SE TEE rS RE Re ÉRRÉEST S Re RE WA ( Re f l Se on “ | : d Ni PH 1 A CURE NE ME 1 Vu ( } EUR Wr PORTA RD il Pal l , l d ML ph Aa LA À FAT "a FA H 14 'd + MORE | de ARE 7 } À nt Las, f À a, bi La CN A Al FR OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, SUR: L'AISTOIRE NATURELEÉE RES RE LES PARUS AVEC DES PLANCHES EN TAILLE-DOUCE, D'ÉSDATÉENECS A Me. LE COMTE D’ARTOIS; Par M. l'Abbé RozIER, de plufieurs Académies, & par M. J. À Moxcez le jeune , Chanoine Régulier de Sainte- Geneviève, des Académies Royales des Sciences de Rouen , de Dijon, de Lyon, &c. Et. JANVIER, 1785. TOME XXVI. ASC ARMES AU BUREAU du Journal de Phyfique, rue & Hôtel Serpents, BPMIDICIC: "TE XAX TX -V: TV EC PHEIP Id É GE DEUX RO. Fat +4 ; os Le Voies he À HAL RE" E RAS AR NU a ax UE Fe HAT 4 | sue F RAI ARANST Le ont Fun 58 SOIN 1 FRA ENNE + « Eu” F5 A ê pr cf UE abs SL ÉTÉ EP PTE # A DE UC LEA PRES ANR ée 4 Rs He EU CL ES VE “us Er 1% A) NH GR LPO EE e + | a ox vie do à ai VAS aa où = ED LL < >. ii Z = >= 14 OBSERVATIONS Er MÉMOIRES SUR LA PHYSIQUE; SUR L’HISTOIRE NATURELL:, ET SUR LES ARTS ET MÉTIERS. LETTRE A M. l'Abbé Moncez, Auteur du Journal de Phyfique, Sur Les jouiffances que procure l'étude de l'Hiftoire Naturelle des Infeëtes ; Per M. HEFTLINGER , ancien Infpeëteur géneral des Mines de baffe-Na= varre , de ? Académie Royale des Sciences de Lifbonne , & de la Société phyfique de Zurich, ONSIEUR, Sz les efforts de quelques hommes extraordinaires, poux fuivre la Nature Tome XXVT, Pare, I, 1785. JANVIER. À 2 4 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, dans fes opérations , 1 leurs tentatives pour deviner fa manœuvre & les cambinaifons de la matière, les obligent à des travaux pénibles, qui ne peuvent êcre compenfés que par la gloire d’avoir mis au jour des vérités intéreffantes ; il eft d’autres recherches , qui, fans nécefiter autant de fa- tigues, conduifent cependant au même but flatteur , celui d'étendre les connoiffances de l’homme , de le mettre de plus en plus à portée d’admi- ! rer l'utelligence fuprême, & de jouir de fes œuvres. Telle eft, par exém- -ple, l’hiftoire naturelle des infectes. Cette étude eft négligée; elle n’eft pas affez prifée , & mériteroit de. l'être. Ingrats! nous chaffons, nous écrafons de petites créatures intéref- fantes par leurs couleurs, leur conformation ; leurs habitudes & attributs, & fi précieufes par les biens qu'elles nous donnent. L'homme délicat, qui fe plaint des mouches & voudroit qu'il n'y eût pas un infecte fur la terre , ne fonge pas que c’eft de pareils animaux qu'il tient les bougies qui éclairent fa demeure ; que c'eft eux qui lui fourniffent la pourpre & la foie dont il fe pare ,& que c’eft grâces aux cantharidés que lui ou fes amis ont été retirés des mains de la mort- D'où vient l'éloignement ou dédain que nous fentons pour les infectes., tandis que cette brillante partie du règne animal devroit captiver notre at- tention ? Eft-cela peur de leur morfure, Le dégoût de leur puanteur ou faleté, le mépris de leur petiteffe } le reflentimenc des incommodirés qu'ils nous caufenr, ou bien l'idée que ces petits êtres ne font que la dégradation des productions de la Nature ?. Ces motifs feroient peu fondés: À l'exception (je ne compte pas le homar aux fortes ferres, qui peut quelquefois pincer des Pêcheurs marins, ni quelques infectes venimeux de l'Afrique. &. des .deux Indes En lexception, dis-je, dela tarentule & du fcorpion , je ne connois pas d'infecte qui puiffe faire une bleffure dan- gereufe ; encoré guérit-on facilement celles-ci, en ÿ appliquant aufli-tôe- une goutte d'huile d’olivé. Les piqûres de quelques autres infectes, tels que le frêlon, la guêpe, l'abeille, l'araignée des caves, la fourmi rouge, &c., font douloureufes, mais n’ont jamais de fuites graves. C’eft peut- être, par rapport à nous ; une imperfection de la Nature ; fupportons-. 1, comme nous voyons volontiers qu'il exifte des rofes , quoique leurs épines quelquefois nous bleffent, ANR pe L’odeur forte, & la figure prétendue hideufe de certains infetes, ainfi que Jeur faleté, tiennent:beaucoup à la-fantailie & à l'inconféquence de l'homme. A fa fantaifie; peu de gens fe plaignent de l'odeur de la morue ; & fi elle étoit exhalée par le haneton, on trouveroit cet infecte infupportable , parce que la mode n’eft pas établie d’en faire un aliment, comme de ce poiflon moitié defléché , moitié pourri: [l'en -efl dt même de la figure révoltante de certains infectes ; c'eft l'effet de notre caprice. Il me femble que la beauté réelle confilte dans la parfaite empreince du type. que la Nature; deftina à éhaque efpèce d'êtres) & là laideur dans b SUR L'HIST. NATURELLE ETLES ARTS. $ Vaberration de cette empreinte. Un faifan eft beau comme faifan , & une araignée eft belle comme araignée, Si elle avoit des pieds d’oifeau , c’eft alors qu’elle feroit hideufe ; mais enfin, puifque nous avons établi que telle chofe feroit belle & propre ,:& telle autre hideufe & dégoütante , nous devrions du moinsiêtre conféquens dans nos principes, & évirer fans ex- ception cequi porte ces derniers caractères. Q’une femme , affife à l'ombre d'un arbre, éprouve le malheur qu’il en tombe une chenille fur fa joue où fur fa main elle fait un cri, détourne les yeux, & a grand foin de sef- fuyer. Si elle avoit le courage de confidérer de près cette petite bête, elle verroit que, dans fon efpèce , elle eft aufli jolie, aufli propre que fa belle main: & cette femme délicate mangera le même jour les excrémens d'une bécafle , qui fontun hachi d'araignées , limaçons , vermilfleaux , & autres chofes de cette’efpèce. E’écrevifle, qui, d'après nos idées, eft un infeéte:hideux & fäle par excellence ; eft cependant bien venue fur toutes lés tables. Je: l'appelle fale ; parce que d'ordinaire l'écrevifle porte dans fes jointures d’autres infectes de la clafle des poux, que nous favourons avec fa moelle, - On demandera à quoi bon cette déclamation ? Affurément M. Spalan- zani & tant d'autres Phyficiéns ou Naturaliftes n'en ont que faire; mais je voudrois.pouvoir engager bien des perfonnes , hommes & fèmmes, qui vivent à la campägne , & qui ne favent comment paffer leur temps, où l’em- ploient d’une manière pitoyable, à confidérer de près les infettes. Quand de la propagation decette étude , il ne s’enfuivroit pas de nouvelles dé- couvertes , qui cependant font très-poflibles, je croirois avoir fait une bonne œuvte, en indiquant à dés gens oifits une jouiflance qui diffi- peroic leurs ennuis, & qui n’elt ni précédée d'embarras, ni fuivie de dégoüts où de remords; ils verront, quand il leur plaira ; mille merveilles ; car l'empire des infectes eft un empire dé féerie, Ici, relativement à notre conception, la vérité fe pare des pompôns du preftige, La Nature femble abandonner fa marche uniforme & générale pour la reproduction des êtres vivans. Ce n'eft plus le développement d’un embryon forti d'un œuf; c'éft un animal qui, parvent à fa parfaite croiflance, eft transformé en uñ'autre animal tout à-fait difemblable. Voyez’la chenille-ourfe: Ce ver, hériflé de poils noirs & rudes”, paffe un :tenips de ‘fa vie à fe nourir de toutes fortes: d'herbes: parvenu à l'époque où il doit ‘entrer dans fon cer- cueil, non pour y mourir , mais pour y devenir un autre être , il feconf- truit dans l’épaiffeur d’un buiffon une tente de foie: couché fous ce pa-" villon ; toutes les parties de fon corps fe rapprochent, fe rétréciffént , fa peau velue-labandonne &: il pardîr devenu une mafle uniforme, fem- blable plutôt au noyau ‘dé quelque fruit, qu'à un autre être vivant. Après trente loû quarante jours de cet état, qui n'eft ni vie ni mort, la ‘goufle _s'ouvre; & au lieu d’uvé chenille velue , il en fort une charmante pha- lène au papillon de nuit ; au lieu d'un ver vorace , une belle créature 6 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, ailée, parée de pourpre & d’hermine, À quelques modifications près, c'eft-là l’hiftoire à tous les papillons & phalènes. La Nature a réparti à mille efpèces diverfes de ces dernières, routes les richefles des couleurs, les deflins les plus élégans. Ces petits volatiles fembleroient créés pour ré- jouir la vue de l'homme, pour égayer fon féjour ; tandis que , par des motifs de la Toute-puiflance , qu'il n’eft pas en nous d'approfondir, ils ne, viennent au monde que pour vivre dans les ténèbres, & pour devenir fina- lement la pâture des hiboux & des chauve- fouris : mais on peut s’en procurer un beau fpectacle dans fa chambre, comme je Le dirai bientôt, Soulevez un tronc de bois qui ait pofé lono-temps fur terre; fous |fa bafe humide vous verrez des vers blancs de la groffeur d’un deigt, qui fe nourriflent des débris de ce bois macéré. Qui diroit que ces vers in- formes , qui à peine favent fe remuér aflez pour atteindre leur pâture , feront bientôt transformés en volatiles cuiraflés , portant fur leur cafque des cornes redoutables. C'eft le cerf-volant, qui n'a pas la plus légère reffemblance avec Le ver mol , qu'il étoit auparavant; & il en eft ainfi de tous ces infeétes écailleux , qu'on défigne fous le nom général de fcarabée. Voyez la libelle bleue, cette demoifelle au corps délié de faphir , aux ailes azurées, qui voltige fi leftement à travers Les airs; elle vivoit au fond des eaux fous la forme d’un vilain infeéte couleur de terre. Un beau jour, elle fort de fon élément, fe fufpend au-deflus de la furface contre une tige d'herbe: le foleil sèche fa peau grife, qui n’eft qu’un fourreau, & qui fe fend toutlelong du dos; la demoifelle en fort toute rayon- nante de fa beauté, devient habitante de l’air, & abandonne fa vieille dépouille, Voyez la mouche éphémère; elle a été, comme la libelle bleue , pendant près de deux ans, un infeéte aquatique : cet infecte fort de l’eau, fon enveloppe crève , il s’envole , fe dépouille une feconde fois, & voltige de nouveau, cherche fon femblable , s’accouple, dépofe fes œufs fructifiés , & meurt : fon exiftence a duré l'efpace de deux à , trois heures. La république des fourmis , l’induftrie des abeilles , les rufes du four- millon font connus généralement : mais combien d’autres tableaux aufli intéreffans ne fourniflent pas les infeétes , & dont le commun des hommes ne fe doute feulement pas! Si des gens aifés & oififs vouloient prendre la peine de les obferver , d’en réunir le fpeétacle fous leurs yeux , ils fe pro- cureroient une jouiffance continuelle & infiniment agréable. Mais je fens les objeétions à faire : on n'aime pas à prendre des habitudes nouvelles; & puis comment raflembler les infectes, élever les uns, traiter les autres, les préparer, arranger, & fur-tout comment les garantir enfuite de l’alté- ration? J'aurai le plaifir de lever ces petits obftacles. Une vie foljraire, où les devoirs de mon emploi n’exigent qu’une partie de mon temps, a tourné mon goût du côté de l'étude des infectes, Epris de plus en plus des plaifirs tranquilles que je devois à ces recherches , je me SUR L'HIST. NATURELLE ETLES ARTS. 7 fuis appliqué à trouver les meilleurs moyens d'en conferver les produits, fur-tout de me procurer beaucoup d’efpèces de chenilles, de les élever , d'en obtenir des phalènes & papillons , & de les monter d’une manière aufli agréable qu’aflurée contre le temps & les infectes deftructeurs. Je m'eftimerai heureux fi, en publiant ma méthode , je puis contribuer quelque peu aux progrès de cette partie de l'Hiftoire Naturelle, qui , quoiqu’extrèmement attachante , eft fi peu cultivée. Aufli-tôr que mes ma- tériaux feront mis en ordre, je publierai un petit Ouvrage où je traiterai de la meilleure manière de fe procurer des chenilles, de les élever fans grand embarras, les conduire fans accident jufqu’à l'époque de leur cryfa- didation , conferver les cryfalides en bon état, manier les papillons & pha- Tènes qui en proviennent, fans les altérer, les conferver facilement, & pendant des années, jufqu’au temps où on veut les monter ; jy joindrai la defcription d’une méthode que j’ai inventée de préparer les chenilles dans Papparence de leur état naturel; une autre manière de monter promptement & facilement toutes les efpèces d’infe@tes ; de façon qu'ils préfentent le coup-d’œil le plus agréable, & font à l'abri de toute déprédation, au point que, placés dans une Colleétion , il n’eft plus befoin d'y veiller , pas plus que fur un coquillage ou une tablette de marbre, A cette expofition, purement mécanique, je joindrai la defcription de diverfes phalènes, & de leurs chenilles , que j'ai élevées, & qui ne font pas encore connues des Naruraliftes. Il eft tout fimple qu’une longue eccupation dans cette partie m'ait fourni les occafons de voir des chofes neuves. J'en ai vu qui méritent l’é- pithète de merveilleufes. Je n’en traïterai pas, parce qu'un bomme de bon fens doit fe garder de raconter du merveilleux , lorfqu’il ne peut pas le prouver, quelque convaincu d’ailleurs qu’il puiffe être lui-même de la vérité. J'ai trouvé quelques infectes peu ou point connus, & fait d’autres obfervations intéreflantes , dont je parlerai , parce que je puis les confta- ter par le fait. Si vous voulez , Monfieur, me faire l'honneur d'inférer mes remarques dans votre Journal , je préfenterai à vos Lecteurs, de temps en temps , un article relatif à lhiftoire naturelle des infectes, & j'enverrai en même temps l'objet dont il fera queftion , au fuperbe Cabinet de M. Gigot d'Orcy, Receveur général des Finances, demeurant à la place Vendôme, afin que les Amateurs réfidans à Paris puiflent vérifier le fait par leurs yeux , sil leur en prenoit envie. Voici par où je commencerai. Ténia trouvé dans Le corps d’une Chenille. P. je Le ver folitaire habite dans les inteftins de l'homme, des quadrupèdes, des ojfcaux, des poiflons ; il vit aufli dans les chenilles. J'ai élevé cette 8 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, année une efpèce de chenille grande & velue, que j'appelle Chenille du coignaffier, parce qu'elle mange de préférence des feuilles de cet arbre, quoiqu’elle fe nourrifle aufli d'autres feuilles, & du gramen ou herbe commune des prés. Cette chenille doit être connue en France comme par-tout ; mais j'ignore le nom que lui donnent les Naturaliftes François. Roefel la repréfente & en fait la defcription dans fon Traité allemand fur les Infectes, tom, 1, tæb. 35 a. Qu'on me permette de lui conferver le nom de chenille du coignañier ; j'aurai lieu d’en parler encore deux ou trois fois, à caufe d’autres remarques intéreffantes qu’elle m'a fournies. Pour revenir à mon, fujet prélent, je dis qu'ayant élevé plufeurs de ces che- nilles , j'en remarquai une dans le nombre, dont Ja couleur étoit d’uneteinte plus foncée, tirant, au lieu de fauve, fur le violer. Cette bête fe remuoit peu , ne grandifloit point, &, mangeoit cependant avec plus de voracité que les autres. L’envie de la conferver, à caufe de fa couleur fingulière, me fit prendre le parti de la difféquer , pour la préparer & deffécher d’a- près ma méthode. A l'ouverture du corps , j'en vis toute la capacité occu- pée pas un ver blanc, entortillé comme feroit un fil auquel on auroit fait plufeurs lacs. J'eus peine à le démêler par le moyen de deux aiguilles. Ce ver mourut peu d'inftans après avoir été expofé à l'air; fon corps étoit un peu applati, & compofé d'ane infinité d’anneaux à peine vifibles à œil fimple, Je n'ai pu appercevoir par le microfcope aucune différence entre les deux extrémités finiflantes en pointe déliée, ni par conféquent diftinguer la tête. Ce ver avoit 13 pouces de long, environ quatre fois la longueur de la chenille, Je crois qu'on ne peut le ranger que dans la clafle des T'énias. Les Amateurs à Paris peuvent voir chez M. d'Orcy la chenille telle qu’elle étoit vivante, & fon ténia à côté d'elle, Je fuis, &e. DE L'ÉLÉVATION DES PRINCIPALES MONTAGNES, \ ET DE DIVERSES AUTRES PARTIES DE LA LOMBARDIE AUTRICHIENNE" Par le P. ERMEN1:G:LD PiNr. UOIQUE la Lombardie Autrichienne ait fon fol peu élevé au-deffus du” niveau de la mer, & qu'elle en foit peu éloïgnée, on trouve néan- moins des montagnes d’une hauteur très-confidérable dans La partie haute de ce pays, Cette circonftance, qui m'a paru mériter l'attention des Phy= ficiens & des Minéralogiftes , jointe à d’autres raifons , m'a porté à déret- miner . SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS, 9 miner leur élévation. Mais avant de faire part du réfultat de mes obfer- vations fur cet objet, il eft à propos de dire un mot des inftrumens que j'ai employés, & de la manière dont je m'en fuis fervi ; par-là on pourra juger du degré de confiance qu’elles méritent. Ce détail d’ailleurs pourra n'être pas inutile à ceux qui entreprendront les mêmes travaux. IL. Il y atrois manières principales de mefurer la hauteur des mon- tagnes , par les opérations de trigonométrie , par le nivellement ordi- naire, ou par le moyen des baromètres. Entre autre chofes néceffaires our fe fervir de la trigonométrie, il faut pouvoir trouver fur le terrain une bar affez étendue pour qu’on puifle appercevoir de là le fommet de la montagne à mefurer; ce qui ne fe trouve pas aifément ; car il arrive quel- quefois qu'on prend une éminence pour le fommet de la montagne qui eft caché derrière : au moins n’eft-on pas sûr que ce 1 l'on regarde comme le fommet, le foit véritablement, & {ur-tout dans les monta- gnes adoffées les unes aux autres, au pied defquelles il n’y a pas de ter< rain aflez étendu pour découvrir jufqu'au fommer. III. Le nivellement ordinaire devient très-long , & comme imprati- cable dans les montagnes , à raifon, tant de l'irrégularité du terrain, que du petit nombre d’efpaces dont la pente fe prête à l'emploi du niveau pour chaque opération. IV. L’ufage du baromètre offre un moyen plus facile de mefurer la hau- teur des montagnes ; car cette opération ne demande que d’y tranfporter cet inftrument, & d'y obferver l'élévation du mercure en même temps Le autre perfonne fait fur un baromètre la même obfervation ans un terrain plus bas. Et de ces obfervations, lorfqu'elles font faites avec les précautions convenables , il eft aifé de conclure l'élévation d'un lieu fur un autre, Il eft vrai que, pour cette “opération ainfi que pour celle du nivellement ordinaire , il faut pouvoir atteindre au fommet de a montagne , ainfi qu'à celui de chacune des hauteurs qu'on veut mefurer. Maïs ces inconvéniens peuvent s’éviter , ou être diminués en grande partie, en combinant l’ufage du baromètre avec celui du niveau; d’où il réfulte une quatrième manière mixte d'opérer , par laquelle un obfervateur fe plaçant à différentes hauteurs d'une même montagne , peut mefurer l’élé- vation de toutes celles qui lui font vifibles des endroits où il eft placé, & qui n'ont pas leur fommet plus haut que la montagne même fur la- quelle il fait fes obfervations. Pour cela, il fufñt que de l'endroit de la montagne fur lequel il s'arrête, il apperçoive, avec le niveau , exactement difpofé, la cime de la montagne éloignée dont il cherche l'élévation, &c que dans le même endroit il obferve la hauteur du mercure. Par cette obfervation , combinée avec celle qui y correfpond , on connoîtra de combien l'endroit où on eft, eft plus haut que celui où on a fait en même temps une obfervation pareille ; & puifque cet endroit fe trouve, Tome XXPVT, Part.I, 1785. JANVIER. %0 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, par le nivellement, être au niveau du fommet que l’on apperçoit , on en conclura que ce fommet a aufli la même élévation; feulement il faut avoir Pattention , quand le fommet qu'onaen vue eft à une grande diftance, d'avoir égard, dans fon calcul, à la convexité de la figure de la terre; & de cette manière on peut mefurer même la hauteur des mon- tagnes inacceflbles, pourvu que leur fommet foit vifible d'une montagne à laquelle on puilfe atteindre , & qui ne foit pas plus baffle que ce fom- er. Il ny auroit donc que pour déterminer la hauteur de ces mon- tagnes où ces circonftances n’auroient pas lieu , qu'il feroit néceffaire d'avoir recours au procédé de la trigonométrie. V. On rencontre dans lufage de cette méthode une difficulté qui doit furprendre quiconque la met en pratique pour la premiere fois. 11 eft né- ceflaire , comme j'ai dit, pour cette opération, que l’obfervateur s’arrétant fur une montagne, s'aflure, par le niveau , qu'il eft à la même hauteut que le fommet qu'il a à mefurer. Pour cela, il faut donc placer l'inftru- ment dans un endroit d'où l'œil, recardant à travers le niveau, rencontre le: fommet dontil s’agit. Or , puifqu'un obfervateur, au fimple coup-d'œil, ne peut pas décider, même par approximation, fi un objet éloigné eft au niveau de fon œil , il faudroit que l'inftrument dont on fe fert pour s'en affurer, füt tel, qu’il püt fe tranfporter tantôt plus haut , tantôt plus bas, jufqu’à ce qu'on eût trouvé le véritable point. De tant de difficultés qui.s’oppofent, fur les montagnes à l'obfervation , celle-ci feule fufhroit pour rebutér l'obfervateurle plus patient. Pour y obvier, j'ai imaginé un niveau que j'appelle volant, parce que, pour plus grande facilité, on peut le-tenir à la main, quoiqu'il puiffe aufli s'adapter à un pied fixe. IL confifte en une lame de cuivre de 4 pouces de long ,.au milieu de, laquelle et fixé un niveau à bulle d'air, aux extrémités duquel eft une alidade. Fe- nant cet inftrument à la main de manière que la bulle d’air refte dans le milieu du niveau , & regardant au travers vers le fommet qu'on nivelle, il eft aifé de voir s’il s’en faut de peu ou de beaucoup qu’on en ait atteint le niveau ; & quand, en regardant ainfi , on rencontre le fommet même, on eft sûr alors qu’il eft exactement, à peu de chofe près , au niveau de l'œil, Ce niveau volant a l'avanrage, quand il eft manié par une main ‘affurée & fufifamment exercée, de fuffire tout feul pour niveller les ob- jets éloignés , fur -tout fi on n'a pas befoin d’une extrême préci- fion (1). VI. Pour mefurer la hauteur des montagnes, je me fuis fervi , tantôt du troifième, tantôt du quatrième moyen. J'ai employé des baromètres & thermomètres de la façon de Marco Saruggia, habile Mécanicien; ils (x) Ce que j'ai eu occafion de remarquer plufeursfois , m’étant rencontré avec le niveau fixe précifément fur Le même objet que m'avoit offert Le niveau volant. à i SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS, 11 font munis d’un nonius qui marque jufqu'a la 60° partie d'une ligne. Pour avoir un niveau exa@ , j'ai fait conferuire un réodolite avec difé- rentes pièces qui s’y adaptent & en rendent l'ufäge plus facile & plus sûr, J'ai difpofé le trépied fur lequel on place cet inftrumenr, de façon à pouvoir recevoiren même temps un baromètre qui doit fe trouver dans une fituation" verticale, telle que la demande l'exactitude de l'obfervation. A ceteffec, on applique, par le moyen d'une vis , à la platine fupérieure du trépied ,une fourchette de cuivre, à l'extrémité de laquelle s'élève un cône perpendiculaire au plan de la même platine; à ce cône eft adapté un tube conique , auquel eft attachée la partie poftérieure du baromètre , de façon que l’axe du tube foit parallèle à l’axe du baromètre. Plaçant donc Le séodolire fux fon pied , & le mettant de niveau, la platine & fa fourchette deviennent horizontales, & par conféquent le cône, & le baro- mètre qui y ft attaché , prennent une fitwation perpendiculaire à l'hori- zon. Aiofi , dans le même temps que le baromètre demeure fufpendu , pour qu'il fe mette à la température de l’air environnant, on peut diriger le-sodolite vers diflérens objets , fans qu'aucune partie de l'appareil éprouve d’ébranlement de ces différens mouvemens,. quoique le trépied ait des pieds mobiles , afin de pouvoir les monter à volonté dans les terrains iné- gaux des montagnes. perril ) Ë VIT. Toutes les fois que j'ai eu déterminé la hauteur, des montagnes par le nivellement, j'ai toujours cherché à m'aflurer fi le niveau étoit bien placé. Voici la manière qui m'a paru la plus prompte & la plus sûre de faire cette vérification. Après qu'on a mis le séodolite de niveau par le moyen des vis deftinées à cet effet, on lève la lunette d'approche, & on la remet fur le champ à la place : on remarque fi la bulle d'air du niveau , qui eft attachée à la lunette , fe remet au mème lieu où elle étoit auparavant : fi elle ne s’ÿ met pas, on cherche à l'y ramener en tournant. les vis deftinées à cela, & on répète la même opération, Quand , après avoir Ôté & remis la lunette , on voit la bulle d’air retourner & fe fixér à fa première fituation , alors il: faut faire faire nn tour entier à la platine qui porte la lunette; & fi, dans ce tour , la bulle d'air demeure à la même place, c'eft une marque que l'inftrument eft exactement de niveau, J'ai prefcrir la première opération, parce que la bulle d'air, qui ordi- _nairemement ne fe range que lentement au milieu du niveau, peut quel- quefois s'y fixer; à raifon d’un‘peu d’attraétion qui exifte entre le verre & lefprit-de-vin qui entre dans la compofition du niveau. Or, quand on ôte la-lunette , ia bulle d’air change de place ; & ainfi lattraétion , qui peut-être agifloir auparavant, cefle d’avoir lieu , & par conféquent, fi ! bulle d'air retourne à la première fituation, ce n’eft plus à l’aétion de F'ai- traction ou de quelque autre agent étranger , mais à la fiuation hori- zontale de la lunette, qu'il faut en attribuer la caufe. Quant à la feconde opération que j'indique , ileft clair que la bulle d’air reftant à la même Tome XXVI, Part, 1 ,1785. JANVIER. = B 2 12 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, place pendant tout le cour qu'on fait faire à la platine & au niveau, c’eft une preuve parfaite que Le plan dans lequel s'exécute le tour, ne penche ni d'un côté ni de l’autre, & elt parconféquentexactement horizontal. En effet, pour peu que ce plan fût incliné ou oblique, l’axe du niveau qui lui eft parallèle deviendroit aufli oblique en tournant ; &, par une fuite nécellaire, la bulle d’air changeroit de place. ‘ VIIL On doit faire cette épreuve avec plus d’exactitude , à proportion que les objets dont on veut prendre le niveau font plus éloignés; car la plus petite obliquité dans l’axe de la lunette d'approche produit une diffé- rence confidérable entre la manière dont Pobjet paroït élevé, & fon élé- vation véritable. Or, comme le seodolite eft ordinairement compofé de plufieurs pièces qui font amovibles, pour la commodité du tranfport, & qu'en outre elles fervent à plufeurs ufages , dont quelques-uns demandent qu'on donne divers deotés d'inclinaifons au demi cercle fur lequel la lu- nette eft appuyée, il eft dès-lors très-difiicile d’avoir la précilion qu'on défire, lorfqu’on fe fert du réodolire pour Le niveau. En effet, cette exac- titude du niveau tient à mettre toutes les pièces dans La même fituation que leur a donnée l'ouvrier au moment où il les a conftruites , après avoir cffayé l’inftrument avec tout le foin poflible, Mais une fois que quelques pièces ont été dérangées de Leur ftuation , il eft prefque impotlibie qu'elles la reprennent exactement. [l eft fi aifé de ferrer trop ou trop peu les vis ou les écrous dont on fe fert pour fixer les morceaux du séogolite ; & il ne faut que cela pour produire Es différences dans leur fituation, C’eft ce qui n'a fait imaginer de fixer dans la platine fupérieure du réodolire deux pieds deftinés uniquement à porter la lunette, quand l'inftrument doit fervir fimplement d’un niveau exa@, Leur plan eft proportionné au tuyau de la lunette, & il y a à chacun d’eux un trou deftiné à recevoir les clous à vis attachés à ce tuyau. C’eft pourquoi , en mettant la lunette d'approche fur fes pieds , elle prend néceffairement une fituation parallèle à la platine qui eft pofée au-deffous. De cette façon, j'ai encore acquis une plus grande faci- lité pour difpofer l'inftrument , & j'ai pu adapter les mêmes pieds à l’'u- fage de l’alidade. Pour faire tourner plus également la platine & la lunette, & en même temps diriger celle ci plus sûrement vers l’objet, j'ai fait ap- pliquer au-deflous de la platine une roue dentée , qui fe meut par le moyen d’un rouet également denté, IX. Quant aux calculs des hauteurs que marquent les baromètres , j'ai tou- jours fuivi Les règles du célèbre Schuckburg ; & de peur d'y faire quel- que erreur d’arithmétique , j'ai toujours recommencé mes opérations , en faifant la première fois différemment de la feconde ; & , outre cela , j'ai eu foin de faire Les correctifs que demandoient les différens degrés de tem- pérature fur la colonne plus chaude ou plus froide, X. Tout cela pofé, je vais paffer à déterminer l'élévation des princi- pales plaines de la haute-Lombardie, Sous ce nom, j'entends la partie SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 13 de cette Province qui eft comprife entre le grand canal & celui de la Martefane ; le lac de Côme , avec cette partie de P'Adda qui finit où le canal dela Martefane commence fon cours; la portion des Etats d’Autriche qui confine au lac de Lugano, ainfi qu’à la rivière de Trefa qui fort de ce lac ; enfin, le lac majeur avec le Teflin, jufqu’à l'endroit de cette ri- vière où prend le grand canal, par où l'on voir que Milan eft fur les confins de la haute & de la baffle Lombardie. La plaine dans laquelle eft firuée cette Capitale , eft plus haute que le niveau de la mer de 201 braf- fes = environ ; ce que j'ai eftiméide la manière qui fuit : premièrement, d’après Le nivellement fait exactement par le célèbre Profeffeur M. Frifi Clnfl. de Mécanique , pag. 130), le fond fixe du grand canal de naviga- tion à la roche Carlefca , fituée près de la réunion des deux canaux, à 91 brafles 2 on. 9 points & = de haut au-deflus de l'égout de Pavie, qui fe décharge dans le Teflin, ou du niveau plus bas de ce fleuve ; enfuite, depuis cet égout jufqu’à l'embouchure du Teflin dans le P6 , ce qi fait un efpace de 3 milles environ, il ne doit pas y avoir plus de 6 brafles de pente: car lorfque dans les grandes crues du PG,fes eaux remontent parle Teflin jufqu'à Pavie, cette dernière rivière ne s'élève pe à Pavie de plus de 9 brafles au-deflus de fon niveau ordinaire, Ainfi, en ôtanc trois brafles pour la crue du Teflin occafionnée par les eaux du P6 , il reftera 6 brafles de pente du Teilin depuis Pavie jufqu’à fon embou- chure. Enfin, on fauroit au jufte l’élévation de l'embouchure du Tefin au-deflus du niveau du golfe de Venife , fi les différens nivellemens qu’on a faits fur le P6 en particulier , à l’occafion des recherches touchant les eaux de Bologne, fe rapportoient exa@ement : mais il eit refté beaucoup de doutes fur cet objet, à raifon, tant de la difficulté de reconnoître la pente du fond de ce fleuve, que du différent état de fes eaux à l’épo- que où ont été faites ces opérations, Je puis néanmoins faire ufage de ces travaux, quel que füc l’état des eaux du PÔ lorfqu'ils ont été faits, parce que mon objet n'eft point de connoître la pente de ce fleuve pour elle-même, mais feulement pour en.inférer l’élévation de certains points donnés} au-deflus du niveau de la mer. Parmi ces nivellemens faits fur le P6, je choifirai ceux qui n'ont femblé plus ‘'exaëts , d’après un examen férieux que j'en ai fait, & j'en conclurai par approximation la pente du fleuve dans les endroits même dont je n’ai point trouvé de nivel- lement de fait. D'abord donc, depuis Tragherto jufqu’à l'embouchure du PO , qui fe nomme de Primaro, dans la mer , il ya, felon la vifite de Corti , faite enx761, 10 pieds Bolonoïis, ou 11 au plus de pente ; ce qui fe réduit à 4onces environ par mille , puifque cet efpace eft de 36 milles de Traghetto à Vigarano ; ce qui forme une étendue de 15 milles, Gupglielmini compte 6 onces environ par mille. De Vigararo à Stel- lata , il y a à peu près la même pente d'eau qu’entre Stellata & lembou- chure du Mincio dans le P6: & Manfredi compte 7 onces par mille pour 14 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, ce dernier efpace , qui eft de 10 milles & demi. Le même Auteur donne à l'étendue qui fe trouve entre la Stellata & l’embouchure du Mincio dans le Pô, une pente de 8 onces & demi par mille; & comme le P6 a plus de pente à proportion qu'il avance davantage de fa fource, je prendrai 8 onces par mille depuis l'embouchure du Mincio jufqu'à Cafal - Majeur; ce qui forme un efpace de 47 milles 10 onces aulli par mille, dans les 47 milles qu'ily a de Cafal-Majeur à Crémone ; enfin, 11 onces par mille dans les ÿ4 milles qu’on compte de Crémone à l'embouchure du Tellin. Réduifant donc les onces Bolonoifes dont je me füuis fervi pour afligrer la pente du PÔ, en onces Milanoïfes ; c’eft à-dire, prenant 7 on- ces : de Milan pour 12 onces de Bologne, on aura environ 10$ braffes pour l'élévation de l’embouchure du Telin fur le niveau de la mer Adriatique , & par conféquent l'élévation de Milan fur le niveau de cette mer ; fera , comme je l'ai dit, de 201 braffes ? environ. Il ne doit pas y avoir de différence fenfible de cette élévation à celle de Ja même Ville fur le niveau de la méditerranée. XI, Une autre plaine très - érendue de la haute-Lombardie ef celle que formentles eaux du lac de Côme. Ce lac , que les Anciens nommoient Larius, eft principalement formé de ’Adda , qui s'y rend de la Valteline. IL fe fépare vers Varenne en deux branches, l’une defquelles va fe terminer à la ville de Côme; l'autre pafle au Bourg de Lecco, où elle fe décharge en formant de nouveau l’Adda, qui , d’un cours tantôt lent, tantôt rapide, continue fa route vers Brivio ,& de là à Trezzo, où preud le canal de navigation de la Martefane, qui vient jufqu’à Milan, L'Adda va de Trezzo à Lodi, & fe décharge dans le Pô entre Plaifance & Crémone, après avoir arrofé Pizzighelone. Voici comme je fuis parvenu à déterminer l’é- lévation du lac de Côme au-deffus de Milan. En mefurant la hauteur du Lac depuis Lecco jufqu'au pont par le moyen du baromètre, j’ai trouvé qu'il éroit plus élevé que l’Adda , au-deffous de Trezzo , de 135 braffes =. Pour déterminer cette élévation dans cet efpace qui eft d'environ 21 milles, j'ai fait quatre opérations correfpondantes; la première ,de Lecco à Olgi- nate; la feconde, d'Olginate à Brivio; la troifième , de Brivio à Paderno; la quatrième, de Paderno à l’Adda, près Trezzo, vers Le commen- cement du canal de navigation de la Martefane. On fait, par les ni- vellemens que les Ingénieurs de la Chambre ont faits anciennement , que de- puis Le comm£ncement du canal de la Martefane jufqu'à Milan, il y a 30 braf- fes® de pente; & que depuis cet endroit jufqu’àfa réunion au grand canal , aflez près de la roche Carlefca ; il y a treize autres braffes de pente: d’où il fuit que le niveau du lac de Lecco eft élevé de 178 braffes au-deflus de celui de Milan, & par conféquent il fera de 389 brafles Z environ plus haut que celui de la mer, & ce {era l'élévation du refte du lac de Côme, puilqu’il ne peut y avoir de différence fenfble du niveau d’un point pris dans la partie haute, d’avec un autre point pris dans la partie baife du PA SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. @$ fac. Il eft bon d’obferver que le niveau du lac eft fujet , dans les crues d’eau , à des variations qui ne paflent cependant jamais la haureur de 4 brafles , & que, dans le temps que j'ai fait mon nivellement (cétoit vers la mi-feptembre 1779), le niveau du lac étoit à fa hauteur ordi- paire, XII. Le lac de Lugano, qui eft en partie du côté de la Lombardie Autrichienne, forme une autre plaine qui, felon le nivellement qui en a été fait par les Ingénieurs publics dans le feizième fiècle, éft élevée de plus de 100 brafles au-deffus du niveau du lac de Côme. J'ai cherché à vérifier ces mefures par le moyen du baromètre; mais mes obfervations ayant été faites dans un temps pluvieux & variable , j'ai cru devoir les né- gliger. Je n’entiens donc, jufqu'à cette heure, à la mefure ancienne, de laquelle il fuir que le niveau du lac de Lugano eft plus élevé que celui de Milan de 481 braffes =. XIIL Du lac de Lugano fort la Treza, qui va fe décharger dans le lac majeur, après un cours d’environ 8 milles. Quoique cette rivière foit rapide , elle ne paroît pas avoir plus de 8 brafles de pent+ par mille l'un portant l’autre, & par conféquent le fac de Lugano eft plus élevé que le lac majeur d'environ 64 brafles. XIV. Puis donc que le lac de Lugano eft plus haut de 100 braffes que le lac de Côme, il s'enfuit que le lac majeur l'eft de 36 plus que le lac de Côme, & conféquemment qu'il eft élevé de 417 brafles = au-deflus du niveau de la mer. Ce lac, que les Anciens nommoïent Werbano, eit principalement formé du Teflin, qui prend fa fource dans les Alpes lépon- tines, au mont Saint-Gothard, Il fe prolonge jufqu'à Sefto Calende, dans une étendue d'environ 44Wmilles, & là, fes eaux ; reprenant leur cours , forment de nouveau le Teflin, Cette rivière va de là à l'endroit appelé Cafa della Camera, d'où l’on a tiré le grand canal , pañle à Pavie, & fe décharge enfuite dans le Po. : XV. D'après cet expofé de l'élévation des principales plaines de a haute-Lombardie, ainfi que des différentes pentes du P6 , il eit aifé de conclure telle des deux principales rivières qu'il reçoir ; je veux dire TAdda & le Teffin. En efféc, en calculant la pente du P6, comme nous l'avons fait plus haut (n. 10), on trouve que Crémone eft élevée de 78 brafles + au-deflus du niveau de la mer; & lAdda ayant fon embou- chure dans le PÔ , environ 4 milles au deffus de Crémone, c’efta-dire, étant plus élevé que cette Ville de 2 brafles =, l'élévation de l’Adda fur le niveau de la merfera de 81 braffes. Otant donc ces 81 brafles de 380 -, qui eft l'élévation de l’Adda , depuis fon commencement juf- qu'au pont de Lecco, on aura environ 2090 brafles - pour la pente de LES ; à compter depuis le pont de Lecco jufqu'à fon embou- chure, XVI, Quant au Tefin, l'endroit où il fe jette dans le PO eft à 105$ 16 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, braffes au-deflus du niveau de la mer , comme on l’a déjà dit (n. 10). Otant donc cette fomme de 417 +, à quoi fe monte l'élévation du lac 129 majeur ou du Teflin à l'endroit où il reprend fon cours au-deffus du ni- veau de la mer, il reftera 312 brafles - pour la pente du Teflin, à compter de Seffo Calende jufqu'à fon embouchure. On fait d’ailleurs que le bâtiment de la Chambre , où l'on a tiré du Teflin le grand canal de navigation, eft élevé au-deflus de Milan de 57 brafles +, puifque c’eft à cela que les Ingénieurs publics ont porté la pente de ce canal jufqu'à Milan , dans les mefures qu'ils en ont prifes. De plus , cette Ville, comme je lai déjà dit, a 97 brafles d’élévation au-deflus de l'embouchure du Teffin : donc l'hôtel de la Chambre fera plus élevé que cette embouchure de 1$4 brafles +, & c’eft à quoi fe montera la pente du Teflin entre ces deux points. Ainli, ôtant 154 + de 312 5, pente totale de cette ri- vière, il refte 158 braffes pour la pente du Teflin , depuis Seffo Calende jufqu'au bâtiment de la Chambre (du canal). XVIT. Par Les mefures énoncées ci-deflus, on peut connoître l'élévation de chaque Ville du Duché de Milan au-deflus du niveau de Ja mer. Ainf, Milan eft élevée de 201 brafles?; Pavie, de 111 3 Côme, de 380 ; Crémone, de 78 + (n. 10); Cafal majeur, de $3 5. Quant à l'élévation de Lodi, je crois qu'on peut la déterminer de la manière fuivante. La pente de l’Adda , depuis Lecco jufqu’à fon embouchure , eft de 313 braf- fes (n. 15); de Lecco à Trezzo, elle eft de 135 brafles (n. 11): donc l’Adda, depuis Trezzo jufqu'à fon embouchure , aura de pente 177 brafles . Dans cet efpace, l'Adda a un cours affez égal; mais comme il coule avec plus de rapidité dans la partie qui eft au-deflus de Lodi, que dans celle qui eft au-deflous, of peut donner à celle-là en- viron $ brafles de pente par mille, Y ayant donc 17 milles de Trezzo à Lodi, la pente de la rivière , dans cet cfpace, fera d'environ 85 brafles, lefquelles étant ôtées de 117 Z, il reftera à l’'Adda environ 92 brafles de pente depuis Lodi jufqu'à fon embouchure. Ajoutant cette dernière fomme à 81 brafles, qui eft l'élévation de l'embouchure de l’Adda au- deflus du niveau de la mer, on aura 173 brafles pour l'élévation de Lodi au-deflus du niveau de la mer. XVIIT, A près avoir déterminé l’élévation des principaux lacs , rivières, Villes & autres endroits des plaines de Lombardie , il me refte à parler de celle de fes plus confidérables montagnes. Je commencerai par la plus haute; je veux dire celle qu’on appelle communément Legnon , que Jove nomme Liveoñis catena , & d’autres Lineon : elle eft fituée vers le commen- cement du lac de Côme, & confine du côté du nord avec la Valteline. Je m'acheminai donc dèsle mois de Septembre 1779 vers le fommer du Legnon, tant pour en déterminer la hauteur, que pour prendre en même temps le niveau des montagnes que je pourrois appercevoir de ce fommet ; SUR L'HIST. NATURELLE ETILES ARTS. 17 fommet; mais la neige épaifle qui y tombe fréquemment dans cette fai- fon, mit obftacle à mon travail. Je gardai pourtant la note des obferva- tions quej'y fis fur le baromètre à différenres élévations , jufqu'à celle de Vicina , qui eft à plus de la'moitié de la hauteur de coute la montagne. J'y retournai au commencement d'Août 1780, pour faire mes obferva- tions , & j'eus alors un temps plus favorable. Je me tranfportai donc à la hauteur de Vicina ; j'y laiffai un obfervateur avec un baromètre, & étant parti de (à, j'arrivai à la cime du Legnon vers les fix heures du foir : j'y établis aufli-tôt mes inftrumens; & pendant que le baromètre fe mettoit à la température de l’atmofphère environnant , je pris le ni- veau des plus hautes montagnes de la Lombardie qu’on peut appercevoir de cet endroit, & je reconnus qu’elles font toutes plus baffes que le fom- . met du Legnon. Le temps fut calme & ferein pendant l'efpace d’une heure que dura l’obfervation du baromètre , qui fe maiutint à 20 pouces 10 lignes, tandis que le thermomètre qui y étoit attaché, marquoit 13 degrés; & un autre qui n’y étoit pas attaché, 11 degrés &>. Dans l’obfervation correfpondante qui fe faifoit à Vicina, le baromètre fut à 23 pouces 11 lignes +; le thermomètre qui y étoit attaché, à 14 degrés 5 & celui qui ne l’étoit point , à 14 degrés ?: d’où je conclus qu'il y a de la montagne de Vicina à la cime du Legnon 630 toifes 7? ou 2062 brafles Milanoïfes & ?. Mais le même mont Vicina , d’après les obfervations que j'ai faitesen 1779 , eft élevé de 2259 brafles + au- deffus du lac de Côme à Dervio ; donc le fommet du Legnon eft plus haut que Le niveau du même lac de 4321 braffes 5. En y ajoutant 380 brafles ,-= pour lélévation du lac fur la mer (n°. 11), on verra que lélévation de la cime du Legnon au-deflus de la mer eft de 4701 brailes F3 ce qui revientà 1440 toïfes de Paris. XIX. Voici les obfervations par lefquelles je fuis parvenu à avoir l’'é- lévation de Vicina au-deflus du lac, Dans la première, faite à Dervio, dans la maifon de M. Barelli, le baromètre étoit à27 pouc. 0 lig. ? ; le ther- momètre attaché, à 19 degrés; l’autre, à 18. A Tremenico , dans la maifon du Curé, le baromètre fut à 25 pouc, 10lig.; lethermomètre atra- ché ; à 17 deurés =; celui qui ne l'étoit pas, à 17 degrés: d’où il fuit que Tremenico eft plus élevé que Dervio de 1056 brafles 6, 9. XX. Dans la feconde obfervation à Tremenico , le baromètre fe tintà 310 lignes +; lethermomètre attaché, à 15 degrés À ; l’autre thermomètre 14 degrés. À Vicina, le baromètre fut à 23 pouc. 9 lig. = ; lethérmomètre attaché, à 13 degrés =; l’autre à 11 degrés. Il réfulte de là, que Vicina eft plusélevé que Tremenico de 1194 brafles, 6. 6. XXI. Ajoutant donc à ces deux hauteurs 8 brafles , dont la maïfon de M. Barelli éroit plus élevée que le lac, on aura les 2259 braffes & que je annoncées ci-deflus, pour l'élévation de Vicina fur Le niveau du mème ac. Teme XXVT, Part. I, 178$. JANVIER, C 18. OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, XXII. Quant à la fituation du Legnon , il eft dans cette chaîne de montagnes à laquelle il tient; & forme, pour ainfi dire , une prefqu'île; car il eft entouré de trois vallées qui le rendent ifolé ; favoir , de la partie de la Valteline qui confine avec le Milanez ; de la portion du lac de Côme, 4 eft comprife entre la plaine de Colico & Dervio ; enfin , de la vallée e Varron , qui s’étend depuis Dervio jufqu'à la Valfafine, Cette efpèce de prefqu'ile de montagne touche aux autres montagnes de la Valfafine même, & à celles de la Valteline , qui font à gauche de lAdda. Une par- tie même du Legnon eft de la Jurifdiétion de la Valteline , & on voit fur le fommet de la montagne une pierre pofée pour marquer les bornes. Cette fituation ifolée du Legnon rend fon élévation remarquable. Si on compare fa hauteur avec celle que M. de la Condamine a prife fur les plus hautes montagnes de l'Amérique méridionale, le Pitchincha & Le Coraçon, ainfi qu'avec celle qu'ont trouvée MM. du Luc & de Sauflure fur la cime du Buet , on fera porté à croire que , pour la hauteur , il y a autant de différence du Legnon à ces montagnes , qu’il y en a d'une maifon ordinaire à un clocher, & que monter au haut de celle-là, n’eft qu'une promenade & un jeu , en comparaifon des peines qu’ont eues ces infatigables Phyfciens pour parvenir à établir un baromètre fur le fom- mer des montagnes mentionnées ci-deflus. Mais il s’en faut bien que les chofes foient ainfi. Il eft bien vrai que la cime du Legnon n’eft élevée au- deflus de la mer que de 1440 toifes, au lieu que le Pitchincha l'eft de 2430; le Coraçon , de 2470 , & le Buet, de 1578 + Mais il faut pren dre garde que dans ces hauteurs, qu'on appelle abfolues, on comprend auñi l'élévation du fol fur lequel ces montagnes font fituées. Or , cette dernière élévation ne doit point entrer dans l’eftimation de la hauteur propre des montagnes, puifqu’elle leur eft commune avec le fol fur le- quel elles font, On doit donc en faire abftraction ; & pour avoir la hau- teur propre ou abfolue d'une montagne, il faut calculer feulement celle qu'elle a perpendiculairement depuis fon pied jufqu'à fon fommet. Or , la hauteur propre du Legnon, à compter de pied de cette montagne, fituée dans la plaine de Colico ou du lac de Côme, eft de 1320 toifess celle du Pitchincha, de 1070; & celle du Coraçon, de 11103 car ces montagnes ont toutes deux leur bafe dans le territoire de Quito, qui eft plus élevé que la mer de 1460 toifes, & qui a très peu de pente. Enfin, vil ne refteau Buet que 908 toifes de hauteur propre , puifque, felon M. de Sauflure , Le pied du Buet eft à un endroit appelé Coureraï , qui a 670 : de hauteur au-deflus du niveau de la mer, & où on arrive commodément, même à cheval ; par où l’on voit que la hauteur propre ou relative du Legnon eft de beaucoup plus confidérable que celle des autres montagnes dont ie viens de parler; & puifque le fommer du Pitchincha & du Cora: çon en Amérique , & celui du Buet en Europe, font les montagnes les plus élevées auxquelles foient parvenus les Phyficiens, il eft clair que le Le- SUR L'HIST, NATURELLE ET LES ARTS. 16 gnon furpafle en hauteur relative les montagnes les plus élevées d'Europe & d'Amérique, qui font acceflibles, dont nous ayons eu des defcriptions jufqu'ici. É XXIIT. Cette diftin@ion entre les hauteurs abfolues & Les hauteurs re- fatives des montagnes , à laquelle, jufqu'ici , les Minéralogiftes n’ont pas fait affez d'attention , eft d’une grande importance par rapport à la confti- tution phyfique de la terre , & à d’autres objets dont je parlerai plus bas; & le Legnon, tant à raifon de ce qu'il eft ifolé en grande partie, qu'à raifon de fa hauteur relative fi confidérable , eft intéreflant pour les Phy- ficiens , parce que ces circonftances le rendent très-propre à différentes expériences. ; XXIV. Si, d’après cela, il prenoit envie à quelqu'un de s’y tranfpor- ter , pour arriver plus aifément au haut de la montagne , voici le chemin u'il y auroit à prendre : on pourroit d’abord monter à Pagnone , terre élevée au-deflus du lac de 218 toifes, & fituée au pied le plus haut du Legnon; de là à fon fommer, il reftera encore à faire 1102 toifes de hauteur perpendiculaire; c’eft-à-dire , 194 toifes de plus qu’il n’y en a du pied du Buet fitué au Couterai, à fon fommet, La premiére moitié de ce chemin, jufqu'au mont de Vicina , eft affez commode ; le refte eft très- efcarpé, & dangereux en différens endroits. Le péril qu’on y court vient principalement d’un foin fauvage qui y croît jufqu’au fommet. Comme il eft long & épais , en fe verfant, il forme de petites avances fur la pente des montagnes , & préfente une furface unie , qui cache un vide au-deffous d'elle ; de Aa que fi on y metle pied, on tombe infailliblement , fans ar ed quelquefois fe relever; de plus, par un temps fec, ce foin eft 1 glifant, qu'il n'eft pas poñfible de s'y foutenir, à moins qu'on r’ait le foulier armé de pointes, Ainfi , il n’eft pas moins difficile de marcher fur les pentes couvertes de cette herbe, que de voyager fur les glaces & fur les neiges. Pour arriver avec moins de rifques & de difficultés de Vicina au haut du Legnon, il eft à propos de diriger fa marche du côté de la vallée de Daven, & de monter de là à la porte des Merles, d’où enfin on arrive au fommet. On y peut monter aifément depuis Pagnone en fepe heures de temps. F XXV. Pour revenir aux obfervations que-je fis fur le Legnon, je m'oc- cupai principalement à prendre, par le moyen du niveau, la hauteur de différentes montagnes, À cette fin, je paflai la nuit au mont de Vicina, pour me tranfporter le jour fuivant à différentes élévations de cette mon- tagne; & le même jour, il y avoit à Pagnone un autre obfervateur qui marquoit à chaque heure la hauteur du baromètre pour les obfervations correfpondantes, Voici quel en fut le réfultat. Le mont appelé Mucio , qui fe termine au lackentre Bellano & Dervio, a fa cime élevée au-deflus du lac de 2013 bras, Je trouvai que la montagne qui s'élève entre Pia- Tome XXVI, Part, I, 1785. JANVIER. C 2 20 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, nello & Rezzonico, étoit au niveau de la Roche de Rigo, où je faifois mon obfervation , & qui a 2937 brafles au-deflus du lac. La cime du Legnoncin, qui eft une branche du Legnon , étoit, à peu de chofe près, au niveau de la Cafline de Gryères, qui eft plus haute que le mont de Vicina, & a 2244 brafles au deflus du lac. En général, les monts qui coroyent le lac de Côme, depuis Rezzonico, Bellano & au dela, font, pour le moins, 2900 braffes au-deflus du lac, & ils font moins élevés à mefure qu'ils approchent plus dela fin du lac. Entre les montagnes qui touchent immédiatement à celles du Lario, les plus élevées, après le Legnon , font le Cardinel de Camed , fitué dans la paroïfle de Dongo, & le mont Cauriafque dans celle de Levo. Voilà ce qui regarde les monta- gnes du lac de Côme. pra XX VI. Quant à celles de la Valfafine, qui font également vifibles en grande partie du Legnon, les deux plus hautes font le Grignon & le Varron , qui font , comme je l'ai dit, un peu moïns élevées que le Le- gnon. Le Grignon s'élève à la gauche de la vallée de Pioverne, & fe fé- pare vers la gauche du lac de Lecco en différentes branches , qui forment vers le bord du lac autant de montagnes d'une moindre élévation. Le Var- ron eft fitué à l'extrémité de la vallée de ce nom, où fon fommet con- fine deux Etats, celui de Venife & celui des Grifons ; d’où vient qu’on l'appelle le pic ou le fommet des trois Seigneurs. Les autres montagnes de fa Valfafiné ne font pas élevées à plus de 3000 brafles au - deflus du lac. XXVII. Une autre chaîne de montagnes très-élevées eft celle que forme Le val Cavargna; elle ef fituée entre le Luganois & les paroifles de Me- nage , Porlezza & Dongo. Les montagnes ni pee hautes qu’on y trouve , font les pics de Piazza-Vacchera & de Sana-Vecchia. Je trouvai celle de Piazza-Vacchera plus haute que la paroïffe de Saint-Nazarro de 1446 brafles. La paroifle elle-même a 1244 brafles au-deflus du lac de Por- lezza ou de Lugano , & par conféquent Piazza-Vacchera eft plus élevée que le lac de 2690 brafles. Les circonftances ne me permirent pas de monter jufqu’au fommet de cette montagne, maïs il ne me parut élevé au-deflus de l’éminence elle-même que d'environ 600 brafles. Ainfi , toute la hauteur du pic de Piazza- Vacchera au-deflus du lac , eft d’en- viron 3290 brafles, Le pic de Sana-Vecchia, fitué dans la paroïfle de Cavargna-la-Grande, a , à peu de chofe près , la même élévation. Les au- tres montagnes de cette vallée vont en diminuant, à mefure qu'elles def cendent vers le même lac. - XXVIIL. Quant à celles qui font fituées fur, la rive Autrichienne du lac de Lugano, elles font d’une hauteur médiocre. Pour en prendre le niveau , je me tranfportai à la cime des Sepr-Bornes , qui eft une montagne à peu de milles de diftance du pont de la Trezza.Jemrouvai qu’elle étoit SUR LHIST. NATURELLE ET LES ARTS. 21] plus haute que le lac de 1200 brafles, & les autres montagnes de cette partie de la Lombardie Autrichienne ont à peu près la même élé- vation, XXIX. De cette cime, je vis, par le moyen du niveau, que l’églife de Notre-Dame-du-Mont, & la montagne qui s'élève derrière le lac de Ghirla, font un peu moins élevées que cette cime même : au contraire les montagnes qui cotoyent la vallée Cuvia , font plus hautes que la cime des Sepr-Bornes. | XXX. Enfin, pour reconnoître la hauteur des montagnes fituées le long de la rive Autrichienne du lac majeur , je me tranfportai au fommet de la montagne de Laveno , appelé la cime de l’Orfera ; j'y eusà combattre une nouvelle efpèce d'ennemis des obfervations minéralogiques: car les obf- tacles ordinaires font la fatigue du chemin ; l’ardeur du foleil., les vents, la pluie , la neige. Ici, à cout cela fe jeisrie une nuée de fourmis volantes, qui m’attaquèrent de tous côtés, ait que ceux qui étoient avec moi, & par la douleur de leur piqûre & l'igcommodité de la démangeaifon qu’elles nous causèrent , en s’acharnant apyès nous, nous empêchoient de penfer à autre chofe qu’à elles. Allümer un grand feu eût été un bon moyen de s’en débarraffer. A défaut du féu, nous n’eûmes d’autres ref fources que d’agiter l'air avec des branches d’arbrifleaux, pour féparer, diffiper, ou au moins éloigner ces infectes importuns. Je pus par-là faire mes opérations, quoiqu’à grande peine. Le baromètre fut à2ç pouces = ; le thermomètre attaché ,à 20 degrés +; celui qui ne l’étoit pas, à 19 deg. À, A Laveno,lebaromètre monta à 27 pouc. 6lig. : le thermomètre attaché, à 19 degrés À; l'autre, à 19 degrés & demi; & l'endroit de l'Auberge “où fe failoit l’'obfervation, étoit élevé d’environ 9 brafles au-deflus du Jac ; d’où il réfulte que la cime de l'Orfera a 2200 braflès de hauteur au- deffus du lac majeur. XXX[. Prenant enfuite le niveau des montagnes Autrichiennes du même lac, qui font vifibles de cette cime, je reconnus que celles qui font au-deffus de ce bourg, font plus élevées que cette cime; de façon cepen- dant qu'elles n’ont pas plus de 3000 brafles de haut; au lieu que celles qui font au-deffous du bourg, font plus baffes que la même cime: & parmi celles-ci, rant celles qui fonc vilbles de la cime, que les autres qui s'étendent jufqu'à Seffo Calende , toutes ont moins de 2200 brafles de haut , comme je lai reconnu en Les examinant à d’autres en- droits. XXXII, D’après l'élévation des montagnes fituées dans la plus haute partie de la Lombardie, que je viens d'expofer , on conclura aifément que fes plus hautes montagnes font celles que cotoyent la partie fupérieure du lac de Côme, & qui vont s'unir avec Les montagnes de la Valfafine, de la Val Cavargna, des paroifles de Dongo, Domafo & Sorico. De ces montagnes de la plus haute Lombardie, il fe détache , du côté de la 22 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, baffe , d'autres montagues moins élevées , qui deviennent de plus en plus bafles, à mefure te s’éloignent de leur origine, formant diverfes col- Lines qui fe changent enfin en pentes douces qui vont aboutir dans la vafte plaine formée par la grande vallée du P6, qui fe joint à la plaine convexe de la mer, XXXIII. L’'élévation de nos plus hautes montagnes fait naître quel= ques réflexions, fur lefquelles il eft à propos que nous nous arrêtions un peu: Premièrement , on peut remarquer que le Legnon & les autres mon- tagnes les plus hautes de la Lombardie font fituées à peu près dans le même climat que les montagnes glacées du Faufligny en Savoye, qui ne font guère plus élevées que celles-là. De là on eft porté à de- mander pourquoi ces mêmes montagnes ne font pas aufli con- tinuellement couvertes de glaces & de neige , fur-tout fi on fait attention qu’en plufieurs endroits de la Savoie on trouve des glaces perpétuelles à une élévation bien moindre que celle des montagnes dont nous avons parlé. Pour fatisfaire à cette queltion, il faut diftinguer deux climats, le géographique & le phyfique. Le premier tient à la dif- tance d’un lieu à l'équateur ; le fecond dépend des circonftances phyfi- ques. À raifon de la diftance où un lieu eft de l’équateur, il reçoit plus ou moins de la chaleur du foleil, & par conféquent fon climat eft plus ou moins chaud , à proportion de ce qu'il eft plus ou moins éloigné de l'équateur. Mais le climat géographique reçoit plufieurs modifications par des circonftances qui forment le climat phyfique. Telles font la hauteur , tant abfolue que relative du lieu, fon “inohien à certains vents, fa fi- tuation par rapport au terrein qui l’'environne , &c. Ainfi, nous favons que. plus un lieu a de hauteur abfolue au-deffus de la mer , plus il doit être froid : car l'air étant plus rare à mefure qu'on eft plus éloigné de la fur- face de la terre , il doit moins fe fentir de la chaleur du foleil : d’ailleurs ileft aifé de démontrer , qu'à circonftances égales, de deux lieux qui ont la même hauteur abfolue, celui qui aura une plus grande hauteur re- lative ou propre , fera dansun climat phyfque moins chaud. La raifon eneft, que celui-ci fe trouvant à une plus grande diftance du terrain qui lui fert de bafe, la chaleur qui s’y réfléehit de ce terrain , doit y arriver en moindre quantité , & avoir perdu de fa force. Ainfi , un lieu qui , en vertu de fon climat géosraphique, devroit avoir un certain degré de chaleur, peut devenir moins chaud à raifon de fon climat phyfique, qui eft plus froid, De la modification que ces deux climats reçoivent l’un de l’autre , il fuit que , fous l'équateur, la région des glaces & des neiges continuelles commence à des hauteurs beaucoup plus confidérables que dans d’autres endroits, & que ces hauteurs vont toujours en diminuant à mefure qu’on approche des pôles. Ainfi, fous les pôles, les glaces perpétuelles com- mencent au niveau de la mer, & même continuent duos à des pro- fondeurs confidérables, En effet, la région des neiges perpétuelles com- SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. _ 23 mence dans le voifinage de l’équateur, c’eft-à-dire, dans la province de Quito, à une hauteur abfolue de 2430 toifes au moins. Dans les mon- tagnes qui font comme au milieu entre l'équateur & les pôles ; c’eft-à-dire, environ vers le 45° degré de latitude , comme font celles de Suifle, on trouve la neige à une hauteur abfolue de 1500 toifes ; & vers les pôles , elle commence au niveau de la mer. On doit entendre ces limites de la région des neiges continuelles en ce fens, qu’elles ne com- mencent à le devenir dans les différens climats qu'aux hauteurs que nous avons indiquées. Mais quand une fois elles y font ‘perpétuelles , elles peu- vent fe continuer & fe prolonger de proche en proche à une hauteur moindre que celle que nous avons marquée, parce que Le long féjour des neiges & des glaces dans les endroits élevés , change le climat phyfique , même des lieux voifins plus bas, & le rendant plus froid, fait durcir la neige & geler l'eau, Tout cela nous fournit une réponfe claire à la quef- tion propofée. Il eft bien vrai que nos plus hautes montagnes font fituées à 46 degrés environ de latitude feptentrionale , comme le font les mon- tagnes glacées de Faufligny ; mais aucunes d'elles n’a une élévation fufi- fante pour que les neiges y deviennent perpétuelles dans une étendue con- fidérable ; car il faudroit pour cela une hauteur d’un peu plus de 1500 toifes, qui eft celle que demandent les montagnes de Suifle qui font un peu plus feptentrionales que les nôtres. Auñfi les glaciers du Faufligny ont- ils cette élévation, puifque celui du Buet, qui n'’eft pas la plus haute de ces montaghes , a 1578 toifes, Que fi, dans cette Province, on trouve des glaces à une hauteur moindre que celle de nos montagnes, comme font les glaces fituées daus la vallée de Chamony , qui n’ont que 600 toi- fes au-deflus de la mer, la raifon en eft, qu’elles font une continuation des glaces qui fe font formées auparavant à une hauteur plus confidérable. En effet, les glaces de cette vallée font au pied du mont Blanc, qui eft la montagne la plus élevée de l’Europe , & prefque toute couverte de neige & de glaces. & XXXIV. Si l'élévation des montagnes de la Lombardie Autrichienne ne fufñit pas pour la continuité des neiges, comme l'expérience nous le dé- montre, du moins n’en eft-elle pas bien éloignée. En effet, comme nous l'avons déjà vu, le Legnoneft élevé de 1441 toifes, & le Grignon, le Varron , le Cardinel de Camed ne le font guère moins. Or, certe hauteur n’eft inférieure que de ÿ9 toifes à celle qui , dans les montagnes de Suifle peu éloignées des nôtres, eft fuffifante pour que les neiges & les glaces s'y perpétuent, Il eft bien vrai que la Suifle eft dans un climat géogra- phique un peu plus froid que ne l’eft Le nôtre : mais il faut auffi obferver que fon fol général eft plus élevé que celui de la Lombardie, & qu’ainfi la hauteur relative des montagnes de Suifle doit être moindre que celle des nôtres, Or, il a été démontré plus haut, qu'une plus grande hauteur rela- tive contribue à rendre le climat plus froid, L'expérience elle-même nous 24. OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, confirme que la cime de nos plus hautes montagnes eft, pour ainf dire, fur les limites de la perpétuité des neiges; car il s'y en conferve une plus ou moins grande portion en différens endroits jufque dans l’été. Bien plus » dans le Moncodin, qui eftune partie du Grignon, diftante de fa cime d’en- viron 800 brafles , on trouve une petite glacière perpétuelle , qui eft fituée dans une grotte quia 27 brafles de diamètre: donc s’il arrivoit qu'il tom- bât fur ces montagnes une grarde quantité de neige pendant un hiver qui feroit fuivi d’un été frais , les neizes pourroient bien s'y perpétuer vers leurs parties plus élevées. De ce voifinage des neiges , il arriveroit un changement dans le climat phyfique, en vertu duquel les neiges qui tom- beroient enfuite y durciroient, & l’eau y deviendroir une glace perpé- tuelle. XXXV. L'élévation des plus hautes montagnes de la Lombardie nous préfente une autre queftion qui regarde la végétation. Il eft reconnu que les arbres ne végètent plus à une certaine hauteur abfolue , & qu'il en eft de même des plantes, quoiqu'à une hauteur plus grande que celle quin’eft pas propre à la vévétation des arbres, [left pareillement certain que les plus hautes montagnes de Lombardie n’ont vers leur fommet ni arbre ni at- brifleaux, Il femble qu'on en devroit conclure, que c'eft à ces hauteurs que commencent les limites de la végétation; maïs on courroit rifque de fe tromper en en jugeant ainf. I]y a certainement plufeurs caufes qui influent dans la végétation des arbres: mais en fe bornant pour le mo- ment à celles qui ontrapport à la circonftance préfente; je veux dire à l'état de l’atmofphère, elles peuvent fe réduire à ces deux-ci, un certain degré de chaleur, & une qualité quelconque. Or , il eft clair que, toutes chofes égales d’ailleurs , un lieu qui aura une plus grande hauteur abfolue fera bien moins chaud & bien moins abondanten humidité, à caufe de la plus grande rareté de l'air environnant. Il n’eft pas non plus douteux que de deux endroits d’une hauteur abfolue égale, celui qui aura la plus grande hauteur relative aura une atmofphère, non feulement moins chaude, comme je l'ai dir plus haut, mals aufli moins abondante en humidité , puifqu’à raifon de fa plus grande diftance du terrain fur lequelileft fitué , les va- peurs les plus groflières qui s’exhalent de ce terrain, ne peuvent y parve- nir. Or, en combinant ces circonftances avec d’autres qui font relatives au climat, tant phyfique que géographique d’un lieu donné, & qui in- fluent également dans la végétation , on en conclura aifément que les limites de celles ci doivent varier beaucoup. En: effet , le fol de Quito, quoiqu'il ait une hauteur abfoluede 1460 toifes , ne laiffe pas d’être très- fertile. Sur le Pirchincha, Les arbres font vigoureux à une hauteur abfo- dve, qui approche de 2000 toiles, & À 2200 toiles, on trouve encore de la moufle des plantes & même des arbrifleaux. Au contraire, dans Je Fauligny & dans le Valais, la végétation des arbres a une hauteur ab= folue d'environ 1100 toifes, On peut inférer de là, que la végétation doit continuex SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 2$ continuer à une plus grande hauteur que 1100 toifes dans notre climat, qui eft moins froid que celui de la Savoie & du Valais. Mais nos mon- tagnes ayant une hauteur relative plus grande que celle qui eft propre aux montagnes de ces provinces , on ne peut regarder cette induction que comme une conjecture. Pour décider cette queftion par l'expérience, j'ai fait planter des arbres à différentes hauteurs des parties les plus élevées du Legnon. Je rendrai compte dans le temps du fuccès de ces planta- tions. XXXVL Il me refteenfin à dire un mot de la qualité de l'air des plus “hauts fommers de nos montagnes, On dit ordinairement que plus on eft élevé, plus l'air eft fain; mais cela doit s'entendre avec certaines reftric- tions. Il eft vrai que, dans les ‘endroits plus élevés, l'air eft moins chargé de vapeurs groffières ; mais, d’un autre côté, il eft certain qu'il y arrive &c qu'il y féjourne des vapeurs plus légères , qui rendent l'air inutile ou même nuifñble à la refpiration. Telles font celles auxquelles on a donné le nom d’air inflammable, Les obfervations récentes du célèbre Ingen-Houfz nous ont appris que les plantes, par l'action de la lumière du foleil , nous préparent un air déphlogiftiqué , qui eft plus propre à la refpiration que l'air ordinaire; & qu'outre cela elles abforbent une efpèce d'air d’une qualité nuifible, qui fe mêle à l’atmofphère. Par con- féquent, dans les endroits très-élevés où il n’y a point de plantes, l'air doit par-là même être moins fain. En effet, l'air que je rapportai de la cime du Legnon dans le mois d’Août 1780, fe trouva moins falubre que celui de Côme, comme s’en aflura le célèbre M. de Volta , par l’inftru- ment fi connu fous le nom d’eudiomètre. Cette moindre falubrité de l’aix vient en partie de l'air inflammable qui fe dégage des marais que l’Adda forme dans la plaine qui eft au-deffous, ÉMOUR TES. REMARQUES ORYCTOGRAPHIQUES Sur la Mine d'or proche du village de Nagy-Ag , dans le territoire de Hunyad en Tranfilvanie ; Par M. HACQUET, Membre de Ÿ Académie Impériale des Curieux de la Nature en Germanie. 1 A mine d'or de Nagy-Ag fe trouve fous le 47° degré de longitude; & 46° de latitude , à un demi-mille hongrois du fleuve de Maros, fitué Tom, XXVT, Part, I, 1785. JANVIER. 6 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE; au nord-oueft, comme on peut le-voir par la carte donnée par M. Fichtef dans fon ouvrage des pétrifications de la Tranfilvanie , premier vo- lume (1). Cetre mine, aufñli bien que fes environs, eft une des plus remarquables de la vieille Dacie ou Tranfivanie, Le Lichologue voit au premisr coup- d'œil que le tout ici a été autrefois bouleverfé par un feu fouterrain , & a formé des montagnes moyennes où du fecond rang , compofées de laves & roches volcaniques grifes, peu compactes , remplies de mica prifna- tique noir, foriées par des feuilles minces couchées Les unes fur Les autres, hexangulaires , très-luifantes , du quartz en grain , & du fpath fcintillant en parallélipipède d’un blanc fale ; très-fouvent on y trouve du fchorl noix prifmatique. Toutes ces parties font liées par des cendres volcaniques gri- fes, qui fervent de ciment. . Toutes ces roches volcaniques prennent une figure convexe ou con- cave en caflant; caractère aflez ordinaire aux laves vitrées. En humectant cette pierre par l'haleine, elle donne une forte odeur d’argile. Par-tout où on trouve cette pierre ifolée , elle préfente deux , jufqu'à trois côtés plats, la plupart en parallélipipède. Il paroît, en voyant les pics de ces hauteurs, qui s'étendent à fepc lieues d’alentour , qu'ils ont été couverts du temps que les volcans brüloient , avec des couches de laves, & qu’en refroidif- fant , ils fe font fendus, à moins que les fciflures ne foienc l'effet de la dé- compofition ou du laps de temps. On trouve par-tout des rochers qui paffent à l’érat de terre argileufe; ce que l’on voit journellement arriver aux laves du Véfuve, expofées aux exhalaifons des crevafles de la Solfarara , proche de Puzzoli. La feule différence eft qu'elles deviennent plus blanches dans cet endroit. Cepen- dant on fait, par l'expérience , que ce ne font pas les laves feules qui fe convertiflent en argile , mais aufli d’autres efpèces de roches, comme le granit (2), la pierre calcaire (3), & d’autres pierres. Peut-être que toutes Les pierres connues jufqu’à préfent ont cette faculté, plus ou moins, de pafler à l’état de terre-glaife ou argileufe. La mine de Nagy-Ag , ou mieux de Sekeremb , fe trouve entre ces montagnes, dans un petit vallon , que l’on reconnoit au premier coup- d'œil être un cratère entouré de ces rebords. Les pics de laves paroiffent former l'embouchure. Dans ce cratère ou vallon, il fe trouve plufieurs veines parallèles l’une à l’autre , qui ne s'étendent pas bien loin. Leur direc- tion eft du midi au nord; mais leurs penchans prennent une très-grande (x) Nachricht von den verftein erungen des gros furflenthums fiebenburgen, Nuremberg , 1780 , in-4°. e. f. fn) Voyage des Alpes, par M. de Sauflure. Neufchâtel, 1779 , üri-4°. 3) Introduction à PHifbire Naturelle , par M. Bowles. Paris, 1776, in-8°.; &c Oryctographia Carniolica , tom. IN, in-4°. A Leipfigk , 1778—84: \ w “3 r SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS, 27 re ; jufqu'à préfent encore inconnue, La plupart de ces veines ont remplies de très-riches mines , avec ce phénomène fingulier , que l'or fe forme dans la partie fupérieure des gangues ou veines minéralifées ; de façon que plus les veines s’enfoncent vers le centre de la terre , plus ce métal fe trouve natif, La richefle en minéral de cette mine eft dans les galeries fupérieures “vers le midi, tandis que les inférieures le font au nord. [l eft impardon- nable que depuis fi long-temps que cette riche mine eft exploitée, on n’ait point drefféc de carte générale , dans laquelle on auroit pu indiquer, d'année en année, toutes Les exploitations qu’on y a faites, pour pouvoir avec füreté travailler à Pavenir, On a percé plufeurs galeries fur les veines de cette mine, En 1780, il y en avoit fix ouvertes , qui font celles de Saint-Jofeph , de Saint-Bernard, de Saint-Jacques, de Saint-Xavier , de Saint-Jean & de Sainte Marie. Tout le travail de cette mine fe fair à l’hongroife, c’eftä-dire , affez régulièrement. La pierre qui couvre la gangue eft à peu près la même que celle.dont les montagnes des environs font formées. Le mica noir crif- tallifé qui fe trouve ici, eft depuis la grofleur d'un grain de millet jufqu'à l'épaifleur du petit doigt, & fe diftingue mieux que le fpath fcintillant dans les roches nues , où la déflorefcence les décompofe. Il y a encore une différence pius remarquable entre cette dernière roche & celle qui forme dans l'intérieur de la terre la matrice des veines métalliques. Quoi que les parties conftitutives foient les mêmes comme dans tous les granits, c'eft-à-dire, quartz, fpath fcintillant, & mica; cependant cette pierre eft bien plus compacte que celle qui couvre la furface des hauteurs des en- virons. Le ciment des parties de certe roche eft de même aufli une cen- dre grife de volcan, attirable par l'aimant ; en forte qu'un morceau de roche entière fait mouvoir l'aiguille aimantée; propriété commune à toutes les laves & roches volcaniques où les parties ferrugineufes ont été développées de leur minéralifateur. Les Mineurs nomment cette roche pierre grife (gran/ffeën ), dénomina- tion aufli impropre que celle que M. de Born (1) lui a donnée de roche métallifère , lorfqu'il en a parlé; épithète qui ne lui convient pas plus qu'à rant d'autres , puifque l'expérience fait aflez voir que les métaux 1e trouvent natifs ou minéralifés dans toutes les terres. Mais ce n’eft pas à “certe feule efpèce de pierre qu’on a donnéce nom; car bien d’autres, qui lui reffemblent, l'ont reçu, quand elles faifoient la matrice des mines, comme, par exemple, celle de la mine de Roiza & autres lieux , qui oo à 0 j (1) Born, briefe über Mineralogifche gegenflande. Francfort, 1774, in-8°., eitre 13. Tome XXVI, Part. 1, 178$. JANVIER. D 2 28 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE; eft une pierre de dépôt remplie de quartz gris criftallifé à deux pyramides fans prifmes. IL eft certain que jufqu’à préfent cette roche graniteufe dont nous venons de parler n’a pas été connue pour ce qu'elle eft. M. de Born, qui eft Le feul qui ait donné de vraies connoiffances minéralogiques fur cette mine, confond cette roche avec les autres, en fe contentant de Les indiquer fous le nom général de roche métallifère. Comme cette pierre a cous les carac- tères du granit, on doit douter de ancienneté de cette dernière roche, à moins qu’on n’adopte le faux fyftème de ceux qui veulent que routes les montagnes primitives foient formées par des volcans. Mais H cela étoit, comme il le paroît à notre fujet, il faudroit que toutes les autres monta- gnes graniteufes , dont les parties conftitutives ne font liées qu'avec un ciment quartzeux ou ftéatiteux ; comme , par exemple , Les hautes Alpes, dans la Rhetie ou chez les Grifons, ne fuflent que fecondaires; mais on doit plutôt croire qu’une pierre homogène , qui ne contient prefque qu’une feule partie conftitutive , comme la calcaire originaire ou ancienne, dans laquelle il n’y a nul veftige de pétrification , qui forme la grande chaîne alpine, depuis Triadiza ou Sophie en Servie jufqw'en Rhétie, & plus loin, mérite certainement plus d’être regardée comme la plus an- cienne , qu'une pierre compofée. On peut voir là-deflus mon Voyage phyli- que & politique des Alpes, qui paroîtra cette année (1). Le minéral qui fe trouve dans les veines de la mine de Nagy-Ag, a fon enveloppe propre (/alband), qui n’eft point attachés au granit vol- canique, qui forme & conduit aux parois des veines; car il fe trouve Le plus fouvent entre le minéral & cette pierre une terre-glaife blanche, du quartz, ou le plus ordinairement du fpath gypfeux plus que calcaire , rempli de quartz d’une couleur rofe pure , ou mieux de fleurs de pêcher, qui forme médiatement la matrice à la mine d’or qui s’y trouve. Cefpath eft prefque toujours amorphe ; quand il fe criftallife , il forme des crêtes de coq fouvent recouvertes de criftaux , de quartz blanc hexangulaire : il eft toujours granuleux ; quelquefois il fe trouve pofé fur une pierre fchif teufe grife très-dure; ou, quand il refte un vide entre les parois de la pierre qui forme la veine, & ce fpath, il s’y trouve des croûtes de quartz,criftal- lifé très-tranfparent. Il arrive fouvent que le minéral fe trouve par ro- gnons (ziezen) ou mafñles détachées & folitaires, qui ont la figure plus ou moins ronde ou ovale, Dans ce cas , la mine eft recouverte d'une py- rite ferrugineufe , avec une argile blanche plus ou moins dure, ou tout-à- fait en poudre. Entre les produits quartzeux de cette mine, les plus remarquables font (1) Phyxikalifche-Polirifche-Reis durch die Dinarifche-Julifche-Carnifche- Rerifihe ünd Norifthe Alpen. Leipfck, 1785 , 2 vol, in-8°.avechg. SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 29 ün quartz cellulaire, d’un côté convexe , tuberculeux ; tandis que de l'autre il eft concave , rempli de cellules triangulaires , recouvert de petits criftaux quartzeux, Comme ce quartz eft formé par pure accumulation , il fe trouve prefque toujours que l’intérieur contient un peu de mine d'or, & il en eft de même des criftallifations de gypfe qui renferment de la mine pyriteufe. Entre les minéraux qui fe trouvent dans les veines de cette mine, il y a premièrement; Sels. Acide de vitriol combiné avec le fer , qui forme le vitriol de Mars, & par la déflorefcence des pyrites , du vitriol de plume blanc ( alun de plume ). Subflances inflammables. X. Pyrite jaune criftallifée en cube & polièdre, quelquefois auñli cellulaire. Quelquefois ces pyrites contiennent de l'or, Ce minéral fe trouve par-tout dans les veines de la mine, IT. Soufre jaune tant foit peu teint en rouge ,amorphe, On n’en trouve que rarement. Demi-méraux. X, Arfenic rouge, amorphe ou combiné avec Le foufre, Réalgar , qui fait le rifigallum opacum rubrum de Wallerius (1). IT. Criftallifé, dont les criftaux font polyèdres, IT. Dont les criftaux font hexaëèdres , avec prifme folitaire droit opaque. IV. Hexaèdre tronqué & tranfparent (2). La matrice de ces fubftances arfenicales eft une pyrite en très-petit grain jaune , mêlée d’une glaife blan- che fablonneufe. Zinc. I. Blende criftallifée jaune tranfparente , dont Les criftaux forment des pyramides à quatre facettes ftriées. Comme ces criftaux font très accumulés, on ne peut diftinguer avec aflez de précifion le prifme. Cette belle blende paroît à fa furface route noire, luifante; mais fi-tôt qu’on la caffe, elle eft jaune & tranfparente. Le morceau que je conferve dans mon cabinet d’Hiftoire Naturelle, eft pofé fur un quartz amorphe , dont Les crif- taux du demi-métal font parfemés de petits criftaux aufli quartzeux, cou- leur de lait, dont la figure eft en fufeau. IL. Rouge criftallifé en polièdre fur du quartz. Cobalt. I. Cobalt minéralifé, ou mine de cobalt, femblable à des fco- ries (Sage) [3], minera cobalii calciformis indurata nigra. Cronftedt (4). Cette mine a la forme globuleufe noire, pofée fur une roche grife , mêlée de quartz & fpath pyriteux. Antimoine, X, Mine d’antimoine en plume noire & violette. (Ansimonium ——_—__—_———————_—_—_——_———— ———_—_— ——_—_—_—_——_—_——— — ( Syffema Mineralogicum , tom. II, pag. 163. Vienne , 1778. (2) Born. index foffilium. Prage, 1772. [3] Elémens de Minéralogie docimaftique, par M. Sage. À Paris, 1777: (4) Saggio di Mineralogia, Veneria ; 1775: F 22 À 30 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, plumofum mineralifatum & criflallis cenuiffimis capillaribus nigris aggrega- 1is , auriferum. Born. Loc. ci.) Cette mine , qui eft toujours aurifère , fe trouve fouvent fur des quartz amorphes & fpaths oypfeux. IT. Lamelleux, dont les lamelles ont fouvent la longueur d’un pouce & plus; furface métallique , quelquefois criftallifé : il contient de l'or, comme l’efpèce précédente, MÉTAUXx. Plomb. I. Galène en petit cube fur le fparh gypfeux. Ce plomb minéralifé fe trouve tou'ours fur de la mine d’or. MÉTAUX PARFAITS, Argent. Ï. Mine d'argent blanche (argerrum mineralifatum cupro arfenica tritura albida Linnæet) [1]. Cetté mine eft toujours amorphe dans la matrice fpatheufe ordinaire. IL. Noire aurifere compacte , ox arventium mediante fèrro antimonii ful- phuri arfenico mineralifatum. Cette efpèce de mine, qui n’eft encore que très-peu connue des Minéralogues , eft nommée par les Mineurs de cette mine , mine de fuie (ruffrgerz ), ou mine noire ; elle contient par quintal 70 jufqu’à 80 deniers en argent , & 3 jufqu’à 8 en or. Cette riche mine eft d'ordinaire dans la troilième veine couchante. ( Driete liegend kKlufr). La matrice de cette mine eft la même que la précédente , mêlée de pyrites & fpaths cubiques, feconde variété. TITI. Subglobuleufe très-compaéte , dont la première enveloppe eft de Parfenic rouve ; la feconde , une pyrite d’un grain fin. Quand 1l fe trouve des creux ou enfoncemens dans cette mine, ils font couverts avec un quartz verdâtre, fur lequel font pofés de petits globules gypfeux en cha- ton , troilième variété, IV. En géode de la groffeur d’une tête, Cette mine eft aufli compacte que la précédente , & n’a d'autre enveloppe qu’une croûte de pyrite. Le creux de ces géodeS eft premièrement revêtu du fpath ordinaire fur lequel font pofés des criftaux de quartz hexaèdre blanc & jaune , ou couleur d’améthifte, V. En lamelles fcintillantes , entremêlées de fpath gypfeux. La matrice éft formée par le même fpath , dans lequel il entre beaucoup de pyrites & quartz d’un blanc fale. Cette mine, aullibien que les quatre précédentes, mérite plus d’être placée parmi les mines d’or que d'argent, à caufe de la grande quantité du premier métal qui s'y trouve Le plus fouvent : mais comme on a coutume de la nommer ainfi en Tranfylvanie, à caufe de fa minéralifa- tion , je n’ai pas voulu m'éloigner de la méthode adoptée depuis fi long- temps. Or. I, Mine d’or minéralifée par le foufre , zinc, & peu d'arfenic dans (1) Syffema Naturæ , oder Narur-fyffeme des Mineralreichs ; par M. Gmelin, tom. LI, Nuremberg , 1778, in-8°, nn L.d ECS SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 31 une terre plaftique, grife, jaunâtre, volcanique, légère. Cette mine eft nommée parles Mineurs des lieux ( cottoners) , ou mine de coton, à caufe de fon peu de pefanteur ; elle ne contient que quelques deniers d’or. IT. Fer & arfenic. Cette mine eft formée par banc ou ftrarification, dont un lit elt de mine d'argent noir , & puis de fpath, de la galène ceflu- laire, de quartz $& de mine d'or.grife. L'épaifleur de cette mine dans la gangue ou veine, eft depuis 1 pouce jufqu'à 1 pied & plus ; elle eft compofée de plufieurs couches différentes très compactes , & contient fouvent une demi-once d’or. III. Mine d'or minéralifée par Le foufre, antimoine, zinc, un peu d'arfenic, & quelquefois aufli du fer. Cette mine, comme les trois autres variétés fuivantes , fe nomme mine grife ( graners ); elle eft mêlé: avec du quartz rempli de pyrites , dont la furface , qui touche au falband , eft cou- verte avec du fpath ordivaire à cette mine, fur lequel font pofés des crif- taux de quartz tranfparent; de façon qu’on peut voir la couche du fpath inférieur au travers. IV. Grife, en fils tortueux (gewundnes fchnürlerz), dans du quartz mêlé de fpath gypfeux ordinaire, rempli de pores dans lefquels le fpath a fa furface criftallifée en écailles, & recouverte de petits criftaux de quartz. Cerre efpèce de mine eft une des plus pauvres ; comme la pré- cédente , elle ne contient que peu de métal riche. V. Dendiitiforme par ftratification parallèle, depuis l’épaiffeur d’un quart de ligne jufqu’à un demi-pouce. Ce minéral , qui eft fort luifanr, de couleur de galène de plomb, traverfe le fpath coloré rempli de quartz; de façon que quand on donne le poli àune telle pièce, elle reilemble beau- coup aux mochus , agate d’Aberflein dans le Palatinat , avec cetre diffé- rence, que le noir fe trouve ici dans une mafle de couleur rougeatre, La richefle de cette mine eft pareille à la précédente. VI. Amorphe, très-compacte , en petits grains mêlés de peu de fpath & quartz. Cette mine contient fouvent 2 onces d'or , & plus d'argent par quintal. VIT. Mine d'or minéralifée par le foufre avec beaucoup de zinc & peu d’antimojne & arfenic dans de la pfeudogalène rouge , feuilletée avec du guartz fur une roche grife volcanique. Le quartz qui fe trouve entremélé eft demi-tranfparent, cendré. La richefle de cette mine eft peu de chofe en or, VIIL, Feuilletée dans de la pfeudogalène amorphe , & criftallifée d'une couleur noire rougeâtre. Quelquefois cette mine contient aufli de la galène & antimoïne en grands criftaux auriferes, comme de la mine noire ci- deffus mentionnée, La matrice eft le fpath ordinaire , avec du quartz crif- tallifé & pyrite aurifère fur une roche volcanique grife , tachée de blanc, Le contenu d’or de cette mine eft peu confidérable. IX, Mine d'orbleuâtre, minéralifée par du foufre, antimoine , fer, & peu 32 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, d’arfenic , dans laquelle on trouve plus ou moins d'argent minéralifé. La texture eft d’un grain fin, compaéte , reflemblant au fer noir ; dans les interftices , elle eft remplie d’un fpath gypfeux, blanc, criftallifé en écailles, avec de l’antimoine en plumes noires très-fines, La matrice eft Le quartz avec le fpath mentionné. Cette efpèce de mine fe rencontre communément dans les premières veines couchantes ( imder erfle liegend kluft) ; elle eft très-riche , mais la fuivante encore plus. X. En lames & aiguilles jaunâtres, qui tirent fur le noir, mêlé avec Le fpath pofé fur une roche grife volcanique. Cette mine a été analyfée par M. Scopoli (1); ilen a retiré, par la coupellation , 66 onces d'or par quintal. f XI. Feuilletée , dont les feuilles font petites & accumulées dans le fpath gypfeux, mêlé de pyrite jaune. La matrice eftune roche grife avec argile, qui fait l'enveloppe ou le falband. XIT, En lames irrégulières , enveloppées de fpath de figure menan- driforme, La matrice et une pierre argileufe grisâtre. L’afpect de cette veine eft des plus finguliers. La mine d’or, qui a un éclat d'argent, eft enveloppée par des fpaths ordinaires à cette mine, couleur de rofe päle. Autour de ce fpath, il fe trouve une pierre fchifteufe d’un grain fin, gris, bleuâtre ; de façon que dans une pierre de la groffeur d’un demi- pied & plus, comme je les pofsède dans mon cabinet, on n'apperçoit nullement que le minéral touche immédiatement à la pierre argileufe ci-deffus mentionnée, Cette dernière pierre grife paroît devoir fon ori- gine à un dépôt. XIIL, En lames criftallifées depuis 2 jufqu’à 4 lignes de diamètre , exac- tement hexangulaires , très-rarement carrées ; mais en dernier cas, fes angles font tronqués & mélés avec un peu de fpath gypfeux impur, rempli de quartz & argile. Quand les feuilles font libres, elles font par- femées de petits criftaux gypfeux irréguliers. Comme ces petites lames font d’une grande fineffe, on en voit jufqu'à 10 pofées les unes fur les autres, luifantes , dont la couleur eft du violet mêlé de bleu ; de facon que cette mine a beaucoup de reffemblance avec de la molybdène, Cette vraifemblance eft caufe que M. Brunich (2) & d’autres font tombés dans l'erreur de dire que l'or y étoit allié à cette fubftance. C'eft ce qui a faic donner la defcription fuivante ( Minera auri martialis piéloria ), Cette mine criftallifée a exifté de tout temps dans la minière de Nagy- Ag; feulement depuis une couple d'années on ne l'a plus revue, excepté Y'année paflée , qu'on l’a retrouvée en ouvrant une galerie nouvelle, par nn (r) J. 4. Scopoli, annus 3, Hiftor. Natural, Experimenta de Minera aurifera Nagyasenis. Lypfie, 1779 , in-8°. G) M. T. Brunich, Mineralogie, Saint-Péter(bourg, 1781, in-8°, laquelle SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 33 Jaquelle on vouloit conduire de l’eau fur les tmachines de certe minière, La veine qui La contient n'a que l’épaifleur d'un pouce, dont l’enveloppe eft formée par un peu de quartz, mêlé quelquefois de blende rouge avee de la pyrite de l’épaiileur d'une ligne, & quelquefois plus ; fur cette en- veloppe , falband , il fe trouve une argile blanche en poudre très- dure, qui touche immédiatement au granit volcanique qui forme les veines & la minière. Comme il eft très-difficile d'obtenir beaucoup de cette mine, je n'ai pu faire d’autres effais que par la voie humide, qui m’a montré qu’elle contient 372 onces de métal noble par quintal de 100 liv. , dont, par la féparation , j'ai obtenu cinq parties d’or très pur, & une autre d'argent; le refte étoit de l’antimoire , du fer, du foufre, & un peu de zinc, Comme je n'ai, jufqu'à préfent , pu obtenir qu'une feule pièce de la’ pefanteur d'une demi-livre , pour mon cabinet, avec quelques petits morceaux pour des effais , je rendrai compte de l’analyfe que je pourrai en faire par la voie sèche, lorfque j'aurai plus de cette mine, que je n’en aï reçu jufqu'aujourd’hui. J'efpère de pouvoir aufli découvrir pourquoi cet or minéralifé eft criftallifé en hexaèdre , dont Les lames reflemblent tout à fait au mica qui fe trouve dans le granit volcanique qui enveloppe les veines de cette riche mine. Peut-être que, pour bafe de figure, il n’y a que le mica , comme je l’ai foupçonné aux mines de fer micacées de Hurten- berg en Carenthie, que j'ai décrites dans mon voyage müinéralogique &c botanique (1). | Comme je viens de faire connoître les principaux produits de cette mine, je ne dois point aufli omettre l'or natif qui fe trouve dans les excavations profondes; il eft amorphe ou en paillettes, Jufqu’à préfent je n’en ai point encore vu de criftallifé, quoiqu'on trouve prefque LT toutes les mines d’or de Tranfylvanie ce métal très-fouvent figuré bien regulièrement, comme on peut voir ‘par mes Mémoires de Minéralogie , inférés dans les actes de la Société des Amis de la Nature de Berlin, (3) Mineralogifche Botanifche Lursneis , in-8°, e. f, Vienne, 1783. Tome XXV1, Part, I. 1485. JANVIER, E #4 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, PE EEE EE LE SR REPARER LE TER. E Dobe MU CET AUS 9 EUNIFUR AT 7,- Correfpondant de la Société Royale de Médecine, Minéralogifle voyageant en Allemagne par ordre du Gouvernémerit , AM MONGEZ le jeune, Auteur du Journal de Phyfique ; SUR LA CRISTALLISATION DE LA GLACE. Monsieur, VisiTANT les mines de fel de Ja-haute-Autriche , & parcourant, comme Minéralooifte, quelques-unes des montagnes qui font partie de la chaîné alpine calcaire, qui, traverfant la Styrie, fe prolonge, jufque dans le Tyrol, j'ai gravi aujourd’hui le Fener-Kugel, élévé de 575 toiles 1 pouce au-deflus dulac de Traun , qui lui-même eft élevé de 252 toiles 1 pied 6 pouces. au-deflus de la Méditerranée, Cette chaîne fut couverte de neige entre le 2 ou le 3 de ce mois, N’en: ayant pas tombé depuis, elle eft fondue en beaucoup d’endroits, Les montagnes les plus élevées & les faces garanties de la. préfence du foleil , font prefque les feuls endroits où l'on rencontre des mafles de neige affez confidérables pour. empêcher de Les gravir. J'ai obfervé fur la montagne que j'ai gravie aujourd’hui, la neige fous deux formes criftallines différentes. À 291 toifes au-deffus du lac, jufqu'à 339 toifes., conféquemment dans un efpace de 48- roifes perpen- diculaire , fur une face expofée du nord au nord-oueft, la neige étoit en- tièrement criftallifée en faifceaux compofés d’un nombre indéterminé de prifmes hexaèdres de différentes longueurs, la plupart ayant différentes caf- fures. Sur le Fener-Kugel, quieft la plus grande hauteur où j'ai pu aller, à caufe de la neige , le Chafleur mon guide m'ayant déjà égaré trois ou quatre fois, la neige étoit criftallifée en feétion de prifmes hexaëdres, Je vous envoie, avec cette Lettre , la figure de la neige , de grandeur natu- ‘elle, & vue au microfcope. Je joins à ces figures celles de la criftallifation de la glace, qui a été obfervée à Vienne en Autriche, fur le Danube, lors du dernier dégel. SURL'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 3$ Ces deffins, plus petits que grandeur naturelle , m'ont été commu niqués par M. de Waechteller, Secrétaire de la Chanceïlcrie des Pays-bas Autrichiens. Quoique , d’après ces figures, on foit/prefque porté d'en conclure le folide originaire ou élémentaire , je me garderai cependant de prononcer, avant que de, nouvelles iobfervations nous aient fait connoître un plus grand nombre de modifications ou de compofés. Entrant actuellement dans la faifon propre à faire des expériences & des obfervations fur La criftallifation de la glace , oferai-je vous prier, Monfieur, de vouloir bien inférer dans votre Journal celles que jai honneur de vous communiquer , afin que les perfonnes qui s'occupent de ce travail püiffent en faire ufage. Devant, en continuant mon voyage juf- “qu'à Paris, traverfer cet hiver les neiges du Tyrol & de la Suifle ; s’il fe rencontre quelques nouvelles criftallifation de neïge fur mon pañlage , j'au- tai l'honneur de vous les communiquer. Je fuis, &c. De Ebenfée ou Lambad, dans les mines de fl de la Haute- Autriche Le 17 Oélobre 1784. - "Glace criflallifee , obfervée à Wienne fur le Danube. Figure 1°", Planche I. Mafle de glace criftallifée en prifmes de différens è nombres de côtés , mais dont la plupart font hexaëèdres. ! Fig. 2. Male femblable ; qui diffère cependant de la première, en ce que la plupart des criftaux font en pyramides tronquées. Figure 3. «A. Prifme quadrangulaire , fe caflant parallèlement à fes faces, Différens B. Prifme octaèdre, criflaux. } C. Pyramide hexaèdre tronquée, D. Pyramide pentaèdre tronquée., Fig. 4. Autre pyramide pentaèdre tronquée. Fig. $. Neige criftallifée en faifceaux de prifmes hexaèdres de grandeur na- turelle ; obférvée le 17 Octobre 1784, en montant le Fener- Kugel. Fig. 6. Mème criftallifation vue au microfcope. Fig. 7. Neige criftallifée en fection de prifmes hexaédres de grandeuf na- turelle , obfervée fur le fommet du Fener-Kugel le 17 Oétobre 1784. sx? Tome XXVI, Part, 1, 1785. JANVIER. E 2 36 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, SE CrONVDIE LEVT TRE SUR LE MÉME OBJET, Monsteur, C’EST pour m'acquitter en partie de la promefle que je vous ai faite de vous communiquer les nouvelles obfervations que je feraifur la crif- tallifation de la neige, de la glace, & de la gelée blanche , que je vous fais part de celles que j'ai faites en Salzburg & en Tyrol. Quoique l’on puifle dès à préfent les préfenter fous différens ordres fyftématiques, n'ayant pour but que de détailler ce que j'ai vu, je m'en tiendrai à l’or- dre des obfervations. Partant le $ Novembre au matin des forges de fer de Flachau , pour aller dans les mines de Groffarl, j'ai obfervé, avec M. Schrol, que S. A. Mon- feigneur le Prince Evèque de Salzburg a bien voulu nommer pour m’ac- compagner dans les mines de fa Principauté , la gelée blanche qui cou- vroit tous les objets expofés à l'air , fous plufeurs états différens. Le ther- momètre étoità— 2%; le baromètre eft , hauteur moyenne, dans cette vallée , à 24 pouces 3 lignes +, & fa variation, entre la plus grande & la plus petite élévation , occupe un efpace de 19 lig. + La gelée blancise qui couvroit le deflus des haies, qui dans ce pays-ci font formées de petits fapins ou de gros fapins referidus, inclinés les uns au-deflus des autres, étoit , 1°. en fection de prifmes hexaèdres , fie. 1°*°, PI. IT, dont les lignes parallèles aux faces avoient pour centre un des an- gles de la circonférence; 2°. en fection femblable , fig. 2 , dont les lignes paralléles aux faces étoient concentriques ; & , 3°. en cônes creux, fig.3, plus ou moins alongés, pofés fur leur fommet , & compofés de lignes concentriques. Je n’apperçus fur la terre que des criftallifations en aïguilles; mais & fines, que les yeux, armés de la loupe, n’y diftinguoient aucune organifa- tion. Obfervant attentivement chaque haie , je découvris fur les portes qui les ferment, & qui font compofées de plufeurs barres horizontales , pla- cées à une certaine diftance au-deflus les unes des autres , que, fur la barre la plus élevée , les criftaux étoient des fections de prifmes hexaè- dres , fig. 2; la bafe au-deflous étoir couverte de cônes creux , mais très- applatis ; la barre plus baffle, de cônes creux de moyenne hauteur , comme la 6g. 3; la quatrième barre étoit remplie de cônes creux très-alongés, SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 37 fig. 4; enfin , la cinquième barre, celle qui étoit Ja plus près de terre , ne contenoir que des tubes hexaèdres , fig. $, qui patoifloient coupés par des plans parallèles. Ne feroit-il pas poflible que la criftallifation en ai- guilles qui couvroit la furface de la terre , foit de femblables crif- taux ? Nous avons obfervé des cônes creux pofés Les uns deffus les autres, fig. 6’, jufqu'à 3 & 4 enfemble, Nous rematqauâmes le 6 au matin, dans la vallée de Groffarl, en al- lant du Village aux Fonderies de cuivre & de foufre, la gelée blanche criftallifée fur les haies, mais en bien moindre quantité que la veille, & Les criftaux petits, qu'à peine étoient-ils perceptibles à la loupe, On trouvoit fur chaque barre des criftaux pyramidaux , creux au milieu, qui, ‘s’alongeant fucceflivement de chaque côté , devenoient fur fes faces crif- taux prifmatiques hexaèdres, fig: $. Graviffant l'après-midi la montagne la Schwart;-Wand , au fommet de laquelle eft la mine, nous obfervämes de la prairie, jufqu’à 10 toi- fes de hauteur ou environ où commence le boïs, la neige criftallifée en faifceaux de prifmes hexaèdres , femblables à ceux qui fonc repréfentés fig. $ de la première Lettre que j'ai eu l'honneur de vous écrire, qui ‘en différoient cependant , en ce que les nouveaux étoient creux , tandis que les anciens étoient pleins. Ces faifceaux éroient d'abord imperceptibles À la vue fimple ; ils augmentèrent de grofleur jufqu’à la naïflance du bois , où ils difparurent entièrement. Ils pouvoient avoir pour lors 8 à 9 lignes de long. A l'entrée du bois , la neige étoit par globules , fans forme détermi- née ; mais à 8O ou 100 toiles -perpendiculaires plus haut, elle fe préfen- toit fous différentes formes ; 1°. en criftaux plans hexaèdres, fig. 1 & 2; 2°.en parallélogrammes rectangles, fig. 7, & en triangles ifocèles , fig. 8. Ces derniers étoient en très-grande quantité; il y en avoit même de 6 à 7 lignes de côté, Dans les plus grands parallélogrammes , le côté étroit 'avoit qu'une ligne, & l'autre jufqu'à 2 :. Les proportions entre ces côtés varioient infiniment. Ces deux fortes de criftaux en produifoient de différentes formes , en raifon de leur affemblage ; quelquefois on voyoïit deux à trois plans pa- rallélogramiques unis enfemble; de manière que l'angle plan paroifloit avoir 120% ou environ, fig.-9 & 10; d’autres fois deux parallélogrammes ou carrés étoient unis à deux triangles équilatéraux, fig. 11 & 12; enfin , les triangles ifocèles différant entré eux par les proportions de leurs côtés , étoient unis deux à deux , trois à trois, & quelquefois da- vantage , fig. 13 & 14. Ces fortes de criftallifations fe trouvoient par place ; fouvent à côté d'une mafle de gros criftaux , la neige fe trouvoit fans organifation ; peur-être l’ombrefdes arbres y contrihuoit-elle; car on n'obfervoic des criftaux que dans les endroits bien découverts, 38 »'OBSERKATIONS SUR LA PHYSIQUE, : ù La ngigequi tomba le 11, près des. eaux thermales, rappelé.en. Alle- mand Le wildhad, dans la vallée de Gaftein, étoit entièrement criftalli- fée,.en' étoiles ; quelques-hnes avoienr jufqu'à 3 = lignes, 4 lignes de diamètre, Leurs formes éroïent , 1 °.en dodécaèdres à fix angles rentrans, & fix angles fortans, fig. 15, formés d'une infinité de petits filets paral- lèles, faifant .chacun.un angle de 30° avec.les fix ‘rayons. principaux ; 2°, la mème que la précédente , différant cependant:.en ce que chaque angle fortant fererminoit par un hexaèdre fig, 16; enfin, on en trouvoit quelques-uns où l’angle étoir formé par trois hexaëdres. La figure 137 ne repréfente qu'une.branche détachée, y Plufeurs fois fur mon chemin, dans les hautes vallées , j'avois rene contré des houpes de glace, ftriées extérieurement ,.fig. 18 , qui paroif- Hoienr comme forçir de terre. Après en avoir caflé plufeurs mafes ,.trou- vant conftamment la furface de la caflure. life & fans organifation , j'abanr donnai entièrement cette forte de-ciiftallifation, Revenant le, 18 au foir des, mines d'or de la vallée de Gaflein; par un temps de dégel , je fus furpris , en prenant par bafard une de ces mafles de glace ftriée, fig: 19 , d'appercevoir qu'elle fe détachoit en petits .criftaux prifmatiques. Je la caflai par le milieu; & l'abfervant au microfcope, j'apperçus l'organifa- tion , fig, 20, tout à fait femblable à la glace: obfervée fur.le. Danube. La fig. 21 elt un criftal détaché. Gp | Le 25 , en traverfant les neiges de la, Souabe, de Wi/s à Kempten, le matin , la neige étoit fans organifation. La matinée ayant été belie, fur le midi, comme fi le foleil lavoit fait végérer , j'apperçus la neige crif- tallifée, pour la plupart, en triangles de différentes formes, fig. 8, & d’au- tres compofés d’hexaèdres, fig. 22. Qi ER LTÉE CNP R° De Kempten , Le 25 ‘Novembre 1784. SUITE DES EXPÉRIENCES SUPREME SUN TR Par M. C4r7ENDISH; Traduites de l'Anglois, par M. PELLETIER. Le UTÉS les expériences précédentes fur la détonation de l'air infam- mable avec l'air commun & l'air déphlogiftiqué, excepté celles qui ons nr SUR F'AHIST. NATURELLE ÉT LES ARTS. 39 rapport aux phénomènes de l'acide trouvé dans la liqueur condéniée , onc été faités dans l'été de 1781, & j'en fis alors part au Docteur Préffley, déi ; d'après cela’, ft quélques expériences de ième nature, comme il le : rapporte dans un Mémoire imprimé dans le dernier volume des Tranfac- tions. C’eft auffi l'étéidernier qu'un de ges amis eh ft part à M. Lavoifier, ainfi que des conféquences’ que j'en tiroh , qué l'air déphlogiftiqué eft l’eau dépouillée de phlogiftique. Mais M. Lavoilier éroit alors bien éloigné de croire à cétte opinion; & jufqu'à ce qu'il aeu par lui-même répété l'expé- rience , il ne pouvoit penfer que ces deux airs pouvoient être changés prefque en totalité en eau. [l'eft à remarqaet que ces deux Meflieurs n’ont point trôuvé d'acide dans Peau produite par la Eombüftion ; ce’ qui me fait croire que lé dernier a brûlé les deux airs d’une maniere qui difière de la'miienne, & que le premier à fair ufage d’un aït inflammable diffé. rent peut-être de celui rétiré des chaïbons, où peut êtré en l’employant en plus grande quantité. Avant d'entrer dans les caufes de ces phénomènes , je dois faire obfer- ver que je regard® Pair phlogiftiqué comme l'acide nitreux uni au phlogifti- que ; vu que, lorfquel’on fait détoner le nitéé pat le éharbon , l'acide nitreux fe! trouve prefque entièrement couverti eti cérte efpèce d’air. Le même acide eft. suffi entièrement chatigé en air par lé procédé connu fous le nom de clyffus de nitre ; car fi on a eu la précaution de faire bien fécher le nitre & le charbon avant l'opération , à peine trouve-t-on quelque chofé dans le récipient qu'on a mis pour condenfer les’ vapeurs ; mais s'ils font humides, on obtient un peu dé liqueur‘, qui n'eft que l'eau que ces. deux fubftances contenoient, laquelle fe trouve imprégnée d’un peu d’alkali volatil, dé, felontoutes [es apparetices, au charbon qW’il eft rare d’avoir bien brûlé. Elle‘eft auf imprégnée d'un peu d’alkali fixe , qui provient dunitre alkalifé & volatilifé par la chaleur & l'humidité des vapeurs, Je ne crois point que cet air diffère de l'air commun phloviftiqué; cependant il y a une petite portion de l'acide qui eft changé en air nitreux, & le tour eft mêlé à une affez grande quantité d'air fixe, & quelquefois à une petite portion d'air inflammable , tous deux produits par le charbon: IL eft bien connu que l'acide nitreux eit aufli changé, par la phlopiftica- tion ,enair nitreux; ce qui faic voir la grande analogie qui fe trouveentre ce phénomène & celui qui arrive avec l'acide vitriolique; car ce dernier acide , uni à une très-petite portion de phlosgiftique, produit de l'acide fulfareux & du gaz acide vitriolique; & tous deux ; expofésà l'air ,:per- dent leur, phlogiftique , a la vérité lentement, & ils pañlent de nouveau à Pérar d'acide vitriolique : mais quand il eft uni à une plus grande portion de’ phlosiftique, il forme le foufre , qui ne dotne des fignes d’acidité que par le léger degré d’affinité qu'il a avec l'alkali; & le phlooiftique s’y trouve tellement combiné, que quand vous l'expofez à lair., il ne peut s'en échapper, à moins que vous n’aidiez d’une chaleur qui le faffe brülex : 40 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, de mème l'acide nitreux , uni à une certaine quantité de phlogiftique ; forme les vapeurs nitreufes, & le gaz nitreux, qui, expofé à l'air, abandonne fur le champ fon phlogiltique : mais quand la combinaifon eft faite d'une manière différente, & , comme je Le crois probable, à une plus grande portion de phlogiftique ; il forme l'air phlogiftiqué , qui ne donne point de fignes d'acidité, &*qui eft moins difpofé qne le foufre à quitrer fon phlogiitique. Cela pofé, on peut expliquer de deux maniéres comment l'acide s’eft trouvé dans la liqueur condenfée ; 1°. en fupppofant que l'air déphlo- giftiqué contient un peu d’acidenitreux, qui fe trouve une de fes parties conf- tituantes , & que cet acide, uni au phlogiftique, fe change en air phlo- giftiqué , pourvu que l'air inflammable foit employé en proportion fuf- fante; ce qui n'a pas lieu lorfque l'air inflammable eft en trop petite quantité ; 2°. en fuppofant qu'il n’y a pas d’acide nitreux mêlé à l’air dé- phlogiftiqué , ou entrant dans fa compoñition ; mais que, par la grande affinité qu'a PAT mai avec l'air déphlogiftiqué, une partie de l'air phlosiftiqué elt dépouiilée du phlogiftique par l'air déphlogiftiqué, & changé en acide nitreux; au lieu que lorfqu'il n’y a que la quantité né- ceffaire d'air déphlogiftiqué pour confumer l'air inflammable, il n'y en refte point du tout pour dépouiller l'air phlogiftiqué de fon phlosiftique , & le changer en acide nitreux. 3 Si la dernière explication eft vraie, je crois que nous devons avouer que l'air déphlogiftiqué n’eft pas l'eau déphlogiftiquée , ou l'eau dépouillée de fon phlogiftique, ou, dans d’autres exprellions ; que l’eau eft le ré- fulcat de l’union de l'air déphlogiftiqué avec le phlogiftique, & que l'air inflammable eft ou pur phlogiftique, comme le Docteur Prieftley & M. Kirwan le croient , ou l’eau unie au phlogiltique (1), puifque , d'après (1) L'une & Pautre de ces fuppoftions feront d’accord avec les expériences fuivantes ; mais la dernière me paroît la plus vraifemblable; & ce qui me fait adopter certe opi- nion , c’eft que l’air commun & l'air déphlogiftiqué A point le phlogiftique de l’air inflammable , à moins qu’ils ne foient en contaët avec un corps déjà allumé, au Jieu que, fans ce fecours, ils abforbent le phlogiftique de l’air nitreux, du foie de foufre, & de plufieurs autres fubftances ; & il parcît inexplicable qu’ils refufaffent de s'unir au phlogiftique pur , quand ils peuvent l'enlever aux fubftances dans lefquelles il eft combiné; c’elt-à dire, qu'ils euflent une affinité affez grande avec le phloaif- tique , pour l’enlever aux fubftances qui le contienvent , tandis qu'ils ne pourroient s'unir avec lui, quand on le leur préfente dans un état de pureté. D’un autre côté, je ne connois point d'expérience qui prouve que l’air inflammable eft le phlogiftique pur, pus que l'union de ce dernier avec l’eau. J'en excepte les expériences du Docteur rieftley, qui confiltent à chaffer l'air inflammable du fer par la chaleur. Je ne con- nois pas aflez les circonftances de cette opération, pour en parler avec certitude; mais Je crois qu'il eft plus vraifemblable qu'il eft ici formé par l'union du phlogiftique de la limaille de fer avec l'humidité qu'elle pouvoit contenir accidentellement , foit en- cette SUR L'HISW. NATURELLE ET LES ARTS. . 4x cette fuppofñtion , ces deux fubftances, ‘unies enfemble, forment l'eau pure. D'un autre côté, fi la première explication eft vraie, nous devons füuppofer que l'air déphlogiftiqué eft compofé d’eau dépouillée de fon phlogiftique, & unie à un peu d'acide nitreux: mais je le répète, l'acide nitreux qui Sy trouve doit faire une bien petite portion du tout, puifque V'air phlogiftiqué dans lequel il fe trouve changé, eft bien peu de chofe en raifon de l'air déphlogiftiqué employé. Je crois que la feconde de ces explications paroît bien plus vraifem- blable , d'autant que j'ai prouvé que l'acide qui fe trouve dans la liqueur condenfée, étoit k nature nitreufe , foir que l'air déphlogiftiqué eût été retiré du précipité rouge, foit même qu'on l'eût obtenu des plantes ou du turbith minéral, J'ai auñi fait voir qu'on trouve un peu d’acide nitreux dans l'air déphlogiftiqué retiré des plantes, & je l’y ai démontré d’une manière bien moins douteufe que dans Fair retiré du ,turbith mi- néral, Une autre forte preuve en faveur de cette opinion, eft que l'air déphlo- giftiqué ne donne pas d’acide nitreux , quand il eft phlogiftiqué par le foie de foufre; car fi cet air contient de l'acide nitreux , qu'il manifefte quand il eft phlogiftiqué par la détonation avec l'air inflammable , il eft très-extraordinaire qu'il ne le fournifle pas de même quand il eft phlogif- tiqué avec d’autres fubftances. Mais une preuve encore plus forte, & je crois prefque décifive en faveur de cette théorie, eft que lorfque l’air dé- phlogiftiqué eft très-pur, & qu’on mêle à l'air qu’on doit faire détoner, un peu d’air phlogiftiqué ; alors la liqueur condenfée eft beaucoup plus acide. C'eft ce que les expériences fuivantes vont démontrer. J'ai fait déroner, à la manière accoutumée , un mélange de 18500 grains (mefure ) d’air inflammable , avec 9750 d'air déphlogiftiqué re- tiré du précipité rouge. Dans une feconde expérience , j'ai fait aufli détoner un mélange des mêmes quantités des deux airs déphlogiftiqué & inflammable , auxquels j'avois ajouté 2500 d'air qui avoit été phlogiftiqué par le fer & le foufre mélés enfemble. Les liqueurs condenfées dans les deux expériences étoient acides; mais l’acidité étoit plus grande dans la dernière , comme je m’en fuis afluré en les faturant féparément avec du marbre en poudre, &préci- pitant la terre des diflolutions par l'alkali fixe. Le précipité de la feconde - expérience pefoit la cinquième partie d’un grain, & celui de la première core que cette humidité fe trouvâr dans la cornue , eu autre vaifleau dans lequel la limaïlle a été chauffée ; & il eft d’aurant plus probable que cela eft la vraie caufe de la féparation du phlorifiique , c’eft que le fer ne paroît point difpofé à quitter fon phlo= gitique par le feu feul , à moins qu'il ne foit aidé de l’eau, de Pair, ou de toute autre fubftance. Tome XXPT, Part, I, 1g85. JANVIER. c F 4 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, plufeurs fois moins. Le degré de pureté de l'air brûlé dans la première expérience , éroit 1,86 ; & dans la feconde 11019: | J'obferverai que toutes les circonftances étoient les mêmes dans ces deux expériences, excepté que dans la dernière , où l'air avoit été mêlé à de l'air phlogiftiqué avant la détonation, & que l'air brûlé en con- féquence s'eft trouvé plus phlogiftiqué que dans la première ; & d’après ce que j'ai dit plus haut, il paroït que cette dernière circonftance devoit rendre la liqueur condenfée moins acide, Cependant elle l'étoit davantage: ce qui fait voir que c’eft l'air phlogiftiqué qui a fourni l'acide, Afin de confirmer davantage cette affertion, j'ai répété ces deux expé- riences, en les variant un peu ; c’eft-à-dire, dans la première expérience , j'ai commencé par introduire dans le globe 1 $o0 d’air déphlogiftiqué , & alors le mélange, qui étoit de 12200 d’air déphlogiftiqué , & de 25900 d'air inflammable, y a été auflitôt introduit en divers temps, comme javois coutume de procéder, Dans la feconde expérience, outre les 1509 d'air déphlogiftiqué que j'ai introduit dans le globe, j'y ai auf, fait pafler 2500 d'air phlogiftiqué ; enfuite le mélange, qui étoit le même que dans la première expérience , a été introduit de même en différentes parties. La liqueur condenfée de la feconde expérience étoir environ trois fois plus acide que celle de la {première , puifqu'il a fallw 119 grains de diflolution de fel de tartre pour les faturer, & 37 pour fa- rurer la liqueur acide de la première expérience. Le depré de pureté de Fair brülé étoit 0,78 dans la feconde expérience , & 1,96 dans la pre- mière. Dans ces deux dernières expériences , j’ai commencé par introduire ut peu d’air déphlogiftiqué , parce que cette précaution contribue à rendre la liqueur condenfée plus acide; & je crois avoir prouvé que cela en eft la vraie caufe, Darsla première de ces deux expériences, pour être afluré que l'air qu'on feroit détoner ne contiendroit point du tout d'air commun, j'ai eu la précaution de remplir Le globe avec un mélange d’air inflammable & d'air déphlogiftiqué; puis y ayant fait le vide, j'y ai introduit l'air qui a fervi à l'expérience. Par ce moyen , j'étois afluré que le globe ne contenoit pas du tout d'air commun. D’après ce procédé , quoiqu'il füt impofible de faire le vide parfait dans le globe, l'air commun qui pou- voit y refter étoit peu de chofe. Je n’avois pas eu égard à cette circonf- tance dans mes premières expériences, & il ne m’étoit pas encore venu à Pidée de m'aflurer de la pureté de l'air déphlosiftiqué. D'après tout ce que je viens d'avancer, je penfe avoir la plus grande raifon de croire que l'air déphlogiftiqué n’eft que l’eau dépouillée de fon phlogiftique, & que l’air inflammable , comme je l'ai dit, eft l’eau phlo- giftiquée ou pur phlogiftique: maisla première manière de voir me paroît la plus probable, SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 43 Comme M. Watt avance , dans un Mémoire lu dernièrement devant gette Société, que l’eau eft compofée d’air déphlogiftiqué & de phlogif- tique, dépouillés de la partie de leur chaleur cachée ; & comme je ne fais point mention de certe dernière circonftance , je crois qu'il convient que je dife en peu de mots les raifons de cette différence apparente dans nos fentimens, Si c’eft de la chaleur élémentaire que veut parler M- Watt, j'ac- corderai que ce qu'il avance eft vrai; mais, par la mêmeraifon, nous de- vons dire que les acides minéraux affoiblis font compolés de leurs acides concentrés unis à l’eau & dépouillés de la partie de leur chaleur cachée; que les diffolutions de fel ammoniac & de prefque tous les autres fels neutres, font formées de leurs fels unis à l’eau & à la chaleur élémentaire; & un pareil langage doit être mis en ufage dans prefque routes les com- binaifons chimiques, vu qu'il y en a très-peu qui ne puiffent être regardées avec quelque augmentation ou diminution de chaleur. Maintenant ,je ne me fervirai point de cette manière de parler, parce que je crois qu’il n’exifte point une chofe telle que la chaleur élémentaire, & que, s'exprimant ainfi dans cette circonftance , & n’employant point des expreflions femblables en parlant des autres combinaifons chimiques ; ce langage feroit impropre, nous conduiroit à de faufles idées, & nous jetteroit même dans des doutes, fi toutefois , en l’employant en général, il ne caufoit plus de troubles & d’incertitudes que la chofe ne le mérite. Nous avons la plus grande raifon de croire que Les airs déphlogiftiqué & phlogiftiqué, comme MM. Lavoifier & Sccle le prétendent, fonc des fubftances tout à fait {diftinctes; que ce n’eft pas feulement dans leur degré de phlogiftication qu'ils différent, & que l'air commun eft un mélange des deux: car fi l'air déphlogiftiqué eft bien pur , il perd toute fon élafticité par la phlogiftication ; & il eft changé en eau , au lieu d’être converti en air phlogiftiqué, comme il a été démontré par les expériences précédentes; car, dans prefque toutes = du tout ont été pour le moins changés en eau; & en traitant l'air déphlogiftiqué avec du foie de foufre , je l'ai réduit à moins de -- de fa première quantité ; & d'autres perfonnes, je crois, l'ont réduit à une quantité moindre ; de manière qu'il y a tout lieu *de croire que la petite portion qui refte après la phlo- giftication , eft due feulement aux impuretés qui lui reftent mélées. J'ai déjà dit que l'air déphlogiftiqué étoit réduit , par le foie du foufre , à -- de fa quantité première ; Le degré de pureté de cet air étoit 48; & conféquemment celui de l'air déphlogiftiqué abfolument pur, doit être bien près de 5 ; ce qui confirme l'opinion précédente: car fi le degré de pureté de l'air déphlogiftiqué pur eft comme $, l'air commun, d'après cela , en contient un cinquième , & conféquemment il doit perdre, par la phlogiftication, un cinquième de fa quantité, Ceft ce que nous ve- nons de trouver qu'il perdoit. D’après cela, au lieu de dire que l'air eft phlogiftiqué ou déphlosiftiqué Tome XXVI, Part, I, 1785. JANVIER. F2 44 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, par divers moyens , il paroît plus vraifemblable qu'il eft dépouillé d'air déphlogiftiqué, ou qu'il a reçu quelque addition d’air déphlogiftiqué: mais comme l’autre expreflion peut convenir, & qu'on ne peut point la regarder comme impropre, j'en ferai plus fréquemment ufage à la fin de ce Mémoïre, On avoit raifon de croire , d’après les expériences du Docteur Prieftley, que les acides nitreux & vitriolique pouvoient être convertis en air déphlo+ giftiqué , d'autant qu'on fe procure cette efpèce d’air, des fubftances qui contiennent ces acides , fur-tout le premier. Cependant les expériences que j'ai faites précédemment femblent prouver que ces acides ne peuvent être convertis en air déphlopiftiqué, & qu'ils n'ont d'autre fonétion que de mettre en ufage le pouvoir qu’ils ont de dépouiller les corps de leur phlogiftique ; & ce qui en eft une forte preuve , eft que le précipité rouge , qui eft une des fubitances qui fourniflent la plus grande quantité d'air déphlogiftiqué , & qui eft préparé par le moyen de l'acide nitreux, ne contient réellement pas du tout d'acide. J'en ai pris 400 grains, que j'ai triturés avec l’efprit de fel ammoniac, & je les ai tenus en digeftion, pendant quelques jours , dans une bouteille que j'avois le foin d’agiter fouvent. La couleur rouge du précipité eft devenue pâle, mais n’a pas été entièrement détruite. Ayant enfuite évaporé la liqueur décantée, je n'ai point obtenu de nitre ammoniacal. IL eft naturel de croire que fi le précipité rouge contenoït de l'acide nit treux , celui-ci feroit uni à l’alkali volatil pour produire du nitre am- moniacal , que j'aurois'obtenu par l’évaporation. Maïs, dans le deffeia de maflurer d'une manière plus certaine fi le moyen que j'avois employé étoit bon , j'ai pris une certaine quantité de la diffolution de mercure qui m'avoit fervi à préparer le précipité rouge , & je ne l'ai évaporée qu'à lorangé; & dans cet état, j'en ai traité la même quantité avec l'alkali vo= latil, avec les précautions que j'avois employées pour le précipité rouge. [1 y a eu aufhi-tôt effervefcence; la couleur eft devenue grisâtre, & j'ai ob2 tenu , par lévaporation , $2 grains de nitre ammoniacal. J’ai donc main- tenant les plus grandes raifons de croire que le précipité rouge ne contient: pas d’acide ; & conféquemment, que lorfqu'on en retire l'air dephlogifti= Qué , il n'y a point d'acide converti en air. Il eft de même raifonnable de conclure ; d’après cela , que lorfqu’on le retire des autres fubftances , ce ne font pas les acides qui fouffrent une converfion pour le fournir. | I refte à confidérer comment ces acides agiffent dans la production de Pair dépblogiftiqué. Je crois que l'acide nitreux agit de la manière fuivante dans la produc- tion de l'air déphlogiftiqué du précipité rouge. Si on diftille un mélange de mercure & d’efprit de nitre, l'acide monte très-phlogiftiqué fous la forme de vapeurs nitreufes, & il continue à en donner jufqu'àa ce que la matière reflante acquiere la couleur rouge ; & pendant ce temps-là , tout acide nitreux s'échappe , & il ne-refle plus qu'une portion d'eau qui fe: SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 4$ trouve fortement adhérer au mercure. Ainfi donc le précipité rouge peut être regardé comme du mercure dépouillé de la partie de fon phlogiti- que, & uni à une portion d’eau, ou comme du. mercure uni à l'air déphlo= giftiqué (1): fienfuite on lui donne plus de chaleur , l'eau s'élève dé- pouillée de fon phlogiftique: c’eft à dire, fous la forme d’air déphlogifti: qué , & en même temps le mercure diftille fous fa formé métallique. Le Docteur Prieftley a remarqué avec raifon, que la diffolution de mercure ne donne de l'air déphlogiftiqué , qu'autant qu'elle a acquis la cou- leur rouge. Le mercure précipité per fe ne paroït être que le mercure qui a abforbé Fair déphlogiftiqué de. l'atmofphère pendant la calcination ; & de même fi on échauffe ce précipité , on obtient de air déphlogiftiqué, & le mer- eure paroît fous fa forme métallique. Il paroït donc que le mercure préci- pité per fe & le précipité rouge font les mêmes, quoique préparés d’une manière différente. Il fuit de ce que nous avons dit, que le mercure précipité per fe & le précipité rouge contiennent autant de phlogiftique que le mercure qui a fervi à les préparer : mais comme unir l'air déphlogiftiqué à un métal, ou le dépouiller de la partie de fon phlogiftique & lunir à l’eau , ont une même figmifcation , Je mercure peut aufh être confidéré comme dé- pouillé de fon phlogïftique. Quant aux métaux imparfaits , ceux-ci pa- roiffent, non feulement abfotber l'air déphlogiftiqué pendant leur calcina- tion, mais encore perdre leur phlogiftique , vu qu'ils n'acquièrent pas leur forme métallique, lorfqu'on wient à les dépouiller de l'air déphlo- giftiqué. | Lorfqu’on retire l’air déphlopifliqué du nitre, l'acide agit d'une ma nière différente ; car fi on chauëfe le nitre à une chaleur rouge, l’air dé- phloviftiqué fe dégage , mêlé à un peu d’acide nitreux , & en même temps l'acide qui refte,dans le nitre fe trouve beaucoup plus phlogiftiqué ; ce qui prouve que, l'acide devient phlogiftiqué , en abforbant le phlogiftique de l'eau contenue dans le nitre. En diftillant 315$ grains de, nitre dans une retorte non verniflée , j'ai obtenu 256,000 grains (mefure) d'air déphlo= (1) À moins d’avoir des connoiffances plus ‘approfondies de la manière dont fe +rouventunies les diverfes fubftances dans les corps compolfés , il feroit ridicule de dire que c’eft le mercure, dans le précipité rouge, qui eft dépouillé de fon phlogiftique, & on l'eau, où que c’eft l’eau qui eft dépouillée de fon phlogiftique , & noh le mercure. Tout ce que nous pouvons donc dire, eft que le précipité rouge cft compofé de met- cure & d'eau, dont l’un, ou même tous deux font dépouillés de la partie de leur phlo- giftique. D’après cela, lorfqu’on prépare le précipité rouge, il eft certain que l'acide He is le phlogiftique du mercure ou de l'eau: meis rien ne nous aurorife à dire: quel. 46 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, giftiqué (1), qui, reçu en différentes parties, n'avoit pas la même pureté; elle varioit de 3 à 3,65. D’après un terme moyen, je l'ai fixé à 3,35: La matière reftante dans la cornue fe diflout facilement dans l’eau, & a le goût d’une matière alkaline & cauftique. Lorfqu’on verfe fur la diffolu- tion de l'efpric de nitre érendu d’eau, il fe dégage des vapeurs rouges; ce qui eft une preuve que l'acide s’y trouve très-fort phlogiftiqué , d’autant qu'on ne peut pas produire ces mêmes vapeurs rouges , en ajoutant du même efprit de nitre à la diflolution du nitre ordinaire. On remarque aufli que cette diflolution fuperfaturée avec l'acide, devient bleue ; couleur que l'acide nitreux étendu à coutume de prendre lorfqu’il eft très-phlogif- tiqué. Quand la diflolution a été faturée avec l'acide , elle a perdu fon goût alkalin & cauftique ; mais néanmoins elle diffère au goût du vrai nitre, On croiroit qu'elle eft mêlée à du fel marin, & de même le réfidu a demandé beaucoup moins d’eau pour être diffout: mais en l’expofant pendant quelques jours à l'air, & y ajoutant de nouvel acide, tant qu'il continue à donner des vapeurs, l’alkali fe trouve enfin faturé , & redevient vrai nitre, fans être mêlé à d’autres fels, comme j'ai pu le voir (2). On avoit remarqué que l'air déphlogiftiqué tiré du nitre étoit moins pur que celui obtenu du précipité rouge , & de plufeurs autres fubftan- ces ; ce qui peut provenir de ce que les retortes qu'on a coutume d’em- ployer ne font pas vernies ;:ce qui, conformément à la découverte du Docteur Prieftley, peut avoir donné lieu à labforption de quelques par- ties d'air commun , qui aura enfuite été fourni avec l'air déphlogiftiqué : mais fi on peut démontrer que l'air déphlogiftiqué retiré du nitre dans des vaiffeaux de verre ou de terre verniffée , eft aufli impur , cela fera voir que c’eft une partie de l'acide contenu dans le nitre, qui eft changé en air phlogiftiqué , en abforbant le phlogiftique de la partie aqueufe. D'après ce queje viens de dire, il paroît que l’acideagitd’une manière bien différente dans la production de Pair déphlogiftiqué qu’onretire du précipité rouge & du nitre. Dans le premier cas’, l’acide commence à monter, laiffanit la fubitance qui fe trouve dépouillée de la partie de fon phlosif- tique; dans le fecond cas, l'air déphlogiftiqué pafle d’abord, & laifle Facide combiné au phlogiftique de l’eau , dont celle-ci éroit formée, (1) C’eft environ 81 grains {mefure) par grain denitre, & la pefanteur de l'air dé- phlogiftiqué le fuppofänt 800 fois plus léger que l’eau, eft un dixième de celle du nitre, & certainement j'aurois eu une plus grande quantité d'air, fi j'avois donné un feu plus fort. (2) Cette phlogiftication de l'acide dans le nitre par chaleur , a été obfervée par M. Schecle. ( Voy. fes Expériences fur l'air & le feu.) SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 47 Lorfqu’on diftille un mélange de mercure & d'huile: de vitriol jufqu’à ficciré, une partie de l'acide monte unie au phlooiftique fous la forme d'acide fulfureux volatil & de gaz acide vitriolique. Ainf, la maffe blanche qui refte peut être confidérée comme du mercure dépouillé de fon phlogiftique & uni à une certaine quantité d'acide & d'eau, ou comme du mercure uni àune certaine proportion d’acide & d’air déphlo- gittiqué. D'après cela, fi on donne à cette matière blanche un feu plus violent, l'air déphlogiltiqué monte, & en même temps ume portion du mercure pafle fous fa forme métallique. Il y a aufli une portion de la mafle blanche qui fe fublime , unie fans doute à une plus grande propor- tion d’acide qu'auparavant. Ainfi, les circonftances de Ja production de l'air déphlogiftiqué du turbith minéral ou du précipité rouge , font prefque les mêmes, Le vrai turbith minéral eft préparé avec la mafle blanche dont je viens de parler , qu’on lave bien avec iE l'eau; & par ce lavage, il acquiert une couleur jaune, & il contient aufli moins d’acide que la mafle non lavée. D’après cela, il paroît vraifemblable que lorfqu'on l'expofe à la chaleur , il ÿ en a bien moins quisfe fublime fans fe décompofer, & on en retitera conféquemment une plus grande quantité d'air déphlogiftiqué que de la mafle non lavée, Ceci eft une preuve que l'eau peut être préférée au feu dans certains cas, pour féparer avec avantage l'excès d'acide vitriolique que diverfes bafes peuvent avoir. Le tartre vitriolé en eft une nouvelle preuve ; car fice fel fe trouve mêlé à de l'huile de vitriol, & qu'on vienne à lui donner une grande chaleur, la mafle reftera très-acide; mais fi on la diffoyt dans l'eau & qu'on évapore: les criftaux ne feront pas {enfiblement acides. Il paroït probable que l'acide vitriolique agit de la même manière dans la production de l'air déphlogiftiqué retiré de l’alun, que l'acide ni- treux Le fait en le fourniffant du nitre ; c’eft-à-dire , la partie aqueufe s'élève d'abord fous la forme d’air déphlogiftiqué, laiffant l'acide chargé de fon phlogiftique, Je ne puis point affurer fi c’eft la même çaufe à l’é- gard du vitriol bleu & du vitriol vert, ou fi, dans ceux-ci, l'acide n'agit pas de même que dans le turbith minéral. Je préférerois cependant ce der- nier fentiment. , On a trouvé un autre moyen pour fe procurer l'air déphlogiftiqué en très-grande quantité : je parle des végétaux qu'on fait croître au foleil ou à la lumière, Il me paroït probable que ces plantes, aidées par la lumière , dépouillent de fon phlooiftique la partie de l'eau pompée par les racines, & la changent en air déphlogiftiqué, & alors le phlogiftique , s’uniffantà la fubftance de ces plantes, vient en former partie. Il y a plufieurs circonftances qui prouvent que la lumière a un pouvoir remarquable pour difpofer un corps à abforber le phlogiftique d’un autre, M. Sencbier a obfervé que les teintures vertes retirées des feuilles des vé- 43 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, getaux par l’efprit-de-vin, perdent bientôt leur couleur quand on fes expofe au foleil dans une bouteille remplie au tiers : mais cela n’a pas lieu à l'obfcurité, ou quand la bouteille eft pleine de la ceinture, ou fi T'air de la bouteille eft phlogiftiqué. D’après cela, il eft naturel de con- clure que c’eft la lumière qui facilite la partie déphlogiftiquée de l'air à abforber le phlogiftique de la teinture; & cela eft d'autant plus vraifem- blable , que je trouve que l'air dans la bouteill: eft confidérablement phlogiftiqué par cetteexpérience. L’efprit de nitre déphlogiftiqué acquiert aufi une couleur jaune, & devient phlopiftiqué en l'expofant aux rayons du foleil (1)5 & je trouve de même que l'air de la bouteille qui le con- tient , devient déphlooiftiqué, ou, in d’autres expreflions , qu'il re- çoit une augmentation d'air déphlogiftiqué; ce qui Êie voir que le chan= gement qui arrive dans l'acide n’eft pas dû aux rayons du foleil qui lui fourniflent du phlogiftique, mais à ce que ces rayons lui donnent la fa- culté d'abforber Le phlogiftique que l'eau contient, & de produire par-là de l'air déphlogiftiqué. M. Scheele a aufli trouvé que la couleur noire que a lune cornée acquiert lorfqu’elle eft expofée à l'air, eft due à la partie revivifiée , & que l'or diffout dans l’eau régale, & privé, par La diftillarion, ‘des acides nitreux & marins en furabondance , eft reviviñié par un moyen femblable ; & il y a tout lieu de croire que, dans ces deux cas, la ré- duction du métal eft due à l’abforption du phlosiftique de l’eau. Les végétaux femblent être compofés prefque entièrement des airs fixe & phlogiftiqué unis à une grande quantité de Re &àun peu d’eau, puifque, lorfqu'on les brûle à l'air libre , le phlogiftique qu'ils contiennent s’unit à la partie déphlogiftiquée de l’atmofphère, pour for- mer l’eau, Cela fait voir qu'ils fonr changés prefque entièrement en eau & en ces deux efpèces d'air. Maintenant les plantes qui croiflent dans l'eau ure fans terre, peuvent recevoir leur nourriture de l'eau & de l’air feu- tone & elles doivent aufi abforber en toute probabilité le phlogiftique de l'eau. On fait aufli que les plantes qui croiflent dans l'obfcurité n’ont pas leur vigueur ordinaire, & elles croiflent d’une manière différente de celles qui ont le contact de la lumière. D'après ce que nous avons dit, il paroît vraifemblable que l'utilité de la lumière aux végétaux eft de leur donner la faculté d’abforber le phlo- giflique de l'eau, en avançant leur végétation, & en augmentant la pro- EE (x) Si on diftille de l’efprit de nitre à une chaleur très-foible, la portion qui paffe eft très-colorée & fumante , & celle qui refte eft fans couleur & moins fyumante, quoique de la même force que celle qui a diftillé, & les vapeurs font aufli fans couleur : on le nomme dans cet état pare de nitre déphlogiltiqué , vu qu'il paroît être réellement dépouillé de phlogiftique par ce procédé, La manière dele préparer , ainfi que la faculté qu'il a de reprendre fa couleur en l’expofant à la lumière , ont été détaillées dans les Mémoires de Stockholm, par Scheele , 1774. pe du“tion SUR L'HIST. NATURELLE ET LÉS ARTS. 49 duction de l'air déphlogiftiqué. On pourroit peut-être objecter que , quoi- que les plantes ne paroiffent pas profiter beaucoup dans l’obfcurité, néan- moins elles y croiflent, & elles peuvent donc, d’après cette hypothèfe , ab- forber l’eau de l’atmofphère , & donner de l’air déphlogiftiqué, qu'on n'a point trouvé qu'elles fournifloient. Mais nous n'avons pas de preuves qu’elles font la moindre végétation dans tous les cas où elles ont été obfervées ne pas donner de l'air déphlogiftiqué ; car de même que les plantes croîtront dans l’obfcurité , de même leur pouvoir végétatif peut être fur le champ entièrement arrêté par cette caufe, fur-tout fi on fait attention à la fituation contre nature dans laquelle elles doivent être placées dans de femblables expériences. Peut-être même que les plantes qui croiflent dans l'obfcurité peuvent être en état d’abforber le phlooif- tique de l’eau léoèrement imprégnée d'air déphlogiftiqué , & non pas de celle qui en eft fortement imprégnée ; & conféquemment , lorfqu’elles fonc tenues au-deffous de l’eau dans l’obfcurité, elles peuvent peut-être don- ner d’abord un peu d’air déphlooiftiqué , qui, au lieu de s'élever à la furface , peut être abforbé par l'eau ; & avant que l’eau en foit affez im- régnée pour lui laifler gagner la partie fupérieure , les plantes peuvent ien cefler de végéter, à moins de changer l’eau. Ainfi, on ne peut rien obje@ter , d’après ces expériences, fi on ne commence point par prouver que les plantes peuvent croître dans l'obfcurité, & augmenter en gran- deur , fans fournir de l'air déphlogiftiqué. M. Senebier a trouvé que les plantes donnoïent beaucoup'plus d'air déphlo: giftiqué dans l’eau diftillée imprégnée d’air 6xe, que dans l’eau diftillée or- dinaire ; ce qui eft parfaitement conforme à l'hypothèfe dont j'ai fait men- tion ci-deffus : car comme l'air fixe eft une des parties conftituantes des végétaux, il eft raifonnable de croire que l'ouvrage de la végétation ira beaucoup plus vice dans l’eau qui contiendra l'air fixe, que dans une autre eau. Ily a plufeurs Mémoires de M. Lavoifer, publiés par l’Académie des Sciences, dans lefquels il fe déclare contre le phlogiftique , & il ex- plique ces phénomènes , qui avoient été généralement attribués à la perte ou à l'attraction de cette fubftance, par l'abforption ou par l'expulfon de l'air déphlogiftiqué; & comme non feulement les expériences précéden- tes , mais encore tous les autres phénomènes de la Nature peuvent s’expli- quer aufli bien , ou prefque aufli bien , d’après ces principes que d’après ceux qu'on attribue communément au phlogiftique, je crois à propos de dire en peu de mots de quelle manière je défirerois en donner l’explica- tion dans ce dernier fentiment, & pourquoi je donne la préférence à l’au- tre. Je ne me conformerai point ftriétemenr à cette théorie dans ce que jen dirai, mais jy ferai les addirions & corrections qui me paroiflene convenir dayantage à ces phenomènes ; d’ailleurs elles pourront engager Tome XXVI, Part, 1,1785. JANVIER, so OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, peut-être l'Auteur lui-même à croire que de telles additions ne font pas plus éloignées de ce fujet que les expériences précédentes. Suivant cette hypothèfe , il faut fuppofer que l’eau eft compofée d'air inflammable uni à l'air déphlooiftiqué; que l'air nitreux, que le gaz acide vitriolique , & que l'acide phofphorique font aulli des combinaifons d’air phlogiftique, de foufre, & de phofphore , avec l'air déphlopiftiqué , & que les deux premiers foncréduits , par une addition plus grande de la même fubftance , aux acides nitreux ordinaire & vitriolique; que les chaux mé- talliques font compofées des métaux eux-mêmes, unis à la même fubitance , communément cependant avec un mélange d’air fixe ; qu’en expofant les chaux des métaux parfaits à une chaleur fufifante, tout l'air déphlogifti- quéfe trouve chaflé, & qu’alors ces chaux reparoiffent fous leur forme métallique: mais comme les chaux des métaux imparfaits font vitrifiées par la chaleur , & ne reparoiflent point fous leur forme métallique, cela doit faire voir que tout l'air déphlogiftiqué ne peut pas en être chaflé par la chaleur feulemenr. De cette manière , fi on accorde à cette hypothèfe Ja raifon de la production de l'air déphlogiftiqué par le précipité TOUge ; c'eft que, durant la diflolurion du mercure dans l'acide & pendant fa calciration, l'acide fe trouve décompofé, & il fournit partie de fon air déphlogiftiqué au mercure : par-à il s’élève fous la forme d’air nitreux , & il taille le mercure uni à l'air déphlogiftiqué , qu'une chaleur plus grande fait pañlèr , tandis que le mercure reparoît fous fa forme métallique. Lorf- qu'on retire l'air déphlosiftiqué du nitre , l'acide eft auf décompofé, mais avec cette différence qu'il fournit quelques portions de fon air dé- phlogiftiqué, tandis qu'il refte lui-même uni à lalkali dans l'état d'acide nitreux phlooiftiqué, Quant à la produétion de l’air déphlogiftiqué des plantes, on peut dire que les fabltances végétales confiftent particulière- ment dans des combinaifons variées de trois différentes bafes , dont une, quand l’uniona lieu avec l'air déphlogiftiqué, forme l’eau, une autre l'air fixe, & la troifième l'air phlogiftiqué, & que , par les moyens de la végéta- tion , chacune de ces fubftances {ont décompofées , & fourniffent leur air déphlooiftiqué; & que lorfqu’on vient à les brüler , elles s'emparent de l'air déphlogiftiqué, & redeviennent à leur érat premier. Il femble donc , d’après ce que nous venons de dire, qu'on pourroit expliquer très-bien ces phénomènes de, la Nature fur ces principes, fans le fecoursdu phlogiftique; & de mêmecomme ajouter l'air déphlogiftiqué à un corps , vient à la même chofe que de le dépouiller de fon phlogiftique & de lui unir l’eau; & comme aufli peut-être les corps ne fe trouvent en- tièrement dépouillés d’eau; & comme je ne connois point de moyens par léfquels le phlogiftique peut être porté d’un corps à un autre, fans nous laiffer incertains fi l'eau ne pañle pas en même temps; il fera très- difficile de déterminer, par des expériences, laquelle de ces opinions eft SUR L'HIST, NATURELLE ET LES ARTS. SI wraié; mais je donne la préférence à l'opinion communément reçue du phlosiftique , d'autant que ce dernier explique tous les phénomènes d'une manière aufli fatisfaifante que le font les principes de M. Lavoilier. Il ÿ a auli une circonftance que je regarde d’une grande force , quoiqu'elle ne foit pas regardée de même par beaucoup de perfonnes, Cette circonf- tance eft que, comme les plantes femblent tirer leur nourriture totale de l'eau & des airs fixe & phlogiftiqué, & qu'elles retournent de nouveau en ces fubftances par la combuftion ,ilme paroît raifonnable de conclure que, mal gré leur variété infinie , elles confiftent prefque entièrement en des combi- naifons variées d’eau , d’air fixe, & d’air phlogiftiqué , unis, d’après une de ces opinions, au phlogiftique ; & d’après l’autre, dépouillés d’air dé- phlociftiqué. Ainfi , fuivant la dernière opinion, la fubftance de la plante eft moins compofée que ‘le mélange de ces corps dans lefquels elle fe trouve changée par la combuftion, Il eft donc plus raifonnable, vu la grande variété, de chercher dans les fubftances compofées , plutôt que dans celles qui font fimples. Une autre chofe que M. Lavoifer a cherché à prouver , eft que l'air déphlogiftiqué eft le principe des acides. D’après tout ce que nous avons expliqué, il paroïît néanmoins que les acides ne perdent rien de leur acidité lorfqu’on les unit au phlogiftique ; ce qui a lieu à l'égard des acides nitreux, vitriolique , phofphorique & atfenical. Je crois qu'on peut dire la même chofe à l'égard de l'acide du fucre ; & l'expérience de M. Lavoifer confirme l'opinion de Bergman , que l'acide faccharin ne retient aucune portion de l'acide nitreux, & que ce dernier ne fert qu'à dépouiller le fucre d'une portion de fon phlogiftique. Quant à l'acide ma- rin & à l’acide du tartre, il paroît que le phlogiftique peut leur ôter leur acidité ; mais il faut remarquer que les acides du fucre & du tartre, & probablement tous les acides végétaux & animaux, fe changeant, par la combuftion , en eau, air fixe & air phlogiftiqué , doivent par conféquent contenir plus de phlogiftique & moins d'air déphlogiftiqué que ces mêmes fubftances ; favoir, l'eau , l'air fixe, & l'air phlogiftiqué. EXTRAIT D'UN MÉMOIRE SUR LES DIFFÉRENTES ESPECES DE CHIENS DE MER; Par M. BROUSSONET, Affocié ordinaire de La Société Royale de Londres, &c, Gc. 1 DB Auteurs ne font point d'accord fur l’efpèce de poiflon à laquelle les Anciens avoient donné le nom de /qualus, Artedi a compris fous Tome A XVI, Pare, I, 1785. JANVIER. G 2 2 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, cette dénomination une famille de poiflons cartilagineux , qui fe refflem- blent aflez, & qu'on appelle communément chiens de mer ; leur corps eft alongé , les yeux & les évenrs (x) font placés fur les côtés ; & ces ca- raétères fufhfent pour les diftinguer d'avec les raies, qui ont d’ailleurs avec eux beaucoup d’analogie. Dans les efpèces de ce genre, le nombre des évents fe porte jufqu'à fept , & n'eft jamais au-deflous de quatre. Ce caractère empêche qu'on ne les confonde avec les poiflons cartilagineux , qui n’en ont qu'un , tels que les e/hirgeons , & ceux que Linné a compris fous le nom de chimæra. La préfence des nageoires de l'abdomen fert encore à les féparer d'avec les /amproies. . Aucun chien de mer , de ceux que nous avons vus, n'a les dents de la mâchoire fupérieure entièrement femblables à celles de l'inférieure. Cette différence eft fur-tout remarquable dans celui que nous appellerons le grifée , dont les dents fupérieures font fans dentelures coniques, &c {es inférieures, très-larges & dentelées. MM. Geoffroy (2) , Hériflant (3) & Stenon (4) nous ont donné des détails curieux fur le mécanifme de ces parties, & fur la manière dont elles font remplacées les unes par les autres. Comme elles ne font jamiais abfolument femblables dans les ef- pèces, même les plus voifines, elles fourniflent des caractères fpécifiques wès-sûrs. Un poiffon de cette famille a Les dents fi peu différences de celles de quelques raies, qu'il feroit impoflible de déterminer auquel des deux genres on doit le rapporter, files mâchoires ne fourniffoient d’ailleurs d’autres caractères propres à les diftinguer. Dans tous les chiens de: mer que nous avons eu occalon d’examiner , la mâchoire fupérieure étoit plus longue que Pinférieure ; dans les raies , au contraire, celle-ci furpañloie Vautre en longueur. Les cartilages de la mâchoire inférieure des chiens de mer étoient aufli beaucoup plus larges que ceux de la fupérieure ; ce que nous n’avons pas remarqué dans les raies, où les uns & les autres étoienc à peu près également larges. On obferve , dans le plus grand nombre des efpèces de ce genre, une ouverture particulière derrière chaque œil, & qui leur fert peut-être à re- cevoir l’eau, pour la faire pafler dans la gueule. Nous appellerons cette partie le srou des tempes. Les nageoires pectorales font conformées à peu près de la même ma- nière dans le plus grand nombre des efpèces ; elles font prefque toujours plus grandes que les abdominales , & le plus fouvent également diftantes de celles-ci & du bout du mufeau. Dans quelques-unes cependant, elles (x) Ce nom nous a été communiqué par M. d'Aubenton , qui s’en elt fervi pour défi- gner les ouvertures des ouies des poiffons cartilagineux. On a nommé AS ces: parties éouronniéres. Les Auteurs Latinsles ont appelés /piracula ; ils euflent mieux die exfpiracula. (2) Mém. de l’Acad. 1741, pag. 34. (3) Idem. 1749, pag, 235 (4) Elém. Myol. cap. carrhar. diffe&t. Amitel, 8°. 1669. ' SUR L'HIST. NATURELLE ETLES ARTS, 53 font plus rapprochées de cette dernière partie; & dans ce cas, la na- geoire de derrière lanus manque ordinairement. Celles de l'abdomen font rapprochées entré elles , fituées autour de l'anus, & unies avec les pare ties de la génération dans les mâles; un feul a ces nageoires jointes en- femble. La première nageoire du dos fe trouve tantôt devant , tantôt derrière Paplomb des abdominales; & certe différence , qui dépend de la forme du corps & de la place qu’occupent les autres nageoires , fournit une di- vifion fenfble dans ce genre. Dans les efpèces dont le corps eft effilé & alongé , dont le bout du mufeau eft pointu, & où l’on ne trouve point de nageoires derrière l'anus, & dont les abdominales & les pecto- rales font plus larges , la première du dos eft firuée au delà de l'aplomb de celles de l'abdomen. Dans ces dernières , les peétorales font plus bafles; elles s'ouvrent horizontalement, & ont beaucoup de reflem- blance avec les abdominales, Quelques efpèces de chiens de mer font très-voraces; d'autres vivent prefque entièrement de plantes marines ou mollaffes | mollufta : celles- ci vont en troupes , le befoin ne rompt point leur fociété; celles au con- traire qui ne fe nourriflent que d'animaux & qui n'épargnent pas même ceux de leur efpèce ; vivent ifolées & reftent peu de temps dans les mêmes endroits, Ces poiflons font à la fois un plus grand nombre de petits que les raies, parce que leur forme quand ils font jeunes, ne les empêche point , comme celles-ci, de devenir la proie des gros ani- maux, & quela Nature, toujours occupée à conferver les efpèces, a accordé plus de moyens de fe multiplier aux individus qui ont des or- ganes foibles, qu’à ceux dont les parties plus robuftes & une forme plus avantageufe les mettent à même d’éluder la loi du plus fort. On s'occupe très-peu de la pêche de ces poiflons; on n'en rencontre qu'un petit nombre dans les marchés ; leur chair eft dure & de mauvais goût. Leur peau féchée eft employée à différens ufages ; celles qu’on voit dans le commerce , fous le nom de peaux de chien de mer & de chagrin (1), appartiennent à plufieurs efpèces. On retire de l'huile de quelques- unes, Les Anciens &les Auteurs qui ont les premiers écrit, particulièrement fur les poiffons , ne nous ont laiflé que des defcriptions très-incom- plettes fur ceux de ce genre ; ils paroiffent avoir plutôt confulté dans EU (1) Ces peaux fervent à polir le bois, l’ivoire, &c. Les Gaïniers les emploient , après les avoir adoucies & polies , pour couvrir leurs ouvrages, C'eit ce qu’on appelle cou- viir en Galluchar, du nom de Ouvrier qui a faitle premier de ces fortes d'ouvrages, (Pay. du Hamel, Hifl, des Péch., part. II, fe. LX, pag. 297.) 54 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, leurs Ecrits, leur imagination que la Nature ; parmi les Modernes mêmes, il en eft peu qui aient décrit exactement les efpèces de cette famille, & il n’en eft prefque aucun dont la fynonymie ne foit fautive. Les premiers Auteurs qui ont écrit fur l'Ichtiologie , à l'époque du renouvellement des Lettres, fe fonc plus occupés de la recherche des noms fous lefquels les Ecrivains Grecs ou Latins avoient défigné les différentes efpèces de poiffons , qu'à donner de bonnes defcriptions où des figures exactes de ceux qu'ils étoient à même d'examiner. Ils nous ont laiflé des volumes immenfes fur les diverfes acceptions que pou- voient recevoir les dénominations employées par les Anciens , & parti- culièrement dans les efpèces qui font le fujer de ce Mémoire ; ils ont adopté les fables même les plus ridicules, Nous pourrions en citer un grand nombre d'exemples ; mais nous nous contenterons de celui ci. Les Anciens , & fur-tout Ælien, ont écrit que quelques poiffons recevoient dans leur eftomac leurs petits, lorfque la crainte de quelque danger les obligeoit à fe cacher, & qu'ils les rendoient enfuite fans être endom- magés. Parmi ceux-ci, Ælien en défigne un fous le nom de glaucus, Rondelet , loin de fe méfier d’un conte aufli abfurde, en tire au con- traire une preuve contre Le fentiment de quelques Ecrivains qui avoient cru devoir rapporter ce fynonyme à un poiflon dont le dos eft armé d'aiguillons , obfervant que ces piquans devoient empêcher les petits d’être reçus dans l’eftomac des gros. Îl a mieux aimé donner ce nom à un chien de mer, dont le corps eft bleu & fans épines, Le même Auteur dit avoir trouvé dans l’eftomac d’une efpèce de chzen de mer (lerenard marin) plufeurs petits encore vivans, & il en déduit une nouvelle preuve de la vérité du fentiment qu’il avoit adopté: il con- damne même , comme une erreur, la perfuafion où étoient les Pécheurs que ces poiflons devoient fervir de nourriture aux gros; & croyant pré- venir toutes les objections, il ajoute , que la longueur de la queue n'eft point un obftacle à leur introduction dans l’eftomac, cette partie étant alors très fouple , fufceptible de fe plier en tout fens, & n'ayant point encore acquis cette roideur qu'on obferve dans les gros. Gefner, Al- drovande , Ray lui-même , en copiant ce pafflage fans examen, ont paru Jui donner un certain degré de vraifemblance (1). Cette faute prouve com- bien eft dificile l’art d’obferver , & combien une érudition mal entendue peut être nuifible en Hiftoire Naturelle. Une idée aufli extraordinaire ne () Will. Append., pag. 15, dans la defcription anatomique de l’émiflole, par E. Tyron, où il râche de donner toure forte de probabilité à cette Hiftoire. I1 en doute pourtant ; mais il n’ofe contredire Rondelet, & il dit: Quoniam ramen idoncis teftibus confirmatur fideni ei denegare non poffum. Il eft finsulier qu’on ait à relever la même er reur dans les Ouvrages de quelques Auteurs modernes, d’ailleurs crès-célèbres, SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 55 feroit affurément jamais entrée dans l’efprir de Rondelet, s'il avoit ofé prendre fur lui de s’écarter du fentiment des Anciens. Les efpèces de ce genre nous fourniront trois divifions ; dans la pres mière, nous placerons toutes celles qui ort une nageoire derrière l'anus & le trou des tempes; la feconde comprendra celles qui ont la nageoire derrière l'anus , fans avoir le trou des tempes; la troifième enfin, celles quis ayant le trou des tempes, n'ont poiut de nageoïire derrière l'anus. PREMIÈRE DIVISION. E/pèces qui ont une nagcoire derrière l'anus 6 Les trous des tempes, 1. L’Ifabelle,. La première nageoire dorfale à l'aplomb des abdomi- nales, 2. La Rouffette. Un lobule & une appendice vermiforme à l'ouverture des narines. 3. Le Chat-Rochier. Deux lobules à l'ouverture des narines, 4 Le Milandre. Les dents prefque triangulaires , dentelées fur leur bord vertical. $. L’Emiffole. Les dents très-petites & obrufes. 6. Le Barbillon. Une appendice vermiforme aux naines. 7. Le Barbu. Un grand nombre d’appendices vermiformes aux environs de l'ouverture de la gueule. 8. Le Tigre. La queue alongée, les deux derniers évents réunis.” 9. Le Galonné. Sept bandes noirâtres qui s'étendent parallèlement depuis le bout du mufeau jufqu’à la queue. 10. L'Œillé. Une grande tache noire , avec une aréole blanchâtre de chaque côté de la poitrine, 11. Le Marteau. La tête en forme de marteau. 12. Le Pantouflier. La tête en forme de cœur. 13. Le Grifer. Six évents de chaque côté. f° 14. Le Renard marin. Le lobe fupérieur de la queue’ prefque de Ja Ion- gueur du corps, SECONDE DIVISION. Efpèces avec une nageoiré derrière l'anus, fans les trous des tempes, 15. Le Glauque. Les côtés de la queue lifles , une foffette à l’extrémité du dos. 16. Le Nez. Un pli de chaque côté de la queue. 17. Le Perlon. Sept évents de chaque côté. 18. Le Très-grand. Les dents coniques & fans dentelures, 19, Le Requin, Les dents triangulaires & dentelées fur les bords, 56 OBSERVATIONS SURTLA PHYSIQUE, TROISIÈME DIVISION. Efpèces avec les vrous des tempes, fans nageoire derrière l'anus. 20. La Scie. Le mufeau alongé, applati, & armé de dents de chaque côté dans toute fa longueur. 21. Le Boucle. Le corps parfemé de tubercules larges, & armé d’une ou deux pointes, 22. L’Aiguillar. Le corps prefque cylindrique, & un aiguillon à chaque nageoire dorfale. 23. Le Sagre. Le ventre noirâtre. 24. L'Ecailleux. Le corps recouvert de petites écailles oblongues. 25. Le Aumantin. Le corps prefque triangulaire. 26. La Liche. Les nageoires dorfales fans aiguillons , les abdominales rapprochées de la queue. 27. L'Ange. Les nageoires pectorales très-grandes & échancrées anté- rieurement, Nous avons décrit quelques efpèces dans le Cabinet du Roi. M. d'Au- benton , dont les ouvrages doivent fervir de guide aux Naturaliftes , comme fes bontés nous fervent d'encouragement , a bien voulu nous pro- curer toutes les facilités relatives à notre objet, D'autres defcriptions ont été prifes fur des individus de la Colletion de M. le Chevalier Banks, à qui nous payerons toujours, avec un nouveau plailir, un tribut de reconnoiffance que nous devons à la ma- nière généreufe avec laquelle il a bien voulu nous communiquer les efpèces de poiflons les plus rares de fon Cabinet. Le Mufæum Britanni- cum nous a fourni aufli quelques efpèces. Nous avons eu encore occafion d'en voir pêcher plufeurs dans l'Océan & la Méditerranée, 1. L'/fabelle, Cette efpèce a beaucoupide reffemblance avec la rouf- fette, mais fa tête eft plus applatie, & la première nageoire du doseft pla- cée à l’aplomb de celles de l'abdomen. Sa couleur nous a engagé à lui donner le nom d'’ifabelle ; nous ne l'avons trouvé décrite dans aucun Au- teur ; elle a été prife au mois de Novembre dans la mer du fud , fur la côte de la Nouvelle-Zélande. Le corps étoit un peu applati; la tête courte, large, obtufe , & très-ap- platie ; les dents difpofées en fix rangs , comprimées, courtes, triangulai- res , aiguës , & ayant à leur bafe, de chaque côté, une petite dent; la lan- gue éroit épaifle, lifle, & très-obtufe; les narines, grandes , étoient égale- ment éloignées du bout du mufeau & de la partie antérieure de la gueule; les yeux étoient enfoncés ; l'iris de couleur de cuivre, & la pupile alongée & SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 7 &noïre, On voyoit au-deflous de chaque œil une foflette particulière ; le trou des tetnpes étoit rond & aflez grand. Les nageoires dorfales étoient prefque carrées; la première étoit fituée à laplomb de l'anus ; la feconde, plus petite que celle-ci, étoit placée à l'aplomb de la nageoire de derrière l'anus : les peétorales ‘étoient très- grandes; elles avoient leur bafe au-deffous du troifième évent : celles de Tabdomen £ntouroient l’anus ; elies n’étoient point réunies , & leur: partie poftérieure fe terminoit en pointe. La queue avoit en deflous une nageoire alongée & formant deux lobés. La ligne latérale éroit parallèle au dos, & s’en trouvoit très-rapprochée. La peau étoit chagrinée, mais plus rude fur le dos ; fa couleur éroit d’ün roux cendré; fon corps étoic parfemé de’ taches noirâtres de différentes grandeurs, placées fans ordre; le ventre & le deffous des nageoires de la poitrine & de l'abdomen étoienc d’un blanc fele; fa longueur étoit de 2 pieds & demi. Nous avons extrait cette defcription des notes tranfcrites que le Doc- teur Solander avoit bien voulu nous communiquer , & d’une figure peinte qui eft dans la Collection de M. le Chevalier Banks. 2. La Roufferre. On donne quelquefois le nom de rouffette à routes Les petites efpèces de chiehs de mier ; mais cêtte dénomination appartient plus particulièrement à celle-ci; elle lui a été donnée à caufe de fa couleut roufle. { Nous croyens devoir fapporter à la rouffette le /qualus catulus dé Linné; qui eft le cuzulus minor des Anciens. Les nageoites abdominales réünies,/& n’en formant, pourain{i dire, qu'une feule; ont fourni aux Au- teurs le caractère diftinétif de ce dernier, Willughby, qui avoit fair deux efpèces diftinétes de ces poiffons ,-aVoit obfervé dans les mâles cette réu- nion des nageoïres de l'abdomen; mais Les caraëtères qu'il donne d'ailleurs pour les diftinguer,ne font point fufffans. L'union de ces nageoires nous a paru conftamment être-un caraëtère diftinctif des mâles d'avec leurs fe- melles. SHATE . ï Les femeles des chiens de’ mer, commie celles des oifeaux de proie , font beaucoup plus groffes que les mâles, Il fervit-dificile de rendre raifon de cêtre fingulariré; fl hic de la faire appercevoir comrhe uhrappore qui éxifte entre dés animaux de’ élaffes d’ailleurs très-différetites ; mais que: mänière de vivre de quelques-uns femble rendre en quelque forte analogrres. Certe obfervation vient à l'appui du fntiment que nous avons adopté; car les Auteurs “avoient homnié!la ‘ouflétre , que nôus ‘ne régardons que comme la femelle, caulus major ; & celui que nôus prétendons -{eule2 Wénentcerelemale, Carlus minor ee EE LE ed ne pe on Quelques Auteurs ont confondu la rouffette avec le chat-rochier; mais elle en diffère par les‘taches de fon corps, qui font en bien plus grand nombre, & plus petites ; es narines font ‘aufli rECOUVEITES "par an tobüle Tome XXVI, Part. I, 1785. JANVIER, H 58 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, & une appendice vermiforme au-deflous. Au refte, ces efpèces font très analogues. La rouffette fait fa nourriture ordinaire de sèches & de petits poiffons; elle eft vorace, & , comme la plupart des autres poiffons de cette famille, elle nuit fouvent aux Pécheurs. Sa chair eft dure, & fon odeur approche de celle du mufc; on en mange rarement, & feulement après l'avoir Jaïflé macérer quelque temps dans l’eau. Le nombre de fes petits eft de neuf à treize à chaque portée. $a peau féchée , eft très - commune dans le commerce, Sa longueur ordinaire eft de 2 à 3 pieds. Ses dents font pointues & divifées à leur bafe en deux lobes qui for- ment, pour ainfi dire, leur racine, On les trouve affez fouvent fofliles. On peut en voir des figures dans Scilla (1) & Luidius (2). On pêche affez communément les rouffettes dans l'Océan & la Médi- terranée. Comme ce poiffon eft très-connu , nous nous croyons, par cette raifon , difpenfés d’en donner une defcription détaillée. Nous nous fommes bornés à indiquer quelques particularités qui ne fe trouvent point dans Willughby. Squalus (Canicula) varius inermis ; primé ani medid inter anum cau- damque pinnatam, Linn. Syft. Nat. tom.I, pag. 399 , 8. Arted, Syn, 07 st TO: F Canicula Ariflorelis. Rond. Hift, Pifc. I, pag. 380 , figure incom- plette. Catulus major. Sabian. Hift. Pifc. pag. 137 ; figure médiocre. Willugh. Ich. pag. 62, tab. B. 3; defcriprion détaillée , figure co- piée de Salviani. Squalus dorfo vario inermis, pinnis vensralibus concretis , dorfalibus caude proximis, Gron. Muf. Il, n°. 199 ; defcription faite fur un indi- vidu mâle. The leffer fpotted Dog-fish. Penn. Brit. Zool. tom. IT, pag. 1071 , tab. XV nv. 47: La grande rouflette. Du Ham. Hif. des Pêches, part, IL, feä. IX, Pag. 304, pl. 22; fig. bonne. 3. Le Char-Rochier. Cette efpèce diffère de la précédente par la gran- déur de fon corps, par les taches de fa peau, qui font plus rares & plus grandes; par fon mufeau , qui eft un peu plus alongé ; mais fur-tout par fes narines , qui font formées en partie par deux lobules placés lun au- deffus de l'autre, Plufeurs Auteurs n'ont pas laiflé de les con- fondre. (1) De corporibus marinis lapidefcentibus , tab. VI, fig. 24 {2) Livhophylac, Britannie. tab. xv, n°, 1570. SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 59 On ne la rencontre point , comme la rouflette, fur les fonds vafzux & parmi les plantes marines ; elle vit au contraire fur les rochers, & fe nourrit de cruftacées , de mollaffes , & de petits poiflons. Son nom Lan- guedocien de cat:roukier , défigne aflez les lieux qu’elle fréquente. On a employé ce nom en françois. Le chat-rochier porte dix-neuf ou vingt petits à la fois : on le prehd avec des haims 8 des filets fédentaires , qu'on nomme Rouffertières ou Brerélières dans quelques Provinces. On en pêche aufli fouvent avec les thons; fa chair, quoique meilleure que celle de la rouffette, n’a pourtant rien moinsäiqu'un goût agréable; fa peau eft, dans le commerce , mêlée avec celle de la rouffette, Squalus (Stellaris) varius inermis', primis ventralibus difcretis caudæ pro- ximis. Linn/-Syft. ‘Nat. tom T, pag. 399 ; 9. Arted. Syn. Pig TI Are à Canicula faxatilis. Rond, Hift. Pifc, I, pag. 383 ; figure mé- iocre. Catulus maximus. WiMugh. Icht, pag. 63 ; defcription prife de Rondeler; fans figure. i The Greater. Cat - Fish, Edw. Glean ; pag. 169 , tab. 289; figure aflez onne. ; ns greater fpotted, Dog Fish. Penn, Brie. Zool, tom. INT, pag. 99, tab. 15, n°. 4. La petite ee ou chat-rochier, Du Ham. Hiff, des Péches, part. IT, Se&. 9, p.304, pl. 22; figure incorrecte. 4.Le Milandre, Ce Chien de mer eft connu fur la côte du Languedoc & dela Provence , fous le nom de milandre ou cagnor, Les Auteurs lui ont confervé en françois le premier de ces noms. On en trouve fouvent de très-gros , qui ont même jufqu’à $ pieds de long: aufñi Les Italiens les nommentils quelquefois /amiola , diminutif du mot lamia , qu'ils emploient pour défi- ner le requin, qui eft un des plus grands de cette famille, IL eft d’un gris nc , plus clair fous le ventre ; il reflemble beaucoup à l’émiffole; mais: ilen diffère , comme toutes les autres efpèces , par fes dents, qui font à peu , près triangulaires & dentelées fur un de leurs côtés. Ces dentelures fonc à peine marquées dans les jeunes individus, 4 54 1 © 4) on - Le milandre eft très-vorace ; il déchire quelquefois les filets où le poiffon eft pris : on le trouve fouvent enfermé dans des parcs, où il entre en pourfuivant fa proie, Rondelet aflute qu'il attaque, non feulement les hommes qui nagent & plongent dans la mer, mais même ceux qui font fur les bords. Il eft cer- tain que tous les Pêcheurs le redoutent beaucoup. Il paroît fingulier que cet Auteur ait voulu prouver, d’après cette prétendue prédilection qu'il Tome X XVI, Part. I, 1785. JANVIER, H 2 6e OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE ; lui fuppofe pour la chair humaine , que c'écoit la même efpèce dont Pline a. parlé , fous Le titre de canicula, Sa chair eft très-dure, & même de mauvaife odeur : on la fait pourtanc quelquefois fécher ; mais l'abondance & le bon marché peuvent feuls dé- terminer des Pècheurs affamés à s’en nourrir. : Le Chevalier George Ent a donné une très-bonne defcription anato- mique decerte efpèce, à la fuite de l'Onomaflicon de Charleton. Squalus (Galeus) naribus ori vicinis, foraminibus ad oculos. Linn, Syft. Nat. tom. L, pag. 399, 7. Arted. Syn. pag. 97. 9. - Galeus Canis. Rond. Hift. Pifc. tom. L, pag. 317; figure mau- vaife. Salvian. Hift. Pife. pag. 130—133; figure médiocre. Willugh. Ichth. pag. Sl , tab, B. 5, fig. 1; defcription bonne, figure copiée de Sal- viani. Tope. Penn, Brit, Zool. tom. WI, pag. 08, n°. 45. Le Milandre, Du Ham. Hifi. des Péches, part. III, fe. IX, pag. 2$9. Planc. XX, fig. 1 , le mâle; fig. 2, la femelle: figures aflez bonnes; le trou des tempes omis, les évents mal repréfentés, : $» L’Emiffolé Cette efpèce diffère de toutes celles que nous. connoif- fons , par la forme de fes dents, qui font entièremenr femblables à celles de quelques raies, s elles font petites, obtufes, en lofanges, fe touchant les unes les autres, & forment une efpèce de parqueterie : elle reflemble d'ailleurs en tout point au: milandre. Elle eft connue en Languedoc fous le nom d'émiffole, & on a employé la même dénomination en François. Gronovius a confondu mal à propos ce chien de mer avec le glauque (1), qui en diffère cependant beaucoup. Le poiflon que Rondelet a défigné fous l’épithète de galeus aflerias , ne paroît être qu’une variété de celui-ci; nous n’ofons pourtant l’aflurer, ÆLa manière obfcure dont cet Ecrivain en a parlé, ne permet pas de prononcer fur l'efpèce à laquelle on doit le rapporter. On prend cette efpèce dans l'Océan & la Méditerranée. Stenon & Bartholin ont donné l’a: natomie du fœtus, Squalus (Muftelus ) dentibus obtufis. Linn, Syft. Nat. tom, I, pag. 400 , 13. Arted, Syn. pag. 93, 2. Galeus levis. Rondelec, Hift. Pifc, I, pag. 375; figure mau- waife. à Muflelus levis. Salvian.- Hiff, Pifc, pag. 135—137; figure mé- ocre, o| (1) Grons Zooph, n°. 141. l SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 6x Willugh. Ichth. pag, 60 , tab. B, 4, fig. 2 ; defcription bone, figure copiée de Salviani. Smooth-Shark, Penn. Brit, Zool. , tom. NI , pag. 102, tab. 16, n°. 48. L'émiflole. Du Ham. Hif. des Pêches , part. IL, fe&. IX , pag.300 ; fans figure. 6. Le Barbillon. Une appendice vermiforme à chaque narine forme le caradère diftindif de cette efpèce , & nous en a fourui le nom. On la trouve dans les mers d'Amérique; nous en avons vu plufeurs individus ui avoient été pêchés aux environs de la Jamaïque; M. fe Chevalier Banks l’a encore vue dans la mer du fud, fur la côte de la Nouxyelle- Hollande : nous ne la croyons décrite dans aucun Auteur. Le barbillon eft de couleur roufle ; les individus , dont, la longueur n'excède pasun pied, ont fur tout le corps de petites taches noires, ron- des , qu'on ne retrouve point dans les gros. Les plus longs que nous ayons eu occafion d'examiner , avoient un peu plus de $ pieds: les écailles fonc larges ,applaties, & très-luifantes, Comme elles font aufli très-rapprochées, nous fommes perfuadés qu'on pourroit faire avec leurs peaux Les) plus beaux ouvrages en Galluchat ; elles prendroient, à la vérité , difficilement les couleurs, : : La têre étoit applatie , le mufeau court. & obtus; Les lèvres étoienc épaifles fur les côtés; les dents, en grand nombre , étoient alongées, ai- guës & dilatées à leur bafe ; au devant de chaque narine, on voyoit une appendice vermiforme ; les yeux & les trous des tempes étoient très-perits; on trouyoit cinq évents de chaque côté , dont.les deux derniers, plus rap- prochés, fembloient n’en faire qu'un feul. Ce caractère. étoit fur-rour ap- parent dans les adultes; les nageoires pectorales éroient grandes; l'anus étoit également diftant du bout du mufeau & du bout de la queue ; les nageoires qui l’entouroient étoient arrondies & plus petites que celles de la poitrine; la première du dos étoit à l'aplomb des abdominales ; la fe- conde éroit fituée avant l’aplomb de la nageoire de derrière l’anus : celle-ci, petite, étoir très-rapprochée de la queue, La queue formoit le quart de la lon- gueur de tout le poiffon ; elle étoit d’abord diviféeen deux lobes , & légère ment échancrée vers l'extrémité, Nous avons fait la defcriprion de certe efpèce dans la Collection de M. le Chevalier Baoks , fur plufieurs indivi- dus confervés das la liqueur, & nous l'avons revue au Cabinet du Roi fux un grand nombre d'individus defféchés. 7. Le Barbu. Son corps eft garni de taches de différentes grandeurs, noires , placées fans ordre, rondes & anguleufes, entourées d'un cercle blanchâtre , & reflemblant en quelque forte à des yeux. Mais-ce qui dif tingue fur-tout. çette efpèce , eft.le grand nombre d’appendices qu'elle a fux La partie inférieure du mufeau. » 62 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, Aucun Auteur n’en a parlé; elle a été ptife dans la mer du Sud , fur La côte de la Nouvelle Hollande, dans une. baie que le Capitaine Cook a nommée Suirg Rays Bay, à caufe de la grande quantité de raies qu’il y a trouvées, La tête: étoit large $ applatie & courte; l'ouverture de la gueule éroit fituée prefque au bouc du mufeau; les dents, difpofées en plufeurs rangs, éroient en forme de fance : on voyoit à la partie inférieure du mufeau plu- fieurs appendices de différentes forme & longueur; il y en avoit une d'un demi-pouce de long , placée au-devant de chaque narine ; elle éroit di- vifée latéralement en plufieurs autres plus petites ; il y en avoit cinq autres de chaque côté : au-deffus de l'angle que Eat l'ouverture de la gueule, elles éroient vermiformes, & avoient un demi-pouce de long: onen ob- fervoit encore deux de chaque côté au delà de l'angle de l'ouverture de la gueule ; l'antérieure éroit la plus longue & bifide : on en trouvoit en outre deux autres au delà de celles-ci; la poltérieure formoit plufieurs divifions ; enfin, entre ces dernières & les nageoires pectorales, on en ob- fervoit deux aflez grandes, divifées fur un de leurs côtés en lobules obtus; les trous des rempes étoienc grands; les narines étoient placées immédia- ‘tement au devant de louverture de la gueule; il y avoit cinq évents de Chaque côté ; l'anus étoic placé au delà du milieu du corps ; la première nâgeoire dorfale écoit à l'aplomb de l'anus; la feconde étoit fituée entre la première & l’aplomb de la nageoire de derrière l'anus. Les pectorales étoient plus grandes que les abdominales; la nageoire de la queue étoit légèrement divifée; (a peau étoit recouverte de très-petites écailles dures , lifles , & Juifantes ; fon corps avoir 3 pieds & demi de Iong. Nous avons extrait cette defcription des manufcrits du Docteur Solander. 8. Le Tigre. Il habite les mers des Indes : on en trouve un grand nom- bie à la Chine, dans la rivière de Canton. La defcriprion que Gronovius en a donnée eft détaillée & exacte ; il l’avoit faite fur le même individu dont Seba a donné la figure. Le Profeffeur Forfter en a publié une nou- Re , parmi les planches qu'il a fait paroître enlatin & en alle- mand, fous le titre de Zoo/ogia Indica. Les deflins de cet Ouvrage avoient été exécutés d’après nature, fous Pinfpection du Gouverneur Lotens. Noûs avons cru devoir l’appelèr tigre , à caufe de fa couleur, & du nom de tigrinus que M. Forfter lui avoit déjà donné. Cette efpèce eft très-remarquable , par la longueur dé la queue & [a reunion des deux derniers évents de chaque côté, de manière qu'ils pa- roiflent n'en avoir que quatre : elle a des appendices vermiformes aux na- sines; fon corps eft marqué de bandes tranfverfales circulairés; l'anus eft placé avant le milieu du corps ; la première nageoire du dos eft fituée à Yaplomb de celles de l'abdomen ; la feconde. eft également diftante de la première & de celle de la queue, re SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. € Squalus capice obtufo , cirris duobns ad maxillam fuperiorem ; dorfo vario ânermi. Gron. Muf. tom. I, pag. 62 , n°. 136. Squalus rarius ; naribus ori proximis ; foraminibus ponè oculos ; fpiraculis utrinque quaternis ; caud4 longiffima. Seb. Thef. tom. III, pag, 105, tab. 34, fig. 1. « Squalus (Tigrinus ) Forffer. Zoo!. Indic. pag, 24 , fig. 2. 9. Le Galonné. On trouve cette efpèce dans les mers d'Afrique; or la pèche aflez communément dans la baie-Falfe du Cap de Bonne-Efpé- rance ; elle diffère de toutes les autres par fept bandes noirâtres qui s'érendent parallèlement depuis le bout du mufeau jufqw'à l'extrémité de la queue. Il avoit la tête plus large que le corps, & applatie ; l’ouverture de la gueule étoit en demi-cercle ; les dents étoient comprimées , alongées, aiguës , rangées en plufieurs féries tranfverfales à La mâchoire fupérieure; il avoit le palais & la langue chargés de petits tubercules mous, épars, ce qui rendoit ces parties un peu rudes; les narines étoient plus près de l'ouverture de la gueule que du bout du mufeau ; un lobe affez large & chagriné les fermoiten partie: on voyoit un autre Iobule mou à côté de celui-ci; les yeux étoient médiocres & oblongs; iris verdâtre; les trous des tempes étoient trois fois plus petits que les yeux : on voyoit cinq évents de chaque côté , dont le dernier fe trouvoit fur la bafe des nageoires peétorales. __ Les nageoïres peétorales étoient grandes & horizontales; celles de l’ab- domen avoient.une forme à peu près triangulaire ; elles éroient obliques à leurextrémité, mais en fens conrraire avec les pectorales : la nageoire de derrière l'anus étoit moins rapprochée de cette partie que de la bafe de la nageoire de la queue ; fa forme étoit un peu alongée , arrondie antérieurement; fa partie poftérieure fe terminoit en pointe ; la première dorfale étroit au delà du milieu du dos & de celles de l'abdomen; la feconde fe trouvoit placée à l’'aplomb de Ia partie poftérieure de celle de dérrière l'anus; celle de la queue en deflous étoit arrondie à fon extrémité ; la peau étoit chagrinéé, couverte de petites écailles prefque carrées. Nous avons fait cette defcription dans le Mufœum Britannicum , fur un individu mâle, long de 2 pieds & demi. 10. L'Œille. Cette efpèce a le corps gris, moucheté , & a de chaque côté du cou une grande tache noire, ronde, avec un cercle blanc qui a quelque reffemblance avec un œil. C’eft aufli ce qui nous a engagés à Mappeler l’œille ; elle n’eft décrite dans aucun Auteur; elle a été pêchée au mois de Juillet dans la mer du Sud , fur la côte de la Nouvelle- Hollande, s … La tête étoit courte , relativement à la longueur dû corps; Les dents éroient petites ,: comprimées , aiguës, dilatées à leur bafe, & en grand nombre ; les narines, très-près du bout du mufeau , écoient en partie fermées 64 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, par une appendice recouverte par un lobule affez épais; Les yeux étoîenc petits & oblongs +les trous des tempes étoient auñli oblonos , médiocreÿ; & un peu au-deffous des yeux , on voyoit cinq évents de chaque côté, ‘dont les deux derniers étoient les plus rapprochés; les nagéoires pecto- rales étoient arrondies, noirâtres dans le milieu, & grifès fur les bords ; les abdominales , femblables à celles de la poitrine , éroient fituées autour de l'anus & avantle milieu du corps; la première nageoire du dos étoit fituée au delà de l’aplomb de l'anus, ayant poltérieurement une légère échancrure & déux taches noires au bord antérieur ; La feconde dorfale étoir un peu plus petite que la première, de même forme, & ayant lés mêmes taches ; la nageoire de derrière l'anus étoit. crès-rapprochée de celle de la queue ; celle-ci éroit échancrée vers fon extrémiré ; le Corps étoit alongé, légèrement, chagriné, gris-moucheté : on obfervoit de chaque côté , après les évents, une tache ronde , noire, avecune aréole blanchi- tre; le deflous du corps étoit d’un gris verdâtre ; la têce ne préfentoit point de taches; il étoit long de 2 pieds & demi. Nous l'avons décrit dans La Collection de M. le Chevalier Banks. à 11. Le Marrtau. Ce chien de mer devient quelquefois très-gros; il fe plaîr fur les fonds vafeux ; il attaque les plus gros poiffons , mêmeles raies. C'eft, au rapport de Forskal , l'efpèce la plus vorace de ce genre: il fair dix où douze petits à la fois. La forme fingulière de fa tête le diftingue effentiellemenr de tous les autres ; fa peau eft prefque life : on en pêche dans l'Océan & dans la Mé- diterrané ; on le trouve aufli dans les mers des Indes; fa chair eft dure & de mauvais, goût ; on la mange quelquefois après avoir été falée, . Cetre efpèce eft trop connue, & Les caractères qui la diftinguent tro bien marqués pour que nous croyions qu'il foic néceflaire d’en donner une defcription détaillée. ; Squalus (Zygxæna) capite latiffimo tranfverfe malleformi. Linn. Syft, Nat, tom. I, pag. 3909, $. Arted. Syne, pag: 96 , 7: . Zygæna, Rond. Hiff: Pifc. 1, pag. 389 ; figure très-mauvaife, © © ». Libella,, Salvian: Hifl. Pifc., pag. 128—129 ; figure aflez bonne. | Willugh. Ichth. pag, S5 , tab. B, 1 ; figure copiée de Salviani, det- .cription iucomplète ;. prile de différens Auteurs. : Le marteau, Du Ham, Hifi. des Pêches , part. II, fe. IX, pag. 303, PL XXI fig. 3—8; figures bonnes, faices fur des individus féchés, 12, Le Pantouflier, H a beaucoup de reffemblance avec le mwrtean. La fituation” de leurs nageoires eft la même ; mais ils diffèrent entre eux-par plufieurs carattères effentiels. Le diamètre longitudinal de [a tête du par stouflier e{t prefque'égal au tranfverfal; dans ke marteau, au-contraire , le diamètre tranfverfal furpañle de beaucoup le longitudinal. Si on tire une ligne du -milieu de l’ouverture dela gueule au bout du mufeau, elle fe 2 trouvera SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS, 6% trouvera plus courte qu’une autre ligne tirée du même point jufqu'aux yeux. La même opération , faite fur le marteau , donnera un réfultat con- traire. Le pantouflier paroît habiter feulement les mers de l'Amérique méri- dionale. Nous n'avons jamais entendu dire qu'il ait été pêché dans les mers des grandes Indes ; ceux que nous avons vus dans la Colleétion de M. le Chevalier Banks avoient été pris fur la côte du Bréfil. Gronovius a confondu ce chien de mer avec le précédent; & il paroît - que Willughby , d’après Marggrave , en a parlé deux fois fous le titre de Cucuri & de Tiburonis fpectes minor. Squalus (Tiburo) capite latiffimo cordato. Linn. Syft. Nat. tom. I, pag. 399, 6. Tiburonis fpecies minor. Marcgr. Hifi. Brafil, lib. IV, pag. 181; figure mauvaile. Ziganæ affinis , capite triangulo. Willugh. Ichth. pag. $5 , tab. B.9, fig. 4: defcription & figure copiées de Marggrave. Certracion capite cordis figuré vel triangulart. Klein. Miff. 3 , pag. 135 n°. 2, tab. 2, fig. 3—4; defcription nulle, figures affez bonnes. 13. Le Grifet. Une feule nageoire fur le dos, & fix évents de chaque côté , diftinguent effentiellement cette efpèce: on la trouve dans la Médi- terranée; mais elle n’y eft point commune. Aucun Auteur , à ce que nous croyons , ne l’a décrite. La tête étoit applatie & obtufe; l'ouverture de la gueule étoit grande & arquée , ayant à chaque angle de fon ouverture un finus affez grand, & traverfé par une membrane pofée verticalement ; la mâchoire inférieure étoit armée de plufeurs rangs de dents très-larges, comprimées , prefque carrées , avec des dentelures dirigées vers le fond de la gueule; la mâ- choire fupérieure étoit garnie fur les côtés d’un feul rang de dents; il y en avoic un grand nombre à la partie antérieure ; elles étoient toutes alon- gées, aiguës, fans denrelures, s’élaraiffant à leur bafe, & totalement diffé- rentes de celles de la mâchoire inférieure. Celles qui étoient placées à le partie antérieure étoient plus étroites, plus pointues , & plus petites que les latérales. On voyoit derrière les dents une membrane large , dont les bords étoient légèrement frangés; le palais & la langue étoient rudes, les narines étoient placéee près A bout du mufeau, & un peu latéralement; elles étoient fermées en partie par un lobule prefque carré ; les yeux, plus rapprochés du bout du eu que des angles de l'ouverture de la gueule, éroient grands & ovales ; les trous des rempes étoient très petits & éloignés des yeux; il y avoit fix évents de chaque côté; ils éroient très= grands & fort rapprochés ; leurs membranes fe recouvroient les unes , dé autres; on voyoit les ouies attachées aux deux faces de chaque mem- ane, Tome XXVI, Part.I, 1785. JANVIER, f 6 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, Les uageoirés pectorales éroient grandes & horizontales; celles de l’ab- domen , placées vers le milieu du corps, étoient médiocres, oblongues, formant chacune un denri-ovale; la nageoire de derrière l'anus étoit pe- tite, obtufe antérieurement , & terminée en pointe;-elle étoit également éloignée de l'extrémité des nageoires de l'abdomen & de la bafe de la nagcoire de la queue : on voyoit fur Le dos une feule nageoire, fituée un peu en avant de l’aplomb de la nageoire de derrière l’anus , ayant la même Forme , & feulement un peu plus grande; la queue avoit en deffous une nageoire formant un lobe à fa bafe , & dilarée à fon extrémité; la ligne latérale étoit prefque effacée; la peau étoic life, & ne paroiffoit point chagrinée fur le poiflon frais: on diftinguoit fur l'individu féché de très- petites écailles , marquées dans le milieu d’une petite ligne faillante; fa couleur étoit d’un gris de fouris clair. Nous avons fait cette defcription fur un individu femelle frais , au mois de Mai, dans le port de Cette. Nous en avons vu au Cabinet du Roï un autre individu male féché; fa longueur étroit de 2 pieds & demi. ! 14 Le Renard marin. Linné na point connu cette efpèce, il avoit rap- porté, nous eñ ignorons la raifon , la fynonymie d’Artédi à un poiflon bien différent de celui-ci, & qu'il a nommé chimæra monffrofa. Le nom de renard lui a été donné , à caufe de la mauvaife odeur de fa chair , que les Auteurs ent cru pôuvoir comparer à celle du rezard quadrupède. La fuire au Mois prochain, L'ETÉ 4 M MONGEZ LE JEUNE, SUR LES SCHORLS VIOLETS DES SYRÉNÉES; Par M, PELLETIER. Monsieur, ON ñe comptoit point au nombre des produétions minéralogiques des Pyrénées , le fchorl violet; cette fübitance n'avoir encore été trouvée que res de la Balime 4’ Auris en Oifan, dans le Dauphiné ; cependant , d'après lobfervation que M. Romé de l'Ifle a faite dans fa Criftallographie, pag. 355, vol. IÏ, que cette efpèce de fchorl étoit criftallifé fur une roche qui avoit un grand rapport avec celle qui eft près de Barège, dans SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 67 les Pyrénées, on devoit bien efpérer de l’y découvrir un jour: aufñi ai-je vu avec plaifir, dans un des morceaux que je viens de recevoir de Ba- rège ; le fchorl violet criftallifé fur une roche analogue à celle du bourg d'Oifan en Dauphiné. La criftallifation eft abfolument la même que celle qu'on remarque dans les fchorls violets du Dauphiné, & on n’y trouve d'autre différence qu’une légère teinte un peu fombre, que n’ont point ceux du Dauphiré. J'ai cru que cette obfervation pourroit intérefler ceux qui fonc des Collections ; elle leur fervira à ajouter fui aux morceaux qu'on pourroit leur vendre comme venant de cet endroit. J’en ai déjà vu chez M. Blonde , à qui nous devons Les premiers morceaux de -fchorl violæ du Dauphiné. Je fuis, &c. ÉERT RE DE M pe za MÉTHERIE, D. M., MT AE BR EU ONNIGIELZ NL EN TIEU NE, Sur la produdion d'une liqueur par la combinaifon de l'air pur & du gaz nitreux, Moxsreur, JE crois avoir prouvé , dans les obfervations que j'ai eu l'honneur de vous adreffer (1), que l’eau qu'on obtient par la combuftion de l'air'in- flammable & de l'air pur ou déphlogiftiqué , n’étoit pas produite , mais étoit fimplement dégagée de ces airs, qui ne peuvent plus la tenir difloute, à caufe de la grande diminution qu’ils éprouvent. C’eft ce que confirme encore l'expérience fuivante , que j'ai répétée un grand nombre de fois, & devant des perfonnes éclairées, Je prends une pinte d'air pur, dégagé du précipité rouge, & deux & demie d’air nitreux, dégagé du cuivre & de l'acide nitreux. Par le moyen de cloches tubulées, plongées daus l'eau, je les fais paffer dans un ballon (2) Journ. de Phy£. Janvier , Mai 1784. Tome XXVI, Part, 1 ,1785, JANVIER, F {2 68 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, bien fec, de la contenance d'environ trois pintes. L'abforption de {a par- tie d’air pur contenu dans l'air du ballon, permet facilement aux deux autres de s’y introduire. Le ballon eft bientôt rempli d’une vapeur extré- mement rutilante ; il s'échauffe confidérablement, Un petit thermomètre renfermé dans un tube de verre que j'y avois placé avant l'expérience, s’eft élevé à plus de 20 degrés , quoique dans l’appartement ilne fût qu'à 8. Les vapeurs fe condenfent peu à peu; le ballon eft humecté d'une rofée | comme dans lacombuftion de l'air pur & de l’air inflammable, enfin , l’eau s'amaffe à la partie inférieure , & j'en ai obtenu quelques gout- tes, fans compter ce qui demeure toujours attaché à l'intérieur du ballen. Cette eau eft un acide nitreux très-concentré. Je fuis , &c. Ce 4 Janvier 1785. RS —_—— — NOUVELLES LITTÉRAIRES. TT BL EAU méthodique des Minéraux , fuivant leurs différentes natures , € avec des caraëlères diflin&lifs , apparens ou faciles & reconnoître ; par M. Daubenton , de l'Académie Royale des Sciences | Profeffeur d'Hifloire Naturelle au Collége Royal de France , Garde € Démonfirateur du Ca- binet du Jardin du Roi, &c., 1 vol. in-8°. de 36 feurllets , imprimés Seulement fur Le reto. À Paris, chez Demonville, Imprimeur de l’Aca- démie Françoife, rue Chriftine; Pierres, Imprimeur du Roi, rue Saint Jacques; Debure l'aîné, Didot le jeune, Gogué & Née de la Ro- chelle , quai des Auouftins. . Cet Ouvrage excellent n’avoit pas encore été publié par ‘fa voie de Pimpreflion, lorfque nous nous fommes empreflés de le faire connoître dans l'introduétion au Manuel du Minéralogifte, pag. Zi & fuiv., & pag. /xxix, d’après la communication que M. Daubenton avoit bien voulu nous donner de fon manufcrit. La comparaifon que nous avions faite de cette diftribution méthodique avec celles qui avoient déjà paru dans le même genre; nous avoit be convaincus de fa fupériorité fur routes les autres ; & en voyant aujourd’hui l’accueil très-diftingué qu'elle reçoit de tous ceux qui font à portée d’en apprécier le mérite, nous nous félici- tons d'en avoir parlé d'avance comme le Public éclairé, . La difiribution dont il s’agic eft divifée en quatre ordres, dont le pre- SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 69 mier renferme les fables , terres & pierres: le fecond , les fels foffiles ; le troifième, les fubftances combuftibles ; & Le quatrième, les fubftances métalliques. Le premier & le quatrième ordres font fous-divifés chacun en quatre clafles, les claffes en genres , celles-ci en fortes , & les fortes en variétés. Le fecond & le troifième ordre , qui renferment beaucoup moins de fubftances que chacun des deux autres, font partagés immédia- tement en genres , fans admettre la fous-divifion intermédiaire des claffes. ‘ Ce n’eft qu'en méditant, en approfondifflant l'Ouvrage même, que l’on peut fentir tout l'avantage que M. Daubenton a fu tirer des différens caractères que l’obfervation lui a offerts pour la diftinétion des minéraux. Nous nous bornerons ici à quelques remarques générales fur la marche qu'a fuivie le favanc Auteur de la’diftribution dont il s’agit. Il a éu d’a- bord en vue principalement de faire reconnoître les fubftances minérales par des caractères apparens. Il fait que ces fubftances font effentiellemenc diftinguées entre elles par la diverfité de leurs principes conftituans, & par des propriétés conftantes , fondées fur leur nature; mais la détermi- nation de ces caractères ne peut être le fondement d’une diftribution mi- néralogique , qui doit parler aux yeux, autant qu’il eft poffible , n'offrir que des caractères faciles à failir, & qui foient comme les fignes extérieurs des caractères qui tiennent à l’effence des êtres. Perfuadé de cette vérité, M. Daubenton s’eft donné la liberté d'em- ployer toutes les indications que lui fournifloient la caflure, le tiflu , le poli, la tranfparence & même les couleurs , dont il a fait, à l’article des gemmes, un rapprochement très-ingénieux avec celles du fpeétre folaire dans l'expérience du prifme de Newton, & le grand art de fa diftribution confifte dans le choix & l’heureux affortiment de ces caraétères. Ainf, la propriété d’étinceler fous le briquet, & celle de faire effèrvefcence avec les acides, lui ont fufñ pour caraétérifer les trois premières clafles des pierres ; favoir, la première à l’aide de l’érincelle; la troifième, pat le moyen de l’effervefcence ; & la feconde , par l’abfence ou la négation de ces deux propriétés. Par cette manière de diftinguer certaines fubf- tances , en excluant les caractères qui conviennent à d’autres fubftances, l'Auteur trouve, pour ainfi dire , dans une fage économie , des moyens de multiplier fes reffources, Quelquefois la refflemblance extérieure des deux fubftances , jointe à l'indication d’une propriété générale , qui appartient à l’une à l'exclufion de l'autre, fufñt pour les réparer, Aînf , les ferpentines ont pour carac- tère es couleurs & Le poli du marbre, avec cette différence qu’elles né font point effervefcence comme le marbre , lorfqu'on y verfe me goutte d'acide. Les différens afpeéts que préfentent Les caflures vitreufe, argileufe , lamelleufe, grenue , fpathique ou chatoyante, fourniflene également des moyens avantageux pour la diftinétion de plulieurs genres, s 70 OBSERVATIONS SUR-LA PHYSIQUE, Les formes font aufli employées ; mais comme moyens fubfidiaires , qui peuvent concourir utilement avec les autres , dans certains cas, pour fixer des points de féparation; & , ce que l’on ne fauroir trop remarquer , C'elt que tous ces caraétères font contraftés de manière que chacun em- prunte un nouveau jour de celui qui le précède & de celui qui le fuit, en même temps qu'il leur rend à fon tourle relief qu'il en reçoit. On re- connoît ici le vrai Savant, qui plie habilement fon génie à rous les jeux de la Nature , au lieu de prétendre l’aflujettir à la marche gênée de fon fyftême, Nous ne pouvons trop défirer que M. Daubenton continue de nous en- richir de fes productions. Sa réparation , qui n'eft plus fufceptible de s'ac- croître, n'y elt point intereffée ; mais ce font des tributs que les Sciences réclament fur les talens qui la lui ont fi juftement méritée. Des caraëlères extètieurs des Minéraux , ou Réponfe à cerre queftion : Exifte- t-il, dans les fubftances du règne minéral , des caractères qu’on puiffe re- garder comme fpécifiques ; & au cas qu'il en exifte, quels font ces ca- raétères? avecun apperçu des différens [yflémes lichologiques qui ont paru depuis Bromel jufqu'a préfent , fuivi de deux Tableaux fÿnopthiques des Jubflances pierreufes &* métalliques , pour fervir de fuire à lx Criffallogra- phie; par M. RoMÉ DE L'ISLE , des Académies Royales des Sciences de Berlin, Stockholm, &c. À Paris, chez l’Auteur , rue neuve des Bons- Enfans , n°. 103; Didocle jeune, Imprimeur-Libraire, quai des Au- guitins ; Bartois fe jeune , Libraire, rue du Hurepoix. Nous ne pouvons mieux fixer nos idées fur la queftion délicate dont il s'agit, qu'en citant avec l’Auteur, mais dans des vues un peu différentes des fiennes, l'opinion très-jufte & très-fondée de M. Daubenton, gwil n'y a point d'individus , & par conféquent point d’efpèces parmi lès minéraux , mais feulement des variétés, dont la colletfion peut compofer différentes Jortes de minéraux. Ce fentiment tient à une métaphyfique exacte, Les Philofophes entendent par individu , #* étre complet , qu'on nè peut divifer en plufieurs autres également compleis. Le terme d’ir- dividu préfente l'abrégé de cette définition, d’après laquelle ilne peut y avoir d'individus que parmi les êtres organiques. Ainfi, un éléphant , un chëne font des individus , parce qu'on ne peut les divifer de manière que chaque partie puille être encore regardée proprement comme un éléphant ou un chêne (1): au contraire, fi vous divifez un morceau d'or, un (1) On peut bien extraire d'un chêne quelque partie , comme une branche ; un: bour- geon fufceprible de devenir elle-même ün arbre femblable au premier; mais ce ne fera qu'à l’aide du développement néceffaire pour compléter en quelque forçe la naturé ie- dividuelle de l'étte dont il s’agit, SUR L'HIST. NATUREÏLE ET LES ARTS. or fparh calcaire, un morceau de fel, chaque partie , après la divifñon , fera aufi réellement & aufli complètement de l'or, ou du fpath, où du fel, que l’étoit la maffe entière, dont elle ne différera que par le volume, ou tout au plus par la figure, & par quelqu'un de ces caraëtères variables & fugitifs qu'on appèlle modifications & accidens. Il y a même telle variété de minéral, comme un rhomboïde de fpath calcaire ,un cube de fel marin, qu'on divife par des coupes qui fuivenr les joints de La Nature , en d’autres petits folides , parfairemient femblables au folide total. Selon les Philofophes encore , l'efpèce n'eft autre chofe que la collec- tion des individus qui £e font multipliés par voie de reproduction. Le mot d’efpèce ne peut donc être appliqué qu'à des êtres organifés , & non à des minéraux , qui ne fe forment & ne s'accroiflent que par une fimple justa-pofition de parties, qui , en un mot , n'ont qu'une ftruéture fans ot- ganifation. À Lors donc que M. Romé de l'fle s'efforce de faire voir qu'il exifte dans les corps de ce dernier règne des caractères conftans , fufceptibles d'étre dérérminés par l'obfervation & par l'expérience, propres à faire dif- tinguer nettement les fubftances qui font de la même nature, il ne ditrien ue n’avoue avec lui M. Daubenton , bien entendu que les caractères sa il s’agit feront choifis & employés avec difcernement. Mais lorfque M. de l'Ifle en vu exifte dans le règne minéral des efpèces propre- ment dites, il s’écarté "mal à propos de l'idée qu'une faine philofophie à attachée au mor e/pèce , & attaque, fans aucun fondement, un Savant illuf- tre, qui réunit à la füreté du coup-d’œil, la juftefle & la netteté de l’ex- prellion. Examinons maintenant à quel point les caractères adoptés par M. de PTfle font conftans & uniformes dans les fübftances de la mèmé nature. Cet Auteur en admet trois de préférence; favoir la forme , la pefanreur, & Ja dureté fpécifiques. M, de l'Hle avoue qu'aucun de ces troïs caractères, pris féparément , ne peut fervir à déterminer la nature d’un minéral ; mais il foutient qu’il n’y a point de minéral qu'onne puifle diftinguer nettement dès qu'on réunira ces trois caractères. TS Pour que la forme fût fufceptible d’être combinée avantageufement, dans tous les cas, avec les deux autres caractères , il faudroit qu'en variant , comme elle le fait , dans le même minéral , elle laifsàt du moins fon em- preinte fur chacune des formes fecondaires , & qu'on püt toujours recon- poître dans celle-ci quelqu'un des angles primitits, C’eft auñi ce que pré- tend M. de l'Ifle (Préface de la Criftallograpliie, pag. 25 ); mais cette prétention ëft démentie par l’expérience. Prenons pour exemple le fpath calcaire FRE droit hexaèdre, On ne voit dans ce prifime que des angles de 120°, formés.par les inclinaifons refpectives des pans & des angles droits, formés par les inclinaifons des mêmes pans fur les bafes. Or aucun de ces angles n'appartient à la forme primitive , qui eft celle du fpach y: OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE; rhomboïdal d'Iflande. Le fpath lenticulaire & celui à douze faces pen- tagonales font dans le même cas, & il nous feroit facile de citer une multitude d’autres fubftances où les traces de la forme primitive difpa- zoiflent dans les formes fecondaires, Nous pourrions ajouter que Les formes primitives indiquées par M. de l'Ile, font rarement celles dela Nature ; tar quoiqu'il ait dit dans l'intro- duction de fa Criftailographie , pag. 74, que , par ces formes , il enten- doit celles des molécules intégrantes d'un compofé, il eft certain que les formes qu'il donne pour telles dans fon Ouvrage, font arbitrairement choi- fies, & que la Nature nelui foutnit aucune indication pour préfé- rer l'une à l’autre. C’eft ce qu'il fera aifé de fentir, en comparant ces for- mes avec celles qu'a indiquées M. Abbé Haüy , de l'Académie des Scien- ces, dans fon Effai d’une Théorie fur la ftruéture des criftaux, où il dé- termine La forme primitive de chaque genre , d'après uue efpèce d'ana- tomie des criftaux de ce genre, & fait voir que ces criftaux ne font que des affemblages de molécules femblables à celles qu'on obtient en fous- divifant la forme primitive, & que routes les formes fecondaires , quelque variées qu'elles foient, réfulrent d’un petit nombre de lois très-fimples , dont l'exiftence eft prouvée par l'accord des calculs avec l’obferva- tion (1). M. de l'ffle a joint à la defcription de la formegqu'il regarde comme primitive , les mefures de fes: principaux angles , déterminées d'après un inftrument qu'il appelle goniomètre , & dont nous avons donué la defcription dans ce Journal; mais ces angles ne s'accordent ni entre eux , ni avec les principesles plus fimples de la Géométrie; & pour en citer un exemple fur plufieurs , il affigne 105 deg. pour la valeur du grand angle des rhombes du fpath muriatique , & 6$ degrés pour celle de l'angle folide aigu du fommet. L’Auteur n'a pas vu que l’un de ces angles étant donné , la valeur de l’autre s'enfuit néceffairement. Un Géomètre ayant calculé le fecond de ces angles d’après la valeur indiquée pour le pre+ mier, a trouvé 70°. ç6/ , au lieu de 65; ce qui fait près de 6 degrés de différence. On voit bien que ce ne feroit pas répondre ici, que de rejeter Ferreur fur l'imperfeétion de l’inftrument. (x) Oneft furpris de voir M. de l’Ifle diftinguer.encore, contre toute raifon , deux formes primitives dans le fpath calcaire ; favoir, le fpath rhomboïdal d’Iflance & le fpath rhomboïdal aigu , qu'il appelle fparh muriatique , & dont la matière, felon lui, «a été élaborée par les animaux marins, vom. 1, pag. 524 ; après que M. l'Abbé Haüy a démontré que ce dernier fpath renfermoit un noyau très-bien prononcé , ayant les mêmes ange que le fpath d’Iflande (Effai d'une théorie, &c. pag. 109 & fuiv.). Il pafoit que M. de Pifle n'a pu rapporter le fpath muriatique au fpaïh d’Iflande, même par la méthode facile & artificielle des troncatures ; cependant , rien de plus fimple. Sup- pofez un {path d’Iflande tronqué dans Îes fix angles folides du contour , de manière que les troncatures partent de deux fommets ,en paflant par les petites diagonales des faces : vous aurez un nouveau rhomboïde exaétement femblable à celui du fpath muriatique. Nous SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 73 Nous avons inffté fur l’article des formes, parce que c’eft - là le fond & comme l’effence du travail de M, Romé de l'Ifle. Nous ne dirons qu'un mot des deux autres caractères. La pefanteur fpécifique eft un affez bon caraétère diftinctif pour déterminer la nature d’un grand nombre de minéraux, quoique ce caraétère foit aufli fufceptible de varier jufqu'à un certain point dans les fubitances du même genre. Quant à la dureté, outre qu'elle eft fujette à des variations encore plus fenfibles , la difficulté de leftimer avec précifion ne permet pas de l’employer avec tout l'avantage que femble promettre les évaluations de M. de l'Ifle, d'après lefquelles les rapports de dureté entre le fpath calcaire, le fpath perlé & le fpath fluor , font comme les quantités 6,6: & 7. < C’eft d’après les trois caractères mentionnés , que M. de l'Ifle a formé les deux tableaux qui fe trouvent à la fin de lOuvrage dont il s’agit, & dont l’un préfente la fuite des genres de toutes les pierres connues, & l'autre celle des genres des fubftances métalliques. Ces tableaux font par- tagés en douze colonnes, qui comprennent, outre les noms des genres & les indications des caractères cités, celle des propriétés remarquables des minéraux, des lieux où on les trouve , des fubitances qui les accom- pagnent, des minéralifateurs qui fe combinent avec eux, s'il s’agit de fubftances métalliques , &c. M. Romé de FIfle à beaucoup lu & beaucoup vu. Sa Criftallographie renferme une multitude de connoif: fances éparfes dans les différens Auteurs qui ont écrit fur les minéraux, & beaucoup d’obfervations qui lui appartiennent, & dont quelques-unes font fines & heureufes. Cet Ouvrage eût été doublement précieux , fi lAuteur fe füt borné prefque par-tout à citer & à décrire, Æfais fur ?Hygrométrie, par M. DE SAUSSURE , Profeffeur de Philofo- phie à Genève. Neuchâtel, chez Samuel Fauche, père & fils, 1783, in-4°. Ù Quoiqu’on fe foit beaucoup occupé des hygromètres ; on avoit peu fongé à mefurer la quantité abfolue d’eau fufpendue dans l'air: Lambert, qui donna le premier un nom à cette Science, paroït être le feul qui lait eu pour objet: mais depuis fon travail à cet égard, la Chimie & la Phy- fique fe font mutuellement pouflées à un point qui nous met en état de faire encore plus que lui pour l'Hygrométrie , & perfonnne n'a été fi loin ni fi heureufément que M. de Sauflure. Cet illuftre Savant voulant fe procurer un hygromètre comparable , avoit effayé plufeurs procédés fur divers corps. Rien ne l’avoic fatisfaic, jufqu'à ce qu'en 1775 il imagina d'employer un cheveu. Après avoir fait beaucoup de combinaifons & d'épreuves il découvrit en 1781 la loi Tom. XXVT, Part. I, 1785. JANVIER. K 74 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, que fuivent les alongemens & les contractions hygrométriques d’un che- veu bien préparé, bien placé, & ne fongea plus qu'à la vérifier. Il fc alors conftruire quatre hygromètres comparables, qu'il fuc expo- fer lui-même aux vicificudes brufques & continuelles des Alpes; & s’étant afluré par-là du fuccès, il fe vit en état de fonder une Science nouvelle, dont cependant il a la modeftie de croire ne donner qu'une ébauche, C’eft le fujet du fecond eflai. Le troifième concerne l’évaporation. Le changement de l’eau en va- peur élaftique eft un fait connu de tout temps. La diffolution de l’eau dans l'air a été manifeftée par feu M. le Roi. Les véficules qui conftituent le brouillard & les nuages , furent imaginées par Halley, mifes fous les yeux par Kratzenftein; mais on doit à M. de Sauflure la diftindion pré- cife des divers états où fe trouvent les vapeurs, Les lois fuivant lefquelles varie l'humidité de l'air, à mefure qu'il fe raréfie ou fe condenfe , étoit un fujec tout neuf, qu'il examine d’une manière fatisfaifante. Dans le quatrième effai, l’Auteur applique à la Météorologie toutes Les connoiffances que vient de lui donner fon hygromètre; application qui confirme ces connoiffances & nous en procure de nouvelles. -C’eft ce grand & beau travail qui a rerardé la publication du fecond volume du Voyage dans les Alpes , que le premier fait défirer fi juftemenr, M. Paul, Artifte fort eftimé à Genève , y conftruit, fous les yeux de Auteur , deux fortes d’hygromètres ; les uns fort grands, deftinés à être fédentaires; les autres moindres & portatifs, dont l’exactitude & la précifion doivent engager tous les obfervateurs météorolopiftes à en faire lacquifition. Du Feu complet, par M. DUCARLA. Paris, chez Moutard, rue des Ma- thurins , in-8°. de 452 pag, Ce Mémoire eft la première livraifon des travaux que le Mufée de Paris fe propofe de publier. M. Ducarla y développe une théorie abfolument nouvelle fur ce qu’il appelle feu rayonnant & feu thermométrique. Après l'avoir vérifiée fur un grand nombre de faits, il paffe aux conféquences pratiques, & donne plufeurs procédés fimples pour augmenter l’action du feu, en épargnant beaucoup de combuftible. Catalogue latin & françois des Arbres & Arbufles qu'on peut cultiveren France, € qui peuvent palfer l'hiver en pleine terre dans nos champs; par M. Buc'Hoz, Médecin Botanifle, Ge, Gc, Gc. Depuis long-temps le Publie défire un Ouvrage qui lui fafle connoître gous les arbres & arbuftes des autres pays qu’en peut naturalifer dans Le SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 75 nôtre. C'eft pour râcher de le fatisfaire , que l’Auteur publiece Catalogue, en attendant un Ouvrage complet fur cet objet ; il y fait l'énumération de plus de huit cents arbres & arbultes, auxquels il ne manquera pas dans la fuite d’en ajouter d’autres, par les recherches qu’il ne cefle de faire , tant en Angleterre qu'en France. Cet Ouvrage elt en petit format, & eft fupé- rieurement imprimé fur papier d'Annonay ; il fait fuite aux Etrennes du Printemps aux Habitans de la campagne & aux Herborifles , édition de 1781, qui eft la véritable édition. Prix du Catalogue, 2 liv. 8 fous , franc de port , à Paris & en Province. Etrennes du Printemps aux Huabitans de la campagne & aux Herborifles; par le même. Cet Ouvrage eft de la plus grande utilité ; il nous apprend les vertus des plantes des pays, & nous indique la méthode de les recueillir ; la partie typographiqueft aufli des mieux exécutée. Prix, 1 liv. 16 fous; & par la pofte, 2 Liv. 2 £ Centuries de Planches enluminées G non enluminées , repréfentant au naturel ce qui fe trouve de plus intéref[ant & de plus curieux parmi les animaux , les végétaux @ les minéraux; par le même, s Cette Colledion, totalement finie , renferme 20 cahiers; & chaque cahier contient 10 planches gravées, les mêmes coloriées , Le titre & l'explication auffi gravées en lettres. Elle forme une des plus belles col- lections du fiècle: on y donne alternativement un cahier d'animaux ; un de plantes médicinales de la Chine, & un de minéraux : on y indique les endroits d’où on les atirés , & la plupart des cabinets où ils fe trouvent. Le prix de la Collection entière eft de 400 Liv. Tableau des différentes Anémones de mer ; par le même. Cette eftampe , qui eft très-grande, ayant près de 14 pouc. de hauteur, fur environ 21 pouc, de largeur , a été deflinée par M. l'Abbé Dicquemare , fi connu parmi les Savans par les belles découvertes qu'il a faites dans les pro- duétions marines, & renferme généralement, dans un grand4ableau, toutes les différentes anémones de mer qui ont pu parvenir à la connoiffance de M. Dicqu mare. Ce Naturalifte a bien voulu céder à M. Buc’hoz ce deflin , pour le joindre à fes différentes Colle&tions. L’eftampe gravée d’après ce dellin, mérite d'obtenir une placé dans les Cabinets des curieux, tant par fon exac-, titude , que par la nouveauté des objets qui y font repréfentés : on lui don- nera pour pendant un fujee d'hiftoire naturelle de la Chine , dont on pof- Tome XXVI, Part, 1, 1785. JANVIER, k 2 76 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, sède déjà le deflin.” Le prix de l'eftampe , fans être coloriée , eft de 4liv., & de 10 liv., coloriée. Oryélographie de Bruxelles, ou Defiription des Foffiles, tant naturels qu'ac- cidentels , découverts jufqu'a ce jour dans les environs de certe Ville; par M. François-Xavier BURTIN , Médecin Confultant de feu S. A. R. le Duc Charles de Lorraine, Ge. &c., Membre des Sociétés Royales de Mé- decine de Paris & de Nancy, de l'Académie Hollandoife des Sciences de Harlem, de la Société Provinciale d'Utrecht , & de la Société Phyfique d'Hifloire Naturelle & de Chimie de Laufane. À Bruxelles, chez l’Au- teur ;à Nancy, chez Mathieu, 1784, in-folio de 152 pag. avec 32 figures en taille -douce fuperbement enluminées. Prix, broché , 60 liv. Les environs de Bruxelles font riches par le nombre & l’étonnante variété de leurs fofiles, tant naturels qu'accidentels ; Pon y trouve les efpèces les plus rares, les plus précieufes , & les plus recherchées ; mais nous ne favons par quelle fatalité ces minérrux étoient reftés jufqu’ici dans un parfait oubli. À la vérité, il ne falloit rien moins que la réunion de vaftes connoiffances, à une multitude de recherches particulières , de médi- tations profondes , & d'obfervations favantes, pour nous apprendre à les gonnoître. Dix-huit années confécutives ont été employées à ce travail , & M. Burtin , en habile Scrutateur de la Nature, vient enfin d'en pu- blier le réfultat dans cette importante Oryétographie. La ville de Bruxelles eft fituée en partie dans un vallon riant, aftofé par une rivière, & en partie fur le penchant d’une longue colline. Elle réunit tout à la fois les ornemens de l'Art à la beauté de la Nature; fon étendue, fes agrémens, la magnificence de fes bâtimens, & le nombre de fes habitans en font une des principales Villes de l'Eu- rope. Ehe ne le cède affurément à aucune par la falubrité de l'air, la quan- tité & la variété de fes eaux , la douceur de fon climat , les charmes de fa fituation , la facilité de fes débouchés, l'abondance de fes comef- tibles, la douceur de fon gouvernement, le nombre de fes priviléges. Des millions de fofliles accidentels, que l'on rencontre continnelle- ment enfouis dans le terrain de fes environs ; annoncent & prouvent, à n'en pas douter, un ancien féjour des mers. Cette Oryétographie eft compolée de trente-un chapitres qui font confacrés à décrire le fol des environs de Bruxelles , fes couches, leur Situation , Les fofliles indigènes qu’elles renferment, comme les terres, les pierres , les minéraux, les eaux; fuivent les foffiles accidentels , à com- mencer par ceux qui appartiennent à la Zoologie ; enfuite ceux qui tiren£ leur origine des vegétaux, M, Burtin termine fon Ouvrage par lexpolition SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 77 du réfultat général de fes obfervations , relativement à la Géographie phyfique, & propofe fes vues fur la théorie de la Terre. I! fe récrie fort judicieufement contre les méthodes défavouées par la Nature, en analyfe plufeurs, & fait connoître en détail la claflification des terres de Wallerius. Il offre un effai pour fuppléer à ces divifons, par lequel les terres font rangées en fimples compofes. Les premières feront fous-diviféesen douces au toucher , & en rudes: les douces feront l’ar- gile , la craie, & autres terres calcaires , & la magnélienne. Les terres rudes fôntles fables , Les débris grofliers des corps marins, &c. C'eft dans çe fiècle que l'Hiftoire Naturelle a fait les plus grands pro- grès. Plufieurs Savans fe font appliqués à cette étude fatisfaifante , plu- fieurs Sociétés en ont fait l'objet de leurs occupations. Ilsne fe font pas bornés aux traits curieux qu’elle préfente ; ils y ont recherché la perfection de l’agriculture & de l'économie. Le travail de M. Buitin eft aufli di- rigé fur cette branche d'utilité; il ne fait entrer pour rien les fubftances métalliques , falines & bitumineufes , dans fa diftribution des terres , afin d’en faciliter l'étude: aux Cultivareurs, & il -enrichit fouvent fa narra- tion par des obfervations économiques , raifonnées avec beaucoup de fagacité. M. Burtin foumet également à fes difcuflions l’arrangement des pier- res de nos Naturaliftes les plus célèbres: celui qu'il crée & qu'il préfère, traite d’abord des cailloux, des pierres cornées , du grès, du quartz, des pierres calcaires, & des lithoglyphes: Le chapitre des métaux eft peu con- fidérable dans cette Oryétographie , attendu que les environs de Bruxelles n'offrent que des mines de fer & de cuivre. L'article des pierres fculp- tées ou figurées , que notre habile Minéralogifte nomme lichoglyphes, comprend les concrétions ftalactites, les dendrites , & les haches de pierre. Après avoir donné une définition exacte des fofliles en généra!, l'Auteur paile à Jeur origine & aux changemens dont ils font fufcepribles. Il éta- blit fept claffes pour ranger les fofiles accidencels ; favoir les calcinés, les noyaux de coquilles , les empreints, les confervés , les endurcis , les pétrifiés, & les métallifés. Le chapitre des ichtyolites préfente trois mor- ceaux extrêmement rares; celui des coquilles fofiles eft confidérable, il eft partagé en. diverfes familles, Si la féchereffe d’une nomenclature ne nous arrêtoit , nous aurions expofé toutes ces tichefles belgiques, qui vont à l'infini; nous aimons donc mieux renvoyer nos Lecteurs à cette précieufe Colleétion, qui les contentera amplement , étant d'un mé- rite inappréciable, Elle peut fervir de complément aux magnifiques & fu- perbes ouvrages de ce genre des célèbres Naturaliftes Walch & Knorr, & de modèle à tous ceux qui voudront parcourir la même carrière. Les deffins, la gravure , l'enluminure, les caractères ; enfin tous les objets iconographiques & typographiques font finis. [ly a peu de Livres mieux faits dans ce genre, plus lumineux, plus utile aux Minéralogiftes ; il eft 78 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, d’ailleurs écrit fans prétention, avec clarté & précifion. Prenons au hafard un morceau de cette riche Oryétographie , pour faire connoître la ma- nière d'écrire de M. Burtin. « Lorfque, dans ma jeuneffe , je commençai à éprouver ce doux attrait qu'infpire à l'homme fenfible l'étude de la Nature , je ne trouvai d’abord aucune difficulté d'affigner la raifon des corps marins fans nombre que l'obfervation me préfentoit par-tout dépofés dans la terre. Ma Religion n'avoit appris que, pour punir Les hommes, Dieu avoit commandé aux eaux de couvrir cette terre. La mer avoit joué un rôle principal dans cet événement ; il n'étoit donc pas étonnnant qu'elle eût laiffé par-tout des traces de fa terrible excurfion. Or, quelles traces plus naturelles pouvoit -elle laifler, que les corps mémes enterrés des nombreux habitans qui peuplent fon domaine ? Rempli de ces idées, je me bornois à ramaffer des corps fofliles qui nourrifloient ma curio- | fité d'un aliment toujours nouveau; mais, continue M. Burtin , lorfqu'à mon défir de pofféder les chofes , vint fe joindre celui de fes connoitre aulli ; je fentis le befoin de la comparaifon , & tâchai de me procurer au- tant que je pus d'habitans des mers du Nord & d’Allemagne , fur-tout de ceux qui baïgnent nos côtes. Je vis d’abord avec furprife qu'ils ne refembloient pas aux corps fofliles que je connoiflois jufqu’alors : mais comme , dans les difficultés qui s’oppofent à nos idées, nous négli- geons fouvent de les rappeler au fcrutin, je me contentai d’accufer mon manque de connoiflances , & me perfuadai que , pour pouvoir les comparer, je ne poffédois pas aflez de nos foffiles , non plus que de corps naturels. » Je me dis donc qu’au cas que, parmi les foffiles , il s’en trouvât qui fuffent originaires des mers plus éloignées, tout devoir m’engager à croire qu’un déplacement fi fubit, fi violent des mers , n’avoit pu s’opé- rer fanstrouble & bouleverfement , & fans qu'elles tranfportaffent au loin tous les corps pêle-mêle que leurs eaux renfermoient, & tous ceux qu'elles avoient trouvés dans leur chemin. Le fentiment des Ecrivains, conforme au mien fur cette matière, me fit fermer long-temps l'oreille à l’obfervation, qui parloiten faveur de la réalité : mais enfin, tant de preuves me dirent que je me trompois , qu’elles me forcèrent au doute, Or, du doute à la vérité il n’y a plus qu'un pas ». Voilà comme M. Burtin eft aflidu à l’école de la Nature ; il l’inter- roge fans prévention , fans morgue, & fans préfomption. Quand il n’eft pas sûc de fon fuffrage , toutes fes affertions & fes conjectures font pro- pofées avec une rélerve & une timidité qui annoncent un caraétère égales ment vrai , fincère , & modelte, SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS, 79 Vocdkundige æffenfchool ; c’eft-à-dire , Leçons élémentaires d'Accouchemens , relatives a tout ce qui regarde cet Art, & les moyens curatifs , avec une analyfe raifonnée des Auteurs qui en ont craite ; par M. JACOB, Profe[- Jeur , avec des figures en taille-douce. À Gand , chez Vadder-Schaeren, 1784 , in-4”. de 432 pag. Cet Ouvrage élémentaire eft extrémement eftimé par les Médecins 8e lès Chirurgiens de Flandre & de Hollande, parce qu'il eft bien fait & préfente des-inftruétions fatisfaifantes fur toutes les parties de l’art des accouchemens. Il eft enrichi de 21 Planches gravées avec beaucoup de netteté, Une traduction françoife feroit, à coup sûr , bien reçue. Elements of theorie and praëlice , of phyfic and furgery ; c’eft-à-dire, Elémens thérétiques & pratiques de Médecine & de Chirurgie ; par Jean AITKEN , Doëteur en Médecine, du Collège Royal de Chirurgie , de la Société Royale de Médecine d'Edimbourg, &c. À Londres , 1782, in-8°. 2 vol, Le premier volume eft confacré à la thérapeutique particulière, M. Ait- ken donne d’abord les définitions générales de Phyfologie & de Patholc- gie , ainfi qu'un abrégé de matière médicale; il traite enfuite des mala- dies internes , recherche avec foin leurs origines, leurs étymologies , leurs efpèces, d’après Sauvage & les autres Auteurs, leurs caufes, & Les indi- cations curatives qu'elles offrent à remplir. On trouve dans le fecond volume une énumération des maladies ex- ternes. C’eft une feconde édition d’un Livre publié aufli en anglois par M. Aitken, en 1770, fous le titre d'Æ/émens fÿflématiques de Chirurgie théorique € pratique. Mais cette nouvelle édition eft cofrigée & augmentée, La partie nofologique eft bien plus foignée, la defcription des opéra- tions chirurgicales eft plus courte. Ce volume fait mention de plufeurs maladies omifes, & il nous a paru plus parfait que l’ancien Livre élé- mentaire. Ce Recueil eft terminé par une table très foignée & très-utile. Les Elemens de Miréralogie de Kirwan, traduits par M. GiBELIN, 1 vol. in-8°, vont paroître inceffamment à Paris , chez Cuchet, Libraire, rue & Hotel Serpente, xs L GE 86 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE , €. D) LAS PPRE DEs ARTICLES CONTENUS DANS CE CAHIER. He a M, Abbé MoNGEz, fur les jouiffances que procure l'étude de lhifloire naturelle des Infeëtes ; par M. HETTLINGER , ancien Infpeéteur general des Mines de baffè-Navarre , de l'Académie Royale des Sciences de Lifbonne , & de la Société phyfique de Zurich. Page 3 De l'élévation des principales Montagnes | & de diverfes autres parties de la Lombardie Autrichienne; par le P. ERMENIGrILD Pit. 8 Courtes Remarques oryétographiques fur la mine d’or proche du village de Nagy- Ag, dans le territoire de Hunyad en Tranfylvanie; par M. HACQUET, Membre de l Académie Impériale des Curieux dela Nature en Germanie. 25 Leitre de M. HAssENFRATZ & M, l'Abbé MONGEz Le jeune, fur La criflal - # lifation de la glace, 34 Seconde Lettre fur le même objet. 36 Suite des Expériences fur les Airs ; par M. CAVENDISH , craduit de l Anglois par M. PELLETIER. 38 Extrait d'un Mémoire fur les différentes efpèces de Chiens de mer , par M. BROUSSONET , Affocié ordinaire de la Société Royale de Londres, &c, &c. SI Lettre à M. MoNGEz Le jeune, [ur les Schorls violets des Pyrénées ; par M. PELLETIER. 66 Lettre de M. 5e LA MétHerte, D. M., à M. Abbé MoNGEZ Le Jeune, Jur la produütion d'une liqueur par la combinaifon de l'air pur € du gaz nitreux. 67 Nouvelles Littéraires, 68 A'P'P'R O:BANT TON J' lu , par ordre de Monfeigneur le Garde des Sceaux, un Ouvrage qui a pour titre: Obfervarions fur la Phyfique, Jar l'Hiffoire Naturelle & fur les Arts, &e.; par MM. Rozrer & Moncez le jeune, &c. La Collection de faits importans qu’iloffre périodi- quement à fes Lecteurs, mérite l’accueil des Savans; en conféquence, j’eftime qu'on peut en permette l’impreflion. À Paris, cez2 Janvier 1785. VALMONT DE BOMARE. Rd Re CRETE ECTS à pan er ee vtt A RSS ANR A ST éé CE ee mes goaré mf e à mr me pm gl ve © FL seéanieé = Dre dt à 2 118 Je. Jellier Janvier 1 1785. | JOURNAL DE PHYSIQUE. | FEPRTER::1782%0v4 IE TT DE L'EFFET DES PARFUMS SUR L'AIR, Par M AcHAR D. Ë L: NFLUENCE de l'air atmofphérique fur l’économie animale eft ni confidérable, que l’examen de tout ce qui peut le rendre plus ou moins propre à la refpiration , mérite certainement toute l'attention des Phyfi- ciens. C’eft cette confidération qui m'a engagé à entreprendre les recher- ches qui font le fujet de ce Mémoire, & dont le but eft de déterminer par expérience de quelle manière la plupart des parfums qui font princi- palement en ufage , agiflent fur l'air commun. Afin de découvrir fi les fumigations gâtent ou améliorent l'air commun, j’eus recours à l’eudiomètre , qui , comme on fait, fertà mefurer la dimi- nution du volume d’une forte d’air donné, mêlé avec l’air nitreux, & par conféquent auffi le degré de falubrité de l'air, qui, pour la plupart du temps, eft en raifon du degré de phlesiftication ; je dis la plupart du temps, car des expériences faites depuis peu par le Prince de Gallitzin prouvent inconteftäblement que le phlogiftique n’eft pas la caufe unique de la diminution du volume d’un mélange d’air commun & d'air ni- treux , puifque l'air des latrines, qui certainement eft toujours très-chargé de phlogiftique , diminue de volume lorfqu'on le mêle avec Pair ni- treux , beaucoup plus qu'il ne devroit fi cette diminution étoit en rai- fon inverfe de la quantité de phlogiftique avec lequel il eft combiné. Je crois que cet effet peut être attribué avec raifon à l’alkali volatil, dont Pair des latrines eft toujours très-chargé, & qui, par fa grande affinité avec l’acide du nitre, doit néceffairement faciliter la décompofition de l'air nitreux ; en forte que, dans ce cas, il y a deux caufes de décom- pofition , dont la première fe trouve dans l’affinité du phlogiftique de l'air nitreux avec l'air qu'on y ajoute; & la feconde, dans l’afinité de l'acide du nitre avec l’alkali volatil. Avant d’entreprendre le récit de mes expériences , je crois devoir par- ler de l’eudiomètre dont j'ai fait ufage , & de la méthode que j'ai fuivie pour charger l'air de la fumée des parfums. Tome XXVI, Part. 1, 1785. FÉVRIER, L 82 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, L'eudiomètre qui m'a fervi eft très-fimple, & uniquement compofé d'un tube de verre long de 42 pouces, bien cylindrique , d’un + de pouce de dianiètre, fermé à un bout, & muni à l’autre d’une vis de laiton qui reçoit un entonnoir de verre, Une petite fiole dé verre fert à melurer l'air qu'on veut, effayer; fa capacité eft celle, que l'air qu'elle renferme occupe dans l’eüdiomètre un efpace de 20 pouces: pour s’en fervir , on le remplit d'eau, de mème que l'entonnoir, de manière qu’il n’y refte aucune bulle d'air: enfuite on le plonge dans un baquet rempli d’eau, en forte que les bords de l’entonnoir foient fous l’eau, Cela étant fair, > . . . . . , l'on yintroduic, fuivant la manière connue de tous les Phyficiens, une mefure de l'air qu’on veut effayer, & une égale mefure d'air nitreux. Si le mélange ne diminuoit pas de volume, il-occuperoit un efpace de 40 pouces. Suppofons qu'il n'occupe que 2$ pouces dans la longueur du tube, la diminution aura alors été de 15 pouces ; fi, dans une autre ex- périence , le mélange d’air occupe un efpace de 28 pouces, les dimi- nutions d: volume dans ces deux expériences feront en raifon de r$. à 12. ’ Cette proportion numéraire indique donc Le rapport de la falubrité ou de la phlogiltication des airs qui ont fervi aux deux expériences ; ce qu'il eft néceflaire de bien remarquer , parce que c'eft de cette manière que , pour abréger, j'exprimerai les réfultats de mes expériences. Communément c'eft fur des charbons qu’on brüle les parfums; mais commet dans mes expériences, il étoit eflenciel d'éviter, avec tour le foin poffible , toute caule étrangére, qui, hormis la fumée des parfums, auroit pu agir fur l'air & le gâter, je fus obligé de Les brüler fur un fer chauffé jufqu'àce.qu'il. füt bien rouge , que je mis fur un anneau de métal placé dans un baquet dont le fond étoit couvert d’eau pour recevoir la. fumée , je couvris d’un récipient le fer échauflé, après y avoir mis le parfum, L'eau qui étoit dans le baquet entouroit Les bords du récipient , &. empéchoit que L'aiggexrérieur ne püt y entrer ; de forte que j'obtins rou- jours de cette manière de l'air chargé de beaucoup de fumée, : Afin de pouvoir, déterminer l'effet des différens parfums fur l'air E.. mun! 8 les comparer, il étoit néceffaire dë commencer par s’aflurer du: degré de phlogiftication de l'air commun pur. Dans lendroic où je fis. les expériences, je donnai rous mes foins à certe détermination , afin de la faire avec autant d’exaétitude que poffible, Je répérai l'épreuve avec Fair nitreux plufeurs fois, afin de m'aflurer , par la conformité des ré- faltats de différens eflais , que je n’avois pas commis d'erreur. Je trouvai conftamment que le degré de falubrité de l'air commun étoit tel, qu'il diminuoit. de 15 À avec l'air nitreux dans l’eudiomètre dont j’ai donné la defcription & les dimenfons. Pour être bien afluré que, dans les expériences que je ferois, l’alté- en - Eh dies 2. +. ESS ER } SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 83 tatlon dé Pair ne pouvoir avoir d'autre caufe que la fumée du parfum, jugeai qu'il feroit néceffaire de déterminer , par une expérience, fun fer rouoi au feu ne produit aucun changement fur une mafle d'air avec laquelle il eft renfermé: jefis l'expérience , & trouvai qu’un’ fer rougi à blanc au feu, renfermé fous un récipient dont les bords étoient entourés d’eau, n’altéroit en aucune manière l’air qu’il renfermoit. Je pafle maintenant au récit des réfultats des expériences que J'ai faites avec les parfums dont on fe fert le plus communément. Je trouvai : 1°. Que la diminution de l'air commun chargé de la fumée du ge: nièvre étoit de 13 +; donc fon degré de falubrité étoit à celui de l'air éommun, qui n'écoit pas chargé de cette fumée, comme 13 ; à 15 5. 2°. Que le degré de falubrité de l'air commun pur étoit à celui qui étoit chargé de la fumée de la gomme ftorax , comme 15 ; à 14 3%. Que la falubrité de l'air commun pur étoit à celle de l'air chargé de la fumée de la gomme de myrrhe , comme 15 + à 13 4°. Que la phlogiftication de l'air commun , tel qu'il étoit dans ma chambre , étoit à celle du même air, chargé de la fumée des pétales de rofes sèches, comme 1$+à13: çs°. Que la falubrité de l'air commun pur étoit à celle de l'air commun , chargé de la fumée des fleurs de lavande , comme 15 > à 13 %e 6°. Que la falubrité de l'air commun.pur étoit à celle de cet air , chargé de la fumée de la compoñition qu'on fait de différens parfums, & dont on forme des pyramides qu'on allume à la pointe, & qui, en brülant , répandent une odeur fort agréable , comme 155 à 13 + 7°. Que la falubrité de l'air commun non parfumé étoit à celle de lair commun chargé de la fumée du maftic , comme 1$ = à 14. 8°. Que le rapport de la falubrité de l'air commun pur étoit celle de cet air chargé de la fumée de l'encens , comme 1$ > 13 3 9°. Que le degré de falubrité de l'air commun pur étoit à celui de la falubrité de cet air chargé de la fumée de la gomme fandarac, comme 15 Fà13:. 10°, Que la phlogiftication de l'air commun pur étoit à celle de cet air chargé de la fumée du parfim compolé , qu'on trouve chez les Apothicaires fous le nom de poudre à parfumer, comme 15; à 13% Tome X XVI, Part.I, 178$. FÉVRIER, L2 A a x a 84 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE; 119, Que le rapport de la falubrité de l'air commun pur étoit à celle de cet air chargé dela fumée de la racine d’iris de Florence , comme Is + à 14. 12°, Que le rapport de la falubrité de l'air commun non chargé de fu- mée , à celle de cet air chargé de la fumée du benjoin , étoit, de 1$ + à 14. 3°. Que la falubrité de l'air commun non chargé de fumée étoic celle de cet air chargé de la fumée des clous de girofle, comme 15% 14 14°. Que la phlogitication de l'air commun pur étoir à celle de 1 cet air chargé de la fumée du fuccin, comme 15 + à 145. D De 15°. Que la falubrité de l'air commun pur étoit à celle de lair chargé de la fumée de la femence de coriandre, comme 15: à 13 =. 16. Que la falubrité de l'air commun pur étoit à celle de cet air chargé de la fumée de l'herbe de romarin , comme 15 + à 13 <. 17. Que la phlogiftication de lair commun pur eft à celle de cet air chargé de la fumée de écorce de cafcarille , comme 16 + 4 13 = f 18°. Que la falubrité de l'air commun pur eft à celle de cet air chargé de la famée de la cannelle blanche, comme 152213 21: 19°. Que la falubrité de l'air commun pur eft à celle. de air comimun chargé de la fumée du bois de Rhodes, comme 1$ 5 à13 =: 20°. Que la falubrité de l'air atmofphérique non chargé de fumée elt à celle de cet air chargé de la fumée du ladanum , comme 1$ = “ 1 + à 13< 21°. Que la falubrité de l'air commun pur eft à celle de cet air chargé de la fumée de l'écorce de thym, comme 1$ + à 13 =. 22°, Que la phlogiftication de l'air atmofphérique pur eft à celle de cet air chargé de la fumée qui s'élève de la poudre à canon , lorfqu'elle s’enflamme , comme 1f + à 13. 23. Que la falubrité de Flair commun pur eft à celle de cet air chargé de la fumée du tabac , comme 1$ 5 à 13 >. 24%, Que la falubrité de Fair commun pur eft à celle de cet air chargé des vapeurs qui s'élèvent du vinaigre bouillant, comme 15 > a 14 >. 25°. Que la phlosiftication de l'air atmofphérique eft à celle de cet air chargé des vapeurs qui s'élèvent de l’efprit de vin bouillant, comme 1$ = à 144 26°. Que la falubrité de l'air commun pur eft à celle de cet air chargé des vapeurs qui s'élèvent de l’aikali volatil fluor bouillant , comme 15 à 14 + Dans toutes les expériences dont je viens de donner les réfulrats , j'ai " SUR L'HIST. NATURELLE ÊT LES ARTS. Fait le mélange de l'air commun chargé de fumée avec l'air nitreux, avant que la fumée fe foit diflipée par la condenfation des vapeurs, & feule- ment quelques minutes après avoir parfumé l'air. Il eft encore à remar- quer que j'ai toujours fait une très-forte fumée; en forte que l'intérieur du récipient devenoit prefque opaque. Afin de voir fi l'air parfumé fe changeroit après un, certain temps, j'ai confervé pendant vingt-quatre heures l'air chargé de. la fumée de.tous les parfums que j'ai nommés; au bout de ce temps, soute la fumée s'était difipée par la condenfation des: vapeurs; mais ayant foumis l'air à l'é- preuve de l'air nitreux , j’obtins exaétement les mêmes réfulrats que j'a- vois obtenus.en faifant l'expérience ; lorfque l'air écoit récemment & vi- fiblement chargé de fumée, , : :, ÿ Des chandelles allumées, plongées dans un récipient rempli d'air com- mun , chargé de la fumée des diflérens parfums, que j'ai nommés, & cela au point qu'il paroifloit laiceux & entièrement opaque, y brülèrent auf bien que dans l'air commun pur. Les réfultats des expériences eudiométriques que j'ai rapportées , & que J'ai faites avec l'air. commun chargé de la fumée d'un grand nombre de “parfums, -prouvent , 1°. Que tous les parfums en général phlogiftiquent un peu l'air. 2°. Qu'ils ne le phlogiftiquent pas tous au même degré. 3°. Que parmi les parfums folides , les fubftances réfineufes font celles qui affez généralement phlogiftiquent le moins l'air; ce qui cependant n'eft pas fans aucune exception. 4°, Que parmi tous les parfums que j'ai effayés , il n’y en a aucun qui -phlogiftique l'air au point de Le rendre dangereux où mortel, 5’: Que de trous les parfumsfolides ou fluides que j'ai effayés, le vinaigre eft célui qui phlosiftique le moins l'air, & qui, à cer égard, mérite par conféquent la préférence fur tous les autres, Il paroît à la vérité, par le réfulrat, n°.26, que l'air chargé des vapeurs de l’alkali volatil a plus diminué de volume avec l'air nitreux , que l'air qui a été chargé de la va- peur du vinaigre ; mais les raifons que j'ai alléguées plus haut, & l’expé- rience faite par le Prince de Gallitzin fur l'air des latrines, ne me permet- tent pas de regarder cette plus grande diminution comme une preuve d’une moindre phlôgiftication, croyant qu'on peut, avec plus de raifon, l’at- tribuer à l’afinité de l’alkali volatil avec l'acide du nitre qui entre dans la compoñtion de l'air nitreux , & qui doit néceflairement faciliter fa dé- compolition. IL eft aifé d'expliquer d’où vient que les parfums réfineux gâtent moins l'air que les parfums de bois, d’écorce, de feuilles, de fruits ou de fleurs : ces derniers , lorfqu'’ils fe décompofent par la chaleur, fourniflenc de l'air fixe & de l'air inflammable , qui, en {e mêlant avec l'air com- 86 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, mun, doivent néceffairement altérer fa qualité , randis que le feu ne dévez loppe pas l'air des réfines, & ne fait que les atténuer, en volatilifant les huiles effentielles qu'elles contiennent , fans'les décompofer. Dans toutes les expériences que j'ai rapportées jufqu'à préfent , j'ai eu foin d'empêcher que le parfum ne s'enflammäât , & je n'ai échauffé le fer qu'au degré néceflaire pour les faire fumer , parce qu'il écoit très:naturel de penfer que s'il y avoit une véritable inflammation , l'air fe phlogifti- queroit très fort. Afin de vérifier cette conjecture , je répétai quei , :s-unes des expériences précédentes , avec la différence que je chauffai le fer au point que le parfum s’enflammât fous le récipient. Je trouvai, . 1%. Que le rapport de la phlogiftication de l'air commun non par- fumé , éroit à celui de l'air dans lequel j'avois enflammé de parfum com- pofé, qu'on trouve chez les Apothicaires fous le nom de meilleure pou- dre à parfumer, commé r$ ?à 10 ©. L 2°. Que le rapport de la phlogiftication de l'air commun pur, étoit à celle de cet air dans lequel j'avois enflammé du benjoin, comme as -à7. : L'on voit, par ces deux expériences, que lorfque les parfums s’en- flamment, ils phlogiftiquent très-fort l'air; ce qui eft une fuite néceflaire de toute inammation. La phlogiftication indiquée par l’eudiomètre fut encore confirmée par l'extinction fubite de chandelles allumées , plongées dans l'air commun dans lequel la poudre à parfumer & le benjoin avaient été enflammés. Afin de découvrir quel eft l’effer d’une fumée très-concentrée fur les animaux, je mis des pigeons dans un récipient que je remplis fuccefli- vement de la fumée de la plupart des parfums que jai nommés. Quoique la fumée füt fi épaifle, qu'il étoitimpollible de voir l'animal dans Le ré- cipient , il y refta cependant plus d'un quart d'heure fans incommodité. Cette expérience n’encouragea à faire l'effai fur moi-même : pour cet effet, je remplis un grand récipient d’une fumée épaifle produite par le fuccin ; & après y avoir mis la tête, je fis une forte infpiration : elle ne m'incommoda pas beaucoup. La feconde infpiration me fittouffer, & la troifième me fuffoqua prefque ; ce qui ne provient pas de l'air en lui- même, mais uniquement des vapeurs qui y nagent, qui ny font pas unies, & qui fe condenfent dans le‘poumon & irritent le conduit de l'air. L’on eft communément dans l'idée que les parfums sèchent l'air; j’a- voue que cela feroit très-difficile à expliquer; car la fumée qui s'élève de tous Les parfums en général contient des parties aqueufes en plus ou moins grande quantité; donc, bien loin de fécher l'air, on doit, en le par- fumant, le rendre plus humide. Afin de m'en affurer , j'ai parfumé, avec la plupart des parfums que j'ai nommés, un appartement dans lequel j'a- SUR L'HIST. NATURÉLLE'ET LES ARTS. 87 vois placé un hygromètre conftruit fuivant la méthode de M. Lambert, Comme Le détail de ces expériences feroit trop long, je me contente d’en rapporter le rélultat général, qui eft que rous Les parfums , fans excep- tion , rendent l’aix plus humide; que les parfums réfineux font ceux qui lui communiquent le moins d'humidité, & que la fumée des bois, des écorces , des feuilles , des fruits & des fleurs , lui en communiquent beau- coup davantage: Le vinaigre lui en donne le plus ; ce qui eft une fuite nécef- faire de la volatilifation des parties aqueufes avec lefquelles les parties acides falines font toujours combinées dans le vinaigre , même le plus concentré. Je conclus de toutes les expériences que j'ai rapportées dans ce Mé- moire,, que les parfums ne rendent pas l’air plus propre à la refpiration, & qu'ils ne le defsèchent pas : doncils ne l'améliorent en aucune manière, I] eft décidé qu’au contraire ils le phlogiftiquent , mais à un degré qui ne peut devenir ni dangereux ni mortel. Avant de finir ce Mémoire , je crois devoir remarquer qu’il eft effen- tiel de bien diftinguer les caufes de l'effec nuifible que peut produire fur l'économie animale un air chargé de fumée , cer effet pouvant provenir , ou bien de l'ai même gâté & phlogiftiqué, ou bien de la fumée qui n’eft pas combinée, mais étrangère , & feulement mélée à l'air. Or, ce n’eft, point l'effet de la fumée que j'ai voulu déterminer dans ce Mémoire , mais uniquement celui qui peut provenir de la phlogiftication de l'air, en tant Aou eft produite par la fumée. Il. fe peut donc que de l'air chargé une certaine fumée, & qui, fuivant les expériences eudiométriques, n’eft - point dangereux , faile cependant. périr un animal : c’eft alors à la fumée, & non à l'air qu'il faut attribuer fa mort, C’eft dans ce fens que je me fuis toujours fervi de l’expreflion faubrité de l'air; ce qu'il eft très-nécef- faire de bien remarquer , afin de ne pas tirer de faufles conféquences de mes expériences, 88 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, PPS SRE TAC EN OURX SUR LA CHALEUR LATENTE; Contenant l'hifloire de toutes les découvertes que l’on a faites jufqu'à préfent fur le feu caché dans les corps, avec de nou- velles expériences & obfervations ; Traduite de l'Italien de M. le Chevalier LA N DRIAN1, par M. B.F.T,. de Dijon. C sabot pas fans de bonnes raifons que M. Pringle, faifant part à la Société Royale de Londres des grandes découvertes du Doéteur Prieftley fut les différentes fortes d'air , invitoit les Phyficiens, & finou- lièrement le Doéteur Prieftley lui-même ; à étudier, mieux qu'on ma fait jufqu’à préfent, la nature du feu, & annonçoit que de telles recherches occafionneroient d’heureufes & d’utiles découvertes fur la nature de cet élément, le plus aétif de tous, puifque la connoiffance de la nature in- time & des propriétés de Pair , nous conduit néceffairement à mieux com prendre celles ds feu, ces deux élémens étant en quelque forte dans une mutuelle dépendance , par l'extrême affinité qu'ils ont entre eux. En effet, les connoïflances que nous avons acquifes depuis peu fur la nature de l'air, nous ont déjà mieux fait comprendre quelques phénomènes de l’ignition, qu'on expliquoit mal auparavant ; elles nous ont appris à diftinguer les effets du phlogiftique de ceux du feu, que le plus grand nombre confon- doit ; enfin ,welles nous ont rendu probable que la flamme n'eft autre chofe que d'air inflammable , qui fe décompofe lentement au fortir des corps combuftibles ; que fes couleurs dépendent de l'état ou de la qualité de l’air où ils brülent; que la chaleur a plus ou moins de peine à fe ré- pandre dans les diflérens corps; & enfin dans les différens airs factices: en un mot, on a découvert la caufe d’autres phénomènes de ce genre , qui, s'ils n’étoient pas auparavant tout à fait inintelligibles, étoient au moins fort obfcurs & myftérieux. C’eft pourquoi nous avons, comme M, Pringle, toute forte de raifon de nous promettre de ces heureux commencemens des progrès rapides dans la Science de la Pyrologie, Dans la vue de faciliter ces découvertes, j'ai raflemblé ici tout ce qui eft venu à ma connoiflance touchant le feu, qui, fans donner de fignes extérieurs SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 89 extérieurs de fa préfence, demeure combiné dans les différens corps, & que les uns nomment feu fixe, d'autres chaleur latente , feu principe, Ge. , j'ai ajouté au récit des découvertes d'autrui mes expériences & mes re- marques propres, & je les adrefle à l’un des plus illuftres Phyficiens de notre Italie, & qui, foit par fes lumières , foit par les heureufes circonf- tances où il fe trouve, eft plus en état que perfonne de faciliter les progrès de cette importante branche de la Phylique (1). Si les nouvelles découvertes concernant les divers Auides aériformes, nous ont démontré , jufqu’à l’évidence , que différens fluides élaftiques peuvent être combinés dans les corps, fans donner des fignes de leur exiftence, & que ces fluides , ou par la décompofition des corps qui les contiennent , ou par l'action du feu ou autrement, peuvent être mis en liberté & fe manifefter fous diverfes apparences, il me femble qu'il n'eft pas plus difficile d'imaginer que le feu puifle de même exifter dans différens corps en un état de fxité 8 de compofition intime , fans qu'il foit néceffaire pour cela qu'il fe manifefte au dehors ; chofe qui n'arrive qe moment que le fluide igné fortant de l'état de combinaifon & e principe, recouvre fa liberté & reparoît fous la forme de flamme, ou fe découvre par la chaleur. Cela pofé, je crois qu’on peut diftinguer deux différens états fous lefquels Le feu fe trouve dans Les corps; favoir, un état de fixite & un état de liberté. Le feu eft dans un état de fixité, quand il eft intimément combiné dans les corps , fans donner des fignes extérieurs ou fenfibles de fon exif- tence , quand il eft principe, élément, & is conftituante des corps ; il eft dans un état de liberté, lorfqu'il eft limplement ajouté & non com- biné avec eux ; & ne leur étantuni qu'accidentellement , il produit Les effets connus & fenfibles de dilater, d'échauffer, & autres. L'air fixe ou l'acide méphitique (1) peut aider notre imagination à comprendre comment le feu peut être intimément combiné dans les corps, fans préfenter aucun de ces phénomènes qui l’annoncent , Lorfqu'il leur eft uni de toute autre manière, & non comme partie conftituante, L'acide méphitique, comme tout le monde fait, quand il eft en état de fluide élaftique & d’air fixe, eft compreflible, dilatable par la chaleur, fufceptible d’être condenfé par le froid; il éteint les chandelles allumées, tue les animaux qui le refpirenc, &c.; mais s’il vient à être abforbé par l'eau, on voit difparoître toutes ces propriétes qui ne lui appartiennent que quand il eft fous une forme élaftique ; & l’eau qui s’en charge n’en ac- quiert pas pour cela une plus grande élafticité ; tout au plus en contracte. t-elle une légère acidité qui nous indique fa préfence. Il fuit d’un léger (x) M. Fontana. (2) L’original porte , «cido mofetico. Tome XXVI, Part, I. 1485. FÉVRIER, M 90 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, degré de chaleur, ou d'agiter ce fluide qui l’avoit fixé, pour le faire re- paroître fous la forme d’un fluide élaftique. La même choË arrive au feu s. quand il eft libre & n'eft uni au corps que dans un état de combinaifon, je dirois de mixtion, d’agrégation, & non pas de compofition intime ; il eft, pour ainfi dire, un fuite elaftique , qui nous fait fentir fa préfence par la chaleur, la dilatation des corps, la Hamme , &c.; mais quand il eft fixé dans les corps, devenu une de leurs parties conftituantes , fon exif- tence ne nous eft plus fenfble. Or, c’eft du feu , dans ce dernier état, je: veux dire du feu dans l'étar de fixité, que j’entreprends de traiter dans cet écrit. Il n'y a prefque aucune découverte de quelque importance , faite dans ces derniers temps, dont on ne retrouve le germe dans les Ecrivains qui, fe diftinguèrent à la renaiflance de la Philofophie & de la bonne Phyfique. Dans les Ouvrages de l’immortel Bacon de Verulam , dans ceux de Bec- Ker, de Sthaal, & d’autres célèbres Auteurs , on voir une efquifle de la. plupart des découvertes dont notre fiècle s’attribue l'invention ; entre autres l’exiftence du feu , dans cet état que j'appelle l’état de fixité, fe pouvoit très-bien déduire d’une expérience qui eft rapportée dans les Mé- moires de l’Académie de Cimento. La troifième expérience du paragraphe intitulé : Æxpértertces fur quelques: effers du chaud &: du froid , fut faite certainement dans une toute autre vue que de montrer que la chaleur peur être abforbée par un corps , fans don- ner les fignes ordinaires de fa préfence , en altérant la température du corps abforbant; & néanmoins cette expérience , bien examinée , eft une de celles qui, dans ces derniers temps, ont été produites ; comme donnant les preuves les plus démonftratives de l'exiftence de la chaleur latente, Les Académiciens de Florence remplirent un vafe de glace pilée très- fine, & y ayans mis un thermomètre, ils l’y laifsèrent jufqu'à ce qu'il eût pris la température du bain où il écoit plongé; après quoi ils plon- gèrent le vafe dans l’eau bouillanre; & ils remarquérent que , quoique cette eau environpat tout le vafe , le thermomèrre cependant ne bouge, pas d’un cheveu, tant il eft vrai que la chaleur de l'eau bouillante qui entouroit le vafe plein de glace, _& qui ne cefloit de fe communiquer à la glace, en étroit abforbée, fans que la température de la glace en fût altérée, comme il fe voyoit par le thermomètre, qui ne donnoie aucun figne de cette altération. Voilà donc un premier phénomène inf- tructif obfervé en Italie, qui montre que la chaleur peut être abforbée par Les corps , fans que leur température en foit changée. & En 1724 & 172$, le célèbre Farenheïc fit une autre obfervation , qui démontroit que le feu peut exifter dans Les corps , fans que leur tempé- tature l'indique. Ayant laiflé de l’eau expofée à un air dont le froid étoit de plufieurs degrés au-deffous de la congélation , & un de fes thermomè- tres plongé dedans , il obferva qu'elle continuoit d'être fluide, quoique SURL'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 9% de thermomètre indiquât un froid plus grand qu'il n'eft néceffaire pour la geler ; mais à peine eut-il agité l'eau , qu’en peu de momens elle fut toute criftallifée, & le thermomètre qui y étoit plongé monta au point de la congélation (1). Peu après, c’eft-à-dire, vers 1732 , M. Treiwald écrivit une lettre qui a été inférée dans les Tranfactions Philofophiques de Londres (2), où ilrapporte que ; dans le temps d'une très-forte gelée, de l’eau qu'il avoit mife dans un vafe couvert d’une veflie, ne laifloitipas de conferver fa Auidité ; maisau moment qu’en preflant la vellie l'eau fut agitée, elle fe gela en entier. Nous voyons, par ces expériences, que l’eau peut contenir de la cha- leur , fans que le thermomètre l'indique, ou, pour mieux dire , fans que fa température l'annonce ; que cette chaleur , ou plutôt le feu fixe infen- fible au thermomètre , étant combiné avec l’eau, contribue à lui confer- ver fa fluidité; que cette eau la perd , lorfque , par l joitation & l'effet d’une fecoufle, elle laifle échapper la chaleur , qui étoitMääparavant obf- cure & cachée, & qui, fe mettant en liberté, fait enfuite monter Le ther- momètre jufqu’au terme de la congélation , au deflous: el il fe tenoic abaiflé auparavant de plufieurs degrés. | Je ne dois pas oublier M. de Mairan , qui, dans fa belle Differration fur la glace, cherchant à concilier les diverles opinions fur le terme de la congélation, que quelques Phyficiens vouloient qui ne füt pas fixe, mais variable & incertain , affure qu'il eft bien vrai que l’eau qui n'eft point agitée fe conferve Auide , quoiqu’elle ait une température de plufeurs de- grés au-deilous de la congélation; mais que cela ne prouve pas que, quand elle eft congelée & criftallifée , elle n'ait un degré conftant de chaleur. Pour le prouver, après avoir rapporté les expériences de Faren- heit & de Treiwald , confirmées par celles de MM. Micheli & Jallabert, aù avoient reconnu le même phénomène, M, de Mairan rapporte les’ iennes propres , dont le réfultat eft , qu'ayant expofé fur une fenêtre dif férens vafes de verre plein d’eau, dont l’un étoit couvert d’une lame de verre, nn autre d’une couche d'huile, & le troifième étroit à découvert; il remarqua que l’eau de ce dernier fut la première glacée , & que celle qui avoit une couche d'huile fe gela la dernière, Cer illuftre Phificien obferva encore , qu’au moment où l’on plongeoïit un thermomètre dans l’eau cou- verte d'huile & encore fluide, elle fe ciftallifoir & fe olaçoit fubitement, & que le thermomètre ne cefloit de monter jufqu'à ce qu'il eût atteint le terme de la congélation, où il fe fxoir. (1), Experimenta & Se à de congelarione aque. Tranf. Philof, (2) Lerr. fremi Treiwald reläting 10 an extraordinari inffance of the almoft inftantane raneous freezingof water. . Tome XXVI, Part, 1, 1785. FÉVRIER, M2 92 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, Mais voici encore des expériences plus démonftratives que celles de M: de Mairan; ce font celles de M. Baumé a fait partau Public dans fes Recherches & expériences [ur plufieurs phénomnènes Jinguliers que l'eau prèfente au moment de fa congélation. M. Baumé ayant rempli d'eau un bocal, avec un thermomètre dedans, mit letout dans un mélange de glace & de fel, dont le froid étoit de plufeurs degrés au-deffous de la congélation , & il remarqua qu’au bout d’une minute environ le thermomètre plongé dans l’eau defcendit au degré — 1 de Réaumur , & alors l’eau commença à fe prendre. La con- gélation continuant , Le thermomètre s’éleva d’un demidegré , & fe tint pendant À d'heures immobile à cette température ; & jufqu'à ce que l’eau ne fût gelée tout-à-fait, il n’indiqua jamais la température du bain; mais la congélation de l'eau du bocal ayant été complette , le thermomètre ne mitque 2 minutes à defcendre au huitième degré au-deflous de zéro ; Se lE qu'ilbprit la température du bain de fel & de glace , qui étoic précifément à éedegré. Non content encore du réfultat de ces épreuves , l’habile Chimifte François mit #dans un bain de glace pilée & de fel, dont le froid étoic de 20 degrés de Réaumur, cinq bocaux égaux , qui contenoient dif- férentes dofes d’eau & d’efprit-de-vin dans les proportions fui- vantes. Le premier bocal, 30 onces d’eau & 2 onces d’efprit-de-vin, Le fecond, 28 onces d’eau & 4 onces d'efprit-de-vin. Le troifième, 26 onces d'eau & 6 onces d’efprit-de-vin. Le quatrième , 24 onces d’eau & 8 onces d’efprit-de-vin. Le cinquiéme ne contenoit que de l'efprit-de-vin tout pur. Le bain dans lequel étoient plongés tous ces bocaux , au bout d’un quart d'heure , n'avoir que — 18* de froid ; après une demi-heure , il n’en avoit que —8 à l'échelle de Réaumur. Le thermomètre, dans le premier bocal , n’eft defcendu qu’à — $ ;en moins d’un quart d'heure , l'eau fe gela, & alors le thermomètre s’éleva de 3 degrés; il redefcendit enfuite pour fe fixer à —3,& sy tint pen- dant une heure & demie. Le thermomètre du fecond bocal eft defcendu à — 8 ; arrivé à ce de- gré, la liqueur commença à fe geler ; & durant la congélation, le ther- momètre haufla de 4 degrés, SMfe fixa à — 3. Le thermomètre du troifième s’eft abaïffé à — 10; la liqueur s’eft ge- lée; & pendant ce temps là, le thermomètre a monté de 3 degrés, & s'elt arrêté à — 7. Dans le quatrième bocal , le thermomètre »gn 10 minutes de temps , eft defcendu à — 10 , & a remonté à — 0. Celui du cinquième bocal eft defcendu à — 15 dans le même efpace SUR L'HIST, NATURELLE ET LES ARTS. CE de temps, &il a toujours marqué la même température du bain où le bocal étoit plongé. É Les conféquences que tire M. Baumé de ces expériences, font, 1°. que les liqueurs prennent d’autant mieux la température du bain , qu’elles ont moins de difpofition à fe geler; 2°. que les degrés indiqués par le ther- momètre au moment de leur congélation , font les degrés de refroidiffe- ment néceffaires pour l'opérer dans chaque liqueur ; 3°. enfin , que du- rant la congélation de l’eau , il fe développe toujours une certaine quan- tité de chaleur, qui fait haufler le thermomètre plongé dans l’eau qui fe glace, M. Baumé a encore obfervéle même phénomène dans la criftallifation de certains fels. Voici comme il s'exprime (tom. II de fa Chimie, pag. 207). æ J’aitenu, dans des bouteilles parfaitement pleines, des diffolutions'de » fel qui devoient néceffairement criftallifer par le refroidiffement , & qui » n'ont fourni aucuns criftaux, même dans l'efpace de quatre jours , parce » qu’elles étoient dans un repos parfait ; mais le plus léger mouvement » Occafonnoit fur le champ la criftallifation du el... .. Ces criftaux font » réguliers , quoique formés dans un inftant. Ce phénomène eft commun » avec celui de l'eau , qui peut être refroïdie à 10 degrés fans fe geler. » L'eau qui fe gèle produit de la chaleur , &c. (1). Mais quoique toutes ces expériences prouvent évidemment qu’il peut exifter dans les corps une notable portion de chaleur, fans que leur rem- pérature en foit altérée, & que cette chaleur, cachée & fixe, paroït au de- hors & fe développe au moment que les corps paffent de l'état de fui- dité à celui de folidité ; néanmoins, fi M. Black , ce célèbre Chimifte à qui nous devons la connniffance de l’eau méphitique ; n’avoit pas réuni & rapproché toutes les expériences éparfes qui en ont été faites, nous ne ferions peut être pas encore en état de comprendre Les phénomènes de la chaleur latente. M. Black, ainf qu'il eft rapporté dans les obfervations de phyfique de M. l'Abbé Rozier (2), expofa de la glace pilée & de la neige à Ja chaleur capable de fondre la glace , & il obferva que le thermomètre qu'il y avoit plongé ne donnoit aucun figne de chaleur acquife , jufqu’à ce que toure la neige & toute la glace fuffent fondues, (z) Un grand Chimifte, M. Higgius , a refait en grand l’expérience de la criftallifa: tion des fels , avec le même réfultat que M. Baumé; mais c’eft fans fondement que quel- qu'un a prétendu expliquer ce phénomène par l’action de l'air; car une diflolution fa- line dans des vaiffeaux , même fermés hermériquement , fe criftallife dès qu’on l’a- gite. (2) Expériences du Doëteur Black fur la marche dela chaleur dans certaines cir= conftances, vol. 2 , prem. part. pag. 159. , 94 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, 2°, Si l'on prend de l'eau fluide, & qu'on Pexpofe à un très-orand froid , le thermomètre marquera les degrés de refroidiflement , jufqu’à ce u’il foic parvenu au point de la congélation ou au zéro de la divifion de Réaumur; alors il s'arrêtera, jufqu’à ce que la congélation & la crif- tallifation de l’eau foient complettes ; au contraire, fi , au lieu d’eau pure, on fe fert d’eau falée , elle fe refroidira auili-tôt , & le thermomètre arri- vera au point de la congélation , mais fans s'y arrêter, & il continuera de S'abaiffer par degrés. 3°. L'eau , quoique froide de plufieurs degrés au-deffous de la congé- lation , confervera fa fluidité, & fe gelera fi on l’agite. 4°. Des eaux fluides, mêlées enfemble à des températures différentes, prennent un degré moyen de chaleur, La même chofe n'arrive pas en rs enfemble de la glace & de l’eau chaude (1). e ces expériences, M. Black tire ,avec beaucoup defagacité, les con- féquences fuivantes. La première , que tous les corps abforbent une certaine quantité de chaleur, quand ils paflent de l’état de folide à celui de fluides , & que leur Auidité dépend exactement de certe abforption de chaleur. La feconde, fque quand les corps Auides deviennent folides , ils fe dépouillenc fenfiblement de cette chaleur cachée qui caufoit la fluidité. e # La troifième , qu'ily a dans les fluides une double chaleur; favoir, une chaleur cachée & une chaleur fenfble, Celle-ci agir fur le thermo- mètre, & conftitue proprement la température du corps auquel elle eft unie, l'autre eft intimément combiné avec eux, & ne fe manifefte qu'en certaines circonftances. La quatrième; cette abforption de chaleur n’a pas lieu feulement lorfqu’un Auide devient folide , puifque l’eau échauffée à 80 degrés de Réaumur , abforbe une quantité prodigieufe de chaleur qu'elle tire de tous les corps environnans, & c'eft cette chaleur qui la change en une vapeur élaftique. La cinquième; enfin, quoique cette vapeur ne femble pas plus chaude que l’eau bouillante , quand on lexamine au thermomètre , cependant une livre de vapeurs paflant par l'alambic , communiquera un degré de chaleur plus confidérable au réfrigérant, que ne feroit une égale quan- tité d'eau bouillante. Dans le 61° volume des Tranfact. Philof. , M. Black fe fert de ces principes , pour rendre raifon d’une pratique des Indiens ; qui , pour faire (x) Quelques perfonnes prétendent que M. Wilkes avoit obfervé “ces phénomènes avant Black, & en avoit tiré la même conféquence. ( Voy. la belle Dillerration de M, Bergman de aguis frigidis.) SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. CIS geler l'eau plus promptement, ont coutume de la faire bouillir avant de , Vexpofer à l'air ; car ayant expolé deux quantités égales d'eau, l'une bouillie, autre non, il obferva que la première fe geloit plus promptement que Pautre, & il attribua ce phénomène à l’intromiflion de l'air de latmof- phère qu’elle abforbe , lequel y produifant un mouvement infenfble , en avance la congélation; au lieu que l’eau qui n'a pas bouilli , n’abforbant rien de l'atmofphère qui puifle l'agiter , fe coagule & fe prend plus len- tement, En effet, ayant moi-même répété pluheurs fois l'expérience de M. Black , j'ai non feulement trouvé que l'eau bouillie , toutes chofes égales d’ailleurs , geloit plus vite que l'autre ; mais encore que de Peau qui avoit bouilli & que je prenais de 60 degrés plus chaude que-.celle qui n’avoit pas bouilli, quand je les expofai l'une & l’autre à un froid de $ degrés an-deflous de zéro , malgré cette différence , fe prit la pre- mière & fut gelée bien avant l'autre. Pour n'aflurer que cet accident de la plus prompte congélation de cette eau provenoit de l'air qu’elle abforboit de l'atmofphère , je répétai Ja: méme expérience dans des vafes abfolument clos, de manière que l'air n’y pouvoit pénétrer ; & le réfultat fut, qu'ayant empêché l'abforption de Pair, l'eau qui avoit bouilli ne gela qu'a peu près dans le même temps que celle qui n'avoit pas bouilli. De plus, j'expofai à un air dont la température étoit de 4 degrés au-deffous de zéro , deux verres egaux , dans l’un defquels je mis 4 onces d’eau légèrement imprégnée d’air fixe , fuivant le procédé du Docteur Prieftley; deux heures après, je trouvai l'eau pure encore plus Auide, tandis que l’autre étoit prefque gelée tout à fait. Je plongeai un ther- momètre dans l’eau Auide , qui gela aufli-tôt ; & pendant la cohgélation , le thermomètre monta d'environ 2 degrés. Dans cette expérience , l’eau légèrement imprégnée d'air fixe gèle plutôt que l'eau pure, par la même raifon qui fair que l'eau qui a bouilli , fe gèle plutôt que celle qui n'a pas bouilli: car l’eau qui con- tient de l'air fixe éprouve, tant qu’elle eft expofée à l'air commun , une agitation & une fecouffe continuelle de la part de l’air fixe, qui , étant un acide volatil, fe dégage de l'eau & fe difperfe dans l'air; au lieu qu'une autre eau demeure tranquille , immobile, & ne fe prend qu’au moment qu'elle vient à être agitée & fecouée, Par la même raifon , l’eau imprégnée d'air alkalin ou d'alkali volatil ; eft plutôt convertie en glace que l’eau pure, parce qu€ l'air alkalin étant extrêmement volatil, fe dif- fipe dans l’air; & au fortir de l’eau , lui caufe une agitation , légère à la vé- rité, mais {enfible, qui favorife ce refroidiffement rapide de l’eau. On tire de ces expériences une exception à la règle générale des congé- lations; favoir, qu'il n’eft pas toujours vrai que les acides & les alkalis unis à l’eau en retardent la congélation, puifque l’air fixe eft une fubf- tance abfolument acide & un réel & véritable acide , & l'air alkalin ef 96 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, . une fubftance réellement alkaline. Ces fubftances néanmoïns , mêlées avec l'eau , accélèrent fa congélation, au lieu de la retarder. Je dis expofées a l'air, parce ‘e fi l'eau imprégnée d’air fixe ou d’air alkalin eft dans des vaif- feaux fermés hermétiquement , elle gélera plus difficilement & plus tard que de l’eau pure: cela vient de ce que l’acide méphitique ou la vapeur al- kaline ne peut alors fe dégager de l'eau , ni lui caufer de mouvement qui hâte & favorife fi fort la congélation? Ce phénomène de la plus rapide congélation des liquides , quand ils font agités , & du développement de la chaleur , dans le temps qu'ils de- viennent folides, a été obfervé par beaucoup d'autres Phyficiens; car dans les Mémoires littéraires d'Eidous (1), on raconte commentun certain Hereus ayant expofé à l'air froid deux bocaux exactement fermés & rem- plis d’une eau qu'il avoit obtenue par la diftillation du fang de bœuf, cette eau ne fe gela pas, & ne commença à fe prendre que quand il agita les bocaux. On lit dans le Journal de Phyfque de M. l'Abbé Rozier {2) , qu’une perfonne ayant fait rompre par un domeftique la glace qui s'étoit for- mée fur l'eau d'un foffé, celui-ci l’avertit que l’eau fe geloit de nouveau & qu'ilen fortoit une vapeur pareille à celle de la refpiration, & qui fem- bloit chaude à la peau. M. Nairne (3) rapporte un fait analogue à celui-!à. Ayant expofé un vafe plein d’eau de pluie à un air froid de 23°, 3 de Farenheit , avec deux thermomètres dedans, l’un defquels touchoit le fond & l'autre étoit à la fuperficie ; il obferva que quoique les deux thermomètres mar- . quaffent 27° $ , néanmoins l’eau étoit toujours fluide; mais quand la glace commença à fe former autour du thermomètre inférieur , le mer- cure monta à 32 degrés, tandis que celui qui étoit à la fuperficie fete- noit à 27°. En moins d’une demi-minute, la glace s’accrut, & parvint jufqu'à la furface , où étant arrivée , elle fit monter le fecond thermo- mètre au même degré 32. Mais ce n’eft pas feulement dans la congélation de l’eau qu'on voit ce pRSenRe , on l’apperçoit de même dans celle des métaux & de tous s corps a , paffant de l'érat de Auides à celui de folides, rendent au dehors une grande quantité de chaleur qui étoit cachée auparavant, & qui ne fe io ne fe développe que dans ce paflage de la fluidité à la fo- lidité. | (1) Mém. Littér. fur différens fujets de Phyfique & de Mathématique , traduit de Vanglois, 1750, pag. 265, expér. fur la congélation de l'eau, par M. Reïfel , tirée des Mélanges des bus de la Nature. (2) Journ. de Phyf. vol. IX, expér. de M. Naïirne fur la glace de l’eau de la mer. (3) Obfervation fur un phénomène de la glace. Faites SUR L'HIST. NATURELLE ET LESMARTS. 97 Faites. fondre dans un creufet de terre de Vicenze, difoufre, jufqu’à ce qu'il ait atteint le 150° degré de Réaumur. Après l'avoir retiré du feu , . mettez le refroïdir fur une cable avec un thermomètre dedans, & vous pourrez remarquer que le foufre mettra à fe réfroidir, D min. fecond. PAPRTSDIN de. Là 140 .. oO ‘à 40 de 140 a 130. ® 42 de 130 221204 o : 42 de 7120 DOTE ON. eh À 48 de 110 AAIOON I 8 de 100 1. SORTIE HI : 12 de” 90 d RGO VIE L VIE Tao) de 80 AO. Le 21% + 1:#40 Le thermomètre arrivé à 82, le foufre fe criftallife & fe prend à la fuperficie ; arrivé à 81°.:, le thermomètre s’y arrête pendant 40/. : Faites fondre de nouveau le même foufre jufqu'à 180 degrés de cha- leur , vous aurez le réfultat fuivant: r Mife Seconds + de 180 à 170 imenra à . ON NN: 032 de "170. à 160 HO ES dexv360.à1, 150 Fete Doi + 33 de 150 .à . 140 1 ‘a: 0 Von: 40 de 140 .à,,130 : A TRE QU 40 "de 130 .à .120 NN MOMIE 142 de 120 à .110 SM PCE LC » f& de 110 à 100 sp 1 : F de 100 à 90 D OU tn Avr TZ sde; : go* à: 80 AS nel RES de, «8o:và :,7a st OUR SNESO Quandle thermomètre marquoit So degrés en 1 minute , il defcen- doit à 83; & de 83 à 82, il metroit 1. minute «& 10 fecondes, parce qu’à 83 degrés commençoit la criftallifation, Le même foufre, refondu une troifième fois jufqu’à confüftance de fyrop , j'eus Le réfultat fuivant : min, fecord. det210.2.:200 o M 32 deA200 MAN LION el 1-0 50 deHATOD PAR MOOMME 4e 1 ON: 30 déAuboRAMA7o oh pe 5) _Tome XXVT, Part: I, 1785. FÉVRIER. N 08 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, min fecond. dé pa70 2) 100 72. FA ONU AS de: 2100 ALL NSO Ne 0, le COS 2 AU "de TS AUTADEN. on 0 40 ë 45 deNrAO Ra MÉCONNU. ete l'OM Re TTC dé rso Na tn20 Nr to ES dN:120) 200 T0) ane LE TEE s deterro)-2 2100 0. Re IT NU Le METTe de FHOOK 410 00) SERPENT é 25 de HOON AN eO el Mine | TETE CARE ETES) Quand le thermomètre fut arrivé à 81° +, il remonta jufqu'à 82:, & alors le foufre fe prit, L’alun de roche offre le même phénomène dans fa congélation ; c’eft- à-dire , qu'il renvoie au dehors, en devenant folide , une notable quan- tité de chaleur. Voici le réfultat de l'expérience que j'en ai faire. Ayant fait fondre , dans un creufet de terre de Vicenze , quelques onces d’alun de roche, & ayant continué de l’échauffer , jufqw'à ce qu'il eût 85 deg. de Reaumur, j'obfervai le temps de fon refroidiffe- ment ; mine fecond. jde Soi à 75. il.employatiz (ei 4:41408 der oo LG hi de 70 à 6$ Bee 122 de :65 à 60 x ee Fe (28 de 60 à $$ Dhs ESS Mais, pour venir de $$ à 50, voici la marche qu'il fuivit : d’abord, » en 2 min, & quelques fecondes, il defcendit à ç$1 +, & s'y arrêta envi- ron 20/; la liqueur devint opaque & laiteufe; & après 7/, elle étoit encore molle comme de la cire: enfin , après les 20// dont je viens de parler , le thermomètre monta à $7 degrés = , où il s'arrêta pendant une minute , après quoi il redefcendit à 50. Pour faire cette expérience , il faut avoir de l’alun de roche qui ait toute fon eau de criftallifation ; & comme ce fel perd aifément cette eau dans la fufon, cela fait que celui qui a fervi pour une expérience , ne peut plus fervir pour une feconde, à moins qu'on ne lui rende l’eau de criftallifation qu'il a perdue dans la fufon. Le mitre ne perdant pas cette eau à la chaleur, qui fufñit pour le liqué- fier, peut encore fervir , après qu'on l’a fait fondre plufieurs fois: au con- traire, le borax, le vitriol blanc, &c., & les autres fels, qui perdent à k fufñon la plus grande partie de leur eau de criftallifation, ne peuvent SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 99 fervir qu'une feule fois à ces fortes périences, Le boxax redevient fo- lide au degré 83 de Réaumur, & à ce moment fait monter Le thermo- mètre qui y eft plongé. 1 I! feroit trop long de rapporter ici en détail les expériences que j'ai faites fur d'autres fels, qui, fe fondant à divers degrés de chaleur , en dé- ployenc tous une grande quantité , lorfque de Auides ils redeviennent foli- des, & je me contenterai d'indiquer la méthode dont je me fuis fervi pour opérer. Comme certains fels fe fondent à une chaleur égale ou fupérieure à celle qui fait bouillir le mercure, cela eft caufe qu'un thermomètre de mercure ne peut fervir pour les expériences qu’on fait avec ces fels: c'eft pourquoi jy ai employé un thermomètre à air; car quoique ces ther- momètres foient fujets à plufieurs inconvéniens , ils ne laiflent pas d'être propres à ces fortes d'expériences , où il ne s’agit que de confronter des rapports; & on peut les employer à toutes celles où le degré de cha- leur qu'on veut eftimer eft au- deffous de celui qui fait fondre le verre, . Pour déterminer le degré de chaleur auquel fe fondent les différens «métaux , il faudroit un thermomètre de métal, ou du moins le thermo- mètre tranfparent de porcelaine de M. Achard , chargé de la compofition métallique de Homberg , à laquelle on feroit encore mieux de fubftituer celle de M. Darcet. N'ayant pu me procurer aucuns de cesthermomètres , je me fuis con- tenté d’obferver le phénomène du développement de la chaleur , dans la congélation ou confolidation de diverfes compofitions métalliques , qui fe fondent à un degré de chaleur moindre que celle du mercure bouillant. Je me contenterai même ici, pour abréger , de rapporter une feule expérience , que j'ai faite avec Ja compolition métallique de M. Darcer, qui eft de 8 parries de bifmuth., de $ de plomb , & 3 d’érain, & qui fe fond au 73° degré approchant de Réaumur. Ayant donc fait fondre une certaine quantité de cette compoltion , j’obfervai les phénomènes fuivans dans fon refroidiflement. Ayant été échauffée à 80 degrés dans la première minute , elle perdit 2,9 degrés. . Dans la feconde minute, étant encore fluide ,selle perdit encore 2 degrés. Dans la troifième , devenue à peine folide fur les bords, elle perdit 2,4. Dans la quatrième, elle parut toute folide, & elle ne perdit aucune portion de chaleur , où du moins le thermomètre ne bougea peint. : 2 Dans la cinquième , elle perdit 0,5. Tome XXVI, Part. I, 1785. FÉVRIER. N 2 co OBSERVATIO NSISUR LA PHYSIQUE, Dans la fixième minute, elle pérdit 1,6, Dans la feptième , elle perdit 1 —. De ces expériences , on conclut clairement que les compofés métalli- ques, en devenant folides, développent aufli une notable quantité de chaleur latente, laquelle compenfant la perte de celle qu’abforbe l’air ambiant, et caufe que, durant la confolidation & la criftallifation du compofé ; le thermomètre qui y eft plongé n'a aucun mouvement & pa- roît ftationnaire, Je ne doute point que lorfqu'on pourra , au moyen des thermo- mètres que je propofe, faire les mémes expériences fur les métaux, ceux-cine donnent “dans leur criftallifation les mêmes phénomènes que les compo- fés métalliques. + En répétant plufeurs fois ces oblervations fur les compofés métalli- ques, qui font fufibles à l'eau bouillante (1), il m'eft venu en penfée de m'en fervir pour mettre les thermomètres à l’eau bouillante, ou, pour mieux dire , pour fixer fur ces inftrumens le degré de l’eau bouillante; car comme ii n’eft pas toujours poffible de mettre les thermomètres à Feau bouillante, non feulement dans des endroits différens, mais même dans un même endroit, à moins que d'employer des calculs pénibles, attendu que la chaleur de l’eau, comme tout le monde fait, varie fui- vant le poids de l'air qui la comprime; nul doute qu'un petit creufet, ou tout autre vafe plein d’une compofition métallique fufible au 80° deg. de Réaumur , pourroit fetvir à déterminer la chaleur, ou le point de l’eau bouillante fur toutes fortes de thermomètres ; qu'un thermomètre , mis dans un compofé métallique, qui ait un degré de chaleur excédant le degré néceffaire pour la rendre fluide , s'arrête au moment qu’elle de- vient folide, & demeure ftationnaire quelque temps. Il ne s’agit donc que de fe procurer une compofition métallique qui ceffe d’être folide au 80° degré précis, & d'y plonger le thermomètre que l’on veut graduer, & qui porte une divifion quelconque; car aufli-tôt que l’on verra que le mercure eft en quelque forte ftationnaire , & que la compofition devient folide, ce fera une preuve certaine que le mercure du rhermomètre, quel qu’il foit , aura 80 degrés de chaleur ; c’eft-à-dire , une chaleur égale à celle qu'il auroit fi on l'eüt plongé dans l’eau bouillante. La méthode que je propofe pour fixer & déterminer fur le thermomètre fa chaleur de l’eau bouillante , peut être de quelque utilité dans les pays montueux & élevés, où l’eau bout à une chaleur différente de celle qui fa fait bouillir dans les plaines, & fur-tout dans Les temps où le baromètre eft variable. ( La Suite au Journal prochain ). &) M. Darceta publié, dans le Journ. de Méd, de M. Roux , différentes recettes pour Former ées’compofñirions métalliques. SUR L'HIST. NATURELLE ETLES ARTS. 101 SUITE. DELA RE TSTONPANCE DE M. MICHAELIS er pe M. LICHTENBERGER; Traduire par M. EYxSEen, Minifire du Saint-Evangile 4 Niederbronn. . ADDITION A LA SECONDE LETTRE DE M. MICHAELIS, Goutingue, le 21 Juin 1783. Te à ce que j'ai eu l'honneur de vous écrire par mes précé- dentes , diverfes idées qui me font furvenues en me préparant pour une leçon publique que je donne fur les chapitres du premier Livre des Rois, qui traitent de la conftruétion du Temple de Salomon. Ces idées, dont les premières firent naître les autres , ne feront peut-être pas déplacées ici. “I. Je vois à préfent avec certitude que les o&au placés fur le toit du Temple, nétoient pas de petites pointes, mais qnelles étoient d’une grandeur confidérable. Lorfque les Soldats Romains brisèrent les portes du Temple pour le faccager , les Prêtres Juifs arrachèrent ces piques , & s’en fervirent en guife de javelots contre les ennemis. Voici les paroles de Jofephe ( Guerre Jud. Liv. VI, $. 1.) ro de iepéuv TIES To EN po loy Tous ÉBenous drarmir ler das Tous Popeious Apierar 3 CE qui rend ma con- jeture avancée ci-devant plus vraifemblable; c’eft-à-dire, que ces poin- tes n’étoient pas d'or , mais d'acier doré. . IT. Selon Jofephe ,le Temple étoit entièrement doré en dehors, & cetre dorure étoit même très-épaifle. Il dit, Liv. V, &. 6, qu'il étoir cou- vert de platines épaiffes d'or; de façon qu'au lever du foleil , il éblouiffoit les yeux © avoit l'air d'être tout en feu: Les murs du Temple étoient lam- briflés intérieurement & extérieurement en bois descèdre ,fur lequel on avoit appliqué cette dorure épaifle. Ainfi le toit, garni de pointes d'acier dorées , éoit lui-même couvert de bois de cèdre fortement doré de tous les côtés des UE Temple. Le Livre des Roïs ne parle à la vérité que d’une dorure intérieure, & non d’une extérieure; mais il pale fous fi- lence des chofes bien plus importantes encore, Jofephe au moins avoit vu de fon temps le Temple doré en dehors, xe2 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, Je m'imagine bien quel effer cette conftruétion doit avoit fait à l'ap- proche d’un orage. Maïs votre décifion prévaudra toujours. Il y avoit non feulement fous Le parvis du Temple des voûtes innom- brables, mais aufli des citernes dans lefquelles l’eau de pluie des toits & des cours étoit raflemblée & conferMée pour des temps de befoin ( de fiége, par exemple }, À juger, par l'analogie, des autres grands édifices de la Paleftine, l'eau fut conduite dans ces réfervoirs moyennant des tuyaux mé- talliques qui entouroient le toit, & defcendoient dans les voûtes, & ces tuyaux métalliques du Temple étoient probablement dorés. Je vous laiffe à juger fi ces tuyaux devoient être en même temps des paratonnerres, Celui qui les avoit pratiqués n'yfpenfoit certainement pas, mais avoit feulement pour but de remplir les citernes. Cependant vous m'avouerez que l'utilité va fouvent au - delà du but que l’on fe propoles IV. Je ne vous ai pas caché , dans mes précédentes, que le Livre des Rois ne parle pas de ces pointes dorées, placées fur le roit du Temple; ce filence eft à la vérité particulier; mais je m'apperçois aujourd'hui que le premier Livre des Rois, ch. VI, v.0, y fait allufion. C’eft peut-être, de tout le chapitre , le verfer Le plus obicur & le plus fufceptible de différens fens , parce qu’il contient des mots qni ne font pas ulités dans l'Architecture , ou qui s’y rencontrent trop rarement pour décider , & dans Aus nous ne pouvons confulter que étymologie. ’un de ces mots a en outre plufieurs fens. Le mot originaire, ou (dans le ftyle des Grammairiens Hébreux) la racine, fignifie, 1. couper, d'où il dénote dans les Langues Orientales, 2. un angle, 3. l'arc devant l'angle. ( Les Mathématiciens Arabes.s’en fervent ainfi.) 4. En général, pour défigner quelque chofs de courbe , fpécialement une voûte ; ÿ. route chofe creufée; 6. une rigole; 7. un foffé ; 8. une citerne, Ce verfec pourroit être traduit : I! couvrit la maifon par en haut de rangs de pointes au-deff[us des planches de cèdre. Plus littéralement : Aculeatis & aciebus fuper ligna cedri, Je ne prétends pas que ce verfet doive être traduit de cette manière; je ne le hafarderois pas moi-même; j’obferve feulement, par rapport à ce qui fuit, qu'on pourroit le traduire de cette façon. V, Enfin, je me fuis reffouvenu d’un pañlage de Jofephe , qui pour- roit traiter de la lueur électrique fur le toit du Temple , dans un orage. Mais il faudroit fappofer qu'il y décrit un phénomène qu'il n’avoit pas vu, mais qu'il tendiiPout dire & dont il parle comme d’un prétendu miracle , d’après un récit qu'on avoit encore grofli, Dans fon Liv. VI de la Guerre Jud, chap. V, S. 3, il raconte les pronoftics de ladëftruction de Jéru- falem & du Temple. Le fecond de ces pronoftics eft que «le Peuple étant » raffemblé pour la fête de Pâques, l’année qui précédoit larebellion, il luifoic » autourdel'Autel & du Temple une lumière fi brillante, le 8 Août, à laneu- » vième heure de la nuit (felon notre horloge, à trois heures du matin), SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. x%o3 » qu'il fembloit faire jour, & cette lueur dura une demi-heure, On re- » gardoir cela comme un heureux préfage ; mais l'iffue prouva affez que » c'en fut un très-malheureux », Cette lumière , obfervée fur le Temple même , paroît n'avoir été autre chofe qu'une lueur électrique dont on peut avoir un peu groffi l'effet ; & nous favons que le$ Anciens regardoient eette efpèce de clarté comme un bon augure ( Virg. Ænéïd, 680—704). Je ne m'attendois pas, à la vérité, qu’on l’eût apperçue aufli fur l’Autel, & je ne conçois pas même comment on auroit pu l'y obferver, vu qu'un feu continuel y étoit entretenu , auprès duquel une lueur plus foible devoir être invifble. . Ce qui eft dit de l’Autel pourroit donc fort bien appartenir a l’'exa- gération de ceux qui oft raconté Je fait. TRAO:S PE ME" LE TITRE DE M. Le Cuer. MICHAELIS 4 M, LICHTENBERGER. j AUETES bien que le toit du Temple pouvoit avoir jeté quelque clarté pendant [a nuit, à l'approche d’un orage, & penfois en même temps à cette maifon fituée dans la rue dite Wander-Straffe , dont on n'a afluré que l'étoile , placée deffus, luifoit quelquefois dans un temps orageux. J'avois voulu dire encore qu'il y avoit lieu de s’étonner que la fuperf- tition n'eut pas fait de cette lumière électrique une efpèce de gloire ou de Jchechina (1) , dhe apparition divine. Il faut que le Peuple d’Ifraël , d'après les printipes de fa Religion, ait été prévenu de bonne heure de ne pas prendre cette apparition pour Dieu même; & c’eft ainfi que leur poftérité fut accoutumée à ne pas regarder ce phénomène qu'ils voyoient dès lens fance, comme un miracle , & à n’en pas faire plus de cas que lorfque nous voyons luire l'étoile d'une maifon. Je n’avois à la vérité trouvé aucun paffage qui parle de ce feu électrique, Jofephe, qui décrit ces pointes pour les avoir vues , n’en dit pas un mot. Le filence de la Bible n'eft pas auffi frappant pour moi; car la plus grande partie des Pfeaumes qui parlent du Sanétuaire , a été faite avanc que le Temple fût achevé, & ne fait mention que du Tabernacle cu de (x) Les Chaldéens appellentla préfence apparente de la majeité de Dieu , Schechinthz, habitatio: Ce mot reffemble à celuidont Moife fe fert, Exod. XXIX.45 , quand il fait dire à Dieu : Habirabo in medio filiorum Ifraël. Les Rabbiniftes ont changé ce termeen Scke- china, qui aura plu aux Helleniftes, à caufe de fa reflemblance à oxmn £xew , raberna- culum habere ; qui dérive aufli de ’'Hébreu. 7 104 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, l'Arche de l'Alliance , lorfqu'elle fut tranfportée à Sion dans le Palais de David , tel que le 68° Pfeaume ; ou bien ces Pfeaumes étoientcompofés avant la conftruction du Temple , & furent chantés lors de Ja confécras tion du Temple. Le Poëte n'auroit pas même pu .configner par erreur , dans ces Cantiques, cette apparition poftérieure d’ure gloire au - deflus du Temple. 15 Nous ne pouvons pas même nous attendre de trouver dans les Livres hiftoriques de la Bible quelque relation de cette lweur , qui doit avoir é# très-fréquente , & cela par la raifon même qu’elle étoit fouvent vue, & qu’elle nlappartenoit pas plus à l'Hiftoire que nos aurores boréales, Votre queftion m'a pourtant fait fouvenir d'un paflage auquel je n'a- vois pas d'abord penfé , & qu'on pourroit appliquer àlune lueur. C'eft. le 76° P£ v.3, que j'avois traduir. Tu reluis maÿjeflueufement de loin , plus terriblement que les montagnes des ‘animaux de proie. Les paroles de loin, font de ma part une addition que je crus néceffaire pour l'intelligence du rexte. J'ai aufli fait l'aveu (dans ma Bibliothèque Orientale ; tom. XII, pag. 189) que le mont Sion ne pouvoit pas être vu de bien loin. L’ex- prellion, montagnes des animaux de proie, qui eft littérale, me. dépluc toujours , au point que j'étois tenté de changer la variante dans ma Bi- bliothèque Orientale : mais je fus bien humilié de ce que , detous les Codes manufcrits qu’on a confultés pour Kennicott , aucun ne confirme ma con- jeture , & que les deux ou trois anciens Traducteurs que je citois , n’a- voient pas lu autrement, mais avoient, comme moi, hafardé une con- jeéture. Ce n’eft qu'à cette heure qu'il me vient en idée qu’on pourroit vrai- femblablement traduire : Tu rayounes 6 Puiffant ! (Dieu oy Temple) de nuit de dèffus les montagnes ; ou plus vraifemblablement encore : Tu rayonnes , 6 Puiffant ! de deffus les montagnes luifantes. Le terme que j'ai paraphrafé, animaux de proie (le Traducteur Allemand met montagnes de proie), dénote, en Arabe, non feulemenr en général quelque chofe de /xifant, mais même des piques luifantes (Tharf) [ 1 |. Ce Pfeaume ‘d’A- faph_pourroit fort bien appartenir aux temps du Temple déjà conftruit. Dans fon Pfeaume , L. 2, il dit encore: Dieu apparoit fur Sion avec plendeur, devant lui eff un feu dévorant, & autour de lui un orage. Le Poëte , en voulant peindre un orage, pouvoit bien chanter ainfi, à l'oc- cafon du phénomène , fans y mêler della fuperftition. Quant aux pierres dont le Temple étoit conftruit, je ne faurois vous donner de réponfe [1] Ce mot arabe eft un peu différemment écrit que dans le Magafñn de Gottingue : ordinairement les Arabes, comme les Turcs d’aujourd’hui, n’écrivenrque les lettres prin- cipales , qui font leurs confonnes, & ils omettent les points , qui font les voyelles. M. Michaelis écrit cherfon ; mais cette {yllabe on n’eft qu'une fubrilité grammaticale, & com- munément n'eft pas prononcée. Comme je l'ai écrit rharf, il refflemble plus, tant aux leutres, qu’à la forme grammaticale au mot Hébreu 4æræph. L fatisfaifante: SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS, Y*0$ fatisfaifante : ce qu'il y a de sûr, c’eft qu'il s’y trouvoit du mar- bre, Il eft appelé I. Chron. XXIX. 2. Schaïÿfch, qui fignifie littéralement. pierre à vermine ; dénomination à laquelle chacun reconnoîtra Le marbre ; & sil reftoir encore quelque doute , les autres Langues Orientales, qui appellent ainfi le marbre, le leveroient. Cependant , en réfléchiffant à la folidité & à la durée de l'édifice, aux pierres qui avoient plufieurs aunes en longueur & en largeur , j'ai quelque peine à croire que ces pierres fuffent de marbre beau & périflable, Je penfe qu'il y auroitencore moyen de découvrir ce fair, que la Bible , Jofephe, & nul autre Ecrivain ne nous ont tranfmis, Le mont du Temple, fur lequel eft aujourd’hui la Mofquée Turque, étoit, comme je l'ai déjà dit, foutenu du côté méri- dional, d'une muraille prefque perpendiculaire de 400 aunes. Cette mu- raille exiftoit encore du temps de Jofephe , & Hérode n'ofoit entre- prendre d’en conftruife une nouvelle , comme on le lui confeilloit. Il eft probable qu’elle exifte encore aujourd’hui; car lorfque Juftinien fit bâtir fur cette montagne une Eglife qui fu: convertie par la fuite en Mof- quée, réputée pour très-fainte , nous ne trouvons pas que le Temple aic été fous-muré de nouveau , ni qu’il fe foit écroulé ; ce qui feroit arrivé , fi le mur ne s'étoit pas foutenu jufqu’à ce jour; car c’étoit par le moyen de ce mur que Salomon changea la furface irrégulière de la montagne en carré régulier. Les Voyageurs n’auroient qu'à examiner fi cette muraille , qui fervoit d’étai ou de contrefort au Temple, exifte encore ; & de quelle pierre elle eft conftruite, Mais peut-être eft.ce une chofe impofhble , le mur pouvant être couvert de beaucoup de terre éboulée d'en haut, & n'étant pas permis d'y creufer , parce que la Mofquée et regardée par les Mahométans comme infiuiment plus facrée que ne l’é- toit le Temple des Juifs, dans le parvis duquel les Gentils ofoient en- trer & y faire leurs offrandes; ce que les Turcs ne fouffriroient pas dans leur Mofquée, Parmi les Mahométans , les Turcs font ce qu’étoient les fuperftitieux du moyen âge parmi les Chrétiens. J’engage les perfonnes qui voyage- ront dans la Paleftine à nous donner des éclairciflemens à ce fujet. Signé MicHAELI1ISs. EAN EINEE E RBsbneO Nr SPE DSLNE ET IUCEEEERPE N'BSE RG: ER Lo: INION que vous établiffez dans votre dernier Po/f-fcriptum , & dont vous faites fi peu de cas, parce que c’eft la vôtre , eft certainement Tome XXVI, Part. 1,1785. FEVRIER, O LS 106 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, celle de tous les connoïffeurs. La circonftance que vous obfervez touchant la dorure épaifle du toit , des murailles pariétales , & des gouttières , eft une certitude que le Temple leur devoit fa sûreté , & cette certitude eft au moins égale à celle de ces circonftances ; même les pointes de fer dorées en liaifon avec l'or des platines du toit , celui-ci communiquant immédiatement ou avec l’or des murailles pariétales , ou avec les gout- tières qui aboutifloienc aux citernes & y verfoientles eaux dans les orages , forment enfemble un paratonnerre fi parfait, que je ne dis pas trop en foutenant que les dixièmes des conduéteurs établis aujourd’hui ne le font pas autant, par la raifon que ceux qui les établiffent manquent ordinai- rement Ou par ignorance , Ou par une économie mal entendue , quoiqu’ils ne fongent, enles conftruifant , ni à l’ornement , ni à l'éloignement des oïfeaux ; comme au Temple, mais uniquement à garantir de la foudre. ; W Les gouttières métalliques forment fouvent d’aufli bons conducteurs de la foudre que les eaux de pluie, & elles ont quelquefois convaincu des perfonnes incrédules de l'utilité des paratonnerres. Îl:y en a de fréquens exemples, dont lun des plus mémorables eft configné dans le Journal de M, l'Abbé Rozier , du mois d’Août 1782 , lorfqu'une terrible foudre fut conduite & dirigée par une gouttière à Bref, Convenons pourtant que ces gouttières ou tuyaux ne conduifent & ne dirigent que la foudre déjà vifblement préfente , cette matière électrique concentrée, &, pour ainfi dire, confolidée ; mais qu'ils ne détournent pas la foudre pour lui donner fa direétion en filence, Îl n’y a que dés barres hautes & pointues, qui puiflent faire cet effet, qui eft plus énergique lorfque ces pointes font doxées, & encore plus fort quand elles com- muniquent à des toits & murailles garnis dor, & que leur communication avec la terre eft bien établie. à L'or eft de tous les métaux, proportion gardée, le meilleur conduc- teur, & celui qui conferve le plus long-temps cette propriété, parce que Pair ne le rouille pas. : C’eft pourquoi Lord Mahon confeille , dans fon Ouvrage cité ci-devant, de changer les pointes de cuivre dorées des conducteurs ordinaires en une aiguille toute d'or , extrèmemenr pointue. C'eft à la vérité un peu re- cherché ; mais cela prouve aufi combien ce grand Phyficien compte fur la puiffance conduétrice de l’or. Îl feroit à fouhaiter qu'il y eût quelque part des paflages qu'on püt appliquer fans contrainte à la lueur électrique des pointes du Temple , & je nr'étonne qu'il n'y en ait pas de plus clairs ; car des feux qui, propre- ment dits, ne brülent pas, vus dans des endroits où l’on n’en préfume as du tout , ont toujours été attribués à des caufes furnaturelles , tantôt a une Divinité propice, comme , par exemple, fur les navires, lorf- qu'ils étoient doubles , tantôt à une Divinité finiftre , lorfqu'ils évoienc SUR L'AIST. NATURELLE ET LES ARTS. 107 fimples ; fouvent on les prenoit pour des éfprits, fouvent pour des fignes de quelque tréfor caché , quoiqu'à la fin on finifloit par sy accou- tumer. Je crois auffi que rien n’eft plus jufte, dans ces occafions, que de châtier un peu & d’épurer les relations des Auteurs enthouliaftes , & de réduire leur poéfie emphatique en fimple profe; & cela avec d’autant plus de raifon, qu'on a vu Mufléhenbroëk écrire à Réaumur , malgré toute fon exacti- tude philofophique & fon fang-froid , après avoir reçu le premier coup de fa bouteille électrique, qui feule auroit immortalifé fon nom, qu'il n’en voudroit plus efluyer ie pareil , pour la couronne de France , & ce ne fut pourtant , vu l'appareil imparfait de ce temps-là , affurément qu'une des plus petites commotions électriques, & moindres que celles que des fociétés d'amateurs fe fone donner pour s’amufer. Le marbre fec appartient à la claffe des corps appelés femi-électriques , & conduit plus foiblement la foudreque, par exemple, leslaves , dont les édifices du Carlfberg , près de Caffel, font conftruits, comme j'en ai fait examen ces jours-ci encore, Mais on m'aflure que ces bâtimens ont fou- vent été endommagés par la foudre, parce que la ftatue de bronze d’Her- cule (1), très-élevée, n’a pas de pointe, nid’autre communication avec les crampons de métal épars çà & là que par ces laves. Il feroit donc très-prudent de donner quelque chofe de la sûreté du Temple de Salomon à ce chef d'œuvre gigantefque de l'art , que l’on compte parmi les raretés de l'Europe , quand même ce ne feroit que par des FA ou au moins par des lames de plomb, avant qu'un coup de foudre n’en abatte la plus belle partie & ne le rende à la mon- tagne d’oùil a été tiré, Signé LICHTENBERGER. (x) Une Minerve avec une lance fuffifamment liée avec les: fondemens de l'édifice qui Ja, porte, garantiroit en ce cas beaucoup mieux dela foudre par le haut & par le bas qu'un Hercule olé avec une mallue. ERRATA pour le Cahier d'Ofobre 1784, tom. X XV. Page 273, ligne 15, à celle de M. Malesherbes , /ifez à celle-là à M, de Malesherbes. Ibid. lig, 40 , pas fa chaleur, Zifez par fa chaleur. Pag. 275 , lig. 7, s'elt retiré à Guilford , lifëz s’étoit retiré à Guilford. Pag. 277, lig. 13, après Le mot artificiel , mertez un point-virgule. Ibid. lig. 14, après le mot feu, mettez une virgule. Tome XXVI, Part, I, 1785. FÉVRIER. OP? 108 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, Ibid. lig. 15, quienen dirigeant, /ifez qui en y dirigeant. Pag. 278, lig. 16, qu'à la trace, Lifez que la trace, Pag. 301, Lig, 15 , il les décrit , ifez il le décrit. | AVIS SUR UN MOYEN ÉCONOMIQUE, Communiqué par M. MoyrOUD , Maitre des Forges pour la fabrication de acier. M e MoyrOUD ayant préfenté, en 1782, au Miniftre des Finances un. Mémoire dans lequel il expofoit qu’il poffédoit un procédé particu- lier, par lequel il pouvoit épargner, dans la fabrication de l'acier naturel du Dauphiné, un quart fur la confommation du charbon ,, & autant fur le temps des Ouvriers, fans détériorer la qualité de ces aciers, cet objet parut mériter atrention, M. Binelly, Ingénieur des Mines , & M. Jars, lofpeéteur général des Mines, furent fucceflivement chargés d’aflifter aux épreuves que M. Moyroud avoit propofé de faire, & il réfulta de celles qui furent faites en leur. préfence, que le procédé de M. Moyroud avoit réel- lement les avantages qu'il avoit annoncés. ‘ D'après les rapports de MM. Binelli & Jars, une récompenfe a été ac- cordéeà M. Moyroud, pour qu'il confentit à la publicité de fon: pra= cédé, & que tous ceux qui exploitent l'acier d’une manière analogue à celle dont on fait ufage en Dauphiné , puflent profiter de fes avan- tages, 1 ; / Dans la manipulation ordinaire, lotfqu’on a retiré les maffaux de fonte du-baflin du fourneau , on les -cingle fous un maillot, après quoi on les laïffe tefroidir avant que de les porter au fourneau d’affinage. Le procédé de M. Moyroud confifte fimplement à profiter de la cha- Yeur dont les maffaux d’acier font encore pénétrés , après les avoir cin: glés fous le maillot au fortir du fourneau de cuite , pour les affiner auffi+ tôt dans un fourneau d’affinage, & les étirer en barreaux fous un fecond maillot. En profitant ainfi de la chaleur que les maflaux avoient acquife dans ls premier fourneau, on épargne le charbon & le temps qui au- roient été néceflaires pour leur redonner la quantité de chaleur qu'ils auroient perdue inutilement. Mais l'on voit que, pour obtenir cet avan- rage , il eft indifpenfable d’avoir dans le mème établiflement deux for. ges & deux maillors, sk Le SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS, ‘og Ch à pp EE TIRE SUR L'ACTION DES ACIDES , SUR LA TEINTURE DÙÜ Se BOIS DE BRÉSIL ; Par M, À, M, Y. Moxsieur, J'ax l'honneur de vous adrefler quelques expériences fur Les effets fin guliers qu’offrent les acides mis à différentes dofes dans la teinture ou jus du bois de Bréfil. Je vous prie de leur donner place dans votre Jour- nal , fi vous croyez qu'elles puiflent en remplir utilement quelques lignes. Je fuis, &ci -'! TE TouT le monde fait que les acides exaltent & diffolvent même les couleurs rouges, jufqu’au point de les faire paroître jaunes. Cet effet a lieu fur la couleur extraite du bois de Bréfil, comme fur les autres rou- ges employés en teinture; mais je ne crois point qu'on ait encore remar- que que cetre couleur diffoute jufqu’au jaune par un acide, ait pu être ramené au rouge par le même acide , ou par un autre plus puiffant ou plus foible. C’eft ce que j'ai obfervé dans les expériences fuivantes. 1 Comme les moindres différences dans les expériences de teinture donnent fouvent des réfultats crès-diffemblaäbles , j'avertis que la quantité de teinture ou jus de Bréfil employée dans toutes les expériences fuivantes; eft d’un demi-verre à liqueur, étendu dans trois fois autant d'eau chaude. Expérience I. Si vous diffolvez dans un verre la couleur rouge de BréGl, par deux cents gouttes d’une forte folution de crème de tartre, plus ou moins , jufqu'à ce que vous ayez amené la couleur au jaune , & qu’alors vous ajoutiez à ce mélange douze à quinze gouttes de compofition pour l'écarlatre , la liqueur décolorée CAE de fuite une belle couleur rouge, f maniere ; & ilfe formera prefque fur Le champ un précipité rofe très= abondant. Exp. 11, Nous obtiendrez le même réfultat que dans l'expérience pre= 110 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, © mière ; fi, -au lieu de la folution de.tartre, vous employez le vinaigre; Exp. III. Si vous diflolvez la couleur du Bréfil par da folurion de crème de tartre , jufqu'à l’amener au jaune , vous pouvez faire reparoître le rouge de cette teinture, en verfant dedans dix ou douze gouttes d’a- cide vitriolique. Le même réfultat a lieu, fi à l’acide vitriolique vous fubftituez l'acide nitreux ou l'acide marin, avec la différence que.le rouge revivifié par l'acide nitreux, & fur-tout par l'acide marin , elt bien moins intenfe qu'il ne left quand vous faites ufage de l’acide vitrio- lique. Exp. IV. Si, dans le verre où vous avez mis la quantité de jus de Bréfil indiqué , vous verfez trois à quatre gouttes au plus d'acide vitrio- lique , en moins d’une minute le rouge fe diffoudra , & la liqueur paf- fera au jaune ou à l'orangé : ajoutez alors dans ce même verre vingt-cinq à trente gouttes d'acide vitriolique; & au lieu d'augmenter la diflolu- tion , vous ferez reparoître la couleur rouge, & la rendrez plus intenfe , à mefure que vous y verferez de l'acide. MAS À Cette expérience réuflit aufli par l'acide nitreux & par l'acide marin , & même par l'acide fulfureux volatil, ce deftruéteur de prefque toutes les couleurs. J'ai employé ce dernier acide dans les mêmes proportions que l'acide vitriolique. En faifant l'expérience avec l'acide nitreux, il faut, pour opérer la diflolution, fix à fept gouttes de cet acide, & cinquante pour ramener la couleur difloute au rouge, Far Même dofe pour l'acide marin. Exp. V. Les acides minéraux fe comportent lesuns avec lesautres comme on voit, expér. IIL, quil font avec l'acide végétal du tartre. Ainf , vous diffolvez la ceinture du Bréfil par l'acide nitreux , & vous la faites repa- roître par lacide vitriolique & par l'acide marin , mais d’une nuance bien moins foncée par ce dernier. Exp. VI. Le jus de Bréfil *décoloré par l'acide vitriolique, n’eft point ramené au rouge par l’acide nitreux; la liqueur prend feulement une cou- leur orangée foncée, L’acide marin, dans cette expérience, agit avec plus d'efficacité que l'acide nitreux ; il fait reparoître le rouge diflout par l'acide vitriolique. , | Exp. VII, Le Bréfil décoloré & amené au jaune par l'acide marin , eft également revivifié par l'acide vitriolique & l'acide nitreux, mais avec plus d’intenfité par le premier de ces deux acides. PSE ; Quelques fels font aufli reparoître la couleur rouge du Bréfil décoloré par les acides, En füuivant la marche de l'exp. I, on peut obtenir fur la laine une couleur: de rofg, d’une nuance qui paroît teinte avec la cochenille, & qui eft de meilleur teint que les couleurs qu’on fait avec le Bréfil par Le <4 J SUR L'HIST. NATURELLE. ET LES ARTS. vif procédé ordinaire; mais la réuflite de cette couleur tient à une circonf- tance fingulière, que je laifle à deviner aux Chimiftes qui s'occupent de l'art de la Teinture. : Les couleurs rouges de la garance & de {a cochenille, diffoutes par un acide, ne peuvent être ramenées au rouge par le même acide ni par un autre; au moins les effais que j'ai faits pour y parvenir ne m'ont point téuffi, ’ DES CRE Pet ul QUN D'UNE NOUVELLE ESPÈCE DE MANGANÈSE EN FORME DE SPATH, De la mine de fer (klapperud) dans la paroiffe de Freske , dans le Dahlland ; Par M. RINMAN, traduite par M. L. D. B. de l’Académie de Dijon. Ce efpèce particulière m'a été envoyée par M. le Baron Hermelin, &: n'eft citée, que je fache, dans aucun fyftème de Minéralogie, à moins que ce ne foit une efpèce pareille à celle que M. de Born appelle 74- grefia textura lamello[a , lamellis nitentibus , de Hixfchberg (1). Cette maänganèfe de Xlapperud reflemble , au premier coup-d'œil, à une Re brune, ou à un fpath calcaire qui n'eft point pur; elle eft en cubes irréguliers & de la couleur de la colophane ou de la réfine com- mune, Les petits morceaux font à moitié tranfparens & d'un rouge brun; la fuperficie eft plus brillante que celle de la blende ou de la chaux; & en cela elle reffemble le plus à la poix des montagnes, Les miné- raux qu'on m'a envoyés font de deux efpèces , quant à lexté- rieur, 1°. Spathique , brillant , couleur de colophane, 2°. Compacte, itrégulier dans fes fractures , la fuperficie plus matte & d'un brun plus foncé. 3 On peut, d’ailleurs y remarquer les propriétés générales fui- yantes. a. La fuperficie brillante ne noircit pas les mains ; mais fur un en- me (1) Index fofilium ; pag. 47. 12 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, droit du minéral fe trouve une poudre prefque eMlorefcente, d'un brut noir , calcaire , qui falit Les doigts. | b. Entre les joints de la manganèfe fpathique » ily a quelques petites parttes calcaires d'un jaune clair, ce c. Elle ne fait pas plus feu avec le briquet que le fpath calcaire ordi- naire; mais elle fe réduit en poudre d’un brun clair, d, Traitée avec le chalumeau fous un charbon, elle refflemble d’abord à une zéolithe, relativement à la fuñon avec quelque effervefcence, Les petites parties fe bourfoufflent & fe coagulent à la fin en une‘efpèce d’é- cume criblée de trous d’un blanc grisâtre , qui ne fe fond plus d’elle- même, au chalumeau, en verre ou en globule, e. Avec Le borax , il y a une vive etfervefcence , & elle fe fond aifé- ment en un verre d’un rouge foncé couleur dé grenat; mais il faut beau- coup de borax fi l'on veut qu'il foit tranfparent & que la couleur foit d'un beau rouge, {orfqu'on la regarde en face de la lumière, fs Rougie fur un têt au fourneau de coupelle , elle devient noire avec de petites écailles brillantes; mais par une chaleur plus forte, le noir dif paroît en partie, & il refte une poudre brune. Par cette opération, elle perd 15 pour 100 de fon poids, fans exhaler aucune odeur. g. L’aimant n’en attire rien, foit avant, foit après le grillage. hk. Crue & en poudre fine, elle ne fait point clones avec l’eau forte commune concentrée , qui cependant, au moyen d'une chaleur douce ;, l’a diffoute en grande partie fans étre colorée. $ i. L’aikali fixe précipite de cette diflolution une poudre blanche, la: quelle , édulcorée &féchée, fait quelque effervefcence avec les acides; calcinée , devient tout à fait noire ; & par le chalumeau, colore en rouge le verre. de borax fur un charbon. ‘ Lait k. La poudre grillée a donné encore moins de fignes d’effervefcence avec l'eau forte : cependant, avec une chaleur douce , elle en a diffout une grande partie. La potafle a précipité également de cette diffolution une poudre blanche. Cette poudre , édulcorée, & rougie doucement , eft devenue noire comme dela fuie; elle a communiqué au verre de borax un rouge de grenat. Le réfidu qui n’avoit pas été diffout dans l’eau forte étoit encore aufli noir qu'auparavant. à L. Après avoir ajouté beaucoup d'un émail ordinaire, compofé de cail- loux en poudre & de litharge fondus en un verre clair jaunâtre; & après avoir tenu pendant un quart d'heure au creufet lutté la poudre orillée f, elle n'a donné qu'un verre clair olivâtre, dans lequel il y avoit beaucoup de petits grains de plomb réduit. [1 me femble que l'on doit attribuer à la trop forte chaleur, sil n’étoit pas couleur de grenat, & la réduction d'une partie du plomb dénote un peu de phlogiftique dans la poudre de manganèfe. m. On a pilé dans un mortier de verre une partie de cette pa gr ec SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS: 153 grillée de la manganèfe avec le même émail, un peu plus de poudre de filex, & un peu de potafle, & on a mis ce mélange ainfi broyé fur un mor- ceau d'argile de Cologne, chauffé au blanc dans un fourneau de cou- pelle: on l'a retiré aufli-tôt que l'émail a commencé à fondre ; le verre étoit tout à fait clair & d’une couleur gris de lin, plus belle que je n'en avois pu obtenir avec d'autre manganèle. n. Une partie de poudre grillée avec deux parties de poudre de flex; & quatre parties de potafle blanche, a été fondue dans un creufet devant le foufflet en 7 minutes; elle a fait d’abord beaucoup d’effervefcence, puis a donné un verre d'un violet clair ou plutôt gris de lin, & a émaillé le creufet d’une certaine couleur. Le peu que j'avois de cette matière, & mes occupations ne m'ont pas permis de faire d'autres expériences. Par celles que j'ai rapportées, l'on voir que cette efpèce a prefque les mêmes propriétés que celle qu'a éprouvée M. Schéele ; la feule Éfférence qu’on y remarque, eft que, traitée par le chalumeau & fans addition, elle fe comporte comme la zéolithe, que peut- être elle contient au moins du fer , qu'elle donne le verre gris de lin le plus beau, & qu'elle peut être utile pour la peinture de la porcelaine; car on a eu avis qu'il s’en troùvoit affez abondamment dans la mine, IL faut remarquer que, dans toutes les efpèces de manganèfe, la cou- leur a d'autant plus d'intenfité, qu’elle eft plus calcinée. Ainfi , la man- ganèfe qu’on deftine à l'émail noir doit d’abord être long-temps & for- tement grillée, DES ICRA PAT, I ON D'UN NOUVEAU PALMIER MARIN FOSSILE; Par M. Ant, DELUC, de Genève, Ur belle pétrification ( PI. I. ) eft de Dudley en Staffordshire , lieu connu par fes fofliles , & fur-tout par une efpèce de poux marin qui porte le nom de foffile de Dudley. La pierre eft calcaire , bleuâtre , & la plupart des corps marins qu'elle renferme , pénétrés par les parties les plus ténues du fuc lapidifique, ont acquis une lépère tranfparence avec une teinte aune, Une grande partie de ces corps font des débris de palmiers de différentes efpèces. On trouve quelquefois en relief fur la furface des couches de la pierre, des portions aflez longues du pédicule ; mais on n’avoit jamais rien trouvé dans ce genre d’aulli entier & d’aufli parfait que cette pétri- fication; elle préfente en relief fix enchrinites ou palmiers marins, d'une Tome XXVI, Part. I, 1785. FÉVRIER. -ti4 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, éfpèce qui, je crois , n'avoit pas encore été décrite , deux defquels portent leur palme entière, Les vertèbres ou entroques du pédicule fonc circu- laires, arrondies dans leurs bords, & jointes les unes aux autres par une faillie qui eft à leur centre, auffi circulaire , laquelle correfpond à un en- foncement de l'entroque voifine. Ce pédicule ne reflemble pas mal une fuite de moules de boutons enfilés. On diftingue dans tout leur détail Les offe- lets qui fervent de bafe aux rameaux de la palme , & forment le lien entre eux & le pédicule, comme les oflelets du poignet forment le lien entre les doigts & les os de l’avant-bras. : Une particularité très-intéreffante de cette pétrification , c’eft que l'un des palmiers fur-tout eft dans tout fon entier; on voit l'extrémité de fon pédicule & celle de fa palme. Le nombre des tiges réunies fur certe pierre indique encore que ces zoophites vivoient en fociétés nombreufes , fixées les uns auprès des autres par l'extrémité de leur pédicule, à peu près de la même manière que nous voyons les familles des pouffe-pieds & des conques anatifères ; ce qui explique cette quantité éronrante d’entroques qu’on trouve raffemblées en quelques endroits , au point de ne faire qu'un maflif, | La furface de cette pierre eft aufi parfemée d’entroques de la même ef- pèce & d'efpèces différentes , de rérébratules ftriées, d’une multitude de petits coraux, & de quelques madrépores. La furface oppofée eft polie, & forme un marbre lumachelle; elle eft réduite dans le deflin à la moitié de fa grandeur en tous fens. Le lieu près de Dudley , où l’on trouve ces pétrifications , eft un rocher calcaire, peu étendu , placé au milieu d’un pays qui n’eft point de même nature, Mon fière a fait fur ce rocher & fur le pays qui l'environne , des remarques qui tendent à appuyer un fyftème fur les montagnes fecondaires, qu'il a formé dans de nouveaux voyages faits depuis la publication de fon Ouvrage Géologique, & qu'il fe propofe de publier un jour. MÉMOIRE Sur la sombinaifon des huiles avec les terres, l'alkali, & les fubflances métalliques (1) ; « Par M. BERTHOLLET. L: favon a , dans fes propriétés, un tel rapport avec les fels neutres, que l'huile doit former, à la manière des acides, un grand nombre de combinaifons négligées jufqu’à préfent. Cette idée m’a conduit aux expé- Tiences que je vais préfenter. Re (x) Extrædes Mém, de l’Acad. des Scienc. 1780. | SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. ais © L'on n'ignoroit pas que l’huile avoit de l’action fur la terre calcaire ; mais M. Coftel (1) a le premier donné un moyen de faire une combinaifon exacte de ces deux fubftances , en verfant une folution de favon dans l’eau de chaux. La chaux s’unit à l'huile du favon, & forme une com: binaifon qui eft infoluble; de forte qu’on la retient fur un filtre, & l’al- kali cauftique eft mis en liberté : on peut le retirer par lévaporation ; il retient un peu d'huile , qu'on peut lui enlever, felon M. Thouvenel, par le moyen de l’efprit de-vin. Ce Chimilte remarque, dans fon analyfe des eaux de Contrexeville, que l’alkali cauftique ne peut pas décompofer le fayon calcaire ; de forte que l’on peut dire en toute rigueur , que l'huile a plus d'affnité avec la terre calcaire qu'avec l’alkali Axe: mais , felon le même Chimifte, fi l’on met de l’alkali fixe effervefcent fur le favon cal- caire , alors celui-ci fe décompofe, l’alkali s’unit à l'huile, & la terre cal- caire devient libre & acquiert la propriété de faire effervefcence. Ces connoiffances , que l’on a acquifes depuis la differtation de M. Thou- venel, éclairciflent ce qui fe pafle dans cette circonftance: il fe fait une double décompolition & une double recompofition ; l'acide crayeux s’u- nit à la terre calcaire de la combinaifon oléo-calcaire, & l'huile de cette combinaifon s’unit à l'alkali privé d’acide crayeux, M. Thouvenel fait une réflexion trop importante pour ne pas la rap- peler. Les Médecins prefcrivent en même temps l’ufage du favon & de la chaux , ou de l’eau de chaux, fans faire attention à l’altération & à la décompofition qui réfulrent du mélange de ces deux fubitances: alors c’eft l’alkali cauftique, dégagé du favon, qui devient la partie active; mais leseffets de ces mélageas doivent préfenter des variétés, felon les proportions & les autres circonftances qui les accompagnent. J'ai aufi éprouvé les effets de l’alkali volatil fur le favon calcaire; lalkali volaril cauftique n’a pas eu fur cette combinaifon plus d'action que l'alkali fixe cauftique; mais l’alkali volatil effervefcent l'a décom- pofé , de même que l'alkali fixe effervefcent. L'alkali volatil a pris Fap- parence d’une huile , & la terre eft demeurée au fond, avec la propriété de faire effervefcence. Après avoir décanté cette fubftance favonneufe , j'ai fait évaporer fe fuperfu de l’alkali volatil à une douce chaleur, & il eft refté un favon ui a une faveur plus piquante que le favon ordinaire, Il a un peu moins + confiftance; il fe décompofe, fi on le laifle long-temps à l'air ; il fe diflour bien dans l’efprit-de vin, mais en très-petite quantité dans l'eau, Cette dernière propriété m'a fait croire que je r’avois pas befoin d’un procédé fi compliqué & fi long pour faire ce favon, & que pour cet ob- jet ie pouvois employer d’une autre manière l’action des doubles affinités, J'ai donc mêlé une folution de favon ordinaire avec une folution de! (1) Analyfe des eaux de Pougues. Tome XXV1, Part. 1, 178$. FÉVRIER, : P 2 116 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, fel ammoniac, & j'ai vu à l'inftant fe former des caillots , qui étoient le favon ammoniacal que j'ai retenu fur un filtre; de forte que l’alkali fixe du favon s’unit à l'acide du fel marin, pendant que l'alkali volatil fe combine avec l'huile, Quelque perfuadé que je fois que l’on doit être très: circonfpect à propofer des médicamens nouveaux , & que l’on doit plu- tôt s'occuper à élaguer la matière médicale qu’à l’accroître, je fuis tenté de propofer l'ufage médicinal de ce favon, qui doit avoir des vertus plus aétives que le favon ordinaire , & qui a fur le favon de Starkei l'avan- rage d’être d’une compofition très-facile & très-prompte, d’être roujours uniforme, & de fe bien conferver dans les vaifleaux fermés. Je fais qu'on a employé en Médecine un mélange d’alkali volatil & d'huile, dont on prétend former l'union par l'agitation ou par La trituration, & qu’on trouve dans la Pharmacopée de Londres un mélange de cette elpèce fous le nom de liniment volatil; mais l'on ne peut avoir par ce moyen qu'une combinaifon qui eft très-imparfaite , & qui diffère entièrement du favon dont je parle, comme on peut s’en convaincre par la feule infpection. Lorfqu'on délaye du favon ordinaire dans les eaux féléniteufes, il fe fait aufi deux décompofitions & deux recompofitions , comme M. Coftel l'a prouvé : l’alkali du favon s'unit à Pacide de la félénite, & la terre de la félénite fe combine avec l'huile de favon, & forme ainfi la combinai- fon oléo-calcaire , qui; étant infoluble , demeure en Aocons & ne peut fervir aux ufages du favon ordinaire ; ce qui fait donner aux eaux félé- niteufes le nom d'eaux crues: mais ce n’eft pas feulement la félénite qui eft propre à former la combinaifon oléo-calcaire ; toute autre diffolution de terre calcaire eft également propre à cela; l’on peut fe fervir, pour s'en procurer , d’une diffolution de terre calcaire dans l'acide marin & dans l’acide nitreux. Lors donc que le favon fe décompofe dans les caux crues, cet effet ne dépend pas feulement de la félénite & de la terre calcaire qui eft tenue en diflolution par l'acide crayeux, mais encore de tous les fels à bafe calcaire qui peuvent fe trouver dans Les eaux, & même de ceux à bafe magnéfie , comme on va le voir, Le mélange d’une folution de favon & d’une folution defel d'epfom m'a donné une combinaifon qui a la plus grande blancheur ; elle eft onctueufe, fe defsèche difficilement, & conferve fa blancheur après fa deflication. Elle eft infoluble dans l’eau bouillante ; cependant elle a une faveur bien marquée de favon: elle fe diflout en affez grande quantité dans l'huile (1) & dans l'efprit-de-vin, Lorfqu’on mêle de l’eau à cette dernière diflolution , elle devient laiteufe. Cette combinaifon entre en liquéfaétion à une chaleur médiocre , & elle forme une mafle tranfparente un peu jaune & très- caffante ; mais la combinaifon oléo-calcaire n’entre que très-imparfaite- ment en fuñon , & feulement à une chaleur beaucoup plus forte. nt {r) Lorfque je nomme fimplement l'huile, je veux parler de l'huile par expreflion. SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 117 J'ai combiné l'huile avec l'argile, en mêlant une folution d’alun & une folution de favon; il a réfulté de ce mélange une combinaifon liante , douce au toucher, & qui conferve fa foupleile & fa tenacité en fe defféchant :elle m’a paru infoluble dans l’eau, dans lefprit-de-vin & dans l'huile ; elle entre très-facilement en fulon , & forme après cela une mañle d’une belle tranfparence un peu jaune. La diffolution de terre pefante dans l'acide marin m’a donné avec le favon une combinaifon qui préfente à peu près la même apparence & les mêmes propriétés que la combinailon calcaire. Le moyen trés-fimple dont je me fuis fervi pour former les combinai- fons oléo-terreufes, m’a également réufi pour combiner l'huile avec les fubftances métalliques. Lorfqu'on fait le mélange des folutions de favon & de fublimé corrofif , la liqueur devient femblable à du lait, bientôt on voit fe former de petits caillots. IL eft prefque impoñlible de filtrer cette liqueur; mais la plus grande partie de la combinaifon mercurielle qui s'eft formée, fe dépofe très-lentement, On peut accélérer ce dépôt par le moyen de l'efprit-de- vin. On fait la même combinaifon beaucoup plus facilement en fe fer- vant de la diffolution de mercure dans l'acide nitreux. La combinaifon oléo-mercurielle eft vifqueufe ; elle fe defsèche difficile- ment ; elle fe diffout aflez bien dans l'huile, & en très-perite quantité dans l'efprit-de-vin ; elle perd fa couleur blanche à l'air, & en prend une ardoifée , qui fe fonce de plus en plus, fur-toutfi on l’expofe aufoleil , ou fi on lui fait éprouver toute autre chaleur ; elle fe ramollit, & entre fa- cilement en fufion: il faut la diftinguer de l’onguent mercuriel dont on fe fert en Médecine ; car dans celui-ci le mercure eft dans l’état métalli- que, au lieu que dans la combinaifon que je viens de décrire, le mercure eft dans l’état de chaux, & il forme avec l'huile une véritable combi- naifon , dont l'application feroit peut-être utile en Médecine, La combinaifon de l'huile & du zinc, que j'ai faite par le moyen du vitriol blanc, eft d'un blanc tirant un peu fur le jaune ; elle fe sèche promptement , & devient friable, Celle du cobalt , que j'ai faite par le moyen de la diffolution du régule de cobalt dans l’eau forte, eft d’une couleur plombée & fombre ; & fe defsèche difficilement , quoique fes parties ne foient pas liées entreelles. IL s’eft formé fur la fin de la précipitation quelques caillots verts beau- coup plus confiftans & plus tenaces, Je crois que c’eft une combinaifon d'huile & de nickel ; car l’on fait que ce demi-métal eft prefque toujours contenu dans Le régule de cobalt, & qu’il forme avec les acides des diffo- lutions vertes, pendant que celles du cobalt font rouges. Je n'ai pu cor- firmer ma conjecture, parce que je n'ai pu me procurer du nickel; mais fi elle fe vérifie, l’on aura par-là un moyen facile de féparer ces deux fubftances métalliques, a18 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE; J'ai fair la combinaifon de l'huile & de l’étain par Le moyen de [a dif: folution de ce métal dans l’eau régale; elle eft blanche, elie n'entre pas en fufion lorfqu'on l’expofe à la chaleur , comme il arrive à toutes les autres combinaifons oléo-métalliques ; mais elle fe décompofe , fans que fes parties changent de forme; ce que j'attribue à la grande quan- tité de métal que cette combinaifon contient , comme on le verra. La combinaifon oléo-martiale , eft d'un brun rougâtre ; elle eft tenace, mais elle entre très-aifément en fufon; lorfqu’on l’étend fur le bois; elle le pénètre & s’y defsèche ; elle fe diffout facilement dans l'huile, & fur-tout dans l'huile de térébenthine, & elle lui donne une belle couleur; de forte qu'elle pourroit être utile pour les vernis. La combinaifon oléo-cuivreufe que j'ai faite par le moyen du vitriol bleu , eft rélineufe au toucher pendant qu'elle eft humide ; elle devient sèche & caflante; elle eft verte : mile en digeftion avec l’efprit-de-vin, elle prend une couleur plus foncée ; elle s'y liquéfie, mais elle ne s’y dif- fout pas à froid. L’écher rend fa couleur plus foncée & plus belle; il La liquéfie à l’inftanc , & en diflout une aflez bonne quantité; elle fe dif- fout abondamment dans les huiles, en leur donnant une belle couleur verte. La combinaifon‘d’huile & de plomb faite par le moyen de la diffolu- tion du fel de Saturne, eft blanche , tenace, & fort emplaftique , lorf- qu’elle eft échauffée, L'union de l'huile & du plomb n’eft pas fi intime dans Le diapalme; car fi l'on fond la combinaifon que je viens de dé- crire, elle forme une mafle tranfparente , qu'une chaleur peu confidéra- ble a rendue un peu jaune, au lieu que le diapalme eft opaque ; d’ail- leurs l'huile quientre dans la compofition du dernier, a acquis de l’âcreté par la chaleur à laquelle elle a été foumife. Il eft donc probable qu'il feroit avantageux de lui fubitituer dans quelque cas la combinaifon que j'ai formée. Geoffroy a déjà remarqué, dans les Mémoires de l’'Acadé- mie de 1741 , que la combinaifon de l'huile qu'il a faite à la manière des emplâtres, formoit une efpèce de favon. La combinaifon d'huile & d'argent eft blanche lorfqu'on vient de la former; mais elle prend dans quelques inftans à l'air une teinte rouge, qui paffe promptement au noir; ce qui dépend indubitablement de l’ac- tion que la chaux d'argent exerce fur toutes les fubftances qui contien- nént du phlosiftique , avec lequel elle tend fortement à fe combiner. Le changement de couleur qu'éprouve la combinaifon oléo-mercurielle, me paroît dépendre du même principe, Lorfqu’on a fait fondre la combinaifon d'argent fa furface fe couvre d’une couleur d'iris très-brillante ; & fous cette fuperficie , elle eft noire. 4 La combinai{on de l'huile & de l'or vient furnager en partie fous La forme SUR L'HIST. NATUREBLE ET LES ARTS, 119 d'une crème qui eft d'abord blanche , & qui prend bientôt une couleur pourpre fale. Elle fe defsèche difficilement, & elle adhère à la peau de façon qu'il. eft difficile d’en effacer l'impreffion. J'ai combiné le principe métallique de la manganèfe , en mélant avec la folution de favon une diflolution de manganèfe dans l'acide marin. Cette combinaifon eft d’abord blanche; elle prend à l'air une cou- leur de fleurs de pêcher rougeâtre, qui devient de plus en plus foncée ; elle fe defsèche promptement ; elle eft alors dure & caflante, & elle prend par la liquéfaction une couleur brune noirâtre, Pour éprouver fi l’huile effentielle avoit auffi la propriété de faire des combi- naifons avec les fubftances métalliques, j'ai mêlé une folution de favon de Star- key, fairnouvellement, avec une folution de vitriol de cuivre : ileft arrivéla même chofe qu'avec le favon ordinaire ; feulement la combinaifon s’eft trouvée d’un vert un peu plusclair , & elle a été plus friable. Le favon noir, que l’on dit fait avec l'huile de baleine, m’a donné, avec la folution de vitriol de cuivre, une combinaifon qui , comparée à celle qu’on obtient par le moyen du favon ordinaire , eft d’un vert un peu plus foncé, con- ferve un peu plus de mollefle , & a une odeur très-défagréable. J'ai voulu faire du favon avec l’alkali cauftique & de l'huile animale rectifiée , pour en former enfuite d’autres combinaifons ; mais cette huile n'a point contra@té d'union avec lalkali. On a vu que la terre calcaire (& il en eft de même de la terre pefante) . avoit plus d’affinité avec l'huile que l’alkali fixe: celui-ci en a plus que la magnélie; mais la combinaifon de la magnéfie n'eft pas décompofée ar l'alkali volatil cauftique ; de forte qu’elle fuit l’alkali fxe ; vient après elle l’alkali volatil , qui décompofe toutes les combinaifons métalliques , les unes plus facilement, les autres avec plus de difficulté. Il diffout en entier la combinaifon d'argent. La combinaifon mercurielle eft celle qui n’a paru rélifter le plus à fa décompofition : pour l'argile, fa combinaifon eft décompofée par l’alkali volatil cauftique , & même plus facilement que les combinaifons métalliques ; de forte que je crois pouvoir les pla- cer après les fubftantes métalliques. Les huiles par expreflion n'ont pas paru difloudre les combinaifons cal- caires & argileufes, L'huile de térébenthine n'a diffout qu’une petite pay- tié de la combinaifon calcaire, un peu plus de celle d’argile, avec la- quelle elle a formé une gelée. L’efprit-de-vin difflout quelques combinai- fons oléo-métalliques à froid ; il a befoin de la chaleur pour en diffoudre quelques autres : mais quoique , par ce moyen, il les attaque toutes, il en diffout cependant beaucoup moins que les huiles , & fur-tout l'huile de térébenthine- J'ai calciné une partie des combinaifons que je viens de décrire, pour déterminer la quantité de terre ou de chaux métalliques qu’elles contien-: nent: j'ai employé une demi-once de chacune; celle de magnéfie a laïflé 120 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, 32 grains. Ce réfidu ne faifoit prefque point d’effervefcence ;celle de terre calcaire a laiflé 36 grains , qui faifoient effervefcence ; celle d'argile, 28 grains; celle de fer, 48 grains; celle de cuivre, 33; celle de zinc, 42; celle de manganèfe , 40; celle d'argent a donné environ 30 grains d'argent revivifié; celle d’étain a donnée 1 gros 7 grains d’étain revivifié; celle de plomb a formé , par la calcination , un pirophore. Lorfqu’on veut faire ces combinaifons, il faut employer des diflolutions qui foient dans l’état de faturation. Si elles ont un excès d’acide, une partie du favon eft décompofée par cet excès; une partie de l’huile vient furnager; mais une partie de cette huile eft confondue avec la combinaifon qui vient de fe former , & altère fes propriétés. Dans quelque acide qu'une terre ou un métal foient diflouts , c’eft toujours la même combinaifon qu'ils for- ment par le moyen du favon. Cependant cette combinaifon a quelque- fois des apparences différentes. Ainfi, celle du mercure eft beaucoup plus tenace & plus gluante, lorfqu’on s’eft fervi du fublimé corrofif , que lorf- qu'on a employé la diflolution par l'acide nitreux. Lorfqu'on fait évaporer la liqueur qu'on a filtrée, après avoir formé la combinaifon huileufe , on retire Le fel qui doit réfulter de l’alkali du favon & de l'acide de la diffolution dont on a fait ufage, M. Coftel l’avoit éprouvé fur la félénite, & moi j'en ai fait l'expérience fur le fel d'epfom & le vitriol. J'ai d'abord conduit l'évaporation jufqu’à forte defication ; après cela , j'ai diflout le réfidu dans de l’eau filtrée, & j'ai fait évaporer & criftallifer. , SUITE DU MÉMOIRE SUR LES DIFFÉRENTES ESPECES DE CHIENS DE MER: Par M. BROUSSONET.# 15. Le Glauque. I: eft connu dans toutes les mers; on le pêche affez fouvent dans la Méditerranée & l'Océan; nous en avons vu plufieurs qui avoient été pris aux environs de la Jamaïque: il eft crès-commun dans la mer du fud , & il eft connu dans l’Ifle d'Otahiti fous le nom de mow-otaa, Nieuhoff en a parlé dans fa defcription des Indes Orientales. Willughby Va copié dans fon appendix : on l’a nommé le bleu ou le glau- que, à caufe de fa couleur, qui eft prefque femblable à celle de l'aigue marine. Il parvient quelquefois à une groffeur très-confidérable ; il eft très- vorace ; mais fes dents font en bien plus petit nombre que dans La plupart des SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 121 es chiens de mer. On mange rarement fa chair ; mais, au moyen de quelques préparations, fon foie , au rapport de Rondelet, fournitun aflez bon mets. Sa couleur, la forme de fes dents, & fur-tout une foffette triangulaire qui fe trouve à l'extrémité du dos, fourniffent des caractères fuffans pour le diftinguer de toutes les autres efpèces. Squalus (Glaucus ) foffulé triangulari in extremo dorfo , foraminibus aullis ad oculos, Linn. Syft. Nat, tom. I, pag. 401, 14. Arted, Syn. pag. 98, 13. Galeus glaucus, Rond. Hift, Pifc, I, pag. 378 ; figure incor- recte. Willugh. Ichth. pag. 49 , tab. B. 8; defcription & figure très-bonne ; celle-ci faite fur un individu féché. Gunn, aët. nidros. tom. IV, pag. 1 , tab. 1, fig. 1. - The blue Shark. Philof. Tranf. vol. LXVIIL , pag. 789 , tab, Penn. Bri- tish. Zool, tom. IT, pag.95,n°.43. Le bluet ou grand chien bleu, Du Hamel. Hift, des Pêch. part. IT, fe&. 9, pag. 208, PI. XIX, fig. 6. Latêre étoit un peu applatie; l'ouverture de la gueule étoit également éloignée du bout du mufeau & de la bafe des nageoires peétorales; les dents étoient prefque triangulaires , alongées , aiguës, fans dentelures, & tournées vers le fond de la gueule; les yeux étoient petits & prefque ronds , les trous des tempes manquoient, les nageoires pectorales étoient * grandes & échancrées à leur extrémité; celles de l'abdomen plus petites, . fituées autour de l'anus , & au delà du milieu du corps; la première dor- fale écoir placée avant l’aplomb des nageoires abdominales ; elle étoit prefque triangulaire ; la feconde , plus petite que la première , étoit au- delà de l’aplomb de la nageoïre de derrière l'anus; celle-ci étoit de la même grandeur que la précédente; la nageoire de la queue étoit par- tagée en deux lobes, dont l’inférieur étoit trois fois plus coutr; la peau étoit lifle & de couleur grife , avec une teinte de bleu ; les bords des nageoires étoient noirâtres, Defcription faite dansle Mufæum Britannicums fur un individu long de quatre pieds & demi. 16. Le Nez. Cette efpèce fe trouve dans la mer qui borde la province de Cornouailles en Angleterre. Borlafe, qui a écrit l'Hiftoire Naturelle de ce pays, en a donné une figure & une courte defcription, que M. Pennant a copiée dans fon Hiftoire des animaux de la Grande-Bretagne. Cet Auteur regarde comme une efpèce différente , un autre poiflon qu’il appelle heaumaris, du nom de la perfonne de qui il’en a reçu la defcription & la figure. Il y a tout lieu de croire qu’ils appartiennent à la même efpèce; nous ne faurions cependant l’affurer pofitivement, ces Auteurs nous en ayant Jaiflé des deferiptions trop peu détaillées, Le chien de mer, que M: du Hamel défigne fous Le nom de rouillebæuf , nous paroît avoir beaucoup Tome XXVI, Parc. I, 1785. FÉVRIER, #2 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, de rapport avec celui dont nous parlons ; mais la figure qu'il en a donnée eft trop imparfaite pour ofer prononcer fur lefpèce à laquelle il doit être rapporté (1). Le nez, à ce que nous croyons, fe pêche dans nos mers, Nous en avons vu plufeurs individus au Cabinet du Roi; fa peau eft crès-lifle, fa queue eft marquée fur les côtés d'un pli longitudinal & faillant , fon mufeau eft relevé & de forme conique ; ce qui nous a engagés à lui donner le nom de nez ; fon corps eft très-gros & court , relativement à celui des autres efpèces, Ces caractères fufhfent pour le reconnoître. Porbeagte. Borlafe. Nat. Hift. of Cornw. pag. 265 , tab. 26, n. 4. Penn. Bri. Zool. tom. HI, pag. 103, n°. 49 5 & Beaumaris-Shark , pag. 104, tab. 17. Le corps étoit arrondi, & très-gros dans fon milieu ; le mufeau, de forme conique, étoit faillant & percé de petits trous; louverture de la gueule étroit. ample & armée d’un grand nombre de dents alongées , mo- biles , aiguës , dilarées à leur bafe , & tournées vers le fond de la gueule ; la langue étoit rude, & les yeux grands ; les trous des tempes ne sy trouvoient point; les évents, au nombre de cinq de chaque côté , éroient très-grands ; les nageoires de la poitrine étoient grandes, & prefque éga- lement éloignées du bour du mufeau & de la bafe des nageoires abdo- minales ; celles-ci, petites, étoient fituées autour de l'anus & au delà du milieu du corps: la première nageoire dorfale étoit fituée avant le milieu du corps, fa forme éroit prefque triangulaire; la feconde, beaucou plus petite que la première, fe trouvoit placée au delà de Paplomb de la nageoire de derrière Panus ; celle-ci étoit prefque également éloignée du bout des nageoires de l'abdomen & de la bafe de celle de la queue; elle étoit de même grandeur que la feconde dorfale ; la queue étroit divifée en deux lobes grands & lancéolés, dont le fupérieur étoit un peu plus long; la ligne latérale commençoit au deflus des yeux, & faifoit d’abord des zig-zags; vers le bout de la queue, elle formoit un pli longitudinal faillant : on voyoit encore un enfoncement à la bafe de la nageoire de Ja queue en deflus & en deffous ; la peau étoit liffe & très-lépèrement mar- brée ; il étoit long de 2 pieds & demi. Nous l'avons décrit au Cabinet du Roi. es 17. Le Perlon. K reffemble un peu au glauque ; fa couleur eft à peu près la même; il diffère effentiellement de roures les autres efpèces par £es évents, qui font au nombre de fept de chaque côté. Nous croyons qu'il habite la Méditerranée : aucun Auteur n'en a parlé. | EE TEL NE TE TU TP GT REP À (x) Nous croyons encore que Jonhfton a voulu parler de cerre efpèce fousle nom de canis carcharias ; mais kes defcriptions & les figures de cet Auteur ; comme celles de quel ues autres Ecrivains , que nous n'avons pas cités à deffein , font fi imparfaites, qu'on ue Auroic en tirer aucun éclairciffement. SUR L'HIST. NATURELLE‘ ET LES ARTS. 123 Les dents étoient féparées, couchées un peu fur le côté , tournées vers le fond de la gueule, affez grandes, comprimées, & aiguës; les narines, placées fur les bords, étoient plus près du bout du mufeau que de la par- tie antérieure de l'ouverture de la gueule ; les yeux étoient grands & prefque également éloignés du bout du mufeau & du premier évent, les évents étoient grands & au nombre de fept de chaque côté, Les nageoires pectorales étoient fituées après le dernier évent ; il ny avoit qu’une feule nageoire dorfale qui fe trouvoit placée au delà du milieu du corps, & plus près de l’aplomb de la nageoire de derrière l'anus que de celui des abdominales ; la nageoïire de derrière l’anus écoit prefque éga- lement éloignée de l'extrémité des abdominales & de la bafe de celle de la queue ; elle étoit plus petite que la nageoire du dos : la nageoire de la queue étoit divifée en deux lobes inégaux ; l'anus, placé entre les na- geoires de l'abdomen, étoit fitué un peu avant le milieu du corps; la ligne latérale étoit bien marquée, la peau étoit life & grisatre. Nous l'avons décrit dans le Mufæum Britannicum ; l'individu étoic long de pieds. 18. Le Très-Grand. Nous n'avons pas eu occafion de voir cette ef- pèce ; elle fréquente les mers du nord, & parvient quelquefois à une groffeur monftrueufe : elle reffemble beaucoup au requin, mais elle en diffère par fon corps, qui eft plus applati, & par fes dents qui ne font pas dentelées fur les bords, En comparant les defcriptions des Auteurs, nous croyons devoir nous écarter du fentimenc de M. Pennänt, qui a rapporté à cette efpèce un chien de mer, que plulieurs Naturaliftes Anglois ont décrit fous le nom de /ur-fifh. Au rapport de Fabricius (1), ce chien de mer fe nourrit de marfouins & de petites baleines, qu’il avale tout entières. La meilleure defcrip- tion que nous ayons de ce poiffon, nons a été donnée par l'Evèque Gun- mer , dans les Mémoires de l'Académie de Norvège; elle n’eft cependant rien moins que complète. Squalus (maximus) dentibus conicis, pinné dorfeli anteriore majore, Linn. Syft. Nat. tom. I, pag. 400, 11. Brud, Gunn. A&, Nidr, tom. III, pag. 33; tom. II & IV , pag. 14, tab. 4, fig. 1,2. ; 19. Le Requin, I eft peu de Voyageurs qui ne parlent du requin: mais leurs figures font toutes incorrectes, & leurs defcriptions incom- plètes. Il devient quelquefois très-gros, fon corps eft très applati , fes dents font triangulaires , & denteléesfur leurs bords. Ces dentelures ne s'apperçoi- vent point dans les jeunes. La longueur de quelques gloffopètres , que tout le monde fait être des dents fofliles de requin, eft quelquefois de (1) Fna. Groënl. pag. 130 , n. 90. Tome XXV1, Part. I, 1785. FÉVRIER. Q2 24 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, 2 pouces. On pourroit, au moyen d’une rèole de proportion , détermi- ner, à peu de chofe près , la longueur de l'individu auquel elles ont ap- partenu ; cette règle feroit même très-sûre, s’il éroit poflible de diftinguer celles qui font fituées fur les bords , d'avec celles qui fe trouvent au fond de la gueule, lefquelles font plus petites & donneroïent un réfultat très- différent. Ce poiflon eft très-vorace. On peut confulter là-deflus les différentes relations des Voyageurs ; il nage quelquefois avec la première nageoire dorfale hors de l'eau, & on le prendroit alors pour un cétacée, Un le prend ordinairement avec le harpon; fa chair, quoique dure, peur. ce- pendant être mangée, lorfqu'elle eft un peu paflée ou qu’elle a été fé- chée, On fait de l’huile du foie ; fa peau fert à faire des facs & à recouw- vrir des ouvrages grofiers. Squalus ( Carcharias) dorfo plano, dentibus ferratis, Linn. Syft. Nat. tom. 1, pag. 400, 12. Arted. Syn. pag. 98 14. Lamia. Rond. Hift, Pifc. I, pag. 3903; figure mauvaife. Willugh. Ichth. pag. 47 , tab. B. 7; figure copiée de Gefner, très- mauvaile. ; Squalus (Carcharias). Gunn. A. Nidr, tom. IE, pag. 370 , tab. 40, 11. $ La tête étoit applatie, & le mufeau étroit arrondi; la gueule étoit grande ; elle étoit armée d’un grand nombre de dents difpo- fées"en files triangufaires , & dentelées fur leurs bords ; les yeux étoient placés fur les côtés ; ils étoient prefque ronds & petits ; Tiris étoit gristre , la pupille noire ; la membrane clignotante éroit carti- fagineufe & blanche ; les nageoires pectorales étoient très-grandes , & dépafloient la région de la bafe de la première dorfale: celle-ci étoit pla= cée avant Le milieu du corps; elle étoit arrondie fupérieurement: la feconde: du dos étoit petite & prefque également éloignée de la bafe des nageoires de l'abdomen & de la nageoire de la queue; les nageoires abdominales étoient plus petites que les pectorales , & un peu plus près dé la feconde dorfale que dela première, La nageoire de derrière l'anus étoit fituée un peu au delà de la région de la féconde du dos ; la queue étoit divifée en deux lobes : on obfervoit dans les jeunes individus une tache noirâtre à l'angle des nageoires. , 20. La Scie. Cette efpèce eft reconnoiflable pat fon mufeau, qui eft offeux, très-alongé , applati, & armé dechaque côté d'un grand nombre PA dents, Ces parties font retenues dans des alvéoles particulières, & ne paroiflent point dans les foetus &c les nouveaux-nés (1). C'eft la forme de (x) Klein a donné la figure d’un fœtus qui n’a point encore le mufeau garni de dems. Miff. I, pag. 12 ,n, 11 , tab. III fig. 1, 2. 1 SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 125 fon mufeau qui lui a valu le nom de /cie. Quelques Auteurs ont cru de- voir ranger ce poiffon parmi les cétacées, & ils ne l'ont connu qu'im- parfaitement, Pline, fuivant eux, en avoit parlé fous les noms de priflis & de ferra-marina. Bellon a relevé cette erreur, en prouvant que le nom de priflis ne pouvoit convenir qu'à un cétacée, & celui de /érra-marina , à l'efpèce dont nous parlons. Rondeler , qui ne connoifloit-que très-intpar- faitement ce poiflon , a critiqué à ce fujet Bellon , en affcétant de ne pas l'entendre, & ilen a donné une prétendue figure, qui n’eft autre chofe que celle d’un fouffleur, n'ayant de la fée que le mufeau. Les figures monftrueufes qu'Aldrovande a données de ce poïffon , prouvent jufqu'à quel point Fès Auteurs ont pu porter l'ignorance & la crédulité, La fcie vir dans les mers du nord & dans celles de l'Amérique méri- dionale ; fa groffeur eft quelquefois monftrueufe. La première nageoire du dos étroit placée à l’aplomb des nageoires de l’abdomen, qui fe trouvoient au delà du milieu du corps. La feconde dorfale étoit également éloignée de l'extrémité de la queue & de la pre. mière nageoire du’ dos: on ne voyoit point de nageoire derrière l'anus. Squalus (Priftis) pinn4 anali nullé, roffro enfiformi offeo , plano, utrinque dentato. Lynn. Syft. Nat. tom. I, pag. 407 , 15. Arted. Syn, pag- 93» I. : * Serra marina. Bell. Hift. aquatil. pag. 66 ; le mufeau feu- lement, Priflis. Rond. Hift. Pifc. 1, pag. 487 ; le corps d'un fouffleur, le mufeau mal fait de la cie, Priflis feu ferra pifeis. Claf. Exot. pag. 136. Willugh. Ichth. pag. 61, tab. B, 6, fig. s , copiée de Clufus ; figure incorrecte. Sagefish Mull, Linn, Syft. tom. III, pag. 173 , tab. 11, fig. 2. Squalus rofiro cufpidato , offeo , plano, utrinque dentato. Gron. Zooph; - », 148. 21. Le Boucle. Son corps eft couvert dè piquans placés fans ordre, & de différente grandeur ; leur bafe eft large & ronde; ils .reilemblent à eux des raies bouclées. Nous lesavions pris d’abord pour des reftes de petits poufle-pieds qui s’attachent aflez fouvent fur le corps des gros poiflons: mais un examen plus particulier que nous en avons fair avec M: Daubenton, nous a détrompés. Ils ne faifoient point effervefcence avec l’eau forte, & on ne pouvoit les détacher, fans déchirer la peau, Ce caractère particulier à cette efpèce: fuffit pour la diftinguer des autresz: elle n'eft décrite dans aucun Auteur. M. de Jufieu a bien voulu nous,en communiquer: un deflin fait par MM. de l’Académie , envoyés par ordre du Roï, vers la fin du dernier fiècle, pour faire des obfervations anato- miques fur les bords de l'Océan, Il eft défigné fous Le nom de brucus, 126 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, Nous avons vu au Cabinet du Roi l'individu d’après lequel cette figure avoit été faite; c'éroit une femelle, Le mufeau étoit faillant & de forme conique ; les narines étoient pla- cées un peu en avant dès yeux; l’ouverture de la gueule étoit médio- cre, armée de plufieurs rangs de dents prefque carrées , comprimées, & dont les bords préfentoient des zig-zags irréguliers; les yeux éroient rands & placés en devant des trous des tempes ; il y avoit cinq évents diftindts de chaque côté. Les nageoires peétorales étoient larges , les abdominales étoient très-éloignées du bout du mufeau , & prefque de même grandeur que celles de la poitrine ; les nageoires du dos étoient très-rapprochées de la queue ; la première étoit fituée prefque à l’aplomb des abdominales; la feconde, un peu plus petite que la première, étoit également éloignée de la première & de la bafe de la nageoire de la queue. La nageoire de derrière l'anus manquoit ; il y avoit au-deflous de la queue une nageoïre anguleufe ; la peau étoit lifle, & recouverte, même fur la partie fupérieure des nageoires , de piquans armés d'une ou deux pointes courtes , légèrement recourbées ; ils étoient de grandeur inégale, & prefque femblables aux piquans des raies bouclées ; il éroit long d'environ 4 pieds. Nous l'avons décritau Cabinet du Roi. 22, L'Aiguilla. L’aiguillat eft ainfi nommé dans les provinces méri- dionales du Royaume , à caufe de deux aiguillons qu’il a fur le dos. On lui a confervé cette dénomination en françois. Le défaut de nageoires de derrière l'anus fert à le diftinguer de la plupart des autres chiens de mer, & la forme de fon corps , qui eft prefque cylindrique, empêche qu'on ne le confonde avec le humantin. Il a beaucoup d’analogie avec le fagre; mais le deffous du corps de celui- ci eft noiratre, tandis que celui de l’autre eft gris. On le trouve abondamment dans l'Océan & la Méditertanée. On le prend én Groënland en hiver, au moyen de trous qu’on pratique dans la glace (1). On le voit dans la mer du Sud & dans routes celles d'A- mérique, On en fait en Ecoffe une pêche très-confidérable; quand il eft fec, on le vend aux Montagnards : on en fait fouvent un aflez grand commerce. Le foie des individus les plus gros fert à faire de l’huile. La peau eft employée par les Tourneurs pour polir les ouvrages en ivoire & en bois: on en voit affez fouvent à Paris dans les Marchés, Au rap- port de Bellon , on y en apportoit de fon temps une aflez grande quan- tité en automne, Il eft actuellement moins commun, & nous l'avons ob- fervé dans toutes les faifons. Il varie quelquefois, en ayant des taches blanchâtres placées irrégulièrement fur les côtés du dos. EEE (x) Fabr. Fna. Groënl, pag. 127. PES CE SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS, 127 La première nageoire du dos étoit prefque également éloignée des na- geoires pectorales & des abdominales; la feconde étoit plus près de la queue que de la première dorfale. Squalus ( Acanthias ) pinné anali nulld dorfalibus fpinofis, cor- pore teretiufculo. Linn. Syft. Nat. tom. Î, pag. 307, 1. Arted, Syn, 94: 3: Tafetus Jpinax. Bell. Hift, aquatil. pag. 69; figure médiocre. Galeus acanthias. Rond, Hit, pifc. L, pag. 373; figure mé- diocre. Salvian. Hift. Pifc. pag. 135$ ; 136; figure aflez bonne. Willugh. Ichth. pag. 56 , tab. B. IV, fig. 1; defcriprion bonne, figure copiée de Salviani. Kéein, Miff. II, pag. 8, n. 1, tab. I, fig. 5:-6 ; figure aflez bonne, Gron. Muf. Ichth. 1, pag. 61, n. 134. . Picked. Dog-fish. Penn. Brit. Zool. tom. III, pag. 88 , tab. V, fig. 2. © Haac. Strom. Sondm. n. 280, L'Aiguillar, Du Ham. Hift. des Pêches , part, II, fe&t. X , pag, 299, $. 4 PL XX , fig. $ , 6; figures faites fur un individu trop féché. 23. Le Sagre. I a le ventre noirâtre & plus rude quele dos les narines placées prefque au bout du mufeau, Ces caractères fervent à le diftinguer de l'aiguillarr, auquel il eft d’ailleurs entièremeut femblable. Gronovius a confondu ces deux efpèces. On trouve le Sagre dans l'Océan, jufques vers la Norvége, & dans La Méditerranée, fur-tout fur les côtes de l'Italie, Il paroît que les Anciens ne l'ont point connu. Squalus (Spinax ) pinné anali nullé , dorfalibus fpinofis , naribus tere minalibus. Linn. Syft. Nat. tom. I, pag. 398 , 3. Arted. Syn, 95, Galeus Acanthias , S. Spinax fufeus. Willugh. Icht. pag. $7. Muflelus S. Spinax. Edward, av.t. 288, fol. 1—3. Ligue (niger). Gunn. A&, Nidr. tom. IT, pag. 2133 tab, 7, 8. . L'Ecailleux, H n’eft décrit.dans aucun Auteur, & nous ignorons dans quelle mer il a été pris. Les écailles dont fon corps eft couvert font plus grandes que celles d'aucun autre chien de mer. Ce caractère, qui Le diftingue effentiellement , nous a engagés à le nommer l'Ecailleux 3 il a du refte beaucoup de réfflemblance avec le Aumantin. Le corps étoit gros & arrondi fur les côtés, le mufeau alongé & applati ; l'ouverture de la gueule étoit de grandeur médiocre & arquée; les dents étoient prefque carrées & anguleufes fur les bords ; celles de la mâchoire inférieure écoient plus grandes : les narines étoient grandes, & prefque ÿ28 ‘OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, : également éloignées du bout du mufeau & de l'ouverture de la gueule; un lobe membranèux les recouvroit en partie; les yeux étoient oblongs , pla- cés au-deflus de l'ouverture de la gueule; & au-devant des trous des tem- pss, on voyoit cinq évents de chaque côté. Les nageoires pectorales étoient médiocres, & fe rétrécifloient vers leur bafe; elleséroient également éloignées de l'ouverture de la gueule & dela première nageoire du dos; les nageoires dorfales étoient de forme alongée; elles eccu= poient la plus grande partie du dos & chacune étoit arméed’un os pointu, placé vers le milieu. La première étoit la plus grande , fa partie poftérieure étoit longue & étroite; la feconde étoit firuée au delà de laplomb des abdominales ; celles-ci étoienc très-rapprochées de la bafe de la nageoire de la queue, & leur forme approchoit d’un demi-ovale; il y avoit au- deflous de la qieue une nageoire qui formoit d’abord un lobe arrondi, & qui fe dilatoit enfuite vers l’extrémité. Le corps éroit couvert d'écailles; elles éroient ovales, marquées dans leur milieu d'une ligne longitudinale faillante, Nous n’en avons jamais vu d'aufli grandes fur aucun chien de mer ; fa longueur étoit de 3 pieds. Nous l'avons décrit au Cabinet duRoi, 25. Le Humantin. Sa forme triangulaire le diftingue aflez de rous les autres poiflons de cette famille. Bellon a cru que c'étoit le y/pecula des ‘Anciens, Rondelet prérend que c’eft une erreur , & il la relève avec beau- coup d’aigreur, fous prétexte, dit-il, que fa forme eft un obftacle à ce que les petits puiflent entrer à volonté dans l’eftomac des gros, comme les Anciens le rapportent de leur vu/pecula, Rondelet veut encore donner une idée peu favorable des figures que Bellon a publiées de ce poiffon, &.il ofe engager le Lecteur à les comparer à celle qu'il en a donnée, la- quelle eft cependant beaucoup plus imparfaité. = Nous ne favons pas que ce poiffon ait été pris ailleurs que dans la Mé- diterranée ; il vit dans la vafe, & c’eft peut-être aufli ce qui lui a faie donner, & particulièrement en Provence, le nom de porc. Sa chair eft très-dure ; il eft prefque impoflible d’en manger ; fa peau eft chargée de tubercules très-dures : on fait de l'huile de fon foie, L'ouverture de la gueule eft très-petite; les nageoires dorfales font grandes, & la feconde eft fituée à lPaplomb des abdominales. Squalus (centrina) pinnd anali nullé , dorfalibus Jpinofis, corpore fubtriangulari: Lynn. Syft. Nat. tom. [ , pag. 398, 5. Arted. Syn. 95 » 5: Vulpecula. Bellon, Hift. aquatil , pag. 93, 64 Centrina. Rond. Hift. pifc. [, pag. 384. Salv. Hift. pifc. pag. 156, 157. Willugh. Ichth. pag. 58, tab. B. r: B. 2; figures bonnes, copiées de Salviani. 26. La Liche, Cette efpèce vient du Cap Breton; nous ne la croyons décrite dans aucun Auteur ; elle reflemble aflez à l’aiguillat | mais elle ea différe par, {es nageoires dorfales , qui font privées d’aiguillons , & les abdominales SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 128 abdominales , qui font très-rapprochées de la queue. La feconde nageoire du dos eft plus grande que la première ; ce qui fert à la diftinguer de toutes les autres efpèces. Le corps étroit arrondi, la tête groffe, & le mufeau court & obtus; [a gueule éroit armée de plufieurs rangs de dents oblongues , aiguës ,compri- mées ; les plus grandes étoient dentelées fur les bords; les narines étoient grandes , & placées fur les côtés du bout du mufeau; les yeux étoient grands, & plus près des narines que du premier évent ; Les trous des rempes éroient grands & éloignés des yeux : on voyoit de chaque côté cinq petits évents ; les deux derniers étoient plus rapprochés ; les nageoires de la poitrine étoient prefque ovales, &à peu près également éloignées de l'ouverture de la gueule & de la première nageoire dorfale. Celle-ci étoit firuée avant le milieu du corps, & fe trouvoit un peu plus rapprochée des na- geoires pectorales que des abdominales ; la feconde du dos écoit plus grande que la premiere ; elle étoit placée un peu après l'aplomb de la na- geoire de derrière l’anus; les nageoires abdominales étoient grandes & très- rapprochées de la queue. La nageoire de derrière l’anus manquoit; celle qui fe trouvoit à la queue étoit alongée & lancéolée ; la peau étoit cha- grinée & recouverte de petites écailles anguleufes ; il étoit long de 3 pieds. Nous l'avons décrit au Cabinet du Roi, . 27. L'Ange. Il tient en quelque forte le milieu entre les chiens de mer Ge les raies , auxquelles il reffemble beaucoup par fon corps qui eft ap- plati, la grandeur de fes nageoires pectorales , & la forme de fa queue, Les évents font très-grands & très-rapprochés : on apperçoit un petit tu- bercule au bout de La langue, Ces caraëtères , à les confidérer ftriétement, pourroient peut-être fufire à faire de ce poiflon un genre particulier. Gronovius a été de ce fentiment, dans fes notes fur le neuvième Livre de Pline; mais nous croyons qu'il a d’ailleurs trop d’analogie avec les chiens de mer , pour devoir le féparer de ce genre , & qu’il vaut mieux le regarder comme une efpèce qui joint la famille des chiens de mer à celle des raies. La forme de fes nageoires pectorales , qui font très-larges, & qui reflem- blent à desailes étendues, lui a valu le nom d'ange, & dans quelques Provinces, celui de moine. Il nage en troupe, & fe tient le plus fouvent caché dans la vafe, Il fe nourrit de petits poiflons, & devient quelquefois très-gros; fa chair, moins mauvaife que celle des autres chiens de mer ,a un goût qui approche de celui des raies. Sa peau étoit employée déjà du temps de Pline (1) dansles Arts. On le pêche dans l'Océan & la Méditerranée, Il eft trop connu & fa forme trop caractériftique, pour que nous croyions nécef- faire d'en donner une defcription détaillée. Squalus (Squatina) pinné anali nullé, caudæ duabus ; ore terminali ; naribus cirrofis. Lin. Syft, Nat. tom. I, pag. 398 , 4. Arted.Syn, 95, 6« NE) {1) Qua ligna & ebora poliamtur. Lib. IX, cap. 12. Tome XXV1, Pare, 1 ,1785. FÉVRIER, 5] * 430 : OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, Squatina Bellon , Hift. aquatil. pag. 78. ÆRondeler. Hift. pifc. [, pag. 367. Salviani. Hift. Pifc. pag. 151, 152 ; figure affez bonne. Willugh. Ichth, pag, 79, tab. D, 3; figure copiée de Salviani. Squalus , capite plagio' plateo lato , ore in apice capitis , naribus cirrofis Gron. Zocph. pag. 151. Angel-Shark. Penn. British, Zool, tom. IT , pag. 86 , tab. 12, n, 39. L'Ange. Du Ham. Hift. des Pèches, part. II, feét. 9, pag. 291, PL XIV ; figures bonnes. Parmi les efpèces que nous venons de décrire, il ne s’en trouve qu'une qui a fix évents, &une autre fept. Dans quelques-unes , ke quatrième & le cinquième évent font fi rapprochés, qu'ils paroiflenc n'en faire qu'un. Cependant Linné & quelques autres Naturaliftes ont fait du nombre des cinq évents un caractère eflentiel de ce ‘genre, parce qu'ils n’ont point conpu les efpèces dont nous venons de parler, Parini celles dont nous avons. fait mention , deux n’ont qu'une feule nageoire dorfale. Cette ftruc- ture eft très-remarquable dans les poiflons, de cette famille, & il eft fin- gulier que les Auteurs n'aient point connu ceux-ci, quoiqu'ils fe trou- vent dans la Méditerranée, Linné rapporte Les chiens de mer à une claffe qu'il nomme amphibia, & à un ordre de cette même clafle qu'il appelle zantes. Les poumons & les ouies forment, fuivant ce Naturalifte , le caractère diftin@if de cet ordre; mais cette divifion ne fauroit avoir lieu , d’après l'infpection anatomique, qui nous apprend qne tous les genres, de cette famille font totalement privés de poumons. Linné a été induit en erreur par le Docteur Garden , qui ayant difléqué des orbis épineux (Diodon), avoit obfervé des organes affez confidérables , reffemblant à des poumons, & qui pa- roifloient propres, par leur ftructure , à recevoir de l'air. D’après certe fuppofñition, il fut forcé , par l’analogie, de mettre dans une même claffe les chiens de mer ; les raies , & les autres cartilagineux, Le finus veineux dans ceux-ci eft très-confidérable , & reffemble en quelque forte à des poumons. Certe ftruéture ; comme la très-bien obfervé M. Vicq- d'Azyr (1), auroit pu en impofer aux Naturaliftes, : Les organes que le Docteur Garden a pris pour des poumons , reçoi- ventà la vérité de l'air; mais leur ufage fe borne à rendre le volume du corps de ces animaux plus ou moins confidérable , fuivanc qu'ils veulent s'élever où s’abaifler. Les poiffons de cette famille, qui n'ont point cette faculté , font aufli privés de ces parties. D’après l'examen que nous avons eu occafñon de faire:fur plufieurs , ils nous ont paru moins celluleus SH ut 006 nb PUQE JAN CNE EPP (1) Mém. des Sav. éuang. ann, 1773 ; pag: 31e Lil ns SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 131 que des poumons, & reflemblant en quelques façon à des velies ran- gées en grappe. Nous ne croyons pas hors de propos de remarquer que Linné a placé dans cette famille quelques genres, tels que ceux qu'il nomme lophius cy- clopterus ,-& nf , qui doivent en être exclus, l'ouverture de leurs ouies érant en partie fermée par une membrane rayonnée. Qu'il nous foit permis d’ajouter encore une obfervation avant de ter- miner ce Mémoire. La dénomination de poiflon a été prife dans prefque autant d’acceptions différentes qu'il y a eu d’Ichthyologiftes. Il nous paroît néceflaire de fixer le caractère effentiel de cette clafle, en n’y admettant que les animaux qui ont le cœur compofé d’un feul ventricule & d’une feule oreillette, le fang rouge , & dont la refpiration s'exécute au moyen des ouies, * ÉSRIE. BL UR el LE (Ne C1 :S POUR RECONNOITRE LE VERT-DE-GRIS CONTENU DANS LES CIDRES; Par M. MESA1ZE, Apothicaire-Major de Y'Hôrel-Dieu de la Santé & de l'Amirauté de Rouen , Démonffrateur en Chimie | Membre de L'Aca- démie des Sciences , Aris & Belles-Letres de la même Ville: Lues à l’Académie des Sciences le 28 Avril 1784. ss expériences que j'ai publiées fur les cidres en 1780, ne font reconnoître que les préparations de plomb, de terres calcaires, & la cendre qu’ils peuvent contenir. J'ai mis deux grains de vert de-gris dans une pinte de cidre contenant une grande quantité de terre calcaire , jai laiffé le mélangé pendant vingt- quatre heures; alors j'ai goûté de ce cidre, il m'a paru n'avoir aucun «goût défagréable. J'en ai fait goûter à plufieurs Marchands qui l'ont trouvé de même. J’ai rempli un verre à vin, & mis dedans un barreau de fer nouvellement limé ; je l’aflaiflé féjourner pendant dix heures ; enfuice retiré:, il s’eft trouvé recouvert de cuivre. D'un très grand nombre d’ex- périences que j'ai teñtées , c’eft la feule qui m'a fait reconnoître la pré- fence du cuivre en aufli petite quantité , puifqu’il ’entreroit que 2 onces 3 gros 32 grains par tonneau de 350 pots ou 700 pintes de Paris. Operation. Verfezle cidre que vous foupçonnez dans un verre; mettez-y Tome XX VI, Part. I, 1785. FÉVRIER. R 2 132 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, un barreau de fer limé à neuf, & laiflez-le féjourner pendant dix heures; alors retirez-le, vous aurez toute la furface du fer recouverte par le cuivre précipité fous fon brillant métailique; preuve qu'il y a dans ce cidre un {el à bafe cuivreufe ; & fi la furface du fer ne fait que fe rembrunir , c'eftune preuve que le cidre ne contient pas de vert-de-gris. PS CEE SEE ES ET IL CEST PI PE EP PTE IP ITU EEE DE LSACTRI-I NP UF IUONMN DES DIFFÉRENTES ESPÊCES DE PHOQUES; Par J. LEPECHIN. UOIQU'ON trouve par-tout, non feulement dans les mers , mais auñfi dans les rivières, des troupeaux de phoques ; cependant, par ce qu'en ont écrit des gens à fyftème, & par les relations des Voyageurs , nous voyons que leur hiftoire n’eft pas encore parfaitement connue; car le cé- lèbre Linné , plus fyflématique que perfonne , prétend qu'il n’y a qu’une feule efpèce de phoques proprement dite. L'infatigable Sreller,. qui a vu différentes efpèces de phoques, ne paroït les prendre que pour des variétés ; car il dit (1): « Il y a une certaine analogie entre les « animaux marins & ceux de la terre. On en trouve par-tout, qui, felon » la différence du climat & des alimens, changent ou leur feule grandeur >» ouleur couleur, ou la nature de leurs poils ; & après un long féjour, » eur efpèce même. Tranfportés dans un autre climat, s'ils y reftent # long-temps, ils perdent encore leur différence fpécifique, & reprennent » leur première. Le même , page fuivante : « Detous Les animaux marins, il n'y aque » le phoque qui fe trouveen tout temps, non feulement dans tout l'O- » céan, mais encore dans la mer Baltique , Cafpienne , & dans les lacs 5 Baïkal & Oron. Il y a pourtant cette différence, que le phoque ; très= » commun dans l'Océan, eft diftingué de tous les autres par une couleur » fpécifique : il a un poil noirâtre; & fur le milieu du corps, une très- » grande tache couleur de marron, qui couvre le tiers de fa peau. à » Mais, à raifon de la grandeur, je diftingue trois efpèces de phoques. = Les plus grands le font plus qu’un tauxau, & font appelés par les » habitans de Kamfchatka, le /achrac; ceux, de moyenne grandeur , qui, = comme les tigres, ont une infinité .de petites taches; les plus perits EE {1) Nov. Comment, 4 S, Perropolir. tom, Il, pag: 287. L SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. ‘3 # comme ceux de l'Océan, qui fe trouvent dans la mer Baltique, près du ». port d’Archangel, dans la Suède, la Norvège, l'Amérique, & à Kamf- » chatka ; & ceux qui habitent les lacs d’eaux douces, qui n’ont qu'une » feule couleur , comme dans le lac de Baiïka! , leur couleur eft ar- » gentée ». D'après cela, il eft aifé de conclure que Steller ne diftingue les trow- peaux de phoques qu'il a vus , que par leurs variétés , & non par leur efpèce propre. Mais il y en a d’autres qui comptent plufeurs efpèces de phoques, & toutes différentes. Cranzius nous en donne cinq (1); Olafsens parle de différens phoques (2), Pontopidanus prétend en connoïtre quatre (3), Hallenius en compte tout autant (4), enfin, Parfon en diftingue quatre efpèces (s). Pour mettre à peu près d'accord tant d'Auteurs partagés fur l'hiftoire des phoques, je vais à mon tour en dire ce que j'en ai appris en voya® gant fur la mer Blanche. Comme golfe !principal de, l'Océan glacial, ue de toutes parts par beaucoup d'Ifles, de hautes montagnes, où même par le continent , qui eft d’une certaine élévation, elle eft moins expofée aux tempêtes. Comme elle fe trouve la majeure partie de l’année cou- verte de glaçons fottans ; comme elle abonde en poiffons de toute efpèce, elle eft pour les phoques marins une retraite plus tranquille & plus avan- tageufe. Il y a une efpèce de phoque (c’eft le veau marin. Linn. ) qui “habite en tout temps de l’année; d’autres ne s’y retirent que pendant Fhiver (c’eft le phoque Ruffe, Krylarca ); d’autres enfin , pendant l'été feulement, y montent avec le flux , & en redefcendent avec le reflux , pour s'engraifler plus aifément, Cette efpèce de phoque Ruffle fe nomme le lièvre marin, Ne me feroit-il pas permis, connoiffant Îes diverfes faifons de l’année où tant de troupeaux de différens phoques fe trouvent raffemblés dans cette même mer, d’en établir les familles, & d'en défigne: les différentes efpèces? La defcription fuivante mettra la chofe dans un plus grand jour, (x) Hift. Groënland, pag. 161 & fuiv. €) Voyages d’Iflande en différens endroits, & fur-tout $. 651 & 652 (3) Hift. Norveg. pag. 237. C4) Hift: Nat. tom. I, pag. 529. (5) Tranfact. Philof. n°. 469 , pag. 838: 434 ‘OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, à PHOQUE DE L'OCÉAN , appelé par les Ruffes Krylarca. Dimenfion des parties externes , réduites à l'échelle Angloife, pieds}pouc. | Lg, a 7" — : À \ ù È Depuis le bout du mufeau jufqu’à la naïffance des pieds antériéurs. à : : : è . 21110 — jufqu’à l'extrémité des nageoires poftérieures. . . | 6] 716 — Jufqu’à la naiffance de la queue. C . $ 1710 La queue longue de E : AU 01513 — Large de ; ï : = 0210 Le pied nageoir poftérieur, long de > k ; 11316 La nageoire du pied poftérieur large-à fa naiffance de | o | 7 | 2 Depuis la naiffance du pied poftérieur jufqu’à la racine des ongles. : : 2 ë È : 11110 L'ongle du premier doigt , long de è = stories = Large de : À - a = : olo!ls La nageoire même des pieds poftérieurs , lorfque les - extrémités font étendues ; large de Û . 11215 Les pieds antérieurs , longs de LES . MAllorl 36 = À la raïiffance de la nageoire , larges de } LÉ o | 4 | 3 La nageoire des pieds antérieurs , {étendue. ë « 07138 | — À la racine des ongles, large de f : 5 o16]|8 Le plus grand ongle, pris extérieurement. J : Co PE VEN Pia La diftance depuis le bord de la lèvre fupérieur jufqu’aux | narines, laroe de + : . . CIE No TER EN LD Ouverture des narines, . : . : : olï|4 De l'extrémité de la lèvre fupérieure jufqu’au grand coin de l'œil. : + : . : o|41|38 Du grand coin de l'œil au petit . . + lol1rl|2 De l'extrémité de la lèvre fupérieure jufqu’aux oreilles. o|8|4 Les foies de fes mouftaches longues de . ONU: La groffeur de fa tête jufqu’aux yeux : - RO ON 1-2 = Derrière les oreilles, c . . 21015 = Du milieu de fon col. ‘ : : . ‘ 2 SUN = De fon corps avant les pieds antérieurs, AAAEATNS — Après les pieds antérieurs. 5 : s 41816 = À lanaiffance des nageoires poftérieures, . : 1 19 Defcriprion. Cet animal marin a exactement la forme d’un phoque commun, ou, comme difent les gens à fyftême , d’un phoque veau marin: il n’en diffère que par la pefanteur de fon corps , qui eft beaucoup plus confidérable, & par la couleur de fes poils. s SURL’HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 135 © Sa tête eft ronde , le bout du mufeau avance un peu en dehors , & eft obtus, La lèvre fupérieure , grofle , grafle, fendue au milieu, eft plus longue que l'inférieure. La lèvre inférieure eft plus aiguë ; l’ouver ture de fa gueule eft petite à proportion de la oroffeur du corps ; car la circonférence de l’ouverture de la gueule, prife de la lèvre inférieure, eft de $ pouces moins 2 lignes; & de la lèvre fupérieure , de 6 pouces moins 2 lig, Il a le nombre fuivant de dents. À la mâchoire fupérieure, quatre in- cifives , qui ont une figure conique très-aiguë : celles du milieu font moindres , celles de côté plus fortes que les canines A la mâchoire infé- tieure , quatre incilives, mais moins aiguës: de chaque côté, près des incifives, à la mâchoire fupérieure & inférieure , une canine plus forte & plus aiguë ; elle eft longue de $ lignes, & recourbée vers le gofier, De chaque côté, fix molaires à trois pointes, la pointe du milieu plus lon- gue & plus forte. Au refte , fes dents font arrangées de facon que , lorf- que l’animal les ferre, il ny a abfolument aucun intervalle entre elles, & que les pointes les plus fortes des dents fupérieures répondent à celles qui le font moins des dents inférieures : auffi, du premier coup de dent qu'il donne für une proie, fait-il une bleffure fi profonde, qu’elle ne peut plus s'échapper. La langue fendue à la pointe, & armée de papilles recourbées vers Le gofier, Les poils de fes narines font placés fur dix rangs différens : les pofté- rieurs & les inférieurs, plus longs que les autres, font blanchâtres, ferrés 3 les antérieurs & les fupérieurs, Éaeou plus courts & plustendres , font RTE très-noirs, Les yeux affez grands, fortant en dehors, l'iris noir , la prunelle bril- lante ; une peau ferme, & elle forme au-deflus de fes yeux une ride qui lui tient lieu de paupière. Au coin antérieur de l'œil eft une membrane qui peut fe cligner , affez ferme, dont l’animal fe fert aifément pour fe parer des accidens & couvrir fon œil. Il a au-deflus du grand coin de l'œil deux poils affez forts , qui ont pour lui la même propriété, Il n'a point d'oreille externe ; l'ouverture eft ovale ; elle eft recou- verte par une peau ridée; il a le col épais de la figure d’un cône tronqué & très-peu diftiné. Les bras enveloppés de la peau de fa poitrine, Les paumes de fes mains font jointes enfemble par des membranes couvertes de poils, L'ex- trémité des cinq doigts , moins diftinéts ; font armés de forts ongles noits, dont l’antérieur eft plus large , le fecond plus long; lés autres vont tou- jours en diminuant : cependant, en général , lils fonc plus forts que ceux des pieds, 136 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, Les cuifles , à la naïffance de la queue, font jointes enfemble , mais elles font plus longues que les bras. Ses pieds font compofés de cinq doigts, qui font joints entre eux par une membrane ferme & nue ; les derniers font beaucoup plus longs; celui du milieu eft le plus petit; ce qui fait que leurs pieds forment une demi-lune. Les ongles font noirs, tendres , mais plus aigus qu'aux mains. Ils ont deux mamelles, mais ne peuvent nourrir qu'un petit à la fois. Sa peau eft dure, épaifle ; couverte de poils courts & très-ferrés ; mais la couleur elt variée dans divers endroits du corps, La couleur de la tête eft d’un marron obfcur, & tirant plus fur le noir ; elle eft plus tendre au- deflus de l'ouverture des oreilles , & plus foncée|au deffous ; le refte du corps eft d’un blanc fale, maisle ventre plus blanc. Sur le dos, vers les épaules , on apperçoit une tache de la même couleur de la tête, qui fe fépare bientôt, & forme une bifurcation qui s'étend fur les deux flancs jufqu'à la région où cft placé le pénis, formant une efpèce de croiflant. En général , la forme de cette tache eft toujours la même, On remarque encore quelques taches de la même couleur, femées irrégulièrement. Tel eft le phoque mâle adulte; mais les petits diffèrent de leurs père & mère, non feulement par la grandeur , mais même par la couleur, La pre- mière année, le dos eft de couleur cendrée & brillante , Le ventre plus blanc, marqué par-tout de petites taches difperfées , noirâtres, tantôt rondes, tantôt oblongues & alors les habitans les appellent improprement les pho- ues blancs. La feconde année, cette couleur cendrée blanchit , les taches s’agrandiflent , & paroïflent davantage , & alors on les appelle les phoques tigrés. Les femelles confervent toujours cette même couleur, feulement Je nombre & Na forme des taches changent ; elles por- tent toujours le même nom; mais les mâles, en avançant en âge, changent de couleur, comme nous les avons dépeints plus haut; & à caufe des taches rembrunjes répandues fur les côtes, on les appelle kry- latka ( phoques ailés ). | Le phoque dont nous venons de parler recherche les plages de la mer les plus froides; aufi ne vient-il dans la mer Blanche que lorfau’elle eft couverte de glaçons ; & à la fin d'Avril, après avoir mis bas & nourri fon petit, il retourne dans le vafte Océan glacial. Les petits reftenc juf- qu’à ce que la glace fe détache des bords; alors ils vont rejoindre leur famille. On en trouve toute l'année, fuivant les Pêcheurs , autour de VIfle que l’on nomme la nouvelle Zemble , oùil y a beaucoup de glace. IL paroît évident que cette Ifle eft celle que Cranzius décrit dans fon Voyage du Groënland, tom. I, pag. 165, n°.2. Voici ce quil dit: «Le phoque, à Attorfoak , dans le Groënland, a la tête faillante , le » corps épais ; il eft d’une graiffe plus abondante & de meilleure qualité: » lorfqu’il SUR L'HIST, NATURELLE ETLES ARTS. 137 » lorfqu'il eft parvenu à fa groffeur, il eft long de cinq aunes ; fa cou- » leur eft blanche; il a fur le dos une grande marque noire , fermée par #> deux taches en demi-croiffant. [l n’eft point d’efpèce de phoque plus >» fujette aux changemens de couleur que celle-ci. En naïflant, elle eft rrès- > blanche & porte un petit duvet ; la première année, elle eft d'un gris » blanc ; la feconde, d’une couleur cendrée; la troifième , il a de petites #» mouchetures; la quatrième, des taches. Lorfqu’à la cinquième année il » a acquis fon dernier degré de grofleur, il a cette grande marque » dont nous avons parlé ». Cranzius, en nous dépeignant le phoque du Groënland comme très- fujet à des changemers de couleur, felon fes différens âges, ne nous laiffe point à douter qu’il ne foit différent de celui dont je parle. Il con- fond certainement les deux efpèces de phoques ; celui de l'Océan & le phoque-lièvre marin, que je vais dépeindre, Les petits de ce dernier font couverts en naiffant d’un poil blanc très-épais ; mais Le petit du phoque de l'Océan refte toujours cendré & tacheté de petites marques noires; en un mot , il paroît évident que notre phoque eft celui que Sreler (1) dit habiter l'Océan , & que la troifième efpèce de phoque eft celle dont parle Krafcheninnicovius (2). Or pêche le phoque de l'Océan pour en avoir la peau & la graifle. La peau des adultes fert à faire des couvertures ; celle des jeunes, dans L’Ifle de Solovki , fert à faire des bottes. Elle a cet avantage fur celle des ’ veaux , que lorfqu'elle eft bien préparée elle prend plus difficilement l'humidité, La graifle fert aufli aux Corroyeurs. + LE PHOQUE-LrÈvVRE. Nous avons déjà dit que le phoque - lièvre n’habite la mer Blanche que pendant l'été, & qu'il monte & defcend les fleuves qui y ont leur embouchure; par conféquent il eft différent du phoque de l'Océan, Voici maintenant fes marques diftinétives. pa A: (1) Nov. Comm. A. S. Perropolir. tom. Il, pag. 290. (2) Defcrip. Kamtfch. tom. 1, pag. 262. Tome XXVI, Part, 1, 178$. FÉVRIER, S “#35 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, DIMENSIONS. La longueur de l'animal, depuis le bout du mufeau jf: jPids-pous. | lis. f qu'à l'extrémité de la queue. £ : TIRE RENNO = Jufqu’à la naiffance de la nageoire poltérieure. NRC RO = Jufqu'aux bras, : : : - « [2/10o/})o Dubord de la lèvre fupérieure jufqu’au grand coin de l'œil, 2 : : e L Où Ie Du grand coin de l'œil au petit. c . . 0 | 112 Du bord de la lèvre fupérieure à la racine des oreilles. | o | 8 | 6 = Jufqu'aux narines. ë : . : er en Fe “Sa queue eft longue de =: : . . RL Eu te = Large à la naïffance de F 5 : at SCC) ee Co Le pied nageoire poftérieur long de ; ; - o |1r | 4 | La nageoire du pied poftérieur , à fa naïflance large de ‘16 N'oif De la naiffance du pied poftérieur à la racine des ongles. o | 8 f10 Le grand ongle du premier doigt long de - : 0019 — Le même, large de ; L . x € oo} La nageoire des pieds poftérieurs, dans toute fon éten- ue, large È à Tri À CO] LE 498 PL Mo) Les pieds nageoires antérieurs longs de . 01613 = Jufqu'à la naiffance des ongles. : ‘ HFOMEAIRO Le grand ongle, autant qu'il eft faillant , long de HONTE EEANE — Large de : : : - e . o0[0|6{ Les foies les glus longués de fes mouftaches. : : OS NIOVE L'ouverture de la bouche mefurée de la lèvre fupérieure. -| o | 9 | 5 | — De la lèvre inférieure : : , o | 7 JII L'épaiffeur du mufeau ‘ « . . AMC A TT — De la tête, en la prenant des yeux. UT ANA SRE = Enla prenant des ôteilles : , « . 11716 = Du corps avant les bras . nie ‘ 4.| 210 ==— Derrière les bras. « : TIQUE PRE PT LS 1 AC) = Jufqu’àla naiffance des pieds poftérieurs. NN RE © Defcription, D'après ces dimenfions, il eft évident que le phoque que nous avons à dépeindre reffemble beaucoup , par fa forme & fa gran- deur , à celui de Océan. Il eft pourtant certaines marques qui les dif- férencient. Il a fur tout fon corps un blanc fale mêlé d’un peu de jaune ; mais ilneft jamais moucheté. Ses poïls font plus longs , ils ne font point {errés, ils fe tisnnent droits. Le poil des jeunes fur-tout, par {à SUR:L'HIST. NATURELLE ETLES ARTS. 739 longueur , fa flexibilité , & fa blancheur , refflemble à celui des lièvres ; de "là leur dénomination. Sa tête n’eft pas aufli grande que celle du phoque de l'Océan, mais elle eft alongée'; la lèvre fupérieure eft plus grofle & aufli épaifle que celle d’un veau ; fes yeux font étincelans , la prunelle noire; fes dents font ran- gées & en même nombre que celles du phoque de l'Océan; mais elles font beaucdup plus fortes. Les poils de fes narines fe trouvent différem= ment diftribués ; ils font placés fur quinze rangs; ils font épais & forts, & tombent de toute part fur la partie antérieure de la lèvre fupérieure: aufli cette efpèce de phoque paroît-elle barbue. Ses bras font beaucoup plus foibles , fes mains petites, ferrées , & comme coupées, La membrane qui unit les doigts ne forme point une ir elle eft égale par-tout; fa queue eft plus courte & plus épaifle. 4 Mais ce par où il eft le plus diftingué, c’eft par fa peau , qui eft qua- tre fois plus épaifle que celle du phoque de l'Océan. Celle d’un animal qui vient d'êtretué a $ lignes d’épaifleur; il reflemble, pour le refte, au phoque de l'Océan. Nous ne voyons nulle part que le phoque-lièvre foit différent des autres : cependant Cranzius( comme nous l'avons déjà remarqué ) paroît l'avoir confondu avec le phoque de l'Océan. Il eft affez évident qu'Olaf- fens , dans fon Voyage d'Irlande , tom. XXXIL, fig. 2, nous le donne fous le nom de jeune phoque kopur. On tue le phoque-lièvre pour en avoir la graifle & la peau. Sa graifle a la même propriété que celle du phoque de l'Océan; mais fon cuir, à caufe de fa fermeté & de fon épaifleur, fe coupe en ligne fpirale; & parle moyen d’un poids que lon fufpend à l'extrémité, elle devient droite ; alors on s'en fert pour faire des lanières & des rênes. On travaille la peau des plus jeunes. Les poils portent une couleur noire; on en fait des chapeaux qui imitent le caftor ; mais le poil eft beaucoup plus tude: ils durent long-temps, & fe gâtent difficilement, sn Tome XXVI, Part, I, 178$. FÉVRIER, S: 49 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE); ro) LETTRE DE M. LE Baron DE MARIVETZ, SERVANT DE RÉPONSE A CELLE DE M. SENEBIER, Inférée dans le Journal de Juillet 1784 , pag. 75. 1e vous fais des excufes, Monfieur , de la longueur de ma précédente Lettre. J'ai voulu analyfer vos idées ; j'ai cru néceffaire de rapprocher de chacun de vos principes les déduétions qui doivent s'en tirer, les appli- cations que l’on doit en faire. Je ne connois qu'une manière de traiter les Sciences ; c’eft d'embraffer l’univerfalité des rapports , de fuivre l'effet des lois de la Narure dans toute l'étendue de fon domaine, Celui qui ne connoîtroit qu’une très-petite province d’un grand Empire, ne feroit point en état de donner la topographie de cet Empire. Nos Ouvrages de Phy- fique fourniflent tous plus ou moins de preuves de cette vérité ; ils ref- femblent infiniment à ceux de plufieurs Médecins qui adoptent particu- lièrement telle ou telle efpèce de cachexie , à laquelle ils rapportent tou- tes les maladies, Chacun de ces Ouvrages peut être bien fait; mais fuffent.ils tous très-bien raifonnés,très-conféquens, féparés jamais ils ne préfenteronc l'hiftoire du corps humain dans l’état de fanté, ni dans celui de maladie, La Phyfique ne fera véritablement une Science, que lorfque tous les effets naturels fe déduiront clairement d'un feul & même principe évidemment démontré. Tel eft le but que j’ai ofé me propofer. L Je fuis très-fiché, Monfeur , que vous ayez cru reconnoître l'amour de la difpute dans un écrit où j’avois. efpéré que vous ne verriez que le prix que j'attachois à difcuter mes idées avec un Savant tel que vous, Pour toute réponfe ,vous me citez une propoftion de Newton. Si, dans ce fiècle , les autorités pouvoiert fuppléer à des raifons, la vôtre me fuf- zoit; mais l’opinion de l’homme le plus célèbre dans les Sciences , n’efE pas difpenfée de preuves, & une pétition de principe n'eft pas une dé- monftration. Newton a vu que les planètes n’éprouvent point de réfiftance dans leur marche ; il en a conclu.qu'elles n’éprouvent point d’obftacles de la part du milieu qu'il fappoloit qu’elles traverfoient; donc , a t-il dit, ce milieu eft vide. J'ai dic , les planètes font emportées par le milieu dans leque a SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 141 elles nagent ; donc elles ne peuvent éprouver de réfiftance de la part de ce milieu , comme le bateau n’en éprouve point de la part du fleuve dont le courant l’entraîne & le dirige. J'ai raifonné d’après un principe certain & démontré; j'ai conclu d'après une analogie très - jufte & très- claire. Je vous demande à préfent , Monfieur, s’il eft jufte de m'oppofer le raifonnement de Newton? D'un fait certain , il a été conduit à une hypo- thèfe chimérique, & qu'il rejette fouvent. J'explique ce même fait par une analogie claire & parfaitement fatisfaifante. C’eft l’admiflion du plein , tel que je Le préfente, qu'il faut attaquer par des argumens directs. Permetrez-moi de vous obferver que Newton n’a point démontré ma- thématiquement l'impoflhbilité du plein. Il a démontré mathématique- ment qu'un corps perd de fon mouvement en traverfant un milieu qui lui réfifte ; & aflurément fa démonftration eft parfaitement claire, Il en a conclu que les efpaces céleftes font vides: cette conclufion n’eft poine mathématique. Déduire de cette conclufion très-précaire , qu’un corps ne peut être emporté par un fluide, fans éprouver de retardement de la part de ce fluide, ce feroitune fingulière logique ; ce feroit dire que Newton a démontré mathématiquement l'impoflbilité de ce que l’on obferve clai- rement & évidemment tous les jours. : Je crois avoir prouvé phyfiquement l'impoflibilité du vide. Je regarde , avec le célèbre Euler, le vide comme abfolument inadmif- fible | & perfonne n'attaque mes preuves. Jai fait plus; j'ai prouvé que le grand homme qui a fuppofé le vide, & dont les difcioles l’admettent comme démontré par lui , n’y croyoit pas. J'ai cité plufieurs paffages de fes Ouvrages , qui le prouvent, Je vous renvoie à fon avertiffement fuf Fédition de fon Traité d’Optique , année 1717 , aux queftions de ce même Traité, depuis la XXL° jufqu’à la XXIV®; vous verrez que Newton a rejeté feulement un milieu denfe que les planètes traverfoient par leur force d’impullon ; milieu effeétivement inadmiffible, Vous verrez qu'il admet un milieu très-élaftique , éminemment élafti- que, 490 milliards de fois plus élaftique que- notre air vulgaire, & qui remplit l’efpace. S5 la force élafflique de ce milieu ef? exceffivement grande, dit-il, queft. XXI , ele peut fuffire à pouffer les corps des parties les plus denfes de ce milieu vers les plus rares, avec toute cette puif[ance que nous appelons gravite; & il ajoute , queftion XXXI, ce que j'appelle ici attrac- tion peut être produit par impulfion ou par d’autres moyens qui me font in- connus. Rapprochez ces aveux de ce qu'il dit dans fon avertiffement de l'édition Angloife de fon Traité d'Optique. J'ai inféré quelques nouvelles queffions à la fin du troifième Livre; & pour faire voir que Je ne regarde point la pefanteur comme une proprieté effentielle des corps , j'ai ajouté une quef- tion en particulier fur la caufe de la pefanteur , ayant propofe tout exprès en 142 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, forme de queflion ce que je voulois dire la-deffus , parte que Je n'ai pas pu me fatisfaire encore fur cet article, faute d'expérience. Avant d'ériger en affertion ce que votre Maître n’ofoit mettre qu’en queftion , ajoutez donc , Monfieur, ce qui lui manquoit encore, de fon propre aveli. J'ai, autant qu'il m'a été poflible, fuppléé à ce qu'il défiroit; le temps, les travaux des Savans me l'ont fournis & lorfque j'ofe croire. avoir, dans fes principes mêmes , réfolu fa queftion, vous m'oppofez cette même queftion comme une affertion qui me condamne | En vérité, vous me donnez trop d'avantage, Newton a laiflé une queftion ; j'y réponds, Si ma réponfe ne vaut rien , attaquez-la; mais que ce foit par des argumens direéts. Ceffez donc, Monfieur , de m'oppofer Newton, puifque vous ne le pouvez qu’en le mettant en contradiction avec lui-même , ou , fi vous voulez trouver ma condamnation dans fes principes , étendez -les plus qu'il n’a ofé le faire; ajoutez-y ce qu'il reconnoifloit [ui manquer en- core ; & lorfque vous aurez prouvé que je fuis en contradiction avec lui , je Le citerai, ainfi que vous, au tribunal de votre propre raifon & de vos lumières. Je compte aflez fur elles & fur votre noble franchife , pour croire que vous ne ferez ni aveugle ni injufte dans votre propre caufe. Vous le feriez , Monfeur, fi vous doutiez de la fincérité de mon eftime & de ma haute confidération; ce feroit faire injure à mon jugement, & je vous renouvellerai toujours, avec autant de plailir que de fincérité, l'af- furance de tous les fentimens diftingués , & celle du parfait attachement ayec Lequel j'ai l'honneur d'être, &c. AE) MÉMOIRE SUR: OU EL QUES 2F LU LD;:E4S Qu'on peut obtenir dans l'etat aéroftatique , à un degré de chaleur peu fupérieur à la température moyenne de la terre ; Par M. LAVOISIER,. Jar fait voir qu'un aflez grand nombre de fubftances de a Nature font naturellement dans l’état de fluide aériforme conflant à un degré de chaleur inférieur à la température moyenne de la terre. Tels font l'acide crayeux, l'acide marin , Lalkali [volatil ,1 & plufieurs autres, Ces différentes fubftances ne peuvent exifter que SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 14% fous forme d'air , au degré de chaleur & de preffion dans lequelnous vivons, & on ne peut les obtenir dans l’état de concrétion ou de liquidité, qu’au- tant qu'on les combine avec de l'eau , ou avec quelque autre corps avec lequel elles ont de l’affnité. J’ai fait obferver , dans ce même Mémoire, SRE l'acide marin en liqueur n’étoit autre chofe que de l’eau imprégnée ‘air matin; que l'alkali volatil Auor n’étoit autre chofe que de l’eau im- prégnée.d’air alkalin ; & ces différentes confidérations m'ont conduit x éta- blir une nomenclature nouvelle, & à diftinguer l'acide marin aériforme & l'acide marin en liqueur, l’alkali volatil aériforme & lalkali volatil en liqueur, l'acide crayeux aériforme & l'acide crayeux en liqueur, &c. I! me refte à entrerenir aujourd'hui l'Académie de quelques fluides qui font fufceptibles de fe vaporifer à un degré de chaleur trés-voifin de celui dans lequel nous vivons: tels font l’éther, l’efprit-de-vin, & l’eau. ExPériENCE L°. Transformation de l'éther vitriolique en fluide élaflique aériforme. Nous avons déjà établi, M. de la Place & moi, dans un Mémoire Ju à l’Académie en 1777, que l’éther fe vaporifoit à une température de 32 à 33 degrés d’un thermomètre de mercure divifé en 8$ parties, de- puis la glace fondante jufqu’à l'eau bouillante ; le baromètre étant à 28 pouces de hauteur. On conçoit que, d’après cette obfervation, rien n'étoit plus facile que d’obtenir lécher fous forme d'air, & voilà le pro- cédé qui m'a paru le plus fimple pour y parvenir. Je fais chauffer de l’eau de la cuve dans laquelle j'ai coutume d’opé- rer à la manière de M. Prieftley , jufqu'à ce qu'elle ait acquis 35 à 36 degrés du thermomètre. On peut encore tenir les mains plongées pen- dant un aflez long intervalle de temps , dans l’eau qui a été portée à cette température, Je remplis d'eau , àla manière ordinaire , des cloches ow- jarres que je renverfe ; mais au lieu de les pofer fur une tablette pla- cée à 1 pouce ou 1 pouce = au-deffous de la furface de l’eau, comme le pratique M. Prieftley ; je les tiens entièrement plongées dans l'eau & recouvertes de ce fluide, afin qu’elles confervent toujours une température à peu près -égale à celle du bain. Les chofes étant ainfi difpofées, j'intro- duis de l’éther dans un très-petit matras dont le col eft recourbé; je plonge ce matras dans l'eau de la cuve , & j’engage l’autre extrémité de fon col fous la cloche. Dès que l’éther commence à fentir l'impreflion de la chaleur , il commence à bouillir & à fe transformer en un fluide élaftique aériforme qui pafle dans la cloche, & on peut ainfi fucceflivement en em plir plufieurs avec une affez petite quantité d’éther. Exp. Il. Znflammation de l'éther aëriforme. Au lieu de recevoir lécher aériforme dans les cloches évafées, on peut 144 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, le recevoir dans un vafe d'un orifice plus étroit; fi enfuite on le bouche avec la paume dela main , & qu'on le retourne, l'ouverture en haut, de maniere cependant que la plus grande partie du vafe foit toujours plon- gée dans l'eau , enfin, qu'on en approche une lumière, il s’enflammera à l'inftant, & brüle paifiblement à fa furface , à la manière de l'air inflam- mable. Exe. IT. Mélange de l'éther aériforme avec l'air vital, Cette combultion de l’éther aériforme , qui eft fucceflive & lente lorfqu'il eft feul , fe fait d’une manière inftantanée lorfqu'on le mêle avec de l’air de l’atmofphère , ou mieux encore avec de l'air vital (1). Si cette opération fe fait dans une bouteille , il fe fait une forte détonation à l’inftanc où la flamme eft communiquée , précifémient comme il arrive avec l'air inflammable des marais , & avec celui retiré des métaux par les acides, Une circonftance remarquable de la combinaifon de l’écher aériforme avec l'air de l'atmofphère, avec l’air vital, & avec plufeurs autres , c’eft qu'il en réfulte un Auide élaftique conftant , qui n’eft plus fufceptible de fe condenfer , même à une température fort inférieure à 32 degrés. Exe. IV. Précipitation de Peau de chaux par le réfidu de la combuflion ‘de léther aériforme. Si, pendant que l’éther aériforme brûle dans une bouteille, on y in- troduit de l’eau de chaux, elle eft fur Le champ précipitée; d'où il ré- fulte que la combinaifon de l’éther avec l'air vital , forme de acide Crayeux. k Exp. V. L'éther aériforme n’eft pas plus propre que tous les autres airs à la refpiration des animaux, & ils y font fuffoqués à l'inftant même où ils y font plongés. Conféquences de ces cinq expériences. Il réfulte de ces expériences, & fur-tout en les rapprochant de celles dont M. de la Place a déjà rendu compte, S 1°. Que lécher eft très-près de ne pouvoir exifter dans notre planète ue dans l’état d’air inflammable , & qu'on peut à volonté l'avoir , ou 4 l'état de liquide, ou dans l’état de uide aériforme, fuivant le degré de chaleur auquel on l'expofe. 2°. Que fi la pefanteur de notre atmofphère étoit telle que le mercure, dans les plus grandes élévations du baromètre, n’excédât pas 20 ou 24 pouces de hauteur , nous ne pourrions obtenir d’éther dans l'état de li. maquide ; que tout celui qui feroit formé demeureroit conftamment dans (x) C’eft le nom que l’Hiftorien de l'Académie ( M. le Marquis de Condorcet) donne à l’air déphlogiftiqué de M. Prieftley, & que-j’ai cru devoir adopter ; d'après lui. l' etar SUR L'HIST, NATURELLESET. LES ARTS. x4$ Vétat aériforme , & donnéroit une efpèce patticulière d'air inflam- mable, 1q 3°. Que la formation de l’éther par les appareils, ordinaires feroit par conféquent impollble fur des montagnes un peu élevées , & qu'il fe con- vertiroit en air inflammable à mefure qu'il feroit formé , à moins qu'on n’employât des ballons très- forts, :&° qu’on ne réunit la compteflion au refroidiflement , pour le condenfer. & 2 51: 4°. Que l’éther fe vaporifant, ou plutôt fe transformant en fluide aéri- forme au degré de chaleur du fang humain , il ne peut exifter dans l’éco- nomie animale que dans l’état d'air inflammable; d'où l'on peutconclure, avéc beaucoup de vräifemblance , qu'une partie des efférs que produit l’é- ther , employé comme médicament, tient au paflage de ce liquide à l'état aériforme, 2 3 5°. Que le paflage de lécher en liqueur à celui d’éther aériforme, étant toujours accompagné d’un refroidiffement confidérable , ce refroidiffement a néceflairement lieu dans les premières voies, & qu’il eft encore probable que c’eft en partie à cette circonftance que font dues les propriétés calmantes de l’éther. CLR 6°. Que, d’aprèsces vues , l’éther doit être un excellentremède pour dé- barrafler les prémières voies des vents qui pourroient y'Étre engagés, pour chafler de l’eftomac les exhalaifons méphitiques; enfin, qu'il.doit Être très- propre à remédier aux effets de l’ivrefle , ou du moins de cértaines ivrefles, Je ne pouflerai pas plus loin ces vues, qui font étrangères à l'objet dont je m'occupe. Heureux: fi j'ai pu ouvrit à ceux qui fe livrent à l’art de gué- tir , quelques (vüés nouvelles fur un effer, pour ainfidire, mécanique de l'é- ther ; qui n'étoit pas encore connu. È TEN Exr. VI. Obtenir l'Efprit de vin dans l'état de fluide aëriforme, Tout ce‘qu'on vient de dire de l’éther peut s'appliquer également à l'efprit de vin : on peut l’obténir de même dans l’état aériforme, & le fourettre aux mêmes expériences que l’éther, en changeant feulement Le degré du baïn dans lequel on opère. Il faut alors que l’eau foit prefque bouillante ; & le fuccès de l'expérience n’eft affuré qu'autant qu'elle atteint le 80° degré d’un thermomètre à mercure, divifé en 85 ; depuis la glace jufqu’à l’eau bouillante, J Si-tôt que l'efprit de vin eft plongé dans un bain à ce degré , il com- mence à bouillir, il'entre en expanfion, il fe vaporife , & fe changeen un fluide aériforme, qu’on peut recevoir dans des cloches, mais qui eft dif foluble dans l’eau. Les expériences fur cet air étant affez embarraflantes , attendu que la chaleur du bain où l’on opère, ne permet pas d’y plonger les mains , & met dans la néceflité d'opérer avec des'pinces , je n'ai pu poulfer très-loin mes recherches, & je me fuis contenté de m'aflurer que l'efprit de vin aériforme étoit encore une efpèce d’air inflammable moins Tome KXVI, Part. I, 1785. FÉVRIER. 146 "OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, combuftible que l'éther aériforme , & qui préfentoirà peu près les mêmes phénomènes. Exp. VIT, Obtenir l'eau dans l'état de fluide atriforme. Le. paflagé de l'eau -de, l'état de liquide/à celui, de fluide aériforme, ne pouvant,être opéré que par un degré de chaleur fupérieur à, celui de Peau bouillante , cette expérience ne peut'être faite.que dans du mercure, où dans un bain d’eau très- chargé de fel , telle que l’eau-mère de nitre, l'huile detartre par défaillance, &c, En portant la chaleur d’un bain de cette nature à 9$ ou 100 degrés du thermomètre à mercure, on parvient à réduire l’eau. à l’état aériforme, L'appareil {de l'expérience première ne peut pas fervir pour cette opération, par la raifon que l'eau aériforme ne peut demeurer en contaét avec une diflolution faline, fans être abforbée par elle & fans s’ÿ combiner. Pour aflurer le fuccès de cette expérience, nous avons imaginé , M. de la Place & moi , l'appareil qui fuir. Nous avons rempli de mercure une jarre de verre ; nous l'avons retournée dans ane foucoupe également remplie de mercure ; nous avons fait paffer fous cette cloche ou jarre environ 2 gros d’eau ; après quoi nous avons plongé la jarre & la foucoupe dans une chaudière pleine. d’eau mère de nitre, à 95 degrés environ, d'un thermomètre divifé en 85 ; bientôt après , ces 2 gros: d'eau, qui n'occupoient qu’un très-petit volume dans le haut de la jarre ; fe font convertis.en un Auide aériforme , qui l'a remplie tour entière, & le mercure de la cloche ou jarre eft même defcendu un peu au-deflous du mercuré contenu dans la foucoupe. Si-tôt qu'on retiroit la cloche ou jarre hors du bain d’eau mère, l'eau fe condenfoit, & le. mercure remon- toit; mais en replongeant de nouveau l'appareil , l'eau reprenoit l’état aériforme, En réfumant les conféquences que préfentent les expériences dont je viens de réndre compte , & celles que j'ai expofées dans de précédens Mémoires , on voit que l'air fixe ou acide crayeux , l’alkali volatil caufti- que, l'acide marin , &c, font fufceptibles , ainf que je l'ai déjà annoncé “au commencement de.ce Mémoire ,. de demeurer conftarnment dans l’état aériforme au degré habituel de température & .de preilion de notre atmof- phère; que l'éther ne fe vaporife &ne fe transforine en uide.aériforme, qu'à un degré de chaleur égale à peu près à celui de la chaleur du fang ; que Pefpric de vinne fubit la mème transformationqu’à 71 ou 72 deg. du thermo- mètreà mercure , divifé en 8$ parties; enfin , que l’eau ne fe vaporife & ne prend l'état aériforme qu’à 85 degrés complets ,& même un peu au delà, Cette déterminaifon des différens degrés de chaleur réceffaire pour la vaporifation de chaque fluide , n’eft exacte que dans la fuppofition d'une atmofphère capable de fourenir le‘baromètre à 28 pouces de hauteur; mais la vaporifation a lieu à une moindre chaleur fur les montagnes , & dans tous les cas où la preflion fur la furface des fluides eft deminuée par un moyen quelconque, SURLHIST. NATURELLE ETLES ARTS. "147 ILceft aifé de fentir combien ces réexions. jettent .de-lumière, fur la formation & fur la conftitution de notre atmofphère ; on conçoit qu'elle doit être un compofé de tous les fluides , ou en général de toutes les fubftances concrètes ou Auides, fufceptibles de fe vaporifer au degré de chaleur & de preflion que nous éprouvons habituellemenr. Mais pour fixer encore davantage nos idées, confidérons un moment ce qui arrive- roit aux différentes fubitances qui compofent le globe , sil furvenoit fubi- tement un changement notable à fa température, Quelque forcée que puiffe paroître la fupppofition que je vais faire , peu importe , pourvu qu'elle jette quelque lumière fur le fujet que je traite. Je fuppofe que la terre fe trouve tranfportée tout à coup dans une ré- gion beaucoup plus chaude du fyftéme folaire , & expofée, par exemple, à un degré de chaleur fort fupérieur à celui de l'eau bouillante; bientôt l'eau , tous les Auides fufceptibles de fe vaporifer au-deflous de ce degré, & le mercure lui-même entreroient en ébullition ; ïls fe vapo- riferoient & fe transformeroient en fluides aériformes , qui devien- droient partie de l'atmofphère, Ces nouvelles efpèces d'air fe méleroient avec celles déjà exiftantes, & il en réfulteroit des décompofitions récipro- ques, des combinaifons nouvelles, jufqu'à ce que les différentes affinités £e trouvant fatisfaites, les principes qui conrpoleroient ces différens airs, arrivaflent à un état de repos. Mais une confidération qui ne doit pas échapper, c'eft que cette vaporifation même auroit des bornes, En effer, à mefure we la quantité de Auides élaftiques exiftans augmenteroit , la pefanteur e J’atmofphère augmenteroit en proportion. Or, comme une preflion quelconque eft un obitacle à la vaporifation, & que Les fluides les plus évaporables peuvent réfifter, fans fe vaporifer, à une chaleur très- forte , quand on y oppofe une preflion proportionnellement plus forte . encore , on conçoit que la nouvelle atmofphère arriveroit à un degré de pefanteur tel , que l’eau qui n’auroit pas été vaporifée jufqu'alors , cefferoit de bouillir & refteroit dans l'état de liquidité. On pourroit porter ces réflexions beaucoup plus loin, & examiner ce qui arriveroit aux pierres, aux fels, & à la plupart des fubftances fufibles qui compofent le globe. On conçoit qu’elles fe ramolliroient, qu'elles entreroient en fufñon, & formeroient des fluides: mais ces dernières confidérations fortent de mon objet , & je me hâte d'y rentrer. Parun effet contraire, fi la cerre fe trouvoit tout à coup placée dans des ré- cs très-froides, l’eau qui forme aujourd'hui nosfleuves & nos mers, & pro- ablement Le plus grand nombre de fluides que nous connoiffons , fe tranf- formeroient en montagnes folides ,en rochers très-durs , d’abord diapha- nes , homogènes, & blancs comme le criftal de roche; mais qui, avec le temps , fe mêlant avec des fubftances de différente nature , deviendroient des pierres opaques diverfement colorées. Tome XXV1, Part, I. 1485. FÉVRIER, T2 248 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, L'air, dans cette fuppofition , ou au moins une partie des fubftances aériformes qui le compofent, cefferoient fans doute d’exifter dans l’état de vapeurs élaftiques , faute d’un degré de chaleur fufffant ; elles revien- droient donc à l'état de liquidité, & il en réfulteroit de nouveaux liquides, dont nous n'avons aucune idée, Ces deux fuppofñtions extrêmes font voir clairement, 1°. que fofidité, liquidité, élafhcité ; font trois états différens de la même matière, trois nd par lefquelles prefque toutes les fubftances peuvent fucceflivement pafler , & qui dépendent uniquement du degré de Chaleur auquel elles font expofées ; autrement dit, de la quantité de fluide igné dont elles font pénétrées ; 2°, qu'il eft très-probable que l'air eft un fluide naturellemunt en vapeurs , ou , pour mieux dire , que notre atmof- phère eft un compofé de tous les Auides fufceptibles d’exifter dans un état de vapeur & d’élafticité conftante , au degré habituel de chaleur & de preflion que nous éprouvons ; 3°. qu'il ne feroit pas par con- féquent impollible qu’il fe rencontrât dans notre atmofphère des fubftances extrémement compaétes , des métaux même, & qu’une fubftance métalli- que, par exemple, qui feroit un peu plus volatile que le mercure, feroit dans ce cas, On faitque, parmi les Auides que nous connoiflons, les uns , comme Pefprit de vin & l’eau, font milcibles les uns aux autres dans toutes les proportions ; les autres au contraire , comme le mercure, l'eau, les huiles , ne peuvent contracter que des adhérences momentanées ; ils fe féparent les uns des autres lorfqu’ils ont été mélangés, & fe rangenven raifon de leur gravité fpécifique. Il y a toute apparence qu'il en eft de même des différentes efpèces de fluides aériformes. L'air inflammable , par exemple , eft à peu près fix fois plus léger que l'air de l’atmofphère, & il exifte peut-être encore des fubftances aériformes beaucoup plus légéres. I] eft donc poflble, je dirai plus, il eft probable qu'il exifte au-deffus de l’air que nous refpirons , différentes couches de Auides aériformes d’une nature particulière, qui nous font inconnus, & qui font peut-être la région de Y'aurore boréale , des météores , & la matière électrique elle-même. Ces différentes vues feront développées dans des Mémoires particuliers. Je me propofe principalement d'y rendre compte des raifons qui me portent à croire que les phénomènes électriques que nous obfervons , ne font qu'un effet de la décompofition de l'air; que l'électricité n’eft qu'une efpèce de combuftion dans laquelle l'air fournit la matière éleétrique , de même que, fuivant moi, il fournit la matière du feu & de la lumière dans la combuftion ordinaire, On fera étonné de voir combien cette théorie nouvelle fe prête à l'explication du plus grand nombre des phénomènes, X SUR L’'HIST. NATURELLE ET LES ARTS, 148 ——— NOUVELLES LITTÉRAIRES. we MÉTOGRAPHIE, ou Traité hiflorique & théorique des Comères 3 par M.PINGRÉ , Chanoine Régulier & Bibliothécaire de Sainte- Geneviève, Chancelier de lUniverfité de Paris, de l'Académie Royale des Sciences , 2 vol. in 4°. avec figures. À Paris, de l'Imprimerie Royale , 1784. La théorie du mouvement des comètes préfente tant de difficultés, qu'on ne doit pas être furpris fi Les progrès en ont été fi tardifs & fi peu marqués. Le préjugé général, qui faifoit regarder les comères comme des fignes menaçans pour le genre humain , les faufles opinions que des Sa= vans diftingués avoient eux-mêmes adoptées fur leur nature, tout fembloit concourir à faire négliger les obfervations qui auroient pu fervir de don- nées pour déterminer leurs orbites : d’ailleurs on n’avoit point aflez de connoiflances pour ramener aux lois du fyftème planétaire ces aftres fin- guliers , fi différens en apparence des autres , foit par l'afpect fous lequel ils fe préfentent , foit par les limites entre lefquelles fe trouve reflerrée la durée de leur apparition , foit enfin par leurs directions fouvent oppofées entre elles , & à celles des planètes ordinaires. Ce n’eft que depuis environ un fiècle que les travaux immortels des Newton , des Halley, des Clai- raut , & de plufieurs Savans illuftres , ont répandu la lumière fur cette partie de l'Aftronomie, pendant fi long-temps enveloppée de nuages & d'obfcurités. Un Traité complet fur cette matière exigeoit un de ces Aftronomes profonds & exercés, qui eût fuivi tous les détails de fon fujet avec autant de fagacité que de conftance, qui en embrafsât toute l'étendue par fa valte érudition , & qui eût joint fes propres recherches aux travaux des Savans diftingués qui avoient fu accorder les méthodes d’une fublime ana- Îyfe avec les réfulrats de l’obfervation. Ces qualités fe font rencontrées dans M. Pingré , Chanoine Régulier & Bibliothécaire de Sainte-Gene- viève , & l'exécution a pleinement répondu, & au zèle avec lequel il s’eft livré à ce grand ouvrage, & À la réputation que le haut degré où ila porté fes connoiffances en Aftronomie, lui avoient déjà acquife dans le monde favant, Cet Ouvrage eft divifé en quatre parties. Dans [a première, l’Auteur donne d’abord une idee générale de l'Univers & des différentes appa- rences des aftres, telles qu’elles ont dû fe préfenter aux premiers obferva- teurs ; ilexpofe en abrégé les divers fyflèmes qui ont été imaginés par xço OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, Prolomée, Copernic & Ticho, pour expliquer ces apparences ; il entre enfuite dans le détail de ce qui concerne les comètes, & établit les caractères qui diftinguent ces aftres des planètes ordinaires, tels que leurs différentes directions , l'irrégularité apparente de leurs mouvemens , leur difparition après un certain efpace de temps, la lumière qui lesf accompagne, & qu'on a défignée fous les noms de barbe, de chevelure , & de queue, &c. Il reprend par ordre Les fentimens des anciens peuples fur la nature des comètes. La fidélité de l'hiftoire ne lui permet pas de pañler fous filence les opinions abfurdes des Philofophes de l'antiquité , & en particulier des Grecs , relativement à cet objet. Il inffte fur celle d’Ariftote , qui a été plus généralement fuivie, & qui confiftoit à regarder les comètes comme des exhalaifons émanées de la terre, qui s’embrafoient enfuite dans la région fupérieure de l’air , & difparoifloient enfin, lorfque la-ma- tière qui leur avoit fervi d’aliment fe trouvoit confumée. Quelques lueurs de vérité perçoient de temps en temps à travers les er- reurs des Philofophes, fur la nature des comètes. Diogène, Hippocrate de Chio, Æfchyle, Apollonius & quelques autres avoient deviné que ces corps éroient des aftres errans comme les planètes ; niais aucun Phi. ‘lofophe ancien n’a eu fur ce fujet des idées aufli nettes & aufli dévelop- pées que celles de Sénèque, M. Pingré donne la traduction du célèbre paffage où ce Philofophe , après avoir réfuté les autres fyftèmes , pro- nonce que les comètes font des ouvrages de la Nature , aufli anciens que le monde, des aftres permanens, qui ont un cours réglé , qui ne s'é- teignent point, mais s’éloignent, &c, Sénèque répond aux difficultés qu'on pouvoit oppofer à ce fentiment, & finit par prédire qu'un jour la Phylique, éclairée par l'obfervation, dévoilera Les lois auxquelles font aflujetties les comètes, déterminera leur nombre , leur lieu , leur gran- deur , leur nature, & la caufe des différences qu’on remarque entre leurs orbites & celles des autres planètes. Ce morceau eft très-bien rendu, & M. Pingré a fait pafler , autant qu'il étoit poflible , dans fa traduction la force & l'énergie de l'original. L’Auteur pourfuit l’'Hiftoire de la Cométographie & des caufes qui ont retardé les progrès de la Science, On ne profita point des ouvertures qu’avoient données les fentimens de Sénèque, d’Apollonius , & de quel- ques autres Philofophes. Prolomée paroïît ; & fi d’une part il établit des vérités importantes pour l'avancement de l’Aftronomie ; de l’autre , il ap- pauvrit & dégrade cette Science, en altérant les anciennes obfervations , pour les ajufter à un fyftême également démenti par la raifon & par l’ex- périence, & dont les principes étoient fur-tout incompatibles avec le vrai mouvement des comètes, Tandis que les erreurs de Prolomée s'ac- créditent par le grand nombre de fes difciples , celles d’Ariftote re- prennent une nouvelle faveur , & les Savans, pour la plupart, ne con- noïflent plus d'autres guides que le Philofophe de la Grèce & l'Aftro- SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 5r nome d'Alexandrie, Ici l’Auteur tourne en ridicule , d’une manière fine & agréable, Les vifions de l’Aftrologie judiciaire , qui viennent enchérir en- core fur l’abfurdité des opinions reçues. Vers le milieu du feizième fiècle, parut Ticho-Brahé, Pun des plus célèbres Aftronomes qui ait exifté; & quoiqu'il eût confervé une partie des anciens préjugés, quoiqu'il ait lui-même publié un nouveau fyftême oppofé aux lois de la faine Phyfique , il n’a pas laiflé cependant, par fes travaux aftronomiques , de tracer en partie la route qui devoit conduire à la vérité. IL obferva plufieurs comètes, dans le deflein d'en déterminer , sil étoit poflible , la parallaxe ; & le réfultat de fes obfervations, & de celles de plufeurs autres Aftronomes que fon exemple avoit animés, fut que les comètes n'ayant point de parallaxe fenfible, devoient être plus éloignées de la terre que ne l’éroit la lune. C’étoit déjà un premier pas de fait vers la véritable théorie des comères: mais Ticho plaçoit ces aftres dans des orbites circulaires ; il les regardoit d’ailleurs comme formées de je ne fais quelle matière célefte. Enfin , l'illuftre Kepler , qui fuivit de près Ticho-Brahé, vint ouvrir une carrière toute nouvelle & hâter la découverte du vrai fyftème de la Nature. Il fe fervit des obfervations même de Ticho, pour prouver que les planètes tournoient, non pas dans des orbites circulaires, comme on lavoit cru jufqu’alors, mais dans des ellipfes dont le foleil occupoit un des foyers. Il établir en même temps les deux lois fi connues fous Le nom de lois de Kepler ; Yune , que les aires ou fecteurs d’ellipfe renfermés entre deux rayons vecteurs, tirés du foyer qu'occupe le foleil, font toujours pro- portionnels au temps que la planète emploie à parcourir les arcs com- pris entre ces mêmes rayons; l’autre, que les carrés des temps em- ployés par plufieurs planètes à faire leur révolution entière autour du {oleil, font proportionnels aux cubes des diftances moyennes. Malheureufement Kepler n'appliqua point aux comètes fa belle théorie fur les lois que fuivent les planètes dans leurs révolutions. IL eft vrai qu'il dérermina avec précilion le lieu des comètes, & qu'il en expliqua les mouvemens beaucoup mieux que ceux qui lavoient précédé ; mais les er- reurs dans lefquelles il donna fur la nature de ces aftres, qu'il envifagea d’après les principes abfurdes de l’Aftrologie judiciaire, l'empêchèrent de pourfuivre la carrière dans laquelle il étoit entré le premier avec tant de gloire, , Galilée, en voulant réformer le fyftème de Kepler fur les comètes , ne fit que fubftituer une erreur à une autre, Il étoit réfervé à Gaflendi de porter le dernier coup à la doctrine péripatéticienne , qui régnoit encore, Ce Philofophe, en réfutant folidement les idées fuperititieufes qu'on s'é- toit faites des comètes , rendit un fervice eflentiel à l’'Aftronomie, & en établiffant l'opinion du vuide , il fe montra en quelque forte , felon M, Pingré, le précurfeur de Newton, un 252 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, Le L’Auteur, après avoir rendu hommage au génie de Defcartes , & re= levé le mérite de fa méthode & de fes Ouvrages géométriques , décrit & réfute en peu de mots le fyftême aufli impofant & aufli ingénieux que peu fondé, imaginé par ce grand Philofophe pour expliquer les mouvemens des aftres, & en particulier ceux des comètes, Ces aftres, dans ce fyf- tême, n’étoient autre chofe que des foleils encroûtés , qui, n'ayant plus la force de refter au centre de leur tourbillon, avoient paflé dans les rour- billons voifins, où ils erroient , jufqu’à ce qu'ils devinflent planètes de quelque foleil , ou jufqu'à ce que leur croûte étant diffipée, ils fe for- maffent un nouveau tourbillon, Tandis qu'une multitude de faux Savans répandent , ‘par des écrits ri- dicules, de nouveaux nuages fur la Cométographie, Pierre Petit reçoit ordre de Louis XIV de compofer un ouvrage Ée la comète de 1664. Dans cer ouvrage , il fait revivre le fyftème de Sénèque fur la nature & le retour des comètes, & il ne lui manque que d’admettre le mouvement du globe terreftre, pour découvrir Le vrai fyftème cométaire. Dominique Caflini , fi juftement célèbre par la découverte des fatellites de Saturne & de plufeurs faits importans pour la perfection de l’Aftro- nomie , s'attache particulièrement à l'obfervation des comètes, Il fait fuc- cefivement plufeurs hypothèfes fur leur mouvement ; & s'arrête enfin à celle qui admer, pour ces aftres, une orbite exactement circulaire, mais très-excentrique à l'égard de la terre; hypothèfe dont M, Pingré n'a pas de peine à faire voir le peu de fondement. Notre Auteur pale à l’hiftoire d'Hévélius , qui eft, de tous les Aftro- nomes connus, celui qui a fait l'étude du ciel la plus fuivie, la plus ap- pliquée , & la plus générale. M. Pingré entre dans des détails intéreffans fur la vie de cer homme célèbre, fur la perte qu'il fit en un inftant du fruit d’un travail de 49 ans , par la méchanceté d’un domeftique qui mit le feu à fa maifon; fur les fentimens de piété & de réfignation qu'il fit paroître au milieu de cette trifte épreuve. Vient enfuite l’analyfe raifon- née des Ouvrages aftronomiques d'Hévélius : on y voit des obfervations aufli exactes qu'on put les faire alors fur les comètes , de faufles confé- quences tirées de quelques-unes de ces obfervations , une éfpèce de roman, plutôt qu'un fyflême fur la nature des comètes; enfin, une hypothèfe fur le mouvement de ces aftres , dans laquelle on a cru voir quelque ref- ffemblance avec celle de Newton, parce qu'Hévélius admertoir pour les comètes une forte de mouvement parabolique. Mais la difcuffion dans la- quelle entre à cet égard M, Pingré , prouve, d’une manière convaincante , qu'Hévélius n’avoic que des idées fauffes fur le mouvement des comètes, & Die ne peut réclamer en fa faveur même la plus petite partie du fyftème e Newton. Il n’en eft pas de même de Doerfell, qui fut difciple d'Hévélius, & qui expliqua aufi le mouvement des comètes dans une orbite parabolique, mais SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. :53 mais d’aprèsles vues d’une théorie bien plus faine que celle de fon maître. M Pingré obferve cependant qu'il y a un peu d’excès dans les éloges que l'on a donnés à Doerfell, en égalant fa découverte à celle de Newton; qu'à la vérité il a deviné une partie du vrai fyftème cométaire , mais que Newton a trouvé & démortré le tout. M. Pingré développe fon fentiment au fujet de ces deux Savans , par une comparaifon ingénieufe de deux Navigateurs, qu'il faut lire dans l'ouvrage même. c Nous voici arrivés au temps où , felon l'expreflion de l’Auteur , le génie de Newton embraffoit l'Univers. Après avoir peint ce grand Homme avec autant de vérité que de nobleffe, l’Auteur expofe tous les principes de fon fyftème de l'Univers ; l'impoflbilité du plein abfolu, démontrée par les lois de la Mécanique & par le mouvement même des comètes ; l'exif- tence de l'attraction en raifon directe des mafles, & en raifon inverfe du carré des diftances ; les mouvemens elliptiques des planètes & des cométes, produits par l'attraction combinée avec une force tangentielle ; la caufe des différences entre l’alongement ou lexcentricité des orbites que décrivent les comètes, & celle des orbites planétaires expliquée par la différence entre les quantités & les directions des forces tangentielles ; enfin, la facilité de calculer, d’après trois obfervations, le mouvemenc des comètes dans un très-petit arc de parabole , que l'on fait fe confondre fenfiblement avec l’arc correfpondant d'une ellipfe très alongée. Tel fut, par rapport à la matière préfente , le réfultat des travaux de Newton, à qui d’ailleurs prefque toutes les Sciences ont de fi grandes obli- gations. x Halley , digne ami du grand Newton, entreprend de déterminer , d’a- près fa méthode, les orbites entières des comètes, dont cette méthode ne faifoit connoître qu'une petite partie. Il réuflit dans ce travail im- menfe , reconnoît que les comètes de 1531, de 1607 & de 1682, n'é: toient qu'une feule & même comète qui avoit paru à ces diverfes épo- ues, & en annonce Le retour vers la fin de 1758 ou le commencement pr 1759. Cette prédiétion n'étoit qu'un à peu près. Clairaut calcule, par une analy{e profonde, le mouvement de la comère dont il s'agit, d’après la méthode Newtonienne , en tenant compte des actions pertur- batrices de Jupiter & de Saturne. I[ trouve que la comète devoir être périhélie vers le milieu du mois d'Avril 7593 mais il remarque que les petites quantités , négligées par une fuite des méthodes d’approximation _qu'il avoit employées, pourroient bien avancer d’un mois le terme prefcrie. L'événement juftifie fa prédiction , & la comète paroît dans fon périhélie vers le milieu du mois de Mars. L'Auteur termine cette première partie de fon Ouvrage par l'expoféde quel- ques nouvelles tentatives que l’on fiten France pour expliquer , dans Fhy- pothèfe des tourbillons, les mouvemens des comètes, jufqu'à ce que le fyftême de Newton , adopté d'abord par Maupertuis , qui le premier Tom. XXVI, Part. I, 1785. FÉVRIER. V 14 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, s’en étoit déclaré ouvertement le défenfeur , & enfuite par les plus célèbres Aftronomes françois, eût enfin réuni tous les fuffrages & triomphé de tous les autres fyftèmes, À La feconde partie renferme l'hiftuire générale de toutes les comètes dort il ef fait quelque mention dans les écrits des anciens Hiftoriens ou Philofophes, en y joignant celles qui ont été obfervées par les Chi- nois. Cette Hiftoire préfencoit des difficultés au moins égales aux avan- tages qu'on pourra en tirer pour la perfection de la Cométographie. Ii a fallu démêler les vraies comètes à travers les noms bizarres employés par les Auteurs pour défigner divers phénomènes céleftes , confronter les autorités, fe décider entre plulieurs dates différentes, pour celle qui avoit en fa faveur le plus grand nombre de probabilités, favoir dou- ter , conjecturer, & prononcer à propos, fe reconnoître en un mot au milieu de l’efpèce de labyrinthe qui réfulte de ce qu'on trouve dans les Anciens fur cette matière. L’Auteur a porté par-tout, dans ce vafte & pénible travail, un difcernement fin, une critique faine & lumineufe , & nous regrettons que cette divifion de fon Ouvrage , qui eft prefque toute en faits & en citations, ne foit point fufceptible d’analyfe. Mais nous ne devons pas omettre une partie importante du travail . dont il s'agit, & qui confifte dans l’ufage précieux que l'Auteur a fu faire de diverfes obfervations qui nous reftent fur des comètes qui ont paru dans des temps reculés. En maniant avec beaucoup d’adreffe les réfultats de ces obfervations, en rapprochant celles des Européens de celles qui ont été faites en même temps à la Chine, M. Pingré eft parvenu à en déduire pour chaque comète une théorie qui repréfente ces mêmes ob lervations , & qui pourra fournir des données pour reconnoître la co- Mmète, dans le cas où elle viendroit à reparoître un jour, T'el eft le tra- vail que M. Pingré a exécuté fur les comètes de 837 , de 1299, de 1337, de 1456, &c. C’eft ainfique ce Savant a fu recueillir des maté- tiaux informes , jufqu'alors négligés & inutiles en apparence, pour les adapter d’une main habile au grand & bel édifice quil vient d’é- tiger, L'analyfe du fecond volume paroîtra le mois prochain. Opufules de Pierre Richer de Belleval, premier Profeffeur de Botanique & d’Anatomie en lUniverfité de Montpellier | auxquels on a joint un traité d'OLIVIER DE SERRE , fur la manière de travarller l'écorce du mürier blanc : nouvelle édition, d'après les exemplaires de la Bibliothèque du Roi; par M. BROUSSONET, D. M., Affocié de la Société Royale de Londres, de Montpellier, &c. €c. Proféffeur adjoint d'économie rurale à l'Ecole Royale Vetérinaire, Paris, in-8°. fig. 1785. L’intention du favant Editeur de ces Opufcules eft de faire revivre La mémoire d’un homme jadis très célèbre ; dont le nom mérite une place SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS 155 diftinguée parmi ceux des Botaniftes les plus illuftres, & de fournir en même temps quelques matériaux aux perfonnes qui voudront entreprendre fon éloge, pour lequel il a fondé un Prix à l'Académie de Montpellier l’année dernière. Ces Opufcules contiennent un catalogue des plantes cultivées dans le Jardin de Botanique de Montpellier en 1598 : il ef très-confidérable &c très-curieux ; une Requête au Raï, & une autre aux Etats de Languedoc , fur l’état & larecherche des plantes de cette Province; le deflin de quatre plantes deffinées & gravées par les foins de M. Richer de Belleval. Ce Botanifte en avoit fait graver un très-grand nombre; les cuivres ont été diflipés après fa mort; cependant on en a recueilli la plus grande partie. Enfin, M. Brouffonet termine ce petit Récueil par le Mé- moire d'Olivier de Serre , fur la manière de faire de la toile avec l'écorce du müûrier blanc, Nous ferons connoître ce Mémoire intéreffant plus par- ticulièrement, Phyfique générale & particulière , par M. le Comte DE LA CÉPÈDE, Co- lonel an Cercle de Wefiphalie , des Académies & Sociétés Royales de Dijon , Lyon, Touloufe, Rome, Stockholm, Heffe-Hombourg , Munich, &c. avec fig. tom, IL. Paris , chez Didot, Durand , Mérigot & Barrois jeunes, Libraires, 1784. Le fuccès qu’a eu le premier volume de cette Phyfique , & l'accueil fa- vorable que cet Ouvrage avoit reçu du Public, avoit fait délirer impa- tiemment cefecond volume. Les objets intéreflans qu’il renferme, la ma- nière dont ils-font traités, doivent certainement confirmer l'idée avanta- geufe que les Savans avoient conçue de l'Auteur. Il difcute tout ce qui regarde la diflolution , la combinaifon , la précipitation , la criftallifa- tion des corps, le mouvement, la pefanteur , les lois des preflions, de la force des corps en mouvement, de la percuflion, enfin du mouvement compofé, On peut remarquer en général dans cet Ouvrage de quelle uti- lité eft la réunion de la Chimie à la Phyfique. Ces deux Sciences fe fou- tiennent & s'éclairent mutuellement, M. le Comte de la Cépède , Elève d'un des plus favans Profeffeur de Chimie de nos jours, M. Darcet, a fondé prefque toutes fes explications de la diflolution , de la combinaifop, de la criftallifation , &c., fur les principes du digne fuccefleur des Roux & des Rouelles. L'article qui concerne fur-tout la criftallifation, nous a paru traité auffi bien qu'il pouvoit l'être. L’Auteur s’y occupe de la fo- lution du problème fameux qui divife nos plus célèbres favans Criftallo- graphes. La diffolution chimique des matières criffallifables par un fluide ; eft- elle abfolument néceffaire pour que La criflallifation ait lieu ? ou la fimple fuf- penfion dans un fluide fuffic-elle dans quelques circonflances ? M. Bergman (1) (1) De forma Criftall pag. xs. Tome XXVI, Part. Î, 1785. FÉVRIER. V2 156 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, étoit pour cé dernier fentiment, ainfi que M. de Morveau (1), M. l'Abbé Haüy (2); mais M. Romé de l'Ile penfe ( Criftall. tom. 1 , pag. 33 & 426), qu'il ne peut y avoir de criftallifation fans une vraie diffolution, dans le fens des Chimiftes ; c’eft-à-dire, diffolution par un acide quelcon- que. Le fenrtiment de ce célèbre Naturalifte eft certainement d’un très- grand poids dans le fyftème , qu'il ne regarde cependant que comme vrai- Æemblable, que tout ce qui exifte dans le règne minéral eft le réfultat de la combinaifon d’un acide ; que le quartz & le criftal de roche ne font qu'un fel neutre , pierreux , &c. Mais s’il n'exifte point d'acide dans le criftal de roche , fi la Nature nous offre des criftaux de roche parfaits, produits en ftalactites, ne fera-t-on pas porté à adopter ie fentiment que la fimple fufpection des matières criftallifables dans un fluide. quelconque fufbe pour que la criftallifation ait lieu , lorfque ces matières peuvent s’attirer & fe réunir librement dans le fens de leur fphère d'attraction, & le plus propre à produire un criftal? Cette théorie paroît confirmée par une obfervation de M. Berniard. Ce Savant nous écrit de Pologne, du 13 Janvier 1785: « J'ai à ma difpofition pour ce favant » Criftallographe (M. Romé de fTfle) un groupe decriftal de -roche en > ftalaétite qui paroît renverfer toute fa théorie, qui foutient qu'un criftal x pur & régulier doit avoir été faturé dans un fluide, Quand il confidé- » rera la régularité des criftaux que je lui deftine, il verra qu’un criftal » en ftalactite peut être également régulier; & fi M. Achard avoit le » morceau que j'ai, il le feroit bien valoir au fujet de fon criftal » factice », Mémoires de l'Académie de Dijon , année 1783, fecond femeffre. Ce nouveau volume de l’Académie de Dijon contient quatorze Mé- moires , dont la plupart font très-intéreffans, On en compte trois de M, de Morveau ; le premier , fur l'acide karabique ou du fuccin;le fecond, fur le pèfe-liqueur approprié à la cuite des fucres; & le troifième , fur la pierre à chaux maigre de Brion, & la manière de reconnoître cette qualité; des obfervations de M. Efnaux fur l'opération du bec de lièvre, Son procédé paroît fupérieur à tous ceux adoptés jufqu'à préfent, & mé- rite d’être employé ; d'autant plus quele fuccés l'a toujours couronné, Un Mémoire de M. Chauflier fur l'acide du ver à foie & de quelques infec- tes , renferme des ebfervations abfolument neuves. M. Gattey a donné deux © Mémoires dans ce Recueil; le premier, fur la manière de perfectionner les aéromètres ; & le fecond, fur les opérations faites pour parvenir au projet du canal de la Saône à la Loire, On en lit aufli deux de M. Marer; {r) Effai fur la diffolution de la ciftallifation, pag. 324. (2) Effai d’une théorie (ur la ftruéture des criflaux ; pag: 7 SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 57 Fun far le tremblementde terre éprouvéen Bourgogneen 1783, & l’autre, THiftoire méréoro-nofologique pour les fix derniers mois de 1783; un Mémoire fur l’incohérence des nouvelles mâçonneries , par M. Aubry ; des obfervations de M. Durande fur la coraline articulée des boutiques ; un effai fur l’hiftoire naturelle du champignon vulgaire, par M. Willemet; enfin , la defcription du volcan de Drevin en Bourgogne, par MM, Abbé Soulavie , de Brefley & Champy. Tels font les Mémoires que cette fa- vante & laborieufe Académie offre aujourd’hui au Public , qui voit, avec le plus grand intérêt , fe continuer une colleétion qui ne peut être que très-avantageufe aux Sciences. Notre projet eft de faire connoître à nos Soufcripteurs quelques-uns de ces Mémoires, Suite des recherches fur différens points de Phyfiologie , de Pathologie, G de Thérapeutique , où l'on explique les rapports des maladies internes avec les lois de l'irritabiliré ; par M. FABRE, Proféffeur Royal au Collége de Chirurgie, &c. in-8°. Paris, chez Théophile Barrois, Libraire, quai des Auguitins, 1784. Ces recherches font divifées en neuf chapitres, dans fefquels PAuteur s’occupe fucceflivement de l'idée générale de l'économie animale dans Vétat de fanté , des maladies & de leur caufe en général, de la fièvre, de Fexplication de plufieurs phénomènes des maladies aiguës qui attaquent la gorge & la poitrine, de la fièvre maligne , des maladies chroniques en général , de l'affection hypocondriaque, des réflexions fur la matière mé- dicale ; enfin , il termine fon travail par un réfumé de la do@rine de lits titabilité , appliquée à ce qu'on appelle magnétifme animal. Le même Auteur a fait paroïître en même temps un fupplément à l'Ou- vrage que nous annonçons , & qui fe vend chez le même Libraire. Ce fup- plément renferme des réflexions fur la chaleur animale, que quelques Phy- ficiens attribuent à la refpiration , & que d’autres foupçonnent être l'agent phyfique du magnétifme animal, Moyen de diriger l'acroflat ; par M. SALLE, Doëteur en Médecine, in-8°, fig. À Paris, chez Couturier, Imprimeur-Libraire , quai des Auguf- tins , 1784. L'Auteur, après avoir donné le précis des démarches qu’ila faites au+ près de l’Académie pour faire recevoir fon projet, décrit fa nouvelle ma- chine & fes moyens de direction. L’exécution peut prouver feule que l'Aus teur a raifon. xs8 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, Difcription méthodique du Cabinet de l'Ecole Royale des Mines , par M.SAGR: Paris, de l'Imprimerie Royale , 1784. Le Roi ayant acheté le magnifique Cabinet de Minéralogie de M, Sage pour le Cabinet de l'Ecole Royale des Mines , cet Académicien a été chargé d’en faire le catalogue; il l’a claffé d'après /z doëtrine. Mais n’eft-il pas à craindre qu'un Ouvrage rédigé d’après un fyftème qui n’eft pas uni- verfellement répandu, & encore moins adopté , fur-tout chez l'Etranger, ne foit pas auñli utile qu'il pourroit l'être, fur-tout aux jeunes gens qui fe confacrent à l'étude des mines? Que répondront ces Elèves aux objections des Suédois, des Allemands, &c. lorfqu’allant vifiter leurs travaux , on leur parlera de quartz , de criftal de roche, & qu'ils diront que c’eft un fel pierre , effentiellement compofé d'acide vitriolique , d’alkali fixe ? &c. &c, &c, Obfervations fur les nouvelles découvertes aéroffatiques , & [ur la probabilite de pouvoir diriger Les ballons ; par M. BRISSON , de l’Académie des Scien- ces ; in-8°. de 63 pag. Paris , chez Leboucher, Libraire, quai de Gèvres, & Lami, Libraire , quai des Aupuftins, 1784. Cet Opufcule contient, 1°. l'idée d’un aéroftat; 2°. Le rapport fait à l’A- cadémie des Sciences fur la machine aéroftatique de MM. de Montool- fier ; 3°, des moyens de diriger les ballons, De Za Philofophie corpufculaire, ou des connoiffances & des procédés mavné- ziques chez les divers Peuples; par M. DEL ***. Paris, chez Cuchet, Libraire , rue & Hôtel Serpente, 1785. 1! nous manquoit de trouver dans le même Ouvrage tout ce que l’on a raconté des fympathies &! des antipathies ; du Jugement de Dieu par le cercueil , des plaies faignantes à l'approche du meurtrier, de la verge de Jacob , des attractions & répulfions des végétaux , de la médecine tranf- plantatoire , des écrouelles guéries par attouchement , des miracles opérés par Les orteils de Pyrrhus & de Vefpañien, &c., & autres rêveries de pa- reille.éfpèce, qui, en confultant la date de leur origine, (fe trouvent, pour! la plupart, avoir pris naïfflance dans Les fiècles d'ignorance & de barbarie, ’ _ SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 159 Bibliothèque Phyfico-Economique , inflruëlive & amufante, années 1784 & 1785, 2 vol. in-12 , avec planches en taille-douce, Prix, 3 liv. le vol. rel, ; & franc de port par la Pofle, 2 1. 12 [. broche. Ces deux nouveaux volumes renferment des Mémoires fur l'économie ruftique & domeftique , fur les Arts & Métiers, &c. &c., très-curieux, très-intéreflans , & fur-tout très-utiles aux perfonnes qui, éloignées des grandes Villes, font privées des lumières que les différentes Sciences fe prêtent mutueHement. Modern improviments in the Praëtice of Surgery. Des Corrections nouvelles faites dans l'Art de la Chirurgie ; par Henry MANNING , Docteur en Mé- decine. À Londres , 1783, in-8°. de 423 pag. Malgré le titre impofant de ce Livre ; M. Manning ne donne au Pu- blic rien de nouveau; il fe contente de rapporter les paroles & les dé- couvertes de fes compatriotes , qui font fufhfamment connues & même approuvées du refte de l'Europe. Il eft donc affez inutile de s'étendre fur cet Ouvrage , qui traite de prefque toutes les maladies chirurgicales, & dela manière de les guérir. Au refte, il ne doit pas être mis au nome bre de ceux qui augmentent ou corrigent la Science, ARLES: L'Académie des Sciences, Belles-Lettres & Arts de Lyon, avoit an= noncé qu'elle diftribueroit le Prix qu’elle a propofé fur La diretlion des Aéroflats , dans la féance de fa rentrée publique le 7 Décembre der- nier; mais ayant reçu fur ce fujet quatre-vingt-feize Mémoires, parmi lefquels plufeurs font très-confidérables , par le travail & par l'étendue, fur les repréfentations des Commiffaires chargés de leur examen , l'A- cadémie a renvoyé la proclamation de ce Prix à la féance publique de fa rentrée après Pâques, le 12 Avril 1785. 460 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, Ge TA ;:B° LE Des ARTICLES CONTENUS DANS CE CAHIER. D: Peffet des Parfums fur l'Air ; par M. ACHARD. Page 8r Differtation fur La chaleur latente, traduite de l'Italien de M. le Chevalier La NDRIANI, par M. B. F. T.de Dijon. - 88 Suite de la Corre/pondance de M. Michaelis & de M, Lichtenberger ; sra- duitepar M. EYSs EN, Miniftre du Saint-Evangilé a Niederbronn. 104 Troifième Letre de M, Michaelis 4 M. Lichtenberger. 103 - Réponfe de M. LICHTENBERGER. 109 Avis fur un moyen économique, communiqué par M. MoyrOUD , Maitre des Forges, pour la fabrication de l'acier. 10 Leure fur l'atfion des acides fur la teinture du bois de Bréfil, par M. A, MY 109 Defcription d’une nouvelle efpèce de Manganèfe en forme de [path ; par M. RINMAN, raduite par M. L. D. B. de l’Académie de Dijon. 111 Daefcription d'un nouveau Palmier marin foffile; par M. Ant. DELUC, de Genève, 113 Mémoire fur la combinaifon des huiles avec les terres , l'alkali, € Les [ubflan- ces métalliques ; par M. BERTHOLEET. 114 Suite du Mémoire fur Les différens Chiens de mer; par M. BROUSSONET. 120 Expériences pour reconnoître le vert-de-gris contenu dans les cidres ; par M, MEsA17E, Apothicaire-Major de l'Hôtel. Dieu de Rouen, Gc:&ci 131 Défcriprion des différens efpèces de Phoques ; par J. LEPECHIN. 132 Lettre de M, le Baron de MARI» ETZ, fervant de réponfe à celle de M. SE- NEBIER , in/érée dans le Journal de Juillet 1784; pag. 75. 140 Mémoire fur quelques fluides qu’on peut obtenir dans l'état aéroffatique, à un degré de chaleur peu fupérieur à la température moyenne de la terre; par M. LAVOISIER: 142 Nouvelles Littéraires. 149 APPROBATION. J lu , par ordre de Monfeigneur le Garde des Sceaux, un Ouvrage qui a pour titre: Obfervations fur La Phyfique, fer l’Hiftoire Naturelle & fur les Anis, &c.; par MH. Rozier & MoncEz le jeune, &c. La Colleétion de faits importans qu’iloffre périodi- quement à fes Lecteurs, mérite l’accueil des Savans ; enconféquence, j’eftime qu'on peu en permettre l'imprefion. A Paris, ce22 Février 1785. VALMONT DE BOMARE. SE NI "1 ALU LT TE in ï til NMALETETTS te / l'ebrir 1785. NT APCE NÉE 4 A FEAT DR APUU TE PRES | JOURNAL DE PHYSIQUE, | ATARIS) 47207 | | jt IL DE 77 ER OBSERVATIONS IMPORTANTES SUR L'USAGE DU SUC GASTRIQUE DANS LA CHIRURGIE; Par M. SENEBIRR, Miniffre du Saint-Evangile, & Bibliochécaire de la République de Genève. cou A 07 mme» J. HiSTOIRE DE L'USAGE DU SUC GASTRIQUE DANS LA GUÉRISON DES PLAIES« Q UAND je publiai, au mois d'Avril 1783, mes Confidérations fur les expériences que M. l'Abbé Spallanzani avoit faites fur la digef- tion (1), je nefpérois pas que les vues que j'avois annoncées fur l’ufage du fuc gaftrique pour la guérifon des plaies ; euflent des effets aufi impor= tans & aufli prompts. Je n’avois cependant rien négligé, dans le para- graphe IX de mes Confidérations, pour donner à mes idées toute la pro- babilité poñible d'un fuccès intéreflant, & j’avois écarté avec foin toutes les objections qui pouvoient empêcher de les réalifer: Mais l’inertie pref- que invincible des Médecins & Chirurgiens, quand on leur propofe de nouveaux remèdes , peut-être leur crainte de faire des tentatives nuifibles ou infruétueufes , peut-être une parefle naturelle aux hommes fort occu- pés, me faifoient craindre que ce remède ne reftät dans l'oubli, & que les malades qu'il auroït pu guérir ou foulager , ne proficaflent pas de ce moyen de guérifon ou de foulagement. Mais heureufement tous les Médecins & Chirurgiens n’ont ni la même inertie, ni Les mêmes craintes, ni la même parefle, Dès que jeus com- muniqué mes idées à M. Jurine, Maître en Chirurgie à Genève, aufi diftingué par fon favoir dans tout ce qui regarde fon Art, & par fon ha- 1) Journ. de Phyf. 1783, tom. XXIIT, pag- 221, Tome XXV I, Part. 1, 1785.MARS, X 162 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, bileté pour en appliquer les fecours aux malades , que par le vif défir qu'il a d'étendre les bornes de la Science & d’augmenter les moyens de foulager l'humanité, M. Jurine’ s’occupa fortement à réalifer ce que j'a- vois imaginé, & à donner un corps à ma penfée & à mon obfervation , en failant fur divers malades les expériences néceffaires pour en conftater la folidité. IL employa donc le fuc gaftrique dans fa pratique, & il en vit bientôt les heureux effets. IL fuivit plufieurs malades traités par ce remède. Il a fait diverfes obfervations intéreffantes, qu’il a rédigées par écrit; toutes lui ont appris l'importance du fuc gaftrique , & les avantages qu’on peut retirer de ce remède. : Aufli: tôt que je commençai à voir mes efpérances fe réalifer par les gué- rifons que M. Jurine opéroit par Le fuc gaftrique , je communiquailes idées de notre habile Chirurgien à M. le Comte Morozzo à Turin , qui voulut auffi qu’on fit des expériences pour apprécier la valeur de ce nouveau re- mède: il en remit le foin à M. Togpia , attaché à l'Ecole Vétérinaire de Turin , qui a publié un Livre utile fur les maladies des beftiaux. Il em- ploya donc ce remède , premierement pour les plaies des animaux , & en- fuite pour celle des hommes, & il obtint des fuccès aufli fatisfaifans que: ceux de M. Jurine à Genève. Enfin ,.je fis part à M. l'Abbé Spallanzani des conféquences heureufes que j'avoistirées de fes découvertes , & des avantages qu'elles promet- toientà ceux qui s’en ferviroient pour la guérifon des plaies, en lui annon- çant les guérifons que M. Jurine avoit opérées à Genève. Ce grand Na- euralifte communiqua ma lettre à M. Carminati , célèbre Profeffeur de Médecine & de Chirurgie à Pavie, connu par un excellent Ouvrage latin fut l’action que les airs gâtés font éprouver aux animaux qu'on y expofe: De animalium ex mephitibus € noxiis halitibus inreritu. Ce Profefleur fe failit de ce fujet , & en a fairun des objets de fes études. IL y a trouvé la ma- tière d'un livre curieux & utile, qu'il ne tardera pas à publier. IL. Expériences & Obférvations de M. Jurine, faites pour la guérifor: des plaies par le moyen du fuc gaftrique. Je rapporte ici les expériences & les obfervations de M. Jurine celles qu'il me les a communiquées. Avant de rendre compte de quelques-unes de mes obfervations prati- ques, faites parle moyen du fuc gaftrique, je dois prévenir le Lecteur que je ne me fuis fervi de ce nouveau remède qu'après m'être afluré de fes propriétés principales par des expériences particulières , & en avoir fait pour moi une analyfe qui me tranquillifoit fur fon emploi. L'hu- manité prefcrit les précautions & les rend indifpenfables, J'aurois préféré le fuc gaftrique des oifeaux carnaciers, & fur-rout de l'aigle, sil eûc été facile de s’en procurer; mais ma crainte naturelle du: dt # SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 163 bec & des ferres de ce terrible animal , n’a toujours retenu, neme fen- tant pas affez de patience & n'ayant pas aflez de loilir pour l'apprivoifer, ou m'apprivoifer avec lui: je me fuis fervi fimplement du fuc gaftrique que lon trouve dans les bœufs & moutons. Pour qu'ils fourniffent da- vantage de fuc , il faut avoir foin de les faire jeüner la veille qu'on doit les tuer : cette précaution eft fur-tout néceflaire pour les derniers ; les premiers n’ont pas befoin qu’on la prenne, Dès que les Bouchers ont éven- tré l'animal , ils lui coupent l'éfophage & le lient, puis ôtent l’eftomac & les inteftins. C’eft dans le premier des eftomacs qu'il faut chercher le fuc ; c'eft là qu'il eft paffablement liquide , quoique mêlé encore avec quel- ques débris de plantes, & chargé de leurs parties colorantes : on le filtre au travers d’un linge fin, & on le conferve dans des bouteilles. Pour s'en fervir, l’on fait chauffer au bain-marie la quantité que l’on compte employer; l’on en lave les ulcères, que lon garnit enfuite avec de la charpie , fur laquelle l’on exprime Le fuc ; l’on couvre le tout d’une com- prefle trempée dans la même liqueur , ayant foin d’arrofer l'appareil de deux heures en deux heures , fi cela eft poflible, fe contentant de deux panfemens par jour feulement. IL paroîtra furprenant qu'un remède aufli efficace commence prefque toujours par occafionner de plus vives douleurs que celles que l'on éprou- voit: c'eft ce que j'ai conftamment obfervé. Il eft utile d'en prévenir les malades, afin qu'ils ne fe gendarment pas contre la douleur du moment; au fecond , ou tout au plus au troifième panfement , ils ne reffentiront plus rien, L'effet de ce remède , comme on le verra par la fuite, eft de calmer très-efficacement les douleurs lancinantes qu'éprouvent les , malades quel- ur , Comme par enchantement, de dilliper les mauvaifes odeurs que éveloppe un ulcère fétide, de le nettoyer , de changer la quantité & la qualité de la fuppuration , & de procurer une cicatrice très= prompte, Quoique l'Abbé Spallanzani eût fait des expérience nombreufes & déci- fives fur la nature du fuc gaftrique des animaux , & quoiqu’elles foient très-propres à ne laiffer aucun doute fur ce qu’il avoit dit, je défirai , pour ma propre fatisfaétion , d'en répéter quelques-unes fur le fuc des animaux ruminans , relativement aux viandes, parce qu'il ne me paroifloit pas que la nature eût dû donner à ce diffolvant une qualité aufi anti-feptique qu'à celui des animaux omnivores ou carnivores ; en voici le ré- fultat, Je commençai mes expériences au commencement de Septembre 1783, le thermomètre de Réaumur montant du 16° au 19° degré dans le cou- rant de la journée. Je pris du fuc tiré d’un même animal, qui étoit le bœuf; j'en vuidai dans quatre verres une quantité fufffante pour pouvoir la foumettre à de petites épreuves. Tome XXVI, Part. 1,1785. MARS, X 2 164 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, Un verre fuc gaftrique pur à la température ordinaire. Un verre fuc gaftrique pur dans la glace, la bouteille bien fer- mée. Un verre fuc gaftrique pur avec un morceau de viande de bœuf dé- graiflée. Un verre fuc gaftrique avec douze gouttes d'acide vitriolique, le verre étoit plein à moitié. RÉSULTAT. Premier verre, Le fuc fe conferva inodore environ trente heures , puis contra@a une odeur fétide au bout de quarante- huit. Second verre, Le fuc fe conferva dans la glace quatorze jours fans alté- ration , & il fe feroit peut-être confervé davantage , fi je n’eufle pas été fa- tisfait de ce réfultat. Troifième verre. La viande fit corrompre (en fe corrompant elle- même ) le fuc au bout de huit heures, Quatrième verre, La liqueur mélangée ne produifit aucune fermenta- tion, fe conferva en réliftant à toute putridité pendant dix jours; au bout de ce temps, je la jetai. . H paroît évident, par ce réfultat, que la chaleur eft contraire à la con- fervation du fuc gaftrique des ruminans, & vicé vers4, que fon mélange avec les viandes contribue beaucoup à en hâter la corruption; d’où il faut conclure que , pour fe fervir utilement du fuc gaftrique des animaux ruminans pour la guérifon des plaies ; il faut néceffairement le renou- veler trèsfouvent, & en avoir du frais au moins tous les deux jours pen- dant l'été. On pourroit cependant le conferver très-long-temps , en le tenant dans la glace ou dans une glacière. PREMIÈRE OBSERVATION , relative à l'ufage du fuc gaflrique appliqué Jar des ulcères, Une femme âgée de foixante-huit ans, domeftique chez M.N...., avoit à la jambe. gauche un ulcère dartreux, occalonné par des varices très-confidérables. Par fa forme, fa profondeur, & les 4 mauvaifes chairs dont il étoit garni, il paroifloit devoir s'étendre confi- dérablement. Il fut panfé avec le fuc gaftrique, & guéri en quatorze jours. : Seconde Obfervation, Un homme âgé d'environ quarante ans, Maçon de profeflion, portoit depuis deux ans à la jambe, près de la malléole interne, un ulcère très-fordide de la grandeur d’un petit écu : il avoit employé différens remèdes très-infru@ueufement. Je le guéris avec le fuc gaftrique dans l’efpace de vingt-un jours radicalement , & après une lé- gère exfoliation de l'os. Troifième Obfervation. Madame G..... avoit, depuis dix-huit mois, un ulcère effroyable au côté interne de la jambe droite, qui étoit,deyenu prefque circulaire à cette partie, & dans lequel étoient comprifes plu- fieurs varices corrodées en différens endroits ; la matière qui s’en écouloie Le, SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. :16$ étoittrès-abondante, ichoreufe, & exceflivement féride. Cette malade étoit confumée.par une fièvre lente, qui l’avoit émaciée à un tel point, qu'elle &ifoit , au premier afpect, l'impreflion la plus vive, Je la panfai pendant quelques jours avec le goudron uni au flyrax , pour emporter plufeurs ponts cutanés que le pus avoit difféqués , & ranimer un peu les bords cal- leux de l’ulcère ; puis j’employai le fuc gaftrique, qui, au bout de trois jours , me fournit une bonne fuppuration & en petite quantité, diflipa la mauvaife od.ur qui s’en exbaloit , & procura de belles chairs, Cette Dame , qui étoit tourmentée par des douleurs très-vives, & parune cruelle infomnie , reprit en peu de remps le fommeil & la tranquillité; l'appétit & l’embonpoint lui revinrent; en un mot, il y eut dans tout fon corpsun changement très-remarquable & très-avantageux ; fon ulcère diminuoit à vue d'œil, & elle auroit guéri radicalement, fi elle eût voulu fe fou- mettre à un régime plus févère & à l’ufage de quelques remèdes inter- nes , pour dérourner & dénaturer la caufe de fa maladie : mais, par une obftination mal entendue , elle n’a pas joui complètement des bons effets du topique & de mes foins , ayant encore un petit ulcère accompagné de petits clapiers qui donnent iflue journellement à une partie de cette âcreté furabondante, évacuation qui lui devient abfolument indifpenfable. Quoique cette dame n'ait pas guéri radicalement , l’on ne doit pas inférer de là que le fuc gaftrique ait été inefficace, puifqu'elle ne fouffre pas, & que l’ulcère eft réduit à un très-petit efpace : outre cela, l'on ne doit pas envifager le fuc gaftrique comme un topique capable de guérir & le mal & fa caufe , lorfqu'elle dépend de la dépravation des humeurs, Quatrième Obfervation. La femme d'un Maître Charpentier , âgée de $2 ans, avoit un cancer au fein gauche, qui l’avoit expofée plufeurs fois à perdre la vie, foit par des hémorrhagies répétées , foit par le re- pompement de l'humeur cancereufe , qui lui avoit occafionné des aphtes effroyables de la bouche à l'anus. J'avois employé contre cette horrible maladie, foit dans fon principe, foit dans fa progreflion, prefque tous les remèdes ufités en pareil ças ; le mal avoit pullulé fous l’aiffelle & fur la partie fupérieure de la poitrine, où il formoit des abcès d'une nature fingulière , qui annoncoient l’âcreté qui Les faifoit naître; cg à coup il paroifloit une place rouge , qui , du jour au lendemain , corrodoit la peau, le tiflu cellulaire, & même Le mufcle. Cette pauvre malheureufe fouffroit incroyablement de ce furcroît de mal. Je me fervis du fuc gaftrique, que je vidai dans ces trous excavés ; je lui fis prendre en même temps des Jéfards , & j’eus la fatisfaétion de voir les douleurs fe difliper complète ment dès le fecond jour, l'odeur s’anéantir , & les quatorze ulcères de fa poitrine fe cicatrifer fucceflivement ; le {ein lui-même s’en rrouvoit mieux, quoique l'érofon fuperficielle ne permit pas d’en retenir l'application : en mot, il ne nianquoit plus, pour achever la cure, que de trouver un fpé- cifique capable d'évacuer Le vice cancereux répandu dans la mafle des 166 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, humeurs; mais où le trouver? L’humanité fouffrante n’a pas encore ce bonheur, ni l’art ce degré de perfeétion. J'éprouvai donc pour toute fa- tisfaction le plaifir de voir ma malade atrendre, fans trop fouffrir , pen- dant environ quatre mois , le moment qui devoit terminer fes maux. Cinquième Obfervation. M. P..... avoit fouffert pendant deux ans d'une tumeur qui s'étoit formée au-deflus de la rotule extérieurement ; depuis trois ans qu’elle étoit en fuppuration , elle avoit efluyé différentes Variations en mieux & en mal; pendant fix femaines même elle avoit été cicatrifée: l’on avoit employé tous les remèdes poflibles & les mieux indiqués pour en extirper La caufe ; l’ulcère en éludoit les effets , & re- naiffoir de fa cendre. Je vis ce Monfieur la feptième année de (fa mala- die; fa plaie avoit, dans fes plus grands diamètres, 9 pouces , foi en longueur , foic en largeur; il en fuintoit une fanie très-abondante & très- féride , Les bords en étoient élevés & comme déchirés, le milieu fe trou- voit partagé en plufieurs îles par des interftices cutanés, le fond ne préfen- toit que des chairs livides & fongueufes; le malade fouffroit beaucoup & le jour & la nuit; il ne pouvoit marcher ; & fon bon tempérament , fa- tigué par une maladie aufli longue & aufli douloureufe , étoit affecté fen- fiblement. Voilà l’efquiffe de ce qu’il étoit lorfque j'eus le plaifr de lui donner des confeils. Ne connoïffant pas encore les effets du fuc gaftri- que , je commençai la cure par l’ufage du goudron appliqué fans mé- Jange ; ce qui procura , non fans douleur, la chute de tous ces intervalles cutanés qui s’oppofoient à la cicatrice, & celle des mauvaifes chairs, pat des efcarres très-grandes & très-profondes , récidivées fouvent à La même place, & qui laïfloient paroître, après leur exfoliation, de bonnes chairs vermeilles. Après fix mois de l’ufage de ce topique, le malade fe fervit du fuc gaftrique: les premières applications furent douloureufes ; mais en eu de jours Îe mieux fe fit appercevoir , & par le ramolliffement com- plet des bords de l’ulcère, & par la cicatrice qui s’avançoit fenfiblement : chaque jour l'état du corps, qui s'étoic amendé pendant l’ufage du gou- dron , fe rétablit parfaitement. Le malade ne fouffroit pas, les nuits éroient tranquilles, l'appétit fort égal; il pouvoit fe promener fans beaucoup de peine. MÜne fièvre intermittente qui furvint, arrêta les progrès de la cicatrice, Depuis ce temps, elle marche lentement , l'ulcère eft fuperficiel ; il a environ 2 pouces & demi de longueur fur deux de largeur , garni de chairs très-vermeilles, qui ne paroiflent laïffer entrevoir pour l'avenir qu'une cicatrice heureufe & folide, & la fuppuration reflemble à une crème parfaite. Tel eft l'état de la maladie au moment que j'écris : le malade eft auf bien qu'il foit poñible d'être relativement à toutes fes fonctions , continuant de marcher fans difficulté. Sixième Objérvation. Elifabeth Bovet, âgée de 14 ans, nubile , étoit incommodée depuis quatre mois d’un ulcère fixé à la malléole interne du pied droit, qui la faifoit beaucoup fouffrir : à ce cerme elle fut rranf- , SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 67 portée à l'hôpital dont je fuis Chirurgien. Je débutai par la purger; je la foumis au régime convenable, & je la panfai avec la charpie sèche, re- couverte d’un emplâtre légèrement aglutinatif : elle obfervoit le plus parfait repos; malgré cela, le mal ne fit que s’accroître , les chairs fe gonflèrent, devinrent fongueufes , & l'ulcère s’agrandit au point d’avoir 2 pouces & demi de diamètre. Dans l'intention de réprimer ces chairs fongueufes, je me fervis de médicamens légèrement cathététiques , comme Falun calciné, l’onguent épyptiac, & la pierre infernale ; ce qui ne procura aucune apparence de mieux : au contraire, cette pauvre fille éroit tourmentée par des douleurs intolérables, qui la privoient de tout fommeil. Deux mois & demi s'écoulèrent dans un traitement que j’avois rendu auffi approprié à l’état de la malade qu'il étoit poffible. Voyant cependant que la fanté de certe fille périclitoit chaque jour , j’eus recours au fuc gaftrique , qu calma promptement les douleurs, détergea l'ulcère, & le guérit parfai= tement en cinq femaines, CB J’aurois pu ajouter à ce petit détail d’autres obfervations fur des ulcères fimples, guéris très-promptement par l’ufage de ce remède ; j’ai craint de devenir prolixe , & j'ai cherché feulement à raffembler dans ces fix ob- fervations , fix maladies différentes par leur nature. Si j'ai rempli mon bur , & fi les fuccès que j'ai obtenus peuvent engager d’autres Chirurgiens, ou autres perfonnes de l’Art à s’en fervir, ils trouveront dans fon ufage un nouveau moyen pour foulager l'humanité. Corollaires tirés des Obfervarions. 1°. Le fuc gaftrique a la propriété de calmer sûrement & promptement les douleurs que donnent les ulcères d'un mauvais genre. 29. Il ranime les chairs, fait difparoître les mauvaifes , & il ramollit les bords des ulcères calleux. 3°. Il difipe les mauvaifes odeurs émanant des parties affectées. 4°. Il diminue la fuppuration exceflive , & lui procure toutes les qua= lités requifes pour devenir louable, 5°. Enfin , d accélère la cicatrice. FII. Obfervarions de M. Togoia, faites fur La guérifon des plaies par le moyen du fuc gaftrique, Je donneraï ici l'extrait du Mémoire de M. Toggia fur l’ufage dw fuc gaftrique pour la guérifon des plaies des hommes & des ani- maux. Première Obfervation. M. Toggia commença prudemment fes expé- riences fur un cheval fortement bleffé au garrot ; il lava la plaie avec le fuc gaftrique d’un mouton, & il la-couvrit avec de la filaffe qui en étoit humectée ; il répétoit ce panfement tous les jours, & il obferva. chaque jour que la plaie fe nettoyoit, que fon diamètre diminuoit; en forte 168 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, que, dans un temps très-court, elle fut cicatrifée fans aucun autre re- mèêde, Seconde Obfervation. Ce fuccès en fit efpérer un autre fur une jument angloife donr le cou étoit couvert de pluleurs petits ulcères, avec des croûtes qui fe maniteftoient fur-tout à la crinière & aux premières vertè- bres dorfales : il en fortoit un pus ichoreux & très-fétide, qui excitoitune démangeaifon très forre. M. Togoia employoit inutilement les remèdes les mieux indiqués ; enfin , il penfa à fe fervir du fuc gaftrique , en conti- nuant l’uface de quelques remèdes internes. Il réuflit à vaincre l’âcreté de l'humeur, de même que la démangeaifon, & à obtenir, au bout d’un temps aflez court, une cicatrifation complette des petits ulcères, avec la chute entière des petites croûtes qui les couvroient, Troifième Obfervation. Le fuccès de ces expériences engagea M. Tog: gia à les répéter fur des hommes. < Un jeune homme de dix-huit ans avoit une plaie fur le tibia , foignée depuis plufeurs jours par un habile Chirurgien , qui employoit inutilement les meilleurs remèdes appropriés à l’état du malade. M. loggia propofa au Chirurgien l'ufage du fuc gaftrique , qui prit le parti de l’employer. L'ulcère, qui étoir livide dans quelques parties, dont les chairs étoient ba- veufes , & dont les environs étoient très-enflammés , rendoit La jambe en- flée , douloureufe , & fatiguée par une démangeaifon infupportable & in< vincible. Dans cet état, l’ulcère ne parut éprouver d'autre effet , dans les deux premiers jours de l'application du fuc gaftrique , que celui d’un puiffant digeftif; mais enfuite il s'établit une très-belle fuppuration , & la plaie , délivrée de tous les accidens fâcheux que j'ai décrits, s'achemina à une heureufe guérifon, IV, Obfervations € Expériences de M. Carminati, Profeffeur de Médecine & de Chirurgie à Pavie, fur le fuc gaftrique, Les travaux de M. Carminati {ur le fuc gaftrique l'ont mis en état de publier un livre aufi original par fon fujet, qu'il eft intéreffant par la manière dont il fera compofé, Il a cédé à mes inftances , & il a eu la bonté de m'envoyer une efquifle de cec ouvrage précieux. J'ai cru inté- refler le Public, eh le faifant jouir d’abord des rélultats fournis par les faits qi ont occupé ce Savant, & j'ai crune pouvoir pas mieux faire , que de traduire fidèlement le réfumé qu'il a eu la complaifance d'en faire lui-même. L'ouvrage que je prépare fur la nature & les ufages du fuc gaftrique en Médecine & en Chirurgie, et divifé en fept chapitres, qui for- ment fepc points de vue particuliers , fous lefquels on peut le confi- dérer. SL 46 SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 169 $. I. Efférs du fuc gaftrique fur Les plaies & dans les gangrènes, J'ai éprouvé, premièrement , que le fuc gaftrique des corneilles noires & cendrées, confervées omnivores, en les nourriflant indifféremment de chairs & de végétaux, produit par lui-même fur les ulcères qu'on en baigne & qu'on en couvre par le moyen des plumaceaux plongés dans ce fuc, & humectés deux ou trois fois par jour, les effets d’un excellent remède digeltif, déterfif, émollient, antifeptique & cicatrifant; ce qui réfulte de la guérifon d’un ulcère-confidérable, fétide , profond , inégal & ancien à la jambe d’une femme âgée & cachétique. Le fuc gaftrique remplit ici toutes les qualités que je lui ai données , fans l’ufage d’aucun remède interne ou externe ; il n’occalionna aucune douleur à la malade, à l'exception d’un fentiment très-paflager de chaleur que cette femme éprouva-dans les premiers jours qu'elle fit ufage de ce fuc gaf- trique. Le fuc gaftrique des carnivores, & furtout des hérons , des milans & des faucons, poffède toutes ces propriétés dans un degré éminent; & quoique, dans les premiers jours , il occafionne une plus grande chaleur aux plaies qu’on en baigne , que le fuc gaftrique des corneilles, il Les dé- terge & les guérit aufi beaucoup plus promptement; ce qui n'a paru par la guérifon de cinq ulcères antiques , calleux , fétides, &c, , qui fut rapide & complète. Le fuc gaftrique des animaux omrivores & carnivores, dont j'ai parlé, eft un très-bon remède dans les plaies produites & formées par le virus vénérien ou par celui des écrouelles, J'ai au moins guéri , avec ce fuc gaftrique, trois perfonnes dont les plaies étoient inégales , putrides, calleufes, & rebelles à tous les meilleurs remèdes internes & externes ap- propriés à leur état. : Ces fucs gaftriques ne font pas moins utiles dans les gangrènes : j'en ai guéri trois avec ces fucs feuls, quoiqu’elles fuffent déjà bien formées. Le fuc gaftrique des animaux que j'ai nommés, a arrêté les progrès de la gan- grène , en a féparé les parties privées de vie, en a corrigé la fétidité, & a guéri lulcère formé par la chute des chairs mortifiées, Enfin , le fuc gaftrique des carnivores agit d’une manière bien avan- tageufe fur un cancer au vifage, en détergeant le fond des parties ulcé- rées, en adouciffant Fhumeur ichoreufe & rongeante qui les remplit, en Ôtant la mauvaife odeur, en diminuant les douleurs qui. étoient très ai- uës , & en arrêtant les progrès du mal. S. II. Ufage du fuc gaffrique dans les contufions, dans les tumeurs, & dans les autres maladies externes. Plufeurs expériences que j'ai faites ten- dent à montrer que le fuc gaftrique des animaux herbivores ruminans, c'eft-à-dire, des bœufs, des veaux, des moutons, appliqué extérieure- ment, Ôte Les douleurs chroniques des parties , toutes les fois que l’ufage Tome XXV1, Part. I. 1485.MARS, 270 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, des réfolutifs eft indiqué , comme il paroïît par la guérifon de deux femmes, dont l’une avoit une douleur ancienne à l'épaule gauche , & l'autre avoit une douleur continuelle plus ou moins aiguë au bras droit, qui étoit fans mouvement , à la fuite d'une hémiplégie, Le fuc gaftrique s'emploie très-utilement dans les contufions quine fe bornent pas à attaquer la peau , mais qui gênent les mufeles; ce qui a été éprouvé dans une contufion à la partie moyenne & latérale gauche de la tête, là où le mufcle temporal prend fon origine , quoiqu’elle fût accom- pagnée d'une bleffure qui mettoit Le péricrane à découvert. La vertu réfolutrice du fuc gaftrique a été démontrée par Les bons effets qu’il produit fur les tumeurs lymphatiques. Un gonflement édéma- teux aux paupières , de même qu'un idrocèle , fe diflipe par la feule appli- cation du fuc gaftrique des ruminans. On a obfervé les mêmes-effers de ce fuc fur d’autres tumeurs inflammatoires , & fur une tumeur d’un carac- tère écrouelleux, Le fuc gaftrique des carnivores & des omnivores eft aufli un excellent réfolutif; il diffout avec facilité & promptitude les glandes inguinales en- fées & durcies par l'aétion du virus vénérien: il y a plus, il amollit & diflipe en peu de temps les callofirés des pieds & des mains, produites par des compreflions extérieures , quoiqu’elles foient dures, douloureufes, & anciennes, S. III. Expériences faites avec Le fuc gaffrique dans les maladies de Pef- tomac, dans les fièvres putrides 6: intermittentes. On montre d’abord que l’'ufage interne du fuc gaftrique des animaux , qui eft le principal agent de la di- geltion , eft utile dans tous les maux produits par quelques vices du fuc gaftrique , & fur-tout par fa diminution & fon défaut d'énergie, relati- vement aux befoins de la digeftion. J'ai guéri , avec ce feul remède, trois femmes dans un état de langueur , de gonflement , 8& même de dou- leur aiguë dans l’eftomac pendant la digeftion, J'ai guéri de même deux jeunes garçons attaqués d’une oppreflion très-grave & douloureufe à l’ef- tomac , qui étoit occafionnée pour avoir mangé beaucoup trop d'œufs & de viande, Une femme maigrifloit depuis plufieurs mois ; elle étoit fu- jette à des naufées & à des vomiflemens continuels ; ces vomiflemens étoient des matières amères & noirâtres , fur-tout après avoit bu ; fes maux éroient occafionnés par une tumeur fquirreufe un peu élevée & fort éten- due enpre les mufcles & les tégumens qui pafloient de l'hypogaftre à l’hy- pocondre droit. Chaque fois que cette femme prenoit 1 once du fuc gaftrique des ruminans pendant le jour , la nuit fuivante elle étoit déli- vrée de fes naufées & de fes vomiflemens, qui recommençoient aufli-tôt qu'elle fufpendoit l’ufage du fuc gaftrique. Dans les foibleffes & les douleurs d’eftomac produites par l’atonie du vifcère , ou par quelque affection nerveule & convullive , le fuc gaftrique SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 171 a été toujours inutile, Le fuc des carnivores n'a pu être employé qu'après avoir été délayé dans l’eau pour un ulcère d’eftomac , parce qu'il occa- fionnoit de l'irritation & de la douleur. Dans les fièvres gaftriques , le fuc gaftrique des moutons a été toujours inutile ou même dangereux, quoiqu'il ne füt adminiftré qu'après avoir en partie évacué les premières voies , & quoique le ventre fût mou. Le fuc gaftrique des carnivores n’a paru convenable dans ces fièvres ; il réfiftoit à l’ultérieure dégénération & corruption des humeurs & des matières pla- cées dans les premières voies ; mais il n’eft pas fuffifant pour les corriger & les évacuer; il femble même nuifble dans ces fièvres, parce qu'il re- tarde & diminue les évacuations inteftinales, Le fuc gaftrique a quelque vertu pour difliper les fièvres intermittentes. Deux fièvres tierces prifes en automne , & prolongées jufqu’au printemps, de même que fix autres fièvres du printemps, furent guéries avec le feul fuc gaftrique, pris à la dofe de 3 onces pour la plus grande. Dans ces mêmes fièvres des mois d’Août & de Septembre , qui font les plus difficiles à vaincre, le fuc gaftrique a produit quelquefois l'effet d’un fébrifuge , lorf- qu'il étoit employé en grandes dofes, Mais on ne fauroit lui donner Le titre d’un fpécifique , car il n’a pu guérir une fièvre quarte bénigne & une fièvre tierce fimple , qui cédèrent d’abord à l’ufage du china-china. Il eft vrai que ces fièvres avoient beaucoup diminué par l'emploi du fuc gaftrique es carnivores , & qu'elles ne réfiftèrent pas à une bien petite dofe du chi- na-china. $. IV. Examen du fuc gaffrique des animaux carnivores , omnivores & herbivores, non ruminans 6 ruminans , fait par la voie humide. L'examen des différens fucs gaftriques fait par la voie humide , prouve que ces fucs font différens entre eux. Les fucs gaftriques des carnivores, c’eft-à-dire, des grands & des petits hérons, des milans, des faucons, des hibous & des chouettes , quoique très-différens par leur denfité & leur couleur, ont cependant tous un goût falé & amer; ils ont un caraétère d’acidité qui fe manifefte par plufeurs indices certains: on y trouve, outre l’eau , une réfine d’une couleur obf- cure très-amère, ayant une odeur pénétrante & particulière ,une fubftance animale de la même couleur , très-peu de fel ammoniacal, & une plus grande dofe de fel marin, découvert depuis une année par un de mes éco- liers. Les omnivores ont généralement un fuc gaftrique qui eft neutre , comme on lobferve dans les chats, les chiens, les corneilles , quand ils font nourris de chair & de végétaux; car fi on les nourrit feulement de viande, leur fuc gaftrique devient parfaitement femblable à celui des carnivores, Enfin, Le fuc gaftrique de l’homme , que j'ai eu de perfon- nes jeunes & faines, qui jeûnoient depuis quelques heures, tantôt par la méthode de M. Gofe , tantôt par un émétique d’ipécacuanha , & même Tome XXV1, Part, 1 ,1785. MARS, Y 2 172 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, en le tirant des cadavres, Ce fuc eft compofé d’une humeur aqueufe , abon: dante, d’une fubftance animale , & d’un peu de fel marin. Le fuc gaftrique des animaux herbivores non ruminans , comme celui des lapins & des cochons , paroîc acide: on y découvre encore de l'eau, une fubftarce animale, & un peu de fel marin, Le fuc gaftrique des animaux herbivores ruminans eft compofé des mêmes principes , fi l’on excepte une portion de fel ammoniacal qu’on trouve dans ce dernier, & que je crois rigoureufement acide. Quoique j'aye trouvé les fucs gaftriques des brebis, moutons , chèvres, veaux her- bivores, depuis long-temps tiré de l'animal vivant ou mourant, très- fouvent alkalia au point de faire effervefcence avec les acides d'une ma- nière fenfible , je crois cependant cet alkali étranger au fuc gaftrique, & le réfultat de la putréfaétion des herbes qui féjournent long-temps dans leftomac de ces animaux, Voici les fondemens de mon opinion; 1°. on trouve le fuc gaftrique de ces animaux très-fouvent acide; 2°. il eft toujours acide dans les veaux qui tètent ou qui ne font herbivores que depuis quelque temps ; il eft mème acide dans les veaux plus gros, & dans les bœufs à jeun depuis long-temps, & qui ont bien digéré ; 3°. di- verfes fortes d'herbes fraîches , triturées & mifes en digeftion dans l'eau pure ou falée à un degré de chaleur entre 25° & 30° du thermomètre de Réaumur, pafsèrent au bout de quelques jours à l'alkalinité, fans avoir donné aucune trace d’acide; 4°. en faifant ces expériences avec les mêrnes herbes plongées dans le fuc paftrique des ruminans , foit acide, foit alkalin , le fuc acide eft devenu alkalin au bout de quatre jours , & l’autre faifoit une plus grande effervefcence avec les acides; 5°. dans les mou- tons laiffés à jeun pendant plufeurs jours , le fuc gaftrique s’eft trouvé acide. $. V. Examen des différens fucs gaftriques par la voie sèche. L'examen des fucs gaftriques par la voie sèche confirme celui qui a été fait par la voie humide, Les produits de la diftillation du fuc gaftrique des carnivores , furent beaucoup d’eau, un acide, quelques gouttes d’une huile grafle & âcre, adhérente au col de la cornue avec une fubftance faline qui donne une odeur d’alkali volatil lixiviel , lorfqu'il eft traité avec l’alkali du tartre ou la chaux vive. Le caput mortuum , filtré & évaporé, fournit des criftaux de fel marin. Si l’on brûle ce qui eft refté fur le filtre, & qu’on le phlo- giftique pour y chercher du fer, on y trouve une pure terre cal- caire. Le fuc gaftrique des animaux omnivores, entre lefquels il faut compter celui de l'homme, donna d’abord , par la diftillation, une eau qui devenoit quel- quefois alkaline ; ce qui étoit peut-être l'effer de l’altération dufuc , puifque, dans tous les cas où j'étois affuré que le fuc gaftrique étoit pur & frais, j'eus toujours une eau infpide. Après le flegme , on obtenoit un peu d'huile SUR L'HIST. NATURELLE ETLES ARTS. 17% noire & âcre; le réfidu ou caput mortuurmr ne différoit pas de celui des carnivores, Les produits de la diftillation du fuc gaftrique des animaux* herbivo- res non ruminans ont été une eau d’abord un peu alkaline , & enfin acide, une huile noire & âcre. Le caput mortuum fournit du fel marin, de l’al- kali fixe en très-petite quantité , & de la terre calcaire. Le fuc gaftrique des animaux ruminans a donné , par la diftillation , une eau d’abord alkaline, & enfuite acide, toutes les fois que ce fuc étoit acide par la voie humide. En soncentrant cette eau, j'en ai recueilli un peu d'acide que je fuis occupé à examiner, & il-me paroït un acide animal, La diftil- lation fournit encore du fel ammoniacal , que toutes les diftillations pourtant ne donnent pas; une huile empyreumatique. Le réfidu eft fem- blable à celui du fuc des animaux herbivores non ruminans. Enfin, le fuc gaftrique alkalin des animaux ruminans a donné dans quelques cas , pour dernier produit, très-peu d'acide , & communément un flegme alkalin pendant toute la diftillation; l'huile & le charbon fu- rent parfaitement femblables à ceux qu’on retire du fuc gaftrique des animaux herbivores non ruminans & ruminans , dans lefquels le fuc étoit acide. $. VI. Expériences [ur l’anti-fepricité des fucs gaftriques des différens animaux. Le fuc gaftrique des animaux carnivores , mis dans des vafes de verre clos & découverts, expofés à la chaleur des diverfes faifons , s'eft toujours confervé très-fain & fans pourriture jufqu'à une entière deff- cation. Le fac gaftrique des animaux omnivores s'eft confervé de même très- lono-tempsfans pourriture; ilne s'eft même jamais corrompu au bout de plufñeurs mois. Le fuc gaftrique des animaux herbivores non ruminans & celui des ruminans jouiflent des mêmes propriétés , quandils font acides ; mais quard ils font alkalins, ils fe corrompent très-vite, & plus ou moins vite , felon que la chaleur eft plus ou moins grande, & que fon alka- lefcence eft plus ou moins forte, Le fuc gaftrique des animaux carnivores , mêlé avec le fang , &- verfé en différentes dofes fur les viandes faines & gâtées, donne différentes preuves de fa puiffance anti-feptique, foit en les préfervant de la corrup- tion , foit en les corrigeant, lorfqwu'ils en étoient atteints; & leur action eft d'autant plus sûre & plus prompte , que la quantité du fuc gaftrique eft plus grande, relativement aux corps qu'on y joint. Le fuc gaftrique des animaux omnivores, en y comprenant celui de l’homme, fe conferve fort bien feul, & ne diffère point à cet égard de celui des carnivores; mais fi on le mêle avec lés viandes faines ou cor- rompues, & avec le fang fraichement tiré ou putride, il m'a paru fep- tique comme l’eau, 174 OBSERVATIONS SUR LA4 PHYSIQUE, Le fuc gaftrique des animaux herbivores non ruminans, reffemble à celui des carnivores par fon anti-fepticité , &'ilen eft de même du fuc gaftri- que des animaux ruminans herbivores , quand il eft acide, Enfin , le fuc gaftrique alkalin des animaux ruminans , expofé aux épreuves dont je viens de parler , eft coujours fenfblement fep- tique. Ce chapitre fera terminé par la relation de quelques guérifons de ma- ladies internes & de plaies, opérées par le moyen du fuc gaftrique des animaux herbivores & ruminans, quand il étoit acide, d'où il réfulte que ce fuc a de grands rapports avec celui des carnivores , & qu'on peut le fubftituer à celui des hibous , des hérons, d'autant plus qu'il ne coûte rien, & quil eft très-facile à avoir. $. VIT Expériences fuites avec le [uc gaftrique humain , combiné avec quelques remèdes minéraux, Le fuc galtrique humain ne diffout ni le cuivre, ni la chaux martiale, ni le cinabre, ni Le foufre; maisil diffout le fer, le minéral de l'antimoine, l'antimoine diaphorétique lavé, les fleurs de zinc, & le fublimé corroff. Conféquences de ces faits. On ne peut douter après ces faits, vérifiés, pour ainfi dire , par trois obfervateurs différens, qui étudioient la Na- ture féparément & fans concert, & qui ont eu des conclufions aufli uni- formes, que l'ufage du fuc gaftrique, dans les cas indiqués par eux, ne foic très-utile , que fes effets ne foient sûrs, & qu'il n'entraîne aucun in- convénient. [l convient donc de l’employer de la manière décrite par MM. Jurine & Carminati, & il conviendra fur-tout de fuivre dans les traitemens la méthode que M. Carminati doit indiquer dans l'ouvrage qu'il. va publier fur ce fujet en italien. IL eft vrai qu'il faudroit pour cela fe procurer des corneilles & des oi- feaux de proie; mais l’objet eft afléz capital pour engager quelques per- fonnes à nourrir ces animaux dans ces vues ; elles y trouveroient sûrement un gain confidérable, Les corneilles fe nourriflent de tout ce qu'on leur donne, mais il faudroit leur faire avaler de petites éponges attachées à des fils qu'on retireroit quand on les croiroit fufffamment impréonées du fuc gaftrique: on l’exprimeroit alors, & on pourroit renouveler aifé- ment l'opération fix ou huit fois fur le même individu entre fes repas. Les oifeaux de proie qui dégorgent, après la digeftion de leur repas, les, parties indigeftes, offrent un moyen plus facile, puifqu'en plaçant un plat au-deflous de l'endroit où ils font perchés , le fuc gaftrique y tomberoit au moment où ils Le dégorgeroient, parce qu'ils reftent toujours perchésä, la même place, & parce qu'on pourroit les y fixer. Les hôpitaux pourroient avoir de grandes facilités pour fournir ce re- mède : ils ont toujours-les débris des cuifines & de la boucherie, qui nourri: roient les oifeaux; ils ont fous la main diverfes perfonnes qu'ils ne peu- pie M | | \ SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 575 vent appliquer à autre chofe; & comme le fuc gaftrique de ces oifeaux fe garde fort long-temps fans s'altérer, on a au moins des exemples qui prouvent qu'on peut le garder pendant cinq ou fix mois, & ce terme n’eft pas celui de fa confervation. S'il ne pouvoit pas s’employer dans le moment, on pourroit le conferver pour des temps où il feroit plus demandé, & pour des lieux où il ne feroit pas facile de s'en pro- curer, DINS'STELROT A TMIOEN SUR LES.COULEURS ACCIDENTELLES: Par M. Charles SCHERFFER , Profeffeur de Mathématiques dans l'Univerfité Impériale & Royale à Vienne; traduite de l'Allemand par M. BER- NOUILLI , de l'Académie de Berlin , avec quelques remarques de M. ÆPINUS, de l'Acadèmie Impériale de Saint-Petersbourg , fur le même Jijet (1). 148 GE A L'OCCASION de quelques Thèfes de logique à défendre publiquement en 1754, je traitai des erreurs des fens , confidérés fur: tout relativement à notre jugement fur les couleurs, & je fis voir que les induétions que nous en tirons fe fondent principalement fur la comparai- fon de La couleur que nous confidérons , & des autres couleurs qui, dans le même temps , frappent nos yeux, Pour le prouver , je rapportai quel- ques obfervarions que j'avois faites long-temps auparavant fur l'ombre colorée des corps, & defquelles il s’enfuivroit évidemment , fuivant moi , que la lumière du jour eft bleue, c'eft-à-dire, d’un mélange de couleurs où les rayons bleus prédominent. J'entends par lumière du jour , la lumière que l’atmofphère nous réfléchit de tous côtés, & qui ne peut que romber aufli fur Les ombres des corp éclairés de quelque autre manière, J'avois fait cette remarque, non feu- lement au lever & au coucher du foleil, mais en plein midi même; il ne (1) Cette favante Differtation nous a été envoyée l’année dernière par M. Bernouilli ; elle n’étoit pas connue en France, quoiqu’elie le méritât à jufte titre. Il paroït qu’elle a été communiquée à M. Briflon en même temps qu’à nous; car il vient d’en donner un extrait, en forme de fupplément , pour fon Dictionnaire de Phyfique. Nos Soufcripteurs Phyfciens feront fans doute charmés de la connoftre en entier, 176 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, falloit que modérer en partie le trop grand jour, par les rideaux des fe- nêtres, Outre cela, cette couleur ne fe fait pas voir feulement quand , le ciel érant ferein , l’atmofphère nous paroît entièrement bleue , mais quand le ciel eft couvert de nuages, Pour rendre cette propriété de la lumière du jour plus fenfible, je pofois un corps , quel qu'il fût, fur un papier blanc, avec une lampe ou une chandelle allumée : par-là je faifois jecer à ce corps une double ombre; l’une produite du jour , & fur laquelle tomboient uniquement les rayons de la lampe ; l’autre , occafonnée par la lampe , & éclairée en plein par la lumière du jour. De ces deux ombres, la dernière paroifloit tout à fait bleue , tandis qu'on voyoit l’autre jaune. Je crus ne pas me tromper, en attribuant la caufe de la lumière bleue que l’atmofphère nous renvoye, à la propriété qu’ont les rayons bleus d’être réfléchis plus facilement , &. d’avoir une plus grande réfrangibilité , puif- que, dans le fpectre du prifme , l'efpace que prennent le bleu , l'indigo , & le violer, eft de la même grandeur que celui qu’occupent les quatre autres couleurs primitives enfemble. Je concluois de 1à que la lumière qui part du foleil & d’autres étoiles, étoit difperfée confidérablement de tous côtés par les exhalaifons que notre atmofphère renferme toujours, & que cette difperfion avoit lieu principalement à l'égard des rayons bleus, Peut-être ne m'eüt-il pas été difficile de parvenir à une entière conviction fur ce point; mais mon but me permettoit de m'en tenir à la fimple expérience. Quant à la lumière jaune de la chandelle ou de la lampe, elle ne me parut donner prife à aucune objection. Je me fouvenois très-bien d’avoir déjà lu quelque part que l'ombre des corps paroifloit d'un bleu tirant fur le violet au lever & au coucher du foleil ; mais le titre de l’ouvrage, aufli bien que le nom de l'obferva- teur de ces phénomènes, étoient tellement fortis de ma mémoire , que je navois jamais pu me les rappeler, jufqu'à ce qu'à la dernière page du Traité d'Optique de M. Bouguer , fur la graduation de la lumière (ouvrage publié, peu de temps après la mort de l'Auteur, par M, de la Caille) , je tombai fur ces mots : & Ceci nous fournit l’explication d’un phénomène très-fingulier , au- quelles Peintres n’ont pas manqué d’être très-attentifs, & qui nous a pro- curé un Mémoire de M. de Buffon, mais dont perfonne, que je fache, n’a donné la raifon phyfique. Les ombres, le matin & le foir, prennent une teinte très-bleue, & celle d’une bougie produit à peu près le même effet, lorfqu'elle tient lieu du foleil qui n'eft point encore levé, & qui eft fur le point de paroitre (1) ». EE (x) Le P. Scherffer s’eft difpenfé de traduire encore en allemand le peu qui reftoit ; mais comme on y trouve l'explication du phénomène , je ne reprewerai pas la peine de Lorfque * SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS 177 Lorfque j’eus lu ce paflage , je réfolus aufli-tôt de parcourir foigneufe- ment les tables des matières du recueil de cette illuitre Société, & je trouvai en effet, parmi les Mémoires de 1743, la Diflertation de M. de Buffon , fur les couleurs accidenselles , à la fin de laquelle 'obfervation fuf- dite fur les ombres eft rapportée. Ce que M. de Buffon en dit me parut fort fuccinét, mes propres obfervätions étant beaucoup plus variées &c plus circonftanciées ; mais ce qu'il dit des couleurs accidentelles étoit , à mon avis, d'autant plus digne d’attention, & méritoit bien de ne pas demeurer fans explication dans l’hiftoire des phénomènes de la Nature ; & comme cette matière n’a pas été traitée dans la fuite des Mémoires de l'Académie des Sciences de Paris, ni dans aucun autre Ouvrage que je connoifle, j’ai cru rendre fervice à ceux qui cultivent la Phyfique, en pu- bliant mes idées. Quoique je n’aye pas de preuves convaincantes à donner, mes conjectures me paroiflent cependant aflez vraifemblables pour pouvoir conduire quelque autre à des idées encore plus fondées; du moins ai-je ré- duit la plupart des phénomènes qu'offrent à cet égard les corps éclairés par la lumière du jour, fous une règle certaine, d'après laquelle on peut conclure de leur couleur naturelle quelle fera l'accidentelle, $. IT. Pour entrer maintenant en matière, je mettrai d’abord fous les yeux les obfervations de M. de Buffon , telles qu’il les rapporte lui-même. & Lors , dit-il, qu'on regarde fixement & long-temps une tache ou une figure ronde fur un fond blanc, comme un petit carré de papier rouge fur un papier blanc, on voit naître autour du petit carré rouge une efpèce de couronne d’un vert foible. En ceflant de regarder le carré rouge ,_fi on porte l'œil fur le papier blanc, on voic très-diftinétement un carré d'un vert tendre, tirant un peu fur le bleu. Cette apparence “fubffte plus ou moinslong-temps, felon que l'impreflion de la couleur rouge a été plus ou moins forte. La grandeur du carré vert imaginaire eft la même que celle du carré réel rouge, & ce vert ne s’évanouit qu'a- près que l'œil s’eft rafluré & s’eft porté fucceflivement fur plufieurs autres objets, dont les images détruifent l'imprefion trop forte caufée par le rouge. En regardant fixement & long-temps une tache jaune fur un fond blanc, on voit naître autour de la tache une couronne d’un bleu pâle , & en ceffant de regarder la tache jaune, & portant fon œil fur un le reftituer. Voici donc comment M. Bouguer continue: « Ce phénomène, dit-il , eft » caufé par la couleur ancienne de l’atmofphère qui éclaire ces ombres, & dans la- » quelle les rayons bleus dominent; ils rejailliffent RER en quantité, pendant » que les rayons rouges, qui vont fe perdre plus loin en fuivant la ligne‘droite , ne peu- », vent pas modifier l'ombre , parce qu'ils ne fe réfléchiffent pas , ou qu'ils fe réféchiilent » beaucoup moins. Toutes ces matières offrent aflurément encore aux curieux un très- » vafte champ de recherches, malgré toutes nos tentatives. Nous le reconnoiffons in- » génuement , & nous laiffons avec plaifir à d’autres l’avantage d'achever ce que nous » n'avons pu à peine que commencer ». Tome XXVI, Part. I, 17985. MARS, Z 78 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, autre endroit du fond blanc , on voit diftinétemenr une tache bleue de la même figure & de la même grandeur que la tache jaune, & cette appa- rence dure au moins aufli long-temps que l'apparence du vert produit par le rouge. T1 m'a même paru, après avoir fait moi-même & après avoir fait répéter cette expérience à d’autres dont Les yeux éroient meilleurs & plus forts que les miens, que cette impreflion du jaune étroit plus forte que celle du rouge, & que la couleur bleue qu'elle produit S'effaçoit plus difficilement, & fubüftoit plus long-temps que la couleur verte produite par le rouge; ce qui femble prouver ce qu’a foupçonné Newton, que le jaune eft de toutes les couleurs celle qui fatigue le plus nos yeux. » Si l’on regarde fixement & long-temps une tache verte fur un fond blanc, on voitneître autour de la tache verte-une couleur blanchâtre, qui eft à peine colorée d’une petite teinte de pourpre; mais en ceflant de regarder la tache verte & en portant l'œil fur un autre endroit du fond blanc, on voit diftinétement une tache d’un pourpre pâle, fembla- ‘ ble à la couleur d'une améthifte pâle. Cetté apparence eit plus foible , & ne dure pas, à beaucoup près, aufli long-témps que les couleurs bleues & vertes produites par le jaune &. par le rouge. » De même en regardant fixement & long-temps une tache bleue fur un fond blanc, on voit naître autour de la tache bleue une couronne blanchâtre un peu teinte de rouge, & en ceflant de regarder la tache bleue & portant l'œil fur le fond blanc, on voit une tache d'un rouge pâle, toujours de la même figure & de la même grandeur que la tache bleue, & cette apparence ne dure pas plus long-temps que l'ap- parence pourpre produite par la tache verte, » En regardant de même avec attention une tache noire fur un fond blanc, on voit naître autour de la tache noire une couronne d’un blanc vif; & ceffant de regarder la tache noire & portant l'œil fur un autre endroit du fond blanc, on voit la figure de la tache exactement deflinée & d'unblanc beaucoup plus vif que celui du fond. Ce blanc n’eft pas mat; c'eft un blanc brillant , femblable au blanc du premier ordre des an- neaux colorés, décrits par Newton ; & au contraire, fi on regarde long-temps une tache blanche fur un fond noir, on voit la tache blanche fe décolorer; & en portant l'œil fur un autre endroit du fond noir, on y voit une tache d’un noir plis vif que celui du fond ». Voilà les principales expériences de M. de Buffon ; je rapporterai en temps & lieu celle qu'il importera encore d'indiquer. Mais avant que d’aller plus loin, J'aurai deux remarques à faire; la première eft que les couleurs apparentes ne fe montrent pas fi pales, mais au contraire bien plus parfaitement , quand on regarde fur un fond noir les taches colorées, ou les carrés découpés de papier ou d'étoffe de foie, & qu'on jette enfuite les yeux fur du papier blanc où fur une muraille; ce qui me fait défirer que ceux de mes Lecteurs qui pourroient prendre envie de répéter "1 SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 179 ces expériences, les fiflent de cette manière, parce que chaque efpèce de couleurs fe détermine par-là beaucoup plus facilement, & que l'œil fouffre moins que s’il fe fixoit pendant un temps un peu plus long fur du blanc. La feconde remarque confifte dans l'aveu que je fais , que je doute qu'on devine facilement à l’infpection du titre de quelle efpèce de cou- leur je me propofois de parler; mais c’eft la réflexion que M. de Buffon en ayant parlé avant moi, avoit aufli plus de droit que moi à les nom= mer, qui m'a fait conferver ce nom de couleurs accidentelles (1). S: ILE. Pour mettre, autant qu'il m’eft poflible , dans leur jour , mes idées fur les phénomènes que je viens de rapporter , je déclarerai , avant toutes chofes , que j’adhère àla doctrine de Newton fur la lumière , & je poferai en fait d'abord, que-la couleur blanche confifte en un mélange de toutes les couleurs des rayons de la lumière , tel que toutes, pour ainf dire, font en équilibre , & qu'aucune ne prévaut fur l’autre; de forte qu'en vertu de ce tempérament, l’impreflion que chaque efpèce de rayon fait fur l'œil, correfpond aux autres, de telle façon que la lumière étant ré- fléchie d'an corps blanc, il n’en eft aucune qui fafle plus de fenfation que les autres. En fecond lieu, je demande qu’on admette dans les corps colorés un tel arrangement des particules infiniment petites qui agiflent fur La lu- mière , que l'efpèce de rayon qui donne fon nom à la couleur du corps, eft réfléchie plus abondamment vers l'œil que les autres , & que par-là Pimpreflion que font les. rayons des autres couleurs, devient, pour ainfi dire, infenfble en comparaifon de celle-là. Troifièmement, j'admets , d’après l’expérience , que fi un fens reçoit une double impreflion , dont une eft vive & forte, mais dont l’autre eft foible, nous ne fentons point celle. ci. Cela doit avoir lieu principalement quand elles font toutes deux d’une même efpèce, ou quand une action forte d’un objet fur quelques fens eft fuivie d’une autre de même nature, mais beaucoup plus douce & moins violente, que cela vienne de ce que l'organe de ce fens eft fatigué, &, pour ainfi-dire , relâché, & qu'il leur faille quelque temps pour fe remettre en état de tranfmertre aux nerfs des impreflions même foibles ; ou bien de ce que le mouvement & l’ébranle- ment violent des moindres parties de cet organe ne cefle pas aufli-tôt avec l’action de l’objet extérieur. Ce que nous venons de dire fe confirme fufifamment par ce que nous avons établi au fujet.de la couleur principale dans la première demarde, l'impreflion de cette couleur étant feule fenfble, quoique l'œil recoive en même temps des rayons de toutes les efpèces. C'eit par œrte raifon que , quand on quitte un lieu bien éclairé par le — (1) En efler, le P. Scherffer a nommé ces couleurs zxfæ/lise farben , en traduifant littéralement le erme d’accidentel. Tome XXVT, Part. I, 1785. MARS. Z2 180 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, foleil, pour entrer dans un appartement fombre, on croit d'abord qu’il y fait entièrement nuit, & la foible lumière n'eft pas capable de frapper aflez vivement un œil qui, peu auparavant, a fenti avec tant de force limpreflion d'une lumiere éclatante. Nous trouvons pareillement qu'un corps eft froid quand nous le touchons avec des mains bien chaudes , quoique le thermomètre indique une chaleur modérée. Il en eft de même de l’euïe, de l’odorat, & en général de routes les fenfations, & j’au- rois à craindre d’être ennuyeux , fi, au lieu de venir au fait, je m’arrétois plus long-temps à confirmer, par des exemples, ce dont perfonne ne doute. $. IV. Si donc on confidère fixement, pendant quelque temps, un carré blanc fur un fond noir , la partie du fond de l'œil fur laquelle fe peint la figure blanche , fera fatiguée , pour ainfi dire , par l’abondante réflexion des rayons , tandis que le refte de la rétine foufire très-peu de la foible lumière que renvoie la furface noire, Qu'on cefle enfuite de regarder le carré blanc, & qu'on jette l'œil à côté fur quelque autre endroit du fond noir, limpreflion de la lumière renvoyée par cet endroit, agira avec beaucoup moins de force fur la partie qui avoit été occupée par la figure blanche , & dans laquelle les moindres nerfs font affoiblis , qu'elle n’a- gira fur le refte de l'œil, qui éprouvera par conféquent un plus haut de- gré de fenfation. C’eft cette inégalité qui fait que nous trouvons cette ta- che-là beaucoup plus noire que le fond , & que , tant fa grandeur que fa configuration , nous paroiflent les mêmes que précédemment, pourvu que l'endroit où nous croyons la voir foit à la même diftance de l'œil qu’étoit la figure blanche; car fi cela n'étoit pas , la grandeur croîroit ou décrof- troit en raifon du éhangement des diftances. Cette tache nous paroîtra bien plus noire encore & plus nette , fi, après avoir confidéré la figure blanche ; nous jetons l'œil , non fur la furface noire, mais fur une blan- che. La lumière plus forte frappera d'autant plus vivement les fibres qui font encore fraîches , & la fenfation de celles qui font fatiguées en devien- dra d'autant moins fenfble: C’eft ainf que nous diftinguons beaucoup plus facilement l'ombre des corps, & qu’elle nous paroïr plus noire, quand c’eft une forte lumière qui jette fes rayons fur ces corps. $. V. On remarquera au contraire fur un fond blanc où même noir, une tache bien plus claire & plus luifante, après avoir confideré fise- ment une figure noire fur une furface blanche; car, dans ce cas , ja forte réflexion affecte l'œil très-fenfiblement, & il n’y a que la partie qui a reçu l'image de la figure noire, qui ne s’affoibliffe pas. Cetre partie eft donc la feule qui foic en état de reffentir vivement la blaneheur du pa- pier, tandis que l’impreflion que les autres parties reçoivent eft infenfi- ble. Que fi l'on jette l'œil fur un fond noir, il arrivera de même que les parties qui ne font point affoiblies feronc affectées davantage , & l’effec ASE SURL'HIST. NATURELLE ETLES ARTS. 181 de cette lumière, quoique foible, ne laiffera pas d'être une fenfation plus forte que celle qu'éprouve la partie affoiblie, On peut afligner encore une autre raifon de conclure que le phénomène de la figure imaginaire dé- pend d'une certaine durée de l'impreflion que la vraie figure fait fur l'œil, & qui le difpofe à une plus grande ou moindre faculté de reffentir l’ac- tion d’un nouvel objet; c’eft que fi la furface blanche fur laquelle nous fixons l'œil , en eft plus éloignée que la figure véritable, nous trouvons accidentelle d'autant plus grande que celle-là: car fi deux objets peignent fur la rétine des images égales en grandeur, c'eft celui de ces deux objets qui eft le plus éloigné , qui nous paroît le plus grand. Or, comme l’im- preflion de la figure véritable fur l'œil occupe dans l'œil le même efpace fur lequel cette figure avoit agi dès le commencemenr , & que nous croyons voir fon image fur la furface même où les axes vifuels fe croi. fent, il s'enfuit que cette figure accidentelle nous paroîtra néceffaire- ment plus grande que fi la furface fur laquelle nous la voyons eft plus éloignée, De là vient que les images défigurées, defquelles nous parlerons plus bas, paroïflent diftinétes , même à une diftance de 10 pieds, à ceux qui ont la vue baffle. . VI. Ce que j'ai dit jufqu’ici me paroît avoir toute l'évidence polf- ble, & s’accorder entièrement avec toutes les expériences que nous pou- vons faire fur nos fens. Le célèbre M. Jurin auf, dont M. Kœftner a fait entrer Le Traité de la vifon diftinéte & indiftincte (ou confufz) dans fon ouvrage d'optique, fuivant les principes de Smith (1), ne donne pas d’autre raifon de ce qu'un carré noir , qu'il regardoit pendant quel- que temps, lui paroifloit enfuite blanc fur le papier, ou de ce qu'un autre voyoit de même une pointe luifante à fa plume, Mais il s’agit à pré- fent de faire aufli des recherches fur les couleurs apparentes qui s’en fui- vent quand on regardefixement des corps colorés, Il faut fe reffouvenir ici de ce que Newtona dit dans fon optique ,L. I ; p. 2, Prop. 6 , fur la manière de déterminer la couleur qui réfulte du mélange d’autres couleurs, dont l’efpèce & la quantité font données: favoir ; il divife la circonférence d’un cercle de façon que les arcs ont entre eux le même rapport que les longueurs d’une corde de mufique rac- courcie peu à peu , pour donner dans l’ordre les rons d’une oétave, parce que ces longueurs font à peu près proportionnelles à celles des efpaces que les rayons de lumière rompus par le prifme occupent dans le fpectre. Cependant nous remarquerons , d’après le Traité fur /2 lumière , du P. Charles Benvenuti, Jéluite, qu’il eft bon d’obferver dans la divifion (n) Ce Traité du Doëteur Jurin fe trouve dans l'original même de Smith, & ter- mine certe Oprique. La remarque dont il eft queltion fe trouve à la fin. 182 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, du cercle la jufte proportion des couleurs dans le fpeétre , & en prenant l'unité pour la longueur du fpectre , de donner au rouge +, à l’orangé > au jaune —, au vert =, au bleu =, à l’indigo à, au violet ?, ou bien en mefurant la circonférence du cercle, comme de coutume, par des degrés, d'en donner au rouge 45 , à l'orangé 27, au jaune 48, au vert CO, au bleu 60, à l'indigo 40, au violet 80. Si maintenant on compare l'action des couleurs aux forces qu'exercent des poids qui agiroient les uns fur les autres, il faudra s’'imaginer que chaque couleur eft concentrée dans le centre de gravité de fon arc, Cela polé, pour trouver enfüite la couleur qui réfulte du mélange , il fufñit de chercher le centre de gravité commundes arcs de cercle qui indiquent les couleurs données. La couleur mixte appartiendra à l’efpèce de l’arc duquel le cen- tre de gravité trouvé fera Le plus proche; & fi ce point ne tombe pas fur la ligne qui pafle par le propre centre de gravité de l'arc, & le centre du cercle entier , la couleur aura plus ou moins de rapport avec celle quien eft la plus proche, du côté où tombe le centre de gravité com- mun à l'égard de la ligne füufdite. La couleur mixte fera aufli plus ou moins foncée , fuivant la diftance de ce centre de gravité du centre du cercle. Ceci eft vrai, au moins a l'égard des couleurs naturelles. Quoi- qu’au refte cette dérermination,ne fe fafle pas avec toute l'exactitude géométrique, elle eft cependant aflez d’accord avec l'expérience , pour qu'on puifle pafer fur une différence légère. S. VIL. Une circonftance peut rendre la folution de ce problème très- facile ; c'eft quand on n'exclut du mélange des fept couleurs qu’une feule ou deux , qui font immédiatement à côté l’une de l’autre, comme, par exemple , fon omettoit feulement le violet ; car il eft clair que la fomme de fix arcs, qui indiquent les couleurs comprifes dans le mélange ; {era partagée en deux également par la ligne tirée par le centre de gravité com- mun de ces arcs, & par le centre du cercle; & que fi l'on prolonge en- fuite certe ligne de l'autre côté vers l’arc du violer, elle pañlera aufli par le milieu de cet arc. Cette remarque fert à déterminer, de la façon fui- vante , la couleur qu'on cherche, Qu'on coupe au milieu l’arc du violer, que de [à on tire un diamètre par le centre du cercle, l'arc qui eft vis-à- vis du violet, & par lequel ce diamètre pafle, indiquera la couleur qui réfulte du tnélange. Sans avoir befoin de décrire le cercle réellement, on trouvera facilement le même réfultat par les nombres de degrés qui re- viennent aux arcs de chaque couleur. Que dans le problême précédent, on prenne 40 degrés, ou la moitié de l'arc violet ; qu'on y ajoute les 45 degrés du rouge , enfuite les 27 de l'orangé, & enfin les 48 du jaune , la fomme de tous ces arcs donne 160 degrés, qui ne font pas encore la demi-circonférence du cercle : mais fi on y ajoutoit encore tout l'arc vert, c’eft-à-dire , 60 degrés , la fomme furpafleroit le demi-cercle, parce qu’elle n’en différeroit que de 20 degrés SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 183 en moins, On voit donc par-là que le centre de gravité cherché tombe à la vérité fous l’arc de la couleur verte, mais en s’approchant de 10 de. grés de plus du jaune, & que par conféquent le mélange doit donner une couleur verte , qui cependant tire confidérablement fur le jauve. Que fi on vouloit rechercher aufli fi la couleur, dans fon efpèce, ef forte ou foible, on pourroit fe fervir de la proportion fuivante. Comme le nombre de degrés de tous les arcs dont on fe propofe de méler les couieurs , eft au nombre de degrés de l'arc violet, c’eft-à-dire, comme 280 eft à 80, ainf la diftance du centre du cercle eft à la diftance du centre commun des autres arcs au même centre du cercle. Je crois ce- pendant que, dans ke préfent cas, on ne peut omettre entièrement certe recherche , parce qu’on fait d’ailleurs que n’y ayant qu'une couleur de toutes qui n'entre pas dans le mélange, le centre de gravité cherché doit tomber très-près du centre du cercle, Dans les cas où les circonftances feroient plus compliquées , on pourra voir dans la Diflertation du P. Benyenuti, ce qu'il y-aura à obferver. Mais fi nous ne confidérons que les couleurs accidentelles, on rifqueroit aufli de fe tromper fouvent, en voulant juger de leur force ou de leur foibleffe par la poftion du centre de gravitétrouvé, vu que la couleur du fond fur lequel on re- garde la tache colorée ne laifle pas d’avoir une grande influence fur lPi- mage qui fe préfente enfuite fur un fond blanc. La fuite le fera voir, & nous avons même déjà obfervé (&. Il.) que toutes les couleurs acci- dentelles font beaucoup plus parfaites quand on confidère les réelles fur une furface noire. : $. VIIL. Suppofez maintenant qu'on demande le réfultat du mélange de toutes les couleurs primitives, en omettant la verte. Nous avons donné à certe couleur , dans la divifion du cercle , 60 degrés; la moitié de cet arc , ajputée aux 60 de da couleur bleue, fait 90°; plus, 40° de- grés de l’indigo donnent 130°. Il manque à ee nombre $O pour com- pléter 180°, & c’eft fur le violet qu'il faut les prendre. On en conclura donc de foi-même, que le centre de gravité commun tombe dans Le violer, mais en s’approchant davantage du rouge de 10 degrés; de forte que la couleur compofée fera violette , mais mêlée fenfiblement de rouge, & viliblement très-foible , puifque ce n'eft que l'exception d’une feule couleur qui fait qu’elle n’eft pas entièrement blanche. Mais n’elt-ce pas là cerre foible couleur de pourpre femblable à une améthifle pâle , qu'on voit après avoir fixé une tache verte fur un fond blanc, de laquelle nous avons fait mention ci-deflus en rapportant les expériences de M. de Buffon } L'œil fatigué par une longue attention à la couleur verte, & jeré en- fuite fur la furface blanche , n’eft pas en état de reffentir vivement une imprefion moins forte de rayons verts. Or, à la vérité , toutes les mo: + 184 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, difications de la lumière font réfléchies par la furface blanche; mais les vertes font en beaucoup moindre quantité, en comparäifon de celles qui frappoient l'œil en venant de la tache verte. Si donc on fixe l'œil fur le papier blanc, il arrivera que celles des parties de l'œil qui auparavant avoient fenti une plus forte impreilion de la lumière verte que les autres, ne pourront pas éprouver à préfent tout l'effet de cette lumière ; mais elles auront la fenfation d’une couleur mêlée des autres rayons, laquelle reffem- blera, comme nous venons de le montrer, à une couleur de pourpre âle, $. IX. M. de Buffon a trouvé de la même manière , que la couleur accidentelie d’une figure bleue, confidérée fur un fond blanc , étoit rou- geatre & pale. Je ne doute pas qu'on ne nr'accorde que l'œil, mis hors d'état par une forte fenfation de quelque couleur , de reflentir une im- preflion moins forte des rayons de la même efpèce, que l'œil alors, dis-je, ne fera pas en état ngn plus de diftinguer avec précifion les rayons qui onc une afhnité avecceux-là, & qui déjà naturellement font encore plus foi- bles. Une couleur de cette efpèce eft , fuivant môi, l’indigo comparé au bleu clair, C’eft un bleu qui eft feulement plus foncé.-Ne peut-on pas foupçonner donc que l’impreflion de l’indigo n’eft pas fufifante pour faire fenfation fur un œil qui auroit déjà été fatigué en regardant du bleu ? Cela pofé , on comprend qu'ayant fixé une figure bleue & jetant l'œil enfuite fur du papier blanc , la partie de l'œil où la figure s’étoit peinte ne reflentira d'eflets fenfibles que des rayons rouges, orangés , jaunes , verts & violets, qu’elle ne recevra qu'une impreflion infenfible des rayons bleus & indigos, & qu'il faudra donc faire, abitraction de ces deux dernières efpèces , & chercher la couleur qui réfulte du mélange des cinq autres. Les arcs du bleu & de l'indigo, pris enfemble, font 190°; ajoutez à la moitié de cette fomme les 80° du violet, & les 45° du rouge, vous aurez déjà 175$, & il ne faudra par conféquent qu’ajouter encore 5 degrés de l’orangé pour compléter la mefure du demi-cercle. Ainfi, le centre de gravité des couleurs mêlées fe trouvera fous l'orangé , & très- proche du rouge, & on juge aifément que la couleur mêlée ne fera pas facile à diftinguer d'avec cette dernière. Si M. de Buffon s'eft fervi, pour fon expérience, d’un bleu bien clair, on ne s'étonnera pas que la couleur accidentelle lui ait paru rouge. Celui dont je me fuis fervi, en répétant pour la première fois les expériences de M. de Buffon, étoit parfait dans fon efpèce, & f2 couleur acciden- telle me parut orangée, de même qu'à une autre perfonne qui étoit pré- fente. Je remarquerai ici généralement que M. de Buflon, dans le Mé- moire que nous citons, n'indique jamais les couleurs que par le nom gé- néral de bleu, de rouge, &c. , fans donner une détermination plus exacte de lefpèce, Or, yayant tant de couleurs différentes qui fe rangent ji a “di SUR L'HIST. NATURELLE ET LES:ARTS. 418$. la claffe du bleu, il faut abfolument aufi que les expériences donnent des réfulrats qui diflèrenc entre eux. Je m’aflure cependant que certe différence ne regardera jamais la couleur principale, fur-tout quand on a fixé l'œil pendant long-temps fur des couleurs peu vives, telles que font le bleu, l'indigo , le vert foncé , le violer, &c. .$. X. Ce que j'ai obfervé plus haut touchant l’afinité entre lindigo & le bleu clair, s'entend par la même raifon du rouge & du violer clair, principalement quand le rouge deftiné à l'expérience eft un peu foncé, & approchant du pourpre; car certe efpèce de violer tire aufli fur le rouge, étant feulzment moins vive. Si l’œil donc eft incapable de reffentir l'im- preflion du rouge , il faut qu’il foit de même infenfible pour la plus grande partie des rayons violets. Or , eflayons d’exclure du mélange le rouge, & au moins deux tiers du violet, nous aurons pour moitié de leur fomme 49 degrés 10 minutes , qui, avec 27 de l’orancé , 48 du jaune , & 60 du vert, forit 184 degrés 10 minutes. Il fuit delà, que le centre de gravité commun fe trouve dans le vert, & feulement à une diftance de 4° 10‘ du bleu, duquel il feroit un peu plus éloigné, fi on avoit omis entière- ment Le violet. Cela n'empêche pas que, même de cette manière, nous n'obtenions un vert qui tire fur le bleu, & qui doit être aflez vif, parce que, par lexclufion d'un arc confidérable que nous avons admife, le centre de gravité des autres arcs tombe affez loin du centre du cercle; & qu’outre cela , une des plus fortes couleurs , favoir le rouge, ne fe trouve pas dans le mélange. Une tache couleur de vermillon donne une couleur apparente , qui tire beaucoup plus fur le bleu. $. XI. La manière de calculer dont nous nous fommes fervi jufqu'ici , fait voir qu'en .omettant le jaune , la couleur mêlée tombe dans l’indigo, fort près violet , duquel elle fera plus éloignée, fi on omet auf l’o- rangé. C’eft pourquoi une tache jaune , fixée pendant quelque temps , fe peint en bleu fur une furface blanche, Sion veut fe fervir des couleurs primitives de la lumière pour les ex périences, on fera tomber le fpectre fur un fond blanc , à une diftance pas trop grande du prifme, On pourra de cette façon confidérer les cou- leurs primitives dans l’ordre l'une après l’autre , & remarquer leurs cou- leurs accidentelles. Si , dans le fpe@re, le rouge eft en haut & le violet en bas , la première couleur accidentelle fera un bleu tirant fur le vert; la feconde fera un bleu prefque indigo; la troifième un bleu, mais plus violets la quatrième , pourpre; la cinquième, rouge; la fixième , orangé, mais un peu pâle ; la feptième enfin, un vert fort jaune. La divifion du cercle indiquée donne les mêmes couleurs apparentes. On peut obferver ces couleurs encore plus diftinétement , en confidé- rant à la lumière du jour une croifée de fenêtres par Le prifme ; car on voit au-deflus de la barre tranfverfale le vert, le bleu, l'indigo, & le. violet ; Tome XXVI, Part, 1, 1785. MARS, Aa 186 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, & au-defTous , le rouge, l'orangé, & le jaune, quand l'angle réfringent du prifme eft tourné en bas. Or, l'impreflion de ces couleurs prifmatiques , lorfqu'en paffant par le verre elles tombent immédiatement fur l'œil , eft incomparablement plus vive que quand elles font réféchies auparavant par un autre Corps: on voit aufli leurs couleurs accidentelles beaucoup plus parfaitement. Il ne faut cependant jamais perdre de vue la remarque que fair Newton au fujet du violet , dans fon Optique (Liv. E, part.2, Prop. 6). La couleur violette compofée, dit-il, a généralement plus de feu & d'é- clat que La fimple. U ne faut donc pas que nous nous étonnions fi, en fai- fant le mélange, le centre de gravité commun tombe dans Je violet, & que la couleur compofée contient cependant plus de rouge qu’il ne lui en reviendroit fuivant la divifion du cercle. $. XIT. Si je ne metrompe, tout ce que j'ai dit jufqu'à préfent , tant fur la fupputation des couleurs accidentelles, que fur leur origine , fe trouve fufifamment d'accord , non feulement avec La théorie de Newton. fur la lumière , maïs auffi avec la connoiffance que nous avons de nos propres fenfations, Pour plus de certitude, nous ajouterons quelques recherches pour découvrir fi ce critère général, par lequel on cherche à connoître la vérité dans d’autre cas, a auf lieu ici; c'eft-à-dire, fi les conféquences qu’on peut tirer des principes que nous avons pofés , fe trouvent confir- més par l'expérience. D'abord , ce qui précède doit faire conjeéturer que la couleur acci- dentelle, par exemple , d’une tache rouge , confidérée fur un fond noir ou blanc, doit être obfcure où ombrée , fi on jette l'œil fur une furface roûge , de même qu’on ne voit fur un fond blanc que l’ombre d’une tache blanche qu’on a confidérée auparavant fur un fond noir. En fecond lieu, que fi la furface fur laquelle on confidère un carré rouge, eft elle même colorée, par exemple, fi elle eft jaune, un papier blanc fur lequel enfuite on jette l'œil , paroîtra bleu, & qu'on y remar- quera un carré vert, & qu'en général on doit appercevoir, fuivant la règle que nous avons donnée , non feulement la couleur apparente de la figure , mais aufñli celle du fond. En troifième lieu , que fi, dans le temps qu'on confidère la figure colorée, on change Aredn de l'œil, de manière que l’image vienne à occuper une autre place fur la rétine , on verra la figure double ou dif- femblable de la vraie, Enfin , 4°. que la figure apparente prendra fur le papier blanc un bord pâle, quand on approche l’œil un peu de la tache colorée, pendant qu'on la regarde, & fans que l'image change de place fur la rétine. $. XIIT. On peut déduire encore de lexplication que nous avons donnée , la vraifemblance d'un plus grand nombre de phénomènes pareils; baser Sn SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 187 -& quiconque voudra fe donner la peine de les vérifier par l'expérience , fera content du fuccès. On verra, par exemple, une figure verte fur un fond jaunâtre, après avoir confidéré un carré rouge fur du papier bleu. Pareillement , fi le fond a éré jaune & la tache bleue, on verra une tache jaune dansun champ bleu, &c. Il n’eft pas plus difficile de fe con- vaincre que le carré imaginaire fe change en une figure oblongue , quand on change la pofition de l'œil. ( La Suite au Journal prochain ). OBSERVATIONS SUR LA DÉCOMPOSITION DE L'ACIDE NITREUX PAR LE PHOSPHORE (1); Par M. CHAPTAL, Profeffeur de Chimie des Etats de Languedoc. L ORSQU'EN 178r1,je communiquai à la Société Royale des Sciences de Montpellier mes expériences fur la décompofition de l'acide nitreux diftillé fur le foufre , j'avoisintention de lui faire part encore de la décompofition de ce même acide par le phofphore, Je fis connoître mes réfultas à l’un de nos plus célèbres Chimiftes ; & fur le rapport qu'il me fit que Margoraf en avoit obtenu de femblables, je ne jugeai plus mes obfervations dignes d’être rendues publiques. J'ai confulté Marggraf de- puis cette époque , & n'ai pas été peu étonné , je l'avoue , de ne trouver - dans fes écrits que inflammation & l’explofion du phofphore par la- cide nitreux. J’ai donc repris mon travail, que j'ai regardé comme neuf, ai multiplié & répété mes expériences, & en ai dreflé Le tableau fuivant, que j'ai l'honneur de vous communiquer. Si l'on verfe de l'acide nitreux rutilant fur du phofphore, il fe produit une effervefcence confidérable, & quelquefois une inflammation fubite. Ce phénomène étoit connu du célèbre Marggraf. Le réfidu de cette combultion de phofphore eft une liqueur rougeâtre (1) M. Lavoifier a communiqué à l’Académie des Sciences un Mémoire fur le même objet, qui eft imprimé dans le volume de 1780. Tome XXVI, Part, I, 178$.MARS. Aa a 188 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, très-acide, un mélange d’acide phofphorique, & d’un peu d’acide ni- treux. On peut accélérer de trois ou quatre manières l’inflammation du phof- phore par l'acide nitreux ; 1°, en augmentant la proportion du phof- phore relativement à l'acide nitreux; 2°. en employant de l'acide plus concentré; 3°. en fe fervant ‘de phofphore très-divifé, ou mi-ux encore de. ce phofphore demi-brülé , qui forme une pellicule à la furface de l'eau du récipient lors de la diftillation, Un gros d’acide nitreux rutilant , verfé fur 2 gros de phofphore, pro- duit une inflammation fpontanée; mais demi-once du même acide, verfé {ur demi-gros de beau phofphore, n'a préfenté les phénomènes fuivans. On voit d'abord fe former des bulles à la furface du phofphore; les bulles, en augmentant fon volume , le rendent plus léger; il vient nager à la furface : il fe produit une effervefcence confidérable , qui va toujours en augmentant; l'air nitreux fe dégage en abondance, le phofphore s’en- flamme & brüle à la furface, la violence de la combultion le divife en éclats, les parcelles rejetées contre les parois du vafe y brülent , & en occafionnent ordinairement la rupturé. Une fois afluré que le phofphore ne brûloit qu'à la furface de l'acide , j'ai eflayé de le fixer au fond du vafe, & de l'y retenir jufqu’à ce qu'il fûe totalement diffout; en conféquence, jai pris demi-gros de beau phofphore & demi once d'acide nitreux rutilant ; j’ai renverfé fur le phofphore en bätons un très-petit entonnoir qui plongeoit en entier dans l'acide, & j'ai obfervé que les bulles qui fe dégageoient , cherchoient à faire monter le phofphore , qui étoit retenupar les parois de l’entonnoir. Ce dernier gros de phofphore a été diflout dans l’efpace de deux heures ; & lorfque la diffolution a été complette, comme il fe dégageoit encore du gaz ni- treux , j'ai abandonné l’expérience à elle-même ; & au bout de deux jours, j'ai trouvé au fond du vafe une liqueur blanche très-acide , qui a pefé 1 gros 56 grains ; j'ai rapproché à un feu doux, pour volatilifer l’excédant d’a- cide nitreux , & ai réduit cette liqueur au poids de 69 grains : c’étoit de Pacide phofphorique très-concentré. J'ai diffout , par un procédé femblable, 20 grains de beau phofphore dans 6 gros d’acide nitreux rutilant. Le phofphore, en fe diffolvant, chafle ou déplace l'air nitreux, & ce dégagement continue long-temps après la diffolution ou difparition du phofphore. Après dix jours d'éva- poration l'air libre, à une température de 6 à 10 degrés au thermomètre de Réaumur, j'ai trouvé un réfidu pefant 61 grains, qui , rapproché par une chaleur douce , s'eft réduit à s2 grains. Convaincu de la diffolution du phofphore dans l'acide nitreux rutilant, & de La formation d'un nouvel acide par cette méthode, j'ai effayé fi l'a- cide plus foible fufiroit pour cette opération. Pour cet effet, j'ai pris Li SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS, 189 _ 27 grains de fuperbe phofphore, & 2 onces d’acide plufieurs fois dif- tillé & crès-blanc ; il marquoit 20 degrés à l’'aréomètre de M. Beaumé, Le phofphore s’eft bientôt couvert de groffes bulles argentines ; mais , elles paroifloient très-adhérentes à la furface , & il ne s'en eft élevé au- cune. Quatre jours de repos n’y ont produit aucun changement ; j'ai mis alors ce bocal fur ua bain de fable, que j'ai chauffé graduellement. L’a- cide a commencé à s’évaporer ; le phofphore s’eft ramolli, il s’eft diffout en partie , & il s’en dégageoit de temps en temps des fragmens qui venoient s’'enflammer à la furface du liquide: le phofphore , ramolli au fond de la liqueur, reffembloit à de la cire fondue & tranfparente, C’eit , pour le dire en pafflant, un moyen de porter le phofphore à fon dernier degré de pureté. L’acide nitreux évaporé , le rélidu gras , orétueux , & de couleur brune , a pefé 26 grains : c’éroit de l'acide phofphorique très -con- centré. La diffolution du phofphore par l'acide nitreux bien reconnue, j'ai voulu examiner les phénomènes de cette opération dans des vaifleaux clos; j'ai mis en conféquence $o grains de phofphore dans un pius petit matras, verfé deffas 200 grains d’acide nitreux affoibli; j'ai adapté un tube re- courbé , que j'ai fait plonger jufqu’au fond dans un petit facon vide; de ce flacon partoït un autre tube recourbé , qui alloit aboutir fous un récipient plein d’eau, & renverfé fur la planche de ma machine hydro-pneuma- tique. Quatre jours de repos n'ont produit que la divifion du phofphore, & une écume à la furface de l’acide, Le cinquième jour , j'ai échautfé lésèrement le bain de fable ; la pre= mière impreflion de chaleur a enflammé le phofphore, & le vaifleau s’eft -obfcurci de vapeurs blanches. L'inflammation a été l'effet du moment, à peu près comme un éclair répété trois fois. Lorfque la chaleur a été portée au 76° degré d’un thermomètre de Réaumur, placé à côté du matras & enfoncé dansle fable à la même profondeur , le acon intermédiaire s’eft rempli de vapeurs rutilantes; il en eft monté quelques bulles dans le récipient renverfé, La diftillation fe contiuuant toujours, la liqueur du matras a paffé dans le facon, & le réfidu contenu dans le matras étoit noir comme le réfidu de la diftillation d'un bitume. J'avois alors obtenu environ 15 pouces cubes d’air nitreux; J'ai laiffé refroidir le bain de fable, en foulevant le bec du tube qui plon- geoit dans l'eau ; la liqueur qui avoit paffé dans le flacon , eft revenue dans le matras, d'où elle a été chaflée en peu de temps ; & ayant de nouveau difpofé l'appareil pour recevoir les vapeurs, j'en ai retiré 10 pouces cubes, J’ai répété la même manœuvre quatre fois de fuite; & par ce moyen j'ai obtenu en tout 43 pauces d'air nitreux. Il faut convenir que j'en ai perdu’, parce que , du moment 190 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, ue la liqueur du facon refluoit dans le matras , il fe dégageoit une bouffée 4 gaz,que je ne pouvois pas recueillir, quoique je plongeaile Le plus promp- tement poflible le bec du tube fous le récipient. Dans cette expérience, 1 y a trois chofes à examiner. 1°. Le réfidu du matras fortement acide a pefé $2 grains; je l'ai étendu d’une petite quantité d'eau; ce qui na donné un acide aflez fort ; mais il y avoitun réfidu infoluble dans l’eau , & qui avoit l'apparence d’un bitume , qui, defléché , a pefé 6 grains, & a fourni à la combuftion une odeur très décidément bitumineufe. Eft-ce un phénomène femblable à ce qui fe pafle lorfqu’on fait réagir l’acide nitreux fur une huile effen- tielle 2 2°. La liqueur qui a paffé dans le flacon , & qui a fouffert quatre dif- tillations, n'étoit que de l’eau légèrement acidulée, ne fentant point l'a- cide nitreux, ne faifant aucune efférvefcence avec les alkalis gazeux ; elle a pefé 1 gros 36 grains. i 3°. Le gaz paflé dans le récipient étoit l'air nitreux mêlé de ce gaz phofphorique , qui accompagne toujours la décompofition du phofphore, & qui a une odeur que tout Chimifte connoît. Ù Cette expérience, qui montre féparément les principes de l'acide ni- treux, m'a paru mériter d'être variée. J'ai employé de l'eau forte du commerce bien précipitée, rediftillée, & marquant 35 degrés au pèfe- liqueur de M. Baumé ; j'en ai verfé 200 grains fur $o de phofphore , & ai dreffé un appareil femblable au précédent. Son action fur le jrober a été plus prompte,; j'ai retiré 39 pouces d’air nicreux ; le réfidu du ma- tras a pefé ÿ4 grains , & la liqueur du flacon intermédiaire I gros 21 grains. J'ai obfervéen général, que plus l'acide écoit fort, plus on obtenoit d'air nitreux, & moins d’eau acidulée dans le facon. Les expériences variées & répétées plufieurs fois, m'ont toujours pré- fenté des réfultats à peu près femblables, & je les ai fait connoître dans mes trois derniers Cours de Chimie. Elles me paroifloient offrir des phénomènes abfolument neufs, tels que le déplacement à froid du gaz nitreux par le gaz phofphorique ou phof- phore, & la décompofition ou féparation de l'acide nitreux en trois prin- cipes bien diftinéts; favoir , l'air déphlogiftiqué, qui fe combine avec le phofphore & conftitue l'acide phofphorique , l'air nitreux qui fe volati- life & paile à travers l’eau dans le récipient, & l'eau qui refte dans le flacon intermédiaire, Les expériences font encore une confirmation directe de la fublime théorie de M. Lavoilier fur les principes de l’acide nitreux & la com- ofition des acides: c’eft un phénomène de plus , qui nous prouve que & dégagement d’un acide par un autre acide ne fe fait que par l'afinité , SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 197 des deux gaz. En effec, l'air déphlogiftiqué paroît être la bafe de tour acide, & fa combinaifon avec des gaz de différente nature , conftitue les différences des acides. Avec l'air inflammable ou phlogiftiqué , il forme l'acide méphitique ; avec le foufre , le vitriolique ; avec le phofphore, le phofphorique; avec Le gaz putride animal , l'acide nitreux. C’eft donc entre ces gaz que s'exerce l'afinité ; & fi nous voyons quelquefois des métamorphofes , des tranfmutations , elles ne font dues qu’aux dépla- cemens réciproques des-gaz ; & la formation de prefque tous les acides obtenus par la diftillation d’un autre acide fur certaines fubftances, n'eft due prefque toujours qu’à la décompoñtion de l'acide diftillé , comme M. Lavoilier l'a prouvé au fujet de l'acide du fucre, comme je crois l'avoir démontré dans mon dernier Mémoire {ur la décompofition du foufre par l'acide nitreux , ou plutôt fur la décompofition de ce même acide par le foufre ; & enfin, comme je viens de le faire voir, par le phénomène de la diftillation de l'acide nitreux fur le phof- phore. Les expériences rapportées dans ce Mémoire nous fourniffent un troi- fième moyen d'obtenir l'acide phofphorique; nous en connoiflons déjà deux, 1°. Celui de M. Sage, qui confifte dans la combuftion infenfible du phofphore. 2°. Celui de M. Lavoilier, qui enflamme le phofphore & le fait brü- ler rapidement fous des cloches de verre. L'un & l'autre de ces procédés donnent de l'acide phofphorique , &-une combinaifon de phofphore & d’air déphlogiftiqué ; mais le premier de ces procédés elt très-long , le fe- cond demande un appareil convenable, Celui que je propofe me paroît plus fimple & plus prompt. J'ignore fi-l'acide obtenu par ce moyen elt exactement de la même nature que celui qu'on retire par les autres procédés. On fait que l'acide retiré par la déflagration du phof- phore , a donné à M. Lavoilier des réfultats un peu différens de ceux qu'avoit obtenus M. Sage de l’acide produit par la combuftion lente de cette fubftance inflammable. Il ne feroit donc pas furprenant que celui- ci, retiré par un troilième procédé, préfentât quelque différence. Je me de cet objet, & aurai l’honneur de vous en communiquer le réfultar, GE 192 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, DY ETSACMR CT PT IOPN DAUMPOBUMRMEMDADSERNRE Suivie de quelques expériences relatives à la couleur bleue que l'on pourroir obrenir de fes baies ; Por M. PAIOT DESCHARMES, }: GNORE fila plante dont je joins ici la figure , d’après nature, a été décrite par quelque Auteur: elle m'a paru devoir fixer l'attention , par l’ufage dont elle peur devenir dans les Arts. Cette plante eft fort commune dans la baïfle-Normandie, dans les cantons de cette Province connus fous les noms de /a Hague & du Wal de Serre :elle croît principa- lement dans Les bois , les bruyères , les landes, &c. Le mouretier (1), tel qu’on a coutume de nommer la plante dont je parle dans les cantons défignés , doit être regardé comme un arbufte ; il s'élève communément à la hauteur de 12 à 1$ pouces au-deffus des moufles , dans lefquelles fa racine eft ordinairement engagée en partie & couchée. Celle-ci eft rougeñtre à l'extérieur, fibreufe, un peu che- velue & traçante. Cette couleur rougeâtre fe conferve même fur latige, tant qu'elle eft enveloppée de, moufle ; ce qui forme une ligne de démar- cation fenfible à l'endroit où la couleur verdâtre & boifée de la tige prend le deflus. Il fort fouvent plufieurs tiges de la même racine. Les yeux & les chevelus dont elle eft garnie, paroiflent favorifer fa manière de fe reproduire, principalemeut par provins ou furgeons. Sa tige eft pour l'or- dinaire dépourvue de feuilles , quoique garnie de quelques boutons. Elle eft, ainfi que les branches, ligneufe , cannelée , plus ou moins verte, chargée d'une efpèce de nœud ou d’articulation, defquelles fortent les bou- tons, foit pour feuilles, foit pour fleurs. Ceux-ci font un tant foit peu rougeûtres à-leur extrémité ; ils ont aufli une apparence plus nouée: les feuilles font pétiolées, un peu luifantes des deux côtés, dentelées peu profondément, de figure à peu près cordiforme, d’un vert aflez foncé, es (1) Cette plante, qui eft un Vaccinium, eft très-commune dans les lieux élevés, comme les montagnes des Pyrénées, du Dauphiné. ( More de l'Editeur. ) mais | r SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 7193 mais moins hautes en couleur du côté deleur nervure. Ces feuilles fonc alternes, leur plus grande longueur ne pafle pas 9 à 10 lignes. Certe plante eft vivace ; fa clafle doit être , fuivant Linné , celle des décandries, & fon ordre celui des monogénles. On en va juger par le détail de fes parties caractériftiques. s Figure 1°%°, Mouretier dans fon état naturel, partie en fleurs & partie en fruits, 4 racine, btige, ccc fleurs monopétales en grelots & à cinq divifions ; elles font hermaphrodites & axillaires; elles portent fur un pé- duncule d. Ces fleurs font de couleur rofe; elles montrent cinq côtés à leur extérieur 3 elles commencent à paroïître dès le mois de Mai. ; Figure 2. Fleur ou cerolle ouverte pour laiffer voir la dentelure de fon tube e. Figure 3.f. Calice polyphyle de fa eur ; il fort de laiffelle des feuil- les ; g, feuille florale. Figure 4. Grandeur & couleur des feuilles qui compofent le calice; les deux grandes z font placées entre les deux petites 7. ( Voy. les lettres f & h, fig. 3 & 5.) Ces feuilles tombent avant la maturité de la baie , à peu près en même temps que la corolle & les étamines : il ne refte pour l'ordinaire que le piftil. La lettre k, fig. 1 , repréfente une baie dans ce dernier étar, : Figure $. Difpofition des étamines /, autour du piftil #. Les étamines font au nombre de dix ; elles font de couleur aurore ou fouci foncé. Le piftil eft d’un vert tendre à fon fommet , devenant plus rembruni à fa bafe. Lorfqu'il refte attaché au fruit mûr , il prend une teinte rouge- brun; # , projection de la corolle , pour faire voir la manière dont elle enveloppe fes étamines & Le piftil. Figure 6. Courbure que prend le péduncule à fa partie inférieure, lorfqu'il eft chargé du fruit. La même figure repréfente une étamine vue de profil auprès du piftil. Li Figure 7. Etamine ifolée, o. fon filet, p fon anthère; les deux par- ties g s'inliruent fur le piftil , & les deux autres r fe jettent en ar- rière. Figure 8. Piftil ifolé ; s, fon couronnement. Figure 9. Fruit ou baie nommée mouret ; fon épiderme, couvert de rofée , préfente une couleur approchante de celle du raifin noir; z, nom- bril; z, dentelures : ce font les places d’où fortent les filets des étamines. On peut cueillir ces fruits depuis le 25 Juin jufqu'à la Saint-Denis en- viron. Figure 10. Baie coupée en deux , pour montrer les deux Joges qui con- tiennent enfemble une cinquantaine de oxaines. Le parenchyme eu la pulpe de cette baie tire plus ou moins fur Le cramoili, Tom, XXVT, Part. 1,1785. MA RS. Bb 194 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, Figure 11. Graine. Elle eft jaune lorfqu’elle eft deïféchée ; mais elle paroît rougeâtre étant enfermée dans fa loge ; fa figure eft triangulaire X taillée en forme de coin. Figure 12. Partie des branches ou de la tige, vue féparément, Figure 13. Partie d’une branche fur laquelle fe trouvent deux-feuilles jléss & placées comme elles le font naturellement, c’eft-à-dire , en fens alterne. Nota. Une tige de mouretier , femblable à celle definée fig. 1 , donne fouvent à la fois plus d’une douzaine de mourets. Après avoir détaillé les parties qui carattérifent cette plante, je vais paller aux propriétés que j'ai.cru lui reconnoître, en la foumertant à dif- férentes expériences, Je préviendrai auparavant que les gens de la cam- pagne, für tout les enfans , recherchent le mourer pour le manger: on en vend même dans les Villes. Les habitans de l'Ifle d’Aurigny achètent beaucoup de ce fruit à Cherbourg. Le fuc en elt rouge cramoifi ; il paroît légèrement acide. Réduit en confftance d'extrait, il attire l'humiüité de l'air; la pointe de l'acide domine la partie fucrée. Sur la remarque que les perfonnes qui mangeoient du mourer avoient les dents , la langue & les lèvres teintes en une efpèce de violet; que les mains, le linge fur lequel on les efluyoit , devenoient teints pareillement de la même couleur, qui réfiftoit, jufqu’à un certain point , au lavage à l’eau froide, il me vint à l'idée de faire quelques effais. Je fis bouillir quelque temps une certaine quantité de mourets dans un pot de terre neuf non verniflé, après y avoir ajouté un peu d’eau ; j'en paffai le fuc , & preffai le marc à travers une toile groflière de lin, un torchon blanc de lefive. La couleur du fuc me parut d’un aflez beau rouge; la toile teinte par l'effet de l'expreflion fut expofée & féchée à l'air, après en avoir enlevé le marc avec la lame d’un couteau. De rouge qu’elle étoit, la toile prit un ton de violet; toutefois on y reconnoifloit des teintes bleuatres. * Je trempai des chiffons de femblable toile blanchie dans le fuc exprimé. Séchés de même au foleil, ils préfentoient les mêmes effets, mais pas tout à fait aufli marqués. La lame du couteau qui m'avoit fervi à enlever le marc ci-deffus, ayant été effuyé fur un torchon blanc de leflive, la toile m'a paru teinte d’un, bleu affez décidé; on en remarquoit même la nuance fur la lame. ® Je mis dans un verre contenant du fuc de mouret bouilli, dela limaille un peu rouillée;le fuc ne tarda pas à prendre une couleur bleue; j'y trem- pai quelques chiffons , qui en prirent une foible teinte. J’effayai de faire digérer à froid le fuc de mouret fur le fer dans fon état d’agrégé. J'en verfai fur des clous non rouillés, fa teinte viclerte a bientôt paru ; il s’eft formé un dépôt de la même couleur, qui, lavé SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 195$ avec de l’alkali, a pris une couleur de bleu noir ou bleu foncé. L’alkali phlogiftiqué l'a changé en beau bleu de Pruffe. x Des morceaux de toile imbibés du fuc de mouret bouilli, après avoir été féchés, furent trempés dans une diflolution de favon; ils ne tardèrenct pas à y prendre une teinte bleue. : Je rentai fur ce fuc l'épreuve des acides & des alkalis fixes & volarils ordinaires ; l’un & l’autre alkali produifirent une couleur bleue très-fon- cée. Les acides la rougiflant, préfenrèrent les mêmes changemens qu'avec le tournefol que je metrois à côté en comparaifon. La couleur rouge du mouret feroit peut-être un bon réaétif pour les alkalis. Les alkalis fixes & volatils concentrés donnèrentune couleur bleue des plus foncées ; mais les chiffons prirent en féchant une teinte plus ou moins verdâtre, felon qu’ils avoient été plus ou moins imbus de la diffolution peu étendue de ces alkalis. J’attribuai Le changement du bleu en vert à la force & à l’adtivité des alkalis trop concentrés, En effet, ayant coupé d’eau les menitrues, jufqu’à ce qu’ils euffenc acquis feulementune lépère fa- veur, de nouveaux chiffons ont confervé , en féchant, la teinte de bleu décidé que le bain d’alkali leur avoit donnée, Rafluré fur la couleur bleue que donnoient les alkalis fixes & volatils, j'en conclus que l'urine putréfiée pourroit me donner le même réfultat, & avec une économie fenfible dans une opération en grand, J’expofai donc à la vapeur de l'urine putréfiée quelques chiffons imbibés auparavant de la couleur rouge de fuc de mouret bouilli: ils prirent à la vérité une teinte bleue, mais elle étoit pâle, Je développai Valkali volatil de lurine avec de la chaux ; les chiffons prirent une teinte‘ plus foncée, mais tirant fur le vert. Je pris le parti de ne pas laiffer fécher tout à fait ces chiffons, & de leur conferver une certaine moiteur. Je croyoïs par-là me rapprocher davantage de leur état d’immerfion dans les alkalis affoiblis. Cet effai me réufit, & j'obtins une teinte bleue dé- cidée & égale, Il faut remarquer que les teintes n’étoient pas d’un bleu noir dès cette première expoftion des chiffons : mais trempés une feconde fois dans le fuc, féchés à moiteur , & expofés de nouveau à la vapeur de Purine remuée & aiguifée tant foit peu par la chaux , ils ont pris une couleur bleue noirâtre. Cette couleur cependant, obtenue comme nous venons de le dire n’eft pas de bon teint, puifque le lavage à l’eau chaude décolore un peu les chiffons; ce qui femble démontrer que l’on pourroit obtenir cette couleur en poudre ou en pâte. . La foie , le lin & le coton prennent très-bien la couleur bleue foncée, Deux poignées de mourets donnent de fix à huit cuillerées de fuc. L Après avoir effayé d'obtenir , par l'urine , une couleur bleue du fuc Tome XXV I, Part, I , 1785. MARS. Bb 2 196 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, rouge des mourets, j'ai tenté la précipitation de la partie colorante par la voie de quelques fels neutres. Avec la diffolution d’alun , la couleur rouge eft devenue obfcure; elle a tiré plus fur le pourpre ; il s'eft fait un précipité de la même cou- Jeur. Avec la crème de tartre , à peu près la même chofe, Ee vitriol de Mars a rembruni la liqueur ; elle à perdu fa tranfpa- rence , il s’eft fait un précipité violet foncé. Une cuiller d'étain plongée dans le fuc, l’a rendu violet après quelques minutes d’immerfon. Le fel de Saturne a changé fa couleur rouge en bleu foñcé ; il a paru fur le champ un abondant précipité de la même couleur en mafle caille- boteufe. Cette couleur a M d’intenfité avec le fuc de mouret fer- menté ; elle eft devenue feulement couleur de ciel. Ces derniers pré- cipités ; féchés parfaitement & expofés fur un charbon , au moyen d’une loupe, le feu du foleil a reviviñé en globules le plomb qu'ils con- tenoient, L'eau de chaux a coloré en bleu tirant fur le violet la liqueur rouge du mouret. Cette liqueur bleue , concentrée au foleil, a donné un extraic de la même couleur. D'après ces différens efais, ne feroit-on pas tenté de dire que le phlo- giftique des alkalis & des métaux font les feuls agens des couleurs qu’on a fait remarquer? Ne peut-on pas aufli regarder comme un effèt de l’al- kali volatil libre de la faliveou de la décompoñition de celle-ci , le change- ment de la couleur rouge du mouret en la couleur plus où moins violette qui paroît fur les lèvres , la langue, les dents, peu de temps après qu’on en a mangé. Celle de la même teinte qui paroïit fur les mains, quand on en a touché, pourroit auf être attribuée à l'humeur de latranfpiration infenfible, Ne doit-on pas encore confidérer comme un effet de l’alkali du favon la couleur bleue qui paroït fur Le linge roux de leffive imbibé du fuc de mou- ret; quelque bien ferrée qu’elle foit, une toile retient toujours quelques par- ticules favonnéufes. L'alkali_ affoibli d’eau verfée fur lextrait rouge du mourer, ÿ produit une effervefcence, & le change en bleus; les acides lui refli- tuent la couleur, Plus fes baies font mures, plus le fuc eft fufceptible de fe colorer én bleu foncé par l’action des alkalis. Le fuc de mouret fermenté eft fufceptible de donrier une eau-de- vie. Tel eft le réfultat de mes recherches fur quelques propriétés du mou: rétier, Je regrette de n'être plus à portée de Les continuer, J'ai eru-ne de- voir pas les taire; elles pourront faire naître des vues & des "expériences plus concluantes, Il feroit à défiref que quelque perfonne fixée fur Les lieux SUR L'HIST. NATURELLE ETLES ARTS. 107 voulüt s’en occuper; peut-être la couleur bleue qu'il paroît qu'on en peut obtenir, feroit fufceptible de tourner à l'avantage des Arts & du Com- merce. On ne fauroit trop multiplier les ingrédiens propres à la tein- ture :ce n'eft qu'en les recueillant Sr SEC fur notre propre fonds, que nous pourront parvenir à nous pafler des fecours de étranger. SUITE DE LA DISSERTATION puis ML A: N DR LASN EF, S'UCR (LPAT CHA CE EURE A TPE N°T'E; Traduire par M. B. S. T. & Dijon. L ES compoftions métalliques offrent le même phénomène dont j'ai fait mention , & que Black & d’autres ont obfervé fur les fubftances qui paffent de l’état de Auides à celui de folidess favoir, qu’elles fe criftallifene & fe confolident plus facilement quand elles font légèrement apitées, que lorfqu’elles fonc dans un repos abfolu; puifque , fi l'on fait fondre, par exemple , une livre de la compoñtion de M. Darcet, & qu'on l’échauffe jufqu’au 100° degré de Réaumur ; qu’enfuite on La verfe dans un vaifieau de bois de faule ou de fapin , on remarquera qu’en agitant lésèrement ce, vafe,en le frappant doucement avec une baguette, la compofition fera toute criflallifée èn une minute & demie ; au lieu que fi on le laïffe tran= quille, il lui faudra 2 minutes & so fecondes pour fe confolider de même, . On ne doit pas attribuer à l'agitation une plus grande difipation de chaleur ; car fi l’on agite légèrement du mercure chaud de 80 degrés, pourvu que l'agitation ne foit pas confidérable ; fa chaleur fe diflipera à peu près dans la même progreflion que s’il n'étoit point agité du tout; tant il eft vrai que, dans notre expérience , l'agitation ne favorife pas la diffipation de la chaleur libre & développée, mais dans la vérité ne faic diffiper que certe chaleur qui eft plus intimement combinée, & qui ne donne aucun figne extérieur de fa préfence ; finon lorfque le compolé mé-* tallique devient folide , qui eft l'unique moment où elle acquiert les qua- lités d’un feu libre développé. En effet, c'eft précifément à l'inftanc que cet alliage eft près de fe confolider, que le thermomètre qu'on y a plongé monte par l'agitation du vale, parce que c'eft alors même que 198 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, le feu fixe & Zatent , qui rendoit le compofé fluide , fe débarrafle en grande quantité, & fe montre comme un feu libre, qui eft la feule caufe de l’afcenfion du mercure dans le thermomètre. Ces alliages métalliques ; dans leur érat de fluidité , préfentent en- core un autre phénomène fingulier. Tant qu'ils font en cet état, ils ré- pandenc & perdent la chaleur à peu près dans le même temps que le mercure échauffé à pareil degré; mais aufli-tôt qu'ils deviennent folides , la difipation de la chaleur n’eft plus égale à celle que fait le mercure, mais infiniment moindre : de manière qu’il paroît bien probable que trous les métaux fluides retiennent la chaleur avec une égale force , quoique ces fubftances , devenues folides , l’attirent & la retiennent dans des proportions fart différentes. Voici Les expériences qui m'ont conduit à cette conjecture, Ayant échauffé une certaine quantité de mercure jufqu'à 140 degrés, Pobfervai que pour defcendre min, fecond, de 140 à, 1304 4, employa{ Oh (205 de 130 à 120 D PP RRAENE dé 1207 à" r10 RON MONTE) de 110 à 100 EU REA ER ER EE de deMrTCO A0 00 TOPHRINAIMEE deco, à 180 I TAC ‘L'alliage de M, Darcet , échauffé de même , & refroidi enfuite , & mis, . min, fecond. de 140 à 130 degrés, 0. , . $S der OM a 20 ON AS F de 120 à, 110 É taidel® #00) de 110 à 4100 Lee Hot NS de,11001] à sl19051u/ TA 1 où or t2h de. 9o à 80 Le + oi ot 40 Voilà en effet 6o degrés de chaleur difipés prefque en temps égal, foit de la part du mercure, foit du fluide , qui retient très-peu de chaleur, foit du compofé métallique, qui , dans l’état de folide , la retient, fi l'on peut le dire, avec tenacité (1), Re (x) Je parlerai plus au long de ce phénomèëne dans une autre Differtation qui traite de la propagation de la chaleur. SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 199 : Revenant à la chaleur latente ou au feu fixe qui fe développe lorfque les corps fluides deviennent folides, & qui probablement eft la caufe. de leur fluidité, il me refteroit à démontrer que les métaux abforbent aufli & fixent une notable quantité de chaleur, laquelle y demeure intimement combinée , fans en altérer la température: je m'en fuis aufi occupé ; mais wayant pas de thermomiètres capables de fupporter la chaleur des métaux en fufion, j'ai, au lieu des métaux, employé dans mes expériences les alliages métalliques qui fe fondent à un foible desré de chaleur. J'ai déjà dit que les Académiciens de Boulogne ayant plongé dans une chaudière d’eau bouillaute un verre plein de glace pilée , avec un ther- momètre dedans, obfervèrent que le thermomètre n’éprouva pas le moindre changement, jufqu’à ce que la glace fût entièrement fondue. On 2 vu aufli que M. Black ayant mélé de la glace pilée & de l'eauchaude, la température de ce mélange ne fut pas d’un degré au-deflus de celle de la glace route feule ; c’eft-à-dire, qu'elle n'excéda point le 32° degré de Fah- renheit, comme l’a obfervé aufli M. Lavoifier (1). Or , tout cela s’ex- plique très-bien par le principe de la chaleur latente ; car de même que l’eau fluide , refroidie bien au-deflus du point de la congélation, a befoin pour fe prendre de perdre le feu fixe, ou la chaleur latente qu’elle conte- noit; de même la glace, pour redevenir eau, a beloin d’abforber & de fixer tout Le feu qu'elle a perdu , en devenant glace. C’eft pour cela que la glace étant expofée à un air, même chaud, ne change pas de tempé- rature , tant qu'elle eft folide , parce que la chaleur que l'air ou l’eau lui communique , s’unit à la glace, & s’y fixe; & à mefure que la glace ab- forbe ainfi le fluide igné , elle perd fa folidité, & devient fluide elle- même. | Or, pour montrer que cette abforption a lieu aufli quand un. métal affe de l'état de folide à celui de Auide , j'ai pris deux quantités de même poids de lalliage métallique de M. Darcet, dont l’une , par l’adjonétion d'une petite quantité de mercure, étoit fufible à 4$ degrés de Réaumur, & l’autre à 72 environ. Je mis dans chacune un thermomètre , & les Jaiffai enfuite refroidir dans un bain d’eau froide, à 4 degrés au-deflus de la congélation; après quoi je les plongeaï en même temps dans un grand vafe plein d’eau bouillante ; & avec une montre à fecondes je mefurai le temps que chacun des compofés mettoit à marquer la température du bain d’eau où ils éroient plongés , lequel, au moyen d’un feu de charbon , fut toujours tenu à 80 degrés. ( L < (x) Expérience fur le paffage de Veau en glâce. ( Jowrn. de Phyf. Tutrod. tom: 2, pag 510. 200 © OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, L'alliage chargé de mercure, & fufñble à 45 degrés, fit monter le thermomètre deg. mine fecond. de nTO A 2 i TRONIE TS A de,.45: À; 6701 eZ ses Oleb 2120 de 73 à: 80 er Di Lo Le même compofé, fans mélange de mercure & fufñble à 73 degrés, mit pour le même paflage min. feconds de 10 ASE ee Nc OI RE 2) À a à pags à Me ol al) nd AE TS DEAN SRE OR TS ONE ON ENST Ces expériences confirment & démontrent donc que les métaux, pour pafler de la folidité à la Auidiré , ont befoin aufli d’abforber & de ffxer une quantité notable de chaleur,, avant que d'y arriver, puifqu'en effet le thermomètre s'arrête pendant quelques fecondes, quand il eft parvenu au degré où le compofé métallique devient fluide. Dans Le petit cylindre rem- pli d'alliage métallique , fufble à 73 degrés, & que je Es avec lui dans l'eau bouillante , le thermomètre mit 2 minutes & 10 fecondes pour monter du 10° degré au 72° ; & lorfque la matiere devint fluide depuis 72 jufqu'à 80, il mit 12 fecondes ; au contraire, le petit cylindre fdu compolé fufble à 45 degrés, plongé de même dans l’eau bouillante, mit 4$ fecondes pour monter à 45 deorés ; c’eft-à-dire , 25 fecondes de plus que le premier , parce qu’étant fufble à 45 degrés, il lui falloit, avant que de devenir fluide, abforber & fixer une certaine quantité de chaleur , qui fe combinât avec l’alliage fans en altérer la tempé- rature. Ce compofé érant devenu Auide lorfqu’il fur parvenu à 4$ degrés, la chaleur de l’eau bouillante s’y communiqua en peu de temps. Dans l'efpace de 210 fécondes, il acquit 73 degrés; & dans les 10 fecondes füivantes, il eut les 80 degrés, De plus, fi l’on obferve attentivement Les thermomètres plongés dans ces deux alliages , on verra que .tout celui qui eft dans la matière fufble a 73, que celui qui eft dans celle qui fe fonda 4$, du moment qu'ils font plongés dans l’eau bouillante , montent prefque également jufque vers-le 40° degré, parce que la chaleur du bain les pénètre, & fe ré- pand à peu près, auf aifément dans l’un que dans l'autre ; mais vers le degré 44 , la fufion commençant daps l'un de ces compofés , Le thermo- mètre soit nie 165$ RS SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 201 mètre qui lui appartient s'arrête environ une minute, tandis que l’autre (qui eft dans le compofé fufble à 73) continue de monter, & ne devienc prefque ftationnaire qu’au moment & tout le temps que s'effectue la li- quéfaction du compofé métallique. La fuite de ces phénomènes prouve avecévidence , 1°, que le compofé fufble à 45 degrés devant abforber & fixer beaucoup de chaleur pour de- venir fluide, c'eft pour cela que la fufion commençant , la chaleur que lui communique l’eau bouillante, ne s’y réunit pas en état de Auide igné, développé & capable ainfi d’en altéter la rempérature ; mais elle s’y com- bine dans un état de fixité & de principe. Enfin , la chaleur communi- quée par l’eau bouillante, durant fa fufion du compofé , devient roue éntière chaleur latente ; ce qui fait qu’alors le thermomètre s'arrête ; & aufli-tôt après, il monte & continue de monter , même avec beaucoup de rapidité, par la raifon que la chaleur fe propage plus aifément dans les corps fluides que dans les folides. Âu contraire, le thermomètre du compofé métallique , fufñble au de- gré 77, ne s'arrête pas lorfqu'ileft monté à 4$ , mais continue de s'élever, parce que la matière ne change point à ce degré ni d'état ni de forme : mais dès que le compolé eft à 72, c’eft à-dire, voifin du degré de cha- leur qui lui eft néceffaire pour en opérer la fufon , alors le thermomètre s'arrête, & eft ftationnaire tout le temps qui eft requis pour que le com- pofé métallique abforbe de leau bouillante toute la chaleur néceflaire pour le fondre. 2°, Ce phénomène ne fauroit être attribué à l'inégalité avec laquelle Le fluide igné peut fe propager dans ces deux compofés; car, tant qu'ils font folides , la chaleur s’y répand à peu près avec une égale facilité. Eneffer, depuis 10 degrés jufquà 43, les thermomètres des deux compofés montèrent prefque en même temps, & l'inégalité de leur afcenfion ne fe fic fentir Fax lorfque le compofé fufble à 4$ degrés | commença à entrer en fufon, D'ailleurs , fi une plus grande perméabilité de l’un des compofés entroit pour quelque chofe dans ce phénomène, le thermomètre mis dans celui qui eft fufible à 4$ degrés, devroit monter à so, plutôt que le ther- momètre mis dans le moins fufible, puifqu'il réfulte d'un grand nombre d'expériences que j'ai faites, & que je ne tarderaï pas à publier , que les fubftances métalliques font d'autant plus perméables à la chaleur, qu'elles fe fondent plus aifément ; d’où il fuir que l’un des compofés étant plus fufible que l’autre d'environ 30 deg. lachaleurdevroit s’y propa- ger avec plus de promptirude que: dans l'autre ; & néanmoins ce ther- momètre mis dans le plus: fufible, mit 40 fec.pour arriver à 45 deg. , tan- dis que celui de la moins fufible y arriva en 25 fecondes, 3. Cette expérience nous donne une notion importante fur la fufion Tome XXVI, Part.I, 178$. MARS. Cc 202 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, des métaux; c’eft que plus les corps ont de fufbilité, moins il Leur faut de feu fixe ou de chaleur latente, pour pafler de l'ésat de folide à celui de fluide, puifque, dans cette expérience que je viens: de rapporter, le thermomètre mis dans le compolé le plus fufible ne refta ftationnaire à 45 degrés que pendant 8 ‘ou 10 fecondes, au lieu que, celui du com- pofé fluide à 73, s'arrête plus d'une:minuréentre le degré 72 & le degré 73. De: plus, filon obferve attentivement ce qui fe palle dans la tufion des différens métaux, on reconnoÿrra que, quand ils font arrivés à un degré de chaleur très-prochain de celui: qui les liquéfie, il leur faut un notable efpace de temps avant qu'ils acquièrent ce petit degré de chaleur qui leur manque pour entrer en, fufion ; & que ce temps eft d'autant plus confidérable, que le: métal eft moins fufible, ‘ Or ;1ce phénomène ne vient pas'de ce que le métal devant abforber & fixer une grande chaleur, quand il eft près d'entrer en fulon , paroît pendant un certain temps comme impénétrable àla chaleur , mais de ce qu'effectivement la chaleur qui lui eft communiquée ne sy unit pas dans'un état de liberté , mais dansun état de fixité & de combinaifon. Et comme un cotps a befoin d’une plus grande dofe de cette chaleur latente à proportion qu'il réfifte plus à la fufñon; c’eft la raifon qui fait que desmétaux les moins fufñbles, quandils font fur le point de fe liqué- fier, ‘abforbent une grande quantité de:ce feu fixe, & reftent pour cela “même un temps aflèz notable , fans paroître fouffrir aucune ‘altération, quoiqu'il ne leur manque qu'un petit degré de chaleur de plus pour qu'ils entrent en fufion. Cette conjecture eft confirmée par une autre expérience que j'ai faite , & qui prouvé que les-corps moins fufñbles , quand de fluides qu'on les avoit rendus, ils reprennent leur folidité , laiflent évaporer & développer une plus grande quantité de chaleur que celle qui fort des corps plus fu- fibles. Ayant fait fondre 3 onces d'une compoftion métallique , fufñble à 62 desrés, & 3 onces d’une autre fufble à $0 degrés, & les ayant pouffées toures Les deux jufqu'à 80, je les laïffai refroidir lufqu'à 30 degrés fur la même table , & j'obfervai que la plus fuñble fut le plutôt refroidie, parce gu'ellé avoir moins de chaleur latente à développer pendant la congéla- tion, Puis donc qu'il réfulte de la fuite de ces expériences , que tous Îes corps, en paflant de l'état de folidiré àcelui de fluidité, abforbent une grande quantité de chaleur , qui fe combine avec eux, non pas dans un état d'é- lafticiré & de liberté; mais qui sy unit dans un état de fixité & de chaleur latente ; & que cette chaleur, qui. ne: donne poine de fignes de fa pré- fence ; mais qui nelaifle-pas de fervir à maintenir la fluidité , fe dégage & devient fenfible au dehors, quand le corps de fluide devient folide ; à préfent, dis-je , il ne fera pas difficile de rendre raifon de quelques phé- SUR L’'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 203 nomènes qui n'ont pas encore été bien expliqués jufqu'à préfent, & qui > au moyen des notions que nous avons acquifes du feu fixe, de la cha- leur latente, & du feu développé, deviennent très intelligibles. L’eau devenue folide ; c’eft-a-dire, convertie en glace, peut redevenir fluide , non feulement par la chaleur qu'on lui communiquera , mais en- core par le moyen de toutes fortes de liqueurs, qui, étant répandues deflus, en facilitent & en procurent la fufion. Les Académiciens de/ Cimento , au paragraphe qui a pour titre , des pro- grès des congélations arrificielles , ont été les premiers à obferver qu'en ver- fant de l’efprit de vin fur la glace ; elle fe fond ; & qu’en fe fondant elle engendre du froid. Boyle, en fon Traité du froid & du chaud , a rapporté quelques ex- périences qui font voir que, non feulement l'efprit de vin fond la glace, mais qu’on obtient cet effet avec des fels neutres, des alkalis, &c. ; & il a remarqué que certe fulion de la glace étoit toujours accompagnée d’un’ notable degré de froid. « Farenheit renta de femblables expériences avec les acides | & il reconnut que lacide nitreux verfé {ur la glace, la fondoit & engendroit en même tempsun notable degré de froid. M. de Mairan poufla plus loin ces expériences, en remarquant que les fels qui facilitent Le plus la fufion de la glace, font ceux qui produi- fent le plus de froid dans cette opération ; & que pour cela le fel marin ‘ refroidir plus la glace que le fel ammoniac, & celui-ci plus que le fel-de nitre, parce que le fel marin fond un morceau de gläce en moins de 66 minutes , le fel ammoniac en 61 , & le fel de nitre en 126. On trouve dans la Chimie expérimentale de M. Baumé les réfultats de différentes expériences qu'il a faites pour déterminer l’action de la glace fur diverfes fubftances , & la quantité de froid qui en eft le produit; & dans les Mémoires de l’Académie des Sciences (1) de Paris, onen trouve une de M. de Réaumur fur le même füjet , d’où l’on tire [a table fuivante. AE 10e HIBMUES ? L’efprit de nitre produificun froid de - 19 deg. Tiélanedetel Sears DT TS D 1BORo re EN) NE MEME Pefékidoditartre METRE RTS Le fdesfonde PT RER tre La patrie shoes ave Net to e TT Les cendres ordinaires . : ‘, 3 Dondondes nd nef due CT I DAS CHAI OV IVES MS tes DE ete (1) Mém. de 1734 fur les congé. artific. Tome XXVI, Part. 1, 1785. MA RS. Cc 2 204 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, Les fel- marin 1e ll et R3hda Ee felammoniae . . . . . , 15 Le natron d'Egypte . , . . . 310 Tesfelrdeivere be uudt io Bentliigemme is 445 Lio <27 Lefiel} deinghaubectattealtebta RE CSP CRIE TT EURE LEURLLE- Levitriol maïtial 16 0400) 2 Éslhorax Three les unies = On peut étendre cette table à la combinaïfon d’autres fels, d'autres acides, d’autres alkalis, ayant l'attention de mettre enfemble deux parties de glace pilée, & deux parties de fel, parce que ce font Les dofes qu’æ employées M. de Réaumur , qui a cru que cette proportion étoit la plus convenable pour obtenir Le maximum du refroidiflement. Maintenant , fi l’on veut répéter ces expériences , on obfervera que les fubftances qui fondent la glace le plus promptement, font celles Gui en- gendrent aufli le plus de froid; & au contraire, que celles qui n'opèrent aucune fufñon de la glace n’excitent aucun froid. Cela pofé, il n’eit pas difficile de rendre raifon de la production du froid, En effer, toutes les obfervations que nous venons de rapporter dans cet écrit fe réuniflent pour prouver que toutes Les fois qu'un corps folide devient Auide , il abforbe une partie de la chaleur des corps environnans, & que cette chaleur s’y fixe & s’y combine de manière qu'elle ne donne plus de fignes de fa préfence, H n’y a donc pas lieu de s'étonner que la même chofe arrive dans la fufion de la glace, de quelque manière qu'on Fopère, = Mais la quantité du froid qui s’engendre, doit être plus grande dans le cas d’une plus rapide fufon de la glace, comme fi l'on verfe deflus de l'efprit de fel fumant, ou de lefprit de nitre concentré , parce que la glace devenant fluide en peu de momens, elle dérobe à l'acide nitreux ou muriatique cette dofe Fe chaleur qui leur eft néceffaire pour maintenir leur Auidité , avant que ni l’un ni l’autre aient pu reprendre de l'air des corps environnans. Pour preuve de cela , il convient de remarquer que non feulement ces fels qui fondent plus promptement la glace , mais aufhñ toutes les fubf- tances acides ou alkalines, qui, mifes en contact avec la glace, la liqué- fient; plus elles procurent cet’ effet promptement , plus eft grand le froid qui en réfulte ; & il ny a’ pas d’autres raifons pourquoi quantité de fels... en fe diflolvant dans l’eau ; engendrent du froid, finon parce que de fo- PA ils deviennent fluides , & abforbent de la chaleur en acquérant la uidité, 1 SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 205 C’eft en effet de cette manière qu'un métal qui fe diffout à froid dans le mercure, doit abforber & fixer de la chaleur , engendrer du froid & non du chaud, comme quelqu'un l'a écrit , parce que, dans ce cas-là, c'eft toujours un folide qui devient fluide. Mais pour en faire l'expérience d'une manière convaincante , il faut prendre un thermomètre à mercure, en couvrir la boule d’une lame épaifle d’alliage de M. Darcet, laifler en- fuite refroidir le thermomètre juiqu'à la température de l'air. On prendra d’autre part un petit vafe de bois de fapin ; on y mettra un peu de mercure, auquel on laiffera prendre aulli la température de l'air ambiant ; & dans ce mercure on plongera la boule du thermomètre ; en lagitant un peu pour faciliter la diflolution du métal : alors on verra le mercure s’abaiffer fenfiblement , à mefure que le métal fe fondra & deviendra fluide. Pour faire cette expérience’ & avoir des réfultats fenfibles , il ne fau employer qu'une petite quantité de mercure, & un petit vafe de bois, qui foit un conducteur imparfait de la chaleur , parce que de cette manière le mercure , en fe refroidiffant par la chaleur qu'il communique au mé« tal qui fe diflout, ne peut pas abforber aufli aifément des corps voifins la chaleur qui lui eft enlevée, & fe conferve ainfi plus froid pendant long- temps. On doit rapporter à ces principes les effets connus des acides, qui, étant verfés fur des fels alkalis volatils, ou fur du fel ammoniac, exci- tent toujours un degré fenfible de froid (1); ceux de certaines fubitan- ces, comme le camphre, qui, en fe diflolvant dans l'acide nitreux ou lefprit de vin, abforbe de la chaleur, & refroïdit ces diffolvans , parce que , dans tous ces cas , c’eft un folide qui acquiert la fluidité. Cette abforption , cette fixation de la chaleur n’eft pas feulement parti- culière aux corps folides qui deviennent fluides , mais aux Auides mêmes, quand ils paflent d’une Auidité médiocre à une plus grande , & qu'ils de- viennent moins denfes, &, pour ainfi dire, plus fluides. L'eau , par exem- ple, en état de vapeurs , eft plus fluide qu’en état de liqueur; l’éther , l’ef prit.de vin, & toutes les liqueurs volatiles & vaporifables, quoique de leur nature très-rares & extrêmement fluides ; cependant, lorfquw'elles font en vapeurs , elles font encore plus atcénuées , plus fluides qu'en état de liqueurs. M. Black, dont la fagacité eft fi connue, n’a pas manqué de nous aver- tir de ce phénomène, & il en a conclu que les vapeurs de l’eau bouillante doivent contenir une plus grande quantité de feu fixe & de chaleur latente ue l'eau bouillante elle-même , parce que l'eau, en fe raréfianc encore & le volatilifant, ce qui luiarrive lorfquelle devient vapeur, a dû abfor- ber & fixer une dofe notable de chaleur , & de même que les corps fluides , ee + {1) Voy, Boyle, Work, Geoffroy ,; Mém de l’Acad. Roy. des Scienc. 206 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE en devenant folides , mettent en liberté le feu fixe ou la chaleur latente qu'ils contenoient, & qui produifoit leur fluidité aétuelle ; de même les vapeurs, en ceflant d'être vapeurs , doivent développer & dépofer la cha- leur latente qui les rendoit tels, & la communiquer aux corps voifins. Efec- tivement quelqu'un a fait l’épreuve qu'une livre d’eau réduite en vapeurs , paffant fous le réfrigérant de l’alambic, échauffe plus l'eau qui y eft con- tenue , qu'une livre d’eau bouillante, parce que l’eau bouillante ne com- munique à celle du réfrigérant que cette chaleur libre & développée qu'elle a acquife; au lieu que la vapeur, outre cette chaleur libre, y porte encore la chaleur latente qui fe détache d'elle-même, au moment qu’elle cefle d’étre vapeur. Partant de ces principes , le célebre Magellan prétend que la chaleur accablante qui furvient à l'air , lorfque les vapeurs qui y font répandues viennent à defcendre, vient du feu fixe qu’elles contenoient , & qu’elles dépofent lorfqu’elles fe réfolvent en gouttes, & je fuis porté à croire que cette chaleur latente entre pour beaucoup dans d’autres phénomènes de l'atmofphère, ‘ Le phénomène le plus fingulier, & dont l'explication toutefois dérive de ces principes , eft celui du refroïdiflement qu’excite les liqueurs vaporifa- bles dans leur évaporation. Strabon dit, dans fa Géographie, que certains Peuples de l’Afe & de l'Afrique avoient coutume de rafraîchir les liqueurs, en humectant ex- térieurement les vafes qui les contenoient. Le P. Kircher rapporte une femblable pratique, qu'il dit être en ufage chez les payfans de Rome, qui, pour boire frais dans leurs voyages , ne manquent pas d’attacher fous leurs chariots des flacons pleins de vin , & enveloppés de chiffons qu'ils ont l'attention de tenir toujours mouillés, De Mairan , Muffchenbroëk , Richmann , ont été les premiers qui aient fait des expériences à ce fujet ; car ayant humeété la boule d'un thermomètre, ils obfervèrent qu'il fe refroidifloit à mefure que l’eau s’'é- vaporoit; & M, Cullen, ce fameux Chimifte & Philofophe Ecoflois , a grandement perfectionné cette pratique , & y a répandu le plus grand jour , en démontrant que toutes les liqueurs vaporifables engendroient du froid dans l’évaporation , & que la quantité de froid étoit propor- tionnelle à la volatilité & à la rapidité de l'évaporation même. Ceux qui feront curieux de connoître fes belles expériences, pourront lire la Differ- tation de M. Roux , intitulée, Recherches hifloriques & critiques fur les diffèrens moyens de réfroidir Les liqueurs , & confulter lé beau & favant Mé- moire de l'illuftre Docteur Cigna de frigore ex evaporatione produélo , in- férée dans le Recueil de l'Académie de Turin; & enfin un dernier Mé- moire de M. Achard de Berlin. Or, la chaleur eft auffi abforbée & fixée par la liqueur dans la der- nière expérience du thermomètre humecté; elle eft fixée, dis-je , par la À : | Fr SUR L'HIST, NATURELLE ET LES ARTS. ‘107 liqueur qui s'évapore, & qui produit le refroidiflement , puifque la li- queur vaporifable , pour parvenir à l'état de vapeur & de volatilité ac- -tuelle , a befoin d’abforber & de fixer une certaine quantité de chaleur qui lui donne une plus grande fluidité, C’eft ce qui fait qu'elle foutire cette chaleur des corps voifins , qui en étant par-là dépouillés, font fenfible- ment refroidis, Quand lévaporation s'accélère, le refroidiffement augmente , parce qu'à mefure qu'il fe forme une plus grande quantité de vapeurs , le corps d'où part l’évaporation , perd une plus grande quantité de fa chaleur. Le contraire arrive quand l’évaporation fe fair lentement & infenfble- ment , parce qu'à mefure que le corps d’où part l’évaporation perd de fa chaleur, que les vapeurs lui enlèvent, les corps ambians lui en rendent une certaine portion; ce qui fait que fon refroidiffement eft alors peu fen- fible. OBSERVATIONS SUR LE COCCUS-CHARACIAS. Pis les infectes, il n'en eft guère qui préfentent des faits aufli furprenans que le coccus-characias , dont M, d’Antic a déjà donné une defcription dans le Journal de Phyfique (1), & qu'il a bien voulu appe- ler de mon nom. N'ayant point apperçu d’ailes àcet infecte, après deux ans d’obfervation , il paroïfloit naturel d’en faire un nouveau genre parmi les aptères. J'ai été plas heureux depuis, & j’ai vu que , tel que les coccus, il eft de forme bien différente dans les deux fexes. 1°. le mâle ala tête féparée du corcelet, deux yeux très-diftinéts, les antennes cétacées plus longues que le corps , deux ailes demi-tranfparentes ris de plomb, qu'il tient couchées lorfqu'il eft en repos, & fouvent élevées lorfqu'il eft en mouvement : je ne l'ai jamais vu s’en fervir pour vo- ler, L'abdomen eft garni au-deflus de la partie poftérieure d’une infinité de filets de foie blanche, formant une houpe plus longue que les ailes: il a fix pattes ,- dont quatre font attachées au corcelet , & les deux poftérieures à l’abdomen. On ne lui voit point de trompe comme chez la femelle ; il ne prend aucune nourriture dans cet état de perfection. La longueur de fon corps, bien petit, comparé à fes ailes, eft d'une ligne & demie, (1) Février 1784. Defcription du dorrhe/ta-characias. 208 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, N'ayant pw obferver fa transformation, j'ignore comment elt faite fa larve. 2°, La femelle , après fa dernière mue, a environ 3 lignes de lon- gueur de la tête à l'anus ; fon corps eft couvert fupérieurement de lames creufes d’un beau blanc, rangées longitudinalement en fix rangs, com- pofés chacun de neuf lames, Les quatre rangs du milieu font en recouvre- ment ; lès lames des deux rangs latéraux , plus longues que celles du mi- lieu, fe dirigent en fe recourbant de côté vers l'anus. Le deffous eft aufli recouvert de la même matière, mais prefque uniformément. On ne lui trouve point d'veux; M. d’Antic n'a pu les appercevoir , même au mi- crofcope de Delbare. On ne lui diftingue ni tête , ni corcelet; l'enfemble de fon corps eft traverfé de neuf ftries , qu'on apperçoic en la privant de fes lames, qui fe réduifent en pouflière farineufe fous Les doigts. Ainft dépouillée , elle eft rougeâtre, & fon corps paroît diminué d’un tiers en tout fens. On voit fur le devant deux petites antennes cétacées , beau- coup plus courtes que celles du mâle. Elle a fix pattes noirâtres , fa trompe, très-courte , eft placée entre la première paire de pattes. Lorfque le temps de la ponte approche , ce qui eft au commencement du printemps, il fe forme à l’entour de la partie poftérieure un prolonge- ment en forme de fac, dont le corps eft recouvert , ce qui les rend du double plus longues qu’elles n’étoient auparavant. Le deffus eft d’une feule pièce , & fe recourbe en cuiller ; il eft compofé de longues lames rapprochées ; à l'extrémité fe trouve une ouverture par où doivent fortir les petits : l’in- térieur fe remplit d’un duvet cotonneux qui fuinte de fon corps ; c’eft là qu’elle pond fes œufs, c’eft dans le même lieu qu'ils éclofent, Comme ce fac paroît être une continuité du corps de la mère , on croiroit, à voir fortir les petits vivans par le trou poftérieur , qu'elle eft vivipare; mais en ouvrant le fac, on trouve fouvent des petits nouvellement éclos, & des œufs qui ne le font point encore. Les petits qui font à la fortie font plus gros que ceux qui font plus enfoncés, & les œufs non éclos fonc vers l'anus. J'ai trouvé dans un feul de-ces facs quatre-vingt-cinq petits éclos, tous re- couverts de leurs lames, & une quinzaine d'œufs qui pétilloient fous l'ongle, Lorfque Les petits ont pris aflez d’accroiffement dans ce berceau por- «tif, qu'on pourroit comparer à celui du diadelphe, cette efpèce fi fingu- lière de rat d'Amérique , on les voit déloger & fe répandre fur leur plante nourricière : c'eft l'ephorbia-characias quieft leur favorite; à fon défaut, c’eft l’exphorbia pilofèla. Je ne les ai jamais trouvés fur d’autres efpèces d’eu- phorbe, Lorfque ces deux lèur manquent , ils s’attachent à toutes fortes de plantes: mais-on voit qu'ils y languiffent ; ils ne parviennent point à leur grofleur naturelle, & leur ponte n’eft point aufli confidérable. De quelque plante qu'ils fe nourriffent, oples voit toujours enfoncer leur trompe | | Le at SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 209 trompe ou fur la tige ou au-deffous des feuilles , jamais au-deffus, C'eft fous les feuilles qu'ils fubiffent leurs mues, cinq ou fix fois en leur vie, qui eft de plus d’une année, La première mue arrive environ un mois après Leur fortie, Dans certe crife , les lames farineufes fe détachent de leur corps; il fe faic une ‘ouverture fur la partie antérieure du dos: c'et par-là que l'infeéte fort de fon fourreau , qui conferve la fogme des pattes, des antennes, des anneaux. Il eft alors tout nud, fon corps &: fes pattes font couleur de chair; le même jour on Le voit fe recoüvrir de nouvelles lames, qui, trois ou quatre jours après, ont pris l'accroiffement confidé- table, & les pattes deviennent noirâtres. C'eft dans le, mois de Septembre; après la troifième ou qua- trième mue, qu'on voit paroître les mâles ailés en fort petit nombre. Suivant le Docteur Garden (1), les coccus mâles de l’opuntia font fi rares, qu'on n'en trouve qu'un ou deux fur deux cents femelles & plus. Je ne craindrai pas de faire la mème aflertion à l'égard de celui-ci; ce n'eft qu'avec beaucoup de peine que j'ai trouvé quatre ou cinq mâles fur une grande quantité de femelles. Plus déliés qu'elles, ils. font auñli plus agiles ; on les voit courir , les ailes élevées, d'une femelle à l'autre, & accorder leurs faveurs felon leurs caprices. Le mâle fe met fur Le dos de la femelle , & recourbe un petit aiguillon placé à l’extrémité de fon corps fous la houpe foyeufe, qu’il introduit dans la partie poftérieure de fa compagne. Après quelques jours de courle, il fe retire au pied de la . plante fous des pierres où fon corps demeurant dans l'inaétion, fe recouvre de tous côtés d'une matière cotonneufe très-fine, qu'on prendroit prefque pour une moififlure, C’eft fans doute [à-qu'il trouve fa fin: Les femelles font encore fujettes à muer après l'accouplement , non pas à la vérité aufi fréquemment qu'auparavant. Les froids qui furviennenc enfuite les obligent de fe mettre en sûreté; ce qu'elles font, en defcendant le long de la tige de la plante, & s’enfonçant, autant qu’elles peuvent, dans la terre près des racines; ou bien elles fe cachent fous des pierres voi- fines: elles fonc là dans une efpèce d’engourdiffement tel que l’éprouvent la plupart des infectes qui vivent en hiver. Survientil un beau jour ? dès qu'elles fentent la chaleur bienfaifante du foleil, elles fortent de leurs re- traites & fe répandent fur leur plante , ou bien fur les moufles des envi- rons. La nuit approchant , elles fe retirent de nouveau, C'eft ainfi qu’elles paffent l'hiver fans faire beaucoup de progrès, parce qu’elles prennent peu de nourriture. La belle fifon arrivant , elles reprennent vigueur : c’eft alors qu'on voit fe former à leur partie poftérieure ce berceau fingulier (1) Voy. l'Encyclop. art. Der le Tome XXVI, Part.I, 1785. MARS. D d 2160 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, qui doir recevoir leur nombreufe famille. Elles'font leur ponte , & vivent encore languiflamment plus d'un mois après avoir mis bas, M. d’Antic a obfervé que les lames farineufes qui recouvrent notre in- fée, ont la propriété de fondre & de brûler à la chandelle , & de ne pou- Voir être difloutes par lefprit de vin ; ce qu’elles ont de commun avec la gomme élaltique & le fuc de l’euphorbs. Comme il vit fur cette plante., Oh, pourroi foupçonner que c'elt le fuc dont il fe nourrit qui lui donne Cétte propriété; mais on obferve la même chofe fur ceux qui ; dès leur naiflance , font forcés de fe nourrir d’autres plantes de genres bien diffé- rens. J’ai d’ailleurs éprouvé que le duvet cotonneux qu'on trouve aflez abondaämmeht fous diverfes efpèces de coccus, jouit des mêmes avan- tapes, - . HOW LT Comme le puceron & la pfille, le coccus-characias donne, par la par- tie poftérieure , des globules d’une: matière vifqueufe & d’un goût mielleux. ù , J'ai voulu favoir fi cet infeéte pourroit être de quelque utilité à la teinture. J'en-ai jeté fufhfante quantité dans de l’eau bouillante, Les lames réfineufes n’ont pastardéà fondre , fans pourtant fe mêler avec l'eau; de forte que ces individus ont été entièrément dépouillés. Après une aflez longué - ébullition , il n'en eft réfulté qn'une légère teinture jau- natre. !! : Plufieurs infeétes ont des ennemis qui leur font particuliers ; le nôtre eft dans ce cas. Une larve hexapode, couverte de pouflière blanchätre , s’in- finue dans le fac, & dévore les fujets naïiflans , les œufs même , fans pour- tant traquer la mète!! Dès que la curée eft faite , ce qui dure deux ou trois jours, ele fort & court: attaquer d’autres individus. Cette larve, d’autant plus nuifible‘qu'elle ef très-multipliée | m'a donné une cocci- nelle d’un btun noïrâtre ; luifant , d’üne ligne &demie de longueur, ayant quatre taches rouges, dont deux fur les bords latéraux du corcelet, & deux fur la partie poltérieure des étuis. Elle ne fe trouve décrite nulle parr; nous l'appellerons donc la coccinelle-du coccus-characias. Celle qui lai reffemble le plus effka coccinelle de l'opunsia (voccinella ca) ; ainfi ‘appelé parce qu'on là trouve fur cetté planté'avec Ja cochenille, dont on fe fert pour la ceinture (1). Peut-être ce précieux infecte elt-ilaufli la victime de fa larve. Ce qui diftingue principalement cette coccinelle de la nôtre, c'éft un rebord qui entoure les étuis, ï D'après ce réfumé de. ce que j'ai obfervé fur le coccus-characias , on voit qu'il doit former une nouvelle éfpèce Harmi les'coccus , ‘en füivant j 1 YRIDISU 92 " on { { re 0 G) Voys ar Syh. Nat, édit. 13 . tom, I, pag. 584 ; & Fabric. Syft. Entox mol. pag. 85. : k # SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 211 les fyftèmes de Linné & de Fabricius. Sélon la méthode de M. Geoffroy , il formeroit un nouveau genre à la fuite des kermès & des cochenilles ; car puifqu'il appelle particulièrement £ermès les coccus dont les femelles fe fixant, changent de forme ; & cochenilles les coccus dont les femelles de- meurent fixes &' fans changer de forme , il faudroit donc faire un nou- veau genre de notre coccus, dont la femelle n'eft jamais fixe & garde toujours à peu près la même forme. Les divifions rendent à la vérité la fcience plus claire, mais auûi elles furchargent trop la mémoire, Il paroic plus convenable de ne faire qu'un genre des trois, puifqu’ils jouif- fent en commun des principaux caractères qui diftinguent les coccus des autres infectes. Explication des Figures. Figure 14; Planche 1°, Coccus-characias mâle ; AB, fon corps vu quatre fois plus gros. Fig. 15. Femelle du coccus-characias vue deux fois plus groffe; AB, fon corps ; BC, prolongement en forme de fac de la matière farineufe qui la recouvre. Fig. 16. La même, vue en deflous. MÉMOIRE DEMANDE M OLUR SRE Sy Doëteur-Réoènt de la Faculté de Médecine de Paris, & Médecin Oculifie du Roi, en furvivance. Ce SU RL en); Lu à l'Affemblée dite primà Menfs., /e 1° Novembre 1784. M ESSIEURS,, Sr l'opération de la cataracte eft brillante , elle eft en même temps dé- licate & fouvent très-difficile, La plus grande difficulté de cette opération confifte dans l’incifion de la cornée, & cette difficulté vient de l’extrème mobilité de l'œil, qui fuit du côté oppofé à celui par lequel on introduit le biftouri dans la chambre antérieure de l’humeur aqueufe, Tous ceux qui fe font occupés de cette partie importante de l'art de Tome XXVI, Part. 1, 178$.MARS. D d 2 212 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, guérir, ont également fenti combien il feroit avantageux de parvenir à fixer l'œil pendant l'incifion de la cornée. Ils ont vu que l'extrême mobi- lité de l'œil étant la plus grande difficulté que préfente l’incifion de cette membrane, cette difficulté une fois vaincue, on éviteroit plus facilement de bleffer l'irisÿ accident qui entraîne quelquefois La perte de l'œil, Vous favez , Meflieurs , qu’on eft obligé de faire un point d'appui à l'angle interne avec le doigt , lorfqu'on introduit le biftouri dans la cornée par l'angle externe, fuivant la méthode aujourd’hui le plus généralement adoptée. Si on ne peut refufer des éloges à une manière fi fimple & fi naturelle d'empêcher l'œil de fuir du côté du nez devant la pointe du biftouri , on ne peut en même temps sempêcher de lui reprocher plufieurs inconvé- niens. La furface du globe, continuellement lubrifiée par une humeur lé- gèrement vifqueufe, gliffle facilement fous Le doist; ce qui rend ce point d'appui quelquefois infuffant : d'ailleurs cette compreflion, en détermi- nant le corps vitré, le criftallin & l'iris à fe porter en avant, force l’hu- meur aqueufe à s'échappper avant que la pointe du biftouri ait traverfé la chambre antérieure ; il eft bien difficile alors de ne point bleffer l'iris, qui, en s'avançant pour remplacer l'humeur aqueufe , fe préfente devant la pointe de l'inftrument. Ceux qui n'ont pas la plus grande habitude de cette opération , prennent dans ce cas le parti d’achever l'incifion de la cornée avec des cifeaux; méthode qui doit être rejetée, parce que les meilleurs cifeaux ne coupent jamais la cornée auft nettement que le bif- touri, & on reconnoît facilement dans la fuite les endroits qui en ont été mâchés. Feu M. Petit avoit imaginé un inftrument connu fons le nom de fpe- culum oculi, & M. Lecat en avoit fait exécuter un autre d'après la même idée, Ces inftrumens, qui ne remplifloient qu'imparfaitement les inten- tions de leurs auteurs , ont été abandonnés à raifon de la compreflion qu'ils exerçoient fur le globe de l'œil. J'ai eu l'honneur de vous faire ob- ferver, Mefieurs, qu'on devoit évier avec le plus grand foin toute efpèce de compreflion fur cet organe pendant l’incifion de la cornée, ; L'inflammation que caufoit inévitablement la double errhine de M. Be- renger , dont il fe fervoit pour faifir la conjonétive , l’a fait rejeter. Tour inftrument dont le but fera de piquer ou pincer la conjonétive, caufera. néceflairement de la douleur & de l'inflamimation à ane membrane qui jouit d'une fenfibilité auffi exquife. H n’y a que cette membrane tranfpa- rente ,. connue fousle nom @e cornée, qui puifle être entamée fans dou- leur. On ne s’eft point fervi. d’une efpèce de renettes que M. Pope implan- toit aux extrémités fupérRure & inférieure du diamètre vertical de la cornée. SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 213 M Poyet a propofé une aiguille tranchante par fes deux bords, & percée auprès de la pointe pour le paffage d'une foie. Il a cru qu’on pour- roit, après avoir traverfé la chambre antérieure avec cet inftrument, dé- gager la foie par le moyen d’un petit crochet , en foutenir les deux extré- mités en forme d’anfe , d’une main , pour avoir un point d'appui, & de l’autre achever la fettion de la cornée avec le tranchant inférieur de l’ai- guille. La théorie de ce procédé eft ingénieufe ; mais lorfque fon inven- teur a voulu mettre cet inftrument en ufage fur le vivant, il eft convenu lui-même qu'il ne pouvoit être d'aucune utilité, : M. Pamard, qui exerce la Chirurgie à Avignon de la marière la plus diftinguée , a fenti que le point d'eppui devoit être fair du côté op- pofé à celui par lequel on introduit le biftouri dans l'œil. Il a imaginé en conféquence un inftrument dont il implante l’extrémité, faite en forme de trèfle, à l’endroit où la cornée s’unit avec la fclérotique , du côté du grand angle , tandis qu'ilcommencefon incifion du côté du petitangle, La tige de cet inftrument a une courbure pour s’accommoder äla convexité du nez. Le trèfle de M. Pamard mérite des éloges; mais aujourd’hui fon inventeur eft prefque feul à s’en fervir. On lui a reproché que, pour une opération fi délicate, on étoit obligé de Le tenir de trop loin, puifqu’on ne pou- voit le faifir qu’au delà de [a courbure deftinée à recevoir le nez; & que plus la force employée à faire agir un inftrument étoit éloignée de fon extrémité, plus fon action étoit incertaine. On faïgneroit moins sûürémenr, fi on fe fervoit d’une lancette fort longue que l'on tiendroit à 2 ou 3 pouces de la pointe , qu'en la tenant à 10 ou 12 lignes. Ajoutons à cette difficulté, que la main employée à le tenir, fe trouvant occupée, on eft obligé de faire abaifler la paupière inférieure par un aide; ce qui eft très-génant pour celui qui opère, M. Guerin a imaginé un inftrument qui fait la fection de la cornée par le moyen d’un reflort, & qui en même temps fixe l’œil à l’aide d’uñe pointe. Cet inftrument eft très-ingénieux ; mais on a trouvé qu'il étoit plus prudent de faire formème une fedtion auff délicate , que de l’aban- donner à un inftrument mis en action par un reflort. J'ai fenti , Mefieurs , qu'il feroit avantageux d’avoir un inftrament qui pe être tenu fort près du point où il doit agir, & qui n’empêchât pas d’a- aifler la paupière inférieure avec lextrémité du doigt index de la main qui le dirigeroit. Je m'eftimerois trop heureux, fi celui que j'ai eu l'honneur de vous préfenter vous paroifloit réunir ces deux avantages. Cet inftrument eft fabriqué d’une feule pièce en acier (P2. LI, fig. 1.) Pour le décrire, on peut le fuppofer divifé en deux parties; l’une embraile la- téralement la troifième & la moitié de la feconde phalange du doigt i7- dex ; l'autre eft une petite tige pointue , de 5 lignes de longueur , & cour- bée en différens fens. 214 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, La première peut être confidérée comme formée de deux branches longueside 18 ligues , & légèrement concaves, pour s’accommoder aux COn- vexités des parties latérales du doigr. Elles fonc plus larges à leurs extrémi- tés BB, qui correfpondent au milieu de la feconde phalange , qu'à l'en- droit A , où elles fe confondent en fe courbant pour s’accommoder à la convexité de l'extrémité du doigt. Cet endroit où elles font continues, jouit d’une certaine élafticité , afin que le doigt foit faifi entre les faces con- caves des branches; il n’a que deux tiers de ligne de diamètre ; la lar- geur de chaque branche va enfuite en augmentant jufqu'à fon extrémité B, où elle eft de $ lignes (1). C’eit du milieu de cet endroit mince & élaf- tique, que s'élève une tige pointue, C, fig. 1 , de $ lignes de longueur, & de la groffeur d’une épingle ordinaire, Cette tige , à la moitié de fa longueur, eft courbée à angle droit à gauche ou à droite, fuivant l'œil auquel linftrument eft deftiné. Son extrémité ,à deux tiers de ligne de la pointe, eft Réchie du côtéde l'œil , & en même temps un peu de bas en haut (en fuppofant l'inftrument dansla poftion où il fe trouve lorfqu'on eft prêt à le mettreen ufage.) L'inflexion qui approche de l'œil la pointe de la tige (2), facilite la fortie du biftouri qui a traverfé la chambre anté- rieure de l'humeur aqueufe, Celle qui dirige cette extrémité un peu de bas en haut, D. fig. 1 , me fournit un point d'appui dans ce fens , lorfque j'achève la fection de la cornée. Au moyen de la difpofition de cette par- tie de l'inftrument qui embrafle latéralement le doigt ézdex , l'extrémité de ce doigt peut abaifler la paupière inférieure, & en même temps diri- ger latige, dont la pointe doit piquer la cornée, dans un des points de fon diamètre horizontal, à la diftance d’1 ligne ou environ de la fcléro- tique, afin que la pointe du biftouri puifle fortir entre cette membrane, E fig. 3, & la pointe de l’infttumert auquel on pourroit donner le nom d'ophralmoffat. On ne doit point appréhender que la pointe ophtalmoflatique Ipénètre trop avant. Quelque aiguë que foit une pointe ronde , jamais elle ne pé- nètre auffi facilement que celle d'un biftouri bien aflé ; aufi l'effort qu'elle a à foutenir eft-il très-peu confidérable. La pointe de l'inftrument dont je me fers a été faite à la lime; elle ne m'a jamais paru pénétrer plus de la moitié de l’épaiffeur de la cornée; ce qui équivaut à peine à l’épaif- feur d'une carte à jouer, La légère piqure faite par cette pointe ne caufe DEEE (1) N. 2. On peur donner plufieurs formes à cette partie de Pinftrument; par exemple , celle d’un doigtier, ou d'une portion de canon; mais il faudroit alors avoir l'attention de laïffer libre l'extrémité de 14 face inférieure du doigt érdex qui doit abaif- fer la paupière inférieure. Celle dont je donne la defcription m'a paru la plus fimple & la plus facile à exécuter. (2) Il eft facile de concevoir cette légère inflexion, que la planche ne pourtoit rendre diftinétement. SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 21; aucune efpèce de douleur, & n'eft jamais fuivie d'aucun accident , la cornée qu'elle pique étant abfolument infenfible, On comprend aifément qu'il faut un de ces inftrumens pour chaque œil, & que celui qui eft deftiné à l'œil gauche (f#g. 1) doit être dirigé par le doigt index de la main gauche, & celui qui eft deftiné à l'œil droit (fig, 2), par le doigt irdex de la main droite, RAPPORT Des COMMISSAIRES nommés par la Faculté de Médecine de Paris pour examiner un inftru- ment inventé par M. Demounrs fils , & propre à faciliter la fetion de la cornée dans l'opération da la cataraëe. Lu a l'Affemblée dite Primâ Menfs, le 1° Décembre 1784. M ESSIEURS, Vous nous avez chargés d’aflifter à la première opération de la cata- raéte que feroit M. Demours fils , notre confrère , à l'effet de conftater l'utilité du nouvel inftrument qu'il vous a préfenté , & de vous en rendre compte. : Nous nous fommes tranfportés le 10 du même mois, à onze heures du matin , dans la rue des Poftes, où nous lui avons .vu opérer l'œil gauche de Madamé la Comteffe de Longueval. Il auroit été difhcile de rencontrer un fujet qui pût mieux nous convaincre de l’utilité de ce nou- ve! inftrument. En effet, la malade, quoique perfuadée que l'opération de la cataracte n'eft point douloureufe , ne put cependant vaincre fa frayeur lorfqu’elle en fentit les approches, Quelques inftans auparavant, elle fut attaquée de palpitations de.cœur inquiétantes; & lorfqu'il fallut l’opérer, elle perdit prefque entièrement la tête, Ses yeux furent continuellement agités de: mouvemens convulfifs fi précipités, que l'opération eût été im= praticable fans Le fécours de ce nouvel ophralmoffar. Ces mouvemens convulfifs de l'œil, qui dé otoient l’extrème inquiétude de la malade, n’ont nullement embarraffé M. D:mours, Dans Le mémèé temps qu'il in- troduifoit le biftouri à l'extrémité exrerne du diamètre horizontal de Ja cornée , il plaça la pointe de fon inflrument vers l'extrémité interne de ce mêrne diamètre, à environ 4 ligne de diftance de la fclérotique, afin que la pointe du biftouri pür fortir entre celle de l'inftrument & cette -rhembrané;de; forte que l'œil fam fixé dans le même inftant. La malade ne fut plusalors la maîtreffe de lui taire exécuter aucun mouvement. L’in- cifion de la cornée a été faite en fix fecondes avec la plus grande fécu- 216 - OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, rité, La pointe de l'ophralmoffat nous a paru n'avoir pénétré que la moi- tié de l’épaifleur de la cornée, & n'a pas caufé la plus légère dou- leur. À Il nous reftoit à conftater fi cette légère piqüre ne feroit fuivie d'aucun accident, La tranquillité avec laquelle Madame la Comteffe de Longue- val a paffé les neuf jours fuivans, nousen a fourni la preuve la plus fatis- faifante. La première nuit, elle dormit dix heures, & ne fe plaignit jamais de la plus légère douleur à l'œil opéré. Enfin, l'appareil ayant été levé le dixième jour , nous n’apperçümes aucune trace de la lègère piqüre faite par cet inftrument; à peine même la cicatrice de l’incifion faite à la cornée eft-elle fenfible : elle fe trouve fi près du bord de la fclérotique, qu'il faut examiner l'œil avec attention pour l'appercevoir. Madame la Comtefle de Longueval , qui voit aufñli parfaitement de l'œil opéré, qu’il foit poflible de voir après l'opération de la'cataracte , a defiré que fon nom ne foit pas paflé fous filence dans ce rapport , & elle nous a paru flattée, dans cette occafon, de rendre à M. Demours un té- moignage public de fa reconnoiflance. : Après avoir comparé Le nouvel inftrument, qui eft l'objet de ce rapport , avec ceux qui ont été imaginés dans la même intention , nous avons reconnu qu'il avoit fur ces derniers une fupériorité marquée, fur- tout en ce qu'il eft tenu très-près du point où il agit. En effec, il n’y a ‘que 3 lignes de diftance entre la pointe qui pique la cornée, & l'extré- mité du doigt qui ladirige, Nous croyons que cet inftrument rendra l'o- pération de la cataracte beaucoup plus facile & plus sûre, & nous penfons en conféquence que ce nouvel ophtalmoffat doit mériter à fon inventeur des éloges de la part de la Compagnie. Signés, SALLIN, GOUBELLY. a ———— ————_————— EE D 'RURUE AM MONGEZ le jeune, Auteur du Journal de Phyfique, AU SUJET DU BLÉ FERMENTÉ DE M, le Chevalier MARCO BARBARO; Par M, LA PEYROUZE. \ OUS ne trouverez point étrange, Monfieur , que, d’après toutes les merveilles que quelques Journaux ont racontées du produit de la femence préparée » , 1 SARA LS TN AD ER EL L'ENE TELE SRARTS,: |. 217 préparée , du blé de M. le Chevalier Marco Barbaro de Milan, un Cul- tivateur ait cherché d’avoir des renfeignemens fidèles fur une méthode qui promettoit tant d'avantages. Nos âgronomes ne paroifloient pas ajouter foi entière à tous les prodiges ; nouveau motif pour défirer de connoître la vérité des faits. Je me fuis adreffé dans cette vue à un Savant diftingué qui réfide en Lombardie, où il a des terres confidérables, & qui réunit à toutes fes connoiflances une pratique éclairée de l’économie ruftique. Sa réponfe a diflipé mes doutes; elle porte cette empreinte de candeur, de vérité, & fur-touc d’exemption d’efprit de parti & de fyftème , fi rares parmi les Savans, mais fi néceflaires pour l'avancement des Sciences. J'ai penfé , Monfieur, que les détails que cette Lettre renferme, pour- roient être agréables & utiles aux Cultivateuts : tels font les feuls motifs qui m'ont engagé à la traduire, & à vous prier de l'inférer dans votre Journal. « Vousme demandez, Monfieur, ce que c’eft que le blé préparé du » Chevalier Marco Barbaro? Je vais vous en faire l’hiftoire le plus fidè- » lement qu'il eft poffible. Cette préparation a été annoncée dans tou- » tesles Gazettes & dans tous les Journaux; mais vous n’y trouverez >» pas les faits sûrs, exacts que je vais vous dire, & dont j'ai été le ré- » moin. » Il y a quelques années que M, Jean Baptifte Barbaro, frère du Che- » valier Marco, Cultivateur praticien, avoit mis en ufage fur fes terres, >» fituées dans le territoire de Padoue , une certaine préparation pour la fe. » mence du blé. Il appeloit cette femence ainfi préparée du blé fernienté, » Il prétendoit qu'avec cette fermentation , Le blé acquéroit une faculté » de végéter extraordinaire, qu'il taloit fingulièrement, & qu'il falloit » le femer fort clair » Le Chevalier Marco fon frère a mis cétte recette en pratique ; il a » débité le blé ainfi préparé pour la femence, avec une inftruétion fur » fes qualités , & fur la manière de l'employer. Au commencement , ce » blé a été diftribué gratis; peu à peu on l’a vendu à un prix honnête. » Le Chevalier Marco n'a pas négligé d'inviter les curieux & le Pu- » blic à voir fes eflais à Milan. On les a inférés dans les Feuilles pério- » diques: on a écrit à quelques Miniftres de différentes Cours ; bref, » cela a fait beaucoup de bruit, d'autant que l'homme qui eft chargé de » la vente & diftribution de ce blé, a une forte d’éloquence naturelle, » Il a fort prôné {a marchandife, & il s’eft fait un parti ; bientôt il s'en » eft élevé un contraire. Les antagoniftes du fecret ont dir que cette » préparation du blé étoit un procédé connu de tous les remps ; que , de- >» puis Virgile jufqu’à la nouvelle Maïifon Ruftique , tous les Auteurs.en » avoient parlé, &c. » Voici maintenans des faits, & c’elt ce qui a réfulté du choc de ces >» deux partis. Tome X XVI, Part. I. 148$.MA RS, Ete 218 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, ou M » 1°. On ne peut nier que les expériences faites par le Chevalier Marco Barbaro n'aient produit des blés fort bien nourris , qui » avoient fingulièrement talé, & qui avoient des épis d'une grof- a feur prodigieufe. » 2°, Il y a des perfonnes dignes de foi, qui, ayant femé le blé pré- paré, avec autant de blé qui ne l'étoit pas, dans un même champ, & toutes les circonflances étant d’ailleurs égales, n’ont pu reconnoître ces merveilles. Quelques-uns ont eu un petit avantage dans la pro- duétion ; d’autres lui ont reconnu moins de force dans la végé- tation, » 3°. Les merveilles de ce blé préparé viennent prefque toujours de ce que la femence ayant été fort claire, les épis en font plus nour- ris, plus beaux, & qu'il y enaun plus grand nombre fur le même pied. Ce fair n'eft pas nouveau , & c’eft le fondement de la nouvelle culture de M, Thuil. » 4°. On peut varier de plufieurs manières la préparation du blé pour la femence, foit relativement à la nature des fubftance qu'on em- ploie, foit pour leurs dofes : mais quant aux effets , le principal avan- tage de ces préparations {era toujours reftreint à celui que procure le lavage du blé , c'eftà dire, à choifir les grains fains qui tombent au fond , à ramollir l’écorce du grain , à Le faire germer plus vite, & À éloigner même les vers & les infeétes, fi l’on y mêle quelque drogue appropriée. Piulieurs de nos Cultivareurs lavent tout fimplement le blé de leur femence; puis, lorfqu'il eft encore humide , ils le paffent dans de la chaux vive en poudre, & ils le sèment tout de fuite, Ce chaulage ôte aux grains cette poudre noire , que nous appelons gualo en Lombardie, & qui eft contagieufe , fuivant les expériences de M, Tillet. Au refte, le lavage feul produir le même effer. » $°. S:lon les promeffes du Chevalier Marco Barbaro, le blé fermenté peut être envoyé au loin, fans perdre de fa qualité; il affure même qu'il la conferve en entier jufqu'à la troilième génération ; mais cette affertion eft dénuée de preuves. » Au furplus cette préparation, telle qu’elle eft, eft un fecret, & l’on concevra difficilement qu'une drogue , ou plufeurs, puiflent aug- menter dans la femence la faculté germinatrice. ‘» Les gens fenfés entendant célébrer ces prodiges , & après avoir bien examiné la chofe, ont dit, ce blé fera du bruit pendant une ou deux années ; après quoi il n’en fera plus queltion. [left à défirer que les Cultivateurs éclairés éprouvent eux-mêmes ce blé préparé : ils n'ont qu'à en demander à Milan , où on le vend à un prix raifonnable ». Je fuis, &c. SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 219 SUITE DE L'ANALYSE DU TRAITÉ SUR LE VENIN DE LA VIPÈRE, De M. FONTANA (1) Lx nature du venin de la vipère étant un peu mieux connue, après tant d'expériences & d’obfervarions, il fembloit qu’il-n'y auroit plus de difficulté à en trouver le remède; & cette recherche eft l’objet de la qua- trième partie; mais l'exemple de l’alkali volatil , qu'on n’a recommandé que d’après l’idée où l’on étoit que le venin de la vipère eft acide, n’a laiffé d’autre voie pour trouver le {pécifique défiré, que celle de l’expé- rience, M. Fontana a recommencé avec l’alkali volatil; & après quelques ex- périences qui prouvent l'inutilité de cetre fubftance appliquée aux parties mordues, il en rapporte une qui eft décifive ; elle lui fut fuggérée par un Amateur du premier ordre, M. le Duc de Chaulnes , qui joint une fa- gacité peu commune au zèle le plus actif pour Le progrès des connoiffances naturelles : elle confifte à mêler enfemble le venin & l’alkali à dofe égale, & à comparer les effers de ce mélange avec ceux du venin pur inlinué dans les bleflures des animaux. Les réfulrats lui ont prouvé que l'alkali volatil eft entièrement inutile ; tant à l’intérieur qu’à l'extérieur, L’Auteur a foumis à la même épreuve un grand nombre de fubitances des trois rè- gnes de la Nature. L'événement a été le mème. Nous ne le fuivrons point dans le détail des effais innombrables qu’il a faits avec les divers remèdes que la Médecine fournit, & parmi lefquels il n'a oublié ni l’éleétricité , ni les fangfues , ni même la fuccion de la partie mordue, Tout a été vain, & il eft fuperfu de donner le catalogue des remèdes inutiles. L'amputation des parties mordues fauve les animaux , quand, on peut la pratiquer à temps & fans inconvénient, La ligature au-deffus de la par- tie mordue a fauvé aufli un grand nombre d'animaux ; mais elle n'a pu réuflir dans tous, Les expériences que l’Auteur a multipliées pour parvenir à ces conféquences, lui ont fait connoître plufeurs vérités. ILa vu que, dans bien des cas , la ligature faite au-deffus de La partie mordue par me— Rae em ee (1) Certe apalyfe a été rédigée par M. Gibelin, Doft. Méd. de la Société Royale de Londres, à qui nous devons déjà la traduction des Œuvres de Prieftley & de la Miné- ralogie de M. Kirvan. ( Zoyez Le commencement. Novembre 1784, p. 3959. Tome XXVI, Part. Î,1785. MA RS, Ee 2 22 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, la vipère, empêche que Le venin ne fe communique à toure l’économie animale, & prévient entièrement la maladie interne pendant tout letemps que la partie refte liée. Une autre vérité également importante, c'eft qu'au bout d’un temps déterminé, le venin qui a produit une maladie lo- calene caufe plus de maladie interne. Il a obfervé d’ailleurs que la ma- ladie locale et d'autant plus confidérable , que la ligature eft plus forte, | & refte plus long-remps appliquée à la partie: mais ce fecours , qui avoit paru fi efficace contre la morfure de la vipère, que l’Auteur avoit cru devoir en faire part à M. de Condorcet , Secrétaire de l’Académie Royale des Sciences, pour qu’il voulüt bien le communiquer à cett: Compagnie: ce fecours, dis-je , n’eft vraiment utile que dans quelques efpèces d’animaux,, & a fourni dans la fuite de nouveaux motifs de_ fe tenir en garde contre les analogies même les plus flatteufes, dans tout ce qui eft du reflort de lexpérience. La confervation de l’homme étant l’objet final de toutes les recher- ches de l’Auteur , dès qu'il a cru avoir rencontré un moyen quelconque de prévenir les mauvais effets du venin de la vipère dans les animaux, il a cru devoir ‘aflurer de l’effet que la morfure de ce reptile dangereux peut produire fur l'homme, avant de chercher les moyens d’y remé- dier, C’eft ici la partie la plus immédiatement utile de tout fon ou- vrage. ÎL avance d’abord une propofñition capable de raflurer & confoler les hommes, La morfure de la vipère nef abfolument point mortelle pour lhomme,, @ C'efl à tort qu'on a regardé la maladie qu'elle caufe comme une des plus dangereufes & des plus difficiles à guérir. X1 prouve enfuite la vé- rité de cette propofition. 1°. Par la difproportion qui fe trouve entre la groffeur & Île poids de l'homme, & la petite quantité de venin qu'une vipère diftille dans cha- que morfure, Cette difproportion eft fufilamment.démontrée par l'ana- logie des effets différens que produit ce venin fur les animaux , relative- ment à leur groffeur refpective. 2°. Par la diverfité des remèdes avec lefquels on a de tout temps traité & guéri cette maladie (1). 7" nt de nu on - 7 (x) Le favant traduéteur de Méad, M. Cofte, rapporte une obfervation qui ne fera _ point déplacée ici. Ce Médecim fut mordu, amfque M. fon père, Médecin comme lui, par une vipère. Ces Meflieurs , ainf qu'il n'arrive que trop fouvent entre Méde- cins, n’étoient point d'accord fur la théorie de la maladie qu: caufe le venin de la vipère ; ils ne le furent point fur le trairement qu'elle exigeoir. Ils fe traitèrent en con- féquence chacun felon fa méthode ; ils guérirent tous deux , & chacun crur avoit raifon. Ces Meflieurs ne firent pas attention que quand tourle monde a raifon, il eft poflble que tout Le monde ait tort, SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 221 3°: Par l'extrème rareté des exemples de perfonnes qui foïent mortes de ce venin, en comparaifon de ceux qu'on a des perfonnes qui en ont réchappé. Quant à l'analogie entre les animaux & l’homme, les plus grands Phy: ficiens, les meilleurs Anatomiftes l'ont admife, & ce n’eft même qu’au moyen de l’analogie fagement & délicatement employée, qu’on peut re- tirer quelque avantage de l’anatomie comparée ; fcience qui a fait de nos jours des progrès étonnans , & à laquelle la Phyfologie doit la plus grande partie de {on luftre. La guérifon opérée par M. de Juflieu avec l’alkali volatil (Æ/ de l’Acad. Roy. des Scienc. ann. 1747 ) , quelque brillante qu’elle paroiffe , ne prouve rien contre l'aflertion confolante de M, Fontana, & ferviroit plutôt à la confirmer. Enfin, fi les innombrables expériences de notre Auteur ont démontré l'inutilité de lalkali volatil , fi elles ont détruit jufqu’à l'efpérance de trou- ver un fpécifique contre le venin de la vipère, il a du moins la farisfac- tion de découvrir que la maladie que ce venin occafonne, n'eft point dangereufe pour l'homme, & de prévenir ainfi les funeites effets que la peur feule a quelquefois produits. Cetre découverte eft, à notre avis, plus avantageufe pour l'humanité, que ne l'eût été celle d’un fpécifique ; puifque mille accidens peuvent retarder ou même empêcher l'application du remède , au lieu que la certitude où lon fera déformais que la mor- fure de la vipère eft fans danger, fervira de préfervatif contre les fymp= tômes les plus graves dont elle peut être fuivie, parce qu'ils ne font le plus fouvent que l'effet de la terreur. M. Fontana examine enfuite plulieurs recettes propofées par les Auteurs contre la morfure dela vipère, & il ne lui eft point difficile d'en démon- trer l’abfurdité. Comme la ligature avoit été aufli propofée avec d’autres remèdes, l'Auteur a voulu effaver ce moyen curatif fur quelques autres animaux que ceux pour lefquels elle lui avoit paru fi utile; & après un très-grand nombre d'épreuves, il.a conclu que ce fecours n’eft ni auf certain , ni auf général qu'il sy feroit atrendu , d’après fes expériences fur les pi: geons & fur les cochons d'Inde. Peur être feroitil utile pour tous les animaux, fi l’on connoiffoir mieux les circonftances dans lefquels il faut le pratiquer ; peut-être la ligature diminueroit-elle la maladie que caufe le venin de la vipère chez homme, Ici les expériences manquent , & heureufement on peut s’en paffer. Les incifions & les icarifications dans la morfure & aux environs, n'ont produit von plus aucun effet avantageux aux animaux ; elles peu- vent même augmenter le danger ; en accélérant le progrès de la gan- 222 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, grène , qui fe manifefte quelquefois dans les endroits affeétés dæ venin. L'Auteur termine cette quatrième partie par ces paroles remarquables: æ J'ai fair plus de fix mille expériences , j'ai fait mordre plus de quatre » mille animaux, j'ai employé plus de trois mille vipères , & je puis » m'être trompé. . ,..3 Mes expériences peuvent être en trop petit nom- » bre,....; & dans une matière fi difficile , fi obfcure, il feroit prefque » impoñlible que je ne me fufle jamais trompé », Tel eft le langage des vrais Philofophes; ils favent que la carrière des expériences, la feule qui conduife à la découverte des vérités naturelles, eft remplie de fauffes rou- tes qui aboutiflent à l'erreur, & que ce n'eft qu’à force de courage & de conftance à revenir fans cefle fur fes pas, qu'on peut fe fatter d’y faire des progrès réels. L'appendix de l'ouvrage de M, Fontana contient plufieurs morceaux intéreflans , relatifs aux recherches précédentes, On croyoit en Italie avoir trouvé un fpécifique contre la morfure de la vipère , dans la corne de cerf calcinée. Notre Auteur a voulu vérifier le faic; & au moyen d'un grand nombre d'expériences bien faites, il a démontré l'inutilité de ce fpécifique, ainfi que de plufieurs autres fubftances qu’il a pris de là oc- cafon d’effayer. Pour compléter fon Ouvrage fur la vipère, M. Fontana a voulu faire des recherches fur les poifons végétaux. Il a commencé parle poifon ap- pelé Ticunas , du nom des Indiens des bords de l’'Amazone, qui le pré- parent. IL faut voir dans l’Ouvrage même le détail des expériences qu'il a imaginées pour parvenir à connoître la nature & l’activité de ce poi- fon. IL s’eft d'abord afluré, par fa propre expérience , que les vapeurs qui s’en élèvent, quand on le broie ou qu'on le fait bouillir, ne font point nuifibles, contre ce qu’en avoit écrit M. de la Condamine, d'après le rapport , fans doute exagéré, des gens du pays. Ce poifon n’eft ni acide, ni alkalin; il fe defsèche fans fe crevafler ; il eft foluble dans l’eau & dans les acides, On peut l'appliquer fans danger fur les yeux. Il a paru d'abord auñli innocent, donné intérieurement ; mais les expériences multipliées ont prouvé à l’Auteur que tout dépendoit de la dofe qu'il en donnoit, & de l’état où fe trouvoit l’eftomac des animaux. Ce poifon les tue, quand on le leur fair avaler à jeun ; mais il en faut une quantité fenfible pour tuer même un petit animal. Ces faits ont fait fouyçonner à l’Auteur que le venin de la vipère pourroit bien produire le même effet, fi on le donnoit à l'intérieur. On verra plus bas que fon foupçon étoit fondé. I eft réfulté des expériences de M. Fontana fur l'adivité du poifon 1 ticunas, qu'il en faut environ + de grain pour tuer un petit animal, & 104 NSTRULHIST NATURELLENETILES ARTS. 235 qu'il eft néceffaire que ce poifon fe diffolve , pour qu'il donne la mort ou pour qu'il occafionne quelque dérangement fenfble dans. l'économie animale. Il a trouvé que les flèches empoifonnées font en général plus dange- reufes & plus meurtrières que le poifon diffout dans l'eau , & fimplement appliqué à la partie bleflée, Elles ont encore plus d’aétivité, quand on les a fait tremper dans de l'eau chaude, ou mieux encore, dans le poifon bouilli dans l'eau. L'Auteur a recherché combien promptement ce poifon manifefte fes effets dans les animaux : il a trouvé qu'en général il lui faut.un certain temps pour agir; que ce temps eff, plus long que celui qu’exige le venin de la vipère ; que les effets du poifon américain font plus vagues & plus variés que ceux de ce venin, & qu'on peut en guérir pareillement les ani- maux, en coupant à temps Les parties dont l’amputation n'eft pas mor- telle. Ce poifon n’eft point meurtrier pour la vipère , pour la couleuvre , quoi- qu'il le foit pour les grenouilles, [1 a enfin la plus grande analogie avec le venin dela vipère, quoique lun foirt une gomme animale, & l'autre un fimple fuc végétal. L'effet de ce poifon dans les animaux eft de produire une de ces mala- dies que les Médecins mordernes ont appelées nerveufes , & dont les principaux fymptômes font les convulfions, les foibleffes, la perte prefque totale des forces & du mouvement, la diminution ou l’abolition prefque entière du fentiment. L'Auteur a obfervé communément encore un fymp- tôme qui pourroit démontrer que la maladie eft purement nerveufe. Si l'animal ne meurt pas en peu de minutes, il fe trouve aulfi bien qu’au- paravant , & paroît n'avoir fouffert aucun mal , quoiqu'il foit refté dans un état de léthargie, quelquefois pendant plufieurs heures , fans donner aucun figne de vie certain ou manifefte. Mais tous ces fymptômes , après ce qu'on a vu au fujet du venin dela vipère, peuvent être trompeurs, & c’eft à l'expérience d’en décider. Le poifon ticunas, mêlé avec du fang hors des vaiffeaux , l'empêche. de fe coaguler, & lui donne une couleur noire. Injeété dans Les vaifleaux fanguins , ce poifontue les animaux plus promp- tement peut-être encore que ne fair le venin de la vipèré, quoique le fang de l’animal ainf tué ne foit ni coaguié , ni autant alréré dans fa couleur, Mais cetre expérience ne laifle pas de prouver que route l’action du poifôn américain s'exerce contre le fangmêème, & qu'it n'aff ce nul- lement le fyftème nerveux. Afin de vérifier ce dernier point par l'expérience , l'Aureur a appliqué ce poifon aux nerfs de mille manières. Le réfuitar conftant de routes fes expériences a été que Le ticunas n’eft point un poifon pour les nerts , & °24 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, que , de quelque manière qu'il y foit appliqué, il ne produit par leur moyen aucun dérangement dans l'économie animale. Après avoir renverfé l'hypothèle qui attribue à l’affeétion du fyftème nerveux les maladies produïtes par le venin de la vipère & par le poifon ticunas , l’Aureut rapporte quelques expériences qu'il a faites fur les flè- ches empoifonnées dés Indiens orientaux ; il les a trouvées moins a@tives que celles d'Amérique. [1 a encore éprouvé celles-ci fur les ferpens en Italie, & elles lui ont préfenté des phénomènes finguliers, relativement À l'irritabilité mufculaire. 'L'Auteur a foumis enfuite à fes expériences le poifon du laurier-cerile { prünus laurocerafus. Linn.)- L'eau diftillée des feuilles de cet arbre, donnée intériéurenient , foit'par le haut, foit en lavement , caufe des convülfions affréules ; &'lafmort aux animaux de groffleur médiocre. L'intenfté de fon effet eft en raifon de la groffeur de l'animal , de la dofe de cette eau , & fur tout de la quantité d’efprit recteur qu’elle contient , &°que [a Chimie apprend à y concentrer par le moyen des cohobations réitérées. Ce poifon agit aufli lorfqu'il eft introduit dans Le corps par la voie des bleffures: mais au contraire de ceux que nous avons examinés juf- qu'ici, fes effets font infiniment plus fenfbles orfqu'ileft introduit dans l'eftomac & dans les boyaux. Injecté par la jugulaire , ila paru ne produire aucun effet fur les animaux ; ce qui fembloit faire une exception fingglière our ce terrible poifon, qui n'épargne aucune efpèce d'amimaux, pas même la vipère. Mais des expériences faites depuis (1) en Italie, ont prouvé à l’Auteur que Le feul défaut de concentration du principe meur- trier, étoit la caufe de ces différences; car en employant l'huile effentielle au lieu de l’eau diftillée ,il a obtenu tous les mêmes réfultats qu'avec le venin de la vipère & le poifon ticunas. Les détails des expériences fur le laurier-cerife, font la matière de deux Mémoires que nous exhortons à lire dans l'Ouvrage même.,'& nous nous contenterons de dire un mot des expériences que l’Auteur a faites fur quel- ques autres fubftances végétales, ‘ Le toxicodendron (rhus roxicodendron. Linn.) lui a préfenté des phéno- mènes extraordinaires, qui l'ont empêché de pourfuivre fes expériences fur ce terrible végétal. Le lait que rendent les pédicules de fes feuilles , donné intérieurement où intrôduit dans les bleffures , n’a produit aucun accident dans les animaux, tandis qu’appliqué fimplement fur l'épiderme au dos de la main , il occafionne une maladie très-défagréable & très-lon- gue, qui ne fe manifefte qu’au bout de quelques jours. Comme l'Auteur (1) L’Aureur en a rendu compte dans le Supplément qui termine fon Ou- yrage. : } LA SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 22$ y fut attrapé jufqu'à trois fois, il n’a pu douter de la vérité du fait, quel- que extraordinaire qu'il ait pu lui paroitre. L'huile de tabac, appliquée aux bleflures des animaux ;. leur a procuré le vomiflement , & a engourdi leurs membres ; mais aucun n'en eft mort. A la fuite de ces expériences, l’Auteur propofe quelques réflexions fur l'influence qu'on attribue aux nerfs dans les maladies, Il ne nie point qu'il n'y ait des maladies nerveufes, & que les nerfs, dans bien des cas, ne foient la fource des plus graves dérangemens; mais il demande quels font les fignes certains pour reconnoître qu'une maladie eft purement nerveufe. Les Modernes ont admis des mouvemens & des maladies fympathiques, & ont cru en avoir démontré l’exiftence , en fe prévalant de l’éternuemenc & des mouvemens de l'iris; mais ces deux fonctions font purement vo- lontaires, & ne font point produites par des chocs extérieurs, comme l'a cru jufqu'ici le commun des Anatomift:s. Il faut lire à ce fujet un Ou- vrage de l’Auteur fur les mouvemens de l'iris, imprimé à Lucques en Italien, & dont on a inféré la traduction françoife dans Le fupplément de l'Encyclopédie, D'ailleurs les prétendues fympathies nerveufes font appuyées fur un principe dont expérience a démontré la fauffeté : c’eft qu'en irritant un nerf, on.communique le mouvement aux rameaux qu'il jette au-deflus de la partie ftimulée : auffi le grand Haller étant devenu plus habile Ana- tomifte & meilleur obfervateur , a-t-il révoqué en doute, & même nié ouvertement ces prétendues fympathies nerveufes qu'il avoit admifes dans fa jeuneffe. * [ eft vrai qu'après les affections du principe fentant, on obferve dans le corps vivant des altérations & des mouvemens qui n’y exiftoient point au- paravant, Mais ce n’eft pas aflez pour aflurer que ces changemens font produits par les nerfs feuls, & que les nerfs agiffent immédiatement fur les vaiffeaux rouges. Haller croyoit d’abord que ces vaiffeaux étoient ferrés par les anneaux nerveux , dont il trouvôit les artères munies en plufieurs endroits; mais il abandonna bientôt cette hypothèfe, que dément l'obfer- vation oculaire. Le nerf, de quelque manière qu’on l'irrite, ne fe con- tracte point à l'œil, même armé du microfcope ; l’on ne voit pas les plus petits vaifleaux rouges fe retirer ou ofciller, quand on les irrite avec des ftimulans mécaniques, & ils femblent être dénués de rous les in{tru- mens du mouvement animal... On a vu dans le courant de cet Ouvrage, de y a des poifons qui , appliqués immédiatement fur les nerfs, ne caufent ans le corps vivant aucune forte de maladie, & que ces mêmes poifons, introduits dans le fang , fans avoir touché aucune partie folide, excirent tout d'un coup les plus fortes convulfions & les fymptômes les plus déci- Tome XXVI, Part, 1 ,1785. MA RS. FF 226 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, fifs de ce qu’on appelle affeékions nerveufes...., D'un autre côté , l’Au- teur a montré, dans la première partie, que les convulfions peuvent avoir lieu dans les animaux vivans , fans que le fyftême nerveux foit affecté le moins du monde, & que le feul défaut d’équilibre des forces & des humeurs fuffit pour produire les plus violentes convulfons dans les mufcles. L'Aureur a démontré , dans fa Phyfique animale, que les nerfs qui aboutiffent au cœur ne contribuent en rien au mouvement de ce mufcle;s d’où il fuit qu'on ne peut avec certitude attribuer aux nerfs les altérations du cœur qui accompagnent d'ordinaire les affections de lame, IL eft per- mis de douter après cela ,que les mouvemens des autres mufcles foient tou- jours produits par l'action immédiate des nerfs. Nous n'avons prétendu , en extrayant avec quelque étendue certains paflages de cer étonnant Ouvrage, que donner une idée des opinions de l’Auteur, & de la manière folide & profonde dont il Les appuie. C’eft dans lOuvrage même qu'il faut voir l'enfemble des preuves que l'expérience & la raifon lui fourniflent, M. Fontana donne enfüuite un détail des expériences qu'il a faites à Lon- dres fur li reproduction des neïfs. Il a trouvé, d'après M. Cruikshanks, que, dans bien des cas, les extrémités d'un nerf fe réuniflent , quoiqu'on en ait enlevé une aflez grande portion. Ces expériences répandent beau-, coup de lumières fur certains cas chirurgicaux , qui paroïfloient inexplica- bles. Elles peuvent enhardir à couper dans des cas de nécefité tel nerf, dont il fufra de placer & d’aflujettir vis-à-vis l’une de l’autre les extré- mités coupées. Nous voici parvenus à une des parties les plus intéreffanites de l'Ou- vrage de M. Fontana; ce font des obfervations microfcopiques fur la ftruëture primitive du corps animal. Ce qui l’a déterminé à faire ces re- cherches , ç'a été un précis des découvertes de M. Monro fur la ftruéture de la plupart des corps dela Nature, qu'il a trouvé dans un Journal “Anglois, & dont il donne la traduction. Ce favant Profeffeur Ecoffois n'ayant point répondu à une lettre de politeffe que M. Fontana lui écrivie à ce fujer, celui-ci a cru pouvoir publier fes propres découvertes, Les nerfs ont été le premier objet de fes recherches. Il a vu d'abord que le nerf entier paroît formé de bandes tranfverfales plus ou moins régulières, & qui paroiflent tourner en fpirale autour du nerf même. Communément elles femblent fe couper à différens angles, & fe croifer entre elles, & fouvent on en voit de différentes lar- geurs. On obferve cette apparence de bandes dans tous les nerfs, jufque dans le cerveau & dans la moëlle épinière , à l'endroit où les nerfs fe forment en fils ou cylindres. Dans la plupart des nerfs , on voit à l'œil SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 227 nu cette forme fpirale; elle ne difparoît pas même entièrement lorf- qu'on les diftend , pourvu que la tenfion ne foit pas extrème. L'Aureur a repréfenté, par plufeurs fioures , cette ftructure extérieure , dont il eft étonnant qu'aucun Anatomifte ne fe foit apperçu avant lui. Mais lorfqu’il a voulu examiner ces bandes dansun petit nerf avec une lentille très-aiguë ; elles ont difparu, & il a vu à leur place des fibres pa- rallèles & tortueufes , parcourant la longueur du nerf, & par-tout d’une égale groffeur. Cette différence l’a engagé à multiplier fes obfervations , & il a enfin reconnu que les fibres tortueufes font réelles, & que la forme fpirale n'eft qu'une illufon d'optique, Cette illufion étoit fi forte, que quand lAuteur, après avoir montré ces prétendues bandes à des perfonnes exercées dans les obfervations microfcopiques , a voulu leur dire que ce pouvoit n'être qu'une fimple apparence, elles ont ri de fon foupçon. é Il a cherché enfuite à découvrir la ftrué&ure primitive des nerfs. Il étoit queftion de favoir fi le nerf eft compofé de canaux ou de fimples fils; s'il pe confifte qu’en globules, ou s'il contient une matière non organique, irrégulière, fpongieufe. La connoiflance des fibres tortueufes l'a guidé dans certe recherche , aufli intèreflante que difficile, IL eft parvenu à di- vifer un petit nerf en cylindres très-petits , plus ou moins tranfparens, qui paroiffent compofés d’une pellicule, & remplis en partie d’une humeur tranf- parente, gélatineufe, & de, petits globules ou corpufcules inégaux: [la appelé ces tubes cylindres nerveux primitifs, parce que ce font ces parties qui conftituent le nerf ou fa partie médullaire, Chacun de ces cylindres eft formé d’une membrane particulière, tranfparente , homogène, qui paroît remplie d'une humeur gélatineufe infoluble dans l’eau, [ls ont une enve- loppe extérieure, compofée de ff/s tortueux extrèmement minces, mais amoncelés les uns fur les autres, & qui forment une gaîne épaifle autour de chacun de ces cylindres. Un très-grand nombre de ces cylindres for- ment enfemble un très-petit nerf à peine vifible , & plufeurs de ces nerts réunis conftituent les gros nerfs... Tels fontles fimples & premiers élé- mens organiques des nerfs , contre l'opinion décourageante des plus grands Anatomiftes , qui avoient foutenu que Les nerfs fe divifoient & fe fubdivi- foient à l'infini, L’Auteur a tourné après cela fon attention vers le cerveau; la fubftance médullaire lui a paru formée, d’une fubftance vafculaire & tortueufe, re- pliée en manière d'inteftins tranfparens, & remplie, ou du moins entre- mêlée de corpufcules arrondis, qui y font attachés avec tenaciré,, & que l'eau ne peut. en détacher qu'avec peine. La fubitance corticale a préfenté auili la inême, fubftance inteftinale ; mais elle diffère de la fubftance médullaire par la ténuité des vaiffeaux qui la compofent. Le fluide qui les remplir paroît le même dans l’une & dans l’autre. Tome XXVI, Part. I, 1785. MARS. FÉ2 »28 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, La rétine des lapins a fait découvrir à l’Auteur la véritable ftrudture: de cet organe dans les autres animaux : il y diftingue une partie radiée, compofée de filets de nerf, & une partie muqueufe, qui termine la pre- mière. Les fibres nerveufes radiées font en très-grand nombre, & paroif- fent formées ou couvertes d’une pulpe médullaire , nébuleufe , lévère, tranfparente , qui paroît compofée de corpufcules fphéroïdes tranfparens, unis enfemble par des membranes très-fubtiles. La partie non radiée eft compofé: aufli de petits grains fphéroïdes, foutenus par une toile cellu- lairetrès-fubtile , dans laquelle ils paroïiflent enchäffés. Il faut voir dans l'Ouvrage même les détails de cette ftruéture , que l’Auteur démontre à l'œil par des figures très-exactes . Quelque intéreffant qu'il puifle être de fuivre M. Fontana dans l'exa- men qu'il fait enfuite des tendons & des mulcles, nous ne faurions entrer dans quelque détail à ce fujet, fans donner à cet extrait, déjà bien long, une étendue trop confidérable, Nous obferverons feulement avec lui, qu'il étoit de la plus grande importance , pour les progrès de la Phyfo- logie & de la Pathologie, de pouvoir diftinguer entre eux les premiers élé- mens de ces trois différens organes , nerfs, mufcles & tendons. * L'examen des cylindres tortueux primitifs , qui ne font autre chofe que le tiffu cellulaire, & qui paroiïffent conftituer, ou du moins entourer & foutenir toutes les parties folides du corps animal, a fourni à l’Aureur un grand nombre d’obfervations. La matière dont ils paroiflent formés eft une fubftance glutineufe , femblable à une gelée; quant à leur ufage, l’Auteur n’avoit pas fait encore aflez d’expériences pour le déterminer avec quelque certitude: maisil eft parvenu depuis à le découvrir, & l'on trouvera un précis de fes travaux ultérieurs fur cette matière, dans Je pre- mier volume de fes Opufcules phyfiques 6 chimiques , qui ontété imprimées en Italien, & dont la traduction françoife paroîr. Nous renvoyons à l'Ouvrage même pour les réflexions que fait l'Auteur fur le mouvement mufculaire, & fur la part que les nerfs peuvent y avoir, ainfi que fur la difficulté qui accompagne les obfervations microfco- piques. M. Fontana a examiné au microfcope les cheveux , l'épiderme, les ongles , les os, la graifle, la matière de [a tranfpiration , le gluten des anguiiles , l'ivoire & les éponges, Il a trouvé dans toutes ces: fubftances animales la même ftructure de fils tortueux que M. Monro avoit pris mal à propos pour des nerfs. Les végéraux & les minéraux lui ont offert les mêmes apparences de fibres tortueufes, Mais les fimples obfervations ne fufifent pas pour qu'on puifle décider de la réalité de ce qu'on voit, IL faut analyfer les circonftances , préparer les corps qu'on veut obferver; en un mot, il faut des expériences. L'Aureur promet de donner, dans un autre Ouvrage , fon fentiment fur cette matiere nouvelle & inté- reffante. * * 1 . SURL'HIST. NATURELLE(ET LES ARTS. 229 IL décrit en peu de mots, dans une Lettre écrite en 1778 au célèbre . Murray, & inférée dans l'Ouvrage dont nous rendons compte, un nouveau canal qu'il a découvert dans l'œil du bœuf. Ce canal et formé par le ligament ciliaire, ou, pour mieux dire, il eft enveloppé dans fa fubftance. On ne fauroit en prendre une idée: fufhlante, fäns avoir recours à la lettre même & aux figures qui l'accompagnent. L'Ouvrage de M. Fon- tana eft terminé par un Supplément qui contient les dernières expériences de lAuteur fur plufeurs objets qu'il n’avoit pu traiter avec aflez d’éten- due dans le corps de l'Ouvrage même. IL s’eft afluré d’abord que le venih de la vipère tue les animaux aux- quels on le fait avaler, Il a trouvé enfuite une matière qui ;, mêlée avec ce venin , le rend innocent ,.& doit. conféquemment être regardée comme le vrai fpécifique de: ce redoutable poifon. Cette matière n’eft autre chofe que l'a/kali cauflique ;ou la pierre a cautère, Ï1 a reconnu que l'huile de laurier-cerife , & même l’efprit reéteur de ce végétal, injeétés dans les veines, tuent à l'inftant les animaux; en forte que ce poifon, qui paroifoit faire une exception à la loi commune aux autres poifons qu'il a examinés, rentre dans la claffe dont il avoit cru devoir l'exclure. 45h : L’opium eft le dernier objet des recherches de l’Auteur, IL démontre que le véhicule de cette fubftance dans l'animal eft le fang ; que l’opium agit fur le fang dans l'irftant; & que , de quelque manière qu’on l'ap- plique fur le nerf, il n’y produit aucuñe altération. Il a vu que l'opium, fimplement diflout dans l’eau , tue les animaux auxquels on l'injecte ; que lorfqu'il eft diffout dans l’efprit de vin, fes effets font plus prompts ; mais qu'alors ils proviennent, du moins en partie, de J'efprit de vin, qui-feul peut les produire, & en produit même de plus grands , & avec plus de promptitude, Tels font les principaux réfultats du nombre immenfe d'expériences & d'obfervations que contient lOuvrage de M. Fontana. Nous aurions été beaucoup trop longs, fi nous euffions voulu faire mention de routes les nouvelles vérités qu'il préfente; mais nous croyens en avoir dit affez pour donner aux: Phyficiens & aux Amateurs une lé- gère idée de cer excellent Ouvrage, auquel on ne peut reprocher qu'un affez grand nombre de fautes typographiques, qui font inévitables dans les livres françois imprimés chez l'étranger (1). (1) On le trouve chez Nyon, Libraire à Paris. 77 Sa 239 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, = NOUVELLES LITTÉRAIRES. No TICE raifonnée des Ouvrages de Gafpar SCHOTT , Jéfuite ; par M. MERCIER, Abbe de Saïnt-Léger de Soiffons. > = res SE — Le goûr pour la Phyfique & tous les Arts qui en dépendent , eft fi général dépuis quelques années, & tant de perfonnes s’occupent des pro- grès de cetre Sciènce, que je crois faire une chofe utile en réveillant l’at- tention du Public-fur les Ouvrages de Gafpar Schott , lun des Ecri- vains qui , dans le dernier fiècle, a le plus travaillé fur La Phyfique ufuelle & expérimentale, Ce Jéfuite, né en,1608, dans le diocèfe de Wurtzbourg er Fran- conie, entra dans la Compagnie en 1627, fut envoyé pour enfeigner la Phylique & les Mathémariques à Palerme en Sicile , où il pafla plufieurs années dans cer exercice. Il alla depuis à Rome, & s’y lia avec le célèbre P. Xircher d’une amitié que la conformité de leur goût pour les Sciences rendit intime, Enfin , ilretourha dans fa Patrie , où , après avoir enfeigné les Mathématiques , il mourut le 22 Mai 1666. Le P. Niceron n’a point donné d'article dans fes Mémoires à notre laborieux Ecrivain, qui en mé- ritoit pourtant un à plus jufte titre qu'une multitude d’Auteurs aflez obf- curs , qui figurent dans fon Ouvrage. La Notice fuivante, tout en fer- vant aux Phyficiens , pourra donc n'être pas inutile aux Bibliographes ; d'autant plus qu’il eft affez difficile, en France , de raflembler les divers Ouvrages du P. Schott, qui, imprimés il y a plus d’un fiècle & en différentes années , avant l’établiflement des Journaux littéraires , fe trou- vent rarement réunis dans nos Bibliothèqueslles plus riches. Ces Ecrits ne font pas, je le fais, exempts de défauts; l'Auteur les a chargés d'une foule de chofes inutiles, hafardées, ridicules mème ; ff l’on veut; mais on y trouve des fairs curieux , des obfervations précieufes , des expérien- ces dignes d'attention; &'ils peuvent mettre fur la voie de plufeurs dé: couvertes ceux de nos Phyficiens qui auront le courage de fouiller dans cette mine, affez riche pour qu'ils ne fe repentent pas de l'avoir exploi- tée. C’eft dans la vue de les exciter à ce travail, que je donne la Notice fuivante , dans laquelle je fuivrai l’ordre chronologique des Ouvrages de Schott: on y verra qu'un bon nombre de faits, pris ou donnés pour des découvertes de notre temps, étoient connus il y a déjà plus d’un fiècle, Les têtes parlantes , l’inftruétion des fourds & muets, la palingénéfie des plantes , la marche fur Les eaux , les écritures cachées, &c..... Mais ne rs , SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 231 prévenons pas le Lecteur, & faifons connoître les Livres du Jéfuice Allemand. k I. Mechanica Hydraulico-Pneumatica , qua preterquäm quod aquei ele- menti natura , proprietas , vis motrix atque occultus cum: aere conflièlus à pri- 7nis furdamentis demonfiratur ; omnis quoque generis expertmenta hydraulice- preurmatica recluduntur. Herbipoli. Hepr. Pigrin. 1657, in-4°: de 468 pages, fans les pièces liminaires & la table des matières, avec 56 planches en taille-douce. Cet Ouvrage étoir près d'être imprimé à Rome , lorf- que Schott en partit pour venir demeurer à Wurtzbourg, Il dit la naif- fance au Cabinet de Kircher. L’affluence des curieux qui venoient. vifiter ce Cabinet , rempli d’un grand nombre de machines pneumatiques & hydrauliques , donna l'idée à Schott d’en faire la defcription. En travail-- lant , ilfe rappela d’autres machsines qu'il avoit vues par lui même , ou qui étoient décrites dans les livres ; & le recueil de ces différentes machines forma ce premier Ouvrage , qui eft divifé en deux parties, la première toute théorique , & la feconde toute expérimentale. Dans la première partie, l’Auteur rapporte ce que l’on favoit de fon temps fur la nature, les qualités, les propriétés de l’eau & de l'air, & ilinffte fur l'enfemble de cette théorie , {ans laquelle on ne peut faire que de piroyables machines, La feconde partie contient un recueil de diverfes machines hydrauliques & pneumatiques , que l'Auteur décrit avec foin, en y joignant les figures & des remarques qui jettent beaucoup de jour fur fes defcriprions. La plus grande partie de ces machines , Schott aflure Les avoir vues & exa- minées lui-même , foit dans le cabinet de Kircher, foit ailleurs; ou les avoir exécutées par fes mains ; ou enfin, qu'elles font conftruites d’après les principes certains qu’il établic dans fa théorie; en forte que l’on peut compter fur leur fuccès. C’eft dans cette feconde partie, claffe première, page 314, que l’Auteur donne la manière d'opérer la palingénéfie des plantes. Ce fecrer avoir été envoyé par l'Empereur Ferdinand IF au P. Kircher, qui n’en fit pas l'épreuve, non plus que Schort. A la fin du Livre, l’Auteur rapporte la fameufe expérience du vuide , imaginée à Magdebourg par Otron de Gericke, & perfetionnée à Wurtzbourg , avec les jugemens qu'en portoïient Les Phylciens de fon temps. Je ne dois pas oublier d’avertir que, dans fa Préface, il indique tous les Ecri- vains d'Hydroftarique & de Pneumatique qu'il avoit confulrés ; & que dans certe lifte figurent cinq François, Oronce Fine , Jacques Befon, Jean Levrechon , Jéfuite, Marin Merfenne , & Salomon de Caus. UN. Magia univerfalis Nature Artis, fève recondita naruralium @ ar- tificialium rerum Scientia, Hexrbipoli. Henr. Pigrin. 16ç7 , 658, 1659; in-4°. 4 vol. réimprimés en 1677 , avec des augmentations. Ce grand Ouvrage eft divifé en quarre parties principales , qui forment chacune un volume. Dans la première, Schott raflemble vous les phénomènes de 232 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, POptique; dans la feconde, tous ceux de l'Acouftique ; dans la troifième, ceux des Mathématiques; & dans la quatrième , ceux de la Phyfique. Par phénomènes , il faut entendre ici out ce que ces Sciences préfen- tent d’extraordinaire, de rare, fingulier & inconnu, L’Auteur ouvre fon premier volume par un livre préliminaire, divifé en douze chapitres , où il traite du fens primitif du mot magie; de la corruption de cette Science; de Zoroaftre, qui pafle pour être le premier qui l'ait corrom- pue ; de la diftinétion à faire entre les différentes efpèces de magie; la paturelle ou phyfique, dont il indique, en paffant, des effets merveilleux ; l'artificielle , dont il préfente quelques productions , & la magie défen- due, fes différentes efpèces , &c. Le chapitre le plus curieux de ces préli- minaires eft le fixième, qui contient l'énumération des principales fingu: larités de la magie artificielle, depuis la fphère de verre d’Archimède, jufqu'au petit Batelier automate fortant du port & y rentrant après fa courfe. L'Aureur n’y oublie ni le pigeon d’Architas , ni la tête parlante d’Albert le Grand , ni celle qu'avoit imaginée le P. Kircher pour lamufe- ment de la Reine Chriftine , aux queftions de qui cet automate devoit répondre , ni l’aiole de Régiomontan, &c. &c.; objets auxquels il re- vient plus au long dans le troilième livre de fon tome IIL°, comme on le verra en fon lieu. Avant que de paffer aux phéñomènes de l'Optique , l'Auteur donne un livre particulier fur la théorie de cette Science ; il y explique , 1°. la ftruc- ture de l'œil, les différentes parties & les propriétés de cet organe; 2°, l’objet de la vifion, & comment elle s'opère ; 3°. la vifion factice, c'eft-à-dire , les phénomènes de la chambre obfcure ; 4°. les principes de l'Optique-prarique. Ce n’eft, à proprement! parler , qu'au troifième livre que commence l'Oùvragé, dont les deux premiers ne font que les préli- minaires.: Îl ne faut pas oublier que, par Magie, l’Auteur entend tous les faits, toutes les expériences rares , fingulières , extraordinaires, & au- deffus de la portée du vulgaire, Ce livre 3° traite donc de fa magie ana- mophortique, c’eft-à-dire, des moyens fecrets de défigurer les objets, & de les rétablir par les lois de l'Oprique & de la Catoptrique, L’Auteur y préfeate les diverfes fingularités de la Perfpeétive. Pourquoi, vu d'un point , tel tableau préfente-t-il un bel objet, qui, vu d'un autre point, paroît hideux ? pourquoi telle peinture où les objets font mélés & con- fus, préfente-t-elle un fujetbien diftin®, fi on la regarde de tel point ? Moyens de faire des tableaux merveilleux fur des furfaces planes &coniques; moyens d’en faire qui font hideux, & qui, à l’aide de différens miroirs, paroïffent gracieux, &c. &c. Le livre 4° traite de la magie paraffatique , ou des apparences extraor- dinaires , tant naturelles qu'artificielles. Du premier genre eft le phéno- mène du Détroit de Rhégio dans la Calabre, où la difpofition particu- lière des eaux, des montagnes, & des nuages , fait, en certains cas , À paroître SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 233 paroître des objets furprenans , & aufli propres à effrayer la multitude igno: rante, qu'à amufèr les perfonnes inftruites (1). Telles font encore ces pierres & ces plantes fur lefquelles on voit plufeurs figures extraordi; paires, L'Art imite ces phénomènes naturels : ainfi on peut faire paroître en l'air des fpectres , on peut difpofer des rochers fur les montagnes, & des arbres dans les plaines , de-telle façon que le fpectareur, placé à un point, voye des objets qu’il ne verra plus dans tout autre point; on peut arranger des colonnes de façon que tout en paroiflant droites , à une cer- taine diftance, elles menacent celui qui en approchera , de s'écrouler fur lui ; on peut, à la lumière , faire voir des ferpens grimpant le long des murs d’une chambre , &c. Il s'agit, dans le 5° livre, de la Magie chromatique , ou des effits finguliers des couleurs fur les plantes, les minéraux, les animaux , & fur les différens corps. Ain , l’on a des moyens de donner aux fleursla, cou- leur que l’on veur, On rend blanche une rofe ordinaire; on teint l’eau à fon gré ; on colore de même les minéraux & Les animaux; ce qui donne lieu à une digreflion fur le Caméléon; on donne aux flammes différentes cou- leurs : dans une chambre obfcure , éclairée par une feule lumière , on donne diverfes teintes aux vifages des perfonnes qui y font, &c. Livre 6°, Magie caroptrigne , ou phénomènes opérés avec des miroirs. Après avoir polé les principes de la Caroptrique , Schott décrit les pro- priétés communes à tous les miroirs ; il enfeigne la manière de les faire ; if traite en particulier des miroirs plans ou ordinaires ; il décrit leurs pro- priétés, & rapporte les expériences que l’on fait avec leur fecours. Même détail fur les miroirs fphériques , tant convexes que concaves; fur les mi- roirs coniques , cylindriques & autres, & fur les merveilles ou amufe- mens qu’ils procurent, Moyens de fabriquer des miroirs qui montrent les objets à l'envers, qui changent les vifages, qui vieilliffent ou rajeunif- fent, &c. &c. s Livre 7°. Des Miroirs ardens ou cauftiques, de leurs effets, & de leurs différens ufages; quelle eft leur forme effentielle ; diverfes expériences avec toutes fortes de miroirs ardens, Miroirs d’Archimède & de Proclus; fentiment de l’Auteur fur l’effit de ces miroirs. Manfrède Seprala, Cha- noine de Milan, poffédoit un miroir ardent parabolique , qui brüloit des poutres à quinze ou feize pas. C’eft ce même Septala qui avoit un cabinet curieux , dont la deftription parut en latin à Tortone en 1664, (1) On fait, par les Voyageurs , ce que c’elt que le météore appelé /z Fée Morgane. Au deffus du grand canal de Mefline , dans les beaux jours d’été & dans un temps calme ,il s'élève des vapeurs qui acquièrent bientôt une certaine denfité; en forte qu’elle foume des prifmes horizontaux , dont les faces, par leur difpofition , réfléchiffent & re- préfentent fucceflivement, comme un miroir mobile, les objets qui font fur le rivage ou dans les campagnes , arbres , animaux , bâtimens , &c. Tome XAVI, Part, I,1785, MARS. Gg 334 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, Re in-4°. & traduire en italien deux ans après, aufli in-4°. Ces deux éditions font dans la Bibliothèque de Ste, - Geneviève, S:ptala avoir conftruit des fta- tues automates qui fe déplaçoient d'elles-mèmes. Joy. ce quien eft dit dansla Bibliotheca Aprofiana, pag. 589 & 00, édit. de 1673 ,in-12.1[l y a furdes miroirs ardens un Traité curieux &rare d'Oronce Fine, Dauphinois, impri- mé à Paris chez Vafcofan , en 1551, in-4°. fousce titre: De fpeculo ufforio ignèm ad propofitam diflntiam generante liber unicus. Jé crois que ce Traité eft Le même dont la traduction Italienne par Ercole Borrigaro parut à Ve- nife en 1587 , in-4°. à la fuite de la majeure partie des Ecrits de notre François , traduite en italien par Côme Bartoli. I eft étonnant que ri Schott, ni même M. du Tens, dans le tom. IL, chap. 8 de fon Origine des découvertes attribuées aux Modernes, n'aient fait aucune mention de te Traité. Oronce Fine, pour Le dire en paffant, avoit fait, par ordre du Cärdihel de Lorraine , une horloge planétaire , qui exifte encore à Paris dans la Bibliothèque de Saïnte Geneviève, & dont la defcription fut im- primée en 1553 , in-4°. Au furplus,, ïe ne parle ici ni des miroirs géomé. triques des deux Lyonnois Villee | père & fils , érablis à Liége, dont on voit la defcription dans le Recueil de Pièces fugitives publié en 1717 par l'Abbé Archimbaud, tom. T, pag: 07 & fuiv. des Nouvelles Lirrérai- res; ni des miroirs concavés & des loupes à eau conftruites’ de nos jours par M. Bernière (1) , nienfin de la fuperbe loupe cauftique, fabriquée aux dépens d: M: Trudaine de Monrigiüy , dont les effets prodigieux ont éronné tout Paris ; parc: que ces belles inventions ont été annoncées dans nos Papiers publics, ainfi que le miroir cauftique de M. de Buffon, dont le mécanifine paroît être le même que celui du miroir avec lequel Ar- chimède brüla les vaifleaux de Marcellus dans le port: dé Syracufe. à Le livre 8 craite de la Magie catoptologique & catoptographique, c'eft- à-dire , des moyens fecrets d'écrire & de parler à des abfens, à l'aide des miroirs. Détail fur les expériences de Kircher en ce genre, qu'il avoit fin- gulièrement perfectionné , & qui préfente des phénomènes amufans & même utiles en certains cas. Rêveries de Corneille Agrippa & de J.B. Porta fur ce fujer, ù Livre 9°. Magie dioptrique, ou des différentes merveilles de la réfrac- tion. Schott y rapporte des expériences fort curieufes ; & ÿ donrie les moyens de conftruire plufieurs machines ingénieufes , dont quelques-unes font reflées dans l’oubli. Livre 10°, Magie sélefcopique, où PAuteur traite de- la conftruction (x) C'eftce même Berniere, lun des quatre Contrôleurs généraux des Ponts & Chauflées, fi conou par fes bateaux infubmersibles. N eft mort il y a quelques mois : il avoit époufe la fille unique, du fameux Peintre en miniature , Charles-Gultaye K/ingftedr Suédois. NY SUR'L'HIST.-NATURELTLECETLESEARTS. 232$ des télefcopes & des microfcopes ; de leurs ufages, de leurs-effets, de leurs inventeurs, des célèbres conftruéteurs de télefcopes defonremps , Man- frede Septala , Chanoine de Milan , dont j'ai déja parlé; Euftache Divini} à Rome, le P. Antoine Marie de Reyta , Capucin , favant-& bon Mach: nifte , dont on a un livrecurieux fous le titre bizarre Oculus Enoch & Ekæs fon Elève Jean W1/e/ d'Augibourg ; Emmanuel Magnar , François, &c: Il faut voir ce détail dans le livre même. Je bpafle an tome fecond, IL yseft queftion , comme je l'ai déjà dit , de la Magie acouflique, c'eft- . a-dire , de rout ce qui a trait à l’ouïe, au fon, à la voix , à la mufique théorique & pratique , ou plutôt ilsy agit des phénomènes qui réfultent des fons. Fidèle à fon plan, l'Aureur commence par décrire l'organe de l'ouïe, la mature, les caufes & la propagation du fon; il s'étend fur la voix humaine , fur fon eflence, & fur les variétés remarquables de cer organe dans différens individus : il pale enfuite à la voix des animaux, en particulier à celle des perroquets, des geais , des pi:s , des corbeaux, des roflignols , &c. Telleeft la matière du 1° livre, t Dans le 2°, où il traite de la réflexion du fon, de la propriété &des effets merveilleux du fon réfléchi; l'Aureur s'étend furl' Echo :& fur les caues qui le produifent. Un corps réfléchit le fon; ce fon réfléchi paffe par un milieu , pour parverir à l'oreille; ce milieu , le fon lé: traverfe dans un efpace de temps plus où moinslong , &c. Manière de produire des échos de plufieurs efpèces ; les uns ne répètent qu'une fylläbe:, d’au- tres en répètent piufeurs ; on en peut faire de diverfes fortes. Hiftoire des plus fameux échos, celui de Syracufe , de Cahors en Frarce , dela: Viila Simonetta à Milan, & de quatre autres fort finguliers; décrits par Car- dan, ainfi que de ceux dont parlent Plurarque , Pline, Paufanias. 1ly en avoit un merveilleux à Charenton près Paris ; un autre à VWurtzbourg, où demeuroit le P. Schott, &c. Livre 3°. De la Magie phonoteëlonique; c'eft-à dire, de la conftruétion des inftramens qui augmentent l'intenfité du fon.L’Auteur commerce par établir des principes d’après des expériences inconteftables:; puis il donne la manière de faire différentes machines acouftiques. On peut difpofer les pièces d’un appartement de façon que ce qui fe dira, même tout bas, dans une falle, puilfe être diftinétement entendu dans une autre. On peut les conftruire de manière que l'oreille placée à certain endroit, reçoive tout ce qui fe dira, même dans une pièce éloignée, On peut établir dans le mur de fon cabinet un tube en forme de fpirale , dont l’ouverture très: large donnera fur la place publique, & dont l'autre, fort étroit, abou- tira dans le cabinet , d’où l’on entendra facilement tour ce qui fe dir dans la place, &c. La formeclliptique augmente l'intenfité du fon ; d’où il fuit que l'ellipfe eft la forme la plus convenable pour les Salles de Spec= Tome XAXVI, Part. 1, 1785. MARS. Gg 2 236 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, “tacles. Des ftaques parlantes. On en conftruit qui répètent comme l'écho; on en peut faire qui articulent très-diftinctement, d’autres qu’un certain fon met feul en mouvement, &c. L'Auteur rapporte le paflage de Kir- cher, qui aflure ( Mufurgiæ, lib. 9, circa finenr) , que l'on peut fabriquer une ftatue partairement ifolée, dont les yeux , les lèvres & la langue auront un mouvement à volonté , qui prononcera des fons articulés , & qui parot- tra vivante; mais Kircher ne donne pas la manière de conftruire cet au- tomate ; & le P. Schott, fon ami , m’obtint fon fecret qu'après les plus preffantes follicirations , & encore fous la condition qu'il ne le rendroit pas public. Schott ajoute que le mécanifine en eft peu difficile , mais dif- pendieux ; que c'éroit une pareille ftatue parlante que Kircher vouloir faire pour furprendre agréablement la Reine Chriftine , lorfqu’elle iroit dans fon cabinet; mais qu'il ne l'exécuta pas, foit faute de temps, foic à railon de la dépenfe. Au furplus, dit toujours Schott ( pag. 160 & 161 ), je redemanderai au P. Kircher la permiflion de communiquer au Public fon procédé mécanique; & fi je l'obtiens, on le trouvera dans ma Magie ffatique. Notre Auteur n'oublie pas ici les cornets acoufti- ques à l’ufage des fourds ; il donne la conftruction de plulieurs efpèces dé ces cornets: puis il indique les moyens de procurer à un fourd le plaifir de la mufique. [1 ne s’agit que d'avoir un inftrument à manche très-long , & que le fourd tienne le manche ferré entre les dents , tandis qu'on jouera de l’inftrument. Ce 3° livre eft terminé par le récit de ce que l’on rapporte de certaines montagnes, de quelques cavernes qui rendent des. bruits effrayans. À cette occalon, l'Auteur rappelle action courageufe de Kircher, qui, voulant connoître l’intérieur du Véfuve, gagna pat argent un homme vigoureux, qui ledefcendit par la bouche de ce gouffre * fulfureux , & qui le cint fufpendu par une corde dans l’intérieur du vol- can , jufqu’à ce qu’il l'eût fufifamment examiné, Les bruits infolites dont je viens de parler, rappellent au P. Schott le mouvement fpontané de cer- taines cloches qui, dit-on, fe font mifes d’elles-mêmes en mouvement, &c ont fonné. Teile eft la cloche de Villula, bourg du diocèfe de Sarra- golfe , donr plufeurs Auteurs, Mariana , entre autres, dans fon Hiftoire d'Efpagne (liv. 21, chap. 10), racontent la fonnerie fpontanée. Ces mêmes bruirs lui donnent encore occafon de rapporter une expérience, par laquelle celui qui la fait, croit entendre fonner les cloches les plus fortes, Livre 4°. Magie phonurgique, c’eft-à dire , de la puiffance fingulière & merveilleufe de la voix , du fon, & de l'harmonie muficale, Pouvoir du fon fur les êtres inanimés, Sans parler de la chute des murs de Jéricho au fon!des trompetres , événement miraculeux, felon les bons Phyficiens, on fait que le fon d’une corde fufht pour en faire parler une autre qui eft au même degré, On a entendu réf'onner ua inftrument à corde , au SUR L'HIST. NATURELLE ET LES:ARTS. 237 fon de l'orgue mis fur le même ton que cet inftrument. Je laïffe Les au- tres exemples , pour pafler à la puiffance du fon fur les hommes & les animaux. L'Auteur cite plufieurs faits merveilleux confignés dans l'Hiftoire, & il s'efforce d'en donner des explications phyfiques; puis il parle du pouvoir prétendu de certaines formules dans les enchantemens, & des mots finguliers dont fe fervent les Pêcheurs à Mefline pour attirer dans leurs filets une efpèce de poiflon nommée xiphie, Livre $°. Magie phônoïatrique , ou pouvoir d2 la voix , & fur-tout de la mufique pour la guérifon de quelques maladies, Laiflons de côté la guérifon de Saül , opérée par, le fon de la lyre de David ; effet que l’Auteur explique , en le difant miraculeux en partie, & en partie naturel, pour paffer à la cure de Ja piqûre dela Tarentule, L’hiftoire de ce phé- nomène fi connu n’eft peut - être racontée dans aucun livre avec au- tant d’étendue que dans celui-ci, où elle remplit 14 pages. L’Auteur y joint une planche, où l’on voit la figure de cetinfeéte, & une pièce de mufique propre à guérir ceux qui en ont été mordus, Les 6° & 7° livres traitent de la Magie muficale. Après avoir donné les principes de la mufique & tracé fon hiftoire chez les Grecs & chez les Latins, Schort rapporte les diverfes expériences faites fur le monocorde, fur lhexacorde, &c.; puis il pafle à l'orgue hydraulique des Anciens; il indique ce que les Ecrivains en ont dit, & il tâche d’éclaircir la defcrip- tion aflez obfcure qu’en a donnée Vitruve, Détails fur les orgues hydrau- liques des Modernes, fur leurs conftructions , fur la fabrique de leurs cy- lindres, fur la mufique des Cvyclopes, fur différentes figures mifes en action par l’eau, telles que celles d'un coq qui chante & bat des ailes, &c. Il faut voir cela dans l'Ouvrage, & en particulier l’article de la mufique rare, où l’Auteur donne le moyen de faire exécuter un concert par des ânes, un autre par des chats. En Sicile , il y a une grande quantité d’änes; au printemps , qui eft le temps du rut, les mâles ne ceffent de braire au affage & à la feule odeur des femelles. Un Sicilien imagina de mettre à profit cette circonftance : il choifit quatre ânes mâles d'âge différent, trempa un linge dans l'urine d’une äneffe : dès que l'odeur d'urine euc frappé les narines des- quatre mâles, chacun fe mit à braire fur un ton différent, & la réunion de ces tons forma un quatuor. A l'égard du con- cert des chats, Kirch:r l’imagina pour difliper un malade: il choifit neuf chats d'âge différent, & conféquemment de voix plus & moins fortes’; il les enferma dans une-efpèce de coffre , hors duquel fortoient les rêtes de ces animaux ; leurs queues , affujetties par des cordes dans des tuyaux , répondoient à de petites pointes pofées fur les rouches du clavier; en forte que chaque pulfation de touche piquoit la queue d'un des animaux, & le faifnit crier. De ces cris divers réfulta Le concert de chats, qui , au jugement de je ne fais plus quel Ecrivain, auroit cadré à merveille dans la férénade qu'Arlequin vouloit donner à fa Maïtrefle avec deux cents trom- 238 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, pettes , quatre cents tambours, & un flageoler (1). Schott indique d’au- tres efpèces d’amufemens harmoniques, & il confacre fon feptième & der- nier livre à l’expolition des moyens de compofer toute forte de mufique, tant pour Ceux qui favent, que pour ceux qui ignorent les principes- de cette Science. . Letome IT du livre qui nous occupe , roule tout entier fur la Ma gie . . . . o mathématique; c’eft-à-dire ; fur leschofes rares, fingulières & prodigieu- fes que prélentent les Mathématiques ; en forte que ce volume (comme Auteur l’obferve luiméme ) peut s’intituler Thaumaturgus Mathematicus, le Thaumarurge Mathématicien. Dans fon Prologue, il parle d’une ftatue fort ancienne & trés- fingulière, trouvée en 1 556 en Ethiopie, au rapport de Pigaferte. À la main droite elle tenoit un livre , & à la gauche un gnomon; fur fa poitrine éroit gravé un heptacorde , & fa robe étoic couverte de figures de mathématiques. L'infcription en Langue éthiopienne étoit, Lika Zarabtalam ; qui fignifie l’Architeéte du Monde. Ce tome eft divifé en neuf livres; dans le premier , Schott traite du centre de gravité, de la nature, des propriétés, & des effets de cetre loi, & il réfour plufieurs problèmes curieux, Pourquoi un homme, près de romber d’un côté , prévient-il fa chute en étendant le bras ou la cuifle du côté oppofé? pourquoi un Danfeur de corde marche-t-il & fait-il fes évolutions fans romber ? pourquoi certaines tours, telles que celles de Pife, de Bologne & de Cologne, penchent-elles fans effondrer? pourquoi , en nous levant de deffus un fiége, penchons-nous en avant la tête & la poitrine , en tenant les pieds en arrière? &ç. &c. £ Le 2° livre roule fur la Magie mécanique , c'eft-à dire, fur la puiffance merveilleufe qu'ont les machines de remuer & élever des mafles énormes. Après des notions générales fur les principes de la Mécanique, l'Auteur palle en revue le levier & fa force étonnante, la vis, le coin , &c. Dans le livre 3°, il décrit plufieurs machines admirables par leur conf- — (r L'encyclopédie, à l’article Cane, donne en fubftance la relation d’une procellion bizarre faire à Bruxelles en 1$49, où marchoit un charior fur lequel un ours touchoie de l'orgue ;'au lieu de tuyaux, cet orgue renfermoit des chats dans des caiffes étroites, où ils ne pouvoient remuer; leurs queues fortoienten haut , & étoient liées au regiltre ; de façon qu'à mefure que l’ours Sur les touches , il tiroit les queues des chats , & leur faifoit miauler des tailles , des deffus , & des balles. Peut-être Kircher avoit-il ima- giné fon clavecin de chats d’après cehii là. Quoi qu’il en foir, nous avons eu à Paris, à la Foire Saint-Germain, il y a une vingtaine d'années, un pareil concert de chats, exécuté par le mécanifme de Kircher. Un de mes amis étant allé à ce fpectacle, sy trouva-précifément le jour que le Bareleur, pour faire allufion à une foufcription ré- cemment ouverte en faveur d’un célèbre Chanteur de l'Opéra, qui étoit malade de la poitrine, vint propoler , fur fon tréteau, une foufcription pour un de fes Aëteurs qui avoitbefoin de mou pour rétablir fa fanté. Ce grofier perfifflage contre un homme efti- mable, fut puni par quelques jours de prifon. SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 239 truction , telles que la ftatue de Memnon tonnant & chantant , les voi- tures qui marchent fans le fecours des hommes & des animaux , la fphère d'Archimède , Le pigeon volant d'Archytas, l'aigle de Regiomontan (1), les horloges à roues, &c. Parmi ces machines , celle d'un Hollandois nommé Adam W'ibe, mérite d'être diflinguée; elle fervit pour tranfpur- ter une montagne du dehors de Dantzick dans la Ville même. Il y eft auñi queftion fort en détail des machines miles en ufage chez les Anciens pour le trait & le tranfport, tant fur terre que fur l’eau , de fardeaux énormes. L’Auteur n'oublie pas celle que Dominique Fontana emplaya, fous le Pontificat de Sixte V , pour relever l’obélifque du Vatican ; après quoi il donne une defcription de la belle machine faite à Augfbouro en 165$ par ordre de l'Empereur Ferdinand III, pour l'Empereur de la Chine. Le quatrième livre eft confacré à la Magie ffarique; c'eft-à-dire , aux moyens curieux de fixer le poids des corps. Elémens ou principes ordi- paires de la ftatique , de la balance ordinaire, du crochet; moyens de pefer les mafles conhdérables avec des balances d'un petit volume, &c.; expériences curieufes pour découvrir les vices d’une balance qui paroît jufte; moyens d’eftimer le degré de percuffion d’un marteau , d’une ha- che, :&c. ; d'évaluer la force attractive d’une pierre d’aimant; de vérifier la lenteur & la vitefle du pouls ; de pefer l'air, lefeu, la fumée , d’affi- gner la quantité de fel qui fe trouve dans de l’eau falée ; de deux. coffres pleins, l’un d’or & l’autre de plomb , ou de tout autre métal , juger au poids lequel contient Por , &c. &c. La fuite au Mois prochain, CORRESPONDANCE de la Société Royale , relativement au mRagnétifime animal, par M. Thouret, imprimé par ordre du Roi. Cette correfpondance renferme l’extrait d’un très - grand nombre de lettres adreffées à la Société Royale de la part des Médecins de plufieurs Villes de France ; on y voit les malheureux fuccès du magnétifme äni- mal dans les Provinces. Excepté deux ou trois Villes où l’enthoufiafme a jeté fon voile fur les efprits; voile qui fe déchire de plus en_plus dans toutes les autres ; ce nouveau remede univerfel, tant préconifé , a été bientôt rejeté comme inutile & quelquefois comme dangereux. On doit louer le zele du favant Rédacteur de cette Correfpondance , qui, ne cherchant que la vérité & le bien public, s’eft fervi de la preuve par Les fairs toujours concluans , plutôt que de ‘celle‘des raifonnemens fi fouveñt fpécieux. ke PO CRU SE MTL ET D ei, CS UNION (1) Dans le Journal des Savans du mois d'O&tobre dernier > pag. 1672 , édit. in-4°, on donne lextrait d’une Differtation de MM. Puicr & Buerius fur cet aigle volant, im- primée en 1707. 240 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, €. TAB LE DEs ARTICLES CONTENUS DANS CE CAHIER. O BSE RVATIONS importantes [ur l'ufage du fuc gaffrique dans la Chirurgie. Page 161 Differtation fur les Couleurs accidentelles ; par M. Charles SCHERFFER, Profeffeur de Mathématiques dans lUniverfité Impériale & Royale à Vienne; traduite de l'Allemand par M. BERNOUILLI , de V Académie de Berlin, avec quelques remarques de M. ÆPINUS , de 'Academie Impériale de Saint-Pétersbourg | fur le méme fujer. 175$ Obfervaions fur la décompofition de l'acide nitreux par le phofphore; par M.CHaPTAL, Profeffeur de Chimie des Etats de Languedoc. . 187 Deféription du Mouretirr, fuivie de quelques expériences relatives a la couleur bleue que l'on pourroit obtenir de fes baies; par M. PAJOT DEscHAR- MES. 192 Suite de la Differtation de M. Landriani , fur La chaleur latente ; traduite par M. B.S.T. & Dijon. 197 Obfervations fur le Coccus-Characias. 207 Mémoire de M, Demours fils , Doéteur-Régent de la Faculté de Médecins de Paris, & Médecin Oculifle du Roi, en furvivance. 211 Lertrea M. MonGez le jeune, au fujet du blé fermenté de M. le Chevalier Marco Barbaro ; par M. LA PEYROUZE. 216 Suite de l'Analyfe du Traité fur le venin de la vipère, de M. FONTANA. 219 Nouvelles Littéraires. 230 APPROBATION. Jr lu , par ordre de Monfeigneur le Garde des Sceaux, un Ouvrage qui a pour titre Obfervations fur la Phyfique, fur l’Hiftoire Naturelle & fur les Arts , &c.; par MM. Rozier & MoncEz{le jeune, &e. La Collection de faits importans qu’iloffre périodi- quement à fes Leéteurs , mérite l’accueil des Savans; enconféquence, j’eftime qu’on peut en permettre l’imprefon. A Paris, ce1z Mars 1785. VALMONT DE BOMARE. g 4 4 ONE —- 2780 , FR | JOURNAL DE PHYSIQUE. | f DNA. dE Er age #1 ES RE) Pa SIREN EE 27e ENT ER FE Lan neo on gi ey fn) à ee a re MOYEN Simple de deffécher les Larves pour les conferver dahs les Colle&ions Entomologiques à côté des Infees qu'elles produifent ; hich's ii Par M. D'AnTic. ON à vw depuis quelques années s'élever de tous côtés de riches colleétions d'infectes; elles ont étendu le gout de la fcience Entomos logique , en en facilitant l'étude. Mais il femble qu’on fe foit plus occupé à raflembler les individus fous l’état parfait, qu'à faire connoître Jeux hiftoire, en y réuniflant leurs larves. C’étoit cependant le moyen d'avancer Les progrès de cette aimable fcience, la mettre au pair de ia Botanique, fa rivale en agrémens, On ne peut attribuer qu’à la difficulté de conferver ces larves, l'oubli où l'on paroît avoir été à leur égard. En effet,on n'a eu jufqu'a préfent que deux moyens pour fe [es rappeller à la mémoire. L'un de les repréfenter par la peinture, l’autre de les conferver en nature dans l’efprit-de-vin. Maïs par le premier on ne peut rendre tout le brillant de leurs couleurs, & par le fecond on les détruit complettement. Par tous les deux, les larves font néceffairement féparées des infectes parfaits, & on ne préfente pas le rapprochement de leurs métamor- phofes. M. Mauduit qui a fenti l’infufhfance de ces moyens, a propofé d’injecter Les larves, & en particulier celles des papillons , avec parties égales de cire & de fuif fondus, ou de les remplir de fable, après leur avoir ouvert le ventre, Ces deux moyens qui réufiffent affez bien fur les groffes chenilles velues , ne peuvent plus être employés-fur Les petites , & fur celles qui font rafes, ainfi que fur les larves des autres infectes. Lorfqu'en 1779 , je commençai à me livrer à l'étude des infeétes ; je m'apperçus que je n’y ferois des progrès, qu’autant que je trouverois Tome XXVTI, Part, 1, 1785. AVRIL. “ 42 OBSERFATIONS SUR LA PHYSIQUES: 4 un Moyen plus avantageux de conferver les larves , de les réunir fous Le même verre avec les infeétés parfaits qu'elles produifent. , Mes premières tentatives furent fuivies du plus heureux fuccès ; j'obrins des chenilles qui, quoique defléchées , ne préfentoient d’autre apparence de mort, que l’abfence du mouvement. 1 Je communiquai ces réfultats à M. Laurent , fi connu des Naturaliftes dé Paris; pdt Tardeur de”fon zèle pour l'étude des infétes, &“par la perfection à laquelle il a porté la méthode dont il eft ici queftion; c'eft le réfultat de fes expériéñcés & des miennes que je publie au jourd'hui. i Les inftrumens qu’elle exige ne font ni nombreux, ni. coûteux; un pot de terre épais & ventru ‘haut d’un demi-pied ; un fourneau fufifammenc large pour ‘que le pot puifle être chauffé par les côtés ; plufieurs chalu- meaux de paille de différentes groffeurs; une aiguille fixée à l'extrémité d'un manche de huit pouces, & du fil, font les feuls néceflaires. On entretient le pot dans une chaleur sèche , dont l’intenfité eft relative à la groffeur des larves à deflécher. On peut employer un bain de fable pour. la conferver égale, & la graduer par le moyen du thermomètre. Mais l'expérience apprendra mieux que le difcours, la manière de la conduire. : Le: -Le moment le plus avantageux à faifir pour la préparation des chenilles , eft celui qui précède l’avant-dernière mue. Leurs couleurs {ont alors plus prononcées , leurs poils font plus fortement fixés à leurs corps, qu’en aucun autre temps de leur vie; elles ont aufli une grofleur moyenne , qui rend moins fenfible la petite augmentation qu'elles éprouvent dans l'opération, :;; - Cépendant il eft quelques efpèces qu'il faut préparer à différens âges, parce qu'il fe pafle..en elles, à chaque mue, des changemens fi grands , qu'elles en deviennent méconnoiflables. Je fais mourir les larves dans une bouteille avec du camphre en évaporation. J'ai reconnu que cette méthode n'étoit pas fujette aux inconvéniens de celles où l'on fe fert de foufre ou d’eau chaude. Lorfque l'appareil eft difpofé, que toutes les chenilles qu'on veut préparer à la fois font mortes, dn en prend une , & on dérermine par la preflion. la fortie de l'extrémité de fon canal inteftinal ; on l’arrache enfuite en entier avec les ongles qui, dans ce cas, font préférables aux inces. IL faut obferver que lorfqu'il refte une portion de cet inteftin dans le corps de la chenille, elle nuit à l'égalité de la deflication , & faic prefque toujours manquer l'opération. Ê ° La fortie des autres vifcères s'opère par des compreflions répétées ; elle n'a aucune difficulté dans les chenilles rafes, mais quelques-unes de La clafle des velues ne sy prêtent pas aufli facilement; leurs poils SUR L'HIST, NATURELIE ET LES-ARTS, ‘24 tombent au moindre effort ; il ne faut cependant que de la, patience & de la dextérité pour réuflir. | Lorfque la chenille eft parfaitement vidée , on fe difpofe à la remplir d'air, en introduifant dans l’anus un des chalumeaux dont il eft parlé plus haut, & on pale un fil prêt à être noué entre le dernier anneau & la dernière paire de pattes. La peau eft gonflée avec la bouche, & au même inftant on retire & on noue le fil, L'ufage de ces différentes manipulations s'acquiert on ne peut plus facilement, J'en crois le détail aflez clair pour qu'elles puiffent. être exécutées au premier eflai. Il ne s'agit plus que de conferver la chenille, par une prompte defication , dans l’état de gonflement où elle a été mife. Si elle eft petite, on y parvient en la fufpendant perpendiculairement dans le deflicatoire précédemment décrit. à Si elle eft groffe, on lui attache un fecond fil à la tête &'on l'y fufpend horifontalement ; il faut dans ce cas avoir foin de la retourner fouvent. Le manche de l'aiguille, dont on a parlé, fert à s'aflurer, par des attouchemens légers & fréquens, du moment où la peau commence à acquérir aflez de folidité pour fe foutenir. ; Lorfqu'on juge qu’elle eft fufifamment affermie , on la perce entre les pattes avec l'aiguille pour favorifer la fortie de d'humidité intérieure & accélérer l'entière deffication. Si l'on retiroit la chenille avant de lavoir percée, fur-tout fi elle n’eft pas très-petite, l'air humide intérieur très-dilaté par la chaleur fe con denferoit fubitement , la chenille s’applatiroit & ne pourroit plus être employée. Le même effet auroit lieu fi le pot avoit été fermé , & qu'on l’ouvrie avant le refroidiffement total de l'appareil. Il doit toujours refter - ouvert. Quelques précautions que l’on prenne , on manque toujours quelques chenilles, fans qu’on puifle afigner la caufe du non-fuccès ; quelquefois elles font percées de vers, d’autres fois l’air s'échappe par la bouche ou par les trachées, il eft difficile de remédier à ces inconvéniens. Je ne dois pas non plus difimuler qu'une expérience de fix années, m'a appris que les chenilles d’un verd gai , telles que celles du /phirx populi, fphinx liguflri, phalæna pavonia, &c. perdoient une nuance par l'effet de la chaleur, qu’elles devenoient d’un verd jaune , & que quelques arpenteufes brunes, telles que celles du phalæna crategata , prenoient une teinte rougeâtre. Mais le nombre de celles dont les couleurs font altérées eft très-petit en comparaifon de celles qui ne perdent rien à la deffication. Il eft même poflible de diminuer l’altération Fe premières. J'ai éprouvé que l’alkali volatil produifoit fouvent de bons cirets, Tome XXVT, Part. I, 1785. AVRIL, Hh 2 &f4 “OBSERVATIONS SUR:LA PHYSIQUE, Après avoir fubi toutes ces opérations, après que Le fil à été coupé le plus près pofible du corps , les chenilles font en état de fe conferver une longue fuite d'années , pourvu qu'elles foient dans un lieu exempt d'humidité. Celles que je conferve depuis fix ans ne font nullement altérées. C’eft chez M. Laurent qu'il faut admirer tous les avantages de cette méthode; fes cadres étant le luxe de l’Infeétioloyie, j'ai lieu de croire qu’en fortant de chez lui, on ne fera pas difpofé à former des objections contr'elle. Quoique j'aie donné pour exemple la larve du papillon, celles de la plupart des autres infectes , excepté les écailleufes , fonc fufceptibles de fubir les mêmes opérations. Si elles font moins communes & moins brillantes que celles des papillons , elles n'en doivent pas moins être recherchées par les fcrutateurs de la nature, c’eft chez elle qu'on trouve la plus grande variété de formes & de mœurs. SUR L'EMPHYSÈME ARTIFICIEL Opéré avec différentes fortes d'air ; Par M. AcHaARD. L'Emvuysims artificiel ef une opération chirurgicale que Îes habitans de la Guinée mettent en pratique dans Les marafmes, hypocon- dries , rhumatifmes; voici en quoi elle confifte. L'on fait une incifior dans Ja peau jufqu’au tiflu cellulaire; au moyen de cette ouverture l’on fait pénétrer dans le tiffu cellulaire un tuyau par lequel on foufile de Vair en telle quantité qu'on le juge à propos ; cet air s'engage dans le tiflu cellulaire, & lon empêche fa fortie par l'ouverture faite dans la peau, en la fermant, après en avoir retiré le tuyau, avec un emplâtre agolutinant. Après cette opération-qui enfle tout le corps & lui caufe un véritable emphyfème artificiel & prefqu'univerfel , on donne au malade une potion compofée de fuc de plantes, de jus de limon , de poivre de Guinée & d’eau-de-vie ; après quoi on le fait courir autant qu'il peut, & quand il eft extrèmement fatigué, on le fait mettre au lit, où il eluie une fueur copieufe. On continue à lui donner trois ou quatre fois pat jour une forte dofe de la potion fufdite , jufqu’à ce que l’enflure foit paflée & que le malade foit guéri. L'enflure ou le gonflement occafionné par Pair infinué dans le tifla cellulaire, commence ordinairement à diminuet le troifième jour , & elle eft totalement diflipée vers Le neuvième, dixième SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. »4r ou onzième jour; quelquefois le Chirurgien eft obligé , pour obtenir la parfaite guérifon du malade, de faire une feconde fois l'opération ; mais cela n'arrive que rarement. Tout ce que je viens de rapporter jufqu'à préfent eft tiré d'un excellent Mémoire de M. Gallandat , qui {e trouve dans le Journal de MM. Rozier & Mongez pour l'année 1779 ; page 229; il a été rémoin des faits qu'il rapporte. Dans nos contrées l’on pratique linfufflation de l'air dans différentes vues ; les mendians en font ufage pour fe produire une enflure artificielle & infpirer par- là plus de pitié, les bouchers pour donner plus d'apparence à leurs viandes , & les payfans pour engraifler leurs volailles , & faire donner plus de lait à leurs vaches. Je me fuis afluré par ma propre expérience que la volaille, après l'abforption de l'air qu'on a infinué dans le tiflu cellulaire, engraifle en très-peu de temps. M. Gallandat, & M. Neore, chirurgien & accoucheur à Middelbourg, ont répété cette opération fur des chiens. Le troifième jour l’enflure a diminué, & le onzième elle étoit entièrement diffipée. I] fuit des expé- riences de ces phyficiens que cette opération n’eft pas du tout dangereufe , & qu'elle eft très-peu douloureufe , puifqu’on peut la faire à des chiens fans être feulement obligé de les aflujettir, pourvu qu'on leur bande les’ yeux ; & M. Neore croit qu’elle pourra devenir utile dans l’art de guérir. Voici à ce fujet fes propres expreflions dans une Lettre à M. Gallaridat : « Je fuis à préfent d’un autre fentiment que je n’étois avant d’avoir fait >» les deux expériences de l’infufflation ; comme mes propres expériences » mont convaincu, il faut bien être du vôtre. Cette opération pourra > devenir utile au genre-humain , mais elle exige encore du temps avant » que d'être mife en vogue. Pour vous dite le vrai, dans le commence » ment je Craignois fort pour la séuflite ; mais à préfent, fi j'avois _» occafion de la mettre en ufage, je n'aurois pas peur de la propofer le » premier ». La lecture du Mémoire de M. Gallandat m'infpira le défir , non-feule- - ment de répéter ces expériences , mais encore de les étendre, en faifant Finfufflation avec les différentes fortes d'air , & ayant égard dans chaque expérience ; 1°. À l'effet que l'air infinué dans le tifu cellulaire produit fur l'animal, 2°. Aux changemens que l'air éprouve dans le tiflu cellulaire, après y avoir féjourné pendant un temps connu. C'eft la recherche de ces deux différens objets qui fait le fujer du préfent Mémoire, Première Expérience. Je fs entrer par infufflation dans le tiffu cellulaire d’un chien qui avoic un pied de hauteur, deux quartes d'air commun ; il ne me fut pas poffible . 246 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, d’en faire entrer davantage. Après avoir fermé l'ouverture avec un emplâtre propre à empêcher la fortie de l'air, je mis le chien en liberté ; il parut n'avoir aucune fenfation douloureufe, & mangea d'abord du pain & du lait avec grand appétit ; le lendemain il avoit déjà un peu diminué de volume ; le cinquième jour il étoit entièrement défenflé & très-bien portant. Le premier & le fecond jour après l'opération le chien refta prefque toujours fur fes pattes, & lorfqu'il fe couchoit un moment, il fe relevoic bientôt, & il me fembla qu'étant couché, il éprouvoit du mal-aife, ce qui vient, je crois, de ce que le poids de fon corps augmen- toit la tenfion de la peau à la partie oppofée, Dans cette expérience il ne me fut pas poflible de produire un emphyfème univerfel, tandis que pour d’autres chiens cela n'a foufferc aucune difficulté. L'on trouve en général que, non-feulement dans des animaux de différente efpèce, mais encore dans différens individus de la même efpèce, il fe trouve une très- grande différence dans la facilité avec laquelle l'air eft reçu dans le ciffu cellulaire. 4 J'ai employé huit chiens pour mes expériences; cinq étoient mâles & deux femelles; les femelles ont reçu l'air avec beaucoup de facilité, tandis qu'il ne m'a pas été poflible de produire dans un feul des mâles un emphyfème univerfel. Peut-être eft-ce un hafard ; peut-être auf que le tiflu cellulaire des femelles eft plus propre à recevoir l'air que celui des mâles; c’eft une queftion qui ne peut être réfolue que par des expériences plus mulripliées. Pour injecter l'air , je le renfermai dans une veffe,, à laquelle j’attachai un tuyau de laiton , dont je fis entrer l’ouverture dans l’incifion ; la même méthode a fervi à toutes les expériences fuivantes. Seconde Expérience. Je répétai la première expérience avec un chien qui avoit à-peu-près la même grandeur ; je patvins à injecter trois quartes d'air; le réfultat fut le même à l'exception du temps néceffaire pour que l'air fût abforbé & que l’enflure difparût : car le cinquième jour elle n'avoit pas fenfiblement diminué ; elle diminua vifiblement le fixième jour , & ne difparut entière- ment que le feizième jour. Je remarquai également dans cette expérience que le chien dont la peau étoit extrêmement tendue, fur-tout aux cuifles, fe trouvoit incommodé lorfqu’il fe couchoit. L’enflure n’étoit pas univer- felle ; l'ouverture avoit été faite fux la cuifle , & il n’y avoir que les cuifles & la moitié du dos & du ventre qui fuflent enflées & bien tendues. Troifiéme Expérience. J'opérai l'emphyfème artificiel avec de l'air commun fur une poule ; Fopération ne parut pas lui caufer de douleur; la peau étoit prodigieu- SUR, L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS: 247 fement tendue. D'abord après l'opération elle mangea;, & parut R trouver très-bien ; le fixième jour l'enflure n'avoir encore que très-peu diminué; le vingtième elle n’étoit pas encore entièrement pailée ; elle perdit la vie par un accident, ce qui n'empêcha de continuer l'obfervation. Quatrième Expérience. Je répétai la même expérience avec plufieurs perdrix; elles s’enflèrent prodigieufement & avec la plus grande facilité. La même chofe arriva avec plufieurs cailles récemment prifes ; mais elle ne réuflir pas de même avec des cailles qui depuis un an avoient été en cage, & je trouvai beaucoup plus de difficulté à produire un emphyfème univerfel. La partie vbifine de l'endroit où avoit été faire l'incifion , qui dans les oifeaux étoit toujours le devant de la poitrine, s'enfla à la vérité toujours & même très-fort; mais l'enflure ne fe répandit pas fur toute la furface du corps, comme cela arrive toujours très-aifément avec des perdrix & des cailles récemment prifes. L'enflure des cailles & des perdrix fe diflipa entièrement & fucceflivement dans l'efpace de dix-huit jours. J'ai fait la même obfervation en faifant l'expérience avec des pigeons ; dont quelques-uns avoient été pendant plufieurs mois dans une chambre, tandis que les autres furent tirés d'un pigeonnier. Je crois pouvoir en conclure, finon avec certitude, du moins avec vraifemblance , que la manière de vivre naturelle des animaux les rend plus propres à recevoir Pair par infufflation dans le tiflu cellulaire : c'eft aux Anatomiftes que je laiffe Le foin d'en rechercher la caufe, Cinquième Expérience. J'injeétai fous la peau d'une grenouille autant d’ait commun qu'il fut poflible d'y en faire entrer, & produilis un emphyfème univerfel ; la peau étoit aufli rendue qu'une veflie dans laquelle on a comprimé affez forremenc l'air. Jerne pus fermer l’ouverture avec un emplâtre , parce que je n’en trouvai pas qui colle fous l’eau ; je mis donc la grenouille dans un verre “rempli d’eau , fans avoir fermé l'ouverture; il ne s'échappa cependant que très-peu d'air, & l'animal refta extrémement gonflé, Comme par l'augmen- tation de fon volume, il avoit beaucoup diminué de gravité fpécifique , il refta à la furface de l'eau & ne put, malgré les efforts qu’il fic, defcendre au fond du verre; il n'y parvint que le vingtième jour après lopération ; il étoit encore fort gonflé, & paroïfloit d'ailleurs être bien portant , du moins à en juger par fa vivacité. L'ouverture étoit alors entièrement fermée, Le vingt-huitième jour après l'opération je ne remarquai plus d’enflure ; la peau qui avoit été extrêmement tendue par l'air, étoit devenue fort ample & pliflée. Les expériences que je viens de rapporter prouvent que l'emphyfème 548 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE; artificiel fait avec l'air commun ne met la vie de l'animal en aucun danger; & que l'opération eft aifée , peu ou point douloureufe : cette vérité n’eft as nouvelle; elle eft déjà prouvée par les obfervations & par les expériences de M. Gallandar. ; J'ai fair les expériences fuivantes dans la vue de découvrir quelles fonc les alrérations que l’air commun éprouve lorfqu’il eft renfermé dans le tiflu cellulaire, Avant de les rapporter, je crois devoir remarquer que ces altérations peuvent provenir de deux caufes ; 1°. De ce que l'air fe charge des émanations animales ; 2°. De ce qu'une partie compofante de l'air peut être abforbée , ce qui doit occafionner une véritable décompofition, L'eudiomètre dont je me fuis fervi elt très-fimple ; il eft compofé d'un tuyau de verre de 288 lignes de longueur & de $ lignes de diamètre, fermé à une extrémité & muni d'un entonnoir à l’autre, On le remplit d'eau & on le plonge ainfi rempli fous l'eau , de manière que l’eau couvre le bord de l'entonnoir. L’ufage en eft fi aifé que je ne m'arrète pas à en donner la defcription, me bornant à remarquer que j'ai toujours mêlé l'air nitreux avec celui dont je voulois déterminer la qualité à parties égales, & que chaque mefure d'air occupoit dans le tuyau de l’eudiomètre un efpace de 141 lignes de longueur. Pour abréger je marquerai dans chaque expérience en lignes la longueur de la colonne d'air qu'occupe dans le tube de l’eudiomètre une mefure d'air, c'eft-à-dire 141 lignes, moins la longueur de la colonne de l'air qui aura été abforbé ; cette différence indiquant toujours la diminution du volume des deux airs dans le mélange. Sixième Expérience, J'injectai de l'air commun dans uñ pigeon; la diminution de cet air avec l'air nitreux avant l'injetion étoit de 104 ; après qu'il eut féjourné endant huit heures dans le tiflu cellulaire du pigeon , il ne fut diminué que de 61 ; d’où il fuit qu'il avoit été phlogiftiqué. Je n’en avois pas aflez pour le foumettre à d’autres épreuves ; j'en fis feulement pafler une petite quantité, qui me reftoit encore , par de l’eau de chaux; elle fe troubla à l'inftant ; preuve certaine que cet air étoit mêlé avec de l'air fixe. Cet air fixe provenoit-il de la décompofition de l’air commun , qui a toujours lieu lorfqu'il fe chargede phlogiftique , & de la précipitation qui dans ce cas fe fair roujours de l’air fixe qui entre dans la compofition de l’air commun ; ou bien cet air fixe étoit-il une émanation de l’animal ? Cetre queftion intéreflante ne peut être réfolue que par des expériences fort mulripliées, Septième Expérience, J'ai répété l'expérience précédente avec un chien ; j'en retirai l'air huit : heures SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 249 heures après qu'il avoit été injecté ; la diminution de fon volume avec l'ait nitreux ne fuc que de 44. Je n’avois d'abord retiré qu'une partie de l'air du chien ; douze heures après je retirai le refte; il ne fut diminué par l'air nitreux que de 42. Ayant fait pañler l'air que je retirai du tiffu cellulaire d’un chien huit heures après l'infufflation, de même que celui que j'en retirai douze heures plus tard par de l'eau de chaux; elle fe troubla ; mais je ne pus remarquer que Pair qui avoit féjourné pendant vingt heures fous la peau de l'animal troublât l'eau de chaux plus que l'air qui n'y avoit féjourné que huit heures. Huitième Expérience. J'examinai l'air commun qui avoit été injecté dans des grenouilles; je T'en avois retiré quatorze heures après l'injection ; il diminua avec l'ait nitreux de 102 lignes. Avant l'injection cet air diminuoit de 103 lignes. En comparant les réfultats de ces expériences, l’on voit que l'air commun injecté dans le tiflu cellulaire des animaux fe charge de phlosiltique, & fe décompofe par conféquenr , en laïflant précipiter fon air fixe que le phlogiftique en fépare par plus grande affinité; mais il paroît en même-tems que cette phlogiftication de l'air fe fait dans des degrés très-différens dans différens animaux. Le chien phlogiftique l'air dans le même tems beaucoup plus que les pigeons , & les grenouilles ne le phlogiftiquent que très-peu. L’air retiré du chien étant plus phlogiftiqué au bout de vingt heures qu'au bout de buït heures, il s'enfuit que plus l'air féjourne dans le tiflu cellulaire d’un animal, plus il fe phlogiftique ; ce qui sûrement a certaines limites que mes expérience ne fufäfenc pas pour déterminer. Ayant maintenant rapporté les expériences que j'ai faites avec l'air commun fuivant le but que je m'étois propolé , je pale à celles que j'ai faites fur l'air déphlooiftiqué. Afin d’éviter Le détail des expériences qui me meneroit trop loin, je me contenterai de remarquer que d'air déphlogiftiqué agit fur les animaux comme l'air commun , & qu'il fubis dans le tiflu cellulaire les mêmes changemens que l'air commun, c'eft-à-dire , qu'il devient phlogiftiqué & qu'il trouble l'eau de chaux, fuite néceflaire de fa combinaïfon avec le phlooiftique. L’acide nitreux contenu dans l'air nitreux qui s’en fépare par préci- pitation lorfqu'il fe mêle avec un autre air qui n'eft pas entièrement faturé de phlogiftique, me fit juger qu'étant injecté par infufflation , il devoit caufer néceffairement , & même aflez promptement , la mort de Vanimal , & cela en coagulant le fang & toutes les humeurs animales ; les expériences fuivantes en fourniffent des preuves, Neuvième Expérience. Je fis l’infufflation de l'air nitreux à un chien d'un pied & derni da Tome X XVI, Part, 1, 1785. AVRIL, li L 250 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, hauteur ; je parvins à injecter dans l'efpace de quelques minutes quatre quartes d'air. L’enflure ne devint pas univerfelle ; elle fe bornoit au dos & aux cuifles, Dès les premières portions d’air que j'injectai , le chien cria & employa toutes fes forces pour fe détacher & parut beaucoup foufrir ; d'abord après avoir fermé l'ouverture avec un emplâtre pour empêcher la fortie de l'air, je le détachai; mais il ne put plus fe tenir fur fes jambes ; il avoit de fortes convullions , refpiroit avec peine, & fept minutes après l'opération 1l mourut, J'étai l’emplatre de la plaie ;ilen fortit quelques gouttes de fang très-noir & décompofé. : Dixième Expérience. - Je répétai l'expérience précédente avec une poule; elle mourut dix minutes après l'injection de l'air nitreux. Un pinfon mourut pendant l'opération, & il en fur de même d’un pigeon ; un autre pigeon vécus onze minutes après l'infufflation. Il fuit de ces expériences que l’infufflation de l'air nitreux dans le tiffi cellulaire d’un animal caufe infailliblement la mort. Cet effet doit être attribué à l'air qui fe trouve avant l'injection dans le tifflu cellulaire , & qui en fe mêlant avec l'air nitreux le décompofe & en fépare l'acide nitreux très-concentré qu'il contient, & qui ne peut produire que des effets meurtriers. Cette conjecture fur la décompofition de l’air nitreux par fon mêlange avec l'air qu'il rencontre dans le tiflu cellulaire eft prouvée par l'expérience ; car après avoir retiré l'air nitreux de l’animal dans lequel je l'avois injecté, j'ai conftamment trouvé qu'il diminuoit l'air commun beaucoup moins qu'avant d’avoir été injecté ; donc il avoit déjà fubi un mélange & un degré de décompofition. Je pafle au récit des expériences que j'ai faites avec l'air fixe. Onzième Expérience. J'infinuai dans le tiflu cellulaire d’une chienne d’un quart de pied de hauteur, huit quartes d’air fixe tiré de la craie par l'acide vitriolique , & parvins à produire de cette manière un emphyfème univerfel ; après avoir comme de coutume appliqué fur l'ouverture un emplâtre propre à empè- cher la fortie de l'air, je détachai l’animal ; il étoit extrèmement gonflé, comme l’on peut en juger par la quantité d'air que je parvins à injecter ; il ne donna aucun figne de douleur ou de mal-aife, & mangea de très-bon appétit ; il fe coucha indifféremment de-tous les côtés, fans paroître incommodé comme les chiens auxquels j'avois injecté de l'air commun. Au bout d’une heure l’enflüre avoit déjà confidérablement diminué, & dans l’efpace de fix heures elle difparut entièrement ; l'animal continua à fe porter très-bien, & paroïfloit n'avoir aucune fenfation défagréable où douloureufe, 0 4 SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 2fx Douzième Expérience. Je répétai l'expérience précédente avec une chienne un peu plus grande que celle de l'expérience précédente, & ayant injecté fept quartes d'air fixe, je fermai l'ouverture; dans l'efpace de cinq heures cet air avoir entièremenc difparu ; je fis alors entrer encore huir quartes d'air fixe dans le viflu cellulaire de cet animal. Je fus obligé de faire une nouvelle ouverture ; parce que les bords de la première étoient enflés & trop douloureux; la chienne ne parut pas incommodée par cette feconde injeétion , & dix heures après l'air fe trouva entièrement abforbé; elle abforba donc quinze quartes d’air fixe dans l’efpace de quinze heures. { Treizième Expérience. Je répétai la même expérience avec des poules, des pigeons, des perdrix, des cailles & un pinfon; aucun de ces animaux ne parut être incommodé ; l'air fixe fut abforbé par la poule dans huit heures, par la perdrix dans trois, par le pigeon dans fix, par la caille dans deux & demie, & par le pinfon dans deux heures, Il fuic de ces deux expériences, que l'air fixe adminifiré par infufflation dans le tiflu cellulaire des animaux ne dérange pas l'économie animale, & qu'il eft abforbé par les parties fluides avec beaucoup de facilité & en très-grande quantité. L'on connoîc les effets falutaires que l'air fixe produit dans les maladies qui proviennent de la putréfaétion, & je crois que ce moyen de l'adminiftrer , c'eft-à-dire, par infufflation, feroit de la plus grande utilité, & bien préférable aux autres moyens qu'on a mis en pratique jufqu'à préfént pour le faire fervir à l’ufage médicinal , qui confiftent à le donner en lavement, ou à le faire boire mêlé avec de l’eau, ou enfin en le dégageant dans l’eftomac en prenant des terres abforbantes & des acides à peurs intervalles. La quantité d'air fixe qui peut s'unir & être abforbée des humeurs animales par les pratiques ufitées eft bien moindre que celles qu'elles abforbent lorfqu'on adminiftre Pair par voie d’infufflation ; ce qui eft fufifamment prouvé par mes expériences. De plus, les points de contaét de ce puiffant antifeptique, le feul de tous ceux qu'on connoît qui foit capable de rétablir dans leur premier état des matières animales déjà purréfiées , font bien plus nombreux lorfqu'il eft répandu dans le tiflu cellulaire que lorfqu’il eft pris en lavement , ou porté dans l'eftomac , foit par des boïffons , ou en prenant alternativement des acides & des a kalis. L'infufflation de l'air fxe mériteroit bien d'être faite fur des malades. L'exemple des Nègres qui la mettent en pratique doit encourager ; il prouve qu'elle n’eft ni dangereufe ni fort douloureufe. Rappellons-nons ue c'eft des Circaflicns que nous avons appris l'inoculation de la petite _ Tome XXVI, Parc, I, 1785. AVRIL. li 2 ‘ 2ÿ2 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE; vérole, & que ce font Les Sauvages du Pérou qui nous-ont fait connoître l'ufage du quinquina, & ne rejettons pas fans examen, à caufe d’une fingularité apparente, les pratiques de peuples moins éclairés que nous ne le fommes. La Médecine en a certainement déjà tiré de grands avantages , & je ne crois pas qu'aucun Phyficien puiffe nier que le hafard peut fouvent fournir des découvertes , fur-tout en fait de Phyfique expérimentale, dont l’art de guérir fait partie, que Les plus fublimes chéories ne nous auroient jamais révélées. Qu'il me foit permis, avant de terminer l’article de l'air fixe, de rapporter une conjecture que je fuis bien éloigné de regarder comme une vérité prouvée, & que je ne donne que comme une idée que je foumets entièrement au jugement de ceux qui joignent à une {ufhfante connoifflance de la Phyfique & de la Chimie celle de la Médecine dans toute fon étendue. IL s’agit d’une explication de la manière dont l'air commun agit dans la guérifon des Nègres opérée par l'infufflation. Suivanc M. Gallandat (a), c’eft dans les affetions rhumatifmales , & en particulier dans la fciatique & dans les cas où l'humeur rhumatifmale eft fixée dans quelqu'endroit, que ce remède produit la guérifon. Quoique ce fluide foit d’une nature qui nous eft inconnue, nous pouvons préfumer, comme le remarque M. Ponteau , qu'il eft d’un caractère âcre & même quelque- fois cauftique; il n’eft pas douteux qu'il eft hors des voies de la circulation, puifqu'il refte fixé dans le même endroit ; il n’eft pas dans les vaiffeaux , mais répandu dans le tiflu cellulaire (2). Cela étant, Pair fixe qui fe précipite de l'air commun par fa combinaifon avec les émanations ani- males & phlogiftiquées , doit fe combiner avec cette humeur cauftiques Or, les fubftances cauftiques , dont j'excepte les fubftances corrofives, qu'il faut très-bien diftinguer, perdent par leur combinaifon avec l'air fixe leur cauflicité ; il s’enfuic que la même chofe doit arriver à l'égard de la matière rhumatifmale, en cas qu’elle foit cauftique, comme le penfent plufeurs célèbres Phyficiens , ce qui doit lui faire perdre fes qualités mal- faifantes, Si cette conjecture, que je ne regarde moi-même que comme telle, & qui n'eft rien moins qu'une vérité prouvée, étoic fondée, il s’enfuivroit que l'air fixe produiroit, étant adminiftré par infufflation dans les affetions rhumatifmales, des effets très-falutaires ; c’eft à l'expérience à en décider. Je pale aux expériences que j'ai faites avec l’air inflammable, Quatorzième Expérience. J'injectai dans Le tiflu cellulaire d’une chienne qui avoit treize pouces de hauteur, fept quartes d'air inflammable, tiré du zinc par l'acide marin ; Depuis (a) jufqu’à (2) j'ai copié le Mémoire de M, Gallandat, SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 253 Vanimal ne parut pas fouffrir pendant l'opération, ni après que j'eus fermé l'ouverture & que je l'eus remis en liberté. Il put fe coucher, quoique l’emphyfème fût univerfel, indifféremment de rous les côtés, fans que cela parüt l’incommoder ; il prit d’abord de la nourriture , mais refta trifte pendant quelque temg; il avoit perdu fa vivacité naturelle , & elle ne revint même que quelques femaines après l'opération. Le fécond jour, à compter de celui de l'infufflation , l'enflure diminua un peu ; le cinquième elle avoit très-fenfiblement diminué; mais elle ne difparut entièrement que le dix-huitième jour ; jai répété cette expérience fur trois autres chiens ; ils ne donnèrent tous aucune marque de douleur, mais ils furent triftes & comme accablés pendant plufieurs jours ; ils ne reprirent leur gaieté & leur vivacité naturelle qu'après que l'air fut ablorbé ; ce qui différa de plufieurs jours. Dans l’un l'air fut abforbé dans quatorze jours, dans l’autre dans vingt, & dans le troifième dans fept; cette différence dans le tems requis pour l’abforption de l'air, dans différens individus de la même efpèce, ne peut provenir que de leur différente conflitution , & de l’état particulier dans lequel ils pouvoient fe trouver lorfqu'on fit l'infufflation. Quinzième Expérience, Je répétai l'expérience précédente avec différens oifeaux , comme des perdrix, des pigeons & des cailles ; l’effet a été le mème quant au princi- pal, c'eft-à-dire, qu'il a fallu un tems différent à ces animaux pour abforber l’air, qu'aucun n'en eft mort , mais que tous, quoiqu'ils priffent de la nourriture avec plaifir, ont paru triftes & accablés pendant Vues jours, & que cet accablement les a quittés après l’abforption de Fair. Il ne me refte, pour fatisfaire au but de ce Mémoire, que d’examiner les altérations qu'éprouve l'air inflammable renfermé pendant un certain tems dans le tiflu cellulaire d'un animal ; l'expérience fuivante en décidera, Seizième Expérience. Je retirai l'air inflammable du tiflu cellulaire d'un chien après qu'il y eut féjourné pendant douze heures ; il avoit entièrement perdu fon inflammabilité, & une chandelle allumée, plongée dans cet air, s'éteignit dans l'inftant ; la même chofe arriva avec l'air inflammable qui avoir été fous la peau d’une perdrix pendant feize heures, & avec celui qui avoit été pendant vingt-trois heures fous la peau d'un pigeon. Celui que je retirai d'une caille vingt heures après l'infufflation , s’enflamma dans toute fa mafle à une chandelle allumée , & cela avec explofon , & comme ün mélange d'air commun & d'air inflammable, Il en fut de même, fi ce n'eft que l’inflammation fut beaucoup plus foible , avec de air inflam- mable que je retirai d’une poule dix-huit heures après l'infufflation. L'air inflammable que j'ai retiré des animaux que je viens de nommer, os4 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, L dans le tems que j'ai déterminé , étant mêlé avec de l'eau de chaux, fa troubla très-forr, & une partie de cer äir qui varioit un peu, & qui la plupart du tems étoit comprife entre le tiers & le quart du tout, fue abforbée par l'eau au moyen d'une légère agitation; l’air que je retirai.du chien fut abforbé prefque de la moiriég l'ayant mêlé dans l’eudiomètre dont j'ai donré la defcription , avec parties égales d'air nitreux , je trouvai la diminution du volume du mélarse, de 64. Donc cet air étoit meilleur ue l'air commun qui avoit féjourné pendant huit heures dans le tiflu cellulaire d'un chien, comme il paroït par la fixième expérience. Je conclus de cette expérience, que l'air inflammable fubit dans le tiflu cellulaire de l’animal une véritable décompofition, Le foufre qui réfulte ‘de la combinaifon de l'acide qu'il renferme avec le phlogiftique , & auquel il doit fon inflammabilité, doit ètre décompofé ; foit par les émanations arimales, foit par l’ation inconnue de leurs organes ; car fi cela n'étoit pas , cet air ne pourroit perdre fon inflanimabilité, Il paroît fe changer en grande partie en air fixe, & peut-être n’eft-il abforbé par l’animal qu’à mefure qu’il fe convertit en air fixe ; dans ce cas les humeurs de l'animal doivent fe charger non-feulement du phlogiftique, mais encore de l'acide avec lequel il étoit uni. C’eft aux Médecins à dérerminer les effers que cela peut produire dans l'économie animale. Toujours eft-il sûr qu'ils ne font pas mortels; peut-être peuvent-ils Le devenir par les fuites , ce que je ne hafarde pas de décider. ns :OBSERVATION ù Sur des Fruits prolifères de Mélèze ; Par M. ReyGntEerR, Membre de la Societé des Sciences Phyfiques de Laufanne. Vous les problèmes d'Hiftoire Naturelle ne font pas encore réfolus ; chaque moment préfente de nouveaux faits à l’obfervateur. D'abord étonné de rencontrer des obftacles fur une route qu'il devroit croire frayée ; puifqu'elle commence à romber dans l'oubli , il fe détrompe facilemenr. Grace à nos modernes nomenclateurs, l'étude de la Nature et prefqu'inconnue; celle des mots & des phrafes laiflant plus de carrière à l'imagination ,a pris fa place. Autant la Nature eft belle dans fa marcherégulière , autant intéreffe-t-elle dans fes écarts ; fes efforts pour fe rapprocher des loix qu'elle doit fuivre , dévoilent fouvent fes fecrets. Quand fes irrégularités n’auroient d'autre 4 Er ce = \ "SUR: L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS, 2ç$ avantage que celui de fixer l'atrention des Phyficiens , celui-là feul doit engager à augmenter le nombre de faits qu'on a dans ce genre. Le mélèze vient de n'en préfenter un que je crois nouveau. Comme je m'attache plus à l'étude de la Nature qu'à ceile des livres, il eft poflible que je me ‘trompe. Parcourant vers la fin de l'automne le jardin anglois d'une campagne fituée dans la Gueldre, je remarquai que tous les individus de cet arbre portoient des fruits terminés par des petites branchès ; frappé de certe fingularité, j'en cueillis plufieurs , & vis qu'ils étoient prolifères. Voici leur defcription que j'ai cru devoir communiquer. Ces fruits ne différoient pas des ordinaires pour la forme , mais ils érojent ftériles & plus petits ; leur fommet portoit une petite branche de quatre à huit pouces de longueur au plus, très-bien feuillée & fort vigoureufe ; cette branche étoit une prolongation de l'axe du cône & de la même épaiffeur ; fa bafe écoir environnée d'une efpèce de bourrelet formé par des écailles mal développées, (Pz,. I.) Il eft difficile d'attribuer cette monftruo- fité à un vice dans le germe, puifque tous les fruits de tous les individus de cette efpèce étoient prolifères. On ne connoît que deux caufes exté- rieures qui puiflent influer fur les végétaux ; ce font lation des élémens, ou la piquure des infectes ; mais toutes les excroiflances de ce dernier genre ont quelque chofe de difforme. Les rofes de faule, les galles, les fruits de prünier vides, &c. en font une preuve. Le mélèze croît aflez + indifféremment dans tous les terreins; je l'ai vu fur les rocs les plus arides, dans les meilleurs terreins, dans les tourbières , & même dans des marais, où quoiqu'ayant le pied dans l’eau , il végéroit rrès-bien. Mais là où il-croît le plus ordinairement, c’eft dans les pentes des Alpes parmi les débris de rochers & dans les argiles qui en font une décompo- fition. Le terrein de la campagne où j'ai remarqué ce jeu de la Nature, étoit fabloneux. L’air nous préfente l'explication que la terre nous refufe; c'eft dans cet élément quon peut chercher la folution d’une foule de problèmes dont on ignoroit le principe avant la découverte des différens fluides aériformes. L'air fixe aide beaucoup la végétation des plantes, & leur donne une vigueur fingulière. Ce Auide ne fait vraifemblablement cet effet fur eux qu'en leur préfentant une nourriture plus abondante & moins mélangée de matières hétérogènes. Cette nourriture , c’eft l'acide aérien qui étant le principe de tous les fels, doit agir avec plus de force étant plus que mélangé. En admertant ce principe il eft facile de concevoir qu'une plante des Alpes où elle eft enveloppée d'une atmofphère plus raréfée & plus chargée d’air inflammable que d'air fixe, ayant une conformation analogue au phyfique de fa patrie, doit fouffrir quelque changement lorfqu’elle eft tranfportée dans un pays bas & marécageux où l'air eft faturé d’une quantité affez confidérable d'air fixe. Cette nourriture plus abondante doit influer fur l'organifation , & le fruit étant la partie où 256 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE; elle fe porte avec le plus de force, fera le premier à fouffrir quelque changement. Au refle, je ne donne ceci que comme une conjecture fondée fur aucune expérience , mais qui paroît vraifemblable. UT Nue OBSERVATIONS Sur la quantité de chaleur fpecifique des corps folides , & fur la manière de la mefurer (1); Par M. WILcKxe. Traduit du Suédois, par M. le P. pe V. de l'Académie de Dijon. Les Savans font partagés depuis long-tems fur la quantité de feu contenue dans les différens corps , & la manière dont elle y eft diftribuée, & l’on n’a encore rien établi de certain. Les principales obfervations fur ce fujet font contenues dans une note faite par M. Klingenttorna à la Phyfique de Mufchenbrock , en voici la teneur : « Lorfque des matières de différentes efpèces ont été quelques heures » dans la même chambre, de forte qu'elles ont pris un degré permanent » de chaud ou de froid , elles donnent toutes le même degré fi on leur >» applique un bon thermomètre qui fera refté dans le mème lieu. De ces » obfervations notre Auteur conclut, avec Boerhaave, que le feu eft > divifé également dans tout cet efpace, de forte qu'il y a la même > quantité de feu dans un pied cube d’or, d’air ou de plumes, Je prends > la liberté d'en nier la conféquence; car fi l’on fuppofe que le feu qui > fe trouve dans la chambre foit par fa nature également divifé dans les > différens corps füuivant leur denfité , la quantité de feu, dans l'eau, par » exemple, fera à celle contenue dans le mercure, comme la denfité de » l’eau eft à la denfité du mercure, & ainfi dans tous les autres corps : > dans ce cas aucun corps ne pourroit en échauffer ou en refroidir un > autre, & par conféquent n'échaufferoit ni ne refroidiroit le thermomètre, >» après’ qu'ils auroient été un tems convenable dans le même lieu: l'effet > feroit donc le même dans cette hypothèfe que dans la première. Il y >» a plus, que la chaleur fe diftribue également ou inégalement , qu'elle » fe divife fuivant la denfité des corps, de quelque manière qu’on » l'imagine, il fufic qu'elle tende à un état conftant, pour que l'expérience (4) Mémoires de l'Académie Royale de Stockolm , année 1781, quatrième srimeltre. » ait tt SUR L'HIST. NATURELLE ET: LES ARTS) 257 5 aît toujours le même réfultar. J'en conclus que cette obfervation ne » donne aucun -jour fur la queftion fi le feu fe diftribue de lui-même # également dans les différens corps. Mais il. femble que l'on peus >» conclure d’autres obfervations, que le feu n'eft pas réparti également, & » qu'il fe trouve en plus grande abondance dans les’ corps derifes que » dans les corps rares , lorfque tous deux donnent, le même degré de >» chaleur au thermomètre. Par exemple, on prend deux boules, pareilles » pour le volume, échauffées au point de donner le même degré au » thermomètre , on les plonge dans deux quantités égales d’eau à une » température égale froide. Elles ne donnent pas à l’eau la même chaleur. » Si elles n'ont pas la même denfité, fi l’une eft d’or , l’autre d’étain , la » boule d’or communiquera à l’eau un plus grand degré de chaleur que » la boule d’étain, Ce fait ne prouve-t-il pas que la boule d'or avoit en » elle-même plus de chaleur? De-là vient aufli que lorfqu'ayant chaud , »on porte la main fur deux corps qui indiquent au thermomètre le æ même degré de froid , on fenc plus de fraîcheur en touchant le corps » denfe que le corps rare, plus en touchant une table de marbre qu’une » table de bois, & de cette manière on entend mieux les autres obfer- » vations que rapporte l’Auteur ». ‘ 1 $. 2. La difficulté de déterminér avec quelque certitude la quantité proportionnelle du feu vient inconteftablement de ce que l'on a manqué de moyens pour mefurer & comparer, finon la quantité abfolue, du moins, la quantité relative-de la chaleur dans les corps. $. 3. J'avois obfervé il y. a-quelques années , en faifant des expériences fur de froid \de la neige lorfqu'elle fe fordoit (1), la circonfiance fingulière que la neige. en fondant prend toujours & retient avec elle la même quantité déterminée de feu ou de chaleur feulement pour étre en d'état fluide , ce qui prouve que le feu ou la chaleur efl une matière reelle dont on peut mefurer la quantité , dont le défaut ou l'excès change l'état d’un corps de folide en liquide, qui peut être en grande quantité dans un corps fans être fenfible au thermomètre ,.mais qui peut en être dégagée, fe manifefter comme chaleur, & produire rous les phénomènes de Ja chaleur artificielle & du froid. Je ne pus alors douter que je n’eufle trouvé une méthode convenable par laquelle on pourroit mefurer ou comparer les quantités, finon abiolues, du moins relatives de chaleur dans les différens corps, comme j'avois trouvé qu’on pouvoit la découvrir par les degrés de l’eau chaude, Ces principes établis, il ne refte plus qua chercher par l'obfervation combien il, faut de neige molle pour réfroidir Les divers corps, depuis ün degré de chaleur déterminé, Ju/qw'au terme de la congelanon ; car toute la chaleur que perd le RS _ (7) Mém. de Stockolm, année 1772, page 97. Tome XXVI, Part. I, 1785. AVRIL, K& 358 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, corps doit fe retrouver dans l'eau provenue de la neige fondue, & ainfi fä quantité peut être connue par la quantité d'eau produite ou de neige fondue. Je ne tardaï pas à tenter de vérifier par l'expérience cette opinion vrafemblable & bien fondée’; mais je trouvai d’abord plufeurs obftacles inatrendüs: Que d'eflais n’ai-je pas faits pour mertre la neige fur le corps mème ou letorps fur la neige! Mais toujours l'eau de la neige fondue pénétroic ff promptement dans le refte de la neige, qu'il éroit difficile, pour ne pas dire impofñlible, de déterminer avec exactitude combien de neive s'étoit changée en eau , & comme cette quantité pouvoit être augmentée par de moindres portions qui devenoient fluides l’une après l’autre , le réfulrat fe trouvoit moins certain en ‘raifon du rems :& de Vefler de la chaleur. J’efläyai donc de mettre une quantité donnée de fieige dans une quantité déterminée d’eau au point de la congelation, jé plongeai dans le même mélange des corps échauffés à un certain degré ; particulièrement au foixante-douzième degré (57,6 de l'échelle de Réaumur) que j'avois trouvé, & je m'appliquai à reconnoître la ‘quantité de neige qui pourroit être fondue par ce procédé , fans qu'il en reflât dans l’eau aû point de la -congelation , & de manière que l’eau n'eüt aucun degré de chaleur au-deflus, J'y parvins, mais’ la difficulté de l'opération & lesinconvéniens que je n'avois pu prévoir me firent bientôt penfer à un expédient , à la vérité moins dire&, mais plus facile pour trouver ce que je cherchois; l’idée m'en vint de ce que j'avois obfervé que la quantité de neige qui fe fondoit dans l’eau chaude étoit conftante & proportionnée aux différens degrés de chaleur. Pour y parvenir on pefé une quantité d'eaû au point de congelation égale au poids du corps; on y plonge le corps échauffé à un certain degré, notamment au degré 72 , & on examine au thermomètre la chaleur du mélange. D’après la règle de Rinman (1), je calculai combien il falloit d'eau chauffée à ce degré pour mettre au même degré le mélange avec l’eau froide à zéro, & enfuite, d’après ma règle trouvée pour la fonte de la'néige, combien il falloit de neige pour abforber totalement cette chaleur, On poüvoit ainfi connoître plus sûrement le poids de la neige & faire l’effai, partie dans le mélange , partie für Le corps même immédiatement. Céla a réufi dans tous les points, nrais à fait voir en mème rems que la dernière opération avec la neige éroir en quelque forte [uperflue , puifque la chaleur fpécifique dés corps à effayer pouvoit être déterminée par la quantité de neige, ayant pris d'abord le degré de l'eau feule. : / $. 4. Les expériences que j'ai faites par ce procédé fur diverfes matières mont prouvé que la quantité de feu ne fuit ‘en général; en “ (1) Mémoires de l’Académie Royale de Stockolm , année 1772, page 98. _— x SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 259 fe difiribuant dans les différens corps, ni leur volume ; ni leur denfité ou pefanteur fpécifique ; mais que chaque matière fuivant fa nature, a une attratlion conflante © certaine, dont elle fuit la Loi, & d’après laquelle elle prend, retient ou partage le feu ou la matiëre de la chaleur , dont la quantité comparée avec celle d'autres corps , particu- Lièrement avec celle de l’eau , peut étre appellée CHALEUR SPÉCI- FIQUE de cette fubllance, tout de méme que Ja pefanteur comparee avec celle d'un autre corps de même velume, ef appellée fa pefanteur fpécifique. Ces deux propriétés des corps ne fe trouvant nullement d'accord, il et clair que la chaleur fpécifique fuit une loi fondée fur des propriétés tout-à-fait étrangères à la quantité de matières & de pores fous un certain volume. Pour éviter toute incertitude dans cette manière de comparer les corps, il eft néceflaire de faire une différence entre la chaleur fpécifique qui eft attribuée au corps comme partie conftituante, & celle que tout corps reçoit ez tant qu'il ef? de tel volume, & formé de telles parties conflituantes. Car lorfqu’on demande en général: Combien de feu ou de chaleur un corps reçoit en comparaifon d'un autre ; cette compa- raifon peut être fondée ou fur la pe/anteur & le poids des corps ou fur leur grandeur & volume. Dans le premier cas la quettion fe réduit à favoir quel eft le rapport des quantités de chaleur contenues dans des maffes égales en poids ou dans un nombre égal de parties de matière qui font d’une nature différente, comme par exemple, le rapport de la chaleur d’une livre d’or à celle d’une livre d’eau; & alors (/2 La pefanteur répond à la quantité de parties matérielles, & ft chaque partie dans les corps homogènes tient une quantité égale de chaleur) toute la queftion fe réduit à favoir combien de chaleur chague partie différente d'un corps, comme l'or, contient en comparaifon de chaque partie d'un autre corps comme l’eau. Le rapport de la chaleur ainfi comparé , s'appelle la chaleur fpécifique du corps. Dans le fecond cas, il s’agit de favoir quelle eft la quantité de chaleur dans’un certain volume d'un corps par comparaifon avec celle contenue dans un égal volume d’un autre corps, par exemple , le rapport de la chaleur d'un pouce cubique d'or à la chaleur d'un pouce cubique d'eau : la chofe & la réponfe fur ce rapport font tout-à-fait différentes, puifque la quantité de chaleur vient en partie de la chaleur fpécifique de la matière propre, & en partie de la denfité ou de la quantité de matière fous tel volume. C'eft pourquoi la quantité de chaleur fpécifique dans ce cas eft défignée par toute la chaleur relative du corps ; pour la diftinguer de la pre- mière. Mais comme tant la chaleur /pécifique du corps que toute fa chaleur relative ne fignifie rien autre chofe que le rapport & la pro- portion de la quantité de chaleur contenue dans chaque partie comparée avec une autre partie, dans chaque corps comparé avec un Tome XXVT, Part. I, 1785. AVRIL. Kk 2 260 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE; autre corps, cette proportion & ainfi la chaleur tant /pécifique qua relative peut refter la même, quoique le feu ou la quantité abfolue & fenfble de la matière augmente ou diminue fuivant certaines mefures que l’on appelle degrés. Ainfi la quantité ab/olue de chaleur doit être diftinguée de la chaleur /pécifique des parties & de la chaleur relative du corps. Cette même chaleur abfolue peut , fuivant fes différens états en fe communiquant & fe mettant en équilibre dans les corps, être encore divifée en chaleur /enfble & infenftble, enchaînée & libre où déga- gée, &c. &c. Mais comme mon deflein n’eft pas d'embrafler pour le préfent tour ce qui appartient à ce fujer, mais feulement de démontrer par quelques expériences que la communication de cette chaleur abfolue Je fait d'une manière fpécifique propre aux différens corps & fuivant leur a&ion fur cette matière de la chaleur , je vais expofer mes preuves & la méthode que j'ai employée pour déterminer aufli exactement qu'il m'a été poflible la quantité de chaleur dans les différens corps, & la manière dont elle sy communique. $. ç. Voici la manière de procéder. 1°. On pèfe à une bonne balance le corps ou le métal dont on veus connoître La chaleur, afin d’avoir {on poids abfolu , on prend ordinai- rement ur marc ou une livre. + 2°. Le méme corps fifpendu à un fil ef? plongé dans une grande boîte de fer blanc À remplie d’eau bouillante, où on met en méme- zemns fitr Le corps méme ur thermomètre à mercure pour obferver fa chaleur. 3°. Pendant ce tems on met dans une autre boîte de fer-blanc B, srès-mince & fufpendue par des fils à une balance , autant d’eau froide à la température de la glace que le corps pèfe. Cette eau ef? tirée d'un autre vaif[eau rempli de neige molle; de cette manière on obtient plus facilement le degré de la glace, mais il faut faire attention qu'il n'y reffe point de neige, ce qui pourroit charger le réfultar. 4°. Auffi-tôt que l'on a pefé, on tire promptement du vafe de l'ean chaude À, le corps qui y ef! plonge, & on Le place tont de fuite dans le vafe d’eau à la glace B , on l’y laiffe fufpendu à fon fil fans toucher le fond ni les côtés de la boëte. s°. On mer dans ce mélange un thermomètre au mercure, dont l'échelle eff faire de manière qu'on puiffe diflinguer facilement des quarts ou encore mieux des huitièmes de degré, on prend le point où il s'arrête lorfque toute l'eau, tant dans Le haut que dans le bas, s’eft mile à la méme température que celle du corps, 6°. On fair le même effai auffi fouvent que la chaleur de l'eau de La boîte À le permet : on a foin alors d’obferver la pefanteur fpécifique du corps dans de l'eau pareille à différens degrés de chaleur, & de remarquer tout ce qui fe pafle dans ces expériences, " SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 261 Pour repréfenter d’une manière plus claire les réfultats de ces effais , ainfi que les conféquences qu'on peut en tirer, j'ai dreflé les Tables fuivantes, dans lefquelles j'ai placé fous différentes colonnes; favoir : A, Chaleur di métal au moment où 1l a été retiré de la boîte À, prile Jur le thermomètre de Suede (1) dont le degré = c. B. Degré du mélange dans la boite B,au moment où Le corps & l'eau fe font trouvés à la même température =N , degré de chaleur que doit prendre le mélange B ; lorfqu'à la place du corps à effayer on Jubflitue dans le vaiffeau d'eau froide B une maffe égale en poids de l’eau échauffee au même degré du vaifleau A. _ Suivant la règle de Richman pour le mélange de l'eau à différentes MC+me i M+m Ë [a ; . 5, degré x eft toujours = —, c'eft-à-dire, /a moëié de la chaleur de 2z températures, On trouve =X , lorfque M=—m.& C= 0, le l'eau ou du corps fuivant la colonne À. . D. Chaleur du mélange en B, ft au lieu du corps, ôn met dans l'eau froide en B, un volume égal d’eau chaude du vaifleau A. L’eau froide en B , & le corps lui-même ont leurs poids égaux, ainfi leurs volumes font en raifon inverfe de leur pefanteur fpécifique. Le volume d'eau froide eft donc à un volume d’eau chaude du vaifleau À, égal à celui du corps , comme la pefanteur fpécifique du corps eft à celle de l’eau: & les mafles ou poids de cette eau font dans la même pro- portion. Soient ces mafles M & m, la pefanteur fpécifique du corpsg, M É : on aura m:M::1:g,& m——;la mafle de l'eau froide ou le poids & 2 Le du corps étant 1, on trouve m=—=—. On place fa valeur dans la F: l MC+me ï Le — x, Alors M—1,C—0,m——. D'où on formule M+m ; £ : c 4 X à } tiré x = —— où le degré du mélange, or/que Le degré de chaleur du Hu corps en À ef divifé par Ja pefanteur fpécifique + x. C'eit fur ce principe que la colonne D eft établie. E. Montre combien il faut d’eau chaude du vaifleau À à la même température du corps, en proportion du poids du corps ou de l’eau froide en B, pour qu'étant mélés ils donnent le même degré de chaleur N qui ef? communiqué par Le corps lui-même fuivant la colonne B, (1) Le thermomètre de Suède a fon échelle divifée en 100 degrés depuis la congelation jufqu’à l’eau bouillante. Noce du Traduéteur, 262 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, MC+me Si dans la formule 77 = x , on met x—N, M—=rx,; M +m C—o, & que l’on cherche la valeur d'une maflë m , on a m— . C'eft ainfi qu'eft formée la colonne E, la chaleur MN CEE trouvée dans le mélange B eft divifée par C—N, c'eft-à-dire, par la différence des degrés de chaleur du corps avec ceux du mélange. Remarque. La valeur trouvée pour une mafle d'eau égale- C—N ment chaude qui donne la même chaleur avec le même corps, exprime q ie te en méme-tems la chaleur propre ou fpécifique du corps comparée à celle de l’eau : ou le rapport de la quantité de chaleur dans chaque particule apport de la 4 du même corps à la ‘quantité de chaleur contenue dans chacune des 5 2 1 = , à 5 = RSS particules d’eau. Car fi l'on fait abftraction de la petite différence qu'occafionne l'inégalité de la température, le poids & le volume de J'eau au terme de la conge lation en B, font au poids & au volume de l'eau chaude du vaiffeau 4, qui donne avec le corps une chaleur égale au mélange , comme 1 eft à NA : la quantité des partiès matérielles ou des molécules de l’eau eft dans la même proportion , mais le corps eft d’un poids égal, il a donc autant de parties matérielles que l'eau au terme de la congelation ; c'eft pourquoi /a fomme de ces molécules du corps eft à la fomme des parties matérielles dans l’eau chaude, comme 1 eft N à OT Cependant le corps & l'eau chaude dans le mélange avec Veau froide abandonnent une méme quantité ou un. même degré de chaleur qui , divifé également entre leurs parties matérielles ; fait pour chaque particule une quantité de chaleur ou chaleur fpécifique qui eft en raifon inverfe du nombre des parties des mafles du corps & de l'eau, AT c'eft-à-dire : : =: x, C— N . N Remarque. Au lieu de la fraction entière = ————, on 7 C—N CNE N a feulement mis dans la Table le divifeur en décimales qui indiquent proprement la chaleur fpécifique des particules d'eau , en prenant la chaleur fpécifique de la matière du corps pour 1, mais ce dernier revient, les quantités étant exprimées, en fractions dont le numérateur eft 1. La colonne F exprime la quantité de neige molle qui ef? néceffaire pour porter au terme de la congelation la maffe d’eau chaude trouvée dans la SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 963 précédente colonne E, & par conféquent auffi Le corps lui-même a différens degrés de chaleur; cefl-à-dire , pour que toute la chaleur foie abforbée, : A , . = , - Me— 72m Suivant la règle établie dans mon premier mémoire PU EP = eft l'expreffion d'un mélange de neige & d'eau chaude à la congel ation fans qu'il y refte de neige non fondue, de forte que Mc et — "72 » ,ou cM 72: ci: M: 7, d'où on tire le poids de la neige » — . Maintenant, 2 3 N ; hu fi au lieu de M on prend CERVT fuivant la première colonne, & que c Ras exprime le degré de chaleur du corps , # ou la mafle de neige qui en fe fondant met le corps à la température de la glace, devient — c N : na HÉrrie en & on trouve gu'alors la chaleur fpécifique de la matière des corps fuivant la colonne E, ef! mulripliée par le degré de chaleur du corps ; fuivant la colonne À , divijé par 72. Tan Ainfi le poids de la neige correfpond directement à ce degré de chaleur abfolue, & indique immédiatement la chaleur fpécifique de la matière des corps qui peut de même être eflayée & déterminée par-là dans l'expérience, On n'a cependant exprimé dans les Tables que le divifeur des fractions déci- males qui indique la quantité plus confidérable d’eau chaude néceflaire pour fondre la neige, la mafle de celle-ci étant prife pour 1. | € 72c— N Ti Remarque. Si c—"72, n devient — EXPÉRIENCE I, fur l'Or. . PESANTEUR SPÉCIFIQUE, 19,040 A. B C. D. 18e 1 AFRO 73 +. DEN Dis eiADt ART I0 67-00 Ge 62e 03 ve e3Tgee à 231100. «1e 193833» 01° + 22,840 53 Das see: 2101 at 20 SO 2 227.840 48. 2e 24 le 23e eee 20,933 ee 30,409 39 ;- DNA TB tee TOR T0 7 ON 21010 35 eeliessel7seee1)7 + ++ «19,000 : se : 39,080 Terme moyen. .,...19,712 264 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, EXPÉRIENCE II, fur le Plomb, PESANTEUR SPÉCIFIQUE, 11,456. A. B. C, D. Fe F, 86 ....35:. A3 tale -0100461.41-230971/- 1e 101732 83 sem e4lie ee 10,583 + o » + 243538? + « 21,285 Th bone: 37 ++: 5940 ...23,666. . . .23,026 72e ce 36::...95,800.. ..23,333. - . «23,012 SÉRERRO TE 29 410201. 22 20D% ie S$ oe25e QE AIS eee 2477Te ee 25.25. 20% + + » 42140 22,333. + eo 42 ST anale AT ie tele +927 Es s 23 000 is ste) dires lis ere lee e 02709 + « » + 22,000 « « » à, Terme moyen... a —— MARER ET EXPÉRIENCE III, fur l'Argenr. PESANTEUR SPÉGIFIQUE, 10,267. A, B. GC; D. E, F, 89 -.. 654. .445e + » » 8,090 « « » «12,092» + » + 10,207 78 e.6 39 + ee 7,001 e » » « 12,000 + + « 11,076 Ode se Sriorsies 33 joie e 20,303e ee TT 7270 je 12,002 63 sde e en 31e ee 53727e ee + 12,203 + »1. 14,014 S6 45... .28 + + 9,090 + « + + 12,176: + + «15,034 so pi Mas. 14,545 4 .. 7,842... . 13,443 c4 ones Ige ee »337Odee eo 27875 à «0 + 15597 DOMe ose Dee 13 eieisiel2)77 0e ces 7 000 215220) - Terme moyen. :....8,604 EXPÉRIENCE VII, fur un Cylindre de Laiton, PESANTEUR SPÉCIFIQUE, 8,256. À, B, C. D. E, F, 82: ro ee 4lae se 29013 + e 10,000 pe 8727 HT One lei O7 ete 02710002 Or ... 5e. o 2:30 7e 0°: + 6,390. « o « 10,090 + « + » 11,909 Eire ee$ ou 275e ee 53880 € «9,900 « » » 13,071 48 rer 2% ro 8183. 9,066 + « « : 14,390 Terme moyen. :...9,91$ Tome XXVT, Part, I, 1785. AVRIL LI 266 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, EXPÉRIENCE VIII, Jürle Fer. PESANTEUR SPÉCIFIQUE, A. B. C, D. 18 84 sessQireee 2 "+ .0403 es 7,842 Ole ee Taie pisse Ses, e TO Bio) se 8,333 - CA Tea 2 ee T2 TO elec 8,142. Sora 28e 0 0 O4 2T e > ei 7940. 49 cr 1te243 5,520. e 7,909 « 4 s...5 DO «+ 143019 «ve 7,500. 3O-+e..3pee1$ 0.e3»379 + + + + + D,600. 2OEe » 2e 2 alert LOS 2,985 x 27,200 Terme moyen...... 7:933 7:876. Fe : 6,721 1e. 1857 0, 95159 + 9,905 te EI O2E 133170 . - 20,640 25,287. EXPÉRIENCE IX, fur l'Etarx. PESANTEUR SPÉCIFIQUE, 7,380: A. B, ec: D. E. F. 89 »...$ ...:44:...:10,620....16,800... «13,597 CEPRAOOUL «413. : 9904 + + - + 16,473 + « + : 14,289 TS ei 237200 0 8,929 4 - A ES,047e » F5 ,309 Tale lee 0 Dee 130 + 8,$9T. + « + 17,000. + + + 17,000 CAE LR 3086920101. 0 006 tele 1742810 lee GTEREN 230003050338 2 10,57 Eee « SFA tn 8e 2272 206,622: 1.10,076. 2". « .SI 3 25 > + 6,085... . 16,000. .…. « ® 4dre DA 220 le TO s el T0 7ODe eee 4I « 2: BOT ste IAB ie A7, 222e 0 -e Terme moyen EXPÉRIENCE X, fur le Zinc de Goflar. PESANTEUR SPÉCIFIQUE, 7,154 À, B, 89 +.e.8:... Trois. 0 62 ..… “ee LÉTROMS EE 47 cedzre 707. vs ot D EN se235e-.: 557064... C. D. «44e + + * 10,914 + É 0,787. 8,851. . .. 9,740. 10 702) 9,900 + + 9,444 ° Terme moyen. « « + « : 9,730 F. ARIQUT +... 9,672 +. 11,359 .. 13,078 14,407 SUR L'HIST. NATURELLE ET LÉS ARTS. 267 EXPÉRIENCE XI, /wr de Zinc des Indes. PESANTEUR SPÉCIFIQUE, 7l4l. A: B, C. D. E. F. Date ele pa be ne M2 +10,318....10,200...,. 8,742 Here 0 er: 0e 8,844. . » » 10,076. . . . 10,076 61 ....$;....30:.... 7,492... 9,608... . 11,897 $1:. “43: se 2Sgrens 0,3250 + 03842: » + 13,759 dd ceso45ee ee 22 S4Oe eue 9,352. + + «15,305 Terme moyen...,..0,81$ EXPÉRIENCE XII, fur l'Antimoine, PESANTEUR SPÉCIFIQUE, 6,170. A. B. C. D. E; F. 885... «die oo 44e o » © 1253430 0 + 17,031 + » « 14,343 80 ..4- +240 ++. +11,1574e + «10,777 « » » + 15,099 | Tlreeci@res se 3Sge eee 907$ eee » 153704 « » » » 15,929 O3... mes32- acte 000 es 15,250. «re 10,040: Gt Dune ee 30% mine al B:SO7rale » 2151200. 2: 17,040 SOU DE. ne. 28000 07 810 15000 Le + 10,208 52: …33-e 20%. REC RDPE IN DECE ..20,78I SO eor3 025 ce 6,973 e + « 15,666 « + °22,559 Terme moyen. .....15,818 EXPÉRIENCE XIII, fur l Agathe, PESANTEUR SPÉCIFIQUE, 2,648. À, B. Ce D! E: F. 81 .13 ANR 22207041 153300224048 6$ 10e ee 52 ee dl ST es ele TOO ele. 5:748 53. De le: 20 eee T4, 00fee SIT ee « «0,882 33<. Ses 195 0 ee 10,953 - + + + 49923 eee « 0,200 Terme moyen. .... + 5114 one XXVT, Part, I, 1785. AVRIL, LI 2 ‘a68 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, EXPÉRIENCE XIV, Jur le Verre blanc. PESANTEUR SPÉCIFIQUE, 2,386 À. B: (@ D. E, F, er hate bd 2h43 ce 5e28,398. 74e 572$ eo « 73: MIO 30 AT TO Beta 72 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE; La couleur verte de cette mine de bifmuth , n’eft due ni à du cuivrent à du fer, mais paroît due à du cobale, N°, a. Pour m'en aflurer, j'ai mis de cette mine de bifmuth en digeftion dans de l’alkali volatil qui n'a pris aucune couleur, Si la teinture verre de cette mine eût été due au cuivre, Falkali volatil auroit pris une couleur bleue. Pour déterminer fi cette mine de bifmuth contenoit du fer, j'en ai diftillé une partie avec quatre de fel ammoniac , qui s’eft fublimé & com- biné avec la chaux de bifmucth qu'il a volatilifé ; ce fel ammoniac avoit une belle teinture jaune; l'ayant diflous dans de l’eau diftillée , il s’eft formé aufli-tôt un précipité blanc de bifmuth corné, J'ai filtré certe leflive, j'ai mis enfuite dedans de la noix de galle , elle n’a point été nojrcie, ce qui auroit eu lieu fi la diffolution eût contenu du fer. Le réfidu de la diflillation étoit grisâtre , & pefoit moitié moins que la mine de bifmuth que j'avois employée ; après l'avoir lefivée, j'ai mis dans l’eau qui avoit fervi à cette opération , de la noix de galle qui n’a point annoncé la préfence du fer. J'ai fondu de cette mine de bifmuth avec du verre blanc; elle lui a donné une couleur verte, qui me paroît être le réfultat de la couleur bleue fournie par le cobalt, & de la couleur jaune produite par le bifmuth : les fcories que j'ai obtenues en réduifant cette mine , avoient également une couleur verte. Pour réduire la mine de bifmuth terreufe , j’en ai fondu une partie avec quatre de flux noir & un peu de pouflière de charbon, j'en ai retiré tente-fx livres de bifmuth par quintal de mine. J'ai retiré par la coupellation de ce régule de bifmuth, une parcelle d'argent, N°. 4. Le bifmuth du commerce en produit aufli , comme l'a fait connoître M. Geoffroi le fils, J'ai analyfé une mine de bifmuth terreufe, folide , jaune , un peu brillante , & quelquefois demi-tranfparente , elle m'a produit à-peu- près les niêmes ee. elle a rendu quarante-cinq livres de bifmuth par quintal, c’eft neuf livres de plus que la précédente ; fes fcories étoient moins vertes, parce qu'elles contenoient moins de cobalt. Ces mines de bifmuth terreufes font plus difficiles à réduire que celles qui font arfénicales ; ces dernières n’ont befoin que d'être brülées entre des lits de bois pour produire le bifmuth, tandis que pour tirer parti des mines de bifmuth terreufes , il faut Les traiter au fourneau à manche, afin de pouyoir les réduire. EVE SUITE Lt MO En SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 927$ qe enr emmmmees SUITE DE LA DISSERTATION Sur les Couleurs accidentelles ; Par M. CHARLES ScHERFFER (1) 8. XIV. Passons à la fuite des expériences de M. de Buffon, Voici fes propres paroles: « En regardant fixement & fort long-tems un >» quarré d’un rouge vif fur un fond blanc, on voic d’abord naître la » petite couronne de verd tendre, dont j'ai parlé ; enfuite en continuant » à regarder fixement le quarré rouge, on voit le milieu du quarré fe »# décolorer, & les côtés fe charger de couleur , & former comme un cadre » d’un rouge plus fort & beaucoup plus foncé que le milieu ; enfuite en > s’éloignant un peu & continuant de’regarder toujours fixement , on n voit le cadre de rouge foncé fe partager en deux dans les quatre » côtés, & former une croix d'un rouge auf foncé ; le quarré rouge ‘» paroïc alors comme une fenêtre traverfée dans fon milieu par une » groffe croifée & quatre panneaux blancs; car le cadre de cette efpèce _» de fenêtre eft d’un rouge aufli fort que la croifée ; continuant toujours » à regarder avec opiniatreté, cetre apparence change encore , & tout » fe réduit à un rectangle d’un rouge fi foncé, fi fort & fi vif, qu'il > offufque entièrement les yeux ; ce rectangle eft de la même hauteur >» que le quarré, mais il n’a pas la fixième partie de fa largeur : ce point > eft le dernier degré de fatigue que l'œil peut fupporter , & lorfqu'enfin > on détourne l'œil de cet objet, & qu'on le porte fur un autre endroit » du fond blanc, on voit au lieu du quarré rouge réel, l'image du » rectangle rouge imaginaire, exactement deflinée & d'une couleur verte ® brillante; cette impreflion fubfifte fort long-tems , ne fe décolore que » peu-à peu , elle refte dans l'œil même après lavoir fermé. Ce que je viens > dedire du quarré rouge, arrive aufli lorfqu'on regarde très-long-tems un æ quarré jaune ou noir , ou de toute autre couleur, on voit de même le » Cadre jaune ou noir, la croix & le rectangle ; & l'impreflion qui refte s eft un reGtangle bleu, fi on a regardé du jaune ; un rectangle blanc > brillant , fi on a regardé un quarré noir», &c. &c. $. XV. Telle eft la feconde fuite des expériences de M. de Buffon. Lorfque jai voulu les répéter , je n'ai jamais pu avoir des réfulrats femblables aux fiens, & je n'ai jamais pu voir ni croïfées de fenêtre, ni panneaux blancs , ni un rétréciflement confidérable de la figure fur . (1) Voyez mois de Mars , page 178, Tome XXVT, Pare. I, 1785. AVRIL. Mni 274 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, laquelle j'avois les yeux fixés, Je fuis donc très-porté à croire que M. de Buffon aura fatigué fes yeux par les expériences précédentes au point dé n'être plus en état de les tenir aflez tranquilles, pour que les axes vifuels fe rencontraflent fur le quarré: car fi ces axes fe coupent en-deçà où au-delà de l'objet ,on verra nécéflairemenc double, comme il arrive ordinairement dans de pareils cas: Or, il fe peut rrès-bien que les figures qui fe font préfentées aient été fi proches l’une de l’autre qu'elles n'ont fait qu'une feule furface , & que fi avec cela la longue fatigue a fait changer à l'image fa place dans l'œil , il en foit réfulté quatre images jointes enfemble, & repréfentant quatre panneaux de fenêtres avec leur croifée. | Mais pour expliquer , autant qu'il eft poflible , ce que cette obfervation renferme d’eflentiel, je ferai remarquer trois circonftances particulières ; la première, eft qu'en général le bord de la figure qu'on confidère plus long-tems qu'il ne feroit néceflaire pour la voir repréfentée fur un fond blanc, que ce bord , dis-je, fe teint de la couleur accidentelle du fond fur lequel la figure repofe. Nous avons déterminé plus haut ($. XI ) les couleurs apparentes qu'on doit attendre d’une couleur vraie, lorfque nous avons parlé du /peétre prifmatique ; en conféquence de cela la circonférence d'une figure rouge fe teindra en pourpre, fi certe figure repofe fur du verd; & en bleu fi on la confidère fur une furface jaune. Un fond rouge rend verdâtre le bord d’un quarré jaune, & un fond: verd donne un bord rougeûtre à un quarré bleu. Mais comme les couleurs accidentelles quand elles tombent fur de réelles font très-foibles en comparaifon de celles-ci, & qu'outre cela elles font luifantes , elles ne font ordinairement d'autre effect que de renforcer un peu la couleur véritable du bord & de lui donner plus d'éclat. Le bord de la figure ne laifle pas d’être un peu rembruni, quand mème elle fe trouve fur du papier blanc, parce que c’eft l'ombre qui eft la couleur accidentelle du blanc. Mais, nous demandera-t-on avec raifon, d'où favons-nous que la couleur accidentelle du fond tombe fur la circonférence de la figure ? L'expérience fuivante m'en a inftruit: je pofai un quarré blanc fur du papier coloré, & je le confidérai aufli long-tems que cette expé- rience le requiert : le bord de ce quarré devint jaune fur le bleu , verd fur le rouge, rougeâtre fur le verd, & ainfi de fuite. Quant à la caufe de ces phénomènes, je crois qu’il faut la chercher dans une contraction & une extenfon de l’image qui fe forme fur la rétine lorfqu'on regarde la figure. La prunelle ou l'ouverture change à différentes reprifes de grandeur ; d’abord fon diamètre diminue & bientôt il augmente. Nous ne pouvons voir à la vérité ce qui fe pafle au fond de l'œil & avec l'humeur cryftalline; mais il doit s’y faire des mouvemens en grand nombre, & qui ne dépendent pas de nous; c’eft ce qu'on peut conclure des différentes figures qu'on voit prendre au bord duquel il eft queftion : SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 57 tantôt il eft large, tantôt il ef fort étroit ; il difparoît entièrement pour un moment, & le moment fuivant il reparoîc ; il manque bientôt d'un côté, bientôt de l’autre. Au moins je ne pus jamais obtenir qu'il gardät pour quelque tems une figure ftable. Or, s'il arrive que l’image grofliffe un peu dans l’œil & qu'elle prenne plus de place qu'auparavant, il fauc nécellairement que la circonférence extérieure de la figure tombe dans Ja couleur accidentelle du fond fur laquelle elle eft° pofée. $. XVI. La feconde circonftance remarquable du phénomène cité au $. XIV, c'eft que la couleur du quarré décroit & devient plus foible dans l'intérieur de ces bords plus colorés ; mais toutes les tentatives que j'ai faites pour réuflir dans cette expérience me firent feulement voir qu'au commencement la couleur de la figure devient un peu plus fombre vers le milieu, qu'enfuite elle devient aufli indiftin@e, & enfin, pour ainfi dire, nébuleufe quand on la confidère fur une furface blanche. Je n'ai jamais pu remarquer une véritable blancheur fur des figures colorées. Mais quand je regardois des taches blanches fur du papier coloré , elles paroïfloient légèrement teintes de la couleur du fond, en dedans de leur periphérie. Je ne voudrois cependant pas garantir que cela ait toujours lieu. $. XVII. Mais Je phénomène qui paroît le plus dificile à expliquer, -c'eft en troifième lieu que les couleurs accidentelles fe voient non-feule- ment fur un fond blanc, mais aufli quand en fermant les yeux, on ne regarde rien abfolument, toutes les fois qu'on a confidéré les taches colorées plus long-tems que de coutume. Tout ce que je puis dire là- deffus confifte en quelques conjeétures. Je remarque d’abord qu'il faut fixer l'œil plus long-tems fur la figure vraie quand on veut voir la couleur accidentelle avec les yeux fermés, que fi on demandoit feule- ment à la voir fur une autre furface avec les yeux ouverts. En fecond lieu, que les yeux étant fermés, les couleurs fe font voir bier plus foncées que dans l’autre cas. 3°. Qu'elles paroiïffent encore bien plus fombres quand la figure colorée repofe fur un fond noir, 4°. Que fi l’on tourne le vifage vers la fenêtre ou vers une muraille blanche & bien éclairée, qu'on ferme les yeux & qu'on promène le doigt devant les yeux, on voit ce mouvement très-diftinétement à caufe de l'ombre que le doigt jette fur l'œil. $°. Qu'il entre aflez de lumière à travers les paupières quoique fermées, pour qu’on diftingue très-facilement la couleur rougeatre de leur chair: & que même en confidérant celle-ci pendant quelque tems , & jettane enfuice les yeux ouverts fur une muraille ‘blanche, on y voitrauffi-tôt la couleur verte qui eft l’accidentelle, de celle-là. Enfin, il eft certain que dans un lieu fombre une lumière , quoique très-foible , ne laiffe pas de faire une impreflion fort fenfible. Toutes ces circonftances ferviront peut-être à éclaircir notre difficulté, Il me paroît qu'on peut conclure de la feconde & de la troifième Tome XXVI, Part, I, 1785. AVRIL. Mm 2 276 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE; remarque, que même le fond fur lequel la tache colorée repofe, renvoie plus où moins de rayons à l'endroit de l'œil où fe peint la figure. J'aurois pu ajouter qu'une tache d’un verd foncé , dont la couleur accidentelle eft couleur de chair, fe repréfentera enfuite bien plus vivement, & approchera bien plus du rouge , que fi on l’avoit confidérée fur un fond noir ou blanc. Outre cela n’y ayant pas de corps d’une couleur fimple , il faut que toutes les modifications de la lumière foient réfléchies, par - exemple, par un corps rouge quoique le rouge y prédomine ; & ces rayons accefloires ne font pas en fi petite quantité qu'on pourroit fe l'imaginer : car une pareille lumière réfléchie, confidérée par le prifme, préfente diftinétement les fept couleurs primitives. Ne pourroit-on pas donc être en droit de dire que tous ces rayons pris enfemble caufent dans l'œil un mouvement modéré, qui par cela même dure plus long- tems que ce mouvement violent qui eft produit par la couleur réelle de la figure, & qui cefle le premier d’être diftinét après que lobjet extérieur a difcontinué d’agir ? J'avoue que fi la couleur accidentelle qu'on voit les yeux fermés provenoit de l'ébranlement continu produit par la figure dans les moindres particules de la rétine, je ne verrois aucune raifon vraifemblable à alléouer pourquoi nous avons une toute autre idée des couleurs vraies que des accidentelles. Ce chemin feroit à la vérité plus court pour fe tirer d’embarras , & c'eft celui qu’a fuivi M. Jurin lorfqu'il dit, que par une loi générale une impreffion plus forte ceffant , il en naît une autre tout-à-fait différente , de caufes qui n’auroient jamais pu le produire ou du moins qui n'auroïent pas pu en caufer une auffe vive. Mais je laifle à d’autres à juger fi le fait peut recevoir de cette manière quelqu’éclairciffement, Peut-être ne feroit-ce pas fans vraifemblance que l'on conjeäureroit qu’il entre toujours autant de lumière à travers la peau des paupières qu'il en faut pour remplacer dans cet état d’obfcurité la lumière qui feroit réfléchie par une furface blanche; & il fe pourroit très-bien, en vertu des remarques précédentes , que cet effet n'exigeàt que très-peu de rayons , parce que d’ailleurs les couleurs accidentelles font fort fombres & qu'il ne fe fait d'aucune autre part quelqu'impreflion de lumière. Qu'on ne m'objeéte pas qu'une vive fenfation d'une lumière foible vue avec les yeux fermés, contredit ce que nous avons dit plus haut ($. III.) fur une chambre obfcure où l’on entreroit en fortant d'un lieu bien éclairé: les circonftances font entièrement différentes : nous fuppoñions là, que l'œil étoit affoibli par la forte lumière , ici cela ne s'entend qu'à l'égard de quelques rayons, du moins quant à la partie de la rétine où fe peint l'image. Je dois ajouter enfin, que peut-être il réfulte aufi quelqu'effet de la lumière qui eft abforbée par les parties opaques de l'œil, quand on fixe la figure, & qui erre à travers ces parties par mille détours jufqu'à Jj' SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 277 ce que, malgré fa vicefle prefqu'incompréhenfible , elle fe difperfe par différentes ouvertures. Je n'ai pas de raifons particulières pour juftifier cette idée d'un corps non tranfparent , parce qu'elle ne m'eft pas par- ticulière & qu'elle n'eft pas nouvelle. J'avouerai à la vérité que les nerfs optiques, la rétine & mème la choroïde d’un œil de bœuf difléqué , ne _tiennent pas aflez de la nature du phofphore pour qu'après avoir été expofés pendant quelque tems aux rayons du foleil, je les aie pu trouver enfuite lumineux dans l'obfcurité; c’eft une experience que le KR. P. Her- BERH , Profefleur de Phyfique de notre Univerfité, m'a donné l'idée de faire d’après la méthode que M. Beccaria a fuivie pour la même fin, dans fes Recherches fur les pierres précieufes & fur différentes efpèces de terre brune. Mais cela ne doit pas nous arrêter: une trop grande preflion des nerfs, un defléchement plus fort & fubit dans une faifon aufli chaude , peuvent avoir mis ces parties dans un érat tout autre que celui dans lequel elles fe trouvent chez un animal en vie. Certainement ces particules errantes de lumière me font comprendre pourquoi dans un ébranlement fubit, ou bien quand on fe heurte quelque part, les étincelles femblent fortir des yeux ; ou pourquoi on voit dans l'obfcurité un cercle coloré qui reffemble prefqu'à celui d'une plume de paon, comme Newton définic aufli celui qu'on voit, quand dans l'obfcurité on preffe le coin de l'œil avec le doigt, & qu'en même-tems on tourne l'œil du côté oppofé. Peut-être que pour appercevoir les couleurs accidentelles avec les yeux fermés, il fufic que le peu de lumière qui ne laifle pas même alors, de pénétrer dans l'œil, mette en mouvement les particules de lumière qui déjà fe trouvent éparfes dans l'œil, Au refte, j'aurai occafion encore , en parlant du changement des cou leurs accidentelles dans les corps fortement éclairés , de rapporter quelques expériences qu'une certaine conjecture me rendit aflez plaufibles , & qui fe préfentèrent auffi fur le champ à l'efpric du favant P, Boscovicx, lorfque je lui fis part de mes obfervations. Peut-être le Créateur a-t-il conftruit l'organe entier de la vue, de manière que chaque efpèce de rayons ne puiile agir que fur telles des parties dont l'œil eft compofé, qui lui foient particulièrement appro- priées, Mais je préfuppofe que toute l'action de la lumière confifte dans l'attraction & dans la répulfon: sil en étoit ainf, il pourroit arriver qu'une impreflion continue de rayons , par exemple de rayons rouges, ” changeñt tellement l’ordre & l’arrangement des parties du fond de l'œil fur lefquelles ils agiffent , que ces rayons ne fuffent plus aflez forts pour communiquer à ces parties le mouvement de vibration néceflaire jufqu'à ce qu'un peu de repos les eût reftituées dans leur premier état ; & pendant ce tems les autres rayons de différentes efpèces ne cefferoient pas d'agir fur les autres parties dont les forces font avec eux dans l'équilibre né- ceffaire , & peut-être commenceroient-ils d'agir même fur celles que les 373 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, rayons rouges ne font plus en état d'émouvoir , & y produiroient-ils cette fenfation qui caufe en nous la perception de la couleur accidentelle. En pefant cette conjecture & quelques autres de certe efpèce, je crois ne pas me tromper en me perfuadant que l'œil eît d’une nature à demander d'être rafraichi, non-feulement par le repos , mais aufñi par la diverfité des couleurs après de fortes impréflions de la lumière : & il me femble que le dégoût: que nous reflentons en regardant long-tems la même couleur, ne dérive pas tant de notre inconftance naturelle, que de la conflruétion même de l'œil, qui fait perdre même à la couleur la plus belle fon agrément, fi elle fait une fenfation trop foutenue. Il fe pourroit que le but de la nature prévoyante eût été de nous empêcher d'arrêter toujours {ur le même objet un fens aufli noble, & que c’eft pour cela qu'elle en a offert une fi grande quantité à nos recherches, & qu'elle a rendu la diverfité des couleurs plus piquante que la beauté de chacune en articulier. | $. XVIIT. I! ne fe trouvera peut-être perfonne qui n’ait vu des phéno- mènes de l'efpèce dont nous parlons , en jetant les yeux autre part, foic par hafard, foit à defféin , après avoir regardé attentivement des corps de diverfes couleurs. Mais les couleurs pouvant être combinées enfemble de beaucoup de manières différentes, je n’en rapporterai que quelques exemples pour confirmer mon opinion, En confidérant pendant quelque tems un quarré blanc fur une feuille de papier jaune, & détournant enfuite l'œil à côté fur le jaune , je vis le quarré d'un jaune foncé : mais jetant enfuite les yeux fur du papier blanc, ce papier me parut bleu avec un quarré d’un jaune fort fombre , qui reflembloit à un petit nuage qui obfeurcifloit le papier. C'eft que la couleur blanche ayant affoibli la partie de l'œil fur laquelle le quarré s'éroit peint, comme nous avons dit plus haut, le fond jaune fur lequel il fe trouvoit agifloit plus fortement fur le refle de la rétine. Et de-là vint cette figure plus fombre fur le papier jaune ; mais après que le papier blanc eût renvoyé la lumière à l'œil ,les rayohs jaunes faifoient fur la partie qu'avoit occupé auparavant la figure une impreflion plus grande que n'auroient fait d’autres rayons , parce que ladite partie n'éroit pas encore autant fatiguée par cette efpèce de lumière. De mênie une tache blanche fur un fond rouge, en produit une plus foncée à côté, & on voit enfuite {ur une muraille blanche une tache d’un rouge foncé dans un champ verd. On remarque déjà par-là à quels phénomènes on peut s'attendre en regardant une figure blanche fur une furface bleue, verte, &c. & on en conclura que la partie de l'œil fur laquelle tombe la figure fouffre moins que les autres de la couleur du fond, & que par conféquent elle eft en état de recevoir l'impreflion de cette efpèce de rayons quand on la porte fur une furface blanche; mais que cependant il faut que cette couleur (2 % SUR L'HIST. NATURELLE ET.LES ARTS. 279 paroiffe bien plus foncée qu'elle ne feroic naturellement, puifqu'elle a déjà été affoiblie en partie par la blancheur du fond, Une chofe que je dois faire remarquer encore à cetté occalon eft, que fi les couleurs accidentelles tiroient leur origine de l’ébranlement continu que caufenc les vraies, la figure ne paroïrroit que comme une ombre fur le papier blanc fur lequel on jette enfuite les yeux ( l'ombre étant la couleur accidentelle du blanc ) & qu’elle ne prendroit pas la couleur du fond fur lequel elle fe trouvoi. $. XIX. Quoique les expériences dont j'ai fair mention d’abord au commencement ( $. [.) ne m'euflent laiflé aucun doute que l'ombre d’un corps fur lequel tombe la lumière du jour, ne füt réellement bleue , je voulus cependant éprouver fi le jaune étoit aufli fa cagleur accidentelle comme celle de tous les corps qui ont cette couleur. Je la confidérai donc pendant long-tems à la lueur d'une lampe, & le papier blanc m'en montra enfuite toute la figure de couleur orangé ; de même une ombre jaune fur laquelle tomboit la feule lumière d'une lampe, devenoit violette. Le foir du lendemain je laiflai tomber l’ombre bleue fur un papier jaune, & le mélange donna un beau verd clair; comme aufli lorfque je recus l'ombre jaune fur un papier bleu ; la couleur accidentelle de l'une & de l'autre fut le pourpre, comme de toutes les couleurs vertes. $. XX. La lumière d’une chandelle étant jaune , on s’imaginera faci- lement que les expériences qu'on fait à la lueur d'une pareille lumière doivent différer de celles qui fe feroient à la lumière du jour. Je m'en convainquis en confidérant un quarré jaune fur du papier blanc. Une couleur d'un verd jaunâtre parut fur fon contour , & j'en vis enfuite la figure à côté avec la même couleur. Si de jour on regarde fur un fond d’un jaune pâle, une tache de cette couleur plus foncée, fa couleur accidentelle qui, fur un fond bleu paroît bleuâtre, fera feulement plus haute en cou- leur ; & voilà ce qui nous conduit à l’explication du phénomène vu à la lueur de la lampe ; le papier ne refte pas blanc : les rayons de la lampe le font paroître jaune ; & comme ils tombent auffi fur la couleur acciden- telle de la tache qui eft bleue, il s’en fait un mélange qui eft d'un verd tirant beaucoup fur le jaune. Pareillement la couleur apparente d’une figure bleue ou verte vue fur un fond blanc , ne fera que jaunâtre, fans différence fenfible ; car elle feroit à-peu-près la même fi on regardoit ces figures de jour furk:n papier jaune. Ces expériences fufhroient pour lever tous les doutes en cas qu'il en reftât, fi les rayons que jette une lampe allumée doivent être mis au nombre des jaunes, On ne regarde certe lumière comme blanche que par la raifon que nous attribuons aufli cetre couleur aux corps qui étant comparés avec d'autres que nous voyons en même-tems , renvoient, non-feulement un plus grand nombre de rayons, mais les renvoient aufli plus uniformément mêlés. On peut dans ce point fe comparer à quelqu'un qui feroit obligé de regarder toujours à travers 2350 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE; un verre coloré ; car quoiqu'il füt en état de diftinguer une couleur d’une autre, ous les corps cependant lui paroîtroient enduits de la couleur du verre, & il ne pourroit jamais voir la véritable, De jour , & principalement dans Le cems du crépufcule, il fe répand une couleur bleue fur tous les corps; c'elt de quoi nous nous appercevons rarement , faute d’un corps, qui en étant exempt, puifle fervir d'objet de comparaifon ; de même que le foir, quand un appartement eft éclairé par des chandelles , nous ne voyons aucun changement dans les couleurs des chofes qui s’y trouvent, quoiqu'elles deviennent jaunes: il fufhroic qu'une ne le devint pas pour qu'on püt facilement failir la différence. Si la lumière du foleil romboit fur les figures deftinées aux expériences, les couleurs accidentelles en fouffriroienc de même quelqu’altérarion , parce que les rayons jaunes prédominent aufli un peu dans cette lumière, Mais nous en dirons bientôt davantage fur ce même objet; en attendant je donnerai feulement encore deux obfervations que j'ai faites à la chandelle. $. XXI. Je mis un quarré blanc fur une table d'ardoife, & le fixai pendant quelque tems: fur cela je vis cette figure fur du papier blanc d'une couleur violette très-agréable : c’eft que le quarré que je viens de nommer blanc , étoir en effet déjà jaune, & l'influence du noir rendoit la couleur apparente violette, En confidérant pareillement un quarré noir fur du papier blanc , le bord s’en montra pareillement violer, c’eft-à-dire, qu'il fe couvrit de la couleur accidentelle du fond. Que fi l'on fixe de jour une figure jaune fur un fond noir, & qu'on jette enfuite les yeux fur un corps noir,la couleur accidentelle s’en trouvera violette, de même que celle qu'on voit de nuit fur le bord d’une figure noire. Voilà Les principales obfervations que mon deffein a été de publier dans cet écrit fur les corps éclairés, tant par la lumière du jour que par celle d’une lampe, Je n'ai plus qu'à avertir d'une chofe fur ce fujet : quand on jette l'œil fur une furface blanche pour voir les couleurs accidentelles, celles-ci ne fe montrent pas toujours dans l'inftant: on eft obligé fouvent d'attendre quelque rems , & il faut alors tenir l’œil immo- bile autanc qu'il eft poñlible. Elles difparoiffent ordinairement, pour réparoître de nouveau à plufieurs reprifes , quoiqu’en diminuant toujours de force & d'éclat jufqu'à ce qu'on ne voye plus qu'une ombre. Mais comme cette interruption dépend uniquement de la manière dont l'imprefion eft propagée par les nerfs , & que je n’ai aucune connoiffance de celle-ci, je n’en ai rien non plus à dire. Je pale donc à quelques autres phénomènes des couleurs accidentelles, qui fe font remarquer quand on fixe l'œil pendant quelque tems fur des corps lumineux ou du moins fortement éclairés par le foleil. Je rapporterai mes obfervations fans n'aftreindre à aucun ordre ou divifon. $. XXII. Quand d'un œil fixe on regarde de jour la lumière d’une chandelle, & qu'enfüite on jette l'œil fur une muraille. blanche, on n'y voig 4 À >. : + CHU - LL + ; ; s : SUR L'HIST. NATURELLE ETLES ARTS, 18 voit qu'une tache bleuâtre & fombre. Qu'on regarde la flamme plus long-tems, on lui trouvera une couleur affez rouge, & on verra fur la muraille au milieu de la tache une petite image d’un rouge clair, allongée & affez femblable à la figure de la amime. Mais fi l'on confdère de nuit une chandelle allumée jufqu'à ce que la flamme paroifle prefque rouge, & quon fe tourne enfuite vers la muraille, on voit l'image de la flamme dans fa couleur naturelle avec un bord fombre. Ce phénomène difparoîe au bout de quelque rems , mais il reparoïc fouvent, & la couleur de la flamme fe change peu-à-peu en un rouge clair. Après que l'image a difparu de nouveau, on voit du verd au lieu du rouge ; enfüite vient un mélange de verd & de bleu foncé , & à la fn toute l'image ne paroîe plus qu'une ombre. La flamme de l'efprit-de-vin brülant , donne de jour une image bleue fur un fond blanc. Le fer rougi au feu & les charbons, font voir une couleur accidentelle qui eft un mélange de verd & de bieu : un nuage blanc éclairé forrement par le foleil, paroïît bordé de pourpre, fi on le confidère aflez long tems; & fi l'on tourne erfuite les yeux fur une muraille blanche, on la verra d'abord pour un inftant d'un bleu foncé, enfuite verd, puis d'un orangé mélé de rouge, & enfin de couleur de pourpre, & cette dernière impreffion demeure le plus long-rems. La même chofe arrive avec un papier blanc. Afin d'éclairer l'objet plus fortement, je fis pafler les rayons du foleil par un verre ardent qui avoit un peu plus de 4 pouces de diamètre, & je les refferrai dans un petit cercle de 8 à 9 lignes. Ce fut fur ce cercle que je fixai la vue, & je le trouvai bientôt obfcur , comme sil s’y étoit répandu une couleur bleue défagréable ; après cela le bord du cercle fe teignit for- tement en pourpre, mais cette couleur ne fe maintenoit pas & difpa- roifloit à chaque inflant. Je ne fus pas en état de fupporter l'éclat de cette lumière plus long-tems, & je tournai les yeux fur une muraille blanche. Là fe montra un cercle d'un bleu foncé, mais qui fe changea bientôt en verd : il fut fuivi d’un cercle orangé, qui peu à peu devint pourpre. Ce dernier dura beaucoup plus long-tems, & fic voir de tems en tems un bord bleuâtre. Lorfque tout avoit déjà difparu, les cercles colorés fuivirent l'ordre renverfé de celui dans lequel ils s'étoient mon- trés fucceflivement ; mais l'impreflion de la couleur purpurine dura quelques heures. $: XXIIT, A une autre reprife, je confdérai le même cercle lumi- eux fur un papier rouge , & il devint pareillement bleu foncé & pourpre. Les mêmes couleurs que je viens de décrire, parurent fur la muraille fans autre différence fenfible, qu'un peu plus d'éclat & de durée dans le verd. Je pris du papier jaune , bleu & verd'; le réfultat fut prefque le mème , à cela près qu'avec le papier bleu, la couleur accidentelle jaune Tome XXVT, Part, 1, 1785. AVRIL. Nn _ 282 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, fe montra plus parfaite, & que ce fut la bleue avec le papier jaune, & la rougeñtre avec Le papier verd, qui furent plus fortes. On fait d'ailleurs que, fi l'on regarde même pendant très-peu de tems le foleil légèrement obfcurci par de minces nuages, on en voic enfuite l’image téinte en pourpre prefque fur chaque objet vers lequel on tourne fes regards; & il fe trouvera peu de perfonnes qui, ayant eu fouvent en tems d'hiver la neige pendant quelque tems fous les yeux, ne l'ayent vue rougeûtre. Qu'on me pafle de remarquer én chemin faifant, que je fuis très- aife de n'avoir pas de commentaire à faire fur Horace; car fi je vou- lois le louer dans toutes les règles, & par amour pour les anciens, le trouver imbu de toutes les fciences, je ferois certainement obligé de dire qu'il favoit déjà tour ce que M. de Buffon a écrit fur-les cou- leurs accidentelles ; & que, sil a nommé les cignes pourprés (purpu- reis ales oloribus , 1. 4, od. 1, 10.) , c’eft parce que le pourpre et la dernière couleur accidentelle de la lumière du foleil réfléchie par une furface blanche; & qu'ainfi le mot purpureus ne doit pas être rendu, füivant plufieurs Traduéteurs, par celui de beau & d’éclatanr. Mais pour venir aux phénomènes de la variation des couleurs, je déclarerai d'abord que je ne faurois en donner une explication fatisfai- fante, à moins qu'on ne trouve vraifemblable une conjecture que j'ai rapportée plus haut vers la fin du $. XVII. $. XXIV. J'ai dit dans cet endroit, que quelques expériences me faifoient foupçonner que chaque efpèce de rayons agifloit fur des par- ties féparées de l'œil, & que les forces de ces rayons devoient avoir un rapport déterminé avec les parties. Voici maintenant ces expériences. Je voulus n'’éclaircir fi les couleurs accidentelles étoient fufceptibles de mélanges comme les vraies; pour cet effer, je mis fur un papier noir deux petits quarrés exactement l’un à côté de l'autre ; celui à gau- che étoit jaune , l’autre du côté droit étoit rouge. Je tournai les axes vifuels d'abord fur le centre du jaune & le cop- fidérai pendant quelque rems. Après cela, je rournai les yeux fans re- muer la tète, fur le centre du rouge, & le fixai pendant le même efpace de rems. Je jectai la vue enfuire de nouveau fur le milieu du quarré.jaune, & delà fur le rouge. Je fis cela à trois ou quatre reprifes, & me tournai enfuite vers une muraille blanche, où je vis trois quarrés qui fe rouchoïent comme ceux qui étoient fur le fond noir; le quarré du côté gauche étoit vio- let; celui du milieu, un mélange de verd & de bleu; & celui à droite parut d’un verd clair; car la couleur rouge du véritable tiroit fur le pourpre. Je confdérai de même attentivement deux quarrés, l’un jaune & l'autre verd; & je vis fur la muraille, à gauche , un quarré bleu fon- SUR L’HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 283 cé, au milieu un quarré de couleur violette mêlée de beaucoup de rouge, & à droite, un quarré d’un rouge pâle. Deux quarrés, l'un verd & l’autre bleu, préfentèrent à gauche une couleur rougeûtre, à la droite un jaune pâle, & au milieu de l’orangé. Enfin , la figure apparente d'un quarré rouge & d'un verd , fe trouva Verte & rouge, fans que je puile diftinguer au milieu autre chofe qu'une ombre ôbfcure de même grandeur que les quarrés. Je continuai par mettre trois petits quarrés à côté l’un de l’autre; un verd à gauche, un jaune au milieu, & un rouge à droite. Sans remuer la tête, je les confidérai, l'un après l'autre, fuivant l'ordre de leur difpofition , & en commençant par le rouge, Après que je les eus conremplés à diverfes reprifes, je vis cinq quarrés fur la muraille blanche ; le premier, à gauche , étoit rougeitre ; le fecond d'un pourpre foncé , le troifième d’un bleu encore plus obfcur; la couleur du qua- trième étoit un mélange plus clair de verd & de bleu, celle du cin- quième étoit un verd clair. Je changeai l'expérience en fubftituant un quarré bleu au verd ; & je vis alors, au côté gauche, un quarré d'un jaune pâle; à côté de celui-ci en éroic un bleu qui tenoit du verd. Au milieu étoit un quarré d'un verd très-foncé : puis venoit un mé- Jange de verd & de bleu ; enfin , le dernier étoit d’un verd clair. Que fi l'on confidère un plus grand nombre de quarrés rangés fur une ligne, leur nombre devient trop grand fur la muraille, & les couleurs acci- dentelles au contraire deviennent trop foibles', de manière qu'on ne peut pas bien les diftinguer. Mais ce que nous venons de dire fuffit pour faire voir que le mé- lange des couleurs accidentelles fe fait de la même manière que celui des couleurs vraies. Dans la première expérience, par exemple, où l'œil étoit fixé fur le milieu du quarré jaune, celui-ci fe repréfenta fur - le côté droir, & le rouge fur le gauche de la rétine; c'eft-à-dire, que la couleur violecte (car la couleur jaune étoit un peu pâle, ) tomba à la droite, & la verte à la gauche ; mais lorfque l'axe vifuel fut di- rigé fur le milieu du quarré rouge , l'image rouge romba fur le même endroit où auparavant le quarré jaune s'éroit dépeint, c'eft-à-dire, que la couleur acçidentelle verte fe mêla avec la violette. Or, puifque dans cette directivn de l'œil le quarré jaune fe marqua plus du côté droit, & le rouge plus à gauche, on a dû voir néceflairement fur la mu- raille blanche , à droite du verd clair, à gauche du bleu violet, & au milieu un mélange de bleu & de verd, Quand on confdère trois quarrés l’un après l’autre, deux & même trois couleurs tombent l’une fur l'autre, fans que cependant le mélange qui en réfulre s'écarre de la loi générale. Et comme je fuppofe chez mes ledteurs la connoiffance au moins des élémens de l'optique & de Ja dioptrique, ils sen feront facilement une idée en traçant léoère- Tome XXVT, Part, I, 1785. AVRIL, Nna 254 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE; ment fur l’ardoife un œil avec la fuite des quarrés, & la pofition vé- ritable des faifceaux de rayons qui y tombent, On peut aufli quelquefois produire d’une autre manière un mélange de couleurs, qui m’eft pas éloigné de notre fujet, quoiqu'il n'y appar- tienne pas direétement. Si l'on fe fair des lunettes de deux verres co- lorés, dont l’un, par exemple, eft bleu & l’autre jaune, il arrive ordinairement qu'on voit l'objec alternativement bleu & jaune, ou feu- lement d’une de ces deux couleurs , maisnon pas verd; car une certaine habitude de fe fervir des yeux , fair chez la plupart des hommes , qu'un œil devient plus propre que l'autre à recevoir les impreflions; & la fuc- ceflion dont nous parlons doir être apparemment attribuée à une di- j rection plus avantageufe , tantôt d'un œil, tantôt de l’autre; mais je me rappelle très-bien, quoiqu'il yait depuis ce tems-là vingt & quelques années , je me fouviens, dis-je, que, lorfque je fus appellé par mes Supérieurs à enfeigner les mathématiques , je trouvai parmi d’autres pièces de notre cabinet de curiofités, des lunettes dont lun des verres | éroit bleu & l’autre rouge, & à travers lefquelles un papier blanc me : 1 | | parut parfaitement violer. J'ai même fait mention fidèlement de certe- obfervation dans la première édition de ma Phyfique (1753 ),tomelf, n. 561. Cependant comme je me fuis beaucoup accourumé à me fer- vir de l’œil gauche dans toutes les obfervations qui fe font avec des inftrumers d'optique, je puis feulement remarquer encore que la cou- leur prédominante eft celle du verre qui fe trouve devant l'œil gauche, quoique cetre couleur ne laifle pas d'être affoiblie par l'impreflion qui fe fait fur l'œil droit. Si M. du Tour n'a pas réuffi à faire de cette | manière un mèlange de couleurs, (voyez Mém. prefentés par divers | Savans, tome IV, pag. 499 ) il en doit chercher la caufe, fuivant moi, ; dans une plus grande fenfibilité de l’un de fes yeux en lifant. $. XXV. Si l’on lit avec attention les queftions 12, 13, 14 & 16 de l'Oprique de NEW TON, on trouvera que ce grand homme n’étoit pas éloigné de l’idée que l’impreffion de la lumière caufe dans les par- ties nerveufes de l'œil un mouvement ofcillatoire qui fe communique ; peu à peu à la cervelle. Si l'on ne cençoit pas aïfément que des par- ticules de lumière femblables puiflenr produire des fenfations de cou- Jeurs différentes , je ne trouve pas moins difficile à comprendre que ; pluleurs efpèces de ces mouvemens dont chacune exprimeroit une cou- Ê leur particulière, fe faflenc en même-tems dans ces parties nerveufes, Il eft vrai que deux mouvemens dont l'un eft foible & l’autre vif, peu- vent en produire un modéré; mais cela n'a lieu que quand leurs di- rections font oppofées l'une à l'autre. Or, c'elt ce que je ne puis m'ima- giner avoir lieu ; à l'égard des rayons qui tombent fur le fond de l'œil, ils ont la même direction ; & fi quelque partie recevoit dans le même tems Le choc de fortes particules de lumière & de particules foibles, SUR' l’'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 3285 fon ébranlement n’en feroit que plus fort; de façon donc qu'il me paroït aflez vraifemblable que chaque efpèce de rayons agit fur des parties différentes de l’œil. Au moins n’y a-t-il aucune raifon de trou- ver ce fentiment étrange, après que d'autres ont* cru devoir l’adopter pour expliquer la propagation du fon par les particules de l’air, quoi- u'il y ait une grande différence, -qui confifte en ce que le mouvement d'ondulation de l'air demande des aflemblages de fes parties, tels qu'ils ne peuvent tenir dans un petit efpace. S. XXVI. Que fi l'on veut adopter cette conjecture comme plau- fible , en doit me trouver fondé à dire qu'il fe répand d'abord fur le cercle fortement illuminé (S. 22.), une couleur défagréable d’un bleu foncé, parce qu'au commencement l'œil eft affoibli par la lumière étrangère qui le frappe, & on ne peut pas dite que ce foic-là une couleur véritable, ce n’eft qu'un obfcurciflement qui naît d'une cor- traction fubite & de l'ébranlement violent des plus petites fibres. Mais lorfque l'œil a été forcé de fupporter cet éclat plus long-tems, il arrive que plufeurs rayons dont le mouvement eft moins fort , ne font qu'une impreflion peu fenfible , & que les autres auxquels la nature a donné plus de pouvoir, éclipfent , pour ainfi dire, ceux-là ; & delà vient qu'on voit une lumière rouge fur le cercle, & principalement fur le bord. De même cependant que les couleurs diffèrent entr'elles en vi- vacité & en force active, il ne fe fait pas moins dans l’œil un mé- lange de couleurs accidentelles, tout comme fi elles étoient réelles. Qu'on tourne donc l'œil ainfi fatigué fur une muraille blanche , il ne fera prefque pas capable de fentir la lumière réfléchie; car on fair d’ail- leurs qu'une furface blanche s’obfcurcit fi on la contemple pendant long- tems fans détourner la vue; mais, fuivant les apparences, les petites parties qui font les plus propres à recevoir l'impreflion de la jumière bleue, font auf les premières à reprendre vigueur; d'où il arrive qu'on apperçoit ce cercle bleu, que nous avons dit ne durer que très-peu de tems. Pendant ce tems-là difparoiffent aufñi les couleurs accidenrelles de quelques efpèces plus foibles des rayons de lumière, comme le jaune, l'orangé, & peut-êrre aufli une partie de la rougeûtre qui tiroient leur etigine du violer, de l'indigo & du bleu, & mème aufi du verd pâle; au moyen de quoi , le centre de gravité commun des couleurs qui ref- tent, tombe dans le bleu, Il faut après cela que le rouge ou la cou- leur accidentelle du verd qui refte, forte du mélange, & le centre de gravité fera fitué fous l'arc verd; d'où il arrive qu'au cercle bleu en fuccède un verd, lequel fe change cependant en orangé après que Ja couleur accidentelle de la plus forte lumière violette a paBé; & comme à la fin il ne refte que la couleur accidenteile du jaune pâle, qui eft proprement la couleur dominante du foleil, la dernière couleur du cer- cle fera pourpre. Pour ce qui regarde le bord bleuâtre du cercle rouge, 286 OBSERVATIONS SUR LA PHPSIQUE,; j'en conçois une double caufe : premièrement, la dilatation qui fe fair peu à peu de l'œil après l'état forcé de contraction où le trop grand éclat de la lumière l'avoie mis. En fecond lieu, une apparition répé- tée du premier cercle coloré, qui feul peut fe faire voir autour du der- nier, jufqu'à ce que celui-ci s’évanouiffe entièrement. $. XXVIL. Il fe pourroit qu'on fit la queftion fuivante : Si toutes les couleurs accidentelles fe confondent dans l'œil quand on confidère le cercle lumineux ; & sil eft vrai que la couleur accidentelle réfulre de ce que quelques parties de l'œil deviennent incapables de recevoir lim preflion des rayons qui leur font propres, quelles font donc ces par- ties que la lumière réfléchie par La furface blanche, doit enfuite met- tre en action ? J'avoue que, s'il n’y avoit que cette feule difficulté, je ne balance- rois pas à donner ma conjecture pour une vérité. Qu'on fe rappelle la raréfaction de la lumière, & combien de vuides fe trouvent entre ces particules , on conclura facilement qu'il doit y avoir incomparablement plus de parties fur l’endroit de l'œil où fe peint le cercle lumineux qui reftent intaëles, qu'il n’en eft de miles en ation. 1] ne faut ce- pendant pas conclure d’une telle fituation contrainte de l'œil, qu'il éprouvera aufli les mêmes impreflions quand il fe trouve dans fon état ordinaire & naturel; on tomberoit dans bien des opinions erronées, & voici encore une remarque que j'ai à faire. Comme l'apparition de ces cercles lumineux dure pendant aflez long-tems, on ne peut fixer l'œil aufli long-tems fur la muraille blanche, fans fermer quelquefois les paupières. J'obfervai à cette occalion que, voyant déjà fur la mu- raille le cercle purpurin, je voyois cependant en fermant les yeux un petit cercle orangé. La raifon de ce phénomène peut-être faudra-t-il la chercher dans la manière dont le mouvement fe propage par les nerfs, ou bien la çouleur n’auroit-elle eu plus d'éclat, que parce que la lumière étoit exclue pour la plus grande partie? Mais en voilà affez fur toutes ces conjectures. s. XXVHI. C'eft à préfent une queftion de favoir l’ufage des cou- leurs accidentelles? Je les ai fai fervir à un amufement de la façon fuivante. Je pouvois facilement m'imaginer que de même qu'on a dés miroirs & des verres qui rendent la fioure naturelle à des images dif- formes, on pourroit aufli avec de telles couleurs faire des peintures contre nature qui, confidérées pendant quelque tems d'un œil fixe, préfenteroient enfuite chaque chofe dans fon état naturel fur une für- face blanche. Je fis donc peindre plufeurs eurs avec des couleurs rez- verfées , ( c’elt le nom que je leur donnai, ) il falloit que la rofe füt verte avec une tige rouge; une tulipe jaune mêlée de rouge devoit être bleue & verte; la jacinche d’un jaune pâle, Je fis repréfenter de même quelques fruits & plufieurs oifeaux. Ayant mis toutes ces figures fur SUR L’'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 287 une table noire, je fixai l’œil pendant plus ou moins de tems, ( fui- vant que la vivacité des couleurs le demandoit) à peu près fur le centre de la figure; je les jettai enfuite à côté fur du papier blanc où je voyois chaque figure très- diftinétement dans fa couleur naturelle, principalement vers le foir quand l'appartement n'étoit pas trop éclairé par les rayons du foleil réfléchis, J'allai plus loin, & je fis peindre en couleurs renverfées la copie d'une certaine image de la Vierge; mais au commencement il me fallut à moi-même quelque habitude avant que de voir l'image repré- fentée diftinétement {ur la table blanche; mais je vis bientôt que l’ef fentiel confiftoit à fixer la vue uniquement fur un feul point au milieu du vifage. Car au moyen de cela, je vis l’image repréfentée très-exac- tement fur la furface blanche avec fes couleurs naturelles. Je m'emparai à la fin moi-même du pinceau , & quoique je fois par- fairement ignorant en fait de peinture , je me fs plufieurs images de cette efpèce. Celles qui repréfentent des figures humaines font fur-tout affreufes; un vifage d’un verd foncé avec des ombres d'un jaune très-pâle, des four- cils blancs , des yeux noirs avec uñe prunelie blanche, des lèvres d’un verd clair, les défigurent extrèmement; cependant ceux qui viennent me voir, & qui confidèrent ces images de la maniere dont j'ai dit, ne laif. fent pas de s’y plaire, d'autant que par bonheur pour moi, quelques petits traits, qui feroient des fautes confidérables fi un peintre les faifoit, difpa- roifloient entièrement dans les couleurs accidentelles , ou du moins s'adouciflent tellement , que l’image paroît ordinairement beaucoup plus belle qu'on ne pourroit l’efpérer d’après les couleurs réelles, $. XXIX. Mais nous ne nous arréterons pas long-tems à ces images. Une utilité réelle que cette differtation aura, eft de faire voir combien on fe trompe facilement quand il s’agit de couleurs. J’indiquerai d'abord un foupcon d'une pareille erreur , & j'en citerai enfuite une auf qui eft certaine & qui pourra fervir d'exemple. 5 M. Jurin , dans fon Traité de la Vifion diflinéle & indiflinée, croit que cette blancheur éclatante que Newton a obfervée dans le premier anneau autour de la tache noire, avoit la même origine que la lueur blanche qui fe fait voir à la periphérie d’un quarré noir confidéré fur du papier blanc, & qu’ainfi Newton s'étoit trompé en ce point , n’en ayant du moins donné nulle part une explication. (Voy. l’'Oprique de Newton, LIT, part. [, obf. 23.) Je ne parlerai point cependant de ceci, trouvant encore plus fufpeét ce qu'il rapporte dans le liv. [, $.2 ,exp. 17, d’une expérience de M. Halley. Celui-ci avoit plongé dans une cloche dans la mer, à plufieurs brafles fous l’eau, qui recevoir les rayons du foleil par un ciel très-clair. Dans cet état il regarda fa main près de la fenêtre , & le deffus lui en parut tout-à-fait couleur de rofe (1) , tandis que le deffous & mr 1) Newzon dit feulement rofe de Damas , copié de l'endroit cité. * 388 OBSERIATIONS SUR LA PHYSIQUE: la partie intérieure de la-main étoit verte. M, Neswson conclut de-là que les rayons rouges avoient percé l'eau jufqu'à une relle profondeur & s'y éroient encore rendus fenfibles; mais que la lumière verte étoic un effec de la réflexion de l’eau. Quand d’ailleurs on fait paffer la lumière du foleil par un verre coloré ou de l’eau, & qu'on la fair tomber enfuite fur une furface blanche, on ne remarquera jamais d'autre couleur que celle du verre ou de l’eau ; & c'eft ce que ces deux grands hommes n’ignoroient pas. Mais n'eft-il pas très-naturel qu'en defcendant, M. Halley ait eu pendant long-tems les yeux fixés fur l'eau verre qu'il voyoit tant à fes pieds que près de la fenêtre? Par conféquent quand il jetta la vue fur fa main, celle-ci devoit néceflairement paroîrre rougeñtre > quoique cette couleur accidentelle ne für pas fenfible en deffous de la main à caufe de fa réflexion plus forte de la couleur verte, & nous avons déjà fait obferver qu'une couleur accidentelle verte & rouge ne produifent qu'une ombre. Mais comme j'en ai déjà prévenu, je ne donne cette remarque que tout au lus pour une conjecture. $. XXX. [left bien plus certain que M. le Dodteur Zangewith s'eft trompé dans fes couleurs mulripliées de l'arc en-ciel, & quil a caufé à M. Pemberton très inutilement la peine de les expliquer par les rayons irrégulièrement difperfés, à-peu-près de la même manière qu'on explique les cercles colorés qu'un miroir concave réfléchit fur un papier blanc dans üne certaine pofition, & defquels Newton a fait mention aufli dans fon Optique. Nous en tranfcrirons toute la defcription de l'Oprique complette de M, Kaeffner, page 244. « Le Docteur Langewith, eft-il dit, a obfervé de certains anneaux minces au bord intérieur de l’arc-en-ciel , & voici comment il Les décrie dans les Tranfaëtions Philofophiques , N°, 375. Les couleurs du premier arc-en-ciel étoient telles qu’elles font ordi- nairement , excepté que le pourpre tiroit beaucoup fur le rouge & éroit bien terminé, Au-deflous étoit un arc verd, dont la partie fupérieuré tiroit fur un jaune clair, & dont l'inférieure étoit d’un verd plus foncé, Plus bas encore fe montroit foiblement un arc de couleur purpurine qui difparoïfloit à différentes reprifes , & reparoifloit enfuite de nouveau avec tant de viteffe que les yeux ne pouvoient s’y fixer. Les couleurs obfervoieng par conféquent l'ordre qui fuit: L. Rouge, orangé, jaune, verd , bleu clair, bleu foncé , pourpre, IL. Verd clair, verd foncé, pourpre. IT. Verd , pourpre. IV. Verd, pourpre foible & évanouiffant. Il y avoit donc quatre rangs de couleurs & peut-être le commencement d'un cinquième; car ce qui eft nommé ici pourpre, comme ayant été un rouge très-vif, étoit fans doute un mélange du pourpre du rang fupérieur avec lewouge du rang qui fuivoit immédiatement, & le verd aura été le ‘ SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS, 289 le mélange des couleurs moyennes. Deux chofes font dignes ici d'attention; comme pouvant peut-être nous aider dans l'explication de ce phénomène fingulier. 1°. La largeur du premier rang furpafloit tellement celle des autres , | qu'elle égaloit à mon jugement la fomme de ces largeurs. 2°. Je n'ai jamais vu ces rangs intérieurs de couleurs dans les parties bafles de l'arc-en-ciel , quoiqu'elles euffenr été beaucoup plus vives que les fupérieures parmi lefquelles ces couleurs fe montroient, J'ai vu cela tant de fois, que j'ai de la peine à l’attribuer à un fimple-hafard. Si cela eft général, l'expérience y mettra des bornes & fera voir qu’il s’agit d'une propriété qu'auroient les gouttes dans la partie fupérieure de l'air, mais qu'elles perdent en tombant & en fe mêlant davantage les unes aux autres. Je crois que l’arc-en-ciel paroît rarement fans quelques-uns de ces rayons colorés, & fi on ne les a guère obfervés jufqu'ici, c’eft parce qu'on a toujours préfuppofé queles couleurs de l’arc-en-ciel étoient les mêmes que celle du prifme ». Voilà ce que rapporte M. Kaef?lner. Lorfque je ne favois rien encore des couleurs accidentelles, je ne voyois à l’arc-en-ciel que les: couleurs ordinaires ; mais depuis quelques années, je n'ai guère vu d’arc-en-ciel un - peu vif, que je ne l’aie trouvé accompagné de ceux de M. Langewith, & même non-feulement fous les parties fupérieures, mais aulli à côté des inférieures. Pour voir ce phénomène, il fut de contempler pendant quelque tems l'arc-en-ciel, & de jetter enfuite l'œil un peu au-deflous fur le nuage, On n'a qu'à ranger fous les couleurs vraies les accidentelles de l’arc-en-ciel , fuivant leur ordre , on aura le fecond rang dont il a été faic mention, Qu'on remarque cependant que déjà dans l'arc-en-ciel même une couleur tombe fur l’autre, à caufe de cette extenfion qui dérive de la largeur du diamètre du foleil, & qui empêche qu'on ne voie ces couleurs auffi diftinétement qu’à travers le prifme. Outre cela les couleurs accidentelles du bleu, de l'indigo & du violet de l’arc-en-ciel, ne font pas fenfibles, quand on n’a pas attaché la vue aflez long-tems fur ces couleurs, C'eft la raifon pourquoi dans le type fuivant j'enclave les couleurs qui fe mêlent facilement, & que j'écris à côté la couleur qui réfulte du mélange, J'indique de la même manière les couleurs qui n’affectent pas l'œil {afifamment, Couleurs ordinaires de L'arc-en-ciel. Rouge, orangé , jaune , verd, bleu clair, bleu foncé, pourpre. Tome XXVI, Part, 1,1785. AVRIL. Oe 250 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, Ordre de leurs couleurs accidentelles. 1 bleu Verd clair GTALE verd foncé g LE deja erd foncé, rouge. : orangé, jaune, infenfibles. verd jaunûtre , Que fi lon tient l’œil un peu plus bas, on verra le troifième rang; car le verd foncé fera devenu plus pâle, parce que l’impreflion qu'é- prouvoit l'œil aura diminué. On pourra voir de la même manière le quatrième &' le cinquième rang évanouis; il s'en fuit encore que le fecond & le troifième rang pris enfemble, pourront avoir la largeur de l’arc-en-ciel véritable. Mais pourquoi M. Langewith n’a-t-il obfervé ces rangs de couleurs qu'à la partie fupérieure de l'arc-en-ciel , & pas à l'inférieure, quoi- que plus claire? Je n'en fais pas la raifon, mais je foupconne qu'il ne l'a pas bien cherchée, Il fe peut qu'elle réfide dans la difficulté de conferver l’œil déjà fatigué, à une même hauteur & dans un même plan vertical. j Je n'ai pas été feul à éprouver cet inconvénient , la plupart de ceux auxquels je montrois mes figures difformes , fe plaignent qu'au mo- ment qu'ils en voyent le plus diftintement la repréfentation fur la mu- raille , elle commence aufli-tôt à baifler , fur-rout quand ils ont d’abord dirigé l'œil vers quelqu’endroit un peu haur de la muraille ; il en eft peu, au contraire, qui voyent l'image apparente fe mouvoir de côté. $. XXXI. Je finirai par indiquer non une erreur, mais un rifque de tomber dans une erreur. Le P. Beccaria faifoit quelques expériences fur l’éleûricité des orages , en préfence de M. le Docteur Laneri, en faifant monter en l'air un cerfvolant. Il fut averti par M. Laneri qu'on voyoit autour du cerf-volant, & même d'une partie de la ficelle, un petit nuage éclatant, dont la grandeur varioit , qui difparoifloit quel- quefois entièrement, & qui, lorfque le cerf-volant fe mouvoit avec plus de rapidité, paroifloit voltiger pendant quelque tems à l'endroit que le cerf-volant venoit de quitter. Ce phénomène avoit la même origine que cette lueur blanche qu'on apperçoit autour d'un corps quel- conque, tel qu’une cheminée, une flèche de clocher, &c. en y fixant les yeux pendant un certain tes aufli le prudènt P. Beccaria aiou- te-t-il feulement , qu'il n’a pu déterminer fi ce phénomène avoit quel- que rapport avec la force du vent, ou avec la hauteur du cerf-volant, ou avec quelqu'autre caufe. (huitième lettre à M, Beccaria, n. 63.) SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 291 Addiuion du Traduéteur. * J'ai tiré du tome X des nouveaux commentaires de l’Académie des Sciences de Pétersbourg , une obfervation fur les couleurs accidentelles, par M. Æpinus. Je m'imagine qu'on la verra avec plaifir traduite du latin , à Aa fuite du petit ouvrage précédent, Le Mémoire a pour ti- tre : Obfervationes quædam ad opticam pertinentes ; il fe rapporte de même que celui de M. de Buffon, par lequel il a été occafonné,, à trois points différens. Les couleurs accidentelles , les taches noires qui voltigent devant les yeux, & les ombres colorées, Comme il eft aufli queftion des ombres colorées dans la Differtation du P. Scxerfer, j'ajouterai que l'explication que M. Æpinus en donne, eft la même que celle du P. Scherffer & de M. Béguelin , dans les Mémoires de l’Académie des Sciences de Berlin, année 1767. OBS REV ALT TE ON Sur Les Couleurs accidentelles ; Par M. Ærrnus. Lorsque le foleil eft aflez proche de l’horifon , ou bien quand il eft couvert par de légers nuages, fon éclat eft aflez diminué pour qu’en le regardant fixement pendant environ le quart d’une minute, l'œil en reffenre feulement une vive impreflion , fans en être cependant bleflé tout-à-fait; mais cette impreflion , & la fenfation qui en réfulte, ne s’évanouit pas d'abord ; quand on détourne enfuite les yeux, elle refte pendant trois ou quatre minutes, & fouvent plus long-tems. Il y a plus, on éprouve cette fenfation, foit qu'on ferme les yeux, foit qu'on les ouvre; les circonftances qui l’acconrpagnent font fingulières , & j'ai trouvé par plulieurs expériences, qu'on pouvoit les réduire aux loix fuivantes. à 1. Quand aufli-tôr qu'on a ceffé de regarder le foleil on ferme les yeux, on voit une tache irréoulièrement arrondie, dont le champ in- térieur ab cd eft d’un jaune pâle tirant fur le verd, tel. à-peu-près que la couleur du foufre commun , & cet efpace jaune eft entouré d’un bord ou anneau e fg À , qui femble teint en rouge. 2. Qu'on ouvre enfuite les yeux, & qu'on les jette fur un miur, ou fur quelqu'autre furface blanche , on verra fur ce fond blanc une ta- che tout-à-fait pareille, tant en grandeur qu’en figure, à celle qu'on voyoit auparavant avec les yeux fermés, mais qui fe diftingue par de toutes autres couleurs. Car: Tome XXVTI, Part, I, 1785. AVRIL. Oo 2 - 292 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, 3. Le champ qui paroifloit jaune aux yeux fermés , fe voit , quand on les ouvre, d'une couleur rouge, ou plutôt brune tiranc fur le rou- ge; & l'anneau qui auparavant étoit rouge, paroît de couleur bleu cé- lefte fur le fond blanc. j 3 4 Si on referme enfuite les yeux, on voit les apparences de n°. 1; & en ouvrant de nouveau les yeux , on voit aufli revenir celles de n°. 2 & 3; mais les couleurs cependant ne reftent pas tout-à-fait les mêmes , elles s’altèrent continuellement & de plus en plus; & fi on faic attention à ces changemens, on remarque qu'après la première minute A A à-peu-près , 5: Le champ paroît aux yeux fermés d'un beau verd, & que le bord, quoiqu'il continue de paroître rouge, a changé cependant fenfiblement ce rouge différent déjà aflez de celui n°.5 6. Qu'on ouvre les yeux, on verra fur le fond blanc , Pefpace in- térieur de ia tache plus rouge, & l'anneau d’un bleu célefte plus gai, 7. Environ après la feconde minute, fi on a les yeux fermés, le champ paroît, à la vérité, encore verd; mais tirant cependant aflez fur ce bleu célefte : quant au bord, il eft rouge, mais encore différent den” 1 &S$. 8. $i enfuite on rouvre les yeux, le champ paroît encore rouge fur le fond blanc, & le bord bleu célefte; mais ces couleurs ne font pas tour-à-fair les mêmes qu'auparavant. 9. Enfin, au bout de 4 où $ minutes, on apperçoit, ayant les yeux fermés, le champ entièrement bleu célefte , & l'anneau d'un beau rouge ; &,en rouvrant les yeux , le champ fe voit rouge, & le bord d’un vi£ bleu céiefte, 10. C’eft ainfi que cette fenfation fe conferve pendant un certain efpace de tems, jufqu’à ce que s'étant affoiblie de plus en plus, elle s'évanouifle tout-à-fait; mais il ne faut pas croire que pendant cet in= tervalle les couleurs dont nous avons parlé, reftent toujours les mê- mes, étant certains au contraæireque, quoique l'efpèce refte la même, elles changent cependant continuellement de modifications. J'avoue que j'ai plutôt évité les occafions de faire cette expérience ; que je ne les ai recherchées, parce que je doute qu'on puifie fans dan- ger faire éprouver fouvent aux yeux une fi forte impreflion. Mais quoi- que je n'eufle donc pas répété fréquemment ces eflais, je puis du moins aflurer que les phénomènes qu'ils préfentent , obfervent prefque conftam- ment les loix que j'ai décrites; je n'ofe pas les donner tout-à-fait pour conflanres, parce qu'il m'eft arrivé un petit nombre de fois, de remar- quer dans les couleurs une fucceflion un peu différente, On peut aw refte tirer de ces obfervations , diverfes conclufions remarquables que je vais joindre ici en peu de mots. I eft hors de doute que les rayons du foleil , reçus directement au L * 4 | EP AT k SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 293 L fond de l'œil, n'agiflent fur les nerfs, & n’y caufent une certaine al. tération à laquelle notre ame prend part. Or , nous voyons par les ob- fervations que nous avons détaillées , que cette altération ou cette im- preflion caufée aux nerfs, ne cefle pas en même tems que l'aétion de la lumière; qu'au contraire elle continue encore pendant un tems aflez long, & que l'ame s'en trouve affe“tée comme s'il y avoit réellement hors de l'œil un objet, & que des rayons de lumière réfléchis par cet object , exerçaflent une action fur les nerfs. Si donc nous admettons cetre fuppofition , ainfi qu'on peut évidemment le faire, nous devons conclure naturellement de nos obfervarions : 1. Que l'impreflion excitée par les rayons de lumière les plus forts, pafle après la ceflation de l’action même, en une autre impreflion qui eft celle des rayons jaunes; que celle-ci devient l'impreffion des rayons verds, & que cette dernière enfin fe change en celle que produifent ordinairement les rayons bleus céleftes ; c'eft-à-dire , qu'après que l’ac- tion des rayons blancs a ceflé, les nerfs fe trouvent fucceflivemenc dans les différens érats que produifent ordinairement les rayons jaunes, verds & bleus céleftes. à 2. Que l’impreflion caufée par la couleur blanche d’un mur ou d'une - table blanchie , fi elle fe mêle à celle que produit la couleur jaune , verte, & bleu célefte, devient la même impreffion qu'a coutume de produire une couleur brune qui tire plus où nioins fur le rouge, 3. Que l’impreflion caufée par l’image du foleil au fond de Pœil fe communique à des parties de la rétine auxquelles l’image même ne s’ef pas faic fencir, mais qui font voifines de la place qu'occupe l'image, & que cette impreflion y caufe l’altération qui eft due ordinairement aux rayons qui produifent la couleur rouge. 4. Que certe impreflion, mêlée avec celle que fait naître la couleur blanche du mur ou de la table, produit Fimpreflion caufée par le bleu célefte, Je trouve très-digne de remarque ici que dans Îes couleurs accidentelles il arrive tout-à-fair comme dans les réelles, que le jaune devienc bleu en paffant par le verd. Car il eft crès-connu que dans les dernières , favoir, les couleurs réelles, fi on y mêle avec le jaune de plus en plus ‘du bleu, on obtient une couleur qui tire d'abord fur le verd, qui devient bientôt entièrement verte, & qui ayant tiré enfuite fur le bleu, devient esfin en- tièrement bleue, fi c’eft une forte quantité de cette couleur qu'on ajoute au mélange. Ceux qui voudront répéter cette expérience, obferveront encore un autre phénomène que je ne crois pas devoir paffer fous filence. Je veux dire qu'en projettant la tache fur un fond blanc, quand on a les yeux ouverts, on la voit tantôt difparoître, puis revenir, puis difparoître de nouveau. Je fus long-tems en doute au commencement fur la caufe de ce paradoxe; 294 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, mais je remarquai à la fin que la tache difparoiffoit toujours précifément quand je faifois un effort pour la confidérer plus attentivement , & qu'elle revenoit lorfque je jettois les yeux [ur le plan comme fans attention. Cette circonftance faifoit naître même d'abord quelque difficulté dans le procédé de l'expérience, car au moment même que l'efprit fe propofe de faire attention à la tache , l'œil fe difpofe de manière, fans qu'on le fache & qu'on le veuille, à voir diftinétement le plan fur lequel la tache eft projertée, & dar. le même moment la tache difparoît. Il arrive de-là que l'expérience, pour être bien faite, demande une certaine habitude ; il faut que l'obfervateur s'accoutume à ce que fon efprit fafle atrention à la tache , & que fes yeux cependant foienc empêchés de fe difpofer de manière à lui rendre la vilion du plan diftinéte. Nous conclurons de-là que pendant que l'œil fe difpole de manière à voir indiftinctement un objet un peu ‘écarté, les nerfs retournent à l'état dans lequel ils fe trouvent quand ils ne font pas affectés, mais que bientôt ils rentrent dans leur premier état, quand l'œil de nouveau fe difpofe autrement. Mais je crains de comber dans des erreurs fi je continue de tirer des conclufions dans une matière qui fera enveloppée de ténèbres aufli long-rems que nous ignorerons en quoi confilte proprement l'impreflion de la lumière fur les nerfs qui fervent à la vifon. SUITE DES EXTRAITS DU PORTE-FEUILLE DE Lr'ABBÉ DICQUEMARE. Ù CE TAIC ES: Calcul ou Pierre trouvée dans l'utérus d'un Marfouir. | 5 grands rapports qui fe trouvent entre la conformation intérieure des quadrupèdes & des cétacés , ne m’ont pas permis, en confidérant les productions de la nature, les limites des règnes, & fur-tout celles du règne animal, de négliger cette clafle intermédiaire; perfuadé d'ailleurs qu'on ne peut promener ainfi fes regards, fans appercevoir de tems en tems quelque fingularité qui mérite d’être remarquée. Les marfouins, qui font dans le polphe de la Seine un dégât con- fidérable de poiflon, parce qu'on néglige de leur donner chafle, font de tous les cétacés, ceux que le nombre, la grandeur & la forme ren- dent plus commodes pour les diilections ; c'eft aufli fur ces animaux que je me fuis le plus exercé. En difféquant donc un marfouin femelle de trois pieds de long, ! 1 L e SUR LHIST. NATURELLE ET LES ARTS. »9$ repréfenté par la figure ° (1), planche IT. Et introduifant une fonde dans l'utérus, je fentis une réfiftance femblable à celle qu'auroic faire un os découvert & un peu mobile. L'ouverture faite, je trouvai trois calculs ou pierres, repréfentées de grandeur naturelle , chacune des deux côtés, par les figures 2, 3. & 4. Ces pierres étoient placées vers le fond de l'utérus fans y être adhérentes , & les deux petites aux deux angles les moins faillans de la plus groffe; là, c’eft- à-dire aux endroits de contact & de frottement, elles {ont toutes trois d'un très-beau poli ; cependant leur fubitance eft calcaire, & à-peu- près femblable pour la couleur & pour le grain extérieur à du plâtre très-beau dans fon état naturel. Elles font formées de couches excen- triques inégales , & le centre n'eft point un noyau. Îl n’y a pas d'apparence que ces calculs aient été formés dans la veflie, non-feulement je n'y ai rien trouvé qui puiile le faire penfer ; mais fon canal étoit beaucoup plus étroit que la plus petite de ces pierres. De ces calculs, le plus gros, fig. 2 , pèfe un demi-gros trois grains ; le moyen, fig. 3 , cinq grains & demi ; & le plus petit, fig. 4, trois grains & demi, : La femelle qui les contenoït paroïfloit jeune, & je préfume qu’elle n'avoit pas donné de petits. ‘ Il eft rare, mais il n’eft pas fans exemple, qu'on ait trouvé des calculs dans l'utérus d’une femme. (1) On donne ici la figure afin qu’il n’y ait aucun équivoque fur l’efpece ; & on fupprime toutes les mefures & détails anatomiques. MÉMOIRE Sur des Fontaines Périodiques irrégulières ; Par M. ArLuT, de La Societé Royale de Montpellier, de l’Académie de Dijon, &c. IL exifte dans le Diocèle d'Uzès en Languedoc, fur la rive gauche de la rivière du Gardon, des fontaines périodiques fort fingulières par l'irrégularité de leurs mouvemens. J'avois eu occalon de voir ces fontaines en 1782 ; mais le tems me manqua pour les obferver avec exactitude : je me réfervai de les examiner par la fuite avec attention, & je m'y tranfportai , pour remplir ce projet, le 10 juin 1783, avec un fecond obfervateur fort intelligent. La plus confidérable de ces fources eft appelée le Bou/idou ; elle eft 296 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, intércalaire, & on la voit fortir d’entre deux rochers. Les autres, connues fous le nom de Fontaines de Madame , font fituées environ cinq ou fix cens pas au-deflus du Boulidou, en füuivant le cours de Ja rivière; elles font nombreufes , fort voifines les unes des autres. Certaines d’entr'elles font intercalaires , il en eft d’intermittentes , c’eft-à-dire, qui tariflenc tout-à-fait. Nous commençimes nos obfervations, par le Boulidou , à 7 heures 40 minutes du matin. Nous vîmes bientôt la fontaine couler plus: abondamment, & fes eaux, après avoir pris un accroiflement très- fenfble, diminuer prefqu'aufli-tôt ; mais, comme la rapidité du courant, & le mouvement qui en réfultoit, ainfi que les inégalités du fond ne nous permirent pas d'établir une mefure, qui conftatät d’une manière récife la crue & la diminution, nous creufâmes entre les deux roches d'où fort la fource , & environ cinq pieds au-deflus de celle-ci, un petit bain d'environ neuf pouces de long fur fix de large. Nous rencon- mâmes le cours fouterrain de la fontaine, & nous remarquâmes que la furface de l’eau dans notre baflin étoit aflez unie, qu'elle s'élevoit & qu’elle baiffoir en raifon de la crue & de la diminution de la fource, Nous prîmes donc le parti de placer au fond du baflin, dans l'inftant que nous jugeñmes ètre celui de la plus grande diminution , un caillou blanc & plat, fur lequel nous établimes bien à plomb, une mefure divifée en pouces, demi & quarts de pouce, La furface fupérieure du caillou étoit couverte d'un demi-pouce d'eau. Toutes chofes ainfi difpofées, à 8 heures 23 minutes, nous nous apperçümes de l'accroiflement ; il fut même rapide : car, dans les pre- mières minutes, l'eau s'élevoit dans le baflin, d’un pouce par minute ; fa çrue fe rallentit enfuite, Elle dura 10 minutes : le maximum fut de 6 pouces trois quarts. Le décroiflement commença {ur le champ fans intervalle ; il fut au commencement d’un pouce par minute, mais bientôt il fe rallentit beaucoup ; car l’eau employa 2$ minutes à parvenir au minimum , jufqu'au point de ne couvrir notre caillou que d’un demi-pouce, comme auparavant, Elle fut flationnaire pendant 2 minutes. De 9 à 10 heures nous eûmes une crue d’eau beaucoup plus forte, mais nous ne l'obfervâmes pas aufli exactement , notre attention ayant été partagée par deux petites fources qui fe montrèrent dans cer inftanc à la diftance d'environ 9 pieds du Boulidou auquel elles joignirent leurs eaux. Elles coulèrent de deux endroits où nous n’avions encore apperçu que du fable très-fec ; bientôt elles cefsèrent de couler & tarirent tout-à- fair. Nous les avons vues, tant qu'a duré notre obfervation , couler & tarir tour-à-tour , mais dans des rems très-inégaux , tantôt elles fournifloient de l’eau pendant 10 minutes , tantôt pendant $ , &c. Elles demeuraient taries quelquefois pendant 2$ minutes , quelquefois pendant 10, &c. En général, nous ayons cru obferver qu'elles ne couloient que lorfque la crug Le SUR lHIST, NATURELLE ET LES ARTS. 297 crue des eaux du Boulidou étoit confidérable, & alors leur irrégularicé feroit abfolument relative à celle de la grande fontaine. A 10 heures $o minures nous obfervions un inftant de décroiffement & notre caillou de comparaifon étoit de 3 pouces au-deflous du niveau de l'eau, À ce point le décroiffement ceffa, & la crue recommença. Elle dura 7 minutes ; fon maximum fur de 2 pouces un quart; le décroiffement fuccéda incontinent : il dura environ 8 minutes, Il fut auf lent que peu confidérable, puifque l'eau ne baifla que d'un quart de pouce, & qu'il refta $ pouces d’eau dans notre baffin, à compter de la furface du caillou. A 11 heures $ minutes, l’accroiflement fut crès-fenfible , mais il dura peu , puifqu'à 11 heures 1$ minutes le décroiffement eut ramené le niveau de l'eau dans le bafin à $ pouces, comme dans la révolution précédente. L'eau s'éleva de deux pouces depuis 11 heures 1$ minutes jufqu'à 1x heures 28 minutes: elle diminua incontinent; le décroifflement fut de demi-pouce dans 7 minutes : l'eau demeura flationaire à ce point pendant 2 minures ; elle recommença à diminuer. Dans 25 minutes, elle s’'abaiffa de 3 pouces & demi, & il refla 3 pouces d’eau dans Le baflin; le niveau fut ftationaire pendant 2 minutes. Depuis midi 2 minutes, jufqu'à midi 17 minutes, l’eau s'éleva de 3 pouces & demi: Le niveau fut fixe pendant 3 minutes. Dans les $ minutes fuivantes, nous obfervimes une nouvelle augmentation d’un pouce. Le décroiflement commença dans cet inftant. Il dura 2$ minutes, 1l fut de 4 pouces & demi , & par conféquent il refta 3 pouces d’eau dans le bafin. A midi fo minutes , nouvel accroiffement de deux pouces en 9 minutes. La diminution qui lui fuccéda jufqu'à une heure 27 minutes, fut de 4 pouces & demi, & laifla notre baflin à demi-pouce d'eau, c’e-à-dire, tel qu'il étoit au commencement de nos obfervations. L'eau s’éleva de 7 pouces un quart depuis une heure 27 minutes, jufqu'à une heure 40 minutes, c'eft-à-dire, en 13 minutes. Le décroiflement fui- vant, qui dura 30 minutes, jufqu'à 2 heures 10 minutes, fut égal à l'accroiffement , & le niveau du baflin demeura au mème point que dans la révolution précédente. - Nous obfervimes un nouvel accroiffement de 8 pouces un quart en 16 minutes, Le décroiflement fat fenfiblement égal , tant en quantité qu'en durée, Dans cet inftant, je laiffai à mon compagaon le foin d’obferver encore FRS ape P?8 À uelques révolutions , & je me tranfportai aux fontaines de Madame, SE DUT AE ROZ : ; que je me propofois d'examiner aufli. Je vais continuer à rendre compte des dernières, obfervations faites à la fontaine du Boulidou, pour ne pas interrompre cet expofé. A 2 heures $ÿ minutes, l’accroiffement, après avoir duré environ 13 minutes, éleva Je niveau de l’eau de 7 pouces un quart, & le décroiffemeng Tome XXVT, Pare, 1, 1785. AVRIL, Pp 208 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, qui le fuivit fit baiffer l'eau en 29 minutes, de 8 pouces, c’eft-à-dire, d'un quart de pouce, au-deffous de la furface fupérieure de notre caillou de comparaifon. Pendant 11 minutes, depuis 3 heures 24 minutes, jufqu'à 3 heures 35 minutes, la crue fut de 7 pouces un quart, & le décroiffement fut de 7 pouces en 2$ minutes. L'eau demeura donc dans le baflin au niveau de Ja furface du caillou. De 4 heures à 4 heures 15 minutes l’eau s'éleva de 7 pouces & demi: dans les 1$ minutes fuivantes , la diminution fut de 3 pouces. II reftoit encore 4 pouces & demi d'eau dans le baflin au-deflus du caillou, & on commença à remarquer alors un nouvel accroiflement. Ce fut dans cet inftant que mon compagnon cefla d'obferver. J'ai raflemblé les réfultats de nos obfervations dans le Tableau ci-joint, où j'exprime par O le niveau de la furface du caillou établi au fond du baflin : Les niveaux au-deffus du caillou font défignés par le figne +, & ceux au-deflous par le figne —. Il ne faut pas non plus oublier que j'entends par révolution le tems d'un accroiflement, & du décroiffement qui Le fuit. Lorfque la fin d’une révolution ne correfpond pas au com- mencement de la révolution fuivante, la différence eft le tems pendant lequel l’eau a été ftationaire, &, comme il n’eft arrivé qu'une feule fois, que le niveau ait été, quelques inftans, ftationaire pendant l’accroiflement, je n’ai pas cru devoir diftinguer fur le Tableau cette légère circonftance. J'avois vu, en 1782, toutes les fontaines de Madame, tarir abfolu- ment, après avoir coulé quelque tems ; mais le 10 juin, je n'obfervai cette propriété qu'aux fources les plus élevées au-deffus du lit de la rivière, & les moins abondantes: les autres étoient intercalaires. On ne doit attribuer cette différence qu'à la plus grande quantité d’eau dont les montagnes voifines étoient imbibées , après les pluies de la fin de l'hiver & du printems. Comme je m'apperçus que les périodes des fources qui ne tarifloient pas étoient en même raifon que celles des fources qui demeuroient à fec, je choilis ces dernières, pour le principal objet de mes obfervations, parce que le phénomène me parut plus fenfible & plus frappant. Je commençai à obferver à 2 heures $ÿ minutes. Dans cet inftant toutes Les fources couloient abondamment; elles commencèrent bienrôt à décroître. À 3 heures 10 minutes, elles furent entièrement à fec. Elles demeurèrent 17 minutes dans cet état. A 3 heures 27 minutes, elles reprirent leur cours: 7 minutes après, elles augmentèrent beaucoup; & à 39 minutes, je m'apperçus de leur décroiflement, qui dura jufqu'à fo minutes. Elles furent alors taries de nouveau , & elles avoient coulé 23 minutes de fuite. A trois heures $8 minutes, j'entendis un bruit fouterrain affez léger qui m'annonça le retour des eaux, À 4 heures 4 minutes, le terrein SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 299 commença à s'humecter fenfiblement; à 4 heures 6 minutes es fontaines coulèrent , & à 7 minutes elles furent en plein cours. Le décroiffement furvint aufi-tôt, & à 4 heures $2 minutes les fources furent taries, après avoir coulé pendant 4$ minutes. Cette fois, l'abfence des eaux ne dura que 10 minutes. Les fontaines reparurent avec un accroiffement très-rapide à $ heures 2 minutes, elles diminuèrent quelque tems après, mais plus lentement néanmoins que, dans les révolutions précédentes. Après avoir coulé jufqu'à 6 heures 25 minutes, c'eft-à-dire, pendant une heure 23 minutes, elles ne tarirent pas, mais elles avoient encore environ 3 pouces d’eau, lorfqu'elles recom- mencèrent à prendre un nouvel accroiflement. Dans ce moment nous cefsimes nos obfervations. J'ai rédigé dans un fecond Tableau les faits dont je viens de rendre compte, relatifs aux fontaines de Madame, mais je dois avertir que je n'entends ici par révolution , que le tems pendant lequel les fontaines ont coulé, & j'ai exprimé dans une colonne particulière , les abfences des eaux , fous le nom de tems de fécheref]e. Il eft évident que les fontaines de Madame préfentent autant d'irréau- larité que celle du Boulidou, & en rapprochart les deux Tableaux , on femble reconnoître une certaine correfpondance entre ces diverfes fources. En effer, les fontaines de Madame couloient abondamment à 2 heures ÿ$ minutes, & celle du Boulidou, alors à fa onzième révolution obfervée, étoit au plus haut point de fon accroiflement , puifqu'elle avoit commencé à croître à 2 heures 42 minutes, & qu'elle avoit crû pendant 13 minutes, Les fontaines de Madame tarirent à 3 heures 10 minutes , mais celle du Boulidou décroifloit dans ce moment, puifque le décroifle- ment de la onzième révolution dura 29 minutes , c'eft-à-dire , jufqu'à 3 heures 24 minutes. Les fontaines de Madame reparurent à 3 heures 27 minutes, & celle du Boulidou avoit commencé fa douzième révolution à 3 heures 24 minutes. La plus grande abondance des premières fut à 3 heures 3$ minutes , au même inftant la feconde fut à fa plus haute élévation ; car elle crût pendant 11 minutes, à compter de 3 heures 24 minutes. Les fontaines de Madame tarirent à 3 heures fo minutes. Or, le Boulidou étoit alors en décroiffance. Les fontaines de Madame coulèrent de nouveau à 4 heures 6 minutes, mais le Boulidou croifloit depuis 4 heures (treizième révolution ). A la vérité, celui-ci eut fini fa révolution , & ceflé de décroître à 4 heures & demie, tandis que les autres fontaines coulèrent jufqu'à 4heures ÿ2 minutes, mais cette circonftance ne fera pas étonnante, fi l’on confidère qu'il reftoie encore 4 pouces & demi d’eau dans notre baflin d’obfervarion , lorfque le Boulidou ceflant de décroître pendant fa treizième révolution , la dernière obfervée , recommença à augmenter, & l'on remarquera en Tome XXVT, Parc. I, 1785, AVRIL, Pp2 300 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE; même-tems que le baflin s’étoit vuidé confidérablemenr, & d'une manière à-peu-près uniforme dans les révolutions onzième & douzième du Boulidou , où l’on voit la correfpondance la plus frappante avec Les fontaines de Madame. L'infpection de notre fecond Tableau peut fournir quelques obfer- vations. 1°. Les tems pendant lefquels Les fontaines ont coulé augmentent de révolution en révolution : ces fources ont fourni de l'eau pendant 1$ minutes à la première, pendant 23 minutes à la feconde , pendant 45 minutes à la troifième, & pendant une heure 23 minutes à la quatrième. 2°. Les tems de fécherefle qui ont féparé l2s révolutions vont au contraire en décroiflant, puifqu'ils font exprimés par 17, 16 & o. 3°. À compter depuis 2 heures $ÿ minutes, ce double phénomène de lus longue abondance d'eau, & de plus brève féchertile, a femblé être plus fenfible,à mefure que le foleil étoit plus près de quitcer l'horifon. Je ne prétends pas inférer de cette obfervation , que le mou- vement diurne de la terre foit une des caufes immédiates de l’inter- mittence de nos fontaines : j'évite feulement de néoliger aucune cir- conftance. A la quatrième révolution les fontaines de Madame n’ont pas tari, quoiqu'elles aient continué à donner des fignes d’intermittence: cette obfervation me porteroit à préfumer que pendant la nuit elles ne difparoiffent pas entièrement. Ce foupçon mériteroit d'être éclairci , & ce ne feroit pas le feul fait qui refteroit à vérifier. Il feroit intéreflanc de favoir, fi l’intermittence eft la même dans les diverfes faifons, fi les variations font femblables , malgré les différentes températures de l'atmof- phère, fi elles n’éprouvent aucun changement après des débordemens confidérables du Gardon. Je me propofe de profiter de tous les inftans favorables pour me procurer ces éclairciflemens. Les fources que nous venons de décrire feroient bien plus étonnantes fi on ofoit ajouter foi à la tradition que les habitans de la contrée nous ont tranfmife. Suivant leur rapport , ces fontaines ne font intermittentes que depuis environ cinq années : elles écoïent auparavant perennes, & n’avoient rien de remarquable. Des vieillards ont ajouté à ce récit, qu’à la vérité ils les avoient vu couler conftamment & fans interruption pen- dant vingt ans, mais que leur intermittence avoit eu lieu avant cette époque, comme dans ce moment. Îl faudroit, pour admettre un fait auf fingulier , qu'il füt conftaté par les témoignages les plus uniformes, & les plus irréprochables, | | | | Un om ‘SUOHNoA | *SUONHNTOAII 272191} U9 59A19J|97191} U2 S29A é -qo Suatua]}lo9|-127q0 suoreA np ePeIEOIDe | 12 S2PTAOTS à £s ss um , Es = + + £ |= L 2 : + N 0 — |; L'ES L æ) He — 9 u L Ra | 5 A C5 ï Sun 8 r 8 E |: ++ LES Dh 5 £ + | & L 7 L£ g7 6 o$ 28 RQ £ + | Lu £ + + Sr ot 7 *,L La Re (ocre ÿ 7 + of £x SI 159 = $ + *Ur2JIOOUT *aUIPHIOOUT or 9 ‘Jrauo Ÿ uoltAu> $ $ + à | (OErEN ES 6 7 $1 8 L of 3 Le & en *UETOQUT Seyoou] | ‘aureoour | ‘aureyoouy *OUIRHOOUT "€ Le £ + | £ soonod 9 |£ ‘nod 9 |‘uru SE “ur ST *UTUU OI £r Qc F £ ssaonod + “URHAOUT ‘aureoout | ‘oueuoou | “aurwosu *ouIBJIoOuT |'sainuiu ob sono Z Je | *UO1IMJOA 4 “uo72n = b 7 1 “UNWIXDIA | *SUO7177O0A 2! “quouaffro129p ‘zu9W2/]10190D 7 PPT FA 2nDDI/9 S241A0 "UINUITUTIA “nD27 à s2p < 7 Se e © |-0421 anby2 2p 1UauL » perfuadé de fa vérité? Je n’oferois l’aflurer ; j'ai une trép haute opi- >» pion de la juftefle de fon efprit; & d’ailleurs il a fouvent la mo- » deftie d'avertir qu'il ne donne fes hypothèles que comme de fimples » conjectures, à l'aide defquelles il croit qu'on pourroit rapprocher & » expliquer pluleurs faits de l'Hiftoire Naturelle; mais ces hypothèfes, » ces conjectures , font trop directement contraires aux vérités révélées » dans la Sainte-Ecriture | pour laquelle M, de Buffon protefte fi fou- » vent quil eft pénétré du refpect le plus profond ; & d’ailleurs, je # ne vois pas trop comment il eft poflible de les concilier avec les » principes dela bonne phyfique, admis par M. de Buffon lui-même », Nous craindrions d'affoiblir, par une fimple analyfe, la folidité des gaifons viétorieufes que PAuteur oppofe au fyftème dont il ‘agir; il Tome XXVTI, Pare, I, 1785. AVRIL, Qq 306 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, faut en lire le détail dans l'Ouvrage même, où elles font par-tout propofées avec ce ton de modération , qui fied d'autant mieux à la vérité, qu'il contribue à la faire goïter davantage & fentir plus vi- vement. - On a vu plus haut combien Les efprits du vulgaire étoient fufcep- tibles de salarmer à l'apparition des comères, avant qu'on eût des idées faines fur la nature de ces aftres. Quelques Savans fe font exer- cés, de leur côté, fur des hypothèfes capables, en apparence, d'inf pirer des frayeurs plus réelles, en calculant les effets qui réfulteroient du paflage d’une comète dans le voifinage de la terre. Il pourroit ar- tiver , felon eux, que notre globe für alors réduit en pièces ou inon- dé, ou au moins dérangé de fon orbite, & fe trouvât ainfi expofé al- rérnativément à une chaleur brülante, ou à un froid exceflif, par une fuice de la grande excentricité de la nouvelle ellipfe qu'il feroit forcé de parcourir. L'Auteur apprécie la poffbilité de ces effets, & trouve qu'il faudroir, pour les produire , une réunion de circonflances qui doit être fi rare, qu'il y a prefque l'infini à parier contre un , que nous n'avons aucun défaftre à redourer de la part des comètes : il s'appuie particulièrement fur les calculs de M. Duféjour, qui, d'un feul trait d'analyfe, juftifie pleinement les comètes , & fait difparoître tous ces fantômes de dan- ger auxquels des fyfêmes plus impofans que folides, ont donné naiflance. Le cinquième article traite de l’atmofphère des comètes : l’Auteur après avoir expolé & réfuré Les opinions dé différens phyliciens , fur la caufe qui déterminée cette atmofphère , lorfque la comète approche du périhélie, à fe prolonger en une efpèce de queue oppofée au foleil, propofe l'hypothèfe qui lui paroît la plus plaufible pour expliquer ce Hénomène. Il l'attribue à la force impulfive des rayons folaires, dont l'effet eft de chaffer derrière la comète une partie de fon atmofphère, laquelle, par la réflexion des mêmes rayons, paroît à nos yeux comme une queue brillante, qui a quelquefois une étendue confidérable. Nous voici arrivés à la partie la plus importante de Ouvrage, dans laquelle M, Pingré développe la théorie du mouvement des comères, Cetre théorie roule fur trois objets principaux, que fe propofe un Af tronome, lorfqu'il découvre une nouvelle comète ; il fuit d'abord, le plus exactement qu'il lui eft poffible, la route apparente de l’aftre dans le ciel ; de cette route apparente, il conclut la route réelle que la co- mère a parcourue autour du foleil; enfin, après avoir déterminé l'or- bite d’une comète , il défire connoître, par le calcul , quel fera fon lieu apparent pour un inflant donné. L'Aureur avertit qu'il trairera le troi- fième objet avant le fecond, d’après le principe qui prefcrit de com- mencer par les problèmes les plus difciles , pour s'élever enfuie, SUR L'HIST. NATURELLE ET LES. ARTS. s07 par leur moyen, jufqu'à ceux dont la folution préfente plus de dificulrés. La première feétion renferme l'expofition des! différentes méthodes que l’on a employées pour déterminer le lieu apparent d'une comète. De routes ces méthodes, la plus ufitée & en même-tems la plus pra- ticable, eft celle qui confifte à obferver le pañlage de la comète, & celui d’une ou ep étoiles fixes , à deux des fils d’un micromètre,, dont l'un repréfente un cercle parallèle à l'équateur, & l'autre, qui lui eft perpendiculaire, repréfente un cercle horaire. On cherche par ce moyen, les différences d'afcenfion droite & de déclinaifon entre l'éroile & la comète; on en conclut l’afcenfion & la déclinaifon de celle-ci, & enfuite fon lieu apparent. » Dans la feétion fuivante, L'Auteur fuppofe, comme on l'ai dit , que l'orbite d'une comète eft déjà connue, & donne la méthode pour dé- terminer les lieux vrais & apparens de l'aftre, On peut confidérer le mouvement des comètes ,-ou dans une orbite parabolique, ou dans une orbite elliptique; mais à caufe de la grande excentricité des ellipfes décrites par les comètes, la partie de ces ellip- fes où elles font vifibles, ne diffère pas fenfiblement d'un arc.de para« bole; & comme d’ailleurs le calcul, par cette voie, eft plus expéditif, on préfère prefque toujours de traiter les orbités cométaires comme des paraboles. + + Pour déterminer dans cette courbe les. lieux, vrais. d’une comète, c’eft- à-dire fa longitude & fa latitude héliocentriques , on cherche d’abord lanomalie vraie de la comète : cette recherche feroit longue & péni- ble à l'aided’un calcul direct. Pour la faciliter, on a fuppofé une comète dont la diftance perihélie feroit-égale à la diflance moyenne du foleil à la cerre. Cette comète, telle qu'on l’a choilie, emploieroig 109. jours pour aller de fon perihélie à 90 degrés d'anomalie vraie, & c'elt pour cela qu'on la appelée comète de Tag jours. On a dreflé une table de toutes les anomalies vraies de cette comète, correfpondantes à différens efpaces de tems écoulés depuis lé perihélie; à l’aide de certe table qui fe trouve à la fin de l'Ouvrage de M. Pingré, on dérermine facilement l'anomalie vraie d'une comète quelconque, par,une fimple analogie, fondée fur, la feconde loi dé Kepler. L'anomalie vraie étant trouvée, on en conclut Ja latitude &.la lon- gitude héliocentriques de la comète. La folution de ce problème con- duit à celle d'un autre, qui confifte à déterminer le rayon vecteur de la comète, ou la diftance au foleil,.& ce même rayon accourci ou projetté fur l’écliprique. Enfin , par ‘une recherche ultérieure ;qui n’exige plus que de fim- ples opérations de trigonométrie, on parvient, d'après les données précédentes, à déterminer les lieux apparens de la comète, pour un inftant donné. Tome XXVI, Part. I, 1785. AVRIL, HO 1 308 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, Lorfque l'on veut établir une compéraifon exacte entre les réfultats des opérations précédentes & ceux que donne l'obfervation , on ne doit pas négliger les effets de certaines caufes qui alrèrent ces derniers réfulrats , & exigent que l'on y fafle quelques corrections. Ces caufes font l'aberrarion de la lumière , la parallaxe de la comète , fur-tour fi cet aftre eft'dans le voifinage de la terre, & la nutation de l'axe terref- tre. L'Auüteur explique les méthodes qui peuvent fervir à rectifier les longitude & latitude obfervées en tenant compte de l'influence des cau- fes dont on vient de parler. M. Pingré termine cette fection par l'expofition des principes fur lefquels eft fondé le calcul des comères dans une oxbite elliptiques Ce calcul'ne diffère de celui qui fe fait dans la parabole, que par rapport à deux élémens , qui font l'anomalie vraie & le rayon vecteur. Pour déterminer l’anomalie vraie, on cherche d’abord cette anoma- lie dans la parabole., puis on la réduit à la même anomalie dans Fellipfe, en y faifant les corrections convenables, Quant à la recher- che du rayon vecteur, on pourroit y réuflir par une correétion ana logue à celle qui eft employée pour lanomalie. Mais l’Auteur trouve qu'il eft beaucoup plus court de chercher ce rayon par quelqu'une des formules que fourniflent les propriétés de l'ellipfe, & il préfère, comme la plus fimple , celle qui donne, pour l'expreffion du rayon vecteur , le produit du petit axe,’ pat l’anomalie excentrique, divifé par lano- malie vraie. Nous réfervons pour le mois prochain, l’analyfe de la troifième fetion, qui préfente l'expoñition des méthodes favantes , imaginées par les plus célèbres géomètres, pour calculer l'orbite des comètes , d’après les obfervations faites fur leur mouvement géocentrique, Profpedus de l'Ouvrage mmritulé : Stirpes novæ, aut minus cognitæ , defcriptionibus & iconibus illuftratæ , in-fol. Par M. L'HÉRITIER , Confeiller à la Cour des Aides de Paris. Avec Approbation & Privilège du Roë Le principal but de cet Ouvrage eft de faire connoître les Plantes nouvelles, par des defcriptions d'une part, & de l'autre par des figures ; le tout fait d'après’ nature. ifée On en publiera chaque année quatre Cahiers ou environ, Le Cahier contiendra dix à douze Planches, rarement plus ou moins. Le texte & les Planches font imprimés fur papier grandeur de Chapelet demi-feuille. ; Soixante Exemplaires’ format atlantique , font tirés fur papier velin grand-raifin fuperfin de la manufacture Royale du freur Réveillon, Il y a auffi quelques Exemplaires fur lemême papier qui feront coloriés pour Les perfonnes qui en feront leur foumiflion. SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 309 Le prix du Cahier fe réglera par le nombre des Planches, Jufqu'au 30 novembre 1785 , la Planche fimple coûtera, favoir, en papier ordinaire 24 fols, & en grand papier velin format atlantique , 48 fols. Ainfi Ze premier Cahier qui eff en vente, contenant onze Planches, fe vend en feuilles 13 livres 4 fols fur papier ordinaire, & 26 livres 8 {ols fur papier velin, A l'égard des Planches coloriées, l’on n’en peut pas encore déter- miner le prix. Au premier décembre 178$, tout l'Ouvrage augmentera d'un quart en fus pour les perfonnes qui n’auront pas acheté les premiers Cahiers : de forte que la Planche fur papier ordinaire fe vendra 30 fols au lieu de 24,& fur papier velin 3 livres au lieu de 48 fols, & ainfi des autres parties de l’Ouvrage dans la même proportion. Aucun Cahier ne fe vendra féparément, Le Libraire, lors de l'achat du premier Cahier , donnera fa reconnoiflance , par laquelle il s’obligera à fournir tous les Cahiers fuivans aux prix & conditions ci-deflus exprimés ; favoir, de 24 ou 48 fols par Planche fimple pour les Acheteurs d'ici au 30 novembre 1785, & du quart en {us d'augmentation pour les Acheteurs poftérieurs. Les Cahiers ne feront délivrés qu’en repréfentant cette recon- noiflance , fur laquelle le Libraire fera mention de chaque livraifon. Ces reconnoif{lances n obligeront Aie un an, à compter de la publication du Cahier qu'on auroit négligé de retirer ; & paflé ce tems, le Libraire ne fera plus cenu de fournir aucun Cahier mis en vente depuis plus d'un an. En faveur des perfonnes qui acheteront des Exemplaires coloriés & qui défireronty joindre des Planches tirées en noir, l’on détachera ces Planches du Texte, Prix fur papier velin 24 fols pièce quant à préfent, & 30 fols au premier décembre 1785, outre le prix convenu pour l'Exemplaire colorié, L'on fe propofe de publier le nom des Soufcripteurs , ou pour mieux dire, des Acheteurs, dans le Cahier de décembre 1785. C’eft pourquoi chacun eft prié de donner fes noms & qualités au Libraire qui lui aura vendu l'Ouvrage pour les tranfmettre à l’Auteur. Les prix ci-deflus marqués font pour Paris feulement. Pour la Pro- vince & pour l'étranger, outre l’affranchiffement de l'argent & des lettres, les Acheteurs payeront également le port du livre. En conféquence, il fera plus convenable pour les étrangers & pour les perfonnes de Province de charger un Correfpondant à Paris de retirer leurs Cahiers à chaque livraifon , en repréfentant à cet effer au Libraire fa reconnoiflance, à Paris, chez L. N. Prevoft , Quai des Auouftins, Se vend < à Londres, chez P. Elmfly. à Vienne & à Leipfick, chez Rod, Græffer. 310 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, Traité de l'Olivier , contenant l'hifloire & la culture de cet arbre, les différentes manières d'exprimer l'huile d'olive, celles de la con- Jerver, &c. À Montpellier, chez la veuve Gontier, 1784, in-8°. de 356 pages, fans nom d'Auteur. Il paroît dans la Préface que ce Traité a concouru pour le prix propolé par l'Académie de Marfeille , fur a culture de lOlivier, &c. puifqu'on y lit, page 5, le précis d'une Lettre d'un Académicien de Marfeille, où il eft:dit: « Votre Mémoire à la première lecture emporta >» toutes Les voix ; il fut mis à crès-jufte raifon au premier rang : il méritoit + Ja palme, il n’a eu que le premier acceffir ; mais il fera imprimé dans » nos Recueils, & fa publicité vengera avec vous, ceux qui ont pris fa. » défenfe. .…..» L’Auteur ajoute, page 6 de la même Préface... « Un > procédé peu délicat que réprouvent les loix académiques , parce qu'elles » doivent être facrées dans les concours, a dû exciter en moi quelque » mécontentement, Je refpecte pourtant le decret de cette Compagnie » favante, & je me tais fur le refte....» C'eft donc ce Mémoire, à quelques changemens près, à qui l’Académie de Marfeille a jugé à propos d'accorder un rameau de laurier détaché de la couronne académique, & à qui elle a fait l'honneur de l’inférer avec cous fes défauts & d'autres que l'impreflion très-incorrecte y a ajoutés, dans fon Recueil de 1782, à la fuite du Mémoire couronné , non moins défeétueux fans doute dans fon principe, mais qu’elle a permis à l'Auteur Académicien de parer, d'enrichir , corriger , amplifier, dans le cours de huit ou neuf mois; ce qui a été fait avec autant d'art que de défavantage pour les Mémoires des concurrens qu’on a affociés dans le même Recueil; c’eft ce Mémoire, dis-je, que je préfente de nouveau avec quelque confiance au public, d'après l'encouragement que j’ai reçu de bons juges ». Ainfi s'explique & fe plaint l'Auteur anonyme. Il a raifon de préfenter cet ouvrage avec confiance ; il eft digne de fixer l'attention du Cultivateur & de l'Homme de Lettres. Il décèle dans tous fes points le Botanifte, le Phyficien , le Naturalifte , le Praricien- agriculteur & même l'homme érudit. En un mor, c'eft un Livre claffique ou élémentaire en ce genre aflez neuf, malgré plufieurs traités publiés depuis un certain nombre d'années. Il faur que le Mémoire couronné, que nous ne connoiflons pas , ait un mérite bien rranfcendant pour avoir obtenu le prix. S'il eft aïnfi qu'on doit le préfumer, ce fera un riche préfent que l'Académie de Marfeille aura fait aux Provinces méridionales, Celui de l’Aureur anonyme ne leur fera pas moins utile & moins précieux, puifqu'il réunit tout ce qui concerne la culture de l'olivier & la manière d'extraire l'huile de {on fruit. SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 31r Sujers des Prix propofes par l'Académie des Sciences | Arts & Belles-Lettres de Dijon , pour 1786. Déterminer, par leurs propriétés refpedives , la différence effentielle du phlogiflique & de la matière de la chaleur. Tous les Savans, à l’exception des Académiciens réfidens, feront admis au concours. Ils ne fe feront connoître ni directement, ni indireétement ; ils infcriront feulement leurs noms dans un billet cacheté, &ils adrefleront leurs Ouvrages francs de port, à M. MArET, Docteur en Médecine, Secrétaire perpétuel, qui recevra jufqu'au premier avril 1786 , inclufve- ment, les Ouvrages envoyés pour concourir au Prix propolé. L'Académie s'étant vue forcée de réferver le Prix dont le fujet éroic la théorie des vents , annonça l'année dernière qu’elle adjugeroit ce prix, qui eft double, à l’Auteur qui, en quelque tems que ce fût, enverroit fur cet objet un Mémoire fatisfaifanr. Ceux qui lui ont été récemment adreflés, n'ayant pas encore rempli les vues de la Compagnie, elle réitère l'annonce qu’elle a déjà faire , & invite de nouveau les Phyfciens à s’occuper de cet objet intéreflant. Le Prix fondé par M. le Marquis du T'errail & par Madame de Cruffol d'Uzès de Montaufier, fon époufe, à préfent Ducheffe de Caylus, confifte en une Médaille d’or de la valeur de 300 livres, portant, d’un côté, l'empreinte des armes & du nom de M. Poufñer, Fondateur de l’Académie, & de l’autre , la devife de cette Société litréraire, Séance publique tenue au Louvre , par la Société Royale de Médecine , le 15 fevrier 1785. La Société avoit propofé dans fa Séance publique du 28 août 1781, pour fujet d'un Prix dû à la bienfaifance de feu Mademoifelle Guérin , la queftion fuivante : Déterminer par l'analyfe chimique , quelle efl La nature des remèdes anti-fcorbutiques de la famille des Cruciféres ? Ce Prix devoit être diftribué dans la Séance publique du 26 août 1783. Les vues de la Société n'ayant point été remplies, elle annonça de nouveau le même fujer & elle indiqua les plantes fur lefquelles elle défiroit fixer l'attention des gens de PArr. Parmi les Mémoires envoyés au Concours deux ont été remarqués. La Compagnie a penfé que le Prix devoit être partagé entre les Auteurs de ces deux Mémoires , à chacun defquels elle a adjugé une Médaille en or de la valeur de 150 livres. Le premier eft M. Gueret , ancien Apothicaire Major à Strafbourg. 312 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, Le fecond eft M. Tingry , Membre du Collège de Pharmacie , réfident à Genève. La Société avoit annoncé dans fes Séances publiques du 26 août 1783 & du 31 août 1784, qu'elle décerneroit des Prix d'encouragement aux Auteurs des meilleurs Mémoires fur cette queftion: Exifle-t-il un Scorbus aigu ? Parmi ceux qu’elle a reçus, elle en a diftingué un de M. Goguelin, Docteur en Médecine à Moncontour , ‘en Bretagne. Elle a arrêté qu'il en fera fait une mention honorable dans certe Séance. Le R. P. Corte, aflocié Régnicole , ayant continué depuis l'inftitution de la Société de fe livrer avec le plus grand zèle à la rédaction des obfer- vations météorologiques très-nombreufes que la Compagnie reçoit de fes Correfpondans , & qu'elle publie dans fes volumes, elle a arrêté qu'elle lui offriroit aujourd'hui , comme un témoignage authentique de fa recon- noiflance, une médaille en or de la valeur de 100 livres, Parmi les Mémoires envoyés fur la T'opographie Médicale, la Société en a diftingué un de M. Guyetant, Médecin & correfpondant à Lons-le- Saunier , fur la Topographie du Bajlliage & de la Ville d'Orgeler. Elle lui a décerné le Prix confiftant dans une médaille en or ayant la même forme que les jettons ordinaires de la Société, Elle a adjugé l'Acceffit à M. Didelot, Do&eur en Médecine & Cor- refpondant à Remiremont en Lorraine, Auteur d’une Defcription Médico- Topographique du Bailliage de Mirecourt. La Société a décerné dans l’ordre fuivant trois médailles d'or, chacune ayant la même forme que le jetton en argent qu'on diftribue dans les Séances de la Compagnie; 1°. À M. Ramel, Doéteur en Médecine à Aubagne, Auteur d'un Mémoire fur les maladies les plus communes à Bonne & à la Calle, Comptoirs principaux de la Compagnie Royale d'Afrique. 2°. À M. Jacquinelle, Chirurgien-Major du Régiment d'Agénois, Auteur de deux Mémoires, l'un fur les pierres inteftinales tant de homme que du cheval, l'autre fur la gangrène humide des H6- picaux. 3°. A M. Lefebure Deshayes , Correfpondant du Cabinet du Roi , & réfidant à la nouvelle Plymouth , Auteur de deux Mémoires, l’un fur les eaux minérales de lagrande Anfe; l’autre fur les Æ4/binos ou Nègres- Blancs. La Société croit devoir faire une mention honorable d’une Obfervation envoyée par M. Mañie, Docteur en Médecine à Bordeaux, fur des accidens très-graves furvenus à des Ouvriers que l'on employoit pour emmagafiner & battre des peaux de chevreuils envoyées de la Louifane, & auxquels plufeurs ont fuccombé, Cette Compagnie avoit propofé dans fa Séance publique du 11 mars 1783 , pour fujec d'un Prix de la valeur de 600 livres dû à la bienfaifance £ de 1 : SUR L'HIST. NATURELLE ETLES ARTS. 313 de M. Lenoir, Confeiller d'Etat, Lieutenant Général de Police, Aflocié libre de la Compagnie , la queltion fuivante : Déterminer quelles font parmi les maludies , foit aiguës, foit chroniques , celles qu’on doit regarder comme vraiment contagieufes ; par quels moyens chacune de ces maladies fe communique d'un -individu à un autre, & quels font les procédés les plus sûrs pour arrêter les progrès de ces différentes contagions. Le vrai fens de la queftion n’a point été faifi dans les Mémoires envoyés eu Concours. La Société eft donc forcée de différer la diftribution de ce prix, & elle annonce de nouveau le même fujet. Quoiqu’elle propofe la queftion en entier pour le Concours, ceux qui en ne répondant qu'à un des membres , donneront des renfeignemens utiles ou des obfervations intéreffantes , recevront de la part de la Com- pagnie, des encouragemens proportionnés au mérite de leurs recherches, M. Lenoir, Lieutenant Général de Police, l’a autorifée à annoncer qu'il en fera les frais. MM. les Médecins & Chirurgiens chargés du traitement des maladies épidémiques ou de celles qui règnent dans les Hôpitaux, font invités à communiquer leurs réflexions à ce fujet. Ce Prix ci-devant de la valeur de 600 livres, porté maintenant par M. Lenoir à celle de 800 livres, fera diftribué dans la Séance publique de Saint Louis 1787. La Société a cru ce délai néceflaire pour donner aux Auteurs Le rems que ce travail exige. Les Mémoires feront remis avant le premier mai 1787 ; ce terme eft de rigueur. La Société confidérant le peu de connoiffances exactes que l’on a acquifes fur la nature & les propriétés des différentes efpèces de laits employés en Médecine, a cru devoir fixer fon attention fur cet objet de première importance. En conféquence, elle propofe pour fujet d'un Prix de la valeur de 600 livres, fondé par le Roi, la queftion fuivante : Déterminer par l'examen comparé des propriétés phyfiques & chimiques, la nature des laits de femme, de vache, de chévre, d'änef]e, de brebis, de jument. Ce Prix fera diftribué dans la Séance de la fète de Saint Louis 1786 ; & les Mémoires feront remis avant le premier mai de la même année. La Société prévient qu'elle propofera pour fujet d’un fecond Prix auffi de la valeur de 600 livres, des recherches fur l’ufage médical de ces différentes efpèces de lait, fur leurs avantages & leurs inconvéniens , fur les moyens de prévenir ces derniers, & fur les différens cas auxquels chaque efpèce de lait peut convenir. Les Mémoires qui concourront à ces Prix, feront adreflés francs de de port, à M. ’rcQ-D’Azrr , Secrétaire perpétuel de la Société , & {eul Tome XXVT, Part. I, 1785. AVRIL. Re » 334 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, chargé de fa-Correfpondance , rue des Perirs- Aueuflins, N°. 2 , avec des billets cachetés , contenant le nom de l'Auteur, & la même Epigraphe que le Mémoire. La defcription & le traitement des maladies épidémiques, & l'hifloire de la conititution médicale de chaque année font le but principal de l'infliturion de la Société, & l’objer dont elle s’eft le plus conftammenc occupée. Elle a annoncé dans fa dernière Séance publique, que la bien- falance du Gouvernement, & la générofité de quelques-uns de fes Membres qui n'ont point voulu être connus, l’avoient mife à portée de difpofer d'une fomme de 4000 livres, deftinée à fournir des encourage- men pour les travaux relatifs aux épidémies, aux épizooties, & à la conftitution médicale des faifons. Les mêmes conditions du Concours annoncé le 26 août 1783, fubfiftent. Nous croyons devoir les rappeller ici. La fomme de 4000 livres, dont if a été parlé, fera employée à la difribution de médailles de différente valeur , aux Auteurs des meilleurs Mémoires & Obfervations , foit fur la conftitution médicale des faifons, & fur les maladies épidémiques du Royaume, foit fur les différentes queftions relatives à ces deux fujers , que la Société s’eft réfervé dans fon dernier Programme le droit de propofer. La dittribution de ces différenres médailles fe fera, comme il a déjà éré expofé, dans les Séances publiques de l’année 1786. En conféquence, les Médecins & Chirurgiens font invités à entretenir avec la Sociéré ta correfpondance la plus füivie. On a dit dans le Programme de 1753, & on répète ici que l'exactitude dans la correfpondance donne des droits à ces Prix. Indépendamment des Prix que la Société propofe dans cette Séance, elle croit devoir annoncer au Public la fuire des recherches qu'elle a commencées fur la Topographie médicale du Royaume, fur les eaux minérales & médicinales , fur les maladies des Artifans & fur les maladies des beftiaux. Elle efpèreé que les Médecins & Phyficiens régnicoles & étrangers voudront bien concourir à ces travaux utiles, qui feront con- tinués pendant un nombre d'années fufifant pour leur exécution. La Compagnie fera dans fes Séances publiques une mention honorable des Obfervations qui lui auront éré envoyées ; & elle diftribuera des médailles de différente valeur aux Aureurs des meilleurs Mémoires fur ces différens fujers. Sujets des Prix propofés par l’Académie de Bordeaux. L'Académie avoit , cette année, deux Prix à diftribuer : 1°. Un Prix double, deftiné à cette queftion : Quel feroit le meilleur procédé pour conferver le plus long-tems poffible ,ou en grain ou en farine, le maïs ou bled de Turquie, plus connu dans la Guyenne fous Ÿ SUR L'HIST. NATURELLE ET LES AR1S. 315 Ze nom de bled d'Efpagne ? Et quels différens moyens y auroit-ël pour en tirer parti, dans les années abondantes , ind'pendamment des ufages connus & ordinaires dans cette Province. 2°. Le Prix extraordinaire propolé en 1780, & réfervé en 1782, für la queftion concernant le Leë: minétio. L. Sur le premier füujet , deux Mémoires ont mérité l'attention de cette Compagnie & contrebalancé fes fuffrages. L’un , portant pour épigraphe, ces Vers de /a Fontaine : Si mon œuvre n’eft pas un aflez bon modèle, J'ai du moins ouvert le chemin: D'autres pourront y mettre une dernière main, L'autre, portant pour devife, ce paflage de Virgile : cnsroses-s.ss..... Nullo fe cantüm Myfia cultu Jaëat , € ipfa fuas mirantur Gargara Meffes. Tous les deux préfentoient fur les deux points de la queftion propofée, à-peu-près les mêmes vues & les mêmes procédés. Mais rous les deux allant au-delà de ce que l'Académie avoit demande, ils lui offroient furabon- damment ; le premier ,une analyfe intéreflante du maïs, & une fuire précieufe d'expériences fur la panification de ce grain; le fecond , des recherches approfondies & lumineules fur l'hifloire naturelle de cetce plante, & des détails curieux & inftrudtifs fur fa culture. Ainfi lui offroient- ils chacun différens objets indépendans du fond de la queftion, à pefer auf dans fa balance. 1 Forcée enfin de prononcer ; les deux parties furabondantes du fecond Mémoire ont dû, malyré leur utilité même, lui paroître trop étrangères au fujet propofé. Celles du premier, outre leur mérite particulier & leur importance, ont dû lui paroître y tenir de plus près, & fe rapprocher davantage de fes vues. Elle lui a adjugé le prix. Ce Mémoire, recommandable d’ailleurs par une grande précifion , avoit décélé d'avance, dans fon Auteur, un Chymifte habile , un Ecrivain exercé dans les matières économiques, un Citoyen zélé & ami de l’huma- nité. Son billet ouvert, a nommé M. Parmentier (1). L'Académie ne s’eft point permis de chercher à favoir le nom de celui qui lui avoit difputé la palme; & elle n'ouvrira fon billet qu'autant qu'il défirera d'être connu: mais elle a cru lui devoir la juftice de ne point le priver de l’avantage de pouvoir être encore utile à fa Patrie , par la partie de fon travail qui lui eft propre : elle a délibéré de la faire imprimer à la fuite du Mémoire couronné. Avec cet Auteur , on s'inftruira complettement de l'hifoire naturelle (1) Cenfeur Roval , Membre du Collège de Pharmacie, à Paris, &c. Tome XXVI, Part, I, 1785. AVRIL. Rr2 316 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, du maïs , & des différens noms que les Botaniftes ou divers Peuples luf ont donnés; on jouira d'une defcriprion lumineufe & étendue de cette plante; on obfervera fa formation, fes progrès, fa fécondation, les variétés de fes efpèces, routes les périodes de fa durée , & enfin fes rapports avec quelques autres végétaux. Avec lui, on s'éclairera fur la manière & le tems de femer le maïs dans les différens climats ; on verra le choix à faire des terres & des fituations qui lui conviennent ; on fe réglera fur la méthode la plus avantageufe de le labourer ; on empruntera des divers Pays les meilleures pratiques pour fa culture ; on s’occupera avec intelligence dé l'éducation de la plante, de ces foins vigilans qui fecondent le développement du germe, l'accroif- fement , la produétion, & tout le travail de la nature. Avec M. Parmentier, on paflera à l'analyfe chimique de ce grain ; on cherchera à connoître fes parties conflituantes; & on fe perfuadera que cette connoiflance peut non-feulement éclairer fur l’art de le conferver & de lé moudre, mais encore aider à étendre les reffources qu'on peut en tirer. Fixé fur cette connoiïfflance, on fentira qu'avant de fonger aux moyens qu'il faut employer pour le conferver, il eft important de faire attention aux circonftances qui ont précédé & fuivi la récolte, & que c’eft l'écar, plus ou moins parfait , où fe trouve le grain après qu'il a été coupé & tranlporté dans la grange , qui doit régler les efpèces de foins qu'il eft néceflaire de mettre en ufage, Ces différens foins pour la confervation du maës , ( foit en épi, foit en grain , foit en farine ) les différentes précautions qu'ils exigent, on s'en inftruira en détail avec M. Parmentier ; on pefera avec lui les raifons qui doivent les déterminer chacun, fuivant Les tems , les lieux & les climats; on confultera les circonftances qui doivent décider à l’une de ces manières de conferver le maïs, par préférence aux autres. On fe convaincra fur le tout, qu'en général , & de quelque façon qu'on veuille conferver ce grain , il faut choilir le local le plus fec & le plus au nord, parce que les ennemis les plus à redouter pour fa confervation, font la fermentation & les infectes , & que là où il n’y a ni chaleur, ni humi- dité, il n’y a ni infectes ni fermentation à craindre ; & l’on cherchera à fe confirmer avec l’Auteur, par l'expérience, fi la manière la meilleure pour le conferver ne feroit pas de le conferver en farine, pourvu qu'il ait été égrainé en tems convenable, qu’on l'ait ainfi gardé aflez long-tems pour completter fa deflication , & pourvu que la farine en foit conflamment renfermée dans des facs, propres, ifolés de toutes parts, & placés dans des endroits frais. Avec M. Parmentier, fi l'on cherche enfuite les différens ufages auxquels on peut employer les parties conftituantes du maïs , indépen- damment des ufages connus, on verra qu'à la vérité le peu d’amidon que ce grain renferme, & le peu de parties colorantes qu'il contient, ne peuvent, fous ces rapports, le rendre d'un grand fecours pour au- SUR L'HIST. NATURELEE ET LES ARTS, 317 cun des différens arts : mais on verra que, par différens procédés, on peut en retirer des boiflons utiles ; que foumis au travail du Bouilleur, du Brafleur , du Vinaigrier, on peut en obtenir des boiffons analogues à l’eau-de-vie, à la bière & au vinaigre, & qu'il fourniroit aufi de la drèche, aufli facile à préparer que celle de l'orge, & dont la Guienne. pourroit tirer parti pour la confervation de fes Mate- dots. On le verra, fous le rapport de la nourriture, mériter, par plu- fieurs confidérations , d'être fubftitué à l’avoine & au farrazin, dans les différens ufages que l'on fait de ces graminées ; offrir à l'homme, dans l'état de maladie, des reflources propres à remplir les mêmes in- dications que les gruaux, & remplacer même avec avantage les femou- les; chez un Vermicellier intelligent , préfenter un bon vermicelli ; chez le Boulanger, offrir encore, pour approvifionner les bâtimens, dans les tems où les bleds feroient chers, du bifcuit qui auroic les ca- ractères généraux du bifcuic ordinaire, & qui feroit peut- être capable de braver également les influences de la mer & les voyages de long cours (1), On verra ce bifcuit de mais, réduit en poudre alimentaire, ménager d'avance des reflources utiles contre les fuites de La férilité, & contre les malheurs de la difette. A la fuite de ces détails enfin , fe préfenteront à cette portion d’hom- mes qui s'alimentent de pain de maïs, ces procédés, pour en perfec= tionner la fabrication dont M. Parmentier , fenfible à leurs befoins & à leurs vœux , leur a particulièrement confacré le travail. C'eft ainfi que l'Académie, en réuniflant ces deux ouvrages, aura la fatisfation de préfenter dans leur enfemble , à fes concitoyens , un Traité prefque complet fur le sais, & de les mettre à même, ou de mieux fentir toute l'utilité de cette plante, & les avantages de fa cul- ture, ou de s'occuper de nouvelles recherches, pour en étendre ou perfectionner les reflources, IL, Quaor à la queftion concernant le /e&i-minélio, l'Académie n'ayant reçu, depuis le premier concours , aucun ouvrage qui ait pu la faris- faire , elle a abandonné ce fujet; & le prix extraordinaire qui lui avoit été deftiné, a été retiré. ; Elle propofe pour le Prix qu'elle aura à diftribuer en 1786, la Quef- tion fuivante : Exifle-t-1l entre les végétaux & les minéraux , une ana- logie fenfible , & telle que par l'infpeétion feule des plantes qui croif- Jent naturellement dans un terrein , on puiffe reconnoître , foët La qua- lité des terres, foit Les efpèces de minéraux qu’il peut renfermer? Elle prévient ceux qui voudront traiter ce fujet , que fans rejerer abfo- lument les théories générales , elle accueillera avec plus d’intéréc Les (1) M. Parmentier ayant envoÿé des effais de ce bifcuit à l’Académie; elle a cru devoir Les foumettre à cette épreuve, & elle en attend le retour, » 318 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, ouvrages qui lui préfenteront le plus grand nombre de faits décififs , 8 d’obfervations Les mieux conftatées ; & qu’elle défire qu'ils ne faflent ufage, autant qu'ils le pourront , que des noms de Linné & de Tournefort pour la partie Botanique, & des noms de #allerius & de Cromfledt , pour ce qui regardera la Minéralogie. Elle renouvelle l'annonce qu'elle tient toujours ouvert le concours qu'elle a propofé pour l'Eloge de Monrefquieu : Ec que les Prix qu’elle aura à diftribuer en 1785, font deftinés, Pun (Prix fimple courant) à cette queltion : Peut-il y avoir des circonfances où Le bien public exige qu’on géne ou qu’on limite tel ou tel genre de culture ? L'autre (Prix extraordinaire fourni par M. de Canterac d'Andiran ) à VEloge d’ Armand de Gontaud, Baron de Biron, & Maréchal de France, Jous Henri 1}, j Les Prix fimples & ordinaires, fondés par M.le Duc DE LA FORCE , font une médaille d'or, de la valeur de 300 livres : les donbles font compofés d'une pareille médaille, & d’une fomme de 300 livres en argent. L'Académie ne reçoir les Pièces au Concours, que jufqu’au premier avril de chaque année , lorfqu'elle n'a pas fixé d'autre terme aux Auteurs, Elle rejette celles qui fonrécrites en d’autres langues qu'en François ou en Latin, & celles donr les Auteurs fe fonc connoître, directement ou indireftement. Ils doivent feulement mettre une épigraphe à leurs Ouvrages, & y joindre un billet cacheté, qui contienne leurs noms, leurs qualités & leurs adrefles, & fur lequel la même épigraphe foit répétée: Les paquets feront affranchis de port, & adreflés à M. nr LAMON- TAIGNE, Confeiller au Parlement, & Secrétaire perpétuel de l'Académie, Scriptorum Latinorum de Anevryfmatibus colle“io, c'efZà-dire, Colle&ion d'Ouvrages Latins fur les Anevryfmes ; éditée par M. Tomas LauTH , Doëeur en Médecine, & Profeffeur public, qui a compofe la Préface, À Strafbourg , aux frais d'Amand Konig, Libraire, 1785, in -4°. de 663 pages fans la Préface, beau papier , beau caraétère, avec 15 Planches gravées en taille-douce. Amand Konig, père, Libraire de Strafbourg , fort inftruit , & pofleffeur d’un riche magafn, crut utile au Public de recueillir les principaux écrits qui ont paru féparément en Latin, fur les Anévryfmes. Il fe propofoit de les faire imprimer quand la mort vint l'enlever. Son fils, qui n'a pas moins hérité de fon mérite que de fa fortune, a mis ce projet à exécurion. Il a chargé du foin de l'Edition M. Lauth , digne difciple de feu Lobflein, & qui remplit de la manière la plus diftinguée une chaire de Profefleur à Strafbourg. Ce favant Médecin y a joint une Préface excellente, qui renferme un abrégé très-concis de la doétrine fur les Anévryfmes. Les Ouvrages qui compofent cette collection, font ceux de Lancifr, À SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 319 Guattani, Matani, Werbugge, Weliinus , Trew, Murray & Afman. C'eft faire l'éloge du Recueil que de nommer ces favans Auteurs, & c’eft aflurément avoit rendu fervice au Public, que de les avoir raffemblés, Franzrus, (Joan. Grorcrus FreDpzrrcus) Phil. & Med. D. De Afparago ex Scriptis Medicorum veterum, 4 Leipfick, chez Sommed , in-4°. de 42 pages. Cette Monographie eft fortie de la plume d'un Savant très-verfé dans la le@ure des anciens Médecins Grecs & Latins. Le Docteur Franzius donne ici un échantillon de fa vafte érudition. Sa Diflertation fur - l'Afperge offre tout ce que les Boraniftes & les Pharmacographes de l'antiquité en ont dit de plus intéreflant. Plufieurs paflages difficiles à comprendre fontéclaircis ; il concilie notamment Pline avec Diofcoride, qui fembloient fe contredire , examine la nature de l’afperge , en détaille les différentes efpèces, dont Théophrafle , Diofcoride, Matrhiole, Pline & les autres Phytographes anciens, font mention, I] s’étend parti- culièrement fur les propriétés attribuées à l'afperge par l'antiquité la plus reculée. Dix-huit paragraphes font confacrés à l’afperge, dans lefquels M. le Profeffeur Franzius nous fait connoître l'utilité de cetre plante dans l'économie , la médecine & la chirurgie. On la recommandoit & on l'employoit contre la phrénéfie, la néphrétique , le piffement de fang , lhydropilie , l'éléphantiafs, la mélancolie, l'ophtalmie , l'odontalgie, les douleurs de la poitrine & de l’épine, les palpitations de cœur , la {ciatique, la jauniffe, la dyfflenterie , la ftrangurie, la dyfurie & les douleurs in- teftinales. IL faut lire dans l'Ouvrage même la manière particulière de fe fervir de ce remède fimple & fes principales indications. C'étoit ordi- nairement l’afperge fauvage que les anciens mettoient en ufage dans la Médecine, Ils la regardoient comme beaucoup plus aétive que la cultivée. M. Franzius termine fa Difertation en indiquant encore quelques autres ufages de l’afperge chez les anciens. Ils l'employoient comme aphrodi- fiaque, & croyoient qu’elle concouroit à donner de la beauté ; les très-anciens Chirurgiens s'en fervoient dans les luxations, & Ætius la vante comme un excellent difcuflif. Nous aflurons que ce Traité fait infiniment d'honneur à M. le Dodteur Franxius, Lil 320 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE; TABLE Des ARTICLES CONTENUS DANS CE CAHIER, Moyen Simple de deffécher les Larves pour les conferver dans Les Colle&ions Entomologiques à côté des Infeétes quelles pro- duifent ; par M. D'ANTIC, page 241 Sur l'Emphysème artificiel opéré avec différentes fortes d'air ; par M. ACHARD, 244 Obférvarion fur des fruits prolifères de Meléze ; par M. REYGNIER, Membre de la Société des Sciences Phyfiques de Laufanne, 2$4 Obfervations fur là quantité de chaleur fpécifique des corps folides , & fur la manière de La mefurer ; par M. Wiccke. Traduit du Suédois, par M. le P. DE W, de l'Académie de Dijon, 256 Seconde Lettre à M. l'Abbé MonGEz, par M. HETTLINGER, fur une Phalène hermaphrodite , 2638 “Analyfe d'une nouvelle efpèce de mine de Bifmuth terreufe, folide , recouverte d'une efforefcence d'un verd-jatnätre ; par M. SAGE , 271 Suite de la Differtation fur les Couleurs accidentelles ; par M. CHARLES SCHERFFER , QE Objfervation fur les Couleurs accidentelles ; par M. ÆPINUS, 201 Suite des Extraits du Porte-feuille de l'Abbé DiCQUEMARE, Cétaces. Calcul ou Pierre trouvée dans l'utérus d’un Marfouin , 294 Mémoire fur des Fontaines périodiques irrégulières ; par M. ALLUT , de la Société Royale de Montpellier , de l’Académie de Dijon, &c. 29$ Nouvelles Littéraires , 303 —— APPROBATION, Jar lu , par ordre de Monfeigneur le Garde des Sceaux , un Ouvrage qui a pour titre: Obfervarions fur La Phyfique, fur l Hifloire Naturelle & fur les Arts, êc. par MM. Rozier & Moncez le jeunt , &c. La Colle&tion de faits importans qu’il offre périodiquement à fes Le&teurs , mérite l’attention des Savans ; en confé- guence , j'eftime qu’on peut en permettre l’impreffion. À Paris, ce 16 Avril 1786. VALMONT DE BOMARE, . EU 75 : ” Avril 12786 Jleller d, en ee om Éd R — — as { » F + EE 20 ess 2 Ge à on np mo mer à @ ; SR NA cit or She gs pre daté vb épis hdi st d'a, PE re Er ie TS L La ' PT Avr 1786, Seller d, | 1 JOURNAL DE PHYSIQUE. | | DIV APT, | 1762. | MÉMOIRE SUR L'ACIDE MARIN DÉPHLOGISTIQUÉ,. Lu à la Séance publique de PAR des Sciences du 6 Avril1785 ; Par M. BERTHOLLET. M. ScHEELE fit connoître en 1774 la propriété qu'a la manganèfe de changer l'acide marin ordinaire en acide marin déphlogiftiqué; il regarde la manganèfe comme une fubftance très-avide de phlogiftique, & il penfe qu'elle enlève ce principe à l'acide marin, qui fe réduit alors en un gaz jaunâtre qui s'unit difficilement à l'eau , & qui diflout tous les métaux , fans excepter l'or & le mercure ; il croit que cet acide eft beaucoup plus efficace fous [a forme de gaz, que lorfqu'il eft uni à l'eau ; il prefcrit donc de Le recueillir dans des vafes cylindriques adaptés fucceflivement au bec de la cornue, & bouchés enfuite avec foin. Selon lui, cet acide diffour les terres & les alkalis, & forme avec ces fubftances, ainfi qu'avec toutes les fubftances métalliques , des fels femblables à ceux que forme l'acide marin, Cette propriété qu'ont les alkalis de former avec l'acide marin déphlo- giftiqué des fels abfolument femblables à ceux de l’acide marin ordinaire, devoit être embarreffante à expliquer dans l'opinion de M. Scheele, adoptée par M. Bergman. 1 falloit fuppofer dans les alkalis un peu de principe inflammable qu'ils rendoient à l'acide marin déphlogiftiqué fans éprouver eux-mêmes par cette perte aucune altération dans leurs propriétés. Telles font les principales notions que nous avons jufqu’à préfent fur l'acide marin déphlogiftiqué; mais les découvertes importantes fur la nature de l'eau & fur l'origine du gaz inflammable, dont la chimie vient de s'enrichir, doivent engager à rappeller à un examen plus exact plufieurs faits fur lefquels on ne pouvoit avoir jufqu’ici que des opinions lus ou moins vraifemblables. J'ai donc profité des découvertes nouvelles pour mieux approfondir Tome XXVTI, Pare, I, 1785. MAL, 382 2 OBSERTA TIONS SUR LA PHYSIQUE;::% là nature de l'acide marin déphlogiftiqué , & donner plus de développe ment à fes propriétés, Je me fuis d'abord afluré que cer acide fous forme de gaz fe combinoît à l'eau un peu plus facilement & plus abondammenc que l'acide crayeux ; j'ai après cela cherché à en faturer l'eau de la façon la moins embarraflante, & fans m'expofer à le refpirer, car il eft fuffoquant. Je mets pour cet objet quatre onces d’acide marin fumant & une’once de manganèfe pulvérifée dans une cornue tubulée-à laquelle j'adapte premièrement un flacon vuide , & enfuite fucceflivement, à la manière de M. Foulfe ; troissautres flacons prefque remplis d'eau diftillée; tous Les Aacons font environnés de glace. Les vapeurs jaunes commencent à fe dégager abondamment fans le fecours du feu ; lorfqu'elles fe ralen- tiffent, je mets du feu fous la cornue , jufqu'à ce qu'il cefle d'en pañler. Lorlque l'eau eft faturée , le gaz prend une forme concrète, & dans cet érat il defcend peu-à-peu au fond de la liqueur, en forre que fa pefanteur fpécifique eft un peu plus grande que celle de l’eau farurée. Celle-ci eft à l’eau diftillée, le thermomètre érant à $ degrés au-deflus de la glace feulement, dans le rapport de 1003 à 1000. À la plus douce chaleur, cette fubftance concrète s'élève en bulles, & fait efforc pour s’échapper en, gaz. = L'acide marin déphlooifliqué que j'ai principalement examiné dans J'érat de liqueur, a une faveur auftère & qui ne reffemble pas à celle des acides, MM, Scheele & Bergman ont obfervé qu'il blanchifloit les couleurs végétales : il produit cet effet que j'analyferai plus bas, fans les faire pailer par le rouge à la manière des acides, il ne faic point d'effer- vefcence avec les alkalis fixes ni avec la terre calcaire, cependant il contracte avec eux quelqu’union; car lorfqu'il leur eft mêlé en pro- portion convenable » il perd fon odeur & fa couleur; fi on ajoute du vinaigre à ce mélange, l'effervefcence fe produit, & l'odeur de l'acide marin, déphlooiftiqué reprend toute fa vivacité; pareillement il ne fe combine point avec la chaux à la façon des acides, quoiqu’on ait mis un excès d’alkalis avec cette liqueur , elle ne laiffe pas de détruire les couleurs des végétaux, & même elle produit mieux cet effet lorfqu'on y mêle la quantité d’alkali qui lui Ôte fa teinte jaune , & qui fuffroit pour faturer l'acide déguifé. L'on voit donc que l'acide marin déphlogiftiqué ne préfente plus les propriétés caractérifliques des autres acides, & qu’à la rigueur il ne doit pas être placé dans leur nombre, lorfqu'on n'em- ploie point de chaleur ni d'intermède propres à le décompofer. J'ai fait bouillir dans une cornue à l’appareil pneumato-chimique un mélange d’alkali minéral & d'acide marin déphlogiftiqué , il f'eft dégagé beaucoup de gaz, dont une grande partie étoit de l'air fixe, & l'autre partie étoit d'abord de l'air atmofphérique, & enfuite de l'air plus pur que celui-ci, mais les dernières portions n'étoient prefque que de l'air fixe. Avec la chaux ilene fe dégage point d'air fixe, mais de l'air "4 | | ts .SUR\L'HIST, NATURELLE ETES. ARTS. 323 atmofphérique qui s'approche peu-à-peu de l'air déphlogiftiqué ,.& qui finit par être de l'air déphlogiftiqué très-pur : l'air Gxe-de la-première expérience eft donc fourni par l'alkali, comme il l'eft dans les effer- vefcences : l'air atmofphérique eft dû à l'efpace qu'on eft obligé de laifler vuide dans l'appareil, & l'air déphlogiftiqué à l'acide marin; je n'ai pu encore déterminer avec précifion la quantité qui s'en. dégagé. Le fel que l'on trouve dans la cornue eft exactement femblable au el marin, & cela rend raifon de l'obfervation de MM. Scheele & Bergman fur l'identité des fels neutres formés par l'acide marin déphlogiftiqué & ceux de l'acide marin ordinaire. J'ai calciné à grand feu de la manganèfe dans un appareil pneumato- chimique, j'en ai rétiré, comme on l’avoit déjà obfervé, une grande quantité d’air déphlogiftiqué ;.elle a perdu un huitième de fon. poids. Dans cer état.je l'ai traitée avec l'acide marin, & j'en ai retiré beaucoup moins d'acide marin déphlogiftiqué. : : C'eft donc à l'air déphlosiftiqué de la manganèle ‘qui fe combine avec l'acide marin, qu'eft due la formation de l'acide marin déphlogiftiqué. Je dois avertir que cette vérité a été preflentie & annoncée depuis long-tems par M. Lavoifier , c'eft l'air déphlogiftiqué qui déguife les propriétés de cet acide, & lui donne toutes celles qui le diftinguent:il les perd, dès que ce principe fe fépare de lui. , Mais l'air déphlogiftiqué elt fi foiblement.combiné avec l'acide marin qu’il s’en fépare très-facilement pour s'unir aux fubflances avec lefquelles il a quelqu’affnité, & même beaucoup.plus facilement & plus! prompte- ment que dans l’état élaftique, parce que le. pringipe qui! lui. donne l'elafticité et un obftacle à fes combinaifons. De-là vient que.je; n'aiipu combiner directement J'air, déphlogiftiqué avec -l'acidé marin enles agitant enfemble. C’eft donc de la facilité avec laquelle l’air déphlogiftiqué quitte l'acide mario pour former d'autres combinaifons, que l'on doit déduire les propriétés de l'acide marin déphlosittiqué dont je vais donner. une defcription fuccinéte. { J’avois prouvé (1) que dans le fublimé corroff le mercure fe trouve uni à l'acide marin déphlogiftiqué , au lieu que dans le précipité blanc . il eft uni à l’acide marin ordinaire, Jai donc penfé qu'en verfant de la diffolution nitreufe de mercure dans l'acide marin déphlogiftiqué, il ne devoir point fe former de précipité blanc , mais du fublimé corroff, & ma conjecture s'eft vérifiée. Si l’on mêle quelques gouttes d'acide marin ordinaire dans l'acide marin dépblogiftiqué, il fe forme du précipité blanc , lorfqu'on y verfe de la diffolution nitreufe de mercure ; de forte (1) Mém. de l'Académie, de 1780. Tome XXVT, Part. I, 1785. MAI. Sf 2 324 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE; que cette épreuve eft propre à faire connoître s'il a paflé de l'acide marin avec l'acide marin déphlogiftiqué ; de même l’on n’a point de précipité blanc , en mêlant la diflolution mercurielle avec les proportions convenables d'acide marin déphlogiftiqué & d’alkali fxe, mais lorfque ce dernier mêlange a été évaporé au feu, & que par conféquent il a perdu de fon air déphlogiftiqué , il fe forme du précipité blanc. L'acide marin déphlopiftiqué fe conduit tout autrement avec l'alkali volatil qu'avec l'alkali fixe. L'effervefcence a lieu , même lorfque l'alkali volatil eft cauftique , parce qu'il fe produit un gaz particulier, mais elle eft moins confidérable; le fel ammoniacal qui réfulte immédiatement , n’altère pas les couleurs, & eft femblable au fel ammoniac ordinaire ;. mais cette différence de l’alkali volatil avec l'alkali fixe, dépend d’une combinaifon qui fe forme dans linftant entre l'alkali volatil & l'air déphlogiftiqué , combinaifon qui a épalement lieu dans d’autres circonf- tances , comme je ne tarderai pas à le faire connoître. L’acide marin déphlogiftiqué diffour le fer & le zinc fans effervefcence, fans qu'il fe dégage aucun gaz : il ef donc vrai, comme l’a prétendu M. Lavoifrer , que ces métaux ne contiennent point de gaz inflammable, qu'ils ne perdent rien quand ils fe diflolvenc dans les acides ou dans les alkalis, mais qu'ils ont au contraire befoin de s'unir à de l'air déphlo- oiftiqué pour pouvoir être tenus en diffolution. Ce fait confirme l'opinion deM. de la Place qui a apperçu le premier que le gaz inflammable des diflolutions métalliques étoit dû à la décompofition de l'eau , comme celui qui fe dégage dans la décompofition de ce fluide par le moyen du fer dansila belle expérience de MM, Lavoifier & Meunier. Les chaux de fer, comme on peut le voir dans les Elémens de Minéralogie de M: Kirwan , paflent par les gradations fuivantes, felon qu'elles font, comme on dir, plus ou moins déphlogiftiquées , le bleu, le verd, le brun , le rouge , le jaune & le blanchâtre ; fi l'on fe fert de l'acide marin déphlogifliqué concentré pour difloudre le fer, il donne un précipité blanchâtre avec l’alkali; fl au contraire on met le même acide étendu d’eau fur ce métal, il prend une couleur bleue, & la partie qui s’en diffour donne avec l’alkali un précipité bleu; fi l'on verfe du même acide fur ce précipité, on le voit bientôt pafler au verd, au brun, au rouge, & enfin à un jaune clair; de forte que ces couleurs ne dépendent que de la quantité d'air déphlogiftiqué qui s’unit au fer. On donne promptement par le moyen de l'acide marin déphlogifti- qué aux chaux bleues de cuivre une couleur verte pareille à celle qu'elles prennent , lorfqu’elles font long-tems expofées à Pair. J'ai déjà dir que les couleurs végétales détruites par cet acide n'étoient point rétablies par Îes alkalis, & même que’les alkalis fixes mélés à la liqueur favorifoient leur deftruétion ; parmi ces couleurs celle du firop violat , eft détruite à l'inflant, celle du tournefol pæeillement ; mais il 7 SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 325 refte à cette dernière une foible nuance de jaune , ainfi qu’à la partie colorante du bois de fernambouc. Les parties vertes des plantes font quelquefois réduites au blanc, d’autres fois au jaune, elles prennenc quelquefois une teinte rougeûtre : enfin , elles éprouvent promptement des changemens parfaitement analogues à ceux que l'air produit natu- rellement fur elles, & les feuilles des arbres toujours verds réfiftent long- tems à l’action de l'acide marin déphlogiftiqué, & n'y prennent que la teinte jaune que l'air peut leur donner. Les altérations que l’air produit fur les couleurs dépendent donc de ce que l'air déphlogiftiqué fe combine avec les parties colorantes plus ou . moins facilement, & en quantité plus ou moins grande; ce qui le prouve encore, c'eft que lorfqu’on a détruit par le moyen de l'acide marin déphlogiftiqué toute la quantité de parties colorantes qu'il peut attaquer , il perd toute fon odeur & les propriétés qui le diftinguoient ; l'expérience eft fur-tout remarquable avec l'indigo : il faut que l'eau foit faturée d'acide pour avoir de l’aétion fur cette fubftance, & il en faut une proportion confidérable : lorfque la liqueur a épuifé fon action, elle ne détruit plus la couleur du firop de violettes , mais elle la rougit, elle n'eft plus que l'acide marin ordinaire, I me paroît qu'on peut rendre raifon par-là de ce qui fe paffe lorfque les plantes privées de la lumière s'étiolent & blanchiflent, & qu'on peut expliquer pourquoi les plantes expolées au foleil donnent de l'air déphlogiftiqué , felon la belle obfervarion de M. Irgen-houfe, & pourquoi elles ne donnent que de l’air vicié étant à l'ombre ; l'air déphlo- giftiqué qui devoir fe dégager des plantes par la décompofition de l’eau dont le gaz inflammable entre probablement dans la compofition de leurs parties huileufes & réfineufes , fe fixe avec les parties colorantes, lorfque les plantes font dans Pobfcurité, & ces parties éprouvent le même chan- gement que produit en elles l'acide marin déphlogiftiqué ; mais lorfque les plantes font expofées à la lumière , l'air déphlogiftiqué fe dégage au lieu de fe combiner , probablement parce que la lumière fe combinant elle- même avec l'air déphlogiftiqué, elle le réduic fous forme élaftique. J'efpère que ces dernières expériences pourront contribuer au progrès des arts, & principalement de celui de la teinture , en donnant le moyen de découvrir d'une manière prompre & facile les qualités des parties colorantes qu'on emploie ou dont on veut introduire l'ufage. En général , Vacide marin déphlogiftiqué pourra produire & faire connoître dans quelques inftans , ou au plus dans quelques heures , les effers que l’air ne doit produire que dans un long efpace de rems ; ainfi la toile qui a féjourné quelques heures dans Jes proportions indiquées d’acide marin déphlogiftiqué & d’alkali fixe, a pris un blanc femblable à celui qu'on peut lui procurer par l'expofition à l'air dort on fait ufage dans le blanchiment ordinaire. 3»8 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, * a — REMARQUES | Sur la Mangoufle , ou TIchneumon d'Egypte ; Par M. Sonninr De MaAnoncour. ON a beaucoup écrit fur la Mangoufte, & l’on en a écrit beau- coup de fables : elle éroit adorée dans quelques villes de l’ancienne Egypte, & il éroit généralement défendu d'en tuer, objet de la fu- perftition chez un Peuple célèbre, prétendue protectrice du plus beau Pays du monde, contre un fléau des plus terribles; étrangère & in- J connue dans nos climats, que de motifs pour produire le merveilleux! La plupart des voyageurs l'ont vue fans l'examiner, & l'efprit prévenu par les contes débirés à fon fujer, ils les ont copiés fucceflivement dans leurs relations. C’étoit au flambeau de la critique, guidé par le génie de M. de Buffon, qu'il étroit réfervé de difiper une foule d'er- reurs qui obfcurcifloient l'Hiffoire Naturelle en général, & celle de la Mangoufte en particulier. Je ne répéterai poine ici ce que l’on peut lire avec infiniment plus d'intérèc dans l'Ouvrage de ce Naturalifte fublime ; mais comme j'ai été à portée d'obferver & d'obferver plei- nement la Mangoufte dans fon pays natal & dans l'état de liberté, je. tracerai rapidement le précis de mes remarques fur ce quadrupède, & je tâcherai de fixer l'opinion que l'on doit avoir de fon utilité, en ré- duifant à leur jufte valeur des fervices que l’on a tant vantés & en- core plus exagérés. Avec de grandes difpoftions à s'apprivoifer , les Mangouftes ne font point domeftiques en Egypte ; non-feulement on n’en élève point dans les maifons, mais les habitans n'ont pas même le fouvenir que leurs pères en aient élevées ; il eft donc vraifemblable que celles que Belor & Profper Alpin aflurent avoir vues réduites en domefticité, n’étoient que quelques individus nourris plutôt par curiofité que pour l'utilité; car fi elles chaflent aux rats, elles fe jettent aufi fur les volailles ; & par-là, elles compenferoient de refte le bien qu’elles pourroient faire | en purgeant les maifons d'animaux nuilfibles, que les chats détruifent lus fürement & avec moins d’inconvéniens, | Affez femblables pour les habitudes aux belettes & aux putois , elles a £e nourriflent de rats, d'oifeaux, de reptiles, &c, &c. Elles rodent 4 autour des habitations, elles s'y gliffent mème pour furprendre les pou- les, & dévorer les œufs. C'eft ce goût naturel pour les œufs qui les porte à fouiller quelquefois dans le fable, pour y découvrir ceux que EUR, PS 1 EE D Ps CRETE . SUR L’HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 327 les crocodiles y dépofent , & c’eft en quoi confifte tout le mal qu'elles Jeur font. On rit actuellement, & l'on a grande raifon, Jorfqu'on lit que, s'élançant dans la gueule béante de ces monftres, elles fe glif- fent dans leur ventre, & n’en fortent qu'après leur avoir mangé les entrailles (1). Si quelques-unes fe font élancées avec fureur fur des petits crocodiles qu'on leur préfentoit (2), c'étoit l'effet de leur goût pour tous les reptiles, & nullement celui d'une haine particulière, ou d'une loi de la nature, en vertu de laquelle elles auroient été fpé- cialement chargées de s’oppofer à la propagation de ces amphibies, ainfi que bien des gens l’avoient imaginé (3). Il eût été tout au moins auf raifonnable de dire que la nature n'avoit placé les Mangouftes fur la terre , que pour empècher la trop grande multiplication des poules auxquelles elles nuifent en effet beaucoup plus qu'aux crocodiles. Ce qui prouve d'autant mieux que les hommes ont eu tort de prêter une pareille attention à la nature au fujer des Mangouftes, c’eft que, - dans la moitié feprentrionale de l'Egypte, c’eft-à-dire, dans cette par- tie comprife entre la mer Méditerranée & la ville de Sous, elles font très-communes, quoiqu'il n’y ait point de crocodiles, tandis qu’elles font plus rares dans l'Egypte fupérieure, où les crocodiles font à leur tour trèssnombreux, Elles ne font nulle-part plus multipliées que dans la baffe Esypte, qui plus cultivée, plus habitée, plus humide & plus ombragée , offre plus abondamment de quoi fournir à leur chaffe & à leur nourriture ; &, je le répète, les crocodiles n’y paroiffenc jamais. , Qu'il me foit permis ici de relever uné erreur qui ne feroit d’aucune importance dans un voyageur moins accrédité que M. Shaw , ce fera une preuve à ajouter à tant d’autres, de la défiance & du difcerne- ment que ceux qui parcourent des pays éloignés doivent avoir toutes les fois que, ne pouvant obferver eux-mêmes , ils s’en rapportent à des informations fi fouvent fautives. « Les Egyptiens, dit-il, connoiffent » très-peu le véritable crocodile, qu'ils appellent simfah , & qu'il eft > fi rare de trouver au-deffous des cataractes du Nil, que les Eoyptiens » ne font pas moins curieux den voir que les Européens (4) ». Le (1) Maillet, Jauna & d’autres. (2) Defcript. de l'Egypte, par M. Maillet, part. 2, page 34. (3) Voyez la defcript de l'Egypte & l’endroir cité. Voyez encore l’Hifloire de Chypre, de Jérufalem, & d'Egypte, par le Chevalier Dominique Jauna , tome z, Etat préfent de l'Egypte , page 1230, & remarquez que ce dernier, prefqu’en tout copilte fidèle de Maillet, a renchéri en ceci fur fon modèle, en ajoutant d’autres fables à celles qu’il tranfcrivoit, C’eft de cette manière que des Voyageurs fe font permis d'écrire d’immenfes in-4°. (4) Tradu&, des Voyages de Shaw, tome 2, page 167. 328 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, Docteur Shaw, qui n'a pas été plus loin que le Caire, a adopté un peu légèrement une aflertion qui contredifoit le témoignage de ceux qui l'avoient précédé ; en s'adreflant mieux, il eût appris que l'Egypte fupérieure eft infeftée de crocodiles aufli véritables que nombreux. Ce n'eft pas, au refte, la feule erreur d'hiftoire naturelle que j'ai eu oc- cafion de remarquer dans l'Ouvrage de ce voyageur très-favant & très- éclairé d’ailleurs. L'antipachie pour le crocodile , fauffement attribuée à la Mangoulte, et réellement un fentiment inné dans un animal d'un tout autre genre, Il eft arrivé en ceci ce qui fe pafle fous nos yeux dans plus d'une affaire ; tandis que l'on faifoit honneur à la Mangoufte de s'occuper continuel- lement d'une guerre rigoureufe contre les crocodiles; c'éroit une ef- pèce de tortue du Nil, qui, en leur portant des coups plus aflurés , mais en même-tems plus ignorés, travailloit à leur deftruétion, Lorf- que les petits fonc éclos, & qu'ils gagnent le fleuve, cette tortue fe jette fur eux & les dévore ; chaque jour quelques-uns deviennent fa proie, & ce n'eft que le plus petit nombre qui parvient à lui échapper. M. de Muiller ne l'a pas ignoré, mais il n’a pas jugé devoir s’en rappor- ter au témoigagne des gens du pays , quoique préférable, lorfqu'il s'agie de faits aufli généraux que celui-ci. « Je fais, dit ce Conful, que quelques-uns prétendent que cet animal ( l'ichneumon) n’ef? autre chofe qu'une efpèce de tortue blanchätre, que les Arabes appellent Cerf ; (c'eft Thirfé, nom générique des tortues en arabe. ) I/s difene que par un inflinét naturel, elle épie le crocodile , lorfqw’il va faire Jés œufs, & les enterre daïs le fable, & que, dès qu'il eff retiré, elle va les chercher pour les caffer & les manger Mais fans par- ler de la figure que Dapper nous a donnée de l'ichneumon , qui ne convient nullement. à la tortue, tant de repréfentatiuns en pierre qui nous reflent de cet animal , & dont plufieurs font accompagnées de detires hiérogliphiques , ne laiffent aucun lieu de douter que ce ne Joit ce que l'on appelle rat de Pharaon n. Cela veut dire feulement que l’on ne doit pas douter de l’exiftence de l'ichneumon , & perfonne ne l’a conteñé. « C’efl, continue-t-il, une efpèce de petit cochon fau- vage fort joli & trés-aifé à apprivoifer, qui a le poil hérif[é comme un porc-épic ( 1)». Voilà ce rat métamorphofé ‘en petit cochon, &c. &c. L'on conviendra que de pareilles autorités ont bien peu de poids en hiftoire naturelle. Cette efpèce de tortue ne fe trouve que dans le haut du Nil, où les crocodiles font confinés, Pour donner une idée du fuccès avec le- quel ce Thirfé des Egypriens & des Nubiens fait la guerre, je rap- om, (7) Deftript. de Egypte, part, 2 , pages 33 & 34s porteraÿ DS SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS, 329 porterai une obfervation qui m'a été aflurée par quelques perfonnes de la Thébaïde, que, dans d'autres circonftances, j'ai reconnues pour véridiques : c'eft que l’on a été une fois à portée de remarquer que de cinquante petits crocodiles , nés de la même ponte, fept feu- lement avoient échappé au shirfe. C'eft donc à cer animal que l'Egypte eft redevable d'une diminution très-fenfible dans une efpèce de reptiles aufli hideux par leurs formes, que funeftes par leurs incli- nations féroces ; fous cet afpett , il auroit mérité, à plus jufte titre , que la Mangoufte, d'être le dieu des Egypriens, & la merveille des Écrivains. Mais il faut que cette efpèce précieufe de teftacées ait auffi fes en- nemis, car elle n’eft point aufli multipliée qu'elle devroic l'être, vu la fécondité de ce genre. Ne pourroit-on pas en accufer la Mangouf- te, qui, par fon avidité pour les œufs , rechercheroïit dans le fable ceux que les tortues y cachent, de même que les crocodiles : elle de- viendroit alors favorable à ceux-ci, loin d'en être l’ennemie déclarée comme on l’avoic prétendu. Le nom de Mangoufte , celui d'ichneumon ne font point connus en Eoypte; l’on n'y retrouve plus même la dénomination de rat de Pharaon, qu'Haffelquitz a dit très-mal-à-propos avoir éré imaginée par les François. Avec un peu de réflexion , ou plutôt avec moins d'animofité contre nous, il auroic vu que l’Italien Piero della Val. le , que le Hollandois Corneille le Bruyert , l'avoient employée ; que À lein, qui n'étoit pas François , l'avoir encore donnée au cochon d'inde, &c. &c. (1); & avec moins de précipitation dans fon juge- ment, il auroit compris qu'une dénomination vulgaire ne doit pas être difcurée à la rigueur , fur-rout lorfqu'elle n'eft point déraifonnable, & celle dont il s'agit, n'eft pas, à beaucoup près, auñli ridicule que mille phrafes de nomenclature qu'il favoit par cœur ; mais il avoit la manie de mal parler de notre nation , manie donc M. de Buffon l'a repris aflez vertement pour l'en corriger, s'il eût furvécu à fon voyage (2). Lorfqu'on a eu tort fouvent, l’on eft foupçonné de l'avoir toujours. Haffelquitz n'a pas été cru par M. de Buffon, lorfqu'il a avancé qu’en Egypte le nom de la Mangoufte étoit Neëns ; & M. de Buffon avoit d'autant plus de raifon de ne pas croire un homme qui lui avoit paru auf mauvais écrivain qu'obfervateur peu judicieux , que M. Ska , dont l’au- torité étoit bien faire pour détruire celle d'Haffelquiz, avoit dir qu'en Barbarie, reins étoit le nom de la belette , & rezer-dea, celui de la Mangoufte ; il eft cependant très certain que les Egyptiens actuels qui, pour le dire en paflant, n’ont pas plus de confidération pour la Man- (:) Quadrup. page 49. {») Voyez l’'Hift, Nat, de Ja Mangoüfte , en note, Tome XXVT, Part, 1, 1785. MAL, T £ 339 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, goufle que nous n'en avons pour les fouines & pe la noms ment meins , & ils appellent la belerte Aerfë. Cette différence n’eft point extraordinaire, car, quoique la langue arabe foit également répandue dans l'Egypte & la Barbarie, les dialectes fe refflemblent fi peu dans ces deux contrées, que le Barbarefque & l'Egyptien ont fouvent beau- coup de peine à s’entendre. Ceres seemmene ee some caen Annee ECRIRE RS UE CAEN ARE NOUVEAUX ÉCLAIRCISSEMENS Concernant l'ancienne hifloire fabuleufe qui fe trouve dans Simon Pauli, fur la plante de Norwege qu'on nomme Gramen oflifragum Norwegicum Simon Paul ; Par M. GLEDITSCH. Traduit de l'Allemand. O\ peut regarder ce Mémoire comme l’introduétion à l'hiftoire d’une nouvelle maladie contagieufe qui vient de fe répandre parmi le bé- tail. Elle s'eft manifeflée depuis quelques années dans la Marche élec- torale de Brandebours & le Duché de Magdebourg; & le fymptôme particulier qui la caractérife, eft un brifement des os dont elle eft accompagnée, Dès-long-rems, avant la première moitié du fiècle précédent, on avoit découvert une plante donc l'hiftoire, comme celle de tant d’au- tres de ces tems-là, & même des fuivans jufqu'aux nôtres, étoit rem plie de particularités fabuleufes auxquelles on s’en eft renu, fans fe don- ner la peine de bien examiner les pripcipales circonftances , qui pou- voient conduire à des déterminations exactes, Dodonwus & Lobelius connoifloienr déjà cette plante en 1$52 & 1572; le célèbre Cufeus depuis 1576, Tabernæmontanus depuis 1588, Jean Baukin depuis 1591, Gafpard Bauhin depuis 1593, Morifon depuis 1669 & Tour: mefort depuis 1694. Le Colonel Danois Reichwein écrivit en 1687 à Simon Pauli une Lerrre où il lui parloit de certe prétendue plante offifrage de Norwège ; & lui envoya la plante même detléchée, mais fans fleur. Cet Officier , felon toutes les apparences , ignorait que c'étoit la même plante qui avoit été décrite peu auparavant par le Boranifte auquel il la communi- quoit, & qu'il en avoit même joint la figure à fa defcripuion. Qu'il auroit été aifé dès-lors d'arriver, comme on a fait depuis, à trouver les dérerminations du genre & de fes efpèces, & à détruire toutes SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 331 les traditions fabuleufes qui la concernoient, & lui attribuoient, fans aucun fondement, des forces, des eflets & une manière d'opérer dont il s'agifloit d'examiner foigneufement les caufes, afin d'arriver à des vérités qui auroient pu tourner à l’avantage de l’économie des bef- tiaux, tant dans ces contrées feptentrionales que dans toutes celles de l'Europe où il y a de hautes montagnes! Combien de femblables objets , très-confidérables, & du plus grand prix pour l'économie rurale, ne font pas demeurés dans cette incerti- tude, depuis qu’on s'attache à l’Hiftoire Naturelle | & ne demanderoient pas des recherches plus exactes ? Nous fouffrons par-là des pertes dont nous ne fommes pas en droit de nous plaindre, parce que nous né- gligeons de recourir aux principes que pourroit nous fournir la feule fcience propre à cet effet, & d'employer les moyens & les fecours dont elle eft la fource, nous abandonnant aveuglément au hazard , dont nous ne fommes pas en état de prévoir & de prévenir les dan- gereux effers , ou d’y remédier lorfqu'’ils exiftenr, C’eft donc dans ces cas-là, qu'il faut joindre à l'infpedtion locale & aux obfervations exactes une faine théorie, qui, en diflipant tous les nuages de l'erreur & des préjugés, nous conduile à l'application & à l’explication des faits obfervés. Simon Pauli fe borna donc , comme nous l'avons déjà dir, à une defcription imparfaite & remplie de fiions, d’une plante de Nor- wège qui, dans certains pâturages , eft extrêmement nuifble au bétail, la défignant par le nom de Gramen offéfragum , quoiqu'il eût pu dès-lors la nommer plus convenablement & la décrire plus exaétement. Mais il recommanda dans fes Ecrits à ceux qui culrivoient la même fcience de faire des recherches ultérieures fur cetre/plante; & en con- féquence ils lui rapportèrent que le bétail de Norwèye qui broutoit cette herbe, en avoit les os brifés & les jambes caffées. Pauli fe fiant l-deflus, & ne prenant aucun foin de vérifier ces faits, appela d’abord la plante en queftionn, Gramen Norwegicum polyrrhizon ; & {ur des afurances ultérieures qu’on lui donna de fes effets fufdirs, il fe décida pour lé nom de Gramen offifragum Norwegicum. Dans la perfuañon où ilétoit à cet égard, il imagina une théorie tout-à-fait fingulière, & qui lui eft propre, par laquelle il prérendoit rendre les préendus faits vraifemblables ; mais {es idées font fi abfurdes, & tellement au-deflous de toute critique , qu'il feroit fuperflu d'en faire la moindre mention. Faute de meilleures notices, ce nom a fubfifté jufqu'ici dans les Ouvrages de Botanique, parmi d’autres dénominations beaucoup meil-- leures, & l'on s'eft conrenté de renvoyer au témoignage de Simon Pauli, qui, sil avoit été à portée de faire des recherches plus exac- tes, ne l’auroit fans doute pas confervé. Car d’après tous les caraftères naturels qui s'offrent aux yeux de quiconque regarde cette plante, Tome XXVI, Par, I, 1785. MAL. Trz 332 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE; on ne fauroit la prendre pour une Aerbe. Les Botaniftes avoient défà vu, avant Simon Pauli, la néceñité de charger ce nom; & fes con- temporains , auf bien que ceux qui font venus après lui, ont porté le même jugement. Dans combien d'erreurs ne tomberoit-on pas, fi l'on vouloit s'en tenir aux idées confufes & aux expreflions vagues du vulgaire, qui comprend indiftinétement fous le nom d’LerbesŸ tout ce qui croit pêle- mêle dans les pâturages? Cette dénomination peut bien fe rapporter à la bonté & à la falubrité de ces diverfes produétions; mais 1l n'ya que les Ouvrages économiques modernes qui puiffenc fournir à cet égard des direétions aflurées. br Pour revenir à la plante qui fait l'objet de ce Mémoire , nous avons dit que Simon Pauli lui a donné le nom de Gramen offéfragum. Tho- mas Bartholin jugea qu'il étoit néceffaire d’en donner l’idée par une dénomination plus exacte ; & il choifit celle d’A/phodelum paludo- Jam , {. Gramen offifragum innoxium qu'on trouve dans les 4&. Med, Dani. Vol. IT. Obf. 130. Dans la fuite, tant par l’examen de la ftruc- ture des fleurs, que par la comparaifon des autres parties de la plante avec les herbes, il a paru qu'elle appartenoit à l’ordre naturel des plan- tes liliacées ; & vous les Botaniftes ont adopté certe idée. ve M. de Linné a placé cette plante avec quelques efpèces des 4/pho= deles, des Phalangi, & des Pfeudo- Afphodeles des Botaniftes pré- cédens, en dérerminant plus exactement quelques circonftances rela- tives à la fleur & au fruit, fous le genre Anthericum ; & voici les defcriptions qu'il en a fournies aux connoiffeurs dans fes Gen. Planr. édit. 6, p. 167, n. 422, & dans fes Spec. Plane, édit, 2, tom. 2, P' 447» n° 13: ANTHERICUM (offifragum ) foliis enfiformibus , filamentis lana- zis. Linn. Sp. pl. 2, p.446. Anthericum fcapo foliolo, laxe fpicaro, filamentis villolis , Flor. Lapon. 136. Anthericum filamentis glabris, Haller. Hi. firp. Helv. 2, n. 120$, p. 99. Ajphodelus luteus paluftris S. VII. Tabern. Hift. Lib. IL. cap. 7. Afphodelus luteus , folio Acori paluftris , anglicus. Lob. Icon. 47. Tab. 126 , p. 192. PJeudo- Afphodelus X. W. Cluf. Pannon. 262.-Hift. 189. cum fig. bon. Pfeudo-afphodelus paluftris anglicus. C. Bauhin. Pin. 29, & paluftris alpinus fcoticus, n. 9, & alpinus, n. 10, vid. Thearr, 152, & Cont. Bafl. 18. Pfeudo-Afphodelus pumilio. Morifon, Hift. Oxon. p. 233. Ffeudo - Afphodelus, luteus, Acori folio, paluftris vulgaris noftras. Raji Hift, 119, cum varietate minore, Phalangium paluitre, Iridis folio. Joun. Inft. 368, & Scoticum ejufd. vid. Scheucchzer Jr. Il, p. 139. Narthecium. V. Gorter , for, Bel. p. 70. Gerhard, for. Gall, Prov, SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 333 p. 149. Narthecium Moehring. Ephem. Nat. Cur. 1742, p. 389. Tab. V. fig. 1. Wachtend. Ulrraject, p. 303. Beengras. Knochenbruchgras. Sturrgras. Geelwaffer - asfodéle , oder Astodillen- Wurtz. Maeglein Blumen. Cette plante croît communément dans les marais, même dans ceux qui font un peu defféchés, pierreux ; dont le fond eft froid & recou- vert de mouille, aufli bien que dans les terroirs flériles fitués à l'om- bre, fur les éminences garnies de moufle, aufli bien que dans:les prai- ries bafles & humides autour des eaux croupiflantes. On en rencontre auffi entre les collines à l'ombre, qui fonc revètues de petits buiffons ifolés, de moufle, ou d'une herbe courte, dure & déliée, Il y a des endroits où elle croît de meilleure heure ; ce font ceux où l’humidité règne continuellement , qui ne produifent de l'herbe que fort tard, & qui ont un fond qu'on appelle fauvage; dans les Alpes inférieures , fur les collines mitoyennes , fur-cout des côtés nord & nord-eft, Suivant les récits hiftoriques, cette plante vient en Sibérie , en Laponie ; en Norwege, en Danemarc, en Suède, en Ruflie, en Pologne, dans la Pruffe ; tant orientale qu’occidentale, dans plufieurs contrées de la Suiffe, du Tyrol , fur les montagnes de l'Autriche, de la Sririe , de la Hongrie & autres , comme aufh dans les terroirs anologues d'Italie. Autrefois elle n’écoit pas rare dans la Marche électorale de Brandebourg; on la trouvoirc tous les ans dans les prairies de Berlin & de Fridrichsfelde; mais elle a ceflé d'y croître, aufli bien qu’en divers lieux , depuis qu’on a defféché les bas-fonds, froids ; humides & marécageux , en faifant écouler leurs eaux dans des foffés. Dans d’autres terroirs fufdits, la figure, la grandeur & la couleur de la plante ont fouffert des changemens, qui donvent lieu de ne pas s'étonner de ce que les Botaniftes de différens pays en ont déduig trois ou quatre efpèces , au-delà de celles que la Nature produit. Nous indiquerons à cetre occafon en peu de mots le treizième genre, nommé par Linné Anthericum calyculatum , dont M. Gmelin a donné une courte defcription tirée des Mémoires de Szeller, dans fa Flor. Sibir. J, page 73, Tab. 18, Fig. 2, fous le nom d’Ænthericum foliis enfifor- tnibus , pertanthiis trilobis, flamentis glabris. Cerre plante étoir encore alors regardée comme une véritable efpèce naturelle, tout-à-fait diffé- rente des fufnommées. Quoique je n’aie pas deffein de propofer ici dans toute leur étendue mes doutes contre cetre opinion, je crois pourtant devoir dire que je pofsède dans mon herbier de plantes sèches, quelques pièces que je conferve avec d’autres comme un préfent du grand Haller, qui les avoit tirés du V’erliberg. Or, ces plantes offrent plufieurs caractères manifeftes , qui obligent tout Boranifte expert à les regarder comme des variétés monftrueufes, plutôt que comme une efpèce particulière de lAnchericum offifragum, J'ai pareillement fous Les veux plufeurs Ü 334 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE; plantes monftrueufes de l’Antirrhinus Linaria, de l'Elatine , de la Scrophularia nodofà , de la Lifimachie vulgaire, de l'Aguilégie & de V Anagallite. L'Anthericun offifragum , Linn. qui, à l'entrée du printems, croît dans des terroirs où les meilleures efpèces d'herbes , tendres, fucculentes & douces, germent à peine, poufle dans le gazcn court une racine noueufe , blanche & forte, qui jette tout autour d’elle une quantité con- fidérable de fibres & de filamens blancs & déliés ; en été elle s'étend encore davantage , & poufle des rejettons qui, comme ceux de quelques autres herbes, font des tiges à part, & produifent des racines. Au commencement de juin la plante prend la forme d’un fort buiffon , garni de feuilles roides & redreffées, dont celles d’en-haut font courtes & fortes, & celles du milieu beaucoup plus longues , fans aller cependant jamais au-delà de la longueur d’un doigt. Elles n’ont toutes qu'environ deux lignes de largeur. Elles font , comme les’ herbes & plufeurs efpèces de lis, fans queues , fe réuniflant.enfemble & s’enve- loppant réciproquement par leurs extrémités , en forme de fourreau. Une confidération fuperficielle de ces plantes a pu occafionner la première & fauffe dénomination que leur ont donnée des gens peu verfés dans la Botanique. Dans les bons terroirs la couleur des feuilles & de la tige eft d’un beau verd & luifante ; mais à mefure que la plante vieillir & fe defleche , elle pêlit & jaunit. Quand ces feuilles font dans leur force & leur roideur , elles font rayées comme celles du Glaïeul , & reflemblent quant au refte à celles du Curix aculeatus. Au milieu de juiller, on voit ordinairement fortir des bouquets épais de feuilles divers rejerrons fans feuilles & de longues tiges avec des feuilles dont à la facon des herbes elles font garnies depuis le bas jufques vers le milieu. Quand cela cefle, ces tiges fe revérent alternativement de petires & courtes pointes, qui s'écendenc jufqu'en haut au-deflous de la pointe des fleurs , & qu'on trouve entre les diverfes tiges des fleurs. La pointe des fleurs d'un verd jaunâtre , couleur de cire , ou du mgins fort pâle, devient quelquefois prefque blanchâtre, & tantôt elle eft courte , ronde & ferrée, tantôt plus longue, & plus lâche & plus déliée. La fleur s’épanouit pendant l'autre moitié du mois jufqu’à l'entrée du fuivant, Ces fleurs, au moins la plupart, s'ouvrent tantôt plus, tantôt moins ,& font en forme d'étoile, plus grande ou plus petite. Leur ftruéture eft conforme à la defcription qu’en a donné M. 4e Linné, qui a fair en même tems diverfes remarques relatives à la forme des capfules & des pexites femences polies & rondes qui y font renfermées ; ce qu'il range parmi les caractères génériques de l'Anchericum. Les femences exiftent chez nous au commencement d'août, On peut chercher les SUR L'HIST: NATURELLE ET LES ARTS. 33s _ defcriptions exactes , mais courtes, de notre plante dans Clufius, Gafp. Baukhin, Moehring & Haller. . Quant à fon odeur , je n'y en ai point remarqué de fenfble , fi ce n’eft lorfqu'on jette dans l’eau bouillante les feuilles, tiges , & racines deffé- chées & dures; alors il s’en exhale une odeur balfamique, comme celle du miel ou de la cire, mais fort foible, Je n'ai pas eu occalon d'y découvrir des parties conftituantes volatiles ; il faudroit qu’il exiftâr dans la plante fraîche quelques traces d’une acidité qui n'eft plus fenfible dans la plante sèche. Le gouûr des feuilles & des tiges sèches qui a de l’amertume & quelque âcreté dans la plante verte & fraiche ; en conferve quelque chofe après l'infufion de la plante sèche dans l’eau bouillante, mais fort foiblement; cette liqueur caufe feulement une légère contraction dans la bouche, qui la defsèche , mais fans âcreté. Cette infufion eft fort claire, & quand on l'a bien faturée, fa couleur eft d'un jaune de fafran, Il eft probable que l'efprit-de-vin la rendroit plus foncée. Cette couleur confirme la tradition far Pancien ufage de cette plante, donc les jeunes perfonnes du fexe employoient autrefois en Angleterre la décoction dans l'eau pour rendre leurs cheveux d'un beau jaune, Une queftion à examiner féparément, c’eft fi cette plante peut être comptée parmi celles qui fervent à la teinture, comme la racine de la garance & quantité d’autres analogues , & fi elle auroit la force de colorer les os des jeunes animaux qui s'en nourriroienty ou d'y caufer quelqu'autre changement fenfible, De-là on pafleroit à rechercher fi le jeune bétail qui broute cette herbe endant la courte durée du printems, pourroit en être affecté de manière que cela amollifle fes os , ou les rende caffans; ou plutôr s'il ne furvienr point quelque maladie à laquelle il faut attribuer ces effets, Cela peut aufi venir de quelque caufe extérieure, foic qu’elle ait de la liaifon avec les précédentes, ou n'en ait point. Rien n’eft plus néceflaire que d’obferver attentivement certains accidens, rares à la vérité, mais qui tiennent pourtant aux caufes naturelles, & qui, fans qu'on s'en ap- perçoive , fe manifeflent dans certains beltiaux qui paiffenc avec le refte du troupeau dans le même pâturage. Mais ce qui n’eft pas moins effentiel, c'eft de démêler, parmi le grand nombre de caufes plus ou moins vrai- femblables de ces accidens , celles qu'on doit raifonnablement préférer, On ne fauroir y parvenir que par de longues & judicieufes obfervations, qui , étant fubordonnées à une faine théorie, peuvent feules conduire à la vérité. Thomas Bartholin , dans les A&. Haff. Vol, IL. Obferv. 130, Jean- Frédérie Marchalck , ibid. pag. 232, Jear Treubler , le Docteur Mochring, dansles EphemeNat. Cur. de 1742, pag. 383, Pontoppidan, daos fon Hift. Natur. de Norweve & de Danemarc , & M. de Haller, dans fon Hift, fliro. Helver, emploient ie raifonnement & l'expérience 336. OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, pour combattre l’ancienne tradition de Norwege fur les dangereux effets du Gramen offifragum ; mais ils s'y prennent différemment. Hal/er die que les mauvais effets qu'on attribue en NorWege à certe plante, qui eft connue depuis long-tems , ne prouvent pas qu'en Suiffe où elle n'eit pas sare , elle foit nuilible. On peut lire avec fruit les autres Auteurs que j'ai cités, & voir quels font les principes fur lefquels ils fondent leurs opinions, qui fonc pour la plupart fupérieures à de fimples conje@ures. Simon Pauli, dans fon Boranicon quadripartitum , Ouvrage qui fe reflent du tems où il a été compolfé , dit que la plante dont il avoit donné une courte defcription , après le préfent qu'il reçut de Norwese fans la fleur, & qu’il met au nombre des herbes, ne pouvoir être rapportée à aucune clatfe des plantes connues, mais qu'elle étoir extraordinairement nuifible dans toute [a fubflance aux bétes à corne. W fe peut que Les bêtes qui en avoient brouté, fe reffentiffent de fa trop grande force, & que cela les eût amaigries & affoiblies, de forte qu'elles pouvoient à peine faire un pas. C'eft ce qui le mettoit en droit, à ce qu'il croyoit , de lui donner la dénomination qu'il avoit employée, La première occalion , comme nous l'avons dit d’abord , fut fournie ar la Lettre que le Colonel Danois, George Reichwein, écrivit à Simon Pauli, de Chriftiana en Norwese, le 24 août 1666 ; avec l'envoi de la plante, il lui marquoir qu'elle croiffoit dans! l'intérieur de la Norwege ; & que, comme dans nos contrées, elle paroifloir dès l'entrée du prin- tems, avant toute autre herbe: ajoutant qu’elle étoit fi nuilible aux beltiaux ; que leurs os en étoient tout ramollis, ou devenoient caffans comme un bâton, Cependant ils n’en mourojent pas d'abord, & même on pouvoit Les guérir en leur faifant prendre de la poudre d'os pilés, pour laqueile on fe fervoit des os du bétail qui étoit mort de cette maladie, les gens de la campagne ayant toujours provilion de cette poudre pour l'employer à cet ufage. D'autres relations de Norwege portoient que quand une bête à corne avoit brouté de cetce herbe, fes os fe brifoient, ou dévenoient fi mous qu'elle ne tardoit pas à périr, à moins que la poudre fufdite ne la fauvat. Cependant Marchalck;, dans les 44. Haffn. contredit le remède & la cure en queftion , aflurant n’en avoir jamais entendu parler. Il convient auñi qu'il n'y a rien de certain dans tour ce qu'on dir de cette maladie, de fes caufes & de fes fymptômes, Enfin , il n’avoit point ouï dire que certe herbe füt nuifible à aucune autre efpèce de bétail. Jean Treubler révoque en doute tour l'expofé de Simon Pauli, ayant Jui-même recherché & obfervé cette plante dans les terres marécageufes où elle croît vaturellement, & l'ayant trouvée en grande quantité autour des villages de ces contrées. 4 préfent une circonftance qu'il ne faut pas négliger d'obferver ; cel x “ SUR L'HIST. NATURELLE ET LÉS ARTS. ‘ 337 c'elt que le prétendu Gramen offifragum paroît avec un petit nombre de chétives efpèces d'herbe à l'entrée du printems, au milieu ou vers la fin du mois de mai, & jufqu'au commencement , dans les prairies bafles, humides & froides , qui font encore nues. Cette plante fraîche eft petite en comparaifon des autres ; elle ne dure pas long-tems, elle eft difperfée & perd bientôt fa force avant que l’on chafle au pâturage les bêtes à corne , fuivant l'ufage de l’économie champêtre. Car dans cette faifon les prairies font remplies d'une abondance de plantes & d'herbes de toute efpèce, meilleures ou moindres les unes que les autres, dont le bétail peut amplement fe nourrir & fe raflalier , au cas qu'on ne le tint pas encore quelque tems dans les étables, pour lui donner de meilleur fourrage. IL peut cependant arriver que le bétail affamé de verdure, broute dans la première faifon l'herbe verte & fucculente de la plante en queftion, & qu’il en trouve en aflez grande quantité, comme il broute auñli les jeunes feuilles & boutons d’autres plantes âcres qui pouffent vers le mème tems. [l ne feroit pas furprenant qu'il für alors fujet à plus d'accidens fâcheux que de coutume, qu'il devint foible & caduc; & c'eft en effec ce que caufenc plufieurs plantes du printems, au grand dommage des troupeaux , quand on les fait aller parmi des buiflons , où la chaleur du foleil a fait pouffer trop tôt ces plantes nuifibles , fans qu'il y en ait encore fuffifamment d’autres propres à empêcher ou à diminuer Jeurs effets. Mais auffi-tôt que des plantes ou herbes fines, tendres, fucculentes ; douces & balfamiques paroïflent, le bétail ne s’approche plus de celles qui font devenues dures, coriaces & fans goût , telles que le Gramen offéfragum , & diverfes autres plantes hatives : & cette averfion du bétail augmente , quand à cette dureté fe joint quelque mauvaife odeur , ou quelque mauvais goût ; il faudroit qu'il n’y en eût abfolument point d’autres pour qu'elles fuffent broutées, Le cas a quelquefois lieu quand on fait pañler le bétail affamé d’un pâturage à un autre; il fe jette d’abord fur ce qu'il trouve, & dévore à fon grand dommage quantité de plantes qu'il ne fauroit digérer, ou qui font trop marécageufes. Comme il s'agit proprement ici des effets de la plante de Norvege, on s'imagine, parce que le bétail devient quelquefois d'une ff grande maigreur que l’épine du dos perce , que cette épine ef brifée ; &:commeles bêtes attaquées de ce mal font foibles & ont beaucoup de peine à fe foutenir , on attribue ces fymptômes à la même caufe, c'eft-à-dire, à herbe en queftion, On rencontre à-peu-près les mèmes circonftances ou du moins de fort approchantes dans notre bétail, & fur-tout dans les jeunes v:aux qui prennent leur crû dans des endroits où abondent toutes fortes de fleurs & de plantes falutaires, fans qu'on y ait jamais apperçu une feule tige de Jome XXVTI, Pare. T, 178$. MAI, Vy 338 * OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE; Gramen offifragum. Le défaut de plantes & d'herbes affez tendres pour ces jeunes animaux , malgré la quantité des autres, fuffic pour les rendre maigres & foibles ; ils trainent les jambes & ne fauroient avancer, On eft afluré par les relations les plus récentes de l’année dernière & de celle-ci, que la fracture des os peut être une fuite de la trop grande dépravation des humeurs, & qu'elle a effectivement lieu avec des fvmptômes plus ou moins confidérables, dans la Marche électorale de Brandebourz & aux environs, parmi les bêtes à cornes tant jeunes que vieilles, dans des lieux où il ne croît point de Gramen offifragum. Ces accidens arrivent principalement dans les terroirs nouvellement détrichés, & qui n'ont pas encore été fuffifamment préparés ; les pâturages y font fort maigres & dénués des meilleures efpèces d’herbes ; ou s'il sy en trouve , elles viennent foiblement & en petite quantité. De pareils terroirs ont été des centaines d'années fous des eaux croupiflantes , & leur fonds vifqueux eft mêlé de débris de coquilles & d’autres matières qui ne faüroiene contribuer à la végétation. Comme il vient de fe manifefter dans notre pays une maladie particu- lière, qui avoit été jufqu’à préfent tour-à-fait inconnue, & donr le brifs- ment des. os eft un fymptôme; on a commencé à faire des obfervations exactes , tant fur le bétail encore en vie , que fur les os brifés ou amallis des animaux tués, & l'on s'apperçoit que c'eft une maladie propre aux os, qui vient de la mauvaife nourriture & de la dépravation des humeurs. Quand on conviendroit que la plante de Norwege fe feroit quelquefois rencontrée au printems dans nos pâturages, le bétail n’auroir pu en brourer qu'une quinzaine de jours, pendant lefquels il auroir eu dans les étables de bon fourrage, dont la proportion l'emporte de beaucoup fur le peu d'herbes que la campagne fournit alors. Après cela il broute pendant trois ou quatre mois dans les mêmes pârurages toutes les fortes d'herbes & de plantes qu'ils produifent, Qu'on juge fi la plante en queftion, dans le cas même de fon exiftence , ne doit pas être pleinement déchargée de toute accufation. Mais comme la bonté des pâturages va du plus bas depré au plus élevé, il y en a quelquefois qui ne produifent que des plantes fi chétives & fi peu nourriffantes, fans un mêlange fuffifant d'autres meilleures, que le bétail fouffre de la faim, ou eft obligé de fe mal nourrir pendant quelques mois, À la fin fa conftitution s’alrère, & les organes de la digeftion s’affoibliflant de plus en plus, tous Les fucs nourriciers fe corrompent ; ce qui a principa- lement lieu dans le jeune bétail qui croît à force, & donr les os n'ont pas toute leur conliftance. C’eft en raffemblant roures ces circonftances que je me propofe de donner bientôt dans un autre Mémoire l'hiftoire de cette maladie os, & d'expliquer les caufes de leur brifement. Les Lecteurs incellisens pourront les deviner d’avance d’après ce que nous avons dit, & SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 339 ils n'ajouteront plus aucune foi à la tradition fabuleufe des prétendus effets prodigieux d’une feule plante qu’on a crue nuifble fans aucun fondement, OBSERVATIONS Sur la conftruétion & l'ufage de l'Eudiomètre de M. FonTanA, & fur quelques propriétés particulières de l'air nitreux , adreffées a M. Dominique Beck, Confeiller du Prince Archevêéque de Salzbourg, Profeffeur de Mathématique & Phyfique experimentale , & Membre de plufieurs Sociétés Littéraires ; Par JEAN IxGeNn-Housz. J E vous envoie, Monfieur , ces Obferyations , en vous priant de les faire parvenir au Rédacteur du Journal de Phyfique, fi, après les avoir parcourues, vous les jugez dignes de voir le jour. Comme vous m'avez aidé à faire les expériences qui y font relatives, pendant votre féjour à Vienne en 1782 & 1784, je les foumets fans réferve à votre ju- gement , & je remets en pleine confiance le manufcrit entre vos mains, our en faire tel ufage que vous jugerez à propos. IL feroit à fouhaiter, pour le progrès de la Phyfique, que tous ceux qui confacrent leurs travaux à l'avancement des connoiïffances natu- relles, ne vouluffent juger de la valeur réelle des découvertes des au- tres Phyficiens, qu'après avoir examiné eux-mêmes les expériences, qui ont fervi à les faire; & qu'en combattant ces découvertes, ils miflent devant le Public , au lieu d'argumens, ou plutôt de pur verbiage, des expériences bien détaillées, qui prouvaflent clairement les erreurs com- mifes dans les expériences qu'on avoit prifes pour décifives. Dans le fiècle éclairé où nous vivons, on n'agit plus avec les loix de la na- ture, comme on en agifloit dans les fiècles pañlés, lorfqu'il fufffoit fou- vent de produire une .déclamation pour renverfer une doctrine déjà reçue, ou pour en établir une nouvelle. On ne demandoit pas des faits, des expériences bien conftarées , qu'on n’étoit pas dans l'ufage de faire, Celui qui étoit le plus éloquent ou avoit acquis le plus d’autorité, faifoic le plus aifément accréditer fes dogmes, Depuis la renaiffance des lettres, & fur-roue au dix-hui- rième fiècle, on a banni des écoles rout cet étalage de mots; on ne Sattache à préfent qu'aux faits, & route doctrine, qui n'a pas pour Tome XXVT, Part. I, 1785. MAL. Vva 340 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE ; F: Ve "Pc » 2 12 fondement des expériences réelles , n’eft resardée que comnie une pure RL A FAT LEUR gs) hypothèfe, & mériteroit d'être entièrement rejetté des ouvrages phy- fiques.! Les argumens appuyés fur des analogies , ne font fouvent pas plus folides que ceux qui n’ont que l'imagination pour guide. Si, par bafard, ils fe rencontrent juftes dans quelques cas, on les trouve fautifs dans un grand nombre d’autres. Si on trouve qu’un inftrument q de phyfique, par exemple, une pompe pneumatique dont on fe fert, ne fait pas un vuide aflez parfait pour les expériences auxquelles on l'avoit deflinée; il feroit ridicule d’en conclure, que toutes les pom- pes pneumatiques font inutiles ou ne valent pas plus que celle qu'on a par malheur dans fon cabiner. On a cependant agi ainfi avec les eudiomètres à air nitreux. On les a décriés tous comme incertains & inutiles; & cela pour aucune autre raifon , que parce qu’on fe fervoit d'un inftrument, qui ne donnoit que des réfultats très-incertains , & qui, par conféquent, ne méritoit pas le nom d'un eudiomèrre, Il me paroïît aflez inutile d'occuper le lecteur d'un nombre immenfe d'expériences quoique bien détaillées, qui toutes ne prouvent autre chofe , finon que l'inftrument & la méthode employée , ne fervent qu'à induire dans l’erreur. A vaut tout autant, à mon avis, les taire, & fe contenter de dire qu'on poflède ou qu’on a employé un initru- ment phyfique, qui fe trouve être inutile. Il eft vrai qu'un tel aveu, quelque fincère qu'il foit, intéreffe très-peu le public, & ne fert pas beaucoup aux progrès de nos connoiflances. Mais fi on peut dé- montrer qu'un inftrument déjà adopté comme utile, en eft réelle- ment un qui peut nous induire en erreur plutôt que de nous mener vers la vérité, alors on rend un fervice réel à la république des lettres; & celui qui peut , ën décriant avec juftice un inftrument fau- tif, le remplacer par un meilleur, mérite la reconnoiffance de trous les Savans. On fent bien quil feroit peu équitable, comme je viens d’infinuer, fi, en décriant un inftrument où une méthode de l'em- ployer, on ne le condamnoit qu’en alléguant des expériences faites avec un autre inftrument , ou faites d’une autre manière; cela feroit aufli injufle que de vouloir condamner un homme, par la feule raifon qu'il porte le même nom qu'un criminel reconnu pour. tel. L’eudio- mètre de M. Fontana elt peut-être une des meilleures acquifitions que la phyfique ait faites depuis long-tems; & fi même on pouvoir démon- trer l'inutilité de tous les autres inftrumens auxquels on a donné le nom d’eudiomètre ; on n'auroit mullement prouvé l'inutilité du fien. Il faut pour en conftater l’inutilité, alléguer des faits bien détaillés, faits avec ce même inflrument, & de la même manière que M. Fontana les- fair. Mais jufqu'a-préfent je n’ai pas encore rencontré dans un feul Ecrivain d’autres preuves contre cet eudiomètre , que de vagues dé- ci # , : . . . A clamations appuyées d'aucune expérience faite avec cet inftrument mème; 0 v' . SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 34 & le défaut de ces expériences bien détaillées, indique affez clairement que ces Phyficiens ne poffèdent pas même un Eudiomètre Fontanien, ou, sils en poffèdent un bon, qu'ils n'ont pas fu ou qu'ils n'ont pas voulu sen fervir. De tous les phyficiens qui m'ont fait l'honneur de me venir voir en paflant par cette capitale, & qui étoient prévenus contre les eudiomètres , il n'y en a eu aucun, qui en eût jamais vu ou employé un bon. La plupart d'eux s’en font pourvus, après avoir reconnu l'exactitude & l’uniformité des épreuves faites avec cer inftrament, M. J’an-Breda , très-favant phylcien à Delft, qui eft peut être en- core le feul en Hollande , qui poffède un bon eudiomètre , m'a écrit, que le même cas lui eft arrivé ; que tous ceux quil a trouvés prévenus contre l’ufage des eudiomètres en général, ou contre celui de M, Fon- tana , n’en avoit jamais vu un bon. C'ett le célèbre Docteur Prieflley, à qui nous devons la découverte importante, que l'air nitreux eft la pierre de touche de la refpirabilité de l'air ou du degré de fa falubrité, eu égard à la refpiration. Si on a trouvé moyen de produire des fluides aériformes dont on ne peut déterminer la falubrité par ce moyen , cela ne rend pas la découverte moins importante; car ces airs nexiftent pas fur la furface du globe, J'ai déjà décrit de tels airs dans mon Ouvrage anglois fur Les Wégé- taux, ( on peut confülter là-deflus la feétion XXVI de la première partie, & la fe‘tion XVIT de la feconde partie de l'édition françoife de cet Ouvrage.) Ce ne font pas non plus toutes les qualités de l'air commun qui peuvent nuire à notre conflitution, qu'on peut décou- vrir par fon moyen; (j'en ai aufli parlé dans l'Ouvrage cité pag. 140 & 141), on ne peut non plus dérerminer par l’eudiomètre le degré de refpirabilité d'un air chargé d'acide aérien ou d'air fixe. On décou- vre aifément la préfence & même la quantité d'acide aérien dans les airs dont on veut eflayer le degré de bonté, par des fecoufles dans l'eau pure, ou, ce qui vaut mieux, dans l’eau de chaux: & ce n'eft qu'après les avoir lavés de cet acide aérien, qu’on doit les foumettre à l'épreuve de l'air nitreux. C'eft la quantité du principe inflammable, ou ce que nous entendons jufqu'a-préfent par le nom de pAlogiflique, qu'on dé- couvre par le moyen de l'air nitreux. C'eft encore à M. Prieflley que nous devons la découverte d’un inftrument très-propre à découvrir par * Je moyen de l'air nitreux la bonté des autres airs, d’un eudiomètre ; & fon inftrument eft encore infiniment meilleur que tous ceux qu’on a imaginés depuis; & qui font parvenus à ma connoiffance , excepté celui de M. Fontana. Malgré l'avantage que l’eudiomètre de M. Fontana paroît avoir au- deffus de tout autre eudiomètre à air nitreux, connu jufqu'ici, je crois cependant que même les plus mauvais eudiomètres à air nitreux , qu'on a produits jufqu’a-préfent , vaillent infiniment mieux pour déter- 1 345 OBSERVATIONS SUR LA PHPSIQUE, miner le degré de refpirabilité des airs, que les épreuves faites avec une bougie :allumée , vu que, par ce dernier moyen ; on auroit de la peine à diftinguer avec certitude un air de quatre cens degrés de bonté, d'un autre qui n'en a que deux cens. Il faut efpérer poux le pro- grès de la phyfique, qu’on s'abftiendra à la fin de publier des eflais , fujers à des erreurs aufli énormes, comme des obfervations exactes. Quoique leudiomètre originel du Docteur Prieflley foit un bon inftrument, j'ai cependant préféré celui de M. Fontana, J'ai donné la raifon de cette préférence dans mon Ouvrage fur les Végétaux, dans un Mémoire inféré au Journal de Phyfique du mois de mai 1784, & dans mes Mélanges de Phyfique , dont la traduction allemande, faite d’après mes Mémoires , a été publiée à Vienne par M. Molilos en 1782, & réimprimée en 1784, avec beaucoup d'additions , & augmentée d'un fecond volume , quoique l'édition originelle françoife ne voye pas encore le jour, lorfque j'écris ceci au mois de décembre 1784. Parmi ceux qui avoient déjà adopté l’eudiomèrre de M, Fontana, comme le meilleur inftrument de ce genre jufqu'à-préfent , il y en a eu plufieurs qui ont cependant cru à propos d'y faire quelque changemenr. Etant le premier qui ai fait connoître cet inftrument au Public, j'ai été à mème, plus qu'aucun autre Phyficien , d'apprendre les différens changemens que plufieurs Savans & Artiftes ont voulu y faire. On en a agi vis-à-vis de moi avec d'autant plus de franchife , parce que , comme on favoit que je ne m’attribue aucunement l'honneur de l'invention, on me croyoit aflez impartial à cer égard pour adopter fans répugnance ce qu'on croyoit pouvoir y corriger. Quoique plufieurs de ces idées m'aient été communiquées par des grands génies , je puis dire cepen- dant qu'en examinant tous ces projets, dont j'avois même déjà imité quelques-uns, je n'en ai trouvé jufqu'à-préfent aucun, qui ne rendit l'inftrument ou plus compliqué, ou plus embarraflant , fans rien ajoue ter à l'exactitude des épreuves. Aufñli ai-je eu la fatisfation d’appren- dre, qu'après leur avoir communiqué mes réflexions fur leur projet, ils s'en font défiftés (x). L’eudiomètre de M.. Fontana fe recommande autant par fa fim- plicité que par fes bonnes qualités, comme un inftrument de phyfique. {1 confifte en un tube de verre de quatorze à dix-huit pouces en longueur , hermériquement fermé par le haut , & d’une éfale capa- cité dans toute fa longueur. Son diamètre interne eft d'environ un demi- (+) Les meilleurs eudiomètres de M. Fonrana, que j’ai vus , avoient été conflruits par M. Clindworth , Méchanicien du Roï à Gottingen, Son prix eft de deux louis d’or & demi, &ichez M. Ampichel, près de l’Eglife de Saint-Etienne, à Vienne en Autriche , n°, 353. À Paris, MM, Megnier & Sykes en fourniflent aufli de très-bons. On peut voir, en confültant la Planche qui fe trouve dans mon Ouvrage Sur les Végétaux , ou la Planche ci-jointe, fi on y a fait quelque changement. de a | SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 342 pouce. Ce tube eft divifé en différentes parties , chacune de la longueur de trois pouces ou environ ; chacune de ces parties elt cenfée être divifée en cent parties égales, lefquelles ne pouvant que difficilement être marquées fur le tube même, fe trouvent coupées fur une échelle de cuivre, qui fe glifle fur le tube de verre, en le ferrant aflez fortement pour pouvoir le fufpendre par fon moyen dans un tube de cuivre aflez large & rempli d’eau, Outre ce tube de verre & celui de cuivre , (ce dernier pourroit aufli être de verre; je le préfère cependant faic de cuivre, étant moins fujet à fe cafler). On a encore befoin d’une mefure de verre qui contienne exactement autant d’air qu'il en faut pour remplir une des divifions d'environ trois pouces en longueur, marquées fur le tube de verre. Cette mefure eft fixée dans un chaton de cuivre garni d'une ‘coulifle , qui fépare l’air renfermé dans la mefure, de celui qui, érant exclus de la mefure en fermant la coulifle , eft fuperu , & qu'on laifle échapper en tournant la mefure fous la furface de l'eau, Toute mefure eudiométrigue , qui n'eft pas garnie d’une couliffe ou valvule, ne peut être exacte ; elle contiendra tantôt plus & tantôt moins d'air. Pour s’en convaincre, on n'a quà placer une phiole ou un vafe quelconque lein d'eau & renverlé, fur l’orifice de l’entonnoir creufé dans l’épaifleur de la planche du baquet, qui fert aux expériences pneumato-phyfiques, Si après y avoir fait monter l'air, il en refte une bonne quantité à l'orifice de Er , cet air s’en échappe avec tant de violence , dès qu'on ôte le acon de l'orifice de lentonnoir en le gliffanr fur la furface de la planche, qu'il entraîne fouvent avec lui une notable quantité d'air de Yintérieur du flacon, de façon que l’eau fe rrouve montée manifeftemenc dans le goulot. En un mot, une telle mefure eft toujours incertaine. J'ai obfervé que la plus forte objection que font les Phyficiens prévenus contre les eudiomètres à air nitreux , (au moins ceux avec qui je me fuis entretenu fur ce fujet), eft qu'un mélange d'air nitreux & d’air refpirable, ou de tel autre qu'on peut foumettre à l'épreuve de l'air nitreux , continue à diminuef pendant long-tems, & même pendanc plufieurs jours, & que par conféquent la diminution n’eft jamais abfolue. Si certe objection eft jufte à l'égard des eudiomètres de ceux qui la font, elle ne peut prouver autre chofe, finon que leurs eudiomètres ne valent rien ; mais elle ne prouve abfolument rien contre l’eudiomètre de M. Fontana , puifque cet inftrument bien employé ,'n'eft pas fujer à cetre variation : & fi même il étoit vrai qu'après qu’on a fait le mélange des deux airs, felon fa manière, la colonne d’air reftante fe trouvar encore raccourcie après plufieurs jours de repos, cela ne pourroit diminuer ni de la valeur de l’inftrument, ni de la méthode de l’employer; puifque, f je puis découvrir parce moyen le degré exaét debonté d’un air quelconque dans le moment même que je veux , il m'importe peu , fi,en abandon- sant l'infrument à lui-même, il ne m'indique plus le lendemain la bonté 344 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, d'un air que j'ai déjà détérminé le jour précédent. L'infrument de M. Fontana indique à l'inflant même qu'on l'emploie, la qualité relpi- rable d’un air quelconque avec la plus grande précifon ; depuis l'air le plus mortel , tel qu'eft l'air inflammable ou l'air très-phlosiftiqué, jufqu'à l'air le plus pur, que l'art ait encore pu produire , & la démonitration de la bonté de ces épreuves eff, qu’en répétant plufieurs fois l’effai du même air, On trouvera rarement une différence dans ces eflais , qui excède une cinquantième partie de la longueur de la colonne d’air : fouvent même on ne trouvera pas que cette différence furpafle une centième partie, pourvu qu'on fache bien manier l’inftrumenr, (& ce maniement ne requiert ni beaucoup d'exercice, ni une auffi grande dextérité que quel- ques-uns ont pu trouver bon de fuppofer être néceflaire ). Je n'ai pas encore vuun feul Phyficien affez mal-adroir, qui après un quart-d'heure d'exercice, ne für pas manier l'eudiomètre de M. Fourana affez bien pour faire des épreuves concordantes, Si un eudiomètre n'indiquoit,.la bonté d’un air que le lendemain de l'épreuve faite, on devroit pour cette même raifon le rejetter comme ui inftrument imparfait , rout comme on rejetteroit à préfent un rhermo- mètre, qui au lieu de montrer la température de l'air dans le tems qu'on a befoin de la connoître, ne l'indiqueroit que le lendemain. Les Phyficiens; voyageurs fur-tout , ne s'accommoderoient nullement d'un tel inftrument. L'objetion en queftion eft d'ailleurs fi injufte , eu“égard à l’eudiomètrg de M, Fontana, que la colonne d'air reftante du mêlange de deux airs , (fur-tout de l'air commun & de l'air nitreux ) fe trouvera encore de la même longueur plufieurs heures après le mêlange fait & la bonté de l'air dérerminée; & fouvene même on n’y trouvera point de variation notable après vingt-quatre heures de repos ; & fi même, je le répète, une telle variation avoit lieu dans l’eudiomètre de M. Fontana, elle ne rendroic nullement incertaines les épreuves. On fe tromperoit encore infiniment, en s’imaginant que ce n'eft que la plus grande diminution poffible produite dans le mélange d’air nitreux, & d’un air dont on veut connoître la bonté, qui puifle indiquer le degré de fa bonté. Il en eft des eudiomètres, à cet égard, comme des chermomètres : ce n’eft nullemént la plus grande hauteur à laquelle monte la liqueur qui y eft contenue à un degré de chaleur donné, qui détermine fa bonté d’un thermomètre; mais leur exactitude dépend fur-tout de ce que la liqueur monte exactement à la même hauteur autant de fois qu'on place l'inftrument dans un endroit qui a la même température, De même, on auroit tort de taxer d’un défaut les eudio- mètres dans lefquels Ja diminution d'un mêlange de deux airs ne fe trouveroit pas être la plus grande qu’on pourroit produire par quelque autre inftrument, ou avec le même inflrument, paf quelqu’autre méthode se l'employer. Si en mêlant à un mefure d'air commun une égale Rte EU 5 SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 34ç d'air nitreux, je trouve que le mélange, après avoir été fecoué dans Teudidimètre de M. Fontana , fe réduit , par exemple à 1,06 ou à une mefure & fix centièmes de mefure, & que je trouve conftamment le même réfultat en répétant l'épreuve de la même manière : & fi en méphi- tifant plus ou moins cet air, ou en le rendant un tant foic peu meilleur, je découvre routes ces variations , de façon que l’eflai de chacun de ces airs me donne un rélultat uniformément différent, c'elt-à-dire , qui s'accorde avec le degré réel de la bonté de ces différens airs, je dois en conclure que la méthode employée eft très-propre pour déterminer la bonté de l’air commun , des airs inférieurs en bonté à l'air commun , ainfi.que de ceux qui fe trouvent être tant foit peu meilleurs. Comme une mefure d’air nitreux fufic pour faturer une égale mefure d'un air moins bon que l'air atmofphérique, & qu'elle fuffit même pour faturer une mefure d'air commun de la meilleure qualité, il s'enfuit que l'épreuve d’un tel air eft des plus fimples , & n'exige que peu de fecondes pour l’achever, Mais comme une mefure d'air déphlogiftiqué n'eft pas faturée par une égale mefure d'air nitreux , & qu'il faut fouvent trois ou quatre mefures d'air nitreux, pour en faturer uné feule d'air déphlogiftiqué lorfque celui-ci eft très-pur, il eft clair qu'on doit employer plus de tems à en faire l’effai, puifqu'on doit y ajouter, l'une après Pautre, autant de mefures d'air nitreux ( & fecouer le tube immédiatement à chaque mefure d’air nitreux qu’on y fait monter) jufqu'à ce que la mefure d'air déphlogiftiqué foit complètement faturée, c’eft-à-dire, jufqu'à ce que la dernière mefure d’air nitreux ne diminue ou ne rétreciile plus la colonne d'air qui fe trouve dans le grand tube de verre, Quoiqu'on ne fauroit difconvenir qu'un tel effai ne foie plus minutieux que celui de Pair commun, puifqu'il faut y employer trois ou quatre minutes de tems, on doit cependant convenir aufli, qu'il ne left que comparative- ment ; car il y a peu d'expériences phyfiques qu'on puifle achever dans moins de trois ou quatre minutes, Mais s'il importe peu d'employer quelques minutes de plus à de tels effais , lorfqu'on n'en a qu'un ou deux à faire, il n’en eft pas de même lorfqu'on fe trouve dans le cas d'en faire une trentaine à la fois, Je fentois déjà dès l'an 1779 , (lorfqu'étant occupé en Anpgleterre à faire les expériences qui font le fujer de mon Ouvrage /ur les Végétaux , j'avois fouvent plus de cinquante de ces effais à faire dans un jour) la néceflité d’abréger, s'il étoit polible, la méthode, & j'y réuflis aflez bien (1). Au lieu de faire monter deux mefures d'air déphlogiftiqué dans le tube de l’eudiomètre, comme je faifois auparavant, je n’y en mis qu'une, laquelle ne demandant que la moifié d'air nitreux pour être faturée , abrégeoit J'effai exactement de la () Jai donné le réfultat de ces tentatives dans la Sedtion 1 & XXI de la feconde artie de mon Ouvrage fur Les Végétaux. Tome XXVI, Pare, I, 1785. MAL, X x 346 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, moitié. Depuis mon retour à Vienne , où je continuai de m'occuper de mon objet favori, de la relation du règne végétal avec la règne ahimal ou de l'influence des végétaux fur l'air , j'ai fait de nouvelles rentatives pour abréger encore davantage l’eflai d'un air déphlogiftiqué , & pour le réduire à l'égalité avec leflai de l'air commun. Je penfe y avoir réufli encore affez bien, Voici la méthode: je commence par mettre une mefure d'air déphlogiftiqué dans un vafe fort large, que je décrirai plus bas ; jy ajoute une quadruple mefure d'air nitreux à la fois. D'abord que l'incor- poration des deux airs s’eft faire ( ce qui ne dure qu'un inftant dans un vale d'un grand diamètre) je fais monter tout cer air dans le tube eudiomé- trique, & par le moyen de l'échelle mobile de cuivre, j'obferve la longueur que La colonne d'air occupe dans ce tube. En déduifant les mefures entières & les fubdivifions de mefures, qui fe trouvent dans l’eudiomètre, des cinq mefures d'air employées, (favoir une d’air déphlogiftiqué & quatre d'air nitreux, failant enfemble soo fubdivifions, chaque mefure étant divifée , comme nous avons déjà oblervé, en 100 parties ou fubdivifions } le réfulrat de certe fouftrattion m'indique le degré de bonté de l'air eflayé: fi, par exemple, je trouve, après un tel eflai fait, la colonne d’air occuper dans le tube eudiométrique 1,50 ou une mefure entière & so centièmes de mefure, ou, en d'autres mots, cent cinquante fubdivi- fions, je conclus, que l’air eflayé étoit d’une bonté de trois cens cinquante degrés ; car fo0— 150 — 350. Il s'étoit donc, dans le mélange des deux airs, abforbé ou détruit troisliftefures & demie, ou 350 fubdivifons. L’exadtitude de cetre épreuve dépend fur:rout du diamètre du vafe dans lequel fe fait la mixtion des deux airs; & ce diamètre fe trouve , pour ainf dire, en tâtonnant. Voici comment on peut choifir un tel vale: on effaie de la manière ordinaire un air déphlogiftiqué, dont on doit avoir une quantité fufäfante pour pluleurs épreuves, c'eft-à-dire, on l'effaie en faifant monter une mefure de cet air dans le tube eudiométrique, & on y fait monter enfuite , autant de mefures d'air nitreux, ( l’une après l'autre, en fecouant le tube après chaque mefure) jufqu'à ce que la dernière mefure ne diminue plus la colonne d’air. Après s'être afluré ainfi, par plufieurs effais femblables, du degré exaét de bonté de cer air, on choilit différens vates depuis deux jufqu'à quatre pouces de diamètre , & de la bauteur de trois ou quatre pouces, On commence par faire monter dans l'un ou l’autre de ces vafes une mefure de ce même air déphlogifiqué , dont la bonté eft exactement connue. On y ajoute tout à la fois une quadruple mefure d'air nitreux. La rutilation, qui réfulte du contaét des deux airs & leur incorporation fe font, dans un vafe fi large , prefque dans un inftant , ( une demi-minute eft plus que fuffifante pour achever cette incorporation donner la m@indre fecoufle au vafe) on fait enfuite monter les deux airs ainfi incorporés dans le tube eudiométrique. Si la colonne d'air fe trouve confidérablement plus longue qu'elle ne fe SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS: 347 trouvoit lorfqu'on a fait l'effai de la manière ordinaire décrite ci-deflus, c’eft un figne que le vafe, dans lequel le mélange s'eft fait, n'eft pas aflez large. Si au contraire la colonne d'air eft conlidérablement plus courte qu'elle n’éroic dans l’eflai fait de la manière ordinaire , on peut compter que le vafe, qui a fervi à faire le mélange, eft crop large, On effaie ainfi des vafes de différens calibres, jufqu'à ce qu'on en trouveun qui ait les dimenfions telles qu’il faut pour que le mélange des deux airs qu’on y fait, fe retrécifle de façon qu’étant tranfporté dans le tube de l’eudiomètre , la colonne fe trouve environ de la même longueur qu’elle étoit dans l’eflai ordinaire. Il ne feroit guère poflible de déterminer au jufte la dimenfion d’un tel vafe, vu qu'elle eft en raifon du diamètre du tube eudiométrique & de la quantité d’air que la mefure , qui appartient à ce tube, contient, Le diamètre interne du tube eudiométrique, dont je me fers communé- ment à préfent, furpaile un tant foit peu un demi-pouce , mefure de Paris (1); & la melure que j’emploie , contient environ crois-quiarts d’un pouce cube d’efpace. Le vafe que j'ai trouvé le meilleur pour y faire la mixtion de deux airs, a environ trois pouces en largeur & autant en hauteur ; mais le fond de ce vafe eft un peu renflé en dedans, Si le fond en étoit régulier ou plat, la largeur de crois pouces feroit probablement trop forte, Ayant trouvé ainf , comme en täâtonnant, un vafe propor- tionné à chacun de mes eudiomètres, j'ai foin de les marquer, afin de ne pas les confondre avec d’autres vafes, = Il faut cependant avouer que cette méthode abrégée d’eflayer les airs déphlogiftiqués n’eft pas fi exacte, c’eft-à-dire, que les différens effais faits avec le même air déphlogiftiqué, ne font pas rout-à-fait fi uniformes que les effais faits de la manière ordinaire, mais une exactitude fort minutieufe n’eft pas de cette même importance dans l'examen des airs déphlogiftiqués , qu'elle l’eft dans les effais de l'air atmofphérique: c’eft pourquoi je crois cette méthode abrégée d'effayer les airs déphlogiftiqués affez exacte pour l’ufage ordinaire ; car la variation entre ces différens effais Ant rarement 8 ou 10 fubdivifions, ce qui ne fair qu'une cinquantième partie des deux airs employés, (favoir , une mefure d’air déphlogiftiqué & quatre d'air nitreux, chacune divifée en 100 fubdivi- fions ) une telle erreur n'eft certainement pas bien grande. J'ai lieu cependant de croire qu'on pourroit rendre certe méthode abrégée aufli (x) Je penfe qu’il vaut mieux que le tube d’un bon eudiomètre n’ait qu’un demi- pouce de diamètre , parce que fi le tube eft plus large, l’air y monte fi rapidement, qu’on a de la peine à commencer les fecoufles MeMbEes avant que la mefure d'air nitreux qu’on ajoute à la mefure de l’air qu’on veut effayer , l'ait atteint : ceci eît d’une telle conféquence , que fi on commence les fecouffes un peu après que le contact des deux airs s’eft fait, ne fut-ce que peu de fecondes, leffai doit être regardg comme fautif & manqué, Tome XXVI, Part. I, 1785. MAI. Xx2 348 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, exacte que l’autre , fi on vaidoit la quadruple mefure d’air nitreux roujours de façon que le premier contaët des deux airs fe fit dans tous les effais très uniformément ; car de cette uniformité dépend fur-rouc l’uniformité du réfultat des épreuves eudiométriques. On comprendra mieux cet article, lorfque nous traiterons de la nature de l'air nitreux par rapport à l’eudiomètre. La quadruple mefure d'air nitreux ne diffère de la mefure fimple , que par fa plus grande capacité : elle eit fixée dans un châton de cuivre, & garñie d’une valvule comme la petite ou fimple mefure. Au refte,, tout l'inftrument & la méthode de s’en fervir font réellement dus au célèbre Abbé Forcana. La méthode abrégée que je propofe, n’épargne que du tems à ceux qui le croient trop précieux, fans changer a refte en rien, quant à l’eflentiel , la méthode de cet excellent Phyficien, que j'ai amplement décrite dans mon Ouvrage fur les Végétaux. J'ai recommandé dans cet Ouvrage, d’après l'Abbé Fontana, comme un avantage réel, de frotter avec de l'émeril fin l’intérieur du tube eudio- métrique, ainfi que de la mefure, pour dépolir un tant foit peu la furface, fans obfcurcir vifiblement le verre. M. Fontana avoit obfervé que par- ce moyen l’eau n’adhéroit pas fi aifément en forme de gouttes à la furface interne de ces verres ; mais en découloit uniformément. Je me fuis apperçu, en lifant différeñs Ouvrages fur ce fujer, que quelques Phyfciens croyoient cette peine au moins fuperflue. En conféquence de cette affertion , je me fuis fervi de tubes , dont l’intérieur n'étoit pas dépoli, Je trouvai à la vérité, qu'après avoir frotté les parois internes de ces tubes avec de la leffive de favon , l’eau en découloit très-également , lorfque j'y faifois monter de l'air. Mais lorfque l’intérieur de ces tubes étoit devenu de nouveau fort fec , je les trouvai plus fujets que ceux qui avoient été dépolis, à l'inconvénient que M. Fontana leur avoit ôré em les dépoliffant. Ainfi j'ai fuivi le confeil de ce grand Phyfcien en dépoliffant un tant foit peu l'intérieur de tous mes tubes & de toutes mes mefures. La figure, qui fe rapporte à ce Mémoire, eft tirée de l'Ouvrage inftructif Allemand du Docteur Scherer, qui a paru dans le moïs de mai de 1784, à Vienne , en deux volumes in-8°, (x) Je l'ai choifie, parce qu’elle eft faire d'après l'appareil dont je me fers attuellement, Fig. L. repréfente un petit appareil pour préparer , dans le moment qu'on en a befoin, de l'air nitreux. a eft un petit flacon tout-à-fait rempli d'eau forte, dans lequel il y a des morceaux de cuivre rouge, (je prends communément de perits pelotons de fils de cuivre aflez épais). De cette façon les premières bulles d'air même qui fe dégagent de la } (1) Gefchichle der Lufleüleprütungchre für Aerzle und Naturfreunde ; kriisch, bearbeire: von Johann Andreas Scherer der Argneikunde Doctor. SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 349 folution , font de l'air nitteux tout pur. 2 eft un tube de verre recourbé, dont une extrémité eft ufée à l'émeril dans le goulot du petit flacon , & dont l'autre extrémité entre dans le vafe c rempli d'eau, qui en eft chaflée par l'air nitreux, & conduit par le tuyau recourbé. Il faut mettre aflez d’eau dans le baquet , qui eft de fayance , pour que l'orifice du vafe renver{é c foit plongé deflous fa furface. On fent bien que cet appareil ne peut pas fervir pour tirer l’air nitreux du mercure cat pour l'obtenir promptement par ce demi-métal , il faut employer du feu. Fig. IL a repréfente le tube de verre garni de l'échelle mouvante cc. Le diamètre interne de ce tube doit avoir environ un demi-pouce : fà longueur peut être depuis quarorze jufqu'à dix-huit ou vingr pouces. Il. eft ferré dans l'échelle , de façon à pouvoir être fufpendu par fon moyen, & qu'en même-tems on puille le glifler aflez aifénient où l’on veut dans l'échelle. La partie inférieure de léchelle, qui eft élaftique , fert à cette fin. Il eft bon de garnir cette partie en dedans d'une pièce d’éponge, fort mince , afin d'empêcher que le cuivre n'endommage le tube de verre, Quelques trous, qu’on voit dans cette pièce , fervent à y pañler un fil pour attacher l'éponge. On obferve aufli quelques trous à la partie fupérieure de l'échelle pour en garnir l’intérieur d'un morceau très- mince d’éponge. La partie fupérieure de ce tube de verre eft fermée hermétiquement, La partie inférieure eft ouverte & garnie d'un tuyau de Cuivre bb pour la fortifier. Pa MARS Ce tube eft divifé en plufñéurs parties égales , chacune de trois pouces ou environ. Ces divifiôns font HAE fuperficiellement avec une lime, ou un diamant. Chacune de ces divifons eft fubdivifée en éenc parties égales, lefquelles foht expriméés fur l'échelle de cuivre. L’échelle mobile eft 3 jour , ou ouverte des deux côtés, afin d’expofer à. la vue la hauteur dé la colonne d’eau dans le ‘tube. L'échellé mobile eff garhie de trois pivots de fufpenfion , qui appuient fur un anneau fixé dans le grand tube de cuivre, & fervent ainfi à fufpendre le tube de verre comme on Le Voit répréfenté dans la fig. HE. La partie inférieure de l'échelle eft découpée, afin qu’elle ait de Pélafti- cité pour embraifer étroitement le tube de verre. Fig, III. Le tubeeudiométrique eft fufpendu dans le tube de cuivre aaza, de la manière qu’on le place lorfqu'on examine la longueur dé là colonne d'air. On enfonce Je tube de verre dans l'échelle mobile ( qui eft appuyée avec fes trois pivots fur l'anneau 2 2 fixé dans la partie fupérieure du tube de cuivre) jufqu’à ce que la partie inférieure de la courbure, que forme la partie fupérieure de la colonne d’eau , foit de niveau avec le commen- cement ou le O© de l'échelle. Le tube de cuivre doit être rempli d’ean, afin que la colonne d’eau , qui eft dans le tube de verre , foir en équilibre avec l'eau dans le tube de cuivre, Le tube de cuivre eft repréfenté 1 350 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, tranfparent , pour voir la façon dont le tube de verre eft (ufpendu. Oa voit d'un côté de l'échelle les nombres rangés de bas en haut, & de l'autre côté en fens contraire. On fent aifément l'avantage qu'on tire de ce double arrangement de chiffres dans le calcul à faire du nombre des fubdivifions , qui ont été détruites dans le mêlange des deux airs. Fig. IV. L'anneau fixé dans Le tube de cuivre vers fa partie fupérieure. Où y remarque trois incifions, qui fervent à y faire pafler les trois pivots de l'échelle mobile, pour enfermer ainfi à volonté le tube de verre attaché à l'échelle dans le tube de cuivre. La diftance entre ces trois incifons doit être exaétement la même qu'elle eft entre les trois pivots; mais cet arrangement ne doit pas faire un triangle équilatéral, afin d'em- pècher que le tube avec fon échelle ne vienne à tomber fouvent au fond du tube de cuivre, en faifant des expériences; ce qui ne peut arriver que très-rarement lorfque la diftance entre ces incifions , ainfi qu'entre les pivots, elt inégale. Comme cependant cela peut arriver quelquefois, en faifant des épreuves, il fera toujours prudent de fixer au fond du tube de cuivre un morceau de liège, qui empêche que le tube de verre, en paffant par hafard à travers l'anneau ; ne frappe trop rudement contre le fond du tube de cuivre & ne fe bufe, Au refte, fi on ne veut pas employer ce tube de cuivre; comme un étui pour y enfermer le tube de verre, ces trois incifions fonc inuriles, . | L Il ef à propos d'avoir un couvercle adapté au tube de cuivre, (fi on veut s’en fervit comme d'un étui) pour pouvoir le fermer & pour tranfporter ainfi l'appareil fans danger... ; Fig. V. La mefure fixée dans fon châton de cuivre. J Fig. VI. Gerte même mefure, fes différentes pièces font repréfentées féparément. a la mefure de verre même, 2 la partie fupérieure dù châton, qui reçoit la mefure deiverre. c la partie qui reçoit la couliffe,e. d la partie inférieure faire.un peu en forme d'entonnoir. 1 Fig. VIT, La partie du châton de cuivre qui reçoit la coulifle , & la coulifle même à moitié ouverte ; le tout vu par-deflous , pour repréfenter Je reflort a, qui porte un pivot à fon extrémité, lequel pafle par un trou pratiqué dans la plaque de cuivre , à laquelle le reflort eft viflé, & qui eft reçu par une rainure coupée dans la partie inférieure de la coulifle. La. preflion de ce reflort fait que la coulifle ne peut tomber hors du châron, le pivot étant arrêté dans la rainure de la couliffe. Fig. VII. aa Baquet qui fert aux expériences pneumato-chimiques. Sa longueur interne eft d'environ trois pieds; fa largeur de vingt-un pouces, fa profondeur de quinze pouces. La planche e, qui ferc à y placer les différens vafes, doit avoir deux pouces d'épaiffeur & un pied en longueur. Elle doit être fixée à la diftance d'environ trois pouces trois quarts du bord du baquer. Cette épaiffeur eft néceflaire , à caufe que certe planche eft par-deflous excavée en forme d’entonnoir, dont on voit l'orifice nr ; 3 SUR L'HIST, NATURELLE ET LES ARTS. 351 fur Ja furface de la planche, & dont on voit tout le creux dans la fig. IX, Les incifions ee ne percent pas outre en outre; elles fervent à : différens ufages , par exemple à loger la courbure d’un tube , (vel qu'on voit-repréfenté par à, fig. [) par lequel on fait pafler l'un ou laurre air, lorfqu'on en produit dans un appareil placé hors du baquer. deftun entonnoir de verre, plat par en-haut , affermi dans un anneau de cuivre, lequel fe fixe au bord de la planche par le moyen d’une coulifle , de façon que le bord inférieur de cet entonnoir foit de niveau avec la partie fupérieure de la planche, Cec entonnoir fert aux expériences eudiomé- triques , & eft aufli fort commode pour tranfvafer des petites quantités de différens airs. Lorfqu'on a des grandes quantités d’airs à tranfvafer , on Ôte cet entonnoir, sil incommode , & on fe fert alors du grand entonnoir creufé dans Ja planche même. Ce petit entonnoir peut aufli être fait de cuivre. Le baquer doit être rempli d'eau jufqu'à un pouce ou un pouce & demi ou deux pouces au-deflus de la planche c. Les incifions qu'on voit çà & là à la partie fupérieure & interne du baquet, fervent à.y appuyer des tubes de verre, qui fans cela font fujets à gliffer contre le bord du baquet & à fe renverfer. Il eft à propos de laïfler dans ce baquet toujours tout l’eudiomètre , afin que le tube & la mefüure,de verre foient toujours d'une température égale à celle de l'eau , & par conféquent toujours en état d'être employés dans le moment qu'on veur. : bb eft le pied fur lequel le Paquet eft appuyé. Il eft fait de façon, qu'on peutmettre les genoux deflous le baquer. Fig. IX. La planche du baquet vue par deflous, pour repréfenter la forme dejl'entonnoir creufe dans fon épaifleur. Fig. X. a eft un entonnoir de verre ou de cuivre, fixé dans l'anneau de cuivre b, tenant à un appareil, par le moyen duquel on l'applique au bord d’un baquer quelconque. Ce petit appareil eft très-commode en voyage. Après avoir donné une idée de cet inftrument , ainf que de la manière de s’en fervir , il nous refte à faire encore quelques remarques fur la manière de faire des eflais de comparaifon, & fur quelques propriétés de Fair nitreux par rapport aux expériences eudiométriques. On conviendra aifément qu'un des plus grands avantages qui pourroit réfulter de l'ufage des eudiomètres , confifte en ce qu'on feroit sûr que les effais fur l'air atmofphérique s’accorderoient toujours exactement, lorfque l'air examiné fe trouve être réellement de la même qualité , fur-tout fi ces eflais fe font par différens obfervateurs & dans différens pays ; cer, avanc d'être sûr de la concordance exacte de ces eflais , on ne feuroit juger du degré de falubrité d'un pays coniparé avec celui de la falubrité d’un autre. 352 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, Nous devons à l'attention de M. Van-Breda, favant Phyfcien à Delft , la connoïflance d'un moyen de donner aux eflais eudiométriques l'exactitude, dont je viens de parler, IL avoir obfervé depuis plufeurs années , qu'il fe trouvoit des différences notables dans les divers effais faits avec le même air, fi on les faifoit dans différentes eaux; de façon que la colonne d'air qui reftoic dans le rube eudiométrique après le mélange fait de parties égales d'air commun ê& d'air nitreux ; fe trouvoit conftam- ment & confidérablement plus courte, fi fon baquer éroit rempli d'eau de pluie, que s’il contenoit de l'eau de fource ou de puits. Il me commu- niqua fon obfervation : je la trouvai aflez importante pour l'encourager à la pourfuivre. Après avoir fuivi cet objet très-foigneufement pendant le courant des années 1780 , 1781 & 1782, il me communiqua toutes ces expériences, dans un Mémoire, que je fis inférer dans le fecond volume de la feconde édition de mes Mélanges de Phyfique & de Médecine; (édition allemande , publiée à Vienne en Autrièhe l'an 1784). Voici en peu de mots à quoi fe réduit le réfultar de fes obfervations , par rapport à La méthode qu'il recommande comme la plus certaine (7). L’eau prife de différens puits, creufés même à peu de diftance les üns des autres ; donna un rélultat. différent. Les eflais: faits dans l’eau: douce de rivière & dans celle des canaux qui traverfent les rues de la ville de Delft, ainfi que dans celle du lac de Haerlem , différoienc entr'eux , & leur rélulrat ne fe trouvoit pas conforme à celui des effais faits dans l'eau de puits. L'eau de puits, ou quelqu’autre diftillée, donnoit le même réfulrat ; que l'eau de pluie pure. Il trouva qu'il fuffit de remplir feulement le tube eudiométrique foit d’eau diftillée, foit d'eau de pluie pure, pour avoir exactement le même réfultat , qu'on obtient lorfque non-feulement ce tube, mais aufhi tout le baquet eft rempli de cette même eau. Il confeille donc de remplir d'eau diftillée, (vu qu'on n’eft nullement sûr de trouver toujours de l'eau de pluie exaétement pure) le feul eudiomètre immédiatement avant de commencer un effai d'air commun : il n'importe pas alors, de quelle efpèce d'eau le baquet lui-même foit rempli. Comme l’eau diftillée n°eft pas fujette à fe gâcer , comme le font toutes les autres, on peut être sûr, que chaque Phyficien muni d’un bon eudiomètre de l'Abbé Fontana , & effayant la bonté de l'air commun par le mélange de parties égales de cet air &: d’air nitreux , aura un réfultat a pourra étre comparé avec celui des effais de tout autre obfervateur , dans quelque partie du monde que ces obfervations fe faflent. Cette fimple découverte de M. J'an-Breda lève toute incertitude , à (1) M. Van-Breda tire de ces obfervations plufeurs autres conféquences fort importantes ; qui regardent, fur-tout, la confitution de J’atmofphère. Elies fe trouvent toutes dans le Mémoire que je viens de citer, laquelle SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 35 laquelle ces effais étoient encore fujets par la différence qu'on trouve dans la nature des différentes eaux de fource & autres dans différens endroits, & nous rend les obfervations faites fur le degré de bonté de l'air de différens endroits, aufli exaétes que les obfervations fur le degré de chaleur de différens pays , faites par un bon chermo- mètre, ls, 9 j . M. V’an-Breda trouve auffi, que beaucoup d'eau, foit de fource , foit de rivière, contracte, après avoir bouilli pendant environ un quart-d'heure, exactement la mème qualité, (eu égard aux eflais eudiométriques ) qué l'eau diftillée. Depuis que j'ai reconnu que l'eau de fource , qui fe trouve dans la maifon que j'habite à Vienne, donne, ayant été bouillie, exate- ment le même réfultat, qu'elle donne après avoir été diftillée , je me fers de l'une & de l’autre indifféremment. Mais on'ne peut en être afluté , qu'après avoir comparé l'effer d'une telle eau bouillie avec! celui de l’eau diftillée dans différens effais faits avec le mème air. she L’obfervation de M. Jan - Breda n'eft pas d'une fi grande impor- tance dans les épreuves des airs déphlogiftiqués. Ces airs n’exiftant pas fur la furface de la terre, & le degré de bonté des différens airs de cetre efpèceiétant infiniment différent, il importe peu d'en connoître la bonté avec la dernière exactitude, Qu'on fafle l’eflai de ces airs dans telle eau qu'on voudra ; ils démontreront toujours le degré de leur bonté avec autant d’exactitude qu’on! peut raifonnablement defirer. Outre l'avantage de l’uniformité des épreuves , que l'obfervation de M. Van-Breda procure aux effais de l'air commun , elle ajoute un degré de perfection à l'échelle comparative des degrés de bonté de tous les airs. Comme les degrés de bonté d'un air s'accordent exactement avec le nombre des fvbdivifions ou centièmes de mefure qui fe trouvent {après qu’on a fait le mélange des deux airs } détruites dans l'effai ; la colonne reftante du mêlange d’une mefure d’air commun & d’air nitreux, (fait dans l'eau de fource, dont je m'étois toujours fervi auparavant ) occupoit ordinairement une mefure entière &6 jufqu’à 10 centièmes de mefure, quelquefois même au-delà ; mais rarement moins, excepté dans le rems pi forte gelée; il s'enfuit, que l'air commun paroifloit être par ces eflais communément de 90 à 94 degrés de bonté ; au lieu que, ff le mêlange de deux airs fe#fait dans le tube eudiométrique rempli d'eau difillée , il ne refte communément du mêlange d’une mefure d'air . commun & d’une égale mefure d'air nitreux, qu'environ une feule mefure ou une mefure & un ou deux centièmes de mefure ; comme l'air fe trouvoit en général en Hollande pendant les années 1780 , 1781 & 1782 , felon les obfervations de M. J’an- Breda ; au lieu que la colonne d'air n'occupe dans ces mêmes eflais ici à Vienne communément que 0,97, ou quatre-vingt-dix-fept centièmes d’une mefure , quelquefois un Tome XXVT, Part, I, 1785. MAL, 354 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, peu plus ou moins(1). Comme dans les obfervations de M. J’an-Breda & dans les miennes le nombre des fubdivilions ou centièmes de mefure détruites du mêlange de deux airs, approche beaucoup du nombre rond de cent, on peur prendre la bonté de l'air atmofphérique comme étant de cent degrés, lorfque cer air a une bonté moyenne, Comme le mélange d’une mefure d'air inflammable, ou d’un autre air méphitifé au fuprême degré, & un d'air nitreux ne fe retrécit pas du tout ; & comme la mafle de deux airs fe contracte d'autant plus, que l'air, dont on veut connoître la bonté , approche plus de la bonté de l'air commun ; l'évaluation fe trouve très-facile à faire , & par conféquent aufli la comparaifon de ces airs avec l'air commun. De même le mêlange d’une mefure d'air fupérieur en qualité à l'air commun & d'une mefure d'air nitreux , fe retrécira encore davantage, & exactement dans la proportion de la bonté réelle de l'air foumis à l'épreuve. Mais il ne faut pas perdre de vue , qu’une feule mefure d’air nitreux n'eft pas en état de farurer une égale mefure d'air déphlogiftiqué , & que par conféquent il eft néceflaire d'y ajouter autant de melures d’air nitreux, qu'il en faut pour faturer la mefure d'air déphlogiftiqué qu'on effaie, c'eft-à-dire , jufqu'à ce que la dernière mefure d'air nitreux , après les fecouffes faices , ne diminue plus la longueur de la colonne d'air, telle qu’elle écoit avant d'y avoir ajouté certe dernière mefure d'air nitreux. Les mefures & fubdivifions de mefure, qui fe trouvent alors dans le tube de l’eudiomètre, fe déduifent des mefures de deux airs employés dans l’eflai, & le réfulrat de cette fouftraction donne le nombre des mefures & des fubdivifrons de mefures , qui ont été détruites dans l’effai ; & ce nombre fera celui des degrés de bonté de l'air foumis à l'épreuve. _ J'ai déjà die plus haut, qu'il faut fecouer pendant quelques fecondes ( douze ou quinze fecondes fufhfent (2) le tube eudiométrique à chaque (1) Cette différence indique, qu’en général l'air eft plus falubre à Vienne qu’à Delft en Hollande. La longueur moyenne de la colonne d’air qui reftoit dans le tube eudiométrique, prile de 19$ effais faits par M. l'an-Breda à Delft pendant Pannée 1781, écoit de 1,o1 Z ou de cent & une fubdivifions complettes & une fra&tion de Z d’une (ubdivifion. L’air y étoit dond d’une bonté moyenne d’environ 99 degrés: au lieu qu’à Vienne l’air étoit dansile même tems d’environ 1,03 degrés. On trouve dans mon Ouyrage cité le calcul exa@ avec les tables complettes de ces obfervations de M. Van-Breda. N'ayant pas encore fait moi-même des obfervations aflez fuivies pendant tout le cours d’une année fur l’air de Vienne , je ne fuis pas encore en état de comparer aufli exaétement que je le defirerois, la falubrité de l'air de Vienne avec celui de Hollande. Mais il me paroit affez décidé par les expériences que j'ai déjà faites , qu’à Vienne Pair furpaflé en général celui de Hollande d’environ 3 Où 4 en en bonté, (2) Un Phyficien, qui fe laifle aller à fes idées, s'imagineroit ailément, que la Jongueur de la colonne d’air dépend beaucoup du.tems qu’on emploie à faire ces SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 355 mefure d'air nitreux qu’on y fait monter , & qu'ilfaut commencer ces fecouffes un peu avant que les deux airs viennent en kontadt: Celui qui n'eft pas éncore au fait de ces effais, s’imaginera probablement ;que ‘ces fecoules fervent à mêler plusintimément les deux airs 4& à diminuer, auranc que poflible , là, matle. de cermélangel [Len ciréra auf la confé- quence, que la colonne d'air reitera plus grande, lorfqu'on ne fecoue pas le tube pendant que les deux airs fe mêlent, qu'elle n’eft Jorfqu'on la fecoue! bien. Mais cétre conclufon , qui eit rrès-légitime: eu égard à l'effai d’un air commun ôn d'un aîr qui approche de fa nature, fe trouve très-faufle par rapport à l'air déphlogiftiqué : effectivement une mefure d'air nitreux ajoutée dans un tube eudiomérrique, à une égale mefure d’air déphlogiftiqué , fe réduit en un efpace beaucoup plus petit ; lorfqu'on ne fecoue pas le tube, que fi on lui donne des fecouffes ; & tout Le con traire a lieu dans le mêlange d’une mefure d'air nicreux & une d'air commun, Il auroit été difcile de deviner une telle efpèce de bizarrerie ( fi on peut l'appeler ainfi ) dans la nature de l'air nitreux (1). * Lorfqu'on fait monter dans le tube de l’eudiomètre une:mefure d'air nitreux , pour le faire incorporer fans fecoufles avec une égale mefure d'air déphlogiftiqué d'une qualité éminente, par exemple de 400 'dégrés & au-delà, l'incorporation des deux airs fe fait complètement en une demi-minute de tems, au lieu que l'incorporation d'un tel mélange d'air commun & d'air nitreux ne s’achève pas dans une demi-heure; pas même entièrement dans le tems de fix heures. Si cependant ces mélanges fe font dans un vafe de deux ou trois pouces de diamètre , l’incorporation fe fait complètement dans l’un ,comme dans l’autre mêlange, en un inftant: Si au lieu d’air déphlogiftiqué très-fin on méle dans un tube eudiomé- trique une mefure d’un air déphlogiftiqué d'une qualité inférieure, par exemple de 200 degrés, avec une mefuré d'air nitreux fans fecouer le tube , l'incorporation des deux airs ne fe fait pas fi promptement : elle ne’ s'achève pas complètement même dans le tems d'uñé minute entière, Mais fecoufles ; mais l’expérience le convaincra, qu'après avoir fecoué le tube pendant douze à quinze fecondes , le volume des deux airs fera tellement diminué, que, f on continue ces mêmes fecoufles pendant une demi-minute de plus, on ne fauroit le diminuer davantage. Dans la Seétion dernière demon Ouvrage fur les Végétaux | on trouvera quelques expériences , qui démontrent que le mélange ou l'incorporation de deux airs étant accomplie , les fecouffes ne retréciffent plus guère , ou rien du tout la colonne d'air, . (1) Voici quelques expériences , qui ferviront à donner une idée de cette propriété de l'air nitreux : ayant fait monter dans le tube de l’eudiometre une mefvre d’air déphlogiftiqué , dont la bonté étoit de 306 degrés, j'y fis monter une mefure d’aie nitreux ; & je fecouai ce tube pendant quinze fecondes : enfuite je fis repofer le tuba Tome XXVT, Part, I, 1785. MAI. Yy 2 356 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, fi ce mêlange fe fait ddns un vafe d’un grand diamètre, l'incorporation des deux airs fe fait dans un inftant. Lorfqu'on mêle dans le tube eudiométrique une feule mefure d'air nirreux avec une égale mefure d'air déphlogiftiqué fans fecouer le tube, la colonne d'air fe trouvera d'autant plus courte, que l’air déphlogiftiqué aura été pendantune minute; en examinant alors la longueur de la colonne d’air, je la trouvai être, dans trois expériences faites de fuite , comme on voit dans cette Table: Nombre des fubdivifions ou| Nombre des fubdivifions , qui fe centièmes de mefures qui fe| trouvoient détruites dans le mélange zrouvorent, dans le tube. des deux airs, TÉMEMPETENCES RL ON7S setnaaleletieldeste ele [M2 5e IS (Expérience, 10,761... 410. l0r24 IIS Expérience, 0764.40. .00% de cle. | 1,24 Je répétai ces mêmes eflais , avec cette feule différence que je ne fecouois pas le tube. Le réfulat en étoit : : I Expérience, 0,50... .ve..sesesse | T>50+ TSVExpÉMENCE, 10,0 ae 0 ee ejaleeietete mise 55 0e JII° Expérience, 0,50... esse. | 1350 Je répétai ces mêmes effais avec un air déphlogiftiqué d’une qualité inférieure ; favoir, de 230 degrés. Voici le réfultat de trois expériences, dans lefquelles je fecouai le tube : 4 TÉNExperience No; B6ne ct els hies sie some | UT; 144 HIS VEXpÉHENCE OBS EE aee soce ses [IL TA: III Expérience, 0,8% .44....eee.Ous | 1,15 Le réfultat des trois expériences , dans lefquelles le tube n’ayoit pas été fecoué ; étoit ainf : 17°, Expérience, 0,60... .s..segsose | 1,404 IEÉNExpérence, OC ee sberee ele IlNI,3 9 III Expérience, 0,60........sevese | 1,40 Je fistrois expériences de comparaïfon, en mêlant une mefure d’air nitreux avec une d’air commun, & en fecouant le tube pendant l’incorporation des deux airs. Le réfultat fut ainfi : TS Expérience ; ,0:97/-tl8le a stolatsefele sa |00T,034 HSMExDpÉTIENCe 10,9% elesel else Its DA INSExpénence, lol97.1h cesser On Il étoit inutile de faire ces trois dernières expériences fans fecouer le tube , vu que les deux airs s’incorporent alors fi lentement , en faifant ce mélange dans un tube eudiométrique , que la diminution de la colonne d’air ne s'achève pas dans plufieurs heures. d Dans toutes çes expériences le tube eudiométrique avoit été rempli d’eau diftillée, SUR L'HIST. NATURELLE ET LÉS ARTS. 357 ‘d'une meilleure-qualité. De même le mêlange de ces deux airs fe trouvera aufi d'autant plus retréci, que l'air déphlogiftiqué aura été plus pur, lorfque pendant incorporation des deux airs on aura fecoué le tube. Il paroïîtroit au premier coup d'œil de tout cela, qu’une feule mefure d'air nitreux fufhroit pour découvrir le deoré de bonté des airs déphlogiftiqués. L'évaluation , 1l eft vrai, fe trouveroit aflez jufte eu égard aux aits déphlo- giftiqués d'une grande finefle; mais elle feroit trompeufe pour les airs déphlooiftiqués d'une qualité médiocre, comme on trouvera, fi on fe donne la peine d’en faire l’eflai. La méthode feroit d'ailleurs peu propre pour différentes raifons , fur-tout à caufe qu'on ne pourroit plus comparer fi bien la bonté des airs déphlogiftiqués avec celle de l'air commun, vu que la différence , qui fe trouve dans la longueur de la colonne dans un effai d'air commun & d’un air déphlogiftiqué , même de la meilleure qualité , feroit trop petite: en fecouant, par exemple, dans le tube eudio- métrique une égale mefure d’air nitreux & d'air commun , On trouvera la colonne d'air être réduite à environ la moitié (en fuppofant que le tube ait été rempli d’eau diftillée ), & dans un eflai femblable d'un air déphlogiftiqué très-pur la colonne occupera environ 0,80, ou quatre- vingt centièmes de mefure : il n’y auroit donc que la différence de 20 degrés entre la bonté d’un air déphlogiftiqué de la meilleure efpèce & de l'air commun: ainfi les airs déphlogiftiqués d'une bonté moyenne s'approcheroient, en apparence , trop pour pouvoir les diftinguer entr'eux avec exactitude. Il fuit de ces confidérations , que la méthode de M. Fontana eft infiniment préférable; c’eft-à-dire, qu'il faut ajouter à une mefure d'air déphlogiftiqué autant de mefures d'air nitreux (l’une après l’autre, en fecouant le tube à chaque mefure qu'on y ajoute ) qu'il eft néceflaire pour faturer entièrement la mefure d'air déphlogiftiqué qu’on effaye ; ou il faut, fi l'on veut abréger la méthode, ajouter à une mefure d'air déphlogiftiqué une quadruple mefure d'air nicreux à la fois, & faire ce mélange dans un vafe large, comme nous avons déjà dic plus haut. Il eft vrai, qu'en adoptant cette dernière méthode , on confume fouvent plus d'air nitreux, qu'il ne feroit néceflaire; car on rencontre rarement un air fi fin, qu'il requiert quatre fois fon volume d'air nitreux pour le farurer ; maïs comme on ne peut pas être sûr, avant de lavoir eflayé , de combien de mefures d'air nitreux on aura befoin pour faturer la mefure d'air déphlo- giftiqué, qu'on veut foumettre à l'épreuve , il vaut toujours mieux en ajouter trop que trop peu. Tout ce qu’on y aura employé de furabondant fe trouvera encore dans le tube, lorfqu'on mefure la lonoueur de la colonne d'air, laquelle fe trouvera trop prolongée juftement d'autant qu'il y avoit d'air nitreux de fuperfu. Ainfi le nombre des mefures & fubdi- vifions de mefure, qui fe trouveront détruites dans le mélange , fera toujours en raifon de la bonté de l'air examiné, 358 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, J'ai dit dans mon Ouvrage fur les Végétaux, (page 191) quil importe peu, fi l'air nitreux eft fort ou foible, pourvu qu’on en ajoute autant qu'il en faut pour faturer l'air qu'on examine. Quelques Phyfciens, en prenant inconfidérément cette aflertion pour un paradoxe infoutenable, paroiffenc ne pas avoir jugé à propos de la mettre à l'épreuve avant d’en juger ; car l'expérience Les auroit convaincus du peu de fondement de leur critique. Ayant expliqué amplement dans mon Ouvrage /ur les Végétaux la théorie de ce paradoxe fuppolé , je crois qu'il vaut mieux y renvoyer le Lecteur curieux, que de groflir ce Mémoire par une répétition inutile. I n'eft pas nécellaire que j2 fafle remarquer à ce fujer que, G l'air nicreux fe trouvoit trop affaibli, foit parce qu'il eft trop vieux, foit parce qu'il eft mêlé avec de l'air commun, on ne pourroic l'employer que dificile- ment avec l'eudiomètre de Fontana , vu qu'il en faudroir une quantité fi grande, que le tube ne pourroit pas le contenir. D'ailleurs, s'il s’agit de faire des effais délicats, tels que Les effais d'air commun , il vaut roujours mieux employer un air nitreux, qui foit fait récemment, ou au/moins un tel, qui n’aic été fait que depuis trois ou quatre jours: lorfqu'on fait des eflais d’air commun en voyage, il fera toujours néceflaire de le faire tout fraîchement ; car l'air nirreux étant en contact avec de l’eau, s’affoiblit peu-à peu, & très-virement, lorfqu'il eft fecoué avec de lea. Une quantité d'air nitreux fuMifante pour faire plufieurs épreuves fe fait dans peu de minutes, lorfqu’on le fait par la folution du cuivre dans l'acide de nitre, comme je le fais conftamment , depuis que j'ai été convaincu qu'il produit exactement le mème effet, que celui qu'on obtient par une folution de mercure dans cet acide. Le cuivre jaune ou le laiton n’eft pas fi propre à faire air nitreux. Le fer ne vaut abfolument rien pour cet ufage. J'en ai donné la raifon ailleurs. L’eudiomètre à air nitreux, (je parle toujours de celui de M. Fontana) dé- couvre exaétément les vices que l'air commun contraéte par les caufes qui exiftenc fouvent, par exemple par une grande foule de perfonnes enfer- mées dans un endroit étroit & fermé. Si l'air des iatrines , foumis à ces épreuves, ne paroît pas être dégradé autant qu'on pourroit s’y attendre , lorfqu'on juge du degré de bonté de cet air par le feul odorat, c’eft parce que l'air des latrines n'eft pas fi chargé de phlogiftique, qu'on pourroir fe l'imaginer , en jugeant par l'odurac feul. Le phlogiftique, qui exhale en abondance des vuidanges des animaux fe mêle, dans les latrines , avec l'air commun , qui n'ayant que rarement la même température exactement que l'air environnant, n’eft prefque jamais dans un état de ftagnation parfaite , mais fe change continuellement. Si on veut fe convaincre que c’eft ce continuel renouvellement d'air qui eft caufe que l'air des latrines n'eft chargé pour l'ordinaire que très-lécèrement & prefqu'impercepri- blement de phlogiftique , on n'a qu'à enfermer un excrément d'un chien ou d'un autre animal fous une cloche avec de l'air commun, on verra SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 359 qu'en peu de tems l'air ainfi enfermé aura contracté un vice vraiment deltructif pour tout animal qui refbire. Si la fiente des animaux infectoit l'air de mephirifme au mêine degré qu’elle infecte de puanteur , lorfque cet air a communication avec l'air environnant, on ne pourroit vivre long-tems ni dans les écuries ni près des fumiers, fans contracter des maladies, | EXTRAIT D’'UNE DISSERTATION Sur l'Hydrophobie & fur fon fpécifique le Méloé du mois de Mai & le Profcarabé ; Par CHARLES TRAVGOTT SeHWARTS, de Siléfie, LE À VANT de parler de la vertu anti-hydrophobique du méloé du mois de mai & du profcarabé , il n’eft pas hors de propos, je crois, de dire un mot de l’hydrophobie, On appelle ainfi la maladie qui réfule de la morfure d’un animal enragé. Qu'on n attende point de moi dans cette Differtation des détails fuivis de l'hydrophobie en général & de fes fymptômes. Dans cette maladie ce qui doit d’abord fixer notre attention , c’eft la bleflure qu’a faite le chien enragé, & qui, comme il eft aifé de le voir, peut, fuivant Les différentes circonftances , être grande ou petite , profonde ou fuperficielle , fimple ou compofée ; enfin , elle peur tomber fur toutes les parties du corps. Je ne difconviendrai pas non plus que l’hydrophobie ne devienne plus ou moins dangereufe en raifon des différences dont je viens de rendre compte. Il n'eft pas rare cependant de voir des bleffures plus léoères donner des fymptômes plus effrayans que d'autres plus grandes & plus profondes. Souvent aufli la plaie ne rend que très-peu de fang, foit parce qu'elle a été tourmentée, foir parce que les chiens enragés ne mordent qu'en courant. La frayeur foudaine qu’éprouvent communément les malades , eft prefque toujours un fymptôme infaillible de l’hydrophobie , fymptôme qu'accompagnent fouvent les contractions de nerfs, les palpitations de cœur, & les fuites ordinaires de la crainte & de la terreur, lors même que les malades ne deviennent point hydro- phobes, Si au contraire le germe du mal n’exifte point, l’on voit alors tous ces fignes difparoître infenfiblement , & la plaie fe refermer, à moins que la morfure n'ai offenfé les nerfs; enfin, la frayeur ceffer avec lableflure, 360 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, LEA Mais il n'en eft pas de même lorfque quelque partie du corps recèle le virus; tôt ou tard le malade tombe dans l'hydrophobie, & bientôt après commence le fecond période de la rage. Le rems qui s'écoule entre les deux, eft en raifon de la bleflure & du tempérament. Celui qui après avoir été légèrement mordu continueroit de fe bien porter , ne doit pas être pour cela fans inquiétude. En effer, on a vu dans ce genre, des bleflures qui d'abord paroifloient n’être que des égratignures , augmenter avec le tems, & enfin dégénérer en hydrophobie. Quant aux exemples d'hydro- phobie caufée par une morfure faire depuis dix, vingt & quarante ans, & où le virus, après un aufñfi long efpace de tems, a fait périr le malade , je ne crains point de les révoquer en doute. Je croirai plutôt que ces malades que l'on cite, font devenus hydrophobes par une autre caufe ; ou bien que le virus les a infectés de nouveau , fur-tout lorfqu'il ef fi facile de gagner cette efpèce de contagion fans prefque s'en douter. Pour fe con- vaincre que l'homme peut s'infecter lui-même du virus hydrophobique, il fuir de faire attention aux différentes formes fous lefquelles fe repro- duifent les autres miafmes peftilentiels. Fabricius Hildanus cite un fait qui vient à l'appui de ce que j'avance. Un chien enragé avoit déchiré La robe d'une femme fans effleurer la peau. Cette femme qui ne foupçonnoit pas même que l'animal fût enragé, rompit imprudemment avec fes dents le fil dontelle s’étoit feryie pour recoudre fa robe. L'effer du miafine hydropho- bique qu'elle afpira fut tel dans ce moment, quetrois mois après elle devine enragée , & qu’elle mourut avec tous les fymptômes de cette maladie, D'autres Auteurs, du nombre defquels eft Cœlius Aurelius, citent un trait femblable, Enfin, eft-il hors de toute vraifemblance que les chiens enragés avant le premier accès foient déjà infe@és du virus hydropho- bique qu'ils peuvent avec leur falive communiquer aux hommes en jouant avec eux & en Les careffant ? Cette fuppofition admife, il s'enfuit que le miafme de l'hydrophobie s’infinue dans le corps, non-feulement à l'infu du malade, mais encore qu'une fois introduit , il peut fe communiquer par la tranfpiration , comme dans l’origine il eft émané du chien. Il eft également vrai de dire que le germe de l'hydraphobie peut refter pendant quelque tems concentré dans le corps. C'eft ce qu'atreftent des obfer- vations non-fufpectes faites tant fur la rage que fur les autres miafmes peftilentiels. Moi-même j'ai vu un enfant être mordu le 27 mai 1781, & mourir quatre mois après de l’hydrophobie : il faur obferver que la bleffurern'étoit prefque rien; car les dents du chien avoient à peine effleuré la paitie droite du fourcil, ; LE Mais je reviens aux fymptômes de l'hydrophobie, Le premier période de SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 369 de la maladie pallé , ou le malade a l'air de fe bien porter ; ou bien le fecond période fuit immédiatement. Les 'angoiffes, qui d’abord viennent plutôt de l'imagination que du mal en lui-même , font bientôt une fuite de ce dernier, & ne font que croître & augmenter. Tel eft le mode fous lequel ce fecond période fe manifefte. Les malades.fencen aufli à l'endroit de la bieflure, une douleur & une démangeaïfon qu'il leur eft impofñible de définir , & qui s'étendant plus ou moins loin, fe propage tantôt {ur les parties intérieures, tantôt {ur les parties extérieures. Souvent-aufli la plaie paroît plus enflée, elle s'ouvre, il en fort un fang cotrompu ; on diroit qu’elle vient d'être faite. Le malade eft trifte, inquiet , effrayé , il ne cherche que la folitude, il eft taciturne , colère, fa refpiration eft entrecoupée ; on l'entend poufler par intervalles de profonds foupirs. I fent des lafitudes, des frifons , fymptômes qui annoncent que le virus qui s'écoit tenu caché jufques-là , commence à £ développer. Éft-il couché ? ou il ne dort pas, ou bien le fommeil ne lui procure aucun repos ; Car on re peut pas appeller de ce nom l'afloupiffement dans lequel il eft plongé. L’infortuné quelquefois eft agité par des rêves affreux ; c’eft un .chien enragé ou d'autres fpectres femblables qui fe peignent à fon imagination, & qui ajoutent encore à fes rourmens. Bientôt après il éprouve un dégoût abiolu , il ne peut plus fupporter la lumière du foleil & d’un flambeau. Alors les organes deftinés à la déglutition ne laiffent plus de paffage pour les fluides & pour les folides, On a même vu des malades , quoique dans le commencement de l'hydrophobie , ne pouvoir aValer qu'avec les plus grands efforts, & fans fe faire une efpèce de violence. Le pouls vaie , l'urine ne coule qu'avec peine, ce qui dénote que les nerfs font vivement affectés, Mais déjà les foupirs font plus profonds, la refpiration vient plus gênée , & Les progrès du mal font bientôt tels que le malade ne peut plus rien prendre de liquide , ni même quelquefois de folide, Veut-il l’effayer ? ou il éprouve alors des fpafmes & des convulfions dans toutes les parties du corps , ou il reflenc des maux d’une autre efpèce, tels que le délire, une inquiétude mortelle , un affaiflement total, & une douleur fixe dans la région épigaftrique. À mefure que le mal augmente, on remarque que la vue feule de l’eau & des autres liquides, où même que le bruit & le nom d'un fluide quelconque prononcé devant lui, produit le même effer. Enfin , les malades en viennent au point de ne pouvoir plus fupporter ; fans fouffrir beaucoup, la vue des miroirs & des autres corps polis , les couleurs trop vives, l'air , leurs larmes mêmes & leur falive. On prétend que la couleur du chien enragé qui les a mordus eft celle de routes qui les affecte le plus'vivement. Souvent dans cet érat les fénfations deviennent fi délicates , que les malades ont en horreur des objets quelquefois imperceptibles, ou- qui feroient agréables pour tout autre. Dans l'impofhbilité où ils font d'étancher la foif qui les dévore, ils éprouvent des tourmens capables d’atracher des larmes à ceux Tome XXVT, Part, 1, 1785. MAI. Zz 362 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE; quien font témoins. Viennent enfuice les fueurs froides. L’écume fort. de leur bouche ; ils font dans des tremblemens prefque continuels; Jeur voix eft rauque. Leurs nerfs fe retréciflent, l'eflomac ne fait plus fes fonctions accoutumées. La bile eft en mouvement; la fièvre s’y joint, les humeurs fe portent à la tête. Leurs yeux font hagards & étincelans ; ils ont des vertiges & ne cherchent qu’à mordre ceux qui les environnenr , ou à cracher fur eux. Quelquefois cependant ils ont des momens lucides pendant lefquels ils caufent avec leurs parens & avec leurs amis. Je me fouviens: très-bien d’avoir entendu lenfant dont j'ai parlé plus haut, peu de.tems avant fa mort, s'entrecenir d’une manière raifonnable avec fes. parens , &: leur dire adieu pour la dernière fois. Je l'ai vu même, dans un moment où fa raifon lui étoir revenue ; prier fon père , occupé alors à panfer fa plaie, de prendre garde à'lui,, car il fentoit qu’il éroit tenté de le mordre. Enfin , l'inflant critique eft arrivé ; les uns expirent au milieu des plus horribles convulfions ; les autres au contraire; épuifés par la longueur de leurs fouffrances, finiflent tranquillement. Souvent les malades , fi l’on doit en croire des témoins oculaires, peu detems avant leur mort annoncent l'inftant où ils cefleront d’être ; mais en général on peut obferver que les fymptômes de l’hydrophobie varient beaucoup chez prefque tous les malades, pour le tems , le nombre , la force, la durée & la nature de l'accès. Auf eft-il prefqu'impoñlible pou: cette raifon , de donner de cette maladie des détails qui conviennent À tous ceux qui en font attaqués ; puifque fouvent les fymptômes les plus caractériftiques, l’hydrophobie même, ne s'y rencontrent pas. On doit en dire de même des obfervations que l'anatomie nous découvre dans Jes cadavres des hydrophobes, IV. Tels font donc les progrès de cette cruelle maladie dont la vraie caufe ; ainfi que la méthode pour la guérir, ont; hélas! exercé jufqu'ici fans fuccès les plus habiles Médecins. Inftruit, d'après les tentatives infrudueufes de ces grands hommes, ce feroit une témérité à moi de vouloir appuyer fur quelque nouvelle hyporhèfe l’origine de l’hydrophobie, fes fymptômes ou fes effets ; car il ne feroit pas difficile de prévoir , que même avec l'attention la plus fcrupuleufe , mes recherches ne donneroient jamais l'évidence & la certitude pour réfultat. Il y a beaucoup d'apparence, pour me fervir de l'expreflion de Cælius Aurélien , que l’hydrophobie affecte le genre nerveux. Mais comment fe fait-il que le poifon émané d’un animal enragé, produife un effec aufli fingulier fur le cerveau & fur les nerfs ? c’eft ce qu'il n’eft pas poffible d'expliquer. Les uns prétendent que c’eft une efpèce d’alkali , les autres le regardent comme un acide : il en eft enfin, qui lui ôtant cette qualité , n'actribuent fes effets qu'à l'irri- tation qu'il caufe dans les nerfs par la trep grande tenfion qu’il y produit, SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 363 L'on ignore encore comment ce virus fe propage. Da milieu de ces ténèbres épailles , part un point de lumière qui indique au Médecin qui entreprend de traiter un hydrophobe , que tous fes foins doivent fe borner à empêcher que Le virus ne pénètre dans le corps. S'y eft-il introduit, qu'il l'en fafle fortir , ou qu’il en amortiffe la violence; en ua mot , qu'il ne s'occupe qu'à préferver le genre nerveux de cette contagion. V & VI. Après ces détails préliminaires, l'Auteur difcute la valeur des différens remèdes internes propofés & employés jufqu'à préfent pour le traitement de la rage, comme Les fpécifiques dus à l'ignorance ou à la fuperftition, la poudre de palmier, la poudre de Tonquin , qui tire fa force & fon efficacité du mufc dont elle eft compofée , les fudorifiques , tels que la Be//a-dona, lalkali volatil, le mercure en pilules ou en frictions , les émétiques, les pargatifs & Les diurétiques ; puis il pafle au traitement de la plaie avec la poudre des cantharides , fuivant la méthode de Schuncker; enfin, il vient au méloë. VIT Perfonne n’ignore que ce remède compolé avec le méloé du rois de mai & le profcarabé n'eft pas nouveau, & que depuis long -tems les Médecins & les Apothicäires s'en fervent , foit contre l'hydrophobie, foit contre d’autres efpèces de maladies. Quelquefois même certains Docteurs Tont décrié, feulement pour fe donner un faux air d’érudition & de connoiffance, Mais par le laps du tems ce fpécifique étoit prefqu’entière- ment oublié parmi les Médecins , foit parce que les gens de la cam- pagne, les bergers , &c. s'en fervoient habituellement , foit que les Apo- thicaires eux-mêmes ne le préparaflent point avec tout le foin néceffaire. Les bergers en effet, & les gens de la campagne mettent un foin particulier pour conferver la liqueur onétueufe du méloé; aufi em- ploient-ils les plus grandes précautions pour prendre ces vers. Les Apotbicaires au contraire, & les Médecins ne voulant, ou ne pouvant pas , diftraits par d’autres occupations, perdre leur tems à ramaffer ces infectes qui fe plaifent dans les endroits folitaires , les achetoient des payfans , comme c’eft encore l’ufage dans certains pays : ceux - ci de leur côté, prenant ces infectes fans beaucoup de foin , à force de les toucher , leur enlevoient l'efpèce d'huile qui en fait tout le prix. Il en réfultoit de-là un remède, qui, beaucoup inférieur à celui que les bergers avoient courume de préparer, devoit paroître aux Méde- cins peu digne de leur attention. Îl ne feroit pas difficile d’expofer ici d’autres raïfons de ce mépris ou de cet abandon, tels que d’autres remèdes anti-hydrophobiques, plus ou moins efficaces , fur tout l’ufage des cantharides qu'on y avoit fubftitué ; la différence confidérable qui Tome XXVT, Pare, I, 1785. MAI, Zz2 364 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, exifte entre le fcarabé & le ver du mois de Mai, différence très-aifée à faifir , & qui cependant avoit échappe à beaucoup de perfonnes ; peut-être même les ouvrages que lon a écrits fur l’hydrophobie, & dans lefquels l'ufage du méloé étoit à peine indiqué. VIII. | Mais de toutes ces raifons, quelle que foit celle que l'on veuille regar- der comme la meilleure, il eft conftant que c'eft depuis peu d’années feulement, que le méloé a commencé à fixer l'attention de ceux qui s'intéreflent aux progrès de la médecine. Depuis qu'en 1777, Fréderic- le-Grand, donc l'amour paternel pour fes peuples ne fe borne pas feulement aux foins du gouvernement, mais veille encore fur la con- fervation de chacun ‘de ‘fes fujets en particulier, eut acheté d’un payfan de la Siléfie, & fait difiribuer dans toure l'étendue de fon royaume un fpécifique contre la morfure d'un chien enragé, fpécifique dans lequel entroient le méloé du mois de Mai & le profcarabé, ce re- mède a beaucoup exercé les Médecins, & trouvé dans les uns des juges équitables, & dans les autres une prévention exceflive. Si Andiy n'en parle que très-brièvement,, il le cite cependant avec éloge; Portal en dit peu de chofe, & il convient aflez ouvertement qu'il ne croit pas beaucoup à fa vertu , fans en donner d'autre raïfon. L'éditeur du livre de Layard fe plaint de ce que dans la compofition de ce fpéci- fique lon y méle du plomb. Il vante au contraire la thériaque qui eft une efpèce d’opiar, le méloé qui dans la médecine a la même vertu que le mulc, & la racine de ferpentine vierge qui approche beaucoup du camphre; mais de la manière dont il en parle cepen- dant, il indique affez qu'il ne regarde tous ces médicamens que comme des remèdes qui ont quelqu'eficacité. L'illuftre Murray fe plaint de ce que dans cet anti-hydrophobique la dofe n’eft pas fixée; & cetre incertitude lui fait d'autant plus de peine, que le méloé eft un remède des plus violens, capable de donner‘la mort ; il en cite même un exemple. Fritze fe plaint du même inconvenient avec plus de force encore ; & dans un autre endroit, d’après un fait qu'il avance , il regarde le méloé comme un remède qui n’eft point efficace. Les cé- lèbres Médecins Delmes Defritfch & Ungnad en penfenr plus favo- rablement, fans cependant approuver également la manière de l'ad- minifirer, ni tout ce qui entre dans fa compofition. EX Cependant la multiplicité des faits, & le grand ufage füuivi de fuccès de ce remède parlent en fa faveur. Les perfonnes dans mon pays qui ont été mordues par un chien enragé, ne font pas fort allar- mées de cet accident ; elles vont trouver les bergers ,ou bien elles les ‘ SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 36$ font venir chez elles, & autant que j'ai pu m’eh convaincre par moi-même, elles ont toutes été guéries en ufant de ce remède. Or, je le demande, un fpécifique dont l'efficacité ne feroit pas reconnue, auroit-il pu s'accréditer à un tel point? Qui croira qu'un remède qui m’aüroit pas en fa faveur cette multitude de faits, püt infpirer dans une maladie aufli cruelle, une confiance fi exceflive ? Les exemples de chiens enragés font fi communs dans ma patrie, que Fréderic-le-Grand s'eft efforcé très-fagement d'en arrêter le cours, foit en empêchant que l'efpèce de ces animaux ne fe multiplie trop, foit en leur faifant couper le ver qu'ils ont fous la langues opération que l'on regarde comme un préfervatif contre l’hydrophobie, + Ne Première Obfervarion. , Venons maintenant aux obfervations. Je commencerai par celle qui m'eft perfonnelle , & qui ma déterminé à écrire fur le méloé, J'ai éprouvé moi-même autrefois les heureux effets du méloé profcarabé; à cé titre, j'ai cru devoir mettre un exemple en tête de ceux que je cite, J'avois dix ans, lorfqu'un jour accompagné d'un de mes frères, je cra@ffai notre jardin pour aller au-devant de mon père, qui, dans ce moment étroit à l'églife ; je n’y fus pas plutôt entré, qu’à l’inftant je me vis aflailli par un gros chien qui me renverfa par terre ; mes bas furent mis en pièces, & je reçus cinq bleflures aux jambes, Non content de ces morfures, le chien vouloit encore me fauter au vifage ; comme je faifois tous mes efforts pour me garantir avec mes mains, l'animal s'élance fur mes bras & les déchire à belles dents; mon frère qui étoit avec moi, jetoit pendant ce tems-là des mottes de terre au chien : cet expédient lui réufñit bientôt ; l'animal me quitte pour s’élancer fur lui. J'en profitai pour me dérober à fa fureur. Pour mon frère, comme il s'étoit échappé par la porte du jardin, il en fuc quitte pour fon habit que le chien avoit déchiré en le pourfuivant, L'animal ne trouvant plus alors d'objets fur lefquels il püt exercer fa fureur , fort du jardin & tombe fur une troupe d’habitans qui reve- noient de l'églife. Il mord d’abord le Sacriftain , deux femmes & quatre payfans , quelques autres chiens enfuite; mais enfin on le tue: moi pendant ce tems-là de jeter les hauts cris, de raconter en pleu- tant mon accident à ma mère & de refter aflis dans un coin de la chambre accablé de douleur: on fait venir le berger, & le lende- main à 7 heures du matin, (car felon lui ce remède devoit être pris à jeun ) il me donna un bol fait avec un ver de méloé & du miel. D'après faméthode d’adminiftrer: ce remède , dont je parlerai plus bas, il m'interdit Le boire & le manger. Une heure après, je fentis une douleur 366 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE; fourde dans les reins , qui fur bientôt fuivie d'une rétention d'urine fi violente, que pendant toute la journée je ne pus uriner que goutte à goutte, & encore avec des douleurs cruelles. Mes urines étoient épailles , & reflembloient à une matière huileufe ou mucilagineufe ; on ny apperçut aucune teinte de fans ; il y avoit feulement au fond du vale quelques gouttes d’une matière différente de l'urine, Tous mes parens me firent compliment de ce fymptôme qu'ils regardoient comme très-heureux. Sur le foir, les fymptômes furent encore plus favora- bles; ma frayeur commença à fe difliper, & les urines coulèrent en abondance; dès ce moment , le berger me permit de boire & de manger comme à mon ordinaire, La nuit fuivante fut calme, je goûtai un fommeil tranquille .quisme remit des facigues de la journée. Quant aux bleffures, après les avoir lavées, le bergerhe mit deflus que du fucre en poudre, mêlé avec un peu de faffran ; au moyen de ce re- mède, & d'une fimple ligature, il ne leur fallut guère plus de 7 jours pour fe refermer. La cicatrice ne parut accompagnée d'aucune enflure, contre l'ordinaire des bleffures que font les chiens enragés; fymp- tôme qui laifle toujours craindre l’hydrophobie, Tous ceux qui avoient été mordus par le même chien, furent guéris comme moi. Quant aux chiens qui avoient été aufli bleflés , ils devinrent tous enragés, parce que les bergers n’avoient pu leur adminiftrer qu'une Mie dofe de leur remède. Obfervation que je fais ici pour prévenir ce qu'on pourroic m'objecter, que ce chien n'étoit pas enragé; & qu'ainfi le trait que je viens de citer, ne prouve rien en faveur du méloé. XI. Seconde Objervation. Quoique dans le récit que je viens de faire, tout foit marqué au coin de la plus exadte vérité, je vais encore citer quelques autres exemples qui fe font paflés fous mes yeux dans l'efpace d'un an, & auxquels un âge plus avancé m'a permis de donner plus d'attention. Je rapporterai l’hiftoire d’une jeune fille qui fut mordue avec plu- fieurs aurres perfonnes par un chien enragé, & qui feule fut guérie au moyen de ce remède que je lui adminiftrai. Ce chien de moyenne grandeur , étoit venu dans un village qui eft aux portes de Leipfck ; il y avoit mordu en diflérens endroits cinq perfonnes, du nombre defquelles étoit le fils d’un berger dont j'ai parlé dans mes obferva- tions précédentes, le fils d'un cabaretier qui avoit cinq ans, un bou- langer fort avancé en âge , un payfan, & enfin la fille d'un habitant de l'endroit, qui tous les jours alloit à la ville porter de la crème & du lait. Les bleflures fe cicatrisèrent ; cependant au bout de 17 fe- mgines , ils moururent tous de l'hydrophobie , à l'exception de la fille SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 367 dont je parle. Effrayée de la mort des compagnons de fon malheur, tourmentée encore plus par le venin qui circuloit dans fes veines, la jeune malade, dans le tems même où le fils du berger venoit de périr hydrophobe, la triftefle dans lame , le vifage pâle & défait, & les yeux égarés, n’attendoit plus que le même fort. D'ailleurs, les dents du chien lui avoient fait une bleflure profonde. La mort du boulanger vint encore augmenter fes allarmes & fes fouffrances ; à peine l'eut-elle apprife, que fes pleurs coulèrent en plus grande abon- dance, elle ne chercha plus que la folitude, & elle tomba dange- reufement malade, Inftruit de toutes ces circonftances, & comparant les fymptômes qui fe rencontroient chez certe fille, avec ceux qu’avoient éprouvés ceux qui avoient été mordus comme elle, je n’héfirai point à croire qu'elle étoit hydrophobe. Je confëillai donc à fa mère, de qui je favois ce que je viens de rapporter , d'acheter fur le champ chez Gallifchin du méloé préparé de fa main, & d’en faire prendre une dofe à fa fille. Elle fuivit mon confeil de point en point. La malade ne l’eut pas plutôt prife, qu'elle fentit une très-grande difi- culté d’uriner, elle ne pouvoit fatisfaire ce befoin qu'avec beaucoup de douleur ; en un mor, elle éprouva lés mêmes fymptômes que j'avois éprouvés moi-même & que jai décrits plus haut, Elle garda la maifon le lendemain ; elle étoit trop foible pour fortir ; mais le troifième jour, fe trouvant parfaitement rétablie , elle retourna à Leipfick, où elle vint m'apprendre que tout étoit arrivé comme je lavois prédit. Tout porte à croire que la crainte de l'hydrophobie qu'avoit cette jeune fille , n’étoit pas deftituée de fondement. Les maux de tête aug- mentoient tous Les jours ; elle avoit déjà paflé 4 nuits fans dormir , elle poufloit des foupirs très-fréquens, & elle ne fe plaifoit que dans la folitude. Quoiqu'elle ne reffentit pas beaucoup de douleur à l’en- droit qui avoit été mordu, cependant, comme il y furvint une légère inflammation , je foupçonnai bientôt un vice caché. La malade m'ap- prit en outre , qu'au moment où elle avoit commencé à uriner, la douleur qu’elle reffentoit au bras, pour me fervir de fes expreflions, sétoit diffipée, comme fi on la lui eût ôtée avec.la main. Elle a toujours joui depuis de la meilleure fanté, ainfi que je l'ai appris avec plaifir à mon paflage par Leipfck; car je ne crains pas de le dire, j'ai été ôn ne peut pas plus flatté de trouver l’occafon de traiter pour la première fois une maladie de cette efpèce. IL eft donc conftant que cette fille a été guérie de la rage : & ce qui achève de le prouver, c'eft que les quatre autres perfonnes qui furent mordues par le même chien , après avoir éprouvé les mêmes fymptômes que cette fille , font devenues hydrophobes, 7 n 368 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE; XIE. L Troifième Obfervation, Peut-être fe trouvera-t-il encore des gens qui révoqueront en doute la rage de ce chien, quoiqu'elle me paroifle pleinement démontrée par le genre de mort dont périrent ceux qui avoient été bleffés, Comme on pourroit croire cependant que je n'ai pas vérifié avec toute l’exac- titude néceflaire le fait que je viens de citer, je vais en rapporter un autre que j'ai eu tour le cems d'examiner & d'étudier, Le maître d'école du village de Rakiew , à très-peu de diftance d'Uratiflaw , avoit un chien d'une aflez grande taille. Au mois de Décembre 1782, cet animal, qui, jufqualors avoir été fort doux, devint tout-à-coup enragé , & mordit un enfant de onze ans, parent du maître d’école, La bleffure, fans être profonde, étoit cependant affez large; perfonne n’avoit irrité ce chien, qui avant de mordre l'enfant avoit déjà attaqué quatre hommes & un autre chien. Il ne fit d’autre mal aux premiers, que de leur déchirer leurs fouliers & leurs habits : quant au chien qui appartient à mon frère, il fu bleflé; mais on le guérit bientôt avec‘une dofe de méloé, & il vit encore. Appelé au fecours de cet enfant, j'engageai fur le champ quelques habitans de l'endroit à tenter toutes’fortes de moyens pour prendre ce chiensen vie, & l’enfermer dans une chambre. Ils m'avoient déjà prévenu ; à la porte de la chambre étoit une ouverture pratiquée tout-à-la-fois pour lui pafler de la nourriture , & me procurer la facilité de ne rien perdre de tous fes mouvemens ; loin d’avoir cette voracité qu'on lui avoit connue jufques-là, pendant les cinq jours qu'il refta renfermé, il ne mangea pas un feul morceau de viande, nour- riture dont il était très-friand auparavant, & il ne but pas une goutte d’eau. Il pafla tout ce tems à courir çà & [à, & à mordre les meu- bles qui Ê trouvoient auprès de lui; c'eft ce que j'ai vu moi-même, au moyen de l'ouverture dont j'ai parlé plus haut. Au bout de cinq jours, on le tua d'un coup de fuñl; car il avoit tous les fymptômes de la rage, & il ne reftoic plus d’efpoir de le guérir. Il fe jeta avec fureur fur le bout du canon qu'on avoit fait pafler par l'ouverture de la porte pour le tirer & il fe mit à le mordre à belles dents, comme sil eut voulu fe venger de la mort qu'il alloit lui donner. Quoique la balle en lui perçant le gofier, lui eûc fait une bleflure aflez confidérable, cependant il.ne parur point effrayé, on ne lui entendit poufler aucuns cris. Il fe mit d’abord fur fes pattes & fe couchant enfuite, il fembloit attendre la mort dans cet état. Comme on crut qu'il étoit tué, on ouvre la porte; mais raflemblant dans ce moment SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS: 369 moment ce qui lui reftoit de force, il fe releve & fe jette fur fon maître qui l’acheva à coups de bâton. J'obferverai ici en paflant, qu'un des fymptômes les moins fufpedts de la rage dans un chien, c’eft lorfque la douleur ne‘lui arrache pas le moindre cri. Tous les chiens en effer, comme j'ai fouvent eu occa- fion de le remarquer, lorfqu'ils font enragés, fouffrent en filence les.coups & les bleflures. Ces animaux au contraire fe portent-ils bien, le mal le plus léger les faic hurler, & jamais on ne Les voit attaquer d’autres chiens, fans que des aboyemens réitérés ne foient comme le prélude du com- bat. Pendant que j'étudiois à Leipfikc, me promenant un jour, un chien enragé vint à moi la gueule béante; quoique criblé de coups & ne pouvant fe traîner que fur trois pattes, parce qu'il avoit une cuifle caflée, il ne jeta pas un cri, & toujours fans aboyer , il mor- dit d’autres chiens qui fe trouvoient fur fon paflage. J'ai vu plus d'une fois la même chofe arriver dans la Siléfie. J'ai obfervé en effet que les chiens enragés ne poufloient qu'un cri rauque bien différent des aboyemens ordinaires : je ne fuis entré dans tous ces détails, que pour prouver que le chien dont je parle étoit réellement enragé. , Je fis prendre à Penfanc de l’éleétuaire de méloé profcarabée , acheté dans une des meilleures boutiques d’apothicaire d'Uratiflaw ; il étoit préparé d’après la formule du collége de médecine ; je lui en donnai la dofe que j'ai recommandée plus haut, d’après ce collége , comme ne pouvant faire aucun mal aux enfans de l’âge le plus tendre, Car la complexion foible & la délicarefle des nerfs de celui ci, me faifoit juger qu'il ne feroit pas en état de fupporter une irritation trop violente ; il lui prit cependant tout-à-coup des douleurs de reins fi cruelles, que je craignois d’abord qu'elles ne fuflent caufées par une colique néphrétique. Aufli, lorfque j'eus vu difparoïtre peu-à-peu les fymptômes dont je parlerai plus bas, je lui donnai une émullion adouciffante qui eut tout le fuccès que je pouvois en efpérer. Sur l'heure de midi, car le remède lui avoit été adminiftré le matin, après avoir vomi uñe quantité prodigieufe de pituite glaireufe, dans laquelle il fe trouva quelques vers, le malade plein de joie, m’aflura que la douleur étoit dimi- nuée. Les urines qui étoient d’un rouge de brique, & qui ne fortirentque goutte à goutte, offroient fur la furface beaucoup plus de gravier que je n’en ai jamais vu dans celle d’aucun malade. La pefanteur fpécifique de chaque grain étoit telle, qu'à peine forti du canal, il defcendoit au fond du vale, où s’uniflant les uns aux autres, ils formoient un limon des plus durs. La mere du malade, qui jufqu’à ce moment avoit été dans une in- quiétude mortelle, à la vue de:cette efpèce de phénomène, vint toute hors d'elle-même. fur les quatre heures du foir, m’apprendre que fon fils avoit rendu par les urines un gros morceau de chair. La dofe du méloé n'étoit pas la feule caufe des douleurs violentes Tome XXVT, Part. I, 1785. MAL, Aaa 370 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, que reflentoit cet enfant, Le régime un peu trop froid qu’on Jui fai- foit obferver en arrètant La tranfpiration , avoit augmenté Îles fpafmes, de manière que le germe de la maladie fe portant tout entier vers la veflie, fembloit acquérir plus de force. On peut aflurer en général qu'un régime un peu trop chaud n'eit prefque jamais nuifible; & que trop froïd au contraire , il eft dangereux , ou au moins qu'il rend les douleurs plus aïgues. La chaleur en effer calme les fpafmes ; modérée, elle diminue la mafle des humeurs & relâche les nerfs; ce qui eft le contraire du froid. Du moment que l'expérience s'accorde fur cet objet avec la théorie , pourroit-on révoquer en doute la vérité du principe que j'établis ? Quant à la plaie, après l'avoir baflinée avec de l'oxicrat tiéde , j'y appliquai une fimple compreffe, Convaincu, d’après les fymprômes dont jai parlé plus haut, de la parfaite guérifon du malade, je ne crus pas devoir le tourmenter par des fcarifications & des onguens attractifs, Le maître d'école lui-même, car le chien s'écoit auffi jeté fur lui & avoit déchiré fes bas , le maître d'école prit une aflez forte dofe de ce remède. Son effet ne fut rien moins que violent, il reflentit feule- ment une douleur fourde dans les reins, ce que j'attribuai foit à fon tempérament plus robüfte, foit au régime plus chaud dont il fit ufage; - car je ne fuis point du tout de l'opinion affez généralement accré- ditée où l'on eft que le méloé ne caufe des douleurs dans la vellie qu'aux perfonnes dont les humeurs font infectées du virus hy- drophobique. Je me crois d'autant plus fondé à contefter ce prin- cipe , que les cantharides font le même effer fur les individus qui jouiffenc de la meilleure fanté. Ajoutez à cela qu'il y a des tempé- ramens conftitués de manière à fupporter une quantité incroyable d'acides de cette efpèce, fans en reflentir la moindre douleur. J'ai entendu dire à un de mes amis ,que pour guérir une gonorrhée, il avoit fair prendre à un jeune homme jufqu’à quinze gouttes d'infufion de cantharides; & que, comme le malade n’en recevoit aucun foula- gement, il avoit, à fon infu, forcé la dofe jufqu’à 90 gouttes, fans aucun fuccès. Les cantharides appliquées exrérieurement , telles que les véficatoires , font une nouvelle preuve de ce que j'avance. Leurs effets & la douleur qu'elles caufent, varient à l'infini fuivant la diverfité des {u- jets fur lefquels elles opèrent. L'éleétricité , ainfi que tout ce qui affecte les nerfs, nous le démontre encore, & les Médecins eux-mèmes au- ront de la peine à ne pas en convenir. CINE » Quatrième Obfervatron. Dans le même tems, un chien enragé avoit mordu la main droite SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 39x à un enfant de quinze ans, d'un village voifin appelé Stampen. Quatre heures après cet accident , le père alârmé m'amène fon fils, A l’infpection de la plaie, je vis que les dents avoient pénétré fort avant dans les chairs. Je La baflinai d’abord avec de l’oxicrat tiéde, & à force de carefler le malade, & de lui promettre que le remède auroit tour le fuccès poflible, je ranimai fon courage. Après s'être repofé une heure, il prit une dofe de méloé ; car il étoic encore à jeun. À peine lui eus-je appliqué fur la plaie des comprefles imbibées d'eau vulnéraire; que le fang s'arrêta avec la douleur. Je fis faire bon feu dans le poële de la chambre où étoit l'enfant, & je lui ordonnai de s'y pro- mener. Deux heures après, il commença à uriner fans beaucoup de douleur, quoiqu'avec difhculté. Pendant le refte du jour & la moirié de la nuit, il rendit goutte à goutte crois livres d'urine ou environ; c'étoit d'abord des filets mêlés d'un peu de fang qui couloient par intervalle, enfuite de fimples gouttes à une aflez longue diftance les unes des autres, qui bientôt fe fuccédoient fans interruption, Au lieu d'émulfon , je lui fs boire beaucoup d'eau chaude qui lui occafionna des naufées & des vomiffemens. À cetre journée fi cruelle , fuccéda une nuit tranquille. L'enfant fe portoic fi bien le lendemain , qu'il fut en état de fortir & d'aller fe promener. Au refte, comme il n'y eut point d'autre maladie qui fe joignit à cet accident, je n’ordonnai dans la circonftance dont il s'agit, que le remède dont j'ai parlé. J'avois adminiftré à l'enfant que j'ai cité plus haut, de la racine de valériane fauvage, réduite en poudre, comme un vermifuge; elle eut tout le fuccès que je pouvois en attendre, car il en rendit plus de kuic. XIV. Cinquième Obfervarion. Qu'il me foit permis d'ajouter ici à mes propres obfervations quel- ques faits que je dois à la complaifance de M. Jean-Godefroi Zobal, célèbre Phyficien de Goldebourg. Pour ne pas fatiguer mes lecteurs, je vais les rapporter le plus fuccintement qu’il me fera poñible. PREMIER FAIT. Le 27 juillet 1780, je fus appellé auprès d’un maître d'école âgé de 4$ ans, qui étoit hydrophobe un mois auparavant ; fon chien devenu enragé avoit mordu un chat qui fut attaqué de la même maladie: on tua l’un & l’autre; mais le chien avoit déjà mordu le maître d'école à la cuifle. Depuis ce moment cet homme s’éroit toujours très-bien porté, mais le 24 juillet , fur les trois heures après midi, il eut des convulfions que ceux qui étoient auprès de lui prirent d'abord pour un accès de Tome XXVT, Part. I, 1785. MAI. Aaa 2 + L 372 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE! fiévre; mais bientôr, elles augmentèrent au point de faire craindre pour fa vie. Le 2$ au matin il rendit du fang par la bouche, & on le vit fouvent porter fes deux mains fur le côté gauche. Le Chirur- gien que l’on fit avertir, le faigna deux fois, ordonna un lavemenc & une potion d’eaux analeptiques , dans lefquelles il entroit du fel de feignette & du firop de pavot. À mon arrivée, je trouvai le malade dans les plus violentes convulfions; ma furprife fut d'autant plus grande, qu'ignorant la caufe de la maladie dont on me faifoit un myftere, je crus que peut-êtte on lui avoit donné à boire de l'efprit-de-vin avec du poifon pour le corriger de l'habitude où il étoit d'en boire avec excès. Ses parens m'aflurerent le contraire, & m'apprirent en même tems la caufe de fa maladie, Voici quels étoient les fymptômes. Lorfque le malade étoit couché, il poufloit avec les pieds le pied de fon lit, il fe relevoit tout-à-coup comme un furieux, mettoit avec beaucoup de force fes deux mains fur fon cœur, il rendoit de l'écume par la bouche, il grinçoit des dents, il fe mordoit la lèvre inférieure, & fe déchi- roit la langue. Saifi de frayeur, il rournoit fans cefle la rête; fi on lui réfentoit à boire, ces fymptômes augmentoient. Convaincu qu'il y avoit hydrophobie, je fis donner au malade, pour toute boiflon, de- puis le 27 juillet au foir, deux cuillerées d'une potion compofée d’une demi-once du remède de Prufle, & de fix onces d’eau de fleurs de fureau. Quatre heures après, lorfque les convulfions duroient encore, il urina du fang avec difficulté. Tel fuc l’effec de certe évacuation, qu'à 3 heures du matin les convulfions cefferent, & qu'il fut délivré, pour me fervir de fes expreflions, de l'anxiété qui l'avoir tourmenté jufqu'à ce moment, & dont il croyoit que le chien étoit la caufe, car l'idée de cet animal fe peignoit fans cefle à fon imagination, {1 prit encore pendant 4 jours, de 3 en 3 heures, deux cuillerées de ce remède, régime qui acheva fa guérifon. Le premier août, on lui donna une potion Jaxarive avec une émulfion , à caufe de la difficulté qu’il éprouvoit pour uriner, enfüuite un julep flomachique , avec de la décoction de quin- quina: depuis 3 ans que cet accident lui eft arrivé, il jouit de la meilleure fanté, quoiqu'il n’ait pas renoncé à l’eau- de-vie de froment. J'adminiftrai le mème remède, comme préfervatif, à neuf perfonnes qui avoient été ou mordues par le même chien enragé, ou qui n'avoient pas quitté le maître d'école pendant fa maladie; les uns & les autres mont éprouvé aucuns des effets de l'hydrophobie. SECOND FAIT. Le deuxième jour de mai 1781, au loir, une femme âgée de 19 ans, fut mordue par un chien enragé. L’effec de cette bleflure fut tel, que lendemain au matin, elle fe jetoit fur tout ce qu'elle pouvoit rencontrer pour le mordre, Je fs bafliner fouvenc la plaie avec du vinaigre, & SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 37 Jordonnai pour boiffon une dragme & demie de méloé, quoiqu’elle urinât du fang , cependant au moyen de ce remède, de laxatifs, d'émul- fions & de décoétions de quinquina, elle fut parfaitement rétablie, ONE J’aurois encore beaucoup d’autres obfervations de ce genre à rap- porter ; mais j'aime mieux les pafler fous filence, que de fatiguer mon lecteur par une répétition continuelle. Je me hâte donc d’en venir à des faits qui prouvent l'efficacité du méloé fur le gros bétail qui a été mordu, faits, qui felon moi méritent toute notre attention, à caufe de l'analogie qui dans l'économie animale exifte entre les différentes efpèces qui compofent ce regne, Si d'un côté cependant il eft vrai de dire qu'on ne doit point inférer de l'effet d’un remède fur tel animal, qu'il eft bon pour tel autre ; de l’autre aufi cette conféquence peut être jufte, fur-tout lorfqu'il s'agit de remèdes tels que celui dont je parle, & que l'expérience vient à l’appui de cette induction. J'ajoute, que fouvent il arrive que les vaches, ce bétail fi utile au cultivateur, foient mor- dues par des animaux enragés, & meurent de l'hydrophobie. Pourvoir à leur confervation, ce n'eft donc point prendre un foin fuperfu, puifqu’elles font toute la richeffe du payfan. Il eft encore un autre motif plus décerminant pour nous , de faire attention à la rage de ces animaux , autrement le lait d'une vache hydrophobe qui prefque toujours eft infecté du même vice, pourroit être un poifon pour ceux qui en feroient ufage. Sans entrer dans de plus grands détails, je vais citer des obfer- varions faites à cet égard. Un chien enragé avoit mordu une vache au talon du pied gauche du derrière; perfonne n'ayant été témoin de cet accident, on ignoroit le danger auquel l'animal étoit expofé, Le chien avoit été tué d’un coup de fufil peu de terms après, Au bouc de trois femaines la vache devint hydrophobe. Comme la maladie dans le commencement, avoit tous les fymptômes d’une inflammation épidémique à laquelle ces animaux fonc fujets, on ne lui donna que les remèdes utiles en pareil cas, avec les précautions de jeter fon lait. Cependant l’animal ne mangeoit point, la vue d'un breuvage quel- conque le faifoit frifonner , mais ces fymptômes n’éroient que le préludé d’autres plus alarmans encore qui forcèrent enfin ceux à qui il ap- partenoit, de faire venir le berger ; à l'égarement de fes yeux, au mouve- ment du globe qui fortoit de fon orbite, à la falive infecre qui fortoit de fa bouche écumante, & à la fureur avec laquelle l'animal fe jeroit fur les autres vaches; en effet, on fur obligé de le tenir attaché poui empêcher qu'il ne tombât fur le troupau à coups de pieds & de cornes, cet homme comprit non-feulement qu'il étoit enragé, mais encore que les progrès du mal étoient tels, qu'ils ne laifloient plus aucun efpoir de guérifon. Ce vers d'Ovide, dans lequel, le poëre peint tous 374 OBSERFATIONS SUR LA PHYSIQUE, les animaux penchés vers la terre, ne convenoit-en aucune manière à la vache dont je parle: la bouche béante & les yeux au ciel, on l’en- tendoit continuellement poufler un mugiffement rauque. Elle mourut dans cet état, Déjà l’on craipnoit beaucoup pour les autres vaches qui, couchées auprès de l'animal malade & au même râtelier , avoient mangé du foin infecté de fon écume. Le berger confulté à ce fujer, répondit qu'effectivemenc l'hydrophobie éroit à craindre pour létable entière, mais qu'il fe faifoir fort de la guérir avec fon remède, dans lequel il mêle de la racine de valériane. Cet homme avoit tant de confiance dans fes recettes, que dans le cas où une des vaches devien- droic enragée , il s'engageoit à la payer. Sur le foir, voyant que quelques-unes d’entr'elles commençoient déjà à avoir la tête penchée, fous la crêche , à remuer leurs queues, à donner des coups de pieds & à ne plus manger, le berger fit prendre à chacune une quantité fuffifante de fon remède, & afin de la faire travfpirer davantage, il ordonna de fermer la porte de l'étable, & de boucher exactement routes les autres ouvertures. Le lendemain matin, après qu'on les eut menées boire comme à l'ordinaire, il les fit conduire aux champs, Elles avoient été pendant prefque toute la nuit dans la plus grande agitation , elles muoifloient, elles frappoient du pied, & s’efforçoienc de rompre leur licol. Sorties de l'étable, elles parurent aufli gaies qu'à l'ordinaire, & elles fe j:tèrent avec avidité fur les fourages qu'on leur préfenta. Pas une d'elles ne fut attaquée dans la fuite ni de la rage, ni d'aucune autre maladie, Un accident à peu-près femblable arriva dans le village d'Eberfdorf, auprès de Sprottaw. Le berger de l'endroit avoit , comme c’eft aflez Vufage, un chien d'une grandeur prodigieufe, On l’auroit pris pour un dogue, Cet animal devenu tout-à-coup enragé, fans que fon maître s'en doutit, blefla 30 moutons du troupeau, beaucoup de vaches, des cochons, des veaux, & un cheval qui étoit dans une écurie. Cet homme afluré de la maladie de fon chien, le tua, & adminiftra fur le champ à tous les animaux qui avoient été mordus, le remède de ce berger qui n'avoit guéri autrefois : fon effect fut tel, qu'aucune bête du trou- peau ne reflenrit le moindre accès de rage; pour le cheval, comme perfonne ne favoit qu'il eût été mordu , les fymptômes fe déclarèrent au bout de quatre femaines; & il mourut enragé. è Au refte, ce remède agit fur les quadrupèdes comme fur les hommes, les uns & les autres après en avoir pris, urinent continuellement & à goutte à gouttes XVI, Tels font les faits d’après lefquels j’ai cru pouvoir, non pas démontrer l'efficacité du méloé contre l'hydrophobie, le nombre de faits rapportés ._ SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 375 eft trop petit; (voyez Se. X.) mais contribuer à propager de plus en plus l'ufage de ce remède, comme le meilleur de tous ceux employés jufqu’à préfenr. XVITL. Le méloé doit donc être compté au nombre des anti-hydrophobiques ; je dis plus, il mérite de leur étre préféré. Avancer un telle aflertion, n'eft-ce pas s’'expofer à devenir l'objet de la rifée de ceux au moins qui fe font un mérite de méprifer tous les remèdes qui nous viennent des gens de campagne, J'ai cependant en main des armes en état de défendre celui-ci. D'abord, la vertu du méloé eft conftatée par un plus grand nombre d’obfervations , & par une plus longue fuite d'années, que celle d’aucun anti-hydrophobique. En fecond lieu , te méloé , comme tel, renferme deux qualités eflentielles; non-feulement il dégage le genre nerveux; mais encore il le change entièrement. Il faut donc en conclure que le méloé, fous ce rapport, l'emporte fur beaucoup d'autres remèdes anti-hydrophobiques qui ne guériflent que d'une feule manière. En troifième lieu, le méloé agit fur les parties les plus éloignées du fiège de l'hydrophobie , telles que la veflie & la peau. IL doit donc être préféré pour cela feul à l'émétique & aux autres purgatifs. D'ailleurs, avec le méloé il en coûre peu pour fe faire traiter de l'hydrophobie. Car, fans prétendre blâmer ici la précaution de ceux qui dans une maladie aufli prompte que cruelle, confeillent, indépendamment du méloé, d’autres remèdes, mes obfervations jointes à celles de plufieurs Médecins , prouvent qu'ils ne font pas néceflaires. J'ajoute que le méloé guérit l'hydrophobie en très-peu de tems. Enfin, comme l'obferve très-bien le célèbre Ungnad, on doit compter pe quelque chofe la confiance que les habitans de la campagne, aïnfi que les individus . qui compofent cete claffe de citoyens, ont dans l'eficacité du méloé. Mais le méloé eft-il un fpécifique univerfel contre l'hydrophobie ? Quant à moi je le croirois volontiers, puifque s'il ne guérit pas tous ceux qui font attaqués de la rage, il en fauve au moins la plus grande - partie, XV ETS On prépare le méloé de différentes manières. Je donnerai en peu de mots la recette de quelques bergers de ma connoiffance , fans parler de celle que preftrit le Collège de médecine de Berlin, qui eft entre les mains de tout le monde. Un de ces bergers dont je viens de parler, qui demeure dans le village de Wilchutz, proche de Lignick, conferve dans du miel les méloës profcarabés qu'il a ramaflés au printems, après leur avoir coupé la tête auparavant, Voici la manière dont il les prépare : lorfqu'il veut 376 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE; les employer comme remède, il prend, poudre de racine de valériane, d'agrimoine , de pimpernelle blanche & de gui de chêne, enfemble une demi - dragme. IL y mêle dix profcarabés , il réduit enfuite en con- fiflance d'éleduaire la pâre de miel, & ‘ajoute enfin autant d'extrait de fureau qu'il le juge à propos. De cette pâte bien battue fur un palette de bois , il compofe dix dofes. II n'en donne que la moitié d’une aux enfans , & aux perfonnes d’un âge plus avancé, une toute entière. Le remède pris, il interdit aux malades l’ufage de l’eau & de toute autre boiflon , comme le marque expreffément la Déclaration du Roi donnée à ce fujer, Lorfqu’il s’en fert pour des animaux, il le leur fait avaler dans du lait, afin qu’il pafle plus aifément ; aux hommes, il l’adminiftre en bol. L'autre berger eft un vieillard de 76 ans, du village de Giefmandorf, lieu de ma naiflance, C'eft le même qui me fic prendre autrefois cerémède ; fa méchode eft plus fimple; mais il met plus de foin dans la préparation. IL ramafle ce ver dans les mois d'avril & de mai, & prend routes les: précautions poflibles, pour qu'ils ne perdent rien de leur huile, c’eft pourquoi, lorfqu'il apperçoit un de ces infectes, il le reçoit fur une Éuille d'arbre, & le porte ainfi dans un vafe de verre bien propre, où, comme il le dir, il les laifle fe vuider l’efpace d'une nuit. Il prend enfuite chaque ver avec une fourchette de bois, & le tenant au-deflus du vafe qui eft à moitié rempli de miel, avec des cifeaux, il lui coupe la tête qu'il jete, & laifle tomber le corps dans le miel. Pour 80 vers, il emploie une livre de miel; & pour empêcher cette âte de fe corrompre, illa met dans un endroit qui n’eft ni trop chaud, ni trop froid, Quelqu'un qui aura été mordu d'un chien enragé s’a- drefle-t-il à lui, il prépare une efpèce d'éleŒuaire de la manière fuivante. Du bocal où font renfermés ces infectes, il en tire un, & avec fon couteau il le bache en mille morceaux fur une palette de bois. Certe opération faite, il tire du bocal la quantité de miel qu'il croit fu fante, pour la réduire en bouillie, Il y mêle 2 fcrupules de thériaque d'Andromaque, 3 gouttes d'huile de fcorpion, ou 6 gouttes d'huile de méloé du mois de mai préparée par infufion , & un peu de bois . d’ébène pulvérilé ; enfin il y ajoute de l'extrait de fureau pour amollir cerre pâte. Pour proportionner ces différentes dofes à tous les âges, jl n'a point égard à teur poids intrinfeque; mais comme dans le nombre de ces vers ainf confervés, il lui eft facile de choifr, il en donne un plus gros aux perfonnes d'un certain âge, & un plus petit aux enfans, Îl augmente d’ailleurs ou diminue la quantité d'huile & de thériaque en raifon de l’âge des malades; de manière que les enfans n'en prennent jamais que la moitié d'une dofe. Cetre recette me paroît aflez bonne, foir à caufe de fa fimpliciré , foit à caufe des miracles qu'elle a très. fouvent opérés, Il feroit difficile en effet de compter les hommes & : les La SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS, 37? les animaux qu’elle a guéris. Le vieux berger qui s’en fert, a protefté plus d’une fois avec ferment, qu'il ne fe fouvenoit pas d'avoir vu un homme ou un animal devenir enragé après avoir fait ufage de fon remède. On conçoit cependant que la recette que je viens de cicer avec éloge n’eft. pas abfolument parfaite, & Le berger paroït en con- venir lui-même , puifque felon lui coute la vertu de fon remède confifte dans la thériaque & dans le méloé profcarabé, & que les autres drogues qu'il y mêle , n’ont que très - peu, ou point d'efficacité. Pour moi , au lieu du bois d'ébène je préférerois , la ferpentine de Virginie & la valériane; l’une & l'autre en effet fonc bien meilleures pour les nerfs, Je ne parlerai point ici d'une infnité d’autres recettes que je pourrois indiquer; celles que je viens de citer fufifent, je penfe, pour faire voir combien elles diffèrent entr'elles; & qu’ainfi on ne peur pas les condamner toutes également, Au refte M. Dehne & Ungnad & beaucoup d’autres célèbres Médecins ont traité de différentes manières de pré- parer le méloé. IL feroit donc inutile de s'arrêter plus long-tems fur cet objet, ainfi que fur une infinité d'autres queftions qui ont exercé ces illuftres Docteurs. XIX, Explication de la Planche. Des trois efpèces de méloé que je connois, je n’en ai fait graver que deux, fans m'occuper de Îa troifième que l'on n'emploie pas communément ( 1 ); elle reflemble d'ailleurs parfaitement aux deux autres dont elle ne differe , qu’en ce qu’elle eft moins grande de moitié que le profcarabé, que fon ventre eft en forme d'elliple, & que quant au sefte du corps, il eft beaucoup plus petit. Les figures 1, 2 & 3 repréfentent Le méloé du mois mai, du Chevalier Linnée, dans fa grandeur naturelle. Fig. 1. La femelle. 2. Le mâle. 3. La femelle fans ombre, (1) Le célèbre Beireïs , dans l’Ouvrage intitulé: De wrilirare , & necefficate H:ft. Natur. Helmf. 1759, parle de quatre efpèces de profcarabé. Le premier, plus grand de tous eft noir & violet; le fecond ; à-peu-près de même grandeur , refplendiffant de côuleurs rouges , jaunes & vertes ; le troifième , plus petit, d’un violet-noir, le corps plus petit, & les élytres plus longues; le quatrième, le plus petit de tous , d’une couleur fombre, l’abdomen fort large, & habitant fur les chênes. Il ajoute enfuite : la première & la dernière efpèce de ces profcarabés font employées avec fuccès en médecine, parce qu’il fuinte en abondance des joïntures de leurs membzes une huile femblable à du miel , qui eft très-diurétique, Tome XXVT, Pare I, 1785, MAI. Bbb 378 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE ; L’efpèce la plus grande a des élytres tirans fur le vert & chargées de petits points; les anneaux du ventre brillene fur le dos de diffé- rentes couleurs, telles que le rouge, le vert, le jaune & l’azuré en raifon du reflet des rayons folaires. LE Les figures 4 & $ repréfencent le méloé profcarabé du Chevalier Linnée ; placé fur des chatbons ardens, il prend la couleur de l'acier. Fig. 4: La femelle. 5. Le mâle. Figure 6. Une tête de méloé coupée & dont les antennes ont été mutilées. On diftingue les yeux qui font ovales; on voit encore les ferres, avec lefquelles ces infeétes prennent leur nourriture, Figure 7. Une patte de méloé du mois de mai. Lorfqu'on ‘prend cet infecte avec la main, du premier article que j'ai marqué par la lettre À, il fort une petite goutte d'une liqueur jaunâtre & gluante. A l'extrémité de l’article du milieu, on voit deux petits crochets donc le célèbre Schæffer n’a point parlé. Le dernier article eft compofé de 4 ou $ articles beaucoup plus petits; il eftterminé par 2 petits ongles, Toute la longueur de la patte eft couverte d'une efpèce de duver. Figure 8. Une des antennes du méloé. EXPÉRIENCES Qui prouvent que des corps de méme nature , mais de differens volumes & de différentes maffes , fe chargent de la matière électrique en raifon de leur furface , fans que la maffe y ait la moindre influence ; Par M. AcHARD. La queftion, favoir fi des corps de même nature, placés dans les mêmes circonftances, fe chargent d’une quantité de fluide électrique proportionnée à leur mafle ou à leur volume, a déjà été propolée par plufieurs Phyficienss"& leurs opinions à cet égard font très-diffé- rentes. Cette queftion étant fort intéreflanté, j'ai faic les expériences fuivantes, qui font propres à la réfoudre, J'éle&trifai un conducteur de laiton cylindrique & creux, de 7 pouces de longueur fur un pouce & demi de diamètre; lorfqu'il eut 40 degrés d'électricité, j'en tirai une étincelle avec un conduéteur de laiton creux , de 7 pouces de longueur & d'un pouce & demi de diamètre, qui pefoit 15 lochs, & qui étoit bien ifolé. Le premier conducteur perdit 1$ deorés de fon électricité. Je répétai la même expérience #5 SUR L’HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 379 Jorfque le conducteur eut 30 degrés d'électricité ; il en perdit alors 10; Enfin le conducteur ayant 20 degrés d'électricité, il n'en perdit que 7 par le contat momentané du même cylindre. Après avoir rempli ce Cylindre de plomb, ce qui augmenta fon poids & par conféquent aufli fa mafle de $ livres, je répérai les mêmes expériences & obtins des réfultats parfaitement femblables, Cette expérience prouve déjà très-clairement que la mafle n'influe pas fur la quantité de matière électrique que les corps font capables de recevoir; les expériences fuivantes, comparées à celle dont je viens de parler, ne laiflent aucun doute à cet égard. Ayant confervé le même conducteur, je lui donnai fucceflivement différens degrés d'électricité, & je déterminai combien il en perdit par le contact momentané d’un Cylindre de laiton creux de 7 pouces de longueur & de trois quarts de pouce de diamètre, qui peloic 14 loths & qui fut parfaitement ifolé. ; Le conducteur ayant 40 degrés , il en perdit 10 par l’atrouchemene du cylindre; ne lui en ayant donné que 30, il en perdit 8, & enfin ne lui en ayant donné que 20, il en perdit ÿ. Les mêmes expériences ayant été répétées avec un cylindre de laiton qui avoit les mêmes dimen- fions, mais qui étoit folide & qui peloit 1 livre, j'obtins des réfultats parfaitement femblables. Ci Ces expériences font voir, (1) Que des corps d’une égalefurface, mais d’une mafle très-diffé- rente, fe chargent, lorfqu’ils font placés dans es mêmes circonftances ; d'une égale quantité de matière électrique. (2) Que des corps de malle égale, mais dont la furface a une éten- due différente, fe chargent, lorfqu'ils fonc placés dans des circonftances égales, d'une inégale quantité de matière électrique, & que celui qui a une plus grande furface, en reçoit plus que celui qui en a une moindre, D'où je conclus, que c'eft en raifon de leur furface & non de leur mafle que les corps fe chargent d’une plus ou moins grande quantité de fluide électrique, . ÿs Ce Tome XXVI, Part. 1, 1785. MAL. Bbb 2 380 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, ETS LETTRE De M. Cerzs À M. L'ABBÉ MONGEZ le jeune, 3 Avril 1785. MonsIEUR; Dans la note que vous avez ajoutée au bas de la première page de {a defcription du Mouretier de M. Pajot Defcharmes (1) , vous lui avez bien indiqué le nom générique de la plante dont il parle, mais vous: avez omis le nom fpécifique. Comme il paroît qu'il n’a pas pu le trouver dans Linnée , peut-être fera-t-il bien aife d’avoir fon nom fuivant ce fameux botanifte & {a fynonymie de quelques autres, pour être à portée de favoir ce que différens auteurs en ont pu dire. Cette plante eft le Vaccinium myriillus de Linnée. Wiris idæa , foliis oblongis crenatis , fruëtu nigricante de C, B. Aïrelle Myrtile *# à Rain dai bois dé la France. Bluets {Morets, Maurets ,ou Mourets cités dans la defcription). B'l-berry des Anglois. Mirtho agrefte des Efpagnolks, Mirtillo des Italiens. Heïdelbert des Allemands, &c. &c. &c. Elle croît abondamment en Europe dans les bois, & particuliérement dans ceux de Montmorenci , Saint-Prix & Palaifeau, auprès de Paris. Pline, tous les Botaniftes anciens & modernes, la plupart des auteurs de matiere médicale & plufieurs autres en ont parlé. Ses propriétés médicales les mieux reconnues font dues à l’aftrition de fes baies; la partie colorante qu'elles fourniffent a été employée à différens ufages depuis fort long-tems : la couleur violette qu'on peut en extraire forme le fujet d'un mémoire inféré parmi ceux de Stockholm pour l’année 1746. RARES RSR ARE EE DRE SEE D RS TEE PO PTT DE SU DO SUN DRE RENE MES ee (1) Mars 5785 , page 192, t SUR L’HIST, NATURELLE ET LES ARTS. 381 Les gens de la campagne des environsde Paris ceuillent fes fruits “pour! les vendre aux marchands de vin; '&, je crois, aufi à quelques teinturiers. Dans quelques parties de l'Angleterre on mange fes fruits dans le lait, & par-tout l'appétit des enfans s'en accommode fort bien; c’eit ‘aufli un mets friand pour les coqs de Bruyère. Cet arbufte qui fe propage fi facilement dans les bois, eft très-rébelle à la culture, il lui faut comme aux perfonnes délicates , foit par confti- tution, foit par ton , de l'ombre, & une nourriture fort légère, D'ailleurs, chymiquement parlant, cette plante me paroît fort peu connue , &c. SUITE DES OBSERVATIONS DE M. WILKE, Sur la chaleur fpécifique des Corps, &c. | Traduit du Suédois, par M, le P, pe V...(1). "6.8. L ES degrés rapportés dans la colonne €, indiquent évidemmenc que la quantité de chaleur n'a aucun rapport avec la quantité de ‘matière, ni avec le poids des corps ;: car alors non-feulement une livre d'eau , d'or ou de plomb auroit dû , dans le mélange avec une égale quantité d’eau.froide , prendre toujours le même degré de chaleur, mais ce degré auroit toujours dû en même tems fe rapporter à la moitié de la chaleur du corps de la colonne A, comme dans les matières bomo- gènes. Or, la différence entre les degrés de chaleur en C & les degrés de chaleur en B eft trop grande pour qu'on s'arrête à cette hÿporhèfe, puifque l'or au lieu de 36 : , donne feulement 3 +; le plomb au lieu de43, feulement 3,& ainfi du refte. Il eft donc clair par ces expériences que des poids égaux de corps différens , quoiqu'échauffés au même degré, communiquent par eux-mêmes des quantités très-2négales de chaleur, Ainfi à 72 ou 73 degrés de chaleur, l'eau donne 36 deorés, l'or 32, le plomb 3, le cuivre 7 =, lérain 4, le zinc 64,le verre 10 :, our un femblable poids d’eau froide. Il n’eft plus queftion que de favoir quelle règle fuit cette différence. $. 9. Dans la colonne D qui indique l'effet de l'eau échauffée au méme dégré avec un corps de volume égal fuivant fa pefanteur fpéci- {r) Voyez la première partie de ce Mémoire dans Le Cahier précédent. 382 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, fique , il femble d'abord que pour différentes matières, telles que l'or, le” cuivre, le laiton &,le fer on doïve admettre avec Boerhaave que La communication de la chaleur fe fait également fuivant les volumes. Car par rapport à ces matières, le corps lui-même, fuivanr la colonne B, &.un pareil volume d’eau, fuivant la colonne C , a communiqué un degré de chaleur fi égal, que tout concourr à confirmer cetre opinion. “Pour acquérir une connoiflance plus exaéte fur, cette matière, jai faic faire des cylindres qui s'emboîïcoient très-juftes & rempliffoient l’efpace intérieur d'un vaifleau cylindrique ‘qui, étoit! fair pour cela. De cette manière on pouvoit mefurer un égal volume d’eau chaude & la mêler dans l’eau froide à la place du corps; j'ai ainfi obtenu des réfultats uni- formes. Mais cette loi qui convient en quelque façon à la chaleur relative de certains corps, n'eft nullement générale pour-les autres "car prefque tous communiquent moins ds chaleur qu'un égal volume d'éau & mème quelques-uns , tels que ie ‘plomb , le bifmurh & l'étain n'en donnent que moitié. Ainfi cette hypothèfe ne peut fe foutenir, & l'harmonie trouvée dans les volumes des corps précédens ; doir être regardée comme un pur accident, quoique digne de remarque , & fondé fur la proportion de chaleur fpécifique des parties conftituantes. , $. 10. De la même colonne, on peut encore conclure dès-à-préfent que /a quantité de chaleur ne répond pas direébement à la quantité de la matière ou pefanteur fpécifique ; car alors il y auroit même volume; par exemple;un pouce cubique d'or devroit donner 19 ;fois plus de chaleur qu'un pouce cubique d’eau , celui de cuivre 8, de fer 7, & cependant c’eft cout le contraire, comme il eft aïfé de le voir. dans la colonne fuivante E,. $. 11. La colonne E qui indique /a quantité relative d’eau chaude & fon point correfpondant à, celui du corps: avec lequel il donne une chaleur.égale, fait voir en.même-tems la chaleur fpécifique de la matière méme du corps ; où de toutes fes parties, de, matières, par rapport à l'eau, & par confequent la proportion que diffèrens corps contiennent & poids égaux. Pour en prendre une idée plus claire, on peut comparer la table de cette manière; par exemple, l'or eft 19 fois plus pefant que l'eau, il a donc fous le mème volume 19 fois plus de matière ; mais avec 19 fois plus de particules matérielles , il ne communique ni ne contient pas plus de chaleur abfolue ; il faut donc que chaque particule d’or recèle 19 fois moins de chaleur que chaque particule d'eau. Et par conféquent la chaleur fpécifique de la matière de l'or elt 19 fois moindre que celle de la matière de l’eau, & une livre d'or doir, au même degré du thermomètre, tenir 19 fois moins de chaleur qu'une livre d’eau. Par la même raifon, f une livre d'étain communique à une livre d’eau à la glace le méme degré de chaleur que ——- parties d'une » livre d’eau chaude , il s'enfuit que ce métal à 16,6 fois plus de particules . SUR L'HIST. NATURELLE ET LES: ARTS, 383 de matières que l'eau ; mais comme ils tiennent tous les deux une méme quantité de chaleur abfolue, il s'enfuit que dans là répartition égale à toutes les molécules de matière , chaque molécule d’érain en a 16 fois moins .que chaque molécule d’eau. Ainf la chaleur fpécifique de l’eau eft réellement 16,6 fois plus grande que celle de létain , ou dans la rapport de ——, D'après cette explication & ce que j'ai dit précédemment dé la chaleur fpécifique , on n'aura pas de peiné à entendre à l'aide des Tables les propolitions fuivantes. - ARE $. 12. 1°. Que la quantité proportionnelle d’eau chaude qui, avec le corps donne un égal deoré de chaleur à l’eau congelee , fe trouve toujours dans un räpport conflant à tous les degrés différens de chaleur ; tellement qu'il faudra toujours, par exemple ; + du poids de l'or, foit à 73 degrés, foit à 35; äinfi a chaleur fpécifique de la matière du corps ,ou defes particules de matière ef? la même & re change pas , quoique la quantité de chaleur abfolue du corps fe trouve à diffèrens deprés fuivant le thermomètre. Les différences que l’on trouve ici viennent évidemment de ce que l'on ne peut guère obferver avec exactitude que des quarts de degrés du thermomètre, ni donner à ces inftrumens des divifiôns de dixièmes ou vingrièmes de degrés , ce qui feroit nécelaire pour l’exactiude. $. 13. On peut en conclure, 2°, que toutes les differentes matières dont les différens corps font compofés ont leur capacité propre, particulière & conflante pour prendre, retenir & communiquer , en une certaine quantité & proportion, la matière du feu & de la chaleur , ou chaleur abfolue ; & que cette proportion fpécifique par rapport aux autres matières refle la même, que Le corps en tienne peu ou beaucoup, relativement à la quantité de chalèur abolue que nous eflimons par les degrès du thermomètre. Ainf cette proportion conftante ou chaleur Jpécifique de tous les corps peut être dérerminée une fois pour routes, par l'expérience , de la manière précédemment expliquée, & fon rapport avec les péfanteurs fpécifiques des corps indiqués dans les Tables, exprimé en décimales comme il fuit: Pefanteur fpécifique. Chaleur fpécifique. HET LODU elite tes tie lite 111000 —=Mi000 One 7... se ere 19,040 lle ce e nee i—=/0,0$0 Plomb ....,...,..11,450 0... == 0,042 ATAÉUE Es miel cistels ee LOU fctarelele «olaliene de 0,082 Bifmuthe 4... 0,861 .. ... 20 4... —— 0,043 CUVE EEE Er el 7 BAIN ee mel eis O,114 Lairon .....,...., 8,356 ........... 0,116 384 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, Pefanteur fpécifique. Chaleur Jpécifique. Fer cé éones ses se 738700 à «7 delete e cel en—=0,126 Etain 24. 2, 0000 207,380 08 LS RER S 67 16621 ZINC NEA ET 15818 Verre... 46:00 2,386 1... rose 0,187 ce 7154 core oser es — 0,102 Antimoine .....+.. 6,107 eh Ml € ——— 0,063 Agathe . .. ... .... 2,048 unie Renoir lON OS à Dee Je ne prétends pas donner cette Table pour abfolument exacte, & je ne doute pas qu'avec des thermomètres mieux divifés, & en s’y prenant d'une manière différente , on ne trouve des différences dans les nombres, inais elle me paroîc établir fufffamment qu’il n’y 4 nul rapport entre la chaleur fpécifique de la matière d'un corps & [à pefanteur fpéci- fique, & que la-première fuit au contraire une Lot particulière incon- nue; qu’ainfi les matières plus denfes, comme l'or, le plomb, le bifmuth, en contiennent bien moins que les matières plus rares, velles que le fer, Le zinc, l'agathe & le verre ; enfin, que l’eau, la plus légère de tous ces corps, en a plus qu'eux tous. Cette propriété Jpécifique des corps d'attirer & de recevoir différentes quantités de chaleur ne pouvant dépendre ni de leur volume, ni de la quantité de matière qu’ils con- tennent , elle vient néceffairement de quelque qualité intrinsèque de leur matière propre ; ce n'eft qu'avec le tems, à force de mulriplier & de comparer les expériences , qu’on pourra en découvrir la caufe. $. 14. Pour la dernière colonne F, il fuñit d’avertir qu’elle indique plus amplement & d'une manière plus directe cout ce qui a été rapporté fur la quantité de chaleur abfolue & fpécifique. Comme on fair que la quantité de chaleur abjolue répond à la quantité ou au poids de neige qui efl convertie en eau, & qu’il faut em méme-tems que l'eau foit échauffee à 72 degrés : (1) pour diffoudre un poids égal de neige & la réduire au terme de la glace, on trouve ici la confirmation de la chaleur fpécifique indiquée pour les différens corps, principalement en ce que Le cerme moyen de la colonne E, pour leur quantité & propor- tion s'accorde à très-peu-près avec la proportion déterminée de neige néceffaire pour faire defcendre le corps de 72 à 73 degrés de chaleur à o, c'eft-à-dire, pour prendre route la chaleur au-deffus du point de congelation. D'où on conclut réciproquement la vérité du degré exprimé & néceffaire pour liquéfier la neige. Ainfi avec une once de neige on peut amener du 72° degré au terme de la congelation plus de 19 onces d'or, 23 de plomb, 12 d'argent, 23 de bifmuth, 8 de (1) Ce qui revient à 57,733 degrés de l'échelle de Rézumur, cuivre ; SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 395 - cuivre, &c. &c. Et ces mêmes méraux ne peuvent fondre uniquement que cette once de neige. De-là on tiré pour plus ample explication la caufe de la fonte plus rapide ou plus lente de la neige fur certains corps & en diverfes places, le peu de progrès de la chaleur & le froid qu’on éprouve en quelques climats ; fi la mafle de neige eft plus grande que la fomme de la chaleur des corps & des rayons du foleil , il doit en refter une portion qui ne fe fond pas , & qui augmente d'année en année, C'eft ainfi qu'une partie du globe en eft couverte. Sur la Chaleur refpeétive des Corps. $. 15. On voit clairement par ce qui a été expofé jufqu'à préfent ; comment on peut & doit traiter la queftion fur la quantité de feu & fa diftribution dans les corps, /or/qu’il s’agit de comparer leurs poids ow pefanteur fpécifique , & d'établir en confequence la chaleur fpécifique Propre de leur matière, ce qui ne peut être que le réfultat d'expériences faires fur ces corps; mais même cette chaleur fpécifique réunie à la pefanteur fpécifique des corps met fur la voie de rouver auffi la chaleur refpective de tous les corps ou la quantité de feu ou de matiere calorifique qu'ils contiennent, comparés les uns aux autres fous ur égal volume ; quand on dit qu'un corps eft froid ou chaud, plus chaud ou plus froid , on n'entend aflez généralement par-là qu’un autre degré de chaud ou de froid à la même température. Perfonne n'ignore qu’une table de marbre eft plus froide qu'une table de bois, qu'une boule d’or donne plus de chaleur qu'une pareille boule d’étain; enfin , toutes les expériences paroiflent démontrer que les corps plus denfes tiennent plus de chaleur que Les corps plus rares : leurs ufages dans la vie ordinaire font fondés en grande partie fur ces propriétés. $. 16. Remarquons encore que chaque partie conftituante des différens corps, a, fuivant ce qui a été dit, fa quantité de chaleur fpécifique propre & conftante qui appartient à chacune de fes particules par comparaifon avec les particules de matière des autres corps; mais que dans la réunion & laggrégation de ces particules en un corps plus denfe ou plus rare, fous un certain volume, par exemple d’un pied cube, la chaleur fpécifique de ces particules , ainft que leur quantité, doit être confidérée quand il eff queflion de tout le volume ou de la fomme de chaleur abfolue de toutes les particules qui fe trouvent dans cer efpace. Maintenant, puifque la pefanteur fpécifique des corps fait con- noître le nombre & la quantité de particules matérielles fous un même volume, 2 fuffic , pour trouver la quantité de chaleur refpeiive , de multiplier la chaleur fpécifique d’un corps par fa pefanteur Jpécifique ; de cette manière on a un nombre qui exprime la quantité de chaleur abfolue que tient un corps relativement à un autre corps, les volumes étant égaux. Par exemple, la pefanteur fpécifique de l'or eft à celle de Tome XXVI, Part, I, 1785. MAI, Cce 386 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, l'étain :: 19,040 : 7,386: mais la chaleur fpécifique des particules d'or eft à celle des particules d'étain : : ——:—, par conféquent la chaleur refpeëtive de l'or eft à celle de l'étain : : EE: = 2,251: 1,035 , ouun peu plus que double. Il y a donc à tous les degrés de chaleur abfolue, une fois plus de chaleur dans l'or que dans l’étain , à volume égal. C’eft pour cela aufli qu'un pouce cubique ou une boule d'or communique à une certaine quantité d’eau le double de chaleur d’un pouce cubique ou d'une boule d'étain, en fuppofant qu'ils foient tous les deux à la même température. Pareillement une lame de cuivre paroît au tact plus froide ou plus chaude qu'une lame de verre , telle- ment qu'en touchant un volume égal , on éprouve & on reconnoît la chaleur relative de ces corps, comme il a été dit, /uivant la proportion compofée de chaleur & de pefanteur fpécifiques. Que l’on prenne maintenant l'eau pour mefure générale, que l'on compare la chaleur & la pefanteur fpécifiques d'un corps avec la pefanteur & la chaleur d'un volume donné d'eau, que lon mette enfin les fractions en décimales, on aura l’échelle fuivante pour La chaleur refpeétive des corps ci-deffus, ou les quantités proportionnelles de chaleur abfolue qu'ils tiennent, à volume égal & dans une même température. BFC RO ab os ae see ee ele so se cine series ee 1000 L'or PER Ceres EEE 0060 Le plomb .....................s.esssesee 0487 L'argent. .........#... ses. 0833 | Éetbifmuth PR RE ER EEE 0127 DéCHIVrE A Rss lee eraleleslefe te clele cs eee oise 10277 Ledaronc..6 1 Ris RON ENR ENT MOD7E Teen le etes tetes lee etre tie ets shcle lee lee OO ON Tétainentelerslelciele cree arr -isisielel-ieleletee te OAI Le zinc (de Goflar)............es...sses see :0735 Le zinc (de Malacea) ............. ee. .0727 L'antimoine . +... 0.00. 00000 4 see le: :0360 L'agathe .:......... eos oscosee se O$17 Le verre nl t An a lola nd (RS ESC RTL EEE 15 0440 $. 17. On voit encore par cette table, ainfi que dans les colonnes D des tables précédentes, que l'or, le cuivre, le laiton & le fer con- tiennent, à volume égal, à-peu-près autant de chaleur que l’eau ; que le plomb, le bifmuth, l’étain, l'antimoine & le verre en tiennent | PE PO CET + SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 387 à peine la moitié. Le cuivre eft le feul de tous les métaux dont la chaleur refpective furpafle celle de l'eau, & il eft bien connu que le cuivre eft le plus chaud des métaux, La théorie s’accorde donc en tout avec l’obfervation , & il femble que le problème concernant la quantité de chaleur peut être réfolu de cette manière, en diftinguant comme il convient , la chaleur /pécifique de la matière & la chaleur refpelive du volume. Il eft indifpenfable de faire des expériences fur tous les corps, fur toutes les matières, fuivant la méthode indiquée, & de dreffer des tables géneralés de leur chaleur foit fpécifique, foic refpective, comme on en a fait de leur denfité ou pefanteur fpé- cifique. P $. 18. Dans ces applications à chaque matière & mélange diffé= rens, il faut obferver avec foin les cas particuliers & les accidens pour en diftinguer les phénomènes. Je parle de ceux où foit la quantite de chaleur abfolue, foit l’aëétion elle-même des matières des corps l'une [ur l'autre, produit un tel effec dans la réunion de ces matières, ou dans la compofition de leurs parties, que leur chaleur fpécifique & refpective en éprouve quelque changement, & qu'ainfi il peut en réfulter des incertitudes & des doutes fur la chaleur fpécifique propre & conftante de leurs principes conftituans, J'ai déjà rapporté & expliqué dans mon premier mémoire , la plupart de ces accidens, je n’en parlerai ici que fommairement. $. 19. Une quantité différente de feu ou de chaleur abfolue change la glace en eau & l'eau en vapeur ; celle-ci par défaut de chaleur retombe en eau & l’eau fe reconvertit en glace. Dans ces changemens fenfibles de forme & d’aggrégation, les parties conftituantes de l'eau peuvent toujours prendre & retenir les mêmes degré & proportion de chaleur fpécifique, c’eft-à-dire, avoir la même puiflance intérieure d'attirer à elles la matière du feu. Mais l’aggrégation de ces parties eft bien différente : dans /2 glace , leurs furfaces fe touchent & adhèrent l'une à l’autre; dans l'eau, elles font écartées autant qu'il eft néceflaire pour la fluidité & cependant encore dans une fphère d'attraction réci- proque; dans la vapeur, elles font bien plus féparées & entourées d’une atmofphère répulfive & élaftique (je m'en fuis afluré par l'ex- périence, en rendant la vapeur fenfible à la vue fous le récipient de la machine pneumatique ). Cette aggrégation différente des parties peut faire non-feulement que l’eau fous ces diverfes formes prenne une quantité différente de chaleur abfolue, & que l’on lui trouve par con- féquent une chaleur fpécifique différente relativement aux autres corps ; mais aufli que dans ces paflages même d’une forme à une autre, comme dans la liquéfaction de la glace, la congellation de l'eau, fon ébullition , & la condenfation de fes vapeurs, il y ait une quantité fenfble de matière du feu ou de chaleur abfolue tantôt abforbée ou Tome XXP'I, Part, I, 1785. MAL, Ccc2 388 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, fixée, tanrôt dégagée & rendue libre; enfin que par fa diftributioti dans tout le mélange le défaut ou l'excès indique par fon effet fur le thermomètre, ce que nous appellons froid artificiel, chaleur arti- ficielle. On fent que ces phénomènes doivent être diftingués de la chaleur fpécifique même de la matière dans fes différens états d'ag- grégation. $. 20. La chaleur fpécifique éprouve de méme un changement & pourroit être tout à fait inexacte par les feuls degrés de chaleur abfo- lue d’un mêlange dans les cas où les matières fe diffolvent récipro- quement ou paffent à l'etat concret. C’eft ce qui arrive dans le mê- lange de l'efprit-de-vin & de l’eau, de l’eau & de l'acide vitriolique, des fels & de la neige, de la neige & des acides, &c, &c. Dans plufieurs de ces mèlanges & autres femblables, on a un degré de froid ou de chaleur fort différent de la divifion fpécifique de la chaleur abfolue : cela n’empêche pas que les parties confticuantes n'aient bien chacune pour elles-mêmes leur degré fpécifique de chaleur, & qui dans la diftribution pourroient prendre leur portion fpécifique de la quantité de chaleur abfolue qui fe communique; mais, comme l'action des matières l’une fur l’autre produit une nouvelle compofition des parties, une nouvelle efpèce de corps, il peut arriver non-feulement qu'une certaine quantité de chaleur abfolue devienne libre ou foit abforbée & fixée avec le corps, mais encore que la nouvelle matière ait une chaleur fpécifique plus ou moins grande que celle que donneroit la fomme des chaleurs fpécifiques des parties conftituantes; aufli re- marque-t-on fouvent une augmentation ou diminution de volume. Tout cela mériteroit la plus grande attention en généralifant la méthode. L'excès ou le défaut de chaleur abfolue qui fe manifefte lors du paf- fage d’un corps d'un état à un autre, doit être diftingué de la chaleur fimplement communiquée, & il faut chercher proprement le degré de chaleur fpécifique, foit en prenant les matières dans un certain état, foit en eflayant des mélanges, où il n'y ait pas lieu de craindre des changemens ou des compofitions intérieures. $. 27. Il y auroit fans doute encore beaucoup à ajouter {ur ce fujet; mais l'Ouvrage publié à Londres par M. Magellan, fous le titre d'Effai fur la nouvelle théorie du feu élémentaire & de la chaleur des corps , vient de m'apprendre que , non-feulement MM. Crauford , Black, Kirwan & plufieurs autres avoient fait des recherches à-peu-près fur les mêmes principes , mais aufli que dans leur application , ils avoient été plus loin & devoient publier des Mémoires qui nous apporteroient bientôt de nouvelles lumières. [1 me fuit aujourd'hui que la defcriprion affez étendue de la méthode que j'ai employée pour mefurer la chaleur fpécifique ait contribué, comme je le crois, à établir le point principal de la matière. Au furplus, on peur efpérer, fuivanc coute apparence, que | SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS, 389 analogie ,finon complerte, du moins très-grande , qui fe wrouve entre La chaleur & les phénomènes éleétriques , nous fournira des idées encore . plus fatisfaifantes. OBSERVATIONS DIVERSES Sur l'acide marin déphlogifiiqué , relatives à l’abforption de l'air déphlogiftique par l'acide marin (1) ; Par M. Pezzetier, Membre du College de Pharmacie de Paris, Et. Le procédé que nous a donné Scheele, pour déphlosiftiquer l’acide marin, confifte à diftiller cet acide fur la manganèfe qu'il regarde comme une chaux métallique particulière, fi avide de phlogiftique, qu'elle peut l'enlever à l'acide marin qui eft employé pour cette opé- ration. Cette théorie a été enfuite adoptée par plufeurs Chimiftes diftin- gués, du nombre defquels fe trouve Beremann. J'ai eu occafion de répéter plufieurs fois le procédé de Scheele, & j'étois tellement frappé de la nature particulière fous laquelle l’acide marin paroifloit après la déphlogiftication, & de tous les phénomènes qu'il préfentoir, que Jai cru devoir reprendre avec attention ce procédé, afin d’examiner s’il n'y avoit point quelque circonftance qui eût échappé à Schcele, & à ceux qui ont écrit d'après lui. _ Je n'ai point tardé à m'appercevoir que l'acide marin mis fur la manganèfe, y produifoit une léoère effervefcence qui étoit accompa- gnée d’une chaleur fenfible , ce qui annoncoit le dégagement dun fluide quelconque, & pour juger avec certitude de fa nature, jai cherché à l'en féparer par des acides autres que l'acide marin. PREMIÈRE OBSERVATION. Manganèfe & huile de viriol. Ayant diftillé un mélange de fix onces de manganèfe de Piémont & de quatre onces d'huile de vitriol bien pure, jai obtenu 25 pin- tes d'air déphlogiftiqué , & une liqueur légèrement acide , pefant une once & demi-gros ; ce qui reftoit dans la cornue , peloit huit onces, & c’eft le vitriol de manganèfe de Bergmann. Je crois pouvoir obferver que l’air déphlogiftiqué que j'ai obtenu , n’eft point dû à la décompoftion de l'huile de vitriol, mais particulièrement à la man- s0 es (1) Ce M'moire fut rernis à M. le Marquis de Condorcet , Secrétaire Perpétuel de PAcadémie Royale des Sciençes , le $ avril 1785, &lule 9 du même mois, 309 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE; ganèfe qui le retenoit comme une de fes parties conitituantes & effen« uelles à l’état de chaux, où elle fe trouve naturellement. L'expérience de M. Prieflley vient bien à l'appui de mon opinion, puifqu'il retire Vair déphlogiftiqué de la manganèfe par la fimple diftillation & fans nulle addition (1). M. Prieflley a aufñi diftillé de l'acide vitriolique fur la manganèfe; mais comme il a faic cette opération dans un canon de full (2), il n'a retiré que de l'air fixe; phénomène qui s’obferve chaque fois qu'il y a dégagement d'air déphlocifiqué & d'air inflam- mable, ou que ces deux airs font unis enfemble, Nous en avons des exemples frappans dans la diftillation du précipité per fe avec la limaille de fer, dans la décompofition du fer, du zinc, du plomb, &c. par Y'air déphlogiftiqué, & enfin dans la décompofition du charbon par le mème air. Certe dernière expérience a été examinée par M. Lavoi- fier qui regarde l'air fixe , comme la combinaifon du charbon & de l'air déphloyiftiqué, bien entendu le charbon dépouillé de tous les corps étrangers, comme huile, &c. que M. Bertholet regarde dans cet état comme pouvant pañler en totalité en air inflammable. Scheele & Bergmann ont aufli obtenu de l'air déphlogiftiqué, en diftillant la manganèfe avec l'acide vitriolique. SECONDE OBsERVATION. Manganéèfe & acide nitreux. L’acide nitreux n'attaque point dans toutes les circonftances la man- ganèle, ce que Scheele a très-bien obfervé ; il faut qu'il foit fur- chargé de gaz nitreux , c'eftà-dire, très-rutilant pour qu'il puifle en difloudre. D'après cela, Scheele nous a donné un moyen très-ingé- nieux pour en avoir une diflolution faturée ; il propofe d’ajouter au mélange d'acide nitreux & de manganèfe un peu de fucre, & aufli- tôt on voit la diflolution devenir très-foncée; cette expérience que j'ai répétée de diverfes manières, m'a conduit aux obfervations fuivan- tes : 1°. De la manganèfe & de l'acide nitreux concentré, mais très- blanc, diftillés enfemble, ne produifent point de diffolution, & il ny a point non plus de dégagement d'air. 2°. De l'acide nitreux ruti- lant ou faturé de gaz nitreux, donne avec la manganèfe une légère diflolution ,-& il n'y a point ou prefque point de gaz nitreux déga- gé, 3°. Un mélange de fucre, de manganèfe & d'acide nitreux diftil- lés à l’appareil pneumato- chimique, donne du gaz nitreux & la dif folution s'opère très-bien. Nous favons préfentement que le fucre fait pañler l'acide nitreux à l’érat de gaz nitreux; par les expériences pré- cédentes , nous avons vu que la manganèfe contient de l'air déphlo- (1) Expériences & Obfervations {ur différentes branches de la Phyfique, traduites de lAnglois, par M. Gibelin, page 235$, (2) Même Ouvrage, page 275. SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS, 39# giftiqué ; ainfi , appliquant ces connoiflances à notre opération , nous pouvons conclure que l'acide nitreux n’attaquant la manganèle que lorfqu'il eft chargé de gaz nitreux , nous pouvons conclure, dis- je, que la combinaifon ne s'opère qu'en raifon du gaz nitreux con- tenu dans l'acide nitreux rutilanc , lequel s'unit à l'air déphlogiftiqué de la manganèfe, pour produire de l'acide nitreux ; (comme on le fait en uniflant fous une cloche le gaz nitreux & l'air déphlogiftiqué ) lequel diffout alors la manganèle, parce que cette dernière dépouillée d'air déphlogiftiqué, peut être difloute dans tous les acides: mais comme il n’eft pas poffible d’avoir de l'acide nitreux aflez chargé de gaz nitreux pour abforber tout l'air déphlogiftiqué de la manganèfe, on a recours au procédé de Scheele , qui eft d'ajouter du fucre, lequel à fon tour produit plus de gaz nitreux qu'il n’en faut, pour abforber l'air déphlo- giftiqué contenu dans la manganèfe ; par la même raifon , on obtient du gaz nitreux , lequel , comme je l'obferve , eft celui qui eft produit en excès , & fi on pouvoit dans cette opération ménager les dofes de fucre & la vive action de l'acide nitreux , il n'y auroit point du tout de gaz nitreux dégagé, & la diflolution s'opéreroit néan moins très-bien. Le fel qu'on obtient de ces diffolutions eft le nitre de manganèfe de Bergmann. Si au lieu de chaux de manganèfe , on fait ufage du régule, & qu'on le traite avec l'acide nitreux , on obtiendra une diflolution parfaite, & il y aura du gaz nitreux produit : ici la diffolution fe fait, parce qu'il n'y a point d'air déphlogiftiqué, qui défend la manganèfe de l’action de l'acide nitreux, Il y a aufli production d'air nitreux, parce que dans toutes les diflolutions de fubftances métalliques à l’état de régule , par l'acide nitreux , il y a de l'air nitreux produit ou dégagé. TROISIÈME OBSERVATION. Manganèfe & acide marin. J'ai déjà obfervé que l’acide marin mis fur la manganèfe , s’échauffoit très-fenfiblement, & qu'il y avoit une légère effervefcence : ce qui m'a engagé à faire cette expérience à l'appareil pneumato-chimique ; ainfi quatre onces d’acide marin concentré, diftillées avec une once & demiede manganèfe, mont fourni une liqueur acide du poids de deux onces fix gros; il y a eu aufli environ huit pintes d’un gaz particulier , d'une odeur fuffocante , qui étant refpiré opprefle très-fort, & occafonne une telle irritation aux poumons, qu'il furvient une toux vive. Un peu d'alkali volatil cauftique verfé dans la cloche qui contient de ce vaz, y occafionne un nuage très-épais. Si on plonge brufquement une bougie allumée dans cet air, elle s’y éteint; mais fi on a l'attention de l'y defcendre de telle manière que la flamme lèche la furface de l'air, alors l’auréole de la flamme prend une couleur verte, 392 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE; Le gaz eft aufñli abforbé prefqu'en totalité par l'eau : un flacon de.deux pintes rempli de cet air , ayant été tenu fur l’eau , il y a eu une abforption de ?,& la portion qui refloit paroifloit de l'air ordinaire : une bougie allumée que j'y ai plongée y a brûlé comme dans l'air ordinaire, peut- être même avec un peu plus d'éclat; néanmoins il avoit encore une odeur très-vive, Cet air ne précipite point l'eau de chaux, & il détruir promptement la couleur du tournefol, Je dois auffi parler d’un phénomène très-fingulier , que je n’ai obfervé qu'une fois, en diftillant de lacide marin concentré fur de la manga- nèfe : j'avois eu foin de difpofer mon appareil de manière que le gaz pafloit dans environ quatre onces d’eau , avant d'aller dans la cuve. Mon intention étoit de 'aflurer , fi on ne pourroit point condenfer par-là une grande partie de ces vapeurs élaftiques. J’obfervai en effect que ces quatre onces d'eau avoient abforbé de cet air, car elle étroit très-acide ; mais l'objet intéreflant dans cette diftillation eft, qu'à melure que le gaz pañloit à travers les quatre onces d'eau, il y produifoic des bulles qui paroifloient concrètes , & analogues à celles qu'on obtient dans la diftillation du gaz fpathique fur l'eau, & à mefure que l'air alloit gagner la partie fupérieure de La cloche , il y dépofoit une croûte faline. Je conferve la bouteille où font ces quatre onces d’eau , & où il y a un précipité aflez confidérable. Je ne me permets aucuneréflexion fur ce phénomène fingulier, l'expérience ne m'ayant réufli qu'une fois, mais je l'ai cru aflez intéreffante , pour en faire mention. Le produit de la diftillation eft défigné par Scheele fous le nom d'acide marin déphlogiftiqué, lequel peut difloudre l'or & le mercure, & d’ailleurs il a l'odeur de l'eau régale. Je crois pouvoir obferver que lorfque l'acide marin s’eft uni à la manganèfe, il a dû en dégager l'air déphlogiftiqué , & comme nous ne l'avons point obtenu, il paroît qu'il fe fera uni à un peu d'acide marin, qui fe fera enfuite manifefté par cet état particulier & analogue à l’eau régale; ainfi l'acide marin déphlogiftiqué ne fera que le même acide qui aura abforbé une certaine quantité d’air déphlogiftiqué, Les expériences fuivantes le prouveront, je crois, d’une manière non- équivoque, QUATRIÈME OESERVATION. Eau régale. L'eau régale fe prépare de différentes manières; 1°. en ajoutant du fel ammoniac , ou du fel marin à de l’acide nitreux; 2°, en uniffant fimple- ment les acides nicreux & marin ; alors on ne reconnoît plus l'odeur particulière à ces deux acides, & le mélange en prend une tout-à-faic fingulière , qui eft la même que celle qu'on obferve avec l'acide marin déphlogiftiqué , & comme: je erois avoir démontré comment cet acide pourroit être confidéré, il me reftoit à déterminer les phénomènes qui fe paflent SUR L'HIST. NATURELLE ET ÊES ARTS. 393 paffent dans la confection de l’eau régale ; & pour procéder avec exaditude, j'ai préparé foigneufement de l’acide marin & de l'acide nitreux , & je me fuis occupé d'enlever à l'acide nicreux tout le gaz nitreux qu'il peut contenir en excès, de manière que fes parties conftituantes fuflent dans des juftes proportions, & qu'il füc très-blanc, tel que celui qu’on nomme acide nitreux pur; alors j'ai pris deux onces de cet acide nitreux, & j'y ai ajouté une pareille quantité d'acide marin également concentré : Le mélange s’eft fait avec chaleur, & il a pris une couleur rouge; il s’eft dégagé dans le même inftant un gaz qui, reçu fous une cloche, avoit lapparence du gaz nitreux, auquel on mêlede l'air pur, c'eft-à-dire, qu'il avoit une couleur rouge & qu'il étoit abforbé fur le champ. Ainfi ceci prouve que l'acide marin décompofe l'acide nitreux, & qu'il lui enlève une de fes parties conftituantes, favoir, l'air déphlogiftiqué, & dans cet état il pale fous la forme d'acide marin déphlogifliqué , ou de gaz marin déphlopifliqué ; & c'elt aufi à cet état qu’on doit attribuer l'odeur qu'on regarde particulière à l'eau régale, mais en même-tems que l'acide marin pañle chargé d'air déphlogiftiqué, il y a auffi le gaz nitreux , autre principe de l'acide nitreux, qui s'élève avec, & qui paîle fous la cloche; ici , fe paflent des phénomènes nouveaux ; le gaz marin déphlogiftiqué, eft très- avide de gaz nitreux , & il abforbe ce dernier avec rapidité, de manière qu'ils ne font pas plutôt en contact , que leur union fe fait dans l’inftant, & ils font aufli-tôt abforbés par l'eau. On pourroit certainement regarder ce que j'avance comme hypothétique, fi je ne le prouvois par la fynthefe: pour cet effer, je prends du gaz marin chargé de gaz dephlogifliqué, ou gaz marin déphlogifliqué , tel qu'on l'obrient en diflillant de l'acide marin fur la manganèfe : je fais pafler de cet air dans du gaz nitreux. A peine ces deux airs font-ils en contat, qu'ils font rendus vifibles, & fur le champ ils font abforbés par l'eau ( quoique le gaz marin déphlogiftiqué refte feul aflez long-tems fans être abforbé, & que le gaz nitreux ne s’abforbe qu'a la longue , comme cela eft reconnu). Ainfi je regarde comme bien démontré que les phénomenes qui fe préfentent dans la confection de l'eau régale, font ceux qui s’obfervenc dans la déphlopifti- cation de l'acide marin par la manganèfe, avec cette différence que dans l'eau régale, il y a de plus l’abforption de l'air nitreux, & c'eft fans doute à la nouvelle union de l'acide marin déphlopiftiqué avec le gaz nitreux, qu'eft due l'action particuliere de ce menitrue fur l'or ; car on fait combien l'eau régale peut en tenir en diffolution , tandis que l'acide marin déphlo- gifiqué n'en diflout que quelques grains. La propriété particulière qu'a J'acide marin dépblogiftiqué d'abforber le gaz nitreux, eft bien fingulière, & il paroît qu'il peut en abforber plus que ne fait l'acide nitreux ; mais il n’en eft pas de même de l'acide marin ordinaire, car tenu fur le gaz nitreux , il eft des acides celui qui a le moins d'action fur ce gaz, d'après Tome X XVI ,-Part, I, 1785. MAIL, Ddd 394$ OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, l'obfervation de M. Prieflley (x), & peut-être lorfqu'il agit fur lui, c'eft en commençant par en faire pafler en air déphlogiftiqué: j'ai tenu l'acide marin fur du gaz nitreux, l’abforption a été peu de chofe , mais je crois qu'il faudroit laifler ce mêlange plus de rems que je ne l'ai fair. Mon objet préfent n’étoit que de prouver l'abforption de l'air déphlogiftiqué par l'acide marin ; je me fuis éloigné de mon fujet pour parler de la propriété que cet acide a alors d'abforber le gaz nitreux. Je vais préfente- ment faire de mes premières obfervations une application plus générale, & je l'appuyerai toujours par l’expérience. CINQUIÈME OBsERVATION. Abforprion de l'air déphlogifliqué par l'acide marin. Quoique je n’euffe point de doute que l'acide marin n’abforbât l'air déphlogiftiqué par le fimple contaë, j'ai cru devoir encore m'en aflurer par l’expérience, Pour cer effet j'ai pris une petite cornue de verre que j'ai remplie d’air déphlogiftiqué, & j’en ai plongé le bec dans de l'acide marin, qui ne tarda pas à monter dans le bec de la cornue ; c’eft peut-être à la combinaifon de l'acide marin avec une portion de l'air atmofphérique que font dues les vapeurs épaifles qu’on 6bferve, lorfqu'on débouche un facon d’acide marin concentré. Il paroîtroit donc que l'acide marin décompofe l'air ordinaire , & que lui enlevant l’air pur, il laifle fes autres principes , peut-être fe fépare-c.il dans le même moment une portion d’eau qui y étoit tenue en diflolution par l'air pur. De-là aufli cette efpece de nuage ou de vapeur blanche qu’on obferve , & qui d’après l’obferva- tion de M. d’Arcet , n'a point lieu fur les hautes montagnes , parce que l'air y eft plus pur & moins humide , & que la combinaifon doit s'y faire fans une précipitation auñli fenfible. Je vais pafler aux propriétés de l'acide marin déphlogiftiqué, c’ef? à- dire, faturé d'air déphlogifliqué ; nous favons qu'il peut attaquer l'or & le mercure, tandis que l'acide marin ne produit point d’ation fur ces fubftances ; ce fera particulièrement fur fa combinaifon avec le mercure que j'en ferai l'application dans ce Mémoire. SixIÈME OBSERVATION. Combinaifon de l'acide marin avec le mercure. Les combinaifons de l'acide marin avec le mercure, font connues fous différens noms, tels que le précipité blanc , le fublimé corrofif & le mercure doux. J'obferverai que l'acide marin n'attaque point diretement le mercure, il faut avoir recours à des difpoñitions particulières : ainfi en diffolvant le mercure dans l'acide nitreux, & ajoutant à la diffolution de l'acide marin, il s'opère une décompofition & une précipitation , & le (1) Expériences & Obfervations fur différentes efpèces d’airs, &c. traduites par M. Gibelin, tome 1V , page 121. i | a — SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 395 précipité eft la combinaifon du mercure avec l'acide marin. Si cette pré- cipiration eft faite à l'appareil pneumato-chimique , on obtient une crès- grande quantité de gaz nitreux, &ce gaz fe trouvoit partie conftituante de la diflolution mercurielle, puifque je nv'étois afluré que l'acide nitreux y étoit en totalité ; mais comme l'acide marin n'a dégagé que le gaz nitreux, il aura abforbé l'air déphlogiftiqué, & dans cet état il fe fera uni au mercure : ce qui fe trouve abfolument conforme à la théorie de mes pre- mières expériences , puifque j'ai obfervé que l'acide marin déphlogiftiqué diffour le mercure. Si au lieu de précipiter la diflolution nitreufe de mercure , par l'acide marin, on y procède par le fel ammoniac, ce font les phénomènes fuivans qui ont lieu: 1°. décompofition du nitre mer- curiel ; 2°. décompofition du fel ammoniac ; 3°, décompofition de l'acide nitreux. L’acide marin quittant l'alkali volatil, s’unit au mercure, & chaffant alors l’acide nitreux, il lui enlève une de fes parties conflituantes, qui eft l'air déphlogiitiqué , lequel devient effentiel à l'acide marin pour qu'ils’unifle au mercure : le gaz nitreux fe trouvant libre, & rencontrant de même l’alkali volaril , ils s’uniffent tous deux, & forment un fel par- ticulier, & fi après avoir féparé le précipité , on évapore les liqueurs, on obtient une mafle faline, qui donne le gaz nitreux par tous les acides. Le même phénomène à lieu avec le fel marin, ainfi qu'avec le fel fébrifuge , & le fel qu'on obtient ici , eft femblable à celui qui refte dans la cornue, après la diftillation du nitre rhomboïdal , & du nitre ordinaire, quand leur décompofition n’a pas été totale ; c’eft ce qu’on peut voir dans le Mémoire de M. Bertholet (1). Ainfi la combinaifon du mercure avec l’acide marin eft due à l’état particulier où l'acide marin doit fe trouver, pour qu'il puifle avoir action fur le mercure; & quoiqu'on ait mis en ufage divers procédés, pour préparer le fublimé corroff, on y retrouve toujours les phénomènes que je viens d'indiquer. L’abforption du gaz déphlogiftiqué par l’acide marin s’obferve aufi, dans les décompofitions par l'acide marin du nitre de bifmuth, du nitre de plomb & du nitre d'argent, & dans tous ces cas, au lieu de retirer de l'acide nitreux, on n’obtient que du gaz nitreux. CONCLUSION ET OBSERVATIONS QUI LUI SONT RELATIVES. IL eft donc bien démontré que l'acide marin n’attaque point,le mercure, tous deux dans Jeur état ordinaire; parce que cet acide ne fe trouve pas affez faturé d’air déphlogiftiqué. Aufñfi cette combinaifon peut-elle s'opé- rer, 1°. en faturant l'acide marin d'air déphlogiftiqué, comme lorfqu'on Je diftille {ur la manganèfe; 2°, dans la décompofition du nitre mercuriel par Pacide marin, parce que l'acide nitreux fournit alors l'air déphlo- (5) Mémoires de l’Académie des Sciences, imprimés en 1784 , page 30. D Tome XXVI, Parc, I, 1785. MAL dd 2 396 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE; giftiqué à l'acide marin, 3°. Enfin, on peut faire cette combinaifon en prenant du mercure uni à l'air déphlogiftiqué , c’eft-à-dire, une chaux de mercure. Ainfi le précipité per fe & le précipité rouge font folubles dans l'acide marin, & lors de la diffolution , il n'y a nul dégagement , feulement une grande chaleur , telle qu’on l'obferve dans l’extinétion de la chaux vive, & le fel qu'on obtient par la criftallifation eft du fublimé corrofif, È Cette obfervation ne fe trouve point d'accord avec l'expérience de Bergmann , qui dit que le mercure calciné & mis en digeftion dans l'acide marin, eft réduit (1). J’ignore comment Bergmann a pu procéder ; car toutes les fois que j'ai mis du précipité per fe dans de l’acide marin concentré , il y a eu fur le champ, diflolution, production de chaleur & criftallifation du fublimé corrolif par le refroidifflement. Il eft vrai que lorfqu'on fait ufage du précipité rouge, il y à une poudre noire qui fe fépare , laquelle eft du mercure ; mais ce mercure ne vient point de la chaux révivifiée ; il fe trouve féparé lors de la diflolution, parce que l'acide marin ne diflout que le mercure uni à l'air déphlogiftiqué, & ce mercure fe trouvoirmèêlé avec la chaux de mercure ; auñli , fi l’on obferve ce qui fe pafle dans la préparation du précipité rouge, on verra qu'il paffe d’abord du gaz nitreux & enfuite de air déphlogiftiqué long-tems avant que le mercure ne diftille. Bergmann n'auroit-il pas employé de ce précipité, & n'auroit-il pas été induit par-là en erreur ? Car Berpmann ne favoit comment expliquer cette réduction. M. Kirwan (dans fes Remar- ques fur les-expériences de M, Cavendish fur l'air ) dit que cette rédu&ion eft due à ce que l’acide marin chafle l'air fixe de la chaux mercurielle, & alors cet air fixe foufire une décompofition , & il laiffe fon phlogiftique au mercure : cette explication ne peut pas être admife, puifqu’il n’y a point dé réduction , comme je lai obfervé. On voit par toutes ces obfervations qu’un des principes de l'acide nitreux, peut s’aflimiler à l'acide marin & fe combiner avec lui ; il refte maintenant l'autre principe , favoir, le gaz nitreux que M. Bertholet à fair pafler en air déphlogiftiqué , en tenant le nitre au feu plus long-tems qu’on ne l'avoit fait avant lui. MM, Prieflley & Monge ont auffi changé l'acide nicreux en air déphlogiftiqué en faifant pafler cet acide à travers un tuyau de pipe rouge : il refte à déterminer fi l'acide marin traité de même avec le gaz nitreux ne parviendroit point à le changer en air déphlogiftiqué, & comme ce dernier s’unit à l'acide marin, & que loin = (1) Hydrargyrum calcinatum fub digeflione in acido falis reducitur , fe caufa nondum fais explorara ef. Quunt acidum falis dephlogifticarum ipfum metallum adgrediatur, vix calx dephlogifticationem acidi perficere valer : examinandum igitur reflat, num fub digeflione acidum dephlogifticatum prodear. In Hypothefi Scheeliana decompofitio caloris Jufficit. Bergmann, 3° vol, pag. 415, 1 ÿ c | 2 sus a ne en 6 Frs D, 8e « SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 397 d'en changer la nature, il en augmente l'énergie , nous pouvons conclure que l'air déphlogiftiqué pafle , avec raifon , pour être le principe de tous les acides. + Ce travail eft fufceptible d’une bien plus grande application encore ; car j'ai déjà obfervé que les chaux d'étain , de bifimurth & la neige d’anti- moine , &c, font folubles fans nul dégagement de fluide élaftique , dans l'acide marin ; & c'eft toujours à l'air déphlogiftiqué qu'elles contiennent qu'il faut attribuer l'énergie dont font douées ces nouvelles combi- naifons (1). (x) Nous imprimerons dans les mois fuivans la fuite du travail de M. Pelletier fur Vacide marin déphlogiftiqué, & fur l’éther marin. ee — ee Se NOUVELLES LITTÉRAIRES. SUITE de l’Analyfe de la Cofinétographie de M. PINGRÉ. Quatrième Partie, troifième Seéion. D, ns cette Section, M. Pingré traite de la détermination de orbite des comètes. Ce n’eft pas leur orbite apparente, celle qu'elles décrivent autour de la terre, qu'il s’agit de déterminer, mais leur orbite réelle, celle qu’elles décrivent autour du foleil. Les anciens Aftronomes qui prétendoient déterminer , d’après deux ou trois obfervations la route apparente d’une comète , étoient dans l'erreur, Le feul moyen de repréfenter avec quelqu'exactitude certe route appa- rente , eft de commencer par déterminer la véritable route, Il eft cependant un problème, fur le mouvement apparent des comètes, qui peut avoir une utilité réelle, celle de conclure, pour une époque donnée , la longitude & la latitude d'une comète, d’après des obfervations de longitude & de latitude faites fur cette comète antérieurement & poftérieurement à cette époque. M. Pingré extrait ce problème des Prin- cipes de Newton(livre 3, lemmes $ & 6) & donne (probl. VIII) pour fa folution , une formule générale qui peut fervir à toutes les efpèces d'interpolations. Mais le grand problème à réfoudre eft, de déterminer la véritable orbite d'une comète d’après des obfervations faites fur la terre. Problema hocce longe difficillimum , a dit Newton. Ce problème eft cependant très-dérerminé ; trois obfervations fuffifent à la rigueur pour le réfoudre ; mais il y a fi loin des données fournies par les obfervations aux vrais 398 OBSERWATIONS SUR LA PHYSIQUE, élémens d’une comète , il faut avoir recours à tant de principes , ( loix de Képler , propriétés des fections coniques , principes de la trigonométrie rectiligne & fphérique ) les inconnues de ce problème font tellement mêlées entrelles , que les équations qui peuvent conduire à le réfoudre fonc néceflairemenc d'un degré très-élevé, & par conféquent inacceflibles : à l’analyle actuelle. C'eft ce qui afait dire à M. de la Grange, que dans l’état d'imperfedtion où eft encore la théorie des équations, le feul objet qu'on puifle fe propofer , eft de réfoudre le problème par approximation. Dans toute approximation on a deux objets à remplir; d'abord d’appro- cher du but autant qu'il eft poflible ; enfuite d'en approcher par le chemin le plus court, AS LA Dans toute approximation il y a quelques quantités qu'on néglige. Pour qu’il n’en réfulte pas d'erreur fenlible , il faut de trois chofes l’une, ôu que les quantités qu'on néglige foient très-petires par rapport à celles qu'on ne néglige pas, ou que , fi elles font un peu confidérables, l'erreur qui en réfulte foit compenfée , ou enfin que, fi cette erreur ne peut pas être compenfée , des opérations ultérieures la diminuent, De ces trois moyens , le premier eft le plus fimple, le fecond demande le plus d'adrefle, le troifième eft le plus pénible. Lorfqu'on eft réduit à ce troifième moyen, il eft fouvent plus fimple d'avoir recours au tâtonnement, c'eft-à-dire , à la conjecture. Ces principes nous ferviront à apprécier les différens expédiens dont on s'eft fervi pour fe tirer de ce problème. Les uns ont imaginé des méthodes graphiques. Mais la règle & le compas ne font jamais fi sûrs que le calcul, & Le calcul fournit bien plus de moyens que la règle & le compas. D'ailleurs, comment compenfer , comment réparer les erreurs inévitables dans une méthode graphique, finon par le calcul ? D'autres ont imaginé de choifir des obfervations fi voilines les unes des autres, que le mouvement de la comète püt être çenfé rectiligne. Mais M. de la Place a remarqué le premier qu'il n'eft jamais permis, de fuppofer le mouvement d'une comète rectiligne. Beaucoup, fans fuppofer le mouvement de la comète reiligne , fuppofenc très-petits les intervalles des obfervations , afin de fe procurer depetites quantités qu'ils puiffent négliger. Mais alorsune petite erreur dans les cbfervations en entraîne fouvent une grande dans les réfultats. Or , qui peut répondre d’une parfaire exactitude dans les obfervations faites avec le plus de foin ? Cet inconvénienc eft très-grand dans une méthode , à moins qu'elle n'offre des moyens de fauver , ou au moins de compenfer les erreurs des réfulrars. Enfin, prefque tous ceux qui ont traité ce probléme ont fuppofé l'orbite de la comète parabolique, quoiqu’elle foit ordinairement elliptique très= pr: SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 399 allongée, & quelquefois peut-être hyperbolique. On trouve dans cette füuppofñtion plufieurs avantages : 1°. toutes Les paraboles fonc des courbes femblables, & il n'en eft pas de même des ellipfes & des hyperboles. 2°. On a dans les ellipfes & les hyperboles une quantité de plus à déter- miner que dans la parabole ; cerre quantité eft l'excentricité. 3°. L'expref- fion du tems eft algébrique dans la parabole ; elle eft tranfcendante dans lellipfe & l’hyperbole, ( voy. probl. XIII. ) La fuppofition d'une orbite parabolique entraîne quelques erreurs ; mais on fair les corriger. Paflons aux différentes folutions qu’on a données de ce problème. Il peut fe réduire à deux points principaux : 1°. dérerminer une ou plulieurs diffances apprechées de la comète au foleil ou à la terre: 2°. Conclure de ces diftances approchées les élémens de l'orbite de la comète, & corriger ces élémens, fi, ce qui fans doute arrivera prefque toujours , on découvre qu’ils ne font point exacts. Sur le premier point, M, Pingré rapporte huit folutions. Toutes ces folutions demandent au moins trois obfervations, Les folutions de Gregory & de M. l'Abbé Bofcowich font graphiques, & fuppofent le mouvement de la comère rediligre. fl La folution de M. de la Lande eft méchanique, Il met en relief ce que les autres décrivent fur le papier. Cette folution eft ingénieufe, mais embarraflante, & peut devenir coûteufe. Des deux folutions de M. Lambert, l’une eft conjeturale, & peut donner avec facilité un premier à-peu-près. Avec l’autre on ne réuffic sûrement qu'à dérerminer, fi la diftance de la comète au foleil eft plus grande que celle du foleil à la terre. M. Délagrange a auffi donné uñe folution de ce problème , dans fon Mémoire, ( Acad. de Berlin, 1778 , page 124 & fuiv.) qui renferme les recherches les plus profondes fur les rapports qui peuvent exifler entre les connues & les inconnues de ce problème. Il donne d'abord les expreflrons de deux limites, entre lefquelles doit fe trouver la valeur de la diftance de la comète foit au foleil, foit à la terre. Enfuite, pour approcher davantage de cette valeur , il donne une équation du huitième degré qui peut être réfolue facilement par tâtonnement, mais qui renferme une quantité {ur laquelle les erreurs des obfervations influent confidé- rablement. La feptième folution eft de M. du Séjour. Elle eft la plus directe de toutes. Par des réflexions très-ingénieufes , par une analyfe très-adroite, M. du Séjour a réduit ce problème à une équation du fecond degré. Certe équation renferme les rapports d’autant de diftances de la comète à la terre qu'on a d'obfervations, rapports dont il a d’abord donné les formules. Ces rapports font les uns trop petits, les autres trop grands ; mais comme ils fe trouvent multipliés les uns par les autres; il y a compenfation, 400 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, pourvu que l’on ait au moins cinq obfervations peu diftantes Les unes des autres. Cerre méchode offre encore un avantage. Si, dans quelques cas défavorables, on ne parvenoit pas du premier coup à une approximation fuffifante, on pourrojt , à la faveur des quantités déjà obtenues, recom- mencer le calcul avec la certitude d'approcher fufifamment du bur. « On >» objectera peut-être contre cette méthode, dit M. Pingré, que le calcul » devient bien long, quand on veut pouffer un peu loin l’exaétitude , & » d’ailleurs, qu'il eft peu de comètes dont les obfervations fe fuivent >» d'aflez près , pour permettre un nombre fufhfant d’obfervations voilines. > Mais enfin on crouve de ces comètes, telles que celle de 1763 , celle de » 1769 ; & plufieurs autres. Le calcul eft long, mais il épargne l'ennui >» des tâtonnemens. Enfiv, l’on ne peut difconvenir qu'il eft beau d’avoir » réduit le problème des comères à une équation du fecond degré. Au » refte, ajoute M. Pingré, nous ne prétendons point décider entre cette » folution & la fuivante, Nous laiffons à La volonté du calculateur Le choix » de l’une ou de l'autre ». La huitième folution eft de M. de la Place. La méthode qu’il propofe demande plus de tâtonnemens que la précédente; mais elle a fur elle l'avantage de renfermer un plus grand intervalle de rems, & de ne pas expofer à l'ufage de quantités fur lefquelles l'erreur des obfervations influe trop fort. M. de la Place obtient cet avantage, par un ufage adroit des différences finies. Ses recherches le conduifent d'abord à deux équations finales, dont l’une eft du huitième degré, mais peut être abaiflée facile- ment au feptième, L'autre ett du fixième degré. Combinant, décompofänc en quelque forre ces deux équations, il en tire quatre équations très- fimples qui ne renferment que trois inconnues. Deux de ces quatre équations font du premier degré, & deux font du fecond. Pour fatisfaire à ces quatre équations , on détermine par conjecture la valeur d'une des trois inconnues. Si la conjecture eft jufte, on fatisfair aifément & à très-peu près aux quatre équations. Si l'on n'y fatisfait pas, c'eft que la conjecture n'eft pas juite ; mais le réfulrat du calcul donne les moyens d'en faire une feconde plus approchante de la vérité. Si un fecond effai ne réuflit pas encore , fon erreur comparée à l'erreur du premier eflai, donne la loi des erreurs, & fait connoîrre à quel terme les erreurs ceffent. Ce târonne- ment n’eft point long, & il donne fans beaucoup de peine un rayon vecteur & une diftance accourcie de la comète à la terre. L'eflai que M. Pingré a fait de cette méthode lui a réufli. Maintenant connoiflant une ou plufieurs diftances de la comète foit À la terre, foit au foleil , il s’agit de décerminer fes autres élémens. Ces élemens font ( dans une orbite parabolique ) la diftance périhelie , le lieu du péribelie, le lieu du nœud , & l’inclinaifon. Dans une orbite elliptique, on a deux élémens de plus, l'excentricité & la dürée d'une révolution. Mais, à moins qu'on ne connoifle déjà à crès-peu-près la durée de la révolution SUR L’HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 401 révolution d'une comète , ou que fon orbite ne differe fenfiblement de la arabole , il eft plus court & aufli sûr de calculer les élémens d’une comète , d'abord dans une orbite parabolique ; enfuite on corrige l'ano- malie vraie & le rayon vecteur d’après les principes de M. Simpfon expofés au probl. XV , & par la troifième des Tables que M, Pingré a mifes à la fin de fon Ouvrage, Etant données deux diftances de la comète foit au foleil, foit à la terre, au moment de deux obfervations , on a tout ce qu’il faur pour déterminer , fans râtonnement , l'orbite parabolique. M. Pingré donne, (probl. XXI) les méthodes x les formules qu’on doic employer pour y paivenir; & fi on les joint 4 la méthode de M. du Séjour, on aura la folution entière du problème général des comètes. Mais il eft nécellaire que-les deux diftances foient très-exactes. Si elles ne l’étoient pas, il faudroit les corriger , & le calcul pourroit devenir très-long. M. de la Place propofe une autre méthode pour déterminer tous les élémens d’une comète dans une orbite parabolique. D'abord muni des obferva- tions employées dans fa première méthode, & des deux quantités qui en ont été le rélulrat, il détermine , ( probl. X ) à très-peu-près la diftance périhélie & le rems du paflage au perihélie. Cette opération n'exige ni tâtonnemens , ni calculs pénibles. Enfuite à l’aide de ces deux élémens & de trois obfervations éloignées les unes des autres, autant qu'il eft poffible; M. dela Place détermine, (probl. XVIIT) toutes Les circonftances du mouvement de la comète. Les trois obfervations feroient inutiles fi les deux premiers élémens étoient exacts ; mais elles fervent, par la com- paraifon qu'on en peut faire avec le calcul, à rectifier ces premiers élémens. Le râtonnement n’eft pas bien pénible , & mène sûrement au but. Cette méthode a réufli parfaitement à M. Pingré, & ce qu’elle a de commode, c'eft qu'une petité erreur dans les obfervations n’entraîne qu'une petite erreur dans les réfultats. ” Mais quelquefois on n'a pas aflez d’obfervations pour pouvoir employer certe mérhode, & dans ce cas on peut encore moins employer celle de M. du Séjour. Il faut alors avoir recours à celle qu'on appelle méthode commune. Dans cette méthode, (probl. XXII) on ne demande d’abord que deux obfervations, [1 fauaroit avoir en même-tems les deux diftances correfpondantes , je veux dire, les deux diftances, foit vraies , foit accour- cies, de la comète à la terre ou au foleil, On les dérermine par conjecture, fi l'on ne peut faire autrement, fauf à les corriger, Plus la conjecture approche de la vérité, plus on s’épargne de longueurs dans les calculs. Pour s’aflurer fi on a rencontré jufte , on calcule d'après les deux diftances conjecturées , les élémens de la comète, & par ces élémens, le rems qui doit s’écouler entre les deux obfervations, Il fau que le tems calcuié foie égal au tems obfervé, Ce n’eft pas tout, (car on peut farisfaire à cette condition d'une infinité de manières ) il faut avoir une troifième obfer- Tome XXVT, Part, 1, 1785. MAL. Eee 402 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, vation éloignée des deux autres, & que la longitude géocentrique donnée par certe troifième obfervation , foit égale à la longitude géocentrique calculée. Ainfi lon a à fatisfaire en même-tems à deux conditions. Si les deux diftances conjecturées n'y fatisfont pas, il faut Les altérer l'une après l'autre, & recommencer le calcul , jufqu’à ce qu’elles y fatisfaffenr. On peut juger par-là dans combien de râtonnemens , dans combien de calculs doit entraîner quelquefois cette méthode, & quelle patience, quelle conftance elle demande d'un calculateur. A ces trois méthodes M. Pingré en joint deux autres. La première eft celle de M, Euler. Elle eft digne d’un aufli grand Géomètre, Îl demande, (probl. XVII) trois SH à à des intervalles de rems peu confidérables, & la diftance de la "€omète à la terre au moment de la feconde obfervarion. Tüm vero, dit M. Euler, oc maxime requiritur ut obfervationes fummé cur& Jint inflitutæ , atque ut diflantia cometæ à terra, in obfervatione mediä , à veritate quàm minimum aberrer. Pour corriger cette diftance, M. Euler demande une quatrième obferva- tion éloignée des trois autres, Les réfultats du calcul doivent fe trouver d'accord avec les réfultats de cette obfervation. S'ils ne font pas d'accord, on altère la diftance donnée, & après plufieurs effais, une proportion donne la correction dont on a beloin. Mais fi ce défaut d'accord vient de l'erreur des obfervations (& il en peut venir, ainfi que M. Pingré l’a éprouvé ) comment réparer cet inconvénient ? M. Euler ne le dit pas. D'ailleurs , ces corrections amènent des calculs bien longs. La feconde méthode eft celle de M. Hennert. Cette méchode, (voy. probl. XVI & XIX ) quoiqu'embarraflante, feroit utile, on avoit befoin: de calculer les mouvemens des comètes dans une orbite elliptique; mais la moindre erreur dans les obfervations peut en entraîner une grande dans le lieu du nœud & l'inclinaifon , & une immenfe dans la longueur du grand axe & dans la durée de la révolution, Dans le problème XX, M. Pingré expofe les moyens de connoître , fi une comète qui paroît eft celle qu'on attend. IL fufit pour cela de voir, fi deux obfervations de la comète qui paroît font d’accord avec le calcul fondé fur les élémens (cenfés connus) de la comète qu'on attend. Ce calcul fe fait ordinairemens dans une orbite parabolique. M. Pingré propofe de le faire dans une orbite elliptique, & on le peut, puifqu'on connoîc la durée de la révolution, & par conféquent le grand axe de l'orbite, Le problème XXV eft ainfi conçu: Deux rayons vecteurs étant donnés de longueur & de pofition , avec la longueur du grand axe, conftruire l'ell:pfe. Les propriétés connues de l’ellipfe donnent la folution de ce problème, Vers la fin de cet Ouvrage eft un apperdice fur les perturbations des comètes. Une planète telle que Jupiter ou Saturne, agit un peu fur le foleil & peut acir fortement fur les comères, De-là trois fortes de forces SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 403 ui tendent à troubler la comète dans l'orbite qu'elle décrit autour du foleil. Une de ces forces agit perpendiculairement au plan de la planète perturbatrice & rend à rapprocher la comète de ce plan ; une feconde agit arallèlement au petit arc parcouru par la comète, & rend à accélérer ou à retarder fon mouvement ; une troifième agit perpendiculairement à ce même petit arc, & tend à élargir ou à retrécir l'orbite de la comète, M. Pingré renvoie, pour la détermination de ces effets, à la théorie du mouvement des comètes , que M. Clairaut a fait imprimer en 1760. L'Ouvrage de M. Pingré eft terminé par cinq Tables. La première a pour objet de réduire les heures, minutes & fecondes en décimales de jours, & celles-ci en heures, minutes & fecondes. La feconde eft une Table générale du mouvement des comètes dans une orbite parabolique. On en a montré l’ufage dans le problème I. Cetre Table eft calculée pour une diftance perihélie égale à la diftance moyenne de la terre au foleil. Son ufage ne s’érend pas à tous les degrés d’anomalie vraie. Plus eft grande la diftance perihélie, plus l’ufage de cette Table doit être reftreint. La loi de cette reftriction eft l’objet d’une petite Table particulière que donne M. Pingré. La troifième Tableoffre la réduction de la parabole à l’ellipfe. M. Pingré a donné (page 349) un moyen facile de rectifier les erreurs qui peuvent encore réfulter de l’ufage de cette Table. La quatrième Table a pour objet de déterminer Île tems écoulé entre deux obfervations quand on connoît la fomme des rayons vecteurs cor- refpondans, & la corde ou l'angle compris. Voici fur quoi cette Table eft fondée, M. Lambert a donné (voy. le probl. XIV ) une formule qui prouve, que pour connoître le rems écoulé entre deux obfervations , dans une orbite parabolique, il fuffic de connoître la fomme des rayons vecteurs correfpondans , & la corde qui joint leurs extrémités. Par conféquent ; pourvu que certe fomme & certe corde foient les mêmes, les tems feront: égaux, quelle que foit la diftance perihélie , füt-elle même nulle. Si la diftance perihélie eft nulle, l'orbite fera une ligne droite, & la comète tombera dans le foleil. C'eft fur cette orbite rectiligne que M. Lambere propofe ( voy. le probl. XXIIT) de former une échelle ( qu'il appelle échelle de châte parabolique ) marquant la correfpondance des tems avec la fomme des rayons vecteurs & la corde comprife , échelle qui convient à toutes les orbites paraboliques poflibles (1). Mais, comme le calcul eft roujours plus sûr qu'une opération graphique, M. Pingré (@) M. Eambert propofe auffi, ( voy. le probl. XXIV ) une échelle de chûte elliptique ou hyperbolique ; mais cette échelle fuppofant égaux les grands axes de ic les ellipfes & de zoutes les hyperboles , ne pourroit être que d'un ufage très= borné. Tome XXVT, Pare, I, 3785. MAI, Ecez2 404 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, donne une Table de cette correfpondance. C’eft la quatrième; il l'appelle la Table de chûte parabolique. : La cinquième T able donne les minutes & les fecondes de degré en parties du rayon. À lafuite de ces cinq Tables fe trouve un appendice à la première partie, M. Pingré avoit préparé un Chapitre pour combattre l'opinion de ceux qui regardent les comères comme de fimples météores ; mais confidérant que cette opinion fe trouve fuffifamment réfutée dans le cours de fon Ouvrage, il a fupprimé ce Chapitre. Un Auteur qui s’eft fait imprimer en 1784, prétend que les comètes reffemblent entièrement à nos fufées volantes, & qu'elles décrivent des lignes parfaitement droites. I] dit encore , que ce font des epèces d'étoiles filantes employées pour purifier le fluide éthéré, en confumant la furabondance des parties inflam- mables , &.en fixant les autres en terre & en eau. M. Pingré l’exhorte, lui & tous les adverfaires des cometo-planèces, à fe mettre au fait, « Le » mal dans tout ceci, ajoute-t-il, eft que ces Meffieurs combattent un » fyftème qu'ils n’entendent pas , & qu'ils ne favent pas manier les armes >» qui feroient feules capables de le renverfer , fi la vérité pouvoit jamais > être contraire à elle-même ». î L'accueil très-diftingué que POuvrage de M. Pingré a déjà obtenu de tous les Savans à portée de l’apprécier, nous difpenfe d'infifter fur l'éloge que nous pourrions en faire. Qu'on nous permette feulement d'ajouter un mot, pour nous féliciser de ce que l'hommage que, nous rendons ici à ce célèbre Académicien, eft en même-temsun tribut d’eftime & d’attachement payé à un Confrère refpectable , au nom d’une Maifon mon moins touchée du fpectacle de fés vertus, que flactée de voir fa gloire rejaillir fur elle-nième. , NN. B. I s'eft gliflé dans beaucoup d'exemplaires une erreur qu'il eft effentiel de corriger. Page 330 du tome 2; la première des quatreéquations de M. de la Place donne la valeur de 7? & non pas de 7. Hifloire & Mémoires de l'Académie Royale des Sciences, Infcriptions & Belles-Lertres de Touloufe, Tome 11, 1784. Vouloufe , chez Defclaffan. Paris, chez Crapart, place Saint-Michel , à l'entrée de la rue d'Enfer. Voici le fecond volume des Mémoires de l’Académie de Touloufe. La bonté du plus grand nombre de ces Mémoires prouve bien de queile utilité il feroit que les différentes Académies favantes de la France donnaflent aufli la collection de leurs travaux; l’'émulation qui en naîtroit entre ces Sociétés, le bien général qui en réfulteroit pour l'avancement des fciences , ferviroic de réponfe à la queftion éternelle que l’on fait : à quoi fervent les vingt ou trente Académies de France ? Toute l’Europe fait bien que nous ne con- 42 gr \ SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 40$ fondons pas ici celle de Dijon, dont le génie plein d’activité dans tous les genres s’annonce fans cefle par des travaux eflentiels ou des découvertes intéreflantes. Méthode de traiter leslmorfures des animaux enrages & de la vipere , Juivi d'un précis Jur la puflule maligne ; par MM. ENaux é . CHAUSSIER , de l’Académie de Dijon. À Dijon , chez Defay, Impri- meur, 178$ ; £1-12. Cet Ouvrage plein de fageffe & de clarté a été entrepris par l’ordre de Y'Adminiftration de la Province de Bretagne; il eft digne de la renommée de fes Auteurs, & il remplit parfaitement le but que ces Mapgiftrats s’étoient propofé en les chargeant de ce travail intéreflant. Heureufe [a Province dont les Chefs aiment & culrivent les fciences , & fur-tout les font fervir à l'avantage de la fociété ; le bien qu’ils font actuellement refluera fur les générations futvantes, & leurs noms feront cités comme ceux des vrais Pères de la Patrie. Vel eft le fervice important que rendenc à la Province de Bourgogne MM. les Elus Géneraux depuis plufeurs années ; l'inftru@s# publique dans tous les genres qu'ils ont établie ; le choix des meilleurs Profeffeurs, il fuffit de nommer les principaux, MM. de Morveau , Marer, Durande , Enaux , Chaufier, &c. ; les encouragemens multipliés & fagement appliqués; des entreprifesutiles à la Province, tout en un mot annonce les vues utiles & patriotiques de ces illuftres Admi- niftrareurs, Auîi le réfultat de leurs travaux eft-il toujours une bonne opération, Tel eft l’Ouvrage de MM. Enaux & Chauflier fur la rage , & la puftule maligne & leur traitement. À la fin de chacun de ces Traités fe trouve une récapitulation des préceptes les plus importans pour le traite- ment de ces maladies. Ces récapitulations font des abrégés excellens de tout l'Ouvrage, des aphorifmes précieux. Il eft bien à défirer à préfent que ces favans Auteurs eflayent dans leur Province le traitement de la rage par le méloé du mois de mai & le profcarabé, d'après le Mémoire que nous avons imprimé dans ce mois; il eft eflentiel de confirmer ou de détruire {a confiance que l’on peut avoir dans ce remède , & l'expérience feule , plutôt que le raifonnement, doit décider cette queftion importante, On trouvera cet Ouvrage chez Didot, Libraire à Paris, Deliciæ Florz & Faunx infubrixæ, &c. par M. Scorozr, Profeffeur à Pavie. Cer Ouvrage dont les figures font belles, exactes & bien gravées, dont les defcriptions embraflent l’objet dans tout fon détail, à en juger par les figures du Galega pulchella & de Pichneumon fedu&or que nous avons aduellement fous les yeux, eft digne de fixer lattention des amateurs de botanique & d'infectologie. I1 paroîtra par cahier de vingt-cinq Planches chacun , n-fol, Chaque cahier coûtera 25 Liv. de Milan, On ne demande 406 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE; aucune avance aux Soufcripteurs, & on ne payera les cahiers qu'à mefure qu'ils paroïcront. On pourra s’adrefler pour donner fa foumiffion, à Cucher, Libraire,rue & hôtel Serpente, au Bureau du Journal de Phyfique, qui annoncera au Public la livraifon des cahiers lorfqu'il les aura reçus d'italie. Le premier cahier paroït déjà à Pavie. Académie de Rouen, L'Académie des Sciences, Belles-Lettres 8 Arts de Rouen tint fa Séance publique le 4 août 1784. Elle n'a point cru devoir accorder de Prix À aucun des Mémoires reçus à l’occafion de fes derniers Programmes. L'Académie avoit prorogé à cette année , le Concours à un Prix extraor- dinaire, deftiné par un Amateur des Sciences , à quiconque établiroit le plus exaétement , les caraëeres diflin&ifs entre les diverfes terres virifrables. Elle avoit cité avec élogeun Mémoire portant pour épigraphe: Vifcera ejus extrahimus , ut digito gefletur Gemma, quam petimus. L’Auteur étoit invité à donner un fupplément d'expériences , d'appli- cations heureufes & de réfultats qui lui appartinffent exclufivement. Mais, malgré fes nouveaux efforts, il a paru encore au-deflous de fon talent, & n'avoir point atteint le but, L'Académie fe croit donc obligée de laiffer fublifter jufqu'à l'année prochaine, & fon Programme & fes invitations. Un autre Prix extraordinaire, offert par un des Académiciens, à l’Auteur d’une defcription de l'Hiftoire Naturelle, Phyfique & Médicale de la Normandie, n’a provoqué aucun Mémoire, &, malgré l'utilité du fujer, le donateur a confenti qu'il fût changé au gré de la Compagnie. Son zèle patriotique & le défir de feconder celui des Magiftrats, l'engagent à propofer La perfeéibilité des cidres & des poirés , pour le nouveau fujet de ce Prix ; & pour fixer l’objet, elle croir devoir obferver : 1°, Que ces boiffons n'étant que les fucs des pommes ou des poires , rendus fpiritueux par la fermentation , la force & la générofité en conf- tituent la qualité effentielle. 2°. Que toute addition de fubftances hétérogènes altérant néceflairemene ces liqueurs bienfaifantes, quand elles font naturelles , leur pureté eft encore une condition à demander. 3°. Que l'agrément dans leur faveur eft trop avantageux pour ne point exiger que cette qualiré s'y trouve réunie. 4°. Que la limpidité, qui fuppofe le dépurement & la féparation de toutes les parties étrangères infolubles, eft une condition non moins effentielle que les précédentes. 5°. Que toutes, dépendantes du choix des pommes ou des poires employées , de leur degré de maturité, du braffage , de la conduite de la fermentation, on exige fur l’enfemble des inftructions juftifiées par la l | ÿ SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 407 pratique, applicables aux exploitations en grand , également à la portée de la fagacité des cultivateurs & des facultés du peuple , pour lequel ces boiflons font de néceflité première. Ces conditions bien entendues, le Programme fe réduit à demander pour le premier de juiller 1785 : Une méthode certaine & facile pour faire du cidre & du poiré, de la meilleure qualité. Chacun de ces Prix fera une médaille d’or de la valeur de 300 livres, ou la même fomme en argent. Le prix ordinaire des Sciences avoit pour objet: les moyens de refferrer le canal de la Seine , depuis Villequier jufqu’à la mer, afin de creufer fon lit, & de la débarraffer des bancs changeans , qui s'oppojent à la navigation. Entre trois Mémoires admis au Concours, l’Académie a diftingué celui dont l’épigraphe ef : Naturam expellas furcä , tamen ufque recurret. Horat. Mais l’Aureur eft engagé à fixer les données de fon article cinquième , & à mieux ‘indiquer la poffibilité de leur exécution. Les fondes & les nivellemens qui y manquent abfolument , ne pourroient même encore établir que des probabilités fur le fuccès, & c’elt, tout au moins, ce que doit défirer la Compagnie, qui en conféquence a doublé le Prix, en ajoutant une fomme* de 300 livres à la médaille d'or déjà propofée, & laiffera le Concours ouvert jufqu’au premier jour de juillet 1785. Les deux autres Mémoires étant dépourvus d’épigraphe , ne peuvent être défignés : mais leurs Auteurs , ainfi que tous les Savans de l’Europe, font invités à confidérer, que la reconnoiffance éternelle d’une grande Ville & de prefque coute la Province , eft la feule récompenfe digne du fervice fignalé qu'elles attendent de leur zèle & de leurs talens. Les Mémoires ou les Supplémens, lifiblemenc écrits en francois , ou en latin , feront admis jufqu’au premier jour de juillet 178$ , adreflés (francs de port) à M. Haillet-de-Couronne, Secrétaire pour les Belles-Lettres ; & à M. L. A. Dambourney , Négociant, Secrétaire pour les Sciences. Les Auteurs éviteront de fe faire connoître; mais ils joindront à leurs Ouvrages un billet cacheté, qui contiendra la répétition de l'épigraphe, leur fignature & leur adrefle. Dans la même Séance, les Prix ordinaires accordés par le Corps municipal ont été diftribués aux Elèves des Ecoles , fous la proteétion de l'Académie , excepté ceux de compofition en Peinture , Sculpture & Architecture , réfervés à une autre année, 408 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, 6c! TACBETE Des ARTICLES CONTENUS DANS CE CAHIER. Mimorrs fur l'acide marin déphlogifliqué, lu à la Séance publique de l'Académie des Sciences du 6 Avril 1785 ; par M. BERTHOLLET, page 321 Remarques fur la Mangoufle, ou l’'Ichneumon d'Egypte ; par M.SONNINE DE MANONCOURT, 26 Nouveaux éclairciflemens concernant l’ancienne hifloire fabuleufe quë Je trouve dans Simon Pauli, fur la Plante de Norwige qu'on nomme Gramen oflifragum Norwegicum Simor Pauli ; par M. GLEDITSCH , traduit de l’ Allemand , 330 Objfervations fur la conflruétion & lufage de l'Eudiomètre de M. Fontana, & fur quelques propriétées particulières de l'air nitreux , adreffées à M. Dominique Beck, Confeiller du Prince Archevéque de Salzbourg , Profeffeur de Mathématique & Phyfique expérimentale, & Membre de plufieurs Sociétés Littéraires ; par JEAN INGEN-Housz , 339 Extrait d'une Differtation fur l'Hydrophobie & [ur fon fpécifique, le Méloé du mois de Mai & le Profcarabé ; par CHARLES TRAVGOTT ScuwarTs, de Siléfie, " 359 Expériences qui prouvent qué des corps de même nature, mais de différens volumes & de différentes maffes , fe chargent de la matière éleétrique en raifon de leur furface,, fans que la mafle y ait la moindre influence ; par M. ACHARD, 378 : Lettre de M, Ces à M. l'Abbé MonGEz le jeune, 380 Suite des Obfervations de M. Wire, fr la chaleur fpécifique des corps , traduit du Suédois ; par M. le P. DE V..., 381 Obfervations diverfes fur l'acide marin déphlogifliqué , relatives à l’abforption de l'air déphlogifliqué par l'acide marin ; par M. PELLE- TIER, Membre du Collège de Pharmacie de Paris, &e. 339 Nouvelles Litéraires , 397 ANPNPARAOER PART ONN: Jar lu , par ordre de Monfeigneur le Garde des Sceaux, un Ouvrage qui a pour titre : Obfervarions fur la Phyfique, fur l'Hifloire Naturelle & fur les Arts, &e. par MM.-Rozier & MoNcez le jeune, &c. La Colle&tion de faiis importans qu’il offre périodiquement à fes Leéteurs , mérite l'attention des Savans ; en confé- guence , j'eflime qu’on peut en permettre limpreffion. À Paris, ce 27 Mai 1785. VALMONT DE BOMARE. Mat. 1700. PL, Hat 1786. i deler di 7% UE | à L1 ee) : r# : es PRES Fo ci - me 25 M 2 : È + L er < € e = * ÿ = > ee S : 3 ee è ; ne .,» . Fi ss : f j - TS PRET) st d > *- fs ; £ ; 2 À .=- + . * Ÿ # D. * - Le Le F | , rs à ” Le 2 Ne: + 7 L s LEE" a = ® « ; = se - i 5 + £ 5; & , CRE 7" € : ES « mr LS € =, De * Le | à s + . - A o Ÿ en, us > . " Le à #6 : . & x a + Le + - d L È : + ç dr + Ë : L ” ” À 2 # « 2 FA Mi : , ; &; ee LE * ru 4 a 1 » 4 Ex » À k + æ LS Ts és e ; : : - # . - x ” es 17 < : Gi PT Æ. RS $ cs. C + DS + Les . … 2 ” + < Cr" æ + r A é ai " U Fr -. ; $ | F1 4 % 2 : . f \ » L Æ- î nd e L2 h D © Li ; , | Le F 4, ES | JOURNAL DE PHYSIQUE. 3 Jurnx 1785. ÉESD/TR E De M.DE SAUSSURE de Genève, a M. l'Abbé Moncez le jeune , fur l'ufage du chalumeau. LA bonté que vous avez eue, Monfieur, de me donner quelques leçons à votre paflage à Genève fur l’art d'effayer les pierres à la Aamme du chalumeau, m'engage à vous communiquer quelques obfervations qui peuvent contribuer à la perfection de cet art. Une des chofé$ qui donne le plus de peine dans l’effai des pierres, c’eft la facilité avec laquelle leurs petits fragmens font emportés par le courant d’air qui anime la flamme. Vous pouvez vous rappeller, Monfieur, com- bien il nous fallut de patience pour effayer la terre verte qui fe trouve dans les grottes de cryftal. Cette terre gonflée & allégée par la chaleur s'envoloit dès que le jet de la flamme tomboit fur elle. J'ai donc cru devoir chercher un moyen d'aflujettir ces petits fragmens. J'y ai réufi en les fixant à l'extrémité d'un petit tube de verre. La plupart des pierres, dès qu'elles font rouges & en contact avec le verre, fe foudent avec lui pour ne plus s’en féparer : il ne s’agit donc que de mettre le verre & la pierre en contact mutuel dans le moment de leur incandefcence. Pour le faire commodément il faut avoir les deux mains libres ; ce qui eft d’ailleurs très-avantageux dans la plupart des expériences que l’on faie avec le chalumeau. On fe ménage cette liberté par le moyen d'un pied ui porte le chalumeau, & dont je vous envoie le deflin, C’eft la chofe Le monde la plus fimple. L'arbre cylindrique L M ( fg. 1. PL, 1) fe fixe verticalement fur une table par le moyen de la vis M. Le long de cet arbre , monte, defcend & tourne à volonté un canon qui porte une pince dont les deux mâchoires font creufées en demi-cylindre ; le canon fe fixe par la vis de prefion B, & la pince qui embraffe & porte le chalumeau fe fixe par le moyen de la vis A, Cette même pince peut fe mouvoir de baut en bas, en tournant fur l'axe horifontal D , & la vis C fert à la fixer fur cet axe. Lorfque ces trois vis ne font pas trop ferrées , on peut avec la bouche faire faire au chalumeau tous les mouyemens néceflaires pour fuivre Les petites variations que fubit la flamme PRRAAGR ONE de £ Tove XXVT, Part. I, 1785. JUIN. - go OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, chaque expérience. On y gagne l'entière liberté des deux mains, & comme ce pied n'eft ni long ni volumineux, il fe loge dans l’étui avec le refte de l'appareil & ne l'empêche point d'être portatif. Lorfque le pied eft en place & le chalumeau braqué contre la flamme, on tient de la main gauche dans le jet de la flamme la pointe d'un petit tube de verre, & de la droite, à l’extrémité d’une pince d'acier très- fine le morceau de pierre que l'on veut eflayer ; au moment où cette pointe & le bout du tube commencent à rougir , on les applique légère- ment l’un à l’autre ‘ils fe foudent à l’inftant même, on retire la pince & on tient la pierre feule au foyer de la flamme. On croiroit d’abord que la chaleur doit être 1à moins forte que fur un charbon où la pierre eft expofée tout-à-la-fois à la chaleur du charbon & à celle de la famme. Je fuis cependant parvenu à fondre fur le tube des pierres qui fur le charbon avoient rélifté au feu; & cela parce que je pouvois par le moyen du tube agir fur des éclats d’une telle petitefle , qu’il auroit été impoflible de les aflujetir fur le charbon, le fouffle du chalumeau les auroit emportés à l’inftanc, & vous favez, Monfieur, combien la petitefle des corps augmente les effets que produit fur eux l'action de la flamme. D'ailleurs, le verre étant un corps au travers duquel Ja chaleur ne fe propage point avec facilité, celle qu'excite le chalumeau fe concentre dans la pierre fans fe perdre dans le fupport, c'eft même ce qui me fit penfer à faire ufage du verre; car on ne peut donner prefqu'aucune chaleur à un corps que l’on tient à l'extrémité d’une pince de métal; parce que la chaleur s'écoule & fe perd dans le corps de la pince. Certe facilité d'examiner les fragmens d’une extrème petitefle m'a été fouvent avantageufe pour la connoiffance des pierres compofées ; j'en ai trouvé qui réfultoient de l'aflemblage de différens grains, tous fi petits que je n’aurois pas pu les aflujectir féparément fur le charbon. Vous en verrez des exemples dans le fecond volume de mes Voyages, qui paroîtra, j'efpère, avant la fin de l'été. La certitude de ne point perdre les morceaux que l’on effaie eft encore avantageufe dans l'examen des pierres rares ou précieufes. Vous favez, Monfieur , que le célèbre Bergman avoit effayé d’expofer à la flamme du chalumeau de très-petits fragmens de diamans; mais que le fouffle du chalumeau les enlevant toujours au moment où ils commencoient à s’échauffer, il n'avoit pu appercevoir en eux aucune altération. Ma méthode a rendu mes tentatives plus heureufes. Lorfque j'ai fixé des éclats de diamant à l'extrémité d’un tube terminé en pointe , j'ai vu que le premier coup de flamme commencoit fouvent par leur faire lancer avec beaucoup de vivacité de très-perites étincelles, qu’enfüite ils dimi- nuoient peu-à-peu & fe détachoient entièrement du verre au moment où ils alloient être entièrement confumés ; car le diamant ne contracte jamais avec le verre qu'une adhérence très-foible, il ne fe foude même LA SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. art pas avec lui fuivant la rigueur de ce terme, fans doute parce qu'il eft d’une nature inflammable plutôt que terreufe, Mais ce que j'ai vu de plus curieux & de plus nouveau, c'eft que lorfque ces petits éclats ont été un peu long-tems & fortement échauffés par la flamme, fon les obferve avec une forte lentille, on voit leur furface parfemée de petits globules parfaitement fphériques & tranfparens. Comme j'ayois fait ces expériences fur des diamans d'une tranfparence imparfaite , que l'on nomme dans le commerce diamans de Wivrier, j'ai craint que ces globules fondus ne fuflent le prodüit de quelque matière hétérogène. Pour écarter ce doute, j'ai répété la même épreuve fur un petit diamant taillé en rofe, de la première qualité & de la plus belle eau, & j'ai eu précifément le même rélulrat. Après que la flamme avoit agi fur lui, on voyoit çà & là fur fes bords des globules dont le plus gros avoit environ un quarantième de ligne de diamètre & le plus petit un trois centième. [1 y a lieu de croire que ces globules font pleins ou folides, parce que quand on les voit par cranfparence, le milieu paroît rayonnant de lumière, tandis que les bords font obfcurs-Il paroît donc que cette fingulière fubftance infufible & indeftructible fans le fecours de l'air ; comme l'ont fi bien prouvé les belles expériences de MM. Macquer & Lavoifier , fe fond au moment où l'air la décompofe & la volatilife : je men fuis même convaincu en obfervant à la loupe un éclat de diamant dans le moment où la flamme du chalumeau agifloit fur lui avec la plus grande force; j'ai vu alors par intervalles un bouillonnement très-vif à fa furface ; d'autrefois cependant le petit morceau diminuoit très-rapidement fans aucun mouvement vifible: au refte on ne peut point ici appercevoir comme fous la mouffle La flamme du diamant dans Le moment où il fe confume. Il ne répand pas même alors un éclat plus vif que les autres pierres dures expolées au même degré de chaleur (1). C’eft dans ces épreuves que brille la commedité du chalumeau, fur-tout en faifant ufage du tube de verre; car ce beau diamant fur lequel j'ai fait ces dernières épreuves étoit fi petit, qu'il ne m'a coûté que cent fols ; je l’ai cependant trouvé beaucoup trop gros pour être expofé tout-à-la-fois à la flamme; je l'ai donc écrafé fous le marteau entre deux doubles cartes, & fes fragmens m'ont fervi à fept expériences. Toutes les autres pierres contraétent avec le verre une adhéfion très- forte , foit que le feu les altère, foit qu'elles réfiftent à fon action. Les pierres fines orientales , telles que Le rubis , le faphir & la topafe, expofées à la flamme du chalumeau ne fouffrent aucun changement quelconque ; elles confervent même leur couleur & toute leur tranfpa= rence, (1) J'ai répété cette expérience devant M. l'Abbé Haui, de l'Académie, & d’autres perfonnes, & elle m’a parfaitement réuffi, Noze de l’Edireur du Journal. Tome XXVT, Part. I, 1785, JUIN. Fff2 412 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, Mais la topafe du Bréfil & celle de Saxe deviennent d’un blanc mât” arfaitement femblable à celui d’une coquille d'œuf, & il fe forme çà & là à leur furface des bulles quelquefois affez groffes : on voit clairement que ce font des bulles , parce qu'elles font tranfparentes dans toute leur étendue , leur écorce paroît même de la plus extrême finefle, Ce qu'il y a de remarquable, c’eft que malgré ce bouillonnement les angles de la pierre ne s’émouflent point du tout. L'éméraude, lorfque les éclats font très-petits & un peu allongés , fe fond parfaitement en un verre gris compacte. Peut-être foupçonnerez- vous, Monfieur , que la matière du tube fert de fondant aux pierres & facilite leur fufon ; mais vous vous convaincrez du contraire par votre expérience , lorfque vous verrez que l'extrémité de la pierre la plus éloignée du tube eft toujours la mieux vitrifiée ; parce que ce fupport, gare mauvais déférent qu'il foit, abforbe pourtant toujours une partie e la chaleur. Vous pouvez faire à l’inftant cette obfervation fur les échantillons que je vous envoie, Monfieur ; car c’eft-là un des avantages de ce procédé que de faciliter la confervation des produits de fes expériences : je joins actuellement à chacune des pierres de ma colle“tion un petit tube de verre qui porte un fragment de la même pierre expofée au feu du chalumeau, Cette manière d'expofer les corps à l’adtion de la flamme fournit quelques caractères diftinctifs que l’on n'obtient point fur le charbon. Le plus ou le moins d'adhérence avec le verre elt un de ces caraétères ; nous avons vu que le diamant n'en contracte qu’une très-foible ; la plombagine pure en contracte encore moins ; la molybdène un peu davantage ; les pierres proprement dites fe foudent parfaitement avec lui ; quelques pierres calcaires s'y enfoncent entièrement, mais en confervant leur forme, & fans fe difloudre dans lemerre. Quant aux fubftances qui fe fondent , elles fourniffent aufli des différences très - marquées ; le fchorl en macle, le fchorl violer & quelques efpèces de pierres de corne, fe fondent & s’affaiflent fur Ja pointe du tube, au point de former une calotte qui s'étend fur le verre comme un émail. D’autres fe fondent & forment une boule qui ne s'affaifle & ne s'étend point fur le verre. D’autres enfin né font que erdre leurs angles & indiquer un commencement de fufon. Il y a des fubftances comme les ralcs & quelques mines de fer qui lancent en fe fondant de petites érincelles ; or, fur le charbon il feroit dificile de diftinguer ces étincelles de celles qui fortent quelquefois du charbon lui-même. Un caraëtère curieux , mais que je n'ai vu que dans une feule fubftance ; eft celui de colorer la flamme extérieure du chalumeau. La molybdène colore cette flamme en verd ,& cet effet n’eft point vifible fur le charbon, SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 13 On peut joindre aux avantages de ce procédé, celui dapérer avec une extrême propreté, & de n'être incommodé ni par la vapeur ni par la chaleur du charbon , qui d’ailleurs accélère beaucoup la fufio.. Ge la bougie. Ce n’eft pas que je penfe à fupprimer l’ufage du charbon : vous m’avez fait voir, Monfieur , des expériences charmantes fur la réduction des métaux , & ces expériences ne peuvent fe faire que fur le charbon , tout comme l’on ne peut foumettre les minéraux à l’action du fel micro- cofmique & du borax que fur le charbon, Mais il y a bien des cas où il peut être utile d'appliquer une grande chaleur loin du contact d’un corps combuftible; & il eft toujours avantageux de pouvoir varier les formes & les moyens de fes épreuves. Pour ne plus brüler , comme cela nous arriva, la poignée de la cuiller, au lieu de bois, j’emploie un tuyau de pipe dans lequel entre à force un fil d’or ou d'argent, gros comme une épingle, qui fert de manche à la cuiller; elle eft ainfi plus légère, plus maniable, & la chaleur ne fe diffipe & ne fe communique pas loin au travers de la terre, P.S. On pourroit à toute rigueur fe pañler d'un fupport pour foutenir Le chalumeau , en le tenant pour un moment ferré entre les dents comme le font fouvent les ouvriers qui s'en fervent. On peut aufli engager les éclats de la pierre que l'on veut éprouver dans l'extrémité entr'ouverte du tube ; mais ils n’ont point là aufli chaud qu'à la pointe de ce même tube. A tout prendre, le pied dont je vous envoie le deflin me paroît être ce qu’il y a de plus sûr & de plus commode, J'ai l'honneur d'être, MONSIEUR; Votre très-humble & très-obéiflant ferviteur , DE SAUSSURESs #3 due 4 g14 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE; REMARQUES Sur les Expériences de M. CAvENDISE , für l'air , adreffées a M. Bancx par M. KiRwan, de la Société Royale de Londres, le 29 Janvier 1784 ; Traduites de l’Anglois (1). Mowsreur, Ayant examiné avec beaucoup d'attention les expériences curieufes & intéreffantes dont M. Cavendish a fait part à la Société Royale dans notre dernière féance, j'ai trouvé que plufeurs des conféquences qu'il en tire font rout-à-fait oppofées à celles que j’ai eu l'honneur de préfenter à la Société Royale il y a deux ans. Je crois donc devoir expofer les raifons que j'ai eues pour adopter une opinion diflérente de la fienne. Dans mon Mémoire lu en avril 1782, j'attribuai la diminution de l'air vital que l'on obferve dans plufeurs procédés phlogiftiques, à la produétion d’une certaine quantité d'air fixe (qui eft regardé aujourd'hui comme un vrai acide, capable de fe combiner avec plufieurs bafes ) & à fon abforption: & parmi les nombreufes expériences de M. Prieftley , qui femblent démontrer cette apparition de l'acide méphitique (foit par la voie de recompofition , foit par celle de dégagement ), jen choifis alors quelques-unes qui me parurent le moins fujettes à objection, telles que la calcination des métaux, la décompofition de l'air nitreux par fon union avec l'air vital, & la phlogiftication de l'air vital par Pétincelle électrique, & par l’amalgame du mercure & du plomb. M. Cavendish prétend au contraire qu'il ne fe produit jamais de l'acide méphitique dans aucun procédé phlogiftique, à moins qu'il n'y entre quelque fubftance animale; & que la diminution de l'air vital que l'on obferve dans ces opérations eft due à la production d’une certaine quantité d’eau , laquelle fe forme, füivant lui, par la réunion du phlogiftique qui fe dégage dans ces procédés , avec l'air vital qui fait partie de l'air commun. Pour râcher de découvrir à laquelle de ces deux caufes eft réellement due la dimi- nution de l'air vital, je vais examiner ce qui fe pafle dans ces différentes opérations. mm (1) Cette tradu@ion nous a été communiquée par M. de Morveau , elle eft de M. Angulo , de V Académie de Valladolid , Penfionnaire du Roi d’'Efpagne , auffi verfé dans les Sciences que dans les Langues, & que le defir de connoître la manière dont fe font les cours à Dijon, a décidé à y venir paller quelques mois, SUR-L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS, a4ï$ De La calcination des Métaux, La diminution que l’on obferve dans le volume d’air, quand on calcine les métaux dans des vaifleaux clos, eft due , fuivant moi, à la converfion de l'air vital (qui fait partie de l'affléommun contenu dans le récipient ) en acide méphitique par fon union avec le phlogiftique qui fe dégage du métal, & cela par la raifon très-fimple que toutes les chaux des métaux imparfaits étant expofées à un degré de feu convenable, donnent de l'acide méphitique. M. Cavendish convient du faig; mais il attribue la préfence de l'acide méphitique, dans les chaux métalliques, à leur fongue expoñtion à l'atmofphère dans laquelle il exilte. Cependant la quantité que l'air commun en contient eft {1 petite qu'elle doit être comptée pour rien, comme on va le voir par les expériences fuivantes. J'ai mélé &c fecoué pendant long-tems dix-huit pouces cubes d'air commun & deux d’eau de chaux , & dix-huit d’eau de chaux & deux d’air commun , fans qu'il fe foit formé le moindre floccon, cependant la millième partie d'un pouce cube d’acide méphitique auroit dû devenir fenfble par ce procédé ; puifqu'en diflolvant un pouce cube d'acide méphitique dans trois onces d'eau , & en verfant quelques gouttes dans de l’eau de chaux, il fe forme un nuage fur le champ. M. l'Abbé Fontana dit avoir mélé & fecoué long-tems un pouce cube de teinture de tourpefol, & fept ou huit cens pouces cubes d'air commun fans que la teinture foit devenue rouge (1); cependant, fuivant Bergman , un pouce cube d'acide méphi- tique fuffit pour en rougir cinquante de teinture de tournefol (2) ; d'où je conclus que fept cens pouces cubes d'air commun ne contiennent pas même + d’un pouce cube d'acide méphitique. Le Docteur Whyrt a trouvé que 12 onces d’eau de chaux après avoir été expofées à l'air libre pendant [9 jours, confervoient encore environ un grain de chaux (3). Or, 12 onces d’eau de chaux bien faturée contiennent tout au plus 9,5 grains de chaux, & un grain de chaux ne demande que 0,56 d'un pouce cube d'acide méphitique pour être précipité, le thermomètre étant à ÿÿ degrés & le baromètre à 29,15 d’après mes expériences ; par conféquent l'eau de chaux qui avoit été expofée à l'air pendant 19 jours avoit été en contact avec & pouces cubes d’acide méphitique feulement. J'avoue cependant qu’il fe produit continuellement une grande quantité d’acide méphitique dans plufieurs opérations , telles que la putréfaétion & la combuftion , & qu'il fe répand dans l’atmofphère ; mais il paroît certain qu'il sy décompole , ou ce qui eft encore plus probable, qu’il eft abforbé par plufieurs corps. M. l'Abbé Fontana dit avoir répandu 20,000 pouces cubes d'acide + D CES D à IA OAI SI ER DR ES LE SE (x) Journal de Phyf. tom. 13, page 788. (2) Bergman, tom. 2, page 11. (3) On Lime, Water, page 32. 416 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, méphitique dans une chambre dont les fenêtres & les portes étoient fermées, & qu'au bout d’une demi-heure il ne put en découvrir la moindre trace (1)... L'on fait que l'acide méphitique lotte perpétuellement à la furface de la grotte du chien ; cependant à la hauteur de quatre ou cinq pieds il n'y en a plus ; les lumières mess’y éteignent pas, & les animaux peuvent y vivre (2). Si l’on expofe Paîr de l’eau diftillée , elle n'abforbe jamais de l’acide méphitique, mais plutôt de l’air vital, fuivant les expériences de M, Schéele : ce qui n’arriveroit pas fi l'air contenoit une portion fenfible d’acide méphitique. L'eau de pluye n’en contient jamais non plus ; & M. Cavêndish lui-même n’a pas pu en trouver dans le réfidu d'environ 1040 melures d'air commun qu'il a fait brûler en les mêlant avec du gaz inflammable. I eft vrai que M. Prieftley fuppofe que la quantité d'acide méphitique contenue dans l'air atmofphérique, fair de la mafle ; mais il n’a pas été conduit à cette conclufion par des expériences directes, mais d’après la quantité d’acide méphitique produit par la refpiration , & qu'il fuppofoit alors être fimplement précipité ; opinion qu’il a cru devoir abandonner par la fuite, Je crois donc que l’on peut conclure d'après toutes ces expériences que la quantité d'acide méphitique contenue dans l'air commun eft prefqu'inappréciable, Mais en fuppofant même qu’il y ait dans l’atmofphère une très-petite quantité d'acide méphitique , il me femble qu'on ne peut pas en conclure que les métaux en abforbent une portion pendant leur calcination , puifque j'ai trouvé que La chaux vive & le précipité per fe n’en abforbent pas du tout, quoique la première fe foic formée par une calcination à l'air libre qui dure au moins aufi long-tems que la calcination d’un métal quelconque, & le fecond par une calcination de plufieurs mois : & il ne faut pas attribuer cela au défaut d’affinité de ces fubftances avec l'acide méphitique , car fi l’on précipite par un alkali fixe non cauftique une diflolution mercurielle bien faturée faite par un acide quelconque, il n'y aura prefque pas d'effervefcence, & le précipité pefera beaucoup plus que le mercure employé dans la diflolution, ce qui provient en partie de la quantité d'acide méphitique abforbé. Puis donc que les métaux peuvent être calcinés dans des vaiffeaux clos, & qu'ils abforbent alors la quatrième partie de l'air contenu dans le récipient , puifque toutes les chaux métalliques ( excepté celle de mercure dont je parlerai tantôt ) donnent de l'acide méphitique , puifqu'enfin l'air commun contient à peine de l’acide méphitique, ne doit-on pas conclure que celui qu’on trouve dans les chaux s'eft formé perdant la calcination par la réunion du phlogiftique du métal avec la portion d'air (1) Journ. de Phyf. tom. 23, page 188. (2) Journ, de Phyf. tom, 13 , page 188. Mém. de Stockolm, 1775e vital SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. ‘417 vital contenue dans l'air commun ? Cela paroît d’autant plus probable qu'après la calcination faire le métal a perdu fon phlogiftique, & l'air commun contenu dans le récipient, fon air vital. M. Cavendish répond à cela que perfonne n’a jufqu'à préfent retiré de l'acide méphitique , des métaux calcinés dans des vaiffeaux clos. Mais outre que cette expérience eft difficile à faire, parce que quand on calcine des métaux dans des vaifleaux clos, on ne peut agir que fur de petites quantités ; elle eft de plus inutile, parce qu'elle ne diffère abfolument de la calcination à l'air libre que par la quantité de matière employée. D'ailleurs, puifque M. Cavendish croit que les réfultats doivent être différens , c'eft à lui à tenter l'expérience, & en attendant il faudra , d'après les principes de Newton, attribuer à une méme caufe des effets Jemblables entr'eux. | L'on pourroit m'objeéter encore que le précipité per fe ne donne que de l'air vital, & que le minium en donne aufli une aflez grande quantité; j'ai déjà répondu d'avance à cette objettion , en difant que ces deux chaux métalliques ne contiennent que de l’acide méphitique, & que fi elles donnent de l'air vital, c'eft parce que l'acide méphitique eft décom- pofé par la révivification totale ou partielle du métal. Les expériences fuivantes en donneront, je crois, la démonftration. Qu'on traite du fublimé corrofif tout feul , de telle manière qu'on voudra, il ne donnera jamais de l'air vital (7); mais qu'on précipite par l'alkali fxe non cauftique une diffolution de fublimé corrolif, & qu'après avoir bien lavé & feché le précipité, on le foumette à ladiftillation dans l'appareil pneumato- chimique, l'on obtiendra alors de l'air vital, & le mercure fera révivifié, Si la précipitation de la diflolution du fublimé corrofif fe failoic par Peau de chaux, il n’y a pas d'apparence qu’on obtint de Pair viral. Nous voyons donc, 1°. que la chaux de mercure s’unit à l’acide méphitique ; 2°. que cet acide eft converti en air vital pendant la réviviñication du mercure, Qu'on foumerte à-la diftiliation une once de précipite rouge, qui; fuivant M. Cavendish , ne contient point d'acide nitreux , avec deux onces de fil de fer, & l’on obtiendra 40 mefures d'acide méphitique ; comme l'a fait voir M. Prieftley dans fon dernier Mémoire ; la même quantité de précipité diftillée feule donnera 60 mefures d’air vital. De quelque manière qu'on explique. ces phénomènes, l'on ne pourra que confirmer l’une de mes deux opinions ; car ou la chaux de mercure fe trouve déjà combinée avec l’acide méphitique , comme je le crois, & il paîle à la diftillation fans fe décompofer, parce que la chaux de mercure attire le phlogiftique du fer ; ou bien elle contient de Pair vital qui ef converti en acide méphitique par fon union avec le phlogiftique du fer. (1) Prieft, tom. 4, ne 240. | Tome XXVT, Part. I, 1785. JUIN. | Go 418 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, Si l'on fait digérer du précipité per Je dans de l'acide marin, Îe mercure fe révivifie (1): cependant l'acide marin ne devient pas pour cela déphlogiftiqué ; car alors il feroic en état de difloudre Le mercure. Cette révivification n'a donc lieu que parce que l'acide marin chafle l'acide méphitique contenu dans la chaux, lequel venant à fe décompofer : dans le moment de fon expulfion ,abandonne fon phlopiftique au mercure qui par-là eft révivifié, Quand on fait chauffer de la licharge dans un canon de fufil , lon obtient plus d'acide méphitique & moins d'air vital que fi on faifoit la même opération dans des vaifleaux de terre ou de verre ; cela ne vient-il pas de ce que le fer communiquant du phlogiftique à la chaux de plomb, il y a moins d'acide méphitique de décompofé ? Toute fubftance qui fournit de l'air vital donne aufli de l’acide méphitique , mème le précipité per Je (2)3 & il y a ceci de remarquable, que c'eft toujours l'acide méphitique qui pañle le premier ; & ce n'eft que vers la fin de l'opération que l’on obtient de l'air vital. Ne feroit-ce pas parce que les chaux métalliques attirent le phlogiftique avec d’autanc plus de force qu’elles éprouvent un degré de chaleur plus confidérable ? C'eft ainfi que plufieurs mines de fer en état de chaux, qui ne font pas d’abord magnétiques , le deviennent par la calcination ; toutes les chaux de fer même peuvent acquérir cette propriété par leur expofition au foyer du verre ardent (3). Par la même raifon on ne peut calciner le mercure qu'à un degré de chaleur inférieur à celui qui eft néceffaire pour le faire bouillir : l'on ne peut non plus convertir le maflicor en minium qu'à une chaleur modérée ; fi on l’augmente, il redevient mañlicor, & il y a une portion confidérable qui fe révivifie. Si l'on triture avec du mercure une diflolution de lune cornée faite par l’alkali volatil, l’argenc fe révivifie, & l'acide marin s’unit au mercure, ce qui fait voir que cet acide a plus d’affinité avec lui qu'avec l'argent. Cependanr, fi l'on foumer à la diftillation un mêlange de fublimé corrofif & d'argent & que l’on donne un bon coup de feu , le mercure fe révivifie, & l'acide marin s’'unit à l'argent; l'attraction du mercure avec le phlogiftique augmente donc en raifon du degré de chaleur. Avant de quitter cette matière, je vais faire mention d’une expérience que je crois décifive en faveur de mon opinion fur la compofition de l'acide méphitique, Si l’on fait digérer de la limaille de zinc dans de l’alkali cauftique, à un degré de chaleur modéré, le zinc s’y diffout avec effervefcence & l’alkali perd en grande partie fa caufticité ; mais fi au lieu du métal, l’on fe fert de fes fleurs, la diflolution n'a point EEE mn) (x) Bergm. tom. 3, dés Attraétions électives, . 47. (2) Priefl, tom 3, page 16. (3) Di&. de Chym, tom. $, page 179e . SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 419 lieu , & l’alkali conferve fa caufticité, Dans le premier cas l’effervefcence vient du gaz inflammable qui s’eft formé , lequel communiquant fon phlogiftique à l'air contigu, le convertit en acide méphitique, qui éreut . aufi-tôt abforbé par l’alkali, lui ôte fa caufticité. Dans le fecond cas, au contraire , il ne fe forme point de gaz inflammable, par conféquent l'air contigu ne devient point phlogiftiqué, & l'alkali conferve (a caulticité (1). Cette dernière expérience prouve encore que l'acide méphitique a plus d'afnité avec les chaux métalliques qu'avec les alkalis ; car l'on fait que les Aeurs de zinc contiennent de l'acide méphi- tique , & cependant en les faifant digérer dans des alkalis caultiques , ceux-ci ne perdent poinc leur caufticité. C’eft encore par la même raifon que lorfque l'on calcine un métal fur de l’eau de chaux, elle ne devient prefque pas trouble ; c'eft que dans l'inftant même que le phlooiftique fe dégage du métal, & avant qu'il ait abforbé toute la quantité de chaleur qui le conftitue gaz inflammable , il rencontre l'air vital qui fait partie de l'air commun contenu dans le récipient, & s’uniflanc avec lui, forme de l'acide méphitique , lequel eft abforbé fur le champ par la chaux ou métal qui efl en contact avec lui par préférence à la chaux vive contenue dans l'eau-qui en eft plus éloignée, De la décompofition du Gaz nitreux par fon mélange avec l'air COMLLUIL. Dès l'inftant même que j'enrendis lire le Mémoire de M. Cavendish , je me propofai d'examiner fi dans le moment de la réunion du gaz nitreux avec l'air commun , il fe feroit, quelque précipité dars l'eau de chaux que l'on expoferoit à leur contat. C’eft une expérience que je n'avois pas encore tentée ; mais d'après les expériences de M. Prieltley & de plufeurs autres perfonnes qui ont traité de La même matière (2), j'étois perfuadé qu'il fe précipitoit de la terre calcaire, En effet , ayant fait le mélange de gaz nitreux & d'air commun dans un tube fur de l'eau , lorfque j'y intro- duifis enfuite de l'eau de chaux, il fe fit fur le champ un précipité, Ce- pendant ayant lu après le Mémoire de M. Cavendish ( qu'il a eu l'hon- nêteté de me communiquer ) & ayant répété l'expérience en commençant par introduire dans le tube le gaz nitreux immédiatement fur de l’eau de chaux, fuivant fa mérhode, il n'y eut point de précipité lorfque j'y fis pañler enfuite de l'air commun. Examinant l'appareil douze heures après, je m'apperçus qu’il y avoit au fond du vaifleau de verre dans lequel j'avois fait l'expérience, une pouflière blanchätre que je ne puis pas aflurer être de la terre calcaire ; & ayant refpiré fur l’eau de chaux , elle devint (1) Expér. de M. de Laflone, fur le zinc, Mém. de Acad. an. 1777, pages 7 & 8. (2) Prieft. tom. 5 , page 114....189 , &tom.2 , page 218, Fontana, Recherches Phyf. page 77. Chym. de Dijon, tom. 1 , page 324. Tome XXVI, Part, I, 1785. JUIN. Gegz2 4320 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE; vifblement laireufe. De forte que je ne doute prefque pas que le précipité ue j'ai obfervé dans ma première expérience ne vienne de la décompo- fition du méphite calcaire contenu dans l’eau du vafe. Il y a même route apparence que le précipité calcaire que j'ai obfervé il y a deux ans en mêlant de l’air vital avec du gaz nitreux, provenoit de la même caufe, ou bien d'un peu d'acide méphitique qui s'eft trouvé mêlé avec l'air vital, parcé que j'avois négligé de le faire pafler à travers l’eau de chaux. Quoique le réfulrat de ces expériences n’ait pas été tel que je l'avois efpéré , je ne crois pas cependant que l’on en puifle rien conclure contre la produ&ion de l’acide méphitique dans le moment de la réunion du gaz nitreux avec l'air vital, parce que la quantité d'acide produite eft fi petite qu’elle a pu fe réunir au nitre calcaire qui a dû fe former dans Veau de chaux. L’on fait que tous les fels neutres peuvent s'unir à une petite quantité d’acide méphirique: M. Prieftley en a retiré du tartre vitriolé , de l’alun (1) & du gyple (2), & le Docteur Macbride l’a trouvé, quoiqu’en petite quantité , dans le nitre & dans le fel commun. Pour favoir fi le nitre calcaire pouvoit fe trouver dans le même cas, j’ai fait une diflolution de terre calcaire dans l’acide nitreux, qui étant bien faturée peloir 385,25 grains, & l'ayant expofée à l'air pendant quelques heures, elle fe trouva pefer après 382,25 grains. J’ai pris de l’acide nitreux foible, au point que fon acidité fe faifoir à peine fentir fur la langue , & je lai impregné d'une très-petite quantité d’acide méphitique ; j'ai verfé enfüite quelques gouttes de cet acide dans de lea de chaux, & il ne s’eft point formé le plus léger nuage , cependant ayant refpiré fur l’eau de chaux , elle eft devenue laiteufe au bout de quelques fecondes ; voilà donc une expérience parfaitement analogue à celle du mêlange du gaz nitreux avec air commun. Le réfultat de ces expériences eft cependant bien différent , & auffi contraire à l’opinion de M. Cavendish que favorable à la mienne, lorfque la réunion du gaz nitreux avec l'air fe fait fur du mercure bien fec ; dans ce cas l’air commun ne diminue pas de volume, à moins que l’on n’in- troduife de l’eau dans le tube, & qu’on la fecoue pendant quelques minutes , & la diminution eft alors à-peu-près la mème que fi l’on avoit fait le mélange fur de l’eau. Ayant mêlé deux pouces cubes d’air commun avec un de gaz nitreux , ils n’occupèrent dans le tube que l'efpace de 2 ? pouces cubes, & la furface du mercure fut calcinée dans Pinftant; ce qui prouve que le gaz nitreux fut décompofé , & qu'il produifit de l'acide nitreux ; les deux pouces d'air commun ne furent point décom- pofés, & li de pouce ‘que l’on eut de plus venoit de l'addition d'un nouveau gaz nitreux qui s’étoit formé par la corrofion de la furface du (1) Prieft. tom. 2 , pag. 125 .,.0 116 (2) Prieff, tom, 2, page 80, SUR L’'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 42r mercure. Il eft très-facile de rendre raifon dans mon fyftème pourquoi l'air commun ne dimirua point de volume; c’eft qu'il s’y étoit fozmé de Vacide mépbitique , lequel ne pouvoir pas être abforbé , du moins pendane long-tems, faute d'une fubftance qui püt le recevoir fur le champ. De-là vient que fi l’on introduit de l’eau dans le tube immédiatentént après Le mélange du gaz nitreux & de l'air commun, la diminution de volume a lieu, & elle eft à peu de chofe près la mème que fi le mélange avoit été fait fur l’eau, Je dis à peu de chofe près, parce que le gaz nitreux qui provient de la réaction du nouvel acide nitreux fur la furface du mercure , ne peur pas être entièrement abforbé par l'eau; mais dans l'hypothèfe de M. Cavendish le volume d'air commun devroit diminuer également lorfque l'on fait l'expérience fur le mercure, que lorfqu’on la fait fur l'eau ; car, fuivant lui, la diminution vient de ce que Pair vital contenu dans l’air commun employé, fe convertit en eau: or, cette eau fe réuniflant immédiatement au fel mercuriel , le volume d’air doit diminuer d’une quantité égale à celle qu’occupoit l'air vital dont l’eau s’eft formée; ou du moins (fi M. Cavendish ne veut pas admettre que l'eau foi abforbée par le fel mercuriel ) d'une quantité égale à la différence de volume entre l'eau produite & l'air vital qui a fervi à la produire. Mais aucune de ces chofes n'arrive, puifque le volume d'air commun ne diminue pas du tout. Il eff même impoñlible de rendre raifon dans le fyftème de M: Cavendish de la diminution qui a lieu dans le volume de l'air commun lorfque lon y introduit de l’eau, puifque, fuivant lui, cet air ne contient rien qui puifle être abforbé. Le Docteur Prieftley a obfervé que fi l’on laifle en repos pendant plufieurs heures un mélange de gaz nitreux & d'air commun , le volume ne diminue point, lorfque lon vient enfuite à y introduire de l’eau, Cela vient , 1°, de ce qu'il s’y eft produit une grande quantité de gaz nitreux par l’action continuelle du nouvel acide nitreux fur le mercure ; 2°, de ce que l'acide méphitique dont l’abforption produit la diminution de volume , s’eft uni au fel mercuriel, comme on peut l'inférer d’une expé- rience de M. Lavoilier (1). De la diminution de l'air commun par l'étincelle éleétrique, De toutes les preuves que l’on peut apporter en faveur de la production artificielle de l'acide méphitique par la réunion du phlogiftique & de l'air vital , il n’y en a peut-être pas d’aufli convaincante que ce qui arrive lorfque l'on fait pafler l’étincelle électrique à travers une malle d'air, à travers la teinture du tournefol dans de l’eau de chaux; car dans le premier cas le volume d'air diminue d’un quart ; dans le fecond la oo D (x) Lavoif, tom, 1, pag. 248. 422 OPSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, teinture de tournefol rougit, & dans le troifième , il fe fait un précipité, M. Cavendish convient à la vérité que la couleur rouge que la teinture de tournefol prend eft produite par l'acide méphitique; mais il croit que cet acide vient de la décompolition d'une partie du fuc végétal, par {a raifon que rous les fucs des végétaux en donnent par la compolition. IL me femble cependant qu'il eft très-facile de fe convaincre que cette décompofition ne peut pas avoir lieu ; car, 1°. fi l’on fait pafler l'étin- celle électrique à travers du gaz phlogiftique, ou du gaz inflammable, qui. foit en° contact avec la teinture de tournefol , certe fubftance ne rougit pas, & le volume du gaz ne diminue point du tout; 22. fi la teinture de tournefoi fe décompoloit par l'étincelle électrique , il fe formeroit, outre l'acide méphitique, du gaz inflammable, & il devroic y avoir une augmentation de volume plurôc qu’une diminution ; mais ce qui met hors de doute Ja production de l'acide méphitique , c'eit que dans la feconde expérience la diminution de volume a lieu, & il fe forme de plus un précipité dans l’eau de chaux. M, Cavendish croit que l'acide méphitique produit dans certe expérience vient de quelque pouffière qui s'étoit trouvée dans le tube ; fuppofition purement gra- tuire, ou bien de quelque matière combuflible contenue dans la chaux : mais la chaux ne contient point de matière combuftible , à moins que ce ne foit le phlogiftique ; & le phlogiftique ne peut produire de l’acide méphitique qu’en fe combinant ; fuivant mon hyporhèfe , avec l'air vital contenu dans l’air commun. Il eft beaucoup plus probable que la dimi- nution de volume ne provient pas du phlogiftique de la chaux; car, 1°. la chaux n'en contient prefque pas ; 2°. elle ne paroît pas avoir été réellement altérée ; 3°. la diminution de volume a lieu lors même qu'on n’emploie pas de l'eau de chaux. ; De la diminution de l'air, occafionnée par la trituration d’une amalgame de mercure & de plomb. J'ai attribué dans mon Mémoire la diminution que l’on obferve dans le volume d’air quand on fait l'amalgame de mercure & de plomb fous un récipient, à la phlogiftication de l'air du récipient, d'où réfulre , fuivant mon fyftême, la formation d'une certaine quantité d'acide méphi- tique & fon abforption : & en effet, la poudre que l’on obtient dans cetre opération, & qui n'eft qu'une chaux de mercure, donne à la diftillation de l'acide méphitique , fuivant les expériences de M. Prieftley ; mais M. Cavendish obferve, « que la poudre noire ou chaux de mercure » dont M. Prieftley s’eft fervi dans fon expérience, n'avoit pas été pré- »> parée exprès, mais qu'elle s’écoit formée par la trituration d’une portion » de mercure employé à d’autres opérations , qu’elle pouvoir être impure , > & qu'on ne pouvoit pas par conféquent conclure que l'acide méphirique >> obtenu fe fût formé par la phlogifica’ion de l'air environnant pendanc , [l SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 423 » Ja trituration du mercure ». Il eft vrai que la poudre dont M. Prieftley s’eft fervi dans la première expérience n'avoir point été préparée exprès, mais il en prépara une autre enfuite qui écoit parfaitement femblable à la première (1). Je ne doute donc nullement que l’acide méphitique retiré de cette poudre ne fe füt formé par la réunion de l’air vital avec le phlogiftique du métal ; 1°. parce que les chaux des métaux ne peuvent pas fe combiner avec le mercure, à moins qu'elles ne fe foient formées ar l’amalgame ; 2°, parce qu’en agitant l'amalgame du mercure & du plomb dans du gaz phlogiftiqué, dans du gaz inflammable , ou dans tout autre gaz qui n’efl pas propre à la refpiration, on ne peut pas obtenir cette chaux; 3°. enfin, parce que le mercure coulant ne peut abfolument s'unir à aucune autre fubftance qu'aux fubftances métalliques qu'il déphlo- giftique à la manière des autres menftrues (2). De la diminution de l'air refpirable par le moyen de la combufficn. Quoique je n’aie jamais douté que la diminution qui a lieu dans un volume donné d'air, quand on y fait brüler du foufre ou du phofphore, ne viot en grande partie de la production & abforption d'une certaine -quantité d'acide méphitique, je n'avois pas voulu en parler, parce que la préfence d'un acide plus fort rendoir difficile à démontrer la préfence du plus foible , fur-tout les deux acides ayant la propriété de précipiter l’eau de chaux ; cependant l'augmentation confidérable de poids qu’acquiert l'acide phofphorique dans cette opération me paroît une induction aflez forte pour faire croire qu'il abforbe de l'acide méphitique. IL paroîs très-probable, d'après mes expériences fur la combuftion des bougies , & d’après celle de M. Prieftley (3), qu'il fe forme de l'acide mépbitique par la combuftion des fubftances végétales; mais il n'en eft pas de même lorfque l'on fait brûler un mélange de gaz inflammable retiré des métaux & d’air vital; comme dans cette opération il fe fait une diminution confidérable dans le volume des deux gaz, & qu'après la déflagration lon ne trouve pas d'acide méphitique , je fuis prefque convaincu , d'après les expériences de M. Cavendish, qu'il s'y forme de l’eau. Ce réfultac doit paroître d'autant moins furprenant que dans cette expérience le phlosiftique fe trouve dans les circonftances les plus favorables pour fe combiner de la manière la plus intime avec l'air vital qui a une fi grande affinité avec lui. En effet, dans l’acte de la déflagration les deux gaz fe trouvent dans un état de raréfadtion extrême; leur dofe de chaleur fpécifique , qui eft un obftacle à leur combinaifon , fe convertit alors en chaleur fenfrble, ce qui, à mon avis, conftitue l'effence de la flamme, (1) Priefl, tom. 4, pages 148.149. (2) Chym. de Dijon, tom. 3, page 4254 (3) Prieft, obferv.tom, 5 , page 136. 424 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, & le compofé qui en réfulte , abforbant moins de chaleur fpécifique que ces deux parties compofantes, doit, fuivant la théorie du Docteur Black, être plus denfe qu'elles ; aufi voyons-nous que c’eft de l’eau. Dans les autres cas ordinaires de la combuftion , au contraire, le phlogiftique fe trouvant moins raréfé , fon union avec l'air vital qui fait partie de l'air commun, doit être moins intime ; l'air vital doit, par conféquent , abandonner une moindre quantité de fa chaleur fpécifique, & le compofé qui en réfulte doic être moins denfe ; c’eft de l'acide méphitique & du gaz déphlogiftiqué. . Mais l'eau étant le réfultat de l'union la plus parfaite & la plus intime du’ phlogiftique avec l'air vital, il me paroît d’autant moins probable qu'elle puiffe être décompofée par l’afinité fupérieure d'un acide quel- conque avec le phlogiftique, que toutes les expériences faires jufqu’ici annoncent que le phlogiftique a plus d’affinité avec Pair vital qu'avec aucune autre fubftance, excepté les chaux métalliques échauffées , lef- quelles bien loin de pouvoir fe réduire par l'eau, ne font pas même en état , à mon avis, de contracter aucune union avec elle , à moins qu'elles ne foient dans un état falin. L'eau n'eft pas plus en état de fe combiner avec plus de phlosiftique que ne le feroit le foufre, puifque Les deux fubftances font dans un état de faturation. M.Cavendish eft porté à croire que le gaz inflammable n’eft pas le phlo- giftique pur, parce qu’en le mêlant avec de l'air vital , ils ne fe combinent as enfemble, Cette raifon ne me paroît cependant pas fuffifante, parce qu'il y a plufieurs fubftances qui ayant une très-grande affinité entr'elles , refufent de fe combiner fubirement rar la même raifon que le gaz inflam- mable & l'air vital ; c’eft-à-dire, parce qu'avant que la combinaifon ait lieu , il faut qu'elles fe débarraffenr de la quantité de chaleur fpécifique furabondante qu’elles contiennent ; de-là vient que l'acide méphitique ne s’unit jamais avec la chaux vive bien sèche, quoique ces deux fubftances reftent très-long-tems en contaét. J’ai obfervé qu'en verfant de l’eau fur de l'acide vitriolique le plus concentré poñible , ils reftent plufieurs femaines fans contracter aucune union , cependant au bout d’un rems confidérable la combinaifon a lieu. Il en eft de même du mêlange de gaz inflammable & d'air vital, comme M. Prieftley vient de l'obferver tout nouvellement, Il me paroît peu probable que le gaz déphlogiftiqué foit compofé de gaz nitreux avec excès de gaz, parce qu'il retient le phlogiftique avec bien plus de force que le gaz nitreux, ce qui eft diréétement contraire aux loix dés affinités. D’ailleurs MM. Prieftley & Fontana aflurent lavoir converti en air commun par des lavageg dans l'eau à l'air libre, Réplique SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 452$ Réplique à la Réponfe de M. CAVENDISH à mes, Obfervations Jur Jon Mémoire. À Londres, ce 24 Janvier 1784, La réponfe que M. Cavendish seit donné [a peine de faire à mes obfervations ne me paroiflant pas fatisfaifante au plus grand nombre de points de mon Mémoire , je prends la liberté d'expofer à la Société Royale mes raifons en peu de mots: 1°. M. Cavendish prétend que l’effervefcence obfervée dans l'expérience de M. de Laflone ne provenoit pas de l'acide méphitique exiftaur dans l'alkali, mais du dégagement d'une portion de az inflammable produit par l’action ultérieure de l'acide fur le zinc; maïs outre que le zinc fe précipitoit à mefure , au lieu de refter expolé à l’action de l'acide, d’après le récit même de M, de Laflone, comme l'on n'ajoutait l'acide que par degrés , il n'y a pas à douter qu'il ne fe füt combiné plutôt avec l’alkali qu'avec le zinc. 2°. Il eft vrai que dans la calcination du plomb telle qu'on l’a fait en Anpieterre, le métal eft en contaét avec la flamme & la fumée ; mais il n'en eft pas de même en Allemagne où elles ne com nuniquent pas du tout avec le métal, fuivant M. Note, qui nous a donné une deleription très-circonftanciée de cette fabrication (1). D'ailleurs, la chaux vive ne fe forme-t-elle pas en contact avec le feu, la Aarnme & la fu née ? M. Macquer croit même que le contact de la flamme eft nuifible à la formation du minium (2); & M. Monnet en a fait en fondaat ‘lu plomb dans une coupelle arrangée de manière que ni la flamme, ni la fumée ne pouvoient y avoir laucun accès (3). 3°. M. Cavendish paroît furpris de ce que j'ai fuppofé que la poudre noire que M. Prieitley obtint en triturant exprès une amalgame de mercure & de plomb, écoit exatement de la même nature que celle dont il avoit retiré de l'acide méphitique dans fa première expérience ; mais l'extrait fuivant d'une lettre de M. Prieftley qui eft entre les nrains du Secrétaire de la Société, fera voir jufqu'à quel point ma fuppoñtion étroit fondée. « J'avois cru en effet que Les deux poudres en queltion étoient de la même >» nature, & par cette raifon je n’avois pas voulu eflayer de retirer de » l’acide méphirique de la dernière ; mais aufi-tôt que j'ai reçu la lettre » que vous nr'avez fait l'honneur de m'écrire , j'ai fait difloudre une once » de plomb dans du mercure, & j'en ai retiré par agication une poudre » noire qui pefoit à-peu-près 12 onces. L’ayant foumis enfuite à la diftil- (x) Page 86. (2) Di&. de Chym. tonr. 2, page 633. (3) Mém. de Turin, ann. 1769 , pag. 75. Tome XXVT, Part, 1, 1785. JUIN. Hhh 426 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, >» lation dans une çornue de verre lutée, j'en ai obrenu 20 mefures d'acide > méphitique très-pur qui a été abforbé par l’eau , à = près ». 4°. Il eft impoñlible que l'acide méphitique obtenu par la diftillation du mêlange de précipité rouge & de fils de fer, provint de la diflolution de la plombagine , comme le prétend M. Cavendish ; car la quantité d’acide méphitique retiré même dans l'expérience de M. Cavendish , eft égale à deux fois le poids de la plombagine contenue dans le fer employé, & à huit fois l'acide méphitique réel contenu dans la plom- bagine ; car l’on fair que certe fubftance n’eft pas compofée en entier d'acide méphirique. M. Cavendish a employé dars une expérience 1000 grains de fer & 500 de précipité rouge, & il en a obtenu 7800 mefures d'acide méphitique qui font égales à 30 pouces cubes, & dont le poids eft de 17 grains. Maintenant 100 grains de fer pur con- tiennent , fuivant M. Bergman , 0,2 de plombagine tout au plus; par conféquent 1000 grains de fer pur ne contiennent que 2 grains de plombagine : or, la plombagine, fuivant M. Schéele, ne contient que le : de fon poids d'acide méphitique ; donc en fuppofant que la plomba- gine fe foit décompofée , l’on ne peut avoir tout au plus que 0,7 de grain d'acide méphitique, ou un peu plus d’un pouce cube. Si nous fuppofons maintenant, comme le plus avantageux pour M. Cavendish, que le fil employé füt d'acier, comme 1000 grains d'acier contiennent 8 grains de plombagine , l’on obtiendroit par la décompofñtion de cette fubitance 2,$ grains d'acide méphitique, ou environ 1,5 pouce cube ; le réfultat feroic bien moins avantageux pour M. Cavendish, fi nous fuppoñons que le fil de fer contint du cuivre ou du laiton, & fur-tout fi nous faifons attention qu’il ne -paroît pas probable que le précipité rouge décompofe la plombagine, puifque l'acide nitreux même ne la décompofe pas. 5°. Quant à la propriété qu'a le nitre d’abforber de l'acide méphitique , je conviens que les expériences de M.Cavendish font exactes & conformes aux miennes ; mais il s'enfuit feulement que l'acide méphitique a dans fon état zaiffant plus de difpofition à s'unir avec les fubftances qui ont de l'afinité avec lui. C’elt ainfi que plufieurs chaux métalliques Penlèvent aux alkalis , lorfqu'il eft dans fon état zaiffant , pendant que dans d'autres circonftances cela n'arrive pas. 6°. L'état aériforme dans lequel fe conferve un mêlange de gaz nitreux & d'air fait fur du mercure, ne peut pas être attribué à une vapeur nitreufe, comme le prétend M. Cavendish; fi cela étoit, elle fe condenferoit par le froid. D'ailleurs , j'ai faic fouvent ce mêlange fans qu'il fe foit produit de vapeur permanente; & cela arrivera toujours quand le gaz nitreuxaura été tiré d'un acide nitreux fufifamment délayé, LT A SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 4#7 A ——— N'O TI C:E DE qQuEDquEs MINÉRAUX DES PYRÉNÉES: Par M. DE LA PErROUSE. QE médiocre que foit l'intérêt d’une fimple Noticè, il feroit à défirer que les Naturaliftes qui voyagent , priflent la peine de publier fommairement les faits les plus piquans qu'ils ont pu recueillir. Rare- nt voit-on bien un objet du premier coup-d'œil ; des obfervations répétées ajoutent toujours un nouveau mérite aux premières. En publiant la notice propolée , les Savans accorderoient leurs intérêts avec ceux dé la fcience : ils s’aflureroient cout le mérite de leurs découvertes, & le loifir fi néceflaire ; pour Les rendre dignes d’être offertes au Public , qui quelquefois a droit de fe plaindre de trop de précipitation. Tels font les motifs qui m'ont engagé à raflembler plufieurs obferva- tions, éparfes dans mes Mémoires , & à donner une Notice de quelques minéraux intéreffans, ou peu connus, que j'ai rencontrés dans mes voyages aux Pyrénées. Ce petit travail pourra préfenter encore un autre objet d'utilité ; ce fera uneforte d'itinéraire & de guide pour les perfonnes qui voudront aller s’inftruire fur les lieux. Les échantillons de minéraux ne font qu'un fouvenir qu'on place dans les cabinets, Il eft bien rare qu'ils puiflent offrir quelques-unes des circonftances, dans lefquelles ils fe trouvent; circonftances qu'il importe abfolument au Géologue , de connoître & d'approfondir. Grandes & fublimes leçons, que la Nature donne à qui fait les recevoir avec un efprit libre de préjupé, & exempt de fyftème, qu'elles contredifent, & renverfent pour l'ordinaire. IL. SPATH PESANT. J'ai trouvé peu de fpath pefant aux Pyrénées. Les mines de Baïigorry en bafle-Navarre, en ont fourni des pièces, dans lefquelles on.voit quelques rudimens de cryftallifation. C’eft un des prin- cipaux ingrédiens de la belle gangue du cuivre aurifère d’Aulus en Couferans (1), IT. Caux AËRÉE, A. Spath calcaire rhomboïdal. On en voit d’affez grandes mafles à la Pique de Drerlis, près de Bärèges. IL eft-mélé de (r) Le fpath pefant de Mariemberg en Saxe, m’a préfenté un phénomène, qui m'a été confirmé par des Minéralogifies Saxons, qui l’ont également obfervé. Il a éclaté fponranément dans mon cabinet, & s’eft divifé avec bruit, en fragmens aflez minces. Ce fait eft-il particulier au fpath pefant de Mariemberg ? ou bien efl-ce use propriété commune à toutes les variétés de cette fubftance fingulière > Tome XXVI, Pare, 1, 1785, JUIN, Hbhh 2° 48 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, toutes les manières avec les afbeftes, les micas , les fchorls divers; il leur fert fouvent de gangue ; il les pénètre , & en eft pénétré. B. Spath calcaire, en prifmes hexaëdres terminés par des pyramides trièdres à plans rhombes, Romé Delifle, tom. 1, page 503, pl. IV, fig. 87. Des cryftaux de cette forme parfaitement diaphanes , entourent un morceau de mine de fer fpathique brune , de Rancié, vallée de Vicdeflos, au Comté de Foix. Je l'ai apporté de ces mines. C. Spath calcaire en parallélipipèdes rhomboïdaux. Romé Delifle , pl. IV, fig. 5. Cette cryftallifation s’eft rencontrée plufeurs fois aux mines de Rancié, en cryftaux , plus ou moins gros, plus ou moins tranfparens. J'en pofsè un grouppe, où ils font entrelardés d'amiante ; ils ont pour gangue une roche porphyritique , de Drerlis; on diftingue aifément , parmi les uns & les autres, diverfes variétés dans la figure. … D. Spath calcaire à pyramides hexaëdres aiguës , dont les bafes font alternativement engagées l'une dans l'autre. Romé Delifle, tom. 1, page 530, pl.IV , fig. 28. Ce font encore les mines de fer de Rancié qui m'ont fourni ces cryftaux, & quelques-unes de leurs variétés. Les plus communes font celles qu’on defigne fous le nom de dents de cochon. J'en pofsède un autre grouppe trouvé à la Pique de Drerlis. Les cryftaux font prefque tous adhérens par le côté, Ce font des pyramides hexaëdres, fur lefquelles les plans & les angles font très-diftinêts ; mais on n’y difcerne aucune trace de la jonction des bafes des pyramides, III, CHaux AÉRÉE BITUMINEUSE, ou pierre de porc, Ce feroit une erreur de croire que toute la -pierre calcaire grife des Pyrénées offre cette combinaifon , ainfi qu'on pourroit l'inférer de l'affertion trop générale d'un favant Minéralooifte (1). J'en ai rencontré en grandes mafles près de Saint-Béat en Comminges , à l'Effagnau , & au moulin de l’Anglade. Son odeur eft infoutenable. Le frottement des pieds fuit pour l’exciter. Je n'ai rencontré dans aucun autre endroit de la chaîne que des fragmens peu confidérables de cette pierre. IV. FLuor MINÉRAL. Rien d’aufli rare aux Pyrénées que le fpath fluor, J'en ai vu de grands cubes couleur d’eau, du port de Bie//a. Je l'ai crouvé en mafle bleuâtre , uni au quartz, à Laguore ; je pofsède auffi un petit grouppe de faûfles éméraudes très-brillantes , ou fpath fluor verd, fur de la galène, de la mine des Æ4rpentères, à Aulus en Couferans. (1) Manuel du Minéralogif, page 102, $. xcv, c. (*) (*) Je puis citer encore prefque coute la roche calcaïredes vallées de Baïgorry, d’Afpe& d'Offan, les roches des environs de Saint-Jean-Pied-de-porc, où j’ai trouvé le fpath calcaire rhomboïdal er malle, dont les feuillets fonr tranfparens, & exhalant une odeur biçumineufe srès-forçe, MVoge de PEdiceur du Journal , & Auteur du Manuel du Minéralogifie, SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 429 V. Tazc,er Mica. Je les réunis ici; mais ne les confonds pas. L'onctuolité de l'un, l'aridité de l'autre, les diftingue fufffamment. Le tale eft beaucoup moins abondamment répandu aux Pyrénées, que le mica. A: J'ai crouvé à Anignac, dans le Comté de Foix, entre les bancs d’une montagne calcaire , une veine de mica, dont j'ai apporté des feuilles hexagones de fix pouces de diamètre, B. Je n'ai point vu de talc en mafles, aux Pyrénées. Il eft mêlé, prefque toujours, avec d'autres fubftances. J’ai une très-belle roche, du port de la Bez, dans la vallée de Louron ; le tale, qui en fait la bafe, eft de la plus grande fineffe ; les glandes de cette roche font des grenats. C. Près des bains de Bagnères de Luchon fe trouve une roche des plus intéreflantes. Elle eft fuperpofée fur les flancs d'une montagne de fchifte argilleux micacé, La bale de cette roche eft-un beau feldt-fpath grisâtre, Le talc y abonde ; mais il n’y eft pas difléminé au hafard; au contraire, il y eft difpofé avec fymmétrie. Le plus fouvent il eft argentin, d'autres fois il eft fali par la chaux de fer; alors il a l'œil moins gras. Ses lames font petites, pofées de champ, & ferrées les unes contre les autres. Leur aggrégation forme de grandes gerbes, qui imitent aflez bien un panache, dont les barbes fe divifent également des deux côtés. Ces gerbes, qui ont une forte de pédicule , font divergentes, J'en ai vu qui ont plufeurs pieds de longueur. Les plus petites, & celles de l'intérieur de la roche, font les plus agréables. VL AsBESTE. AMrANTE. Je ne détaillerai pas les nombreufes & belles variétés d'afbefte & d'amiante, qu'on pet recueillir fur les montagnes voifines de Barèges , principaiement à la Pique de Dretlis. J'en ai auf trouvé à Aulus , au-deflus de Ca/flelminier, & non loin de Saleich , au Comté de Foix, Quelque defir que j'aie d’abréger , je ne faurois pafler fous filence une cryftallifation de l'afbefte, peu brillante, à la vérité; mais d'autant plus digne d’attention , qu’il eft très-difficile de la trouver régulière, & qu'elle n'eft point encore connüe des Minéralogiftes. A. Nous parcourions les baffes montagnes des environs de Labafsére, près de Bagnères de Bigorre , M. le Commandeur de Dolomieu & moi. Ce fut lui qui rencontra cette cryftallifation, en fouillant dans une veine d'afbefte, qui traverfe les ferpentines, dont ces montagnes font compofées, La figure de ces cryftaux eft un parallélipipède rhomboïdal comprimé. De fes fix plans rhomboïdes, deux fonc rrès-grands , & approchent beaucoup du rhombe. Le plus grand de ces cryftaux d’afbefte , que je pofsède, a trois pouces & demi de longueur, fur un pouce & demi de largeur, & dix lignes d’épaiffleur. Communément ils font folitaires , très-mous , & durciffent à l'airlibre. Leur$ fibres font groffières, leur couleur eft grife ou bleuâtre (1). (G) M. le Commandeur de Dolomieu, dont on connoit la finefle & la fagacité 43a OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, B. J’appelle afbefte zéolitiforme , une forte d’afbefte , qui a tous les caractères extérieurs de la zéolite. Ses fibres font longues , roides, rrès- fines & très-blanches. Comme la zéolite, elles font réunies en faifceaux divergens, Cet afbefte eft fur une pierre calcaire blanche faline ; je l'ai apporté des mines d'Aulus. Sa reffemblance avec la zéolite eft frappante. Je ne me fuis décidé à prononcer fur fa nature, qu'après m'en être bien afluré (1). VIT. GRENATS. Quoique Les grenats ne foient pas rares aux Pyrénées, ils n'y font pas cependant répandus avec profufion. J'en ai pris en mafle dans le val de Cauterers, & d’autres en cryftaux brillans , aux environs de Gavarnié, Parmi les roches diverfes qui compofent La bafe du pic de: midi , telles que granits, porphyres, gneifs, fchiftes argilleux , roches glanduleufes, &c. on trouve, plufieurs fois répétés, & alrernans avec les autres roches, des bancs d’une pierre calcaire faline blanchâtre. Elle contient un nombre infini de grenats cryftallifés de divere groffeur. Le grenat en mafle, eft quelquefois combiné avec la pierre calcaire ; & dans ce cas ; elle a une teinte rougeitre. Le giflentent , & les circonf- tances où fe trouve cette roche calcareo-granatique , offrent un problème bien difficile à réfoudre pour ceux qui prétendent que toute forte de dans l’obfervation , regarde cette cryftallifation de l’afbefte , comme une modification de l'argile, & comme fon pañlage à l’état d’afbefle. Dans fon dernier voyage d'Italie, il a reconnu encore d’autres modifications de l’argille , telles que dans le pechflein ou pierre-poix , le jade , &c. Le dernier même s’eft offert à lui fous forme cryftallifée, L'in{pe&tion, & l'étude des circonftances locales, l’ont conduit à cette opinion; de nouvelles recherches lui en ont donné des preuves. J’ai vu de même , d’une manière ‘inconteftable , toutes les nuanees d’altération des ferpentines , & leur pañlage fenfble à l’état d’afbefte groffier,; mais je me garderois bien de conclure & de croire que les asbefes , en général, proviennent de la décompofition des ferpentines. (1) J'ai reçu de Suède un échantillon d’asbefte des mines de Taberger en Wermes land, remarquable par des cryftaux demi-tranfparens , verditres, qui font entremélés avec les fibres de l’asbefte. Malgré l’extrème applatiflement de ces cryflaux , on peut encore reconnoître leur figure quadrangulaire rhomboïdale, Ces prifmes ont jufqu’à deux pouces de longueur , fur une ligne de diamètre, Le favant Suédois, à lamitié duquel je dois ce morceau , m’écrivit que c’étoit use cryftallifation de l’asbefle , & non pas un fchorl. Je me rappelai alors les {chorls réfra@taires , dont parle M. Mullert, dans fa Lettre fur les tourmalines du Tyrol , ( Journ, de Phyf. ann. 1780 , tom. 1 , ) je comparai de fuite les fchorls, dont je pofsède un fuperbe grouppe, avec les cryftaux de l’asbefte Suédois, Mes fchorls verds quadrangulaires du Greiner , font beaucoup plus réguliers & mieux prononcés que les cryftaux de Pasbefle de Suède. Le tiflu ef le même , la couleur & la tranfparence font égales. Aucun des deux ne m’a donné le moindre figne d’éle&tricité. Le feu , quoique vif & foutenu, ne-leur a caufé d’autre altération, que de les blanchir. Ces propriétés éloïgnent ces cryftaux des fchorls & des tourmalines , & les rapprochent de lasbefle , dont ils pourroient bien être en effet une cryflallifation , méconnue jufqu'ici des Cryflallographes, parce qu’une analyfe exalte n’a pas déterminé leur nature, SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 431 calcaire , fans diftinction, eft d’origine animale, & d'une formation poftérieure , à ce qu'on a nommé, aflez improprement , roches primi- tives. VIIL. ScHORL: A. SCHORL VIOLET RHOMBOÏDAL. Dès 1782, nous avions rapporté de la pique de Drerlis, M. de Dolomieu & moi, quelques cryftaux de ce fchorl. Quatre amateurs diflingués de Paris, m'ayant aflocié à une foufcription , j'envoyai aux Pyrénées, durant l'été de 1784; le fieur Pillot, Marchand d’hiftoire naturelle à Touloufe, homme droit, a@f & intelligent; je lui recommandai fortement le fchorl violer. Peu de jours après avoir commencé fes travaux, fur la pique de Drerlis , il rencontra une cavité remplie de fchorl violer. Les payfans qu’il employoit à détacher ces fchorls, en cherchèrent de leur côté; ils en trouvèrent de gros quartiers roulés ; il leséclar èr ent , & en ont pourvu tous les étrangers qui étoient à Barrèges. Le fieur Blonde l'aîné y arriva; il y en fic une ample provifon, qu'il a envoyée à fon frère à Paris; M. Pelletier en a fait l'annonce dans le Journal de Phyfique (1). Quoique le fchorl violer des Pyrénées foir certainement le même que celui du Dauphiné; quelques différences, qu’il eft facile de faifr, les diftinguent l’un de l'autre. D'abord par la gangue : celui de la Ba/me d’Aurus , eft grouppé fur une roche argilleufe , micacée en feuillets, un véritable gneïfs un peu décompofé ; telle eft aufli Ja nature de la roche principale, dont eft formée la Pique de Drerlis ; maïs notre fchorl ne repofe pas fur cette roche. Il adhère , & eft implanté en rous fens fur le quartz , un peu mêlé de ce même fchorl en maffe. Cet accident donne une teinte fombre à tous les grouppes , parce que la couleur des cryftaux ne contraite pas avec celle de la roche comme dans les grouppes du Dauphiné; nos cryftaux font plus tranfparens , & d’une teinte plus claire que ceux-ci. J'ai dir, & l'examen d'une grande quantité de ces fchorls violets m’en a convaincu , que leur gangue ordinaire eft le quartz. Cela eft vrai; mais gon pas fans exception. J'en ai dans mon cabinet, qui font fur le cryftal de roche; d’autres fur le fpath calcaire rhomboïdal ; d’autres mêlés avec l'asbefte , & qui y adhèrent ; quelques-uns même fur le fchorl blanc rhomboïdal. Du refte, tout ainf que ceux du Dauphiné, nos fchorls violets £e vitrifient avec facilité, fans addition, & en fe bourfoufflant. Quant à la sryftallifation, elle a bien le mème type dans les uns & les autres; mais elle eft moins compliquée , moins furchargée de tron- cature dans le fchorl des Pyrénées, que dans celui des montagnes de POifan. Je pofsède plufeurs cryftaux folitaires du premier , dont certains ont quinze lignes de longueur, fur fix de largeur. Ils font toujours a ——_—_——e (x) Pour le mois de Janvier 178$ , page 662 t 432 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE; allongés , & fi applatis, que fi l'on les manie fans précaution , fur-tout lorfque l'on .yeut les laver , leurs angles aigus bleflent iles mains, comme un raloir. Je confidère leur figure comme un prifme tetraèdre rhomboïdal très-comprimé , dont Les bales font tronquées de biais , en fens contraire: ou li l'on veut, comme «un eryftallenticulaire hexaëdre, formé par deux » pyramides ænèdres, a plans rhombes,, jointes & engagées par leurs » bales ». Romé Delfle:, rom. 2 , page 351. Mais à moins que d’être très-familiatife dvec des Agures des folides, on ne démmêlera qu'avec beau- coup de peine, fur ces: cryftaux, la figure pyramidale (1). On diftingue parmi ces grouppes quelques cryftaux qui offrent des troncatures ; mais on y chercheroit en vain-tourtes celles que préfenrent ordinairement ceux du; Dauphiné. D'’ailieurs,, il en eft à-peu-près des troncaturés en minéralogie, comme des, méthodes; elles ne font point dans la nature, Ce fonc.des moyens plus ou moins utiles pour fixer nos connoiflances ; & pour nous aider à en-débrouiller le nombre & la férie, Mais certainement les troncatures, & les mefures dés angles, pour fi curieufes qu’elles puiffent être, & en les admettant comme exemptes de tout reproche (2), ne feront jamais de l’eflence de la minéralogie, ne L À ) (1) On à rencontré il y a deux ans à Ehrenfriedersdorf en Saxe ,un cryftal violet tranfparent, fur uné gangüe quartzeufe ; mêlée de eryftaux d’étain , & de fluor bleu. Leur figure eftun p'ifme oblong oétaëdre;, tronqué net à (es extrémités. En Saxe on regarde cette cryfallifation comme un fluor, D’autres Minéralopilles la prennent pour un fchorl violet. Les uns & lessautres font dans l'erreur: je [üuis certain que les cryftaux très-brillans , dont je pofsède un grouppe ,ne font qu’une rare & belle variété de la topaze de Saxe. (2) eue quel eft le-motif qui a engagé M. de Romé Delifle à nier la forme octaëdre des cryflaux d’argent rouge , & à la regarder comme étrangère à cette forte de mine d’argent (Cryflall. tom. 111, page 45 1). Eft-ce que le dodécaëdre à plans rhombes, qu'il a afligné pour la fighre primitive de ces cryfaux , exclut l’oétaedre à Mais avec la liberté qu’il donne de tronquer & de füurtronquer , rien d’aufh facile que de dériver l'oŒtaëdre du dodécaëdre , ou de tout autre folide infcrit dans la fphère, Si M. de Romé Delifle connoifloit toutes les colle&tions, vraifemblablement qu’il trouveroït plus d’une exception au principe de fa méthode. Quoi qu'il en fit , l’argent rouge cryftallile en oétaëdres, c’eft un fait inconteftable , & fans m’arrêter à laWdefcription trés-précife des cryftaux de cette figure, qu’a donné M. de Born, & qu’on n’auroit pas dû rejetter comme un fait mal obfervé, lans en être bien convaincu par fes propres yeux ; j’ai dans maïcolleétion deux petits grouppes très-curieux de cryftaux divers de mine d’argent rouge, que j’ai reçus de Saxe, Parmi des cryftaux, dont plufieurs font ur Rrdues , on en voit quelques-uns qui font prefque détachés du grouppe , & qui aiffent voir très-diftinétement tous leurs angles. Leur figure eft un déceëdre rhom= boïdal, compofé de deux grands plans rhombes, & de huit petits trapèces. Evideme ment cette figure eft une modification de Podaedre rhomboidal , dont les deux pyramides obtufes font sronquées très-près de leurs bafes, Le plus grand de ces cryflaux a cinq lignes de longueur , deux de largeur , & demi-ligne d’épailfeur. \ J'ai préfenté çes cryftaux à l’Açadémie Royale des Sçiençés de Touloufe; il nérpeut peuvent SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS, 443 peuvent même en être qu’un accefloire Eh gigns & ne fauroient faire la bafe des connoiflances folides dans cette fcience, B. ScHorL BLANC RHOMBOïDAL, C'eft plus pour me conformer à l'opinion commune, que par conviction , que je nomme ainfi cette fubftance. Je lui trouve bien peu des caraétères extérieurs des fchorls ; je: ne connois point fes principes conftituans ; je fais feulement, que foit: feule , foit mêlée avec des fondans , je n'ai pu parvenir à l’altérer fenfible- ment, même à un feu vif & foutenu, J'ai en mon pouvoir plufieurs: variétés remarquables de ces cryftaux. 1°. Schorl blanc cryftallifé en parallélipipèdes rhomboïdaux comprimés: J'ai deux grands cryftaux ifolés de cette forme, peu adhérens à une touffe d'amiante. Ils font plus ternes que dans les autres variétés, 2°. Schorl blanc cryftallifé en prifmes quadrangulaires rhomboïdaux , dont les bafes font tronquées obliquement, & en fens contraires. Les prifines ont deux grands plans, parallèles entr’eux. 3°. Id. en prifme hexaëdre comprimé à fommet trièdre : un des plans eft pentagone , les deux autres trapézoïdaux. Par les troncatures on rapproche aifément cette figure de la précédente. Elle eft chargée d’autres furtrorcatures, dans deux grands cryftaux, qui font {ur le mème grouppe. 4°. Id. en fegmens très-minces de prifme rhomboïdal. Les 6x plans de cette cryftallilation font rhomboïdaux, Les petits plans n’ont point de bifeaux. Maloré le peu d’épaiffeur de ces lames, ui n’eft pas quelquefois d’un quart de ligne , elles portent toutes cette Élure longitudinale, qui indique la fuperpofition d'une lame fur l’autre, Ici l'on ne fauroit rendre raifon de cette félure, par la formation très-peu naturelle des macles. J'ai des grouppes entiers de fchorl blanc, ainf cryftallifé, s°. Id. en fegmens de prifmes hexagones, D'Agoty , Rèon. Min. & Décad. pl. xxx. Deux petites troncatures fuffifent pour métamorphofemla variété pré- cédente en celle-ci ; j'en ai un cryftal prefque folitaire , qui a quinze lignes de longueur , fur deux d’épaiffeur. 6°. La variété 12 de M. de Romé Delifle, tom, 11, page 409. Ce fchorl n'eft pas le plus commun aux Pyrénées. J’en pofsède un grouppe des plus éclarans: en général les cryftaux y font peu réguliers. J'y en obferve plufieurs bleuâtres , dont parle le même Auteur, 2b:d. note 123, 7°. Schorl blanc en cryftaux octaëdres rhomboïdaux. Toujours en tronquant, cette fisure peut être une modification du parallélipipède rhomhoïdal ( var. 1°.) [l ne s'agit en eflet que d'enlever quatre petites tranches de fes deux bafes, en commençant l'opération fur y avoir de doute {ur ‘eur figure , fur la vérité de ma deftription , non plus que fur leur mature. S'il en reftoit encore, il feroit bien facile de Les diffiper entièrement. Tome XXVI, Part, I, 1785. JUIN, Lii 43æ OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, les angles aigus ; & coupant, de biaïs, jufqu’à la rencontre dés angles obtus. Nous nous donnons bien de la peine pour expliquer la figure des cryftaux ; nous nous tourmentons pour rendre raifon du changement des angles, des plans, &c. comme s'il en coûtoit plus à la Nature, pour faire un icofaëdre ; ou tout autre figure compliquée , que pour tailler un cube, ou de folide Le plus fimple. J'ai deux cryftaux réguliers de cette variété ; & il efttrès-difiicile: d'en rencontrer de rels, quoique ce foienit les plus communs. Ils font recouverts par des lames de ce même fchorl, très-minces & rrès-ferrées , qui pré- fentent toutes un angle très-aiou. Elles cachent ces cryftanx de telle forte, qu’elles n’en laiflent voir qu'une tranche, d'un blanc laiteux très- brillant. Cette cryftallifation eft on ne peut pas plus variable , communé- ment confufe & indéchiffrable, Le Tous ces différens cryftaux de fchorl blanc, n’ont point la même apparence : les uns font roux , les autres blancs ; on en voit d'opaques , de demi-tranfparens , de ternes, de brillans : la caflure eft plus ferrée dans les uns , plus lamelleufe dans les autres, 8°. Le fchorl blanc n’eft pas roujours"cryftallifé; on le rencontre aufli en petites mafles informes & lamelleufes. Dans cer état, il a les plus grands rapports avec le beau SA de amoïphe & chatoyant, que le favant Profeffeur d’'Hiftoire Naturelle de Milan, le P. Pini, a trouvé fur le Saint-Gothard, & auquel il a donné le nom d’ÆAdularia (1). J'ai dans ma colleétion un morceau de cette pierre intéreflante, dont je fuis redevable à ce Savant. Tous ces fchorls blancs font plus ou moins mélés d'amiante, de cryftaux de roche, de fpath calcaire , de mine de fer en décompoñition , qui les falit , ainfi que de la terre verte. 9°. Je rerminerai l’article des fchorls blancs, par la defcription d’une roche très-curieufe, dont eft formé en grande partie le mont Brada , près de Gerdregdans la vallée de Barèges. C'eft un vrai porphyre, dont la pâte eftune pierre de corne noire, mêlée de mica très-fin, dans laquelle font difléminés, en tous fens , de longs prifmes tetraëdres rhonboïdaux , longs de plus d'un pouce, & qui ont à peine deux lignes de diamètre. Ce n'eft pas leur figure qui eft fingulière, c'eft leur compofition. L'intérieur des cryftaux eft d’un fchorl noir , lamelleux, enfermé de toutes parts dans ume croûte mince ; blanche , lamelleufe, brillante & parfairemenc dreflée. Cette fubftance, autant qu'on en peut juger par les caractères extérieurs, a toutes les apparences d'un fchorl blanc. J'ai recherché les morceaux roulés de cette roche ; le frottement a formé à leur furface (1) Memoria Mineralogica fulla montagna è [ui contorni di S. Gorhardo : di Ermenegildo Pini. Milano, 1783 , page 113 &. fuiv. = SUR L'HIST, NATURELLE ET LES ARTS. 43$ des coupes de ces cryftaux dans tous les fens, plus fenlibles que dans Ja caflure récente. Les bancs très-inclinés de ce porphyre font entremélés avec ceux d’une roche de corne, également noire , légèrement micacée. Elle eft fouerrée de taches fréquentes d'une matière rougeâtre, micacée d'un brillant mé- -tallique. Je ne connois point fa nature, Au relte, une grande partie des montagnes de la vallée de Barèges , eft formée/de cette roche , qui offre les plus grands caprices dans d'inclinaifon de fes bancs, C. ScHoRL VERD: Autant le fchorl verd eft commun en Dauphiné, autant il eft rare aux Pyrénées. Toutes mes recherches ne m'ont produit ue quelques cryftaux de ce {chorl engagés prefqu'en entier dans le quartz cryltallifé, & bien plus fouvent encore dans le fpatb calcaire. J'en ai de très - réguliers : ce font des prifmes tétraëdres rhomboïdaux , fort allongés. ,, ; D} Sur la fin de l'été dernier on a trouvé à la Pique de Drerlis de grands grouppes de ce {chorl, Us font peu agréables , en ce qu'ils font engagés, & font partie d’une roche, compofée de pierre calcaire, & d'afbeite un peu altérée. Ces fchorls font d'un verd jaunâtre demi-tranfparent , d’une cryftallifation confufe, & à:ftries divergentes. J'en ai obfervé quelques- uns dont la figure efk,réoulière; elle eft la même que dans nos fchorls violets, (VII a ). : É IX, TERRE VERTE. Pluñeurs Minéralogiftes regardent cette terre comme une ftéatire pulvérulente. Je ne connoïs point les expériences fur lefquelles ils fondent leur opinion ; je fais feulement que fi quelque- fois elle eft douce au toucher, elle eft aufli fouvent d'une aridité qui n’eit pas ordinaire aux ftéatites. Aufli d’autres Minéralogiftes la regardent-ils comme le.produit de la décempofition des amiantes. Cette incertitude prouve. la néceflié de déterminer, par l'analyfe , la nature de cette terre. Quoi qu’il en foit, elle falir, recouvre, corrode même les cryftaux de roche , les fchorls & les asbeftes ; elle loge pêle-mêle avec eux, dans les mèmes cavités , & fa préfence les annonce toujours. Nous en avons trouvé un filon puiflant, M. de Dolomieu, de Puymaurin le fils, & moi, dans une montagne vis-à-vis Saint-Sauveur ; fa gangue eft un conrpofé de quartz , de fpath calcaire, & d’un peu de féarite. Rien de plus intéreflant que des grands grouppes fur lefquels on voit réunis des cryftaux de roche , des fchorls blancs, des cryftaux calcaires, des asbeftes & amiantes, du mica & de la terre verte. J’en ai vu de la plus grande beauté. On les trouve, ainfi que ces différentes fubftances féparées, fur la Pique de Drerlis , au-deflus de Barèges , fur la rive gauche du torrent appelé le Ba/lan. Malheureufement certe montagne, l’une des plus riches & des plus inftruétives des Pyrénées, eft d'une roideur rebu- tante, & d'un accès impoffible à quiconque ne joint pas au courage & à l'agilité, l'habitude des montagnes. Ces obftacles écarteront toujours Tome XXVI, Part. I, 1785. JUIN, Jii 2 +436 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE; les voyageurs de la Pique de Drerlis , & laifferont le commerce exclufif de fes richeffes entre les mains des montagnards, que la fréquentation des étrangers a corrompus, & qui ne manquent point d’afluces pour vendre cherement ces curiofités. X. TourmaLines. J'ai découvert près de l'étang d’Ærbu, fur une haute montagne granitique du Comté de Foix , une veine de fchorl noir cryftallifé. Les prifmes de ces cryftaux n’ont point de pans fenfibles ; mais ils font fortement ftriés. Ils font terminés par des pyramides , le’ plus fréquemment trièdres, à plans mixrilignes, Ils font noirs, opaques & brillans. J'en pofsède qui ont deux pouces de longueur ; leur diamètre eft dé huit à dix lignes, jufqu'à feize dans quelques fragmens ; car ils font très-caflans, & remplis de félures. Leur gangue eft un fchorl brun, lamelleux , quelquefois mêlé d'un peu de mica & de quartz, même de felde-fpath, dans lefquels les cryftaux laïllenc leur empreinte. Ce fchorl , chauffe avec précaution, attire & repoufle les cendres, plus fortement que la rourmaline du Tyrol. Cetre expérience répérée par M. de Dolomieu, & par d'autres Savans à qui j'ai communiqué ces cryflaux, contredit l'opinion de M. de Romé Delifle, qui penfe qu'il ne peut exifter de vraies rire-cendres ; fans tranfparence (1), & qu'en la perdant, elles perdent en même-tems cette propriété fingulière & remarquable. Ainf, malgré leur opacité, maloré leur figure peu régulière, je n’héfire pas de donner le nom de tourmaline à ces cryftaux , parce qu'ils ont cette propriété caractériftique , qui diftingue éminemment cette pierre, de toutes fes congénères. Nouvel exemple, nouvelle preuve de l'infufffance des’ cara@tères extérieurs, en minéralogie. XI. Quartz CRYSTALLISÉ. Divérfes montagnes des Pyrénées -recèlent des cryftaux de roche, J'en ai vifité une, dans le territoire de Melles , en haut-Comminges , qui porte le nom de Mail de Cryflal, à raifon des grands fours à cryftaux , qu’on voit dans une large bande de quartz blanc qui ceint, comme d’un diadème, fon fommet majef- tueux & inacceflible. Le Pic de Midy , le Tourmaler, le Pic d'Efpade, aux environs de Barèges, en ont auf. Mais c’eft à la Pique de Drerlis qu'ils fe trouvent en plus grande abondance. Rarement font-ils nets & purs. J1 y en a de très volumineux ; ils font falis par la terre verte, qui quelquefois eft combinée avec la matière même du quartz , ou qui adhère à fa furface, ou qui eft renfermée en maffe ifolée , ainfi que l'amiante, dans l’intérieur des prifmes. J'en ai vu, & j'en pofsède plufieurs, qui font remarquables par leurs accidens. Ils renferment du fpath calcaire thomboïdal, des petits’ prifmes quadrangulaires de feldt-fpath , des (1) Cryflall, tom. 11, page 310. SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 437 gouttes d'eau , de longues aiguilles brillantes de fchorl verd, de l'amiante dans divers états, &c. J'en-ai apporté un grouppe de deux gros cryftaux, qui contient des fibres éparfes d'amiante Brun , de la plus grande fine, & qu’on prendroit pour des cheveux ; la tranfparence de ces cryftaux ajoute encore à leur mérite, XII. FeLDT-SpATH. Sur la même ligne de la Pique de Dreulis , toujours en remontant vers le Tourmuler , & fur fa droite, s'élève avec majefté, à une grande hauteur , un Pic efcarpé , dont l'afpeét fombre & ruineux porte la triftefle & la crainte dans l'ame du voyageur: C’eft une des montagnes où j'ai obfervé le plus diftinétement des reftes confidé- rables de certe grande cryftallifation , en feuillets pyramidaux , appliqués en recouvrement les uns contre les autres, que M. de Sauffure a ravés le premier {ur les montagnes de granit, & que cet habile obfervateur a fi bien décrits dans fon voyage des Alpes (1). Cependant le Pic d'Efpade n’eft point de granit ; fa roche principale ef fchifteufe, noirâtre , compofée de quartz, de beaucoup de mica , de nœuds de fchorl & de grenats. 1 Parmi les débris immenfes de cette montagne, j'ai ramaffé de petits grouppes bien confervés & très brillans de cryftaux de roche, entre & au-deflous defquels font une multitude de petits cryflaux blancs. Ce fone des prifmes, & même feulement des larmes quadrangulaires rectangu- . laires. Cette figure, & la fufon fans bouillonnement de cette fubftance, m'ont décidé à les regarder comme des cryftaux de feldt-fpath, J'en ai eu aufi du Tourmalet, dont un, qui eft folitaire, a trois lignes de longueur , fur une & demie de largeur. On rencontre aufli de très-grands cryftaux de feldt-fpath , engagés dans le granit commun, principalement dans la vallée de lÆrbouf? , & proche le village d'Eo. On peut les en détacher à l'aide du fer; mais il eft bien difficile de les avoir entiers. XIII. PLOMBAGINE. J'ai trouvé cette fubftance fingulière avec les tourmalines du Comté de Foix (X.). J'en ai une petite mafle ; ordi- nairement elle eft difperfée dans la gangue des tourmalines. Il eft impofñfible de ne pas confondre la plombagine avec la molybdène , fi l'on a recours aux épreuves chimiques. M. de Dolomieu a effayé celle-ci dans le laboratoire de M. de Morveau ,avec cet exa@ & profond Chimilte, Ainfi c'eft avec pleine confiance que je l’ai nommée plombagine. XIV. Plomb. A. À une ou deux lieues de diftance de la Pique de Drerlis , vers le Mont perdu., dans un pays affreux, même pour les chafleurs aux chamois, on a découvert l'été dernier un petit amas d'une jolie mine de plomb verte, Elle eft cryftallifée en aiguilles apphaties, RS A D 2 OS de dE Le de eos (1) Tome 1 ,page 502. 438 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, très-irrégulières , dont quelques-unes préfentent le fommet aigu d'une pyramide triangulaire. Cette mine eft fur une hématite en décom- beÂtion. us B. Les mines des Argentéres & de Laquore, à Aulus , dans la vallée d’Erce, en Couferans, que les anciens Minéralogiftes François appelloient avec emphafe, les Indes Françoifes (1), ces mines , les feules que je connoifle encore aux Pyrénées, dout les filons aient l'apparence d'une allure fuivie & réglée ,-ces mines, dis-je, ont donné des variétés de mine de plomb très-intéreflantes. Le minérai de Laquore eft une mine de plomb folide , calciforme srougeâtre, que je crois mêlée de calamine. On a rencontré dans l'exploitation beaucoup de mines de plomb blanche, jaune & noire, en cryftaux d’une grande beauté. J’en ai apporté aufli de Ja: galène folide , donc le riffu et ferré, & point lamelleux, de la galène ftriée, comme de lantimoine, &c. &c. Il eft bien fâcheux qu'on laifle ainfi chaumer ces mines, dont l'exploitation, malgré l'extrême diferte du bois, pourroit encore être utile. XV. Bismurx. Je découvris en 1773 fur les montagnes de Melles en Comminges, au quartiér appelé Les Raüz, une mine de bifmurh très- fingulière, Elle reflemble à une galène à petites écailles, & elle n'en diffère extérieurement que par une moindre pefanteur. L'analyfe très- détaillée que j'en ai faite, m'a montré que c'éroit une mine de bifmuth, minéralifé par le foufre, qui s’y trouve dans la proportion de trente-cinq livres au quintal. [Left bien dificile de le féparer en entier du bifmuth. C’eft la même mine dont parle M. de Romé Delifle (2), fans indication récife de fon lieu natal;1l la tient d'un de mes amis (3): XVI. Nickez. En arrachant de la pieire calcaire pour bätir , foit à Barèges, foic vis-à-vis Saint-Sauveur, on trouve des petits lons & des petits rognons de nickel , dans le fpath calcaire : j’en ai vu des morceaux réduits en chaux verte. j XVII. Zinc. A. Les blendes font communes aux Pyrénées. Elles infeétent fouvent les mines en exploiration. Les feules que je connoille de ces montagnes, qui méritent d'être citées, font celles de Baigorry en baffle Navarre. Elles font demi-tranfparentes , rouges comme le grenat, où d’un beau jaune citroné comme la ropaze ; j'en pofsède d'informes & d'autres en cryftaux, dont plufieurs offrent le tetraëdre (x) Anciens Minéralogiftes, Malus pere , tom. 1, page 129. (2) Crylftallog. tom.3, page 117. (3) J'aireçu de Saxe de la mine du Prince Ele&oral à Grofs-Schirma , un morceau de mine de bifinuth. à facettes brillantes. On y voit un faïfceau de longues aiguilles divergentes: ce font des prifmes tetraëdres rhomboidaux , tronqués de biais à leur fommet. C’eft encore une mine de bifmuth minéralifé par le foufre , dont la cryftalli- faion a échappé aux recherches des Cryftallographes, $ ER. dmftrdé SUR LHIST. NATURELLE ET LES ARTS. 439 régulier , où quelques-unes de fes modifications. Ces jolies blendes ont pour gangue un beau fpath calcaire cryftallifé, ou le gneifs , ôu la pyrite cuivreufe, ou le falhertz qui dans non échantillon préfente une vingtaine de cryftaux prefqu'ifolés , d'une grande régularité, & dont léclar & le poli contraftent très-bien avec la couleur de ces blendes. B. Une autre blende moins brillante à la vérité, mais non moins curieufe que celles dont il vient d’être faic mention, c'eft celle dont il etifte à Aulus un filon de plus de dix pouces de longueur, au local appelé Les Lavers , au Pic de Ouas , célèbre par les grands travaux des anciens. C'’eft une mine de zinc arfénico-fulfureufe. Elle a les caractères extérieurs de quelques mines grifes de cobale: fon tiflu eft grenu, ferré & point lamelleux. Je my trompai d'abord. L'analyfe qu'en a faite M. de Puymaurin le fils, prouve que cette mine ne contient que du zinc , du foufre & de l’arfénic. ra C. CALAMINE CRYSTALLISÉE. Ces cryltaux dont j'ai vu un grand nombre, font très-minces & très-étroits ; leur longueur n'excède pas fix lignes. Ce font des lames hexagones’, comme dans les fpaths pefans , leur füurface eft quelquefois ftriée. Souvent le fommet cunéiforme qui les termine manque abfolument ; ce qui change la cryftallifation en tables reétanpu- läires. IL r’y a point de bifeaux: la tranfparence & la couleur de ces cryftaux font très-variables. Il y en a d'opaques , de demi-tranfparens , de blancs , de roux , de jaunes & de couleur d’eau. Toutes les lames font réunies en faifceaux divergens. Par l'application régulière des unes contre les autres , elles forment quelquefois des protubérances cunéiformes , fur lefquelles on diftingue encore plus les diverfes lames & la ligne de leur jonction, : Certe même calamine fe rencontre aufli en manière de flalagmites ; elle eft d’un blanc bleuâtre, & d’un tiflu rayonné. - Ces cryftaux fe trouvent pour l'ordinaire en forme de géode , prefque toujours fur des cryftaux de quartz fali, fouvent carié. L’extérieur des géodes eft enveloppé d’une forte couche de terre martiale. Î1 n’eft pas rare de voir parmi ces cryftaux de la blende en décompolition , ainfi que du fparh uor bleu en mafle, mêlé à eur gangue. * J'ai trouvé ces calamines fur le fommee montagne de Laquore à Aulus en 1782. On en a aufli rencontré, l'intérieur de la mine, ainfi que je l’ai reconnu, en vifitant les ras de minérais qui font en magalin. La nature de ces cryftaux m'a été inconnue d’abord. De favants Miné- ralogiftes à qui je les ai montrés dans mon cabinet, les ont pris pour de la félénite, d’autres pour du plomb blanc; quelques-uns pour de la zéolite , fur-tout lorfqu'ils ont vu les morceaux en ftalagmites. Je fottois dans cette incertiude d'opinions, lorfque je lus les belles expériences de M. Pelletier fur la zéolice de Féroé , & fur la calamine de Fribourg en 449 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE; Brifgaw , défignée fous le nom de zéolite veloutée (1). La defcription qu'il donne de celle-ci convient trait pour trait à nos calamines. Je me {uis donc mis en devoir de répéter fur mes cryftaux celles de fes expé- riences qui devoienc décider mes doutes; j'ai obrenu des réfultats con- formes À ceux qu'a eu ce laborieux Chymifte, Je ne me füis pas contenté d’eflayer nos calamines, j'ai foumis aux mêmes épreuves diverfes calamines étrangères, qui font partie de ma collection ; celle de Bleyberg en Carinthie, cryftallifée en décaëdres rectanoulaires, ne m'a montré aucune différence dans {es propriétés de celles d'Aulus. Toutes ces calamines décrépitent fortement, fi on ne les chauffe pas avec précaution. Dès qu'elles commencent à rougir, el'es répandent une lumière phofphorique très-vive, fur-tout fi le morceau d’effai eft un peu gros, Les cryftaux ont Ja même propriété; mais il faut diriger la flamme fur leur tranche. L’acide ,nitreux en atraque certaines avec effervefcence, fans doute parce qu'elles font a£rées, Celles-ci ne font avec lui qu'une gelée inftan- tanée , à l'aide même d’une douce chaleur. Telle eft la calamine feuillerée blanche de Bleyberg, D'autres, telles que les nôtres, & en général celles qui font cryftallifées, fe laiflent diffoudre fans effervefcence dans l'acide nitreux, & donnent une forte gelée. M. Pellerier a très-judicieufement obfervé que cette calamine donnant une gelée avec les acides , ainfi que la zéolite , ce caractère eft infuffifant pour décerminer la nature de celle-ci, On pourra cependant employer cette épreuve avec utilité, en ajoutant que la calamine cryftallifée ou en flalagmite , décrépite, ce que ne fait pas la zéolire, & qu’elle eft très- phofphorique , tandis que la zéolite ne l’eft pas toujours , ou qu'elle l’eft bien foiblement (2), (3) Journ. de Phyf. 1782 , tom. 17, page 424. (z) Pour m'en aflurer, j'ai eflayé diverfes zéolites > opaques, tranfparentes , cryftallifées ou amorphes , de Féroé, de l'Ethna & de fes alentours, de Suède, &c. Celles de Falhun & d’Adelfors, qui font amorphes, ne font point du tout phof- phoriques; celle des îles Cyclopes , quoique parfaitement tranfparente, l'eft à peine; celles de Féroé le font, mais très-foiblement, J'ai obfervé fur un joli grouppe de cryflaux tranfparens de zéolite de Féroé de ma colleétion , la figure rh idale C'eft aufi celle des cryflaux de zéolite de lEthna, dont quelques variétés font très-compliquées ; mais font toujours des modifications du parallélipipède rhomboïdal J'en pofsède une belle fuite que je tiens de M. le Commandeur de Dolomieu lui-même, qui les a découvertes : je n’ai pu retrouver dans gucun cryftal les vefliges de la figure cubique, LS LETTRE SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 44x EP LETTRE DE M. LE COMTE DE RAZOUMOWSKF , A M. L'ABBÉ MONGEZ LE JEUNE, Sur des Cryflallifarions métalliques , & quelques obfervations mineralogiques, Mowsreur, Vous avez publié il y a trois ans vos expériences fur la cryftallifation des métaux, & je viens d’achever un travail fur le même objet que je vous prie d’'inférer dans votre Journal avec les autres obfervations que j'aurai l'honneur de vous communiquer dans cette Lettre ; mais vous avez opéré en grand , au feu de fufon ordinaire ; & mes expériences au contraire, ont été faites au chalumeau; vous avez eu pour but la ctyftallifation des fubftances métalliques par un refroidiffement lent & ménagé ; moi, j'ai cherché à connoître les effets du refroidiffement fubit & fpontané; vous avez prouvé que par vos procédés , tout métal eft fufceprible d’une cryftallifation qui lui eft particulière ; par les miens au contraire , il eft clair que tous les métaux en refroidiflant, ne font fufceptibles que d’une feule & même cryftallifation, à quelques modi- fications près. Mon procédé et celui-ci : je fonds une petite mafle métallique fur le charbon , & je verfe le globule que j'obtiens , encore tout rouge & bouillant , fur une plaque de métal polie & froide; il s'applatit toujours du côté en contact avec la plaque polie, & offre alors une furface unie & brillante, fur laquelle on apperçoit la cryftallifation en queftien , qui eft en étoile, ou plutôt en rayons qui varient en quantité & quelquefois en longueur, mais non pas en largeur , convergens à un même centre, qui eft plus ou moins celui de la partie plane du globule , & qui femblent de petits prifmes allongés, joints par une de leurs extrémités , & dont il - n'y a qu'un pan de vifible & non enterré dans l'intérieur du globule. J’ajouterai que celui-ci s’applatit plus ou moins, felon la fubftance métallique que l’on traite , & felon certaines loix difficiles à détermi- .ner (1), & de velle manière que quelquefois il préfente la forme d’un (x) Ce n’eft point , comme on feroit tenté de le croire, le degré de fufbilité qui KKkk Tome XXVI, Part. I, 1785. JUIN. - à \ 442 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, petit difque épais, qui ne fait voir de convexité qu'autour de la circon= férence de l'épaiffeur qui fépare les deux petits plans inférieur & fupérieur du globule applati. J'ajourerai encore , que la couleur de chaque métal s'alrère par Le contact de l'air & du charbon, ainfi que je le ferai obferver en fon lieu. | Paflons maintenant au réfumé de mes expériences fur la cryftallifation des métaux. MÉTAUX. 1. L'or fondu & réduit en un globule, & jeté ardent fur la plaque de métal polie dont j'ai parlé, donne par le refroidiffement fubit , une étoile bien marquée, dont les rayons font prefqu'aufli fins-que de fimples ftries linéaires ; le globule s’applatit complettement en tombant, & la partie qui étoir en contaét avec le charbon , prend une teinte de rouge de cuivre, mêlée de caches d'un jaune plus clair que celui de l'or, & de taches d'un noir mât & d’un œil terne, comme la mince enveloppe ochrèufe qui environne toujours une partie des globules que donnent les métaux imparfaits & les demi-métaux (1) IL éft à obferver, que je me füis fervi dans cette expérience de feuilles d'or minces, employées communément par les Apothicaires pour dorer les pilules , & que pour obtenir un globule gros comme un gros grain de poivre ou environ, il faut fondre enfemble quatorze à quinze de ces feuilles. 2. L'argent, avec les mêmes -circonftances ci-deflus mentionnées , donne une étoile bien marquée ; le globule d'argent ne s’applatir qu’en partie en rombant (2); il devient d’un jaune d'or foible du eôré qui a été en contact avec le charbon; au refte , cet effet n’a lieu qu'après une Jongue fonte, ou après deux ou trois fontes fuccefives. Huit à neuf feuilles d'argent fuffent pour obrénir un globule plus confidérable que celui que donnent quatorze où quinze feuilles d'or. 3. Le cuivre donne une étoile moins bien marquée que les deux précédens , je n'ai pu obrenir qu'un fragment d'étoile; le lobule de cuivre né s'applatit que difficilement & en partie en tombant, ce qui vien peut-être de ce qu'on lobtient difficilement en parfaire fonte (3); détermine ès loix ; puifque l'or, l’un des mmé:aux qui entre le plus difficilement en fofon , s’applatir parfairement , tandis que l’une des fubflances métalliques la plus fufñble, le régule d’antimoine , ne s’applatit que peu & difficilement. (1) Cette écorce nch:euf eft rouge pour le globule de cuivre, grife pour le;plomb & l'étain., verdâtre pour le nickel, noire pour le cobalt, &c. (2) On comprend qu’il éft toujours queftion du globule dans l’état de fufon. (3) Comme le cuivre fetcalcins très-promptement , il fe forme ‘continuellement autour du globule en fufon une enveloppe ochreufe qui dérobe celui-ci à l’aétion de la flamme & en refroidit une partie, ce quiarrète aufli continuellement les progrès dé ïa fufon, SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 44 après le refroidiflement, fa partie convexe fait voir en certains endroits une altération de couleur en jaune & en bleu. Je n'ai pu me procurer du fer de fonte, non plus que de la platine , qui, comme l'on fait, ne peugiêtre amenée à L'état de fufon feule , mais bien par le moyèn d’un intermède, 4. Le plomb donne une étoile très-bien marquée; c'eft ,avec Le fuivant, celui qui m'a réufli le mieux. Le globule de plomb s’applatit complerte- ment en tombant & après le refroidiflement , il jaunit quelquetois du côté en contact avec le charbon. $. L’étain donne une étoile fort bien marquée ; le globule s’applatie completement en tombant, & la partie qui a été en contaét avec le charbon , devient quelquefois jaune & bleue, & prend même toutes les nuances de la gorge de pigeon (1). Ea cryftallifation de ces deux derniers métaux eft repréfentée (fig. 2 & 3, pl. 1.) , DE mMI-MÉTAU x. Je n’ai pu foumettre à l’effai que quatre régules des fix demi-métaux connus jufqu’à ce jour; favoir , ceux de nickel, de cobalt, de bifmurh & d'antimoine ; l'arfénic & le zinc ne peuvent former par la fufion au chalumeau fur le charbon un globule, parce que leur phlosiftique fe confume trop vite, & qu'ils fe volatilifent trop promptement. 6. Le nickel donne une étoile moins bien marquée que les fubftances métalliques précédentes ,apparemment par la même raifon que j'ai défignée pour le cuivre , & cette étoile eft compofée d'un perit nombre de rayons. Le globule de nickel ne s'applatic que dificilement & très-peu en tombant; la limaille de ce demi-métal bleuit du côté en contact avec l'air ou le vent du chalumeau & la flamme, & jaunit du côté qui a été en contact - avec le fupport de charbon. 7. Le cobale donne une étoile qui eft très-difficile à obtenir bien marquée, ce qui vient de ce que la tendance des molécules métalliques les unes envers les autres , eft dérangée par la grande quantité d'air qui s’introduit pendant la fufion entre les pores du métal ; c'eft ce qui occa- fionne le grand nombre de petits vuides femblables à des mailles ou à un ouvrage à réfeau , que l’on obferve après le refroidiffement fur la partie applatie du globule de cobalt ; & la forme fingulière de l'étoile qu'ony remarque , & dont les rayons font interrompus par une infinité de petits pores , & comme féparés de diftances en diftances fur toute leur longueur , (1) Ces couleurs difparoiffent lorfqu’on trempe le globule.pendant quelques inftans dans. de l’eau forte délayée. Tome XXVT, Part, 1, 1785. JUIN. Kkk 2 444 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, en petits grains arrondis pofés bout-à-bout & à la file les uns des autres; lé cobalt & le régule d'antimoine (fur-tout le premier) font les feuls métaux, dans lefquels j'aie obfervé ces bulles & ces trous ou pores plus ou moins ronds dont je viens de parler. Le globule de cobalt fondu , ne s'applatit qu'imparfaitement en tombant fur la plaque de métal polie, mais mieux que les globules d'argent, de cuivre, de nickel, d'antimoine & de bifmuth (1). La partie de ce globule qui a été en contaét avec le charbon , fe colore quelquefois légèrement en rouge brillant , en bleu azuré , ou des différentes nuances de la gorge de pigeon. La fig, 4 montre le cobalt cryftallifé, ï 8. Le régule de bifmuth donne une étoile affez bien marquée & fenfble , fur-rout étant vue avec une loupe. Le globule ne s’applatit que très-peu en tombant & après le refroidiffement, il prend un œil plus terne & une couleur plus foncée, que celle qu'avoit le régule avant d'avoir été fondu. 9. Le régule d'antimoine donne une étoile très-bien marquée, mais . elle eft ordinairement en relief autour de la partie applarie du globule, comme on peut le voir par la fig. $ ; plus rarement cette étoile eft fituée de même, & a la même forme que nous avons obfervée dans tous les régules précédens. Ce globule d'antimoine fondu ne s'applatit qu'en partie en tombant., & jaunit quelquefois après le refroidifle- ment. Ainfi, je le répète, tous les métaux fans exception, fondus & refroidis fubitement, peuvent prendre une forme étoilée, & tous ( excepté peut-être la platine ) s’alrèrent & changent pour le moins de couleur, traités au chalumeau (2). Il eft bon de dire, que tous ces effets font produits par le cône intérieur de la flamme. Je terminerai le détail de ces expériences par quelques remarques fur la cryftallifation en général. Nous confidérerons ici les fubftances cryftallifables ou fufceptibles de cryftallifation, fous trois grands ordres; favoir, en fubftances falines qui conftituent les /els proprement dits; en /els terreux ou pierreux produits des combinaifons de quelqu'acide /ubflansiel ou aëriforme avec quelque (1) Une chofe digne de remarque , c’eft que quoique la partie convexe du globule de cobalt expofée à l'air, fe refroidifle très-promptement , (plus promptement par exemple que le cuivre } il fe colle un peu par fa partie applatie à la plaque de métal polie, & ne s’en détache facilement que quelques fecondes après’, fans doute par entier refroidiflement de toutes fes parties; preuve que la matière de la chaleur le pénètre plus intimement que les autres métaux, & s’y concentre aufli davantage, (2) Je dis pour le moins, parce que cette altération de couleur ne femble être autre chofe qu'un commencement de calcination , qui dans tous les métaux fufceptibles de fe calçiner plus ou moins promptement, {e trouve accompagnée d’ochre. SUR L’'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 44s matière terreufe (1); & enfin, en fubftances cryftallifables par la fufon, qui fonc celles dont nous venons de nous occuper (2). D'après vos expériences, Monfieur , rapportées dans le Journal de Phyfique pour l'année 1781, tome XVIII, & celles dont je’viens de vous faire part , nous pouvons, je crois, pofer en principe : Que quoique tous les étres du troifième ordre pofsèdent la propriété de cryflallifèr d'une manière qui leur ef? propre , lorfqu’aprés avoir été fondus on les laifle refroidir lentement & gradativement , ils offrent cependant - au contraire tous , une cryflallifation , pour ainfi dire, unique & Jemblable lorfque le refroidiffement eff Jubir. - L'on peut, fi je ne me trompe, généralifer ce principe bien plus qu’on ne le croit, & l'étendre peut-être fur tous les corps compris fous Les deux autres ordres , dont nous avons fait mention; ceux-ci, tous plus ou moins folubles dans l'eau, cryftallifent felon leur nature par deux moyens , ou par évaporation , ou par refroidiflement; fi le refroidiffement eft ménagé, 1] en fera comme pour les métaux ; chaque fubftance différente donnera une cryftalhifation différente aufli, & qui lui fera particulière ; nous ignorons quels feroient les produits d’une cryftallifarion hätée par le refroidiffement fubit; mais plufieurs obfervations & quelques expériences n'ont appris qu’autant l'évaporation lente & graduée éloigne les formes des cryftallifations (non-feulement de fubflances différenres entr'elles, mais même de fubliances pareilles & femblables ) les unes des autres, autant une évaporation précipitée les rapproche, & donne à des matières tout à-fait diflemblables entr'elles , des formes tour-à-fait femblables ; il eft même digne de remarque que ces formes générales fe rapprochent de celles que nous avons dir que prennent les métaux refroidis fubirement; ce font prefque toujours de petites aiguilles ou petits prifmes formant des faifceaux de rayons convergens à un centre commun ; plufeurs {els métalliques , neutres ou terreux , tels que les vicriols métalliques , les vitriols alkalins ou fels de Glauber , & le eartre virriolé, le vitriol de magnéfie , V’'alun, le viriol calcaire ou félénie, nous préfentent de pareils exemples. L'on peut donc, ce me femble , croire avec quelque raifon en jugeant par analopie , que toute ou prefque toute cryflallifation, foit faline, foie pierreufe , foic métallique, formée d’un grouppe ou d’une férie de prifimes plus ou moins raflemblés en faifceaux convergens, ou en étoile, eft due, (1) Il eft à croire que la plus grande partie des pierres affe&ant une forme cry talline . pour ne pas dire toutes doivent fe ranger fous ce fecond ordre, peut-être» pourroit-on placer à la füuite des trois que nous venons de nommer, un quatrième ordre de fubflances cryfallifables, quicomprendroit les matières huileufes concrètes. (2) Je ne fache point d’autres fubfances cryftallifables par l’intermède du feu que les métaux ; peut-être le tenfs en fera-t-il connoitre un jour d’autres, 446 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, où à un refroidiflement fubit d'une matière en fufon par le contaét de quelque corps plus froid qu'elle; où à une évaporation précipitée du fluide qui cenoic les molécules cryftallifables en diffolution & à une concentration prompte de celle-ci; ces deux opérations reviennent au fond , comme on le comprend facilement , au mème, Non-feulement les fubitances falines citées ci deflus, mais plufieurs matières pierreufes du règne minéral, nous fourniffent des exemples de pareilles cryftalli- fatious ; on peut, entr'autres, citer les /chor/s à faifceaux d'aiguilles converpentes ou étoilées , les géolites, les fpaths , les quartzs cryftallifés en étoiles (1) ; il eft d'ailleurs digne de remarque que comme ( felon toute apparence ) les cas de l’évaporation précipitée doivent être très- rares dans la nature dans l'état actuel des chofes, les fubftances qui peuvent cryftallifér encore de nps jours , ainfi qu'il eft naturel de le pré- fumer par rapport au quartz & au fpath, ne prennent aufli que rarement une forme écoilée, & en affetenr plus volontiers d’autres fous lefquelles on les voit plus communément, telles que celles de prifmes, de pyra- mide hexavone , de rhomboïde polyèdre, &e, &c. Nous allons cepen- dant donner dans le cours de cetre Lettre un exemple de cryftallifation étoilée par un procédé très-long ; mais ce cas eft fort rare, & d’ailleurs les cryftallifations en étoile que produit l’art par uné évaporation précipitée, diffèrent de celles produites par une opération plus longue, en ce que les prifimes de ces dernières font plus gros, plus réguliers, moins rapprochés les uns des autres; l'exemple que j'ai promis, rendra cette vérité fenfble, en préfentant en mêmetems aux Chimiftes & aux Naturaliftes un fait nouveau, Tout le monde connoît , Monfieur , le fpath calcaire, & l’on fait que Ja nature nous l'offre fous différentes formes; mais perfonne encore que je fache, n'avoir été affez heureux pour failir, pour ainfi dire, la nature fur le fait, & la fuivre dans la formation de cette pierre. }/allerius à la vérité, dans fon Syflema Mineralogicum , tom. 1, page 157 de l'édition de Vienne, enfeigne bien une manière de faire, felon lui, du fpath ae moyen d'un mêlange de chaux & de foufre (2); mais cette méthode ne donne point un fpath calcaire, maïs une vraie félénite ; que l’on peut faire fans fe donner tant de peine. Le fpath dont parle M. de SaufJure, Profefleux à Genève, dans Jès Voyages aux Alpes , qu'il a obtenu en (x) Jai vu dans une colleion à Genèye , des grouppes de cryflaux quartzeux étoilés, blancs ,difperfés çà & là dans une mafle de grès gris ; ce beau morcéau vient du Dauphiné. ‘ (2) Voici comme ce Minéralopifte célèbre s’exprime au fujet de ce fpath artificiel: « Huc tendi arcificialis harum vriftallorum præparatio à calce viva cum fulphure » bene decoëéla 6 agitara folutione pofimodum filtrata € fponraneæ rardæ » criftallifationi repofira qua criftallÿ obtinentur fpathi fimillimæ », dm PR) PA à. SUR L’HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 247 enalyfant es eaux d'Etrembiéres , et plutôt un produit du hafard que de Part, puifque cer Auteur ne cherchoit point à faire’du fpath, & qu'il ne découvrit fon exiftence dans une bouteille remplie de ces eaux minérales, qu'il avoit abandonnée & négligée depuis long-tems, que peut-être bien après qu'il s’étoit formé (1). ® Vérs le commencement de l’année pañlée (1783) faifant quelques eflais fur un beau marbre coloré , trouvé parmi les cailloux roulés des environs de Laufanne, j'en calcinai légèrèment un fragment, qui ayant enfuite été arrofé d'eau, & celle-ci évaporée à une douce chaleur jüfqu'à ficciré ( l'évaporation ayant duré deux ou trois jours ) je vis fur la mafle reftante qui n’avoit été ni calcinée , ni difloute , une quantité de.petires éminences ou tubercules d’une blancheur éclatante, dont on ne pouvoit déteminer la forme à l'œil nu, mais qui vus avec une forte loupe, préfentoient de très-petites étoiles , compofées de rayons comme foyeux , fins comme des cheveux, & entièrement femblables à la zéolite capillaire ; je ne doutai poine que ces petites cryftallifations ne fuffent fpathiques, & je réfolus dès- lors de faire du fpath artificiel en cryftaux plus gros & mieux marqués ; je favois que l'évaporation de l'eau de chaux fur le feu à la manière ordinaire, ne pouvoit me donner qu'un réfidu terreux & pulvérulent ; je venois d'éprouver qu'il n’y avoit qu'une évaporation plus lente, prolongée pendant quelques jours , qui pouvoit me fournir une-apparence de cryftallifation, & j'en conclus que plus cette évaporation feroit longue, & mieux je parviendrois à mon but; en conféquence, je pulvérifai un nouveau fragment du même marbre dont j'ai parlé, & ayant calciné cetre poudre calcaire, je l'arrofai. d'eau diftillée, & mis au fond du vafe qui. contenoit cerre eau de chaux, une pièce de ce marbre non calciné & poli d'un côté, pour fervir de bafe aux cryftaux qui fe forme- roïient , & je l'abandonnai à'une évaporation lenre & naturelle de neuf (1) IL-paroït par les obfervarions rapporiées ci-deffous, & par la lenteur de notre opération ( dans des vaiflezux entièrement ouverts à l’air) que ce Nawralifle se trompé, dorfau’il a-cru fes cryfizux iproduits fans le fecours de l’évaporation , parce qu'il avoit fermé fa bouieille avec un bouchon ufé à l'émeril ; il y a toute apparence que ce bouchon ne joignoit pas bien avec les parois de l’orifice de celle-ci; fans l'accès de l'air dans Piriérieur de la boureille , il:paroît hors de toute vraifembiance qu'il ait jamais pu cbtenir des cryfaux de {pat ; 4! faut même avouer, que fi cet Auteur n’a omis eucure circonflahce dans le détail de fes obfervations &.expériences fur les ezux d’Etremhières , la produ&tion de ce fpath ef une énigme bien dificiie à réfosdre en Chimie "car il dir lui-mêre que ces eaux ne font point gazeufes, & contiennent de Ja terre calcaire; or celle-ci ne peut être en diffelution dans l’eau , que parle moyen de quelqu’intermede ,.& .dès que ce dernier manqué , cette terrecne peux fe trouves dans l’eau que dans un état de fufpenfion momentarée , qui cefle dès que certe eau renfermée dansun vale celle d’êtreag tée ; & dès qu’il n’y a point de diffiiution ; on comprend affez que l’on ne doit poizt attendre de cryftalli{ation, [a 448 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, mois confécutifs , au bout duquel tems elle fut entièrement ache- vée (1). : Au bout de peu de jours’, il fe forma à la furface de l’eau une mince ellicule de crême de chaux, qui fembla prendre plus de confiftance chaque mois ; mais'ée ne fut qu’au bout de cinq ou fix mois feulement que je commençai à appercevoir quelque veftige de cryftallifation , quelques rudimens de prifmes difperfés çà & là; d’abord, ces petites lames cryftallines fort minces, furnageoienc l'eau & étoient attachées à la partie inférieure de la pellicule, dont je viens de parler; peu-à-peu ils augmen- tèrent en malle & en volume, & ils tombèrent au fond du vale, & s’attachèrent en grouppe à la pièce de marbre dont j'ai parlé, ainfi qu'on peut le voir à la figure 6 , ou formoient des cryftaux uniques :& ifolés; parmi ces derniers j’avois trouvé plufieurs petits prifmes polièdres très- réguliers, tronqués , ou avec une pyramide , & des cryftaux cubiques. & rhomboïdaux , dont Jun ayant tous fes angles coupés , formoit un tetra- decaëdre parfait; n’ayant plus ces petits cryftaux que j’ai perdus, fous mes yeux, je ne faurois les décrire plus exactement ; je me rappelle feulement, que les plus gros avoient environ une ligne d’épaifleur, Quant aux grouppes de fpath étoilé, repréfentés par la figure à-peu-près de grandeur naturelle, ils font compofés d'un aflemblage de petits prifmes quadrangulaires, plats, ou dont deux des faces oppolées font lis larges que les deux autres, Ces petits prifimes font tronqués & tranfparens ; on voit aufli en a & en à deux lames fpathiques qui offrent les premiers rudimens d’un rhombe à fix côtés & d’un rhombe décaëdre (2). (x) Le vafe qui contenoit cette difflolution de chaux, étoit placé dans un coin au frais pendant l'été, dans ma chambre, qui n’étoit ni trop grande ni trop petite , & qui en hiver n’étoit chauffée que par une cheminée, & dans laquelle il régnoit par conféquent prefqu’en tout tems une température égale & uniforme. (2) Je ne dois pas oublier de dire, que je trouvai aufli attachés contre les paroïs du va£e où s’étoit faite l’opération , de petits globules parfaitement ronds & creux, auxquels il ne manquoit pour être de vraies concrétions oolithiques, que d’être compofés de plufieu:s couches concentriques autour d’un noyau; cette parité de nature de ces globules avec les oolithes, me confirma dans l’opinon que j’avois eue fur V'origine de ces corps , & que j’avois il y a quelque tems communiquée par une Lettre à un Savant de mes amis. Ces petits globules creux s’étoient formés dans le tems même de la diffolution de la poudre de chaux dans l’eau diflillée ; il s’éleva alors comme à l’ordinaire, du fond du va où elle s’opéroit, une quantité de bulles d’air, dont un petit nombre arriva à la furface de l’eau avec la mince enveloppe pierreufe dont je viens de parler , & que je ne puis attribuer qu’à une foible portion d’air fixe, développée , mais non entièrement dégagée par la calcination , & qui rendue libre par le mouvement de la diffolution, s’eftrecombinée de nouveau avec un peu de chaux, qui dans fon afcenfon au travers du fluide ambiant , s’eft moulée autour de la bulle gazeule ; que lon fuppofe pour un moment un dégagement continuel de gaz, tal qu'on l’oblerve dans certaines eaux minérales gazeufes au travers d'une grande quantité de chaux & d’une maffe d’eau corfidérable, il en réfultera toujours de Ain * SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 449 Ainf d’après les circonftances dont j'ai fait mention ci-deflus , il eft clair que le fpath calcaire eft le produit de la concentration ménagée & du rapprochement des parties de cette pellicule /a/iro-rerreufe, nommée improprement crême de chaux, par l’évaporation de l'eau furabondante ou eau de diffolution (1), ce qui eft la marche ordinaire de la nature dans la produétion de tous.les fels , & ce rapprochement, & la cryftalli- fation qui en a réfulté, ont été d'autant plus parfaits, que cette évapo- ration a été plus longue ; aufli ma première expérience n’ayant duré que quelques jours, je n’ai obtenu, comme je l'ai dit, qu'un enfemble de formes affez apparent , mais difficile à détailler, & pas un crylal ifolé ; lorfqu’au contraire j'ai laiflé agir la nature pendant plufieurs mois, j'ai obtenu des prifmes & des cryftaux bien prononcés. La crême de chaux de ma dernière expérience, n’a pas été toute employée à la produétion du fpath , une partie eft reftée fans forme & pulvérulente , parce que fans doute la petite quantité d'air fixe répandu dans l’armofphère, n'étoit pas aflez confidérable pour fa parfaite faturation; auffi je penfe que dans une atimofphère entièrement méphitique ; on obriendroit bien plus promptement des cryftaux & des cryftaux plus beaux. Mon fpath artificiel ne differe du vrai fpath calcaire tranfparentnaturel, qu'en ce qu'il fe ternit un peu à Pair à la longue & au bout de plufieurs mois; mais comme ce dernier, il décrépite au feu , fait une vive effer- vefcence avec les acides & s’y diffout. D’après l’expérience que je viens de rapporter, on peut, ce me femble, fe permettre quelques apperçus fur le tems qu’emploie la nature aux cryftallifations fpathiques, & fi toutes chofes d’ailleurs étant égales , il faut neuf mois pour la production de cryftaux ayant une ligne environ d’épaiffeur , il en faudra à-peu-près cent huit, ou neuf ans, pour un cryftal ordinaire, qui peut avoir un pouce environ d’épaifleur , & 1l faudra environ trois cens vingt-quatre mois, ou vingt-huit ans, pour la production d’un cryital épais de trois pouces comme le fpath rhomboïdal couleur de rofe, du Dauphiné, que l'on trouve parmi des drufes de cryftaux de roche, nouvelles petites couches calcaires qui fe formant de très-près, fe joindront , fe réuniront, s’arrondiront les unes fur les autres, pourront dans leur afcenfion rencon- trer quelque petit grain d’une füubflance quelconque, qui remplira le vuide de Ja première couche, & voilà les oolithes. (1) Les incruflations , Les concrétions calcaires d’un grain fin , d’une texture homo- gène, qui fouvent font voir intérieurement une apparence de cryftallifation, doivent fans doute auffi leur origine aux mêmes caufes que le fpath , comme je l’avois déjà foupçonné ailleurs, & comme l’expérience me l’a prouvé depuis , & ne different de ce dernier, que comme un fel obtenu fous l’état pulvérulent & terreux, s’il eft permis de s'exprimer ainf, diffère du même fel dans l'état de cryftailifation, c’eft-à-dire, qu'il entre dans la combinaïfon du fpath, une plus grande quantité d’eau de cryftallifation. Tome XXVI, Pare. I, 1785, JUIN, LI1 450 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, Comme il paroît que les fubftances cryftallifables , cryftallifent d’autane lus difficilément qu’elles s'éloignent davantage de la nature des vrais Es ,on peut fe repréfenter quelle immenfité de tems il faut, par exemple, pour la produétion du éryflal de roche ; aufli M. Bergmann, pour obtenir des cryftaux de cette nature pas plus gros qu’un pois ou environ deux lignes, employa deux ans entiers; je penfe donc, que pour former un cryltal de roche grand d'environ trois pouces & demi, comme les plus beaux cryftaux ordinaires (x), la nature emploie environ quarante-deux ans, & fans doute un tems prodisieux, & une longue fuite de fiècles pour ces cryftaux d'une taille prefqu'inconcevable, pefans plufieurs quintaux. ; Je terminerai, Monfieur, cette Lettre , pour la prolixité de Jaquelle je vous demande pardon , par la défcription d'une variété de {chorl entière- ment nouvelle, & dont je ne fache pas qu'aucun Minéralogifte ait jamais parlé avant moi. Ces fchorls m'ont été vendus par un Marchand de minéraux, allemand, nommé Wizard, qui m'a afluré qu'ils venoient du Tirol ; quant à moi je ne vous l'aflurerai pas, parce que je fais fort bien qu’un Marchand n'eft pas toujours un homme digne de foi ; quoi qu'il ten foir, ces fkorls ne font affurément pas du même endroit où l’on trouve les tourmalines & certains fchorls verds du Tirol. Trois de ces fchorls font implantés dans un beau quartz gras demi-trarfparent; on peut les nommer /chorls articulés ; c’eft auñi la pierre de ce genre qui mérite le mieux le nom de bafalre, à caufe de l'analogie de fa forme avec celle du ba/alte en colonne. Le plus gros & le mieux confervé des trois fchorls a près de deux pouces de longueur , fur neuf lignes de diamètre ; il forme à la vériré (ainfi'que tous les autres de certe variéré que j'ai vus) un prifme polyëdre ; mais dont les pans font fi peu marqués & les angles fi peu faillans, que dans la totalité de fa forme il reffemble encore mieux à un gros cylindre. Ces fchorls font d’un beau noir luifant, compofés d’articulations plus où moins minces; mais donc la plus épaiffe , peut avoir environ une ligne & demie d’épaifleur, & qui elles- mêmes font compofées de lamelles de différentes groffeurs, & qui differenc par leur arrangement du fchorl lamelleux ‘ou fibreux connu ; les lamelles qui compofent ce dernier étant parallèles à fa longueur, tandis que dans le /chorl articulé , elles font fuperpofées les unes aux autres perpen- diculairement à la longueur de celui-ci. Ce que ces fchorls offrent de (x) Ces dimenfons ont encore été prifes {ur des cryffaux venans du Dauphiné. En calculant le tes qu’emploie Ia nature à la produétion des cryftaux fpathiques , je mai fait mention que de cryffaux rhomboïdaux , parce que mon fpath artificiel, qui m'a fervi de terme de comparaifon, étoit rhomboïdal ; de mémé, je n’ai prétendu parler que des cryftaux de roche prifmatiques les plus communs , parce que les cryflaux artiôciels obtenus par M. Bergmann, étoient auffi prifmatiques. SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS 4çx plus intéreffant & de plus remarquable, c’eft , 1°. que l'on voit évidem- ment qu’ils fe font formés poftérieurement au quartz qui les renferme, &c que celui-ci étoit mou lors de leur formation , parce que dans certains endroits, où la mafle d’un cryftal a été interrompue par quelqu'accident, on voit dans le quartz l'empreinte parfaite de la partie du fchorl qui manque ayec fes articulations. 2°. Que chaque cryltal de fchorl ne s'eft pas formé cout-d’un-coup, mais peu-à-peu, & par l'appolition fucceflive de nouvelles lamelles & de nouveaux articles en différens tems; cela eft rouvé, à ce qu'il me femble, par les lames d'une finefle extrême ou efpèces de pellicules blanchätres quartzeufes , interpofées entre chaque article ; de forte qu'il paroît évident , que chaque article a été fuccelli- vement recouvert par une croûte quartzeufe, celle-ci par un nouvel article de la matière du fchorl, & ainfi de fuite (1). Cependant comme ces articles fe confondent quelquefois les uns dans les autres, il paroît que la formation de chaque article , a fuivi de très -près celui qui l'a précédé, 3°. Que la pellicule quartzeufe ircerfolice avec les articulations du fchorl, étant très-reconnoiflable pour être de même efpèce que le quartz gras fervant de matrice à nos fchorls du Tirol, il paroïît encore que cette pellicule (2) eft due à la décompofition du même quartz, 4°, Dans un autre échantillon qui m'a été vendu en même-tems que celui dont je viens de parler, on voit la matière quartzeufe elle-même dans la proximité d'un cryltal de fchorl , affecter des feuillers & une apparence de lames; de forte qu'il femble que le quartz lui-même pafle à l’état de fchorl (3). Je profite de cette occafion, Monfieur ; pour vous aflurer de mes fincères regrets, de ne. m'être point trouvé à Laufanne lors de votre paflage par cette ville, & de l’eftime diftinguée avec laquelle j’ai Phonneur d’être, Votre très-humble & très-obéiflant fervireur , Comte G. DE RAzoUmMoOwsKY, À Vernand, près de Laufanne, ce 23 Novembre 1784. (x) Ces lames minces d’un quartz blanchâtre ou jaunâtre , encaiflées , pour ainf dire , entre chaque articulation du fchor] qui eft entièrement noir , forment un contrafte fingulier, & très-agréable à la vue, (2) Sije connoiflois une expreflion pus vraie, plus appropriée à La chofe , je l'employerois. (3) Cette variété de fchorl vient de Bretagne & non du Tirol. (Note de l'Editeur.) Tome fx, Part. I, 1785, JUIN, Lil 2 42 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, SUITE DES OBSERVATIONS Sur lAcide marin dephlogifliqué (1) ; « Par M. PerzeTier, Membre du Collège de Pharmacie de Paris, & Correfpondant dé l'Académie Royale de Turin. rlonsous j'ai confidéré la nature de Veau régale, dans les , proportions de parties égales d'acide nitreux pur & concentré, & d'acide marin, j'ai choili ces dofes afin d'expliquer comment le gaz acide marin déphlogifliqué pouvoit abforber le gaz nitreux ; aufli ai-je dit que l'acide marin décompofoit l'acide nitreux , qu'il lui enlevoit l’air déphlo- giftiqué, & que le guz nitreux à nud , étoir fur le champ abforbé par Vacide marin déphlogiftique nouvellement formé. Maintenant j'obler- verai que fi l'acide nitreux eft employé en moindre dofe , alors il y a non-feulement abforption de l'air déphlogiftiqué , mais encore Le gaz nitreux paroît lui-même décompofé & changé en air déphlogiftiqué , l'expérience fuivante femble nous le prouver : ayant mêlé une once & demie d'acide marin & demi-once d'acide nitreux pur , tous deux con- centrés , j'y ai ajouté une once & demie de mercure, j'ai enfuire procédé à la diffolution à l'appareil pneumato-chimique, & lors de la diflolution , il n’y a point eu de gaz nitreux : le peu d'air que j'ai obtenu , éroit du gaz acide marin déphlogiftiqué ; ce qui reftoir dans le matras, étoic du mercure fublimé corroûf, Ici nous n'avons pas eu du gaz nitreux , cepen- dant tout l'acide nitreux employé a été décompofé ; il paroïc donc que l’acide nitreux peut être décompofé en totalité, & changé en air déphlogiftiqué (2). (1) Ces Obferyations ont été lues à l’Académie Royale des Sciences, le 8 avril 1785. (2) Je ne regarde point cette expérience contraditoire à celle dont j’ai fait part dans mon dernier Mémoire ( Journ. de Phyf. mai 1785 ), parce qu'ici j’employois J’acidé nitreux , non-feulement en petite quantité, mais encore n’étant pas combiné au mercure ; puifque je commence par lunir à l’acide marin, avant d'y ajouter le mercure ; au lieu que lorfque jai parlé de la décompoñtion de la diffoiution nitreufe de mercure par l’acide marin avec produêtion de gaz nitreux , je me fuis fervi d’une d'ffolution nitreufe de mercure fur laquelle je verfois de l’acide marin , & j’aidois la décomoofition en chauffant le mélange ; j'ai obfervé depuis que le nitre mercuriel cryflallifé étant traité à froïd avec lacide marin, fe décompofoit avec produétion de chaleur & fournifloit un peu de gaz nitreux. La diflolution refte tranfparente & d’un rouge foncé, & fi on vient à la chauffer , elle perd cette couleur & donne encore du gaz nitreux. INore ajoutée depuis La leure du Mémoire. SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS 453 . 2°. Si on prépare l’acide marin déphlogiftiqué, en diftillant de l'acide marin fur la manganèfe, & qu'on faile ufage de appareil au mercure, on na point du tout d'air, & cela parce que le mercure abforbe rout Pacide marin dépblogiftiqué qui paîle à l'étar de gaz , & il forme avec ui du mercure fublimé corrofif, comme je lai déjà obfervé. 3°. J'ai fait pafler dans deux pintes d'air inflammable ( retiré du fer par l'acide vitriolique) deux pintes d'air acide marin déphlogiftiqué ; le mélange a préfenté un nuage épais, & en agitant la cloche fur l’eau, j'ai obfervé qu’il y avoit une abforption de deux pintes , & l'air inflam- mable qui reftoit détonnoit avec la plus grande force fans nulle addition. J'obferverai aufli que l'air acide marin déphlogiftiqué n’a pas été abforbé comme tel, mais comme acide marin ordinaire, & comme le volume de l'air qui refloit n'étoit que de deux pintes, & qu'il s’elt rrouvé être un mélange d’air déphlosiftiqué & d'air inflanimable , j'ai rout lieu de croire quil y a eu une portion d'air inflammable qui fera entrée en combinaifon avec l'air déphlogiftiqué, & tous deux auront fourni un nouvel être qui aura été abforbé par l'eau, & d’après l’obfervation de M. Prieflley , le rélidu de cette opération qui eft un mélange d'air inflammable & d’air déphlogiftiqué , doit à la longue fubir une nouvelle décompofition , & fournira des principes nouveaux, & on n’y reconnoîtra plus ni l’air inflammable ni l’air déphlooiftiqué. Ceci peut nous faire voir pourquoi l'acide marin déphlogiftiqué diffout le fer fans produire de l'air inflammable; c’eft que dans cette combinaifon les principes du fer abforbent tout l’air déphlogiftiqué que peut leur fournir l'acide marin déphlogifliqué : ceci nous fair voir auf, pourquoi l’acide marin déphlo- giftiqué , comme tel, ne contracte point union avec les alkalis ; c’eit que dans les alkalis il ne fe trouve rien qui puifle abforber l'air déphlogiti- qué que contient l'acide marin déphlogiftiqué , & pour que la combi- naifon puifle avoir lieu, il faut de néceflité que l'air déphlogiftiqué abandonne l’acide marin ; aufli lorfqu'on chauffe un mêlange d’acide marin déphlogiftiqué & d’ün alkali quelconque, il y a toujours de Fair déphlooiftiqué féparé, De plus, fi on décompofe la liqueur fumante de Boyle par l'acide le plus foible, même par le vinaigre, cet acide s’unira à l'alkali volaril, & alors le foufre fe précipitera fous la forme d’un magiflère, & il y a dégagement d’un gaz hépatique inflammable ; mais fi je décompofe la même liqueur fumante par l'acide marin déphlosiftiqué , aufli-tôc il y a décompofition , précipitation de mapiflére , & l'air déphlouiftiqué eft abforbé: l’acide alors s'unit comme acide marin ordinaire avec l'alkali volaril, & il régenère du fel ammoniac, mais il ne paroît point qu'il y ait du tout d’air inflammable hépatique dégagé. , Les mêmes phénomènes ont lieu avec tous les autres foies de foufre. 454 OBSERVATIONS SUR LA PHFSIQUE, Acide marin déphlogifliqué (1), & Efprit-de-vin. Toutes mes expériences m'ayant fait voir que lacide marin ne s’unifloit avec l’étain, le mercure, &c. qu'en raifon de l’état où il étoit, & qu'il y encroit toujours comme acide marin déphlogiftiqué, inftruit d’ailleurs qu’il falloit avoir recours à la liqueur fumante de Libavius pour produire l'éther marin, je n'ai point douté dès ce moment que ce ne fût qu’en raifon feule de fa déphlogiftication que l'acide marin agit {ur l'efprit-de-vin. J’avois donc à traiter l’acide marin déphlogiftiqué avec Fefprit-de-vin , & pour y procéder , j'ai mis en ufage les moyens fuivans : É J'ai mis une once & demie de manganèfe dans une cornue, j'y aî verfé enfuite cinq onces d'acide marin concentré , ainfi que trois onces d'efprit-de-vin ; j'y ai aufi-tôc adapté un ballon qui recevoit un tube qui plongeoïit dans quatre onces d’efprit-de-vin, & j'ai de plus recueilli les vapeurs élaftiques à la faveur de l'appareil pneumatique. Pendant la difillation je n’ai fait ufage que d'un très-petit feu, & j'ai eu pour produit une liqueur très-éthérée, pefant cinq onces & demie, & légère- ment acide ; l'efprit-de-vin que j’avois mis pour condenfer les vapeurs, avoit augmenté d’une once, & il avoit acquis une faveur éthérée très- agréable. Pendant cette diflillation je n'ai eu de trois chopines d'air qui m'a paru de l'air ordinaire & même celui des vaifleaux ; ainf tout (:) Plufieurs perfonnes m'ont obfervé que j’aurois dû, d’après mes expériences , changer la dénomination d’acide marin déphlogifliqué. Je dois donc dire les motifs qui m'ont engagé à l'adopter, Premièrement , cette dénomination étoit déjà reçue , & d’ailleurs, comment exprimer l'excès d'air pur, d'air vital, d'air déphlogifiqué , que j'y avois reconnu, Le mot déphlogiftiqué l’exprimoit, parce que déphlogiftiqué ou avide de phlogiflique, font aujourd’hui fynonimes ; & mes expériences me prouvoient que cet acide avoit une grande aétion fur les fubflances inflammables ; puiqu’il décompofe Parfénic, le phofphore & lefprit-de-vin, &c. Le défigner fous le nom d’acide marin faturé d'air viral, c’eût été faire envifager que cet acide pouvoit être pris intérieurement fans danger , tandis que mes expériences m’avoient prouvé le contraire, Un chien bien portant, à qui j’avois fait prendre demi-once d’eau faturée de ga acide marin déphlogifliqué, n'a vécu que huit heures, & à peine l’eut-il prife, qu'i lui fürvint une efpèce de convulfion qui dura jufqu’à fa mort. L’ayant ouvert, je lui trouvai la partie interne de l’eflomac tachetée de rougeurs & comme gangrenée : lœfophage, ni les autres vifcères, ne me parurent point endommagés. fa auffi fait pafler des grenouilles dans cette efpèce d’air , elles y perdirent la vie dans quatre minutes. C’eft à tort, dira-t-on, qu’on le nomme acide ; mais comment défigner un être qui par fon énergie, diflout les métaux , décompof® les foies de foufre , détruit la couleur du tournefoi, & qui mélé à une forte infufñon de fleurs de violettes fraiches, la fait pafler par différentes nuances, même d’un rouge cramoifi, avant d’em détruire la couleur, Noye ajourée depuis la letfure du Mémoire, SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 455 le gaz acide marin déphlogiftiqué s’eft uni à Fefprit-de-vin, & a changé ce dernier en éther marin. Cette expérience qui fournir à la Médecine un éther , dont elle ne feroir ufage, à caufe de la complication du procédé qu’il falloit employer , nous donne encore de grandes lumières fur la nature & la compolition des échers, Je n'infifle pas davantage fur cette opération , parce qu'il me refte des expériences à terminer fur ce fujet; il me fuffit aujourd’hui d’annoncer la poñlbilité de faire l’éther marin en très-grande quantité. Je ferai encore part de l'expérience fuivante : fi on mêle un peu d’acide nitreux à une certaine quantité d'acide marin , tous deux concentrés, & qu'on y ajoute de l'efprit-de-vin , alors acide marin agira avec force fur Pefprit-de-vin , & le changera en éther matin; & il n'y a point lieu de croire, qu'il y ait du tout d'éther nitreux de produit, puifque l'acide nitreux étoit décompofé en totalité. L’acide nitreux ne fert donc qu'à fournir à l’acide marin les principes qui lui deviennent néceflaires, pour qu’il réagifle fur le mercure, &c. ainf que fur l'efprit-de-vin. Décompofition des combinaifons métalliques ou des métaux unis à l'acide marin déphlogifliqué par l'addition de nouvel air déphlogifliqué. ._ HN me refte à parler d'une obfervation relative à la propriété qu'a l'acide nitreux de précipiter les métaux de leur diffolution dans l’acide marin déphlogiftiqué. Ainfi l'acide nitreux ne décompofe le beurre d’antimoine , &c. que parce que l'acide nitreux lui-même eft décompofé, & fournit à la partie réouline de l’antimoine l'air déphlogiftiqué qui lui eft néceflaire pour la réduire en chaux ; alors l'acide marin déphlo- giftiqué ne peut plus la tenir en diflolution , parce que l'acide marin déphlogiftiqué ne diffout point les chaux métalliques ; ainfi la neige + d’antimoine, le précipité per fe , &c. ne font point folubles dans l'acide marin déphlogiltiqué, mais ces chaux métalliques le font dans l’acide marin ordinaire, &c. NOUVELLES OBSERVATIONS SUR LA FORMATION DES ÉTHERS; Par M. Perrerier, Membre du College de Pharmacie ile Paris, €c, ane j'ai annoncé mon procédé pour faire lécher marin, j'ai infifté fur les nouvelles lumières que cetre découverte alloit répandre fur la formation des éthers ; jen avois fait part, il y a du tems, à M. 436 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, d’Arcet, & ce fur d'après fon confeil que je fis des expériences pour concilier la théorie des éthers avec celle que la confeétion de l’éther : marin venoit de m'offrir. Je dois aufli obferver que tout ce que je pourrai dire eft un développement des connoiffances que j'ai pu ac- guérir auprès de M. d'Arcer, & je lui rends aujourd'hui ce témoignage public de ma reconnoiflance. De l'Ether vitriolique. Nous ne pouvons confidérer l'éther vitriolique fans examiner Ia nature de l'huile de vitriol qui fert à le produire. M. Lavoifier a bien prouvé que le foufre ne pañloit à l’état d'acide vitriolique, qu'après avoir abforbé une très-crande quantité d'air déphlogiltiqué ; ainf , fi Fon mêle parties égales d'huile de vitriol & d'efprit-de-vin ; on obtient, 1°, de l’elprit-de-vin ; 2°. de l'éther ; 3°. de Pacide fulfureux & de lhuile douce, & ce qui refte dans la cornue eft un mélange d’huile de vitriol, de foufre & de matière bitumineufe. Comment donc l’huile de vitriol agit-elle fur l’efprit-de-vin ? finon qu'en lui fourniffanc de l'air déphlogiftiqué; & le foufre qu'on retire du rélidu en eft une preuve non doureufe. < Relativement à l'huile douce, il paroît affez probable qu’elle eft due auffi à une combinaifon de l’air déphlogiftiqué avec l'écher , ou, peut- être , eft-ce de l’éther qui a reçu une nouvelle quantité d'air déphlo- giftiqué; ce qui pourroit le faire foupçonner, c'eft que l'huile de vi- triol réagit fur l’écher, purifié, & le change en partie en huile douce, comme M, Baurmé l’a obfervé ; ainfi l’éther & l'huile douce ne feroient que des combinaifons où l'air déphlogiftiqué entreroït en plus ou moins grande quantité; il nous refte maintenant la matière bitumi- neufe qu'on trouve dans le réfidu; hitume qu’on n'obtient point dans la préparation des autres éthers; ce qui pourroit nous le faire regarder lui-même comme produit dans l'opération, par une combinaifon des” principes de l’efprit-de-vin avec l’acide vitriolique & même l'air dé- phlogiftiqué. Je pourrois ici m'appuyer de l’opinion de M. d'Arcet, qui ne regarde les réfines que comme des huiles effentielles qui ont abforbé l'air déphlogiftiqué, & vraifemblablement il en eft de même des bitumes. Quant au changement des huiles effentielles en réfines, j'ai une expérience qui prouve que ce n'eft point à la privation de l'humidité qu'il faut rapporter la différence entre les huiles effentielles & les réfines: j'ai tenu pendant quatre mois de l’huile effentielle de thérébenthine dans une bouteille à médecine fur Le bain de fable d'un poële qu'on allumoit tous les jours; & cependant l'huile effentielle n'a pas paflé à l’état de réfine, elle eft reftée fluide, & elle ne s'eft oint non plus volatilifée, ce qui prouve aufli que l'eau favorife Énan la volatilifation des huiles eflentielles, Toute l'huile de vitriol qu'on ban op SUR L'HIST. NATURELLE ET LÉS ARTS. 457 qu'on a employé pour la préparation de l'éther n’eft point décompofée, aufli peut-elle fervir de nouveau à faire l'éther, comme M. Cader l'a obfervé, & vraifemblablement elle pourroit fervir à en produire, jufqu'à ce que la liqueur ne füt plus acide; mais ce qui y met de grands obftacles , eft que la matière devient épaifle, & alors l'acide fe trouve empaté, & ne peut plus agir fur l’efprit-de-vin, d'autanc en- core que le mélange doit être bouillant pour qu'il y ait de lécher produit. Ce qui prouve que l'air déphlogiftiqué tient très fort dans la combinaifon de l'acide vitriolique , & qu'il y eft combiné d’une manière plus intime, qu'il ne l’eft dans les autres acides. Il nous refte préfen- tement à examiner fi l'acide entre dans la compofition de l'écher ; mais ce n'eft point l'objet vers lequel j'ai dirigé mes expériences; j'ai feulement cherché à prouver que les acides fournifloient de l'air dé- phlogiftiqué à lefprit-de-vin pour le .changer en éther. De l'Ether nitreux. La préparation de l'éther nitreux a fait l’occupation de plufieurs Chimiftes diftingués. Je n'entrerai point dans les diverles manipula- tions qu'on a propofées. Il me fuffic d’examiner le mêlange de l'acide nitreux & de l’efprit-de-vin : fi, par exemple, on mêle huit onces d’efprit-de-vin avec fix onces d’acide nitreux fumant , ce mélange ne tardera pas à produire une effervefcence confidérable, & l’éther nirreux diftillera aufli tôt; mais ici on ne reconnoît plus l’acide nirreux. Il fe décompofe en totalité, & l'air déphlopiftiqué qui réfulte de certe dé- compofition entre dans celle de l'éther nitreux ; il refte aui dans la cornue une matière faline que Hierne avoit apperçcue , & que M. Bergman & d’autres ont reconnue pour l’acide du fucre: mais certe fubftance faline ne contient point non plus de l'acide nitreux; voilà donc encore une décompofition totale de l'acide nitreux où on ne reconnoîc pas la préfence du gas ritreux. Nous n'avons point obtenu ni de l'huile douce, ni de la matière bitumineufe , parce que la quan- tité d'air déphlogiftiqué que fournit l'acide nitreux eft fufifante pour détruire toute celle qui pourroit être formée. Ainf, fi lon prend du réfidu d'écher vitriolique, & qu'on y ajoute un peu d’aride nirreux fumant , auffi-tôt il y a dégagement de gas nitreux, & l’air déphlo- giftiqué détruit la matière bitumineufe qui y étoit contenue, & fi on a mis aflez d'acide nitreux , il fufit de chauffer légèrement pour avoir de l'huile de vitriol blanche; mais ce procédé ne feroit point avan:a- eux pour blanchir les réfidus de l'éther vitriolique; & je ne le cire qu'afin de faire voir pourquoi l’acide nitreux traité avec lelprit-de- vin, ne produit pas de matière birumineufe. Tome XXVL, Part. 1,1785. JUIN. , M mm 458 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, De l'Ether marin. La préparation de cet éther a été regardée pendant long-tems im- pofible , & le procédé que M. de Courtanvaux nous a donné enfuite, n'a été répété dans les laboratoires , que comme un fait’ d'inftruction & de curiofré. Cet éther cependant avoit beaucoup occupé dans tous les tems les Chimiftes, & M. Baumé eft de ceux qui a fait les expé- riences les plus fuivies pour tâcher de combiner l’acide marin avec Pefprit-de-vin. M. de Courtanvaux , perfuadé, d'après tous les Chi- miles, que l'acide marin ordinaire, quelque concentré qu'il für, étoit encore trop phlegmatique pour agit fur l'efprit-de-vin., imagina de faire ufage de la liqueur famante, il la méla à l'efprit-de-vin, & par la difillation il obtint de l’éther marin: M. Rouelle en prépara de même en traitant l’efprit-de-vin avec. le beurre d’antimoine : M. de Lauragais a aufli obtenu une liqueur légèrement éthérée de la diftilla- tion du mélange de l’efprit-de-vin & d'une diflolution de zinc par l'acide marin. J'ai eu aufli occafion d'obferver que la teinture de mars Angloife, qui eft un mélange d'efprit-de-vin & de diflolution rapprochée de fer par l'acide marin, prenoit à la longue une odeur éthérée, Les phénomènes finguliers que préfentoit l'acide marin déphlogif- tiqué, me firent efpérer que je pourrois obtenir de l'écher marin en le mélant à l’efprit-de-vin. Je fis cette expérience il y a quatre ans, & du mélange de quatre onces d’efpric-de-vin & de quatre onces d'acide marin déphlogiftiqué, je n’obtins que de l'efprit-de-vin éthéré; mais en novembre 1784, ayant eu connoiflance de l'appareil & du procédé ingénieux de M. Woulfe, pour préparer l’éther nitreux, je me fervis de la même idée & du même appareil pour préparer l'écher marin (1). M. Woulfe prend pour fon éther nitreux un mélange d’efprit-de-vin & d’huile de vitriol qu'il diftille fur du nitre, & pour l’éther marin je fais un mêlange d'acide marin fumant & d'efprit-de-vin que je dif tille fur la-manganèfe, avec l’appareil indiqué ; j’ai donné dans mon dernier mémoire les dofes dont je fais ufage. J'ai répété plufieurs fois ce procédé devant des perfonnes inftruites, & j'ai toujours obtenu de lécher marin en quantité : j'ai cherché depuis à fimplifier le procédé , & ayant obfervé que le fel marin mêlé à la manganèle, donnoit avec l'huile de vitriol de l'acide marin déphlogiftiqué; je n'ai point douté de la réuffite de l’éther marin, en ajoutant au mélange de l'efprit- de-vin : en conféquence j'ai introduit dans une grande cornue tubulée — (x) Voyez l’eppareil de M. Woulfe, dans le Journal de Phyfique ,noyembre 1784. SUR L'HIST, NATURELLE ET LES ARTS, 4ç9 un mêlange de ‘huit onces de manganèfe & d'une livre & demie de fel marin, alors j'y ai ajouté un fecond mélange de douze onces d'huile de vitriol, & de huir onces d'efprit-de-vin ; j'ai procédé à la diftillation à une douce chaleur, & j'ai obtenu une liqueur très- éthérée, pefant dix onces, dont j'ai retiré-par la reétiñication quatre onces d'éther. J'ai eu aufi occañon d’obferver dans la rectification de l’éther ma- rin, que l'alkali mis pour faturer l'acide produifoit une vive effer- vefcence, & qu'alors il y: avoit une huile blanche & quelquefois citrine qui fe féparoit en très-grande quantité, & qui tantôt nageoit fur la liqueur & fe reprécipitoit enfuite. Certe huile que je compare à l'huile douce obtenue dans la préparation de l’éther vitriolique, eft d'une faveur très-forte, aromatique & amère; & comme pour ne pas perdre du tout d’éther, j'ai roujours introduit le tout dans une cornue de verre pour être diftillé-, l’éther monte à la plus douce chaleur, & on voit dans la cornue cette huile venir nager à la furface de la li- queur ; elle fe colore toujours de plus en plus, & lorfque l’éther a fini de pafler , cette huile difparoît, & la liqueur qui refte dans la cornue eft très-noire (1). Ce dernier procédé n’eft préférable au premier, que parce qu'on emploie directement le fel marin à la place d'acide marin qui demande une préparation particulière ; au lieu de deux opérations c'eft n'en avoir qu'une; mais lun & l’autre de ces procédés ont leurs avantages, uifqu'il m'a paru que le premier fournifloit une plus grande quantité d'éther; il refte donc bien prouvé que les acides vitriolique, nitreux & marin déphlogiftiqué , ne changent l'efprit-de-vin en éther que par l'air déphlopifiiqué qu'ils lui fourniffent. De PEther acéteux. Il ne me fera pas difficile de rapporter la même théorie à la pré- paration de léther acéreux , puifque pour cet éther on fair ufage du vinaigre radiçal, acide qui contient de l’air déphlogiftiqué, & que M. Bertholet a regardé avec raifon comme très-différent du vinaigre ordi- naire, J'ignore quel eft Le travail de ce Chimifte; mais ici je ne con- Lo] (x) Le dernier produit qu’on obtient dans cette redification étant mêlé à l’eau, on obferte qu'il y a une huile qui fe fépare , laquelle eft blanche & va fous l’eau, M. Rouelle fai{oit voir auffi dans fes démonftrations de l'huile douce pefante obtenue dans la préparation de l’éther vitriolique; mais il ne difoit point comment äl l’obtenoit, Tome XXVT, Pare, I, 178$. JUIN, M m m 2 460 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, fidère le vinaigre radical que relativement à fon aëtion fur l’efprit-de- vin. M. de L'auragais a fait le premier l’éther acéteux, & M. d'Arcet a depuis obfervé que le même réfidu pouvoit fervir plufieurs fois à la réproduétion de nouvel éther. M. d’Arcet a bien voulu me donner de ce rélidu , avec lequel il avoit préparé quatre fois de l'écher acéteux : ce réfidu étroit coloré & trouble, J'en ai agité une petite quantité dans un matras plein d'air dé- phlogiftiqué, & j'ai obfervé que la liqueur s’éroit éclaircie, & il y a eu une couche d'huile qui eft venue à la furface , & lorfque j'ai plongé le bec du matras dans du pareil réfidu , il y a une petite abforption. L'acide nitreux blanchir ce réfidu, & il y a dégagement de gas nitreux mêlé d’air phlogiftiqué. Ce réfidu attaque le cuivre en régule avec moins d'énergie que le vinaigre radical. Toutes ces expériences prouvent donc que le vinaigre radical fert à la production de l’écher en raifon de l'air déphlogiftiqué qu'il contient. D'ailleurs il eft connu que le vinaigre attaque peu le cuivre, tandis qu'il diflout bien fa chaux ( ou le cuivre uni à Pair déphlogiftiqué), & ce qui refte après la diflillation des criftaux de verder, n'eft plus une chaux de cuivre, mais du cuivre en réoule, & il fufñit de donner un grand coup de feu pour avoir le culot de cuivre. M. Prouft nous a fait connoître que ce réfidu s'enflammoit; ce qui eft dû à l’avidité avec laquelle il attire l'air déphlogiftiqué ; ce qui eft accompagné de chaleur affez forte pour enflammer la matière charbonneufe qui s’y trouve avec le cuivre (1). (r) Pour que cette expérience réuffiffe , il ne faut point poufler trop loin la difillation des cryftaux de verdet; car fi la difillation eft achevée, le réfidu ne s'enflammera point; mais fi elle n’a point été complette, alors on pourra obferver le phénomène que M. Prou/? a indiqué ; & dans le cours de cette opération , il fe dégage une très-grande quantité d’air : jy ai plongé une bougie allumée qui s’y eft éteinte, Mais l'ayant agité avec les alkalis vo/aril & fixe caufliques, il y a eu une grande ab{orption. Les alkalis ont été aérés , & Pair reftant étoit inflammable; & fur Ja fin de la difillation l’air inflammable pafle plus pur, mais il brûle avec une flamme verte : cette couleur verte que donne toujours le cuivre, feroit elle due dans cette circonftance à une petite portion de cuivre volatilifée par l’air inflammable? Quant à la produétion des airs fixe & inflammable , je la crois due à la décompofition de l'acide acéteux , déjà obfervée par MM. Fontana & Bercholer. dE cn Ds SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. st a DESCRIPTION D'un Infrument propre à mefurer le penchant d’un terrein ; Par M. InocHopsor. Dax: les différentes opérations géométriques faites pour établir ane communication entre le Volga & le Tanaïs, on s’eft fervi d’un inftru- ment particulier qui a donné avec précifion , non-feulement les diffé- rences horifontales de toutes les lignes prifes pour bafe, mais encore leur penchant , afin d’eftimer l'élévation d’une extrémité fur l’autre, ainfi que les fections du lit du fleuve Camyfchenska. Je vais donc ici donner la defcription de cet inftrument, à caufe de fa ftructure particulière , & fur-tout parce qu’il peut fervir dans beaucoup de cas pour avoir le nivellement exact de la Newa, A CB ( voyez fig. 1, pl. 2) eft une traverfe d'un bois dur & parfaire- ment fec. Son épaifleur eft d'environ un demi-pouce ; & fa longueur, d'un montant à l'autre, eft d’un plus de dix pieds de Londres (1). Certe traverfe s’ajufte avec les montans à angles droits. La hauteur des mon- tans AE, B D, depuis le bas de la traverfe, eft de deux pieds, A l'extré- mité des montans font implantés deux cones de cuivre tournés PP, dont es deux pointes ou centres font exaétement éloignés de dix pieds, Vers la bafe des cones font deux rondelles e , Z, qui fixent la profondeur dont les pointes entrent dans la terre; ce qu'il faut bien obferver à chaque fois qu’on opère avec cet inftrumenr. Si le terrein fur lequel on opère eft très-dur, on appuye feulement la pointe deflus, & l'on marque la trace de celle du montant antérieur , afin d'y placer celle du montant poftérieur. On peur faire ces cones ou pointes en fer, & peindre à l'huile la traverfe & les montans, afin que l'humidité n’altère pas leur dimenfion, . FGH eft un demi-cercle de cuivre fixé à la traverfe divifé en degrés & en demi-degrés. KMN eft une règle de laiton très-mobile fur fon axe d'acier 6n & poli, & fixé au centre du demi-cercle. Elle eft retenue fur cet axe par une vis M. À fa partie fupérieure elle porte un nonius avec lequel on peut eftimer chaque minute d'un degré. La partie qui porte le nonius eft taillée en bifeau, afin que l’on puifle rapporter plus exa@tement les divifions du nonius & celles du cercle. A la partie inférieure on applique un poids X qui maintient la règle dans une fituation verticale. Ce poids (1) On peut lui donner la longueur de dix pieds mefure du pays où on l'employera. 462 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, rmé de deux boules de métal unies enfemble ; celle qui eft en- dedans roule dans une rainure femi-circulaire, & au moyen de la visR,, pallant à travers les deux lames de la règle, on l'avance, ou la recule fuivant le befoin , jufqu'à ce que le commencement du nonius réponde exactement au 90" degré lorfque l'inftrument -eft horifontal, On peut par ce moyen corriger toutes les erreurs que différentes caufes occa- fionneroient. L'inftrument placé fur un terrein en pente, la règle montre le degré & les minutes de fon inclinaifon; & afin que l'obfervation foit plus sûre, on la répète après avoir fait mouvoir la règle. El faut avant l'opération avoir foin de vérifier l'inftrument. Pour cela ; ayant pofé le montant D à droite & celui E à gauche, on obferve l'inclinaifon du fol; on change enfuire l'inftrument de côté, de façon que le montant E fe trouve à droite & celui D à gauche, on obferve de nouveau l'angle d’inclinaifon, La moitié de lexcès ou du moins de ces angles à demi-droits , indique l'erreur & la quantité donc il faur augmenter ou diminuer les angles obfervés. On peut corriger cette erreur fi l'on veut au moyen de la vis R, comme nous l'avons déjà dir. Pour mefurer Les diffances, on trace une ligne droite au moyen d'une corde, le long de laquelle on promène l'inftrument , de façon que le montant poftérieur foit placé à chaque nouvelle opération au point du montant antérieur. ? On peut faire marcher indifféremment l'un ou lautre des montans le premier , pourvu que ce foit toujours le même qui foic le premier jufqu’à la fin de la ligne. Deux hommes Le tranfportent & un rroifième obferve, afin que les pointes des montans foient placées avec exactitude où elles doivent être, & il prend les angles d’inclinaifon. Par la figure 2 , on a D=L cof. 4, EL fin. $; & alors pour $ on prend 90° + + & Sin. (90° +9) = cof. 43 cof. (90° + &) — fin. 4. De-là : DL fin. (90° + 9) & E—+ L cof. (99° F9 ). C'eft-à-dire, on aura la diftance horifontale entre les pieds de Pinftrumenc, fi on multiplie fa largeur par le cofinus de l'angle obfervé, & elle eft toujours pofitive. Mais on aura la quantité de l'inclinaifon, fi on mène cette même longueur dans le cofinus de cet angle, & alors elle eft tantôt politive, antôt négative, fuivant que l’angle eft aigu ou obrus. La longueur de l'inftrument étant de dix pieds , le finus & le cofinus des angles obfervés pris dans les Tables des finus & des cofinus , nous indiquent, le premier la diftance horifontale, & le fecond la hauteur ou le degré d’inclinaifon, en pofant leur première figure pour le nombre entier de pieds. SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 463 Lorfqu'il arrive que l'inftrument ne peut mefurer entièrement la diftance que l’on cherche à connoître, voici comment on s’y prend: on place le montant antérieur à l’extrémité de la ligne A ( fig. 3), on mefure l'intervalle aa/ ,& on a : d—= aa fin. inclin. e— aa cofin. inclin, g MÉMOIRE Sur l’Acide karabique , ou du Succin ; Par M. DE MorRveau. CE ST ainfi que je crois devoir nommer l'acide concret, que l'on retire d'une fubftance appellée par les Minéralogiftes | ambre jaune, karabé, fuccin, quoique cet acide foic déjà nu des Chimiftes fous le nom de fel volaril de fuccin, parce que cette exprefliôn eft tout à la fois plus jufte & plus commode pour en former des dénomina: tions de genre & de compofés , fuivant les règles de la nomenclature fyltémarique, Le fuccin éroit très-eftimé des anciens : il ny a pas même de fabftance fur laquelle l'imagination des Poëtes fe foit autant exercée pour illuftrer fon origine. Sophocle avoit dit qu'il étoit formé dans l'Inde par les larmes des fœurs de Méléagre, changées en oifeaux, & pleurant leur frère. Ovide le ft naître des larmes des fœurs de Phaëton, changées en peupliers. Pline n'a pas dédaigné de rapporter toutes ces fables, & de les mêler à des traditions, qui, pour être moins merveilleufes, ne lui paroifloient pas à la vérité plus dignes de foi. Ce Naturalifte regardoit comme très-certain, qu’il couloir d'un arbre de l’efpèce de pins, comme la gomme des ceriliers, qu'il fe dur- cifloit pendant l'automne , & qu'après avoir été emporté par les eaux de l'Océan dans lequel il tomboit , il étoit enfuite repouflé fur le ri- vage: on le recherchoit pour l’ornement à-peu-près comme les pierres précieufes. Calliftrate lui attribue de grandes vertus en médecine ; on le prenoir en poudre ; ou broyé avec du miel, ou en boïflon avec le maftic; mais on n'avoit aucune connoiflance de fes principes, ni même de fes vraies propriétés , excepté celle d'attirer les corps légers lorfqu'il étoit frotté. Suivant Pline, le nom de fuccin lui fut donné , parce que c’éroit réellement un fuc végétal, Tacite dit que les Germains Pappelloient . 464 OBSERYATIONS SUR LA PHYSIQUE; glerfus. Ce font les Arabes qui l'ont fait connoître fous le nom de Karabé. à On s’eft borné long-tems à former des compoftions avec le karabé pour la médecine & pour les arts, fans examiner quels étoient fes rincipes; mais il paroît qu'avant Hoffman on en avoit tenté l’analyfe par la diftillation , puifque ce Médecin parle de fon huile & de fon fel volaril acide comme déjà connus; Néuman , Bourdelin & Neufort | Pont foumis depuis à diverfes expériences, pour dérerminer la nature | de fes parties conftiuantes; mais la diflertation du célèbre Port eft encore ce que nous avons de mieux fur ce fujer. ete | Pour obtenir l'acide Karabique , il faut décompofer le karabé, & A il fuit pour cela de le difiller. On prend du karabé, ou ambre jaune, que l’on cafle en petits morceaux; on en remplit à moitié une cornue; on met deflus un pouce d’épaifleur de fable pur bien féché; on lurte le récipient avec de là colle de farine, & on diftille au feu de fable , en conduifant le feu avec attention, pour ne pas brüler le Karabé , & pour arrêter l'huile, qui, à un feu plus fort, diffoudroir la plus grande partie du fel. On ne doit pas e augmenter beaucoup le feu fur la fin, parce que l'huile noire épaïfle couvriroit le fel, & en reprendroit encore une partie. Dans cette opération il pafle d'abord du phlegme tenant en diflo- lution une petite portion de fel acide concrer, qui s’attache au col de la cornue ; enfin une huile brune & épaifle qui a une couleur acide. E Le phlegme emporte avec lui un peu d'efprit redifié, que l'efprit- de-vin peut lui enlever. Suivant M. Roux, cet efprit recteur n'eft pas le même que celui que le fuccin entier donne à lefprit- de- vin, puifqu'il n’a pas la même couleur, & que fi on le rectifie, il devienc fétide, En diftillant Pefprit-de-vin fur le phlegme , l'huile qu'il contient | monte avec l’efprit ; mais elle s’en fépare fur-le-champ , & tombe au | fond du récipient. L Le fel concret retient toujours une portion d'huile à la première ‘diflillation ; on le purifie en le fublimant de nouveau , après l'avoir encore mêlé avec du fable, & il eft alors un peu moins jaune, en | Jongues aiguilles difpofées en forme de rayons. Tel eft le procédé indiqué par M. Scheffer dans fes Leçons de | Chimie. M. Bergman , dans fes notes fur cet Ouvrage, aflure que la { meilleure manière de purifier ce fel, eft de le mêler avec de l’argille blanche, exempte de route matière calcaire & bien féchée, Les Chimittes Suédois ne font pas les premiers qui aient imaginé d'ajouter d’autres matières dans la diftillation du Karabé pour abforber l'huile. Hoffman recommande précifément de mêler le karabé avec partie . égale de fable, D’autres ont employé dans les mêmes vues, le réfidu _ a Î done cm SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 465 fa diftillation de l’efpric de fel, du fel commun, de la corne de cerf brûlée, de la cendre leflivée , de la potafle, des os calcinés , de la brique pilée, ou de l'argile cuite & réduite en poudre, Pott fait très-bien fentir l'inconvénient de la plupart de ces additions, qui peuvent en effet retenir ou mème décompofer le fel ; il ajoute, « que la meilleure >» dépuration , où on perd le moins, eft celle qui fe fait quand on le > diflout dans l'eau chaude , qu’on met d'abord dans le filtre un peu de » coton qui a été légèrement humeété avec l'huile de fuccin , & qu'enfuite » on s'en fert pour filtrer la folution, parce qu’alors la plupart des parties » huileufes s’attachent au coton, & que la folution pafle plus pure à » travers le filtre, & qu'il n’y a plus qu'à faire évaporer la liqueur à un » feu très-doux , pour obtenir le fel en cryftaux ». Le même Chimifte dit encore avoir obfervé , qu'en diftillant ce fel acide concret avec l'acide muriatique, il fe fublimoit d'un beau blanc & pur, parce que la partie huileufe avoit été détruite par l'acide muria- tique. C'eft d'après cette obfervation que M. Spielman croit devoit enfeigner cette méthode de rectifier le fel volatil de karabé. Mais quoique Port aflure qu'après cette opération il ne précipite pas la diffo- lution de plomb, il eft bien difficile que ce fel , s’élevant en même-tems que l'acide muriatique pale à la diftillation, n’en refte pas plus ou moins imprégné. . Les lixiviations réitérées à la manière de Port, font donc réellement ce qu'il y a de plus avantageux , puifqu'elles n’exigent d'autres précautions que d’évaporer les diflolutions à un feu très-doux, & que la négligence même de cette précaution n’occafionne que la perte d’un peu de fel. Au refte, je ne vois aucun inconvénient à ajouter du fable dans la diftillation du karabé , lorfqu’on a principalement en vue de recueillir fon fel acide; quoique les Auteurs françois les plus récens paroiflent avoir abandonné abfolument ce procédé; & comme l'argile, fur-tout lorfqu’elle n’eft que sèche & non cuite, paroît avoir tout-à-la-fois beaucoup de difpofition à s'unir aux matières grafles, & très-peu d'afinité avec notre fel, elle réunit toutes les conditions néceffaires pour fa plus parfaite redification. Le produit de ces opérations varie beaucoup. Potr affure avoir obtenu ; en poids de fel bien cryftallifé & égoutté fur le papier gris, la trentième partie du Karabé qu'il avoit employé; mais les Chimiftes font d'accord que cela ne va, le plus communément , qu’au foixantième. Ce fel eft préparé en grand à Konigfberg en Prufle , avec les rognures des morceaux de karabé ou ambre jaune que l’on y travaille; on les diftille fans addition à feu nu, on change feulement le récipient fur la fin, pour n'avoir pas tant à féparer ; le fel, qui eft malgré cela très- chargé d'huile , eft mis à égoutter fur du papier gris qui en abforbe à la fin la plus. grande partie, & laifle le fel aflez fec; on exprime enfuite Yhuile de ces papiers pour la rediftiller. Tome XXVI, Part, 1, 1785. JUIN. Nan { 466 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, Comme le {el de Karabé eft fort cher, il eft fouvent fophifliqué ; ont emploie pour cela du fucre, du tartre raffiné , de l’ammoniac de corne de cerf, du vitriol ammoniacal , & quelquefois un mêlange de tartre de potaffe ou fel végétal diffous dans l’efprit de karabé , & évaporé pour en obtenir confufément les cryftaux. Ce n’eft pas ici le lieu de rapporter toutes les obfervations des Natu- raliltes fur l’origine du karabé , les lieux où il fe trouve, & les’ matières qui l'environnent; cependant je ne donneroïis qu'une connoiffance impar- faite des produits chimiques de cette fubftance , fi je n’examinois à quel règne elle appartient réellement , & fur-tout quelle eft la nature de fon acide ; je m'occuperai donc de ces deux queftions avant que d'indiquer les caractères de cet acide, fon action & fes affinités. I. A quel règne appartient le karabé ? Pour décider cette queftion , il faut d’abord favoir où & comment il fe trouve. Or, tous les Natu- ralittes fonc d'accord qu'il: fe trouve en plufieurs endroits de la terre, & fur-tout dans [a mer Baltique , jufqu'à la profondeur de trente à quarante toifes, & fur les rives de cetre mer qui appartiennent à la Pruffe Ducale. Aux endroits où on le rencontre, on voit d’abord à la furface de la®rerre une couche de fable , il vient enfuite une couche de glaife qui couvre une couche de bois réfineux , prefqu'entièrement pourri, & réduit en terre, mais qui a encoge la proprieté de s’enflammer. Au-deffous de ce bois fe trouve une couche de terre alumineufe & vitriolique; enfin , on ren- contre une nouvelle couche de fable où le karabé eft répandu par mafles détachées & en morceaux plus où moins gros. M. Helwing qui. a eu occafon d'obferver par lui-même fa fituation dans le fein de la terre, remarque, dans fon Ouvrageintitulé : Lithographia Anger-Brugica, que l'on trouve toujours du bois bitumineux, de la rerre bitumineufe noire & du gravier , dans le voifinage du karabé , & que l’on ÿ rencontre auñli du vitriol & du foufre; d'où il concluc que c’eft un bois foflile & : bitumineux , qui eft la fource du karabé tiré du fein de la terre. IL eft bien certain que le karabé que l’on trouve dans la mer , n’a pas une origine différente; il y eft entraîné par les eaux , qui pouffées par les vents; ont miné le terrein des côtés ; & ce qui le prouve, c'eft que le Karabé ne fe trouve en abondance dans la mer, qu'à la fuite des tempêtes qui ont porté les lots avec violence contre les couches de terre qui recéloient cette fubftance. Le karabé fe trouve aufli fur les bords de la mer, près de Birkioe en Suède ,en Sibérie, & dans les montagnes de Provence. M. Georpi indique encore , dans fes Notes fur la Minéralogie de Brunnich , les côtes de la mer glaciale, Camenskoi & Jenifey. L'obfervation la plus détaillée à ce fujer eft celle qui a été publiée par extrait à la fuire de Ja traduction françoife de la Pyritologie d'Henkel, & qui eft tirée du Recueil des Curieux de la Nature : elle nous apprend SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 467 qu'en 1731, on découvrit une mine de karabé en Saxe, dans le voilinage de Pretfch : le rerrein où l’on fit cette découverte étoit aflez uni , quoiqu'il s'y rencontrât quelques inégalités ; il étoit compolé d’un fable rougeñtre mêlé de cailloux & de galets. Le fable avoit environ deux toifès d’épaifleur, & couvroit une couche de rerre noire , qui évoic elle-même compotée dé deux bancs; le premier étroit un limon mêlé de fable & de parties talqueufes , il avoit un goût de vitriol , il donnoic fur le feu une fumée épaifle & une odeur de bitume ; le fecond banc étoit une glaife grife, dans laquelle on appercevoit des morceaux de bois & des racines ; elle étoit aufli vitriolique , mais moins que le banc précédent. Le karabé fe crouvoit à la partie fupérieure du banc noir, qui renfermoit aufli une fubitance femblable à du jayer, & différentes efpèces de bois bitumineux, s J'ajourerai à ces defcriptions une obfervation encore plus décifive , & qui m'a été certifiée par un Minéralogifte allemand très-inftruic, c'eft que l'on a vu dans le cabinet de M. Veltheim, Confeiller des Mines de Prufle, un morceau de Karabé dans une hématite qui venoit de Siléfie. E : Il eft donc démontré par tous ces faits, que le karabé fe trouve dans le règne minéral : cela ne fuffit pas fans doute pour décider fa claffe, s'il n'eft reçu dans l'intérieur de la terre que comme un fruit qui eft tombé de l'arbre, & qui a été recouvert par le fable : que le karabé vienne originairement d’un végétal, c’eft ce donc il n’eft pas poflible non plus de douter, lorfqu'on voit dans les cabinets des amateurs , des morceaux qui renferment des mouches, des araignées & autres infectes ; lorfqu’on remarque que routes leurs parties s'y irouvent développées, prefque comme dans l'animal vivants & qu'ainfi ils n'ont pu être furpris par une fubftance adtuellement fluide, comme il arrive tous les jours aux infectes qui s'attachent aux arbres d'où il découle des gommes ou des réfines. Mais l’origine végétale ne décide encore rien ; autrement tous les bitumes devroient aufli, par la même raifon, être retranchés du fyftème minéral. Le corps végétal a-til reçu dans la terre quelque altération? Eft-il minéralifé ? Voilà le feul point à confidérer, & j'avoue que les obfervations ne font pas fufhfantes pour lever ici tous les doutes. D'un côté, il paroît difficile de concevoir que le karab4 ait éprouvé une forte de minéralifation, fans avoir été ni ramolli, ni même comminué, au point que les infectes qui y ont été pris pendant l'exu- dation végétale, aient éré auffi-bien confervés. Quel feroit donc le principe minéralifant , qui, en pénétrant la mafle fans la déformer , auroit encore refpeété ces parties animales ? D'autre part, il n'eft pas aifé d'imagine#que le karabé ait pu refter fi long-tems dans le fein de la tèrre, environné dei matières pyriteufes, Tome XXVT, Pare. I, 3785. JUIN, Nnnz2 468 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE; fur lefquelles l'eau , l'air, les gaz & les émanations phlogiftiques tra- vaillent fans cefle, & qui dans leurs différens paflases, travaillent à leur tour fur tout ce qui les touche, avec une force que la durée rend prefqu'infinie comme elle. Quelle feroit donc la nature de cette réfine qui réffteroit fi long -tems à de tels agens, qui fe maintiendroit fi conftamment au milieu d'eux avec fa forme & même fa couleur pri- mitives ? Telles font les raifons qui peuvent appuyer les deux fentimens op- pofés; mais, dans la néceflité de choïfir, je n'héfite pas de dire que le karabé appartient au règne minéral. Cette conclufon eft fondée, 1°. fur ce que les produits de fon analyfe le rapprochent très-cer- tainement de tous les bitumes: 2°. fur ce qu'on n’a pu trouver en- core aucune gomme, aucune réfine, aucun baume qui préfentât les mêmes caractères. C’efl-à probablement ce qui a aufli déterminé les plus célèbres Minéralogiftes, & en dernier lieu M. Bergman, dans fa Sciagraphie , à placer le Karabé parmi les minéraux, du moins jufqu'à ce que l’on eût acquis de nouvelles lumières. Pour expliquer l'état des infedtes enfermés dans le Kkarabé, je ne ferois pas éloigné d'admettre avec Frédéric Hoffman, l’exudarion de cette matière fous forme fluide, poñtérieurement à l’époque où les bois enfouis , auroient commencé de pañler à l'étar de bitume : alors la nature particulière de l'arbre qui Tauroit originairement produit , fuffroit pour rendre raifon des carac- tères qui diftinguent le karabé des autres birumes ; foit que l'efpèce de ces arbres n’exifte plus, foit que l’altération minérale ne nous permette plus de la reconnoître par la reflemblance de fes produits. En un mor, ces exudations n'ayant pu fe faire que dans des cavités fouterreines, il ne feroit pas étonnant que des infectes qui font fi univerfellement répandus, qui peuplent tous les efpaces où l'air peut pénétrer, euflent été quelquefois furpris & enveloppés dans ce fluide. L'obfervarion que j'ai donnée dans mes difgreffions académiques, d’un gubr bitumi- mineux que j'avois moi-même recueilli en état de pâte, d'un gris blanc & très- mol, dans des mines de charbon, & qui eft devenu dans mon cabinet un bitume fec d’un noir jaunâtre demi-tranfparent, me paroît très-propre à confirmer ces probabilités. IT. Quelle eft la nature de l'acide karabique? Les mefures que l’on a prifes en diflérens tems, n'ont pas été exemptes de l’infuence du fyftême d’un acide univerfel. M. Hoffman a cru que ce n’éroit qu'urie huile condenfée en mafle réfineufe par l'acide vitriolique. Bourdelin a publié dans le Recueil de l’Académie des Sciences de 1742, plufieurs expériences , d'après lefquelles on a tenu aflez long-tems pour dé- montré que c'ttoit l'acide muriatique: certe conclufion éroit fondée fur ce que le karabé fe tr@uvoit près de la mer, fur ce qu'après avoir été complètement privé de fon huile par la détonnation avec le nitre, SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 469 il formoit avec fa bafe un fel donc la cryftallifarion étoit prefque cubique , qui décrépitoit fur les charbons , qui donnoir des vapeurs grifes par l'addition de l'acide vitriolique concentré, & qui précipivoit en blanc l'argent & le mercure de leur diflolution nirreufe. C’en étoit aflez fans doute pour en impofer du tems de cer Aureur; mais il n’eft perfonne aujourd'hui qui ne juge ces preuves infuffantes, pour établit une identité parfaite, Si au lieu de s'en tenir à des apparences trom- peufes , à de fimples expériences par les réactifs, encore mal ordonnées, Bourdelin fe füc appliqué à purifier d’abord fes matières de tout mélange accidentel , & à en déterminer enfuite la nature par les vrais procé-" dés , il auroit bientôt reconnu que cet acide , même uni à la potafle pendant la déronnation du nitre, ne formoit point d'eau régale avec l'acide nitreux; que cet acide ne décompofoit pas le nitre d’argent par lui-même, mais feulement lorfqu'il étoit porté dans fa diflolution en l'état de fel neutre, & à raifon d’une double affinité; qu'il précipitoit feul le plomb de l’acide nitreux, mais que le précipité n'étoit pas du muriate de plomb; il eût découvert bien d'autres différences - aufli décifives, s’il.eût examiné avec un peu de foin les fels réfulrans de union de cet acide avec les principales bafes. Suivant M. Bergman dans fes notes fur la Chimie de Scheffer, M. Schéele a obfervé que la liqueur qui s’élevoit pendant la diftillation du karabé, fe comportoit abfolument comme le vinaiore, ce qui le porte à penfer que fon origine eft végétale. La méthode exacte de ce célèbre Chimifte ne permet pas de foupçonner qu’il ait annoncé cette reffemblance avant de s’en ètre bien afluré par routes les épreuves convenables. Je n’ai nulle connoiffance de ce qu'il a pu écrire à ce fujet; mais fi le fait eft prouvé , il faut que la liqueur qui pafle dans la difillation du karabé, ne foit plus’ fimplement, comme on l’a cru, une flegme chargé d'une portion de fon fel acide concret; il faut ou que le Karabé fourniffe deux acides différens, ou que fon acide puifle être réduit par décompofition à un état qui produife cette iden- tité avec le vinaigre ; car il #y a peut-être pas deux acides plus dif- férens entr'eux que l'acide acéteux, & celui dont il a été jufqu'à préfene queftion dans cet article. Le premier fe détruit au feu plutôt que de prendre la forme fèche , & le fecond eft naturellement concrer. Le premier ne fupporte pas même le feu de diftillation , quand il eft Gxé par un alkali ; le fecond réfifte à l’action du nitre en fuñon,, il ne lui cède que la portion de RE qui ne lui eft pas eflentielle, &c neutralife fa bafe au feu de détonnation. Remarquons en pafflant que cette fixité feroit bien étonnante dans un végécal qui n'auroir pas fubi l'altération minérale, Enfin, M. Beroman aflure lui-même que l'acide du Karabé précipite la diflolution acéreufe de plomb; or, il eft impof- fible qu’une diflolution foit décompofée par fon propre acide; & ce 4 470 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, f:roit méconnoître les principes du favant Protefleur d'Upfal , que de lui prêter une femblable opinion. Il faut donc tenir pour conftant que le fel. concret volartil du karabé , tel que nous le connoïtlons, & avant qu'il foit réduit à un état plus fimple, fuppofé.que cela foir poffible, eft un acide propre de fon genre; cette conclufion fera confirmée par l'examen de fes combinaifons ,.& elle ne peut plus étonner ceux qui auront adopté les principes que nous expofons préfentement dans les cours de l'Académie, fur la nature des acides en général; ils com- prendront aifément que le principe acidifiant commun peut trouver ‘une fubftance hu:leufe de la nature de pétrole, qu'il prend comme bafe acidifiabie ; & peut-être qu'une analyfe plus exacte de rous les bitumes, nous y découvriroit une partie compofante, finon abfolument identique, du moins fort analogue. L'exiftence de Pair , principe acidi- fiant, eft vérifiéæ ici par l'obfervation de Pott, que cet acide faturé de potafle fe détruit pendant la diflillation , & laifle un alkali effer- vefcent. : Le célèbre Chimifte de Berlin a-traité cet acide concret à la diftil- lation avec Les acides vitriolique, nitreux & muriatique. Le fecond a bien produit quelques vapeurs rouges, mais il s'eft encore fublimé un peu de fel non altéré, & les deux autres n’ont fait que retenir fon huile furabondante fans le décompofer, ce qui annonce que le phlo- giftique huileux y eft aflez fortement combiné. + L’acide karabique a un goût piquant fans ètre corrofif, & quelque chofe d’huileux lors même quil eft le plus retifié & le plus blanc. Il n’altère que foiblement le fyrop violat; mais il rougit le tournefol, & reftitue les nuances altérées par les alkalis, IL eft volatil, mais ce n’eft qu’à un degré de chaleur aflez confidé- rable ; il ne s'élève pas à la chaleur du bain-marie, ce qui donne, comme le dit Pott, un très-bon moyen de le purifier, fans en rien perdre. Si on l’expofe au feu de fable ; il coule d'abord comme une huile , il monte un peu d'acide huileux, le fel concret fe fublime enfin & fe condenfe dans la partie fupérieure des vaifleaux, partie fous l'apparence d’une matière butireufe jaunâtre , partie en forme de plumes, & le charbon qui refte prouve qu’une portion de fel a été détruire par l’action du feu. Cet acide fe diffout très - difficilement dans l’eau froide, puifqu'il en faut vingt-quatre parties pour difloudre une partie de ce fel, au lieu qu'il ne faur que deux parties d’eau bouillante ; mais à mefure que l'eau réfroidit, la plus grande partie s'évapore. M. Roux aflure cependant qu'il en refte plus en diflolution que l’eau froide n’en auroit pu diffoudre. Si on fait évaporer une diffolution bien chargée de cet acide, il fe cryftallife en prifmes triangulaires dont les pointes font tronquées, SUR L’'HIST. NATURELLE ET LES ARTS, 7x L’acide karabique s’unit aux terres, aux alkalis & aux fubftances métalliques ; il réfulre de ces combinaifons des fels que je ferai con- noître plus particulièrement dans un autre Mémoire ; je les diftinguerai ar la dénomination générique de Karabires | avec l'expreffion de la Bt , d'où il réfultera karabite de porafle, karabite calcaire, &c. fui- vant la méthode que j'ai adoptée pour tous les fels, On a donnésjufqu'à ce jour peu d'attention aux affinités particu- lières de cet acide ; ce qui eft d'autant plus étonnant, que Bauhufen & Boulduc ont démontré depuis long-tems qu'il appartenoit à certe clafle, & que perfonne n'en a douté depuis. Cependant M. Bergman ne l'a pas compris dans fa table, & M. Wenzel ne s'eft attaché qu'à dérerminer les proportions de compofition de ces fels , fuivant le plan de fon Ouvrage. : J'ai eflayé d'y fuppléer, du moins pour quelques points principaux; j'ai obfervé que le barote devoit occuper la première place, enfuire le calce ; que les trois alkalis précédoient la magnéfie qui étoit précipi- tée de cet acide même, par l'ammoniac cauftique ; enfin , que la ma- gnéfie pouvoir être placée dans le fixième ordre, du moins jufqu'à ce que l'on eût décidé fon rang par des expériences directes, peut être même à l'égard de quelques fubftances métalliques qui pourroient lui enlever cet acide. On favoit déjà que cet acide cédoit les terres & les alkalis à l'acide vitriolique ; il eft sûr encore que l'acide du fuccin lui reprend la terre calcaire ; mais il la reprend à fon tour à l'acide acéreux , & le karabite calcaire ne fe laifle pas même décompofer par l'acide muriatique. J ne précipite ni le mercure, ni l'argent de l’acide nitreux. IL décompofe & précipite l’acété de plomb ; je ne puis imaginer comment cette précipitation a pu échapper à Pott, qui aflure préci- fément le contraire. Suivant les expériences du même Chimifle, cet acide dégage l’a- cide du muritate ammoniacal pendant la diftillation , c’elt à-dire par la voie sèche. M, Srockar eft même parvenu à décompofer route une quantité donnée de muriate ammomiacal en ajoutant fucceflivement de nouvel acide karabique ; il femble qu’il décompoferoit le nitre par cette voie, puifque Port rapporte qu'il s'éleva des vapeurs rouges ; mais la déronnarion qui eut lieu par le contact de la matière huileufe de l'acide, brifa les vaifleaux , & ne permit pas d’achever l'opération. . Cet acide refufe de s'unir à l'huile de térébenthine ; il ne fe diflout qu’en très-petie quantité dans l'efprit-de-vin, s'il n’eft aidé de la chaleur, & la portion qu’il abandonne en refroïdiflant , eft encore fenfiblement jaune. TA > y72 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE; NOUVELLES LITTÉRAIRES. Ess Ar analytique fur l'Air pur, & les différentes efpèces d'Air ; par M. DE LA METHERIE , Doéleur en Médecine , in-8°, À Paris, rue & hôtel Serpente. Lassees s’eft propofé d'établir une théorie générale des différentes efpèces d’airs connus. Il les divife en deux grandes clafles; les airs proprement dits, ou airs permanens , tels que l'air pur, l'air inflam- mäble, l'air fixe, l'air phlogiftiqué , l'air nitreux, l'air hépatique; & les airs non-permanens, tels que l'air acide marin, l'air acide vitriolique s l'air acide nitreux, l'air acide fpathique , l'air acide végétal, l'air acide animal, l'air alkalin, la vapeur éthérée, &c. Ces dernières efpèces d'air, que l’Auteur appelle fluides aëriformes, ne lui paroiffent que ces différens fluides paflés à l'état de vapeur par le moyen de la chaleur, & qui, dès qu'ils font en contact avec l'eau , fe condenfent , & en font diflous très-promptrement. Les airs proprement dits ou permanens, font bien différens de ceux-ci. L'eau ne feuroit les difloudre en totalité. Elle en abforbe bien une certaine portion , mais que l'on peut faire reparoître le plus fouvent , foit en faifant bouillir cette eau , foit par le moyen de la machine pneumatique. L'Auteur penfe que ces différentes efpèces d’air font toutes des modi< fications de l'air déphlogiftiqué de Prieftley , ou air du feu de Schéele , où air pur de l’Aureur, lequel il regarde comme l'air principe, & comme une des fubflances dites élémentaires. Cet air pur a la plus grande affinité avec la matière du feu ou de la lumière, qui, fuivant lui, eft un fluide immenfe , rempliffant l'univers qui nous eft connu. Ces principes fe combinent facilement : c’eft dans le jeu de ces combinaifons que J'Auteur croit voir la formation des différentes efpèces d’air. 1°. L'air pur combiné avec une certaine portion du principe du feu ou de la lumière , forme le principe de la chaleur, Ce principe de la chaleur exifte fous deux états , ou comme fluide pénétrant plus où moins tous les corps à raifon de leur affinité avec lui, ce qui confitue la cza/eur libre : où comme fluide combiné avec ces corps, ce qui conftitue la chaleur combinée , où cauflicum, qui fe retrouve dans les chaux terreufes & métalliques, &c. Ainfi, felon M. de la Metherie, l’eau, par exemple, peut fe trouver fous deux états différens dans les corps. Ils contiennent ; tous ; SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 47 tous, ou prefque tous, une eau combinée , une eau ge cryftallifation ; & d’ailleurs , ils peuvent être plus ou moins pénétrés par de l'eau qui fera étrangère à leur conftiturion ; tels font différens corps placés dans une atmofphère humide , lefquels en feront plus ou moins pénétrés en raifon de leur afhñité avec l'eau, 2°. Ce même air pur combiné avec une plus grande quantité du principe du feu , forme l'air inflammable , que l'Auteur croit être le vrai phlogiftique de Schal. Mais pour éviter coute équivoque, il n'emploie point le mot plopiflique, & ne fe fert que de ceux d'air inflammable & de principe de la chaleur. 3°. Le même air pur combiné avec le principe de la chaleur forme l'air fixe, qu'il croit devoir appeller air acide. 4. Le même air pur combiné avec l'air inflammable forme l'air phlogiftiqué , que l'Auteur appelle air impur. Il ne penfe point que la combuftion de l'air inflammable & de l'air pur forme l’eau qu’on en obtient. Suivant lui , elle eft fimplement dégagée de ces deux airs. 5°. Ce même air pur mêlé avec trois parties d'air impur forme l’afr atmofphérique , qui contient d’ailleurs de l'eau & beaucoup de corps hétérogènes. 6°. Ce mème air pur combiné avec l’eau, le principe de la chaleur ; Fair inflammable , & peut-être l'air fixe, l'air phlooiftiqué , & un peu de terre, forme les différens acides minéraux , végétaux & animaux. 7. Ces mêmes principes auxquels s’elt jointe une portion de terre, forment les huiles. 89. L’air pur combiné avec le principe de la chaleur & le principe terreux , forme la chaux terreufe, les alkalis fixes & volatils. La chaux ne paroît à l’Aureur différer des alkalis que parce qu'elle contient une plus grande quantité de parties terreufes, Mais lalkali minéral contient plus de terre que le végétal, & celui-ci plus que P’alkali volatil , qui contient d’ailleurs de l’air inflammable. 9°. Ce même air pur combiné avec le principe de la chaleur & [a bafe métallique, conftitue les chaux métalliques, lefquelles ne different du métal que parce que fous cette dernière forme la bafe métallique eft combinée avec l'air inflammable, 10°. L'air inflammable combiné avec l'acide arfénical , forme le régule d’arfenic ; avec l'acide molibdique , le régule de molibdène ; avec l'acide thungftique, le régule de thungftène; enfin, avec toutes les chaux métal- liques, qui, fuivant l’Auteur , ne font peut-être que des acides , compofés comme tous les autres acides , les différens régules métalliques. 11°. L'air inflammable combiné avec l'acire phofphorique, forme le phofphore, 12°. L'air inflammable combiné avec l'acide vitriolique , forme ou l'acide fulfureux, ou le foufre, fuivant fa quantité. Tome XXVI, Part, I, 1785. JUIN, Oce 374 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE; 13°. L'air hépatique eft l'acide fulfureux furchargé d'air inflammable: 14°. L'air nitreux eft une autre modification de l'air inflammable, qui eft combiné avec une portion d'air pur, lequel a été fourni par une légère portion de l'acide nitreux décompofé, Mais cet air pur eft altéré. 15°. Enfin, l’étincelle électrique lui paroît être la combuftion d’une efpèce d'air inflammable; ce qui paroït très-probable, Tel eft le précis d'une partie de la doëtrine de l'Auteur, dont il faut voir les preuves fur lefquelles il la croit appuyée , dans l'Ouvrage même, Ceux qui ne font pas bien au courant de la fcience des gaz, trouveront dans le Livre de M. de la Metherie des principes clairs & faciles à fair ; les Savans y reconnoîftront des faits nouveaux , d’autres heureufement rapprochés , & des vues ingénieufes. Cet Ariicle eft de M. le Chevalier de Lamanon. ‘Additions de M. l'Abbé SPALLANZANT, à la première D'ffertation Jur la digeflion (Gi). PiGEeons,PouLEs & CANARDSs. y Quoiqu'il paroiffe par cette Differtation combien eft grande la force du ventricule des pigeons, pour brifer les corps les plus durs, il ef évident que le ventricule de ces oifeaux, quand ils fonc petits, & dans le nid, n’a pas la même énergie. Je l'ai vu dans les petits tubes, dans les noifettes enveloppées de leur écorce, & dans de petits morceaux de verre. La caufe de certe différence faute aux yeux : il eft bien clair qu'à mefure que ces oifeaux croïflent , les mufcles du ventricule deviennent plus forts & plus actifs. Dans les $. xxv & xxVi, jai fait voir que la digeftion ne dépen- doit point, dans les poules & les canards, des petites pierres ou des autres corps durs qu'ils ont dans le ventricule , puifque les gallinacés de ces deux genres, qui ont le plus de pierres dans leur ventricule , ne digèrent pas mieux. J'ai obfervé la même chofe dans les pigeons : je failois entrer dans leur ventricule de ces petits grenats que les femmes portent à leur col; cependant ils ne digéroient pas mieux les alimens avec ces petites pierres très-dures, que les pigeons qui n’en avoient pas avalé. Dans le $ xxx de la Differtation feconde, j'ai dir que le géfier - des gallinacés éroit incapable de digérer les alimens, & je n'en don- nois aucune preuve; mais pour aflurer ce fait, voici des expériences: Je rempliflois des tubes avec la mie de pain mâchée que je faifois fé- (x) Voyez Journal de Phyfique, 1782,tom,. XIX , page 20. NU > SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 47. “journer long-tems dans le géfier de quelque poule & de quelque ca- nard ; après ce tems je le vilirai, & je trouvai bien que le pain des petits tubes étoit pénétré des fucs de l’éfophage ou du péfier, mais qu'il n'étoit jamais digéré. J'ai répété la même expérience fur les mê- mes gallinacés avec de petits tubes pleins de viande, & il paroît que le fuc de l'éfophage ramollit feulement les alimens & les difpofe à la digeition. Ce ramollifflement eft-il néceflaire à la digeftion ? J'avois oublié l'examen de cette queftion. Mais les faits que J'ai 6bfervés me prouvent qu'il n'eft pas de la première néceflité pour la digeition, ‘que les alimens foient d’abord ramollis dans le gélier des gallinacés. Je failois avaler À ces oifeaux des grains fecs de froment, que je faifois defcendre d'abord avec mes doigts du géfier dans l’eflomac. S'il y a plufeurs grains forcés ainli de defcendre dans l'eftomac fans être arrè- tés dans le géfier, il n'eft pas rare de voir quelques-uns de ces grains remonter dans le gélier ; mais fi le nombre de ces grains eft petit dans l'eftomac , il n'en fort point. Il faut donc favoir qu: quand j'étois für que les grains de froment n'avoient point féjourné dans le oéfier, je les trouvois digérés dans le ventricule, & convertis en chyme dans le duodenum, comme s'ils avoient féjourné dans Le géfier; d’où je ne con- clus pas pourtant que le fuc du géfier ne concoure point à la digeftion, puifqu'en macérant les alimens qui y entrent, ils font plus facilement sriturés par les mufcles du ventricule, Addition à la feconde Differtation, CoRNEILLES,. J'ai fait quatre infufions, l'une de quinquina , l’autre de fleurs de camomille , la troifième de myrrhe , & la quatrième avec la ferpentaire de Virginie; j'ai fait bouillir ces quatre fubftances anti-fepriques dans des quantités d’eau égales & raifonnables ; je les ai laiflées enfuite en digeftion vingt-quatre heures : après cela, je les. ai tranfvafées dans quatre petits vafes femblables & égaux , & dans chacun j'ai mis un pe- tit morceau de viande coupé à un veau; dans le même tems j'avois mis dans un autre vafe femblable une quantité égale de fuc gaftrique de corneille, J'ai fair ces expériences au aulieu de février, dans une cham- bre où le thermomètre étoit environ fepr degrés au-deflus de zéro. Au bout de quelques jours la viande qui avoit été mife dans l’infu- fion de quinquina fentoit fort mauvais , de même que celles des trois autres infufions. Pour avoir un point de comparaifon, j'avois fait l’ex- périence dans l’eau ; maïs la chair y fentoir plus mauvais encore : ce- pendant elle ne fentoit point dans le fuc galtrique, & elle étoir de- venue tout-à-fait défaite; une partie même étoir diffoute, ce que je n'obfervai pas dans Ja chair mife dans les quatre autres infufons, Tome XXVT, Part. I, 1785. JUIN. O 00 2 416 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE; Addition à la troifième Differtation, Porssons. Quand je faifois mes expériences fur la digeftion des poiffons, je n’avois pu employer que les poiflons du voifinage de Pavie, qui étoient d'eau douce & en petit nombre. Depuis que j'ai fait des voyages fur la mer Adriatique & la Méditerranée, j'ai pu faire aufli des expérien- ces fur les poiflons de mer, k J'employois les mêmes moyens pour mes expériences : je fis pañler dans le ventricule de ces nouveaux poiffons, des tubes pleins de diffé- rentes viandes ; ces tubes étoient couverts de trous pour laifler un paf- fage facile au fuc gaftrique. Je gardai les poiflons fur lefquels je fai- fois mes expériences dans des vafes pleins d'eau de mer où ils fe con- fervoient très-vivans. Je trouvois toujours les chairs des tubes difloutes & digérées par la feule action des fucs gaftriques. La plupart de ces poiflons d’eau falée avoient un eflomac membraneux; quelques-uns cependant avoient un eftomac mufculeux. Entre ceux-ci je dois diftin- guer un poiflon du genre des carpes, qui femble le cephalus de Linneus; fon ventricule, par la grofleur de fes mufcles, ne le cède en rien à ceux des oïfeaux gallinacés : cependant la digeftion s’y fait ?par le moyen des fucs gañriques ; mais elle s’opère comme dans les gallinacés , pour lefquels il faut brifer fufifamment la viande avant de la mettre dans les tubes; d'où il paroïîtroit que, de même que dans les gallinacés , la trituration a lieu par voie de préparation , mais qu’elle n'eft pas la caufe efficiente de la digeftion. Addition à la quatrième Differtation. CHouETTESs , MiILANSs , AIGLES. Le fuc vaftrique des chouettes paroît plus énergique, quand elles ont jeüné pendant quelque tems ; au moins paroît-il alors que la digeftion, toutes autres chofes d’ailleurs égales, fe fait plus vite. Quoique j'aie vu que le fuc gaftrique des milans füt incapable de digérer quelques légumes ou fruits analogues , cependant j'ai trouvé qu'il digéroic fort bien Le pain quand il étoit mâché ; d’où il paroît, par tout ce que j'ai dit dans l'Ouvrage , qu'il feroit poflible que ces ani- maux paflaflent de l’état de carnivore à celui de frugivore. Haller & d’autres difent : anima aquilæ peflimé ole. J'ai obfervé plufieurs fois à jeun, dans ce but mon aigle raflafiée de viandes, lorf- qu'elle digéroir , & je l'obfervois facilement : elle étoit apprivoifée de manière que je pouvois approcher mon nez de fon bec; alors je fai- à } SUR L'HIST: NATURELLE ET LES ARTS. 4m fiflois l’occañon où elle ouvroit le bec, où elle fouffloit avec force, & je men appercevois en hiver par la petite fumée qui fortoit; mais jamais je ne l'ai trouvée puante en aucune manière; d’autres, qui l'ont obfervée comme moi , l'ont trouvée de même, Addition à la cinquième Differtation, CHATS. (Digeftion après la mort.) Si l'on regarde les inteftins grèles des chats avec leurs appendices ; on voit facilement que la bile, par un conduit qu'il eft aifé d’obfer- ver, fe décharge dans le duodenum : on n'a qu'à comprimer la véfi- cule de la bile, & l’on voit courir ce fluide dans ce canal; en ouvrant le duodenum, on voit qu’elle y entre à un pouce du pylore. Je n’ai pas remarqué dans mon livre que les animaux carnivores font bien éloignés de mâcher leurs alimens comme nous : on le voit tous les jours dans les chiens & les chats, qui avalent ce qu'ils mangent prefqu’au moment qu'ils Pont dans la bouche. Si l'on tue un de ces animaux d'abord après fon repas, on trouve les morceaux de viande entiers; cependant ces animaux digèrent pour le moins aufli vite que nous : leur eftomac étant membraneux, ne fauroit triturer les alimens; de forte qu'il faut que le fuc gaftrique, qui eft la caufe efficiente de notre digeftion , foit aufli celle de la digeftion de ces animaux. Cette conclufion eft égale pour tous les animaux de proie, J'ai bien prouvé que la digeftion fe faifoit après la mort dans les animaux , les quadrupèdes & les poiflons , mais je n'avois pas fait ces expériences fur les poiflons de mer; je les ai répétées fur les poiflons de la mer Adriatique & Méditerranée, quand ils étoient bien morts, & j'ai trouvé la chair, au bout de quelques heures, plus où moins difloute dans l'eftomac : la diflolution paroifloit plus avancée près du pylore. Enfin , je rendrai cette vérité plus évidente par un fait, qu'un lapin m'a fourni : il éroit à jeun depuis dix-huit heures; je le tuai, & im- médiatement après, je fis entrer dans fon eftomac une once & demie de pain mouillé; je le laiflai feize heures; j'ouvris le lapin, je trouvai le pain dans l'eflomac : il n’étoit plus dans fon état naturel ; il étoit devenu une bouillie vifqueufe qui avoit perdu le tiers de fon poids; à l’origine du duodenum , on voyoit Le tiers de ce pain converti en chyme. ; Addition à la fixième Differtation. Ces expériences tendent à prouver l’anti-fepticité des fucs gaftriques, & fur-tout de ceux de poule ; d’aigle , de faucon , de chouettes, de 473 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, : chiens. Je les ai confervés dans des bouteilles pendant quelques femair nes, & je n'ai pas apperçu le plus léger indice de putréfaétion. Ceux qui tiennent des falamandres dans des vafes pleins d'eau favent quésles plus grofles mangent les plus petites, quand elles ont faim; & comme elles ne peuvent pas les maâcher parce qu'elles n’ont point de dents, elles les avalent entières : on fait, de plus, que ces animaux digèrent lentement. J'ai ouvert plufieurs fois en été des grofles fala- mandres qui avoient mangé de petites falamandres depuis fix ou huit jours , je les trouvai dans leur eftomac, non-feulement entières, mais encore faciles à reconnoître; cependant ces falamandres ne fentoient point mauvais, ce qui ne pouvoit arriver que parce que le fuc galtri- que les garantifloit de la putréfaction. Programme de la Société Zélandoife des Sciences établie à F'effingue, pour l'année 1784. La Société Zélandoife des Sciences, dans fon affemblée générale tenue à FleMingue le 7 feprembre 1784, a adjugé la médaille d'or à M. JEAN PETERSEN MiCHELL , Docteur en Médecine à Amfterdam, Membre de la Société Provinciale d'Utrecht, après qu'il eut paru, pat l'ouverture du billet cacheré, portant pour devife : Hæc demum funt quæ ipfe de hoc morbo fentio quæ non mihi Jubjeffit phantafiæ ima- ginatricis temeritas , [ed phænomena pratica docuere ; SYDSNHAM : qu'il étoit l'Aureur de la meilleure & de la plus farisfaifante réponfe, à la queftion : « Qu'y a-t-il jufqu’à-préfent décrit dans la Langue » Flamande, fur les Fevres catarrhales, qui, depuis quelques années, » fe montrent plus dans ce pays qu’aurrefois ; & qu'eft-ce qu'il y manque? » Quelles font leurs marques ordinaires, leurs cours, fymprômes & com- > plications? Ÿ a-t-il quelques taifons à découvrir par où il puifle pa- » roître ? Pourquoi cette maladie a plus lieu que ci-devant ? Quelle > eft fa füre & certaine guérifon dans toutes fes diffirentes fortes » > La Société n'ayant reçu aucune réponfe aux queltions concernant la fondation d'un Hôpital ou Maifon pour les gens de mer nécelliteux & âgés, a trouvé bon , vu le grand poids & l'étendue de lurilité de cetre queftion , de la propofer de nouveau, & avec promefle de la médaille d'or à ceux qui lui auront fait parvenir, en quel tems que ce foit , une réponfe fatisfaifante à cette queftion. L'expérience apprend que des gens qui vont en mer en qualité de matelots, foit aux Indes orientales & occidentales, ou au fervice d’au- tres Sociérés, comme auf fur des navires de guerre, non-feuleméenc dans le combat, mais aufli par divers malheurs, de même que par des maladies & infirmirés, fur-tout par l'âge , font mis hors d'état de pouvoir remplir leur fonétion, & ainf de fe procurer l'entretien né- SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 479 ceffaire , par où ils font expofés à une extrême pauvreté & indigence, & même réduits à la mendicité, Par conféquent, ce feroit une confolation particulière pour de bra- ves gens de mer, & pour tous ceux qui inclineroient au fervice de mer dans la province de Zélande, & pourroit fervir à un encoura- gemenc convenable, s'il y avoit quelque moyen de pouvoir fournir à de rels matelots, foibles & âgés, un entretien perpétuel & bien réglé dans un édifice en certe Province. Pour parvenir à ce but, la Société demande « le plan le mieux or- » donné & le moins fujet à de grandes dépenfes pour la ftruéture d’un » bâtiment convenable, fous le nom d'Hôpital, ou Maifon pour les gens >» de mer nécefireux & âgés ». Pour cet effet, la Société demande, dans les réponfes, une def cription & un deffin d'un tel bâtiment, muni de falles & appartemens néceflaires pour les malades & pour ceux qui font en fanté, en indi- quant l’erdroit le plus convenable pour le fonder; comme aufli en fixant le nombre des Surintendans & Infpedeurs, auf bien que celui des domeftiques néceflaires, l’appareil des meubles requis, des habil- lemens, des lits & de ce qui en dépend; outre cela, l'entretien de la vie, avec le pourvoiement des médicamens , comme auffi le moyen d'exercer le Service Divin, pour Pinftruétion & l'édification. Il faut principalement fonger à la taxation des fommes néceffaires pour fubvenir aux frais, tant de la première érection d'un tel édifice, que pour le maintien de cet établiflement, pour la fuite du tems , eu égard à l'entretien du bâtiment, aux falaires des domeftiques & au fourniflement de rout ce qui eft néceflaire à la vie des gens de mer. Pour un eflai, on pourroit former le plan pour le nombre de cent hommes. Mais il faut auffi fixer fon attention fur la proportion qui auroit Jieu dans l'augmentation de ce bâtiment & d'entretien, fi le nombre venoit à fe monter jufqu'à deux , trois, quatre cens hommes ou plus. Avec cela, il faut penfer aux fonds convenables pour l'érection & Fentretien ; & on pourroit confidérer : Si Pon pourroit, pour cet effer, retenir une certaine contribution pofitive, ou de la paie d’un'mois & gain des gens de mer, par le canal des Teneurs de livres, des Armateurs ou Payeurs, en d'autres dépar- temens. ; Ou fi, pour cet effet feulement , ou avec le précédent, il faudroit inviter les amis patriotiques de l'humanité , à exercer leur générofié. Ou quels autres moyens on pourroit indiquer pour parvenir à ce but faluraire? La Société Zélandoife propofe, pour la première fois , les queftions füivantes, pour y répondre avant le premier Janvier 1786 ; les deux aso OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, premières pour fon compte, & les deux dernières pour celui de [a Sociéré de Batavia. ce Quand eft-ce que la province de Zélande, depuis qu'elle a fecoué » le joug des Comtes , a été au faîte de gloire & de profpérité, tance » par rapport au commerce, à La navigarion & l’agriculture , qu'à > l'égard des fciences ? Comment, & par quel moyen y eft-elle par- » venue Eft-elle reftée jufqu’à ce jour à ce haut degré de grandeur? » Où, comment & jufqu'où eft-elle tombée en décadence ? Par quoi cela » elt-il arrivé? Et quels fonc les meilleurs moyens pour remettre cette » Province à ce comble de gloire? :» Quels arrangemiens peuvent prendre enfemble les Sociétés littéraires » de notre patrie, pour travailler de concert à atteindre leur but com- » imun, {avoir l'avancement des progrès & de l’érendue des Arts & » des Sciences, fans fe caufer les unes lès autres aucun obftacle? » Comme de bons Confolateurs au fervice de la Compagnie des » Indes orientales de ce Pays, peuvent être d’une grande utilité & qu'il » en manque de tels à la plupart des comptoirs des Indes; quels feroient » les meilleurs moyens & fujers à moins de frais, pour diminuer & x ôter entièrement la difette des bons Confolateurs, & décharger la » Compagnie des mauvais » ? Les réponfes à roues les fufdices queftions, doivent être lifiblemens écrites en. flamand , latin ou françois, munies d'un double & envoyées franches de port, avant lé tems fixé, à M. J. W. TE WATER, Hiftorien de la Zélande, Profeffeur en Philofophie & Hiftoire de la Patrie à Middelbourg , Secrétaire de la Société Zélandoife des Sciences , à Flefingue, Les Auteurs ne doivent pas joindre leurs noms aux Mémoires , mais les munir d'une devife, accompagnée d’un billet cacheté , dont le deflus portera la même devife, & dans lequel fe trouvera mentionné le nom & le lieu de la réfidence des Auteurs, Chacun, fans aucune exception, peut afpirer au prix promis à tou- tes les queftions propofées, même les Directeurs & Membres de cette Société ; mais à l'égard de ces deux derniers mentionnés, à condition qu'ils ne mettront rien dans leurs Mémoires & fur leurs billets, par où il puifle paroître qu'ils ont quelque relation avec cette Société ; & pour refter d'autant plus inconnus, ils fe ferviront d’une main étrangère pour copier leur Mémoire, F1 ne fera point permis à celui qui aura remporté le prix, de faire imprimer l'Ouvrage couronné, en tout ou en partie à part , ou dans quelqu'autre Ouvrage, fans en avoir préalablement demandé & obten le confentement de la Société. La Société fe réferve le droit de faire, pour l'utilité du Public, tel ufage qu'elle trouvera à propos, de tous les Ouvrages qui lui feront envoyés SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS, 481 envoyés & de les faire imprimer , parmi fes Mémoires, en tout ou en partie, bien que non couronnés, foit en ajoutant les devifes qu'ont eu les Auteurs, foit en marquant leurs nom, fi, en étant requis, ils trouvent à propos de fe faire connoitre. Académie de Toulou/e. L'Académie avoit propolé , pour le fujet du Prix double de 1784, d'affigner Les effets de l'air & des fluides aériformes, introduits ou produits dans le corps humain, relativement à l'économie animale. Parmi les Ouvrages préfentés au Concours , elle en a diftingué deux ; le n°. 3, ayant pour devife: Non fufficit omnibus unus ; & le n°. 4: Ignis ubique later, &c. Elle a vu avec regret, que les Auteurs n'avoient pas rempli l'objec du Programme fous tous fes rapports; que celui du n°. 3 sétoit plus occupé de la partie médicale , & celui du n°. 4 de la partie chimique, tandis que l’Académie défire que ces deux parties foient traitées également ; ce qui l’a déterminée à propofer encore le même fujet our le Prix de l'année 1787, qui fera de cent pifloles. L'infériorité des poteries qui fe font à Touloufe, & les atteintes lentes, fourdes , peu apparentes , mais d’autant plus dangereules , dont le vernis de plomb qui les recouvre affecte l'économie animale , ont déterminé l'Académie à s'occuper d’un objet aufli important. Eile propofe en con- féquence , pour le Prix ordinaire de la même année 1787 , qui fera de 500 livres: 1°. D'indiquer dans les environs de Touloufe & dans l'étendue de deux ou trois lieues à la ronde, une terre propre à fabriquer une poterie légère & peu coûteufe, qui réfifle au feu , qui puiffe fervir aux divers befoins de la cuifine & du ménage , & aux opérations de l'Orfévrerie & de la Chimie, 2°, De propojer un vernis fimple pour recouvrir la poterie , déflinée aux ufages domefliques , fans nul danger pour la Jante. Les Auteurs qui travailleront fur ce fujet , joindront à leur Mémoire, des uftenfiles ou feulement des échantillons de poterie faire avec la terre qu'ils indiqueront. Ces échantillons feront les uns recouverts du vernis propofé, & les autres fans couverte, fimplement bifcuirs & propres à fervir de creufets. L'Académie foumettra ces échantillons aux épreuves néceflaires pour conftater qu'ils rempliffent les conditions du Pro- ramme, L'Académie propofe pour le fujet du Prix qu'elle diftribuera en 1786, de déterminer les moyens de conflruire un pont de charpente de vingt- quatre pieds de voie ,& d'un feul jet, c’efl à-dire, fans piles, fur une rivière de quatre cens cinquante pieds de largeur, dont les rives font Jupérieures d'environ vingt-cinq pieds , au niveau des eaux ordinuiress Tome XXVI, Part, I, 1785. JUIN, Ppp 482 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, Les bois de chêne ou de fapin qu’on employera pour cette conftruäion, ne devront pas excéder trente pieds de longueur & quinze pouces de hauteur. La folidité de cet ouvrage devra être telle, qu’il puiffe réfifter au poids de deux voitures qui fe croiferoient , & feroient chargées chacune de fix milliers pefant. Les Auteurs donneront la démonftration des forces réfulrantes de l'arrangement des bois qu'ils auront employés, & de la forme de conftruc- tion qu'ils auront adoptée. Ils joindront aufli à leur Mémoire Les plans , coupes & profils néceflaires pour l’intelligence.de l'ouvrage , avec les détails des affemblages , fur une échelle propre à en faire diflinguer nettement, toutes les parties. Quant au Prix de 1785, qui fera de çoo livres, l'Académie annonça en 1782, qu'elle propofoit d’expofer les principales révolutions que le commerce de Touloufe a effuyées, & les moyens de l'animer, de Pérendre & de détruire les obflacles, foit moraux, foit phyfiques SPA en eff, qui s'oppofènt à fon aétivire & à fes progrès. Les Savans qui concourront fe conformeront aux conditions d'ufage. Hs adrefferont le tout à M. Caftilhon , Avocat , Secrétaire perpétuel de l'Académie , ou le lui feront remettre par quelque perfonne domiciliée à Touloufe. Dans ce dernier cas , il leur en donnera fon récépiffé, fur lequel fera écrire la fentence de l'Ouvrage avec fon numéro, felon l'ordre dans lequel il aura été reçu. 4 Les paquets adreflés au Secrétaire doivent être affranchis. Les Ouvrages ne feront reçus que jufqu’au dernier jour de janvier des années pour les Prix defquelles ils auront été compofés. Différtatio Medica de Rhododendro chryfantho quædam fiftens auétor Joannes-HENRICUS ZAHN Gothanus, À Zena, chez Stranfian, 1783, in-4°. de 24 pages. Le végétal dont il eft ici queftion , eft la rofe de neige de Sibérie, nouveau fpécifique afluré contre toutes fortes de rhumatifmes. C’eft un petit arbriffeau qui croît fpontanément dans prefque toute la Sibérie, même au Kamfchatka & fur les montagnes qui féparent la Ruflie de la Chine. Il a été trouvé dans ces contrées par Steller, Gmelin & Pallas, qui nous en ont laiflés des fynonymes, des-defcriptions , des figures. Une plante fur laquelle on a tant de renfeignemens, ne devroit offrir aucun problème , aucun doute en Botanique. Cependant la plupart de ceux qui cultivent cette fcience ne favent point exacte- ment s'il faut rapporter la rofe de neige de Sibérie au Rhododen- dron ponticum de-Linné:, ou bien au Rhododendron maximum du même; ou enfin S'il faut la regarder comme une efpèce diftincte & SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 493 féparée. L'Auteur de cette Difertation, lui-même, n’eft point poficié fur ces difficulrés, Ce que nous en favons de sûr, c’eft que la rofe de neige a des péduncules uniflores , difpofés en ombelles, & que fes corolles font conftamment d'un jaune foufré, entremêlé feulement de veines brunes ou livides, ce qui diffère peu du RAododendron maximum. Pour bien éclaircir la queftion , il faudroit pouvoir com- parer fur pied la rofe de neige de Sibérie ayec le RAododendron maximum quon trouve dans la Virginie & la Caroline, Au furplus le Docteur Zabhn raflemble très - méthodiquement ici, tout ce qu'on a dit fur la rofe de neige de Sibérie. Il traduit les Obfervations de M. Kælpein, dont les Ouvrages périodiques de mé- decine françois ont fait mention d'après nos apperçus. Ce qu’il donne de nouveau fur ce végétal fpécifique contre les rhumarilmes ; c’elt l'hiftoire de deux malades atraqués de diverfes douleurs rhumatifmales, qui ont cédé à la décoction de rofe de neige de Sibérie, après avoir tenté vainement plufieurs autres médicamens, ù La fection qui traite des vertus médicales de cette plante, nous l'offre comme un puiflant réfolutif, étant tout à la fois tonique, aftringent, quelquefois lénitif. Les Tartares emploient la rofe de neige de Sibérie contre les violentes douleurs de tête; l'illuftre M. Gruner, Profeffeur à Jena, l'a donné avec fuccès dans la goutte inflammatoire, les affections des reins & de la veñie. Voyez fon Almanach pour les Médecins & pour ceux qui ne le font pas, année 1783. Pharmacopæa navalis Rofica , aut Catalogus omnium necefariorum medicamentorum quæ fecundum ordinem navium claflicarum pro iti- nere femeftri in fcrinio navali habere oportet, revifa & approbara à Collegio Medico Imperiali , edita ab ANDREA BacHeracar, D.M, Confiliario Aulico & Clafis Navalis Medico ordinario, À Peterfbourg, & Je trouve à Strafbourg , chez Koning , 1784 , in 8°. de 60 pages, M. le Docteur Bacheracht a dédié cette Pharmacopée à M. le Comte de Czernichew. Il nous apprend par cette dédicace qu'il publia en 1780 un Eflai en langue rufle , fur les moyens de conferver la fanté des gens de mer, qui étoit fpécialement confacré aux Ruffes ; ayant éré reçu avec un accueil diftingué par le Collège Impérial de l’Amirauté , cela l’a déterminé à donner un petit Difpenfaire, qui offre tour-à-la-fois la nature , la quantité des médicamens fimples & compofés, enfemble les inftrumens & chofes néceflaires à chaque approvilionnement de navire, relativement à fa gargaifon ; ces objers parfaitement préfentés ont obrenu l'approbation du Collège Impérial de Médecine, qui a ordonné :que tous les Apothicaires de la Marine fe conformeroient. à ce Difpenfaire naval , dans lequel on trouve des règles pour ranger les malades, des Tome XXVWT, Part. I, 1785. JUIN. Ppp 2 484 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, indications précifes pour les provifions néceffaires à la nourriture, aux lits & aux vêcemens. La quantité des drogues eft deftinée pour fix mois de voyage. L’énumération des remèdes et fimple, c’eft-à-dire, peu furchargée ; nous ne trouvons que trois extraits, qui font ceux de gentiane , de trefe d’eau & le cathartique; trois plantes , favoir, l’abfinthe vulgaire, le chardon-bénit & la fauge oficinale. La claffe des médicamens compofés eft peu compliquée , ainfi que les formules qu’elle préfente : donnons pour exemple le caraplafme finapifme : prenez poudre de femence de moutarde, farine de feigle , de chaque la quantité qu'il vous plaira. Faites une pâte avec du vinaigre de vin, en fuflifance, pour appliquer tiède fur un linge à la plante des pieds; & le co/lyre commun : prenez eau fimple, huit onces; vitriol blanc, demi-gros: faires un mélange exat, contre les inflammations des yeux, dont on fera ufage après les faignées d'ufage. Pharmacopæa Suecica , ad exemplar Holmienfe à 1780, recufa. 4 Leipfick & Al:ona , chez Helmann , 1784, & Je trouve à Strafbourg , chez Konig , in-8°. Le Collège Royal de Médecine a jugé néceffaire cette feconde édition corrigée de la Pharmacopée Suédoife, ne penfant qu’à la rendre plus propre à l'utilité publique. On a donc éliminé certains remèdes, dont l'ufage commence à cefler parmi les Médecins; & l'on en a ajouté d’autres, dont on ne peut prefque pas aujourd’hui fe pafler. Autant qu'il a êté poflible, on a changé les mauvaifes dénominations anciennes en de nouvelles plus propres à indiquer les principales parties des compofés , afin qu'on n'eût pas occalion de confondre des médicamens dont les propriétés font très-différentes; cependant pour Putilité de ceux qui préferent les anciens noms, on en a fait le catalogue, en plaçant le nouveau à côté. Cette pharmacopée eft partagée en matière médicale , qui eft la fimple énumération des drogues ; en préparations & compofitions. Parmi les médicamens fimples, nous y trouvons que l'écorce intérieure de l’orme eft connue en Suède depuis un tems immémorial ; qu'à Srockolm , les Médecins font ufage d'une feve , qui eft également connue dans le Nord. Cette feve exotique d'Amérique, fe recueille fur une efpèce de laurier; elle s'appelle pechurius ; on l’eftime comme étant un puiflant tonique ; elle entre dans l'éleduaire diafcordium , dont voici la formule : Prenez feuilles de fcordium , trois onces. Cachou. Fèves de pechurius. Racines de tormentille, de chaque deux onces, Opium , un gros & demi. 2 Miel de Suède , ving-huit onces. ave SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS, 485$ Délayez l'opium dans du vin d'Efpagne, ajoutez-le au miel légère ment’ chaud ; les autres ingrédiens réduits en poudre fine feront mis peu-à-peu; fi ce mélange n’eft pas fuffifamment liquide , il faudra y mettre alors du vin d'Efpagne ce qu'il en faudra pour un éleétuaire, Ce diafcordium nous paroît moins compliqué que nos anciennes formules ; il peut méricer par-là une préférence qui doit être néanmoins établie par les Médecins. Voici encore une recette qui mérite notre attention; elle eft intitulée : fyrop de mercure, Prenez mercure révivifié, un gros ; Gomme arabique, trois gros; Eau rofe, quantité fufñifante pour réduire la gomme en mucilage. Broyez le tout dans un mortier de verre, jufqu'à ce que le vif-argent foit complettement éteint ; ajoutez enfuite, peu-a-peu , quatre onces de fyrop fimple. - Ce fyrop fe donne avec fuccès dans les maladies vénériennes, Ne finiflons pas cet article fans faire connoître les pilules favonneufes fuivantes : Prenez favon blanc , deux onces; Extrait de bouleau, une once; Faites-en une mafle, pour partager en pilules de trois grains chacune: Elles fonc excellentes contre les affections des reins & de la veflie. Differtazione fopra una veia, &c. c’eff-à-dire : Differtation fur la guérifon d’une fille née aveugle ; par M. BoSTOLAZZ1, Chirurgien de Verone. À Verone, chez les héritiers de Marc Moroni, 1761, in-8°. de 104 pagés. Cet Ecrit a deux parties; dans la première M. Boftolazzi trace l'hiftoire de celle qui fait le premier fujet de cette obfervation; il expofe avec beaucoup de foins les fignes qui indiquent une cataracte d'un bon - caradère ; il apporte les caufes qu'il croit devoir faire préférer l'extraction de la cataracte à fa dépofition. Paflons à l’opération de l'aveugle-née : après avoir corrigé les humeurs de cette fille , qui étoit chloroti- que, par l’ufage de décoctions amères & de fel diurétique , M. Bofto- lazzi opéra de certe manière: il perça avec fon inftrument la cornée tranfparente, à une ligne de diftance du cercle qui circonfcrit la cornée opaque; il pénétra enfuite jufqu'à la capfule de l'humeur cryftalline ; alors il fortit avec force une matière brune qui, mêlée à l'humeur aqueufe , rendoit obfcure la chambre antérieure de l'œil. M. Boftolazzi, croyant que cette matière étoit une partie de l'humeur vitreufe, craignoit d’abord que fon opération ne réufsît pas. Il fur enfuite fort étonné de ce que l'œil ouvert après l'opération, n'offroit aucun veftige d'opacité ; il 486 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, guérit la bleflure de l'œil fans faire ufage des fomentations toniques & fpiritueufes , dont il a reconnu, avec d’autres, non-{euiement l'inu- tilité, mais bien encore le danger démontré par l'expérience. Une fièvre qui furvinc l'empêcha d'opérer l’autre œil ; opération qu'il ne pratiqua qu'un an après la première, mais avec le même fuccès. La feconde partie de cette Diflertation traite des meilleurs inftrumens néceflaires à l'extraction de la catarate; M. Boftolazzi donne la préférence à Paiguille que Wenzet a décrite dans fon Mémoire médico-chirurgical fur la cataracte. Enfin, il ajoute diverfes obfervations , que lui ont fait naître les deux opérations qu'il décrit dans fon Livre ; ainf , par exemple, il a remarqué cela de particulier däns une jeune fille, qu'aufli- tôt après l'opération, elle jugeoit fainement de la grandeur, de la diflance & de la poltion des objets; chofes abfolument contraires à l'obfervation de Chelelden, chirurgien anglois, après avoir aufli opéré un aveugle-né. C’eft à ceux qui ont le plus d’occafion de voir opérer des aveugles , à juger de cette contrarièré d’effets. Jo. GrorG. Friperic. FRANZIt, Phil & Med. D. Prolufo de Medicorum legibus metricis. 4 Leipfick , chez Sommer, in-4. de 24 pages. On connoït le pouvoir fingulier que la mufique a toujours eu fur les hommes, même dans l’état fauvage, agrefte, & fur les plus féroces, C'eft dans le fond de la Thrace qu'on nous dit qu'Orphée adoucifloit les tigres & les lions. Les Médecins ont eflayé d'employer contre plufieurs maladies un agent aufli puiffant, Jis ont même encore été plus loin. Ils ont voulu démontrer que le corps humain obéifloit ftriétement aux loix muficales de l'harmonie, Le mouvement fi réoulier de la cir- culation du fang dans les artères & les veines , le pouls, dont la moindre altération indique les maladies, ont été foumis aux loix muficales, Hérophile aflure que Pline réduifoit à des modulations certaines & à des loix muficales les pulfations des artères. Si l’admirable doctrine de ce Médecin obfervateur a été dans la fuite négligée & abandonnée , fa trop grande fubtilité en a feule été caufe. Le favant M. Franzius a recherché dans les livres qui nous reftent des Grecs & des Romains, ce qu'ils nous ont tranfmis de la doctrine fphygmique d'Hérophile, ou autrement de fes idées {ur les loix mulicales du pouls. Il les a com- parées avec celles des Médecins poftérieus qui ont plus ou moins puifé dans les anciens fyflêmes. Les amateurs des opufcules philologiques trouveront dans celui-ci les fleurs de l’éloquence jointes avec la fcience, & une vafte érudition littéraire & médicale, SUR L’'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 487 Avis aux Médecins & Bornifiese L'impreffion de l'Ouvrage de M. Arriont (1) intitulé : Flora Pedemontana, commencée à la fin de l'année 1783, eft prefqu'achevée actuellement, & paroîtra dans le mois d'avril prochain. Cet Ouvrage intéreflant contient deux volumes 1-fol. de 700 pages, fans compter la Préface & les Tables. [l y a 92 planches tirées fur du papier royal, lefquelles repréfentent 228 figures de plantes nouvelles, ou rares, & pourront former un troifième volume. La première planche contient beaucoup de figures deftinées pour l'intelligence du fyflème, & des phrafes des Boraniftes. Les herbes, dont il eft parlé dans cer Ouvrage, font toutes proprement du Piémont , elles paflent le nombre de 2800, & on ne l'a pas augmenté par celles qui font cultivées, ou peuvent être réduites à de fimples variétés. Les moins connues font décrires. Le fyftême fuivi eft le même, qui a été donné par l’Auteur dans le cinquième Volume des Mélanges de la Soctété Royale de Turin. Mais les ordres des claffes ont été changés en bonne parue, & tirés plutôt du fruit, que du nombre des étamines. Les caractères des genres font exprimés avec toute l'exactitude poflible en conféquence d'une comparaifon rigoureufe de toutes les efpèces avec leurs genres. Non-feulement l'on a rapporté les fynonimes principaux des Botaniftes, mais l'on a ajouté les noms ufités dans la Pharmacie, ceux de Matthiol, & du pays : les lieux où elles croiflent, font indiqués d'après les obfervations de l'Auteur , & de tous les autres Botaniftes, qui ont parcouru le pays. Pour les ufages , & les vertus médicinales, l'Auteur a fuivi principalement fa longue expé- rience, & il a eu foin d'exprimer toutes les précautions à fuivre dans l'emploi des plantes. L'Ouvrage finit par plufieurs Tables, qui facilitent les recherches. ; ; Ceux qui foufcriront dans l’efpace de fix mois , auront un exemplaire en blanc pour 4$ liv. de Piémont, ou ÿ4 liv. monnoie de France, & payeront la moitié du prix en foufcrivant , & l’autre moitié en recevanr -l'Ouvrage. Les frais du tranfport feront à leur compte. Après ce tems, le prix de POuvrage fera de $5 liv. de Piémont , ou de 66 francs. On foufcrit à Paris chez Durand neveu, Didot le jeune , Goguée & Née ; & à Lyon, chez Bruyfet père & fils, & les frères Perifle, (1) Ancien Profeffeur de Botanique à l’Univerfité de Turin, Direéteur Chef du Jardin Public de Botanique, & du Cabinet d’Hiftoire Naturelle ; Membre & Tré- forier Perpétuel de l’Académie Royale des Sciences de Turin , de celles de Bologne, & de Madrid : des Sociétés de Bâle , des Curieux de la Nature de Berlin , de Ja Phyfco-Botan. de Florence , de Gottingue , de Londres, de Luden , de la Patriotique de Milan , de Montpellier , de Padoue, & de la Royale de Médecine de Paris, 488 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, &c: ee een er pee TABLE Des ARTICLES CONTENUS DANS CE CAHIER. Loerrre de M. DE SAUSSURE de Genève à M. l'Abbé MoNGEz le jeune, fur l’ufage du Chalumeau , page 409 Remarques Jur les Expériences de M. CAvENDISH, fur l'air , adref[ees à M. Bancx par M. KIRWAN , de la Sociére Royale de Londres , le 29 Janvier 1784 ; traduites de lAnglois, 414 Notice de quelques Minéraux des Pyrénées ; par M. DE LA PEIROUSE, 427 Lettre de M, le Comte De Razoumowsky , à M. l'Abbé MoNGEz le jeune , fur des Cryflallifations métalliques , & quelques obferva- tions minéralogiques , 441. Suite des Obférvations fur l'Acide marin déphlogifliqué ; par M. PELLETIER , Mermbre du Collège de Pharmacte de Paris, & Correfpondant de l'Académie Royale de Turin , 452 Nouvelles Obfèervations fur la formation des Ethers ; par M. PELLE- TIER , Membre du Collège de Pharmacie de Paris, &c. ass Defcription d'un inflrument propre à mefurer le penchant d'un terrein ; par M. INoCHODSOF, 461 Mémoire fur l'Acide Kkarabique , ou du Succin ; par M. DE MoRrVEAU , | 467 Nouvelles Lirtéraires , 472 ASPLENRNONB ANTON, J'ai lu , par ordre de Monfeigneur le Garde des Sceaux , un Ouvrage qui a pour titre: Obfervarions fur la Phyfique, fur l'Hifloire Naturelle G fur les Ares, Ëce par MM. Rozier & Moncez le jeune , &c. La Colle&tion de faits importans qu’il offre périodiquement à fes Leëteurs , mérite l'attention des Sayans; en confé- quence , j'eftime qu’on peut en permettre l’imprefion. À Paris, ce25 Juin 1785. VALMONT DE BOMARE. TABLE Far ts dit "vs. ) VTT Eu gs î EE sn TABLE GENERALE DES AUR TI CLE.S CONTENUS DANSCE VOLUME. PHYSIQUE. DE leffec des Parfums fur l'air; par M. ACHARD, page 81 Differtation Jur la Chaleur latente, traduite de l'Italien, de M. le Chevalier LaANDRIAN1; par M. B.F.1. de Dijon, 88 Suite. de La Correfpondance de M. Micnaezis & de M. LiCHTEN- BERGER , traduite par M. EYSEN , Minifire du Saint Evangile, à Niederbronn , IOI Réponfe de M. LICHTENEBERGER , 103 Lettre de M. le Baron DE MaAkiveTs, férvant de Réponfe à celle de M. SENNEBIER , infèrée dans le Journal de juiller 1784, page 75, 140 Mémoire fur quelques fluides qu'on peut obtenir dans état aréoflatique à un degre de chaleur peu fupérieur à la température moyenne de la terre, par M. Lavoisier, 142 Differtarion fur les Couleurs accidentelles ; par M. CHARLES SCHERFFER, Profeffeur de Mathématiques dans l'Univerfité Impériale & Royale de Vienne , traduite de l'Allemand , par M. BERNOULI1 , de l’Académie de Berlin, avec quelques Remarques de M. ÆpiNus, de l'Academie de Saint-Peterfbourg, Jur le même Jujet : 175 Suite de la Differtation de M. LANDRIANt, /ur la Chaleur latente, 197 Sur l'Emphyfeme artificiel opéré avec différentes fortes d'air ; par M. ACHARD, ‘ 244 Obfervations fur la quantité de chaleur fpécifique des corps Jolides , & Jur la manière de la mefurer; par M. WiLcKkeE, traduit du Suédois , par M. le P. De V. de l'Académie.de Dijon , 256 Suite de la Differtarion fur les Couleurs accidenrelles ; par M. CHARLES SCHERFFER , 273 Obfervarions fur les Couleurs accidentelles ; par M. ÆPINUS, 291 Mémoire fur des Fontaines périodiques irrégulières ; par M. ALLUT, de la Société Royale de Montpellier , de l'Académie de Dijon, &c. 29 Olfe-vations fur la conffru&tion & l'ufage de l'Eudiomètre de M. Fox- TANA, & fur quelques propriétés particulières de l’air nitreux, Tome XXV1I, Part, 1, 1785. JUIN, Q qq 4590 TABLE GÉNÉRALE DES ARTICLES. adreffées à M. DOMINIQUE Beck , Con/eiller du Prince Archevéque de Salzbourg, par M. INGEN-Housz , 339 Expériences qui prouvent que des corps de même nature, mais de différens volumes € de différentes maffes , Je chargent de la matière, éleétrique en raifon de leur furface, fans que la maf]e y ait la moindre influence ; par M. ACHARD, 378 Suite des Obfervations de M. Wicke, fur la chaleur Jpécifique des corps ,traduires du Suédois, par M. le P. DE VW: 381 oo CHIMIE. Co uRTES Remarques oryéographiques fur la mine d’or proche du Village de Nagy ak , dans le territoire de Hunyad en Tranfilvanie ; par M. HACQUET, Membre de l’Academie Impériale des Curieux de la Nature en Germanie , page 25 Leure de M. HasseNFRATZ à M. l'Abbé MoNGEz le jeune, fur la cryflallifation de la glace, 34 Seconde Lettre fur le méme objet, 36 Suite des Expériences fur les airs ; par M. CAVENDISH, traduite de l’'Anglois, par M. PELLETIER, 3 Lettre de M. DE LA METHERIE, D. M. à M. l Abbé MonGrz le jeune, Jur la produétion d'une liqueur par la combinaïfon de l'air pur & du gaz nitreux , 7 Avis fur un moyen économique, communiqué par M. MoyrouD , Maître de Forges, pour la fabrication de F Acier , 108 Lertre [ur l'aëion des acides fur la teinture du bois de Bréfil ; par M. À. M. Y. 10 Mémoire fur la combinaifon des huiles avec les terres, les alkalis & les fubflances métalliques ; par M. BEXTHOLET , 114 Expériences pour reconnoître le verd-de-gris dans les cidres 3 par M.MEZzA1ZE, Apothicaire- Major de l'Hôtel-Dieu de Rouen, &c. &c. 131 Obfervations fur la décompofition de l'acide nitreux par le phobFos 5 par M. CHAPTAL, Profefleur de Chimie des Etats de Langue- doc, 187 Aanalyfe d'une nouvelle mine de bifmuth terreufe folide, recouverte d’une efflorefcence d'un verd jaunâtre ; par M. SAGE, 271 Mémoire fur l'acide marin déphlogifliqué , lu à la Séance publique de l’Académie des Sciences , du 6 avril 1785; par M. BERTHOLFT, 32x Obfervations RER Jur l'acide marin déphlogifliqué , relatives à Fabjorption de l'air déphlogifliqué par l'acide marin ; par M. PEL- | | nn TABLE GÉNÉRALE DES ARTICLES. 4or LETIER, Membre du Collège de Pharmacie de Paris, &c. 389 Lettre de M. ps SAUSSURE de Genéve à M. l'Abbé MonGez le jeune , Jur l'ufage du Chalumeau , 409 Remarques Jur les Expériences de M. CAvVENDISH, fur l'air , adref]ées à M.BaAncK par M. KiRWAN, traduites de l Anglois , 414 Nouvelles Obfervations fur la formation des Ethers ; par M. PELLE- TIER , Membre du Collège de Pharmacie de Paris, &c. 4$$ Mie Jur lAcide karabique , ou du Suecin ; par M. DE MORVEAU , 463 EP HISTOIRE NATURELLE, Lrvres à à M. l'Abbé MoNcrz, , Jur les jouiffances que procuré l'étude de l’'Hifloire Naturelle des Infeétes ; par M. HETTLINGER, ancien Infpeëteur Général des mines de baffe- Navarre, de l'Académie Royale des Sciences de Lifbonne, & de la Société Phyfique de Zurich , page 3 De l'élévation des montagnes , & de diverfes autres parties de la Lombardie Autrichienne ; par le P. ÉRMENEGILD PINr, 8 Extrait d'un Mémoire fur les différentes efpèces de Chien de mer ; par M. BROUSSONET , Affocié ordinaire de la Société de Londres , &c, &c. % SI Lettre à M. MoNGEz le jeune, fur les fchorls violets des Pyrénées ; par M. PELLETIER, 66 Defcription d'une nouvelle efpèce de manganéfe en forme de fpaths ; par M. RiNMAN, traduite par M. L. D, B. de l'Académie de Dijon, IIx Déféription d'ur nouveau palmier foffile ; par M. ANT. Deruc, de Genève, 112 Suite du Mémoire Ter les Chiens de mer ; par M. BROUSSONET, 120 Defcription de différentes efpèces de Phoques 3 par J. LEPECHIN, 132 Defeription d'un Mourerier, Juivi de quelques expértences relatives à a couleur bleue que l'on powrroit obtenir de fes baies ; par M. PA3oT DES CHARMES, ; {es 192 Obfervations fur le Coccus-characias, 1%) © 207 Suire de l'Analyfe du Traité du venin de la vipère ; par M. FoN- TANA, 219 Moyen fi imple de deffécher les larves pour les conferver dans Les Colledions entomologiques à côté des Infetes qu'elles produifenr : par M, D'ANTIC, 241 Le 492 TABLE GÉNÉRALE DES ARTICLES. Obfervations fur des fruits proliferes de melèze ; par M REeYGNIER; Membre de la Société des Sciences Phyfiques de Laufanne, 254 Seconde Leitre à M. ! Abbé MoNGEz, par M. HETTLINGER , Jur une Phalene Hermaphre odite , 268 Suite des Extraits du Porte-feuille de l'Abbé DicQU'MARRE. Cétacés. Calcul où pierre trouvée dans l'utérus d'un marlourn , 294 Remarques Jur la Mangoufle ou l’Ichneumon d Egypte ; par M. Soir DE MANONCOURT , 26 Nouveaux éelairciflemens concernant l'ancienne hifloire fabuleufe qui Je trouve dans Simon Pauli , fur La plante de Norwège qu’on nomme Gramen oflitragurn Norweoicum Simon Pauli ; par M. GLEDITSCH , traduits de l SDANE 330 Levrre de M. Cecs à M. l'Abbé MoNGEz le jeune , 380 Notice de quelques Minéraux des Pyrénées ; par M. DE LA PEIROUSE, ; 427 Lettre de M, le Comte DE RAzoumowsky , à M. l'Abbé MoNGEz le jeune , fur des Cryflallifations métalliques, & quelques obferva- tions minéralogiques , 441 MÉDECINE. Os FRVATIONS importantes fur l’ufage du fuc gafirique dans la Chirurgie , page I6I Mémoire de M. Demours fils, Doëteur. Régent de la Faculté de Médecine de Paris, & Médecin Oculifle du Roi en furvivance, 21x Extrait d'une Diferaror Jur l'Hydrophobie & [ur Jon ea de : Méloé du mois de mai & le Profcarabe ; par CHARLES TRAUGOTT SCHWARTS , de Silefre,, 359 A RxTS Dsscriprrox d'un inflrument propre à mefurer le penchant d'un terrein ; par M. INoOCHODSOF , page 461 AGRICULTURE. Lerrre à à M. l'Abbé MonGrz le jeune, au fujet du bled fermenté de M. le Chevalier Marco BARBARO ; par M. LA PEYROUSE, page 216 Nouvelles Litiéraires pages ÊR= 14 9— 230— 303 — 397 — 472" pr LP 47e" YALAAA ALI à + RUE As Éiphatnle den PL rm re TER TER + € #1 | | NI Lo | È A ES Rs SRE EE RERISE