air de la veflie, quelque portion d’air extérieur , 6 vice verfé, il n'étoit pas für, dans l'expiration , de rendre toute fon haleine dans la veflie; mais une partie en pouvoit échapper par fa bouche ou par fes narines dans l'air extérieur. Ainf, à la longue, il en pouvoit arriver, qu'à force de mêler l'air extérieur avec l'air du feu contenu dans la veflie, cette veflie enfin ne fut prefque remplie que d’air extérieur. De la même fa- çon que fi on tiroir du vin à plufeurs reprifes d’un tonneau, & qu’on le rem- plaçat par de l’eau , on trouveroit à la fin que ce ronneau ne centiendroit que de l’eau, Je fuis d'autant plus fondé à foupçonner une telle erreur, que, (1) On fera peut-être furpris que je ne me fois jamais fervi de l'eudiomètre pour re- connoître l’état de bonté de l’air après la mort des animaux. J'ai fait remarquer ailleurs - mes doutes fur l’exa@titude de cet inftrument. ( Journal de Phyfique, Novembre 1783.) Ceux cependant qui y auroient quelque confiance , pourront confulter les belles expé- riences'de M. Senebier à ce fujer. ( Recherches fur l'influence de La lumière folaire pour métamorphofer l'air fixe en air pur par La végétation, pag, 297.) (2) Ouvrage cité, . 90. Tome XXP, Part. IT, 1784. AOUST. O 2 108 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, dans un autre endroit, le même M. Scheele aflure (1) qu'en refpirant l'air inflammable de la même manière, il l’avoit changé'en air corrompu, en lui tant , comme il croit, par la refpiration, fon phlogiftique ; car, quoi qu'il en foit de fa théorie , qui eft direétement oppofée à celles de MM. Prieftley & Crawfort , il eft vifible que l'air inflammable ne pouvant point fervir à la refpiration , ne pouvoit pas non plus être changé par elle en air corrompu, & que toute cette expérience fe réduit à avoir par re- prifes mêlé dans fes poumons une partie de l'air inflammable contenu dans la veflie avec l’air atmofphérique extérieur; & à force de le mêler, à avoir enfin rempli la veflie d'air atmofphérique , qui, ayant paffé par fes poumons, devoit avoir les qualités d’air corrompu. Or, dans ma méthode d'expérimenter, dans laquelle les animaux font plongés dans l'air même, qui eft fermé de tout côté, il ne peut y être arrivé de femblables méprifes. Au refte, mes expériences ont été faires & répétées tant de fois, avec tant de foin, & à la préfence de témoins fi éclairés , qu’elles ne peuvent être foupconnées d'erreur , & tout le monde pourra aifément les vérifier. L:s phénomènes qui accompagnent la mort de ces animaux, font les mêmes que nous avons obfervés dans les expériences fur les animaux ren- fermés dans ce gaz & dans les facons de criftal; ce qui me raflura fur les réfultats obtenus par ce moyen, L’abforption a été plus forte par les pre- miers animaux , moindre & prefque égale depuis le cinquième ; j'ai même remarqué qu’elle fuivoit la proportion de La durée de leur vie, L’abforption eft beaucoup plus confidérable dans le gaz déphlogiftiqué que dans l'air commun. Ayant obfervé que le gaz déphlogiftiqué , dans lequel différens animaux font morts fuccellivement , eft encore en état d'entretenir la vie d’un autre animal pendant un temps confidérable, & la flamme avec grande viva- cité, j'ai entrevu qu'il falloit éclaircir les queftions fuivantes. 1°. D’obferver quelle auroit été la durée de la vie des animaux renfer- més dans le gaz déphlogiftiqué, dans lequel on a fait éteindre une bou- gie , & j'ai reconnu que les animaux y vivoient prefque autant que dans le gaz déphlogiftiqué très pur; réfulrat très-conforme à celui que l’on obferve dans l'air atmofphérique (2); mais la bougie introduite après la mort de huit animaux, brüla encore avec une flamme affez vive, Ce fait furprenant trouvera fon explication à la fuite de l'expérience fui- vante. 2°. De reconnoître fi une bougie allumée, introduite dans le gaz dé- phlogiftiqué où l’on avoit laiffé éteindre une autre bougie , pouvoir y brà- ler encore, & j'ai reconnu qu’elle ne refte plus allumée. L'expérience eft \ © à (n) $.93: (2) Mélange de la Société Royale de Turin, tit, 1, pag. 47 ;$. #3- SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 109 cependant très-délicate :on pourra en voir Les détails dans le paragraphe 43. Voy fig. 5. L Une bougie refte allumée pendant cinq minutes environ dans un flacon de gaz déphlogiftiqué que l'on tient renverfé dans l’eau , tandis que dans un égal flacon rempli d'air armofphérique , fa durée n'eft que de 40 fecondes environ ; l'abforption dans l'air déphlogiftiqué y eft beaucoup plus confidérable, Le feul repos de quelques heures fufit pour rendre ce gaz en état de laifler brüler une feconde bougie avec fa première viva- cité. Pendant ce temps , l'on obferve une nouvelle abforption, L'on parvient également à rendre ce gaz en état d'entretenir la flamme, en le fecouant brufquement avec l'eau pendant quelques minures (1). En ouvrant le flacon fous l’eau , on a une abforption égale à la précédente. Ce qui paroît nous démontrer que les exhalaifons de la flamme ne s’u- niflent pas intimément avec le gaz déphlogiftiqué , & que celles-ci font en très-peu de temps précipitées & ablorbées par l’eau;ce qui donne l'ex- plication de l'expérience précédente, Il me reftoit à examiner fi, après avoir Haiffé mourir différens animaux dans une capacité remplie d’air déphlogiftiqué , le feul repos de l'air dans l'appareil pendant quelques jours , auroit fufi pour lui rendre fa première bonté; de façon qu’en y introduifant un autre animal, celui-ci fût en état de vivre autant de temps que le premier animal introduit dans une capacité remplie de gaz déphlogiftiqué très-pur , & s’il n’auroit pas donné en entrant des marques d’une refpiration gênée , avec des battemens & angoifles , fignes non équivoques que l'air eft encore vicié. J'ai cru que, pour être en état de mieux reconnoitre les moindres va- riations qui fe feroient préfentées, il falloir fe fervir d’un appareil plus grand, & d'animaux plus gros; ce que je fis en me fervant d’une grande cloche dont la capacité contenoit 49 livres d’eau , & en employant des lapins, au lieu de moineaux. Voy. fig. 4. Pour avoir un terme de comparaifon , j'ai vérifié la durée de la vie de ces animaux dans l’air commun. Le prenier vécut, 4heur. 33 min. Lerfecond Mi AMAR Lértroitemers et rte . L'abforption fut de 9 lignes à la mort du premier animal ; elle aug- menta de 4 à la mort du fecond, & ne fut prefque point fenfble au troi- fième, Ces animaux ont préfenté , quant aux angoifles & à la difficulté dans la refpiration , les mêmes fymptômes que les oifeaux , à la feule exception qu’eu égard à leur volume , relativement à la capacité dans — SRE RRR EDR (1) MM. de Saluces, la Grange & Cigna ne font point parvenus à rétablir Pair commun vicié par la flamme, quoiqu'ils aient filtré à travers différentes liqueurs. (Voyez le premier volums de la Soc. Roy. de Turin, pag. 34,8. 25. Yo OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, laquelle ils ont été enfermés , ils ont vécu un temps proportionnellement pluslong ;ce qui eft dû à ce que les quadrupèdes font accoutumés, près de la terre, à refpirer continuellement un air plus chargé d’exhalaifons que les oifeaux, qui font accoutumés à un air plus pur. Cette obfervation n'a pas échappé au Docteur Prieftley. Voici ce que l’on obferve dans le’ même appareil rempli de gaz d& phlogiftiqué. | Le premier lapin vécut TO heur. 3 min. LertecOpd ee NET THIN ES ARE TebtroiHEME SMS 0e ARS NEO Les phénomènes fur la refpiration de ces animaux ont été les mêmes que l’on a obfervés dans les oifeaux enfermés dans le même gaz ; mais l'ab- forption fat plus confidérable, À la mort du premier lapin, elle fut de 2 pouces ;le fecond en produifit encore une de 1 pouce & 8 lignes; & le troifième, de 2 pouces & 2 lignes. Ayant laiffé en repos l'appareil, fans plus introduire aucun animal , j'ai remarqué que l’abforption aug- mentoit encore au point, qu'après trois fois vingt-quatre heures elle fut de 10 pouces. Il y eut donc, pendant le repos, 4 pouces & 2 lignes d'ab- forption. À ceterme , elle n'augmenta plus. ; Pendant ce temps, j'ai tenu la cloche enfoncée dans l’eau, afin de lui faire prendre le niveau , pour éviter que l’air extérieur ne filtrât à travers de l'eau dans la capacité, & en fit déprimer le niveau intérieur ; ce qui ne manque jamais d'arriver fans cette précaution. I paroît que l'on peut conclure de cette expérience , que les animaux renfermés dans le gaz déphlogiftiqué confument une plus grande quan- tité de ce gaz que ne font les animaux renfermés dans l'air commun, à peu près dans la proportion de $ à 13 proportion qui eft aufli celle de la plus grande durée de leur vie. Un autre lapin introduit dans la même cloche , me prouva que l'air étoit amélioré, mais non pas rendu à fa première bonté, J'en fis auñl l'é- preuve fur un moineau , dans un petit appareil dans lequel j'avois fait pañler le gaz de cette cloche, lequel vécut deux heures & quelques mi- nutes, Voyant que le feul repos ne fufifoit pas pour rétablir le gaz vicié par la refpiration , j'ai paffé fous l'eau dans la cloche un verre rempli d'eau de chaux. J'ai obfervé qu'après vingt-quatre heures la chaux avoit été précipitée en terre calcaire , & qu'il y avoit eu une abforption d’un demi- pouce. J'ai alors introduit un moineau , qui vécut $ heures & 10 min., qui eft le temps à peu près qu'un moïineau a vécu dans la même cloche remplie de gaz déphlogiftiqué très-pur. Ayant alors remis un autre verre d'eau de chaux dans l'appareil , après en avoir retiré l'animal mort, il fe fit aufli une abforption d’un demi-pouce dans vingt-quatre heures, & un SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 111 autre moineau introduit y vécut $ heures & 2 ou trois minutes, temps à peu près égal au premier (1). D'après le réfultat de ces expériences , il écoit tout naturel que je véri- fiafle fi l'eau de chaux auroit eu la même propriété pour corriger l'air atmo(- phérique vicié par la refpiration animale; mais mes tentatives ont été fans fruit , malgré que j'aye introduit trois fois autant d’eau de chaux dans l'ap- pareil, & que je l'aye gardée trois fois autant; même que j'aye fecoué pén- dant long-temps cet air dans un matras à moitié rempli d'eau de chaux, Ces expériences paroiflent démontrer que les exhalaifôns du poumon s’uniffent très-étroitement avec l'air atmofphérique , que l'air vicié par cetre facon, ne peut pas fe corriger ; qu'au contraire Ces mèmes exha- Jaifons ne fe combinent pas intimément avec le gaz déphlogiftiqué , & ont avec lui très-peu d'adhérence , puifqu’il peut en étre repuigé & entiére- ment rétabli par l'eau de chaux. J’efpérois pouvoir démontrer complètement , d’une autre façon, les faits obfervés, en refaifant ces expériences dans un appareil au mercure; mais je vis l'impoflibilité de me fervir de cette méthode; car, en pañlant les moineaux à travers le mercure, j'ai obfervé des différences fi grandes dans la durée de leur vie , que j'ai penfé que quelques uns de ces animaux, en traverfant le mercure, en avaloient dans leurs infpirations; ce qui étoit caufe de leur mort fi prompte. Pour m’en affurer , j'ai fait étouffer un moineau dans le mercure, & luiayant ouvert le poumon, j'y en ai trouvé dedans des globules. Je me fuis permis cette petite digreflion , parce que quelques Phyfciens aflurent que dans'les moyés lon ne trouve point de Veau dans les poumons. : J'ai êxaminé enfuite fi le gaz déphlooiftiqué étoit vicié par la vapeur du charbon embrafé de la même manière que l'air atmofphérique, & j'ai reconnu qu’il en faut une très-orande quantité pour le vicier, au point que fi un feul morceau de charbon embrafé fuffit pour rendre meurtrier l'air commun ,ilen faut fixenviron pour le gaz déphlogiftiqué. L'abforp- tion dans ce fluide eftmoins confidérable que dans l'air commun; ce que j'ai obfervé ailleurs (2). L'appareil avec lequel j'ai fait cette expérience, qui eft très - délicare , €ft marqué dans la figure cinquième: c'eft le même qui ma fervi pour les bougies. Voici la façon dont j'o- ère. J’introduis fous le mercure les charbons embrafés dans le cylindre de (1) Cette expérience paroît confirmer la théorie de P'AbbÉ Fontana , fur laquelle Prieftley femble avoir des doutes: ( Foyez Expériences & Obfervarions fur la Phyf- que, rom. III, pag. 197 ) (2) Journ. de Phy£. , Avril 1783. L : UM PRIT STORE, PURES PIN TORRES ” ul. 4 « * SOI TEE + ‘ % = 7:11. -12 OBSERVATIONS SUR LAPHYSIQUE,. criflal, qui porte une vellie flafque armée de fon robinet , laquelle fe gonfle , pendant que la chaleur du charbon dilate l'air de la capacité ; & en refroidiffant , il eft repompé dans le cylindre. En opérantde cette façon, l'air dilaté ne fort jamais en bulles à travers le mercure, comme il arrive avec les flacons ordinaires, Voyant quele gaz déphlogiftiqué eft fouillé beaucoup plus lentement, foit par la refpiration animale, {oit par la combultion des bouoies & du charbon, il me reftoit à examiner les effets de la putréfaétion dans ce fluide, Pour cela, j'ai mis 3 onces de fang dans deux flacons égaux, l’un rempli de gaz déphlogiftiqué, l'autre d’air commun , qui farent exaétement fcellés. Je n'ai pas obfervé de différence fenfble dans les fignes extérieurs de la putréfaction ; mais les ayant ouverts après un mois , la bougie s’eft éteinte à l'orifice du flacon rempli d'air atmofphérique, tandis qu'elle conferve fa flamme , quoique mourante , dans Le flacon rempli de gaz dé- phlogiftiqué. J'ai renfermé dans les mêmes circonftances des morceaux de veau & de bœuf ; j'ai reconnu, 1°. que la viande pafñle à l’état de putréfattion plustôt que le fang; 2°. que, dans le gaz déphlogiftiqué, la bougie refte encore allumée , quand dans l'air commun elle s'éteint, . Ce qui nous démontre que le gaz déphlogiftiqué s’unit plus lentement aufli avec les émanations putrides qu'avec l'air atmofphérique, ou bien qu'il eft capable d’en recevoir une quantité bien plus grande. Les lapins & les moineaux que j'ai facrifiés pour mes expériences , m'ontencore fourni le moyen d'éclaircir un point intéreffant fur la Phyfo- logie , qui fait aujourd’hui un grand füujet de difcuflion parmi les Savans ; favoir, fur l'irritabilité du cœur dans les différens airs méphitiques. J'ai ouvert quantité de ces animaux morts, foit dans l'air atmofphé- rique, vicié par la mort d’un autre animal, foit dans le gaz déphlooifti- qué , dans lequel plufieurs animaux avoient péri, & j'ai conftamment reconnu que le cœur donnoit des marques d'irritabilité pendant un temps affez confidérable. Je l'ai obfervé dans les moineaux pendant l'efpace de trois heures; elle a été beaucoup plus longue dans les lapins, dont, 3 dans quelques individus, j'ai reconnu le mouvement du cœur pendant onze heures, mais jamais moins de quatre à cinq (5). Je dois encore faire remarquer que le cœur, après deux heures, ne Ÿ donne plus des marques de mouvement ; mais que l'oreillette continue fpontanément à fe mouvoir pendant un temps fort confidérable, J'ai de même remarqué que, dans les animaux morts dans les airs {r) M. Bergmann fouhaitoit que cette expérience ft faite. ( 7’oyez fx Préface à Ssheele, pag. 25, viciés 3 SUR L'HIST. NATURELEE ET LES ARTS, 113 viciés , l’on ne trouve prefque plus de fang, ni dans les veines , nidans les artères de tout le corps; car, en les ouvrant, je n’ai jamais vu couler du fang, mais tout le fans fe porte vers les poumons; & fi, en ouvrant l’a- nimal, l’on coupe par mégarde la veine cave ou l'artère pulmonaire, alors l’on ne remarque plus de mouvement ni d'irritabilité, Il eft indifférent, pour obferver le mouvement du cœur, que l'on ôre la petite pellicule du péricarde, ou bien qu'on la laifle; la feule différence eft que les mouvemens de l'oreillette ne font pas fi marqués lorfque le cœur eft encore enveloppé dans le péricarde. Ces expériences étant tout-à-fait du reflort de Anatomie, j'ai été charmé d’en rendre témoins M. le Docteur Cigna, & plufeurs autres Phyfciens. D’après des faits fi authentiques , je ne faurois être de l'avis de M. le Doéteur Carminati (1) , qui paroït avoir été adopté par | Abbé Fon- tana (2), qui nie cette irritabilité du cœur dans Les animaux morts dans les différentes efpèces d’airs méphitiques, & croient que la méphiticité de la refpiration tue Les animaux , en éteignant en eux lirritabilité du cœur (3). Après avoir obfervé que la refpiration des animaux méphitife très-peu le gaz déphlogiftiqué, & que l’on parvient à lui rendre fa première bonté, j'ai éprouvé d'agréger le même gaz avec tous les gaz meurtriers, & avec l’air vicié par les différens procédés phlogitticans, pour obferver s'il auroit la propriété de leur ôter la qualité meurtrière & de les rendre refpirables. * J'ai dû en conféquence facrifier quantité d'animaux, pour obfer- ver l’état de leur refpiration , & la durée de leur vie dans ces différens mélanges, en examinant aufli l’état de la Aamme après la mort d: l’a- nimal , ayant toujours introduit la bougie jufqu’au fond du bocal, pour être à l'abri de tout reproche fur la différente gravité fpécifique de ces différèns gaz. Toutes ces expériences ont été faites avec cinq facons égaux & cali- brés (voyez fig. 1), qui étoient remplis dans les proportions fuiva:res ; le premier contenoit le gaz meurtrier fans mélange, .& dans les autres quatre, il éroit agrégé avec le +: ++ de gaz déphlooiftiqué. J'ai obfervé , en premier lieu, que la durée de la vie d'un moineau dans le gaz déphlogiftiqué & dans un de ces flacons , a été de fix heures & quelques minutes, , (1) Deanimalium ex mephitibus , € noxiis halitibus interiru , ejufque proprioribus caufis, lib. 13. Laude Pompeia, anno 1777. (2) Sur les poifons , I, pag. 7$+ (3) Bergmann paroît être du même fentiment , quant aux animaux morts dans l'acide aérien, (er fon avant-propos au Traité chimique de l’Air & du feu par Scheele, pag: 24: Tome XXV , Part, 11,1784. AOUST. P. 114 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, Les gaz meurtriers & les airs phlogiftiqués que j'ai foumis à l'expé- rience, ont été les fuivans. . Le gaz méphitique ou air fixe, Le gaz inflammable retiré du fer avec l'huile de vitriol. Le gaz inflammable des eaux croupiffantes & des marais. Le gaz de la fermentation vineufe. L'air vicié par l'extinction d’une bougie, L'air vicié par la refpiration animale, L'air vicié par la vapeur du foufre. L'air vicié par le charbon embrafé, L'air vicié par un mélange de deux parties de limaille de fer fur une de foufre un peu humectée. Les tableaux ci-joints préfentent tous les réfultats particuliers de chaque expérience, Je ne raoporterai ici que les réfultats généraux. 1°. La durée de la vie de ces animaux arété en raifon de la plus forte proportion du gaz déphlogiftiqué contenu dans le mélange, comme on peut le voir par la correfpondance des tableaux. 2°. Dans tous les mélanges où il y avoit partie égale de gaz déphlogif- tiqué , la durée de la vie des animaux a été confidérablement plus longue que dans l'air atmofphérique, fi l’on en excepte cependant l'air vicié par la vapeur du charbon, dans lequel la vie d’un moineau n’a été que de 24 minutes , & l'air fixe, dans lequel elle a été de 38 min. 3°. Dans tous les mélanges dont Le tiers étoit de gaz déphlopiftiqué, la durée de la vie des animaux a été à peu près égale que dans l'air commun, excepté dans les deux cas ci-deffus, 4". Ces gaz & airs infectés feuls, & fans mélange de gaz déphlogiftiqué, m'ont paru meurtriers dans l’ordre fuivant, e inflammable des marais. ,. . , . . L 6e nfla à peu près égaux. L'air vicié par la vapeur du foufre. . . . . L'air vicié par le charbon embrafé. . , ,. . L'air vicié par un mélange de limaille & de fou- frerunipeuhumecte, PARENT ET EU UNS ee Le gaz inflammable retiré par le fer avec l'huile is HN déVitniol MPa ME EME TUE re AE Le gaz méphitique ou l'airfixe. . . . . L'air vicié par la refpiration animale, Le gaz de la fermentation vineufe, 2%» . 04 , . . d’ b . L'air vicié par l'extinction d'une bougie. Ayant reconnu cependant que le gaz mépbitique , ou air fixe, eft plus ou moins meurtrier , en raifon de l'acide plus ou moins délayé dont on.s’eft fervi pour l'extraire, & que de même les airs phlogiftiqués varient felon les circonftances, l’on pourroit, très bien, en refailant ces expériences , SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 15 reconnoître quelque différence dans l’ordre du tableau rapporté. 5°. La plus grande durée de la vie des animaux dans les mélanges de parties égales de gaz déphlogiftiqué avec les airs viciés, ne fuit pas tout-à- fait la raifon inverfe de leur qualité plus meurtrière, 6°. La bougie introduite après la mort de l'animal eft reftée allumée dans tous fes mélanges; fa flamme étoit toujours plus vives en proportion de la plus forte quantité de gaz déphlogiftiqué contenu , à la feule excep- tion de l'air vicié par la limaille & le foufre, où elle s'eft éceinte dans tous les flacons (1). Ces réfultats me fourniflent les corollaires fuivans. 1°. Que l'examen par la bousie n’eft pas un moyen exact pour connoître la falubrité de l'air, Je ne rapporterai que deux feuls exemples. La quin- zième partie de gaz déphlogiltiqué , mêlée avec l'air vicié par [a vapeur du foutre, permet au mélange d'entretenir la bougie allumée , tandis qu’un animal enfermé dans ce mêlanse , meurt dans quelques fecondes, La feptième partie du même gaz, mêlée avec l'air vicié par la vapeur du charbon, laiffe brûler une chandelle, & un animal y meurt prefque dans linftant. y 2°, Que cette portion d'air pur & falubre, que l'on prétend être con- tenu dans l'air atmofphérique , quien forme le tiers, felon M. Scheele (2), le quart , felon M. Lavoiler (3), n’eft pas du véritable gaz déphlooilti- qué , puifque celui-ci, agrégé avec les airs viciés dans des proportions confidérablement moindres que dans celles du tiers & du quart, entre- tient erfcore la flamme d’une boupie après {a mort d'un animal; ce qui n'arrive pas dans l'air atmofphérique, 3°. Que les véritables compofans de l'air atmofphérique nous font encore inconnus , puifque , par le mélange des différens gaz, l'on n’z obtenu que des gaz compofés, qui ont quelque propriété de l'air, mais jamais de l’air atmofphérique ; ce qui pourroit nous prouver que les gaz diffèrent à plufeurs égards de l'air. £ La farprenante propriété que j'ai reconnue dans le gaz déphlogiftiqué d'améliorer Les airs viciés, me fit penfer qu’on auroit pu, par fon moyen, rappeler à la vie les animaux tombés en afphyxie, & j'en ai fait plufieurs fois l'expérience avec fuccès. J’ai mis deux moineaux dans un flacon à large goulot , rempli de gaz méphitique ; lorfque je les ai vus parfaitement afphyxiés, j'ai renverfé Le facon pour faire tomber ces animaux fur la table. Un de ceux-ci , à l'inftant , a été mis dans un facon rempli de gaz (1) Leréfulrat de cette expérience femble faire quelque exception à la règle générale établie par M. Prieftley dans le tome II de fes expériences fur lair, pag. 120. *(2) Traité chimique de Air & du Feu. , (3) Sur la combution des chagdelles dans Pair atmofphérique & dans l’air éminem- ment refpirable ( Méim. de l’Acad.des Scienc. de Paris , pag.z01, année 1777.) Tome XXV, Part. II, 1784 AOUST, P2 116 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, déphlogiftiqué; & après avoir été expofé pendant quelques fecondes at foleil, il commença à reprendre le mouvement, & fe remit, au point qu'après cinq minutes il profita de la liberté que je lui avois donnée pour s'envoler , tandis qu’au contraire l’autre mourut. Quoique l'expérience que je viens de rapporter fût comme une con- féquence directe de mes obfervations, je ne dois pas pafler fous filence que M. Macquer, dans fon excellent Di&ionnaire , l'avoit propofée ; il Aattait même du plus grand fuccès Les Phyficiens qui l’auroient entre- prife (1). : Commeil feroit impofñible cependant d'appliquer cette méthode au bien de l'humanité, j'ai imaginé qu’il feroit peut-être égal d’injecter du gaz déphlooiftiqué dans le poumon, au moyen d’une canule attachée à une petite veilie remplie du même gaz (2). J'en ai fait l'expérience avec fuccès fur des animaux que j'avois enfermés dans des gaz meurtriers , fefquels ont été rappelés à la vie par ce moyen; ce qui fuffit pour nous dé- montrer l'avantage que cette méthode nous fourniroit pour rappeler à la vie les perfonnes tombées en afphyxie par les vapeurs meurtrières. Nous en avons trop fouvent .de funeftes exemples dans les Vidangeurs , les Fofloyeurs, les Mineurs, qui, faute de fecours, en font prefque toujours les miférables vitimes. M. Ingen-Houfz, en propofant aux Médecins d’effayer dans les Hôpitaux l’effec du gaz déphlogiftiqué dans les mala- dies inflammatoires, avoit imaginé un appareil qui, à quelques varia- tions près, pourroit fervir pour les afphyxiques (3). Un avantage plus grand encore que l'application de ces expériences paroît nous préfenter , eft le moyen de corriger promptement, avec le gaz déphlogiftiqué , les endroits infeétés par la refpiration animale ou par les émanations putrides , tels que les prifons , les hôpitaux, les caves, dans lefquels il arrive fort fouvent que l'air eft devenu peftilentiel & meurtrier. Les maladies qui fe décèlent dans ces endroits font très-bien décrites par Pringle, & le renouvellement de l'air eft l'unique moyen pour en arrêter les progrès. Nous avons eu , il y a très-peu de temps , le funefte exemple de cette vérité dans Les prifons de notre Ville, & ce n’a été qu’en faifant refpirer aux malades l'air de la campagne, qu'on eft parvenu à en arrêter la mortalité. t La plus grande falubrité reconnue dans le gaz déphlogiftiqué ne laiffera aucun doute fur le plus prompt rétabliffement de l'air vicié, qu'on opé- reroit par fon moyen. Les objections que je prévois d'avance font que ce (x) Article voluriliré. é (2) M. Achard a propofé le même moyen, & fes expériences ont eu tout fuccéss {Voy. Journ. de Phyf. rom. XVI, p.74, ann. 1780.) (3) Opufcoli Sceli, 10m, FA 4 SUR L'’HIST. NATURELLE ET LES ARTS, 114 fluide, qui fe retire du précipité per fe, du précipité rouge , du nitre & d’autres fubftances , au moyen des opérations chimiques, doit être une fubftance affez coûteufe, & que par conféquent il feroit impoffible, at- tendu la dépenfe, de pouvoir s’en fervir avec avantage. Je me permettrai en conféquence les réflexions fuivantes, 1°. que Le nitre, qui ne coûte pas beaucoup, & qui fournit mille fois environ fon volume de gaz très-pur , felon les expériences de MM. Scheele & Fontana, pourroittrès-bien fervir dans un cas preflant , en fe fervant d’un appareil à peu près femblable à celui que M. Achard a ima- giné pour renouveler l'air d'une chambre (1). 29°, D’après les expériences de MM, Prieftley & Ingen-Houfz , l'on eft parvenu à retirer Le même fluide de l'eau expofée à la lumière du foleil; mais ce procédé auroit aufli quelque embarras. C’eft en pourfuivant leurs découvertes, que j'ai reconnu que l’eau feule eft à même de fournir de l'air fupérieur en bonté à celui de l’atmofphère , fans concours du foleil, pourvu qu'on le retire fans feu, & le procédé n’eft point coûteux. Voici le moyen que je propofe, & qui eft particuliérement applicable aux prifons & aux hôpitaux, favoir, dans Les endroits où il y a des caufes permanentes contre la falubrité de l’air. Il ne s’agit que d’avoir, à portée de ces bâtimens, un amas d’eau, de la faire tomber d’une grande hauteur dans une trompe ; pour fe rom- pre, & fournir de l’air de la même façon qu'on le pratique pour les foufflets des forges & des mines; & avec des tuyaux amovibles on l'in- troduiroit à volonté dans toutes les falles. ; En cas que l’on n'ait pas à fa difpolition un courant d’eau , il ne s’agiroit que de porter l'eau d’un puits dans un réfervoir placé fur le toit de l'édifice, au moyen d'une ou plufeurs pompes qui feroient mues par une grande roue, OU par tout autre mécanifme, pour la faire tomber de la même façon, & fournir l'air; quant aux prifons , je ne doute pas que l'exercice journalier des prifonniers, pour faire mouvoir la grande roue , ne leur füctrès-falutaire, Quoique j'aye reconnu , & par la refpiration animale , & par {a flamme , que l’air retiré de cette façon eft fupérieumen bonté à l'air at- mofphérique , l’on pourroit aufli le déduire par les eflets furprenans que les foufflets à eau opèrent fur la fufion des mines ; ce qui n’elt dû fürement qu’à la très- grande pureté de l'air, Je ne dois cependant pas diffimuler qu'il n'eft pas dans un fi grand degré de bonté que celui qu'on retire du nitre. Gependant, comme l'air vicié des hôpitaux & des prifons n’eft jamais dans un tel état d'infection qu'il puille tuer fur Le champ les perfonnes qui entrent — (2) Journ. de Phyf. tom. XVIII, ann. 1781 ; pag. 4994 418 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, dans cette atmofphère, comme les gaz méphitiques & les airs phlogifti- qués, avec lefquels j'ai fait mes expériences ; mais que fon état d'infec- tion n'eft funefte qu'a ceux qui le refpirent pendant long-temps (ce que l'expérience m'a aufli démontré {ur les animaux renfermés dans des fla- cons remplis de l'air des hôpitaux , pris à la fin de la nuit, dont la durée de leur vie n’a été que très-peu diminuée, & qu’une très-petite portion de gaz déphlosiftiqué, que j'y ai mêlé, leur a permis de vivre plus long temps que dans lair atmofphérique) , il réfulte ; comme chofe très-certaine , qu'un courant d'air plus falubre que l'air commun, maintiendra toujours l'air des falles des hôpitaux & des prifons dans un état meilleur, ou du moins égal à celui del’atmofphère, malgré les fources continuelles d'infection , qui font inévitables dans ces lieux d'horreur & de misère. De tout temps , l’on a reconnu que le renouvellement de l'air étoit néceflaire pour rétablir les lieux viciés par la refpiration animale. Cette vérité fit imaginer à Halles fon ventilateur, dont on s’eft fervi avec fuccès. Le moyen que je propofe lui eft fans doute préférable, puifque c'eft une efpèce de ventilateur avec un air plus pur. Je ne puis me difpenfer , au fujet de ces expériences , de faire une re- marque qui me paroît très-importante ; favoir , de prévenir que toutes ces expériences ont été faites pendant les mois chauds de l’année paflée 1783, & que la température de mon appartement a été, pendant ce temps-là, entre les 15 & les 20 degrés. Oëfervations & Réflexions fur les Expériences précédentes, Selon M. Prieftley , la refpiration gâte l'air en le phlogiftiquant , & Fair déphlogiftiqué peut devenir entiérement phlogiftiqué par la refpira- tion (1). Si sets ; au contraire, par la refpiration , le fang Ôte une partie de fon phlogiftique à l'air (2). Selon Crawford, par la refpiration, l'air donne fa chaleur au fang, en échange du phlogiftique qu’il en reçoit (3). Selon M. l'Abbé Fontana, l'air refpiré n’eft rendu pernicieux que par l'air fixe excrémentiel du fang , qui s’exhale des poumons, & qui s’y mêle, duquel on peut le purger par l’eau de chaux, & en conféquence le réta- blir (4). . (x) Expériences & Obfervations fur différentes branches de la Phyfique, tom. III, pag. 437- @) Traité chimique de l’Air & du Feu, . 93. (3) Voy. fa théorie de la chaleur latente. {4) Voy. Prieftley , vol. cité, pag. 195. SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 119 Selon MM. Scheele (1) & Prieftley (2), l’air fixe exhalant des pou- mons Étant fort peu de chofe , on ne peut pas lui imputer ces qualités pernicieufes, Prieftley a même foupçonné qu'une certaine portion d’air fixe pourroit corriger le vice de l'air refpiré(3). Le fage & circonfpeét M. Bergmann a fufpendu fon jugement fur cette queltion, & il paroït douter encore fi l'air refpiré devient perni- cieux par quelques exhalaifons qui sy mêlent, ou bien parce qu'il eft épuifé de quelque principe vital, le pabulum vite des Anciens (4). Par la contrariété des fentimens de tous ces hommes célèbres, l’on voit qu'il y a bien de l’obfcurité dans ce fujet important, & qu'il y a encore aflez de quoi exercerla fagacité & l'induftrie des Phyfciens pour long- temps. : Enaccordant à M. Prieftley que l'air très-pur fe phlogiltique entiére- . mens par la refpiration, il fe pourroit très-bien aufli que ce ne füt pas le phlogiftique qui le rendit pernicieux. Le phlogiftique tout pur n’a poinc d'odeur ($);au contraire, l'air gâté par la refpiration fent une très-mau- -Vaife odeur (6); donc avec le phlogiftique & par fon fecours , il s’exhale des poumons quelque autre principe qui lui donne cette odeur. D'ailleurs l'air atmofphérique, chargé des vapeurs de l’alkali volatil Auor , fuffoque les animaux , quoiqu'il ne foit point phlogiftiqué , puif- qu'il eft capable de s’enflammer fans le mélange d'autre air (7), &ilya bien d’autres exhalaifons qui incommodent fort les poumons, & gênent la refpiration , fans qu’elles ôtent la faculté d'entretenir la flamme à l’air auquel .elles font mélées, & qui par conféquent ne le phlosiftiquent point (8). Aurefte, la feule fuppreflion des exhalaifons du fang dans les pou- mons, ne paroît guère fuffre pour tuer fi-tôt les animaux renfermés dans ce même air [car d’autres excrétions pourroient y fuppléer, au moins pour quelque temps] (0): d’ailleurs, les fymptômes que l'on obferve dans les animaux quiy meurent, & leur refpiration extrémement gênée , prou-,. vent aflez que les poumons en font vivement affectés (10). C’eft d'après cette obfervation, que les Médecins croycient communément que leur (x) Endroitcité, 6. 87. (21 Vol. cité, pag. 136. (3) Expériences {ur PAir, tom. !, pag. 132 & 133. (4) Dans la Préface de POuvrage de M. Scheele, pag 251,/26,27. (s) M. Pringle, cité par M Wytth, Journ. de Pbyf. tom. XVIII, ann, 1781; pag: 145, n°. 10. à Poy. Mélang. de la Soc. Roy. de Turin, tom. II, pag, 199, 6. 48. (7) Téid. tom. IT, pag. 194 , $. 40. (8) Zkid tom. II, pag. 192, 193 ,$. 35, 36 (2) Ibid tom II, pag. 198 , S. 47 (10) Ibid. tom. 11, pag. 199, $. 48. 120 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, 4 mort étoit due ‘à la perte de l’élafticité de cet air, qui par-là étoit de- venu incapable de dilater leurs poumons (1). I fe peut donc très-bien qu'outre le phlogiftique, il y ait d’autres exhalaifons qui, mêlées à L'air, foient capables d’incommoder les pou- mons , & ce fera leur impreflion fur eux, qui, en gênant & en Otant leur jeu, arrêtera la circulation du fang, & tuera les animaux bien plus vite que ne feroit l'exhalaifon fupprimée du phlopgiftique (2). En effet, puifque le gaz déphlogiftiqué, vicié autant qu'il peut lêtre par la refpiration , & pleinement phlogiftiqué, felon Prieftley, foutient la vie des animaux beaucoup plus long temps que l'air commun vicié par le même procédé , & entretient également la vie d’un & de plufieurs ani- maux , il eft évident qu'il n’eft plus capable de recevoir de nouvelles ex- -halaifons, mais qu'il y a quelque principe dans ce gaz qui n'exifté pas dans l'air commun , qui eft capable de modifier & d’adoucir impreflion le vice des exhalaifons dont il eft foulé, pour qu'elles faflent une moindre fur leurs poumons. Quant au fyftème de M. Crawford, qui fuppofe que dans la refpi- ration il fe fait un échange du feu de l'air avec le phlogiftique du fang contenu dans les poumons ; quoique cette hypothèfe puifle avoir lieu dans le cas ordinaire , dans lequel l'air qui nous environne a une chaleur in- : férieure à celle de notre corps & de nos humeurs, elle ne pourroit ce- pendant pas également fervir, quant à la refpiration des hommes & des ânimaux, qui vivent dans un air plus chaud qu'eux; car comme, en fa- veur de la refpiration , ils fonc plus frais que cet air & les autres corps inanimés qui y font plongés (3), il faudroit fuppofer au contraire que le fang dans leurs poumons cédât à l'air fa chaleur , & qu'il réçüûc en échange une partie du phlogiftique de l'air, comme le prétend M. Scheele (4). I paroît donc plus vraifemblable de croire que l'ufage de la refpiration, par rapport à la chaleur du fang , n’eft pas de l’accroître, mais de la modé- rer (5), comme l'enfeignoient les anciens Médecins , & de la rendre plus un forme. 1 Enfin , ‘il paroît très-vraifemblable que le vice que l'air contracte par la refpiration, ef dû aux exhalaifons qui s’y mêlent, plutôt qu'à la (x) Ibid. tom. IT, pag. 197 , 6. 44. (2) I8id. tom. Il, pag. 199, 6. 49 ; & tom. V, pag. 127, 128,129. (3) Foy. les expériences de M. Fordice , qui , dans l'air d’une chambre échauffée à 120 degrés , a obfervé que le thermomètre placé fous fa langue, dans fes mains, & plongé dans {on urine, étoit conftamment à 100 degrés. (Journ. de Phyf. om. PI, ann. 1776 pare 1 ; p. 57.) (4) Endroit cité, 6. 93. (s) Mélang. de la Soc. Roy. de Turin, tom. V, depuis la pag. 131 jufqu'à 232, } perte ji tis SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 127 perte d’un principe vital; car cet air eft gâté d'autane plus tôc en parité de circonftances , qu'il eft dilaté dans un plus grand efpace, & plus raréfé, recevant par conféquent plus aifément & en plus grande quantité Les exha- laifons des poumons qui doivent le fouiller (1). Ce que le gaz déphlogiftiqué me préfente de plus fingulier, c’eft qu’a- près l'avoir rendu nuiïfible par la refpiration autant qu'il peut le devenir aux animaux , & après avoir été, felon Prieftley, pleinement phlogifti- qué (2), il entretenoïit pourtant encore la flanmme , & beaucoup mieux ue l'air commun. Selon M. Prieftley , il faut une dofe beaucoup plus forte de phlogifti- que, pour rendre l'air funefte aux animaux , que pour éteindre une bou- gie (3). Comment donc un air qui a aflez de phlogiftique pour tuer Les. animaux , en manque-t il pour éteindre la flamme ? À la vérité, M. Prieftley a reconnu une efpèce d'air faétice, qu’il ap- pelle air nitreux déphlogifliqué, dans lequel une bougie brûle avec une flamme agrandie , quoique cet air foit funefte à la vie animale, & il ex- plique aifément ce phénomène , en fuppofant que la conftitution de cette efpèce d’air eft relle, qu’il eft capable de recevoir du phlogiftique dans un degré de chaleur très-grand , qui n’eft peut-être pas éloigné de la cha- leur rouge , mais non pas dans le degré qui eft compatible avec la vie animale (4). En admettant la vérité de cette explication pour l'air nitreux déphlo- giffiqué , dont la loi d’afinité avec le phlogiftique n’eft pas connue, il eft évident qu'on ne pourroit pas l'appliquer au cas préfent; car l'air déphlo- giftiqué a la plus grande affinité avec le phlosiftique , & s'empare aifément à froid. de celui dont l'acide nitreux eft chargé , quoique cet acide le re- tienne avec une très-grande force: d’ailleurs , il eft faux qu'il foit capable de recevoir une plus grande quantité de phlosiftique , par la chaleur d’une bougie , que par la refpiration animale, puilqu'après avoir éré vicié par la flamme d'une bougie autant qu'il peut l'être , il fert encore prefque également bien à la refpiration animale, dont il reçoit une plus grande quantité de phlogiftique , jufqu'à ce qu'il foit prefque entiérement phlo- giftiqué. - Dans un autre endroit, M. Prieftley , en. parlant du même air nitreux déphlogifliqué, qu'il avoit purgé en le faifant abforber pat l’eau de neige, & dont il l'avoit enfuite chaflé au moyen de la chaleur , l'ayant gardé pen- dant quelques jours : « Je fus furpris, dit-il, de voir qu'une fouris y de- » meuroit à fon aife pendant cinq minutes, Pour être tout-à-fait certain (x) Zéid. tom. IE, pag. 199 ; &tom. V, pag. 126,6. 22. (2)Expériences & Obfervations, tom. III, pag. 437. (3) id. rom. INT , pag. 144. (4) Ibid. tom. IT , pag. 238, 239. Tome XXV, Part. 11, 1784. AOUST. (e] 122 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, > (pourfuivit-il), relativement aux aütres propriétés de cet air, je reti- » rois la fouris, tandis qu’elle étoit encore vigoureufe, & je trouvai > qu'une bougie brûloic très bien dans cet air, mais qu'il n’étoit pas aff.té » le moins du monde par l'air nitreux. Dans ce cas très - fingulier , l'air >» nivreux eft en défaut, relativement à la refpirabilité de l'air ». Ces faits fourniflent de nouvelle matière pour là fpéculation ; mais il eft à propos de multiplier davantage Les expériences , avant de fe donnér carrière de ce côté (1). Le gaz déphlogiftiqué , vicié autant qu’il peut l'être par la refpiration animale, & prefque entièrement phlogiftiqué, fournira donc un exemple nouveau & conftant de cette admirable exception; caril n’eft prefque point affecté par l'air nitreux (2), & il peut fervir aifément à la refpiration des animaux au delà de cinq minutes, Enfin , il entretient La Aamrme beau coup mi-ux que l’air commun. S'ileft permis à préfent de hafarder quelques conje@ures , il paroît qu'a- fin que le gaz déphlogiltiqué ne foit point affecté par l'air nitreux , il n'eft point néceflaire qu'on le charge de phlogiftique; mais qu'il fufñt qu'il foit combiné avec un principe quelconque , qui affoibliffe fon affinité avec le phlogiftique, & qui la rende moindre de celle de l'acide nitreux avec ce même phlogiftique; car dès-lors il ne fera plus en état de le lui dé- rober, On pourroit donc fuppofer que l'air vicié par la refpiration, quoiqu'il fe comporte avec l'air nitreux de la même façon que s’il fût phlogifti- qué; il ne l’eft cependant pas; mais qu'il eft feulement combiné avec un principe qui diminue fon affinité avec le phlogiftique. En effet , la vapeur de la refpiration arrètée contre la furface polie d’une glace de miroir, & condenfée par le froid, reffemble beaucoup plus à une vapeur aqueufe (qui eft cependant chargée de parties excrémen- tielles) qu'à des exhalaifons phlogiftiques toutes pures, Mais comme le gaz déphlooiftiqué , après avoir été vicié par la refpi- ration , entretient aflez bien la flamme d'une bougie , il fau- dra encore fuppofer que l'air ainf vicié, quoiqu'il ne foi pas affez avide de phlogiftique pour le dérober à L'air nitreux , eft pourtant en état de recevoir celui qui exhale de la flamme , foit que ce phlogiftique fe com- bine avec Les vapeurs animales dont il eft déjà chargé, foit que, par fon intermède , ces mêmes vapeurs en foient féparées & chaffées. Pour reconoître fi les vapeurs de la refpiration étoient vraiment chaffées & précipitées de l'air par le phlopiftique de la Aamme, j'ai eflayé de voir fi, après qu'une bougie y auroît brülé dedans, cerair feroit rétabli , & rede- viendroit capable de fervir à la refpiration : mais l'expérience fut fans (x) Ibid. tom. IIT , pag. 444 , 445. (2) Prieftley, #bid, tom, III, pag. 437: tant cu te SUR L'HIST. NATURELLEXET LES ARTS. 123 fuccès ; car un animal ne vécut ni plus ni moins qu'avant que l’on y eût plongé la bougie; d’où il eft aifé de conclure que le phlogiftique de la flamme ne précipite point les principes qui fouillenc cet air , mais qu'il fe combine avec eux. Puifque l'air atmofphérique, vicié par la refpiration , n’eft plus en état d'entretenir la Mamme(r) , il refteroit à examiner pourquoi cet air "nef plus en état de recevoir le phloviftique de la flamme, quand le gaz dé- phlosiftiqué, vicié de la même façon, le reçoit encore avec facilité. Enfin, y ayant beaucoup d’analogie entre l'air putride & l'air vicié par la refpiration, j'ai aufli voulu eflayer.fi le gaz déphlogiftiqué , après avoir été chargé & fouillé d’exhalaifons putrides , confervoit la’ faculté d'entretenir la flamme de la même façon que lorfqu'ileft chargé des exha- laifons de la refpiration ; mais j'ai reconnu que les exhalaifons putrides lui enlevoient cette propriété , quoiqu'un peu plus tard de ce qu'il en arrive dans l’air commun, Mais revenons à la refpiration. La diffeétion des animaux morts dans le gaz déphlogiftiqué , confirme la caufe de leur mort ci-devant propofée; c'eft-a-dire , qu'ils meurent , parce que leur refpiration en eft interceprtée. En effet, l’on trouve tout leur fang raflemblé dans l'artère pulmonaire & dans les cavités droites du cœur ; ce qui prouve aflez que ce fang, n'a pu pourfuivre fon chemin par les poumons, comme il arrive toutes Les fois que leur jeu en eft arrêté. à La mort plus prompte des animaux adultes que des jeunes , dans les mêmes circonftances ; fournit une nouvelle preuve de mon opi- nion; car l’on a de même obfervé que les animaux adultes meurent plus vîte dans le vide que les jeunes (2): or, dans ce cas, leur mort dépend évidemment de ce qu’on leur a ôté la refpiration, Il paroît donc que la mort des animaux dans Pair vicié, doit dépendre de la même caufe qui affecte plus tard les jeunes animaux, parce que leur fang peut encore être détourné en partie des poumons par le trou ovalaire, & par le conduit artériel, qui font ordinairement fermés dans les animaux adultes (3). La facilité avec laquelle les animaux mourans dans l'air vicié par la ref- piration , reviennent & font parfaitement rétablis , fi on’ les expofe à l'air commun , & d'autant plus promptement , s'ils font expofés au gaz déphlo- giftiqué , ou bien fi on leur injecte dans les poumons de Pair commun, comme les Médecins favoient depuis long-temps (4), ou du gaz déphlogiftiqué, comme j'ai propofé, à l'exemple de M. Ingen-Houfz —— (1) Mélans. de la Soc. Roy.tom.]; pag. 47, $. 44. (2) Ihid.tom V, pag. 124, not. y. a. (3) Ibid. tom. V, pag. 124, 6. 21. (4) Zid. tom. V, pag. 129 , $. 30, 31, 32: Tome XXV, Part. II, 1784 AOUST: Q 2 124 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, cette facilité, dis-je, de les rétablir parfaitement par ces moyens, démontre affez qu'il ne seft donc pas fait une grande perverfion dans leurs humeurs , par la fupprefhion de l’émanation du phlogiftique , &:que leur cœur non plus n’a point reçu. une impreflion fatale de ces mêmes humeurs, qui lui ait Ôté fon ixritabilité; car puifqu'en ôtant les obftacles , & en rendant les poumons perméables au fang par l'inflation , le cœur re- prend tout de fuite fes fonctions, il eft évident que ce w’étoit pas faute de forces, mais par les obftacies infurmontables qui s’y oppofoient, qu’elles avoient été fufpendues. Enfin, cette même irritabilité du cœur, qui fe décèle tout entière auffi- tôt que l’on injecte de l'air dans les poumons, fe fait appercevoir de la même façon dans les cadavres , durant plulieurs heures , après la mort; ce qui ne devroit point arriver , quand même on fuppoferoit que ce ne feroit qu’une mort apparénte ; car comme il ne devroit pas y avoir beau- coup de chemin decette mort apparente à la véritable mort, fi lon veut fuppofer que lixritabilité du cœur ne pouvait encore être entiérement éteinte, elle devoit au moins être extrêmement foible & afloupie. Je fais que l'on a obfervé des convulfons dans quelques circonftances de ces morts, & que de là on a déduit qu'elles dérivent d’une caufe qui affecte dangereufement les nerfs ; mais ces convulfions ne fe voient que lorfque la mort eft aflez prompte, comme quand on plonge les animaux dans un air précédemment vicié par d’autres animaux , ou dans une petite quantité d’air, fur-tout ficet air eft raréfié, puifqu'il fe fouille plus promp- tement (1). Or, on voit de même dans les animaux étranglés, noyés ; & qui périffent dans le vide, que la prompte fuppreflion de La refpiration ne Manque jamais de produire de femblables convulfons. J'ai obfervé que le gaz déphlogiftiqué , vicié par la flamme d’une bou- gie , en l'agitant dans l’eau, redevenoit capable de l’entretenir, Scheele a de même obfervé qu'ayant repurgé cet air par l’eau de chaux, la bougie pouvoit de nouveau y vivre un temps quoiqu'aflez court (2). Ceci pourroît faire croire que la caufe principale qui éteint la famme, eft l'air fixe quien émane, qui eft abforbé & retenu par l'eau, & encore mieux par l'eau de-chaux. Il refteroit donc à examiner fi l'air vicié par la flamme du phofphore, quin’exhale point d’airfixe, feroit évalement rétabli par le lavage dans l'eau; & dans Le cas qu'il Le füt, il fâudroit conclure que ie phlogifique exha- lant de la flamme n’eft pas tel qu'il fort de quelques autres corps, c’eft-à- dire, qu'il eft ou plus fimple , ou combiné avec quelque autre principe , EN (1) Ibid. tom. Il, pag. 102 , 6. so d (2) Ouvrage cité , 6, 214 ci FL 4e. Te 4 dé AA # * 4 à L { SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 12$ & que par conféquent fon afuité avec Le gaz déphlogiftiqué eft moindre, & telle qu'elle puifle en être enlevée par l'eau. © L’impoffbilité cependant de rétablir de la même façon l'air commun vicié par la Aamme , dans Le même temps qu'elle nous découvre une nou- velle différence entre cet air & le gaz déphlogiftiqué , pourra peut - être nous aider à en pénétrer les caufes. Ce qui démontre encore mieux le peu d’adhéfion que les émanations qui s’exhalent de la flamme ont avec le gaz déphlooiftiqué , eft que ce gaz, vicié par la flamme, fe rétablit de foi-mëme par le feul repos de quelques heurés. Or, comme l'air commun , vicié de même par la flamme, retient conftamment fon vice (1), il eft aifé de con- clure que les éxhalaifons de la Aamme contractent une liaifon beaucoup moins étroite avec le gaz déphlooiftiqué qu'avec l'air commun. Enfin, puifqu'au noyen de l'eau de chaux , fe gaz déphlogiftiqué, gâté par la refpiration des animaux, eft parfaitement rétabli dans vingt- quatre heures, ce qui ne réuflit point à l'air commun, vicié de Ja même façon, il en réfulte que les vapeurs de la refpiration ont aufli une liaifon beaucoup moins intime & moins forte avec le gaz déphlogiftiqué qu'avec l'air commun, foit que ces vapeurs foient fimplement de l'air fixe, comme le prétend M. l’Abbé Fontana, foit que dans leur compofition il y entre quelque autre principe également capable d’être abforbé par l’eau de chaux & de fe, combiner avec elle. M. l'Abbé Fontana a propofé le premier de corriger le gaz déphlogi[- tiqué vicié par la refpiration ,.en le filtrant à travers l’eau de chaux. M. Prieftley enferma fous deux récipiens remplis d’une égale quantité d’air déphlogiftiqué , deux fouris d’égale groffeur ; l'an des récipiens étoit pofé fur l'eau de chaux, & l’autre fur l’eau commune, Après deux heures & demie , lorfque ces animaux commencèrent, dans les deux récipiens , à être également travaillés par la difficulré de refpirer , il les retira; & ayant examiné l'air de deux récipiens par l'eudiomèrre, ïl le trouva également vicié; ce: qui lui. fit conclure que Île remède propofé par M. PAbbé Fontana n'étoit d'aucune utilité (2), Mais foit que la preuve de l'eudio- mètre ne {oit pas une marque & une mefure bien'certaine de la refpirabi- lité de Pair dans ce cas ; foit que le temps pendant lequel l'air vicié a de- meuré fur l'eau de chaux , eût été trop court pour le corriger, mes expé- tiences confirment aflez que l’eau de chaux poflède cette faculté, & qu'on parvient, par fon moyen, à rétablir parfaitement le gaz déphlogiftiqué, tout-à-fait gâté & perverti par la refpiration, — (1) V’oy. auffi Mélang. de la Soc. Roy. tom. I, $. 28; tom. Vypag. 195 ; S. 41. . (2) Foy. Expériences & Obfervations fur la Phyfique, tom. IIT , depuis la page 195 jufqu’à la page 200, IMC CNRS D TRE, 2 2 TU SR CORAN air RUE Age nt QE ANNE sait ER: s ; “ ES « tte” ; n | L : Ÿ , L: a + , (l n Ÿ 126 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, _ M. Scheele prétend que fon air du feu (le gaz déphlogiftiqué) , par l'addition du phlogiftique de la flamme, et changé en chaleur qui pé- nètre Les vaifleaux,,& qui, en échappant à travers leurs parois , laïtle ces mêmes vaifleaux vides d'air. C’eit ce qu'il a entrepris de prouver par une expérience faite avec la flamme du phofphore (1). | Quant aux autres Aammes qui brülent dans l'air du feu, elles ne laif- fent pas les vaifleaux abfolument vides, parce que l'air qui s'en diflipe fous la nouvelle forme de chaleur, eft en partie remplacée par l'acide aérien (air fixe) qui s’exhale abondamment de ces mêmes flammes (2). Selon ces principés, uu animal plongé dans le gaz déphlogiftiqué vicié par la flamme , devroit y être auili promptement {uffoqué que dans lacide aérien. Mais nous avons obfcrvé que les animaux vivent un aflez long temps, & font fort à leur aife dars cet air ; il faut donc conclure que lhypothèfe de M. Scheele ne répond pas aux faits , & n'eft pas aflez foli- dement établie. Turin , le 1° Mars 1784 EXPLICATION DES FIGURES. Figure 1°"°. Flacon de criftal avec fon bouchon de liége couvert avec de la peau de boyau. Fig. 2. Petit appareil pour pañler les oifeaux de l'air atmofphérique dans la cloche. Fig. 3. La même cloche montée fur le trépied. Fig. 4. Grand appareil pour pañler de gros animaux dans la capacité de la cloche, Fig. $. Petite cloche de criftal armée d’un robinet qui porte une veflie flafque, qui plonge dans un appareil au mercure. ere (1) Ouvrage cité, . 45. Dans cette expérience , le bouchon de liége qui fermoit la bouteille dans laquelle on alluma le phofphore , après la combuftion , fe wcuva avoir été fi enfoncé dans fon col, qu’on ne put l'en tirer, & qu'il fallut le poufer dans la bouteille pour l'ouvrir; ce qui donne lieu de foupçonner que, pendant la déflagra- tion du phofphore , ce même bouchon a pu être repouflé avec égale facilité en dehors par l’air raréhé ; qu’il fe fera frayé un chemin par-là, & d’où il fera réfalté le vide que lon a trouvé après expérience, de la même façon qu’on wrouveroit le vide dans une bouteille dans laquelle l’on'allumeroit un corps quelconque, fi fon ouverture étoit garnie d’une foupape qui, en permettant à l'air raréfé par la Aamme de fortir , empécheroit enfuite l’air extérieur d'y rentrer pendant le réfroidiflement, (2) Zhid, $. 21, \ # ; il pu els sons __— prises SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 127 TABL E AU des Expériences fur la durée de la vie des moineaux renfermés dans cinq différens flacons remplis avec des gaz meurtriers ; oubien avec l'air vicié par différens procédés , & méles, en différentes proportions , avec le gaz dephlogiflique , dans lequel l’on obferve de même l’état de la flamme dans les flacons après la mort de l'animal. w, EN me Do Gaz inflammable des marais. Proportions ou parries Durée del: vie Examen par La bougie des animaux: | introduite de gaz dévga RE , net ”, in flimmable déphlog ciftiqué.\" ‘heures. minutes. aprés la mortde l’arimal. © ï 3 7 brûla fans la moindre détonation. 2 | 1 | E so La bougie a allumé cet air, & s’eft éteinte: : 1 I 9 TIdém. I 47 Idem. Dans l'air A PE fans mélange. ! La bougie a allumé l'air, quibrüla tranquil- lement, &s’eft éteinte. L'air vicié par la vapeur du foufre. Proportions ou parties Duréerde La vie | à ER EN des animaux. EEE de gaz. PRERTEUET Er" TETE CE DE Pa heures. minutes. Li = : 4 La boupie refta allumée. s | | 35 La bougie refta allumée avec une fammé moins vive que dans lair commun, 3 ñ 1 30 La bougie s’efté éteinte, à = x 30 Ea bougiess’eft éteinte. Dans l’air vicié fans mélange. 27 s'eft éteinte. Dans l'air vicié comme le enr s’eft éteinte, mais qui ne pafla pas au travers “ L'air vicié par le charbon embrafe. Proportions ou parties Durée de La vie dés animaux. d’air vicié. de gag L'HRERN ‘ déphlogiftiqué. | heures. minutes. 1 I de vivacité. La flamme étoit beaucoup plus. vive que dans l’ait commun, La bousie refta ailumée comme dans laïc “.#) 116 4 pa air vicié fans métange commun. La bougie efta allumée. s’eft éteinte, “ bougie refta allumée avec beaucoup [" PLal les 128. OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, 4 L'air viciépar ur mélange de Limaille de fer & de foufre un peu humeëté. Proportions où parties , ar Ni ere à ; P CT Durée de la vie Examen pour la bougie. ART de &. des änim aux. j introduite d’air vicié, Fe CHERE ———— : déphlogiftiqué. heures. minutes. |: ‘1 ‘aprés lamorr de l'animal. - uni I 1 SI s’eft éteinte, F +" 86 Si 1 : ne 10 s'elt ételute, ASK tant AURVREE Ye set éréinte. : 33273 2 52 RER L 4" 'ar s’eft éteinte. Dans l'air vicié fans mélange. NI SEM inte +) TES 2 Le gaz inflammable retiré par Le fer avec L'huile de vitriol, Proportions ou parties Dr CAEN CT À des «ænimaux. de gaz dé ga27 g inflammable \ déphlogiftiqué. | heures. minutes. | em M NET RCBUE 7 FUHSSLER 1 Le I 2 La bougie caufa une forte détonation à En Porifice ; mais introduite au fond du flacon, refta allumée. 2 1 I 12 La bougie caufa une détonation; elle refta allumée en l’enfonçant. 3 z 1 $ La bougie caufa de même une petite déto- nation, & s’elt éteinte. 4 I 42 La bougie a allumé l'air fans détona- tion, & seit éteinte. La bougie alluma le gaz inflammable, ui brila avec une flamme léchante fans bruit, & s’eft éteinte. ua Dans le gaz inflammable fans mélange. Le gaz méphitique ou l'air fixe. Proportions ou parties D'jteMe ape L À des animaux. / d'air fixe ONE == à déphlogiftiqué. | : heures. minutes. - ; ï | 1 38 brüla avecbeaucoup de vivacité. 23: 1 13 brülaiplus vivementque dans l'air commun. SAME 1 4 2 Pbrüla peu prèscomme dans l'air atmofph. 4 1 1 À [brûla avec une flamme moins vive que | dans l'air commun. Dans l'air fixe fans mélange. L [s’eft éreinte. NE ADS d ? L'air vicié fur La refpiration animale. ; Proportions ow parties Durée de”lrvie RAS \ des animaux. ; ders2z = d'air vicié. déphlogiftique. | heures. minutes. _——— — : 1 1 2 48 demeura allumée ‘avec une flamme vive. 2 1 I 52 ‘demeura allumée comme dans lair coms . mun. © 3 | 1 1 6 s’eft éteinre, ï $ s’eft éteinte, 4 1 Dans l'air vicié fans mélange, | 2 + jseft éteinte - Le SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS, 129 Le gaz de la fermentation vineufe. Proportions ou parties Durée de la vie Examen par la bougie de gag de PAU D TER TAT EN introduire es fermentation. déphlogiftiqué. | heures. minutes. après ls mortde l'animal. ET PE VE A M DE REUN PVR RE Te AE ART TSCE RRETES 1 Le | 1 9 brûla avec une flamme plus vive que dans l’air commun. 2 Le so brûla comme dans l’air atmofphérique. 3 | 38 brûla avec une flamme moins vive que dans Pair commun. 4 L 33 brûla avec une flamme moins vive que la précédente, Dans le gaz feul fans mélange. 21 [8 éteinte, 3% st pa ; L'air commun vicié par l'extinélion d'une bongie. lProportions ou parties Durée de La vie d des animaux. LT - À d’air vicié.| déphlogiftiqué.| heures. minutes. I | 1 4 19 La bougie refta allumée, 2 1 ï 3° La bougie s’eft éteinte. 3 I 1 19 La bougie s’eft éteinte, 4 1 ss La bougie s’eftétcinte. » 7er e À “ Dans l’air vicié fans IAE so s’eft éteinte. Remarques. Pour remplir ces flacons des différens mélanges des gaz & airs viciés avec le gaz dépblogiftiqué, je me fuis fervi de l'appareil pneumato-chimique. Voici la façon dont j'ai opéré dans chaque expé- rience. Je rempliffois d’eau les cinq flacons, que je renverfois dans l’eau de a cuve, en les pofant fur la tablette; j'introduifois du gaz déphlosiftiqué jufqu’à la hauteur marquée dans les parois des flacons qui étoient calibrés ; je finiflois enfuite de les remplir avec le gaz ou l'air vicié que j’examinois. Je fcellois fous l'eau avec un obturateur le facon ; je le renverfois; & endant que j'ôtois l’obturateur , l’on introduifoit le moineau, & on le Pacha avec un bouchon de liége qui étoit recouvert de deux ou trois couches de peau de boyau; ce qui fe faifoit dans un inftant, | L Tome XXV, Part, I1,1784. AOUST, K 130 . OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, MÉMOIRE Sur le premier Drep de laine fuperfine du cru de la France ; Lu à la rentrée publique de l’Académie Royale des Sciences , le 25 Avril 1784; Par M, DAUBENTON, de la méme Académie, Mes préfent, on n’a pu faire des draps fins qu'avec la laine achetée chez les Efpagnols; mais certe Nation, qui a déjà établi affez de Manu- factures pour employer toutes fes foies, ne manquera pas de garder tou- tes fes laines, dès que fes Fabriques de Draps pourront les confommer en entier ; alors il ne fe feroir plus de draps finsen France, & nous ferions obligés de les tirer de l'Efpagne, MM. de Trudaine ayant prévu ce grand inconvénient pour le Com- merce, me firent l'honneur de me confulter en 1766 , afin de favoir s’il feroit poflible d'améliorer les laînes de France, au point de fuppléer aux laines étrangères dans nos Manufactures de draps fins. Les obfervations que j'avois faites depuis long-temps fur les races métifles des animaux domeftiques , me firent penfer que, par un bon choix des beliers & des brebis, pour leurs alliances , on pourroit rendre les laines plus fines ou plus longues; d’après cette confidération, MM, de Trudaine me pro- posèrent de faire les expériences néceffaires pour cet objer, Je m’en char- geai avec d'autant plus d’efpérance de fuccès , que le climat de la France me paroiffoit plus favorable aux bêtes à laine, que celui de lPEfpagne ou de Angleterre, parce qu'il y a moins de chaleur en France qu'en Efpa- gne, & moins de brouillards qu’en Angleterre. MM. de Trudaine obtinrent de M, Del Averdy, alors Contrôleur des Finances, tout ce qui étoit néceflaire pour mes expériences. Le Gouver- nement fit venir fucceffivement des beliers & des brebis de Rouïlillon , de Flandre, d'Angleterre, de Maroc , du Tibet: & d'Efpagne. Je mis routes ces races de bêtes à laine dans la bergerie que j’ai établie près de la ville de Montbard , dans un canton un peu montueux, & par conféquent favo- table à la produétion des laines fuperfines, qui étoit mon principal objet, Je ne conftruifis point d’étable ; je tins tous ces animaux en plein air nuit SUR L'HIST: NATURELLE ET LES ARTS, x31 & jour pendant toute l'année, fans aucun abri, Cette expérience eut un plein fuccès, dont je rendis compte à l'Acadénue en 1769, dans une aflemblée publique. J'alliai les beliers dont la laine étoit la plus fine, avec des brebis à laine jarreufe , qui avoient autant de poil que de laine, pour juger par ces extrè- mes de l'effet de la laine du belier fur celle de la brebis, Je fus très-furpris de voir fortir de ce mélange un bélier à laine fuperfine. Cette grande amé- lioration me donna d’autant plus d'efpérance pour le fuccès de mor en- treprife, qu'elle avoitété produite par un belier de Rouflillon; car je n’a- vois point alors de beliers d'Efpagne. En 1776, il me vint des beliers & des brebis d'Efpagne ; alors. j'eus fept races de bêtes à laine très-diftinétes, y compris la race de l'Auxois, qui eft le pays où ma bergerie eft fituée. J'ai perpétué jufqu’à préfent toutes ces races fans mélange, pour favoir ce qu'elles deviendroient dans ma Bergerie; j'ai aufli allié ces fept races entre elles, pour avoir d’autres races métifles, & pour connoître à quel degré elles influeroient les unes fur les autres, relativement à l'amélioration des laines: Par ces expériences, fuivies avec Les plus grandes précautions , pour qu'il n’y eût point d’équivoque, j'ai amené toutes les races de ma berge- rie au degré de fineffe de la laine d'Efpagne, fans tirer de nouveaux beliers de ce pays, ni de Rouflillon. On peut voir les preuves réelles de ces faits fur les troupeaux de’ma bergerie, & fur un petit troupeau que j'ai fait venir à la Ménagerie de l'École Vétérinaire d’Alfort, près de Cha- renton. J'ai trouvé de la difficulté à me convaincre moi-même de cette belle amélioration. Il y a des degrés de finefle dans les Jaines qu'il eft impof- fible de diftinguer au doigt ni à l'œil. Lorfque j'y fus parvenu , je ne pou- vois plus favoir f j’améliorois , ou fi je détériorois les laines par de nouveaux mélanges de races: alors j'apportai deséchantillons de ces laines à Paris; & après avoir confulté les meilleurs connoïifleurs en ce genre, je les trouvai aufi incertains que moi, & j'en conclus que les gens qui vendent la laine d'Efpagne , ceux qui l’achètent, ni les Manufacturiers qui lemploient, n'en peuvent pas diftinguer les différens degrés de fineffe , avant d’en avoir fait du drap. Cependant il falloit néceffairement que je mifle de la précilion dans les réfulrats de mes expériences. Pour y parvenir, jimaginai de mefurer le diamètre des filamens de la laine par un micromètre appliqué au mi- crofcope, Ce moyen me réuffit- parfaitement ; il me fit voir clairement les progrès de l'amélioration des laines. Ce moyen eft auf le feul qui puiffe éclairer , à l'infpection de la laine , le Manufaéturier {ur le degré de fineffe que doit avoir le drap qu’il va fabriquer. Mais le microfcope n'étant pas entre les mains de tout le monde, j'ai indiqué aux Propriétaires de troupeaux & aux Bergers une manière fort aifée de reconnoître les dif- Tome XXV, Part, IT, 1784 AOUST, R2 132 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, férens degrés de la fineffe des laines, Le détail de ces procédés eft dans les Mémoires de l'Académie de 1777, & dans l'Inftruétion des Bergers que j'ai publiée en 1782 (1). Après m'être afluré que mes laines éroient parvenues au degré de fu- perfin, il falloit encore les éprouver dans la fabrication du drap, & com- - parer celui qui en feroit fait, avec le drap de laine d'Efpagne. L’année dernière, j'ai envoyé à l’Entrepreneur de la Manufature Royale de drap de Château-du-Parc, près de Châteauroux en Berri, huit cent vingt-huit livres de mes laines lavées à dos, Avant d'en faire le prix , il en a fait des draps de différentes couleurs. Après ces épreuves , il S'eft engagé à les payer au plus haut prix des laines d’Éfpagne tranfportées en France, & à un moindre terme pour l’échéance, parce qu'il a reconnu dans les laines que j'ai améliorées plus de force & de nerf, avec la même fineffe à l'œil, la même douceur au toucher; parce que non feulement elles fe font tirées auffi fin à la filature, mais qu'elles ont fouffert un tors beaucoup plus confidérable fans fe cafler, & parce que les Ouvriers ont trouvé que la chaîne des draps fabriqués avec ces laines, étoir plus nerveufe & plus forte qu'avec les laines d'Efpagne. Quoique les miennes aient été filées & tiflues dans le fort de l'hiver dernier, les draps ont pris un foulage très ferme, & font devenus plus forts que les draps de laine d'Efpagrie faits en France; ils onc plus de rapport avec ceux que les Anglois fabri- quent, Le Manufaéturier s’eft empreflé de faire de ces draps forts avec les laines que je lui ai envoyées, parce qu’il croit qu'ils feront plus dura- bles , qu'ils réfifteront mieux à la pluie, & qu'ils auront un meilleur débit dans le commerce du nord. A préfent, il va travailler à faire avec ces laines , des draps fouples & moëlleux, comme ceux que nous faifons avec les jaines d'Efpagne. La fabrique du premier drap de laine fuperfine du cru de la France, eft un événement important pour les Manufactures & pour le Com- merce. Les moyens que j'ai donnés pour faire croître des laines fuperfines , d’après de longues expériences, dans plufieurs Mémoires, & dans l'Inf- truction pour les Bergers, font faciles & peu difpendieux : fi nous les met- tons en exécution, nous pourrons faire des draps fins avec nos lainee. La durée de cette amélioration eft déjà prouvée par feize ans d'expérience fur les laines de Rouflillon , & par huit ans fur les laines d'Ef- pagne. Îl y a en France plufeurs exemples de l'amélioration des laines à un rand devré de finefle. Les Propriétaires de troupeaux qui ont acquis des beliers dont la laine étoir plus fine que celle des brebis du pays, onteu la (1) Cet Ouvrage fe vend chez Pisrres, rue Saint-Jacques ; chez Debure l'aîné; Didot le jeune ; Gogué & Née de la Rochelle , quai des Auguftins, à Paris. C4 SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 313 fatisfa@tion de voirleurs laines fe perfectionner & augmenter de prix. Des be liers & des brebis d’Efpagne fe font déjà perpétués pendant nombre d'années dans plufieurs de nos Provinces, fans avoir dégénéré. Je fuis erès-convaincu, par ma propre expérience, & par beaucoup d'autres, que tous les pays montueux de la France peuvent produire des laines fuperfines, & que nous aurons des laines très-longues dans les pâturages abondans de nos plaines. J'ai vu avec plailr les fages réolemens que l'Adminiftration provinciale de Berri a faits pour l’établiflement d’une Ecole de Bergerie & de Parcage, & je me fuis empreflé de donner un de mes Bergers pour en être le Maître; j'enverrai aufli des beliers de ma bergerie, qui m'ont été deman- dés pour cette Province. Les bêtes à laine étrangères ne font pas néceflaires pour multiplier en France les laines fuperfines & les laines longues. Des beliers choilis dans le Roufillon & dans la Flandre, en produiront bientôt, fi nous prenons de l'émulation ,comme les Anglois , pour faire valoir nos troupeaux, & fi le Gouvernement la favorife, Peut-être le befoin nous rendroit-il encore plus aëtifs. Si l'Etranger refufoit de nous vendre des laines fuperfines, nous ferions promptement des efforts pour faire croître ces laines en France, plutôt que de renoncer à la fabrication & au commerce des draps fins. L’heureux fuccès des épreuves que j'ai faites avec foin fur les troupeaux & fur les pâturages pendant dix-huit ans , m’encourage à les continuer avec la même exactitude fur tout ce qui peut contribuer à l'amélioration des bêtes à laine, Je publierai inceffamment une Inftruétion fur la culture & l'emploi des pâturages, N. B. Ce Mémoire a été imprimé par ordre de M, de Calonne , Con- trôleur Général des Finances, à l’Imprimerie Royale. MÉMOIRE Sur les altérations que le feu de fufion fait éprouver à la terre des végétaux , mélée avec les autres terres pures ; Par M, ACHARD. La terre dont j'ai fait ufage dans les expériences qui font le fujet de ce Mémoire, & dont la Table fuivante préfente Les réfulrats , a été tirée 134 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, de cendres de bois de chêne, M'étant convaincu, par des eflais réiré- rés , que l'élixivation la pius exacte ne peut pas emporter entiérement le fel alkali fixe contenu dans les cendres des végétaux , j'ai diffous Les cen- dres de bois de chêne dans de l'acide marin, & ai retiré la terre de cette folution par la précipitation faire avec le fel de tartre, De certe manière , j'ai réulli à féparer de la terre tout l’aikali falin qui, pat.fa fixité, écoic refté dans les cendres, & qui, par le degré de chaleur occa- fionné par l'incinération , avoit été intimément uni avec la terre. Afin de déterminer la fufbilité des mélanges que j'ai faits, je Les ai ex- pofés pendant trois heures au feu dans un fourneau de fufon femblable à celui dont M. Pott donne la defcription dans fa Lithogéognofie, Mélange. Proport. | Réfulrar. É Couleur. Dureré. Terre végétale. |1 partie.|Maffe qui n’avoit pas éprouvé RULE D Terre vitrifiable. |r partie. la moindre fufon. | ancnce ure. Terre végétale, |1 partie. Terrevivrifiable. |2 parties. Poudre. | Blanche. La partie inférieu- Terre vésctale, 2 parties Terreviifable. [ païtie. LE — = Terre végérale. |4 parties. Terre vitrifiable. |1 partie. —— Terre végétale. (|r partie. Terrevicrifiable. |4 parties. rene lots Terre végétale. |r partie. Terre calcaire. 1 partie Terre végétale. |2 parties. Terre calcaire. |r partie. FE sp) . Terre végétale. |r partie. Terre calcaire. |2 parties. PA re | LEE Terre végérale. |4 païties. Terre calcaire. |r partie Terre végétale. Î|r partie: Terre calcaire. |4 parties. Terre végétale. |1 partie. Terre du felamer.lr partie. erre végétale. ‘T partie. Terre du fel amer. | 2 parties. Terre végétale. |2 parties, Terre du fel amer.lr partie. Maffe poreufe, peu polie dans la fradure; à fa furface elle avoit beaucoup de poli, & étoit demi-tranfparente. Verre qui avoit percé le creufer. Poudre. —— — Verre. Verre. Verre. Aux endroits où le mélange touchoit le creufer, il s’étoit vitrifié ; au centre du creufet, il étoit refté en poudre. Aux endroits où le mélange touchoir le creufer, il s’étoir vitrifié ; au centre du creufet , ï! éroit refté en poudre. Verre. Poudre. Verre. rente verdätre, Verditre. Blanche. Jaune. Jaune. Jaune verd. Grife. Grile. Jaune. Guife. Jaune verditre. re & opaque blan-| Donne des étin- che, la partie fu-|celles périeure tranfpa-|cier. avec Vla- se PRESS Donne des éincel les avec l'acier. en Donne des étin- celles avec Pacier. Donne des cétin- celles avec l’acier. Re es Donne des étincel- les avec lacier. Donne des étincel- les avec l’acier. Donne des étincel- les avec lPacier, Donne des étin- celles avec l’acier., Donne des étincel: les avec l’acier. 2 SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. Mélange. Terre végétale. Terre dufel arner. Terre végétale. Terre d’alun. Terre végétale, Terre d’alun. Terre végétale. Terre d’alun. Terre végétale. Terre d'alun. SRERPTE TR cata ARS Terre végétale. Terre d’alun. EE 2e A Terre végérale. Terre animale, ti PVR rée d'os de mou- ton. EE L'erre veyétae. Terre du fluor de fpath. — Terre végétale, Terre vitrifiable. Terre calcaire. eee Ë Terre végétale, Terre vitrifiable. Terre du fel amer. Terre végétale. Terre vitrifiable. Terre d’alun. Terre végétale. Terre calcaire. Terre du £el amer. 2e Terre végétale. Terre animale. Terre calcaire. Re épis Terre végétale. T erréanimale. Terre du (el amer. PRET CNE Terre végérale. Terre du fluor de fpath. Terre du {el amer. |Proport. | 1 partie. 4 parties. 1 partie. 1 partie. 1 partie. 2 parties. 2 parties. { partie. 4 parties In partie. 1 païitie. 4 parties. I partie. I partie. à 6 parue. I partie. 1 partie LI partie. 1 partie. 1 partie. E partie. 1 partie. 1 partie. 1 partie. 1 partie. I partie. I partie. 1 païtie. I partie. I parte. Li parue. SENTE I partie ll parue. I partie. 1 partie. x partie. R éfistrar. | Couleur. Maffe poreufe , peu polie, qui avoit éprouvé la fufion. Mafle peu polie, qui avoit éprouvé la fuñon. Poudre. Mafle poreufe, peu polie; à fa furface, il {e trouva de petits criftaux. Male vitrifiée aux bords ; opaque dans le milieu. Poudre. Maffe poreufe , peu polie , qui paroïfloit criftallifée. Maffe qui avoit beaucoup de poli. 3 Mafle qui avoit éprouvé une demi-fufon; elle n’avoit pas de poli, & paroïfloit être crif- rallifée. Maffe qui n’avoit pas éprouvé defufon. Maffe qui n’avoit que peu de poli, & qui cependant avoit éprouvé la fufon. Aux endroits où le mélange touchoit le creufet, il éroit entréen fufñon, & formoicune maffe poreufe qui n’avoicque peu de poli; au centre du creufet, le mélange étoitrefté en poudre, RE ER LEE * MONET Maffe demi tranfparente, qui avoit beaucoup de poli. Verre. EE Maffe demi-tranfparente , qui avoit beaucoup de poli. Grisâtre. Grife. Blanche, Giisâtre. a Jaune. Blanche. Blanche. ee Blanche. Grile. Blanche, A — Blanche, Grile. Verditre. Jaune. —_—___—_——_—_—_—_—_—_———— 1 A Jaune & bleuitre. 155 | Dureté. IDonne des étin- celles avec l’acier. Donne beaucoup d’ét. avec l'acier. Donne des étincel- les avec l'acier, EE LI rc 5e Donne des étin- celles avec l’acier. re TE —— Donne peu d’é- uincclles avec l’a cier, LEE LL (SONT EE Donne des étin- celles avec l’acier., Eee IEEE 2 ET Donne peu d’érin- celles. avec la- cier. Facile à pulvérifer entre les doigrs. RTS ATEN LT SRE Donne peu d’é- rincelles avec la- cier. Donne peu d’étin- celles avec l'a- cier. AT LE Le à à Rap Donne des étin- celles avec la- cier. Donne des étin celles avec l'a- cier, Donre beaucoup d’étincelles avec [lacier. 1 partie. ee ————_—————— re ALélange. Terre végétale. Terre d’alun. Terre du fel amer. Terre végétale. Tertre animale. Terre d’alun. Terre végétale. Terre du fluor de fpath. Terre d’alun. Lerre végétale. Terre animale. Terre du fluor de fpath. Terre végétale, Terre vitrifiable. Terre d’alun. Terre du fel amer. Terre végétale. Terre vitrifiable. Terre calcaire. Terre du fel amer. Terre végétale. Terre vitrifiable. Terre calcaire. Terre d’alun. Terre végétale. Terre vitrifiable. Terre calcaire, Terre d’alun. Terre du fel amer. |Zroport. | 1 1 Li partie. 1 partie. ei 4 Me nm M CRC) partie. partie. partie partie. partie Maffe poreufe , dont la furface n'avoit que peu de poli, artie. 4 Le Eu Maffe qui n’avoit pas éprouvé re de fufion. partie. partie. Le Verre. partie. partie. Maffe poreufe, en partie demi- tran{parente , qui n’avoit que peu de poli. partie’ parie. Mar parue" partie. Me poreufe, dont la furface étoit polie & paroïfloit crif- tallifée. partie. partie. partie. partie. Verre. partie. partie. partie. Maffe poreule, polie, qui paroifloit criftallifée. partie. partie. partie. partie. partie. Verre. Couleur. Grisâtre. Bleuâtre, a Jaune verditre. Jaune fale. Blanche. Jaane. Blanche. Jaunûtre. 1Ne OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, Réfulrar. mn Î Dureré. Donne des étin- celles avec l'a- cier. Facile à pulvérifer entre les doigrts. Donne des étincel- les avec l’acier. donne pas d’étincelles avec l'acier. Donne des étin- celles avec l’acier. Donne beaucoup d’étincelles avec l'acier. Donne peu d’étin- celles avec la- cier. Donne beaucoup d’étincelles avec lacier. MEMOIRE SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 137 MÉMOIRE Sur la vitrification de la terre alumineufe mélée en proportions 7) £ différentes & connues aveërdes Jels ; Par M ACcHAR D. IE expériences qui font le fujet de ce Mémoire ont été faites dans un fourneau à vent ; Les mélanges y ont été expofés pendant trois heures au feu. Ce fourneau étoit, pour la conftruction , femblable à celui dont Pott donne la defcription dans fa Lithogéognofie ; mais le tuyau de tôle dont il eft furmonté étant d’un plus grand diamètre , il donne une beau- coup plus forte chaleur, Les réfultats des expériences que j'ai faites pour déterminer de quelle manière les fubftances falines agiflent par la voïe sèche fur la terre de l'alun , font repréfentés dans la Table fuivante, Mélange. |Proport. À R éfulrar. Couleur. [l Dureté. Terre d’alun. 1 partie. Sel de tartre. |r partie. Poudre. Blanche. Terre d’alun. 1 partie. Maffe qui n’avoit pas éprouvé "4 À SEE n pates RES | Blanche. Affez redurcie Terre d'alun, 2 parties. Sel de tartre. 1 partie. Poudre, | Blanche. AE RSS) PATTERN ET TER RRE ETES a Terre d’alun. I partie. | Mafle qui n’avoit pas éprouvé Facile à pulyérite Sel detartre. 3 parties. de füfion. Blañche. entre les doigts. Terre d’alun. 1 partie Sel de tartre. l4 parties. Poudre, Blanche. à Terre d’alun. > parties. | Maffe qui n’avoit pas éprouvé] Facile à pulvérife: Sel de tarirecauft.|r partie de fufou. Ets entre les doigts. Terre d’alun. 3 parties. Sel de tarte cauft |T partie. Poudre. Blanche. Terre d’alun. 1 partie. | Maffle qui n’avoit pas éprouvé Blanche Facile à pulvériler Sel de tartre cauft |3 parties. de fufon. ù entre les doigts. T . É .. |[Maffe qui avoit éprouvé une $ Ne donne pas d’é. erre d’alun, TL Pare demi fufion ; elle { pulvérifa Grife, tiñcelles avec l’a- Sel de tartre cauft. |4 parties. Terre d’alun. 1 partie, Alkali minéral. 1 partie. à l'air. cie. mes Poudre. Blanche. Tome XXV, Part. II, 1784 AOUST, S Sel de Glauber. 4 parties. [fer ; l’autre étoit reftée en pondre. 138 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, Mélange. Proport.| K éfulrar. | Couieur. 7 Dureté. l'erre d'alun. 2 parties. . | Alkali minéral. |r partie. Poudre. Blanche. - Temed’alun. |3 paries. \lkali minéral. |1 parte. Poudre. Blanche. Terre d’alun. 1 parie.|Mafle qui n’avoitpas éprouvé Facile à pulvérifer Alkali minéral. |3 parties. de fuñon. Blanches entre les doigts. Terre d’alun. 4 parties. < Lx | Alkali minéral. |1 partie. Poudre. Blanche. Mafle poreufe qui avoit F \ Terre d’alun. 1 partie. éprouvé une demi-fufon ; fa ge Ne donne pas d'é- Alkali minéral. |4 parties. furface étoic couverte d’une Grisâtre. incelles avec la- poudre. cier. Terre d’alun. ï partie. Sel fédarif. 1 partie. Poudre. Blanche. Fait —— 2e EE mm grenier Terre d’alun. |2 parties. Selfélatif. I age Poudre. Blanche. Tere d’alun. [1 parte. Mafle poreufe qui avoit Donne des étin- Sel fdarif. 2 parties | éprouvé une demi-fufon. Blanche. celles avec l'acier. Tone dalun, {1 parie.Maffe qui bulloit comme du AAC NES Sel fédarif, 3 ae fucre. Blanche. Facile à brifer. Terre d’alun. 3 parties. : |Sel datif. 1 partie. Poudre. Blanche. Terre d’alun. 4 paries. Sel fédarif. 1 partie Poudre, Blanche. Une partie du mélange étoit P ë reftée en poudre , l’autre avoit Terre d’alun. 1 partie.Jéprouvé un commencement Sel fédarif, 4 parties. [de fufon ; aux parois du creu- Blanche. fer il s'étoit formé quelques petits criitaux. T : Maffe poreule qui avoit erre d’alun. 1 pattie [éprouvé la fufon; dans quel- Lu Donnedes érincel- Sel de Glauber. |r partie. qe endroits elle avoit un peu Grisäire. ana tarar : depoli. Terme d’alun. [2 parties. vi Sel de Ulauber. |r partie. Poudre. Blanche. Terre d’alun. 3 parties. Sel de Glauber. |1 partie Poudre. Blanche. BALE : .… [Unepartie du mélange éprou- de Cas T parue. |va [a fufion, le refte reita en : el ae auper. 3 parties, poudre. Une partie du mélange éroit Tarte d’alun. |1 partie.|vitrifée & avoit dér'uitle creu- À [Donne des , étin- Verdäre. celles avec l'acier. ; SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. Mélange. Terre d’alun. Sel de Glauber. Terre d’alun. Tartre vitriolé. Terre d’alun. Tartre vitriolé. AE PS Me ere 200 Terre d’alun. Tartre vitriolé. Terre d’alun. Tartre vitriolé. Terre d’alun. Tartre vitriolé. Terre d’alun. Tartre vitriolé. Terre d’alun. Tartre vitriolé. Terre d’alun. Sélénite. Terre d’alun. Sélénite. Terre d’alun. Nitre prifmatique. Terre d’alun. Nitre prifmatique. RE PER ERAUES Terre d’alun. Nitre prifmatique PE es Terre d’alun. Nitre prifmatique. Terre d’alun. Nitre prifmatique. |Proport. | Réfulrar. | 4 parties. 1 partie. Poudre. { partie. 1 païtie. Poudre. 1 partie. Maffe qui n’avoitpas éprouvé z parties. de fufion, 2 parties. 1 partie. Poudre. Mañle qui avoit éprouvé la fufion ; elle étoit confondue avec la fubftance du creufer, qui étoit entrée en fufion. 1 partie. 3 parties. PE Poudre. 1 partie. I See D ARS Poudre. 1 partie.| 77 —|Le mélange s’étoit changé 1 païtie.lavec le creufet en une fcorie 4 parties.| vitriforme. RATES Poudre. 1 partie. IAPIUES Poudre. … 2 parties. al 2 PERS Poudre. 1 partie. fe agen 3 parties. Poudre. 1 partie. a tte r partie. Mafle poreufe qui avoit NE Ve ne 3 parties. |éprouvé une entière fufion. - LE L partie. 4 parties. 4 parties. t_ partie. Poudre 1 partie. 1 partie. Poudre. 1 partie. 2 parties. Poudre. 2 parties. 1 partie Poudre, 1 partie. 3 parties. Poudre. 3 parties. 1 partie. Poudre. Tome XXV , Part, 11, 1784, JUILLET. \ Couleur. Blanche. Blanche, Blanche. ‘Blanche. ee Jaune. Blanche. Blanche. Blanche. Blanche. Blanche. Blanche. Jaunâtre. Grife.- Blanche. Blanche. Blanche. Blanche. Blanche. Blanche. 139 Dureré. | Ü a Facile à pulvérifer entre les doigts. ame — l Donne peu d’é- tincelles avec l’a- cier. Donne peu d’é- tincelles avec l’a- cier. PUS er Donne des étin- celles avec l'acier. S 2 140 Mélirge. |Proporr. | l'erre d’alun. 1 parue, Nitre prifmatique.|4 parties. Met menemns dise Terre d’alun. 4 parties. Nitreprifmatique |1 patrie. Terre d’alun. partie. Nitre cubique. |t partie. Terre, d’alun. 1 partie. Nitre cubique. |2 parties. Terre d’alun. 2 parties. Nirre cubique 1 partie. Terre d’alun. 3 parties. Nitre cubique. partie. te d’alun. 1 partie. Nitre cubique. |3 parties. Terre d’alun. 4 parties. Nitre cubique. |1 partie. Terre d’alun, 1 partie, Nitre cubique. |4 parties. Terre d'alun. [ parue. Sel commun. |2 parties. Terre d’alun, 2 parties. Sel commun. I païte, Terre d’alun. 3 parties. Sel commun. partie. Terre d’alun. 4 parties: Sel commun. 1 partie Terre d’alun. 1 partie. Sel commun. 4 parties. Terre d’alun. I partie Sel commun régé- : DUrES 1 partie SR TP | PRET Terre d’alun. 1 parie. Selcommun rége- ÿ HU 2 parties. Terre d’alun. 2 parties. Selcommun régé- : nuves 1 païtie FT e d’elun. T partie. Sel commun ré- L généré. DIRES Terre d’alun: 3 parties, Sel commuu régé- : RS 1 païtie. Réfulrar. Poudre. Poudre. Poudre. ———_———— Poudre. Poudre. Poudre. Maffe qui n’avoit pas éprouvé de fufon. Poudre. = — Male qui avoit éprouvé en partie une demi f fafion. Une partie du mé! ange avoit diflous le creulet, & étoiren- tré en fufon ; l’autre formoit une mafle ie qui n’avoit ; : 1 pas éprouvé de fufon. Poudre. Poudre. Poudre. Male qui n’avoit pas éprouvé de fufon; le creufet avoit été diflous & dune Poudre. + Poudre. a —— Peudre. me | Poudre. Poudre. Couleur. Blanche. Blanche. Blanche. Blanche. Blanche. Blanche, Blanche. Blanche. Grisâtre, Blanche. Rougeâtre. Rougeätre. Blanche, Rouge brun. Rougeâtre. Blanche. f Blanche. : Jaune. Rougeätre. OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, ] Dureré. | Facile à pulvérifer entre Les doigts. da Donne’ des étin- celles avec l'acier. La partie Û qui a avoit éprouvé la fufion, donna des étin- celles avec la- cier. Facile à pulvérifer entre les doigts. 2 — ———— — — © "© © SURL'HIST. NATURELLE ET LES ARTS, Mélange. Terre d’alun. Sel commun régé néré. | Proport. | 4 parties. 1 partie. Terre d’alun. Selammoniacfixe. Terre d’alun. Selammoniacfixe. 2 parties 1 partie. 1 partie. 3 parties. ere nr = Terre d’alun. 4 parties. Selammoniacfixe.|r partie. Terre d’alun. 1 partie. Selammoniacfixe 4 parties. mm ë Terre d’alun. 1 partie. Borax. 1 partie, Re TR © à Er Terre d’alun. 2 parties. Borax. 1 partie. Terre d'alun. |3 parties Borax. TRPAEUE Terre d’alun. 1 partie. Borax. 3 parties. T7 PRE EN ES Terre d’alun. 1 partie. Borax. 4 parties. EN ——— Terre d’alun, 4 parties. Borax. 1 partie.| 141 Réfulrar. l Couleur. | Dureré. TJ Poudre. Blanche. ER Poudre. Blanche. | meme lemme, Poudre; le creufet avoit été, sf. f Blanche, trés-fort atraqué. | Poudre, Blanche. ——— — ——— EI: orne" Poudre ; le creufer avoit été C très-fort attaqué. Rougeître, | LORIE PSP PS Me ne Poudre. Blanche. AU eee Male compofé: de petits crif- Fzcile;à pulvérifer taux brillans, entre les doiots. Blanche. | NE Tr Maffe qui n’avoit pas éproav: de fufon. ARR nie Eee Facile à pulvéri(er Blanche, entre les doigts. CREER ne —_————_—_—_—_—_—_—_—_—_—_—_— — Ne donne pas Verre. Blanc. d’étincelles avec Pacier. EN | ee VAR VRP NE Ne donne pas Verre, Blanc. d’étincelles avec Pacier. Maffe qui avoit pas éprouvé PURE Facile à pulvérifer de fufon. entre les doigts. EDEN PPT DER EE PR TES PE CPP MEME SERES EXTRAIT DU MÉMOIRE Sur les Bains de vapeurs de Ruffie , confidérés pour la confer- vation de la fanté & pour la guérifon de plufteurs ma- ladies ; Par M. Aulaine Ribéiro SAN CHÈS, ancien premier Médecin du Corps de l'Impératrice de toutes les Ruffes, Affocié étranger, G:c. (1): Ho des avantages que les Ruffes tirent de leurs bains , les autres Peuples ne devroient-ils pas imiter une conftruétion fi fage, qui tout à la — (1} Ext. du dernier vol. des Mém. de la Soc. Roy. de Médecine. 142 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, fois ajouteroit à la fanté , en éloigneroit les maux, & offriroit aux Maifons des deux fexes , aux Manufactures & aux habitans des campagnes , des ref- fources infinies. N’eft_il pas étonnant que les Grecs , les Romains n'aient fu trouver dans leurs bains autant de commodité, d'avantage que les Ruffes en trouvent dans les leurs à L Quand on a vu & fréquenté quelques bains d'eaux thermales ou d'eaux froides, & qu'on confidère Les bâtimens qui les renferment ; qu'on les compare avec ceux des Grecs , des Romains, ou avec ceux des Turcs, on eft furpris de l'ignorance ou de la nonchalance des Peuples chez lef- quels la Nature a prodigué fes tréfors pour le bien de l'huma- nité, L'art, dans ces fortes de bains , n'a fait aucun effort pour conferver la fanté, pour guérir une infinité de maladies ; & fans l’exercice des grands voyages, ces bains feroient abfolument nuifibles par leur mauvaife admi- niftration. On ne doit pas regarder comme falutaires les bains appelés de pro- preté ; ils relâchent , affoiblifflent & énervent les parties folides de tout le corps, comme l'air de la chambre où on eft couché. En refpirant cet air, le poumon n'eft pas fi chaud que la fuperficie du corps. Il eft incon- teftable que la circulation du fang doit fouffrir quelque embarras dans ce vifcère, d’où la fuppreflion de la tranfpiration infenfible, les cathar- res, Jes maux de tête, les fluxions. Il femble que les bains Turcs, comme on en a conftruit à Londres pour l’ufage public, ne feroient point fujets aux inconvéniens d’amoliir, de relâcher, d'affoiblir le corps, & qu'ils feroient les plus propres pour conferver la fanté & guérir plufeurs maladies. Ils font préférables aux bains de propreté, aux étuves: mais ils ont tous un défaut; c’eft que, dans la chambre où l’on fue, l’air & la vapeur ne fe renouvellent jamais comme dans les bains Ruffes. Voici un détail fuccinct de cette dernière forte de bains à Londres & dans la Ville d'Azof, prife par l'armée Ruffe en 1736: on parlera auf de la defcription des bains Grecs & Romains. : C'eft un édifice compofé de quatre ou cinq grandes chambres : on fe déshabille dans la première, qui et médiocrement chaude, & on entre aufli-tôc dans le bain de vapeurs. C’eft un bâtiment rond , fait de pierres de taille, couvert par un dôme ou une coupole, percé dans le centre, & revêtu de vitres pour l’éclairer; dans fon milieu , il s'élève une ban- quette ronde, d’un diamètre proportionné à l’efpace du bâtiment, fur la- quelle font aflis ceux qui entrent pour fe baigner. Sur le plancher, qui eft fait de pierres de taille, on verfe de l'eau à la hauteur de quelques pou- ces. Certe eau sélève en vapeur par le feu du fourneau fouterrain, & par les tuyaux de fer ou de cuivre qui montent le long des murailles de ce bâtiment, Ceux qui y font afis, fans la moindre incommodité, SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 143 fuent autant que leur force le leur permet; de là ils entrent dans une grande chambre , où il y a un bain d’eau tiède & un autre d’eau froide : ils entrent aufli-tôt dans le premier, où un Baigneur les frotte, leur étend les jointures & les lave; ils en fortent enfuite pour aller prendre leurs ba- bits, à moins qu'ils ne fe veuillent laver auparavant dans l’eau froide, Quelques uns s'y plongent avant ou après avoir été frottés , d’autres y nagent pendant quelques inftans. Si l'air & la vapeur étoient renouvelés dans ce bain à chaque moment, comme dans le bain Ruffe , ce feroit le plus falutaire & le plus délicieux des bains dont on fait ufage en Europe, Les bains Grecs & Romains avoienten général le même défaur, L'air & la vapeur ne s’y renouveloient pas, comme il auroit été à fouhaiter pour le bien & le plaifir de ceux qui s’y baignoient. On ne fera pas fâché de connoître la conftruétion des bains des anciens Grecs & Romains. Vitruve nous en a donné la defcription. Il nous ap- prend qu'on entroit d’abord dans le premier appartement du bain chaud ; d'une température agréable ; on s'y déshabilloit : il étroit appelé apodyré- rion. Cette chaleur s’augmentoit de plufieurs degrés en entrant dans la feconde chambre , appelée de différens noms , fuivant le degré de chaleur de l'eau chaude; c’eft à-dire , kypocauflum , laconicum , vaporarium | fu- datorium , que nous appelons bains proprement dits , où l’on fuoit, & où lon s’échauffoit au dernier degré de chaleur que l’on pouvoit fupporter. Les incommodités produites par les exercices violens fe diflipoient au moyen de cette fueur abondante; il falioit alors réparer les forces que l'on avoit perdues, rendre le corps vigoureux , fe mettre dans le cas de ne reffentir aucune fuite fâcheufe , quand on fortoit du bain , & que l’on s’ex- pofoit à refpirer un air libre. Ce Luntde vapeurs s’échaufloit par des fours fouterrains ; a vapeur s'élevoit de l'eau que l'on verfoit fur des planchers de marbre , comme on fait aujourd’hui dans les bains Turcs. Leur conftruction eft tout-à- fait femblable à l’Aypocaflum ou vaporarium des Grecs & des Ro- mains. Sortant de ces bains propremens dits , on entroit dans une autre cham- bre qui contenoit un fpacieux bain d’eau tiède, appele Baptiflerium, où lon fe faifoit frotter avec plufieurs fortes de terres glaifes ou pommades, & lon s’y lavoit; plufieurs en fortoient, & pafloient dans la chambre où ils s’étoient déshabillés; d’autres pafloient à la quatrième chambre, qui contenoit le bain d’eau froide , que l'on appeloit pifcina. Il étoit fi fpa- cieux , que l’on pouvoit y nagers& s'y fatiguer en nageant. Quand ils s’étoient exercés à leur fantailie, ils pafloiert dans la chambre où ils s’é- toient déshabillés, IL y avoit diflérens cabinets où ils fe frottoient de pom- mades ou d’huile de fenteur, avant de reprendre leurs habits ; enfuite ils alloïient à leurs affaires accoutumées, & très-fouvent ils fe mettoient à table. Les Médecins Grecs & Romains ayant reconnu que ces bains cau- x44 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE; foient une fièvre de quelques heures, & qu’ils augmentoient la perfpira- tion , commencèrent à s'en fervir; enfin, les bains de vapeurs furent mis en ufage par Hippocrate, Celfz, Galien, Oribaze: c'étoit la moitie des remèdes dont ils fe fervoient pour la guerifon des mala- dies. . Si on confidère attentivement le bain Rufle, on verra qu'il eft un abrégé, un précis du bain des Romains & du bain Turc de nos jours; car on fait dans une feule pièce ou chambre tout ce qui fe pratique dans les autres bains à la Romaine & à la Turque, dans quatre ou cinq chambres. Comme il y a en Ruflie deux fortes de bains, c’eft-à-dire, pu- blics & particuliers , ils ne diffèrent prefque pourtant point entre eux , fi ce n’eft que dans ces derniers on bâtit une chambre à côté, garnie de lits, où fe couchent ceux qui fortent de leurs bains ; ce qui ne fe trouve point dans les bains publics. On entre dans ces bains; on s’y déshabille, on s'y couche tout nu fur un matelas rempli de foin & de paille, mis fur la première ou feconde banquette. Comme le fond eft chaud, & qu'il eft garni de cailloux de rivière, rendu rouge & prefque embrafé par le feu qui eft deflous, & que l’on verfe deflus de l’eau froide, il s'élève à l'inftant une vapeur épaifle , ardente , qui échauffe tout l’intérieur du bain. On peut augmenter & renouveler certe vapeur ardente fuivant la quan- tité d’eau que l’on verfe fur ces pierres ; alors on fue avec abondance. Quand on a fué fufifamment, on fe fait frotter avec du favon & avec des branches detilleuls, dont les feuilles font couvertes de duvet: on s’y lave avec de l’eau tiède , & enfuite avec de l’eau froide, en en verfant plu- fieurs feaux fur la tête. Ceux qui fe baignent dans les bains publics , au lieu de fe laver dans le bain quand ils en fortent, fe plongent dans quelques ruiffeaux ou étangs expofés à l'air libre, & ils finiflent par-là l'opération du bain. Ceux qui fe baignent dans les bains particuliers, fe font jeter fur la tête pluñeurs feaux d’eau froide; & quand ils fortent du bain, ils paflent dans une chambre à côté, qui eft échauffée médiocre- ment ; ils sy couchent & s'y repofenc jufqu'à ce que la fueur foit finie; ils sy habillent , & quelquefois y paflent la nuit. Comparons maintenant la partie effentielle du bain Ruffe avec celle des bains Turcs & des anciens Romains. On ne peut comparer la grandeur, ni la petiteffe de ces bâtimens; la comparaifon fe réduira dorc à connoître la nature de Ja vapeur de l'eau chaude par la force du feu , & qui rem- plit l’extérieur du bainou vaporarium des Romains. Dans les étuves de nos jours, dans les bains anciens des Grecs & des Romains, & dans ceux des Turcs, la vapeur chaude qui s'élève de l’eau refte dans l'efpace du bain. L'eau verfée fur le plancher ne fe renouvelle jamais. Ceux qui fe baignent font obligés de refpirer les mêmes vapeurs , çet air échauffé & renfermé , également fans la moindre communication avec l'air extérieur, Tout le monde fait que l’haleine de plufeurs pe onnes, SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS, 14$ perfonnes renfermées dans une même chambre, fans Communication avec l'air extérieur , eft extrémement nuilible, puifque la fueur , & fur-tout l'ha- leine, font des matières méphitiques, qui fortent de notre corps; alors ces vapeurs chaudes, mêlées avec la fueur de ceux qui sy baïgnenc, relâcheront leur corps, & les afloibliront; & quoique cette action foit un peu corrigée par Les vapeurs de l’eau chaude , comme elles ne font point renouvelées par un changement d'air & par de nouvelles vapeurs, on peut aifément fe perfuader que ceux qui fortent de ce bain n’en ont point retiré toute l'utilité qu’ils attendoient. Si les perfonnes aflifes fur les banquettes pratiquées dans les bains Ruffes , ne fuent point autant qu’elles le veulent , elles commander alors aux Baïgneurs de verfer de l'eau froide fur les pierres ardenres: il s'en élève une vapeur fi violente & en fi grande quantité, qu'elle furpafle en chaleur & en activité les vapeurs des autres bains. Cette opération fe renouvelle de cinq en cinq minutes, au moins pendant une heure, Voyons mainte- navt les effèts de ces vapeurs, & leur caufe, fondée fur la phyñque de l'eau , de l'air & du feu. On fait aujourd'hui, par une infiniré d'expé- riences, que l’eau contient des particules d'air &de feu ; mais ce feu eft un feu élémentaire , ces. particules font extrèmement unies & preflées. Il en: eft de même par rapport à l'air. Ces élémens du feu & de l'air fe débar- raflent, & fortent de l'eau aufli-tôt que, par quelques. caufes puiflantes, ils font obligés à quitter leur état d’élément, ou de parties conftitutives de l'eau , & fe montrent fous la forme de vapeurs ou fous la forme d'air. Voyons maintenant les effets des vapeurs de l’eau , élevées par la violence de la chaleur des caillous ardens mis dans le fond du bain Rule, fur les corps de ceux qui y font couchés tout nus, & qui y refpirent cet air & ces vapeurs contenues dans le même bain. Confidérons combien defois, pendant une heure, on pourra renouveler cer air , cette vapeur & ce feu, reproduits de nouveau dans un inftant, & alors nous verrons que dans la Médecine on ne trouve aucun remède qui puiffe égaler la force, l’éner- gie & la falubrité de ces agens combinés pour fortifier , changer & vi- vifer le corps humain. Ces trois agens combinés, & par leur contaét ré- ciproque mis en action dans la profondeur des cavernes de notre globe, font la caufe des: tremblemens de terre & des effets les plus terribles que la Nature nous préfente. : . La Société feroit heureufe , fi on trouvoit un remède facile, peu coû- tœux, & fi efficace , qu'il pût foulager les maux dont les hommes font fi fouvent attaqués. Je ne trouve que le bain Rufle , adminiftré comme le prefcrit la faine Médecine, qui puifle produire cer efler. - Les incommodités caufées par de violens exercices, par les change- mens fubics de l’atmofphère , les contufons , les refroidifflemens , les grands repas, les excès de boiffons & de plaifir, produifene une langueur dans tout le corps, & la perfpiration infenfble fe fupprime, & augmente Tome XXV, Parc, II , 1784. AOUST. + 146 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, toutes les incommodités que nous avons détaillées, Que ceux qui fe mé- lent de guérir, indiquent un remède aufli efficace , aufli facile ,aufli prompt pour guérir les indifpoftions , que l’eft la vapeur de l'eau chaude, renouve- lée continuellement , & appliqué au corps malade couché tout nu dans le bain Rufie. La quantité d'eau que l’on verfe fur les pierres ardentes , fe dilate quatorze mille fois plus que fon propre volume. Cette vapeur fe dilate par toute la capacité du bain, fi rapidement, qu’elle obfcurcit la lumière que l'on conferve pour foigner ceux qui s'y baignenr. Comme Veau contient une infinité de principes élémentaires d'air & de feu , lorfque Fexplofion fe fait par le moven du feu, elle fe dilate avec une promptitude & une force très-grandes. On fair que la poudre à canon allumée furpafle cinq mille fois fon volume ; mais l'eau, avec fon air élémentaire, excède de plufieurs mille au moins l'ef- pace qu'elle occupoit. Cette vapeur fi active, fi pénétrante & f chaude, appliquée à un corps nu déjà échauffé , refpirant un air d’une température: égale à celle du corps humain & au delà, relâche la peau; la circulation augmente, fans qu'il y ait de l'embarras dans la refpiration; elle fe fait par les moindres artères & veines de tout le corps , tant dans l’intérieur que, dans fa fuperficie: le malade commence à fuer, il éprouve le calme: le plus doux , & tombe’, fans s'en appercevoir, dans un fommeil tran- quille & fatisfaifant. : Avec le thermomètre de Farenheit à la main ,qui marque jufqu’à $00 de- grés ; & hors de la main, attaché dans le bain , environ 08 degrés, j'ai expérimenté tout ce que je viens de dire, étant couché dans le même bain. Lorfque lon y fent une chaleur incommode , quelque mal derête, quelque embarras dans la refpiration, on commande aufli-tôr de verfer de l’eau fur les pierres ardentès : il s’engendre une nouvelle vapeur, un nouvel air ; le malade ou l'homme en eft foulagé ; il fond en fueur, fans foiblefle, & refte dans un calme qui le réjouit. Cette vapeur ne relâche pas Les parties folides, comme la vapeur des bains des Romains ou celle des Turcs, La vapeur des bains Rufles eft animée par les élémens du feu & par ceux de l'air renouvelé à plaifr ; elle donne de la exibilité à la péau, fans Ja relâcher ; & de l’élafticité aux organes de la refpira- tion, aux veines & aux artères, Cetre vapeur rétablit la vitalité dont ces parties étoient douées avant la maladie. Que prétendirent les Médecins anciens , & quel eft le but des modernes . dans Ja guérifon des inflammations , c’eft à-dire, dans les rumeurs externes & internes , avec fièvre , douleur & tenfion, dans les fièvres ardentes, dans la petite vérole , & dans les fièvres putrides & lentes? C'eft de re- lâcher la peau, modérer la chaleur, tempérer la foif & les douleurs , cal- mer les évacuations , procurer le fommeil, & laiffer aux foins de la Na- ture la coction de fa caufe morbifique, pour en être expulfée par la perlpiration infenfble & par les fueurs, fans affoiblir, Pour parvenir à SURL'HIST, NATURELLE. ET LES: ARTS. 147 cette fin, ils emploient la faignée, les évacuations , les délayans & rafrai- chiffans , les fomentations, les antifeptiques, le lait, l'hydrogale, les aci- des mêlés avec du miel, du fucre , & les remèdes mucilagineux. Mais fi lon confidère attentivement la propriété des vapeurs animées par Le feu élémentaire & par l'air , on verra qu'elles feronc plus efhicaces, plus fa- ciles à exécuter que vous Les remèdes dont nous venons de faire l’énumé- ration. Si ces maladies étoient conduites par un Médecin habile, qui fit faire ufage de ce bain, chaque fix ou huit heures, ayant foin de nour- rir le malade pendant qu’il repofe fur fon lit hors du bain, & de lui conferver Le ventre libre à l’aide de quelques lavemens , je fuis perfuadé qu’elles feroient guéries plus vîte & plus fürement que par la méthode ordinaire. Je ne méprife pas les remèdes, tels que les purgatifs, l'o- pium, le mercure, le quinquina, &c.; mais je penfe que les bains Rufles peuvent tenir lieu de la moitié des remèdes contenus dans la plupart des pharmacopées. Parcourons avec attention ce que Les Médecins fe propo- fent dans la guérifon des maladies chroniques ; voyons en quoi conlifte la nature & les propriétés des remèdes dont ils font ufage , & nous trouve- rons que leur indication principale eft de produire une fièvre légère, par le moyen de laquelle ils tentent de difloudre la matière épaife qui caufe l'embarras dans les glandes, dans les veines, les artères capillaires, dans les tuniques de tout le corps & dans fes cavités. Par le moyen de la même fièvre modérée , ils cherchent à augmenter la perfpiration infenfble , les fueurs falutaires , & la perfection de toutes les digeftions de tout le corps humain. Pour y parvenir, ils confeillnt l'exercice, les longs voyages par terre & par mer, le favon, les gommes de lAfie , les purgatifs éosotines mêlés avec ces gommes, les efprits vo- latils, les amers, Mais que l’on compare tous ces fecours, tous ces remèdes avec la va-. peur des bains Ruffes fur le corps humain, pendant quatre ou cinq heures dans l’efpace de vingt-quatre heures ; alors on fera perfuadé que ces va- peurs actives & animées produiront des effets fupérieurs à ce que l’on peut attendre des remèdes dont on fait ufage journellement, Manière dont on fè baigne dans les bains Ruffes, tant publics que particuliers. On entre dans Les bains Ruffes, tant publics que particuliers, aufi rot que le bois mis dans le four eft réduit en braife ou en cendre, & que le tuyau par où fort la fuinée eft fermé exactement: alors la chaleur eft ar- dente , & même fuffocante pour tous ceux qui n’y font point accoutumés depuis l'enfance. On n'entre point d'ordinaire dans les bains particuliers, avant d’avoir verfé une certaine quantité d’eau fur les pierres ardentes mifes dans le four , & avant que l'intérieur du bain ne foit rempli de vapeurs. Tome XXV, Part. IL, 1784. AOUST. A2 148 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, Ceux qui y entrent pour s’y baigner, s’y déshabillent, Le commun du peuple s'expofe à la chaleur ardente & fuffocante, avant que le bain foit fufifamment rempli de vapeurs; ils fe couchent fur les deux ou trois banquettes appelées en Rufle', Poloc, où la chaleur fe fait fentir plus vivement. Plufeurs fentent de vives douleurs de tête , d’autres éprouvent une foif exceflive; quelques-uns en font fi tourmentés, qu'ils boivent de l'eau froide en aflez grande quantité dans le même bain. Ceux qui agiflent ainfi dans le bain, ruinent lenr conftitution , tombent en différentes ma- fadies, & périflent quelquefois dans le bain même. Si on confidère avec attention les effets que produifent les boiffons à la glace, l'eau froide, le quaz, la biere ou l’hydromel , lorfque le corps eft agité par la chaleur sèche & ardente , lorfque le bain, le tuyau de la cheminée & la porte font fermés, on verra , dans le même inftant que l'on boit de ces liqueurs froides, qu’il fe forme des polypes, c’eft-à dire, que le fang s’épailit , fe caille dans le ventricule droit du cœur , dans la veine pulmonaire, dans le finus de la dure-mère ; la peau de tout le corps, l'in- térieur du poumon fe sèchent & s’enflamment ; alors la fièvre furvient, - avec les fuites d’une inflammation générale de tout le corps. Quand on fe fent échauffé dans le bain , & que la chaleur ardente de- vient incommode, on commence à jeter de l’eau fur Les cailloux prefque embrafés: la vapeur s'élève avec rapidité & avec violence; elle remplie tout l’efpace du bain; & lorfqu'elle commence à fe difliper & à fe mon- trer par des gouttes d'eau , on la renouvelle & on la rend plus forte & plus épaifle: alors on fue abondamment ; on fe frotte avec du favon & avec des feuilles de tilleul (en Ruffe, £eroze) amollies dans l’eau chaude, & frottées de favon. Ces frictions, faites par tout le corps, étant finies, on fe fait verfer fur la tête plufieurs feaux d’eau tiède ou froide , chacun felon fa volonté. Il arrive fouvent que ceux qui vont aux bains publics, qui font toujours conftruits à côté de quelque ruiffeau ou étang , fe plon- gent dans l'eau ou dans la neige, avant de s'habiller & d’aller à leurs affaires. Ceux qui fe baignent dans Les bains particuliers, avant d’en fortir pour vaquer à leurs occupations , paflent dans une autre chambre échaut- fée, garnie de lits, où ils fe couchent & fuent; quelquefois ils y paflen? la nuit; ce qui eft plus avantageux pour conferver la fanté, augmenter la vigueur & la confticution de leur corps. Des fritlions avec Le favon. - | Les fritions avec le favon & les branches d’arbre de tilleul amollies dans l’eau chaude , & rendues gliffantes par le favon , adminiftrées après avoir fué quelque temps dans le bain, font un des remèdes les plus eff- caces pour conferver la fanté. Par ce moyen, la circulation devient égale & uniforme, Les parties folides fe fortifient, l'épaifleur ou la pourriture SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 149 du fang font corrigées ; & comme on refpire un air humide, chaud & à un degré femblable qu'eft la chaleur du corps , toute la machine fe re- nouvelle en même temps Le favon eft le plus grand diffolvant de nos humeurs. Ceux qui font en bonne fanté ne devroient jamais faire ufage d'autre matière pour fe frotter dans le bain, IL faut abandonner tout ce que ignorance & le luxe ont inventé. Il n’eft pas néceffaire de perfuader les femmes du bas peuple de Ruffie de faire ufage du bain de vapeurs après leur couche. II feroit à fouhaiter que toutes les femmes de l’Europe en ufaflent de même; elles s'épargne- roient bien des fouffrances, des maladies chroniques, & elles conferve- roient leur beauté , leurs grâces & leurs dents: on arrêteroit bien plus les effets meurtriers du virus vénérien , fi difficile à déraciner chez elles , & dont elles font infailliblement les triftes victimes. Si elles ne font point ufage du bain de vapeurs après les accouchemens, fi on ne les fait pas fuer dans letemps de leurs couches pendant les cinq premiers jours , les calculs certains de l'économie politique, faits dans les grandes villes , affu= rent que fur dix femmes en couches, il en périt trois. Ne Idevroit-on pas. oppofer à ces cruels effets les moyens bienfaifans que procurent les bains de vapeurs , en retirer tous les avantages, & éviter de certains in- convéniens? Il feroir même néceffaire qu'il y eût une loi qui défendir, fous des peines rigoureufes, l'entrée des bains à qui que ce foir, avant qu'ils fuffent remplis d’une vapeur épaifle, & qu'on apperçüt les gouttes d’eau dans la chambre des bains. Lorfque les incommodités qui obligent de prendre les bains de va- peurs ; font accompagnés de fièvre, de maux de tête, de friflons, dé foif , de chaleur brülante , de douleurs aux reins & aux gras des jambes; que le malade ne puifle être tranquille ; qu'il ne puifle fe tenir couché ni furle côté, ni fur le dos; que le ventre foit ferré , dur, tendu , avec des hémorrhoïdes tuméfiées; que la langue foit sèche, jaunâtre , blanche ou noire; que les yeux foient rouges & gonflés; que la voix foit altérées que lés urines foient rouges, on peut alors faire ‘ufage du bain, lorfqu'il eften vapeurs & d’une chaleur tempérée , & y fuer autant que les forces le permettent; mais il faut éviter les frictions. Il en eft de même pour les maladies de la rougeole, petite vérole, & les autres maladies avee fièvre, où les frictions, avec ou fans favon, font toujours pernicieufes dans ces maladies, & il eft dangereux de fe laver ou de fe baigner alors dans l'eau froide. Des maladies dans lefquelles on peut faire ufage des friéfions dans le bain de vapeurs, On peut faire ufage du bain de vapeurs, & fe faire frotter avec du fa- von & des branches de tilleul , dans toutes les maladies qui ne font poinc 150 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, accompagnées de fièvre, d’altération & de douleurs avec ardeur , c'eft à+ dire , que les friétions font toujours utiles pour fortifier le corps & aug- menter la perfpiration infenfible ; & lorfqu’elles font faites avec du favon, elles font plus efficaces; car le favon étant compofé de fel alkalin & de matières grafles, il contient beaucoup de feu & de fel élémentaire, & par ce moyen, il ouvre les pores de la peau, & augmente la perfpiration infenfible , ainfi que la circulation, & il produit une légère agitation & fièvre dans tout le corps , le rend plus léger, plus actif & plus animé, Lorf- qu'on tombe dans dés maladiés qui ont leur fiége dans l'eftomac , tels que le dégoût pour les alimens, des digeftions difficiles, fuivies de pefanteur , _ de douleur , de vomiflemens, de vents, de rapports, de coliques , de conftipation , de dévoiement , il faut faire ufage du bain de vapeurs , avec des frictions chaque jour, pendantun mois ou fix femaines, & vivre en même temps de régime & d’alimens de facile digeftion , en obfervant en même temps de mettre de l'ordre dans toutes fes actions, de ne pas tra- vailler, & de ne pas s'appliquer conftamment à quelque objet que ce foit. Lorfqu'on fe trouve attaqué des triftes effets de la maladie vénérienne, il n’y a pas d’autres remèdes dans cet état, que d’aller au bain tous les jours, pour le moins une fois en vingt-quatre heures ; mais le plus sûr & le mieux feroit d'y aller deux fois, & de refter chaque fois deux heures dans la fueur, fe faifant frotter avec du favon & des branches de tilleul, fe laver enfuite avec de l’eau tiède , & fe coucher au fortir du bain. - Enfin, les bains de vapeurs font des remèdes très-efficaces contre la la petite vérole , la pleuréfie ; contre Ja maladie connue fous le nom de f/uor albus, contre le cancer , foit occulte , foit ouvert, contre la morfure d’un animal enragé. On laifle aux Médecins à réfléchir fur ‘les effets de ces bains, à en faire ufage fuivant les règles de la Médecine, De La conftruëlion des bains de vapeurs (1). Si l'on fe contentoit de parler feulemernt de l'excellence des bains de Ruflie , pour la confervation de la fanté & la ouérifon de plufieurs ma- ladies , fans parler de la conftruttion de ces bains , tant’ publics que par- ticuliers, & des bains conftruits exprès pour la confervation de la fanté, & de ceux conftruits pour la guérifon des maladies, une pareille dipref- fion deviendroit inutile. Comme il n'appartient qu’à l'Etat de faire la dépenfe néceffaire pour la conftruction de ces bains, & pour leur entretien , il faudroit qu'il y eût un Tribunal de Police répandu dans tout le Royaume, pour en avoir l'infpeétion, & pour y mettre les réglemens néceffaires. : L'eau & le bois font les chofes les plus néceffaires à lufage des bains. (1) V. à la fin de ce cahier l'explication & la planche pour la conftruétion des bains. I SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS, 151 Il faut donc choifir le terrein le plus convenable , pour avoir les objets avec moins de dépenfe poflible , autant que les circonftances le permet- tront, pour bâtir un bain public, Quand le terrain fera marqué , il faudra ouvrir deux canaux parallèles, aflez longs & profonds , revêtus de pierres ou de briques , pour donner écoulement aux eaux qui ont fervi à l’ufage du bain & auximmondices, . Tandis que l'on fera cet ouvrage, fi néceilaire pour la falubrité du bain, on pourra conftruire fes fondemens ou de pierres ou de briques , de la hauteur de ÿ à 6 pieds hors de terre. Ces fondemens doivent être conf- truits entre les deux canaux qu’on vient de marquer, qui devroient abou- tir à quelque rivière , ou au moins à quelquelque pente de terrain incliné & éloigné du bain. La longueur de chaque côté de ce bain deit être de 16 jufqu’a 18 pieds, mefure Angloife, & la hauteur , depuis. le plancher jufqu’au plafond, doit être de 10 jufqu'à .11 pieds, même mefure, Ce feroic affez d’y placer deux banquettes , au lieu de trois qu’on a coutume de mettre autour de la capacité du bain; le vuide qui refte au deflous , doit toujours être ouvert, & jamais fermé ou caché par les marchés qui fervent À fe coucher fur les banquettes. Il faut que: la vapeur & l'air enfermé dans la capacité de ce bâtiment, foient égalemenc échauffés partout. Ces banquettes doivent être dé 3 ou 4: pieds pour le moins , éloignées du four, qui fera toujours placé. à main gauche en y entrant, le milieu appuyé contre la muraille, On:ne détermine pas les dimenfions du four , ni de fes voûtes , ni des ouvertures jufqu’au grand tuyau ; la capacité du bain détermine fes pro portions, que le moindre Architecte peut facilement connoître; car le principal objet de ce four eft qu’il foit. affez fpacieux &: aflez bien placé pour que la vapeur ardente qui s'élève des pierres rouges, fe répande dans un inftant dans toute la capacité du bain, & qu'elle y circule libre- ment. Le plancher de ce bâtiment doit être incliné de façon que l’eau qu'on verfe fur la tête de ceux qui fe baignent, puifle fe rendre dans un pe- tit canal pratiqué à un des côtés du bain, & que les eaux tombent dans Paqueduc que l'on a conftruit: ce*qui contribuera à la confervation , à la propreté & à la falubrité de ce batiment. 11 feroit à fouhaiter que les bains publics fuffent conftruits de pierres de taille ou de briques bien cuites. Cette conftruction épargneroit bien du bois, & les bains conferveroient leur chaleur deux fois plus de temps que ceux qui font conftruits avec du bois; ils dureroient plus d’un fiècle, & ceux de bois ne peuvent durer au delà de dix à douze ans: mais il faut avouer que beaucoup de villes”, & les villages feroient forcés, par le défaut de moyens pécunieux, de ne bâtir que des bains de bois. Les trois principales chambres qui compofoient Les bains Grecs & Ro- mains , & qui compofent de nos jours les bains Turcs & ceux de Perfe , 152 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, font réduites à une feule chambre pour l'ordinaire dans les bains Ruffes: Il n'y a que quelques bains particuliers , à côté defquels il y a une cham- bre échauffée par un four, & dans laquelle il y a des lits. Un grand nombre de perfonnes peuvent fe trouver dans les bains pu- blics; aufñi paroît - il néceflaire que chacun de ces bains foit compofé, de trois pièces fépatées l’une de l'autre. Ceux qui voudroient fe baigner entreroient dans une grande pièce, dans laquelle on fe déshabilleroit, ayant foin defe couvrir les parties génitales avec une efpèce de toile ou de? linge à trois pointes, comme fontles Turcs & les Perfans, Decetre première chambre, on entreroit dans le bain proprement dit, pour y fuer , fe faire frotter , &c. Cette opération faire, on fortiroir par la même porte par laquelle on feroit entré, pour pafler dans la troifième pièce par une ga- lerie couverte; pratiquée entre ces deux bârimens, où on fe laveroit avec de l’eau chaude ou PR ; puis on rentreroit dans la première pièce par une autre galerie couverte, pour y prendre fes habits. Les bains particu- liers pourront être compofés d’une feule pièce ; mais la décence & les bonnes mœurs, ainfi que la fanté , demandent qu’il y ait un plus grand nombre de pièces dans les bains publics. Ce que l’on vient de dire regarde les bains uniquement deftinés à la confervation de la fanté; mais la conftruétion des bains deftinés à guérir les maladies, doit être différente, IL eft fouvent néceffaire qu’un malade entre dans le bain de- vapeurs deux ou trois fois en vingt-quatre heures. On ne penfe pas qu'un bain bâti en bois, puifle conferver fa chaleur & la vapeur néceffaire , au delà de fix à huit heures, Il faut abfolument pour l’'échauffer & le mettre en état, trois à quatre heures, malgré l’adreffe & la vigilance du Bai- gneur. Il fera néceffaire, dans les Hôpitaux , de bâtir des bains dont le four fera placé au milieu de la falle du bain; par ce moyen, il y aura un côté de plus, où l’on placera des banquettes, & un plus grand nombre de Aide pourra prendre le bain en même temps, Explication des Figures de La Planche IT, pour le Mémoire fur les Bains de vapeurs, » IT Figure. On a fait les croifées plus grandes à l'extérieur que dans l'in- térieur , pour donner plus de proportion à la décoration de la falle, 11° Figure, Elle repréfente la coupe du bâtiment. 1. La cheminée. 2. 3. Les deux cuves , dent l'une eft remplie d’éau chaude, & l’autre d’eau froide, 4: Ouverture qui eft au milieu de la falle, pour laïffer écouler l’eau par un conduit, 5. Lits, SUR L'HIST. NATURELLE ETLES ARTS, 153 $. Lits où fe mettenc les malades. 6. Marchepied, 7. 7. Les ue croifées dont on a bouché une partie ;'pour ne donner que peu d’air , felon Le befoin. 8: Porte de La falle, 9. Corridor. 10. Porte d'entrée, ayant deux marches: 11. Porte de la chambre où font les lits pour fe repofer , après être forti des bains. 12. La chambre des litss 13. Les lirs. 14 Les tuyaux de cheminée. 15. Croifées de la chambre des lits, 16. Echelle pour fermer le tuyau de la cheminée. II Figure. Plan des bains Ruffes. Les mêmes chiffres font placés comme à la coupe, excepté les 13, 14 & 16, qui auroient fait de La confu- fion dans le plan. 1P* Figure. 1. Le tuyau de la cheminée avec fa foupape, 2. 2.2. Trois voûtes circulaires fabriquées en briques. 3. 3. Tuyaux pour laifler pafler la fumée d’une voûte à l’autre, 4. Barres de fer pour foutenir les poudingues, 5. 5- 5. Les poudingues. + 6. Le fourneau, 7. Le cendrier. 8. Poële avec fes bords pour recevoir les cendres, Nota. Il faut obferver que, depuis {a première barre qui reçoit les pou- dingues, jufqu'aux tuyaux , il y a une porte que l’on a foin de fermer. Onena fait la coupe, pour rendre vifibles Les trois voûtes & Les tuyaux qui fervent de conduits à la fumée. L - — EE —_ — — ER e ————— EE — RE — NOUVELLES LITTÉRAIRES. PROGRAMME de l’Académie des Sciences, Belles: Lettres & Arts de Lyon. Prix extraordinaire, M. le Duc DE VILLEROY , Pair de France, Gouverneur Général de Lyon, & des Provinces de Lyonnois, Forez & Beaujolois, ayant en- voyé à l'Académie, qui fe félicite de l'avoir pour Protecteur , l'énoncé Tome XXV, Part, IT, 1784. AOUST. V 154 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, d’une queftion de Phyfque , & une médaille d'or qu'il défire être décernée en l’année 178$ , à l'Auteur qui aura fourni fur cette queftion le meilleur Mémoire; l’Académie, pour & conformer à fes intentions, propole de problème tel qu’il lui a été adreffé, æ Les expériences fur lefquelles Newton établit la différente réfran- » gibilité des rayons hétérogènes , font-elles décifives ou illufoires »>? L'examen dans lequel les Auteurs entreront , doit être approfondi, & leurs aflertions fondées fur des expériences fimples, dont les réfultats foient uniformes & conftans. Conditions. Toutes perfonnes pourront concourir pour ce Prix, excepté les Académiciens titulaires & les Vétérans; les Affociés y feront admis. Les Mémoires feront écrits en François ou en Latin. Les Auteurs nefe feront connoître ni directement, ni indireétement; ils mettront une devife à le tête de l'ouvrage, & y joindront un billet cacheté , qui contiendra la même devife, leur nom, & le lieu de leur réfidence. Les paquets feront adreffés, francs de port, à Lyon, à M. de la Tourerte , Secrétaire perpé- tuelle pour la claffe des Sciences, rue Boiflac; Ouà M. de.Bory , ancien Commandant de Pierre-Scize , Secrétaire perpétuel pour la claffe des Belles-Lettres , rue Sainte-Hélène ; Ou chez Aimé de la Roche, Imprimeur-Libraire de l’Académie , mai- fon des Halles de la Grenetté. Les Mémoires ne feront admis au concours que jufqu'au premier Août 178$. L'Académie décernera le Prix dans une féance publique , le premier mardi de Décembre fuivant. : Le Prix confiite en une médaille d’or de la valeur de 300 liv ; elle fera remife à l’Auteur du Mémoire couronné, ou à fon fondé de procuration. Signé DE LA TOURETTE, Secrétaire perpétuel. PROGRAMME de la Societé Royale d'Agriculture de la , même Ville. La Société, d’après l'indication de M. de Fleffelles , Intendant de la Généralité, avoit propofé pour fujet du Prix , le problème fuivant: Eonf- truire un four de Boulanger où l’on ne brilera que du charbon de terre. Elle avoit en même temps exigé l’épreuve de douze fournées reconnues parfaites. Dans fon aflemblée du 11 Juin 1784, elle a adjugé le Prix à M. la Noix, Démonftrateur en Chimie, & l’un de fes Affociés, lequel a conftruit un four de fon invention , propre à être chauffé avec du charbon de terre def- foufré , & a fait fubir à ce four les douze épreuves requifes. Ayant enfuite confidéré que, parmi les plans qui lui ont été adreflés , il s’en trouvoit deux qui méritoient une attention particulière , & auxquels RS RSS nes - sud SUR L'HIST, NATURËÉLLE ET LES ARTS. is$ il ne manquoit peut-être que d’avoir été exécutés, pour remplir parfai- tement fes vues, elle leur a décerné concurremment l’Acceffit, Le premier, n°.$, eft de M. Tierens, Architecte à Saint-Omer; le fecond, n°.7, elt de M. Barlenfchlag, Capitaine-Lieutenant au fervice de France, Enfin , les expériences que M. l'Abbé Brun , Chanoine-Sacriltain de l'E- glife Colléiale de Saint-Chamond ; a faites en préfence de la Société, pour chauffer un four ordinaire de boulanger avec du charbon de terre natif, & fon Mémoire n°, 9 , fur le même objet, ont paru mériter des éloges diftingués. Ces éloges font d'autant plus légitimement dus, que les pains cuits dans le four chauflé par M. l'Abbé Brun avec du charbon de terre, tel qu’on l'extrait de la mine , n’ont contracté aucune odeur ou faveur étrangère ; & qu'il avoit déclaré ne point afpirer au Prix propolé, mais feulement à la gloire de la découverte d'un procédé inconnu des pays même qui éprouvent la plus grande diferte de bois, & qüi jouiffent de la plus grande abondance de charbogpfollle, Prorogation du Prix propofe en 1782, fur Le rouiffage du Chanvre. La Société avoit propolé , pour fujet du Prix à diftribuer au mois de Mai 1783 , les queltions fuivantes: R 1°. Quelle eff la vraie théorie du rouiffsge du chanvre? 2°. Quels font les meilleurs moyens d'en perfectionner la pratique, foi que l'opération fe faffe dans l'eau ou en plein air ? 3°. Quels font les cas où l'une de ces opérations eff préférable à autre ? ; : 4°. Ÿ auroit-il quelque manière de prévenir l'odeur défagréable & les effirs nuifibles du rouiffage dans l'eau? . Parmi les Auteurs des Mémoires envoyés au concours, il en eft qui fe font plaints de ce que , le Programme leur étant parvenu trop tard , il leur a été impoñlible d'appuyer leurs principes fur des expériences multi- pliées. . En conféquence , la Société s’eft déterminée à renouveler l'annonce du même fujet, & à renvoyer la diftribution du Prix de foo liv. à l’année 1785. Elle conferve le droit de concours aux ouvrages qu'elle a reçus ; elle invite cependant leurs Auteurs à les perfectionner; elle défire fur-tout qu'ils traitent avec foin la théorie du rouiffage. C’eft de cette théorie qui pré- fente une queftion neuve & intéreffante, que doivent néceflairement dé= river tous les préceptes de pratique. Telles ont été les vues de la So- ciété dans le problème propofé. Les Auteurs ne fe feront connoître ni direétement, ni indire@tement, mais ils inféreront dans un billet cacheté leur nom & le lieu de leur réfi- dence, avecla même devife que porteront les Mémoires, Tome XXV, Part. Il, 1784. AOUST. V2 IF6 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, Ils feront adreflés , francs de port , à M. l'Abbé de Vivry | Secrétaire perpétuel de la Société Royale d'Agriculture , rue Saint-Dominique, à Lyon; ou envoyés fous l'enveloppe de M. de Fleffelles , Intendant de Ja même Ville. Aucun Mémoire ne fera reçu paflé le premier Mars 1785, & le Prix fera décerné dans le courant de Mai de la même année, Nouveau fujet de Prix propofé pour l'année 1786. Augmenter , par une culture éclairée , les produétions de la terre; tel eft depuis long-temps l'objet qui occupe les Societés d'Agriculture, Mais lorfqu'après avoir employé les moyens de multiplier les fubftances né- ceflaires aux hommes, elles font encore infufhfances pour la confom- mation, iliconvient d’avoir recours à l’économie , qui, étant bien dirigée, devient elle-même une nouvelletproduction. C’eft dans ces vues que la Sciéré Royale d'Agriculture de Éyon, confidérant à quel point s’étend la difette des bois en France , croit de- voir s'occuper des moyens d’en diminuer l'emploi : pour y parvenir, elle propofe le problème fuivanr : Trouver Le moyen d'augmenter d'environ un tiers, au thermomètre de Réaumur , la chaleur d'un appartement, produite par une cheminée ou par ur poële, en ne confommant que La même quantité de bois. Cette quantité fera déterminée par le poids, Le Prix ordinaire que décerne la Société n'étant que de 300 livres, & ce problème exigeant des expériences multipliées, elle a accepté avec reconnoiflance l'offre d’un de fes Membres , qui unit le goût des Arts agréables à l'amour des Arts utiles , de doubler cette fomme.Le Prix fera donc de 600 liv. Pour la parfaite intelligence de ce problème, on croit devoir ajouter quelques détails, On fuppofe qu’au bout de quatre heures, la chaleur d’un appartemene oùlona allumé du feu , foit parvenue au dixième degré au-deffus du terme de la congélation. Pour remplir les vues de la Société, & atteindre au but propofé , il fera néceffaire qu'avec la même quantité de bois, & dans le même intervalle de quatre heures, l’air extérieur étant à la même tempé- rature , le thermomètre s'élève dans le même appartement à environ 15 degrés; ce qui ne pourra s’opérer qu'en rectifiant les conftructions des cheminées ou des poëles connus jufqu’à préfent, & en y ajoutant des bouches à feu , ou d’autres fecours capables d'augmenter confidérable : ment la chaleur avec la même donnée en bois, Aucun Mémoire, qui ne contiendroit que des deflins & des plans , ne fera admis au concours du Prix de 600 liv. La Société exige, comme une condition exprefle, que Les découvertes foient exécutées fous fes yeux. ] ee memes SRE DE =. ‘ SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 157 En conféquence , les Etrangers qui voudront concourir, prendront la précaution de charger quelqu'un à Lyon .de l’établiffement de leur rojet. E S'il arrivoit que la Société ne reçüt que des plans, & qu'aucun Artifte ne s'offrit à faire en préfence de Commiffaires les expériences annoncées ar fon Mémoire , elle déclare qu’elle n’adjugera que la fomme de 3001. à l'Auteur dont Le projet lui paroîtra approcher le plus du but qu’elle fe propofe. Les mémoires , plans, defins, modèles, & le nom de l’Artifte qui doit exécuter l'invention, feront remis, francs de port, avant le premier Jan- vier 1786, à M. l'Abbé de Viry , Secrétaire perpétuel de la Société , rue Saint-Dominique, à Lyon; ôu envoyés fous l'enveloppe de M. de Fleffelles, Intendant de la même Ville, La Société prévient que ce terme eft de rigueur, Atlas méthodique 6: élémentaire de Géographie & d'Hifloire ; dédié a M. le Préfident Hénault; par M. Buy pe MorNas, Géographe du Roi & des Enfans de France, dirigé par le fieur Defnos , Ingénieur. Géographe, & Libraire du Roi de Danemarck , à Paris, rue Saint-Jacques au Globe. L'accueil favorable dont le Public a honoré l'Atlas méthodique & élé= mentaire de Géographie & d'Hiftoire , a paflé les efpérarices de fes Au- teurs. Lorfqu'on publia le Profpeétus , on n'auroit pas ofé fe promettre - la faveur fingulière qu'ont faite les perfonnes éclairées, de prendre à cette entreprife le plus Vi intérêt: de fe tranfporter chez les fieurs de Mornas & Defnos , pour les honorer de leurs lumières ; de jeter les yeux fur les plans, de fuivre la marche du burin des Graveurs , afin d'engager, par tout cequ'il y a de plus obligeant , les Auteurs de cer Ouvrage à en prefler lPexécurion. On convient unanimement que nous n’avons pas encore trouvé une méthode fimple & facile, qui mette les connoïffances géographiques, chrenologiques & hiftoriques , à la jufte portée des enfans. Dans cet âge tendre , il faut parler aux yeux , & amufer l’efprit, fans trop l'occuper. On a été affez heureux pour réunir ce double avantage. La jeunefle ne peut ordinairement rien apprendre fans un Maître qui fache proportionner les matières à fa capacité , & les lui rendre agréables; mais s'il eft poflible que quelqu'un s’en pafle , on ofe dire que ce ne peut être qu’à l’aide de la méthode fuivie dans l’Atlas élémentaire, ou d’une femblable , formée fur le plan le plus naturel, le plus fimple & le plus propre à inftruire. Les enfans trouveront , dans la fimplicité des cartes , de quoi fe fixer , fans fa- tiguer leur mémoire, & ces plans fimples pourroient leur fuffire, sils avoient toujours auprès d’eux des perfonnes capables de leur expliquer clairement le fujet de chaque planche, Mais comme ceux qui fe chargent du 1$8 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, pénible emploi de l'éducation n’ont pas toujours les connoiffances requifes, & que bien des gens n’ont pas les moyens d’avoir auprès de leurs enfans des perfonnes pour préfider à leur éducation, on a cru devoir joindre Finftru@ion au plan; par-là on a rendu l’atlas élémentaire d’une utilité générale, On a fimplifié les plans en faveur des enfans, & on y a joint un difcours analogue en faveur des autres perfonnes, foit pour leur inf- truétion particulière, foit pour celle des enfans qui peuvent Leur être con- fiés; ils y trouveront raffemblés toutes les richefles de la Géographie, de la Chronologie & de l'Hiftoire. Le premier desfoins pour parvenirau but qu'ondéfiroit, étoit de faire mar- cher d’un pas égalla Géographie , la Chronologie & l’Hiftoire. L'une donne la defcription des contrées de la terre, l’autre les dates , & la troifième le récit des faits. C’eft par cette triple image des événemens , des époques & des lieux , que les impreflions fe tracent comme d’elles-mênies dans l'efprit , & y dépofent ce caractère durable qui réfifte à l'effec ordinaire des temps. Le foin que l'on a pris de mettre dans cet Atlas l'Hiftoire Sacrée en relation avec l'Hiftoire Profane , foulage la mémoire des Lecteurs , & rend plus facile le fouvenir des faits de l’une & l’autre claffe. On y voit les Empires naître, fe former, s’agrandir, décroître & s’a- néantir ; leur enfance même eft comme un point lumineux , duquel l'œil apperçoit rapidement tous les accroiflemens fucceflifs; & afin que l’ima- gination les faififle, fans qu’ils lui échappent , on les a tracés fur la carte jufqu'au point de la plus grande étendue. Si cet Etat a eu des révolu- tions, s’il a fait des pertes, on n’a donné le détail que des contrées qu'il occupe, & on a laiflé en blanc les Provinces perdues , en ne marquant dans leurs limites que la ville Capitale de la Province; mais comme il faut arriver à ce point par degrés, & éviter la confufion qui peut naître de la multiplicité des objets, on n’a rempli les centres de la carte de cet Etat , que dans la proportion avec laquelle on avance dans fon Hiftoire, & on a fuivi rigoureufement la chronologie des faits, foit dans la len- teur de fes progrès, foit dans la rapidité de fes conquêtes. Ce ne feroit point affez pour l'efprit de ne décrire que la formation d’une Monarchie, {es révolutions, fon accroiffement & fa décadence; on a ajouté à tou cela une connoïiflance fuffante de fes Loix, de l’état des Sciences & des Arts qui ont fleuri dans fon fein, de la nature de fon gouvernement, de la religion , des mœurs & des ufages particuliers du peuple qui l’habite, de fes productions naturelles, enfin de tout ce qu'il y a d’intéreffant & de curieux, comme batailles, fiéges mémorables, camps avantageux; & ce font fur-tout ces dernières parties qu'on a exactement travaillées & dé- taillées, à caufe de leur utilité. La précifion pouvant feule éclairer ce tableau, on s’eft appliqué à y jeter une lumière vive, par l’arrangement naturel des idées, & par la force mutuelle que fe prêtent , dans une marche rombinée, la Géogra- phie, la Chronologie & l'Hiftoire. SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. xs9 Voilà l’idée générale du plan: il embraffe une Hiftoire de l'Univers , une Chronologie générale des événemens, & une defcription entière de routes les parties de la terre , de l'eau , de l'air & du ciel. Les fources pures dans lefquelles on a puifé, doivent raffurer le Leéteur fur l'exactitude des époques & des faits. On a mis à contribution les Ouvrages de nos Sa- vans, les obfervations de nos Académiciens , Les découvertes de nos Na- vigateurs, toutes les recherches enfin par lefquelles on a difcuté les vérités appartiennent à l'Hiftoire, & on n'a marché qu'à la clarté du flambeau e la critique , toujours occupé de l'heureux mélange de l’utile & de l’a- gréable. Voici Le détail des différentes parties de cet Ouvrage. Cet atlas eft divifé en quatre parties, La première ne doit être regardée que comme une introduction nécef- faire à intelligence des deux autres, & ne devoir être que de quarante cartes; mais on s’eft trouvé forcé de la porter jufqu'à cinquante-cinq, par le confeil de nombre de perfonnes éclairées qui ont cru cette aug- mentation néceflaire, Le Public n’a pu qu'y gagner; il fe trouve en état d'entendre, & même de rendre raifon des phénomènes les plus curieux de l’Aftronomie, relativement au mouvement réel de la terre. On n’a parlé que de la chronologie hiftorique, c’eft-à dire, de celle qui range les événemens où l'on a lieu de croire qu'ils font arrivés , fans entrer se des difcuffions qui faflent voir Les raifons qu’on a eues de pla- cer les faits dans un temps plutôt que dans un autre. La partie hiftorique de cette Science eft la feule qui convienne à la jeunefle , à qui l’Atlas élé- mentaire eft deftiné; c’eft la plus facile & la plus néceffaire: on y trouvera tous les temps écoulés depuis le commencement du monde jufqu’à nous, partagés en Léérentes parties fixées par des époques certaines. La feconde partie eft compofée de foixante-dix cartes , qui repréfentent les Monarchies anciennes , Les Empires & les Républiques dans leur for- mation, leurs progrès; & dans les deux extrêmes , le plus haut point de leur grandeur & celui de leur décadence. * La troifième & la quatrième, plus développées & plus intéreflantes , confidèrent tous les Etats fous les mêmes points de vue que la feconde , & elles comprennent cent trente-neuf cartes. L'Atlas complet renferme donc deux cent foixante-fix cartes, dont chacune forme la jufte mefure d’une leçon qui y eft gravée fur les bor- dures. Afin qu'il n’y eût rien à défirer du côté de la netteté du burin, on a employé les plus habiles Graveurs de la Capitale. Pour fe conformer à rous les goûts, on a mis les cartes fur trois papiers différens, 1°. fur la demi-feuille du Nom de Jéfus , la carte eft enluminée au fimple trait, & fe vend 8 fous. 2°. Sur la demi-feuille de chapelet, la carte fe vend 10 fous. 3°. enfin, grand ir-fo/. fur la feuille entière du Nom de Jéfus, elle fe vend 12 fous, x6o OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, &c. Les plans qui feront tirés de la demi-feuille fur chapeler, & fut la feuille entière du Nom de Jéfus , font enluminés en plein ; il règne autour une bordure de la Jargeur d’un pouce, qui fert d'ornement, & qui ne contribue pas peu à relever la propreté des fonds. TA 'B'ISE DEs ARTICLES CONTENUS DANS CE CAHIER. N ouvæAau VOYAGE Minéralogique , fait dans cette partie du Hai- naut, connue fous le nom de Thiérache ; par M. MONNET , 1n/peëeur des Mines. Page 81 Mémoire fur la vitrification de la terre alumineufe , mélée en proportions diffé- rentes & connues avec des fels ;par M. ACHARD. 137 Expériences fur la refpiration animale dans le gaz déphlogiftiqué; par M. le Comte DE Morozzo. 102 Mémoire fur Le premier drap de laine fuperfine du cru de la France ; par M. DAUBENTON, de l’Académie Royale des Sciences. 130 Mémoire fur les altérations que le feu de fufion fait éprouver à la terre des végé- taux , mêlée avec les autres terres pures ; par M. ACHARD, 133 Suite du Mémoire fur les Nuages parafîtes ; par M. DUCARLA, 94 Mémoire fur les Bains de vapeurs de Ruffie, confiderés pour La confervation de la fanté & pour la guérifon de plufieurs maladies ; par M. Aulaine Ribéiro SANCHÈS , ancien premier Médecin du Corps de lImpérarrice de toutes les Ruffies, Affocié étranger ; &c, 141 Nouvelles Littéraires, 153 "7 APPROBATION. Jr lu, pat ordre de Monfeigneur le Garde des Sceaux, un Ouvrage qui a pour titre : Offervations fur la Phyfique, [ur l'Hiftoire Naturelle & fur Les Arts , Gc.; par MM. Rozier & MoNcEz le jeune, &c. La Colleétion de faits importans qu’il offre périodi- quement à fes Lecteurs , mérite l’accueil des Savans; en conféquence, j ‘eftime qu'on peut en permettre l'impreflion. À Paris, ce 22 Août 1784. VALMONT DE BOMARE. UE <=—— EE 1 Æchelle de d mn Prod ” Je/zer deup. PE 2-82 ; SEPTEMBRE 1784. | JOURNAL DE PHYSIQUE. | | | COR PEN AE LA" DU NOUVEAU VOYAGE MINÉRALOGIQUE, Fait dans certe partie du Hainaut , connue fous le nom de Thiérache ; Par M MONNET , Infpeëleur des Mines. J: reviens à mon voyage, & je dois dire, qu'après avoir paflé le vallon dont j'ai parlé ci-devant , & être parvenu dans un autre où fe trouve une barrière Liégeoife, je rencontrai encore de la même pierre qui m'a conduit à la longue divreffion que je viens de faire; mais celle ci, formée d’une plus grande quantité de quartz, eft bien plus ferme: aufh cette pierre a beau- coup derapport avec cette efpèce de granit blanchâtre que les Italiens appel- lent granitello. Cette pierre formoit çà & là dans le fable des efpèces de cou- ches obliques, ou s’étoir difperféen pièces plus ou moins grandes, C eft la même que celle dont j'ai parlé dans la Minéralogie de la France , & qu’on emploie à bâtir les creufets & tout l’intérieur des fourneaux à fer à Chi- may, comme étant très-propre à rélfter au plus grand feu & le pus long- temps continué , fans fe fondre. Ici on l’emploie à paver les chemins , où ellefe raff:rmit beaucoup. Je ferois bien porté à croire que cette qualité de pierre eft plus dépouillée encore de parties argileufes que la qualité dont nous avons parlé ci-devant , & qu’elle ne confifte guère que dans le mé- lange de deux parties, la quartzeufe & la talqueufe, qui, bien loin, dans leur union , d'être plus difpofées à fe fondre, comme le font l'argile & la craie, ‘acquièrent au contraire plus de réfraëtéribilité : mais une autre propriété de cette pierre, non moins remarquable , eft celle de fe reffermir au feu, au lieu d’y tomber en poudre , comme le quartz feui & bien pur. Tome XXV, Part, II, 1784. SEPTEMBRE, X 162 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, Tout le terrain qui eft au-deffus de ce petit vallon ;-eft fort inculte, & n’eft guère propre qu’à la produétion des bois, dont il eft en effet bien pourvu , & cela à caufe de cette pierre ou le fable qui en provient, qui exigeroit d’être mélangé avec de la terre crayeufe & de l’argileufe. Quand j'eus paflé cette vafte mafle de terrain applatie à fa furface, & qui net domirée par rien, j'arrivei dans ce vafte vallon où fe trouve Couvin. C'eft la terminaifon, de ce côté-ci, du pays aux ardoifes. À l’afpect de ce fameux vallon, la fcène change : au delà, c'eftle pays au marbre, qui eft bien moins élevé que celui aux ardoifes. Mais , avant de quitter celui- ci, il faut faire obferver un banc énorme de bonne ardoife, qui eft au bas de la côte de ce vallon qui eft extrêmement rapide, & qui peut bien avoir 4à ÿoo pieds de hauteur. IL faut encore faire remarquer danscette côte des raies de fchifte coloré en rouge lie de vin, & à peu près toutes les qualités ou variérés des ardoifes , excepté les roches quartzeufes ar- doifées , qui, comme je l’ai dit ci-devant, ne fe retrouvent plus vers ce côté. Quelle fut ma fatisfaétion , lorfqu'étant defcendu tout-à fait dans le vallon , je vis les beaux & fuperbes rochers de marbre qui forment la côte oppofée ! Je traverfai bien vite une prairie qui m'en féparoit, quoique remplie d’eau , pour aller les corfidérer à mon aile. Je parcourus une partie de cette côte, où j'obfervai des bancs obliques, mais très-irrégu- liers, & très-difficiles à diftinguer les uns des autres, parce qu'ils étoient ufés & détériorés confidérablement; & on n’en fera point étonné , quand on fera attention que le marbre , quoique La plus compacte & la plus dure des pierres calcaires, s’ufe & fe ternit aifément à l'air: aufh ces rochers font gris, & paroiffent de loin être dans le même défordre que la plupart des roches de granit dans les montagnes extrêmement élevées. C’eft à caufe de cela que je ne pus pas diftinguer facilement les efpèces de coquil- lages que j'y voyois. Je crus cependant y bien reconnoître les efpèces de ramifications qu'on a nommées long-temps vers de mer, que j'ai défignées par ce nom dans mon premier voyage , mais que l’on fait à préfent être formées de ces efpèces d’offelets , connus fous le nom d’enchrinite par quel- ques Naturaliftés , & d’entroques par d’autres. Je ne fus pas peu furpris d: trouver ici cette fingulière efpèce, dont je parlerai dans la faite plus amplement, parce que nçus en aurons une occafon favorable, Lorfque je me fus bien fatigué à vifiter certe côte, je revins fur mes pas, & je fus à Couvin, qui eft placé immédiatement au-deflus d’une petite montagne de ce même marbre, extrêmement efcarpée, & dont les ro- chers font extrêmement faillans. Cette montagne, fur laquelle il y a un Château fort, pofé prefque perpendiculairement fur ce bourg Liégeois, offre quelque chofe de trifte & de pittorefque en même temps, Je fuivis en- fuite ce vallon au delà de Couvin , pour aller à Marienbourg ; je paffai devant la belle forge de M, Défandrouin, & jufqu’auprès de Frafnes, “hr SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS, 3163 2 village très-agréablement fitué. À l'entrée du baflio de Marienbourg , j'eus le chemin le plus mauvais qu'il foit poilible d'imaginer. Mais près de €e village ; je trouvai une agréable petite chauffée qui me conduifit à Ma- rienbourg , qui eft à l’autre extrémité de ce baffin, Certe plaine appartient à la France, & eit très-fertile. La rivière, qui fe grofit confidérablement au-deflous de Couvin par des ruilleaux , s'en détourne & fe porte vers la Meufe au-deflus de Vireux , fur les confins du pays à marbre & de celui aux ardoifes. J'ai eu peu d'occafions de faire des obfervations minéralo- giques dans ce baflin, dans lequel il n’y a que des débris de roches cal- caires & de quartzeufes ; ce qui prouve que la rivière, qui s'en détourne fi fort aujourd’hui, y a paflé autrefois. Maïs dans les côtes ou petites montagnes qui entourent ce baflin , j'ai obfervé avec grand plailir des pétrifications de madrépores ; de coquilles & de coraux , incruftés dans la pierre calcaire, ou dans les bancs de marbre fupérieurs. I] ya au midi de ce baflin, ou plutôt de Marienbourg , une petite montagne détachée en- tièrement des autres parties du terrain, que l’on nomme dans le pays /z roche à l’homme, parce qu'on prétend que jadis ily a péri un homme qui fut écrafé fubitement par l'éboulement de quelques parties de rocher de marbre, qui s’en détachèrent tout à coup. Cette montagne eft remarqua- ble, à caufe des nombreufes pétrifications des objets dont je viens de parler; & ce qui la rend plus remarquable encore, eft que ces pétrifica- tions font prefque toutes féléniteufes; ce qui fesoitencore unargument con- tre l'opinion que nous avons combattue ci-devant, s'il en étoit befoin ; car, par quelle fingularité, dirions-nous, les madrépores fe pétrifient-ils feuls en pierre à full au milieu des bancs de marbre, & étant calcaires eux- mêmes ? L’objection feroit difficile à réfoudre , tant qu’on fe tiendroit aux vieilles idées. Mais la chofe eft affez extraordinaire en elle-même ; fans en aller fuppofer une ridicule ou bizarre , en croyant que l'eau a charié tout exprès les parties quartzeufes dans ces madrépores, pour les tranf- former en pierre à fufil , par préférence au marbre & autres pierres qu'elle a rencontrées en fon chemin, Un peu plus loin que cette montagne, toujours dans la dépendance de Liége , on exploite quelques petites mines de plomb, fur-tout aux lieux nommés Samiol & Dourb, où l'on a approfondi de 25 à 3otoifes. Mais ces mines ne font pas des filons , ni même des veines réglées; il ne faut pas même le fuppofer dans un tel pays, c’eft-à-dire , dans un pays fecon- daire. La mine ne s'y trouve que çà & là par netites parties ifolées , & comme plaquées dans la pierre calcaire ; cependant obfervant une efpèce de direction , & ne fe trouvant à peu près que fur la même ligne, ou dans un certain banc. C’eit-là ce qu'on peut appeler mine de feconde formation "ou mine du pays calcaire & coquillier : auffi il femble que l’ef- pèce de minérai que ces mines fourniflent, quoique de la même nature Tome XXV, Part. II, 1784 SEPTEMBRE. X 2 164 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, que la galène, en diffère beaucoup , non feulement quant à fa configu- ration, mais encore quant à fa nature intrinsèque; elle fe coupe très-faci- lement , fe ternit de mêènie. Comme ces petites mines ne peuvent faire un objet confidérable d’entreprife, elles font abandonnées à la recherche du premier occupant , qui en va vendre le minérai aux Potiers de verre de Givet ou de Liege. Quand on confidère Le bain de Marienbourg, on ne peut s'empêcher de le regarder comme un ancien fond de lac, les ondulations des côtes peu élevées qui l’entourent , annoncent, & donnent lieu de croire à un écoulement fpontané des eaux. C’eft peur-être de là que vient fa fer- tilité; car dans tous les lieux d’où les eaux s’écoulent ou s’évaporent in- fenfiblement , il refle une grande quantité de vafe de terre délayée, comme rélidu , qui forme, par le deffécheiment, d’excellent terreau , & la fertilité primitive de toutes nos plaines n’a pas d'autre origine; toutes ont des bañins plus ou moins profonds d’eau, dans lefquels des rivières & des ruifleaux, qui n'exiftenc plus aujourd’hui, font venus dépofer comme un tribut , la terre qu’ils avoient détachée ailleurs. De Marienbouro, je fus à Philippeville par le chemin montueux & dif- ficile que donne lieu de tracer ce pays irrégulier à des Payfans qui fe dirigent le plus droit qu'ils peuvent; & quoiqu'il n'y ait tout au plus que trois lieues de Marienbourg à Philippeville, je fus plus de cinq heures à les faire; malgré la pluie & le temps le plus affreux , je def- cendis plufieurs fois de cheval, pour examiner la nature du terrain, & je remarquai ce que j'avois preflenti , qu'à mefure que je nr'éleverois & m'a- baïflerois vers Philippeville , je perdrois de vue quelquefois les bancs cal- caires, & que je verrois d'autres bancs ou efpèces de filons de fchiftes noi- râtres, dont les feuillets font très-minces, & qu’on nomme dans le pays lagueffe. 11 eft bon de rappeler à cette occafion l’obfervation que nous avons faite en vifitant le terrain quieft au-deffus de Charleville ; favoir, que la pierre calcaire y eft pofée fur l’ardoife, Ici c’eft tour le contraire ; mais il faut obferver auffi que le fchifte dont il s’agit n’eft pas de la même nature , non plus que la pierre calcaire qui eft deflous, On pourroit même regarder ce fchifte comme fecondaire, eu égard à celui du pays aux ar- doifes que nous venons de quitter, & dire qu'il n’a été formé qu'après le marbre. Cependant, je dois ajouter que je n'ai pu découvrir deflus au- cune empreinte de végétal, comme il eft ordinaire d'en découvrir fur cette efpèce de pierre dans d’autres pays. Ce que je puis dire encore, c'eft que j'ai vu que les bancs de ce fchifte fe montrent principalement dans les coupes de terrain , & aufli fouvent dans les bas que dans les hauts, J'ai paflé par un très-vafte vallon, où j'en ai vu ainfi difpofé, mais pas la moindre trace de couches de marbre , quoiqu'il me parût que ces bancs de fchifte étoient rongés & détruits jufqu’à une grande profondeur ; ce qui ÿ | i SURILHIST-INATUREILE ET LES ARTS. 165 me prouva que ces couches étoient à une grande profondeur au-deffous de ce fchifte, ou qu’elles n’y exiftoient pas: mais quand je m'approchai de la hauteur & de la plaine où eft fituée Philippeville, les couches de marbre repaïurent très près de la furface du terrein, au point qu'il eft quelquefois difficile d'y marcher à cheval. “ Philippeville , une des plus agréables petites villes de guerre de la France, placée au bout de cette plaine du côté par où J'arrivai, c’eft-à- dire , au midi, fe trouve fur la plus grande élévation de terrain qu'il y ait, foit du côté de Givet, foit du côté de Barbançon. Toute la mafle qui eft au-deflous, qui eft la fuite de celle qui forme tout ce vafte plateau, eft, comme on peut bien Le penfer, d’après ce que nous avons dit, des bancs de marbre gris. Par-deflus & dans le terreau qui les couvre, il fe trouve de la mine de fer, fur-tout près des remparts de la ville, dont la qualité n’eft propre qu’à donner du fer caflant, ainfi que s’en eft con- vaincu un Maître de forges d’auprès de Marienbourg , M, Darche , qui, après en avoir fait l'eflai, a abandonné toute celle qu’il avoit fait arra- cher , parce qu'il n’eft pas dans l’ufage de faire d'autre fer que du fer en barre, Au deffous de Philippeville , au côté oppofé par où j'y fuis arrivé, c'eft-à-dire, au nord-eft, il y a un abaiffement de terrain confidérable, qui rend de ce côté cette place imprenable. Dans cet abaiffement , & très- près du glacis, fe trouve une efpèce de banc particulier de marbre brifé , c’eft-à-dire , formé de parties diitinguées & féparées les unes des autres, C'eft dans ce banc , qui a 10 à 12 pieds d’épaifleur, qui fe dirige à peu près du nord au midi, & qui eft encaiflé dans d'autre marbre, que fe trouve de la mine de plomb pareille à celle done j'ai parlé ci-devant: elle eft, comme celle-ci} tendre &terne, fort pauvre en argent, & ne mérite d'être exploitée que pour le plomb feul, qui s’en fépare très-bien, au moyen du fer qui s’'unit à fon foufre , qualité qu'on peut même recon- noître dans cette efpèce de minérai, par fa flexibilité & fon peu de lui- fant, qui font dus à l'abondonce de fon foufre, & à fon union pure & fimple avec le plomb ; ce qui eft important à remarquer; car il s'en faut bien que toutes les efpèces de ce minéral de plomb aient cette propriété, comme on pourroit le croire d’après les principes connus de la Chimie, L'antimoine, & une forte de blende particulière qui fe trouvent affez communément dans les minérais de plomb des montagnes primitives, y met un obftacle invincible. La mine dont nous parlons n’eft pourtant pas de nature à promettre de grands avantages, il faut en convenir, & il n'eft malheureufement que trop ordinaire d'en trouver de pareilles dans ce pays; car, outre que le minéral de plomb y eft difféminé çà & 13, & fouvent en très-petites parties jointes intimément au marbre, fa polition eft peu avantageufeà fon exploitation, étant dans un penchant qui n'eft 156 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, pas afflez grand pour permettre aux eaux de s’écouler par une galerie ho- rizontale, d'autant encore que Le banc qui contient cette mine eft prefque perpendiculaire à l'horizon ; de forte qu'il faudroit s'y plonger, & élever les eaux à mefure par une machine mue par des chevaux ; car il n'y a là aucun courant d'eau pour cela. , Outre cette mine de plomb, on en trouve beaucoup d’autres dans l'éten- due de ce pays à marbre, entre Philippeville, Giver & Vireux , qui con- fiftent, ainfñ que celle-ci, dans l'union des parties du minérai de plomb avec la pierre calcaire , & quelques parties affez grandes pour pouvoir en être détachées; mais lorfqu'on en a entrepris l'exploitation en règle, le produit n’a jamais été capable de compenfer Les frais, elles ont été fur- tout les mines de Treignes, peu éloignées de Vireux, entreprifes. par une Compagnie de Givet, qui y a fait beaucoup de recherches inutilement, Il eft vrai que ces recherches ne font jamais perdues pour la Minéralogie. Un de nos Ingénieurs des mines, M. le Roy , quiy a été employé, a obfervé qu'à 30, 3$ pieds de profondeur au-deflous de la furface du terrain ,ilfe trouve un filon, ou plutôt un banc de fpath calcaire blanc de 24 pieds d'épaifleur, dans lequel il s’eft trouvé difperfé, au lieu de minérai de plomb, du minérai de fer-blanc & fpathique , avec de la terre ochreufe & un peu de quartz, La Compagnie , après avoir fait traverfer ce banc par une galerie, eut pour toute récompenfe une petite veine de minéral de plomb , qui defcendoit très-obliquement, & qui fe coupa bientôt dans la profondeur. Le pays au marbre s'étend, fans prefque aucune interruption , de Phi- lippeville à Givet, dans l'efpace de fix lieues ; & dans cette étendue , il fe trouve beaucoup de bancs de beau marbre, & propres, à caufe de leur bonne épaifleur, à beaucoup d'emplois. Il y en a une carriere confidé- rable près de Franchimont , exploitée par des Entrepreneurs de Rance, village célèbre de la Principauté de Chimay , dont nous aurons bientôt eccafon de parler. Ces Entrepreneurs en tirent de très-beaux blocs de couleurs variées. C’eft de cette carrière, de celles d’auprès de Rance , & de celle d’auprès de Clermont, village aufli du pays de Liéoe, d’où lon a tiré les plus grands blocs de marbre qu’on ait tranfportés à Paris, fur-tout pour la place de Louis XV. J'ai fait mention, dans la première partie de la Minéralogie de la France, de l’induftrie de ces Entrepreneurs pour tirer très-facilement ces énormes mafles de marbre du fond de leurs car- rières, au moyen d’un treuil de fer qui, placé dehors, enroule autour de fon axe une chaîne de fer attachée au bloc, lequel monte par un plan incliné tout au long de deux poutres placées à quelques pouces l’une de l’autre. Au-deffous de Franchimont , du côté de Givet, je rencontrai, pour la première fois, dans ce pays , des grifites & des cornes d'Ammon , dont SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 167 quelques-unes étoient entières & parfaitement changées en pierre calcaire fpathique. Revenu à Philippeville, j'oblervai que la partie du pays à mar- bre qui eft à l'oueft nord-cueft de cette ville , où fe trouve Barbançon, Beaumont, Rance & Chimai , n'offre aucune partie du minérai de plomb; w'ainfi ce n’éroit qu'entre Philippeville, Givet, Virieux & Marienbourg, qu'il falloit les chercher; ce qui me parut une fingularité digne de la plus grande attention , mais qui ne laifie aucun efpoir de découvrir la caufe de cette différence. Philippeville eft, comme Marienbourg,entourée detous lescôtés desterres de Liege; ainf, ies obfervations que je vais rapporter font entièrement faites fur ceterrainétranger à la France, Au-deffous de Pbilippeviile, un peu au delà d: la pente dont j'ai parlé , on apperçoit bientôt une énorme croûte ou nappe fableufe & graveleufe, dans laquelle on rencontre fouvent de la terre mé- langée d’ochre rouge & jaune , au-deflous de laquelle il eit rare qu'on ne trouve pas de la mine de fer. C’eft fur-tout fur les Paroifles de Senzeille & de Saumoi , où cette mine fe trouve communément; & quant à celle qui eft réputée la meilleure , elle fe trouve au lieu nommé /a croix de fer, de la dépendance de la Jurifdiétion de Florent, Toutes ces mines, bonnes ou mauvaifes , fervent à entretenir un bon nombre de fourneaux, tous fur le pays de Liége. Depuis la ceflion que la France a faite aux Etats de Liége d’une partie de ce terrain, pour avoir un équivalent autour de Phi- lippeville & de Marienbourg, il n'a plus été permis aux Maïtres de for- ges des terres de France, d'y venir prendre de la mine pour alimenter leurs fourneaux, Ces minérais de fer font prefque tous en petits morceaux, ou arrondis, Ce font fouvent de petites géodes, c’eft-à-dire, creufes en dedans; elles font jaunâtres, ou couleur de tabac d'Efpagne, & prefque toujours mélangées ayec de laterre grafle, qui exige un lavage exact, pour les en débarraffer. Si nous comparons ces minérais , pour la qualité, avec ceux qu’on trouve au-deflous des rentparts de Philippeville, on fera bien étonné d’y trouver une fi grande différence; elle eft pourtant telle , que le fer produit par les bonnes mines des lieux que je viens de nommer , eft un des plus excellens que nous ayons, c’eft-àa-dire, flexible, doux & ner- veux, tandis que , comme nous l'avons déjà dit, celui qui provient des mines de Philippeville eft fort caffant ou aigre , & n'eft propre qu’à faire ce qu'on appelle du potin. D'où peut donc venir une fi grande différence, fimon d’une matière étrangère qui fe trouve dans l’un de ces minérais , & qui empêche qu’on ne puifle donner au fer Le nerf ou fibre flexible qui le rend tenace & difficile à cafler ? Il n’y a pas d'exemple encore que des mi- nérais de fer, fous la forme de grains ou morceaux arrondis, en aient donné de mauvais; & les Maîtres de forges en font inftruits, tandis que celle qui, comme celle de Philippeville, eft en plaques inégales , cel- lulaires ou bourfoufflées, en donne toujours de mauvais. J’efpère que #" ">: L2 168 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, lorfqu’on aura raflemblé un plus grand nombre d'exemples à cet égard, on développera la caufe de cette étrange différence, IL eft vrai que j'ai foup- çonné, mais peut-être à tort, que lezirc, que j'ai démontré , il y a long- temps, exifter dans plulieurs fortes de ces minérais de fer, pouvoit en être la caufe. Mais quand il feroit vrai que. cette différence feroit due au zinc, il refteroit encore à favoir dans laquelle des deux qualités de mine- rais dont je parle, le zinc exilte, & file zinc eft ou contraire ou favora- ble à la malléabilité du fer. C’eft en comhinant de ce femixmétal avec du fer de toutes les qualités , qu’on peur être inftruit de ce dernier point; & quant au premier, il faut avoir recours à l’analyfe & aux effais de M. Margraff. C'elt ce que je n'ai pu faire jufqu'ici, mais que j'efpère faire lorfque J'aurois plus de loifir: en attendant cependant, fi nous portons notre attention fur les minérais de fer de la Champagne, de la Bour- gogne & du Berri, nous ferons tentés de croire que le zinc n'eft point contraire aux bonnes qualités du fer; car tous ces minérais en contien- nent, & le fer qu'ils donnent eft fort bon. Taodis que j'étois occupé à obferver les différentes fortes de fouilles d’où l'on tiroit les minérais de fer, un orage des plus effioyables vint m’aflaillir , & nobligea à me réfugier le plus promptement poffible dans Jun des Villages que j'ai nommés ci-devant. Etant entré dans la pre- mière maifon que je rencontrai, j'appris du maitre de cette maifon, & d'un autre Payfan qui lui tenoit compagnie , qu’au lieu dit Z bois des Moines, à trois quarts de lieue de Florent, on avoit dé- couvert depuis peu, en creufant le terrain, un arbré entier changé en py- rite à l'extérieur, & en charbon en dedans, Les Payfans qui avoient fait cette découverte , prenant la couleur jaune & brillante de la partie de cet arbre pyritifé, pour une mine d'or , comme youtes les autres pyrites qu'ils avoient découvertes auparavant , ils s’éroientémpreflés à le dépecer & à le tranfporter chez eux, pour lui faire fubir les mêmes opérations qu'aux autres pyrites, & tout auili vainement, comme on doit bien le penfer , pour en tirer un or quin’y exiftoit pas. Ces Payfans s’étoient com- plétement ruinés à ce travail, comme tant d autres victimes de ce préjugé, que je n'ai eu que trop d’occafions de rencontrer en mon chemin , & lan- guifloient triftement dans ce village : ayant entendu parler de moi, ils vinrent m offrir leurs fervices, & me racontèrentce qu'ils avoienc fait. Ils me conduifirent enfuite au lieu dont je viens de parler, & j'y obfervai les reftans de leurs pyrites, mais qui, ayant été expofées long-temps à l'air, étoient toutes effleuries & converties en vitriol. Le changement de cet arbre en pyrite n’étoit pas un phénomène ex- traordinaire pour moi. J'en avois déjà obfervé de pareils à Goincourt, près de Bauvais, & près de Saint-Quentin & de Chauni. Ce feroit bien là gnçore l’occafion de demander à ces Naturaliftes , qui penfent que la Nature et SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. x6ÿ Nature ne produit plus de nouvelles matières, & que ces changemens ne #ont: opérés que par Le tranfport & le dépôt que l'eau fair; comment ils -conçoivent que l’eau ait pu faire ce dépôr, & d’où elle Le tranfportoit dans un terrain fableux, qui n’eft dominé parrien; & enfuire il faudroit encore leur demander comment l’eau , qui ne fauroit tenir un arôme de pyrite en dif! folution, a pu s’en charger. Je fais bien qu'on a eu aflez de confiance en cette hypothèfe, même de nos jours , pour s’en fervir à expliquer de pareils changemens ; mais c'eft ce qui m'étonne. C'eft ainfi malheureufement que , bercé par de pareils préjugés , la Minéralogie refte au berceau. Ce- pendant, {1 on vouloity faire attention, peut-être verroit-on, comine je Lai dit plufieurs fois ,"& notamment dans mon Effai de Minéralogie , qu'à mefure que le bois fe détruit, fon phlogiftique , devenant libre, s’unit à Feau dont le bois eft pénétré , & que de cette union réfulte , par une fer- mentation qui eft inconnue , l'acide vitriolique; & que cer acide une fois formé, s’'unit à une autre partie du phlogiftique, & forme le foufre ; ce qui eft connu comme pollible par tous les Chimiftes. Suppofez donc que Les chofes fe paffent ainfi, vous ne trouverez plus de difficultés à ex- pliquer la formation de la pyrite d’une manière naturelle ; car vous trou- verez de fa chaux de fer dans le bois même à laquelle le foufre s’unit très-facilement ; comme je l’ai démontré dans ma Differtation fur la Minéralifation, & fe convertit mème enfer parfait dans cette union, comme je l'ai démontré dans mon petit Trairé de la Diffolution des Métaux, Mais je penfe que toutes ces opérations ne fe font pas fpontanément & infenfi- blement, comme en pourroit le croire d'après cette explication , & d’a- près ce qui fe pafle dans nos laboratoires. La Nature n'a pas befoin de travailler les matières les unes aux dépens des autres, comme nous: je penfe donc qu’elle fait routes fes opérations dans le même temps , & j'a- Jouterai même que je crois qu'à l'occafion du dégagement du phlogiftique, ce principe de la métallifation , elle convertir toute la fubitance terreufe du végétal en fer. Si certe opinion paroît invraifemblable, du moins elle ne paroîtra pas abfurde comme la première, lorfqu'elle fera examinée avec: attention. Après avoir fait l'obfervation qui m'a arrêté fi long-temps, je dirigeai mes pas vers un gros village nommé Sélarieux, qui eft placé dans un grand enfoncement ou creux garni de ce fchifte noirâtre & à petits feuillets, dont nous avons déjà parlé. C’eft ici le paflage d’un autre banc de ce fchifte , ou bande fchifteufe, comme s'exprime M. Guettard, qui a été rongé & détruit dans le fond de ce village par le ruiffeau qui y coule. Quand on a paflé ce creux, on ne trouve plus que du marbre jufqu'à Barbançon & Beaumont, Ici l’afpect du pays devient riant, & fait con-- noître qu'on s’avance vers ce beau pays qu'on nomme , à proprement par Tom. XXV, Part. II, 1784. SEPTEMBRE. Y 70 OBSERMATIONS SUR LA PHYSIQUE, ler, le. Hainaut, mais qui ne préfente que rarement des objets qui pif: fent fixer l'attention des Naturaliftes, à moins qu'on n'y creufe la terre. parce qu'érant plat, il'eft couvert par un terreau fort épais. : Je continuai;à, marcher, jufqu'à ce que je fuffe en face d'un, village: nommé le Boflus, qui n’eft: pas forr éloigné de La grande route, où je favois qu'il y avoitune grande Carrière de marbre, Cette carrière eft digne en effet d'être vue; non pas par rapport à la beairé du marbre, qui n’eft que du commun, c’eft-a-dite , da bleu, mais par la grandeur & l'épaif- feur de, fes bancs ; dont quelques-uns ont 7 à 8 pieds d’épaiffeur; de là je fus à Beaumont, qui elt:une ville de la Principauté de Chimay ,afife fur un mafñif dés plus curieux à voir, par l'énorme quantité de petites couchés de pierres calcaires cuffacées. J'appelle ainf la pierre calcaire; qui, comme celle desenvirons-de Paris, contient beaucoup de fable & d’autres parties étrangères à la nature de la terre calcaire, Le mañit fur lequel. ef fitué Beaumont, eft coupé prefque perpendiculairement à Foueft fud-ouelt , & cette coupe en fait de ce côté-là un rempart inaccef- fible , ayant plus de 100 pieds de hauteur. Quand j'ai confidéré certe grande coupe , & le détour que fait la petite rivière qui couie au bas de ce mallif, je n'ai pu me refufer à croire qu'il n’y avoit eu‘là un‘bien plus grand courant d'eau, qui a battu: & miné ce mañlif; en s’y brifanc avec force; car on ne peut fuppofer , avec quelque vraifemblance, que cet ou- vrage ait été fait par le volume d'eau qui y coule actuellement: & il ne faut pas s'étonner de ce difparate; partout vous le trouverez ; ce qui: démontre évidemment que la quantité d'eau diminue infenfiblement , &c: que la partie folide de notre globe augmente à proportion que la partie: liquide diminue ;, & s’il faut encore étendre ce principe, j'ajouterai, que: par-tout vous verrez Les bornes de lamer & des rivières reculées; par-tour vous trouvérez- d'anciens courans d'éau défléchés ,,& même des rivières confidérables , à en juger par les collines ondulées qu'on voit encore. Mais cette partie eflentielle de la Minéralogie , qui eft effrayante, par les. conféquences qu'elle préfente, & qui peut influer fur le fyftème général. ! monde, fera étendue un jour dans un autre Mémoire où. je: décrirai: d’anciens-cours de rivières de la France, qui n'exiftent plus, J'efpère faire voir alors, appuyé par les faits que me fournira l'Hiftoire, que les rivières & les fleuves actuels ont été plus volumineux qu'ils ne le font maintenant, & qu'il exiftoit en France uh grand nombre de vaftes lacs, comme dans l’Amérique Septentrionale , & dont à peine il nous refte des traces aujourd'hui, Quand j'eusifait ces remarques, 8 obfervé qu'il exiftoit du orès véri-- table aux environs de Beaumont, & qui me parut de la qualité perfo@tionnée que j'avois obfervée, ailleurs que dans ce pays , je fus à Clermont , village. du pays de Liége déjà cité, pour vifier les carrières de marbre qui fonc: SUR LHIST. NATURELLEET LES ARTS. aa tout auprès, Dans un de mes précédens voyages, j'avois vu à la vérité ces carrières; mais il me reftoir à y examiner, micux que je n'avois fair, ces efpèces de ramifications que j'ai dir fe trouver fur les petits bancs droits de ces carrières, & qui accompagnent, les grands bancs, dont on tire , comme je l'ai dit encore , de très-beaux blocs de marbre, Après donc avoir bien examiné ces ramifications , & en avoir dépecé quelques+ unes, je puis dire que la découverte eft bien plus importante que je n'avois cru alors, & que c'eft maintenant, aux yeux des Naturaliftes, un nouvel être, dont ces petits offelets , qu’on nomme étoîles de mer ;enchrinites ou entroques, font des parties. Le plus difficile maintenant eft de favoir quel cft cet être fingulier ; fi fon organifation étoit animée ou inanimée, On peut bien faire toutes ces queftions, quand on voit que toutes les parties de cette fingulière produétion marine, lorfqu’elles font réunies enfemble, ne laiflent aucun vide qui puifle faire croire qu'un animal ait pu y exi£- ter. Ceft ici un grand fujet de méditation pour les Naturaliftes, fur-tout pour ceux qui s'occupent uniquement des êtres étrangers à la terre, À ce Aüjet , je dois annoncer que MM, Charoyer freres, dont l'un eft Curé à Gercourt en Lorraine, & l’autre Prêtre de la Congrégation de l'Ora- toire, deux Savans du premier ordre en Minéralogie, & dont tant de Voyageurs ont profité , fans jamais en faire mention; que ces deux favans Naturaliftes , dis-je, avoient déjà obfervé depuis long-temps, dans les bancs de pierre calcaire qui entourent leur village , de pareilles ramifica- tions, & en avoient même obtenu une entière ; parfaite & très-bien confer- née: ils en avoient de plusdifféquéune ; & recompoféune autre, en enréu- niffant les parties qu'ils avoient trouvées difperfées dans la pierre ; par-là, ils avoient appris à connoître quel étoit l’ufage de ces petits offelets , qu'on connoifloit depuis long-temps, mais dont on ignoroit l’ufage , & qu’on regardoit même comme des jeux de la Nature. Après avoir ainfi rectifié l’obfervation que j'avois faite la première fois que j’avois vifité les carrières de Clermont , je me dirigeai {ur Bar- bançon , quieft un joli petit bourg appartenant à la France, lequel eft itué dans un creux formé par la Sa b du marbre, & vrailembla- blement par celle du fchifte qui le couvroit, & dont on voit des reftes au-deffous du Château, qui eft pofé fur une éminence ou mañlif formé ‘intérieurement par du marbre. Par delà le Château, il fe trouve encore des bancs de marbre gris de 2 à 3 pieds d’épaifleur, Au côté opp fé de ce creux ,; les chofes font un peu différentes: on y voit de très-petites couches d’un marbre coloré de différentes couleurs, & par deffus un fable extrêmement fin, qui s'étend depuis le commencement de ce creux jufqu'auprès de Rance, qui en eft éloigné de deux lieues, Rance eft ce village de la Principauté de Chimay, dont j'ai déjà parlé, 82: qui eft devenu célèbre par l'exploitation des carrières qui fe crouyent Tome X XV, Part. IT, 154. SEPTEMBRE. V2 172 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, auprès , & parce qu'il eft l’entrepôt de toutes les autres carrières qu’on ex: ploite dans tout ce pays à marbre. Tous les habitans de ce beau village: font Marbriers & Sculpteurs , & prefque tous riches, On peut juger par ce village, de l'effet que peut produire le défir de faire fortune: Il n’y a maintenant auprès de Rance que deux carrières en exploicatiens lune où les bancs fone prefque perpendiculaires à l'horizon , & qui ont de æ à 7 pieds d'épaiffeur. Ces bancs, qui fonc féparés par des intervalles de quelques pouces, garnis de terre grafle de différentes couleurs, ce qui donne la facilité de-les exploiter & d’en féparer aifément les blocs les plus grands, repréfentenc des efpèces de murailles les unes derrière les autres, Les bancs de cette carrière, qui eft fort près du village , fonc d'autant plus précieux pour les Marbriers de Rance, qu'ils font colorés en beau rouge & vert fur un fond blanc & gris, & que les marbres de cette efpèce font très-rares dans la Thiérache. La fituation & l’état de ces bancs exigent, comme nous venons de le dire , beaucoup moins. de précaution & de peine pour les exploiter, que les bancs horizontaux; car dès qu’on a dépouillé un de ces-bancs de tout ce qui l'entoure, & qu'on l'a approfondi aufli bas qu'on l'a pu , ou felon l'intention quon a d’en tirer des blocs plus ou moins grands, on le fcie, & puis on le renverfe fur deux poutres qui font pofées fur le plan incliné de la carrière; on Jui attache une chaîne de fer, & on le retire, par le moyen d'un treuil, hors de la carrière: L'autre carrière eft à un grand quart de lieue de Rance, & eft placé dans un enfoncement que j'ai lieu de croire avoir été fait, au moins en grande partie ; par l'exploitation même de cette carrière ; ce qui fair fup- ae qu'ily a fort long-temps qu'on a commencé à l'exploiter. Ici les ancs font horizontaux, mais aufli’ ils font de l’efpèce commune, c’efta- dire, du marbre bleu ou gris; & Neft bon de faire obferver , comme une fingularité de ce pays, dont ileft très-difficile de rendre raifon, que les bancs dé marbre coloré de diverfes couleurs, font prefque toujours droits , ou approchent plüs, par leur penchant, de la ligne perpendicu- laire que de Ja ligne horizontale , tandis que les bancsquifont horizontaux , ou qui approchent plus de la ligne horizontale que de la ligne perpen- diculaire , font prefque-roujours de ce marbre commun & coloré en bleu. It faut encore remarquer, comme une autre fingularité de ce pays, qu'il eft fort rare de: trouver dans les bancs: couchés autant d’épaifleur que dans ceux qui font droits. On en voit une preuve ici ; car il s'en faut bien que les bancs de cette dernière carrière foient auffi épais que ceux de là première: outre cela , ils font communément brifés, ce que l’on voit encore ici, tandis que les bancs droits fonc plus continus, & préfentent des efpaces plus étendus en largeur & fous-divifion. Les bancs de cetter garrière font divifés, ainfi que ceux de la. première carrière, par ure- SUR L'HIST. NATURLLE ET LES ARTS. x73 terre qui eft bleuâtre comme eux; ce qui donne lieu de croire que la pâte dont font formés ces bancs, contient de la terre argileufe , & qu’elle en eft colorée comme cette efpèce de marne; ce qu’on peut y démontrer, au moyen de l'acide nitreux , qui diflout très-promptement la terre cal- caire , & laiffe celle qui ne l'eft point en arrière. On peut y démontrer, de la même manière , une petite partis_de fable qui entre afflez com- munément dans la compofition de tous les marbres, mais en bien moin- dre quantité que dans bien d’autres; & la preuve que les marbres de Ja Thiérache font. peu mélangés de parties étrangères, c’eft qu'ils fe con- vertiffent tous en fort borne chaux. De Rance, je fus à Chimay , pour y terminer mon voyage ; car au delà, c'eft-à-dire, à une petite demi-lieue de cette ville, au-deflus d’un village qu'on nomme Forges, fe retrouve le pays aux ardoifes , que nous avons quitté au-deflus de la vallée de Couvin. C’étoit décrire un grand demi-cercle autour de ce pays à marbre, comme nous en avions décritun autour du pays aux ardoifes auparavant. Mais le pays aux marbres ne finit pas là; il s'étend encore fort loin du côté d’Avefnes & de Saint-Vaaft, commeje lai dic dans mon premier voyage, Chimay eft placé entiérement fur le marbre, & eft adoffé même contre une petite montagne , dont les bancs ufés repréfentent des rochers informes & hériflés d’afpérités. Il ne me relte plus qu’à parler d’un banc énorme de ce fchifte, qui coupe ou qui traverfe les bancs de marbre, ou les couvre en quelques endroits, lequel fe trouve entre Rance & Chimay. C’eft le plus vafte que j'eufle encore vu. Le grand chemin pañle à travers; & comme on a été obligé de le tailler pour l’y faire paffer , on a à droite & à gauche comme deux grands murs de ce fchifte , où lon voit tout à: fon aife l’ordre & Par- rangement de fes feuillets. C’eft dans un enfoncement aflez confidé- rable , furmonté des deux côtés , fur-rout de celui de Chimay , des bancs ou couches de marbre; & ce qui peut paroïître bien extraordinaire, c'eft que ce fchifte, fi près du marbre , eft néanmoins privé de parties cal: caires, Mais on ne doit point être étonné de cette fingularité ; quand on en voit tant d'autres dans le règne minéral, qui font infiniment plus dif. ficiles à expliquer. 174 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, TNT DRE TER TE PO Fidji GuE A LA PARTIE DES MONTAGNES DE CHAILLOT-LE-VIEIL, Qui avoifinent la vallée de Champoléon en Dauphiné ; & confidérations & vues fur ces montagnes & fur celles du Champfaur , qui tiennent aux premières ; Par M. PRUNELLE DE LIERRE, L: NNONCE d'un fuperbe volcan éteint au fein des Alpes du Dau- phiné , a fait dreffer la tête aux Naturaliftes (1) ; tout a concouru dans cette circonftance à exciter leur attention. D'un côté, l'affertion la plus complette & la plus pofitive, bafaltes prifmatiques , laves fpongieufes , Jchorl , & même bitume ; aflertion encore avancée par M. le Chevalier de Lamanon , avantageufement connu comme Phyficien & comme Natura- lifte ; de l’autre, MM, Guettard & Faujas de Saint-Fond avoient parcouru le Dauphiné en 1775 & 1776, & navoient découvert le foyer d'aucun volcan éteint, M. de Sauflure encore, un des Naturalifte - voyageurs les plus inftruits, & divers autres, fans parcourir nos Alpes dans toute leur étendue , en avoient reconnu plulieurs des principaux points , & n'yavoient obfervé l’exiftence d'aucun volcan éteint. M. Villard eft le feul qui ait employé l'expreflion, couleur de lave, en parlant du gluten d'une brèche qu'il avoit obfervée dans les montagnes de Chaillot-le- Vieil , pendant un voyage qu'il fit au mois d'Août 1781 au pic du mème nom, le point le plus élevé de cette chaîne, mais qui l'elt moins que les hautes montagnes de la Berarde (2). (1) Voyez les Affiches du Dauphinédu 16 Oltobre 1783 , n°, 23. (2) Voyez, dans le Journal de Phyfique du mois d'Avril 1783 , le Mémoire intére(- fant de M. Villard far la Météorologie & la Botanique de quelques montagnes du Dau- >hiné. M Villard eft Médecin de l'Hôpital Militaire de Grenoble, Profeffeur de Botanique ; Phyficien , Naturalifte & Obfervateur. Pendant le voyage que nousavons fait enfemble, il a pris les hauteurs avec un baromètre qu'il avoit conftruir lui-même d’après les principes de M. de Luc. SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 195 Le 10 O&tobre 1783 , époque à laquelle cette annonce parut fur les Affiches de Dauphiné, j'habitois uné campagne près de Grenoble ; quel- ques perfonnes qui vinrent me voir , m’en firent part, & me demandèrenr ce que je penfois, de cette découverte : je répondis qu'il falloit voir les échantillons annoncés par M, de Lamanon. J'avoue que plus j'y réfléchiflois, en examinant le n°, 1çr des cartes de PAcadémie ; moins je pouvois me perfuader l’exifténce de ce volcan. La confidération qui agifloit fur moi, c’eft que le Drac & les eaux de tous les torrens qui s’écoulent par la vallée de Champoléon , & par celle’ du Champfaur, débouchent dans la plaine de Grenoble , & ne nous ap- portent rien de volcanique. Je préfumai dès-lors que le volcan annoncé étoit une carrière de pierres connues fous le nom de vaeriolires du Drac. û . Cependant les échantillons n’arrivoient pas. M, Villard , dont j'ai parlé précédemment , ainfi que le R. P. Ducros (1), me prefloient pour faire le voyage des montagnes de Chaillut-le-Vieil avec eux. M; de Marcheval, -alors Intendant de la Province, le défira. Enfin, nous partimes le 28 Octobre 1783, & nous arrivâmes à Champoléon le 29 au foir. Le 30 O@tobre , à fix heures du matin , nous partimes à pied dé Cham- poléon , où nous avions couché (2), pour nous rendre au Chatelard, un de fes hameaux. Nous y trouvâmes l’obligeant M. l'Abbé Chevalier, Recteur d'une Chapelle qui produit environ 400 liv., & qui a été fondée pour procurer une mefle dans tous les temps aux habitans de ces lieux, éloignés d'environ un quart de lieue de Champoléon, dont l'accès eur eft fouvent intercepté, foit par Les neiges, foit par le Drac, & par le (1) Le R.P. Ducros, Cordelier , Bibliothécaïre de la Bibliothèque publique, & Garde? du Cabinet d’Hiftoire Naturelle de Grenoble, au zèle, à l’aétiviré & aux lumières du= qe ces établiflemens font fi fort redevabies , a été jufqu’à préfent du petit nombre es Savans qui aiment mieux obferver que fe faire imprimer, & dont le filence eft une véritable privation pour le Public. Qu'il me foit permis d'ajouter , que la Bibliothèque publique de Grenoble, com- pofée d'environ $4000 volumes , eft peut-être ,en France ,le premier monument public utile qui ait.été élevé par une foufcription patriotique. De tous les établiffemens lit-- iéraires , les Bibliothèques publiques paroiffent être le plus univerfellementutiles, parce que ceux de ce genre tiennent à tous les points de la Lixérature. (2) Nous en repartimes le °° Novembre. L’on doit prévenir les Naturaliftes qui: voudroient faire ce voyage, qu'il faut porter des vivres , Jorfqu’on ne peut fe conténter de lairage, & qu’il n’ÿ a aucune Auberge à Champoléon où l'on puiffe trouver à cou— cher. Les chevaux feuts ne font pas mal. M. le Curé de Champoléon, qni côhnoifloie M. Villard} eut l’honnéteré.& l’humaniré de nous céder fon lit; M. Meunier, autre connoiffance de M. Villard , & l’unique Bourgeois du pays, nous en donna aulli un. €efontles mois d’Août & de Septembre, & non celui d'Oftobre, qu'il faut cloifir: ROur voyager aux montagnes. , 175 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, ruifleau que forment les eaux de Touron. Le Fondateur de cette Cha- pelle étoit un de ces hommes qui s’expatrient pour quelques mois de l'année, ou pour une portion de leur vie, ou pour toujours, & qui, à force d'économie & d’indultrie, trouvent l’aifance & la fortune ‘que le pays de leur naïffance leur refufe , mais aufli qui n’exige leurs foins & leurs fueurs que pendant une partie de l’année. : Après avoir reconnu les rochers fur lefquels le Chatelard eft bâti , nous en partimes à fept heures du matin. C’eft à où nous commençâmes à exa- miner dans les lieux de fon origine la pierre le plus fouvent brune ou rougeatre , qui, felon ce que nous penfons, a trompé M. le Chevalier de Lamanon. Nous avions pour guide le nommé Jofeph Bernard, dit Raymond , habitant de ce hameau, & qui avoit auf accompagné ce Naturalifte (1). Nous prîmes la route du Chapeau; nous y arrivèmes à huit heures > après avoir gravi prefque toujours fur un granit feuilleté. Le Chapeau eft une mafle de rocher de la même nature que celle du Charelard, fituée au pied & audevant des crêtes de la montagne appelée le Puy de Péoroi. Le Chapeau offre des pyrites cubiques & des eflloref- cences vicrioliques martiales. La pierrre dans laquelle fe trouvent ces pyrites & ces efflorefcences, eft grife pour l'ordinaire. L'on nous affura que M. de Lamanon penfoit que la partie effloref- cente de cette pierre étoit bitumineufe. Au nord du Chapeau, en prolongeant le anc oriental de Ja mon- tagne du Puy de Péeroi, nous parcourûmes la Drouvaire, qui s'étend au nord jufqu'à Val-Eftrer. La partie la plus élevée de cette montagne rou- che aux crêtes du Puy de Péoroi, & fa bafe eft bornée à l’eft par la vallée de Champoléon. Tout ce que nous avons vu de la Drouvaire eft en gra- nit feuilleté, recouvert d'une peloufe uniforme dans fa plus grande étendue. La hauteur la moins confdérable de ‘a Drouvaire eft d'environ 1148 toifes. Nous quittâmes la Drouvaire pour nous élever par les crêtes ardues du Puy de Péoroi, dônt une des principales eft d'environ 12ç0 toifes plus élevée que le niveau de la mer. Toutes ces crêtes, en y comprenant celles de la montagne de l’Adrets, au midi de celles du Puy de Péoroi, & au def- fus du Chatelard, fonten granit feuilleté. Parvenus au premier fommet du Puy , nous découvrimes Peyrenière , c'eft-à-dire, pierre noire. Cette montagne eft comme une pyramide à . _ (1) Jean Efcalier Roux, du lieu de Péoroi, hameau voifin de celui de Chatelard, 3 æuffi fervi de guide à M. de Lamanon. quatre SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 177 quatre faces, formée par une pierre du même genre que celle du Chapeau & du Chatelard , & dont la bafe repofe fur le granit feuilleré qui fe montre à la Drouvaire , & aux crêtes de la montagne du Puy de Péoroi & de l'Adrets. Nous avons parcouru trois des faces de cette pyramide , dont la pointe, appelée le grand fommet du Puy, ou le haut Puy, eft élevée de 1405 toi- fes à peu près au deflus du niveau de la mer, & d'environ 200 au-deflus des crêtes.du Puy de Péoroi. Ces trois faces offrent un tableau fingulier de dégradation, depuis la pointe de la pyramide jufqu'à fa bafe. Les fragmens de toute grandeur qui les couvrent, & la couleur rougeitre dominante de ces fragmens , peuvent en impofer au premier coup-d'œil. Ces ruines rougeätres fonc nommées terres rouges de Touron; elles cachent les couches inférieures de la pierre qui compofe cette pyramide, & proviennent de la dégrada- tion des fupérieures. : La première des trois faces que nous avons parcourues , eft à left, & paroïc avoir pour bafe les crêtes du Puy de Péoroi. La feconde face elt au midi; elle regarde le bas du vallon:de Touron , appelé Planiure. La troifième eft à l’oueft , en face de la montagne de l'Arche. C'eft fur-tout cette troifième face qui ,en particulier, porte le nom de terres rouges de Touron. La quatrième face de Peyrenière eft au nord , du côté de Val- Etret, qu’elle a en perfpective. Elle nous a paru à pic, & ne pas offrir, comme les trois autres, un femblable tableau de dégradation , parce que la partie la plus élevée des couches regarde Val-Eftret, ou plutôt la mon- tagne de la mine , celle de Maucros & le picde Chaillot-le-Vieil , le point le plus élevé des montagnes de ce nom. Ces montagnes font au nord- oueft de Peyrenière, Les ruines rougeitres qui couvrent les.trois premières faces de la pyra- mide, cachent, comme nous l'avons remarqué, aux yeux de lobferva- teur les couches inférieures qui compofent le maflif de Peyrenière , & proviennent de la dégradation des fupérieures. Cela eft fenfble jufqu’à l'évidence , fur-tout lorfque , regardant la première face ; on obferve à gauche le bord ou l’arête fud-eft de la pyramide. On reconnoît plufieurs couches parallèles entre celles, qui compofent ce bord fans interruption, depuis la bafe jufqu’au fommet de la pyramide; de manière que-la couche fupérieure , formée de la variété grife de cette pierre, eft la partie la plus aiguë de ce bord, & lui donne la forme d’une arête tronquée aflez légèrement pour fon élévation ; puifqu’autant que ma mémoire peut me Le rappeler , je ne crois pas que la plus grande largeur de cette couche fupérieure excède 4 ou $ toiles. Ces couches , inclinées au fud- eft, font , avec l'horizon , un angle d'environ ÿO degrés, & par con- féquent coupent la montagne de Peyrenière du nord-oueft au fud-eft dans Tome X XF, Part, II, 1784. SEPTEMBRE, Z \ 178 OBSERVATIONS SUR LA PHPSIQUE, le fens des bords ou arêtes de la pyramide , correfpondans à ces points de l'horizon. ‘ Les faces de Peyrenière qui font à l’eft & au fud, font creufes dans le milieu , depuis à peu près le fommer de la pyramide jufqu’à fa bafe. Cette cavité en feétion longitudinale conique , paroît due à l’aétion des eaux qui ont creufé fur la ligne du milieu de ces deux faces, & qui forment les four- ces qui font au bas. Les eaux fe réuniffent plus abondamment fur les faces eft & fud, parce que, comme nous venons de lobferver, les couches de Peyrenière étant inclinées au fud-eft, préfentent leur pente aù fud-eft; ce qui fait que fur les faces eft & fud, les eaux ne peuvent s’y perdre. Elles ont coulé d’abord en fuivant la loi de leur attraction ref- pettive , donc l'effet, tout étant égal d’ailleurs, a dû les porter avec plus de force fur la ligne centrale des faces, que vers les bords. Ce premier effet ayant eu lieu, c’eft-à dire , la première impreffion cave étant formée, les eaux ont apialors, non feulement en raifon de leur attraction refpec- tive, mais aufli en raifon des progrès de la pente’ vers la ligne du mi- lieu de chacune de ces faces. Certe tendance des eaux à fe porter fur la ligne du milieu , doit non feulement creufer fur cette ligne , mais encore déterminer les ruines ou fragmens de cette pierre à fe porter vers cette même ligne, & par conféquent à dégarnir les bords ; ce qui eft caufe que les couches qui compofent l'arêre fud eft de la pyramide, ne font pas cou- vertes de ruines , & font au contraire és (en bIeS à la vue. La pierre qui compofe Peyrenière eft de la même nature que celle que lon voit au Chapeau & au Chatelard; fa couleur eft ou grife ou verte, ou d’un brun rougeârre plus ou moins foncé. Cette dernière couleur eft la dominarte , & la feule même qui foit d’abord fenfible à la vue, non feulement parce que la pierre ainfi colorée paroît la plus abondante , mais aufli par la raifon que la verte, & même la grife, bruniflent vers la fu- perfcie , lorfqu’elles font expofées au conta@ & à toutes les influences de Patmofphère. - Cette pierre eft en général très-lépèrement atirable à l’aimant.Il ya des morç:aux qui n'ont aucune action fenfble fur le barreau aimanté fuf- perd u. La pierre du Chatelard , du Chapeau & de Peyrenière, appartient à la clifle des roches formées tout à la fois par dépôts & par criftallifation. Plufieurs des noms admis parmi Les Naturaliftes, peuvent convenir à différentes parties de certe pierre, mais aucune n’en peut donner une idée précife & completre. Les roches de cet ordre me paroïflent n'avoir ja- mais été confidérées & préfenrées dans leur enfemble par aucun Natura- EE c'eft ce qui fait qu'on re peut pas les nommer, mais feulement les écrire. La pierre donc du Chapeau, du Chatelard & de Peyrenière , lorf- SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 179 qu'elle eft humectée avec le fouffle, offre une odeur terreufe plus ou moins fenfble (1). Celle qui , à la fracture , a le grain le plus fin, le plus uni, le plus mat, le moins lamelleux & le moins brillant, eft celle qui paroît la moins hétérogène dans fes parties, L'on peut obferver, dans quel- ques morceaux de cette variété, une tendance à fe rompre en fragmens à furfaces planes, angulaires & poligones. Cette tendance à la vérité pa- roit fouvent determinée par des lames fpathiques qui coupent la pierre dans divers fens ; mais ces lames n’exifteroient pas, fila pierre n’avoit eu des gerçures & des fentes propres à les contenir. Ces gerçures ou ces fentes n'ont pas toujours été formées en ligne droite ; cela paroît aflez aux veines fpathiques , irrégulières & branchues que l’on peut obferver dans cette pierre : mais toujours eft-il vrai que les fiffures en lignes droites , où les veines fpathiques qui Les rempliflent , ne fe trouvent que dans la pierre dontle grain eft plus uni, & qui paroît le plus homogène. C'eft à la dé- compofñtion de ces veines fpachiques que font dues les manières de prifmes irréguliers que M. de Lamanon a pris pour des bafaltes prifmatiques. Le morceau que ce Naturalifte a envoyé au Cabinet public &’Hiftoire Natu- relle de Grenoble, pour échantillon de cette efpèce de bafalte, eft tra- verfé diagonalement par une veine fpathique. La pierre , au contraire, qui a le grain le moins fin, le moins uni & le plus lamelleux , eft conftamment la plus hétérogène. Il n'a paru que le: grain lamelleux étoit dû fur-tout à des parties fpathiques que l'œil ne dif- tingue pas fouvent de la pâte ou cément qui forme le fond ou la bafe de la pierre même, Ces parties fpathiques ne paroiffent pas intimément mé- langées avec la propre fubitance de la picsiée mais comme engagées dans fon fein. Cela eft très-fenfible dans une pierre du même genre , que le R. Pa Ducros a ramaflée dans la vallée de Champoléon, près de Val Eftret. (1) Je n’ai pas voulu employer le nom de pierre de corne , pour exprimer le cément qui forme la bafe de la pierre de Peyrenière , parce que ce feroit un vérirable abus de mots, que de donner celui-ci à toutes les pierres qui offrent l’odeur terreufe, lorfqu'el- les font humeétées avec le foufre. La plupart des fchiftes argileux ont cette propriété ainfi que quelques pierres à chaux. Ce nom ne m’a pas paru mieux convenir au cé- ment argileux de la pierre de Peyrenière , formée par dépôt & par criftellifation. Pour que le mot pierre de corne préfente une ‘idée déterminée, il faut reftreindre fon fens, & lappliquer uniquement aux pierres argileufes primitives, ou granits argileux, dont le genre paroît commencer où les pierres finiflent, & finir où les pierres ollaires commencent. La pierre de corne paroît être un fchorl, dont la criftallifation eft moins parfaite & moins vive ; au point que l’on pourroit la confidérer commeun fchorl altéré, lus dans fa criftallifation que dans fes parties conftituantes. Les orandes mafles criftal- lifées offrent rarement dans leur enfemble des criftallifations vives & parfaites; fur-tout lorfque les fels pierreux qui les conftituent ne font pas les plus durs & les plus inalté- rables. Je n’ai apperçu ancun fragment de fchorl dans la pierre du Chatelard , du Chapeau & de Peyrenière , que j'ai examinées. Tome XXV , Part. Il, 1784. SEPTEMBRE. Z 2 180 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, C’étoit un galet brunâtre, dont la furface étoit poreufe ; à Ja fraûure ; la partie poreufe avoit une profordeur d’r, 2 , & jufqu'à 4 lignes, & le milieu a offert un grain larmeleux brunâtre, dû à des lames fpathiques brillantes, colorées par une ocre martiale interpofée, Les pores de la fur- face font dus à la décompolirion du fpatb. J'ai mis dans l'acide nitreux un fragment de ce galet récemment fraéturé, & qui n’y étoit plongé qu'en partie ; la portion plongée eft devenue poreufe, randis que celle qui ne l’a pas été, conferve {on grain lamelleux, qu'elle doit au fpath qu’elle renferme , comme dans des cloifons ou alvéoles (1). Lorfque ces alvéoles font plus grands, c’eft alors que le fpath calcaire y paroît d’une manière plus fenfible en grains plus ou moins arrondis; c’eit alors la pierre glanduleufe, connue des Naturaliftes fous le nom de variolite du Drac. La bafe de cetie pierre eft plus communément brune , mais fouvent auf elle eft verte. Dans ces alvéoles , l’on diftingue auffi de la ftéatite verte; quelquefois Ja fféarice eft au centre du fpath; d’autres fois le fpath eft au centre , & la fléarite tapiffe Les parois de l’alvéole fous une forme criftalline ftriée , du centre à la circonférence. Le fpath prend aufli cette forme ftriée. Jai vu, dansun galet caflé du Drac, de la ftéatire brillante criftallifée. Le plus fouvent, la ftéarie des alvéoles eft verte, fans éclat & fans apparence de formes criltallines, Aux environs de Lamure, on trouve une pierre d'un brun rougeâtre, femblable à celle de Peyrenière , qui renferme des fphéroïdes de ftéatite verte, Cette pierre n’offre aucun grain fpathique, & ne produit aucune cffervefcence avec l'acide niereux, Tel eft l'unique échantillon que j'ai vu, & que l’on remit au R.P. Ducros, lorfque nous pafsâmes à Lamure, en allant à Champoléon. Quoique le quartz ne foit pas auf fenfble, à beaucoup près, dans {a pierre de Peyr-nière que les parties calcaires , néanmoins on peut l'y voir, & quelquefois même criftallifé [1 s’y manifefte eticore par la faciliréavec laquelle l’acier tire quelquefois des étincelles de cette pierre , même la plus homogène en apparence, Le galet poreux dont j'ai parlé ci-devant, étoit rraverfé par une veine de fparh féléniteux : il n’étoit nullement attirable à l'aimant. Ces pierres renferment encore des pyrites martiales, & quelquefois des pyrites cuivreufes, Ces dernières , en fe décompofant , donnent lieu à des mines d'azur & vert de cuivre, mais elles paroiflent fort rares, La pyrite maïtiale eft beaucoup plus fenfible dans la variéré grife, que dans la brune & la verte; & cette variété grife , qui fouvent devient brune ns (1) En général, toutes fes picrres de ce genre qui ontun grain lamélleux, deviennent poreufes dans l'acide nitreux, SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 18t vers fa furface, doit cette couleur à la décompofition par la voie sèche de cette même pyrite, cubique d’ordinaire, La couleur grife de certe va- tiété paroït due à l'état pyriteux dans lequel fe trouve le fer qu'elle ren- ferme, L'on peut prélumer que cette pyrite réfulte de l’eau mère qui a produit les fels pierreux calcaires que renferme ce dépôt, & qui, tenant le fer & le foufre en diffolution l’un par l’autre, rend leur mélange crif- tallifible. Ce qui favorife certe étiologie préfumée, c’eft que la variété grife de Peyrenière offre à l'œil une criltallifation moins diftinéte, moins triée, moins féparéedu cément argileux, queles variétés vertes & bru- nes : aufli on ne voit dans la première ni rœuds, ni facettes. Le rappro- Chement des parties calcaires criftallines n’a pu s'opérer avec autant de fa- cilité que dans les autres, parce que le fluide éroit plus denfe , plus gras, plus vifqueux , qualités apparemment qui rendent le Auide un vrai dif- folvant du fer. Je dois obferver que des fragmens de la variété grife, plongés dans Y'acide nitreux, deviennent légèrement poreux ; eff:t dû en partie à l’ac- tion de cet acide fur ces pyrites , fouvent très-peu fenfbles à la vue. Les trois variétés, brune, verte & grife , de cette pierre ,renferment un peu de mine de fer attirable , mais qui n'eft pas fenfible à la vue; prefque toutes font mouvcir un très-bon barreau aimanté fufpendu, mais le plus fouvent d’une manière prefque imperceptible. Il y a des morceaux pour fquels il eft immobile ; & de toutes ces variétés, la grife eft celle qui fait le moins d’impreflion fur lui. Parmi tous les fragmens que j'ai préfentés à ce barreau , je n’en ai trouvé qu'un feul qui lui fit faire la révolution entière fur fon pivor. Outre Les fubftances dont nous venons de parler, ce cément aroileux renferme encore des fragmens graniteux & calcaires, dont les angles font pour l'ordinaire très-peu arrondis ou ufés; de manière que cette pierre conftitue alors une vraie brèche , fufceptible d'un aflez beau poli, dont on voit des couches confidérables à Peyrenière. Parmi les fragmens engagés dans cette pierre , ceux qui m'ont paru les plus communs font de la nature des roches argileufes feuilletées. Peut-être que la montagne de Peyrenière eft due en partie à des roches de ce genre, brifées & délayées dans un fluide par des révolutions & par des cou- ans, Les fragmens calcaires de la brèche de Peyrenière font une pierre grife d'un grainfin, uni, très-égal, mat, & fans brillant pour l'ordinaire, Lorfqu'on les met dans l’eau forte, ils font une effervefcence aflez vive; & après la diflolution ils laïffent un dépôt non foluble argileux. Quoique ces fragmens, au premier afpect, reflemblent à la variété 152 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, grife de Peyrenière, dont nous avons parlé, néanmoins ils en diffèrent. La. première renferme des jpyrites cubiques , & devient poreufe dans l'acide nitreux ; les dernières au contraire ne m'ont paru offrir aucune pyrite, ni aucuns pores ou cavités, lorfqu'ils ont été plongés dans l’eau forte, * Lorfque cetce brèche a été long-temps expofée aux influences de l'at- mofphère, ces influences ufent & dévorent lentement Ja partie calcaire , & par-là produifent des cavités. Souvent le cément qui lie ces fragmens et très peu fenfible daus certe brèche. Lorfque les grains ou fphéroïdes de ftéatite verte ou de fpath calcaire , ainfi que les parties calcaires non apparentes, viennent à fe décompofer ou à quitter les alvéoles qui Les renferment, alors fi l’on refufe même de prendre garde à la variété verte, la variété brune de Peyrenière , du Cha- peau & du Chatelard, prend une apparence de lave poreufe , qui peut en impofer au premier coup-d'œil, mais dont on peut bientôt fe défabufer , 1°. par le poids de la pierre , qui en général eft plus pefante que la lave poreufe, fur-tout dans les morceaux d’un volume un peu confidérable; 2°. par Le fimple coup-d'œil, la lave poreufe eft moins onétueufe & plus sèche à la vue, fi je puis n'exprimer ainfi; 3°. à l'œil nu & à la loupe, il n'y paroît rien de vitreux ; 4°. en caffant la pierre, on voit que les cavités ne font que vers la furface, & que l’intérieur eft folide , & montre Les nœuds calcaires entierss 5°. en obfervant la pierre poreufe de Peyrenière avec la loupe, ou même à l'œil nu, on reconnoit que les parois des cavités de cette pierre ne font pas liffes & unies comme ceux des laves poreufes & des fcories des fourneaux ; 6°. enfin, cette pierre poreufe , ainfi que toutes les pierres du Chatelard ; ‘du Chapeau & de Peyrenière, ne m'ont paru offtir, ni dans leur détail ni dans leur enfemble, aucuns des caractères eflentiels attribués jufqu’à préfent aux productions volcaniques par les Naturaliftes Les plus exercés dans cette partie de la Li- thologie, & encore moins le complément de ces caractères. Je dois obferverici, que la variété grife de cette pierre ne renferme que des pyrites martiales , le plus fouvent très-peu fenfibles, & cubiques. pour l'ordinaire , ainli que du fpath calcaire en veines, & des parties de la même nature, que l’on ne peut diftinguer du fond , avec lequel elles fe confondent, Je n'ai obfervé le fpath calcaire & la ftéatite en grains & en fphéroïdes, que dans les variétés brunes & vertes. Le bord ou l’arête fud-eft de la pyramide de Peyrenière , dont nous avons parlé, eft de la variété grife. Enfin , il réfulte de ce qui précède , que la pierre du Chatelard , du Chapeau &-de Peyrenière, eft formée par criffallifation& par dépôt ; que la pâte ou cément argileux qui en fait la bafe , eft plus ou moins mélangée de parties quartzeufes, & le plus fouvent calcaires; que fouvent auffi elle renferme des fragmens de différens genres de pierres, & qu'alors SUR L'HIST. NATURELLE ÊT LES ARTS. 183 elle conftitue une véritable brèche. Les parties calcaires mélangées pa- roiflenc s'être criftallifées à mefure que les bancs de cette pierre parallèles entre eux fe formoient. Je fuis porté à penfer que les grains ou fphéroïdes de fpath calcaire, qui fe voient dans cette pierre, doivent leur naiffance au rapprochement des molécules criftallines homogènes , difléminées & fufpendues dans la pâte en partie terreufe & encore fluide de cette pierre , laquelle, comme nous venons de le dire, doit fa forme tout à la fois au dépôr & à la ctif- xallifation. L'on fait en général que Les parties les plus homogènes ou fimi- laires, & fur-tout les criftallines , ont une tendance à fe rapprocher, lorfque la proximité & toutes les circonftances favorables à ce rappro- chement le permettent, C'eft aufli à cette tendance qu'ont les parties les plus pures pour fe réunir , que font dues les fphéroïdes de ftéatite verte. ï ; Ce phénomène du rapprochement des parties fimilaires & pures, eft fur-tout fenfible dans la pierre comnue fous le nom de variolite de la Du- rance, Cette pierre verdâtre eft le plus fouvent parfemée de fphéroïdes ou nœuds blanchâtres en rayons divergens. Quelquefois il y a de ces rayons divergens qui fe prolongent au delà de la circonférence naturelle de ces nœuds, & qui fe perdent dans le cément verdâtre qui l'environne, A coup sûr , ces nœuds & ces rayons n’ont pu être formés que lorfque toute la fubftance de la pierre étoit dans un état de fluidité, Les filex , les agates, les jafpes , les calcédoines , les cacholons, &c., peuvent aufli fournir des exemples de ce rapprochement des parties fimi- laires criftallines qui fe font féparées des chaux métalliques des parties ar- gileufes , & des différentes fubftances avec lefquelles elles éroient mé- Jangées: mais ce tableau ne feroit ici que furcharger ce Mémoire, L'on voit à Peyrenière , que les roches glanduleufes à nœuds calcaires viennent fe confondre avec les brèches mélangées. Les variolites de la Du rance appartiendroient-elles à un même ordre de pierres, qui ne différe. roient de celles où fe trouvent les variolites du Drac , que par la nature des fubftances qui les compofent ? C’eit ce qui ne peut guère fe vérifier que dans les lieux mêmes où elles ont pris naïflance. Avant d’expoler ce que je préfume de la fituation primordiale de ja montagne & des couches de Peyrenière , je dois confidérer un inftant le baflin de Touron, La forme de ce baflin peut être comparée, par une approximation éloionée, à la coupe conique d’un entonnoir ,-mais dort Le côté méridional , formé par la montagne dela Provéra, eft très-efcarpé, ou plutôt à pic. Les crêtes de la montagne de l’Adrets & du Puy de Péoroi limitent Touron au levant; Pevrenière eft au nord , & paroît s'é- lever äu deflus.de cette partie de la coupe de l’entonnoir, Enfin, la montagne de l'Ache borne Touron en partie au nord. Ceite dernière montagne eft formée par couches, dont linclinaifon s’écarte peu de la 184 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, parallèle avec l'horizon, La partie la plus élevée & la plus au nord de ces couches fe termine près du pic graniteux de Chaillor-le-Vieil, le point le plus haut des montagnes, formant la chaîne qui porte ce nom. La plus grande partie des couches qui compofent l’Arche, font cal- caires, ou plutôt font formées par un cément calcaire, dans lequel font engagés des fragmens quartzeux pour la plupart, & dont les angles font pour l'ordinaire peu ulés. Les bancs fupéricurs de la montagne de l’Arche offrent une pierre calcaire grife de la même nature que celle de nos grandes montagnes ca'caires : & enefft, plufeurs des morceaux de ces bancs fupérieurs pa- roiflenc formés d'une fubftance calcaire dégagée des fragmens étrangers qui conftituent la brèche. Mais aufli plufieurs de. ces mêmes morceaux ayant pour bafe la même fubftance calcaire, renferment des fragmens étrangers quelquefois fi petits & fi rares, qu'ils ne font pas fenfibles à la fracture de la pierre: ils ne le deviennent que lorfqu’elle a refté expofée aux influences de l’armofphère, ou lorfqu’elle a féjourné dans l’eau forte. Enfin, il m'a paru que les couches fupérieures de l'Arche renferment des fragmens étrangers beaucoup moins confidérables pour le nombre & pour le volume que les inférieures. Au nombre des couches inférieures de l'Arche , que l’on peut apper- cevoir, on en diftinoue une fort confidérable, femblable à la brèche de Peyrenière, Parmi les fragmens que j'ai ramaflés au pied de la montagne de l'Arche, il y en a qui offrent un cément calcaire d’un gris clair , & quelquefois avec une teinte rougeatre, criftallifée à facettes à {a fraéture , & renfermant la fubltance brune argileufe de Peyrenière , difféminée dans fon fein, & y occupant des places plus ou moins confidérables, Après avoir beaucoup examiné ces morceaux , je penfe que le cément calcaire eft ici pour la fubftance brune de Peyrenière , ce que cette fubf- tance eft à Peyrenière pour les fels calcaires qu’elle renferme , c’eft- à-dire , que la partie argileufe brune a été en.excès à Peyrenière, & que c’eft la portion calcaire quia furabondé à l'Arche; d’où'il réfulteroit, 1°. que la formation de l’Arche & celle de Peyrenière font contemporaines ; 2°, que, dans ces deux endroits , ces deux fubftances , lorfqu’elles fe font unies , éroient fluides chacune à leur manière, la partie calcaire à l’état d'un fel parfaitement diffour , & la partie brune à l’état d’une terre dé- layée & fufpendue dans un fluide. Le triage des parties terreufes & crif- tallines s'eft fait, dans le temps de la criftallifation, par le rapprochement des parties pures & fimilaires. Ainfi, la montagne de l'Arche doit être confidérée comme formée par une brèche primitive, dont le cément calcaire eft plus où moins chargé des fragmens étrangers de différentes groffeurs. Souvent ce cément paroît entière ment SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 185 «ntièrement dépoutu de fragmens étrangers, & par conféquent à l’état de pierre calcaire fimple. IL eft à propos d'obferver , fur le cément calcaire qui fait la bafe de [a montagne de l'Arche, ce que l'on peut dire en général des fels calcaires qui conftituent la plus grande partie des montagnes calcaires: c’eft que ce cément & ces fels {ont plus ou moins mélangés de parties argileufes ou terreufes , qui ne fe diflolvent pas dans les acides, & qui, fous ce point de vue, donnent plus ou moins le caractère de dépôt à ces mon- tagnes. ; La montagne de la Provéra , qui borne le baflin de Touror au midi, eft en rapport avec celle de l'Arche, ainfi que la chaîne dont ces deux montagnes font partie, & qui limite la vallée de Champfaur au nord, depuis celle de Champoléon jufque près de la Mothe , où le granit feuilleré qui fert de bafe à ces montagnes, commence à fe montrer. Quelquefois la pierre calcaire y paroît pure; mais plus communément c’eft la brèche primitive , formée fenfiblement par les débris à angles pen ufés pour l'ordinaire des rochers graniteux , & liés par un gluten calcaire : quelquefois aufli ces brèches ne paroiflent faire aucune élervefcenée avec. l'acide nitreux, ou n’en font qu'une très-peu fenfible ; néanmoins , je crois que le gluten eft prefque toujours calcaire: mais lorfque les frag- méns qui compofent la brèche , fe touchent ou font très-ferrés , alors le gluten. eft très-rare , & il n’y a qu'une effervefcence très-peu fenfble , ou même qui ne l’eft aucunement, Prefque routes ces pierres , humectées, avec le fouffle, donnent plus ou moins l'odeur terreufe qui indique la préfence de l'argile. La fubf- tance brune de Peyrenière paroît fe montrer dans la plupart de ces brè- ches ; par exemple, dans les taches brunâtres de la brèche à petit grain, connue dans le Champfaur fous le nom de molaffe , & dont Saint-Bon- met eft bâti, J’ai un échantillon de cette dernière, qui eft attirable à Taimant. __ Les parties inférieures du baffin de Touron font recouvertes d’une pe- loufe , elles offrent de très-bons pâturages , & fe nomment /es muandes (1) de Touron. (x) Ce mot muandes eft employé dans plufieurs endroits des montagnes de Chaïllot- le-Viell, du petit Chaillot & du Valgodemar ; par-tout il paroït défigner des pâturages élevés. Ces pâturages frventà des troupeaux, que l’on fait paffer de l’un à Pautre, 2 mefure qu'ils ont dévoré les herbes du premier. Ainfi, le mbt muandes offre un fens analogue au mot ceko-sallois mud , qui fignifie tran{port , foie, changement d’ha- biration , & ces deux mots ont pour bafe les mêmes racines mo, mou, mu, qui défi- gnent le mouveient, Ja mobilité, le changement , &c. (Voyez le monde primitif, étyr, franç. ). Le R. P. Ducros, à qui j’ai communiqué cette note, a obfervé que, Tome XXW, Part. 11,1784. SEPTEMBRE. Aa 186 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, Les eaux du baflin de Touron fe réuniffent au bas & au midi de ce baf- fin , vers le pied de la montagne de la Provéra, où elles forment une cafcade appelée /a piffe : là commence une gorge nommée /a cereine blanche , au fond de laquelle coule le ruiffeau de Touron. Au bas du bañlin de Touron, à une diftance peu éloignée de la cafcade, & fur la gauche du ruifleau, on voitles foreffes de louron, efpèce de village qui fert d’abri aux troupeaux & aux bergers, ainf que de laiterie. Cette gorge fe prolonge jufqu'aux Fermonts ou Frémonts (1) ,& fe termine à la vallée de Champoléon. C'eit à peu de diftance des Fermonts que le ruilleau de Touron mêle fes eaux à celles du Drac. Ea conféquence de ce que j'ai annoncé plus haut, je reviens à Peyre- nière, pour expofer ce que je préfume fur la fituation primordiale de cette montagne, dont la pointe fe nomme le haut Puy, ou le grand fommet du: Puy. ‘ Ï1 faut fe rappeler que Peyrenièrea la forme à peu près d’une pyramide qui paroït appuyée fur la partie boréale du cône de l’entonnoir de Tou- ron, au- deflus duquel elle s'élève ; que la face oueft de cette pyramide eft féparée de l'arche par un ravin qui fait partie des muandes de Touron, & qui fe termine au nord par un précipice correfpondant au Val-Eftret; que cette pyramide eft compolée de couches inclinées au fud-eft, qui font avec l'horizon un angle d'environ $o degrés, & qui coupent Peyrenière du nord-oueft au fud-eft dans le fens des arêtes ou bords de la pyramide correfpondans à ces points de l'horizon. Ù El eft à propos de favoir encore , 1°. que le pic de Chaillor-le Vicil ef au nord oueft de Peyrenière, c’eft-à-dire, qu’il correfpond à l’angle nord- oueft de la pyramide, & à la. direction afcendante des couches; 2°, que dans cette direction entrele pic de Chaillot-le-Vieil & Peyrenière, il y a- la montagne de Maucros, la plus proche de ce pic, enfuite l'extrémité més- ridionale de la montagne de la mine , toutes les deux ‘en granit feuilleté,. & enfin un efpace vide qui forme le précipice au nord du ravin de Tous dans plufeurs endroits des montagnes des Cévennes , on emploie le mot muz, pour exprimer l’aétion de faire mouvoir les troupeaux d’un pâturage à l’autre. \ M. Villard a auffi-obfervé que, dans le Valsodemar , le Champfaur &e tout le Ga- pençois, on fe fert du mot mue, pour exprimer , changer de place ÿ & en particulier , que l’on dirmuer l'enfant, pour dire changer fes langes. Il y a beaucoup: dé moisen Dauphiné, # fur-tout dans nos montagnes , qui tiennent à des racines celtiques. La plus grande partie des pâturages élevés du: Dauphiné fe louent à des Päs- tres de Provence, qui viennent au printemps , & s’en retournent l’automne. (1) Ces deux noms fontle même ; ils font affez communs dans les pays de monta. gnes , & ils paroiffent toujours délioner des villages où des hameaux qui fe trouvent placés , comme celui-ci, à l'entrée d'une gorge qu'ils ferment SUR: L'HIST: NATURELLE ET LES ARTS. 197 fon, & qui-fair partie de Val-Eftrer; 3°. que la face nord de Peyrenière ft en -perfpective de Val-Eftret ; 4°, que fa face orientale, qui s'élève au- deffus de la chaîne des crêtes du Puy de Péoroy & l'Adrets, eft en face d’une gorge par où coule une des branches du Drac, & eft parallèle, ainfi que cette chaîné & la Drouvaire, à la partie boréale & fupé- rieure de la vallée de Champoléon, qui peut être confidérée comme le prolongement de Val-Eftret ; 5°. que les couches de Peyrenière, comme on les obfervé à l’anglé fud-eft de la pyramide , courent vifiblement du nord-eft au fud-oueft ; de manière que fi l'on conçoit leur largeur pro- longée dans ce fens, ellesiroient fermer Val-Eftrec d'un côté, & de l’au- tre le ravin quielt entre la montagne de l'Arche & la face occidentale de Peyrenière; 6. qu'il eft très-certain que ces couches , dont la fupérieure . forme aujourd'hui d’arête fud-eft de Peyrenière , & a environ 4 à $ toifes de largeur; qu'il eft , dis-je, très-certain que ces couches ot eu primor- dialement une largeur ou une étendue infiniment plus confidérable; 7°, que les rochers du Chatelard & du Chapeau, qui paroiflent avoir une exiftence ifolée , font abfolument femblables à celui de Peyre- nière. Plus j'envifage ces confidérations, & l’état actuel des lieux dont je viens de râcher de donnerune idée , moins je puis me refufer à celle qui me repré- fente Peyrenière | le Chapeau & les rochers du Chatelard , comme faifant, dans leur prémier état ,une feule mafle du même genre , qui couvroit les crêtes de l’Adrets, du Puy de Péoroi,, ainfi que la Drouvaire, & dont les couches fe prolongeant au nord eft, élevoient le fol de cette partie - de la vallée de Champoléon au niveau peut-être des crêtes du Puy de Péoroi & de l’Adfrets, Cette même idée me repréfente encore les couches de Peyrenière in- clinées vers le fud-eft, s'appuyant fur les montagnes de la mine & de Maucros, & finiflant vers le pic de Chaillot-le-Vieil. Alors le baflin de Touron, ainf que Val-Eftret , la vallée de Cham- oléon & les gorges qui y aboutiffent ,-n'exiftoient pas, du moins telles qu'elles font. La révolution qui les a creufés , a détruit la partie non exiftante de cette maffe; c’eft elle qui a fait difparoître la communication entre Les rochers du Chatelard, celui du Chapeau & Peyrenière; c’eft elle qui a découvert la Drouvaire , & les crêtes du Puy de Péoroi & de FAdrets , qui, plus folides, n’ont pas cédé à lation deftruétive des * courans qui en étoient les agens. C’eft fans doute cetté même révolution qui a creufé le bain de Touron , & la gorge de la cereine blanche par la- quelle Les eaux de ce bain s'écoulent , ainfi que le ravin formant partie des muandes de Touron, qui fépare l'Arche de Peyrenière , & enfin l'efpace en forme de précipice qui termine ce ravin au nord, & qui fé- pare Peyrenière de la montagne de la mine. L'on peut encore obferver que Le courant qui s’étoit établi par Val- Tome XXV, Part. II, 1784. SEPTEMBRE. Aa 2 188 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, Eftrer, a dû être le principal agent de cette ruine. Îl a agi avec d'autant plus de facilité, que la mafle primordiale de Peyrenière lui préfentoit en face la partie la plus élevée de fes couches. 4 C’eft fans doute aux révolutions de ce genre & de cette époque que font | dus les débris immenfes qui ont donné liew aux dépôts qui compofent par couches parallèles entre elles, & le plus fouvent aufffavec l'horizon, la plupart des côteaux & des baffes montagnes appelées tertiaires par quel: gues Naturaliftes , ainf que le fol'de la plus grande partie de nos plaines, On peutobferver des dépôts de ce genre depuis Ponteaux , a‘une lieue au 1 delà de Lamure, dans le Beaumont: & le Champfaur ; ils forment le plus fouvent le fol de ces vallées , recouvert par la terre végétale. La couche de certe terre eft ordinairement peu profonde , mais elle eft rendue féconde par plufieurs canaux d’arrofage (1), creufés par la main des habitans, &e dirigés & confervés en partie par leur propre indultrie, La vallée de Champoléon feroit fertile, fi les torrens qui la:pattagent f ne la couvroient de galets dans fa plus grande étendue. Ce fpettacle de dé: : vaftation | commun à une partie du Champfaur même & à la plupart des vallées profondes qui fe trouvent dans les Alpes, faitéprouver unfen- timent pénible au Voyageur qui les parcourt. Il me femble que le Natu-- ralifte, même le plus occupé de fon objet, ne peut s’en défendre. Qu’ih me foit permis d'ajouter , que l'Obfervateur doit bien fe garder de fe re- fafer aux premières impreflions de ce- fentiment , rout pénible qu'il: eft. à C’eft par le fentiment que homme tient à fes femblables; c’eft par le fentiment qu'il les aime ; c’eft par lui qu'ilen efkaimé. Tout ce qui ne touche qu’à lefprit tient de trop près à l'amour-propre , pour: ne pas le rendre égoïite. Le fens aride de ce mot n'a été univerfellement:compris que dansce fiècle froid'& brillant comme la glace, où l'efprit /y/#marife, calcule & raifonne ; où il s'exalre feul, & où il paroît faire de fi grands pas. vers les chofes ignorées; tandis que le cœur fe refroidir & fe defsèche, & que les Beaux Arts perdent leur chaleur & leur vie. Avant de terminer ce Mémoire, je ne puis me difpenfer de confidérer: un moment la chaîne des montagnes qui borne le Champfaur au:nord:,: depuis la vallée de Champoléon jufqu'à la: Motte en Champfaur. La pierre: qui compofe cette chaîne eft en général femblable à celle de: la montagne dè l'Arche ; elle ef formée d’un cément calcaire de la même: nature que les grandes montagnes calcaires oppofées, qui limitent la vallée: du Champfaur au midi. Souvent ce cément paroît pur, mais plus fou. * vent-encore il renferme des fragmens étrangers plus ou moins confidé-: rables:, & dont les angles font pour l'érdinaire peu arrondis. (x) Le canal des Herbeys, qui prend fes eaux dans Îe Valgodemar, a plus da z0o0toifes de longueur: , 1 SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS, 189 L’on peut obferver, dans quelques-unes de ces brèches , que la fubf- tance brune de Peyrenière sy montre, comme nous l'avons déjà re- marqué. Dans quelques parties de cette chaîne , Pon voir , ainfi qu'à l’Arche , des bancs formés de la pierre rougeâtre de Peyrenière ; ce que nous avons vérifié à notre retour de Champoléon, en paflant au-deflous de Rochas: Roux, entre Chaïillolet & les Combes. Nous y avons ramaffé des échane tillons d’une brèche abfolument femblable à celle de Peyrenière. Enfin, & en général, la pierre dont ces montagnes font formées, eft compofée de granits divifés en fragmens ou en poudre , lorfqu’ils ont été argileux , unis & mélangés avec un fel calcaire, dans le temps qu’il étoit Auide € diffout. Dans quelques endroits de cette chaîne, & fur-tout près de Rouarer ches, l'on obferve des manières de colonnes ou prifmes irréguliers, for- més par la brèche qui compofe ces montagnes. Ces prifmes ontr1,2, & jufqu’à 4 à $ toiles de hauteur : la plupart paroiflent adhérens au ro- cher, & comme implantés fur les bancs ou couches de la montagne , & leur formation paroît due à la dégradation des montagnes, fur la pente defquelles ces prifmes font difperfés. Quelle eft la caufe qui a dégradé les couches de ces montagnes, de manière que plufieurs de leurs parties ont été détachées, & que quelques autres font reftées en place fous la forme de prifmes irréguliers ? Eft-ce d'anciens coutans qui les ont formés ? Eft-ce la main lente du temps qui les a taillés, & qui agit encore pour détacher les parties voifines, tandis qu'elle refpecte les parties des prifmes mêmes> Enfin; les parties de ces colonnes vraiment fingulières ont-elles plus dures que celles qui les avoi- finent ? ou bien le cément qui les lie a-t-il plus de ténacité, a-t-il mieux réffté aux influences de l’atmofphère, que celui qui unifloit les parties dé- gradées > C’eft, je l'avoue, ce que j'ignore encore. Jufqu’à préfent , il ne s'eft préfenté à mon efprit aucune idée qui n'ait fatisfait aflez pour: m'y arrêter , comme préfentant une étiolooie fondée fur quelques. faits connus. : TL eft vrai que le temps nous prefloit lorfque nous avons été à Roua- renches , & que nous n’avons pu qu'en donner très-peu à l'obfer- yation. Je dois ajouter que le plus grand nombre de ces colonnes prifmatiques- m'a paru toujours exifter fur des parties de ces montagnes dont les: pentes n’excédoient pas 40 degrés; ce qui paroît indiquer que , quelle que foit la caufe qui a dégradé le fol de ces pentes & taillé ces colonnes, de femblables colonnes n’ont pu exifter fur une pente plus rapide. Depuis Champoléon, les montagnes que l’on voit fur la rive gauche de la partie du Drac qui partage la vallée de ce nom, offrent aufli, comme: selles de la rive droite , la brèche ancienne. & La pierre ou cémenvcalcaire 190, OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, pur, Toutes ces montagnes mélangées repofent très-fenfiblement fur fes montagnes graniteufes auxquelles les premières viennent s’adoffer, Ces montagnes mixtes paroiflent former ici un intermédiaire entre les grandes montagnes calcaires pures & les granits. Tel eft le réfultat de mon voyage aux montagnes de Chaillot-le-Vieil, que je n'ai pu me difpenfer de rendre public; 3°. parce que M. de Lama- non l'a deliré (1); 2°. parce qu'il me femble qu'il offre des chofes qui, jufqu’à préfent, n'ont pas été décrites d’une manière affez précife & aflez complette ; 3°.enfin, parceque les faits que ce Mémoire préfente pourront peut être déterminer quelques perfonnes à lesexaminer de plus près, avant d'en faire la bafe de quelque fyftême. Au refte, ce n'eft point M. de Lamanon que je contredis ; c'eft er ment ce que j'ai vu que j'expofe. Je défire fincèrement être rectifié dans les chofes où je me ferai trompé , & que la vérité paroifle dans tout fon jour. Je dois encore faire obferver que c'eft fur-tout dans les grandes mon- tagnes que le Naturalifte le plus inftruit , le plus de bonne foi, & le moins {yftématique, eft expofé à être furpris par l'erreur; il y eft, pour af dire, abandonné à tous fes piéges. L'illufion fouvent féduifante du premier ap- perçu, le peu de temps qu'il a pour obferver, la fatigue, l'épuifement , & la fenfation accablante & douloureufe qui en réfulte, les dangegs enfin auxquels s’expofe le Naturalifte , offrent une foible idée des obftacles qui fans cefle tendent à l’arracher à l'attention néceffaire pour bien obferver, & dans laquelle il ne peut fe maintenir ou fe rétablir que par une forte de lutte continuelle. - Fait & terminé à Grenoble le4 Avril 1784. PRUNELLE DE LIERE. (1) En conféquence, le R.P. Ducros , qui n’a reconnu aucun volcan dans la vallée de Champoléon, a communiqué fon fentiment à cet égard à M. de Lamanon, dans la correfpondance que ces deux Naturaliftes ont eue enfemble. Quantà M. Vil- lard , il n’a point eu l’avantage , ainfi que moi, de correfpondre avec M. de Lama- non ; mais il a étéle premier à rendre publique fa façon de penfer. ( Voy. Affiches du Dauphiaé ,n°, 27, année 1783); & d’ailleurs il a adreffé à l'Académie des Sciences an Mémoire fur cet objer. NN 7 | | ! | SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 19r MÉMOIRE Sur les Volcans éteints du Val di Noto en Sicile ; Par M. DE DOLOMIEU, Commandeur de Malte, Correfpondant de L'Académie des Sciences, Fe mont Etna n’eft ni le feul, nile plus ancien volcan de la Sicile, Cette Ifle a été, dans tous les temps, la proie des feux fouterrains , & ils y avoient établi leur empire deftructeur long-temps avant la retraite des eaux & le defféchement du globe. Les deux grands agens de la Nature dansle règne minéral y ont travaillé dans le même temps & dans les mêmes lieux , à la formation des montagnes ; ils y ont mêlé leurs produits , & y ont laïflé des preuves certaines de leur action fimultanée, On voit les matières volcaniques dans Le fein des montagnes calcaires, & les bancs calcaires s'y trouvent interpofés au milieu des courans de lave, L'ordre & l’arran- gement fymétrique de ces différentes matières prouvent que leur mé- Jange n’eft point l'effet d’un bouleverfement inftantané ; qu'il n'a point été produit par une de ces grandes cataftrophes de La Nature, qui réu- piffent dans les mêmes lieux les fubftances qui ont pris naïflance à une grande ditance les unes des autres: enfin , elles ne font point difpofées ainfi par les courans qui entaflent confufément ce qu’ils arrachent fur leurs paffages. L’exiftence des volcans, avant la formation de certaines monta- gnes Calcaires, eft une vérité qui m'a été conteftée, lorfque je l'ai annoncée en 1776, d'après mes obfervations en Portugal; vérité qui a été appuyée par les defcriptions des volcans éteints d'Allemagne, données par diffé- rens Auteurs , & à laquelle les volcans éteints du Val di Noto donnent le dernière évidence (1). Ces volcans préfentent encore d’autres parti- cularités intéreffantes , qu’on ne rencontre point ailleurs , & que je crois devoir faire connoître. Les volcans éteints de la Sicile occupent le centre du Val di Noto; mais il feroit difficile de fixer exactement leurs limites, parce qu'ils en« (1) M. Definarets avoit lu en 1775, à l'Académie des Sciences, un Mémoire f4# Z3s époques des volcans , qui a été depuis inféré par extrait dans le tom. XIV, pag. 115. I] parle dans ce Mémoire , des volcans dont les laves. ont été recouvertes par des couches calcaires. Cette vérité ne peut pas être révoquée en doute, ayant été æconaue depuis , & peut-être même auparavant.par plufieurs obfervareurs, \ 192 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, voient par-deffous les mañifs calcaires , des courans de lave qui y reftent enfevelis, &donc il n’eft pas pofñlible de fixer l'étendue. Souvent, en creu- fant au milieu de la pierre calcaire, on eft tout étonné de trouver des matières volcaniques dans des lieux où on ne devroit pas foupçonner ces produits du feu. Les laves de ces anciens volcans , en partant des mon- tagnes qui les ontlancées , comme autant de rayons divergens , vont s’é- tendre jufqu'aux extrémités de cette Province , & arrivent jufqu'à la mer qui bat fes côtes. Je crouvai les premiers indices de ces volcans, en allant de Syracufe à Sortino , à une lieue de cette dernière ville, au fond du profond vallon qui y conduit. Quelques morceaux de laves entraînés & arrondis par les eaux , m'annnoncèrent d'avance que j'allois entrer dans un pays volcanique. Mon attention fe fixa bientôt après fur un courant de laves que je vis fortir d’une montagne calcaire qui étoit fur ma droite; il étoit coupé par un vallon dont les eaux couloient fur un fol calcaire, & alloit fe perdre dans le maflif également calcaire qui étoir fur ma gauche, Je paffai enfuite al- ternativement fur desmatières calcaires & volcaniques , pour arriver à Sor- tino, ville baronale bâtie fur une montagne calcaire qui domine le vallon, & qui lui préfente des efcarpemens de plus de 200 toifes d’élévation , dans lefquels les bancs de pierres dures font horizontaux, & exactement paral- lèles. Les environs de Sortino m’offrirent des phénomènes & des fingularités dont l'explication me parut difficile, & qui tinrent pendant long-temps mon efprit en fufpens. Je vis d’abord les matières volcaniques enfevelies fous des bancs horizontaux de pierres calcaires, très-coquillières, conte- nant fur-rout une infinité de madréporites, quelques-uns d’un volume énorme, Je vis enfuite des hauteurs dont les fommets feuls étoient volca- niques, & les noyaux calcaires, fans que les laves qui couronnoient ces fommets euffent communication avec aucun courant, & euflent d'autre étendue que Le plateau qu’elles recouvroient. Ces laves n’avoient pu être formées où je Les voyois; elles étoient venues d’ailleurs ; mais d’où &e comment ? furent les premières queftions que je me fis, & auxquelles je fus long-temps à trouver une réponfe. Je ne concevois pas comment elles avoient pu s’amonceler fur les hauteurs où je les trouvois ifolées , & où elles n’avoient relation avec aucun courant dont je pufle fuivre les traces jufqu’au foyer, d'autant qu'elles étoient environnées de vallées , toutes creufées dans la pierre calcaire. Je me déterminai à confulter les montagnes les plus hautes, qui étoient à quelque diftance. J'en vis de loin plufeurs dont la forme étoit à peu près conique, & dont les fommets étoienc pointus; elles étoient vers le nord, ou nord-oueft de Sortino, dans la direétion de l'Etna, qui terminoit mon horizon, à une diftance de 13 ou 14 lieues, J'imaginai dans l'inftant que ces montagnes étoient les vrais volcans ; qu’elles repofoient fur les foyers où s'étoient préparées ‘) SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS, 197 préparées és laves que j'obfervois, & que ces foyers pouvoient avoir communication avec ceux de l’Etna. Ce petit fyftème arrangé me paroïf- foittout naturel, & je cherchois déjà à expliquer comment avoit pu être zompue la communication des laves de Sortino avec les montagnes dont elles éroient forties, Mais quel fut mon étonnement, lorfqu’après avoir vifité fucceflivement routes ces montagnes, je vis qu'aucune d'elles ne contenoit la folution de mon problème, & que même elles ajoutoient infiniment à la difficulté de fon explication? La montagne Saint-George , une des plus hautes de tout le canton, du fommet dè laquelle je pouvois prendre une idée topographique de tout le pays , qui domine tout ce qui entoure , à l'exception de quelques pics calcaires qui lui font au fud (tel que celui de la montagne de Boujuan); cette montagne, dis-je , dont la forme eft conique , & qui eft ifolée par des vallées , dont le fol lui étoit fur-abaiflé de 3 ou 400 toifes à fa bafe calcaire, Sur cette première aflife repofe une couche volcanique , enfuite une autre tranche volcanique calcaire, à laquelle fuccède un fommet formé d'unelave dure, Une autre montagne auprèsdu fief dela Copodia , également conique, eft route volcanique , à l'exception d’une couche de pierre calcaire dure & blanche, qui la tranche à moitié hauteur parallèlement , a fa bafe. Quel- ques montagnes où les couches volcaniques ou calcaires font plus où moins nombreufes. La montagne de Pimalia eft volcanique à {a bafe, & calcaire à fon fommet; & enfin, la montagne ifolée fur laquelle eft bâtie la ville de Carlentini , elt moitié calcaire & moitié volcanique: mais ici la divifion des deux fubftances fe fait par un plan vertical. La partie du nord , c’eft-à-dire, celle qui eft en face de l'Etna, eft calcaire, celle du midi eft volcanique. Cette dernière circonftance me prouvoit bien évi- demment que ces laves n’avoient pu venir de l'Etna , quand même j'aurois fuppofé la formation de la plaine de Catagne produite par l'effort des courans, & poftérieure aux irruptions de ce volcan, puifque ces laves n'auroient pu s’amonceler derrière un mafñlif calcaire qui lui étoit oppolé. Après être arrivé à cette limite des volcans dont je pourfuivois Je foyer, je pris du côté de left; je fuivis jufqu'à Me/i/li les hauteurs qui accompagnentda vallée de Lentini , & qui dominent la plaine d’Au- guffe; & cheminant à mi-côte, je vis déboucher du milieu des montagnes gnes calcaires, qui , réunies par leur bafe, ne forment qu'un même groupe, fous le nom de monts Hybléens, Colles Hyblei, plufieurs courans de lave qui fe terminent comme s'ils avoient été coupés, fans avoir eu le temps de defcendre dans la vallée, & de s'incliner pour en prendre la pente. Plufieurs de ces courans font criftallifés en bafaltes 'prifmatiques: on en voit de très-belles colonnes auprès de Melilli. Au delà de cette ville juf- qu'à Syracufe, on ne voit plus de traces de volcans, & les efcarpzmens en face du golfe d’Augufte n'offrent qu'un maflif calcaire en bancs ho- xizontaux, Tome X XV, Part, II , 17984. SEPTEMBRE. Bb k 194 OBSERVATIONS SUR EA PHYSIQUE, Les courfes infruétueufes que j'avois faites au nord & à left de Sor- tino, pour trouver les foyers qui avoient pu fournir les laves que j’avois rencontrées, loin de me décourager , ne firent que m’engager avec plus d’ardeur dans de nouvelles recherches. Je revins à Sortino, & en allant viliter l'emplacement de l'ancienne Erbeffus ,connue maintenant fous le rom de Pentarica , je traverfai deux gorges d’une extrême profondeur, dont les encaiflemens , taillés prefque à pic, ont plus de 600 pieds d’élévations Je n'y vis rien que de calcaire, & je m’aflurai ainfi que les volcans que je cherchois , n'étoient pas dans la partie du fud. Il me reftoit à vifter celle de l’oueft; j'y voyois de loin de très-hautes montagnes, & je ne pouvois plus douter qu'elles ne duffent être le centre des courans de lave que Javois vus difperfés & dépecés en tant de lieux différens. Je m'’acheminai donc fur celle qui me parut la plus haute, & que lon me nomma Santa Venere : elle eft à trois lieues à l’oueft de Sortino. Le chemin qui y conduir eft fur un fol entièrement calcaire; mais après avoir defcendu un vallon pour arriver au pied de la montagne, tout devient volcanique. Ty vis des laves poreufes 8 compactes en blocs ifolés & en fragmens , des cendres , des fcories, & généralement tout ce qui caractérife une mon- tagne formée par l'entaflement des éjeétions volcaniques. La montagne s'élève fous une forme à peu près conique, dont Le diamètre de la bafe eft alongé de left à l'oueft. Sa pente eft rapide; je la gravis du côté du fud, Au tiers de fa hauteur, fur un petit plateau en corniche , je trouvai un petit lac de forme irrégulière, qui me parut avoir été une des bouches la- térales du volcan. Le fommet eft terminé par un platéau un peu concave, qui en domine un autre un peu moins élevé du coté de l'oueft. L'un & l'autre doivent être l'emplacement d'un cratère comblé par le temps ow par La main des hommes; car je trouvai fur ce fommer des fragmens de- tuiles , de briques & de pierres taillées , qui me firent foupçonner qu’an- ciennement on y avoit fait bâtir un Fort où Château, d’où on jouifloie sûrement de [a vue la plus étendue , & la plus propre à faire des décou- vertes. Je ne pus pas douter que cette montagne ne fût le volcan que je cher. chois , & quiavoit répandu fes laves à une trèstgrande diftance autour de lui, fur-tout dans la partie de left : mais il me reftoit à réfoudre le pro- b'ème de la formation des montagnes ifolées & coniques, mi- parties volcaniques & calcaires, qui ne tiennent à aucun courant, & qui fem bloient n'avoir aucune relation direéte avec mon volcan. L'étude de la montagne Santa Venere, & des pays circonvoifins , m'apprit que ce volcan s'étoit élevé au milieu de la mer, qui alors occupoit nos conti- nens , que fa cère feule s'éroit foulevée au-deffus du niveau des eaux. Je fus convaincu que , lorfqu’il répandoit autour de lui des rorrens de ma- tières enflammées , la mer entafloit des dépôts calcaires; que chaque: nouvelle éruption trouvoit un fol plus élevé, fur lequel elle fe répan- 14 SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 1e; doit; que bienrôc les nouvelles matières volcaniques étoient enfevelies fous de nouveaux dépôts, & qu’ainli, par lentaflement fuccefif & régu- lier des produits du feu & des dépôts de l'eau , s'écoic formé un énorme mañlif , à fommet applati & horizontal, Ce mailif occupoit tout le centre du val di Noto, recouvroit de plufieurs centaines de toifes Le fol fur ie- quel s’étoit répandu les premières laves, & fut divifé , morcelé & dé. gradé par les courans ou par le ballottement des eaux, lors de la grande débacle ou de la cataftrophe qui changea l'emplacement des mers. Les vallons & les gorges qui fe formèrent au milieu de ce mañif , féparèrent leslaves de la montagne à qui elles appartenoient , coupèrent les cou- trans, & façonnèrent , avec les débris de ce maflif, des montagnes de toutes les formes , mais la majeure partie conique, ainfi qu’on peut le voir journellement , lorfque, dans un terrain argileux & fubmergé, l'eau fe retirant avec précipitation , excave par-tout où elle trouve moins de réfiftance, creufe les premiers fillons qu'elle a tracés, & forme de petits cônes , donc les fommets font à la hauteur du fol fur iequel repofoient les eaux. Les parties où les laves avoient coulé fucceflivement dans la même direction , les unes au-deflus des autres, ont donné naïffance aux montagnes dans lefquelles les couches volcaniques & calcaires fe fuccèdene parallèlement, Celles fur lefquelles aucunes laves ne fe font portées , n’ont produit que des montagnes totalement calcaires, qui fe trouvent entre- mêlées avec les autres. Celles enfin fur lefquelles le hafard ou des circonf- tances locales ont entaflé de préférence , & dans le même lieu ,les ma-… tières que vomifloit le volcan, fans laiflèr le temps au dépôt des eaux de fe mêler avec elles, ont produir quelques petites montagnes prefque en- tièrement volcaniques, où les cendres font aglutinées par une pâte cal- caire. Mais, pour parvenir à expliquer la formation de la montagne de Carlentini , il faut fuppofer qu'un vafte courant de lave s’étoit enflé & en- taflé à fon extrémité; que là sétoit faite fon interfection, pendant que les eaux arrondifloient la portion du maflif calcaire contre lequel il s’ap- puyoit, & façonnoit ainfi un bloc mi-parti, dont la divifion des matières fe feroit par un plan vertical. Cette théorie rend raifon de tous les phé- nomènes & de toutes les fingularités qui s’obfervent dans le mélange des produits du feu & des dépôts de l’eau, & une infinité de preuves de différens genres , mais qui feroient étrangères à ce Mémoire , concourent à démontrer l'exiftence d’un ancien plateau, qui étoit élevé de plufieurs centaines de toiles au-deflus du fol aétuel des vallées & du niveau de la mer, qui couvroit non feulement le val di Noto, mais encore route la Sicile, & dont les débris ont formé toutes les montagnes actuellement exiftantes , à l'exception de l'Etna, La montagne de Santa Venere eft la plus haute du Val di Noto, & une des plus hautes de la Sicile, après le mont Etna. De fon fommet, on découvre une étendue immenfe. La diftance & Pillufñon de Poprique Tome XXV, Part. Il, 1784. SEPTEMBRE. Bb 2 196 OBSERVATIONS SUR L4 PHYSIQUE, font paroître plat & de niveau tout Le pays qu'elle domine. Quoique ce: {oit un affemblage de montagnes féparées par des gorges profondes, elle eft couverte de neige tout l'hiver, & même elle la conferve pendant l'été. dans des fofles où.on la raflemble pour {a provifion de Syracufe & des. villes voifines. Le 1$ Mai, j'avois trèschaud avant de m'élever fur cette montagne, & je fentis un froid très-vif lorfque je fus au fommer. A midi même, le foleil n’étoit pas affez chaud pour contrebalancer la fenfation. du froid. Le thermomètre de Réaumur, placé à l'ombre, reftoit au point de congélation. Tout le côté qui eft fous Pafpe“t: du midi, eft cultivé’, malgré la pente rapide & la quantité de blocs & de fragmens de lave qui le couvrent. Le froment y croît aflez bien, à la faveur d'un peu de terre noire qu’on apperçoità peine au milieu des pierres. Les épis de froment éroient. prefque mûrs au pied de la montagne, pendant que le blé éroic encore en herbe fur le fommer. Il y a plufieurs petites fources à une très-grande hauteur, fournies par la. fonte des neiges, qui donnent une eau fraîche & légère, À l’'afpect du nord , la montagne eft couverte de bois depuis le fommet jufqu’au tiers de fa hauteur. Au-deffous de Ja li- mite. de cetre forêt, c’eft-à-dire, aux deux tiers de fon élévation, ta mon- tagne-a.une enceinte calcaire qui lenveloppe-du côté du nord, qui cache fa bafe, & qui l'unit à des montagnes calcaires qui font au-deflus d’elle.. IL eft évident que toute la montagne, à la réferve de fon fommet, a été enfevelie fous les pierres: calcaires, & que ce font les: courans qui Font de nouveau ifolée, & qui l'ont détachée, dans la partie du fud, dæ mafñlif au milieu duquel elle fe trouvoit. Une eau qui:court, creufe em tournoyant au pied du rocher, qui s‘oppofe directement à fon impulfonz de.même la tête de cette montagne a. pu occafionner un effet femblable. en préfentant un obftacle aux courans qui circuloient autour d'elle. En mefurant cette montagne, ce que les: circonftances ne m'ont pas permis de faire, on pourroit peut-être reconnoitre la hauteur que les mers n’ont-pas furpañée pendant l'inflammation de ce volcan, puifque , fi: fon fommer.eût été fubmergé & que fon cratère eût été rempli.par les eaux qui. l'environnoient, elles auroient communiqué par fa cheminée avec fon foyer, & elles. auroient ou: ralenti, ou anéanti fes feux, done le travail long & a@if eft prouvé par l'immenfité des matières qu'il vomies ; de même ,en mefurant la hauteur où commencent les pierres cal- caires,. on fauroit que les eaux fe font néceffairement élevées au-deflus; & entre ces deux extrêmes ,,on pourroit, avec vraifemblance., fuppofez L'ancien niveau pendant une époque fort longue. En jugeant par approxi- marion, & comparativement avec les.autres fommets qui m’environ- noient, je croirois que la hauteur de cette montagne eff au moins ds 7 à 80otoifes an-deflus du uiveau actuel, & que les premières couches: galcaires font: élevées de 5 ou-600 toiles. Il:y a donc un trèsagrand. intervalle , relativement à: l'élévation entre lez D ARE ce SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS, roÿ fol fur lequel ont coulé les premières laves, & celui fur lequel fe fonc répandus les coutans poftérieurs. Une des laves les plus bafles , & par eonféquent des plus anciennes , eft celle qui forme le fol de la vallée dite Piano delli Mari, près de Sortino. Le fond eft une efpèce d’impafto: volcanique, formé de cendres & de fragmens de fcories, foiblemens aglutinés, recouvert par une lave folide. Ces matières pénètrent fous les eôtaux, voilins ; de manière que fr le berceau de la vallée avoit été un: peu moins creufé , fon fol auroit été calcaire, fans qu'on püt foupçonner qu'il recéloit un courant de lave. Au milieu de cette vallée il y a un trou rond de 12 pieds de diamètre, & de #5 ou 20 de profondeur :il s’eft ouvert pendant, les tremblemens de terre de 1780, par l’affaiflemenr de ce qui formoit le- toit de la cavité à laquelle il communique. H! m'auroit fallu des cordes pour y defcendre, & je ne pus pas n'en procu- rer; d’ailleurs l’entreprife n’auroit pas été fans danger. Je vis de fes bords qu'il donnoit jour à une galerie qui va de l’eft à l’oueft, felon la direction que devoit avoir le courant, & qui peut être remonte jufqu’à la monta- gne de Santa Venere , diftante de deux lieues. Il y a-une infinité de fem- blables galeries foutérraines au milieu des laves de l'Etna. A trois lieues à l'eueft de la montagne de Santa Venere, il y a une: autre grofle montagne volcanique, nommée Monte Lauro ; fon fommer étoit également hors de l’eau, & fes flancs recéloïent un foyer qui pré- paroit les laves qu’elle lançoit à une grande diftance autour de {a bafe, €e volcan a été , ainfi quele premier que j'ai décrit, enfeveli au milieu du mafif calcaire, & il a mêlé fes productions avec celles de la mer. Sa: fommité domine toutes les montagnes des environs, & il eft terminé par une ‘efpèce de plateau inégal, dont le contour irréguiier peut avoir‘ deux milles de diamètre , & fur la furface duquel il y a quelques endroits creux, comme de petites vallées femblables à celles du fommer de l’Etna;: mais Je n'y ai trouvé aucun veftige du cratère qui devoit y exifter ancien- nement, & que les cataftrophes de la Nature ont fair difparoître, Il y a» #ne grande quantité de blocs de laves de différente nature ,. & toute la: montagne eft formée de lave , de cendres & de fcori:s entaffées par couches, qui indiquent les éruptions fucceflives du volcan. La: bale du Monte Lauro , du côté de l’oueft & fud-oueft , eft enfevelie fous-les mon- gnes calcaires du Comté de Modica; de manière que le petit village de Mon- ze Roffo eften mêmetemps la limite du Comtéde Modica , & des produc-- tions volcaniques vifibles. Si au delà on ne trouve plus de veftiges de vol- cans, ce n'eft pas qu'ils n'aient envoyé des laves fur cette direétion , mais c'eft parce que l’ancien maflif y a été moins morcelé:, & que les gorges 3'y ont pas été approfondies au point de rejoindre & de couper les cou- zans de laves qui ont paflé au-deflous , & qui fe font étendus jufqu'aur €ap Paffero , à une diftance de plus de dix lieues: Rien n'égala mon: &onnement, lorfque, me promenant au bord de la mer , fur la côte voi: 198 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, fine du Cap, on me montra des morceaux de lave dure & compacte que l'on venoit de trouver en creufant un puits à peu de diftance du rivage, & dans laquelle on avoit été obligé de pénétrer pour trouver de l’eau. Ce courant doit avoir traver{é tout l'énorme mafñlif calcaire du côté de Modica, pour arriver jufque-là. Les laves de Monte-Lauro, qui ont décrit d'autres rayons, & qui fe font dirigées vers d’autres points autour de fa bafe , fe font mélées avec les couches calcaires , comme celles de Santa Venere, & ontenfuite été fépa- rées de leur montagne originelle. La montagne au pied de laquelle eft bâtie la ville de Bucher:, & qui eft détachée par une vallée ou gorge pro- fonde , du groupe de montagnes au centre duquel eft Monte-Lauro, pré- fente dans fa partie du fud-oueft une alternative de couches calcaires &c volcaniques, qui fe diftinguent de loin par la couleur noire des unes , & blanche des autres, Son fommet , formé par un plateau très-élevé & fort étendu , eft entièrement couvert d’une couche volcanique ; mais dans la partie de Buchenic, le mélange ne fubfifte plus; tout y elt calcaire, & l’on croiroit que la montagne à laquelle eft adoffée cette dernière petite ville, feroit la limite des produits du feu & des volcans éteints, fi, dansle fond des gorges extraordinairement profondes qui entourent la ville de Pala- zuolo , on ne trouvoit des laves qui percent des deux côtés le maflif cal- calcaire & efcarpé fous lequel ces courans font enfevelis. Ces laves , peut- être de la même époque que celles de la plaine dell Margi, dont j'ai parlé, font recouvertes au moins par 400 toiles dewpierres calcaires en cou- ches horizontales. Entre Bucheri & Vizini, toutes les montagnes font mi-parties calcaires & volcaniques. Cette dernière ville eft bâtie fur la pointe & à l'extrémité d’une montagne efcarpée de trois côtés , & entourée de gorges très-pro- fondes; elle tient du côté de left à une autre montagne avec laquelle elle eft enchaînée, & qui la domine. Cette montagne, dite du Calvaire , eft formée par des bafaltes qui préfentenc leurs têtes ou les extrémités de leurs prifines fur tous les côtés d'une efpèce de dos d'âne. J'ai jugé , d'a- près cette polition , qu’ils partent tous d’un centre commun, dont ils s'é- loignoient en divergeant. Il y a une carrière ouverte fur les flancs de cette montagne , par-laquelle on détache des prifmes ou tronçons de prifmes très-réculièrement criftallifées. On s’en fert pour paver les rues, pour faire des bornes au coin des maifons, & pour le feuil des portes. Les prifmes font pentagones ou hexagones; leur diamètre varie depuis 1 pied jufqu'à 2 ;ils font articulés, & leurs vertèbres ont 4 & 5 pieds de lon- gueur. Leur matière eft une lave noire , compacte, très-dure. Il y a quel- ques groupes où les bafaltes font moins bien exprimées ; alors j'ai re- marqué que la matière eft plus poreufe & moins dure, raifon pour la- quelle le retrait s’eft fait moins régulièremen:. Les efcarpemens qui entourent Vizini, montrent, d'une manière plus SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 190 frappante que nulle autre part, le mélange des produits du feu & des dé- pôts de l’eau; j'y ai compté onze couches, alternativernént calcaires, ot argile calcaire & volcanique , & elles paroïffent de loin comme une étoffe rayée de noir & de blanc. Si j'avois même voulu diftinguer tous Les pe- tits bancs d’r pouce d’épaifleur , le nombre des couches auroit doublé: on y voit les matières volcaniques en couches minces au milieu de deux bancs calcaires fort épais, ou des bancs calcaires très-minces au milieu des laves. Les matières volcaniques font ici de différentes efpèces , & varient d'une couche à l’autre. Les plus communes font formées par un fable noir aglutiné , qui a produit une efpèce de zuf (tuffo ) volcanique. On voit que ce fable ou cette cendre a été fufpendue quelque temps dans l'eau , & qu'elle s’en eft précipitée plus où moins promptement, à raifon de fa groffeur, puifque l'œil diftingue dans chaque banc une infinité de couches minces les unes fur les autres; & celles de deffous ont le grain plus gros que celles de deffus. D'autres bancs, ceux-là fortépais, font un poudingue volcanique , formé de fragmens de lave de différentes denfités & couleurs , aglutinés par une matière calcaire, ou par une matière noire argileufe ; quelques-uns pa- roiffent le produit de déjections boueufes , bitumineufes, En général , il y a peu de courans de iaves dures & compactes, Dans plufieurs couches , les deux différentes matières font mélées & confondues, à peu près par partie égale; mais on voit que la partie calcaire a enveloppé l’autre, & s'eft modelée deflus, En général , danstousles bancs calcaires , quelle que foit leur épaiffeur , il ya quelques fragmens volcaniques. Cette obfer- vation eft commune à toutes les montagnes dépendantes de Santa-Vencre & Monte-Lauro. F Toutes les fentes, fiffures & cavités des matières volcaniques font gar- nies de lames & de criftaux de fpath calcaire, ou d’une matière blanche qui approche de la nature du liége-foflile , tel que celui que j'ai trouvé dans les bafaltes de Lifbonne, Parmi les matières volcaniques de Bucheri & Vizini , on trouve beau coup de groffes boules de laves, formées de couches concentriques, qui fe détachent les unes des autres lorfqu'on rompt la boule, & dont aldrs les morceaux reffemblent à des fragmens de bombes: on y trouve auf quelques autres bafaltes, dont lestronçons, arrachés par les eaux, ont été eatrainés dans le fond des vallées, Les produits de volcans s'étendent jufqu'à Grand-Michelie, La plaine dite Marineo , qui eft au-deffous de cette petite ville , a un fol volcanique, recouvert de quelques collines calcaires, dont les bancs fe correfpondenr, pour l'élévation & la nature, d’une colline à l’autre, On voit dans quel- ques-unes, par les excavations des ravins , quatre couches fucceflives de pierres noires & blanches, dont la plus bafle eit- volcanique, & la plus \ 200 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, haute calcaire. Le croupe de montagnes, dont la plus élevée s'appelle Mañoue , & donne fon nom à tout fon contour, eft mi-partie calcaire & volcanique. De plus longs détails , & une defcription plus circonftanciée de toutes les montagnes où l’on rencontre les veltiges de ces volcans éteints, ne fe- roient point inftructifs. Je me bornerai donc à jeter encore un coup-d'œil fur leur enfemble , & je dirai enfuite quelques mots fur la nature de leurs productions, Al paroît que ces volcans exiftoient avant la retraite des eaux , puifqu'ils ont mêlé leurs produits avec ceux de la mer, & qu’il n’eft pas poñible de fuppofer une alternative de deffèchement & d’alluvion, qui feroient néceflaires, fi ces volcans n’avoient pas brûlé au milieu de a mer. Il faut aufli que les dépôts des eaux fe foient faits d’une manière uniforme, puifque toutes les couches font horizontales, qu’elles fe. correfpondent d’une montagne à l’autre, & qu’elles fe recourbent feulement pour eme brafler les courans de laves qui fe trouvoient fur le fol qu’elles élevoient. €e n'eft que long-temps après, & lorfque le mafñlif entier a été formé, que les courans ou la fuétuation de toute la mafle des eaux y ont ouvert des vallées & des gorges, & qu'ils ont formé ces montagnes mi-par- ties, qui, fans cette fuppofition , feroient inexplicables. Il n’y avoit donc point de courans pour lors, ni de caufes qui troublaffent le travail réuni des deux élémens oppofés. Ce n’eft que long-temps après que le plateau qui formoit le fommet du mafif a été morcelé , puifque les coquillages & Îles madrépores ont eu de temps de fe muitiplier & d'acquérir un vo- lume énorme, avant d’être enfevelis fous de nouvelles couches. Qui donc a pu produire prefque fubitement un mouvement aflez violent dans toute la mafle des eaux, pour qu’elles creufafleñt à une aufli grande profon- deur, & qu’elles emportaflent une fi énorme quantité de matières qui avoient eu Le temps de fe raffermir ? Cette queftiof tient à un grand fait, que M. de Sauffure a entrevu , qui fera confirmé par la réunion des obfervations faites dans différens pays, & qui neft peut-être pas auf ancien que plufeurs l'ont fuppofé, en faifant remonter l’état aëtuel des chofesau delà de neufou dix mille ans. Une feconde queftion , appuyée fur un fait également certain, me paroît encore difficile à réfoudre, Comment les laves qui couloient au milieu de la mer, ont-elles pu s’é- tendre aufli loin de leur foyer , & parcourir un efpace de dix lieues, fans être congelées par le contaét des eaux ? I falloit, ainfi que je l’ai déjà dit , que les fommets de ces volcans s’é- levaffent au-deflus du niveau de la mer; car s'ils lui avoient été inférieurs, les eaux feroient entrées dans les foyers, & auroient éteint l’embrafe- ment, peu après la première éruption. Leur inflammation a été longue, puifqu'ils ont préparé une immenfe quantité de matières , & qu’ils ont £u un grand nombre d'éruptions fucceflives. Mais Le niveau des eaux , à une autre SURL'HIST. NATURELLE ET LES ARTS... 201 autre époque , a été plus élevée, puifque , dans la Sicile même, on voit des dépôts calcaires fur des montagnes beaucoup plus hautes. Telle eft la montagne Scuderi, dans le Wal Demona, dont le corps de granit foulève une tête calcaire à plus de 800 toifes. Eft-ce avant ou après l’'inflamma- tion des volcans que les eaux ont augmenté ou diminué? Voilà en« core un autre problème que je ne puis point réfoudre. Les productions de ces volcans préfentent quelques variétés. On trouve prefque par-tout un impafto ou mélange de cendres, de fables & frag- mens de lavés foiblement aglutinés, & formant enfemble une pierre molle de couleur grisâtre, dans laquelle fe font infiltrées des parties calcaires qui rempliffent les fiffures & pénètrent toute la mafle, L'épaifleur & l'éren- due de ces impaflo, prouvent que ces volcans vomifloient une grande quantité de cendres ; que les vents les chafloient tantôt d’un côté , tantôt de l'autre , au point de les amonceler quelquefois à plus de Go pieds de hauteur, Cette efpèce de tuf fait plus des deux tiers des productions de ces volcans. Les laves folides ont quelquefois coulé fur ces cendres aglu- tinées, & d’autres fois fur la pierre calcaire à nu, dont alors elles pre- noient les inégalités ; en rempliffant les creux qui s'y trouvoient ; de ma- nicre que, dans les points de contaët des deux matières , il y a toujours un petit mélange des uns avec les autres. Ces laves ont quelquefois enve- loppé -des blocs de pierre calcaire , fans les réduire en état de chaux. Les laves de ces volcans font les plus fimples que je connoiffe; elles ne contiennent point de fchorl, & très-peu de chryfolites; fingularité re- marquable, qui prouve que leurs foyers étoient au milieu de fubftances différentes que celles où font placés les feux de lEtna: auffi font-ils à une plus grande diftance des montagnes de granit du Wal Demona , dont plus on séloigne, plus les roches deviennent fimples. Quelques-unes de ces laves ont le grain fin, peu marqué, comme celui des petro filex & de certains fchiftes; les autres ont un grain plus gros |, & reflemblent au grès ; elles font rouges, grifes ou noires, Les laves poreufes qui occu- pent ordinairement la partie fupérieure des courans, & qui fe trou- vent ainfi en contact avec les matières calcaires qui les ont re- couverts , ont dans leurs gavités ; ou du fpath, ou de la zéolite, & quel- quefois ces deux fubftances mélées enfemble. La zéolite affecte diffé- rentes formes. Lorfqu'elle remplit entièrement les tours globuleux de la lave , elle eft blanche, opaque, foyeufe , & elle a de petits filets qui vont du centre à la circonférence. Lorfque la zéolite eft dans des cavités qu'elle ne remplit point entièrement ; elle eft en criftaux tranfparens, rhom- boïdaux, ou fous des formes dépendantes du rhombe. Je n'ai point trouvé de zéolites dans les laves poreufes qui forment le corps des montagnes qui ont contenu des foyers, Il eft d’autres volcans éteints, voifins de ceux que je viens de décrire, Tome XXV, Part, II, 1784 SEPTEMBRE, Ce 4 202 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, mais dont j'ai cru devoir faire un article féparé , parce que j'imagine qu'ils n'ont pas brülé dans les mêmes temps, & qu'ils fe font beaucoup moins élevés. Ils occupent les environs de Palagonia, de Milirello & de Scordia : on les traverfe en allant de Lentini à Minco ; ils font fur la gauche du fleuve Erix, maivtenant nommé Saint-Paul. On rencontre au delà du lieu dit Caflellana , une infinité de petites moñtagnes volcaniques, qui font entre elles une efpèce de chaîne ou cordon en demi cercle: eltes font coniques, & n’ont pas plus de 10 à 12 toifes de hauteur; elles font toutes produites par des éruptions; élles ont toutes un cratère fur leurs fom- mets où fur Jeurs flancs. Quelques-unes font entièrement ouvertes d’un côté , & à moitié détruites; elles font formées de fcories noires & de frag- mens de lave, & il en eft forti quelques courans de lave folide, Il y a auûi d’autres cratères fans monticules qui reffemblent aux creux qu'auroient faits des mines ou fougaffes. Aux environs de Palagonia, les montagnes font plus élevées , & quelques-unes portent fur leur fommet une couche calcaire. La fingularité la plus remarquable de ces volcans eft le lac Palius, Pa- licorum lacus, maintenant nommé vulgairement Donna Fetia où Naftia; il eft à deux milles à l’oueft de’ la ville de Pa/agonia , & à une lieue de celle de Minco : il eft placé au milieu des montagnes volcaniques ; au centre du bain ou petite plaine d’une demi-lieue de diamètre, entourée à moi- tié par des rochers efcarpés , qui la font reflembler à l'emplacement d'un vafte cratère. Cette plaine, un peu concave, contient dans fon centre, comme dans le fond d’un entonnoir, le lac dont Le niveau des eaux varie, & parconfé- quent l'étendue. Pendant l'hiver, il peut avoir 60 à 7o toifes de diamètre , & 10 toifes de profondeur; mais pendant l'été, lorfque la faifon a été chaude & fans pluie , il eft quelquefois entièrement fec. A l’époque où je l'ai vu, à la fin de Mai, il préfentoit un ovale long de 30 toïfes, large de 20, & profond de $ ou 6. Il s'en exhaloic une forte odeur de bitume de Judée ou d'afphalte, qui fe fent à une aflez grande diftance, S:s eaux font d’une couleur verdätre, & elles ont un goût fade & nauféabonde, Lorfque je les ai obfervées, elles n’avoient pas plus de chaleurque l’atmof- phère. On me dit que quelquefois elles étoient un peu tièdes. Dans diffé- rentes parties de ce lac, il y a un bouillonnement violent & continuel , que d'on remarque fur-tont dans quatre endroits diftinéts près du centre: |à, après des intermittences irrégulières, le bouillonnement augmente, l’eau fe foulève, & forme de gros jets de 2 ou 3 pieds de hauteur, qui fe rabaiffent enfuite fubitement, pour s'élever de nouveau après un inter- valle qui ne paîle guère $ ou 6 minutes, Il y a des temps où le bouillon- nemeut eft plus ou moins vif: on n'entend d’autre bruit que celui de l'agitation de l'eau. Lorfque le lac eft à fec, on peut y entrer fans dan- ger, & s'approcher du fond de Pentonnoir, où l'on voit plufieurs trous” très-profonds, d’où il fort continuellement un vent un peu chaud, qui GS SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 203 foulève la vafe, le fable & Les corps dont on obftrue fes ouvertures. Ce font ces mêmes vapeurs aériformes , qui, lorfque Le lac contient de l'eau , produifent les bouillonnemens & les jets qu'on y obferve ; & en foulevane l’eau qui s'oppoie à leur iflue, elles y produifent une écume blanchâtre. Il auroit été intéreffant de connoître la nature de l'air qui produit ce fingulier phénomène : mais quoique j'eufle apporté des récipiens pour en faire l’eflai, il ne me fut pas poflible d'en recueillir, parce que je n’ofai pas hafarder de m’avancer dans l'eau, pour arriver jufqu'aux bouilionnemens, qui étoient trop éloignés des bords. La vafe ou boue qui eft au fond, ou fur les bords du lac, eft noire, vifqueufe, & a une odeur bitumineufe. On trouve quelquefois un peu d'huile de pétrole fur la furface de l’eau. Tout le fol de la plaine eft ure terre noire, tenace, bitumineufe & inflammable. Ony brüla, il y a quel- ques années , un tas de paille; l'infammation fe communiqua au ter- rein, qui, pendant plufieurs mois, jetta une flamme blanchâtre , peu vive, telle que celle de la fontaine ardente en Dauphiné , mais que l’on eut beau- coup de peine à éteindre, parce que, lorfqu'on l’étoufloit d'un côté, elle reparoifloit de l'autre: aufli depuis a-t-on l'attention de ne plus y faire du feu. Ce fair me feroit croire que l'air qui fe dégage à travers l'eau, & qui prend peut-être iffue à travers Le fol, eft de l'air inammable de la nature de celui des marais , qui brûle fans explofon, La fertilité de ce baflin eft extraordinaire ; il eft toujours couvert des récoltes les plus abondantes, qu’il rend fans exiger prefque aucun travail du Cultivareur, Lorfqu’on le traverfe à cheval, on entend un bruit fourd, qui annonce une grande cavité fouterraine, recouverte d'une croûte en forme de voûte , telle que celle de la Solfatare , près Pouzzole. Tout me porte donc à croire qu'il eft aufli l'emplacement d’un ancien cratère, dont une partie de l'enceinte exifte encore dans les montagnes qui lembraffent du côté de l’eft ; & entre ce lac & celui d'Agrano , près de Naples, il n’y a d’autres différences que la plus grande abondance de l’eau dans l'un, & un plus grand dégagement de vapeurs dans l’autre. On difoit aufli du lac Palices, que les exhalaifons en étoient mortelles ; que les oifeaux & autres animaux qui s’y expofoient, tomboient morts, On prétend aufli que les vapeurs qui s'élevoient du. fol, étoient méphitiques; de manière que lorfqu'on s'y couchoit, ou lorfqu'on s’y inclinoit, on perdoit la vie (1) ; & fi on y marchoit fimplement, il n’arrivoit aucun mal, Ce phénomène — (x) Athenis , regnante Epæneto , Olympiade 36. Qua arytamai laco fladium vicit, in Sicilie apud Palecios locum exædificatum fuiffer, in quem f£ quis ingreflus Je reclinaf- Jet, mortuus fuerir : fin ambulaffet, nihil mali pafum. Antigonus, mir, natrat conger, £. 245 ,n. 133. Tome XXV, Part, II, 1784. SEPTEMBRE, CFcr2 204 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, reflemble à celui qui s’obferve encore maintenant dans la grotte du chien, auprès du läc d’Agnano. Sur les bords du lac Palices, il y a quelques petits cônes formés de cendres & de fcories, tels qu'on les trouve quelquefois dans le cratère de l'Etna & du Véfuve. Les montagnes & les laves qui environnent Le lac , portent des veftiges de leur antiquité, puifque, dans une infinité d’endroits, elles font cou- vertes & couronnées de pierres calcaires, Elles fe font donc formées long- temps avant que notre continent füt habité ; & cependant le cratère dont le lac occupe l'emplacement, confervoit encore un refte de fon inflam- mation du temps de Diodore de Sicile , qui dit qu'il en fortoit du feu ; que l'eau y avoit une chaleur confidérable, & qu'on y entendoit un bruit effrayant (1). J'ai voulu favoir fi ce volcan avoit quelques communications actuelles avec l’Etna , dont il n’elt pas très-éloigné; j'ai demandé s’il y avoit quel- ques correfpondances entre fes phénomènes & Les irruprions de l'Etna; fi {on effervefcence étroit plus vive , lorfque le grand volcan étoit en travail, On m'a répondu qu’on n'avoit jamais obfervé aucun rapport entre eux. Les phénomènes de ce lac ont toujours paru fi extraordinaires , qu'ils ont, dans tous les temps, fervi de bafe à une iafinité de fables, Main- tenant c'eft une Fée qui l’habite. Anciennement , tous fes effets étoient regardés comme furnaturels & divins. On avoit bäti fur fes bords un temple fameux , dédié au fils de Jupiter, & de la Nymphe Talia , dont j'ai en vain cherché l'emplacement & les ruines (2). Les fermens où le lac Palices éroit invoqué , étoient aufli facrés que ceux faits par Le Styx (3). Ce qui étonnoit le plus les Anciens , & ce qui eft encore l'objet de la fur- prife & de l'admiration de ceux qui le voient maintenant , c'eft la quan- tité d'eau qui paroît toujours s'élever & fortir de deffous terre en forme de (1) Ac primim cratres in illo exiflunt, amplirudine quidem non it: vafti, [ed qui ex profundinue inarrabili fcirtillas ingentes eruttant, lebetum naturam referentes vi igne@ æftuantium , undé fervens agua ebullir. Speciem quidem ignei fervoris aqua illa [ubfelrans præber...... Aqua tamen fulphuris odorem exuberantis præbet: © vor1go illa rugitum ingentem ac horrendum imütir. Tum , quod longé adimirabiliis, humor ille neque fupereffunditur , neque fuh/fdit , fed perpetuo agitatus moru , ffupendé£ proflu- xûs vi in altum fe extoilir. Diod. Sic. lib. x1. (2) Sirum vero efE hoc templum in campo amæniffimo & Deorum majeftare digno. * Diod. Sic. lib. xr. (3) Pinguis ubi & implacabilis ara Palici. Ænéïd, Vire. c. 1x. Non long inde Lacus breves funt,fed immenfim profundi , aquarum fearurieine fem- per ebulientes , quos incolæ crateres vocanr...... Quôd ff fidelirer facerer (juramen- zum) , difcidebat illæfus : f£ vero fubeffer jurejurando mala confcientiu , mox in lacu amir- rebarvivim falfus jurator. Haæc res ira religionem fratrum commendabat, ut crateres qui- dem implacabiles vocarentur. Macrobius. Saturn, lib, $, cap. x1x. SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 205$ jets , fans qu’elle augmente l'étendue du lac, & qu'elle s'élève au-deflus de fes bords (1). J'ai crouvé au milieu des montagnes voifines, fous des laves, une fubftance bitumineufe, odorante , difpofée par couches horizontales, & qui fe divife par feuillets d’1 ou 2 pouces d’épaifleur ; d'ailieurs les productions de ces volcans ne m'ont rien préfenté d’extraordinaire, & qui ne reflembiät pas aux matières des autres volcans éteints de la même province, Le Val di Noto eft la feule partie de la Sicile dans laquelle j’aye trouvé des veltiges d'anciens volcans. Les Voyageurs qui en ont fuppofé & placé d’autres dans les autres Provinces , fe font trompés , ou onteu de fauffes indications. MÉMOIRE Sur la criffallifation des Sels déliquefcens ; avec des obfervarions fur les Sels en général ; Par M. PELLETIER, Correfpondant de l'Académie Royale des Sciences de Turin, Membre du Collése de Pharmacie de Paris. | Ghioraus la Chimie dit fait de grands pas dans fa marche, cependanr, lorfqu'on examine ce qui a été écrit fur les fe/s, & particulièrement fur leur criftallifation, on voit qu’elle eft crès-peu avancée fur cette partie. Les Anciens l’avoient peu obfervée, & M. Rouelle l'aîné eft, des Moder- nes, celui qui le premier ait fenti toute fon utilité. Sshaa/ en à auili parlé (dans un Traité fur les fels); mais on peut dire, à la louange de feu M. Rouelle, que dans les Mémoires qu'il a donnés en 1744, 1745 & 1755; fur les fels neutres & fur le fel marin, on trouve non feulement des idées neuves , mais encore que le réfultat de fes obfervations eft un vrai chef-d'œuvre. Ce Savant avoit obfervé que tous les fels ne crif- tallifoient point à une évaporation égale ; ce quil'avoit déterminé à par- tager les différens termes d’évaporation en trois degrés , qu'il avoit nom- més ; le premier, évaporation infenfible; le fecond , évaporation moyenne, & le troilième , évaporation rapide. M. Rouelle avoit encore obfervé que, dans les criftaux falins réguliers , il y avoit une certaine quantité d'eau qui (1) EF & fonsin Palice Siciliæ, amplitudine decaclini, aquas ad [ex cubirorum alri- tudin em ejecit, ut inurdaturus planitiem omnem videarur , verüm codem Loco diffquens confiftir. Ariftoeles, de mirabil. aufculta, 206 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, étoit très-néceflaire pour la conformation du 1él, & il l’avoit nommée eau de la criftallifation , pour la diftinguer de celle qui fe diflipoit par Lé- vaporation, & à laquelle il avoit dontié le nom d'eau furabondante à la critallifation , ou eau de la diffolution. M. Rouelle enfin, pour ranger les fels par ordre méthodique, avoit divifé toute la claffe des fels neutres en fix fections, d’après des obfervations qu'ilavoit faites fur la différence des figures des criftaux , fur leur manière de fe former, & généralement fur tous Les phénomènes de la criftallifation. Depuis M. Rouelle, les Chimiftes ont eu connoiflance de fels nouveaux , qui trouveroient leurs places dans l'ordre adopté par M. Rouelle, dont un des avantages eft d’être préfenté dans une table de moyenne grandeur, Mon but préfent n’eft point de faire un traité fuivi de la criftallifation des fels; je m’occuperai feulement des procédés qui m'ont réufli pour faire criftallifer les fels déliquefcens, & je terminerai cet eflai par des obfervations que j'ai eu occafon de faire fur la criftallifation en général, S. [*, De L'Alkali fixe végétal. L'alkali végétal, tel que celui qu’on retire de la lefive des cendres des végétaux, connu fous divers noms (comme potafle , cendres grave- lées , &c.), peut, après avoir été bien purifié , être amené au point de criftallifer facilement. Ce fel; que les Anciens regardoient comme très- déliquefcent , & qu’ils avoient cependant obtenu quelquefois criftallifé , eft aujourd'hui mis fous forme criftalline à volonté ; mais c’eft toujours à l'air fixe qu'il faut attribuer ce phénomène. On peut y réufñlir de différentes manières , ou en faturant l’alkali d'air fixe; ce qui s'opère en faifant paf- fer dans l'alkali fixe l'air fixe qu'on dégage d’une fubftance quelconque ( par exemple , de la craie par l'acide vitriolique) , ou bien en traitant lalkali fixe avec une fubftance qui contient l'air fixe, & qui a avec lui une afhinité moindre que ceile qu'a lalkali avec la même fubftance, comme il arrive lorfqu'on mêle de l’alkali volatil aéré avec de l’alkali ordinaire; & enfin, lorfqu'on traite l'alkali avec des fubftances fur lef- quelles il agir, qu'il décompofe, en s’emparant de l’air produit de ces décompofitions, Ce phénomène a fouvent donné bien de l'inquiétude aux anciens Chimiltes, & même à beaucoup de modernes, qui, en obrenant ce fel, croyoient que la fubftance contenoït ur acide particulier que l'al- kali lui enlevoic, Mais il eft bien certain que l’alkali qui criftallife dans la teinture de tartre ( dans le favon de Starkey, dans la faturation de cer- tains éthers, pour les rectifier), dit cette propriété à l'air fixe qu'il leur enlève; l’alkali même a une telle affinité avec l'air fxe, qu'il fufft de lexpofer quelque temps à l'air, pour qu'il puiffe criftallifer enfuite. La figure la plus conftante des criftaux eft un prifine quadrangulaire rhom- boïdal , ternriné par des fommets: dièdres à plans triangulaires, Ce fel a, SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 207 dé même que lalkali volatil, un caractère diflin@if; c’eft de préfenter deux faces lifles & toujours régulières , lorfqu'on le rompt, de même que ce phénomène arrive lorfqu’on brife des criftaux de fpath calcaire , de fpath fluor , &c, &. ÎL De l'Alkali volaril, L’alkali volatil avoit été regardé pendant long-temps comme un fel très-déliquefcent , & point fufceptible de criftallifation. On connoifloit ce- pendant l’alkali volatil concret, qu’on retiroit de certaines fubftances ; mais on étoit perfuadé alors qu'il devoir cet état à une portion d'acide produit dans Jladécompofition de la fubftance qu’on diftilloit , & qui neutralifoit en partie l'alkali volatil. M. Rouelle eft le premier qui ait propofé le problème fuivant: « Il eft poffible d'avoir à volonté, ou de l’a/kali volauil fluor ou concret, Aujourd'hui le problème eft réfout , & on fait que c’elt l'air fixe qui fait prendre à l’alkali volatil la forme concrète. On peut lavoir de deux manières , ou bien en diftillant diverfes fubftances qui en fourniffent en quantité, telles que la corne de cerf, &c.; ou bien en le dégageant du fel ammoniac ordinaire par la craie, par l’alkali fixe, &c.; ou bien en faturant l'alkali volatil d'air fixe, qu'on dégage de la craie par l’a- cide vitriolique. Dans les premiers cas, l’alkali volatil eft affez chargé d'air fixe pour criftallifer ; dans le dernier , il faut avoir foin d'en fournir la quantité néceffaire ; fans cette précaution, on perdroit beaucoup d'al- kali volatil, Jorfqu'on procéderoit à la criftallifation. Si c’eft de l'alkali volatil concret qu'on veut mettre fous forme criftalline régulière, il faut le faire diffoudre dans le moins d'eau diftillée poflible & un peu tiède, & on laifle le vaiffeau lévèrement couvert pendant quelques jours; f c’eft au contraire une liqueur qÜ'on aura retirée de la diftillation de quelque fubf= tance animale, & qu’il foit chargé de beaucoup de phlegme, il fauc beaucoup plus de temps pour avoir des criftaux ; mais ,à la longue, on en obtient toujours, & leurs formes font des oétaèdres alongés & ap. platis, dont les parties fupérieure &'inférieure font tronquées de manière à préfenter deux faces carrées , mais un peu alongées, S.'ITI. Terre foliée de tartre. Le vinaigre a une affinité plus grande avec l'alkali que n'a l'air Axe. Ce- pendant ce dernier en eft chaflé avec peine ; car l’effervefcence , phénomène de la décompofition, refte quelques inftans à s’annoncer, & on a toujours aflez de peine à neutralifer ce fel. Quand on a évaporé cette liqueur à ficcité, & qu'on la rediflout enfuite dans le moins d’eau diftillée poffible, & même mieux dans dé nouveau vinaigre diftillé ; alors on obrient la terre foliée criftallifée eh lames très-minces & très comprimées; mais fi, au lieu d'alkali végétal, on à empfoyé l’alkali minéral, alors on ob- 208 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, tient un fel en prifmes hexagones , mais dont deux des faces font très- étroites; ce qui fait paroitre le prifme quelquefois rhomboïdal, Ces prif- mes font terminés par une pyramide à trois faces, 6. IV. Se! ammoniac acéreux. Le vinaigre s'unit à l'alkali volatil avec une très-grand effervefcence , &.le nouveau fel eft connu fous le nom impropre d’e/prit de Mindererus ; c'eft un vrai fel neutre , mais difficile à obtenir criftallifé. Cependant, par une évaporation lente, & en ajoutant fur la fin un peu de vinaigre radical , j'ai obtenu des criftaux qui étoient des lames rhomboïdales, ainfi que des prifmes rhomboïdaux très-applatis. $. V. Nitre ammonidcal, L’acide nitreux s’unit avec promptitude à l’alkali volatil, & il y a une très-grande effervefcence , fi l’alkali volatil qu’on emploie n’eft point caufti- que. Cette combinaifon eftaccompagnée d’une chaleur très-fenfible, & quel- que purs que foient l'acide nitreux & l’alkali volatil qu’on a employés, il fe fépare toujours une matière foconneufe qui fe précipite; & même, lorfqu'on a filtré la liqueur, & qu'on procède à l’évaporation, il y a. encore de légers-flocons qui fe précipitent. IL paroît qu’ils font dus à une portion d’alkali volatil, décompofée par l'aétion de l’acide nitreux fur fon principe inflammable, Le fel qu'on obtient eft connu fous le nom de nitre ammoniacal, On ne trouve nulle part la figure de fes criftaux décrite, finon qu'en aiguille: mais je fuis parvenu à en avoir des criftaux ifolés par une évaporation faite à la faveur du foleil, & en me fervant d'un pitre ammonjacal que j'avois purifié par trois criltallifations réité- rées, La figure des criftaux font des octaèdres alongés, qui s’appliquent les uns fur les autres par leurs faces, & à la fuite les uns des autres ;1ce qui produit des aiguilles qu'il n’eft pas poflible de déterminer, foir à caufe que ces petits criftaux ne fe réuniflent plus également, foit enfin parce que les derniers ont ou leurs faces appliquées fur les parois du vafe , ou mal déterminées : mais j’ai eu occafñon d’obferver plufieurs fois ces criftaux ifolés, de reconnoïître les angles dans la longueur du prifme, & d'en faire, pour mieux m’exprimer , la’ diflection, $. VI. Terre folice crayeufe, La terre calcaire eft diffoute par le vinaigre diftillé avec effervefcence. Si on fait trop rapprocher cette diffelution , elle criftallife confufément par. le refroïdiflement, & prend une forme foyeufe, femblable à la zéo- te; mais fi au contraire onn'a évapogé qu'en çonfiftance d’un fyrop clair, -& SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 209 & qu'on abandonne la liqueur pendant quelques jours , on voitfe former autour du vafe des mamelons non réguliers, qui ont été produits par le fel qui a grimpé le long du vafe. St alors on fait tomber dans la liqueur quelques-uns de ces mamelons, il vient s’y former deflus des criftaux qui font des prifmes carrés très-applatis, dont la pyramide eft coupée un peu obliquement, $. VII, Nire calcaire, L'acide nitreux diflout avec une grande effervefcence la terre calcaire. La Fin évaporée en confiftance sèche, redifloute de nouveau dans l’eau diftillée, aiguifée d’un peu d’acide nitreux , & conduire enfuite au point de la criftallifation au bain marie, m’a fourni, par le refroidifle- ment, une criftallifation que j'ai féparée de la liqueur. C’eft certe crif- tallifation qui, difloute dans de l'eau diftillée, & criftallifée une troi- fième fois, m'a fourni des criftaux très-tranfparens, dont la figure étoit des prifmes hexaèdres à plans triangulaires trapézoïdaux. Un phéno- mène particulier que j'ai obfervé dans la confeétion de ce fel, eft que la liqueur évaporée en confiftance dé fyrop épais, peut refter fans criftalli- fer , pourvu qu'on n'agite point le vafe; mais du moment qu’on le re- mue, où même qu'avec un tube on agite la liqueur, alors toute la maile , de fluide qu’elle étoit , prend une forme criftalline qu'ôn ne peut déter- miner, & cela fe pafle avec une chaleur très-marquée. Tous les fels en général demandent une évaporation ménagée, mais particulièrement les {els déliquefcens : de jà la grande importance que M. Rouelle apportoit à l’évaporation infenfible. Lors donc qu'on veut faire criftallifer les fels déliquefcens , ilne faut point perdre de vue ce premier moyen, & tâcher d’ailleurs de fe débarrafler d'une matière vif- queufe, d’une efpèce d'eau-mère qui eft produite lors des combinaifons, & qui eft encore augmentée par une évaporation qu'on meneroit bruf quement. J'y réuflis très-bien, en évaporant la liqueur prefque à ficcité, féparant la portion criftallifée de l’eau-mère, & en faifant redifloudre 8c criftallifer de nouveau cette même matière faline. J'ai aufli déterminé une criftallifation confufe , à la faveur de l’air fixe introduit dans une li queur rapprochée; alors, reprenant le fel qu’on fépare de la portion non criftallifée, qu’on fait difloudre , &c., on a de la facilité à déterminer une criitallifation régulière. L’efprit de vin peut aufñi réuflir quelquefois ; mais comme il diffout une grande portion des fels déliquefcens, on ne retire pas lé même avantage de ce dernier procédé, Cependant, en reprenant la criftallifation confufe bien féparée de la liqueur qui entraîne l’eau-mère, la diffolvant dans l’eau diftillée , & l’'amenant au point de criftallifer, on a de même des fels très-réguliers. En général ce travail demande beau- coup de tâtonnement, de patience & de remps , & les faits que je rap- porte font le fruit de trois ans. Je n'auroïs pas même entrepris ce travail, Tome XXV, Part. II, 1784. SEPTEMBRE, Dd 210 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, fi je n’y euffe été encouragé par M. Romé de l'Ifle, dont le zèle & les connoiffances dans cette partie font connus & appréciés de tous les Savans. $. VIII. Sel marin calcaire, L'acide marin diflout avec une vive effervefcence la terre calcaire aérée 3 mais fi on fe fert de chaux vive pour faire cette combinaifon, on apper- oit que cette dernière eft beaucoup plus longue. Ce fel eft connu fous Îe nom de /é/ marin calcaire , fel ammoniac fixe , huile de chaux, Gc. À une évaporation infenfible, & par les procédés indiqués, on l'obrient criftal- lifé en prifmes hexagones tronqués, & quelquefois avec différentes fa- ces aux pyramides. On obferve un phénomène aflez fingulier avec ce fel; c’eft que fi on fait pafler une certaine quantité d'air fixe dans cette diflo- lution un peu rapprochée, le tout fe change en une matière folide qu'on ne peut brifer qu'avec le marteau. S. IX. Se! de magnéfe acéreux. Le vinaigre diffout très-bien la magnéfie, & cette diffolution évaporée fournit une liqueur très-épaifle, que M. Beroman ni d'autres n’onts pu faire criftallifer. Je l'ai rapprochée en confiftance de fyrop épais, & je Tai expofée pendant plufieurs jours au foleil; par ce moyen, j'ai obtenu une matière criftalline très-sèche , nullement déliquefcente, que je con- ferve depuis deux ans & demi. Ce font des prifmes rhomboïdaux , tronqués obliquement. J'obtiens aufli ce fel en évaporant la liqueur en confiftance de fyrop ; alors , renverfant la liqueur encore très-chaude dans un autre vale, & continuant ainfi d’agiter la liqueur d’un vafe à l’autre, jufqu'à ce qu’elle foit prefque froide; par ce procédé, jy introduis une très- grande quantité d'air, & la liqueur criftallife alors avec beaucoup de fa- cilité. Ce fel , mis fur un charbon, laifle échapper l'acide dans un état empyreumatique, & la magnéfie reite fur Le charbon. 6. X. Nire de magnéfie. La diffolution de magnéfie par l'acide nitreux fe fait avec une très-vive effervefcence ; mais comme on n’obtient cette terre qu’en décompofant le fel d'epfom d'Angleterre par les alkalis , il y a toujours une portion de ce dernier qui y refte fortement atrachée, Cela peut induire en erreur ,en com- bimant cette terre avec d’autres acides , pour produire des fels nouveaux, Pour remédier à cet inconvénient, j'ai foin de prendre une quantité don- née de magnéfie , que je calcine & que je lave enfuite à la faveur d’une eau aiguifée de l'acide qui doit me fervir à faire la combinaifon. Dans ce procédé, je me fuis fervi d'eau aiguifée d'acide nitreux, Je reprends enfuite El SUR L'HIST, NATURELLE ET LES ARTS. 51% la magnéfie , & je la fais diffoudre dans l'acide nitreux néceffaire, La dif- folution évaporée & redifloute m’a donné un fel criftallifé ensprifmes qua- * drangulaires, tronqués à leur extrémité, Ce fel ne fufe point fur les char- bons ; &, comme l'a obfervé Bergman , il eft différent de celui qui ef préparé avec l'acide nitreux phlogiftiqué; car ce dernier , mis fur un Charbon, ne fufe point, & laifle échapper une quantité confidérable de vapeurs rutilantes. | $. XI, Sel marin de magnéfe. L'acide marin, combiné avec la magnéfie purifiée, peut être enfuite amené à la ciftallifation. Le fel qu’on obtient eft ordinairement en xhombes. M, Quatremer d'Isjonval , Membre de l’Académie Royale des Sciences, vient de publier le premier volume de fa Collection de Mémoires , dans lequel on en trouve un fur le nitre de magnéfie & fur le fel marin de magnéfie, Ses recherches ont eu pour but d’avoir des fels non déliquef- cens , qu’il prétend être faits avec la magnéfie abfolument pure. Son pro- cédé pour l'obtenir confifte à faire différentes précipitations de fel de fed- litz ou d'Angleterre, de rejeter les premiers comme contenant de la terre . Calcaire , & de ne,fe fervir que des dernières portions de précipité. Ce Chimifte s'occupe préfentement des moyens d'apporter la magnéfie à un état d’une pureté abfolue, & il croitqu'on ne peut y réuflir qu’en fépa- zant la magnélie de fes fels nitreux & marin de magnélie préparés par fon procédé. Je puis aufi obferver qu'on y parviendra de même avec les fels dont j'ai donné La préparation. Je viens de les décrire tels que je Les ai obtenus il y a deux ans. Je n’eus pas occafon d’obferver alors fi mes fels pouvoient fe conferver fans tomber en deliquium , pañce que je fai- fois mes expériences au Laboratoire du Collége Royal , qui eft fi humide, qu’il eft impolible d'y conferver les fels, même les plus fecs. Je n'en- trerai point dans d’autres détails fur ces fels ; je laïfle à M. Quatreiner le mérite qui lui eft dû d’avoir obtenu des fels nitreux & marin de magné- fie non déliquefcens. $. XII. Nitre alumineux. La terre, féparée de l’alun & purifiée par le procédé que j'ai indiqué pour la magnélie, fe combine très-bien avec l’acide nitreux. La diflolution evaporée avec les précautions requifes , m'a fourni des criftaux tranfparens très-bien prononcés, qui étoient des prifmes rhomboïdaux tronqués, nets, & quelquefois fftuleux , comme font les criftaux de plomb vert. Tome XXV , Part, Il, 17984. SEPTEMBRE. Dd 2 212 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, Ge: &. XII, Se! marin alumineux. ’ La bafe de l’alun bien purifiée sunit avec l'acide marin. Cette diflo- fution a befoin d’être rapprochée à ficcité, & d'être redifloute plufeurs fois, avant de pouvoir criftallifer. On y parvient cependant; & à une évaporation très-douce, j'ai obtenu des criftaux qui étoient des octaèdres tronqués à chaque pyramide. $. XIV. Se de zinc acéteux, Les fels terreux ne font pas les feuls déliquefcens ; nous en obtenons encore avec les fubftances métalliques, & ils font de même plus où moins déliquefcens. C’eft toujours par les mêmes procédés que j'ai pu m'en pro- curer la criftallifation, Le vinaigre diftillé diffout le zinc, & encore mieux la chaux. La diflolution évaporée au point de la criftallifation , donne des criftaux en lames Hexagones , femblables au mica. 6 XV. Nirre de zinc. Le zinc fe diffout dans l'acide nitreux, & le fel qui réfulte de cette combinaifon , s'obtient difficilement criftallifé. Cependant, par une éva- poration ménagée , je l'ai obrenu criftallifé en criftaux qui étoient des octaèdres rhomboïdaux , dont les pyramides fupérieure & inférieure pré- fentoient des faces rhomboïdales. Ces criftaux font le plus fouvent cou- chés les uns fur les autres ; de manière qu'il eft crès-difécile de les déter- miner , à moins qu'on n’en obtienne d'ifolés , comme j'en ai eu. Ce fel ne fufe point fenfiblemenc fur les charbons , & il laifle un enduit jaune ; & Lorfqu'on en jette dans un foyer embrafé , il donne à la flamme une cou leur d’un bleu verdâtre. 6. XVI. SeZ marin martial, J'ai fait diffoudre de la limaille de fer dans l'acide marin. Cette diffof« tion et três-prompte , & fournit beaucoup d’air inflammable, Après avoir fileré cette diffolution, je l'ai fait évaporer au foleil, dont l’ardeur faifoit monter le thermomètre de Réaumur à 28 degrés, La liqueur évaporée en confftance de {yrop, donne des criftaux , que j'ai aufli-tôt fait égoutter & mis dans une bouteille bien bouchée. Ces criftaux étoient très-tranfpa= rens & d'une belle couleur verte ; leur figure étoit des oétaèdres rhom- boïdaux , dont les pyramides étoient tronquées & préfentoient des faces rhomboïdales, Ce fel eft très-déliquefcent , & fa diflolution teint le pa- pier en beau jaune, On peut le faire eeurir en l’expofant au foleil fur du SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 213 papier gris, & alors il fe recouvre d’une poudre blanche, mais qui de- vient Auide lorfqu’on le retire d’une atmofphère aufli chaude. S. XVIL Mire cuivreux. Le cuivre, en fe diffolvant dans l’acide nitreux , fournit une très- grande quantité de gaz nitreux, La diffolution eft d’un beau bleu; le fel qu'on en obtient eft aufi d’un beau bleu, & les criftaux font d’une forte groffeur, J'en conferve depuis deux ans dans une capfule recouverte d’un verre, 6 XVIL Se marin cuivreux. - La diffolution du cuivre par l'acidermarin étant évaporée , m'a fourni , par un refroidiflement ménagé, des criftaux qui étoient des parallélipi- pèdes rhomboïdaux prifmatiques , fouvent terminés par deux fommets dièdres à plans rhomboïdaux, d'où réfulcent, pour le prifme, deux hexagones allongés , alternes , avec deux rhomboïdes. Ce {el a une couleur verdârtre ; ce qui le fait très-bien diftinguer du nitre cuivreux ; qui eft d’un beau bleu célefte, Ce fel eft auffi foluble dans l'efprit-de-vin, qui alors donne une belle couleur verte, lorfqu'on le fait brülers Oëfervations fur la criflallifation ; attraétion des molécules falines, La criftallifation eft la réunion des molécules falines, homopènes, lefquelles font dans un état d’une très-grande divifion , fe trouvant difperfées. dans le Auide qui les tient en diflolution. Il y a une attradion confidérable des molécules falines fimilaires. Cette attraction eft même fi forte ; qu'une molécule faline peut déplacer un corps, pour aller s’unir À une autre molécule faline, Voici un fait que j'ai obfervé, J’avois mis dans une diffo- lution d'alun de l'argile détrempée ; ayant abandonné ce mélange à une évaporation infenfible, & ayant décanté la A je fus furpris de ne oint voir des criftaux. Le vaifleau fut encore abandonné , & l'argile peu à peu s'y deffécha. Ayant alors coupé par morceau cette argile , je trouvai dans l'intérieur, des criftaux d’alun très-gros & très-réguliers. Les uns étoient tranfparens , d’autres contenoient des molécules d'argile aflez groffes. Ces criftaux d’alun n’ont pu fe former qu’en déplaçant les molé- cules d'argile qui devoient fe toucher, puifqu'elles étoient dans un état de fluidité, & certainement il n’y avoit point entre elles un intervalle de la groffeur d'un poids qu’avoient les criftaux d’alun, [l y a done dans la criftallifation une attraction de molécules aflez forte pour déplacer les corps qui fe trouvent àleur rencontre. Quand au contraire la force n’eft pas aflez grande, alors le criftal fe forme, & le corps étranger fe trouve dans l’intérieur du criftal. Ce phénomène nous donne une idée de la ma- nière dont fe forment les criftaux gypleux qu’on trouve dans les couches d'argile, tels qu'on les rencontre aux environs de Paris, Il eft à préfumer 214 .OBSERFATIONS SUR LA PHYSIQUE," que l'argile fe trouvoit délayée danslune eau féléniteufe, & que les crifs taux Sy font formés par l'évaporation| de l'eau qui tenoit la félénite en diffolution. L Moyen de purifer le borax, En parlañt des moyens que j'employois pour faire criftallifer Les fels dé'iquefcens, j'ai infifté fur La néceflité qu’il y avoit de fe dé- barrafler d’une matière vifqueufe, Cette mêmie matièreaccompagne en gé- téral tous les fels, & on le remarque en abondance dans le borax brut, Cette efpèce de matière favonneufe paroîr fortement adhérente’ aux fels, au point qu'on a beaucoup de peine pour-s’en débarraffèr, &'on n'y réuflit que par des moyens particuliers , fuivant la natüre du fel. Par exemple, pour la crème de tartre, on fairufage de l'argile; mais pour la purifica- tion du borax brut, nous ignorons le procédé que mettent en ufage les Hollandois: Examinant donc la nature du borax ;'äinfi que’celle de la matière favonneufe qui Paccompagne; je.n’ai pas héfiré à letraiter par la calcination. Ce fel ne fouffre aucune altération, tandis que la matière grafle eft détruite par d'aétion du feu auquel je la foumets. Je fais dif- foudre enfuite ce fel ainfi calciné dans de l’eau froide; & après l'avoir filtré , je procède à la criftallifation,, & j'obriens un fel-très-blanc, Je ne doute point non plus que ce procédé n’eüt fes avantages en l'exécutant en grand, d’autant que les vaifleaux de terre, de cuivre , de fer, &tc.; peuvent être employés fans nul inconvénient-pour cette calcination, & je ne ferois point furpris que ce ne füt à peu près le procédé des Hol- Jandois, Moyen de [parer Les fels. Vous les livres de Chimie nous apprennent que les fels criftallifent ; en fuivant un ordre qui leur eft particulier, Il eft cependant bien des cas où deux fels criftallifent enfemble, Comment done en faire une féparation exacte par la voie de la criftallifation ? Cela eft, je l'avoue, un peu difficile; cependant on peut y parvenir. Examinons les circonftances où deux fels criftallifent enfemble. Cela arrive chaque fois qu'un fel qui doit criftallifer le premier , fe trouve en moindre quantité que celui qui doit criftallifer en dernier, Dans ce dernier cas, les fels criftallifent enfemble; il patoïtroit même qu'il y a combinaifon intime des divers fels; mais il ne faut pas regarder ces combinaifons comme parfaites, puifque , par la fimple opération mécanique de la criftallifa- tion, vous pouvez féparer exactement les différens fels compofant cette efpèce de combinaifon particulière. Par exemple, lorfau’on-a décompofé le nicre par la chaux d’arfenic , & qu’on vient à féparer le nirre non dé- compofé du fel arfenical, il y a toujours un peu de fel arfenical qui criftallife à côté du nitre, & même avec le nitre. Mais féparez ces deux fels autant que vous le pourrez ; faites diffoudre le nitre d’une part, & le fel arfenical d'une autre ; procédez à lafcriftallifation ; alors vous obtiendrez ce dernier très-pur , & vous pourrez , par des diffolutions 8e criftallifations répétées, purifier de même le nitre, Une preuve que le nitre Me a RE gr Le a te 1 md *_ SUR L'HIST: NATURELLE ET LES ARTS. 21$ n'eft pas intimément combiné avec le fel arfenical , quoique les. criftaux paroiflent homogènes , c'eft que ce fel, expofé à l'air, fe décompofe, comme l’a obfervé M. Fourcroy ,& le {el arfenical vient efleurir à la furface des criftaux. M; Quatremer d’Isjonval a entrepris un travail très- long fur les mélanges de divers fels.,:& il en obtient en effet des criftaux réguliers. Mais je fuis d'autant plus perfuadé: que leuf union n’eft point le rélultat dela combinaifon de ces deux fels, que par la criftallifarion feule on peut en faire la féparatioh: IL a obtenu, par exemple, de l'union du vitriol ammoniacal & du vitriol de:magnéfie, un fel particulier, qui, étant décompofé par l'alkali, fournit de l'alkali volatil & de la magnéfie, &e il conclut de là, qu'ila eu un fel à trois fubftances, puifqu’il y démontre l’alkali volatil , la terre magnéfiénne, 8: l'acide vitriolique. Son aflertion eft très-jufte d’une part; mais j’aisobfervé à M. Quatremer que, par des crif- tallifations réitérées , je féparérois ces deux fels. On doit donc regarder ces efpèces de combinaifons comme des combinaifons mécaniques , d’au- tant plus que les criftaux de ces efpèces de combinaifons participent du fel qui eft en plus grande quantité; & comme on peut démontrer d’ail- leurs que des corps étrangers peuvent être introduits dans des crif- taux , fans déranger leur criftallifation ; on doit bien foupçonner que des molécules falines peuvent être introduites de même dans des criftaux d’un autre {el , fans qu'il y ait pour cela combinaifon intime. Le travail cependant de M. Quatremer préfentera des faits très-intéreffans, & il nous rendra plus circonfpeéts dans l’examen des fels qu'on peut obte- nir dans les diverfes analyfes. On ne manquera point de, m'oppofer les fels cités par M. Bergman, comme ceux de trois & de quatre bafes. Parmi ceux à trois, M. Berg- man Cire le fel de feignette & le fel ammoniacal tartareux | maïs ne doit-on pas regarder ces deux fels comme des fels fimples? & quoiqu’on démontre dans la crême de tartre l'alkali végétal , ne doit-on pas regarder celui-ci comme partie conftituante de la crème de tartre? Voici fur quoi je fonde mon PH Si, à une certaine quantité de fel de feignette, jéjoute un acide quelconque ; le vinaigre ,: par exemple, il y a fur Je champ décompofirion. L'acide du vinaigre s’unit à l’alkali minéral , & la crème de tartre fe fépare dans fon premier état : mais puifque l’acide ‘du vinaigre a été affez puiffant® pour décompofer le fel de feignette , pourquoi n'a-t-il pas porté fon action fur l’alkali végétal ? Nous obfervons le même phénomène dans la décompofition du fel ammoniac tarta= Tex, 5112 & u H'nien feroit pas de même ;.fi du mélange du fel de feignerte &du fel végétal ; on obtenoirun fl particulier; alots il faudroit le regarder comme compofé de trois principes; mais encore faudroir-il que, lorf- qu'on viendroit à le décompofer par le vinaigre diftillé ; faudroir-il, dis-je, qu'on obtint de la terrefoliée: à:bae\d'alkali végétal & à bafe d’alkali 216 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, . minéral, fans qu'on füt obligé de produire la décompoftion totale du fef, Ce n'eft jamais que par des décompofitions ultérieures qu’on vient àdé- montrer l'alkali végétal dans la crème de tartre , & dans quelque combi- naifon qu'elle fe trouve , on la retire toujours dans fon état naturel. La décompofirion ultérieure! dela crème de tartre nous fait bien connoître que c'eft un acide compofé: mais quel eft celui des acides qui ne l’eft pas ? Dans l'acide arfenical , par exemple, c’eft un principe terreux mé- tallique , qui, uni à l'air pur, produit cet acide particulier. Dans la crème de tartre, ce fera un principe alkalin, qui, uni à un autre principe, moduit la crème de tartre, qui, comme telle, a fes affinités particu- lières & fes, productions fimples. à Ily a encore une autre confidération qui doit nous faire rejeter l’afler- tion des fels criples conftans, &c.; c’eft la multitude des produits falins d’une criftallifation particulière & régulière qué nous aurions de trois fubftances. employées à diverfes proportions. Je prends encore la crème de tartre combinée aux deux alkalis. Si on faifoit la faturation d’une quan- tité donnée de crême de tartre avec une partie d’alkali végétal, & deux d’alkali minéral, on auroit un fel différent de celui qu'on obtiendroit fi da faturarion eût été faite avec deux parties d’alkali végétal & une d'al- kali minéral, &c.: mais ce ne font pas là les réfultats. Si c’eft l’alkali mi- néral que vous employez en plus grande quantité , c’eft le fel de feignette qui eft le plus abondant, & le fel végétal, fi c’eft l'alkali végétal; & vous féparez avec facilité ces deux fels par la criftallifation. Je ne crois pas non plus qu’on doive regarder comme un fel de quatre fubftances , le mélange de tartre & de borax cité par Bergman. es noyaux de differentes figures ne dérangent point la figure d'un criflal. Pour m'aflurer fi un corps étranger, d'une figure oppofée à celle que prend un fel dans fa criftallifation, peut lui faire prendre fa figure, j'ai mis, dansune diflolution rapprochée au point de criftallifer, ayant foin de choifir Les {els qui criftallifent en gros criftaux, par exemple ; le Je/ de feignette , des pierres tailiées de différentes figures , fufpendues dans la liqueur par des cheveux : le fel a criftallifé autour de ces pierres ln prenant fa figure propre: le fel de feignette a toujours criftallifé en: prif- mes hexagones, quoiqu'il eût pour noyau un cube, un rhombe ou un ottaèdre. Ainfi, il paroît que les molécules falines les plus petites fonc femblables au plus gros criftal, & que la même loi qui leur fair affeéter telle figure , les contraint à la prendre également à mefure que le criftal grofit; & lorfqu’elles rencontrent un corps étranger , les molécules vien- nent s’y appliquer toujours dans un fens qui leur fait prendre la figure qui leur eft eflentielle: aufi voyons-nous dans des: criftaux de roche; des gouttes d’eau ,,de l’amiante , du fpath, pefant, divers fchorls ; &c.; & le criftal conferve néanmoins fa figure. .& fes:angles font toujours les mêmes, comme M, Romé de! Lille Paitrès-biemobfervé, +: 2010 no sp é Chaleur - È SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS, 217 Chaleur accompagnant la criflallifation. Comme la criftallifation eft produite par une attraction des molécules falines , il doit avoir un mou- vement qui produit de la chaleur; peut-être même eft-ce une chaleur combinée qui fe fépare lors de la criftallifation; mais le fait eft que j'ai plufieurs fois cbfervé une chaleur très-fenfible dans des criftallifations confufes & fpontanées; par exemple, dans les criftallifations de la terre foliée minérale, du nitre calcaire , &c.; les liqueurs étoient à la tea- pérature du lieu; mais en remuant un peu le vale, la liqueur criftallife, & alors vous féntez la chaleur. L'air paroït étre néceffaire à La criflallifation. J'ai obfervé ailleurs qu'à la faveur de l'air on déterminoit une criftallifation confufe , & que les criftallifations s’opéroient beaucoup mieux à l'air Libre. Ainfi, il paroît que l'air peut bien contribuer à la criftallifation, tandis qu'il y a des cas où on voit ce dernier fe féparer, J'en donnerai un exemple dans le fait fuivant. Ayant eu occafion cet hiver dernier de féparer la partie glutineufe d’une certaine quantité de farine , j'avois abandonné à la putréfaétion , dans une grande cucurbite d'étaim , les liqueurs qui m'’avoient fervi pour cette opé- ration , & la partie amilacie étoit au fond. Mais les froids ayant été aflez forts, l'eau fut congelée. Ayant alors brifé la glace, je trouvai dans l'in- térieur une criftallifation très-régulière. La glace en mafle étoit remplie de tuyaux fiftuleux , qui paroïfloient formés par le dégagement de l'air, & les criftaux intérieurs étoient des prifmes quadrangulaires applatis, ter- minés par deux fommets dièdres avec beaucoup de variétés, Je fis voir cette criftallifation à M. Fernandès qui vint me voir dans ce mo- ment. Pour avoir de gros criflaux , il n’eff pas toujours necéffaire d'opérer fur de grandes maffesa La figure des vafes & la quantité de matières contri- buent beaucoup à Avoir de gros criftaux; mais il y a des moyens pour en avoir avec peu de liqueur. Cela fe fait en prenant un criftal régulier qu'on met dans une diffolurion faturée du même fel, & ayant foin d’a- jouter de la liqueur à mefure qu'elle évapore (1). J'ai auffi obtenu des criftaux très-gros dans des évaporatoires de verre, tenant environ pinte, & étant un peu élevés. J’avois foin d’ajouter de la liqueur à mefure qu’elle évaporoit. Ce fait nous explique comment fe font formés des criftaux très-gros dans de petites géodes; c'eft qu’elles fe rempliffoient à mefure que la liqueur évaporoit, Une obfervation .qui (1) M. Roueile propofoit en problème , qu'il étoit poffble d'obtenir d’une même diffolution un criftal ifolé & gros à volonté. Je crois que mon procédé réfour bien ce problème, Tome XXV, Part, Il, 1784. SEPTEMBRE, Ee 218 OBSERVATIONS SUR'LA PHYSIQUE, vient à l'appui de ce que j'avance, & qui prouve qu’on peut obtenir des crifaux réguliers avec les fels les moins folubles, c’eft un peflaire d'ivoire qu'a retiré M. Bernard à une femme qui l’avoit porté quatorze ans. Ce p’ffaire éroit recouvert d’une incruftation; & dans l'intérieur, on y dif- tiuguoit des criftaux gypfeux qui s’y étoient formés par Le féjour journa- ber qu'y faifoic Purine (r). ; Circonffances où un fel devient plus foluble, & peut préfenter des varièrés dans fa criflaliifation. 1 eft certains cas où un fel fe trouve diffous dans une liqueur , dans des proportions bien plus confidérables qu’on ne par- viendroit à difloudre la même quantité de {el dans pareille quantité d'eau. Ce phénomène lieu d’une part, lofqu'on fe fert d'une liqueur acide; pat exemple, le fpath pefant, qui devient foluble à la faveur d'un peu d'a; cide: vitriolique, la félénite dans l'acide phofphorique , &c.5 d’une autre part ; deux fels étant mêlés, fon en fépare un par la criftalli(ation , l'au- tre refte diflous en bien plus grandt quantité qu'on ne parviendroir à en faturer eau. Je citerai, parexemple, le fel végétal & le fel fébrifuge: Le fel'végétal criftallifant lé premier , le fel fébrifuge fe trouve diflous en très-orande quantité dans peu de flüide. | Un fel devienrencore plus foluble à la faveur d’un alkali: par exemple, dans les leffives de porafle & des foudes , le fel marin qui s’y trouve y eft rendu fi folable , qu'il'eft très-diflicile de l'en féparer. J’ai eu cependane occafon d’obferver que l’alkali ne lui donnoit cette propriété, que parce qu’il eft dans un état cauftique ; mais en laïffant la liqueur à l'air, elle fe fature ; & alors on fépare facilement les fels étrangers. Je terminerai ces obfervations par les modifications qu’on fait prendre à la figure d’un fel; par exemple, le fel marin ctiftallife en cube, & M, Rouelle l'a obtenu , le premier, en oëtaèdre d'une leflive d'un capus mor= euum d'urine. J'ai tenté, depuis M. Rouelle , à avoir du fel marin octaèdre, Je fuis parvenu à le retirer , ainfi criftallifé , de l'eau-mère du nicre , des lefives de foude; & enfin, en faifant difloudre du fel marin dans de l'alkali minéral cauftique, j'ai obtenu du fel marin octacdre; mais aufli j'ai eu quelquefois des groupes de fel marin en cubes &en octaèdres (comme j'en ai donné à M. Romé de Lille) [2]. Quelles font (x) Ce pellaire eft fair d’un cercle d'ivoire, foutenu par une efpèce de fourche à trois branches. C’eft le peffaire de Jean Bauhin. Il a demeuré quatorze ans dans le va- gin, oil fut, pour ainfi dire, oublié par la malade. fl fut tiré par l'anus, ayant dé chiré le vagin & le retum depuis long-temps. C’eft M. Bernard , Chirurgien, élève 8 facceffeur du Frère Cofme, qui fit cette opération, & il conferve foigneufemenr ledit peffaire. d 1 so j (2) J'ai ea auffi occafion de faire l'examen d'un fel qu’avoirobtenu M. Fôliarr, d'une liqueur alkaline qui avoit fervi à faire le Lermés. Ce fel éroit criftallifé en, James hexa= gones , comme on en voit dans le fpark'pefant , & j'ai reconnu que c étoir duyvrai LT re ps RE SUR L'HIST. NATUREILE ET LES ARTS. x) dotic 1ës eaufes qui otcafornent ces modifications > Ce ne font pas les feules que nous ne connoiflons point dans le mécanifm: de cette opéra- » tion continuellement employée par la Nature, & ce ne fera que par des obfervations méditées qu’on parviendra à reconnoître Les divers moyens dont elle fait ufäge. SIXIEME MÉMOIRE DO: PTIT QUE, OU ILLUSIONS SINGULIÈRES DE LA VUE; Par M.G. DE GobaRT , Médecin des Hôpitaux de Vervier, des Académies #4 de Dijon | Bruxelles , de la Societé d'Emulation de Liège. * : L A grandeur des objets que nous voyons dépend & de l'image qu'ifs tracent fur Ja rétine , & da jugement que lame en porte. (Pierré Van- muffchenbroëck [11], Cours de Phyfique Expérimentale, &c.<. 1910. Regardant , dans un moment de triftefle & de rêverie, la campagne à travers une porte à doubles battans , garnie d’un treilli de laitom difpofé en lofange, je ne fus pas peu furpris de voir le treilli s'éloigner de moi, fes verges fe groflir, & fes mailles s’élargir confidérablement, Comme je ne me rappelle pas d'avoir vu nulle part ce phénomène rap porté ni expliqué, & qu'il mérite pourtant de l'être, je n'ai pas hélité d'en faire le fujet de mes études. 1 Pour donner naiffance à cette illufon , il faut fe placer vis-à-vis du mi- lieu d'un des pans du grillage, & s’en approcher jufqu'à 1 demi-picd au moins ; regarder à travers de fes mailles les abjets éloignés ; par exemple, lés nuages, avec un cértain effort que j’expliquerai ci-déffous. D'abord les verges fe doublent , & la vue eft comme étourdie ; un mo- ment après, vous révoyez les verges fimples ,& le treilli éloigné de quel- ques pieds, ayant fes mailles élargies & formées de barreaux de la groileur tartre vicriolé parfaitement neutre. Joignant donc cette variété à toutes celles quon ‘avoit obfetvécs jufqu'à préfent , je pourrai dire ,'avec M: Rouélle l'aîné , que ce fe} cit ua vrai prothée dans la génération de ces criftaux. À gi Er.pas Van Mufchenbroëck, comme au vitre de la traduétion de M. Sigaud de ond. Tome XXV , Part. 11, 1784. SEPTEMBRE. Ee 2 220 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, du petit doigt, quoique les verges de cette grille n’euffent que 2 lignes de diamètre. Si alors vous redoublez les efforts que vous faites pour voir le treilli ain augmenté , il s’éloigne encore davantage, & acquiert une ampleur vraiment furprenante. En effet, fivous parvenez à le faire reculer jufqu’à 12 à 1$ pieds, fes verges, qui, comme je viens de le dire, mont que 2 lignes de diamètre, vous paroïflent comme des barres d'environ 1 pouce d’épaifleur, & fes mailles, qui font des lofanges de 2 pouces de côté, forment des ouvertures de près de 2 pieds de carrure, placées diagonale- ment , ainfi que cela fe voit, en confrontant la figure 1°** avec la figure 2. Voy. PI, I. Le phénomène ainfi formé, vous pouvez parcourir des yeux les diffé- rentes cafes de ce monftrueux treilli, fans qu’il difparoifle ; & ce qui n’eft pas moins étonnant, c’eft que, li vous portez la main fur Le treilli réel , Le taét vous aflure d’un atrouchement que vos ÿeux ne ratifient pas; car vous fentez que vous touchez effectivement le treilli; mais votre main ne fe voit pas Le le fantôme; elle eft apperçue en decà. Ce n'’eft pas tout; fi, au lieu de vous placer au milieu d’une des grilles , vous prenez votre pofition à la droite , & que vous balanciez votre corps parallèlement à cetreilli, ce ne font plus des carrés en lofange que vous voyez , mais de longues & groffes barres inclinées à l'horizon, & placées à gauche; & fi vous vous tranfportez à la gauche, ce mouves ment vous en fait voir de tout aufli grofles & aufli longues du côté droit, fig, 3 & 4 La première chofe que j'ai cherché à connoître, à été de favoir en uoi confiftoit l'effort que je faifois pour faire naître l'illufion , ou plutôt Cain que je m'en fuis apperçu après ) pour en augmenter le merveil- "leux; & l'exercice de quelques jours m'a appris que c’étoic l'action re- doublée des mufcles abduéteurs de mes yeux. Cette découverte m'a conduit à un autre phénomène toùt aufli fingu- lier que le premier. Si l'aétion forcée, me Éis-je dit, des mufcles ab- ducteurs eft la caufe de l'éloignement & de l’agrandiffement du treilli, la même action des adduéteurs doit produire un effet contraire, rappro- cher le treilli & le rapetiffer. L'expérience a juftifié mon raifonnement ; ear, en faifant ainfi con- tracer ces derniers mufcles, j'ai eu la fatisfation de voir le treilli rap« proché, fes verges amincies, jufqu'à paroître comme des ficelles, & fes mailles réduites à des efpaces qui n’excédoient point l’ongle du pouce; fig. 5. À Je ne dois pas omettre d’ajouter que le conflit entre Ja vue & le tou- cheP, fe renouvelle dans cecas, mais dans un fens oppofé au premier, comme file toucher ufoit ici de repréfaille envers la vue ; c’eft-à-dire , " SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS, 221 que fi vous portez un doigt fur le petit treilli, vos yeux vous affurent que vous le touchez réellement; mais le tact n'en peut pas convenir , parce qu'effeétivement vous ne touchez rien , & que, pour atteindre le treilli réel, il fauc percer de la main le treilli apparent, & la porter, à ce qu'il femble, beaucoup au delà, tandis que vous nétes point éloigné d’un demi-pied de la porte, dont vous cherchez à râter le orillage. Il eft une autre façôn de faire paroître le petit treilli; cet de s’'éloi- gner de 10 à 12 pieds du réel, & de faire conniver fes yeux. Le petic treilli fe préfente à l’inftanc, & fi vous continuez à rendre vos yeux de plus en plus convergens ;: vous le voyez venir à vous, comme fi vos yeux l’attiroient magiquement, Il s'avanceainfi jufqu’à mi-chemin au moins , en devenant toujours plus petit, fig. $ & 6. L'on fait durer ces illufions plus ou moins detemps, & l’on augmente ou diminue leurs dif- tances, de même quetoutes leurs, dimenfions , felon qu'on a la conf- tance & Ja force de violenter fa vue davantage & plus long-temps. Après qu’on s’eft beaucoup amufé à les faire paroître , leur merveilleux diminue, c’eft-à-dire, que le grand treilli & fes barreaux font moins grands, moins éloignés aux dernières apparitions qu'aux premières d’une même féance , & qu'ilen eft de même de la diminution des dimenfions du petit. Ces phénomènes font plus beaux , plus magnifiques les jours fereins , mais nuageux , que lorfque le temps eft fombre & nébuleux , ou que Le ciel eft parfaitement pur. . Quand vous aurez fait naître le grand treilli ou les oroffes barres; pour peu que vous vous relâchiez de la contention des yeux , l'illufon dif paroït, & vous revoyez le treilli naturel. Il n'en eft pas de même du petit treilli ; il fubfifte encore quelque temps après qu'on cefle d'agir, & malgré même qu’on veuille s’en débarraffer & revoir le réel. Les uns & les autres s’évanouiffent foudain, & font remplacés par le réel; dès que vous fermez un œil, ou que , par l’interpofñtion de la main , ou de tout autre corps opaque, vous l’empêchez de concourir à l'illufon. a Tels font les faits & leurs circonftances. Il s’agit maintenant d’en rendre raïfon, ou de trouver la caufe qui peut donner lieu à ces fingulières & bizarres apparences: hoc opus, hic Labor eff. Aprés avoir adopté bien des raifons , la plupart très-compliquées , que je croyois vraies un jour, parce qu’elles me fembloient expliquer au mieux l’une ou l’autre de ces illufñions, & les avoir enfuite répudiées d’autant que je m’appercevois qu'elles ne fatisfaifoient pas aux autres, ni aux diverfes circonftances de ces fantômes ; après, dis-je, avoir battu la campagne & m'être égaré bien des fois dans le labyrinthe de mon 222 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, imagination, jen fuis venu. à la théorie fuivante qui ; par fa fimplicité; étonnera peut-être autant que les faits dont elle rend raifon, Le treilli étant une répétition de cafes pareilles, ou dont la différence de l'une à l’autre n’eft pas fenfible, l'œil'étourdi ‘par la lumière, qui, paffant par fes parties vides, contrafte avec lés ombres des folides , ne peut s'appercevoir de la duplicité de ces cafés, & l'ame croit en confé- quence les voir à fa manière ordinairerde voir. : d H Or, le degré d’inclinaifon des axes optiques eft un dés: principaux moyens entre ceux qui lui ferventà feconnoître la diftance “ objetss Puis donc que, par la contraétion des mufcles abdüéteurs, les axesdevien- pent plus divergens, & par celles des ädduéteurs plus: convergens ; elle doit voir Le creilli plus éloigné dans le premier cas ,‘& rapproché dans de fecond. ! ViyHl Cette erreur fur le lieu de Pobjet en entraîne une autre fur fa gran- deur; car elle juge de cells-ci par l'étendue de l'image vifuelle , compa- rée à la diftance de l’objet. Or ( ce qu'il faut ici bien obferver ), la gran- deur de l'image refte la même fur la rétine dans les deux cas; & cela étant, dès que l'ame rapporte lobjer à: un ‘endroit plus éloigné , elle doit néceflairement le jugér ‘plus grand, comme elle Le doit juger plus petit, fi fon image eft rapportée à un endroit plus voifin. En effet, pour qu'un objet plus éloïgné trace au fond de l'œil une image de la même grandeur qu'un autre qui l'eft moins , il fauc qu'il foit plus grand que cet autre; & réciproquement, pour qu’un objet plus rap- proché y peigne une image qui n'excède pas celle d’un: autre qui eft plus éloigné, il fant qu'il foit plus petit que celui-ci; par conféquent ; lorfque , dans l'expérience du treilli, nous faïfons diverger les axes op: tiques par la contraction des abducteurs , l'ame doit juger le treilli plus éloigné ; & puifque fon image refte la même , elle doit voir les cafes aug- menteés , faus quoi leurs images fur la rétine feroient à cette diftance plus petites ; pareillement, & par la raifon des contraires, elle les verra dimi- nuées, lorfque , par l’action des adduéteurs, elle juge le treilli plus près de fes yeux, puifqu'étant plus rapproché ; il traceroit une image plus grande, s’il n'étoit pointrapetiflé. 4 Lacaufé de ce genre d'illufñon confifte donc dans l'identicé de l'image d'un objet rapporté à différentes diftances ; & fi vous en faites l’applica- tion aux verges qui forment le treilli, il eft évident que leur grofleur doit paroître augmentée ou diminuée dans la même proportion que le champ des cafes, : à je Mais comment expliquer la produétion des barres inclinées ?! par l'é- blouiffement de la vue , qui réfulte de la fucceflion rapide des verges, dont la pofition coupe la direction du mouvement que vous donnez à votre corps. En effet, l’image de ces verges parcourant avec virefle le SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 223 champ de la vifion de droite à gauche & de gauche à droite, tandis que celles qui font parallèles au mouvement du corps ne changent pas de place", l'attention de l'ame eft d'autant plus attirée vers les premières, que leurs impreflions négatives gagnent un furplus d'intenfité de là part du fond, dont les fibres font élevées à un plus haut ron par l'éclat de la lumière qui pañle à travers les mailles, ainli que nous l'avons expliqué dans un de nos précédens Mémoires, Ce qui prouve que c’eft-là la vraie caufe qui produit ces barres incli- nées , C'eft que fi, dans le temps que vous en étes affecté , vous venez à partager votre atrention, en cherchant les autres verges, vous revoyez aufli-tôt les cafes formées , ou le treilli monftrueux. Ce cas n’eft pas le feul où l'ame, diftraite par d’autres impreffions, ne voit pas un objet qu’elle a devant les yeux, jufqu'a ce que fon attention vienne à le ren- contrer. { Voici d’autres particularités qui ne méritent pas moins d’être expli- quées. N°. 1. Si vous mettez un petit papier fur un des angles d’une lofange ; par exemple (a), fig. 7, il devient double dans le fens horizontal, fig. 8. ; l N°, 2. Si vous en mettez fur les deux angles horizontaux , fo. 9, vous en voyez trois placés conime dans la figure 10. N°. 3. Les mettez-vous verticalement ab, fig. 11° vous en appercevez quatre aabb, fig. 12. . N°.4. Si, à deux horizontaux , vous ajoutez un vertical fupérieur, fig. 13, vous en voyez cinq diftribués comme dans la figure 4. N°. 5. Ce troifième eft-il vertical intérieur, fig: 1$ ? les cinq font pla- tés comme dans la fig. 16. N°. 6. Si:à deux verticaux vous ajoutez un horizontal gauche, fig. 17, vousen voyez fix arrangés à la manière de la fig. 18. N°. 7. Si ce toifième eft horizontal droit, fig. 19, vous les voyez dif- pofés comme dans la figure 20. N°.8.Erfn, fi vous en garniflez les quatre angles, fig. 21, vous en compterez fept arrangés comme dans Ja fig. 22. Deuxreniarques vont débrouiller tout ce chaos. La première , c’eft que , par Le croifement des axes vifuels , foit en deçà, foit au delà dutreilli, 41fe die un déplacement des images fur chaque ré- tine, qui fait paroître les cafes doubles; mais (ainfi que nous en avons déja averti plus haut) comme le treilli eft une répétition de cafes pa- reilles les unes aux autres, & que l'œil eft étourdi, on ne s’apperçoit point d: cette duplicité. La feconde, c’eft que la pofirion de deux images d’une même cafe efttelle que le centre de la cafe-réelle eft au milieu des deux apparentes, 224 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, ou à leur point de rencontre ; de forte que l’une de celle-ci eft à la droite, l'autre à la gauche de ce centre. Ces deux obfervations fuffifent pour rendre raifon de toutes les mulri- plications des papiers, de même que de leurs différens arrangemens, ainfi qu'on va le voir en parcourant les différens numéros, N°. 1, La cafe (a), fig. 7, devient aa, fig. 8. D'après ce que je viens de dire, la cafe réelle difparoît, & eft rem- placée par deux autres, dont le point de jonction tombe fur fon centre. La cafe réelle devient donc telle que la fig. 23 le repréfente , dans la- quelle il ne faut faire attention qu'aux cafes ponétuées, puifque la réelle, qu eft ici repréfentée par les lignes pleines, eft difparue. Or, chacune e ces nouvelles cafes ayant fon papier, il eft évident qu'on doit le voit double , & placé ainf que la figure 8 Le repréfente. N°. 2. Par cette mème difpoltion des nouvelles cafes, on devroit voir quatre papiers, lorfque vous en mettez un à chaque angle horizontal de la cafe réelle , fig. 9: Cependant on n’en voit que trois, fig. 10, & la raifon eneft, que les deux du milieu coïncident & tombent lun fur l'autre, On peut s'aflurer que la chofe eft ainfi, en faifant une marque dif- tinétive à chaque papier ; car alors le papier qui eit au milieu des deux autres fe trouve muni des deux marques, comme iciab, fig. 24, dans laquelle on doit faire abitraction de la cafe du milieu. N°. 3. La cafe a b, fig. 2, fe doublant, il n’eft pas étonnant qu’on voie quatre papiers placés comme dans la fig. 25, dans laquelle il ne faut éga- lement faire attention qu'aux cafes pon@uées. N°. 4. Si à deux papiers horizontaux, vous ajoutez un vertical fupé- rieur, fg. 13, vous en voyez cinq, dont trois furmontés par les deux autres, fig. 14, parce que les deux horizontaux en donnent trois, felon le n°.2, & que le fupérieur en donne 2, felon le n°, 3. N°.5. Par les mêmes raifons, fi ce troifième eft vertical inférieur, n°. 15, les deux font furmontés par les trois, fig. 16. : N°. 6. Si à deux verticaux, vous ajoutez un horizontal gauche, fo. 17, vous en voyez fix arrangés comme dans la fig. 18. Le n. 3 donne raifon des quatre , & le n°. 1 celle des deux autres. N°. 7. Si ce troifième eft horizontal droit, fig. 19 , on les voit, par les mêmes raifons, difpofées comme dans la fig. 20. N°. 8. Enfin, fi tous les quatre angles font garnis, fg- 21, on doit, par len°. 2, en voir trois au milieu; &#par le n°. 3, deux fupérieures & deux inférieures, & par conféquent fept, ainfi qu'il eft reprélenté par la figure 22, En un mot, ces apparences font caufées par l'image vi- fuelle qui fe double, marche en même temps à droite, à gauche, & s arrete FPE SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 225$ S'arrête après avoir parcouru fon demi-diamètre de chaque côté. Cela eft fi vrai, qu'on peut réalifer ces fantômes, en pofant l’un fur l’autre deux morceaux de papier , ou d’autres matières coupées en lofanges d'égalé grandeur , fi on les fait aller l'un à droite, l’autre à gauche, jufqu'a ce qu'ils foîent prêts à fe féparer , & qu'ils ne fe touchent plus que par les bouts de leur diamètre, ce qui fera au centre de leur fituation pri- mitive. Il me refte à réfoudre quelques queftions qui appartiennent à ce genre de phénomène. L'on me demandera fans doute pourquoi ces illufñons n’ont pas lieu à l'égard des autres corps. Je réponds que c’eft parce qu'ils n’éblouiffent point la vue, comme fait le treilli, & qu'ils ne font point yne répétition nombreufe de parties pareilles entre elles, comme le font celles du treilli. Je m'explique ; le grand éclat du jour qui paîle par les ouvertures du grillage, & qui con- trafte avec la partie obfcure de fes verges, étourdit l'œil de façon que Vame ne pouvant reconnoïtre la duplicité de fes cafes , elle croit les voir fimples, Or, l’ufage de la vue lui a appris qu'elle ne voit un objet quel- conque fimple, que lorfqw’il eft placé au fommet de l’angle vifueli con- féquemment elle y rapporte les cafes qu’elle voit, & c'eft de 1à que Le treilli paroît éloigné, files axes optiques font divergens, & rapproché, S'il font convergens. Or, cette erreur touchant le lieu de l’objet, entraîne après {oi celle fur fa grandeur , ainfi que nous l'avons expliqué ci- devant, : à Pourquoi ces phénomènes font-ils plus beaux, plus étonnans les jours fereins, mais nébuleux , que lorfque l’air eft fombre & nébuleux, ou par- faitement net? Quand il fait beau temps , fes nuées font fort élevées, & font autant de pointsfur lefquels les yeux peuvent fe fixer ; ce qui, vu le grand éloi- gnement de l'objet , aide à la divergence des axes optiques. Or, l’on eft privé de ce fecours , lorfque le ciel eft parfaitement net; & dans des temps fombres , la vue fe trouve barrée, & ne peut fe porter bien loin, outre que la lumière du jour étant moindre, les images vifuelles perdent quelque chofe de cette étendue que le grand éclät des beaux jours leur donne par le branle qu'il excite dans Îes fibres de la rétine, dont les mouvemens fe communiquent au long & au large du voifinage, lorfqu'ils font plus violens que ne comporte l’état naturel de l'organe. Gr, il eft à remarquer que la moindre augmentation de l’image d'un objet au fond de l'œil, fuffic pee elle concourt avec le jugement que porte lame de fon plus gran éloignement ; fufe, dis-je, pour faire paroître l’objet prodigieufement groffi, Ainfi, l'on ne doit point croire que jexagère , lorfque j'aflure avoit vu , certains jours, des barres qui n’ontique Tome XXV, Part. 11,1784. SEPTEMBRE, FF 226 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, 2 lignes de diamètre de plus d’1 pouce d’épaifleur, & les mailles du treilli, qui n’ont que 2 pouces de longueur, former des lofanges qui avolent près de 2 pieds d'envergure. ; ’ : *. Cela m'eft arrivé des jours où le ciel , quoique bien ferein & brillant , montroit pourtant de temps en temps quelques petits nuages, L’éclat du beau jour agrandiffoit l’image au fond dés yeux, & l’objer étoie rapporté plus loin ; parce que les axes fe réunifloient aux nuages, dont le grand éloignement eft indiqué par leur petitefle. Or, un objet éft jugé d'autant plus grand , que fon image fur la rétine cft ample, & qu'il eft rapporté à une plus grande diftance, Ceci me rappelle le cas que j’ai communiqué au Journal de Médecine, tome XII, d’une épilephñe qui rendoit les yeux microfcopiques. La femme qui fait le fujer de cette obfervation , voyoit, dans le temps de fes fréquens accès, les objets fort éclafrés, fouvent doubles, & plus gros que dans leur état naturel, Lui apportoit-on, parexemple, de la lumière la nuit , ou le foleil fortant d’un nuage épais venoit-il à darder tout à coup une vive lumière? ce qui s’en trouvoit éclairé paroifloit à la malade d'une groffeur monftrueufe ; uncépingle , pour me fervir de fes propres termes, comme un cloux; une mouche comme une poule, une oule comme un bœuf. J’ai expliqué cette augmentation de volume par la grande vibratiliré du genre nerveux de cette femme en général, & des fibres de fa rétine en particulier, qui, trémouffant plus vigoureufement en vertu de œetre difpoñtion , difp:rfoient leur mouvement à leur voifnage, d’où réfultoit une augmentation de l’image de l'objet , ainfi que je viens de l'expliquer. Mais puifque cette perfonne voyoit les objets furt éclairés , ou dont l'impreflion lui arrivoit brufquement, doubles, il eft à préfu- mer qu'à'cette caufe fe joignoic la contrattion fhafmodique des abduc- teurs; & que le grand jour l’'écourdiffoit tellement , qu'elle prenoit enfin les deux images pour une, ou qu'elle ne prétoit artention qu'à upe des deux , laquelle , rapportée au concotrs des axes optiques au delà du lieu réel de lobjer, le lui faifoit paroître monftrueux. Le caractère de l’épilepfie, qui eflun état convulfif, donne beaucoup de vraifemblance à cette explication , & l’on auroit pu s'aflurer de ce qu'il en étoir, en faifant fermer un œil à cette perfonne , puifqu'alors elle au- roit revu les objet5 dans leur état naturel, fi l'éloignement de l'angle vifuel étoit la feule caufe de leur agrandifflement ; mais n'étant pas alors inftruit de l'influence que.la difcordance de la direction des axes opti= ques avec le vrai lieu de l’objet a fux les jugemens que Fame porte de leur grandeur, certe épreuve n’a pu me venir en idée. Quoi qu'il en foir , je dois faire obferver que cette dernière caufe a fes limites , au delà defquelles elle n’a plus d’efft ; c’eft-à-dire, que les dimen- fions du treilli n’augmentent avec la diftance de l’objet fixé, que jufqu’à SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 2127 gû cértain éloignement; car la lune , par-exemple, ne donne pas plus d'ampleur aux mailles, ou de groffeur aux verges, que les nuages des beaux jours; & la raifon en eft, que la diflérence des diftances de- vient nulle à de grands éloïgnemens. En effet, les nuées fort hautésmous paroiflent auffi éloignées que la lune, la lune autant que les autres pla- nères , celles-ci autant que les étoiles fixes. Pourquoi le merveilleux de ces illufions diminue-t il quand on les réitère trop dans une même féance ? Parce que ge" Le fort de tout ce qui frappe l'imagination , de produire plus d’effet au commencement qu'à la n. Il ya pourtant ici encore une autre raifon; c'eft que les mufcles fe Æatiguent par le long exercices, & qu'ils abéifflent moins. à la volonté, lorfqu'ils font las , que lorfqu’ils jouiffent de toutes leurs forces. Pourquoi le grand treilli & les grofles barres difparoiffent-ils, pour peu qu’on ralentifle les efforts qu’on fait à fa vue, & qu’au contraire le ipetit treilli fubffte & fe fourtient, malgré que l’on fe délifte de toute contention ? Ceci eft l'effet de l’habitwde que nous avons de nous occuper des objets voifins, laquelle nous rend la contraction des adduéteurs fi familière , qu'elle fe fait, pour ainfi dire, fans le concours de la volonté, tellement que leur action continue en vertu de l'habitude, lotfqu’on cefle de les faire agir: mais celle des abduéteurs ne jouit pas de ce privilége; il faut un commandement tout exprès de la part de l'ame , pour que les axes aillent fe rencontrer fi loin, parce que les ufages de la vie exigent rarement cet éloignement deleur concours. Or , une aétion à laquelle nous ne fommes as accoutumés , fatigue , pour peu qu’elle foit continuée, & par con- Met la contraction des abducteurs étantun état violent, il doit ceffer de lui-même , dès que l'ame cefle d’y donner toute fon attention. Pourquoi la main qui touche le grand treilli fe voit-elle en-deçà ? Cela Vient de ce -que les parties folides du treilli apparent répondent aux par- ties vides du réel; d'où il arrive que , voulant toucher le treilli apparent, le doigrapotre à faux, jufqu'à ce qu’en tâtonnant, il appuie fur quelques parties folides du treilli réel; & commeil y a un jour entre cette partie touchée & la verge correfpondante du treilli apparent , cela fait paroître le doigt en deçà de route la quantité ou étendue de ce vide. Pourquoi femble-t-il qu'on porte la main fi loin , lorfqu’or perce le petit treilli pour atteindre le réel , qui pourtant n'eft éloigné que d'un démi- pied tout au plus de celui qui fait l'expérience ? “rs L'ame pañle d'une illufion à uve autre. En comparant l'étendue de l'image à la connivence des axes , elle a jugé l'objet plus petit, Cette peti- tefle à fon tour Le lui fair juger éloigné. Ce que j'avance ici eft exactement vrai, puifque fi,ayant ainfiles yeux Tome X XV, Parc. IT, 17984. SEPTEMBRE. Ff2 228 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, difpofés , vous portez, par un mouvement de tête, la vue fur ce qui eft par delà le treilli, les objets voilins font apperçus dans le lointain, comme fi on les voyoit par un de ces verres qui éloignent & rapetiflent leswobjets. Cela étant , il n’elt pas furprenant que, pour atteindre le treilli, quéllplus éloigné que l'apparent, le bras doive faire un mouvement quien apparence porte la main bien loin. Enfin, pourquoi ces fantômes difparoiffent-ils , &, revoit-on le treilli réel , dès qu'on ferme un œil, où qu’on lui oppofe un corps opaque? C’eft que la caufe primaire étant fupprimée , l’effet doit difparoître. Or, ici c’eft la rencontre des axes optiques qui donue lieu à la première erreur, de laquelle les autres s'enfuivenr, comme leur étant fubordon- nées. Si donc en fermant un @il, ou en l'empèchant de: voir, les axes ceffent de concourir , l'illufion n’a plus lieu, & l’on voit le treilli dans fon état naturel. . Concluons de tout ceci avec le célèbre Vanmuffchenbroëch , dont j'ai le bonheur d’avoir été le difciple, qu’il faut bien diftinguer ‘la grandeur apparente d’un objet, de celle que l’ame lui attribue lorfqu'elle le voit. Cette dernière doit fon origine au jugement que nous en portons, & non pas feulement à l'apparence de l'angle oprique; de forte que la grandeur des objets que nous voyons dépend, & de l’image qu'il tracent fur la ré- tine , & du jugement que l'ame en porte, conféquemment à l'habitude & l'expérience qu’elle a acquifes. Ce jugement eft immédiatement joint à la fenfation qu'elle éprouve . ..., & il dépend de plufieurs circonftances relatives à ce que nous connoiflons d’un objet, (Cours de Phyf. experim, $. 1910, Inff. Phyf., $. 1235.) EEE RE L AUX AUTEURS DU JOURNAL DE PHYSIQUE, Sur un Eletromèétre. MEssreurs, JE viens de lire, dans Le dernier numéro de votre excellent Journal, une Lettre de M. Ferry fur un éleétromètre de fon invention. Les idées de çe jeune Phyficien , dont je connois tout le mérite , ont réveillé celles SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 219 que j'avois eues moi-même fur cet inftrument , fi difficile à perfectionner. J'avois long-temps héfité de vous en faire part; je n’ofois vous prier de faire inférer dans un Journal où il paroît des chofes fi intéreffantes, fi au- deflus mème de La portée du commun des Leéteurs, la fimple defcrip- : tion d'un inftrument dont on a déjà tant parlé; je demandois des en- couragemens & des confeils. Un Phyficien, avantageufement connu dans la carrière des Sciences par des ouvrages très-eftimés , & plus connu encore par fon affabilité, le P. Paulian , Auteur du grand Dictionnaire de Phyfique , voulut bien mé donner les éloges les plus flatteurs fur cet éleétromètre ; il pouffa même la bonté jufqu'à dire qu'il n’en connoiïfloit pas de meilleur. Je vous avoue, Meflieurs , que quoique cet éloge foit plutôt dû à-la bonté encourageante de cet homme aimable, qu’à la per- fection de mon éledromètre , il Aatta tellement mon amour-propre, que je me propofai dès-lors de faire avec cet infrument un grand nombre d'obfervations fur les atmofphères & les étincelles éleétriques: mais le temps qui a été conftamment pluvieux à Marfeille, les expériences de laéroftate, & plus encore des occupations littéraires m'ont empêché dé fuivre mon deffein. Je fuis fâché , Mefieurs , de n'avoir à vous offrir que la fimple defcription de mon éleétromètre; Ceft à vous à juger sil et digne de l'attention des Phyficiens. Je vais , avec votre permiflion , entrer dans les détails que cette matière exige. Nous ne connoiffons en Phyfque que deux efpèces d’életromètres ; les uns fondés fur les atmofphères qui s’échappent des corps chargés d'élec- tricité, & les autres fur les étincelles qui s’en élancent à l’approche d’un autre corps propre à fervir de conducteur à la matière éleétrique. L’Abbé Noller, fi juftement célèbre, pour avoir le premier introduit parmi nous la phyfique expérimentale , en conftruifitun , fondé fur le premier de ces principes , & il fat fuivi par MM. Waitz, Darcy, Henley, & par quan- tité d’autres Phyficiens d’un mérite d’iftingué , qui tous ont plus ou moins travaillé à Je perfectionner ; mais les inconvéniens attachés à ces fortes d'éleétromètres , leur peu d’exactirude , le mouvement continuel des fils, tout cela a fortement influé à les faire rejeter, quoique d’ailleurs ils foient pour la plupart très-ingénieux & très-dignes de crouver place dans le Cabinet des curieux: quant aux éleétromètres fondés fur les érincelles électriques, ce font aujourd’hui les feuls dont on fe fert en Phyfique, MM. Lane, Sigaud de la Fond , &c. ,en ont imaginé qui ont mérité les plus grands éloges ; mais il me paroît qu’ils ne fe font point aflez attachés à partir d’un principe fixe , qui püt leur fervir de point de comparaifon, Ê vais vous faire la defcription du mien , après quoi je prendrai la liberté e vous faire obferver les défauts auxquels j'ai cru remédier. Fig. 1%, PLII. Mon éleétromèrre, fondé fur le principe que plus un corps eft chargé d'électricité, plus, toutes chofes égales d'ailleurs/bles étincelles qu'il lance fe produifent au loin , eft compoñfé d’un tube de verre d'environ 230 ,; OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, 12 pouces de long & de 16 lignes de diamètre, tel que AB , exa@tk- ment calibré dans route fa longueur ; à l’une de fes extrémités B, eft maf- tiquée une efpèce de pifton de feringue C D , terminé du côté C par une plaque de métal extrêmement polie, & de l’autre côté D, par un crochet deftiné à être appliqué au conduéteur & à recevoir le Auide électrique. A l'autre extrémité À du même tube AB , eft un autre pifton EF, qui entre à frottement dans une petite boîte remplie de cuirs gras”. & maftiquée à cette extrémité. Ce pifton, également de métal, & terminé comme l’autre par un plan exadement poli, parcourt toute l'étendue du tube AC, depuis le point À , qui eft le plus fort degré d’életricité , jufqu'à l'autre pifton CD , qui peut être confidéré comme le point zéro ; toute l’érendue AC eft divifée en parties égales d’une ligne chaque, exactement tracées avec l’angle d’une lime, ou par tout autre moyen mécanique. Je fuppofe maintenant qu'on veuille fe fervir de cet éleétromètre: il füfft pour cela d'appliquer le crochet D fur un des conducteurs qu’on électrife conftamment de la même manière; c’eft-à-dire, avec le même nombre de tours, & d’avancer peu à peu le pifton EF, jufqu'à ce qu'on apperçoive une étincelle éleétrique*partir de lextrémité du pifton C, & venir frapper l’autre piftôn EF, pour fe rendre par ce moyen dans le réfervoir commun: on examine alors à quel degré répond l'extrémité de ce pifton; & comptant le nombre de divifions qui fe trouvent entre € &F, on afligne le degré de force de cette étincelle, & la comparant en- fuite avec une autre, en fuppofant toujours que la glace ait fait le même nombre de tours, on connoît de combien cette étincelle eft plus forte ou plus foible. Figure 2. Si l’opération fe fait fur une bouteille, voici la manière d'y procéder, On commence d’abord par retirer entièrement le pifton E F. ( Cette précaution eft abfolument néceflaire pour empêcher que la bou- teille ne fe décharge, & il faut en ufer toutes les fois qu’on veut fe fervir de cet électromètre), Cela fait, on ajoute À" l'extrémité du pifton E un fl de fer ou une chaîne E H, qui communique avec la furface extérieure de la bouteille, & lon place le crochet D dans celui de la bouteille, I eft facile de voir, par cetexpofé, que le‘pifton C D fe trouvant ifolé , la bouteille ne peut abfolument fe décharger. Maintenant, portant d’une main l'extrémité A , j'avance, de la manière déjà prefcrite, le pif ton EF, jufqu’à ce que je voie une étincelle partir du pifton C D, & ve- pir frapper le pifton oppofé : je regarde alors combien-il y a de divifions entre F & C, & j'añigne le degré d'électricité de cette bouteille, Je fais la même chofe pour un bocal ou un tableau magique, c'eft-à-dires que je fais communiquer la chaîne E H avec une des furfaces, & le pif ton C D à la furface oppofée ,'obfervant de procéder toujours de la même manière ; &/Comme quelquefois les bouteilles , très-mal difpofées , ne fe déchargent point d’un feul coup, j'avance alors de nouveau le pifton, juf SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 231 qu'à ce que l’étincelle parte, & additionnant les deux quantités, je trouve le véritable degré d'électricité de la bouteille on du tableau magique, En confidérant dans cet inftrument la manière dont les piftons fe trou- vent placés, on pourroit objecter qu’on peut, par inadvertance , avancér avec un peu trop de vivacité le pifton EF, & corféquemment donner un faux réfultar. Je connois toute la folidité de cette obje&ion; aufi,je ne prétends pas que tout le monde puiffe fe fervir de mon éleétromètre avec le même fuccès; il faut une main sûre & bien exercée à ces fortes d’expé- riences, pour obtenir un vrai réfultat: d’ailleurs on peut en quelque forte remédier à cet inconvénient; il fufft de fubftituer au pifton EF la vis dont fe fervoit fi avantageufement M. Lane; mais le défaut , quoique moins marqué, fubffte toujours ; fi la perfonne qui fait cette expérience n’y donne pas toute l'attention qu'elle mérite. Quant aux divifions tra- cées far le tube, qui eft. la principale pièce de la machine, comme il n'eft pas poflible de trouver par-tout des ouvriers intelligens qui puif: fent faire de ces fortes d'ouvrages, on peut maftiquer perpendiculaire- ment {ur la longueur dutube un plan de verre de 3 à 4 lignes de hauteur, fur lequel on colléroit une bande de papier exactement graduée. On fent affez que cette méthode , qui révient parfaitement au même , eft beaucoup plus facile & moins difpendieufe. Vous voyez , Meflieurs, que cet éleétromètre, conftruit & employé de cette manière, doit donner des réfultats plus juftes que les autres cas, pour ne parler que de ceux de MM, Lane & Sigaud de la Fond, qui {ont les meilleurs que nous connoiflions en Phylique. Ne pourrroit:on pas leur reprocher, quelque ingénieux qu’ils foient, d’être expofés au conta@ de l'air? N’eft-il pas vrai que cet air, venant à les toucher , doit néceffairement. influer fur le réfulrar, à raifon de la fécherefle & de l'hu2 _midité qui règnent dans l’atmofphère? On fait que dans le temps le plus fec, & conféquemment le plus. propre à lélectricité, il Aotte encore dans l'air une multitude d’émanatiors & de particules aqueufes. Ces particules venant à fe trouver entre les deux boules de l'inftrument, elles ferviront de conducteur à la matière électrique ; & Finftrument donnera un faux réfultat. C’eft pour, remédier à cer, inconvénient, que j'ai cru devoir placer le mien dans un tube de verre fermé à fes deux extrémités, parce que l'air y étant conftamment le même; ne pourra influer fur le téfultat, à raifon de fon plus ou moins d'humidité, J’ai également fub{= titué aux deux petites balles deux plaques de métal exaétement travaillées June fur l’autre ; parce que ces plaques préfenrant une furface plus unie, ne peuvent aucunement foutirer l'électricité, & j'ai eu foin de ne pas les faire affez grandes , pour qWelles frottaffent exaétenrent contre le tube, Cieft une précaution qu'on ne doitpas manquer de prendre , parce qu’au- tement on éprouveroit une réldtance- invincible de la part de Pair qui y eft contenu, auquel il faut donner un pafflage pour refluer, fi lon veut 232 OBSERVATIONS SUR LA*PHYSIQUE, empêcher qu'il ne fafle effort contre les parois, & ‘ne les brife avec éclat: La boîte de cuirs gras que nous avons placée à-l’extrémité de l’inftrument, n'eft là que pour empêcher l'air atmofphérique de s'introduire avec Les corps qui Aottent continuellement dans {on fein, dans la capacité du tube; mais pour celui qui y eft déjà, il doit néceflairement pouvoir refluer lorfqu'il eft foulé par le pitton. Il eft encore, Mellieurs , une autre obfervation que vous ne manque- rez pas de faire comme moi, au fujet du nombre de tours que doit faire la glace. Vous fentez que le nombre doit être conftant, & que c’eft- Run point fixe dont il faut néceffairement partir pour obtenir un vrai réfultat, & pour être en droit d’afligner au jufte de combien de degrés l'électricité, dans un jour quelconque, et plus forte ou plus foible que celle qu'on obferve dans un autre jour; ou puilque, felon Le fyftême le plus fuivi, l'électricité eft toujours la même dans l'Univers matériel, de combien l'électricité que nos inftrumens accumulent dans un tel temps cft plus forte ou plus foible que celle qu’ils avoient accumulées dans un autre temps. J'ai remarqué que, dans un temps très-fec, & par confé- quent très-propre à l'éleétricité , il fuffoit de donner à ma glace fix tours confécutifs , pour charger tout mon appareil éleétrique , de manière qu’on entendit à fes extrémités ce petit bruiflement qui annonce l'éruprion du fluide électrique occafionné par la quantité furabondante que lawglace fournit, J’ai fait de pareilles obfervations fur mes bouteilles & fur més tableaux magiques ; & toutes les fois que je me fers de mon électromètre, je donne le même nombre de tours, & la différence des réfultats me donne le plus ou le moins d’éleétricités s La conftruétion & l'exactitude de cet éleétromètre peuvent conduire à trouver le rapport qu'il y a entre les étincelles électriques & les atmof- phères qui s'échappent des mêmes corps : il fuffit pour cela de répéter les expériences avec un électromètre double & même triple de celui dont j'ai donnéla defcription, & d’ajouter une pointe fort aiguë à l’extrémité du pifton qui entre à frottement : on peut alors facilement , en répétant la même expérience, tantôt avec cette pointe, & tantôt avec la plaque, dé- terminer ce rapport; & vous fentez combien ce problème, étant une fois réfolu , pourroit être utile pour connoître la véritable fphère d'acti-. vité des tiges que nous élevons fur le faîte des édifices pour fervir de pa- raronnerre , pour favoir la charge d’un bocal ou d'une bouteille dont on voudroit éprouver la décharge. Il s’agit maintenant de déterminer ce rappoït. J'aurois voulu faire les expériences néceflaires ; mais des occupa- tions multipliées m'en ont empêché, & j'attends à préfent que le temps foit plus fec , pour les répéter d'une maniète fatistaifante. Je défirerois ue quelque Phyficien bien intentionné voulüt fe charger de faire 4la même chofe de fon côté: on pourroit, en comparant fes réfultats avec les miens, en fachant toutefois nos données , tirer des règles conftantes fur - - : 1 . 2 L— SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. ‘233 ‘fur le rapport qu'il y a entre les étincelles éleétriques & les atmofphères auxquelles elles appartiennent, Ces règles bien déterminées pourroient trouver plus d'une fois leur application dans les expériences que l’on fait en grand dans l’atmofphère & dans celles que nous répétons dans nos cabinets, Voilà, Meffieurs , quelles font mes idées fur un inftrument qu’on a eu tort de regarder commeinutile, parce qu’on y trouvoit beaucoup de dé- fauts. Je nai garde de croire que celui dont il s’agit dans cette Lettre, aïe remédié à tous ceux qu’on leur reprochoit; j'ai faili les plus frappans, & j'ai tâché de les corriger, C’eft aux Phyficiens plus intelligens que moi à donner de nouvelles idées fur cet inftrument, qu'on ne pourra jamais rendre parfaitement comparable, Si, dans l’état où fe trouve celui que je vous offre, il mérite votre approbation , & que vous infériez cette Lettre dans votre Journal , ce fera pour moi un encouragement bien flatteur. Je fuis sIé£Ce BARBAROU x. Marfeille, le 26 Mai 1784. NOUVELLES LITTÉRAIRES. rs RE SUITE de la defcription des Expériences aéroflatiques de MM. de Montgolfer, & de celles auxquelles cette découverte a donné lieu, &c. &c.; par M. FAUJAS DE SAINT-FOND , rom, IL, in-8°, avec figures. À Paris, chez Cuchet, rue & hôtel Serpente. Ce nouveau volume contient les détails des différens voyages aériens faits à la Muette, aux Tuileries, à Lyon, à Milan, à Paris par M. Blanchard ; à Dijon, &c.: on y trouve aufli plufieurs Mémoires fur la manière de diriger les aéroftates , fur la dilatation de l'air , & les moyens les plus fimples & les moins dangereux d’augmenter ou de diminuer la cha- A , “.’ o 4 st . 5e ; leur à volonté ; fur différentes manières d'obtenir l'air inAammable , & L] ; : ; LA les moyens d’en remplir un globe de 30 pieds de diamètre en deux heures: DE És oou 5 or : ony verta le travail de M. Faujas fur des vernis appliqués fur les toiles des aéroftates, & fur-tout fur un nouveau, fait avec de la glu. Tout ceux qui s'occupent dans ce moment des expériences avec des aéroftates , trou- Tome XXP, Part. II, 1784. SEPTEMBRE, Gg Ù 234 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, veront dans ce nouveau volume des obfervations & des connoiffances qui ne peuvent que leur être d'une grande utilité. Phyfotomatorechnie univerfelle , par M. BERGERET , féptième cahier, Ce cahier contient la clavairecoralloïde, clavaria coralloïdes; la pezize corne d’abondance , pegiga cornacopioides ; le bolet bigarré, bolerus ver/r- color ; le bolet fubéreux , boletus fuberofus; l'agaric chanterelle, agaricus cantharellus : Vagaric bulbeux, agaricus bulbofus ; Vhypne prolifère , kyp- num proliferum ; Yhéliotr-pe d'Europe , heliorropeum Europæum ; l’alleluia jaune , oxalis corniculata ; le muflier majeur , anthrrinum majus ; hellébore noir, helletorus niger ; la lampette dioïque , lichris dioica. Suite du Recueil de pièces concernant es Exhumations faites dans l'enceinte de l'Eglife de Suint-Eloi de la Ville de Dunkerque, imprimé & publié par ordre du Gouvernement, À Paris, 1784. Quelles actions de grâce ne doit-on pas , & aux Acteurs des procédés avantageux employés dans certe fameufe exhumation, qui fembioir de+ voir êtie fuivie d’une infcétion générale, & à M. Hécquer, Chirurgien- Major des Hôpitaux du Roi, & Echevin de la Ville de Durkerque , qui les a mis en ufage avec autant de fagacité que de’ courage ! Effai fur le Mouvement, par M. CHAMBOISSIER , Dofleur en Médecine, de la Société Royale des Sciences de la Ville de Clermont-Ferrand, A Clermont Ferrand, 1783. in-4°. de 34 pag. De nouvelles idées,une nouvellethéorie fur le mouvement, dans laquelle, en adm tant les principes généralement reçus par les Phyficiens moder- nes. l’Aureur attaque les premières conféquences qu'ils en ont déduites. Cet Ouvrage ne contient encore que cinq chapitres ; mais l’Auteur en an- nonce dans la table civq autres, qui doivent le compléter. 72 “ . 7 . . Théorie nouvelle des mouvemens variés , par M. DESPONTS , i7-8°. Paris, chez Didot, 1784; prix, 11,4. Encore un nouveau fyftême, dans lequel l’Auteur veut démontrer que tou les grands Hommes qui ont écrit avant lui fur la Dynamique , fe font trompés, - SUR L'HIST: NATURELLE ET LES ARTS. 235$ D'iffèrtarion [ur la Masnefia-Alba, & fon urilité pour préferver ou rétablir ge » P La fanté ; par Jacques TEISS1ER , 2n-8°. Amfterdam, chez E. Van- Harrevelr. Ce n’eft qu'avec Le plus grand enthoufiafme que Auteur de cette Differtation parle de la magnéle blanche & de fes heureux effets dans la Médecine: il n'y a prefque point de maladie dont elle ne puifle être ou le préfervatif ou le vrai remède, Mais ce n'eftque chez cet Auteur qu'il faut s’adreffer pour acheter de la magnéfiz blanche ; il n’y a que lui qui pofsède la vraie & pure magnefis alba anglicana, & fon adrefle eft la fe- conde maifon après Korjes-Stceg , fur le cingle , à Amfterdam. Balance de la Nature, par Mademoifelle LE MASSON LE GOLFT, petit in-12, Paris, chez Barrois.l’ainé, Libraire, quai des Auguftins , : # 1784. Mademoifelle le MaÏlon fuppofe que le point de perfection, de quel- que qualité naturelle que ce foit, peut s'exprimer par le nombre* 20, & que le minimum au contraire eft 1 ou o. Cette bafe donnée, & les raifons qui l'ont déterminée dans le balancement qu’elle a fait de ces différentes qualités naturelles pour les trois règnes de la Nature, ont difcutées dans une efpèce d’introduétion aux tables des balances. Nous renvoyons à l'Ouvrage même pour ces détails, & nous nous contenterons de donner ici quelques exemples des plus frappans. Le cheval, par exemple, a 20 pour la forme ,10 pour la couleur, & 18 pour Pin£ tinét. [l eft donc, fuivant Mademoifelle le Maflon, un animal parfait pour la forme , tandis qu'il ne left pas tout-à-fait pour l'inftin&, & en- core moins pour la couleur, L'ocelot mâle au contraire eft parfait pour la couleur , tandis qu'il le cède beaucoup au cheval pour la forme, & infiniment pour l'initinct ; caril a 11 de forme , 20 de couleur, & 3 feulement d’inftinét. Le chien de Berger, s'iln'a que 8 de forme , 4 de couleur , eft bien dédommagé pour l’'inftinét, puifque la Nature lui en a donné la perfeion, ou 20, Les quadrupèdes Les plus mal partagés font la chauve-fouris , qui a 1 de forme, 2 de couleur, & 3 d'inftin&, & l’unau , qui a 3 de forme, 2 de couleur, & 1 d'inftinét. Parmi les oifeaux, le condor a 20 de forme & 8 de couleur; l'aigle doré, 13 de forme & 8 de couleur. Le paon cependant eft Le mieux partage en géné ral, puifqu’il a 18 de forme & 20 de couleur , &c. Cette balance eft très- ingénieufe , mais il faut avoir les connoiffances en peinture, les yeux , Le goût de Mademoifelle Le Maflon, pour fentir & voir comme elle. Tome XXV, Part. II, 1784. SEPTEMBRE. Gg 2 236 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, Méthode facile de conferver à peu ‘de frais les Grains @ les Farines; par M. PARMENTIER , Cenfeur Royal. Paris, chez Barrois l'aîné, Li- braire, quai des Auguftins, 1754 On connoît depuis long-temps le zèle & le patriotifme de M. Parmen- tier : fes longs travaux , & fur-tout fes heureux fuccès dans tout ce qu'il a entrepris fur les grains & eur converfion en pain, lui ont mérité les fuffrages & l'eftime de rous ceux qui favent apprécier les fervices eflen- - tiels rendus à la Société. Dans ce nouvel Ouvrage , M. Parmentier exa- mine d’abord ,- l’expérience à la main , toutes les méthodes employées jufqu’à préfent pour conferver les grains & les farines ; il en fait valoir les avantages & en développe les défauts ; il le termine , en en propofant une nouvelle qui nous paroït lemporter fur toutes les autres par une infinigé de points; elle confifte à renfermer les grains ou la farine fortant même du moulin , dans des facs ifolés, & de les garder ainfi jufqu’au moment de les moudre où de les convertir en pain, Cette méthode fi fimple réunit tous les avantages des autres , & n'en a aucun des incon- véniens, Obfervations fur le trairement de la Gonorrhée, traduites del Anglois de M, Samuel FOART Simons , Doë. Med, &c. Paris, chez Théophile Barrois, Libraire , quai des Auouftins ; prix , broché, 15 f. Des faits, des expériences, beaucoup d’obfervations , différentes mé- thodes d'application de remèdes, fuivant les circonftances : tel eft,en peu de mots , ce qui conftitue le mérite de cet Ouvrage. Effais fur les Eaux aux jambes des chevaux , par M. HUZARD , Vétérinaire, à Paris. Paris, chez Vallatla-Chapelle , Libraire, grande Salle du Palais , 1784. Ce Mémoire a mérité ,en 1783, le Prix d'encouragement que la So- ciété Royale de Médecine donne fur les maladies des animaux. L’Auteur y a joint un rapport fait au Confeil du Roi fur le cornage & fifilage des chevaux, d’après lequel il eft conftant, par plufeurs faits, que cette maladie peut être guérie efficacement. SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 237 Tableau hiflorique des propriétés 6 des phénomènes de l'air , confidéré dans fes diffèrens états & fous fes divers rapports; par M, RourAND, Pro- fefleur de Phyfique expérimentale, & Démonflrateur en l'Univerfiié de Paris ; in-8°, Paris, chez Guefher, Imprimeur-Libraire, au bas de La rue de la Harpe, 1784. ; 0 M. Rouland , digne Elève de M. Sigaud de la Fond , dont la Phyfique regrette tous les jours la retraite, a renfermé dans ce tableau le précis de tout Ce que nos connoiffances nous offtent de certain fur l'air & fur fes propriétés. Il le confidère d'abord , abftraction faite des modifications qu'il reçoit par les différentes fubftances avec lefquelles il fe trouve combiné ; enfuite, parcourant fes propriétés permanentes & variables , il recherche fes effets dans l’économie animale & végétale. Ses propriétés de propa- ger les fons, de fervir à la combuftion; fes avantages & fes effets dans l'emploi de plufieurs machines, font tour à tour examinées; les différentes . fubftances aériformes , plus connues fous le nom de gaz; enfin , revenant à l'air proprement dit, il l’examine en état d’atmofphère , parcourt les vents & les changemens qui furviennentà fa denfité & à fon reflort acci- dentellement, au moyen de la chaleur & du froid , de la féchereffle & de l'humidité ; ce qui conduit l’Auteur à traiter de l’actécromètre, du ther- momètre, du baromètre & de l’hygromètre. Tout ce qui eft principe dans cet Ouvrage y eft clairement expofé; tout ce qui eft opinion y eft fagement difcuté; tout ce qui eft fait & expérience y eft très-bien dé- taillé: en général , om peut dire que c’eft le meilleur Traité phyfique de l'Air que nous ayons jufqu'à préfenc. Voyages Minéralogiques dans l Gouvernement d'Aigle & une partie du Vallais ;-fuivis d'une relation d'une excurfion fur le lac de Lucerne ou lac des quatre Cantons; par M. le Comte DE RAzOUMOwsKy. Laufanne, chez Mourer cadet , in-8°. 1784. Ces Voyages renferment de trèsbonnes obfervations minéralogiques, & il eft malheureux pour la Science que l'Auteur foit tombé malade au milieu de fes courfes: on y verra avec plailir l'analyfe des eaux minérales de Louëche où Leuck, fur le Gemmi , qui renferment de l'air fixe, de la terre calcaire ; de la félénite, du vicriol de magnéfie & du fer. : Déftription de l'Aéroffate de l Académie de Dijon, contenant le détail des procédés, la théorie des opérations, les deffins des machines , G* les pro- cès verbaux d'expériences | &c. in-8°. Dijon, chez Cauile, Libraire ; & à Paris, chez Théophile Barrois, quai des Augultins. é “ On fait les fücéès qui ont accompagné les deux voyages aéroltatiques 238 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, de M, de Morveau, d’abord avec M. l'Abbé Bertrand , & enfuite avec M. le Préfident de Virly. Le fecond voyage eft d'autant plus intéreffanr, qu'ils ont réufli , jufqu’à un certain point, à fe diriger, ou du moins à fe mouvoir dans une direction qui n’étoit pas celle du vent. Cependant, quelque brillantes que foient ces tentatives , elles ne peuvent que fatis- faire la curiofité du Public, fpectateur avide de ces grandes expériences : mais l'Ouvrage que nous annonçons eft deftiné à rendre un fervice plus : eflentiel aux Sciences. Le grand nombre d’eflais, d'expériences & d’ob- fervations fur tout ce qui concerne la fabrication & l’ufage des aéroftates , laiffe peu à défirer fur cet objet. On doit le regarder comme un Traité théorique & pratique complet du nouvel Art aéroftatique. IL eft divifé en quatre parties ; la première traite de la nature des enveloppes, des ver- nis qu'on y peut appliquer , & de l’altération que le gaz inflammable y éprouve. Malheureufement , ajoute le favant Rédacteur de cet Ouvrage (M. de Morveau ), il paroît très-difficile de faire ceffer entièrement la dé- perdition du gaz; & ce qui eft encore plus terrible ,æ’eft fon altération iné- vitable dans ces enveloppes vernies ; inconvénient qui eft encore augmenté par la chaleur que prennent les enveloppes vernies. L’Auteur confeille d'avoir recours à des enveloppes métalliques ou de carton. Dans la fe- conde partie, on examine les différens gaz inflammables dont on peut faire ufage, retirés de différentes fubftances , du fer, du zinc , de la pomme de terre ou racine du fo/anum , du maïs, du blé, du charbon de terre, de la gomme arabique, du fucre brut, du tartré, de l'huile, de lacorne, du bois, des marrons d'Inde, du charbon par le nitre, & du fuit. Les trois qui méritent la préférence , font ceux de la pomme de terre, du fer & du zinc : on donne les moyens les plus fimples & les plus commodes pour les extraire & les introduire dans les ballons. La troifième partie traite de la direction & de la poffibilité d'en venir à bout jufqu'à un certain point, Enfin , on lit dans la quatrième partie la defcription, les expériences & les obfervations faites avec l’aéroftate de l’Académie de Dijon. M. de Morveau termine cet Ouvrage par quelques idées très-ingé- nieufes fur l’application des aéroltates au fervice des mines. Difpenfatorium pauperum, &c. ; c’efl-a-dire, Difpenfaire des Pauvres , ré- digé par la Faculté de Médecine de Prague, & édité par Jofeph-Gode- froy MiKAN, Doëfeur en Médecine, Profeffeur ordinaire , vice- Direéteur du Confèil Impérial de Santé, À Prague; & à Vienne, chez Schonfeld ; à Strafbourg , chez Kæœnig , 1783. in-8°. de 78 pag. Ce Difpenfaire, publié par ordre de Sa Majefté Impériale , offre l'élite des meilleurs remèdes , recommandables par leur fimplicité , leurs pro- priétés , & fur tout par la modicité des prix, pour que le traitement des Pauvres ne devienne pas trop onéreux aux fonds publics , aux Hôpitaux TP SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 239 & autres établiffemens femblables, Malgré que le nombre des médica- mens fimples & des préparés foit bien moins confidérable dans ce petit code que dans les autres, on l’auroit encore diminué, fans les compofés dans lefquels ils entrent. Afinde les diftinguer des autres , on les a notés d'une croix, & l’on n'y a point ajouté le prix comme aux autres. Une étoile défigne tous les remèdes chers dont on ne peut abfolument fe pañler dans’ certaines occafions , mmais qui né s'emplôient guère qu'à petite dofe Le choix d2s remèdes les plus efficaces & les moins difpendieux font deux objers que Les Médecins de Prague ont toujours en vue: Cet opuf-: cule a trois parties, la première. préfente le catalogue des médicamens fimples. Au nom fyftématique du Chevalier de Linné, fe trouve l’ofici- nale , & cela feulement pour les végétaux, n'ayant pas fuivi ia même mé. thode pour les deux autres règnes. La feconde partie renferme les médi- camens préparés & compolés ; c’eft fimplement: une nomenclature. La partie la plus riche de ce Difpenfaire eft fans contredit la troifième; elle eft confacrée aux formules. Nous allons en tranfcrire plufieurs. F L Cataplafme contre le Cancer. Prenez du roob de carottes; une live ; de la poudre de feuilles de ciguë ; de l'écorce du Pérou , pulvérifée, de chacun 1 once ; de l'extrait de Sa- . turne; du laudanum liquide de, Sydenham, de chacun 2 gros. Mélez , pour en appliquer deux à trois fois par jour. IL. Eleituaire anthelmintique de StorcL. Prenez de la racine de valériane en poudre ; de la poudre de jalap; du el ammoniac purifié, de chaque 1 gros ; de l’oxymel fcillitique ; -fuffanre quantité : la dofe elt 1 gros, LTT. Pilules. arthritiques. Prenez favon de Venife; gomme de gayac, de chaque 2 gros; extrait de fumeterre, 1 gros & demi; de celui d’aconit, demi gros. Mélez; faites, fuivant l’art, des pillules de 2 grains chacune, C'eft aux Médecins à Les prefcrire felon les indications, 240 OBSE RKHATIONS SUR LA PHYSIQUE ; Ge. : TL 4:B 1 LE, “Des ARTICLES CONTENUS DANS CE CAHIER. Surre du ‘nouveau Voyage Minéralogique fait dans cette partie du Hai- raut, corinue fous le nom de Thiérache; Par M. MONNET, Inf- peiteur des Mines. * Page 161 Voyage à la partie des montagnes de Chaillot-le-Vieil, qui avoifinent la vallée de Champoléon en Dauphiné ; & confidérations & vues fur ces montagnes & ur celles du Champfaur, quitiennent aux premières; par M, PRUNELLE DE LIERRE. 174 Mémoire [ur Les Volcans éteints du Val di Noto en Sicile; par M. DE Do- LOMIEU, Commandeur de Malte, Correfpondant de l'Academie des. Scrences. 191 Mémoire fur la criflallifation des Sels déliquefeens , avec des obfervations fur les Sels en general; par M. PELLETIER , Correfpondant de l’Académie Royale des Sctences de Turin, Membre du Collése Royal de Pharmacie de Paris. CE 205$ Sixieme Mémoire d'Optique, ou illufions fingulières de la vue; par M. G. DE GODART, Médecin des Hôpitaux de Vervier, des Acadèmies de Dijon, Bruxelles , de la Société d'Emulation de Liége. 219 Lettre aux Auteurs du Journal de Phyfique, fur un Eleëtromètre, 7 228 Nouvelles Liriéraires, 233 ANPNEVR OEB AMEN IFONN: J'« lu , par ordre de Monfeigneur le Garde des Sceaux, un Ouvrage qui a pour titre : Obéfervarions fur la Phyfique, fur l'Hiffoire Naturelle & fur les Arts, Gc.; par MM. Rozier & MoNcEz 4e jeune, &e. La Colle&tion de faits importans qu’iloffre périodi- quement à [es Lecteurs, mérite l’accueil des Savans ; en conféquence, j’eftime qu’on peut en permettre limpreiion. À Paris, ce22 Septembre1784. VALMONT DE BOMARE. be. 2 RUE 1 a & | Jeler Seudr . Septembre 12784. À Ta de nie re. EE b 4 i PR EE Efira sis értrur > En se PRE _. 2 CT ST 22% | [== Seller de. 1784 Jepéemnbre 1 JOURNAL DE PHYSIQUE. TF | OCTOBRE 1784. | ? MÉMOIRE SUR: L’ABUS DES ALIME NS; Par M. Jofeph CHARDOILLET , de Berfort en Alface, As URER que la fanté dépend du concert que l'on admire entre les fonctions de l’efprit & du corps, & que ces fonctions s’opèrent bien ou mal , plus ou moins, felon que l’on ufe fobrement ; où que l'on abufe des chofes qui ne font pas naturelles; c'eft ce qu'aucun Médecin fenfé n’o- fera contredire ; preuve certaine que l’ufage modéré de ces chofes eft la bafe de la fanté , & que leur abus au contraire eft la caufe infaillible des maladies. Jetons les yeux fur les anciens Patriarches , ou même fur ceux qui habitent aujourd’hui les campagnes. Quelle différence entre le genre de vie de ces derniers & le nôtre ! Le payfan cependant jouit d’une fanté plus robufte que ceux qui. demeurent dans les Villes. Le Citadin en effet n’eft-il pas fujet à mille maladies , foit chroniques, foit aiguës , qu'ignore Pheureux cultivateur 2 Le payfan, dès la pointe du jour, refpire un aïr libre , pur, élaftique, & qui n'eft pas chargé d’exhalaifons infectes. Un travail prefque conti- nuel & un exercice varié fortifient fes fibres: aufli à des heures marquées, ou plutôt en tout temps il éprouve le plaifir deJ’appétit, & il ne lui faut pas d'affaifonnement pour manger des mets dont la fimple Nature fait tous les frais. Le foir, au fein d’une famille chérie, il fe confole des fatigues du jour, goûte les douceurs d’un fommeil tranquille & bienfaifant; & tandis que fon ame, fatisfaire & contente des dons que lui prodigue la terre, . ne s'ouvre point aux chagrins cuifans , les fonétions animales fe font chez lui tranquillement, d’une manière uniforme , d'accord avec la loi de la Nature, & qui lui eft aufli agréable qu'utile. Dans les villes, au contraire, les édifices qui s'élèvent jufqu'aux cieux, les places anguftiées , les vapeurs empeftées des immondices”, font autant d'obftacles qui s’oppofent à la libre circulation de l'air, & à fon change- Tome XXV, Part, II, 17984. OCTOBRE. Hh 242 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, mént. Dans les Temples, au Théâtre , & dans les autres endroits deftf. nés aux aflemblées, publiques, & même dans les cercles particuliers où fe rencontre une certaine aflluence de monde , le pâle Citoyen refpire un air infecté par les exhalaifons de fes voifins. La fumée des lumières, - & d'autres miafmes peftilentiels, toujours à l'ombre, la vie fédentaire qu’il mène, ne contribuent pas peu à affoiblir fon corps; de là (on eftomac. parefleux & dégoûté rejette les nourritures communes, Les mets les plus mal-fains , ceux où dominent les épices peuvent feuls lui plaire, parce qu'ils flattent fon palais. Quelque âcreté que renferment ces ragoûts, quelque impreflion qu'ils faflenc fur les fibres , il faut cependant que le bas-ventre les recuife.; aufli (ont-ils moins nourriflansé De là enfin Les cru- dités & les mauvaifes digeftions, qui, féjournant trop long-temps dans l'eftomac , caufent un fommeil pénible & inquiet, Les Citadins, outre cela , en proie à des peines d’efprit beaucoup plus vives que celles que peut éprouver l'habitant des campagnes, en font tour à tour le jouet & les victimes. D’après cet expofé, peut-on être étonné de ce que les fonc- tions animales fe faflenc fi mal cliez eux ? On doit l'être encore moins de leur voir donner Le jour à des êtres foibles & délicats , qui bientôt eux- mêmes feront pères d’enfans moins vigoureux; & ainfi l’efpèce humaine s'abâtardira de génération en génération. C’eft ce qu'Horace a dir, Liv, 3, Ode VI, Ætas parentum , pejor avis tulie, Nos nequiores , mox daturos Progeniem modd vitiofiorem. Ondiftingue en Médecine fix chofes qui ne font pas naturelles; Pair, le boire & le manger , le mouvement & le repos, les veilles & le fommeil, les affections de lame ,les excrétions & les rétentions. On les appelle ainf, foit parce qu’elles tiennent comme le milieu entre les chofes natu- relles , foit parce qu'elles nous font nuifibles', & caufent les maladies, lorfqu'on en fait excès; car la fanté ne confifte réellement que dans leur ufage modéré. Quoique les chofes qui ne font pas naturelles fojent telle- ment liées entre elles, que l’une dépende abfolumentde l'autre, & que l'ex- cès dans l’une, par une efpèce de fympathie, influe fur toutes les autres , le boire & le manger cependant me paroïffent mériter une plus grande attention. Ce Mémoire ne traitera donc que des alimens, J'ai cru qu'il n’é- toit point hors de propos de faire obferver les maux qu'ils produifent , lorfque l’on en abufe. Je tâcherai de démontrer, autant qu'il fera en moi, ce qu’on doit obferver dans le boire & le manger, relativement à ë qua- lité, ja quanthé, au temps convenable & à l'habitude, — SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 243 CHAPITRE [°. De la qualité des alimens. I. Le mouvement, la chaleur du fang, la circulation des humeurs affoibliffent fans cefle notre corps; je dirois prefque qu'ils le détruifenr, Les alimens feuls peuvent lui rendre fa force & lui donner une nouvelle vie, Les alimens en effet, en s'identifiant avec notre fubftance , réparent les pertes que nous avons pu faire. Mais ( l’on admet que toute nourriture eft compofée de principes, de parties conititutives & de qualités diff:ren- tes, il faudra en conclure qu’elle opère des changemens divers & confli- tutifs , tant {ur les folides , que fur les Auides de notre corps. Puifque mon objet dans ce Mémoire eft d'examiner ces chanpemens, il eft néceffaire de remonter à l'origine des caufes dont ils font les effets; & en y réflé- chiffant un peu, nous trouverons que deux règnes principaux nous four- niflent nos alimens , le règne animal & le règne végétal. En général , les végétaux nourriffans , & fpécialement les fruits, font compolés de mucilage & d'un fel acide amalgamés avec la terre. Ce mucilage ; ainfi que le fel & la terre , peut varier à l'infini. En effec, lorfque le fel domine dans Les fruits, à moins que la chaleur de Peftomac ne le cuife parfaitement, il communique fon âcreté aux humeurs deftinées à tomber dans les premières voies , & même au chyle; il irrite & d:fsèche le velouté des-inteftins , d’où viennent les coliques & les autres maladies dont le célèbre Gaubius a fait le dénombrement. Du chyle, l’âcreté pañle dans le ang , & bientôt dans la lymphe: aufli les Anciens ontils dit, telle nourriture , tel chyle; tel chyle, tel fang; tel fang , telles humeurs ; & enfin , telles humeurs , telle fanté. Les liquides ainfi corrompus par l'à- creté , il en réfulte une infinité de maux: de là naïflent Les contractions fpafmodiques des petits vaiffeaux , les rhumatifmes & la goutte. Les fruits dans lefquels le mucilage domine, font aufli remplis d'une li- queur glaireufe ; de là , ces fortes d'alimens forment un chyle gluant qui ne pafle pas aufli aifément par les canaux deftinés à l'écoulement des li- quides ; de 13 les humeurs ftagnantes , les obftru@tions , & un certain em barras dans les rérentions & les fecrétions. De ce genre font les féves, les pois. les lentilles, la pomme de terre, fur-tout fi l'on en fait un ufage trop habituel ; de à les obftructions dans les vifcères de l'abdomen, aux- quelles les Soldats font fi fujets. C’eft une obfervation que j'ai éré à même de faire bien fouvent dans les Hôpitaux Militaires. La modicité du prix de ces d:nrées engage le Soldat à les préférer à toute autre nourriture. Les végétaux nourriffans qui renferment une trop grande quantité de mucilage , relâchent les organes de la nutrition , en les rendant trop gif fans , & affoibliffent toutes les parties folides ; le chyle devient alors trop épais, parce qu’il ne trouve pas de force aflez puiffante pour le réduire. Tome XXV, Parc. II , 1784. OCTOBRE. Hh 2 244 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, L'ufage trop fréquent de ces alimens gras & onétueux occafionne de l’ä- creté & de la putréfaction dans les premières voies; dans les fecondes , ils corrompent même la graifle, Du relächement dans les folides , viennent fes hernies , auxquelles font fujets ceux qui mangent trop d'huile & d'o- lives; enfin, la gale, le fcorbut , & toutes les maladies cutanées dont parle Gaubius. À ne faire attention qu'aux feuls effets de la graifle,n'eft- on pas forcé d'attribuer Ja gale dont les Lorrains & les habitans de quel- ques autres provinces de la France font infeétés, au lard qu'ils mangent en trop grande quantité ? Les végétaux doux, que l’on met au nombre des alimens les plus fains, parce que leur mucilage n'étant pas trop onétueux , les rend une nourriture légère, peuvent cependant être nuifibles , fi l’on n’en ufe pas avec fobriété. En effet, l'âcreté qu'ils recèlent dans leurs parties huileufes, fait que très-fouvent ils attaquent les dents; bientôt la carie, qui en eft la fuite, caufe des douleurs inouies ; enfin les dents fe creufent, fe brifent, & tombent en morceaux : de [à viennent l’odeur fétide de la bouche, & tous les maux qui font une fuite de la mauvaile digeftion. Si les dents en effet n'ont pas fufhifamment broyé les alimens , s'ils n’ont pas été imprégnés de falive, il faut néceflairement qu'ils fe digèrent avec beau- coup plus de difficulté que lorfqu'on les avale après les avoir bien mächés. On peutencore mettre au nombre des végétaux nourriffans , ceux qui, ne renfermant, pour ainfi dire, que des fibres, ont très-peu de fubftance, & qui, pour me fervir des expreflions de M. Parmentier, font pour le bas-ventre une efpèce de contre-poids, En effet, la cuiflon & l'apprêt qu'on leur donne leu: a fait perdre la plus grande partie de leur muci- lage. De ce genre font les choux , les épinards, l'ofeille, la laitue, la bette & la chicorée. Si l’on ne les relève pas par les aflaifonnemens & les épices , les vents qu’ils renfermoient fe développent dans l'eftomac: delà les rots, les borborigmes & les coliques venteules ; fouvent même ils fur- chargent & énervent prodigieufement le bas-ventre & les inteftins, & produifent une infinité de maux que cite Gaubius. II. Les alimens tirés du règne animal produiront dans notre corps autant d'effets divers, qu'ils font différens entre eux par Pefpèce, l'âge , le pays, les pâturages, la caftration & la préparation. En effet , la chair des animaux encore jeunes eft plus glaireufe, moins nourriflante, & fouvent elle relâche trop le ventre : celle au contraire des animaux qui font vieux , étant plus dure & plus difficile à cuire, fortifiée & refferre Le ventre & les vifcères. Les animaux nourris dans des pâturages plus humides prennent une chair plus fafque, plus glaireufe, moins nourriffante , & d’une digeftion plus pénible que celle des animaux élevés dans les montagnes, dans des tex- LA CPE S- Ab dm SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 24ç rains fecs & avec des plantes aromatiques. Ceux qui font coupés devien- nent aufli plus gras que ceux qu'on laifle entiers ; enfin, la chair de ceux qui font engraiflés a beaucoup plus de goût, La chair des quadrupèdes produit encore des effets différens , en raifon de l'efpèce. Celle de bœuf, par exemple , de veau, d'agneau , de mouton, de brebis, & de beaucoup d'autres ; prife fobrement, ne peut que faire dubien; mais la chair de porc, quoique réputée comme excellente, ne convient cependant qu'aux meilleurs eftomacs , & elle eft beaucoup plus nuilible que faine pour ceux qui font d’un tempérament plus délicat, parce qu’elle renferme un fuc gras , épais & difficile à digérer; fouvent même elle eft une caufe prochaine de l'apoplexie, Enfin , les animaux qui ont de la graifle en renferment fouvent une trop grande quantité entre les fibres des mufcles, dans les vides du tiffu cellu- laire & dans les autres parties: aufli l'ufage de ces viandes produit-il fouvent les mêmes effets que ceux que nous avons attribués plus haut aux végétaux huileux, Cette graifle relâche Le tiffu du bas-ventre ; elle lui ôte le ton, fait perdre l'appétit, & caufe beaucoup d’autres’ ntaux. Les autres parties des quadrupèdes , comme Les nerfs des extrémités , les tendons & les pieds font dures , vifqueufes & d’une très-dificile digeftion. On doit encore obferver que la chair des volailles, telle que celle des chapons, des poulets, des pigeons , des coqs d'Inde, des perdrix , & de beaucoup d’autres, pourvu qu'elle ne foit pas trop vieille, diffère de celle des quadrupèdes , en ce qu'érant plus nourriffante , elle eft cependant plus facile à digérer. Enfin , la manière de préparer les viandes met feule une grande dif- férence entre elles. Celles que l’on accommode avec du beurre ou avec tout autre graifle , font bien plus difficiles à digérer que celles que l’on fait rôtir. Les œufs mêmes , tels que ceux de poule , dont on fait un ufage plus habituel, durcis ou apprètés au beurre , fe recuifent bien plus difci- ment dans l’eftomac queles œufs frais. Les premiers en effet donnent un fuc épais, & refferrent le ventre. On peut dire des carnivores en général , comme la obfervé Gaubius , que ceux qui, fans prendre beaucoup d'exercice, mangent en grande quantité des viandes de quadrupèdes ou de volailles , s’expofent bientôt à avoir une plénitude d’humeurs; & que plus on ufe de ces fortes d’alimens , plus aufli on eft dans le cas d’avoir des mala- dies de pourriture. M. Parmentier a très-bien démontré la différence qui exifte entre l’ufage de la viande & des végétaux , lorfqu'il a dit: les Payfannes , qui mangent moins de viande & plus de légumes que les femmes de la ville, ont davantage de lait & de meilleure qua- lité. Pour dire un mot de la chair des poiffons en général, j'obferverai que, n'étant point affaifonnés avec du vinaigre, des épices & d'autres ingré- diens de cette efpèce, ils font très-difliciles à digérer , forment un poids 246 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, fur l'eftomac, & font très-peu nourriffans. Les Iéthyophages , qui ne vivent que de la pêche, ont un tempérament très-troid , & font beaucoup plus. foibles que les peuples qui fe nourrifflent d'animaux ou de végé- taux. LIT. Pour donner aux alimens de la faveur & un goût agréable, où pour en faciliter la digeftion , on y ajoute différens aflaifonnemens. Les principaux font le fel, le vinaigre , le fucre, le vin, le poivre & les épices. Perfonne n'ignore que ces ingrédiens font de première néceflité pour les alimens trop fades, ou d'une difficile digeftion. Cependant l'u- fage trop fréquent peut en être nuifible. Une fois que l'on y eft accoutumé, bientôt le palais n’éprouve plus aucune fenfation. Ceux dont on fe con- tentoit auparavant deviennent infipides; il en faut de plus forts. L'effet des ragoûts trop relevés eft de caufer dans les premières voies la foif , des maux de cœur , une chaleur dans leftomac, des naufées, des vomiile- mens & une infamination d'entrailles. Dans les fecondes, il arrête la cir- culation des humeurs ; il échauffe & appauvric le fang. On en peut dire autant du café lorfqu'on le prend trop fort, de tout ce’qui peut dé- truire la machine animale & occafonner les attaques d’apoplexie, Mais les premiers produifent encore une infinité de maux , tels que les fpafimes , les exanthèmes , les inflammations , la goutte , & routes les maladies dont parle Gaubius ; enfin, l’ufage trop habituel des viandes falées ou trop deffé- chées à la fumée n’eft pas moins pernicieux que celui des alimens dont je viens de parler. Ajoutez à cela que ces viandes font plus dures, que l'apprèt qu'on leur donne les rend d’une digeftion plus difficile. En effer, privées de l’humide qui leur étoit naturel , elles font plus long-temps à fe difloudre; elles fatiguent l’eftomac , féjournent dans le bas-ventre, caufent des douleurs dans les entrailles , donnent la pierre, occafionnert des démangeaifons, la gale & le fcorbut, Les marins & les peuples qui ne vivent que de falaifons, n'en font malheureufement que trop la fu- nefte expérience. IV, Avant de terminer ce qui regarde la qualité des alimens, je crois qu'il n’eft pas inutile de parler de leur fubftance matérielle , ou de leur confiftance, Ce qui fert à la nourriture de l'homme eft ou folide , & alors on le mange; ou fluide, il fe boit. Il eft encore une troifième ef- pèce d’alimens, qui tient comme le milieu entre les deux premières, la bouillie & la gelée; leur fubftance & leur confiftance molle fait que très-fouvent on les avale fans les avoir imprégnées de falive: aufñli cette nourriture caufe-t-elle des apepfes. La bouillie fur-tout que les nourrices donnent aux enfans , eft une efpèce de colle qui, recuite plu- fieurs fois, eft très-mal-faine ; elle fe digère difficilement dans un elto- mac tendre & délicat. Comme elle y féjourne trop long-temps, bientôt elle s’aigrit: de [à viennent les douleurs , les coliques & les convul- fions que fouffrent ces petits infortunés, & qui fouvent, des bras de la SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 247 Nourrice ; les précipitent dans le tombeau: enfin , les alimens ont befoin d’être délayés par la boiflon , fans quoi, d’une fubftance trop épaifle pour l'eftomac , ils fe digèrent très-difhcilement, ne peuvent s'évacuer que long-temps après & âvec peine , & font pafler dans les inteftins une liqueur trop chargée, qui épaifit le chyle, & le npèche de couler au travers des vaifleaux lactés : de là viennent / phlogiftique de roûs les corps inflammables, & à la température com » mune de l'atmofphère , il fe fépare de l'air nitreux & du phofphore », ( Exp. fur la chaleur animale, de M. Crawford.) Ajoutons à l'air nitreux & au phofphore un très-grand nombre de corps que l’air dépouille tout aufli facilement de leur phlogiftique , & dont les décompolitions ne diffèrent que par le temps. Ce font des cal- cinations qui demandent une feconde, un jour , un fiècle, ou plus: mais qu'importe le temps ? il n’eft rien pour la Nature: quant à la chaleur : plus ou moins fenfible qui les accompagne, elle eft roujours propor- tionnée à la quantité de feu qui fe met en liberté dans des temps égaux, Ætas enim , five tempus arefacit , confumit , [ubruit & incinerat non mints quam ignis : fed quia motus ejufmodi ef? lentus admodum & per particulas yaldè exiles, non percipitur calor. (Bacon. ) L’altération fpontanée de la plupart des corps naturels n’a pu manquer d’être recherchée dans fa caufe par les Philofophes antérieurs à notre âge ; mais ils ne cultivoient point aflez les Sciences phyfiques , feules capables de leur révéler la connoïiffance de l'élément deftruéteur qui ravage les productions de la Nature. Divifons les compofés du règne minéral en deux #grandes familles; la première renfermera les compofés terreux & falins. Si la Nature a tiré une ligne de féparation entre ces deux claffes, le Chimifte ne Pa point encore faifie. Comprenons dans la feconde ceux qui ont reçu le phlosiftique pour partie conftituante. Remarquons à préfent que les compofés de la première famille jouif fent d'une durée chimique infiniment longue, & qui feroit fans bornes peut-être , fi des révolutions locales, ou des déplacemens accidentels ne les jeroient parfois dans des fphères où leur compofition , expofée aux entreprifes des corps actifs qui en forment le centre , peut être ébran- lée. Je n’ai pas befoin dele dire; on ne confondra point ici les rifqués de l'agrégation avec ceux de la compofition. Les granits, les marbres & les roches de toute efpèce , brifés par les alternatives de la chaleur & de l'humidité, s’écroulent & tombent en pouflière, tandis que, confidérés chimiquement , ils n’en ont rien à craindre, C’eft. dans le Difcours fur la Alien des Pyrénées , par M. Darcet , qu'il faut voir Les confidéra- tions philofophiques que ce Savant en a déduites, On ne peut au contraire méconnoître qu'il exifte ; pour les compofés de la feconde famille , un principe deftructeur qüi les prefle & les en- vironne de toutes parts , un ennemi qui les attaque fans cefle, qui tend à leur arracher le phlooiftique, & à les faire rentrer dans la première famille, A la température commune de latmofphère , tous les compofés in- 254 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, \ flammables, dont la bafe eft un acide , livrent à l'air leur phlo- giftique , & prennent en échange une partie de ce même air. Tels font le phofphore, les acides nitreux phlogiftiqués, Fair vitriolique, le foufre pur où uni comme minéralifateur. A’une chaleur plus forte , ce procédé de la Nature devient plus général, & s'étend aux fubitances mé-, talliques , comme l’a faic connoître M. Lavoilier. ù Tous ceux qui ont pour bafe une terre métallique, m’accordent ce; principe à l'air, que pour l'enchaîner dans une combinaifon nouvelle, dont ils s'emparent encore au mème inftant. En effet, l’air pur , uni à l4 matière du feu, & devenu acide aérien , fe fait alors minéralifateur ou principe éloigné d’un compolé dout il étoit auparavant principe pro+ chain, L'or , la platine, le diamanc & l’alkali volatil font les feals peut-être _qui fe jouenc des efforts de cér élément, En appelons-nous aux corps organifés ? L'air fe phlopiftique aux dé- pens de leurs eMluvés huileufes & odorantes; il décompofe infenfiblement les: corps gras; il artire avec torce leur phlogiftique , 8&: met en liberté leur acide, Îl agit avec rant d’inpétuofité , qnand il fe trouve interpoié , ftrati- fié, fi j'ofe dire , dans de grands entaflèmens de matières organiques, qu’il paivient à Iêur faire prendre le mouvement d'ignition ; aux rifques de caufer Les incendies les’ plus terribles (1). L'air inflansmable qui s'élève des putréfaétions, n’elt pas à l'abri de fes acreinces. Divifé à l'infini par l'air atmofphérique , ce dernier violente alors avec avantage fa mixtion , au point de le décompofer, & de l’anéintir même dans lefpacet au’il cherche à franchir, pour s’accumuler, dit-on, dans la région des orages, où il né s’en trouva jamais d'autre que celui dont le génie de Montgolfier fut fe créer un char. L'air pénètre dans la ftruéture végétale & animale, fait alliance avec la chaleur qui les vivifie, pour donner naïflance ou fervir de bafe , en qualité d’acide aérien (2), aux acides du tartre , du fucre, des corps muqueux , ligneux, réfineux, &c.; & pour fe faire élément des acides animaux & minéraux que lé mouvement de la vie forme dans leur fein, acides qui, comme les autres productions falines & la terre calcaire qui s'y rencontrent , font l'ouvrage habituel & certain de ces milieux vivans, : 2 ET (1) On ne connoït que trop éombien il eft dangereux d’entaffer le foin , ‘les gerbes, les grains ; la paille ; &c., lorfqu'ils ne font pas abfolumenit fecs. On à vu des laives , des peaux , des éroffes & déSftoiles humides , des draps foitant de la teinture, s’échaufler aù point de fe réduire en charbon, & même prendre feu, pour avoir été emballés avant d'être (écs. Il n’y a pas encore longtemps que dans Paris l’on a perdu, par un accident affez femblable , fept cents aunes de ET qüe l'on venoit d'imbiber de vernis élaftique. (2) Ce qu'ont fait connoîitré MM. Bert holet, Fontana , &c. ë LL SURL'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 255$ Mais fi les végétaux favent, pendant leur vie , s'approprier ce fluide in= vifble, & neutralifer à leur avantage fon aétivité dévorante, ils en ont tout à redouter , & pour les productions dont ils récompenfent annuelle- “ment les foins du Cultivateur , & pour Les reftes précieux qu'ils lui aban- donnent , après en avoir reçu le coup de hache. L'air n’accélère la ma- turité des fruits (1}, qu'en pompantavec force le phlogiftique qui peut le convertir en air fixe ; il porte dans leurs fucs le germe de la pourriture , & les entraîne rapidement vers leur défaite , par ces périodes fücceflifs de fermentation, qui ne font pour le Philofophe que l'emblème de la vie humaine, Il fe précipite dans la fermentation fpiritueufe & acéteufe, pour prendre part à l'étonnante métamorphofe du corps muqueux en efprit-de-vin & en vinaigre. L’air , tout flexible qu'ileft, devient, pour le bois Le plus compade, l'inftrument qui doit déchirer bientôt fa fibre li- gneufe , & la réduire en poudre. Chacun fait que tout ce qui peut garantir les produétions organiques des atteintes de cet élément rongeur , ou même diminuer fa Auidité, prolonge leur confervation. Le froid , les glacières, le vide, les vernis de toute efpèce , les poudres arides , les fluides inactifs quelconques, tout ce qui peut, en un mot, éloigner le contaét de l'air , pofsède plus ou moins efficacement cet avantage, Les bois enfevelis au fond des eaux, ou à de grandes profondeurs, bra- vent la puiflance des fiècles. ; Cesimmenfes forèrs , déterrées dans diverfes parties du monde , dont les rameaux & les feuilles étoient encore reconnoiflables; ce vaifleau dont parle Sabinus , découvert dans une mine des Alpes , qui fe trouva intègre avec fes ancres & fes agrès , quoiqu’enfeveli depuis des temps incommen= furables ; tous ces objets organiques trouvés dans les fouilles d’Hercula- num; les fameufes momies des Égyptiens & des Péruviens; le bié con- fervé des fiècles dans les fameufes matamores des Arabes ; nos mi- néralifations qu’un jour dégrade dans nos cabinets, & qui, dans le fein des mines , vieilliffent avec la Nature , font autant de preuves de cetre vérité, Tout prouve , en un mot, que le privilége d’avoir fu fixer l’inconf- tance du feu, n’eft pour la matière brute que l’arrét prononcé d’une dé- compofition prochaine. Je vais plus loin; lui feul dévore en filence cetre chaleur animale, ce mobile unique de la vie, qui roule dans les veines de la bouillante jeuneffe : à pas lents , mais certains, il l’entraîne au néant par Les rides & les glaces de la décrépitude. L'air que nous refpirons tous à cette heure . . . . . voilà l'élément fatal aux créatures ; la faux meurtrière dont la Nature indifcrète arma la main du temps. (1) Lagius dit que les fruits fe confervent long-temps dans les airs faétices ( Pre- ké. Phificæ ). CL 256 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, Si on verfe 4 onces de grenaille de plomb mouillée , de celle que les Chaïleurs appellent cendrée , dans un flacon de pinte, bouché en crif- tal, & qu'on l'agite fortement & à plulieurs reptifes, on apperçoit les grains fe limer contre eux-mêmes. & contre les parois du flacon; bientôt la pouflière métailique que revêt fon intérieur , échange fa couleur noire pobr une blanche verdâtre : on agite encore de temps à autre; & au out de vingt-quatre heures Le flacon ne peut plus s'ouvrir fans une ex- trème difficulté. Qu'on l'ouvre fous l'eau, ce fluide s’y précipite avec filement, va remplir le cinquième du volume de l'air, & quelquefois même un peu au delà. Le réfidu de cet air ne contient pas fenfiblement d'air fixe : om en fentira bientôt la raifon ; il tue la chandelle, & eft infenfible au toucher de l’air nitreux; c’eft l'air phlogiftiqué de M. Prieftley , la mofette atmof- phérique de M, de Lavoifier. Siceft, me dis-je alors, la portion d'air pur de l’atmofphère qui dif- paroït ainfi, l'air déphlogiftiqué nous en dira quelque chofe. Je renfermai donc 4 onces de grenaille de plomb mouillée dans une pinte de cet air; je l'agitai fortement de temps en temps, & enfuite je débouchai le flacon fous l'eau. Les trois cinquièmes en furent aufli-tôt remplis. Le réfidu aérien étoic beaucoup meilleur que l'air atmof- phérique ; & pañlé au plomb de la même manière, il diminua encore de plus de la moitié. Ce dernier réfidu fe comporta dans les épreuves comme la mofette atmofphérique. . Voilà donc la portion pure de l’atmofphère, & les + de l'air déphlo- giftiqué , diminués à la commune température aufli facilement que dans quelque calcination ou combuftion que ce foir, Je traitai le plomb dans la même proportion & de la même manière avec l’air inflammable du zinc & celui qu'on obtient dans la diftillation du phofphore. La poudre obfcure qui réfulta du frottement, ne blanchit point, quoique gardée fuffifamment de temps dans ces milieux ; l'air du zinc ne diminua point, fon inflammabilité fut la même; celui du phof- phore fut diminué de quelque chofe ; un peu d'acide phofphorique aérifé fut abforbé par l'humidité fans doute; du refte, leton de fon inflamma- tion fut le mêfe: mais la poudre noire de ces flacons n'eut pas plutôt reçu le toucher de l'air atmofphérique , qu'elle blanchit par fa furface d'abord, & devint femblable à celle des premières expériences. C'eft une loi générale que le phlogiftique ne fait divorce avec un corps, que pour faire alliance avec un autre. L'air inflammable, déjà faturé de ce principe, ne peut donc opérer cette défunion. Ex L'examen de la poudre blanche qui s’eft formée dans ces facons , prouve en tous points l'alliance du principe inflammable avec l'air pur. Premièrement, le poids de cette poudre furpafle la perte que le plomb a faite dans ces frottemens, Secondement, SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 257 … Secondement , diftillée avec un appareil pmeumato-chimique , elle donne de l'acide aérien abondamment; elle jaunit au feu, & finit par couler en verre de plomb; fa couleur blanche , légèrement verdârre, dénote qu’elle n’eft pas faturée de cet acide : aufi achève-t-elle de fe blanchir fous l’eau ; elle foutire l'acide aérien de ce fluide , s’en fature , & criftallife enfuite; elle reflemble alors à des Aeurs de régule d'antimoine, par fa blancheur ou fon nacre: c’eft une vraie cérufe (1), un plomb fpa- thique régénéré. Je n'ai pu déterminer fes criftaux , attendu leur fineffe. k Tel eft le petit nombre d’expériences que mes occupations m'ont permis de tenter. Je fens toute l’extenfion que je pourrois leur donner dans d’au- tres temps; mais c’eft à ceux qui en ont le loifir de les fuivre. Il feroitcu- rieux d'appliquer ce procédé aux différens métaux & aux airs falins, Peut- €tre qu’en leur adminiftrant le phlogiftique dans un état auf favorable à 1 union , ils-s'en fatureroient , & donneroient naiflance à des compofés véritablement neufs, puifqu'ils contiendroient ce principe dans un plus grand rappert. - I y a déjà plufeurs décompofitions métalliques connues , qui font clafle avec celles que je préfente. Telleeftla converfion de l'or en chaux, par la trituration de rutgerus templerus , la réduétion du fer en éthiops par la porphirifation, &c. / à Si j'euffe été embarraflé de l'explication qu’il falloit donner ces faits, J'aurois pu dire, avec M. Scheele (2): l'air s’eft emparé de la matière du feu; il en eft réfulté la chaleur , compofé nouveau , que le même inftant voit naître & fe difliper dans l'efpace environnant, Cette ériologie eft in- génieule ; mais elle n’eft point aflez évidente pour produire la convic- * tion immédiate & entraîner l’affentiment de ceux qui s’'amufent peu de l'imaginaire | au défaut de la vérité. Effayons la fuivante. Le phlogiftique du plomb, quieft l'air inflam- mable , felon M. Kirwan ( puifqu’en effet M. Prieftley a régénéré du plomb dans un milieu d'air inflammable avec Les rayons du foleil raffemblés par __— . EEE ‘ - (x) La cérufe eft un plombfpathique artificiel ; elle eft au plomb fpathique naturel, ce qu'eft le vert-de-gris à la malachitte. (2) Parmiles expériences du Traité du Feu de M.Scheele, il en eft une fort im- pofante, qui me féduifit d'abord , &que je regardai même comme l'experimentum cruvis de fon fyftême , fi la connoiïfiance que M. de Lavoifier nous a donnée des acides , ne m'eût fourni l'explication naturelle qui lui convient. C’eft celle où l'hé- par cft employé pour décompofer l’atmofphère. On ne retrouve dans les liqueurs au- cunes traces de l’air difparu ou métamorpholé.. . Mais l’acide vitriolique ne peut faire avec l’alkali fixe @ tartre vitriolé, qu'il wait repris de l'air pur en place du phlogiftique qui le mettoit à Pétat de foufre. . . . . Il ne faut donc pas chercher bien loin un élément que l’on croyoit perdu. Tome XXV, Part. IT, 1784. OCTOBRE, Kk 258 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, une lentille), eft atticé par l'air pur, & ce dernier fe métamorphofé alors en acide méphitique. Il en arrive effétivement ainf; l'air Sallie , finon avec l'air inflammable, du moins avec le principe qui le rend in- flammable, Dire autrement , ce feroit romber dans une erreur égale à celle de Stahl, qui affuroit de fa poudre noire & fubtile, de ce qu'il appeloit fon phlogiftique, que cet être entroit matériellement & en totalité dans ‘les réductions métalliques , tandis que cette propriété ne pouvoit convenir qu'à l’une des parties qui conftituent cette poudre. IL fera toujours difficile de croire que l'air inflammable qui fe convertit en air phlogiftiqué par la refpiration , l’infuflation & la digeftion dans des tubes de flintglaff, foir le phlogiftique par excellence; ou, pour parler plus exactement, il fera difficile de favoir en quoi diffèrent le phlogiltique des Chimiftes & la matière du feu, ou la chaleur abfolue, auxquels M. Crawford donne des rôles fi oppofés dans Les phénomènes de déphlooiftication. Je n'apporte point ici comme nouveauté la calcination du plomb par l'atmofphère, Les mines de plomb foufrées font expofées à ces com- mutations de principes , autant dans nos cabinets que dans les excava- tions fouterraines où l'air eft admis. Dans la Hollande & les pays ma- ricimes, le plomb, comme on l'obferve , fe convertit affez vite en cé- rufe. Homberg dit même ( Mém. de l’Acad.) , que fous La zône tor- ride, ce métal fe détruit dans l'efpace de trois ou quatre ans. Ces faits n'ont rien de plus étonnant que leurs analogues qui nous font plus fa- miliers , tels que la rouille du fer, le paflage du cuivre à l’état & mine verte, &c. Dans les villes où le pied des murailles eft battu par les forts de la mer, les métaux imparfaits s'y détruifent rapidement. On voit dans Saint-Sébaftien, port de la Bifcaye , les balcons de fer s’exfolier comme de l’ardoife , & tomber en écaille bien plutôt qu'à Bilbao , qui s'éloigne déjà de plus d'une lieue des bords de la mer. Acofta rapporte que, dans certaines régions de l'Amérique, Pair eft fi falin, que les mé. taux en font corrodés au point de fe laifler écrafer entre les doigts, Ces altérations deftructives du principe inflammable des métaux , bien que commencées par l’érofion faline , n’en font pas moins l’ouvrage de l'air, dont la tendance vers ce principe pafle de bien loin celles des acides mi- néraux. Dans les laboratoires, on voit l'air fe fubftituer aux acides des diffolutions métalliques, prendre la place de l'acide vitriolique & marin dans les folutions martiales , celle de l’acide nitreux dans la folution du cuivre , & convertir en malachite le cuivre que l’alkali volatil cauftique avoit mis à l’état falin. Les chaux pierreufes & métalliques ne lui cèdent pas moins rapide- ment la matière du feu dont il a befoin , pour prendrélle caractère falin, & les reporter à l’état fpathique. Il fature de la même manière Les alkalis cauftiques , fixes ou volarils, achève de faturer les alkalis du tartre ou de SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 2$9 {a ‘potafle, & leur aide ainfi à fe débarrafler dutartre vitriolé qu'ils con- tiennent naturellement , & que les anciens Chimiftes prenvient pour une démonftration complette de l'exiftence de l'acide univerfel de Srahl, dans ceux qu'ils avoient expofés quelque temps à l’air. Il faut feulement conclure de ces faits, que partout l'élément du feu rencontre dans l'air le rival qui l'aflujettit & l’enchaîne, dans les corps même dont il tend fans cefle à s’écarter, &qu’en ordonnant ies corps a@ifs felon leur degré de tendance vers le phlogiftique , l'air fera natu- rellement placé à la téte des acides, Mais ce n’elt pas là où j'en voulois venir, Le célèbre Bergman, que nous pleurons aujourd'hui, a avancé que l'acide méphitique fait communément Le quinzième du voiuine d: l’armof= phère. La plupart des Chimiftes me femblent prendre cetre aflertion pour une vérité, & ne voir dans _les faturations fpontanées que la précipitation de cet acide errant dans l’atmofphère. Tout me porte à croire au con- traire, avec M. l'Abbé Fontana, que l’acide méphirique ne forte poine habituellement dans le vague des airs. Je ne vois même rien de plus dé- cifif à cet égard que les expériences qu'il a tentées pour s’en aflurer, Si l’eau chargée de moins que la <= partie de fon volume en acide méphi- tique , rougit fenfiblement Le cournefol , je ne vois pas pourquoi 7 à 800 pouces ne rougiroient pas la plus légère teinture, lors même qu’on les renouvelle fouvenr. Il faudra donc reconnoître qu'il fe forme dans tous les cas où nous croyons qu'il ne fait que fe dépofer. Mais, dira-t-on , comptez-vous pour rien l'influence journalière des combuftions de toute efpèce qui fe paflent dans tous les points de la terre habitée ; ces grands embrafemens qui s’élancent du fein des montagnes volcaniques , ces excavations fans fin, qui mettent la matière inflammable des mines en contact avec l'air ; les maladies , les tranfpirations & ref- pirations animales , la germination des végétaux , ces nuages d’infeétes (1) fi prodigieufement multipliés-dans les pays chauds, qu'au Sénégal, par exemple, la lumière en eft quelquefois parfaitement obfcurcie pour les Voyageurs; ces entaflemens de matière pourriflante qui infectent le mi= Jieu_& l’alentour des grandes villes; ces torrens de fluides odorans que les pays chauds exhalent en fi grande abondance; les émanations per- étuelles de toutes ces matières organiques plus ou moins tourmentées dans les Arts de la Société (2)? Le fluide électrique, déployant fon activité dans le temps des orages, n'eft-il pas propre à transformer l'air D {x) Les infe&es convertiffent L'air pur en air fixe. (Scheele). RRURRE : (2) M. Prieftley a reconnu que létincelle éleétrique convertifloit Pair en ai fre. Tome XXV, Part. II, 1784 OCTOBRE. Kk 2 260 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, pur en acide méphitique ? Tous les corps étant habituellement environ - nés , imbibés même de l'air , à quelle autre caufe attribuer l'aigreur fu- bite des liqueurs douces animales ou végétales , fi ce n’eft à l’acidifica- tion de cet élément par le phlogiftique de l'électricité ? Enfin , fi les opé- rations de la Nature & de l'air mettent continuellement en liberté la matière du feu ; fi le ofobe offre à l'acmofphère qui le prefle autant de füujets propres à en acidifier une partie, comment mettre en queftion l'exif- tencé de-cet acide dans le’ fluide qui entretient lælvie ? En convenantde l’appauvriffement de l’air par tant decaufes , je répondrai que la Nature femble n'avoir établi lafcenfion & lacondenfarion des vapeurs aqueufes qui fuivent le lever & le coucherdu foleil, que pour la purification de Fatmofphère rerreftre. Les végétaux ayant reçu laprérogative admirable de reftituer en air pur l'air gâté dont ils fe nourriflent , ik falloit ramener à feurs pores l'air méphitique noyé dans l’efpace. La rofée eft chargée de cette importante fonction. Lorfque la fraicheur de la nuit condenfe les molécules aqueufes que le jour élève fur les ailes de la chaleur, & qu’errantes & difperfées dans Ja réoion de l'air , elles ne cherchent plus qu’à s’agréger , pour donner naif fance à la rofée, elles fe chargent inévitablement de l'air méphitique & du fluide électrique, deux principes vivifians des végétaux. La corrupti- bilité de la rofée , & la promptitude avec laquelle les conferves s’y pro- duifent , font des preuves évidentes de rout ceci. L'eau deftituée de l'acide aérien , left également du principe qui fait naître ces prairies microfco- piques, dont Les fonctions utiles ont été fi bien développées par M. Sé nebier. e La rofée eft donc un réfeau que la chaleur du jour élève, & que Le froid dela nuit abaïfle vers la terre, pour offrir aux plantes l’acide mé- phitique, qui ne s’accumuleroit pas dans Patmofphère fans danger pour ce qui jouit de la vie. C’eft de cette manière que les végétaux payent le foin que nous donnons à leur culture. Les animaux &e les plantes refpirent tour à tour le même air. La phlogiftication & la végétation font deux moyens dont la Nature fe. fert pour approprier cet élément à la confti- tution de ces deux grandes familles. Je ne nvartêterai pas à tirer les conféquences des effets du chaud & du froïd ; ces deux grandes ‘puiflances de la Nature phyfique (1}, relati- vement à la pureté de l'air. Comme tous les diffolvans , ik a befoin d’être animé d’une chaleur fupérieure au terme de zéro, terme en decà. duquel fon pouvoir déphlogifticant décroït comme fa caufe auxiliaire. Si Les déphlooiftications naturelles font moins abondantes dans le cours de la faifon froide, les rofées font fuperflues, les pluies & les brouillards es l À (1) Magnum organum cam Nasyræ quam artis, ( Bacon.) 2 SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 26« y fuppléent, & les végétaux, dont le travail feroit inutile à cet égard, peuvent s’abandonner au fommeil. Ain, dans les faifons les plus irrégulières, & dans les lieux où fa pu- reté eft fujerte à plus de variations , la Nature ramène l’air à une pureté à peu près égale par-tout ; de forte que celui que nous refpirons au matin ans nos campagnes, dans nos jardins, fitués même dans le milieu des grandes villes, & par conféquent plus voifins des caufes qui peuvent le corrompre , eft habituellement aufli pur que celui des montagnes, Je ne voulois que faire connoître la converfion de l'air pur en acide méphitique par le plomb , & voilà que j'ai en quelque forte commencé l'hiftoire des dépravations de l’atmofphère, par les fubftances inflamma- bles. Si cette hiftoire peut être curieufe par les phénomènes les plus va- ziés, elle eft aflez intéreflante par les rapports à la fanté & les confidé- rations médicales qui s’y joignent, pour qu'on s'attache fans reläche à l'enrichir. Je voulois la traiter fous ce dernier point de vue ; mais les bornes du Journal me rejettent à un autre temps, DUELESLC"R IPNT TON D'UNE POMPE A AIR, RECTIFIÉE; Par M. CAVALLO. 17e En Vue additions & corrections faites à la machine pneuma- tique, depuis fon invention, étoient dues à M. Smeaton , Membre de la Société Royale; elles ont été décrites dans le 47° volume des Tranfac- tions Philofophiques.' Ce favant Académicien , frappé des imperfections des pompes pneumatiques conftruites felen la méthode ordinaire , s’ap- pliqua à les rectifier. Non feulement il en corrigea un grand nombre, mais il en conduifit encore prefque chaque partie à un tel degré de per- fetion, que ces pompes devinrent, par fes foins, bien fupérieures à toutes celles qui les avoient précédées. IL paroît néanmoins, d’après des expériences exactes , répétées par M. Nairne, de la Société Royale, avec une pompe pneumatique conf- -truite fur le modèle de celle de M. Smeaton , & confignées dans le s7° volume des Tranfactions Philofophiques , que lorfque la chaleur du lieu étoità peu près au 57° degré , l'air ne fe raréfioit que de 40 à jo degrés dans les meilleures pompes en ufage avant celle de M. Smeaton; & même, dans celle de M, Smeaton , il ne fe raréfoit tout au plus que 262 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, de 70 à 80 degrés, lorfque les cuirs étoient mouillés, ou que l’humi- dité, par quelque voie que ce fût , pouvoit s'y introduire; mais aufhi quand l'humidité ne pouvoit point y pénétrer , qu'elle éroit bien nette, huilée convenablement, toutes les parties exaétement unies, l'air pouvoit éprouver aux environs de 600 degrés de raréfaétion, & non au-delà. Quand il refte quelque vapeur dans le récipient, on ne doit pas confi- dérer ce degré de raréfaction indiqué par la jauge à point, comme un degré de raréfaétion d’un fluide élaftique, mais comme celui de l'air; ‘car la vapeur de l’eau fera le même office dans le récipient comme l'air, quelque raréfié qu’il foit. Ainfi, nous ne ferons attention au vide que lorf- qu'il n’y aura plus ni vapeur, ni humidité. Voici Les expériences de M. Nairne (Tran. Phil. , vol. LXV 11.) Ce qui soppofoit à un plus haut degré de raréfaétion dans cette pompe , venoit de la foiblefle du reflort de l'air, qui, perdant de fon énergie, à mefure que la quantité de l'air diminuoit dans le récipient, fe trouvoit enfin incapable de foulever la foupape qui établit une com- munication entre le récipient & le corps de pompe; ce qui empêchoit l'air de paffer de l’un à l’autre. Bien des perfonnes habiles avoient tenté de remédier à cet inconvé- nient; mais aucune, que je fache, n’avoit pu y réuflir avant l'heureufe idée de la pompe dont je vais donner la delcription. Ayant befoin d'une pompe à air, & bien perfuadé que la communica- tion entre le récipient & le corps de pompe feroit bien mieux établie, fi, au lieu d’une foupape, on faifoit ufage d’un robinet particulier que j'avois imaginé , je fus en conféquence, vers la fin de l'année dernière, en faire part à M. Haas, Artifte habile dans la conftruétion des inftrumens de Phyfique & qui tout récemment, en fociété avec M. Jean-Henri Harter , vient d’en établir une Manufacture. Cet Artifte judicieux me fit obferver que , fuivant mon plan, les parties de la machine fouffriroienc un frottement trop confidérable , & , fuppofé tout l'effet que j'en attendois, que la machine ne feroit vraifemblablement pas de longue durée, I réfléchie done à quelque autre moyen qui pût produire le même effet, & prefque fur le champ trouva celui de fermer & d'ouvrir à volonté la foupape au fond du corps de pompe. L’effai en fut fait, & tout répondit merveil- leufement à fon attente. Cette pompe réunit encore à cet avantage eflentiel , celui d’être plus propre aux diverfes expériences que l'on peut fe propofer, comme on pourra en juger par celles dont nous ferons mention après la defcrip- tion que nous allons donner de cette pompe. La première planche repréfente la pompe en perfpective, Foy. PI. I, La feconde, le plan géométrique des parties détachées de la ma- chine, & la fection de ces mêmes parties. SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 263 AABT, Planc. IT, fig. 1, eft le corps de pompe; CE & K font des pièces attachées à fes extrémités par le méffien de cinq vis & de cuirs interpolés , pour qu’elles foient mieux unies. On trempe dans la graifle fondue de porc tous les cuirs employés dans cette machine ; on en frotte également les pièces de cuivre qui agiflent contre-les cuirs. On pourroit abfolument s’en difpenfer. * G G eft le manche ou l'axe du pifton qui traverfe les rondelles de cuir enfermées dans la pièce {uperieure CE , & le baflin F deftiné à ferrer à vis en deflous les cuirs, & à conferver l'huile que l'on peut y mettre, pour les tenir en bon état, quoique l'expérience apprenne que l'on peut 1e difpenfer d'en mettre quand les cuirs font bien préparés, Au point E de la pièce CE, il y a une foupape qui, permettant à l'air de pafler en haut, s’oppole à fon retour. Elle eft fi bien imaginée, qu'il ne refte pas dans le corps de pompe la plus petite quantité d'air , lorfque le pifton a été entièrement tiré en haut. On voit féparément , fig. 3, toutes les parties qui la compofent. 1, 3 eft une pièce de cuivre aflujettie à vis dans une cavité deftinée à la recevoir de la pièce CE, & creufée de manière à n'avoir pour bafe qu'une lame mince de cuivre ; percée d’un petit trou 3. Dans cette der- nière pièce, 1, 3 eft ajuftée à vis une autre pièce percée 2,4; fur fa partie inférieure eit étendu un morceau de taffetas graiilé , coupé en forme triangulaire, & lié par fes angles autour de la dentelure ou petite rai- nure ménagée à la partie inférieure de la même pièce. Ce taffetas huilé eft préférable à la veflie & au cuir; il s'applique par- faitement fur le trou 3, dont il dépaile le diamètre quatre fois, en largeur, On conçoit facilement que, lorfque l'air fera forcé de s’échapper par le trou 3, il foulevera le morceau de tafletas, gliflera le long de fes bords, & pañlera en haut au travers le canal de la pièce 1, 3, fans qu'il lui foit plus poflible de rétrograder, puifque plus il prefferoit dans fon retour fur le taffetas, plus il fermereit hermétiquement fon paflage, Il y a également dans te pifton une foupape femblable. On en péut voir féparément les parties dans la figure 4. w eft une pièce de cuivre percée d’un trou, & aflujettie à vis à la tige cylindrique G G. Cetre tige cylindrique a un court canal recourbé. La pièce x, fixée à vis dans la partie #, renferme une foupape confiftante dans la petite pièce 6, garnie d’un morceau de taffetas graiflé , lié autour de fes rainures yy, & appli- qué fur le trou 5. _ La pièce x , fixée à vis dans l’autre pièce , retient*les rondelles de cuir , qui forment, prefque au nombre de trente, la tête du pifton, & frottent contre les parois intérieures de la pompe. ” Cette manière d’arranger les cuirs eft préférabie à l'ancienne, qui con- 2 264 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, fiftoit à rouler deux cuirs un ! liége , difficiles à préparer , & rarement exacts. La pièce K, fixée à la bafe du corps de pompe, a un canal dont il eft aifé de voir la dire&tion dans la fig. 1. Ce canal communique avec celui . de la pièce ronde L, attachée par Le moyen de vis & de cuirs interpofés à la pièce K. La communication a donc lieu entre Le canal K & celui du tube en cuivre RS. Ce tube eft foudé à la pièce L. Une partie de la pièce K, moindre en diamètre , s'engage dans le corps de pompe, & l’efpace qu’elle n'occupe pas eft rempli par un double an- neau 8 8, retenus l’un à l’autre par des vis, & deftinés à tenir ferrés entre eux les bords du morceau de taffetas qui s’étend fur la partie fupérieure de la pièce K, & qui en couvre l’ouverture, On voit ce morceau de taffetas percé de cinq trous dans un plan vertical, fig. 6. De cette defcription , il fuit que L'air pourra bien pañler du dehors en dedans dela pompe , mais non vice vers; qu’il ne pourra s’introduire dans la pompe , en venant du canal R S par les ouvertures L & K, que dans le cas où, ayant affez de force, il pourra foulever le morceau de taffetas. Voici donc le grand avantage de cette nouvelle machine ; c’eft de pou- voir , à volonté, foulever cette foupape, en y appliquant une force ex- térieure , lorfque l'air contenu dans le canal RS fe trouve trop affoibli our produire cet effet. Nous allons -en -décrire le mécanifme, Un double anneau 8 8 , qui embrafle & tient rendu le morceau de taffetas ; s'attache aux deux tiges d'acier 9 9 , que l'on voit fig. 5. Cerre figure eft une fection de la partie inférieure de la pompe, par un plan vertical à celui de la feion de la fig. 1. Ces deux tiges d’acier enfilent les rondelles de cuir contenues dans les caifles faites exprès HQ, fixées à vis à la pièce K, & garnies ades couvercles 11, 11. Les extrémités inférieures de ces, tiges tiennent à la pièce tranfverfale 7 7 du châflis de cuivre OOO, dont on voit le plan vertical, fig. 8. Du milieu de la pièce L, fig. r, fort une colonne M, qui, fe divifant dans fa partie inférieure en deux branches horizontales, forme un axe 7% , fig: 8, autour duquel fe meut un peu en haut & en bas le chäflis de cuivre OO ©. . Il fuit de là, que du moment où s’élevera le châfis OOO , les tiges 9 0, le double anneau 8 8, avec le morceau de taffetas, s’éle- veront également, puifque toutes ces pièces tiennent enfemble : alors le taffetas , éloigné du trou de la pièce K , permettra un libre paflage à l'air, qui pourra, fans éprouver le moindre obftacle , paffer du tube K dans l'intérieur de la pompe, quelle que foit la foiblefle de fon reflort. Mais pour procurer ce mouvement au châflis de cuivre , il y a un levier qui y vient aboutir: on Le voit fig. 9, où cette partie de la pompe \ SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 265$ pompe eft vue de face, tandis qu'elle ne left que de côté dans la même Planche , fig. 1. Le centre du mouvement eft au point 13 entre Les deux : rebords de la pièce 12, 12,-qui tient à vis àun des montans de la ma- chine, £ P La partie 1$ du levier, qui s'éloigne du montant , fe plie au point 17, & fe relève, pour plus grande commodité , quand on veut empaqueter la machine. : Lorfqwon veut ouvrir Ja foupape , ‘on prefle avec le pied fur l'extré- mité 1$ dulevier; dès ce moment s'élèvent l'autre extrémité, le chafis de cuivre O OO, lestiges 9 9, le double anneau avec le morceau de taffetas, Quand on veut abaifler ces parties & fermer la foupape, onwetire le pied, & on laïfle agir le reflort en fpirale, qui tend fur l'extrémité du -chäfisO OO, & qui eft enfermé dans un cylindre de cuivre attaché à vis à la pièce K. Après a voir expofé le principal mécanifme de cette partie inférieure de la pompe, il nous feroit aufi facile d'en décrire routes Î:s autres par- ties; mais avant d’y procéder , nous croyons à propos de faire mention en -peu de mots d’un autre pracédé que vient d'imaginer tout récemment M. Haas, pour remplacer celui dont nous venons de parler , & qui réunit à l’avantage de répondre aux mêmes vues, celui d’être moins compofé. On voit, fig. 7, une coupe de ce nouveau plan que M. Haas elt fur le point de faire exécuter pour une autre pompe. A B eft l'extrémité inférieure de la pompe; CCDE eft une pièce de cuivre dans laquelle règne un canal large & cylindrique. Cette pièce eff jointe, par le moyen de vis & de cuir, au corps de pompe, au lieu de J'être à la pièce K, comme dans la figure 1. On a attaché à plat, par le moyen de vis & d’un cuir, àune partie d’un des côtés de la pièce CDE, une autre pièce G, à laquelle eft foudé le tube H , qui correfpond à celui de RS de la figure 1. L'ouverture C C du côté de la cavité de la pompe, eft couverte d’un morceau de taffètas graiflé , femblable à celui qui ef repréfenté fig. 6. Il eft également tendu par le moyen de l'anneau de cuivre L, & enfermé dans la pièce CC D. Dans le cylindre creux de la pièce CC DE , règne un long pifton KT7, compofé des parties fuivantes. I K eft fon axe, qui fe prolonse jufqu'à r3 fon extrémité inférieure eft fixée au point N du levier M O, qui fe meut autour du point M. i Vers le miliea de l'axe, il y a une pièce de cuivre que linfpetion de la figure fera miçux comprendre que la defcription. Les cuirs ronds dont elle eft garnie, aboutiffenr par fon moyen jufqw’à la platine r, & jufqu’à Vaurre platine, qui eft attachée à wis à l'axe au point 4, Dans l'intervalle de & à F ,il y a un reflort en fpirale , qui tend tou- jours à élever le pifton. Enfin, l'axe du pifton eft percé deufa fommité Tome XXV, Part. II, 1784. OCTOBRE, LI 266 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, jufqu'à fon milieu, où il y a une ouverture latérale qui correfpond à l’e- rifice du tube H. Maintenant, fi le pifton eft pouffé en haut, ce qui a toujours lieu, tant ‘qu'on ne prefle point fur l'extrémité O du levier , le morceau du taffe- tas qui s'applique fur la furtacer, couvre le trou du pifton, & confé- quemment intercepte toute communication entre le corps de pompe & l'ouverture du tube H, &c. Lorfqu'on veut au contraire permettre la communication, il fuffit de preffer fur le bout O du levier ; dès-lors la partie fupérieure du pifton ne fe trouvant plus en contact avec le morceau de taffetas, la communica- tion aura lieu, Revenons acuèllement à la defcription des autres parties de la machine que l’on voit, fa. 1. Le tube K°S fe termine en cône à fon extrémité fu- périeure o , qui fe trouve inférée dans l’épaiffeur de la pièce de commu- nication U X Z, qui y eft aflujettie par le couvercle T. Toutes les parties de cette pompe , qui s’ajuftent dans d'autres par ce qui en ett ufé à l’émeri, comme robinets, bouts de tube, &c. , doiveñt préalablement être graiflées avec un mélange compofé de bées-wanan- dois (1), pour en rendre Le frottement moins rude, & les faire"durer- plus longtemps. “Dans la partie oppofée np, l'extrémité 7 eft également enclavée dans l’épaifleur de la partie 2, & affermie par le couvercle . Les deux robinets Z & k, qui font affujettis par les couvercles Y &, font juftement placés aux extrémités coniques z & o. Comme on doit tour- ner ces robinets par le moyen: de clefs qu'on ajufte à leur rêre, & que l'on pourroit , par l'aétion du frottement, démonter les vis qui les aflu- jetiffent ; on a pris la précaution, pour parer à cetinconvénient , de fur- monter leur partie fupérieure d’un bon anneau qui les embrafle, & sy trouve aflujetti par le moyen de vis. On voit ces anneaux fig. 1 & 10. Ces deux robinets font percés fur le côté d’un trou qui fe prolonge dans l'intérieur jufqu’à leur extrémité. < La pièce de communication U X / fe joint à la boule 4 par la partie du mi- lieu , plus élevée. Le tube d s'engage dans la boule a par fon extrémité infé- rieure & conique. b eft affujetti par le couvercle c, & eft foudé à la partie e. La pièce e eft montée à vis au bord fupérieur du châflis de Ji ma- chine; de même la platine ff, garnie du bord gg, y eft fixée par le moyen de vis & d’un cuir interpofé entre. : ! Le partie inférieure de la pièce 2 p eft appliquée avec des vis & un cuir au haut du. vafe de cuivre gr s, comme on lewoit dans la fig. 1 & 10, & pour la raifon que nous déduirons dans la fuite. Se ——Ù——— ————————.——"" —"——_———— ——_— {x) Cire-vierge & d'huile, onguent appelé cérat, PILES 4 SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 267 Ce vaiffeau de cuivre grs elt attaché, par Le moyen de vis, au milieu du chäflis de bois, & a une ouverture à fon fond, bouchée par une vis à tête, & qui eft deftinée à laifler écouler l'huile qui peut y tomber, après que l'on a mis en jeu pendant quelque temps la pompe pneuma- tique, Le tube E r eft foudé à la pièce D, de même au vaiffeau ci-deflus grs, fe prolonge jufqu’au haut du même vaifleau , où il eft ouvert. Le pifton de la pompe avec fon axe GG, efttiré en haut & en bas par le moyen d’une crémaillère, d’une roue dentelée , & d’une ma- nivelle. On voit clairement ces différentes parties, fig. 10 & 11. Comme elles n’ont rien de neuf, je ne n’arrêterai pas à les décrire. À la partie antérieure de la boule & , on applique fur la pièce de com- munication , par le moyen d’une pièce tranfverfale & de vis, une jauge, pour s'aflurer des degrés de vide obtenus par la pompe pneuma- tique. On peut la voir figure 10 ; elle confifte dans un grand tube de crif- tal, dans lequel il y a un peu de mercure, & dans un tube inférieur, gi eft rempli, comme un baromètre, de vif argent, & qui eft renverfé ans celui du grand tube. Ce tube inférieur eft foutenu à fa partie fupé- rieure par un /pring-focket (1). Une petite échelle d'ivoire à divifions enveloppe le petittube, & fur- nage à la furface du mercure dans le grand tube, Dès qu'on a obteru trente degrés au moins de raréfaction , on peut , à l’aide de cette échelle à divifions, commencer à évaluer les degrés du vide fait dans la pompe. De l’autre côté de la boule z, oppofé à celui de la jauge, ily a un Jcrewmet (2), qui , par le moyen d’un cuir , bouche le trou pratiqué dans la boule ci-deflus, & fert à établir une communication entre le ré- cipient & l’atmofphère. Cette zut (3), outre une milledhead , a une tête carrée à laquelle on peut adapter une clef pour ouvrir la vis plus facile- ment, par degrés & fans fecoufles. On les prévient aifément, quand on tourne l'écrou, en y appliquant le doigr, Cet écrou fe voit dans la planche I. À Je ne décrirai pas, de peur d’être trop long , les autres jauges dont on peut fe fervir dans cette pompe, ni les autres parties qui peuvent contribuer à rendre plus exactes les expériences que l’on peut tenter avec {1} Reffort creux. (2) Ecrou. : « (3) Ecrou. à | à Tome XXV , Part. Il, 1784. OCTOBRE. LI 2 268 : OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, cette pompe , toutes ces parties étant d’ailleurs connues de tour Le monde; & n'ayant rien de neuf ni de particulier. Une fimple infpetion de la fig. 1 fuffira pour favoir quand la pompe eft mife en jeu; comment, par l’action du pifton élevé & baiflé , l'air fe trouve pompé du tube RS , dela fphère 4, du tube 4, du réci- pient placé fur la platine; car dès que le pifton, après avoir été baiflé , elt tiré en haut, il doit fe faire un vide dans la partie inférieure du corps de pompe; conféquemment la foupape au fond du corps de pompe, n'é- prouvant point de preflion de ce côté, doit être foulevée par l'air du ré- cipient, lequel’, à mefure qu'il fe dilatera, paflera au travers dutubeRS,, & de à dans Le corps de pompe ; alors le pifton , en fe baiflant , forcera l'air de s'échapper par fa foupape , & de gagner la partie fupérieure de ta pompe; enfuite, lorfque le pifton s’élevera , l'air fe portera àlafoupapeE, de là au tübe Dr au vaiffeau gs par le canal p7, enfin à l'oriñce K, d'où il ira fe perdre dans l’atmofphère, L'huile dont on doit toujours frotter les parties de la machine , ne man- queroit point, par l’action du pifton , de pailer avec l’air dans le tube Dr, & de fortir avec lui par Porifice À , fi l’on n’avoit pas pris la précau- tion de placer le vafe gs pour la recevoir, C’eft pour cette raifon que la partie inférieure de la pièce pz eft difpofée de la manière qu'on l'apper- çoit, fig. I ;fans cela , l'huile , en s’échappant par l'orifice K, ne man- queroit pas , en fortant avec l'air qui y pafle avec violence , de fe ré- pandre fur l'inftrament & fur le manipulateur. Comme le vide fe fait dans cette pompe de la même manière que - dans les pompes ordinaires, on n'aura recours au levier qui ouvre la fou- pape au fond du corps de pompe , que dans le cas où l’on voudra obtenir quelques degrés de vide de plus que n’en pourroït donner l'inftrument par lui-même , oukes pompes ordinaires. On verra le mercure, qui ne pou- voit plus defcendre par la feule action dela pompe , baiffer fenfiblement dès que l’on ouvrira la foupape pratiquée au fond du corps de pompe; ce qui démontre clairement route l'utilité de cette nouvelle addition, - En général, l'on ne preflera fur le levier , ou, ce qui eft la même chofe, on n’ouvrira la foupape que lorfqu’on s’appercevra par la jauge d’une raréfa@ion de 100 degrés, ou, ce qui revient au même , que la quantité de Pair reftant dans le récipient, n’eft plus environ qu’une centième partie de celui qui y étoit contenu avant l’opération, On aura aufli l'at- tention , fi l'on ne veut pas perdre fa peine, de n’ouvrir la foupape que lorfqu’on élève le pifton, & de retirer le pied lotfqu’on l'abaifle. Dans Flétat où lon voit la pompe , figure 1 , il eft évident que comme l'action de la pompe détermine l'air à pañler du tube RS dans Le corps de pompe, & de celui-ci dans le tube Dr; il eft évident, dis-je, que fi l’on place fur le plateau un récipient , l'air en fera pompé; mais fi l’on tourne Les robinets Z & #, de manière que leur ouverture pra- SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 269 tiquée fur leur côté s , réponde à X ; alors l'air, au lieu d’être extrait par l'aéion de la pompe, fe condenfera dans le récipient placé à certe fin fur la platine ff; car, dans ces circonftances , l'air venant de l’atmofphère par l'ouverture X , paflera dans l’intérieur du tube RS, de là dans le corps de pompe, & parviendra enfuite à la partie fupérieure par le canal Dr,pnr,ab,d, & enfin dansle récipient , que l'on aura foin d’aflujettir, comme on le pratique dans les machines de condenfarion. On ‘peut voir figure 2, de quelle manière font difpofés les robi- nets , lorfqu’on veut en faire ufage pour cette fin. Les deux lettres E&e, gravées fur la tèce de chacun, dirigent l’opérateur dans la manière dont il doit les tourner, foit qu'il veuille évacuer l'air, ou bien le con- denfer. Les ouvertures X & Æ, fig. 1 & 2, évafées en cône , font defti- nées à recevoir dans le befoin les bouts des robinets. On les introduit dans ces trous X & k, & on leur adapte à chacun une veflie, Ce moyen eft propre à deux fins, ou pour introduire dans le récipient un fluide élaftique , ou pour recevoir dans la veflie celui qui peut y être contenu, Suppofons qu'on veuille introduire dans le récipient de l'air fixe , on com- mence d'abord par évacuer l’air commun; on place enfuite à l’orifice X le robinet d’une veflie qui contient l'air fixe ; on tourne les robinets AZ, de manière qu'ils répondent par leur ouverture à X. La pompe mife en jeu, l'air fixe paffera direétement de la veffie dans le récipient. Veut-on mainte- nant faire repafler le même air dans une veflie? on tourne les robinets , de forte que leur ouverture répond à £: on ajufte à l’orifice k un robinet au- quél on lie une veflie vide. La pompe mife en jeu, l’air fixe paflera par degré du récipient dans la veflie, E À la defcription que je viens de donner de cette pompe perfectionnée, dans laquelle le vide fe fait mieux que dans toutes les autres pompes ;fur lefquelles elle a bien d’autres avantages, j'ajouterai , pour terminer cet écrit, un précis des expériences auxquelles elle a fervi, & qui feront voix jufqu’à quel point Pair peut s’y raréfier, Expériences faites avec la pompe décrite ci-deffus. * Il ne fera pas hors de propos, avant d’entrer dans l'explication des ex- périences , de faire obferver que, quand bien même la platine & les bords inférieurs du récipient feroient fi parfaitement unis, qu’il ne füt pas nécef- faire de faire ufage ni d'huile, ni de cuir; cependant, pour plus grande précaution, on fera toujours bien de graifler les bords extérieurs du réci- pient ; après que l’on aura un peu évacué. Il eft très-rare qu’il puifle pafler entre les bords & la platine une quantité notable d'huile. Si l’on bouche avec un écrou & un cuir l'orifice de la platine, & que la machine foit mife en jeu troisou quatre minutes environ , on remarquera 270 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, le mercure du petit tube defcendre au niveau de celui du tube extérieur; comme fi l'air étoit entièrement évacué dans l'intérieur de la pompe; mais comme il nous fut difficile de juger files deux furfaces du mercure & du tube intérieur & extérieur étoient parfaitement de niveau , & que dar le cas même où elles l’euffent véritablement été, nous avions roujours lieu de craindre qu'il ne fe füt introduit un peu d'air dans les jauges , bien que le mercure de prefque toutes ces jauges eût bouilli avec Le plus grand foin; nous crümes donc devoir recourir à d’autres jauges, pour nous aflurer avec plus de précifion des degrés de la bonté de la pompe. On choifit en conféquence une jauge & un long tube en forme de baromètre , dont nous expoferons les effets dans la fuite. Si, au lieu de boucher l'orifice de la platine, on le couvre d’un réci- pient, & que la pompe foit mife en jeu , on verra defcendre le mercure aufli bas que fi l’on ne fe füg point fervi du récipient; mais il eft bon d'obferver quelorfqu’on a une fois vidé la pompe, & qu'on l’a laiflée dans cet état, le mercure, au bout d’une heure , s’élève d’un dixième ou d’un cinquième au plus de pouce au-deffus de la furface du mercure du tube extérieur, & relte pour lors ftationnaire ; au «lieu que fi l'expérience fe fait avec un récipient, le vide eft inaltérable, & le mercure ne s'élève pas d’un moindre degré dans le petit tube. Cette afcenfñon du mercure dans le premier cas , femble provenir d’une léoère quantité d’un gaz élaftique que fournit l'huile contenue entre les parties de la machine, Or, certe foi- ble quantité de fluide fuffit pour produire un changement fenfible, fur- tout quand la capacité de la pompe avancée eft très-étroite : mais on peut dire qu’elle eft inappréciable , lorfque l’on fe fert d'un récipient dont la capacité eft grande; car alors il n’y a plus de proportion entre elle & ce fluide léger qui peut s’y introduire. Il eft très-important qu'il ne fe trouve dans cette pompe qu'une très- petite quantité d'huile, parce qu'alors le gaz élaftique qui en provient eft en fi petite quantité, qu’il ne peut nuire en rien à l'exactitude des expé- riences: quant à l’huile qui s’accumule par l’action de la pompe dans le vaifleau deftiné à la recevoir , elle ne peut pas non-plus empêcher l’éva- cuation de l'air, puifqu’elle n'a point de communication avec la capacité du récipient. On foumit enfuite la pompe à de nouvelles expériences, pour s’aflurer, par le moyen d’une jauge placée fous le récipient , jufqu’à quel point l'air pouvoit s’y raréfier ; & nous reconnümes , par ce procédé , qu'il ne reftoit tout au plas dans le récipient qu'un millième de l'air qui y étoit aupa- ravant contenu. Toutes les fois que l'on fait ufage de cette éprouvette, il faut avoir attention de bien efluyer l’intérieur du récipient de la jauge & de la pompe, pour qu'il ne s'y trouve plus d'humidité. Nous vîmes , dans ces circonftances , que le mercure étoit defcendu au point d'être de niveau dans les deux tubes; ce qui prouve bien que SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 271 : l'air fe raréfie de mille degrés au moins , comme nous le reconnûmes pat la jauge dont nous avons parlé ci-deflus. Nous avions en dernier lieu adaptéà la pompe, par le moyen d’un tube de cuivre récourbé , un long tube, ou ce qu’on appelle un long baro- mètre de vérification. Ce tube de cuivre defcendoit tout le long du côté du châfis de bois, & venoit fe prolonger, par fa partie inférieure, dans du mercure contenu dans un vafe bien net, Les trois jauges placées , la pompe mife en jeu , on vit alors le mercure de la petite jauge fe mettre de niveau,dans le tube intérieur & extérieur; celui du grand baromètre qui fervoit de mefure, monter aufli haut que celui du vrai baromètre, & la jauge de mefure, ou le peargage (1) ,indi- quer mille degrés environ de raréfaction. Mais n’érant pas bien sûrs que le mercure du baromètre de comparaifon eût bouilli dans fon tube, nous en commandâmes un tout exprès, Il fut tiré avec foin à la Manufadure, bien efluyé , le mercure bien bouilli dans toute fon étendue, les dimen- fions du tube , de la boule , les divifions exaétement les mêmes & dans le baromètre & fa jauge. Ces précautions prifes, la pompe fut de nouveau effayée, & nous vimes le mercure de la grande jauge monter d'un ving- tième au moins de pouce au-deflus de celui du barofètre de 'comparai- fon; ce qui nous indiqua clairement une raréfaétion de 600 degrés en- viron. Mais dans ce moment là, la pompe étoit trop en défordre pour fervir à faire des expériences auffi délicates; elle couloir; & depuis fix fe- maines, pendant lefquelles on s’en étoit fervi tres fréquemment , cllen’a- voit été ni remontée, ni nettoyée, & s'étoit trouvée expofée à toute la pouflière de la boutique de l’Artifte. Néanmoins, dans des circonftances fi peu favorables, elle fuit pour doñner 600 degrés de raréfaction, d’où je peux conclure avec raifon , que, dans une pompe en bon état , on par- viendroit très-certainement à 1000 degrés de raréfaction. Je vais terminer cet écrit par donner un léger tableau des expériences d'électricité auxquelles fervit cette pompe, me réfervant à en donner dans un autre temps des détails plus circonftanciés. Dès que la pompe pneumatique fut en état, on plaça fur la platine un récipient de criftal, furmonté d’un bouton de cuivre, cimenté à fon ouver- ture fupérieure ; on en approcha à un demi-pouce de: diftance le bout d’un conducteur électrique, Du moment où la pompe fut mife en jeu, nous vimes pañler en forme d’érincelles le fluide électrique du conducteur à la tête du récipient; nous fîmes le vide dans le récipient : dès-lors Le fluide electrique pafla de la pointe jufqu'à la platine au travers du récipient dont il éclairoit toute la capacité. Nous fimes enfuite le vide le plus par- (1) Jauge à poire, 272 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, fait à l'approche du meilleur conducteur d'électricité; nous vimes la [u- mière électrique fe répandre plus également dans le récipient , fans s'af- foiblir en aucune manière, lors même que le vide étoit le plus grand poflible dans le récipient , quoiqu’elle parût prendre des formes diffé- rentes, fuivant que le vide étoit plus ou moins fait dans le récipient. Degrés de raréfaétion indiqués Apparences de la lumière éleétri- par la jauge. que dans le récipient. > Air raréfñé de 49 degrés. Lumière divifée & fcintillante en # long & en large. 70 Belle flamme épanouie de couleur blanche. . 80 Flamme épanouie de la plus 100 grande beauté, tirant fur le rouge 400 & le pourpre, & rempliffant toute la capacité du récipient. Quand la jauge indiqua le plus Lumière très-épanouie, remplif- haut degré poflible de raréfaction. fant également chaque partie du vaifleau, d'une couleur rougeâtre + Ed fortement exprimée. A ce degré de vide , ou même à celui de 100 degrés , nous établimes une communication depuis la pointe fupérieure du récipient jufqu'à la terre, par le moyen de bons conduéteurs en contact , & nous vimes la lumière électrique produite dans le récipient par les étincelles commu- niquées à fa pointe pat le prime (1) conducteur, s’y affoiblir , fans s’étein- dre entièrement; ce qui nous prouva que le fluide électrique communi- qué à la pointe du récipient par le conducteur en forme d'étincelles, ne pafloit pas tout entier jufqu’à la terre au travers du conduéteur, mais fe partageoit de manière qu'une partie patloit en même temps dans le vide, puifque, quand la pompe fut ifolée dans cette expérience ; on pou- voit cirer de la platine des étincelles. Nous répérâmes les mêmes expériences, avec cette feule différence que nous fimes toucher le bout du premier conducteur à la pointe du réci- pient ; nous eûmes les mêmes phénomènes que dans les expériences pré- cédentes, excepté que la lumière s’éreignit entièrement dans le récipient, bien que la machine électrique donnâc vigoureufement , lorfque nous établimes une communication avec la terre, comme nous avions fait ci- deflus. Nous fufpendimes intérieurement au haut du récipient un élettromètre. (1) Premier. Dès PE * : SUR L'HIST:NATURELLE'ET LES ARTS. 273 Dès que nous eûfes communiqué à fa pointe fupérieure quelque degré d'électricité, nous vimes diverger un peu fes boules au 100* degré ds raréfation, une répulfon très-fenfible au 300%; mais à un plus faut degré, il nv eut plus de divergence, foitique l'on communiquat plus pu moins d'électricité à La partie fupérieure du récipient, Le 24 Juin 1783. O:B:S:E-R :VEALT: I. ON Communiquée à l’Académie par M. le Baron DE Disrricx, Secrétaire général des Suifles & Grifons , en Avril 1784. M. Je Duc DE LA RoCHEFOUCAUL D à fait part à l’Académie du froid de 19 degrés obfervé en différens endroîts le 30 Décembre 1733; favoir, à Saint - Germain par M. Trocherau; & aux environs de Paris par M. Renaud fils, connu de M. Trouin; & M. de Barbançon a com- muniqué une troifième obfervation conforme à celle de M. de Malesherbe, M. Eyfen, Miniftre du Saint-Evangile à Niederbronn en bafle-Alface ; au pied des Vofges, a obférvé le même jour 30 Décembre, à fept heures & demie du matin, un thermomètre à mercure de Réaumur que je lui at remis, & avec lequelil fait, depuis plufeursannées, des obfervations que j'ai communiquées à l’Académie, Il a trouvé à fept heures & demie du matin ,ce thermomètre à 19 degrés au,deffous de zéro. Une heure après avoir ou- vert les volets qui metroient ce thermomètre à l'abri du contact du vent , il tomba à 24 degrés. IL couvrit le thermomètre d'uye feuille de papier; & en $ minutes le mércure femonta de: $ degrés: Il enleva le papier , & le mercure red-fcendit au même point de 24 degrés. [Left aflez fingulier que ce froid , exceflif pour notre climat, ait été ob- fervé la même nuit aux environs de Paris, & à plus de cent lieues de Paris dans les Vofges. É y L’expétience de la feuille me paroît remarquable encore, parce qu'il paroït qu’elle n'a effeétivement agi qu’en parant le contact immédiat, du vent, & non pas {4 chaleur. puifque .le thermomètre éouvert. par elle eft redefcendu au même desré où il étoit avant l'ouverture des. volers qui n’étoient pointén contaét avec l'inftrument, J’aï fait ne obfervation Tome X XV, Part, Il, 1784. OCTOBRE, . Mum : 274 OBSERVATIONS SUR LAPHYSIQUE, . qui a rapport au même effet, en 1776; elle eft confignée dans Le Journal de Phyfique de M. l'Abbé Rozier (1). | Un thermomètre à,efprit-de-vin qu’avoit le même obfervateur , étoie defcendu à 17 degrés , tandis que celui à mercure indiquoit 19 degrés. Certe différence lui a donné quelque inquiétude fur fes obfervations, qui n'étoit pas fondée, puifqu'elle fe rapporte à la proportion connue dans laquelle le mercure & l’efprit-de-vin fe condenfent par un grand degré de froid. M. Eyfen ajoute à l'obfervarion que j’ai rapportée à l’Académie, le détail fuivane des effets du froid. « La nuit du 29 au 30 Dééembre , les vins de rousles tonneaux de » ma cave, qui eft pañablement profonde, & que j'avois aflez bien æ garantie, furent oelés au point qu'il me fut impoñlble d’en tirer une » goutte de vin. » Une vingtaine de cruches & de bouteilles dans lefquelles j'avois du » vin touge , avoient jeté leurs bouchons avec fracas ; à rout moment il » en partoit une, de manière que cela avoit Pair d'une fuñllade ; la » plus grande partie étoient fendues. Cela m'a mis à même de faire du æ vin glacé, qui eft fort bon, »: Jufqu’au nouvel an , il eft tombé 1 pied & demi de neige, qui de- » vint aufli dure que de la glace. J'ai vu à un enterrement les fix hommes ».qui porroient la bière & un cercueil avec une perfonne très-puiffante , >> pafler fur la neige, fans y imprimer la moindre trace; la terre étoit = gelée à 2 pieds de profondeur ; le gibier a péri, &c. 5 PR RS PERC Er “DE: MxriE:BARON:DÉE DIETRICH, Secrétaire général des Suiffes & Grifons , 4 M LABré MONGEZ ILE JEUNE: ) FE vous ai fait part; Monfieur , par une Lettre inférée dans Îe vinot- troifième” volurhe de votre Journal, pag. 105 , des doutes fondés que la (r) Tome 7, pag. 478 , ann, 5776. : Le 1X 4 ". SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 275 Société Royale de Londres avoit conçus fur la réalité des découvertes du Docteur Price , au fujet du mercure fixé, & de la converfion des métaux 3 Mais je ne m’atrendois pas à la trifte fin que prendroit cet Alchimifte, Je viens de voir dans le dernier cahier du Magafin de Gottingue , par une Lettre de Londres à M, le Profeffeur Lichtenberger, que le Docteur Price , vivement preflé par la Société Royale de répérer fes expériences, S'eft retiré à Guilford fa patrie, fous le prétéite de s'y Gi à fatisfaire À ce que l’on exigeoit de lui ; il s’y eft occupé pendant fix femaines à y diftiller l’efpèce de laurier dont on retire le poifon le plus actif & le plus prompt. Pendant tout ce remps-là , il n’a ceflé de fe plaindre de ce qu'on ne Le croyoit pas fur fa parole, & de gémir de ce qu'il arrivoit un pareil affront à un homme aufli avide de gloire & aufñi ambitieux que lui. Après avoir mis fes affaires en ordre, il prit Le breuvage qu’il s’éroic pré- paré pendant fi long-temps, & termina dans un inftant fa carrière, Vous trouverez ici, Monfieur , la defcription de la pierre élaftique de M. Dantz , que vous m'avez démandée, & une notice d'un prétendu ré- gule d’antimoine natif, découverten Tranflvanie, que j'ai tiré du cin- quième volume des Mémoires d’une Société de Bohème. J'ai l'honneur d’être, &c. DCE SAS RE PE FT FPON D'UNE PIERRE ÉLASTIQUE:; D Lue le 24 Janvier 1784 par M, le Baron DE DIETRICH, Secré- taire général des Suifles @ Grifons, à l'Académie Royale des Sciences, M. DaANnTz Pmarchand de minéraux , m'a confié, Mefieurs, la pierre que j'ai l'honneur de montrer à l'Académie ; elle me paroît avoir la même propriété que les tables de marbre confervées fous le nom de pietra claffica au Palais Borghèfe à Rome , que le P. Jaquier a décrite en 1764, dans une Lettre inférée dans la Gazette Littéraire de l'Europe, du 12 Sep- tembre de la même année, & que M. Ferber a reconnutêtre un véritable- marbre blanc antique, faifant effervefcence à l’eau forte, formé de grains tranfparens & criftallins, parmi lefquels le P. Jaquier a obfervé des parties Tome XXV , Part, IH, 1784. OCTOBRE. Mm 2 ! 276 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, de talc: on peut détacher avec l'ongle les grains de ce marbre, La pierre gui elt fous, les yeux de l'Académie ; eft Aexible prefque dans tous les points de fon étendue, & l’on peut dire qu'elle eft élaftique à un certain point, Sa longueur eft d'environ 10 pouces; elle eft à plus de 2 de lar- geur, & 4 à $ lignes d'épaifleur, Sa cexture eft la même que celle du marbre élaftique du Palais Borghèfe ; ce font auli des grains criftallins & friables qui la compofent ; ont mêlés de mica;imais fa nature eft to- talement. différente ; fes grains , au lieu.d’être calcaires, font feu avec L’a- cier: coupent le verres ils font quartzeux , & je, confidère cette, pierre comme une efpèce de-pierre, de fable blanche, mêlée. de mica , & dé- pourvue de la plus grand: partie de fon gluten. C’eft au détaut de gluten, änla liifon imparfaite, de fes parties que M, Ferber a attribuéla flexi- bilité du marbre du Palais Borghèle, & fon, opinion fe trouve confirmée aujourd'hui par, la propriété de la pierre de M. Dantz, dont la nature eft totalement différénte de celle de Rome, mais donr la texture eft fembla- ble. Peurêtre que le mica qui entre dans la compofition de cette pierre, contribue à fa exibilité, M. Dantz n’a pu m'indiquer le lieu de fon ori- gine; mais des indications qu'a données M, le Marquis. de Bloffel à M. le Duc de la Rochefoucauld & à moi, me font penfer que cetre pierre vient du Bréfil, & qu'elle a été apportée en Allemagne par M. le Marquis de Lawradio , Seigneur Portugais. $ + Nota. Après. que cette Defcription a été lue à l'Académie , un curieux, croyant qué la Aexibilité de cette pierre iroit jufqu'à fe plier en deux , l'a brifée en plufieurs morceaux, l’un defquels fe trouve dans le cabinet de M.le Duc de la Rochefoueauld, Dinar ON ONIER PO E D'un prétendu Régule d Antimoine natif , découvert en Tran- filvanie par DM. DE RuPrECHT , Confeiller ds Mines ; À Tiré du 5° vol des Mémoires d’une Société de Bohème, pag. 383—386; Par M. le Baron DE DIETRICH. 1 2 M: S'v AB a décrit en 1748, dans le feptième volume des Mémoires de l’Académie Royale de Stockholm , un régule d’antimoine natif , qui avoir ; b ES SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS, 277 été tiré de la mine de Sahla:en Suède. Depuis ce temps, on n’a trouvé nulle part dé ce minéral merveilleux (1). ï Le même hafard qui a fait découvrir à M. Sxwab ce minéral rare, a fait découvrir à M. de Ruprechts:que l’efpèce de minérai que l'on con- noît dans les collections fous le nom de mine d’or blanche feuilletés , ou de pytite orifère antimoniale de Facebay , elt un véritable régule d'anti- moine vierge, Cette elpèce de mine blanche brillante , tantôt fimplement feuilletée, & tantôt feuilletée & ftriée à la fois, lui parut fi fingulière , qu’il com- mença à l’examiner à un feu de grillage fi modéré, que le teft à griller n’a- voit feulement pas rougi. Il y ‘vit , ainfi qu'au chalumeeu, couler des gouttes de régule d'antimoine. ! Ce-régule d’antimoine natif fond au chalumeau, ainfi que l'artificiel, en continuant le feu ; il sy diffout entièrement, & laifle fur les parois du charbon une très-petite quantité de chaux d’antimoine, qui, en en di- rigeant la flamme , s'évapore comme Le révule même, Traité avec le fublimé corrofif blanc , il ne produifit que du beurre “ >] d’antimoine & du mercure coulant, fans laïffer de trace de cinabre 3 qu’on auroit obtenu fi cet antimoîine avoir été minéralifé, : Traité avec Le foufre , il s’en fublima une partie fous forme réoulière dans le col de la cornue , & le réfidu étoit une mine d’antimoine artifs cielle. ; Avec les acides, ce régule natif fe comporte tout comme le régule d’an- AAA ad PIE ue HE ë tinoine artificiel préparé avec des flux alkalins , fur lequel M. de Ruprecht a fait les mêmes opérations que fur la fubftance qu'il examinoit, poux : % ’ . Pi Al . q , A 2 ’ fervir de témoin. L'une & l’autre ayant-toujours:-donné les.mêmes réful- tats, on ne fauroit douter que la foi-difante pyrite antimorniale de Face: bay ne foit un véritable régule d’antimoine (2). Il refte maintenant à décider fi l’or contenu en une quantité confi- dérable dans ce minérai, eft enveloppé dans l'antimoine même, ou s'il eft mafqué ou niché dans la gangue de ce régule. M. Muller, Confeiller de la Tréforerie en Franfilvanie , a retiré jufqw'à 7 onces & demie d’or < Route c 2 ARR el 5 à du quintal de ce minérai, tandis que jufque-là on'nen avoit obtenu que 4 onces tout au plus. Il obtint ce produit, en mettant le minérai ——— (1) M. de Ruprecht ne pouvoit point encore avoir de connoiffance du régule d’an- timoine natif du Dauphiné. (2) On vera, par Les travaux fabféquens, faits fur la même fubftance , qui fe trouvent dans les Mémoires d’une Société de Vienne, dont il n’a encore paru qu'un cahier, & que je vous communiquerai par extrait, quecette conclufion étoit faufle. 558 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, avec de la pyrite (1) , en le fondant dans un creufer d’effai en fcorie , & en grillant, En attendant, M. de Ruprecht n’a ‘pu obtenir de l'or, ni de ce régule qu'il avoit extrait de ce minérai par la fufion, ni du régule natif de Fa- cebay , tel qu'il fortoit de la minière, foit qu'il le traitât au chalumeau, foic qu'il employät la méthode ordinaire des effais. Après avoir retiré , par la fufion , ce régule de fa gangue, il obtint de celle-ci 4 onces d’or au quintal. Il voyoit à l'œil nu ce métal difféminé çà & là dans.le quartz gris; d’où il lui parut que la gangue feule étoit ori- fère, & point le régule ; ce qu’il fe propofoit de décider d’une manière plus pofñtive, en traitant ce régule de nouveau par la Voie humide. -Ce régule d’antimoine natif { diftingue , au furplus, de celui de Suède, en ce qu'il n'exhale point au feu d’odeur arfenicale , & que fa gangue n'elt poict du fpach, mais un quartz gris. Or le trouvoit autrefois à la minière de Maria Lorerto de Facebay : on v’en trouve plus guère maintenant qu'à la trace. ROENICIEUE RC ES SUDIR: 1 Li AMI BSRÈENYGHNRETAS:, 7 Par & Doëteur SCHWEDIAWER, @ rraduites par M. VIGAROUS; Doiteur en Medecine. Préfentées par M. le Chevalier BANKS, P.R.S, Pins RE gris eft une fubftance folide , opaque , inflammable, de couleur cendrée quelquefois noirâtre , qui , fondue ou enflammée donne une odeur particulière, agréable aux uns & défagréable aux autres, Ë La confiftance de celui qu’on trouve dans les boutiques , varie beaucoup, felon qu'il a été expofé à un air plus chaud ou plus froid. En général, il eft caflant & dur; mais il ne L’eft pas affez pour prendre un beau poli; en (1) M. Muller n’auroitil pas employé de la pyrite orifère dans cette expé- T1ENce ? + se mio SUR'L'HIST. NATURELLECET'LES ARTS. 279 quoi il diffère du fuccin , dont il n’a pas la tranfparence, Lorfqu’on le ra- üfle avec un couteau, il adhère au tranchant comme la,cire, garde l’im- prefion des ongles, & fe comporte de même avec les dents, fi on le mâ- che; pour lors il: ne manifefte pas de goût particulier , mais un goût de terre. st 55% 10ù FT Dans fon état naturel , l'ambre gris a une odeur-très-forte . qui de- vient d'autant plus agréable, qu'ileft plus ancien, On peut, à l'aide du frottement & dela chaleur, développer fon odeur, & la rendre plus fen- fible. HE est j | : ae RES L Un degré-deichaleur: modéré le fait fondre en, unehuile épaifle & noi- rate ; & pour lorsiil-fume &'fe volarilife en entier & par-degrés, fans laif- fer de charbon: Ilarrive la même chofe ; lorfqu’on lemer fur du métal dhaud, excepté qu'il laifle une taçhe noire ; mais lorfque.le métal eft rouge, il fe fond, s’enflamme fpontanément, fe ,bourfouffle , fume beaucoup, & fe volatilife avec rapidité, fans laifler après Jui la moindre trace. Lorf- qu’on l'approche d’une bougie allumée , il prend feu à l’inftant ,.& donne une flamme vive , jufqu'à ce qu'il foit confumé, Une aiguille rougie au feu pénètre :aifément fa fubftance ; & le fait couler. en huile noirâtre; mais il ne paroît pas qu’il én adhère rien à l'aiguille , qu'on diroit après cela avoir été trempée dans de la cire, | j L'ambreigris eft fi légers qu'il furnage non feulémént les eaux de la mer, mais encore les eaux. douces. On en trouve de plufeurs couleurs; du gris!,.qui eft le plus eftimé de tous; du jaunâtre & du noiratre. Toutes cesyfoxies, gardées ‘un certain LeMpSrs fè -coûvrent ,.comme le chocolat, d'unei efpèce: de pouflièra grisatres;& fon viencà les cafler., elles préfen- tent l'efpèce d'un. Hu grenus quelques. morceaux. cependant paroïffent formés de couches. L’ambrela d’abord! au taét dé lasrudeffe; mais; frotté avec le doigt, il devient-au fi difle que le favon. dur, ou plutôt que cette efpèce de pierre que les Minéralogiftes appeilenr fmectites ou féatites. On le trouve à la furface.des eaux de la mer, fur les, côtes ou dans les terres voifines des côtes » fpécialement, dans l'océan atlantique, fur les côtes du Bréfil & de:Madagafcar , fur celles d'Afrique , des Indes orien- tales, de la Chine, du Japon & des Ifles Molugmes; mais prefque tout Pambre gris qu’on apporte en Angleterre vient fles Bahama, de celles de la Providence, &c. , où of'le ramaflé fur la côte. Les gens qui font employés à la pêche de la baleine , le trouvent aufli quelquefois dans Pabdomen de ces cétacéés , mais toujours en maffes de différentes formes & grandeurs , pefant depuis ane demi-epce-jufqu'à cent livres. Le mor- ceau que la Compagnie Hollandoïfe des Indes Orientales acheta du Roi de Tydor , pefoit cent quatre-vingt-deux livres: Un Pècheur Américain d'Antigoa a trouvé, il ya. quelques années, dans le ventre d'une ba- leine, à environ 32 lieues au fud-eft des lfles du vent , une maffe d'ambre #} & fur fon orivine. >, 8] 280 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE; gris du poids de cent trente livres ; qu'il a vendue 500 liv. fterling (n). “La plupart des Auteurs qui ont écrit far l'ambre gris, nous difent qu'on rencontre quelquefois au milieu de fes morceaux, des griffis, becs &c plumes d'oiféaux ,! des fragmens de vépétaux!; des coquilles, des poiffons & arèces de poiffons ilolées ou diverfemenr combinées avec fa fubftance. J'ai exa- Miné} aveë la plus forupaleufe attention; -une grande quantité d'échan- tillons qui me font'pailés par les mains, &. je n'ai jamais rien trouvé de Tôut cela; mais (1, en révanche , j'aiobfervé que tous Les morceaux d'ambre gris, de grandeur confidérable, étoient parfemés d’une grande quantité de taches noires, que j'ai jugé , d'après un examen minutieux & réfléchi, n'être autre chofe que les becs'de la feicke (2) , principalement de cette éfpèce à laquelle Lirné aïdonné le nom de cepia oélopodia ; &ice qu'il y a de mieux, c'eft que les morceaux trouvés à la furface des eaux de la mer , & ceux qu'ôh avoittirés du-ventre des baleines , m'ont conftamment préfenté le‘même phénomène, L'exiftence de ces becs dans l’ambre gris, ft une preuve convaincante qu'il a été ofiginairement dans un état de imolleffe ou de liquidité, cette condition ayant été abfolüment néceflaire our le mélange de ces deux fubftances! Le rapprochement de quelques faits relatifs à fon hiffoire naturelle , fervita: à fixer nos idées fur fa nature f 0 ‘ Tout le monde fait aujourd’hui qu'on trouve l'ambre gris dans'la mer & fur fes côtes, où dans le ventre des baleines; mais on n’a pas encore examiné & déterminé d'une manière précife, fi la différence des.lieux où il a été trouvé ; en apporte dans fà nätute; fi-celui. dé la mer à des pro- priétés où des parties conftituantes qu'on 'n'obferve point dans celui des baleines ; & fi ce dernier «eff, 'par-fes qualités ,au-deffus ou au-deflous du premier. ; ES -22/0H09/99 2276 L'examen de ces queftions nous conduit naturellement à la recherche des faits fuivans ; favoir, fi on trouve l'ambre gris dans routes les efpèces de baleines, ou s'il eft fourni par urie feule ‘efpèce particulière ; fi on le rencontre conftamiment dans! ces céracées, & dans quelle partie de Jeur “corps; files baleines s’'approchént conftamment où accidentellement des “côtes où on ramafle l'ambre gris; fi ce dernier n'eft pêché Idans €cs mers « a [4 : à , 1) © : Î (1) En 1755, à la vente de l'Orient, la Compagnie des Indes & de France vendit 52,000 liv. une mafle d’ambre gris du poids de deux cent vinpt-cingq livres. Celle que la Compagnie d’Hollande achera du Roï de Tvdor, fut payée 1 1,000 éçus où rixdalers. (Nor dx Traditenrs) EST 3 (2) Mi Palmonr de Bomäre, qui atexaminé ( Mfiner, vom.1 11; pag. ‘449 )1la:mañle qui furexpofée à lalvente dé 'Onenk ; l’a trouvée compofée, de plufieurs couches. L’ex- térieur étoir de bon ambre gris... feuilleté & rempli de becs de.feiche); la fconde étoit défeétueute en difFérens endroits, blanchâtre , calcaire , inodore, mais d’un goût de fel marin. Le noyau éroic brunâtre , molafle & d’une ‘odeur rout-3-Bir fémblable à de l’afphalte réduit en poudre. ( More dié Tradutteur. ) que (Hide SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 81 que parce que, ces animaux les fréquentent , ou bien s'ils y font attirés par cette fubftance. - Un autre point important à éclaircir, c'eft de favoir fi l'ambre oris eft d’origine minérale ou animale. Dans le premier cas, fi, avalé par la ba- leine , ileft foumis à l’action des forces digeltives de fon eftomac, & éprouve quelque altération ; & dans le fecond, fi, d'après le fentiment de Clufius, c'eft une production. animale engendrée dans l’eftomac comme une efpèce de bézoard ; ou , felon Dudley , féparée dans un fac particulier, &c.; ou bien enfin Hi, conformément à l'opinion de Kæmpfer, ce n’eit autre chofe que l’excrément ou la fente de la baleine. Ces différentes queftions font autant de problèmes dont il faut donnet la folution, avant qu'on puifle rien fixer de pofitif & de certain fur lo- tigine de l'ambre gris. Pour me procurer les éclairciflemens nécefaires , j'ai fréquenté 0 exactitude les gens qui s'occupent de la recherche & de la vente de l’am- “bre gris, M. le Chevalier Bazks , dont on connoît le zèle & l’ardeur pour tout ce qui concerne les Sciences utiles, m’a donné pour cela toutes les facilités poflibles , & m'a procuré la connoifflance de deux Capitaines de vaifleau , gens de beaucoup de bon fens & d’une véracité reconnue, Ces Marins m'ont offert fur mon objet tous les renfeignemens néceffaires, & m'ont afluré d'avance qu'ils avoiegr vu un très-grand nombre de fois tout ce qu'ils m'en diroient, ayant été l’un & Vautre employés ,plufeurs années à ce qu'on appelle en Angleterre pêche au fud, fouth fishery. Outre les éclairciflemens que j'ai tirés de es Capitaines, mes converfations avec un Naturel de la Nouvelle-Angleterre, qui, avant la dernière guerre, étoit employé à la pèche de la baleine, m'en ont fourni d’autres; & c'eft dans ces trois fources que j'ai puilé les faits fuivans. On trouve quelquefois l'ambre gris dans le ventre de la baleine, mais de cette efpèce feulement d’où on tire le /permaceri, qui eft, je crois, d’a- près la defcriprion qu'on m'en à faite, le phyfeer macrocephalus de Linne. : Les Pêcheurs de la Nouvelle: Angleterre connoiffent depuis long-temps ge fait, & en font tellement convaincus, que lorfqu’on leur parle d’un pa- rage où l'on trouve l’ambre gris, ils en concluent tout de fuite qu'il doit être. fréquenté par cetre efpèce de baleine. C’eft d’après cette connoiflance qu'un Pêcheur de Bofton ayant ouï-dire, il y a quelques années, qu’on rouvoit beaucoup d’ambre gris fur les côtes de Madagafcar, propola d'y établir latpêche de la baleine pour le fparmaceti; & , felon l'avis de mes deux Marins, ce projet auroit indubitablement réufli , sil n'avoir été traverfé par ompagnie des Indes Orjentales, qui a prétendu que, comme cette fe faifoit partie de fon territoire, le droit de pêche lui ap- partenoit exclufivement, Les gens qui font employés à la pêche de la baleine ne prennent que Tome XXV, Part. II, 1784, OCTOBRE, Na L. 282 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, des phyfeter macrocephalus , & les examinent d’abord , pour s’aflurer s'ils contiennent de l’ambre gris: mais tous n’en contiennent pas ; & ils le favent fi bien, que toutes les fois qu'ayant harponné un de ces animaux , ils obfervent qu'il vomit non feulement tout ce qu’il a dans fon eftomac; mais qu'il rend encore dans le même inftant fes matières fécales , ils n'en font pas la recherche, parce qu'ils font sûrside ne point trouver d’ambre gris dans fon ventre. El n’en eft pas de même lorfqu'ils découvrent une de ces baleines qui leur préfentent des fignes d’engourdiffement & de ma- Hdie, ils la vifitent avec foin , & font rarement déçus de leurs efpérances parce que, dans cet état, la baleine rend rarement fes matieres fécales quand elle eft harponnée, Les baleines mortes qu'ils rencontrent flottantes {ur la mer, leur en fourniflent aflez fouvent. L’animal qui porte cette bftance , a vers la région moyenne du bas-ventre une protubérance, ou, elon leur exprellion , une efpèce de fac , d'où on le tire par uneincifion ; & outre l'engourdiffement dont nous venons de parler, on obferve qu'il eft plus maigre que les autres; de manière qu'à en juger d’après l'union conftante de ces deux circonftances, il fembleroit que cet amas d’ambre gris dans l'abdomen de la baleine , eft pour elle une fource de maladies, & quelquefois même la caufe de fa mort, Aufli tôt donc que les Pêcheurs ont harponné une de ces cétacées ainfi engourdie, malade & émaciée , ou une autre qui n'ait pas rendu fessexcrémens , ils incifent fur le champ la protubérance, s’il y en à. Dans le cas contraire , ils lui ouvrent le ventre depuis l’orifice de l'anus; & continuent l’ouverture jufqu’à ce qu'ils ren- contrent l'ambre gris. Cette fubftance fe trouve toujours dans le canal in- teftinal, à environ 2, mais plus ordinairement à 6 où 7 pieds de diftance de l'anus, tantôt. en une feule mafle , & tantôt en plufeurs mafles de différentes groffeurs, pefant depuis vingt jufqu’à trente livrés. La pré- tendue poche particulière qui le contient , n'eft certainement autre chofe que l’inteftin cæcum. Une preuve non équivoque de cela, c’eft lenduit de matières fécales qu’on rencontre fur fes parois, & dont l’odeur ne laiffe aucun doute fur fa nature, L’ambre gris ainfi trouvé dans le canal intef- tinal, n’a pas le même degré de dureté que celui qui flotte fur la mer, ou qui eft jeté fr les côtes, mais il l'acquiert bien vite à l'air. Dans l’in£- rant où on vient de le tirer de fa poche , il a à peu près la couleur & l’odeur des excrémens liquides de lanimal ; mais expofé à l'air , il perd bientôt cetre odeur défagréable, fe couvre, comme le chocolat , d’une poufière grisâtre ; 8e après un certain temps, il manifefte cette odeur fi agréable qu’on lui connoît. Les Marins avec lefquels jai converfé fur cette matière, m'ont avoué que s'ils n'avoient pas fu par expérience que l’ambre gris a trouvé , ac- quéroir avecle temps les qualités ci-deffus énoncées , ils n’auroient pu ,en aucune manière , le diftinguer des matières fécales endurcies. C’eft d'après cette certitude que , toutes les fois qu'une baleine fe voyant prife , rend ail 6" SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 283 fes faces , ils obfervent avec foin la furface de la mer. Si, parmi les ma- tières liquides dont lanimal rend plufieurs barils, ils apperçoivent quel- ques morceaux d'une fubftance plus compacte, ils les ramailent, les la- vent, & attendent du temps des éclairciflernens fur leur nature. Il eft évident , d’après ces détails, que l'aflertion de Cluféus eft entiè- ment gratuite, lorfqu'il avance que l’ambre gris n'eft autre chofe qu'un recrément phlegmatique , ou la partie irdigeflble des alimens, endurcie, raflemblée & trouvée dans l’eftomac de la baleine , comme les hézoards engendrés dans celui des autres animaux. On peut encore regarder comme abfolument deftitué de vrailemblance ce que dit Dudk:y dans les Tranf. Philef. vol. XXII, d’après le rapport de M. 4rkins , Pécheur de Bofton, qui fut un des premiers employé à la pêche de la baleine, versd’an 1720. Il prétend, d'après cette autorité , que l'ambre gris trouvé dans les ba- leines , eft une production animale femblable au mufc & au caftoréum, &c. , féparée & amaflée dans un fac particulier , & dégorgée par un con- duit excrétoire dans la longueur du pénis; quece fac, placé exactement au-deffus des tefticules , eft plein d'une liqueur de couleur orangé: foncée, à peu de chofe près de la confftance de l'huile, & prefque de la même odeur que les morceaux d'ambre gris qui nagent au milieu d’elle ; que cette liqueur fe rencontre aufli dans le pénis; & enfin, gr'on ne trouve point d'ambre gris dans les femelles , mais feulement dans les mâles. : Toutes ces affertions font non feulement faufles, mais elles font con- traires à toutes les lois de l'économie animale ; car l:s Marins que j'ai confultés ont conftamment trouvé l’ambre gris dans les mâles & dans les femelles. Ils difent cependant que ce ui de ces drnières eft en plus pe- tites mafles, & nn qualité inférieure ; d'autre part, ls gens qui ont la moindre teintüre d'Anatomie & d'Econoimi: animale, conc:vront difiicilement que d2s corps orgarifés, tels que les becs de feich: trouvés conftamment dans l'ambre gris des baleines, puitlent être repompés des inteftins par les vaiffeaux laétés , portés & ramaflés dans cette poche dont parlent Arkins & Dudley. Sice dernier & fon autorité avoient connu la nature de ces fubftances , & avoient eu la moindre connoïffance des fecré- tions dans les animaux , ils fe feroient bien gardés de hafärder des choles fi dénuées de vraifemblance. Kæmpfer approche davantage de la vérité, lorfqwil dit que l'ambre gris eft l'excrément de la baleine , & que les Japonoiïs l’appellent par cette raifon kufura no fu , ou excrément de baleine, Mais fon opinion , quoique fondée fur l'obfervation ; n’a jamais eu d= crédit, & a toujours paflé pour un conte débité par les Japonais, au défaut d'obfervations exactes, On a donc refté en fufpens fur cette matière, & on a généralement Tome X XV, Part, II , 1784. OCTOBRE. Na2 12 284 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, regardé comme plus probable que l'ambre oris étant avalé par la baleine, fubifloit quelque altération particulière dans fon eftomac, & éroir enfuite trouvé parmi fes excrémens, Quelques Auteurs ont avancé que l’ambre gris des baleines éroit d’une qualité inférieure à celui qu’on ramafloit fur les côtes ; & avoit par conféquent moins de prix. Ils ignoroient fans doure que ce qui donne le prix à cette fubftance , c’eft fa pureté, fa lécèreré , fa folidité, fa couleur & fon odeur; que les baleines en four- niflent d’une qualité fupérieure à celui des côtes, & réciproquement , que le même animal en fournit de diverfes qualités; en un mor , que fes pro- priérés dépendent de fa vétufté & de fa plus ou moins longue expoñtion à l'air. Maintepant nous n’auroñs pas de peine à concevoirlpourquoi l'ambre gris renferme dans fa fubftance des becs de sèche, fi nous confidérons que le /épia oëlopodia fait la nourriture principale du phyferer macrocepha- lus. Les Pêcheurs le favent bien ; & toutes les fois qu'ils apperçoivenr à la furface des eaux des dépouilles récentes de sèche, ils en concluent qu'une baleine de cette efpèce a pañlé ou eft encore dans ces lieux. Une circonf- tance qui aflure ce fait, c’eft que, lorfqu’on a harponné une de ces ba- Jeines elle vomit fur le champ quelques reftes de sèche (7). Le bec de la sèche elt une fubltance cornée noire, qui par conféquent paffe, fans être digérée, de l'eftomac dans les inreftins, où elle fe mêle avec lesexcrémens, & eft enfuite évacuée avec eux. Si ces derniers font re- tenus contre nature , 1ls rendent l’animal malade, engourdi, & produifenc une conftipation qui, comme on l’a obfervé plufieurs fois, fe rermine par un abcès à l'abdomen, ou devient fatale à l'animal. C’eft dans l’un & l’autre cas , quand le ventre eft crevé, qu'on trouve l'ambre gris flottant furla mer, ou jeté à la côte. # On peur, je penfe, conclure de tout ce que nouSWenons de dire , que Pambre gris eft formé dans le ventre du phyfèter macrocephalus , baleine qui fournit le fpermaceti ; & y eft mêlé avec les becs du /épia oéfopodia , ui eft la nourriture ordinaire de cette baleine. Nous pouvons donc défi- nir l'ambre gris, un excrément du phyfèter macrocephalus , endurci contre nature, & mêlé avec quelques parties de fa nourriture qui n’a pu être digérée. a ——————— ——— — (x) Il n’eft pas inutile de faire remarquer ici l'énorme grandeur de cette efpèce de sèche dans l’océan. Un de ces Marins qui m’ont fi obligeamment communiqué les détaïis ci-deflus , a pris, il y a environ dix ans, üne baleine qui avoir dans fa gueule une grande fubftance qu’il n’a pas d’abord reconnue, mais qui s’eft trouvée un bras de fépia oëtopodia d'environ 27 pieds de long , encore n'étoit-il pas entier; carune de fes extrémités étoit corrodée par les fucs digeftifs. Si nous confidérons l’énorme grandeur de ce bras, nous cefférons d’être furpris de ce que difent vulgairement les Pêcheurs, que lasèche eft le plus grand poiffon de l'océan, SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 28ç Il nous refte maintenant à répondre à une objection qui naît de l'ana- ly£e chimique de l’ambre gris (1). Neuman a obtenu d’un gros de cette fubftance $ grains d'acide phleg- matique , 2 fcrupules & demi d'huile empyreumatique, & 2 grains d’an {el acide volatil , fous forme criftalline, Si tout l'ambre gris doit fon origine au règne animal ainf que nous l’avons démontré , comment rendre compte de cet”acide qu'on en retire par la diflillation ? Cette fubftance, fi elle éroit réellement de nature animale, & femblable aux autres excrémens d'animaux carnivores, ne donneroit-elle pas de l’alkali volatil ? Cette objection eft rout-à-fait fpé- cieufe. C'eft cout comme fon vouloit foutenir que les crucifères & une infinité d’autres végétaux font des fubftances animales, parce qu'elles fourniffent de l’alkali volatil par la diftillation. Neuman, Grim, Brown, Geoffroy en ont fait l’analyfe; je l'ai foumis moi-même à lat des dif férens agens chimiques , & rien n’a encore dépofé contre fon origine ani- male, L'acide même qu'il fournit, loin d’infirmer la vérité de ce fair, donne une preuve en fa faveur; car MM. Beroman & Scheele ont décou- vert depuis peu que le calcul humain de la veflie, quoique d’origine ani- ‘male, n'étoit autre chofe qu'un acide concrer particulier , fe rapprochant par fes propriétés de la nature de l'acide végéral. M. Cre!! a encore dé- montré en dernier lieu , dans un Mémoire préfenté à la Société Royale, que toutes Les fubftances animales , & les graifles principalement , con- tenoieht un acide particulier. La cherté exceflive de l'ambre gris a été jufqu'ici la caufe de ce qu'il a été tant fophiftiqué par les Marchands , & fi peu examiné par les Chi- miftes (2). L'analyfe qu'on pourroit faire de fon acide, ne feroit donc exacte , qu'autant qu'on feroit sûr de la pureté de l’ambre gris, d’où on l'a retiré : mais Le point de Ja difficulté fera toujours de pouvoir diftinguer Jambre gris pur, de celui qui ne l'eft pas. . L'ambre gris paroït maintenant relégué dans la parfumerie , quoiqu'il ait été autrefois recommandé par des Médecins très-célèbres ; de là l’effence (x) L’analyfe chimique démontre , dans tous les excrémens animaux, la préfence d’un acide un peu différent de celui que fournit l’ambre gris; mais nous ne favons pas fi l’acide marin des eaux de la mer dans laquelle vivent ces animaux > n’a pas de part au changement de nature de leurs excrémens, ni fi les faces des cétacées ne pré- fentent pas dans leur analyfe chimique des principes différens de ceux des animaux terreftres. Nous avons l’analyfe chimique de ces derniers, mais on ne l’a*pas encore faite des autres, « °s . (2) Cette fophiftication fe fait le plus communément avec les fleurs de riz, le ftirax ou autres réfines. Malgré cela , à Londres , l’ambre gris fe vend encore x livre fterling l’once. 286 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, d'Hoffmann , la teinture royale du codex de Paris , les trochifques d'am- bre de la Pharmacopée de Wirtemberg, &c. &c. Si l'on vouloit connoître Les effets médicinaux de cette fubftance, il n'en faudroit pas atrendre de fenfbles d’une dofe de 2 ou 3 grains, mais de celle d'environ 1 fcrupule ; & je ne crois pas même que cette dofè foit fufhfante ; car j'abpris moi-même 30 grains d’ambre gris très-pur en poudre, fans en reflentir le moindre effet. Un Marin cependant, qui eut la curiofité de faire fur lui-même l'épreuve de l'anbre gris ,en avala une demi-once qu'il avoit fait fondre au feu, & fut très-bien purgé; ce qui prouve que ce n'eft pas une fubftance’inerte. En Afie, & dans une partie de l'Afrique, l'ambre gris eft employé non feulement comme médicament & comme parfum, mais on en fait un très-grand ufage dans la cuifine. Les Pélerins qui vont à la Mecque , en ach=tent une très-grande quantité, vraifemblablement pour l’offrir & s'en fervir en fumigations , de la même manière qu'on fe fert de l’encens. Les l'ures l’emploient comme aphrodiliaque. J'ai dit plus haut, qu'il n’y avoit qu’une efpèce de baleine , d’où nos Pêcheurs tiroient le fpermaceti, & quela même efpèce fournifloit l'ambre gris ; peut-être en auroient-ils trouvé dans le phyfeter catadon, le phyfèter microps , le phyfeter turfo, & plafisurs autres du même genre , s'ils les avoient fouillés; mais ils bornent à prendre le phyfeter macrocephalus , dont le mâle fournit plus de fpermaceti, & de meilleure qualité que la femelle. gs Cette efpèce n'a qu’un trou (Bftula ); ce trou n’eft pas, comme on l’a avancé jufqu'ici, fur le cou (cervix ) de l'animal, mais fur fon front &c à l'extrémité de la face : il eft dirigé obliquement du côté gauche ; de forte que, de quelque manière qu’il lance l’eau , ce n’eft jamais que de ce côté. < € La femelle de cette baleine a la faculté de retirer fes mamelles de manière à ne laiffer paroître aucune éminence fur fon ventre, tandis que , lorfqu'élle allaite fes petits, elles pendent très bas, IL n’eft pas vrai, comme on la dit jufqu'à ce jour , qu'on trouve Îa fubitance fi improprement appelée /permaceri , & qu'on devroit plutôt appeler fèvum phyfeeris ; dans les ventricules du cerveau & dans la ca- vité de la moelle épinière du phyfeter macrocephalus. Cette fubftance grafle , qui n’eft autre chofe qu'une efpèce de fuif deftiné à quelque fonc- tion particulière dans la baleine, eft contenue dans une efpèce de cavité offeule triangulaire, fituée près du cerveau, & occupant prefque route la partie fupérieure de la tête. Cette cavité n’a aucune communication avec Je cerveau, dont elle eft féparée par des lames offeufes. Le cerveau, très-petit pour un tel animal, eft fitué directement derrière les yeux. Pour fe corfaincre fi la cavité qui contient le fpermaceti avoit la moindre communication avec le cerveau, un des Marins dont j'ai parlé SUR L'HISTÉNATURELLE ETLES ARTS. 237 eut la curiofité de la percer dans la partie fupérieure où elle eft feule- ment recouverte de la peau, & il vit que la baleine ne donnoit aucune marque de fenfibilité , mais qu'élle expira fur le champ, lorfqu'il lui perça le cerveau. & M LE TRE DM A CHA RD, DE LL BERLIN, A M. LE PRINCE DE GALLITZIN, Sur la manière de mefurer la hauteur des montagnes au moyere du thermomètre, MoxseicNeur, Votre Alteffe m’a permis d’ofer de temps à autre l’entretenit de mes recherches; je connois trop le prix de cette permiflion, pour ne pas en profiter. Il y a quelque temps que j'ai lu à l’Académie un Mémoire fur les me- fures des hauteurs par le thermomètre : j'avois auparavant examiné le rap- port qui fe trouve entre les degrés de chaleur de l’eau bouillante, & la préfence de l’air fur fa furface; j'avois trouvé que , par des diminutions qui ne font baifler le baromètre que de quelques pouces , les diminutions de la chaleur font en proportion des diminutions de hauteur du baromètre, ou, ce qui eft la même chofe , des preffions de l'air: cetre loi cefle pour des diminutions très-confidérables, comme, par exemple, lorfque le ba- romètre n’eft foutenu par la preflion de l'air qu’à 14 ou 16 pouces, & même plus haut ; cas qui n’aura jamais lieu pour les mefures des éléva- tions. Ces expériences me donnèrent l’idée de mefurer les hauteurs par le thermomètre , au moyen des degrés de chaleur que l'eau y prend. Pour cet effet, je conftruifis un thermomètre qui n’indique que 2 degrés au- deffous & 2 degrés au-deflus du degré de chaleur de Peau bouillante, prife à la hauteur moyenne du baromètre, & proportionnai au tube le cylindre qui renfermoit le mercure, & que je préfère beaucoup à la boule, en forte que chaque degré eût au moins 2 pouces. (Il s’agit des degrés de Réaumur, c'eftà dire, de La 80° partie de l’efpaceentre le point de l'eau bouil- 288 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, lante & celui dé la congélation.) A ce thermomètre , j'ajuftai une échelle de laiton ,en divifant chaque degré en 40 parties, dont chacune eft la 20° partie d’r pouce; chacune de ces païties fut divifée par une ligne tranfverfale en 10 parties ; en forte qu’au, moyen d'une règle mobile fur l'échelle, & qui montoit & defcendoit à volonté dans une rainure, je pouvoismefurer la 400° partie d'1 degré de mon thermomètre ; ce qui eft équivalent à la 220% partie d’1 pouce, chaque degré ayant 2 pouces d'é- tendue. Le refte de cet inftrument que j'ai préfenté à l'Académie , n'eft qu'un cylindre de laiton, dans lequel lelthermomètre , favec fon échelle , peur être élevé & entièrement abaiflé à volonté, & qui lui fert d’étui. La partie fupérieure de ce cylindre fe ferme par un couvert de laiton à double fond , qui contient une lampe à efprit-de-vins; le cylindre eft rempli d’eau. Lorfqu’on veut faire ufage de cet inftrument , l’on dévifle le cou- vert, l'on allume la lampe, & on la place fur le cylindre; lorfque l’eau bout, on élève un peu le thermomètre, & on obferve l'endroit où s'arrête le mercure; ce qui fait connoître la preflion de l'air fur la furface Peau , & par conféquent l'élévation du lieu où l’on fe trouve, Les avan- rages de cette méthode fur la mefure barométrique , confiftenten ce qu'il n'y a pas autant de caufes étrangères qui influent{ur le thermomètre que fur le baromètre, 2°. En ce que l'inftrument eft plus facile à tranfporter, 3°. En ce que l’on peut à volonté rendre les différences plus confidéra- bles , fans nuire à la juftefle de l’inftrument , en augmentant feulement la capacité du cylindre qui contient le mercure. Je fuis occupé à préfent à former des tables qui indiquent le rapport des preffions de l'air aux degrés de chaleur que prend l’eau en bouillant ; ce que j'appliquerai enfuite aux mefures thermométriques des élévations, & donnerai le tout dans un traité particulier. J'ai examiné l’air 1. fe dégage de la poudre à canon par fon inflam- mation , celui qui devient libre par la déronation de la poudre ful- minante , celui qui fe dégage par les détonations du falpètre avec la poudre de charbon de bois, Pour obtenir ces airs, j'ai fait détoner :les mélanges d’où je les ai tirés , en les projetant par parties dans des cornues tubulées , & en bouchant , auffi vîte que poflible , la tubulure avec de lar- gile : Les cols des cornues donnoient dans un baquet rempli d’eau , fous l'ouverture d’un récipient qui en étoit également rempli. Pour prévenir la trop fubite infarmmation de la poudre à canon , je lavois broyée avec dé l'eau, & féchée feulemengen partie; en forte qu'étant encore forr.hu- mide , elle ne’ dérona que fucétflivement; ce qui me laifla le temps de recueillir l'ait qui s'en dégageoit. J'ai trouvé : : 1°. que l'air qui fe dégage par l'inflammation de la poudre à canon, contient la moitié d'air fixe , & que le refte eft de l’air nitreux, qui cepen- dant n'a les propriétés de cet air que dans un degré moindre que celui qui fe SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS, 289 fe dégage des métaux par leur diffolution dans l'acide nitreux; ce qui pro- vient peut-être de quelque mélange avec l'air phlogiftiqué. à 2°, Que Pair qui fe dégage de la poudre fulminante , eft femblable à tous égards à celui qui fe dégage par l'infammation de ja poudre à canon. 3°. Que fair qui fe dégage pendant la détonation d’un mélange fait à parties égales de nitre & de limaille de fer, eft un mixte d’une partie d'air fixe contre trois parties d’un autre air qui éteint la flamme, & eft très-mortel aux animaux , malgré wun mélange de cet air avec l'air ni- treux à parties égales , diminue de + (preuve que les efliis eudiométriques ne font pas toujours connoître la falubrité de Pair). Cet air n’eft pas in- flammable, & il n’a aucune des propriétés de l'air nitreux. 4°. Que l'air qui fe dégage par la détonarion de 3 parties denitre avec une partie de poudre de charbon, eft un mélange d'une partie d’air fixe contre trois parties d'air inflammable. Dans ce mélange . la chan- delle brûle avec une Aamme élargie, mais qui n'eft pas plus vive que dans l’air commun, Les animaux ÿ meurent cependant dans le moment où on les y met. é L'air nitreux qui fe désage pendant la détonation de la poudre à ca- non & de la poudre fulminante , ou, pour parler plus exaétement, l’air nitreux qui eft produit, provient de la décompofition du nitre par l'acide vitriolique du foufre, & non de la décompofition du nitre par le phlo. iftique ; fans cela, cet air proviendroit également par la détonation du Été avec des fubftances qui contiennent du phlogiftique fans foufre; ce qui eft contraire à l'expérience, IL paroïît qu’il ne fe dégage pas d’air du fel de tartre contenu dans la poudre fulminante; fans cela Vair obtenu par la détonation de la poudre fulminante , feroit différent de celui que fournit la poudre à Canon, Je fuis , &c. + Berlin , de 2 Mai 1783. . LE Tome XXV, Part. II, 1784: OCTOBRE. Oo 290 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, EP PE PPT LE FRE AUX AUTEURS DU JOURNAL DE PHYSIQUE, SUR L'ELECTRICITÉ DES VÉGÉTAUX; Par M. DE SAUSSURE, ancien Audireur. Messreurs, JE m'occupe beaucoup, & depuis affez long-temps, de l'Agriculture. Je n'ai pas tardé à n'appercevoir que le Auide électrique eft le principal mobile de la végétation & de l’accroiflement des plantes. Plein de cette idée , j'ai lu avec «empreflement l'ouvrage de M. l'Abbé Bercholon fur l'électricité des végétaux ; j'ai vu qu'il affure & prouve très-bien que ce fluide eft répandu avec abondance dans l'armofphère, qu'il eft utile aux plantes, & que même elles font garnies, fur-tout en été, de pores pro- pres à la recevoir ; maisje vois aulli que ces attentions de la Nature ne font point fuffifantes pour opérer l’effec défiré. Elle a dit à l'homme, comme on le dit communément dans les campagnes : Aide-toi, Je t'aïderai ; c'eft-à-dire, qu'il faut le concours de nos foins pour faire entrer ce fuide dans les pores. fouvent étroits des feuilles, & pour circuler dans les piantes comme une féve nourricière. Ces foins confiftenc fur-rout à faciliter la tranfpiration des plantes, ou à écarter Les obftacles qui s’y oppofent, Le fluide eft un/feu qui a cela de commun avec le feu élémentaire, à ce que difent les Phyficiens , qu'il cherche à fe mettre en équilibre avec les: corps environbans, à s’y répandre; en forte qu'une plante qui tranfpire aifément en reçoit continuellement de nouveau, pour remplacer celui qu’elle perd par la tranfpiration ; fes racines particulièrement doivent tranfpirer, en quoi elles fertilifent les terres; & ce qui eft Le plus contraire à cette fonc- tion , ce font les eaux ftagnantes qui occafionnent la purréfaction des par- ties folides des plantes, & les prive de la force d’attraction ou de faccion néceffaire pour admettre le fluide, On remédie à cet inconvénient par différens moyens, par différentes plantes. Pour les blés , par exemple, j'ai foin de faire labourer les terres en planches bombées, ou, comme, nous difons , en dos d'âne, au moyen de quoi , les eaux de pluie s’écou- lent à mefure qu'elles tombent; & pour les vignes, je fais enlever tous les hivers les terres du bas des côteaux , pour en faire écouler les eaux ; je fais auf approfondir les creux des provins beaucoup plus qu'auparavant, E-. SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS, 2 2071 jufqu’à 2 pieds, afin que les eaux des pluies defcendent d'abord jufqu'au fond , & laiffent ainfi dégorgées d’eau les racines qui ne font jamais aufñli profondes. Voulez-vous, Meflieurs, que nous joignions un peu d’expé- -rience à la théorie, pour juger de leffit des eaux ftagnantes ? J'aurai l'honneur de vous dire qu’en 1777 je voulus comparer mes vignes à celles de mes voifins, pour juger de la bonté dé ma méthode de pro- vigner.@Dans cette vue, je comparai d’abord au mois de Juin Les jeunes poufles de mes vignes avec celles des autres, & je fus furpris de voir que celles-ci étoient plus belles que les miennes ; ce que j’attribuat d'abord au fumier. Je penfai que les vapeurs de l’eau que cet engrais fait élever, pouvoient bien faire croître les Jeunes poufles dans ces vignes plutôt que dans les miennes, où l’on n’en met point. Mais je trouvai les chofes bien changées , quand je réitérai mon obfervation à la fin de Juillet ; je trouvai alors mes vignes beaucoup plus belles que les autres | & elles confervèrent cet avantage jufqu’à l’hiver & au dela. Sans doute dans celles-ci la cha- leur de la faifon avoit augmenté la pourriture caufée par l'eau. On fait que c'eft un effet naturel de la chaleur, M. l'Abbé Bertholon ne dit pas un mot de tout cela. Pour y fuppléer, je voulois d'abord avoir l'honneur d: lui écrire, afin qu'il cherchât les moyens de faire connoître aux Culti- vateurs ce.qu'ils doivent faire pour aider à la Nature; mais je ne fais pas fon Mal. Au défaut de cela, j'ai efpéré , Meflieurs , que vous vou- drez bien inférer ce petit fupplément dans votre Journal, fi répandu , & qui mérite fi bien de l'être , & où les intéreflés trouveront ce qu'ils ont à faire pour introduire dans leurs plantes ce fluide fi bienfaifant, Je fuis, &c. Genève, le 8 Mai 1784. “LETTRE Miscen eur M: 3 P OÙ el ET IE R DM 1'45#E MONGE.Z LENJEÈUNE. jo dernière, Monfeur, ayant procuré à M. de Montalembert s Major d'Angoulême , la connoiflañce de M. Baumé, & celui-ci lui ayant donné des éclairciffemens {ur la forme des alembics, M. de Monta- lembert m’écrivit au mois d'Avril dernier, touchant celui qu'il emploie Tome X XV, Part. II, 1784. OCTOBRE. Oo 2 - 292% OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, À la diftillation de fes eaux-de-vie, & me marqua qu'il fe mrouvoit très. bien d’avoir fait élargir le diamètre de fon ferpentin; que fon eau-de vie en diftilloit beaucoup plus vite; qu'il fafoit crois chauffes par jour au lieu: de deux; & que de trente-deux veltes de vin brûlé fimplement, il en retiroit à la chauffe double, vingt-trois pots ou veltes, à 30° de fon éprouvetre, ou à 10° de celle de Teflin, qui fervoit de règle au commerce des eaux-de-vie de l'Angoumois. J à Je ptiai M. de Montalembert de vouloir bien me donner des détails cireor Men cie de fon procédé, pour appercevoir fenfiblement la diffé- rence qu'il préfentoit , comparé à celui qu'il employoit précédemment. IL me les donna dans une lettre du 21 de ce mois: ils me paroïflent trop intéreflans pour n'être pas connus du Public, & j'ai cru qu'on ne pou- voit les mieux placer que dans votre Journal ; j'ai en conféquence l'hon- neur de vous envoyer copie de fa Lettre. Je fuis, &c. CGPat 7: DELLA L'E TT RÿE DE M pe MONTALEMBERT De CERS, Chevalier de Saint-Louis, Major des Ville & Chéveau d'Angoulême , a M POULLETIER, Confeller de MONSIEUR. m Te viens de recevoir ; Monfieur..... le ferpentin que j'ai fait faire, d’après le confeil de M. Baumé , qui ne m'a point fait faire de meil- leure eau-de-vie, mais en plus grande quantité & plus forte dans beau- coup moins de temps; & fi mon Bouilleur n’avoit pas eu befoin de dor- mir, j'aurois sûrement fait quatre chauffes dans vingt-quatre heures; en- core n’ai-je pas la facilité de charger ma chaudière promptement, ce qui me fait perdre trois heures par vingt-quatre, Si J'étois. .... , je troquerois ma chaudière pour une qui contint le double de celle que j'ai, qui auroit un chapiteau en pain de fucre avec deux becs & deux ferpentins, & une douille à ma chaudière, pour la charger , fans Ôter toutes les fois le cha piteau ; j'en connois bien Furilité. Le Public ne fauroit être trop recon- noïffant envers M. Baumé, pour les foins qu’il s’eft donnés à perfetionnez D: ca \ SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 293 une opération utile à l'Agriculture, fur-tout dans les pays de vignoble; mais on fera encore longtemps dans ce pays-ci à s’en tenir à la vieille rou- tine: on y eft toujours perfuadé que plus le ferpentin fait de tours, & plus l'eau-devie fe rafraîchit; mais j'ai éprouvé le contraire, quoique mon nouveau ferpentin faffe un tour de moins que les anciens ; ayant pouffé le feu à flamme ; l'eau-de-vie venant gros comme le doiot, elle étoit fraîche comme l'eau de mon puits. Il eft vrai que j'ai l'attention de tenir toujours ma pipe fraîche , par la commodité que j'ai d'y envoyer l’eau par une dalle qui part de mon puits avec des feaux. Je trouve que ces feaux font aufñli expéditifs qu'une pompe, parce qu'il n’eft qu'à 7 à 8 pieds de bas. Avant ce nouveau ferpentin, l'eau-de-vie né venoit pas gros comme une plume, & fi l'on forçoit le feu, on la voyoit aufi-tôt fumer & devenir chaude, par conféquent contracter un goût de feu ca- pable de la faire rebuter. Mon nouveau ferpentin me met à l'abri de ces accidens, quoiqu'il ne foit pas parfaitement dans les dimenfions indiquées par notre excellent Chimifte, Voilà l'hommage queje rends à fes rares talens, Je fuis, &c. Au Groc , le 21 Mai 1784 LETTRE A M MONGEZ LE JEUNE, Sur un phénomène d'Hifloire-Naturelle ; Par M. DE F A Y, de la Société Royale de Montpellier, &c. Moxsreur, J'Ar l'honneur de vous faire pafler une obfervation qui prouve com- bien étoic fondée la conjecture de M. Mauduyt , relativement au moyen de faire produire la perdrix dans l’état de domefticité. Voici ce que ce célèbre Naturalifte dit dans le volume de l'Encyclopédie qui vient de paroïître, au mot perdrix rouge, A «. La perdrix rouge, de même que la grife, ne produit pas dans l’état 294 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, » de domefticité; mais je demanderai fi on a.effayé de lui laiffer ce degré >» de liberté limitée que fon caractère exige. Il eft bien pofible que » tel oifeau , infenfible dans une écroite prifon aux douceurs de Pamour » & à fes fuires , en éprouvât le charme.dans un efpace convenable , dont > la difpoñtion.le tromperoit fur fa captivité ». M. Mauduyt ajoute enfuite qu'il étoit parvenu à apprivoifer une per- drix rouge & fa femelle, jufqu'à un certain point. Elle pondit dix-huit œufs, & les abandonna; & malgré trois jours d’incubation , il ne trouva, dans aucun, de preuvé qu'ils euflent été fécondés. Voici maintenant l'obfervation qui change en certitude la conjecture de M. Mauduyt. su En 1781, M. de Mafly d'Orléans a élevé un merle mâle & fa femelle, qu'il laifle vivre en liberté dans {a cour, où fe trouvent deux büchers , l'un au fond, l’autre près de la porte qui ouvre fur la rue , & qu'il mafque.en partie. Au commencenrent du printemps fuivant , ces oifeaux ont fait leur nid dans Je dernier ,,& ont donné naïflance à des petits que le maître de la maifon a vus avec plaifir à la fuite du père & de la mère. J'ai vu dans la même cour , au mois de Juin dernier ( 1983 ), une per- drix rouve , & fa femelle qu'il avoit fécondée; elle étroit fur fes œufs dans un nid dont elle avoit rafiemblé les matériaux fous quelques cotrillons du bûcher du fond de cette cour, où elle couvoit auñi tranquillement que fi elle eût été en pleine campagne, Elle a été vingt-cinq jours dans lincuba- tion, & quatre œufs font éclos, mais les pouilins n'ont pas vécu plus de deux jours. d Il y a dans cette cour des poules, des tourterelles, & un lièvre aulli privé que ces autres animaux. On l’a apporté tout petit à M. de Mafly, qui , pour l'apprivoifer , le faifoit nourrir dans une cage, à la vue de fes compagnons d’efclavage. Il eft devenu fi familier , & fa nature fauvage s’eft adoucie au point qu'il fe promène dans les appartemens ; lors même qu’ils font habités, & qu’il va fouvent s'étendre & dormir au feu de la cuifine, Ce qu'il y a encore de fingulier, c'eft qu'un gros & vieux chat noir garde avec le plus grand foin ces merles , ces perdrix, ce lièvre, & même deux moineaux , mâle & femelle , qui fe font habitués dans cette cour. Si quelque chien a le malheur d’y entrer, le chat le- bat à outrance , & dé- vore impitoyablement les moineaux qui ne font pas de fa connoiflance, & qui defcendent dans cette cour pour y trouver à vivre, ou pour faire fociété avec les deux individus de leur efpèce. C’eft quelque chofe de plai- fant que de voir ce chat , les yeux continuellement ouverts fur ces animaux dont il s’eft établi le protecteur. Cette obfervation peut nous aider à expliquer , dans l'opinion ‘de M. Mauduyt, comment ces perdrix ont pu produire dans la cour de M. de y SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 295 Mañy. Ces deux oifeaux s’y font trouvés dans la fociété de merles, tour- térelles , lièvre, &c. , animaux affez fauvages, qu'ils ont de fréquentes occafons de voir dans les lieux qu'ils habitent, Cette vue les aura trom- pés fur leur captivité, & au temps indiqué par la Nature, ils fe feront livrés fans crainte & fans foupçons: aux charmes de l'amour & à fes fuites ; de plus, ce chatiprotecteur , en écartant les chiens, leur aura procuré la tranquillité néceffaire dans l'incubation. Etqu'on ne penfe pas que les animaux fauvages & foibles ne puiffent fe raflurer à la vue des chats; il n’eft pas rare de voir dans les Ménageries quelques-uns de ces derniers animaux , élevés & familiarifés avec les oifeaux , y vivre au milieu d’eux, & déployer leur caractère fanguinaire feulement contre les rats & les fou- ris qui viennent y manger le grain. Les obfervateurs, & ceux qui donnent des œufs de perdrix rouges à couver à des poules , aflurent qu’il eft prefque impofhble d'élever les pouffins, fi, pendant les premiers jours, on ne leur fournit abondamment des nymphes de fourmis, & fi l’on ne renouvelle fréquemment leur eau. T1 n’eft donc pas furprenant que ceux éclos chez M. de Mafly, n'aient pas vécu plus de deux jours, puifque ces moyens , indifpenfables pendant leur enfance, n'ont pas été employés. On peut conclure de tout ceci, qu'en renfermant des perdrix avec des animaux qu'elles ont coutume de voir lorfqu’elles font en liberté, en les laiffant dans un lieu difpofé de manière à les tromper fur leur capti- vité,, & fur-rout en écartant les chiens , on parviendroit à les faire pro- dure dans l'état de domefticité, & même à élever les pouflins fans le fecours des poules, pourvu qu'on renouvelät fréquemment leur eau, & qu'on leur fournît des nymphes de fourmis jufqu'à ce qu'ils fuffent en état de fenourrir de arains. ; Je vous prie, Monfeur , de publier cette obfervation , & les réflexions qu'elles n'a fugoérées ; je penfe qu’elles feront agréables à M. Mauduyt; que les Naturaliftes les liront avec plaifir , & que les Economes pourront en tirer parti, n'étant plus obligés fur-rout de facrifier. une poule, bonne couveufe , pour remplacer la perdrix dans lPincubation. Je fuis, &c, EXC AS ef Ya 296 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, ea mea qe mm 2 RYE MX 4: RQ SU ENS SUR LA MANIÈRE DE CONSERVER LE VINAIGRE ; Traduires du Suédois de M. SCHEELE (1) , par Madame P ***, de Dijon. ROSE une chofe généralement connue, que le vinaigre ne peut fe conferver long-temps ; qu'il s'alrère au bout de quelques femaines, parti- culièrement dans les chaleurs de l'été ; qu'il devient trouble, & fe couvre à fa furface d’une vifcofité épaifle, d’où il arrive que fon acidité s’affoi- blit de plus en plus, & difparoït à la fin entièrement, au point qu'on eft obligé de le jerer là. Il y a jufqu'à préfent quatre procédés connus pour empêcher cette al- tération du vinaigre. Le premier et de préparer un vinaigre très-acide; de cette manière, ilfe conferve , à la vérité, plufieurs années ; mais comme il y a bien peu de perfonnes qui travaillent elles-mêmes leur vinaigre, & que la plupart fe fervent de celui qui fe trouve dans le commerce, cette méthode ne pourroit être utile qu'à un très-petit nombre, Le fecond procédé confifte à le concentrer à la gelée. On faitln trou à la croûte de glace, & on met dans des bouteilles ce qui n'a pas été gelé. Certe opérarion eft très-sûre, mais on perd au moins la moitié du vinaiore, quoique la portion qui forme la croûte de glace ne foit prefque que de l’eau. Les gens. économes w’en feront pas volontiers ufage. È Le troifième procédé eft de tenir le vinaigre à l'abri de toute action de l'air; c’eft-à-dire, dans des bouteilles ou Hacons bien bouchés, & qui foient toujours pleins. Le vinaigre fe conferve très-long-temps de certe manière; cependant elle eft peu en ufage fans doute , parce qu'on feroit obligé, aufli-côr qu'on en auroit employé quelque peu , de remplir tout de fuite la bouteille avec du vinaigre pareil & clair d’une autre bou- teille, & que celle-ci reftant vide en partie, & recevant l'air, le vinaigre y deviendroit bientôt trouble & gâre. Le quatrième procédé pour conferver le vinaigre, eft de le diftiller; il fe conferve alors pluleurs années, fans que Pair ni la chaleur lui caufent (1) Mém. de Acad. de Stockholm, ann, 1782, pag. 120 aucune SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 297 aucune altération: mais comme il eft plus cher, il n’y a pas d'apparence qu’on adopte cette méthode, fur-tout quand on connofîtra celle qui fuir, & q ie la plus facile de toutes. . Il fuit de jeter Le vinaigre dans une marmite bien étamée , de le faire bouillir fur un feu vif un quart de minute, & d'en remplir enfuite des bouteilles avec précaution. Si l’on penfoit que l’éramage füt dangereux pour la fanté, on pourroit mettre le vinaigre dans une ou plufieurs bou- teilles, & placer ces bouteilles dans une chaudière pleine d’eau fur le feu; quañd l’eau auroit bouilli un petit moment , on retireroit les bou- teilles. Le vinaigre ainfi cuit, fe conferve plufieurs années fans fe troubler ni fe corrompre, auf bien à l'air libre que dans des bouteilles à demi-pleines; ilremplaceroit avantageufement le vinaigre commun chez les Apothicaires, pour les vinaigres compofés , qui deviennent bientôt troubles , & perdent par conféquent toute leur acidité, à moins que l’on ne les prépare avec Le vinaigre diftillé, S'RCONDE LETTRE DE M ':MICHAELIS A M. le Profefleur LICHTENBERGER ; Traduite par M. EYSsEN, Miniffre du Saint Evangile à Niederbronn. RE: E Lettre m'a d'autant plus fatisfait , Monfieur , qu’elle répond à toutes les vues que j'avois foigneufement cachées dans ma queftion pro- pofée, pour ne rien obtenir, ni par anticipation, ni par adulation. Le bâtiment dont je vous donnois la defcription, fans le nommer , n'eft autre que le Temple des Juifs, qui exifta depuis Le temps de Salomon jufqu’à fa feconde deftruétion , l'an de J. C. 70, efpace de 1082 ans, ou bien, en déduifant le temps qu'il fut détruit par Nabuchodonofor, du- rant lequel il refta défert , toujours un efpace de plus de 1000 ans, Sa fituation l’expofoit aux orages , principalement à ceux qui venoient du fud, de l’oueft & du nord à peu près de cette manière, Vers le fud , la montagne defcendoit par une pente très-efcarpée dans une vallée pro- fonde de 400 aunes judaïques ( environ 500 pieds ), & où elle étroit fou- tenue par une muraille prefque perpendiculaire. Vers l'oueft & le nord fe trouvoient des montagnes plus baffes , coupées par des vallées profondes Tome XXV , Part. II, 1784. OCTOBRE, PPp 298 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, d'environ 300 aunes; vers left, une montagne plus haute , le mont Oliver, féparé de même par un profond vallon. Je n'étonnois fouvent de ne lire ni dans la Bible, ni dans Jofephe, que la foudre eût jamais touché ce bâtiment, qui’, indépendamfment de fa fituation , contenoït outre cela beaucoup de métal (1): qui auroir pu attirer les orages, Les Hiftoriens Romains notoient exatement, dans les annales de leur grand Peuple, toutes les fois que la foudre avoit frappé le Capirole, Quoique l’Hiftoire Romaine foit fi riche en faits, :qu'auprès d'eux un orage n'eft qu'une minutie, les Hiftoriens Hébreux, écrivant l'hiftoire d'un petit Peuple, moins riche en! événemens ;: n’auroient nas manqué d'obferver cela plus foigneufement encore, d'autant plus que le Temple de Jérufalem n'étoit pas leur principal, mais leur unique Temple, & que tout le Peuple auroit probablement regardé un tel événement comme une punition de Dieu. Les raifons & les motifs d’une telle punition ne manquoïent pas non plus; car , dans la plus grande partie de cet efpace de 1000 ans, l'ido- lâtrie dominoit en Judée. Dans le Temple même fe commirent ies plus grandes horreurs : on y adora le foleil , & l’abominable fuperftition adop- tée des Cananéens immoloit fes victimes humaines à. Moloc, immé- diatement fous le Temple , dans la vallée de Stinnon. Ce profond filence L routes les Chroniques , comparé aux obfervations des Hiftoriens Romains, fembloit me dire: Pendant 1000 ans La foudre n'a Jamais frappé le Temple. Ajoutez à cela, que fi la foudre leût touché, elle l’auroit facilementembrafé ; car tout fon intérieur étoit boifé & doré, mais de fagon que les fculptures, les ouvrages de marqueterie, & la quantité des figures enduites d’or, pratiquées aux parois, rendoient le tout très-inégal ; l'or n’avoit qu'à fe détacher dans quelque endroit, pour rendre ce lieu fufceptible d'être embrafé ; & je penfe qu’en 100 ans la foudre auroit dû incendier le Temple plus d’une fois, J'avoue qu'au commencement un pur hafard m'avoit rendu attentif à cette particularité, Dans ma traduétion poétique du Pfeaume 29, je ren- dois le neuvième verfet ainfi: Jehovah! on vous chante des hymnes 4 /’abri delvotre San@uaire ; Dieu du tonnerrelyotre Temple retentit de routes partsde votre gloire. Ce n’eft que par enthoufiafme poétique que j’ajoutai le mot 4 l'abri, (1) Æéral, Tout Leéteur penfera ici aux deux colonnes d’airain, Boas & Juchir, devant la porte du Temple, mais il yen avoit beaucoup plus encore. 1 reg, «VIT, 15 21: SUR L'HIST. NATURLLE ET LES ARTS. 299 ce qui étoit de ma part une forte de témérité , que je commis fans au- cune vue. Cependant, en relifant ma traduction, je fis réflexion que ce not ajouté étoit réellement conforme au fens du Pfeaume, & je fis, dans ma nouvelle édition des Pfeaumes ; la remarque fuivante, «e Il ne laifle’ pas que d’être très-furprenant que nou$#ne trouvions, » dans aucun écrit de la Bible nulle trace d’un orage qui ait endom- æ magé le Temple, qui, par fa hauteur , ÿ éroic continuellement # expofé. Dans l'Hiftoire Romaine, nous lifons cela fouvent du Capi- » tole. Eft-ce l'architeéture de ce Temple, ou ia Providence divine qui » en futla caufe »? Vous voyez, par cette note , que je ne foupçonnois pas de miracle; & en effer, quelqu'un qui d’ailleurs feroit difpofé à fuppofer des mira- cles fans preuve, pour rendre fervice à la Religion , ne fauroit en ad- mettre ici; carce lemple, profané par l’Idolâtrie & les vices les plus affreux dont on y faifoit commerce; ce Temple, devant lequel Antiochus Epiphanes fit dreffer une idole ,& fit immoler tous lesbmoïs descochons, pour affronter le Dieu des Juifs ; ce Temple auroit plurèt mérité de la part de Dieu la foudre , qu'un miracle tutélaire. ; Mon opinion fe fixa donc fur l’architeéture du Temple, comme vous avez vu par ma première Lettre: mais je ne voulois hafarder mon opinion en public, qu'après avoir confulté un homme parfaitement ver{é dans la do&rine de l'électricité, & inftruit de toutes les expériences qui y font relatives, Avant que de parler de cette architecture, permettez-moi d'obferver que les orages font fréquens & très-forts en Paleftine. Dans la même nuit que les Edomites furent introduits à Jérufalem pour fecourir les révoltés, il y eut, felon Jofephe (Guerres Judaïques, IV..4. 5.) , au deffus de la Ville un orage fi effroyable & fi extraordi- naire,-que l’on crut que tout alloit périr. Tout homme qui lit certe rela- tiôn de Jofephe , demandera naturellement: La foudre ne frappa-t-elle donc pas le Temple qui y fut le plus expofé? Parlons à préfent du temple même. IL étoit conftruit en pierre, boifé en dedars, & peut-être auffi en dehors ; fa hauteur étoit de 50 aunes, & une galerie de 1$ aunes de hauteur l'entouroit par le bas; fon porche étoit ure efpèce de tour haute de 120 aunes. Tout étoit garni en haut de pointes d’or, où , comme je préfume, de fer doré, qui devoient, ainfi que laflure Jofephe, empêcher les oifeaux de fe placer fur le toit & d’y laïfler tomber leur fente, Il falloit donc que ces lames fuffent fort pointues, & qu'elles fuffent entretenues telles, Voici les paroles de Jofephe , Guerre Jud.I. V,ch.s, $. 6. Kara VKopugnr ZXpuséous oBeacds dféixe oTéyymenus , &s un Tue mpix elouert perdure 7 lopéer Sur Le fommer (c'elt-à-dire , le toit qui étoit plat, mais un peu voûté}), £/ y avoit des piquans d'or (ou dorés) , poinus, afin qu'aucun oifeau ne s'y mette, ni ne le faliffe, Tome XXV, Part. II, 1784. OCTOBRE. PSpr2 39 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, J'ofephe, l'unique témoin oculaire de qui nous tenons ce récit, eft, comme vous voyez, très-bref; de façon que je ne puis pas répondre à toutes les queftions que je prévois dés à préfent, Voici cependant quelques réflexions, 1°. Ces pointes doivent avoir été très-rapprochées les unes des autres, puifqu'elles devoient empêcher les oïfeaux de fe placer fur le toit du Temple. Il y avoit donc beaucoup plus de ces piquans qu'il n’en auroit fallu pour fervir de conduéteurs ; mais. vous avez décidé que leur grand nom- bre n’étoit pas nuifible. 2°. Ces piquans étoient très-pointus , & doivent avoir été entretenus en cet état. 3°. Je penfe qu’il eft indifférent qu’ils fuffent d’or ou dorés. Je pré- fume le dernier 4°. Quelle étoit leur élévation? Voilà ce que Jofephe ne dit pas. Au fur- plus , ilhe parle pas trop bien Architecture, & il nous raconte ici des chofes dont il ignôroit l’objet, ou au moins l'utilité. Ofax peut très- bien : fignifier une grande lance, vu que fon diminutif Of dénote quelquefois des piques , & même de grandes piques, comme dans Xéno- phon, cité par Suidas. 5°. À préfent je trouve une lacune, Jofephe ne dit pas que ces pointes communiquaffent avec la terre par quelque métal. S'il n’y avoit aucune communication , une grande partie de mon efpérance s'évanouit; mais je ne doute aucunement qu'il n’y en ait eu, vu que le fer, le cuivre, même l'or, fe trouvoient en quantité & avec profufion dans le Temple. Un pur hafard auroit pu former un paratonnerre & conduire le feu électrique jufqu’en terre , quand même aucun homme n’y auroit penfé, 6°. J'ajoute ceci de mon chef. Ces paratonnerres pouvoient très-bien aboutir , non feulement en terre, mais dans des voûtes fouterraines , qui avoient même des ouver- tures au pied de la montagne. Le Temple avoit plufieurs de ces voûtes, au fujet defquelles je pourrois vous dire quelque chofe de plus grande importance encore , qui concerne une grande hiftoire que l’on regarde comme incroyable. Je vous en parlerai peut-être une autre fois , pour ne pas être trop prolixe maintenant, Ces voûtes vous paroîtront alors plus importantes pour l'Hiftoire, que ces pointes fur le toit, & la chofe fera en outre plus évidente & plus certaine. 7°. Jofephe parle de l’objet qu’avoient ces pointes, felon ce que les Juifs de fon temps en penfoient 1100 ans après la conftruction du Temple de Salomon; car il parle en même temps du Temple de Salo- mon & du Temple de fon temps. Il avoit donc encore vu ces pointes fur le Temple d'Hérode, qui fut brülé fous Titus, & le Temple d'Hé- SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 301 rode les avoit, à limitation de l’ancien; car le Temple d'Hérode étoit une copie du Temple rebâti par Sorobabel, qui exiftoit encore dans ce temps-là; mais une copie magnifique & très-embellie, Le Temple de So- robabel ou de Cyrus étoit une pauvre copie de celui de Salomon. Beau- coup d'Hébreux qui avoient encore vu le Temple de Salomon, & qui virent conftruire celui de Sorobabel, versèrent de chaudes larmes , en comparant la magnificence de l’ancien Temple avec la pauvreté du nou- veau. Jofcphe ne dit pas fi le premier Inventer avoit penfé, 1000 ansau- paravant , aux oifeaux, ou à quelque autre objet plus important , ou Sil_n’avoit prétendu faire qu’une fimple décoration, comme nous pla- çons des étoiles fur quelques-unes de nos maifons. L'Hiftorien contemporain qui a décrit la conftruction du Temple de Salomon au 1° liv. des Rois (c'étoit le Prophète Nathan même, I Chron, 1x. 29 ), ne dit rien de ces pointes; mais il les décrit aufli très-impar- fairement , & rien moins qu’en connoiffeur d'Architecture. Quoiqu'il foit prolixe dans des chofes qui lui Evene neuves & frappantes ; par exemple, en parlant des ornemens des deux colonnes métalliques, Boas & Jachin (1), & il pañle fous filence des détails que nous favons , même la muraille immenfe qui fervoit de contrefort au mont fur lequel étoit le Temple, & qui étoit cent fois pluscoûreufe & plus hardie que le Temple même. Îl a un tout autre point de vue en décrivant le Temple, que nous n'euflions en en faifant la defcription. Vous me demanderez peut-être maintenant fi j'attribue aux hommes du temps de Salomon les connoïffances néceflaires pour qu’ils puflent avoir eu en vue de garantir le Temple de la foudre par ces pointes? Je m'en garderai bien ; je ne les accorde pas à Salomon même, qui étoit fans contredit un grand Prince. Je répondrois peut-être tout autrement, s'il étoit queftion des temps de Moïfe ; car il y a lieu de croire que le monde étoit alors très-éclairé & riche en connoiflances, & qu'il en dé- chut après. On n’a qu’a lire en connoiffeur le Livre de Job, dont Moïfe eft probablement, ou prefque sûrement Auteur , & on s'éton- nera de toutes les connoiffances qui y font réunies. L'expérience ne pouvoit pas avoir appris pareilles chofes aux Hébreux du temps de Salomon ; car leur architecture étroit très-miférable, leurs villes étoient petites, leurs maifons baffes, un Temple de 60 aunes de long, de 20 aunes de large , & de 30 aunes de haut , avec une tour de (1} Qu'il me foi permis d'ajouter ici, qu’elles étoient jointes , moyennant deux chaînes , non pas au toit du Temple dont nous parlons, mais au Debir, c’eft-à-dire , ou au Zrés-Saint , ou au mur occidental du Temple, derrière le Trés-Saënr. Il Chron. III. 16, k 302 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, 120 aunes, fut regardé avec extafe comme un bâtiment majeftueux, & comme une merveille du Monde, Pour le bâtir, Salomon fut obligé de faire venir les Architectes de Tyr, où l'Architecture étoit alors dans fon berceau. L'on fe promenoit fur Les toits des Hébreux, fur lefquels on pouvoit même traverfer des Villes entières d’un bout à l’autre. Ces toits n’avoient don certainement pas de piquans, dont l'utilité dans les ora- ges auroit pu être découverte par expérience. Voilà enfin ce que j'en pente. Si, d’après ma première obfervation, les pointes ont heureufement préfervé le Temple de la foudre pendant un millier d'années, je puis fuppofer, ou que cela fe fit par Le pur ha: fard , qui a fouvent été la mère des grandes & utiles inventions. On ne cherchoit qu'à garantir l'édifice facré des fouillures d’oifeaux, & on Le ga- rantifloit , fans le favoir, de la foudre. Ou: que Dieu leût commandé par quelque Prophète (1), qui lui-même n'en auroit pas connu le motif , ainfi que les Prophètes ordonnèrent diffé- rentes autres chofes dans la conftruction du Temple; ils voulurent même qu'une pierre que Les Architeétes Experts avoient rejetée, comme ne va- Tant rien , fervît de pierre angulaire. Dans l’une & l’autre de ces fuppoñitions, les détails néceffaires me manquent; ce qui moblige de terminer ici ma Lettre, x À Je fuis, &c. Le 22 Mai 1783. R'É P'ONS'E DE M: LC PE TPE AN BTE REC A la feconde Lettre de M MICHAELIS ; Traduite par LE MÈNE. [I Jr lu votre dernière avec un fenfible plaifir, & je n'héfite pas à infé- rer une correfpondance aufli intéreflante qu'honorable pour moi, dans mon Magafn Littéraire. J'en ferai de même du fecond Mémoire que voûs me prometrez. C’eft une remarque bien frappante, à tous égards, que le Temple de Salomon n'ait pas été frappé de la foudre pendant une auûi es (1) Peut-être Nathan même qui avoit décrit, non en connoifleur, mais très-im- parfaitement, le Temple, & moins bien qu'Ezéchiel, qui ne l’avoix vu qu’en vifion. SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 303 longue fuite d'années. Sait-on , ou pourroit-on favoir de quelle efpèce de pierre le Temple étoit conftruit, & fur quel rocher il écoir bâti? Je m'étonne que les Gardes, qui veilloient toujours , n'aient jamais ob- fervé que ces pointes aient été lumineufes, ces fortes d'obfervarions étant fort anciennes, Vous dites, dans votre Bibliothèque orientale , que les piques d’une légion Romaine luifoient durant un orage. On a remarqué la même lu- mière aux mâts des vaifleaux, dans des temps très-reculés. Cela eft d'au- tant plus étonnant, que ces efpèces de failceaux lumineux n’échappent guère à la vue, & que les Hiftoriens n’auroient pas manqué d'en faire mention comme de quelque chofe desdivin, puifque le phénomène auroit été obfervé fur un Temple. Cependant le grand nombre de ces piquans pouvoit diminuer l'effet de chacun d'eùx. Il fe peut aufi que les prières, ou d’autres cérémonies religieufes ufitées à l'approche du Dieu tonnanr, aient empèché l'obfervation de ce phènomène, : Quelque commune que foit la lumière des pointes fur les clochers , il y a pourtant fort peu de perfonnes qui l'obfervent. Je lai remarqué la première fois au clocher de Saint- Jacques , à Got- tingue, au mois d'Aoùût, l'an 1768, & j'ai inféré mes obfervations dans les Feuilles périodiques d’alors. J On cite communément la tour de Naumbourg dans les Leçons de Phyfque. Préfentement Gottingue a la fienne. Cette tour ne luit pourtant pas toujours, & ce n'eft probablement que dans les orages de longue durée, lorfque les pierres & le toit font bien humeétés: d’ailleurs, lorfque l'é- lectricité du nuage orageux eft pofitive , on ne voit, au lieu d’un faifceau lumineux qu'une petite étoile , & ces fortes d'étoiles ne fe voient pas de loin. Le 24 Mai 17383. (La Juite & conclufion inceflamment. ) ESRI CRONE, AUX AUTEURS DU JOURNAL DE PHYSIQUE; Sur l’attrattion des Montagnes, fur les Brouillards.. ME S'SIREAU RSS M.de Brieude , Médecin de S, A.S. Madame la Ducheffe de Bourbon, 304 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, a lu à la Société de Médecine , dans fes féances des 22 & 29 Août, 2 & $ Septembre 1783 ,un Mémoire {ur la Topographie médicale de la haute Auvergne. Son travail étoit le réfultat de vingt années d'obfervations faites.dans les montagnes de cette Province. Ayant vu dans votre Journal de Phyfque , Meffieurs, que M.le Chevalier de Lamanon, Correfpon- dant de l’Académie des Sciences, avoit fait de fon côté quelques-unes de ces mêmes obfervations fur les montagnes de Provence & du Dauphiné, il s'eft dérerminé à les rapprocher des fiennes , dans la confiance que vous voudriez en inférer Les extraits dans votre Journal. La vérité d’un phéno- mène ne peut étre mieux conitatée que lorfqu’il a été obfervé dans des temps différens & dans des climats éloignés, par des obfervateurs qui n'ont aulle relation. ! Extrait du Journal de Phyfique, mois de Janvier 1984, pag. 14 & 153 Differsation fur Le Brouillard de cette année , par M. le Chevalier DE LAMANON , &c. Nous nous trouvames fur le fommet du mont Ventoux avant le lever du foleil; plufieurs perfonnes s’y étoient rendues de divers endroits, & toutes s’'apperçurent que le brouillard s’élevoit au commencement du jour. Madame de... .. fut la première à remarquer l'attratlion du brouil- lard par les grandes maffes des montagnes, J'ai depuis vérifié plufieurs fois fon obférvation , &c. J'ai déjà dit ailleurs que la conftitution de l’atmofphère dépend princi- palement de la nature, de la forme des terrains, & que les révolutions de l'air font foumifes aux révolutions de La terre, fur lefquelles elles in- fluent à leurtour, &c. Extrait du Mémoire de M. DE BRIEUDE. La poftion du fol fur notre globe fixe l’étendue géographique des climats; mais c’eft fon élévation, fa forme , le gifement de fes terres, les bois , les eaux qui fe trouvent à fa furface , qui forment le climat médi- cinal. La figure du fol a beaucoup d'influence fur les phénomènes de l’at- mofphère ; elle détermine la direction des vents; elle retient les vapeurs & les exhalaifons, ouelle en facilite le cours. C’ef? par Le fommet des mon tagnes que Les nuages font attirés @& convertis en pluie , en neige, en gréle, €c. ; ils y développent prefque tous les phénomènes électriques de l’atmof- phère; de forte qu'on pourroit les confidérer comme étant les plateaux électriques du globe terreftre. Il eft donc très important , &c. Les pays montagneux font le réfervoir des vapeurs & des exhalaifons de l’atmofphère, Par la raifon que l'élévation du fol, les fommets pointus & SUR L'HIST. NATURELLE ÊT LES ARTS. 30ÿ & multipliés des montagnes , les attirent & les retiennent. C’eit aufli à ces pointes que font dus en partie les foyers des volcans, &c. Tndépendamment des obftacles que les montagnes mettent à la pro- grefMion des nuages , elles les attirent. Pour s'en convaincre, il faut obfer- ver de près la manière avec laquelle ils viennent les couvrir. Quel que foit le degré de vitefle qui les y porte, à quelque hauteur qu’ils arrivent, on les voit fe brifer contre elles, ou s’y arrêter comme par enchantement ; ce qui fait que fouvent le rideau occidental des montagnes de la haute Auvergne fouffre de la pluie pendant plufeurs femaines, lorfque les vents, d'oueft foufflenc , tandis que le rideau oriental eft dans la fécherefle, parce que les nuagès ne peuvent franchir les fommets auxquels on voit qu'ils paittentefine Dès qu'ils touchent les montagnes , ils fe brifent, & leurs débris perdent tout à coup leur mouvement progreffif. Si le nuage fe trouve bas, qu'il frappe le corps de la montagne, fes vapeurs l'envelop: pent en tout fens; s’il eft de niveau à fon fommet, dès-lors une partie s'y arrête & le couronne , tandis que l'excédant roule & s'étend par fon propre poids fur la furface oppofée au vent. Dans tous cés cas ,on voit que les vapeurs ont une tendance à s'arrêter, J'ai obfervé fouvent ce phénomène étant au pied des monts d'Or & du Cantat; je l'ai auffi vérifié plufeurs fois fur leur fommet pendant le jour, Une feule fois, j'ai pu le voir pendant la nuit fur le fommet du Cantat, un vent du fud impétueux chaffoit les fuages qui m'enveloppoient; dès qu'ils avoient touché le fommer de la montagne, je les voyois aufli-tôt rouler par lambeaux à nos pieds fur les entes oppofées à limpulfion du vent. Ce phénomène eft encore plus fenfible fur Le fommet du Puy de Dôme, dont la forme eft pyramydale & ifolée. Quelle que foit la viteffe de la nue qui y aborde, elle s'étend , l'en- veloppe, couronne fon fommer, & s'y arrête, &c. : 2 — RER |. NOUVELLES LITTÉRAIRES. Programme de la Société Patriotique de Milan. L A Société Patriorique de Milan, établie par fes Souverains , afin d’en: Courager de plusen plus PAgriculture , les Arts & les Métiers, dans l'Af femblée du 2 Octobre 1783, prononça de la manière fuivante fon juge- ment fur les difcours qui avoient concouru pour la folution des queftions propofées pour cette année, & elle en propofa de nouvelles pour la- venir, Tome XXV, Part, II, 1784. OCTOBRE. Qq 306 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, La première étoit: « Indiquer par quels moyens, tirés de la nature de » la végétation, & plus encore de l’expérience & des obfervations , en # quelle fa:fon il convient mieux, pour l'économie champêtre, d'ufer du . » vin de müres, & avec quelles précautions », Parmi Les differtations qui avoient concouru , la Société jugea digne du double prix de 60 fequins, celui qui a pour devife: Ac dum prima, &c. Après avoir levé Le fceau, on trouva que l’Auteur de cet Ouvrage étoit PAbbé Jérôme Bruni, Archiprêtre de Marné, dans le diftrit d'Uderzo, territoire de Trévi. La Société jugea digne d’éloges deux autres Difcours fur la même queftion; elle loua l’excellente théorie de celui qui a pour devife: Tour ef? bien en fortant des mains de l'Auteur de Li ture, CC.» & les judicieufes obfervations & expériences de celui dont le mot eft, Quistam, &c. | La feconde étoit: « Quelle eft [a manière fa plus économique & la » moins iocommode aux payfans & aux beltiaux de battre le grain »? Parmi beaucoup de modèles & de dellins, accompagnés de mémoires & de defcriptions refpectives, préfentés à la Sociéré pour la folution de cette queftion , après avoir fait exécuter en grand les. modèles, & tenté Es expériences de ceux qui lui ont parules meilleurs, elle n’en a trouvé aucun qui ne fut fujer aux inconvéniens d’une très-grande déperfe, d’exi- ger trop de force pour s’en fervir, ou de produire trop peu d’effer. Per- fuadée aurant de la poflibilité que dela difficulté de trouver pour ce’ ob- jet une méthode préférable à celle des Aéaux & des rouleaux, elle propofe la même queltion & le même prix de So fequins pour un temps indéter- mibé. , La troifième étoit : « Avec quelles drogtes & quel procédé on peut tein- » dre les foies en différentes nuances d’un jaune durable , & qui réfifte au- » tant aux acides végétal & animal, qu’à l’action de l'air & du foleil. On >> ajoutoit dans la‘mème inftruction , qu'on entendoit que cette teinture » ne püt nuire fenfiblement ni à l’état ni à la force de la foie ». De tous les Dilcours , on n’a trouvé digne du Prix que celui qui a pour devife: Ipfo veneno, &c. ; mais comme on na pas eu le temps de vérifier fi, au moyen du procédé indiqué, on peut obtenir une teinture telle que la demande fa Société ; elle fe réferve d’en porter enfuite un jugement plus sûr, parce qu'il lui paroît très important d'éviter toute bévue fur cet ar- ticle, Ï Outre les trois précédentes queltions, on avoit propolé celle-ci dès l'année 1781 , pour donner plus de temps aux concarrens : « Quelle eft » Ja nature de la maladie connue depuis quelques années dans nos cam- # pagnes fous le nom de Pellayra, & pin à en peuvent être les remèdes » les plus sûrs» ? Parmi Les Difçours , celui qui a pour devife : M/fub, Ge. SURL'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 307 a paru préférable à tous les autres ; mais la Société ne l'ayant pas trouvé digne du Prix, a cru devoir le renvoyer à l'an fuivant, fe Hartant que les concurrens propoferont des moyens plus lumineux , & qui décideront plus victorieufement la Société. On avoit propofé l’année dernière un Prix de o‘fequins « à qui fera » conftruire Le premier un moulin à vent ». La Société ne demandoit pas qu'il fût le meilleur, mais {eulement qu'il fût conftruit de façon qu'on pôt à volonté ou faire moudre de grain, ou tirer de l’eau, ou s’en fervir pour des fcies ou d’autres ufages. On a fait favoir dernièrement qu'on en conftruit un ; & quand la Société fera certaine que ce moulin eft perfec- tionné , & qu'il aura fervi une année; on nommera l'Auteur à qui on aura adjugé le Prix, Queffions pour l'an 1784. L « Indiquer la méthode la plus facile & a moins coûteufe , tant dans les pays de plaines que de montagnes , d'augmenter toutes fortes d'en- » grais , & de préparer & conferver le fumier de manière qu'il ne nuife » pas à la fanté des habitans ». Le Prix fera de 18 fequins. IT: » La Société obfervant que la compofition du fromage Lodisiano > Où Parmefan, objec très-important de notre commerce & de notre ® agriculture, étoit abandonné à une pratique fimple & à une efpèce de >» » y ÿ charfatanerie dela part de ceux qui fontle fromage , à qui probable- ment on doit attribuer la mauvaife façon qu'on remarque fouvent »3 la Société, dis-je , demande « qu’on expofe, avec le plus de clarté & » de précifion qu'il fera poñlible, les règles Les plus sûres pour faire le » Parmefan Le meilleur & quife garde le mieux , en déterminant exacte- » ment & avec ordre tout ce qu’on doit faire à l'égard du lait, depuis > qu'on l’a tiré du pis de la vache, jufq@’à ce que le fromage foit fait, » en même temps la durée & la capacité du feu, la quantité & la qua- » lité de la prefure, du fatran & du fel qu'on doit y employer dans les » différentes contrées de la baffe-Lombardie , dans Les difirentes faifons » de année, & ajoutant aux obfervarions une analyfe du lait & des pâ- » turages des différens lieux ; & dans les différens temns ». Le Prix fera de 109 fequins: on en doit $o à la générofité d’un Affosié qui a la mo- deftie de ne vouloir pas être connu. JIT. « Comment on peut'améliorer nos peaux de veaux , en les travail » lant; & celles de chèvres, en lestannant , & comme on peut travailler les >» cuirsde nos beftiaux à la manière d’[rlande & des autres pays dont la mé- » thodeeft la plus célèbre > La Société dëmiande qu’on explique tout le pro- » cédé, dès l'inftant qu’on reçoit du Boucher Les peaux & cuirs, jufqu’à » ce qu'on les porte à la boutique du Pelletier, indiquant la qualité & » la quantité des inftrumens, des fubftances & de l’eau qu’on y em- Tome XXV, Part. 11, 1784 OCTOBRE. Qq2 308 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, » ployera». Le Prix fera de so fequins; favoir, 30 pour la queftion fur les cuirs, & 20 pour celle fur les peaux, On fera parvenir les Difcours jufqu'en Juin 1784. ; Pour un temps indétermine. L « De quelle manière & avec quelle méthode on peut faire des » uftenfiles de cuifine , afin de prévenir les inconvéniens , & réunir en » eux la falubrité , l’économie & la commodité » ? Queftion déjà pro- pofée en 1780, à la folution de laquelle on adjuge 6$ fequins. II. » Quelle eft la méthode la plus économique & la moins incom- » mode aux payfans & aux beftiaux de battre Le grain? » Le Prix eft de 50 fequins. ; Pour l'an 1785. « Expofer l'hiftoire naturelle des fcarabées, qu’on nomme vachettes, » carrouges & gazelles, qui apportent le plus de dommages aux vignes » & aux autres plantes, & indiquer la méthode la plus sûre & la moins » coûteufe pour Les détruire & en diminuer le dommage, ces fcarabées » étant du genre de ceux qui reftent quatre ans avant d'avoir fubi routes » les métamorphofes, paflant de l'œuf à Panimal », Il fuffit pour cela que les Difcours foient préfentés avant le mois de Mai 1785. Que fi, pendant ce temps, quelqu'un trouvoit le moyen d’éloigner des vignes les infeétes nuifibles, ou de les faire périr par des fumigations ou d’autres moyens, la Société, après avoir vérifié les procédés indiqués , lui donnera une récompenfe proportionnée , réfervant le Prix de 50 fe- quins à celui qui réfoudta pleinement la queftion. Il faut que chaque Difcours ait fa devife, avec le nom de l’Auteur, fous un pli fcellé , qu'on n'ouvrira qu’au cas qu’il foit couronné. On le fera parvenir, franc de port, dans les temps marqués, au Se- crétaire foufligné , ou Del Signor Abbate. D. Giacoms Cataneo , yice- Segretario della Sociera , qui en donneront reçu, & on rendra les Dif cours qui n'auront pas été couronnés , en renvoyant le reçu. Outre les Prix propofés, la Société , généreufement dotée par les Sou- verains d’un fonds qui peut fuffire à d’autres récompenfes , offre des Prix proportionnés au mérite de quiconque donnera des découvertes neuves & utiles fur l'Agriculture, les Arts & Métiers. Prix extraordinaire propofé par la Société Royale des Sciences de Montpellier, Les miroirs de verre, en ufage pour les expériences d'optique & les SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 309 Inftrumens de catoptrique , ont toujours une double réflexion ; les miroirs à furfaces parallèles n’en font pas exempts. Les miroirs métalliques fe terniffent aifément à l'air; ils font rarement bien plans, bien blancs, & exempts de piqüres ; leur poids eft incom- mode , & leur cheité en reftreint l’ufage. IL feroit précieux de compofer des miroirs avec une matière qui neût les inconvéniens ni du verre, ni du métal , & qui cependant réunît les avantages que les deux efpèces de miroirs procurent. Les inftrumens d'optique , d'aftronomie & de marine , acquerroient une grande perfection par le fecours de ces nouveaux miroirs. La Société Royale des Sciences de Montpellier propofe une médaille d'or du poids de 100.écus au Savant qui indiquera un procédé peu dif- pendieux pour faire des miroirs qui n’offriront qu'une feule image bien nette & parfaitement terminée, Il faut que ces miroirs foient d’un poli vif & durable, & qu'ils foient propres à être employés dans les cham- bres noires , microfcopes folaires & télefcopes. Il en fera remis des échantillons & des épreuves du procédé indiqué avec les Mémoires qui feront préfentés au concours. Ceux qui compoferont fort invités à écrire en latin ou en françois. On les prie d'avoir attention que leurs écrits foient bien lifibles. Ils ne mettront point leurs noms à leurs ouvrages, mais feulement une fentence ou devife. Ils pourront atracher à leur écrit un billet féparé & cacheté , où feront , avec la même devife, leurs nom , qualités & adrefle, Ce billet ne fera ouvert qu’en cas que la pièce ait remporté le Prix. On adreffera es ouvrages, francs de port, à M. de Ratte, Secrétaire perpétuel de la Société Royale des Sciences, à Montpellier , où on les lui fera remettre entre les mains. Dans le fecond cas, le Secrétaire en donnera à celui qui les aura remis, fon récépiflé, où feront marqués la devife de l'ouvrage & fon numéro , felon l’ordre ou Le temps dans lequel il aura été reçu. Les ouvrages feront reçus jufqu'au 31 Août 178$, inclufive- ment, La Société, après fa rentrée à la Saint-Martin de 178$ , proclamera la pièce qui aura mérité le Prix, S'il y a un récépiflé du Secrétaire pour la pièce qui aura remporté le Prix , le Tréforier de la Compagnie le délivrera à celui qui apportera ce récépiflé. S'il n’y a pas de récépiffé du Secrétaire, le Tréforier ne déli- vrera Le Prix qu à l'Auteur qui fe fera connoître , ou au porteur d’une procuration de fa part. 310 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, Analyfis quimica del Volfram ; &c, ; c'efl à-dire , Analyf chimique du Volfram , ou examen du Métal nouveau qui entre dans fa compofition $ par MM. DE ELHUYAR frères , Minéralogifles d'Efpagne. MM. de Elhuyar marquent leur entrée dans la carrière par la décou- verte d’une nouvelle fubltance métallique. Une analyfe éclairée des prin- cipes Suédois , leur a fait découvrir dans ce minéral, inconnu-jufqu'ici, un acide métallique qu'on peut placer à côté de l'acide arfenical. Cet acide eft celui que M. Sché:le a crouvé dans la tungfène ou pierre pe- fante. M. Bergman avoit foupconné qu'il pouvoit étre bafe métallique : c'eft ce qui et démontré par le travail de MM. de Elhuvyar. Pour lobtenir, ils onteemployé deux moyens : voici le premier. On fond une quantité de volfram avec le double d'alkali fixe végéral , puis on vérfe fur une plaque de cuivre. {1 refte dans le fond du creufet un rélidu noire , qui, bien lavé, fait environ le quart du volfram; il eft attirable à l'aimant, & dénote avec le fel fufñble, au chalumeau ,'un mélange de fer & de manganefe. On lave ce rélidu noir dans l'eau ditillée: on fe fert de fa leffive pour difloudre la mafle qui a été coulée fur la plaque. La filtration en fépate un fecond réfidu obfcur ; affez femblable au premier, faifant environle feizième du volfram. Ce réfdu indique avec le fel fufible moins de man- ganèfe que le premier. ? On précipite la diffolution alkaline on nitreux; il fe fait un précipité blanc dont on ne peut bien eftimer le poids, parce qu'il eft affez foluble dans l'eau, Ce précipité lavé, imprime d'abord une faveur douce, piquante, & amère enfuite; puis il fait reflentir à la gorge une âcreté défagréable. La folution de ce précipité dans l’eau rougit le rournefol, Cal- ciné fous la moufle, il devient jaune & infoluble dans l'eau, C’eft l’acide métallique dont il fera queftion, Second moyen. On fait bouillir pendant une heure de l'acide marin fur de Ja poudre de volfram ; elle prend une couleur jaune: on décante l'acide qui la baigne, puis on la lave à l’eau diftillée. Cette poudre eft un mélange de fer, de manganèfe , de poudre jaune, de quartz, mêlé d'un foupçon d’étaim. Pour défunir ces fubftances, MM: de Elhuyar appliquent fucceflivement l'alkali volatil cauftique & l'acide ma- rin, D'abord on verfe l’alkali volatil fur la poudre ; fa couleur jaune dif paroît , & la liqueur refte claire : on décante pour laver exactement à l'eau diftillée ; on ajoute alors l'acide marin , qui ramène la couleur jaune : on décante encore ; on lave avec le même foin; on fait fuccéder l’alkali vola- til, & alternativement l'acide marin, jufqu'à ce qu'enfin l’on obtienne une poudre infoluble d'environ deux livres par quintal. SUR. L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 311 Cette poudre , qui eft quartzeufe , donne avec le fel fufible un verre: laiteux, ce qui permet d’y foupçonner un peu d’étaim. On réunit par évaporation les diffolutions acides & alkalines avec les eaux de lavage qui leur appartiennent , chaque diflolution féparément, c’eft à dire : La diflolution avec l'acide marin contient du fer & de la manganèfe. Nous paflons fur les moyens qu’on a employés pour les féparer. La diffolutionalkaline contient la poudre jaune métallique : on la précipite par l'acide nitreux foible ; mais comme le précipité elt très-foluble dans l’eau, on fubftitue à la décantation & aux lavages , une deflication completre, af ne rien perdre: on place dans un creufet ou fousla moufle la maffe defféchée , le nitre ammoniacal s'en va, &la poudre qui refte devienc jaune. Voici le rapport de ces fubftances au cent Manvanclctt 001.0 001.08 kenviron 22 han des ep TE ME h Den URI Poudre infoluble quartzeufe. . , . . . . 2 Poadremaare Label. shaslansiainnine sta6ts 102 + Cette augmentation eff l'effet de la calcination que l'acide marin a opérée fur les fubftances métalliques. Cette poudre jaune eft infipide & infoluble dans l'eau ; fa pefanreur fpécifique eft : : 1 ; 6,12. Les acides vitrioliques, nitreux & marins, ne l’attaquent point , non plus que celui du vinaigre , qui lui donne cependant une couleur bleue, Elle prend aufñi cette couleur au foleil, y. Les alkalis fixes & volatils la diffolvent entièrement, Elle n’a pas fondu dans un creufet bien fermé, après demi-heure de feu. Dans un creufet brafqué, elle a donné , après une heure & demie de feu , un bouton de 60 au quintal. Ce bouton eft ris ; il s’écrafe entre les doigts : vu à la lentille , il eft un amas de globules métalliques, dont Jes plus gros font comme des têtes d’épingles; ils font fragiles , & offrent la couleur de l'acier; leur poids fpécifique eft de: : 1 : 17,6. Calcinés, ils fe changent en. chaux jaune, femblables à la poudre des deux premiers procédés , & prennent -* d'augmentation. L’acide vitriolique enlève à ce métal ==, qui font du fer; l'acide ni- treux & l'eau régale lui en enlèvent aufli, mais en le convertiffanc en poudre jaune. Cette chaux jaune, traitée avec les métaux dans des creufets brafqués , donne des alliages dont nous parlerons dans le Numéro prochain, 312 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, Recherches G doutes fur le Magnétifine animal, par M. THOURET, Doit. Méd., Membre de la Société Royale de Médecine. À Paris , chez Prault, Imprimeur du Roi, quai des Auguftins , in-12 , 1784. Dequis quelques années , il n’eft plus queftion à Paris & dans toute la France , que des merveilles extraordinaires produites par un agent invili- ble , une puiflance de la Nature, qui, fe modifiant & paroiffant fous diffé- rentes nuances, tantôt apprend à l'heureux poffeffeur de cet agent à con- noïtre Les maladies & leurs fiéges , & lui procure le moyen s4r de les gué- tir, après un traitement plus ou moins long-temps continué , tant@bs dé- couvre aux yeux d'un être privilégié toutes les différentes fubftances aériennes , aqueufes ou minérales que la terre renferme dans fon fein; de là, de nouveaux fyftêmes, des théories brillantes que l’on produit avec l’en- thoufiafme de la nouveauté. Mais comme il y a long-temps que l'on a dit que dans ce fiècle on n’invente rien de nouveau , il n’eft pas étonnant que ces ingénieux {yftèmes fe retrouvenr tout entiers dans dés Auteurs an- ciens ; que les propofitions fondamentales. de celui de M. Mefmer fe réa- lifent prefque mot pour mot dans Paracelfe , Vanhelmont, Goclenius, Burgravius, Libavius , Wirdig, Santanelli, Tetzelius, Kircher, Borel, & fur-tout Maxwel. M. Thourer , dans l'ouvrage que nous annonçons, le prouve évidemment, en citant les paflages. Mais non feulement la partie théorique n'elt pas neuve , la pratique ou le moyen de l’employer ne l’eft pas non plus, & M. Mefmer fe trouve ramené à la claffe de l’Irlandois Greataikes , & du Chanoine de Ratifbonne Gaflner. On peut conlidérer l'ouvrage de M. Thouret fous deux points de vue; fous celui de l'érudi- tion, &il en eft rempli, & fous celui des réflexions fur le nouveau fyf- tême de M, Mefmer , fur fon application, fur fes effets, fur les guéri- fons vraies & momentanées, fur leur comparaifon avec les convulfions de Saint-Médard & les poffellions des malades de Gaffner & des Religieu- fes de Loudun. En lifant ces rapprochemens, on ne peut refufer à l’Au- teur d’avoir traité ce fujet avec la fageffe , l'exactitude & même toute la philofophie que l'on pouvoit demander. Le Public doit à ce favant Médecin l'obligation de vouloir l’éclairer dansle moment où l’enthou- fiafme femble porté à fon comble. Rapport des Commiffaires chargés par le Roi de l'examen du Magnétifine ani- mal, imprimé par ordre du Roi. À Paris, 1784, in-g°. Rapport des Commiffaires de la Société Royale de Medecine, nommes par le Roi pour faire l'examen du Magnétifine animal, imprimé par ordre du Rois À Paris, 1784, in-4°. ; l’un & l’autre de l'Imprimerie Royale. « C'eft Paris, la première Ecole du monde pour l'efprit , la philofophia SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 313 & les Sciences qu'on choifit pour mettré en vogue ce fyftème puéril des fympathies. La crédulité femble n'avoir délogé de certains efprits, que pour s’accumuler dans d’autres ; de forte que la mafle en eft toujours égale parmi les hommes. Que Paracelfe renaifle , & nous annonce de nouveau » qu'avec fon index il change le fer en ot ; le faphir en diamant & les » hommes en loups; qu'il fe transfigure lui-même, & fait faire parler un » âne comme celuide Balaam , il trouvera dans Paris même des croyans & » des apôtres de fes miracles. € æ Letravail des Commiffaires nommés par le Roi eft bien fait pour défa- » bufer les gens fenfés de toute cette forfanterie magnétique. Les miltifi- >» cations, les recettes fulfureufes , les fachets d'Amiens , la magnéfie , » les barres, le baquet & tout l’attirail de cette fuperftition phyfique » ne tarderont point fans doute à fe voir relégués avec la poudre d’Ericius » Mohus; l’onguent armarium, le foufre bienheureux de Vanhelmont, » la tranfplantation des maladies , ou la compagnie des petits chiens » dePierre Borel, pour guérir la goutte,ila baguette de Bletron , &c. &c. » ÿ ÿ y Recherches fur Ê Art de voler | depuis la plus haute antiquité jufqu'à ce jour, ‘pour fervir de fupplément à la deftription des expériences aéroflatiques de M. Faujas? de Saint-Fonds ; par M. Davip BourGegots. À Paris, chez Cuchet, rue & Hôtel Serpente, 1784 , in-8°. Première expérience de la Montgolfière conftruite par ordre du Roi , lancée en ‘© préfence de Leurs Mayeflés & de M. le Comte de Haga ; par M. PILATRE DE ROZIER , Penfionnaire du Roi, & imprimé aux frais du Gouverne- * ment, À Paris, in-4°,, & fe diftribue au Mufée de M. Pilatre de Rozier. Elements of Mineralogy, by RicHArD KirwaN, E/4. F. R. S. London; 1784, & fe trouve à Paris, chez Piflot , Libraire, quai des Au- -* guftins. Jamais la Minéralogie n'a été fuivie avec antant d’ardeur; jamais auf onwa fuivi de meilleur moyen pour y faire des progrès , qu’en appli quant la voie de l’analyfe pour la claffication des fubftances du règne minéral. Cette méthode, jointe avec la defcription des formes & des caraétères extérieurs, réunit toutes les connoïffances que nous avons ac- quifes dans certe Science. C'eft ce qui a engagé pluficurs Minéra- logiftes à lemployer. On peut voir leurs principaux fyfèmes dans lintroduétion de mon Manuel du Minéralogifle ( chez Cuchet, tue & Hôtel Serpente, ). M, Kirwan a adopté cette exceilente méthode, & il a claffé routes les fubftances dont il parle, d'après leur analyfe. Quelque excellente que foit cette méthode , quoiqu'’elle mérite Tome XXV, Part, Il, 1784. OCTOBRE, R2 314 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, la préférence , cependant il ne faut pas la pouffer trop loin; une exactitude fcrupuleufe jette quelquefois de la confufion. Tous les Auteurs avoient jufqu’à préfent placé dans une même clafle tous les produits volcaniques, ainfi que les pierres mélangées dont La hétérogènes font fenfbles à la vue, les roches, Saxa. Cette divilion paroît crès-naturelle, & fon- dée même {ur l’analyfe. M. Kirwana mieux aimé clafler ces fubftances dans les divifons dont elles étoient plus voifines. Ainfi, après chaque ef- pèce fimple fi je puis me fervir de cette expreflion, Von trouve les efpèces mélangées, ou les roches & les produétions volcaniques. Quel- ques exemples vont rendre cette obfervation fenfible, A la fin du pre- mier genre, la terre calcaire , on,trouve les poudingues à ciment cal- caire , avec quartz & feld-fpath, calcareo-volcanique, le porphyre cal- caire , &c. &c. Dans celui de la terre argileufe, après les argiles colorées & les bols , on trouve la pouzzolane, le toy , la terre volcanique noiîre, &c., & dans celui de la terre féléniteufe , le bafalte, la lave, la pierre- ponce , &c. Si cette Minéralogie eft fufceptible d'une plus grande ferfec- tion du côté de la claflification & de la defcription minéralogique pro- prement dite des différentes fubftances , elle nous a paru d’un vrai mé- rite du côté de la chimie & de la partie analytique ; elle doit fervir de guide dans l'art fi difficile des eflais & des analyfes, Second Mémoire Phyfique & Médicinal, montrant des rapports évidens entre Les phénomènes de la baguette divinatoire , du magnétifme € de l'éleëtricité, avec des éclairciffemens [ur d'autres objets non moins importans qui y font relatifs ; par M. T ***, D. M. M. À Londres, & fe trouve à Paris, 4 le jeune , quai des Auouftins , 1784,-in-8°. 3 div. roché. On retrouve dans ce fecond volume des découvertes de Bleton , & ” des obfervartions de fon défenfeur M. Thouvenel, tout ce qu'on a ludans le Journal de Paris & autres en faveur de la baguette divinatoire ; feule- ment les merveilles fe font infiniment multipliées depuis deux ans ; rien de ce quieft dans les entrailles de la terre n'elt à préfent inconnu à Bleton; fon exiftence phyfique, fouverainement maîtrifée par les corps cachés , eft un livre vivant où l’on peut lire tour à tour , ou tout à la fois, la préfence des courans d'eaux chaudes, d’eaux froides, d'air frais, des filons de charbon de terre, de fer , decuivre, de plomb , d’antimoine, Lortqu'on l'aura effayé fur d’autres mines, il ne pourra fans doure fe défendre de les indiquer, & il fera curieux alors de connoître La nature des impref- fions que prôduiront fur lui l'étain, le cobalt ; &c.; car l'on fait que Bleton, fur les courans d’eaux chaudes, éprouve convulfion forte, cha- leur générale, comme ambiante & alitueufe, pointillement dans toutes les articulations; fur les mines de charbon de terre , convulfion mufcu SUR L'HIST, NATURELLE ET LES ARTS. 31$ Jaire ; opprefion , fentiment de chaleur, mouvement de rotation, amer- tume & {écherefle à la bouche ,naufées & vomiflemens, fi la mine eft fortes fur Les mines de fr, mêmes impreffions que fur les mines de char- bon.& fur les fources chaudes , à l'énergie près , mais fans picotemens au coude, ni fécherefle & {0if dans la bouche ; fuf les mines de cuivre, imprefions;analogues aux précédentes, accompagnées de maux de cœur de borborigmes , &. d'abondantes éruétations d'air, &c. &ec. Le public attend'avec intérêt le réfultat des fouilles que l’on va faire fur une fuperbe mine de charbon, de terre de plus de 1500 toifes de lonoueur, fur 62 à 70 de large , que Bleton a trouvée près de Luzarche. ë Difrtatio de Pulmonibus; Cefl-a-dire , Differtation fur les Poumonss par M. George-Frédéric HIÉDEBRANDT de Hanovre, Doëtèur en Méde- «cine & Chururoie. À Gottingue , chez Barmeyer ; à Strafbourg , chez Kænig , 1783, in-4°. de 42 pages. ; - Voici un petit Traité fur un fujet intéreffant, puifqu’ilembraffe {a ref- piration pulmonaire. M. Hildebrandt y examine avec la plus grande at- tention tous les points conteftés fur les poumons, Pénétré de ce qu'ont dit Bernouilli & Baglivi, que ce fujet de Phyfologie étoit rempli de nœuds & de difficultés ; que dans tous les temps il avoit été l’'écueil des Médecins les plus inftruits, qui ont voulu l'expliquer; notre jéune Doc- teur fe contente en conféquence de décrire exactement les organes de Ia refpiration, Il n’a rien omis de ce qu'il a pu trouver dans tous les Auteurs d'Anatomie, anciens & modernes, Quant à la partie phyfologique, elle n'eft qu'effleurée. M. Hildebrandt fe contente d'examiner la grande quef- tion de la réforption ; il pèfe les avis pour & contre, mais il ne décide rien de bien poltif, Bartholin , Blalus, Spigel avoient prétendu que la membrane exté- rieure des poumons étoit porenfe. Notre Differtateur les réfute, en difanc qu'il a fouvent rempli d'air les poumons d'un cadavre ; & que fi Papi- pion de ces anciens Anatomiftes étoit vraie , l'air n’auroit pas manqué de s'échapper par les pores; ce qui n’eft jamais arrivé. IL conclut par croire que l'infpiration fert à introduire dans Le corps une fubftance quelconque répandue dans l'air, mais qu'il eft encore im- poñible de déterminer. Huit fections compofent cet ouvrage , qui eft dédié au célèbre Zimmermann. De diathefi fanguinis inflammatoria; ou Differtation de Médecine [ur la dif- polition inflammatoire du fanp ; par M. Valentin-Antoine LAPPENBERG, du Duché de Brême, Doëteur en Médecine & Chirurgie. À Gortingue , chez Diererich; à Strafbourg , chez Kæœnig , 1783 ,in-4°. de 56 pag. Cet Opufcule eft divifé en trente-fix paragraphes, où il eft traité de la Tome XXV , Part, II , 1784. OCTOBRE. Rr2 316 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, difpoñition inflammatpire du fang. M. Lappenberg projette de donnér ; à la fuite des temps, trois autres parties qui ferviront de fuite à cette Differ- tation, La première expofera les fentimens des Chimiftes & des Phyfiolo- gilles fur l'état du fang en fanté ; la feconde parlera des changemens que le fang éprouve ordinairement dans les fièvres ; enfin , la dernière partie offrira des apperçus fur la putridité, Dans celle qui fait l’objet de cer ar- ticle , après un préambule’{ur le fang dans l'état de fanté ; M. Lappenberg entre en matière. [l rapporte & compare Les diverfes dpinions des Auteurs fur le changement que Le fang éprouve dans les fièvreginA4mmatoires. Les uns prétendent que l’effence du fang'enflammé & la canfe de ces maladies, conliftent dans l'épailiffement & la vifcofiré de, ce fluide; d'autres au con- traire , comme. Hewfon ,: que c’eft, dans fom,‘atténuation; d’autres, que c'eft dans fon acrimonie; d’autres enfin, que c et dans fon épailliffement & fon acrimonie réunis. M. Lappenberg ‘explique. les raifons fur lefquelles chacun appuie fon fentiment. Il effäye de les réfarer ou de les approuver. Il ne décide cependant pas au jufte la queftion; il demande des obferva- tions & des expériences ultérieures. Ila dédié cette Diflertarion à M. Jean- Georges Bucsh,, Profefleur:publicde Mathématiques au Collége de Ham- bourg, qui a toujours pris un foin particulier de fon éducation. Philippi-Conradi Fabricii, &c. Animadverfiones varii argumenti, 6c.; \c’eff- a dire, Remarques fur divers fujets de Médecine, tirées des Opuftules de Philippe-Conrad Fabricius, Doëleur en Médecine, Confeiller- Aulique du Duc de Brunfivick & Lunebourg, Profeffleur public ordinaire dans lUni- verfité d'Heimfladt , Doyen dela Faculté de Médecine ; Préfident de La + Société Médicale de la même :Ville, © Membre \de l'Acadèmie Impériale des Curieux de la Nature d Allemagne , avec des notes; par M. Georges- Rudolphe EICHTENSTEIN , Profejfleur de Médecine , premiere partie. A Helmftadt, chez Kuholin; fe trouve à Strafbourg chez Kæœnig, 1783, in-4°. de 140 pag. La Médecine a fans contredit produit une foule de Savans trèsinftruits dans fes différentes parties. Tel a été Philippe Conrad Fabricius , célèbre Profeffeur d'Helmftadt, qui a bien publié quelques ouvrages vraiment efti- més, maistrop peu répandus , à caufe de la petitefle de leur volume. Il a profeflé fucceflivement l’Anatomie, la Phyfolooie, la Pharmacie , la Médecine clinique & la Botanique , coujours avec fuccès. Il a publié une mulcitudé de Differtations , de Programmes académiques ; Opufcules où brillenc fes hautes connoiffances : maïs ce font pour la plupart des feuilles volantes , éparfes, qui fe perdent facilement. M. le Profeffeur Lichtenf- tein a cru rendre fervice au Public, en choififfant parmi tant d'écrits ce qui regardoit la Médecine, & demandoit particuliérement d'être recueilli, en retranchant tout ce qui ne méritoit pas grande attention , ou que des SUR L'HIST' NATURELLE ET LES ARTS. 317 découvertes modernes ont rendu de peu de conféquence : mais cet habile Editèur n’a rien oublié de tout ce qui annonce de nouvelles vérités ou en confirme d'anciennes; il y a joint les Diflertations que les Elèves de Fabri- cius ontifait paroître {ous fa préfidence, auxquelles il avoit toujours plus ou moins de part. Cette Collection fera divifée en plufeurs fafcicules. La première que nous annonçons , eft confacrée à l'Anatomie & à la Phyfologie. Voici une note de ce qu’elle contient, L 1. Obfervations d'Anatomie. Elles préfentent trente-deux defcriptions d'ouvertures de cadavres de perfonnes mortes de maladie, 2°. De l'ufage important de la connoiffance des anaflomofes des vaifleaux , & principalement des artères dans l'exercice de la Médecine & de la Chirurgie, tant clinique que légale. 3°. Examen des plaies mortelles de l'eflomac , felon Les principes de l'A- natomie & de la Médecine, 4°. Principales précautions à obfèrver dans les diffeétions & les examens des cadavres humains | ordonnés par des Officiers de Juflice. $°. Confidérations anatomiques & médicales de lamaladie G de la guérifon d'un jeune homme attaqué d'une très-grande inflammation des muftles du bas-ventre : & d'un épanchement dangereux de pus dans fa cavité, parfaite- nent rétabli par le moyen de la penékion. 6°. De la facilité de tirer l'enfant vivant & bien portant dans les femmes groffes attaquées de chute de matrice , fans inverfion. Le Baron de Haller a déja fait réimprimer ce Mémoire Académique dans fa Collection de Dif- fertations choifies. 7°. Difcours ur la vie bien réglée | vrai confervatif de la fanté , & excel- lent moyen pour vivre long-temps. Le fage Editeur, M. Lichrenftein , a ajouté , par-tout où il étoit nécef- faire , des notes propres à éclaircir ou développer le texte de Fa- bricius. Mémoire fur Les diffirentes manières d'adminiffrer l'Eleétricité, € obfervations Jur les effets que ces divers moyens ont produits ; par M. MAUDUYT. Ex- trait des Mémoires de la Société Royale de Médscine, L'objet de ce nouveau Mémoire de M. Mauduyt, déjà connu par une longue fuite de travaux en ce genre, eft de réunir fous un même point de vue les différentes manières dont on a adminiftré l'électricité jufqu’à préfent; de parcourir les diverfes maladies pour lefquelles on l’a em- ployée , & examiner les effèrs, bons ou mauvais, qui en ont rêfulré. Les moyens d'appliquer l'élétricité comme remèd:=, fe réduifent au bain électrique , aux érincelles & à la commotion, Les Phyfciens & Médecins LL 318 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, électrifeurs ont varié ces trois moyens de plufeurs façons; mais aucun ne s'eft livré , fuivaot M. Mauduyt , avec autant de difcernement à ces trai- temens, que MM. Cavallo & Wilkinfon , de Londres, Leurs ouvrages fur cet objet renferment même les précis des ouvrages d’un très: grand nombre d'auteurs fur le même fujet: aufli le favant Médecin françois puife-t-il dans ces riches fources, & par rapport aux procédés qu'eux & les Auteurs cités ont employés, & par rapport aux maladies qui ont éprouvé plus ou moins d'effets de ce trairement. Ces maladies font le rhumatifme, la fur- dité , l'odontalgie ou douleur de dents, ophtalmie ou inflammation des . yeux, la goutte-fereine , la fiftule lacrymale, l’opacité de l'humeur vitrée , la paralyfie, la danfe de Saint-Vite, & autres maladies convulfives & ana- logues; le srifinus, les écrouelles , les fièvres intermittentes, les fuppref- fions, la fciatique, la goutte , les tumeurs cancereufes, l’enflure , les ul: cères , les abcès , l’hydropifie, la fquinancie , la rérention d'urine, Les en- torfes & contufions, les dépôts & accidens de lait, les tumeurs & les engelures, [l réfulte d'un très-grand nombre de faits rapportés, que les maladies dans lefquelles l'électricité a eu un fuccès plus général & plus complet, font, 1°. les fuppreflions; 2°, la paralyfie ; 3°. les maladies con- vulfves; 4°. les rhumatifmes, fur-tout s'ils font récens; ç°. d’après les Anglois, les fièvres intermittentes. Il paroît que celles où on pourroit . l'appliquer le plus utilement, font , 1°. les fuites! de dépôts de l'humeur laiteufe ; 2°. les écrouelles ; 3°. les rumeurs en général, fi elles ne font pas inflammatoires , & fpécialement celles qui font de la nature des lèpres ; 4°. les ophtalmies chroniques & Les maladies des yeux dépendantes de l’engorgement humoral des membranes, ou de l'épaifliflement des hu- meurs de l'œil, Après ces détails, vient la notice de tous les ouvrages qui ont traité de l'électricité, Ce nouveau Mémoire de M. Mauduyt ne peut être que très-intéreflant pour tous les Phyficiens qui cherchent à appliquer ce grand remède au foulagement de l'humanité. Mais en Aouant fon zèle & fon exaditude , ces mêmes Phyficiens ne feront-ils pas en droit de lui faire le reproche de n’avoir pas dit un feul mot du traitement des GA & des cataleples de M. le Dru par l’éleétricité, dans un moment fur-tout où des fuccès atteftés ‘par d'habiles Médecins ont déterminé le Gouverne- ment à concourir à un établifflement public de ce nouveau traite- ment ? SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 319 Differtatio Medica fiffens cautelas anthelminticorum , &c.; c’efl-a-dire , Dif- Jértation de Médecine, contenant les précautions à prendre en adminifrant Les anthelmintiques dans les paroxifmes vermineux ; avec des obfervarions & des analeïles pratiques tirées de l'helimintologie médicale; par M. MryEr ABRAHAM de Hambourg , Doëteur en Médecine € en Chirurgie. À Gottingue, chez Barmeyer , à Strafbourg, chez Kœnig, 1783, in-4°. de 30 pages. Voici un Ecrit abfolument confacré aux précautions à prendre lorf qu'on adminiftre les anthelmintiques pendant des paroxifmes vermineux confidérables : il eft dédié aux Magiftrats de la Ville de Hambourg , &.à M. Abraham, père de l'Auteur. [Il prélude par quelques obférvations fur Les fymptômes des vers , examine les moyens de guérifon qu'il eft pof- fible d'employer, donne enfuite des analectes fur la curation fmptôma- tique, qui ne confifte que dans l'emploi des calmans & des antifpafmo- diques. M. Abraham fait fuivre un article affez étendu fur la méthode pro re à l'entière expulfion des vers; indique les meilleurs contre-vers ,en les Rivifant en deux claffes. La première offre Les vermifuges anciens d’u- fage, & connus depuis long-temps ; la feconde contient les nouvelles découvertes en ce genre, Il eft parlé parmi ces derniers de Ja coralline de Corfe , des feuilles de l’ellébore fétide , de la gratiole & de la femence de cévadiller. Détachons le fragment qui regarde la gratiole, plante indi- x x AA À 2 à gène commune , qui peut fervir à combattre Les fièvres intermittentes opiniatres qui règnent encore auellement, Boulduc & Ange Sala avoient déjà reconnu une grande vertu anthel- mintique dans la gratiole, M. Ehrhardt vient de la confirmer , en prefcri- vant à un enfant attaqué de fièvre quarte avec des foupçons de vers, la racine de gratiole pulvérifée ; fon ufage, continué pendant quelque temps, non feulement fit rendte une grande quantité d’afcarides, mais guérit en- core parfairement la fièvre, ) TABLE DEs ARTICLES CONTENUS DANS CE CAHIER. M: MOIRE fur l'abus des Alimens ; par M. Jofeph CHAR borL- LET , de Beafort en Al{zce. Pace 247 Mémoire fur la décompofition d2 l'air atmofphérique par le plomb ; par M. L'u- ZURIAGA, Penfionnaire du Roi d'Ejpagne pour la Chimie & la Mde- CITE, 252 ÿ2o OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, &c. Defcription d'une Pompe à air reëlifice; par M. CAVALLOo. 267! Obfervation communiquée à l'Academie par M. le Baron DE DIETRICH , Se- crétaire général des Suiffes & Grifons , en Avril 1784. 273 Lettre de M, le Baron DE Disrricx a M. l'Abbé MONGEZ le jeune. 274 Defcripiion d'une Pierre élaflique ; lue le 24 Janvier 1784, par M. le Baron DE Dirtrica, 4 l’Académie Royale des Sciences. 275 Notice du prétendu Régule d’antimoine natif, découvert en Tranfilvanie par M. DE RUPRECHT , Confeiller des Mines ; tiré du $° vol. des Mémoires d'une Société de Bohème , page 383—3863 par M. le Baron DE Dre- © TRICH, 276 Recherches fur ? Ambre gris par M. le Doëleur SCHWEDIAWER ; traduit par M. Vicarous, D. M. Préfentées par M. le Chevalier BANKS, PRIS: j 278 Lettre de M. ACHARD, de Berlin, à M.le Prince DE GAZLLITZIN ,fur la manière de mefurer La hauteur des montagnes, au moyen du thermo- mètre. 287 Lettre aux Auteurs du Journal de Phyfique, fur l'Eleëtricité des Végétaux; Par M. DE SAUSSURE, ancien Auditeur. 290 Lettre de M. POULLETIER à M./ Abbé MONGEZ le jeune. 2917 Copie de la Lettre de M. de MONTALEMBERT DE CErs, a M. POULE- TIER. 292 Lettre à M. MoNGEZz le jeune, fur un Phénomène d’Hiffoire Naturelle ; par M. DErAY, de la Société Royale de Montpellier, &c. 293 Remarques fur La manière de conferver Le Vinaigre; traduites du Suédois de M.SCcAEELE ; par Madame P*** de Dijon. 296 Seconde Lettre de M. MIcHAELIS à M. le Profeffeur LICHTENBERG; traduite par M.EYSsEN , Miniffre du Saint-Evangile a Niederbronn. 297 Réponfe de M. LICHTEMBERG à la feconde Lettrede M. MiCHAELIS , tra- duite par Le même. 302 Letrre aux Auteurs du Journal de Phyfique , fur l'attraülion des Montagnes , Jur les Brouillards. 393 Nouvelles Lirréraires, x 395 APPROBATION. AET lu, par ordre de Monfeigneur le Garde des Sceaux, un Ouvrage qui a pour titre: Oëfervations fur La Phyfique, fur lHifloire Naturelle & fur les Arts, &c.; par MM. Rozier & Moncez le jeune, 6e. La Collcétion de faits importans qu’il offre périodi- quement à fes Lelteurs , mérite l'accueil des Savans; en conféquence, j’eftime qu'on peut en permettre l'impreifion. À Paris, cezz O&tobre 1784. VALMONT DE BOMARE. LI ETE \ \ ! £ Jellier © t une ‘ i : Ÿ | $ + À 1,18 S 2 |E è D PE" SA si + Er s n L Lig.4. EL LE æ M 22 £ Œ 00 Fig. 6. Octobre 1784. ET NME grill LULU d Fig.ÿ. RS D fi. à Zi JT: Jélior due Octobre 1784. Ve JOURNAL DE PHYSIQUE. NOVEMBRE 1784. MÉMOIRE Sur l’ufage dés huiles grafles dans la Médecine ; Par M, Jean-Frédéric PICHLER. 15e toujours remarqué que les Médecins n’étoient nullement d'accord entre eux fur les huileux : les uns en recommandent l'ufage, les autres les profcrivent. Convaincu que cette diverfité d'opinions ne peut qu’étre très-préjudiciable aux progrès de la Médecine, jai formé depuis long- temps Le projet de donner un Mémoire fur les huiles & fur les huileux. ’ I. Les huiles grafles font des fubftances naturelles, plus ou moins fluides , inflammables , incapables par elles-méêntes de fe mêler avec l'eau, fur lefquelles l'efprit-de-vin ne peut agir, & qui ont une vifcofité qui leur eft propre. On les extrait par expreflion des graines des plantes où elles réfident principalement, C’eft de là qu’on les appelle huiles par expref- fion. Les qualités que l’on attribue aux huiles peuvent également convenir à toute efpèce de graifle inhérente au tiflu cellulaire des animaux. En effet, les uns & les autres, comme nous le démontrerons plus bas, font de na- ture & de caractère abfolument femblables, Les huiles graffes fe diftinguent aifément des huiles éthérées , que l'on ju 4 9 . . . 0 LA obtient communément par la diftillation, en ce que ces dernieres s’éva- _porent facilement , qu’elles ont beaucoup d'odeur, un goût âcre, brûlant & aromatique, enfin, qu’elles fe diflolvent dans l'efprit-de-vin. Les huiles grafles difierent des huiles empyreumatiques , en ce que celles-ci font inf- pides & inodores, & que celles-là au contraire ont une odeur & une faveur nauféabonde qui Leur eft propre , & qu’elles font diftillées ; enfin , en ce que les unes font très-claires, & ls autres fortement colorées. IT. Nous avons vu dans le paragraphe précédent, quelle différence il y a entre les huiles grafles, les huiles diftillées & les huiles empyreuma- tiques. Je vais démontrer maintenant que les huiles de graines & de noyaux , les praifles, telles que le fuif, le faindoux, le vieux oing, la Tom. XXV, Part. II, 1784. NOVEMBRE. Ss 423 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, moelle, le beurre, le fperme de baleine, ne diffèrent entre elles qu’en rai- fon feulement de la proportion de leurs parties conftituantes dans l'huile, La quantiré plus ou moins grande d’acide, relativement à fes autres par- ties conftituantes , en forme autant d’efpèces différentes. C’eft ce dont on eut convaincre par la comparaifon, Vogel prétend que la graiffe fe 2 dans le corps de l'animal par le concours d'une huile & d'un acide; que lon peut aufli, à l'aide d’un acide, donner à l'huile une certaine confiftance, & la rendre femblable au fuif. Spielman enfeigne w’il n’y a aucune différence entre la graifle inhérente au tiflu cellulaire des animaux & les huiles exprimées. M. Macquer nous apprend que les huiles grafles & le beurre donnent par la diftillation une liqueur acide. Newmann a fait la même découverte dans le faindoux, fans parler de Charas, qui a trouvé cette qualité dans la graifle des hommes & dans celle des animaux. Fr. Cartheufer aflure avoir obtenu un acide du fuif. Ertmuller va plus loin; il dir que les huiles exprimées renferment un acide aflez violent pour agir fur tous les métaux, à exception de For. Tachenius l’avoit avancé de l’huile commune dans fon Hippocrate chimique. C’eft pour cette raifon que Richter confeille de ne pas mettre d'huile dans des vafes de cuivre. Toutes ces huiles viennent du règne ani- mal ou du règne végétal. Mélées avec Le fel d’alkali, elles donnent le favomÿ elles diflolvent le foufre , le plomb & fes chaux. Une feconde diftillation les met dans la claffe des huiles éthérées : quant à leurs qualités, relativement à la Médecine, l'accord des plus habiles Praticiens à cet égard, prouve évidemment qu'il n’y a aucune différence entre elles, Toutes les fois en effet qu'ils prefcrivent Les huileux , ils Le font indiftinc- tement, . C'eft ici l’occafion de parler des huiles cuites. Les Apothicaires ap- pellent ainfi l'huile d'olive dans laquelle ils ont fait cuire des herbes ou des fleurs. Les huiles perdant au feu leur chaleur, & contraétant une cer- taine âcreté, comme je le démontrerai dans la fuite, il s'enfuit que celles qui font cuites n'ont rien qui les diftingue des autres huiles grafles, que cet empyreume qu’elles ont contracté. Elles ne peuvent prendre des herbes qu'un peu de mucilage qui s’en fépare à la longue , & qui, formant une efpèce de marc, tombe au fond du vafe. On pourroit aufli fe paffer des huiles dans lefquelles on a infufé des herbes aromatiques ; car elles n’en contraétent aucun parfum; & fi un Médecin veut donner l'odeur ou la vertu d’une plante aromatique quelconque à une huile graffe ily parviendra aifément , en mêlant quelques gouttes d'huile eflentielle avec une once d'huile graffe, 4, sf : SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS, 323 IT. ExPÉRIENCE I‘, Les huileux font un remède pour la roideur des fibres. 0 Haller a très-bien démontré que les fibres des animaux font compofés de terre & d'un gluten. L'os le plus dur, que l'on appelle l'os pierreux, ne difière de l’arachnoïde , qui eft la membrane la plus délicate , qu’en raifon feulement de la quantité de gluten relative à la terre qui entre dans fa formation. Ce gluten eft compofé d’une grande quantité d’eau & d'un peu d'huile; mais l’eau feule & l'huile ne pourroient pas raffembler auf étroitement les parties terreftres, fans le fecours de l'air fixe, qui eft comme l'agent intermédiaire. Le célèbre Boërrhaave a afluré que des os calcinés , encore dans leur entier , quoique réduits en poudre , non feulementidevenoient dans l’eau aufli pefans qu'ils l’avoient été da vant, mais même reprenoient leur ancienne dureté, Newmann , ainfi que plufeurs autres Chimiftes , & moi-même, nous en avons fait inutilement l'expérience, Perfonne ne difconviendra que l’eau, & l'huile encore plus , n’augmentent cette cohérence. Il eft également clair que la roideur des fibres vient de la trop grande quantité de terre, leur relâche- ment ou leur foibleffe, du gluten qui furabonde; d'où il faut conclure que ce qui, dans la compofition des fibres , augmente les parties gluan- tes , leur ôte la roideur, & les rend flexibles; & comme l'eau & l'huile font les parties conftituantes du gluten, il s’enfuit que l’une & l’autre font un très bon émollient ; mais la vertu émolliente que l'huile renferme, eft de beaucoup fupérieure à celle de l’eau. Le cuir le plus dur s’amollit, il eft vrai, dans l’eau ; mais bientôt après ilfe defsèche, & devient plus roide qu'auparavant. Si au contraire on imbibe d'huile un cuir, il confervera très-long-temps la fouplefle que cette opération lui aura rendue. L'eau en effet étant plus légère que l'huile, s'évapore beaucoup plus promptement ; elle entraîne alors les parties glutineufes du cuir, qui devient par ce moyen plus roide qu'il n’étoit. IV. J'ai fait voir , dans la fe@ion précédente, que les folides de notre corps étoient compolés de parties terreftres , unies entre elles par le glu- ten que La roideur des fibres ne reçoit que de la trop grande quantiré de terre en proportion du gluten. Il me refte à parler maintenant du dé- faut contraire , je Veux dire du relâchement des fibres. Ayant également démontré que l’eau & l’huile pouvoient affoiblir la cohérence occafonnée par la furabondance de La terre, il eft évident que l'excès de l'une & de l'autre produit un relâchement trop grand, & que de là naît la foibieffe, L'huile, appliquée fur notre corps , oblige les principes des fibres de s'é- loigner les uns des autres ; elle les empêche de fe coucher, & les rend par conféquent beaucoup plus lâches. Tome XXV , Part, Il, 1784. NOVEMBRE. Ss 2 324 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, V, ExPÉRIENCE II. La chaleur fait rancir les huiles. Ceux qui font verfés dans l’art de faire la cuifine, favent qu’au bout de quelques jours le beurre le plus doux devient rance. Il eft de fait, que tous les huileux , lorfqu'on les expofe au -foleil, fe diffolvent bientôt en une liqueur rance & âcre. Les huileux , lorfqu'on les fait frire, changent en très-peu de temps, au point de perdre leur douceur, de prendre une autre couleur , &. de fentir l'empyreume : aufli la chaleur, de quelque caufe qu'elle provienne, donne-t-elle aux huileux une âcreté qu’il eft très- aifé de reconnoître au goût & à l’odorat: c’eft ce qu’on appelle odeur de rance. Telle eft l’efpèce de corruption qui r'eft propre qu'aux huileux. Perfonne ne difconviendra que le rance ne foit une efpèce de fermen- tation, fi l’on fait attention que , lorfque la graifle commence àffe réunir dans une partie du corps, bientôt la contagion attaque la mafle entière. A Tappui de cette vérité viennent les vafes dans lefquels on a confervé de l'huile rance. A moins de les bien laver dans de l’eau d’alkali, toutes les huiles que l’on y mettra fe ranciront. En effet, les moindres particules qui échappent au doigt & à l'œil , & que l’odorat feul peut découvrir , forment une efpèce de levain qui opère fur les fubftances les plus douces, la même action qu’elles-mêmes ont éprouvée auparavant , & leur font con tractér une certaine âcreté. Mais une expérience journalière nous apprend auff que les huileux ne font pas tous fujets à fe rancir promptement; cela dépend en partie des fubftances hétérogènes qui y font mêlées , en partie de leur différente con= fiftance, Les parties aqueufes & caféeufes qui reftent dans le beurre que lon a obtenu du lait, & la confiftance molle du beurre, y produifent beaucoup de changemens. Mais le beurre de cacao , dont la confiftance plus folide le met à l'abri de route fermentation, fe conferve des années entières fans devenir rance. Pour que cette fermentation puiffe avoir lieu , il faut un degré déterminé de fluidité. Il n’eft pas néceffaire que la Auidiré foit parfaite; il ne faut que ce point de molleffe où les parties conftituantes puiflent quitter leur place. Sans Auidité, point de fermentation; & fans fermentation , point de changement : de là vient que les plantes, & gé- néralement tout ce qui ne renferme que peu ou point d'eau, hors d'état par conféquent de devenir fluide ou de s’amollir , fera immuable comme les mines, & réfiftera long-temps à la putréfaction, VI, ExPémenCE IL. Les huileux arrêtent Les fonélions de l'eflomac, Ce que nous voyons tous les jours prouve la vérité de cette expé- xience. Que l'homme le plus robufte, & qui a le meilleur eftomac, mange SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 325 mne trop grande quantité d'huile , il eft tourmenté par des vents; il a la bouche amère , & perd l'appétit pendantun temps affez confidérable. À ces fymptômes d'une mauvaife digeftion , fe joignent chez ceux dont l’eftomac eft plus délicat, des naufées , des maux de tête & de cœur, des vomiffe- mens & des coliques bilieufes, En effet , pour que les parois de l’eftomac puiflent s'adapter aux ali- mens qui y font renfermés, agir deffus, & y mêler les fucs gaftriques qui fervent à Les diffoudre, & qui, en s'y inclinant , les réduifent en bouillie , il faut que les fibres de leftomac aientune force fufffante pour fe rapprocher les unes des autres. Plus les fibres font relâchées, moins elles ont cette force dont je parle, Or, j'ai démontré, expérience I, que l'effet des huileux fur les Sbres éroit de les relâcher; il faut donc en conclure que l'huile ôte le ton à l’eftomac, & qu’elle trouble la digeftion. Les huileux renfermés dans leftomac , qui eft chaud & humide, perdant leur douceur, comme je l'ai fait voir expérience IL , leur âcreté irrite Le _velouté de l’eftomac , qui fe contracte alors, & renvoie des rots infects & amers, qui ne font autre chofe qu'un air chargé des vapeurs de Pefto- mac qu'accompagnent l’'amertume & l'odeur défagréable de l'huile rance; de là vient aufli l’amertume de la bouche, qui en eft comme une fuite néceflaire, Ces maux ne font que momentanés; mais fi l'huile féjourne trop long-temps dans l’eftomac , elle acquiert , avec un nouveau degré de corruption , une caufticiré plus forte & plus aétive, qui caufe les plus grands ravages, Agiflant avec trop de violence fur l’eflomac, & prin- cipalement {ur fon orifice fupérieur, que la plus légère fenfation affecte vivement , elle donne des maux de cœur & de tête, & des étourdifflemens qui viennent de l'irritation des nerfs. L’eftomac eft alors dans une contrac- tiôn perpétuelle, & fair les plus grands efforts pour fe foulager; mais comme fon orifice inférieur & fupérieur eft reflerré, fes efforts deviennent fu- perflus, & le malade éprouvera des naufées, jufqu'a ce qu’enfin le fpafme s'appaifant, il rejette ce mauvais levain par haut ou par bas, & fouvent par tous les deux à la fois : alors le vomiffement, la diarrhée , l’épan- chement debile , le flux de ventre, & tout ce qui accompagne la foibleffe d’eftomac occafionnée par le fpafme , mettront fin à fes douleurs, VIT. Je nai faic jufqu'ici qu'expofer mon fentiment fur les huileux ; il me refte maintenant à rapporter en peu de mots ce qu’en ont penfé les Pères de la Médecine. Celfe, en parlant des alimens qui font bons pour l'eftomac, prétend que le maigre lui convient mieux que le gras; & dans le chapitre fuivant, où il traite de ceux qui lui font contraires, il mer de ce nombre la graifle & Les noix. Riverius dit que les chairs graffes font ennemies de l’efftomac , & caufent des naufées; & dans un autre endroit, elles relàchent , ajoute-t-il , Le tiflu de l’eftomac, lui font perdre le ton & Fappérit. Le même ; dans la Médecine Pratique , enfeigne que les alimens gras & huileux excicent le vomiilement. Enfin, dans les obfervations 326 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, communiquées à Riverius par d’autres Médecins, nous lifons , Obferva- tion 1€, qu'une faim canine, occalionnée par l’ufage des amers , avoit été guérie en s'en abftenant , & en y fubftituant de la graifle, Ettmuller nous apprend que la graifle & les huileux donnent la dyffenterie, Le cé- lèbre Boërrhaave a très-bien décrit les maladies que caufe l'ufage des huileux, Richter ,en parlant des végétaux comme nourriture , dit que les olives , par la trop grande quantité d'huile qu’elles renferment, furchar- gent l'eftomac , & donnent du dégoût; & dans la thèfe fuivante, les noix sèches, ditil fe digèrent difficilement; la vétufté leur donne une huile rance, également nuifible à la poitrine & à la tête, & qui caufe une certaine âcr-té dans le gofier. Traitant des animaux dont on fe nour- rit; la graiffe, dit-il, eft d’une très-difficile digeftion ; elle ne peut con- venir qu'aux gens robuftes & voraces , parce qu'elle affoiblit le ton des parties folides , qu'elle ôte aifément l'appétit, & qu’elle donne des nau- fées. Dans un autre endroit, il enfeigne qu'avec la graifle il faut man- ger beaucoup de pain, parce que mal digérée & devenant rance , elle occafionne des vents , des coliques, de la bile, & d’autres maux fem- blables. Pour peu qu’un eftomac foit foible, dit Ackermann, il ne peut fupporter la graifle , parce qu'elle le débilite davantage. VIII. ExPÉRIENCE IV. Les huileux ne conviennent pas à la nutrition. Cette expérience pourra paroître, au premier coup d'œil, un paradoxe; mais avec un peu d'attention, on reconnoîtra bientôt qu’elle a pour fonde= ment lanature & la théorie, D’après la loi conftante établie par le Créa- teur , notre nature femble exiger que les particules qui ont rempli leur fonction, & qui ontété broyées par le mouvement vital, fortent du corps, & que de nouvelles leur fuccèdent. Richter a très-bien comparé la vie ani- male avec la flamme d’une chandelle, qui, perdant perpétuellement de fa fubftance , s’entretient cependant par une nourriture continuelle ; de même la vie humaine, malgré les pertes qu’elle fait à chaque inftant de fes parties, fe conferve dans fon entier par la reftiturion fucceflive des parties qui entrent dans les inteftins. Mais pour que cette nutrition s’o- père d'une manière convenable, il faut au préalable une certaine affinité entre les alimens & la nature de l'animal qui s’en nourrit. Les parties huileufes fortent , il eft vrai, à chaque inftant du corps par la tranfpira- tion & par les urines; mais s'enfüit-l pour cela que les huileux foient convenables ou néceffaires à La nutrition, En effit, un homme en bonne fanté, qui ne fe nourrir que de pain & d’eau, n'en eft pas plus incom- modé, & fes perres fe réparent aufli bien que s'il vivoit de graifle. Les q'iadrupèdes, qui ne mangent que des herbes, nous donnent le lait qui eft rempli d'huileux. Le corps a donc la faculté de transformer en fa pro- pre fubitance les alimens, _ SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 327 IX. La nutrition , qui n’eft occupée qu'à réparer les pertes que nous faifons, a befoin non feulement de l’action des inteflins pour opérer dans les alimens un changement néceffaire ; elle demande encore que ces mêmes alimens foient d'une nature à pouvoir fe foumertre à la cuif fon , & que, dépouillant leur caractère primitif, ils s’identifient avec la fubftdnce animale : de là vient qu'ils confervent beaucoup moins de leur crudité , & qu'après la manipulation, ils ne font plus aufli nuifibles; mais les huileux énervent les forces des premières voies deftinées à cuire Les alimens ; aucune des humeurs qui facilient la digeftion ne peut agir fur eux : ainfi ils confervent toujours le caractère qui leur eft propre; & abandonnés à eux-mêmes , ils fe corrompent: de là naïflert les ma- ladies dont parle Boërrhaave dans fes Inftitutions Médicinales ; Gau- bius dans la Pathologie , & celle que nous venons de détailler dans l’ex- périence [II° de ce Mémoire. La digeftion fe fait mal; ainfi, la fource à qui les humeurs qui, circulant dans notre corps, l'entretiennent & le confervent; cette fource , dis-je , à qui les humeurs doivent leur bonne ou mauvaife qualité, fe trouble & fe corrompt dans Le principe. Des Médecins très-habiles ont penfé, il y a long-temps, que les hui- leux ne pouvoient fe mêler aux humeurs fans une préparation préalable de la bile. Si au contraire on s’en rapporte aux expériences de Roederer & d'Uten d'Oerffer ; expériences confirmées par celles que j'ai faites moi-même, on verra que, foit dans le mortier, foit au feu, la bile ne peut pas retenir les huileux au deflus de l’eau. En effet, au moindre mou- vement , les parties huileufes quittent la bile, pour occuper la DR du vafe. Je n’en conclurai pas de là que la même chofe fe pafle dans notre corps, Je fais que la ftruture animale recèle des opérations inconnues à VArt, & qu'ilne peut imiter; mais en accordant à la bile, lorfqu’elle eft dans notre corps, une vertu qu’elle n'a plus dans le mortier & dans le verre, s’enfuivra-t-il que les huileux font propres à la nutrition > N'exifte-t-il pas une très-grande différence entre s’engraifler & fe nourrir? Fun n'eft-il pas indépendant de l’autre ? Que dis-je ? la nutrition, fans la graifle , n’acquiert-elle pas un degré de perfection de plus ? n’eft-ce point une circulation moins prompte qui fait que Les parties graffes fe féparene du chyle, fe dépofent dans le tiflu cellulaire , & forment un embonpoint excefif, Ce défaut dans la circulation démontre évidemment que les vaif- feaux n’ont plus cette force néceffaire pour une bonne nutrition. La maigreur que les maladies aiguës occafionnent tout à coup , prouve que les veines abforbent la graifle La graifle ainfi abforbée , ferr-elle à la nutrition ? c’eft encore un problème. Les uns lui accordent cette fa« culté ; les autres, & ce fentiment me paroît le plus probable , foutien- nent le contraire, On fera de même pour la négative , fi l'on veut faire attention à ce que nous venous de dire plus haut fur Les qualités des hui- leux. Celfe a placé l'huile & le poiffon au nombre des alimens dont le fuc "+ 328 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, eft mauvais. La graifle, dir Riverius dans fes Inftitutions Médicinales , eft peu nourriflante; on doit plutôt la regarder comme aflaifonnement dans Les viandes , que comme nourriture. Home enféigne que les fubf- tances grafles ne fervent de rien à la nutrition. Akermann prétend qu'un embospoint exceilif eft un fymptôme de mauvaife fanté. X. ExPÉRIENCE V. Les huileux entretiennent la putréfaétion. J'ai démontré, Expérience IT, les effets du foleil fur l’huileux le plus doux, & ce qu'il devient expofé trop long-temps à un air un peu chaud. Teleft le fort, non feulement de Ja graifle féparée du corps , mais encore de ces parties huileufes qui font dans le mouvement de la circulation. Le froiflement perpétuel qu’elles éprouvent alors , les rend fujettes aux mêmes inconvéniens. C’eft pourquoi les trop longues chaleurs de l'été, à dit le célèbre Huxham , cuifent tellement les humeurs , qu’elles font beau- coup plus âcres en autornne qu’au printemps. C’eit-là cette inflamma- tion dans le fang dont les Anciens ont fi fouvent parlé, & qui occafionne la bile âcre , les coliques, les dyflenteries bilieufes & putrides, & ces fiè- vres malignes fi communes au commencement de l’auromne. Le célèbre Medicus eft du même fertiment, qu'il appuie de fes propres obfervations, I neft perfonne qui ne voie que la graile qui féjourne dans le tiffu cel- lulaire, venant à fe réduire en liqueur , met la vie de l’homme dans le plus grand danger, fur-tout fi le mal a jeté des racines dans cette efpèce de coiffe qui enveloppe les inteltins, & qui par-là fe trouve privée des vaif- feaux deftinés à l’excrétion ; car alors la graiile liquéfiée allant directe- ment des veines épiploïques à la veine porte, inonde le foie , met le trouble dans l'endroit où réfide la bile, qui devient puante, foit par la qualité, foit par la quantité. Lorfque la graifle pañle des veines hépa- tiques dans la veine cave , elle produit de l’âcreté dans Le fang & routes les maladies bilieufes & putrides, Les Cuifiniers favent très-bien que plus La viande eft graffe , plutôt elle fe corrompt. J'ai démontré, Expérience IT, que la rancidité eft une efpèce de corruption propre à la graïfle. Si cette corruption, qui n’eft caufée que par un mouvement intérieur, s'attache à une partie quelconque , elle peut facilement infecter les autres, en fe répandant dans touté la mafle du corps. On ne doit donc pas être étonné fi le célèbre Gaubius a mis au rang des caufes de la putridité la trop grande quantité d'humeur in- flammable, Platner , parlant du fang , qui, répandu dans le tiffu cellu- laire , fe corrompt aifément, en donne pour caufe la chaleur , qui, com- pagne inféparable de l'infammation , dérruit l'huile & la fait rancir. Hux- ham , pour corriger l'huile rance des poiflons, & leur qualité qui tend naturellement à la putréfaction, recommande de les manger avec beaucoup . de vinaigre, La gourmandife , a dis Richter, nous a fait aimer la graifle, La # \ SUR L'HIST. NATUREILE ET LES ARTS. 329 La Médecine la condamne, parce qu’elle eft plus fujette à la corruption que tout autre aliment. L XI. ExPÉRIENCE VI. Les huileux calment les douleurs, lorfqw'on peut les appliquer fur la partie fouffrante. Il eft conftant que la douleur vient ou de l'irritation, ou de la trop paie tenfion des fibres nerveufes. On fait que les fibres trop tendues ont plus fujettes à l'irritation , & qu'un ftimulanttrop violent peut auf ir- riter les fibres relichées. Si la fenfbilité eit une fuite néceffaire de l’irrita- tion, & fiun degré de plus de fenfibilité caufe la douleur , il s'enfuit qu'elle vient ou d’un ftimulant quelconque, ou d’une trop grande tenfion dans les fibres. Ce défaut fe corrige en faifant alonger les fibres davantage, On y réuflit, en arrofant & en humectant. En effet, d’après les preuves phyfi- ques , les fibres peuvent s’alonger plus ou moins , en raifon du liquide que l'on emploie. Or , fi l’une des propriétés de l'huile eft de corriger l'a= creté , d'émoufler les ftimulans, de donner plus de jeu aux fibres trop ten- dues, de les humeéter & de les amollir, comme nous lavons démontré dans l'Expérience I, il eft donc prouvé qu’elles remplifflent ces deux objets, & qu'elles augmentent les effets des anodins, D'après ce que nous avons dit plus haut, il faut conclure qu'on ne doit alors employer que les huiles douces, & dans le cas feulement où Jon n'a point à craindre qu’elles fe corrompent. XII. Expérience VII. Les huileux rendent le ventre libre. Différentes caufes empêchent le ventre de remplir fes fonctions. Ou les matières ne font point affez Auides , ou les inteftins ne font pas aflez ou- verts pour donner un paflage aux excrémens, ou enfin la force qui meut les matières n’eft point affez puiflante. Les Expériences I, II & VE, démontrent clairement que Les huileux font un remède efficace dans toutes ces circonftances. D’après cela, qui ne voit pas qu'ils rendent le ventre libre? Lorfque les jglandes falivaires ne fourniffent point affez de liqueur pour chafler les matières trop épaifles , les huileux les remplacent avec fuccès. Si les inteftins font reflerrés par des fpafines , les huileux , en xelâchant les fibres, tent le fpafme & provoquent la fecrétion. Nous obfervons enfin que les huileux agiflent d’une autre manière, lorfque le peu d'activité des inteftins empêche les matières de couler. Ils féjournent alors au fond des vifcères ; ils s’aigriflent; leur âcreté caufe de l'irritation ; & en ftimulant les inteftins, ils y produifent des contractions plus fré- quentes , qui font évacuer les matières, Celfe a placé la graiffe au nombre des chofes qui relächent le ventre, Le favant Richter , en parlant des ‘xnimaux dont on fe nourrit, dit que Tome XXV, Part. IT, 1784. NOVEMBRE. HE 330 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, la graifle de mouton provoque le vomiffement, & qu’elle eft un ftimulane pour le ventre. Lorfqu'il traite de la manière dont doivent f conduire les femmes pendant leur groflefle, pour relâcher le ventre, qui eft trop pa- refleux dans les derniers mois, il recommande l’ufage des viandes un peu grafles, ou de breuvages dans lefquels on infufe de la manne. Etmuller prétend que l'huile relâche le ventre, l’amollit, & diffout doucement les matières recuites. XIII. ExPÉRIENCE VIII. Les huileux bouchent les pores de la peau, Cette expérience eft fondée fur le témoignage unanime des Auteurs. Etmuller obferve que les huileux rempliffent les pores. Le célèbre Boër- rhaave nous apprend que lufage des huileux bouche Les pores. Platner rapporte , que de la graifle appliquée fur un éréfipèle, y produifit des ulcères difficiles à guérir , parce que cette matière, par fon âcreté, ne put pas attirer au dehorsla caufe du mal. Et dans une autre circonftance, ayant fait appliquer fur une tumeur des emplâtres, pour mettre l'humeur en mouvement, les huileux, dit-il, amolliflent & relâchent les fibres ; ils arrêtent la tranfpiration de la peau. Gaubius prétend aufi que la graifle bouche les pores & fupprime la tranfpiration. Cette tranfpira- tion infenfible, etablie par la Nature pour purger le corps, nous prouve qu'elle ne peut être arrêtée, fans mettre la fanté dans le plus grand dan- ger. Mieux elle fe faic, plus les forces deftinées à cuire les alimens ont d'affinité pour chaffer routes les matières liquides, même les plus légères, donr le poids l’emporte toujours fur celles qui font crafles, & délivrent ainfi le corps d’un fardeau trop pefant. Auf le célèbre Pringle , parlant d'un onguent compofé de foufre, d’ellébore & de graifle, pour guérir la galle, dir, pour évirer les maux que trop de pores bouchés à la fois au- roient pu caufer , je ne faifois frotteren même temps que la quatrième partie du corps, L'ufage des bains étoit fort commun autrefois chez les Egyptiens , les Grecs & les Romains: pour empêcher que dans lesexercices de gymnafe , les pores, décraffés par ces fréquentes ablutions , ne fuffent trop ouverts à la tranfpiration, ils avoient coutume de fe frotter d'huile. Aujourd'hui que l'Art gymnaftique eft négligé, & que nous employons la toile dans nos vêtemens, nos corps font moins expofés aux défagrémens de la fueur , & nous avons par conféquent moins befoin de prendre les bains & de nous frotter d'huile que les Anciens. La ftru@ture de nos corps demande plutôt des friétions sèches , qui réparent fes pertes & aident à la tranf piration, ( La Suite au Journal prochain ), 16 LN SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 331 MÉMOIRE SUR LA CULTURE ET L'ARROSEMENT DUE TS PRÉ S. Le C: EST une opinion univerfellement répandue dans toutes les provin- ces du Piémont & de la Lombardie, que plus les prés fonc arrofés, plus leurs récoltes font abondantes, & leur foin d’une meilleure qualiré De cette erreur trop accréditée , découlent une infinité de maux qui nuifent à l'avantage public & particulier de ces provinces. Pour être perfuadé de cette vérité, il fuñit d’obferver dans les provinces d’Afti, d'Alexan- drie & du Montferrar, où il fe fait un grand commerce de beftiaux, combien leur chair ef d'un meilleur goût, & combien la qualité des foins eft fupérieure pour l'entretien des bœufs & des chevaux, en compa- raifon des Provinces voifines. Cependant les prairies n’y font point at- rofées ; de façon qu'il ne s’y fait jamais plus de deux récoltes; encore, quand les chaleurs de l'été durent long-temps, perd-on fouvent la feconde, Malgré cela, ils retirent en quelque forte plus de produit de leurs prai- ries , que ceux qui abufent de la facilité de les arrofer. Pour bien cultiver les prés, pour en retirer tout le fruit poflible en foin.de la meilleure qualité, il faut avant tout les applanir le plus qu’on le peut, en abattanc toutes les inégalités, afin que l’eau puifle arriver par-tout également , fans féjourner nulle part. Il faut y faire des foilés pour donner l’écoulement aux eaux, & les entretenir toujours bien curés, ufer d'une grande fobriéré dans leur atrofement, & ne jamais les arrofer avant la première récolte, L'air frais du printemps , les neiges qui font tombées pendant l'hiver , les pluies fréquentes dans l’une & l’autre faifon , les rofées abondantes fufffent pour produire la première herbe , comme il eft aité de le voir dansles prés fecs , où à peine {ur dix années une il arrive de perdre la première récolte par la fécherefle. Si on cefle d’arrofer les prés qui ont coutume de l'être, il peut arriver qu’on récolte une moindre quantité de foin à la première coupe; mais en les arrofant enfuite, on aura une feconde récolte aufli abondante que la première , & une troifième auffi abondante que la feconde, Or ,le produit de cette troifième récolte indemnifera largement de: la perte de la premiere, dont le foin fera égal en bonté à celui des provinces dont on vient de parler- Après la première coupe , il faut laïffer réchauffer le pré par le foleil , avant de l’arrofer | différer l’arrofement en cas de pluie, avoir attention Tome X XV, Part. II, 1784. NOVEMBRE, Tt2 332 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, que l’eau n’y féjourne pas trop, & ne lui en donner que ce qu'il en peut abforber, afin qu’elle n’entraine pas avec elle les engrais , le fumier, & les parties nitreufes, fi néceflaires à la végétation. Ce n’eft point pour profiter de la commodité de l’eau qu'il faut baigner les prés; que ce ne foit jamais fans une néceflité abfolue, Paflé le Mois de Septembre, à moins d’une grande fécherefle précédente , il faut cefler les arrofemens, Si on fe donne la peine d'examiner avec attention quelle eft l'efpèce d'herbe qui croît dans les prés qu’on a coutume de baigner , on trouvera, pour la plus grande partie, du jonc, de la bardane, du Zfca, de la re- noncule , tous produits de l'humidité, tel qu’il en vient dans les marais & lieux bourbeux. On peut obferver aufli que le foin, une fois à fa ma- turité , même dans les meilleurs prés du pays, fans en extepter la Pro- vince & le voifinase de Turin, on n’apperçoit d’autres fleurs que celle de renoncule. Perfonne n’ignore que cette plante a des qualités âcres & vénéneufes, décrites par tous les Botaniftes , & particulièrement par M. de Bomare. D'après des expériences sûres , & qui conviennent prefque autant aux terres fortes qu'aux terres légères, on a trouvé que le meilleur moyen de détruire les plantes nuifbles, & d’en faire poufler d’une qualité fu- périeure, étoit de nettoyer les prés , de Les tenir fecs, autant qu’on le peut davsl’hiver , le printemps & l'automne; de ne les arrofer que pendant les grandes chaleurs de l'été , & encore avec beaucoup de parcimonie, Peu de fumier fufira, fi on ne lui enlève point fes fels par des arrofe- mens faits mal à propos, Si on ayoit coutume de les engraiffer tous les ans, felon le bon ufage, on pourra le faire plus économiquement par la fuite. On peut y fubftituer de la terre qui aura été amoncelée pendant fix ou huit mois, & en retirer la plus grande utilité, en mettant la rerre forte danses prés dont le fol eft léger; & la terre légère , dans Les près dont la terre elt forte. À L Plufieurs perfonnes ont été trompées par de faux rapports fur les mar- cites. Les Milanois appellent de ce nom certaines prairies qu'ils ont cou- tume de bien fumer pendant l'automne , & de tenir couvertes d’eau pen- dant l'hiver, Ilsen font écouler l'eau au commencement de Mars ,temps auquel ces prés font déjà couverts d’herbe , qui croît en peu de jours , & qu'on fauche dans le même mois ou au commencement d'Avril. [ls donnent cette herbe à leurs vaches aufli-tôt qu'elle eft fauchée ; & les mettant ainfi au vert avant qu'il fe trouve de l'herbe .dans les pâturages ordinaires, ils leur procurent une grande augmentation de lait. Cette herbe n’eft qu'une efpèce de /eféa plus tendre , appelée Plache par les Savoyards; mais le foin qu'on en retire n'eft propre qu'à déranger le corps des bœufs & des chevaux. Ceux de ces animaux qu’on entretient avec cette nourriture, pa- roiffent, en moins d'une heure, vides, Mafques, &, pour ainf dire, moins nourris que s'ils n’avoient rien mangé, RS SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 333 Un ancien Officier de Cavalerie attribue le dépériflement des chevaux qui étoienten quartier dans la Brellèfe , à la crudité de fes eaux. Je crois qu'il seft trompé fur la caufe, Depuis que quelques particuliers qui éprouvoient les mêmes inconvéniens dans Jeur propres chevaux , ont changé ex du pays de baigner Les prés dans toutesles faifons ; depuis ne ont adopté la méthode de fumer les'prés tous les ans, ce qu'ils ne aifoient point auparavant, & de ne les arrofer que dans le milieu. de été, & jamais fansnéceflité, les chevaux qu’on nourrit dans la Bie//èfe y -réufliffent aufli bien que ceux qui font élevés dans les autres pro- vinces. Pour bien connoître la vérité de ces propoltions, & pour en retirer tout l'avantage pofible, il faur que le propriétaire fuive l’expérience de £es propres yeux, loin de s'en fier aux payfans , qui font tenaces dans leur avis, & qui fe départent difficilement de leurs préjugés. Ce n’eft qu'après une fuite de plufieurs années de récoltes abondantes, & par la comparai- fon de la qualité & de la quantité de leurs foins avec celui des prés voi- -fins , arrofés felon l’ufage ancien , qu’ils conviennent de l'avantage des nou- velles méthodes auxquelles on les à contraints , & qu'ils font bien aifes de les avoir adoptées, Quicenque pratiquera avec foin cette manière de gouverner fes prés, trouvera encore que la chair des-beltiaux qui y feront élevés, fera d’une meilleure qualité. C’eft une obfervation conftante parmi les Bouchers, que la chair eft fleurie ( comme ils s’expriment), & la graifle blanche, quand les bœufs font engraiflés dans des prés fecs ou arrofés à propos; tandis que la chair eft d’un rouge noirâtre , & la graifle jaune , quand Les bœufs font nourris dans des pâturages où il croît. des herbes âcres & ma- récageufes. L'air environnant deviendra fec & falubre , & on n’y verra point, comme dans les prés arrofés felon Pufage ordinaire , s'élever, au lever & au coucher du foleil, de ces vapeurs qui reflemblenc à des brouillards: on ne s’y fentira point pénétré jufqu’aux entrailles par un air humide, qui, outre qu'il mouille les vêtemens ,- fait ordinairemert éprouver un froid confidérable à toute fa perfonne. Si on ne fait les arro- femens qu'après la moiflon, ou peu de jours auparavant, l'atmofphère étant alors plus pure , les 'blés qu'on récolrera dans les champs voifins feront plus pefans , & donneront plus de farine : on fera une épargne d’eau qui pourra être employée à un autre ufage : on n'aura plus à craindre ces dangereufes infiltrations qui, portant au loin l’eau furabondante, occafionnent des dégâts dans les campaones , entrent dans les maifons, croupiffent dans les caves , & fe communiquant aux puits d'eau vive , en corrompent la falubrité, Pour parer à ces inconvénient, plufieurs Com- mupautés ont fait à grand frais des foflés de circonvallation à quelque diftance de leurs habitations, dont ils n’ont pas retiré rout le bon effee qu'ils en attendoient , comme on peut le voir à Sentia, à Saint-Germain , 334 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE; à Trouyano & à Bianze, Le foin étant une denrée de première néceflité pat tout & dans rous Les pays; fi, par un bon régime , on réuflit à en faire pouffer dans chaque pré une plus grande quantité & d'une meilleure qua- lité, il en réfuitera un avantage général, qui contribuera fans doute’ à la félicité publique, Ce que je viens de prefcrire ne convient point aux près fablonneux; ils exigent plus d'eau; il faut les arrofer plus tard , en Sep- tembre, & quelquefois même en Oétobre. ( On pourra regarder comme ‘une règle générale qui convient à tous les cantons, que là où il croit de la renoncule & du /e/ca , il faut néceffaire- ment diminuer les arrofemens ; & on appellera à jufte titre bien gouver- nés , les prés donc les fleurs les plus élevées au temps de la 1première ré- colte ; reflemblent à des épis de mille, où qui ont la forme de panaches de diverles couleurs, dont les femmes ornent leur tête , & que-les payfans appellent vuloairement fénérole. SF Quiconque n'adoptera pas ces préceptes, retirera de fes prés moins de foin , & d’une moindre qualité ; en outre, dans les années fuivantes , il aura beaucoup de peine à les nettoyer des mauvaifes herbes que les arro- femens hors de faifon y auront fait puliuler , & à y faire croître les bonnes que l'eau aura étouffées. La perte fera en raifon d2 la ténacité du terrain, c'eft:èdire, plus grande dans les térres argileufes & fortes, & graduelle- ment moindre, en raïlon de la plas grande légèreté du fol, .. Le foin qu'on récolte dans Les prés bien cultivés , eft, d'après le calcul, du double plus pefant qu'un pareil volume de foin qui contient des herbes marécageules & aquatiques, il s'en trouve même dans les prés dont les arrôfemens ont été furabondans ; donc le poids n'eft que le huitième, ce poids diminuant en raifon de la plus grande quantité d'herbes maré- cageufes. 2 F 1 D = mm DE SNAUE CR PAR PORN Sur la fenfibilité des Infeëtes, précédée de quelques obfervations Jur la Manre ; Par l'Abbé PorRET. LL Oëfervations fur la, Mante [a] (1). he mahte eff un infecte qui {e trouve particulièrement dans les provin- ces méridionales dé la France; la fineffe de fa taille, l'élégance de fes — un [4] Voyez pour toutes les notes à Ja fin du Mémoire. SUR L'HIST: NATURELLE ET: LES "ARTS. 33$ ailes, .&fa,belle couleur verte, en font un des plus beaux infedtes de l'Eu- rope, Son extérieur n'a’rien de cette difformité qui rcbute dans la plupart des autres coléoprères ; fi tête eft plate, d’une forme triangulaire ; fon corcelet eft alongé, & très-bien fait ; fon port a quelque chofe de noble, ainfi. que la plupart de fes autres mouvemens. Souvent elle fe drefle fur fes quatre pattes de derrière , tient la tête & le corcelet droir avec les deux pattes de devant réunies & pliées, C’eft à raifon de cette pofture fup- pliante, que les Provençaux l'ont appelé prie. Dieu (preguo-Diou.) Qui croiroit qu'avec des dehors auf féduifans , & un certain air de bonté qui l’a fait regarder comme un infecte dévot, la mante ne vécüc que de {ang & de carnage ?, Aufli la Nature Jui a donné des armes con- formes à fes inclinations. cruélles. Ses deux premières pattes , attachées au haut du corcelet , font compofées de mufcles rrès-vigoureux, Le long des cuifles & d?s jambes , il règne deux rangs de fortes épines, terminées aux tarfes par un ergot très-aiou, C'eft avec des armes auf terribles qu'elle déclare la guerre aux autres infeétes. Malheur à l'infortuné qui tombe entre fes pattes lelle le faifir vigoureufement : une fois ferré entre ce double rang d’épines, la moindre réfiftance eft impofble, même aux plus forts ; alors la cruelle, leur mange à difcrétion le cœur & la tête. Elle rejette ordinairement Le ventre, comme une nourtiture trop grof- fière. Ses mâchoires font tranchantes, environnées de quatre petits bar- billons qui lui fervent à retenir les morceaux prêts à $échapper. Sa pofture dévote n'eft donc rien moins que ce qu’elle annonce. Elle ne fe tient droite & les pattes de devant repliées & élevées , que pour faiGr plus fubrilement les infectes au paffage. C’eft ainfi que, par cet extérieur byÿ- pocrite, elle trompe ceux qui ne la connoiffent pas, & ne fait, pas même grace à fes femblables. Voici un fair dont je fus témoin, &:qui.me fr perdre les préjugés que la mante m'avoit infpirés en fa faveur. J'en confervois une depuis huic jours fous un bocal. J'ivnorois d’abord-avec quoi la nourrir; ne voulant accepter aucune des plantes que je lui préfentois , lorfque , lui offrant fon femblable pour li procurerles agrémens de la fociéré, je la vis fe. préci- piter deflus & le dévorer. Inftruit de ce qui pouvoir Hatter fon appétit, je farisfis fa voracité aux-dépens desautres infectes ; elle recevoit tout avec avidité , & n'épargnoit pas même les plus fortes fauterelles, qui, malgré leur élafticité, ne pouvoient s'échapper de fes pattes. Un jour je lui pré- fentai un jeune mâle extraordinairement vif. J'efpérois que fon élégance & fes careffes Aéchiroient certe barbare.En effet; celui-ci s’en étant ap- proché pour lui faire fa cour ,il-n’en fut d'abord repouflé que: par quel- ques coups de pattes; mais déveranc trop importun, il fut.faili , & paya de fa cère cer excès de témérité, Quoique décollé, il n’avoit rien perdu de fa première vivacité ; fes ipftances n'éroient pas moins preflantes:; telle- ment qu'à force de s’agicer, il vint à bout, avec fes pattes de devant, de 336 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, faiuir par le cou fa ‘cruelle maitréfle. J’étois curieux de voir quelle ven- geance ; fans tête , il pourroit exercer contre elle. Mais à peine pus-je en croire mes yeux , lorfque je le vis oublier Le reffentiment, pour ne s'occu- per qu'à fatisfaire la pañlion que la mante lui avoit infpirée. Un inftant après , je les trouvai vraiment accouplés ; & pour n'aflurer d’un fait aufli bizarre , je levai le bocal, & après avoir détaché la patte qui retenoit la femelle par le cou, je fs fuir la mante, Elle s’échappa, & entraïna le mâle ubi avec elle. J'effayai légèrement de les féparer; mais ils tenoient, fi bien , que leurs ventres s’alongeoient plutôt que de fe défunir : alors je ceflai de les troubler, & je les obfervai pendant plus d’une heure dans la même pofition, Le lendemain matin, autre action de férocité. Le tronc de fon amant, encore palpitant, fervit de déjeüner à la mante barbare ; elle mangea même jufqu’au ventre, qu'elle abandonnoit dans les autres infectes. J’avois eu foin cependant de fournir abondamment à fes befoins ;: mais ellé paroît préférer fon femblable à route autre nourriture, J'ai ob- fervé que toutes n’avoient pas la même voracité ; que les mâles étoient bien moins avides que les femelles. J'en ai même confervé plufieurs, tant? mâles que femelles, qui font reftés quinze jours , & même plus long-temps, fans prendre aucune nourriture, & qui cependant n’étoient ni moins vives, ni moins actives que les autres, Un: fait auf extraordinaire , & que Boyle avoit déjà obfervé dans ss mouches, m'a conduit à étudier la fenfbilité des infectes , que je vais eflayer de développer dans la Differtation füi- vante, Il. Difertation fur la fenfibilité des Infeétes. Traiter de la fenfibilité des Infectes , n’eft-ce pas porter une main témé- raire à ce voile fous lequel l’Auteur de l’Univers a caché tant de myf- rères? Malgré de progrés des Sciences & la fidélité des obfervations, la Nature aura toujours un fanétuaire ténébreux , impénétrable aux regards Les plus perçans. Si des phénomènes , qui rous les jours frappent nos yeux, font encore fans explication, comment ofer en dohnsr une à ceux dont la caufe échappe à nos fens ? L'étude de la Nature nous 4 appris à juger des caufes par les effers , & réciproquement des! eff:rs par les caufes : mais lorfqu'il s'agie d’objets metaphyfiques , nous ne: pouvons les ;connoître ge par analogie, Nous fentons, nous'raifonnons &: nous jugeons, & ces ifférentes opérations, nous es exprimons par des fignes & des geftes conf- tans & uniformes dans tous les êtres de notre efpèce. Ce n’eft donc que par nos propres fenfations que nous pouvons apprécier. celles des autres: aufi fommes-nous incapables de connoître le défordre à'une paflion que nous n'avons jamais éprouvée ; donc toutes’lés fois: qu’un être s'annoncera avec Îles mêmes fignes par lefquels nous exprimons: n05 fenfations:, nous aurons pas de peine à deviner ce qui fe: paflé dans fon inrérieur ow dansfesorganes:mais quand nousrencontrerons des êtres dontl’organifition différera \ . SURL'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 33) différera de beaucoup de lanôtre, qui, foumis aux mêmes épreuves, ne rendront pas les mêmes fignes. Olerons-nous les croire, malgré cela, auf fenfibles, autant affectés , & dans la même fituation que nous? C’eft ce que je vais examiner ; pour déterminer la fenfbilité des infeétes, que je crois n'avoir encore été traitée par aucun Naturalifte, au moins dans le fens que je le préfente ici. Defcartesa regardé cous les animaux , excepté ‘homme , comme autant d’automates , incapables également de douleur & de plaifir. L'expérience a toujours détruit fon fyftème; mais en le réfu- tant , l'on n’a point aflez bien diftingué le degré de fenfbilité qui doit varier dans Les différens êtres du règne animal, Mes obfervations feront bornées , pour le moment, à la fenhbilité des infectes, J'ai étudié leur organifation , leur manière d’être au milieu de la douleur & du plaifr; je l'ai comparée avec celle des grands animaux affcétés de même, & j'ai cru pouvoir conclure qu'il n’y avoit dans les infeétes que très-peu de fenfbilité, Je peux me tromper; mais peut-être mes erreurs fixeront-elles l'attention des Savans fur une queftion qui mérite d’être approfondie, & je m'applaudirai encore d’avoir fourni loccafñon de découvrir la vérité. î Par fénfation, Yon entend cet ébranlement qui s'opère dans les fibres par le choc de quelque corps étranger, & qui communique à lame un fentiment de plaifir ou de douleur , felon la force de. la vibration. La dé- licateffe de la roideur des fibres doit donc néceflairement l’augmenter ou la diminuer par proportions. En effer , "dès que ces mêmes fibres viennent à s'oblitérer, fe durcir ou fe détendre, les fenfations ne fe font fentir que très-foiblement. Tous les jours nous coupons , fans la moindre douleur, les cornes & les ongles, qui ne font que l'extrémité de : certaines fibres durcies. Elles renferment cependant un principe de vie, puifqu’elles re- pouflent continuellement , malgré nos foins à les retrancher. Les fibres at - tachées aux dents occafonnent fouvent, par leur tenfion , de violentes douleurs ; une fois dérendues par leur féparation d’avec les dents , toute douleur ceffe. D'après cela, Porganifation des infeétes eft peu propre à recevoir des fenfations bien vives. Revêrus ordinairement d’un épiderme très-dur, dont ils font comme cuiraflés, ils paroiffent par-là à l'abri des bleflures. Quand bien même cette membrane feroit attaquée , Pirritation devroit être peu fenfble dans un organe auf groflier. Tout eft prefque fec chez eux : on y voit peu de parties charnues; leurs fibres ne font pas arrofées par ces humeurs abondantes, qui rendent fi fouples les fibres des grands ani- maux, Sinous ajoutons l'expérience à ces principes, nous verrons en effet que les organes des infectes font peu affectés dans des opérations qui devroient occafionner ou leur mort, ou de fortes douleurs, Ne. voyons-nous pas tous les jours , par exemple, des enfans traverfer de quelque corps léger Tome XXV, Part, II, 1784. NOVEMBRE, Vv 338 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, le ventre d'une mouche, & prendre plaifir à la faire voler avec cet attri- but étranger, dont la partie extérieure forme un volume plus confidéra- ble que l'enfemble de la mouche; d'autres, plus cruels encore , enfoncent impitoyablement de longues épingles dans les entrailles duhanertoncommun. L'épingle tient à un anneau de papier qu'ils enfilent dans un petit bâton. L'infecteen cer état vole en tournant autour de cet axe avec une rapidité extraordinaire , & fans être arrêté par les douleurs qu'il paroît devoir éprouver. Ces petits barbares le confervent plufieurs jours avec cet attirail de fouffrance , & Le trouvent toujours difpofé à fe prêter à leurs badinages. Des faits aufli furprenans , & auxquels peurêtre l'on ne fait pas aflez attention, annoncent une bien grande infenfibilité dans ces êtres pañlifs. Un quadrupède maltrairé aufli cruellement ne tarderoit pas à expirer, ou au moins fes forces , épuifées par la douleur & le défordre de fes or- ganes , lui permettroient à peine de changer de pofition. Combien de fois n’a-t-on pas vu des mouches fans tête eflayer de voler ? & fi ellesne l'ont pu faire, leurs balancemens prouvent qu'on ne doit l’attribuer qu'au défaut d’équitibre. Arrachez une patte à un infeéte , il ne donnera aucun figne extérieur de douleur. Cette mutilation n’occafionnera ni fa mort, ni aucune maladie apparente ; & même n’a-t-on pas reconnu que , dans uelques efpèces , multiplier les mutilations, c'étoit multiplier les indivi- di , & que chaque partie d’un polype devenoit un polype entier. A des preuves aufli convaincantes ; il eft difficile d'accorder beaucoup de fenfr- bilité aux infeétes. Maïs allons plus loin, La fenfbilité ne confifte pas feulement dans la vibration des fibres; les organes phyfiques ne font que les canaux qui la tranfmertent au prin- cipe de notre vie. Toute fenfarion eft nulle, dès qu’elle n’eft point fen- tie; mais la nature de ce principe intérieur, dont l'exiftence eft rrès-bien prouvée , fera toujours un myftère. Les différens noms d'ame, de raifon , d’efprit où d’inftinét qu'on lui a donnés, prouvent que les Philofophes ont reconnu une très-grande différence dans ce principe , felon les êtres qu'il anime. Ils ont admis divers grades de raifon ; pourquoi donc n'ad- mettrions-nous pas également différens degrés de fenfibilité 2 fenfibilité qui doit prendre diverfes nuances, felon la nature de ce principe qui dui fert de bafe. Et fi l’Auteur de l'Univers a mis une fi grande variété dans les individus , dans le développement & la conftitution de chaque être, dans leur inftin& & leurs opérations , peut-on douter qu'il n'ait également varié leur fenfbilité? Elle paroït diminuer par des degrés im- perceptibles, depuis l'homme jufqu'au dernier des infeétes, & s'anéantir en quelque forte dans les efpèces qui occupent le dernier rang, En effer, autant rapprochés du règne végétal qu’éloignés de l’efpèce humaine, les infectes participent également aux attributs des deux règnes dont ils forment Le chaînon. Linnœus , dans fes Aménités Académiques, a faic un parallèle très-ingénieux entre les métamorphofes des infectes & le "A SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 339 développement des plantes. Il compare la graine avec l'œuf, la produc- tion des branches & des feuilles avec l’état des larves, Les boutons avec les chryfalides, & les Aeurs avec l’infeéte parfait. Il y a trouvé des rap- ports fi marqués, qu’en admire également & la jufteffle des oblerva- tions, & le profond génie de l’obfervateur. M. Lefler, célèbre Naturalifte Allemand; le célèbre Swammerdam, & plufieurs autres Savans ont été également frappés des rapports qu’ils ont apperçus entre les derniers individus du règne animal & Les premiers du règne végétal. M. de Buffon lui même a très-bien démontré que la diftinction des règnes n’exiftoit point dans la Nature, & qu'elle ne pafToit d'une claffe à une autre que par des nuances infenfbles. N’eft il donc pas naturel de conclure de 1à, par analogie, que l’ordre établi pour le phyfique eft le mêge pour les facultés intelleétuelles ? Peut-on croire que l’Aëteur de la NE, qui a créé l'infecte fi différent des autres ani- maux, lui ait donné la même fenfbilité? Les fignes extérieurs {ur lefquels nous établiffons nos jugemens, à l’é- gard des êtres différens de nous mêmes , s'accordent parfaitement avec ce que nous avons dit jufqu'à préfenr. Tous les grands animaux expri- ment leur douleur par des cris, des hurlenens, ou d’autres fignes équi- _valens; par conféquent , moins un animal donne des fignes extérieurs de douleur, moins il fouffre. Si je frappe un chien, fi je bleffe un oifeau, ils annoncent, par leurs gémiflemens, les fenfations douloureufes qu'ils éprouvent, C’eft un moyen que la Nature leur a accordé, où pour faire connoître Le befoin qu’ils ont de fecours, ou pour attendrir celui qui les maltraite. Leurs plaintes ont quelque chofe d: touchant, qui défarme quelquefois leur ennemi, ou du moins qui leur attire le fecours de leurs femblables. Nous ne voyons rien de tel dans les infeétes, à quelque épreuve qu'on puifle les mettre; ils ne ferment ni plaintes, ni foupirs. Plufeurs d’entre eux rendent des fons , il eft vrai ; mais chacun fait que-ce n’elt point par la même voie que les autres'animaux ; aucuns fons ne fortent de leur gofier. Dans quelques-uns , c’eft le battement de leurs ailes , comme dans la cigale & le grillon; d'autres , c'eft le frottement de leurs pattes; comme dans le fphinx à rête de moft, & même ces bruits ceffent ordi- nairement, dès que l’infoéte eft captif ou maltraité. [l paroït qu'ils s'en fervent plutôt pour exprimer leurs plailrs , & quand le befoin de l’accou- plement fe fait fentir, que pour faire connoître leur douleur. Or, fi la Nax ture ne leur a laiflé aucun moyen d'annoncer leurs fouffrances & de ré- clamer la compañion de leur ennemi, il eft bien à préfumer qu'ils n’en avoient pas befoin, Il eft vrai que lorfque l'on faift les infeétes , ils fe débatrent & s’agirent detoures leurs forces ; mais il ya lieu de croire que cela vient plutôt de la privation de Leur liberté, que de la doul-ur qu'ils éprouvent. Un gros Tome XXV, Part. II, 1784. NOVEMBRE. Vivez 540 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, papillon, par exemple , percé de plufeurs coups d’épingles , fe débat vive- ment dans l'inftant de l'opération; mais dès qu'on lui rend fa liberté, il paroit aufi tranquille que s'il n’avoit reçu aucune bleflure ; il voleroit mème, file mécanifme de fes ailes n’étoic point éndommagé, J'en ai fouvent confervé pendant fix à fept jours en vie, quoique je les euffe percés en plufieurs endroits de l’eftomac & du ventre , pour les conferver defféchés & avec leurs couleurs naturelles. Enfin, le fait que j'ai cité de la mante me paroït confirmer toutes ces idées. Eft il poflible de croire que la perte que cet infecte fit de fa tête, quoique mangée par parties, ait excité en lui quelque douleur ? Croira- ton qu'un être fouffre , quand, après une fi cruelle opération, il confer- vera toujours la mêrne vivacité ? quand il ‘reftera encore aflez de force dans ce tronc décapité , pour faifir fa femelle, & remplir, en expirant, le but de la Nature? quand il annoncera une furabondance de vie par un a‘te auquel la maladie & les fouffrances s’oppofent’ prefque toujours dans Jes grands animaux ? quand on le verra enfin s'unir intimément avec cette cruelle, dans un moment où tout devoit l'exciter à la vengeance? quand il facrifiera au plailir de fa femelle Le refte d’un corps dont la tête avoit déjà été la victime de fa voracité ? Mais ne feroit-il pas pofñible de rendre raifon de cette infenfibilité dans les infectes, & d'expliquer le mécanifme qui le produit? Pour cela, il faut remarquer que, dans les grands animaux ; tous [es nerfs viennent aboutir au cerveau. C’eft-là que le principe de a vie femble avoir fixé fon féjour ; c'eft là qu'aboutiffent routes nos fenfations : aufli eft-ce pour cette raifon que plufieurs Philofophes ont prétendu que l'ame étoit placée à la glande pinéile , à ce point de réunion des nerfs, Ce que le cerveau eft aux nerfs , fe cœur l'eft au fang. C’eft dans ce principal organe, où il fe purifie & s’élabore ; c'eft dans cet organe où fe font fentir particulièrement les diffé- rens états dans lefquels il fe trouve: aufli en a-t-on fait le fiége du fen- timent. Les différentes qualités que "nos pafions donnent à notre fang, le HR avec plus ou moins de viteffe dans le centre de la circulation, chauffé par a colère, la vengeance ou l'amour, il acquiert dès-lors un volume plus confidérable, & pale dans le cœur avec plus d’abondance &c de célérité; il le dilate & l’échauffe; il le chatouille ou le déchire , felon la nature des paflions qui l'ont mis en effervefcence. Mais fi à une pafion violente fuccède la mélancolie, la trifteffe ou l'ennui , le fang alors perd beaucoup de fon activité, fon a@ion eft ralentie ; il pafle en moindre quantité à la fois dans l'aorte : le cœur alors fe rétrécit , Les pulfations fonce moins fréquentes, & nous éprouvons fenfiblement une contraction dou- foureufe, qui, à la longue amène notre deftruétion. Teleft donc en nous le mécanifme de la fenfbilité & du fentiment. La première s'opère dans le cerveau, & le fecond dans le cœur, Ce font-là les deux fources de la vie, SUR L'HIST: NATURELLE ET LES ARTS, 341 & la moindre bleflure faite à l’une ou à l’autre , occafionne une prompte mort. F Appliquons maintenant ces principes aux infeétes. En vain l’on a cherché dans quelle partie de leur corps réfidoit le principe de leur vie; les plus exactes obfervations n’ont encore conduit à aucune découverte B-deflus , & l’on a été obligé de convenir qu'il fe trouvoit également ré- pandu dans tous leurs organes. En vain l’on a féparé la tête du corcelet, & le corcelet du ventre , toutes ces parties remuent encore long-temps après leur féparation, & même continuent à remplir les fonctions auxquelles la nature les a deftinées. C’eft ainfi que l'on voit dans quelques-uns la tête armée de mâchoires ou de pinces, failir encore l'inftrument avec le- quel on le tourmente , le corps de l'abeille darder fon aiguillon contre l'en- nemi qui l'attaque , & des corps tronqués s’accoupler avec leurs femelles, Cette expanfon de vie a été pouflée fi loin, que l’on remarque tous les jours les pointes de la coquille de l’ourfin s’agiter encore fur l’afliette, tan- dis que l'animal eft déjà digéré. De là il fuit donc évidemment que les fibres des infectes n’ont aucun point de réunion , mais qu’elles fe terminent toutes à la partie pour laquelle elles ont été deftinées; de là il s’enfuit que la partie offenfée doit être la feule qui fouffre ; que la tête ne doit nullement fe reffentir des douleurs du ventre , ni le ventre de celle de l’eftomac. C’eft d’après de femblables phé- nomènes que l’on a été obligé de conclure que tous les organes de l'in- fecte jouifloient du même degré d’exiftence & de vie. C’eft encore là un des principaux caractères par lequel l'infecte fe rapproche du règne végé- tal. Tous les jours on enlève aux plantes & aux arbres un grand nombre de leurs branches , fans que le principe de la végétation en foit altéré, puifqu’il eft dans les végétaux , comme dans les infectes , également dif tribué dans toutes leurs parties. C’eft ce qui a fait dire à plufieurs Na- turaliftes, que ces derniers n'étoient que des plantes ambulantes (2). Privés, jufqu’à un certain point, defenfibilité , les infeétes le feront encore de fentimens & de paflions. Leurs effets, comme je l’ai dit plushaut , fe fonc fentir particulièrement dans le cœur , par le moyen de la circulation plus ou moins accélérée de la mafle du fang. Or, dans la plupart des infectes, l'on n’a pu jufqu’à préfent y découvrir de cœur, foit que la periteffe de cet organe ait échappé aux meilleurs microfcopes , foit que, plus proba- blèment , ils n’en aient eu aucun befoin. En effet, le cœur eft chez nous le fiége de la circulation, Cette circulation paroît nè pouvoir exifter dans les infectes ; leurs humeurs font vifqueufes & gluantes , incapables , par leur ténacité , de pafler par des vaifleaux qu'il faut fuppofer proportionnés à la petiteffe de leurs autres parties. Comment donc des humeurs aufli épaifles pourroient-elles jamais pénétrer dans les canaux étroits d= leurs veines(3)? Si l’on trouve du fang dans quelques infeétes , comme dans les puces, les 341 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, moucherons, &c., ce n’eft très-fouvent, commel'obfervetrès-bicn M. Leffer, qu'un vol fait aux grands animaux. L'on trouve cependant un cœur dans” les grenouilles , & une circulation bien marquée; mais auili l'expérience prouve que cette circulation & ce fang ne forment pas l'exiftence princi- pale de ces amphibies, puifque, fi on leur arrache les entrailles & le Cœur , & qu’on jette dans l’eau leur corps ainfi vidé, elles continuent à y nager comme auparavant, avec une vitefle qui furprend, En faut-il da- vantage pour nous prouver que les infectes ne jouifient que d’un bien foi- ble deuré de fenfibilité ? ” Doué de fi peu de feufibilité, l’infeéte fera-t-il donc exempt de douleurs & de plaifirs dans toutes fortes de pofitions? Je ne le crois pas; & c'eft ce qu'en peu de mots il me refte à examiner, Nous avons vu: l'infecte à l'abri des fouffrances par fon organifation, per la nature de fes fibres, par la privation de fang , & par la dureté de fon épiderme (4). Nous avons vu qu'une partie de lui-même pouvoit être affectée , fans que la fenfation pafsât plus loin, Mais fi tous fes organes font attaqués à la fois , foit par une trop forte chaleur , foit par un degré de froid violent, ou par un fluide très fubtil,, il fe fait alors un ébranlement général dans tous les nerfs , &c l’infecte doit fe trouver dans un état de crife très-pénible; il doit éprou- ver autant de douleur qu’il eft capable d'en fupporter, Cet état même peut en un feul inftant occafionner une mort générale dans tous fes organes, tandis que fes bleflures ne-le tuent que par parties. Par une raifon contraire, toutes les fois qu'un infecte, engourdi par le froid, fe trouvera dans un atmofphère plus échauffé, la douce chaleur qui pénètre fes organes doit être pour lui une fource de plaifir: auffi voyons-nous dans l'automne les mouches collées en grand nombre contre les murs expofés au midi. Elles aroiffent alors prendre un nouveau degré de vie, & leur activité attefte Ro ces Voilà, je crois, les feules circonftances où les infectes peuvent jouir ou fouffrir complétement, & felon l'étendue du degré de fenfibilité que la Nature leur a accordé. Il y a encore en eux deux fens, qui peuvent contribuer à leurs plaifrs ; le fens de l’odorat & celui du goût. Il n’eft guère poflible de refufer aux infectes le fens du goût, puifque nous les voyons fe précipiter avec avi- dité fur les alimens qui leur font propres, & rejeter conftamment tous ceux qui ne leur conviennent pas. Quoique la fituation du fens de l’odorar, que les uns placent dans la trompe , d’autres dans les antennes ou dans les ftigmates , foit encore très-incertaine , il n'eft pas moins vrai que ce fens , dans les infectes , eft d'une très-grande délicarefle. Les abeilles, qui fe réuniffent fur un parterre de fleurs ; les mouches, qui font tant de dé- gats dans nos cuifines, ne s’y trouveroient pas en fi grand nombre, fi elles n’étoient attirées de très-loin par les émanations de ces alimens. Ces deux fens paroiffent devoir être la principale fource de leurs plaifirs & de leurs douleurs. La finefle de ces organes étant ébranlée par des par- | SUR L'HIST. NATURELLE ETLES ARTS. 343 ticules très-déliées, les infeétes ne peuvent être infenfibles à ce léger chatouillement , & la plupart le témoignent aflez par le battement de leurs ailes au milieu de leurs jouiflances. L’acte de l'accouplement eft en- core recherché avec trop de peines , de finefle & de rufes par tous les in- fectes , pour qu'ils n’éprouvent point , en s’accouplant, un plaifir bien vif, Ils s’y livrent même avec tant de pañlion, que cet acte ordinairement épuife leur chaleur , & termine leur exiftence. * els fonc Les principes & les faits d’après lefquels j'ai cru pouvoir con- clure que Les infectes ne jouiffcient que d’un bien foible degré de fenf- biiité. IL me femble que ces mêmes principes peuvent S'appliquer à chaque individu du règne animal, & qu'il eft poffible de juger, par leur moyen, jufqu’à quel point la Nature les a rendus fenfibles. a — NHOLHANESS. Page ‘334. (1) ee Ouvrage n’eft qu’un léger effai d'un autre beau. coup pius confidérable ; il exige une foule d'obfervations & de recher- ches, que la diflipation des voyages , &, mon féjour actuel en province ne m'ont point permis de compléter. Paris, par fes grandes Bibliothè- ques, & le nombre des Savans qui l'habitent , eft la feule ville qui puifle fournir les fecours néceflaires pour un travail de cette nature. En atten- dant que les circonftances my ramènent , je me fuis déterminé à rerdre publique cette Differtation. Plus ami de la vérité que de mes opinions, je recevrai avec reconnuiflance les obfervations des perfonnes-inftruites. Je les prie d'envoyer leurs lettres à mon adrefle, chez M. Rouller, Li- Braire ; fur Le Cours, à Marfeille. Pag, 341. (2) Plantes ambulantes. I eft vrai que les infectes nous étonnent fouvent par les moyens qu'ils emploient pour attaquer ou fe défendre , & éviter ce qui peut leur nuire, Les plantes nous préfentent de femblables phénomènes , qui ne font point échappés au favant Linnœus. S'agit-il de recevoir les douces influences du foleil? on les voit aufli-tôt développer leurs feuilles , & préfenter àfes rayons toute la beauté de leurs pétales & de leurs Aeurs. L’air au contraire devient-il humide & nébu- Jeux ? dès-lors tout eft refermé ; les calices fe contractent; les pétales, re- liées fur les étamines , en défendent la pouflière fécondante d’une humi- dité nuifible, Une rofée nutritive va-t-elle les rafraîchir? les feuilles fe re: coquillent, & forment une efpèce de coupe pour recevoiren plus grande abondance Ja nourriture dont elles ont befoin. Une plante eft-elle fixée dans un fol aride jà côté d’un plus fertile ? toutes fes racines fe dirigeront vers ce dernier , plus propre à les nourrir. Voilà donc , dans les végétaux, 344 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, des phénomènes aufi frappans que dans les infeétes : on les voitégalement occupés à fe procurer leur nourriture, & à s'éloigner de ce qui peut leur nuire. Ibid. (3) Les canaux étroits de leurs veines, Je ne veux pas cependant prouver par-là qu'il n'y ait dans Les infectes une circulation quelconque ; mais il mÊ paroît que cette circulation doit être bien différente de celle qui s'opère dans les grands animaux. Je la crois plus analogue à celle des plantes, fur laquelle l'on n’a encore rien décidé de pofitif. Les fucs nourri- ciers, atténués dans l'eftomac de l'infee , doivent pañler enfuite dans les différens canaux deftinés à les recevoir , & y former les liqueurs qui Leur convienneñt. Mais qu'enfuite ces liqueurs foient continuellement chaffées & renvoyées dans ces mêmes canaux, comme le fang chez nous, c'eft ce que je ne crois pas probable. La circulation, dans les grands animaux , oc- calionne dans tous leurs organes un degré de chaleur qui augmente à pro- portion de leur petiteffe, Les infectes au contraire n'ont aucune chaleur qui nous foit fenfible. C’eft peut-être encore à ce défaut de circulation, ou au moins à cette circulation très-lente , qu’il faut rapporter les longs jeûnes qu'ils font capables de fupporter , maloré la voracité de queiques- uns. La larve du fourmi-lion refte au moins fix mois de l’année fans rien prendre , & j'en ai vu , outre cela , refter plus de deux mois à jeun dans le fort de l'été, & ne manger tout au plus que quatre ou cinq petites four- mis en un an; &, ce qui furprendra , c'eft qu'elle en avaleroïit autant par jour, fi on les Jui préfentoit. A l'égard du fang , il eft fort indifférenc qu'il foit rouge ou_ de toute autre couleur. Chacun fait que la nature des alimens & celle des fucs digeftifs font varier {a couleur : aufli , en prouvant qu'il n’y avoit point de fang dans les infectes, j'ai feulement cherché à démontrer que leurs liqueurs étoient bien différentes des nôtres; qu’elles font plus vifqueufes, plus gluantes, & moins propres à pafler par des ca- naux très-étroits. Pag. 342.(4) Tout ce que j'ai dit dans cette Differtation, regarde particu- lièrement les infectes parfaits ; car, tandis que les plus fortes bleflures peuvent à peine détruire ceux-ci, les larves au contraire périffent à la moindre piqûre, & ne peuvent en général fupporter Le jeûne aufli long- temps que les premiers , qui ceflent ordinairement de manger après cette dernière métamorphofe. D'ailleurs , je n'ai établi que des principes géné- raux , qui feroient fufcepribles de beaucoup de reftrition ou détendue dans l'application qu’on pourroit en faire fur les différentes efpèces d'in- fetes, En n'attribuant aux infeétes que très-peu de fenfibilité, je ne prétends pas foutenir qu’ils la pofsèdent tous au même deoré; je crois au contraire qu'un ouvrage digne d’un obfervateur éclairé, "feroit de les clafler felon leur fenfbilité relative, & que leurs opérations intellectuelles , autant que leur organifarion , doivent entrer pour beaucoup dans le rang qu'on veut leur affigner parmi les êtres fenfibles, DESCRIPTION ! 4 LORS UOTE URI ne ASIN US VE PORN 345 DESCRIPTION D'UN INSTRUMENT Propre à mefurer la denfiré de chaque couche de l'atmofphére, Par M; DE FOUCHY, dé LAcademie des Sciences. d=s expériences de Pafcal & de Toricelli ont fourni Îles principes fur lefquels eft fondée la conftruction de l'ingénieux inftrument appelé depuis baromètre , ou mefure pefanteur , parce qu’en effet il mefure celle de la colonne d'air, depuis la terre jufqu’à fon extrémité fupérieure; & cela par le moyer d'une colonne de mercure qui fe trouve en équilibre avec elle , & qui , par fon plus ou moins de longueur, marque les variations de fon poids. Les obfervations faites avec cet inftrument ont jeté un grand jour fur plufieurs parties de la Phyfique ; mais il refte encore beaucoup de points à examiner , auxquels le baromètre fe refufe abfolument. Effayons de pré- fenter plus clairement notre penfée, Si l'air de notre atmofphère étoit, comme l’eau, un fluide homogène & comme incompreffble , la hauteur de la colonne d'air & fa pefanteur . feroient les feuls élémens qu’on eût à rechercher, & le baromètre feroit plus que fufifant pour les faire connoître. Mais cette fuppofition n'eft pas vraie; l'air eft un fluide très-compofé, dilatable & comprefible , qu'une infinité de caufes peuvent rendre plus ou moins denfe & plus ou moins pefant dans une de fes parties, fans que le refte en foit aff été. Il peut donc, & il doit arriver que la pefanteur abfolue de deux ou de plufieurs colonnes d'air foit conftamment égale & indiquée telle par le baromètre , uoique les couches de ces colonnes aient, à des hauteurs différentes, des denfiés encore plus différentes &+très-variables , dont il feroic utile d'être inftruit , & que le baromètre ne peut nous faire connoître. J'ai donc penfé que je rendrois un fervice effentiel aux Phyfciens , en leur procurant les moyens de connoître à volonté la pefanteur de telle partie de l’atmofphère qu’on voudra choifir, & de mefurer des variations de denfité & de pefanteur qu'elle pourra éprouver ; & je me fuis d'autant plus volontiers déterminé à fuivre ce travail, que les recherches auxquelles les plus habiles Phyfciens fe font livrés avec, ardeur ‘depuis quelques an- nées fur l’analyfe de l'air & des fluides aériformes dont il eft mélé, le rendent prefque néceflaire. Voici le moyen auquel je me fuis arrêté , comme au plus fimple, & le principe fur lequel il eft fondé. Tout corps folide, plongé dans un Auide, y perd une quantité de fon poids égale à celui du volume de ce fluide qu'il déplace; d’où il fuit que fi la gravité fpécifique du Auide vient à varier, la pefanteur du corps folide Tome XXV , Part. II, 1784 NOVEMBRE, NX 346 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, . qui y eft plongé paroïîtra varier aufli; & que fi on l'a mis en équilibre avec un autre poids d’un volume différent, cet équilibre ne fubfftera plus. Faifons maintenant l'application de ce principe à l’inftrument que je pro- pofe, & que je vais décrire, Ileftcompofé d’une règle AB, PI.I, formant uneefpèce de fléaude balance. Aune des extrémités de ce fléau, eft fuffpendue une boule de verre C foufflée très mince & abfolument clofe, fans que l'air extérieur y, puiffe pénétrer ; à l’autre extrémité, & à égale diftance du milieu de la règle, eft pareil- lement fufpendu un poids de plomb E parfaitement-en équilibre:avec la boule , lorfque l'air eft dans fa pefanteur moyenne , & le tout eft fupporté par un pied F G qu'on peut caler par le moyen de vis , pour le mettre dans la fituation convenable. | Il n'y a pas de doute que dès que l'aigchangera de pefanteur, la boule ne devienne aufli plus pefante ou plus légère que le contrepoids, puifque la variation de pefanteur de l'air, infenfible fur le petit volume qui déplace le poids de plomb, ne left pas de même fur celui que déplace la boule qui eft bien plus confidérable: mais il falloit avant tout s’aflurer fi les varia- tions de poids qu’elle éprouve derechef, étoient aflez fenfibles pour être diftinétement apperçues, & fi l’inftrument les pouvoit indiquer avec une précilion fufffante, Pour cela, donnant à la boule r$ pouces de diamètre pour Jui faire contenir environ 1 pied cubique d'air, & une épaiffeur à peu près égale à celle d’une phiole à Médecine, j'ai trouvé fon poids d'environ 4 onces ou 32 gros, où 2304 orains. Le pied cube d’air qu'elle déplace, pris dans fon érat moyen , pèle environ 10 gros ou 720 grains. La boule , dans l'é- tat moyen de denfité de l'air, pèle donc 2304 grains moins 720 grains, ou 1524 grains, ou enfin 22 pros. Dans ce poids de la boule, il ny a que le poids de l'air déplacé qui varie. Celui du verre eft fenfiblement conftant. L'expérience a fait voir que la denfité de l'air dans ce climat augmentoit dans le froid extrême d'environ un cinquième , & diminuoit parle chaud extrème d’un feptièmede fon poids moyen, Mettons, pour plus de facilité, ces variations à un fixième er plus, & à un fixième en moins; c’eft-à-dire ,à 120 grains ou 1 grosi & 16grains. Le poids moyen de la boule augmenteroit donc en été de 120 grains; elle peferoic alors 1704 grains, & il diminueroit au contraire en hiver de 120 grains, & ne peferoit plus que 1464 grains. Ces 120 grains font la treizième partie & un peu plus du poids moyen de la boule. Il faudroit donc, pour conferver l'équilibre , qu'en été la boule s’approchât d'un treizième du point d'appui fuppofé au milieu de la règle, & qu’en hiver ce füt Le contre-poids qui s’en approchät de la même quantité. On trouveroit le même équilibre , en faifant que le point d'appui püût s'approcher ou s'éloigner de la boule & du contre-poids, Il eft vrai que, Là | SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 347 dans ce cas, ce ne feroit plus d’un treizième, mais d’un vingt-fixième de l'in” tervalle entre les deux fufpenfions, qu'il devroit s’écarter de chaque côté du milieu de la règle , parce que le mouvement tranflatif du point d'appui fait le double effet d’alonger le levier du contre-poids de la même quantité qu'il raccourcir celui de la boule, & vice versd. On confervera donc l'équilibre en faifant varier le point d’appui dans le chaud & le froid extrême de çe climat, d'un vingt-fixième entre Les deux fufpenfons. Ce calcul n’eit pas abfolument jufte ; nous avons toujours jufqu'ici fait abftraction de la pefanteur de la règle ; elle en a cependant une tant que la règle a le point d'appui dans fon milieu ; fes deux parties de part & d'autre de ce point font égales, & fe font mutuellement équilibre : elle peut alors être confidérée comme fans pefanteur: mais dès que , par le changement de denfité de l'air, la règle s’inclinera , & que le point d'appui fera déplacé ( nous allons voir dansun moment comment s’opérera ce dé- placement ), les deux parties de la règle ne feront plus égales; ily en aura une plus longue , & par conféquent plus pefante que l’autre, & cet excès de pefanteur diminueroit l'inclinaifon de la règle, fi l’on ne faifoit entrer dans le calcul le poids de cette portion dont une de fes deux parties excède l'autre, F De ce que nous venons de dire , on peut déduire l'efpèce de formule gé- nérale au moyen de laquelle on obtient la quantité dont il faut que le point d'appui foit tranfporté à droite & à gauche du milieu de la règle, pour conferver l’équilibre entre la boule & le contre-poids , dans les plus grandes variations de la denfité de l'air. On la trouvera aifément en faifant cette analogie. Comme le poids de la boule, plus la moitié du poids de la règle, moins la moitié de la va- riation dans le poids de l'air déplacé par la boule, eft à cette même moitié de la variation du poids de l'air ; ainfi la moitié de l'intervalle entre les deux fufpenfons eft à la quantité donc il faut quele point d’appui s’écarte de chaque côté du’ milieu de la règle. Les variations dans le poids & la denfité de l'air ne font pas toujours por- tés à ces extrémités. [l eft donc néceffaire que l’inftrument puille fe prêter à des changemens beaucoup moindres, & qui fouvent pourront augmen- ter où diminuer à peine le poids dela boule d'une portion de grain. Cette quantité étant extrêmement petite, il étoit à craindre qu’une balance ordinaire, chargée de la boule & de fon contre-poids, n’eût pas fes mou- vemens aflez libres pour y obéir; J'érois d’ailleurs très-embarraffé de trou- ver un moyen de faire avancer ou reculer le point d'appui , pour lestenir toujours en équilibre; ce qui me paroifloit au moins extrémement dif- ficile, Pour fortir de ce double embarras, j'ai pris une route différente. La règle n’eft portée ni fur des pivots ni fur des couteaux ; elle eft armée de Tome XXV, Part. Il, 1784 NOVEMBRE. Xx2 348 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, chaque côté d'une courbes ,6, c, qui peutrouler librement & appliquer fuc- ceflivement tous fes points fur les plans horizontaux qui lui fervent de fup- port F H. Ses propriétés font de Se VERS le point d'appui le long d'une partie de la règle , de le rapprocher de celui des deux poids qui devient le plus pefant, de manière qu’ils reftent toujours en équilibre ; de rendre les inclinaifons de la règle proportionnelle aux variations dans le poids & la denfité de l'air; & enfin d’anéantir le frottement dans les mouve- mens de cette efpèce de balance. On peut lire , dans le dernier volume de l’Académie des Sciences de Paris, pour l’année 1780 , le détail de la conftruction géométrique de cette courbe. Je me contenterai de dire qu'elle eft telle que, pourvu que le déplacement du point d'appui, ou plutôt la quantité dont il eft déplacé , ait été déterminé exactement par la méthode que nous verons de donner il n'y a qu'un mo- ment, le volume plus ou moins grand de la boule, fon plus ou moins de pefanteur , & Le plus ou moins de longueur de la règle, n'empêche- ront pas tous les inftrumens conftruits fur ce principe d'être compa- tables, Li eft aifé de voir que les mouvemens de cette efpèce de balance font abfolument exémpts de frottement ; la courbe , qui doit être très-polie , n2 traînant aucun de fes points, mais les appliquant fucceflivement fur les plans qui la portent , qui doivent être aufli très-polis , & qu'il eft d’au- tant plus facile de rendre tels, qu'on peut les compofer d'une glace de miroir, Je n'ai donné aux inclinaifons de la règle que 30° de part & d'autre de la fituation horizontale, Il feroit facile de lui en donner de plus confi- dérables; mais j'ai cru celles-ci fuifantes pour, repréfenter diftinétemenc toutes les denfités de l'air dans ce climar, & c’eft ce qui m’a fait adopter cette quantité, L'utilité dont peut être fufceptible cette courbe, pourroit ne fe pas borner à l'application que nous en avons faite à l’inftrument en queftion;" peut-être fe pourroit-elle appliquer aux balances délicates qui devien- droient alor$ des efpèces de romaines fans frottement, dans lefquelles la différence des poids feroit marquée par les inclinaifons du fléau; peut-être fe pourroit-elle appliquer aux groffes romaines, qui deviendroient par ce moyen plus exactes ; peut-être feroit-elle , dans certains cas, applicable à la puiflance régulatrice des horloges & de quelques autres machines, Mais laiffons tous ces peut-être, fur lefquels il fera toujours aifé de re- venir, & que je ne donne ici que comme de fimples apperçus , & retour- nons à notre fujer, Je dois cependant, avant tout, prévenir une objefion naturelle. La pièce qui porte la courbe, peut, dans quelque cas , devenir aflez perite, & l’on pourroit craindre que, malgré tonte l’habileté de l’Artifte, il ne s'y glifsar quelque erreur , ou qu’au moins ce ne füt une opération très- difficile, Voici le remède à cet inconvénient, SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 349 Tous ceux qui connoiffent le tour à güillocher , favent que cet outil peut fervir , fi l'on veut, à tranfinettre à la pièce qu’on travaille, la - » > P q 3 gure de la rofetre en plus grand ou en plus petit, felon qu’on le juge à propos. Si donc on a tracé & coupé fur une pièce de cuivre une de ces Courbes de grandeur fufhifante pour être tracée avec exactitude par la méthode que nous avons donnée ; cette pièce deviendra une rofette qui, étant appliquée au tour , procurera le moyen d'en faire autant qu’on voudra de femblables , de toutes les grandeurs qu'on pourra défirer. Je dois cet expédient à M. le Roy l'aîné, qui a bien voulu me le communi- quer ; & je ne dois pas diflimuler qu'il m'a afluré avoir autrefois conftruit un inftrument a peu près femblable , mais fans y employer la courbe , dont l'idée ne lui étoit pas venue. Le même efprit de juftice exige que je dife qu'il y a plus d’un fiècle qu'Otho de Guéricke (1) avoit aufli fait quelques tentatives à ce fujet; & ce qui eft très-fingulier , c'eft que ce célèbre Phyficien , après avoir bien nettement établi les deux mefures de l'air, l’une en confidérant la pefan- teur abfolue d’une colonne d’air, & l’autre en examinant la pefanteur fpécifique d’une mafle d’air prife en un endroit quelconque, oublie en quelque forte ce qu’il vient de dire, & effaye de faire un baromètre avec un globe de verre vide d’air , fufpendu à une balance : on juge bien qu’il n'eut pas de fuccès; aufli l'abandonna-t il bientôt, pour s'en tenir au ba- romètre d’eau , auquel ana depuis fubftitué avec raifon le baromètre à mercure. Revenons à la divifion de l’inftrument, Une des propriétés de la courbe eft, comme nous l'avons dir, de rendre les inclinaifons de la règle proportionnelles aux variations de la denfité de l'air. [l fembleroit donc que rien ne feroit plus facile que de les me- furer , en ajoutant à la règle un arc de cercle gradué; mais le cercle de gravité de cet arc , qui fe trouveroit néceffairement à des diftances diffé- rentes du point d'appui dansles mouvemens de la règle , introduiroit des variations dans le poids refpectif de fes deux parties, &alréreroit la mar- che de l’'inftrument, Heureufement il exifte un moyen très-fimple de pré- venir cet inconvénient. > À mefure que larègle s'incline , le contre-poids de plomb qui fait équi- libre avec la boule, monte & defcend; mais fes afcenfions ou defcenfions ne font pas proportionnelles aux inclinaifons de la règle ; elles le font aux inus de ces inclinaifons. Si donc on attache au pied de l'inftrument un plan vertical N O derrière le contre-poids fur lequel on marque, par des lignes horizontales , des intervalles dans la proportion des finus, depuis : 0° jufqu’à 30° de part & d'autre du point où fera le contre-poids, quand l'air fera dans fa denfité moyenne; on aura des divifions inégales, fur lef- (1) Oth. de Guéricke, Expér. magdeburgica, L. 3 , chap. XXI & XXXI. 3jÿo OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, quelles le contre-poids marquera , en montant & en defcendant , les incli- naifons égales de la règle, & par conféquent les variations dans la den- fité de l'air auxquelles ces inclinaifons font toujours proportion- nelles, Ces divifions ne font pas les feules qui occupent le plan du tableau dont nous venons de parler, J'ai ménagé, tant au defflus de la boule, qu’au deflus du poids de plomb, deux plateaux très-lévers, pour pouvoir les chärger fucceflivement de grains, demi-grains, &c., & marquer à chaque fois l’afcenfion ou la defcenlion du contre-poids fur le tableau. Cette nou- velle divifion donnera des poids abfolus, dont on pourra fe fervir dans F'occafion; elle fournira de plus un moyen sûr de vérifier l’exaétirude de la courbe , au feul défaut de laquelle on pourroit attribuer l'inégalité des inclinaifons de la règle fous des poids inégaux , fi elle avoit lieu. Le déplacement du point d'appui plus ou moins grand , rend aufi la fenfibilité plus où moins grande dans l'inftrament, tant qu'on ne le defti- nera qu'aux obfervations météorologiques. Certe longueur eft fixée, & nous avons donné les moyens de la déterminer, On ne pourroit s’écarter de cette règle, fans ôter à ces inftramens la précieufe propriété d'être com- parables; c’elt.à dire, d'exprimer tous les mêmes variations de l'air par les mêmes divifions, quoique ces divifions aient plus ou moins d'étendue fur différens inftrumenc. Si cependant on avoit befoin que l’infttument fût plus ou moins fenfible, on fe procurera cet avantage, en donnant à chaque inftrument trois règles, l'une dans la proportion fixée ci-deffus, & deux autres dans lefquelles on ait fait le déplacement du point d'appui plus grand dans lune, & plus petit dans l’autre; mais dans ce cas, la : graduation fur le plan NO ne fera plus la même; il faudra en avoir plu- fieurs qui répondent à ces règles & aux différens ufages qu'on voudra faire de l'inftrument; & pour faire aifément cette fubftitution , le plan NO fera une efpèce de cadre à couliffe, qui recevra à volonté la divifion con- venable. Il nous refte à dire un mot de quelques-uns des ufages auxquels cet inftrument peut être appliqué. Je dis cet inftrument, car je ne l’ai jufqu'ici nommé que par une efpece de phrafe. Comme cependant un mot eft plus aifé à retenir qu'une phrafe, on pourra , fi lon veut, le nommer dafimdtre , ou mefure denfité ; ce qui exprime affez bien fon principal ufage. On a pu aifément remarquer que , dans tout ce que nous avons dit jufqu’ici, nous n’avons employé que da dilatation de Pair par le chaud , & fa condenfation par le froid, pour caufe de la variation daos fa denfité, Je ignore pas qu’il y en a beaucoup d’autres qui con- courent à cet effet; mais on n'a rien de sûr fur leur nombre , & moins en- core fur leur intenfité. J’ai donc cru devoir affeoir mon calcul fur celle qui paroît la principale & la mieux connue, & m'en fervir pour effayer de de- viner les autres. [l eft certain que fi elle agifloit feule, les variations de denfité de l'air auroient un rapport conftant avec la marche du thermo- \ES SURIECHIST. NATURELLE ET LES ARTS:. 364 mètre. On peut être sûr que cela ne fera pas, & qu’il sy trouvera des dif- férences, C’eft en examinant avec foin ces différences, en mefurant la gra- vité fpécifique des différens fluides aériformes, qu’on peut avoir féparé- ment, & en comparant une longue fuite de ces obfervations avec celles du thermomètre, du baromètre & de l'électricité , qu'on pourra parvenir à reconnoître la nature de l'air que nous refpirons , & les différentes caufes qui peuvent l’altérer. Cette recherche eft longue ; mais fon utilité eft im- menfe dans une infinité d'occafons , & elle mérite certainement qu’on s’en occupe. T'ousles Phyfciens connoiffentle Mémoire intéreffantque feu M. Bouguer donna en 17ç3 (1) fur les dilatations de l'air à différentes hauteurs dans latmofphère ; il y fait voir , qu'à ne confulter que la théorie, les denfités de l'air doivent croître en approchant de la terre , fuivant une progreflion géométrique, tandis que les hauteurs décroiffent fuivant une progreflion arithmétique ; mais il ajoute , que l’obfervation lui a fait voir que cette loi n’avoit lieu que dans la partie la plus élevée de l’armofphère , & non dans fa partie inférieure. [l avoit même tenté de déterminer, par obfervation, la denfité de ces différentes couches inférieures; mais les moyens dont il s'éroit fervi , n’étoient pas, à beaucoup près , fufffans, & il ne put obte- nir aucune détermination certaine fur cet objet. Ce qu'il ne put faire alors, nous devient poflible, Il feroit certaine- ment très-utile, & en même temps très-curieux d'examiner l’état des diffé- rentes parties de l’atmofphère dans les jours qui précèdent un orage; il doit s’y trouver des différences exceflives, On en fera aifément convaincu, fi l'on fait réflexion qu'au moment auquel une nuée orageufe ; chargée de gréle, eft prère. à romber, le haut de l'armofphère doit être au moins à la température de 7 à 8° au deflous de la congélation , tandis qu'au voifi- nage de la terre l’air éprouve une chaleur de’28 & quelquetois 30 de- grés. Quelle énorme différence de denfité ! Et doit-on êrre étonné du boule- verfement & des mouvemens violens qu'excite néceflairement la précipita- tion de cette mafle, fi différente en pefanteur de l'air que nous refpirons ? Alors, en établiflant , à des hauteurs fort différentes, plufeurs de nos inf- tumens, on verroit la marche de tous ces changemens, qui jetteroit un grand jour fur certe matière. Ce que je viens de dire des temps orageux, je le dis aufli des temps de bruine, de vents, de tempêtes: il feroit même poffible que des obfervations fuivies miflent à portée de prévoir un jour ces terribles phénomènes quel- que temps avant qu'ils arrivent ; du moins eft-il sûr que fi certe connoif- fance doit être jamais accordée aux hommes, la route que je propofe, (») Voy. Hift. 1753, pag. 39 ; & Mém. de la même année , pag. s15. 352 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, & dont l'inftrument dont nous parlons ouvre l'entrée, eft une de celles qui peuvent y conduire, La Nature prépare fouvent fes plus grandes opé- rations par une longue fuite de changemens prefque infenfibles , & ce n’eft qu'en la fuivant pas à pas, qu'on peut parvenir à lui arracher fon fecret. ! Je n'ai propofé ici que le petit nombre d’ufages de cet inftrument qui fe font préfentés à mon efprit , & qui m'ont paru les plus importantes. Îl en exifte certainement beaucoup d’autres , que les Phyficiens fauront bien trouver. Ce n’elt ici que l'entrée d’une longue carrière ouverte à Leurs re- cherches , & je m'en remets à leur fagacité fur la manière de la parcou- rir. C'eft un fecours, & non une leçon que j'ai eflayé de leur donner. NOUVEAU PROCÉDÉ PO UR EF ACLR E -LÉGT HE R:NUIE ER IERUPXS À la faveur duquel on obtient une plus grande quantité d'éther avec moins de foins & moins de dépenfes que par tous les procédés connus jufqu'a ce jour (1) 3 Par M. Wouwuzrre, de la Société Royale de Londres; Traduit de l'Anglois, par M. PELLETIER. Dis un Mémoire que j'ai publié il y a quelque temps , j'ai donné la manière de préparer l’éther nitreux fans feu , par un mélange de 8 onces d’efprit-de-vin, & de 6 onces d’acide nitreux fumant, qu'on introduifoit dans un matras dont le col étoit très-élevé, & auquel on adaptoit l'ap- pareil que je décrivis alors. Par le procédé fuivant , on obtient de même l’écher nitreux fans feu ; mais à la place d’acide nitreux, je fais ufage de nitre ordinaire & ’huile de vitriol. Je joins à ce Mémoire l’appareil dont je fais ufage, afin de mieux détailler le procédé. Mettez dans la cornue A (voy. la Planche II, fig. 1) 4 livres de nitre en poudre; l'appareil étant bien lutté , verfez par intervalle fur le nitre un mé- A ————— —— (x) Ce Mémoire a été lu à. la Société Royale de Londres. Jange SUR'L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 392 lange de livres d'huile de vitriol, & de 3 livres $ onces d’efprit-de-vin redlifié. On aura eu la précaution de faire ce mélange la veille, pour lui donner le temps de refroidir. La quantité d’air qui fe dégage en verfant le mélange d'huile de vitriol & d’efprit-de-vin fur le nitre, exige qu’on foit attentif ; fans cela, ons'expoferoit à la fraéture des vaifleaux; & pour pré- venir cet accident , il ne faut verfer que 2 onces à la fois du mélange fur le nitre. Le dégagement d’air eft très-confidérable, & il eft très-fenfible dans la bouteille H , qui contient de l’efprit-de-vin. Quand le dégagement d'air, ou le bouillonnement ceffe dans la bouteille H, vous pouvez verfer une nouvelle portion de mélange, & continuer de même jufqu’à la fin de l'opération , qui dure environ deux heures. On trouve l'éther nageant fur une liqueur acide phlegmatique dans la bouteille F; & après l'avoir bien “lavé , il pèfe près de 19 onces. La bouteille d’efprit-de-vin H contient une portion d'éther qu'il faut féparer par la rectification. Vous pouvez encore vous fervir de cet efprit-de-vin pour une nouvelle opération, & lorfqu'il eft fufifamment chargé d’éther, il fait une très-bonne liqueur anodine nitreufe, ou efprit de nitre dulcifié. Le réfidu qui eft dans la cor- nue , contient une quantité d’efprit de-vin , qu’on peut retirer à la diftilla- tion par une douce chaleur, & on peut s'en fervir à la place d’efprit-de- vin, pour condenfer les vapeurs dans une nouvelle opération. Dans ce procédé ci, l'acide vitriolique s’unit à l’alkali du nitre, & fait du tartre vitriolé; il en dégage en même temps fon acide, qui, par fon union avec l’efprit-de-vin, produit l’éther nitreux. Peut être foupçonnera- t-on que l'acide vitriolique que j’emploie contribue direétement à la for- mation de l’éther; mais les confidérations fuivantes démontrent le con- traire. 1°. le réfidu de cette opération eft blanc , ou prefque blanc, même après en avoir retiré ,spar la diftillation au feu, le phlezme acide & l’ef prit-de-vin; au lieu qu'il eft de toute impoffbilité de faire de l’éther vi- triolique , fans avoir du réfidu charbonneux dans la cornue ; 2°. fi vous verfez encore un autre mélange d’huile de vitriol & d’efprit de-vin fur le réfidu de cet éther (après en avoir retiré, par la diftillation , l’efprit-de- vin & le phlegme acide), & que vous procédiez à la diftillation , comme pour l'éther vitriolique , vous n'obtiendrez point d’éther; car le produit de la diftillation mêlée à l'eau sy unit, & il n'ya point de féparation d'étherz cela eft dû à l'action de l'huile de vitriol fur le réfidu , qui eft du tartre vitriolé, & qui l'empêche d’agir fur l’efprit-de-vin. On peut auf faire avec cet appareil l’éther vitriolique, tel que je l’ai décrit autrefois dans un Mémoire particulier ; mais-il faudroic fe fervir d’une bien plus forte cornue , & avoir un autre vaifleau comme H , dans lequel on mettroit aufli de l'efprit-de-vin pour condenfer les vapeurs: & c’eft de cet appareil qee je fais ufage depuis plufieurs années, pour faire l'éther vitriolique , & pour toutes les autres opérations chimiques. Tome XXV, Part. IT, 1784. NOVEMBRE, Yy 354 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, Sur ces mêmes principes, on peut aufli faire de l'éther acéteux & de lécher marin (1). Defcription de l'appareil. » A. Cornue de verre ou de terre tubulée, contenant 8 pintes d’eau , ou 16 liv. B. Capfule de fer pour contenir le fable fur lequel la corrue eft pofée. Cette capfule entre dans Le fourneau. | C. Le fourneau. . Alonge de verre. ; D. Along FREE Ces deux vaiffeaux peuvent être aufli de terre. E. Le ballon de verre. F. Bouteille pour recevoir l'éther nitreux à mefure qu'il diftille. G. Bouteille qui ne contient-rien, & qui ne fert qu'en cas qu'il y ait ab- forpticn de la bouteille H, EEE À (x) La difficulté de faire l’éther nitreux a pu être la caufe du peu d’ufage qu'on en a fait jufqu’à préfent. Cependant cet éther eft employé avec fuccès dans beaucoup de cas, & plufieurs Médecins diftingu£s en font préparer chez certains Apothicaires de Paris. En général, vous les procédés connus exigent beaucoup de foins & de dépenfes, comme M. Woulfe l’obferve. J’en excepte cependant celui de M. de la Planche, Apo- thicaïre de Paris , qui confifte à diftiller de lhuile de vitriol & de Pelprit-de-vin , qu’on verfealternativement {ur du nitre bien defféché, & avec l’aide d’un peu de chaleur. M. de la Planche , Médecin , a enfuite changé le procédé de M. fon frère , & il propofe de diftiller de Phuile de vitriol fur du nitre, de condenfer les vapeurs de l’acide nitreux dans de l’efprit-de-vin , lequel efprit-de-vin eft alors mis dans une cornue de verre, avec + d'acide nitreux fumant : on procède alors à la diftillation , & on obtient une li- queur qui , diftillée une troifième fois fur de l’alkali, donne l’éther nitreux. Fai répété tous les procédés connus , mais jen’en ai trouvé aucun plus fimple & moins difpendieux que celui de M. Woulfe J'ai fuivi exaétement tous les phénomènes de certe opération , pour m'’aflurer s’il n’y avoit point eu d’éther vitriolique de produit ; & j'avoue que mes foup- ons & une attention fcrupuleufe n’ont pu m'y faire reconnoître la plus petite portion d’écher vitriolique. Pour procéder avec foin, je fis, 1°. le mélange de Phuiïle de vitrioi & de l’efprit-de-vin dans une cornue de verre, & jy mis aufli-tôt un récipient pour recueillir le produit qui diftilleroit par la chaleur excitée lors du mélange. à liqueur obtenue étoit de lefprit-de-vin : d’ailleurs, füivant la doctrine de M. Rouelle, il faut que Phuile de vitriol & l'efprit-de-vin foient en ébullition, pour avoir de lécher vitriolique, 2°. Le mélange jeté par partie fur le nitre à froid , il fe dégage des vapeurs , qu'on reconnoît, à l'odeur , pour être particulières à l’écher nitreux ; & ayant examiné la liqueus acide qui diftille avec l’éther , en la faturant avec l’alkali fixe, je n'ai pu y reconnoître la préfence de l’acide nitreux. Cependant le réfidu de la diftillation étoit du tartre vitriolé, que j'ai obtenu par la feflive & la criftallifation. L’acide nitreux, dégagé du nitre, eft ici décompofé en totalité , & fa décompofition eft due à l’action qu'il a exercée fur J’efprit-de-vin, avec lequel il s’eft changé en éther nitreux. J'ai aufli reconnu dans leréfida de l'opération la préfence de cette liqueur acide , qui fe trouve après la confection de l'éther nitreux , qui eft nommée criflaux d’hierne, que MM. Darcet & Bergman ont reconnu être analogue à ce que nous nommons acide du fucre.( More de AZ. Pel- £etier. ) 1:38 / SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 355 H. Bouteille avec une pinte d'efprit-de-vin , pour condenfer les va- peurs. J. Deux tubes de verre recourbés , dont l'un fert à unir par communica- tion la bouteille G à l'appareil, & l’autre conduit les vapeurs dans l’ef prit-de-vin contenu dans la bouteille H. ÉXCPLÉRATEN CES SUR LA MINE DU COBALT CALCINÉE; Par M. MARGRAF (1) Divx onces d’une mine de cobalt , tirée de Rapold, près de Schnee= berg, & calcinée pendant quarante-buir heures au feu de porcelaine, pour la dégager, autant que pofñlible, de toutes fes parties arfenicales, furent groflièrement pilées. Je verfai là-deffus 4 onces d’eau forte , & ne n''apperçus d'aucune effervefcence. Ce mélange fut mis dans une cucur- bite, & digéré au bain de fable, parce qu'il parut que la folution au froid fe feroit difficilement. L'eau forte fe colora peu à peu; & au bout de quelques heures elle prit la couleur d’un rouge brun. Je coulai cette folution dans un verre, édulcorai le cobalt avec de l’eau diftillée, & y verfai, pour la feconde fois, 2 onces d’eau forte, fuivant la même méthode que dans l'expérience précédente. L'eau forte fe colora, mais moins fortement, & prit enfin une couleur de rofe pâle. La mine, édulcorée & féchée , avoir encore une odeur de foufre, & pefoit 1 once & 70 grains ; le déchet étoit donc de 6 drachmes & 50 grains , qui avoient été difloutes dans l’eau forte, Au fond du verre où j'avois verfé ces deux folutions , fe trouva un pré- cipité, qui , édulcoré , féché & répandu fur des charbons ardens, donna une odeur de foufre & d’ail, preuve qu'il s'y trouvoit encore du foufre &c de l’arfenic, Ayant pris une demi-drachme de cette mine, & y ayant verfé deux drachmes de cette nouvelle eau forte, je m’apperçus que toutes les parties colorante n’en avoient pas été extraites. Je pris alors tout ce qui me reftoit —— PÈRE MT ER DRE PE LR (1) Lu le 28 Novembre 1781 à l’Académie Royale des Sciences & Belles-Lettres de Berlin. Tome XXV., Part. II , 1784. NOVEMBRE. Yy2 356 OBSERPATIONS SUR LA PHYSIQUE, de cette mine, & y verfai deux onces d’eau forte; elle prit, comme la précédente , un couleur de rofe pâle. . Je réitérai encore quatre fois la même opération avec un fuccès fem- blable. Après la feptième folution, la mine, édulcorée & féchée, pefa $ drachmes & 53 grains ; d'où il parut qu’à compter de la feconde fo- lution, cette mine de cobalt avoit perdu 3 drachmes & 27 grains de fon poids , que 1 1 onces d’eau forte avoient diffous. J’en verfai, pour la huitième fois , 4 onces furles ÿ drachmes & 53 grains de mine qui me reftoient ; l’eau forte fe colora quelque peu, & je retirai 4 drachmes 2 fcrupules ; d’où il paroîtque ces 4 onces d’eau forte avoient encore diffous x drachme & 13 grains, La mine de cobalt qui me refta alors, avoit la couleur d’un rouge gris; & comme je jugeai que maintenant l’eau forte en avoit extrait tout ce qu’elle avoit pu diffoudre, je verfai fur les + drachmes & 2 fcrupules, 2 onces d'un acide de fel bien pur. Ayant fait digérer le tout, je retirai une teinture d’un jaune rougeâtre. À la feconde & à la troilième opération, que je réitérai de la même manière, la liqueur fe colora comme la pre- mière, quoique plus foiblement. « La mine avoit pris la couleur d’un blanc jaunâtre; à la quatrième infu- fion, la liqueur prit celle de citron; & à la cinquième, elle ne fe teignit prefque point. La mine, expofée ainfi confécutivement à cinq diffolvans, faifant 10 onces d'acide de fel, avoir pris une couleur toute blanche, comme celle d’un fable de cailloux, & pefoit 3 drachmes & $o grains. Il y avoit donc un déchet de $0 grains, que l’acide de fel avoit diffous. La couleur jaune de ces folutions faifoit préfumer qu’elles contenoïent des-parties ferrugineufes : cependant la leffive de fang ne donna point de précipité bleu, mais un précipité blanc, Ce qui étoit refté de cette mine de cobalr , après les opérations indi- quées , reflembloit affez au fable. Je l'édulcorai & Le fs fécher, puis j'y verfai de l'acide de vitriol; & après une longue digeftion, je ne m'apper- çus pas que cet acide en eût diffouts quoi que ce foit. La folution du fel de tartre-que jy mêlai ne donna aucun précipité; l'infufion ne parut pas même devenir trouble , & le poids de la matière que j'avois foumife à ces recherches, ne fe trouva ni augmenté , ni diminué, y Je remarque à cette occafion , que pour compofer l'encre fympathique, on prend communément autant de fel commun que de mine de cobalt dif- foute. Me rappelant ce fait, j'eus envie de faire un'eflai, & verfai les deux premières folutions faites avec l’eau forte fur fept drachmes de fel commun bien purifié ; je mis le tout dans une retorte, où je le diftillai au bain de fable jufqu’à entière exficcation. Ce qui fe trouva au fond étoic d'un jaune verdatre , folié, & couvert d'une pellicule rougeitre, Je verfai de l’eau chaude fur ce caput mortuñm ; elle fe teignit fur le champ, & après y avoir ajouté une nouvelle portion d'eau chaude, il fe AR ie gr penis LÉ At = SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 357 -précipita une poudre blanche, que je féparai de l'infufion colorée en la filtrant. L’infuñion colorée fut dittillée , pour la dégager des parties aqueufes fuperfues ; je l'expofai enfuite à l’évaporation; & ce qui refta fec étroit par- faitement femblable , quant à la couleur, au réfidu précédent, un mé- lange de bleu, de rouge & de vert. Je verfai de l’eau fur ce réfidu ; elle fe teignit , & donna ün précipité ; je filtrai le tout : l’infufion avoit une couleur rouge ; je la fis évaporer ; & . lorfque rout fut fec, je retirai un fel rougeätre fympathique, qui fe liqué- foit à l'air. Le premier précipité que j’avois retiré étoit en deffous d’une couleur tout-à-fait blanche ; le fecond étoit rouge , & fe réfoluren partie dans l’a- cide de nitre, avec lequel il donna une teinture rougeâtre , au fond de la- quelle fe précipita une poudre jaunâtre. J’effayai enfuite , en mêlant cette folution du fel fympathique de cobalt avec de la terre d’alun délayée dans de l’eau, de colorer les parties ter- reftres de l'alun; mais mes peines furent fuperfues. La terre d'alun fe précipita , fans être colorée, & les parties colorantes furnageoïent fans s’y unir. Ayant verfé quelque peu de tartre diflout fur cette folutior , fes par- ties colorantes fe précipitèrent, & la terre d’alun prit une couleur violette, Je filtrai cette folution , édulcorai & fis fécher la terre d’alun: elle avoit une couleur rougeâtre , qui fe changea en bleu au moyen du feu : lorfque le feu fut augmenté, le bleu pritune couleur d’un noir verdâtre : mais avec quelques précautions dans la calcination , cette couleur devient d’un affez beau noir, J'ai fait auffi quelques expériences avec la même mine de cobalt calcinée & mêlée avec le falmiac; elles m'ont paru mériter atten- tion. Je pris 1 drachme & demie de cette mine, & 1 once de falmiac ; je mêlai le tout le mieux que je pus dans un mortier de verre; j'expofai enfuite ce mélange pendant une nuit dans une cave bien fraîche ; le lendemain , je le mis dans une cucurbite de verre couverte de fon chapiteau, que je plaçai dans un bain de fable, pour fublimer le falmiac:, qui prit une belle cou- leur de citron, & pefa 7 drachmes. Une demionce de ce fublimé , diffout dans 2 onces d’eau diftillée, me donna une folution fort claire ; mais jy eus à peine ajouté encore 2 onces d'eau, qu'elle devint blanche & un peu trouble ; 4 nouvelles onces d’eau la rendirent tout-à-fait trouble & opaque ; il fe précipita au fond une pou- dre blanche. Ayant filtré une partie de cette folution , j'y verfai une nou- velle quantité d’eau , & elle devint entièrement claire comme de l'eau pure, Je filtrai alors toute la folution, & retirai une poudre blanche , que j'édul- corai & fis fécher; elle pefa $ grains. Je verfat enfuite quelques gouttes "de leflive de fang dans cette folution filtrée ; il fe précipita une poudre d'un beau bleu, qui , édulcorée & féchée , pela 3 grains, 358 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, La folution avoit pris une couleur verdâtre; j'y verfai de nouveau peu à peu quelques «gouttes de leflive de fang; il fe précipita une pou- dre brunâtre, tirant fur le noir : édulcorée & féchée, elle pefa 2 grains. j L j Je verfai enfuite fur cette folution une folution de fel de tartre & de fel volatil; nilune ni d'autre ne produifirent le moindre changement; preuve qu'il n y avoit plus rien à retirer, ; Je pris enfuite le cobalt ‘refté au fond de la cucurbite ; fon poids étoit . dr drachme; dès qu'il fut à l'air , il en attira l'humidité. Je verfai là-deffus une demi-once d'eau diftillée, & elle prit une belle couleur rofe. Cette eau colorée, coulée dans un autre verre, j'en verfai de nouvelle fur le co- balt , & répétai deux fois la même opération, iufqu’à ce que l’eau ne fe teignic plus. Ce qui refla au fond , édulcoré & féché, pefa 2 fcrupules. Je verfai 1 demi-once d’eau forte fur ces deux fcrupules; elle prit la couleur d’un rouge fort pâle. Je répétai la même opération, jufqu'à ce que je me fuffe afluré d’avoir enlevé toutes les parties colorantes. Ce- qui refta au fond pefa fec 1 fcrupule. : Je voulus voir fi la folution du cobalt dans l'acide de fel dillué dans de l’eau diftiilée, ne donneroit pas une encre fympathique; je m’apperçus bientôt que je ne n'étois pas trompé dans mes foupçons. Effectivement , ce qui avoir été écrit avec cette folution, prit une belle couleur verte dès que je l’eus expofé à la chaleur, & cette couleur difparut dès que le papier fut refroidi. Je voulus aufi voir fi les parties colorantes de cette même folution ne {e réuniroient pas à la terre d’alun, au moyen de la précipitation. Ayant mis, dans cette idée, de cette terre dans la folution en queltion , il ne fe préci- pita pas la moindre chofe, &il n'y eut aucun changement de couleur: mais à peine y eus-je verfé quelques gouttes de fel de tartre diffout, que j'apperçus quelques parties répandues çà & là, qui avoient pris une belle couleur bleue. Cela ne fut pas de longue durée; dès que j'eus remué la folution , elle prit une couleur brunâtre , qu'elle conferva, ex SUR L'HIST. NATURÉLLE ET LES ARTS. 359 PRÉRUAS DIPAE SUR LE VENIN DE LA VIPÈRE, SUR LES POISONS AMÉRICAINS , SUR LE LAURIER-CERISE, ET SUR QUELQUES AUTRES FOISONS VÉGÉTAUX, On y a joint des obfervarions fur la flruëure primiive du corps animal , différentes expériences fur la réproduélion des nerfs , & la defcription d’un nouveau canal de l'œil ; Par M. Félix FONTANA, Phyficien de S. 4. R. l'Archiduc ; Grand Duc de Tofiane, & Direëleur de fon Cabinet d'Hiftoire-Naturelle, M e FONTANA publia à Lucques ,en 1765, un'petit Ouvrage en Italien fur le venin de la vipère. M. Darcer, fi connu dans les Sciences, en fit affez de Cas pour prendre la peine de le traduire en françois ; mais fa traduétion n'é- tant point encore imprimée en 1776, il la remit en manufcrit à M. Fon- tana , qui fe trouvoit pour lors À Paris, L'année fuivante, M. Sage publia fa brochure fur l’alkali volatil Auor. Les opinions de ce Chimifte au fujet du venin de la vipère, étoient fi oppofées à celles de M. Fontana, que celui-ci crut devoir examiner de nouveau cette matière, avant de publier la traduc- tion de M, Darcer, Cet examen le conduifit beaucoup plus loin qu'il ne penfoit d’abord ; & l’importance & la multiplicité des queftions qu'il lui fallut réfoudre, & qui fembloient naître les unes des autres, l'engagèrent à multiplier &'à diverfifier extrémement fes expériences. Les matériaux s’'accumulèrent entre fes mains au point qu'il en eft réfulté deux volumes in-4°, dont la traduction de M. Darcer ne fait que la première partie, ou un pew plus du quart du premier volume. Première partie, Dans cette première partie , l Auteur examine d’abord le nombre, la ftruéture & l’ufage des dents de la vipère: elle en a de trois fortes ; les grofles ou canines, qui font aétuellement venimeufes ; les moyennes , qui fuppléent aux premières en cas de befoin; & les petites, qui ne fervent qu’à rapprocher du gofer & à tenir plus ferme l’animal que la vipère a faifi. I reconnoît , avec Méad & Nicholls , contre le fentiment 369 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, de Rédi , que les groffes dents ou dents canines de la vipère fervent de canal au venin. IL paroît, par divers paflages des Anciens , qu’ils connoifloient la ftruc- ture de ces dents , & favoient que le venin fort par le trou qui eft vers leur pointe. « Il y a des hommes, dit l’Auteur du Livre de la Thériaque, » à Pifon, qui, fous prétexte qu'ils pofsèdent un antidote, fe font mor- » dre par des vipères: ils leur donnent auparavant certaine pâte qui » bouche les trous de leurs dents, & ils rendent ainfi leur morfure fans » effet, au grand étonnement des Spectateurs , &c. » La defcription que l’Auteur donne des dents de la vipère, de la gaîne qui les recouvre, de la vélicule qui fert de réfervoir au venin, &c., eft, à peu de chofe près , la même que celle de Nicholls , dont Méad s’eft fervi dans fon Ouvrage fur les poifons. M. Méad fait voir que , lorfque la vipère mord , il fort de la dent canine une humeur jaune , qui , contre le fenti- anent de Charas, eft le véritable venin de la vipère, & il le prouve par des expériences directes & décifives. Il établir enfüuite, que les animaux venimeux ne peuvent s’empoifonner mutuellement : il en a fait l'expérience fur la vipère, fur le fcorpion , fur l’araignée , fur le cobra de capello, fur le polype d’eau douce, & il penfe qu'ilyen a peu qui ne foient dans ce cas. Le venin de la vipère n’eft point un poifon pour tous es animaux ; il ne tue ni les fangfues, ri les limaçons, ni l’afpic, nila couleuvre, ni l’orvai, Les tortues en meurent très-dificilement ; & cependant d’autres animaux, peu différens des premiers en apparence », comme les anpuilles , les petits lézards , &c., n'y réfiftent qu'un peu plus long-temps que les autres. L’Auteur pafle enfuite à l'examen des qualités chimiques du venin de la vipère. Il prouve, contre le fentiment de tous les Auteurs modernes qui ont copié Méad , que ce venin n’eft point acide ; il n’eft pas alkalin ; il pe contient point de fels criftallifables, & les fragmens anguleux que quel- ques Auteurs y ont découverts au microfcope, ne font que des corps étrangers contenus accidentellement dans la falive, avec laquelle le venin qui ont examiné étoit fans doute mêlé; car le venin pur ne préfente rien e pareil. Ce venin n’a aucune faveur déterminée : c’eft ce que l'Auteur a éprouvé, contre l’affertion de Méad , qui prétend l'avoir trouvé âcre & mordant, M. Fontana a eu le courage philofophique d’en goûter lui-même, Il a pris tout le venin qu'il a pu exprimer d’une vipère; il l'a mis tout pur fur fa langue; & l'ayant bien roulé dans fa bouche , il ne lui a trouvé aucun goût bien fenfible: il a feulement éprouvé, au bout d’un certain temps, une fenfation d’aftriction & de ftupeur dans toutes les parties de la bouche où le SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 364 venin s’étoit long-temps arrêté, Appliqué aux yeux de différens animaux qui meurent communément de la morfure de la vipère , ce venin n'ya caufé ni douleur, ni inflammation, .& ne les a incommodés en aucune manière, L'Auteur l’a même porté bien avant dans le nez aux mêmes animaux , fans qu'ils aient jamais paru en fouffrir la moindre incom- modité, . Le venin de la vipère diffère, par fon infipidité , de celui de l'abeille ; de la guêpe & du frélon , dont le moindre atome , appliqué fur la langue, la pique & la brûle aufli fortement que fi on y appliquoit -les acides miné- raux les plus concentrés. Le venin du fcorpion d'Europe eft piquant aufli, beaucoup moins que celui de l'abeille. L’Auteur examine enfuite une queftion bien intéreffante , relativement aux caufes finales admifes par certains Auteurs. Le venin de la vipère a-t-il été fait exprès pour tuer tant d’autres animaux ? Il répond négati vement, & penfe que c’eft une liqueur digeftive qui difpofe àune prompte putréfactien Les chairs dont la vipère fe nourrit. Il eft fâcheux que, par un Mécanifme néceffaire , la même dent porte également ce poifon dans les animaux que la vipère mord, & dans les alimens dont elle fe nourrit, Le venin de la vipère fe conferve pendant des années dans la cavité de fa dent, quoique féparée de l'aivéole & tenue dans un endroit fec. Si on Îamet alors dans de l’eau tiède , le venin fe diffouc très-promprement, & fe trouve encore en état de tuer les animaux. On peut le conferver auf féché & mis en poudre ; mais au bout d'environ dix mois, il a perdu fon activité, - L'Auteur examine en paffant l’aiguillon du taon, ce fameux æ/fros des Grecs, qui met les troupeaux en fureur; il en donne la defcription, & reconnoît qu’il eft entièrement exempt de venin. Il décrit aufli le merveil= leux organe dont fe fervent les fanglues pour fucer le fang des animaux. Il s’agit enfuite de détider une grande queftion. Comment & par quel mécanifme le venin de la vipère donne-til la mort aux animaux ? M. Fon- tana rapporte les diverfes opinions qui ont eu cours fur certe matière. IL feroit trop long d'en faire mention ici ; nous nous contenterons d'annoncer avec l’Auteur , au fujet des globules du fang , qui ,felon certains Ecrivains, font altérés par le venin de la vipère, un ouvrage d’obfervations microf- copiques , dans lequel il détermine leur véritable figure , qui n’eft pas telle qu’on l'a crue jufqu’à préfent. » Les bornes d'un extrait ne nous permettanr pas d'entrer dans des détails fufifans, nous exhortons les gens de l’Arr àlire , dans l'Ouvrage même , tout ce que dit l’Auteur au fujet des convulfons & de la jauniffe qui fur- viennent quelquefois aux perfonnes mordues par la vipère. Il réfute enfuite, au moyen de l'expérience , les idées de M. de Buffon, Tom. XXV, Part. II, 1784. NOVEMBRE, Zz 362 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, relativement aux molécules organiques, que cer illuftre Naturalifte avoir fuppofées dans le venin de la vipère , ainfi que dans le pus des plaies. ÿ Il donne enfin fon opinion fur la manière d’agir de ce venin , & croit que c'eft en détruifant l'irritabilité de la fibre mufculaire, qu'il tue ft promptement les animaux, tant à fang froid qu’à fans chaud. M, Fon- tana rend cette explication très-plaufble au moyer d’un grand nombre d'expériences, & répond au fameux M. Tiflet, qui l'avoir attaquée dans fon Trairé fur les Maladies des Nerfs (1). Au refte, ce venin éteint l'irri- tabilité, en portant dans les chairs & dans Les fluides des animaux qui ont été mordus, un principe de putréfaction. L’Auteur cite à ce fujet l'exemple du polype d’eau- douce, qui, de tous les animaux venimeux, eft celui dont le venin eft le plus actif, [1 tue les vers d’eau dans un inftant , quelque irritables & durs à mourir. qu’ils foient d’ailleurs, A peine les a-t-il touchés de fa bouche ou de fes lèvres, qu'ils font morts , fans avoir éprouvé au- cune forte de bleflure. : L’Auteur établit après cela , que la vie n’eft pas tellement liée avec la circulation du fang , qu’elle ne puifle fubfifter, indépendamment de cette fonction , dans un aflez grand nombre d’animaux , & il promet de plus grands détails fur ce-ujet dans un Ouvrage à part fur les animaux microf= copiques. Il donne, en attendant , la defcription d’un petit animalcule très- curieux , que Lewenhoëk a nommé rouifer (polype à roues). Ce petit animal eft au nombre de ceux qui, après être reftés très-long-temps deffé- chés , & conféquemment privés du mouvement & de la vie, reflufcitent, pour ainf dire ,«dès qu’on les humeéte avec de l’eau. L’Auteur connoît quantité d’autres animalcules de ce genre, & fe réferve de traiter de ces petits prodiges dans un autre Ouvrage qui feraintitulé, De La vie & de la mort apparente des animaux. Tels font en abrégé les principaux objets fur lefquels roule la pre- mière partie de l’Ouvrage de M. Fontana. Nous n'avons pas la préten- tion de faire connoître en fi peu de mots tout ce qu'il contient de curieux & d’intéreffant; mais nous aurons rempli notre but, fi la foible efquifle que nous en préfentons peut engager les Phyficiens & les Médecins à le lire avec toute l’attention qu'il mérite. ’ Seconde partie Un des meilleurs effets qu’ait produits la brochure de M. Sage fur l'alkali volatil Auor, a été fans doute de donner lieu à la belle & nombreufe fuite d'expériences dont nous allons maintenant té, cher de donner une idée. Dès Le temps où M, Fontana publia la première partie de fon Ouvrage, il fe propofoit d'en donner une fuite, dans laquelle il devoit traiter des (1) Tome1°”, part, 2,$.218, enhote, SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 363 temèdes qu'on pouvoit oppofer au venin de la vipère; mais l'inutilité pref- que abfolue de tous ceux qu’il avoit éprouvés fuccellivement, & parmi lefquels-fe trouvoit l’alkali volatil même , lui fit différer d'exécuter fon pro- jet jufqu'à l'époque dont on a parlé ci-deffus. En commençant cetre feconde partie, M. Fontana écablit quelques prin- cipes fur les erreurs qui retardent les progrès de la Phyfique, &'fur Les moyens qu’on doit prendre pour s’en garantir. Il exige fur-tout que l’ob- fervateur qui veut relever une erreur dans celui qui l'a précédé, ne lui oppofe point fon autorité; mais qu'il démontre, & la vérité qu'il a eu le bonheur de découvrir, & la fource de l'erreur dans laquelle le premier avoit été induit, | L’alkali volatil fluor n’ayant été propofé comme antidote du venin de la vipère, que d’après l'idée de la prétendue acidité de ce poifon , lAu- teur a cru devoir examiner de nouveau cette prétendue acidité. Mais, avant tout , il a voulu s’aflurer, par un très-grand nombre d’expérien- ces , fi l’alkali volatil étoit vraiment un remède afluré contre ce venin, IL a fait mordre par les vipères des oifeaux, comme moineaux , pi- geons & poules; des quadrupèdes , comme lapins , cochons d’Inde , chats & chiens; & des grenouilles parmi Les animaux à fang froid. Il Les a faic mordre tous à la jambe, les uns une feule fois, les autres plufeurs fois, foit par une feule vipère , foit par plufieurs, Il a laiffé les uns fans remèdes, pour qu’ils ferviffent de terme de comparaifon ; à certains autres , il a fim- plement appliqué l’alkali Auor fur les bleffures; à d’autres , il l’a fait en- Core avaler délayée dans de l’eau : enfin, il a diverfiñfié & multiplié fes éxpériences autant qu'il le falloit pour conftater les effets de ce fpécifique vanté. On re peut fe difpenfer de lire Les détails de ces expériences dans l'ouvrage même, fi l’omveut avoir une idée de l'exactitude & de la conf- tance patiente que M. Fontana fait allier à l’activité & à la fagaciré qui le caractérifent. Le nombre des moïneaux foumis en premier lieu à ces expériences , a été de 60, qui n’ont été mordus qu'une feule fois ; 30 fant reftés fans re- mède , & 30 ontété traités avec l’alkali volatil Auor. Ils font ‘tous morts à différens intervalles, & la conféquence générale a été, que ce remède eft entièrement inutile, & qu'il paroît plutôt nuifible que falutaire aux moineaux mordus par la vipère, foit qu'on l’applique fimplement fur la partie mordue , foit qu’on en fafle avaler en même temps à l'animal. ; De quatorze pigeons mordus par la vipère, & dont fept ont été médi- camentés, il n’en eft pas non plus échappé un feul, Ces premières expériences ayant préfenté de grandes irrégularités , rela- tivement aux intervalles de cemps que certains de ces oifeaux furvivoient à Ja morfure , l'Auteur s’eft cru obligé de faire mordre un très-grand nombre Tome XXV, Part. II, 1784 NOVEMBRE. Pr 364 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, de moineaux & de pigeons , fans en médicamenter aucun, afin. de déter- miner les circonftances qui peuvent concourir à ces irrégularités. Il a vu dans cette occafion | 1°. que, dans d’égales Circonftances , [a vipère plus groffe produit une maladie plus grave, & donne la mort en moins de temps; 2°. que la maladie auginiente. aufli en raifon que la vi- père eft plusirritée; 3°. qu'elle eft auffi plus grave , en raifon ;du temps que la vipère tient ferré entre fes dents l'animal qu’elle a mordu ; 4°. que la maladie de la partie mordue.paroît plus grande dans les animaux qui meurent plus tard; $°. que , dans quelques animaux , il fort de la bleffure, aufli-tôc qu’elle eft faite, un fang noir & livide; 6°. que dans d’autres au contraire, le fang qui fort eft rouge, & conferve cette couleur; 7°. que les animaux defquels fort ce fang rouge meurent plus tard que ceux qui répandent un fang noir & livide; 8°. que quelquefois le venin fort ayec le fang , fans avoir perdu ni fa couleur , ni fes qualités: dans ce cas, l'a- nimal ne meurt pas toujours , ou meurt beaucoup plus tard , & quelquefois il paroït n’avoir fouffert aucun mal. Une autre caufe d'irrégularité dans les effets de La morfure de la vipère, c’eft qu'il fe trouve des vipères qui n’ont point de venin dans leurs véficules, ou qui n’en ont que dans une feule. Sur deux cents têtes de vipères que l’Auteur a coupées & examinées dans cette vue, ilen a trouvé deux en- tièrement exemptes de venin, & cinq qui , au lieu du venin , avoient dans Les véficules une matière blanche & opaque. Dans deux de ces dernières, certe matière étoit tout-à-fait innocente; mais dans les trois autres elle confervoit-en partie la qualité vénéneufe. M. Fontana a obtenu des réfultats plus uniformes, en introduifant le venin dans le corps de l'animal, après lui avoit fait une bleffure , ou en le piquant avec une dent venimeufe , au lieu de le faire mordre par la vipère. Nous renvoyons à l’Ouvrage même pour de détail de la méthode que l’Auteur emploie pour cer effer. Il s’eft afluré , pat ce moyen, que les moineaux meurent de ce venin entre $ & 8 minutes, & les pigeons entre 8 & 12. Pour revenir aux expériences. Après avoir fait mordre encore quarante- huit pigeons , & en avoir médicamenté la moitié avec l’alkali volatil fluor, il aconclu que ce remède eft inutile pour, leur guérifon. Dix poules mordues, dont cinq ont été médicamentées , ont fourni à FAuteur les conféquences fuivantes: 1°. Les poules mordues par la vipère une feule fois à la jambe , peuvent très-bien en mourir ; 2°. en général, elles en meurent beaucoup. plus tard que les pigeons; 3°. les oifeaux réfftent d'autant plus à la mort , qu'ils font plus gros ; 4°. l’alkali volatil eft non feulement inutile pour guérir les pou- les mordues par la vipère, mais il leur eft peut-être nuifñble, Ces confé- uences ont été vérifiées fur vingt-quatre autres poules, Dix cochons d'Inde ont fourni les réfultats fuivans : SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 365 1°, La morfure de la vipère peut être mortelle pour lescochons d'Inde, même les plus gros ; 2°-les petits en meurent plutôt; 3°. l’alkali volatil fluor n'eft pas, pour ces animaux, un remède afluré contre le venin de la vipère, Trente autres cochons d'Inde, foumis aux mêmes expériences, ont confirmé ces réfulrats. L’Auteur a fait mordre enfuite fucceflivement cinquante lapins de diffé- rentes grofleurs ; & en ayant traité la moitié avec l'alkali volatil , il a con- clu, 1°.que les lapins de grofleur médiocre ne meurent pas toujours de la morfure de la vipère; 2°. que les plus petits en meurent toujours; 3°. que Falkali volatil Auor, bien loin de Les fauver , fembleroit plutôt renforcer leur maladie & accélérer leur mort. Les expériences fur les chiens & les chats ont été moins nombreufes, à caufe des incommodités qu’elles entraînent. M. Fontana a cependant cru pouvoir conclure de celles qu’il a faites fur onze chats, tant petits que * gros, 1°. que les plus petits meurentfacilement , quoique traités avec l’al- kali volatil ; 2°. que les médiocres , ainfi que les plus gros, fouffrent plus ou moins de la morfure de la vipère , mais qu'il n’en meurt aucun. * A peine Le chat eft-il mordu par la vipère, qu'il ne fe fert plus de la jambé mordue. Il refte couché d’autant‘plus long-temps, que la maladie eft plus confidérables il ne mange & ne boit que lorfque la maladie dimi- nue , & alors fa guérifon eft aflurée. Huit chiens ont préfenté les réfultats fuivans : 1°. En général, les plus petits meurent tous de [a morfure de la vipère; 2°. if n'en meurt communément aucun des plus grands; 3°. il en réchappe & il en meurt quelques uns des médiocres ; 4°. l’alkali volatil Auor ne pa- roît être pour cés animaux un remède niafluré, ni utile contre la morfure de la vipère. Les grenouilles mordues par la vipère au nombre de trente-fix, ont préfenté des réfultats irréguliers , relativement aux intervalles de temps qu’elles ont farvécu à la morfure; mais elles Ont démontré l’inutiliré de V’alkali volatil fuor , & ont rendu très-probable que ce remède , donné in- térieurement aux grenouilles, au lieu de diminuer la maladie que leur caufe le venin de la vipère, concourt plutôt à l’augmenter. Après ces premiets effais , il importoit de connoître l'effet que peuvent produire les morfures redoublées de jamême vipère, tant fur une même artie de l'animal, que fur différentes parties, L’Auteur a commencé par rechercher fi la feconde morfure de la vipère feroit aufli meurtrière que la première, la troifiètie que la fconde, & ainfi des autres, Il s’eft afluré qu'une vipère de groffeur médiocre pouvoit tuer cinq à fix pigeons de fuite, [1 en a trouvé de plus groffes , qui pou. voient en tuer jufqu’à dix ou douze : il a vu que , plûs la vipère eit irritée, plus elle contracte les vélicules du venin, & plus elle en diftille dans la 366 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, plaie qu'elle forme. Nous ne le fuivrons pas dans Les différentes obferva- tions qu'il rapporte à ce fujet , parce que nous ne faurions les abréger fans. les tronquer & les affoiblir, Nous pañlerons aux réfulrats des nombreufes expériences que l’Auteur a faites fur les morfures réitérées, foit fur une feule partie, {oir fur plufieurs. 1°. L'animal meurt plus facilement, s'il eft mordu dans deux parties, que s’il l'eft un égal nombre de fois dans une feule. 2°. La partie qui a reçu feule autant de morfures que les autres enfemble, . éprouve une maladie locale beaucoup plus confidérable. L’Auteur entend par maladie externe ou locale , l’enflure qui fe fait à la partie mordue, la couleur livide & noire de la peau & du fang ; & la plaie qui s'y forme peu de temps après. Trente poules mordues à plufieurs reprifes & par plufieurs vipères , ont encore démontré l'inutilité del’alkali volatil Auor. Trente-quatre cochons d'Inde & cinquante-fix lapins ont préfenté la même vérité. Seize chiens, dans les mêmes circonftances, l'ont encore confirmée, De tous ces différens animaux, il en eft mort au moins autant de ceux qui ont été traités avec lalkali volatil Auor, que des autres ; & en général, les plus gros ont ré- chappé , & fans remède, & malgré le remède : quant au chat, pour peu qu'il foic gros , il réfifte au venin de la vipère. Des chats moraus par deux , trois, quatre, cinq & même fix vipères ont été guéris fans remède au bout de quelques jours : peut-être y auroit-il à peine affez de douze vi- pères pour tuer un chat des plus forts. Les expériences que l’Aureur a faites fur la peau de différens animaux, lui ont préfenté les vérités qui fuivent; 1°. le venin de la vipère appliqué fur la peau légèrement écorchée , aux cochons d’Inde & aux lapins, n’eft pas mortel pour ces animaux ; 2°, ilne produit qu'une légère maladie à la peau dans les cochons d'Inde , & une maladie un peu plus grave dans les lapins; 3°. cette maladie eft circonfcrite dans la partie de la peau qui a été at- teinte du venin. + Nous ne fuivrons point l’Auteur dans tous Les réfultats de fes expériences fur l'application du venin à différentes parties du corps animal. Il nous fuffira, pour en donner une idée, de rapporter quelques faits & quelques obfervations. Le venin de la vipère, appliqué fimplement fur les fibres mufculaires, eft rout-à-fair innocent. Il ne perd pas fes qualités meurtrières immédiatement après avoir em- poilonné un animal; en forte que fi on fait toucher à la morfure que la: vipère a faite à un animal ,une bleflure qu'on ait faite exprès à un autre, ils peuvent en mourir tous deux. Les accidens qui furviennent aux bleflures empoifonnées qu'on fait aux crêtes & aux barbes des poules, &au col des autres animaux ; le peu SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 367 d'effet que la morfure de la vipère produit au nez des chiens & des chats, fourniflent à l’'Auteur un parts nombre d’obfervations curicufes & intéreffantes, Il déduit de fes expériences fur les tendons , deux conféquences im- portantes ; 1°, le tendon ne reçoit point la maladie du venin de la vipère; 2°. lorfque le tendon eft dépouillé dé fa gaîne , l'animal meurt prefque toujours de cette opération, même fans la circonftance du venin. Cette derniète conféquence peut être de quelque utilité dans les piqüres des ten- dons de l'homme ; elle fait voir combien il eft dangereux de dépouiller les rendons de leur tunique vaginale, & combien l'on doit épargner cette artie. : L'Auteur revient enfuite aux objets qu'il avoit traités dans la première partie ; il examine de nouveau la ftruéture des organes du venin de la vipère , & en donne des figures exactes: il dévoile enfuite l'origine de l'erreur de ceux qui ontcru ce venin acide: il prouve que les prétendus fels qu'on a cru y découvrir, ne font que les fragmens anguleux du venin defféché & fendillé. : Les expériences multipliées que Auteur a faites pour déterminer la vraie nature de ce venin , lui ont fait enfin découvrir que c'eft une véri- table gomme, la feule fubftance de ce genre qu’on ait encore reconnue dans les animaux. Mais d’où vient fa qualité meurtrière? car les gommes vé- gétales font très-innocentes, C’eft ce qu’il n’eft pas encore permis de pé- nétrer. | Il obferve enfuite , au fujet des abeilles, guêpes , &c., que leur venin eft cauftique, fans être acide ni alkalin ; qu'il eft plutôt amer, & que s'il ne parvient pas ordinairement à tuer les animaux, ce n’eft que parce qu'il eft en trop petite quantité. . Troifième partie. Dans la troifième partie, M. Fontana examine en pre- mier lieu pour quelles efpèces d’animaux le venin de la vipère eft un poi- fon. IL paroît que toute la grande clafle des animaux à fang chaud eft fu- jette à cette funefte loi , ainfi que quelques-uns des animaux à fang froid, Mais pourquoi s'en trouve-t-il qui n’en fouffrent aucunement ? C’eft ce qu'il paroît impoffible de favoir jamais. Mais une recherche intéreflante, eft de déterminer la quantité de venin qu'il faut pour donner la mort à un animal d’une groffeur donnée. Il eft réfulté des expériences ingénieufes que l'Auteur a imaginées pour parvenir à la folution de cette queftion , que >= de grain de venin introduit immédiatement dans un mufcle par le moyen d’une incifion, {uffit pour tuer un moineau prefque immanquable- ment, & qu'il en faut environ fix fois davantage pour tuer un pigeon, qui pète fix fois plus que le moineau. En calculant d’après certe proportion, on pourroit fuppofer qu'il en faudroit douze grains pour tuer un bœuf du poids de 750 livres, & à-peu-près trois grains pour tuer un homme, Une vipère de groffeur médiocre contient dans fes vélicules en- 368 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, viron deux grains de venin. Il faudroit donc que deux vipères employaffenc prefque tout leur venin pour donner la mort à un homme , mais comme il faut qu'elles mordent plufieurs fois pour épuifer leurs véficules , un homme pourroit probablement recevoir la morfure de cinq ou fix vipères , fans en moutir- À mefure que l’Aureur avance dans fes recherches, les queftions à ré- foudre femblent fe multiplier, & devenir toujours plus intéreffantes. M a voulu d’abord s’aflurer fi l’action du verin fur les organes de l'animal étoit momentanée , & pourroit être aflimilée à une action chimique. Pour cet effet , il a fait mordre des membres à l'inftant où ils venoient d’être fé- parés d’un animal vivant , & même pendant qu'ils y tenoient encore pas les os ; & il a conclu de fes expériences mulripliées & diverffiées de mille manières , que Le venin de la vipère ne produit aucun changement fenfible fur les parties féparées d’un animal , quoiqu'elles palpitent encore , & que ce venin n'agit par conféquent ni mécaniquement ni chimiquement fur Les folides & liquides du corps animal. La partie de l'animal dans laquelle le venin eft introduit , devient li- vide; mais ce n’eft qu’au bout d’un certain temps : il falloit déterminer ce temps. L'Auteur a conclu des expériences nombreufes qu'il rapporte à ce fujer , que dans les pigeons la maladie ne fe manifefte dans la partie qu’au bout d’environ 20 fecondes. Les animaux mordus par la vipère meurent-ils de la feule maladie lo- cale ou d’un dérangement produit dans des organes plus nobles? Les expé- riences ont prouvé qu'il fe communique une maladie mortelle à l'animal en très-peu de temps, & qu'il meurt, indépendamment de la maladie lo- cale; par un dérangement intérieur déjà Communiqué à toute l’économie animale par ce venin. Ce dérangement interne eft produit dans le même inftant que la maladie externe, Nous ne fuivrons point l'Auteur dans le détail des expériences qui l'ont conduit à ces réfultats & à quelques autres non moins intéreflans, & nous paflerons avec lui à l'examen de l’action du venin de la vipère fur le fang des animaux. . M. Fontana a injecté, avec une petite feringue de verre, le venin de vipère mêlé avec autant d’eau, dans la jugulaire des lapins; ils en font morts prefque à l'inftant, & louverture de leurs corps.a préfenté des défordres étonnans. Ce phénomène remarquable s'accorde mal avec l'inaction de ce venin fur les parties à peine coupées d’un animal, & même fur celles qui font encore entières & unies à l’animal , pendant les 1$ ou 20 premières fecondes. IL y a peut-être dans Le fang un principe inconnu circulant dans les veines, qui n’exifte plus au moment où le fang eft forti des vaifleaux, & où les parties font coupées. Afin de rechercher quel peut être ce principe , l’'Auteur a fait une belle fuite d'expériences fur les nerfs, fur la moelle épinière & {ur le cerveau, Il a appliqué de mille l manières SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 369 tanières le venin de la vipère à tous ces organes dans les animaux , tant à fangifroid qu'à fang chaud. Les réfultats de ces expériences font de la plus grande importance , & peuvent fervir à rectifier Les idées des Médecins fur la plupart des mala- dies qu’ils ont appelées nerveufes ; par cela feul qu'elles éroient accompa- gnées de convulfons , de douleurs, de proftation fubite des forces, &c. ; Car d'un côté le venin de la vipère n’a aucune action fur les nerfs, ne fe communique point à l'animal par leur moyen, de quelque manière qu'il leur foit appliqué; & de l’autre, ce même venin introduit dans le fans, fans toucher aucun vaifleau , aucune partie folide , tue les animaux dans l'inftant avec des douleurs très-fortes & de violences couvulfions. L’Auteur a vu aufli dans ce cas les fphinéters relâ-hés, laifler fortir les urines & les matières fécales. Il faut voir , dans Ouvrage même, le dérail des expé- riences innombrables qui fervent à mettre cette matière intéreflante dans Le plus grand jour. i L’Auteur examine enfuite l'efft que le venin de la vipère produit fur le fang tiré des animaux, & trouve qu’au lieu de le coaguler à Pinftant, comme il fait quand on l’injeéte dans l'animal vivant, il l'empêche de fe coaguler, & lui fait prendre une couleur noire. Nous renvoyons les Lec- teurs à l’'Ouvrage même, pour les divers détails de ces expériences & de celles par lefquelles l’'Auteur prouve que la tête n’eft pas néceffaire à la vie, même dans les animaux à fang chaud , quoiqu’elle le foit à la conti- nuation de la vie même. 3 à La coagulation & l’altération du fang dans les animaux vivans font donc enfin la véritable caufe de tous les accidens qui fuivent la morfure de la vipère. La perte de l'irritabilité , que l’Auteur avoit regardée comme l'effet du venin fur la fibre mufculaire , n’eft donc qu’un effet fecondaire, & une conféquence de altération caufée au fang par ce poifon. L’Auteur finit ce premiesÿ@lume par des confidérations phyfiques fur Ja mort apparente & réelle des animaux, & fur les différences qu'on obferve relativement aux fonétions vitales , entre les animaux à fang froid & les animaux à fang chaud. ( La Suite au Journal prochain }, Tome X XV, Part. IT, 1784. NOVEMBRE, Aaa MÉMOIRE SUR L'INFLAMMATION SPONTANÉE DES HERBES CUITES DANS DES CORPS GRAS; Par M. N. J. SALADIN, Médecin à Lille en Flandre, L Es fubftances qui peuvent s’enflammer fubitement, & à l'inftant qu'on s’y attend le moins, font extrêmement dangereufes, parce qu’elles peuvent caufer des incendies d'autant plus funeftes, qu'ils font plus inatrendus, & que par-là il paroît moins poflible de les prévoir. Faire connoître ces fubf- tances au Public, eft, à mon avis, rendre un fervice effentiel à la Société ; c’eft mettre les particuliers en garde contre les malheurs des incendies ino- pinés ; c’eft Les mettre à portée de Les prévoir , de les éviter, & de s'en garantir, L'Impératrice de Rufie a bien fenti l'importance de ces réflexions, lorf- qu’après avoir foupçonné qu'un mélange d'huile & de fuie, enveloppé de toiles, avoit embrafé fes magafins de chanvre en 1780 , & avoit failli confumer la frégate la Sainte-Marie dans le port de Cronftadt, le 20 Avril 1781; elle a voulu que les Phyficiens de fes Etats s’attachaffent à : connoître les proportions d’huile & de fuie qui peuvent faire enflammer fpontanément ces fubftances. Les expériences faites à ce fujet chez le Comte Juan G. de Czernifchew ; celles faites à Cronftadt même au port des ga- lères & à l’Amirauré, ont été rendues publiques par la voie du Journal de Phyfque (1), de.même que celles de MJ. G. Georgi, tant fur l'in- fammabilité fpontanée de la fuie mêlée avec les huiles, que fur celle du chanvre & du lin. J’y renvoie le Lecteur : c’eft un fait analogue à ceux-là qui forme l’objet de ce Mémoire. Un particulier avoit mis cuire des fleurs de millepertuis (Aypericum per= foratum , Lin. Sp. 1 10$ } dans une huile d'olive purifiée, pour en faire un onguent vulnéraire. Lorfque Les fleurs furent cuites fufifammenc, pour qu'il ne reftät plus d'humidité, il les laiffa un peu refroidir; & pour cla- tifier l'huile , il la pafla par un linge tendu fur un chäflis, fur lequel il né- gligea le réfidu qu’il deftinoit à être jeté. Peu de temps après, ce réfidu s’échauffa ; fe mit à fumer ; & en moins d’une heure il senflamma abfo- lument feul. (1) Tom. XX, part. II, Juillet 1782 , pag. 3e SUR L'HIST. NATURPBLLE ET LES ARTS. 371 M. Carette, Apothicaire de cette Ville, voulut bien répéter & varier avec moi cette expérience. I. Il pritles Libé qui fervent à la compofition du baume tranquille (1); après les avoir fait cuire fufifamment dans l'huile d'olive, pour qu'il n’y eût plus d'humidité ; il les fépara de l'huile à l’aide d’un filtre de toile fort claire , fur lequel il les laiffa. Ce filtre fut expofé au milieu d’une cour, & il plut deflus affez abondamment. Dans l'efpace de douze heures, les herbes, malgré la pluie dont elles avoient été mouillées , s’échauffèrent & s'enflammèrent, après avoir jeté beaucoup de fumée. IL. Un autre jour , il prit la compofition de longuent populeum (2); parce que , dans cet onguent , la graifle de porc eft employée en place d'huile. Il en traita les herbes de la même manière, c’eft à-dire , en les faifant recuire dans la graifle jufqu’a l'évaporation de toute l'humidité. Les herbes étant mifes en un monceau fur le filtre, fe mirent, peu de temps après, à fumer, & en deux heures & demie de temps elles s'en- fammèrent. J III. Enfin ,il choifit les herbes qui avoient fervi à faire l’onguent ner- vin (3). Cet onguent fe fait avec un mélange de graifle de mouton & de moelle de bœuf. Elles furent expofées de la même manière à l'air libre fur un filtre de toile, après la cuiflon; mais elles eurent plus de peine à s’en- Hammer. La mafle ne commença à jeter quelque fumée qu'après avoir été expofée fur le filtre environ deux heures. Elle ne faifoit encore que jeter de la fumée , après y avoir été quatre heures; elle paroiffoit alors vouloir fe confumer, fans jeter de flamme. Cela me détermina à agiter Vair au deflus avec un éventail, comme on le fait quand on veut allumer du charbon. A l'aide de cette manœuvre, elle ne fut pas deux minutes à s'enflammer, Nous n'avons pas fait d’effai avec du beurre ; mais je ne doute pas que la chofe ne réufliffe de même avec ce corps graifleux. Il réfulte de ces expériences , que les herbes, foit aromatiques, foit ino- dores ou infpides, s’enflamment fpontanément , fi elles font cuites dans Yhuile , ou dans la graifle, ou même dans la moelle de bœuf, de manière que toute l'humidité foit évaporée, pourvu qu'on les abandonne en les laiflant en tas, & que l'huile ou la graiffle ny foit pas en aflez grande quantité pour qu'elles y foient comme noyées. Ces fubftances peuvent donc mettre le feu aux maifons, "aux cuifines , aux celliers, aux laboratoires, &c., dans lefquels on les laifleroit inconfi- dérément, Peut-être y at-il eu déjà des maifons brûlées par cetre caufe, fans qu'on ait jamais pu s’en douter. Les vraies caufes des incendies à .(1) Pharmacopæa infulenfis , 1772 , pag. 236. 6 a Ibid. pag. 243. {3) Ibid. pag. 141. Tome XXV, Part. II, 1784. NOVEMBRE, Aaa 2 372 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, Cronftadt & fur la Newa, ne furent que foupçonnées, Aujourd’hui que l'expérience nous les a fait connoître , nous devons être fur nos gardes à cet égard, & je penfe que les effais pu contient ce Mémoire , quoi- e nous y engager. qu'en petit nombre, font bien capables ÉoBUTUE AE 4 M L'ABBÉ MONGEZ LE JEUNE, S'U REF S'IB E CS D'E'"S"ÉIC'HE | Qui fe rencontrent dans l’ambre gris ; Par M. RomË DE L'IsLE, des Académies Royals de Berlirz Stockholm , &c. Ex lifant, avec tout l'intérêt qu'elles infpirent , [es excellentes recherches du Doéteur Schwediawer fur l’ambre gris , dont vous venez d'enrichir Le cahier d'Oftobre du Journal de Phylique de cette année, j'ai trouvé, Monfieur, une zore du Traduëteur , relative à l’obfervation des becs de la sèche dans l'ambre gris , que le Doéteur Schwediawer dit y avoir reconnus d’après un examen minutieux & réfléchi. Voici cetre note. & M. Valmont de Bomare , qui a examiné ( Minér., om. IT, p. 449 » la mafle qui fur expofée à la vente de l'Orient, l’a trouvée compofée > de plufieurs couches. L'extérieure étoit de bon ambre gris feuilleé, & » rempli de becs de sèche, &c. » Ce pañfage eft certainement tiré d’une édition de la Minéralogie de M, de Bomare, poftérieure à l'édition de 1768 de fon Dictionnaire d'Hif- toire Naturelle ; car on y lit (au mot AMBRE GRIS , pag. 97 de l'in-4° :} « Nous avons été requis en 1761 , par un riche Négociant de Mär- » feille , de nous tranfporter dans l'endroit où l'on avoit fait venir cette » pièce d’ambre , afin de l'examiner. Nous fîmes faire une fonde de fer > pour la percer de part en part. La première couche étoit d’un affez bon » ambre, feuilleré G rempli de becs d’oifeaux, &c. » | Or, à mon arrivée des Indes en 1764, je fis voir à M. de Bomare, ainfi qu'à M. Sage, de l’Académie Royale des Sciences, un bec de sèche que j'avois trouvé avec Les débris de cette efpèce de polype dans le ventri- cule d’un requin que nos Matelots avoient harponné, & je fis connoître dès lors la parfaite refflemblance qu'il y avoit entre ce bec de sèche & les prétendus becs d’oifèaux qu’on avoit cru voir dans l’ambre gris, Je fis prés SUR L'HIST. NATURELLE.ET LES ARTS. 373 fent de ce bec de sèche à M, Sage, pour Le rapprocher de la pièce d'ambre gris qui fait actuellement partie du Cabinet de l'Ecole Royale EE Mines(1), & je confignai mon obfervation dans une note fur la page so7 du premier volume du Catalogue de M. Davila, qui parut en 1767: elle y eft rappor= téeen ces termes, ; « Nous rangeons ici l'ambre gris ,non comme un bézoard , mais à caufe » de fon origine, qui eft probablement due au règne animal. Il eft conf »itant, par le rapport de plufieurs Voyageurs inftruits & bons Natura- » Jiftes, tels que Kempfer, Anderfon, &c., que l'ambre gris fe trouve » tout formé dans lesinteftins de quelques céracées. Nous avons eu plus > d'une fois occafion de nous affurer nous-mêmes que-les prétendus becs d’oi- » feaux que l'on y trouve prefque toujours , & Jouvent même en grande » quantité, ne font que des becs de sèche ou du polype , animaux qui fèrvene » fouvent de proie à ceux qui produifent l’ambre gris. Si cette fubftance a » été mife, pour la plupart des Naturaliftes & des Chimiftes, au nombre > des bitumes, c’eft, comme le remarque très-bien M. Macquer, plutôt > d'après fes propriétés & à caufe des principes qu'elle fournit , lorfqu’on > la diftille , que par une connoïifflance certaine de fon origine; car 07 me # connoit point d'ambre gris véritablement foffile ». IL eft vraifemblable que Le Docteur Schwediawer n’a point eu connoif- fance de cette note, imprimée depuis dix-fept ans, puifqu’il dit que rous les morceaux d’ambre gris de grandeur confidérable qu’il a obfervés, étoient parfemés d’une grande quantité de raches noires, qu'il a jugé, d'après un examen minutieux € réfléchi, n'être autre chofe que des becs dela sèche, Dans le morceau d’ambre gris du Cabinet de.l'Ecole Royale des Mines, que j'ai ciré plus haut , ce ne font pas feulement des saches noires, mais , entre plufieurs autres affez apparens , un bec de sèche très-reconnoif- fable , & feulement un peu plus petit que celui que j'avois trouvé dans un requin, & que j’avois prié M. Sage de joindre à fon morceau d’ambre gris, comme pièce de comparaifon. Les Naturaliftes ne feront peut-être pas fâchés de trouver ici une ob- fervation qui vient à l'appui de celles de M. Schwediawer fur l’origine animalende l'ambre gris, qui n’a que trop long-temps refté dans la claffe des birdmmbs. C'eft que le /pia otlopodia , Linn. , qui eff le po/ypus oëlopus de Rondelet , étoit défigné par les Anciens fous les noms grecs d’E/edon, d'Ozaina & d'Ofmylus, par la raifon, dir Rondeler , que cette efpèce fent bon. Les Grecs modernes , ajoute-t-il , la nomment Mofchytis, à caufe qu’elle fent le mufe, non feulement lorfqu'elle eft vivante , mais en- (x) Voy. la defcription que M. Sage vient de publier de ce Cabinet, pag: 94; n°. 1, ambre gris renfermant un bec de sèche. Paris, de Imprimerie Royale, 2784, in-8°, 374 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, core lorfqu’elle eft morte & defféchée. Or, n’eft-il pas infiniment probable que l'odeur mufquée de cette efpèce de polype contribue-à former celle de l’ambre gris, puifqu'il fe trouve dans les baleines qui fe nourriflent de cette efpèce de sèche ? Paris, ce 4 Novembre 1784. DR SACKR: dE Pr TT OM DU TRAITEMENT DE LA MINE GRISE DE CUIVRE ANTIMONIALE DES MINES DE BAIGORRI; Et premier effai pour retirer le cuivre pur & malleable de cette mine , fans griller le minéral ; Par M. le Chevalier DE LA CHABEAUSSIÈRE, Jngénieur des Mines. L: mine de cuivre grife antimoniale contient , par l’analyfe qui en aéré faire par M. Sage : . Cuivre, 20 # Antimoine, 42 Soufre, 36 100 # Argent, I 2 onc. 1 gros $6 gr. Fer, 13 6 16 Par d’autres eflais fouvent répétés, ce minéral ne n'a rendu qu'environ 17 liv. de cuivre , mais d’un cuivre blanchâtre, caffant, & qui conferve toujours un peu de l’antimoine avec lequel il eft minéralifé; & lorfqu'on traite ce minéral en grand , il ne rend qu'environ 16 liv. au ? de minéral; ce qui provient de la partie pierreufe qui y refte mélangée, &: que, pour en féparer entièrement , il faudroit faire pafler aux opérations dü'bocard , où ily auroit un déchet fur le minéral, quelque précaution que l’on püt prendre, fans compter Les frais du traitement : auf jette-t-on au fourneau ce minéral tel qu'il fe trouve , en le dégageant le plus qu'on peut des par- tiss non minérales ; au moyen du concaflement avec les marteaux, & l’on ne porte au bocard que le minéral trop difféminé dans les fpaths & quartz qui lui fervent de gangue, pour pouvoir en être féparé à la cafferie. Il faut encore obferver que ce minéral eft prefque toujours accompagné de fer fpathique, en rapport, par fa pefanteur fpécifique avec le miné- ral gris, & que, par cette même raifon, on ne peut point Le féparer aux SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 375 lavages. Je ferai part une autre fois , par la voie de ce Journal , du procédé que j'ai employé pour pouvcir l'en féparer. Le traicement du minéral gris dont j'ai l'honneur de vous entretenir, confifte en un premier grillage dans une enceinte murée, & les murs qui l'entourent font percés de plufieurs foupiraux qui, ayant leur iflue au-deflus de la couche du minéral , communiquent au-deflous dans le brafier qu’ori allume, & qui fe fait avec du bois de hêtre fec & refendu : on recouvre le lit de minéral de chaux vive, pour boucher les interftices des morceaux de mine par où l'air, pénétrant avec trop d'ardeur, occafon- neroit la fufion du minéral; & pour empêcher la trop grande décrépita- tion qui feroit fauter le minéral hors du fourneau , on fait de même griller ou torréfier le minéral provenu des bocards , en y mêlant de la chaux vive dont on fait un mortier avec ce minéral. On torréfie ainfi 2 à 300 quintaux de minéral avec quinze büches refendues. Après cepremier grillage, on porte le minéral à un fourneau à manche, où il eft réduit en matte crue. Cette matte eft portée de nouveau aux grillages ; mais ceux-ci font d’une forme différente des premiers, Ce font des carrés longs, dont le fol eft incliné : on y fair des lits de bois, fur lefquels on dépofe la matte, qui pañle ainfi fucceflivement par quinze de ces grillages, & l’on augmente la quantité & la groffeur du bois à mefure que le grillage approche de fa fin , c’eft à-dire, de fes derniers feux : enfin , on obtient une mafle fpongieufe, où l’on apperçoit le métal à na qui commence à couler dans les interftices de la matte. Cette matte ainfi torréñée revient à la fonderie; on la fond dans un fourneau à lunette, pour la réduire en cuivre noir, & c’éroit à cet état qu’on la laifloit pour lui faire fubir les opérations de la liquation. Jai depuis changé cette méthode; & comme je trouvois ce minéral beaucoup trop impur pour fubir ces opérations, je le fais rafñner prefque entièrement; ce qui fe fait ici dans des foyers, n’ayant pas encore établi de fourneau de réverbère. Mais, malgré ce rafinage , ‘le cuivre provenu eft encore im- prégné de parties hétérogenes qui le rendent caflant & dune couleur grife blanchâtre. Quant aux opérations de Ja liquation , elles confiltent', comme per- fonne ne l’ignore , à imbiber le cuivre de plomb dans de juftes propor- tions , après avoir appauvri ce cuivle, s'il eft trop riche, à la contenance de 12 à 13 onces feulement d’argent par quintal; ce qui fe fait en ajou- tant d’autres cuivres moins riches. On fait de ce mélange de plomb & de cuivre des pains. de liquation ; qui, portés fur des foyers particuliers, le dégagent du plomb par un feu de charbon affez fort pour le fondre , & trop fuible pour fondre le cuivre. On coule le plomb en faumon, & on le porte au fourneau de coupelle, où il fe volatilife & fe vitrifie, & on obtient l'argent pur , qui conferve en- 376 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, core quelques parties de plomb , qu'on fait évaporer en le faifant refondre. fur une petite coupelle dans un autre fourneau; on reviviñe enfuite la li- tharge & le teft, ou, fi l’on veut, on s'en fert de nouveau pour imbiber du cuivre auquel on veut faire fubir les opérations de la liquation ,comme au précédent, eftimant le déchet de la litharge & du teft, & ne comp- tant que fon produit en plomb. . Les pièces de cuivre dont on a fait couler Le plomb qui s’étoit chargé de l'argent, par l'affinité qu'ils ont enfemble, font reftées fur les foyers : on les en arrache , & on les porte à un fourneau de refluyage , où, par un feu de bois , on achève de faire couler le peu de plomb qui pouvoit y tre refté; enfuite on retire les pièces de ce fourneau, pour les porter au rafinage , où l’on obtient lé cuivre rofette, qui, comme je l'ai dèjà dit, eft d’une qualité très-inférieure à celui qu’on retire du minéral jaune ou py- rite cuivreux. Je viens à préfent à mon effai. M. Margraff ayanteffayé de faire fondre du cuivre provenu de pyrite cui- vreufe dela mine de Freiberg, fans préalablement la faire calciner, & n'ayant pas réulfi, il auroit été ridicule de tenter la même épreuve après un aufli favant maître, Mais mon expérience éroit faite long-temps avant la pu- blication de la fienne ; & quoiqu'elle ait été dirigée fur une autre efpèce de minéral , je ne doute nullement qu’elle ne réuñiffe fur Le minéral jaune de cuivre. Vous en allez juger ; mais je dois vous prévenir que ceci fut un premier eflai dirigé un peu plus par le caprice que par les règles, & qu'il y auroit fans contredit beaucoup à changer dans la manutention & les mélanges. Quoi qu'il en foit, je le décris tel qu'il fut exécuté. Je fis faire devant le foufflet d’une forge de Maréchal un petit caflin avec du fablon humeété , que je regarnis d’un vernis de cendres lavées & délayées dans de l’eau. J'employai une heure & demie à laïfer fécher fans fouffler ce petit calin , où j'avois fait un feu de charbon. Au bout de ce temps , je commençai à jeter de mon minéral, que j'avois laiflé de la groffeur d’une noix au plus, fur le charbon, & donnai le vent. À mefure qu'il fe fondoit, & cela éroit très prompt, je projetai de nouveau Mineral jufqu'à la concurrence de $ liv. pefant. Tout fur fondu dans l'efpace d’une heure & demie, & je retirai une mafle de matte adhérente au caflin & à quelque peu de fcories qui la furmontoient ; je l'en détachai avec foin, & l'ayant pefée , je trouvai que le déchet avoit été d'environ 60 liv. par quintal de minéral, L’antimoine s’étoit évaporé en une fumée blanche très-épaifle , que le vent du foufflet avoit provoquée & fait volatilifer beaucoup plus promptement qu'il ne feroit arrivé fans fon intermède, Cependant il s’'étoit formé un petit régule de cet anti- moine , qui étoit au-deflous de la matte. À Je fis faire un nouveau calin, abfolument femblable au premier, qui s'éroit enlevé avec la matre; ilavoit 4 pouces & derni de diamètre, 3 pou- ces de profondeur. Je le fis chauffer & fécher comme le premier , & y ayant SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 377 äyant introduit autant de plomb pefant que j’avois de matte à fondre, je mis cette matte au-deflus des charbons, en y ajoutant le petit régule d’antimoine qui contenoit un peu de cuivre , comme la diffolution d'un petit morceau dans de l'acide nitreux me le démontra à fa couleur. Cette matte fut promptemenr en fufon , & je fis continuer le feu jufqu’à l'entière évaporatiou du plomb , ayant le plus grand foin d’écu- mer fouvent, & il me refta un culot de cuivre de la plus belle couleur, & très-malléable, qui fut dans la proportion de 14 liv. au quintal de minéral , ou 2 liv. moins que par les procédés ordinairement fuivis. Mais fi l'on venoit à bout d’expulfer totalement les parties étrangères dans ces opérations, on n’auroit également que ces 74 liv. , y ayant au moins 2 liv. d'impuretés, qu’on n'a pu trouver le moyen de débarrafler ; moyen qui a été tenté par une plus longue opération fur le rafinage: mais il en réfulte que les rozettes font adhérentes aux caflins, très-épaifles, & que, par la longue durée de l’opération , fans parvenir à expulfer en totalité ces impuretés , il fe volatilife beaucoup du cuivre purifié. J'eus donc occafion de m'aflurer, par cette opération, de la poffibiliré de purifier le minéral de cette efpèce ; mais la perte du plomb, qui fut d'environ 3 © pour 1 ? de cuivre putifié, rend l’opération coûteufe; & quoiqu'on püt, par ce moyen, économifer beaucoup de temps & de combuftible , cette épargne ne peut entrer en compenfation. Notez qu'il faut un efpace de deux mois pour obtenir le cuivre du minéral par nos rocédés ordinaires. C’eft toujours beaucoup, pour le bien de lArt, d’avoir pu parvenir à expulfer toutes les parties hétérogènes qui paroïfloient inféparables de ce minéral. Peut-être d’autres expériences me fourniront-elles un moyen plus avantageux de réuflir., en diminuant la perte du plomb. Il eft même hors de doute que cette opération feroit plus prompte, & que l'on retrou- veroit une partie du plomb , en opérant fur une coupelle, Je me livrerai à ces eflais intéreflans, quand j’en aurai le temps. BE FT'RVE DE M. LABBÉ MIGNON D'ALENÇON, SUR LE CADRAN SOLAIRE DE M. CARAYON FILS, Moxsreur, _ L'intérêt des Sciences , que vous foutenez avec tant de zèle & d'érudi- tion, fpécialemen par Ja publication de votre excellent Journal de Phyfi- Tome XXV, Part, II, 1784. NOVEMBRE, Bbb 318 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, que , engage tous ceux qui prennent plailir à le lire, à vous communiquez leurs obfervations. J'ai l'honneur de vous en adrefler quelques-unes. La machine de M. Carayon , publiée au mois d'Avril 1784, fattera tous ceux qui en liront la defcription. J'ai crû devoir vous faire part de quelques réflexions qui ÿ fonc relatives, ou pour aider les perfonnes qui la voudroient corftruire , en leur apprenant jufqu'à quel point on peut compter fur fa précilion, ou pour détourner celles qui fouhaiteroient une rigueur mathématique, d'entrer dans les frais qu’elle leur occafionneroit , fans le fuccès défiré, Si mes idées ne font pas d'accord avec celles de l'Aureur , je refpecte fes talens : je ferois fâché de lui déplaire; & ce n’eft aflurément que pour le bien des Arts & des Sciences que j'ofe les déve- lopper. Pour éviter des difficultés aux Amateurs de la Gnomonique, peu faits aux calculs trigonométriques, je cherchois, il y a quelques années, sil ne feroit point poflible de compofer un inftrument qui donnât le moyen de faire mécaniquement les cadrans folaires fur toute furface , fans excep= tion, même la plus irrégulière, avec autant ou plus de précifion que par les méthodes ordinaires , & qui n'eût aucun des défauts des anciens équi- noxiaux , fciatères, &c. La Gnomonique étant une vraie partie de l’Aftro- nomie, ou, pour mieux dire, un développement de tous les cercles de la fphère fur un plan quelconque, je *penfai qu'il falloit employer à cet ufage des inftrumens conformes à ceux avec lefquels les Aftronomes mefu- rent les efpaces du ciel, & porter fur les plans des rayons vifuels, en les faifant pafler du centre à la circonférence des inftrumens, J’eus alors l’hon- neur d’adrefler à M. de la Lande la defcription & la figure d’un horo- graphe ou équinoxial univerfel , qui me parut remplir ces conditions. Ce célèbre Aftronome daigna applaudir à mon effai , & m'honora, le 21 Juin 1781, d’une réponfe qui méritoit toute mareconnoiïflance. Je Jui annon- çai depuis un horizontal pour chaque latitude, très-aifé à conftruire , & qui, comme l'horographe , donne , avec une grande facilité , tous les points horaires , le centre même des cadrans par des rayons vifuels, & la potion duftyle dans les cadrans fans centre. La partie füpérieure de ces inftrumens eft (à l’arrangement des minutes près) la même que celle du cadran de M. Carayon; c’eft-à-dire, une furface circulaire avec ali- dade, pinules, feneftres, &c. J'oferai dire que je fus tenté d’y mettre un rouage; mais j'avoue que plufieurs difficultés m’arrêtèrent tout à coup, & je crus ne pouvoir employer que des ronius, Ce font, Monfieur, ces mêmes difficultés que je vous adreffe. Lorf- qu'elles feront connues de M. Carayon, il aura la complaifance de nous procurerles moyens de mettre à profit fa découverte, en évitant les défauts de conftruétion, & en rendant fa machine, dont la théorie eft fort belle, également utile dans la pratique. Les heures & leurs fous-divifions étant marquées avec juftefle fur cet SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS, 379 inftrumenc de 14 pouces de diamètre, les minutes doivent être affez fen- fibles pat Le moyen d’un nonius bien conftruit : mais la théorie nous dit qu'elles le feront encore davantage, en y faifant un cadran de minutes , & une aiguille menée par un rouage qui lui fait parcourir de grands efpaces. L Pourquoi l'expérience démontre-t-elle le contraire ? pourquoi ces mou- vemens, quelque grands qu’ils foient, n’ont-ils pas toute la précifion qu'on devroit attendre de ce nouvel inftrument de mathématique? En "voici la raifon. è Les roues font un levier du premier genre , propre à changer la direc- tion du mouvement, fait pour réunir dans un très-étroit efpace de perits leviers qui ont l'effet d’un feul d’une vafte étendue, &c. La circonférence de la roue, qui fair peu de mouvement, eft cenfée le petit bras du levier. Celle qui fait un très-grand mouvement, & plufeurs tours contre un de la roue la plus lente , eft cenfée l'extrémité du grand bras du levier, Ainfi, dans nos cadratures, le grand bras eft comune la roue des minutes; le petit bras eft repréfenté par la roue des heures. Dans une cadrature menée à l'ordinaire, à commencer par la chauffée ou roues de minutes, c'eft le grand bras qui mène le perit, & la roue de cadran fait un très-foible mouvement , tandis que celle des minutes en fait un beaucoup plus grand, & dans le rapport de 12 à 1.Or, dans cette conftruction, la roue des minutes étant le premier mobile de la cadrature, il n’y a point d'erreur de conféquence à craindre dans l'aiguille des heures, quoique cependant la roue de cadran ait du jeu , ou, en termes d'Art, du ba/lortage dans fon pi- gnon. Il n’en fera pas de même, fi l'on mène la cadrature à fens contraire; c’eft-à-dire, par la roue de cadran. Dans le premier cas, le grand bras du levier mène le petit, & une erreur de conftruction n’enlevera point de précilion à la roue des heures ; dans le fecond, c’eft le petit bras qui mène le grand; & une erreur infiniment petite, tant dans la roue de cadran , que dans les mobiles fubféquens , occafionnera un grand écart à la roue des minutes. Ce dernier cas éft celui de la machine que nous analyfons. Il eft conftant qu'un levier fimple d’une feule pièce rend les petits mouvemens très-fenfibles, quand, appliquant la force au petit bras, elle fait parcourir au grand bras un chemin relatif à l’excès de fa longueur fur le perit. C'eft un compas de réduction, dont l'étendue a cependant des li- mites, Tel eft celui de M. Ferdinand Bertoud , dans fon Effai fur l'Hor- Logerie , avec lequel on mefure des 86° de ligne de pied de Roi, T'els font certains Mmicromètres qui fervent aux Aftronomes, & quelquefois, felon Smith , aux obfervations microfcopiques : mais quand , au lieu d’un levier fimple re&iligne, on emploie différens mobiles, tels que les roues, il ny a*plus la même précifion à atrendre dans la conduite du grand bras par le Tome XXV', Part, 11, 1784. NOVEMBRE. Bbb 2 LA 380 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, petit, & l’onne peut pas préfumer favorablement de la jufteffe d’une rotre placée au dernier mobile, & faifant beaucoup de chemin ; tandis que le moteur auquel elle eft foumife en fera fort peu. Je puis afligner deux caufes de certe différence ; la première eft le jeu né- ceflaire aux engrénages, fans lequel ils feroient fi duts, que le moteur ne pourroit tranfmettre fon mouvement qu'après une réfiftance deftruc- tive de la pièce , & qui anéantiroit une partie du mouvement. M. Ca- rayon, ileft vrai, a évité le jeu de l’alidade & de fa roue par un reflore & une vis de preffion ; mais le ballottage de cette roue avec fon pignon fubifte toujours ; celui des deux roues de minutes & de renvoi y de- meure encore. Je fuppofe qu'il y eût un reflorc bien doux appliqué à lai guille des minutes, le ballottage ne fubfftera pas moins dans Les roues & le pignon intermédiaires ; & pour le prouver, qu'on fafle tourner en ar- rière l’alidade , elle fera un petit mouvement toute feule , avant de faire rétrograder l'aiguille des minutes. J'en ai fait l'expérience fur les cadratures exécutées par de très-bons Horlogers. Mais s’il fuffit de citer un exemple, voici l’avertiffement que nous donne Blaëu dans fon /nflirurion Affronomique. «II faut tourner , dit-il, le planétaire ( qui repréfente Le fyftème de Copernic } d'eccidert en orient... & non d’orient en occident, « à caufe que les rouesqui » font fous le rondeau ne fe preffent pas fi fort , que la fphère , en re- æ tournant d’orient en occident , ne demeure quelque efpace de temps » immobile ». Or, cela vient du jeu de l’engrénage. C’eft par la même raifon que M. F. Berroud fait conduire la roue annuelle de fes pendules d'équation par un feul pignon, & qu'il met un petit reflort pour empë= cher le ballottage du pignon de cadran mobile d'équation avec le rateau. Or, fi ce ballottage eft nuifble à l'engrénage de deux roues, il doit être un plus grand inconvénient , quand il y en a trois & un pignon; & ceci n'eft pas indifférent , quoique l’on puifle fe difpenfer de faire rétrograder les pièces. Pafons à la feconde difhculté. H s'agit d'examiner s’il eft un moyen de faire les roues & les pignons aufli parfaits qu'ils devroient être, lorfque le petit bras du levier mène le grand fans régulateur. Vous favez certainement , Monfieur, que quelque bonnes que foient Les machines à fendre ; ïl y a toujours qu-lque inégalité infenfible, ou dans les divifions de la plate- forme , ou dans le mouvement que l’on fait en fendant les roues. Une veine de cuivre plus dure peut rejeter la fraife à droite ou à gauche. Cette roue deviendra bonne pour une horloge ordinaire , mais défectueufe pour Fobjet préfent (1). Lorfque la roue eft fendue , il faut enfuite en (1) Dans les pendules, la puiffance eft appliquée fur le perir bras, & l’échappe- ment fur le orand bres; mais dans les pendules ordinaires, une erreur de conftrut: tion eft compenfe par une autre , & Le tout eft foumis aux vibrations du régwlareurs {} _ SURL'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 381 ‘égalir Les dents, les arrondir, &c. Le coup-d’œil, pour l'ordinaire, feul directeur de ces opérations, ne laifle-t-il pas néceffairement des dents iné- gales, tant fur la largeur que fur la rondeur? Le tour même rejette fou- vent. les roues, en les enarbrant un peu plus d’un côté que de l’autre; & cette erreur , infenfible à la vérité fur chaque roue ‘en particulier, fe fait fentir & appercevoir fur le dernier mobile, N'eft-ce pas, à plus forte raifon, la même chofe pour les pignons? Qu'un pignon foit tiré à la filière , ou fendu à la main , il le faut toujours tourner, eflanquer, arrondir , &c. Or, dans ces opérations , que d'inéga- lités infenfibles à l'œil , aidé même du microfcope! Quel Artifte oferoit aflurer:, s’il eft bon Mécanicien , que le calibre a ‘pignon les ôteroit en- tièrement? Il ne faut peutétre pas un douzième de ligne fur l’aile d'un ignon plus ou moins que fur l’autre aile, pour opérer une erreur très- fenfible fur le dernier mobile, Rappelons-nous , Monfeur, ce que dit l'Encyclopédie au fujet des pen- -dules d'équation, Les cadratures d'Enderlin étoient défeétueufes , en ce qu'il employoit plufeurs roues pour faire mouvoir la roue annuelle, Les aiguilles du temps vrai & du temps moyen s’éloignoient & fe rappro- choient, à caufe de l'inégalité infenfible des dents des roues. Cependant c’étoit Le grand bras de levier, ou la roue qui fait le plus de révolutions, qui conduifoit la roue annuelle. Ne doit-on pas conclure , à plus forte raifon, que le mouvement du cadran analyfé, qui agit d'une manière oppofée, fera à proportion de plus grands écarts ? Îl pourroit y avoir , ce me femble, un moyen d'y remédier en par- tie ; ce feroic de faire des roues & des pignons'très-grands & très-nom- brés. Ainfi, par exemple, fi, au lieu d’une roue de cadran de 72, on en employoit une de 360 , & d'un grand diamètre, comme de 12 pouces; fi, au lieu d’un pignon de 6, qui ne laïfle paf- fer que trois. dents par heure, on en faifoit un de 30 ailes; fi les deux roues de minutes de renvoi étoient de 150 , au lieu de 30, il eft certain que la pratique approcheroit de plus en plus ‘de la théorie, par la bonne qualité des engrénages & la facilité de la conftruction. Il faudroit encore faire des repairs aux roues & au pignon , afin que lorfqu'on feroit obligé de démonter le ronage, on pütremettre les pièces dans leur état primitif, Comme il y auroit toujours de petites erreurs, elles tomberoïient du moins fur les mêmes minutes à chaque heure, Mais concluons néanmoins Cependant , dans les pendules modernes à fecondes par le centre ; fur-tout dans les aftronomiques , pour éviter tout inconvénient , la conduite des minutes vient immédia- tement du pignon qui précède celui de l’échappement. Les anciennes pendules , conf truites d’une TETE avoient Je défaut de montrer des minutes peu d’accori avec les fecondes, \ Ed 382 OBSERVATIONS SUR LA PHPSIQUE, que le mécanifme de ces rouages n’équivaudra jamais à la fimplicité d’un. aonius, puifque l'on peut avoir par ce moyen jufqu'à des quarts de mi- nutes ; & peut être plus, en plaçant fur une des pinules une lentille de verre qui réunira à fon foyer les rayons folaires fur laligne de foi, & en fuppofant le cadran de 10 à 12 pouces de diamètre. Une dernière obfervation , eft que la mérhode de M. de la Hire (dont nous nous fommes fervis, M. Carayon & moi, en fubftituant un gnomon ou plaque percée aux anciens ftyles), évite fans contredit l'effet de ia pé- nombre : mais il eft bon de prévenir les perfonnes qui ne le fauroient pas, que ce cadran, quand même on le fuppoferoit dans l’état le plus parfait, ne donnera pas l’heure, avant & après midi, avec plus de préci- fion qu’un autre fuppofé fait avec le même foin & qui auroitun gnomon. Ce défaut vient de la réfraction , c’eft-à dire, des rayons qui fe brifent en + traverfant l’atmofphère, & qui font paroître les aftres plus élevés qu'ils ne font réellement. Mais à midi, la réfraction devient nulle ÿpar des rai- fons que le fujer & les bornes de cette Lettre ne me permettent pas de dé- tailler. IL ne me refte plus, pour la terminer, qu’à vous rappeler les motifs qui l’ont dictée. Je fuis, &c. 3 QU HS PA deu Dear Mon Mb À: 0e Dis VUE AUX AUTEURS DU JOURNAL DE PHYSIQUE; MEssreurs, Vous êtes trop exa@s & trop juftes pour laiffer fubffter un reproche qu'on me fait fans fondement , dans le compte qu’on lit de mon dernier Mémoire fur lElectricité dans le Journal de Phyfique pour le mois d'O&tobre. Ce reproche eft de « n'avoir pas dit un feul mot du traite- » ment des épilepfies & des catalepfies de M. le Dru par l'électricité, » dans un moment fur tout où des fuccès, atteftés par d’habiles Méde- cins, ont dérerminé le Gouvernement à concourir à un établiffement public dece nouveau traitement ». Veuillez, Monfieur , prendre la peine d'ouvrir le Mémoire que je viens de publier. Si c’eft l'édition in-8°”., imprimée par ordre du Roi à l'Impri- f ses ! SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 393 merie Royale, pag. 157 & fuiv., & fi c’eft la première édition ou l’édi: tion in-4° , car j'ai eu l'honnéur de vous envoyer un exemplaire de l’une & l’autre édition , page 83, vous lirez: « IL eft de notoriété publique qu'on emploie depuis quelque temps à » Paris les commotions pour le trairement de l’épilepfie , dans un Hof- » pice établi fpécialement pour cet objet fous l’autorité du Gouverne- » ment, & fous l'autorité de plufieurs Membres de la Faculté de Mé: » decine de Paris, IL faut, pour apprécier ce traitement , attendre cè » que nous en apprendront, par un nouveau rapport, les Médecins qui le >» fuivent, & qui , par le premier compte qu’ils en ont rendu , fans fixer » encore les idées, en donnent une fort avantageufe de ce même trai- » tement, &c, » I feroic trop long de copier ce que j'ajoute, &:la note dictée dans le même efprit que les lignes précédentes ; c’eft-à-dire, ue je m'en remets au rapport qu'ont déjà fait, & à celui que pourront faire encore les Membres de la Faculté qui fuivent ce traitement. Vous voyez, Monlieur , que ce palage de mon Mémoire ne permet pas de laïffer fubfifter Le reproche qu'on me fait dans le Journal de Phy- fique , & je fuis afluré que vous le détruirez , comme je l’attends de votre juitice & de votre amour pour la vérité, en inférant, dans le prochain Journal, la Lettre que j'ai l'honneur de vous écrire, Je fuis , &c, Nota. On lit, dans l’extrait érioncé au Journal de Phyfique, pag.318; lig. 23, de la nature des lèpres ; il faut lire des loupes , comme il y a dans le Mémoire: c'eit une faute d'impreflion. L=——= SE —— NOUVELLES LITTÉRAIRES. ] ire de l'Académie Royale des Sciences | année 1780, avec. Les Mémoires de Mathématique & de Phyfique pour la méme année, Paris, de l’Imprimerie Royale , 1784, in 4.fg. ; Ce nouveau volume de l’Académie de Paris ,renferme un très-grand nom- bre d’excellers Mémoires en matières de Phyfique générale, d’Anatomie,de Chimie , d’Aftronomie & de Géographie. Nous nous contenterons de les indiquer ici , nous réfervant d’en faire connoître les principaux par extraits à ños Soufcripteurs. En Phyfique, on y voit la defcription d’un inftrument propre à mefurer la denfité de l'air, par M. de Fouchy; un Mémoire fur 384 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, la chaleur, pat MM. de Lavoifier & Laplace; un fur la formation du fou- fre dans les dépôts des matières animales & végétales en putréfaction , pat M. Fougeroux de Bondaroy ; un Rapport fur les prifons , & un Mémoire fur leurs Infirmeries ; deux Mémoires fur les moyens de renouveler l'air dans les bâtimens, par M. le Roy; & dans les vaifleaux, par M. de Bory. La partie anatomique renferme un Mémoire fur le canal thorachique de l'homme ;" par M. Sabathier; deux Mémoires de M. Vicq-d’Azyr , l'un fur da ftructure & la pofition des tefticules dans le fœtus humain , & l'autre fur trois efpèces de finges, Le mandrill ,-le callitriche & le Macaque ; des obfer- vations fur la ftructure & les altérations des glandes du poumon, par M. Portal, La partie’ chimique eft trèsriche cette année-ci, & renferme le Mémoire de M. Tillet fur l'action de Pacide nitreux fur l'or ; des obfer- vations de M. Bertholet fur la combinaifon des huiles avec les terres , l’al- kali volacil & les fubftances métalliques ; trois Mémoires de M. Cornette fur l'adtion des acides fur les huiles, ou fur les favons acides ; un Me- moire fur quelques Auides qu’on peut obferver dans l'état aériforme , par M. Lavoifier ; fur la combinaifon de l’alkali fixe avec l'acide crayeux , fur la caufticité des fels métalliques, fur la nature des fubftances animales, & fur leurs rapportsiavec les fubftances végétales , & fur-tour fur la quan- tité d'acide du fucre qu’elles contiennent , fur l'acide phofphorique de l’u- tine , par M. Bertholet; fur différentes combinaifons de l'acide phofpho- rique, fur un procédé particulier pour convertir le phofphore en acide phofphorique fans combultion , par M. Lavoiler ; fur une inflammation fpontanée du phofphore, par MM, de Laflone & Cornette ; fur la manière de rendre d’un blanc citrin & tranfparent le phofphore opaque, jaune où rouge , fur une nouvelle efpèce de précipité jaune martial , & fur une mine terreufe de bifmuth, par M. Sage ; un Mémoire de M. Cadet fur le borax , que l’on trouve dans le Journ. de Phyf. , tom. XXI. Dans la partie de l'Aftronomie ; on lit de nouvelles méthodes analytiques pour réfoudre différentes queftions aftronomiques, par M.Dionisdu Séjour: c’eftfon quinzième Mémoire fur cet objet ; deux Mémoires , l'un de M. de la Lande , l’autre de M. Caflini de Thury, fur la diminution de l’obliquité de l'écliptique , & fur les confé- quences qui en réfultent ; un Mémoire de M.le Monnier fur les réfrac- tions aftronomiques; fur la détermination des orbites des comètes, par M. de Éaplace; l'obfervation de l’éclipfe du 14 Juin 1779, par M: le Monnier; & celles de la comète oblervée à Paris vers la grande ourfeen 1780, par M. Meflier; un Mémoire de M. le Monnier fur les poftions béographiques de quelques Villes de la haute Afie, qui font à lorient d’Alexandrette. Ce volume renferme encore Les éloges de M. Lieutaud &, de M, Buquer, Colleition » of SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 385$ Colletion de Mémoires chimiques @ phyfiques, par M. QUATREMER D'IsJONVAL , tome I”. Paris, chez Didot le jeune, quai des Augultins, in-4°, 1784. Prix, 3 liv. Ce Recueil contient trois Mémoires qui ont déjà paru dans le Journal de Phyfque; 1°. l’analyfe & l'examen chimique de l'indigo , cou- ronné par l’Académie des Sciences en 1777; 2°. l’analyfe du paftel; 3°. le Mémoire fur les différences entre la marne, la craie, la pierre à chaux & la terre des os, couronné par l'Académie de Rouenen 1781 ; il renferme de plus des recherches fur Les moyens de combiner intimément 125 acides nitreux & marin avec la terre magnélienne , pour en obtenir des fels ré- guliers & permanens; enfin , l’effai fur les caractères qui diftinguenc les cotons des diverfes parties du monde , & fur les différences qui en ré- fultent par leur emploi dans les Arts, couronné par l’Académie des Sciences de Paris en 1784. Nous ferons connoîïtre ces deux derniers Mé- moires plus particulièrement par des extraits, Effai fur la Minéralogie des Monts Pyrénées, Paris, chez Didot jeune, quai des Auguftins, 1784. Cet Ouvrage eft une nouvelle édition de celui qui parut il y a trois ans. M. l'Abbé Palaflo y a fair quelques additions, Il auroit éré à défirer quece Naturalifte eût parcouru de nouveau tous les endroits qu'il décrit, & que fon Deffinateur eût été plus fidèle à rendre la Nature; on n'auroit pas de reproche à faire à l’un & à l’autre fur leur exactitude. L'année dernière, j'ai vifité deux fois toute la partie des Pyrénées , depuis la vallée d'Offau juf- qu'al'océan, &ils’en faut de beaucoup que mes obfervations minéralogiques foient toujours d'accord avec celles de M. l'Abbé Palaflo , & avec les deflins de M. Flammichon. On le verra, lorfque je publierai ces obferva- tions. Au refte, cela ne doit pas empêcher de regarder cet Ouvrage £omme un bon guide dans les Pyrénées. Difcours philofophiques fur les trois principes animal , végétal & minéral ; où La fuite de la clef qui ouvre Les portes du Sanüluaire philofophique ; par Claude CHEVALIER , 1784, in-12. 2 vol. Chez l’Auteur , Fauxbourg Saint-Denis, ne. 30 ;-chez Quillau, Libraire , rue Cbriftine; & chez Petit, Libraire, quai de Gêvres, De l’Alchimie , & voilà tout. Tome XX, Part, 11, 1784. NOVEMBRE. Cce 386 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, Recherches analytiques [ur la nature de l'air inflammable; par M. Jean Se- NEBIER, Minifire du Saint-Evangile, & Bibliothecaire de la Republique de Genève, in-8°, À Genève, chez Barthelemi Chirol, Libraire, Les nombreufes expériences que M. Sencbier a faites fur Les airs au fujet de fes recherches fur l'influence de la lumière folaire , pour métamorphofer Pair fixe en air pur par la végétation, l’ont conduit infenfiblement à vouloir connoître quelle eft la nature de l'air inAammable, Il eft difficile d'apporter plus de foin & d’exactirude dans des recherches d’une telle importance; & les réfultats que ce favant Chimifte a obtenus paroiffent fi bien démontrés par les faits , qu'il eft impofñlible de fe refufer à leur évidence. Qu’eft-ce donc que l'air inflammable ? Ce n’eftpoint lephlogiftique pur, comme M. Kirwan, Fa penfé; ce n'eft point non'plus un être fimple, partie conflituante de Peau, comme MM. Lavoilier & Meunier cherchent à de démontrer à préfent : mais c’eft une combinaifon particulière & chimique , toujoursen rapport avec le corps qui Le fournit, au point que fi l’air inflammable mé- rallique eft produit par un acide quelconque, il fera compofé d’acide , de phlogiftique & d’eau, Si au contraire c'eft un alkali , il fera compofé d’al- kali, de phlogiftique & d’eau. L’air inflammable huileux & des marais contient un principe de plus, qui dépend des fubftances végétales qui lui ont donné la naiflance, & l’acide végétal y eft très-fenfible. L'air inflam- mable produit par les efprits ardens , tire fa fource du principe huileux, & on y retrouve clairement lacide végétal. Les éthers donnent aufli des indices des acides minéraux qui les ont produits. L'air inflammable phof- phorique eft pareillement compofé d’acide & de phlogiftique. M. Sene- bier fait enfuite une analyfe trés-détaillée & très-intéreffante de Pair hépa- tique , de l’air tiré d’un mélange de foufre & de fer, de l'air acide fulfu- reux, & de l’air inflammable extrait des métaux , au moyen feul du feu. Il vient enfuite aux fameufes expériences de MM. Cavendish & Lavoilier, fur la converfion de l'eau en air inflammable , qu'il difcute, & auxquelles il expofe fes doutes, fondés fur les expériences, Cherchant enfuite quelle peut être la caufe de l'inflammabilité de l'air inflammable, ce Savanc croit la trouver dans la proportion des matières falines & du phlogiftique , intimement combinées enfemble, Enfin , il termine fes recherches par l’exa- “men de la théorie de M. Kirwan, qui regarde l'air inflammable comme le phlosiftique , pour laquelle il ne paroît pas incliner. Les Phyficiens, & les Chimiftes fur-rout trouveront dans ce nouvel Ouvrage de M. Sencbiex une infinité de fairs & de raifonnemens qui ne peuvent qu’accélérer les as que la Science fait tous les jours dans la connoiffance de la Nature. Il s'eft glifé une erreur dans l’impreflon de cet Ouvrage fur la pefan- SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 397 teur de l'acide vitriolique , & voici la Lettre & la correction que nous avons reçues à ce fujet de l’Auteur lui-même, MAOLN/S PEUR, La publicité de votre Journal me fait défirer ardemment qu’en don- nant une notice de mes recherches analytiques fur la nature de l'air inflam- mable, vous veuilliez bien aulli faire connoître une faute que j'y ai faite à la page 86, avec fa réparation. . Après une expreflion vicieufe de La pefanteur fpécifique de l'acide vi- triolique, je le fuppofois huit fois plus p-fant que l'eau diftillée, quoiqu'il ne foit réellement que deux fois plus pefant qu'elle, & il en réfulte que fon rapport avec l’air acide vitriolique eft de Z£ d’un grain à 772 grains, & par conféquent qu’il eft raréfié dans l'air inflammable fait avec lui, comme 772 grains eft à = d’un grain, & non huit fois davantage, 1co00 comme je l'ai dit mal à propos. J'ai l'honneur d’être, &c. SENEBIER. Genève, ce 28 Juillet 1784. Difertatio Medica fÿflens obfervationes praëicas , &c. ; C'eft-à-dire, Differ- * sation de Médecine , contenant des obfervatioris pratiques fur l'ufage de la Belladone dans la mélancolie, la manie & l'épilepfie ; par M. Jean- Henri MuncH de Zell, Doëleur en Medecine & Chirurgie. À Gottingue, chez Dietrich ; à Strafbourg , chez Kænig, 1783, iñ-4°.de 32 pag. Depuis quelque temps , à limitation de l’illuftre Baron de Storck, plufeurs Médecins fe font empreflés à effayer des plantes fufpectes pour combattre les maladies les plus opiniâtres. La jufquiame, la ciguë, la mandragore, la familledes folanums font devenues des narcotiques falutaires. La beliadone , quoique délétère & vraiment vénéneufe , n’eft pas non plus reftée dans l’obfcurité. Prife avec de grandes précautions dans plufieurs ma- ladies rebelles , fes effets n'ont pas été fans fuccès. M. Munchfe borne, dans fa Differtation , à raflembler toutes les obfervations qui prouvent Y'utilité de cette plante dans la manie, la mélancolie & l’épilepfie. Il ne porte pas l'enthoufafme jufqu'à vouloir perfuader que la belladone foit abfolument un fpécifique certain contre ces maux terribles; mais il dé- montre que fes vertus , confirmées par beaucoup d’expériences , s’accor- dent parfaitement avec les caufes de ces maladies ; qu'elle les enlève fou- vent. Les obfervations qu’il rapporte , quoique nombreufes & multipliées , Tome X XV, Part. Il, 1784. NOVEMBRE, Grece 388 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, n’en font pas moins certaines , étant faites par MM. Greding, Stoll , Evers, & Munch père. - Faifons connoître la méthode fage de Greding pour adminiftrer la bel- ladone. Il commence par donner demi-grain des feuilles pulvérifées, où de l'extrait mêlé avec du fucre, trois fois par jour, en augmentant par de- gré la dofe jufqu’à 1 grain & demi, Si fes malades fupportent aifément ces remèdes, il mêle alors l'extrait avec la poudre des feuilles; & dans Pefpace de vingt quatre heures il leur fait prendre depuis trois jufqu’à dix pilules d’r grain chacune , en plulieurs fois. M. Munch père, Médecin & Surintendant dans le Duché de Zelf, indépendamment de fes expériences faites avec la belladone contre la ma- nie, la mélancolie & l’épilepfie, l'a employée également avec fuccès dans la rage, Il a publié à ce fujet un Mémoire Allemand. Joannis Cratonis, Gc. Epiflola, Gc. : c'eft-à-dire, Lettre de Jean Craton de Kraffiheim , Confüller & premier Médecin de trois Empereurs , &c., à Jean Sambuc, Doëteur en Médecine, Confeiller & Hiflorien Impérial, fur La mort de Empereur Maximilien IL, publié, pour la première fois , fépa- rément, & l'ufage des Médecins; par M. Chrétien Godefroy GRUNER , Profeffeur de Médecine à Jena ; in-8°. de 29 pages. À Jena, chez les héritiers de Cunan, 1782. Les Philologues & les Amateurs des Belles-Lettres trouveront dans l'Ecrie qui fait l’objet de cet article, de quoi fatisfaire leur curiofité : il y eft queftion de l'Empereur Maximilien If. Cet augufte perfonnage fut infiniment regretté de fes Sujets. Sa bonté & fa tolérance leur étoient connus: mais, comme il arrive fouvent aux Princes, les Hiftoriens contemporains ne s’'accordèrent. nullement entre eux fur la caufe de fa mort. L'érudit & favant M. Gru- ner , à qui cette particularité étoit connue, fut charmé d’apprendre qu'il exiftoit fur ce fujet une lettre de Jean Craton , cachée parmi les Com- mentaires d'Hippocrate , qui font confervés dans La Bibliothèque du Col- lége-d’Altembourg. D’après cela, notre célèbre Protefleur n'épargna rien pour en obtenir une copie fidèle, qu'il vient de publier. Elle nous apprend que l'Empereur Maximilien I[ mourut à la fuite d’une douleur néphré- tique , pour ne pas avoir voulu fuivre les fages confeils de fes Médecins, tandis que, malheureufement pour lui, il donna fa confiance à une femme de la claffe ignoble des vils Charlatans, qui lui avoit été recommandée par quelques-uns de fes Courtifans. Certe Lettre avoic déjà été imprimée dans un Ouvrage Allemand, & dans un Ouvrage latin de M. Ifenflamm. Mais voici la première édition publiée féparément à l’ufage des Médecins. M. Gruner en a fait hom- mage, par une dédicace latine, au Docteur Jean-Pierre Franck , Con SUR L'HISTMNATURELLENET'LES ARTS, 389 feiler intime & Archiâtre de l’Evêque de Spire. Ce Médecin eft avanta- geufement connu dans le Nord par fon Ouvrage de Politia Medica , dans lequel il démontre d’excellentes chofes : en combattant les mauvais ufages & préjugés, il réclame fortement les droits facrés & inviolables de l’huma- nité, l’indulgence qu'il faut avoir pour les jeunes filles enceintes, & com- bien il eft néceflaire d’adoucir la dureté des lois promulguées contre elles en Europe. Differtatio Medica de Anthropophago, &c.; c'eft-à-dire, Differtation de Medecine [ur l'Anthropophage de Bero , fection hiftorique première ; par M, François Guillaume-Antoine JAcoBr DE HATZFELD , Docteur ex Me- decine, À Jena, chez Maukian, 1781, in-4°. de 28 pag. Cet Opufcule, dédié au Comte de Hatzfeld , renferme quatorze para« raphes, qui préfentent fommairement l'hiftoire de l’Antropophage Jean- Nicolas Goldfchmidt, garde de troupeaux, près de Weimar. Voici une partie de fes forfaits. Une veuve avoit une jeune fille d'environ onze ans , qu'elle envoyoit tous les matins à l'école: un jour, elle ne re- vint pas à l'heure ordinaire; aufli-tôt la mère inquiète fait des recherches par-tout ; elle demande à Gold{chmidt lui même s’il ne l’a pas vue; il ré- pond qu'elle eft allée pêcher. On court à la pifcine publique , on ne l'y trouve pas ; dès-lors on conçut quelques foupçons fur cet homme, d’au- tant fondés, qu’on fe fouvint de lui avoir entendu prédire que la famine qui régnoit cette année , deviendroit fi grande , que les pères & mères mangeroient leurs enfans, On lui demanda comment il feroit, puifqu'il n’en avoit pas, [répondit que ceux des autres ne lui manqueroient pas. Onfit des recherches exactes ; ontrouvades indices certains de fon crime, qu'il avoua lui- même, Comme il étoit en prifon, l’on continua les enquêtes , & l’on trouva chez lui quelques vêtemens propres à faire foupçonner qu'il avoit déjà affafiné un jeune garçon. Le fcélérat Gold{chmidt interrogé , avoua ce nou- Veau crime, raconta qu’en faifant paître fes troupeaux ,ils’étoit préfenté de- vant un jeune Voyageur âgé d'environ 24 ans; que pour lui trouver un pré- texte à difpute, il l'avoit ee qu’en fifflant il venoit d'épouvanter & mettre en fuite fes troupeaux ; que l'étranger niant certe faufleté, ils fe direnc alors mutuellement des injures; qu’enfin ils en vinrent aux mains. Gold- fchmidt donne un grand coup de bâton derrière l'oreille gauche à fon ad- verfaire , qui du coup tombe mort fur la place, en verfant beaucoup de fang. Il porte aufli-tôt le cadavre dans une forérépaifle, près du lieu où fe commit cet attentat ; il le dépouille , découpe fon corps en plufieurs parties , les apporte fecrètement à plufeurs reprifes chez lui, cachées dans un fac couvert de feuillages. Iles fair cuire & les mange, donnant le refte à fon chien , qu'il tua enfuite, pour le manger à fon tour. Il en voulut aufi faire goûter à fa femme, lui difant que c'étoit du chien, du veau, 390 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE; du mouton: mais à peine celle-ci en eut-elle porté le morceau à la bouche , qu'elle le rejeta , en s’écriant: « Il faut que ce mouton foit bien » vieux, caril eft fi dur, qu’on peut à peine l’entamer avec les dents »; ce qui ft rire fon abominable & déteftable mari. À l'interrogatoire , il avoua tout, ajouta que, depuis fon premier meurtre , il fe fentoit toujours une propenfion à commettre de nouveaux homicides. Après avoir entendu l’Avocat fon défenfeur , le tout mis en confidération , le Comité de la Juftice du lieu où s’éroit commis le délit, demanda avis à d’autres Jurifconfultes. D’après des rapports una- nimes & un jugement facré, Goldfchmide fubit la peine due à fon crime, Il fut roué vif, & périt lentement entre les plus cruels tourmens, Son corps nu fur expolé; l’on remarqua que fon dos étoit couvert de longs poils hériflé.. Parmi les interrogats qu'on lui fic, il rapporta que la chair humaine fe pourrifloic très-promptement ; qu’elle étoit un peu douce & nauféabonde ; que la fibre du foie , même après avoir ôté la véficule du fiel , étoit fort amère, Ce fcélérat avoit toujours joui d’une fanté ro- bufte & vigoureufe, Son corps velu fit encore voir la plus grande force au milieu des tourmens, M. Jacobi, Hiftorien de ce cruel Antropophage , rapporte, à la fin de fa Differtation, plufieurs autres exemples de ce genre, Une petite fille, entre autres , qui à peine avoit atteint l’âge de douze ans, & que fon père avoit accoutumé à vivre de chair humaine, affalfinoit les enfans: on la condamna à être enterrée vive. Comme tous les fpectateurs la re- gardoient d'in œil fans pitié, elle leur dit: « Pourquoi m'avez-vous ainfi » en horreur? Croyez que fi l'on favoit par expérience combien la chair » humaine eft agréable à manger , perfonne ne pourroit s’empécher de » manoer fes enfans ». La Societé Royale de Médecine a tenu [a féance publique au Louvre , te 31 Août, dans l'ordre fuivanr. L Elle avoit propofé , dans fa féance tenue au Louvre le 11 Mars 1753, pour fujet d’un Prix de la valeur de Goo livres, fondé par le Roi, la quettion fuivante : « Déterminer queis font les rapports qui exiftent entre l’état du foie & » les maladies de la peau , dans quels cas les vices de Ja bile qui accompa- » gnent fouvent ces maladies, en font la caufe ou l'effet; indiquer en » même temps les fignes propres à faire connoître l'influence des uns fur » Jes autres, & le traitèment particulier que cette influence exige ». Ce Prix devoit être décerné dans la féance que La Société Royale a tenue ce jour (à; mais aucun des Mémoires envoyés au concours n’ayant rem- pli fes vues, elle a été forcée d'en différer la diftribution. Les Auteurs n'ont pas bien faifi la queftion ; ils ont étendu leurs recher- ches à des maladies, foit aiouës , foit chroniques, dans lefquelles il paroît A LA 1 \ SURIL'HIST. NATURELLE ET LES ARTS: 301 für la peau des éruptions qn'on ne comprend pas fous le nom général de maladies cutanées , telles que la petite vérole, la rougeole, la miliaire, Le fcorbut. La plupart n’ont point appuyé leur théorie fur un aflez grand nombre de faits. La Société prévient les concurrens qu’ils doivent fe borner à l'examen des maladies chroniques de la peau , caractérifées par des croûtes, farines, puftules, boutons & rougeurs, fymptômes qui accompagnent ordinaire- ment les maladies dartreufes , éréfipélateufes, & autres analogues. Ce font les vices de cette nature qu'ils doivent comparer avec ceux de la bile, La Société Royale propofe donc le même fujet, en y ajoutant les expli- cations précédentes, Ce Prix, de la valeur de 600 livres , fera diftribué dans la féance publique de la Fête de Saint-Louis en 1786. La Société a cru ce délai néceflaire pour donner aux Auteurs le temps que ces recherches exigent. Les Mémoires feront envoyés avant le 1° Mai 1786; ce terme eft de rigueur. IT. La Société avoit propofé dans fa féance publique , tenue le 11 Mars 1783, pour fujet d’un Prix de la valeur de 600 livres, due à la bien- faifance d’un Particulier qui n'a pas voulu fe faire connoître , la quef- tion fuivante : « Quels font, en France, les abus à réformer dans l’éducation phyfique, » & quel eft le régime le plus propre à fortifier le tempérament & à pré- » venir les maladies des enfans, eu égard aux ufages & aux différentes æ températures », Parmi les Mémoires envoyés au concours, la Société en a diftin- gué trois, entre les Auteurs defquels elle a partagé le Prix comme il fuit: : Elle a décerné, 1°. une Médaille d’or de la valeur de 300 liv., à M, Munniks , Docteur en Médecine, Profeffeur d’Anatomie & d’Accouche- mens à Groningue en Hollande, Correfpondant de la Société , Auteur di Mémoire envoyé avec cette épigraphe: Mhil eff difficilius quam à con- Juetudine oculorum anciem mentis abducere. 2°, Une Médaille d’or de la valeur de 200 livres, à M. Bret, Docteur en Médecine à Arles, Correfpodant de la Société, Auteur du Mémoire qui a pour épigraphe ce paflage d'Horace : Quo femel eff imbuta recens fervabit odorem. Tefla diu. Hor. Epift. 3°. Une Médaille d'or de la valeur de 100 liv,, à M. Amoreux fils; Fr 392 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, Docteur en Médecine de l’'Univerfité de Montpellier , Auteur du Mémoire ayant pour épigraphe ce vers latin: Tantæ molis erat gallicam educere prolem. ! IT. La Société avoit publié dans la même Affemblée , le 11 Mai 1783, pour fujet d'un Prix, le Programme fuivanc: & La maladie connue en Ecoffe & en Suède fous les noms de Croups > ou d'Angina membranacea feu polypofa , & qui a été décrite par Les Doc- » teurs Home en 1765 , & Michaëlis en 1778 , exifte-t-elle en France? » Dans quelles provinces a-t-elle été obfervée ? par quels fignes diagnof- » tics la diftingue-t-on des autres maladies analogues? & quelle méthode » doit-on employer dans fon traitement » ? Cette queltion a été traitée dans un grand nombre de Mémoires, parmi lefquels trois ont été temarqués. 1°. La Société Royale a décerné une Médaille d’or de la valeur de 100 liv., à M. Vieuffeux , Docteur en Médecine , rélidant à Genève, Il a rapporté vingt-une obfervations , dont les détails font bien préfentés, & qui ont été faites , foit à Genève , foit dans les pays françois limi- trophes, ] 2°. M. Dureuil , Chirurgien à Etampes, a remis un Mémoire fur le même fujet, dont la Société a été fatisfaite. Elle lui a décerné une Mé- daille de la valeur d’un jeton d'or. 3°. Le Mémoire de M, Bernard, Docteur en Médecine à Béziers , con- tient des remarques très-judicieufes fur le diagnoftic de cette ma- ladie. La Compagnie a arrêté qu'il en feroit fait une mention ho- porable. A Plufieurs de ceux qui ont concouru à ce Prix, ont adreffé des Mémoires dans lefquels ils ont décrit des maladies différentes de celles qui étoient le fujet du Programme, | IV. La Société avoit annoncé dans fa féance publique, tenue le 26 Août 1783 , qu'elle décerneroit des Prix d'encouragement aux Auteurs des meilleurs Mémoires qui lui feroient remis fur cette queftion: Æxi/k- t-il un fcorbur aïgu ? Quoique plufieurs Mémoires envoyés fur ce fujec contiennent des réflexions fages & des obfervations qui méritent d'être accueillies, cependant la Société n'en a point été aflez fatisfaite pour leur diftribuer des Prix. Elle invite les Médecins à ne pas perdre de vue cet object, & elle leur propofe toujours cette queftion à ré- foudre, V. La Société a annoncé qu’elle diftribueroit des Prix aux Auteurs des meilleurs Mémoires fur la Topographie Médicale ; elle s’eft fait rendre compte de ceux qu'elle a reçus depuis la dernière Affemblée SE rois Le LX SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 393 Trois ont fixé fon attention, & elle leur a décerné des Prix dans l’ordre fuivant: 1. Une Médaille d’ot de la valeur de 100 livres, à M. Poma, Doc- teur en Médecine, Correfpondant de la Société, à Saint - Diez en Lorraine, Auteur d’un Mémoire très-étendu fur la Topographie Médi- cale de cette Ville, où il réfde. 2°. Une Médaille d’or de la valeur d’un jeton d’or , à M. du Boueix, Docteur en Médecine, Correfpondant de la Société , Auteur d'un Mé- moire fur la Topographie Médicale de Cliflon en Bretagne. 3°. Une Médaille d'or de la même valeur à M, Desfarges , Docteur en Médecine, & Auteur d'un Mémoire fur la Topographie Médicale de la ville de Meymac, lieu de fa réfidence, VI. Les Obfervations relatives à la Médecine des animaux ont toujours fait partie des recherches de la Société, qui , depuis fon établiflement, n'a ceflé d'inviter ceux qui s’en occupent, à lui communiquer leurs tra- vaux. Elle leur a plufeurs fois décerné des prix d'encouragement. S’étant fait rendre compte des Mémoires & obfervations qui lui ont été envoyées fur ce fujet , depuis fa dernière Séance publique , elle a cru , d'aprèsle rap- port de fes Commiflaires , devoir faire aujourd hui une femblable diftribu- tion; en conféquence , elle a adjugé: 1°. Une Médaille de la valeur d’un jeton d’or, à M. Simeon Worlock, réfidant au Cap-François, Auteur d’un Mémoire très-bien fait, fur la ma- ladie épizootique peftilentielle qui a régné dans l'Ifle Saint-Domingue en 1780. 2°. Une Médaille en argent, de Ja même forme que celles que Ia Société fait frapper en or pour fes grands Prix, à M. Hufard, Artifte Vé- térinaire, Auteur de deux Mémoires fur les maladies qu'il a obfervées à Paris parmi les animaux , depuis l’année 1775 jufqu'à l’année 1780 ; d’un Mémoire fur l’ufage interne-du fublimé corrolf dans le traitement du farcin; & de diverfes obfervations qu'il a communiquées à la Société, La Compagrie lui a déjà adjugé un Prix dans une de fes Séances pu- bliques. | 3. Une Médaille en argent, de fa même valeur, à M. Barrier, Artilte Vétérinaire à Chartres | Auteur d'un Memoire fur l'avortement des vaches dans la Beauce. VIT. La Société propofe pour fujet du Prix de La valeur de 600 liv. , fondé par Le Roi , la queftion fuivante : æ Déterminer quels font les caractères des maladies nerveufes, propre- » ment dites; telles que l’hiftéricifme & l’hypocondriacifme, &c. (iffe- » ria, hypocondriafis ); jufqu’à quel point elles diffèrent des maladies ana- a logues, telles que la mélancolie ; quelles font leurs caufes principales , » & les indications générales que l'on doit fe propofer dans leur traite- » ment », Tome XXV , Part, II, 1784. NOVEMBRE. D dd 394 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, - Deux raifons ont fixé l'attention de la Société fur cette queftion ; 1°.les maux de nerfs font très-répandus, & jamais ils n’ont été plus communs dans les deux fexes ; 2°. plufieurs Auteurs ont abufé de la: dénomination de maladies nerveufes ; & Pont étendue à des léfions d’un genre très-diffé- rent. La Société défire qu'onen expofe la nature & les caractères avec plus de clarté. Les maladies comateufes, telles que l’apoplexies & les convul- fives proprement dites, telles que Le seranos & l'épilepfie, doivent en être féparées avec foin. Tous les Nofologiftes, & plufeurs Médecins célèbres ont rapproché l’hyfléricifme & Vhypocondriacifme , qu’ils, ont regardés comme des nuances différences d’un même mal, & qu’ils ont rangés parmi les affections fpafmodiques ; tandis qu'ils ont claflé la mélancolie parmi les maladies accompagnées d’un dérangement plus ou moins grand dans les idées, telles que la manie, &c. M, Cullen a fenti combien il eft diffi- cile d'établir des limites entre ces trois fortes d’affections (1). Ces re- cherches font donc l'objet principal des travaux propofés par la Société. Les Auteurs détermineront encore dans quel cas les maladies nerveufes proprement dites , dépendent du vice des nerfs eux-mêmes, ou d'une matière âcre qui les tourmente. La maladie appelée par les Anciens, & par quelques Modernes mélancolie avec matière , femble s'y rapporter; fur-tout ils n’oublieront pas que Les rameaux ou les plexus nerveux. peu- vent fouffrir chacun féparément, & produire des maux très-reffemblans à ceux des vifcères placés auprès de ces mêmes nerfs. . Quoique le fujet foit très-vaite , la Société penfe qu'il eft poffible de le traiter avec précifion ; elle ne demande qu’un tableau exaét des carac- sères. propres aux affections nerveufes proprement dites, & des vues gé- nérales fur leurs caufes & fur leur traitement, dont on écarte rout {yf tème , & dont une obfervation réfléchie foit la bafe, Ce Prix fera diftribué dans la féance publique du Carème en 1786. Les Mémoires feront envoyés avant le 1°° Janvier de cette année. VII. La Société propofe pour fujet d’un fecond Prix , la queftion fuivante. | « Déterminer quels font , relativement à la température de la faifon , » & à la nature du climat , les précautions à prendre pour conferver, » après une campague, la fanté des troupes qui rentrent dans leurs quar- » tiers, & pour prévenir les épidémies dont elles y font ordinairement attaquées »? Déjà la Société a propofé deux Prix fur les précautions à prendre pour conferver la fanté d’une armée pendant les conftitutions de l'été & de o > ÿ (1) Hyfleria, hypocondriafis , melancholia, genera morb., pag. 156, com. IT, € pag. 247. SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 395 l'automne , &fur le traitement des maladies auxquelles les gens de guerre font le plus expofés pendant ces deux faifons. Le nouveau Prix que nous annonçons eft dû à la générofité de la même perfonne qui a remis les fommes deftinées aux deux premiers. : > Les concurrens établiront des principes d’après lefquels on puifle déz terminer le choix des quartiers les plus propres à une armée confidérée daris les diverfes circonftances que préfentent les viciflitudes de la guerre, La nature du fol & la température de la faifon fourniront des détails importans, & qui ne doïvent pas être négligés. Ainfi, la Médecine pré- fervative doit former la partie principale de ces recherches. Les Auteurs n'oublieront pas cependant d'indiquer les moyens à employer pour com: battre les maladies auxquelles les troupes font expofées dans leurs quat- tiers après la fatigue d’une campagne. Ce Prix, de la valeur de 400 liv, fera diftribué dans la féance pu- blique du Carême 1786; & les Mémoires feront envoyés avant le 1° Janvier de la même année. On prévient, conformément aux intentions du Militaire auquel ce Prix eft dû , que la première queftion à propofer après celle-ci , fera re: lative aux précautions à prendre, foit pour prévenir , foit pour traiter les maladies qui furviennent aux Troupes vers la fin de l’hiver & dans les . premiers moïs de campagne, jufqu’a ce qu'il foit poflible de léur diftribuer des légumes, IX. Le même particulier qui, fans fe nommer, a fait en 1780 les frais d’un Prix de la valeur de 600 Liv. fur le traitément des malädies des enfans, caufées par la dentition; & en 1783 , ceux d’un Prix de la même valeur fur l'hygiène des enfens, a remis cette anrée une fomme de 600 liv. devant fervir aux frais d’un nouveau Prix, dont le fujet fera la queftion fuivante: - « Déterminer, par l’obfervation, quelle eft la caufe de la difpoftion » aux calculs & autres affétions analogues auxquelles les enfans font fu- » jets; fi cette difpofition dépend des vices de l’oflification ; & quels font >» Jes moyens de la prévenir où d'enarrérer les progrès ». L’analogie que les découvertes modernes ont démontrée entre la bafe dés os & la fubitance des calculs, & que plufieurs Médecins avoient pref- fentie , femble indiquer que les vices où dérangemens de l'offification font, au moins en partie , la caufe de ces différentes léfions, C’eft fur-rout dans l'enfance que les os fe développent, s’'accroiflent , & tendent fucceflivement à s'endurcir. Si ce travail ef fufpendu ou altéré d'une manière quelconque, la matière offeufe peut fe diftribuer d’une manière inégale, ou refluer vers différens émonétoires , ou fe fixer en diverfes régions du corps. Les con- currens rechercheront jufqu’à quel point ces changemens peuvent influer fur la formation des graviers, des.calculs, & des autres concrétions-ana- Tome XXV, Part. II , 1784. NOVEMBRE. D dd 2 * 396 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, logues , dont les'enfans font fi fouvent affectés ; quelle eft la caufe de ces concrétions, & quelles indications on peut établir pour diriger fes vues curatives dans le traitement de ces maladies, x Ce Prix , de la valeur de 600 liv. fera diftribué dans la féance publique du Carème 1786. Les Mémoires feront envoyés avant le 1° Janvier de la mème année. X. Un parriculier qui n’a pas voulu fe faire connoître , a remis une fomme de 360 liv.au Tréforier de la Société, & a prié la Compagnie de permettre que cetre fomme ferve aux frais d'une Médaille d'or qui doit être adjugée à l’Auteur du meilleur Mémoire envoyé fur un fujet de Phylique médicale, au choix de la Société, Cette propolition a été acceptée par la Compagnie , qui croit la queftion fuivante très-propre à remplir les vues du généreux inconnu. «Déterminer quels avantages la Médecine peut retirer des découvertes » modernes fur l'art de reconnoître la pureté de l'air par les différens » eudiomètres », Le mélange du gaz nitreux avec l'air, propofé d’abord par M. Prieflley pour remplir cet objet; la combuftion de l'air inflammable , indiquée par M. Volta; l'expoñtion du foie de foufre à une quantité d’air donnée fuivant la méthode de M. Schéele , font autant de moyens de reconnoître la quantité d'air déphlogiftiqué contenue dans une quantité donnée d'air a : o‘phésique; mais ils ne paroiffent point fuffire pour apprendre quelle eft la nature de l'air altéré par les effluves de la putréfaétion, & comment ce fluide peut être nuilible à l’économie animale, Ce point étant de la plus grande importance pour l’art de guérir, la Société a penfé qu'il étoit né- ceflaire de l’éclaircir, & c’eft fur cet objet que les recherches des concur- rens doivent être fpécialement dirigées. Elle défireroit aufli que les Au- teurs cherchaffent des moyens propres à mefurer les quantités de ce fluide feptique , par des eudiomètres ou procédés particuliers. Ce Prix , de la valeur de 360 liv., fera adjugé dans la féance publi- que de la Fère de Saint-Louis 1785. Les Mémoires feront envoyés avant le 1°" Juillet de la même année, Ce terme eft de rigueur. XI. La defcription & le traitement des maladies épidémiques , & l’hif- toire de la conftitution médicale de chaque année , font le but principal de l’inftitution de la Société , & l’objet dont elle s’eft le plus conftamment occupée. Elle a annoncé dans fa dernière féance publiques que la bien- faifance du Gouvernement , & la générofité de quelques-uns de fes Mem- bres qui n’ont point voulu être connus , l’avoient mife à portée de difpofer d’une fomme de 3000 liv. deftinée à fournir des encouragemens pour les travaux relatifs aux épidémies, aux épizooties, & à la conftitution mé- dicale des faifons. Depuis cette époque, le Gouvernement voulant favo- PDG RE ROSE OT PT SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 397 rifer des vues aufli utiles, a porté cette fomme à 4000 liv. Les mêmes conditions du concours annoncé le 26 Août 1783, fubfftent, Nous croyons devoir les rappeler ici. La fomme de 4020 liv. dont il a été parlé ; fera employée à la diftri- bution de Médailles de différentes valeurs, aux Auteurs des meilleurs Mé- moires & Obfervations, foit fur la conftitution médicale: des faifons & furdes maladies épidémiques du Royaume , foit fur différentes quef- tionsrelatives à ces deux fujets , que la Société s’eft réfervé, dans fon der- nier Programme, le droit de propofer. L La diftribution de ces différentes Médailles fe fera, comme il a été déjà dit, dans les féances publiques de année 1786, XI. Après avoir expofé les vues de la Société , relativement aux tra- vaux qu’elle propofe fur la nature & le traitement des maladies épidémi- ques & conftitutionnelles des années, nous rapporterons ici la fuite des Programmes déjà propofés. Premier Programme. Prix de 600 liv. , dont la diflribution a été différée. « Déterminer quels font les rapports qui exiftent entre l’état du foie & les » maladies de la peau; dans quel cas les vices de la bile , qui accompa- >» gnent fouvent ces maladies, en font la caufe ou l’effet, indiquer en même temps les fignes propres à faire connoître l'influence des uns fur les au- » tres, & le traitement particulier que cette influence exige », Les Mé- moires feront envoyés avant le 1°° Mai 1786. Second Programme. Prix de 300 liv. « Déterminer , par l’analyfe chi » mique, quelle eft la nature des plantes antifcorbutiques tirées de Ja » famille des crucifères , telles que le cochléaria, le creflon & Je raifort », I1 fuffira de faire l'analyfe exacte de deux ou trois de ces plantes. Les Mémoires feront envoyés avant le 1% Janvier 1785. Troifième Programme. Prix de la valeur de 600 liy. « Des quatre conf- # titutions annuelles admifes par les Anciens, & qui font la catharrale k » linfammatoire, la bilieufe & l’atrabilieufe , les trois premières étant connues & bien déterminées, on demande fi la quatrième a une exif- tence diftincte , & quelle eft fon influence dans la production des mala= > dies épidémiques ». Les Mémoires feront envoyés avant Le 1°* Janvier 1786. Quatrième Programme, Prix de 360 liv. « Déterminer quels avantages > la Médecine peut efpérer des découvertes modernes fur l’art de recon- » noître la pureté de l'air par les différens eudiomètres ». Les Mémoires feront envoyés avant le 1°° Juillet 1785. Cinquième Programme, Prix de la valeur de 600 Liv. « Déterminer quels » font les caracteres des maladies nerveufes proprement dites , telles que » l’hyftéricifme, l'hypocondriacifme, &c. ; jufqu'à quel point elles dif- » fèrent des maladies analogues, telles que la mélancolie; quelles font 8 ÿ Y 398 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, » leurs caufes principales, & quelle méthode on doitemployer en général » dans leur traitement », Les Mémoires feront envoyés avant le 1°° Jan- viet 1786. = Sixième Programme. Prix de la valeur de 400 liv. « Déterminer quelles » font, relativement à la température de la faifon & à la nature Fe cli- #» mat, les précautions à prendre pour conferver , après une campagne, # la fanté des troupes qui rentrent dans leurs quartiers , & pour prévenir # Les épidémies dont elles y font ordinairement attaquées ». Les Mémoi- res feront remis avant le 1° Janvier 1786. Septième Programme. Prix de 600 liv. « Déterminer ; par l’obferva- » tion, quelle eft la caufe de la difpofition aux calculs & autres affec- » tions analogues auxquelles les enfans font fujers ; fi cette difpofition »idépend des vices de l'oflification, & quels fout les moyens de la pré- +" venir & d'en arrêter les progrès ». Les Mémoires feront envoyésavant le 1°° Janvier 1786. XIEL La Société Royale continuera de diftribuer des Médailles aux Auteurs des meilleurs Mémoires qui lui feront envoyés, 1°. fur la To- pographie médicale des différentes Villes ou cantons ; 2°. fur l’analyfe &e les propriétés des eaux minérales; 3°. elle en diftribuera de même aux Auteurs des Mémoires où Obfervations qui lui paroïtront propres à contribuer d’une manière marquée aux progrès de la Médecine. Les Mémoires qui concourront aux Prix, feront adreffès, francs de port, à M. Vicq-d'Azyr, Secrétaire perpétuel de la Société, 6 feul chargé de [a correfpondance, rue des petits-Auguflins , n°, 2, avec des billets cachetés , contenant le nom de l'Auteur , 6 la même épigraphe que le Mémoire. Leëlures faites dans la féance publique tenue au Louvre le 31 Août 1787; par la Societé Royale de Médecine. 1°. Le Secrétaire, après l’annonce & la diftribution des Prix, a lu le jugement porté par la Compagnie, d’après l'examen & le rapport de fes Commiflaires fur la nature des eaux fournies par la machine à feu de MM: Perrier, qu'elle a déclarées très-falubres. 2°. M. de Fourcroy a lu un Mémoire fur la nature intime de la fibre charnue où mufculaire, & fur le fiége de l’irritabilité , faivi de réflexions relatives aux maladies des mufcles, 3°. Le Secrétaire a lu l’Eloge de M. Girod , Affocié régnicole, au zèle duquel on doit l'établiffement de l'inoculation dans les campagnes de la Franche-Comté. 4°: M. Chambon a lu des Réflexions fur le véritable caractère & le traitement d’une maladie particulière aux enfans, connue fous le nom de croups Où efquinancie membraneufe. 5’. M. Hallé a fait la lecture d'un Mémoire fur les effets du camphre -_SUR L'AIST. NATURELLE ET LES ARTS. 309 donné à haute dofe , & fur les avantages que l’on peut en retirer en l'em- ployant comme correctif de l’opium. 6°. Le Secrétaire a terminé la féance, en lifant l'Eloge de M. Lorry, Aflocié ordinaire, TA ENETE DEs ARTICLES CONTENUS DANS CE CAHIER. M ÉMOIRE fur l’ufage des Huiles graffes dans la Médecine; par M. Jean- Frédéric PICHLER. Page 321 Mémoire fur La culture & l'arrofement des Prés. 331 Differtation fur la fenfibiliré des Infeëles , précédée de quelques obfervations Jur la Mante; par l'Abbé PorRET. 334 Daefcription d’un Infirument propre à mefurer la denfité de chaque couche de l'atmofphère. 345 Nouveau procédé pour faire l'Ether nitreux , à la faveur duquel on obtient une plus grande quantité d'éther avec moins de foins & moins de dépenfes que par tous les procédés connus jufqu'a ce jour; par M. Wo zF, de la Sociéié Royale de Londres ; traduit de l'Anglois par M. FELLETIER 352 Expériences far la Mine du Cobalt calcinée; par M. MARGRAF, 35$$ Traité fur le Venin de la Vipère, fur les Poifons Américains , fur le Laurier- Cerife, G fur quelques autres Poifons végétaux ; par M. Félix FONTANA, Phyficien de S. A. R. l'Archiduc, Grand Duc de Tofiane, & Direc- teur de fon Cabinet d'Hifloire-Naturelle, 359 Mémoire fur l'inflammation fpontanée des Herbes cuites dans des corps gras; par M. N. J. SALADIN, Médecin à Lille en Flandre, 370 Lettre a M. l'Abbé MonGEz le jeune, fur les becs de sèche qui fe rencon- trent dans l'ambre gris ; par M. ROMÉ DE L'IsLE , des Académies Royales de Berlin , Stockholm , &c, 372 Defcription du traitement de la Mine grife de cuivre antimoniale des mines de 400 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, 6x. Baïgorri; par M. le Chevalier DE LA CHABEAUSSIÈRE, Jngénieur des Mines. 374 Lettre de M. l'Abbé MIGNON d'Alençon , fur le Cadran folaire de M. CARAYON fils. 377 Leitre de M. MAUDUYY aux Auteurs du Journal, 382 Nouvelles Liriéraires, 383 De À ne nt APPROBATION. J' Flu, par ordre de Monfeigneur le Garde des Sceaux, un Ouvrage qui a pour titre: Obfervations fur la Phyfique, fur l’Hiftoire Naturelle & fur les Arts, &c.; par MM. Rozier & MoncEz le jeune, &c. La Collection de faits importans qu’il offre périodi= quement à fes Lelteurs , mérite l'accueil des Savans; en conféquence, j’eftime qu’on peut en permettre l'imprefion. À Paris, ce22 Noyemb, 1784. VALMONT DE BOMARE, LT. il (il | —— WT Membre 1784 - Tellier de. re : | er) "1 ‘ [ QE 2 + L 2 € h : : 3 = î + NE à Ÿ d \ ” P x ï “ y LT. - , 5 s Î j ‘ z [ t 1 * x? H ” ER PCR TR Re PE PS RTE er ue one mnns PRET men team SasntUie (4 cat DC PE DE RIT » FF ” eve ess _ ti | he EE — Pur" ca ol 1784. Novembre En Pneu, eines A ——© PS NE V2 JOURNAL DE PHYSIQUE. É | LE (el Ï DÉCEMBRE. :784. I A Ro et un nl cp en nrtasrfr AS pe 5 SUITE.DU MÉMOIRE Sur l'ufage des Frs graffes dans la Médecine; Par M. Jean Frédéric PICHLER. XIV. Comparaifon des effecs des huileux avec le caraétère des maladies. L E célèbre Friend enfeigne très-bien que la Médecine n’eft autre chofe que la compataifon du remède avec la maladie: c’eft pourquoi j'ai cru devoir comparer les effets qui nous font connus des huileux , avec le carac= tère des maladies, & ce que nous apprend'à cet égard la pratique; con- noiflance qui fervira à combattre ces effets. Nous verrons par-là s'ils font d'accord ou non avec les principes adoptés. J’ai propofé des expériences communes, qui feront comme la bafe de cette comparaifon. Le célèbre Gaubius a dit avec raifon: Il faut regarder comme indubitable tout ce que 1e miniftère des fens , guidé par la prudence , nous apprend de la nature des corps. Ce que nous favons par une obfervation exacte du pouvoir des chofes qui agiffent extérieurement fur l’homme, eft vrai; & toutes les conféquences tirées d’obfervations appliquées à des principes d'une démonf- tration évidente, ne méritent pas moins d’être crues, C'eft de l'Anatomie, dela Phyfique & de la Chimie qu’il faut tirer ces principes. À l’aide de ces Sciences, nous aurons une Médecine exempte ‘d’hypothèfes dangereufes. Tel eft le but des propofitions déterminées ; il faut les comparer fans cefle avec les dernières obfervations , jufqu’à ce que Yon ait une fuite d’expériences toujours d’accord entre elles. On ne verra plus alorsles fentimens fe partager ; l’erreur fe découvrira; nous appro- cherons de plus près de la fimple & uniforme vérité, & la pratique mar- Chera d’un pied ferme, XV. Ufage des huileux dans les maladies aiguës, Les maladies aiguës inflammatoires , proviennent toujours d'un engor- Tome XXV, Part. II, 1784. DÉCEMBRE, E ce 402. OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, ement dans le canal de l'artère avec un mouvement violent du fang qui ÊË porte ‘vers la partie obitruée. On ne parvient à guérir, ces maladies, qu'en atténuant & en;divifant les molécules 6bftruantes, en donnant du relâchement aux vaifleaux obftrués, afin que les humeurs puiffent y circu- lér librement, L'augmentation dans la capacité du vaifleau obftrué, & la diminution dans la mafle de la molécule obftruante, doivent produire Le même effet, Dans l’un & l'autre cas, on ouvrira aux humeurs un paflage à travers le canal auparavant obftrué , & ceft tour ce que l'on de- mande. Pour relâcher l'intérieur des vaiffleaux, & les faire céder au liquide qui en facilite lé relâchement , prefque rous les Médecins confeillent l’ufage des huileux. AR A A : Tout nous démontre que ce relâchement eft abfolument néceffaire, non feulement dans une fièvre ardente , où les vaiffeaux obftrués fonc eux-mêmes relâchés , mais encore dans les maladies inflammatoires, où il y a un vice local, vers lequel elles peuvent le porter. Dans ces maladies, en effet, la circulation fe fait avec une vitefle bien plus grande; prefque tout le fang fe porte dans les vaiffeaux de l’artère, tandis que les veines : fe vident. Les veines alors relächées fe tendent bien plus facilement par Le fang que pouflent les artères. Recevant une plus grande quantité de fang, Hnen retourne plus tant au cœur, dont le mouvemeut fe trouve di- minué par cette caufe principale, Mais , après un examen plus approfondi, je ne crois pas devoir adopter ce procédé. Les huileux en effet, en obf- truant les vaifleaux deftinés à la tranfpiration , expér. VIIL, arrêtent certainement cette tranfpiration, qui très -fouvent entraîne avec. elle le germe de la fièvre. Je ne prétends pas défendre ici Helmontica, ni les autres Médecins qui ont exagéré les avantages de la tranfpiration dans les fièvres inflammatoires. Je n'ignore pas que rous les Praticiens qui ont embraffé cette opinion, n’emploient contre les fièvres de toutes les efpèces que la feule diaphorétique , peu inquiets de favoir fi la Nature fe porte ou non de ce côté-là, Le fentiment de Sydenham & de De Haen à cet égard eft préférable. Quoique Sydenhan regarde ce procédé comme très-pervi- cieux, il ajoute cependant que Je diaphorifme eft, à proprement parler, le remède dont fe fert la Nature pour chafler l'humeur fiévreufe ; que c’eft le meilleut fpécifique, toutes les fois que la Nature , abandonnée à elle-même, digère d'abord cette humeur, & La fait fortit enfuite par tous Les pores. La ouérifon d’une efquinancie & d’un éréfypèle nous en four- nitun exeniple frappant. L'éréfypèle ne vierit que d’humeurs plus légères que le fang qui féjourne dans les vaiffeaux capillaires de la peau rend âcres. Si, au moyen d’une douce friction, d’une chaleurtempérée , de fermentation qui fortifient les vaifeaux , & de légers ftimulans, on provoque la tranf- piration; fi l'on met en mouvement les humeurs âcres renfermées dans les vaifleaux cutanés, on opère leur réfolution , & l’on donne un paflage à SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. :403 Pinflammation. Les huileux au contraire obftruent les vaifleaux de La peau,expi VIIL, par lefquels la matière qui caufe l'éréfypèle auroir dû fortir. La tranfpiration eft arrêtée , & tout le monde fait qu'elle eft na- turellement âcre. Cette âereté demeure donc dans l'intérieur ; elle fe joint à la première; elle fait que le mal augmente: &: dégénère en gangrène, qui très-fouvent n’a d'autre principe que cetre graifle qui environne les parois des vaifleaux. Cetre graifle en effèt , mife en fufion & aigris par le trop grand frottemenr & par la chaleur qu'il: occafanne} ronge les vaif- feaux déjà attaqués par les humeurs qu'ils renfermoient ; elle devient alors un mordant qui agit fur les parois des vaifleaux; & quand l'âcreté des humeurs qui y font renfermées s'y joint, il en réfulte une folution de continuité dans les parois des vaifleaux: la fièvre augmente; & l'état du malade ne fait qu'empirer. XVI. Je dois donc conclure que tous les huileux:ont unseffèt perni- cieux. Mais l'eau tiède , employée, foit! intérieurement , foit extérieure- ment, procure Le relâchement que l’on demande ; elle provoque la tranf- piration ; 8e feule avec les faignées réitérées, elle peut guérir une mala- die inflammatoire. Qu'on renonce donc aux huileux, & qu’on leur fubf- tirue l’eau: Pour guérir une inflammation par le moyen de la diflolution, tien de mieux que de remplir les vaiffleaux de diffolvans. Or, l’eau eft le premier de tous , & les autres diflolvans n’ont d'efficacité qu'en raifon de l’eau qu'ils renferment, L'orifice des veines qui font ouvertes dans toute la fuperficie du corps; abforbent l’eau qui leut eft contiguë , & la mêlent au fang. Ce liquide fe trouve donc porté, avec le fang , des veines vers le cœur, d’où, au moven des artères , il fe répand par tout Le corps. Mais les fômentations diflolvantes ont non feulemenr cet avantage , qu'elles infiruent un aqueux diflolvant dans les veines abforbantes, mais encore qu’elles relä- chent les-vaifleaux, & font qu'ils cèdent plus facilement au liquide qui y pañle. Il eftencore probable qu'à l’aide des cataplafmes extérieurs , les diffolvans pénètrent jufqu'aux extrémités des artères deftinées à la tranfpi- ration. Si, en même temps qu'on applique ces remèdes extérieurement , on en fait pafler une grande quantité dans l'intérieur , on obtiendra, autant qu'on peut l’atrendre de fluides diflolvars ; on obtiendra, dis-je, la difloiution des humeurs fluides qui s'étoient épaiilies, Il n’eft pas mème befoin d'huileux dans les-lavemens; l’eau tiède leur eft encore préférable. En eflet, elle a le triple avantage de délayer les matières , de relâcher les parois des inreftins , de concourir , avec Les li- quides que l’on fait pafler dans l'intérieur du corps, à chafler les hu- meurs qui, retenues pendant quelque temps, étoient abforbées par les veines des inteftins. XVIT. La roux qui accompagne les fièvres inflammatoires, paroît in- diquer l’ufage des huileux ;:8c prefque tous les Praticiens ordonnent un Tome XXV, Part. Il, 1784. DÉCEMBRE, Eee 2 404 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, lok d'huile de baleine ; d'amandes douces, de beurre de cacao, & d'autres chofes femblables, dans du fyrop; mais cette potion eft très-danvereufe. Les écleogmes, dit Etmuller, ne font plus aufli eftimées de nos jours qu'elles l'écoient chez les Anciens. En effet, on croyoit alors qu’en par- courant fucceflivement les alimens.que l’on avoit avalés , ils pénétroient même jufqu'à la trachée-artère , & que s’approchant ainfi des poumons, ils en guérifloient Les maladies. Mais certe idée eft fauffe ; rout ce quientre dans le gofier defcend dans leftomac , & ne touche pas même légère ment l'ouverture de la glotte, qui eft d’une fenfibiliré exceflive , fans pro- voquer la toux, ou s'expofer à être fuffoqué : aufi Helmontius, dans fon Traité de la toux & de l'affhme, prétend-il que cet ufage des éclegmes eft abfolument inutile, , : Cette toux provient d'une trop grande féchereffe des poumons dans La partie où l’air pénètre; ou parce que les vaifleaux fanguins du poumon fe gonflant par la quantité de fang qui ne coule pas, compriment les petits vaifleaux du poumon deftinés à recevoir l'air, leur fuperfcie fe frotte alors mutuellement, & occafionne une toux sèche & irritante, Pour réfoudre ce vifqueux inflammatoire inhérent au poumon , on eme ploie avec fuccès la vapeur de l’eau chaude, que l’on injééte dans le poumon. La vapeur de l’eau chaude, qui eft le laxatif & Pémollient le plus efficace , conduire direétement fur le poumon, amollit les vaif: feaux obitrués , & délaye le fang engorgé dans les vaiffeaux. Lorfqu'on emploie extérieurement un diflolvant , dont leffer eft d’arriver à l’endroit affecté, & que les remèdes intérieurs , par les lois de la circulation , s'y réuniflent , il doit en réfulter que les molécules obftruantes, délayées par deux côtés à la fois, fe diflolvent. X VIH. IL eft. conftant que les perfonnes qui jouiffent dela meilleure fanté, tomberoient dans l'état de foiblefle & de marafme, & que tout: chez eux fe tourneroit en pourriture, file boire & le manger ne vénoient point réparer leurs pertes. Ce danger eft bien plus à craindre , lorfque la fièvre donnant un degré de vitefle de plus à la circulation , augmente l’âcreré des parties huileufes falines du fang. « C’eit pour cela qu'on indique alors l’ufage des nourriffans & des adoucif- fans , qui feuls peuvent corriger cette âcreté. Je fais que ; dans ces cir- conftances , on donne prefque toujours les émulfons , & fouvent même une potion un peu acide avec une émufilon. Ce procédé n’a toujours déplu. Je confeillerois donc des remèdes qui, de leur nature, ne font point fujets à la corruption, & qui font cependant nourriffans. Telles font les décoctions d'avoine, d'orge , &c. Le mucilage que renferment ces décoftions, fait qu'elles rempliffent l’un & l’autre objet. Nous corrigeons aufi par-là la tenfion des fibres , & en relächant l'extérieur des vaifleaux , nous les empéchons d'agir avec trop de violence fur le fang , qui devenant moins épais, fa partie aqueufe ne fe diflipe pas fi promptement ; bientôt SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 405 linflammation s’appaife en partie, parce que l’on donne plus d'écoulement au fluide ftagnant , & coagulé en partie, parce que la contraction des ca- naux obftrués eft beaucoup moindre ; contraction qui arrétoit auparavant les molécules obftruantes , & s'oppofoit à la dilatation des canaux. C’eft, pour me fervir d’un proverbe fort commun , faire d'une pierre deux coups. La fièvre fait fondre la graïfle, qui fe mêle alors avec le fang : c'eft ce qui demande de notre part la plus grande confidération. Le corps le plus ras, dit Etmuler , eft atténué par l’ardeur de la fièvre; l’intenfité de la chaleur fait fondre toute la graifle. Dans cet état , les vaifleaux la boivent de nouveau, & peu à peu elle s'échappe au dehors : tantôt ce font des urines abondantes, au deflus defquelles on voit de temps en temps fur- nager un peu d'huile ; tantôt c’eft une diarrhée, accompagnée de colique, ou une fueur confidérable. Si un homme gras, dit Swieren, eft tourmenté d'une fièvre continue pendant quatorze Jours, on le trouvera quelquetois diminué de moitié. Cette perte vient en grande partie de la graifle que la fièvre a fait fondre. Il ajoute, dans un autre endroit, que les faignées, quelque multipliées qu'elles puiflent être , ne font point capables d’enle- ver cette graifle fondue en aufli grande quantité qu’il y en a de mêlée avec Jes humeurs dans leur circulation. Cet huileux empêche les aqueux diffolvans de s'unir au fang , à moins d'employer les favonneux. Aigri par le mouvement rapide de la fièvre , & par l'exceflive chaleur qu’elle caufe , expér. IT, il occafionne une nouvelle irritation & une nouvelle fièvre, qui a fouvent un caraëtère de putridité , expér. V. C'eft pour cette raifon que le célebre Akermann a dit: Les fièvres inflammatoires font très-dange- reufes pour les perfonnes graffes. Rien en effet n'eft plus expofé à la cor- ruption que cette graifle. XIX. Après avoir parlé des caufes communes à toutes les maladies aiguës où il y a inflammation , voyons maintenant celles qui convien- nent à chaque maladie en particulier. La différence qui règne entre elles ne vient que de la partie où eft le fiége du mal. Dans une fièvre ardente, le fang, privé de fa partie aqueufe , devient ftagnant aux extrémités ‘des artères, & produit une inflammation dans tout Le corps, La circulation du fang dans les veines une fois arrêtée, il fe rafflemble dans le fyftème des artères , & oppofe une réfiftance prefque infurmontable à celui qui pafle du cœur dans les artères, d’où il fuit un violent frottement & une chaleur brûlante: mais fi le fang, privé de fes parties aqueufes, fe fixe dans les vaiffeaux du cerveau , & y excite une fièvre aiguë, nous nom- mons cette maladie une frénéfie. Plufeurs, dans ces derniers cas, ap- prouvent les caraplafmes huileux fur la tête ; mais l’expérience VITI & la fection XV , prouvent qu'ils font dangereux. En effet, pourquoi, dans cette maladie , recommarde-t-on de faire rafer la tête? En coupant les cheveux., dit le célèbre Swieten, toute la peau de la tête fe trouve ou- ‘406 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, verte à la tranfpiration : tel eft Peffer qu'on en attend dans la frénéfie. Y auroit-il du bon fens de provoquer d’abord la tranfpiration, en faifant rafer la tête, opération qui n’eft facile que dans les premiers jours de la maladie , & d'arrêter enfuite cette tranfpiration par le moyen des huileux À Renonçons donc aux huileux, & qu’on ne travaille à rendre aux malades la fante que par le moyen des faignées , des diflolvans , des rafraïîchiflanss foit internes, foit externes. XX. Dans l’efquinancie , comme elle provient très fouvent d’un dé- faut de tranfpiration dans le cou ; il eft certain que les huileux , dont l'effet eft d'arrêter la tranfpiration, ne conviennent nullement , quoique Celfe & Alex. Trall confeillent d'appliquer à l’extérieur de l'huile chaude avec des éponges, de mettre fur la tête un morceau d’étoff: de laine trempé dans l'huile ; où un cataplafme compofé de cire , de beurre & de graifle. Les méthodes générales pour guérir cette maladie, font les mêmes que dans les autres maladies inflammatoires, Hippocrate a aufhi recommandé d'appliquer fur les joues & far les mâchoires , des éponges pleines d’eau chaude avec du vinaigre, & d’afpirer la vapeur afcendante de l’eau. Dans l'efquinancie & dans la frénéfie, on fait un très-grand ufage des lavemens. C’eft ce que l’on concevra aifément, pour peu que l'on faffe attention au grand nombre de vaifleaux qui viennent aboutir aux intef- tins. Ces vaifleaux ferpentent entre le tiflu dont les inteftins font formés. Si ce tiflu eft relâché , le fang circule alors avec plus de facilité. Or, fuivant les lois de la Nature, où le fang trouve une moindre réfiftance, il doit s’y porter en plus grande quantité; le fang eft attiré vers les inteftins re- lâchés, de manière qu’il femble par-là fuivre fon cours ordinaire. Enfin , dans le cas où la déglutition eft abfolument impollible , on peut em- ployer les lavemens nourriflans, compofés de crème d’orge & de riz. Celle eft le premier qui nous en fourniffe un exemple. XXL. Plufieurs Médecins ont coutume, dans la péripneumonie, pour provoquer les crachats, de donner aux malades des huileux. En France, ils confeillent l'huile d'amandes avec une décoction pectorale; en Alle- mage , des éclegmes avec de l'huile de baleine dans du fyrop. J'ai dé- montré , fect. XVII, que ces huileux ne peuvent arriver jufqu'au fiége du mal; & que, quand bien même ils y patviendroient avec le chyle, ils ne pourront forcer les dernières barrières que leur oppofent les artères du poumon; obfervation que nous avons très-fouvent occafion de faire dans les malades attaqués de la phthyfie, qui reflentent toujours. un redoublement de fièvre, & fouffrent cruellement dans l'inftant de la di- geftion , où un nouveau chyle fe mêle au fang. Je crois qu'on ne peut être trop réfervé dans l'ufage des haileux, fur-tout lorfque les mucilagi- neux 8 la vapeur de l’eau, fetion XVII, donnent le même effet: C’eft en parlant de ce dernier remède, que le célèbre Stoerck a dit: « Un >» malade reflent fouvent beaucoup de foulagement, fi de tempsen temps on SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 407 » approche de fa bouche & de fes narines une éponge imbibée d’eau chaude ou d'une déco&ion émolliente , & qu'on lui en fafle refpirer la »# vapeur ; non feulement ce remède eft un calmant qui adoucit l'in- # flammation du poumon, mais même il fait expectorer avec plus de » facilité », XXIT. Je n’oferois pas non plus ordonner, dans la pleuréfie , l’ufage interne des huileux ; remède cependant qui, dans tous les temps, a eu la plus grande vogue. Je ne prétends pas aufli contredire abfolument les ob- fervations que les maîtres de l’Art ont faites à ce fujet; mais je foutiens & je fuis intimément convaincu, d'après ce que j'ai remarqué moi-même plufieurs fois, que jamais les huileux n’ont guéri une véritable pleuréfie. N'en déplaife à ces habiles Médecins , dont au refte l’autorité eft pour moi infiniment refpectable , je vais propofer mon fentiment, Depuis long-temps je réfléchiflois fur l'effec des huileux dans la pleuré- fie, fans pouvoir en rendre raifon ; je ne favois à cet égard quel fyftême embrafler; & toutes les fois que l’occafion s’eft préfentée de caufer de cette maladie avec d’autres Docteurs , je leur ai communiqué mes doutes. Souvent, pour me convaincre de l'efficacité des huileux dans la pleuréfie, ils m'ont cité différentes perfonnes qui , toutes les années , font attaquées de cette maladie, & n'en trouvent le remède que dans les huileux, J’ai donc prié ces mêmes perfonnes de me faire appeler aufi-tôt qu’elles commenceroient à reflentir les premières douleurs de la pleuréfie. J'ai effectivement trouvé tous les fymprômes de cette maladie. La dureté du pouls, le tempérament trop refferré de ces malades, la lenteur accou- tumée de leur eftomac, le foulagement que leur procuroient quelques évacuations , & fouvent une feule, qui prefque toujours ne préfentoit que des matières recuites: tout cela me fit voir que ce que l’on trairoit de pleuréfie n’étoit effectivement qu’une colique , & j'en concluois, con- noiffant la nature deshuileux , qu’au lieu d'avoirété , comme on le croyoit, un fpécifique contre la pleurélie , ils avoient feulement débarraflé les in- teftins obftrués ou trop reflerrés , prévenu ou même guéri l’inflamma- tion dans cette partie. Arétée a très-bien obfervé que l’on plaçoit fouvent le fiége du mal dans différentes parties du corps fur lefquelles fe pofe le colon, qui feule eft attaqué d'une inflammation, de manière que la ma- ladie de cet inteftin eft inhérente à telle ou telle partie. Les obfervations de Pringle viennent à l'appui de ce fentiment, « La pleurélie , dit-il, » peut être fentie dams toutes les différentes parties du corps, devant, # derrière , en haut, en bas, dans le côté : quelquefois méme elle def- » cend fibas, qu’elle fait croire qu’il y a inflammation dans les vifcères » de l'abdomen. Si la pleuréfie peut avoir les mêmes fymptômes que la colique, qui empêche que la colique, à fon tour, ne s'annonce comme la pleuréfie? C'eft ce qui arrive communément lorfque la douleur affecte l’'hypocondre gauche, à l'endroit où le colon fe porte 5 CR 8 408 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, » vers fe rein gauché ». A la page fuivante , Pringle ajoute: « IL faut bien » prendre garde de confondre ces douleurs caufées par l’inflammation, avec » les points fpafmodiques qui affectent les mufcles de la refpiration, ni » avec les points de côtés occalionnés par les vents. Les vents & les #> matières inhérentes au col du diaphragme , caufent très-fouvent ces > douleurs qui gênent la refpiration ; quelquefois même on voit s'y » joindre une toux petite & fréquente; mais il ny a ni fièvre, ni cail- # leux dans le fang qui annoncent la pleuréfie ». C’eft ainfi que Pringle s'explique ; & quoiqu'il ait donné l’abfence de la fièvre & de l'inflamma- tion dans le fang, comme le figne qui diftingue cette maladie de la pleuréfie; cependant, pour peu qu'elle dure, il n’eft perfonne qui n’ap- perçoive bientôr ces deux fymptômes. La fièvre, dit immortel Swieten, vient prefque toujours à la fuite des grandes douleurs, même dans les maladies qui en paroiffent le moins fufceptibles; & dans un autre endroit, il ajoute : quoique la conftipation puifle fe fupporter long-temps, ce- 2 vendant elle n’eft point fans danger , & l’on doit craindre que la fièvre ne s’y joigne. XXIIL. La douleur qui affecte le colon , d’après la plus faine théorie , peut faire croire qu'il y a inflammation dans la plevre. Les matières qui s’amaflent dans le colon, fe durciffent à la longue, & tendent les côtés des inteftins. Les fibres nerveufes qui ferpentent à travers Les membranes des vaiffeaux tendus, font effort; de Jà vient la douleur , fect. XI. Soit par leurâcreté, foit parleurpoids, ces matièresirritent lecolon , les fibres mufcu- laires irritées fe contractent alors beaucoup plus que dans leur état naturel, & cette contraction , beaucoup trop forte, rétrécit l’intérieur du colon: de là naïc un nouvel obftacle, qui arrête Les fonctions du bas-ventre, parce que l'inteftin demeure tendu à l'endroit où s'arrèrent les matières, & fe contracte à côté. Les vaifleaux qui circulent à travers le velouté de l’inteftin, s’étendenc & fe refferrent; ils n’ont plus alors de profondeur, le fang 5’y arrête : de là l’obftruction & l'inflammation, nouvelles caufes de douleur & de fièvre. Du moment qu'il y a réfftance dans les vaif- feaux inférieurs , le fang s’'amafle dans les poumons ; & comme dans cet état , ainfi que dans les pleuréfies , la force de la douleur empêche les ma- lades d’afpirer, le fang du côté droit du cœur , paflant plus difficilement à travers les poumons, occafonne la péripneumonie : enfin lafpiration , que la douleur empêche , peut-être la caufe de la toux. D'après ce que nous venons de dire, & d’après {és expériences I, VI & VII, il eft aifé de voir que les huileux, dans cette faufle pleurélie, ne peuvent qu'être un remède efficace: mais doivent-ils étre confidérés de même dans la pleuréfie proprement dite? C'eft encore un problème à réfoudre. s XXIV. Le célèbre Rivière, ce Médecin fi renommé par fes connoif- fances , a crès-bien obfervé Les effecs des huileux, Son fentiment eft une x autorité » SUR LHIST: NATURELLE ET LES: ARTS: 409 autorité , qui me porte à.ne pas me départir dé mon fyftème à cet égard. , Je citerai les exprefions de cetiülluftre Praticien. L'huile de lin ow d’a- mandes douces, dit-il, appaife la tdux : & efk un calmänt pour la pleu- rélie, 6 onces d'huile nouvelle d'amandes douces güériflenc la colique, & fort, couler par en bas les matières inhérentes aux inteftins; mais ailleurs il avertic qu'il ne faut pas donner d'huile dans une fièvre trop ardente, parce que les huileux s'enflamment aifémenr, Ce qui me fair croire fur- tout que l'huile n’eft point un remède efficace dans la pleuréfie , c’eft que de plufeurs exemples de cette maladie qu'il rapporte dans fes obferva- tions, il n’en cite aucun où elle ait :éré guérie par le moyen des huileux. On ne voit pas enkefler qu’il y fafle! mention des huileux, En rapprochant tous ces faits, je me crois donc bien fondé à penfer que Rivière n’a jamais employé-les huileux dans la véritable. pleuréfie. La pleuréfie en effet eft toujours accompagnée d’une très-grofle fièvre. Or, äl dit très poftive= ment, que, dans ce cas , il ne faut pas fe fervir des huileux ; mais tant qu'il n'y avoit que peu-ouù point de fièvre, & que le fiége de la maladie éroit dans le colon, il aemployéles huileux avec le plus grand fuccès; ce qui s'accorde lavéc mes obfervations, !: noi ! : XXV. Dans les maladies du foie, où le fang s’arrêtant, foit dans les ramif- cations de l’artère hépatique, foit dans les. dernières branches de la veine porte , caufe une fièvre violente, les huileux externes, & encore moins les internes, ne font point du tout convepables.,:parce que le fang ne de- vient ftagnant qu’en raifon de ce qu'il eft trop épais ; défaur qui pro: vient très-fouvent de fa partie huileufe,:& que d’ailleurs cette maladie dégénère très-facilement en fièvre putride. Or ,:nous ayons vu dans l'ex- périence V , que les huileux ne font rien moins que falutaires dans cet état. PIE : - Les lavemens, les rafraîchiffans, compofés de. décoétion d’herbe émol- lentes avec du nitre &:du miel, ou de petit-lait, font le plus grand effet, fur-tout dans cette maladie inflammatoire ; parce qu’ayant encore toute leur force & toute leur. vertu, elles: font abforbées par les veines du méfentère , qui les porte diréétement_au foie, FX :XXVI. Un pouls dur & précipité, qui provient de Ja trop grande ré- fiftance du cœur vers les vaifleaux capillaires du ventricule, eft la caufe prochaine du mal d’eftomac. La douleur eft des plus vives dans cette cruclle maladie. Le fpafime eft fi violent, que l’on rejette aufli tôt tout ce que l'on prend, fans pouvoir arrêter le vomiflèment: aufi ne doit-on point em- ployer alors les remèdes qui font.les plus efficaces contre l'inflammation, tels que le miel & le nitre. Bien délayés ; cependant, pris une feule fois en petite quantité , ils ne pourroient point. être nuilibles. Il faut donc prendre d’autres moyens, & fe fervir de remèdes qui, propres à corriger la erop forte contraétion des fibres des vaiffeaux, puiflent Tome XXV, Part. II, 1784. DÉCEMBRE. FLE 410 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, difBper l’obftruétion & fondre l’amas des humeurs. Les plus sûrs fontime copieufe & prompe faignée , des décoctions d'orge & d'avoine, prifes par haut & par bas. Ces déco“tions humeétent & amalliffent en même temps; elles relâchent les parties folides du corps, Corrigent l'âcreté , & appaifent la douleur, Si cependant les acides que l’on a mangés font la caufe occafionnelle de cette maladie , alors il faut employer l'huile pour pro- voquer le vomiflement; c’eft le remède Le plus sûr : mais à moins d'en faire ufage dès le commencement du mal, il ne peut plus être d'aucune utilité, parce qu’alors les vaifleaux étant déchirés, le fang qui féjourne dars le tiflu cellulaire fe corrompt, & de là vient la gangrène, Si le mal d'eftomac aune autre caufe occalonnelle, ileft aifé de voir , par les raifons tirées des expériences IT, IT & V, qu'il.faut éviter les hui- Jeux. Tel eft le fentinzent de Seunerte, lorfqu'il dit: Dans l’inflammatio® du bas-ventre , il ne faut prendre aucun des remèdes qui lui font con- traires, Qu'on s'abftienne aufli , ajoute-t-il, des huileux, & de tout ce ui Ôte leton à Peftomac. Il faut employer pour remèdes extérieurs les bains & les fomentations hnmectantes. Alexandre Trall recommande l'huile battue avec de l’eau: certainement fi l’on veut faire ufage des huileux , celle dont je parle, f& vantée par les inventeurs de la Médecine, eft préférable à cerre efpèce d'onguent compofé d'huile de lin, de bouillon blanc & de noix, dont parle le célèbre Ludwig. XX VII. Lorfque le canalinteftinal eft affecté de fpafmes , nous difons que c’eft la colique. Cette douleur aïguë que l’on reffent dans les inteftins ; provient très-fouvent de matières ramaffées & recuites dans les inteftins, & de vents auxquels ces matières ferment le paffage. C’eft pour cette raifon qu'aux fections XXII & XXIV , en parlant de la pleuréfie, j'ai déjà dit que les huileux étoient un fpécifique admirable pour cette maladie. Les Médecins ont tous recommandé les huileux dans les coliques, même les plus violentes. Dans la colique des Peintres, où les glandes falivaires obftruées , foit à caufe du chyle trop âpre, foir à caufe du vernis qui eft en- tré dans le corps, n’humectent plus les parois de leftomac, De Haën vante beaucoup les huileux, Dans la colique de miférere, où l'inflammation des inteftins intercepte tous les paffages, Celfe recommande de plonger le malade tout entier dans l'huile chaude , & de luiinfinuer par le fondement trois ou quatre verres de cette liqueur. Aretée ordonne de boire de l'huile & -de préndre des remèdes dans lefquels on fafle entrer de l'huile. Rivière prefcrie des effences d’huile , des friétions avec des huileux , & intérieure- ment 2 & même 6 onces d'huile d'amandes. Il loue aufli Le bain d’huile pure , auquel cependant , pour les raifons déjà citées plufieurs fois, nous préférons le bain d’eau tiède. XXVIIL. Dans la colique néphrétique , le bas-ventre & les inteftins font fouvent affectés par la liaifon des nerfs communs , & qui viennent SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. qui aboutir aux parties enflammées. S'il y a vomiffement, l'expérience ILE interdit l’ufage des huileux; elle veut quon s’en tienne feulement aux enêmes huileux. Si au contraire il n’y a point de vomiffement , on peut avaler des huileux avec des enêmes & les autres médicamens en ufaze contre l'inflammation. Tous les Médecins s'accordent à dire. que les hui- leux ne peuvent alors avoir que detrès-bons effets. Il fuffira de cier ici l'autorité de Tulpius & de Boërrhaave. Dans la rétention d’urine , & dans les maladies de la vefie, il ne faut rien fe promettre des huileux, puifqu'ils ne peuvent parvenir jufqu'à la partie affectée, à moins cependant que le mal ne fe communique aux inteftins , ou que l'infammation du reétum ne foit la caufe de la maladie. Dans ce cas, les lavemens d'huile font efficaces, comme on peur le voir dans les expériences I & VI, & dans la feétion précédente. XXIX. De la circulation trop précipitée du fang, du trouble :qui en réfulte dans fon mélange avec le chyle , & de l'interruption dans la fecré- tion des humeurs, viennent les fièvres putrides, Les maladies inlamma- toires dégénèrent aufli en putridité , lorfque , dans l’état d’inflammation, les forces du corps fe confumient , & que dans Les petits vaifleaux fanguins fe forme une humeur vifqueufe, que la circulation du fang détache peu à peu , & qui, portée dans les veines, fe tourne en corruption, & infecte la mafle des humeurs. Dans les fièvres aiguës , a dit le célèbre Swieten dans fes Commentaires , tout le foie eft inondé d’une huile ! grafle qui fe porte vers cetre partie par les veines épiploïques, & qui, paflant avec beaucoup de peine à travers les derniers conduits des vaiflsaux, peut caufer des obitruétions très-dangereufes. C’eft pour cette raifon que l'il- luftre Huxham affure que les fièvres font plus à craindre dans les perfonnes grafles que dans celles qui font maigres, Selon Hippocrate, la circulation précipitée du fang en appauvrit la partie huileufes elle la rend moins douce, & ilen réfulte de nouvelles caufes, qui donnent encore un degré de viteffe de plus à la circulation. Du corps échauffé, dit-il, s'exhale l'humeur aqueufe , qui eft l’antidote de la fièvre, & il n’y refte plus que lhumeur grafle & bilieufe qui l’entretiént. L’humeur bilieufe, rongée par la fièvre, augmente encore la chaleur du corps, De cesobfervarions , com- parées avecles expériences IT & IV , il eft aifé de voir que les’huileux re font d'aucune utilité dans les maladies de putridité; tous les foins du Mé- decin doivent fe borner à empêcher la diffolution des himeurs , à ranimer les forces abarrues. Tel eft l'eff:t du quinquina & de l'acide minéral. Dans la dyflenterie hépatique, Alexandre Trall prérend qu’on doit proférire les piftaches & Les amandes, parce que, dit-il, ce font deshui- Jeux qui fe corrompent aïfémenr , qui fe tournent furle champ en bile, & irritent Je ventre davantage. [l faut également, dans les autres efpèces de dyifenterie,, rejeter les potions huileufes que plufieurs Médecins em- ploient pour adoucir l’âcreré. En effer, le défaut d’appétic , les naufées, Tome XXV , Part. 11, 1784 DÉCEMBRE. Ff£2 412 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, les maux de cœur; les vomiflemens indiquent que ,.dansles cornmen- -cemeris de cette: maladie fur-tout, leftomäc et affeëté. C’eft) ce :que de célèbre Pringle a aufirobfervé, lorfqu'il prétend que les fréquens change- mens qui arrivent dans la première & la feconde période de cette maladie, rendent les haileux contraires à l’eftomac: ! .; jan ft : Selon Alexandre Trall,: il: faut , après: plufieurs :évacuations, adoucir lâcreté avec une décoction de riz, qui eft une‘efpèce: d’aftringent ; &-une ‘décottion d’alrhéa & de la gomme arabique, Ilfauit auf: répécer fouvent les lavemens avec ces mucilagineux:\pour chaffèr-cette humeur âcre', qui occafionne de fréquentes contractions dans les inteftiné , qui enlève Le velouté de l’eftomäc, & pour en quelque: forte fubititirer à celui-ci, qui avoit été enlevé, un veloutésartificiek, & mettre par .ce-moyen ‘hors de toute atteinte les parois fenfbles des inteftins, Tel æft-aufhi l'effet dés huileux: ldro1s + XXX. Effers: des huileux dans les maladies chroniques, Les maladiës. chroniques viennent ou d’un vice qui fe forme peu à peu ‘dans les humeurs, ou de maladies aiguës qui n'ont point été parfaitement guéries, Dans Les rempéramens robuftes, on peut prefque toujours, leur afigner ‘cette dernière ;caufe , la première au contraire-dans les perfonnes idélicates:, Les unesr& les autres cependant , dans ces fortes de maladies, éprouvent a la longue-que l’éftommac ne--fait plus fes fonions comme auparavant. [lefbeonftant que le chagrin. & l'ennui caufés par l'abatre- ment des efprits vitaux, & le danger imminent auquel en eft, expofé dans les longues maladies, -retardernt,la digeftion ,; &:que ;par ce moyen; les alimens fe tournent en cotruption. Peut-on, après cela , s'étonner. de voir dans les maladies chroniques la digeftion fe faire mal, & les premières: voies: fe remplir d'un gravier de toute efpèce ? IL n’eft pas difficile de favôit ce qu'il! faut:-penfer des huileux dans. ces ortes de maladiesi Naturellemient portés à fe -corrompre & à affoiblir les parties fur lefquelles on ‘les applique, 11 eft évident que, bien loin de foulager les maux, dont-nous venons de parler, ils ne feront que les augmenter, D : { se: 15 k - !XXXI Mais pour qu'oh-ne croie pas quelje veux ici rien Ôter aux “huileux du mérite-qui leur eft prôpré , je vais rapporter en peu de mots quels font leurs effits dans les-maladies ‘chroniques , lorfqu'ils fe trou- vent unis avec d’autres médicamens. Chez les femmes Iqui ont beaucoup d'humeur ; ou dont le tempéra- .menteft plus reflerré, fouvenr il y a fuppreflion de règles, parce que les orifices: des vaïffeaux qui s'ouvrent dans la matrice, oppolent une trop - forte réliftance au fang ; qui preffe par-derrière, Une première faignée faite, il faut alors frotter le ventre âves des huileux ; il en réfulte un re- SUR L'AIST:. NATURELLE ET LES ARTS. 493 Tâchemert-dans les parties ,-& on calme les douleurs qui fe font fentir aù momént où les règles paroiflent. Dans la mélancolie: ! où le be eft trop épais & les vaifleaux en même temps trop reflerrés , on indiquë pour remède les favonneux , auxquels.on méle un huileux quelconque Avec Le plus grand fuccès : c'eft le moyen de relâcher le ventre des hypo+ -condres ; toujours trop -parefleux , & de chafler plus efficacement l'hu- meur mélancolique: : : Pour les hémorrhoïdes. , on réitère plufieurs fois le jour des Javemens compofés de quelques onces d'huile , les malades s’en trouvent beaucoup mieux , mais hon pas én trop grande quantité, de peur.de dilarer trop des parois du reétum , &-d’augmenter par-là les fpafmes, au lieu de les affoupir &.de Les calmer... 1, ; dns Sr D'après l'expérience IT, & la vertu laxative que l’on connoît aux -huileux , il eft évident qu'ils:ne conviennent point ni dans:ila diarrhée _pi dans le flux de-ventre : mais quand la diarrhée eft caufée par un fti- mulant quelconque, l'huile alors, foit eh brifant la force de ce ftimulane, foit en rendant moins fenfbles les parois de l'eftomac & des inreftins, peut produire quelquefois les meilleurs effets: mais’il faut profcrire abfo- dument ces ordonnances. en ufage parmi plufieurs Médecins , qui preferi- _vent des-huileux avec de l’eau ;de rhubarbe, parce que les Apothicaires, pour que la rhubarbe conferve fa force pendant un certain temps, & que l'eau de certe plante foit plus belle, ont coutume de la préparer avec du {el d'alkali. Ce. mélange devient, par c& moyen , une efpèce de: favon., dont l'effet eft d'irriter les inteftins & de produire des évacuations plusifré- tentes. y i, ei XXXITI. Pour appaifer la toux , fuite ordinaire.& fouventlacaufedel'hé. moptyle on confeille comme un. rémède fouverain des huileux avec de la gomme arabique ,'unjaune d’œuf& du mucilagéidecoin. Souvent en effet J'hémoptylie provient d’une toux longue & fréquente ; qui ébranl: & qui romptles petits vaifleaux du poumon: Cette double: caufe fait que la plaie mal cicatrifée s'ouvre .aifément & devient une efpèce d’ulcère, Tout-l’art du Médecin confifte donc. à détourner le mal, & une fois guéri, à empêcher qu'il ne revienne. lounirns Joel Mais dans le rhume de poitrine , qui vient d'une humeur épaiffe , wif- queufe , quienveloppe , pour ainfi dire, le poumor ; devenu trop foible pour laichafler & l'expectorer, les huileux nefont d'aucune utilité. On doit plutôt. employer des confortatifs pour fortifier les vaifleaux du poumon, & détacher les glaires qui s'y fixent, : © Dans la toux sèche , dans celle qui vient d’une abondance d'humeurs, & quielt caufée par Le défaut d’évacuations , il faut faire nfage des re. mèdes que j'ai indiqués , fe&. XVII, pour la toux qui accompagne of- -dinairement les. fièvres inflammatoires, Le fang occalionne ces toux, en 414 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, fe portant en trop grande quantité vers le poumon, dont il enfle & tend les petits vaifleaux, qui irritent & preflent à leur tour la membrane des bronches. L’unique moyen de guérir ces roux , c’eft de rendre aux éva- cuations fupprimées leur cours ordinaire, I faut donc pour cela détourner le fang, & le porter vers d’autres parties. La vapeur de l’eau eft le meil- Jeur remède, Le célèbre Sydenham recommande aufli dans ce cas l’huile d'amandes, mais elle ne pénètre point dans l'intérieur de la trachée, ou elle n’y arriveroit que dénarurée & aigrie par la chaleur, & plus propre ainfi à augmenter la toux qu'à l'appailer, Dans la toux catharreule, où c'eft une férofité âcre & légère , qui ne cherche que l'air ; dans cette toux , dis-je , qui prefque toujours n'a d'autre caufe qu'une tranfpiration arrêtée , les huileux font efficaces. Pour les empêcher cependant de fe rancir, il faut les mêler avec des mucilagineux. En effec, ainfi préparés, ils peuvent arriver jufqu'aux fecondes voies, & corriger l'irritation. Les huileux , dit avec raifon Le célèbre Pringle, ap- paifent la toux , lorfqu'elle ne fait que commencer; mais, laxatits de leur nature, ils l'augmentent lorfqu'elle eft invétérée. PL Ce principe eft juite ; fpécialement à l'égard de la toux, dont la caufe eft cachée dans l'eftomac rempli de crudités de toute efpèce. Leur âcreté & leur poids caufent une irritation qui, du nerf intercoftal, fe propage juf- Sn diaphragme & aux poumons. Les huileux, dans ce cas, bien loin ’être un remède efficace , fomentent au contraire la caufe de la maladie, puifque, comme le démontre l'expérience LIT, ils énervent la force de l'eftomac, en y produifant un gravier vifqueux. La toux cachectique a pour caufe des fucs àcres & vifqueux, confondus avec la mafle des humeurs , & qui, portés jufqu'aux poumons, y pro- duifent de l'irritation. Cette toux , fuivant la remarque du célèbre Trall, vient très fouvent après d’autres toux, traitées, fuivant l’ufage, avec les hui- leux. D'après cela , il eft aifé de voir que les huileux ne font point le remède qui lui convienne. Il faut donc, dans cette maladie, n’employer que des confortatifs & une boiflon aqueufe bénigne ; il ne faut sie + qu’à former un chyle doux , élaboré par des alimens nouveaux , pour dé- layer continuellement cette âcreté, & la faire fortir du corps par les uri- nes, qui font la vraie leflive du fang. XXXIIL. C’eft une opinion aflez généralement établie parmi les Mé- decins , que l'huile bouche les pores qui fervent aux vers pour la refpi- ration, & qu'ainfi elle les fait mourir. Ce fentiment dénote une igno- rance bien grande de lHiftoire Naturelle. Ceux en effer qui penfent ainfi, femblent confondre les vers avec les infeétes, qui ont, il eft vrai, des conduits deftinés à la refpiration, qualités qu'il n’a point encore été pof- fible de découvrir dans les vers: mais en admettant ces conduits, il ne s'enfüivra pas que l'huile fafle périr les vers, puilque l'expérience prouve à 1 SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 415 1e contraire. Schæœffer prétend que les limaçons, qui fe rencontrent très-. fouvent dans le foie des. brebis & y occalionnent une efpèce particu- lière de maladie, peuvent vivre long-temps dans d'huile. M. Morand aflure qu'il a confervé dans l'huile des fangfues qui y ont vécu plufieurs jours. Convaincus que l’huile produit fouvent les mêmes effets que les an- thelmintiques , 11 faut donc que nous cherchions une autre raifon de fon effec fur les vers. Je crois l'avoir trouvé dans ce gliflant qui lui eft propre. L'huile en effet, portée dans les inteftins, en polit les côtés ainfi que ceux des vers ; elle empêche par-là que ceux-ci ne s'attachent aux inteftins & aux matières qui s’y font amaflées. Les purgatifs augmentent néceflaire- ment le mouvement du péryftole; les huileux alors facilitent & accélèrenc la fortie des vers. XXXIV. Pour arrêter les maux affreux que caufe ordinairement la mor- fure de la vipère, dans les Tranfaëlions Philofophiques, on recommande fur-tout les fritions & les porions huileufes. M. Poteau cite plufeurs autorités, pour prouver leurs effets merveilleux : mais comme, d'un autre côté, MM. Geoffroy & Hunaud aflurent qu'ils n’en ont vu aucun, & que d’ailleurs, dans un mal dont les progrès font fi rapides , le moindre délai peut avoir Les fuites les plus funeftes, la prudence femble nous con- feiller de n’employer l'huile feule qu’autant que fes effets font prompts, & autrement de faire ufage de l’alkali volatil. XXXV. Des Médecins habiles recommandent dans l’hydropifie de frotter le ventre avec de l'huile. On reffent les cruels effets de cette mala- die routes les fois qu'il tombe des extrémités des artères dans une cavité quelconque du corps, une quantité d'humeur aqueufe trop grande pour que l'orifice des vaifleaux puiife l’abforber. Une des caufes qui produit cet amas d'humeurs, vient de la foiblefle & du relâchement des fibres. Quoi- que l’obftruétion des vifcères occafionne l’hydropifie, cependant cer amas d'humeurs extravafées doit évidemment affoiblir le corps. Pourquoi donc employer l'huile, dont la vertu eft de relâcher encore plus ? L’huile, dit un célèbre Médecin, enveloppe les molécules âcres du liquide extravafé, & les empêche de fe fermer le paflage à elles-mêmes; elle ôte les fpaf- mes , & ouvre l’orifice des vaifleaux abforbans que le fpafme avoient ref- ferrés. J'avoue de bonne foi que je ne fuis pas de l'avis de ce célèbre Médecin; & quand bien même les frictions d’huile d'olive pourroient avoir quelques heureux effets , elles ne les produifent, felon moi, qu'en obftruant les vaifleaux abforbans de la peau : mais comme elles agiflent de même fur les vaifleaux deftinés à La tranfpiration , il eft aifé d'en conclure que ce remède ne peut être d’aucune utilité; on doit plutôt aider à la tran{piration , comme Celfe l'enfeigne , non feulement en faifant un exercice ordinaire, mais encore en courant dans un fable échauffé, Je ne 416 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, fais donc aucune difficulté de dire ici, avec d’autres grands Médecins { tels que Rivière, Sydenham , Monro & Savary, que les frictions d’huile dans l'hydropifie n’ont aucune efficacité. XXXVI A Dieu ne plaife cependant que je regarde comme fauffes les obfervations d'Olivier , de Fu & de Medicus ; je me garderai bien de porter aucune atteinte à l'autorité de ces grands hommes; mais je nrétends qu'ils n’ont ordonné les fritions dans l’hydropifie, que pour donner au malade quelque confolation. Ma conjecture devient une probabilité, pour peu qu'on veuille lire avec attention l’hiftoire d'un hydropique , rap- portée dans les obfervations de Medicus , tom.: IL, Differtation EV, fection IT, Un malade, après une fièvre bilieufe des plus violentes ; étoit devenu. hydropique.. Medicus avoit ordonné jufque là des confortatifs avec une diète rigoureufe, mais que le malade n'obfervoit pas. Pour diminuer le volume des eaux , il lui donnoit de la fquille. Voyant que ce remède ne faifoit aucun effet, il appela à fon fecours les purgatifs ; quoi- que ces derniers procuraffent des évacuations très-copieufes , ils ne réuf fifloient, pas cependant à diminuer l’enflure. Enfin, il prefcrivit trois fois par jour, pendant une demiheure, des friétions avec de l'huile d'olive. Le relâchement du. ventre & la diminution de l’enflûre fuivirent bientôr. Medicus prétend que certe efpèce d'hydropilie venoit du relâchement des parties. Pour moi , je crois plutôt que, fa principale caufe étoit l'obftruc- tion au foie, & qui fut guérie par les purgatits , auxquels les frictions donnoïent encore une nouvelle force. Les friétions fans huile auront la même efficacité; & deplus, l'avantage d'ouvrir les vaiffeaux deftinés à la tranfpiration, La friction en effet , en comprimant les côtés des vaifleaux, occalionne le mouvement contractif naturel aux vaifleaux, & lui donne même encore plus de force. Elle répare ainfi les maux caufés par la lenteur des efprits vitaux , & lerefroidiffement dela chaleur interne; elle chafle les humeurs ftagnantes, & les fait fortir par la tranfpiration. Le célèbre Monro l'a très-bien obfervé , lorfqu’il a dit; les friétions avec la brofle où la flanelle, enlèvent non feulement l'humeur, vifqueufe qui obftrue l'extrémité des vaifleaux cutanés, mais elles augmentent encore la tranf- piration , en rafemblant les humeurs auprès de ces vaifleaux ; elles fon- dent les humeurs ramaflées , & font circuler le fang avec plus de liberté par tout le corps, | DU EXPÉRIENCES | | : SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 417 Hs) IN RUMEUR LE RINNAGR ETES SC COR LEA ET RS ESS Par M. CAVEN DISH, de la Société Royale de Londres; Traduites de l'Anglois par M, PELLETIER, JA 1 fait les expériences fuivantes , principalement dans la vue de con- noître la caufe de la diminution qu’on fait que l'air éprouve par les diffé- rens procédés dans lefquels il eft phlogiftiqué, & pour découvrir aufli ce que devient l'air perdu ou condenfé de cette manière; & comme elles ne {e borneront point à déterminer cet objet feul, mais aufli qu’elles nous fourniront des lumières fur la nature & fur les moyens de produire de l'air déphlooiftiqué , jefpère qu’elles mériteront d'être accueillies de la Sociéré. Plufeurs perfonnes avoient fuppofé que l'air fixe étoit produit ou fé- paré de l’air atmofphérique par la phlogiftication, & que la diminution qu'on obfervoit dans ce cas, étoit due à cétte caufe, Mesipremières expé- riences , d’après cela, ont eu pour but de déterminer cette affertion. Mair- tenant il faut obferver que, comme les fubftances animales ou végétales contiennent de l'air fixe, dont on le retire par la combuflion ; par la dif- tillarion & par la putréfaétion , on ne peut rien conclure de ces expériences dans lefquelles l'air fe trouve phlogiftiqué par les produits qu’elles four- niflent. Je ne connois point de procédés qui foient fans objection, que ceux qu'on opère par la calcination des métaux , par la combuftion du foufre & du phofphore, par le mélange de l'air nitreux, & par la détona- tion de l’airinflammable, Peut-être croira-t-on auñi que j’aurois dû ajouter celui de l’étincelle électrique; mais je penfe qu'il eft olus vraifemblable que la phlogiftication de l'air ( & produétion d’air fixe dans ce dernier procédé ) eft due à la combultion de quelque matière inflammable qui fe trouve dans l'appareil, Par exemple, lorfqu'on tire l’étincelle électrique fur la diffolution de tournefol, la combuftion du tournefol peut bien produire de l'air fixe, Quand l’étincelle eft tirée fur l’eau de chaux, la combuftion de quelques matières étrangères adhérentes au tube , ou peut- être de quelque matière inflammable contenue dans la chaux, peut aufli (*) Elles ont été lues à la Société Royale de Londres Le 15 Janvier 1783. Tome XXV, Part, II, 1784. DÉCEMBRE. Ggg 418 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, produire un effet analooue; & de même, lorfqu’on fe fert du mercure ; ou de quelques autres fubftances métalliques, leur calcination peut bien contribuer à la phlopiftication de l'air , quoiqu’elles ne contribuent pas à la production de l'air fixe. : Il n’y a point lieu de foupçonner qu'il y ait de l’air fixe de produit par la première méthode de phlogiftication. M. Prieflley n'a jamais obfervé que l’eau de chaux fût troublée par l'air de la combuftion des métaux (1). M. Lavoifier n'a non plus obfervé qu'un léger nuage, fans nulle précipi- tation, lorfqu’il agitoit de l’eau de chaux dans un vaifleau de verre plein de l’air produit dans la calcination du plomb , & même ce léger nuage dans l’eau de chaux, peut, ceme femble, devoir être attribué, non à l'air fixe, mais feulement aux petites portions de métal calciné qu'on nous dit fe trouver adhérentes. dans certains endroits du verre. L’abfence du nuage dans l'expérience a été attribuée à la plus grande tendance qu'a l'air fixe à s'unir à la chaux métallique , par préférence à la chaux ordinaire; mais il n'y a pas lieu de croire que la chaüx métallique contienne de Pair fixe; car je n'ai pas connoiflance que quelqu'un en ait retiré des chaux préparées de cette manière ; & quoique prefque toutes les chaux métalli- ques préparées par le feu , ou par une longue expofition à l'air atmof- phérique , où elles font en contact avec l'air fixe, contiennent cette efpèce d’air, ce net pas affez pour nous convaincre qu'elles feroient de même nature , lorfqu'elles font préparées par des procédés dans lefquels elles n’ont pas été en contact avec l'air fixe, Le Docteur Prieflley obferve que le mercure rendu impur par l’addi- tion d’un peu d’étaim ou de plomb, donne un peu de poudre lorfqu'on Fagite & qu'on l’expofe à l'air. IL obferve aufli que cette poudre eft compofée en grande partie de la chaux du métal imparfait, & qu’elle fournit de l'air fixe (2); mais il n’eft pas bien démontré que cet air ait été produit par la phlosiftication de l'air, dans lequel le mercure avoit été agité, d'autant que cette chaux n’avoit point été préparée exprès , mais qu’elle avoit été fournie par du mercure rendu impur par l'emploi qu'on en avoit fait dans diverfes expériences; & d’après cela, il pouvoit contenir d’autres impuretés, outre les chaux métalliques. Je n’ai jamais ouï dire qu’il y avoit de l’air fixe de produit par la com: buftion du foufre ou du phofphore; mais il a été avancé, & on le ditcom- munément , qu'un mélange d’air nitreux & d'air commun troubloit l’eau de chaux; ce qui, fi l'expérience eft vraie, feroit une preuve convain- cante de la production ou féparation d’air fixe par le mélange de ces deux airs, C’eft ce que j'ai examiné avec la plus grande attention, Mainte- (1) Expériences fur l'air, vol. IT, p. 137. (2) Expériences dans la Philof. nat. vol. I, P: 144 ’ SUR L’'HIST. NATURELLE ET LES ARTS, 419 ‘ant j'obferverai que comme l'air commun contient ordinairement un peu d'air fixe , lequel n’en fait pas partie conftituante , & qu'on peut fépa- rer fans peine par l'eau de chaux ; & comme auñfi l'air nitreux peut contenir de l'air fixe, ce qui peut arriver fi on l’a retiré d'un métal dont une yon füt dans l’état de rouille, ou bien encore qu'il lui ait été fourni u bain dans lequel on l’a préparé, car prefque toutes les eaux contien- nent un peu de terre calcaire tenue en fufpenfon par l'air fxe : pour pré- venir donc ces inconvéniens, il eft bon de s’'affurer de la pureté des deux airs par le moyen de l’eau de chaux (1). J'ai conftaté , par des expériences réitérées, en faifant ufage d’eau de chaux bien claire, & ayant eu l’atten- tion de bien laver’ avant tout les deux airs avec l’eau de chaux, je me fuis afluré, disje, qu'il n’y avoit pas le moindre nuage, foit lors du mélange, foit mème une heure après; & je me fuis afluré que l’eau de chaux, après l'expérience , étoit rendue très-trouble en foufflant dedans; ce qui prouve qu'il y avoir plus de terre en diffolution qu’il n’en falloit pour la fatura- tion de l'acide nitreux produit par la décompofition de l'air nitreux, & conféquemment que l'air fixe auroit été crès-vifible, s’il y en avoit eu de produit, J'ai cependant obfervé une fois un léger nuage qui s'éroic formé à la furface de la liqueur, peu de minutes après le mélange. L'eau de chaux dont je m’étois fervi dans cette expérience, n'étoit pas abfolu- ment pure : cependant je n'aflurerai point fi ce nuage étoit abfolument dû à cette circonftance, ou à ce que les deux airs n'auroient pas été bien lavés. . Il ne paroît pas non plus qu'il y ait de l'air fixe de produit dans la détonation de l'air inflammable retiré des métaux, foit avec l'air commun, foit avec l'air déphlogiftiqué. J'ai répété cette expérience, en introduifant de l'eau de chaux dans un globe de verre auquel j'avois adapté un ro- binet de cuivre , pour y contenir l'air , & j'y ai ajufté une tige métallique, pour y porter intérieurement l’étincelle électrique. J'ai fait le vide dans le ballon, à l’aide d'une machine pneumatique, & alors j'y ai-introduit les deux airs que j'avois eu l’attention de laver avec de l’eau de chaux, & je n’aitiré l’étincelle électrique qu'après avoir laiflé les deux airs quel- que temps dans le ballon avec de l'eau de chaux, & m'être afluré que celle-ci n'avoir été nullement troublée, Mes réfultats ont été, que je (x) Quoïque l'air fixe foit abforbé entrès-grande quantité par l’eau, comme je l'ai fait voir dans le volume LVI des Tranf. Philof. ; cependant il n’eft pas aifé de de- pouiller par l’eau tout l'air fixe que contient l'air commun; car fi on agite un mé- Jange de dix parties d’air commun; & d’une d’air fixe , avec un peu plus d’une égale quantité d’eau diftillée , il n’y a que la moitié de l'air fixe qui foit abforbé; & fialors on fait paffer cét air dans de nouvelle eau diftillée , il ny a encore que la moitié ce Pair fixe qui reftoit , qui puiff= être abforbée , comme il paroït par la diminution que Yaddition de l’eau de chaux lui fait éprouver. Tome XXV , Pare, II , 1784. DÉCEMBRE. Gog2 420 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE ,* n'ai point eu le moindre nuage dans l’eau de chaux , quand j'ai mêlé l'air inflammable avec l'air commun, & feulement un léger trouble, ou plu- tôt une diminution de tranfparence, quand je l'ai uni à Pair déphlogifti- qué. Je n’attribuerai cependant point ce réfulrat à la produétion de l'air fixe , vu que ce trouble s’eft manifefté aufli tôt après l’explofion, que le repos ne l'a point augmenté , & qu'il éroit également répandu dans la liqueur; au lieu que s'il eût été dû à l’air fixe, il auroit été quelque temps à paroïtre, & il auroit commencé par s’annoncer à la furface, comme Feffèt a eu lieu ci deflus avec l'air nitreux. Je ne fais comment rendre “raïfon de ce phénomène; mais s’il eft dû à l'air fixe, il prouvera feule- ment qu'il y ena eu très-peu de produit (1). En un mot, quoiqu'on ne puïfle point nier qu’il y ait de l'air fixe produit dans quelques expériences chimiques, néanmoins il paroît certain que ce n’eft point l'effet géné- ral de la phlogiftication de l'air, & que la produétion de l'air fixe, ou fa féparation d'avec l'air commun, ne peut en aucune manière être la caufe de la diminution de ce dernier. Comme il y avoit tout lieu de croire, d’après les expériences du Doc- teur Prieflley , que les acides nitreux & vitriolique pouvoient être con- vertis en air déphlosittiqué, j'ai voulu auff effayer s’il ne feroit point poflible de changer, par la phlogiflication , en acides nitreux ou vitriolique , les parties déphlogiftiquées de l’air commun, Pour cet effet, j'ai imprégné une certaine quantité de lait de chaux des vapeurs de foufre en combuf- tion , à quoi je procédois en faifant brüler un petit morceau de foufre que j'avois introduit dans un grand ballon, & j'avois foin de tenir l’ou- verture bouchée , jufqu’à ce que les vapeurs fuffent abforbées. Après cela, Je renouvelois l'air dans le ballon, & j'y faifois brûler une nouvelle por- tion de foufre; & avec les précautions indiquées , j'ai continué à procéder, jufqu'à ce que j'ai eu brûlé 122 grains de foufre. Ayant enfuite filtré &c évaporé le lait de chaux, je n’ai obrenu ni fel nitreux ni d’autres pro- duits que de la félénite. Cette expérience nous prouve qu'il ny a point de quantité fenfible de l'air atmofphérique changée par la ghlogiftication en acide nitreux, J’obferverai que l'acide vitriolique produit par la com- buftion du foufre , eft changé , par fon union avec la chaux, en félénite, laquelle étant peu foluble dans l’eau , auroit donné la facilité de recon- noître la moindre quantité de {el nitreux, ou de toute autre fubftance foluble dans l’eau. J'ai aufi tenté de produire de Pacide nitreux , en phlogiftiquant l'air commun par le foie de foufre. Pour cet effet, j'ai fait une diflolution de (x) Le Doéteur Prie/fley a aufi reconnu qu'il ny avoit point d'air fixe de pro- duit par la détonation de l'air inflammable & de l'air commun, vol. V, P: 124: SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 421 fleurs de foufre, en les faifant bouillir dans de Peau de chaux; & ayant mis une certaine quantité de cette diflolution dans un grard ballon, je l’y ai agitée fréquemment, en renouvelant de temps en temps l'air, juf- qu'à ce que j'aie obfervé que la couleur jaune de la diffolution eût dif paru ; ce qui eft une preuve que le foie de foufre eft découmpofé, & que ce dernier, par la perte qu'il a faite de.fon pblogiftique , eft changé en acide vicriolique qui seft uni à la chaux, & a produit de la félénite. La liqueur ayant été filtrée & évaporée, je n'ai eu aucun atome de fel nitreux. J'ai aufi répété l'expérience à peu près de la même manière avec l'air déphlogiftiqué retiré du précipité rouge, mais je n'ai point eu non plus aucun indice d’acide nitreux. Il eft bien connu que la félénite ordinaire eft peu foluble dans l’eau , au lieu que celle que je m'érois procurée dans ces deux dernières expérien- ces , étoit très - foluble , criftallifoit avec facilité, & étoit éminemment amère ; ce qui eft dû feulement à la phlogiftication de l'acide dont elle étoit Le réfultat ; car, en l’évaporant à ficcité & l'expofant à l'air quelques jours , fa folubilité eft devenue fi peu fenfble, que l'eau qu’on y ajou- toit ne la diflolvoit prefque pas; & après avoir répété cette manipula- tion une ou deux fois, elle n’étoit pas plus foluble. que la félénite or- dinaire, e La folubilité de la félénite laïfloit quelque louche dans Pexpérience; car tant qu’elle continuoit à être foluble, il m’auroit été impoflible d’y diftinguer une petite portion de fel nitreux; mais les dernières tentatives -que je fis, & dont je viens de faire part, m'auroient mis en état d’y recon< noître la préfence de la plus petite portion de fel nitreux , comme fi cette félénite n’eût pas été plus foluble que la félénite ordinaire. La nature des fels neutres faits avec les acides nitreux & Vitriolique CE na pas été bien examinée par les Chimiftes, quoiqu'’elle paroïfle devoir bien mériter leur attention ; & il eft très-vraifemblable que plufieurs fels , outre ceux dont j'ai fait mention , différeront confidé- rablement de ceux faits avec les mêmes acides dans leur état naturel, On a déjà reconnu que le nitre fait avec l’acide nitreux phlogiftiqué, diffé- roit confidérablement du nitre ordinaire, de même que le fel polichrefte de Glazer , ou fel fulfureux de Srhaal , diffère du tartre vitriolé, Dans la vue de m'aflurer s'il y avoit de l'acide vitriolique de produit dans la phlogiftication de l'air, j'ai imprégné ço onces d’eau diftillée avec les vapeurs produites dans le mélange de (1) $2 onces, mefure d'air (1) L’Auteur n’a point exprimé en pouces ou pieds cubiques le volume des airs qu'il a employé ; il en cal-ule la quantité par le poids d’eau que peut conteñir le vale qui renferme l'air, Ainfi $z onces ( mefure ) d'air nitreux expriment la quantité d'air 422 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, nitreux , avec la quantité néceffaire d'air commun , pour le décompofer eñ entier , & j'ai procédé à l'expérience de la manière fuivante, J'ai commencé par remplir une bouteille avec une portion de l’eau , & je l’ai renverfée dans un vafe qui contenoit le refte de l’eau; alors j’ai introduit, à la fa- veur d'un cylindre, autant d’air nitreux qu'il en falloit pour occuper la moi- tié de la capacité de la bouteille, &-enfuite j'y ai fait pafler de même, à la faveur d’un petit tube, la quantité d’air commun fufhfante pour dé- compoler l'air nitreux, & j’ai continué à procéder de même , jufqu'à ce que tout l'air nitreux a été entièrement décompofé, L'opération finie, l’eau diftillée s'eft rrouvée imprégnée d’une acidité très-fenfble au goût, & l'ayant diftillée dans une cornue de verre , j'ai eu un premier produit très- acide & d’une odeur légèrement pénétrante, qui s'eft trouvé de l'acide picreux très-phlogiftiqué, Un.fecond produit, n’étoit fenfible ni au goût, ni à l’odorat, mais Le dernier écoit d’une acidité très-forte , & contenoit de l’acide nitreux non phlogiftiqué ; à peine y a-t-il eu de réfidu dans la cornue. J'ai faturé les différens produits de la diftillation avec du fel de tartre ; & les ayant évaporés, jai obtenu 87 < grains de nitre , qui ne m'ont point paru-être mélés à du tartre vitriolé , ni à d’autres fub{- tances étrangères, D'après cela, il ne paroît point qu'une quantité fen- fible d'air commun, mêlé à l'air nitreux, puifle fe changer en acide vi trielique. Il paroît, d’après cette expérience, que l'air nitreux contient autant d'acide que 2 + fois fon poids de nitre; car $2 onces ( mefure) d’air ni- treux pèfent 32 grains, & donnent , comme je viens de Le dire, autant d'acide que 87; grains de nitre en contiennent ; de manière que l’acide, dans l'air nitreux , eft dans un état de concentration très-remarquable , & je crois qu’il eft une fois + plus concentré que le plus fort efprit de nitre qu’on ait encore préparé. : s Venant de faire part du peu de fuccès de mes tentatives pour trouver ce que devient l'air perdu par la phlogiftication , je vais pafler à quelques expériences qui fervent réellement à nous en donner les raifons. Il eft fait mention dans le dernier volume du Docteur Prieffley d’une expérience du Doéteur Warltire, dans laquelle il eft dir , qu’en allumant, par l'étincelle électrique, un mélange d'air inflammable & d'air com- mun renfermé dans un vaifleau de cuivre qui contenoit trois pintes , il men nitreux que renfermeroit un vafe de la contenance de 52 onces d’eau. L’once d'eau équivaut à un peu plus d’un pouce & demi cubique. 1 ; à Car le pied cubique d’eau diftillée , füivant M. Briffon — 70 liv. Ce pied cubique, 1728 pouc. cubiques, qui, divifés par 70 pour la livre de France = 14 + pouce cubiques , ou 24 pouces 1185 grains cubiques , & la livre — 16 onces, once contien- dra 1 + pouce cubique ; plus, le feizième de #, ou un pouce & demi cubique; plus, 74 grains cubiques. La pinté Angloife = 16 onces de France. , SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 423 avoit apperçu une diminution dans le poids , qu'il avoit évaluée à environ 2 grains, quoique le vaiffeau füt tellement fermé , qu'il étoit de toute impoflbilité que l’air eût pu s'échapper par l'explofon. Prieflley rapporte aufi que l'expérience ayañt été répétée dans un vaifleau de verre, la partie intérieure du vaifleau ,, quoique. bien propre & bien sèche, s’eft trouvée couverte:d'hurnidité immédiatement après l’explofion (1); ce qui confirmoit l'opinion qu'il avoit toujours eue , que l'air commun dépofoit fon humidité par la phlogiftication. Comme cette dernière expérience me paroifloit jeter un grand jour fur mon propre fujet , j’ai cru devoir V'examiner avec beaucoup de rigueur. La .première expérience auñffi (fi toutefois elle eût été vraie )auroit préfenté un phénomène très-extraor- dinaire & très-curieux, mais elle ne m'a point réufli; & quoique le vaif- feau dont je faifois ufage füt plus grand que celui de M. Warkire, puif- qu'ilcontenoit 24,000 grains d’eau ; & quoique j’aye répété l'expérience plufieurs fois avec des proportions différentes d'air inflammable & d'air commun, je n'ai jamais pu appercevoir une perte du poids plus que d’un cinquième de grain, & généralement point du tout. Je dois obferver que, quoiqu'il y ait des circonftances où Jai eu cette petite diminution de poids , je n’en ai jamais trouvé où cette diminution ait été plus grande (2). Dans toutes les experiences , la partie ifitérieure du globe de verre étoit recouverte d'humidité, comme Warltire l’a obfervé; mais je n’ai jamais pu appercevoir la moindre fuliginofité. J'ai aufli pris beaucoup de précau- tions pour favoir combien l'air diminuoit par l'explofion , & pour obfer- ver quel étoit fon état après l'expérience. Le réfulrat eft le fuivant, la quantité de l'air inflammable étant exprimée en décimales de l'air commun. (1) M. de la Metherie, en brilant l'air inflammable qu'il avoit retiré du fer par le feu, s’étoit aufli apperçu de ‘cette humidité (Journal de Phyfique, Sep- zembre 1781 , & Janvier 1782). . (2) Je viens d’être informé que le Doéteur Prieffley n’a jamais eu les fuccès annon- cés par Warlrire. 424 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, SE — ERRRE EE (Epreuve de cer|Degré de Air commun.| Air ÉAenmeble Dininuition Air reftanc |air parla premiè-|pureté de après l’explofion. re méthode (1). |cerair (2). 7? 1,244 628 1555 »05$ no: 1,055 3642 1,413 306% Po 10 W ,706 647 1,059. 3066 » © >423 5612 »81L 3097 203 »331 476 855 »332 s27 206 »294 »912 048 ,5 8 Dans ces expériences , j'ai fait ufage de l'air inflammable retiré du zinc , & j'ai toujours employé le même, à moins que.je n’en fafle men- tion. J'ai fait en outre deux expériences, pour voir s'il y avoit de la dif- férence entre l'air inflammable du zinc & celui du fer, & la quantité d’air inflammable étoit la même dans Les deux expériences ; favoir 0,331 de l'air commun: mais je n'ai pu trouver de différence démonftrative entre ces deux airs, pas même dans la diminution qu'ils fouffrent dans l'explofion ou par l'épreuve de l'air brûlé. La quatrième expérience na fait connoître que 423 mefures d’air in: flammable font prefque fufhfantes pour phlogiftiquer complètement 1000 mefures d'air commun ,@& que la quantité d'air reftant après l’ex- plofion, n'eft guère plus que quatre cinquièmes de l'air commun em- ployé; & comme on ne peut réduire l’air commun à une moindre quan- tité par toute autre manière de phlogiftication , nous pouvons conclure avec aflurance, que lorfque le mélange eft dans la proportion indiquée, & qu'on y met le feu, l'air inflammable, prefque en totalité, & environ le cinquième de l'air commun perdent leur élélafticité, & font condenfés dans une rofée qui tapifle l'intérieur du globe. à CS (x) Cela a rapport au Mémoire de M. Cavendifh fur un eudiomètre nouveau, pu= blié dans les Tranfagfions Philofophiques de l’année 1783. La méthode que M. Cavendifh entendici, confifte à ajouter l’air qu'on veut effayer par parties à lair nitreux, & de tenir note de toute la diminution qu’on obferve. Ainfi, dans le pre- mier exemple de cette colonne, le nombre (,055) fignifie qu’en ajoutant une me- fure de cet air qui refte après l’explofion, à une quantité fufifante d'air nitreux, la diminution réfultante a été 3 d'une mefure. ( Voy. les Tranfaér. Philof. vol. LXXIIT, pag. 113). (2) Cela a aufi rapport au Mémoire dent je viens de parler, & montre la pro- portion de la pureté de l'air en queftion , relativement à celle de l'air commun; où; pour mieux s'exprimer, cela fait connoître la proportion de l'air déphlogiftiqué qui fe trouve dans le mélange qu’on effaye, relativement à celle qui fe trouve dans l’air commun, regardant ce dernier comme wnzté. Ainfi, dans le dernier exemple de cette colonne, le nombre (,58 fignifie que l’air reftant après l’explofion, étoit 55 de la bonté de l'air commun, ( Poy. Les Tranf. Philof. , vol. LXXIII, pag. 130.) ans SURL'HIST. NATURELLE ÊT LES ARTS. 42ç Dans le deffein d'examiner la nature de cette humidité , j'ai brülé 500,000 grains ( mefure) d’air inflammable, avec 2+ fois de certe quan- tité d’air commun ; & afin de recueillir l'humidité, j'ai fait pafler l'air brülé par un cylindre qui avoit 8 pieds de long , & trois quarts de pouce de diamètre; les deux airs ont été lentement introduits dans ce cylindre par deux tuyaux de cuivre féparés , qui traverfoient une plaque de cuivre , laquelle fermoit la partie fupérieure du cylindre: & comme l'air inflammable ni l'air commun ne peuvent pas brüler lorfqu'ils font feuls ,iln’y avoit point de danger que la Aamme gagnät dans les réfer- voirs d’où on les retiroit. Chacun de ces réfervoirs confiftoiren un grand vaifleau d’étaim renverfé dans un autre vaifleau aflez large pour le rece- voir. Le vaifleau intérieur avoit communication avec le tuyau de cuivre, . & l’air en éroit chaflé, en verfant de l’eau dans le vaifleau extérieur : & comme la quantité d'air commun chaflé doit être deux fois & demie plus confidérable que celle de l'air inflammable, & qu'on laifloit entrer l’eau dans les vaiffeaux intérieurs par deux trous pratiqués dans le fond de ces mêmes] vaifleaux d’étaim , on a fait les trous qui portoient l’eau dans le vaifleau qui renfermoit l'air commun, deux fois & demie plus grands que ceux qui portoient l’eau dans le vaifleau qui contenoit l'air inflam- mable. Pour procéder à l'expérience , ayant commencé par remplir Les réfer- voirs avec leurs airs particuliers, j'ai retiré le cylindre, & j'ai mis de l'eau dans les vaiffeaux , jufqu’à ce que les deux airs ont commencé à avoir iflue par le bout des tuyaux de cuivre, J'y mis alors le feu avec une chandelle, & j'ajuftai aufli-tôt le cylindre à fa place. Par cette ma- nipulation , j'ai condenfé dans le cylindre un peu plus que 135$ grains d’eau qui n'avoic ni faveur ni odeur ; & qui n'a point laiflé de rélidu en l'évaporant à ficcité, Je n’ai point non plus fenti d’odeur vive pendant l'évaporation; en un mot, elle m’a paru de l'eau pure. Dans ma première expérience, la partie du cylindre où l'air avoit touché en brülant, étoit couverte d’une matière fuligineufe , mais très- légère, qui m'a paru être due au lut avec lequel l'appareil avoit été lutté, & qui avoit été échauffé par la Aamme ; car dans une autre expé- rience dans laquelle le lut ne s'eft point trouvé fi chauffé, à peine pou- voit-on diftinguer la plus petite trace de matière fuligineufe. Il réfultoir des expériences que j'ai faites , en me fervant d'un ballon, ‘que lorfqu’on avoit fait détoner l'air inflammable avec l'air commun, prefque tout l'air inflammable , & environ un cinquième de l'air commun perdoient leur élafticité, & étoient changés en humidité , fi les deux airs fe trouvoient en proportion convenable. Cette dernière expérience nous prouve que cette humidité eft de l’eau ordinaire, & que conféquem- ment prefque tout l'air inflammable, & environ un cinquième de l'air commun font changés en eau pure, Tome XXV, Part. II, 1784: DÉCEMBRE. Hhb 426 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, Dans le deffein d'examiner la nature de la matière condenfée, en faifant, brûler un mélange d’air inflammable & d'air déphlogiftiqué, j'ai pris un globe de verre de la contenance de 8809 grains : il étoit muni d’un robinet de laiton , & d’un appareil pour y porter intérieurement létincelle électrique, J'ai fait le vide dans le globe avecune pompe, & je l'ai rempli d'un mélange d'air inflämmable & d'air déphlogiftiqué. Ayant alors fermé le robinet, j'ai adapté à fon ouverture un tube de verre recourbé , dont l'ex- trémité pafloit fous une grande bouteille renverfée dans l’eau, & qui contenoit un mélange de 19,509 grains (mefure) d’air déphlogiftiqué , & de 37,000 d’air inflammable ; de telle manière , que le robinet étant ou- vert, une partie de cet air mélangé entroit avec rapidité par le tuyau recourbé, & remplifloit le globe (1). Le robinet étant bien fermé, & ayant allumé , par l'électricité, l'air contenu dans le globe, cet aira perdu prefque toure fon élafticité. Le robinet a été encore ouvert, pour Lai en- trer de même une nouvelle quantité d’air, pour remplacer celle détruite par l'explofon; jy ai mis de nouveau le feu , & j'ai ainfi continue, juf- qu'à ce que j'ai eu fini d'introduire dans le globe l'air mélangé & de le faire brüler. Par ce moyen, quoique le globe ne contînt que la fixième partie du mélange , prefque tout a été détruit , fans être dans le cas de faire un nouveau vide dans le globe, Comme je défirois déterminer la quantité & la nature de Pair brûlé, en éviranc toutefois d'introduire de l’eau dans le globe , de manière que je pufle examiner la nature des matières condenfées ; j’ai fait ufage d’un autre globe plus grand , qui avoir un robinet que je fermois & ouvrois à volonté. J'ai fait le vide , dans ce dernier globe , avec une machine pneu- matique, & je l'ai ajufté fur le robinet de l’autre globe. Par ce moyen , en ouvrant Les deux robinets , l’air a paflé dans le grand globe , jufqqu'à ce que la denfité s’elt trouvée égale dans tous les deux : alors , en fermant le robinet du grand globe, le féparant du petit , & l’ayant ouvert fur l'eau, j'ai été à même de connoître la quantité d’air brülé qu'il contenoit; &. conféquemment , comme je connoiflois la proportion refpective des deux globes , je puis dire quelle éroit la quantité d’air brülé dans le petit globe, avant qu'ils fe foient trouvés en commmunication. Par ce moyen, j'ai trouvé que la quantité totale de l'air brûlé répondoit à la mefure de 2950 grains; fon degré de pureté étoit 1,85. La liqueur condenfée dans le globe pefoit environ 30 grains; elle écoit fenfiblement acide au goût. L’ayant faturée avec un peu d’alkali fixe, & enfuire évaporée, j'ai obtenu 2 grains de nitre ; de manière que cette liqueur eft compoñfée d'eau unie à une petite quantité d’acide nitreux. Il (1) Pour empêcher que l’eau n'entre dans le tube , tandis qu’on le pafle fous l’eau dans Le vaiffeau qui contient l’air mélangé, je mets à fon bout un peu de cire, que je retire lorfqu'il eft au-deflus de la furface de l’eau. SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 427 n'y a point eu aucune matière fuligineufe dépofée dans le globe. L'air déphlogiftiqué dont j'ai fait ufage dans cette expérience, avoit été retiré du précipité rouge , qui eft une diflolution de mercure dans l'acide ni- creux , évaporée jufquà ce qu’elle ait une couleur rouge. : Comme je foupçonnois que l’acide contenu dans la liqueur condénfée n’écoit pas partie eflentielle de l'air déphlogittiqué, mais qu’il éroic dû à des vapeurs acides qui l’avoient accompagné, en le faifant, & qui n’avoient pas été abforbées par l’eau, j'ai répété l'expérience de la même manière, avec une nouvelle quantité du même air , mais que j’avois eu foin de laver avec de l’eau , en Le tenant un jour ou deux dans une bouteille avec un peu d’eau, & l’agitant fréquemment ; au lieu que l'air que j'avois em- ployé dans l'expérience dernière, n’avoit jamais paflé à travers l’eau , finon qu’en le préparant ; la liqueur condenfée s’efttrouvée néanmoins acide. L'expérience a aufli été faite avec de l'air déphlogiftiqué retiré du mi- nium à l’aide de l'huile de vitriol; la liqueur condenfée étoit de même acide; mais un accident m'a privé d'en déterminer la nature. Je me fuis aufi procuré de l'air déphlogiftiqué retiré des feuilles des plantes, d’après les procédés des Docteurs /nger-Houfz & Prieflley , & je l'ai fait fervir à faire brûler de la même manière l'air inflammable. La liqueur condenfée éroit de même acide, & de la nature de l'acide nitreux, Dans toutes ces expériences, la proportion d'air inflammable étoitrelle; que l'air brülé écoit peu phlogiftiqué , & j'ai obfervé que moins il l'étoit, plus la liqueur condenfée éroitacide, J'ai en conféqueuce fair une autre expérience avec une nouvelle quantité du même air retiré des plantes, & j'aiemployé une plus grande quantité d'air inflammable ; de telle ma- uière que l'air brûlé éroit complètement phlogiftiqué, fon rapport étant =. La liqueur condenfée n'étoit nullement acide , & elle m'a paru n'être que de l’eau pure, Ainfi il réfulte qu’en phlogifticant de cette manière l'air, comme lorfque Les deux airs font mêlés dans cette proportion , que: Pair brûlé eft entièrement phlogitiqué , la liqueur alors n’eft nullement acide ; mais elle l'eft confidérablement lorfque l'air brûlé ne refte pas beau- coup phlogiftiqué. Pour n’aflurer fi j'obtiendrois le même réfultat avec l'air retiré du pré- cipité rouge , j'ai fait deux expériences nouvelles avec certe efpèce d'air, pris pour toutes les deux de la même bouteille , & j'ai procédé aux deux expériences de la même. manière , avec cette différence que les proportions d'air inflammable n'ont pas étéles mêmes. Dans la pre- mière , l'air brülé reftant prefque complètement phlogiftiqué , la liqueur condenfée n’étoit prefque point acide, Dans la feconde, le rapport de l'air brûlé étant 1,86, c'eft à-dire, l'air brülé reftant peu phlogiftiqué , la li- queur condenfée étoit confidérablemeñt acide; de forte qu'avec cet air , comme avec celui retiré des plantes , la liqueur condenfée eft, ou n'eft point acide, füuivant que l'air brülé refte plus ou moins phlogifti- Teme XXV, Part, Il, 1784 DÉCEMBRE. Hhi 2 438 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, qué ; & iln’y a point de doute qu'on n’obtienne le même réfultat avec toute autre efpèce d'air déphlogiftiqué. Défirant aufi favoir fi l'acide produit par la détonation avec l'air déphlogiftiqué obtenu à la faveur de l'acide vitriolique , feroit de la na- ture de l’acide nitreux , j'ai pris une certaine quantité d'air déphlogiftiqué retiré du swrbith minéral, & je Vai fait détoner avec l'air inflammable, les ptoportions étant telles que l'air brûlé reftoit peu phlogiftigué ; la liqueur condenfée s'eft trouvée manifeftement acide; & l'ayant faturée âvec une petite quantité d'alkali de tartre, j'ai obtenu du vrai nitre , &c je me fuis afluré , par l'addition de quelques gouttes de diflolution de terre pefante , que la liqueur acide contenoit.peu ou prefque point d’a- cide vitriolique. Quand l'air inflammable a été enflammé avec l’air commun dans une telle proportion, que le rapport de l'air brülé refte environ < , la liqueur condenfée n’eft point du tout acide. Il n’y a point non plus de différence à cet égard entre l'air commun & l'air déphlogiftiqué, mis au rapport de l'air commun par une addition d'air parfaitement phlogiftiqué ; car une certaine quantité d’air déphlogiftiqué , retiré du précipité rouge, ayant été amenée au rapport de l’air commun par l'addition d'air parfai- tement phlogiftiqué, & ayant été enfuite décompofée par la détona- tion avec autant d'air inflammable qu'on en emploie pour la décompo - fition de l'air commun, les liqueurs condenfées n'étoient point du tout acides, # D'après les expériences précédentes, il paroît que , quand un mélange d'air inflammable & d'air dephlogiftiqué a été enflammé dans une telle proportion que l'air brûlé refte un peu phlogiftiqué , la liqueur condenfée contient un peu d'acide , qui eft toujours de la nature de l'acide nitreux , de quelque nature que foit la fubftance dont on s’eft procuré l'air déphlo- giftiqué : mais fi les proportions font telles , que l’air brûlé eft prefque entièrement phlogiftiqué , les liqueurs condenfées ne font nullement acides ; mais paroiflent être de l'eau pure; & comme alors il y a peu d'air qui refte après l’explofon , la plus grande partie fe trouvant condenfée ,. il fuit de là que l'air irfammable & l'air déphlogiftiqué fonr changés prefque en totalité en eau pure, Il n’eft certainement pas aifé de déter- miver, d'après ces expériencee, quelle eft la proportion d'air brülé ref tante après l’explofon, refpetivement à l'air déphlogiftiqué employé, vu que ni le petit ni le grand globe n’ont pu être parfaitement privés d'air; & je ne puis non plus dire quelle eft la quantité exacte qui refte : mais, d’après la plupart de ces expériences , & ayant égard à certe incertitude, la vraie quantité de l'air brûlé ne paroït pas plus que — de l'air déphlogiftiqué employé, ou + du mélange. Néanmoins il ne paroît pas bien néceflaire de déterminer exactement ce point, vu que la quantité qui refte eft fi petie, qu'il n’y a point de doute qu’elle SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 429 ne foit due aux impuretés mêlées aux airs déphlogiftiqué & inflammable ; & conféquemment , que fi ces deux airs pouvoient être obtenus abfolument purs , le tout feroit condenfé, A l'égard de l’aircommun & de l'air déphlo- giftiqué mis au rapport de l'air commun par l'addition de l'air phlogiftiqué, le cas eft différent. Comme la liqueur condenfée, après leur explofion avec l’air inflammable , n’eft nullement acide, même dans quelques pro- portions qu’ils foient employés , je croirois que cela vient de ce que, d’après Jeur nature, l'air brûlé reftant toujours un peu phlogiftiqué, l’ex- plofion fe trouve trop foible, & n'eft pas accompagnée d’une chaleur fufifante, (La Suite au Journal prochain ). La 2e Ron MÉMOIRE Renfermant le récit de plufieurs expériences éledriques faites dans différentes vues ; Par M, ACHARD. L E but que je me propofe dans ce Mémoire eft de réfoudre quelques queftions fur l'électricité ; ce qui m'engage à le divifer en quatre parties: la première renferme le récit de plulieurs expériences que j'ai faites, dans Ja vue de reconnoître fi la matière électrique contient un acide qui , comme le penfent plufieurs Phyficiens, s’en fépare lorfqu'elle s'enflamme & paroît fous la forme d’étincelle ; dans la feconde, je rapporterai quel- ques expériences qui prouvent que lélectricité pofitive produit dans bien des cas les effets de l'électricité négative; ce qui me conduira à une nouvelle hypothèfe fur la manière d'agir de l'électricité , & à une ex- périence qui tend à la prouver; dans la troifième partie , je parlerai de quelques expériences qui prouvenr que l'électricité accélère la fermenta- tion des végétaux & la pourriture des fubftances animales ; & je termine- rai ce Mémoire par le récit de deux expériences, dont la première a pour but de faire connoître fi l'électricité fans érincelle altère l’air commun, en l’imprégnant de phlogiftique ; & la feconde, de faire voir fi, en éleétrifant politivement ou négativement une mafle d'air donnée , on change fon élafticité. I. L’électricité eft, de toutes les parties de la Phyfique expérimentale, celle où l'on s’eft le plus appliqué à multiplier les expériences; malgré cela , c'eft une de celles où il refte Le plus à faire, La nature du fluide , dont 4339 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, la condenfation ou la raréfaction produit l'électricité, nous eft encore en. » tièrement inconnue ; la propriété qu’il a d’allamer les corps inflammables, prouve qu’étant condenfé & mis en mouvement très-prompt , il eft fuf- ceptible d'inflammation. Cette propriété du fluide électrique , jointe à celle qu'il a de réduire les chaux métalliques , fait conclure au Comte de Milli que la matiète électrique eft identique au phlogiftique. Il me femble que tout au plus l'on a le droit d'en conclure , que le phlogiftique entre dans la compofition du fluide électrique ; mais non que la matière électrique eft uniquement compofée de phlogiftique. L'odeur particulière qu'on obferve lorfqu'on électrife , & plus parti- culièrement encore lorfqu’on décharge des bouteilles de Leyde, ou des batteries, femble prouver qu’il fe fait une décompolfition du fluide élec- trique. Cette odeur , très-femblable à celle du phofphore , jointe à la fen* fation que produit fur la langue un pinceau électrique , a fait juger à plu- fieurs Phyficiens que la matière électrique étoit acide, ou du moins qu'elle renfermoit un acide, & qu'elle avoit beaucoup d’analogie avec la fubf- tance à laquelle les Chimiftes donnentle nom de foufre. Par ce mor, ils entendent un compofé inflammable réfultant de la combinaifon d’un acide avec le phlogiftique. Si cette opinion eft fondée, il s'enfuit que , lorfque la matière électrique s’enflamme , l'acide qui entre dans fa compofition doit fe féparer du phlogiftique , & agir comme acide, C’eft dans la vue de m'en aflurer que j'ai fait les deux expériences fuivantes. Expérience 1°, Je mis de l’infufon de tournefol dans un tube de verre de. 3 à 4 pouces de Igngueur, & d’un demi-pouce de diamètre, après avoir bou- ché le tube aux deux bouts; je fis paflerpar chaque extrémité un fil de laiton , de manière que ces filsne fe touchaffent pas, mais que leurs extrémités fuffenc éloignées d'environ une ligne; enfuite je fs pafler par ces fils, fuc- ceflvement, 2099 décharges d’une bouteille de Leyde dont l’enduic métallique avoit deux pieds carrés; à chaque décharge , il parut une étincelle dans l'intérieur du tube; s'il s’étoit féparé un acide du Auide électrique : l’infufion de tournefol qui, comme l’on fait, eft très-fenfible, auroit dû changer de couleur; mais malgré le nombre des étincelles je n'obfervai pas le moindre changement; ce qu'il auroit été aifé de re- marquer en comparant cette infulion à une autre qui éroit colorée au même degré, & que j'avois mife dans un tube du même diamètre, afin de pouvoir juger du changement de couleur avec plus d’exactitude. Experience I[. En {uivant la méthode que j'ai indiquée dans l’expé- rience précédente , je fis paroître 4900 étincelles électriques dans de l’alkali volatil: s’il s'écoit féparé un acide , il auroit dû s'unir, fuivant les lois de la Chimie, avec l’alkali volatil, & le neutralifer; mais cela n'eut pas lieu, & l'examen le plus exa de cet alkali ne me fit pas recon- noître la plus petite partie de fel neutre. Je conclus de ces deux expériences, que dans l’inflammation du fluide SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS, 431 électrique, il ne fe fépare aucun acide, & qu’il ne peut par conféquent pas être mis dans la claffe des fubftances fulfureufes; ce qui eft très favo- table à l'opinion du Comte de Milli , fuivant lequel la matière électrique ne diffère en rien du phlogiftique. La réduction des métaux opérée par l’érincelle électrique, n'eft pas la feule expérience qui prouve que le fluide électrique produit les effets du phlogiftique ; la décompofition & la phlto- giftication de l'air commun & de l'air déphlogiftiqué , qui a lieu lorfqu’on y fait paroître un nombre fuffñifant d’étincelles éledriques , en fournit encore une preuve; de plus, l’étincelle électrique reçue fur du nitre en fufion l’alkalife ; effet que peut uniquement produire le phlogiftique. Cerre expérience eft une des trois que le Baron de Servieres propofe aux Phyfciens dans Le tome 13° du Journal de l'Abbé Rozier, dans un petit Mémoire qui a pour titre, Projets de quelques experiences chimico- éleëtriques. La feconde que cet habile Phyficien indique , confifte à com: biner le feu électrique avec l'acide vitriolique, afin de voir s'il feroit poflible de produire du foufre commun, qui, comme l'on fait, réfulre de la combinaifon du phlogiftique avec l'acide du vitriol. J'ai fait l'ex- périence en faifant pafler un nombre confdérable de décharges éleétriques par du fel de Glauber bien fec; le phlogiftique , à caufe de fa grande affinité avec l’acide vitriolique, décompole les fels neutres qui contiennent cet acide : j'efpérois donc que le phlosiftique de la matière éleétrique fe combineroit avec l’acide & formeroic un foufre artificiel ; mais il ne m'a pas été poflible d'opérer la moindre décompofition du fel , que les plus fortes étincelles même de batteries n’altèrerent d'aucune manière fenfble. La troifième expérience que le Baron de Servieres propofe pour analyfer le fluide électrique & s’aflurer de fon identité avec le phlogiftique, confifte à le combiner avec l'acide marin , d’où, fuivant cé phyfcien, il devroit réfulter du phofphore, dans le cas que le fluide électrique agifle comme le phlogiitique : mais comme l'identité de l'acide phof- phorique & de l'acide marin n’eft pas encore prouvée , & que les Chi- miftes n’ont jufqu’à préfent trouvé aucun moyen d'unir le phlooiftique pur avec l'acide marin , il me femble que cette expérience ne peut pas fervir de preuve; car dans le cas même où la matière électrique ne dit- féreroit en rien du phlogiftique , il eft très-certain qu’elle ne feroit éprouver aucun changement à l’acide marin, IT. Je pañle à la feconde partie de ce Mémoire, dont le but eft de comparer quelques effets de l'électricité pofitive & de l'électricité négative. Un corps eft négativement" éleétrifé lorfque le fluide électrique qu'il contient eft raréfié en comparaifon de celui que renferment les corps environnans ; il left au contraire pofitivement , lorfque le fluide électrique qu'il renferme eft condenfé en comparaifon de celui qui f2 trouve dans les corps non électrifés qui l’entourent. L’accumulation du fluide élec- tique produit donc l'électricité poñtive , & fa diminution l'électricité né- 432 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, gative. Il femble qu'on peut en conclure avec beaucoup de vraifemblance, que les effers de l'électricité poñtive & négative doivent non feulement différer , mais même être oppofés: ceft dans la vue de n''aflurer fi cette conjecture fur l'oppofition des effits de l'électricité en plus & de l'électricité en moins eft fondée, que j'ai fait les expériences fuivantes. Expérience III. Je fufpendis au conduéteur d’une machine électrique un tube de verre rempli d’eau, ouvert à la partie fupérieure, & dont l'extrémité inférieure étoit terminée en une pointe dont l'ouverture étoit fi étroite , que l’eau ne pouvoit en fortir que goutte à goutte; j'électrifai le conduéteur politivement : l'eau qui fortoit du tube forma d'abord un jet continu; cette expérience, eft très-connue fous le nom de celle du Syphon électrique. Je m'attendois à obtenir un réfultat très-différent en donnant au conducteur une électricité négative; mais il fat le même, & l'eau qui ne s’écouloit du tube non électrifé qu'en gouttes , sécoula, lorfqu'il fut négativement éleétrifé, en formant un jet non interrompu. Expérience IV. Je remplis trois bouteilles de Leyde jufqu’à la moitié avec dela terre de jardin humectée, & après lavoir évalifée, je la couvris avec de la flanelle mouillée, fur laquelle je mis de la femence de creffon: l’une de ces bouteilles ne fut pas électrifée, l’autre fut poñitivement électrifée, & la troifième négativement; à toutes les heures je rendis aux bouteilles leur charge d'électricité, & obfervai; 1°. Que la femence de creffon, dans les deux bouteilles de Leyde électrifées , germa plutôt que celle qui étoit dans la bouteille non électrifée ; 2°. Que l’accroiffement du germe fe fit dans les deux bouteilles élec- trifées avec la même vitefle. 3°. Que les plantes augmentèrent plus en hauteur dans ces deux bou- teilles que dans la bouteille non électrifée. Experience F, Je divifai : loth de graine de vers à foie en trois parties ; lune ne fut pas électrifée , l’autre fut pofitivement, & la troifième né- gativement électrifée pendant 3 jours prefque continuellement; je vis les vers à foie éclore dès le fecond jour, du moins en partie, des œufs électrifés pofitivement, de même que de ceux qui avoient été négarive- ment électrifés ; tandis que ceux qui n’avoient pas été électrifés & qui fe trouvoient dans la même température, ne commencèrent à éclore qu'entre Le troifième & le quatrième jout , à compter de celui où j'avois commencé à les mettre en expérience. Expérience VI. Je remplis d’eau à la même hauteur trois vafes cylin- driques de métal qui avoient les mêmes dimenfions ; un ne fut pas électrifé, l’autre fut électrifé pofitivement pendant 1$ heures de fuite, & le troifième reçut l’éleéricité négative pendant le même temps: le téfultat de certe expériençe fut que. les deux portions d'eau électrifées perdirent F SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 433 perdirent chacune par l'évaporation 10 grains de ieur poids de plus que l’eau von électrifée. IL fuit des expériences que je viens de rapporter, que l’éle&ricité pofi- tive produit des effets femblables À ceux de l'électricité négative; ce qui fournit une nouvelle preuve de la néceflité de n’admettre en Phyfique, comme vrai, que ce qui eft prouvé par expérience ; car il fembloir f naturel de penfer que les effets de l'accumulation du fluide électrique devoient être oppofés à ceux d= fa’ diminution, qu'il paroïffoit prefque fuperfu d'établir cette vérité par expérience. Les effers de l'électricité pofitive & négative-fur les corps organifés étant les mêmes , je crois qu’on peut en conclure qu'ils ne dépendent pas de la condenfation ou raréfaétion du uide éleétriqu:, mais uniquement de 7. Fins indépendant de la quantité de matière électrique, & occa- ionné par le manque d'équilibre du Auide éleétrique, Ne trouveroit-on pas cet effet dans la répulfon des parties d’un corps ou d’un fvftème de plufieurs corps qui contiennent une quantité différente de fluide électrique, ou , pour mexprimer avec plus d’exactitude, entre des corps qui con- tiennént le fluide électrique dans un diflérent état de denfité? Je fuis très porté à le croire, & à attribuer uniquement les effets de l’élekricité fur les corps organifés, à la répulfon des parties qui a lieu dans l'élec- tricité politive comme dans l'électricité négative. L’établiffement de ce principe étant fort important, & propre à donner fur la manière d’agiz de l'électricité, des idées crès-différenres de celles qu’on a eues jufqu'à préfent , j'ai cru devoir faire quelques expériences qui puiffent fervir à en prouver la vérité : le temps deftiné à cette leture ne me permet pas d'en rapporter plus de deux. Expérience VIL. J'attachai à l'enduit intérieur d’une bouteille de Leyde un fil de lin auquel j'affermis une boule de mpelle de fureau; le fil d’archal qui communiquoit avec l'intérieur de la bouteille pafloit par un tube de verre, & pouvoit être mis dans la bouteille & retiré à vo- lonté; après l'avoir chargée, je l'ifolai & tirai le fil d’archal qui commu niquoit avec fon enduit intérieur ; d’abord le fil de lin, & la boule qui y étoit atrachée, ne fut plus repouffé , quoique la boureille contint en- core une forte charge. Cette expérience prouve inconteftablement qu'un corps peut avoir plus ou moins de Auide éleétrique, fans que les phénomènes de répullion fe manifeftent, pourvu feulement que tous Îles corps avec lefquels il communique & qui fe trouvent dans fa fphère d'activité, en aient la meme quantite- Afin de s'aflurer que les effets de l’éleétricité font indépendans de la condenfation ou raréfaétion du fluide électrique, & qu'ils ne pro- viennent que de la répulfion des parties , qui eft une fuite du manque d'équilibre de la matière électrique renfermée dans différens corps, il Tom. XXV, Part. II, 1784. DÉCEMBRE. lii 434 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, faut en agmenter ou en diminuer la quantité dans des corps qui ne foient environnés, du moins à la diftance à laquelle s'étend leur fphère d'activité, que de, corps qui contiennent la même quantité de matière électrique ; fi dans ce cas l'électricité ne-produit pas les effets qu'elle produit communément , il s'enfuit que ceft uniquement à la répulfion des parties des corps électrifés qu’on peut attribuer les effets de l’électri- cité, & alors l’on explique fans difficulté d’où vient que l'électricité po- fitive produit les effèts de l'électricité négative; ce qui fans cela feroit inexpliquable. L'expérience fuivante eft très-favorable à cette hypothèfe. Experience VIII. Je mis deux vafes cylindriques de métal de la même grandeur , remplis d’eau à une égale hauteur, dans deux bouteilles de keyde femblables à tous égards ; l’une fut électrifée pofitivement de la manière indiquée dans l'expérience précédente , c’eft-à-dire, de façon que SJ'électricité ne püt produire de répulfñon; l’autre bouteille ne fut pas électrifée. En comparant , après un temps fuffifant, l’évaporation de l'eau dans les deux bouteilles, je ne pus trouver aucune différence ; Le réfulrat fut le même lorfque j'électrifai négativement la bouteille que j'avois d’abord électrifée pofitivement ; tandis que lorfqu'une des bouteilles n’étoit pas électrifée & que l’autre l’étoit de manière qu’il pouvoir en réfulter une répulfon des parties, l’eau contenue dans celle qui étoit électrifée per- doit dans deux heures de temps 3 grains de plus par évaporation que Vautre, & cela indiftinétement, foit que fon électricité fût pofitive ou négative. III. Je pañle à la troifième partie de ce Mémoire, dont le but eft de prouver par quelques expériences que l'électricité accélère la fermentation des végétaux & la pourriture des fubftances animales privées de vie. C’eft une obfervarion aflez générale, qu'après un orage les viandes crues & cuites prennent communément une odeur putride , qui dans les viandes cuites eft particulièrement acide , tandis que s’il n’y avoit päs eu d'orage elles fe feroient confervées pendant bien plus de temps. L'on fait aufli que le grain mis en fermentation pour en faire de leau-de vie ou de la bière, fubit des changemens très- prompts & très-fenfibles par des temps orageux ; fouvent la fermentation , d’abord après un orage , fe fait 1 vice, qu'on a de la peine à faifir Le point où fe termine la premiere période, parce qu'il eft très-promptement fuivi de la feconde, c’eft-à-dire de la fer- mentation acéteufe. Afin de découvrir fi cet effet provient de l’électri- cité dont l’atmofphère eft toujours fort chargée par des temps d'orage, je fis les expériences fuivantes. , Expérience IX. Je coupai un morceau de chair de bœut crue en quatre parties ; l’une fuc éleétrifée pofitivement fans commotion pendant dix heures, l’autre fut électrifée négativement pendant le même temps; la troifième ne fut pas électrifée, & toutes trois éroient dans un même appartement, & par conféquent au même degré de chaleur: le lende : SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 435 main j'examinai ces trois morceaux de viande: les deux morceaux élec- trifés paroifloient amollis , mais ils n’avoienr aucune mauvaife odeur ; le furlendemain les deux morceaux de viande électrifés avoient une odeur de pourriture très-marquée ; le morceau non éleétrifé éroit un peu amolli, mais il n’avoit pas de mauvaife odeur; le quatrième jour, à compter de celui où l'expérience commença , la viande électrifée avoit une odeur infupportable de pourriture , & la viande non éleétrifée com- mençoit aufli à fentir fenfiblement. Expérience X. Je répétai l'expérience précédente avec de la chair de véau cuite; celle qui avoit été électrifée prit dès le lendemain une odeur acide & un goût défagréable, tandis que celle qui n’avoit pas été électrifée fe conferva pendant trois jours, & feulement le 4°. jour elle contracta une odeur acide. Expérience XI. Je tuai plufieurs oïifeaux par des commotions élec- triques, & fs perdre la vie en même temps à d’autres oifeaux de la même efpèce, en leur enfonçant des épingles dans la tête ; les ayant enfuite tous expofés à une même température, & les ayant couverts d'un récipient pour écarter les infeétes, je comparai les progrès de la pourriture , & trouvai affez conftamment que les animaux tués par l’étincelle électrique entroient plutôt en pourriture que les animaux qui avoient péri d’une autre manière. Cette différence étoit le plus fenfble, lorfque les oifeaux avoient été tués par detrès-violentes commotions , qui toujours occafion- nent des deftruétions, & l’épanchement des fluides, qui, comme l'en fait, entrent bien plus vîte en pourriture , lorfqu'ils ne font plus dans les voies de la circulation , que lorqu’ils y font encore renfermés , quoique l'animal foit mort & que la circulation ne puifle plus avoir lieu. Il fait de toutes.ces expériences , que l’électricité accélère la pourriture des fubftances animales, & que c’eft à cette caufe qu'on doit attribuer l'accélération de la pourriture des viandes par des temps d'orage. J'eus occafion de remarquer l’année paffée combien les progrès de la pourri- ture font prompts dans les perfonnes qui ont été tuées par la foudre. Le fermier du village de Lichtenberg fut tué le 2 Juillet , le foir entre $ & 6 heures, par le tonnerre ; le lendemain matin il avoit déjà une odeur marquée de pourriture , & le foir elle étoit infuppor- table, Expérience XII. Je partageai en deux portions du feigle qui avoit été mis en fermentation pour en faire de l’eau-de-vie ; une partie fut électrifée , & l’autre ne le fut pas: dans cinq heures de temps la fermen- tation fpiritueufe étoit achevée dans le feigle électrifé , tandis qu’elle ne le fut qu'après 8 heures dans celui qui ne fut pas électrifé: je répétai cette expérience, en donnant au mélange fermentant plufieurs commo- tions à la place du bain électrique, & trouvai conftamment, fi j'en ex- Tome XXV, Part. II, 1784 DÉCEMBRE lii2 436 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, cepre un feul cas, que l'électricité accélère la fermentation. J’attribue fe réfuitat d’une feule evpérience, qui fut entièrement oppofée, à quelque circonftance particulière qui n'a peut-être échappé. Je finis ce Mémoire par le récit de deux expériences’que j'ai faites dans. le deffein de découvrir de quelle manière l’élericité agit fur l'air, Lorf- qu'en l’éleétrifant on évite toute étincelle ; la première a pour but de faire connoître fi l'air, en fe chargeant d'électricité, fe phlogiftique, ow s'il conferve fa falubrité; & la feconde a pour objet de déterminer fi le volume d’une mafle d'air renfermé augmente lorfqu'on le charge d'é- lectricité, ou s'il diminue lorfqu’on lui ôte une partie du fluide électrique qu'il contenoit, en l’éleétrifant négativement, Expérience X I1I. Je fs entrer dans une bouteille de Leyde de l'air commun dont j'avois auparavant reconnu le degré de déphlogiftication au moyen de l’eudiometre: après avoir élecrifé cette bouteille & l'avoir laiffée dans cet état pendant quelques heures , j’examinai l'air qu'elle renfermoit, & trouvai qu'il diminuoit de volume avec l'air nitreux, tout autant qu'avant d'avoir été électrifé ; d’où il fuit que l'air, en fe char- geant de fluide électrique, ne perd pas de fa falubrité & ne reçoit pas de phlogiftique , comme cela a lieu Horfqu’on fait paroître des étincelles électriques dans une quantité déterminée d'air, j ( Expérience XIV. J'éleétrifai une bouteille de Leyde ‘exactement bouchée; par le couvert il pafloit un tube de verre recourbé vers Le bas parallèlement à la furface verticale de la bouteille ; l'extrémité de ce tube plongeoit dans un petit vafe de verre rempli d’eau. Je chargeai cette bouteille fucceffivement d’éleétricité politive & d'électricité négative : fi elle avoit augmenté le volume de l'air, l'eau auroit dû baifler dans le tube ; fi au contraire elle avoit fait perdre à lair une partie de fon élafticité, l’eau feroit montée dans le tube; mais elle refta à la même hau- teur; ce qui fait voir que l'électricité, foit pofitive , foit négative , n’aug- mente ni ne diminue lélafticiré de l'air, & que la matière électrique dont on charge l'air en l’électrifant pofitivement , fe loge dans fes pores, & que celle qu’on en tire, en l’électrifant négativement, n'occupoit que les interftices de l'air, fans tendre à éloigner fes parties, GE SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS, 437 By EE ERA DR ME LE IN EGP MER RES CET ER DOS 7 Aero N) = BR 2E D. AK Confeiller au Gouvernement de la ville de Delft, Membre de plufeurs Sociétés Littérâires ; Au fujet de la quantité d'air déphlogifliqué que Les végétaux répandent dans l'atmofphère pendant le jour; au fujet dis raifons de l'incertitude de La quantité d'air déphlogifliqué qu'on obtient par les végétaux expofes au L foleil dans l'eau imbibée d'air fixe , ainft que fur la véritable caufe de l'influence méphiriquenoëturne des végétaux dans l'air. Monwsreur, Comme vous jugez mes produétions littéraires dignes de votre attention & de celle de nos Compatriotes , en les traduifant en notre Langue maternelle (l’'Hollandoiïfe), je crois vous obliger en vous communiquant fommairement quelques faits qui me paroiffent propres à jeter un peu plus de lumière fur l'influence des végétaux , fur l’état de l'atmofphère , & par conféquent fur le règne animal. : Je vous ai déjà écrit, & vous pouvez l'avoir vu aufli annoncé dans un Mémoire inféré dans le Journal de Phyfique du mois de Juin 1783, que je deftinois pour le fecond volume de mes expériences fur les végétaux quelques faits qui me paroiflent prouver que les végétaux évaporent à la clarté du jour infiniment plus d’air déphlohiftiqué dans l'état de na- ture, que nous ne leur en voyons produire lorfque nous les expofons au foleil couverts d’eau : je veux , en vous les communiquant, ne plus les laïfler ignorer au Public, Je trouve d’autant plus à propos d’en donner ici au moins un détail fommaire, qu’en faifant continuellement mes expériences dans le jardin botanique qui eft ouvert à tout le monde, je n'ai pu m'empêcher de Les expliquer à plufieurs perfonnes:, fur-rout à des Phyliciens étrangers , qui , en jetant les yeux fur ce que je faifois, m'en demandoïent des éclair- ciflemens, Dans ce cas, vous approuverez certainement ma réfolution d'en 438 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, faire part au Public moi-même, avant que quelque autre s’avife de me, prévenir. J'ai déjà dit ailleurs qu'il me paroît fort naturel que l’eau , un fluide infiniment plus denfe que l'air, ne potiédant que peu ou abfolument point de comprefbilité, met plus ou moins d'obftacle a l'iffue de l'air déphlogiftiqué qui fort des pores des végétaux, foit au foleil, foit à l'ombre (1). Bien loin de croire que l'air déphlogiftiqué qu'on obtient des plantes exe pofées au foleil & couvertes d'eau, indique la quantité de cet air qui en fort dans l’état de nature, je fuis d'opinion que cette expériencé n€ peut fervir qu'à prouver tout au plus que les plantes en évaporent réel- lement à l'air libre. L'eau mettant infiniment plus d’obftacle à l'entrée de l'air dans la plante qu’à fon iflue, il me paroît plus que probable que la plante ne trouvant pas dans l'eau ce qu’il lui faudroit pour réparer fa perte fi elle étoit à l'air libre, elle travaille & évapore, pour cette mêfne raifon, encore beaucoup moins d’air étant couverte d’eau, que dans fon état naturel d'évaporation. Mais en imprégnant artificiellement Jean d'air fixe, on rapproche la plante qui y eft enfermée un peu plus de fon état naturel ; c’eft-à-dire, que.la plante trouvant dans une telle eau infiniment plus d’air que dans l'eau pure, eft en état d'en produire & E2 (1) En difant que l’eau , pat fa prefion, oppofe une réfftance à la fortie de l’air de la fubftance des plantes, je pourrois être cenfuré par ceux qui inclinent un peu vers la critique, de ne pas avoir confidéré affez que la force avec laquelle un fluide léger monte à travers un fluide pefant , eft en raifon de la différence qui fe trouve entre leur gravité fpécifique, & que par conféquent l’eau doit faire une grande preffion fur l'air contenu dans les plantes, & le forcer d'en fortir en fe mettant à fa .place. Cette preffion de l’eau fur l'air a certainement lieu dans quelques plantes, c’eft-à- dire , dans celles où l'air fe trogve amaflé dans de grands récepracles ou réfervoirs, tels que ceux d’un grand nombre des plantes aquatiques. L’eau trouvant une ouver-= ture dans ces récepracles , force l’air d’en forrir, lorfque ces ouvertures fe trouvent dirigées vers le haut; mais lorfque ces ouvertures fe trouvent dirigées vers le bas, le contraire arrive ; l’air empêche alors effeétivement l’eau d’y entrer, de la même ma- nière que l'air contenu dans une bouteille empêche abfolument l’eau d’y entrer, lorfqu’on la tient renverfée dans l’eau. Quand on plonge fous l’eau des morceaux d’un jonc, d'un holcus où d'un iris, on voit fur le champ une bonne quantité d’eau pénétrer les orifices des récepracles de l'air, &l’en chafler; mais elle ne fauroit l'en chafler tota- lement. Dans les feuilles de vigne , de tilleul , & dans celles de la plupart des au- tres plantes, cette expulfion d'air, par le moyen de la preflion de l’eau, n'a pas lieu du tout ; l’élafticité de l’air dans leurs vaiffeaux capillaires s’y oppofe entièrement. C’eft l’action des organes des feuilles, excités par la lumière, qui force l'air de fortir de leur fubftance. Si c’étoit la preflion de l’eau fur l'air de la feuille qui fût caufe de la fortie de Pair , fon iflue auroit également lieu à l’ombre. Ce n’eit non plus la raréfaction de l’air par la chaléur, mais la. feule lumière, qui eft la caufe de la produétion des bulles d’air fur la furface de la feuille; car les bulles fortent des feuilles expofées à la lumière du foleil dans l’eau la plus froide , & ne fe produifent pas à l’ombre, même dans une eauriède. SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 439 d'en évacuer beaucoup plus, en trouvant de quoi réparer en grande partie fa perte continuelle:il y a cette différence dans les deux cas, que la plante, dans l’état naturel , abforbe inceffamment, pour réparer fa perte continuelle, l'air commun qui , approchant déjà de l’état d’un air déphlo- giftiqué, eft probablement converti avec plus de facilité en cec air vital, qu'un air vraiment méphitique, tel que l'air fixe (1). Cette confidération me paroît indiquer que le fpectacle que nous offre une plante expofée au foleil dans une cloche remplie d’eau imprégnée d'air fixe, eft, à un certain degré, une image vifñble du phénomène en-. tièrement imperceptible à nos yeux, qui fe pafle dans l’état de nature; c'eft-à- dire, que les plantes abforbent continuellement pendant le jour une quantité très-confidérable d’air commun, & après en avoir pris pour leur nourriture le phlogiftique, le répandent de nouveau dans l’atmof- phère, dans l’état d'un vrai vidange ou d’un vrai excrément, mais dans un état propre à pouvoir alors fervir à la confervation de la vie des animaux ; que la quantité d’air déphlogiftiqué évaporé pendant le jour furpañfe infiniment la quantité d’air méphitique que ces mêmes plantes exhalent pendant la nuit; que c’eft à la vigueur de l'action que la lumière du foleil excite dans les organes des plantes , qu'il faut attribuer princi- palement la force avec laquelle l'air déphlogiftiqué fe fait jour, en vainquant la réfiftance que l’eau dans laquelle une plante fe trouve en- fermée oppofe à fa fortie; que pendant la nuit, es organes de la plante n'étant plus animés par l'influence de la lumière, pouffent avec fi peu de force le Auide aérien ves les orifices des pores excrétoires , que ce fluide, ralenti dans fon mouvement, ne fauroit vaincre la réliftance que l’eau oppofe à fon iflue; & que c’eft fur-tout pour cette raifon qu'on trouve généralement très-peu d’air ramaflé dans les cloches où l’on a enfermé des plantes couvertes d’eau pendant la nuit. Il me paroît très-vraifemblable que la langueur du mouvement dans le fluide aérien des végétaux , pendant la nuit , n'empêche pas l'iffue d'une émanation méphitique dans l’état de nature , parce que les végétaux font en état de méphitifer pendant une nuit plus d'air qu'ils ne font en état de réparer pendant toute la jouinée; c’eft-à-dire , dans le cas où une petite quantité d'air, en proportion du volume de La plante, eft en- fermée avec elle. J'ai fait voir, dans un Mémoire inféré dans le Jôurnal de Phyfique du mois de Juillet dernier, la grande probabilité qu'il y a, que les plantes (r) L'idée de M. Senebier me paroît avoir beaucoup de vraifemblance , que Ja force végérante des feuilles s’augmente par l’irritation que l'acide de l'air fixe y occafionne, & que par conféquent le travail des plantes, c’eft-à-dire , l'élaboration d’air déphlogiftiqué, en eft particulièrement animé. 440 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, poilèdent la faculté de changer l’eau même, ou quelque fubftance qui: n'elt pas air, & qui eft peut-être naturellement inhérente à l’eau , ou même leur propre sève, en air déphlosiftiqué. Si le fair allézué dans ce Mémoire eft affez concluant, il s'enfuit que l’évaporation de l'air dé. phlogiftiqué furpafle probablement en quantité l’abforbtion d'air commun au {oleil, & que le contraire a lieu pendant la nuit. : Une plante enfermée dans un vide fur du mercure, évapore conti- nuellement un fluide aérien, qui fe trouve être un air déphlosiftiqué au foleil, & à l'ombre, un air eh partie fxe & en partie phlooif- tiqué. Lorfqu'on examine l'air que quelques plantes contiennent en très-grande abondance, telles que Les oignons | & pluñeuts plantes aquatiques, telles que les éirpus, lesiris, les holcus, on trouve cet air être à peu près de la même qualité que l'air qui les environne également à la lumière du foleil, qu'au beau milieu de la nuit, Lorfqu'on enferme les plantes dans une cloche remplie d’air commun, en y laiffant un peu d’eau pour les tenir en vigeur, On trouvera encore l'air intérieur de ces plantes être à peu près de la même bonté que l’air de la cloche: il eftun peu meilleur que l'air commun au foleil, & plus ou moins méphitifé pendant la nuit & à l'ombre : mais fi on couvre ces plantes d’eau, on trouvera conftam- ment que l'air contenu dans leur fubftance eft méphitique pendant la puit, & plus ou moins déphlogiftiqué au foleil. Il eft donc, dans ce cas, entièrement diflérent de l'air atmofphérique, & il eft même en général différent de celui que ces végétaux ont laiflé échapper dans l’eau, fur-tout pendant les premières heures; car l'air qu’on trouve dans la cloche, lorf- -qu'elle eft expofée au foleil ,eft communément (1) moins déphlogiftiqué, & pendant la nuit moins phlogiftiqué que celui qui refte encore enfermé dans Le végétal. Si Le foleil n’eft pas affez ardent pour nuire à la conftitution des plantes, on trouve en général que l'air inhérent aux feuilles furpaffe en bonté celui qui eneft déjà échappé, où au moins en approche en pu- reté. Je mis au foleil à neuf heures du matin (le remps étant fort beau & la chaleur modérée ) trois grandes feuilles d’iris-flava, chacune fépa- (r) Je dis communément ; car ceux qui répéteront cette expérience, pourront, par inadvertance, la croire fort douteufe, à caufe que rien n’ell fi aifément altérable que Pair , tandis qu'il refte dans la fubftance des plantes. Ua coup de foleil un peu fort, qui frappe dans un jour chaud, par exemple des joncs (je me fuis fervi communés ment de différentes efpèces d’iris , du fcirpus paluftris & du holcus fpicatus), qui ne peuvent fouffrir une chaleur confidérable , eft en état-de changer en très-peu de temps l'air contenu dans leur füubftance, de déphlogiftiqué en air vraiment méphitique, parce que cet air eft encore expolé à l’action des organes du végétal; au lieu que lait qui fe trouve déjà au haut de la cloche reaverlée, étant hors du contaët de la plante, pe peut plus être altéré par elle. Si trop de jones font accumulés enfemble, de façon que l’un faffe ombre à l'autre, l’air qu’ils contiennent fe pâte. rément D SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 441 tément dans un tube de verre rempli d’eau: j'examinai l'air d’une de ceS feuilles à onze heures du matin; je trouvai l'air qui étoit déjà ramaflé au haut du tube être de 138 degrés, & celui que la feuille renfermoit encore, de 146 degrés (1) : j'examinai l'air de la feconde feuille à une heure après midi; l'air qui étoit déjà produit, étoir de la même bonté que celui qui étoit encore enfermé dans la feuille, favoir , de 189 desrés: en examinant l'air de la troifième feuille à cinq heures après midi , je trouvai celui qui étoit ramaflé dans le tube, de 210 degrés, & celui qui féjournoit encore dans la fubftance de la feuille, de 200 devrés. En obfervant que la plus grande partie des plantes qui végètent fi luxurieufement & en fi grande abondance dans Les eaux ftagnantes, comme les zris, les holcus, les Joncs & bien d’autres, contiennent une quantité d'air fi confidérable, que ce fluide, bien loin d'y étre enfermé dans des vaifleaux capillaires, comme il eft dans la plupart des autres plantes , y eft ramaflé en de grands réceptacles ou rélervoirs ; de façon que le volume d'air qui y eft contenu furpafle le volume même de la plante; en confidérant , dis je, la nature particulière de ces plantes aquatiques à cet égard , je ne puis m’abftenir es ce trait manifefte d'une fage pré- voyance qui a ainfi placé le plus grand remède contre la corruption de l'air commun , dans les lieux où une trop grande production d’air inflammable qui fort des fonds bourbeux , auroit pu répandre dans l’atmofphère un principe pernicieux à la vie des animaux, fi les plantes aquatiques ne l’ab- {orboient avidement , ne s’en nourrifloient, & ne le rendoient à l’atmofphère dans un état de pureté, La raifon pourquoi l'air enfermé dans la fubftance des plantes , lorf- qu'on les couvre d’eau, diffère tant de l’air commun, & qu'il en diffère fi peu lorfqu'elles font en contaét avec l'air commun, me paroît être, que dans l’état naturel, l'air exiftant dans la fubftance des plantes, fe re- nouvelle continuellement par l'air qui y entre pour remplacer celui quien fort; d’où il fuit naturellement que les deux airs ayant une communication libre entre eux , doivent fe trouver à peu près dans le même état de bonté: Lorfqu'une plante eft couverte d'eau de fource , la lumière du foleil agit également fur la plante à travers ce fluide tranfparent , comme fi la plante reftoit à l'air libre : mais l'air de la plante étant, par l'action de la lumière, changé en air déphlogiftiqué , eft obligé de féjourner pour la plus grande partie dans la plante, parce que la preflion de l’eau s'oppofe à fa fortie, & parce que la plante ne trouvant pas dans l’eau (1) J'ai parlé de la façon d'évaluer la bonté des airs, dans le Mémoire inféré au Journ. de Phyf du mois de Mai de cetteannée , pag. 342. J'en ai parlé plus amplement y E s: D° 2 (à Gus 2j INte dans mon Oüvrage fur les végétaux , ainfi que dans l’article fur l'air déphlogiftiqué , qui fait partie du premier volume de mes Opufcules détachées , qui doit forir de prefle inceflamment à Paris. Tome XXV, Part. Il, 1784 DÉCEMBRE, Kkk 442 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, affez d'air à abforber pour remplacer celui qui eft prêt à fortir, elle re- tient celui qui s’y trouve ; & l’organifation de la plante eft telle, que Veau ne fauroit y pénétrer aflez librement pour en chafler tout l'air que la plante contient: par la même raifon, l'air interne des plantes couvertes d'eau & placées dans l’obfcurité , eft très-méphitique , parce que cet air ne pouvant fe renouveler , éprouve l’action La plus forte de la plante. Ce fait me paroît démontrer que les plantes évaporent une quantité infiniment plus confidérable d air déphlogiftiqué pendant Le jour à l'air libre , que nous ne leur en voyons répandre dans l'eau pure. Je dé- taillerai plus particulièrement à fa place les expériénces relatives à cet objet (1). ; Il ny a que les plantes dont la fubftance eft remplie d'air, qui foient propres à certe recherche ; tels font les oignons & les plantes aqua- tiques que j'ai déjà nommés dans la note précédente; car les feuilles de la plupart des végétaux contiennent fi peu d’air dans leur fubftance , qu'on a beaucoup de peine à l’en exprimer : la grande joubarbe cependant m'a aflez bien réulli à cette fin. J'exprimai des feuilles de cette plante, après avoir été expofée au foleil dans l’eau, un air déphlogiftiqué de 183 degrés, au lieu que l'air que j'exprimai de la même façon de ces feuilles, après avoir été placées dans un endroit obfcur, couvertes d’eau, étoit d’une qualité inférieure à celle de Pair commun. En parcourant mes notes, je trouve que j'ai obtenu des feuilles du noyer exprimées fous Veau ,un air méphitique, tandis que dans d'autre temps j'en ai exprimé un air commun. Je ne doute pas à préfent que cette différence n'ait dé- pendu de quelque circonftance analogue à celles que je viens de détailler, & auxquelles je ne fs pas alors affez d'attention. (1) Pour fe convaincre que l’air contenu dans le parenchyme des plantes n’y refte pas un moment tranquille , mais qu’il en fort continuellement, tandis qu’un air nou- veau y entre inceflamment, on n’a qu’à enfermer une plante qui contient beaucoup d'air, telle qéuniris, un fcirpus, daus un vafe rempli d’un air différent de celui que ces vépétaux contiennent dans le moment qu’on les enferme , on fera étonné de voir en combien peu de temps l'air interne de ces plantes fe fera mêlé avec celui qui les entoure , fur-tout au foleil; de façon que tous lesdeux airs fe trouvent en peu de temps être de la même qualité. Cette expérience réuflit également fi on enferme une telle plante dans un air phlogiftiqué ou déphlogiftiqué. Si , dans ce cas, l’air commun que la plante contenoit lorfqu’on l’enfermoit , n’avoit pas quitté entièrement la plante, on le trouveroit toujours d’une meilleure qualité que l’air enfermé avec elle ; car ce feroitun mélange d’air phlogiftiqué & d’air commun. Il faut donc que l'air interne de la plante ait, dans Je cas mentionné, quitté totalement la plante, & que J’air enfermé avec elle y foit entré. Le même changement arrive fi on imbibe la plante d’un air déphlogiftiqué, & qu’on l’enferme enfuite dans un air méphitique , sas on enferme dans un air déphlogïftiqué une piante imbibée d’un air mé- phitique. RS mn ner à Et SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 443 Voici la raifon de linconftance de la vertu de l’eau imbibée d’air fixe , lorfqu'on expofe dans cette eau des plantes au foleil. M. Senebier dit avoir obtenu conftamment une très-grande quantité d’air déphlo- giftiqué des plantes expofées au foleil dans une eau faurée d'air fixe , au lieu que dans mes expériences faites en Angleterre l’année 1779, rien ne ma paru plus incertain. que l'effet d’une telle eau, dont j'obte- nois , au lieu d'un air déphlogiftiqué , pour la plupart une très-grande quantité d'air fixe mélé Le peu d'air, tantôt commun , tantôt phlo- giftiqué, & quelquefois déphlogiftiqué. Si M. Senebier a pris dans fes expériences une eau vraiment farurée d'air fixe , comme il le croit, je ne doute pas qu'il n'ait commis dans l'examen de cet air une inadver- tance contraire à celle qu’il a commife dans l'examen de l’äir obtenu des plantes expofées au foleil dans une eau légèrement acidulée par les acides minéraux , en prenant cet air pour un air abfolument mauvais, pen- dant qu'il étoit très-déphlogiftiqué, & en prenant, au contraire, pour un air déphlogiftiqué, un air méphitique (tel qu’eft communément pour la plus grande partie l'air qu'on obtient dans une eau farurée d’air fixe), I fe pourroit cependant qu'il fe fût coujours fervi, fans le favoir, d'une eau foiblement imprégnée d'air fixe : dans ce cas, il en aura cer- tainement obtenu un air déphlogiftiqué , & fon inadvertance confiitoit alors en ce qu'il avoit pris une eau légèrement imbue d’air fixe, pour une eau quien étoit faturée, tandis que de mon côté j’avois employé, quoique mal à propos , la plupart du temps, une eau vraiment faturée ou fortement imbue d'air fixe. j'ai parlé de quelques-unes de ces expé- rience dans mon Ouvrage anglois , Expériments on végétables, pag, 87, 243 & 246. J'ai penfé long-temps que lincertitude du réfultat dans ces expé- riences dépendeit de la différence de la nature particulière des plantes que j'employois ; & jesne m'y trompois pas entièrement; car il y a des végétaux qui ne fouffrent prefque pas le contact d’une eau mème très- lévèrement teinte d'air fixe, telle qu’eft le posamogeton crifpum , la con- derva rivularis, &c.;ce que M. Senebier a très-bien remarqué. Mais ne me contentant pas de cette remarque , je m'obftinai à chercher une raifon plus fatisfaifante de cette incertitude. Ce que j'ai déjà dit plus haut vous aura fait entendre que c’eft du plus ou moins d’air fixe qui exifte dans l’eau, que dépend l'iflue de l’expérience. Une plante qui ne me fourniffoit prefque rien que de l'air fixe mêlé d’un peu d'air phlo- giftiqué , lorfque je l’expofois au foleil dans une eau faturée ou très- chargée d'air fixe , me fournifloit une très-grande quantité d'air déphlo- giftiqué dans une eau dont un tiers éroit faturé d’air fixe, & es deux autres tiers d’eau pure, Il ne nous conviendroïit pas de nous excufer, M. Senebier & moi, en confondant mal à propos les termes. On ne peut raifonnablement prendre pour une eau faturée d'air fixe, celle qui n'en Tome XXV, Part, U,1784. DÉCEMBRE, Kkk 2 444 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE; eft que légèrement imbibée. Il faut au moins qu’elle approche de l'état de faturation, pour qu'on puiffe lui donner le nom d’une eau faturée. L'eau de fource eft communément faturée d’air commun; car elle en cortiénc généralement à peu près autant qu'elle en peut tenir en folution; : maïs cette eau eft en état d’abforber deux & cette quantité eft petite : fois fon volume d'air fixe avant d’en être pleinement faturée. Je viens de publier des expériences très-détaillées fur ce fujert dans une appendice en Langue Françoife imprimée à la fin du fecond volume de la nouvelle édition de mes Opufcules détachées, qui vient de paroître en Langue Alle- mande , traduite de mes manufcrits par M. Holitor, imprimée à Vienne chez Wappler, & dont le premier volume , étant fous prefle à Paris depuis environ trois ans, n'eft peut-être pas encore publié dans le temps que j'écris ceci, au mois d'Août 1784 (1) : au moins je n’en ai juf- u'à préfent aucune nouvelle. J'ai dit dans mon Ouvrage fur Les végétaux ; que la faculté de mé- phitifer l'air que j'ai découverte dans les plantes pendant la nuit ou dans un endroit obfcur pendant le jour , eft due à un mouvement vital dans leurs organes, & dépend par conféquent de la végétation ow de la vigueur de la plante. Je ne me fuis pas étonné que cette nouvelle dodtrine ait trouvé de la difficulté, à caufe de fa fingularité , à être admife au commencement ; maisilme paroît qu'il y a de quoi s'étonner, qu'après tant d’années que j'en ai fait la découverte, on ne l’adopte encore qu'avec une efpèce de répugnance; pendant qu’on peut s’en con- vaincre à tout moment & fans auçun appareil particulier. Un Phyfcien, avant d'avoir été convaincu de la vérité de cette (1 ) On pourroit avec raifon s’étonner qué la traduétion d’un Ouvrage, & même une feconde édition, augmentée d’un fecond volume, ait vu le jour avant que le premier tome de l'édition originaire foit forti de la preffe. Mais on ceffera de s’en étonner , lorfqu’on faura que l'édition originaire étoir commencée leng-tempsavant l'impreflion de la traduétion , & qu’elle auroit dû être publiée avant que celle-ci fût commencée, fi l'Imprimeur de Paris avoit renu parole , de ne pas interrempre* l’imprefion : mais au milieu des promeffes réitérées de pourfuivre lPimpreflion avec toute la diligence poflible , il n’a pas honte de fruftrer continuellement mes efpé- xances, en prévenant par-là, non feulement Ja publication de ce volume déjà commencé , mais aufli celle d’un fecond volume de ces Opufcules, & le fecond tome de mes Expériences fur les végétaux, dont je n’ofois lui envoyer le manufcrit, de crainte qu'après le lui avoir envoyé, j'en éprouvafle une feconde fois un traite- ment aufli indigne que celni que j'ai efluyé avec le premier volume defdirs Opufcu- les. L’incertirude que ce manque de parole de l’Imprimeur jetoit fur la publication du fecond volume de mes Expériences fur Les végétaux, a été caufe que j'ai anti- cipé la publication de plufeurs articles qui en devoient faire partie , & qui fe trouvent a préfent en abrégé dans les trois Mémoires inférés dans le Journal de Phyfiquedes mois: de Mai, Juin & Juillet de cette années & en entier dans la feconde édition Alle= mande de mes Opulcules dérachés , dont je viens de parler, SUR L’'HIST. NATURELLE ET LES ARTS, 44 découverte , me demanda fi l’on ne pouvoit pas foupçonner que les plantes, en mépbhitifant l'air à l'ombre, ou pendant la nuit, font dans un état de langueur , & qu'étant mutilées & enfermées , elles reculent , pour ain dire, dans leur vigueur; & fi l’on ne pourroit pas attribuer leur pouvoir méphitifant à cet état de maladie. Il croyoit pouvoir par-là au moins mitiger d’une certaine façon la fentence beaucoup trop févère de M. Senebier , en foutenant que les plantes, dans ces circonitances , fouffrent, & vont, pour ainf dire, en arrière dans leur fanté, fans être dans un état de vrai corruption ou de fermentation, Mais en lui faifant examiner les branches des plantes , ainfi que des plantesentières, après"ayoir été enfermées pendant une nuit fous une cloche, il fe convainquit bientôt que fon foupçon r’etoit aucunement fondé. Je n'ai pas encore rencontré un feul Phyfcien, quelque prévenu qu'il puifle avoir été contre mon fyftéme, qui, après un examen rigoureux , ne fe foic pleinement rendu à l'évidence à laquelle il ne pouvoit fe refufer. Si Les plantes méphitifoient l'air enfermé avec elles à caufe qu’elles fouffrent dans lobfcurité, ce ne pourroit être que parce qu’elles font enfermées dans un lieu étroit , ou parce qu'elles manquent de lumière. Si le rétréciffement du lieu en étoic la caufe , elles ne pourroienc plus réparer au foleil le dégât qu'elles ont fait pendant la nuit, en ref tant toujours enfermées dans le même vafe. C’eft donc le défaut de Ju- mière qui eft lacaufe de cette méphitifation. Si on vouloit foutenir que l'obfcurité feule dimninue la vigueur des végétaux par elle-même , il s’en- fuivroic que toutes les plantes font dans le même cas ; & alors l’état en queftion feroit celui de la nature: mais une affertion aufli vratuite eft aflez démentie par an examen rigoureux d'une plante après qu'elle a, pañlé la nuit , foit dans une cloche, foie à l'air libre, Une fleur mife au foleil fous une cloche méphitife lair même en s’ouvrant , & une plante placée dans La fhème fituation améliore l'air. Cet effet contraire n'eft donc pas dû aux circonftances du lieu , mais à la nature particu- lière. des feuilles & des fleurs. Si je puis conclure que les plantes ont le pouvoir de corriger au foleil l'air méphitifé , parce que l’expérience me la fait voir conftam- ment; je puis, à plus forte raifon, conclure qu’elles ont la faculté de méphitifer l'air bon à l'ombre, en obfervant qu'elles ont conftammenc un tel effet, Je dis a plus forte raifon; car une plante enfermée avec une certaine quantité d’air , foutiendra fa vigueur au delà de deux fois plus long-temps à l'ombre qu'au foleil. Une plante enfermée pendant la nuit avec une quantité d'air commun , par exemple , avec cinquante fois fon volume , aura méphitifé cet air très-manifeftement, Expofez-la au foleil', & elle réparera dans peu d'heures tout le dégât qu’elle a fait. Remetrez-la de nouveau dans l'obfcurité , & elle dégradera , commeau- paravant , cet air , qu’elle récablira au foleil une feconde fois dans l’état 446 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, de fa pureté primitive, pourvu que l’ardeur du foleil n'ait pas dérangé fon organifation le premier jour de fon expolition, Voici des faits qui me paroiflent démontrer que la plante méphitife Vair en contatt avec elle pendant la nuit, par une force vitale qui lui eft naturelle ; & même plutôt par la force de fa végétation, que par quelque langueur qu’on pourroit lui fuppofer pendant cette méphitifation. Je déracinai le matin deux plantes de tabac de la même grandeur, je les mis à fec fur une table jufqu’au foir , lorfque toutes deux furent flétries, ayant les feuilles pendantes & relâchées. Je mis l'une de ces plantes fous une cloche à fec, en mettant fur l’afliette du mercure , pour couper toute communication entre l'air enfermé avec la plante .& l'air externe. Je plaçai l’autre fous une cloche de même grandeur, en tenant fa racine baignée dans un peu d’eau que j'avois mife für l'afliette , & ui fervoit en même temps à couper la communication entre l'air de la cloche & l'air libre. La plante qui fut placée à fec fous la cloche, après avoir langui pendant toute la journée, devoit naturellement reculer ou languir de plus en plus pendant la nuits aw lieu que l’autre fe trouvoit à même d'aller en avant, c'eft-à-dire , de reprendre en grande partie fa vigueur perdue, Si la faculté de méphitifer l'air dépendoit de la langueur ou de l’indifpofition de la plante, on auroit dû s'attendre que la plante enfermée à fec méphitiferoit infiniment plus que l’autre l'air renfermé avec elle; mais il en arriva tout le contraire. La plante qui avoit été enfermée avec un peu d'eau , fe trouva le lendemain au matin tellement rétäblie, qu'on ne pouvoit pas la diftinguer d’une plante fraîche placée à côté des deux autres pour fervir d'expérience & de comparaifon. Cette plante cependant, quoiqu'elle eût pris continuelle- ment plus de vioueur, fe trouvoit avoir méphitifé l'air plus que celle qui, pendant ce temps , alloit de plus en plus, en arrière; de façon que cette dernière fe trouva le matin entièrement affaiflée {ur elle-même. Je placai à dix heures du foir fous une cloche quelques feuilles du trifolium fibrinum ( Menyanthes trifoliatæ Linn. ) attachées à leurs tiges & féparées dans ce moment même de leurs racines, en laïiffant un peu d’eau fur l'afliecre , tant pourtenir les extrémités des tiges baignées, que pour intercepter toute communication entre l'air renfermé dans la cloche & l'air libre. Dans le même temps , je renverfai une cloche de même grandeur fur une égale quantité de mêmes feuilles , en les laiffanc attachées à leurs racines; j’affermis la cloche à un bâton fixé en terre, de manière que le bord de la cloche refta au deffous de la furface de l'eau, Je plaçai la cloche qui contenoit les feuilles coupées , fur le bord du baflin,à la diftance d'environ deux pieds de l’autre cloche. Le len- demain de bon matin, à quatre heures, avant la lumière du jour, (le foleil fe levant alors à $ heures), je coupai au-deffous du bord de la cloche les tiges des feuilles qui y. étoient renfermées, & en gliffant | SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 447 une afliette deflous la cloche , je l'emportai en même-temps que l’autre qui étoit placée au bord du baflin : en examinant l'air de ces cloches, je trouvai que celui qui étoit renfermé avec les feuilles féparées de la plante, étoit de 83 degrés ( l'air enfermé dans les cloches ayant été de 93 degrés ), & que celui qui étoir enfermé avec les feuilles attachées à la plante , fe trouvoit être de 76 degrés. Celui-ci fut donc dégradé de fix degrés de plus que l’autre , quoique les feuilles ne puffent avoir fouffert en aucune manière. Après avoir mis ces deux airs à l'épreuve, je voulus auf connoître la proportion entre le volume des feuilles & celui de l’air enfermé avec elles, Je trouvai que celles qui avoient été féparées de la plante le foix avant, occupoient plus d'efpace que les autres qui reftèrent attachées à leur plante. La raifon pourquoi les feuilles détachées de la plante avoient méphitifé moins d'air que les autres, quoiqu'elles occupañlent réellément plus d’efpace , me parut avoir été, que plufeurs de ces feuilles étoient Jaunes (ce que je n’avois pas remarqué le foir en les renfermant à la brune fous la cloche) , & avoient par conféquent perdu beaucoup de leur vigueur , & ainfi proportionnellement beaucoup de leur faculté de mé- phitifer ou de décompofer l'air. Je fuis bien perfuadé que dans chaque expérience de ce genre on ne pourroit pas s'attendre à un effet exactement conforme à celui que j'ai obtenu de l'expérience que je viens de citer, & que j'ai répétée plus d’une fois. Mais on en aura toujours un réfultat conforme à ma décou- verte ; c’eft-à-dire, que les plantes renfermées pendant la nuit avec l'air commun ou avec un air déphlogiftiqué, auront décompolé ou méphi- tifé l’air en contact avec elles, fans avoir elles-mêmes fouffert d’une manière qui puifle être obfervée par les recherches même les plus mi- nutieufes d’un -Phyficien qui défire , avec une ardeur inquiète , de trouver que la découverte foit erronée. La méphitifation de l'air eft donc une opération d'une plante en pleine vigueur, qui dépend de Pabfence de la lumière, & nullement d'une indifpofition de la plante; opération , qui, bien loin de pouvoir nuire au règne animal dans l’état naturel des chôfes, paroît être d’une utilité marquée pour la confervation des animaux ; puifque les plantes, en décompofant pendant la nuit l'air qui fe trouve en contact avec elles , lui fait quitter fon acide aérien , l'air fixe, lequel , en fe précipitant en partie vers la terre , l’impregne d’un principe falin, dont l'utilité, pour avancer la végétation, a déjà été conftatée par les expériences de plu- fieurs Phyfciens. Lorfqu’on compare avec limmenfité de l'océan atmof- phérique, le petit efpace que les végétaux attachés à la furface de notre globe occupent, & que nous confidérons que ces exhalaifons des plantes fe faifant continuellement , mais peu à peu à la fois, ne peuvent jamais fe concentrer ou s’accumuler pour pouvoir nuire ,en fe répandant à melure qu’elles fe produifent dans l'air ambiant; nous verrons bientôt 448 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, que nous n'avons rien à craindre de leur influence mal-faifante nocturne, à moins que nous ne foyons aflez mal avifés de vouloir renverfer l’ordre. naturel des chofes, en rempliflant nos appartemens d’êtres deftinés à vivre en plein air, & auxquels L'Auteur de la Nature a trouvé bon, dans fa fagefle infinie, de refuier la faculté du mouvement progreflif, afin de les fixer d’une manière ftable à l'endroit même où ils ont pris naif- fance : c'eft une violence faite à la Nature que de les en arracher pour les placer dans nos appartemens. Je n'ai pas befoin de faire remarquer à un homme aufli clair-voyant que vous , Monfieur , la vraie raifon pourquoi quelques Phyficiens pa- roiffent, par un morne filence, regarder l'influence nocturne des végétaux avec une efpèce d'indifférence, comme fi elle ne valoit pas la peine de s'en occuper un moment; tandis que d’un autre côté on tâche de l'écrafer comme un monitre qui déshonore la Providence, & qu'on ne fauroit mieux faire difparoître de la furface de la terre, qu'en la fou- drôyant d’un anathème. Mais fi quelques Phyfciens trouvent tant de répugnance à admettre une vérité qu'on peut démontrer à tout moment fans appareil particu- lier, &, ce qui elt plus, fans jamais manquer, il doit vous paroître, autant qu'à moi, fox fingulier qu'on adopte fi facilement la faculté que les plantes ont de corriger fair vicié & d’améliorer l'air bon , & qu'on l'ait déjà cru avant que j’euffe découvert que la véritable caufe de ce phénomène n'étoit pas , comme on le croyoit, la végétation comme telle, qui a lieu également pendant la nuit que pendant le jour, mais la feule lumière du jour ; pendant qu'il arrive très-fouvent de voir manquer cette expérience, & qu'une plante enfermée avec de l’air commun & expofée au foleil, méphitife cer air, au lieu de le rendre plus pur. J'ai dis déjà dans mon Ouvrage fwr les végétaux , combien eft délicate l'opé- ration diurne des plantes ; que la caufe [a plus petite en apparence dé- range toute leur économie , par rapport à leur influence bienfaifante fur l'air. Un nuage qui couvre le foleil faic cefler prefque fur Le champ toute leur opération ; une lumière trop vive , accompagnée d’un degré de chaleur trop forte, produit le même effet, & dérange même pour tou- jours l'opération falutaire des végétaux , en dérangeant leur organifa- tion, Si la plante fe trouve dans un milieu qui ne poflède pas toutes les bonnes qualités dont elle a befoin pour fe conferver en pleine vigueur , fon influence bénigne ceffe d’abord, quand même la lumière du foleil feroit la plus avantageufe. Si on couvre une plante d’eau bouillie ou diftillée, & qu'on l'expofe au foleil, fa fonction diurne eft arrêtée {ur le champ. La caufe d’un dérangement auffi fubit n'eft pas difficile à deviner. Le contact d’une telle eau eft fi contraire à fon économie, qu'une plante qui s’y trouve plongée & expofée au foleil,«donne dans moins d’une heure des fignes évidens de fon dépériffement : les feuilles y 4e -= + _ SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 449 ÿ deviennent tachetées & cranfparentes, En expofant dans une telle eau au foleil des joncs bien végétans, on ne trouve pas même l'air contenu dans leur moelle changé manifeftemenc en mieux. Il y a des plantes dont toute l'économie eft d’abord dérangée par le contact d’une eau un tant foit peu plus chargée d'air fixe que n'’eft en général l’eau de fource. Telle font la poramogeton crifpum , la conferva rivularis , & bien d’autres. Il m'a paru aflez remarquable qu’une plante placée dans un milieu nuilible à fa conftitution, périt beaucoup plutôt au foleil que dans l’obfcu- rité ; & pour cette raifon les joncs ne fauroient à peine changer en mieux d’une manière manifefte l'air contenu dans leur fubftance, fi on les place au foleil dans une eau bouillie ou diftillée ; pendant qu'ils le mé- phitiferont beaucoup dans une telle eau étant placés dans un endroit obfcur, Îl y a des plantes dont l'influence bénigne fur l'air ambiant ceffe prefque entièrement dès qu’elles font enfermées avec une petite quantité d'air commun ; tels font les joncs ; au lieu que les caëlus , les cacalia, & beaucoup d’autres ont communément un effet manifefte fur une petite quantité d’air enfermée avec elles, en en augmentant Ja quantité, en améliorant fa qualité très-manifeftement, pourvu qu'on ne les y laifle pas trop long-temps. Enfin une plante doit être dans une fituation où elle ne fouffre rien, pour exercer fon influencebienfaifante diurne, La plupart des plantes fe trouvent aflez bien au beau milieu d’une eau de fource, fur-tout fi elle et imprégnée d'air fixe; mais aucune ne fouffre fans dérangemenc le contact d’une eau fortement chargée de cet air : & en tout cas elles ne fauroient y fubfifter long-temps en pleine vigueur, fur-tout au foleil. Les Joncs , les holcus, &c, expofés au foleil dans l'eau de fource, changeront en peu de temps leur air interne en air déphlogiftiqué. Si vous Les y laiflez un peu plus long-temps , de manière qu'ils reçoivent un degré de chaleur trop forte , vous trouverez bientôt le tout invers; au lieu de con- tinuer à rendre plus pur leur air , ils le méphitiferont entièrement , fans cependant qu'on puifle voir toujours à l'extérieur qu’ils ont fouffert. Je fais, &c. Fautes à corriger dans le Mémoire de M. Ingen-Houfz , du Journal du mois de Mai 1784 Page 348, ligne 2 , Lifez : Lorfque je trouvois la quantité d'air fixe fi pe- tite, que j'obfervois à peine le moindre changement dans l'eau de chaux ; en la fecouant avec cet air, j'ai noté qu'il n’en contenoit qu'un veftige. Tome XXV, Part, IT, 1784. DÉCEMBRE, LI1 450 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, Dans fon Mémoire inféré au cahier de Juin. Pag. 444 , lig. 4, le fait, Aifez ce fait. Ibid, lig. 33, réel , lifez fec. Pag. 447, lig. 28, délirons, difez dérivons, Pag. 449, lig. 38 , boyaux, lifez bocaux. Pag. 450, lig. 4, jonbarbe , life joubarbe, Pag. 451 , lig, 24 & 37, jonbarbe, lifez joubarbe. Pag- 452, lig. 13, ne puifle, lifez puille. Dans fon Mémoire du mois de Juille. Pag, 12 , lis, 36, épuifé, lifez puifé. Sr Eve, DES EXTRAITS DU PORTE-FEUILLE DE M... LABBé DICQUEMARE. OMRMTEIPE RSI ERNIDNREPES. D E nombreufes obfervations, des expériences ingénieues , des médita- tions profondes , font les feuls moyens par lefquels un Philofophe , un génie heureux puifle s’infinuer dans la confidence de la Nature, & pénétrer quelques uns de fes fecrets. Mais s’il eft difficile de contempler les êtres peu connus que l'on rencontre vers les limites du règne animal, de dé- voiler l’animalité cachée fous les formes Les plus extraordinaires, & de faire la démonftration de ces plans d’organifation intérieure , dont les autres animaux n’ont pu donner aucun foupçon , aucune idée ; combien ne l’eft-il pas davantage de s'élever, par la méditation , aux vérités fublimes de la faine Philofophie; d’appercevoir clairement les liaifons , les rapports qui uniflent les êtres animés; de diftinguer les traits qui circonfcrivent chaque règne, d'avec ceux qui Les lient & forment cer enfemble majeftueux, dans lequel on reconnoîtra toujours l'empreinte de la Divinite | Si j'ai ofé faire quelques pas chancelans dans cette carrière, & en éclairer l’ou- verture à l'aide du Hambeau de l'expérience , ce n’étoit que dans l'efpoir d’y attirer quelque génie tranfcendant , capable de la parcourir. Le même efprit my retient encore ; mais l'amour de la vérité me follicite à dire combien le règne animal me paroît différent des idées qu'on s’en forma lorfque , d’après des obfervations trop fuperfcielles , quelques Auteurs e. PP ST - SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 4st crurent appercevoir des divifions effentielles dans ce règne ,en même temps qu'ils admettoient , fur la foi des Anciens , une loi de continuité dans toute la Nature : pour étayer ces opinions, aufli contradictoires que peu fondées, ils ont prononcé fur le phyfique d'animaux marins , qu'ils con- noifloient à peine de nom. Les organes de ces êtres animés, la difpolition mécanique qui met ces inftrumens en état d'agir, & ce qui réfulre du mouvement des parties, en conféquence de cette difpofition ; en un mot, leurs fon@ions ont éré méconnues , à l'exception ceperdant de quelques- unes des vitales, pour lefquelles on leur a attribué des vifcères différens de ceux qu'ils ont en effec : quant aux natürelles, elles leur ont été refufées, quoiqu'il foit évident qu'ils les pofièdent, ainfi que celles qui font plus particulièrement les effets de l'être fenfitif, & qu'on nomme animales. IL n'eft pas jufqu’aux facultés plus ou moins particulières à quelque efpèce, qui n’aient été niées formellement , faute de connoître, par la difi- culté de les expliquer & de les faire cadrer avec des fyftêmes adoptés, Si la forme des animaux dont il étoit queftion , leurs variétés fpécifiques, leur organifation prefque imperceptible, quoiqu’en grand ; leurs beaux déve- loppemens, leurs befoins, leursmanœuvres, leurs jouiflances , leurs craintes, &c. avoienr été apperçus par des yeux vraiment philofophiques ; auroit-on dit à leur occañon , ou à celie d'animaux aufli peu où aufli mal obfervés, qu'il exifte des animaux privés de fens, qu'un être qui peut fentir fon exiftence ne foit pas un être animé, & que tel ne left pas aflez pour apper- cevoir ou fentir qu’il exifte quelque chofe hors de lui? Auroit-on accordé à certaines plantes ce qu'on refufoit à l'animal ? Au refte, quañd on fe permet de confondre le fens avec l'organe, d'attribuer à tel plan d'orga- nifation qu'on ne connoît pas , moins de perfection abfolue qu'à un autre; de comparer tout À la manière d’être d'animaux dont la conformation femble fe rapprocher le plus de la nôtre, &c.; peut-on fe fatrer d’être envoyé pour acquérir la Science de la Nature dans fon enfemble, ou dans quelques- unes de fes principales parties ? Quelle idée nous fommes-nous fait jufqu'ici d’un animal combiné? La combinaifon même, lorfque nous l'avons entrevue, n’a-t-elle pas dérangé la fuite de nos penfées , mis en défaut notre raifonnement, influé un inftant fur notre intelligence ? Il eft remps de nous fixer fur quelque objet. Faifons paroître une ortie marine ( je fuppofe qu’on ne les confond plus avec les anémones de mer, depuis ce que j'en ai dit [1] ); choififfons par préférence un individu de Vune des efpèces qui piquent le plus. En voyant la figure (Planche I) qui le repréfente par-deflous , ayant même fes extrémités contraétées , on ne fera pas tenté de le regarder comme une mafle peu organifée, à peine —— ——————————_—_—— 2 ———————— —— — — — ———— (1) Voy. les Memoires avec figures, Tranfaët. Philof., Journ. de Phyf., Ec. Tome XXV, Part, II, 1784. DÉCEMBRE, US 452 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, animée, & cela fuffra ; car je me propofe de ne parler qu’en général. Fer: connois au moins fix grandes & principales efpèces, & beaucoup de va- riétés , que j'ai deflinées avec foin , ainli qu'un certain nombre de petites, & d’autres animaux qui tiennent au même genre. Plufeurs font formées fur des plans différens d’organifation, dont jufqu’ici nous n'avons eu au- cune idée; & comme nous ne pouvons guère nous en former une de leurs befoins & de leurs jouiffances , relativement à leur pofition entre les êtres avec lefquels ils communiquent, par les rapports qui, de proche en proche , lient toute la Nature ; nousy cherchons mal à propos les mêmes vifcères, les mêmes diftriéts & Les mêmes fonctions qui fe trouvent dans les quadrupèdes , les poiffons, &c. Si nous n’y cherchions que ce qui y eft; fi nous étions perfuadés que c’eft juftement ce qui doit y être, pour qu'ils fentent leur exiftence , pourvoient à leur fubfftance, fuient le dan- ger, propagent leur efpèce, & rempliffent exaëtement la place qu'ils doivent occuper, relativement à leur bien-être & à l’enfemble dont ils font partie ; toute autre idée que celle-ci nous paroîtroit bornée, & plus propre à limiter nos connoiflances dans une fphère reflerrée, qu'à leur donner toute l'étendue dont elles font fufceptibles. Quelque intéreffanc qu'il foit de connoître les orties marines | quelque défir que j'aye de publier ce que j'ai vu à ce fujet, je ne puis me difpen- fer d'avouer que des figures, des defcriprions & des mémoires font encore de foibles moyens pour donner une idée complette des plans différens d’organi- fation fur lefquels elles font formées. C’eft dans la mer même que les Natu- raliftes doivent les obferver , puifqu'on ne peut les voir fur les rivages qu'avec un refte de vie foible & lançuiffant. Ce n’eft qu’en nageant douce ment autour de ces animaux , en obfervant pailiblement leurs manœuvres, en s’en laiffant piquer, en les faifflant avec précaution, après qu'ils ont fait capture , en les injeétant, en les anatomifant le crayon à la main, qu'on peut parvenir à les connoître. L'efpèce repréfentée ici eft l’une de celles qui piquent violemment ; la douleur qu’elles occafionnent eft à peu près femblable à celle qu'on ref. {ent en heurtant une plante d’ortie: elle eft plus forte, & dure environ une demi-heure, fans que ce foirune démangeaifon. Ce font, dans les derniers momens, comme des piqüres réitérées & plus foibles; il paroît une rou- geur confidérable dans route la partie qui a ététouchée, & des élevures de même couleur, qui ont un point blanc dans le milieu, Tout cela re- paroîc encore, excepté la douleur, quand , plufieurs jours après, la par- tie eft échauffée par la chaleur du lit , ou autrement. Je l’ai fouvent éprouvé dans Penfance en nageant. La douleur qu’elles m’occañonnoient éroit fi vive, que je fuyois à longs bras , & fortois de l’eau: en pleurant, Il m'eft arrivé depuis, en faifant mes obfervations , de me laïfler piquer les avant- bras, pour mieux obferver l'effet, J'ai reconnu qu’il y a des efpèces qui ne font que des impreflions foibles, à moins que ce ne foit dans des … SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 453 parties très-fenfibles, comme aux yeux, ou autres attendries par un long {éjour dans l’eau. : Ces animaux font mous , & n’ont aucunes pointes propres à s’infinuer dans la peau, Je crois qu'il exhude de leurs différentes parties , & fur-tout des membres, une liqueur cauftique qui produit cet effet ; il a lieu même lorfque l'animal eft mort. Un feul membre arraché & pofé fur le bras, y fait fentir des piqûres. Après cet expolé fidèle de faits qui me font familiers depuis l'enfance, & que j'ai déjà annoncés plufieurs fois dans mes Mémoires fur les Ané- mones de mer, croira-t-on qu'il fe trouve des Auteurs qui nient encore formellement que les orties marines faffent éprouver quelque douleur à ceux qu':lles touchent , & qui en conféquence fe permettent de blâmer les Naturaliftes qui leur ont impofé le nom d’ortie? Si ceux qui écrivene loin de la mer ne dédaignoient pas de s’en approcher , de féjourner long- temps fur fes bords, de les parcourir dans l’eau , de plonger fouvent; s'ils ne deflinoient & n’écrivoient que fous la diétée de la Nature , ils acquer- roient de la circonfpeétion & des lumières, & nos orties marines , qu'ils ont, fans les connoître , rangées dans la clafle factice des 7oophytes , ne leur paroïîtroient pas avoir plus de rapport avec les plantes, que n’en ont les autres animaux : 1ls y remarqueroient plufieurs corps d’organifation femblables & réunis, formant un enfemble ifolé. un être fentant fan exif- tence, nageant, attaquant les poiflons, les infectes marins, faififlant la proie par un ou plufieurs membres pourvus d’une irfinité d'organes , la piquant vivement, jouiffant en même temps d'un grand nombre de cap- tures, & exerçant ainfi agréablement fes fens du toucher & du goût, qui le follicitent à fe procurer de nouvelles jouiflances ; compulfé d’ail- leurs par fes befoins; digérant , faifant effort pour fe foultraire à fes ennemis ; que fais-jez & tout cela fans vifcères qu'il foit aifé de com- parer. Si les Anciens euflent mieux connu les limites des règnes ; s'ils avoient foigneufement examiné les êtres qui leur parurent équivoques ; s'ils en avoient laiffé des defcriptions exactes , foutenues par de bonnes fivures, j'aurois été privé d’une partie des agrémens & des avantages que procure l'obfervation , &c. Cette portion du champ, qu'ils n'ont négligée que parce que la perfpective leur en voiloit l'étendue , eft vafte , belle & riche; quiconque veut y recueillir ne peut être embarraffé que du choix, Cependant, comme les plus belles fleurs y font entrelaffées de quelques épines, il ne faut pas s appefantir en Les cueillant. Je ne dois donc ajou- ter ici qu’en général & fommairement , ce que je fais fur les orties marines. La grandeur de ces animaux varie depuis un point à pefne perceptible , jufqu’à plus de 4 pieds de circonférence. [l y en a beaucoup q'i n'ont pas plus de couleur que l'eau ou le plus beau criftal ; on en voit de rouf- 454 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, sârres , d’un beau bleu d'outremer, de verdâtres, &c.; plufeurs ont des feftons compofés de membres fins, des-inteftins & quelques autres parties intérieures d'un très-beau violet , ou colombin ou purpurin. Ces feftons, &c. font quelquefois d'un roux animé; le tout produit un eflet fort agréable. Il n’en eft pas de même de leur odeur; elle tient de celle du poiffon; mais elle eft forte, pénétrante,, & devient abfolument infup- portable dans un lieu fermé, fur-tout quand ils périflent. Quoique leur fubftance n'ait que la confiftance d’une forte gelée, qu'elle fe liquéfie aifément , & qu'elle foi aufli tranfparente & aufli bril- lante que le plus beau criftal de roche , fon poids eft confidérable. Leur fituation de mouvement & celle de repos font peu différentes. Les mouvemens que les orties marines font pour nager, s’opèrent par les bords de l'animal de dedans en dehors, & un peuen deffous; ils ne font pas tou- jours également forts, felon le côté où elle veut aller: & comme .leur pefanteur fpécifique eft plus grande que celle de l’eau , leurs plus grands efforts ne tendent fouvent qu'à les élever vers la furface. Cette même pefanteur fpécifique ne leur permet de faire paroître au-deflus de l'eau d'un très-pecit fegment de leur fphéricité. Les plus foibles mouvemens fufifent pour les foutenir; mais leur élancemens font gracieux & trés-vits, fur-tout dans les petites. Les extrémités & les membres font toujours au deffous du corps, plus ou moins nombreux felon l'efpèce , différemment formés, diverfement placés. Mais ce n’eft pas ce qui peut feul caraétéri- fer une efpèce; on doit y joindre les difpofitions intérieures & extérieures du corps, la faculté plus ou moins grande de piquer, &c. Je dévoile tout cela dans la fuite des Mémoires que je drefle fur ces animaux. J'en connois qui ont quatre bouches, quatre diftriéts de nutrition , &c. Cette efpèce a fes variétés, qui n'en ont que trois, d’autres où il s’en trouve fix. Je ne crois pas ces variétés purement individuelles ; elles fe rencontrent trop fréquemment. Six diftrits femblables, fans ceux qui les accompagnent, & en nombre égal, par d’autres fonctions ; quelle difpofi- tion animale ! les rapports en font admirables, Les orties marines faifflent la proie de tous côtés , excepté peut-être en deffus. Cette proie ne peut guère échapper d’un faifceau , d'un rang de filets ou de membres , fans fe jeter dans un autre, Ces larges membres joignent à la propriété de s'attacher par le fimple contat, celle d’envi- ronner & de piquer. Dans quelques efpèces, ils font placés de manière à pouvoir amener la capture indifféremment à plufieurs bouches. Il en eft de même des autres extrémités ; quant à leur forme totale , & fur-tout à leurs développerrens , comment les décrire ? j'ajouterois volontiers com- ment les deffiner fans refter beaucoup au-deflous de fon modèle, qui d’ail- Jeurs ne fe prête pas toujours ? Ce font , ou des membranes d'une étendue confidérable , repliées de la manière la plus gracieufe , d'une délicatefle manne à gs — dates SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 4çss & d’une finefle extrêmes , ayant la propriété de s'étendre & de fe refferrer confidérablement en tous fens, par des mufcles d’une fouplefle qui fur- pale tout ce que l'imagination peut fuggérer; fouvent elles font bordées de membres à peine perceptibles, Ces membranes font lices dans les lobes du centre, & comme œuvées ou grenées dans ceux qui s’en écartent. En d’autres efpèces , ces extrémités ne fonc que des groupes de filets; & dans les plus grandes , ce font de grofles appendices, richement figurées en crêtes redoublées, en beaux criftaux mamelonés , taillés à facettes, &c. Je ne finirois pas , s’il falloit en dévoilér toute la beauté. Quelques in- jections m'ont pu feules faire connoître leur organifation intérieure, & celle du corps, qui n’eft pas moins admirable que variée, Tandis que les orties marines fe nourriffent de petits poiflons & d’in- fetes marins , elles font elles-mêmes la proie des anémones de mer, qui les faififfent au pañlage. J'ai vu fouvent ces manœuvres à la mer & dans ma ménagerie marine ; elles y font dévorées à mefure que quelques-unes de leurs parties entrent dans l'anémone; le refte donne jufqu’à la fin des fignes de vie, en redoublant d'efforts pour échapper à la deftruc- tion. $ J'ai fouvent pêché des orties marines qui avoient de très-grandes ci= catrices ; ce qui n'eft pas furprenant, à caufe de leur fubftance toute gélatineufe. MÉMOIRE SUR L'HIVER RIGOUREUX DE 1783 A 1784; Par le P. COTTE, Prêtre de l'Oratoire | Chanoine de l’Eglife de Laon, Correfpondant de Ÿ Académie Royale des Sciences, de la Société Royale de Médecine, Gc. A MESURE que le goût des obfervations météorclogiques fe propage, les fairs finguliers & extraordinaires relatifs à cette fcience, femblent fe multiplier & augmenter par-là l'intérêt que le Public paroît prendre à la Météorologie depuis quelques années. Les années 1779 & 178x ont été remarquables par des chaleurs exceflives qui ont fingulièrement accéléré les progrès de la végétation. L'année 1782 au contraire a offert le contrafte d’un commencement d'hiver très doux, avec un printemps & un hiver très-froids; ce qui a rendu l’année fort tardive & les ré- colres médiocres, On fe rappelle encore avec effroi la terrible cataftrophe x. 456 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, du ÿ Février 1783, précédée d’un hiver extraordinairement doux, & fuivie d'un été remarquable par ces brouillards fecs qui ont régné endant près de trois mois, par des chaleurs & une féchereffe excefli- ves, par des grêles & des orages défaftreux, accompagnés er plufeurs endroits de tremblemens de terre. L'automne n’a pas été moins remar- quable par des chaleurs extraordinaires qu'on a éprouvées , & par le pañlage brufque de ces chaleurs aux rigueurs de l'hiver, C’eft proprement à cette époque, c'eft-à-dire, au mois de 'écembre 1783 , qu’à commencé l'hiver ‘igoureux dont je me propofe de faire l’hifloire dans ce Mé- moire. Je rendrai compte d’abord de mes obfervations faites à Laon, jy Joindrai celles qui ont été faires en différens pays, & que j'ai re- cueillies, foit des papiers publics, foit de ma correfpondance. La gelée a commencé le :4 Décen:bre 1783, & n'a pas ceflé juf- qu'au 21 Février 1784; elle a duré 69 jours: il n’y a eu d’interruotion que les 25 & 26 Décembre, les 1, 2, 3,16 & 17 Janvier. Celt fur- tout dans lanuit du 28 au 29 Décembre que le froid a augmenté fubitement d’intenfité. Le thermomètre a defcendu pendant cette nuit de s,21, (de—3,8à— 9,01.).Le 30 matin il étoit à — 10 “0, Le foir à— 11, 2% & le 31 matinà— 11,6%, Ceft Le terme le plus bas auquel je l'ai obfervé à Laon ; mais il eft defcendu encore plus bas à Paris & dans d’autres endroits , ainfi qu’on le verra dans la table que je donnerai bientôt. Le froid diminua tellement pendant la journée du 31, que le lendemain, 1°, Janvier 1784 , le thermomètre étoit remonté au- deffus de zéro: le dégel dura jufqu'au 4; la gelée reprit le $, & dura jufqu'au 15, mais avec moins de force qu'auparavant. Du 15 au 18, il ‘ s'établit un nouveau dégel, & le 19 il y eut une nouvelle reprife de gelée; elle dura fans interruption jufqu'au 21 Février , & fut des plus vives, Les 29, 30 & 31 Janvier, comme elle l’avoit été les 29, 30 & 31 Décembre, époque du premier quartier de la lune dans l’un & l'autre mois. Le froid na été rigoureux qu’à ces deux époques dont je viens de parler: pendant le refte du temps, le thermomètre defcendoit rarement à $ ‘. au-deffous duterme de la congélation. Mais ce qui a fingulièrement augmenté la rigueur de cet hiver, ce font les neiges abondantes & continuelles qui font tombées depuis le 28 Décembre jufqu'au 17 Février. J'ai compté ici dans cet efpace de temps 27 jours de neige, j'en ai mefuré deux pieds qui ont produit 3 pouces d’eau ou <. Il en tomboit quelquefois 6 à 8 pouces dans une nuit; on en voyoit 8 à 10 pieds dans les endroits où Le vent la poufloit. Plufeurs perfonnes ont péri dans les neiges, Le gibier mouroit de faim , les loups affamés fe répan- doient dans les villages, &c plufeurs perfonnes en ont été dévorées ; les chemins dans la campagne, Les rues dans les villes étoient Héantres a L ï 11 \ ; ‘ SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 457 la misère étoit extrême fur-tout dans les campagnes; on manquoit de tout, de pain, de bois & d'argent. Dans certe détreffe, les riches font venus au fecours des pauvres, les aumoOnes ont été abondantes ; ‘& maloré la fagefle qui a préfidé à la répartition de ces aumônes , bien des pauvres & fur-tout Les pauvres honteux ont été réduits à une misèré À extrème,. Le dégel. a caufé encore de plus grands défaftres que la gelée ; la fonte d'une aufli grande quantité de neige a occalionné des ino”dations qui ont entraîné les ponts , les maifons, les bateaux; les rivières de nos environs étoient couvertes des débris de ces maifons , & des meubles & effets qu’elles contenoient : beaucoup de perfonnes ont péri dans ce dé- faître. Nous nous eftimions heureux ici ( à Eaon ) d'être fitués à plus de 400 pieds au-deffus du niveau de ces rivières qui portoient la défo- lation partout où elles pafloient. La pofte, les voitures publiques ont été interrompues, la communication entre les villages & les villes étoic fermée, Les fuites de ce dégel ont duré jufqu'à la fin de Février; mais il Fa pas encore terminé l'hiver ; car les moïs. de Mars & d'Avril ont continué d’être froids, la neige tomboit fréquemment ; nous en avons eu jufqu'au 2 Avril: la grêle fuccéda à la neige; il en eft tombé cinq fois en Avril, & l'air a toujours été froid jufqu'au 12 Mai. A cetre époque, des chaleurs exceflives fuccédèrent fubitement au froid rigoureux de l'hiver. Nous avons paîlé brufquement de l'hiver à l'été , fans aucune nuance de printemps, On ne fe fouvient pas d’avoir éprouvé des chaleurs auffi vives & aufli continugdans le mois de Mai , que celles qui viennent de fe faire fentir ; aufli la végétation a-t-elle fait des progrès rapides. La Nature étoit encore morte le 1°. Mai; & dès le 15 elle étoir parée de toutes des graces du printemps ; la vigne, dont on voyoit à peine les feuilles le 6 Mai, étoit en fleurs le 31; les 'bleds éroient très-beaux & ne paroifloient pas avoir fouffert ; les feigles n'étoient pas aufli beaux. Les zars, qu'on n'avoït pu femer que fort tard , languif- foient faute d’eau. Cette température chaude & sèche a duré jufqu'au 6 Juin, époque d’un orage qui a changé le temps. Nous avons refpiré l'air du printemps jufqu'au 22; il s'eft enfuire tellement refroidi, qu'à l'époque où j'écris ( 30 Juin) les habits d'hiver font de faifon , & que l’on feroit tenté de fe chauffer : il tombe de temps en temps des pluies froides , comme par grains ou par giboulées , ce qui a duré jufqu’au 4 Juillet; la chaleur a repris alors , elle étoit exceflive le fept. , * Tout a donc contribué jufqu'ici à rendrela température de cette année, fingulière ; neiges fréquentes & abondantes , froid très-long & rigoureux, & variable dans des pays peu diftans lesuns dés autres ; chaleurs excellives ‘ dans le printemps, température froide au commencement de l'été. Malgré Tome XXV, Part. II, 1784. DÉCEMBRE, Mmm 458 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, toutes ces vicilliudes , les biens de la terre promettent beaucoup; & fi les chaleurs reviennent, l’année qu’on auroit été tenté, il y a deux mois, de placer parmi les plus tardives, fera une des plus hâtives. La marche du baromètre s’eft reflentie de cette température fingulière; äl a prodigieufement varié dans les mois de Décembre, Janvier & Février, fur-tout (en defcendant) les 25,26 27 & 28 Décembre, époque de la quantité prodioieufe de neige tombée le 28 ; enfuite les 16, 17 & 18 Janvier, & le 6 Février. Sa variation a encore été très-grande (en mon- tant ) le 10 du même mois. Je l’ai fuivi prefque d’heure en heure le 6 & le 10 Février. Voici mes obfervations, Heures. Variation. é Heures. Variation, Pouces. Lignes. Pouces. Lignes. LeG6 VII ma. 26 8,46 Le 10 VIL ma, 26 7,7$ NII 8,18 . MI 9,00 IX 7,38 X 9,32 X 7,64 XI” 10,06 XI 7,48 s SEULE 10,51 XIT 7,15 I oir. 11,00 TI /orr. 6,56 IL 11,51 II 6,23 III 11,86 TI 6,17 IV 27 NOLDE IV 6,03 V HARCUE, V 6,00 EP" VI . 1,09 VI * 5,96 VII 1052533 VII 6,08 VITE 1,45 VIIT RTE DCE 1,64 IX 6,50 Le baromètre a encore beaucoup varié en Mars & Avril, & il s’elt toujours foutenu au deffous de fa hauteur moyenne ; en Mai, au contraire, il a été fort élevé, & a peu varié. En Juin, furtout depuis le 15, fes va- riations ont été plus grandes, & fa hauteur moindre. Les vents dominans ont été, en Décembre, le nord-eft; en Janvier, les fud , fud-oueft , nord-oueft ; en Février, le fud ; en Mars , les nord, fud & fud-eft; en Avril, le fud & le nord ef; en Mai , le nord-oueft ; & en Juin, le fud & le fud-oueft. Nous n'avons eu de tempête que le 17 Janvier ; elle a été terrible fur les côtes de l’Aunis : on croit même avoir téffenti un tremblement de terre à la Rochelle. J'ai mefuré, pendant les trois mois d'hiver, 6 pouces 3,3 lignes d’eau de pluie & de neige, & 4 pouces 4 lignes pendant les trois mois du prin- temps, A PS SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 459 Les hygromètres ont indiqué pendant les quatre premiers mois une humidité confidérable, fur-tout pendant les temps de brouillard & de givre, & à l'époque du dégel, Voilà le réfultat des obf:rvations que j'ai faites pendant les deux faifons fingulières d'hiver & de printemps que nous venons de pafler, Je vais maintenant donner dans la table fuivante les degrés extrêmes de froid ob- fervés à la fin de Décembre & de Janvier, dans quatre-vingt-douze villes différentes. Je les ai rangés felon l’ordre des latitudes, afin que l’on puifle voir d’un coup-d'œil fi le froid a fuivi cer ordre. Le figne + indique les degrés au deffus du terme de la congélation , & le figne — les degrés au deflous de ce terme; les chiffres qui fuivent les virgules fonc des dixièmes de degré. Table des degrés de froid obferves dans quatre-vingt-douge Villes différentes. EDR CETTE eee [ Degrés gré Noins des Villes. Epoques. de Noms des Villes, Epoques, Desres froid. froid. Perpignan, Rouffillon. . . + .l30 Déc.|+ 3,5| Brivesla-Gaillarde , Limos. Ter — 5,0 31 Janv.|— o,o| D’Aligre , Aunis. . .39 Déc.|— 3,0 Montlouis, Rouffillon. . . . .l29 Déc.|— 2,5] La Rochelle , Aunis. . 30 ——|— à 0 Oléron, Béarn. . . . . . .|31 Déc.|+ 10,0 31 Janv. |— 6,6 Caftelnaudary , Languedoc. . 29 ——|+ 1,0 Montluçon, Bourbonnois. .|31 ——|— :; 1,0 Janv. |— 2,0|S.-Maurice-le-Girard, Poirou.l30 Déc.|— 6,7 Montpellier, Landuedoc. . . .|30 —=|— 0,0 È 39 Janv.|— 09,0 Janv — 3,0| Tournus , Boursogne. 5-7 Fév.|— 7,0 Arles , Provence. . + + .|29 Déc.|+ 1,2] Poitiers , Poirou. . . . 3o Déc.|— 5,3 - 31 Janv.|— 3,2| Saint-Maixent, Poitou. .. 39 ——|— ,0 Dax , Guienne. . .. . . . .|30o Déc.|+ 4,0 130 Janv.|— 6,0 é ; 31 Janv.|— o,0| Vannes , Breragne. + . {3 —|— 6, Rieux, Languedoc. . . + . .|30 Déc.|— o;o| Lons-le-Sonnier, Fr. - Come. 30 Déc,|— 11,0 Caftel-Sarrafin , ARE Ar) + 7,5|| 31 Janv.— 3,0 30 Janv.|+ 6,7| Balerne, Fr.-Comté. . . . 30 Déc.|— 3,0 Manofque , Provence. . . . .|2$ Déc.|+ 1,5| Pontarlier, Ær.-Comré. . 30 ——|— 9,0 En Tranfylvanie. . . . . . .| $ Janv.|—23,5|l 31 Janv.|—14,0 Saint-Paul-Trois-Chateaux , Lang.l29 Déc.|— 1,e| Bcfançon, Fr.-Comté. . . 30 Déc.|— 8,5 Rodez, Rouergue. . . . .° 29 ——|— «1,2| Chinon, Touraine . . . 30 ——|+ 9,0 Tasreins, Guienne. à . . . | s Févr.|— s,ol Arrud, Hongrie. . . . 29 —-—|—10,0 Cauffade, Quercy. . . . 29 Déc.}— 0,7|| s Janv.l— 23,5 31 Janv.]— 4,0] Auxerre , Bourgogne. . .l31 Janv.|— 1220 Mende, Gévaudan. . . . . .|26-——|—10,0| Mulhaufen, AYuce. . . 31 Déc|— 14,9 Saint-Saturnin, Provence. . .[1o Déc.|— o,s 26 Janv. — 12,6 Villefranche, Beaujolois. . . 30 ——|— 4,5 s Févr. |— 17,9 Grenoble, Dauphiné. . . . 31 ——|— 0,0 [Seuvre, Bourgogne. , . . 30 Déc.|— 11,6 L 26 Janv.| — 9:5| Le Mans, Maine. + , . 30 ——|— 712,5 Mont-Dauphin, Dauphiné. . . .|3o Déc.|— 2,5| 31 Janv.|— 11,5 25 Janv.|[— 8,5 || Orléans, Orléanois. . . .|30 Déc.|—1:,8 Vienne, Dauphiné -: . . 7, 30 Déc.|— 5,0 Wolfsburg » Autriche. . 30 ——|— 3,0 Clermont-Ferrand , Auvergne. .|30 — 3»0/Vienne ,° Aurriche VO. 3x Déc.|—53;s Lyon , Lyonnois. . . . . .|30 ——j— 4,0! 7 Janv.|— 17,0 Tome XXV , Part. 11, 1784 DÉCEMBRE, Mmm 2 460 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, Degrés - Degrés: Noms des Villes, de Noms des Villes. Epoques. de i froid. froid. Saint-Dicez , Lorraine. . — 8,5| Laon, 1fe de France. . 31 Déc.|— 11,6 = 12,0 30 Janv. |— 3,6 Troyes , Champagne. . — 13,0] Montdidier, Picardie. . . .|30o Déc |—15,s | RTL 30 Janv.|— 11,0 Way , Champagne. . r.[— 10,5 ||Ratifbonne , Allemagne. 31 Déc i— 18,4 Brett, Bretagne. — ,5,0||Guife , Picardies 1 1 31 —— — 16,4 —_6,0| Francfort |, Brandebourg. ,|30 —— —18,; Mayenne , Muine. . . 11,0] Eu, Normandie. + . , At ———17;| . — 12,0|| Prague, Bohéme. * . 7 Janv. — 22,5 Chartres , Beauve, + , —15,0| Cambray , Cambrefis. 31 Déc. — 9,0 Saint-Brieux, Bretagne. — 7,9 30 Janv.— 6,0 Pontorfon, Normandie. . 950) Arras; Artois M NO 3 Déc — 73,3 Provins , Champagne. . —17,5|| Lille , Flandres: … \ +131 ——]— 10,0 Strafbourg DECO T'AINONEE — 15,0 30 Janv.|— 9,0 Obernheim , Alface. en as le — 14,0|| Bruxelles, Brabanr. . . 31 Déc. /— 14,0 — 12,0] Dunkerque, Flandre. 3 ——)— 11,5 Haguenau : Alface. RME TR: —15;5||Schoonoven, Hollande. , , 30 ——|— 18,0 —16,5||Breda, Hollande. . +. 130 ——|\— 14,6 Mirecourt |, Lorraine . . — 12,0 29 Janv.|— 11,4 Paris, Ifle de France. . — 14,5| Rotterdam , Hollande. ,, |3r1 Déc.|—14,0 — 11,7 29 Janv.|— 8,8 Bors , Normandie. + . . — 15,0|| Delft, Hollande. . . ....|31 Déc.|— 18,0 — 6,0 29 Janv.|— 9,2 En plufeurs contrées d’Æ4Z/em. —22,5||Leyde , Hollande, .L31 Déc.\— 16,0 ÿ \ 29 Janv.|— 8,8 Francfort furle-Mein. . —21,0| Gromingue, Pays-Bas. . .|31 Déc.|— 1545 Montmorency , ]/Ze de France. — 15,0||Près de Groningue. . 31 ——|— 19,1 —12,0||Amfterdam, Æo/lande. .[30 — 1650 Evreux , Normandie. . — 21,5 . 30 Janv.|— 10,6 Criminifcou , Mifnie. —21,0||Franeker , Frife. . 31 Déc — 16,0 Munich , Bavière. . … — 17,0 30 Janv.| + 12,4 Nuremberg ; Franconie. . . — 15,5|| Hambourg, A/lemagne. | 8 Janv.|— 16,0 Manheim , Palatinar. 2 "3 — 18,5||Stockholm , Suéde, . . À Janv.— 217,0 Rouen, Normandie. . . , — 11,0! 31 Janv.|— 0,5] —————]—_—>—— Voici les réfultats que préfente cette Table; 1°. Le froid de la fin de Décembre ne s’eft point fait fentir dans les Provinces meridionales;il paroît avoir fuivi l’ordre des latitudes, relativement à fon degré d’intenfité. Il pa- roît aufli qu’il a été bien plus vif dans les pays fort élevés au-deflus du niveau de la mer, que dans ceux fitués à ce niveau. Il faut excepter la Holiande & l’Allemagne , où le froid a été très-vif; 2°. il y a eu beaucoup de variété dans l'intenfté du froid en France, & fur-tout dans des pays peu éloignés les uns des autres, Le même phénomène a eu lieu aufli en Hollande , comme jele ferai bientôt remarquer, d’après une lertre de M. Van-Swinden , à qui je fuis redevable des obfervations faites dans ce : pays; 3°. le froid de la fin de Janvier paroît avoir été plus univerfel que « nl dos à SURL'HIST. NATURELLE ÆT LES ARTS. 461 celui de la fin de Décembre ; 4°. les neiges ont été aufli univerfelles , même dans les Provinces méridionales ; mais la quantité tombée dans chaque pays a varié, Les pays feprentrionaux , & {ur-tout ceux de mon- tagnes & de.bois, font ceux où il en eft tombé davantage. Je me borne à ces réfultats généraux ; linfpection de la Table pourra en indiquer d’autres, ; Je pafle maintenant aux détails que j'ai recueillis, foit de ma correfpon- dance particulière , foir des Papiers publics. Il n’eft pas hors de propos de faire remarquer , avant que d’entrer dans ces détails, que l’on éprouva, il y a centans, un froid auli rigoureux & aufli long que celui dont il ef queftion dans ce Mémoire. Je trouve dans la Co/kë. Acadén. partie étrangère , tom. VI, pag. $80, la note fuivante: « 1633 à 1684 , grand p hiver en Angleterre : on alloit en carrofle fur La Tamife; la glace avoit # 11 pouces ( Anglois) d’épaifleur ». La Gazette de France, n°. 11 de cette année , a ajouté que ce terrible hiver avoit éré général dans toute l'Europe ; que la plupart des oifeaux périrent en Angleterre ; que l’on n'en vit aucun l'été fuivant; que plufieurs perfonnes furent les victimes de ce froid, qui fut tel, qu'à Londres on élevoit dans les principales rues de grands bûchers, auxquels on mettoit Le feu pour foulager les habitans que leürs befoins ou leurs affaires forçoient de fortir. La gelée détruifit prefque routes les plapres & l'efpérance des Laboureurs , qui en furent dédommagés UE ACER où toutes les récoltes furent abondantes &'précoces, , En Octobre 1632, cinquante-quatre perfonnes de la fuite du Roi mou rurent de froid près de Montpellier. :! En Janvier 1679, il faifoit un très-grand froid , auquel celui de 1684 fut égal (Colkël. Acad. ibid. pag. $72). (1632 & 1670 répondent à 1784, relativement à la période lunaire de 19 ans.) M Aales, dans fa Szatique des Végétaux , pag. 64 de l'Edit.in-4°.173$, fait mention d'un grand hiver qui eur lieu de 1727 à 1728.( 1727 répond à 1784). Extrait de ma Correfpondance, Bruxelles. M. le Baron de Poëderlé n'a mandé, « que du 11 au 3x .» Décembre, ls thermomètre n'avoir été que trois fois au-deffus du terme » de la congélation; mais que le froid avoit éré excefif les quatre der- » niers jours, fur-rout le 31. Ce jour , à 1 + heur. foir , le thermomètre » étroit encore à 10 = *au-deflus de zéro ». D “Bors , près Falaife, M. Turgot n’a fait honneur de me mander , « quil » tomba de la neige affez abondamment les 21, 22 & 23 (il n’en eft » point tombé ces jours-là à Laon). Le 24, le renps éroit très-doux &c > très-beau, (il neigea à Laon ; le temps éroit couvert & froid ). Le 26, » il neigea abondamment (à Laon , il tomba de la pluie), Le 30; Le 462 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, » thermomètre étoic à— 15%; & le 2 Janvier, il étoit remonté à 6%, » À Langranne, village fur le bord de la mer, la caifle de baffle mer y a »-gelé le 30 Décembre, & le froid a pénétré dans l'écurie d’un fermier; » ce qui n'étoit pas arrivé en 1776 ». Clermont-Ferrand. Voici ce que me mandoit en Février le R. P. Alexis de Dublin, Capucin , & Membre de l’Académie de cette Ville; « L’hi- » ver a été fort long en ce pays-ci; mais non pas, à beaucoup près , >» aufli rude qu’à Paris & dans d’autres pays feptentrionaux, Le thermo- » mètre de Kéaumur, à lefprit-de-vin, n’a été qu'une fois à — 11, à » la fin de Janvier ». Les Papiers publics ont rapporté , qu’en Auvergne le temps étoit fi doux le 3 & le 4 Janvier, que l’on alloit fe prome- ner après le fouper , comme dans les beaux jours de l'été. Le 20 Jan- vier , il n’étoit point encore tombé de neige dans les vallées ni fur les montagnes d'Auvergne; le 21 , il y avoit des endroits où la neige s’étoit accumulée jufqu'à 6 pieds. Montpellier. M. Gauffen , Membre diftingué de la Société Royale de Montpellier , m’écrivit à la fin de l'hiver: « Notre climat, autrefois fi » renommé, a éprouvé les fâcheufes influences qui ont occafionné les » défaftres de la Calabre, de la Sicile , &c. Depuis le mois d’Août , nous ® avons eu de très-grandes pluies... ..; tant qu'elles ont duré, le temps » a été aflez doux ; mais nous avons eu depuis des froids cuifans & beaucoup de neige, chofe qui n’eft pas commune ici. La première qui eft rombée s'eft gelée. Il en eft rombé depuis à plufieurs reprifes, & en aflez graïde » quantité ; elle s’'eft enfin fondue , & nous avons fubitement paflé d’un » froid âpre à une température fort douce ». ‘ J'ai reçu de lAunis & du Poitou des lettres qui n'ont appris que l'air étoit très tempéré à la fin de Décembre, en-comparaifon du froid rigou- reux qu'on éprouvoit dans d’autres pays, Franeker en Frife, M. Van-Swinden , célèbre Météorologifte , a eu la complaifance de me communiquer les obfervations faites dans plufieurs Villes de Hollande pendant les grands froids de Décembre & de Jan- vier derniers. Ce: obfervations fe trouvent dans la Table précédente ; il y a joint quelques remarques relatives à ce froid, qu'on lira ici avec plaifir; car tout ce qui vient de M. Van-Swinden elt fait pour être bien accueilli des Phyficiens. « Remarquons au fujet de ce froid, dit M. Van-Swinden , 1°, qu'il a » commencé à la nouvelle lune du 23 ; qu'il s’eft renforcé au périgée & >» à l’oétant des 26 & 27, plus encore à l’équinoxe afcendant & au prem. » quart. des 29 & 30; qu'il y a eu du relâche à l’octant du 23, & » un renfort prodigieux au luniftice du 6 Janvier , la pleine lune & » l'apogée du 7;eñfñn , que l’équinoxe defcendant du 13 a déterminé » le dègel, qui continue avec le dernier quartier (fa lettre eft du » 15 Janvier). Si ce dégel continue, peut-on dire qu'il eft probable 8 % 2 EE SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 463 qu'il diminuera vers le 21 (il a ceflé le 18), puifqu'on a le 20 lorif- tice,le2r périgée, le 22 nouvelle lune ; & que , {lon M. Toalto, il ya 33 contre 1 à parier pour un changemenr de temps, quand la lune eft nouvelle & périgée en même temps? Je craindrois plutôt de gros vents ; car il eft rare que ces points lumaires n'en foient point accompagnés ( Il y en a eu le 17). > Remarquons, 2°. qu'il a fortement gelé les 25, 26, 27 foir, quoique le baromètre füt fort bas (à Laon il na point gelé): j'ai remarqué , comme vous favez , plus d’une fois que le baromètre bas annonce de la neige, & que le froid eft fouvent vif pendant qu’elle fe forme, Il en eft tombé beaucoup les 24, 2$ la nuit, 26 & 27 (il n’en eft point tombé à Laon avant la nuit du 27 au 28); mais le vent fort qui foufloit , l’a diftribuée fi fingulièrement , qu'il n'étoit pas poflible d’en déterminer la véritable hauteur; elle étoit très-fine & peu denfe; elle a fourni 2 : lignes d’eau. Cette quantité de neige a rendu les chemins prefque impraticables, & empêché qu'on ne püt fe rendre par-tout à patins fur la glace. » 3°. La différence qu'il y a eu les 26 & 27, entre le froid obfervé à Franeker & à Rotterdam , eft très-confidérable , ainfi que celle qui a eu lieu les 30 & 31, entre les endroits aufli voifins l’un de l’autre ue Rotterdam, d’Elft, & Schoonhowen. On connoît cependant plu- fours exemples femblables. Je crois que la formation plus ou moins avancée de la neige y contribue beaucoup. La différence des baromètres entre Delft & Franeker anrionce aflez combien l'état de l'air étoit différent. : f » 4°, Il eft très-remarquable qu’il a dégelé éomplètement en Hollande -le jour de lan, tandis qu'il geloit encore fortement à Franeker : les 2 & 3 Janvier il eft tombé ici & en Hollande une très-grande quantité de neige que le vent poufloit fi inégalemenr , qu'il s’en eft latéralemene formé des collines en quelques endroits. La com- munication entre Haarlem & Amfterdam, qui fait une chauflée en droite ligne , a été interrompue, ainfi qu'entre Leyde & la Haye : la neige étoit fine & à petits Aocons; fondue, elle a fourni 8 ? lignes d’eau. La tempête du 3 aété violenteici, & a caufé du dépat (iln'yen* apointeuà Laon ), Dès le 31 Décembre, le Zuiderzée étroit rempli de glaçons qui commençoient à s'unir mais La tempête du 3 les a difperfés; cependant ils fe font réunis, & dès le 7 ou le 8 la mer éroit gelée ; onya été de Harlingue à patins & en traîneaux , on m'a affuré même qu'on l’a pañlée de Stavores en Frife, à Enkhuyfen en Nord-Hollande, Le 10, on y a fait des courfes vis-à-vis de Harlingue ; le 11, je m'y {uis rendu moi-même, & je m'y fuis promené ; on ne s’y rifquoit pas en traîneaux , les glaçons n’étoient pas aflez bien unis, & il y avoit des ouvertures confidérables , ainfi que des montagnes de glace for- mées par l'accumulation des glaçons, Le 10 , on avoit monté fur une 464 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, » de ces montagnes, fituée à deux lieues du port de Harlingue, & au- » devant de laquelle la mer éroit reftée ouverte, En 1776, la mér na » été gelée que très imparfaitement, S'il n’écoit pas rombé tant de neige, æ la glace auroit été actuellement plus froide. Of a beaucoup foufferc » du froid, & on avoit de la peine à fe réchauffer dans les appartemens » les plus clos, Voilà , mon cher ami, le gros de mes obfervations». Extrait des papiers publics. Le froid a toujours été plus rigoureux à Paris que dans d’autres Pro- vinces plus feptentrionales ; ii fe pafloit peu de jours fans qu'il gélât ou qu'il neigeât; ce qui a duré depuis la fin de Décembre jufqu'au 21 Fé- vrier. La débacle de la Seine s’eft faite lentement & fans accident ; il n’en a pasété de même de la Loire, de l'Oife, de la Marne , de PAïfne , &c.; qui ont occafñonné les plus grands défaftres,. des ponts rompus, des villages entiers prefque détiuits, plufieurs perfonnes emportées aveg, leurs meubles, les terres couvertes de limon , &c. &c. Tandis qu'à Paris, en Flandre, & dans tout le nord de l'Europe, on éprouvoit le froid le plus rigoureux après une chute de neige con- fidérable ; à Genève, à Eyon , dans le Poitou, l’Aunis, l’Auvergne, en deçà & par delà Les Alpes, le long du Pô & du Rhone, dans la Bafle-Marche , à Naples, &c., on n'a pas fenti le froid, la température de l'air y a été au contraire très-douce, au point que l'on mandoit de Bellac en bafle Marche , le 8 Janvier, que La viande sy corrompoit aufñi vite qu'en été. À Oléron en Béarn , & à Dax en Guienne, le 31 Décem- bre, tandis que le thermomètre marquoit à Paris — 1424, il étoit à + 10 degrés. À Briançon en Dauphiné, & dans toute cette Province, on n’y a point reflenti les grands froids ordinaires à cette failon. Maïs cette température a promprement changé ; car le froid de la fin de Janvier & d'une partie de Février, paroîc avoir été à proportion auffi vif dans ces Provinces qu'à Paris. La Sicile, la Hollande & une partie de l'Allemagne ont été couverts de brouillards très épais pendant une partie du mois de Décembre. . On voïtque, fans fortir de ia France, il y a eu beaucoup de variété ‘dans la température de la fin de Décembre & d’une partie de Janvier. Si nous jetons maintenant les yeux fur les autres contrées de l'Europe, nous verrons, qu'eycepté les pays méridionaux, tels que l’ftalie, l'Ef pagne, &ec., le froid y a été encore plus vif qu’en France, En Portugal même , on y a éprouvé à la fin de Décembre & au commencement de Janvier, un froid très-rigoureux, & qui n’eft pas ordinaire dans ce climat; mais il a été de peu de durée. Le temps étoit aufli alors très-orageux fur les côtes de ce Royaume & fur celles d'Efpagne, comme nous avons vu qu'il l’avoit été fur celles de Hollande. En Sicile & dans la Calabre, on a nat cède cmt san nl ns tir. tt | —cemdtiett SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS, 46ç a vu tomber en Janvier des neiges abondantes : on y a efluyé de nouveaux tremblemens de terre & des inondations. Le froid paroït avoir été plus rigoureux que par-tout ailleurs en Suède, en Danemarck, en Allemagne, en Hollande, en Pologne , en Angleterre & en Irlande, Les détails que les Papiers publics en ontdonnés font effrayans, tant pour lintenfité du froid, que pour la quantité deneige & les fuites terribles de la fonte de ces neiges, & des inondations qu'elles ont occafonnées. Les villes de Murich & de Manheim fur-tout, & celles qui les avoilinent, ont été très-maltraitées ; il en a été de même des Villes & Villages fituées fur les bords du Neck:r & de la Meufe. La Hongrie a beaucoup fonff:rt aufli, de même que Cologne & toutes les Villes que borde le Rhin. Dans la Siléfie, Le froid y a fair périr plufi:urs perfonnes; à Vienne & dans toute l'Autriche, le froid y a été excellif, & les inondations ont caufé beaucoup de ravages. le) Le froid n’a pas été moigs cuifant ni les neiges moins abondantes en Angleterre & en Irlande."On écrivoir aufli de Copenhague, que de mémoire d'homme on n'y avoit pas reffenti un froid pareil à celui de cet hiver 3 & l’on mandoit de la Suède, le 4 Février, que l'hiver étoit fi rigoureux, que fi le froid contiauoit . on pourroit pafler le Sund à pied & en voiture. Les lettres de Varlovie, du 7 Janvier, portoient que la Vif- tule , après avoir charié des glaçons pendant plufieurs jours , étoit prife , & le ÿ on la pafloit à pied. - Cet hiver n’a pas été moins rigoureux dans l'Amérique Septentrionale, & on y a obfervé des inégalités aufli remarquables qu’en Europe. Le froid a éré très-fupportable dans la Nouvelle-Ecoffe , tandis qu’il a été exceflif & fans exemple dans quelques Provinces des Etats-Unis ; le dégel des rivières y a caufé des défaftres fans nombre. Je pourrois joindre ici bien d’autres détails relatifs à cet hiver , que j'ai recuillis des Papiers publics; on pourra les confulter : il me fuffit d’a- voir tracé un tableau abrégé de ce rigoureux hiver, pour en conferver la mémoire à la Poftérité. Il fera époque dans l'hiftoire de la Météorologie, & ilrappellera les traits debienfaifance fans nombre que l'on s’eftenmêmetemps empreflé d'exercer dans tous les pays où les fuires d'un froid aufli long, & celles des inondations avoient porté la misère à fon dernier période, & eccafionné des pertes fi confidérables , que le Gouvernement feul : pouvoit y remédier, Auf ,en France, notre Monarque bienfaifant a-t-il confacré pluleurs millions au foulagement des malheureux de fa Capi- tale & de fon Royaume, à la reconftruétion des ponts, des chauflées, des maifons emportées par les eaux. Les Princes, les Evèques, les Sei- gneurs de paroifles, plufieurs riches Particuliers ont fuivi l'exemple du Souverain. L'Empereur & les autres Monarques ont fait la même chofe dans leurs Etats ; & l’on peut dire que les largeffes ont été proportionnées Tome XXV , Part, Il, 1784. DÉCEMBRE. Nan 466 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, aux befoins des malheureux & des infortunés qui ont été expofés aux fuires funeftes d'une température auf rigoureufe, & auf extraor- dinaire. Rédige a Laon , en Juin 1784. ESSAI D'UN MOUVEMENT P R1O PRE VA: T OR D RENE ES | FR LS Exécuté par M. PAIOT D'ESCHARMES en Mai 1783. Dis: EURS chofes font à confidérer dans le cos des fils à la main ; les pref- fer également; ouvrir ou fermer les doigts à propos, lorfqu'il fe préfente quelques bourres ou inégalicés dans l'étendue des fils; conferver une même longueur de fils à tordre entre les doigts & l'œil de la brochedurouet: tels font les procédés à obferver lorfqu'on veut avoir du fil également tors à la main. Les mêmes précautions font à prendre, fans contredit, dans emploi d'une machine que l'on deftine à ce travail. J'ai cherché à les faifir , autant qu'il a été en moi, dans le petit mécanifme que j'ai exécuté à cet effet. PVoy. PL II. Il confifte en deux rouleaux difpofés à côté & au-deflus Fun de Pau- tre; les fils à tordre font enroulés fur celui inférieur , un feul tour füuffit + on les enroule artiftement fur le rouleau fupérieur, pour être dirigés au travers d’une fourche ou d’un œil faifant fonction de guide fur la broche du rouet, afin que les fils du premier rouleau ne fe croifent pas avec ceux du fecond. Un fil de fer placé entre deux fert à conrenir les tours fur le premier , & à diriger ceux fur le fecond ; un autre fil de fer placé en avant du premier rouleau , ou celui inférieur, fert de guide aux fils du eloton ou de la bobine fur ce rouleau. A far & mefure que le fl compris entre la broche & le rouleau fupé- rieur fe tordra , il féra dévidé fur la bobine aflujettie fur la broche entre les ailetres de l’épinglier. La viteffe du tors dépendra de fa noix, qui fera tourner la broche, relativement à la roue. Plus celle-ci fera grande , par rapport à la noix, plus cette derrière donnera de tours de tors dans le même temps; quant à la viteffe du dévidage da fil rors fur la bobine, elle dépendra de la plus ou moins grande preflion de la bobine fur la broche, par le moyen du répulateur. Il paroîe, 1°. que Les fils feront preffés avec égalité, puifqu'ils fe mou SURL'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 467 vront autour de deux rouleaux, qui ne font excir‘s à fe mouvoir eux- mêmes, à attirer & lâcher Les fils, que par l'effet du tortis qui les prefle conf- tammient avec la même force, 2°. Le tortis devra être égal, par la raïfon que la longueur des fils à tordre entre la broche & le rouleau fupérieur, fera toujours la même, puifque le mécanifme eft cenfé fixé à la tête du rouer: elle recevra donc : à chaque révolution de la roue un pareil nombre de tours de tors, ; 3°. Les fils, filés également ou non, païleront avec facilité fur les rouleaux , puifque-là preffion & la marche de ces derniers ont été démon- trées conftantes, L'infpeétion de la fig. 1 fait connoître que l’on peut appliquer le mé- canifme, propofé, aux rouets ordinaires ; je défire que les perfonnes inté- reffées à la filature fe perfuadent de l'utilité dont il peut leur être pour tordre & filer dans le même temps. Quelques jours fuffront pour ac- coutumer à ce double travail, produit à la vérité par un léger fürcroît de force, que toute perfonne eft en état de dépenfer, On ne peut pas dou- ter qu'il y en ait beaucoup de perdue dans chaque fujet occupé journel- lement à la filature. Voici un moyen d'en tirer parti; le bénéfice qui s’en- fuit eft réel, Tout le monde fait que le prix du tortis des fils approche beaucoup de celui accordé pour les filer, Tordre les fils eft d'ailleurs un métier très-ennuyant , pour ne pas dire très-fatigant. En propofant ce mé- canifme , ne feroit-ce pas rendre un fervice aux femmes de La campagne fur- tout, qui, au lieu de paffer une partie de leur temps à tordre les fils né- ceffaires pour leur ménage , &c., les donnent à tordre pour un prix fait: elles feront elles-mêmes ce travail, fans , pour ainfi dire, s’én apperce- voir; bien mieux, fous l’appât d'un gain certain que donneront les tortis de toute efpèce de fils , jaime à croire que la filature pourra trouver chez elles un motif d'encouragement. Au refte, je préfente mes vues; c’eft à l'expérience des autres à décider. Quant à celles que j'ai faites , elles m'ont réufli. Dans les mains de perfonnes accoutumées à ce genre de travail, Le fuccès m'a paru être Le même, Explication ‘des Figures. On diftinguera facilement à la gravure ce qui peut être en bois, & tout ce qui eft cenfé fer. La figure 1 repréfenteun rouer ordinaire, vu en perfpetive du côté de Ja broche & de {a manivelle, Au lieu d’une tête fimple, on en voit une double armée de deux broches , dont une pour filer , & l'autre pour tordre. La fig.2 eft le plan du mouvement qui eft cenfé fuppléé à la main Tome XXV , Part, Il, 1784. DÉCEMBRE. Nnn 2 468 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, qui tient les fils. La monture eft ici en fer ; celle en bois feroit fujette à fe déjeter , à raifon de l'humidité qu’occafionne le fil mouillé, & de la petite pluie qu'il reçoit lors de fon tortis. IL feroic convenable que les rouleaux fuflent en buis, ou même en ivoire. La fig 3 en eft la coupe & le profil. Les lettres romaines indiquent les différentes parties du mouve- ment. a. Manivelle, &. Roue. c. Corde fans fin, pour filer, d. Bobine. e. Ailettes, f. Epinglier. J. 1. Noix. La broche peut en porter plufieurs accolées , de différens diamètres. g. Broche, £. Régulateur, J- Brin de fil filé. k. Table du rouet. Z. Pied du rouet. 7m, Supports de la roue, 2, Quenouille. ©. Lin placé fur la quenouille, À: Rouleau inférieur. B. Rouleau fupérieur. C. Guide des ds fur le rouleau infé- rieur. D. Guide des fils fur le rouleau fu- périeur. E. Fourche fervant de guide au fil fur l'œil de la broche des roues. F, Fils à tordre, dont les pelotons ou Les bobines G trempent dans l’eau de la cuvette H. I. fils tors, J. Corde fans fin pour tordre. K. Tenon adapté à la monture. C’eft par fon moyen qu'on enlève où aflujettic le mouvement au bras L. Nota. Plus les fils font gros, moins ils demandent à être preffés: c’eff pourquoi , au lieu de les faire pafler fur les deux rouleaux, on ne les fera pafler que fur un. Je me propofe de donner par la fuite un moyen de dévider fur la bo bine de la broche , entre les ailettes, les fils, à mefure qu’ils f& filerone ou tordront , fans être obligé d'y mettre la main pour changer les veiness SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 469 ee 2 — a a NOUVELLES LITTÉRAIRES. Deere de PAnalyfe du Volfram; par MM. DE ELHUYAR, Mi néralogifles | Penfonnaires du Roi d'Efpagne. I. On enferma 100 grains d’or & $o de la poudre jaune dans un creufec brafqué : on le chauffa fortement pendant trois quarts d'heure ; il en fortit un bouton jaune, qui fe défunifloit entre les doigts, & dont Vintérieur offroit un mélange de grenaille d’or & grife. Ce mélange n'ayant pas fondu, c’eft à la poudre jaune qu'il faut attribuer cet état réfractaire, puifque la chaleur avoit été pouflée bien au delà de l'intenfité dont elle a befoin pour fondre l'or feul. Le coupelage de ce bouton avec le plomb fut aflez difficile; cependant l'or refta pur. Les alliages fuivans ont été tentés dans les mêmes proportions avec un creufet brafqué, & les précautions ordinaires. IL. Un mélange de platine & de poudre jaune, chauffé pendant cinq quarts d'heure, donna un bouton qui s’écrafoit comme le précédent, dans l’intérieur duquel on reconnoifloit les grains de platine plus blancs qu'ils ne font , & quelques-uns même fenfiblement changés dans leur con- figuration ordinaire, HT. Avec l’argent, on obtint un bouton grisâtre , un peu fpongieux , qui s’étendit aflez par quelque coups de marteau , mais qui finit par fe fondre, Ce bouron pefoit 142 grains. C'eft l'alliage le plus parfait que nous ayons pu obtenir après celui du fer. IV. Le cuivre nous donna un bouton d’un rouge cuivreux, léoèremenc gris , fpongieux, aflez ductile, du poids de 133 grains. V. Le fer cru , ou la fonte blanche, donna un régule parfait: il étoit dur, aigre , d’un grain ferré, d’un blanc gris, & du poids de 137 grains. VI. Le plomb donna un régule d’un gris obfcur de peu d'éclat , fort duétile , finiffant par s'ouvrir en lames , & du poids de 127 grains, VII. Le régule fait avec l'étain étoit d'un gris plus clair que Le précédent , fort fpongieux , un peu duétile , & du poids de 138 grains. VII. Celui du régule d’antimoine étoit d'un oris éclatant , un peu fpongieux, aigre, d’une fragilité aifée, & du poids de 108 *alins, IX, Le bifmuth donne un régule gris dans fa fracture, vue fous un 470 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, certain angle, avec éclat métallique; maïs il en étoit dépourvu , & n'avoit plus qu'un afpeét terreux , quand on le prenoit fous un autre angle. Ce ré- gule, criblé de trous dans toute fa mafle, étoit aigre, aflez dur, & du poids de 78 grains. X. La manoanèfe, cette fubftance dont la métalléité eft univerfelle- ment décidée, reconnue même dans toute l’Europe, excepté dans un Ouvrage deftiné à FEcole Royale des Mines de France, donna un régule gris bleuâtre , d'un afpeét terreux , dont l’intérieur , vu à la lentille, ref fembloit aflez à une fcorie de fer. Ce régule pefoit 107 grains. Toutes ces expériences confirment les foupçons de feu M. Bergman, qui, confidérant la pefanteur du volfram , fa propriété de colorer les fon- dans, &c. , conjectura qu’il étoit ou contenoit une fubftance métallique particulière. La tungftène ou pierre pefante n’eft qu’une efpèce de ce nouveau genre, & M. Romé de l'Ifle en avoit déjà fait le rapprochement, Si on fait attention aux propriétés qu'a ce métal d’avoir une pefanteur fpéci- fique diftinéte , de fe réduire en chaux fous une couleur propre, d'aug- menter ou de diminuer en poids par la retraite ou l’acceflion du phlo- giftique, de former des alliages nouveaux avec tous les métaux, de co- lorer les verres d’une manière propre , de fe laiffer déphlogiftiquer par l'acide nitreux, fans s’y laifler difloudre , réfifter directement à l'attaque des acides vitriolique, marin, nitreux & végétal, &c. ; on ne pourra fe refufer de Le reconnoître pour un métal particulier, fui generis | & bien caractérifé par les expériences de MM, de Elhuyar. La facilité avec laquelle fa chaux fe combine & fe neutralife avec les sikalis, fa réfiftance au pouvoir des acides , la couleur bleue qu’elle reçoit de la lumière ou du vinaigre, autorife MM. de KElhuyar à conjecturer qu’elle peut bien être un acide encore enchaîné dans les entraves du phlo- giftique , & qui n’a peut-être befoin que de quelques expériences pouffées au delà de celles qu'ils ont déjà commencées dans ces vues , pour venir augmenter la clafle des acides métalliques, Ee nom de volfram étant adopté dans toute l'Europe, en Suède comme en Efpagne, ils croient devoir conferver ce nom au métal donc il eft la mine. Le volfram qui a fervi à leur expérience eft tiré des mines d'étain fituées aux frontières de Saxe & de Bohème, On ignore encore fi l'Ef- pägne pofède des mines d’érain, quoique fe Minéralogifte André Cé- falpin en fafle quelque mention: mais l’Hiftoire Naturelle a droit de tour attendre à cet égard des lumières de MM, de Elhuyar , bien plus que des témoignages de l’autre fiècle. AN. B."Cet extrait a été fait fur le Mémoire Efpagnol; nous venons SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 471 de recevoir l'Ouvrage même en françois de la part des Auteurs; & comme il renferme une très-belle fuite d'expériences chimiques , nous l'imprimerons tout entier dans le courant de l'année prochaine, La Sociéré Royale des Sciences de Montpellier s’emprefle d'annoncer qu’un de fes Membres, M. Brouffonet fils , vient de lui remettre une fomme de 309 livres, qu’il deftine à un Prix extraordinaire Académique. [l pro- pofe , pour le fujet de ce Prix , l'Eloge hifforique de Pierre Richer de Belle- val, premier Profeffeur de Botanique & d'Anatomie dans lUniverfité de Médecine de Montpellier. La Société entrant dans les vues d’un Académicien aufli zélé, & fe conformant à fes défirs, déclare qu’elle adjugera ce Prix à l'Auteur de qui elle aura reçu le meilleur Ouvrage fur le fujet propofé. Pierre Richer de Belleval a été le reftaurareur de la Botanique dans les Ecoles de Montpellier ; il aemployé toure fa fortune à la recherche des plantes du bas-Languedoc, & à un Ouvrage de Botanique très-érendu, au s'éroit propofé de publier. Un grand nombre de gravures en cuivre, aîtes avec une exactitude inconnue avant lui, & qui exiftent encore , de- voient entrer dans cet Ouvrage. On a de lui en outre plufieurs Ecrits im- primés fur la Botanique. La ville de Montpellier lui doit l’établifflement de fon Jardin Royal des Plantes, qu'il fut chargé de conftruire , par ordre de Henri IV, en 1598, c’eft-à-dire, vingt-huit ans avañt la fondation de celui de Paris. La difpofition de ce Jardin, qui peut pafler pour un modèle en ce genre , eft une preuve non équivoque des connaiflances en Botanique de fon Fondateur. La Botanique a été depuis cultivée dans la même Ville par des hommes célèbres , MM. Magnol, Niffolles, de Sauvages, Membres de la Société Royale, qui a publié leurs éloges. Kicher de Belleval étant mort avant l’érabliffement de cette Compagnie , cet honneur a manqué à fa mémoire: l'éloge qu'on demande réparera ce défaut. Il ne doit point tenir du Pa- négyrique, ni de l'Oraifon funèbre‘; on n’y veut d'autres ornemens que ceux qui font propres à l'Hiftoire: ce qu’on exige principalement, ceft l'analyfe raifonnée des Ouvrages de Richer de Belleval , avec des détails exacts & intéreffans fur fa vie, autant qu'on aura pu en raflembler. L'iif toire des progrès de la Botanique en Languedoc & celle du Jardin Royal des Plantes doivent néceffairement former une partie de cet éloge, » | Toutes perfonnes, n'importe de quel pays & de quelle condition, pourront travailler fur ce fujer , & concourir pour le Prix, même les Aflo- ciés étrangers & les correfpondans de la Société. Elle s’eft fait la loi d'ex- clure du concours les Académiciens régnicoles, Ceux qui compoferont font invités à écrire en françois ou en latin, On les prie d’avoir atten- - 472 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, tion que leurs écrits foient bien lifibles, Ils ne mettront point leurs nems à leurs Ouvrages, mais feulement une fentence ou devife. Ils pourront attacher à leurs écritswun billet féparé & cacheté, où feront , avec la même devife, leurs noms, qualités & adreffe. Ce biller ne fera ouvert qu'en cas que la pièce ait remporté le Prix, On adreffera les Ouvrages , francs de port, à M. de Ratte, Secrétaire perpétuel de la Sociéré Royale des Scien- ces, à Montpellier, ou on les lui fera remettre entre les mains. Les Ou- vrages feront reçus jufqu'au 30 Septembre 178$ inclufivement. ‘ La Société, à fon Aflemblée publique pendant la tenue des Etats du Languedoc de 178$, proclamera la Pièce qui aura mérité le Prix. L'Académie de Lyon, dans la féance publique qu'elle a tenue le 3x Août, a procédé à la proclamation des Prix, Elle en avoit propofé quatre pour cette année; mais elle a été dans le cas de n’en diftribuer que deux. Diffribution de Prix. Pour les Prix doubles d’Hiffoire Naturelle ou d’Agriculiure , fondés par M. P. Adamoli , elle avoit demandé « des ob- >» fervations théoriques & pratiques fur les haies deftinées à la clôture des » champs, des vignes & des jeunesbois ». Le mérite des cinq Mémoires envoyés au concours a démontré l'utilité du fujer. L’Acadéinie invite les Auteurs à les publier, en particulier celui qui a pris pour devife: Utile dulci, Le premier Prix, confiftant en deux médailles d’or , a été dé- cerné au Mémoire coté n°. 4, fuivant l'ordre de fa réception; fa de- vife eft: Ante Jovem nulli fubigebant arva coloni, &c. VirG GÉORG. Ce Mémoire, qui réunit une faine théorie à une pratique éclairée ; eft de M. Æmoreux fils, Docteur en Médecine de l’'Univerfité de Mont- pellier, Membre de plufeurs Académies, le même qui vient d'être cou- sonné, à peu près à la même époque, par la Société Royale de Mé- decine. Le fecond Prix, qui confifte en deux Médailles d’argent , a été donné au Mémoire n°. 3 , écrit en latin, dont lépigraphe ef : Texende fepes etiam . , . . . + + + . arbufla juvant humilefque myrice, VirG GÉORG. « L’Auteur de ce Mémoire favant & méthodique eft le R. P. Gaétan- Harafti de Buda , Religieux de lObfervance , ancien Profefleur de Phi- lofophie, L ‘ SUR L'HIST. NATURÉLLE ET LES ARTS. 473 lofophie, de l’Académie d'Agriculture de Vicenze , & de la Société pa- triotique de Milan : 4 Milan. 1 Le Prix de Mathématiques , fondé par M. Chriflin , devoit être adjugé à l’Auteur du meilleur Mémoire {ur le fujet fuivant : æ 1°. Expofer les avantages & les inconvéniens des voûtes furbuiffées , » dans les différentes conftruétions, foic publiques , foit particulières, » où l’on eft en ufage de les employer, » 2°. Conclure de cette expolition, s'il eft des cas où elles doivent » êtres préférées aux voûtes à plein cintre, & quels font ces cas, » 3°, déterminer géométriquement quelle feroit la courbure qui leur > donneroit le moins d’élévation , en leur confervant la folidité né- n ceffaire ». - L'Académie a reçu quatre Mémoires , qui tous méritent des éloges ; mais * aucun ma paru remplir fufifamment les différentes vues indiquées dans le Programme. Ces confidérations, & l'importance du fujet, ont décidé l’Académie à doubler le Prix propofé, & à proroger le concours jufqu'au 1° Avril 1787. Elle efpère que ce nouveau délai donnera le temps aux Auteurs des Mémoires mentionnés de perfectionner leurs Ouvrages. Ils pourront en- voyer , fous leurs devifes refpectives, les changemens & additions qu'ils croiront convenables ; mais une nouvelle copie eft préférable, L'Académie admettra pareillement au concours les autres Mémoires qui lui feront adreffés fur le même fujet avant l'époque indiquée, & fous les conditions d'ufage. Elle invite les Auteurs à fe conformer exactement au Programme, à comparer les voûtes furbaiflées aux voütes à plein cintre, du côté des frais & des difficultés de conftruétion; des dépenfes pour l'entretien; des facilités pour la navigation & pour le paflage des voitures; des prin- cipes du grand & du beau; du côté fur-tout de la folidité, la partie la plus effentielle, & celle que les Auteurs des Mémoires reçus paroiffent en général avoir le plus négligée. Sans exiger une théorie complète de la pouffée des voûtes, l’Academie délire au moins qu'on établifle des prin- cipes certains, fur lefquels on puiffe juger fi les vontes furbaiffées peuvent avoir la folidiré qui convient fur-tout aux monumens publics, & fi elles méritent la préférence fur les voûtes à plein cintre. L'Académie avoit renvoyé à cette année l’adjudication du Prix des Arts, fondé par M. Chriflin, dont le fujet étoit, « de déterminer le » genre d'induftrie qui pourroit occuper utilement les habitans de la » plaine du Forez, fans nuire aux travaux de la campagne », Le éohcours qui eut lieu en 1782, n'ayant pas répondu aux vues de PAcadémie , elle avoit efpéré qu'une année de délai lui procureroit de nou veaux Mémoires. Ce délai n'a produit qu'un fupplément au Mémoire qu’elle avoit diftingué. Elle doit des éloges au zèle de l’Aureur, mais elle + Tome XXV, Part. II, 1784 DÉCEMBRE. Ooo 374 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, ne s’eft pas crue dans le cas de décerner la couronne; & ne pouvant fe flatter, par une nouvelle prorogation , d'obtenir rien de plus fatisfaifane fur le fujet dont il s'agit, elle s’'eft déterminée à l’abandonner, & à pro- pofer le Prix des Arss double pour l'année 1786 , avec un nouveau pro- bléme ci après énoncé. L'Académie ayant à diftribuer en 1785 le Prix de Phyfique fondé pat M. Chriflin , en a affecté les fonds au fujet qu’elle a continué, concernant la mixnion de l'alun dans le vin ; & pour doubler le Prix de Coo liv., ci- devant propofé , & le porter à 1200 liv., elle à délibéré d’y joindre la fomme de 100 écus, prife fur d’autres fonds dont elle peut dif- pofer. En conféquence , elle demande de nouveau « l'examen phyfique & rai- » fonné de la diffolution de Palun dans le vin, confidérée relativement > à la confervation du vin & à la confervation de la fanté ». Elle invite les Savans qui voudront s’en occuper, notamment l’Auteur du Mémoire ayant pour devile: Sunt certi denique fines, auquel elle a donné les plus juftes éloges , de ne rapporter que des expériences authen- tiques , de les traiter en grand, & de répondre avec précifion aux dif- férentes queftions énoncées dans le premier Programme , à la fuite du problème , dans les termes fuivans : « 1°. La mixtion de l'alun dans le vin eft-elle un sûr moyen de le » conferver ou de rétablir fa qualité, lorfqu'elle eft altérée? de quelle » efpèce d’altération dans le vin Palun eft-il le préfervatif ou le cor- >» rectif ? à » 2°. En quelle proportion faut-il mêler l’alun dans le vin , au cas que ce mélange foit reconnu avantageux ? » 3°. Le vin tenant en diffolution la quantité d’alun néceffaire à fa con- » fervatiou ou à fon amélioration , eft-il nuilble à la fanté ? quels en font » [es effets fur l'économie animale? = » 4°. Si l’alun , diffout dans le vin , eft reconnu préjudiciable à la > fanté, eft il quelque moyen d’en corriger Les effits nuifibles ? » 5°, Enfin, quelle eft la manière la plus fimple & la plus exacte de » reconnoître la-préfence de l’alun & fa quantité, lorfqu'ileft en diflo- # lution dans le vin, fur-tout dans le vin rouge très-coloré »2 M. le Duc de Villeroy, Pair de France, Gouverneur Général de Lyon, & des Provinces de Lyonnoïis, Forez & Beaujolois, ayant envoyé à l’A- cadémie, qui fe félicite de l'avoir pour Protecteur , l'énoncé d’une quef- tion de Phylique, & une médaille d'or qu'il défire être décernée, en l'année 1785, à l’Auteur qui aura fourni fur cette queftion le meilleur Mémoire ; l’Académie, pour fe conformer à fes intentions , a propofé le problème tel qu'il lui a été adreffé. «æ Les expériences fur lefquelles Newron établit la différente réfrangi- » bilité des rayons hétérooënes, font-elles décifives ou illufoires »? FA MES n_ 7 ÿ à Hi E ais des iii SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 475 L'examen dans lequel les Auteurs entreront, doit être approfondi , & leurs affertions fondées fur des expériences fimples , dont les réfultats foient uniformes & conftans. Le Prix eft une médaille d’or de la valeur de 300 liv. Il fera diftribué dans une féance publique de l’Académie , le premier mardi du mois de Décembre 1785. Les Mémoires ne feront admis au concours que jufq'au 1% Août de la même année: le terme eft de rigueur. L'Académie ayant renoncé au fujet concernant la plaine:du Forez, a arrêté de doubler le Prix des Arts, fondé par M. Chriffin , & de propoler, pour l’année 1786, le fujet fuivanc: « Quels font les moyens d'augmenter la valeur des foies nationales , en # perfectionnant le tirage » ? Le Prix confiftera en deux médailles d’or de la valeur chacune de 300 liv. Les Mémoires ne feront admis que jufqu'au 1° Avril 1786, & fous les autres conditions ci-deflus énoncées. Pour les Prix d’Aiffoire Naturelle ou d'Agriculture, fondés par M. P. Adamoli , que l'Académie doit diftribuer en 1786, elle propole le fujet qui fuit : æ Quels font les diverfes efpèces de lichens dont on peut faire ufage # en Médecine & dans les Arts »? i Les Auteurs détermineront les propriétés de ces plantes par de nouvelles recherches & des expériences. Ces Prix font une médaille d’or de la valeur de 300 livres , & une médaille d'argent: ils feront diftribués en 1786 , après la fère de Sainr- Pierre , & les Mémoires reçus au concours jufqu’au 1°* Awril feulement; les autres conditions fuivant l'ufage. Nota. Le Prix de Mathématiques fur les votes furbail]ées, eft renvoyé à l'année 1787, comme il a été dit ci-deflus. Car. Lud. l'Héritier, Ec. Stirpes novæ aut minus cognitæ , defcriptionibus & iconibus illuftratæ, in-fol. Paris, chez Prévoft, quai des Augufins. Cet Ouvrage, dont un ou deux fafcicules font déjà imprimés, n'a pas encore eté mis en vente pour des raifons particulières, Nous en rendrons compte aufh-tôt qu'il paroîtra. : Le premier fafcicule contient 10 plantes & 11 Planches. Prix, 13 Liv. af. ; & 261. 8 gr. pap. vélin. Le fecond fafcicule contient 10 plantes & autant de Planches. Prix, 12 liv,; & 241. gr. pap. vélin. C2 LS DURS Tome XXV, Part. II, 1784. DÉCEMBRE, Ooo2 475 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, Ge. ASTRONOMIE. Connoiffance des temps, ou expofition du mouvement des aftres pour 1787, publiée par l'Académie Royale des Sciences, calculée par M.J£EAURAT, de la même Académie, & préfentéeau RO1I par l Aureur Le 7 Novembre 1784. À Paris, chez Moutard, Imprimeur-Libraire de la Reine, rue des Mibhine, Hôtel de Cluri, < ‘ L'importance de cet Ouvrage confifte principalement dans la grande utilité dont il eft pour la Géographie & pour la Marine. Dès 1679, M. Picard er publia le premier volume en faveur des Aftronomes; mais ce n'étoit guère qu’un calendrier raifonné, M. Jeaurat, qui.en a publié douze volumes depuis l’année 1775 qu'il en a été chargé, lui a donné une forme bien plus intéreffante : c’eftun petit Traité périodique d’Aftrono- mie pratique, où l’on trouve annuellement les tables les plus néceflaires aux obfervateurs & aux amateurs zélés des progrès de l’Aftronomie & de la Navigation. : Les annonces des phénomènes aftronomiques qu’il convient de prévoir & d’obferver, y ont toute l’etendue défirable; celles même de la planette d'Herfchel, quoique nouvellement découverte, font dans ce volume-ci pour le 1®&le 15 dechaque mois. Ajoutons que M. Jeaurat y publie en même temps, & avant aucun autre Aftronome, les tables de cette nouvelle planette, & fous une forme des plus commodes pour la pratique ; car toutes les équations que la théorie néceflite font addirives; de forte que chaque obfervateur peut lui-même faire promptement tous les calculs qu'il défirera à cet égard : d’ailleurs on voit avec plaifir la conformité de ces tables, toute récentes qu’elles font, avec les obfervations; ce qui prouve que l’Aftronomie a fait de nos jours des progrès confidérables. Dans les volumes précédens, M. Jeaurat à publié tous les meilleurs Catalogues d'étoiles fixes : dans celui-ci il publie Le Catalogue des étoiles zodiacales de Tobie Mayer , réduitau 1° Janvier 1786. Il donne, page 368 & fuivantes, unerrata important pour rectifier les fautes d’impreflion échapées dans le volume pour 178$, concernant le Catalogue des étoiles fixes de Bradley. Quant aux pofitions géographiques, M. Jeaurat a encore finguliérement enrichi la table de la différence des méridiens des différens lieux , d’après les réfultats de la célèbre Carte de la France de M. Cañini : il a lui-même calculé les longitudes & les latirudes des lieux les plus remarquables de la France, par une méthode rigoureufe, dont il donne un type de calcul qui ne laifle rien à défirer, Ce volume eft terminé par la poftion des principaux clochers de Paris, dont M. Jeaurat a fait Les calculs d’après fes propres obfervations. ” SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 477 TA BEN E DEs ARTICLES CONTENUS DANS CE CAHIER. Dos du Mémoire fur lufage des huiles graffes dans la Médecine ; par M. Jean-Frédéric P 1CHLER. Page 407 Expériences fur l'air , par M.'CAVENDISH, de la Société Royale de Londres; Traduires de l'Anglois par M. PELLETIER. 417 Mémoire renfermant le récit de plufieurs expériences éleélriques faites dans différentes vues; par M. ACHARD. . 429 Lettre de M. INGEN-Housz 4 M. J. VAN-BREDA, au fujet de la quan- cité d'air déphlogifliqué que les végétaux répandent dans l'atmofphère pen- dant le jour, &c. &c. 437 - Suite des Extraits du Porte-Feuille de M. l'Abbé DICQUEMARE. Orties Marines, 450 Mémoire [ur l'hiver rigoureux de 1783 à 1784; par le P.COTTE , Prêtre de LOratoire, Chanoine de l'Eglife de Laon, Correfpondant de L Académie Royale des Sciences, de La Société Royale de Médecine , Gc. 455 Effai d'un mouvement propre à tordre les fils, exécuté par M. PAIOT DEs- CHARMES er Mai 1783. 466 Nouvelles Littéraires. 409 APP'PORVOSB AN TMIONN: Jr lu, par ordre de Monfeigneur le Garde des Sceaux, un Ouvrage qui a pour titre: Obfervarions fur L1 Phyfique, fur l’'Hiftoire Naturelle & Jur les Arts, &c.; par MA. Rozrer & Moncez le jeune, &c. La Colleétion-de faits importans qu’iloffre périodi- quement à fes Lecteurs, mérite l’accueil des Savans ; en conféquence, j’eftime qu’on peut en permettre l’imprefion. À Paris, cezz Décemb. 1784. VALMONT DE BOMARE, +, TABLE GÉNÉRALE DES ARTICLES CONTENUS DANS CE VOLUME. DRE EEE DENT PT PEER EENPEEAT ET PHYSIQUE, M: MOIRE fur les Machines aéroflatiques ; par M. MEUSNIER, de l'Académie des Sciences. Page 39 Réponfe de M. SENEBIER & M. le Baron DE MARIVETZ. 75 Suite du Mémoire [ur les Nuages parafites ; par M. DUCARLA. 31 & 94 Lettre de M. ACHARD, de Berlin, fur la manière de mefurer la hauteur des montagnes , au moyen du thermomètre. 287 Lettre aux Auteurs du Journal de Phyfique , fur l'attraëlion des Montagnes , Jur les Brouillards. 303 Mémoire fur l'hiver rigoureux de 1783 à 17984, par le P. COTTE. 45$ Sixieme Mémoire d'Optique, ou illufions fingulières de La vue; par M. DE GODART, 219 Seconde Lettre de M. MICHAELIS , fur le Temple de Salomon , armé de corducleur. 297 Réponfe de NL. LICHTEMBERG 302 Lettre fur l'éleëtricité des Végétaux , par M. DE SAUSSURE. 290 Obkférvation fur le froid du 30 Décembre 1783 , par M. le Baron BE D1E- TRICH, 273 Defcriprion d'un Inflrument propre à mefurer la denfité de chaque couche de l'atmofphère , par M. DE FOUCHY. 345 Défcription d'un Eleétromètre, 228 Defcription d'une Machine pneumatique reëlifiée, par M. CAVALLO.261 Mémoire renfermant Le récit de plufieurs expériences éleütriques ; par M. ACHARD, 429 CHIMIE. R E MARQUES fur l'origine & la nature de la Matière verte de M. Prieflley, fur la produëtion de l'air déphlogifliqué par le moyen de cette matière, & fur le changement de l’eau en air déphlogifliqué ; par M. INGEN-Housz. Page 3° ETANB L'E') GEUNLÉ RATE 479 Lettre de M. SENEBIER à M. INGEN-Housz, fur fes obfervations fur l'eau imprégnée d'air fixe , de différens acides , publiées dans le Journal de Phyfique du n'ois de Mai 1784. 76 Réponfe à certe Lettre. 437 Suite des Obfervations & Expériences de M. KiRw AN , fur le phlogiflique. 13 Mérnoire fur La virrification de La terre alumineufe, mêlée en proportions diffe- rentes & connues avec des [els ; par M. ACHARD. 137 Mémoire fur La criflallifation des Sels déliquefcens , avec des obfervations fur les Sels'en général; par M. PELLETIER. 20$ Mémoire [ur La décompofition de l'air atmofphérique par le plomb ; par M. Lu- ZURIAGA. 262 Nouveau procédé pour faire l'Ether nirreux, par M. Wo rF, tradux de l’Anglois par M. PELLETIER 352 Expériences fur la Mine du Cobalt calcinée; par M. MARGRAF. 35$$ Manoire Jur l'inflammation [pontanée des Herbes cuites dans des corps gras; par M. N. J. SALADIN, Médecin a Lille en Flandre, 370 Expérience fur l'air ; par M. CAVENDISH. 417 HSE OL ES N'ATRU, R'EPAIPE Mio fur Le Spath phofphorique calcaire d'Avremont ; par M. Nr- COLAS, de Nancy. 28 Nouveau Voyage Minéralogique fe dans cette partie du Hainaut, connue fous le nom de Thiérache ; par M. MONNET , Infpelteur des Mines. 8r Suite de ce Voyage. 161 Mémoire fur l'organifation des parties par lefquelles certains mollufques s’at- cachent & faififfent leur proie ; par M. l Abbé DICQUEMARE. 70 Deftripiion des Orties marines , par M. ! Abbé DicQUEMARE. 450 Voyage a La partie des montagnes de Chaillot-le-Vieil, près la vallée de Cham- poléon en Dauphiné; par M.PRUNFLLE DE LiERRE, 174 Mémoire fur Les Volcans éteints du Val di Noto en Sicile; par M. DE Do- LOMIE U. 191 Lertre de M. DEFAY, fur l’accouplement de quelques oïifeaux fauvages dans Pétat de domefticite. 293 Diftripion d'une Pierre élaffique, par M. le Baron DE DiETRICH. 275 Notice du prétendu Régule d’antimoine natif, découvert en Tranfilvanie par M. DE RUPRECHT. 276 Recherches fur l Ambre gris par M. le Doëleur SCHWEDIAWER, 278 D'iffertation fur la fenfibilité des Infeëles , précédée de quelques obfervations fur la Mante; par l'Abblè PorxRET. 334 Lettre fur Les becs de sèche qui fe rencontrent dans l'ambre gris ; par M. ROMÉ DE L'ISLE , des Académies Royales de Berlin , Stockholm , &c, 372 480 TABLE GÉNÉRALE DES ARTICLES. LE 22020 2 MÉ DE C I N'E. Re fur la refpiration animale dans le gaz dephlogifliqué; par M. le Comte DE Morozzo. Page 102 Mémoire fur les Bains de vapeurs de Rue , par M. Ribéiro SANCHÉS. 141 Mémoire fur l'abus des Alimens ; par M. Joleph C H A R DOILLE T:241 Lertre de M. le Baron DE DrETRICH , fur la mort du Doëleur PRICE. 274 Traité fur le Venin de la Vipère, fur les Poifons Américains , fur le Laurier- Cerife, & fur quelques autres Poifons végétaux ; par M. Félix FONTANA, 359 Mémoire fur l'ufage des Huileux en Médecine; par M. Jean-Frédéric P1CH - LER. 321 Suite de ce Mimoire. 4OI Lettre de M. MAUDUYT , fur l'annonce du Traitement de M. LEDRU. 382 ARTS Me. ur le premier drap de laine fuperfine du cru de La France ; par M. DAUBENTON. Page 130 Lettre fur La diflillation des Eaux-de-vie, par M. POULLETIFR. 291 Remarques fur La manière de conferver 18 Vinaigre, traduites du Suédois de M.ScHEELE; par Madame P * ** de Dijon. 296 Lettre de M." l'Abbé MIGNON d'Alençon , fur le Cadran folaire de M. CARAYON fils. 377 Deftription dutraitement de la Mine grife de cuivre antimoniale des ‘mines de Baigorri; par M. le Chevalier DE LA CHABEAUSSIÈRE, ]ngénieur des Mines. 374 Effai d'un mouvement propre à tordre les ue ; par M. RACE DEs- CHARMES. | 466 LE — — ) AGRICULTURE ET BOTANIQUE. Mere la culture & l'arrofèment des Prés. Page 337 Nouvelles Litréraires. 7B—153—233—305—383—469." Pe l’Imprimerie de Demonvrsce, I mie Françoife, rue Chriftine, î D) | 2, TS He > = mar - Drcquemare de Decembre 7 784 - Seller d.. ll. IT, 4 ? à nn T'OjEy nQy 7e ZT entente) LE 2 TT 7 Ad pp Decemb, Vedlir eur. CESSE ET LAN ’ nb er ne l re | a. SES Û use RS NT CCE DER SÉRIE