RE RO és LLS STE eee. Lxe ROIS : an D Le” SUR # Q “ LA PHYSIQUE. SUR L'HISTOIRE NATURELLE ET SUR LES AR TIS AVEC DES PLANCHES EN TAILLE-DOUCE; DÉDIÉES A M. CHARLES-PHILIPPE BOURBON: Par M. l'Abbé Rozrrr, de plufieurs Académies ÿ par RE 4 ) OBSERVATIONS -Moncrz je Jeune ; Chanoine Régulier de Sainte Geneviève, des Académies Royales des Sciences de Rouen 5 € Dijon ,,de Lyon, &e. & POTEAN Craie DE LA ÉTHERIE, Doeur en Médecine, de J “Académie des Sciences , Arts & Belles-Lertres de Dijon , de l’Académie des Sciences de Mayence , de la Société des Curieux de la Nature de Berlin , de la Socieré des Sciences Phyliques de Laufanne , de la Société Royale de Médecine d'Edimbourx | &c. TOME XXX VIII. . Kg A PARC TS AU BUREAU du Journal de Phyfique , rue & hôtel Serpente, Er Je trouve À LONDRES » Chez JosEpx pr Borre, Libraire, Gerard-Streee, N°,7, foho, M. DCc. XCI, AVEC PRIVILÈGE DU RO, PERS TX 54 2 Net Papill LS ARS e > OBSERVATIONS MÉMOIRES LA PHYSIQUE . SUR L'HISTOIRE NATURELLE, ET SUR LES ARTS ET MÉTIERS. DISCOURS PRÉLIMINAIRE; Par J. C. DELAMÉTHERIE. L'avis qui vient de s’écouler fera remarquable par les grands événemens qui sy font pallés, L'efprit humain a fait les plus belles découvertes dans la Philofophie naturelle, & les vérités morales annoncées depuis long-tems par les philofophes vont enfin entrer dans le code des nations. Les peuples cefferont bientôt de fe regarder comme la propriété de quelques defpotes ; & l’homme connoiffant toute la dignité de fon être, jouira paifiblement des bienfaits que lui accorde La nature. Hélas! elle les a mêlés d’affez de maux, pour que des tyrans farouches & fangui- naires ne viennent pas encore en altérer les douceurs. Tome XXXV1III, Part. 1, 1791. JANVIER, A2 4 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, Affronomie, Le nombre des comètes eft encore incoanu. En faifant un relevé de toutes celles qu’on a obfervées en différens rems, on en trouve uue très-orande quantité : & des philofophes d’après différentes {uppo- fitions , ont porté ce nombre encore bien plus luin. Lambere fuppoloit un million de comètes. Mais en Aftronomie comme dans toutes les autres parties de la Philofophie naturelle, on a banni routes les hyporhèles, & on recherche des faits bien conftatés. Cette année on a vu trois comètes, qui ajoutées aux foixante-feize bien connues, en aflurent l’exiftence de foixante-dix- neuf, Le 7 janvier, mifs Herfchel en découvrit une dans la confellation de pégafe. Le 9 janvier, M. Mechain en apperçut une feconde dans le lien des poiflous, C’eft la huitième comère découverte par cet habile aftronome. Enfin, le 17 avril, mifs Herfchel'en découvrit une troifième dans Andromède. MM, Mechain & Meflier l’ont apperçue jufqu'au 28 juin. On a calculé leur orbite dans la partie inférieure ; mais on ignore le tems de la durée de leur révolution, qu’on ne pourra favoir que loriqu'elles reparoîtront une feconde fais. L’Aftronomie doit chaque année de nouvelles découvertes à M. Herfchel, La plus intéreflante qu’il ait faite cette annéeeft celle qui concerne l'anneau de faturne. Il eft très-peu vifible dans ce moment, parce qu'il ne fe préfente à nous que latéralement du côté de fon épaifleur, M. Herfchel l’a otfervé avec {on grand télefcope de quarante pieds. Il a diftingué dans cet anneau un point aflez lumineux pour lui faire voir que cet anneau aun mouvement de rotation fur lui-même dans la direétion de fon plan. Ce mouvement s'exécute en 10 heures 32’, Cette obfervation explique parfaitement comment cette couronne de foixante-fix mille lieues de diamètre peut fe foutenir par elle-même quoique fi mince ; car M. de la Place avoit déjà reconnu par le calcul que fi elle tournoit {ur elle-même en dix heures, la force centrifuge feroit aflez confidérable pour en foutenir toutes les parties. M. de la Lande & M. le Francois fon neveu ont continué leur grand travail à l’obfervatoire de l’Ecole-Militaire fur la poñtion des étoiles boréales, & ils ont déjà déterminé celle de huit mille éroiles, M. de la Lande avoit promis depuis long-tems aux marins des Tables pour trouver en mer l'heure par Ja hauteur du foleil, à routes les latitudes & à toutes les déclinaifons. Madame le François {a nièce a exécuté ce travail long & pénible. M. le Monier a publié un Mémoire {ur la navigation , dans lequel il érablit l'exiftence des courans dans la mer du fud , l'utilité de la hauteur de la lune pour trouver les longitudes , & où il explique l'obfervation de t nn OEE ni SUR LHIST. NATURELLE ET LES ARTS, ç M. de Guignes faite à la Chine d'une éclipfe qui devoir être totale, & qui a été annulaire à caufe de l’atmofphère de la lune, M. l'abbé Beauchamp eft revenu de Bagdad où il a établi un obferva- toire. Il en a rapporté les obfervations de plefieurs nulliers d'étoiles, & plus de cent cinquante obfervations qu'il a faites de mercure, que l'on voit fi rarement dans nos climats. 1 a dreflé une carte de l’Afe depuis le golfe Perfique jufqu'à la mer Cafpienne, fur laquelle il a corrigé un rand nombre d'erreurs. ( Zoologie.) Cette partie de l'Hiftoire-Naturelle, quoique la plus intéreMante, fait peut-être moins de progrès, parce qu'elle eft plus dificile. IL n'eft pas aifé de faifir des animaux comme de cueillir des plantes ou ramafler des minéraux. Nous avons fait connoître le travail de M. Mafcagni fur les vaiffeaux lympbariques. Certe partie mériteroit bien d'être fuivie avec foin par ngs anaromiftes , qui n'ont plus de grandes découvertes à faire dans les autres parues de l’Anatomie : & peut-être celles fur les vaifleaux lymphatiques nous conduiroient à celles des vaifleaux que l'on foupçonne dans les nerfs + fervir à la circulation de l’efprit nerveux ; mais peut-être faut-il pour cette découverte que quelqu'artifte fafle pour le microfcope ce que M, Herfchel a fair pour le rélefcope. Nous avons cependant quelques ouvrages fur la Zoologie. M. Walbaum a donné une nouvelle édition des ouvrages d’Arredi fur l'Itiologie , avec des notes intéreffances, M. Hollandre a donné une Hifloire-Naturelle des quadrupèdes vivipares & des oifeaux. M. Gray a publié un Mémoire très-intéreflant fur les amphibies de Linnæus, & particulièrement fur les ferpens ; M, l'abbé Bonaterre a donné aufli un ouvrage fur les ferpens ou Traité d'Ophiologie , &c. &c. 7 Mais la partie qui a fait les plus grands progrès eft l'Entomolosie , où Phiftoire des infectes. Les collections des amateurs dans cette partie one des plus riches. I] ne refte qu’à décrire. M. Fabricius, que nous avons le plaifir de pofléder à Paris, a publié une defcription de celles qu'il a vues dans le Nord; mais il a trouvé dans les cabinets de certe capitale, rels que ceux de MM. Gigot d'Orcy , Olivier, Bofc d'Antic, &c. &c. une immenfe quantité d’elpèces , foir de nos contrées, foit des pays méridionaux , cul n’avoit pas vues. On les publie danses deux beaux ouvrages dont M. Me cet amateur aufli diftingué que zélé pour la fcience, hâte l'exécution ; il fait defliner toutes ces efpèces, énluminer, &c. L'un eft la colledtion des papillons d'Europe, dont la vingt-unième livraifon paroît , & l’autre eft l'Entomolosie, ou hiftoire naturelle des infeêtes, avec leurs cara@ères génériques & fpécifiques, &c. par M. Olivier, dont il a paru cette année plufeurs livraifons furles coléoptères, quenous avons annoncées. Le Public connoît tout le mérite de ces deux beaux ouvrages: ainfi il feroit inutile de mous y arrêter davantage, 6 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, Botanique. Cette partie s'enrichit journellement, foit par les plantes nouvelles que ramaflent les botaniites , foit par celles dont ils publient la defcription. M. Smith qui pofsède la colletion de Linnæus, nous avoit donné l'année dernière une première décade des plantes rares. Il vient d'en publier une feconde qu’il a fait enluminer. L’exécution en eft très-belle, & la defcription telle qu'on doit l’attendre de ce célèbre naturalifte, ë M. l'abbé Cavanilles a donné une differtation fur le Paffiflora avec ures. M. de la Billardière a inféré dans ce Journal la defcription d’une nouvelle efpèce d’aftragale du Liban, qui produit de la gomme adragant. Il l’a accompagnée de vues fur le mécanifme qui favorife l'écoulement de cette gomme, M. le Valeur nous a donné la defcription de deux efpèces de kina de Saint-Domingue. L'un ,le Caribæa , étoit déjà connu : le fecond , le Spinofa , paroît être nouveau. M. de Chazelles a publié un fupplément au Diionnaire de Miller. Indépendamment de la partie d'Agriculture qui y eft bien traitée , on ÿ trouve la defcription de quelques plantes peu connues. Les botaniftes étrangers ont donné plufieurs differtations particulières fur les vertus & les propriétés de quelques plantes. Nous allons ici rapporter quelques-uns des travaux de nos botaniftes françois. M. de la Mark continue à travailler avec le même zèle à la partie botanique de l'Encyclopédie, M. KRichard a préfenté à l'Académie des Sciences de Paris, 1°. un Mémoire fur legenre Fungaria, qui a du rapport avec le Ciromorion, L. 2°. un Mémoire fur le Harapa oleifera , arbre de Cayenne, décrit incomplettement dans l'ouvrage d’Aublet ; 3°. un Mémoire fur le genre Prerocarpus, L. avec la defcription de quelques efpèces qui sy rapportent, M. de la Billardière a préfenté à l’Académie , 1°. la defcription de deux nouveaux genres de plantes, dont l'un de la famille des jafmins eft appelé Fontanefia , du nom de M. Desfontaines , & l’autre s’appelle Erocantha de la famille des ombelles & voifin de l'Echinophora, L. 2°. une décade de plantes nouvelles avec figures, de celles qu'il a rapportées de Syrie. M. Desfontaines a lu à l'Académie un Mémoire fur le chêne du gland doux du Mont-Atlas ; il a préfenté à la Société des naturaliftes de Paris une décade des plantes nouvelles qu'il a apportées des côtes de Barbarie. M. l'Héritier a préfenté à l’Académie des Sciences de Paris, 1°. un Mémoire fur le genre Hemitomus voifin du Celfia, L. Ce nouveau genre renferme quatre efpèces nouvelles originaires du Pérou, & rapportées par M. Dombey ; 2°. un Mémoire fur le Taxus elongata , L. dont l’auteur fait un genre nouveau qu'il a appelé Podocarpus, Il y a rapporté plufeurs SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS, 7 efpèces, dont une nouvelle originaire du Pérou. Ce genre a quelques rapports avec l'if, f ) : L'origine des champignons a ranimé une ancienne querelle parmi les botaniftés. On fait que M. Necker dans fon Traité Mycitologique prérend ‘que les champignons ne font pas des plantes femblables aux autres végétaux, qu'ils viennent fans femences, & {ont par conféquent fans fexes. Erfin, il en fair des êtres intermédiaires entre les végétaux & les minéraux, Cette opinion a été défendue par M. Medicus & par M. Reynier. Tous ces favans botanifles penfest que ces efpèces font produites par une véritable criflallifation des parties organiques , fans que ces parties aient été préparées chez un père & une mère comme dans les autres végétaux ; elles proviennent feulement d’autres corps organifès en décompofition. M, l'abbé Spallanzani a aufli attaqué le fyftême des fexes des plantes par des expériences que nous avons rapportées dans le tems. M. de Beauvois a répondu à M. Medicus & a fourenu le fyftème des exes des plantes, Il prétend que Jes obfervations de MM. Necker, Medicus & Reynier {ur l’origine des champignons ne font point concluantes, & il perfifte à les regarder comme de véritables plantes, IL faut convenir que l’analeoie efl conforme à cette opinion. Les champignons naïflent , croiflent , végètent , & périflent comme les autres végétaux. Ainfi quoiqu'on n'ait pas encore pu diftinguer leurs parties fexuelles ni leurs femences ; l’analogie fait préfumer qu’ils en ont. D'un autre côté la nature a fouvent des exceptions. Les analogies fone Touvent fautives, & doivent céder aux faits & aux obfervations, Le philo- fophe doit donc toujours être dans cet état qui lui fafle accueillir la vérité lorfqu'elle fe préfente à lui. Laïflons difcuter cette queftion par les favans rt s'en occupent. La fcience ne peut que gagner dans cette lutte ’opinions , lorfqu’on combat par des faits, des expériences, des obfervations. Ce qu'il y a de certain c’eft que la génération fpontanée rejettée avec tant de dédain depuis quelque tems par une certaine claile de phyficiens ; doit être admife par tout vrai philofophe, ne fft-ce que pour expliquer La première origine des étres organifés. Je regarde encore comme certain que la génération n'eff qu'une véritable criflallifation. La queftion fe réduit donc en théorie générale à favoir, f£ Les liqueurs propres à criflallifer pour former un étre organique ne peuvent étre préparées que chez d'autres orpanifés. C'eft la marche la plus ordinaire de la nature dans ces momens-ci. À la première origine des chofes elle en a dû füuivre une autre, Il eft donc démontré qu’elle pourroit encore l’em- ployer. C’eft par conféquent à l’obfervation à décider fi elie y a renoncé abfolument. On fait que par NATURE j'entends la collection des êtres exiftans. Les Zoix de la nature font les loix que fuivent tous les êtres qui exiftent. Nous 8 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, fuppofons que ce mouvement, ces loix & l'exifterice fonc effentiels à ces êtres, ainfi que la fenlibilité; qu’ils éprouvent une fenfarion , un fenti- ment , toutes les fois qu'ils repoivent un mouvement ; qu'ils ont toujours exifté, ont toujours été animés d'un mouvement qui leur eft effentiel ; & enraifon de ce mouvement ils fe font combinés , ont criftallifé de telle & telle manière, ont formé ici des êtres que nous appelons inanimés , là des êtres animés, ou organifés , dont la partie centrale qui eft au centre du fenforium comme recevant un plus grand nombre de mouvemens, a plus de fenfbilité & d'intelligence ; que plus la machine fera parfaite, plus grande fera cette intelligence, comme nous le voyons chez les différens animaux que nous connoiflons ; que fi par conféquent il exifte un être organifé de manière à communiquer tous les mouvemens & les fentimens poflibles à l'être qui fera au centre de cette machine ; celui-ci fera l'être fouverainement parfait 8 P.... Voilà tout ce que l’analogie apprend & peut apprendre au philofophe phyficien fur la nature des êtres exiftans, qu'elle nous dit être en très- rand nombre, fans nous aflurer fi tels ou tels êtres de la férie des êtres poffibles font exiflans (Voyez dans mon Difcours de l’année dernière la férie des êtres ) ; & nous n'avons point d’autres moyens de connoître les êtres exiftans qui ne font pas foumis à nos fens, que l’analogie. . .., N’affirmons pas qu'il eft impoñlible que les champignons ne viennent pas de graines, n'ayant pas de fexes; mais difons qu'il eft vraifemblable que ce font des plantes comme les autres jufqu’à ce que des obfervarions bien conftatées aient prouvé le contraire, Le fait fuivant doit nous rendre encore plus circonfpects, M. de Sauflure a obfervé deux nouvelles efpèces de trémelles, & il a reconnu qu’elles avoient un véritable mouvement, comme l’avoit déjà vu M. Adanfon. Ces obfervations ont fait conclure à M. de Sauflure, avec MM. Bonnet & l'abbé Cortis , que les trémelles n’éroient point des plantes comme on l’avoit toujours cru , mais devoient plutôt être rangées au nombre des animaux; il fe pourroit que les champignons n’appartinflenc pas plus aux végéraux que les trémelles, que l'on doic peut-être regarder comme des êtres intermédiaires entre les animaux & les végétaux. Ces vues confirment ce que j'ai dit que dans la claffification des êtres organifés il falloit après les polypes placer les trémelles, puis les biffus, &c. de-là on pañleroit aux autres végétaux. Minéralogie. Cette fcience acquiert tous les jours par les travaux des chimiltes ; car elle ne pourra faire de vrais progrès qu'avec le fecours de la Chimie, quoi qu'en veuillent dire certains minéralogiftes. Plufeurs fubftances fur lefquelles on avoit prononcé fur de fimples apperçus, ont été analyfées avec foin, & on a reconnu qu'elles étoient d’une nature toute différente de celle qu'on avoit foupçonnée. Le phofphate calcaire de l'Eftramadure que M. Prouft nous avoit fait connoître SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS, 9 connoître, mais dont il n'avoir pas eu le tems de faire une analyfe exa&e » a été examiné de nouveau par MM. Pelletier & Donadei, [ls y ont reconnu indépendamment de l'acide phofphorique, l'acide marin & l'acide fluorique. M. Weedowood ayant analyfé une terre qu’il a reçue de la nouvelle Zélande , a cru y reconnoître aflez de caraétères particuliers pour en faire une efpèce nouvelle, Elle eft fufble au feu, ne fe diffout que dans l'acide marin, dont elle ne précipite pas l'eau ; mais en ajoutant de l’acide nitreux à l’acide marin, l'eau ne la précipite plus. . . . Si ces premiers apperçus fe confirment, ce fera une nouvelle terre à ajouter aux fept autres, & nous aurons, 1°. la terre calcaire, 2°. la magnéfienne, 3°. la terre pefante, 4°. la terre argileufe , $°. la terre filiceufe , 6°. La cerre kirkonienne ou du jargon, 7°. la rérre adamantine ou du fpath adamantin, 8°, la terre zelandienne; mais il faut attendre de nouvelles expériences pour prononcer fur ces trois dernières terres. M. Klaproth a répété fes expériences fur le glimmer verd & fur la pech- blende. Il y a conftamment trouvé le nouveau demi-métal qu’il a appelé uranite, Le même chimife , dans l'analyfe du jargon , a fait voir que l’alkali de la foude cauftique diffout avec beaucoup de facilité la terre argileufe, Il a aufi analyfé le plomb jaune de Carinthie que M. Heyer avoit foupçonné être minéralifé par l'acide tungftique. M. Klaproth a conclu d'après un grand nombre d'expériences que ce n’étoit point l’acide tungftique, mais l'acide molybdique. Avec quelle fatisfattion devons-nous voir nos connoïflances s'étendre ainfi. Il y a peu de tems qu’on croyoit que le foufre & l’arfenic feuls minéralifoient les différentes fubftances métalliques, Aujourd'hui il eft prouvé que le nombre de ces minéralifateurs eft très-confidérable, 1°. Le foufre fe trouve le plus fouvent dans les mines de plomb , de fer, de cuivre, de mercure, &c. Il minéralife au(fi l'argent, l’étain, &c. 2°. L'arfenic mféralife le fer, le cuivre, l’argent & un grand nombre d’autres fubftances. 3°, L’acide arfenical peut aufñli fervir de minéralifateur, fuivant M. l'abbé Mongès le jeune. 4°, L’acide vitriolique fe trouve dans les vitriols de fer, de cuivre, de zinc, & dans celui de plomb que nous avons fait connoître. $°. L'acide phofphorique eft le minéralifareur du plomb vert, du rougeâtre & du noir de Bretagne, du fer dans la fidérite, &c. 6°. L'air fixe eft dans toutes les mines fpathiques du fer, dans le plomb blanc , dans les calamines , &c. 7°. L'air pur fe trouve dans la manganèfe , dans le wolfram, dans le plomb rouge de Sibérie, &c, 8°. L’acide marin minéralife l’argent corné, le mercure corné, &c. Tome XX XVIII, Pare, I, 1791, JANVIER. xo OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, 9°. L’acide molybdique fe trouve dans le plomb jaune. 10°, Le wolfram eft encore une mine de fer minéralifée par lacide tungftique qu'y ont démontré MM. Delhuiart, foir qu'il s'y trouve fous forme acide, ou fous forme métallique. 11°. La plombagine fe trouve aufli avec le fer dont elle peut être regardée comme un des minéralilateurs. Il eft très - vraifemblable qu'on rencontrera aufñi l'acide boracique combiné avec quelques fubftances métalliques , comme M. Laflius l’a trouvé combiné avec la terre calcaire dans le fpath boracique. L'acide fluorique doit encore être un minéralifateur ; car le fparh fuor eft trop commun dans les mines pour que fon acide ne fe trouve pas combiné avec les fubitances métalliques. Enfin, que ne nous promettent pas les travaux foutenus des grands chimiftes qui s’occupent de ces analyfes? M. de Sauflure nous a donné la relation de fon voyage au Mont-Rofe, dont le plus haut pic eft élevé de deux mille quatre cent trente toifes au-deflus du niveau de la mer, c’eft-à-dire, n’eft inférieur que de vingt toifes à l'élévation du Mont-Blanc. Cette montagne eft remarquable par la multiplicité & le rapprochement de fes hautes cîmes dont la difpofition fait une efpèce de cirque vuide en dedans. On diflingue fept de ces principales cîmes & autant de vallées. Les pentes en font fort douces. Et une chofe très-remarquable eft que le Mont-Rofe & les montagnes adjacentes font compofées de couches qui font prefque par-tout à-peu- près horifontales. Le granit en mafle ne s'y rencontre qu'accidentelle- ment, Enfin, il y a des mines d’or dans un de ces rameaux à Macugnaga. Cette relation eft remplie de grandes vues & d’obfervations intéreflantes , telles que les fait faire ce célèbre naturalifte. M. Screiber nous a fourni des détails très-intéreffans fur la mine d'or d'Allemont. Il nous a appris qu’on n'y trouve cette fubftance précieufe qu’accidentellement , & qu'elle n'eft point en filons réglés ; ce qui nous explique comment plufieurs fleuves, & fur-tout en Trance, charient des aillertes d’or, fans qu’on puifle en conclure qu'il y ait dans les montagne; d’où fortent ces fleuves des mines d’or fuffifamment riches pour être exploitées, & que cet or y foit en filons. Cependant nous favons qu’on exploite avec avantage des mines d'or infiniment pauvres en apparence, favoir , des mines qui au quintal ne contiennent que trois grains d'or. M, de Sauflure en a va exploiter avec fuccès au pied du Mont-Rofe qui n'étoient guère plus ziches, Le même minéralogifte, M. Screiber, nous a fait connoître la manière dont les fameufes mines du Hartz font exploitées. La nation françoile qui eft fi peu avancée fur ces matières ne fauroit trop les étudier. Sous l'ancien régime la faveur faifoit accorder à un feul particulier des SUR L'HIST: NATURELLE ET LES ARTS. II privileges exclufifs pour exploiter les mines de toute une province, fouvent de tout le royaume. Sans doute aujourd’hui on fent toute l’abfurdité de ces conceflions ; mais on eft encore éloigné d’avoir des idées faines fur ces matières. Les mines en filon qui ne font qu’une veine plus ou moins étroite, & dont la direction s'étend au loin dans le fein des montagnes ne peuvent être exploitées avec profit que par celui qui peut fuivre le filon à une certaine diftance, Il faut donc aflurer à celui qui fait les premiers frais La fuite du filon. Mais les mines en couches, telles que les mines de fer, les mines de charbon fur-tout, ne font point de la même nature. Les couches de charbon s'étendent dans tout le canton, & il y en a ordinairement plufeurs lits les uns fur les autres. On peut donc les exploiter avec avantage en ayant une très-petite étendue de terrein. Aufli en Angleterre où cette partie eft fi bien entendue, & qui fait une partie de la richefle de cette île célèbre, chaque propriétaire exploite {ur fon fonds. . . . On ne doit donc point en France accorder de privilège “pour cette partie, ou au moins il faut le teftreindre à une très-petite étendue de terrein. On doit feulement veiller à ce que les exploitations fe faffent par des perfonnes intelligentes. L’Aïlemblée Nationale qui ne peut avoir fur ces matières des con- noiffances par elle-même, ne fauroit faire trop d’artention au plan qu'on lui propofera ; car encore une fois la manière dont les charbons font exploités en Angleterre forme la fource la plus féconde de leurs richefles (1); & ilen fera de même de la France. L'origine des bafaltes a occafionné des grands débats parmi les miné- ralogiftes allemands. MM. Werner & Widenman ayant vu des bafaltes en colonnes appuyées fur des couches de charbons de terre lefquelles étoient parfaitement intactes, ont conclu que ces bafaltes n’ayant pu couler fous forme de laves incandefcentes fur ces matières très-com- buftibles , ont dû avoir une autre origine. Ils penfent en conféquence , comme l’avoient déja dit quelques chimiltes , que ces bafales étoienc des matières effectivement vomies par les volcans, mais qui avoient été enfuite remaniées par les eaux, & avoient ainfi criftallifé en colonnes prifmatiques, M. de Dolomieu perfiftant à regarder les bafaltes comme produits du SE] (r) À Decize dans le Nivernoïs il y a des mines très-riches de charbon. Eh bien !. la faveur a fait accorder à un feul particulier un privilege exclufif fur un efpace de cinq mille toifes de diamètre , en déponillant tous les propriétaires voifins. On fent qu’un feul particulier ne peut pas faire cetre exploitation... . Tome XXXVIIT, Par. 1, 1791. JANVIER, B 2 > OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, feu , penfe que ies fubftances dont ont jarlé les chimiftes allemands ne font que des trapps. Mais ve pourroit-on pas donner une autre explication de ce phénomène? Nous favons que la lave coulante criftallife rarement en prifmes fi elle ne rencontre pas La mer ; car au Véfuve, à j'Etna, on n’a prefque trouvé des colonnes que fur les bords de la mer, Or, la lave ne peut-elle pas être refroidie aflez promprement par les eaux pour qu'elle re puifle embrafler.des charbons qui fe trouveroient baignés de ces eaux ? Je crois que cette fuppofñition expliqueroit l'obfervation de MM. Werner & Widenman. M. de Razoumowski a décrie une nouvelle efpèce de charbon de terre; qu'il regarde comme une véritable tourbe ligneule , c’eft-à-dire, une zourbe produite par des bois entiers, & non par des rofeaux & autres plantes analogues comme la tourbe ordinaire, M. Struve a donné la defcription d’ure fubftance minérale qu'il appelle plambagine charbonneufe criftallifée en hexaëdre, Il la regarde comme une fubftance particulière. M. de Razoumowskia cru y reconnoître une fubftance métallique particulière ; mais ces experiences méritent d’être répétées. M. Donadei nous a donné quelques détails fur l’ambre-gris qu'on ramafle fur les côtes de Gafcogne, & confirme les apperçus de M. Swediaur qui regarde lambre-oris comme un produit de la digeftion d’une efpèce de cachalot qui mange la feiche. M. Dodun a trouvé danslesenvironsde Caftelnaudariun feld-fpath très- chatoyant qu’il a repardé comme de la même nature que l'œil-de-poiffon; cependant cette fubftance, quoiqu'ayant le nacré de l'œil de poïflon , ne paroît pas en avoir entièrement la tranfparence ni les autre qualités. Le même naturalifte dans fes favantes recherches a rencontré des criftaux de fpath calcaire cubiques. Phyfique. Si la Phyfique proprement dite paroît faire moins de progrès que les autres parties des fciences naturelles, c’eft qu'on l’a reftreinte à des limites plus étroites. On la borne, pour ainfi dire, aujourd'hui à la feule recherche des loix des diflérens corps. Ainfi dans la Statique elle détermine les loix des corps folides, dans l’Hydroftatique celle des fluides grolfiers, tels que Peau, &c. dans l'Optique elle eft bornée à rechercher les Joix des rayons lumineux, foir fimples , foit décompofés par le prifme, dans l'Ele@ricité & le Magnétifme celles des Auides électrique & magné- tique, dans le feu celles de fa propagation , &c. &c. & ces parties font avancées, excepté ce qui concerne l’Electricité & le Magnétifme qui laiflent beaucoup à defirer. Telles fonc les limites qu’on a aflignées aujourd’hui à la Phyfique. Si elle veur enfuite s'élever à pénétrer la nature de ces différens corps, il faut qu’elle ait recours à la Chimie, C’eft ainfi que cette dernière sel SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 13 emparée du plus beau domaine de la Phyfique , de tout ce qui concerne la nature de l’eau, de l'air, des rerres, des métaux, &c. &rc, Mais le chimifte ne pouvant foumertre à fes analyfes le feu, la lumière, le fluide éleétrique , le fluide magnétique, &c. ces fubftances font encore demeurées dans le département du Phylicien, quoique fans doute bienrôc le premier les réclamera. C’eft fous ce rapport comme phyficien que M. de Luc a traité de ces différens fluides dans les favantes Lettres qu'il m'a fait l'honneur de m’adrefler. L'exiltence du fluide électrique ne peut fe contefter, puifqu’elle eft fenfble au tract & à l'odorar. Celle du fluide magnétique, quoique ne pouvant fe percevoir par nos fens , eft aufi hors de doute ; les effers qu'il produit font trop vilibles ; mais quelle eft leur nature ? J’avois penfé qu'il y avoit une grande analogie entre le fluide éledrique & l’air inflammable ; je regardai l’un & l’autre comme des compolés, L'un & l’autre s’enflamment: l’un & l'autre détonnent : lun & l’autre produifent à-peu-près les mêmes effets fur les métaux... .Le fluide électrique eft feulement beaucoup plus fubtil que l'air inflammable ordi- naire. Celui-ci contient beaucoup d'eau, Peut-être ne diffère-t-il du fluide éleétrique que parce qu'il n'y en a pas , ou peu dans celui-ci. J'avoue que ce n'eftqu'une hypothèfe ; mais quoi qu’il en foir, je fuppofai que la matière de la lumière fe trouvoit combinée avec quelqu'autre fubftance dans ces fluides qui fe décompofent & fe recompofent journellement. M. de Luc diftingue la matière électrique & fon fluide déférent. Il ne croit pas que la matière électrique foic le feu , ni que le feu en foit même un des principes. Il préfume plutôt que la matière éleétrique contient une Subflance qui avec la lumière produit le feu ; 6 que la lumière qui fe manifefle dans la décompofition du fluide électrique appartient à fon fluide déférenc. E La plupart des phyfciens croient avec Franklin qu'il exifts une quantité à-peu-près conftante de fluide életrique, laquelle ne fait que pafler d’un corps dans un autre, en s’accumulant tantôt dans celui-ci, tantôt dans celui-là , & tendant aufli-tôt à fe remettre en équilibre. M. de Luc penfe au contraire que ce fluide fe décompofe & fe recompole très- fouvent. D'ailleurs, il eft sûr, comme je l'ai dit dans nes Vues Phyfiologiques , que ce fluide fe combine dans l'économie animale & végétale , & peut- être aufli dans les minéraux, S'en combine-t-il une plus grande quantité qu’il ne s’en dégage ? C’eft ce que nous ne favons pas. Au moins cela doit-il rendre douteufe l'hypothèfe de Franklin , qu'il exifte toujours à peu-près la même quantité de fluide électrique libre, qui ne fait que pailer d’un corps dans un autre. Nous avons encore moins de données pour la connoiflance du fluide 14 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, magnétique que nous ne faurions nullement faifir. Tout ce que nous pouvons dire, c'eft qu'il a quelque rapport avec le fluide électrique. M. Prevoit dans fon favant Traité a fait voir qu’ils fuivent à-peu-près les mêmes loix. à La lumière eft une autre fubftance dont on ne peut nier l’exiftence, mais fur la nature de laquelle Les phyficiens ne font nullement d'accord. Quelques phyficiens de la Grèce penfoient qu'elle n’eft qu'une émiffion des corps. Defcartes la regardoit au contraire comme un fluide particu- lier ébranlé par le corps lumineux , ainfi que l’air l’eft par les corps fonores. Newton a embraffé le fyflème des Grecs, Euler celui de Defcartes, en y faifant l’un & l’autre les corrections qu'exigeoient les connoiflances acquifes de leur rems. Prefque tous les géomètres , les aftronomes, ainfi que M. de Luc, embraffent l'opinion de Newton, qui fuivant moi, eft cependant moins vraifemblable que celle de Defcartes & d'Euler ; mais pour faire voir la manière dont les gens les plus inftruits font fouvent entraînés, & dont ils motivent leur opinion, je vais rapporter une anecdote, laquelle on doit étendre plus ou moins à tous les hommes, & qui par là même n'eft pas indifférente. - Je converfai fur ces matières, particulièrement fur l’attradtion & le newtonianifme, avec un des plus célèbres partifans de cette doctrine. Nous ne l’envifagions pas comme Newton qui ne l’a jamais préfentée que comme une fimple hypothèfe ou l’expreflion d'un fait, mais comme Maupertuis, Clairaur, &c. qui en ont fait une qualité inhérente à la matière, une caufe phyfique, & nous difions: « Dans cette dernière hypothèfe deux corps placés à une diftance quelconque agiroient l'un fur l’autre quoique dans un vuide abfolu : la diftance changée , leur » action changeroït & fans une caufe fufffante; nulle caufe phyfique » intermédiaire ne pouvant concourir à cette action. . . .On ne fauroit » donc dans cette opinion concevoir l’attradion que comme l'effet d’un » agent tout-puiffant qui auroit dit: Je veux que cela foit ainfi. . . .» Eh bien ! lui dis-je, vous qui êtes matérialifte, vous ne fauriez admettre Pattraction dans ce fens -là....Il en convinc. . . . Tels font tous les hommes. Un fyftème eft à la mode dans un pays par une raifon quelconque. On l’adopte , quoiqu'il foit contraire à nos principes. Aucun homme vraiment philofophe ne peut foutenir l’attraétion que dans le fens de Newton comme une hypothèfe dont il faut rechercher la caufe phyfique dans l'action d’un fluide quelconque qui agiffe en raifon inverfe des quarrés des diftances, comme le fluide électrique, &c.&c. &c. La nature du feu n’eft pas plus connue que celle des fluides dont nous venons de parler. Deux grands fyftèmes partagent les phyficiens à cet égard. Les uns avec Bacon penfent que le feu n’eft point un corps par- ticulier, & qu'il n’eft que leffet du mouvement des parties des corps. Les autres, & en bien plus grand nombre aujourd'hui , regardent le ë ë SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 15 feu comme un fluide particulier ; mais quelle eft la nature de ce fluide > Deicartes penfoit qu'il eft un fluide particulier 5eaucoup plus fubtil que la lumière; & ce fentiment eft le plus généralément adopté. D'autres le confondent avec le Auide lumineux. Des troïfièmes difent que la lumière fe rrouve bien dans le feu , mais y eft unie avec une autre fubftance, M. Pier, qui nous a donné cette année un beau travail fur cette matière , n'ofe prononcer fi le feu elt un des compofans de la lumière, ou la lumière un des compofans du feu, M. de Luc croit que le feu, caufè immédiate de la chaleur, ef? compo de lumière, & d’une fubftance jujqw'ici inconnue. Plufeurs autres phyficiens ont diitingué la matière du feu de la matière de la chaleur. Meyer, Schéele, &c. ont regardé la chaleur comme un compolé du feu & d'air pur. Toures ces opinions s’étayent par quelques faits & beaucoup de raifonnemens ; mais atcune n'eft appuyée fur des probabilités fuffifantes. Cependant nous devons de nouvelles lumières fur cette matière aux travaux faits cette année par MM, Pictet , de Luc, Vacca-Berlinghieri, Seguin, Haflenfratz, Reynier , &c. &c. Les expériences fe multiplient chaque jour fur ces matières difficiles, Atrendons tout du tems, Le P. Corte continue avec le même foin fes obfervations météoro- logiques. Il nous a donné le réfultar de celles qu'il a faites fur la variation de l'aiguille aimantée qui, 1°. a une tendance continuelle à s'éloigner du nord depuis huit heures du matin jufqu’à deux heures après midi, & s’en approche depuis cette dernière époque jufqu’au lendemain à huit heures; 2°, la plus grande agitation de l'aiguille a lieu à huit heures du matin. M. Cafan nous a communiqué les obfervations météorologiques qu'il a faites à Sainte-Lucie, [l a vu que le baromètre indiquait que l’armofphère étoit fenfible aux caufes qui produifoient les marées, comme on l’avoit déjà dit, & que dans les vingt-quatre heures il éprouvoit deux petits mouvemens ; que d’ailleurs le mouvement du mercure dans cet inflrument étoit très-petit dans ces régions, ainfi qu’on l’avoit déjà obfervé. La denfité des différentes couches de l’air atmofphérique a Jong-rems occupé les phyficiens. Ce fluide étant élaftique & très-compreflible doit être plus denfe dans fes couches inférieures, en raifon du poids qui le comprime. Cette denfité décroît en proportion géométrique tandis que les hauteurs croiflent en Rene arithmétique, c'eft-à-dire, qu’elle fuit la raifon du quarré des hauteurs. Bouguer chercha à déterminer cette denfite par la perte de mouve- ment qu'éprouvoit le pendule. Il crut appercevoir que la loi ci-deflus étoit exacte dans les grandes hauteurs ; mais qu’elle éprouvoit des ano- malies dans la partie bafle de l’atmofphère, d’où il çoncluoit que toutes 16 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE; les parties de l’air ne jouifloient pas du même degré d'élafticiré, & que les plus élaftiques gagnoïent ia partie fupérieure. M. de Sauflure fils, qui marche fur les traces d’un père célèbre, a fait voir par un grand nombre d'obfervations que la loi étoit vraie , & que l'erreur de Bouguer provenoit de ce qu'il n'avoit pas tenu compte de l'influence de la chaleur qui éprouve de bien plus grandes variations dans les parties bafles de l’armof- phère que dans les parties élevées ; que par conféquent rien ne prouvoit que les différentes molécules de l'air jouiffent d’un différent degré d’élafticité. Cependant nous favons, 1°. que l’air atmofphérique n’eft pas un fluide homogène, mais eft compofé principalement d’air phlogiftiqué & d’air purz2°. qu'il paroît que l'air pur eft plus ahondant à une certaine hauteur de l’atmofphère, quoiqu’on l'air cru plus pefant, & à une plus grande hauteur , il eft pour lors en moindre quantité. Or, ces airs n’ont pas tout-à-fait le même degré d'élafticité ; mais la différence n’elt pas aflez confidérable pour être fenfible à ces fortes d’obfervations. M. Van-Marum a fait de nouvelles expériences électriques qu'on retrouvera dans ce cahier & les fuivans. | Chimie. Nous venons de voir ce qu'a fait la Chimie pour la Minéra- logie, Ses fuccès n’ont pas été moins éclatans dans les autres parties. MM. Thourner & Fourcroy dans l’exhumation des cadavres du cimetiere «les Innocens, ont faic une obfervation importante. Ils ont vu que lorfqu’une trop grande quantité de cadavres eft enfouie dans la même terre , la décompofition ne peut plus s’y faire en entier, & qu'une portion eft changée en une efpèce de fubftance grafle qu'ils ont appelée, d'après les fofloyeurs , gras. Cette fubftance très-particulière n’elt pas feulement le réfulrat de la décompofition de la graifle qui peut fe trouver dans les cadavres; mais il paroîr que la plupart des parties molles peut fe changer en gras. Ces favans chimiftes donneront l'analyfe de cetre fubftance. Ce faic tout naturel en explique d'autres qui avoient autrefois été envifagés d'une manière furnaturelle. Dans les tems d'ignorance les prêtres avoient perfuadé aux peuples que les corps de ceux qui avoient mérité d’être canonifés ne fubiffoient point la décompofition commune, & étoient confervés par une force furnaturelle. On voit à quoi tenoit cette efpèce de prodige prétendu, C’eft ainfi que la Phyfique a fait difparoître tous les prétendus miracles, les prophéties , &c. &c.& qu'elle nous ramène fans cefle à la nature. MM. Parmentier & Deyeux ont donné un très-beau Mémoire {ur lanalyfe comparée des différens laits; & ils ont fait voir en quoi ils différoient. M. Milner en faifant pafler la vapeur de l’acide nitreux dans un tbue incandefcent à travers des fubftances métalliquees, favoir , de petits -copeaux de fer, a obtenu de l’alkali volatil, L’acide s'eft décompofé dans cette SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 17 cette opération. Son air phlogiftiqué s’uniflant avec l'air inflammable du métal & une portion de la matière de la chaleur a produit cet alkali, que nous voyons fe former dans un grand nombre d’autres procédés analogues, par exemple, en expofant de l'air nitreux fur de la limaille de fer, &c. M. Milner a enfüite fair l'expérience inverfe , & a changé l'alkali volatil en acide nitreux. L'alkali devoit fournir l'air phlogiftiqué. 11 falloit une fübftance qui fournît l'air pur. Il a pris une chaux métallique ,la manga- nèfe, le vitriol vert, &c. qu'il a mis dans un canon de full, & y a fait pafler de lalkali volatil. IL a obtenu de l’air nitreux & de l’acide nitreux. M. Van-Mons a fait les mêmes expériences en fe fervant de la litharge, fur laquelle il a ver{£ de l'alkali ammoniacal cauftique. Le mêlange a été tenu fur un bain de fable à une chaleur de 40 à 4$ degrés. Au bout de quelques jours l'odeur de l'alkali avoit difparu , & ayant leffivé la matière, on ena retiré {fx grains de vitre de plomb. Le même chimifte a obtenu un acide phofphorique déphlogiftiqué ; c'eft-à-dire, furchargé d'air pur. MM. Pelletier & Donadei dans leurs expériences fur le phofphate calcaire, ont retiré un air inflammable phofphorique qui a détonné en le mélant avec l'air pur & y ajoutant de l'air nitreux. On fait que l'air inflammable phofphorique ordinaire détonne avec l'air pur, Celui-ci n’a pas détonné avec cet air, mais dès qu’on a ajouté de l'air nitreux à ce mélange , la chaleur que l'air niereux & l'air pur ont contradtée, a fuff pour faire détonner l'air phofphorique. M. Weftrumb a fait un grard nombre de belles expériences fur l'inflammation des corps dans le gaz acide marin déphlogiftiqué. Rereman avoit vu le premier l’action de ce gaz fur les corps combuftibles, M. Pelletier parvint enfuite à y enflammer le phofphore. M. de Fourcroy ayant fait pañler du gaz ammoniacal dans ce gaz, il y eut inflammation & détonna- tion, Enfin, M. Weftrumb vient d'y enflammer la plupart des métaux, le cinabre, le foufre doré d’antimoine, &c. Ce gaz acide fe combine avec ces fubftances, puifqu'après l’opération on les retrouve toujours combinées avec cet acide; & dans la combinaifon il y a aflez de chaleur pour produire la combuftion, Mais nous arrivons à des expériences d'une toute autre importance. M. Tonti, jeune Napolitain, envoyé à Schemnitz pour s’inftruire dans l'art de l'exploitation des mines, & M. de Ruprecht, font parvenus à réduire en régules la plupart des fubftances rerreufes, Ils onr commencé par la terre pefante qui leur a donné une véritable fubftance métallique. La pefanteur de cette terre avoit fait foupconner depuis long-tems qu'elle éroit une chaux métallique. Bergman l'avoit dit pofrivement d’après l’expérience fuivante: Il précipita par l’alkali phlogiftiqué une diffelution de terre pefante dans les acides. Le précipité fur bleu, D’où il Tome XXXVIIT, Part, I, 1791. JANVIER. 18 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, conclut que cette terre éroir métallique ; mais ni lui ni aucun chimifte g'avoient pu en retirer des régules. Nos deux chimiftes enhardis par ce fuccès , ont tenté la même expé- sience fur les autres terres. Ils ont pris du fel d’epfom ou vitriol de magnéfie bien criftallifé. Ils l'ont décompofé par un alkali crès-pur ; & la magnélie a été lavée & purifiée avec foin, Ils Pont mélangée avec du charbon bien fec & mis dans un creufet. Ce creufet a été placé dans un autre creufer plein également de poudre de charbon. Le tout a été expofé à un feu violent animé par deux gros foufflets l'efpace environ de deux heures. Ce tems a fuff pour cbtenir le régule. ï Is ont enfuite pris une terre calcaire très-pure, & pour cela ils ont fait de l’eau dé chaux, laquelle précipitée par Fair acide, leur a donné une terre calcaire aérée de la plus grande pureté. ls l'ont trcitée comme la magnéfie , & en ont obtenu également un régule. La terre précipitée de l’alun leur a aufli donne les mêmes rélulrats une feule fois, Enfin , l'acide boracique traité avec les mêmes précautions, leur a également donné une fubftance métallique. Ces expériences, fi elles fe confirment, nous portent à dire que toutes Les fubftances terreufes font des chaux métalliques , & par conféquenc vont faire difparoître la clafle des terres pour augmenter celle des métaux. Nous aurions dans cette hypothèfe vinot-fept fubftances métalliques : 1°. la platine; 2°. l'or ; 3°. l'argent ; 4°. le cuivre; 5°. l’étains 6°. le plomb ; 7°. le fer; 8°. le zinc; 9°. le mercure; 10°. le bifmuth; 11°. l’antimoine ; 12°, l’arfenic; 13°. le cobalt ; 14°, le nickel découvere en 1751; 15°. la manganèfe découverte en 1774 par Schéele ; 16°. la molybdène découverte en 1778 par Schéele; 17°. la tungflène découverte en 1781 par Schéele. MM. Delhuyar ont prouvé que le même méralétoit contenu dans le wolfram. I] faudra ajouter aujourd'hui, 16°, le métal boracique découvert en 1790 par MM. Tonti & Rüprecht, ainfi que les fuivants ; 19°. le métal barytique; 20°. le métal nragnéfien ; 21°. le métal calcaire ; 22°. le métal argileux. Et par analogie nous pourrions conclure qu’on obtiendra, 23°. un métal filiceux de la terre filiceufe ; 24°. un métal fluorique de l'acide fluorique. Et enfin fi les expériences de MM. Klaproth & Weedgwood fe confirment fur les nouvelles terres qu’ils nous annoncent, nous aurions , 25°. un métal jargonien retiré de la terre du jargon ; 26°, un métal adamantin retiré de la terre du fpath adamantin ; 27°. un métal zelandie reriré de la nouvelle terre de M. Weedpwood. S Mais ne nous hâtons pas de tirer ces conféquences, & attendons que SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 19 les expériences de Schemnitz foient bien conftatées ; car quoique les talens-de M. de Ruprecht foient bien connus , & que M. Tonti paroifle fort inftruit , il auroit pu peut-être leur échapper quelque chofe dans l'opération , qui en infirmeroit les réfultats. On a même déjà télevé des doutes, & on a dit que c'étoic l’acide phofphorique du charbon , qui s’uniffant avec uue portion de fer contenu dans ce mème charbon, & ce charbon lui-même formoit une fidérire charbonneufe, qui avoit une apparence métallique ; mais il paroïc que l'expérience répétée avec le- charbon feul, n'a pas donné les produits qu'on a obtenus avec les différentes terres, comme on le verra par la Lettre inférée dans ce cahier, de M. Landriani à M. l'abbé Tefa. S Ces grandes expériences jetteroient un nouveau jour fur cette partie de la Chimie; car fi la chaux calcaire, par exemple, eft une fubfiance métallique , on ne fauroit la regarder comme un oxide , c’eft-à-dire, une fubftance acide : car elle pofsède toutes les qualités alkalines au fuprème degré; à moins qu'on ne veuille dire qu'acide & alkali font fynonime : & alors pourquoi ne pas dire que blanc & noir font la même chofe, On n’a jamais retiré d'air pur de la chaux. Elle fe calcine fans commu: nication avec l'air. Elle tient une fi grande quantité de feu ou de matière de la chaleur, qu'on peut le rendre vifible en humectant légèrement un gros morceau de chaux. Ceci démontreroit ce que nous répétons depuis fi long-tems , que la matière de la chaleur eft un des principes conflituans des chaux métalliques, & que quoique l'air pur s'y trouve fouvent , il ne leur eft cependant pas néceflaire. Enfin , la chaux ayant autant d'analogie qu’elle en a avec les alkalis ; ce feroit une nouvelle preuve que les fubitances métalliques ne font point des êtres fimples. Il eft bien prouvé que l’alkali volatil ou ammoniacal eft compolé d'air inflammable & d’air phlogiftiqué (& fuivant moi, de la matière de la chaleur ); il paroît auf que l'alkali fixe peur fe convertir en alkali ammoniacal dans la combuftion du tartre. D'ailleurs, nous le voyons fe former journellement dans les nitrières, chez les végétaux, &c. * Il eft donc prebable , fuivant les analogies, que Ja terre calcaire eft forniée des mêmes principes que les alkalis : & effectivement nous la voyons aufli fe produire journellement , ainfi que la magnélie, chez les végétaux élevés dans l’eau diftillée, Puifque ces fubftances métalliques, la chaux & la magnéfie, fe pro= duifent de cette manière, l'analogie peut nous porter à croire qu'il en eft de même des autres fubftances métalliques qui fe trouvent dans les végétaux, tels que le fer, la manganèle & l'or. Nous en devons dire autant du phofphore , qui fe retrouve dans toutes les plantes , favoir , dans leur matière glutineufe & dans le charbon , foit comme phofphore, foit comme acide phofphorique. H en eft de même de l'acide vitriolique , de l’acide marin , de la matière charbonneufe , &c, Tome XX XVIII, Part. I, 1791. JANVIER, C 2 20 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, - Les végétaux élevés dans l'eau diftillée avec le plus grand foin, con- tiennent toutes ces fubftances que l’eau n’a pu fournir , ni l’air atmofphé- rique ; il faut donc convenir qu’elles y font formées par les forces vitales, avec l’eau, l’air, Le feu, la lumière, la matière électrique , &c. &c, & que par conféquent ce font des compofés, & non des êtres fmples. M. Girtanner, dans deux beaux Mémoires {ur l'irricabilité, penfe que cette faculté des corps organifés n'eft mife en action que par l'oxigène. Il fonde fon opinion fur les expériences connues que des parties irritab'es mifes fous des cloches remplies de différens airs, ont confervé leur irritabilité beaucoup plus long-tems dans l'air pur que dans tout autre air. x : Après avoir rapporté les magnifiques expériences dont les favans étrangers ont enrichi les fciences, MM. Prieftley, de Luc, Kier, &c, nous ramènent aux hypothèfes des phyficiens François, & aux difputes qu’elles ont fait naître. M. Prieftley fait voir d’ailleurs l'infufñfance de leur nomenclarure, On perfifte néanmoins dans cette nouveauté, blâmée par prefque tous les bons efprits, & qui cependant féduit beaucoup de jeunes gens, toujours avides des chofes neuves. Plufieurs autres perfonnes s’en fervent, parce que, difent-elles , on ne veut pas paroître ignorer ce qui effnouveau; car elles conviennent bien avec moi de tous fes défauts, & qu’on ne fauroit fonder de nouveaux mots fur des idées fyftématiques. En effet, comment appeler l'air pur, oxigéne principe acidifiant , puifque dans ce fyflême ce principe fe trouve infiniment plus abondam- ment dans l’eau dont il fait les 0,85 que dans aucun acide connu. L'air fxe ou acide carbonique dans ce {yflême eft compofé de 0,72 d’air pur, & de 0,28 de charbon, L'acide nitreux eft compofé , fuivant M. Cavendish, de fépt parties d'air pur & de trois d'air phlogiftiqué. L'air inflammable ne peut par la même raifon être appelé kydrogéne, puifque ce feroir plutôt l'air pur qui mériteroit ce nom. Je ne répéterai pas que oxigène & hydrogène n'ont pas dans le grec la fignification qu'on veut leur donner. Pourquoi appeler azote l'air phlogifiqué , plutôt que Pair inflam- mable, lair nitreux, &c. qui font également azotes ou ne peuvent entretenir ni la vie ni la combuftion. L'acide nitreux auroit donc dû être appelé azorique, & les nitres azotates, >.. Mais puifqu’on vouloir bannir jufqu'au mot phlogiftiqué, par une belle haine pour le phlogiftique, & qu’on vouloir néanmoins conferver le mot aitre, par reconnoiflance pour les poudres qui rendent beaucoup d'argent, il falloit appeler Pair phlogiftiqué air ritrogëne. On nous objecte que plufieurs anciens mots font mauvais. Que veut- on dire? Un mor eft une convention qui, dès qu'elle eft admife par tout le monde ,remplit {on objer, & ne peut être mauvais, Veut-on ! SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 2 dire que plufeurs mots en Chimie ne font pas conformes aux analogies ? Et n’eft-ce pas la même chofe dans toutes les parties de la langue ? Que fignifie faumon de plomb ? Un morceau de plomb a-t-il du rapport avec un poiflon ? Une gueufe de fer? du fer a-t-ii du rapport avec une gueufe? Un fecrétaire meuble a-til quelque analogie avec un fecré- taire homme qui écrit?... Le à Il y a dans routes les langues plus de la moitié des mots auffi in: propres, c’eft-à-dire, äufli éloignés des analogies que ceux-ci. Enfin s'il eût été permis de changer les noms, il ne falloit pas faire une no- menclature barbare, dure & fondée uniquement fur des idées fyfté- matiques , qu'il faudra changer de nouveau dès qu’on fera défabufé du fyftème. D'ailleurs un grand nombre des anciens mots qu’on a voulu changer éroient très-bons, & on ne fauroit meilleurs, tels que l'air éxflammable, l'air pur, nitre, viriols, &c. &c. Ce ne peut donc être que le plaifir de dire : nous avons fait des mots3 & qu'elt-ce qui n’en peur pas faire ? La nomenclature de M. Dobfon feroit bien préférablé ; mais il eft feul à la propofer, & n’a pas de corps pour la fourenir. L’hypothèfe de la compofition de l'eau a été combatrue avec force par plufeurs célèbres phyficiens, MM. Prieftley, de Luc, &c. Dans les premiers momens que fut connue la belle expérience de M, Cavendish, (dont on a cherché enfuite à s'emparer } d’une grande quantité d’eau obtenue par la combuftion de l'air pur & de l'air inflammable, je rappelai la même expérience que j'avois faite avec moins de précautions, & revôquant en doute les conféquences de ce célèbre phyficien , je perfiftai dans mes premiers apperçus , & je dis «: qu'il >» étoit prouvé que tous les airs contenoienr beaucoup d’eau, qu'il étoie » für que ces airs ceflant d’être à l’état aériforme , devoient abandonner > cette eau : qu'ainfi avant que de pouvoir conclure qu'il y avoit ici une » nouvelle produétion d'eau, il falloit s'aflurer que toute l’eau qu'on > obrenoît n'étoit pas dans ces airs, & qu’enfin je préférois cette dernière » hypothèfe à celle qui fuppofoit une véritable formation de l’eau », Mais que deviendroit Pair, m’objeéteroit-on ? Je répondois, « que » les véritables parties de l'air n’avoient pas de poids appréciable, pas ».plus que celles du Auide élerique très-fenfible à nos fens, que > celles du fluide magnétique, de la lurnière, du feu, &c. que lorfque ces > parties aériennes cefloient d’être à l’état aériforme, elles devenoienc > affez fubtiles pour traverfer les vaifleaux & ne plus s’y rerrouver », &c. Jamais les partifans du nouveau fyflême n’ont rien répondu de fatif- faifant à ces réflexions fi fimples. Ils conviennent bien qu'il y à de l'eau dans les airs; que même il ne peut pas y avoir d'air fans eau: mais ils foutiennent qu'il ne fauroit y en avoir une fi grande quantité. C’eft >2 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, une affertion qu'ils ne prouvent point. La feule raifon plaufble qu'ils allèguent eft qu’on ne fauroit retirer toute cette eau par les moyens hygrométriques. Je leur ai répondu que cela prouvoit feulement que l'eau avoit plus d’aflinité avec l'air qu'avec les fubitances hygrométriques connues. MM. Prieftley & de Luc ont fait valoir toutes ces raifons & quelques autres avec beaucoup de force. Ce dernier phyficien , liant ces idées avec fes grandes vues fur la météorologie, a fait voir combien l'air avoit d’affinité avec l’eau, combien nous étions peu avancés en météo- rologie, qu'il étoit très-vraifemblable que l'air n'avoir point de poids par lui-même, que tour fon poids éroit dû à l’eau... & que par con- féquent on ne pouvoit affurer qu’il y eût une véritable production d'eau dans l'expérience de M. Caverdish. Nos adverfaires difent roujours que l’eau y eft réellement produite, & ils rapportent une nouvelle expérience , faite avec de l'air pur retiré du fei marin , avec excès d’air pur ou muriate oxigéné de M. Berthollet & l'air inflammable retiré du zinc, diffous dans l'acide vitriolique, Le réfultat a donné de l'eau pur fans acide. Quand cela feroit, nous dirons : prouvez qu'il y a formation d’eau ; parce que c'eft à celui qui avance une nouvelle opinion à lécablir, & quand mème il n'y auroit oint d'acide, cela ne prouveroit pas qu'il y a eu de l’eau produite, Tel eft l’état où eft certe grande queltion, qui a fi fort occupé les phyfciens chimiftes, Les partifans de la nouvelle théorie la fuppofanr abfolument décidée en leur faveur, er font des applications continuelles, Dans l’ardeur de la foif, cherche-t-on à fe défaltérer par un verre d’eau? Ce n’eft point ce Auide qui produit cet effer. L'eau fe décompofe en pañlant dans le gofier , & fon air vical feul défaltère , fuivant M. Girtanner. J'ai Mate de cette explication avec ce favant médecin , à laquelle il tient cependant beaucoup... Je demande toujours des preuves de ces fuppofitions qui me paroiflent fi étranges. On me répond cela efl prouvé. J'avoue ingénuement que je ne puis fentir la force de ces preuves. Mon aflentiment ne fe refufe pas moins involontairement & d’une manière forcée aux idées qu'on propofe fur la formation des acides. On dit: « Tous les acides font compofés d’une bafe quelconque, laquelle » ft un être fimple, combiné avec ce qu'on appelle le principe aci- » difiant , l’oxigène, la bafe de l'air pur >». Je demande comment on peut appeler principe acidifiant, oxigène , une fubflance qui peut fe trouver dans une fubflance nullement acide en beaucoup plus grande quantité que dans aucun acide connu. Or Voxigène, dans ce fyflème, eft un des principes conftituans de l'eau, dont il fait les quatre-vingt-cinq centièmes. Or dans aucun acide il ne fe trouve dans une aufli grande proportion. L’acide nicreux eft com- SUR L’'HIST., NATURELLE ET LES ARTS. 23 pofé de trois parties d'air nitreux fuivant moi, deux fuivant l'autre théorie, & d’une d'air pur. Mais l'air nitreux lui-même contient encore une portion d'air pur qui n'elt pas bien connue. Dans la belle expé- rience de M. Cavendish , il a pris fept parties d’air pur, & trois d’air phlogiftiqué. Dans l'air fixe, on n’admet que 0,72 d'air pur & 0,28 de charbon. ; S'il y a une chofe démontrée en phyfique, c’elt celle-là, Cettainement lorfque je dis que l'efprit ardent eft la partie effentielle des liqueurs fpiritueufes, & que par la diftillation, je retire cet efprit de toutes les liqueurs fpiritueufes, mon aflertion eft prouvée. Mais fi lefprit ardent faifoit les 0,85 d’une liqueur qui ne feroit nullement fpirituenfe , il feroit bien étabii que j'aurois tort. Si on contefte ces propolitions, j'aime autant Zenon, niant l’exiftence du mouvement à celui qui fe promène devant lui. Quelqu'un fafant le rôle de conciliateur me difoit: « Je conviens > avec vous que le mot oxigéne eft une nouveauté infignifiante dans =» tous les fens : mais mérire-elle de fi grandes difcuflions »? Je lui £s -obferver que c’étoit moins par rapport au terme lui-même, que par rapport à l’inconféquence qu'il renferme , que je réclamoiïs fi fort au nom de la vérité : car lui ajoutois-je, de deux chofes l’une ; ou Pair pur eft vraiment l'oxigéne , le générateur des acides ; & dès-lors con- venez qu'il ne peut compofer les quatre-vingr-cinq centièmes de l'eau : ou s'il fe trouve dans l'eau en une aufli grande quantité, convenez al ne peut pas être l'oxigéne.... Que les auteurs du fyflême per- iffent à foutenir cette contradiétion : je le conçois. L'expérience nous apprend que tout homme qui a fait un fyftême le foutiene quoiqu'il lui foit démontré faux. Et on en trouve facilement la raifon dans l'hiftoire du cœur humain. Mais que ceux qui n’y ont pas cer intérêt fe refufent à reconnoître l'évidence ; je parle de ceux qui ne demeurent pas à Paris, parce qu'il y a &@’autres raifons pour ceux-ci que tout le monde connoît; c’eft ce ui me paroîc bien fingulier, Et je dis : La vérité efl-elle faite pour les hommes? Mayow éroit bien plus avancé il ya 120 ars, car après avoir dit expreflément que l'air pur étoit un des principes de l'acide nitreux, il ajoute que les parties du feu s’y trouvent auffi. Oui, ce font lesparties du feu qu'on doit regarder comme le vrai principe acidifiant, ainfi que je l'ai dit fi fouvent. Le feu eft le corps le plus atif de la nature. G'eft lui qui entretient la liquidité de tous Jes corps, & ils n'agiflenc qu’autant qu'ils font liqu des. Les acides fone peut-être les corps les plus a@ifs après le feu. Éls produifent fur nos fens des effets analogues à ceux du feu. Nul corps ne peut réffter à leur ation. .… Comment ne tiendroient-ils pas toutes leurs qualités du few lui-même? Sil y avoit un principe oxigene , ce feroit donc le feu, cer \ L LS 24 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, élément effentiellement actif, Mais non, il n’y a point d’oxigère | comme il n’y a point d’alkaligène, d’oléogène, &c. Les acides, les a!kalis, les huiles, &c. font des compofés; & chacun de leurs principes leur eft fi effentiel, que s'il n’y étoic pas, le corps ne feroit plus, Fair inflam- mable fe trouve dans les huiles, l’air pur dans les acides, Mais l’un ne peut pas plus être appelé oléooène, que l’autre oxigéne, La feconde partie de ce fyflème fur la nature des acides, favoir ; celle qui concerne leurs bafes, ne me paroîc pas plus fondée, & les nouvelles expériences confirment tout ce que j'ai dit à cet égard. 3 On prétend que toutes les bafes acidifiables , tels que le foufre, le phofphore, Le charbon, l'air phlogiftiqué, les fubftances métalliques, &c. &c. font des êtres fimples. Or fi toutes les verres fonc des {ubf- tances métalliques , & que la terre calcaire, la mapnélie, &c. fe pro- duifent journellement chez les végétaux, dans les nitrières, &c. on ne fauroit donc les regarder comme des êtres fimples. Les phénomènes qui accompagnent la refpiration ont aufi été expliqués d'une manière particulière dans les nouveaux principes. On avoit dit que toute la mafle du fang paflant dans le poumon dans le même efpace de teins que dans le refte du corps, fa circulation y étoit plus rapide , & y devoit produire une grande chaleur. Mais M. Prieftley ayant obfervé que l'air que M. Bayen avoit retiré des chaux de mercure, & qu’il appela déphlogifiqué , que depuis nous avons nommé air pur, étoit le feul qui püt entretenir ia combuftion des corps & la vie des animaux, en conclut que l'air atmofphérique ne poflédoit ces qualités qu’à raifon de la portion de c:t air qu’il contenoit. Ces faits avoient déja été apperçus par Mayow en 1674. M. Crawford , dans fes belles expériences fur la chaleur , dit enfuite que cet air déphlogifiqué étoit le corps connu qui contient la plus grande quantité de la matière de la chaleur, laquelle quantité il 'eftimia être 87 fois plus confidérable que celle de l’eau : d'où il conclut que cet air, dans l'acte de Ja refpiration , communiquoit fa chaleur au fang. ù M. Lavoifier partant de toutes les expériences des célèbres phyficiens anglois, ainfi que de celles de M. Cavendish {ur la nature de l'eau, & de celles de M. Bayen fur la réduction des chaux de mercure fans intermède, a établi fa nouvelle théorie; & il explique Îes phénomènes que préfente la refpiration, de la même manière que M. Crawford en y adaptant fes principes particuliers. Le fang , dit-il, contient du charbon & de l’air inflammable ( carbone & gaz hydrogène). Ce charbon & cet air traverfent le tiflu des bronches du poumon. Dans l'infpiration il fe précipite dans la capacité de la poitrine une, certaine quantité d’air qui fuit toutes les ramifications de la crachée-artère. Une portion de cet air eft de l'air pur ( az sretie SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS I fe combine en partie avec le charbon, & forme de l'air fxe (gaz acide carhonique }, en partie avec l’air inflammable (gaz hydrogène) & produit de l'eau. Dans ces combinaifons, l'air pur abandonne fa chaleur en ceflant d’être à l’état aériforme. Cette chaleur fe commu- nique au fang, & produit toute la chaleur animale, M. Séguin a étendu encore plus loin ces idées. [la cherché à expliquer par le même principe le friffon des fièvres intermittentes. La circulation, dit-il, eft: alors rallentie ; le poumon reçoit moins de fang nouveau dans un tems donné. Il y a par conféquent moins d'air pur décompofé, & moins de chaleur dégagée. La chaleur fuccède enfuite au friflon, parce que la circulation eft accélérée, il y a plus d'air pur abforbé, plus de chaleur dégagée. M. Lavoilier a depuis recherché dans la même cafe l'origine de la Chaleur qu’occafñonne un mouvement violent. Lorfqu’on fair, dit-il , un violent exercice, qu’on porte un grand fardeau, qu'on gravit une mon- tagne, &c. &c. la circulation du fang eft accélérée ; il en pafle par le poumon une plus grande quantité dans un rems donné, La refpiration eft âccélérée. I! y a donc une plus grande maïfe d’air pur décompolée ; & par conféquent un plus grand décagement de la matière de la chaleur, qui fe communique au fans. Ces idées, qu'on ne doit peut-être regarder que comme un jeu d’efprit , ne me paroiffent pas pouvoir fouténir un examen férieux ; je vais feulement préfenter ici quelques réflexions que j'ai détaillées ailleurs. 1°. J'ai prouvé que dans les infpirations ordinaires, je n’abforbe pas plus de fix pouces d'air atmofphérique, dont un quart eft d'air pur; &c qu’une très-petite portion de cet air eft dénaturée, Cela elt fi vrai qu'on . peut refpirer très-long-tems dans cette même quantité d’air, Il ne peut donc s’en dégager qu'une très-petite portion de chaleur. 2°. M. Vacca-Berlinghieri a fait voir que cette très-petite portion de chaleur pourroit à peine fuffñire à volatilifer la portion d’eau que cet air emporte dans l'expiration en fortant du poumon, foir que cette portion d'eau foit produite, comme on le fuppofe, foit qu’elle vienne de toute autre caufe. | 3°. L’exiftence de ce charbon & de cer air inflammable à l'état aëri- forme dans le fang, & traverfant le tiflu des poumons, font des fuppofñitions abfolument gratuites. J'ai bien dit que l'air inflammable fe trouve dans le fang, mais non pas à l'écat aériforme; car, 1°. j'ai rempli de fang nouvellement tiré une petite cloche que j'ai rénverfée fur le mercure, il ne s’en eft point dégagé d’air inflammable. Ce dégagemenc n'arrive que lorfque da purréfaction commence. Chez un animal qui fe noie, on devroic voir l'air inMammable fortir de fa poitrine. Quant au dégagement du charbon, quand’ même il s’en trouveroit dans le fang , ne le conçois pas, Le charbon n'eft pas -volatil. I! faudroir donc qu'il Tome XX XVIII, Part, I, 1791. JANVIER, 26 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE; fûc volatilifé par L'air inflammable ; maïs nous venons de voir qu'il nya point de dégagement d'air inflammable, Il ne fauroit donc y en avoir du charbon, 2°. L'air inflammable & l’air pur ne donnent de l'eau que dans leur combuftion. M. Prieftley a bien obfervé que l’air inflammable dans l'inftant où il fe dégage, fe combine avec l'air pur; mais il n’a pas dit qu'il formât de l'eau. Effkétivement en diftillant du charbon à l'appareil au mercure, & en faifant pafler l’air inflammable fous une cloche pleine d’air pur, cet air pur n'eft changé ni en eau, ni en air fixe, 3°. Du charbon fe combinant avec l’air pur à une chaleur au-deffous de l'incan- defcence, ne donne point d’air fixe. On convient de la vérité de mon expérience; mais on m'a objecté que lorfque le charbon ef très-divifé, la produétion d'air fixe a lieu. Je réponds par l’expérience précédente. Cet air inflammable retiré du charbon emporte fouvent une portion de charbon avec lui, & il a une chaleur bien fupérieure à celle de la poitrine. Cepen- dant l'air pur qui eft fous la cloche n'eft point changé en air fixe. Comment peut-on fonder un fyftème fur de femblables hypothèfes ? C'eft cependant ainfi qu'on a bâti toute la nouvelle théorie. On a fuppofé qu'il fe dégageoit du fang une portion d'air inflammable à l'état aéri- forme & de charbon : premiére fuppofition faufle ; que cet air & ce charbon traverfoient le tiflu des bronches du poumon : /econde fuppo= Jfition fauffe ; enfin , que le charbon non-incandefcent s’uniflant avec Pair pur formoit de l'air fixe : sroifième fuppofition également fauffe. C’eft cependant fur ces trois fuppoñtions qu’eft fondée toure la théorie de la formation de Pair fixe, de l'eau , & la production de la chaleur dans l'acte de la refpiration. 4°. L’explication du froid dans le friffon des fièvres intermittentes ; n'eft pas moins gratuite; car il eft prouvé que dans ces momers la refpiration eft fouvent beaucoup plus précipitée que dans l'état naturel : & d’ailleurs le fang qui fe trouve dans les poumons, quoique la circu= lation foit un tant foit peu ralentie, eft plus que fuffifant pour abforber la très-petite quantité d’air pur qui s’abforbe à chaque infpiration ; & a-t-on prouvé que réellement dans linftant du friffon il y a moins d’air pur décompofé ou abforbé que dans l’état ordinaire ? Non certainement : c'eft encore une quatrième fuppofivion aff gratuite que les autres. 5°. On n'a pas été plus heureux dans Fexplication de ja chaleur produite-par la fièvre où tout exercice violent; car Ia refpiration dans la plupart de ces cas r’eft pas plus accélérée que dans l'état naturel. Une perfonne qui a une fièvre putride n’a le plus fouvent pas la refpiration accélérée ; tandis que la plupart des agonifans déjà atteints d’un froid mortel ont la refpiration riès-haute , c'eft-à-dire, qu'ils font de grandes infpirations & abforbent beaucoup d'air. La même chofe a lieu dans le fommeil. La refpiration eft très-grande, ce qu'on appelle communément ronfler 3; & cependant perfonne n'ignore que la chaleur dimirue beau- "A SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS, 27 coup dans le fommeil. On dit que la circulation étant accélérée il pañle plus de fang , lequel doit décompofer une plus grande quantité d'air. Je réponds comme ci-deflus , qu'il y a toujours aflez de fang pour abforber la petite quantité d'air pur infpiré: c’eft une cinquième fuppofition qui n'efl pas plus prouvée que les précédentes. Je ne rappellerai donc plus qu’un fait connu certainement de tout le monde. Qu'on place la main d'une manière immobile fur une table. Qu’une autre perfonne la frotte vigoureufement ; elle s'échauffera au point qu'il pourroir même s’y former une efcarre. Si on m'obje&oit que celui qui frotte fait beaucoup de mouvement, ce qui rentreroit dans la difficulté, je répondrois qu'on peut opérer le frottement par le moyen d’un couflinet un peu ferme mu par une machine. Eft-ce ici le calorique de l'air pur, qui produit la chaleur ? Pas plus que lorfqu’on frotte deux pierres, deux métaux l’un contre l'autre. On fait que lorfqu'on fe frappe, par exemple, qu'on fe donne un coup de marteau ou autre inftrument fur un dojot, il ss excite aufli-tôt une chaleur brûlante, mais purement locale ; & certainement le calorique de Pair pur n’y eft pour rien. On voit quelle multitude de fuppoftions on eft forcé de faire pour étayer ces fingulières idées. . . . Les Schéele, les Prieftley, les Cavendish, les Klaproth, les Weftrumb. . . . n’auroient pas autant avancé la fcience s'ils avoient fuivi une pareille marche; mais heureufement pendant qu’on bâtir des fyftèmes, eux-font des expériences : revenons donc aux faits, La chaleur animale a trois caufes principales (1); la refpiration , le mouvement & la fermentation. Dans la refpiration il fe combine une petite portion d'air pur dont le principe de la chaleur fe dégageant, doit en communiquér au poumon & au fang ; mais cetre portion elt crès- petite en comparaifon de toute la mafle du corps d'un homme qui peut pefer deux à trois cens. C’eft donc principalement le mouvement qui produit la chaleur animale , fur-tout le mouvement mufculaire. Effectivement un homme qui demeureroit immobile expofé à un grand froid périroit , quelque rapide que fût fa refpiration. S'il marche au contraire, il conferve fa chaleur naturelle ou l’augmente fuivant la violence de fon exercice, quelle que foit d’ailleurs fa refpiration. Pourquoi le mouvement, le frottement , ne produiroient-ils pas les mêmes effets relativement à la chaleur fur les corps animés que fur les autres ? Ë Voilà où conduifent les idées fyftématiques. On a dit que l'air pur étoit le corps de la nature qui avoit la plus grande quantité de chaleur fpéci- fique d’après les premiers apperçus de M. Crawford. Dès-lors il ne peut plus y avoir dans la nature de chaleur que celle qui fe dégage de l'air pur, (1) Voyez mon Effai fur l'Air pur. Tome XX XVII, Part. 1, 1791. JANVIER, D 2 28 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, Les expériences de M. CraWford ne m’avoient point paru fatisfais fantes, & en cherchant à les répéter je n’avois pu obtenir aucun réfulrat précis ; mais la théorie m'avoit conduit à dire que es airs plus légers que l'eir pur devoient avoir plus de chaleur fpécifique que lui, L'air irflam- mable particulièrement me paroifloit devoir le plus en contenir. M. Crawford d’après de nouvelles expériences eft revenu à cette idée ; & donnant quatre decrés à l'air pur , il en donne vingt-un à J'air inflam- mable ; & comme il faut deux parties d'air inflammable en volume, pour en brûler une d’air pur, il s'enfuit que dans la combuflion de ces deux airs l'air pur donne un de chaleur & l'air inflammable onze : ce qui répond à-peu-près à leur légèreté refpedtive ; car l’air inflammable eff environ onze fois plus léger que l’air pur. Ces feules réflexions font voir que toutes les idées qu’on s’eft formées fur la refpiration & fur la chaleur fent bien éloignées de ce degré de vraifemblance qu'en cherche à leur donner. Elles prouvent également que tout ce qu'on a dit fur la conibuftion eft uès-hypothétique ; car fi dans la combuftion de l'air inflammable avec l’air pur, ce dernier ne donne qu’un onzième de la chaleur, il faut convenir qu'il en eft de même dans la combuftion de tous les corps qui contiennent de l'air inflam- mable, tels que l'huile, les graifles, le bois, &c. Il eft aufi rrès- probable que la même chofe a lieu à l'égard de tous les autres corps combuftibles ; & nous ferons bien éloignés de toujours recourir à l'air pur pour retrouver la caufe de toute chaleur. Enfin , il ef une troifième caule qui influe fur la chaleur animale , la fermentation. Toutes les matières qui fermentent s’échauffenr. Or, toute la mañle des corps organifés eft dans un érat continuel de fermentation, tels que les alimens, le chyle, le fang, la bile, l'urine, &c. & nous en avons une preuve bien évidente dans ceux qui meurent de faim; toutes leurs humeurs deviennent putrelcentes. Il s'excite une grande chaleur , fièvre ardente, &c. &c. Tout ceci eft indépendant de la refpiration, Lorfquil fe jette fur une partie une humeur âcre, une éréfipèlé, Ja goutre, un rhumatifme, &c. &c. certe partie devient brülante; & cette chaleur purement locale eft indépendante de Ja refpiration. . .. I! eft donc 3-peu-près démontré que la matière de la chaleur de l'air pur côhtribue beaucoup moins dans la chaleur animale, qu'on ne le penfe dans la nouvelle théorie. Géologie. Tandis que le minéralogifte par l’obfervation & le chimifte par l'expérience s'efforcent d'entrevoir la nature des corps, ie philofophe fort de tous leurs travaux, cherche par des fpéculations hardies à s'élever à la caufe qui a organifé notre globe. M, de Luc nous a ramenés à ces queftions difficiles. Quoique nos connoiffances ne foient peut-être pas encore aflez avancées pour nous permettre d'envifager d’un feul coup- d'œil ces grands phénomènes, ne les interdifons cependant pas aux SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 239 génies hardis qui aiment à s’en occuper. Leurs efforts ne font pas toujours perdus. Leurs erreurs multipliées ont aû moins fait appercevoir que la vérité n’étoit point où ils l'ont cru. Cette queflion ett d'autant plus difficile, que pour la réfoudre il faudroit, pour ainfi dire, remonter à la première origine des chofes. Cependant nous avons quelques faits généraux qui peuvent nous fervir de guides. 1°. Toutes les différentes parties du globe que nous connoiflons , font criftallifées ; les montagnes les plus élevees qui font de granit, comme les couches les plus bafles où nous avons pu pénétrer, qu’elles foiene granitiques, fchifteufes , gypfeufes ou calcaires (x). Cette criftallifation n'a pu fe faire que dans le fein des eaux. [1 faut donc que toutes ces mon- tagnes aient été difloutes, & que par conféquent les eaux aient furpailé les plus hautes montagnes. Chimboraco a trois mille deux censtoifes d'élé- vation au-deffus du niveau des mers actuelles , & nous ignorons fi dans la chaîne du Taurus dans le Thibet , il n'y a pas de pics plus élevés. IL eft vrai que Chimboraco eft un pic volcanique qui a pu être exhauflé par l'action des volcans. Prenons donc des montagnes non volcaniques bien connues, Le Mont-Blanc & le Mont-Rofe, qui paroiflent purement gra= nitiques, ont environ deux mille cinq cens toifes d’élévation, Nous pou- vons donc fuppofer que les eaux ont couvert la furface de la terre à une hauteur au moins de deux mille cinq cens toifes au-deflus du niveau des mers actuelles ; & obfervons que la hauteur de ces montagnes ef fans cefle diminuée par l'aétion des eaux qui les dégradent. Qu'eft devenue cette calotte d'eau de deux mille cinq cens toifes au moins d’épaifleur, & dont la furface intérieure eft égale à celle de la terre? C’eft un des problèmes les plus difficiles que préfente la théorie de la terre. 2°. Une partie de ces terreins eft par couches, tels font les fchiftes , les gneifs , les plâtres , les craies & terres calcaires; mais les granits ne paroiflent point être par lits ; & même ceux que M. de Sauflure a cru être par couches aux aiguilles du Mont-Blanc, & qu’il arepréfentés comme des feuilles d’artichauts , ne m'ont pas paru être vraiment par couches. II eft vrai que je ne les ai vus que de loin. 3°. La plus grande partie des terreins par couches eft remplie de débris des êtres vivans, plantes & animaux. On trouve dans les fchifles des débris de végétaux, fur-rout des fougères, des rofeaux, & beaucoup de poiffons ; dans les plâtres il y a beaucoup d’offemens de grands animaux. Enfin, les couches calcaires font pleines de coquillages, de madrepores, (1) Joyez mon Mémoire fur la Criltallifation, Journal de Phyfique , 178z. J’avois déjà avancé cette idée dans la première édition de mes Principes de Ja Philofophie naturelle , en 1777, 30 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE; d’'impreflions de poiflons , de végétaux , &c. Il y a cependant des mon- tagnes calcaires très-élevées , par couches, qui contiennent très-peu de ces roductions animales ou végétales. Ceci me frappa la première fois que je fus dans les Alpes en 1769. Le même fait s’obferve ailleurs. Aucun de ces débris ne fe rencontre dans les granits; ces obfervations prouvent que l'origine des terreins par couches eft poftérieure à la production des êtres organifés, & que celle des pranits leur eft antérieure. Ces couches n'ont pu être formées que par dépôt dans le fein des eaux. Les grandes mon- tagnes granitiques ont fervi de noyaux , & toutes les couches poftérieures doivent naturellement fe relever vers ces points principaux, fans fuppofer que ce phénomène ait d’autres caufes particulières. : Si on me demandoir comment fe font formées ces grandes mafles gra- nitiques fi élevées , je répondrai par un fait : lorfque dans une bafline on laiffe criftallifer tranquillement une grande mafle de fels, on fait qu'ils s'accumulent çà & là en groupes confidérables & plus où moins élevés , fans qu'on puiffe en affigner une raifon bien fatisfailante, Aufi tout ce qu’on a dit pour expliquer pourquoi telles chaînes , telles que les Andes, courent d’un pôle à l’autre, tandis que telle autre, comme le Taurus , coule de left à l’oueft, me paroît abfolument hypothétique. Il fe préfente encore un phénomène digne d'être‘ remarqué. On obferve auprès des granits des terreins par couches calcaires ou autres qui font beaucoup plus élevés que ces granits. Pourquoi ces dépôts par couches, & qui font très-confidérables, ne fe font-ils pas érendus jufques fur les granits qui étant beaucoup moins élevés étoient également couverts par les eaux dans ces rems-là ? Je crois que celatient également aux loix de la criftallifation. Lorfque plufeurs fels font diffous dans un liquide, chacun criftallife féparément. Ici auront donc criftallifé les granits , là les kneifs , ailleurs Les plâtres, &c.. .. 4°. Il y a de ces débris d'êtres organifés à des hauteurs confidérables. On a trouvé des coquillages dans les Cordillières à plus de quinze cens toifes de hauteur. M. le Blond rapporte qu’il y a des mines de charbon au-deffus de Santa-Fé de Bogofta à plus de deux mille toiles, &c. &c. Onretrouve ces mêmes débris à des profondeurs confidérables au-deffous du niveau des mers. Franklin dit être defcendu dans des mines de charbons à Wilrheaven au-deffous de la furface de la mer. Les volcans fous-marins entretenus vraifemblablement par des charbons embrafés, prouvent. la même chofe, ) 5°. Dans nos contrées tempérées, & même jufqu'auprès du cercle polaire, en Sibérie, on trouve des débris de plantes & d'animaux qui ne vivent aujourd'hui que dans des pays chauds où il ne gèle jamais , tels que Péléphant , le rhinocéros , l'hippopotame, le crocodille, &c. &c. Ce qui fuppofe que dans les rems où ces animaux & ces plantes exifloient, ces contrées étoiént aflez tempérées pour y faire fubffler tous ces êtres vivans. SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 31 C’eft encore un des faits les plus difficiles à expliquer dans la théorie de la terre. 6°. Nous avons vu des montagnes entières bouleverfées & renverfées, fans tremblement de terre. Il y en a fur-tout un exemple à la Valreline il n’y a pas long-rems. Dans d'autres endroits des montagnes fe fonc affaiflées , & il s’eft répandu des rorrens d'eau. Ces événemens n’ont pu arriver que parce qu'il s’eft trouvé à la bafe de ces montagnes de grands vuides, de grandes cavernes, & nous en connoiflons beaucoup de femblables. Les eaux en s'infiltrant minent peu-3-peu les bafes far lefquelles repofent les parties fupérieures. Enfin , arrive un inftanr où elles s’affaiflenc fur elles-mêmes, ou {e renverfent latéralement , fuivanc les différentes pofitions locales. En voyageant dans les grandes mow- tagnes , fur-tout dans les Alpes, on obferve fouvent des mafles confidé- rables qui ont dû avoir éprouvé de pareilles cataftrophes. Au-deflus de Neufchitel en allant à Pontarlier on voit de grandes mafles calcaires par bancs énormes qui fe trouvent abfolument verticaux. Ils n’ont pu être formés dans cette pofition, Elle a donc été produite par un événement particulier. L'origine de ces cavernes eft due ou à des circonftances locales , à des courans d’eau qui minent peu-à-peu, ou à une caufe générale, Nous favons que dans les grandes criftallifations de nos fels, les criftaux fe grouppent entr'eux, & laiflent des vides, des cavernes plus ou moins confidérables. 7°. On trouve de plus dans certains cantons des mafles abfolument étrangères. Ainfi j'ai vu au milieu du Jura qui eft abfolument calcaire, des blocs énormes de granit. M. de Sauffure & tous les voyageurs en ont rencontré pareillement. M. de Luc en a obfervé de femblables en Alle- magne. Îl y en aen Rule ; & le beau bloc de granit qui a fervi à élever le monument à Pierre EL, & qu’on a trouvé au milieu d’un marais, étoir aufMi étranger à ce local. Ces mafles n’ont pu être ainfi tranfportées que par une fecoufle violente, s 8°. Les eaux pluviales dégradent fans cefle les montagnes dont elles charient les débris par les fleuves dans les plaines, dans les lacs & dans Ja mer. Elles y creufent des vallées donc les angles faillans font égaux aux rentrans. Des courans femblables qui exiftent dans les mers ont auffi contribué à former les grandes vallées, & les angles rentrans égaux aux faillans. 9°. On trouve à la furface de la terre, fur-tout au nord de l’Afie , de l'Europe & de l’Ainérique , un grand nombre de lacs. La plupart font traverfés par des fleuves ; d’autres n'ont point de débouchés: mais fans doute ils perdent par des fouterrains. Ces lacs diminuent peu-à-peu , foirpar les débris qu'y charient fes eaux, foit parce que leur canal de dégorgement fe creufe de plus en plus. Les eaux ayant couvert tout le globe, & {& retirant peu-à-peu , il eft évident que sl s’eft rencontré des bas-fonds 32 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, entourés de plufieurs montagnes , elles ‘y auront féjourné & formé des lacs. Quelques-uns de ces grands lacs auront pu brifer tout-à-coup leurs chauflées, & caufer des débordemens locaux plus ou moins confidérables. Dans ces débordemens ils auront pu entraîner des blocs énormes de pierre de nature différente de ceux des terreins fubmergés , comme l’a foupconné M. de Sanflure pour les granits trouvés dans les parties Lafles des Alpes qui font calcaires. Les granits ont pu y avoir été apportés des montagnes fupérieures qui font granitiques par quelques événemens analogues, Ils ont encore pu y être chariés par quelque mouvement violent des eaux de la mer tandis qu'elle couvroit ces régions. ILy a des montagnes calcaires dans cette chaîne aufli élevées & plus élevées que des montagnes granitiques. SCHEUZER & LAMANON ont donné une grande extenfion à certe théorie des lacs. 10°. La falure des eaux de la mer paroîc proverir des différens fels qui fe forment fans cefle à la furface de la terre, comme dans lesnitrières, & qui y font portés. Le nitre fe décompofe par le mouvement des eaux, & ne fe retrouve plus ; mais le fel marin qui eft très-abondant, comme nous le voyons dans les terres d'Efpagne, & les fels vitrioliques , fe con- fervent dans leur entier. Les lacs traverfés par Les eaux ne fonc pas falés , tandis que ceux qui n'ont pas de débouchés, tels que la mer Cafpienne, la mer Morte, &c. le font. 11°. Les filons métalliques qui traverfent les grandes montagnes granitiques ou fchifteufes, & quelquefois les calcaires, & qui font plus ou moins inclinés, quelquefois horifontaux, ont dû être néceffairement formés dans le mème tems que la montagne; car comment fe feroient fourenus les lits fupérieurs, lorfque le filon eft hvrifontal ou prefque horifontal, C'eft donc encore une criftallifation particulière qui s’eft faite dans le même moment que la criftallifation de la montagne. Les fubftances métalliques ont criftallifé féparément par les loix générales de Ja criftalli- fation. On trouve de femblables flons d’autres fubftances. Ainfi on voir fouvent des filons de quartz qui s’étendent plus ou moins loin dans le fein des montagnes , & qui font produits par la même caufe. Cependant il a pu y avoir des filons métalliques produits poftérieure- ment dans des fentes verticales , ou à-peu-près verticales. Il paroïc auffi fe former journellement des pyrites dans les fchiftes & les bitumes. 12°. Le globe a une chaleur centrale qui à notre latitude paroîc environ de 10 degrés au-deflus de zéro. C’elt au moins ce qu'on a pu conclure des différentes obfervarions faites dans les fouterrains, fur-tout dans ceux de l'Obfervatoire de Paris ; mais cette chaleur centrale ef peu fenfible à la fur- face de laterre. La température qu'on y obferve dépend fur-tout de l’adion du foleil, Dans l'hiver où fon action eft plus foible, on éprouve un froid plus SUR L'HIST, NATURELLE ET LES ARTS, 33 plus où moins vif; au lieu que dans les zones où fon action eft conti- nuelle, fa chaleur eft plus ou moins grande, A notre latitude la chaleur meyenne eft 1016 ou 1000 + 16. Le froid moyen eft 594 ou 1000 — 6. Le: terme moyen et 1010. Ainfi la terre paroît acquérir autant en été qu’elle perd en hiver. La température centrale ne doit donc pas y varier; mais dans les pays chauds elle doit toujours acquérir, parce que le foleil fournir plus de chaleur à la terre, que le froid ne peur lui en faire perdre; & par la raifon contraire elle doit dans les pays froids toujours en perdre. Ceci ne doit s’entendre qu'à une certaine profondeur ; car à de plus grandes l'équilibre doit fe rétablir continuellement ; & comme les pays méridionaux font plus étendus que les polaires, il paroïîtroit que le globe ne doit pas perdre de fa chaleur aujourd’hui ; mais lorfqu'il étoit à une plus haute température , le foleil ne pouvoit lui rendre tout ce qu’il perdoit. Sa chaleur primitive a dû diminuer. 13°. Il y a une grande quantité de volcans atuellement en a@ivité dans le fein du globe. Nous en connoiflons prelque dans toutes les parties de la terre... Mais il paroîc qu'il y en a un bien plus grand nombre _ fous les mers, telles que les mers des Açores, des îles du Japon, de la Chine, la Méditerranée... Nous ignorons s'il y a commurication entre ces feux fourerrains. Lors du défaftre de Lisbonne, il parut y avoir une commotion dans une partie du globe. Les volcans de Lima & ceux de l'Hecla parurent en aétiviré, Mais peur-être ces éruptions n'étoient-elles . que fimultanées, & ne dépendoient point de la même caufe.... Nous m’avons point encore aflez d'obfervations fur ces objers. Mais il eft certain que les volcans, foic terreftres, foi fous-marins, fonc crès-mul- cipliés, & qu'ils doivent avoir une influence fur le globe. 14°. Le cours des eaux à la furface de la terre mérite aufli l’obfervation du géologue. Cette mafle d'eau ne laiffe pas d’être confidérable , comme le prouvent les calculs approximatifs de différens fleuves. La caufe qui fournit à ces eaux courantes eft dans les évaporations de la mer, de la terre, des lacs, des fleuves, &c. Ces vapeurs, fous forme de nuages, fe condenfent en pluie, frimats, &c. Mais n’y a-t-il pas quelque partie de ces eaux qui fe rende dans l’in- térieur de la terre, comme le font celles des mers? Sans doute, cela peut arriver, & il eft vraifemblable que plufeurs courans fouterrains pénètrent dans les cavernes intérieures du globe. Tous ces fairs nous conduifent aux conféquences fuivantes. La furface du globe a été route couverte d’eau, comme Pavoient déjà vu les Egyptiens, Les matières qui compofent nos grandes chaînes de montagnes ont été difloutes dans ces eaux, & y ont criftallifé, les unes en mafle comme les granirs, les autres par couches, Les eaux ont enfuire diminué. Les cîmes des montagnes ont été découvertes. Il s’eft formé des lacs, des mares fur-tout, dont les eaux Tome XX XVIII, Pare, I, 1791. JANVIER. E 34 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, fe fonc corrompues , & ont paru pour lors les premiers êtres organifés par une génération fpontanée ; nous voyons ainfi journeliement Les eaux abandonnées à une chaleur plus ou moins forte fe corrompre, & y produire d’abord des biilus, des conferves, &c. Ke, Je n'ignore pas toutes les objections qu'on va mme faire. On dira que des graines , des œufs, &c. ont éré apportés dans ces eaux... Indé- pendamment de rout ce que je pourrai répondre à ceci , je n’a! qu’une feule objection à faire ; c'eft de demander d’où viennent les êtres organifés , & je demande à tout bon philofopke sil ne faur pas en exvliquer l'origine par des combinaifons de la matière mife en mouvement. En bonne phyfque, nous-ne connoiffons que la matière & le mouvement, & c’elt avec eux que nous devons chercher à expliquer tous les phé- nomènes de la nature, fans faire aucune autre fuppofition, Si on veut monter plu, loin, nous avouerons notre ignorance , & nous fuppoferons que l’exiftence & le mouvement font eflentiels à la matière, Les êtres organifés, foit végétaux, foit animaux , fe multiplièrent. Leurs débris, entraînés dans les eaux de la mer ,fe mêlèrent fuccellivement avec les dépôrs qui s’y faifoient ; à les coquillages; ici les animaux terreftres ; ailleurs les poiflons, les plantes. Quelques-uns de ces dépôts ont pu fe faire dans les lacs particuliers. Les couches calcaires les plus élevées contiennent peu de ces dépouilles d’ètres organifés , parce que fans doute dans ces tems il en exifloit encore très-peu. Une partie d’eau falée abandonnée dans un lac s’y fera évaporée & aura formé des mafles de fel gemme, Il s’y fera dépofé en même- tems de la félénire ou du plâtre par la combinaifon de l'acide vitrio- lique avec les terres calcaires. Car le plâtre accompagne prefque roujours les falines, Il pourra aufli y avoir des coquillages , des madrépores, comme dans les falines de Pologne, Les lacs qui contenoient de l'acide boracique, comme ceux de Tofcane, dépoferont dans le même plâtre du fpath boracique. On fent que des couches aufli énormes de terre calcaire, de plâtre & de fchifles, que des mafles auf confidérables de coquillages, d’a- nimaux, de poiffons & de plantes, n'ont pu fe faire que dans une fuite innombrable de fiècles, dont nous n'avons pas d'idées, & peut-être à des époques différentes. Mais pour moins nous égarer , voyons quelles font les caufes qui ont pu influer fur ces grands phénomènes, Le globe de la terre a un mouvement de rotation (ur fon axe, & d’ailleurs eft fujet aux adions du foleil, des planètes & des comères qui pourroient pafler auprès de lui, 1°. Le mouvement de rotation du globe s'opère aujourd’hui en 23 heures 56'4//. [l a été dans l’origine plus accéléré qu'aujourd'hui, C'eft ce que prouve la longueur du pendule fous l'équateur. Newron avoit calculé que fuivant les loix de la flatique la longueur des SUR L'HIST. NATUREZLE ET LES ARTS, 3s deux axes devoit fuivre la raifon de 229 à 230 , tandis que les différentes mefures d’arcs des méridiens, prifes en différens lieux, la donnent beaucoup plus grande, Les jours ont donc dû être plus courts qu'aujourd'hui. La rotation étant plus accélérée, la force centrifuge étoit plus grande fous l'équateur. ... Les jours font enfuite devenus plus longs, par une caufe quelconque. Peut-être diminuent-ils de nouveau ? Peur-êrre cette variation a-t-elle déjà eu lieu plufeurs fois ? On avoit même foupçonné qu’ils diminuoient aujourd’hui. 2°. La terre rourne autour du foleil en 365 jours $ heures 49 minutes, Peut-être y a-t-il auf une variation dans cette période. On l’a foup- çonné d'après les obfervations rapportées dans l’Almagefte. Nous favons que les années de jupiter, de faturne, des comètes, éprouvent de femblables variations, 3°. La terre dans fon mouvement coupe l’écliptique ; le point où fe fait la fection, récrograde continuellement, ce qui conftitue la préceflion des équinoxes. 4. L'équareur terreftre eft incliné fur lécliprique de 23° 27' 48”. Cette cbliquité de lécliptique diminue continuellement. Peut-être arrivera-t-il un tems où ces deux cercles feront parallèles; & pour lors il y auroit un équinoxe perpétuel. Je {ais bien que les aftronomes attribuant cette diminution de l’o- bliquité de léclivrique à l'aétion des planètes fur les nœuds de la terre, prétendent qu'elle ne peur être que de quelques degrés, & ne fauroic amener le parallélifme des axes, Mais cela n'eft pas démontré; & quand même les axes ne deviendroient pas tout-à-fait parallèles , toujours eft-il certain qu'ils en approcheront beaucoup, 5°. Le mouvement de la terre eft encore foumis aux actions de jupiter, de faturne, de vénus & des autres planètes, Les comètes qui en pafleroient très-proche agiroient aufli fur elle. 6°. Plufieurs caufes locales peuvent encore agir fur le globe, Bouguer, Scheuzer , &c. ont dir que les fleuves chariant fans ceffe les débris des montagnes dans la mer, & notre hémifpère ayant plus de montagnes que l’auftral, doit perdre davantage, Certe caufe, route petite qu’elle eft, ne doit pas être négligée dans la fuite des fiècles.. .. Tous ces faits établis, voici les conféquences que j'ai cru pouvoir en déduire. La portion de la terre fous l’équateur érant plus élevée qu’elle ne devoit être fuivant les loix des forces centrales, il s’enfuir qu'avant que le globe eût acquis affez de folidité, la roration a dû être plus accélérée, & les jours plus courts, La force centrifuge éroit plus con- fidérsble fous la ligne. Les eaux des mers devoient par conféquent obéir à la même action, & s'y amonceler. Cetre rotation diminuant enfuite de vitefle, les jours devenus plus rangs, la force centrifuge a perdu de fon éneroie, tandis que la force Tome XX XVIII , Pare. 1, 1791, JANVIER, Er 36 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, centripète eft demeurée la même. Les eaux cédant à lation de cette dernière, auront reflué peu-à peu vers les pôles, & auront laiffé des terreins découverts fous les tropiques. Dans ces meuvemens, elles em- porteront & charieront vers les régions polaires les cerreins qu’elles tiennent fufpendus ou diffous, & accroîtront ainfi la hauteur de ce fol qui, dans ces premiers momens, pouvoir être beaucoup plus applati qu'il n’eft aujourd'hui. C’eft de cette manière qu'ont été dépofés tous ces terreins par couches remplis des débris d'êtres vivans. La première caufe agiflant dè nouveau, accéléra de rechef la rotation du globe, Les jours devinrent aufli courts qu’ils l'avoient été dans le p'incipe, peut-être plus courts. Leseaux furent donc forcées d’obéir encore à la force centrifuge, d'abandonner les régions polaires pour fe reporter vers la ligne. Les tropiques furent inondés une feconde fois, tandis que les révions polaires, exhauflées par les dépôts, demeurèrent à découvert. Telle doit être la caufe de certains dépôts qui paroiflent évidemment faits à différentes époques. Si dans le même moment les axes étoient parallèles, les jours étoient pour lors égaux aux nuits, Il y avoit un équinoxe & un printems qui durèrent le même efpace de tems que cette potion des axes. Le foleil ne fe couchoït jamais pour les pôles, & pour une certaine latitude, fixée par le cercle déterminateur des réfraétions. La température de ces régions polaires étoit douce, malgré l’obliquité d'incidence des rayons de lumière folaire, & il n’y avoit point d’hiver. Les animaux & les plantes de la zone torride s’ecclimatoient très-bien à cette température ; car ils vivroient & multiplieroient dans nos climats, fi ce n'étoit les hivers. Ils furent forcés à cette-époque!de fe réfupier dans les zones rempérées & les zones polaires, puifque dans cet infiane les pays fitués entre les tropiques étoienr tous fubmergés. Ils s’y érendirent peu-à-peu, & y multiplièrenr. 11 faut néceflairement que les régions tempérées & les régions polaires ayent joui d’une chaleur continuelle, pour que les animaux & les plantes de la zone torride aient pu y fublfter, IL ne paroït pas qu'il puifle y avoir d'autre moyen que celui d’un équinoxe perpétuel. Des phyficiens ont voulu fuppofer que l’axe & les pôles ont changé, & que ces pays ont été fous la ligne. Mais la pcrion relevée de l’équareur s'y oppofe. D'autres, tels que Buffon , ont eu recours à la chaleur centrale. Mais nous voyons qu'à la furface de la terre la chaleur centrale n'a qu'un effet très-limité, en comperaifon de celle du foleil. Par conféquent , fi l'on fuppofoit cette chaleur aflez confdérable pour faire vivre au nord ces animaux pendane hiver, elle eût été infoutenable en été, Lorfque la terre a été long-tems échauffée par les rayons du foleil , elle acquiert une telle chaleur qu'elle deviendroit bientôt inbabitable par tour être vivant, fi elle n’écois tafraîchie par les pluies. SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 37 On ne peut donc pour expliquer ce fingulier phénomène prendre d'autre parti que celui d'un équinoxe perpétuel , doit l'effet fera une chaleur fort modérée fur tout le globe. Les mers occupant les pays fitués fous les tropiques , dans ces momens, tous les êtres qui y vivoienc reflueront du côté des pôles. Quant aux animaux & plantes des pays froids, ils {e feront retirés à la cîme des montagnes, dont la tempé- rature eft roujouis aflez dure pour, être couverte de neiges & de glaces, même dans les pays les plus chauds. L’obfervation confirme une partie de ces apperçus. Il paroît bien prouvé aujourd’hui que l'obliquité de l’écliprique diminue tous les jours, & que les eaux des mers fe portent en même-tems vers l'équateur. Un grand nombre de faits ne permet pas de douter que les mers du Nord diminuent, que les eaux viennent ronger nos côtes; qu’elles ont un courant du nord au midi, & que les pays méridionaux font fub- mergés, comme le fait voir le nombre immenfe d'îles qu'on y rencontre... Cependant il faut convenir qu'on pourroit bien expliquer par-là Vorigine des montagnes de la zone torride, & celle des pôles ; mais qu'il feroit difficile de concevoir comment celles des zones tem pérées qui font cependant très-élevées , telles qu’eft le Mont-Blanc, la chaîne des Alpes , des montagnes de Hongrie, du Caucafe, du Taurus, &c. &c. ont pu être formées autrefois par les eaux , & font aujourd’hui à découvert, fi on ne fuppofoit & on n'avouoit que réellement la maffe des eaux qui a autrefois couvert tout le globe, eft réellement diminuée à la furface de la terre. Et il ne paroît pas qu'on le puifle nier. Mais que fonc devenues ces eaux ? C’eft une des plus grandes difficultés que préfente la théorie de la terre. Plufeurs phyficiens ont prétendu que le globe auegmentoit en groffeur, Les dépouilles des animaux & des végétaux paroiffent ÿ ajouter chaque jour. Le fol des forêts s’exhaufle, Une partie des nouvelles productions minérales , eft due aux dépouilles d’êtres organifés. Les pierres calcaires & gypfeufes contiennent une immenfe quantité de coquillages, d'offemens. Les bitumes, les charbons, les {chiftes, fonc un con polé de végétaux , de poilons, &c. Toures ces fubftances contiennent beaucoup d'eau, d'air, du feu, ou d’élément de la lumière, du fluide éléctrique ; &c. combinés. Elles y doivent fournir par conféquent un accroiflement à Ja partie folide du globe aux dépens des mers, de l'atmofphère, & de J’ék. ment du feu avec de la lumière, &c. &c. D'un autre côté il fe décompofe journellement d'au-res corps, dont ilfe dégage une grande quantité de ces mênies élémens, Les mers , ainfi que routes les eaux courantes, rongent 6: défuniffent les principes des fubftances qu’elles décachent, les feux fourerreins opèrent une grande décompoficion de ces corps, Cependant il parcf vraifemblable que ces 38 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, décompofitions ne désagent pas une avi grand: quantité de ces élémens qu'il s’en combine , & que réellement des parties de feu & de lumière, d'air, de fluide éle@trioue, &c. augmentent la mafle fotide du globe, IL ne faut pas croire cependarit que toutes les parties terreufes, calcaires & fchifteufes, des nouvelles couches où f# trouvent des parties d'a- nimaux & de végétaux foient une nouvelle produ@ion. Elles font plutôt dues en partie aux débris des grandes montagnes chariés par les eaux & qui les ont ainfi remaniés. Nous avons encore d’autres caufës qui ont pu diminuer un peu la mafle de ces eaux. Je ne parlerai pas de fa converfion en terre, qui ne paroît nullement prouvée. Quand on accorderoit que l’eau peut fe décompofer en air, & qu'une partie de Parmofphère, ou même toute, en a été formée, ce feroit encore bien peu de chofe, puifque toute larmofphère n’équivaur qu'à 32 pieds d'eau. Mais l’atmofphère tient une partie d’eau en diflolution. Les glaces, les netses amoncelées aux pôles & furles hautes montagnes; forment une certaine quantité d’eau, qui, fi elles éroient fondues, fe tépandroient dans les mers, Mais combien cette caufe eft bornée, Enfin , fi l'eau contenue dans les nouvelles produétions minérales a difparu, ces fubftances ont comblé le baflin des mers, & rempli des efpaces occupés par Îles eaux. Ii faut donc recourir à d’autres caufes pour expliquer comment des pics , élevés aujourd’hui à 2 où 3009 toifes au-deflus du niveau des mers, Ont pu en être couverts autrefois. Car fans doute on ne voudra pas admettre l’hypochèfe de Mooro, qui fuppofoit que ces mafles énormes avoient été formées dans le fein des eaux, & enfuire élevées au-deflus ar l’effort des feux fourerreins. Il ne refte donc que deux partis à prendre; ou dire que les eaux s'évaporent, & peuvent pañler en d’autres globes; mais la rareté de l’atmofphère à une certaine hauteur , & le froid s’y oppolent: ou dire que les eaux pénétrent dans l’intérieur de notre globe. Cerre opinion paroît la plus vraifemblable, Mais de quelle manière cela peut-il fe faire ê C’eff ce qui eft difficile à expliquer; car il faut fuppofer des vides des cavernes dans lintérieur du globe, dans lefquelles ces eaux iront fe rendre, Mais fi les eaux l’ont couvert tout entier, fi elles en ont diflous au moins toute la croûte extérieure pour la faire criflallifer, comment des vides intérieurs ont-ils pu fubfifler, & des vides aufli confidérables due ceux qui font néceffaires pour contenir une male d’eau égalée à la furface de larerré, & d'une hauteur de 2 à 3000 toifes, telle qu’eft celle qui paroît avoir difparu ? El n'y a qu'une feule manière de rendre raïfon de ce phénomène, C'eft de fupoofer que dans le principe Je globe a eu une chaleur aflez forte, quelle qu’en foic la caufe, pour tenir Peau, l'air & les autres matières dans un état.de vapeurs. Pour lors quelque partie de ces fluides SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 39 en état d’expanfion, auroir pu s’accumuler ça & là, & foulever des portions de rerreins, ce qui aura donné naïfflance aux cavernes, comme nous le voyons en petit dans les grandes mafles de lave... À mefure que ces vapeurs fe condenferont, l’eau pourra s’infinuer dans ces cavernes, & diminugra infenfblement à la furtace de la terre. Certe chaleur confidérable que nous avons fuppofée au globe pourroit donner l'explication d'un grand phénomène dont jufqu'ici on n’a pu rendre raifon. Nous ignorons abfolument quel eft l'agent qui a tenu en diflolution le quartz, le feld-fjparh , le mica & tous les élémens du granit. Or, nous favons que les eaux fouterraines bouillantes tiennent le quartz en diflolution , comme Bergman la obfervé dans le jer-d’eau bouillante de Geyer. Toutes les montagnes granitiques auroient-elles été formées à une époque , où l’eau qui couvroit le globe avoit un très - grand degré de chaleur? C'eit un bypothèfe qu’on pourroie avancer, Cependant je conviens qu'il doit y avoir dans la nature d’autres diflolvans du quartz, qui nous font encore inconnus. Car il y a du quartz criftallifé dans des rerreins calcaires , où fe trouvent des débris d'êtres organifés qui n’auroient pas pu vivre à une fi haute tempéra- ture. On rencontre par-tout des cornes d’ammon, des vis, & autres coquillages agathifés, & remplis de criffaux de quartz. Enfin les kneifs ou granits fecondaires font par couches , & fe trouvent avec les fchiftes, des oharbons, &c. &c.... [l eft donc plus raifonnable de fuppofer que Pagent qui a fair criftallifer ces granits fecondaires, a également faic criftallifer les granits primitifs. Il refte à rechercher quelle a été la caufe première de cette chaleur du globe, Defcartes & Leibnitz avoient penfé qu'elle étoit un foleil encroûté , qui avoit confervé une partie de fa cha!eur, Buffon veut que ce foit une partie détachée du foleil.…. Abandonnant toutes ceshypothèfes , tenons-nous-en à ce que les faits paroiffent nous indiquer. La formation générale de l’univers ne peut être envilagée que comme - une criftallifation univerfelle de la matière qui, obéiflant aux loix du mouvement qui lui font eflentielles, a formé çà & là dans l’immenfité de l’efpace différens globes, les uns lumineux & les autres opaques. Mais la matière n’a pu agir ainfi qu'autant qu'elle étoit liquide, c'eft- à-dire , pourvue d’une aflez grande quantité de chaleur. Cette chaleur a pu être augmentée dans chaque globe par les frotremens violens qu’en éprouvoient les parties, jufqu’a l'entière criftallifation.…. IL eft donc vraifemblable que les élémens compofant la terre avant fa criftallifation étoient pourvus d'une aflez grande quantité de chaleur pour tenir l’air & peut-être l'eau en état d’expanfon , que ces vapeurs ont produit des cavernes, que la rotation du globe avant fa confoli- 4o OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, dation étoit plus accélérée, comme le démontie la partie de fon équateur; plus élevée qu’elle ne devroit être ; que les eaux couvrirent route la fnrface de la verre, & s’amoncelèrent fous l'équateur , que les jours diminuèrent enfuite, que les eaux refluèrent aux pôles, qu'une partie fe précipira, & fe précipite journellement dans les cavernes intérieures , que les premiers ètres organifés parurent alors par une génération fpontanée, dans les lacs, formés par la retraite des eaux... quil ya eu différentes périodes où les eaux fe font ainfi portées de l'équa- teur aux pôles, & des pôles à l'équateur ; que c'eft à certe caufe qu'on doit attribuer les différentes couches de la terre... Je ne faurois entrer ici dans de plus grands détails que l’on retrouvera dans mes Principes fur la Philofophie naturelle, & mon Mémoire fur la Criftallifarion, ( Agriculture.) M. Paffingue nous a donné des obfervations très- intéreflantes relativemenr aux effets qu'a produits la rerrible gelée de l'hiver de 1789 fur les arbres & arbuftes exotiques qu'il avoir en pleine terre à Roanne en Forez. Il a fait voir combien l’âge de la plante, fon expofition à tel ou tel point de l’horifon , l’abritement , ont modifé certe action du froid. Les cultivareurs doivent profiter de ces apperçus. Le P, Cotte nous a aufli fourni plufeurs faits inftruétifs {ur le mème objer. Nous avons eu des ouvrages fur les müûriers, les figuiers & les oliviers } où on traite de la manière de les cultiver , de les foigner , d’en prévenir les maladies, &c. Ces ouvrages méritent d’être étudiés avec foin par les cultivateurs de nos provinces du midi. M. Roland de la Platière nous a donné aufi de bonnes obfervations fur la culrure du noyer. Les plartations d'épiceries faites dans nos îles réuffiffent très-bien, & fe multiplient. On a déjà eu des récoltes précieufes qui annoncent de plus grands fuccès. Toutes les efpèces d'épiceries y fonc cultivées, le geroflier, le cannelier, le mufcadier, le poivrier. D'abord apportés aux îles de France par les foins de M. Poivre, on en a tranfporté à Saint-Domingue, à la Martinique & à Cayenne, où ils réufliffent évalemenr bien; mais la négligence des gouverneurs & leur avarice fair fouffrir dans ce moment ces cultures précieufes. Sans doute l'Affemblée Nationale donnera des ordres précis à cet égard. Nous avons déjà perdu par une pareille négligence à Saint-Domingue la cochenille du Mexique, apportée par M. Thierry; & n’eft-ce pas-là le genre de conquêre que s’eft réfervée la nation francoife, dont la générofité contrafte fingulièrement avec la conduite des hollandois qui auroient voulu concentrer la culrure des arbres à épiceries pouren faire le monopole dans l'univers? & ce commerce des Indes orienrales qui depuis les premiers âges du monde a été l'objet de la cupidité de vous les peuples à caufe des épiceries ; qui a occafionné tant SUR L'HIST.\NATURELLE ET LES ARTS 4r tant de guerres injuftés ,/ceffera d'être exciufif,-&, fe partazera avec les différences contrées de l'Amérique & de l'Afrique. SM k On pourroitégalement multiplier dans nos îles d'Amérique & d'Afrique. tous les excellens fruits de la Chine , du Japon, desliles de la mer du Sud , &c. & peut-être en, pourroit-on acclimater- quelques-uns dans nos provinces méridiouales..Qu’on:penfe que la cerife, la prune ,-la pêche, Tabricot, Ja foue,, le raifin ;.le melon, &c, nous ont été apportés d’Alie, d'Afrique ou dela, Grèce. ) j J'ai déjà dit ailleurs qu'il feroit: à foubaiter qu’on püc également acclimater dans quelques-unes de,nos poffleflions le thé dela Chine, cette plante dont les'européens fe fonc fait un befoin fi impérieux. IL y en a deux efpèces ,,le thé bohé, & le thé verd : ce font des arbultes femi-verds, c'eft-à-dire,,qu'ils confervent une partie de leurs feuilles toute l'année. Cette feuille n’a pas d'aromate par elle-même ; mais on lui en donneen. la faifanr fécher, & la mêlanr Lits par lits avec des plantes-odoriférantes. Le thé du commérce,paroîc aromatifé par la fleur de l'o/ee 04, L et c P romatifé p e orata. Le thé. croît à la Chine &c au Japon dans les montagnes à des lacicudes où il gèle, Aiof, on poursoit en :cultiver en France. On avoir fair quelques. effais en, Corfe, auprès! d’Ajacio , qui fans doute faute del foins'ont/été infrudtueux ; & tous, les, pisds dethé qu'on y avoit portés font péris. Aujourd’hui que les Corfes jouiflenc. de la liberté doncils fe font roujours montrés fi ardens défenfeurs, il faut,donner une attention particulière à, multiplier dans cette île, dont nous fommes fi voifins , toutes les pro=. duétions des pays chauds qui.pourront s’y multiplier, tels que Polivier, le piftachier, le thé,’ Ja canne à fucre, le cocon, l'indigo, &c. Ces, plantes y feront cultivées par des.mains libres, & l'humanité n'aura pas . à rougir. de leurs produits, comme de celui de nos autres.îles ; où la politique forcée. de) faire plier es. principes de la philofophie. n’a pu jufqu'ici entretenir la culture aue par des mains efciaves. .: Quelle |injuftice: de Ja ‘pat de cerrains ‘écrivains bons. natriotes d’ailleurs ; d'avoir déchiré ayec tant de fiel & d’ure manière auf indé- cente & le décret de l'Affemblée Nationale de France qui n'a:rien of& changer à.ce régime, rout.ca le défapprouvant, & ceux qui l'onc,propofé ! Ontils cru apprendre que lefclayase ,étoir, contraire, aux droits de Phumanité ? Certes ! cerre vérité ne da'e que de l’origine de lefclavase, c'eft-à-dire , dès les premières pages de l'hifloire. Celui qui le premier ofa dire à fon frère: su feras mon efelave, n'ignoroit pas qu'il faifoit une grande injuftice. Ifn'étoir conc pas réceflaire derenvoyer à la lé@ure des philofophess mais fon lesavoit lus foi-nême avec attention, on atroit mi que les Solon les Lÿcuroue, les Numa, les Caton, &cc.&cc. aÿoïent été obligés de rôleter politiquement l’efclavace, quoique cerfainement ils fe trouvefflenc dans des circonftances bien différences de celles. où et dans ce moment la nation francoife. Ils auroient vu que le parlement FE Tome XXXVIII, Pare 1, 1791. JANVIER, 32 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, britannique, malgré toutes les forces navales de lAngleerre, n’a rien changé au régime de fes îles. Ils auroient vu que Wafingron lui-même ade nombreux efclaves ; ils auroient vu. . . . mais quedis-je, c’eft moins la philanthropie que l'envie de faire du bruit ,que la jaloufie contre des talens brillans. + . . Où a-t-on appris qu'il fallüe injurier, même en défendant une bonne caufe, & injurier de la manière la moins délicare ceux qui ont rendu les plus grands fervices à la patriei IL faut certainement avoir bien peu de ce patriotifme dont on fe targue tant : & comme j'écrivois au chef de cette fociété, M. Condorcet: Af]urons la liberté des blancs avant de nous occuper de celle des noirs ; & pour lors nous y travaillerons efficacement. . . . Loin de nous toutes ces luttes d'amour- propre (1); que la patrie foit bien fervie : voilà quel doit être le vœu de tout vrai patriote. Heureux le citoyen qui peut lui rendre les plus grands fervices ! Navigation des Fleuves. Le tranfport des marchandifes fur les eaux eft fi avantageux que rous les peuples les plus civilifés, tels que les égyptiens , les chinois, &c. n’ont craint aucune dépenfe pour rendre leurs rivières navigables , pour les faire communiquer par des canaux , Ke. M. David le Roy defirant fortement rendre à Paris la navigation que cette capitale paroît avoir eue autrefois, dans les tems où on faifoit le commerce avec de petits bâtimens, avoit propofé des naupotames, c’eft- à-dire, des vaifleaux plats tirant peu d’eau, & cependant pouvant aller fur mer. Il s’eft enfuite occupé des difficultés que préfente la Seine en plufeurs endroits ; & pour les vaincre il a propofé d'y faire des canaux collatéraux. On pourroit même les étendre jufqu'aux principales rivières qui s’y jettent, telles que l'Oife, la Marne, l'Yonne , &c. La même chofe pourroit s’exécuter fur tous nos grands fleuves. Il y a Jong-tems qu'on avoit propofé de conftruire de pareils canaux le long de la Loire, ou de la contenir par des jettées. Il ne feroit pas moins effeatiel de faire la même opération le long de la Garonne, de la Dordogne & des principales rivières qui s'y rendent, pour vivifier routes les provinces qu'elles arrofent. Conftruifant enfuite des canaux de communication entre les rameaux de ces différens grands fleuves, on établiroit un fyflême général de navigation intérieure en France. On communiqueroit de la Seine à l’Efcaut par la rivière d'Oife ; de (1) Certes ! fi je voulois auffi me faire louer dans tous les journaux , comme le font certaines gens, pour les vérités hardies que j'ai avancées fous l'empire du defpotifme, dans mes principes de la Philofophie naturelle & dans ce Journal, jy aurois peut-être aufli quelque droit. J’ai donné avant Ja première féance de l’Affemblée Nationale un projet de conflitution qu’on a fuivi en partie, , .. Mais je n’ai fait que mon devoir, SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 33 Îa Seine à la Mozelle & au Rhin par la Marne ; de la Loire à la Seine par les canaux de Briarre & d'Orléans ; & de la Loïre à la Saone, au Rhône & à la Méditerranée par les canaux du Charolois & de Dijon; de la Loire à la Dordogne par l'Allier ou par le Cher ; de la Saone au Rhin par le Doux, Mais nul fleuve n’auroit plus befoin de ces canaux que le Rhône, qui à caufe de la rapidité de fon cours fe remonte très-difficilemenrt jufqu’à Lyon, & qui eft impraticable à une certaine diftance au-deflus de Lyon dans fon trajet au travers des montagnes. On pourroit cependant par des canaux collatéraux le rendre navigable jnfqu'au lac de Genève , où nous avons un entrepôt à Verfoi; & par ce moyen toutes les rives du beau lac Lehman communiqueroient avec la Méditerranée. Remontant enfuite la rivière qui palle à Morges, on pourroit faire de nouveaux canaux qui communiqueroient au lac de Neufchärel. Suivant la rivière qui en fort on arriveroit au lac de Bienne, de-là à Soleure par l’Aar, enfin au Rhin. Ces grands canaux qui vivifieroient la Suifie, pourroient facilement être entrepris par ces fages républicains: La Savoie pourroit contribuer à une portion dans ce qui l’avoifine. Tous ces pays montueux trouveroient par ce moyen des débouchés pour leurs fapins, leurs melèzes, leurs marbres, &c. qu'ils nous enverroient ; & ils recevroient en retour ; foit de nos riches provinces de France, foit de la Méditerranée , tout ce qui leur feroit néceflaire. On avoit prérendu autrefois que les ariftocrates de Berne, par un intérêe bien fordide, s’oppoloient à cette communication du las Lehman & du lac de Neufchâtel. Ils font trop éclairés aujourd'hui , & les connoiflances commandent d'un ton trop abfolu, pour que l'utilité publique ne l'emporte pas fur toutes vues particulières. L’Anglererre donne à la France fur cet objet comme fur tant d’autres ; un bel exemple. Des canaux multipliés, peu difpendieux, ont été creufés fouvent par de fimples particuliers dans tous les lieux où ils pouvoient être uciles, & c’eft certainement une des fources les plus fécondes de V’opulence de ce beau pays ; mais tous ces grands travaux ne pouvoient être entrepris que par des hommes libres, qui aiment leur patrie , parce qu'il n'y a que la loi qui y commande, & qu'ils peuvent braver impuné- ment l'audace miniftérielle , & l'infolence des courtifans, qui ailleurs écrafenc tous les citoyens , & abforbent toutes les fources de la richefle publique. En France on a vu un favori obtenir la concéflion de toutes les mines de charbon du royaume. . Arts. Les Arts éclairés aujourd'hui par la Phyfique & la Chimie, enrichis par toutes les découvertes des naturaliftes, font des progrès très- rapides; mais la marche de l’artifte eft ordinairement oppofée à celle du favant. Celui-ci fe repaiffant fouvent d’encens & de fumée, n’a pas une Tome XXXVIILI, Part. I, 1791. JANVIER, F 2 44 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, idée prétendue nouvélle, qu'il ne publie de gros volumes pour la déve- loppèr, ce qui eût pu fe faire dans quelques pages. ‘ L'artille au contraire, prifant à {a jufte valeur certe gloriole, cherche ce qui‘peut être avantageux à fes manufaétures, & cache foigneufement ice que fes travaux Îui ont appris pouvoir lui donner quelques avantages fur fes concurrens. Quelquefois on Jui dérobe fes procédés; mais il ne les publie que rarement. C’eft pourquoi, malgré toute l’envie que j'aurai d'enrichir ce Journal des découvertes fur les arts, cela m’eft comnre impoñible, Je fuis donc borné à publier celles des favans dans cette partie. M, Dutrône nous a donné un Traité fur [a culture de la canne à fucre, & fur l'art de préparer & de rafiner le fucre. Il prétend que fa méthode doit donner un produit prefque double de celui qu'on obtient par les procédés ordinaires, Le procédé de blanchir les toiles par l'acide marin déphlopiftiqué fe propage avec quelque difficulté, quoique différens manufaduriers s’en fervent avec fuccès. M, Décroizille à Rouen a de très-beaux établifflemens en ce genre. On fait que la plupart des armes dés anciens étoïent de cuivre, quoi- qu'ils connuflent le fer & l’art de le tremper ; même avant la guerre de Troie, comme le rapporte Homère. L'extrémiré de la lance d'Achille étoit de cuivre. Ainfi lorfqu'on a dit que les grecs & les romains avoient foumis par le fer tous les peuples de la terre, on a ditune grande fauffeté ; mais comme le cuivre a peu de dureté, on a préfumé qu'ils avoient l'art de lui donner de la fermeté. M. de Caylus'a cru que c'étoit ou er Vallianr avec le fer , ou en le cémentant, comme nous cémentons le fer our le convertir en acier. D’autres onc penfé que c'étoit par la trempe. M, l'abbé Monpgez qui foupçontoir bien le contraire, a engaré M. Dizé à faire l’analyfe de quelques-unes de ces armes. Ils ont reconnu qu'il y avoit feulement une portion d’étain mêlée au cuivre pour lui donner de la dureté, : C'eft un pareil mêlange du cuivre & de l'érain dans les cloches qui leur donne du caffänt, & empêche qu'on ne puifle l’employer pour en frapper de la monnoie,,M. l'abbé Mongez a:confeillé de fondre cette monnoie au lieu dela frapper au balancier. Eile-ne fera passaüfli belle; mais. peu importe. Différens artifies:& chimiftes ont cherché à ;rendre, ductile ce métal. On peut y employerideux procédés, ou extraire: du, cuivre tous les métaux étrangers qui s’y trouvent, ce, qui feroit fort, coïteuy , où y ajouter! une! beaucoup plus grande quantité de cuivre, ce qui augmernteroiténcore Ja quantité.dhe ce métal déjà rap abondante; car nos moines avoientcru ne pouvoir trop, mulriglier leur fonnerie pour attirer les dons des peuplss, Le procédé de, M. abbé Mon2ez feroit donc entièrement préférable. \ SUR L'AIST. NATURELLE ET LES ARTS 4 M. Vieville a annoncé un procédé pour colorer le papier em le faifant, M. Vogler a effayé de préparer le beau rouge d'Andrinople avec le. fantal ; & il paroît y être parvenu. Ileft bien hngulier qu’avec toutes nos connoiffances nous foyons encore fi éloignés de la perfection de plulieurs arts des peuples afiatiques, tels que ce rouge & plulieurs autres ceincures,, fur le coton particulièrement , dont nous n'ayons encore pu approcher. Les parties colorantesdes végétaux ou animaux yfüne, il eit vrai, plus ‘exaltéesà caufe de la chaleur; mais indépendamment ils pofsèdent des procédés particuliers. Ils ont auñi un art de préparer l'acier auquel nous ne faurions. atteindre , tel eft celui dont font fairs les fameux fobres de Perfe. Le fimple étamage des caferières du Levanr eit bien fupérieur au nôtre. Cetiétamage contient du fer; car en verfant défius uve goutte d'acide, puis de l’alkali pruffien , on a un précipité bleu, On fair d'ailleurs qu'en alliant une petite portion de fer à létain qu'en emploie à étamer , l’éta- mage en eft beaucoup plus folide, J'ai vu faire à cet évard des eflais très- intéreflans , & cer étamage a été pratiqué à Paris pendant quelque tems. Plus on met de fer, plus l'étamage eft folide. On peut faire rougir le cuivre fans que l’étamage s'en détache: tandis que l'étamage ordinaire coule à une chaleur bien inférieure, même à celle qui eft néceflaire pour faire un roux ; mais lorfqu'il y a beaucoup de fer, l'étamage eft plus difficile à appliquer, & il noircit un peu les mets. Il y a donc un juite milieu à faiür. ; Les perfans, les indiens, les chinois, ont plufieurs procédés femblables que nous n'avons encore pu imiter, Ils paroiflent, à la vérité , tenir ces arts par tradition ; car aujourd'hui abrutis, énervés par le defpotifme le plus-barbare & le plus infolent, leur génie n'eft plus capable d'aucune invention, Leur unique foin elt de fe procurer un modique néceflaire qu'ils cherchent à fouftraire à leurs tyrans. Ainfi ne foyons pas furpris de ne plus trouver dans les defcendans de ces hommes qui ont tant illuftré humanité, que des efclaves corrompus, fans talens, fans vertu , fans courage. Le defpotifnie énerve le génie, corrompr le cœur, & Ôôte à Yhomme le fentiment de fa dicnité. La liberté au contraire élève lame, aggrandit les idées & donne de l'énergie. Lorfque l’homme faic quil, travaille pour lui-même, il devient a@if & labori:ux, I eft donc crès-vraifemblable que la fiberté que vient de conquérir la nation françoife y fera refleurir les arts utiles, Le francois. a coures les qualités néceflaires pour y réuflir, adivité, goûr, induftrie, &c. H ne faut que lui laïfler entployer à fon choix tane de talens réunis, fans les enchaïîner fous le dur empire de gens qui ne favent .que les gêner. L’Anglererre a-t-elle dans fes manufa@ur:s fi : ? nl FD - » à z fupérieures. cetie foule d'inlpeéteurs, fous-inlpeéteurs, commiflaires.., > 46. OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, On fait ce qu'on a dit avec tant de vérité du commerce & des arts, laiffez-les faire. J'ajoute qu’il en faut faire autant pour ceux qui cultivent les lettres: laiffez-les furre. Mais on nous menace de nouveaux dangers. On veur, dit-on, donner une nouvelle activité à l'intrigue & à la cabale, qui ont rendu nuls tant de talens (à peine peut-on citer quelques découvertes , faites dans les fciences & les arts, par les françois ). Qn parle d’inftituer de grands corps ariftocratiques pour les arts, des corps académiques pour les fciences. Ce n’eft pas tout. On veut, aflure-t-on , établir un miniftre dans cette partie. Je ne puis le croire, & cela pour placer un homme qui, abfolument , veut être quelque chofe. Un miniftre des fciences & des arts! A-ton oublié qu'un miniftre, quel qu'il foi, ce Turgot même qu'on vante tant, n'eft qu'ur defpote : que ce feratoujours un centre autour duquel tourneront vous les intriguans, qu'il ne placera que ceux qui viendront lui dire comme à un autre Mécène, qu’il ef! Le plus grand des hommes, foit qu'il agile diretement, fi on lui en donne le pouvoir, foit indireétement par toute fes créatures. J'en dis autant des grands corps académiques. A quoi fervent-ils? à faire des corporations puiflantes, intriguant, cabalant, cherchant à fe rendre intéreffans, & non à être intéreffans pour la chofe publique, écrafant le vrai mérite (lequel eft toujours modefte) qui ne veut pas plier devant la flatue de Balaam. J'appelle ainfi l'homme qui , dans tous ces corps prend l’afcendanr, moins ordinairement par fes talens littéraires, que par tout autre moyen aflez connu. C’eft ainfi que nous avons vu l’Académie des Sciences de Paris, dominée defpotiquement par Fontenelle , par Réaumur , par d’Alembert. D’Alembert vouloit faire recevoir un candidat, Buffon un autre. On ne comptoit pas les titres littéraires du candidat ; qu'importoit ! mais les voix qu’avoit chaque chef de cabale, .… Romé de l’Iflea-t-il jamais pu arriver à l’acadé- mie, parce que fes amis n’étoient pas de la cabale dominante ? Qu'on life toutes les épîtres dédicatoires aux miniftres. Le plus vil y eft repréfenté comme plus grand que tous ceux qui fe font le plus diflingués, Qu’on fe rappelle ce poëte qui comparoit M. de Calone à l'aigle de jupiter. Oui, pour le brigandage. Aufli le miniftre lui avoit fair mille écus de rente. Je ne citerai qu'un exemple. Un de nos derniers vifirs, plus grand phyficien fans doute que Newton, plus grand médecin que Hippo- crate, & membre de l’Académie des Sciences de Paris, de la Société Rovale de Médecine de la même ville, &c. &c. ( qui ne reconnoît M: de Brereuil } dans le rems même qu’il avoir fait enlever des mapgiftrats du fein de l'aflemblée la plus augufte qu’eut alors la France, celle des pairs, & de la manière la plus infultante pour la nation, & qui annonça le SUR L’'HIST, NATURELLE ET LES ARTS. 47 plus profond mépris; dans le tems qu’il faifoit fufller les ciroyens de Paris ; dans le tems qu'il faifoic fermer tous les clubs de la capitale, où fe nourrifloit cet efprit public qui s’eft enfuire développé avec tant d'énergie ; dans le tems. ... eh bien aux féances publiques de ces corps favans qui fuivirent ces époques défafireufes, il fut loué fans pudeur par... lui préfent.... & 1l reçut cet encens avec la aignité..….. d’un viür, tandis que quelques patriotes que nous étions fpechateurs, nous frémiflions de raze & de honte pour la vilité des orateurs.….. Mais il faut favoir que ce vifir avoit beaucoup asgmenté les penfions académiques, qu'il donnoit pendant l'hiver à dîner à MM. Les Acaoé- MICIENS de la capitale, Qu'on ne penfe point que j'aie envie de cenfurer. Je dis ce qui s’eft fait, pour en faire conclure ce qui fe fera fi les craintes du public fe réalifoient, & que l'intrigue fit décrécer à l’Aflemblée Nationale qu'il y aura un miniftre des fciences & des arts (1). Pour qu'on ne me foupçonne pas de partialité, confidérons l'état des fciences & des arts fous les Prolomées , qui les traitèrent fi magni- fiquement & dans les beaux fiècles de la Grèce libre, où ils n’avoient d’autres appuis que leur génie. Ici noustrouvons les Solon, les Thalès, les Pythagore, les Socrate, les Platon, les Ariftoce, les Zénon, les Epicure, les Hippocrate, les Démofthène, les Appèle, les Phydias, les Praxitelle, &c. Dans l'Académie d'Alexandrie paroiffent quelques rhéteurs , quelques fophiftes, inventant quelques mots barbares... fur lefquels ils difputoient éternellement, En France, nous voyons hors des académies, Defcarres, Fermat, Gaflendi, Pafcal, Corneille, Nicole, Voltaire, Buffon (ces deux derniers, quoiqu’académiciens , s’en mo- quoient, & n’ont jamais mis le pied dans l'académie) Rouffeau, Rainal, Mabli , Diderot... Comparons ces noms aux gagneurs de jettons , qui fuivent exactement les féances académiques. .… Mais, me dit-on, tous les favans diftingués modernes font de nos académies, Oui fans doute, parce que ces corps font jaloux de les avoir au nombre de leurs membres. Mais je demande fi Newton, (x) Jaime à m’appuyen d'une autorité bien refpeétable pour moi, ceïle de M. Antoine Petit, dans fon projet {ur la réforme de la Médecine ; il propof de fupprimer , comme on le fent bien , le defpotifme du premier médecin & du premier chirurgien, « Maïs, dit-il, de cette façon le premier chirurgien du Roi va perdre » f'efpèce de fuprématie dont fa place eft décorée... . Mais je demande à mon tour » ce que fait pour le bien de la nation & des pauvres malades, que le premier chi- » rurgien foit chef également des perruquiers & des _chirurgiens ou pour mieux » dire, qu'il foit auf ridiculement que faflueufement intitulé chef de la Chirurgie : comme SI LES ARTS POUVOIENT AVOIR UN CHEF ». Tel eft le langage de Ja vérité : Honni foir qui mal y penfès ‘ 48 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, Léibniez, les Bernouilli, Schéele, Herfchel.... fe font formés dans les académies? Non fans doute. Plufeurs favans, au contraire, qui promettoient des travaux utiles y font venus enfouir leurs talens , & je ne crois pas qu'aucuns s’y foient développés. ,. + Que les favaus, que les artiftes n'aient donc que des aflociationslibres, des clubs fcientifiques , comme en Angleterre, en Suifle, &c. &c. Il s'eft formé fur les mêmes principes une fociété de raturaliftes à Paris, qui promet de cultiver les {ciences naturelles avec le plus grand fuccès. D'ailleurs la deftruction de lariftocratie académique fera une fuite néceffaire de deux des plus beaux décrets qu’ait rendu l'Aflemblée Na- tionale de France ; je veux parler des deux’ décrets par lefquels après avoir rappelé les droits de l'homme dans une déclaration exprelle, après avoir fait une fage difttibution des pouvoirs dans l'ordre focial, elle a détruit lariflocratie facerdotale & celle de la nobleffe, Une expérience conftante a appris que le corps des miniftres des autels, chez toutes les nations, s’eft conflamment ifolé, & a moins travaillé pour la félicité commune que pour la fisnne-propre. Il falloit donc nécefläirement les réduire à l’état des autres citoyens, "&'en con- féquence leur rer la jouiffance dés biens territoriaux ,'& les falarier comme toùs autres fonétionnaires publics. En les rendant éligibles pir le peuple ou fes reprélentans, on a encore fait beaucoup, mais cela n'eft pas fufffant. Pour les rendre réellement citoyens, il faut les'aflimiler, entièrement aux autres fonctionnaires publics, leur accorder la liberté de fe marier, & ne point les élire à vie, mais feulement peur un tems comme les juges, les adminiftrateurs , &c. (1) Des privileges particuliers à une cafte de citoyens dorit la naïiffance fuñifoir pour parvenir à routes les grandes places, qui étoient-refufées au mérite le plus éminent dans les autres caftes, n'évoient pas moins impolitiques. On ne pouvoir, je crois, mieux comparer la clafle des nobles dansnos érars modernes, qu'a celle des frélons dans la république des abeïlles. Les uns’ & les autres fonc uniquement occupés à faire d'un côté une coûr baffle & férvile, & de Pautre Atyrannifer laclaffe laborieufe, & dévorer fa fubfflance. Les frêlons du moins paroiflent nécellaires pour la propagation de l'efoèce. Les nobles au contraire ne fonc ANNE ete rail eg Pr N a eue ART Ur A QUI Ve et ARE NU (1) «le préfcre, difois-je dansmes Principes de la Philo{cphie naturelle , pour cette place importante de minifire des autels, un père de famille, qui tient à la » focicré parifes epfans, parce que l'époifme me régnera iemais,.dans {on,cœur » comme cher lercéliuataise. On pourroit mérue, fi on a encore desappréhenfons, nerpoint donnercétte chargeipour la vie, & y nommer tous les ans ou tous les p» deuxans », J'efpère que l’efpèce humaine fe perfe@onnera affez densla fuite des fiècles pour adopter & mcttre en pratique tout ce que la Philofophie naturelle lui fait vois la conduire au botheur. d'aucune SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS, 49 d'aucune utilité, parce que toutes les fonétions qu'ils s'étoient réfervées dans l'ordre focial feront toujours mieux remplies (en général ) par les autres clafles de citoyens. Et comme dans ces diftinétions tout étoit contre l’ordre de Ia nature! Suivant les loix de celle-ci, l'action d’un agent quelconque décroît toujours en raifon inverfe des quarrés des diftances. La lumière des foleils eux-mêmes fe perd dans l'immenfité de l’efpace. Ici c’étoic tout l'oppoié. Le grand homme non noble, qui, par fes fervices, avoit bien mérité de la patrie, & qu’elle avoit récompenfé par des diftinc= tions , n'étoit encore rien lui-même dans cette hiérarchie; & la con- fidération accordée à fes defcendans ; augmentoit en raifon directe du quarré de la diftance de çe centre primitif, quoique leur nullité morale s’accrüt fouven: encore dans une plus grande proportion. Et c’eft cetre nullité qui fait aujourd’hui leur défefpoir ; s'ils avoient les talens diftingués qui font cenfés avoir acquis à leurs ayeux ces titres d'honneur , eux- mêmes feroient bien fürs dene rien perare. Les hautes vertus jouironc toujours de l'eftime & de la confidérarion de leurs concitoyens, qui leur confierone les places les plus importantes de la fociété, Mais ces marques de confi:nce ne peuvent jamais être que perfonnelles. Toutes ces vérités fe propageront avec le réms; maintenant que le voile eft déchiré & que la difcuffion eft permife fur ces objets, rout fera difcuté, & par le philofophe dans fon cabinet, & dans les affem- blées nationales des différens peuples, par des orateurs plus où moins diferts ; plus ou moins inftruits des principes de la philofophie, Envain l'ariftocratie polonoïfe a-t-elle ofé faire prononcer qu'elle feule conftituoit la nation (polonoife) & avoit droit à la légiflation. Plus elle exige, plus elle perdta. Dans quelques autres endroits elle a été plus fage ; elle accorde beaucoup pour conferver quelque chofe, Mais rien ne fauroit arrêter le cours naturel des chofes. Le premier mouvement a été donné par les anglo-américains qui ont développé tous les grands principes. L’Affemblée Nationale de France les a adoptés avec les modifications qu’exigeoient une monarchie & quelques circonftances locales. Les autres nations parcourront la même carrière avec plus ou moins de rapidité, fuivant que les occafions fe préfenteronr. Il ya cependant encore quelques vérités que les anciens préjugés empêchent dénoncer. On ne peut qu'être furpris, par exemple, que l’Aflemblée Nationale de France qui a montré certainement de Pénergie, aie fuivi trop littéralement, dans beaucoup d’occafons , les ufases du parlement britannique. Elle fe regarde avec raifon comme revêrue, par le fouverain ou la nation , d’un pouvoir bien au-deffus de celui du roi, puifqu'elle ordonne & que le roi exécute, Cependant elle parle toujours, comme le parlement d'Angleterre, avec refpeét au roi , elle le füpplie : en parlant des françois, elle dir les fujers du ro7 (quoique Tome XXXVIIT, Par 1, 1791, JANVIER. jo OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, j'aie démontré depuis bien des années, ibid. que nul homme ne pouvoit être fujet d’un autre homme; on n'eft fujer que de la loi : & le roi, comme tous les autres citoyens, en eft le fujer. IL faut donc dire les concitoyens du roi, & non pas fes fujets (1), il n'ena point, pas plus que moi, & je ne fuis fujer de perforne,) & le roi dir roujours mes Jujets, mes états, mon tréfor, mes vaiffeaux , mes troupes... IL écrit du ton le plus léver à l’Affemblée; le garde-des-fcvaux lui- même ne lui écrit qu'en bulletin, comme à fon inférieur... Ces chofes font plus importantes qu’on ne penfe vis-à-vis d’un pouvoir exécutif, toujours ambitieux , toujours ufurpateur.... Mais il faut ré- péter ces vérités fi fouvent qu’à la fin elles feront entendues. On a aufli confervé en France le mot de fe civile, pour exprimer la penfion que la nation fait au roi. En Angleterre, la lifle civile comprend non-feulement les fulaires du roi, mais plufieurs autres dépenfes, Le mot de Zifle civile, c’eft-à-dire, lLifle des dépenfes civiles à pouvoit donc être toléré par oppofition aux dépenfes de la marine, de la guerre, &c. En France, la life civile eft route perfonnelle au roi. Î1 faltoit donc l'appeler penfion royale , pour lui rappeler fans cefle qu'il eft un falarié comme les autres fonétionnaires publics. Les rois feront encore long-tems à vouloir convenir de ces vérités qu'ils avouent dans leur cœur. IL fufbt de lire le difcours que vient de tenir le roi d'Angleterre à l'ouverture du parlemenr. « Milords & > Meflieurs, c’eft avec un grand plaifir que je vous apprends que le » différend qui s'étoit élevé entre #02 & la cour d'Efpagne.... » (Les rois ne font pas polis, car ils fe nomment toujours les premiers. ) Les nations angloife & efpagnole n’y font comptées pour rien. Le différend étoit entre George III & Charles IV, qui parlent comme le feroient deux particuliers qui traiteroient de leurs propriétés per- fonnelles. ... George III eft trop éclairé pour ne pas fentir l’abfurdité de ce lanpage, ca date des tems où les peuples n'étoient comptés pour rien. Cependant il le tient, & le parlement britannique, & la nation angloile l’écoutent tranquillement. ... & le tout , parce que c’eft un ufage antique. Certe même nation angloife permet que fes vrais repréfentans , ceux élus par le peuple, appelés les membres des communes, foient à la barre de la chambre haute lorfque le roi vient aw parlement, c’eft-à-dire, que le (à) Les Napolitains avoient écrit à leur Roï....Le Roï en leur répondant les a appelés fes chers concitoyens , Chroniy. 31 décembre. Bel exemple que le Roi de Naples a donné aux autres Rois ! Pourquoi Louis XVI ne le füit-il pas? & für-tous FAïlemblée Nationale ? SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. SI roi & le$ pairs ne reçoivent la nation qu'à leur barre (1)... Il faut voir & revoir, & revoir ces chofes pour les croire, fur-tout de la part d'un peuple qui connoît les droits de l'homme... Il s’éveillera ce peuple, & changera un cérémonial , encore plus ridicule qu'inconféquent : car enfin le peuple fait bien par-rout, & en Angleterre comme ailleurs, qu’il eft Ze maitre par laforce, &qu'il ef? Le fouveraën par ledroit, & quefesrepréfencans ne peuvent ni ne doivent être reçus , comme le feroit le citoyen qui eft dans l’empeachement, qui elt accufé d’un crime, à la barre de la chambre de quelques-uns de fes concitoyens à qui il a accordé des privileges, qu'il peut retirer quand il voudra, & que fans doute il retirera un jour... C’eft une fuite de cet ancien gôuvernement féodal, qui a accablé toure l'Europe, & qui pèle encore fi Fort en Pologne , en Ruffie. .. Encore une fois, ces privilégiés calculent bien peu la marche de l’efprit humain, & l'influence qu'a fur lui la philofophie. Qu'ils voyent que leur chûte n'a été fi précipitée en France que pour n'avoir pas fait ce calcul. J'en difois autant aux rois : « Princes ne vous abufez pas fur votre » autorité ablolue. Nous fommes dans le tems des révolutions ( amené » par la philofophie ); une nation pouflée à bout fecoue enfin le » joug. Tell lève lérendard de la liberté, & eft fuivi par tous fes con- » citoyens, La puifflance de Philippe II qui menaçoit l'Europe, échoua 5 contre la Hollande. Une balle dé thé a affranchi l’Amérique du » joug anglois. CHEZ LES PEUPLES QUI ONT DE L'ÉNERGIE, LA » LIBERTÉ NAIT TOUJOURS DU DESPOTISME ». 2b1d. 4 Jofeph II & Louis XVI écoient bien éloignés de voir que cet aver- tiflemenr les intéreffoit fi particulièrement, Que les rois, que les ariftocrates, que les théocrates.... profitent de ces exemples. .. Et fans doute ils en profiteront. Si la revolurion d'Amérique & celle de France ne rendent pas tous les peuples libres, dans {e moment préfent, au moins les rendront-elles moins malheureux , parce que Les cyrans alléperont leur joug, non par amour de l'humanité, mais par crainte. (r) En France autrefois les repréfentans de la nation ou des communes no paroïfloient dans les féances qu’à genoux, Errata. Page 18, ligne 24, nous: aurions dans cette hypothèfe vingt-fept fubfiances métalliques, Zifez vingt-neuf Ligne 32, après wolfram, ajoutez 18°. l’uranite découvert en 1788 par M. Klaproth Ligne 4, enfin, le vingtneuvième métal feroit le menackanite , découvert en 1750 par M. W. Gregor. Tome XXXVIIT, Part. I, 1791, JANVIER, G 2 52 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, PR A EE QE EU PEER DES GRAL PTT ON DE DIVERSES CRISTALLISATIONS MÉTALLIQUES ; Par M. C. PAIOT. J'rc NORE fi jufqu’à préfent l’on a obrenu des régules d’étain & de lomb des criftallifations régulières. Le Journal de Phyfique du mois de Évurier 1739, fait mention d’une criftallifétion Gmplement fuperficielle, & en quelque forte linéaire de ces fubflances obtenues par M, de Morveau, Dans le même Journal du mois de juillet 1781, M. Monpez le jeune nous apprend que fes différens eflais n’ont pu lui procurer que des criftaux très-informes du plomb & de étain ; cet auteur paroît même douter de Ja criftallifation de ce dernier métal. Comme j'ai été aflez heureux pour obtenir conftamment des criftaux bien réguliers & ifolés de ces deux fubftances métalliques, je me fais un devoir, ainfi qu'un plaifr, d’en faire connoître ici les figures & les développemens , enfemble les variétés que j'ai rencontrées & la manière dont j’ai procédé. Tout amateur fera ainfi à même de fe procurer de femblables criftaux, & peut-être même de plus beaux, en opérant fur des mafles plus corfidérables que celle d’une demi- livre environ dont je me fuis fervi dans mon eflai. La PL I, fig. 1, offre un criftal d’étain d’après nature, c’eft comme un prifme rhomboïde bien déterminé ; deux lignes diagonales traverfent Ja furface de ce prifme & la partagent en quatre parties qui paroiflene inclinées vers le milieu. Le châtoyement particulier qui rend chacune de ces parties encore plus diftinéte , eft dû à la différence des légers linéa- mens qui leur font affectés. Celles oppoftes font tracées femblablement à. la figure. D’après les différentes traces en échelons que l'on apperçoit fur l’épaïffeur du rhomboïde en A , je fuis porté à croire qu'elles font lextrémité d'un traït de lames fuperpofées. La fg. 2 indique l’ouverture de l'angle d'inclinaifon de l'épaifleur A. La fe. 3,elt la repréfentation linéaire du criftal , avec l'ouverture des angles oppofés. La fig. 4 ,elt un amas d’aiguilles entrelacées les unes dans les autres, & les divers fens qu'affècte l'étain refroidi dans la cuiller où il a été fondu, & du côté qui touche le fond de la cuiller. La fip. 5 offre une variéré du'criftal fée. 7. - La fig. 6 offre une autre variété de criftal en forme de parallélipipède; on voir deffous en B, & bien diftinement , une autre petite lame ou criftal femblable : il y paroïc en relief. AL SUR L’'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 53 La fig. 7, eft encore une variété de criflal d’étain, dont la furface offre fur le pourtour une efpèce de bourlec , & dans l'étendue de la cavité que cette cuiller renferme, fe trouve une efpèce de point, ainfi que le repréfente la figure. La fg. 8 montre une criftallifation linéaire & de grandeur naturelle, compolée de fix rangs & quelquefois davantage de rayons de diverfes couleurs, ou châtoyemens ; il n'eft pas rare d'en voir fur les feuilles de fer-blanc qui ont été chauffées un peu trop fort. La fig. 9 préfente un criftal de plomb régulier & ifolé; c’eft un polyëdre de trente-deux faces, lefquelles font déterminées par le concours de fix pyramides quadrangulaires, & dont les faces font des triangles ifocèles pofés du côté ifocèle fur chaque fection ou troncature des angles de l’oétaëdre , en forte que les pyramides fe rouchant par leur bafe, laïffent entr'elles l'intervalle d'un triangle équilatéral, dont les côtés font moins larges d'un tiers environ que les côtés montans des pyramides. La fig. 10 repréfente la jonction de trois pyramides plus grandes que nature, afin de faire voir & le rapport qu’elles ont avec le triangle équilatéral & en même-tems les lignes qui traverfent horifontalement chacune de ces faces, lefquelles lignes repréfentent les bafes s’écarranc des pyramides décroiflantes, & emboîtées les unes fur les autres jufqu'au fommer ; il eft même certains criftaux où l’on apperçoit un vuide entre chaque linéament, lequel linéament n'eft tenu qu'à l’arèce de chaque face. La fig. 11 indique l'ouverture de l'angle fupérieur & aigu des faces des pyramides de la figure ci-deffus. La fig. 22, eft le développement de trente-deux faces du polyëdre repréfenté en la fe. 9 , & d'après les proportions de la fz. 20. Les hui triangles hachés font les huit triangles équilatéraux qui hachent les bafes des fix pyramides, ù La fig. 13 repréfente une efpèce de ramifcation , que l’on obtient lorfque le plomb n’elt pas coulé chaud ou extravafé , ainfi qu'il va être dir. Toutes ces différentes figures font de grandeur naturelle, excepté celles dent il a été fait mention. : Pour obtenir les criftaux de plomb#@ d'étain ci-deflus réguliers & ifolés, voici comment il faut s’y prendre : l’on fait chauffer dans une cuiller de fer lun & l’autre métal jufqu'à ce qu'un papier qu'on y plonge roufliffe forrement. On le verfe de fuite dans le tour d’une effietre inclinée, que l’on a frottée auparavant & légèrement de fuif où de graifle; lorfque l’on verfe pour la première fois fur une affierre ont la cuvette eft fendillée, il eft rare que l’on ait befoin de graiffer la place de l’affierte où l'on veut jetter le métal fondu. Auffi-rôr qu'il y eft verfé, foic La graiffejd’entre les gercures de la couverte, foic celis s4 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE; dont on l’a enduite, fair bouillonner & bourfoufiler le métal fluide, Dès le moment que fes bords commencent à fe figer, & dont l’on s’apperçoit par la ceffation des bouillons ou des tremblemens qui avoient lieu en cette partie, alors on incline davantage & même aflez brufquement l’afietre _pour laïfler s’extravafer le métal encore fluide qui fe trouve au milieu, & l'on eft furpris agréablement de voir une jolie géode tapiflée de ces criftaux plus ou moins réguliers, felon que l’on a pu faifir l'inftant favo- rable pour faire fortir le métal en bains qui les cachoit & enveloppoit.— Le plomb confervant encore long-tems fa chaleur, demande à être furvuidé plus promptement. Quelquefois l'on obtient de ces criftaux fans qu'il foit befoin de graifler l’afliette ; mais ils ne font jamais aufli réguliers ni les géodes fi bien tapifées. On obfervera d’ailleurs que le criftal rhomboïdal de l’étain, fg.7, & celui polyëdre du plomb, fg. 9 ,'n’ont jamais de brillant métallique ; ils font mats & ont l'apparence d’être brunis. On obfervera enfuite que plus fouvent on répète la fonte de la même portion de métal, moins les criftaux que l'on en obtient font réguliers : du moins c’eft ce dont j'ai cru m'appercevoir. EXTRAIT D'UNE LETTRE DE M. LE CHEVALIER LANDRIANI, AMI L'ANBIBNÉLSTUES TIAL Milan , le 17 Décembre 1790. NT eue L Après ma dernière lettre, beaucoup d’autres découvertes ont été faites en Allemagne , au fujet de la transformation des terres en régules métalliques. M. le chevalier de Borne me mande que l’acide du borax el auf une terre métallique. Dans un journal allemand , on a publié une CR pe ttre de M. Klaproth, dans laquelle cet habile chimifte jette des doutes Œ Mur La réalité de ces découvertes. Il affirmoit qu'on peut obtenir tous ces régules avec du charbon feul foumis à un feu violent. En confé- quence, M. Klaproth fut appelé par MM. Rupretch & Tonti à prouver for aflertion par l'expérience. Il accepta le défi. On s’aflembla dans le laboratoire de Schemnitz. L'expérience le démentit , & il fur obligé de fe rétracter folemnellement. J'ai Phonneur d’être, &c, SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. si mme Dome D'E S'CYRI PR TION D'UN BOULE AU HFYBRIDE PINNÉ; Par M. J, DAN-LUNDMARK, Cr arbre croît dans la province de Wermeland en Suède. On l'a trouvé auprès des forges de Lefsjofons. Ses feuilles font pinnées , ce qui fait croire que c'eft une efpèce hybride, c'eft-à-dire , venant de deux efpèces différentes. On penfe que celui-ci provient du bouleau incane blanchätre, & du forbier, Voici fa defcription botanique. Voy. PL. IL, BETULA PINNATA. ZArbor hybrida, matre betula incana , patre forbo aucuparia ; magnitudo 8 aut 10 ulnarum ; craflities trunci diametro 6 pollicari. Habitus betulz incanæ. Rami ad angulum acutum à trunco extantes, rariores, fragiles, cortice cinereo, ramuli fulcati , contorti, tomentofi. Folia pinnata , alterna, pollicaria. Foliola ovata lanceolata, incifo- ferrata , ferraturis argutis, inæqualia , fupra villofa, obfcurè viridia, fubtus incana. Foliolum terminale impar, majus, incifo-ferratum, undulatum, petioli femipollicares , tomentofi. Sripulæ ovatæ, binz, intus fufcæ, fubrüs Aavefcenti-cineræx. Pedunculi quaterni vel quini , amentis brevioribus , tomentofi. F lores amentacei , amentis cærulefcentibus , fquammis margine cinereis. « Fruëus betulæ incanx, Locus ad fabricam ferream Lefsjofons in parochia Rômmen Wermlandix, 4 56 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, | MÉMOIRE Sur l'aëlion de la Lumière folaire pour blanchir la Cire Jaune ; ParJEAN SENEBIER, Bibliorhécaire de la République de Genève. Ex réfléchiflant fur les procédés employés pour blanchir la cire, je remarquois bientôt que la lumière feule devoir produire cer effet, & par conféquent que Paction de l'eau qu'on y verfe, ou celle de la rofée , & fur-rout de la rofée du mois de mai, n'ajcutoit rien à l’action du foleil pour ôter à la cire-vierge la couleur jaune qu'elle a naturelle- ment & pour lui donner la couleur blanche de nos bougies, Afin d'établir cette opinion d’une manière folide , il falloic expofer la cire jaune à l’action de la /umiére , en lui ôtant celle de l’humidité. J'imaginai d’enfermer de la cire jaune entre deux plaques de verre mincè , mais tranfparent ; je coulois cette cire fondue fur une des plaques ‘& jy appliquai l’autre fur le champ, enfuite je fermai hermétique- ment l'accès à l’eau & à l'air entre ces deux plaques avec de la cire d’Efpagne qui les unifloit. Par ce moyen, la cire jaune expofée au foleil avec cet appareil éprouvoit l'ation de la lumière, fans éprouver les effets de l'humidité. Je plaçai cet appareil le 10 avril, dans un lieu expofé à l’action directe du foleil pendant quatre ou cinq heures de chaque jour, & je le laiffei jufqu'au 10 du mois de mai; j'expofai à la même place , pendant le même tems, un appareil femblable dans une boëte d’oublies à cacheter. Je remarquai le 12 avril que la cire expofée au foleil entre ces deux verres, fcellés avec la cire d’Efpagne, commiencoir à blanchir; elle continua tous les jours à blanchir davantage; enfin au bout d’un mois toutes les places où la cire n'avoit pas plus de deux lignes d’épailfeur furent entièrement & parfaitement blanchies. La cire refta parfaitement jaune dans l’appareil expofé à lobfcurité, quoique la boëre, bien mince, dans laquelle il éroit renfermé , lui fic éprouver la même chaleur, fans lui permettre l’accès d'un rayon de lumière. J'érendis la cire jaune fur une plaque de verre femblable à celle de l'appareil précédent, j'expofai cette plaque au foleil de manière que fa lumière romboit immédiatement {ur la cire elle-même, elle fe blan- chit comme la précédente, mais il me fembla quelle fe blanchit un peu LS SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS, f7 peu moins vite , quoique la cire ne reçûc l’action de la lumière qu’au travers du verre. La cire jaune étendue fur un verre femblable au précédent , & expofée à l’obfcurité dans une boëte de bois fort mince, qui recevoit l’action du foleil extérieurement , ne changea point de couleur. Enfin la cire jaune humectée, la cire jaune expofée fous l'eau, à la lumière du foleil , blanchit plus tard que celle du premier appareil. Cette cire jaune mife fous l’eau à l’obfcurité, ne changea pas de couleur, quoiqu'elle fournie quelques bulles d'air comme la cire expofée fous l’eau au foleil, La couleur de la cire blanche m’a paru quelquefois à la furface d’un blanc gris, & au-deflous , dans l’épaifleur de dix douzièmes d’une ligne, fai trouvé cette cire d’un gris noirâtre, immédiatement au-deflous de celle-ci la cire étoit jaune. Cela n'étoit pas commun, j'ai pour- tant employé toujours La même cire qui étroit extrêmement pure; elle pourroit être inégalement préparée, ou plutôt elle pourroit être prife fur des végéraux différens; j'ignore la caufe de cette anomalie, mais je fais bien qu'il y a des cires que les ciriers ne peuvent pas venir à bout de blanchir, J'obferverai encore que la cire janne expofée fous l'eau au foleil donne de l'air en fe blanchiffanr, & que cet air m’a paru quelquefois meilleur que Pair commun , comme je l'ai jugé par le moyen de l’air nitreux. (à I réfalterotr de à que l'action feule du foleil peuc blanchir la cire jaune, que lation de l’eau ou de l'humidité combinée avec celle de la lumière retarderoit le blanchiment de la cire plutôt qu'il ne laccélereroit , que Jon peut par conféquent épargner le tems & la peine employés à arrofer la cire, & quil fuit pour la blanchir, de lexpofer feulemenc au foleil, fous la forme de rubans minces, de manière que la plus grande furface reçoive route l'impreflion de la lumière , pourvu que la chaleur ne foit pas aflez vive pour fondre la cire, \ . C'eft pourtant une opinion bien ancienne, que la rofée du mois de mai favorife le blanchiment de la cire; mais il feroit pofible que l'on eût choili le mois de mai entre tous les autres dans les pays chauds, parce que la chaleur du foleil eft alors moins vive, & que la lumière qui le répand dure alors très-long-tems. Ce n’eft pas que la chaleur n'’influe peut-être fur la blancheur de la cire, mais une chaleur trop forte, en fondant la cire, ne laifle plus cette fubftance expofée au foleil avec la plus grande furface pollible. Au refte, la rofée du mois de mai n'a aucune influence pour blanchir la cire jaune , puifque cette fubftance expofée au foleil, à l'air libre pendant ce mois, depuis neuf heures du matin jufqu'à quatre heures du foir, fut aufli vire & aufli bien blanchie, que celle qui fur expofée pendant le même tems au foleil, & qui reçue toutes les impreflions de la rofée pendant la nuir. Tome XXXWIII, Part, I, 1791. JANVIER. H L. 4 .$8 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, Cette manière de blanchir la cire jaune en l’expofant au foleil eft fort ancienne. Diofcoride & Pline en décrivent le procédé ; fans doute, quel- ques ruches d’abeilles expofées fur les arbres au foleil, firent naître cette idée par la blancheur que la cire éclairée par Le {oleil y acquierr. Pour découvrr la manière dont la lumière agit dans le blanchiment de la cire , il falloit chercher s’il n'y avoit pas d’autres moyens que la lumière du foleil pour blanchir la cire jaune. J'imaginois donc d’ap- pliquer à cette cire l’aétion des acides, de la combiner avec divers corps; j'avois à peu-près fini ce travail lorfque je découvris un mémoire - de M. Beckman , publié dans les Movz Commentarii Societatis Gotten- genfis, Tome VW, page 9x. Voici les principaux réfultats des recherches de ce favanr. Les acides minéraux plus ou moins étendus d’eau enlèvent d’abord à la cire fa couleur jaune, mais ïls la rendent dure & caflanre , & fa couleur jaune qui avoit difparu, reparoît quand la cire n’eft plus dans l'acide , ou plutôt quand on l’expofe à l’action du feu pour la refondre. Les acides qui ont blanchi la cire font colorés ; l’acide nitreux devient vert; l’acide marin jaune comme l’eau régale. Si l’on refond la cire dans l'acide nitreux, fi on la tient fondue pendant une heure, & fi l’on verfe alors cetre cire dans l’eau, cette eau rougit; en répétant cette opération, la cire fe fond toujours plus dificilement, mais la couleur jaune reparcit encore après une nouvelle fufñon.s M. Beckman a obfervé que l'acide fulfureux ne blanchiffoit pas la cire jaune, que les acides végétaux la rendoient grife, que le nitre & Falun ne produifoient aucun effet pareil, Il a obfervé que les alkalis blanchifloient la cire, mais moins que les acides, & que l’alkali étoit alors chargé d’une partie huileufe. Enfin M. Beckman a traité la cire avec l’efprit-de-vin, il croit qu'elle devient par ce moyen une nouvelle fubfance, fon volume s’augmente confidérablement, elle eft rrès-poreufe, elle perd l’ufage & la propriété de la cire. L’efprit-de-vin qui a blanchi la cire fe trouble & devient laiteux quand on y verfe de l’eau. J'ai fair ces expériences, elles m'ont fourni à peu-près les mêmes réfultats, mais ayant eu la curiofité de les examiner de plus près au bout de deux ans, je rapporterai feulement ici les différences que j'ai obfervées entr'eux & ceux dé M. Beckiman & les observations parti- culières qu’il n’avoit pas faites. J'avois mis un morceau de cire jaune très-pure, pefant un denier dans des flacons qui contenoient environ quatre onces d’eau & qui fe fermoient très-bien avec des bouchons de verre ufés à lémeril, Je verfai de l'acide vitriolique dans le premier flacon, il noircie bientôt, & la cire jaune ne tarda pas à fe diffoudre ; j'ajoutai beaucoup de cire à ce mélange, qui fur difloute de même, mais j'oubliai de SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 59 pefer le premier morceau que j'y ajoutois, en forte que j'ignore là quantité de cire employée, J’eus yne mafle noire qui a la confiftance d'un cérat, dont la couleur eft noire , ‘qui fe fond facilement à la chaleur, & qui donne alors, comme pendant la diflolution, l'acide fulfureux volatil. Après avoir fondu cette matière, j'en ai verfé environ une demi- once dans une vingtaine d'onces d’eau, & toute l'eau a été noircie, il ne s’eft point fait de précipité, mais il s'eft formé à la furface une écume grife, peut-être fayoneufe, Le mélange avoit une odeur aro- matique, femblable à celle qu'on obtient en traitant une réfine avec l'acide vitriolique. J'ai faturé deux jours spip acide avec l'alkali vé- gétal, il ny a eu que le fél neutre précipité, j'ai évaporé la liqueur ‘qui avoit pris une couleur canelle, & j'ai eu un réfidu dont la couleur reflembloit affez au tartre du vin rouge, ce réfidu s’eft brûlé au feu fans fe fondre, mais je veux reprendre cette dernière opération pour la traiter avec plus de foin. La cire jaune, mife dans Pacide nitreux très-pur, blanchit au bout de quelques jours dans fa partie fupérieure, c’eft-à-dire, dans celle qui furnageoir, mais on voyoit Fair nitreux remplir le vuide du flacon. La cire étoit couverte de bulles; la partie enfoncée dans Pacide blanchie comme celle qui n'y étoit pas, au bout de treize jours, la cirefe bour- fouffla , l'acide jaunit enfuite, il verdit, & il y eut plufieurs petits mor- ceaux de la cire qui fe dérachèrent de la mafle; jai retiré enfin certe cire de l'acide nitreux, je l'ai fait fécher & elle me parur blanche dans toute fa fubftance, fa blancheur même étoir affez vive ; certe cire fe ramoiliffoic entre mes doigts, quoiqu'elle füt plus caffante que la cire ordinaire, je l'ai fondue dans une cuiller d’argent, mais l’acide nitreux fe fit biencôt remarquer, elle coula néanmoins & elle conferva fa grande blancheur. Dans l’acide marin la cire jaune blanchie plus tard que dans l'acide nitreux & elle fe blanchic pes, elle fe couvrit néanmoins de bulles d'air, malgré cela au bout de dix jours elle prit unie couleur jaune paille qui a enfuite un peu noirci. Dans l'acide marin oxigéné, la cire fe blanchït parfaitement, comme M. Bertholler l’a obfervé. Elle s'eft couverte de bulles d’air, & je croyois qu'elle éroit blanche dans coute fa mafle, mais il n’y avoit qu’une croûte fort mince qui für blanchie, le refte éroit defflous coloré en jaune tirant fur le noir. Jai fondu cette cire dont la couleur eft devenue jaune paille, elle n'eft point caflante comme celle qui eft traitée avec l'acide nitreux, fans doute parce qu'elle n'avoit pas été pénétrée par l'acide marin oxigéné qui ne peut agir qu'à fa furface. La cire jaune, mife dans l’alkali volatil crès-pur , fe blanchit très-bien & fe diffout un peu. Dans Palkali fxe ;'elle blanchit moins, mais dans les deux cas il ne parut aucune bulle d'air; au bout de deux ans, je Tome XX XVIII, Par. 1, 1791. JANVIER, H 2 6o OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, n'aitrouvé qu'une croûte de l’épaiffeur d'une ligne qui füc blanchie d'un blanc mat. La cire, fous cette enveloppe , étoit jaune pâle, je l'ai fondue, mais elle eft devenue d’un jaune bien brun. J'ai examiné le flacon où j’avois mis la cire jaune dans l'efprit- de-vin, il paroifloit rempli d'un nuage blanc & flottant qui s'eft ré- pandu par-tout quand le flacon étoit dans une température de deux à trois degrés au-deflus de zero; mais quand j'ai approché le flacon du feu, le nuage a totalement difparu, & l'efprit-de-vin avoir route fa tranfparence, l’opacité a repäru lorfque le flacon s’eft refroidi. Comme il reftoit un morceau de cire au fond du flacon, ce morceau paroifloit couvert d'un dde blanche qui s’eft ouverte pour donner pañlage à la cire qui fe fondoic, il fembleroit que cette croûte s’eit fondue plus tard quele refte de la cire. En vuidant cet efprit-de-vin que le chaleur avoit rendu tranfparent, dans un flacon refroidi, on voyoit une quantité de petits globules de cire blanche, fans doute frappés par le froid, qui fembloient y fotter. L’efprit-de-vin , rendu tranfparent par la chaleur, contient alors quinze feizièmes de grain de cire par once. La cire qui a féjourné dans lefpritde-vin, fans être difloute, eft blanche après avoir été fondue , mais elle eft un peu plus caflante que la cire ordinaire, & l’on voit bientôr qu’elle centient de l’efprit- de-vin. La cire jaune mife dans l’éther vitriolique y blanchir d’abord , je l’ôtai du flacon au bout de vingt-deux jours, mais elle me fembla une gelée aflez blanche, elle ne reprit pas d’abord fa confiftance, l’éther avoit pris une couleur dorée, & en s’évaporant il laifla une matière fyrupeufe dont la couleur éroit à peu-près celle d’un citron , la matière de la cire qui r’étoit pas difloute étoit d’un blanc mat, on y voyoit quelques taches jaunâtres ; quand je la fis fondre, elle eft devenue jaune paille , & la partie filtrée, évaporée & fechée par le tems , fondit par la chaleur & eut une couleur d’ur blanc gris. La chaleur rend la diffolution de la cire par lécher tranfparente comme celle de l'efprit-de-vin. L'huile échérée de térébenthine diffout bien la cire & la blanchit par- faitement. Elle forme avec elle une pommade affez ferme qui devient tranf- parente per la chaleur , & qui en fe figgant eit blanche tirant fur le roux. J'ai mis de la cire jaune dans l'air pur & dans l'air commun fermé par l'eau , je l'ai expofée au foleil le 6 juiller. La cire y prit une nuance ver- dâtre très-marquée, qu’elle a confervée. Jai fondu certe cire qui étoit encore verdâtre après la fufion; l'air avoit perdu de fa bonté au bout de trois mois; l'air commun dont une mefure mêlée avec une mefure d'air nitreux étoit réduire à 1,01, fut réduir à 1,23; l'air purtiré des plantes mifes dans l’eau aérée, donrune mefure mêlée avec quatre mefures d'air nitreux avoit éréréduite à 3,46 , fut réduit avec deux mefures d'air nitreux à 1,39 SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 6x J'efpérois trouver dans ces expériences l'explication du blanchiment de la cire au foleil ; mais elles ne me paroiflent pas aflez lumineufes pour l'éclairer. On voit bien en général que l'acide nitreux fe décompofe & que fa décompofition fournit à la cire l'oxigène; on voir que l’acide marin oxigéné produit à l'extérieur le même effet, mais fon action n’eft pas aufh énergique , quoiqu'il paroifle contenir beaucoup plus d’oxigène ; il eft vrai que l'acide marin perd bientôt fon oxigène furabondant, & alors la cire ne peut plus le lui enlever , au lieu qu'elle décomipofe toujours l'acide nitreux ; au refte, M. Berchollet a vu que les végétaux blanchis par lacide marin jaunifloient lorfqu’on les faifoit bouillir. Quant à l'acide vitriolique il fe décompofe bien , puifqu'il devient fulfureux , mais l'acide noircit d’abord avec la cire; feroit-ce une combuftion comme M. Berthollet le croit ? cela pourroit bien être, la couleur invite à le croire, & la cire change de nature puifqu’elle eft alors abfolument difloluble dans l’eau , quoique l'acide doive en avoir été précipité; mais pourquoi les autres acides ne. produifent-ils pas la même combuftion, ou plutôt la même apparence s'ils fourniflenc tous également à la cire l’oxigène ? Elle ne peut enlever qu'une partie de cet oxigène à l'acide vitriolique, puifque lacide fulfureux n'agic pas fur elle. Enfin les alkalis, l'efprit-de-vin, l'éther, les fluides effen- tiels blanchiffent auñfi la cire; feroir-ce aufi par la décompofition de l'eau qui fourniroit à la cire l’oxigène qu’elle trouve dans les acides ? Quoi qu'il en foit, le blanchîment de la cire jaune fe fait par deux moyens différens , par l’action de la lumière & par celle des agens chimiques, qui offrent eux-mêmes auf de grandes différences ; car les acides n’agiflent pas comme les. alkalis, & les efprits ardens. Les, huiles effentielles agiffent aufi d’une manière particulière. La cire jaune fe blanchit à la lumière, fous Peau. diftillée comme dans l'air, entre deuxe plaques: de verre, fermées foigneufement avec la cire d'Efpagne, comme à l’air libre ; de forte que f dans quelques cas la préfence de l’air eft néceflaire pour fournir l'oxigène blanchiffeur , dans d’autres il ne paroît pas avoir la même importance ; cependant la décompofition de leau étant donnée, le‘ phénomène peut à la rigueur s’expliquer dans tous les cas, J'ajouterai pourtant que M. Giobert, célèbre chimifte de Turin, a prouvé que la lumière n’agifloit. que par T'intermède de l'air, puifque la lune cornée ne noircit pas à la lumière dans le vuide; je n'ai pas cru ma pompe pneumatique aflez parfaite pour répéter cette expérience fur la cire, La cire jaure fond plus vire que la blanche, elle eft un peu plus pefante que celle-ci; quand elle eft fondue, elle paroît un peu moins jaune que dans fon état naturel ; enfin un trop long féjour à la lumière la rend moins fufñble, plus caffante, moins propre à éclairer. Ceci prouveroit que la cire blanche a un peu changé de nature & qu'elle € OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, a été modifiée par l’action de la lumière & par les agens chimiques qui produifent les mêmes, effets que le foleil. J'ai prouvé dans mes Mémoires Phyfico-chimiques que la lumière agifloit fur la partie réfineufe des végéraux , ce qui me fait croire que la lumière produit cet effet fur la cire comme fur l'huile d'olive que la lumière blanchit comme je l'ai vu, & qu’elle réduit, fuivant les obfervations de M. Berthollet à l’état cireux, Il paroîtroitau moins que la lumière fixe Pair pur ou l’oxigène dans la cire, que cet oxigène réfinifie les huiles & leur donne ainf de la folidité , ou bien qu'il fe combine avec l'hydrogène de l'huile ou de la réfine, comme M, Berthollet Pérablir d'une manière fi probable. On fait que la lumière blanchit les feuilles après les avoir fait pafler au jaune & au noir, alors ce blanc feroit le dernier degré de cette efpèce de combuflion que M. Bercholleta fi bien développée dans le fixième volume des An'ales de Chimie. M. Tingry a démontré que la cire n'étoit que la partie colorante des végéraux , de forte que l'influence de la lunière fur cette partie eft bien déterminée. Enfin ce qui me paroïît le confirmer, c'eft la couleur verdâtre que la cire prend ‘quand elle eft expofée à la lumière dans Y'air pur & l’altération que l'air y éprouve ;;la (lumière agit alors fur la cire comme fur les parties végétales, & elle y combine l'air pur, foit en l’incorporant à la fubftance elle-même de la cire, foit en le combinant avec l’hydrogène dont elle diminue ou modifie {a quantité. LE LOL A DE M VAN-MARUM, À: M :DELAMÉTHERIE. Moxsreur; Vous recevez ci-joint les expériences que j'ai faites dans les mois de mars & d'avril derniers concernant la caufe de la mort des hommes ou des animaux, qui font frappés par la foudre ; je vous les aurois envoyées plucôr, fi le defir de les répéter auparavant avec des animaux qu’on reconnoft avoir la vie un peu difficile à détruire , comme les férpens & les vipèrés, ne m'avoit pas retenu jufqu'ici; mais les ayant fait chercher en vain depuis mon retour, & Ja faifon aëtuelle ne me laïifflant point d’efpérance de les avoir bientôt , j'ai penfé que le meilleur feroit de vous les envoyer , vous priant de les piacer dans le Journal de Phyfique, SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS, 63 .* Depuis que j'ai publié la defcription de la machine éle@rique teyle- rienne, & de fa grande force, plufieurs physiciens du premier rang m'ont invité de m’en fetvir pour tuer des animaux plus grands que ceux qu'on a tués jufqu'ici par Péléctricité , en faifant pañier la décharge de la batterie par différentes parties de leur corps, & d'efiayer fi la caufe de la mort des animaux tués par l’éleétriciré ou par la foudre pourroit fe manifefter par la diffection ou par l'examen des parties , par lefquelles fa décharge ou la foudre artificielle d’une batterie avoir paîlé. J'ai cru que je pourrois faire ces expériences probablement avec d’autant plus de fuccès, que la force de la batterie éroit plus grande, & c’eft pour certe raifon que j'ai différé de commencer ces expériences , jufqu'à ce que notre batterie eûc ‘la grandeur & la force que j'avois eu le deflein d'y donner depuis plu- fieurs années , mais que je n'ai pu obtenir que vers la fin de l'année pañlée , À caufe de ta difficulté d’obrenir des verres affez grands & aflez propres pour cer effer. L'humidité de l'air pendant l'hiver , fur-touc dans 14 falle de Téyler, où on ne peut pas faire du feu, n'a empêché de commencer ces expériences avant le mois de mars dernier. Réfléchiffanc alors fur les différentes hypothèfes concernant la caufe de la mort des animaux tués par la foudre, j'envifageai comme plus probable, celui qui attribue cette caufe à la deftrudion momentanée d’irritabilité des fibres mufculaites, par lefquelles la foudre eft conduite. Perfonne n’a cependant fair où publié, autant que je fache, des expériences qui font voir ce qui en eft. Il eft vrai qu'on a cru fouvent que ces parties des animaux par lefquelles on avoit fait pafler la décharge d’une batterie aflez confidérable , font devenues para- Iytiques ; mais comme la paralyfie eft l'effec de plufieurs caufes tour-à-fait différentes, on na pas examiné fi l'irritabilité même de ces parties paralytiques étoit détruite, ou fi la paralÿfe devoir être attribuée à quelqu'autre caufe. De plus, la plupart des éxpérientes qu'on a faites jufqu'’ici fur les animaux , en les tuant par des décharges de batteries, au lieu de confirmer l'hypothèfe de la deftrudion momestanée d’irritabilité par la foudre, l'ont rendue au contraire moins probable, parce que les animaux tués par l'électricité n'ont pas perdu ordinairement tout- à-fait Ja vie dans linftant même de Ja décharge , comme c’ett l'effet de la foudre; mais la décharoe a ordinairement caufé des con- vulfions très-viclentes , qui ent été fivies tantôt par li morr après quelques fecondes, tantôt par des paralyfies, dônt animal a été récabli en peu de tems. SEE” La fondation Teylerienne poffédant auellement une batterie de cinq cens cinquante pieds quarrés de furface garnie , qui fe charge complétre- ment par notre machine, j'ai cru que la force extraordinaire de cette batterie pourroit fervir pour décider ce qui en eft, en éflayant fi la décharge pourroit détruire toute l'irritabilité des fibres mufculaires , dans l'iiflanc 64 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE; qu’elle y pafle. Pour rendre ces expériences d'autant plus décifives ; j'ai choifi des animaux qui font connus pofféder une irritabilité très- difficile à détruire. On fait que plufieurs amphibies, fur-tout les ferpens & les vipères, confervent l'irritabilité de leurs fibres mufculaires quelques heures après la mort, de manière que les différentes parties de leurs corps font voir des mouvemens remarquables douze, vingt ou vingt-quatre heures après qu’ils ont perdu leur tête. Mais comme on ne trouve pas des ferpens ou des vipères dans cette province, j'ai pris de nos animaux ceux qui en approchent le plus à cet égard, c’eft-à-dire , les anguilles , qui font voir le même mouvement de leurs corps que les vipères, pendant deux, trois ou quatre heures après que leurs têtes fonc coupées. J’ai vu Vitritabilité encore confervée dans la queue d’une anguille, en l’eflayant à l’étincelle électrique, fix heures après que la tête lui a été coupée. Je commençai ces expériences avec des anguilles d'environ un demi- pied de longueur, en faifant paffer la décharge par toute Ia longueur de leurs corps. Les anguilles furent tuées à l’inflart, de manière qu'elles ne faifoienc plus le moindre mouvement. J'en fis enlever la peau dans le moment, & j’examinai d’abord ce qui reftoit de l’irritabilité des fibres mufculaires. Pour cet effet je les piquai avec des pointes d'acier, je les coupai , je les effayai avec des fels & avec l’alkali fluor, & je les irritai enfin avec des étincelles électriques; mais aucun de ces moyens ne me fit voir le moindre refte d’irrirabilité. Comme l'étinceile électrique eft reconnue être [8 moyen le plus efficace pour rétablir l'irricabilité prefque perdue , ou pour en découvrir le moindre refle, j'ai répété l'expérience, de manière que ces fibres muf- culaires d’anguille furent expoltes aux étincelles éle@riques , à l'inftanc après qu'elles avoient conduit la décharge de la batterie, Cependant pas le moindre refte d'irricabilité fe manifeftoic alors, Métant convaincu de cette manière qu'il n'exiftoit pas la moindre irritabilité perceptible dans les fibres mufculaires d’une anguille, par laquelle la décharge de notre batterie avoit paflé, j’ai cru qu'il me reftoic à examiner, ( cette extinction momentanée d'irritabilité des fbres muf- culaires d’une anguille étoit caufée par la deltru“tion momentanée de l'organifation ou de l’ation d'autres parties d’anguilles, de qui la vie de cet animal dépend de plus près, ou fi ce paflage même d'un fi grand torrent de fluide électrique par les fibres mufculaires ef la caufe immé- diare qu'elles perdent leur irtitabilité. Pour cet effec j'ai conduit le rorrent électrique par différentes parties du corps de l’anguille. 1°. Je lai fait entrer par la tête & fortir du corps de l'anguille, après qu’elle fut paflée par environ À, QUE de fa longueur , & j'ai obfervé chaque fois que la queue de l'anguille, au(li loin qu'elle n’avoit pas conduit ce torrent électrique , avoit confervé Pirritabilité des fibres mufculaires parfaitement comme la queue d’une anguille tuée de la manière ordinaire ; mais que tout SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 6$ tout le refte de l’anguille, par lequel le torrent électrique avoit paflé, étoit tout-à-fait infenfble, comme dans les expériences précédentes, 2°. J'ai fait paffer le torrent électrique tantôt feulement par la queue, tantôt prefque par tout le corps de l'animal, faifant entrer la décharge derrière la rête & fortir au bout de la queue , tantôt enfin feulement par le milieu du corps, & j'ai obfervé conftamment dans tous les cas, que feulement cetre partie de l'anguille qui étoit frappée par la décharge, avoit perdu l'irritabilité de fes fibres mufculaires, & que le refte du corps Pavoit retenue parfaitement. Après que ces expériences ont été connues, plufeurs favans & curieux mont prié de les leur faire voir ; ce qui a donné occafon de les répéter fouvent , & de différentes manières. J'ai pris quelquefois les plus grandes anguilles que j'ai pu me procurer, de trois pieds & demi & au-delà. Le réfultar a été toujours le même. En prenant de grandes anguilles , & faifant entrer le torrent fur la partie antérieure & fupérieure de la tête, j'ai vu que la mâchoire inférieure, & les mufcles du cou & du ventre, avoient confervé leur irritabilité, quelquefois même la partie inférieure du corps, près du ventre, jufqu'à-peu-près au milieu du corps, quoique les fibres mufculaires du dos l'euffent perdue tout-à- fait. Ce qui faie voir feulement que ce torrent électrique de notre barterie, en cas qu'on le conduife par une grande anguille, ne fe divife pas d’abord par toute la mafle de fon corps, mais qu’il va tout droit par le plus court chemin le long du dos de cer animal , ne s'élargiflanc qu'à mefure qu'il avance, Comme les expériences fufdites ont fait voir que le torrent électrique , pourvu quil foic aflez fort, détruit l'irritabilité des fibres mufculaires dans les animaux qui font reconnus avoir une irritabilité très - difficile à détruire , il n'y a pas lieu de douter qu'il détrait plus promptement encore l'irritabiliré des fibres mufculaires des quadrupèdes , parce qu'elles perdent plus promptement leur irritabilité après que l’animal eft tué, Auñi ces expériences que j'ai faites fur des lapins avec la décharge de trente pieds quarrés de furface garnie, le confirment tout-à-fait, & je penfe donc ai feroit rout-2-fait inutile de répérer ces expériences avec d’autres quadrupèdes, parce que lirritabilité eft évidemment la même faculté dans routes les fibres mufculaires de tous les animaux, & ne diffère que par degrés. Ce qui détruit donc certe faculté des fibres muf- culaires , où elle eft la plus difficile à détruire, la détruira sûrement en tous cas. On peut donc tenir pour démontré que le torrent électrique détruit l'irritabilité des fibres mufculaires de tous les animaux , pourvu qu'il foic aflez fort. Les expériences que je viens de rapporter font voir donc évidemment quelle eft la caufe immédiate de {a mort des hommes ou des animaux, frappés par la foudre. La circulation du fang , fi néceffaire pour Pentre- tien de la vie des hommes & des animaux qui ont du fang , ne peur avoir Tome XXX VIII, Pare, I, 1791, JANVIER: 66 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, lieu firôc que le cœur & les artères ont perdu leur irritabilité, parce que c’eft l'irritabilité du ,cœur & des artères dont dépend leur contraction, quand ils font remplis de fang &irrités par-là, & c’eit cette même con- traction qui, par fon aétion alternative, fait fortir le fang du cœur, & qui le fait circuler par les artères. La foudre ou le torreur électrique d'une batterie qu’on décharge (qui n’eft qu'une foudre artificielle ) doivent donc tuer les hommes ou les animaux, dans tous les cas qu'elle pafle par le cœur ou les artères, parce qu’elle détruit à l’inftanc leur irritabilité , & par-là la circulation du fang même. Ces expériences font voir en mêème-tems, quelle eft la caufe que les hommes ou les animaux ne font pas toujours tués , quand ils font frappés par la foudre, ou par une décharge aflez forte pour cer efler. Lorfque le torrent éleérique ne pafle pas par le cœur ou par les grandes artères , :fl n'arrête pas la circulation du fang , mais rend feulement les mufeles par lefquels il pafle, paralytiques, à moins qu'il ne puiffe déranger la moëlle de l’épine du dos {fans dérruire lirritabilité du cœur & des artères) , de forte que l'animal füctué à l'inftant par cette caufe : mais jufqu'ici je n’en connois point des preuves décifives, parce que, lorfqu'on a tué des animaux en conduifanr le torrent éle&rique par le dos, il eft à préfumer qu’il fera paflé en partie par les grandes artères qui touchent les vertèbres du dos; le feul cas dans lequel la foudre ou le torrent éledrique artificiel me femble tuer les hommes ou les animaux, fans que la deftruétion de Pirritabilité du cœur ou des grandes artères en foit la caufe, me paroît être quand le fluide électrique perce le cervelet ; ce que la foudre ne fera que très-rarement, & que la décharge d'une batterie ne fera point , à moins qu'on le dirige avec beaucoup de foins par cette partie. Je fuis, &c. Harlem , ce 24 Décembre 1790. BEM T'R'E DIE MES ANGHE, 4 M LE BARON DE BORN. NE J'ai parcouru le premier volume du catalogue méthodique & raifonné de la collection des fofliles de Mademoifelle Eléonore Raxb , catalogue aufli intéreffant qu'inftrudtif, que vous avez pris la peine de faire, Page SUR: L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS, 63 118, vous révoquez en doute ce que j'ai dit fur les agates d’Oberfein dans le Palatinat, qui ont conftamment leur furface couverte de criftaux de quartz, en pyramides hexeëdres. Il y a dans ie cabinet de l'Ecole Royale des Mines huit ou dix agates de ce pays, choilies fur plus de deux cens qui avoient le même caradtère. Un fait foliraire ne m’auroit pas mis dans le cas d’énoncer une fingularité comme une obfervation conftante. II ne faut point con- fondre cetre efpèce d’agare avec celles qu’on rencontre dans la même province, dans du fchorl en roche noirâtre ; l'intérieur de ces agates renferme quelquefois des criftaux de fpath calcaire, tandis que celles, d'Oberftein criftallifées à l'extérieur re renférment point de fpath | calcaire. Votre amour pour les connoiffances exactes étoit garant, Monfieur, que vous ne me faurez pas mauvais gré de vous faire part de quelques obfervations , par la voie du Journal de Phyfique, n’ayant pas l'avantage d'être en relation immédiate: avec vous, Vous définiflez, page 156, le feld-fpath filice unie à l'alumine & un peu de mapnéfie. Uniflez les terres filiceufe, alumineufe & magnéfenre dans Îles proportions que vous indiquez former le feld- fpath , votre mélange fera conftamment réfractaire ; cependant le feld- {path , fur-tout celui de Baveno, fe fond très-promptement en un très- bel émail blanc. Les analy/fèurs ne veulent pas encore diflinguer la terre, principe des gemmes , des fchorls & des feld-fpaths, & la confondent avec la terre filiceufe ; la première dans fon état de pureté réfifte au feu comme la terre filiceufe; mais la terre, bafe du feld-{path, mêlée avec d’autres terres, fe fond aifément; le feld-fpath de Baveno en offre l'exemple , tandis que le feld-fpath tranfparent du Saïnt-Gothar réfifte à lation du feu , parce qu'il eft pur, ÿ Vous définiffez, Monfieur, page 330, le fpath perlé, chaux aérée intimement unie au manganéje. Les diverles efpèces de fpaths perlés que jai eflayés, depuis celui qui eft d’un blanc de perle nacrée, jufqu'à ceux qui font plus ou moins colorés en brun , m'ont offert des mélanges de terre calcaire & de fer ;rous ces fpaths après avoir été calcinés fonc devenus noirs & attirables à l’aimant; aprés cette opération, ces fpaths fe diflolvenr avec effervefcence dans l'acide nitreux , le fer refte au fond du vafe fous la forme d’une poudre noire. Ces mêmes fpaths perlés ne m'ont point paru contenir de manganèfe. Vous définiflez , Monfieur , page 336 , la pierre puante, chaux aérée unie intimément à une matiére birumineufe. La pierre puante flatuaire ne contenant point de bitume, mais une matière hépatique /z2 generis, il eft impoffible de ne pas reconnoître deux efpèces différentes de pierres porcs. Tome XXXVIII, Part. I, 1791. JANVIER, 12 683 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, Dès que je ferai devenu propriétaire de votre catalogue méthodique & raifünné de la collettion des fofiles de Mademoifelle Eléonore de R2ab, catalogue que je fais venir de Vienne, je le lirai pour mon inftruction, & je vous ferai part, de fuite, Monfieur , de mes obfervations par la voie du Journal de Phyfique. Vous avez jugé à propos de germanifèr € de minéralifér la nouvelle nomenclature; j'ai cru que les étrangers inftruits comme vous, ne pouvoient être fectaires, & que familier avec les langues, comme vous l'êtes , vous auriez facilement vu le défectueux & l’impropre de cette prétendue nomenclature: vous voyez, Monfeur , que je n’en füuis point l’apôtre; mais je n’en fuis pas moins pour cela l'admirateur de vos talens. J'ai l'honneur d’être , &c. EXT RAI T DIVINE LÆEMTRIE DEN MN IC'R ELLE A J. C.. DELAMÉTHERIE, Sur le Menackanite , nouvelle Subflance métallique. Normes ; M. W. Gregor a trouvé à Menackanite en Cornouailles une terre noire reflemblant à de la poudre à canon. Elle fe diffout dans Pacide vitriolique , & la diffolution en eft jaunätre. Sion y ajoute du fer poli, la diflolution prend une couleur rouge tirant fur Paméthilte (A). De Y'alkali phlogiftiqué ajouté à cette diflolution À, donne un précipité d’un jaune blanc, La teinture de noix de galle fait prendre à la même diflolution (A) une couleur orangée (B); mais en ajoutant de l’acide nitreux aux diflolurions À & B, la première donne du bleu, & la feconde du noir. La manganèfe produit prefque le même effet fur ces deux liqueurs. M. Gregor a enfuite cherché à faire la réduction de certe terre, & il en a obtenu une efpèce de régule, Il nomme ce nouveau métal du lieu où il l’a trouvé, Menackanite, Les expériences de MM. de Ruprecht & Tondy ont été conteftées par quelques chimiftes, particulièrement MM. Klaproth , Weftrumb, Savarezi, Lippi. . . . Les premiers avoient dic n’avoir pu obtenir les mêmes produits que MM, Ruprecht & Tondy, M, Savarezi avoir été SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS, 73 plus loin, & prétendoit avoir obtenu avec la poudre de charbon feule des fubftances femblables à celles qu'avoient eu ces chimiftes; d’où il concluoit que c’étoit le fer & la manganèfe qui peuvent fe trouver dans le charbon qui s’éroient combinés avec l'acide phofphorique & avoient formé une elpèce de fidérite. Mais M. de Ruprecht a répété l'expérience de M. Savarezi en fa préfence. Il a pris du charbon bien pur, au lieu que celui de M. Savarezi étroit fi impur , fuivant M. de Raprecht, qu'il y en avoit qui contenoit du plomb; & après avoir opéré avec tout le foin poffible, il n'a pas obtenu un atôme de métal. M. Weftrumb à-peu-près dans le même rems a répété une feconde fois les mêmes expériences. [L commença par la poudre de charbon feule, qu’il mêlangea avec de l'huile en forme de pâre & qu'il mit dans un petit creufet, & celui-ci dans un plus grand. Tout fur bien rempli avec d’autre poudre de charbon, & couvert à fa furface avec la poudre d'os calcinés. Il couvrit ces creufets avec un troifième dont il lurta bien les jointures ; il donna un feu fi violent , que les fupports d’aroile fondirent avec les creufets; & cependant il n'obrint aucun régule. Il répéta la même expérience avec encore plus de foin, & donnant un plus grand degré de feu , mais toujours inutilement. Pour lors il procéda à la manière de MM. Ruprecht & Tondy, & ajouta au mêlange une fois feize grains de terre calcaire très-pure, & une autre fois autant de terre de magnéfie ; & il opéra comme dans les deux premières expériences. Le fuccès fut complet; car il trouva de très-petits, mais de très-bons régules ; en forte qu’il ne doute plus de cette grande découverte. M. Tivaski à Vienne & M. de Ruprecht ont produit avec la terre d’alun un régule de couleur de nickel. Sa pefanteur fpécifique eft 6184. La pefanteur de celui de la chaux eft de 6571. M. Lovitz ma envoyé un nouveau Mémoire pour répondre aux objections qu’on lui a faites fur les propriétés qu'a le charbon de déphlo- giftiquer les fubiftances phlogiftiquées. Il feur bien calciner de bon charbon , le réduire en poudre, & l’ajourer aux fubftances qu’on veut épurer. L'expérience ne manque jamais, Je fuis, &c. Note de J.C. Delamerherie. Je reçois d’autres lettres qui m’affurent que des chimifles de Vienne ayant analyfé les prétendus régules de terre pefante , de terre calcaire , & de terre magnéfenne, ont trouvé que ce n’en étoit point; mais on ne me. nomme pas les chimiltes; & j'ignore fi leur autorité peut balancer celle de MM. Ruprecht , Tondy, Weftrumb, &c. 7o OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE; RS ame on cms NS DA me core cm ee ee RE mn Eee nee NOUVELLES LITTÉRAIRES: Ni Jos. pe Necker, &c. Elementa Botanica, &c. &c. c’eft-à-dire, Elémens de Botanique, contenant les genres 6 les efpèces d'après nature, de tous les Végétaux découverts , avec leurs araëtères diagnoflics & particuliers , publiés felon le Syfléme omologique ou naturel, enfemble des Planches détachées ; par M. NoeL - Josep DE Necker , Botanifle de 8. A. S. E. Baviero - Palatine, Hifloriographe du Palatinat du Rhin & des Duchés de Berg & de Juliers, Membre de l'Académie des Sciences de Mannheim, & Affocié de diverfes Académies des Sciences de l'Europe. À Neuwied- fur-le-Rhin , chez la Société Typographique; & f trouve à Strafbourg dans la Librairie d’Amand Koenig , 17900, grand iu-8°, 3 vol, Prix, 27 liv. c Ce Traité élémentaire eft vraiment unique & original dans fon genres, ileftle fruic de. douze années de réflexions , de recherches & de protondes méditations; M. de Necker y établit des bafes fondamentales à la Bota-. nique , fixées d'après les loix de la nature. Il trace au commencementun, chemin aifé, & fans le fecours d'aucun maitre : il pourra pénétrer dans tous les départemens de l'empire de Flore. M. de Necker eft déjà avanta- geufement connu dans la république des Lettres, par plufieurs écrits qu’il a publiés fur la Botanique & l'Hifloite-Naturelle. En 176$ il prélida à Paris à une collection de moufles, de lichens & d’aloues, peints d’après nature, qui eft unique dans fon genre, & qui coûta à M. Rouffel, fermier-général , la fomme de 10000 liv. Toures ces plantes fe trouvent peintes avec le plus grand foin. Les parties de la fruétification font groffies au microfcope , afin de les examiner avec la plus grande facilité Cette collection, aufli fomptueufe que magnifique, eft préfentement dépofée dans la Bibliothèque du Roi de France, par l’achat que Sa Majeñté en a fait du fils de fon poflefleur, pour la fomme de 12000 liv. Phytozoologie Philofophique, dans laquelle on démontre comment le zombre des genres & des efpèces, concernant les Animaux & les . Végétaux, a été limité 6 fixé par la nature ; avec les moyens de donner l'Hiffoire la plus complerte & la plus parfaite de ces corps organifés différens, felon la découverte du Syfléme naturel ; par Nozz-JosePH DE NeckER, Botanifle de S. A. S.E. Bavicro- Palatine, &c. &c. À Neuvied-fur-le-Rhin, à la Société Typogra- SUR L'HIST, NATURELLE ET LES ARTS. 71 phique ; & fe trouve à Strafbourg , dans la Librairie d'Amand Koenig, 1790, grand in-8°. de 78 pages. M. de Necker prétend que fi la Botanique & l'Hiftoire- Naturelle des animaux font encore , pour ainfi dire, au berceau , il faut s'en prendre à ce qu'on n'a pas fufffamment cherché le {yftème naturel, qu'il vient heureufement de découvrir , fur-tour relativement aux plantes. Îl faut lire dans cet écrit les raifons qu'en donne l’auteur. Les perfonnes qui feront l'acquifition des trois volumes d'Elémens de Botanique pour la fomme de 27 liv. auront cette PAytozoologie philofophique & le corollaire à la Philofophie Botarique du même Auteur. Nar. Jos. DE NEckER, Botan. &c. Corollarium ad Philofo h. Botanicam LrNwzr fpeétans, &c. cefl-a-dire : Corollaire à lu Philofophie Botanique ; par M. Noëc-Josern pe Necker, Botanifle de S, À. S. E. Baviéro-Palarine , &c. À Neuwied-fur-le- Rhin ; & fe trouve à Strafbourg dans la Libraire d'Amand Koenig , 1790 , grand #-8°. de 29 pages. : Cet opufcule eft un fupplément à la Philofophie Botanique de Linné; il renferme les définitions complettes du genre, de l'efpèce naturelle, de la race, de l’individu neutre & de la variété des végétaux ; les définitions des divers fruits que ces êtres fourniffent, celles des parties de la fruétification , auxquels M. de Necker a donné des termes techniques convenables, Tous ces objets font difpofés dans ce Corollaire par ordre alphabétique, fervent à déterminer les véritables caractères des genres & des efpèces naturelles, tant fimples que compofées , de tous Les végétaux qui font * connus & découverts dans les quatre parties du monde. Voyage à la côte feptentrionale du Comté d’'Antrim en Irlande &à l'Ifle de Raghery , contenant P'Hifloire-Naturelle de [ès produ&ions volcaniques , & plufieurs Obfervations [ur les antiquités & mœurs de ce pays ; par M. HAMILTON, À. M. Membre du Collège de la Trinité à Dublin : traduit de lAnglois , auquel on a ajouté l'Effai für l’'Oryéopraphie du Derbyshire, par M. FERBER, traduit de l'Allemand. À Paris, chez Cuchet, Libraire, rue & hôtel Serpente : 1790, 1 vol. 7-8°. Les voyages minéralogiques font toujours très-intéreffans pour la fcience ; mais ils le font bien davantage quands ils fonc faits par des hommes ‘tels que MM. Hamilton & Ferber, & dans un pays comme VAnpglererre , que nous autres françois ne faurions aflez étudier quant au moral & quant au phyfique. Ne craignons pas de le dire, les anglois jufqu'ici font les premiers des peuples modernes, & ils le feront fans doute encore long-tems, C’eft que la liberté a épuré leurs mœurs, aggrandi 72 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE; leurs fentimens, élevé leur ame. Les françois au contraire n’avoient que les qualités qui brillenc à la cour des defpotes, du brillant, du clinquant, de l'efprit agréable, des manières aifées. . . . Nous avons, il eft vrai, conquis Ja liberté aujourd'hui ; mais nous n’en avons encore que l'aurore, & les anglois en jouiffent malgré l’imperfection d'un grand nombre de leurs loix ; chez eux les citoyens ne font pas environnés de bayonnettes. Le canon n'eft pas fans cefle pointé contre les citoyens ; une partie n’eft pas efpion de l’autre. . . . Il fauc efpérer que lorfque la révolution fera achevée, nous verrons difparoître les bayonnettes, les canons rentreront dans les arfenaux de chaque municipalité, nous n’aurons plus d’efpions ; un officier municipal n’aura pas la morgue d'un ancien miniftre ou d’un lieutenant de police. . . . autrement nous ferions libres par la loi, & efclaves en effer. Leçons, élémentaires d'Agriculture par demandes Ë par réponfès , à l'ufage des Enfans , avec une fuite de queflions fur l'Agriculture ; la Topographie & la Minéralogie ; par le P. COTTE, Prétre de TOratoire , Chanoïne de PEglife de Laon , Correfpondant de l'Académie des Sciences de Paris, &c. &c. A Paris, chez Barbou, Imprimeur-Libraire , rue des Marhurins, 1 vol. 22-12. Enfin , on eft bien pénétré de la néceffité d'apprendre des chofes utiles aux enfans , au lieu de leur faire perdre les plus belles années à l'étude des langues mortes. Ces leçons du P. Corte entrent bien dans ces vues. Rien de plus utile que T’Agriculture, & qui foic plus à la portée des enfans , qui tous defirent avoir des jardins , les cultiver , &c. Minéralogie Homérique , où Effai fur les Minéraux dont il eff fai * mention dans les Poèmes d'HOMÈRE ; par AUgin-Lours MicLine A Paris, chez Garnery, Libraire , rue Serpente, N°. 17; & à Strafbourg, chez Amand Koenig , Libraire, 1 vol. ë1-8°. Homère, ce génie fublime à qui la littérature doit prefque toutes les beautés poétiques , n’a pas rendu de fervices moins effentiels aux fciences, Homère faifoit connoître les peuples de fes fiècles , leurs pays , leurs richefles , leurs mœurs , leurs relioions , leurs arts, leurs fciences, &c. &c. &c. comme il tiroit routes ces comparaifons de la nature , il a aufli parlé des animaux, des plantes & des minéraux. Louis- Aubin Millin, ce patriote zélé, qui chaque jour pourluit les ennemis de fa patrie, les ariftocrares, & autres, déconcerte leurs projets en les rendant publics, nous a donné dans cetre Minéralogie Homérique le selevé des principales fubftances minérales qu'Homère a décrites, Geft un fervice utile qu'il a rendu & aux amateurs de l'antiquité & à ceux dle la nature. Projet SUR LHIST. NATURELLE ET LES ARTS. 73 Projet de Réforme fur l'exercice de la Médecine en France ; par M. ANTOINE PEriT, Doéeur-Régens de la Faculté de Médecine de Paris, de l'Académie des Sciences, ancien Profefleur d’ Anatomie & de Chirurgie au Jardin du Roi, &c. Omnis caro corruperat viam fuam. À Paris, chez Croullebois & Baftien , Libraires, rue des Mathurins, M. Petit, fi célèbre par fes vaites connoiffances, fi recommandable aux yeux de l'humanité par fa bienfaifance (il a confacré des fommes confi- dérables à des érabliffemens publics de bienfaifance) , fi eftimable par fon éloignement de toute intrigue, de toute cabale, fi cher à tous fes difciples à qui il donnoit continuellement des leçons de patrictifme dans un tems où 11 éroit fi dangereux d’en parler. . . . propofe dans ce projet des vues bien {ages fur la réforme de la Médecine. Perfonne n’eft plus à même que lui d'apprécier les abus qui y fubfftent , parce qu'il les a vus de plus près dans fa pratique étendue, ayant été appelé dans la plupart de nos pro- vinces; & on ne doit pas craindre de le dire, la Médecine, de la manière dont elle eft pratiquée en France, eft infiniment plus nuifible qu’utile. Les jzunes-gens n’y ont prefqu’aucun moyen de s’inftruire. [ls font reçus aux grades avec la plus grande facilité par les Facultés , qui recherchent bien plus leur argenc que leur fcience, Enfin la diftin@ion ridicule de médecin & de chirurgien ef Le plus grand des abus. Le chirurgien eft cenfé n'étudier que l’art des opérations, tandis que fur cent malades qu’il voir, il y a quatre-vinot-dix-neuf maladies du reflort du médecin. M. Petit ne veuc donc plus certe diftinction. Il fouhaire que les études , les examens foienc les mêmes, ou plutôt il ne veut qu'une feule claffe d’étudians ; puis chacun füuivra fon génie particulier. Tel médecin traitera de préférence telle partie, un fecond en traitera une autre. Enfin, il y en aura qui s’adon- ngront particulièrement aux opérations. . .. Les apothicaires doivent demeurer dans leurs boutiques pour préparer ou vendre les remèdes. .. .; Vues générales fur la Reflauration de l'Art de guérir , lues à la féance publique de la Société de Medecine , le 31 Aoû 1790 , & préfenrées au comité de falubrité de | Affemblée Nationale, le 6 O&obre, fuivies d'un plan d'hofpices ruraux pour le foulagement des campagnes ; par JEAN-GABRIEL GALLOT, Médecin de Montpellier, Membre de plufieurs Académies, Député de la ci-devant Province de’ Poitou , Secrétaire du Comité de falubriré de l’Affemblée Nationale. A Paris, chez Croullebois, Libraire, rue des Mathurins. Les vues fages que propofe M. Gallot ne peuvent qu'être très-utiles à P'Affemblée Nationale, & léclairer fur les loix qu'elle doit prononcer à cet égard. Tome XXXVIH, Part, I, 1791. JANVIER, K "4 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, Mémoire préfènté à l'Affemblée Nationale. À Paris, Croullebois > Libraire, rue des Mathurins, x vol. 47-8°, Cet Ouvrage eft de M. Girardeau, ancien chirurgien- major du régiment de Piémont. Il traite également des réformes à faire dans l'étude de la Médecine & de la Chirurgie. On ne faurcit raflembler trop de lumières fur cette matière. La Société Royale de Médecine a auffi préfenté un plan à l'Affemblée Nationale où il y a de bonnes vues. On fe doure bien qu’elle ne s'eft pas oubliée, Elle defireroit être le centre de toute la Médecine de France, c’eft-à-dire qu’elle voudroit être un vafle corps ariftocratique qui influen- ceroic plus ou moins tous les médecins & chirurgiens du royaume. Rien ne feroit plus nuitible aux progrès de l’art, comme rien ne feroic auffi défagréable pour ceux qui le pratiquent. . - . Il faut efpérerque l'Aflemblée Nationale faura fe garantir de tous ces pièges de l'intrigue, M. le profefeur Gaertner à Stuttgard , annonce aux perfonnes qui ont acheté fon Traité de Fruélibus & feminibus Plantarum , ën-4°. qu'il vient d’en donner une fuite, contenant vingt-trois feuilles de rexte & quarante planches gravées avec le même foin que les précédentes, On trouve ce fupplément chez Amand Koenig, Libraire à Strafboure , au prix de 42 liv, 10 fols,en affranchiflanc les lettres & l'argent, Société d'Agriculture. Dans la féance publique tenue par la Société Royale d'Agriculture, le 29 décembre 1760 , avant de procéder à la difriburion des prix, & après que M. Parmentier, direéteur , a eu annoncé l'objet de l’Affemblée , il & été fait lecture de différens Mémoires dans l’ordre fuivant : M. Meynier, prélident du comité national d'Agriculture & de Commerce, a rémoigré dans un difcours particulier la fatisfadtion qu'éprouvoir Le comité d'Agri- culture en fe rendant aux féances publiques de la Société, « En choififlane, a dit à ce fujet M. Meynier , » cette époque folemnelle, pour appeler au » milieu de vous ceux des repréfentans de la Natios à qui l’aflemblée a = confié les objets importans de l'Agriculture & du Commerce, vous en » faites pour nous an jour de fête, & ce font des frères donc vous vous. >» entourez ». M. Mesynier a rappelé en même-tems toute la part que le comité national d'Agriculture prendaux travaux de la Société, & les vœux qu'il forme pour quefes efforts foientrendus les plusutiles qu’il fra poffible, M. Broufloner, fecréraire perpétuel de la Société, a prélenté l'expofé des travaux de la Compagnie, pendant le courant de 1790. M. de Béthune- Charoit a lu un Mémoire fur la néceñité d’encourager la multiplication. ces befliaus, en favorifant lexrenfion des prairies artificielles , par une dimioution d'impôts fur les rerres employées à cette forte de culture. PI. Fourcroy a rendu compte de différentes expériencés qu'il a faices {ur la SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 7$ gomme élaftique fluide, & a détaillé les avantages qu'on pourroit retirer de cetre fubitance , fi la culture rendoit plus communs dans nos colonies les arbres qui la fourniffent. M. l'abbé Tellier a indiqué d’après ces effais , dans un Mémoire particulier , la marche qu’on doit fuivre de préférence dans les expériences d'Agriculture, & la manière dont les perfonnes qui fe propofent de faire valoir leurs pofleflions doivent s’y prendre pour en obtenir les plus grands avantages. M. Brouflonet a fait l'éloge de M. Dumont, quela Société a perdu depuis quelque tems. M. Creuzé- Ja- Touche a rendu compte des obfervarions qu’il a eu occafion de recueillir dans un voyage fait en dernier lieu dans le diftri&t de Chôtelleraut ; l'objet de ce Mémoire étoit de montrer, par des exemples, que l'Agriculture, & en général toutes les branches d’indutrie , avoient pris une nouvelle vigueur depuis la révolution; vérité qui n'eft méconnue par aucun bon françois. M. Cadet a lu des obfervations fur lemploi dé la marne. Le peu de rems qui reftoir après ces différentes lectures, n’a pas permis de lire les Mémoires fuivans, favoir ,un de M. Boncerf fur les erreurs de Phyfique qui fe trouvent dans les ordonnances des Eaux & Forêts ; un de M. Flandrin fur l’utilité des jeux équeftres, ou courfes de chevaux, pour opérer la révénération des chevaux en France; & enfin un Mémoire de M. Dubois, dans lequel il rend compre d’un établiffement très-avantageux à l'Agriculture, & qu’il a eu occafon de vifiter en Pologne. La féance a été terminée par la diftribution des prix & l'annonce de ceux propofés par la Sociéré, Le Public qui éroit très-nombreux, a pris la plus grande part à ces diftriburions , ce qui eft une nouvelle preuve de Vimportance qu'on commence à attacher dans les villes à tout ce qui a rapport à l'Agriculture. Feuille du Cültivateur. Cette Feuille étoit publiée depuis près de trois ans par M. Dubois. MM. l'abbé Lefebvre & Brouflonet , lun agent général, & l’autre fecrétaire de la Société d'Agriculture, fe font réunis à M. Dubois pour la rédation de certe Feuille qui fera d’ailleurs enrichie par tous les membres de la Société d'Agriculture. Ainfi on pourra Ja regarder comme une efrèce de dépôt de tout ce qui parviendra à cette Société, foit de France, foit des pays étrangers. On foufcrit chez M. Defcazeaux , rue Saint-Viétor , N°. 12, à Paris. Programme de l'Académie des Sciences, Belles-Lettres & Arts de Lyon, 1790. Difiribution de Prix. L'académie, dans fa féance publique du 7 décembre dernier, a décerné les prix qu'elle avoit propofés pour le mois d’août 1700 , & que l'é- tendue des Mémoires, envoyés aux concours, ne lui avoit pas permis de proclamer à certe époque. Tome XX XVIII, Part. I, 1791. JANVIER, K 2 76 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, Le fujet du prix des Mathémariques , fondé par M. Chriflin, étoie conçu en ces termes : Le fyfléme de l'applatiffement de la terre vers les pôles , eft-il fondé fur des idées purement hypothétiques, ou peut- il étre démontré rigoureufement : On demandoir aux auteurs , une théorie qui embrafsät toutes les preuves & toutes les difjiculiés , afin de fixer l'opinion fur certe matière. ù Six Mémoires ont été envoyés au concours. L'Académie a particu- lièrement diftingué celui qui, fuivant l’ordre de fa réception, eft coté IN°. 3, ayant pour devife : Opinionum commenta delet dies , naturæ jJudicia confrrmat. Une marche réoulière & favante , un précis parfaite- ment raifonné, des recherches faites jufqu'à préfent, fur la figure de la terre, toutes les queftions, tant principales qu’accefloires, relatives à ce fujet, traitées d’une manière fouvent neuve & toujours profonde ; les objections anciennes & modernes, réfutées avec la dernière évidence; les principes, le calcul & l’obfervation, fe prêtant par-tout une force mutuelle : tei eft, en général, le mérite de cet ouvrage. Il en réfulre que l’applatiffement de la terre vers les pôles eft une vérité démontrée, & que les aflertions contraires de quelques modernes, font peu propres à faire illufon aux véritables favans. Ce Mémoire eft de M. Flaugergues, correfpondant de la fociété royale de médecine, aflocié libre de la fociété royale des fciences de Montpellier, à Viviers. L'Académie lui a décerné le prix. C’eft la feconde couronne qu’elle lui accorde pour la défenfe du grand Newton; en 1786, 1l avoit déjà foutenu, d'une manière non moins victorieufe, la théorie de ce philofophe fur la réfrangibilité des rayons hétérogènes. L’acceffit a été donné au Mémoire, coté N°. 1, ayant ces deux vers de Voltaire , pour épigraphe ê Terre, change de forme, & que la pefanteur, En abaifjant le pôle, élève l'équateur. Ce Mémoire aufli démonftratif, aufli favant que le premier , offre ab- folunient les mêmes réfulrats 3 mais inférieur pour la méthode, moius riche en développemens, négligeant fur-tout de combattre les obj:étions, il n’a pas rempli aufi complettement les vues du programme, L’Auteur eft M. de /a Croix, correfpondant de l'académie des fciences de Paris, profefleur de l’école royale d’Artillerie de Befançon. Enfin , il a été arrêté de faire une mention honorable d’un troifième Mémoire, coté IN°.4, dans lequel eft propofé un moyen nouveau, indépendant de toute hypothèfe, pour reconnoître, avec certitude, ce qu'il faut penfer de l’applatiffement vers les pôles. Ce Mémoire porte pour devife, ces motstirés de Bofcovich: La queftion de la figure de la terre n’efl pas encore réfolue : épigraphe qui annonce Les doutes de l’Aurteur & le jugement que l'Académie a dû porter fur le refte de fon ouvrage. Le fujet des prix d'Hiftoire Naturelle, fondés par M. P. Agamoli, | } | | PRE SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS, 77 avoit pour objet l’examen de La famille des plantes éroilées , Sze/laræ , de Ray & de Linné. L'Académie avoit demandé es rorions acqui(es ur cette famille naturelle; la détermination précile des genres, des efpèces & des variétés qui croiffent en Europe ; leurs defcriptions ; l'indication des meilleurs fynonymes & des meilleures figures gravées, Ëc. enfin un exemplaire des plantes defféchées , qui auroient donné lieu à. quelques obférvations nouvelles. La famille des eroïilées , quoique peu étendue, préfente de vraies difficultés , fur-cout dans la détermination des efpèces & des variétés du genre, nommé galium , caille-lait. Auf le concours a-t-il été peu nombreux ; mais fi les Mémoires, qui y ont été admis, laiflent encore à defirer fur un fujet très-dificile, l'Académie a vu, avec fatisfaction, qu’elle avoit donné lieu au travail de deux favans qui ont con- couru chacun avec un mérite particulier ; l'un & l’autre ont écrit en françois. Elle a décerné la Médaille d’or au premier prix , au Mémoire ; coté N°, 1, ayant pour devife un pañlage des élémens d'Œder, qui commence par ces mots : Pociffimüm optabile fuerit ut fepofita præ- Judicata ifla opinione , &c. L'auteur eft M. dAnthoine, Do&. Médecin à Manofque, & de l'Académie de Marfeille. \ Son nom étoit dejà avantageufement connu des Botaniftes,. par les intéreffantes efpèces de galium, qu'il publia en 1787, dans le Journal d'Hifloire Naturelle (tom. 1, p. 161, n°. 11). Obfervareur exact, il foumet les notions acquifes à un fcrupuleux examen. Il eût été à defirér qu'il fût plus -à portée d’apprécier ainfi toures les efpèces indiquées comme nouvelles par les modernes, Mais il éclaircir, en plufeurs points, l'hiftoire naturelle de cette famille, & met fur la voie de la porter encore à plus de perfection. On reconnoît aufli le vrai Botanifte dans le choix éclairé des nombreux échantillons fecs qui accompagnent fon Mémoire. Le fecond prix ou la médaille d'argent, a été adjugé au Mémoire, N°.2, intitulé Monographie, pour fervir à P'Hifloire Nat. de la famille des plantes étoilées, avec une devife empruntée des lettres élémentaires de J. J. Rouffeau: L'éude de la nature émouffe Le goût des amufemens frivoles , préviens le tumulte des palfions, & porte à l'ame une nourriture qui lui profite en la rempliffant du plus digne objet de [es contemplarions. Cette Monographie, plus complette que la précédente, dans l'énu- mération des efpèces nouvellement indiquées , ne préfente pas autant d'obfervations neuves, mais fe diftingue par la méthode, la clarté, les recherches & lérudition : elle peut devenir très-utile à ceux qui s’adonnent à la Botanique. 78 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUÉ,; L’auteur eft M. Willemetp, doyen des Apothicaires de Nancy, pro: fefleur de Botanique & de Chimie , d’un grand nombre d’Académies. Celle de Lyon s’eft félicitée d’avoir été dans le cas d’ajouter une fleur à toutes les couronnes académiques qu'a déjà obtenues fon favant aflocié. Sujets propofés pour l'année 1791. L'Académie a propofé pour le prix de PAyfique fondé par M. Chriflin , la queftion fuivante : Quelles font les caufes de lafcenfion de la sève dans les arbres , au Pr'inems , & celles de [èn renouvellement dans les mois d'août ou de juillet, fuivant le climat? Nota. Les deux époques indiquées paroïflent efeëtivement déterminées par la nature, puifque les greffes ne réuffiffent pas en d’autres tems; quelques exceptions, s'il en efl, ne détruifent pas cette loi générale. Le prix eft une médaille d’or, de la valeur de 300 liv. Il fe dif- tribuera en 1791, après la fête de S. Louis. Les mémoires ne feront admis que jufqu'au premier avril de la mème année, rerme de rigueur. CO MDI TITITOO NUS: Toutes perfonnes pourront concourir , excepté les académiciens titulaires & les vétérans , les aflociés y feront admis. Les Mémoires feront écrits en françois ou en latin. Les auteurs ze fe feront connoître ni direëtement , ni indireétement ; ils mettront une devife à la têre de l'ouvrage, & y joindront un billet cacheté, qui contiendra la même devife, leur nom & le lieu de leur réfidence. Les billets des Mémoires couronnés feront ouverts ; ceux des acceffies feront réfervés : tous les autres brülés en préfence de l’Académie, Les paquets feront adreflés, franc de port, à Lyon ,à M. Claret- La-Tourrette, Secrétaire perpétuel, pour la clafle des Sciences, rue Boif[ac ? Ou à M. de Bory, fecrétaire perpétuel , pour La claffe des Belles- Lertres, & Bibliothécaire, rue Saint-Hélene ; Ou chez M. Aimé de la Roche, Imprimeur- Libraire de l'Académie, maifon des Halles de la Grenette. Après avoir renoncé au fujet de prix, /ur la manière de fixer les couleurs, tirées des lichens & particulièrement de l’orfeille, l’Académie, pour le prix extraordinaire & double, relatif aux arts qu'elle a réfervé, a demandé de réfoudre les queftions ci-après : 1°. Les manufa&ures de laïnage réuniroïent-elles , plus qu'aucune autre, les avantages de favorifer l’Agriculture, la fubfflance des hommes & le commerce ? 2°. Réuniroient-elle plus qu'aucune autre les avantages de fournir du travail pour tous les âges, tous les fexes, tous les genres de faculté SUR L’HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 9 & d'intelligence, & d’être plus indépendantes de toutes les variations qui téfultent de diverfes circonftances ? 3°. Quels feroient les moyens les plus promprs & les plus faciles pour les multiplier en France ; en varier les objers & les ‘perfectionner ? 4°. De pareilles manafactures pourroient-elles fpécialement occuper, d’une manière utile, les ouvriers en foie de Lyon, dans les réms de ceflation de leurs travaux ordinaires; & quels feroient les moyens les plus fimples d'adapter à ce nouveau genre de travail, leurs métiers & dépendances ? Le prix eft double, confftant en deux médailles d’or de 300 liv. chacune. [l fera adjugé ; à la même époque, & fous les mêmes conditions que le précédent. L'Académie a propofé pour le fujet du prix dont M. l'abbé Raynal à fait les fonds, la queftion qui fuir : Quelles vérités & quels fentimens importe-t-il le plus d'inculquer aux hommes ; pour leur bonheur ? Le prix eft de 1200 liv. Il fera adjugé en 1791 avec les précédens & aux mêmes conditions. Les Mémoires ne feront reçus au concours que jufqu'au premier avril de la même année, ce terme étant de rigueur. Sujets propofés pour l’année 1792. L'Académie n’ayant pas eu lieu d’être fatisfaire des Mémoires qu’elle avoit reçus fur le fujet concernant les ares, pour le prix fondé par M, Chriflin, Va propolé de nouveau pour l’année 1792 & dans les mêmes termes : Trouver le moyen de rendre le cuir imperméable dans l’eau, fans altérer Ja force ni fa foupleffe, & fans en augmenter fenfiblement le prix. Elle avoir demandé aux auteurs, & demande encore, d'indiquer, d'une manière générale, les différentes préparations des peaux & des cuirs, pour établir les effers qui en réfulrenr, & le mérite de ces mé- thodes ; de décrire enfuite le procédé qui tend à la folution du probléme, annonçant qu'une théorie fimple & lumineufe paroîtroir intéreffante, mais qu'elle préfère des expériences bien faites & variées fuivant les circonftances, & defire que les Mémoires foient accompagnés de quel- ues échantillons d’eflais, proveñans de ces expériences. L'Académie a cru devoir ajouter encore quelques développemens à ces demandes ; 1°. elle infifte fur l’inurilité des détails concernant les préparations des peaux & le tanage des cuirs, à moins qu'on ne propofe de nouveaux procédés; 2°. elle entend qu'on ne pile employer toures huiles ou graifles ,.fétides, défagréables au rat & à l’odorat, ou qui affoibliroient les cuirs, lors même qu’elles ies rendroient imperméables à l'eau ; 3°. qu'on évite l'emploi des graifles ou huiles, durcies per &o OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, &c: a cire ou des chaux métalliques, fi elles ne font à l'épreuve de [a chaleur naturelle ou artificielle , à laquelle fonc expofés les fouliers, les bottes, &c. 4°. qu’on évite auf routes diffolutions falines qui , criftallifées dans les pores du cuir, pourroient s'en féparer par déliquef- cence, ainfi que les vernis fuperficiels, fujers à s’écailler ou à être détruits par l'effet alternatif & combiné du foleil & de la pluie. Le prix double eft de deux médailles d'or de la valeur A éue de 200 div. I fera diftiibué en 1792: les Mémoires feront admis au concours jufqu'au premier avril de la même année, feulement, & fous les autres conditions ordinaires, Pour les prix d'Hiffoire Naturelle fondés par M. Adamoli , Académie demande, ; : Une defcription géographiqne & minéralogique du DÉPARTE- MENT DE RHaône ET LOIRE, qui puifle fervir de bafe à la carte minéralogique de ce Département ; & qui défigne , avec précifion, la nature des plaines & des montagnes; en indiquant les Jources miné- rales , Les filons, les carrières, & les minéraux ou foffiles les plus remarquables qu'elles contiennent. Le ‘premier prix confifte en une médaille d'or de 300 liv.; le fecond, en une médaille d'argent, frappée au même coin. Is ferone diftribués en 1792 , après la fère de S. Pierre. L'admiflion des Mémoires au concours, eft fixée au premier avril de la méme année, & aux autres conditions ci-deflus énoncées. , Signé, CLARET-LA-TOURETTE , Secrétaire perpétuel. A Lyon, le 15 Décembre 1790. TABLE DxEs ARTICLES CONTENUS DANS CE CAHIER. D ISCOURS préliminaire; par J.C. DELAMÉTHERIE, page 3 Defcription de diverfes Criflallifations métalliques ; par M.C.PAJoT, $2 Extrait d’une Lettre de M. le Chevalier LANDRIANI , à M. P Abbé Tzsra, ‘4, Defcription d'un Bouleau hybride pinné ; par M. DaAN-LUNDMARK, S$ Mémoire fur l'a&ion de la Lumiëre folaire pour blanchir la Cire jaunes par JEAN SENFBIER, Bibliothécaire de la République de Genève, $6 Lettre de M. VANn-MARUM , à M. DEL AMÉTHERIE, 62 Lertre de M. SAGE, à M. le Baron pr BorN, 66 Exrrait d'une Lettre de M. CreLL , à J. C. DELAMÉTHERIE , /ur le Menackanite, nouvelle Subflance métallique, 67 Nouvelles Liuéraires, | To Æig. €. Fig. d. À 72 7: ar ! Decembre 1790. SALAIRE u S TS EN Ê ‘AM ce 2 ] k \ L] , è jun DRM ORNE a ET SE] SA 2 7. j| JOURNAL DE PHYSIQUE. || ! FÉVRIER 1791, | S DD re one er LM PE A mm cgng mme gum me 2045) om mo re sp jar T- DS — mme omeani on mmeequens pose eo mn nr GS nn ms mn TOUT ESA en ne QUE PD'ÉE GE N ÉR'A'EE.: DE LA SIBÉRIE ET DE SES HABITANS: Par M. PATRIN, de plufieurs Académies. Le defir de connoître l’Afie boréale qui porte le nom de Sibérie, & d’en rapporter dans ma patrie des connoïflances utiles & des produdions intéreffantes , m'a fait fupporter pendant huir ans la rigueur des frimats, pour étudier la nature dans ces régions voilines du pôle. Ce vafte pays fi peu connu dans nos heureux climats, .offre les chofes les plus rares en plantes & en minéraux: ce furent-là les objets de mes recherches, & j'ai eu le bonheur ds-rapporter des collections de ces deux règnes, précieufes par les fuites inftructives qu'elles préfentent. Ce font des matériaux propres à étendre nos connoiflances en Hiftoire- Naturelle; mais avant d’entrer dans aucun détail, il convient de donner une notion générale du pays & de ceux qui l’habitent, La Sibérie qui appartient à l'empire Rufle , en eft féparée par la longue chaîne des monts Oural (1), qui s'étend du nord au fud dans une longueur d'environ cinq cens lieues. Les rufles l'ont nommée avec énergie Le ceintre de la terre: c'eft la limite naturelle de l'Europe & de l’Afe. k Vers le midi la Sibérie eft bornée dans fa longueur par un amas immenfe de montagnes qui s'étend du couchant au levant jufqu’aux frontières de la Chine, fous le nom d’Altaï, de Saiann, &c. Du côté du nord & de left, elle n’a d’autres bornes gue la mer Glaciale, & le détroit qui la fépare de l'Amérique. é (1) J'ai écrit les noms propres comme on les prononce. Ceux qui écrivent fur les pays du nord confervent ordinairement l’ortographe allemande qui, prononcée à notre manière, défigure entièrement les noms. Il feroit à fouhaiter que pour les noms propres on employât les caraîères ruffes, dont la prononciation eftabfolument invariable ; ils exprimeroient le même {on dans toutes leslangues, comme les chiffres arabes y expriment les mêmes nombres, Tome XXXVIII, Part. I, 1791. FEVRIER. E. g OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, Ce grand continent eft traver{é da midi au nord par plulieurs des plus grandes rivières de la terre, telles que lIrriche, 1 Ob , le Yeniflei, l'Angara , la Lea, qui ont un cours de fix à fept cens lieues & même davantage., À , On peut divifer en quatre parties l’Afe feptentrionale en la parcoutant du couchant au levant: 1°. depuis les monts Oral jufqu'au fleuve Yeniffei eft un efpace d’environ fix cens lieues qui n'offre que des plaines immenfes, rautôt couvertes de forêts marécageufes & impraticables , tantôt des déferts dont le fol eft imprégné de fel qui n'eft point le natron des déferts de l'Afrique, mais un fel de Glauber qui contient beaucoup de parties terreufes. Les environs feuls des rivières font fufcepribles de culture. C’eft dans cette partie qu'on trouve Tobolsk , capitale de la Sibérie occidentale, Tomsk & quelques autres villes moins confidérables. 3°. Du Yeniffei jufqu’au grand lac Baïkal , ce qui fait un efpace d'environ trois cens lieues, le pays eff plus varié, & fillonné par des trainées de collines qui partent de la grande chaîne du midi. C’eft-là qu'on com- mence à trouver des productions étrangères à l'Europe; & c’eft-là qu'eft fitué Irkoutfk, capitale de la Sibérie orientale, à peu de diftance du ‘Baïkal, qui porte le nom de mer, & qui le mérite par fon étendue de cent vinot lieues de long, fur ure largeur moyenne de vingt-cinq lieues. 3°. La contrée plus orientale fituée au-delà du Baïkal , & qui porte le nom de Daourie, eft un pays tout alpeftre qui offre çà & là une multitude de collines de‘lave décompofée donr les cavités foat remplies de calcé- doines. Les volcans qui les ant formées font d’une fi haute antiquité, que tous les veftiges des cratères ont difparu. J'en ai vu quelques-uns, à la vérité, parfaitement caraétérifés , mais de peu de conféquence, & qui me paroiffent trop récecs pour n'avoir pas eu une éxiftence infniment poftérieure aux volcans qui ont bouleverfé certe partie de notre globe (1), La Daourie ruffe a environ cinq cens lieues, & s'étend vers le nord jufqu'au golfe de Kamtchatka, & vers le midi jufqu'au confluent de FAroreenn & de la Chilca, qui forment enfemble le grand fleuve Amour : le rette eft fous la domination chinoife. 4°. Enfin, le Kamtchatka, cette longue prefqu'île qui & rapproche de l'Amérique & qui eft la partie la plus orientale de Pancien continent, eft un pays montueux & aride qui offre quelques volcans encore en adivité, & le plus beau port de mer qu'il y aît peut-être au monde: il ef (x) Ces volcans ont régné principalement dans la chaîne alpine qui a fa dire&ion de Left à V’oueft, & que côtoye la rivière Ouda. On irayorfe quantité de coulées de lave qui viennent de ces montagnes à la rivière, SUR L'HIST, NATURELLE ET LES ARTS. 83 malheureux que la nature qui ne confulte pas les intérêts politiques des peuples, l'air placé fi loin des nations commerçantes. Les habitans de ces contrées aulli criftes qu’érendues, & où les frimats règnent huit à neuf mois de Fannée, ne font pas nombreux : dans une étendue de quinze cens lieues de long fur fix cens de large; à peine compte-t-on douze cens mille ames, Cetre population eft compofée de rufles & de diverfes hordes de tartares (1). Quant aux rules, j’obferverai d’abord comme une particularité rema# quable l’uniformicé qui fe trouve entre ous les habitans de ce valte empire : au fond da la Sibérie, fi l’on ne confidéroit que les hommes, on crotroit être encore aux environs de Mofcow : mêmes mœurs, même langage, même maaière de fe vêtir: les maifons mêmes fonc conftruires & diftribuées fur le même plan; des nids d'hirondelle ne feroient pas plus femblables. . Quelle eft la caufe de ce phénomène Il femble que ce foit l'influence u gouvernement abfolu qui, écouffant toute efpèce d’émulation- & d'induftrie, réduit homme au feul inftinct de la nature qui Pa fait imitateur. Le fibérien fembleroit devoir être moins efclave que l’habitant de [a Rufñie d'Europe; car il n’a point de maître immédiat, & ne dépend que du fouverain ; mais les agens du defpotifme font fouvent pour lui bien plus terribles qu'un maître. Sous un gouvernement libre, le ruffe pourroit fe difinguer dans le civil comme il fe diftingue dans le militaire: rempli d'intelligence , également atif & réfléchi, & doué fupérieurement de l’efprit de calcul , il réufliroit à tout; condamné à n'être rien, l'exercice de fes facultés inreflectuelles fe réduic à jouer fupérieurement aux échecs. La conftitution phylque des rufles eft bien connue: c’eft le peuple le plus robulte, je plus vigoureux de la terre. Les femmes rufles ont rarement Pavantage d’une taille élégante, mais le vifage & la main font de la plus belle carnation : leur langage, le fon de leur voix, toutes leurs manières font d’une douceur fi fédui- fante, d'un attrait fi voluptueux , que peu d'hommes pourroient , près d'elles, demeurer dans l’indifférence : au rufle, la chofe féroit impoñlible; né au milieu des frimats, la nature l’a doué d’un tempérament de feu, Le fluide électrique , fi abondant vers les pôles, produit fur lui le même effet que Les rayons du foleil fur les habitans des contrées méridionales. (1) Je me füuisiçconformé à l’ufäge où nous fommes de nommer ces peuples Tarcares , quoique leur véritable nom foit Tatar; car ils n’ont rien de commun avec le Tartare ou les enfers des payens. Tome XXXVIIT, Part. I, 1791, FEVRIER, E 2 €4 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, Les femmes rufles dont l'édücation eft en général peu févère, & qu ont tout le penchant de leur fexe pour la parure, favent profiter de leurs avantages: à peine forties de l’enfance, le prix de leurs charmes eft employé à fatisfaire les fantailies de leur vanité, On feroic étonné du luxe de leurs vêtemens, même dans les claffes inférieures , filon ne foupçonnoit pas les moyens qu’elles emploient pour y fournir. ; Tous leurs habillemens font de foie ou d’étoffes de coton des couleurs les plus éclatantes, jamais de laine ni de lin, quoique la Role ait en abondance la laine & le lin. Pourquoi donc les femmes rufles préfèrent- elles ces matières étrangères , tandis que fi elles confommoient les” produ&ions de leur pays, elles y conferveroient des fommes immenfes, & en doubleroient encore la richeffe en multipliant fes manufaétures ? La railon de cette indiflérence eft fimple : il importe peu aux femmes rufles que leur pays foit riche ou pauvre ; Aoriflant ou malheureux; elles {ont efclaves , des efclaves n’ont point de patrie. Mais chez une nation libre, la plus libre qui honore la terre, nous aurons fans doute la douce fatisfaction de voir nos femmes citoyennes ajouter aux qualités aimables qui les font adorer, un patrio- tifme plus intéreflant encore, qui leur fafle profcrire de leur parure & de leur maifon tout produit étranger , & facrifier à l'intérêt de la patrie la fantaifie d'un moment. Ce que jai dit des rufles en général s'applique aux habirans de la Sibérie: je fais une légère exception en faveur de ceux qui vivent dans des villages éloignés des routes fréquentées; c’eft-là que j'ai trouvé fouvent des familles qui me retraçoient l'innocent tableau de l’âge d'or. L'homme qui fe rapproche de la nature eft toujours bon, & il eft d’autant plus corrompu que la fociété où il vit eft plus nombreufe, Si la vérité m'a contraint de blâmer les mœurs des rufles , je dois à l'équité & à la reconnoiffance de dire que pendant le long féjour que j'ai fait chez eux, je n'ai jamais eu qu'à me louer de leurs procédés à mon égard. Enfin, ils aiment Les françois, comment pourrois-je ne pas lesaimer ? I n’eft point de peuple qui prenne plus volontiers & plus parfaitement nos manières que le ruffe : il:n'en eft point qui femble avoir avec nous plus d’analogie: tous ceux qui ont eu cccafon de connoître les ruffesen conviennent. Ils parlent Je françois & toutes les langues étrangères avec la plus étonnante facilité, La leur, qu’on croixoit devoir être aufli rude que leur climat, eft au contraire douce, flexible, & l’une des plus belles que parlent les hommes, Les diminuiifs qui y abondent lui donnent une grace infinie dans la bouche des dames. Son mécanifme a beaucoup de rapport avec celui du grec, il eft fi facile , qu'il eft peu de langue qu'on apprenne avec moins de peine. SUR L’HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 8$ Le langage des tartares eft au contraire d’une rudelfe révolrante : ces peuples qui font difperfés dans la Sibérie en un grand nombre de hordes différentes, & qui y vivent fous la protection de la Rullie, peuvent fe divifer en deux branches principales: ceux qui habitent depuis les frontières de l'Europe jufqu’au fleuve Yeniflei font mahométans; ils s'appliquent à l’agriculture & au commerce, quelques - uns exploitenc des mines & des fonderies ; leur langue eft un dialecte de la langue arabe, Ceux qui habitent la partie orientale de la Sibérie & toute la Daourie, font idolätres , ils font nomades ou errans , & vivenr fous des tentes : ils parlent la langue mongale qui efl aufli rude que leurs mœurs font douces, de même que celles des cartares mahomérans. Je ne dis rien de ceux qui font hors des limites de la domination rufle , dans des contrées plus méridionales , tels que les kirghifs, les Kalmoukes ; ceux-là fonc accufés de brigandage, Les rartares mahométans qui habitent dans les villes rufles, y occupent des quartiers féparés, qui font toujours les mieux bâtis & les plus agréables. La plupart paroiflent jouir d’une grande aifance : dans beau- coup de maifons j'ai vu le parquet & les eftrades qui fervent de lits, couverts de tapis & de carreaux de foie ; & l’on fervoit Le thé & les autres rafraîchiffemens dans des vafes d'argent & de vermeil, Quoique ces tartares mahométans aient rarement la complaifance d'admettre les étrangers dans l’appartement de leurs femmes, j'en ai vu quelques-unes fans voiles, qui avoient de la beauté: leurs maris me fervoient d'interprères , & je voyois à la netteté de leurs réponfes, qu'elles avoient autant de juftefle dans l’efprit que d’aifance dans le maintien. Pendant un féjour de plufieurs mois que j'ai fait à Tomsk , lune des principales villes de Sibérie chez un François, M. de Villeneuve , refpectable vieillard , colonel au fervice de Ruñie, & qui depuis vingt- cinq ans étoit commandant de Ja ville, j’ai eu occafion de connoître ua aflez grand nombre de ces tartares ; & il en eft plufieurs dont l’ame honnête me laiflera toujours un fouvenir précieux. Les tartares qui habitent la partie orientale de la Sibérie, & cette contrée plus orientale encore, qui porte le nom de Daourie & qui eft arrofée par le fleuve Amour, fonr connus fous le nom de Bouraites, de Tongoufes & de Mongales. Ces différentes hordes ont entr’elles beaucoup de reffemblance : ce font des peuples pafteurs qui habitent fous des rentes, qui vivent du lait de leurs troupeaux , & s’habiilent de peaux d'animaux, que leurs femmes favent très-bien préparer. La religion de ces tartares nomades a l'apparence de l'idolätrie , comme toutes les religions où l’on rend un culte à des êtres phyfiques ; mais ils reconnoiflent un être fuptème , comme on le reconnoït dans 86 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, toutes Les relisions , parce que l’homme a par-tout à-peu-près les mêmes idées, plus ou moins développées. Le chef de leur religion eft le Delaï- Lama, qui eft en même-tems pontife & fouverain d'un grétd état fur les frontières de Ja Chine. Leurs prêtres, qu'on nomme Lama, font plus inftruits qu’on ne le foupçonne- roit : ils parlent très-bien le rufle, & jen ai trouvé plufieurs qui avoient une juftefle de raifonnement qui étonneroit ceux qui croient qu'on ne peut apprendre à raifonner que dans des écoles. J'ai vu fur les collines qui dominent es déferts qu'habitent ces tartares ; des lieux de prières, des elpèces de temples dans route la fimplicité de la nature: ce font des cônes d’environ trente pieds de haut, formés par l'affemblage d’un grand nombre de jeunes pins qu’on y tranfporte des forêts voifines, autour defquels on fufpend des peaux d'animaux empaillés. Ce font des offrandes faires à l'être fuprèême; mais la fuperftition , fi naturelle à l'homme, en a bientôt fait un objet de culte : je n'ai trouvé-là rien que de fort ordinaire ; mais ce qui m'a frappé, c'eft un emblème par lequel ils expriment l'immenfité de l'Etre fuprême qu'ils nomment LE GRAND ÊTRE. Par-tout où j'avois vu leurs monumens religieux , j’avois obfervé qu’il part du cône quatre rangées de monceaux de pierres qui s’érendent à plufieurs centaines de toifes , dans la direction des quatre points cardinaux du monde : ce n'étoit point l’effec du hafard ; j'avois dans plufieurs lieux différens vérifié cette direction La bouffole à la main. Je demandaï à un lama ce que cela fignifioit : LE GRAND ÊTRE, me dit-il, ne fouffle-t-il pas des quatre points de l’univers, & ne faut-il pas que nous répondions à fon fouffle tout-puiflant par nos prières : regarde ces pierres, elles y font écrites. J’y vis en effet des caractères tracés, & cette idée me parut fublime. A ces fentimens religieux auîi grands que fimples , ces tartares joignent les mœurs les plus auftères. Pendant tout le féjour que j’ai fait chez eux , je n’ai jamais rien apperçu qui pût faire rougir la fille la plus chafte. Les ruffes qui font fi éloignés d’une femblable retenue, font obligés de la refpecter: l'étranger qui offenferoit la pudeur d’une femme, payeroit de la vie fa témérité. / Parmi eux l’adulrère eft infiniment rare, & fe punit d’une manière, qui fans paroître cruelle, eft bien capable d’infpirer l’effroi : on entraîne les coupables dans le fond des forêts ; on leur laïffe un arc & des flèches, mais point de chevaux, & on les abandonne à leur deftinée. Le tartare accoutumé dès fon enfance à ne marcher qu'à cheval, fait à peine fe tenir fur fes pieds, auffi n’a-t-on jamais vu reparoitre les malheureux ainfi tranfportés. Quel horrible fupplice pour ces deux êtres infortunés livrés à leur défefpoir, Si dans nos contrées on condamnoit les coupables à vivre SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 87 enfemble jufqu’à leur dernier moment loin de toute autre fociété, cette peine feule leur paroîtroir bientôt plus cerrible que la mort même, Malgré la févérité de leurs mœurs, perfonne n'eit plus hofpiraïier que ces tartares: par-tout jétois accueilll comme un ami, & j'aimois à habiter leurs rentes, j'y refpirois l'air de la liberté. “ L'empreffement qu'ont les rartares à recevoir les étrangers, vient en partie de la curiofité naturelle à ce peuple : il aime ce qui lui paroît nouveau , & il obferve tour avec attention & intelligence. J'ai fait cette remarque bien des fois à l'occafion de mes collections de plantes, Quand je m’occupois le foir à les difpofer dans mon herbier, je voyois la famille rangée autour de moi, obferver en (lence tous mes mouve- mens, & regarder avec un refpeét religieux ces plantes que j'arrangeois avec tant de foin. Quand je leur demandois ce qu’ils en penfoient , ils me répondoiene qu'ils voyoient bien que c'étoit des offrandes que je deflinois Au GRAND ÊTRE : les nores que je joignois, {oit à mes plantes , foit aux échantillons de roches que je voulois conferver, les confirmoient dans cette opinion : ils penfoient que ces notes étoient des prières, & quand je voulois les détromper, ils avoient de la peine à me croire. La curiofité d'un de ces tartares me fit avoir avec lui un dialogue fin. gulier : je voyageois près du fleuve Amour ; arrivé à une ffation de polte, j'entre dans une tente pour y faire du thé; j’y trouve un vieillard & une jeune femme qui étoit occupée à faire griller des morceaux de viande plantés à des brochettes de bois autour d’un brafier. Je fus curieux d’en goûter , me doutant bien de ce que c’étoit , & j'en demandai à la jeune femme : elle fourit, & me répondit en mauvais ruffe, cela n’eff pas bon pour toi, Surpris de ce refus qui étoir contre leur ufage, je lui en demandai la raifon : c’eft de la chair de cheval, me répondit-elle, r— Eh bien n'importe, j’en veux goûter. Quoi! dir le vieillard fore éronné, tu n'es donc pas ruflet Non, je ne füis pas ruffe, je fuis françois. — François ! ta patrie eft donc bien loin d'ici, je n’en ai jamais entendu parler; & il faut que ton pays foit bien pauvre, puifque tu fais de fi grandes courfes pour venir ici chercher ta fubfftance ? — Non, mon ami, mon pays eft excellent & réunit toutes fortes d'avantages ; c’eft la curiofité feule qui m'amena dans cette contrée, pour voir ta pation , pour connoître les pierres de vos montagnes, les plantes de vos déferts. — Oh, oh! s’écria le vieillard, les rufles difenc que les tartares font curieux, &c je vois que les françois font encore plus curieux que les tartares. Mais, dis-moi, continua le vieillard, y-a-t-it beaucoup de tartares en France ? Ceue queftion, à laquelle je m'attendois fi peu, me donna envie 88 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, de rire, & je lui répondis un peu vivement, oui, inon ami, en France il y a beaucoup de tartares (1), La vie errante de ces peuples nomades eft propre à la chafle & elle fait une de leurs principales occupations; mais ils quittent peu les plaines : ils ne fauroient gravir les montagnes où fe trouvent les plus belles zibelines. Les rufles exilés en Sibérie étoient autrefois chargés de la chaffe de ces animaux précieux ; mais depuis long-tems ils font devenus fi rares qu'on a ceflé d’impofer cette tâche à ces malheureux ; on Les occupe aux travaux des mines. Il n’y a que l'appas du gain qui fait tout, qui puifle déterminer quelques rufles libres à fe livrer à certe chaîle, & à un genre de vie fi effrayant, qu'un tyran même oferoit à peine les y condamner. Muni d’un fac de farine & d’un peu de fel, d’une marmite pour cuire fes niférables alimens , de deux longs patins de bois pour fe foutenir fur des abîmes de neige , d'une carabine & d’un briquet, le chaffeur part au milieu de l’hiver qui eff le cems où les fourures font les plus belles. Il va s’en(evelir pendant trois mois dans Le fond des folitudes les plus affreufes & les plus reculées, à travers les rochers & les précipices, expofé Le jour à la rigueur d'un froid dont on n’a pas d'idée dans nos climats, & paffant la nuit dans des huttes de neige où il s’enferme comme dans un tombeau. b Telle eft la vie de ces malheureux chaffeurs. Et qu’on juge de l’atrocité dss froids qu'ils ont à fupporter dans les contrées boréales qu’ils fré- quentent, puifque dans la partie moyenne de la Sibérie , j'en ai éprouvé de 35 degrés. Cétoit le thermomètre à l’efprit-de-vin qui m’indiquoit cette température : le thermomètre de mercure étoit rombé tout-à-coup de33 à 41, par l’effer de la condenfation qu'il éprouve plus ou moins au moment où il fe coagule, ce qui arrive pour l’ordinaire entre 33 & 34 degrés. Je ne faurois exprimer combien , à cette température, la refpiration eft douloureufe : il femble que les poumons fe remplifient d’huile bouillante, car le froid porté à l'extrême caufe la même fenfation que le feu. On eft fuffoqué par cet air déchirant , même dans les voitures les mieux fermées, Malgré cer inconvénient, l'hiver eft encorela faifon la moins ficheufe pour voyager dans ces malheureufes contrées : l’été l’on et embourbé (1) La queflion de ce tartare n’eft point auffi étrange qu’elle le paroït au premier coup-d’œil : un homme qui peut faire deux mille lieues du couchant au levant, & douze cens du nord au midi, en fe trouvant toujours dans {à nation, peut foupçonner qu’elle eft répandue für toute la terre, dans SUR L'HIST, NATURELLE ET LES ARTS. 89 dans des marais qui exhalent une odeur empeftée de foie de foufre ; on eft arrêté à chaque inftant par des rivières débordées qu'on ef obligé le plus fouvent de pafler à gué, & où l’on rifque de périr mille fois; on eft dévoré le jour & la nuit par des légions d’infectes qui défolenc les hommes & Les chevaux ( 1); enfin l'on eft écouffé par une pouffère âcre & falée, aufi noire que du charbon , qui couvre tous les chemins , & qui eft produite par la tourbe qui compofe en général le fol de la Sibérie, Cette pouffière corrolive s'attache aux yeux, les enflamme , & rend une partie des habit:ns preique aveugles, Ce n’eft qu'avec des précautions infinies que j'ai pu échapper à tant de maux. Heureux, fi mes travaux peuvent ajouter quelque chofe à la mafle de nos connoiflances en Hiftoire-Narurelle. Heureux , fur-tout , de revoir ma patrie dans cet inflant fortuné, où devenue enfin libre, elle renaît pour vivre à jamais heureufe, & fervir de modèle à tous les peuples delaterre., Heureux enfin, fi l'exemple de mon dévouement peur dérerminer quelqu'un de mes compatriotes qui ait autant de zèle, mais plus de forces & de talens, à entreprendre un voyage bien plus intéreflant, bien plus agréable & dans une contrée abfolument neuve, Courage , jeune homme , qui avez du zèle pour l’étude de la nature & qui voulez l’étudier dans fon livre mème, le feul qui ne trompe point; courage: allez à l'entrée dela Sibérie , à peine aurez-vous traverfé les monts Oural, qu'en tournant vers le midi, vous trouverez Orembourg ; là fe rendent les marchands de la Boukharie qui y apportent le Zapis & les produdtions de leur pays & du nord de l'Inde; fouvent même des marchands indiens viennent avec eux; tous enrendent la langue ruffe ; & je l'ai déjà dir, elle eft fi aifée, qu’en traverfant la Rule vous en aurez fuffifamment appris. Vous vous joindrez aux caravanes de ces boukhares & de ces indiens, ce font les plus doux des hommes, vous traverferez, à petites journées & fans danger ces contrées encore vierges, qui n'ont été vifitées que par les couriers anglois, chargés D —— 2 a ————————————— —— (1) Dès le lever du foleil on eft affailli par des myriades de moucherons qui font comme des atômes , mais qui piquent cruellement, & qui fe jettent en foule dans le nez , la bouche, les yeux & les oreilles: on ne fauroit fe paffer d’une efpèce de capote garnie d’un mafque de crin pour s’en garanti. À dix heures paroïilent les taons , qui font fi nombreux & fi altérés de fang , que ‘fouvent je les ai vu couvrir de la tête aux pieds mes malheureux chevaux , que les zîles brillantes des taons failoient paroître au foleil comme des poiffons couverts d’écailles, À quatre heures de après-midi reparoïffent les moucherons ju{qu’au coucher du foleil , où ils font remplacés par d'innombrables nuées de coufins qui règnent pendant toute la nuit, & qui fnt prefqu'auffi incommodes par leur bourdonnement continuel que par leurs piquûres. Dans beaucoup d’endroits, & fur-tout dans les vallées, ces trois genres d'infe&tes fe trouvent réunis, & femblent fe difputer le droit de mettre à l'épreuve la corftance des voyageurs. Tome XXXVIII, Part. I, 701. FEVRIER. M co OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, des dépêches du gouvernement pour les érabliflemens de l'Inde; ces contrées heureufes où la nature plus aétive vous offrira à chaque deoré de latitude plus d’objets nouveaux que je n’en ai trouvé dansles 115 -urés de longitude que j'ai fi péniblement parcourus ; & vous reviendrez les mains pleines de nouveaux tréfors, enrichir votre patrie des con- noiflances les plus précieufes, & mériter fon eftime, la plus douce des récompenfes pour un vrai ciroyen ! times DOUZTÉMENLETTRE D'E\ M D'E)L UC; A M DELAMÉTHERIE, Sur les Couches calcaires de la feconde Claffe & les Couches de Pierre fableufe de la première , & fur leurs Cataftrophes, Formation des Montagnes du fecond ordre. Wind{or, le 27 Décembre 1790« NTovceur: Les monumens qui nous reftent des opérations de l’ancienne mer, depuis la formation du premier ordre de nos montagnes, quoique très- diftinAs chacun à part, font fort difficiles à claffer, quant à l'ordre chronologique. Il paroît, qu'après la révolution qui forma ces premières chaînes, les différentes précipitations fucceflives dans le liquide ne furent pas auffi univerfelles , ni les révolutions des couches formées auñfi générales , qu'elles l’avoient été auparavant; de forte qu'on ne trouve plus dans le fecond ordre de montagnes, une reflemblance de fubftances auf grandes que dans le premier ordre, & la diffemblance eft plus grande encore dans les collines & dans les plaines. La fuperpofition eft notre {eul guide, à l'évard de l’ordre des tems; & lorfque dans l’aflo- ciation de certaines couches, leur ordre eft par-rout le mème, c’eft un indice d'opérations plus ou moins générales. C’eft ce que nous trouvons dans le premier ordre de montagnes, & qui règne encore dans quel- ques-unes du fecond ordre, & dans une clafle de collines ; mais ailleurs il ya une très-vrande difparité, d'où réfulte l’entrelacement des phé- nomènes dont j'ai fait mention dans ma lertre précédente, & que je vais définir d’abord plus particulièrement, SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 9 1. Après la révolution qui produifit le premier ordre de nos mon- tagnes ; 8 toujours dans la V° PÉRIODE , que cet entrelacement des phénomènes empêche de divifer d’une manière générale, il fe fit dans l'ancienne mer un nombre d'opérations très- diftinctes , favoir : 1°, Une précipitation très-générale d’une feconde efpèce de couches calcaires; 2°. Une précipitation moins générale, mais qui embraflà encore nombre de grands efpaces dans toute la mer , d'une première efpèce de couches Jableufes ; 3°. Les éruptions volcaniques, qui régnèrent durant ces deux clafles de précipitations 3 4°. Une grande multiplicaton des animaux marins durant la formation de la première de ces clafles de couches , & la réduction du nombre de leurs efpèces durant la formation de la dernière ; 5°. L’introduétion dans la mer d'une grande abondance de fubitances végétales , provenant des zerres exiftantes ; introduction qui eut lieu dans un rems que les phénomènes laiffent indéterminé à quel- ques égards, & d'où font réfultées nos couches de Aouille ; 6°. Nombre d'efpèces de nouvelles précipitations , qui ?s’entremélèrent aux couches de Aouille & les recouvrirent; 7°. Enfin de fréquens afaiffemens du fond de la mer, entrelacés dans ces événémens fuccellifs, dont ré= fultèrent des montagnes d'un {econd ordre & la plupart de nos collines. En confidérant féparément ces opérations, qui complettent la V° PÉRIODE, elles font très-diflinétes, mais les monumiens qui nous en reftent font tellement enclavés les uns dans les autres, & ce mêlange eft fi varié en différens lieux, qu’on ne fauroit y diftinguer encore des divifions chronologiques générales : ce dont je vais d’abord indiquer les caufes; parce que ce défordre même eft un phénomène important en Géologie. d 2. Les deux premières révolutions arrivées au fond du liquide, l'une qui d'abord le raflembla fur une partie du globe & forma l’ancienne mer, l'autre d’où réfultèrent dans celle-ci ces grandes arrétes qui forment aujourd'hui notre premier ordre de montagnes, embrafsèrent à la fois cout le fond du Ziguide; ou du moins rien ne nous conduit encore à y diftinguer une fuccefion; & je ne dois pas la fuppofer jufqu'à ce qu’elle devienne néceffaire à l'explication de quelques phé- nomènes; ce qui n'eft pas impofhble. Jai dit, que dès que le iguide fut formé, les précipitations y furent rapides & abondantes; par où il s’en forma bientôt une crofte dure & très-épaille. Cette crofte fe conferva fans fractures jufqu’à la première révolution ; & n'ayant été que peu fracturée dans celle-ci, excepté auprès des arrétes, elle fut bientôt confolidée par labondante précipitation de la première efpèce de fubftances calcaires, Ainfi, dans ces deux intervalles, la crote put réfifter aflez également à fa chûre; ce qui prévint de grands chan- gemens dans les précipitations du liquide. Mais après la feconde révo- lution, la croûte affaiflée fe trouva beaucoup plus rompue; & ainfi Tome XXXWIIT, Part. 1, 1791. FEVRIER. M2 ÿ2 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, clle fur plus expofte à des affaiflemens partiaux, dans la continuatio®# ce la retraite des fubftances inférieures. C’eft de la que rélultenr les différences des opérations en divers lieux, tant à l'égard des précipi-= rations , que dans les buuleverfemens des couches, & les fuites de ces bouleverfemens pour la formation de nouvelles couches. Car les affaef]e- mens fuivans de la croûre s'étant faits ainG en différens rems, en diverles parties du fond dela mer, ces communications particulières , ouverts entre le deflus & le deffous de la croûte, produifirent d'abord des impregnations partiales du liquide par de nouveaux fluides expanftbless caufes générales de changement dans Les précipitations : & en même tems, de nouvelles quantités du Zquide , dans {on état chimique actuel, paffant fous les parties rompues de la croûte , y préparoïent de nouveaux changemens, d’où réfulrèrent entr'autres les éruptions volcaniques: Voilà donc bien des caufes précifes dans leurs genres, & de genres connus, non-feulemnent d’effers divers, mais de confufion dans les monumens qui nous reftenc de ces travaux de l’ancienne mer, qui préparoient nos comtinens. Cependant cette confufion n'empêche pas ue nous ne puiflions confidérer chacune des opérations de même genre, Re fes caufes générales & dans fes rapports locaux : & comme j'ai déjà traité {éparément des éruptions volcaniques, je fuivrai la même méthode à l'égard des autres opérations que j'ai énumérées ci-deflus, en commençant dans cetre lettre par les productions diftinétes, d'une feconde efpèce de couches calcaires ( que jindiquai déjà dans ma lettre précédente), & d'une première efpèce de couches fableufes , confidérées, foit féparémenr, foit dans leurs aflociations , foit dans les révolutions qui les concernent, quoique fouvent liées à d’autres phénomènes. 3. Ce ne fut que par degrés, que les opérations de l’ancienne mer cefsèrent d’être générales; auli les précipitations calcaires de la feconde efpèce, furent-elles encore très-généralement répandues fur fon fond; & quoique celles de la première efpèce de précipitations Jableufes ne fût déjà plus fi générale, on la retrouve néanmoins dans toutes les contrées. Pour ne pas entrer dans trop de détails, & néanmoins embrafler un grand champ, je définirai chacune de ces deux clafles de couches , en employant d’abord les defcriptions de M. PALLAS, qui les concernent: il s'agir - là de l'Afe, & ce qu'il en dit convient éga- lement à l’Europe. A l'égard des couches de pierre calcaire, il avoit dit ( pag. 54. de fes Of. für la format. des Mont. ) « que dans route » Ja vafte érendue de l'empire rufle, les couches calcaires forment deux » ordres de montagnes très-différens, par leur hauteur, par la firuation > de leurs couches, & par la compofition de la pierre calcaire qui les -» forme ». Il décrit enfuite le premier de ces ordres, comme je l'ai tanfcrit dans ma lettre précédente; ce font les £ondes calcaires qui SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 93 acccompagnent , aflez uniformément, les grandes chaînes, & qui ne contiennent encore que peu de corps marins : puis venant au fecond ordre, voici comment il le décrit. « En s’éloignant de la chaîne, on » voit les couches calcaires s'applanir rapidemei t, prendre une fituation » horifontaie, & devenir abondantes en route forte de coquillages , » de madrépores & d'autres depouilles marines. Telles on les voit » par-tout dans les vallées les plus bailes qui fe trouvent au pied des » montagnes ; telles aufii elles occupent route étendue de la grande > Ruffie, rant en collines qu'eti pays plat ». 4. Certe defcription, qui caractérife les couches calcaires dont je traire, convient aufi à l'Europe, où l'on trouve la même clafle de couches, dans les efpaces compris entre les grandes chaînes ; feulement nous en connoïflons de plus confidérebles. Le Jura, par exemple, eft un des monumens de cette opération de l'ancienne mer, & il nous donne une idée de l’épaiffleur à laquelle arriva cet amas de nouvelles couches ; ce dont on ne juge pas dans les co/lnes de fon efpèce : il s'élève en quelques endroits de 4000 pieds au-deflus des plaines voifines, & dans toure cette haureur il n'eft fondamentalement compofé que de couches calcaires. Si Von confidéroit féparément cette chaîne de montagnes & {es analogues, on pourroir les effigner à une révolution diftinéte : mais la même efpèce de couches a {ubi, en un grand nombre de lieux , une même révolurion avec une clafle très-différente de couches formées fur elle, favoir, une première efpèce de pierre Jableufe: & jufqu'ici je ne connois rien qui diftingue , quant au £ems, les révolutions effuyées par les couches calcaires reftées nues, d'avec celles qu'elles ont fubies ailleurs, érant déjà recouvertes de pierre Jableufe: je ferai donc obligé de les embrafler en commun dans une même clafle de révolutions, après avoir défini la pierre dont je parle. C'eft ici un point fort important en Géojiogie; parce qu'il donne lieu à plufieurs queftions, dont l'examen répandra du jour fur des objets fort obfcurcis par quelques naturalifles. $- À Pégard de cette nouvelle clafle de couches , que M. Parr as nomme grès avec plulieurs autres naturalifes, & qu'il défigne aufi ar le nom de couches tertiaires, je commencérai encore par citer fa defcriprion des pays qui giflenr à Poccidenr de la chaîne Ouralique : on y trouvera, & la pierre dont je parle, & d’autres efpèces de pierres fableufes qui ne doivent pas être confondues avec celle-là. « On n’a point ob » fervé (dit-il page 66) une fuire de ces montagnes tertiarres.….…., fi >» marquée & fi puiflanre, que celle qui accompagre la chaîne Ouralique » au côré occidental dans route fa longueur. Cetre fuite de montagnes, » pour la plupart de grés, de marnes rougedtres, entre-mêlées de » couches diverfement mixtes, forme une chaîne, par-tout féparée # par une vallée plus ou moins large de la Pande de roche calcaire, , , 94 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, » ellefe répand vers les plaines de la Ruñlie en traînées de collines. +. >» & dépénére enfin en defert Jableux... Les plus hautes élévations > des plaines, même celles de Mofcow, en font formées ; elles contiennent >» très-peu de produélions marines. . . rien au contraire de plus abondant » dans ces montagnes de grès ftratifié fur l’ancien plan calcaire, »que des troncs d'arbres entiers, des bois pétrifiés...... des >» ampreffions de troncs de palmiers, des tiges de plantes , de rofeaux, » & quelques fruits | dd enfin des offemens d'animaux terreflres ». 6. M. ParLas déltivoit-là un fort grand pays, par où il a em- braflé des opérations de la mer qui ne font pas de même date : j'ai vu auñi de tels mèlanges , mais Les circonftances locales m'y ont toujours fait appercevoir diflérentes périodes, Il eft afflez commun en général, de trouver, à de petites diftances entrelles, des collines aui ne fe reflemblent en rien, ni pour la fubftance, ni pour les corps étrangers que contient celle-ci , ni pour la fituation de fes couches : un fimple vallon montre fouvent ces différences entre fes deux côtés ; maïis-il porte toujours alors l'empreinte du bouleverfement, De tels phénomènes ne peuvent tre expliqués en géréral, que par diverfes cataftrophes fucceflives , féparées par des efpaces de tems, durant lefquels fe for- moient de nouvelles efpèces de couches. Pour aller plus loin , il deviendra néceflaire d'étudier attentivement un grand nombre de pareils grouppes & les fols qui les environnent, & de les comparer dans leurs rapports; ce qui ne pourra s’exécuter que par le concours d'un grand nombre de bons obfervateurs, qui fachent diftinguer les vraies shéories géné rales d'avec les apperçus. 7. C'eft dans de pareils mêlanges #'éminences hétérogènes , que j'ai obfervé avec la première efpèce de pierre fableufe immédiatement fur les couches de pierre calcaire, d’autres couches de pierre fableufe qui renferment des végétaux inconnus, Je foupconne qu'une des efpèces de ces végétaux , qui eft très-étrange, pourroit être celle que M. PazLAs nomme des Zmpreffions de troncs de palmiers , parce qu'elle a beaucoup cette apparence : mais les troncs, les branches & les racines de ce végétal, ne font que des subes remplis de la pierre des couches , qui feulement a le grain plus fin à mefure que les branches fonc plus etites. J'ai vu aufli, dans les intervalles d’éminences à couches de pierre fableufe dure, des couches fableufes plus ou moins durcies, qui contenoient, avec des corps marins, des fragmens de boës percés par les vers marins , & des offemens d'animaux terref?res, tels que des dents & autres os d’éléphans : mais ces dernières efpèces de couches Jableufes appartiennent à des rems poftérieurs à la formation de l’efpèce dont je parle ; car fouvent elles la recouvrent, & elles n’en font jamais recouvertes. 8. En examinant, d'après l'enfemble des faits qui me font connus, - SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS, oÿ la defcription donnée par M. PAL LAS de ces contrées à couches fableufes qui s'étendent à l'occident de la chaîne Ouralique , voici la claffe de ces couches, qui me paroît fe rapprocher le plus dé celle que j'ai en vue: « La principale force de ces montagnes tertiaires ( dit-il) eft plus près » de la chaîne primitive par tout le gouvernement d'Orembourg & la » Perménie, où elle confifte principalement en grés & contient un >» fond inépuifable de mines de cuivre, fableufes, aroilleufes & autres, » qui fe voyent ordinairement dans des couches horifontales ». La pierre fableufe dont je parle, contient aufli quelquefois des couches minérales de diverfes efpèces ; elle eft ou rougeâtre & quelquefois fort rouge, ou bleuître, ou grife; & en quelques endroits elle eft par bandes de trois couleurs , qui paflent de couche en couche : quand on découvre fa bafe, on la trouve fur les couches calcaires; & quoique celles-ci contiennent des corps marins , la pierre fableufe qui la recouvre n'en contient point. 9. Cette dernière circonftance ef celle qui fait naître les importantes queftions de Géologie que j'ai annoncées ci-deflus, & en y Venant maintenant , je les introduirai par quelques paffages de l'ouvrage de M. Burrin, dont j'ai parlé à la fin de ma lettre précédente, En décrivant dans mes Lettres géologiques , des chaînes de collines de pierre Jableufe à bafe calcaire , qui règnent dans le pays d'Ofñabruch , de Paderborr , de Za Lipe, de Pyrmonts, de Calemberp, de Heffe & en nombre de parties des bords du Rin, couches qui abondent aufli le iong du Jura, & que j'ai retrouvées en nombre d'autres pays, j’avois dit: « que les » animaux marins ne fe plaifoient pas dans ces parties du fond de æla mer au tems où ces couches s’y formoient ». M, BURTIN relève cette idée comme fort étrange. « Le fable (dit-il p. 211) ne fait pas > peur aux habitans de la mer aétuelle; il ne doit pas non plus avoir > effrayé les habitans de la mer ancienne, dont nous trouvons , en des >» milliers d’endroits, les fqueletes enterrés dans descouches de fable ». J'avois aufi décrit quelques-uns de ces lieux où des éminences, très- rapprochées, font compofées de fubftances fort différentes, tant en- trelles qu'avec le fol général du pays, & j'en avois déjà conclu l'idée générale, que le fond de l’ancienne mer devoit avoir éprouvé bien des révolutions. M. BURTIN trouve qu'à ces deux égards j'ai été embarraffé en beau chemin ; rien ne nous paroîe plus clair que les caufes de ces phénomènes : il faut donc que j'exainine celles qu'il leur affigne. Dans fept à huit pages (203 à 211) d'un énoncé vague de pré- tendues opérations de la pluie & des autres météores aqgneux fur la terre délivrée du joug de l'océan | M. BURTIN croit avoir prouvé : « que > l'eau douce a plus contribué que la mer à la forme actuelle de notre > globe », Cette preuve confifte d’abord en de fimples affertions , fux 96 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE; ce que ces météores ont dû produire les f£//ons en zigzaz de la furface de nos continens ({oit leurs vallées) & les gouffres & enfoncemens des montapnes ; puis, difpofant des matériaux tirés ainfi de ces exca- vations , pour les étendre fur les lieux plus bas, il en forme ces collines & nombre de montagnes, & ces couches des plaines, fableufes ou gra- veleufes, qui ne contiennent point de corps marins, Ilexpliqueenfuire, par la variété des dépôts provenans des lieux élevés, /a diverfité des Jols dans les endroits voifins; & d'après la partie de ces dépôts qui arrive à la mer, il conclut un abaiffement infenfible de nos continense De tout cela il réfulte fuivanc lui: « que l’aéfion des eaux fur la terre » & leurs dépôts, rendent intelligibles une infiniré de phénomènes > relatifs à la forme actuelle de la furface du globe & à la matière » de fes couches, qui feroient inexplicables fans cela ». Enfin, pour donner un exemple de l'embarras produit par tout autre fyftême, il me cite fur les deux objets ci-deflus énoncés , en ajoutant : « c’eft pour » avoir perdu de vue cette caufe fi majeure, que M. DE Luc s’elt trouvé fi > fouvent arrêté dans l'explication des obférvations en détail... Au » défaut de cette explication route fimple, il fuppofe dans la mer des > révolutions auñi inutiles qu'invraifemblables. {il eft réduit à chercher » des difficultés où il n'y en a point ». M. BURTIN n'eft pas le premier géologue qui, en attribuant aux eaux continentales, rant /a forme ac- tuelle de la furface de notre globe, que la matière de fes couches » a coupé ces nœuds gordiens; & je ne les ai renoués qu'après avoir fair de cetre caufe , que je n'ai jamais perdue de vue, une étude plus approfondie qu'il ne paroît l'avoir faite. C’eft ce que je vais montrer fort en abrégé quant à préfent (parce que je réferve les détails pour la PÉRIODE où nos continens furent à fec), mais d'après des faits affez précis, pour diffiper ces fauffes lueurs, qui depuis long-tems, empêchent bien des naturaliltes de Gxer leur attention fur les monumens qui nous reftent des révolutions réelles fubies par notre globe. î 11, Je décrirai d'abord pour cet effer les phénomènes généraux de l'aflociation de couches de pierre fableufe & de pierre calcaire, dont j'ai fait mention ci-deflus, & qui eft le fujet principal de certe lettre. On ne découvre la jonction de ces deux claffes de couches , que par leurs ruptures , diflocations ou culbutes communes; car fans ces révolutions, les couches de pierre fableufe formeroïent un fol continu, & nous ignorerions ce qui eft au-deffous. Très-fouvent ces couches font plon- geantes vers quelque vallée ; & alors la pierre calcaire , quoique origi- pairement inférieure, ne fe voir qu'au lieu le plus haur, Si la pierre Jableufe forme le haut des collines, on en voit les fetions abruptes vers quelque plaine ou vallée, dont alors le fol n’eft que débris ; a moins que d’autres efpèces de couches ne l'ayent recouvert. En certains ligux, de grandes malles des couches de la pierre fableufe font au- deflous bn nil .“nhen tt SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 97 deffous du niveau des couches calcaires voifines, qui , en ce cas, pré- fentent des coupes abruptes, Si le moëllon qui s’'accumule le long d’une fe&ion abrupte très-élevée de pierre fableufè, a été enlevé quelque part par un torrent, on trouve quelquefois à fa bafe les couches cal- caires. Dans tous ces cas, & nombre d’autres complications des caraf- trophes évidentes qu'ont fubies en commun ces deux clafles de couches, l'imagination la plus hardie , fi elle avoit les faits fous Les yeux, n’oferoit les attribuer aux eaux courantes , ni comme ayant produit ces couches fableufes par des dépôts, ni comme étant la caufe des bouleverfemens que ces couches ont fubis avec celles de pierre calcaire : car fes phéno- mènes s’obfervent fouvent dans des lieux oùleseaux commencent feulement à fe raflembler; c’eft-à-dire, dans les parties les plus élevées de grandes étendues de pays. 12. Cette remarque feule, mais qui frappe par fa bafe le fyflème que j'examine, le renverfe totalement, C’eft par des excavarions dans les lieux Aaurs, qu'on veut produire des couches dans les lieux bas, tellement qu'elles ne doivent point contenir decorps marins ; & en voilà de telles qui forment le fol le plus élevé à 20 ou 30 lieues à la ronde. C'eft par labondance des eaux raflemblées & leur rapidité, qu'on veut expliquer des fections des couches capables de produire des vallées, & voilà des vallées à l'origine des premiers ruiffeaux formés par la pluie. C’eft par les débris des hauteurs, qu’on veut expliquer les couches de gallets des plaines; mais les gallets des plaines voifines de ces éminences n'ont le plus fouvent aucun rapport avec les couches pier= reufes , dont elles font compofées. En un mor, de routes les hypo- thèfes introduites dans la Géologie par l'imagination feule (qui fonc en fort orand nombre) il n’y en a point qui fe diffipe plus promptement en préfence des faits. Je viens de le montrer par une feule remarque générale , fondée fur les loix de l'hydraulique , & je vaisy ajouter un exemple précis, où la démonftration de l'erreur du fyftème fera même géométrique. 13. Pour partir d’abord inconteltablement des lieux les plus élevés de notre hémifphère, je placerai la fcene dans les Æ/pes , & je com- mencerai l'examen des faits dès leurs vallées comblées de glace, bien connues aujourd’hui, foit par le nombre des curieux qui les vifitent, foit par les importantes defcriptions que M. DE SAUSSURE en a pu- bliées. On fait donc que ces vallées font bordées de prodigieufes éminences, dont les faces abruptes montrent les fections de couches ; la plupart culbutées, qui cependant devroient fe prolonger originaire- ment dans les vuides immenfes qu’elles embraflenc. On ne voit dans ces lieux qu'une feule circonftance, qui, à part la grandeur, difière des vallées dont je viens de parler ; c'eft qu'il y a plus de couches devenues prefque verticales. Voilà donc de premières excavations dont Tome XX XVII, Part, I, 1791, FEVRIER. N e8 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, les partifans du fyflème que j'examine fe chargent de rendre compte; il faut qu'ils expliquent d'abord comment les eaux courantes ont pu ptoduire de tels défaftres à leur origine même & là où elles féjournent fi long-tems fous la forme de neige ou de glace, & qu'ils nous failent retrouver enfuite quelque part, fous la forme de couches, le moëllon que ces eaux auront entraîné, C’eft même en de pareils lieux qu’ils doivent chercher leurs exemples; car vu l'immenfité d'étendue & d’épaifleur des dépôts qu’ils attribuent aux eaux continentales , ils ne fauroient en trouver de trop grandes fources. Mais s'ils avoient examiné ces faits, ils n’auroient jamais adopté leur fyftème, ainfi je dois les examiner pour eux. 14. Dès les premiers tems où les eaux pluviales defcendirent de ces lieux (les plus élevés de notre hémifphère) eiles ne purent prendre d’autre route que celles qu'elles fuivent encore; car ce font des vallées qui débouchent fucceflfivement les unes dans lesautres : & comme routes ces vallées font elles-mêmes des excavarions, puifque leurs côtés montrent toujours les féélions de couches , tantôt horifontales, tantôt diverfement inclinées ou culbutées, il a fans doute difparu bien des matériaux dans ces lieux ; & fi les eaux courantes les ont enlevés, nous devons les trouver fur leur route. Prenons maintenant un aflem- blage très-prand, mais bien déterminé, de ces eaux : le Rhône, par exemple , dont les eaux font roujours provenues d’une même étendue de terrein, & dont les différentes branches n’ont ceflé de pafler, depuis que nos continens exiltent, dans les mêmes vallées rentrantes les unes dans les autres, jufqu'à celle par laquelle cet amas d’eaux fort des Alpes, coulant vers le Jura , pour le traverfer après lavoir longé quel- que tems. Dans l'intervalle des deux chaînes de montagnes, ce fleuve, en naiffant , trouva une grande cavité, qui fut d'abord remplie d’eau, c'eft le Zac Léman ou de Genève : là aufi il dépofa fucceflivement routes les matières folides qui fortcient par lui du fein des Alpes; il ne pouvoit en pafler aucune au-delà, avant que cette cavité ne fût comblée : ce- pendant quelque minime qu'elle foir en comparaïfon de la fomme des excavations dont ces eaux ( tant du Rhône que de nombre de torrens) procèdent, tous leurs dépôts n’en ont comblé qu’une minime partie. 15. Ceft-là un exemple en grand de l'efpèce d'examen qu’auroient dû faire , rant les premiers auteurs du fyftême, que ceux qui l'ont adopté, J’étois porté moi-même, au commencement de mes obfervations, à attribuer aflez d'effet aux eaux courantes 3 mais un examen attentif en mille endrois m’a défabufé, Je ne fuis donc pas farpris que, dans lPembarras d'expliquer nos couches de pierre fableufe fans corps marins, en ait imaginé d'abord qu’elles pouvoient être dues à des eaux conti- mentales : maïs avant que de s’affermir dans cette idée, il falloit fe tranf- porter dans des lieux où ces couches couvrent de grandes étendues de pays , SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. o9 en chaînes multipliées de collines ; & là, montant fur les plus hautes de leurs éminences ; pour embrafier un plus grand horifon , examiner d’abord le cours des eaux, puis chercher à fe rendre compte, 1°. du lieu d’où tout ce fable pourroit avoir été tirés 2°. des routes qu’il auroic pu fuivre; 3°. de la manière dont des eaux courantes auroient pu l'érendre par couches fi diftinctes & fi parallèles ; 4°. de ce qui a d’abord endurci fi également ces couches; $°. de ce qui les a enfuice rompues & culbutées avec celles de la péerre calcaire qu'elles recouvrent. Je n'ai pas befoin d'aller plus loin ; chaque partie de cet examen auroit rendu le refle fuperfu; car on auroit été défabufé dès les premiers pas... fi on pouvait l'être. Je crois donc pouvoir reprendre maintenant le cours de ma propre théorie, fans craindre les effèts de ce préjugé chez les na- turaliftes atrenrits, 16. L’efpèce de pierre fableufe qui m'a conduit à cette difcuffion, fut donc le produit d'une précipitation particulière, qui, durant un certain tems , eut lieu fur des parties éparfes dans toute l'étendue de l'ancienne mer. Ce fut, dis-je, une précipitations Car tout le fond de la mer, dominé feulement alors par les grandes arrétes qui font de- venues notre premier ordre de montagnes , s'étoit couvert d’une grande épaifleur de dépôts calcaires, marneux ou argilleux, de forte qu'il eft impoflible de troùver la fource de cette nouvelle fubftance, fi diffé- rente de toutes les précédentes, ailleurs que dans le liquide même d'où font procédées fucceflivement routes nos couches. Quelques naturaliftes avoient penfé que nos /ubles en général, mobiles ou durcis, procé- doient de la décompofition du granis ou d'autres pierres préexiftantes à nos couches. Mais depuis la naïflance de cette idée, M. DE SAUSSURE a certifié que le mn lui-même a été étenda par couches ; de forte qu’il faut d'abord expliquer lorigine de certe fubftance; & qu'ainfi, attribuer les fables à fa décompofition , ne feroit que reculer la dif- culté. On n’ayoit pas comparé d'ailleurs aflez attentivement le /uble qui fe forme réellement du granit, dans les montagnes de fa clafle & dans quelques collines, avec la variété de ceux qui compofent nos diverfes pierres fableufes & toutes les autres couches de fable; variété qui exclud une méme origine. Enfin, on n'avoir pas remarqué (ce que j'ai dit d'abord ) que ces couches repofent par-tout fur d’autres couches qui n'ont aucun rapport avec elles pour la fubftance , & que le granit ne paroît, comme faifanc partie du fol ftable, ni dans les collines , ni dans les plaines formées de tous ces fables, durcis ou mobiles, excepté dans quelques cas particuliers que j'expliquerai, L'origine de cette opinion eft due à la quantité de blocs & de graviers de granit, ainfi que de quartz brifé, qui fe trouvent fréquemment dans les fables mobiles. Maïs à cet égard encore, on n’a pas fait attention ue cesfragmens ne fe trouvent dans aucune des couches dures recouvertes Tome XXXV III, Part. I, 1791. FEVRIER. N 2 co OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE; par fes /übles ; & qu’ainfi, les attribuer à la décompoltion du granit; c’eft renverler l'ordre connu des chofes , en fuppofanr que le granic couvroit d’abord toutes ces couches. Quant à la quantité de blocs de gravier & de granit répandus à la furface de nos continens, cet sûrement un phénomène tiès-remarquable, mais il eft étranger à l’origine de toutes les efpèces de couches fableufes , & poftérieur à la formation de celle dont je traire ici, comme je le ferai voir bientôt. 17. J'ai dit encore que les précipitations qui ont formé la première efpèce de nos pierres fableufes , quoique produites dans toutes les parties de la mer, n’y occupèrent que certains efpaces. C’eft ce que l’obferva- tion nous enfeigne aujourdhui, & qui me paroïît répandre quelque lumière fur l’hiftoire fort obfcure des animaux marins. Ces animaux cefsèrent d'exifler fur les parties du fond dela mer où futdépofé ce premier Jable qui durcit, car on ne trouve plus leurs dépouilles dans ces couches, quoiqu'il y en ait au-deflous & fouvenc au-deflus. D'où il eft naturel de conclure, que fi toute l'étendue de la mer eût été affetée du changement qui produifit cette clafle de couches, les races de ces animaux auroient été détruites. Cette propolition , plus précife que celle que j’avois énoncée dans mes Lertres géologiques , auroit ainfi paru bien plus étrange à M. BURTIN ; mais examinons. Des précipirations fi différentes des précédentes, indiquent , fuivant ma théorie , un grand changement produit dans le l‘qgude, par de nouveaux fluides expanjbles émanés de deflous la croûte; & l'on conçoit d’abord, que dans les parties de la mer où il s’opéra, il put être funefle pour les animaux marins ; quoique dans la fuite d’autres précipitations fableufes, mais de différente nature, n’euffent pas la même conféquence. Confultons maintenant les faits. Depuis la formation de ces premières couches de pierre fableufe, nombre d'efpéces de ces animaux cefsèrent d’exifter 3 on ne les retrouve plus dans aucune des couches qui recouvrent en commun celles de cette pierre fableufe, & les couches de pierre calcaire, de marne ou d’arpille reftées nues. Au nombre de ces nou velles couches, qui n’appartiennent pas à la PÉRIODE dont je traite, font celles de fable mobile, ou de fables foiblement endurcis, qui, fuivant l'expreffion de M. BURTIN, r'effrayérent pas les abitans de la mer ancienne : mais on n’y retrouve, ni les cornes d’ammon, ni les belemnites, ni les ni:mmulaires, ni un nombre d'anomies & d’autres efpèces de hivalves, ni cette nombreufe claffe d'animauxrameux dediverfes efpèces qui forment nos #rochites : ils ne s'y trouvent, dis-je, pas mieux que dans Ja er aëluelle, & les efpèces qui furvécurent à ce chargement, font déjà fort altérées dans ces couches. Voici donc €: que nous trouvons de conflaté par les faits, à l’égerd d’une modi- fication de l’ancienne mer , contemporaine à la formation de la première efpèce de nos picrres fableufes , par où je terminerai mes remarques fur SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 10x cette clafle de couches. 1°, Toutes les efpèces d'arimaux marins ceflèrent d’exifter dans les lieux où cette modification s’opéra immédiatement, 2°. Nombre d'efpèces de ces animaux furent détruites dans toute l'étendue de la mer. 3°. Les e/pèces qui furent confervées fur d’autres fonds , éprouvèrent elles-mêmes de grands changemens, & fe rappro- chèrent ainfi par degrés de celles que nous trouvons dans la meraëuelle, 18. Après avoir ainfi raflemble les principaux faits qui concernent la formation & la Gruation refpective de la fecordecfpèce de couches calcaires & de la première efpèce de couches fableufès, je pafle aux caraflrophes qu'elles ont effuyées, foit féparément, foit en commun. L'afpect de ces couches ne laifle aucun doute qu'elles n'aient été bouleverfées ; mais je ne trouve encore aucune diflinétion claire d’époques, où les unes fuflent déjà fracaflées, tandis qu'il fe formoic ailieurs d'autres couches {ur celles de leur efpèce, & même cet entrelacement s'étend en quelques endroits, jufqu’à des clafles de couches évidemment pofté- rieures à celles-là, & qui n'y font pas compriles ailleurs. C’eft de-là que j'ai tiré la conféquence générale, que depuis la /econde révolution, le ford de la mer éprouva des affaiflemens fréquens, mais partiaux, à différentes périodes des précipitations {ucceflivemenc différentes : & c'eft encore ce qui m'a conduit à m’arrêter à l'époque de ces fuites de préci- P'tations où la première efpèce de couches de prerre fubleufe fat formée ; non comme à une époque générale, mais pour y déterminer, par des exemples précis, le genre de révolution dont je parle. C'eft à quoi je viens maintenant, en commençant par décrire les monumens qui nous reftent de ces révolutions. 19. Les fcènes les plus frappantes de ces défaftres font tous les lieux bas, que nous voyons environnés ou bordés d'éminences , dont les faces abruptes montrent les fédions & la direction des couches qui les compofenr. Si, en examinant ces fééions des couches, on le demande ce que font devenues les parties qui s'y lioient autrefois ; la multitude des phé- nomènes de ce genre & toutes leurs circonftances entraîneront sûrement à conclure, que ces éminences font des refles de fols formés à cette hauteur , & dont de grandes parties fe Jont affaiffees, C’ett ainfi (comme je lai déjà dit dans ma VIIIS Lerrre) que M. DE SAUSSURE , après avoir décrit la vallée où coule le Rhône avant que d'arriver au Zac de Genève, vallée fort large, & qui montre à fes deux côtés les /é&ions abrupres des couches calcaires des montagnes voilines, fe demandoit : « Ces montagnes auroient-elles été anciennement liées entr'elles par » des intermédiaires de même ,pature ? » Îl ne laffirmoir pas alors, mais il étoit sensé de le croire; & je ne doute pas que fes obfervaricus poftérieures ne l’ayent aflérmis dans certe opinion, parce que ce font fes propres remarques ; qui, en me rendant de plus en plus attentif à cette 102 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, claffe de phénomènes, m'ont conduit à mieux déterminer des idées qui ne font qu’efquiflées dans mes Lerrres géologiques. 20. En examinant , dans cette vue de recherche, les faces abruptes des collines & montagnes du fecond ordre, on y trouve quelquefois des monumens certains de la manière dont les mafles qui leur étoient jointes auparavant, en ont été féparées ; car on y diftingue des traces de la route qu’elles ont fuivie. Ces traces font des reftes des parties détachées, qu'on voit en appui contre la face abrupte, & dont les couches font, très-plongeantes. On obferve ce phénomène le long de la face occidentale du Mont-Saléve, près de Genève, & il y en a de fréquens exemples dans la face du Jura qui eft aufi tournée vers le baflin des lacs, Par exemple, dans l'efpace compris entre les lacs de Neufchatel& de Bienne, j'ai compté jufqu'à quatre rangs de ces couches plongeantes , dont les mafles ont gliffé les unes fur les autres ; parce qu’elles étoient divifées par des couches de marne. Le rang le plus bas, qui eft plongé en partie fous le fol du pied de la montagne, s'élève peu; il eft formé de couches minces & fragiles d'une pzerre à chaux rougeître ou jaunâtre, dont le moëllon eft un fort bon fol pour la vigne; fa face très-rapide eft le p/ar des couches, & l'on ne pourroit y monter, fans les crevafles dece mcëllon. Arrivé au hauc de cette face, on la trouve abruptement coupée du côté de la montagne & féparée de la face fuivante par un vallon. Cette coupe abrupte, derrière la face afcendante, montre l’épaiffeur de la mafle à laquelle elle appar- tient; & fi le moëllon dont le fol du vallon eft formé, permet d’en atteindre la bafe, on y trouve une couche épaiflé de marne, conte- nant diverfes efpèces de corps marins, & entrautres des nautiles & des cornes d'ammon. Cette marne qui eft une des richefles rurales du pays de Neufchatel, n'auroit pas été découverte fans fes chütes. Au- delà du petit vallon , fe préfente une autre mafle rapidement afcendante, beaucoup plus étendue en hauteur que la première , & qui fe prolonge vers le bas par-deffous celle-ci : elle a auffi une coupe abrupte par derrière , féparée par un vallon d’une troifième face afcendante; & lorfqu'on peut atteindre fa bafe, on y trouve une feconde couche de marne, La troifième mafle afcendante s'élève beaucoup au-deflus de ce fecond vallon ; & dans les parties de cette face de la montagne où règne un quatrième rang de ces couches plongeantes, il s'étend fort haut, Ces mafles fucceflives deviennent auûfi de plus en plus épaiffes; de forte que la plus haute forme derrière elle une petite vallée, au-delà de laquelle s'élève une fe@ion abrupte de la montagne: c’eft-là que s’eft faite la fracture, & les mafles plongeantes font des reftes de la mage immenfe qui s'eft affaifJee. On retrouve fur le haut de ces montagnes la même pierre calcaire rougeâtre ou jaunâtre à couches minces & SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS, 103 fragiles, qui appartient aux mafles culbutées inférieures; & dans des enfoncemens de ces fommités , au-deflus defquels s'élèvent des feions de ces mêmes couches, on y trouve la même marne, 21. Voilà donc un phénomène précis & dans lequel on voit indu- bitablement que des couches continues régnoient autrefois à la hauteur de celles qui reftent debout , & que la portion de ces couches que nous ne trouvons pas aujourd’hui, a difparu par affai/[ement : car cette portion a laïflé le long des pentes de la fraêture des fragmens qui nous montrent comme au doigt, par leur inclinaifon rapide, la route qu’elle a prife en fe féparant du refte. Et les /acs eux-mêmes, dominés par-tout , ou fur leurs Le ou à quelque diftance , par des fections abruptes, atteftenc encore que tout le grand Paffin qui les renferme, où l'on ne voit que des couches en décombres, a été produit par affaifJemenr. Or ce phéna- mène particulier , fi caraétériftique de la caufe générale du défordre de nos couches , fe retrouve en divers lieux, non-feulement dans cette chaîne de montagnes, mais en nombre d’autres. Ce n’eft là fans doute qu'une circonftance accidentelle, qui peut n'avoir pas été rencontrée, ou remarquée par nombre d'obfervateurs. Mais dès qu’elle a été une fois reconnue , ainfi que fa conféquence indubitable, elle fe lie tellement avec le fait fi commun de faces abruptes montrant des /eéions de couches jufqu’à une grande hauteur, qu'on y reconnoît auffi clairement la caufe indiquée par cette circonftance particulière. 2°. Le grand baflin dont ces /acs occupent une partie , eft à tous égards un des lieux les plus remarquables de nos continens , mais c'eft en même tems un de ceux où règne cette obfcurité dont J'ai fait mention , entre les tems correfpondans de la formation de certains genres de couches * & des cataftrophes d’autres couches avec lefquelles elles ont quelque- fois des liaifons, Ce baffin renferme bien des genres de couches, jufqu'à la Aouille; & on y trouve fur-tout une grande abondance de pierre Jableufe fans corps marins. Or, comme cet efpace eft environné de Le Fa éminences, tellement que les eaux n’en fortent que par des éfilés , on conçoit comment quelques naturaliftes ont pu croire que ces dernières couches ont été formées dans un grand Zac, qui s’eft vuidé depuis en grande partie par des ruptures de fon enceinte ; & c'éroit même là mon opinion aurrefois; mais voici ce qui l’exclud, 1°. On retrouve la mème pierre fubleufe par couches en nombre d'en- droits Aors de l'enceinte. 2°. Lorfque les eaux de la mer fe retirèrent du fein des Æ/pes (ce que M. DE SAUSSURE nomme la débacle ) elles recouvrirent ces couches d'une prodigieufe quantité de moëllon , pro- venant des vallées déjà exiflantes de ces montagnes. 3°. Le /uble de ces couches , pur & homogène , n'a aucun rapport avec l’amas mixte de fubftances'iqu'on voit fortir des éminences voifines, par les rorrens. 4. Enfin (comme je l'ai dic vi-devant) ce qui tranche la queflion à + 104 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, l'égard de cette pierre fableufe, c'eft qu'elle forme en nombre de lieux de vaftes étendues de collines, qui dominent tout ce qui les environne par-delà l’horifon. Les phénomènes du fond de ce baffin , ainfi que de nombre d’autres lieux femblables , font donc encore pour moi une énigme; mais cela n'empêche pas que nous ne puiflions nous former une idée claire de la caufe générale de ce que nos continens ont tant de lieux bas entre des éminences formées de couches rompues , parce qu'elle eft la même dans les lieux où il y a eu le moins de compli- cation d'événemens, que dans ceux dont je viens de parler. C'eft ce qui m'a conduit à choifir le Jura pour premier exemple : nous avons déjà reconnu, par l'infpection de fa face extérieure vers le baffin, que cette chaîne n’eft élevée aujourd'hui que parce que le fol voifin s'eft affaiflé : je vais moptrer maintenant que la même caufe a formé fes vallées. 23. 1°. Il eft commun de voir aux deux côtés des grandes vallées du Jura, les feétions abruptes des couches dont les éminences laté- rales font compofées : alors toute la mafle qui réunifloit ces éminences s'eft affaiffée. 2°. On trouve dans plufieurs de ces vallées le même phénomène que jai décrit en parlant des faces de ces montagnes tour- nées vers le baffiz; favoir, des parties de la mafle affuiflée, reftées en appui contre la /céion ; monument évident de la route qu’a prife la mafle qui remplifloit l’efpace vuide aujourd'hui. 3°. Souvent, quoique ces faces abruptes des côtés des vallées montrent des /eéions de couches affez horifontales , Les mêmes efpèces connoiffables de couches ne font pas au même niveau; & fi la différence eft grande à cet égard, il yen a auffi dans la hauteur des éminences elles-mêmes : alors l’éminence la plus abaiflée a fubi un affuifJement, en même-tems que la mafle in- termédiaire a été engloutie. 4°. Quelquefois les côtés des vallées fe font affaiflés irrépulièrement , & alors, quoique les livres des couches dans les feéions foientà-peu-près horifontales , les couches elles-mêmes font fouvent très-inclinées, ou en avant ou en arrière, ou des deux côtés ou d’un feul, & dans des rapports très- variés. 5°. La def- cription des différens états comparatifs des deux côtés des mêmes vallées , foit des différentes efpèces de défordres qui y règnent, feroie fans fin; on peut s'en former une idée, par la delcription que M. DE SAUSSURE a donnée de ces montagnes au premier volume de fes Voy. dans les Alpes ; ainfi je me bornerai à un cas de plus. Jai vu fur les hauteurs d’un des côtés de certaines vallées, les tranches redreflées des couches, former comme des rangs de vagues parallèles fur de grandes étendues, randis que la croupe des éminences de l’autre côté étoit compofée de couches qui n'avoient que pé d’inclinaifon. 6°. Enfin, quelques vallées étroites ne font que des fraë&ures, fans affaiffement de mafles incermédiaires : ‘alors les couches, rarement au même SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 10$ même niveau des deux côtés, s'inclinent par derrière, ou d’un feul côté ou des deux, vers quelque enfoncement, On veit donc par cet état des vallées du J:7a2 , que non-feulement la plupart d'entr'elles réfultent de la fuppreflion de maffes englouties, mais que les mafñles qui font reftées debout , ont fubi diverfes efpèces de /ecoufles & affaiffémens. 24. Tels font les caraëtères généraux des chaînes du fecond ordre; & f j'ai pris le Jura pour exemple, c'eft à caute de plus d’homogénéité dans les couches , & moins de complication des événemens; & parce que ces caractères y font fi grands, qu'ils ne fauroient être atteints par les petites hypothè'es que l'imagination fuggère fouvent fans examen : mais dès qu’une fois ils ont été reconnus & bien entendus, on les retrouve dans toutes les collines à feétions abruptes, & même en de fimples coteaux, qui, s’élevant au-deflus des plaines , montrent d’un côté des couches plongeantes, & de l’autre une fuce abrupte, En gé- néral, dès qu'on fixe l'attention fur les couches plus élevées que les fols voifins , & que les fuivant de l'œil dans leur direction afcendarte, on les voit fe terminer abruptement vers un efpace vuide, on ne peur fe refufer à l’une de ces deux idées : ou que les mafles ainfi élevées ont été Joulevées, ou que les fols environnans fe font affaiffés. Mais Joulever ces mafles, n’elt rien pour la Géologie; car fon objet fonda- mental eft d'expliquer , comment la mer, qui les a formées, ne couvre plus, ni elles ni la totalité de nos convinens. Or j’ai démontré à priort dans ma lettre précédente, que le /oulévement des continens eux - mêmes eft une chimère; & ce qui me refte à dire confirmera par des faits dire@s , l'argument fondamental de cette démonftration. 25. Par-tout où j'ai voyagé, fur les montagnes & les collines, comme dans leurs vallées & dans les plaines, j'ai rouvé dans d'immenfes efpaces, & jufques fort avant dans le fol meuble, des Blocs & graviers de pierres primordiales ; & par les relations que j'ai eues d’autres contrées, ainfi que d'après les ouvrages de plufieurs naturaliftes, je fais qu'il en eft de même fur tous nos continens : c’eft en particulier un des phé- nomènes décrits par M. PALLAS, dans l’ouvrage cité ci-deflus. Ayant déjà donné quelques détails particuliers à ce fujet dans mes lettres précédentes, je me contenterai d'ajouter ici qu’on trouve ces pierres * primordiales , foit en très-grandes mafes, foit quelquefois en tas énormes de gravier, fur les hauteurs du Jura, mais fur-rout furles pentes & dans les fonds de fes vallées, qui fouvent par-là, fi lon n’y voyoit dans le haut les fetions des couches calcaires , pourroient à peine être diftinguées des vallées mêmes des Alpes. On trouve ces pierres dans les contrées les lus diftantes de coute chaîne du premier ordre; & à cet égard la Wefiphaie & la partie feprentrionale de la £afe-Saxe font fort remar- quables. Dans ces contrées, une couche épaiffe de fable mobile recouvre: Le plus fouvent, tant fur les hauteurs que dans les lieux bas, des couches O Tome XXXVIIT, Pare. I, 1791, FEVRIER, 106 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, en défordre, de pierre fableufe ou calcaire, de marne où d'arpilles & les Socs de pisrres primordiales font enfevelis jufques fort avant dans cette couche fupérieure. On remarque fur-tout en divers endroits de ces pays des enfoncemens où les blocs de granit font tellement entaflés au fond & répandus fur les pentes , qu'ils font naître claire- ment l'idée d’explofions, par lefquelles ces fragmens des couches 11- férieures one été réjettés au dehors; & nulle autre idée ne vient faire concurrence à celle-là, C’eft donc indubitablement à des explofions, qu'eft dû ce grand phénomène géologique: ces explofiors n'ont pas été accompagnées d'éruprions volcaniques , car, dans aucun des lieux dont Je parle, on ne rencontre ni lave , ni fcorte, ni p'erre-ponce : cependant elles doivent avoir été produites par des fluides expanfibles viaiemment comprimés. 26. Voici donc un criterium pour les deux propoftions du dilemme auquel nous avons été conduits par l’état actuel de nos couches :ilne s'agit que de déterminer celle des deux hypothèfes, de foufévement ou d'affaiffement, qui s'accorde avec de telles explofions. Nous venons de voir que dans l'hyporhèfe des foulévemens , ce font les continens eux- mêmes qui doivent avoir été foulevés au-deïlus du nivean de la mer, Mais (ai-je dit dans ma lettre précédente) la croûte fe feroit bientôt rompue; & les fluides expanfrbles s'échappant elors , leur effort auroit ceflé : or elle s'eften effet rompue en mille & mille endroits, dans l’ce pération quelconque, qui a formé nos montagnes & nos collines , & qui a mis aufli tant de défordre dans les couches de nos plaines; puifque l'on trouve par-tout des fragmens de fes parties inférieures, qui ont été rejettés au dehors : ainfi il eft impoflible que nos cuntinens ayent été mis à fec par foulévemenr. Tout devient fimple au contraire dare la théorie des affaiffemens : car la chüte feule des parties rompues de la croûte , dans des cavernes remplies de fluides expanfibles , fait naître l'idée de la plus violente compreffion de ces fluides, & par conféquent de toutes les explofions dont nous voyons les effets. 27. Tout ceci fe pafla encore fous les eaux de l'ancienne mer, où nos continens acquirent par degré leur forme aétuelle ; & je fuis même Join de L'ÉPOQUE où ils furent mis à fec, fur quoi je ferai une remarque générale. C'eft pour avoir voulu attribuer à quelque caule dominante des phénomènes auffi divers & aufli compliqués que le font ceux de la furface de notre globe, que tant d’hyporhèles cppofées fe difputent encore l’aflentiment de l'imagination , & qu'aucune ne fatistait la raifor, Avant que de donner confiance à aucune hypothèfe généra e fur l'état a@uei de notre globe, 1l auroit fallu chercher à y lier, d'une manière intelligible, la formation de tant de couches diverles. dont nos continens fe trouvenc compofés, & tous leurs phénomènes généraux : car il eft naturel de penfer que cette liaifon a exifté entre SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 107 les événemens. C’eft aufli ce que j'ai eu conftamment en vue en tra- vaillanc durant un bien long-tems à former ma théorie; & voici main- tenanr comme elle rend compte des révolurions dont nous venons d'examiner les monumens, À chaque affaiffement de la croûte, occafionné ar la retraite continuée des fubflances molles inférieures , il n’en refta à fa hauteur originelle, que les portions rerenues par les ramificarions folides. Or ces ramificarions étaient entrecoupées tant lonoitudinale- ment que tranfverlalement, & leurs fommers étoient irréguliers, foie pour Ja haureur, fit pour la forme, Ce furent ces circonftances qui dé:erminèrenr l'état des parties qui reftèrent élevées, & c’eft la forme même de ces ramifications qui a été imprimée dans nos chañies d'éminences. 28. Dans ces affaiffemens de la croire, accompagnés en tant d’en- droits d’éruprions de fragmens des fub'tances primor/iales, quelques parties des couches de ces fubftances furent redreflées ; par où elles arrivèrent en quelques endroits au niveau des couches fecondaires cul- burées & les furpaffèrent même quelquetois. De-là réfultèrent de petites chaînes de co/lines à couches primordiales, parmi d’autres collines, formées de couches fecondaires, & mème quelquefois de fimples rertres des deux clafles, entremêlés dans des efpaces de peu d’étendue. J'ai obfervé ce phénomène en des lieux où la furface du fol étoir enrre- coupée comme de grandes vagues , dont les unes étoient de granir, d’autres de /Chfles, ou de pierres ‘calcaires de diverfes efpèces ; tandis que dans le voifinage on trouvoit des couches de fable mobile, ren- fermant des corps marins déjà fort rapprochés de’ ceux de notre rer. Un des pays remarquables pour ces mélanges, eft celui qui fe trouve entre Spa & Aix-la-Chapelle. 29. Enfin il y a dans je défordre de nos couches un autre phéno- mène très-remarquable, qui exclud encore les /oulévemens , & confirme les afaiffemens ; ce font de grandes cavernes , dont les plusremarquables fe trouvent décrites dans les ouvrages des naturaliftes, mais qui font en bien plus grand nombre qu’on ne le fait d'ordinaire, & dont j'ai obfervé plufeurs. Ces cavernes fe trouvent entre des couches qui ont été féparées par la mêtne révolution qui a produit les autres dé- rangemens qu'on y obferve, Si cette reévolurion avoit été opérée par Joulèvement , la preffion s'exerçant alors du bas en haut, les couches fupérieures n’auroient pas pu être portées plus haut que celles qui les foulevoient : dans les affarflemens au contraire, les couches in- férieures, entraînées par la gravité feule, ont pu, en certaines circonf- tances, fe féparer des fupérieures. Ces grandes cavernes font ordi- pairement dans des collines calcaires : or nous avons vu ci-deflus, que les couches de ctte pierre font fouvent entremêlées de couches de marne molle, & que dans leurs chûtes communes ces dernières ont quelquefois produit la divifion des premières en mafles difinétes. Tome XX XVIII, Part. I, 1791. FEVRIER, O 2 108 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE; Voilà donc aufli la caufe des cavernes : la féparation des mafles de p'erre calcaire étroit facile dans les plans divifés par la marne ; & [fe dans leur a aiffement commun , certaines mafles de couches fe trou- voient fraéturées au- deffous d’une couche de marne, tandis que la mafle fupérieure confervoit fa continuité, quelques parties des premières, entraînées dans de plus grands vuides que leurs voifines , ont pu fe féparer de la mafle fupérieure, qui, par fa continuité, s’eft foutenue au- deffus en forme de voûte. J'aurai occafion de revenir à ces cavernes. 30. Je terminerai certe lettre par un mot fur les f/ons. . . Un mot fur un fi grand phénomène, . .! C’eft qu'il eft fort fimple dans la Géologie générale, & que je n’entrevoie que fort peu de chofe dans ce qui fait fa grandeur aux yeux des minéralogiftes, La première caule des f£lons eft évidemment des fffures des couches ; & cette circonftance eft aifée à concevoir d’après l'état des fols où on l'obferve , puifque tout annonce de plus grands bouleverfemens, La gangue générale, foit le contenu commun de ces ffffures, a la même origine que toutes les fubftances de nos continens; elle a été féparée du liquide par précipitation : le quartz & le fpath qui y dominent, fe trouvent mêlés de diverfes manières dans les couches mêmes, Voilà, dis-je, qui peut fufire à la Géologie générale : mais quant à la raifon particulière de ce que ces premières fubftances fe font raflemblées dans les fffures , & à la fource dont font provenues celles pour lefquelles nous exploitons les f£lons, je n’ai que de foibles conjedures à offrir. 31. En partant d'une opinion commune parmi Îes mineurs, que les filons fe Jont enrichis par le bas, & que c'eft par des exhalaifons Jorties des entrailles de la terre; & ayant examiné avec eux les phé- nomènes fur lefquels ils fe fondent, je crois y voir une lueur d’expli- cation dans ma théorie. Lorfque ces fffures, qui font aujourd'hui nos filons , arteignoient le bas de la croûte, les exhalaifons (ou fluides expanfibles) qui, fortant de tems en tems en grande abondance , changeoient Ja nature des précipitations dans le liquide , devoient pafler confamment dans ces ouvertures; & ainf elles pouvoient y produire des effets chimiques, qu’elles n’cpéroient pas dans les efpaces libres; & d'autant plus que les fubftances mêmes des côtés des fentes pou- voient contribuer à ces modifications. Cette dernière circonftance paroît en effer avoir eu beaucoup d'influence fur le contenu des f{ons , quand les ffures traverfoient diverfes efpèces de couches ; & il yen a un exemple remarquable en Derbyfhire, où des f£lons de mine de plomb traverfene des couches alternatives de pierre calcaire, & de toad-flone, pierre que plufieurs naturaliftes regardent comme de la lave : car ces filons ne contiennent de la galéne que dans leur trajet au travers des couches ealcaires. SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 109 32. Enfin, d'après un examen attentif des fflors, du minérai qu'on en tire & des opérations docimafliques , j'avois conçu une idée que j'exprimai aiofi à la page 335 du troilième volume de mes Leures géologiques : « Je penche à croire que cf? nous qui faifors tous les » metaux, excepté l'or, & la petite quantité de métaux natifs, ou qui » fe trouvent prefque formés dans les mines ». Je vois toujours plus de probabilité dans certe idée ; c’eft-à-dire, que ce que nous nommons le minérai, me paroîc confifter en de certains mixtes, dont quelques- uns des ingrédiens , féparés par nos opérations, s’uniflent à d’autres que nous leur offrons empiriquement, & ferment ainfi ces divers corps que nous nommons meraux & demi-méraux ; corps fufibles, qui m’avoient point exiflé dans cet état avant nos opérations, Je répè'e cette idée, au moment où les expériences de Schemniz, déjà fameufes quoique naïflantes, femblent jufqu'ici indiquer la métallifation de fubftances nouvelles, par des procédés docimafliques. Je viendrai, Monfieur, dans ma lettre fuivanre à des couches cal- caires dont je n’ai pas traité ici, & à celles de Aouille, Je fuis, &c. SE C'ONND'E'TLE T'TRE DE M VAN-MARUM, A M. LE CHEVALIER MARSILIO LANDRIANI; Conrenant la Defcription des nouveaux Froitoirs électriques adaptés & la Machine Teylerienne , de leur effet en comparaifon des autres, & des Obfervations , qui font voir en général quelle doit étre la conftruélion des Frottoirs électriques , pour en obtenir le plus grand effer. Mowsreur, Après vous avoir communiqué , dans le mois de mars de l'année paflée, la defcriprion de mes, nouveaux frottoirs électriques, & les expériences qui ont fait voir que leur effet furpafle de beaucoup celui des frortoirs ordinaires (1), j'ai tâché de faire adapter à la machine ceylerienne , aufli- (5) Journal de Phyfique pour l’année 1789 , tome XXXIV , page 274» ro OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, tôt qu'il m'a été poflible, des frotroirs de la même conftruétion, non- feulement pour augmenter la force de cette machine, mais pour corriger en même-tems les défauts qui rendoient cette machine très-difficile à s'en fervir fans l’afliftance d’un mécanicien habile : défauts dont j'ai fait mention au commencement de ma première Lettre, & dont vous fütes le témoin oculaire en novembre 1788. Plufieurs circonftances , dont le détail feroit inutile, m’ontbeaucoup retardé dans cetreentreprife. Ce ne fut qu'à la fin d'août de l’année paflée, que j’eflayai à la machine teylerienne la première paire de frotroirs faits tout-à-faie de la mème manière que ceux dont je vous ai communiqué la defcription. Leur effet répondit fi bien à ce que j'en avois attendu , que l'excitation obtenue par ces deux frottoirs fur prefque proportionnelle à l’exciration des frottoirs pareils à ma machine de trenre-deux pouces de diamètre, & qu'il n'y eut abfolument aucun rerour du fluide excité vers les frottoirs; mais l’adhéfion du taffetas ciré au verre étoic fi forte , & caufoit tant de réfiftance, qu'un feul ouvrier fe trouvoir à peire capable de tourner le plateau, & cette adhéfon étoir prefqu'également forte, quoique les frottoirs fuffent fi peu preflés, que l’amalgame touchoit à peine la furface du verre. J'ai cherché à diminuer cetre adhéfion , en faifant faire du taffetas dont la furface; qui touchoit le verre, eût de petites inégalités, qui éroient cependant trop petires, pour donner occafion à quelque retour confidérable du vide électrique vers les frottoirs ; mais cette recherche fut fans fuccès. L’adhéfion du taffetas, & la réfiflance qu'elle caufoir à la machine teylerienne, étoit toujours beaucoup plus grande que j’avois attendu, après les expériences que j'avois faites auparavant concernant la réfiftance de ces nouveaux frotroirs à ma machine de trente-deux pouces de diamètre, ayant cru que certe réfiftance feroic à-peu-près en proportion de la grandeur de la furface frottée ; maïs Fexpérience a appris qu’elle furpafloit de beaucoup cette proportion (1). La conftruction de la machine teylerienne ne permettant pas, à caufe de l'ifolement de fon axe, d'y appliquer autant de force qu’il auroit été néceffaire pour tourner les plateaux, étant frottés tous deux avec deux 0 (x) Plufeurs phyficiens qui ont fait des frottoirs fuivant la defcription dans ma Lettre précédente , m'ont communiqué après , que ces frottoirs, pour donner l'effet que j'en ai décrit , caufoient beaucoup plus de réfiflance que j'en avois trouvé. Moi- même j’ai obfervé aufli après à ma machine de trente-deux pouces de diamètre, quelquefois une réfiftance très-extraordinaire , à caufe d’une plus forte adhcfon du taffetas au verre , fans que la preffion des frottoirs ni l’excitation fuflent plus fortes qu'à l'ordinaire. D'autres fois la réfilance ou l’adhéfion du même tafferac étoit égale à ce que j'en avois obfervé auparavant. Quelle que foit la caufe de cette différence , je n'ai pu la découvrir. SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. xt paires de frottoirs, qui caufoient autant de réfiflance que ceux que j'avois effayés , Je fus donc obligé de chercher un nioyen de la diminuer. Comme ces experiences que j’avois faites auparavant avec ma machine de trenre-deux pouces, m'avoient fait voir que la réfiflance caufée par J'adh.fion du tafferas eft ordinairement la plus forre, en cas qu'on prévienne tout-à-fait ou prefque tout-à fait le retour du fluide électrique excité vers les frottoirs , & qu’un retour peu confidérable le diminue de beaucoup , jeflayai de conftruire ces frortoirs, de manière que quelque retour du buide éleétrique vers ces frottoirs auroir lieu, mais qui feroit cependant trop peur pour diminuer de beaucoup leur effet. Ce rerour n'ayant pas ou prefque pas jieu quand on fixe l'amalgame fur le taffèras méme, comme fur les frottoirs que j'ai décrits, je commençai alors d'effayer s'il me feroit poilible de fixer l’'amalgame fur du cuir, de manière que le retour du fluide éjeétrique ne feroir pas plus fort que néceflaire , pour diminuer autant qu'il falloit l'adéfion du taffetas à la furface frortée des plateaux. Après un grand nombre d’expériences faites fuivant les principes que j'ai expofes dans ma Lettre précédente , j'ai réufli enfin à faire conftruire des frortoirs pour la machine reylerienne , auxquels le rerour du fluide életrique excité eft très- peu confidérable , fans que les plateaux foiene plus difficiles à être tournés qu'auparavanr, Au refle, j'ai {uivi tout-à-fait les principes que j'ai établis dans ma Lettre précédente, comme des règles qu'on doit fuivre en conftruifant des frotroirs électriques pour en obtenir le plus grand effer. Les expériences que j’ai faites depuis ce tems- li, & ce que j'ai vu de l'effet de différens frottoirs faits par d’autres électriciens, m'ont convaincu de plus en plus que ces principes fonr bien fondés , & que Peñler des frortoirs eft en générel plus où moins grand , à mefure que leur confiruétion s’accorde plus ou moins avec les principes que j'ai démontrés Les froroirs actuels de la machine teylerienne, faits fuivant les principes fufdits, furent achevés dans le mois d'oétobre de l’année paflée. Depuis ce tems-là je m'en fuis fervi pour toutes les expériences que j'ai faites avec certe machine, J'ai chargé aufli quelques centaines de fois notre grande batterie, & je puis vous affurer que pendant tout le cours de ces expériences je n’ai pas trouvé le moindre défaut, de forte que je n’y ai rien changé ou renouvellé depuis plus d’une année, excepté feulement l'amalgame, & que cependant ces frortoirs donnent, après tant d’ufage , un effec rout-à-fait aufli grand que lorfqu'ils furent nou- vellement conftruits. Pour vous faire voir diftinétement en quoi les frotroirs de la machine reylerienne, & l'appareil qui fert à les appliquer , diffèrent de la conftru&tion des frottoirs que j’ai détaillés dans ma Letrre précédente, je fuivrai ce décail en marquant à chaque article ce que j'en ai fuivi exactement, & ce que j'en ai changé, xr2 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, L. Pour prefler également les deux frottoirs de chaque paire par toute leur longueur , & pour régler cette preflion avec toute la facilité &c Vexactitude que l'on puifle defirer, j'ai fuivi exatement la conftrudtion de l'appareil fait à ma machine à plateaux de trente-deux pouces de diamètre, décrit pag. 276, 277 du Journal de Phyfique 1789, tome XXXIV, & repréfenté fig. 4 & fig. $, 6 II. Pour fixer promptement l'appareil otéit à la machine, & pour” l’en pouvoir ôter facilement , je me fuis fervi aufli de ces deux plaques de cuivre, dont l’une gliffe dans l’autre, décrites page 277, & reprélentées fig. 2, 3. Par le moyen de ce mécanifme, pour appliquer & prefler les frortoirs, la machine teylerienne eft attuellement très-facile à manier, puifque tous Les frottoirs en étant ôtés, foic pour les mieux conferver , ou pour renouveller l'amalgame , ils peuvent être remis à leur place, & preflés exactement , autant qu'il faut, en moins de cinq minutes, & en être Ôtés en moins de trois minutes; ce qui étoit auparavant un ouvrage bien difficile à exécuter, comme vous avez vu en novembre 1788. J'en ai expliqué la raifon dans le commencement de ma Lettre précédente. III. Pour faire prefler chaque frottoir également par touté fa longueur : j'ai fuivi auf la conftruction des frottoirs décrits dans ma Lectre précé- dente, ayant fait faire le corps du frottoir d'un bois dur, fec & bien choif, afin qu'il ne foit pas fujer à fe courber. Je les ai fait faire ordinairement de bois de chêne de la largeur de deux pouces & de l'épaifleur d’un pouce, & j'ai fait faire les furfaces qui fecrouvent vis-à-vis des plateaux , auf planes qu'un menuifier habile a pu les faire. Au refte, j'ai fait fixer ces corps des frottoirs à l'appareil qui fert pour les prefler , de la même manière que j'ai décrite, page 278, fig. $ & 6. IV, Au lieu de revêtir ce bois de velours (pag. 279 ), je lai revêtu premièrement, fuivant M. Kienmayer ( Journal de Phyfique 1788, tome XXXIIL, page co ) de la peau de chien fuédois, dont on fait des gants; mais comme il eft crès-difiicile de fe procurer cette peau dans cé pays-ci, je me fuis fervi après de la peau de veau mince, qui eft préparée, autant qu'il paroît, de la même manière, & qui ne paroîr différer de la peau de chien qu'en ce qu’elle eft un peu plus épaifle ; ce que j'ai crouvé bien conveuable. J'ai fair faire de la fu:face intérieure de la peau la furface extérieure du frottoir, parce que la furface intérieure étant moins polie, eft plus propre pour y fixer l'amalgane. Pour obtenir que le cuir couche le verre par toute la longueur du frottoir , lorfqu'il eft preflé légèrement , j'ai cherché de mettre deflous le cuir quelqu’étoffe très-douce , très-élaftique, & en même-tems d’une épaifeur égale. Les couches de drap, dont M. Kienmayer fe fert, ou de quélqu'autre étoffe de Jaine, que plufeurs éleétriciens emploient, ne m'ont paru ni: aflez douces, ni aflez élaftiques pour cet effet. Les crins de chèvre, dont d’autres phyficiens fe fervent, n’ont point les défauts "4 SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 113 défauts fafdits ; mais il eft extrêmement difficile de les placer par toute la longueur des trottoirs à une épaifleur égale, fur-rout fi ces frottoirs dont aufi longs que ceux de la machine teylerienne. Après toutes les éxpériences que j'ai faires là-deflus, il m'a paru que ‘es fils de laine connus ici fous le nom de Zaine des Labadifires (1), fatisferoienr mieux à tout égard. Je place une centaine de ces fils fur la furface du bois dy frottoir , qui eft vis-à-vis du plateau, & je Les fixe-là en les liant proche des deux extrémités du frottoir; mais en faifant cela il faut avoir foin qu'ils ne foient prefque pas tendus. Avant de placer les fils fufdits fur le bois du frottoir , on prend un morceau quarré de cuir , aflez long pour la longueur du frottoir, & aflez large pour couvrir tout autour le bois du frortoir. On fixe un des bords de ce morceau de cuir avec des petits clous fur la furface poftérieure du bois en D , fig. $. Ayant placé alors de la manière fufdite les fils de laine fur la furface B , 2 , on replie le cuir, tellement qu’il couvre le bois de tout côté, & on le fixe de la même manière fur la face DB par le D ,en commençant au milieu de la Longueur du frottoir , & continuant de les clouer à gauche & à droite; mais avant qu'on foit avancé jufqu'aux fils par lefquels la laine eft liée fur le bois du frottoir, on les Ôte. Il faut avoir foin fur-tout, que le cuir foit également tendu par toute la longueur du frottoir ; ce qu'on peut facilement diftin- guer , en faifant attention à l'élévation ou à la convexité de la furface frotrante du frottoir, Les fils de laine fufdits ont cet avantage fur d’autres étoffes qu'on aemployées pour cet effer, qu’ils peuvent fe déplacer vers lun ou l’autre côté , quand on prefle le frottoir contre le plateau ; ce qui fait qu’en cas que la furface frottante du cuir ne foit pas tout-à-fait plane dans le commencement , elle le devient pourtant en étant appliquée au plateau. Je ne doute pas qu'un ou deux moellerons de laine, d’une épaifleur égale & convenable , ne puiflent également fervir à cet effet, quoique je n'aie pas eu occafion de l'eflayer, parce qu’on ne travaille pas la laine ici. V. Pour prévenir entièrement le retour du fluide électrique excité vers l’amalgame , j'appliquai l'amalgame fur le taffetas même; mais je vous ai déjà expofé la circonftance qui m'a fait changer cette méthode pour la machine teylerienne, & employer une autre qui ne diffère de la manière de M. Kienmayer d’appliquer l'amalgame, qu’en ce que j'ai foin que le taffetas touche d’abord le verre frotté après que l’amalgame ne le frotte ou ne le touche plus. Pour cer effet je ne fixe pas le taffetas au bord du frottoir , comme M. Kienmayer, mais fur fa furface frottante même. Les électriciens de ce pays-ci le fixent ordinairement au milieu de (x) Ces fils de laine ne diffèrent des fils de laine ordinaire , qu’en ce qu’ils font très-légèrement filés; ce qui fait qu’ils font plus épais & plus élaftiquese Tome XX XVIII , Part. I, 1791, FEVRIER, Er 114 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, la largeur du frottoir , en coufant-là le bord doublé du tafferas avec des fils de foie. Le taffetas des frottoirs précédens de la machine ceylerienne étoit fixé de cette manière, dont je vous ai expliqué le défaut rrès- effentiel dans ma Lertre précédente, page 28, fig. 4. Voici ma methode : je divife la largeur du frortoir en trois parties égales, & je rire une ligne noire à deux tiers de la largeur, à compter de fa partie poftérieure a c, fig. 4. Je prends alors une pièce du taffetas, auquel j'ai donné auparavant les dimenfons néceflaires ; je trace une ligne noire à environ un demi-. pouce de diftance du bord du taffetas que je veux fixer au frotroir. Je place alors le taffetas fur le frottoir, de manière que le bord fufdit fe trouve près de la partie antérieure du frottoir, & que la ligne noire du taffetas eft exaétement deflus la ligne noire du frorroir, ainfi que la furface du tafferas qui doit toucher le plareau, quand on emploie le frortoir, eft tournée vers le frortoir. Je fais coudre alors les deux lignes noires fufdites l’une fur l’autre avec du fil de foie, de manière que les points de couture fe trouvent à-peu-près à la diftance d'un quart de” pouce l’un de lautre, Je replie enfin le taffetas, niais afin qu'il fe plie | alors facilement & bien également dans la même ligne droite où 1ont | ces points de couture, j'ai foin de donner un pli au raffetas dans la ligne noire fufdite, & le replie avanr de lé mettre fur le frottoir. Il ne | refte alors que de mettre l’amalgame fur le frorroir , excepré que le tafferas doit être rendu ; j'en parlerai ci-après. j Ayant mêlé l’amalygame avec de la graifle de cochon , je l’érends par le moyen d'un plioir d'ivoire fur le cuir, ayanr foin de faire la couche au mince qu'il éft poflible, excepté proche le bord du tafleras , où jen mets autant qu'il eft néceflaire pour effcétuer que l'amalgame qui fe trouve tout près du bord du tafferas, touche aufli le plateau. Je mets auf un'peu d’amaleame fur le bord fufdit du vaffetas , de la Jargeut d'environ une demi-ligne ; mais il faut fur-rour faire attention que la couche d'amalgame fur le rafferas foit auf mince qu'il eft pofhble de le faire. La moindre quantité qu’on en puifle y mettre fatisfair ordinairement le mieux, J'étends auf l’emalogame vers la partie poftérieure du frottoir, jufqu'à ce qu'il puiffe roucher la plaque de fer À, fg. $; quand le frotroir y ef fixé, afin que la partie de l’amaloame qui rouche ou frotte le verre, ait une communication non inrerrompue avec de bons conduéteurs qui fourniflent le fuide éledrique , ce qui eft un point capital. VI. Pour prévenir que le tafferas ne fe metre pas en plis, ce qui eft un défaut confidérable aux frortoirs ordinaires appliqués à de grandes machines à plateaux, comme je l'ai expolé dans ma Lettre précédenre ; pag. 282 & | 283 ,ie me fuis fervi d’un moyen femblable à celui que je vous ai expliqué , en rendant le tafferas fair une aiouières; mais j'ai fait faire certe aiguière d’une manière beaucoup plus Fmple que celle que j'ai décrire. Au lieu de l'aiguière de cuivre, pag. 283 , 284, fig. 9 , j'ai fait faire le bois SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS, xs du frottoir plus long qu'il auroit été néceflaire pour le frottoir même, afin qu'il avance crois pouces hors le bord du plateau. Cette partie n’a cependant que la moitié de la largeur du bois du frottoir , pour donner place aux vis FF, fig. $ ; de forte que cette partie eft coupée de la même manière que l'aiguière de cuivre, fig. 9,en CI. A l'extrémité de certe partie du bois fe trouve à angle droit une règle de bois de la largeur d’un pouce & de l’épaifleur d’un demi-pouce. Elle y eft jointe de manière que fa furface, qui doit être tournée vers le plareau , fe trouve dans le mê ne plan avec la {urface du bois du frottoir, qui efl revêtu de cuir amalgimé. Certe règle de bois fair donc avec le bois du frottoir une aiguière far lsquelle le rafferas peut êcre rendu de la même manière que {ur l'aiguière de cuivre de ma Lertre précédante, Au lieu de fixer le caffetas fur la +ègle de bois par des fils de foie , comme j’ai fait fur l’aiguière de cuivre, je fixe chaque pièce de raffetas par deux vis, qui par le moyen des pièces d'acier, qui ont la forme d'un U, & qu'on place fur la règle fufdite, tiennenr le rafferas rendu , en le preffant contre la furface de la règle, qui eft rournée vers le plareau. Cerre manière de tendre & de fixer le raffetas avec des vis, au lisu de le coudre ou de l'arracher avec des petirs clous, a cet avantage, qu'en Cas qu'on trouve, après qu'on a employé les frottoirs, que le tafferas ne foic pas ailez bien rendu & fe merre en plis, on puifle le changer pendant que les trottoirs font appliqués à la machine, & le rendre comme il faut, dans l'inftant. VIE. Pour diminuer l'adhéfion du raffetas au verre fro té, j'ai pris pour chaque frorroir de la précédente conitruétion deux pièces de rafferas de différentes efpèces ( page 295 ), dont l’une par l'inégalité de {a furface n’avoit pas une adhéfion fi forte au verre frotté ; mais cemme j'ai prévenu par la conflruction même du frortoir, que l'adhéfion du taffetas ne donne pas plus de réfiftance que celle des frottoirs ordinaires, je me fers à préfent feulement d'une pièce de rafferas pour chaque frotroir. Voilà donc enfin, Monfieur , la defcription des nouveaux frotroirs que j'ai fait faire à la machine reylerienne , & de l'appareil par lequel je les y ai faic adapter dans le mois de feprembre de l’année paflée, Je ne me fuis pas preflé de communiquer plurôt certe defcription , afin d’avoir en attendant l'occafion d'obferver l'effet de ces frottoirs, après qu'ils ont été faits & employés depuis un tems aflez confidérable, & d'en comparer l'effet avec celui des meilleurs frottoirs qu’on a faits ailleurs. Je defirerois beaucoup de pouvoir faire à préfent queiques expériences fimples pour comparer exactement l’effec des frottoirs actuels , avec celui des frottoirs de la machine teylerienne faits dernièrement par M. Cuthbertfon en 1786; mais comme ces frottoirs font trop ufés pour donner l'effet qu'i s ont donné en 1786 , je ne peux pas m'en fervir à préfent pour cette comparaifon. Je ne peux aufli faire ufage de la batterie que j'employai dans ce tems-là pour comparer le nombre de rours de plateaux, & parce Tome XXXVII, Part, I, 1791. FEVRIER, P 2 116 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, que je la chargeoïis auparavant avec le nombre de tours qui la charge aduellement , parce qu'on l'a trop changée depuis ce tems-là, & parce qu'elle contient beaucoup plus de furface garnie. Le feul moyen qui me refte pour comparer la force aëtuelle de la machine teylerienne avec celle qu'elle avoit auparavant , les frottoirs fufdits étant encore neufs , eft de comparer le nombre de tours de plateaux par lequel la batterie dont je me fuis fervi dans ce tems là fe charpeoir , avec le nombre de tours que _ je dois employer actuellement, pour charger notre batterie au même degré d'intenfité dans des circorftances également favorables, La batterie dont je me fuis fervi en 1786, quand les frottoirs fufdits étoient encore neufs, étoit de deux cens vingt-cinq pieds quarrés de furface garnie. Elle fut chargée en cinq cens foixante tours de plateaux, au point qu’elle fe déchargeoit de foi-même lorfqu’elle avoit eté expofée auparavant au foleil, fuivant ma coutume dans ce tems-ci; mais alors la batterie n’étoit pas chargée à un aufli haut degré d'intenfité , fuivant l'indication de l'éleétromèrre , que deux ou trois heures après que le verre avoit été échauffé, Auf je n’ai jamais obfervé le plus grand effer de cette batterie , qu'après que le verre avoit été bien refroidi; mais alors la batterie n’a jamais éré chargée au plus haut degré en moins de deux cens tours de plateaux , fuivant le journal que j'ai tenu de ces expériences. Nous prendrons donc le nombre de deux cens tours de plateaux pour mefure. Or, comme c’eit une expérience bien avérée parmi les électri- ciens, qu’une barterie exige d'autant plus de tems pour être chargée au même degré, qu'elle eft plus grande, la force de la machine étant égale, on voit d’abord, par un calcul très - facile, que fi on avoit befoin de deux cens tours de plateaux pour charger complettement la batterie précé- dente de deux cens vingt-cinq pieds quarrés , la batterie actuelle de cinq cens cinquante pieds quarrés auroit exigé environ cinq cens tours de plateaux, pour être chargée au même degré, en cas que la force de la machine teylerienne fût reftée la même. Or, depuis le 2 jufqu’au 13 avril dernier, j'ai chargé cette batterie au plus haut degré, prefque chaque jour, en moins de cent tours de plateaux , après avoir mis de l'amalgame für les frottoirs, & je lai pu répéter ordinairement plufieurs fois , fans avoir befoin de cent tours de plateaux pour charger la batterie au même degré. Bien loin que cette bärrerie für expofée avant l'expérience aux rayons du foleil (ce qui éroir impoflible à caufe de fa grandeur ), elle a refté depuis le 15 mars fans être netroyée, & cependant je l’ai pu charger encore complettement le 13 avril en cent tours de plateaux. Les deux éle‘tromètres que j'ai placés {ur cerre batrerie , me faifoient voir que je la chargeois chaque fois au plus haut degré que le verre pouvoit fouffrir, parce qu'ils indiquoient prefque la même charge qui avoit caflé trois fois de fuite un des verres dont la batterie eft compofée. Je doutois cependant que la batterie für réellement chargée à la même intenfité que la batterie SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 117 précédente, ou fi la décharge fpontanée de la batterie par laquelle un des verres fut caflé, avoit lieu avec une moindre intenfité de charge, à caufe que le verre ne permertoit pas peut-être un fi haut degré d'intenfité, Pour examiner ce qui en étoit, j ai eflayé quelle longueur je pouvois fondre du mème fil de fer d'— pouce de diamètre (qu'on dit N°.1r dans le commerce), dont je n'ai jamais pu fondre plus de dix pouces avec la plus haute charge de la batterie précédente, parce qu’il eft connu, que lés longueurs des fils de fer d'une épaifleur égale ;, qu'on peut fondre par des décharges de différentes batteries, ne fe trouvent pas en proportion des grandeurs des batteries qu’on ne décharge qu’en cas que les batreries foient chargées à la même intenfité. Or, deux cens vingr-cinq & cinq cens cinquante pieds quarrés étant en proportion comme $Oo & 24? pouces, j'ai pris donc du fil de fer fufdit vingt-quatre pouces & demi ( mefure angloife) , & je lai fondu tout-à-fait par la décharge de la batterie, de manière que toute fa longueur fut convertie en globules rouois, qui furent difperfés au loin. J'ai répété dans cette faifon plufieurs fois cette expérience en préfence de Meffieurs les direéteurs & membres de notre fondation, & en celle de plufieurs phyficiens & curieux. J'ai enfin deux fois en leur préfence réufli à fondre tout-à-fait vingt-quatre pouces & demi du fil fufdit , après que la batterie fut feulement chargée de quatre-vingt-dix tours de plateaux. Vous voyez donc , Monfieur , que notre batterie actuelle de cinq cens cinquante pieds quarrés eft chargée par la force aétuelle de la machine teylerienne par moins d'une cinquième partie de tours de plateaux , qu’on auroit eu befoin pour charger cette batterie au même degré, fi la machine avoit la même force qu’elle avoit dans fon meilleur état précé- dent, après le renouvellement des frottoirs en 1786, & que par confé- quent la machine teylerienne a actuellement plus de cing fois autant de force, qu’elle a eu auparavant, Je n’attribue pas cependant cette augmentation de force tout-à-fait 2 la conftruétion de ces frottoirs , ou à la manière de les appliquer. L’amal- game de M. Kienmayer augmente ordinairement l'éffer de tous frottoirs électriques. M. Kienmayer évalue l’augmentation de l'effet des frortoirs électriques ordinaires à + (1). Je crois que cette évaluation n’eft pas trop grande pour les frottoirs ordinaires ; mais je puis dire toujours que cet amalgame n’augmente pas plus que = l’effer des frotroirs de la conftruétion de ceux de la machine teylerienne , c’eft-à-dire, quand on y applique Vamalgame ordinaire de zinc & de mercure aufli bien qu'il eft pofible, Prenons cependant l’évaluation de M. Kienmayer pour jufte : alors la batterie actuelle auroit été chargée avec environ trois cens tours de TEE et tend (1) Journal de Phyfq ue, août 1738, 118 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, plateaux au lieu de cinq cens rours. Mais comme les frottoirs adtuels {a chargent en quatre-vingt dix à cent tours, vous voyez donc quelle augmentation de force doir êrre inconteftablement artribuée à la conf- truction même des nouveaux frotroirs, & à la manière de les appliquer. La réfiflance que caufent ces nouveaux frorroirs , n’eft pas plus grande que celle des frorroirs ordinaires. Les plareaux {ont tournés par quatre hommes comme auparavant , pour des expériences d'une longue durée, Deuxhommes d’une force ordinaire {ufhient cependant pour les expé- riences qui ne durent pas long-rems , puifque les plateaux font rournés par un poids de foixante ou foixante-dix livres fufpendu à la manivelle, On dira peut-être que la conftruction des frotoirs actuels de la machine teylerienne convient plus avec celle des frottoirs précédens , qu'avec celle des frottoirs que j'ai décrits dans ma Lettre précédente, puilque amal- game n’y eft pas appliqué fur le rafferas, mais fur le cuir, comme on a fait auparavant. On verra cependant, en failant avec plus d’atrention la comparaifon des frotroirs & de l'appareil pour les appliquer , que c'eft le feul point par lequel ils conviennent avec les anciens frortoirs, & qu’ils en diflèrent réellement, 1°. par la manière d'y fixer le tafferas ainfi que le caffecas touche le verre frotté aufli-tôt qu'il quirre l'amalgame; ce qui prévient à-peu-près le retour du fluide électrique vers l'amalgame ; 2°. par la conftruétion du frottoir même, puifqu'elle fair que Le frortoir touche plus également Je verre; 3°. par la manière de tendre le taffetas , afin qu'il ne fe mette pas en plis, comme il arrive ordinairement avec le tafferas des frotroirs ordinaires, fur-tout des frotroirs de grandes machines ; ce qui donne occafon au retour du fluide électrique vers le frottoir, en forme de rayons foudroyans (comme vous avez vu ), & ce qui caufe par confé- quent une perte de force aflez confidérable; 4°, par la manière de preffer les deux frottoirs de chaque paire au moyen d'une feule vis, afin que la preffion de Pun & de l’autre aux deux furfaces du verre foit néceffairement égale, C’eft à ces quatre améliorations des frotroirs & de leur appareil, que j'attribue principalement l'augmentation confidérable de force que j'ai obtenue. J'avoue cependant que l'effet des frotoirs actuels de la machine tey- lerienne n’eft pas rout-à-fait aufli grand que celui de mes frottoirs faits de tafteras, fur lequel l’amalgame étoir fixé par un vernis , comme je l’ai décrit dans ma Lettre précédente. J’ai fait faire à ma machine des frottoirs tout-à-fait femblables aux frottoirs actuels de la machine teylerienne , pour en comparer l’effer avec celui des frortoirs que j'y ai adaptés l’année paflée , & j'ai vu que l’effet de ces frottoirs , qui ont lamalgame fixé fur le taffetas même, eft ordinairement un peu plus grand que celui des frottoirs de la dernière conftruction. La différence eft cependant petire, & n’emporte ordinairement pas plus d’un demi-tour fur dix à douze tours \ de plateaux, - SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 119 Depuis que j'ai communiqué la conftrudtion & l’effer des frottoirs décrits dans ma Lettre précédente, M. Curhbertfon a fait lui-même le 30 avril 1789 chez moi, des expériences comparatives fur l'effet de ces frottoirs & celui des frortoirs fairs exprès, auxquels il avoit donné la dernière perfection, qu'il avoit pratiqué quelque tems avant, & que jignorois. Je joindrai dans la note (1) la traduction littérale d'un avis qui étoit avoué par M. Cuthbertfon avant d’être imprime, par fa Lettre du 8 mai, & que j'ai donné dans un Journal hollandois , qui porte le titre Algemeene konft & Lerterbode, daté du 15 mai 1789. 1 eft cependant à confidérer que M. Curhbertfon a préféré de fe fervir dans ces expériences de l’amalgame ordinaire pour {es trottoirs, & qu'il a voulu attribuer , quelque-tems après, la grande différeice de Peffer à l'amalgame, L’ayant invité en vain de revenir 1c1 pour répéter avec moi ces expériences comparatives à fon gré, j'ai pris ei fin fes frortoirs qui avoient fervi le 30 avril; j'y ai appliqué l'amalgame de M, Kienmayer, auf bien qu'il m’a été poffible, & quoique j'aie répété cette expérience trois fois en différens jours, & dans un tems variable, il m'a été impollible de charger le verre armé du 30 avril au même degré, $ fois en moins de onze & demie à douze tours de plateaux, quoiqu'elle le charge ordinairement cinq foi; en fix à fept tours en employant mes frotroirs, : 6 J'ai vu après, il y a environ une année, que M. Curhbertfon a beaucoup perfectionné fes frottoirs, ayant fait , fuivant ces principes, (1) « Quand je communiquai à M. Cuthoertfon la de‘cription de mes nouveaux » frortoirs éleétriques , le 30 mars 1789, il me dit avoir corrigé depuis peu de tems » les frottoirs ordinaires. Je le priai d’abord de faire une paire de froitoirs füivanc les » correétions ( que j'ignorois abfolument jufqu’à ce moment), & de fe rendre avec » eux a Haerlem le plutôt polfible, pour les eflayer avec mes frottoirs , afin de publier » quelqu’annonce du réfultat de ces expériences comparatives. M. Cuthbertfon y » confentit. & il ferendit à cet effet ici le 30 avril. Je priai M. Triends, membre » de la fociété teylerienne , d’aflifter à ces expériences. Nous employâmes la même » bouteille que j’avois employée dans mes expériences comparatives précédentes , » ayant un peu plus d’un pied quarré de furface garnie , pourvue d’un éleftromètre » de Lane, dont nous plaçämesles boules de deux pouces de diamètre exaétement » à la d'fance d'un demi-ponce. Effayant premièrement une paire de frottoirs per- » feétionnés de M. Cuthbertfon, la bouteille le déchargea cinq fois en feize tours de » plateaux. En répétane Pexperience la bouteille fe déchargea autant de fois en feize » tours & demi & enfüuite en dix-fept tours de plateaux. Plaçant alors au lieu de ces » frottoirs une paire de mes frottoirs, pendant que le condutteur & l’éle&romètre » quiy étoit joint reftoient fans être touchés, la bouteille fe déchargea cinq fois » en fept tours de platesux , & le fit égalementen répétant l'expérience mertant au » lieu de ces frottoirs une autre paire de frotroïrs, dont l’amalgame, avrès avoir » fervilong-tems, étoit déjà perdu à quelques endroits , la bouteille fut chargée cinq » fois en fix tours. Les frottoirs de M, Cuthbertfon érant remis au lieu des derniers, » Ja bouteille fut chargée cinq fois en dix-fept tours de plateaux »« 120 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, que jai expofés dans ma lettre précédente du 23 mars 1789, — 1°. que le raffetas touche d’abord le‘verre frotté , après qu’il a quitté l’amalgame, en fixant , avec de la colle ,letaffetas au milieu du frottoir; — 2°, que la furface du tafferas , qui touche le verre, foit unie & fans irrégu- larités ; — 3°. que letaffetas foit tendu, afin qu'il ne puifle fe mettre en plis; mais il y avoit fait ufage d'une autre manière, qui m’a paru cependant moins facile pour s’en fervir. J’ignore de quelle manière il les fait à préfenr. La manière de fixer le taffetas avec de la colle ou quelque vernis me paroifloit alors aflez bonne: j’ai fait faire de cette manière une paire de frottoirs, mais ils ne m'ont pas fatisfait aufli bien que les autres , à plufeurs égards, Je ne vous expoferai pas à préfent les défauts que jy ai obfervés, craignant que cette lettre ne devienne trop longue. Vous prendrez sûrement plus d'intérêt de favoir la comparaifon de l'effet de nos frottoirs avec celui des meilleurs frottoirs dont on fe fert en Angleterre. Etant à Londres en juillet & août dernier, j’ai vu chez leurs auteurs les deux méthodes qu'on a là d’exciter les cylindres de verre, dont les phyfciens anglois fe fervent généralement. M. INairne fe fert encore de la méthode qu'il a décrite ( voyez 14e def- criptions & Nairnes éleëtrical machine, page $5 ; 16) employant du taffetas noir, qui ne paroît pas différer du taffetas ordinaire. If en couvre tout le frottoir, & la furface portée du cylindre à-peu-près jufqu’au point abforbant du conduéteur. Son amalgame eft compofé de zinc & de mercure, & ne paroît pas différer beaucoup de l’amaloame de Higgins (Philof. Tranfac. for the Vear, 1778, vol. LXVIIT, pag. 561). Il ne lapolique pas fur le frottoir, mais il en fixe une couche très- mince fur un morceau de cuir, avec lequel il frotte le verre de tems en tems. De cette manière le frottoir acquiert de très- petites parcelles d'amalgame que le cylindre acquiert premièrement du cuir amalgamé, & qu'il porte fur le frottoir. Les frottoirs de M. Nicholfon ne m'ont pas paru différer de ceux de Naïirne , mais fa méthode d'appliquer l’amalgame diffère, en ce qu'il graifle auparavant le cylindre avec de la graiffe de chan- delle, comme il l’a décrit dans les Philof, Tran/ac. for the Year, 1789, vol LXXIX part, If, pag. 273. Pour comparer l'effet de mes frottoirs avec celui des frottoirs de M. Nairne, j'ai acheté à Londres, chez M. Nairne, une machine à cylindre , telle qu'il l’a décrite dans fa defcription fufdite , & lui ayant communiqué en même-tems mon deflein, je l’ai prié de me choifir un cylindre qui donnät le meilleur effer. J'ai commencé ces expériences comparatives avec un frottoir fait fuivant ma conftruction à la machine de M, Naïrne, & pourvu du taffetas dont je me fers ordinairement, J'ai SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 121 J'ai comparé leffet de ces deux frotroirs, qui avoient la même grandeur, de la même manière que j'ai décrit dans ma lettre précé- denre, en chargeant une bouteille jufqu’à un certain degré ; j'érois farpris de voir que cette bouteille füt chargée prefque auffi vite dans le commencement, par le frottoir de M. Nairne , que par le frotroir fäit fuivant ma conftruction. Le {eul avantage du dernier confiftoit en ce que fon effet étoit plus conftant, & qu'on n’avoit pas befoin de renouveller fouvent lamalgame. Comme j'avois eflayé auparavant une paire de frottoirs, faits fuivant la conftrudtion de M. Nairne, & pourvue du taffetas noir de France, qu'on vend ordinairement ici, y ayant appliqué l’amalgame de zinc & de mercure fuivanc fa méthode, & n'en ayaat obtenu qu’à peu-près la moitié de l'effet de mes frortoirs, je crus que le meilleur effet du frottoir de la machine de M. Nairne devoit Ctre attribué, foit à la différence de fon taffetas, ou à fon amalgame, ou à trous les deux. Pour examiner ce qui er étoit, j'ai fait conftruire pour ma machine à plateaux de 32 pouces de diamètre, une paire de frottoirs, fuivanc la conftruction de M. Nairne, en y employant du même taffetas que je m'étois procuré chez lui. J’y appliquai aufli fon amalgame de fa manière. Lorfque l'effec en éroit aufhi grand qu’il m’a été pofible d'en obrenir, il différoir néanmoins plus d’un quart de l'effet de mes frotroirs, J'obfervois aufli que cet effet étoit de très-peu de durée, étant moins conftane encore qu’à la machine de Nairne. = Cherchant alors fa caufe qui fait que les frottoirs fuivant la conftruction de Nhirne , ne farisfont pas aufli bien à ma machine à plateaux qu'à la machine à cylindre de Nairne, & répérant dans cette intention les expé- riences comparatives des différens frottoirs avec le cylindre, j’obfervai, — 1°. que le taffetas ciré de mes frotroirs na touchoit pas toute la furface frortée du cylindre, à caufe que le diamètre du cylindre au milieu de fa largeur eft plus petite que vers les extrémités, & qu'il n’eft en aucun endroit parfairement rond; ce qui fair que fa furface eft fi inégale, que le tafferas ciré ne peut toucher le cylindre, fur-tout quand il eft tourné , le taffetas n’érant pas aflez flexible pour cet effet. Le tafferas noir de M. Naïrne au contraire, étant très-flexible, le touche par-tour, —2°. Cette même inévalité du cylindre empêche que l’amalgame de notre frortoir ne touche pas toujours le cylindre, quand il eft tourné, parce que l’amalgame fe trouve ici fur le cuir , qui efttrop peu flexible & auf trop peu élaftique pour cet ufage : mais fur le frottoir de M, Nairne l’amalgame, par fa manière de l’appliquer, fe place fur certe partie du tafféras qui couvre le cuir du frottoir, fans y être lié, & qui s'applique , par Pattraction , au verre ; ce qui faic que l'amal- game , dans ce cas, touche & frotte continuellement le cylindre. C'eft à ces deux circonftances, & fur-t&nt à la dernière que j'attribue 13 Tome XXXVIIL, Part I, 1791. FEVRIER. # 122 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE; raifon qu'au feul cas qu’on faffe ces expériences comparatives avec un cylindre comme celui de Nairne, l'effet d’un frotroir de Nairne eft égal pour quelque tems à l'effet d’un frottoir de notre conftrudion ; parce que l'inégalité fufdite du cylindre empêche le dernier de faire tout fon effer. J'ai fait faireenfin un frottoir fuivant ma conftruction , très-doux & très- élaftique en même-tems, pour que lamalgame touche le cylindre par- tout, quandil eft tourné: mais tout ce que j'ai eflayé jufqu’ici pour cet effet, a été fans fruit, & je n'ai pu obtenir par cette raifon ure excitation du cylindre plus forte que par le frottoir de Naïrne ; de façon que je le confidère comme le meilleur pour les cylindres faits comme ceux de Nairne, qui ne font pas parfaitement ronds; mais je ne doute cependant pas qu'un frottoir de notre conftruétion ne fatisfafle mieux que celui de Nairne à un cylindre qui feroit parfairement cylindrique, parce qu'il eft tout-à-fait décidé, par les expériences dont je viens de parler , que ces frottoirs füivant la conftruétion de Naïrne perdent beaucoup en comparaifon des nôtres quand ils font employés pour frotter des plateaux. Je m'étois propofé d’ajouter ici la comparaifon de l'excitation obtenue par mes frooirs avec celle que M. Nicholfon a obtenue par fa mérhode d’excirer un cylindre, fuivant l'effet qu'il en a décrit dans les PAilo/oph. Tranfaë. L, c. mais comme je fuis obligé d'entrer en même-tems dans la difcuffion de plufieurs articles, pour que cette comparaifon füt mieux fondée, je fens que cette Lettre deviendroit par-là trop longue, je le différerai donc pour une autre occafon. Je dirai ici feulement , que quel que puiffe être l’effec de cette méthode d’excirer en employant des cylindres , elle ne fatisfait pas mieux que celle de Nairne pour l'excitation des plateaux; ce que j'ai appris par des expériences réirérées avec autant de foin qu'il m’a été pofible d’y donner. Avant de finir cette Lettre, il faut encore répéter, pour ceux qui defireroient de fe faire des frottoirs , fuivant la conftrudtion de nos frottoirs , que le choix du taffetas eft un point aufli effentiel pour avoir Je plus grand effet des frottoirs que je viens de décrire, que pour ceux que j'ai décrits dans ma Lettre précédente. Je me fuis fervi pour la machine teylerienne du taffetas ciré, dont j'ai parlé (page 291), mais j'ai effayé aufli plufieurs autres efpèces de taffetas de différentes manufadtures. J'ai vu les taffetas de la plus grande portée, & j’ai appris par-là que le taffetas, pour fatisfaire au mieux, doit avoir les qualités fuivantes : 1°. qu'il foit bien électrique , c’eft-à-dire , qu’il ne conduife abfolument pas l'électricité; & par conféquent qu'il ne foit pas fujet à attirer l'humidité de l'air; 2°. qu'il n'ait point, ou au moins fort peu d'inégalités, fur-tout à la furface qui touche le verre ;, 3°. qu'il ne foit pas roide, ou au moins aufli peu qu'il foit péflible de l'avoir , afin que fa roideur , de même que l'inégalité de fa furface , ne l'empêche pas de toucher ésale- SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 123 ment le verre frotté ; 4°. qu'il ne foie pas trop épais, puifqu'alors le pli du tafferas qu'on fait à l’endroir où le raffetas eft fixé au frottoir fe lève trop fur le cuir; ce qu'il eft néceflaire d'évirer (voyez fect. V). 5°. Le taffetas ne doit pas être fi mince , que le fluide électrique le traverfe pour fe rendre fur la partie antérieure du frottoir; ce qui n'arrive que très- rarement quand le taffètas eft huilé ou verniffé. C’eft après un très-grand nombre d'expériences, que tout le tafleras, foit qu'il foit verniflé, ou huilé, ou ciré proprement dit, fatisfaic également, pourvu qu'il aic routes les qualités fufdites, Tour le tafferas qui ne m'a pas fatisfait, manquoit de l’une ou de l'autre de ces qualités. Le raffetas huilé qu’on vend à Londres fous le nom de oiled filk , conduic ordinairement plus ou moins le Auide électrique ; & quand il ne le conduit pas, il a encore le défaut que la furface la plus unie eft trop-gluante , ainfi qu'il s'attache trop au verre ; & l’autre furface eft trop peu égale. J'ai eflayé plufieurs autres efpèces de taffetas, que j'ai fair chercher dans différentes boutiques à Amfterdam, & qu’on difoit être du tafleras ciré, mais qui conduifoit auîfi pour quelque partie le fluide éledrique. Le raffetas ciré, qu'on fair à Z'ei/?, à trois lieues d'Utrecht, dont plufieurs électriciens fe fervent à Amfterdam , a trop d’inégalités , & eft aufi ordinairement ep épais, & par-là moins convenable pour être appliqué'au frottoir comme il fau. Le raffetas noir ordinaire, comme aufi celui dont M. Naïrne fe fert, appliqué à nos frottoirs au lieu de taffetas ciré , eft trop mince pour une excitation fi forte que la nôtre, ainfi que le fluide électrique traverfe le tafferas près de la partie antérieure du frottoir, & retourne vers lui en forme d'une grande quantité de rayons , qui font vifbles dans l’obfcurité par toute la longueur du frortoir. J'ai effayé fi ce défaut du taffetas ordinaire pourroit être évité en employant une étoffe de foie plus épaifle, & j'ai pris pour cette raifon Le fatin. Le Auide électrique ne le perce pas ; mais le farin a l'inconvénient d'être trop épais, & ne peut pas être fixé par cette raifen fur le frottoir comme il faut. De plus fi même le tafferas & le fätin n’avoient pas les défauts fufdits , ils ne pourroïent néanmoins fervir fi bien aux frottoirs éledriques , que dans des pays plus fecs que le nôtre, puifque chez nous la foie eft fouvent trop humide pour ifoler, Ayant porté mes recherches pour perfectionner & comparer les frottoirs électriques, aufli loin qu'il m’a été poffible, j’expofe à préfent les réfultats que j'ai vus bien des fois , & dont je fuis tout-à-faic afluré, ain que j'ofe promettre à tous ceux qui fuivront dans la conftruétion des frottoirs pour des machines à plareaux , les principes que j'ai expofés, & qui auront foin d'éviter Les défauts des frottoirs ordinaires, que j'ai décrits, auront autant d'effet de leurs frottoirs que moi, pourvu que les plateaux foient d'un verre propre à être excité ; on en pourra cependant varier la conftruétion de différentes manières, & on nourra rendre l'appareil pour Tome XX XVIII, Pare. I, 1791. FEVRIER, Q 2 124 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, appliquer & preffer les frottoirs, moins coûteux, fans perdre par-là beaucoup d'effet , fi on fe tient feulement aux règles que j'ai établies, J'ai vu déjà avec plaifir, que les principes que j'ai expofés dans ma Lettre précédente , font adoptés par plufieurs éleétriciens , & qu’on a en général gagné plus de force, à mefure qu’on les a fuivis de plus près. J'ai l'honneur d’être, &c,. Haerlem , le 28 Décembre 1790. EXPÉRIENCES ET OBSERVATIONS Sur a diffolution des Métaux dans bs Acides , & leurs précipitations , avec l’expojition d'un nouveau menftrue acide compofe & utile dans quelques opérations thecniques du départ des Meraux ; : Par M. J. Kerïr, Membre de la S.R. (extrait des Tranfaëions Philofophiques ). 1 Ce Mémoire a été lu à la Société Royale le 20 Mai 1790. Je me propofe dans l'écrit fuivant de rapporter deux fortes d'expé- riences,, les unes pour montrer les effets d’un mélange des acides vitrio- lique & nitreux dans la diffolution des métaux, & Les autres pour décrire quelques phénomènes curieux qui ont. lieu dans la précipitation de l'argent, de fa diflolution dans l’acide nitreux par le fer & par quelques autres fubftances. J’efpère dans un autre Mémoire fubféquent de continuer Vobjet des diffolutions métalliques (1) & de leur précipitation , 1°. en ajoutant quelques expériences fur les quantités & les efpèces de gaz produits par la difflolution de différens métaux dars différens acides, en égard aux circonftances; 2°. en foumetrant certaines propolitions géné= (x) Le mot anglois fo/urion a deux fignifications en Chimie , l’une qui exprime Paéte de la diffolurion , comme quand on dit, « qu'une folution eft une opération » chimique » ; & l’autre qui dénote la fubflance diffoute dans fon menfirue, comme » une foluiion d’argent dans l'acide nitteux ». Quant au mot diffolurion , lx déno- mivation françoife eft également équivoque dans les deux fens ci-deflüs mentionnés. E traitant un objet dans lequel il eft fouvent nécellaîre d'employer ces mots quelque- fois dans la même phrafe , ÿ’äi cherché à éviter {a confufion , en employant le morde Jelusion pour exprimer la fubftance difloute dans fon menfirue, & le mot diffolusion pour dénoter l’aîte même du diflolyant, ; ; RÉ cac ne émane on à. SUR L'HIST, NATURELLE ET LES ARTS. 12$ rales qui femblent fe déduire des faits rapportés, & enfin en terminant par quelques réflexions relatives à la théorie de la diflolution métallique & de la précipitation, j PREMIÈRE PARTIE. Sur les effets d’un compofé des Acides vitriolique & nitreux, eu égard à diverfes circonflances dans la diffolurion des Métaux. SECTION PREMIÈRE. Du mélange d'Huile de Viriol & de Nitre. 1°. On connoît les travaux des chimiftes & leurs recherches fur les propriétés des acides & d'un de leurs compofés connu {ous le nom d’eau régale ; mais il refle encore à examiner non-feulement diverfes autres combinaifons de différens acides, mais encore les changemens des propriétés qu'éprouvent les acides mélangés , par la difference des cir- conftances , fur-tout par la corcentration , la température, & ce qu’on appelle proprement où improprement la phlogification. VIe 2°. Comme j'aurai fouvent occafon de parler de la phlopiflicarion ou déphlogiflication des acides, je dirai que par ces termes j'entends feule- ment un certain état ou qualité de ces corps, mais fans aucune explication théorique. Ainfi on peut dire que l'acide vitriolique eft phlogiftiqué par Paddition du foufre où d’une matière inflammable, par laquelle il eft converti en acide fulfureux , fans déterminer fi ce changement eft caufé par l'addition d'un prétendu principe phlopiflique , comme le pente un certain ordre de chimiftes, ou par l'addition d'une fubitance ir flam- mable obtenue en retirant de l’acide une portion de fon principe aéré, ce qui fait prédominer le foufre, autre principe du même acide, comme le prétendent d’autres chimiftes. Il feroit à defirer que les mots fuflent totalement indépendans de la théorie , que les chimiftes qui diffèrent les uns des autres, dans quelques points de pure fpéculation , puflent cepen- dant tenir le même langage, & rapporter leurs fairs & leurs obfervations, fans détourner fans cefle l'attention par les explications qui ont éré imaginées. Quant à préfent nous ne pouvons choifir qu'entre les rermes dérivés de l’ancienne théorie & ceux qui ont été propofés par les auteurs d’une nouvelle nomenclature. Je prends le premier parti, ron par une prédilection de cette théorie, mais parce quétant adoptée depuis long- tems par les chimiftes, j'aurai l'avantage de me faire entendre par les deux partis, & fur-tour parce qu'en employant les termes de l'ancienne théorie, j'ai la liberté de les circon{crire, & de ne leur artribuer qu'une fimple défignation des faits & de l’état atuel des corps, pendant que le langage & la théorie des chimifles antiphlogiftiques étant dans une dépendance réciproque , on ne peut les féparer, & que les termes qu'ils 130 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE; adoptent ne peuvent fervir à une fimple expofñirion des faits; indépendante de tout développement théorique. C'eft ainfi que le terme phlogi ication dans le fens que je l'emploie , exprime » PA la préfence où l'exiftence Pun principe hypothétique d'inammabilité ; mais une certaine qualité bien connue des acides & des autres COTPS qui leur eft communiquée par Vaddition de plufieurs fubftances inflammables adtuelles. Aiofi l'acide pitreux acquiert une qualité pblogiftique par l'addition d'un peu d’efprit- de-vin , ou par la diftillation avec quelque fubftance inflammable. 3°. Ilrya point de fabftance dont les chimiftes & les artiftes faffent lus fouvent ufage que de l'acide vitriolique & de celui du nitre; cependant j'ai trouvé qu'un mélange de ces deux acides concentré pofsède des propriétés , que chacun de ces deux acides pris féparément & au même degré de concentration ; n'a point & quon ne pourroit oint facilement déduire à priori €n partant de nos connoiflances actuelles en chimie. ÿ 42. Ayant mouvé par quelques effais préliminaires que l'huile de vitriol dans laquelle on avoit faic difloudre du nitre, étoit propre à diffoudre l'argent avec facilité & en abondance , pendant qu'il n’attaque oint le cuivre, le fer, le plomb, le régule de cobalr, l'or & le platine, jai conçu que CE mélange pouvoit fervir dans quelques Cas du départ de lPargent; combiné avec le cuivre ou avec quelqu'un des autres métaux dont je viens de parler. Ayant obfervé aufli que le pouvoir diffolvanc d'un mélange des acides vitriolique & nitreux varie beaucoup fuivanc les divers degrés de concentration & de phlogiftication jai au me devoir Jivrer à cet objet de recherches, propres à répandre de nouvelles lumières fur la théorie de la diffolution des méraux dans les acides. C'eft dans certe vue que j'ai fait les expériences fuivantese s°. J'ai mis dans une cornue à long cou 109 grains pefans d'huile (1) de vitriot à la denfité ordinaire à Jaquellé on le prépare en Angleterre s c'eft-à-dire , dont la gravité fpécifique eft à celle de l'eau comme 1,844 à 1, & 100 grains de nitre pur, qui 4 été diffous dans l'acide à la chaleur du bain-marie, J'ai ajouté à ce mêlange 109 grains d'argent pris pour étalon, & la cornue ayant été mife au bain-marie, On Y a adapté un appareil pneumato-chimique pour recevoir l'air où tout fluide gazeux qui pourroit fe dévager. L'argent a commencé à fe diffoudre & la folution a acquis Ja couleur d'un pourpre tirant fur le violer. Il n'eft paffé fous la cloche qu'un peu d'air commun de l'intérieur de la cornue, à raifon de l'expanfion que la chaleur du bain - marie lui avoit fait éprouver » & quelques vapeurs nitreufes qui fe montroient dans la cornue , & qui ayant été ————— ça) Cette cornue » en ÿ comprenant le cou, pouvoit contenir 1400 grains pefant d’eau, ou, [vivant Vexprefion de M, Prieflley ; 1400 grains mefure. SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS, ?123 enfuite condenfées ont donné lieu à une afcenfion de l’eau Je Jon du cou de la cornue & l'ont fait mêler avec cette folution. Le refle de l'argent non diflous a été féparé & pelé, & il s'eft trouvé qu'il avoit perdu 39 grains; mais probablement il en auroit été diflous davantage fi l'opération n’avoit pas été interrompue par l’afcenfion de l'eau dans la cornue. 6°. Dans le même appareil, 200 grains d'argent pris pour étalon ont été ajoutés à un mélange de 100 grains de nitre précédemmenc diffous dans 200 grains pefant d’huile de vitriol, & dans ce menitrue, l'argent a perdu 92 fans produire aucun air ni fluide gazeux. La folution qui étoit d’un violet pourpre, ayant été verfée hors de la cornue, étant encore chaude ( car avec une fi grande proportion de nitre, de tels mélanges , fur-tout après qu'ils ont diflous l'argent , font fujets à fe congeler au moindre froid ) pour en féparer l'argent qui n'avoit poine été diflous, & ayant été remife dans la cornue fans argent, j’ai verlé 200 grains pefans d’eau dans la cornue, ce qui a produit une forte effervefcence , & il s’eft élevé 3100 grains pefant de gaz nitreux fous la cloche. En verfant deux cens grains d'eau de plus dans la cornue, il s’eft élevé 600 grains du même fluide gazeux. Des additions ultérieures d’eau n'ont plus produit de dégagement de gaz, & l'argent ayant été encore plongé dans cette folution ainfi délayée, n’a plus produit aucune effer. vefcence fenfble , & n’a plus perdu que deux grains de fon poids. 7°. Dans le même appareil , F0O grains d’argent pris pour étalon ont été expofés à un mélange de 30 grains de nitre diflous dans 200 grains pefant d'huile de vitriol , & dans cette opération, 80 grains d'argent ont été diffous pendant qu’en même-tems il s’eft élevé 4500 grains pefant de gaz nitreux fous la cloche. Lorfque l'argent non diflous a été ôté, 209 grains d’eau ont été ajoutés à la folution, qui étoit d’une couleur violette , & par le mélange des deux fluides il eft furvenu une effer- vefcence ; mais il ne s’eft dégagé qu'un petit nombre de bulles de gaz nitreux. 8°, Dans le même appareil, 100 grains d’argent pris toujours au même titre ont été plongés dans un mélange de 200 grains pefant d'huile de vitriol , de 200 grains de nirre & de 200 grains d’eau, & dans cetre opération il s'eft diffous 20 grains d’argent fans aucune émiflion fenfible d'air ou de gaz. 9°. Dans ces expériences le cuivre contenu dans l’argent pris pour étalon , a communiqué une couleur rouge à la mafle faline qui s'eft formée dans cetre folurion , & c’étoit comme du cuivre calciné dont étoie parfemé le fel d'argent. Je n'ai point apperçu d'autre différence entre les effets de l'argent pur & de l'argent pris pour étalon, diflous dans cer acide. -10°. J'ai alors plongé de l’étain dans le méme mélange d'huile de 312$ OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, vitriol & de nitre, l’appareil étant le même ainf que toutes les autres circonftances, en prenant toujours foin d’ajouter plus de métal qu'il ne pouvoit s'en diffoudre, afin qu'en pefant le refte on püt déterminer la quantité qui peut être difloute , comme je l’ai faic à Pégard de largeur, Voici les réfulrats que j'ai obtenus: 11°. L'étain n’a point été diflous ni calciné par lee mélanges faits dans la proportion de 209 grains d'huile de vitriol à 200 grains de nitre, ni par aucun autre mêlange dans la proportion de 200 grains d'huile de vitriol à 150 grains de nitre, & par conféquent il ne s’eit dégagé aucun gaz dans ces deux opérations. 12°. Avec un mélange dans la proportion de 200 grains d’huile de vitriol & 100 grains de nitre, l’étain a commencé aulli-tôt à être attaqué; mais il ne s’eft dépagé aucun fluide gazeux qu'après deux heures de digeftion dans l'hsile bouillante ; ce dégagement a alors commencé & a donné une apparence de glace au mélange, qui étoit d'une couleur blanche opaque à caufe de la poudre d’étain qui y éroir répandue. Dans cette expérience la quantité d’étain ainfi calcinée éroit de 73 grains, & la quantité de gaz nitreux dégagé durant cette action du menftrue fur V'érain a été de 8500 grains mefure. Alors en verfant 200 grains d’eau dans la cornue, une nouvelle effervefcence eut lieu entre l’eau & la mafle opaque blanche, & il pafla 4600 grains de gaz nitreux fous la cloche. 13° Avéc'un mêlange dans la proportion de 100 grains d'huile de vitriol à 200 grains de nitre , il y eut 30 grains d’étain qui furent diffous ou calcinés, & le gaz nitreux, qui commençoit à fe dégager beaucoup plurôr que dans la dernière expérience où il y avoit une plus grande pro- portion denitre, fut porté à 6300 grains. L'eau ajoutée à cette folution de l’érain, ne produilit aucune effervefcence. 14°. Avec un mêlange dans la proportion de 200 grains d'huile de vitriol , 200 grains de nitre & 200 grains d'eau ,il y eut 133 grains d’étain qui furent diflous avec une effervelcence violente & un dégage- ment de 6500 grains de gaz nitreux. 15°. Les divers mêlanges ci-deflus avec différentes proportions de nitre & d'huile de vitriol au moyen de la chaleur du bain- marie calcinèrent le mercure en une poudre blanche verdâtre, Le nickel fut aufi en partie calciné & en partie diflous par ces mélanges. Je n’apperçus point qu'aucun autre métal en fc attaqué, à cela près que les furfaces de quelques-uns éroient ternies. 16°. Ces mélanges d'huile de vitriol & de nitre étoient fujets à fe: congeler par l'ation du froid, ceux fur-tout qui avoient une grande proportion de niître. Ain(i un mêlange de 1000 grains d'huile de vitriol & 480 grains denitre, après avoir refté fluides plufieurs jours dans unefiole qui n'étoit pas affez exattement fermée pour empêcher entièrement le paffage de quelques vapeurs blanches, fe congelèrent à la tempérnture de 55° du SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 129 du thermomètre de Farenheit, pendant qu’une certaine partie du même liquide ayant été mêlée avec partie égale d'huile de vitriol ne fut glacée qu'à 45° du froid. La congélarion ef favorifée par l’expofition à l'air, qui fait élever les vapeurs blanches ; & fert à ablorber l'humidité, ou par toute autre dilution légère dans l’eau. 4 Are Ë ; A Ée : 17°. La dilution de cer acide compofé avec plus ou moins d’eau alrère beaucoup fes propriétés diflolvantes. C'eft ainli qu'on a obfervé que dans un état de concentration il n’agit point fur le fer; mais en ajoutant l'eau , il acquiert la propriété de diffoudre ce métal , avec des variétés füivant la proportion d’eau ajoutée. Ainfi en ajoutant à deux mefures de cer acid: compofé une mefure d’eau , la liqueur devient propre à calciner le fer, & à former avec lui une poudre blanche, mais fans effervefcence, Avec une égale quantité d’eau, l’effervefcence eft produite, Avec une plus grande proportion d’eau, le fer donne auffi une couleur brune à la liqueur , telle que l'acide nitreux phlogiftiqué en recoit du fer , ou qu’elle la communique à une folution de vitriol martial dans l’eau. 18°. La dilution avec l’eau rend cet acide compoé capable de difloudre le cuivre & le zinc, & probablement les autres métaux qui font fujets à l'action des acides vitriolique & nitreux étendus d’eau, SECTION SECONDE. Expofition d'un nouveau procédé pour féparer lArgent du Cuivre. 19°. La propriété qu'a la liqueur précédente de diffoudre l'argent avec facilité fans agir fur le cuivre, la rend d’une application très-utile dans les arts. Parmi les manufatures de Birmingham , celle qui fabrique des vaifleaux d'argent recouvert de feuilles de cuivre eft une des plus confidé- rables. En taillant les plaques de métal pour leur donner des formes & le volume requis , il refte des découpures qui ne font propres qu'à faire obtenir les deux métaux féparés l'un de l’autre. La méthode la plus facile & la plus économique de faire le départ de manière à ne rien perdre des deux métaux , eft un objet de conféquence pour les directeurs de cette manufacture. On met deux procédés en ufage pour cet objet ; l’un eft de faire fondre le mélange avec du plomb, & de faire la féparation par la coupellarion ; l’autre eft de diffoudre les deux métaux dans l'huile de vitriol , à l’aide de la chaleur & en féparant enfuite le vitriol du cuivre par fa diflolution dans l'eau, du vicriol d’argent , qu'on fépare enfuite & Won purifie. Dans la première de ces méthodes, il y a une perte confi- dérable de plomb & de cuivre; & dans la feconde la quantité d'acide vitriolique employé eft très-grande, parce qu'il s’en diffipe beaucoup plus fous la forme d’acide fulfureux qu'il n’en refte dans la compofition des deux vitriols, Tome XXXVIIT, Part, I, 1791, FEVRIER: R 1] 130 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, Il y a quelques années que jé communiquai à un artifte la méthode d'effectuer la féparation de l'argent & du cuivre par le compolé ci-deflus d’acide vitriolique & du nitre ; & comme j'ai appris que ce procédé éroit maintenant employé à Birmingham, je ne doute pas qu'il ne foit beau- coup plus économique, & il eft cerrainement d'une exécution plus facile que toute autre méthode ; car il ne faut que mettre les morceaux de mêlange dans une terrine verniflée, y verfer quelque peu de la liqueur acide, oui peut être dans la proportiou de huit à dix livres d'huile de vitriol {ur une livre de nitre, de remuer le cout añn que les furfaces puiflent être fréquemment expofées à une partie nouvelle de la liqueur , & de feconder l’action par une douce chaleur , depuis 100° jufqu’à 200° du thermomètre de Farenheir. Quand la liqueur eft prefque faturée , il faut précipiter l'argent au moyen du fel commun, ce qui forme une lune cornée qu’on peut réduire aifément en la faifant fondre dans un creufec avec une fuffifante quantité de potafle, & enfin en raffinant l'argent fondu, s'il eft néceflaire avecun peu de nitre qu'on a foin d'y verfer. De certe manière on peut obtenir l'argent aflez pur, & lecuivrerefte fans être alréré. On peut par une autre voie précipiter l'argent dans#fon état métallique, en ajourant à la folution d'argent un petit nombre de pièces de cuivre, & une fuñfante quantité d’eau pour rendre la liqueur propre à agir fur le cuivre. La propriété que ce mêlange acide pofsède de difloudre l’argent avec une grande facilité & en une quantité confidérable , le rendra probable- ment un menftrue avantageux dans la féparation de l’argent d'avec les autres métaux, & comme les alchiniftes ont difingué le diflolvant : propre de l'or fous le titre agua rêgis , on pourra donner à l’autre lenom aqua reginæs SECTION TROISIÈME. Changement de propriétés communiqué au mélange des Acides vüriolique & nitreux par la phlogiflicauton. 20°, L'acide compofé ci-deflus peut être phlogiftiqué par différens procédés. Je ne parlerai ici que de trois. 1% En faifanc digérer cet acide compofé avec le foufre par le moyen de la chaleur du bain marie, la liqueur diflout le foufre avec effervefcence, perd fa propriété de donner une fumée blanche, & fi la quantité de foufre eft fufifante, & la chaleur aflez long-rems con- tinuée, il fe dégage des vapeurs nitreufes & la liqueur prend une couleur violette, 2°. Si au lieu de diffoudre le nitre dans l'acide vitriolique con- centré, on impregne cet acide de gaz nitreux ou dune vapeur nitreufe, en faifant pafler ce gaz ou cette vapeur dans l'acide, le SUR L’'HIST. NATURELLE ET LES ARTS, 151 compofé fera phlogiftiqué , en ce qu'il ne contient pas l'acide nitreux entier, mais {eulement fa partie phlogiftiquée ou fon élément, le gaz nitreux, fans la proportion d'air pur néceffairepour le conftituer en acide, Cette impregnarion d'huile de vitriol avec le gaz nitreux ou la vapeur nitreufe a été d'abord décrire & quelques-unes des pro- priétes de la liqueur imprégnée , expofées dans le volume III des expériences & obfervations fur l'air; par M, Prieftley. 3°. En fubfhtuanc l'ammoniac nitreux au lieu du nitre pour le mêler avec l'huile de vitriol. 21°. Ce compofé , préparé par quelqu'une de ces méthodes & fur-tout ar la première & la feconde , differe beaucoup dans fes, propriétés, à l'égard de fon action fur les métaux , de l'acide décrit dans la pre- miere fetion. On a obfervé que ce derniér compofé ‘a peu d'action fur rous les autres métaux, excepté fur l'argent, l'écain, le mercure & le nickel, D'un autre côté , le compofé phlogiftiqué agit non-feulement fur eux, mais même fur divers autres. [l forme avec le fer une belie couleur rofe, fans l’action d'aucune chaleur artificielle, & il fe précipite par le labs du tems une matière faline de couleur de rofe , qui eft foluble dans l’eau avec une effervefcence confidérable. Elle diffout le cuivre & prend alors ainfi que du régule de cobalt, de zinc & de plomb une teinte violette foncée. Le bifmuth & le rézule d’antimoine font auñi attaqués par cet acide phlogiftiqué. Pour fixer plus exaétement les effets de cet acide phlogiftiqué fur quelques métaux, j'ai fair les expériences fuivantes avec une liqueur préparée en faifant pañler le gaz nitreux à travers l'huile de vitriol durant un tems confidérable. 22°. À 200 pefans d’huile de vitriol impregnée de gaz nitreux, mife dans une cornue à long cou, dont la capacité en comptant le même cou étoit de 1F$O grains mefure, j'ai ajouté 144 grains d’argent pris pour étalon, & jai plongé l’embouchure de la cornue dans l'eau pour recevoir le gaz qui pourroit fe dégager. Cet acide commença à diffoudre l’argent avec effervefcence fans l’ap- plication de la chaleur; la chaleur devint d’une couleur violette & la quantité de gaz nitreux reçu fous la cloche fur de 14700 grains mefure. En pefant le refte de l'argent, je trouvai que la quantité diffoute éroic de 70 grains. Quand l’eau fut ajoutée à la folution, il fe .manifefta une effervefcence , mais il ne fe dégagea qu'une petite quantité de gaz. Par le moyen de l’eau, une poudre faline blanche d'argent, foluble dans une plus grande quantité d’eau, fut précipirée de la même folution. La folation d’argent dans un état de faturation & lorfqu'elle n’eft point délayée, fe gêle facilement à froid, & quand elle eft délayée à un certain degré avec l’eau, elle donne des criftaux feuillerés. 3 23°. Däns le même appareil & de la même manière, 100 grains Tome XXXVWII, Part. I, 1791. FEVRIER, R 2 132 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, d'huile de vitriol impregnée fervirent de menftrue au fer, Il fe manifefta une effervefcence fans l’action dela chaleur, la furface du fer prit une belle couleur rofe ou rouye mêlée de pourpre ; & cette couleur pénétra par degrés route la liqueur, mais difparut en laïffant la cornue quelque- tems dans Peau chaude. Malgré une effervefcence confidérable en apparence, la quantité d’air dégagée fut feulement de 400 grains; un quart étoit de gaz nitreux & l'autre de gaz phlogiftiqué. La folution fut alors veifée dans une cornue, & il fe trouva que le fer avoit feulement perdu deux grains de fon poids. La folution fut remife dans la cornue fans le fer, & on y ajouta 200 grains d'eau, fur quoi il fe précipita immédiatement une poudre blanche qui fut redifloure avec effervefcence. Après que deux mille grains pefant d’air nirreux eurent été dégagés fans l’action de la chaleur , la cornue fut mife au bain- marie qui rendit l'effervefcence fi forte que la liqueur s'échappa par le cou de la cornue, & qu’on ne put point déterminer la quantité de gaz dégagé. ; 24°. De la même manière, 11 grains de cuivre furent diflous dans 100 grains d'huile de vitriol impregnée , la folution étoit d’une couleur violette foncée & devint enfin trouble, La quantité de gaz nitreux dégagée fut de 4709 grains. Après avoir Ôté le cuivre & ajouté 200 grains d'eau à la folution, ce qui produifit une eflervefcence, le dégagement de 1700 grains de gaz nitreux & le développement d'une couleur bleue dans la folurion. 25°, Dans le même appareil & de la même manière, on fit agir 100 grains d'huile de vitriol impregnée fur de l'érain, qui perdit par-là 16 grains de fon poids, pendant que la liqueur acquit une couleur violette & devint trouble par la fufpenfion de la chaux de l’érain, & il fe déragea 4109 grains d'air nitreux fans l’action de la chaleur & une autre quantité égale à 4900 grains après que la cornue eût été mile au bain-marie (1). 26°. Du mercure ajouté à l’huile de vitriol impregnée forma ane liqueur trouble blanche & épaifle qu’on rendit claire, par laddition d’huile de vitriol non impregnée. Dans peu de tems, ce mêlange continuant d'agir fur le refte du mercure, prit une couleur pourpre. Le mercure attaqué tomba au fond du verre fous la forme d’une poudre blanche, & la liqueur pourpre , mêlée avec une folution de fel commun dans l'eau, ne parut contenir aucune partie du mercure dans un état de diflolution, 27°. Le gaz nitreux dont lhuile de vitriol eft impregnée ne paroît pas difpofé à quitter l'acide par fon expofition à l’air ; mais en ajoutant l'eau à l'acide impregné, le gaz efl foudainement dégagé avec effer- vefcence & en vapeurs rouges par fon mêlange avec l'air atmofphérique. (1) On doit toujours entendre grains mefure. Nore du Tradu. SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 133 En ajoutant 240 grains d’eau à 60 grains d'huile de vitriol impregnée, il s'eit dégagé 2300 grains de gaz nitreux ; mais comme l’action des deux liqueurs eft inflanranée , la quastiré de gaz dégagée de la cornue avant l'immerfion de fon cou dans l’eau de l'appareil pneumaro-chimique doit avoir été confidérable. Tout le gaz n’eft pas cependant dégagé par le moyen de l'eau , car le refte de la liqueur diffout $ grains de cuivre, perdant qu'il fe dégage 800 grains melure de gaz nitreux. 28°. Voici le réfulrat des expériences précédentes. 1°. Un mélange des acides vitriolique & nitreux , dans un état concentré , a la propriété particulière de difloudre abondamment largent, 2°. Il attaque principalement & calcine l’érain , le mercure, le nickel ; il diffout cependant en petite quantité ce dernier, & il n’agit que très- peu ou point du tout fur les autres métaux. 3°. La quantité de gaz produit pendant la diffolution du métal, relativement à la quantité du métal qui eft diflous, eft plus grande lorfque la proportion du nitre à l'acide vitriolique eft plus petite que quand elle eft plus confidérable ; & lorfque les métaux font diflous par des mélanges qui contiennent beaucoup de nitre, & qu'il ne fe dégage que peu de gaz, la folution elle-même ou le fel métallique qui s’y forme produir une grande quantité de gaz par fon mélange avec l’eau. 4. La dilution dans l’eau rend le mêlange concentré moins propre à difloudre l'argent, mais plus propre à agir fur les autres métaux. $°. Ce mêlance des acides vitriolique & nitreux très-concentré rend une couleur pourpre ou violette lorfqu'il eft phlogiftiqué , foit par l’addition des fubftances inflammables comme le foufre, foic par fon action fur les métaux, ou par une très-forte impregnation d’huile de vitriol avec le gaz nitreux (1 ). 6°, On a trouvé que la phlogiftication communiquoit au mêlange la propriété de difioudre, quoiqu’en petite quantité, le cuivre, le fer, le zinc, le régule de cobalt. 7°. L'eau chalfe d'un mélange très-phlogiftiqué desacides vitriolique & nitreux concentrés ou d’une huile de vitriol impregnée de gaz nitreux une grande partie du gaz contenu ; ce gaz par conféquent ne peut être retenu en même quantité par les acides délayés que par les acides con- centrés. L’eau s’unit avec un mélange d'huile de vitriol & de nitre fans aucune effervefcence confidérable. (1) Le dofeur Priefiley a eu connoïflance de cette couleur communiquée à Phuile de vitriol par l’impregnation de gaz nitreux ou de la vapeur, ainfi que par lefferve/cence produite en ajoutant l’eau à la liqueur impregnée. Joyez Expériences & Obfervations, vol, II, pag. 129 & 217 dans l’ouvrage anglois, 134 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, 29°. Je joindrai à ces obfervations un autre fait, favoir , que quand on ajoute à un mêlange d'huile de virriol avec le nitre une folution faturée de fel commun , il fe produit une puiflante eau régale, capable de diffoudre l'argent & la platine ; & cette eau régale, quoique compofée de liqueurs décolorées & libres de toute fubftance métallique, acquiert à la fois une couleur jaune vive & foncée. L’addirion du fel commun au mélange des acides vitriolique & nitreux concentrés produit une effervefcence, mais non une couleur jaune , pour la produétion de laquelle toutefois une certaine proportion d’eau femble néceffaire. SEUCIONNND/E MP IRAN RAMUNNIE: De la précipitation de l Argent, de fa folution par l'Acide nitreux , au moyen du Fer. SECTION PREMIÈRE. 1°. Bergman rapporte qu’en ajoutant du fer à une folution d'argent dans l'acide nitreux, il ne s’en fuit point de précipitation (1 ) quoique l’afinité du fer avec les acides foic plus forte, comme on le fait, que celle de Pargent, & quoique même à l'égard de l'acide nitreux , d’autres expériences prouvent l'afinité fupérieure du fer; car comme le fer précipite le cuivre de cet acide, & comme le cuivre précipire l'argent, nous devons en conclure que l’affinité du fer l’emporte fur celle de Fargent (2). (x) Différtario de Phlegifl. quantitate in Metallis. (2) Bergman a effayé différentes fortes de fer , & il croit en avoir touvé deux qui étoient propres à précipiter l’argent; mais comme il n’a point découvert les circonf- tançes fuivant lefquelles la précipitation a quelquefois lieu & manque d’autres fois , il peut s'être trompé fur cette propriété particulière des deux fortes de fer. Je puis aflurer que différentes fortes de fer que j’ai effayées ont toujours précipité l’argent dans certaines circonftances, & qu’elles ont toujours manqué de le précipiter dans certaines autres circonftances, Je ne connois point d’auteur qui ait fait mention de cet objet, Sinon M. Kirwan, qui dans la conclufon de fon ouvrage eflimable fur les Pu:ffances actraélives des Acides minéraux , dit: « J’ai toujours trouvé que l’argent étoit facilement précipité de fa folution dans l’acide nitreux par le fer. La fomme des affinités quiefcentes étant 625 & celle des divellentes 746. Cependant M. Bergman obferve qu’une folution très-faturée d’argent étoit tres-difficile à précipiter , & feule- ment par quelques fortes de fer, même quoique la folution foit étendue d’eau & qu’on y ajoute une furabondance d'acide. La raifon de ce phénomène curieux me paroït pouvoir être déduite d’une circonflance d’abord obfervée par Schéele, dans la diffolution du mercure , favoir, que l’acide nitreux quand il en eft faturé , en difloûdra encore davantage dans fon état métallique. La même chofe à lieu dans la diffolution d’argent dans l'acide nitreux à l’aide d’une forte chaleur ; car comme je l’ai remarqué précédemment, les dernières portions d'argent qu’on y plonge ne donnent point d’air, & par conféquent ne font point déphlogiftiquées, Maintenant ce compofé de chaux d’argent & d’argent fous fa forme métallique , peut n’être point précipité par Le fer, SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 135 J'ai defiré de découvrir les circonftances & de rechercher la caufe autant que j'en fuis capable, de cetre irrégularité & de l’exception aux loix généralement connues de l’afinité. 2°. J'ai fait digérer un morceau d’argent fin dans de l'acide nitreux pur & pâle, & pendant la diflolurion & avant que la faturation fut complerte, j'ai verfé une portion de cette folution fur des morceaux de fil de fer bien ner & nouvellement ratiflé & mis dans un verre ordinaire, & j'ai obfervé une précipitation foudaine & abondante d’argent. Le précipité étoir d'abord noir ; il prenoit enfuire une apparence argentée, & il recevoit un diamètre cinq ou fix fois plus grand que le morceau de fil du fer qui en éroit enveloppé. L'action de l'acide fur le fer continuoit quelque rems, & il cefloir après cela. L'argent rediflous, la liqueur devenoit claire & le fer refloit fans être attaqué au fond du verre où il fe confervoit dans le même état plufieurs femaines fans éprouver aucun changement & fans opérer aucune précipitation d'argent. 3°. Quand la diflolu in d'argent étoit complettement faturée, elle n’étoit plus affectée par le fer fuivant l’obfervation de Bergman. 4°. Ayant trouvé que la folution arraquoit le fer & qu'il fe produifoit une précipitation, avant fa faturation & non enfuite, j'ai deiré de favoir fi la faturation étoit la circonftance qui empêchoit lation & la précipitation, Dans cette vue, j'ai ajouté à une portion de la folurion faturée , un peu d'acide nitreux, dont une partie avoit été employée à diffoudre l’argent, & dans ce mélange où l'acide furabondoit , j'ai jetté un morceau de fer, mais il ne s’elt point produit de précipitation. s°. J'ai ajouté à une autre portion de la folution farurée d'argent un peu d'acide nitreux fumant , & j'ai trouvé en l’examinant que le fer précipitoit l'argent de ce mélange & qu'on voyoit les mêmes phé- nomènes qu’avoit offerts la folution antérieurement à fa faturation. 6°. Il fe produifoit les mêmes effets iorfque l’acide vitriolique étoic ajouté à une folution faturée d'argent & qu'on employoit enfuite le fer. 7°. J'ai ajouté un morceau de fer à une certaine quantité d’acide nitreux, dont une partie avoit fervi à difloudre l'argent, & pendant ———_—_—_—_—_—————…". Pargent (ous fa forme métallique empêchant la chaux d’entrer en conta& avec le fer & d’en extraire le phlogiftique v. Je n’entrerai point ici dans l'explication de ces phénomènes ; mais j’ai cru devoir rappeler ce qu’un chimifle auffi habile que Kirwan, a dit fur cet objet, afin que le Le&teur puifle voir l’état préfent de la queftion. Je remarquerai feulement que lexplication précédente, n’étant point fondée für aucune particularité dans la nature du fer, femble fuppofer que l’argent ne peut être auffi précipité de femblables folutions , fur lefquelles le fer ne peut agir, par aucun autre métal; maïs ce n’eft point-là le cas. Le cuivre & le zinc précipitent aifément Pargent de ces folutions, 136 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, que le fer fe diffolvoit , j'ai verfé dans la liqueur un peu de la folution faturée d'argent, fur quoi l'argent seit à iinitant precipie; quoique quand le mème acide avoit été précédemment mêlé avec la folution d'argent, & quon ajoutoit alors le fer au mêlange, il n’y eût point de précipitation. 8°, La quantité d'acide vitriolique ou d'acide nitreux fumant , nécef- faire pour communiquer à la folution faturée d’argent la propriété d’être artaquée par le fer, varie fuivant la concentration & le degré de phlogifticarion des acides ajoutés , de forte qu’une quantité inférieure à celle qui eft fufbfante , ne produit aucun effet apparent. Néanmoins lorfque la folution d’argent eft, par l’addition de ces acides, prefque amenée à un état propre à la précipitation, l'addition de l’efprit de- vin la rendra en peu de téms capable d'agir fur le fer. 9°. IL paroît donc qu'une folution d'argent n'eft point précipitée par le fer à froid (1), à moins qu'elle ait une furabondance d’acide phlosiftiqué. 10. La chaleur affecte l’ation d’une folution d'argent fur le fer; car fi on fait digérer le fer, à l’aide de la chaleur , dans une folution parfaitement faturée d’argenc, comme l'eft une folution de criftaux de nitre d'argent dans l’eau, l’argent fe dépofera dans fon état métallique brillant fur différentes parties du fer , & le fer qui a été attaqué par.certe folution paroîtra fous la forme d'une ochre jaune. 11°. Bergman rapporte qu'il a quelquefoïs obfervé de belles crif- tallifations ou végétations d'argent métallique, formées fur des morceaux de fer reftés long-tems plongés dans une folution d'argent. J'ai reconnu qu'aucun efpace de tems ne peut effectuer cette pré- cipitation, à moins que la folution ne foit dans un état preique fufifamment phlogiftiqué pour être fufceptible de la précipitation pat le fer, mais non complettement phlogiltiqué & de manière à pro- duire cer effet immédiatement, (1) Il a été dit, $. 4, que l’addition de l'acide nitreux déphlogifiiqué à une folution faturée d'argent ne rend point la folution propre à une précipitation par le fer. Néanmoins comme cet acide diffout le fer, on peut y en ajouter ou telle quantité qu’elle furmonte la qualité oppofée de la folution d’argent , de manière que l’acide foit propre à agir fur le fer; & pendant que ce métal eft diffous , il phloziftique le mélange qui devient alors propre à la précipitation , & il eft dans le fait réduit aux mêmes circonflances qu’on la dit $. 7. On ne peut fixer les limites des quantités qui produifent ces changemens, parce qu’elles dépendent des degrés de concentration & de phlogiftication des fubftances employées; & par conféquent toutes les fois qu’on dit qu’un changement eft produit par une certaine fubftance , on entend qu'il peut être produit par quelque proportion & non par une proportion quelconque de cette fubflance. Si on ne fait point ces confidérations , les perfonnes qui effayeront de répéter les expériences mentionnées dans le préfent Mémoire , feront expofées à fe tromper, 12° SUR L'HIST, NATURELLE ET LES ARTS. 137 12°. La dilution avec une grande quantité d’eau femble difpofer les flurions d'argent à être précipitées par le fer d’une manière plus aifée. Une folution d’argent qui n’agit point fur le fer, étart très- délayée , fi on y tient un morceau de fer pendant plufieurs heures, donne un précipité d'argent fous la forme d’une poudre noire. SECTION SECONDE. Des altérations que le Fer éprouve à fa furface par l'a&ion d'une Jolution d’Arcent dans l’'Acide nitreux , ou d’un Acide nitreux pur concentré. 13°. On a dit que quand le fer eft expofé à l’action d’une folution phlooiftiquée d'argent , il précipite à l'inftant l'argent, il eft lui-même attaqué ou diflous par la folution acide durant un certain tems plus ou moins long , fuivant le degré de phlosifticarion , la quantité fur- abondante d’acide & d’autres circonftances; & qu’enfin la folution &u fer cefle, l'argent précipité eft diffous s'il y a un acide furabondant; la liqueur devient de nouveau claire & conferve feulement une couleur brune, parce qu’elle tient en diffolution du fer ; pendant que le morceau de fer refte brillant & non changé au fond de la liqueur, où il n’eft plus capable d'affecter la folution d'argent. 14°. J'ai verfé une partie de la folution phlooittiquée d’argent qui avoit éprouvé les changemens, & qui avoit ceffé d'agir fur un morceau de fer, dans un autre verre, & j'ai plongé un autre morceau de fil de fer récent dans la liqueur ; fur quoi j'ai obfervé une précipitation d'argent , une folution d'une partie du fer, une rediflolution de Pargent précipité, & une ceffation de tous ces phénomènes avec le fer qui reftoit brillant & intact au fond de la liqueur comme auparavant. 11 parut alors que la liqueur n'avoic pas perdu fa proprieté d'agir fur du fer récent, quoiqu'il cefsât d'agir fur le morceau qui avoit été expofé à fon action. 15”. À un des mofceaux de fer qui avoir été employé à la préci- piration d'une folution d'argent, & qui avoit été débarraîlé de cette mêine folurion après qu’elle avoit celle d'agir fur lui, j'ai ajouté une certaine quantiré d'une folution phlogiftiquée d'argent qui n’avoit jamais été expofée à lation du fer, maïs il n’eft furvenu aucune précipitation. IL paroïc donc que le fer lui-même, pour avoir été employé une fois à précipiter une folution d’argent, n’étoit plus fufceprible d’une ation ultérieure fur une folution d’argenr. Et il faut obferver que cette alrérarion étoit produite fans la moindre diminution de fon éclat métallique & fans aucun changement de couleur. Certe altération cependant étoit feulement fuperfcielle, comme on peut le fuppofer, car en frottant la couche altérée, on rendoit le fer füfcep'ible d'agir de nouveau fur une Tome XXXVIIT, Pare, I, 1791, FEVRIER. 138 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, folution d'argent. Pour éviter la circonlocution, j'appellerai le fer ainff affecté, du fer alréré, & le fer qui eft net & qui n’a point été altéré du fer récenr, ; | 16°, À une folution phlogiftiquée d’argent dans laquelle un morceau de fer altéré brillant éroit refté fans action, j'ai ajouté un morceau de fer récent qui a été à l’inflant enveloppé d’une mafle d’argent précipité & attaqué à l'ordinaire; mais ce qui eft très-remarquable, c’eft que dans un quart de minute ou moins, le fer altéré a été foudainement couvert d’une autre couche d'argent précipité, & qu'il a été attaqué pat la folution acide de même qu’un morceau récent. Dans peu de tems l'argent précipité a été difous comme à ordinaire , & deux morceaux de fer ont été réduits à un état altéré. Loifqu'un nouveau morceau a été retenu dans la liqueur, de manière à ne point toucher les deux morceaux de fer alréré, ceux-ci néanmoins ont été attaqués par la folution acide & couverts foudainement d'argent précipité comme ci- devant; & ces phénomènes peuvent être répétés ayec la même folurion d'argent , jufqu'à ce que l'acide furabondant de la folution foic faruré par le fer; & alors la rediffolution de l'argent précipité doit ceffer. 17. J'ai verfé une certaine quantité d’acide’ nitreux déphlogiftiqué fur un morceau de fer alréré, fans qu'il air été attaqué, quoique cet acide agît facitement fur du fer récent, & lorfque à un acide nitreux dé- phlogiftiqué avec un morceau de fer qu'on y avoit plongé, j'ai ajouté un morceau de fer récent, celui-ci a commencé immédiatement à fe diffloudre, & aufi-tôt après le fer altéré a été attaqué aufi par l'acide, 18°. J'ai verfé fur un morceau de fer altéré une folution de cuivre dans l'acide nitreux; mais le cuivre n’a point été précipité par le fer, & le fer n’a pas non plus précipité le cuivre d’une folution de vicrio! bleu. 19°. Du fer altéré a été attaqué par de l'acide nitreux phlooifliqué étendu d'eau, mais non par un acide rouge concentré qu’on fait être fortement phlogiftiqué. 20°, J'ai mis quelques morceaux de fil de fer récent dans de l’acide nitreux fumant concentré. Il ne s’en eft fuivi aucune a@ion apparente; mais le fer s’eft trouvé alréré de la même manière qu'il left par une folution d'argent, c’eft-à-dire, qu'il eft rendu non fufceprible d’être attaqué, foit par une folution phlogiftiquée d’argent, foit par l'acide: nitreux phlosiftiqué. 21°. Lefer a éré aufli attaqué en reflant plongé quelque terms dans une folution faturée d'argent, fans qu'il fe foit imanifefté aucune action vifible fur Jui. 22°. L'altération , ainfi produite fur Le fer, eft très-fuperfcielle, Le see Vs che Re. Fe ee M Er SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 139 moindre frottement découvre le fer récent au-deflous de {a furface & le foumet ain à l’action de l'acide, Ce n'eft pas fans difficulté par conféquent que ces morceaux de fer alréré peuvent être defféchés fans perdre leur propriété particulière, C'eit Pour cette raifon que je les ai tranfpottés en général hors de la folution d'argent ou de l'acide nitréux concentré dans une autre liqueur donc J'ai omis d'examiner Les effets. On peut les tranfporter d’abord dans un verre d'eau & delà dans une liqueur qui doit être examinée. Mais il faut obferver que fi on les laiffe refter long-tems dans l'eau, ils perdent leur propriété particulière ou leur altération. On peut les conferver dans leur état altéré, en les laiflant dans l'efprit de fel amamoniac. é 23°. À une folution de cuivre dans l'acide nitreux (qui étoir fufcep- tible d’une précipitation facile par le fer récent ) j'ai ajouté une certaine quantité de fhlution faturée d'argent. Un morceau de fer récent n’a précipité ni l'argent ni le cuivre, & l'addition d’une certaine quantité d'acide nitreux déphlogiftiqué n'a point effcétué cette précipitation. 24° Une folurion de cuivre formés en précipitant l’argent de l’acide nitreux au moyen du cuivre, n'a offert qu'une précipitation difficile & renicente par l'addition d’un morceau de fer récent, & le fer ainfi attaqué par l'acide a été changé en ochre, 25°. Une folurion faturée d'argent ayant été précipitée en partie par le cuivre, a acquis la propriété d’agir fur du fer récent & de devenir par-là {ufceprible de précipitation. 269, Du fer récent , plongé quelque-tems dans des folutions de nitre de plomb ou de nitre de mercure dans l'eau, n’a point occañonné aucune précipitation des métaux diflous, mais il eft pailé à l'état de fer alréré. Ces méraux relfemblent à cer égard à l'argent. 27°. Il eft bien connu qu'une folution de vitriol martial, mêlée à une folution d’or dans l'eau régale, précipite l'or dans fon étac métallique. Je ne me reflouviens pas qu’une précipitation d’une folurion d'argent parie même vitriol martial ait été obfervée. Cependant en veï{ant une folurion de vitriol martial dans une folution d'argent dans le même acide nitreux il fe formera un précipité qui acquerra dans peu de minutes plus ou moins d'apparence métallique & qui eft en effer de l'argent parfait. Quand les deux folutions font concentrées , il furnage à la furface du mêlange une couche argentine brillante , ou bien les côtés du verre dans lequel fe fait l'expérience font argentés. Lorfqu'on emploie une folurion phlosiftiquée d'argent, le mélange eft noirci, comme cela arrive en général à une folution de vitriol martial, quand on y ajoute de l’acide nitreux phloviftiqué. * J'ai ajouté environ parties égales d’eau à un mêlange de folution Tome XXXVIII, Part, I, 1791. FEFRIER. S72 140 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, phlog ftiquée d’argent & une folution de vitriol martial, dans lefquelles l'argent a été précipité , & j'ai fait digérer à l’aide de la chaleur le mélange écendu d'eau, & par ce moyen la plus grande partie de l'argent précipité a été difloute de nouveau. Bergman a obfervé une femblable rediflolution de lor précipité par le vitrio! mertial, en faifant bouillir le mélange; mais il attribue la rediflolution à la con- centration de l’eau régale par l'évaporation. Comme cette explication ne s'accorde pas avec ma manière de voir, j'ai étendu le mêlange d'eau, & j'ai trouvé que la même rediflolution avoit lieu , foir avec la folution d'argent , foit avec celle d’or. Mais il y avoit alors roujours un acide furabondant dans les felutions d’or & d'argent employées. 28°. Le mercure eft auf précipité dans fon état mérallique de fa folution dans l'acide nitreux par une folutior de vitriol martial. Quand le précipité eft débarraifé de la liqueur, il peut être changé en mercure coulent, en étant feché près du feu, 29°. Le fer peut être auffi précipité dans fon état métallique , d’une folution dans l'acide vitriolique par l'addition d’une folution de vitriol martial. Un vitriol de mercure peut auffi être décompofé parune folution de vitriol martial, & le précipité mercuriel qui eft une poudre blanche; forme des globules par le defsèchement & la chaleur. 30°. La lune cornée n’eft point décompofée par le vitriol martial, & par conféquentil n’y a point d'opération de double affinité. Néanmoins cette lune cornée peut être décompofée par les élémens d’un vitriol mar- tial, pendant le procédé de la diflolution , c'eft-à-dire que l'argent peut être précipité dans fon état métallique en faifant digérer la lune cornée avec l'acidè vicriolique étendu d'eau, auquel on a ajouté quelques morceaux de fer. Er il faut obferver que la réduétion de l’argent & la précipitation a lieu pendant que l'acide n’eft pas encore faturé. L’acide marin & le fer appliqués à la lune cornée produifent la mème révivification de l'argent, même lorfqu'il y a plus d'acide qu'il n’en faut pour les deux métaux. L’explication de ces phénomènes fera expofée dans un mémoire fubféquent que je me propofe d'offrir à la Société Royale. sue. FN , SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS, 141 ET PRE 7 ESSAIS SUR L’ART DE L'INDIGOTIER, Pour fervir à un Ouvrage plus étendu ; = Par M. JEAN-BAaPpTisre LEBLOND, Médecin Naturalifle, Penfionnaire du Rot, Correfpondant de l'Académie Royale des Sciences de Paris, de la Société Royale d'Agriculture & de celle de Médecine, &c. Commiffaire pour Sa Majeflé pour faire la recherche du Quinquina dans la Guyanne Françoife : Lus & approuvés par l’Académie des Sciences, E'XIT'RATT. Lis habitans de la Guyanne françoife commencèrent en 1704 à cultiver l'indigo que des flibuftiers y apportèrent de Guatimala. Les procédés qu'ils mirent en ufage dans leurs fabriques , quoique fans choix & fans méthode , réuflirent plus où moins bien jufqu’en 1718 , qu'ils furenc néoligés au point qu’on n'obtenoie plus qu'une fi petite quantité d’indigo , qu'on en abandonna la culture dans la perfuañon que le fol ne convenoit plus à cetre plante. En 1736, les jéfuires firent de nouveaux effais , & appelèrent de Saint- Domingue un de leur frère qui pafloir pour bon indivotier. [l apporta la graine de l’indigo bâtard ; mais laïflant trop fermenter fa cuve, il ne réuffit point. En 1751 un indigotier très-inftruit fit de nouveaux effais, qui-eurenc quelques fuccès jufqu’en 17563 mais alors on manquoit la plupart des cuves, ce qui fit encore abandonner cette culture. Cependant un habi- tant crès-inftruic fic venir chez lui cet indigotier: il examina la plante qu'il reconnut être de bonne qualité ; il la fit mettre dans la cuve, dont il fuivit tous les mouvemens en effayant de tems en tems à la tafle; & au bout de huit heures il reconnut que le grain écoit formé, On procéda auffi-tôt au barrage, & il obtidc de l'indigo de la plus belle qualité, Cependant en 1763 , prefque routes les fabriques furent abandornée-. Enfin , comme fi la deftinée de la Guyanne françoife l’appeloit invin- ciblemenc à la culrure de cette plante, on en a repris la culture en 1787 , & on a formé des indigorières dans les rerreins bas que l’on cultive à la manière des hollandois ; mais malgré bien des efforts, le peu de fuccès qu’on obtenoit portoit par-tout Le découragement , lorlqu un 142 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, navire arrivé de l’ffle de Bourbon apprit qu'aux Indes on faifoit autant d’indigo qu'on vouloit en employant l’eau de chaux. Le gouvernement fit faire les effais par M. d’Arjou, apothicaite du Roi. On l’envoya à Approuaga, quartier de la colonie où la culture de cette plante eit la plus éendue. Ses eflais ont eu un fi heureux fuccès, qu’on ne manque jamais une feule cuve, & qu'on obtient le double des produits anciens &c même davantage, Meffieurs les chefs de la colonie m'ont engagé à aller à Approuaga pour obferver les procédés de M. d’Arjou. J'ai fuivi avec attention routes les opérations, ce qui m'a mis à même de développer de la manière la plus claire tour l'art de l'indigotier. On peut le réduire à cinq points principaux , 1°. l'herbe, 2°, l’eau, 3°, l’état de la cuve , 4°. la chaleur de l'atmofphère, 5°, la fermentation. Je dois dire pour ceux qui ne connoïffent pas [a manière dont on prépare l’indigo, que c'eft une fécule extraite d'une plante ou arbrifleau. On coupe la plante à différens âges : on la porte dans une cuve que l’on remplit enfuite d’eau. [l s’excite une fermentation comme dars le rouiflage du chanvre (x). Cette fermentation eft plus ou moins prompte fuivant la nature de la plante & le degré de chaleur de l’armofphère. IL fe dégage une fécule qui fe précipite enfuite plus ou moins difficilement; & on emploie différens procédés pour hâter cette précipitation , princi- palement le atrage. Lorlque la fermeñtarion n’eft pas pouilée aflez loin, on a peu de fécule & de mauvaife qualité. Si la fermentation au contraire pale le jufte terme , la fécule fe décompofe. C'eft pourquoi lindigorier doit eflayer d'heure en heure fa liqueur, pour faifr le vrai moment. Cette préparation fe fait en grand chez les riches habitans ; mais elle peut également fe faire en petit. À Guatimala ceux qui ne font pas aflez riches pour avoir des cuves, fe fervenr d'une peau de bœuf qu'ils atrachent à quatre pieux, de manière qu'elle taffe l’entonnoir. La plante s'y rouit fort bien, & on a une excellente fécule (2). ARTICLE PREMIER De l’Herbe. Parmi les cinq efpèces connues d'indigo , l’efpèce appelée indige bâtard, Jadigo-fere hirfuta, eft celle que lon cultive généralement dans la Guyanne françoife, comme réfiflant davantage aux inrempéries du pays. (1) On fait que dans le rouiffage du chanvre on a une fécule verdâtre qui étant préparée pourroit peut-être également fervir à la teinture. Nore de J. C. Delametherie. (2) M. Ecblond penfe qu'on pourroit ainf établir dans nos iles, fur-tout à la Guyanne, la petite culture qui feroit faite même par les blancs ouîles noirs libres. Ils cultiveroient l’indigo , les arbres à épices , le café, le fucre même, ce qui paroit fe pratiquer aux Indes :-& de cette manière on pourroit détruire l’efclavage ; mais il ny auroit plus de ces immenfes fortunes que font nos colons. More de J. C, Delametheries - SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 143 L'herbe peut être, 1°. d’une première ou d’une feconde coupe ; 2°. elle peut avoir fix femaines, deux, trois, quatre mois ou davantage 5 3°. elle peut appartenir à la faifon sèche ou à la failon plusieufe ; 4°. elle peut enfin avoir été coupée depuis plus ou moins de tes, être reftée expofée au foleil , à la pluie ou à l'ombre. En général l'herbe jeune a moins de parties colorantes que celle qui eff plus âgée; il ne fauc pas qu’elle foir trop dure. L’herbe qui a crû en tems fec en a aufli davantage que celle qui eft venue dans les tems de pluie. Il faut faire atrention à toures ces differences pour laïffer la plante plus où moins de tems dans la cuve. La plante jeune fermente plus vite que celle qui eft plus dure , & par conféquent doit moins demeurer dans la cuve. Si on mettoit donc dans la même cuve des plantes de deux mois, & d’autres de quatre, celles-ci n’auroient pas aflez fermenté, que les autres auroient pafle le terme: La plante qui vient d'être coupée fermentera auf plus tard que celle qui eft coupée depuis plufeurs heures, parce que la fermentation a déjà commencé à s'établir dans celle-ci. Ainfi en général on ne doit charger la cuve qu'avec de l’herbe coupée dans le même tems & de même ice. On doit même obferver que les différentes parties de la plante pré- fentent Jes mêmes inconvéniens. Ainfi les feuilles donnent plutôt leurs parties colorantes que les tendres rameaux, & ceux-ci plutôt que Les branches. L’artifte eft obligé de fair un jufte milieu, Ar UCEL De PE On eft encore à favoir la jufte proportion d’eau qu’il faut aux cuves qu'on foumet à la pourriture, c'eft-à-dire, celle qui eft néceflaire pour avoir la meilleure fermentation, Il paroît en général qu'on n’en met pas affez. Tout ce que nous pouvons dire, c'eft qu'il faut que l’eau foie claire, limpide , & difpofée de manière qu'on puifle remplir la cuve le plus promptement poffible, ART. III. De l’érat de la Cuve, Nous dirons feulement que l'opération eft plus tardive dans une cuve neuve que dans celles qui ont déjà fervi, & qu'elle eft encore plus prompte dans une cuve envinée, c'eft-à-dire, qui vient de fervir dans l'inftanr. Une précaution eflentielle eft de bien nettoyer la cuve après chaque opération, parce que des mal-propretés altéreroient la fécule ; fouvene auf elles fervent de ferment, & accélèrent trop l'opération. Il paroïe que ce défaut de propreté a été une des caufes qui a fait manquer les cuyes dans les commencemens à la Guyanne, 144 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, ART. IV. De la Chaleur. Le degré de chaleur de latmofphère n'a pas été confidéré par findigotier avec toute l'attention néceffaire. Tout le monde fait que pendant l'été, fur-tout quand il fait calme & très-chaud, une cuve chargée atteint bien plutôt au degré de pourriture convenable que durant la faifon des pluies, lorfque le tems eft plus froid. De-là deux dif= tinétions très-eflentielles : fait-il chaud comme dans la faifon sèche? fix, fepr, huit, ou dix heures de pourriture fufhfent ordinairement. Si l'on pañle ce tems, on n'obtient plus qu'un indigo cuivié. Fait-il froid, comme dans la faifon pluvieafe? il faut douze , quatorze , feize heures & davantage pour obtenir une pourriture convenable. Un moindre efpace de tems donneroit une cuve dont la pourriture ne feroit pas arrivée au point qu'elle doit avoir , & l’on n'obtiendroit que rrès-peu d’indigo & d’une mauvaife couleur; mais on fe tromperoit fort fi on fuivoit cette maxime à la lettre; car il arrive fouvent que pendant l'été ou faifon sèche, l'air devient tout-à-coup humide & froid , & réciproquement dans la faifon pluvieufe il y a des jours très-chauds. Il faut encore avoir éoard aux différentes heures du jour & de la nuit. La chaleur du jour eft à-peu- près à 22° & celle de la nuit à 19°. Enfin, la meilleure façon eft de toujours faire attention au thermomètre, & de confulter l’état de fa cuve. C'eft ce que l'on Fait à la zaf/e en prenant une petite quantité de la liqueur, & un coup-d'œil exercé fait connoître le moment qu'il faut faifr. ART. V. De la pourriture de l’Indigo-fere. C’ef-là le point effentiel de l’opération, comme on l’a vu par tout ce qui a été dit jufqu'ici. L'herbe mife dans la cuve fermente, il s’en dégage beaucoup d’acide crayeux. Ce font les effers que produit cet acide dans les cuves qu’il importe à l’indigotier de connoître. Il faura que le battage qu'il emploie pour réunir le grain , c’eft-ä-dire la fécule, n'occafionne cette réunion qu’en diffipant cet acide. [1 verra que l’éva- poration par le feu, de cet acide crayeux , procure la réunion en bien moins de tems que le battage. Il fera convaincu que Peau de chaux ne réunir le grain qu'en s'emparant de l'acide crayeux qui tient les molécules de lindigo féparées, Il fentira aifément les avantages & les inconvéniens de ce précipitant, auquel on propofe de fubftiruer les alkalis ; mais les expériences fuivantes donneront de nouvelles lumières, s. I. Le fuc exprimé des feuilles de l’indigo-fere eft verd. I! n’eft pas acide, cat il n’a pas roupi Le fuc de tournefol. L'eau de chaux & les alkälis caufliques SUR"LHIST. NATURELLE ET LES ARTS. 145 cauftiques n’ont produit aucun chargement dans cette couleur, 3 la . fécule qui s’eft dépofée eft demeurée verte. Ces expériences prouvent que la fermentation eft néceflaire à l'indigo-fere pour féparer le bleu du jaune , dont le mêlange forme le verd. Enfin, un linge trempé dans ce fuc en a été un peu verdi. La couleur en féchant s’eft ternie. Mais ceci prouve que le contact de l'air ne fuffit pas pour faire paller au bleu cette couleur verte. (Ha RE Les belles expériences de M. Lavoifer prouvent que l’eau eft compofée d'air vital & d'air inflammable, & qu’elle eft décompofée par la fermen- tation. Je penfe donc qu’elle left dans la cuve de l'indigo. Son air vital s’uniffant avec la partie charbonneufe de la plante forme de l’acide crayeux qui empêche la réunion en grain de l’indigo , tandis que le gaz inflam- mable , autre partie de l'eau, s’unit à la moffette qui paroît abonder dans lindigo , dont l'odeur approche beaucoup de celle des crucifères, & forme de l’alkali volaril. es: MENT M. Quatremer d'Ijonval ayant analyfé quatre onces d'indigo en a retiré, alkali volatil deux gros, huile légère un gros , huile pefante trois gros , charbon deux onces quatre gros, &c. La diflolution de l'indigo dans l'acide nitreux nous a donné un véritable nitre, ce qui y annonce la préfence de l’alkali végétal, Enfin, par l'incinération nous y avons retrouvé des parties ferrugineufes attirables à l'aimant, $. ‘I V. M. Berthollet foupçonne que le charbon diffous dans la moffetre conflitue la matière colorante du bleu de Pruffe auquel l’indigo reffemble de manière à s’y méprendre, Ceci fe rapporte bien avec ce que nous venons de dire, $. V. Tableau chimique des décompofitions & nouvelles combinaifons qu’occafionne la fermentation de l’indigo-fere. E L’indigo eft co mpofé de .. $ ET R mêlé d'un peu de fer. e > do L C Potaffe, Mucilage de l’indigo compofé de j DiExtroihaifâtre) À Le charbon décompofe l’eau en G , air vital, H gaz inflammable. G L'air vital uni au charbon donne I acide crayeux. B Moffetre unie au gaz inflammable, donne L alkali volaril Auor, Tome XX XVIII, Pare, I, 1791, FE VRIER, an 148 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE; C Potañle unie avec l'extrait, donne N extrait favoneux diffloluble dans l’eau & Pefprit-de-vin, C’eft le mucilage de l’indigo-fere. D Extrait jaunâtre non diffoluble. Son mêlange avec le bleu forme le verd de l'indigo-fere. L'acide crayeux efl furabondant dans jes cuves. Il empêche la réunion du bleu, Son évaporation par le feu, le barrage , l'eau de chaux & les alkalis cauftiques, le diffipent ou le neutralifent. M Alkali volatil concret. Il décompofe extrait favoneux par une affinité double. La poraffe s'empare de l'acide crayeux, & l’alkali volatil s'unit à l'extrait qu'il rend pareillement favoneux; mais comme l’alkali volatil s’'évapore facilement, il arrive qu'une partie de cer extrait fe précipite dans l'eau de pourriture qui devient de plus en plus noire, fale & bourbeufe. ; © L'eau de chaux fait pafler l'extrait favoneux à l’état de favon calcaire que l'eau ne peut point difloudre. On voit par ce tableau que ïe mucilage de Pindigo-fere diflous dans l'eau des cuves eft un compofé de charbon A mêlé d’un peu de fer , de: moffetre B, efpèce d'air nuilible, de potafle C , & enfin de l'extrait D infoluble dans l’eau, dont le mélange avec le bleu gonfitue le verd de l'indigo-fere. Que le bleu eft du charbon A mêlé d’un peu de fer & diffous dans la moffetre B. Il y demeure toujours une petite portion d'extrait. Que l'eau eft décompofée par le charbon, qui fe combine avec l'air vital pour former l’acide crayeux. Qu'une partie du gaz inflammable de l’eau décompofée par lecharbon, combinée avec cinq parties de moffette B , compofe l’alkali volatil Auor L, lequel s’uniflant avec l'acide crayeux forme l’alkali volatil concret, Que la potafle C s'unit à l’extrait D & forme l’extrait favoneux N diffloluble dans l’eau & l'efprit-de-vin qu'il colore en jaune. SAVE. Cette théorie s'accorde avec les faits; car une légère pourriture ou fermentation donne l’£xdigo- flottant ; une pourriture plus longue donne lindigo-gorge-de-pigeon ; une pourriture plus avancée donne l’zdipo- cuivré, enluire l'ërdigo-ardoife, & enfin l’ërdigo-charbonneux. Ainf lindigo-flottant , la plus léoère, la plus belle de toutes les qualités, c’eft-à-dire, la moins altérée & la plus abondamment pourvue de charbon uni à la moffette , réfulte d’une fermentation lépère de fepe à huit beures , & capable feulement de féparer le bleu du jaune. Dans le gorge-de-pigeon , produit d’une plus longue fermentation , de neuf à dix heures , il ÿ a confommation d’une partie de charbon & de mofferre , & mélange d'une plus grande quantité d’extrait qui en altèse la beauté. SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 147 Le cuivré a fermenté depuis douze jufqu'à vingt heures. L'ardoifé ou la dernière qualité de cuivré, a fermenté depuis vingt heures jufqu'à trente. Enfin, le charbonneux eft le réfultat d’une cuve abfolument excédée , c'eft-à-dire, dont la fermentation a été exceflive. Dans toutes ces efpèces inférieures la fermentation trop longue a faie difliper une portion plus ou moins confidérable de moffetre, & il eft refté une quantité trop grande proportionnellement de charbon, uni à d'autant plus d’extrait que la fermentation a été plus longue. Le bleu doit donc fubir les mêmes degrés d'altération. Enfin, la partie extraétive que cette longue fermentation a le tems d'extraire Le cuivre de plus en plus. SP VANIRE Pour s’aflurer quel degré de chaleur convient le mieux à la pourriture ou fermentation de l’indigo, j'ai fait des expériences dans trois cuves avec des thermomètres, & j'ai vu qu'un degré de chaleur de 23° eft trop confidérable , qu’à 18° elle eft foible , & que le meilleur eft à 21°, & que la cuve y arrive naturellement lorfqnie la température extérieure n’y eft pas contraire. Plus la chaleur extérieure eft confidérable , plus prompte eft la fermentation, Co QU PSE On a regardé aflez généralement la fermentation des cuves d'indigo comme une fermentation fpiritueufe; mais elle me paroît plutôt une fermentation alkaline, que le terme pourriture rend parfaitemenr. Outre l'acide crayeux il fe dégage de Pair inflammable qui s’eft enflammé quel- quefois par accident, ce qui avoit fait croire que c'étoit une fermentation fpiritueufe; mais jamais on n’a retiré de fes produits de liqueur fpiritueufe, $. IX. La pourriture de l’indigo ne peut fe faire fans les conditions néceflaires à toute fermentation. ! $ X. Le mucilage de la plante. $ XI. La fluidité aqueufe. IL faut que ce mucilage foit délayé dans une fufifante quantité d’eau ; c'eft pourquoi on met de l'eau dans la cuve. & XII La chaleur. Une chaleur de cinq degrés fufñroit peut-être ; mais celle Tome XXXVIII, Part. I, 1791. FEVRIER. T 2 148 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, du climat étant ordinairement de dix-huit degrés, & fouvent allant à vingt-trois , doit accélérer cette fermentation. 6: XIE Le contact de l'air. L'air eft néceflaire à toute fermentation. J'ai mis dans une fiole bien bouchée du fuc récent de l'indigo. IL s’eft précipité une fécule verdâtre, mais qui n’a pu pañler au bleu, Se RNTRIVe Ces quatre conditions étant données , la fermentation commence. ” SENS Il s’exhale d’abord de la cuve une odeur alkaline qui fe rapproche de celle des plantes crucifères. Certe odeur fe développe, & devient abfolu- ment urineufe. Biencôt elle eft infedte fi la fermentation continue. C'eft de l’alkali volatil, SUTEROIVATEE 11 fe dégage beaucoup de bulles d’air qui ramaflées fous une cloche précipitent l’eau de chaux , rougiflent Le fuc de tournefol, &c. ainf c'eft de l'acide crayeux. SPRINT Dès l’inftant où une cuve eft chargée, l’eau diffout le mucilage ; la fermentation commence : la liqueur fe trouble, devient opale, jaune, verte; enfin le bleu paroïît. Lorfque la cuye a paflé le vrai point, on dic qu'elle eft excédée. SRI Une cuve eft excédée lorfque l'eau en eft d’un bleu plus où moins fale, noir & tourbeux; qu’eile exhale une odeur putride, nauféa- bonde , &c. CRUE : Les moyens d'obtenir l'indigo que la fermentation a développé fone l'évaporation par le feu , le battage, eau de chaux, les a/kalis caufliques. Ellestendent toutes à un même objet , qui eft de fe débarrafler de l'acide crayeux. SATERONT L'évaporation par le feu n’eft point praticable dans les manufaëures d'indigo conftruites comme elles le font. Je me fuis afluré de fon fuccès par des effais en petit , en faifant chauffer dans des taffes d’argent ou des vafes de grès l’eau de la cuve, & j'ai vu le bleu Le réunir à mefure que la SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 149 chaleur dégageoit lacide crayeux. On pourroit donc conftruire des chaudières dans lefquelles on feroit paffèr l'eau de la cuve qui feroit afez fermentée, & on léchauiferoic jufqu’à Pébullition , par des procédés analogues à ceux employés dans les fucreries. SA XXE Te Le battage eft une agitation violente dans la cuve , que nos colons ont toujours pratiqué; mais on ignoroit à quoi il fervoit. Les uns croyoient diffiper l’efprit ardent de la fermentation qu’ils regardoient comme fpiritueufe ; les autres penfoient qu’on y mélangeoit l'air atmofphérique qu'on croyoit néceffaire à la précipitation de la fécule ou à fa coloration, Toutes ces idées font faufles : il fert uniquement à difliper l'acide crayeux. Je propofe de faire le battage avec la machine (PL. I, fig. 1) formée de différens godes. Cette machine plonge dans la cuve jufqu'aux trois quarts de fa profondeur , & tient à une bafcule que meut un nègre en l'élevanc & l'abaiflant. Le fond du godet, f9. 2, elt un cône tronqué, garni d’une foupape qui s'ouvre lorfque le godet s’abaifle & fe ferme lorfqu'il s'élève. Il ne faut pas que la cuve foit trop profonde. Plus elle a de furface , plus facilement l'acide crayeux s'échappe. Cependant il faut prendre garde à difliper en même-tems trop d’alkali volatil ; car cet alkali tient en diflolution l'extrait jaunâtre , qui pour lors fe précipitant avec le bleu, le rend verdâtre ou cuivré. Ce font ces différentes circonftances qui font que le battage réuflit dans une cuve & ne réuilit pas dans une autre. SAME STATE L'eau de chaux eft employée généralement par les indigotiers de Ja Guyanne françoife. On a raifonné différemment fur la manière dont elle opère; mais je penfe que c’eft feulement en abforbant l’acide crayeux. Le tems où on verfe l’eau de chaux n’eft pas indifférenr. Sion l'emploie dans le commencement, elle retarde la fermentation ; car j'ai vu des cuves ainfi chargées être tranquilles après douze heures. Place-t-on l’eau de chaux dans la batterie avant le battage ? ou on en met aflez pour abforber cout l'acide crayeux , & pour lors on a une trop grande quantité de terre calcaire. Le battage devient inutile, & ne fait que mêler le bleu avec la terre calcaire précipitée : on fi on n’en met pas aflez, le batrage eft toujours néceflaire; & pour lors il favorife l’action de la chaux fur la partie extraétive. Je penfe que l’époque de mettre l’eau de chaux eft juftement celle où après un batrage fufñfant le grain commence à paroître, & pour lors l'eau de chaux achève d’abforber l’acide crayeux &:de précipiter le bleu avec le moins de terre calcaire poflible , fans agit beaucoup fur la partie extractive, 150 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, Car un des inconvéniens de l'eau de chaux eft qu'elle fe précipite fous forme deterre calcaire avec la fécule bleue, & qu’elle y demeure mélangée. Le bleu en eft donc moins bon & contient moins de parties colorantes. C’eft pourquoi il en faut mettre le moins poffible, L'eau de chaux d’ailleurs agi fur la partie extraétive , en dégage l’alkali volatil qui la rendoit foluble , & forme avec elle un favon calcaire, jaunârre, infoluble, qui fe précipite également avec la fécule, en alcère la couleur qu’elle rend verdâtre, & en augmente le volume. Ces raifons doivent prouver à l’indigotier, qu’il ne doit employer l'eau de chaux, 1°. que lorfque la fermentation eft arrivée au point néceflaire; 2°. qu'il ne doit pas négliger le battage ; 3°. qu’il doit mettre la moindre quantité poffible d'eau de chaux , & ne plus agiter la liqueur après, mais la laifler tranquille , pour que le grain puiffe caller facilement , ’eft-à- dire, la fécule bleue fe raflembler. Se XIEX ITAEUT En fuppofant que le meilleur indigo obtenu par l’eau de chaux fût jugé par les teinturiers d'une qualité inférieure à raifon du mélange de la terre calcaire , & payé en conféquence, & que le prix de cerre denrée ne foutint pas avanrageufement les frais qu'elle exige, on pourroir fubftituer à l'eau de chaux l’un des deux alkalis rendus cauftiques par la chaux, qui s’empareroit tout aufli bien de l'acide crayeux furabondant des cuves, & n’auroit pas l'inconvénient d'augmenter le poids & le volume de l'indigo de chaux crayeufe & d’une plus où moins grande quantité de la partie colorante jaune qui eft l'extrait dont on a parlé; car les alkalis forment avec l'acide crayeux un fel neutre , & avec la partie extradtive un favon , tous deux également folubles dans l’eau , & qui par conféquent laifferont la fécule bleue dans toute fa pureté. D'ESCRIPTION De la Machine pneumatique à vapeurs dé M. l'Abbé CAJETAN BERRETRAY; Par M. JoaAcnim CARRADORI. A 11 Planche IT. Récipient , ou grand vafe de cuivre étamé, fur le bord duquel eft foudé exaétement le couvercle conique de cuivre BB B. A jufte diftance de l'extrémité fupérieure dudit couvercle conique, elt foudé un robinet C, qui dans fa partie extérieure, eft terminé rl SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS, 152 par un perit canal, ou tube, ayant le diamètre d'un tuyau de plume à écrire , & fon orifice fermé par une vis & dans fa partie intérieure eit terminé par ur tuyau de cuivre qui paroît fi près du fond du récipient À fans le toucher, de façon que trois livres d’eau puiffent s’y cenir fans qu'il touche la furface de l’eau. Ce tube de cuivre eft fourenu dans Fintérieur du récipient A, par vne traverfe ou bande aufli de cuivre, Sur la partie fupérieure du couvercle conique B doit y avoir un noyau ou nœud de métal N bien foudé avec une vis femelle au-deflus , pour pouvoir y inférer le cou du plat du métal F, en tout reffemblant aux autres machines pneumatiques, & muni de fon robinet, pour introduire l'air en Z. Au même niveau du premier rohinet C dans fa partie oppofée, eft foudé un autre robinet R qui, dans fa partie extérieure, eft courbé & rentre dans le couvercle B auquel il eft bien foudé, & dans fa partie intérieure il fe courbe, & pañle par le nœud ou noyau N où il eft foudé. Cette machine eft foutenue à jufte hauteur de terre par un trépied de bois & de fer T, en état de foutenir près du fond du grand récipient un brafier percé O , pour laifler tomber les cendres, Moyen de la mettre en œuvre. 11 faut auparavant déviffer le plat du métal, de crainte que la chaleur ne dérange la petite peau adaptée à la vis, on verfera après dans le grand récipient , par fa partiefupérieure, un peu plus detroïs livres d'eau, qu’on ferme enfuite le robinet R. Laiffant le robinet C ouvert , on pofe fous le récipient le brafier plein de charbons embrafés, & en deux minutes tout au plus, on verra fortir par le robinet C l’eau tiède, qui fuintera jufqu'à ce que l'orifice du tuyau interne foit entièrement découvert; alors, par le moyen d’un foufflet, on doit allumer les charbons autane qu'il eft poffible , & après deux autres minutes, on verra fortir un autre jet d'eau bouillante avec bruit, qui fera fuivi d’un jet de vapeur épais & forcé, mêlé avec des fréquentes gouttes d'eau, produites par la vapeur condenfée dans la furface intérieure du tube. Dans cet état, il ne faut attendre que trois ou quatre minutes à fermer le robinet C, & ôter dans le même rems le brafer de deflous le récipient; car un plus long intervalle pourroit faire évaporer toute l'eau, & fondre toutes les foudures , & même faire éclater le grand récipient, non fans danger des perfonnes à l'entour. Voulant mettre la machine en œuvre tout defuite, il faut la rafraîchir par le moyen d’une éponge imbibée d'eau & condenfer les vapeurs, ce qui arrive en deux ou trois minutes. On replace le plat par le moyen de fa vis fur le nœud d'en haut déjà garni de fa cloche de verre, & pour en Ôter l'air, on n'a qu'à ouvrir le robinet R par lequel 132 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, l'air, par fon propre poids & élafticité, fe précipitera dans le grand récipient, Avantages particuliers de cette Machine. 1°. La vitefle avec laquelle on parvient à raréfier l'air fous la cloche, eft plus grande que dans les machines à cylindre & à pompe, parce qu’elle n'exige aucune alternative, ou répétition des mouvemens du pifton , qui entraîne toujours bien des minutes de tems, & toujours en raifon de la capacité de la cloche fituée fur le plat. 2°. Beaucoup plus de folidité, n'étant pas fujetre aux fecouffes inévitables dans les machines communes, occalionées par la roue dentée fur es dents de la fcie qui rehaufle & abaifle les piftons. 3°. Quand le grand récipient de cuivre eft d'une affez grande capacité, on pourroit faire fucceflivement , & en peu de cems, huit ou dix expé- riences, qui exigent un trop grand raréfiement d'air, fans renouveller lation du feu & de l’eau, car il fufira à chaque expérience l’ouverture du robinet R. Cette machine, par fa fimplicité & facilité à exécuter, eft moins coûteufe & de moindre travail à la mettre en œuvre; & fi au tube extérieur du robinet C, on vifle un tube de verre V, long de 29 ou 30 pouces, ouvert des deux côtés, & gradué en pouces & lignes, qui plonge dans un petit vafe de mercure, en ouvrant feule- ment le robinet C, on connoîtra la raréfaction de l'air à chaque expérience. Défavantages , ou objeëtions qu'on peut faire à cette Machine. 1°. La fumée des vapeurs aqueufes qui fortent avec force du robinet C,& les vapeurs nuifibles du charbon font deux incommodités in- féparables de l’ufage de cette machine , & peuvent être fâcheufes pour l'opérateur. 2°. On ne peut pas avec cette machine faire fortir l'air peu-à-peu, car dès que le robinet R eft ouvert, elle déploie toute fa force. 3°. Cette machine eft inutile pour extraire l'air d'un récipient dont la capacité foit peu de fois moindre que le grand récipient de cuivre, 4°. C'eft un embarras & une perte de tems d’être obligé de la rafraîchir avec une éponze; il feroic à fouhairer de trouver le moyen d'introduire dans fa cavité de l’eau fraîche, qui ne manqueroit pas de condenfer les vapeurs dans le moment. s°. Elle n'eft enfin fufceprible d’un effet fi grand que les autres machines communes par lefquelles on raréfie de plus en plus l'air, plus on fait agir les piftons. Képonfes. SUR L'HIST, NATURELLE ET LES ARTS. 153 Réponfes. 1°. Les deux objeétions raifonnablement propofées fur les vapeurs & les exhalaifons du charbon peuvent auffi très - raifonnablement être furmontées , en faifant les expériences à découvert, ou dans une chambre bien venrilée, ou même on peut faire préparer la machine par quelque domeitique moins délicat que notre oppolireur. 2°. La feconde obje&tion n’a aucun fondement, car il fuffit d'ouvrir &c fermer alternativement & avec vicefle le robinet R, on obtiendra aifément la raréfaction de l'air par reprifes. Mais il faut avouer que dans les machines ordinaires on n'obtient le raréfiement de l'air que par reprifes : défaut qu’on ne peut pas reprocher à notre machine , qui peut dans un inftant déployer route fon activité. 3°. Latroifième objection fuppofe le récipient de cuivre trop petit & par conféquent trop borné, comme aufli les cloches qui doivent être placées fur le plat d'apparat, beaucoup plus grandes qu'il ne faut. Si on raifonne fur des faux donnés, je ne connoïis aucune in- vention humaine, qui puifle répondre aux demandes exagérées des mêmes. Cetre machine, telle qu'elle a été conitruire chez l’auteur, eft compofée d’un récipient de cuivre, capable de contenir 18 à 19 pinres d'eau ( de 7 livres chacune) , & malgré fa petite: elle a été capable de tuer des oifeaux & des rats de médiocre grandeur, pofés fous une cloche de verre d'une feule pinte de capacité, & le mercure élevé par le poids de l’armofphère au-deflus de 17 pouces dans un vafe d’eflai d'une pinte, a baïflé fi fubitement qu'il ny manquoit qu'un demi- pouce à être de niveau avec le bain, Si l'on vouloit conftruire une machine dont le grand récipient füt de double capacité, c’eft-à-dire, de 40 pintes, fous des cloches pareilles aux premières, on obtiendroie une double raréfaction. Il faut ajouter que fi dans quelque expérience particulière on vouloit préparer deux ou trois fois la machine, il ne faudroit que l’efpace de 20 ou 2$ minutes pour raréfier l’air dans le même récipient deux ou trois fois de plus, & cette longueur de tems ne feroit pas fufifante dans les“fnachines communes à pifton. On comprend aifément , par l'abaiflement du mercure , que dans une cloche d'une pinte , il n’y relte que = d’air, En fuppolant un récipient double, on auroit un réfidu d’— d'air, & le mercure s'approcheroit du nouveau trois lignes & même plus. Il ne faut pas oublier non plus que dans la fuppoñirion d'un récipient double, c'eft-à-dire, de 40 pinres, le. réfidu d'air fous une cloche de demi-pinte feroit — d'air, renouvellant la préparation au fecond tour du robinet K , le réfidu ferait des 4°. Dans la quatrième objection , on voudroit que le grand récipient pôt fe refroidir par l'introduction d'un peu d'eau froide, TI eft vrai que Tome XXX VII , Pare. 1, 1791, FEVRIER, V 154 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, fi l’on approche un vafe d’eau à orifice du robinet C , & qu'on l'ouvre pour peu de momens, le poids de l’atmofphère obligera l’eau fraîche à monter par letuyau, & fe précipiter après dans le grand récipient. Mais je fais réflexion , qu'une petite quantité d’eau fraîche introduire dans fa capacité ne peut pas refroidir un grand vafe de cuivre, & fi on en introduifoit une plus grande quantité , on diminueroit le vuide Ou capacité intérieure, & par conféquent l’effèt de la raréfaction. J'ajoute qu'on peut laifler refroidir le récipient à fon aife, fi on n’a pas de néceflité de le mettre en œuvre tout de fuite ; je l'ai préparé plufieurs fois, & m'en fuis fervi après plufeurs jours, & mième des mois. Je me flatte d’avoir donné toute la perfeétion dont ef fufceptible la machine pneumatique à vapeurs, en faifant fouder un récipient de cuivre NNNN furle couvercle conique de ladite machine qui parvienne: par fon bord fupérieur au-deflus du petit robinet Z. A fa partie in- férieure , j'ai fait fouder un robinet M , dont l’ufage eft d'évacuer l’eau, que je fubftitue à l'éponge, ça épargne la peine des grandes vapeurs qui s'élèvent quand on frotte le grand récipient avec l'éponge imbibée, & entretient fous l'eau tous les robinets, & les aflure par-là de laïfler pénétrer la plus petite partie d'air. J'ai adapté aufli le tuyau de mercure dont jai parié cideflus, & j'ai vu monter le mercure jufqu’à 22 pouces & 6 lignes, c'eft-à-dire, une ligne de moins que dans le baromèire à même jour & même heure; je n'avois peut-être pas donné aflez de tems à la machine de s'évacuer, car ayant fait allonger le tube du robinet C pour y vifler le cylindre de verre, l'orifice par où fortenc les vapeurs, en fut rerréci & par conféquent il y faut un plus long efpace de tems pour charger la machine, 5”: Ce qu'on vient de dire au troifième article peut fervir de réponfe à la cinquième objection. Je me contente d'ajouter que comme dans la machine à pifton , il y a la foupape au bas du cylindre, on ne peut raréfier l'air fous une cloche au-delà du point auquel la raréfaction peut à peine ouvrir cette foupape. Au contraire , dans la machine à vapeurs l'air ne doit fe frayer aucun chemin , mais feulement fe précipiter par l'ouverture du robinet R , ce qui s'obtient fans effort. Soit refté dans la cloche -= partie d’air , avec une feconde préparation & ouverture du même robinet ( dans la fuppofition toujours de la troifième réponfe ) il en reftercit ——; & avec une troifième opération femblable, le réfidu feroit = On voit par-là qu'on peur obtenir une très-grande raré- faction d'air, & s’il n’eft pas fi grand qu'il paroir par les fufdires fractions qui fuppofent un vuide parfait dans le grand récipient, on pourroic du moins s'en promertre un vuide ou raréfation qui feroit capable de fatisfaire cout phyfcien. EPP KE SUR L’HIST, NATURELLE ET LES ARTS. 1çs Eve ANALYSE D'une Mine de Laiton de Pife en Tofcane ; Par M. SAce. Es anciens ont diflingué deux efpèces de cuivre, celui de Chypre dont la couleur éroit rouge, & celui de Corinthe (1) qui étoit jaune. Quoiqu’on ait écrit que c’étoit un alliage d'or, d'argent & de cuivre, il me paroît plus vraifemblable de regarder le cuivre de Corinthe comme un laiton produit par une mine qui contenoit du zinc & du cuivre. Peur-être cette mine étoir-elle femblable à celle dont je vais donner lanalyfe. La rareté du cuivre de Corinthe rendoie fon prix exorbitant , fa beauté le faifoit préferer à l’or; fi ce n'eüt été qu'un mélange de cuivre, d'or & d’argent, il eût été facile de limiter. Il y a dans les colleétions numifmatiques des médailles antiques de cuivre jaune ; le procédé pour obrenir ce laiton n’eft décrit dans aucun des ouvrages des anciens; ce qui me porte à croire que ces médailles auront été frappées par curiolité avec l’aurichalcum, ou cuivre de Corinthe, L'art de faire à volonté le laiton eft dû aux métallurgiftes allemands du treizième fiècle. Albert le grand a le premier fait mention du zinc qui entroit dans cet alliage ; il le défigna fous le nom de marcaflerre d’or, à caufe de la propriété qu'il a de donner une couleur d’or au cuivre rouge. Les minéralogiftes n'ont pas encore fait mention de mines qui réunifloient ces deux fubftances métalliques dans une proportion telle que par la réduction, elle produife le plus beau laiton. La minede laiton qui a fervi aux expériences fuivantes vient des environs de Pife; c'eft une calamine d'un gris fale, avec des taches glandu- leufes d’une blende d’un gris noirâtre, terne & feuilletée; on trouve auffi dans cette calamine de la terre martiale brune & du quartz blanc; mais ce qui forme le caractère de cette mine de laiton, fonc des criftaux de pierre calaminaire d’un blanc bleuâtre, feuilletés & nacrés, reflemblant à de la ftéatie; ces criftaux offrent fouvent des lames allongées,, divergentes à peu-près comme la zéolite. J'ai diftillé trois cens grains de la mine de laiton de Pife, dans une (x) Aurichalcum, Ephyreia æræ de Virgile. Ephica fut détruite par les Romains l’an de Rome 607, cent quarante = fept ans avant l’ère chrétienne, Tome XX XVIII , Pare. 1, 1791. FEVRIER. V 2 156 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, cornue de verre placée dans un fourneau de réverbère ; j'y ai adapté l’ap- pareil hydrargyro-pneumatique, il a pañlé de l’acide méphitique ; après cette opération, cette mine s’eft trouvée avoir perdu le quart de fon poids. L'ayant enfuite torréfiée, il ne s’en eft pas fenfiblement dégagé d’acide fulfureux. J'ai réduit cette mine de laiton en la fondant avec le tiers de fon poids de poudre de charbon & quatre parties de flux noir; lorfque le mêlange entre en fufion, une partie du zinc brûle & s’exhale en produifant une belle flamme bleue & verte; dès qu’elle ceffe , je retire le creufet du feu, & lorfqu'il elt refroidi, je trouve fous les fcories un culot de leiton dudtile, de la plus belle couleur, dans le rapport de douze livres par quintal de mine. Ce laiton eft aufi beau que celui que j'ai obtenu , en réduifant enfemble une partie de chaux de cuivre & deux de pierre calaminaire; il n'a paru que dans cette expérience le cuivre recenoit conftamment la quantité de zinc qui eft nécelfaire pour le conflituer laiton, bien entendu lorfque cer alliage métallique refte couvert par les fcories, Voici Ja manière dont je procède : je mêle enfemble cinquante grains de chaux de cuivre, qui refte après la diftillation du verder, avec cent grains de pierre calaminaire, quatte cens grains de flux noir, & trente orains de poudre de charbon; je tiens ce. mélange en fufion jufqu’à ce que je n’apperçoive plus de flamme produite par le zinc. Le creufet refroidi, je trouve fous les fcories un culot de laiton, pefant un dixième de plus que le ré: le de cuivre que produit la mème quantité de chaux de ce métal, réduire avec la même quantité du même flux. J’ai répété plufieurs fois cette expérience, & j'ai obtenu le même réfultat; d’où je conclus qu’il n’y a qu’un fixième de zinc dans le cuivre jaune & brillant comme l'or pur. Dans la préparation du laiton en grand, le cuivre fe trouve augmenté d'un cinquième, auñli fa couleur eft-elle moins belle. Les criftaux blancs bleuâtres nacrés de pierre calaminaïire cuivreufe qu'on trouve à la furface de la mine de laiton de Tofcane, fe diflolvent facilement dans l'acide nitreux. Si on verfe dans cette diflolution de Palkali volatil , elle devient bleue, & les chaux métal- liques qui fe précipitent, fe rediflolvent dans ce menftrue. L'akalf volatil a auûi la porpriété de difloudre la pierre calaminaire cuivreufe de Pife; ayant mis vingt-quatre grains de cetté mine de laiton calcinée dans une petite cucurbite avec trois parties d’alkali volatil concret diflous dans quatre parties d’eau diflillée, la chaux de zinc cuivreufe s'y eft difloute, & je n'ai trouvé au fond du vafe qu'un vingt-quatrième de quartz (1). (1) La pierre calaminaire cuivreufe produifant par la diflillation de l’acide méphi- SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 157 et RE NOUVELLES LITTÉRAIRES. Fa UNA Etrufca fifens infecta quæ in Provinciis Florentina & Pifana præ- fertim collesir PErRUS ROssius, in Regpio Pifano Athenæo Pub. Prof, & Soc, tal. Liburni, Typis Thomæ Maffi & Sociorum Præ- fidium Facultate, 1790 , 2 vol. in-4°. avec 10 Planches enluminées. Cet ouvrage eft deftiné à faire connoître les infectes qui fe trouvent aux environs de Pife en Italie. On penfe bien qu'un pays aufli favorablement litué doit être riche en efpèces nouvelles d'infeétes; auffi l'ouvrage de Pierre Rofli ea contient-il un grand nombre, done la plupart font exaétement figurées & enluminées dans les planches dont l'ouvrage eft enrichi. On ñe peut qu'exhorter les amateurs d’Entomologie ; même les amateurs de belles édiriôns, de fe procurer cet ouvrage, dont piufieurs exemplaires ont été dépofés par l'Auteur chez Louis Bofc, fon ami, à Paris, rue des Prouvaires , N°. 32. tique feroit définie par les chimiftés néologues & leurs fectaires, carbonate de zinc coloré par l’oxide de cuivre. Carbonate fignifie pour ces Mefleurs, fel où l’acide méphitique eff partie confti- tuante. Ils fuppofent que l’air fixe eft toujours produit parle concours du charbon. Mais ces phyficiens auroient dû {e rappeler que le charbon ne brûle qu'après avoir paflé à l’état d’air inflammable , & que fa combuftion & fa réfolution en acide méphi- tique ne peut avoir lieu que lorfque quinze parties d’air inflammable & quatre. vingt= cinq parties d’air déphlogiftiqué ont brûlé fimuitanément. L’épithète d’acide carbo= nique ef donc vicieufe , puifque fans les cinq fixièmes d’air vital il ne fe produiroit pas d’acide méphitique , qui a encore befoin pour fe former du concours de l’atmof- phère. Quant à la finale ace qu’il a plu aux chimiftes néologues d'introduire dans la langue françoife pour équivaloir au mot fel, ils n’en ont pas jufifié létymologie. Auf carbonate , fulfate, muriate , phofphate , nisrate, citrate, &c, ne prennent-ils point parmi les chimifies qui ne font point de la fédération. Au moins dans automate trouve-t-on d’après l’étymologie grecque l’expreffion de la chofe , ce mot fignifiant machine qui fe meut par foi-même d’auros ipfe & de hais defidero. Le mot oxide eft greco-larin & par conféquent point grammatical, A-t-on voulu défigner une pierre acide , il falloit employer le mot ox£/fse, & par élifion oxire, La feule connoiflance des racines grecques auroit empêché ces favans de fe compromettre par un langage infgnifiant, qui n’efl pas propre à refaire J’entendement Humain. L'abbé de Condillac que ces Mefeurs citent, dit que les philofophes doivent mettre de la précifion & de l’exaétitude dans leur langage , & c’eft précifément ce qui manque à la nomenclature des chimiltes oxiphiles , comme je le prouverai dans un ouvrage que je publierai inceffamment. 158 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, Abrégé des Tranfaëtions Philofophiques de la Socieré Royale de Londres , Ouvrage traduit de P Anglois, & rédigé par M. GiBeLiN, de la Société Médécinale de Londres, Ge. fixième livraifon, avec des Planches, comprenant le tome IT de la Phyfique expérimentale & zome IL de la Matière médicale & Pharmacie, Prix, 4 liv. 10 fols le volume broché pour Paris; & $ Liv. franc de port par la pofle. La Jeptième livraifon qui paroîtra incefJlamment , terminera cet Ouvrage. À Paris, chez Buillon, Libraire , rue Haute-Feuille, N°. 20. Nous avons déjà fait connoîtreles autres volumes de cet abrégé, Ceux-ci font faits avec le même foin. Quoiqu’en général ces fortes d'ouvrages ne puiffent remplacer les originaux , cependant vu la multiplicité on eft forcé d'y avoir recours fauf à corfulter l'original dans des cas particuliers, C'eft donc un véritable fervice qu'ont rendu à la fcience ceux qui ont bien voulu fe charger de ce travail. Manuel du Meünier & du Conflru&eur de Moulins à eau & à grains ; par M. BUCQUET: nouvelle édition, revue & corrigée, & beaucoup augmentée , approuvée. par L Académie. des Sciences, & imprimée fous fon privilège, orné de 7 Planches. À Paris, chez Onfroy, Libraire, rue Saint-Victor, N°, 11. M. Bucquet eft un de ces citoyens précieux dont la renommée ne récompenfe pas les utiles travaux. [l nous fuffira de dire que la moüture économique qu'il a établie dans plufeurs provinces du royaume, non- feulement donne de la plus belle farine , par conféquent du: plus beau: pain, mais encore économife unitiers de grain. Ainfi en füppofant en: France vingt-cinq millions d'habitans , M. Buéquet a produit une écono- mie annuelle de vingt-cinq millions de feptiers de grains (1); car on compte aujourd’hui que deux feptiers fufklent pour une perfonne , tandis que du tems du maréchal de Vauban on croyoit qu’il falloir trois feptiers. Ainf en eftimant le feptier de toutes fortes de grains feulement 12 à 15 liv. par ah, on voit à quelle fomme fe monte cette économie. Inflruéion fur L Art de la Teinture , & particulièrement fur la Teinrure’ des Laines ; par M. POERNER, Ouvrage traduit de l'Allemand , par M C***, revu & augmenté de Notes par MM. DESMAREST & BERTHOLLET, Membres de l'Académie Royale des Sciences : imprimé par ordre du Gouvernement. À Paris, chez Cuchet, Libraire, rue & hôtel Serpente, I vol. z7-8°. L'art de la Teinture ,,graces à notre luxe & à nos fantailes, eft un de. ces arts faétices qui eft devenu des. plus confidérables de la fociété. Oneft éconné, quand'on entre dans les détails des fommes immenfes qu'il (x) Le feptier de froment pèfe environ deux cent quarante livres poids dé marc. SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 159 coûte à l’Europe. L'auteur diitingue dans cer arr quatre couleurs princi- pales, 1°. le rouge, 2°, le jaune, 3°, le bleu, 4°. le noir. Le imêlange de ces couleurs principales produit toutes les variétés du caprice & de la mode, que nous ne faurionstoutes rapporter. 11 nous fufira de dire que les rouges{ont faits principalement avecia cochenille, le cocus ou kermès, la lacque , trois produits animaux , puis la garance & le fernambouc. Les jaunes font faits avec la gaude , la farrette, la géneftrole, [a camomille , le bouillon bianc, le .fenugrec, le bois jaune, morus tinéoria , L, & le cucurma. Dans les bleus on n’emploie que l'indigo. Enfin, les noirs font tous faits avec le vitriol de fer & les plantes aftringentes , mais fur-tout la noix de galle & le bois de campêche. Qu'on ajoute à toutes ces fubitances les acides, les alkelis, Palun, ... & on verra quelle confommation immenfe font les ceinturiers, Les traducteurs ne fe font point fervis de la nouvelle nomenclature, fachant bien que cela auroit rendu inutile aux artiftes cer ouvrage qui eft du plus grand intérêr, Nore de J. C. Delamétherie. En parlart de nomenclature , dois-je me juflifier d'une phrafe de mon Difcours préliminaire qu’on a regardé comme uae perfonnalité contre un des auteurs de la nouvelle nomenclature ? Témoignant ma furprife qu’on eût adopté le mot gaz azore, fi infignifiant pour exprimer l'air phlogiftiqué , & que cepen- dant on aît confervé les mots zitre , nitreux, Etc. tandis qu’on avoit changé les mots viriol, fel marir, j'ai dit, c’elt fans doute parce que les poudres rendenr beaucoup d'argent. On prétend que c’eft un farcafme que je me fuis permis contre M. Lavoifier, un des régifleurs des poudres à Paris ; & les commentaires n'ont pas manqué... Je crois qu'avoir expofé mon prétendu tort au Leéteur impartial , c’eft jui en dire aflez. Qui ne fait qu'un fonétionnaire publie quelconque doit avoir un traitement. M. Lavoïfier rempliffant difiérentes fonétions publiques a différens traitemens. I] a un fuperbe logement national à la régie des poudres, il ale traitement de régiffeur des poudres, celui de fermier général , celui d’acidémicien. ... Quel rapport avec ma Phrafe, qu’il ait dix, vingt, trente, quarante, cent, deux cens..,.mille livres annuellement du tréfor public. ...On devroit affez me connoître pour être perfuadé que ces petits moyens font au-deffous de moi. Ils ne font pas faits pour celui qui a attaqué ouvertement le defpotifme des têtes couronnées , le defpotifme de leurs minifires & agens ,le defpotifme facerdotal , le defpotifime praticien, & qui pis eft, pour celui qui aime les leitrés, le defpotifme académique. : Quoi qu'il en foit, ou le fens de ma phrafe eft différent .de celui qu’on veut lui donner ; & pour lors je ne réponds rien à la méchanceté : ou elle eft réellement équi- voque , & pour lorsje déclare que ce n’a été nullement mon intention , & que c’efl une faute de rédaétion. Mes Leë&teurs n’ont que trop fouvent lieu de s’appercevoir combien: jai befoin d’indulgence à cet égard comme à tougautre. Je déclare encore à mes adverfaires que je n’aï aucune prétention au /Zvoir ni aux salens ; que perfonne ne connoït & fentmieux que mioi combien elle “feroit mal placée. Je ne veux d’autre titre que celui d'ami de La vérité & ennemi de tour defpotifne. Ma vie a été & fera toute employée à les mériter. Naruram queærere rerum à Semper, & invencam patriis exponere chareis. Lucret. lib. IV. L.d ne 60 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, 6: Journal de Chirurgie ; par M. DESAULT, Chirurgien en chef de l'Hôtel- Dieu. À Paris, rue de la Harpe, N°. La Chirurgie, ainfi que tous les arts, ne peut fe perfectionner que par l'obfervation. Perfonne ne peut l’enrichir davantage que M. Defaulr, qui aux connoiflances les plus étendues, joint une pratique immenfe. Depuis long-tems il faifoit une efpèce de cours-pratique à l'Hôtel-Dieu. [ réunira toutes fes obfervations dans fon Journal, qui ne peut qu'être infiniment utile aux progrès de Ja Chirurgie. =. EE TABLE l DEs ARTICLES CONTENUS DANS CE CAHIER. jee générale de la Sibérie & de fès Habirans ; par M. PATRIN; de plufieurs Académies , page 81 Douzième Lertre de M. De Luc, à M. DELAMÉTHERIE, fur Les Couches calcaires de la feconde Claffe & Les Couches de Pierre Jableufe de la première , & Jur leurs Cataffrophes. Formation des Montagnes du fecond ordre, 90 Seconde Lettre de M, VAN -Marum , à M. le Chevalier MARSILio LANDRIANI, contenant la Defcriprion des nouveaux Frorcoirs életriques adaptes à la Machine Teylerienne , de leur effet en comparaifon des autres, & des Offervations, qui font voir en général quelle doit étre la conflru&ion des Frottoirs éle&riques, pour en obrenir le plus grand effet, 109 Expériences & Obfervations fur la diffolution des Métaux dans les Acides, & leurs précipitations, avec l'expofition d'un nouveau menfirue acide compofé & utile dans quelques opérations techniques du départ des Métaux ; par M. J. Ketr , Membre de la S.R. (extrait des Tranfa&ions Philofophiques ). Ce Mémoire a été lu à la Société Royale le 20 Mai 1700, 124 Effais fur L Art de l'Indigotier , pour fervir à un Ouvrage plus étendu ; par M. JEAN-BAPTISTE [LEBLOND , Médecin Naturalifle , Penfionnaire du Roi, Correfpondant de l’Académie Royale des Sciences de Paris, de la Société Royale d'Agriculture & de celle de Médecine, &c. Commiflaire pour Sa Majeflé pour faire la recherche du Quinquiña dans la Guyanne Françoife , lus & approuvés par l’Académie des Sciences : extrait, 141 Dejcription de la Machine pneumatique à vapeurs de M, T Abbé CAJETAN BERRETRAY; par M. JoAcHIM CARRADORI, 150 Analyfe d'une Mine de Laiton de Pife en Tofcane ; par M. SAGE, 155$ Nouvelles Littéraires, VTS7 2h LIRE Et | | | À CON NET TITEL | ET | caen her | | 14h » 1e Vo. opt Murs {: y : VUE th ras de ne É 4€ Le f nie not À FE on ; | u h É | SRE SN Sant + < Le rene um, le dat ee r Mtieres, - ccmha ain rod tm Pa PV CELLES Se —— nm A | JOURNAL DE PHYSIQUE. | MARS 17917. cl . JA ASE sx OBSERVATIONS SUR L'HISTOIRE NATURELLE DU COUCOU: Par M. EDwaART JENNER: Exrraites des Tranfations Philofophiques, traduites par M. A.B.***, LE coucou arrive tous les ans vers Te 17 du mois d'avril dans la province de Glouceftershire, où les obfervations fuivantes ont éré faites ; la venue du mâle efl aulli-tôt annoncée par le chant que rout le monde connoît & qui diffère de beaucoup du cri de la femelle ; différence à laquelle on ne paroît pas avoir fait jufqu'à préfenc beaucoup d'attention ; ce cri a beaucoup de rapport avec celui des jeunes grébes (1). Les couçous différens en cela des autres oifeaux ne s'appareillent point. Lorfque la femelle vole, elle eft fuivie ordinairement de deux ou trois mâles quisferablent très-empreffés d’obrenir (es faveurs; depuis l’époque où la femelle paroît jufqu’au milieu de l'été, les nids des oifeaux qu'elle choifit pour y pondre fes œufs font très-multipliés ; mais, ainf que tous les autres oifeaux de paflage , elle ne commence la ponte que quelques femaines après fon arrivée dans le canton, je n'ai du moins jamais pu me procurer des ‘œufs de coucou avant la mi-mai: il peut cependant fe rencontrer quelques-uns de ces oifeaux qui, arrivés de très-bonne heure, aient pondu avant ce tems. J'ai obfervé que le coucou dépofoit fes œufs dans différens nids, tels que ceux de fauvettes (2), de lavandrières (3), de farloufes (4), de re pement emmener mom (1) Colymbus auritus , L. d (2) Morcavilla "modularis, L. & non point Mor, cinnira, le fauvette de baye. Briff. P (3) Mortacilla alba, L. (4) Alauda pratenfis , L. Tome XX XVIII, Part, I, 1791. MARS. . X 162 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE; bruans (1) de linottes , de traquets (2) ; on en trouve fouvent dans les nids de ces trois derniers oifeaux & plus fréquemment dans ceux de fauvette; aufli, pour être plus concis, je me bornerai à parler des coucous élevés par des fauvettes, à moins que je n’aie quelque ‘fait particulier à citer. La ponte de la fauvette dure ordinairement quatre ou cinq jours 3 pendant ce tems ( & ordinairement après qu’il y a un ou deux œufs dans le nid ) le coucou tâche d'aller dépofer fon œuf parmi les autres, laiffant entièrement aux fauvettes le foin de le couver & d'élever le petit qui en doit naître. Cet œuf dérange quelquefois la couvée, la fauvetre jettant hors du nid quelqu'un des fiens, ou les endommage de telle manière que les petits périffent dans la coque; très-fouvent on re voit venir à bien que deux ou trois petites femelles avec le jeune coucou. Quoi qu'il en foit, la fauvette couve toujours] aufli long-tems que s’il n’y avoit dans fon nid aucun œuf de coucou, qui n'a pas befoin d’une plus longue incubation que les autres. Je n'ai jamais vu l'œuf du coucou endommagé ou rejetté, A la fin de l'incubation, lorfque la fauvetre a dégagé de leurs coques Je coucou & quelques-uns de fes petits, ceux-ci & les œufs qui étoient demeurés dans le nid , font bientôt jettés au dehors, & le jeune coucou demeure poffeffeur du nid & le feul objet des foins de la mère, Ordinaire- ment les petits, jettés hors du nid, font encore vivans & les œufs reftent entiers, mais ils périffent accrochés aux paiiles qui forment la partie extérieure du nid , ou on les trouve à terre. Plufieurs auteurs ont fait l’obfervation que je viens de rapporter, mais ils fe font trompés fur les caufes de ce déplacement; on à formé li-deflus diverfes conjectures. Quelques naturaliftes ont attribué cette deftruétion aux vieux coucous , tandis que d’autres ont conjeéturé avec aufli peu de fondement que les petits étoïent étouffés par la mafle du jeune coucou. L'œuf de cer oifeau étant à-peu-près de la grofleur de celui de la fauvette, le petit qui en fort ne doit pas être de beaucoup plus gros que les fauvettes qui viennent d’éclore. Pour prouver la faufleté de l’autre afertion, il me fufra de dire que j'ai obfervé, il y a quelques années, des jeunes coucous qui ne font éclos qu'après que les vieux oifeaux de leur efpèce avoient quitté le pays, & que j'ai vu alors les petites fauvettes rejetrées comme dans tous les autres tems; mais avant d'indiquer la manière dont la chofe fe pafle, je crois devoir rapporter quelques obfervations fur la ponte & l'incubation des œufs du coucou. (1) Emberyza citrinella , Le (3) Morcacilla ruberra , L. SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 183 Quelques auteurs modernes & notamment M. Daines Barington , ont cru que cet oifeau ne pondoit même pas fes œufs dans les nids d'oifeaux d'efpèces différenres de la fienne ; ce fait, il faut en convenir, femble $ éloigner fi fort des loix générales de la nature, qu'il meft pas étonnant qu'il fe trouve des perfonnes qui refufent d’y ajouter foi. OBSERVATION PREMIÈRE. Le coucou pond fouvent dans le nid de la farloufe; mais comme cer oifeau eft moins familier que ceux que j'ai déjà cités, fon nid eft auf plus difficile à découvrir. On m'en a cependant apporté plufeurs dans lefquels j'ai trouvé des œufs de coucou ; & j'ai même vu une fois un coucou déjà éclos; jai vu les oïfeaux lui donner la becquée , & pour m'aflurer que c'étoit bien des farloufes, je les cuai d’un coup de fufil {ur le nid, OBSERVATION SECONDE. Un coucou avoit pondu un œuf dans le nid d'une lavandière , placé fur une vieille chaumière 3 la lavandière couva comme à l'ordinaire, & trous les œufs, excepté un feul , vinrent à bien; cet œuf avec tous les petits, excepté le coucou, furent bientôt jettés hors du nid. Je trouvai les jeunes cifeaux au nombre de cinq fur un chevron qui dépañloic le chaume , l'œuf y étoit aufli & n'étoit nullement endommagé. Il renfermoit un oifeau bien formé & prêt à éclore, Les lavandières éle- vèrent le coucou jufqu'à ce qu'il fut prêt à prendre fon eflor, & alors il périt par un accident particulier. 2 OBSERVATION TROISIÈME. Des fauvettes conftruilirent leurs nids fur une aubépine dans un chantier; après que la femelle eut pondu deux œufs, un coucou y en vint pondre un; ce qui ne dérangea nullement la fauvette dont la ponte confifta en cinq œufs, après quoi elle fe mit à couver. Le 20 juin 1786, je m'apperçus que quelques-uns des œufs étoient éclos dans la matinée, & je ne trouvai que le petit coucou dans le nid ; au-deflous du nid je vis une jeune fauvette morte, & je découvris un œuf retenu fur les pailles qui formoient la partie extérieure du nid; en l’examinant attentivement je visaue , quoiqu'il fûcun peuendommagé , cependant le petit qu’il renfermoit étoit encore plein de vie, Je le remis aufli-tôt dans le nid d’où il fut encore rejetté au bout de quelques minutes; mais comme il fut encore retenu par les matériaux qui for- moient le nid, ilne fe trouva point caïlé. J’enlevai le petit coucou du nid & je mis à la place l'œuf. Pendant ces différentes opérations, les fauvettes voltigecient de cout côté & paroifloient fort agirées; mais elles retournèrent à leur nid aufli-tôt que je me fus retiré ; lorfque je revins Tome XX XVII, Part, I, 1791. MARS, X 2 164 OBSÉRVATIONS SUR LA PHYSIQUE; un quart-d'heure après, je trouvai le petit éclos, bien chaud & plein de vie. Je laiflai les fauvertes avec leur petit pendant trois heures, après quoi je placai de nouveau dans le nid le jeune coucou ; les À ertes avoient été tellement eflarouchées, qu'elles furent quelque tems fans vouloir approcher de leur nid; elles y revinrent cependant, & lorfque je vins après quelques inftans vifiter le nid, je m'appercus que la jeune fauvetre avoir été jertée dehors; comme elle n’éroit point bleflée , je la plaçai de nouveau dans le nid, mais elle en fut de nouveau chaflée, D'après les obfervations que je venois de faire, en confdérant d’ailleurs le peu de forces du jeune coucou qui venoit d’éclore, j'étois perluadé qu'il n’avoit pu être l'agent du déplacement de l'œuf & de la petite fauvetre; & je ne croyois pouvoir attribuer cette opération qu'aux vieilles fauvetres. Je découvris dans la fuite la véritable caufe de ce phénomène fingulier , en voyant le jeune coucou occupé à jetter hors du nid fes compagrons. F Le 18 janvier 1787, j'examinai un nid de fauvettes qui contenoit trois œufs, outre celui d’un coucou. Lorfque je le viftai le jour fuivant, je m'apperçus que le coucou étoit forti de fa coque & qu'il occupoit le nid avec une autre petite feuvette : les deux autres œufs avoient difparu. La poftion du nid, fur la partie extérieur d’une haye, me permettoit de voir diftinement ce qui sy pañloit, & je vis alors, à mon grand étonnement , le jeune coucou qui ne faifoit que naître , occupé à jetter hors du nid le petit. La manière dont il s'y prenoit étoit remarquable; ce petit oifeau, en s’aidant de fon croupion & de fes aîles, râchoit de fe gliffer fous la petite fauvette & de la placer fur fon dos où il la retenoit en élevant fes aîles, alors fe traînant à reculons jufqu’eu bord élevé du nid, il fe repofoit un inftant, & faifant un effort il jettoit fa charge hors du nid : il refta, après cette opération, fort peu de tems, tâtant avec les extrémités de fes aîles comme s’il eûc voulu fe convaincre que fon opération étoit bien terminée, & alors il fe laifla aller au fond du nid. J'ai toujours remarqué depuis que ces petits oifeaux fe fervoient du bout de leurs aîles pour reconnoître les œufs ou les oifeaux qu'ils vouloient déloger ; il paroît que ces parties, qui font doutes d’une fenfibilité extrème, leur tiennent lieu de la vue dontil font privés pendant quelques jours après leur naiflance. Je plaçai enfuite un œuf dans le nid, mais il fut rejerté de la même manière que la petite fauverte l’avoit été. J’ai depuis répété les mêmes obfervarions fur un grand nombre de nids, & j'ai toujours trouvé les jeunes coucous prêts à faire la même manœuvre. En grimpant vers les bords élevés du nid , le coucou laifle quelquefois tomber fa charce, mais il recommence bientôt fon travail & ne le dif ontinue que lorf. SUR! L’'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 165$ qu'il eft venu à bout de fon entreprife. On eft furpris de voir les efforts réitérés d’un coucou de deux ou trois jours, lorfqu'on met à côté de lui un petit oiféau déjà trop lourd peur qu'il puifle le foulever; il eft alors dans une agitation continuelle & ne celle de travailler» Mais lorfque le jeune coucou a deux ou trois jours, il commence 4, perdre le defir de jetrer hors du nid fzs compagnons, & après douz8. jours , je ne me fuis plus apperçu qu’il les inquiétèt , j'ai remarqué qu'il fouffroit beaucoup plutôt dans le nid des œufs que des petits : car j'ai obfervé très-fouvent un coucou de neuf ou dix jours chaffer un petit oïleau qu'on avoit placé avec lui dans le nid, tandis qu’ ne touchoit pas à un œuf qu'on y avoit mis en même-tems, La configuration particulière du jeune coucou eft très-propre à lui faire exécuter cette opération. Différente des autres oifeaux, la partie {upérieure de {on corps, depuis la nuque jufqu’au croupion , eft très-large, & on appercoic dans fon milieu une dépreflion confidérable ; il femble que cer enfoncement eft fait pour placer plus sûrement les œufs ou les petits oifeaux que le coucou veut rejetter ; car dès que le jeune oifeau a atteint à-peu-près fon douzième jour , cette cavité eft entièrement effacée & fon dos ne diffère en aucune manière de celui des autres petits oiféaux. Ayant reconnu que la femelle de la fauvette rejettoit ominairement quelques-uns de fes œufs lorfque le coucou avoit placé le fien dans fon nid, & ne fachant comment elle traiteroit fes petits, fi le jeune coucou étoit hors d’état de les chaffer , je plaçai dans un nid de fauvetre un jeune coucou qui étroit éclos depuis quatre heures, & que j'avois mis dans l'impoflbilité de déloger les jeunes fauvettes qui venoient aufli d'éclore ; il faifoic cependant des efforts continuels pour les chafler. J'avois fait cette obfervation le 9 de juillet, & jufqu'au treize , je ne m'apperçus d’aucun changement, les fauvetres prenoient autant de foin de leurs petits que du coucou; malheureufement à cette époque le nid me fut dérobé. d Je crois qu’aucun ornithologifte n’a encore fait attention à la petitefle des œufs du coucou relativement à fa grofleur; la difproportion eft fi grande que l’œuf de cet oifeau eft ordinairement plus perit que celui d’un moineau franc , quoique celui-ci foit au moins cinq fois plus petit qu'un coucou; j'ai dit ordinairement, car les œufs des oifeaux d'une même efpèce varient, conime on fait, quelquefois pour leur ‘volume, J'ai obfervé un œuf de coucou, du poids de 43 grains, & un autre qui pefoit $$ grains; la couleur de ces œufs eft fort fujerté à varier; quelques-uns reflemblept beaucoup pour le fond de la couleur & les taches à ceux du moineau franc ; quelques autres font couverts de taches roufsâtres placées fans ordre; il en eft d’autres enfin au contraire fur lefquels on voit des lignes noires, & ceux-ci ont beaucoup de reffem- blance avec les œufs du bruan. 166 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE; L'obligation qu'a le jeune coucou de rejetter les œufs ou ies autres petits oifeaux rend raifon du foin que la femelle du coucou prend de ondre dans des nids d'oifeaux aufli petits que ceux dont J'ai dejà parlé. Si elle alloit dépofer fes œufs dans le nid d’un oifeau qui pond des œufs volumineux & dont les petits font gros en proportion, le jeune coucou ne fauroic fe rendre maître du nid , tous fes efforts étant in- fuffifans pour en chaffer Les petits. D'ailleurs , quoique certains gros oifeaux puflent bien nourrir les jeunes coucous , je doure que leur efpèce püt fupporter la deftruétion d'un aufli grand nombre de petits, que les oifeaux d’un moindre volume qui font remarquables par deur extrême fécondité, car quoiqu'il foit impofible de déterminer le nombre de peurs détruits par les jeunes coucous, cependant la plus léère obfer- vation fuffit pour prouver que le nombre en doit êtré très-confidérable. Il et bon de remarquer que les ravages des coucous ne font pas exécutés tout-à-fait en vain, car dans le tems où ils ont lieu, il fe rencontre beaucoup de jeunes quadrupèdes ou reptiles, peu propres & incapables de faifir la proie qui leur eft deflinée & pour lefquels les petits oifeaux, rejettés par le coucou, forment une nourriture très convenable. Il paroîc extraordinaire qu’il puiffe fe rencontrer deux œufs de coucou ; le 27 juin 1737, je trouvai dans le même nid deux coucous & une fauverte qui écoient éclos dans la matinée , il reftoit encore un œuf de fauvette, Dans quelques heures, les deux coucous commencèrent à fe difputer la poffefion du nid , & leur difpute dura jufqu'au lendemain après midi ; lorfque le coucou, qui éroit un peu plus gros que l’autre, parvint à jetter celui-ci hors du nid ainfi que la fauvette & l’œuf qui n'étoit point éclos. Leur difpute étoit remarquable, les combattans fem- bloient avoir alternativement l’avantage, & chacun portoit fucceflivement fon antagonifte jufqu’au bord du nid d’où il retomboit au fond accablé fous le poids de fa charge; enfin après beaucoup d'efforts, le plus forc lemporta, & il fut le feul qui fut élevé par les fauvetres. Je viens à préfent à l'examen du fujet qui a fur-rout excité les recherches des naturaliftes relativement au coucou, c’eft-à-dire, pourquoi comme tous les autres oifeaux, le coucou ne conftruit point de nid, ne couve point fes œufs & n'élève pas lui-méme fes petits? L'organifation de cet oifeau ne préfente aucune particularité , d’après laquelle on puiffe rendre raïfon de fon économie: il a tout ce qu'il faut pour ramafler les matériaux propres à former un nid & les mettre en ordre. Sa configuration externe & la conformation de fes vifcères ne fauroïent l’empêcher de couver fes œufs, & il pourroit fort bien donner à manger à fes petits. Il feroit fuperflu de rapporter les différentes opinions des naturaliftes fur ce fujer, depuis Ariftote jufqu’à ce jour. Les fentimens des anciens {ont erronnés & ne font OP SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS, 16} int fondés fur l’obfervation; & les modernes ont fait très-peu de recherches fur cet objet, & ils n’ont guère examiné que la conftitution & l’organifation du coucou, & layant trouvé pourvu d’un eftomac très-grand défendu par des révumens exrernes très-minces; ils fe fonc hâtés de conclure que la preflion de cette partie fur les œufs empêchoit que l'incubation ne püt avoir lieu. [ls n'avoient pas fait attention que plufieurs oifeaux qui couvent d’ailleurs très-bien avoient un eflomac auffi volumineux que le coucou; la chouette; par exemple, a un eftomac aufli ample, & les tégumuns qui le recouvrent font prefque aufli minces que dans le coucou, Ces auteurs n’avoienc pas non plus obfervé que l'efloïac des petits oifeaux dans le nid eft roujours fort difendu par les alimens, & que c'eft prefque entièrement fur cette partie que repofe le poids total du corps, tandis que dans un oïfeau qui couve, l’eftemac n'eft prefque point comprimé , la poitrine remplit feule la cavité du nid & s'adapte très-bien par fa fornte convexe à la. concavité du nid. Je préfume que ces raifons font fuffifantes pour montrer que la capacité de l'effomac & le peu d’épaiileur des tégumens n'empêcheroient point le coucou de couver:; mais je rapporterai encore comme une preuve convaincante de mon aflertion , l'obfervation qui füir. Dans le courant de l'été de 1786, je découvris dans un nid de fauvettes un jeune coucou qui , d'après fa groffeur & fon plumage, me parut avoir environ quinze jours; en le foulevanr, je trouvai fous {ui deux œufs de fauvettes ; je crus d’abord que ces œufs avoient été pondus en même-tems que celui du coucou, mais qu'ils s’étoient trouvés mauvais & que les oifeaux les avoient laiflés dans leurs nids, comme cela arrive aflez fréquemment; ayant caflé un de ces œufs, je trouvai dans fon extérieur un petit, vivant; d’où je conclus queles œufs devoienc avoir été pondus plulieurs jours après que le coucou étoit éclos, car dans le moment où je les découvris, cet oifeau occupoit tout le nid , & faifoit entièrement l'office d’une mère couveufe. J’avois dans un autre nid de fauvettes un jeune coucou , à-peu-près de la même srofleur que celufldont je viens de parler ; je me procurai deux œufs de bergeronette qui avoienr été couvés pendant quelques jours, & je les plaçai, fans perdre un moment, fous le coucou. Au bout de neuf jours, la perfonne que j'avois chargée de veiller fur le nid (car il étoir à quelque diffance de ma demeure) vint nravertir que les beroeronnettes étoient éclofes; je me rendis en conféquence à l’en- droit où étoit le nid, mais je trouvai qu'il ne contenoit plus que le coucou & les coques des œufs de bergeronnetres. Je ne citerai donc pas ce fait conime l'ayant vu immédiatement ; mais le témoignage de la perfonne que javois chargée de ces oïfeaux me paroît d'autant moins 168 OBSERFATIONS SUR LA PHYSIQUE; récufable , qu'il fe trouvoit en même-rems une autre perfonne qui avoit vu les perices bergeronnettes. - À quelle caufe pouvons-nous donc attribuer ces fingularités du coucouê Ne dépendent-elles pas des raifonsuivantes ? c’e/? à-dire, le peu de tems que cet oïfeau peut paffer dans le pays où il doit propager fon efpèce, & le vœu de la nature qui efl, qgwil produife un grand nombre de pets. Le coucou paroit ordinairement dans ce canton vérs le milieu du mois d'avril & communément le 17. LA femelle ne peut pondre que quelques femaines après fon arrivée, & par conféquent rarement avant le milieu du mois de mai. L’incubation dure quinze jours, le petit eft le plus fouvént trois femaines avant de pouvoir quitter le nid ; & les oifeaux qui en prennent foin lui donnent à manger pendant plus de cinq femaines après certe époque; d’où il füuic que quand même la femelle du coucou pondroit avant l'époque que je viens de fixer, il n’y auroit pas un feul de fes petits , même des plus avancés, qui fwflent en état de fe nourrir d'eux-mêmes avanr l’époque où les vieux coucous font obligés d'abandonner notre pays, ce qui a lieu dans la première femaine de juillet, Si la nature avoit fait que le coucou pût refter parmi nous aufli long- tems que plufieurs autres oifeaux de paffage, qui ne font qu'une feule couvée ( comme le martiner & je roffiognol ), & ( elle les avoit organifés de manière à pouvoir élever un aufhi grand nombre de petits qu'aucun oifeau peut produire en une feule couvée, cette multiplication pouvoit ne pas remplir fon but, au lieu que la femelle du coucou, en allant d'un nid à l’autre, eft aflimilée aux femelles d'oifeoux auxquelles on enlève leurs œufs à méfure qu’elles les pondent & qui perdent ainf le ® defir de couver. La poule nous fournit journellement un exemple de ce que je viens d'avancer. L’infpeétion des parties internes d’une femelle de coucou montrent fuffifamment qu'elle doit pondre un grand nombre d'œufs. En comparant l'ovaire d’une femelle de certe efpèce qui venoit de pondre, avec celui d’une jeune poule prife à la même époque, je n'apperçus aucune différence eflentielle. L'oviductus de chacun de cés oiléaux contenoit un œuf bien formé & prêt à être pondu; Fovaire préfentoit un amas confidérable d'œufs de toutes les groffeurs, depuis le plus petit volume jufqu’à la groffeur que le jaune acquiert avant de tomber dans l’ovidu@us. Une femelle de coucou , tuée le 3 du mois de juillet, fe trouva bien différente. J’apperçus bien diftinétemient un grand nombre de membranes vides qui avoient contenu les jaunes des œufs, & une d'elles paroïfloit avoir fourni fon œuf le jour précé- dent. L'ovaire préfentoir ur groupe de petits œufs dont le plus gros égaleit à peine la oroffeur d'un grain de moutarde. Jene veux point dire que tous les œufs qui groffiffent dans l'ovaire dans le SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 16 le tems où les oifeaux font leurs couvées foient pondus ; mais il paroïc clair que ces animaux peuvent retarder ou avancer la formation de leurs œufs. Outre l'exemple de la poule déjà cité, il en exifte plufieurs autres. Si on détruit dans le princems le nid d’un merle ou d’un . . . ou même celui de toute autre efpèce de petic oifeau, lorfque les -œufs font tous pondus, perfonne n’ignore avec quelle promptitude la femelle produie une nouvelle couvée. Si on avoit laïflé ce même oifeau fans le déranger, il auroit couvé fes œufs, auroit élevé fes petits & n’auroit fongé à faire un autre nid, & pondre de nouveaux œufs, que long-tems après, Les ovaires des femelles qui couvent renferment un grand nombre d'œufs de différens volumes, [1 paroît donc qu'on peut aflurer que les femelles des oifeaux ont la faculté d'accélérer ou de retarder leur ponte pendant le cours de la faifon ; mais la femelle du coucou n'étant pas foumife, comme les autres oifeaux, à des inrervalles qui fufpendent fa ponte , elle les continue fans interruption depuis le moment où elle la commencée jufqu’à l’époque où elle quitte ce pays. Les vieux coucous partent ordinairement dans la première femaine de juillet , & je n’en ai jamais vu un feul après le cinq de ce mois; cependant j'ai vu un œuf de ces oïfeaux placé dans un nid de fauvertes & donc le petie n'éclofoit que le 12 juillet. L'érat des ovaires de la femelle que j'ai difléquée le $ de juiller, ferc encore à prouver que ces oifeaux pondent jufqu'au tems de leur départ. Parmi les fingularités que prélente le jeure coucou , il en eft une remarquable ; long-tems avant que le jeune oifeau quitte le nid, ila, lorfqu'on Pirrite, un air nienaçant, femblable à celui des oifeaux de proie, il fe renverfe fur le dos & tâche de failir avec force tout ce qu'on lui préfente; le bruit qu'il fait alors eft femblable à celui d’un jeune épervier. D'autres fois, lorfqu’on le dérange un peu, il fait une efpèce de fouffle & remue lourdement tout fon corps. Cet oifeau prend très-promptement toute fa croiflance. 6 Le cri du jeune coucou reflemble à celui des jeunes fauvertes ; mais ce n'eft point de ces oifeaux qu'il l’a appris, car il ne varie point, foit qu'il ait été élevé par des fauvettes ou d’autres oifeaux. Avant leur départ, les jeunes coucous ne chantent jamais comme les vieux. On trouve dans l’eftomac des jeunes coucous un grand nombre de fubftances différentes. J’ai vu dans l'eftomac d’un jeune coucou nourri par des lavandières & qui éroit aufli emplumé que ces oifeaux , lorfque je le tuai, des mouches & des fcarabées de différentes efpèces, de petits limaçons avec leurs coquilles entières, des fauterelles, des chenilles, un morceau de feve, une fubftance végétale femblable àcelles du caille-lait. Dans leftomac d'un coucou élevé par des fauvettes , je n'ai pre Tome XXXVIIT, Part. I, 1791. MARS. a70o OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, trouvé que des fubftances végétales , telles que du bled , de pe- tites velces , &c. ; mais c’elt le feul exemple de cette forte que jai vu; car ces oifeaux nourriflent les coucous prefqu’entièrement de fubftances animales. Cependant cette obfervation m’éclaircit un doute que j'avois, en trouvant un œuf de coucou dans un nid de linottes; comme je favois que les oïifeaux de cette efpèce donnent à leurs petits bientôt après qu’ils font éclos, une nourriture végétale , je craignois que le coucou ne pût être élevé par eux. Les farloufes , comme je l'ai obfervé, leur donnent principalement des fauterelles. Mais de toutes les fubftances qu'on trouve dans l’eftomac des jeunes coucous, la plus remarquable eft une boule formée de poils bien en- trelacés; j’en ai vu quelques-unes de la groffeur d'un pois , & d’autres auffi voulmineufes qu’une petire noix mufcade. Ces boules paroiffent formées prefque entièrement de crins, & il paroît que l’oifeau les a détachés du nid qu'ils tapifloient. J’ai fouvent découvert dans l’eftomac de vieux coucous des pelorons de poils, mais j'ai bien vu qu'ils n’étoient que les reftes des chenilles velues qui avoient fervi de nourriture à ces oifeaux, Il n’y a point d'époque fixe pour le départ des jeunes coucous ; je crois qu'ils quittent le pays fucceflivement, & aufli-tôt qu’ils font en état de fe pafler du fecours de leurs parens adoptifs ; quoiqu’ils de- meurent dans nos cantons jufqu’à ce qu'ils foient auffi bien emplumés que les vieux coucous, cependant ils continuent toujours à recevoir la becquée des oifeaux qui les ont élevés. J'ai vu plufeurs fois un jeune coucou aflez gros pour qu'on füt obligé de fe pofer fur fon dos lorfqu'il avoic les ailes à moitié déployées , pour pouvoir lui donner la becquée. Je crois cependant que dans un âge déjà auf avancé que celui-ci , les jeunes coucous fe procurent par euxe mêmes une partie de leur nourriture, & qu'ils font alors femblables aux jeunes corbeaux qui reçoivent une partie de leur nourriture des oifeaux qui les ont produits, jufqu’au moment où ceux-ci cherchent à s’appareiller. S'ils ne partoient pas fucceflivement , on Jes verroit en grand nombre vers le milieu du mois d'août, car, comme on en peut voir un grand nombre dans les nids, tous font à cette époque en état de voler, & leur nombre feroit confidérable, [ls ne font jamais plus nombreux que les vieux coucous dans les mois de mai & de juin. Le même inftin® qui force la femelle du coucou à pondre des œufs das les nids de différens oifeaux, oblige fes petits à rejetter les œufs & les autres petits oifeaux qui fe trouvent avec lui; fans cette feconde opération , le but de la nature ne feroit point rempli, car il feroit très-difficile, pour ne pas dire impoñlible, que des oifeaux aufi petits que ceux qui élèvent les coucous, puffent trouver une nourriture affez SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 171 abondante pour eux & leurs petits; d’ailleurs, le nid ne pourroit contenir tous les jeunes oifeaux. VUES Sur la manière d'exécuter le projet d’une Mefure univerfelle , décrété par l’Affemblée Natiorale ; Par le P. CoTTE, Prétre de l'Oratoire, Correfpondant de l'Académie Royale des Sciences, &c. LE vœu public follicitoit depuis Jong-tems l'exécution de ce projer. Plufeurs miniftres s’en étoient occupés : mille obftacles fufcités par la mauvaife foi par l’efprit d’intérêc , s’opposèrent à leurs vue utiles, L’Affemblée Narionale qui facrifie tout à l'intérêt général, & dont Pin fluence a fubjugé l'opinion, a porté la loi; elle fera exécutée, & elle fera bien exécurée, puifque le foin en eft confié à deux des plus favantes Sociérés littéraires de l'Europe, l’Académie des Sciences de Paris, & la Société Royale de Londres. Comme tout citoyen eft redevable à la Patrie de fes lumières & de fes vues , je hafarderai les miennes fur cette matière à laquelle j'ai tou- jours pris le plus vif intérêc : & je m’eftimerai heureux fi elles fe ren- contrent avec celles que l'Académie fe propofe d’adopter. Deux méthodes différentes peuvent conduire à la détermination d’une mefure univerfelle. La première confifte à mefurer un degré du méridien; la feconde à déterminer la longueur du pendule, dans une latitude donnée. La première méthode fuppofe des inftrumens parfaitement bien exécutés, & une fuite d’obfervations faites par difiérens obfervateurs avec la plus grande précifion. La feconde méthode n’exige qu'un inftrument fort fimple, confié à des obfervateurs accoutumés à une grande exa@irude dans l'obfervation. Voilà ce qui détermine la préférence que je donne à cette feconde méthode fur la première où les erreurs peuvent fe multi plier d'autant plus que les inftrumens & les obfervations font plus compliqués. Je fuppofe donc que l'on adopte la mefure de la fongueur du pendule ; voici en quoi: confifte le problème à réfoudre : Déterminer la longueur du pendule qui bat les fecondes, dans une latitude donnée , & à une température connue. Tome XXXVIIL, Part, I, 1792. MARS. Y2 172 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, _ Je penfe que la folution de ce problème dépend des précautions & des procédés que je vais développer. 1°. Faire conftruire à Paris & à Londres, par les plus habiles artiftes, trois pendules (1) dans chacune de ces villes. 2°. Faire conftruire également à Paris & à Londres des baromètres & des thermomètres de Réaumur & de Farenheit, & les autres inftrumens néceflaires. Des thermomètres feront appliqués fur les baromètres, & les autres devront être expofés à l'air extérieur. 3°. Faire choix du lieu où fe feront les expériences. On a indiqué avec raifon la ville de Bordeaux, fituée à peu-près au quarante-cinquième degré de latitude, & tenant le milieu entre l'équateur & le pôle. 4°. Faire à Paris & à Londres des expériences correfpondantes à celles de Bordeaux, $°. Faire choix de fix commiflaires françois & de fix commiflaires anglois. Deux commiflaires françois & deux commiflaires anglois fe rendroient à Bordeaux, & y porteroient un pendule, un baromètre & des thermomètres, faits dans leurs pays refpedtifs. Deux commiflaires françois fe tranfporteroient à Londres avec leurs inftrumens, & deux commiffaires anglois viendroient à Paris munis de leurs inftrumens, 6°. La manière de faire les expériences dans les trois ftations feroit tracée dans une in{ru@ion rédigée de concert entre l’Académie de Paris & celle de Londres: & dans chaque ftation un des commiflaires feroic fpécialement chargé de fuivre la marche des baromètres & des thermo- mètres, d'indiquer la direétion du vent & l'état du ciel. 7°. Lorfque toutes les expériences feroïent faites dans chaque ftation fur chacun des pendules conflruits à Paris & à Londres, les obfervateurs de Paris & de Londres fe réuniroient à ceux de Bordeaux, y apporteroient leurs inftrumens, & feroient une expérience générale fur les fix pendules & fur tous les baromètres & thermomètres. 8°. Les réfultats des expériences ayant donné la véritable longueur du pendule à Bordeaux, & la différence entre celle-ci & celles du pendule, à Paris & à Londres, par une température qu’on auroit pu rendre égale dans chacune de ces trois villes, il s’agit de prendre des moyens pour conferver la mefure prototype, & mettre chaque département à portée de la confulter. Voici les moyens que j'indiquerois. 9°. Comme le verre eft le corps qui eft le moins fufceptible de dila- tation & de condenfation , fur-tout lorfqu'il forme une mafle, on feroit couer 83 glaces fort épaifles, encadrées chacune dans une pierre de maïbre. On graveroit fur ces glaces une ligne qui auroit exaétement la ARE PR (x) I ne s'agit ici que du pendule proprement dit, & non des horloges qu’on appelle de ce nom, SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS, 173 longueur déterminée du pendule. Les deux extrémités de la ligne feroienc indiquées par deux points ou par deux petits clous d'or qui ferviroient de repaire. La ligne feroit divifée en pieds, & le premier pouce ieroir divifé en lignes ou en décimales. 10°. Chacune de ces 83 glaces feroit dépofée dans le chef-lieu de chaque département. On y joindroit un compas à verge qui ferviroit à prendre les mefures fur l’étalon, & l'on auroit la précaution, lorfqu'on voudroit étalonner les mefures, de les dépofer dans l'endroit où l’on conferve l’étalon , & de les y laiffer pendant plufieurs heures, afin qu'elles aient le tems de fe mettre à la même température que celle de l'étalon. 11°. On pourroit graver fur les étalons qui feroient dépofés à Bor- deaux, à Paris & à Londres, les principaux réfultats de l'expérience , relatifs à l’élévarion du baromètre, à la chaleur moyenne indiquée par les thermomètres, à la direction des vents, à l'état du ciel : y ajouter les noms des Savans qui ont concouru à l'expérience, afin qu'en tout tems on pûc répéter l'expérience précifément dans les mêmes cir- conftances, 12°. Tous les inftrumens qui auront fervi à cette célèbre expérience, feront dépofés dans les archives de PAffemblée Nationale , ainfi que le procès-verbal qui en contiendra les détails & les réfulrats. Si l'on penfoit que l'expérience de la longueur du pendule ne füt pas fufifante pour donner la mefure univerfelle fi defirée , ne pourroit-on pas la faire concourir avec la mefure d’un degré du méridien? L'objet eft aflez important pour qu’on ne néglige aucun des moyens propres à con- duire à la plus grande précifion. | Je fais des vœux bien fincères pour voir au plutôt s’exécuter un des plus beaux & des plus utiles projets, & qui fera dans tous les tems le fymbole de l'égalité qui doit régner entre tous les hommes. Mont-Morency , 10 Décembre 1790. À l r74 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, EE —— TRE TZUDE ME) TR ATIRUE DE M DE LUC, A MS DE LA M É,T HE (RITES Sur les Couches de CRAIE & celles de HGUILLE , & fur leurs CATASTROPHES. Windfor, le 15 Janvier 1791e À A" TRE SUN Les premiers naturaliftes qui ont eñtrepris de former des #héories de la terre, n'ont éprouvé que peu de difficulté; car rien encore n'étant déterminé dans les phénomènes de notre planète , on les manioit comme des boules , qui pouvoïient s'arranger de diverfes manières , toutes fpécieufes , mais aufli arbitraires les unes que les autres, Aujourd’hui (pour employer la même métaphore) l'obfervation a changé ces boules en des /olides de formes diverfes & déterminées ; &c’eft de-là que réfulte la difficulté de les arranger régulièrement. Mais auffi, quand plufieurs de ces folides fe grouppent entr'eux par des faces vraiment congruentes , on eft'affuré qu'ils doivent faire partie de l'édifice de la nature, & l'on fent de la répugnance à déranger ces grouppes, pour leur affocier des pièces qui ne sy placent pas naturellement. Avant qu’on püt fe flatter d'entrevoir une vraie héorie de la terres c’elt-à-dire , l'enfemble des évéremens de notre globe , liés à leurs vraies caufes , il falloit avoir trouvé entre fes grands phénomènes, des liaifons générales, qui, quant à leur poffibilité, foutinffent examen rigoureux de la Phyfque & de la Mécanique, & qui, dans leur application aux faits, s’y liaffent par des conféquences légitimes. Les liaifons qu'ont entr'eux les phénomènes géologiques , font de deux claffes : les unes immédiates , confiftent dans des pofitions & affociations des différentes fubftances qui compofent nos continens ; les autres éloignées , dépendent des caufes produétrices. Ce font les premières de ces liaifons , qui, bien déterminées, conduifent aux dernières; & par conféquent c'eft dès celles-là, que doivent commencer l'attention & la circonfpection. J'ai donc cherché à déterminer les phénomènes géologiques, en les confidérant chacun à part; & je n'ai commencé à en former un fyflème , que lorfque j’en ai SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS, 17 trouvé un aflez grand nombre, qui, en s'appliquant entr'eux par leurs vraies faces, commencoient à tracer diftinétemenr le fyltème de La pature. Je continuerai la même marche à l'égard de nouvelles claffes de phénomènes, c'eft-à-dire , qu'après les avoir décrits tels qu'ils me paroiflent , & en les liant à ma théorie, j'indiquerai les vuides qu'il ne m'a pas été poflible encore de remplir, Des Couches de CRAIE & de leurs SILEX. 1. Quelques naturaliftes ont penfé, que les couches de craie étoient comme l'enfance de couches calcaires plus dures ; fe fondant à cet égard , fur ce qu'en certains lieux, les premières femblent avoir repofé fur les dernières, & attribuant à celles-ci une plus grande dureté, à caufe de plus d'ancienneté, Mais d’abord, dans des falaifes de craie de plufieurs centaines de pieds de haut, qui préfentent les feétions de toutes leurs couches , on n’apperçoit aucune différence de dureté entre les plus bafles & les plus élevées ; & d'un autre côté, quand on vient à une comparai. fon artentive de ces couches avec celles de la pierre calcaire , on recon- noît à des fignes indubitables , que l'état de la er avoit changé, lorfque les craies fe formèrent. Dans de petites étendues de pays, mais où tout annonce le plus grand défordre , on trouve des couches de pierre calcaire, de marne, d'argile & de craie, les cornes d’ammon font communes dans les trois premières de ces claïfes, & l'on n’en trouve plus dans la dernière. Ainfi la formation des couches de craie eft poftérieure à larévolution , dont j'ai traité dans ma Lettre précédente, où les cornes d'ammon périrent, avec d’autres efpèces de coquillages , qu'on ne trouve que dans certaines pierres à chaux. J'ai vifité, en divers pays & avec atrention , les couches de craie , & j'y ai toujours trouvé les mêmes efpèces dominantes de corps marins, fort différens dans leur enfemble de ceux d’autres couches, qui , par leur pofition , doivent les avoir pré- cédées ou fuivies : ce qui conduit à ma propofition générale, que les mêmes changemens dans le /iquide de l'ancienne mer, qui y produi- foient de nouvelles précipitations, ont fouvent été caufe de la deftru&tion de quelques efpèces d'animaux marins. Au nombre de ces animaux qui cefsèrent d’exifter après les précipitations crayeufes , font des ourfins dont les piquans ont été nommés pierres judaïques ; coquillages qu’on trouve dans les craies & dans quelques autres couches calcaires molles , mais qu'on ne trouve plus, ni dans les couches poftérieures, ni dans nos mers. 2. Un phénomène remarquable des craies eft leur transformation partielle en pierre-à-feu. Le myftère chimique que préfente cette trans- formation , a conduit quelques naturaliftes à refufer de l’admettre; & ils ont attribué ce phénomène à l’action du feu. Mais les filex , ainfi que ‘la craie qui les environne , contiennent des corps marins parfaitemenc 176 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, confervés , & une chaleur de fufon les auroit rendus méconnoiffables , tant dans les /é/ex que dans la craie environnante. D'ailleurs , tout produit de fufion donne, après une fufion nouvelle, un folide, plus ou moins femblable à celui qui a été fondu ; au lieu que lation du feu fur le /ilex le dénature entièrement. Ce qui a pu faire illufion à cet égard, eft que la plus grande abondance des pierres-ä-feu fe trouve dans l'intervalle des couches de la craie , où leurs mafles , en gâteaux à jour , reffemblent affez à des ruiffeaux entrecoupés de fubftances fondues. Mais roure la male des couches de craie eft aufli parfemée de f£lex ifolés; & dans leur jonction avec la craie, on trouve une croûte, toujours emportée par le Jilex , qui indique le paffage d’une fubftance à l’autre : cetre croûte eft aufli blanche que la craie ; mais quand on la ratifle, on la trouve remplie de mamellons prefqu'imperceptibles de filex, & les acides mêmes ne lui ôtent pas toute fa blancheur. Ces flex encore font fouvent en mafles creufes, qui renferment de la craie, quel- quefois entrecoupées de lames de f£/ex. Nombre de fiex embrafJent , de la manière la plus intime, des corps marins, dont une partie eft reftée environnée de craie. Enfin, plufñeurs de ces corps , tels que les ourfins , fe trouvent remplis de craie dans des flex, ou de filex dans la craie. En un mot, fi l'on fait abftration dela nature de ces fubftances, routes les autres circonftances font les mêmes dans la craie & les filex qu’elle renferme ; & nulle autre explication de ce phénomène ne fe prélente à Pefpric, qu'une sransformation locale de la craie en Jilex, fans aucun autre changement dans les circonftances. 3. La craie n’eft pas la feule fubftance calcaire dont quelques parties aient fubi cette même sransformation 3 on la retrouve dans une pierre calcaire jaunâtre , fi tendre dans fes couches, qu’elle s’y réduir aifément en un /àble calcaire, contenant une petite quantité d'autre fable qui réfifte aux acides : cetre pierre durcit à l'air, & il ne paroît pas qu’alors la pluie la ramollifle. Le Mons Saint-Pierre, près de Maflricht, renommé parmi les collecteurs de fofliles marins , eft de cette pierre calcaire qui contient des f£lex. Enfin, les marbres contiennent aufli, mais fort rarement , des lames de flex entre leurs couches; ce qui indique une première difpofition dans l'ancienne mer à convertir en flex quelques parties de fes précipitations calcaires. 4. Les bouleverfemens des couches de craie font en général les mêmes que ceux de la pierre fableufe dont j'ai traité dans ma lettre précédente; feulement , il eft plus difficile encore d'en fixer l'époque ; & celle même où commencèrent ces précipications crayeufes, eft très-obfcure, J'ai fouvent vu la bafe des couches de pierre fableufe , & toujours je les ai trouvées repofant fur la pierre calcaire ; je n'ai pas eu occafion de voir celle des couches de craie ; ainf je ne puis rien dire à cet égard. Mais, je le répète, la même claflegénérale de cataffrophes , procédant d’affuifJemens partiels, SUR PHIST. NATURELLE ET LES ARTS, 177 partiels, embraffe toutes ces clafles de couches : car on trouve dans les contrées à craie, ces ruptures, formant de larges vallées ou de profondes crevafles; ces faces abruptes , montrant les /eéions de couches qui, à l'oppofite, vont s'enfoncer fous le fol ; & ces différentes efpèces de culbutes partielles, que j'ai décrites en traitant des collines de pierre calcaire & de pierre fableufe : enfin, parmi ces mafures de couches de craie , on trouve aufli une grande quantité de locs épars, provenant des couches infé- rieures, ou primordiales. s. Les couches de craie ont donc ceci de commun avec toutes celles de la même PÉRIODE : 1°. que, par la nature diftinéte de leur fubftance, & par leur rapport avec les efpèces contemporaines des animaux marins , elles indiquent un changement tranché dans l’état du Ziquide qui confi- tua fi long-tems la mer ancienne ; 2°, que le manque de continuité de ces couches à la furface de nos continens , & leurs diverfes affociarions avéc d'autres clafles de couches en différens lieux , indiquent des change- mens partiels dans l'état chimique de ce liquide. Enfin, que le même entrelacement, de formations fuivies de cataflrophes , embrafle les couches de craie, comme toutes les autres couches de la même PÉRIODE; tellement qu'il n'en réfulte point d’aide pour une chronologie détaillée, qui embrafsät , dans des efpaces de se/2s diftinés, des opérations vrai- ment contemporaines. Peut-être même ne devons-nous point chercher une telle chronologie , c'eft-à-dire , que dans cetre PÉRIODE, les opéra- tions des mêmes efpèces fe firent, en divers tems & fuivant différentes fuccelions , en différentes parties de la mer. J’ai montré dans ma Lettre précédente, ce qui a dû produire de grandes variétés à cet égard; ainf il n'en réfulte aucune objection contre ma théorie générale. 6. Maïs l'hiftoire des couches de craïe ne fe borne pas à ces traits, communs aux autres couches qui les accompagnent; ellesen font diftinctes par un phénomène très-remarquable qui doit leur être lié, favoir , les graviers de Jilex. C'eft ici un des phénomènes à l'égard defquels M: BuRTIN a penfé , que je n’ai été obligé d’avoir recours à certaines opérations dans la mer, que parce que je n’ai pas donné attention aux effets des eaux courantes fur nos continens déjà à fec. Mais, outre la démonftration générale que j’ai donnée dans ma Lettre précédente, du peu d'efficacité de cette caufe , j'efpère que les circonftances que je raflem- blerai fur. ce phénomène particulier, montreront à M. BURTIN , la néceflité d'avoir recours à l'explication que j’en avois déjà donnée, Des GRAVIERS de SILEx. 7°. Les flex qui compofent la plupart des graviers de cette clafle, ont été formés dans la craie ; car, 1°. leur fubftance & leur forme font les mêmes que cellés des /f/ex logés encore dans nos eraies : 2°. leur Tome XX XVIII, Part. I, 1791, MARS, Z 178 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, furface originelle porte des reftes de la croûte, qui dans les flex en place, montre une tranfition de la craie à cette fubitance ; croire qui n’eft point aux furfaces formées par des fradtures ; 3°. j'ai trouvé dans ces graviers , en divers pays , des pièces nouvellement rompues ; qui conte- noient de la craie , aufli bien confervée qu’elle l’elt dans les ff/ex des craies fubfiftantes ; & rien n'eft fi commun , que d'y trouver des pièces à cavités raboteufes , femblables à celles de ces derniers /£/ex dont la craie a été enlevée. Enfin, toujours attentif à ces graviers , comme à un grand phénomène, jy ai trouvé fucceflivement, toutes les efpèces de corps marins appartenans aux f1/ex de nos craies. Je crois donc , qu’on ne peut pas mieux prouver l’origine wrarine de ces corps embraflés par les filex 8e par la crate, dans les couches de celles-ci, que l'origine de nos graviers de Jilex , comme ayant été formés dans des couches de craie. 8. Maintenant , voici de quelle manière ces graviers font fitués à la furface de nos continens : ils y font d'abord répandus fur des efpaces incomparablement plus grands que ceux où lon trouve de la craie. J'en ai vu à toure hauteur , depuis les plaines les plus baffes jufqu’au haut des collines , fur route forte de fol, & dans des contrées où il n’y a pas la moindre apparence de craie. Ce fut en particulier, après avoir voyagé nombre de jours en divers fens, en #7eflphalie & en baffe- Saxe, toujours trouvant de ce gravier, fans jamais voir de craie, que , ren- contrant enfin auprès de Lunebourg un tertre compolé de certe fubftance, je me trouvai comme foulagé , en penfant, qu’elle pouvoit être fous nombre de fols où nous ne la foupçonnions pas : ce qui pourtant n'a pas paru digne de remarque à M. BURTIN, parce qu'il n’avoit pas fait atrention aux difficultés que préfente ce phénomène. Enfin, depuis la publication de mes Lesrres Géologiques, mon frère a trouvé ce même gravier, avec fes échinites diftinétifs, fur le mont Saléve , auprès des Alpes , dans une contrée où perfonne à ma connoiflance n’a apperçu le moindre veftige de craie. Il n’y a donc pas plus de plaufibilité dans l’idée, que les eaux continentales ont détruit d'anciennes craies & répandu ainfi leur gravier, qu'il n’y en avoit à attribuer à ces eaux la deftrudtion de quelqu’autre efpèce d’ancien fol, pour en former nos chaînes de collines à pierre fableufe. Je ne reviendrai pas à cette idée. o. Plus j’ai examiné ce phénomène , plus j'ai été convaincu de l'idée, déjà exprimée dans mes Lertres Géologiques , qu'à une certaine époque , où le fond de l’ancienne mer éroit couvert de beaucoup plus de couches de craie que nous n’en trouvons fur nos comtinens , 1l fe fit dans le liquide un changement chimique, par lequel, au lieu de continuer à dépofer des fubftances cafcaires, il diffout quelques claffes de celles qui s'en éroient féparées auparavant ; & en particulier , une rrès-crande quan- tité de couches de craie, dont les filex reflèrent ainfi fur le fond de la SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 179 mer: mais il y a dans leur difperfion des circonftances fort embarraffantes, que je vais expofer. 10. Si les graviers de filex n'étoient étendus que fur des furfaces continues , la diflolution de la craie qui les contenoit & leur difperfion devroient naturellement être aflignées aux derniers tems de l’ancienne mer, puifqu'ils font à la furface de nos terres ; mais on les trouve fur des collines entrecoupées de vallées ; & leurs couches, qui recouvrent celles des fubftances antérieures, montrent aufli leurs fections au haut des faces abruptes , tant du côté des vallées que vers les plaines ; d’où il réfulte, que ces couches de gravier avoient déjà été étendues fur les autres couches , avant les révolutions qui nous ont laiflé les unes & les autres, fous la forme de collines entrecoupées de fe&tions abrupres. Ici donc ces révolutions ont été poftérieures à la dernière opération de la mer. Mais les collines qu’on trouve dans cet état, font compolées de couches de diverfes clafles, donc quelques-unes ont éprouvé ailleurs les mêmes révolutions dans des cems plus anciens ; puifqu'avant que le gravier de Jilex für étendu fur elles , elles avoient été recouvertes d’autres couches, renfermant des corps marins qui ont appartenu aux derniers tems de la mer. Ainf, plus nous allons en avant dans l'examen des phénomènes géologiques , plus nous découvrons, que le fond de l’ancienne mer a été le théâtre d'opérations très-compliquées, dont les genres ne font pas équivoques , dont les fucceflions font très-marquées dans chaque lieu, mais qui, dans leurs détails , s’oppofent encore à la formation d’une chronolopie régulière. 11. Indépendamment des difficultés chronologiques que je viens d'indiquer dans cette difperfon des graviers de filex , leurs phénomènes offrent d’autres détails embarraflans, que je rangerai fous deux claffes, la première defquelles concernera encore l’efpèce de gravier dont j'ai montré le rapport immédiat avec les /£/ex de nos craies : voici ces circonftances, 1°. la plupart des ftlex de ce gravier fe trouvent brifés dans leurs couches mêmes, & les angles des fra@ures font ufés par frottement ; ce re fuppofe une violente agiration ; 2°, ces flex , dans un grand nombre e leurs couches, font méêlés d'un /uble jaunâtre & prollier, qui doit avoir une origine particulière ; 3°. très-fouvent les couches de ces f£/ex font mêlées de couches du même /able, où l'on n’en trouve que très-peu, & qui-recouvrent d’autres couches d'un fable fin & blanchâtre fans fiex, & dû ainfi à une précipitation antérieure. Enfin, dans d’autres contrées , les Jilex ne fonc que parlemés à la furface d’un fol fablonneux , compoté d'un Jabletrès-fin, dont les couchesinférieures, jufqu’à une profondeurinconnue, n’en contiennent point. Voilà, dis-je, des circonftances fort embarraf- fantes, quant aux explications de détail ; mais en leur en ajoutant d'autres, qui font dans le même cas, nous pourrons en tirer une conféquence énérale fort importante. Ces phénomènes des grayiers de filex, dont Tome XX XVIII, Pare. I, 1791, MARS, Zi2 180 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, Porigine eft clairement rapportée à des craies détruites , fe retrouvent dans les graviers de pierres primordiales, qui furent d’abord des fragmens angulaires , quoique maintenant ils foient arrondis , & qui font répandus dans toute forte de fol meuble, d’une manière très-rapprochée de celle de nos flex , & même quelquefois avec eux. Or , en plufieurs endroits, j'ai trouvé de ces graviers de pierres primordiales , étendus par couches, ou parfemés dans des couches, qui y étoient mélés de corps marins des derniers tems de l’ancienne mer. On peut donc tirer de cer enfemble de phénomènes une conféouence générale, à laquelle nous ferons auñi conduits par d’autres phénomènes : c’eft que tes vagues de l'ancienne mer ont roulé fur des bas-fonds , à des niveaux fucceffivement plus bas , dans les mêmes lieux où cette mer avoit été auparavant à beaucoup de pro- fondeur, 12. Voici une autre claffe embarraffante de phénomènes relatifs aux graviers de filex. L’efpèce de ces graviers dont j'ai parlé jufqu'ici, porte des carsctères qui l’aflignent direétement à des craies anciennes ; mais d'autres efpèces , qui lui tiennent de proche en proche par analogie, s’en éloignent néanmoins graduellement , & font naître de nouvelles confi- dérations. On trouve , en nombre de contrées , une prodigieufe quantité de praviers, compofés de filex qui font prefque tous d’une forme approchante de l’ovale , depuis la grofleur d'un œuf de poule jufqu’à celle des haricots, dont ils ont aflez la figure. Il paroît que c’eft-là leur forme originelle; car ils ont une croûre : & d’ailleurs j'ai vu des couches de craie qui contenoient beaucoup de f£/ex de cette même forme & de différentes grofleurs: mais je n’en ai pas vu qui, en les fuppofant difloutes dans une grande profondeur, laiflaflent une telle abondance de tel gravier , ni fur-tout de gravier fi homogène; ce qui femble déjà indiquer l’exiftence antérieure de couche de craie , différentes à cet épard de celles qui fübfiftent aujourd'hui. Les /£/ex de la plus petite efpèce ovale trouvés en quelques lieux, y font tous femblables, pour la couleur, à ceux de même forme qui fe trouvent dans nos craies ; & c’eft-là un chaînon qui les lie à une origine de même genre que celle des /£lex précédens : mais fouvent ils font mélés, dans un rapport plus où moins grard, à des f£lex de mème forme, qui ont de très- belles couleurs. Je ne donnerai pour exemple de ces flex, que ceux que renferment les poudingues ; fuit des concrétions formées dans les graviers de cette efpèce. On trouve de telles mafles dans des graviers de tout genre: mais quand elles ne font compofées que de gravier vulgaire, elles fervent tout au plus de bornes , le long des maifons de village ou des grands chemins. C’eft donc feulement quand ces concrétions ont été formées dans des couches de perits filex de couleurs vives, qu’elles paffent chez les Japidaires , ou dans les cabiners des curieux, fous le nom de poudingues. Or, puifque, de ce petit gravier à belles couleurs, nous remontons, par 4 _SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 191 des liens narurels , jufqu’aux f£/ex qui font actuellement dans nos craies , & que pourtant nous n’y en trouvons point de femblables , il me paroît naturel d'en conclure , qu'il a exifté des couches calcaires , d'une efpèce qui n’exifte plus (ou du moins dont je ne connois pas les analogues exiftantes ) dans lefquelles ces £/ex avoient été formés. 13. L'analogie femble nous conduire plus loin encore, Les agates ,'les onix, les géodes à croûte d'onix & tapiflées intérieurement de criftaux de différentes couleurs, font aufi une efpèce de gravier , trouvé dans le fol meuble, où sûrement il n’a pas pris fon origine. J'ai vu quelques- uns des lieux où l’on en trouve en Allemagne; les morceaux recherchés n'y font qu’en bien petit nombre, en comparaifon d'autre gravier, auquel ils fe trouvent mêlés, & dont aucune partie n’eft à fa place originelle ; place qui n'elt pas connue dans le pays, & que rien ne ma appris à connoître. Voici un autre fait qui me paroît de la même claffe. Mon frère a trouvé dans une vallée du Jura , en Franche-Comté, des géodes tapiflées intérieurement de criftaux de guartz, quelquefois d’un aflez beau violer. Ces géodes ont été formées dans des couches de fubftances calcaires ; car elles en retiennent ordinairement une croûte & même quelquefois des fragmens de madrépores; cependant mon frère n'a rien apperçu de femblable dans les couches voilines de pierre calcaire. 14. Tous ces différens graviers, & bien d'autres dans le détail defquels je n'entre pas, qui ne font point des fragmens de couches , & qui cependant doivent avoir été formés dans des couches qu'on ne retrouve plus, font un grand phénomène géologique. La diffolution des couches où ces différens corps ont été produits, a précédé en divers lieux , les caraftrophes des couches de craie qui nous reftent, aïinfi que de celles de pierre calcaire du fecond ordre, de pierre fableufe , de marne & d'argile; puifque les amas de gravier fur ces couches ont participé à leurs convulfions : mais plufeurs circonftances relatives à la difperfion de ce gravier, doivent appartenir à des rems poñtérieurs, où la mer, étant moins profonde , agifloit fur fon fond avec plus de force méchanique ; c’efl à quoi je reviendrai. 15. Avant que de quitter les craies, je dois dire un mot des couches gypfeufes , dont les rapports avec les premières ont conduir quelques naturaliftes à penfer, qu'elles en éroient une modification, produire par l'acide vitriolique. Mais, ni la préfence de cet acide dans les £yps , ni leur nature calcaire, ne peuvent fonder certe opinion, contre le premier des caractères à confulrer à l'égard de nos couches, Quelques couches de gyps ne contiennent point de corps organifés ; d’autres contiennent des offemens, & je n'ai jamais eu connoiflance de gyps qui contienne les efpèces de coquillages qu'on trouve, ni dans la craie ; ni dans aucune des fubftances calcaires précédentes. I parois ä 182 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, . donc que le 2yps eft une efpèce diftinéte de précipitation , fuite de la fortie de quelque fluide expanfible particulier procédant de deffous les coûches; que cette précipitation , comme plulieurs autres, aflecta les animaux marins, & quelle arriva dans un tems où les affaiffemens continuoient dans le fond de cette mer, puifque les couches de gyps fonc aufli bouleverfées que celles des autres fubftances calcaires. 16. Quand une fois les naturaliftes & les phyficiens auront plus généralement reconnu que toute la mafle des couches qui forment nos continens (à l'exception d’une clafle dont je vais traiter ) font des produits diftinéts & fucceflifs de précipitation, dans un même liquide, qui couvrit d'abord tout le globe, & dont la mer actuelle & notre atmofphére font des réfidus ; je ne doute point qu'ils ne reconnoiffenc que toures nos opinions fur les é/émens conflitutifs des fubftances ter- reftres & atmofphériques, quel que foit leur fondement apparent dans notre petite fphère d’experiences directes, ne peuvent être que très- incertaines tant qu'elles n’ont pas l’aveu de la Géologie & de la Minéralogie. Des Couches de HOUIILE. 17. Je ne m'arrêterai pas à prouver l'origine végerale de la ouille (ou charbon de terre) parce que depuis long-tems cette origine eft reconnue, & s'il reftoit quelque doute à cet égard, il fuffroic de citer des amas immenfes de végéraux à demi confervés, qu'on trouve en divers pays étendus , comme la kouille, fous des couches pierreufes, & qu’on exploite pour matières combuflibles ; ce dont j'ai vu pluleurs exemples. Je ne m'arrêcerai pas non plus à l'origine particulière que j'ai afgnée à la houille, favoir, auparavant elle éroit de la rourbe, parce qu’en énonçant cette idée dans mes Leures géologiques , je dé- taillai tous les phénomènes qui y conduifent & que d’ailleurs je vois la plupart des naturaliftes difpofés à l’admertre. Je regarderai donc ici comme établi, qu'avant la formation de nos couches de Aouille, il avoit exifté de grandes rourbiéres fur des terres environnées ou bordées par Ja mer. 18. Nos couches de Aouïlle fe trouvent entre des couches pierreufes qui confiftent principalement en fubftances argilleufes ; fableufes & cal- caires. Celles de ces couches qui font voifines de la 4ouzlle , contiennent ordinairement une grande abondance de :’égétaux terreffres; & en quelques endroits on diftingue des troncs d'arbres dans la Aouille elle- même, comme il s’en trouve dans nos courbières. Je nommerai couches concomitantes de la houille, ces couches péerreufes qui l'accompagnent fous diverfes combinaifons, & dans lefquelles {e trouve d'ordinaire une mine de fer argilleufe, qui fait une partie de la richefle des contrées de houilie : ce minérai_eft quelquefois en couches homogènes, mais j L2 SUR L’'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 133 crevaffées ; d’autres fois il eft dans des couches d’argille fous la forme de concrétions ; & ces couches renferment fouvent des végétaux. Enfin, ces couches concomitantes ont été formées dans la mer ; car on y trouve des corps marins. 19. La circonftance la plus embarraffante des Aouïlléres, eft la répé- titior , quelquefois multipliée, des couches de Aouille, dans une même fucceflion non-interrompue de couches parallèles. Ce phénomène, auquel fans doute il eft fort difficile d’afligner une caufe précife , a conduit quelques naturaliftes à fuppofer, comme d’autres l'ont fait pour expliquer les alternatives de lacs & de couches calcaires , obfervées en certains lieux, que la mer avoit alternativement couvert & abandonné ces lieux- Bi. À l'égard des volcans , c’étoic intérefler tout le globe à l’explicati n d’un phénomène local très-fimple ; comme on a pu le voir dans mes lettres précédentes. Quant aux alternatives de couches de houzlle & de fubftances pierreufes, fi on n'eatend par-là que des ëmmerfions & émerfions locales , cette idée , confidérée fous un point de vue général, me paroît être fondée, & j'y viendrai : mais fi l'on fuppofe des dé- placemens de la mer elle-même , quittant une certaine partie du globe, & y revenant, alternativement, il vaudroit autant dire 'que c’eft en faifane fans cefle le tour du globe, que la mer a fait nos diverfes couches, par l'addition de nouvelles à chaque révolution : car la Aouille fuccède à la pierre, & celle-ci à la Aouille, avec le même parallélifme obfervé entre les couches les plus régulières. 20. Quelques naturaliftes ayant remarqué que les mêmes couches de Aouille fe trouvent quelquefois de-çà & de-là de certains rangs de collines , en ont conclu d’abord qu’elles pafloient fous ces collines, puis, gédéralifant , ils ont imaginé qu’elles pafloient fous toutes les montaynes & autres fols, & qu'elles faifoient ainfi le tour da globe. J'avois déjà rafflemblé beaucoup de faits contraires à cette hypochèfe , lorfque M. JHon WiLLiams (ingénieur de ce pays-ci, qui a paflé toute fa vie dans les travaux des mines) a publié une Hifloire Naturelle du règne minéral dans la grande Bretagne; ouvrage rempli de faits très-intéreflans, & qui contient en particulier une defcription fort inftruétive des grandes houillères de cette île. M. Williams y réfute, par des faits très- caractériftiques , l’hypothèfe dont je viens de parler; montrant en général que les zouillères ( foit les couches de Aouille avec toute la mafle des couches pierreufes qui les accompagnent) font femblables à des pièces appliquées fur un vieux habir : ce font des fols extérieurs fort diftin&s, occupant certains efpaces déterminés, für un ancien fol, confiflant ordi- naîrement en couches de pierre calcaire. 1] explique ce que ce font ces coilines aux deux côtés defquelles on retrouve les mêmes couches de houille ; elles font compofées des couches concomitantes de la houille, & font un des fymptômes des bouleverfemens obfervés dans ces /ols, Li F2 4 184 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE; comme par-tout ailleurs; mais il montre, par des exemples précis, que par-tout où les collines ou montagnes qui entrecoupent un pays, font formées de couches pierreufes, différentes de celles de hourllères voilines, elles tranchent avec celles-ci, qui fe terminent contr'elles fans parallélifme : tellement que fi l’on trouve des Aouïllères de-ça & de-là de ces chaînes, elles n’ont entr'elles aucun rapport, ni pour l'épaifleur, ni pour lefpèce de la Aouille, ni dans les liaifons de celle-ci avec les couches corcomitanres , & font ainfi comme des piéces de couleurs différentes fur un même vieux habit, Quelquefois cependant de petites collines de pierre à chaux du fecond ordre, donc les couches en place font toujours inférieures aux couches qui accompagnent la houille, entrecoupent certaines Acuillères; ce dont j'ai vu des exemples; mais il n’en réfulte aucune objection contre les exemples précis de M. #illiams. 21. La grande inclinaifon de nombre de couches de kouille , qui, fans interruption, s’enfoncent jufqu'au-deflous du niveau d’où les eaux peuvent être enlevées, a fait penfer encore à quelques naturaliftes , qu’elles s'étendent à une très-erande profondeur dans la terre; mais c'eft-là une erreur, que M. Williams détruit aufli. Ces couches qu'on eft obligé d’abandonner à caufe des eaux , font des parties rompues de la mafle originelle de la Aouillère, dans le champ de laquelle on retrouve d'ordinaire les parties qui leur fervoient autrefois de con- tinuation; alors ces nouvelles couches partent aufli de la furface, & s'enfoncent, fous divers angles, jufqu'au-deffous du niveau des eaux. Le mineur exercé reconnoît l'identité d’une couche de Aouille, à quelque diftance que ce foit du lieu où il eft contraint de l’abandonner, & dans quelque fituation qu’elle s'y trouves. Les mêmes couches de houille portent en elles-mêmes des cara@ères aflez diftinéts d'identité; mais c'elt particulièrement par les couches concomitantes qu’elles font reconnues. Le mineur doit toujours connoître, une à une & dans leur ordre, toutes les couches pierreufes de fa Aouillire; car c’eft-là fon guide dans le labyrinthe de ces fols : dès qu’en perçant, du dedans ou du dehors, il a trouvé diftinétement une partie de la fucceffion de fes couches, il eft auffi sûr du lieu où il trouvera la Aouille, que left un voyageur de trouver une certaine ville, quand il y en a rencontré les pierres mulliaires. 22. Aucune efpèce d’amas de couches n'eft aufli propre à nous inf- truire du genre de révolurion auquel nos continens doivent leur forme, que ne le font ceux des Aouilléres, parce qu’il n’en eft point dont les hommes fouillent l’intérieur, ni fi complettement , ni d'une manière fi méthodique, ni en tant de lieux. Si une couche de Aouïlle, plon- geant rapidement, eft abandonnée au niveau des eaux inépuifables, & qu'on la rençontre en divers endroits d’un même champ ( ce qui eft commun ), SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS, 718$ commun ), fes diverfes directions particulières indiquent les efpèces de bouleverfemens qu'a fubi toute la mafle des couches concomitantes. Jai vu, par exemple, dans une petite étendue de pays, près d’Aix- la-Chapelle, trois portions d’une même couche de houille, dont la Jeétion perpendiculaire à leurs plans, forme une N tronquée horifon- talement par le haut : les deux premières de, ces portions à la gauche, font dans une même colline , entre deux vallées, & la troifième portion appartient à une colline voiline. Quand l'inclinaifon des couches eft moins confidérable , & qu'on les exploite en fuivanc leur pente, il eft très - ordinaire de trouver tout-à-coup, au lieu de la Aouille, un amas de décombres : c'eft-là un point où la mafle des couches a été rompue avec affaiflement inégal des deux portions. Le mineur alors déblaye devant lui; il examine les couches pierreufes qui fe trouvent au-delà des décombres ( ou des fubftances quelconques qui rempliffent la fente, & forment ainfi un filon dans ces couches); & dès qu'il les a reconnues, il fait à quelle diftance verticale ( fouvent confidé- rable ) il retrouvera fa couche de Aouille , ou au-deflus, ou au-deffous du point où elle vient de lui échapper. Souvent auf les fraëures font dans une direction perpendiculaire au plan des couches, & on les rencontre alors en fuivant la kouille dans un même niveau ; en ce cas auffi, la couche de houille manque tout-à-coup, mais le mineur la retrouve de même dès qu'il a reconnu les couches péerreufes qui fe trouvent au-delà de la fraêure. Si les affaiffemens inégaux des mafles de couches n'avoient produit que des accidens aufli fimples que ces deux derniers , l’art du mineur de Aouille ne feroit pas bien difficile, & il le feroit moins aufli, fi la furface extérieure du fol portoit des marques un peu certaines du genre de défordre qui règne à l'intérieur : mais les convulfions qui ont produit ce défordre étoient fi compliquées, & de nouvelles opérations de la ser fur ces fonds ont tellement mafqué leur état intérieur, que malgré les connoiffances générales de l’art, & la connoiflance particulière de la fucceflion des couches dans un certain champ, un mineur ne fauroit y diriger les travaux jufqu’à ce qu'il ait pu fe faire une idée de l’efpèce de défordre qui y règne. 23: En faifant abftraction de l’idée que la Aouxlle eft un produit végétal, les Aouïllères ne préfentent aucune nouvelle difficulté géologique : car on y voit le même phénomène général, de couches de diverfes fubf tances formées fuccellivement fous les eaux de l’azcienne mer ; couches qui, avant que d'avoir été mifes à fec, ont été rompues & culbutées par des affaiflemens inégaux, & dont les ruines ont été enfuire dé- figurées par la mer elle-même , avant qu'elle les abandonnât. Mais plus les Aouïllères reflemblent à ces égards à tout autre amas de couches, plus l’origine végérale de quelques-unes de leurs couches devient difficile Tome XXXV III, Parc. I, 1791. MARS. Aa 186 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, à comprendre. Je raffemblerai des faits & quelques conjedtures, pour contribuer s'il fe peur à la folurion de ce grand problème. 24. En expliquant dans ma dixième Lesre (cahier de novembre) la divifion originelle de notre globe en mer & verre, je pofai comme un point fondamental que par la nature même de la révolution qui rejetta le liquide fur une partie du globe, les serres qui naquirent fe trouvèrent d’sbord fort entremêlées d’eau dans ce premier lit de la mer, & que la vézérarion s'établit fur toutes ces {/es & prefquilese Certe végétation antique , donc nous voyons les reftes dans les Aouillères & dans d’autres couches , ne nous offre de plantes aujourd'hui connues, que quelques efpèces de fuugéres; le refte eft compofé de végétaux fort étranges , qui fe trouvent aufli dans des couches de pierre fableufe peu éloignées des contrées à houïlle. Il s'eft donc fait, depuis ce tems-là, de grands changemens dans les végétaux , qui par conféquent en fuppofent dans l'armo/phère d’aufli grands que ceux qui nous font indiqués dans le liguide de la mer, par les changemens confidérables qu'ont efluyé les animaux marins. Or cette analogie entre les hiftoires des deux 7ègnes de corps crganifés, eft une nouvelle preuve de ce que j'ai dit dès l'entrée, que les modifications fucceflives de l'eau de la mer, évidentes par fes difiérentes précipitations , ont été produites par des fluides expanfibles, provenans de deflous les couches déjà formées ; car il dut en refuiter en mème-tems de grandes modifications dans l'atmofphére. Ces émanations de fluides expanfibles avoient lieu à chaque affaiffement d’une partie du fond de la mer; & j'ai fait voir que les fuites qui en réfultèrent par de nouvelles précipitations dans les intervalles des affaiflemens , ont extrémement compliqué les mo- numens qui nous reflent de ces opérations. Or cette même complication des caufes influa beaucoup fur la végérarion ( première origine des houilles ) par des rapports que je vais indiquer. 25. À chaque fois que le fond de la mer s’affuiffoit quelque part; par les vuides qui fe formoient fous la croûte, le /zquide lui-même fe jettoit dans ces vuides, & il pénétroit de plus en plus dans les fubf tances délunies du globe; par où fa quantité diminuant à l'extérieur, il s’y formoit des bas-fonds; & plufieurs des éminences de ces fonds devenoient de nouvelles //es, fur lefquelles la végétation s’étendoit de proche en proche. D'un autre côté, les //es originelles n'étoient pas flables, car les /ubffances molles fe retiroient fous elles ; par où ces îles s’écrouloient fucceflivement, en même-tems que les nouvelles iles s’étendoient par l'abaiflemenc continué du niveau de la mer: enfin, ces nouvelles //es elles-mêmes éprouvèrent aufli des affaifJemens fucceflifs Ces viciflitudes, confidérées fous un point de vue général , font évidentes dans l'érat de nos couches, & par elles encore s'expliquent les phé- nomènes de nos graviers dont j'ai traité ci-deflus ; car on y voit commeng SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 197 des bas-fonds fe formèrent en des lieux où la mer avoit été fort profonde; & l’on conçoit alors comment fes vagues , ainfi que les courans des marées, ont pu promener toutes ces efpèces de graviers fur divers fols, & fucceflivement à des niveaux plus abaiflés, Ce fuc auñi fur ces {es changeantes que fe forma la tourbe d'où font réfultées nos couches de kouille, & l’on conçoit ainfi que la végétation dut y éprouver de grandes vicifitudes , liées à tous les autres événemens. Mais ce n'eft là fans doute qu'une idée générale, & il nous refte à comprendre comment fe formèrent des couches alternatives, de tourbe & de dépôts de la mer. Je ne puis à cet égard préfenter que quelques idées ; mais comme c’eft à force d’obferver qu’elles me font venues à l'efprit, je ne doute point que la durée des obfervations ne découvre un jour le mot complet de l'énigme. 26. De grandes érendues du fond de la mer, qui, dans les chûtes des parties environnantes, reftèrent élevées, purent être foutenues par des maffes confolidées dans les /ubflances molles , qui ne repoloienc pas encore elles-mêmes fur des fonds folides, & qui par-là s’affaiffoient lentement (ceci fe comprendra forc bien par ceux qui auront lu avec attention mes Lettres précédentes ). Tandis que la furface de ces terres fe trouvoit au-deflus du niveau de l'eau, la courbe s'y formoic en grande abondance ; puis, par leur affuiffement , cette tourbe pañloit fous l'eau à une grande profondeur, & d’autres efpèces de couches la recouvroient. Dans de grandes révolutions fubféquentes de quelques autres parties du fond de la mer, fon niveau s’abaifloit affez pour que la furface de ces fles précédentes für de nouveau découverte, & alors les femences des végéraux leur étant tranfmifes des fles voilines , fur lefquelles la végération s'étoit confervée, la zourbe s'y formoit de nouveau, jufqu’à ce que, par leur affaiffement continué , elles paffaffenc encore fous les eaux de la er. Les mêmes alternatives d’émerfion & immerfion avoient lieu dans toutes ces f/es; mais ce n’étoit ni fimulranément, ni fuivant une même progrefion; par où s'explique ce qu'on cbferve en différens champs de houille, qui, quoique dans une mème contrée, montrent de très-grandes différences dans la nature & l'arrangement de leurs couches alternatives de kouille & de dépôts de la mer. - 27. À ces caufes de viciMitudes d’effets divers dans les mêmes lieux, viciflitudes différentes en différentes parties de la mer, & dont nos con- zinens portent l'empreinte dans toute leur compofition , fe joignent des propriétés de la sourbe, qui peuvent aider à l’explication des phéno- mènes des Aouillères. La tourbe , dans les lieux où elle fe forme en grande abondance , eft fufceptible de produire des courans , à la manière de ceux des Zaves, qui, pour leur mouvement progreflif, reflemblent plus aux /aves de glace des Alpes, qu'aux Zaves fondues des volcans. Tome XX XVII, Pare, I, 1791. MARS, Aa 2 188 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, La towrbe prend fon origine dans des lieux humides. C’eft du moins ce qu: nous voyons aujourd’hui , fans pouvoir déterminer certainement que l'humidité ait été la vraie caufe produétrice de la rourbe; car maintenant c’eft la sourbe elle-même qui retient l’eau. La difficulté à cet égard provient de ce que très-fouvent la sourbe eft étendue fur toutes les fomimités des collines d’une mème chaîne, & même fur des montagnes très-élevées , telles que le Broken , la plus haute fommité du Hartz; & qu'en defcendant de ces hauteurs , elle comble les vallées voifines , à moins qu’on n'arrête fon cours, en y faifant de grandes coupures pour la deflécher. Ailleurs ellu prend fon origine dans des fonds, d’où elle fort par toutes leurs iflues. C’eft ce qui arrive aux tourbes des pays de Brème, Oldenboure , Groningue & des deux Friles. Par-tout où s'étendent ces /aves de tourbe, elles ont en elles-mêmes le principe de leur accroiflement : c’eft l'eau dont cette elpèce d’é- ponge refte imbibée, & qui y nourrit des végétaux tiès-propageans, dont quelques-uns paroiffent poiléder une propriété antifceptique, par laquelle la mafle de ces fubftances végétales fe décompole peu à peu, fans fe corrompre, ni perdre fa propriété combaftible, Or comme tout cet enfemble de caufes fe conferve dans les /aves de rourbe, quand onne les /eione pas, on peut dire d'elles au propre, cre/cunt eundo. Quand ces laves atteignent les bords de la mer ou d:s rivières , leur partie inférieure , qui confifte en une bouillie noïre & tenace, fe glifle fous l’eau fans s’y délayer; & l'on ignore l’étendue qu’y occupent fes couches, qui, en certains états de la mer ou des rivières , font recou- vertes par les fédimens de celles-ci. Plufieurs nouveaux fols ajoutés aux bords de nos continens, & qu’on a enfermés de digues font de cette efpèce ; en y creufant, on y ttouve des alternatives de courbe, de fable & d'argile, qui font une image de houillères naïffantes. 28. La rourbe offre encore un phénomène qui peut avoir quelque rapport à notre objer: c'eft celui qu'on a nommé les {les flottantes , dont äl y a des exemples fort curieux dans le pays de Bréme. Il eft arrivé en certaines sourbières , déjà cultivées & habitées, que dans de grandes abondances d’eau , la partie de la ourbe qui fe trouve encore fort liée par les racines des plantes, & qui n’eft pas affez denfe pour s'enfoncer dans V'eau , s’eft féparée de celle qui, vers le fond , eft réduite en pâte molle, & qu'ainfi elle a furnagé. Quand la furface des sourbières elt amenée à la culture, chaque pofleffion eft fépärée de fes voifines par de profonds foflés; & les colons y ont leurs maifons, leurs jardins, leurs petits vergers & leur bétail. Dans quelques tourbières , tour cela a été foulevé fans défordre; feulemenr, quelques-unes des poffeffions fe font féparées , formant ainfi des {es diflinétes, qui furnagent dans les rems d'inon- dations. Ces éponges habitées ne fe fone plus foudées au fond, & l’on a laïffé flottanres, celles qui ne fervent qu'au bétail dans la belle faifon ; SUR L’'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. r£9 maïs on a amarré celles qui font culrivées & habitées : ce qui fe fait par de longs pieux , qui traverfent la rourbe légère ; & qu’on plante dans un terrein folide. Toures les grandes sourbières font füjertes à ces fouleve- mens de la tourbe fpongieufe : d'où il eft arrivé quelquefois , que la rourbe cultivée d'une vallée en eft fortie tout-à-coup , en fuivant quelque pente, & que, fans dérangement , elle eft venu étendre poffeffion fur poffeffion. Si les rourbières d'une grande étendue n'étoient pas retenues par des rerreins plus élevés qu'elles ; fi les crues d’eau qui les foulèvene provenoient de la mer, & qu'en même-tems il foufflär un vent de terre, elles pourroient être entraînées en entier fur la mer à quelque diftance : & à, devenant par degrés plus compa@tes, elles s’abaifleroient au fond de Peau. 29. La tourbe eft donc en elle-même, une fubftance fufceptible de nombre de modifications très-différenres de celles des autres fubftances terreftres ; & ces modifications varient tellement , fuivant les circonf- tances, que lorfqu'on vient à confidérer les différences qui devoient réfulrer dans la sourbe antique , de celles des végétaux qui la formoient, du climat, & de la pofition des sourbières , on conçoit ailément , que bien des circonftances, qui applaniroient les difficultés qui reltent encore dans Fexplication précife des Aouilléres , peuvent nous échapper. 30. En finiflant fur cet objet, je ne puis m'empêcher de faire remar- quer encore, comme je l'ai faic en terminant la clafle précédente de phénomènes , que s’agiffant d'événemens fi reculés, d’opérations de la nature , dont les monumens eux-mêmes ont fubi tant de révolurions fubféquentes, & qui , au premier coup-d'œil , paroiffent réfifter fi fort à toute explication; c'eft beaucoup de pouvoir dé;à les rapporter, partant de points, à une marche générale des caufes. J'efpère que ceux d’entre les phyficiens qui n'aiment la Phyfique qu'autant qu'elle conduit à des connoiflances réelles dans la rature , verront avec intérêt rous ces points de réunion, -des phénomènes géologiques à une bafe phyfique; mais fur-tout, que ces rapprochemens leur feront comprendre, qu'on ne peut connoître les liaifons des phénomènes, qu’en les confidérant tous avec le même foin ; & qu'il eft impoflible de tirer, de quelques clafles parti- culières de phénomènes, aucune loi de phyfique générale. C’eft certe perfuafon , acquife dans une longue étude de la nature fous différentes faces, qui m’a conduit, comme je l'ai dir dès l'entrée de ces Lerrres ,à y raflembler nombre de claffes de phénomènes , évidemment liées dans la nature, & qui ainfi doivent l'être dans les théories qui tiennent à la Phyfique générale, efpérant que ce tableau fixera l'attention des néo- Zogues , & leur fera comprendre, que tandis qu'ils confidèrent leurs Aypothèles, comme étant les expreflions fimples des faits, il y a entr’elles , & les expreflions rues des faits , un intervalle qui renferme les plus grandes queflions de Ja phylique terreftre. 190 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, Je termine enfin ici la cinquième PÉRIODE des événemens de notre globe: ce n'eft pas que tous les événemens y foient tranchés ; car lorfqu'on embrafle toute la furface de nos continens, pour y afligner les phéno- mènes d’une même claffe à une même période , on les y trouve fi diver- fement aflociés, qu'en déterminant des périodes, d'après l'ordre des monumens dans un lieu, cette détermination ne peut fe généralifer que pour quelques phénomènes, & trouve coujours des exceptions. C'eft donc ar les phénomènes les plus généraux, qu’on peut fixer des périodes aflez générales : celle dont je viens de traiter, a commencé avec l'apparition des animaux marins dans nos couches : & j'en commencerai une nou- velle , à l’époque où des o/femens d'animaux terrefires , & des végétaux plus modernes que ceux dont il a été queftion ici, commencèrent à s’y trouver. Les phénomènes généraux changèrent beaucoup aufli à cette époque ; & le refte des opérations de l’ancienne mer , jufqu’à fon dépla= cement , formera une fixième PÉRIODE, dont je traiterai dans ma prochaine Lettre. Je fuis, &c. P.5. Un article que je viens de lire dans le tom. VII des Annales de Chimie , m'engage, Monfieur, à placer ici les remarques fuivantes , en atrendant que je puiffe m'en occuper plus particulièrement. Il s'agit de l'Extrait du fixième Mémoire fur PElectricité, par M. CouLoms , où cet habile mécanicien traite de la diftribution du fluide éleétrique {ur des conduéteurs contigus , & où il croit montrer, d'après des expériences, fort intéreflantes en elles mêmes : « que les molécules de ce fluide fe » repoufent les unes les autres ex raifon inverfe du quarré de la » diflance » : expériences cependant, dont on peut feulement conclure: æ que la diftribution du fluide éleétrique a lieu , comme fr fes particules » fe repouffoient fuivant cette loi, & 7e conflituoient pas un fluide » expanfible ». Je rappellerai donc ici, ce que je crois avoir démontré dans la cinquième de ces Lertres ( cahier de jui 1790), & que ni M. CouLoms, ni l’auteur de l'extrait n’ont point réfuré, 1°, que la chéorie de M. VocTA expliquoit déjà complettement, fans f&ion contraire à l'idée d’expanfibilité, les mêmes phénomènes dont traite M. Couroms, ainfi que la /oi qu'il en a conclue, autant du moins qu'on peut lobtenir réellement : fur quoi J'ai nombre d'expériences ; 2°. que la théorie de M. Œrmnus, donr M. Coucomg a tiré l’idée fondamentale, que les molécules du fluide électrique /e repoufJent , confidérée même comme fimple formule, n'a aucun fondement; uifque, deftinée à repréfenter les loix générales des mouvemens éleétriques , elle ne les repréfenre point; e que l'expérience de M. CouLomg, par laquelle il a cru dé nontrer, & que les molécules > de ce fluide /e repouffent en raifon inverfe du quarré des diflances » à SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS, 197 expérience que l’auteur de l’extrait nomme décifive ; ne prouve rien du tout à cet égard ; puifque les mêmes phénomènes ont lieu, par l'éle&ri- fation négative, comme par l'életrifation pofrrive ; & qu’ainh , au lieu de cette /o2, en apparence fi limplé , mais qui n’explique rien, il fauc avoir recours à plufieurs /oëx, dont le phénomène eft l'effer combiné ; 4°. enfin , que l'Aypothefe exprimée par cetre formule , en la fortant des cas auxquels M. CouLomg l’applique avec fon habileté ordinaire , eft contraire à toute la Phyfique. Si je fais erreur dans. quelqu’une de ces propofitions, je fouhaite que M. Couroms me le fafle connoître; parce que , lorfque j'aurai fini de décrire dans ces Lettres, les principaux phénomènes de la Phyfique terreftre, je me propofe d’y reprendre plus particulièrement, un fujet dont il y a fouvent été quellion , favoir , les obftacles qu’on oppofe aux vrais progrès de la phyfique, quand on confidère de fimples formules, qui repréfentent feulement les /ozx des phénomènes, & même fouvent de phénomènes particuliers, comme de vrais rapports de caufe à effer dans la nature; & que l’hypothèfe donc il s’agit fera l'un de mes exemples, fi jufqu’alors on n’a point indiqué de paralogifme dans les argumens que je lui ai oppolés. MÉMOIRE SUR LES AURORES BORÉALES; Par ANTOINE L18ES, Profeffleur de Phyfique au Collège Royal de Touloufe. Dix mon dernier Mémoire (1), je n’ai fait, pour ainf dire, qu'expofer mon opinion fur la caufe des aurores boréales. Je me propofe de donner plus de développement à mes idées, de rapprocher les principaux phénomènes qui accompagnent les aurores boréales, de faire voir qu'ils viennent s'adapter comme d'eux-mêmes à mon fyftême, & .de montrer enfin l'infufffance des opinions connues pour expliquer ce météore, Principe I. M. Cavendish a démontré que fi l’on excite l’érincelle électrique dans un mêlange de gaz azotique & de gaz oxigène, il en réfulre de ES (r) Journal de Phyfique , mois de juin 1790. 192 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, l'acide nitrique, de l’acide nitreux ou du gaz nitreux, fuivant le rapport qui règne entre le gaz oxigène & le gaz azotique qui compofent ce mélange. Principe II L'acide nitrique, expofé au foleil, prend plus de couleur & de volatilité. L'immortel Schéele a obfervé le premier ce phénomène : voici, à ce fujet, le réfultat de mes fréquentes obfervations. Jai placé un récipient fur une foucoupe contenant de l'acide nitrique que j'ai expofée au foleil. Quelque-tems après , l'acide a été coloré, &le récipient rempli de vapeurs rouges & volatiles qui s'y font foutenues long-tems, en répandant une clarté femblable à celle des aurores boréales. Principe III Dans les flacons qui contiennent de l'acide nitreux, on apperçoit toujours au-deffus de lacide une vapeur très-rouge & très-volatile qui ne fe condenfe jamais, Principe IF. Le gaz nitreux, en contaët avec l'air atmofphérique, exhale des vapeurs rutilantes qui s’envolent dans l’atmofphère, Tous ces principes font démontrés par l'expérience. Leur donner ici toute l’étendue dont ils font fufceptibles, ce feroic répéter des faits & des raifonnemens que plufeurs favans ont déjà développés dans leurs ouvrages avec autant de précifion que de clarté, Je me bornerai donc à-tirer de ces principes quelques conféquences , qui faciliteront leur application au météore que j'entreprends d’expliquer. 1°. Les aurores boréales ne font point un météore nouveau, Atiftote; Pline , Sénèque, ont confacré dans leurs écrits le tableau des phénomènes de cette efpèce qui ont paru de leur tems. Nous devons à des auteurs plus modernes, tels que Mairan, Muffembroeck , des defcriprions plus circonftanciées de ce météore. Il réfulte des obfervations de ces favans, que les aurores boréales ne paroiïffent que très-rarement dans la partie la plus cultivée de l’Europe qui eft plus éloignée du pôle; que fi quelquefois cette lumière brille vers le midi, elle a cependant toujours- fon origine vers le nord, & que par conféquent on doit regarder le pôle comme le foyer des aurores boréales. 2°. La chaleur folaire a la plus grande influence fur la production du gaz hydrogène qui s’élève dans l’atmofphère (1), foit qu'il prenne (x) La chaleur folaire n’a pas une influence immédiate füur la produ&tion du gaz hydrogène. Elle y contribue en augmentant l’affinité des différentes fubftances dont la décompofition réciproque en vertu de leur attra@ion éle&tive, n’a lieu qu’à une AN aflez élevée, & qui eft d'autant plus rapide que la chaleur eft plus ortes naiflance \ is SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 193 % naïflance dans la décompofition de l'eau, fuivant les partifans de la nouvelle théorie, foic qu'il doive fon origine à la décompofition de lufieurs autres fubftances, d’après l’opinion des chimiftes attachés encore à la doctrine de Sthal, En effec, la chaleur {olaire & la chaleur centrale fonce les deux principales caufes de la chaleur qui exifte fur la furface du globe. La chaleur centrale eft à notre latitude de 10 degrés? Les obfervations faites depuis un fiècle à l'Obfervatoire de Paris ne aiffent aucun doute fur cet article. Or , une chaleur d'environ 10 degrés eft non-feulement infufhfante pour volatilifer les corps qui font fur la furface du globe, mais même pour y entretenir une douce température, Les régions polaires privées pendant Îong-tems de la préfence du foleil ; fe refroidiffent à un tel point qu'on y éprouve les froids Les plus vifs & les plus rigoureux, Pendant l'hiver , lorfque le foleil éclaire moins long-tems notre horifon, & que fes rayôns y tombent plus obliquement, des froids violens fe fonc fentir dans nos contrées, quoique la chaleur centrale y foit conftamment la même. Les corps folides fouffrenc un refroidiffement très-fenfible, & Les liquides palfent à l’état de folidité. Tel eft le fort qu'éprouveroit vraifemblablement notre planète , fi tout-à-coup elle fe trouvoit tranf- portée dans une région beaucoup plus froide du fyftême folaire, Malgré l'influence de la chaleur centrale, le plas grand nombre des liquides que nous connoiflons fe transformeroient en mafles folides; les fubftances gazeufes perdroient probablement leur fluidité aériforme pour pafler à l'état de liquidité: d’où il réfulte quela chaleur folaire a la plus grande infuence fur l'entretien de la chaleur qui échauffe notre planète, fur la volatilifation des fubftances qu’elle renferme, & par conféquent fur la production du gaz hydrogène qui s’élève dans l'atmofphère, 3°. Le gaz hydrogène qui fe dégage de la furtace du globe va occuper une place dans les hautes régions: de l’atmofphère. En effet, j'ai prouvé dans mon dernier Mémoire que le gaz hydrogène ne peut être décom- pofé par l'air commun; & que par conféquent, puifqu'on ne peut jamais reconnoître fa préfence dans les couches inférieures de l’atmof- phère, il eft emporté par fa légèreté dans les couches fupérieures. 4°. La chaleur folaire a très-peu d’activité dans les régions polaires. Cette vérité, généralement reconnue, n'a befoin d’aucune preuve. s”. Quiconque réfléchira un ïinftant fur Les vérités que je viens d'établir, ne pourra s'empêcher de conclure, 1°. que «la produétion du gaz hydrogèné doit être nulle dans les régions polaires; 2°, que les hautes répions de l’atmofphère polaire ne contiennent pas de gaz hydrooène ; 3°. que toutes les fois qu'il y a rétabliffement d'éjui- libre du fluide électrique dans l’armofphère polaire, ce fluide ne peut trouver fur fon paflage qu'un mélange de gaz azotique & de gaz oxigène; 4° que l'étincelle électrique doit fixer & combiner ces fubf- tances aériformes; $°. qu'il doit réfulter de cette combinaifon uné Tome XX XVIII, Pare, I, 1791, MARS« Bb »* 194 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE; produétion d'acide nitrique, d'acide nitreux ou de gaz nitreux fuivane le rapport du règne entre le gaz oxigène & le gaz azotique qui compofent le mélange ; 6°. que la produ&tion de l’acide nitrique , de Pacide nitreux où du gaz nitreux doit donner naïffance à des vapeurs rouges & volatiles qui s'élèvent dans F'atmofphère pour y former le météore connu fous le nom d’aurore boréale. 6°. Maïs, dirat-on, fi les aurores boréales prennent leur origine dans la combinaifon du gaz azotique & du gaz oxigène, produite par le rétabliflement d'équilibre du fluide électrique , pourquoi les aurores boréales ne fe forment-elles jamais dansla zone torride& dans les zones tempérées où fe trouvent cependant réunis dans l’atmofphère les trois élé- mens qui concourent à la production de l'acide nitrique , de l’acide nitreux & du gaz nitreux ? La réponfe à cette obje&tion eft fort fimple. Dans les Zones tempérées, & fur-tout dans la zone torride, la claleur folaire a beaucoup d'activité & de durée. D'où il réfulte qu'il doitfe faire dans ces contrées un dégagement confidérable de gaz hydrogène qui , ne pouvant être décompofé par l'air commun , s'élève dans les hautes répions de l'at= mofphère. 1] arrive donc dans les zones torride & tempérées, toutes les fois qu'il y a rétebliffement d'équilibre de fluide éleétrique; il arrive, dis-je, que létincelle éle@:ique trouve dans l’atmofphère un mêlange de gaz azotique & de gaz oxigène, & un mêlange de g2z oxigène & de gaz hydrogène, Or. lexpérience nous apprend que fi l'on offre à l’étincelle électrique deux mélanges, VPun de gaz azorique & de gaz hydrogène, l'autre de gaz oxigène & de gaz hydrogène, elle fixe & combine de préférence les fubftances aériformes qui compolent le fecond mélange, Cette combinaifon eft toujours fuivie d’une détonation & d'une pro- dudtion d’eau proportionnelle à la quantité des fluides aériformes fur lefquels l’étincelle éle@trique exerce fon adlivité. C'eft ce qui arrive dans les zones torride & tempérées. Le rérabliffement d'équilibre du fluide électrique fixe ls mêlange de gaz hydrogène & de gaz oxigène qui fe trouve.dans l’atmofphère. Le tonnerre, la foudre & la pluie font Veffec fubic de certe combinaïfon ( 1). Il n’en eft pas ain dans les régions (1) J'ai prouvé dans mon dernier Mémoire que le tonnerre & les pluies d'orage font dus à la combinaifon du gaz oxigène & du gaz hydrogène par l'érincelle éle&rique. Cette opinion me paroit d'autant plus vraifemblable qu’elle ne contrarie aucun principe de Phyfique générale , & qu'elle ne fuppofe pas même la d‘compo= fition de l’ezu que plufeurs chimiftes difingués regardent encore comme problé:na- tique. Il eft en effet indiflérent dans mon opinion que le gaz hydrngène qui s'élève dins‘l’armofphère provienne de Peau ou d’autres fubflances quelconques. Il me fait qu'il fe dégage du gaz hydrogène de la furface du globe, & tout le monde eff d'accord fur cet article. M, de Luc, dans une Lettre à M. de la Métherie publiée dins le Journal de Phyfique du mois d'août 1720, attribue le tonnerre à une explofion caufée par une produétion fubite d’une grande abondance de matière \ SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 105. polaires ; lorfque dans ces contrées il y a rétabliffement d'équilibre du fluide électrique, l’étincelle électrique ne trouve pas du gaz hydiovène dans les hautes régions de l'atmofphère : elle doit donc diriger toute fon adtivité fur un mélange de gaz azotique & de gaz oxigène: de là la production de l'acide nitrique, de l'acide nicreux ou du gaz nitreux fuivant le rapport qui règne entre le gaz oxioène & le gaz azotique qui compofent le mêlange : de-là la formation de ces vapeurs rutilantes qui vont donner naïflance anx aurores boréales. C’eft en admerranc cette explication des aurores boréales & mon opinion fur la caufe du tonnerre & des pluies d'orage , qu’on peut concevoir facilement, 1°. pourquoi les pôles fonc le féjour exclufif des aurores boréales; 2°. pourquoi la foudre n'éclare jamais dans les régions polaires (1) ; 3°. pourquoi les zones rorride & tempérées font le théître favori de la foudre; 4°. pourquoi lesorages {ont plus communs & plus violens dans la z one torride que dans les zones tempérées. 7. Les principaux phénomènes qui accompagnent les aurores boréales s'adaptent , pour ainfi dire, d'eux-mêmes à l'opinion que je propofe pour expliquer ce météore. Phénomène I. Les aurores boréales font quelquefois accompagnées de petits bruits, de légères détonations. J'ai fait voir que dans les régions polaires, la production du gaz hydrogène eft prefque nulle à raifon du peu d’aéhvité de la chaleur folaire. Il eft cependant vrai qu'en été la préfence du foleil qui demeure long-tems fur l'horifon de ces contrées y produit une chaleur affez confidérable pour pouvoir, de concert avec la chaleur centrale, dégager quelque peu de gaz hydrogène des fubftances avec lefquelles il fe trouve combiné : d’où il fuit que vers le pôle Les hautes régions de l’atmofphère contiennent probablement en certains temsune petite quantité de gaz hy- oo éleétrique dans certaines nues qui contiennent les ingrédiens propres à lui donner naïflance. On doit fans doute beaucoup de confiance à l'opinion de ce phyfcien célèbre à plufieurs titres, Je ne puis cependant m'empêcher d’obferver que l’expli- cation qu'il donne du tonnerre ne me paroît encore qu’une conjé@ure vague & hafrd£e. Cet illufre phyficien qui rejette la compofñition & la décompofition de l’eau malgré les fortes preuves qu’en ont données MM. Cavendish & Lavoiüer , nous per- mettra fans doute de ne point admettre fon opinion {ur la caufe du tonnerre, jufqu’à ce qu’il ait prouvé par des faits & des expériences , 1°. que le fluide éle@rique eft une fubftance compofée de tels ou tels élémens ; 2°. qu’en tems d’orage ces élémens font en grande quantité dans l’atmofphère; 3°. qu’il s’y trouve , en même-tems une caufe qui les combine; 4°, que cette combinaifon doit produire de fortes exploñons & les différens phénomènes qui accompzgnent le tonnerre. (1) Il ne tonne jamais dans le Groenland ni dans la baie d'Hudfon. Muffembroek , zome 3, pag. 4 14. Tome XXXVIIL, Part. I, 1791. MARS. Bb2 \ 196 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, drogène , & que par conféquent toutes les fois que le rétabliffement d’équi- Jibredu fluide électrique a lieu dans l’atmofphère polaire, lorfquefes couches fupérieures rentermenrcerre fubfance aériforme, l'étincelle éledtrique doit exercer fureile une partie de fon activité & produire de légères détonations. Phénomène Il. La plupart des aurores boréales paroiffent fe mouvoir du nord vers le fad. On en voit quelquefois dont le mouvement eft dirigé vers l'occident ou l’orient. k L’acidenitrique, l’acide nitreux & le‘gaz nitreux qui donnent naïflance aux aurotes boréales ont leur origine vers le pôle. Ces fubflances exhalent des vapeurs rutilantes , qui, en s’élevant dans latmofphère, doivent diriger leur mouvement vers le lieu qui leur préfente moins de réfiftance : d’où il réfulte que ces vapeurs rayonnantes doivent tendre vers le midi, où l'air toujours moins denfe que vers le nord, leur offre un paflage plus libre & plus facile. Il peut fe faire aufi que dans le même tems que ces vapeurs rurilantes fe forment, un vent du nord venant à fouffler dans la région fupérieure de l’atmofphère, leur donne une forte impulfion , qui détermine leur mouvement, tantôt vers le midi, tantôt vers l'occident, tantôt vers l'orienr, * Phénomene 111. Les aurores boréales fe préfentent quelquefois fous la forme de colonnes lumineufes qui ont différentes figures & différentes dire@ions. Les unes font pyramidales , les autres cylindriques ; on en voit qui font courbées & qui forment une efpèce d’arc. Lorfqu’elles font pouffées avec beaucou de rapidité, elles fe rendent jufqu’au zénith du fpectateur ; celles dont le mouvement eft encore plus rapide, vont au- delà de ce zénith, quelquefois même jufqu’à l'horifon méridional. Elles ne montent pas toujours directement {du centre de la nue vers le zénith du fpeétareur: Elles prennent quelquefois une direction latérale , fur-tout lorfque la nue qui leur donne naifflance fe trouve fufpendue entre le nord & lorient ou l'occident, Lorfque le rétabliffement d'équilibre du fluide éleétrique fxe & sombine une grande quantité de gaz azotique & de gaz oxigène, les vapeurs rütilantes qui réfulrent de cette combinaïfon, doivent occuper une grande étendue dans larmofphère. Ces vapeurs occupant un efpace confidérable & pouflées da nord au fud, doivent quelquefois fe divifer, recevoir différentes dire“tions, & fe porter tantôt perpendiculairement, tantôt parallèlement à l’horifon, tantôt au-deflus du parallélifme de la terre : d'où il fuit que les aurores boréales doivent quelquefois offrir aux rezards du fpedtareur des colonnes de différente figure, qui doivene fe montrer fous différentes directions relativement à l’horifon & au SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS, 107 zénith de celui qui les obferve. Il peut aufi arriver que ces colonnes lumineufes reftent pendant quelque tems immobilés, par rapport à Phorifon. Cela arrivera toutes les fois qu'un vent du nord pouflera la nuée Jumineufe vers une partie quelconque du fud avec la même force que les exhalaifons de l'air font pouflées vers elle par un vent du midi, | Phénomène IF. Les aurores boréales ne brillent pas toutes d’une lumière également vive. Les unes ont une lumière douce & tranquille, les autres une lumière très-refplendiflante. ii | F Les vapeurs qui s'élèvent de l’acide nitrique expofé au foleil offrent une lumière douce, d'un rouge clair tirant fur le jaune. Celles qu’on apperçoit au-deflus de l'acide ‘nitreux font d’un rouge foncé. Celles qu'exhale le gaz nitreux en contact avec l’air atmofphérique font d’abord d’un rouge aflez foncé qui devient enfuite d'autant plus clair que ces vapeurs s'étendent davantage dans l'atmofphère. Les colonnes ou verges lumineufes que nous offrent les aurores boréales auront donc différentes couleurs, fuivant que les vapeurs rutilantes prendront naïflance dans Ja formation de l'acide nitrique, de l’acide nitreux ou'du gaz nitreux. Après avoir parcouru les principaux phénomènes qui accompagnent les aurores boréales , il me refte à réfuter les fyftèmes propolés pour expliquer ce météore. [l en eft un qui paroït fixer aujourd’hui l'opinion des phyficiens. C’eft celui qui attribue les aurores boréales à la matière électrique qui fe rend, dit-on, de tous côtés vers les pôles lorfque des circonftances favorables à fon expanfbäité lui permettent de s'élever jufqu’aux couches fupérieures de l’atmofphère, Voyons fi ce fyftème eft fondé fur des bafes folides & sil fe plie avec facilité aux phé- nomènes. Expérience fondamentale. Prenez une bouteille qui ait à peu-près la forme & [a grandeur d’un flacon ; pratiquez une foupape ou un robinet à fon goulot; pompez-en Fair le plus exaétement qu'il fera poflible ; préfentez enfuite le ventre de la bouteille au conducteur éle@rilé, vous la verrez briller intérieure- ment & répandre une lamière rayonnante, Telle ef lexpérience qui a déterminé l'opinion des phyficiens für la caufe des aurores boréales. La lumière des feux électriques imite la lumière des auxores boréales : donc l'électricité eit la caufe de ce météore. Ainf raifonnent les partifans de ce fyftéme. Raifonnemenc illufoire dont il ne {era pas difficile de dévoiler la fauffeté. Pour y réuflir, il faut remarquer 1°.que dans l'expérience que nous venons de rapporter, fi l'air contenu dans ia bouteille eft pompé le plus exactement qu’il eft >= = . . La x pofible, l'intérieur de la bouteille jette une clarté femblable à celle ï98 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, : des aurores boréales ; 2°. que fi le vuide n’eft pas bien fait, l’intérieur’ de la bouteille répand une lumière très-foible & prefque nulle ; 3°, qu'on mapperçoit abfolument aucune lueur dans l'intérieur de la boureille , loriqu'on la préfente au conducteur életrifé avant d'en avoir pompé 'air : d’où il réfulte que le fluide électrique ne peut répandre une lumière refplendiflante que lorfqu'il fe meut dans le vuide, & que par conféquent fi l'électricité eft la caufe des aurores boréales , il faut que ce météore prenne naiffance hors de notre atmofphère, Or, loin qu'il foit probable que les aurores boréales fe forment à une fi grande diftance, il eft au contraire très-vraifemblable que le lieu de leur origine n'eft pas confi- dérablement éloigné de nous; 1°. parce que ce météore paroît fous la forme d’un nuage qui ne diffère en rien des autres nuages que nous obfervons ordinairement ; 2°. parce qu'il arrive quelquefois qu'on ne peut pas obferver en même-rems une aurore boréale de deux endroits différens, quoique peu éloignés lun de l’autre; 3°. parce que les aurorés boréales font quelquefois accompagnées de léoères détonations qui fonc fenfibles fur la furface du globe, & qu'il feroit cependant impofible d’entendre fi ce météore fe formoic au-delà de notre atmofphère. 4°. II arrive quelquefois que la nuée lumineufe fe tient fixement pendant un certain tems à la même hauteur au-deflus de l’horifon : d’où il fuic qu’elle doit fe mouvoir en même tems que notre atmofphère; car , puifque la terre tourne chaque jour autour de fon axe, certe nuée lumi- neufe devroit paroître s'élever au-deflus de l’horifon & defcendre au- deffous, fi elle éroit fupérieure à l’'atmofphère. Ajoutons à toutes ces raifons le témoignage des phyficiens qui ont obfervé avec le plus de foin les aurores boréales, Muffembroek artefte hautement que les aurores boréales/prennent naïflance dans l'atmofphère. Kraff qui, dans l'efpace de 11 ans, a obfervé 141 aurores boréales, prétend que ce météore eft accompagné de phénomènes qui donnent tout lieu de croire qu'il fe forme dans l'atmofphère. Les aurores boréales ont donc leur fiège dans l'atmofphère; & fi cela eft vrai, puifque la matière életrique ne brille jamais que lorfqu’elle fe meut dans le vuide, il faut conclure que l'éleétricité ne peut être la caufe des aurores boréales, qu’elle ne peur influer fur leur exiftence qu'autant qu'elle fixe les fubftances aériformes, dont la combinaifon donne naiflance à ce météore. Mais en accordant que les aurores boréales peuvent fe former hors _ denotre atmofphère , & que fous ce rapport elles peuvent avoir l'électricité pour caufe, comment expliquer dans ce fyftème les circonftances attachées à ce météore ? ’ En effet, 1°. le fluide électrique qui fe meut dans le vuide répand, il eft vrai , une clarté refplendiilante ; mais ce phénomène n’eft ac- compagné d’aucun bruit, d'aucune détonation, Quelle fera donc la 7 SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 199 caufe de ces légères explofons qui fe font entendre pendant l'apparition decertaines aurores boréales , fi ce météore eft produit par le fluide élec- trique qui fe meut dans le vuide au-deflus de l'atmofphère? 2°.Si les aurores boréales ont pour caufe le fluide électrique qui s'élève au-deflus de l'armofphère, il paroît qu’elles doivent être plus fréquentes & plus vives dans les régions où le fluide éle@rique eft plus abondant, & où agiflent avec plus d’aivité les caufes propres à favorifer fon expanfbilité & fon élévation au-deflus de l’atmofphère. Or, 1°. dans l'atmofphère de la zone torride, le fluide électrique eft plus abondant que dans l’atmofphère polaire, parce qu'il s'élève fans cefle dans ces régions une grande quantité de vapeurs qui emportent le fluide électrique de ja terre, d’après les expériences de MM. de Volta & de Sauflure, confirmées par celles de MM, Lavoifier & de la Place. 2°. Les caufes propres à favorifer l’expanfbilité du fluide électrique, & fon élévation au-deflus de Patmofphère ont plus de force & plus d’intenfité dans la zone torride que dans la zone glaciale. En effer, dans la zone torride la chaleur eft extrême, & par conféquent Pair très-dilaté, Unechaleur extrême favorife l’expanfibilité du fluide électrique, Une grande dilatation de Pair atmofphérique facilire l'élévation de la matière électrique au-deffus de latmofphère : d’où il fuit que les aurores boréales devroient être plus fréquentes & plus vives dans la zone torride que dans les régions polaires, fi-eiles devoient leur origine au fluide électrique. Il me paroît que ces conféquences font juftes, & qu'il eft difficile de les allier avec le féjour excluff des aurores boréales dans les régions polaires. DE; S\CTR' I PT) T'ON D'un Cyanométre , ou d'un Appareil defliné & mefurer l'intenfité de la Couleur bleue du Ciel ; Par M, DE SAUSSURE. Tous ceux qui ont vu d'un œil obfervateur les afpects dont on jouit fur les hautes montagnes, ont remarqué que le ciel y paroît d’un bleu besucoup plus foncé que dans la plaine. Ce phénomène m'avoit fouvent frappé. Lors donc que j'eus conçu l’efpérance de parvenir à la cîme du Mont-Blanc , je cherchai le moyen de déterminer le degré d’intenfité que le ciel me préfenteroit du haut de cette cîme, Je ne parvins pas alors à réfoudre ce problème d'une manière générale. Je me contentai donc d’emporter des papiers colorés en bleu de différentes nuances. Parvenu au fommet de la montagne , je comparai ces nuances avec celles du ciel. Je \ 200 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE; mis à part celle qui en approchoit le plus, & cette couleur devint en quelque manière un échantillon du ciel du Mont-Blanc ; mais cela ne fufiloit pas. IL falloit pouvoir rendre compte à d’autres phyficiens de l'intenfité ou du vrai ton de cette couleur. Il falloir même crouver une méthode générale de déterminer la nuance du ciel dans un lieu & dans un moment quelconques: en un mor, il falloit trouver un cyanometre ouune mefure de la couleur bleue, qui füt comparable, &que tour phyficien pût conftruire comme on conftruit un thermomètre d’après des principes fixes & invariables. IL s'agifloit donc de trouver le moyen d'obtenir une fuite de tons ou de nuances égales & parfaitement déterminées depuis le blanc ou l'abfence totale du bleu jufqu'au bleu le plus foncé poflible, & même jufqu'au noir, puifque l’on peut confidérer le noir comme la dernière limite de toutes les couleurs foncées. J’efpérai d’abord de déterminer ces gradations ou ces nuancesen délayant une couleur bleue déterminée dans des quantités déterminées & progrelivement plus grandes d’eau ou de blanc, ou fuivant une méthode inverfe ; mais on n'obtient point ainfi une fuite régulière. Dès qu'on eft arrivé à un certain degré, l’accroiflement de teintes ou leur décroiflement ne paroiflent plus fuivre la même progrelion. D'ailleurs, il étoit difficile de déterminer l’intenfité du bleu primitif, & le broyement plus ou moins parfait des couleurs faifoit aufi varier la vivacité des nuances. Enfin , la réflexion me conduifit aux principes dont le procédé que je fuis a été la conféquence. Si l’on a deux nuances de bleu ou de toute autre couleur peu différente l'une de l’autre , mais qui fe diftinguent pourtant très-bien quand on les regarde de près, il eft certain qu’à une certaine diftance on ne pourra plus les diftinguer, & qu’elles paroïtront abfolument du même ton. Il femble donc qu'on pourroit déterminer la différence de ton de deux nuances par la diftance à laquelle on ceffe de pouvoir les diftinguer; mais cette diftance varie fuivant la bonté & l'étendue des vues des obfervateurs , & fuivant Pintenfité de la lumière qui éclaire ces couleurs. Il falloit donc éviter ces fources d’incertitudes : pour cet effet j’ai imaginé de prendre pour mefure de ma diftance, non pas un nombre déterminé de pieds ou de toifes, mais la diftance à laquelle on cefleroit de voir un cercle noir d’une grandeur déterminée tracé fur un fond blanc. Lorfque ce cercle noir eft placé à côté des nuances de couleur & dans la même ficuation , les mêmes caufes qui augmentent ou diminuent la diftance à laquelle je ceffe d'appercevoir ce cercle augmentent ou diminuent auñi dans la même proportion, celle à laquelle je ceffe de diflinguer les teintes. La grandeur du cercle noir qui difparoît à mes yeux à la même diftance où deux nuances fe confondent, eft donc une melure certaine de la différence de ton de ces deux nuances: plus ce cercle fera grand, plus ces nuances différeronc l'une de l’autre, & réciproquement, Lorfque SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS, ot Lorfque j'ai conftruit le cyanomètre ( Planche I) qui a fervi aux expériences que je rapporterai dans ce Mémoire , j'ai pris pour mefure un cercle noir d’une ligne & trois-quarts de diamètre, Dans cet inftrument ou dans cette fuite de nuances, le zéro de l'échelle ou l’abfence totale du bleu eft défignée par une bande de papier blanc, & dont la teinte tire plutôt fur le roux que fur le bleu. Le N°. 1 ou la nuance du bleu la plus foible eft une bande de papier très-légèrement teinte en un bleu aflez pâle, pour que lon ne puifle plus la diflinguer du blanc à la diftance où le cercle noir d’une ligne & trois-quarts de diamètre cefle de pouvoir être apperçu, & cependant aflez forte pour que l’on recommence à la diftinguer au moment où en fe rapprochant on commence à revoir le cercle. La nuance N°. 2 a été déterminée de la même manière par fa comparailon avec le N°. x ; le N°. 3 par fa comparaifon avec le N°, 2, & ainfi de plus foncé en plus foncé jufqu'à la teinte la plus forte que puiffe donner le bleu de Prufle de la première qualité, parfaitement broyé & fufpendu dans de l’eau de gomme. Lorfque j'ai atreint cette plus forte teinte, j'ai mêlé un peu de noir d'ivoire avec ce bleu , & j'ai ajouté pro- greffivement une plus grande quantité de ce noir, en graduant toujours mes nuances par le même procédé jufqu’à ce que je fois arrivé au noir tout pur, On comprend bien que ce n'eft pas dans l'idée d’obferver jamais un ciel de cette couleur, que je fuis allé jufqu’au noir pur, mais pour que les deux extrémités de mon échelle fuffent des points fixes & invariables, En prenant, comme je l’ai dit, pour mefure un cercle d’une ligne trois-quarts de diamètre, j'ai obtenu ÿ1 nuances entre le blanc & le noir, ce qui fait $3 teintes en y comprenant les deux extrêmes, Ces nuances font bien un peu foibles: on héfite quelquefois fur celle à laquelle on doit rapporter la couleur du ciel ; mais cela eft fans inconvénient : & d’ailleurs il eft facile de les rendre plus fortes. Il fufic pour cela de prendre pour mefure un cercle d'un plus grand diamètre , & les nuances deviennent ainfi tout-à-la-fois plus diftindtes & moins nombreufes, Chaque obfervateur pourra fuivre {ur cec objet fon goût particulier, pourvu qu’il ait foin d'indiquer la grandeur du cercle qu'il aura pris poux mefure, & fur-tout Le nombre des nuances qu'il aura obtenues entre le blanc & le noïr ; car les épreuves que j'ai faires m'ont prouvé que ce nombre ne fuit pas précifément la raifon de la grandeur du cercle ; mais 1e nombre des nuances étant connu , toutes les obfervations pourront être comparées entr'elles, comme l’on compare entrelles des obfervarions faires avec des thermomètres différemment gradués, quand on connoïît le nombre des degrés égaux compris entre les deux mêmes termes fonda- mentaux. Lorfque j'ai préparé ces papiers colorés en bleu de routes les nuances, jeh colle des morceaux égaux fur le bord d’un cercle de carton blanc , où ces nuances font difpofées fuivant leur ordre, depuis la plus foible jufqu’à Tome XX XVIII, Part. 1, 1791. MARS. Cc 202 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, la plus foncée. Ce carton devient alors ce que j'appelle un cyanomètres Lorfque l’on veut en faire ufage , il faut le placer entre le ciel & fon œil ; & chercher la nuance dont le ron eft égal à celui de la couleur du ciel 3 mais cette obfervation doit être faite dans un lieu ouvert, & où les couleurs du cyanomètre foient éclairées par un grand jour. Si on failoit fon obfervation à la fenêtre ou fur le feuil d’une porte, ces couleurs ne feroient éclairées que par la lumière qui viendroit de l’inrérieur de la maifon, & ainfi elles paroîtroient plus obfcures qu’en rafe campagne, où elles font éclairées par une grande partie du ciel, [l ne convient pas cependant que les rayons du foleil tombent fur ces couleurs dans le moment où on les obferve, parce qu’on n’a pas toujours le foleil, au lieu qu'on peut toujours fe pofter de manière que les couleurs foient tout à-la-fois éclairées & à l’ombre, Enfin, dans ces obfervations il faut avoir égard à la fituation du foleil ; car le ciel paroît toujours plus veporeux , & d'un bleu moins foncé droit au-deffous du foleil qu’à l'oppoñite. Ce n’eft pas un objet de fimple curiofité que de déterminer avec précifion la couleur du ciel dans tel cu tel lieu, dans telle ou telle cir- conflance. Cette dérermination tient à toute la Météorologie, puifque la couleur du ciel peut être confidérée comrie la mefure de Ja quantité des vapeurs opaques ou des exhalaifons qui font fufpendues dans l'air, En effet il eft bien prouvé que le ciel paroïtroit abfolument noir, fi Pair étoit parfairement tran{parent, fans couleur, & entièrement dépouillé de vapeurs opaques, & colorées ; mais l'air n'eft pas parfaicement tranf- parent. Ses élémens réfléchiflent toujours quelques rayons de lumière, & en particulier les rayons bleus. Ce font ces rayons réfléchis (1) qui pro- (1) Je dis réfléchis , parce que je crois que l’air ne paroît coloré que par réflexion, & que vu par tranfparence, il eft abfolument, ou du moins à-peu-près fans couleur. Les montagnes couvertes de neige mettent tous les jours fous nos yeux la preuve de cette vérité. Ces montagnes lorfqu’elles font éclairées per le foleil , ne parcifient point bleues, quelle que foit la maffe d'air, de vingt ou trente lieues, par exemple, au travers de laquelle on les voit. Elles paroifloeint ou rougeñtres ou blanches fuivant que les vapeurs que traverfent les rayons qui les éclairent font ou ne font pas colorées. Or, à de telles diffances elles paroîtroient conffamment bleues, on du moïns de couleurs modifiées par un mélange confidérable de bleu , fi air laffoit paffer Jes rayons bleus en plus grande proportion que les autres ; mais quand des montagnes d’une couleur quelconque , fur-tout d’une couleur fombre, & en particulier de couleur verte , font peu éclairées ; dans le moment, par exemple, où le foleil fe lève ou fe couche derrière ces montagnes , les rayons que réfléchit cet air ne font point dominés par une grande: abondance de rayons d’une couleur différente, t!s obtiannent ainfi la prépondérance, & ces montagnes vues au travers de cet air nous paroiffent bleues & d’un bleu d’autant plus foncé , qu’elles font à une plus grande diffance. C’eft aufli par cette raifon que les neïges des montagnes très-éloignées vues à la clarté du crépufcule peroiffent d’un blarc qui tire un peu für Le bleu , lors même qu’elles font fituées à l’oppoñte du: foleil. SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 203 duifent la couleur bleue du ciel. Plus Pair eft pur, plus la maffe de cer air pur eft profonde, & plus fa couleur bleue paroît foncée ; mais les vapeurs qui s’y mêlent , celles du moins qui ne font pas dans un état de diflolution , réfléchiflenc des couleurs différentes, & ces couleurs mêlées avec le bleu naturel de l'air produifent toutes les nuances entre le bleu le plus foncé & le gris, le blanc ou telle autre couleur qui prédomine dans les vapeurs dont l'air eft chargé. Si ie ciel paroît d'un bleu plus pâle à L'horilon qu'au zénith , c'eft que les vapeurs y font plus abondantes, & le rapport entre la couleur de l'horifon & celle du zénith exprime, finon le rapport dire, du moins une fonéZion du rapport qui règne entre les quantités des vapeurs fufpendues les unes à l’horifon , Les autres au zénith de l’obfervateur. Quelque plaufbles que fuflent & ces principes & leur application , jai cru devoir les éprouver par une expérience directe, qui m'apprîc fi les numéros de mes nuances exprimoient bien réellement les quantités de vapeurs ou d’exhalaifons opaques difféminées dans l'air. Pour cet effec j'ai cherché une liqueur qui par la beauté de fa couleur bleue & fa parfaite tranfparence püc être aflimilée à l’air pur. La folution faturée de cuivre dans l’aikali volatil m'a fourni cette liqueur. Enfuite pour repréfenter les exhalaifons opaques fufpendues dans l'air, j’ai pris une folution de deux onces d'alun dans douze onces d'eau, & j'ai précipité la terre de l’alun par une once d’alkali volatil difflous dans fix onces d’eau. Ceïte terre blanche & opaque extrêmement divifée dans le moment où l'acide l'abandonne, demeure long-tems fufpendue dans l’eau , & fe prête ainfi très-bien à ce genre d'expériences, Enfin, j'ai pris un flacon de criftal bien tranfparent, de forme quarrée, & je lai entouré de routes parts, excepté fa face antérieure avec du papier noir qui ne réfléchiffant point de lumière repré- fentoit le vuide des efpaces interplanétaires. Lorfque ce flacon qui avoit un pouce & demi en tout fens étoit rempli de la liqueur bleue pure, cette liqueur vue au grand jour & éclairée comme elle l’éroit feulement par- devant paroifloit d’un bleu prefque noir qui répondoit au 48 ou 49° numéro de mon cyanomètre dans lequel Le noir pur occupe la $2° place. La liqueur blanche pure placée de la même manière dans le même facon répondoit au zéro de ce même inftrument, & ces mêlanges des deux liqueurs répondoienc à des numéros à très-peu-près proportionels à leurs dofes. Ainfi le mélange de parties égales de liqueur bleue & deblanche donnoït une couleur correfpondante au 23 ou 24° numéro. Trois parties de bleue & une de blanche paroifloient entre le 34 & le 35°; &enfin, trois de blanche & une bleue répondoïent au 12°, Il paroît donc que l'on peut fans erreur fenfible, & toutes chofes d’ailleurs égales (1), regarder © © 2 —————— —<" (x) Je dis routes chofes d’ailleurs égales, parce que, fuivant la manière dont Tome XXX VIII, Pare. 1, 1791, MARS, Cc 2 in nb D AMEN sus LU 7 204 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, la couleur du ciel exprimée par le cyanoméere comme la 1efure ‘de a quantité de vapeurs concrètes (1) qui font fufpendues dans l'air. Lors donc qu'en 1788 nous partîmes, mon fils & moi, pour aller faire fur le Col du Géant (2) des obfervations de Phyfique générale & de Météorologie, nous emportâmes un de ces cartons, & nous en laifsimes deux parfaicement femblables , Pun à MM. Senebier & Piétet, qui voulurent bien fe charger de faire à Genève des obfervations de Météo- rologie correfpondantes aux nôtres, & l’autre au jeune M, l'Evêque, qui obfervoic à Chamouni aux mêmes heures que nous. Voici les réfultats des obfervations faires au zénich du Col-du-Géant , à Chamouni & à Genève, sg = ge a Couleur du ciel au zénith à différentes hauteurs. 2r | Heures du jour. iv | vj (hs | x |midi.| i | iv vj | Siÿ | moye. Col du Géant. |15,6 |27,0 [29,2 |31,0 |31,0 |30,6 |24,0 |18,7 516 [23.6 Chamouni.....|14,7 |rssr [17,2 | 18,1 |18,9 | 19,9 | 19,9 | 19,8 Nate Genève. ..... |... 14,7|2100 |22,6 [225 ae 20,4 | 16,3 os | L ! F ss ae een En confdérant cette Table, on voit qu'au Col du Géaur, de IV à VI heures du matin la couleur du ciel fait un faut de plus de 11 nuances; que dans les quatre heures fuivantes elle ne monte que de 4 nuances; walors à X heures elle a atteint fon maximum où elle fe foutient à-peu- près jufqu'à IF heures : qu'enfuire de IT à. VI elle defcend rapidement d'environ fix nuances en deux heures, & qu’enfin de VI à VIL elle fait brufquement le faut d’environ 12 nuances; en forte que la plus haute nuance de la journée furpaile la plus baffe de 2ÿ nuances :. A Chamouni au contraire la couleur du ciel monte lentement depuis Paube du jour jufqu'a XI heures. Après midi elle fe foutient à-peu- es vapeurs feroient difiribuées, la même quantité pourroïit produire des effets d'fférens. (x) Je dis vapeurs concrètes , parce que les vapeurs diffoures dans l'air, celles de l’eau, par exemple, n’altèrent ni fa tranfparence , ni la couleur du ciel, (2) Les réfultats d’une partie des obfervations que nous fimes, mon fils & moi, pendant feize jours que nous pafsâmes fur cette montagne, ont été publiés dans le Journal de Genève de r788 , & dansles Journaux de Phyfique de 1788 & 1789. Je crois cependant devoir rappeler que nous étions-là poflés für une arète de rocher ifolée entre deux glaciers élevés de dix-fept cent foixante-trois toifes au-deflus de la: mer, & à une lieue à l’eft du Mont-Blanc. SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 20ÿ près jufqu'à VI heures, & für en defcendanc de VI à VIIT un faut d'un peu plus de 3 nuances, qui eft la plus grande variation moyenne qu’il y ait en deux heures dans la journée ; & la différence entre la nuance la plus forte & la plus foible du jour n’eft que de 5,2, prefque cinq fois plus petite qu'au Col du Gésnr, ‘À Genève le cyanomèétre n’a point été obfervé à VI heures du matin ; nià VIII heures du foir; mais nous voyons que de VI à VIII heures du matin il fe fait une aflez grande variation, favoir, de 6 nuances 1. Les heures où la couleur du ciel eft la pius foncée, font comme au Col, de X heures à midi. La chûre de IV à VI eft aufi rapide, & la différence entre la nuance la plus forte & la plus foible de la journée eft beaucoup moins grande qu'au Col du Géant, mais un peu plus qu'à Chamount, favoir, de 7,9. Mais voici ce qui me frappe le plus dans ces comparaifons, Quand on voit dans cette Table que le matin fur le Col du Géant, l'air n’eft guère moins charoé de vapeurs que dans la plaine; que le foir il en eft même beaucoup plus chargé, & que pourtant dans le milieu du jour fa pureté & fa férénité furpaflent de beaucoup celles de l'air des plaines | on admire la grandeur des effets que produit le foleil fur Fair de ces montagnes; mais d’en autre côté quand on confidère le peu d'effet que produit le foleil fur le thermomètre dans ces hautes régions, on voit bien qu’il faut néceflairement que l'influence de la chaleur fur l’évaporation foit beau- coup plus grande dans l'air rare des montagnes que dans l'air denfe des plaines. Or, c'eft précifément ce que nous ont prouvé les expériences direétes , & il eft bien fatisfaifant de parvenir aux mêmes vérités par des routes aufli différentes, Si l’on confidère les couleurs moyennes du ciel confignées dans [a dernière colonne de cette Table, on verra, comme dans les heures féparées, plus de reffemblance entre le Géant & Genève, qu’enrre le Géant & Chamouni. Le ciel le plus foncé eft celui du Géant, enfuire celui de Genève, & enfin celui de Chamouni. Cette obfervarion confirme & exprime ces nombres d’une manière plus précife, ce que jai dit ailleurs, qu'il y a plus de vapeurs au zénirh d'une vallée qu'au zénith d'une plaine, parce qu'il s'élève des vapeurs, non-feulement du fond dela vallée, mais encore des flancs de la montagne qui la bordent. Quant aux extrêmes, les bleus les plus foncés que le ciel nous ait préfentés dans ce voyage, ont été , au Col du Géant 37, à Chamouni 24, à Genève 26 =. De la cîme du Mont-Blanc la couleur du ciel, telle que je l’obfervai en août 1787, correfpondoit au N°. 39 de mon cyanométre. La couleur -de ce ciel ne furpafloit par conféquent que de 2 nuances le bleu le plus foncé que nous ayons obfervé au Col du Géant. Je fuis difpofé à croire que la vraie couleur de l'air n’éloigne pas du 34° degré, dont le bleu ef& 206 OBSERV ATIONS SUR LA PHYSIQUE, extrêmement vif, pur & fans mêlange de noir. C’éroit la nuance que nous avions ordinairement au Col du Géant dans les beaux jours; car nous n'avons eu qu'une fois la 37° nuance , & cela dans un moment où l'air étoit d’une tranfparence extraordinaire. Je penfe donc que quand le ciel paroît plus foncé que le N°. 34 du cyanométre, c’elt parce que fon extrême rareté & fa tranfparence ne lui permettent pas de réfléchir affez de rayons; on entrevoit alors, pour ainfi dire, le noir du vuide des efpaces inter- planétaires ; & c’eft ce noir qui donne au ciel la teinte fombre qu'il a fur le Mont-Blanc. Avant de pafler à un autre objet , je dois lever une contradiction que femble préfenter la Table des obfervations qui nous occupent. Comment eft-il pofible qu’à VIIT heures du foir la couleur du ciel füt au Col du Géant $ : & à Chamouni 16? Comment le ciel pouvoit-il paroître plus pur dans la région inférieure qui ne le voit qu'au travers des vapeurs fafpendues dans la région fupérieure ? Cela feroit effectivement impoflible, fi Chamouni étoit dire&ement au-deffous du Col du Géant; mais il en eft éloigné horifontalement de deux lieues, Il eft naturel de penfer que certe quantité de vapeurs qui fe raffembloient au-deflus du Col entre VI & VIIT heures du foir étoit condenfée par le froid des neiges & des glaces dont cette cime eft environnée , & qu'il ne fe conduifoit point une aufli grande quantité de vapeurs dans des régions également élevées , mais où l'air n’étoit pas refroidi par de femblables frimats. Je viens aux obfervations faites à l’horifon. RE —— eee en ren 2 CN À Couleur du ciel à l’horifon à différentes heures. Heures du jour.| iv | vj | vi | x \midi.| ij | iv | vj | vij |moye, Col du Géant….| 47 | 75 | 8,4 | 9,7 |rr,s | 7,6 | 5,5 | 4,7 | o,0 | 6,6 fr Abe 55 | 7,0 | 8,3 | 8,6 | 9,1 | 9,3 | 8,8 | 8,4 | 5,0 | 7,8 LES LEP CR POST ET es aie PR RENE EU EU Les obfervations à l’horifon de Genève manquent, parce que M. Sene- bier étant abfent , lorfque je partis pour ce voyage, on oublia de lui dire que je les defirois. Il n’obferva le ciel qu’au zénith. Ici donc nous ne pouvons faire de comparaifon qu'entre le Col du Géant & Chamouni. On voit d’abord à l’horifon, comme on l’a vu au zénith, l’intenfité de la couleur s’accroître plus rapidement, & atteindre plus promptemene fon maximum au Col du Géant qu'à Chamouni. On voit aufli les variations moyennes beaucoup plus grandes fur le Col, puifqu’elles fonc à peine de 4 nuances à Chamouni , tandis qu'elles font de 11 : fur le Col. SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 07 Enfin, fur ce même Col la rapidité de la chûte des vapeurs entre IV & VII heures du foir eft aufli extrêmement fenfible à l'horifon, puifqu’à VilI heures la couleur du ciel a été conftamment zéro ; c'eft-à-dire, qu’à VII beures on ne pouvoit jamais appercevoir à l'horifon aucune teinte de Lieu , le ciel paroïfloit toujours ou rouge ou jaurâtre. Au point du jour, il y avoit bien aufli à l'horifon une lifière d'une couleur rrès-vive rouge ou orangée, mais pour l'ordinaire au-deflus de ce liferé le ciel montroie quelque nuance de bleu , en forte qu'à IV heures la couleur bleue moyenne a été 4,7. L Mais la couleur moyenne de toute la journée, qui au zénith a été plus foncée fur le Col , fe trouve à l'horifon plus foncée à Chamouni, parce qu'à Chamouni on ne voyoit pas l'horifon , les points les plus bas où l'on üc découvrir le ciel éroient encore élevés de 4 ou $ degrés, tandis que du haut du Col on voyoit même plus bas que l'horifon, & qu’ainf Pœil plongeoit dans la région des vapeurs, Cependant malgré cet avantage de l’horifon de Chamouni fur celui du Co! les extrêmes d’intenhré ont été beaucoup plus forts fur le Col qu’à Chamouni. Nous avons vu fouvent le ciel à l’horifon de 14, & même une fois à 17, tandis qu'à Chamouni le degré le plus élevé où l’on ait obfervé, a été le onzième. En même-rems que je faifois ces obfervations, je crus devoir étudier far le Co’ du Géanc les dégradations que fuivent les couleurs du ciel en s'élevant de l’horifon au zénith. Le 15 juillet à midi, par un très-beau tems , je trouvai à l’horifon la 11° nuance: à 10 degrés la 20°, à 20 deorés la 31°, à 30 deorés la 34°,à 40 degrés la 37°, & depuis 40 degrés jufqu'au zénith la même 37° nuance fans aucune variation fenfible. Deux jours après, le 17, je ne pus prendre la couleur à l’horifon : il y avoit des nuages ; mais à $ degrés je trouvai la 16° nuance, à 10 la 15° ,à 20 la 20°, à 30 la 29°, à 40 la 32°, à 60 la 34°, & de-là uniforme jufqu’au zénith. Ces deux progreflions évidemment irrégulières prouvent que les vapeurs ne font pes, ou du moins n'étoient pas alors uniformément diflri- buges dans l'atmofphère, Où ne s’étonnera pas de certe irrégularité fi l’on confidère qu'un pays auffi varié que celui qui entoure le Col du Géant où Pon trouve ici de hautes montagnes, là_de profondes vallées, ici des glaciers, là des forêrs ou des pâturages, plus loin des rocs arides & décharnés, doit fournir dans ces différens lieux des vapeurs & des exha- laifons très-différentes par leur quantité & per leur nature, & qu'ainfi la voûre célefte apparente qui réfuire de l’aflemblage des zénitlis de rous ces endroits ne fauroir avoir dans la dégradation de fes teintes la régularité qu'on pourroit efpérer fur mer ou dans une plaine à-peu-près uniforme, En effet , de Genève en regardant du côté du fud-oueft où le pays eft à peu-près uniforme, j'ai trouvé le 21 avril 17GO à midi, à un degré la 4° nuance, à 10 degrés la çe, à 20 degrés la 13° ,à30la 15°: , à 40 203 OBSERVATIONS SUR L A PHYSIQUE, Ja 17° 5,à $o la 19°, à 6o la 20°, & de-là jufqu’au zénith à-peu-pres uniforme. Ce qui donne une progreflion beaucoup moins irrégulière que fur le Col du Géant. Cette progreflion eft même parfaitement régulière depuis 20 jufqu'à 60 degrés ; car les différences décroiffent exaftement en progrefion arithmétique ; mais entre l’horifon & le 20° degré elles {uivent une autre loi : leurs différences font plus grandes. Il feroit à fouhaiter que ces obfervations fuflent répétées en différens pays, & fous différens climats. Je ne doute pas que l’on ne püt en tirer des réfultats intéreflans pour la Météorologie. : La planche n’eft faite que pour donner une idée de la forme du cyano- mètre ; car quoique la progreflion des nuances ait été rendue à-peu-près aufi bien que cela étoit poñlible à la gravure , cependant ces nuances ne font point abfolument exactes. D'ailleurs , elles ne font pas jufqu’au noir, & le N°. 1° occupe la place du blanc pur où devoit être le zéro. MÉMOIRE. DE Me 2 FIRTA NN IC OL SAND ASE AISNE Premier Lieutenant des Fonderies Impériales , SURLES MÉTAUX RETIRÉS DES DIFFÉRENTES TERRES: Extrait des Mélanges de M, JACQUIN. M. MATHIEU Tonpr, célèbre médecin de Naples, ayant eu occafion d’examiner dans le laboratoire de M. de Ruprecht, confeiller Impérial, & célèbre profefleur de Chimie à Schemnitz en Hongrie, quelques fubftances peu connues, dont quelques-unes avoient été regardées comme métalliques, eft parvenu à les réduire & à en retirer des métaux. La grande utilité dont feroit une pareille découverte , & le defir bien naturel d'augmenter mes connoiflances m'ont engagé à répéter fouvent les expériences de M. Tondi, pour voir jufqu'à quel point on pourroit perfectionner les travaux de la Métallurgie. Sur ces entrefaites, M. Tondi vint lui-même de Hongrie à Vienne (en Autriche) pañler quelques femaines avec nous; &.à ma prière il répéta devant moi & plufeurs autres perfonnes dans le laboratoire public toutes les expériences qu'il avoit faites à Schemnitz, & ilme communiqua de la manière la plus amicale tous fes procédés, . Depuis ce tems-là j'ai entrepris la réduétion, non-feulement a car onate SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 209 bonate de craie, de magnéfie & de baryte , mais encore celui d'alun , & j'en ai obtenu des métaux. Mais en faifant mes expériences & examinant la manière dont on obtenoit ces fubftances métalliques, & celle dont elles fe comportoient en les traitant par la voie humide, je commencai à avoir des doutes, & à penfer à cet égard tout différemment que M. Tondi & Les autres favans ui avoient embraflé fon opinion. Ne cherchant que la vérité, je crus que je ne pouvois rien faire de mieux que de foumettre mes expériences au jugement du public en priant mon célèbre maître de les inférer dans fa colleétion. Que le Lecteur ne penie pas qu'il trouvera ici des argumens fans réplique. Je ne rapporterai que les expériences en les accompagnant de quelques obfervations. Mon but principal eft de m'inftruire, & qu’on me montre où j'ai pu me tromper , afin que je fois à même de contribuer autant qu'il eft en moi aux progrès de la Chimie dans ma patrie. I. MÉTALI TUNGSTIQUE. On retire l'acide ou l’oxide tungftique de la tungftène calcaire , appelée auffi étain blanc fpathique de Schlackenwald , non pas par le procédé propofé par lheureux Schéele, mais de la manière fuivante: on fait digérer le minéral réduit en poudre très-fine dans l'acide nitro-muriarique préparé avec parties égales en poids d’acide nitrique de Ja gravité fpéci- fique— 1289 , & l'acide muriarique de gravité fpécifique = 1103, à la chaleur de l'ébullition jufqu’à ce qu’il ne relte plus dans le minéral aucun veftige de fer, On lave dans l’eau chaude diftillée le réfidu qui n’eft pas diffous pour en enlever tout ce qui a. pu y refter d'acide nitro-muriatique , & on obtient l’acide tungftique de couleur orangée, & dépouillé de toure partie ferrugineufe. La première méthode de Schéele eit extrèmemene longue ; la feconde qui confilte à vitrifier le minéral en le fondant avec la foude ou la potafle , ne peut le donner auûi pur ni aufli dépouillé de fer que celle que je viens d’expofer. IL fe précipite de l’eau de lavage par le feul repos une portion de la poudre d’une couleur de foufre. Cette poudre n’eft pas aflez faturée d’oxigène ; mais en la faifant digérer de nouveau dans l'acide nitro-muriatique, elle acquiert toutes les qualités de la poudre orangée. On triture cette poudre orangée avec de la poufñlière de charbon très. fine & de l'huile de lin; on en fait une pâte, que l’on met dans un creufec de Heffe d’une grandeur fufifante , de la manière fuivante : on enduit de cette pâte une des furfaces planes du creufec jufqu’aux trois-quarts de fa hauteur. On en met également à l'angle oppofé à cette face, & on Tome XXXVIIT, Part. I, 1791, MARS. Dd 10 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE; remplit l’intérieur de poudre de charbon qu’on couvre enfuite d’un lit d'os bien calcinés & bien leflivés, ou de coupelles réduites en poudre, Cette manière d’arranger les matières dans le creufet n’eft pas arbitraire; car il paroît que le fuccès de l'expérience y eft attaché. J’ai voulu y faire différens changemens qui n’ont point répondu à mon attente; en forte que j'ai été obligé de revenir à ce premier procédé. Le laboratoire dont je me fers pour ces expériences eft la forge d'un ferrurier , où je conftruis un fourneau. La largeur de ce fourneau eft d’un pied fix pouces ; fa largeur eft de dix pouces , & la hauteur de dix-huit pouces. La longueur du foufflet eft de fépt pieds quatre pouces y compris Le tube ou tuyère. Ce tube eft d'un pied fix pouces , & fon orifice d'un pouce trois lignes, La largeur de la partie antérieure du foufflet eft d'un pied quatre pouces , fa hauteur d’un pied. À la partie poftérieure la largeur eft de trois pieds neuf pouces, &la hauteur, quand il eft ouvert, de cinq pieds. Le creufet mis fur un fupport eft placé dans le foyer au point où le foufflet a le plus d’a&ivité, on remplit le fourneau de charbon de bois dur, de la groffeur d’une noix , dont une partie eft embrafée , & l’autre ne Veft pas ; & pour lors on fait agir le fouffler. Le foufflet eft chargé dans le commencement d’un poids de quinze livres. On fourient ce degré de feu pendant demi-heure, & on jette continuellement de nouveau charbon qu’on a mouillé. On jette même de tems en tems fur le charbon du fourneau de l’eau qui en fe décom- pofant augmente l'intenfité du feu. Après cette demi-heure on augmente le poids du {ouffler de cinquante livres, & après un quart-d’heure, d’autres cinquante livres, de manière qu’on ait pendant une demi-heure le plus grand degré de feu; car toute l'opération elt finie en cinq quarts- d'heure. Le métal qu'on obtient lorfque l'opération eff bien faite eft de couleur rouge-brun. En le caffant dans les endroirs où il y a le plus de brillant , il eft comme écailleux , & il paroît compofé de petites écailles brillantes. Sur la pierre de rouche il laïfle une trace d'un gris fombre, prefque fans éclat métallique. Enfin, il eft fragile & donne une poudre d’une couleur cendrée de plomb, qui n’eft point attirable par l’aimant. Je n'ai pu en déterminer la graviré fpécifique , parce que les morceaux étoient trop petits ; mais le célèbre Haïdinger , confeiller & profeffeur à Schemnitz, l’a trouvée de 6,813 relativement à l’eau dans une tempé- rature de 10 degrés au thermomètre de Réaumur. Il eft fingulier que cette gravité fpécifique foit fi petite, comparée avec celle que les célèbres MM. Délhuyar ont trouvée au même métal retiré du wolfram , & qu'ils ont dit être de 17,600. Deux cent foixante-dix-fept grains de tungftène calcaire de gravité SUR L'HIST, NATURELLE ET LES ARTS, 211 fpécifique de 6,195 donnent 199 grains d'oxide de tungftène orangée, & 10 grains de ce même oxide moins oxigéné de couleur de foufre, M. de Ruprecht & M. Tondi ont fait quelques expériences fur ce métal, & voici ce qu'ils ont obfervé : 1°. expolé à un très-grand feu, il ne fubir aucun changement, & laifle feulement dans la coupelle une tache noire; 2°, mêlé avec de La foude de borax calcinée, & expofé à un feu de fufñon , il demeure un quart-d’heure inta@ , il fond enfuire lentement & donne un verre d’une couleur de fang ; 3°. l’acide nitrique concentré & bouillant n’exerce aucune aétion fur ce métal ; 4°. l'acide nitro-muriatique n'en exerce pas davantage, même aidé par la chaleur, quoique le métal für réduir en poudre, Ils n’ont pas eflayé l’aftion de l’acide fulfurique 8 muriatique; 5°. la Meur de foufre jetrée fur ce méral à l’état d’incandefcence en noircit la furface laquelle paroifloic oxidée, & laifloit une tache noire dans la coupelle. Quoique je defirafle beaucoup répéter ces expériences, & même les augmenter s’il éroic poflible, je n’ai pas encore pu le faire , manquant de la quantité néceflaire de ce métal. J’efpère cependant que par la bien- veillance de mes amnis je pourrai bientôt y parvenir. L'immortel Bergman avoir déjà dit que l'oxide de tungftène éroie un métal particulier. Appuyé de quelques expériences il propofa les raifons qui le faifoient penfer ainfi ; néanmoins fes occupations l’empêchèrent de tenter cette réduction. Il n'eft pas douteux que MM. Délhuyar ayant trouvé dans leur patrie une grande quantité de Wolfram , en aient reriré un métal. Cependant ce métal diffère beaucoup de notre métal runoftique , foit quant à la gravité fpécifique , foit quant à l’action des acides nitrique & nitro-muristique, Ils oblfervoient eux-mêmes que l’acide retiré du Wolfram, différoit par quelques propriétés de celui qu'on obtenoit du tungftène caicaire, Cette petite différence des oxides en produiroit-elle une fi grande dans les métaux réduits ? Le célèbre Rafpe en Cornouailles paroîr croire que les métaux qu’on retire du Wolfram & de la rungftène font de la même nature. Cependant on voit que par des expériences poftérieures M. Rafpe, ainfi que le célèbre Klaproth, n’ont point retiré Pacide tungftique de la tungftène calcaire, mais du Wolfram. M. Rafpe dit bien que le métal retiréde l’aciderungftique, & celui qu'ont obtenu MM. Délhuyar font les mêmes. Cependant il ne fait mention ni de la différence de gravité fpécifique , ni des autres propriérés de ces fubftances; ce qui m'engagera à traiter le wolfram comme la tungftène , dès que je le pourrai , pour lever tout doute à cet égard. M. de Ruprecht a bien réduit l'acide tungftique par un autre appareil ; mais il n’a pas dit fi la gravité fpécifique du métal qu'il avoit obrenu étoit la même que celle qu'a eu M. Tondi; ce qu'il faudroir connoître pout favoir fi le procédé influe fur la gravité fpécifique du métal tungftique, Tome XX XVIII, Part. I, 1791, MARS, Dd 2 212 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, ; \1ÈI MÉTAL MOLYBDIQUE. Pour préparer l'oxide ou l'acide de ce métal, j'ai pris du fulfure de molybdène ou mine fulfureufe de molybdène de Schlakenwald en Bohème, L'ayant bien dépouillé de toute fa gangue ,on la broya pendant dix-huit heures dans un mortier de verre avec une fufifante quantité de porafle de foude , en l’arrofant fouvent & peu à la fois. On lavoit enfuite la maffe dans de l’eau bouillante diftillée , jufqu’à ce que l’eau ne contint aucune partie faline, Le réfidu étoit une poudre noire qu’on faifoit digérer dans acide nitrique dont la gravité fpécifique étoit — 1,289; & on répétoit l'opération jufqu'à ce que la poudre devint parfaitement blanche, L'acide nitrique fe décompofe ; fon gaz azotique uni à un peu d'oxigène fe dégage fous forme de gaz nitreux ; & fon oxigène s’uniflant foit avec le foufre , foit avec la molybdène, forme & de l’acide fulfurique & de l'acide molybdique très-pur dépouillé de toute partie ferrugineufe ; car s'il fe trouve du fer, comme il y en a le plus fouvent, il eft changé en oxide, & diflous par l'acide fulfurique. On lave enfuite cet oxide blanc de molybdène pour le dépouiller de tout l'acide nitrique & fulfurique qui pourroit y être adhérent, On voit que cette méthode de préparer l’oxide molybdique eft préfé= rable à celles de Bergman & de Hielm; car par la Sonde Bergman, non-feulement on perd beaucoup d’oxide , mais il eft roujours fouillé par des parties hétérogènes qui lui donnent la couleur jaune. Dans l'autre méthode on perd moins de fubftance , mais il refte toujours du foufre du fer de l’acide fulfurique qui donne la couleur jaune à cet oxide. Cet oxide molybdique a été traité comme l’oxide tungftique l’a été ci-devant. Toute l'opération & les circonftances ont été les mêmes. Le métal qui avoir été bien fondu étoit à fa furface d’une couleur de fer cendré. À la caflure certe couleur étoic plus claire. Il éroit grenu,, plutôt mol que dur. Sur la pierre de touche il laiffe une trace cendrée , mais fans. éclat métallique. Il eft fragile, & quoique réduit en poudre, l'aimant ne l'attire pas. Suivant M. Haidinger la gravité fpécifique de ce métal eft à celle de l'eau diftillée = 6,963 à la température de 10 degrés du thermomètre de Réaumur. J'ai obfervé à la furface d’un de ces métaux quelques cavités où le métal avoit criftallifé ; mais Les criftaux éroient fi petits que je n'ai pu en déterminer les formes. Le célèbre Veltheim eft le premier qui ait foupçonné que la molybdène contenoit un demi-métal particulier. Schéele & Bergman mirent cette conjecture au-delà de tout doute, Bergman conclut avec raifon que cette SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 213 fubftance étoit métallique par la faveur de l'acide & de l'oxide molyb- dique , par fa nature folide , & qui ne devenoit pas déliquefcente ; enfin, ar fa pefanteur fpécifique. D’après ces avis de Bergman , Hielm tenta la réduction de cet oxide, & il dit en avoir obtenu un métal tout différence de ceux qui font connus jufqu'ici ; mais il n’a rien publié fur la méthode qu’il a employée pour réduire ce métal, ni fur fes propriétés. Il a fait poftérieurement de nouvelles expériences fur certe fubftance, & malgré les plus beaux appareils, & le travail le plus opiniètre, il n’a pu obtenir que de très-petits grains de ce métal, qui étant épars avec les fcories, il n’a pu examiner avec foin. f MM. Iifeman & Heyer, célèbres chimiftes, ont fait plufieurs effais fur la réduction de cette fubftance, mais non avec le même fuccès ; mais ils ont fait dans ce travail d'autres découvertes très-précieufes pour le chimiftes. MM. de Ruprecht & Tondi par leur méthode & un degré de feu fufffant , ont réduit cet oxide métallique, de manière que l'honneur doit leur en demeurer. Comme on n’a pas examiné jufqu’ici la nature de ce demi-métal , je le ferai dès que j'aurai pu me procurer aflez de fa mine, IUGE MÉTAI DU CARBONATE CALCAIRE, M. Tondi encouragé par l'heureufe réduction de Ia tungftène & de la molybdène, & appuyé des principes & des raifons que le célèbre M. La- voifier, dans fon Syftême anti-phlogiftique, a développés fur laréduction des métaux, effaya d'appliquer le même procédé à la réduétion des terres fimples pour voir fi étoit fondée la conjeéture que M. Lavoifier , d’après fa théorie, avoit avancée dans fon Traité élémentaire, vol, I, page 174, que toutes les terres n’étoient peut-être que des fubftances métalliques. M. Tondi ayant féjourné quelques femaines à Vienne , y répéta fes expériences, & retira des métaux des carbonates calcaire , magnéfien & barytique. M. Tondi pour avoir un carbonate calcaire très-pur , prépara de l’eau de chaux qu'il précipita par le gaz pulmonaire. Il prit ce carbonate calcaire dont il fit une pâte avec du charbon & de l'huile de lin , la mit dans un creufet de Hefle avec les mêmes précautions que nous avons expofées ci-deflus, & couvric le tout d'os calcinés & bien leflivés pour intercepter l'accès de Pair. [l procéda comme dans les expériences ci- deflus , excepté qu'il donna un plus grand degré de feu & qui dura demi- heure de plus. Le métal qu’il obtint approchoït beaucoup de la platine , foit pour la couleur, foit pour l’éclar. Dans la fracture il étoit d’une couleur d'acier, fa texture écoit en petits grains, La trace qu'il laiffa fur la pierre de touche 214 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, étoit d'un gris blanc femblable à une ligne de platine. Il recevoit un très= beau poli, étoit très-caflant ; enfin, l’aimant n avoit point d’action fur lui à moins qu'il n'eût été réduit en poudre avec des inftrumens des fon- deurs. M. Tondi a appelé ce méral parthemiurm. Sa gravité fpécifique déterminée par M. Haidinger au degré 12 du thermomètre de Réaumur eit = 6,571 relativement à l’eau diftiilée. * Cent grains de carbonate calcaire expofés au feu pendant deux heures ont donné $7 grains de chaux pure. Cent grains de carbonate calcaire ont donné 4 + grains de métal. a Ce métal obtenu n'eft point diffous par l'acide nitrique= 1,289, ni par le muriatique = 1,103, ni par le fulturique == 1,822, ni par le nitro-muriatique compofé de parties égales de ces deux acides au degré de chaleur 12 du thermomètre de Réaumur. b L’acide nitrique aidé par la chaleur le diffout avec effervefcence, cependant fi lentement qu'en huit heures à peine y en a-t-il eu La moitié d’un grain diflous, [IL eft précipité en blanc par le carbonate de potafle, & en jaune-rouge par le carbonate ammoniac. e L'acide muriatique & nitrique exercent fur lui [a mème ation, & fes fédimens font de la même couleur, d L'acide fulfurique étendu d’eau le diffout parfaitement. La folution pendant le cours de l'opération prend une belle couleur de rubine , & bientôt dégénère en beau jaune : en la laïilanc repofer elle dépofe un fédiment blanc fort abondant ; elt-ce un fultate calcaire? je ne le penfe pas, parce que le fulfate calcaire fe précipite toujours fous la forme de petits criltaux : & ce qui le confirme, c’eft que le précipité blanc qu’on obtient par le carbonate de potaifé n'indique rien de calcaire, puilqu’il ne { diffout point dans l'acide nitrique. e L’acide nitro-muriarique le diffout très-lentement , même avec l’aide de la chaleur. La couleur de la diflolurion chaude eft orangée, & pañle à la couleur d’or en fe refroidiflant & érant repofée. Elle imprime fur la peau une couleur d’un brun-jaune. Quoiqu'étendue d’eau elle n’abandonne oint le métal. f L'acide fuifurique a une grande artraction élective pour ce métal. Il l'en!êve aux deux autres acides avec grande effervefcence, & un dégagement de beaucoup de calorique. Le carbonate de potaffe verfé dans cette folution & dans celle de l'acide nirro-muriatique donne les mèmes précipités que celui qu'on obtient des diflolutions dans l'acide nitrique & muriatique, £ Plufeurs petits grains de ce métal tenus dans un fourneau doci- maltique pendant quinze: minutes, n'ont rien perdu de leur poids. Ils s'éroient un peu agglurinés, & paroïfloienr un peu oxidés à leur furface. k Un perit grain de ce métal expolé au feu du chalumeau fur un charbon ardent, a fondu. SUR L’HIST. NATURELLE ET LES ARTS, 21$ 2 Plufeurs petits graîns du même métal traités avec le verre de borax ont coulé dans une feule mafle d’une couleur très-brune & prefque noire, #& Les diffolutions d’argent, d'or & de cuivre, font précipitées très- promptement par le moyen de la chaleur fous forme métallique par ce métal. La diffolution nitreufe de plomb left un peu plus tard fous forme d’oxide, Z II déconne un peu avec le nitre, & colore la potaffe en jaune. m L’infufion de noix de galle précipite en noir fes diflolutions. n Le fédimenc blanc que donne {a folurion précipitée par le carbonate de potafle , mêlé avec du verre de borax, & expofé au chalumeau, donne un verre de couleur hyacinthe. TAVE MÉTAL DE CARBONATE DE MAGNÉSTE, Le carbonate de magnélie a été précipité du fulfate de magnéfie par le carbonate de potaffe. Il a été traité comme le carbonate calcaire, Le métal qu’on a obtenu étoit compaéte, convexe à fa fuperficie, & d’une couleur cendrée, approchant beaucoup celle des grains de platine martiale. Sa fra@ure rapproche de celle de Pacier. Il eft granulé : fur la pierre de touche il laïfle une trace d’un gris blanc, Il eft fragile, n’obéic oint à l'aimant ; mais réduit en poudre il eft prefque tout attirable. L'illuftre Tondi lui a donné le nom d’auflrum. Je n’ai pas déterminé fa pefanteur fpécifique ; mais on l’a eftimée — 7,380 (Borr. Catalogue, tome IT, page 492). Cent grains de carbonate de magnélie tenus au feu pendant deux heures ont donné 46 grains de magnéfie pure ; & le métal retiré de 109 autres grains de carbonate de magnéfie, équivaloit au plus à 3 grains. a Ce métal ef diflous très-lentement par tous les acides, même avec laide de la chaleur. b Sa folution dans l'acide fulfurique ne criftallife point. Le carbonate de potafle y produit un précipité blanc, Seroit-ce du carbonate de magnéfie? mais il n'eft point diflous dans l'acide nitrique. Ainfi il ne paroît pas que ce foit du carbonate de magnéfie. c Il précipite très - lentement les diflolutions d'or, d'argent & de cuivre fous forme métallique , & le nitre de plomb fous forme d'oxide. d Il détonne un peu avec le nitre. Le réfidu eft de la potafle d’un jaune âle. * V. MÉTAL DE CARBONATE DE BARYTE,. On a préparé un nitrate barytique avec le fulfate blanc baryrique du Tyrol. On l’a enfuite lavé dans une grande quantité d’eau diftillée froide 216 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, pour le dépouiller de tout nitrate calcaire & martial, & enfüite on l'a diflous dans de l’eau diftillée chaude; d'où par le moyen du carbonate de potafle on a précipité le carbonate barytique. Après avoir bien lavé ce carbonate barytique, on l’a traité avec l’huile de lin & la poufière de charbon de la manière ci-deflus. Le métal qu'on a obtenu étoit d'une couleur cendrée claire, dans la fraéture d'un éclat métallique. Sa texture paroît granulée : il eft très- fragile & pas attirable à l’aimant; mais lorfqu’il eft réduit en poudre, il éft très-attirable, M. Tondi a donné à ce métal le nom de #orbonium. Je n'ai pas examiné fa gravité fpécifique; mais elle a été déterminée 6,744 (Borr. Catalogue, tome IT, page 489 ). Cent grains de carbonate barytique tenus à un grand feu pendant deux heures ont donné 98 grains de baryte pure. La même quantitéde 100 grains de carbonate calcaire ont donné au plus 4 grains de métal. a J'ai diflous ce métal dans l'acide nitrique pour en obtenir des criftaux de nitrate barytique. La diffolution ne s'opère que très-lentement, & à un grand degré de chaleur. Elle n’a pas criftallifé. b J'ai verfé dans cette diflolution a de l’acide fulfurique , qui dans le commencement n’a produit aucun effet; mais à la fin il s’eft fait un précipité blanc. c En verfant dans cette diflolution a du carbonate de potafle , on a un précipité blanc. Le précipité eft rouge blanc fi on emploie le carbonate ammoniac. Le précipité de l’expérience 2? n'étoit point du fulfate baryrique ; car il manquoit de fa principale propriété, la folubilité, Nous favons qu'il eft très-facile de reconnoître la préfence du fulfate barytique dans une liqueur quelconque ; & dans cette expérience le fédiment ne gagne le fond du vale qu'après un affez long laps de tems. On doit encore ajouter que le précipité qu’on a obtenu par la potafle n'elt point foluble dans l’acide nitrique. d Ce métal a précipité lentement, mais fous forme métallique, l’or, l'argent & le cuivre de leur diffolution , & le nitrate de plomb fous forme d'oxide, V I. MÉTAI DE CARBONATE ALUMINEUX. On a précipité le carbonate alumineux du fulfate alumineux par le moyen du carbonate de potafle, & on l'a enfuite traité comme nous l'avons dic ci-deflus. Le métal qu'on a obtenu étoit à l’extérieur de la couleur d'acier cendré , reflemblant au cuivre de Nicolaï, rougeñtre çà & là. Sa texture étoit granulée , & fa fracture étoit d'un gris d’acier, La trace qu'il er Ut SUR L'HITT. NATURELLE ET LES ARTS, 217 fur {a pierre de touche étoit d’un gris blanc. Il n’eft pas fenfble à l'aimant excepté lorfqu’il eft réduit en poudre, J'ai examiné fa gravité fpécifique en préfence de M. Haïdinger, & je l'ai trouvée — 6,184 au douzième degré du thermemètre de Réaumur. Cent grains de carbonate alumineux tenus au feu pendant deux heures donnent 62 grains d’alumine pur. Cent grains de carbonate alumineux ont donné 7 grains de métal, a Ce métal a été diflous dans lacide fulfurique pour en obferver la criftallifation. La diflolution s’eft faite lentement, & s’eft un peu colorée; mais le fel qu’on a obtenu étoit en trop petite quantité pour l'examiner, b Le carbouate de potafle y produit un précipité blanc, & celui d'ammoniaque un précipité rougeâtre, Le précipité blanc ne paroît point être de l'alumine , puifqu'il ne fe diffout point dans l'acide nitrique. c Ce métal précipite fous leur forme métallique l'or, l'argent & le cuivre , de leur diflolution , & le nitrate de plomb fous forme d’oxide. d Le fédiment obtenu par la potafle mêlée avec le borax forme un verre opaque & de couleur hyacinthe, Si nous comparons entrelles ces quatre expériences” faites avec les terres fimples , il paroît vraifemblable au premier coup-d'œil que nous obtenons de nouveau par une décompolfition faite par la voie humide, les mêmes terres, au moins quant au rapport extérieur, dont nous nous fommes fervis pour avoir ces métaux; car en comparant les fubftances précipitées & Les terres fimples ou oxides métalliques , & examinant d’un œil attentif ce qui fe pale dans le cours des opérations , nous trouverons beaucoup de phénomènes qui rendent incertaine la rédu‘ion de ces terres, & qui feroient croire plutôt que l’origine des fubftances métalliques retirées des terres fimples tient à d'autres circonflances. J'ai déjà touché un peu le premier point en parlant de chacune de ces fubftances; mais il faut traiter un peu plus au long l’autre queftion; car il me paroît hors de doute que cés métaux doivent leur origine à toute autre chofe qu'aux terres qu'on emploie. 1°. Ën examinant en général la face extérieure de chachn des métaux ue nous avons obtenus dans ces expériences, foit qu'on envifage leur afpe& métallique , ou leur couleur , ou leur texture, à peine y trouve-t-on une différence fenfible, 2°. Quelques-uns de ces métaux ne font nullement fenfibles à l’aimant ; tandis que fi on les réduit en poudre ils deviennent très-attirables, Il y en a d’autres fur lefquels l’aimant agit , & dont quelques gros morceaux ne font nullement attirables ; mais pulvérifés ils le font plus ou moins. 3°. Vous n’obtiendrez aucun métal, lorfque toute communication de l'air eft Ôtée à la terre qu'on examine & qui eit au fond du creufer , par un gros charbon mis deflus , & que la pouflière des coupelles le recouvre: enfin, fi la mafle eft placée dans un petit creufet de manière qu’elle n’en Tome XXXVIIT, Part, I, 1791, MARS. ET 218 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE; occupe qu’une furface plane , que le refte du creufet foic rempli par du gros charbon, que ce créufet foi placé dans un plus grand creufet , en ayant foin de remplir de charbon les interftices"des deux creufers, & couvrant tout l'appareil de poudre de charbon & d’un lit de pouflière de coupelles, on n’obtiendra encore point de métal, donnât-on un feu beaucoup plus confidérable que dans les autres expériences & qui durât fept quarts-d'heure. Dans tous ces cas les terres contenues dans le creufet ne fouffrent aucune altération ; la pouflière des coupelles difparoît, & les fcories brillent de petits grains ferrugineux. | i 4°. La couleur noirâtre qu’on obferve dans le creufet n’a pas lieu feulement dans la réduétion dés terres fimples en métal, mais même dans la réduction de l’oxide de platine , lorfque le creufer extérieur a coulé, tandis que l'intérieur a demeuré intact. Il arrive aufi fouvent que dans le même tems que les fcories du creufet font noirâtres, les parties ferrugi- neufes ont aufli la même couleur. Ces raïfons m'empêchent de regarder cette couleur comme un figne de la réduétion du métal, Pour fondre & réduire la platine on n’a pas befoin de la pouffière des coupelles. 5°. En fuivant la méthode ordinaire je n’ai été jamais aflez heureux our trouver la fubftance terreufe ramaflée au fond du creufer en régule métallique. On ne voyoit que quelques grains métalliques au milieu des {cories, & de la mañe vitrifée du creufet; car il'couloit fouvent. D'autres fois ils occupoient le fond du creufer quand fa face expofée au fouffler & qui avoit fondu , inclinoit vers l'angle oppofé. 6°. En donnant un moindre degré de feu ,ou employant un creufer plus grand, la maffe terreufe n’eft pas entièrément réduite. El n’y a que la portion qui touche les parois du creufet qui brille d’une couleur argen- tine métallique ; & je penfe que cette couleur eft due à l’huile de lin ; car on voit le même éclat métallique dans les vafes de verre où on diftille cette huile, C’eft pourquoi dans mes opérations j'ai arrangé le creufec de manière quil demeure fixé au moins aux deux tiers de fa hauteur dans le feu, & s'il y avoit eu une rédu@ion, le régule auroit pu fe ramafler au fond du creufer , ce qui n’a jamais eu lieu. Je fuis étonné que plufieurs perfonnes penfenr qu'il faille rejetter routes les expériences où lon trouve le creufer à demi-vitrifié, & la poudre des coupelles n'avoir éprouvé aucun changement. Mais fi nous voyons & le creufer & la poudre des coupelles n'avoir éprouvé aucun changement, il fera bien perniis d'en conclure que la terre mife dans le creufet a dû également demeurer intacte ; & cela parce que le degré de feu n'a pas été aflez violent, ce qui a fait manquer l'opération. 7°. J'ai toujours pefé avec un très-grand foin dans toutes mes expé- riences la quantité de rerre que je chérchai à réduire en métal : & j'ai cbfervé conftamment que le métal qui en provenoit, non attirable à l'aimant , éroit en fi petite quantité, & fe comportoit d'une manière f # SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS, 219 diverfe, que je n'ai jamais pu en retirer au jufte la quantité: c'eft ce qui m'a faic {oupçonner que ces fubftances métalliques avoient une autre origine. 8°. Dans prefque toutes les opérations , la mafle à examiner a été transformée en un verre, prefaue de la même nature que celui qu’on obtient du mêlange immédiat de ces mêmes terres. 9°. Suppofons qu'on obtienne des métaux des terres fimples, il s'élève une grande queftion : peut-on efpérer que de chaque efpèce de terre, par exemple, de l’oxide métallique du carbonate calcaire , &c. on puifle obtenir un métal particulier ? Je foupçonne le contraire; car en exami- nant la matière dont font compoñés les creufets de Heffe, nous trouvons des terres & du fer. On doit donc faire tout ce qu’il eft poffible, pour avoir dans la plus grande pureté les terres qu'on veut réduire en métal , & les féparer du creufer , ce qu’on a négligé jufqu’ici. Si donc, comme on l'a fuppofé, les terres fimples donnent des fubftances métal- liques, ces mêmes cerres comme fe réduifant prefque toutes au même degré de feu, devroient donner les mêmes mécaux Le leur état mixte, toutes les circonftances étant d’ailleurs égales ; mais on pourroit objecter que la terre du creufet a peut-être plus pris d'oxigène dans l'opération précédente, ce qui en rend Ja réduction plus difficile. Je réponds que même dans ce cas toutes les circonftances qui accompagnent la réduétion des terres fe trouvent ici ; favoir , les principes avec lefquels l’oxigène a une plus grande attra@tion éle@tive qu’avec les terres fimples, comme les oxides métalliques : le feu agit aufli avec bien plus d’intenfité fur la fubftance du creufet que fur les terres qui y font contenues : & quand même les parties extérieures du creufec ne feroient pas réduites , les parties intérieures du même creufet le devroient être d’autant plus qu’elles fe trouvent en contact avec la portion de terre qui doit être convertie en métal. Enfin , ces terres attaquent les molécules ferrugineufes du creufet qui pourroïent être réduites à ce degré de chaleur , & contracter union avec les terres qui doivent dans cette hypothèfe fe convertir en méral. On voit par-là que les terres du creufet à ce degré de feu doivent être réduites & s'unir avec les terres fimples qu'on cherche à réduire , & que par conféquent on obtient des fubftances métalliques plus ou moins mélangées , & jamais un métal particulier de chaque terre. 10”. Ces éclairciflemens donnent lieu à plufieurs expériences que je vais rapporter par ordre. : a Cent grains de creufet de Heffe réduits en poudre , & dont je fis une pâte avec de l’huile de lin & la pouffière de charbon , furent mis dans un creufec de Hefle, & je les couvris d’un lit de poudre de coupelles pour intercepter l'accès de l'air. Je conduilis le feu & fiivis les mêmes procédés que dans les opérations précédentes. L’expérience finie je fus fort furpris de trouver un gros grain , & plufieurs autres plus petits d’um Tome XXXVIII, Part, 1, 1791. MARS, Eev2 200 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE; métal femblable à celui que j'ai retiré du carbonate calcaire , qui n'étoit as attirable , & dont la gravité fpécifique étroit —6,818. Je répérai plufieurs fois l'expérience en n'employant que du charbon , & j’obtins une. male métallique adhérente aux parois intérieures du creufer , qui ne pré= fentoit que du fer attirable. Il refte à faveir d’où venoit dans la première expérience la nrafle métallique qui n’étoit pas attirable, puifque le creufet feul ne donne que du fer attirable. [1 faur donc qu'il vienne des coupelles. Pour m'en convaincre je fis les expériences fuivantes : b Je mis dans un creufet 100 grains de poudre de coupelles réduits en poulière très-fine, & dont j’avois fait une pâte avec de l'huile de lin & de la pouflière de charbon, le tout fut recouvert avec de la pouflière de coupelles , fuivant la méthode üfitée dans les autres expériences. J’obrins 4 grains d'un métal femblable à l'extérieur au métal retiré de la chaux & de la magréfie , & qui n'étoit pas attirable à l'afmant, c Cent grains de coupelles réduits en poudre ont été traités comme dans l'expérience précédente, avec cette feule différence que pour empê- cher l'accès de l'air, au lieu d'employer la pouflière de coupelles, on s’eft fervi de poudre de caillous qui ne contenoient point de fer. Le métal qu'en a obtenu reflembloir à celui retiré de la magnéfie, J'ai diflous 2 grains de ce métal dans l'acide fulfurique étendu d'eau, & aidé de la chaleur. La folurion a été achevée en foixante-douze heures. Par le repos elle a dé; ofé un fédiment blanc de la nature du phofphure de fer ou fidérite. d Cent grains de poudre de coupelles traités comme dans lexpé- rience c, mais avec de la poudre de creufet de Hefle ont donné 5 grains d’une fubflarce métallique en partie attirable & en partie non attirable, L'intérieur du creufet étoit tapiflé de petits globules de métal. Tous ces faits prouvent que dans ces expériences la fubftance métal- lique provenoit de la poudre des coupelles. J’ai retranché cette poudre des expériences fuivantes. e J'ai traité à la manière ordinaire 100 grains de carbonate calcaire réduits en pâre avéc l'huile de lin & de la poudre de charbon, & pour empêcher l'accès de l'air j'ai couvert le tout de poudre de caillous. Le feu a eu la même intenfité que dans les autres expériences. Le réfultat n’a donné qu’une mafle vitrifiée fans aucun veftige de métal. f Cent grains de carbonate calcaire traités comme dans l'expériencee, & recouverts de pouffière de creufers de Hefle , n'ont rien donné de mé- tallique. Toute la mafle a été changée en un verre brun. g La même quantité de carbonate alumineux traitée de même n’a donné aucun méral. La mafle étoit vitrifiée, IL paroît done que les terres fimples n'ont donné des fubftances mé- talliques qu’autant qu'on les recouvroit de poudre de coupelles : & toutes les expériences qu’on a tentées par d'autres procédés n'ont peint réufli, SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS, 922# 72°. Voici les queftions qui fe préfentent : 1°. quelle fubfance mé- tallique peut produire la poudre de coupelles d'après l’analyfs connue des os ? 2°. Le métal qu'on obrient eft-ce celui qui exifte dans la poudre de coupelles , ou fes parties conftituantes combinées avec d’autres parties hérérogènes ? 3°. Certe fubftance métallique peut-elle à raifon de la quantité de poudre de coupelles employée former des corps qui par leur pefanteur puiflent entraîner la mafle de charbon & couler au fond du creufet2 4°, N'y a-t-il que la pouñlière.de charbon qui puifle être em- ployée pour empêcher l'âccès de l'air? & fi la réufite de l'expérience dépend uniquement de cette poudre , ne peut-on pas dire que c’eft en elle que réfide le principe de ces fubftances métalliques? Nous favons que les os des animaux traités par la diftillation sèche , oxidlés & lavés, font compofés de fer , de carbonate calcaire & d'acide phofphorique, & que les deux premiers unis avec cer acide forment du phofphate calcaire & du phofphate de fer. Malgré que l’oxidation fe fafle à feu découvert , l'acide phofphorique ne fe décompofe point ; car quoique l’oxigène’ait une grande affinité avec le carbonate, il efl fourni par l'air atmofphérique , & l’acide phofphorique refte uni aux os fous forme de phofphate calcaire, Si au contraire le carbone fe trouve uni avec la poudre de coupelles en jufte proportion, il abforbe l’oxigène , décompofe l’acide phofphorique qu'il réduit en phofphore, Celui-ci fe combinant avec le fer du phofphate de fer forme du phofphure de fer ou fidérite , que le célèbre Bergman avoit pris pour un demi-métal. Nous doutons toujours fi c’eft le feul acide phofphorique qui eft décompolé , ou fi c’eft le phofphore qui contracte union avec le fer foit oxigéné, foit métallique. Le célèbre M. Pelletier préparoit cette {ubftance par la voie sèche ( Annales de Chimie ,1om. I, page 104). Les mêmes circonftances fe préfentent dans la réduction des terres fimples. Ces terres font par-tout en contaét avec le carbone, elles font défendues du contaét de l'air par une très-orande quantité de char- bon , de manière que la fubftance métallique peut y être produite facile- ment. Je ne fuis pas de l'avis de ceux qui difent que le phofphore proyenu de la décomoofition du phofphate calcaire en tombant au travers des charbons contenus dans le creufer, rencontroient les molécules de fer, fe combinoient avec elles & formoient un métal. Les orfèvres nous fourniflent à cet égard une expérience. Ils font un lit de la pouflière de leurs coupelles, & ils l'enveloppent de charbon de tous côtés. L’opéra- tion finie , tous les bords de ce lit de charbon font remplis de grains métalliques de la groffeur d’une aiguille jufqu'a celle d'un petit pois. Cent grains de poudre de coupelles donnent ordinairement 4 grains de métal (voyez expér. b, c, d, N°. 10), & pour en intercepter l'accès de l'air , il faut au moins 1809 grains de la même poudre, qui par con- féquent devroient donner 72 grains de métal. Si donc un tiers ou un quart de la mafle totale fe combinoit avec des parties hétérogènes , le 222 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE; métal qui en proviendroit acquerroit aflez de poids pour arriver aw dernier lit de charbon & couler dans le creufer, M. Tondi dit avoir appris par fes expériences que la feule poudre de coupelles éroit propre pour défendre les vaifleaux contre l'accès de l'air, comme pouvant donner plus facilement iflue aux différens fluides aéri- formes qui fe dégagent au commencement de lopération , & qui pour- roient y nuire, déclarant d’ailleurs toutes les autres efpèces de terres plus ou moins infuffifantes au mème ufage. Mais fi le fuccès de l’opératicn dépend entièrement de cette pouflière de coupelles, je déclare que je doute abfolument de la réduétion des terres fimples. Enfin, M. Tondi avoit précendu avoir réduit également en métal l'acide du borax , & les alkalis de potaïle & de foude; mais comme fes expériences répétées fans pouflière de coupelles ne lui ont point réuffi , il a foupçonné lui-même que le métal qu'il obtenoit, après que le creufet avoit coulé en partie, tiroit fon origine de cette pouflière de coupelles, de forte qu'il révoquoit en doute la réduétion de la potaffe & de l’acide du borax. Comparons maintenant quelques propriétés du phofphure de fer avec celles de métaux obtenus dans nos expériences, & nous verrons jufqu'où eft fondée la réduction des terres fimples. PHOSPHURE DE FER. .MÉTAUX DES QUATRE TERRES SIMPLES. En comparant ces métaux, ils diffèrent peu dans la couleur , l'éclat, la caflure, la dureté, la fragilité. Leur texture eft granulée , 1°. Ce métal eft de couleur d’acier cendré , pas plus dur que le cobalt , très-fragile , d’une texture granulée, peu attirable lorfqu’il eft en gros morceaux , mais attirable lorfqu'’il eft réduit en poudre, d’une gravité fpécifique = 6,700. 2°. Sa fufñbilité eft à-peu-près égale à celle du cuivre. La chaleur ne le volatilife point. [l coule par la voie sèche , & colore fouvent le verre en brun, attirables lorfqu'ilsfont en pouflière, & non autrement, À peine y a-t-il de la différence dans la gravité fpé- cifique des métaux du carbonate calcaire, barytique & alumineux , en confidérant fur-tout l’expér, à , N°. 10. Le métal du carbonate de magnéfie en diffère un peu, ce qui peut être dû à une plus grande quantité de fer. Ce font les mêmes propriétés du métal de carbonate calcaire, 7, O4 IIL expér, g2,h, z. À SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS, 223 Phofphure de Fer. Métaux des quatre Terres fimples. 3°. Il fediffout difficilement dans Voyez NI expér. b,c,d,e,f. les acides, exigeant toujours le IV a. fecours de la chaleur, V a. VI CA 4°. Etant diffous dans l'acide Voyez UI expér. d. fulfurique étendu d’eau, & après V b. quelques heures de repos il dépofe un fédiment blanc, s°. Le carbonate de potafle le Voyez UI expér. b,c,e,fs IV b précipite en blanc. , V e VI LA 6°. Il précipite très - lentement Voyez II expér. Æ. l'or, l'argent & le cuivre de leurs IV Ce menftrues fous forme mérailique , V de & le nitre de plomb fous forme VI Fr d’oxide, Les combinaifons du phofphore avec les terres fimples telles que nous les avons, ne font pas encore connues, & il ne paroît pas facile de les obtenir d’après les expériences du célèbre M. Gengembre ; mais pour répondre à l’objeétion qu'on pourroit me faire , que ces fubftances mé- talliques ne font pas{feulement une combinaifon du phofphore avec le fer conrenu dans les coupelles, mais viennent plutôt du métal calcaire réduit des coupelles & uni avec le phofphore ( phofphure calcaire ), j'ai fait l'expérience fuivante : 1°. J'ai pris 21 grains d’acide phofphorique obtenu fuivant la méthode de Schéele fous forme de verre, autant de grains de chaux dépouillés d'acide carbonique, & 4 grains de charbon réduits en poudre. Toutes ces fubitances réduites en pâte avec l’huile de lin, mifes au fond d'un creufer de Hefle ont été couvertes de pouflière de charbon à la hauteur d'un quart de pouce, & j'ai rempli exactement toute la capacité du creufet de charbon entier. J'ai mis ce petit creufet dans un plus grand , & ayant bien rempli l'intérieur des creufets, je les ai expofé au plus grand degré de fsu-animé par un foufflet pendant cinq quarts-d’heure. L'opération finie j'ai obtenu 30 grains d’une mafle d’un bleu pile, demi-vitrifiée , ayant l'odeur de phofphore, & parfemée de très-perits grains métalliques. Ceux que j'ai pu, féparer de la mañle écoient G foiblement attirés par l’aimant, que celui-ci ne pouvoit les foutenir. On n’obfervoit de ces grains métalliques qu'à la furface de la mafle qui 224 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE; rouchoit les parois du creufer. Il n’y en avoit point à la portion qu étoit recouverte de la pouflière de charbon. ©" Dans cette opération l’acide phofphorique s’ünit au carbonate calcaire, avec qui il forme une mafle vitreufe. Une partie eft dépouiliée de fon oxigène par le carbone & fe change en phofphore, dont une partie s'uniflant au fer qu'il rencontre, forme du phofphure de fer , & une autre partie eft volatilifée. Ce fer, comme on l’a dit, eft un peu attirable , tandis qu'il ne le feroit nullement fi les grains étoient plus gros. La perte qu'éprouve la mafle apprend qu'il y a une portion du phofphore volatilifée , tandis qu'une autre s’uniffant à la portion ferrugineufe du creufet forme des petits globules que je n'ai pu ramaffer à caufe de leur petitefle. Eft-ce dans cette opération le phofphore qui en fe volatilifant emporte avec lui la fubftance métallique produite du carbonate calcaire ; & la dépofe fur Les parois du creufet ? Mais ce creufet n'ayant que trois pouces de hauteur, & le torrent de l'air qu'un pouce & demi de diamètre , je n’ai pu trouver la différence du déoré de chaleur dans cette petite différence de hauteur, ni aucune caufe pour laquelle le phofphore fe volatilifant avec le métal fe fixe à ce lieu du creufet, Il eft conftant au contraire que le phofphure de fer traité ainfi , fi on empêche l’accès de l'air, comme cela fe pratique pour extraire le fer de fes mines, réfifte au plus haut degré de feu. Je prouverai par les expériences fuivantes, 1°, que la fubftance mé- tallique obfervée dans la première expérience eft du phofphure de fer , & qu’elle tire fon origine de [a fubftance du creufer. + 2°. De la pouflière de charbon traitée dans un creufet avec de l'huile de lin avec les mêmes précautions que dans la première expérience, & expofée au même degré de feu, a donné du fer attirable à l’aimant, foit à la furface qui touchoit le creufet, foit dans toute fa mafie. 3°. Vingt-quatre grains de phofphore mélés avec un peu d’huile de lin pour en empêcher la décompofition & couverts de pouflière de charbon, traités d’ailleurs comme la première & feconde expérience , ont donné un fer dont une partie n’étoit pas attirable , & l’autre l'étoit. La totalité du creufet étoit parfemée de petits grains de métal, foic à l'extérieur ; foit à l'intérieur. Ne peut-on pas de-là conclure avec fondement que le phofphore & tous les principes qui le compofent font très-propres à extraire le fer des corps, à fe combiner avec lui, & à donner les fubftances métalliques qu’on a obtenues ? Dans cette expérience je n'ai employé aucune autre terre que celle du creufer, qui eft toujours la même dans tous les cas, C’eft pourquoi nous devons faire la plus férieufe attention à la fubftance métallique , que les creufets peuvent contenir, laquelle les expériences font voir être aflez abondante , foit qu'elle aic les caraétères du fer pur ou ceux du phefphure de fer, D'après routes ces expériences je crois donc pouvoir aflurer que les fubftances SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 225 fubftances métalliques qu'on obtient dans la réduction des terres & qui font de nature de phofphure de fer, tirent leur origine principalement des coupelles, parce que le phofphore produit des coupelles , s’uniffant avec le fer qui fe trouve, foit dans ces coupelles, foit dans les creufers , donne ces fubftances métalliques. Je n’examinerai pas la poñfibilité ou l’impofibilité de réduire Les terres fimples en métaux, ni fi la méthode employée elt hors de tout doute ; car il eft certain qu’en employant dans cette expérience des vafes com- pofés de terres fimples & réfractaires , on n’obtient jamais de fubftances métalliques pures appropriées à chaque efpèce de terre. Néanmoins ce feroit une aflez grande découverte , fi on pouvoit réduire en métaux les terres mélangées, ayant toujours égard à ce principe qu'il y auroit quelque chofe d'hétérogène mêlé au métal , comme il arrive dans notre méthode avec la poudre de coupelles & des creufers. Ne cherchant que la vérité , je foumets mes expériences & les confé- quences que j'en ai tirées, au jugement des. favans chimiltes, & je recevrai avec reconnoiflance leurs critiques fi je me fuis trompé, —————— NOTICE MINÉRALOGIQUE DE LA DAOURIE; Par M. PATRIN. = Durs le Journal de Phyfique du mois d’août 1788, j'ai donné une idée des mines qui fe trouvent en Sibérie dans les deux départemens des monts Oural & des monts Altaï, Je n''étois propofé d'achever lefquifle minéralopique -de l’Afie boréale, & de parler de la Daourie ; mais diverfes circonftances m'ont empêché jufqu’à préfent de m'en occuper. La voici: 1 On donne le nom de Daourie à une grande contrée toute montueufe qui s'étend depuis le lac Baïkal jufqu à l'océan oriental. La Ruflie en ofsède la meilleure partie, qui s’érend jufqu’à la jonction des rivières Chilca & Argounn, qui forment le grand fleuve Amour , ce qui fait une étendue de treize cens verftes ou un peu plus de trois cens lieues (1). (1) Il y a cent quatre verftes au degré de latitude, & par conféquent à-peu-pres quatre verltes à la lieue commune de SA Faute d'employer les mefures des pays dont on parle , on ne s'entend plus, Les allemands convertiflent les verftes en milles , & nous traduifons mille par Lieue , nombre pour nombre , tandis que le mi/le vaut à-peu-près deux lieues de France, de forte qu’on n’a aucune idée jufte des difiances. Tome XXXVIIL, Pare. I, 1791, MARS, Fès 226 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, Les mines de la Daourie qui font en général des mines de plomb tenant argent, font fituées dans les chaînes bafles, le Jong-des rivières Chilea & Argounn. Leur produit total de chaque année eft de trente à rente-cinq mille marcs d’argent tenant un Le d’or. Quoiqu'on napperçoive aucun veftige de volcan dans la Sibérie jufqu’au Baïkal, les contrées qui font au-delà, offrent des laves dans beaucoup d’endroits , qui font de la plus haure antiquité ; & les mineurs du département de Nertchinsk qui comprend toutes les mines de la Däourie , fe plaignent du défordre des montagnes , qui les oblige de travailler fort fouvent au hafard. Il eft même à croire qu'il y a encore quelque volcan qui brüle four- dement dans le centre des hautes chaînes où l’on n'a pas pénétré ; car il n'eft pas rare d’éprouver de légers tremblemens de terre à frkoursk , ville capitale de la Sibérie orientale, fituée à foixante verftes en decà du Baïkal. Ce lac qui eft regardé comme la limite de la Sibérie & de la Daourie & qui fert à la communication de ces deux contrées, eft un des plus grands amas d’eau douce que l’on connoifle. 11 a plus de quatre cens verftes de long fur quatre-vingt-dix de large de l'oueft à l'eft. Son eau eft excellente, & fi limpide, qu'on diftingue facilement la couleur du gravier à plufieurs toifes de profondeur. Il eft environné de hautes montagnes, la plupart coupées à pic, & il reçoit une multitude de rorrens & de rivières. Îl n’en fort qu'une feule qui s’eft frayé une iflue du côté de l'oueft par un vafte dégorgeoir qui eft encore hériflé de rochers. Certe rivière eft l'Angara qui a communément cinq cens toifes de large , & qui eft aufli rapide que le Rhin. Au bord de ce euve , près d'Irkoutsk , fa rive droite qui eft coupée prefque perpendiculairement, offre neuf couches fucceflives & horifontales de charbon de terre qui n'ont que trois à quatre pouces d’épaifleur , & qui font féparées par des dépôts fabloneux & argileux de deux à trois pieds, mêlés k galets femblables à ceux qu’on trouve fur la grève même du Baïkal. Ces couches qui ne renferment aucuns corps organifés fe répèrene de l’autre côté du fleuve de même que les couches de charbon, & font vraïifemblablement un dépôt de la même rivière lorfqu’elle éroit incom- parablement plus confidérable, & dans lequel elle a creufé fon lit aduel. On pourroit expliquer la formation de ces couches alternativement rerreufes & bitumineufes, en fuppofant qu'à chaque éruption des volcans voifins du Baïkal , le bitume terreftre, connu dans ces contrées fous le nom de kamennoiïé maflo , ou huile de rocher , développé par le feu &c - entraîné par les eaux , mêlé de parties terreftres qui l'empêchoient de furnager, a formé ces couches de charbon dont la fituation alterne feroit autrement un problème aflez difficile à réfoudre. Les montagnes qui enveloppent le Baïka/ font en général primitives ; SUR L’HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 227 à l'exception d’une partie de celles qu’on obferve für fa rive occidentale , qui font formées de poudding , mais elles n’ont que deux ou trois cens toifes d'élévation, & l’on voit le granit & les autres roches antiques fe montrer derrière elles. Ce poudding offre des couches bien marquées & - dont la fituation eft aflez extraordinaire; car elles fe relèvent de quarante à cinquante degrés en tournant le dos au Baïkal ; & il arrive fouvent que, minées par les eaux, il s'en détache des bancs énormes qui coulent dans le lac dont les bords font jonchés de leurs débris. * J'ai obfervé parmi ces pouddings plufieurs blocs où , parmi les pierres roulées dont ils font compofés , & qui font liées par un gluten argileux , on en trouve qui font elles-mêmes des fragmens de pouddings plus anciens, dont le gluten eft quar:zeux : que de fiècles fe font écoulés depuis que ces pierres avoient été agglutinées pour la première fois ! Parmi les faits fans nombre qui atteftent l'énorme antiquité de la terre , il n’y en a point qui m'ait autant frappé que celui-là. , * La grève du Baïkal offre une variété infinie de galets, & fur-tout un rand nombre de porphyres de routes/les couleurs , mais qui n'ont que la diète du srapp , & j'en foupçonne plufeurs d’être des laves ; mais on fait combien il eft difficile de diftinguer les laves porphyritiques d’avec les vrais porphyres, quand on n’a pas le fecours des circonftances locales. Parmi les pierres remarquables que fourniflent les bords du Baïkal, on doit compter le lapis qu’on a trouvé en morceaux roulés dans un golte de la partie méridionale, nommé le Koultouk ; malgré toutes les recherches qu'on a faites, on n'a pas pu découvrir quelle eft la montagne qui le fournit. L'endroit où l’on aborde fur la rive orientale eft à cinquante verftes au fud de l'embouchure de la Sélenga , rivière qui eft de la groffeur de la Loîte. Tout cet efpace de cinquante verftes eft une vafte plaine formée par fes attériflemens. On côtoie la Sélenga jufqu’à la ville d'Oudinsk ui eft à cent foixante verftes du Baïkal ; & l'on voit les deux rives bordées débits primitives compofées de toutes les variétés de horn-fchiffer -mêlées avec le granit & le horn-blende, qui font tantôt en mafle, & tantôt en couches irrégulières & contournées. Comme ces montagnes ne font pas fort hautes, l'inclinaifon de ces couches primitives, que j’ai oblervé en général approcher d’aurant plus de la perpendiculaire que les montagnes ont été plus élevées, n'excède pas ici cinquante degrés au-dellus de -Vhorifon. L'on voit entre ces montagnes de grands amas argileux qui paroiflenc provenir de la décompofition des fchiftes & non de dépôts marins ; car je ‘n'ai rien vu dans la Daourie qui y reffemble. Il paroît que cette contrée ‘élevée a été abandonnée par les eaux depuis la plus haute antiquité, & que le tems a dévoré jufqu’au moindre veftige de leur féjour. En quittant Oudinsk on entre dans les ftèpes ou déferts des tartares Tome XXXV III, Parc. I, 1791, MARS. F£2 228 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, Bouraittes , qui s'étendent jufqu'à la petite ville de Tchira à quatre cens trente verfles de-là. La roure va à left, & l’on côtoie à fa gauche une chaîne de montagnes très-confidérables. Les collines les plus voifines de la plaine font toutes primitives, & néanmoins toutes les fillures des roches font tapiflées de tuf calcaire ; j’ai même trouvé près de la rivière Kourba à cinquante verftes d'Oudinsk , plufieurs morceaux d'aimant qui en étoient à moitié revêtus. Cet aimant fe trouve par fragmens épars dans le défert , fans qu'on fache d’où il vient; & comme il n’a point été roulé, il eft évident que les filons étoient dans le lieu même où on le trouve, & que la montagne qui les contenoit a été détruite peu-à-peu & entraînée par les eaux. Il en eft de mème des amas de quartz que j'ai vu en blocs énormes fur les fommers applatis de y lufieurs montagnes; j’ai penfé que c’éroient des débris de filons que leur dureté avoit fait réfifter à la faulx du tems, pendant qu’il détruifoit la roche où ils avoient été formés, A cent quarante verftes à lorient d'Oudinsk, un peu avant la rivière Ana , on traverfe plufieurs collines qui font autant de coulées de laves qui avoient leur diredtion du nord au fud , en venant de la grande chaîne qu'on côroye à fa gauche. Certe lave eft noire, toute criblée de trous ronds dont la plupart font vuides, d’autres font remplis d’une fubftance vitreufe de couleur olivâtre. Un peu plus loin , près de la ftâtion de Chererte , l'on traverfe d’autres collines qui ont la même direction du nord au fud , & que je foupçonne de la même nature, quoiqu'on ne voye pas la roche à découvert ; mais j'y ai trouvé des fragmens de calcédoine qui ne fe forme guère que dans les matières volcanifées. ‘ Près du village de Pogromna , à deux cens quarante verftes d'Oudinsk, il ÿ a une fontaine d’eau gazeufe qui a beaucoup de montant quand on la prend à fa fource. Un peu avant ce village on traverfe à angle droit plufeurs files de collines dont le fommet eft large & applati : elles m'ont offert une lave noire caverneufe & fcorifiée, & ce qui m'a paru fingulier, c'eft que dans le point le plus élevé de trois de ces collines, on voit un petit lac de forme ronde : & il eft aifé de juger que ces lacs furent autant de petits cratères de volcans fecondaires qui fe font formés dans les laves mêmes. De-là jufqu’à Tchira il refte environ cent foixante verftes, dont les quarante premières fe font dans des plaines dont le fol eft granitique; & l'on arrive à une vafte chaîne de montagnes qui court du fud-oueft au nord-eft, & qu'on traverfe à-peu-près à angle droir. Cette chaine qui occupe cent vingt verftes en largeur forme trois cordons diftinés. Le troifième jui eft le plus confidérable eft nommé Yablonnoi Khrebett, c’eft-à-dire, les Montagnes des. Pommes. Ce nom ne lui vient pas, comme je le croyois, du Pyrus Baccata, car il n'y en a pas un feul pied; ce n'eft qu’une plaifanterié, &,les pommes ne font autre chofe que “ SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 2°9 les amas de fragmens de toutes fortes de roches primitives , granit, horn- blende, trapp, porphyre, &c. dont ces montagnes font couvertes, & qui en rendent le paflage extrémement pénible, Ces fragmens, quoique fouvent aflez menus, ont tous leurs angles vifs, & font les débris de la roche même fur laquelle ils repofent. Il y en a une fi grande quantité que j'ai vu des ravins de plus de dix toifes creufés dans ces décombres. La ville de Tchica qu’on trouve au-delà de cette chaîne, eft bâtie fur un plateau élevé, tout compofé de gros fable micacé mêlé de fragmens non roulés de horn-blende : ce font les reftes d’ane montagne de granit qui s'eft décompofée , & qui contenoit des flons de horn-blende qui a télifté à la deftruction. Au refte , dans toutes ces montagnes je n'ai apperçu aucun indice de volcan. ; De Tchita jufqu’à la ville de Nertchinsk qui eft à deux cens quarante verfes à lorient , on pañle fur des collines qui bordent la rive gauche de l'Ingoda & enfuite de la Chilca. Toutes ces collines font primitives & à filons , dont les plans fe dirigent le plus ordinairement du fud-oueft au nord-eft. Lear élévation au-deflus de la ligne horifontale eft en général de cinquante à foixante degrés. Prefque chacune de ces collines offre des bancs inclinés en fens contraire qui tendent à fe réunir à fon fommer : & il n’eft pas rare de voir les couches du centre former des ogyves ou des plein-ceintres. Parmi ces montagnes on en voit de gneifs qui fe décompofe en fable jaunâtre qui couvre leur furface quelquefois à plufieurs toifes de profon- deur. A trente vertes de Tchzta on voit au bord de l'Ingoda une colline compofée de couches de horn-fchiffer qui alrernent avec des couches épailles de granit dans lequel le feld-fpath eft diftribué par nids de deux ou trois pouces, & extrêmement châtoyant. A vingt-cinq ou trente verftes avant Nertchinsk les collines changent de nature, & font compofées de fchifte argileux en grandes mafles qui fe divifent en fragmens rhomboïdaux. A ce fchifte fuccède, dans l'endroit nommé la Gorge du Chameau , un porphyre de couleur hépatique qui donne de vives étincelles, & ne contient que quelques parcelles rares de feld-fpath. Quelquefois il eft mêlé de fragmens de jafpe de couleur plus foncée , fi fréquens, qu'il forme alors une vraie brèche filicée. La ville de Nertchinsk, chef-lieu du département des mines de Ja Daourie , eft fituée dans une île fabloneufe de la Nerrcha qui fe jette près de-là dans la Chilca. Cette ville eft éloignée de fept mille deux cens verftes ou près de dix-huit cens lieues de Pérerfbourg. Une partie des mines eft au nord-eft de Nertchinsk fur la Chilca, à la diftance d'environ cent foixante verftes ; & l’autre partie, la plus confidé- table , eft à deux cens quarante verftes fur l’Argounn du côté du fud-eft, Ces deux rivières fe réuniffent à cent vingt verftes au-deffous des mines de la Chilca. Le pays qui eft compris entr'elles forme un triangle ifocèle | a3o OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, . dirigé du fud-oueft au nord-eft , fur une PA de plus de quatre cens verftes & environ deux cens quarante de bafe. IL eft tout couvert de collines & de montagnes qui donnent de fréquens indices de mines de lomb & quelquefois de cuivre. On y trouve dans plufieurs endroits, des collines de lave remplie de calcédoine qui paroiflent être de la plus haute antiquité. j Je commencerai par dire un mot des mines de la Chilca, dont les environs offrent quelques objets intéreflans. Pour y arriver on fuit le cours de la rivière qui préfente d’abord fur fa rive gauche pendant l’efpace de quarante verftes un amas de Zalets unis par un gluten aroileux aflez folide. On remarque dans ce poudding des couches dont la difpoñrion eft abfolument la même que celles des collines de même nature qui font ‘au bord du lac Baïkal , c’eft-à-dire, qu’elles font relevées contre l’oueft de quarante à cinquante degrés. Ce qui me porte à eroire qu'elles one dues à une caufe commune qui a roulé ce gravier de l'eft à l’oueft. Cetre caufe a certainement agi avant l'exiftence de la rivière Chilca qui coule ‘dans un fens contraire. Upe circonftance encore prouve que le mouve- ment qui rouloit ces pierres venoit de l’eft, c’eft que plus on va de ce côté, en defcendant la rivière, & plus les pierres roulées augmentent de volume , tellement qu’on finit par en voir qui ont plufeurs pieds de diamètre, & qui font difperfées en très-petit nombre dans un amas de vafe très-fine & durcie prefque à la confiftance du fchifte. Les ondes poufloient au loin le menu gravier & l’amonceloient fur le flanc des montagnes : les plus groffes pierres reftoienc en arrière, & étoient peu- à-peu enfevelies dans le limon qui fe dépofoit & s’agglutinoit dans les moméns de calme. La rive droite de la CAïlca n'offre que des montagnes primitives dont les fommers de granit font Les plus élevés de ce canton. Parmi ces granits j'en ai vu qui n’étoient compofés que de feld-fpath & de petits grenats de la plus belle eau. Aux terreins rapportés de la rive gauche fuccède un fchifte aroileux en grandes mafles qui eft remplacé par une roche calcaire primitive. Un peu plus bas, & à foixante verftes de Nertchinsk paroît une roche aroileufe décompofée, dans laquelle eft un filon quartzeux autifère que la modicité du produit a fait abandonner. On trouvoit dans la même mine des criftaux de fchorl noir de cinq à fix pouces femblable à celui de Madagafcar, & qui avoit la propriété électrique de la tourmaline, Près de la ville de Srrétinsk la roche calcaire fe montre fur la rive droite immédiatement contre le granit. On ne voit plus enfüuite que cette dernière efpèce de roche des deux côtés de larivière; & celui de la rive gauche eft remarquable par la grandeur extraordinaire des criflaux de feld-fpath qui ‘ont plus de trois pouces de diamètre, Un peu avant d'arriver à La fonderie qui porte le nom de la Chilea , on +* SUR L’'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 35 voit reparoître la roche calcaire alternativement avec le granit. Cerre fonderie eft fituée fur la rive gauche de la rivière, au pied même de la montagne où eft la mine nommée Paylo:’ski : il y a fix fournaux qui fondent chacun cinquante quintaux de minerai par jour, qui contient en général fix à fept gros d'argent au quintal. Le produit total des fix fourneaux pendant les huit à neuf mois où ils peuvent travailler , fur en 1783 de cent quatre pouds & demi, ou environ fept mille marcs d'argent. La montagne où eft la mine eft compofée de roche calcaire mêlée d'argile & de quartz, n’offrant que des mafles irrégulières & des fiflures fans ordre. Le minerai s'eft préfenté au jour dans une infinité d’endroits; & comme on a percé des galeries fur chaque indice , la montagne eft criblée d'ouvertures du haut en bas. Les travaux qu’on pourfuivoit en 1784 s’étendoient à quatre-vingt-dix toifes du jour ; ils avoient tout au plus trente toifes perpendiculaires , & l’on n'éroit pas à beaucoup près au niveau de la rivière. Le filon qui eft fort irrégulier, comme prefque tous ceux de ces cantons, fournifloit de l’ochre ferrugineufe mêlée de mine de cuivre verte terreufe, & couleur de poix, avec des rognons de mine de plomb vitreufe noire , efpèce qui eft particulière à la Daourie. L'intérieur de ces rognons qui font de la groffeur du poing , offre de la cerufe native, & du plomb blanc tranfparent, tantôt criftallifé, tantôt en maffes fem- blables à du verre fondu. Cette mine de plomb noire contient un peu de foufre , beaucoup d’arfenic, & donne environ deux onces d'argent au quintal. J'ai appris qu'au commencement de 178$ , peu de tems après que j'eus vifité ces cantons , on avoit découvert dans le voifinage de cette mine un autre filon qui fe préfentoit bien , & qui avoit trois pieds de puiffance. Le minerai étoit une ochre ferrugineufe mêlée de galène. Six femaines après qu'on en eut commencé l'exploitation, on en avoit tiré quatorze cens quintaux qui rendoient quarante-cinq livres de plomb & trois gros d’argent au quintal. Ce filon eft nommé ÆA/exandrefski : il doit avoir augmenté confidérablement le produit de la fonderie. - A quatre verfles à l'orient de ces mines, il y en a une autre nommée Lourguikan qui a été découverte il y a vingt-cinq ans, & la plupart des travaux font aujourd’hui épuifés. Quand je vis cette mine, on venoit d'y entamer un nouveau filon, fi l'on peut donner ce nom à de fimples fentes remplies de minerai , fans aucune falbande, Il confiftoit en rognons de mine de plomb noire vicreufe, & en mine de plomb rerreufe mêlée à de l'argile dans laquelle fe trouvoient difféminés en quantité des fregmens de la roche calcaire de la montagne, dont la mine occupe la face orientale vers les deux tiers de fa hauteur. Dans le chemin tortueux qui y conduit , l’on obferve à la bafe de la montagne un granit friable cout pénétré de parties calcaires, Plus haut eft Die | 232 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, un fchifte argileux brifé en fragmens rhomboïdaux de la grandeur de la main, prefqu'entièrement revêtus de tuf calcaire, Paroiffenc enfuite des mafles d'argile provenant de la décompofition du fchifte; & enfin l’on arrive à la partie fupérieure où eft la mine, dans une roche calcaire blanchäâtre qui contient environ un tiers de parties argileufes ou quartzeufes, Elle offre quelques lits prefque verticaux ; mais en général elle n’a pas de difpofition régulière. À À deux cens toifes au fud-oueft de l'ouverture de la mine , il y a une caverne qui, pendant l'hiver, offre un fpectacle fuperbe, L'entrée en eft fort fcabreufe , elle eft prefque perpendiculaire, & l’on fe coule au moyen d’une corde fur un maflif de glace dont la furface eft bombée , & dans lequel il faut faire tailler des gradins, fans quoi l’on rifque de gliffer à droite & à gauche & de fe heurter contre les pointes de rocher. Heureu- fement cette defcente pénible n’a que huit à dix toifes. Quand on eft arrivé au bas, l’on eft dédommagé de fa peine par le beau coup-d'œil qu'offre le plafond de la grotte: il eft tout tapiflé de longs feftons pendans de glace, qui eftauñfi brillante & aufli légère que de la gaze d'argent. Cette glace formée par les vapeurs qui s'élèvent en abondance au commence- ment de l'hiver , reflemble à du verre qui feroit foufflé au dernier degré de ténuité, & elleeft coute criftallifée d’une manière admirable. Ce font de lones faifceaux de tubes hexaëdres dont les parois font formées par des aiguilles tranfverfales ; le diamètre de ces tubes n’a pas plus de deux à fix lignes, mais à leur extrêmité ils s’épanouiflent & offrent chacun une yramide creufe hexaëdre comme le tube, & de plus d'un pouce de diamètre ; de manière que tous ces feftons qui ont quelquefois la groffeur d’un homme, font terminés par des houppes de plufeurs pieds de diamètre, qui offrent à la lueur des flambeaux l'éclat des diamans & toutes les couleurs de l'iris. Plus loin , l’on voit dans un enfoncement des flaladites de glace folide, qui offrent des accidens incomparablement plus beaux que les ftaladtires pierreufes des grottes les plus vantées : elles font produites par les eaux qui s'infiltrent à travers les crevafles de la montagne. Je ne parlerai pas des ftalagmites calcaires qu’on trouve fur les parois de la caverne ; elles n’ontrien qui les diftingue de celles qu’on voit ailleurs. Parmi les chofes inréreflantes qu'offrent les rives de la CAëlca , on remarque au-deflous de la fonderie, des collines de petunt-fé blanc comme la neige, parfemé de mica argentin de la plus grande ténuité. Dans le voifinage de ce petunt-fé eftune argile micacée qui en eft peut-être une décompofition : on effaya en ma préfence d'en faire de la poterie qui avoit tous les caraétères du meilleur bifcuit de porcelaine. Mais ce qu’il y a de plus curieux pour l’Hiftoire-Naturelle, c'eft une colline fort fingulière qui fe trouve à fept verftes au-deflous de la fonderie fur La rive droite de la Chilca : on lanomme Poloffataia gora , la mon- tagne SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS, 233 tagne rayée. Elle offre dans un efcarpement de quarante toifes de haut fur cent trente de long, quinze couches de couleur & de nature diffé- renes. Ces couches qui font parfaitement planes & parallèles entr’elles font avec l’horifon un angle de quatorze degrés en fe relevant contre l'eft, La plupart de ces couches font des variétés de grès compolés de fragmens de roches primitives liés par un gluten quartzeux. Ces grès alternent avec des couches d'une roche partaitement femblable à un fchifte primicit à bafe de roche de corne mêlse de mica , quoiqu'elle foit bien poftérieure aux véritables fchiftes primitifs, Cette roche qui eft du grain le pius fin & qui eft extrêmement dure & compact: , a des couches très-minces, très-diftinétes, bien parallèles & un peu ondulées , qui la fonc reflembler à un bois pérrifié, elle ne donne pas la moindre étincelie ,. & ne bouillonne point avec l’eau forte : elle fe divife en fragmens parallé- lipipèdes rectangula’res ; elle a , de même que les grès auxquels elle eft jointe, l’odeur particulière du Æumennoié maflo qui eft diff:rente de l'odeur du pétrole. Ces couches , dont la plus baile eit un grès fi groffier qu'il pourroir êrre appelé un poudding , repofent fur un mallif que je crois être une lave excefhivement ancienne. Cetre roche qui reflemble à un trapp . à demi-dé ‘ompofé de couleur grile blanchâtre , eft route parfemée de géodes calcédonieufes, depuis la groffeur d'un grain de mulet jufqu’à celle d'un œuf d'autruche. Ces géodes qui confervent toujours une écorce de trapp qui leur eft incimémeut adhérente, {ont tapiflées comme à l'ordinaire dans leur intérieur de criftaux quartzeux , & remplies de fpath calcaire rhomboïdal & d’un bitume noir folide fans être friable, dont Podeur n’eft pas à beaucoup près fi pénétrante que celle de la maltha. Comme les calcédoines ont ordisairement pour matrices des fubftances volcaniques , j’ai préfumé que ce trapp éroit une lave ancienne, & j'ai été confirmé dans certe opinion par la préfence du bitume. Après avoir donné cerre legère idée des produits minéralogiques des bords de la Chilca, je reviens à la ville de Nertchinsk , pour aller de-là jetter un coup-d'æil fur les mines de lArgounn, & je finirai cette courfe par la montagne Odon- Tchelonn où fe trouvent les éméraudes connues fous le nom d’aiguemarines de Daourie, d’où je retournerai à Nertchinsk, ce qui fait une rournée de cinq cens ve-ftes, dans laquelle on décrit à-peu- près un quart de cercle, en allant d’abord à l’eft-fud-eft, & revenant par le fud. Eo quittant Nertchinsk pour fe rendre aux mines de l’Argounn, on affe d'abord à celles du Gazimour , qui font à cent foixante verftes droit à lorient. : Dès qu'on a traverfé la Chëlca, on pafle fur la chaîne granitique qui borde fa rive droite, & l’on fuit un vallon qui s'en éloigne à angle droit ; les montagnes que l’on côtoye & qui font un appendice de la chaîne qu'on laifle derrière foi, font d’une roche ferrugineufe qui donne Jome XXXVIII, Part, I, 17912 MARS4 G£ 234 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE; des étincelles. Ce jafpe groflier forme des couches peu régulières qui fe. relèvent contre l'oueft. Plus loin on marche à l’eft dans une direction parallèle à celle de la grande chaîne de la Chilka , & l’on a à fa gauche des collines qui m'ont paru compolées de produirs volcaniques émanés de certe chaîne qui en eft éloignée de vingt-cinq à trente vertes. Près du village de Kolobova la roche reffemble à un trapp parfemé de petits criftaux & de lames de feld- fpath, On trouve enfüuite un poudding dont la pâte argileufe & ferrugi= neufe contient des fragmens arrondis de porphyre bleuâtre à points ronds d’un blanc mât femblables à du cachalon. Ce poudding contient des parties calcaires qui forment un tuf qui en tapifle toures les gerçures. = à Paroît enfuite le granit qui fe prolonge environ quarante verftes; & après le granit on voit une roche difpofée par couches horifontales de l'épaifleur du doigt : les unes font de grès à gluten quartzeux, formé de quartz , de mica, de feld-fpath & de fchorl; les autres d'un tiflu très= compacte & de couleur bleuâtre reflemblent à du bafalte. Celui-ci contient per fois des criftaux de feld-fpath, & forme un porphyre. Dans plufieurs endroits l’on voit des lits compofés d’un grand nombre de ces petites couches, tout-à-coup interrompus par des blocs qui ont jufqu’à une toife de diamètre , au-delà defquels les petites couches continuent fans aucune apparence de défordre. Ces blocs font formés d’une matière noire, vitreufe femblable à des fcories, dans laquelle font difperfés des fragmens arrondis de feld-fparh. Ces blocs exifloient certainement avant les couches dans lefquelles ils font encaltrés, & il paroît que les uns & les autres font des roduits volcaniques qui ont été roulés par les eaux. Le fol eft enfuire couvert de terre végétale , & n'offre rien pour fa Minéralogie jufqu’au Gazimour qu’on traverfe pour arriver à la fonderie fituée {ur fa rive droite. Près de-là font les mines d'Idikan & de Taïna, plus intéreflantes pat les morceaux de cabinet qu'elles ont fournis , que par la richefle de leur produit. A une verfte au fud de la fonderie, on trouve dans une plaine qui eft entre le Gazämour & une chaîne de collines calcaires primitives, un cratère de volcan fecondaire fort petit, mais parfairement caractérifé, 8c aflez moderne. Il paroîc s'être formé dans une coulée de lave qui a rempli : le vallon où pafle le Gazimour. Ce crarère forme au-deflus de la plaine une petite éminence d'environ trois toiles , & il eft rempli d’eau jufqu'à fes bords , d’où elle découle en formant plufieurs ruiffeaux, ce qui préfente un afpec finoulier. Ce petit monticule a plufieurs ouvertures dont la principale n’a pas plusde {x toifes de long fur trois & demie de large, quatre autres placées autour de celles-ci font encore moins grandes, & font de même, de petits réfervoirs d'où découlent plufieurs ruifleaux. L'ouverture SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 323$ principale n’a point la forme d'un entonnoir; au contraire elle eft faite en vouflure, & beaucoup plus évafée en deflous qu'à fes bords. Les parois font d’une lave ñoire fpongieufe dont les cavirés font tapiflées d'ochre ferrugineufe. Toute la plaine eft couverte de blocs d'une lave femblable qui a été vraifemblablement vomie par cette bouche, dont les foupiraux s’écendent au loin; car à la diftance de plufieurs centaines de pas, le fol réfonne fous les pieds des chevaux comme fi l’on marchoit fur une vouüre, L'eau du cratère eft vitriolique & forme un dépôt ferrugineux très: abondant, Sa température eft la même que celle de l’atmofphère, quoi- qu'elle paroïffe bouillonner par la quantité de huiles qui s'élèvent fans cefle de la vafe qui femble former le fond de ce petit lac à deux toifes de fa furface, mais qui s'étend à une profondeur inconnue: je la fis fonder à plus de trente pieds avec des perchés, fans trouver de fond. Les collines voifines n’offrent aucun indice de matières volcanifées , & il y a apparence que cette grande coulée de lave qui remplit le valion, eft venue de plus loin. A fix verftes au fud-eft du petit cratère fe trouve la mine d'Idikan fur le revers oriental d’une colline dont la roche blanchâtre eft difpofée par grandes écailles tournées vers le ciel. Ces écailles font formées de feuillets plus ou moins contournés , dont les uns font purement calcaires, d’autres compofés de horn-ftein prefque pur, d'autres formés de ces deux fubftances intimément mélées. J'obferverai en paflant, que rien n'eft fi commun en Sibérie, & fur-rout en Daourie , que de voir les roches les plus anciennes & le granit même , mêlés d’une fubftance calcaire qui en fait partie conitituante, Jai trouvé plufieurs fois du fpath calcaire dans du granit qui étoit inconteftablement de première formation ; & un bon obfervateur m'a dit avoir vu la même chofe dans les Pyrénées. Le filon d’J/dikan eft prefque perpendiculaire & s'étend en ferpentant du fud-oueft au nord-eft {ur une longueur de deux cens quatre-vingts pieds jufqu'à une profondeur de deux cent vingr. Il a été violemment tour- menté par des tremblemens de terre, & la roche de la montagne fe trouve fouvent confondue avec le minerai, dont la gangue eft comme dans toutes les mines de ce canton, de l’ochre ferrugineufe qui contient des veines de galène mêlée de plomb fpathique. La galène rend trente- trois livres de plomb & une once fix gros d'argent; l'ochre dans laquelle fe trouve difféminée de la mine de plomb terreufe, rend trois gros d'argent au quintal. La mine d’I/dikan & celle de Taïna ont été découvertes en 1773. Dans les premiers travaux, on trouvoit dans le filon d’I/dikan des morceaux Curieux, & entr'autres des criftaux de plomb blanc ifolés pefant plus d'une livre, & tranfparens comme le criftal de roche. J’en ai Tome XX XVIII, Part. 1, 1791. MARS, Gg 2 236 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, vu un à Lyon dans la précieufe collection de M. le Camus , qui viént du cabinet de M, le comte Srrogonof. Dans un nouveau puits qu’on creufoit en 178$ fur une branche du filon d’I/dikan , j'ai vu à la fin de juin les gerçures de la roche remplies de glace à quarante pieds de profondeur : il paroït qu’en Daourie le feu central n’a pas beaucoup d’adtivité, La mine de Taina et à neuf verftes à l’eft de celle d’I/dikan : & le filon occupe de même le côté oriental de la montagne qui eft d'une roche calcaire grife, fans difpofition régulière , très-compatte, & ayant Le grain & la caflure du horn-ftein , mais ne donnant pas la moindre étincelle , & fe diffolvant prefqu'en entier dans l’eau-forte. Le réfidu eft un fable quartzeux très-fin , qui n’en fait pas la dixième partie. On a percé dans cette roche une galerie horifontale de trois cent cinquante pieds qui fe foutient fans étaies , excepté les neuf premières toifes creufées à travers des décombres qui font les reftes de l’ancien fommer. Le filon eft à-peu-près de la même étendue que celui d'Ildikan , & fa direction eft de même du fud-oueft au nord-eft ; mais au lieu d'être per- pendiculaire , il eft en général très-couché, & ne fe relève que de vingt à trente-cinq degrés du côté du fud-eft. Sa puiffance varie depuis trois pouces jufqu’à quatre pieds. La roche de la montagne lui fert de roît, & fon lic eft une couche d’aroile qui repofe fur un fchifte ferrugineux. Lé minerai eft une ochre de fer & de zinc, aflez riche en mine de plomb terreufe, & qui contient du fpath de zinc qui s’y préfente fous diverfes formes intéreflantes : 1°. en lames d’un pouce de long fur deux lignes de large, dont les angles font coupés, & qui font difpofées en rofe dont le centre eft occupé par des mammelons de manganèfe, fur un minerai caverneux de fer mêlé de galène ; 2°. en ftalagmites folides d’une belle couleur d'ambre, demi-tranfparentes & à furface chatoyante. Cerre fubftance prend un poli aufli beau que l’agare : en 1788 M. Sage en a faic publiquement l’analyfe. 39, Ce fparh de zinc fe trouve en petits grains ovales très-chatoyans, difléminés fur une mine de fer lamelleufe, & {ur des faifceaux de ftaladites capillaires de fer & de manganèfe où ils font le plus joli effer, - La fonderie du Gazimour n’a que deux fourneaux à caufe de la rareté du bois, & n'a fondu en quatre ans que cinquante mille quintäux de minerai, qui ont produit treize mille quintaux de plomb tenant neuf gros & demi d'argent au quintal. Le furplus du minérai va à la forderie de Dourchersk qui eft éloignée de plus de quatre-vingts verfles, En quittant les mines du Gazimour, on marche au fud-ef dans un vallon bordé de deux files de collines qui font d’abord de la même roche calcaire que celle de Taëna ; vient enfuite un fchifte en mañle, auquel fuccèdent du porphyre, du gneifs & du granit. Quand on a fait environ foixantes verftes, & un peu avant d'arriver au village de Zerentoui ,on voit des collines, dont la roche, en partie décompofée, m'a paru une lave trèsa SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 237 ancienne : dans quelques endroits elle reflemble à un porphyre bleuâtre à fond de trapp, parfemé de taches rondes d'un blanc mat comme Je cachalon ; mais en général c’eft un trapp ferrugineux tout parfemé de petites calcédoïnes revêtues extérieurement d’une teinte verdâtre, L’on obferve çà & là des blocs de granit friable mêlés dans certe roche à laquelle ils font abfolument étrangers; il y a apparence qu’ils ont été enveloppés dans la lave au moment de l’éruption. Du village de Zerentoui pour aller à la fonderie de Doutchersk qui n’en eft qu’à huit verfles, on pafle fur des collines granitiques, & l’on trouve autour de la fonderie des collines calcaires & quartzeufes femblables à celles du Gazimour. Il ya à Doutchersk onze fourneaux de fufon & quatre fourneaux d'affinage. On y fond annuellement deux cens mille quintaux de minerai, dont le produit en argent fut en 1783 de cent feize pouds qui fonc environ fept mille fix cens marcs. A quinze verftes de cette fonderie , fur la rivière Ourof , on trouve de la lave encore plus décompofée que celle de Zerentoui , elle eft en quelques endroits abfolument réduite à l’état de bol rouge; elle contient une infinité de calcédoines opalifées qui malheureufement ne font pas plus grofles que de la dragée, On en trouve encore à vingt verftes au fud de Zerentout, près dupofte appelé Borfinski ; celle-ci eft à fond gris, folide, & les calcédoines y font fi multipliées qu'elle reflemble à un poudding. De la fonderie de Doutchersk à celle qui porte le nom de Nertchinsk, parce qu'elle a été la première établie dans ce département, il ya quarante-une verftes en allant à l’orient. On quitte bientôt les collines calcaires, & l’on en trouve de gneifs coupé de filons & de mafles de horn-ftein de couleur bleue : vient enfuire le 9ranit qui fe montre jufqu’à cinq verftes de la fonderie de NertchinsÆ où reparoît la roche calcaire dans laquelle eft encaftré un filon de galène. Cette fonderie eft fituée dans un vallon dirigé de l’oueft À l’eft où il aboutit au fleuve Arpounn à vingt verftes de-là. 11 y a dix fourneaux de fufion & quatre fourneaux d'affinage. Chaque fourneau fond {oixante-fix quintaux de minerai par jour, ce qui donne pour neuf mois de travail des dix fourneaux environ cent quatre-vingt mille quintaux, dont le produit en argent fut en 1783 de cent fix pouds & demi , ou environ fepc mille marcs. Les cinq mines qui alimentent cette fonderie font dans le voifinage ; la plus éloignée nommée Zerentouiski, eft à quinze verftes. Celles qui en ont occafionné l’érabliflement fe trouvoient dans les collines qui font au nord, & au pied defquelles elle eft fituée. Les Chinois qui étoient autrefois en poffeffion de cette contrée, avoient commencé à les exploiter en 1701 : aujourd’hui elles font abardonnées. Ces collines font formées d’un hoxn-ftein gris qui paroît fe convestir 2338 OBSERF ATIONS SUR LA PHYSIQUE, en pierre calcaire par l’action des météores ; car tout celui qu'on prend hors du contact de l'air , donne les plus vives étincelles , & ne fait pasla moindre effervefcence avec les acides , même après avoir été calciné; & l'on obferve celui qui eft à découvert, pañler, par nuances infenfibles, jufqu’à l’état de pierre calcaire parfaite de couleur blanchâtre. Quoique la roche de ces collines n'ait pas de difpoftion marquée, cependänt leur fommer offre une arrète faillante très-prononcée qui s'étend de l'oueft à left comme la plupart des chaines de ce canton: & cette fuite de collines méralliferes eft brufquement terminée à l’eft par un morne élevé nommé le fommer de la Croix. Je remarquerai à cette occañon qu'il eft ordinaire de voir dans l'Afe feprentrionale, & fur-tout en Daourie , les chaînes de montagnes & de collines terminées à l’eft par des élévations conlidérables taïllées à pic, fillonnées & excavées, & qui portent évidemment l'empreinte de l’action des eaux long-tems continuée ; ce qui, joint à la fituation des pouddings dont j'ai parlé plus haut, annonce que l’ancien océan qui couvroit la terre, avoit un mouvement violent d’orienr en occident, qui a emporté la partie la plus orientale des chaînes de montagnes , jufqu’à ces mafles confidérables qui les terminent aujourd’hui du côté de l’eft, & qui ont préfervé de la deftruétion la partie occidentale des mêmes chaînes, C'eft vraifemblablement aufi cette a@tion des eaux qui , en décharnant du côté de lorient les montagnes à filons , a mis à découvert leurs veines métalliques, puifque c'eft conftamment de ce côté que fe préfentent les indices de minerai, Je laifle ces conjeéturès pour remarquer un fait fingulier : la colline qui eft au nord de l’églife de la fonderie , a fon arrète compofée de ce horn- {tein qui fe décompofe en pierre calcaire; mais ici, les parties qui font ainfi décompoféès offrent une fubitance calcédonieufe difpofée par zônes concentriques, comme on l’obferve dans les agates d'Ober-flein ; mais ce ne font point ici des corps parafites formés par infiltration dans des cavités préexiftantes comme les agates ; on voit que ce font les parties conflituantes de la roche qui, par un travail interne, & par une forte de criftallifation, ont pris cette difpofition régulière, (Que ce mor de criflallifation ne révolte point , j'appelle ainfi route tendance à prendre une forme conftante, polyèdre ou non polyèdre.) Les couches les plus voilines du centre font nettes & diftinétes ; peu-à-peu elles le font moins, & enfin elles s'évanouiflent & fe confondent avec le fond de la roche. Chaque affemblage de ces zônes a une forme ronde ou ovale plus ou moins régulière de fept à huit pouces de diamètre. Cela reffemble en grand à ce qu’on obferve dans les pierres œillées ; & la caufe ef vraifemblablement la même. Je le répète , je regarde cette difpofition réoulière comme une véritable criftallifation, qui peut SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 239 s’opérer & qui s'opère en effet dans l'interieur des corps les plus folides, tant qu'ils font foumis à l'action des agens de la nature, Tous ceux qui vifirent l'intérieur de La terre favent que les roches même les plus compactes , y fonr intimement pénér-ées d'humidité; & ce fluide n'eft certainement pas de l’eau pure: c’eft l'agent qui opère routes les aggrégations , toutes les criftallifarions, tous les travaux de la nature dans le règne minéral. On peut donc aifément concevoir qu'à la faveur de ce fluide, il rèzne, dans les parties les plus intimes des corps fou- terrains , une circulation qui fait continuellement changer de place aux élémens de la matière, jufqu'à ce que, reunis par la force des affinités , les corpulcules fimilaires prennent la forme que la nature leur a afignée. Je reprends la fuite de ma courfe minéralogique : de la fonderie de Nertchinsk à la mine de Kaduïnsk , il y a cinquante verftes en allant au fud-ouefñ , & l’on trouve quelques autres mines fur la route; la première eft celle de Zerentouishi à quinze verftes de la fonderie, On trouve fur certe route des collines de horn-fchiffer qui ne forment point une chaîne fuivie, elles fe fuccèdent en formant entrelles routes fortes d'angles. La montagne où eft la mine de Zerenrouiski elt toute femblable à celle de Taïna ; c’eft une roche à bafe calcaire bleuâtre, ayant l'appa- rence du horn-ftein , & contenant des mafles purement quartzeufes, Le minerai ne forme pas de filon régulier, mais des rognons ou nids de quelques pieds de diamètre difperlés dans les fiflures de la roche; il confifte en mine de cuivre pyriteufe de figure indéterminée , & en mine de plomb terreufe qui donne deux gros & demi d'argent au quintal : on en tiroit environ cent quintaux par femaine, Des travaux voifins entrepris depuis peu ,nommés Ka/anski, fournifloient une fmectite cuivreule mêlée de kupter-glafs : ce minerai donnoir environ deux onces d'argent au quinral & douze à quinze livres de cuivre. Le filon paroifloit aflez régulier, fe dirigeant à-peu-près nord & fud , & plongeant de l’eft à l’oueft , en formant avec l'horifon un angle de 6$ degrés , mais il n'avoir qu'un à deux pouces de puiflance, & quelquefois moins. Îl évoit tout encaiflé dans un fchifte ferrugineux , au- deflus duquel régnoit une couche épaifle de plufieurs toifes de fme@tire blanche comme du lait , que les mineurs rufles nomment kamennoié gir , graifle de rocher ; rien en effer ne reïlemble mieux à de la graifle, rant qu’elle eft dans la mine; mais dès qu’elle a été à l'air pendant quelques heures, elle devient friable, & n'eft plus fufceprible de liaifon. Elle fe diffout en partie dans l'acide nitreux {ans effervefcence. À douze verites plus loin, on trouve à la droite du chemin la mine de Mikaëlofski, appartenante à un particulier ; elle éroir une des plus tiches du département: des mineurs qui y ont travaillé m'ont dit qu'on y touvoit des nids de minerai prefque tout galène, de plus d’une toife, ’ 249 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, Il y a quelques années que le feu prit aux charpentes , l'incendie dura deux ans & ruina les travaux, Catre mine eft dans une chaîne de collines de la même nature calcaire que les précédentes, qui s'étend du nord au fud ; & le filon le rrouve dans le flanc oriental d’une montagne extrêmement bombée, & qui a tous les indices dont parlent les chercheurs de filons. Depuis Kazanski jufqu’à cette mine lon voit prefque dans chaque colline des indices de minerai ; ce pays ne demande que des recherches. Pout arriver à la mine de Kadaïnsk ,on traverfe un gros cordon de montagnes granitiques qui s’érend du nord-oueft au fud-eft, & au-delà d’un large vallon , on voit une chaîne parallèle, dont la montagne prin- cipale renfermoit ce beau filon, le feul gîte de minerai confiderable, de ces cantons qui füt bien régulier. Cette chaîne où eft la mine n’a guère que mille toifes de long du nord-oueft au fud-eft, où elle aboutit à angle droit contre une file de collines graniciques qui va du nord-eft au fud-oueft. La colline principale qui renfermoit le grand filon a un fommet arrondi, qui s'élève au-deflus des collines voifines , la roche dont elle eft compofée eft un grès extrêrhement fin, blanc comme le plus beau fucre auquel il reflemble, & dont il a la demi-tranfparence. Par-tout fon gluten eft calcaire ; dans quelques parties tout le fable eft quartzeux : dans d’autres il eft calcaire auffi bien que le gluten ; la tranfition eft infenfible & ne s’apperçoit pas à l'œil. Cerre colline occupe en largeur un efpace de trois cens roifes dans cette petite chaîne qui n’en a guère plus de mille, & dans laquelle les roches fe fuccèdent de la manière fuivante, en com- mençant par l'extrêmité feprentrionale : 1°. granit feuilleré dont les tranches tournent le dos au vallon, environ cent toifes ; 2°. roche calcaire & quartzeufe grisâtre , dans laquelle fe trouvent des veines d’une matièra fingulière : elle reflemble pour le coup-d'œil au plus beau marbre de Paros , & elle eft route parfemée d'étoiles & de faifceaux de rayons d’un blanc éclatant & femblable à de la zéolite (1) ; la roche calcaire qui la contient n'occupe pas plus de dix toifes; 3°. granit en mafle foixante ‘toifes; 4°. horn-fchiffer mêlé de filons de granit, cent vingt toifes ; 5°. granit en bancs épais prefque perpendiculaires, légèrement inclinés ne] (1) Par l'examen que nous avons fait de cette pierre, M. Pelletier & moi, nous avons reconnu que le fond eft calcaire , & que les criftaux fibreux font du fchorl, Les fragmens que nous avons fait bouillir deux heures dans l'acide niçreux n’ont prefque rien perdu de leur forme , & offroient un amas de petits failceaux brillans de rayons divergeans de divers centres & confufément entrelacés ; foumis au chalumeau, ils ont donné un émail blanc & compaëte. J’ai dépofé dans la colle&tion de la Société d'Hifloire-Naturelle un échantillon de cette pierre, ainfi que des laves les plus Entéreflantes, Une analyf plus détaillée (era publiée dans les Ades de certe Sociétés du SUR L'HIST: NATURELLE ET LES ARTS, 241 du côté de la mine, cenc cinquante toifes; 6°. fchifte aroileux en grandes mafles qui femble s'appuyer contre la montagne où eft la mine, quarante à cinquante toifes; 7. celle - ci occupe environ trois cens toifes; 5°. 1l lui fuccède un fchifte en maïfe pareil au précédent , & elle paroît s'appuyer fur lui ; il occupe un efpace de foixante toifes; 9°. après ce {chifte vient une roche calcaire & quartzeufe grife de cent toiles; 10°. horn-fchiffer dont les tranches tournent le dos à la mine, cinquaite toiles; 11°. enfin, une colline granitique contre laquelle s'appuye ce horn-{chiffer. De l’autre côté du vallon en face de la montagne de la mine, les roches obfervent à-peu près le même ordre, & l’on y voit la roche calcaire primitive appuyée immédiatement fur le grauir. Le principal filon de Kadaïnsk a été mis en exploitation en 1757, & lon y a travaillé fans interruption jufqu’en 1783 ; il feroit difficile d’en trouver un plus régulier & d'une exploitation plus facile. L’efpace qu'il occupoit & qui elt à préfent en partie vuide, s'étend direétement du nord au fud , fur une longueur de quatre-vingr-dix toifes. Son épaifleur dans la partie fupérieure éroit de quatre roifes & demie , mais il diminuoit de puiflance infenfiblement jufqu’à la profondeur de foixante - quatre toiles où il étoit réduit à un pied. La falbande du côté de l’oueft ou du cœur de la montagne eft un fchifte ferrugineux ondulé, dont l’épaifleur eft de quatre toifes. La falbande orientale eft une couche d’ochre durcie qui a près de feprtoifes. Deux cens ouvriers éroient employés à extraire le minerai qui confiftoit en mine de plomb terreufe, galène, & mine de plomb noire vitreufe ; ils en tiroient par mois fept mille quintaux. Dans les premières années ce minerai rendoit plus d’une once & demie d'argent par quintal; mais infenfiblemenc le produit fe réduifit à demi- once: car c’eft une chofe bien reconnue en Sibérie & en Daourie, que plus les flons s’enfoncent , & plus ils s’'appauvriffent & diminuent de puiflance. En 1783, lorfque l’on parvint à la profondeur de foïxante - quatre toifes, les travaux s’inondèrent , & on les abandonna. En 1785 , où je viftai certe mine , on venoit de les reprendre fur Ja partie feprentrionale du filon où il fe divife en deux branches qui ont chacune plus d’un pied de puiflance, & qui promettent encore une grande abondance de minerai; il eft vrai qu'il n’eft pas de fi bonne qualité, & qu'il contient beaucoup de zinc & de manganèfe. J’en ai vu tirer de jolis morceaux de cabinet qui offrent fur une matière caverneufe revêtue de criftallifations quartzeufes très-brillantes, de beaux criftaux de plomb fpathique, de la manganèfe en dendrites, du fpath de zinc très-blanc criftallifé en crêre de coq , de la blende rouge , &c. En 1785, M. Barbot de Marny, françois d'origine , d'un mérite Tome XXXV III, Part. I, 1791, MARS, Hh 243 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, diftingué, qui venoit d'être nommé directeur des mines de la Daourie ; m'écrivit qu'on avoir trouvé près de Kadaïnsk , dans une de ces coilines calcaires primitives, un gîte de minerai d'une ftructure fort extraordi- naire: c’eft une efpèce de puits perpendiculaire de quinze toifes de profondeur fur une toife & demie de diamètre, rempli du haur en bas de très-bon ininerai, mêlé de fragmens de Ja roche générale qui éroient friables & dans un état de décompofition. Er il ajoute que c’eft le troifième exemple qu’il a d'une difpoñtion femblable dans les mines de ce département qu'il fréquente depuis fa jeunefle. Quand on quitte la mine de Kadaënsk pour aller à la fonderie de Koutamara qui eft à trente-fept verftes du côté de l’oueft, on fuit des vallons qui ont la même direction , & l’on ne voit rien de calcaire. On faic d'abord quinze verftes au milieu du granit {eul ; dans le refte de la route il alrerne avec un fchifte gris blanchätre en couches épaifles , qui fe divifent en fragmens rhomboïdaux. Il y a à Koutamara dix-huit fourneaux de fafñon & cinq fourneaux d’affinage : on y emploie trois cens ouvriers. On y fond le minerai de Kadaïnsk & celui de K/icchka dont je parlerai tout à l'heure. En 1784, le produit de cette fonderie fur de cent quatre-vingt-un pouds d'argent ou environ douze mille marcs. En quittant cette fonderie pour aHer à la mine de K/irchka qui eft à quatre-vingr-quinze verftes au fud-oueft , j’eus un fpectacle magnifique : c'étoir au mois de juillet, un peu avant le coucher du foleil; le ciel fe couvrit tout-à-coup de nuages épais, les venrs fe déchaînèrent, & il fe forma un orage violent. Du côté du fud où j'allois , il y a , à riois lieues de diflance, une chaïne de montagnes élevées : ces montagnes étoient couvertes des plus noires ténèbres ; au couchant, le ciel éroit d’un blanc éblouiffant, mais livide, & qui peignoic de la même teinte rous les objers. De cette partie éclairée partoient fans relâche des éclairs qui alloient filloner en traits de feu les ténèbres du midi, avec un fracas de tonnerre continuel femblable à des falves d'artillerie. A left, on voyoit fur un voile léger briller des plus vives couleurs trois arcs-en-ciel concentriques. Le nord étoit reint du plus bel azur, & le lieu où j'étois ne recevoit pas une goutte de pluie. Ce fpeétacle avoir quelque chofe de fi frappant, que mes guides & deux foldats qui m’accompagnoient , gens fort peu fenfbles aux phéno- mènes ordinaires , portoient l’expreffion de l'éronnement & de la terreur 3 & l'on eût dit en effet qu’il alloit arriver quelque grande cataftrophe dans la nature. En refléchiffant fur la fréquence extraordinaire de ces ronnerres qui pendant plus d’une heure ne cefsèrent d’éclater, je prélumai que les vapeurs fulfureufes, falines & métalliques qui s'élevoient continuellement SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 243 des dix-huit fourneaux de Koutamara, étoient l'arfenal qui fournifloit à toute cette artillerie aérienne, Aucun endroit, foic en Sibérie, foit en Daourie, ne m'a offert un payfage auf pitorefque que les environs de Koutamara, Rien de fi rare dans ces contrées boréales qu'un fire qui ait quelque chofe de piquant ; tout eft monotone & mauflade : forêts marécageufes, plaines arides , montagnes pelées & arrondies, voilà rout ce qu’elles offrent à l'œil, Dans toute la Sibérie, je n'ai vu que les feuls environs de Krafñoiarsk fur le Veniffei qui Faflent une forte de tableau. Quand j'arrivai aux montagnes , l'orage avoit ceffé , je n’y trouvai que les torrens fangeux qui en éroient la fuite. Les premières montagnes que j'obfervai en traverfant certe chaîne, étoient de granit : la nuit m'empé- cha de reconnoître les autres, jufqu’au village de Doro qui eft à vingt- neuf verftes au fud-oueft de Koutamara. Dono eft dans la plaine au-delà de la chaîne que j'avois traverfée. Les collines qui en font un appendice font d’abord de horn-ftein verdâtre qui approche beaucoup du jafpe, & enfuite d'une roche de même nature qui eft fuperbe à l'extérieur : elle eft panachée de blanc, de rouge & de bleu ; on diroit un mêlange de jafpe, de calcédoine & de cachalon; mais certe pierre (i belle en apparence fe délite en petits fragmens, & n'offre dans l'intérieur que les couleurs ternes du filex (1). Ces collines quartzeufes s’érendent à vingt-cinq verftes de Dono, & le refte de la route jufqu'au village de Sélenda, quien eft à quarante verftes, offre des collines de horn-fchiffer dont la plupart des couches font ceintrées ; les unes font concentriques , d’autres-adoffées les unes à côté des autres comme les arches d'un pont. A Sélenda l'on ne voit que du granit qui accompagne jufqu’à la mine de Kltchka qui eft à vingt-fept verftes au fud- oueft ; toutes ces montagnes de granit ont leurs arrètes & leurs fommets crénelés ; ce font les feules dans la Daourie qui nv’aient offert cet accident. Le granit de ces cantons eft trop quartzeux pour que les parties faillantes réfiftenc aux hivers. L’humidité qui a pénétré dans les gerçures, venant à fe dilater par la gelée, brife les parties quartzeufes qui font incapables de fléchir ; auffi obferve-t-on généralement que plus les roches font quartzeufes, & plus leurs mafles font arrondies ; celles qui font compofées de matières moins rigides réfiftent mieux. A feize verftes de SéZenda l'on commence à s'élever fur une chaîne (x) Il feroit curieux d’expliquer pourquoi la couleur de certaines pierres dures ne fe développe qu’à Pair, car toutes les calcédoires faphirines ou bleuâtres qu’on trouve en Daourie, font toujours éparfes fur le fol des collines, toutes celles qu’on tire de l'intérieur (ont laiteufes; & dans celles mêmes qui font à l'air , la partie qui touche le fol eft toujours blanchitre. Tome XXXV/LIE , Part. I, 1791, MARS, Hh 2 544 OBSERV ATIONS SUR LA PHYSIQUE, granitique aflez confidérable, qui court à-peu-brès du nord au fud ; & qu'on traverfe à angle droit en marchant difficilement au milieu des blocs de rochers. La fituarion de Ja mine de K/ächka reflemble d’une manière frappante à celle de Kaduënsk : après qu’on a traverfé Ja chaîne granitique, on voit de même, au-delà d’un large vallon , une chaîne parallèle de collines où fe trouvent les flons. Ces collines font en effet des fommmets de mon- tagnes plus élevés que ceux de la première chaîse, & qui ne paroïlient de fimples collines, qu'a caufe de l'élévation même du vallon. La montagne qui renferme les filons eft d’une roche de même nature que celle des précédentes mines: elle eft à bafe calcaire mêlée d’argile & de parties quartzeufes. Sa couleur la fait nommer par les tartares tongoufes Tyégann-folotoi , la mortagne blanche. - Le revers de certe colline eft compofé, de même que les collines latérales, d’un horn:fchiffer ralqueux très- beau, qui fe divife par feuillets: durs & fonores, de l’épaiffeur d'un carton, légèrement ondulés & brillans comme de la nacre. Ces feuillets prefque perpendiculaires font un peu inclinés contre la roche calcaire. Quand j'ai vu la mine de K/chka, il n'y avoit que trois ans qu’elle avoit été découverte, & elle donnoit les plus grandes efpérances : on y travailloit fur quatre filons qui par leur direction paroïfloient devoir fe réunir vers le cœur de la montagne; & fur le revers on venoir d’en découvrir deux autres dans le horn-fchiffer , forr minces à la vérité, mais bien encaiflés & très-riches en galène, qui paroifloient aufñli vouloir fe réurir aux autres. Si cela arrive, on trouvera au point de réunion de tous ces filons une mafle incroyable de minerai. La galerie principale, percée vers le milieu de la montagne, avoit quinze toifes de longueur & régnoit dans une roche prefque route calcaire grisâtre, coupée en tout fens par des veines blanches fpathiques d’un pouce de large. Un puits de fix roifes éroit creufé dans la même roche; au-deflous , elle fe changeoït route en fparh calcaire blanc, jufqu'à vinge toifes de profondeur, où étroit un fchifie ferrugineux ondulé dans lequel couroient trois veines de mines de plomb terreufe & une de galène : V'épaifleur de ces filons varioit de dix-huit pouces à un travers de doivt; ils étoient éloignés les uns des autres de quelques toifes & convergeoient vers le nord-oueft à un centre commun. . Ces différens flons donnent annuellement un peu plus de cent mille uintaux de minerai confiflant en galène à petits cubes, & en achre de lomb mêlée dans de l’ochre de fer & de zinc. Ce minerai rend fepet livres de plomb au quintal & trois gros & demi d'argent. La galène rend foixante-cing livres de plomb & deux onces & demie d'argent, mais elle ne fait qu'environ la dixième partie du minerai. On a ençore trouvé dans le born-fchiffer talqueux adoffé à la colline SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS, 245 calcaire un filon de mine de cuivre, fur lequel on a creufé un puits de feize toifes : ce filon eft régulier , prefque perpendiculaire, & coupe le plan des lames du horn-{chiffer fous un angle d'environ quarante devrés, mais comme il n'eft pas fort riche en argent , on l'a abandonné. J'ai trouvé dans les Haldes, du cuivre vitreux , dont les cavités étoient tapiffées de malachite, qui eft une grande rareté en Daourie, Comme il ne reftoit plus rien d'important à voir en filons métalliques, j'allai de-là vifiter la montagne Odon-Tchélonn où l’on trouve diffé- rentes gemmes qui ont peu de valeur comme pierres précieufes , mais qui font très-intéreflantes comme objets d'Hiftoire-Narurelle, La longueur de ce Mémoire, que j avois cru devoir étre plus court ; moblige de renvoyer à un autre Journal le refle du Voyage. NOUVELLES LITTÉRAIRES. Fos du Gouverneur PHicLitP à Botany-Bay, avec une Defcriptior de l’Erablifflement des Colonies du Port Jackfon & de PIle Norfolk , faite fur des Papiers authentiques , obtenus des divers Départemens, auxquels on ajouté les Journaux des Lieutenans SHORTLAND, WaTrs, BATT, & du Capitaine MARSHALL , avec un récit de leurs nouvelles découvertes, &c. traduit de l’Anglois ; 1 vol. in-8°. Prix, 4 liv. 4 fols broché, & 4 liv. 14 fols franc par la pofle. À Paris, chez Buiflon, Libraire, rue Haute-Feuille, N°. 20. Cer établiflement des anglis eft trop intéreffant pour l'humanité, foit au phyfique, foit au moral, pour ne pas favoir gré au traducteur qui a enrichi notre langue de cette Relation. Efpérons aflez de l’efprit philofo- phique qui a opéré tant de prodiges depuis quelques années, pour croire que les fociérés reconnoîtront enfin qu’elles n'ont point le droit de vie & de mort fur les coupables. Celui qui eft attaqué dans un endroit ifolé, & ne peut repoufler l’aflaflin que par la force, a fans doute le droit de le tuer; mais une fois que la fociété s’eft faifie de cet affafin , elle ne pourroit lui Ôter la vie qu'aurant qu'il feroit prouvé que c’eft le feul moyen de contenir les fcélérats. Or, il eft démontré que la peine de mort, & même les fupplices les plus cruels ne les contiennent pas plus que la perte de la liberté & la condamnation pour le refte de leurs jours aux travaux publice. Si en les tranfportant au loin on opéreit la même rerreur falutaire fur leurs efprits, ce feroit un grand adouciflement à une des inftitutions les plus barbares des fociétés, qui encore une fois n’ont que le droit ftriét de 246 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, contenir Le coupable , de le renfermer , de l’employer aux travaux publics} & non de lui Ôter la vie, d’une manière plus où moins atroce. Ontrouvera de plus dans cette Relation du capitaine Philipp des détails intéreflans d'Hiftoire-Naturelle, Mémoires de l Académie Royale des Sciences de Turin , années 1788 & 1789, 1 vol. in-4°, À Turin, chez Jean-Michel Briolo, tome IV. Les fciences doivent beaucoup à cette célèbre Compagnie. Ce quatrième volume de fes Mémoires contient des chofes qui n'intérefleront pas moins les favans que les précédens, Hifloire & Mémoires de la Société des Sciences Phyfiques de Laufanne, ome troiftème, année 1727 & 1788. À Laufanne, chez Mourer, 1 vol, in-4. La Sociéré des Sciences phyfiques de Laufanne travaille avec beaucoup de zèle & d'adtivité. Les différens Mémoires qui font contenus dans ce volume prouveront qu’elle ne néglige aucune partie des fciences. Lettres au très-honorable EbmonD BURKE , au fujet de fes Réflexions ur La Révolution de France ; par JosePH PRIESTLEY , raduites fur La feconde edition corrigée, in-8°. Paris , Garnery , rue Serpente. M. Prieftley , favant auf diftingué par fes grandes découvertes dans les fciences naturelles, que par fon zèle ardent pour tout ce qui intérefle l'humanité, confond ici l'honorable membre du parlement, qu’on faic d’ailleurs trop lié à ce Calonne, qui après avoir préparé la ruine de {on pays, a encore eu l’audace de le calomnier chez l'étranger. Si M. Prieftley fût venu en France & eûc été parfaitement inftruit de rout ce qui s’y pale , il auroit eu encore bien plus d’avantage fur notre adverfäire qui ; en fuppofant qu'il n’y ait pas de mauvaife foi de fa part, et au moins très-ignorant fur nos affaires intérieures. Je rends donc ici au nom de la nation françoife des actions de graces à M. Prieftley d'avoir éclairé fes concitoyens fur notre fituation , & d’avoir rendu juftice à un peuple qui aujourd’hui eft digne de l’eflime d'un philofophe. Ce témoignage ne lui fera pas fufpect de la part de celui qu'il honore de fon amitié, il eft vrai, mais qui eft encore plus ami de la vérité, Londres & fes environs, ou Guide des Foyageurs curieux & amateurs dans cette partie de l'Angleterre , qui fait connoftre tout ce qui peur intérefler & exciter la curiofité des voyageurs, des curieux & des amateurs de tous les états, avec des infiru&ions indifpenfables à connoître avant d'entreprendre ce voyage, &@ une Notice des princi= pales Villes les plus commerçantes & les plus manufaëlurières des trois Royaumes, — On y a joint dix Vues des principaux Edifices SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 247 & Maifons Royales , © une Carte, le tout gravé en taille-douce : Ouvrage fait à Londres, par M. D.S. D.L. feconde édition, vol. in-12. Prix, $ Liv. brochés, & 6 Liv. francs de port par la pofle. À Paris, chez Buiflon, Libraire, rue Haute-Feuille , N°. 20. Une feconde édition de cet Ouvrage prouve l'accueil favorable que lui a fait le Public. Que les françois aillent fouvent en Anglererre pour apprendre à être libres. Jls verront Londres ville bien plus grande , bien plus peuplée que Paris, jouir de la plus parfaite tranquillité, fans efjions, fans canons, fans bayonettes. Ils verront combien on y refpeéte la liberté individuelle ; ils y verront qu’une partie des citoyens fous prétexte qu'ils ont lh.bir de garde nationale, & fur-rour les chefs ,ne vexent pas continuellement ceux qui ne l'ont pas; ils n’y verront pas l'officier municipal attenter à la liberté, mais s'en montrer le plus ferme défenfeur. . . . Ils verront enfin un peuple libre & heureux. . . .Si deux hommes du peuple ont une querelle, ils la vuident aufli-tôr en public à coups de poings , Bouxton, & la paix eft faite. Un françois dit-il un mot plus haut qu'un autre ? auffi-côt il eft conduit par des bayonettes. . . . Je ne reconnois pas-là la liberté. Je ne fache pas qu'à Athènes, à Rome, on tânt journellement tous les citoyens fous les armes pour fe vexer mutuellement. Mais là les chefs du peuple n'étoient que des citoyens, & ne cherchoïent pas à être intéreflans , à être defpotes , à être chefs de parti. . . , Que nos officiers municipaux, que nos commandans de garde nationale aillent tous en Angleterre où auprès de ce Waïlington dont on eft fi éloigné, apprendre comment on fe conduit avec un peuple libre ; fans doute nos loix poli- tiques conftitutionnelles font excellentes, puifqu’elles font le fruit de la Philolophie : mais la Philofcphie n’a pas pénétré chez les officiers muni- cipaux , chez les gardes nationales , & fur-tout chez leurs chefs tous plus ou moins intriguans, plus ou moins courtifans, plus ou moins def- potes. .. . Et c’eft entre leurs mains qu’eft la vraie liberté individuelle du citoyen , la liberté de rous les jours, la liberté de tous les momens. . . . Obfervations fur ladminiflration des Forêts ; par M. BaLLAND. À Paris, de | Imprimerie du Cercle Social, rue du Théâtre François, N°. 4. Ces Obfervations méritent d'être étudiées. Elèmens de l’ Art de la Teinture ; par M. BERTHOLLET, Doëeur en Médecine , des Académies des Sciences de Paris , Londres , Turin, Harlem & Manchefler , &c. 2 vol. in-8°. Nous rendrons compte de ce favant Traité. ta 248 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, &c: 1:24) BYLTE DEs ARTICLES CONTENUS DANS CE CAHIER. Ossxe FWATIONS fur l'Hifloire-Naturelle du Coucou ; par M. Evwart JENNER : extraites des Tranfaëtiuns Philofophiques, traduites par MuA.B.#**, . page IOI Vues Jur la matière d'exécuter Le projet d’une Mefure univerfelle, décrété par L Affemblée Narionale ; par Le P: Corte, Prére de l'Oratoire , Correfpondant de l'Académie Royale des Scien- ces, Etc. 171 Treizième Lettre de M. DE Luc, à M. DELAMÉTRERIE, fur les Couches de Craie & celle de Houille, & für leurs Cataftrophes, 174 Mémoires [ur les Aurores boréales ; par ANroINE Liges, ProfefJeur de Phyfique au Collège Royal de Touloufe, : 191 Defcriprion d'un Cyanometre, ou d'un Appareil defliné à mefurer l’'intenfité de La Couleur bleue du Ciel ; par M. DE SAUSSURE, < 199 Mémoire de M. FRANÇOIS TIHAVSKY, premier Lieutenant des Fonderies Impériales, Jur les Méraux retirés des différentes Terres = extrait des Mélanges de M. JACQUIN , : 208 Notice minéralogique de la Daourie ; par M. PATRIN, | 22$ Nouvelles Litéraires, 245$ Fautes à corriger dans, le Cahier du mois de fevrier 1791, dans La feconde Lettre de M. Van-Marum, à M. Landriani, Page 112, ligne 6, au lieu de fig. 5,6, Lifez fig. s & 16 Page 113, ligne 16, au lieu de parle D , Ziféz proche D sr Page 114, dans les trois dernières lignes , au Lieu de aiguière , Z/fez équerre Page 115, dernière ligne , au lieu de & parce que, Lifez par lequel Page 116 Ligne 11, au lieu de cinq cens , /fez cent à É Page 117, Ligne 10, au lieu de qu'on ne décharge, /fez qu'on décharge Même page , ligne 35, au lieu de dire , Z2fez faire voir : Page 119, ligne 13 de la note (x) , au lier de le déchargea, Lifez fe déchargea Page 110, ligne 4, au lieu de irrégularités, Lifèz inégalités ù : ie page, ligne 21, au Lieu de defcriptions & — page 55 , Lfez defcription of — page 15 Méme Eee ligne 13, au lieu de portée, Zifez frottée a Méme page , ligne 24, au lieu de jufqu’au point abforbant , Æ/ez jufqu’aux pointg abforbans Page 122, ligne 36, au lieu de taffetas, Lifez défauts Même page, méme ligne, au lieu de poriée , ifez partie Page 123, ligne 7, au lieu de que, lifèz que j'ole aflurer que z Re * Ë | | | | | | | | | _{ 1 eh 1 JOÜRNAL DE PHYSIQUE. seit (4) SR 3| À AVRIL 1791. mn DEL TE ER LACS DESERT AS Se — = RTATPEEROR TT Sur les Exhumations du Cimetière & de lEglife des Saints - Innocens , Lu dans La feance de la Société Royale de Médecine tenue au Louvre le 3 Murs 1789; Par M. THOURET (1) ENS TÈR AIT: Dsrvrs le moment où le bruit de l’étonnante découverte que m’a préfentée l’érat des corps du cimetière des Saints-Innocens, commença à fe répandre, la curiofité des favans n’a ceffé de s'exercer fur ce phéno- mène fi digne à tous égards de fixer leur attention. Chargé de la dire“tion de l’entreprife, forcé par la nature des exhumations qu’elle exigeoit , de dérober au jour des opérations que devoient couvrir les ombres de la nuit, & feul alors à la crête des travaux (2), feul auf j'ai pu les fuivre avec le foin néceflaire pour en raffembler les réfultars, & feul je puis convenablement en rendre compte. Lorfque les fouilles portées à-peu- près à leur totale exécution , ne me laifèrent plus aucun moyen d’érendre mes recherches, je m'empreffai de faire part à la Société Royale de Méde- cine (3) de tous les phénomènes qu'elles m'avoient offerts. J'en rendis (x) M. Thouret eft frère du Membre de l’Affemblée Nationale, du même nom, qui rend de fi grands fervices à la patrie. INore du Reda&eur. (2) L’immenfité des opérations ne permettant pas qu’elles fuffent furveillées par une feule perfonne , j'ai partagé ce travail avec M. Marquais, chirurgien d’un mérite très-difingué , qui m'a fecondé avec un zèle digne des plus grands éloges. (3) La Société Royale de M“decine avoit été chargée par le gouvernement de nommer une commiffion pour furveiller les différentes opérations. Les commiffaires furent MM. de la Rochefoucauld , de Laffonne , Poulletier de la Salle , Geoäroy, Defpérières , Colombier , Dehorne, Vic-d’Azyr, Fourcroy , & moi, Tome XXXVIIT, Part. 1, 1791. AVRIL. Ii 250 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQ UE, compteen même-tems à l'Académie Royale des Sciences dans un Mémoire que cette favante Compagnie daigna accueillir. Ce premier rapport deftiné à être publié, fut imprimé au mois de mars 1789 ; & différentes circonf tances m’avoient empêché jufqu'à ce moment de le faire paroître. L'impatience de quelques perfonnes a paru ne pas s’'accommoder de ces retards. Différentes opinions fe font formées fur un objet donc il eût été prudent peut-être d'attendre une exacte defcription avant de chercher à l'expliquer. Différens comptes ont été rendus dans les Journaux ; mais on remarque dans tous une fi grande inexactitude, que je n'ai pas cru pouvoir retarder plus long-rems la diftribution de mon Mémoire ; c'eft un extrait de ce qu'il contient de plus important, que je vais préfenter ici. Depuis un très-grand nombre d’années, le vœu des citoyens de rous les ordres n'avoir ceflé de follicirer la profcription du cimetière des Saints- Innocens. Situé dans un des quartiers les plus peuplés de la vilie, & environné de maifons qui le concentroient de toutes parts, il réunifloit à tout ce que l’on fai: que l’afpet de pareils lieux peut infpirer de dégoût & d'horreur, les fources d'infection les plus multipliées & les plus actives (1). Dès 1554, Fernel & Houllier, médecins célèbres de Ja Faculté de Paris, nommés pour en faire leur rapport, s’éroienr élevés contre linfalubrité de cet emplacement. En 1737, MM. Lémery, Geoffroy & Hunauld , de l’Académie Royale des Sciences, & chargés dela même million , avoient confirmé ces craintes. Enfin, depuis 1724 jufqu'en 1746, les plaintes des habitans des maifons voilines avoient continué de fe faire entendre. Au mois de février 1780 , un accident furvenu dans plufieurs maifons de la rue de la Lingerie , excita une allarme plus confidérable. La crainte des dangers que de pareils accidens pouvoient renouveler par la fuite, dérermina à faire prononcer l’intergtion du cimetière , & à compter de cette époque, on s’abftint enfin d'ouvrir chaque jour ce fol, qu‘ depuis plus de deux fiècles regorgeoir de victimes. Mais ce parti auquel on auroit pu fe borner pour un emplacement de ce genre, dont les couches de terre jonchées d’un petit nombre de cadavres, auroient pu facilement les détruire, ne pouvoit fuffire pour un fol qui, faturé dans tous fes points de matières animales , n’avoit plus depuis long-tems aucune ation fur les corps dont il étoit profondément pénétré. Aufli obfervoit-on que les tems chauds & humides ramenoient conftamment les mêmes accidens, —————_— (1) Il régnoït au pourtour d’immenfes charniers, où l’on dépofoit les offemens humides qui provenoient de la fouille des terres , lorfqu’on ouvroit de nouvelles fofles , & une rigole très-étendue , où l’on jettoit chaque jour des maifons voifines, es immondices de tout genre, SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS, 5x & les murmures qui fe renouvelloient chaque année, annonçoient aflez, que, pour remédier à cette efpèce de calamité , on n'avoit employé que des mefures infufhfantes. La nécefité du changement qu’on follicitoit , ne pouvoit fe faire plus vivement fentir ; mais il étoit difficile de n'en pas prévoir toutes les difficultés. C'étoit une enceinte antique & révérée , qu'un refpe& religieux fembloit avoir plus particulièrement rendue facrée aux yeux du peuple, qu’il falloir en quelque forte anéantir & violer. Long-rems le cimetière des Saints-Innocens avoir été prefque l'unique fépuiture de la capitale. Les familles les plus diftinguées de tous les ôrdres & de tous les rangs, venoient y confondre leurs funérailles, avec celles des citoyens de la clafle la plus inférieure, Cette efpèce d'hommage rendu au principe d'égalité que la nature établit parmi les hommes, devoit flatter la multitude. La relicion {zmbloit avoir cherché dans les premiers tems à entretenir une aufli pieufe coutume, en honorant cette fépulrure commune par les cérémonies les plus impofantes. Au moyen des folemnités dont chaque année renouvelloit le fpectacle , le cimetière avoit été long-tems pour le peuple un objet de culte public. Ce refpect s'écoit bien afoibli avec le tems; mais il ne s’étoic point entièrement éteint, & quoique fouftraite à fes regards depuis plufieurs années, l'enceinte qui le formoit , étoit encore pour lui un objet de vénération particulière. Cependant c’étoit fous les yeux de ce même peuple, que les opérations dévoient s’exécuter. Âttiré dans toutes les rues, dans toutes les places voifines par fes occupations ou fes habitudes journalières, la nuit mème ne devoit pas l'en écarter. Aucuns momens ne pouvoient donc per- mettre des travaux qui lui fuffent cachés ; aucunes mefures, aucunes pré- cautions re pouvoient lui en dérober la connoïffance. Sous les yeux de tant de témoins, en préfence d'une multitude aufli facile à céder aux impreffions qu'on lui communique, la plus lépère imprudence pouvoit indifpofer les efprits. Dans le plan des travaux d’ailleurs, entroit la deftruétion de plufieurs places où d’honnèêtes citoyens , peu fortunés , venoient chercher un afyle parmi les morts, dans cette lugubre retraite. Des murmures élevés à l’occafion de ces déplacemens, pouvoient devenir un nouveau germe d'indifpofition générale. Ajoutons que cette enceinte, qui receloit dans fon fein plufeurs des antiquités les plus curieufes & les plus intéreflantes de la capitale, ne pouvoit être dénaturée qu'avec de grandes précautions. Mais c’étoit fur-tout relativement aux dangers pour la falubrité de V’air, tant redoutés dans de femblables occafions , que les craintes deve- noient exceflives. L'accident furvenu dans quelques-unes des maifons de la rue de la Lingerie, pouvoit , parmi le peuple de ce quartier, renou- veller d’anciennes allarmes. Suivañr le compre qu'en avoit rendu un Tome XXXVIII, Part, I, 1791. AVRIL, tre \ of OBSÉRVATIONS SUR LA PHYSIQUE phyfcien recommandable (1), le méphitifme qui sétoit dégagé d’une des fofles voifines du cimetière, avoit infecté toures les caves. On com- paroit aux poifons les plus fubrils, à ceux dont les fauvages empregnent leurs flèches meurtrières, la verrible adtivité de cette émanation. Les murs baignés de Phumidité dont elle les pénécroit , pouvoienr commu- niquer , difoit-on , par Le feul attouchement, les accidens les plus redou- tables. Cinq années, il ef vrai, s’étoient écoulées depuis certe époque, &tout accès au cimetière, pendant cet inrervalle, avoir éré interdit. Mais que pouvoit avoir opéré un téms aufh court contre un principe de miort dure a@ivité aufli funefle? La même infalubrité fembloit avoir été remarquée à l'ouverture de l’un des caveaux de l’intérieur du cimetière. Cependant les opérations devoient exiger d'en ouvrir plus de quatre- vingt. Le nombre des corps dépofés dans cette enceinte, & qui en avoient foulevé le fé] de plufeurs pieds, excédoit d'ailleurs toutes melures & ne pouvoit fe calculer. Depuis 1186, que le cimetière déjà uès-ancien , avoit été enclos de murs par Philippe-Augufte, il n'avoit ctflé de fervir de lieu de fépulture pour le plus grand nombre des paroifles. La multitude de morts apportés de tant de lieux, avoit toujours été rrès-confidérable (2), & plus de quatre-vingt-dix mille y avoienc été, pendant lefpace de moins de trente années, dépofés par le dernier fofloyeur. Ainf preflés & amoncelés , ces milliers de cadavres occupoient une furface de plus de dix-fept cens toifes quarrées, Entaflés pour la majeure partie dans des foffes communes de vingt-cinq à trente pieds de profondeur (2), où l’ufage écoit de les accumuler au nombre de douze à quinze cens; c'éroit autant de vafles foyers de corruption que contenoit cette enceinte. Cependant le fol gonflé par ces dépôts fi nombreux, excédoit de plus de huit à dix pieds le niveau des rues, avec lequel il falloit parvenir à l'accorder , & cette opération ne devoit permettre de refpeéter aucune des fépultures. D'ailleurs nulle interruption n’avoit eu lieu dans celles de l’églife. Des corps récemment inhumés , repofcient dans fes parvis. Enfin, d’innom- brables milliers d’oflemens , fucceflivement rejettés du fein de cette terre, qui depuis long-tems raflafiée de funérailles, s’ouvroit encore chaque jour pour s’en pénétrer de nouveau, étoient entaffés fous les roîts des (ù Memoire Hiflorique & Phyfique fur le Cimetière des Saints-Innocens , par M. Cadet de Vaux , &c. lu à l'Académie Royale des Sciences en 1781. Extrait du Journal de Fhyfique, juir 1783. () Elle montoit depuis long-tems de deux mille cinq cens à trois mille chaque année. (3) Prefque tous les corps étoient dépofés dans ces grandes feffes , le nombre des fépultures particulières ne montant ordinairement qu’à cent cinquante ou deux cens par an, SUR L’HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 253 charniers, & contenoient les débris de plufieurs générations que le tems avoit englouries. Aucune efpèce d’entreprife fur un fo] pareil ne devoit paroître prati- cable, L'excès du mal infpira eflez de courage, pour ofer tenter d’y remédier, On réfléchit que l’état tême des chofes qui pouvoit offrir aux yeux de la multitude , ant de dangers à redouter de la part de l'opération u'on méditoit , devoic être un moyen de lui faire fentir plus vivement la nécefliré de l’entreprendre. : Toutes les précautions connues d’ailleurs , tous les fecours uftés contre Pinfalubrité de l'air, devoient être réunis & employés avec le plus grand foin. Les mêmes attentions devoient être recommandées pour les monu- mens ; les mêmes égards devoient avoir lieu pour les pofleffions des plus fimples particuliers, - Au moyen de ces différentes mefures on crut pouvoir compter fur le fuccès de l'entrevrile, L'événement apprendra avec quelle exactitude ce plan a dû être fuivi. En effer, c'eft dans le fein de la tranquillité & du calme qu'ont éré terminées les opérations dont je vais rendre compte, & qui ayant été reprifes à différentes époques, & continuées conflamment chaque fois le jour & la nuit, ont eu plus de deux ans de durée. Pendant cerre longue fuite de travaux, une couche de huit à dix pieds de terre infectée pour la plus grande partie, foit des débris des cadavres, foit par les immondices des maifons voilines, a été enlevée de toute la furface du cimetière & de l’églife, fur une étendue de deux mille toifes quarrées ; plus de quatre-vingts caveaux funéraires ont été ouverts & fouillés : quarante à cinquante des fofles communes ont été creufées , à huit & dix pieds de profondeur, quelques-unes jufqu’au fond ; & plus de quinze à vingt mille cadavres, appartenans à toutes fortes d’époques, ont été exhumés avec leurs bières. Exécutées principalement pendant l'hiver, & ayant eu lieu auffi en grande partie dans les tems des plus grandes cha- leurs; commencées d'abord avec tous les foins poflibles, avec toutes les précautions connues, & continuées prefqu'en entier, fans en employer , pour ainfi dire, aucunes, nul danger ne s’eft manitefté pendant le cours de ces opérations. Nul accident n'a troublé la tranquillité publique. Aucun fpeétacle indifcrer n'a offenfé les yeux de la multitude , & le plus grand filence a dérobé à la connoiflance de tous le véritable état d’une opération , dont les principaux dérails ne feront connus que par cette defcriprion, Tant de travaux ne pouvoient manquer d'offrir des réfultats pour la fcience, & leur uulité fous ce rapport pouvoit feule attacher quelqu’attrait à ces opérations pénibles & lugubres. Aucun des fecours que je pouvois defirer pour multiplier mes recherches , ne m’ayant été refufé , je ne crus pas devoir négliger une fource aufli féconde d’expérience & d’inftruction, 254 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, Dans ces immenfes amas d'offemens accumulés (1), foic dans de vaftes dépôts où ils écoient expofés ou foultraits à routes les viciffitudes de l'air , foit épars dans l’épaifleur du fol, ou renfermés dans des tombeaux an- tiques ; préfentant d’ailleurs depuis les fépultures les plus récentes jufqu’à celles qui paroifloient les plus anciennes , une fuite de dégradations fuc- ceflives, quelle occafion ne s’offroit pas de voir réunis & d’embraffer d'un feul coup-d'œil toutes les traces , tous les degrés de la marche G lente de la deftruction, fur ces parties dont la durée paroifloit être écernelle ? Quelle variété d’ailleurs d’alrérations & de maladies dans les formes , dans la texture, ne devoit-on pas remarquer ? Une pareille fource d’obfervations ne pouvoit être néoligée, & avec le fecours de quelques aides intelligens, la plus nombreule colle“tion de pièces rares en ce genre (2), eft fortie de ces immenfes dépôts, que je n'ai pas cru devoir laiffer déplacer,, fans les foumertre au plus ferupuleux examen. Des variétés non moins nombreufes , fe fonc offertes dans l’état des corps, depuis le cadavre à peine confié de la veille à la terre , jufqu'à ces triftes reftes encore fubliftans dans le fein de quelques fépultures an- tiques , reconnoiflables aux marques de leur âge, où depuis des fiècles la mort n'avoit encore pu dévorer en entier fa proie. Des corps récemment dépolés dans l’églife, où nulle interruption n'avoit eu lieu pour les cérémonies funéraires; ceux des fépulcures da cimetière, qui au-delà d’un intervalle de cinq années , remontoient par une gradation bien tracée ; jufqu'aux tems les pius éloignés ; les variétés de fépultures pour ces corps fi nombreux, les uns amoncelés & confondus dans les fofles communes; les autres giflant féparés fous une humible couche de terre, ou pourriffant orgueilleufement à part dans des cercueils de métal & fous des voûtes fouterraines; toutes les nuances de la deftruétion ; toutes les métamor- phofes de la mort raflemblées , depuis le corps qui fe diflout & fe putréfie ; jufqu'à ceux plus privilégiés qui fe changent en momies sèches ou fibreufes (3), & juiqu'aux fqueletres décharnés , réduits en oflemens pou dreux, quel champ plus vafte pouvoit s'offrir à nos obfervations > (1) En ne prenant que le nombre de mille, pour le nombre commun des morts inhuméspar an au cimetière, il en auroit reçu cent mille par fiècle, & ce local ayant fervi depuis 1186, à des fépultures très-nombreufes, on peut calculer que le nombre des morts qu’on y a portés depuis cette époque , a excédé de beaucoup celui de fix cens mille, c’eft-à-dire', de la population aëuelle de Paris. C’étoient les offemens de tant de morts, qui étoient entaflés dans les charniers & autres dépôts. Quelques effais que j’ai répétés en faifant charger les charriots, lors du tranfport des offemens, ont confirmé ces calculs, (2) Je rendrai compte des altérations les plus remarquables, que renferme cette colleétion de maladies des os, que je conferve avec foin. (3) Tous les corps que j’ai trouvés changés en momies, ont été confervés, & font partie de la colle&tion dont je viens de parler, SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 255 Mais au milieu de ces objets fur lefquels mes regards s’étoient fixés d'avance, un phénomène de l'efpèce la plus étrange vint me furprendre & m'occuper. Dans ces vaftes dépôts formés par les foffes communes, la deftruction avoit établi un ordre de chofes particulier. Là, comme dans les fépultures éparfes à la furface du fol , elle ne fembloit point dérober fes traces. Tout annonçoit au contraire qu'elle s’y étoic occupée à les multiplier & les fixer. Les cercueils confervés dans toutes leurs dimenfions & leur folidité ; la terre qui les environnoit, empreinte d’une couleur noire très-intenfe , attefloient la lenteur de la décompofition dernière, A l'exception de cetteteinte dont elles étoient faliesextérieurement, les bières avoient confervé leur fraîcheur. A l’intérieur on reconnoifloit la couleur naturelle de la fubftance dont elles écoient formées, Le même degré de confervation fe remarquoit fur les linceuls. Les corps eux-mêmes n’ayant rien perdu de leur volume, & paroiffant enveloppés de leur voile , fous la forme de larves (1), ne fembloient avoir éprouvé aucune altération. En déchirant l'enveloppe funèbre , on voyoit que leurs chairs s’étoient confervées ; le feul changement qu’on y appercevoit confiftant en ce qu’elles éroient comme changées en une mafle ou matière mollafle , dont la blancheur , encore relevée aux lumières par la teinte noire du fol, paroïfloir plus éclatante. La première idée dont je fus frappé à cette vue , fut de penfer qu'une couche de chaux avoit été répandue fur ces corps. Mais én examinant leur état avec attention , cette erreur fut promptement diffipée (2), & je reconnus toutes les parties molles converties en une fubftance pulpeufe, le plus fouvent très-folide , d’une blancheur plus ou moins pure, déjà connue fous le nom de gras par les fofloyeurs, n'ayant plus de tiflu fibreux , s'écrafant fous les doigts, où elle paroît onétueufe & comme favonneufe au toucher; fe durciflant à Pair fec, où elle prend quelque- fois un poli luifanr, & une forte d'éclat métallique , fufceprible de fe ramoilir à l'air humide, où elle fe couvre de moififfures très-abondantes, & qui offrent les couleurs les plus vives & les plus variées ; formée à l'extérieur par la peau, dont on reconnoît le tiflu grenu , & embraflant toute l’épaifleur du corps adipeux , ou de la couche de graifle placée au- deflous , qui fe change en gras de la plus grande blancheur , d'une con- fiftance ferrée & compacte , offrant enfuite une mafle alvéolaire, quel- (x) C’eft le nom que les anciens donnoient quelquefois aux morts, & fur-tout à ces fimulacres, que dans les apparitions on croyoit voir fortir des tombeaux, Lurvæ fepulchrales. Une (2) J'avois de plus remarqué que la matière pulpeufe, qu’on ne pouvoit mieux comparer qu’au fromage Blanc, ne s'offrant qu’à l’intérieur du linceul , il auroit fallu que la chaux y eût été placée, Je reconnus ainfi bientôt la nature de cette fubftance. 0 256 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, quefois très-rare, très-fpongieufe , très-légère, qui paroît correfpondre au tiflu cellulaire, & dans lépaiffeur de laquelle on diflinguelong-tems toutes les couches des mufcles, toutes les divifions des faifceaux qui les forment, toures les directions de leurs fibres, comme empreintes & ombrées en traces fugitives & légères d’un brun rougeñtre très-clair. En général , ces mafles ont tous les contours des membres ; elles en préfentent toures les formes. C’eft une forte de momification d’une efpèce nouvelle & très-remarquable , qui rend à l’aide de quelques foins, les corps fufceptibles de f& conferver. Parmi ceux que j'ai trouvés le plus parfaitement transformés, & qui font partie de la collection que jai réunie pour conferver l’hiftoire de ce phénomène (1), plufieurs fe font gardés jufqu’à ce moment , fans avoir éprouvé d’altération, Ces momies mémorables offrent tous les linéamens de la figure, tous les traits de La phyfonomie & du vifage. Les yeux y font confervés, ainfi que le volume, l'embonpoint, les cheveux, les cils, les fourcils, les paupières. Ce n’eft point un changement borné à la furface ; il a lieu également dans toute l'épaifleur des chairs, Il fe remarque auñli dans Les cavités, où l’on voit la plupart des vilcères confervés fous la même fornie, La même fubftance s’oftre aufli à l’intérieur des os, où elle occupe tous les épanouiflemens, toutes les divifions de la membrane médullaire , & jufqu'aux cellules du tiflu alvéolaire ou du diploë, ; Cependant quelqu'adtive, quelque profonde que paroiffe cette tranf- mutation, elle trouve plufieurs parties réfractaires; tels font les cheveux, les ongles , qui fe confervent inta@s; les os, dont les cellules les plus minces, les lames les plus délicates réfiftent inaltérables & pures, au milieu de ce changement qui fond les mufcles, les ligamens, les tendons, & qui dénature jufqu’aux cartilages. Tels font encore certains principes colorans, rels que celui de la bile, celui des glandes bronchiques , le pigmentum de la choroïde, la partie rouge du fang, & peut-être aufi la fubftance propre des mufcles, dont on retrouve, ainfi que des autres principes que je viens de nommer, la couleur long-tems durable, & quelquefois même furvivant à la matière du gras, dans les mafles de cette fubftance, que ces principes peuvent pénétrer de la teinte qui leur eft propre. Mais ces parties exceptées, cette transformation foumet en entier toutes les autres ; la peau, le corps adipeux : les membranes, les mufcles, & les organes en plus ou moins grande partie ; les cartilages , les parties glan- duleufes, tendineufes , ligarnenteufes & aponévrotiques ; enfin la matière même des fluides, comme j'aurai occafon de le faire remarquer. Erin ennemie ne CL (1) Cette colleëtion que je conferve contient des corps dans les différens états que ce phénomène a préfentés, En SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS, 9257 En général , les parties qui m’ont paru les plus fufceptibles de cette transformation , font les parties adipeufes, & les parties membraneufes ou lymphatiques. On ne peut élever aucun doute relativement aux pre- mières , qui paflent à cet état très-manifeftement , & qui paroiffent même former le gras par excellence & le plus pur. On ne peut balancer aufli relativement aux parties lymphatiques ou membraneufes, dont on vcit des portions confidérables converties en gras ; cels font le tiffu de la peau le plus complettement dénué de graifle, le tiflu cellulaire de tout le corps, les expanfions membraneufes qui tapiflent toutes les cavités, celles fur-tout de la bouche, les antres d’hygmore, les finuofités & les contours fi variés, les anfractuolirés fi nombreufes, & d’une furface fi étendue de l'arrière-bouche & des narines; les cartilages que l’on trouve en grand nombre foumis à ce changement; enfin, Les vaifleaux fanguins de différens organes, ceux fur-tout du foie que j'ai obfervés fouvent transformés, au milieu de la fubftance de ce vifcère qui n'avoir encore fubi aucune altération. Quant à la matière glutineufe ou fubftance propre des mufcles ou des chairs , fi lon réfléchit qu'ils fonten plus grande partie formés par un üflu cellulaire & vafculeux très-abondant , très-folide & très-ferré, qui en fait la bafe ou le parenchyme , ne peut-on pas demander fi ce n’eft pes uniquement par ce tiflu qu'ils paflent à l’état de gras? Er cette pré- fomption n’acquiert-elle pas quelque force en obfervant, ainfi que je l’ai remarqué, que les mufcles en fe convertiflant en cet état, perdent ure grande partie de leur denfité , tandis que les parties membraneufes , ou purement lymphatiques ne paroiflent pas en perdre notablement. J'ai remarqué de plus que la matière glutineufe ou propre des mufcles, qui paroîr colorer les maffes de la nouvelle fubftance dans lefquelles ils fe changent, s’affoiblit & diminue de plus en plus à la longue ; qu’une portion qui furvit à leur deftru“tion même, paroît refter comme un réfidu qui étoit étranger à leur compofition; j'ai obfervé enfin que les enfans qui abondent tellement en fucs Iymphatiques & graiffeux, tandis qu'ils ont fi peu de matière glutineufe, confervent , en paflant au même état, proportionnellement plus de leur volume & de ces formes arrondies, d’où "naïflent les graces du corps dans cet âge tendre. Si la transformation paroït s’opérer dans les mufcles ou la fuibftance propre des chairs, il y a donc tout lieu de croire que c’eft par les fucs graïffeux & lymphatiques qu’elle s’y établir. En général, c’eft à raifon de la quantité de ces deux principes, & de la denfité du tiffu qu’ils forment, que les parties paflenc à l’état de gras, & qu’elles confervent, en y paflant , les formes qui leur font particulières. On en a la preuve, fur- tout dans Ja transformation des différens vifcères. Aïnfi, le cerveau, le cœur, le foie, qui forment des mafles plus folides, fe changent prefque complettement en gras, & ne perdent rien de leur configuration, tandis Tome XXXVIIT, Part. I, 1791. AVRIL. Kk 258 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, que la fubftance fi fpongieufe, & prefque toute véficulaire des poumons, & les expanfons fi multipliées des inteftins, ne laiffent après leur transfmuration que quelques feuiilers , quelques veftiges de la matière du gras, fans folidité ni confiftance. Les organes éminemment vafculaires font donc ceux après lefquels il refle moins de traces de cette fubftance. La perte de leurs parties uides en eft la caufe principale , quoique , ainfi que je viens de le dire, ces dernières cependant ne foient pas rout-à-fait dépourvues de principes fufceptibles de pailer à l’état de gras. Telle eft très-manifeftement, en effet, l'origine de ces mafles de forme ovoïde (1), très-denfes & crès-folides que j'ai rencontrées quelquefois dans un des côtés du thorax, & qui paroiflant en avoir occupé toures les dimenfons, offrant à leurs furfaces des empreintes très-évidentes des côtes, ne peuvent être que la fuite d’un engorgement très-confidérable de l’un des lobes du poumon fortement pénétré , & diftendu par une congeltion de fucs épais & lymphatiques. Cette matière qui forme le gras | différant fi effentiellement de toutes les parties qui entrent dans la compofition de l’économie animale, il étoit important d’en connoître la nature, Soumife aux recherches chi- miques les plus variées (2), elle a préfenté les phénomènes fuivans : chauffée jufqu’à l’ébullition avec le contact de l'air, elle s'enflamme & brûle rapidement, Le charbon qu’elle donne eft peu abondant, difücile à incinérer, & on y trouve de l'acide phofphorique, combiné avec la foude & la chaux. En la tenant fondue quelque tems, ou fi l’on y ajoute à froid de la chaux vive, il s’en exhale des vapeurs piquantes d'ammo- niaque , ou d’alkali volatil ; la diflillation fournit d’ailleurs ce fel dès la première impreflion de la chaleur. Mêlée à une cerraine quantité d’eau , elle s’unit très-facilement avec ce fluide. Cette diflolution eft opaque; elle moufle fortement par l'agitation ; elle paile trouble par le papier : en un mot, elle a tous les caractères d’un véritable favon. Les acides, les fels calcaires, & les diflolutions métalliques la décompofent, en y formant des précipités abondans, & en flocons indiflolubles. En fltrant ces mêlanges, il paffe des liqueurs un peu colorées, qui, par une évaporation bien ménagée, donnent des fels ammoniacaux. Ainf Pammoniaque, ou alkali volatil que Padion de la chaleur & de ka chaux vive déoage feule de cette fubftance, eft le principe qui met l'huile dans l’état favonneux , & ce favon eft vraiment amntoniacal , ou à bafe d’alkali volatil. (1) Je conferve plufeurs de ces mafles ovoides , qui m’ont paru mériter la plus grande attention , & que j'ai trouvées, dans quelques corps, occupant toute la cavité de la poitrine. (2) M. de Fourcroy a été particulièrement chargé de cette partie de travail, dont à a rendu compte dans une des f£ances publiques de la Société Royale de Médecine. SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS, 259 La bafe huileufe de ce favon ammoniacal , féparée par les acides, elt une matière concrète, d’une couleur grife-jaunatre , un peu plus fufble que la cire. Lorfqu'on la laifle refroidir lentement, après l'avoir faic fondre , elle fe criftallife en lamés brillantes. Les alkalis fixes & l’ammo- niaque la convertiflent en un favon folide. Si on la purifie par plufeurs fufñons, à une chaleur très-douce, & fi on la filtre à travers un linge clair, on l’obtient, après fon refroidiflement , fous une forme affez sèche, & jouiffant d’une demi-tranfparence. Elle ne fe ramollit/point uniformé- ment, & n'’eft pas ductile fous les doigts, comme la cire ; mais elle s’écrafe en petites lames douces & graffes au toucher , comme le blanc de baleine, avec lequel elle a la plus grande analogie, En effet, elle fe criftallife comme ce dernier; elle fe diflout même plus que lui, dans l'alcohol chaud ; une partie fe fépare de ce diflolvant , à mefure qu'il fe refroidit : dans ces précipitations, elie prend la forme de petites lames brillantes. En cherchant à connoître, d'après ces données , comment s’opère la production de certe fubitance grafle favonneufe, & celle des deux prin- cipes qui la conftituene, on s’eft cru fondé à croire qu'elle eft une modi- fication particulière de l’altération putride qu'épronvent les corps dans le fein de la terre. La décompofition de l’eaz a paru être la premiere fource de tous ces phénomènes, On a penfé que de l’union de Pazote avec Fhydrogène réfulte , par Le progrès de la putréfaction , lammoniaque ou l'alkali volatil ; que la fixation d’une plus grande proportion d’hydro- gène, & peut-être celle d’une certaine quantité d’oxigène donnent naiflance à la {ubftance grafle ou huileufe , que fon union avec l’aikali volatil fait pañler bientôt à l’érat favonneux. Ainf, cette fingulière cenverfion des parties molles des corps dépofés en grandes maffes dans la erre , a paru être le produit du mouvement feptique qui les détruit , & ce feroit, dans cette opinion, à cette caufe au’il faudroit attribuer les altérations que préfenre cette décompofition lente. Mais cette transformation apparente qui donne au tiflu des parties qui s'altèrent ainfi après la mort , un caractère fi analogue à la cire, ou plutôt À la matière du blanc de baleine , n’en eft peut-être pas une véritable, On fait que ce produit du genre des graifles animales , n’eft point étranger à l’économie animale vivante. Il exifte en très-grandes mafles, dans les cavités du cerveau de la baleine , & fe diflribue par des vaifleaux très- mulripliés, dans toutes les parties de ce gigantefque & monftrueux animal. On retrouve cette même fubftance dans la bile, où elle a été prife jufqu’à ces derniers tems pour une réfine. Elle forme quelquefois A par fa furabondance dans le foie , des concrétions volumineufes 8 légères, qui offrent à l'incérieur la forme propre au blanc de baleine Le plus pur. On l'a trouvée même quelquefois épanchée & à nud dans le tiffu de ce Tome XXXVIII, Part. I, 1791. AVRIL. Kk 2 260 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, vifcère defléché à l'air (1). Quelques recherches particulières m'ont appris qu’on peut l'extraire abondamment du cerveau de l'homme & de tous les animaux (2). Mais fi cette fubftance exifte déjà formée dans l'animal vivant , pourquoi l’attribueroit-on au mouvement de deftruétion & de putréfattion , lorfqu’elle paroît après la mort? Ne peut-elle pas être cachée dans la compoñirion intime & fi peu connue des humeurs, comme la matière glutineufe l'a été fi long-tems dans la fubftance du froment & des mufcles ? Ne peut-on pas croire qu’elle eft un des principes des fucs graiffeux ; que c’eft elle qui donne à la lymphe fa confiftance plaftique ? N'y a-t-il pas lieu de penfer que cette matière a un ufage dans l'économie vivante; qu’elle fe fépare des fucs qui la contiennent, pour nourrir & réparer le cerveau, dont elle forme la fubftance ; qu'elle fe dépofe dans les canaux du foie, par lefquels elle s’évacue, lorfqu'elle devient nui- fible (3)? Ainfi cette matière formeroit dans l’économie animale une nouvelle fecrétion , une excrétion particulière , jufqu’alors inconnue, & elle ferviroit à déterminer la nature jufqu’à préfent fi parfaitement cachée du cerveau, organe qui ne diffère pas moins des autres parties par fa fubftance , que par fes fonctions, & auquel cette belle expreffion d'Horace Cireus in vitium fleëi , pourroit être au phyfique comme au moral, fi juftement appliquée ? Mais fi cette cire animale exifle pure & exempte de tout mêlange dans l'économie vivante, il n'en eft pas de même dans les corps décompofés après la mort. Elle y eft alors mélangée avec les produits de la putré- faétion ; empreinte par ce mêlange d’une couleur qui altère fa blancheur naturelle, fa tranfparence ordinaire, & pénétrée d’une odeur , qui quoique très-différente de celle des fubitances putrides, affecte défagréablemenc les fens. Cependant cet érat de fouillure & d’alliage w’eft pas effentielle- ment inhérent à la matière du gras. Expofée à l'air, & avec le tems, elle fe dépouille infenfiblement des principes étrangers , qui la dénaturent & la terniflent. Les fubftances colorantes fe détruifent aufli à la longue, (1) On doit ce curieux réfultat à M. Poulletier de la Salle, maître des requêtes honoraire , amateur éclairé des fciences phyfiques , & dontla Société regrettera long- tems la perte. En examinant un foie humain defléché à l’air } où il l’avoit laiflé expofé pendant un grand nombre d’années, il le trouva changé en une mafle blanche, pulvérulente & comme terreufe , affez femblable à l’agaric, & qui lui donna, ainf qu’à M. de Fourcroy , de la matière du blanc de baleine pur , en l’expofant à une douce chaleur. (2) Je rendrai compte en particulier des recherches qui m'ont paru indiquer ce réfultat, & qui m'ont fait annoncer que cette matière eft celle qui forme dans homme & dans les animaux la fubftance propre du cerveau. (3) Il eft poffible auffi que cette matière s'épanche dans le tiflu du foie, ou qu’elle en obfrue les différens canaux plus ou moins complettement , & telle étoit peut-être & l'origine de celle qu’on a trouvée dans le foie defléché à l'air par feu M. Poulletier, SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 26 & la matière du gras qui prend alors de la fécherefle , de la folidité, & de la blancheur, en perdant en même proportion de l'odeur qui lui eft particulière , peut fe conferver même à l'air, fans ètre fufcepuble de s’y détruire par l'effet de l'humidité, Ce que l’on obferve en ce genre fur de petites mafles, feroit-il poñlible de l’osérer fur les corps entiers ? Et ne pourroit-on pas parvenir à conferver les corps ainfi transformés en momies du blanc de baleine le plus pur ? Cette tranfmutation fi fingulière ne paroît épargner aucun fexe, aucun âge, Les corps adultes , ceux que la vieiliefle avoir empreints de tous fes caraëtères, ceux que la mort avoit moiflonnés avant leur parfaite croiffance, m'ont paru évalement foumis à cette transformation. Les chairs fi rendres des plus jeunes enfans, n’avoient pu échapper à l'ativité , ni fe fouftraire à l’étendue de fon action. Quoiqu'on ne puifle indiquer d'une manière préciie en quoi peut y contribuer la différente conftitution des corps , il paroît y avoir cependant fous ce rapport quelques différences remarquables. Cette obfervation n'avoit point échappé aux fofloyeurs, qui familiers avec toutes les nuances & les variétés de ce phénomène , annonçoient que les corps chargés de beaucoup d'embonpoint , qui font en même-tems d’une ftructure forte & robufte, d'un tiflu compa“te & folide, font ceux qui ont le plus de propenfion à pafler à l'état gras ; que les corps très-fecs & très-maigres, fe changent plus particulièrement en momies ; & que ceux qui font cacochymes, d’un tiflu lâche & humide , fe fondent en eau. Quoique cette obfervation qui frappe par une grande apparence de vérité, foit beaucoup trop générale pour devoir être admife fans reftriction , elle m'a paru très-exacte pour le premier objet, ainfi que j’ai été à portée de le vérifier. La fubftance propre de la graifle femble être en effet la plus fufceptible de cette trans- formation. C’eft par elle qu'en s'établiffant elle commence; c’eft par elie qu’en fe dégradant elle finir. Dans les premiers momens mêmes, la matière du gras ne m'avoit paru être que le corps adipeux légèrement altéré. Seroit-ce que la fubftance de la oraifle contiendroit plus particu- lièrement , dans l’économie vivante, le blanc de baleine tout formé 2 La manière d’être qui eft propre à cette dernière fubftance, ne feroit-el'e pas le véritable caraétère de l'huile animale , laquelle exiftant & dans la graifle & dans la lymphe, fous une apparence différente & cachée , ne fe reproduiroit enfuite avec fa véritable forme, que par l'effet d’une putre- fadtion particulièrement modifiée & très-lente, qui lui rendroit fon premi:r caractère ? Cette tranfmutation , quelle qu’en foit la nature , s'établit indifférem- ment dans les diverfes efpèces de terre, Je lai trouvée la même dans l'épaifleur de la terre végétale répandue à la furface du fol, & dans les couches de fable beaucoup plus épaifles , qui en formoient la plus grande profondeur. Ce fable & les couches de filex qui y étoient interpofées par 262 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, lits , écoient empreintes de la couleur noire , qui leur communiquoit une teinte luifante. Cetre tranfmutation s'opère d’ailleurs en peu de tems, & avec une célérité remarquable. Les dernières grandes foffes du cimetière n’étoient fermées que depuis cinq ans, & de la furface jufqu’au fond, tous les corps qu'elles contenoient , un très-petit nombre excepté, étoient transformés complettement. Cette promptitude à s'établir m'a privé de plufieurs obfervations importantes, qu'il eût été intéreflant de recueillir. Y a-t-il une différence relativement aux fofles, à raifon de leur pofition, & la transformation commence-t-elle plutôt ou plus tard dans les unes, que dans les autres ? Tous les corps dépofés dans les fofles communes, pañlenc-ils également à cet état ? Un certain nombre, dans celles que j'ai pu obferver complettemient, s'étoient entièrement décharnés, & réduits à l’état de fimples oflemens. Ces corps avoient-ils échappé à la transfor- mation générale, & avcient-ils été décompofés par un autre genre de deftruction? Mais, ces derniers exceptés, la tranfmutation s’opère-t-elle d'une manière fimulranée dans tous les corps qui la fubiflenc ? Alors, il feroit utile d'apprendre comment elle s'établit en même-tems dans tous les rangs , {ur toutes les furfaces, & aux différentes profondeurs, Si elle eft fuccefive, il ne feroit pas moins intéreflant de {avoir fi elle dépend plus de la conftitution particulière des corps que de leur pofition locale; & dans le premier cas, il s’agiroit de connoïître quelle eft cette confti- tution particulière ; dans le fecond, par quelle couche des corps elle commence ; & dans l’un & l’autre enfin, quelle eft la célérité ou la gradation fuivant laquelle elle fe propage. En général, la manière dont cette tranfmutation une fois établie, marche enfuire, fe completce & fe dégrade, ne m'a pas paru être uni- forme. Dans les fofles où elle paraifloit le plus parfaitement opérée, le plus grand nombre des corps étoient transformés entièremenr, Mais quelques-uns auffi n’en offroient encore que les plus légers commence- mens , tandis que d’autres paroifloient déjà prefqu'en entier décompofés. Ceux que j'ai dit que lon avoit trouvés réduits en offemens, éroient-ils des corps paflés au gras, & qui fuffent déjà détruits totalement ? S'il en étoit ain, il en réfulteroit que la conftitution particulière des corps auroit une grande influence fur la marche progreflive de ce fingulier travail dé la nature. En effet, ces corps, ainfi que ceux dont la tranfmu- tation ne paroifoit offrir qu’une première ébauche de cet étonnant changement, ou qui touchoient déjà aux derniers degrés de leur deftruc- tion, fe rencontroient, autant que leur petit nombre le permettoit, con- fondus & mélés fans aucune particularité remarquable dans tous les rangs & à toutes les profondeurs également. Cependant la fituation des couches paroît avoir auffi fous ce rapport une aétion très-manifefte. Ainfi c'eft par la partie fupérieure des fofles , que la dégradation s'établir ; les couches les plus profondes étant les dernières où le gras fe détruife. Elles SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS, 263 font auf les premières à en offrir des veftiges dans les cimetières, donc la terre, non encore fuffifamment préparée par le rems, ne fait que com- mencer à être propre à la production de ce phénomène , ainfi que j'ai eu occafion de lobferver dans les différens cimetières de la capitale (1), On pourroit induire de cette circonftance que c’eft par le fond des fofies, que latranfmutation obfervée à celui des Saints-Innocens , a commencé à s’opérer, Tout concourt à rendre cette conjecture vraifemblable, Mais, fi je n’ai pu obferver aufli complettement que je l'aurois deliré , comment la transformation s'établit, fe propage & fe dégrade dans les diverfes couches des grandes fofles, je l'ai fuivie très -exaétement dans les différentes parties des mêmes corps. Ici plufeurs degrés crès-fenfibles fe font remarquer. C’eft la peau qui la première fubit la tranfmutation, D'abord fon tiflu fibreux fubfifle ; mais le corps adipeux eft déjà blanc. Lorfque celui-ci eft pailé à cet état , il offre encore, en quelques parties , la couleur jaune qui lui eft ordinaire, Sous la peau & la couche de graifle déjà transformée, les mufcles confervent encore quelque tems leur couleur. Les vifcères font long-tems aulli reconnoiflables dans leurs cavités , ou on les voit d’abord feulement affaiflés, defléchés, & ayant perdu beaucoup de leur volume. Mais bientôt ces mêmes parties fubiflenc la converfion, & l’on voit fe développer dans leur tiflu la matière du gras , qui les pénètre enfin profondément. Toute la mafle des chairs ayant éprouvé la cranfmutation , Le tiflu fbreux fubfifte encore dans les mafles qu’elle forme; & ce n'eft que lorfqu’il n'en refte plus de veftiges, que la transformation eft complette. Au-delà de ce point, la dégradation ou décompoftion commence à s'établir. C'eft par les cavités que celle-ci s'annonce. On n'obferve plus dans le thorax & le bas-ventre qu’une petite quantité de gras , fous forme de débris, & comme émietrés. Alors les os font défarticulés , le fternum & les tégumens du ventre fonc appliqués fur la colonne épinière, les côtes fonc couchées de chaque côté, les vertèbres féparées, & l’on trouve dans les jeunes fujets les épiphyfes défunies. La décompolition a lieu enfuite dans les chairs par la partie qui correfpond au tiila cellulaire, Ce gras, toujours fpongieux & d'une confiftance plus rare, fe réduit auffi en débris ou fragmens, plus eu moins atténués. La peau & le corps adipeux fe confervent d’une manière plus durable, Ils offrent des plaques plus ou moins épaifles & étendues, diverfement configurées , le plus ordinairement de forme circulaire, qui s'appliquent fur les os longs, qu’elles enveloppent, & qu'elles touchent immédiatement : elles confervent long-tems leur denfité & leur blancheur, le cuir chevelu fur-tour. Mais ce gras lui-même fe détruit à la longue, & l'on ne trouve plus enfin à la furface des os qu’une fubftance peu abon- (1) Notamment à Clamart & au cimetière Saint-Paul 264 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, dante, ou molle comme de l’argile détrempée, & un peu épaifle , dont elle a la couleur , ou sèche, & comme friable , d'une teinte plus rembrunie. Il paroît que c’eft le réfidu des principes colorans & indeftruétibles , ou le principe terreux peut-être, qui reftent ainfi encore mêlés d’un peu de gras, mais fur lequel ils font furabondans. En général , cette deftruction fucceflive des différentes mafles du gras méritoit d’être obfervée. Un grand nombre de fofles de différens âges m'ayant offert ce phénomène, j'ai pu füuivre toutes fes dégradations par- ticulières , toutes fes variétés dans la tranfmutation des vifcères. Elles apprendront comment & dans quel ordre fe détruifent , après la mort, les différens organes dont l’obfervation a fi bien décrit le développement fuccelfif dans la formation de l’homme, & l’on fera furpris d'apprendre que le cerveau eft celui de tous qui fe détruit le dernier (1). Développée par le dégagement des 922, ou principes aériformes , pendant la putré- fation , & par leur réaction fur les corps, c’eft lorfque la terre ef faturée de ces mêmes gaz , que cette fubftance paroît fe former. Cette faturation de la terre eft prouvée par fa couleur noire. Expofée à l'air , elle perd cette teinte très-promptement ; & fi lorfqu'elle eft dans cet état, on y enfouit de la matière du gras, il s'y détruit promptrement. Je dois obferver que je n'ai trouvé cette fubitance au cimetière de Saints-Innocens, que dans les grandes foffes roujours enveloppées & pénétrées d’une terre très-noire , qui recouvroit même de plufieurs pieds les maflifs des cercueils ; que dans les autres cimetières de la capitale où j'ai trouvé des traces de ce phénomène, je ne l’ai obfervé que dans celles des couches de terre de ces foffes, qui avoient la même couleur. Pour opérer cette tranfmutation , les matières animales doivent être accumulées en grandes maffes : je n'en ai pu appercevoir aucunes traces dans les fépultures particulières. J'ai remarqué de plus qu'une couche épaifle du fol eft néceffaire au-deflus des corps ; trop près de la furface , lévaporation des gaz auroit lieu , & il n’y auroit pas de faturation. Outre l'état de la terre, celui des corps paroît auñi , comme je l'ai dit , concourir à cette transformation. Mais, quelle que foit l'influence de certe caufe , la difpofition du fol eft la principale. On voit ainfi comment il feroic poflible d’imiter ce phénomene, de le produire artificiellement ; & fi cette matière peut être aflez purifiée pour = — ————————— (x) J'ai réuni dans la colle@ion que j’ai formée une nombreufe fuite des différens vifcères & des diverles parties du corps, dans tous les degrés & tous les états qu'a préfentés ce phénomène. La confervation du cerveau , qui refle même dans les corps qui ne paflent point au gras , après l'entière deflruétion des parties molles , étant une circonfance digne d’une attention particulière, j'en ai recueilli une très-grande quantité, pour montrer dans tous fes points la manière propre de fe détruire de ce fingulier vifcère, être SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS, 265$ être employée dans les arts, on conçoit de quelle manière on pourroit en faire aux voiries une application utile. Les corps ainfi transformés reftent long-tems inaltéraÿles , lorfque la fubftance qui les forme, ne perd rien de fes principes. Le dégagement des gaz, & leur évaporation à travers le fol font-ils empêchés? les corps fe Confervent dans le fein de la terre pendant une très-longue fuite d'années. Des fofles de plus de trente ans nous en ont offert la preuve. Mais outre le dégagement des gaz qui s’opère à la longue , une caufe puiffante contribue à leur deffruction. C'eft l'humidité du fol, qui, à raïfon de la nature favonneufe de la matière du gras, la diflout très-parfaitement, L’érac du terrein eft donc une des circonftances principales qui influent fur fa durée au fein de la terre & fur fa confervation, Ainfi dans les fofles du cimetière les moins expofées au foleil , dans celles également où les excavations du fol occafionnoient des dépôts d’eaux pluviales, que l'on avoit coutume de perdre dans les terres , j'ai obfervé que les corps éroient plus promptement décompolés. Lorfque ces eaux étoient accu- mulées en grande quantité dans le fond des foffes , ainfi qu'on lebfervoie quelquefois, tous les corps fe trouvoient détruits dans les couches de cercueils, que ces eaux inondoient. Le même cercueil m'a offert fouvenc en ce genre une preuve plus frappante , lorfqu’il étoit incliné; la partie qui baignoit dans les eaux ftagnantes , étant complettement décharnée, tandis que celle dont l'élévation la garantifloit de l'humidité, n’avoit fouffert aucune altération. Mais dans les parties les plus sèches de Pemplacement, les corps préfentoient l’état de la plus parfaite confer- vation, Les fofles ne fembloient avoir rien éprouvé de l'ancienneté du tems ; & la matière du gras qui dans les premières étoit plus ou moins fale & toujours humide, offroit dans celles-ci une confiftance ferme , un tiflu compa@te , une fubftance sèche & folide de la plus grande blancheur. Ce phénomène ne paroît avoir été apperçu jufqu’à nos jours par aucun obfervateur. Je n'en ai trouvé aucune trace dans les ouvrages fi nombreux , publiés pendant les deux derniers fiècles fur les fépultures, Cependant la manière dont je l’ai obfervé en très-grandes mafles , annonce qu’il n’exifte pas de telle forte qu'il eût pu fe fouftraire aux recherches, ou échapper aux regards, s’il eût été jamais donné à l’œil humain de contempler ce fpeétacle. Ce filence des auteurs eft une preuve de plus qu'il tient à une forte de localité de fol ou d’ufage. Tant que le refpe@ des peuples pour les morts, & cette opinion religieufe qui leur perfuadoit que les ombres voltigeoient autour des tombeaux, leur fit un devoir facré du foin des fépultures , on peut préfumer que l'ordre de chofes néceffaire à la pro- duction de ce phénomène n'eut jamais lieu. Les corps dépofés dans de yaftes enceintes, qui ne reflerroient point les limites des villes, repofoienc dans des efpaces libres, comme dans un air pur, convenablement éloignés & ifolés les uns des autres. Les caufes de la deftruction anéan= Tome XXXVIIL, Part, I, 1791. AVRIL. LI 266 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, tifloicnt alors rapidement chacune de ces froides dépouilles, auxquelles elles s’attachoïient féparément. Pour produire ce nouveau mode fous lequel elle s'eft offerte à nos regards, il falloit un concours de cir- conftances tout-à-fait oppofées ; des morts amoncelés par milliers dans un efpace étroit ; un fol , qu’une longue fuite de fépultures accumulées eût en quelque forte faturé des débris de l’efpèce humaine. Il n'y avoit que le renverfement rotal des formes, & la corruption extrême des grandes villes, qui pufflent amener ces modifications particulières , &c l'on voit combien l'on fût refté éloigné de la connoiffance de cette étonnante obfervation, fi l’on eût attendu des eflais des hommes les difpofitiens qu’exigeoic une aufli grande expérience. Mais quelque peu honorable que foit pour nos ufages & nos mœurs cette réunion de circonftances qui l'a produite, on ne peut méconnoître qu'elle ne foit devenue très-avantageufe pour les progrès de l’inftruction, Elle ajoute une nouvelle branche à l’hiftoire de la décompofition des corps dans le fein de la terre, & répand un grand jour fur cette partie de la phyfique fouterraine. C’eft une efpèce particulière de momification qu’elle nous fait connoître, & qui, comparée à celle qui produit les momies sèches & fibreufes, nous montre en ce genre un nouveau travail de la nature. Dans la première tout le tiflu des parties eft détruit ; la contexture des folides eft rompue ; leur agorégation intime eft difloutée; tout femble avoir paflé à l’état d’un liquide épais , qui a repris enfuite plus ou moins de folidirté & de confiftance. Dans les momies ordinaires, au contraire, il femble que toutes les mafles fluides ont difparu , & la matière fibreufe reflée à fec, réduire au parenchyme folide des parties , femble feule avoir été confervée. Ce dernier état de momification paroît être le plus naturel aux corps dépofës dans le fein de la terre ; c’eft celui qu'ils femblent affecter d’une manière plus particulière. J'en ai eu la preuve fur les corps récemment enterrés dans l’églife, dont toutes les chairs fembloient momiñées prefqu'en totalité, Jors même que l’altération la plus putride- com- mencçoit de tou’es parts à les détruire. Tel paroît être aufli le premier état des corps des grandes fofles , dont jai trouvé d’abord les vifcères dans les différentes cavités, affaiflés fur eux-mêmes, diminués confidé:- rablement de volume par la déperdition de leurs parties les plus fluides, & comme racernis & defléchés par l'effet de certe caufe. C’eft donc à Pétat de momification que les corps qui fe décompofent dans la terre, paroïflent avoir le plus de propenfion; c’eft celui vers lequel leur première tendance s'établir. Mais elle eft bientôt contrebalancée & détruite dans ceux qui fe confument, par le dégagement & l’évaporation des gaz, ou fluides élafliques, qui forme la liquéfaétion putride, & par la réaction de ces mêmes gaz fur les parties molles , dans les corps qui paflent au gras. Or, ces gaz qui jouent un fi grand rôle dans la décompofition des SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS, 267 corps, & dont la nature jufqu'alors incoërcible à tous nos efforts, & qui échappe à tous nos fens, fembloir devoir nous dérober à jamais l'@ion dans ce phénomène important , l’opérarion que je viens de décrire nous les a offerts à nud dans les travaux du cimetière. Elle nous les a montrés comme fixés dans leur éva-oration à travers les terres, & vifibles en quelque forte dans la teinte noire dont ils les colorent. our fe réfoue en ces principes fugaces & qui #e volarililenr. La terre s’en charge & Les traufmet à l’armofphère. C'eft de cette manière qu'elle agic fur les cadavres, & qu’on dit qu’elle les détruit & les confme dans le langage vulgaire. Mais elle peut agir auffi fur les corps , en les empêchant de fe réfoudre, & dès-lors contribuer à les conferver, comme lorfque par fa chaleur, elle les defsèche, ainfi qu'il arrive dans le fable expofé aux fortes ardeurs du foleil ; ou lorfque par fa fécherefle elle s’imbibe de ‘toute humidité qu'ils contiennent , ainfi que la chaux vive ou éteinte le peut faire. Dans tous ces cas, elle momiñe les corps qui d’ailleurs y ont par eux-mêmes quelque difpolition. C’eft peut-être pour cette raifon que je n’ai trouvé de momies que dans les premières couches du cimetière, & dans la partie du fol la plus sèche, la plus expofée au foleil , & nullement dans les endroits clos & couverts, tels que l’églife & les charniers. Dans ces cas, la terre en contribuant au defléchement des parties molles, s’oppofe à l’évaporation des gaz. Mais elle y apporte obftacle également, lorfqu'elle en eft faturée , & 1l en réfulte une momification aufli parfaite, quoique d'une efpèce différente, Le jeu des gaz produit donc dans la décompoftion des corps, trois effets particuliers ; la deftruétion, s'ils s'évaporent ; les momies grafles, fi en fe dévageant ils font réfléchis fur les parties molles, ou retenus dans leur tiffu ; les momies fibreufes , s'ils ne fe dégagent point, ou du moins que d’une manière imparfaite. Les différences que préfente chacun de ces crois états, dépendent encore de La même fource ; ainfi la décom- pofñition des corps à l'air, foit dans un lieu clos & d’une température modérée , foic à l'air libre , varie fuivant que le dégagement des gaz elt contrarié ou fecondé par le froid ou la chaleur, par l’état fec ou hu nide du milieu environnant. Le même principe explique les diverles cir- conftances de la décompofition des corps dans nos fépultures, foit particulières , foir communes; celles fur-tout qui dépendent de la nature du fol , des qualités différentes de la rerre. En général, c’eft à raifon de fa facilité À abforber ou à tranfmertre les gaz, que la putréfadion des corps dans fon fein offre des variétés. Ainfi le fable fec eft celui qui favorife le plus la décompofition des corps. Les terres argileufes & com- pactes la retardenc (1). Elle eft aufi accélérée par les terres calcaires, (a) Cette vérité avoit été appergue par Lemery, Geoffroy & Hurauld. Voyez leur Rapport à l'Acadèmie Royale des Sciences , en 1738 Tome XXXVIIL, Part. I, 1791. AVRIL, LI 2 268 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, qui font tès-atténuées, très-poreufes, très-perméables, & qu'on appelle pour cette raifon des terres putrides ou fepriques. La momification en gras n’éprouve pas des différences moins fenfibles ; pat l'effer de la même caufe ; ainfi , elle fe trouve compliquée , réunie avec la momification sèche, quand il y a une tendance aflez forte, aflez rapide au defléchement pour la contre-balancer dans quelques parties (1). L'érat de momification fibreufe eft dui-même aufli foumis , dans fes modifications, aux loix que fuivent les gaz dans leurs différens déve- loppemens, Elle varie à raifon de la difpofition plus ou moins grande, que donne aux corps leur conflitution particulière , à. fe dépouiller de leur gaz. Ainfi, les femmes dont les humeurs font en général moins animalifées, paroiflent avoir une propenfon plus grande à fe changer en momies, comme j'ai eu occalion de l'obferver (2). De même j'ai remarqué que les diférentes parties du corps qui ont le plus de difpofition à fe difloudre, à fe putréfier, & conféquemment à laifler échapper leur gaz, telles que les chairs fi tendres de la face, fonc détruites , le plus ordinairement dans les momies , tandis que les parties plus fibreufes, plus denfes des extrémités fe confervent prefque toujours. Enfin, c’eft auffi dans le même ordre de principes que l’on voit fe réfoudre ces degrés intermédiaires qui féparent encore nos froides dépouilles du néant, dans le fein même de la mort. Ces offemens que laifle après elle la décompofition des corps dans le vuide des tombeaux , & dont la deftruction particulière, qui n’a jamais été décrite, pourra l'être d’après les premiers élémens que ces obfervations m'ont permis de raflembler ; ces corps changés en momies sèches & fibreufes, qui femblent braver la deftruction , par la manière même dont ils l’ont fubie, & qui , rendus à la lumière, à laquelle ils devoient être fouftraits à jamais, y éprouvent une décompofition prefqu'infenfible; toutes ces parties, fi lentes à fe détruire, ne finiffent-elles pas par fe réfoudre également en principes aériformes & fugitifs ? Mais telle eft au moins la décompofition très-évidente des momies grafles, fur lefquelles la deftruc- tion femble avoir empreint toutes fes traces, marqué tous fes degrés , & où elle paroît fe plaire à dévoiler toute fa marche. Confervées dans la terre noire & faturée qui les environne, elles femblent indeftrudtibles. Mais cette faturation de la terre ceffe-t elle d’avoir lieu, leur deftrution eft bientôt aflurée & rapide, Ce n’efl donc point en terre que fe réduifent les corps, ainfi qu’on (x) Cette réunion des deux états oppofés eft très-rare ; je n’en ai pu obferver de traces que fur un petit nombre de parties. €) Parmi les différens corps changés en momies sèches, que j’ai trouvés a cimetière, & que je conferve au nombre de cinquançe à foixante, il n’y a qu’un ul sorps d'homme, SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 269 Pavoit toujours penfé; je n'en ai trouvé nul veftige dans les cercueils les mieux confervés , où , 1 telle étoic leur manière de fe détruire , on auroic dû en rencontrer une quantité confidérable. Ils ne font pas davantage la pâture des vers, qui ne s’y développent que lorfqu'ils font expolés à l'air , & dont je n'ai retrouvé de traces que fur les cadavres qui y avoient été long-tems abandonnés dans des circonftances particulières & anté- rieures au moment de leur fépulture, Mais, ainfi que le prouve le phé- nomène dont je viens de rendre compte, les corps s’exhalent , s’évaporent en gaz ou principes fugaces & volatils ; qui, rendus au réfervoir com- mun, & mêlés de nouveau au fein des élémens , fubiflent une conti- nuelle fuccellion de formes & de métamorphofes différentes. C’eft-là la raifon pour laquelle on ne voit point s'élever le fol des cimetières, ni le nombre de leurs couches s’accroître & s'accumuler ; phénomène qui avoit tant exercé l’efprit des phyficiens des derniers fiècles , qui confidéroient que fi les corps de tant d'innombrables tribus d’animaux qui peuplent les cieux , les eaux & la terre, devoient être changés en ce dernier principe, le globe ne devroit être à fa furface, & dans toute l'épaifleur du foi que nous habitons, qu’un valte amas de débris de cadavres, & recevoir chaque fiècle de nouveaux accroiffemens produits par leur deftruction (1). ANALYSE De la Hyacinthe blanche cruciforme du Hartz ; Par M. SAGE. Lace RÉGATION des criftaux de cette hyacinthe forme des macles ou pierres de croix par la réunion de quatre criftaux parallèlement à leur longueur , le criftal fe préfente alors comme s’il étoir compofé, 1°. d’un prifme tétraëdre comprimé, terminé par deux pyramides tétraëdres auf comprimées, de manière que Les plans alternativement larges & étroits du prifme font des hexagones allongés, & les plans des pyramides, des s .- (x) Les détails que ces différentes vues pourroient exiger, devant excéder les bornes d’un fimple Mémoire , ils feront offerts à part au Public. Ils feront partie d’un ouvrage dans lequel je me propofe de décrire la fuite des opérations , & de raflembler tous les réfulrats qu’elles ont préfentés. Cet ouvrage contiendra la defcription des différentes parties des corps, deflinées par M. Briceau , avec les différentes altérations. qu’elles ont préfentées, La partie chimique , rédigée par M. Fourcroy , y fera également réunie, 279 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE; rhomboïdes qui répondent aux angles du prifme; 2°, d'un prifme femblable qui s'engrène à angles droits avec le premier, de manière à former quatre angles rentrans, alternes avec les quatre hexagones allongés des faces érroites. La coupe tranfverfale de ces criftaux imite très-bien une croix grecque ; comme la obfervé le célèbre Romé de l’Ifle, Cette hyacinche blanche d’Andreafberg au Hartz , n’a pas la dureté de la hyacinthe d'un jaune rougeâtre; celle-ci peut être expofée au feu Le plus violent, fans y éprouver d'autre altération que la perte de fa couleur, La chaux de fer qui lui donnoit cette couleur prend une teinte noire, la hyacinthe devient blanche & tranfparente, La hyacinthe blanche cruciforme du Haïtz étant expofée à un feu ropre à la faire rouair, décrépite, éclate & devient opaque ; elle ne fe fond pas ; fi après avoir été ainfi calcinée, on la goûte, elle imprime une faveur cauflique, propriété qu'elle doit à de la chaux. J'ai pris de ces hyacinthes , je les ai pulvérifées dans un mortier de porcelaine , & les ai enfuite mifes dans de l'acide nitreux, danslequel la portion calcaire qu’elles contenoient seit difloute avec effervefcence. Ayant lavé , defféche & pefé le rélidu, j'ai reconnu que ces hyacinthes blanches avoient perdu la moitié de leur poids, & que ce qui reftoit étoic de la byacinthe gemme qui ne s'altère pas au feu. Le baron de Born, dans fon Lhopylacium a rangé cette hyacinthe blanche parmi les fpaths calcaires, il la définit ainfi: Sparhum calcarium criflallifatum dodecaëdrum album opacum elamellis quatuor ereäis , obliquè truncatis, ita adunarts ut prima angulatum apice tetraodra efficiunr. Si au lieu de fe contenter de mettre une goutte d'acide nitreux fur de Ja! hyacinthe blanche cruciforme, M. de Born en eût mis un morceau dans ce même acide, il auroit vu qu’il n'y en avoit qu'une portion de foluble avec effervefcence, & il n'auroit pas claflé cette pierre parmi les fpaths calcaires. $ Bergman, dans fa Differtation fur les formes du fpath, dit que la hyacinthe blanche cruciforme n'eft point calcaire, quoiqu’elle en ait la forme, mais filiceufe. Criflalli hyacenthinæ non funt calcareæ quamvis harum præbeane faciem , Jed filicee. Opufc. IF, pag. 7. Cette phrafe jenferme trois erreurs, puifque les hyacinthes blanches contiennent moltié terre calcaire, fans cependant avoir pour cela la forme du fpath calcaire. La terre infoluble qui s'y trouve nelt pas filiceufe, Je compte démontrer inceflamment qu’on a confondu la partie gemme de quelques pierres, avec le quartz, que lon veut nommer à préfent terre filiceufe. Pourquoi défigner un genre par une efpèce impure ? N'eft-il pas reconnu que les filex font compofés de quartz , d’eau , d’une matière grafle, de terres métalliques & de terre alumineufe ; & c’eft SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 271 précifément pour caractérifer le quartz pur, que les néologues fe fervent des mots filice ou terre filiceufe. Il y avoit des mots inlignifians dans la Chimie, ne fuMifoit-il pas de les éliminer? ou sil étoit indifpenfable d'en fubftituer, ne falloit- il pas qu'ils exprimaflent exactement la nature des chofes ? —— GUAM OR ZIL' EME L ER TIRE DEN EM RUE) LAU» au-deflus de leurs faces abruptes, on trouve le fommet plane, & >» S'élevant durant un efpace de plufieurs milles d'Allemagne, jufqu'à » une nouvelle coupure , femblable à la première, au-delà de laquelle » s'élèvent d’autres montagnes. Voilà comment, jufqu’au Fichfelberg, >» toute la furface, qui manifeftement étoit continue, a été rompue » par de profondes vallées... Et felon la direction qu’on remarque dome XXXVIIT, Part. I, 1791, AFRIL, Nan 282 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, » dans les couches de ces vallées , on peut juger quel £ouleverfement » a éprouvé notre terre, puifque des fragmens de plufieurs milles » d'Allemagne ont été engloutis..… Celt ainfi, ce me femble, » ( conclut M. E/per) que s’eft formée cette quantité de montagnes, » répandues fur nos continens ; ce qui doit avoir eu lieu avant l'exiftence » de l'homme, & tandis que nos continens étoient encore fous les eaux » de la mer ». On voit donc que M. Efper, d'après l'état de fon pays, s’eft formé fur les inégalités de notre globe la même idée que nous avons conçue ailleurs, M. DE SAUSSURE & moi, favoir, que nos montagnes ne fe trouvent élevées que parce que les fols qui les environnent fe font affaifJés. Ce n’eft pas un cas rare, que des plaines élevées, entrecoupées de vallées larges & profondes, du fond def- quelles les fetions endentées des couches s'élèvent en montagnes 3 de forte que ces plaines ne diffèrent des chaînes de montagnes & collines , que par de moins fréquentes interfeétions. 20. M. Efper forme enfuite une hypothèfe au fujet des os foffiles. Nous avons vu qu'il afligne à des amphibies du zord les ofJemens des cavernes qu’il a décrites: mais dans le pays d'Erchffade, qui n'eft pas bien diftant, on a trouvé, dans des couches argilleufes | un «grand nombre de dents & autres os d'éléphant ; & voilà des animaux du Jud. Sur quoi M. EsPer, frappé d'une telle aflociation dans une même contrée, & ne {ongeant pas à combien de loix de la nature & de phénomènes, il faut avoir égard, pour former une théorie géolo- gique qui ait de Ja vraifemblance, a imaginé, que l'élévation de VPéquateur, & l'applatiflement des pôles, font les effets d’une révolu- tion, qui, en même-temps a bouleverfé le fond de la mer, & que ce font des courans venans de ces régions oppofées, qui ont amené dans la nôtre des cadavres de leurs animaux diftin@ifs. C’éroit trop accorder à un feul fair, que d'imaginer pour lui un tel bouleverfement fans en indiquer de caufes, fans même examiner fa poflbilité, ni le comparer à d’autres phénomènes: mais l'exemple l'avoit entraînés car c’eft ainfi qu'ont été formées la plupart des hypothèles géologiques. Ce n’eft pas aflez que de dire, en général, que notre globe a fubi de grandes révolutions ; chacun le voit. Imaginer certaines révolutions qui femblent expliquer quelques phénomènes, c'eft ce qu'avoient fait tous les géologues jufqu'à nos jours, & nous n’en étions pas plus avancés; parce que l'obférvation, notre vrai guide, n'étoit pas affez avancée pour conduire la raïfon, & oppofer des barrières à l'ima- gination. 21. Déterminons d’abord ce phénomènedes offemens de quadrupèdes ; trouvés dans les cavernes mentionnées. Une croûte de alaë&ite a recouvert ces offemens ; par conféquent , lorfqu'’ils ont été dépofé, les cavernes qui les contiennent étoient déjà au-deflus du niveau de la SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 293 mer; ce que confirment les Zmagons terreffres, enveloppés avec eux dans les cavernes des rochers de Gibraltar. Le remps où ces os ont été enveloppés n’eft pas fort diftant ; puifque les incruftations de flalaäite, dont les progrès font très-fenfibles dans les cavernes de Gailenreuth, & qui acheveroient d'y obftruer les pañlages , fi on ne les maintenoit ouverts, ne les avoient pas bouchés encore lorfque les premiers curieux les vifitèrent, & qu’ils y trouvèrent des os faillans hors de la croûte, & qui n’avoient pas été détruits rar l'air humide, Cependant ces os n’appartiennent pas à des animaux érdipènes. Tel eft, dis-je, le phénomène dont on ne peut s'empêcher de conclure, que dans un zemps peu éloigné, il s'eft fait quelque grande révolution dans ces contrées. C’eft la même conféquence générale à laquelle nous avons déja été conduits par la confervation des cadavres d’éléphans & de rhinocéros , dans les couches fuperficielles des mêmes régions ; de forte que ces deux circonftances, quoique différentes dans des points effentiels, doivent avoir quelque lien commun avec l'hiftoire phyfique de notre globe. + 22, Un fait connu für diverfes côtes m’a fourni la première idée de certe liaifon des deux phénomènes. Par exemple, fur la côte occi- dentale de l’Ecoffe, dont quelques parties font bordées de rochers, parfemés de cavernes, les veaux marins fe tirent dans ces cavités lorfqu'ils viennent à terre pour relpirer, manger leur proie, mettre bas, nourrir leurs petits, & finir leurs jours ; & il en eft de même, tant de ces animaux que d’autres amphibies, fur la côte orientale du nord de l’Amérique. Lors donc que les {es & prefqu'iles de l’an- cienne mer fe trouvèrent aflez élevées au-deflus de fon niveau , qui baifloit fucceflivement, pour que quelques cavernes , formées entre leurs couches paruflent au-deflus de ce niveau, les amphibies de ces temps-là purent y trouver aufli des repaires. Or, une circonftance de la defcription de M. EsPeR nous indique une ancienne préfence de la mer auprès des cavernes dont il parle. C'eft qu'on y trouve le vrai fable de la mer, foit fans doute un /able qui n'eft pas ailleurs dans ces collines calcaires, & qui eft femblable à celui de la mer du nord. Ainfi, les vagues de l'ancienne mer entroient quelquefois dans ces cavernes, comme il arrive en haute marée & grofle mer dans plufieurs cavités de nos côtes, qui d'ordinaire font à fec. Et puifque ces cavernes étoient au-deflus du niveau de la mer; non-feulement les amphibies , mais d’autres guadrupédes qui habitoient alors ces régions, ont pu s'y retirer au déclin de leur vie, comme on fait qu'en ce cas tous les animaux cherchent des retraites. Ces mêmes £les & prefqwiles étoient donc habitées par des quadrupèdes terrefres ; & j'ai expliqué ci-deflus comment leurs cadavres palloient fous les eaux de la 7er & y éroient enfevelis, C’eft ainfi qu'ils fe trouvenc dans nos couches Tome XXXVIII, Part, I, 1791. AVRIL. Nn2 284 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, Jivperficielles, Fun des derniers ouvrages de l’ancienne mer, auquel je viens maintenant, 23. J'ai fait voir dans ma lettre précédente que la difperfion des graviers, quoique l’une des dernières opérations de l’ancienne mer à fes différens niveaux , n’appartient qu’en partie à {es derniers temps ; & qu’ainfi, par exemple, les accumulations de gravier qui {e trouvent fur quelques-unes de nos montagnes, ont précéde , fans limite connue pour le temps , celle des graviers des plaines. Ce qui caraëtérife donc les derniers temps de cette mer, ce font les couches. meubles de nos plaines & de nos collines, dans quelques-unes defquelles, comme je l'ai dit ci-devant, on trouve une quantité de coquillages très bien confervés, dont les analogues vivent dans la mer actuelle, On trouve aufi en divers endroits, parmi ces coquillages , des os de fort grands poiffons , tels que de requin, dont les denss font en grande abondance dans certaines couches de fable; & tous ces offemens d'animaux marins dépériffent comme ceux d'éléphant & de rhrnoceros qui fe trouvent ailleurs dans la même clafle de couches. J'ai vu tous ces différens corps organifés dans les mêmes elpèces de couches fableufès de la Weflphalie; & puifque les coquillages & les os de poiffon ne peuvent y avoir été enfevelis que par la #er, il en eft néceflairement de même des os d'éhant, qui, premièrement, onr dû y pañler par quelque caufe particulière , dont j'ai donné l'idée. Celles de ces couches qui r'ont que de légères inflexions, nous font demeurées telles qu’elles avoient éré produites dans la mer; mais les révolurions n'y avoient pas encore ceflé, car en bien des endroits ces mêmes couches, contenant des corps marins de ces temps-là, formenr des collines à faces abrupres & fort entrecoupées, Ainfi, les révo/urions continuèrent en divers endroits de la mer, jufqu'à ce que, par une révolution majeure du même genre, elle viit à abandonner totalement cet ancien -/2r, 5 24. Les couches fuperficielles & meubles de nos continents font très-variéess outre celles de gravier des diverfes efpèces que j'ai dé- crites, il y en a de marneufes, d’argilleufes, de gypleules, les unes & les autres plus ou moins mêlées de fable ; & chacune de ces elpèces renferme, en quelque contrée, & quelquefois jufqu'a la furface, des corps marins des efpèces récentes. Mais la plus grande érendue de nos connens , & de beaucoup, eft recouver'e de couches de fable mobile ; & ce Jable, ainfi que les différentes efpèces de gravier qu'il contient, ont donré lieu à Popinion, que la forme aétuelle de la furface de nos cortinens, eft due en plus grande partie aux diverfes adtions des eaux pluviales. Ain, pour conftater l’érat où fe trouvoient ces continens lorlqu'ils furent abandonnés par la mer, j’ajouterai ici quelques remarques, à celles que j’ai déjà faites fur cette hypohèfe Lorfque SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 285$ j'ai traité de la formation de nos différentes efpèces de gravier , & de l'origine de nos couches de pierre fableufe. 2$. L'un des phénomènes qui a le plus contribué à faire illufion aux géologues dont je parle, eft celui des graviers qu'on trouve dans les riviéres , & qu'ils fuppofent être chariés par elles. Mais à cer égard j'ai déjà montré ($. 14 de la douzième de ces Lettres), que les sorrens mêmes qui fortent des montagres, dépofent leur gravier dès qu'ils ceffent d'être corrent ; de forte qu'il faut néceffairement , que celles das rivières formées de leur réunion, qui coutiennent du pravier, l'aient par quelqu'autre caufe; & certe caufe nous fera indiquée par les faits que voici: 1°. fouvent une rivéére , qui, dans une partie de fon érendue , n’a eu que du /able fur fon lit, coule enfuite fur le gra er, fans qu’elle ait pañlé entre des couches pierreufes, ni reçu aucun corrent dans {on cours. Ce gravier n'a donc pas été apporté de plus haut par la rivière ; car elle en auroit aufli couvert les parties fupérieures. 2°, Après avoir trouvé de fimple gravier, ou même du fable, dans quelque riviére, on y trouve fouvent plus bas & fans jonétion d'aucun sorrent , de très-groffes pierres & même de grands blocs : ces mafles non plus ne peuvent avoir été chariées par la riviére ; elle les auroit laiflées plus haur. 3°. Enfin, diverfes efpèces de graviers fe fuccèdent quelquefois dans le cours d’une même rivière ; par exemple , après y avoir vu du gravier d8 filex, fans pourtant qu’elle eût paflé dans des contrées à craie, on peut y trouver diverfes efpèces de galers , foit fragmens arrondis de couches pierreufes, fans qu’elle ait paflé non plus dans aucune contrée compofée de telles couches. Quand rien n'indiqueroit la caufe de ces phénomènes , il n’en réfulteroit pas moins, comme fait, l’idée, que les rivières, c'eft-à-dire, les courans d’eau qui fe meuvent prefqu’horifsatalement dans les plaines, charient leur gravier : mais l’explication en eft très-évidente d’après ce fait général, que le gravier qu’on trouve dans je lit de ces courans » eft toujours le mème que celui qui eft contenu dans fes terres adjacentes, où sûrement il n’a pas été étendu par les eaux pluviales ; ce que je vais maintenant démontrer. M 26. Dès les premiérs tems où la pluie tomba fur nos terres, fes eaux gagnèrent de toutes parts les lieux les plus bas, foit par petits ruiffeaux , {oiten s’infilrrant dans les couches meubles & crevaflées; & ce nefut qu’en fe réuniffant dans des pentes creufes & rapides, qu'elles commencèrent à acquérir quelque pouvoir d’impulfion fur des mafles, qui tombent promprement au fond de l’eau, & qui y font retenues par leur poids & par friétion. Les partifans de l'hypothèf: que j'examine , ne difent pas, & ne fauroient dire avec fondement, que les pluies fuflent alors plus abondantes qu'elles ne le font aujourd’hui; ainfi nous connoiflors Je pouvoir de cette caufe : & d’après cette connoiffance , il eft impoffible d'imaginer, que les eaux pluviales aïent fracaflé, brifé , nivellé même 286 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, des montagnes , & parcouru en torrens impétueux toutes nos collines & nos plaines , en y roulant les débris d’éminences pierreufes, dont les bafes mêmes auroient été effacées, puifqu'on trouve en mille endroits des plaines & collines à couches de gravier, fans aucune apparence de montagne dont l’efpèce reflemble à ces graviers. Cette connoïflance complette que nous avons de la caufe , nous met en érat de juger de fes premiers effers, comme fi nous en avions été les témoins : dès le com- mencement, dis-je, les eaux pluviales ne purent que fe raflembler , en même quantité qu'aujourd'hui , dans les mêmes lieux où leur cours fuc établi dès-lors; & tout leur pouvoir fe borna à y creufer leur Zz, dans les fubitances meubles, ou dans les couches pierreufes fracaflées, jufqu’à ce qu’elles euffent acquis une pente égale. Dans cette opération des diverfes eaux courantes, les rivières, en formant leur lit dans les plaines & les larges vallées, entraînèrent routes les fubftances qui purent y flotter quelque tems; mais les graviers & les blocs, contenus dans les terreins ain labourés , demeurent au fond des fillons, enfevelis dans le plus gros fable : par où il s’y forma une efpèce de pavé, que les rivières dérangent fi peu, que prefque par-rout il eft recouvert de plantes aquatiques, C’eft our cela que le gravier & les blocs varient fi fort dans les mêmes rivières 3 ils y fonc toujours femblables à ceux qu’on trouve dans les terres qu'elles traverfent. Ainfi, bien loin que ces mafles trouvées dans les rivières , foient un indice de grands changemens produits à la furface de nos continens par les eaux pluviales, ils font au contraire une nouvelle preuve , que les couches à gravier de nos collines & de nos plaies font forties de la mer telles que nous les voyons aujourd'hui ; puifque nous connoïflons toutes les opérations des eaux courantes | & w’elles n’ont aucun rapport, ni de nature ni de quantité, avec l’immenfité js ces couches. 27. Les mêmes remarques s'appliquent à l’origine de nos couches de fable ; & ici même l’hypothèfe d'un prétendu travail des eaux courantes, iroit jufqu’à l’abfurde , aux yeux de ceux qui connoiflent les défer:s de fable, où qui en ont lu les defcriprions. Meis quelques géologues ont “imaginé, que ces /ables provenoient de la décompofñtion, ou du granir, ou de quelqu’autre pierre primitive , qui peu-à-peu a cédé aux injures de l'air. On appuie cette opinion, fur ce que ces fables contiennent fouvent beaucoup de fragmenis de quartz , ou des graviers & même des blocs de granit ; mais ces fragmens de pierres primordiales font le plus fouvent mêlés de /£/ex femblables à ceux de nos craies : & fouvent même ces flex y font le feul gravier. Par conféquent tous ces corps font également étrangers à l'origine du fable qui les renferme; & d’aurant plus évidemment, qu'on ne les trouve guère que dans les couches fuper- ficielles ; le fable des couches profondes étant ordinairement pur, & très- varié pour le grain & la couleur, Il eft vrai qu'en plufeurs endroits, le SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS, 2:87 granit fe décompofe & produit un fable : mais j’ai vu ce /able dans les Alpes, dans le Hartz & dans diverfes collines de France , d'Angleterre & d’Allemaghe, & je ne comprends pas comment on pourroit lui afimiler celui qui recouvre, jufqu'à une grande profondeur, des parties fi immenfes de nos continens. 28. Mais ce ne font pas uniquement les phénomènes particuliers qui contredifent cette hypothèle, un phénomène général, que j'ai déjà allégué au $. 16 de ma douzième Lettre, pour prouver, que nos couches de pierre fableufe font un produit de précipitation, lui oppofe un obftacle invincible : dès Porigine de ces premiers fables , les couches de granit étoient enfevelies fous une croûte immenfe de fchifle & de fubflances calcaires , & ne paroïfloient que vers le centre des chaînes d’éminences qui font devenues notre premier ordre de montagnes : par conféquent ce J'able qui vint recouvrir par couches tant de parties du fond calcaire , ne put provenir abfolument que du liquide mème. Or, cet état des chofes ne chancea plus eflentiellement : dans les révolutions fuivantes du fond de la mer , il fe forma quelques collines de granit, par le redrefflemenc de fes couches au travers des fractures des couches fupérieures, & des explojions, réfulrantes de la compreflion des Auides expanfibles intérieurs, rejettèrent au travers des mêmes ouvertures, des frazmens des couches inférieures ; mais qu’eft-ce que cela, pour expliquer l’immenfité de nos fables mobiles , recouvrant toutes fortes d’autres couches , parfaitement purs dans la plupart de leurs couches inférieures, & renfermant en tant d'endroits les cadavres d'animaux marins ? Enfin, & c’eft ici la bafe de toute la Géologie : le granit lui-même érant par couches , eft le premier phénomène de cette clafle qu’on doit néceflairement expliquer. Ainf, que fait-on ; en attribuant nos /ables à la décompofition du granit ? On recule feulement la difficulté à l’égard du grand phénomène de nos éouches : arrivé ainfi au granit ,il fau néceffairement admettre fa Précipi- . tation dans un liquide , puis celles des /chifles, des fubftances calcaires & argileufes , & enfin des fables de toute efpèce ; car le Ziquide feul pouvoit produire de nouvelles couches , fur celles qui déjà couvroient tout le fond de la rer. 29. Je crois donc qu'il ne peut refter aucun doute fur l'origine de nos fables fuperficiels: ils ont été, comme toutes les autres fubftances minérales formant les couches de nos continens , des précipitations dans l’ancienne mer : mais ces fables furent fon dernier produit , & c’eft dans leurs couches, que nous trouvons çà & là les corps organifés, tant marins que cerreflres , qui fe rapprochent le plus de nostems. Ces corps, comme je lai dit ci-deflus , font d’abord, des reftes d'animaux marins fore rapprochés de ceux de la mer aëtuelle ; mais avec cette circonftance remarquable , que plufieurs d’entr’eux vivent dans des mers fort éloignées des lieux où nous voyons leurs analogues foffiles : nous y trouvons aufli °£8 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, des offemens d'animaux terrefres connus ; mais avec cette même circonftance , que plufieurs des efpèces auxquelles ils appartiennent , vivent aujourd’hui dans des climats très-différens : enfin , nous y trouvons des végétaux terreflres , femblables à ceux qui croiflent aujourd'hui dans les mêmes contrées. 30. Au premier afpect de ces corps terreffres foffiles des deux régnes organifés , on croiroit, comme l’avoit penfé M. DE BUFFON, que nos continens étoient déjà à fec quand ils ont été enfévelis ; mais ces corps font dans des couches qui contiennent aufi des corps marins : ainfi ils ent été enfevelis par la mer, ces couches étant fur toutes les autres s font néceflairement le dernier ouvrage de la mer, couvrant encore nos continens , mais fur laquelle alors les fommets de nos montagnes, même peu hautes , s'élevoient déjà fous la forme d’f/es. Enfin , tous ces corps, marins & terreflres , contenus dans les dernières couches de la mer, qui pour la plupart font meubles, vont en dépériffant, comme on doit l’attendre de leur fituation ; mais ils fubfiftent encore, & dans un état de confervation , qui ne fauroit nous renvoyer à une antiquité extrème pour le tems auquel ils ont été enfevelis, 31. Voilà donc nos continens entièrement formés dans le lit de l'ancienne mer, & je crois leur avoir imprimé fucceflivement , d’après des caufes phyfiques intelligibles , tous les caractères généraux que nous leur connoiflons, Cependant je n'attends pas que ceux chez qui tant de théories de La terre , fpécieufement préfentées & pourtant détruites ont fait naître une défiance générale pour toute théorie pareille , prennent confiance en celle que j'ai expofée jufqu'ici, avant qu'ils aient vu, comment cette hifloire ancienne de notre globe s’unit à fon Aiffoire moderne , que je date de la naiffance de nos continens , & combien cette dernière Æiffoire, dont les monumens font aufli intelligibles que ceux de l’hiftoire des zations , fortifient tout ce que j'ai dit de la précédente, Mais les faits importans & caraëtériftiques qui fe préfentent à la fois au moment de cette dernière révolution de notre globe, font en fi grand nombre, que je fuis obligé d’en renvoyer lenfemble à une autre Lettre, Je fuis, &c, SUITE SUR L'HIST, NATURELLE ET LES ARTS. 9289 SUITE D'UN VOYAGE MINÉRALOGIQUE ÿ FPNAED ANOPUPRMIVEr Par M, PATRIN. De la mine de Klitchka à la montagne des émeraudes , appelée Odon - Tchelonn, il y a cent quarante verftes, ou environ trente- cinq lieues en allant à l'oueft. On fair ce chemin aflez difficilement : il nya point de route tracée; l’on marche fur les pentes rocailleufes des collines , ou dans des marais imprégnés de {el amer , & qui exhalent une odeur infupportable de foie de foutre, Du côté du fud, l’horifon offre dans un efpace d'environ quarante degrés une plaine fans bornes ; dans tous les autres points on voit des collines pelées qui ont des directions différentes. Ces déferts ne font habités, ou pour mieux dire parcourus, que par les Tartares Tongoufes qui y nourriflent de nombreux troupeaux (1). Depuis la mine jufqu’à l'habitation tartare nommée Kondy qui en eft éloignée de quinze verftes, les collines que l'on côtoie à fa droite font compofées de diverfes efpèces de horn-fchifer. Celui des environs de Kondy eft par couches épaifles d’un pied , alternativement de granit très-compaéte , & de roche de corne pénétrée de quartz qui forme une efpèce de pétro- filex. La difpofirion de ces couches eft remarquable : au fommet des collines, elles ont, dans l’étendue de quelques toifes, une fituation horifontale, & enfuite elles font pendantes des deux côtés, fous un angle d’environ quarante à cinquante degrés au-deflus de Vhorifon , vers le fommet , & beaucoup moindre vers le bas. Cette forme, jointe à la grande ténacité de la roche, a préfervé ces collines de la deftruétion , & il eft à croire que dès Le principe elles n’avoient guère plus d’élévation qu'aujourd'hui. Es Ge 49 Le ee Vs HA 2 A La RESTES ENT ER LR (x) Les Tartares ont, non-feulement des troupeaux de bœufs , de moutons & de chevaux , mais encore de chameaux à deux boffes, camelus baëtrianus , Lin. qui fupportent très-bien lâpreté du climat, & qui multiplient comme dans les pays tempérés. Cet animal utile réunit les avantages de plufieurs autres animaux domef- tiques. On le nourrit fans foins, à auffi peu de frais que le mulet ; il porte une charge trois fois plus forte, & marche auffi vite qu’un bon cheval. Tout le monde connoit la fineffe de fon poil, qui eft employé dans la fabrication des chapeaux & des beaux camelots du levant. Enfin , fa chair eft une fort bonne nourriture , fur-tout quand il eft jeune. Il feroit à fouhaiter qu’on l’introduisit en France; jai appris qu'on en 2 commencé l’éducation en Tofcane, & qu’on en eff très-fatisfait. Tome XX XVIII, Part. I, 1791. AVRIL, Oo 290 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, C:s petites éminences primitives ont été, comme dans les autres contrées, le produit des derniers efforts de la fermentation qui agitoit la mafle de la terre, dans l’enfance de la nature, lorfqu’elle étoit encore dans un état de molleffe , après fa diflolution dans l’ancien océan; fer- mentation qui a élevé, dans fes principaux foyers d'activité , les grandes Alpes, près de celles-ci les montagnes fous-alpines , & enfin les moindres collines primitives, Ces colli es finiffent à quelques verftes au-delà de Kordy ; & l’on trouve enfuite, jufqu’à l'endroit nommé Makna qui eft à trente verftes lus loin, de petites chaînes de collines de pouddings, d'abord à pâte filiceufe, & enfuite calcaire, On voit que les fragmens de diverfes efpèces de roches qu'ils contiennent ont confervé une partie de leurs angles, & n’ont pas été long-rems roulés. Viennent après cela des amas d'argile bleuâtre & de galets, & des pouddings ferrugineux. Toutes ces collines font l'ouvrage des eaux violemment agitées, car on n’y apperçoit que du défordre, ou des couches tourmentées en trous fens. Ce font fans doute les anciens attériflemens de l'Argounn qui couvroit jadis ces vaftes plaines qu'on voit au midi, où il coule encore aujourd'hui, mais à une diftance de plus de cinquante verftes de fes anciennes rives, On traverfe enfuire des marais immenfes, dont le fol mêlé d'argile & de magnéfe, fe couvre dans les fécherefles d’efflorefcences de fel amer de trois doigts d’épaiffeur. Enfin, à douze où quinze verftes d'Odon-Tchélonr , on commence à s'élever fur la vafte bafe qui Fenvironne, & qui eft formée du détritus de l'ancien fommet. On arrive à cheval & même en voiture, jufqu’au pied du fommet aûuel, de manière qu'on n’a plus qu'environ deux cens toifes à gravir pour y parvenir ; quoique de loin la montagne parüt fous-alpine. | Le nom d'Odon-Tchélonn en langue mongale, fignifie troupeaux pétrifiés , à caule des blocs de granit blanchâtre difperfés fur les pentes couvertes de gazon, qui de loin reflemblent à des troupeaux. En général , le granit de certe montagne eft friable; & l’on y trouve quantité de fiflures plus ou moins larges , remplies d'argile & de minerai ferrugineux pour l'ordinaire à l'état de voltram. C’eft dans cette argile ferrugineufe que fe trouvent les émeraudes , les chryfolites & les aiguemarines, qui font toutes trois la même efpèce de gemme diverfement colorée par la gangue où elles fe forment. Eiles font ordinairement accompagnées de ropales & de criftaux de quartz noirâtres, On a découvert trois gîtes principaux de ces gemmes dans différens endroits du fommet, c'eft-à-dire, de cette partie primitive & intacte qui s'élève d’environ deux cens toifes au-deflus de fa bafe, Ce fommet a la SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 201 forme d’un fer à cheval ouvert au fud-eft, & dont l'étendue eft de plufieurs centaines de toifes. ke Deux de ces gîtes font dans la partie intérieure du fer à cheval qui eft expofée au fud-oueft; l’autre fe trouve au fond du fer à cheval fur la crête de la montagne. Ils font à des hauteurs différentes & graduelles, mais fur la même ligne du fud-eft au nord-oueft. Le premier donne des chryfolites, le fecond des émeraudes, & le troifième des aiguemarines. Ces gemmes font compofées de lames tranf- verfales comme la topafe , mais beaucoup moins diftinctes ; & il eft rare qu’elles fe rompent exactement felon le fens de ces lames ; leur fracture eft prefqu'auñli irrégulière que celle du criftal de quartz. Leur criftallifation eft un prifme hexaëdre tronqué net à fon extrémité fupérieure qui préfente une furface plane hexagone, naturellement brillante & polie : quelquefois les petits prifmes offrent de légères rroncatures fur les bords de cette fur- face ; je ne les ai jamais obfervées dans'ceux qui ont plus de trois lignes de diamètre. Les faces du prifme ont des fries longitudinales plus ou moins fenfibles ; la dureré de ces pierres eft plus grande que celle du criflal de roche, mais moindre que celle de la topafe. Leur pefanteur fpécifique eft la même que celle de l'émeraude du Pérou, dont elles font une fimple variété, Le filon des chryfolites eft vers la partie inférieure du fommet,, à l’encrée du fer à cheval, dans une gangue qui eft une efpèce de granit de feconde formation | mêlé d’argile & encaiflé dans le granit primitif. Ce granit fecondaire et cellement ferrugineux , qu'il eft prefque noir, & fi friable, que je n’ai pu conferver d'échantillons de chryfolites dans leur matrice, que des morceaux où l'argile étoit dominante. Tout le refte n’eft qu’un amas de grains de quartz , de mica, de fchorl, &c. confufément criftal- Jifés, & qui n’ont point de cohérence, On a percé dans ce minerai ferrugineux une gallerie de dix toifes qui plonge direétement dans la montagne. C’eft dans ce minerai que les chryfolires fe trouvent difperfées fans ordre , comme le fchorl dans les granits primitifs, La couleur de ces gemmes eft un mêlange de jaune & de verd, & leur criftallifation , quand elle eft régulière, eft, comme dans les deux autres variétés, un prifme hexaëdre; mais dès que les canons de celle-ci excèdent trois à quatre lignes de diamètre, ils perdent leur régularité par l'addition d’un certain nombre de nouvelles faces, qui les rendent plus ou moins cylindriques. J’ai plufieurs de ces cylindres de huit à dix lignes de diamètre, qui montrent clairement que c’eft par ces additions pofté- rieures qu’ils fe font arrondis, puifque le criftal primitif qui occupe le centre du cylindre & qui le dépaile confidérablement à l’une de fes exrrêmités , eft parfaitement hexaëdre. Dans le même filon fe trouvent de petites topafes d’une aflez belle Tome XX XVII, Part, I, 1791. AVRIL, Oo 2 292 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, couleur , raflemblées en grouppes qu’il eft difficile de conferver à caufe de la friabilité de leur gangue. Le fecond gîte eft fitué un peu plus haut , à quatre cens toifes au nord- oueft du premier.-C’eft une fiflure à-peu-près horifontale, de quelques toifes d’érendue, entre deux mafles de granit affez folide, Certe fiflure eft emplie d'argile ferrugineufe mêlée de mica & de petites aiguilles de fchoïl noir. C’eft dans certe argile que fe trouvent difperfés les prifmes d'émeraudes , dont la couleur eft d'un verd léger , fans aucun mêlange de bleu. T'antôt ils font feuls, & rantôt grouppés enfemble ou avec des criftaux de quartz noirâtres. Ils fe pénètrent mutuellement, & font adhérens à une lame de quartz qui eft toujours féparée du granit par une couche d’argile , de manière que chaque grouppe eft parfaitement ifolé, I n'eft pas pofñible de déterminer la manière dont les ‘canons d'éme- raudes fe trouvent difpofés dans laroile , attendu fon état de mollefle qui va prefque à la fluidité. On voit néanmoins qu'ils font fouvent difpofés en rayons partant d’un centre commun, Car il n'eft pas rare d’en trouver qui font réunis en faifceaux divergens. Le volume de ces émeraudes eft incomparablement plus grand que celui des chryfolies. J'en ai qui ont plus de fept pouces & demi de longueur & prefqu'autant de circonférence, fansrien perdre de la régularité de leur criftallifation. ? On remarque dans la fruéture de ces gemmes quelques accidens qui font inftruétifs, & au’il eft intéreflant d’obferver; 1°. quoique compolés de lames tranfverfales comme la topafe & le mica, il n'eft pas rare d'y obferver , de la manière la plus évidente , des feuillets parallèles à l’axe du prifme, comme dans le feld-fpath. Les prifmes paroiflent alors formés de plufieurs tuniques d’un quart de ligne d’épaifleur , appliquées les unes fur Les autres, quelquefois de teinte différente, & qui peuvent fe féparer aflez facilement. D’autres prifmes ne préfentent point de lames dans aucun fens, & paroiffent compofés d’un affemblage de filets parallèles à l'axe du prifme, comme certains canons de fchorl. Ces filets font même quelquefois féparés les uns des autres , & dans ce cas l'extrémité du prifme offre une furface perfllée de petites ouvertures. J’en ai un de trois pouces qui eft fituleux d’un bout à l’autre. 3°. S'il arrive qu’un prifme déjà tout formé fe foit trouvé dans le voifinage, & dans une direction tranfverfale d’un prifme qui fe formoit poftérieurement , alors la férie des molécules criftallines qui devoient completter Ja forme hexaëdre de celui-ci, fe trouve interrompue , & fa partie fupérieure, correfpondante au point de contact, demeure incom=- plette, quoique la partie inférieure acquière fes fix faces régulières, J’ai vu cette circonflance répétée dans une multitude d'exemplaires dont plufieurs font fous mes yeux ; & je n’ai jamaisobfervé qu’en pareil cas, SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 293 le contraire füt arrivé, c’eft-à-dire, que le canon de nouvelle formation fût complet vers fa partie fupérieure & incomplet dans l’inférieure; celle-ci eft toujours aufli parfaite que s'il n’y avoit aucune interpofition de prifme étranger, ce qui fembleroit indiquer que les molécules criftallines partoient de la bafe du prifme, & montoient le long de fes parois, à- peu-près comme la sève monte dans les végétaux entre la tige & l'écorce; & qu’arrètées par un obftacle qui leur barroit le paffage, elles n’ont pu completter les fix faces de la partie fupérieure du prifme. Il eft vrai qu'on voit des exemples où deux prifmes qui fe croifenc ont l’un & l'autre une criftallifarion régulière à leurs deux extrémités: ce qu’on pourroit expliquer en difant que leur formation a été par- fairement fimultanée, & que les molécules qui partoient de leurs bales refpectives ont pu marcher chacune de leur côté fans fe nuire. Je ve hazarde cette conjeéture qu'à caufe de cette circonftance fingulière de l'imperfedtion dans la partie fupérieure des prifmes qui font croifés par d'autres , quoique cette imperfeétion n'ait jamais lieu dans la partie inférieure; ce qui annonce que la criftallifation de ces gemmes s'opère par un méchanifme différent de la criftallifation des fels. 4”. Sans qu'il y ait de caufe apparente qui ait empêché le prolon- gement des filets criftallins, il arrive néanmoins qu'ils forment , dans le même prifme, des faifceaux d'inégale longueur ; ce qui rend l’extré- mité du prifme inégale au lieu d’être plane ; mais chacun des faifceaux préfente à fon extrêmité particulière une petite furface auffi plane & auffi luifante que les prifmes les plus réguliers Je vais faire une comparaïfon qui pourra donner une idée de ces criftallifations irrépulières. Qu'on fe repréfente une colonne hexaëdre, conftruite de ces carreaux hexagones dont nos appartemens font pavés. La ftruure de cette colonne peut être confidérée fous trois points de vue, qui ont un rapport fenhble avec les accidens qu'offrent nos émeraudes. D'abord , on la conçoit comme compolée d’aflifes horifon- tales hexagones, enfuite de plans perpendiculaires, en forme de parallé- logrammes , & enfin d'un aflemblage de petites colonnes hexaëdres, Qu'on fafle maintenant diverfes diftractions des parties qui compofent la colonne principale, & lon aura les modifications qu'éprouvent les rifmes d'émeraudes dans leur criflallifation. s°. Ils offrent quelquefois un accident bien fingulier : on en voit qui ont été fraûurés, & enfuire confolidés par une efpèce de calus comme les os des animaux. J’ai un aflez grand nombre d'échantillons qui préfentent ce phénomène : ils font plus ou moins coudés; & lon y remarque le travail de la nature qui a ajouté de nouvelles molécules, & des efpèces de fibres criftallines pour réparer la folution de continuité, 294 CBSERY ATIONS SUR LA PHYSIQUE, 6°. Un accident plus intéreflant encore, & qui n’a été, je crois, obfervé dans aucune gemme, fi ce n'eft peut-être dans la tourmaline d'Efpagne, c'eft qu'un grand nombre de ces criflaux font articulés comme le bafalre. J’ai divers échantillons où cette circonftance fe préfente de la manière la plus évidente. L’extrémité inférieure du prifme qui eft communément irrégulière, offre ici, tantôt une faillie arrondie en forme de calotte, & tantôt un enfoncement cyathiformie. Les criftaux qui ont cet accident font toujours les plus purs, & ceux dont la criftallifation eft la plus régulière, ce qui fait préfumer qu'il eft eflentiel à certe gemme. J'ai plufieurs prifmes d’une eau parfaite & fans aucun nuaoe dans toute leur longueur, qui font convexes à une de leurs extrémités, & même à toutes deux. Et ce qui paroïra fans doute fort extraordinaire, c'eft que dans les prifmes moins purs cette partie faillante, qui eft toujours limpide comme une goutte d'eau, peut fe détacher en forme de globule ou de cylindre, felon que cette partie homogène pénètre plus ou moins avant dans le prifme; & ce noyau n'offre que des furfaces arrondies , fans apparence de criftallifation po- lyèdre (1). J'ai plufieurs prifines dans leur état naturel, où l’on voit ces globules & ces cylindres tranfparens, environnés de matière beau- coup moins homogène, Dans quelques échantillons il n’y a qu'un feul cylindre; dans d’autres il y en a plufieurs qui reflemblent affez pour le coup-d’œil à de petits cylindres de verre, qu'on auroit mis en faifceaux lorfqu'ils étoient encore dans un état de mollefle; & la fubftance moins pure qui les environne fert à completter exactement la forme hexaëdre du prifme. J’en ai de femblables qui ont plus d’un pouce de diamètre, où l'on diftingue fept à huit cylindres. On trouve dans le filon des émeraudes deux efpèces de topafes bien diftines: les unes font blanches & tranfparentes comme le criftal, avec une pyramide cunéiforme fans troncature au fommet. Les autres font bleuâtres, prefque entièrement opaques, fur-tout la pyramide qui reflemble à du feld-fpath ; elle n’eft jamais cunéiforme, mais tron- quée près de fa bafe comme dans la topafe de Saxe, La couleur blanche opaque de ces gemmes les a fait nommer par les Ruffes kornyé zouby , dents de cheval. Ces topafes fonr tantôt groupées, tantôt ifolées ; elles offrent rarement leurs deux pyramides; l'extrémité du prifme qui repofoit fur une ma- (1) On remarque dans les colonnes de bafalte des mafles fphéroïdes d’une fubftance plus homogène , plus vitreufe que le refte de la matière ; on y remarque auffi des articulations , précifément comme dans nos émeraudes : deux rapports fi marqués annoncent, ce me femble, de l’analogie dans le mécanifme de leur formation, SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS, 295 trice argileufe ou micacée eft irrégulière. J'en ai une dans laquelle fe trouve encaftrée une portion de prifme hexagone de mica d’un pouce de diamètre. Il y en a qui font implantées dans des prifmes d'émeraudes , & réciproquement l'on voit des prifmes d'émeraudes im- plantés dans des topafes. Il en eft de nième des criftaux de quartz; ce qui prouve que toutes ces fubftances criftailines ont été en diflolution dans le même temps, & que leur criftallifation a été fimultanée. Il y a encore d'autres matières qui y font confondues, comme le mica, le volfram , le fpath-fluor verd, & le feld-fpath. Ce dernier s'y préfente quelquefois en criftaux qui ont prefque la grofleur du poing, & dont la criftallifation eft celle indiquée dans Romé de l’Ifle, pl. III, fig. 88, lerr. C. J'en ai des échantillons qui font adhérens à du feld-fpath caverneux, parfemé de très-petites émeraudes. ; Enfin, l'on trouve dans Îes parois de ce filon cette efpèce fingulière de roche qu'on a nommée pierre graphique : c’eft un feld-fpath dans lequel fe trouvent une multitude de petits criftaux quartzeux, tous à- peu-près du même volume, & placés dans le même fens avec une forte de régularité. Ces criflaux n’ont de quartzeux que la carcafle ; l'intérieur eft de feld-fpath: Le plus fouvent même il manque plufieurs faces des criftaux ; de manière que quand on coupe la pierre tranfver- falement, elle préfente une fuite de figures qui font des portions d'hexagones, ce qui ne reflemble pas mal à de l'écriture. J’en ai un échantillon qui imite fi bien les caractères hébraïques, que quelqu'un dit en la voyant, que certainement c’étoit un morceau des tables de Moïfe. On trouve la même pierre aux environs d'Ekarerinbourg, dans les monts Oural , qui fert également de lifière à un filon de topafes; ce qui me feroit foupçonner qu'elle eft un indice de cette gemme. J’ai vu à Paris, dans la belle collection de M. Beflon, des échantillons de pierre graphique venant de Corfe; peut-être y trouvera-t-on quel- que jour des topafes. Le troifième gîte des gemmes d'Odon-Tchélonn, eft fur la crête de la montagne, à deux cens toifes au nord-oueft du précédent ; il contient des aiguemarines & des topafes blanches & bleuâtres. On y a travaillé pendant trois ans , & l’on en a tiré une quantité prodigieufe de ces gemmes. Quand je l'ai vifité, en 1785, il écoic tellement bouleverfé , qu'il auroit fallu beaucoup de monde & de temps pour y faire une recherche réoulière, La gangue de ces aiguemarines eft une argile durcie, blanche & verdâtre, plus ou moins mêlée de mifpickel qui s'y rencontre quel- quefois fans mêlange d'argile. Les échantillons que j'ai trouvés dans les déblais, offrent des aiguemarines difleminées fans ordre, foit dans 296 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, l'argile , foit dans la pyrite arfénicale qui eft en mafles irrégu- lières. Les foffes d'où on les avoit tirées, ont été exploitées à découvert, & n'ont qu'environ douze pieds de profondeur ; je n’en ai vu que deux ou trois de vuides; les autres, qui font au nombre de plus de cinquante, ont été comblées fucceflivement. Cet amas d'argile & de mifpickel fe trouve encaillé dans de larges fiffures du granit, qui eft tout pénétré de cette argile, aufli ancienne que la roche elle-même. Il paroît en général que les oîtes des gemmes de cette montagne ont été expofés à de violens accidens. J'ai vu dans la colleétion du chef des mines, des blocs qui avoient jufqu’à deux pieds de diamètre, tous compofés de fragmens d'émeraudes qui avoient été évidemment brifés , & enfuite agglutinés par un minerai ferrugineux. La criftallifation des aiguemarines eft la même que celle des éme- raudes; mais il leur arrive fouvent de devenir cylindriques dès que les prifmes ont plus de quatre à cinq lignes de diamètre. Elles n'offrent plus alors que des ftries longitudinales dont le nombre eft indéterminé. Les trois variétés d'émeraudes d'Odon-T chélonn offrent un accident qui leur eft commun, & dont il feroit difficile de rendre raifon. Un peu au-deflous de leur extrémité fupérieure, qui eft la partie la plus colorée & la plus belle, on voit toujours cinq à fix couches tranfver= fales d’une nuance plus foncée que le refte, & qui font placées à la diftance d'une ou deux lignes les unes des autres. Si l'on ne jugeoit que d’après quelques prifmes ifolés, on pourroit facilement fuppofer que ces prifmes ont été formés dans une fituation perpendiculaire , & dans un fluide où les molécules colorantes fe font trouvées alternativement plus abondantes & plus rares. Mais quand on confidère que ces gemmes fe trouvent groupées dans toutes fortes de directions & dans des gîtes fort différens, on ne peut plus admettre cetre fuppoftion. Autrefois la recherche de ces gemmes étoit libre; mais comme la plupart des chercheurs n'en vouloient qu'aux pierres d’une belle eau, ils ont détruit une infinité de morceaux intéreflans; & pour empêcher ce dégât, il a été défendu de faire des fouilles fans une permiflion du directoire des mines. Depuis que j'ai vifité Odon-Tchélonn, on a découvert de nouveaux gîtes d'aiguemarines, dans une montagne granitique du voifinage, nommée T'outr-K altoui. J’en ai obtenu de beaux échantillons, entr’autres un groupe, du poids de fept à huit livres, & des prifmes de cinq à fix pouces de long fur plus d’un pouce de diamètre; ils font prefque cylin- driques, leur couleur eft d’un bleu léger, & d’une teinte égale dans route leur longueur. Ils n'offrent point ces zones plus foncées & certe variété SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 297 variété de nuances qu’on obferve dans les émeraudes d'Odon-Tchélonn ; au refte, la dureté & la pefanteur fpécifique font Les mêmes, Avant de quitter cette montagne, j'allai vifiter un Pougor qui eft fur la partie la plus élevée du fommer. C’eft le nom que les Ruffes donnent aux rombeaux de ces anciens peuples dont on ignore l’origine , qui ont exploité les mines de PAfie boréale, felon les mêmes principes qu'on füuivoit autrefois dans les mines de Hongrie. Comme on trouvoit des vales d’or & d'argent dans ces tombeaux, ils ont tous été culbutés par les Rufles ; mais ils font toujours inté- reffans pour le lithologifte. Ils font formés d’un amas confidérable de pierres brutes les plus fingulières qu'on ait pu trouver; & j'ai plufieurs fois reconnu qu'elles avoient été apportées de plus de vingt verftes. Il y a apparence que les amis du défunt fe faifoient un devoir de payer à fes mânes un tribut des plus belles roches de leur canton, La plus remarquable que j'aie vue dans le tombeau dont je parle, eft un granit très- compacte, percé d'alvéoles hexagones , d'environ un demi-pouce de diamètre, qui étoient remplies par des prifmes de mica que le tems a détruir. J'ai dic qu'en général le granit d’Odon - Tchélonn étoit friable ; il faut en excepter les blocs qui font difperfés en grand nombre fur fes pentes. Ceux-ci font extrémement quartzeux, & reflemblent beaucoup à la roche de Schnecken-Stein en Saxe; & ils font de même une matrice de topafes. Leurs gerçures en font tapiflées; mais il eft forc difficile d'en obtenir des échantillons. La commotion occafonnée par le marteau, fait prefque toujours fauter les pyramides ; car cette gemme fe divife très-facilement dans Le fens de fes lames comme le diamant, ce qui n'arrive point aux émeraudes dont la fracture eft prefque auñli anguleufe que celle d'un criftal non feuilleté. Pour revenir d’Odon-Tchélonn à la ville de Nertchinsk, je pris la route la plus courte, qui n’a que cent quatre-vingts verftes, où un peu plus de quarante lieues en allant droit au nord, Je traverfai d'abord des plaines marécageufes abondantes en fel amer, comme celles que j'avois trouvées en venant du côté oppofé de la montagne. Il faut que la magnéfie, bafe de ce fel, provienne de la décompofition des granits, car on ne voit aucune roche ftéatiteufe dans le voifinage. On marche d’abord entre deux cordons de montagnes granitiques ; peu-à-peu celles de l'oueft s’abaiffent & difparoiffenc tout-à fait à la diftance de quinze ou vingt verftess on continue de côtoyer celles du côté de left, qui font toujours une prolongation d'Odon-Tchélonn. Elles font granitiques, & abfolument nues jufqu’au village rufle, nommé Bourlatoï, qui eft à foixante verftes. Là on quitte les marais, & lon fe trouve dans un pays montueux mais agréable, & où les Tome XXXVTIII, Part. 1, 1791. AVRIL, Pp 298 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, collines de horn-fchiffèr fonc couvertes de forêts de bouleaux. Dans le voifinage de la rivière Ounda, ce horn-fchiffer eft dans le plus grand défordre : c’eft un amas de décombres agolutinées par le temps. Ce n’eft pas le feul endroit où j'aie obfervé de pareilles aggrégations fecondaires; j'ai vu fur les bords du haut Irtiche & ailleurs, des mon- tagnes, compofées de débris de roches primitives, qui ont été réunis par du fpath calcaire. A cent huit verftes d'Odon-Tchélonn on paffe au village, nommé Dgida, far la rive droite de l'Ononn. Cette rivière, qui eft de la grofleur de la Seine , eft remarquable par les cornalines jaunes qu’elle charrie avec fon gravier, & qui font vraifemblablement détachées de quelques anciennes laves de la Tartarie chinoile où elle prend fa fource. J'ai une de ces cornalines qui eft crès-fingulière par un grand nombre de filets blancs opaques, qui s’y trouvent difféminés en tous fens. Ils ont trois ou quatre lignes de long fans aucune apparence de criflalli- fation, & reflemblent à des morceaux de crin: aucun minéraiogifte n'a pu me dire ce que c'étoit. De-là jufqu'au village de Pechkova, qui eft à cinquante verftes, on eft toujours entre des collines primitives , le plus fouvent de granic à grands criftaux de feld-fparh chatoyant. Les collines de Pechkova font de horn-fchiffer, dont les couches font extrêmement contour- nées, mais fans aucune folution de continuité. Une partie de ces couches eft compofée de parcelles de quartz, de fchorl & de mica ; d’autres, qui font partie eflentielle de la mañle, font d’un beau marbre Llancs & enfin l’on voit des mafles énormes prefque entièrement com- pofées de ce marbre, difpofé par couches ondulées, entre lefauelles on en voit courir de horn-fchiffer qui s’y font trouvées évidemmenc mêlées dès le principe. | Or, comme il n’y a point de doute que ces collines ne foient pri- mitives, de même qu'un grand nombre d'autres que j'ai obfervées dans les monts Alraï & ailleurs, qui contenoient beaucoup de marbre, je fuis convaincu qu'il exiftoit de la terre calcaire, & même en grande quantité, dès le premier âge du monde. De Pechkova à Nertchinsk on côtoye la rive droite de la Chilca en la defcendant, & l’on a à fa droite des collines alternativement de horn - fchiffer & de granit, C’eft ici le point de réunion des deux grandes chaînes primitives qui fonc l’équerre ; l’une vient d'Odon- Tchélonn , & l’autre s'étend à l’orient, en fuivant le cours de Ja Chilca jufqu’à fa jonAion avec lArgounn, où ces deux rivières forment le grand fleuve Amour. Je terminerai cette notice par une obfervation qui m’a toujours frappé ; c’eft cette fuite fingulière de filons d’argent , de cuivre & de plomb, qui fe trouvent à-peu-près à la même latitude, depuis F'An- SUR L'HIST. NATUREZLE ET LES ARTS, 209 gleterre jufqu’à l'extrémité orientale de lAfie, & dela dans l'A mérique feprentrionale. Ce n’eft pas Feffet du hazard qui a raflemblé dans une zône de quelques degrés de latitude fur la circonférence entière du globe, les mines d'Angleterre, d'Allemagne, des monts Oural, des monts Altaï, des bords de l'Amour, des parages du Kamtchatka (1), & enfin des montagnes bleues de la l'Amérique angloife. C’ef donc une caufe générale qui a placé fur le milieu de l'hémif- phère boréal cette ceinture de plomb, de cuivre & d’argent, de même u'une autre caufe générale a femé l'or & les diamans entre les tro- piques. Quelles font ces caufes dont les effets fonc fi remarquables ? C’eft ce que l'étude de la nature apprendra peut-être un jour à nos neveux. D'EPSAGURCE PET'HLO IN D'UNE MACHINE HYDRAULIQUE; Par M, DETROUVILEE. Extrait d'un Rapport de l'Académie des Sciences de Paris. M. DETROUVILLE voulant fournir de l’eau à Paris, propofe de faire fur la Seine au-deflus de la ville, un pont dont les arches étant barrées par des portes bufquées faifant en même-tefns fonction de déverfoirs , les eaux de la partie fupérieure de la rivière feroient forcées de s'élever, & ne pourroient fe verfer dans la partie inférieure qu'après avoir acquis cinq pieds de fupériorité par rapport au niveau naturel des eaux dans leur état moyen & ordinaire. Il propofe d'établir au milieu de ce pont la machine en queftion. Mais ceci ayant occafonné une efpèce de débat entre un des comités de PAffemblée-Nationale , & l’Académie, nous allons nous borner à une fimple defcription de la machine, & nos Lecteurs verront enfuite facilement les applications qu'on en peut faire, foic fur une rivière, foit aiileurs. (1) L'ile’ Mednoï vers l'extrémité de la prefqu'ile de Kamitchatka , a des filons de cuivre fi riches, que le cuivre viérge que les eaux en détachent , a fait un objet de commerce. L’extrémeloignement, & fur-tout la difette ahfolue de combultibles à empêché jufqu'àa préfent l'exploitation de ces riches minières, Tome XX XVIII, Part. I, 1791. AVRIL. Pp2 300 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, Le but que s’eft propofé M. Detrouville dans l'invention du moyen qu'il propofe , a été d'éviter toute efpèce de pompes , de piftoss, & en général tous les aflujetriflemens & les défauts qui tiennent aux conftruétiors mécaniques de ce genre. L’air renfermé dans diverfes capacités qui fe communiquent entrelles , eft le feul intermédiaire par lequel l’eau qui fert de moteur agit fur celle que la machine élève. C’eft ce que nous allons tâcher de rendre fenfible, Une capacité plus ou moins grande, foit un vafe, foit un bâtiment voûré & privé de communication avec l'air extérieur, eft difpofée de manière à recevoir alternativement les eaux qui fervent de moteur , ou à les laiffer couler. Cette capacité eft nommée par M. Detrouville, le grand afpirateur À, Planche I. Une füire de réfervoirs ouverts à ’air libre font établis les uns au-deffus des autres & à égales diftances quant à la hauteur depuis le niveau de l'eau jufqu'au point le plus élevé où il s’agit de la porter. Chaque réfervoir eft accompagné d’une capacité fermée pour Pair extérieur , & que M. Detrouville nomme perit afpirateur B. Chacun de ces petits afpirateurs communique par un tuyau vertical avec le réfervoir auquel il correfpond , & par un tuyau horifontal avec le réfervoir immédiatement voifin en montant au-deflus duquel il s'élève lui- même de quelque chofe. Ces deux communications font munies chacune d'une foupape, difpofée de manière que l’eau du réfervoir inférieur ne peur que s'élever dans le petit afpirateur pour fe répandre enfuite dans le réfervoir immédiatement fupérieur fans pouvoir prendre le mou- vement contraire. Le plus bas de ces afpirateurs puife dans l’eau même motrice. Enfin, le grand & les petits afpirateurs ont entr’eux une communication commune toujours ouverte C , par laquelle l'air qui y eft contenu au- deffus de l’eau fe répand librement & également dans toutes les capacités. On fentira facilement qu'il réiulre de cette difpofition que quand l’eau s’écoule du grand afpirateur , l'air qui s’y dilate en même-tems que dans : les petits , force chacun de ces derniers à afpirer l'eau du réfervoir inférieur auquel il répond , & que quand l’eau de la fource remonte à fon niveau dans ce même grand afpirateur , l'air comprimé dans toutes les capacités chafle l’eau de chaque petit afpirateur dans le réfervoir fupérieur avec lequel il communique , de forte qu'après ces deux mouvemens l’eau d’un réfervoir quelconque fe trouve avoir été portée dans le réfervoir voifin en montant, & que l’eau parvient ainfi fucceflivement jufques dans le réfervoir le plus élevé. Le moyen à l’aide duquel le grand afpirateur s’emplit & fe vuide alternativement par un écoulement continuel des eaux, eft un fyphon S; dont la branche la plus courte plonge jufqu’au fond de ce grand afpi- rateur, dont le coude eft au niveau du fommet de fa voûte, & dont la SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 301 branche la plus longue fe prolonge au-deflous & dehors le grand “afpirateur, Planche 11. L’ufage de ce fyphon eft connu de tout le monde : on fait qu’aufli-tôt que le liquide gagne le coude du fyphon , le vaiffeau fe vuide jufqu’en bas de la branche qui y plonge. Mais l’eau y arrivane continuellement, le vaifleau fe remplit de rechef. On fent que s’il y a un autre fyphon T qui communique au vafe fupérieur lequel eft cenfé plongé dans une cuve d’eau’, l’eau montera dans ce vafe fupérieur par la preffion de l’atmofphère lorfque le grand afpirateur fe vuidera. Mais lorfqu'il fe remplira de nouveau , l’eau qui y monte chaffera l’air du grand afpirateur dans le vafe fupérieur , & l’eau de celui-ci redefcendra à fon premier niveau. Maïs fi l’eau n’entroic dans le vafe fupérieur que par une ouverture garnie d’une foupape, & qu’elle ne püt s’en échapper, & que ce vaifleau communiquât à un fecond de la même manière que le grand afpirateur communique à celui-ci, l’eau gagneroit ce fecond vaifleau , &c. MM. les commiilaires de l'Académie font ici une obfervation. Si le fyphon, difent-ils , n’eft pas d’une capacité affez grande pour vuider l'afpirateur beaucoup plus promptement qu’il ne fe remplit, il s’écoulera en pure perte une grande quantité d’eau pendant le tems qu'il employera à fe vider. On peut répondre que fi la machine eft fur un cours d’eau, cet inconvénient fera petit. Si au contraire le fyphon eft d’un large diamètre , l'air qui reftera dans la partie fupérieure en empèchera tout-à- fait le jeu, continuent-ils. L’on fait en effet qu’un tel appareil ne réuffic qu'avec des fyphons d'un petit diamètre, Mais ne pourroit-on pas dans ce cas au lieu d'un feul fyphon d’un grand diamètre, en mettre piufieurs d'un petit diamèrre, & polés dans la même fituation ? Enfin, MM. les commiffaire difent que l’eff2t de cette machine n’eft égal à celui des machines ordinaires que pour les chûtes très-petites par rapport à trente-deux pieds. Mais ils font voir par des calculs que dans de plus grandes hauteurs, fon produit eft bien inférieur à celui des bonnes machines ordinaires ; & ils finiflent en difant: « Vu la fimplicité du » moyen hydraulique dont il s’agit & la poffbilité d'établir la difpofition » qu'il exige dans des dimenfions propres ? lui procurer autant d'effet » qu'aux meilleures machines connues, nous penfons que l’Académie >» doit en approuver l’idée générale, comme pouvant être fufceptible » d'applications utiles ». NE 302 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, Re ÉLÉMENS De l'Art de la Teinture ; par M. BERTHOLLET, 2 vol. in-8°. EX TRAIT, N;vro N a démontré dans fon Optique que les parties tranfparentes réfléchiffent felon la différence de leur épaifleur & de leur denfité les différens rayons colorés ; d'où il a conclu que les couleurs des corps dépendoient de la ténuité & de la denfité de leurs molécules. Mais la ténuité & la denfité de ces molécules ne font pas les feules circonftances qui doivent entrer en confidération. I] réfulte des expériences même de Newton que leur nature chimique influe beaucoup fur leurs couleurs ; car l'on ne peut douter qu'une force qui exerce une aétion vive fur les rayons n’influe aufli fur leurs réflexions, En comparant les forces réfraétives des différentes fubftances, Newton trouva que les forces réfringentes des fubftances inflammables étoient plus confidérables que celles des fubftances non inflammables, Il tira de fes obfervations la conléquence étonnante que le diamant devoit enfermer beaucoup de matière inflammable, que l’eau étoit une fubftance mitoyenne entre les fubftances inflammables & les fubftances non inflammables, & que c’eft elle qui fournit aux végétaux leur principe inflammable, Ces vérités n’ont été fenties & prouvées que de nos jours. Il refleroit encore des obfervations intéreflantes à céux qui voudroient fuivre les traces du grand Newton, & comparer les forces réfringentes des différens gaz & des différentes fubftances dont on connoît à préfent les principes conftituans. Eft-ce l'hydrogène ou le charbon qui contri- buent le plus à la force réfrangible des fubftances inflammables? A con- fidérer les expériences qui ont été faites fur le diamant, on feroit tenté de le regarder comme un charbon pur & criftallifé; mais dans l'huile de térébenthine qui a une force réfringente confidérable, c’eft l’hydrogène qui eft dominant. Plufieurs expériences chimiques prouvent que Poxigène a auf beaucoup d'afinité avec la lumière. Il fe combine avec elle fans en féparer les rayons ; & il reprend l’état élaflique par cetre combinaifon qui fe forme lorfqu’il n'eft pas retenu par une affinité fupérieure. De-là vient que lorfqu’on expofe à la lumière l'acide muriatique oxigéné dans lequel l'oxigène efl foiblement retenu , celui-ci abandonne l'acide & reprend SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS, 303 l'érat élaftique en fe faturant du principe de la lumière. Le même déga- gemenc s'opère lorfqu’on expofe l'acide nitrique aux rayons du foleil , mais plus difficilement, parce que l’oxigène eft plus fortement combiné dans cet acide, L’oxigène eft encore dégagé de quelques oxides ou chaux méralliques. Lorfqu'un principe entre en grande proportion dans une fubfance, il fait appercevoir ordinairement fes propriétés par celles qu’il communique même dans les modifications qu’elles éprouvent. Ainfi Foxigène en fe combinant aux métaux leur communique une adion plus énergique fur les rayons de lumière; mais l'aion qu'ils exercent alors eft inégale relativement aux rayons de d'férentes efpèces jufqu'à ce que l'afnité de loxigène fe trouve affez affoiblie par la chaleur pour que tous les rayons püiflent fe combiner avec lui & lui rendre l'état élafique. De-là vient que les oxides métalliques changent de couleurs par des petites différences dans les proportions de loxigène. L'oxide de man- garèfe, faturé d’oxigène, paroît noir fi fes molécules font raffemblées, Sielles font étendues & difperfées comme dans le verre, elles donnent une couleur rouge. Si au contraire on les prive de leur oxigène, le verre prend une tranfparence pure, & perd fa couleur. La même chofe'a lieu pour les autres oxides métalliques, celui de plomb, de fer, &c, Dans les oxides métalliques toutes les parties font également colo- rées ; mais il n’en eft pas de même des fubftances végétales & ani- males. La couleur n’y eft ordinairement due qu’à des molécules, qui font mêlées ou combinées avec celles qui conftituent ces fubftances ; & l’oxigène n’infue point de la même manière fur leurs couleurs. Quelques chimiftes ont regardé le fer comme la caufe de toutes les couleurs végétales & animales. Becker, Bergman ont été de cer avis , fondés d’un côté für la quantité plus ou moins grande de fer: qu'on retrouve dans ces fubftances, & de l’autre, fur l'aptitude qu'a le fer de prendre toutes les couleurs. Mais je me premettrai de répondre qu'il eft facile de prouver que ce dernier s’eft fait illufion fur cet objet. Par le moyen du prufiare d’alkali, il a retiré des cendres d’une once d’indigo trente à trente-deux grains de bleu de Prufle, & il évalue le fer qu'il contenoit, à dix-huit ou vingt grains. Mais dans d’autres endroits il prouve que Le fer contenu dans cette fubftance ne forme au plus que la cinquième partie du bleu de Prufle qu'on retire de fa diffolution; & par-tout ailleurs il s’eft fervi de cette éva- luation qui eft très-jufte. C’eft donc à fix grains qu’il faudroit réduire le fer qu'il a retiré d’une once d’indigo. Mais dans des expériences qui fuivent , il prouve que la plus grande partie de ce fer peur être diffoute par l'acide muriatique fans que les molécules colorantes foient altérées ; de forte que la plus grande partie de ce métal n'entroit pas 304 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, dans leur compoftion. Il réfulte clairement de-là que les parties colo- rantes de cette fubftance ne peuvent contenir qu'une quantité de fer petite, qu’elle ne peut influer que bien foiblement fur fa couleur. Non-feulement les moyens d'analyfe chimique que nous poflédons ne nous ont pas mis en état de dérerminer la compofition des parties colorantes avec aflez de précifion pour connoître à quels principes elles doivent leur propriété; mais il eft facile de voir qu'une compo- fition très-différente peut donner naïflance à une couleur de même efpèce. Les parties de l’indigo diffèrent beaucoup de celles qui colorent plufeurs fleurs en bleu. Nous poflédons une grande quantité de fubftances jaunes qui donnent des couleurs prefque femblables en appa- rence, & qui difièrent cependant beaucoup par leurs propriétés, Il y a des couleurs fimples , il y en a qui font dues au mélange de ces couleurs, & qui par conféquent font compofées ; ainfi le verd peut être fimple, ou formé par la réunion du bleu & du jaune. Dans le premier cas il n’eft point décompofé par le prifme; dans le fecond le prifme le fépare en bleu & en jaune. Le verd des plantes eft dans la première nature. Il ne fe décompofe point, & il eft fans doute produit par une fubftance homogène, de même que la plupart des nuances qui exiftent dans la nature. Je dis que la plupart des couleurs végétales me paroiffent dues à une fubftance homogène, Mais cette fubftance peut produire une cou- leur primitive comme le verd des plantes, ou contiendroit des parties colorantes de différentes efpèces , comme la gomme. ( Cette fubftance colorante, homogène, des fubftances animales & végales, eft un com- pofé qui contient de l'hydrogène & du charbon , fuivant l’auteur. Il ne dit pas fi elle contient quelqu’autre principe. ) Les parties colorantes forment différentes combinaïfons, & elles s'appliquent, foit feules, foit combinées préliminairement avec d’autres fubilances qu’on 2ppelle ‘mordants, à la laine, à la foie, au lin & u coton. L'art de la teinture conffte à fe fervir des affinités des parties colo- rances pour les extraire, les diffloudre, & enfuire les appliquer & les fixer aux fubftances que l'on teint. L'on a voulu clafler les parties colorantes en extractives & réfir.eufess Mais cette divifion ne peut donner que des idées fauiles & incom- plerres de leurs propriétés. Car il y a des parties colorantes qui ne fe diffoivant pas dans l’eau feroient regardées comme réfineufes ; & cepen- dant elles ne fe diflolvent pas dans l’alkohol: telles font les parties rouges du certhame, qui ne fe diffour que par le moyen d’un alkalis & Flindigo qui ne fe diffout ni dans l'eau, ni dans l’alkohol, qui ne devient foluble par les alkalis qu’au moyen de quelques circonftances, & qui fe diour facilement dans l'acide fulfurique, Dafay SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 305 Dufay eft un des premiers qui ait apperçu que les parties colorantes étoient difpofées par leur nature à contracter une adhéfion plus ou moins forte avec les filamens qui les reçoivent, & que cette adhéfon étoit plus forte que celle qu'elles avoient avec l'eau. Mais Bergman me paroît être le premier qui ait complettement rapporté aux principes chimiques les phénomènes de la teinture. Ayant teint de la laine & de la foie dans une diffolution d'indigo par l'acide fulfurique , fort étendu dans l’eau, il explique les effets qu’il a obfervés dans cette opération. IL les attribue à la précipitation caufée par l’affinité plus grande qui fe trouve entre la laine & la foie & les molécules bleues, qu'entre ces mêmes molécules & l’eau acidule ; & il faic voir que de ces affinités différentes dépendent & la folidité de la couleur & l'in- tenfité qu'elle peut prendre, ’eft effetivement là la manière légitime d’envifager les phéno- mènes de la teinture. Ce font de véritables phénomènes chimiques qui doivent être analyfés comme tous ceux qui dépendent de l’action que les corps exercent en raifon de leur propre nature, Les parties co'orantes ont des propriétés chimiques qui les diftinguene de toutes le; autres fubftances, Elles ont des affinités qui leur fonc particulières. En vertu de ces affinités, elles fe combinent avec les acides, les alkalis, les oxides métalliques, avec quelques terres, & principalement avec l'alumine. Souvent elles précipirent les oxides & l'alumine des acides qui les tenoient en diflolution. Dans d’autres circonftances elles fe combinent avec les fels, & forment avec eux des furcompofitions qui s'uniflent à la laine, à la foie, au coton & au lin. Ordinairement elles forment avec ces dernières fubitances par le moyen de lalumine ou d'un oxide métallique une combinaifon beaucoup plus intime que fans cet intermède, Ce font toutes ces fubitances intermédiaires qu'on appelle en général mordans , dent les principaux font l'alun & différens ‘els, reis que le tartre, le nitre, le muriate du foude, l’acétite de plomb , l'oxide d'étain, &c. Ces mordans font le plus fouvent décompofés par les parties colorantes, & il en réfulre de nouveaux compofés qui oc plus d’affiniré, & avec les parties colorantes, & avec l’écoffe qu'on veut teindre. Ce font ces détails qui font l'art du teinturier. L'air & la lumière ont une fi grande influence fur les couleurs, qu'il n’eft perfonne qui ne s'en foit apperçu. C'eft la portion d'oxi- gène de l'air atmofphérique qui agit, & la lumière favcrife fon ation. À EUE Il faut diftinguer, relativement aux effets de l'air, fes couleurs des oxides métalliques de celles des parties colorantes. J'avois prouvé que les modifications des premières étoient dues aux différentes proportions Tome XXXVIII, Part. I, 1791, AVRIL Qq 306 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, d’oxigène; mais j'ai été conduit par mes obfervations à une opinion différente fur les modifications des autres parties colorantes. J'ai obfervé que l'acide muriatique oxigéné préfentoic différentes apparences avec les parties colorantes, que quelquefois il en effaçoie la couleur & les rendoit blanches ; que le plus fouvent il les failoit pafler au jaune, au fauve, au brun & au noir, felon l’intenfité de fon action; & que lorfque leur couleur ne paroifloit qu'effacée ou blanchie, la chaleur ou le laps de temps fufñfoient pour les rendre jaunes. J'ai comparé l'effet produit par l'acide muriatique oxigéné lorfque les parties colorantes font rendues jaunes , fauves ou brunes, avec les effets d'une légère combuftion (1), & j'ai fair voir qu'ils étoient identiques, qu'ils étoient dus à la deftruction de l'hydrogène qui fe combinant avec l'uxigène plus facilement, & à une température plus bafle que le charbon, laifle celui-ci prédominant,, de forte que la couleur propre du charbon fe mêle plus ou moins à celle qui préexiftoir. Cec effec eft très-fenfible lorfqu’on foumet du fucre, de l'indigo ou de l’infufion de noix de galle & celle de fumach à l'a&ion du gaz muriatique oxigéné. Le fucre & l'indigo prennent une couleur foncée, & donnent des indices non douteux d’une légère combuftion. L'infuñon de noix de galle & celle de fumach font un dépôt noir qui eft du charbon prefque pur. Ces phénomènes font analogues à ceux qu'on obferve dans la diftil- lation d’une fubftance organifée. À mefure que l'hydrogène en eft dégagé fous forme d'huile ou dans l’état de gaz, la fubftance jaunit, & à la fin il ne refte qu'un charbon noir. Si lon chafle l'hydrogène d'une huile par la chaleur, elle brunit également. D’autres expériences que j'avois faires fur l’alcohol & fur l'éther m'avoient prouvé que l’oxigène, uni à l’acide muriatique, avoit la propriété de fe combiner avec l’hydrogène, qui eft abondant dans ces fubftances , en formant de l'eau. Lors donc que lacide muriatique oxigéné fait prendre une couleur jaune, fauve ou brune, cet effet provient de ce que la fuhftance celo- rante a éprouvé une léoère combuftion, dans laquelle une partie plus ou moins grande de fon hydrogène a formé de l'eau; & par-là le charbon, devenu prédominant, a communiqué la couleur qui lui eft propre. J'ai fait voir que c’étoit fur cette altération des parries colorantes par l’oxigène de l’atmofphère, de la rofée & de l'acide muriatique oxigéné qu'étoit fondé l’art du blanchiment des toiles. Les parties (x) Poyez les expériences de M. Weftiumb für Ja combuftion de différens, corps dans le gaz acide marin déphlogiftiqués SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 307 . colorantes du lin deviennent folubles par Palkali des leflives que l'on doit alterner avec l’action de l'oxigène. On peut enfuite précipiter de Palkali ces parties colorantes qui érant féchées & rapprochées, fonc noires, & qui prouvent la réalité de cette théorie par la couleur qu'elles ont prie, & par la quantité de charbon qu'elles donnene dans leur analyfe, La diflolution alkaline des parties colorantes de la toile, qui eft d'un brun noir, perd prefque route fa couleur, fi l’on y verfe une certaine quantité d'acide muriatique oxigéné , & l’on peut obferver le même effet fur plufeurs autres fubitances qui ont pris une couleur qui provenoic d'un commencement de combuftion, Ces obfervations nous apprennent de quelle manière l'air agit fur les fubftances colorantes d’une matière végétale & animale. Il fe com- bine d'abord avec elles; il les affoiblir, les fait pâlir, & peu-à-peu il s’ccablit une lécère combuftion, par laquelle l'hydrogène qui entroit dans leur compofrion eft détruir. Elles paflent au jaune, au roux & au fauve. Leur affinité avec l'étoffe paroît diminuer; elles s’en détachent, font éntraînées par l'eau; & tous ces effets varient & s’opèrent plus ou moins promptement & plus ou moins completement felon la pature des parties colorantes , ou plutôt felon les propriétés qu’elles ont dans l’état de combinailon où elles fe trouvent. Les changemens qui arrivent dans les couleurs qui font dues à la combinaifon des parties colorantes avec les oxides métalliques, font un effet compofé du changement qui s'opère dans les parties colo- rantes, & decelui qu'éprouve l'oxide métallique. La lumière du foleil accélère beaucoup la deftruétion des couleurs. Elle doic donc (fi la théorie que j'établis éft fondée ) favorifer la combinaifon de l'oxigène & la combuftion qui fe produit par fa. M. Senebier a fait plufeurs obfervations intéreflantes fur les effets que la lumière produit fur les couleurs. Je vais rapporter celles qu'il a faires fur la diffolution verte des végétaux dans l’alcohol. Si l'on expofe à la lumière du foleil cette diflolution qui eft d’un beau verd, on la voit prendre promptement une couleur olivâtre, & s’effacer en queiques minute. M, Senebier a obfervé que dans le gaz azote ou air phle- gifiqué, la couleur rmétoit pas altérée, & qu'elle n'éprouvoit aucun changement fi le facon étoit plein, J'ai renverfé un flacon à moitié rempli de diffolution verte fur du mercure, & je l'ai expofé à la lumière du foleil. Lorfque la couleur a été détruite, le mercure selt trouvé élevé dans le flacon, & par conféquent l'air viral avoit été abfo:bé, l'oxigène s'étoit combiné avec les parties colorantes, \ J'ai fair évaporer cette liqueur, bientôt fa couleur s'eft foncée & a bruni, & le réfidu étoit noir & dans un érat charboneux. Teme XXXVIU, Part. I, 1791, AVRIL, Qq 2 308 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, La lumière a donc agi en favorifane l'abforption de l’oxigène & la combuaftion de la partie colorante. Si le vale dans lequel eft con- true la liqueur ne contient pas de gaz oxigène, la lumière n’a pas d'action fur les parties colorantes, le gaz azote n’éprouve pas de diminution. ÿ Il fe préfente ici une contradiction apparente. C'eft à l’action de [a lumière du foleil qu'eft due da produétion des couleurs végétales. Elle dégage l’oxigène de l'acide nitrique, de l'acide muriatique oxigéné, de quelques oxides métalliques , & des plantes en végétatior. Elle faic alors, pour ainfi dire , l'oppofé de la combuftion, & lorfqu'elle a contribué à la deftruétion des couleurs , elle fert à fixer l’oxigène & à produire une efpèce de eombultion. De même le phofphore n’eft point altéré par l'acide muriatique oxigéné dans l’obfcurité avec le fecours de la chaleur. Mais il éprouve une combuftion, & il eft changé en acide phofphorique par le concours de la lumière, Je ne fais quelles font les circonftances, quelles font les affinités qui déterminent tantôt un effet, tantôt l’autre ; mais tous deux font également prouvés. Il me paroît que ces phénomènes peüvent être comparés à ceux des affinités doubles. Il eft bien certain que la terre calcaire cède l'acide fulfurique à la potafle; & cependant par le moyen d’un échange la terre calcaire peut chafler la potafle de fa combinaifon avec l'acide fulfurique, Les fubftances colorantes réfiftent donc plus ou moins à l’aétion de l’air felon qu’elles font plus ou moins difpofées à fe combiner avec l'oxigène, & à fubir par fon a@ion une combuftion plus ou moins prompte, plus ou moins grande, La lumière favorife cer effer, & dans plufieurs cir« conftances il n’a pas lieu fans fon concours; mais les parties colorantes ifolées font beaucoup plus difpofées à éprouver cette combuftion que lorfqu’elles font combinées avec une fubftance telle que l’alumine, foie que celle-ci Les défende par fa propre incombuflibilité , foir que la force de l’affinité les reflerre, pour ainfi dire, & affoiblifle leur aétion fur d’autres fubftances, & c’eft en quoi confifte principalement l'u:ilité des mordans. Enfin, cette dernière combinaïfon acquiert encore plus d’immu- tabilité lorfqu’elle peut s’unir intimément avec l'éroffe, Ainf la partie colorante de la cochenille fe diffout facilement dans l'eau , & fa couleur s’altère promptement à l'air. Lorfqu'elle eft combinée avec oxide d’érain, elle eft bien plus vive , & elle ne fe dificur prefque plus dans l'eau ; mais elle eft encore altérée facilement par l'air & par l'acide muriatique oxigéné. Elle réfifte mieux lorfqu’elle forme une combinaifon triple avec une étoffe de laine. L'action de l'air & de la lumière agit même fur l’étofe colorée, Perfonne n’ignore l'effet que l'air & la lumière produifent fur des rideaux de taffetas expofés à la lumière d’une croifée, Les parties qui font frappées SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 309 par les rayons folaires fe déchirenr avec la plus grande facilité, tandis que celles qui en ont été garanties, foic par les bois, foit par des plis, confervens une partie de leur force première. L'action de l'air n’alcère pas feulement les parties colorantes & l'étoffe : ‘elle fe porte encore fur les oxides métalliques lorfqu’ils fervent d’inter- mèdes entrelles, parce que les oxides, qui d’abord font privés d’une partie de leur oxigène par les parties colorantes; ainff que nous allons le voir en expliquant lation des aftringens, peuvent en reprendre, ï. manière d'agir des aftringens fur les diflolutions de fer pour produire les couleurs noires, a été l’objet des recherches des plus favans chimifles. Schéele en traitant l'infufion de noix de galle, y a découvert un acide qu’on a appelé acide gallique. Il verfa de la diflolution de cet acide dans différentes folutions de fels métalliques & eut-des précipités diverfement colorés. La diflolution vitriolique de fer devint noire. Ces expériences de Schéele ont déterminé la plupart des chimiftes à regarder l'acide gallique comme le principe aftringent , & à conclure qu'il exifte dans toutes les fubftances végétales qui précipitent en noir le fer de fes diffolutions , & que ce précipité eft une combinaifon de lacide © gallique & du fer qui abandonne les autres acides pour s'unir à lui. J'ai répété les expériences de Schéele , les ai variées , & j’ai obfervé : 1°. Qu'en fuivant fes procédés, il fe formoic dans la liqueur des pellicules verdâtres dues à un byflus. 2°. Que dans un vafe pareil où nulle évaporation ne pouvoit avoir lieu, il fe dépofoic pendant lhiver des criftaux purs, tranfparëns, jaunes fans l'influence de l'air extérieur, que par conféquent l’acide gallique étoit exiftant dans la noix de galle. 3°, La diflolution de cer acide, & même celle de noix de galle rougit la teinture de tournefol , celle de raves, &c. mais l’infufion de noix de galle blanche n’a aucune action fur elles. Le papier teint avec le rournefol n’a point été altéré par l’infufon du fumac, d'écorce de prunier , de noyer, de quinquina, qui cependant font des aftringens. Ce qui prouve qu'elle ne contient point d'acide, non plus que la noix de galle blanche. J'ai remarqué en analyfant les effets des mordans, que les oxides métalliques qui fe combinoient avec Les parties colorantes modifioiene leurs couleurs ; mais quelques oxides métalliques, & particulièrement Poxide de fer, ont une couleur variable fuivant la quantité d’oxigène qu'ils contienrent. Le fer qui ne fe trouve combiné qu'avec une petite portion d’oxigène, a une couleur noire, & forme ce qu’on'appelle ézkiops martial. fufroit qu’une fubftance eût la propriété d’ôter à l’oxide de fer en fe combinant avec lui une partie de l’oxigène qu’il a lorfqu’on le précipire d'une diffolution acide pour lui donner une couleur noire, & fi cette fubftance ne dominoit pas par fa propre couleur, fi la couleur 310 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, tiroit elle-même au noir, la combinaifon qui fe formeroit feroit noire, Or, la noix de galle précipite l'or & l'argent de leur diffolution en les ramenant à l’état métallique. Elle a donc la propriété d’ôter l'oxigène aux métaux auxquels ce principe tient peu , & d’ôrer aux autres {a portion qui y: adhère le moins. Elle agira de mème fur le fer. D'un autre côté l’infufion de noix de yalle & celle des aftringens rennent elles-mêmes une couleur brune & rembrunie, en étant expolées à l'air dont elles abforbent de l'oxigène. Elles acquerront donc la même couleur en agiffant fur l'oxide de fer, & lui Ôôtant une partie de fon oxigène. Ainfi le principe de ces aftringens peut produire le même effet que l’acide gallique. Cette couleur que prend le principe aftringent par l'abforption de l'oxigène eft une véritable combuftion. Il ne faut pas être furpris que le principe aftringent puifle fe combiner avec les oxides métalliques fans avoir les qualités d'un acide; car les fubftances animales , les huiles, les alkalis mêmes & la chaux, ont cette propriété. D'après ces obfervations je regarde l'abondance du charbon comme le caractère eflentiel du principe aftringent. L’hydrogène qui ne s’y trouve qu’en petite quantité eft cependant fort difpofé à fe combiner en partie avec l'oxigène. De-là vient que lorfqu'on laïfle l'infufon de noix de galle en contact avec l’air vital, il ne fe fait qu'une petite abforption d'air vital; & cependant la couleur de l’infufion devient beaucoup plus foncée : car par cette légère combaftion le charbon devient facilement prédomi- nant, & la couleur fe fonce & fe rembrunit. Une fubftance qui contient beaucoup de charbon ,& qui ne peut éprouver qu'un léger degré de combuftion doit avoir de a ftabilité dans fon état, parce qu'à la température ordinaire le charbon ne fe combine pas avec l'oxipène, à moins que cette combinaifon ne foit favorifée par d’autres affinirés. Ê Le bleu eft avfi une couleur très-folide; car dans les analyfes de l'indigo on en retire une plus grande quantité de charbon que de la noix de galle elle-même. Les fubftances colorantes au contraire qui contiennent beaucoup d'hydrogène, & dans lefquelles lesmolécules de l'hydrogène font divifées, doivent facilement fe décompofer par la combinaifon de l'hydrogène avec l'azote ou avec l’oxigène. Tel eft le précis de la théorie de M: Berthollet fur l'art de la Teinture, Nous regrettons de ne pouvoir le fuivre dans les détails, ANALYSE D'une nouvelle efpèce de Sel ammoniac déphlogifiique , calcaire fulminant , en efflorefcence fur du Tufdu V'éfuve; Par M. SAGE. Avant obfervé dans le cabinet de l'Ecole des Mines que diverfes efpèces de laves effleuriffoient à leur furface ; que parmi ces efflorefcences il y en avoit de farineufes, quelques-unes en forme de duvet, & d’autres en aiguilles, ou prifmes tétraëdres très-fins , longs de quatre à cinq lignes, blancs, brillans & tranfparens; j’attribuai ces différences efflorefcences à des fels divers, que j'ai retonnus par l’analyfe être de dix efpèces, L'eau de la mer qui s’introduit dans le Véfuve concourt à la formation des diverfes efflorefcences qu'on trouve fur les laves produites par ce volcan. . On verra par l'expofé fuivant que le fel marin s’y trouve quelquefois en nature; mais que le plus fouvenc on y rencontre le natron qui eft la bafe alkatine de ce fel ; ou il eft pur, ou il eft engagé dans les terres calcaire , filiceufe & martiale, avec lefquelles il forme les laves, L’acide du fel fe trouve en plus grande quantité au Véfuve que le fel même. Cet acide fe manifefte dans l’atmofphère de ce volcan, où l'acier f: rouille promptement; l’acide marin s’y trouve aufli combiné avec l'alkali volatil & diverfes bafes terreufes , & avec la chaux de fer. Ce même acide s’y trouve aufli à l’état d’acide marin déphlosiftiqué , c’eft-à-dire, mêlé avec un acide femblable à celui qui eft principe de la inanganèfe ; ces acides combinés avec l’aikali volatil & la terre calcaire, forment un fel qui eft l’objet de ce Mémoire, Les efflorefcences falines qu'on trouve fur les laves font au nombre de dix. 1. Sel marin. 2. Sel ammoniac. 3. Sel calcaire (1), 4 Sel martial, $. Natron, bafe alkaline du fel. G. Natron vitriolé, ou fel de Glauber, (x) Le mot fel eft confacré pour défigner les combinaifons où l’acide marin ef partie confituante. 312 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, 7. Sel ammoniac déphlogiftiqué , calcaire fulminant. 8. Efflorefcence alumineufe, 9. Sélénite. 10. Vitriol martial. Outre le fel marin pur qu’on rencontre au Véfuve , fous forme d'incruftation plus ou moins poreufe, ce fel fe trouve encore interpofé dans quelques bafaltes grisâtres, fur-tout dans ceux de l'île de Pontza (1), à trente lieues de Naples. Ces prifmes de bafalte n’ont pas plus de fix à fept pouces de longueur fur deux pouces de diamètre environ ; il y a dans le cabinet de l'Ecole des Mines, une fuite de ces prifmes , tétragones, pentagones & hexagones, Quelques-uns ont perdu leur forme & font tombés en pouflière grife: les autres fe font couverts d’une efflorefcence lanugineufe grisâtre. J'ai lavé ces bafaltes de Pontza tombés en pouflière (2), j'en ai retiré un vingt-quatrième de fel marin mêlé de fel calcaire. Ayant expofé à un feu violent du bafalte de Pontza pulvérifé , il s’eft fondu & a produit un émail noir. Quelques laves du Véfuve font enduites de fel ammoniac blanc ; ce fel s’eft formé de l’union de l’acide marin avec l’alkali volatil produit par la décompofition du charbon de terre , qui eft un des alimens des feux volcaniques : dans ce bitume les pyrites fe décompofent fans produire de chaleur. Les tourbes pyriteufes font aufli fufceptibles de s'enflammer fpontanément, par le concours de l'eau, de l'air & du bitume. Le fe] marin fe décompofe dans le Véfuve par le moyen de l'acide vitriolique fourni par les pyrites. Cet acide marin attaque le fer qui colore les laves , le diffout & produit un fel martial jaune & déliquefcent connu fous le nom impropre d'huile du Véfuve. Si le fer a concouru à la décompofition du fel marin , le natron qui lui fert de bafe refte : auffi trouve-t-on de cet alkali au Véfuve & à l’Ecna. Lorfque l’acide vitriolique fe combine avec ce natron , il en réfulte du fel de Glauber, Il y a dans le cabinet de l'Ecole des Mines une lave du Véfuve poreufe, en ftalaétire mammelonée de deux pieds de long, d’un brun rougeître; je l'ai vu fe couvrir d’une efflorefcence blanche farineufe : j'ai lavé certe lave ; fix mois après elle s’eft couverte d'une nouvelle efflorefcence dont une partie s’eft détachée d’elle-même ; j'ai diffous dans QG) Ventrotrene , San-Stephano , Palmarnola, Pontza & Zanana, connues fous le nom d’iles Ponces , font fituées dans la mer Thyrène, fur la côte d'Italie, en face du golfe de Gayette ; c’eft dans la première que Julie, fille d’Augrfte , fut exilce. (2) On trouve en Auvergne de petits bafaltes prifmatiques , à-peu-près femblables à ceux de Pontza; ils en diffèrent en çe qu'ils font noirs & ne tombent pas en eforefcence, } î l'eau SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 313 l'eau cette efflorefcence, je lai évaporée & j'ai obtenu du fel de Glauber en grands criftaux mêlés d’un peu de félénite. Ce natron vitriolé s'étant formé fucceflivement, il exifte donc dans cette lave du natron & de l'acide vitriolique qui fe combinent enfemble pour donner naiffance au fel de Glauber. Un tuf grisâtre entremélé de fchorl du Véfuve , s'étant couvert dans l'efpace de trois années d’une efflorefcence en criftaux prifmatiques ftriés, très-fins , tranfparens , longs de quatre à cinq lignes, je goûrai ce fell, & lui trouvai une faveur piquante fingulière , ce qui me détermina à en faire l’analyfe avec la plus grande précifion ; elle me fit connoître que ce fel étoit compofé d'acide marin déphlogiftiqué , combiné avec de Palkali volatil & de la terre calcaire. Ce fel ammoniac déphlogiftiqué calcaire fe diflout avec promptitude dans quatre parties d’eau. IL précipite le nitre lunaire en argent corné. L’alkali fixe décompofe le fel ammoniac déphlogiftiqué, & en précipite de la terre calcaire. Ayant mis de ce fel ammoniac déphlogiftiqué calcaire dans une cuiller de platine , & ayant dirigé deflus la flamme d’une bougie à l’aide du chalumeau , ce fel s'eft enflammé aufli-tôt, & a produit une efpèce de fufée , accompagnée d’explofion. Le tartre manganéfé fulminant expofé au jet de flamme du chalumeau , y fond promprement & produit un globule tranfparent ; fi c’eft dans une cuiller d'or qu’on a expofé ce fel au feu, ce métal devient noir. Ce tartre manganéfé ne fulmine que lorfqu'il eft en contact avec le charbon. Si Le fel ammoniac déphlogiftiqué calcaire brûle & fulmine par le {eul accès de la Aamme, c'eft par la même raifon que le gaz alkalin brûle aufli-côc qu'il eft en expanfon dans l'acide marin déphlogiftiqué. Lorfque les laves ont été altérées par l’action lente , mais combinée du tems, de l’acide vitriolique & du feu , le quartz qu’elles contiennent paroït paffer à l'état d’argile qui s'alumine ; la couleur rougeñtre & verdâtre de ces laves les fait reconnoître ainfi que leur faveur & l’eflorefcence plus ou moins ftriée, quelquefois capillaire , fouvent mêlée de vitriol martial. NoTez. Les chimifles néologues difent que muriare de poraffe oxigéne exprime mieux que tartre manganéfé fulminant , la nature du fel déphlogiftiqué que M. Berhollet a fait connoître, parce que, difent-ils, il n’entre ni tartre, ni manganèfe dans la confe@ion de ce fel. Je conviens que ni l’un ni l’autre n’y entre point en nature; mais je foutiens que l’alkali du tartre s’y trouve , & qu'étant le feul alkali pur, il faut que fon nom foit confervé. Mon expreffon tartre mangané(é n’eft pas plus défeAueufe que celle de tartre vitriolé, qui fubfftera rant qu'il y aura des chimiftes , quoique le tartre & le vitriol Tome XXXVIIL, Part, I, 1791, AVRIL. Rr 314 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, a MÉMOIRE SUR L'ÉQUILIBRE DU FEU: Par P. Prevosr, Profefleur honoraire à Genève, de la Société des Arts de la méme Ville, de L Académie de Berlin, & de la Société des Curieux de la Nature. JE me propofe d’analyfer & de fixer avec précifion le fens du mot équilibre, appliqué à un fluide tel que le feu. Cerre idée n’eft pas exatement définie dans les théories qui laiflent indécifes les queftions relatives à la nature de cet élément. Si l’on doute que la chaleur foit matérielle, fi l'on ne s’explique point fur la contiguité ou la non-contiguité des molécules du feu, fur leur mobilité ou leur immo- bilité, fur l’efpèce de mouvement, vibratoire ou progreflif, qu'on leur attribue, on ne peut point arriver à des idées juftes & completres fur la nature de leur équilibre. Il réfulce de-là que tout phénomène qui dépend , non point d’un équilibre quelconque, mais d'une efpèce par- ticulière d'équilibre, demeure entièrement inexpliqué, Et comme l’ima- gination détermine en quelque forte, malgré elle, ce que la raifon veut laiffer indéterminé, on perd de vue les vraies caufes, & l'on rentrent point en nature dans Ja confe@ion de ce fel, mais l’acide vitriolique & Valkali du tartre ; il eft à-peu-près de même du tarire manganélé fulminant, qui eft une combinaifon de l’alkali du tartre avec l’acide principe de la manganèle. Muriate de poraffe oxigené n’eft pas propre à donner une idée de ce fel déphlo- gifiqué fulminant , puifque ces trois mots ne fignifient réellement rien de ce qu’on cherche à peindre. Muria exprimoit chez les latins une fauce faite avec un poiffon, Ate eft une terminaifon ingrate, Potefle eft dérivé des mots allemans pos afche qui fignifie cendres de pots. L'alkali fixe, vendu dans le commerce, feus le nom de potafle , étant toujours impur , comment fe peut-il qu'on fe foit arrêté à cette dénomination pour donner idée d’un alkañ pur. La fignification étymologiée des mots muriate de poraffe oxigéne, eft fauce d+ poiflon, cendre de pots, engendrée par un acide; car oxigène figrifie fils d'acide, & non g“nérateur. Cette phrafe eft donc un galmatias. Et c’eft dans le dix-huitième fècle que des hommes juflement célèbres par Jeurs découvertes emploient un jargon femblable ; en vain penfent-ils par leur coalition fubjuguer les favans; en vein impriment-ils dans tous les Journaux une lettre de M. Black pour donner du relief à leur doétrine & à leur dialeéte hétéroclite, qui ne peut engouer que ceux qui admettent fans analyfer. SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 315 préfère arbitrairement de vaines hypothèfes ; parce qu’elles font com- modes à quelques égards, & favorables aux premières apparences. Je ne perdrai pas le temps à difcuter les diverfes conftirutions afi- gnées au feu par divers phyficiens. La vraie conftitution de ce fluide eft liée à la théorie des fluides difcrets, déjà connue, quoique fon auteur ne l’ait pas publiée. Je renvoie pour fes développemens & fes preuves, à ce qu'en a dit M. pe Luc, foic dans fes Idées fur la météorologie , foit dans les Zestres qu'il publie fucceffivement dans ce journal; ainfi qu'à ce que j'en ai dit moi-même dans mon eflai fur lorigine des forces magnétiques. Suppofant donc les principes de cette théorie, je me bornerai à les rappeler, & à m'en fervir pour établir les vraies notions fur l'équilibre du feu. Je ferai enfuite l'application de cette chéorie de l'équilibre du feu à un phénomène très-remarquable, que je juge inexplicable fans elle. Ce phénomène eft celui de la réflexion du froid. Il a été obfervé par M. PicreT, qui la expolé en détail dans fon e/Jai fur Le feu (x). Cet habile phylicien, avec qui j'ai d'anciennes & précieufes liaifons d'amitié, ne défapprouve point la difcuflion que j'entreprends, quoi- qu’elle rende à indiquer quelqu'infufñfance dans l'explication qu'il a lui-même donnée de ce phénomène (2). On verra d’ailleurs par ce que jen dirai, qu’une explication complerte, telle que celle que fournit. la théorie de M. LE SAGE, n'entroit pas dans le plan que M. PICTET s'étoit propofé. Je difcuterai donc très-libremenc ce phénomène. Je ferai voir quil s'explique de [ui-même & fans aucun effort, par la vraie théorie des fluides difcrets. Et je prouverai qu'il ne s'explique point par les théories imparfaites auxquelles fe bornent communément les phyfciens. Je terminerai ce mémoire par deux remarques qui ont quelque connexion avec fon objet, fans s'y rapporter directement. . CS E Théorie de l'équilibre du feu. Le feu eft un fluide difcrer. Son élafticité confifte dans fa force expanfive. Et celle-ci eft l'effec du mouvement de fes particules. Ce (x) Chap. III, pag. 81. Cet ouvrage que nous avons annoncé dans le Journal de Phyfique de mai dernier , & dont il a paru des traduétions en Allemagne & en Angleterre , n’a pas encore été mis en vente à Paris. Il s’en trouve aujourd’hui un petit nombre d'exemplaires chez M. Mérigot le jeune, quai des Auguftins. Nore des Rédaëleurs. (2) Cette infufifance fut d’abord apperçue par M. DE VÉGogre , un de nos amis communs. Il la fitremarquer à M. Peter, & voulut bien aufli m’en faire part. Cette obfervation de M. pe VÉGOBRE a été l'occafon des réflexions qui font Le fujet de ce Mémoire. Tome XX XVIII, Part. I, 1791. AVRIL, Rr 2 316 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, mouvement eft caufé par l'impulfion d'un fluide beaucoup plus fubtil > qui a plus de prife fur ces particules en un certain fens déterminé par leur figure. IL eft fi rapide que lorfque le feu eft libre, fa tranflarion d'un lieu dans un autre paroît inftantanée. Il eft aufi fenfiblement redtiligne; en forte que le feu parfaitement libré partage, quant au mouvement de fes particules, toutes les propriétés de la lumière, du moins autant que nos fens en peuvent juger dans les expériences bornées qui ont été tentées jufqu'ici. Un fluide difcret, dont les particules raycnnent comme la lumière, peut être contenu par des cloifons, mais ne fauroic être contenu par un autre fluide rayonnant, ni par conféquent par lui-même. Car il faut concevoir tous ces Auides comme très-rares, comme laiffant beaucoup plus d’intervalles vides que de plein dans lefpace qu'ils occupent. La lumière n’arrêre point le cours de la lumière, Si cette émanation folaire étoit fi denfe que deux courans lumineux ne puilent fe croifer fans s’interrompre, les innombrables croifemens & réflexions qu’elle éprouve, troubleroient entièrement fa direction reciligne , la Iumière perdroit à nos yeux roures les propriétés qui dépendent de cette direction. Ce qui eft vrai de ce fluide, eft vrai de tout fluide rayon- nant. Le feu qui rayonne fe meut dans le feu, lequel fur la terre eft préfent en tous lieux, & puifqu'il n’en éprouve point de pertur- bation fenfible, il faut que fes particules foient féparées par de grands intervalles, relativement à leurs diamècres. Il eft donc certain que le feu libre & rayonnant eft un fluide très-rare, done les particules ne s'entrechoquent prefque jamais, & ne troublent point fanfiblemene leur mouvement mutuel. Ce n’eft donc pas en fe conformant aux hypothèfes phyfques qu’on dit ordinairement que le feu eft coercible par lui-même, que deux portions contigues de feu fe contiennent mutuellement lorfoue leurs températures font égales, ou ( comme die M. Vocra) lorfque leurs ie font les mêmes. Ces expreffions ne font exactes qu’en tant qu’elles défignent une apparence. Dans la réalité, le feu d’ure portion ne peut point arrêter celui de lautre. Ces deux feux fe donnent mutuellement un libre pañlage. Ce feroic donc fauffement qu'on concluroit de ces expreflions que deux portions de feu contigues fe contiennent mutuellement comme deux reflorrs tendus & arc-boutés l’un contre f’autre, où comme deux maffles de crin qui fe repouffent par leur élafticiré. Maïs en quoi confifte l'équilibre de ces deux portions de feu con- tigues ? Pour répondre clairement à cette queftion, je fuppofe les deux portions enfermées dans un efpace vide, terminé de toutes parts par des cloifons impénétrables. On peut fe reprélenter deux cubes appliqués par une de leurs faces, formant par conféquent un parallé- Bpipède rectangle , parfaitement évidé ; done les fix faces font d’une SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 317 matière abfolument folide & fans pores. Les deux portions que je confidère font, dans cet exemple, les deux cubes appliqués. Le feu, occupant l'intérieur de cet efpace, s'y meut librement; & aflurémiens on ne fauroit voir aucune raifon pour qu'il palle avec moins de faci- lité au travers de la limice des deux portions qu'au travers de toure autre fe@ion de cet efpace. De lune à l'autre portion il fe fair donc de continuels échanges, & l'on peut affirmer ( attendu le nombre des particules & leur continuel mouvement) qu’à chaque inftant obfer- Vable, l’érat & la quantité de feu dans chaque portion fonc conftans. C'eft bien fans cefle des particules différentes qui fe trouvent en un même lieu, mais leur nombre & leur diftance moyenne dans chaque portion ne varie point; quant à leur virefle, comme elle eft la même dans un même fluide en liberté ( vu la’ nature conftante de la caufe qui la produit & la renouvelle perpéruellement), il eft clair qu’elle ne change pas; & j'en dois faire abftraétion, puifqu'en ce moment je ne confidère que le feu libre & rayonnant. Toutes les fois que deux portions de l’efpace fe trouvent dans les circonftances que je viens de décrire, le feu ef entr'elles en état d'équilibre. Ce qui fignifie que les phénomènes qui manifeftent fon exiftence demeurent les-mêmes. Que fi ces phénomènes changent de la même manière & en même quantité dans les deux portions, l'équi- libre donc il eft queftion ne fera point troublé. C’eft ce qui arrive- roit fi l’on Ôtoit de l’efpace total que nous venons de confidérer une certaine partie aliquote de tout le feu qui s'y trouve, ou bien fi cette partie aliquote y étoit ajoutée. L'identité des phénomènes que fuppofe l'équilibre du feu entre ces deux portions de l’efpace eft une identité relative, laquelle, comme on vient de voir, peut fubfifter, quelle que foit la différence ou Mnégaliré abfolue, Suppofons maintenant que dans lune des deux portions d’efpace (que je confidérois tout-a-l'heure fous l'emblème de deux cubes adoffés) on verfe cout-à-coup de nouveau feu; par exemple, une dixième de tout celui qui eft contenu dans cette portion là. Ce feu, mis à l'inftant en mouvement, fe répandra bientôt dans tout l’efpace où il peut pénétrer librement. Ainf, les échanges entre les deux portions feront inégaux. L'une enverra à l’autre onze particules, tandis que celle-ci ne lui en renverra que dix. Cet état conflitue la rupture d'équilibre entre les deux portions. A force d'échanges inégaux, on conçoit que l'égalité fera rétablie, Ainf, la rupture d'équilibre ramène très-vite l'équilibre entre deux portions de feu libre (1). (x) Suppofons que les denfités du feu dans nos deux cubes adoffés foient comme Les nombres 1 & 2, (c’eft-à-dire, que l’un foit deux fois plus chaud que Fautr: ); 318 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, L'équilibre abfolu du feu libre eft l'érat de ce fluide dans une portion d’efpace qui en reçoit autant qu’elle en laifle- échapper. L'équilibre relatif du feu libre elt l’état de ce Aluide dans deux portions d’efpace qui reçoivent l'une de l’autre des quantités égales de feu, & qui d’ailleurs font en équilibre abfolu, ou éprouvent des changemens précifément pareils. ; Le feu de plufeurs portions de l’efpace à la même température, & voifines les unes des autres, eft à la fois dans les deux efpèces d’équi- libre. Change-t-on à la fois la température de tout l’efpace? Ïl y a rupture d'équilibre abfolu, mais non d'équilibre relatif. Altère-t-on de même la température d'une ou de plufeurs portions fans les affecter toutes? L'un .& lautre équilibre eft rompu. Si la caufe qui verfe ou qui abforbe le feu de quelques-unes des portions eft une caufe inftantanée, après l’action de cette caufe, l'équilibre relatif fe rétablit inceflamment au moyen des échanges inégaux. Et après ce rétabliflement, Péquilibre abfolu refte rompu , c’eft-à-dire, que la température du lieu eft changée. Si au contraire la caufe eft permanente, c’eft-à-dire fi on ouvre en quelqu'une des portions de cet efpace une fource ou un gouffre qui verfe ou qui abforbe inceflamment du feu, l'équilibre relatif tend à fe rétablir, mais ne fe rétablit point entièrement tant que dure lation de la caufe, & l'équilibre abfolu eft inceflamment rompu, $. II. ‘Application de la Théorie précédente au phénomène de la réflexion: du Froid. Qu'on fe repréfente deux miroirs fphéri@o-concaves, oppofés lun à l’autre fur leur axe; & qu'on place à leurs foyers deux corps préci- fément égaux , femblables , & de même fubftance, que j'appellerai les deux corps focaux. Je fuppofe pour fimplifier, 1°. que tout lefpace où l’appareil eft plongé eft abfolument froid, & ne reçoit de feu que de la part des deux corps focaux ; 2°. que ceux-ci font chauds, & lancent incef- fappofons encore que dans une feconde il paffe de l’un à l’autre cube un nombre de particules ignées qui foit au total comme 1 eff à 10 (en forte que pendant ce petit’ temsil fe fafle des échanges pour une dixième de tout le feu ). Après /épz fecondes, le rapport des denfités du feu dans les deux cubes fera celui de 5 à 6. Après quatorze. fecondes, ces denfités feront comme les nombres 28 & 29 , c’eft-à-dire, très-voifines de l'égalité : l’équilibre paroitra rétabli, Je tire ce réfultat d’un calcul de M, Le Sage fait il y a trente ans à l’occafon de- fluides difcrets tres-différens du feu. \ SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 319 famment du feu rayonnant ; 3°. que les miroirs réfléchiflenc le feu, mais ne l’abforbent point. Ces abftractions admifes, il eft clair que le feu lancé par l’un quelconque des deux corps focaux rayonne de tous côrés. Mais je ne confidère que la partie qui va frapper le miroir dont il eft le foyer. Ce feu eft réfléchi parallèlement à l'axe. Heurtant le miroir oppofé fous cette diredion Ïà, il eft réfléchi au foyer de ce fecond miroir, & rentre par conféquent dans le corps qui occupe ce foyer. De même inverfément, le feu lancé par celui-ci contre fon miroir va rentrer par une double réflexion dans le corps qui occupe le foyer du premier miroir. Suppofons d’abord les deux corps focaux à la même température ; ou lançant chacun contre fon propre miroir quantité égale en temps’ égal de feu rayonnant, L'équilibre relatif du feu entre les deux corps focaux ne fera point troublé par cette opération; car chacun d'eux en recevra de l’autre précifément autant qu'il lui en envoie, L'imma- nation compenfera l’'émanation exaétement, Maintenant altérons, en plus ou en moins, la température de l’un des deux corps focaux , les échanges qui fe font entr'eux par voie de double réflexion, cefleront d’être égaux; l'équilibre relatif fera rompu. Il tendra donc à fe rétablir, & la température de ces deux corps tendra à fe rapprocher. . A-t-on verfé de nouveau feu fur le premier corps; lpar exemple, une dixième de tout celui qu’il poflédoit? Le fecond corps fera avec Jui des échanges avantageux. Pour dix particules tranfmifes par ré- flexion, il en recevra onze par la même voie; ainfi fa chaleur fera augmentée. 4 A-t-on fouftrait du feu ‘au premier corps; par exemple, une dixième? Le fecond corps fera avec lui des échanges défavantageux, recevant neuf contre dix par le miniftère des miroirs. Il fera réfroidi, Tel eft le réfultar de la théorie, exactement conforme à celui des ingénieufes expériences de M. PICTET, malgré routes les abftrac- tions que j'ai faites; parce que ces abftraétions n'influent que fur les quantités de froid ou de chaleur produites par réflexion, & non fur la qualité de ces affections. On fair que ce phyfcien a vu la chaleuz & te froid également réfléchis dans {on appareil , qui eft celui que je viens de décrire. Il n’a pas héfité à expliquer la réflexion du froid par celle de la chaleur en fens inverfe; mais s'étant borné ( confor- mément à fon plan) aux explications tirées immédiatement de l’exré: rience, & n'ayant point eu en vue, dans l'important ouvrage qu'il a publié, de traiter de la conftitution des fiaides diferets, il n’a pu entrer dans les détails que je viens de donner. Il en eft réfulé que 320 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, l'apperçu auquel il s’eft arrècé touchant la caufe de la réflexion du froid , fondé fur des notions d'équilibre inapplicables aux fluides difcrers, eft infufifane pour la théorie, quoique vrai quant aux apparences. Ceft un faic certain que lorfqu'on produit du froid au foyer de Fun des miroirs, le feu du thermomètre placé au foyer oppolé, fuit la marche que lui trace M. Prcrer. Et cette marche eft celle que je viens de décrire. Mais qu'eft-ce qui force le feu excédent du thermomètre à fuivre cette marche? C'eft ce que ce phylicien m'in- dique pas, parce qu'il n’a point été appelé à envifager le feu felon fa conflitution naturelle, Or, fi l'on s'en tient aux idées de cenfion , de reflort bandé, en un mot, d’équilibre immobile, il fe trouve que le phénomène de la marche du feu, dans l'expérience de la réflexion du froid ; demeure abfolument inexplicable. C'eft ce que je vais faire voir en prouvant, 1°. que dans cette hypothèfe de l'équilibre immo- bile, il ne doit pañler aucun feu du thermomètre à fon miroir; 2°. que s'il en pañloit, ce feu n'iroit pas converger au foyer de l’autre miroir. SALENIUE Exclufion de lexplication indépendante de certe Théorie. 1. À l'inftanc où l'on place un corps froid, tel que la glace, au foyer d’un des miroirs, on ouvre un gouffre où va fe précipiter la chaleur de tous les corps voifins. Cette caufe agit felon la loi inverfe du quarré des diftances, lorfqu’on fuppofe les corps de même nature, comme nous le faifons en ce moment. Les miroirs employés dans l’expérience de la réflexion du froid étoient éloignés l’un de l’autre de dix pieds & demi. Leur courbure étoit celle d’une fphère de neuf pouces de rayon; en forte qu'ils avoient leur foyer à peu-près à quatre pouces & demi de leur furface, mefurés fur laxe. Si donc on ne confidère que les corps de l'appareil, fans fonger aux fupports, ni à l'air & aux autres corps ambians ou voifins, il eft clair que le miroir dont le foyer eft occupé par la glace, étant vingt-huic fois plus près de ce corps froid que l'autre miroir, doit Jui envoyer fept cens quatre-vinot-quatre fois plus de feu dans un même temps. De même, le thermomètre placé au foyer de cet autre miroir étant plus près de la glace que fon miroir dans le rapport de vingt- fix à vingr-fept, doit lâcher plus de feu qu'une partie du miroir épale à fa boule dans le rapport inverfe doublé ( du moins pour la partie du miroir qui fe trouve à l’origine de l'axe). Ce rapport eft celui de 729 à 676, ou de 13 à 12 à peu-près; en forte que, par l'influence immédiate de la glace, le thermomètre perd prefque un treizième pe a SUR L’HIST, NATURELLE ET LES ARTS. 321 fa chaleur de plus que s’il faifoit partie du miroir au foyer duquel il eft placé. Et lorfque le refroidiffement du premier miroir devient fenfible au fecond , le thermomètre, comme moins éloigné que celui-ci, en eft aufi plus affecté dans le rapport inverfe doublé de 27 à 28, c’eft-à- dire, dans le rapport de 784 à 729, ou de 14 à 13 à peu-près. Ainfi le thermomètre eft plus refroidi que fon miroir, foit immé- diatement par la glace, foit médiatement par le miroir dont cette glace occupe le foyer. Le feu y eft donc dans une senfion moindre que dans le miroir. Il ne peut donc pañler du thermomètre au miroir, ni par conféquent rayonner de là au miroir oppolé, puis à la glace. Cette marche, dans le fyftême de l'équilibre immobile eft contraire à l'effec que doit dérerminer la caufe. Et elle eft encore plus inexpli- cable lorfqu'on confidère les fupports de l'appareil & tous les corps environnans , lefquels verfent du feu dans la glace, attirent fans celle celui du thermomètre tout aufi bien que le miroir oppofé; effets indépendans de la réflexion & de la fituation particulière des foyers. 11. À quoi il faut ajouter qu’en accordant même ( ce qui eft démontré faux dans l’hypothèfe que je difcute) que le feu du thermo- mètre pafsat ex partie dans fon miroir; comme il ne s’y porteroit que pour y remplacer celui qui s’en échappe, ce feu ne feroit pas réfléchi, mais abforbé. Or, tout le feu que l'un des miroirs envoie à l’autre, autrement que par réflexion du foyer, ayant une radiation’ irrégulière, ne va point converger au foyer de l’autre miroir. Ainfi les foyers ne feroient pas plus propres que deux autres points pris au hafard entre les miroirs, pour répéter l'expérience de la réflexion du froid, ce qui eft abfolument contraire à la vérité d'obfervation. On voit donc que fi l’on fe refufe à confidérer le feu felon fa vraie conftitution, comme un uide difcret, dont les parties font agitées, & fi en conféquence on n'arrive pas aux notions que j'ai données de l'équilibre du feu libre & rayonnant, il eft impofñlible de donner aucune explication fatisfaifante (& compatible d’ailleurs avec les prin- cipes de la faine phyfique ) de ce beau & curieux phénomène de [a réflexion du froid. Le fait eft conftaté par un excellent obfervateur qui a très-bien reconnu la marche de la chaleur. La découverte de la caufe eft due à l’auteur de la vraie théorie des fluides difcrets. $. I V. Rernarques acceffoires. x. Le feu rayonnant n’eft qu'une partie du feu qui s'échappe d’un corps chaud. Dans lexpérience précédente, fuppofons que les deux foyers des miroirs communiquent par une barre métallique, terminée de part & d'autre à ces foyers; qu’on place à l’une des extrémités de Tome XX XVIII , Part. 1, 1791. AFRIL, Sr 322 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, cette barre une fource abondante de chaleur (un fer rouge , une flamme foufflée, le foyer d'une forte lentille ); aufli-1ôt le feu rayonnant, fuivanc la route indiquée ci-deflus , échauffera par double réflexion l’autre extrèmité de la barre. Et en même-temps le feu non rayon- nant, S'infinuant de proche en proche, dans les parties contigues de la barre, léchauffera lentement, & parviendra enfin jufqu'aux points les plus éloignés de la fource, L'air évanc un fluide difcret, beaucoup plus denfe (1) que le feu, arrête, intercepte les particules de celui-ci. Mais étant beaucoup plus sare que le métal, il en laifle pafler une partie qui produit les phé- nomènes du feu rayonnant. La lumière , beaucoup plus rare & fubrile que le feu, et tranfmife en beaucoup plus grande partie par ce même air, duquel l’opacité eft fi peu confidérable qu’elle ne devient fenfible qu'en très-grandes mafles (2). La tranfparence, ou la quantité de fluide tranfimife à travers un autre Auide, dépend de la rareté & de la {ub- tiliré des parffcules de lun & l’autre Auide. Je ne parle point ici des affinités & capacités des différens corps pour le feu. Je ne parle que de l’interception mécanique de ce fluide par leurs parties folides. Cette interception fuffr feule pour produire ces deux efpèces de feux ou de chaleurs, le feu reyonnant, & le feu zon rayonnant. Engagé enfuite dans les petites cavités, ou dans les interftices des particules folides, le feu peut ou ne peut pas y recouvrer toute la vi- tefle qui lui eft propre, felon que ces cavités ou interftices font ou . re font pas fuffifamment fpacieux. Lorfqu’il ne recouvre qu’une partie de fa vitefle, il devient en partie infenfible ou Zatent. Lorfquil ne peut en recouvrer que très- peu ou point, il cède aux affinités des particules qui l'avoifinent & fe combine de mille manières. 2. Le feu n'eft pas le feul fluide de fon efpèce. On connoît plufieurs fluides difcrets, rayonnans & non rayonnans(3). On a fouvent occafon de confidérer ces fluides dans l’état d'équilibre. La dérermination du vrai fens de ce mor peut donc avoir beaucoup d'importance, même indépendamment de la théorie du feu, Si ces remarques & la difcuffion précédente offrent quelques vues utiles , fi elles rendent à répandre do jour fur une clafle importante (1) La denfité que j’attribue à air en ce moment confifle principalement dans le rapprochement de fes molécules ; car un fluide diferet pourroit d’ailleurs être compofé de particules fort denfes, mais très-efpacées : tellement qu'il pourroit être plus perméable que le feu, quoique plus denfe. (2) Voyez les Remarques de M. pe SAUSSURE für la tranfparence de l’air, dans fes Mémoires fur la lumière. Academ. de Turin pour 1790. (3) Dans les influences éleétriques , il y a rayonnement du fluide déférent. Dans les influences magnétiques , ni Fun, ni l’autre des deux fluides magnétiques ne rayonne. 1 SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 327 de phénomënes, # elles rappellent à des idées claires fur la manière d'agir des fluides invifibles & fubrils qui manifeltent leur exiftence par tant de diverfes apparences; enfin fi ces apperçus fe lient natu- rellement avec d’autres théories, ou très-bien prouvées, ou rendues vraifemblables, touchant divers effers de ces fluides fubrils ( tels que les phénomènes de l'évaporation, de l'éleétricité, du magnétifme ), n’eft-ce pas la peine d'approfondir la théorie générale de laquelle toutes ces explications particulières dépendent ? Cette théorie (j'entends celle de M. LE SAGE de Genève, fur Ja nature des fluides difcrets) mérite d'autant plus l'attention des phyficiens, qu'elle dépend elle-même d’une autre théorie plus générale, laquelle a aufli pour preuve de fa folidité, Pexplication claire & exaëte de phénomènes très-frappans & très-généraux, ablolument inexplicables fans elle, > DE L'ÉLECTRICITÉ DU SPATH BORACIQUE ; Par M. P Abbé Haüvy. Le fpath cubique s’éleétrife par la feule chaleur fans frottement, de la même manière que le fait la tourmaline. Les expériences ont été faites fur des cubes dont quatre angles folides font remplacés par des facettes, de manière que chacune des facettes elt oppofée à l’un des angles folides qui font reftés entiers. Les douze arrêtes du cube font auf remplacées par des facettes qui étant prolongées jufqu'à fe rencontrer compoferoient la furface d'un dodécaëdre à plans rhombes femblable à celui du grenat. L'électricité de la tourmaline s'exerce fuivant la direction d’un feul axe qui pañleroit par les deux fommiers du criftal ; en forte que l'un de ces fommets eft toujours dans lérat poñtif, & l’autre fommet roujours dans l’état négatif. On peut confidérer dans les criftaux de fpath bora- cique quatre axes différens tous femblablement fitués, & dont chacun paile par un angle folide intaét du cube , & par le milieu de la facette qui remplace l'angle folide oppofé, Or, les forces électriques s’exercent dans les directions de ces quatre axes, de mavière que celui des deux angles relatifs à un même axe qui eft incomplet, donne des fignes d’élec- tricité pofitive , tandis que l'angle oppofé qui eft reflé entier manifefte l'électricité négative. On ne connoît encore que quatre fubftances minérales qui jouiflent de la propriété dont il s'agit, favoir , la tourmaline, la topafe du Brefil, Ja calamine ou chaux de zinc criftallifée, & le fpath boracique. Maïs ce qu'il y a de particulier dans l'électricité du {path boracique, c’eft qu'il y Tome XX XVIUIL, Part. I, 1791, AVRIL. S'2 << 324 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, a une combinaifon quadruple des deux éleétricités, qui dépend de la figure fymmétrique des criftaux , tandis que dans Les trois autres fubftances qui n'ont qu'un feul axe, la combinaifon des deux éle@ricirés eft fimple & unique comme cet axe. EXT) RAA DEPOT NUENMETE TP ERERUE D\EAEMNKR EL IANP RIO TUE A M PELLETIER, Sur les prétendus Métaux calcaire , magnéfien , &c. Nes +. Je vous füuis très-obligé du morceau de terre calcaire phof- phorique, de même que pour le fpath calcaire hexaëdre. L’analyfe exacte que vous avez faire de la première & que j'ai trouvé inférée dans le Journal de Phyfique , m'a fait le plus grand plaifir. J'ai appris par-là que cette terre contient, non-feulement de l'acide phofphorique , mais encore l'acide fpathique; & cette nouvelle fut pour moi d’autant plus agréable, que moi-même j'avois découvert dans la terre phofpho- rique de Sigeth, du comtat de Marmarofch, acide phofphorique uni à l’acide fpathique. C’eft par cette raifon que je fuis très-porté à croire que ce dernier acide n'eft peut-être qu’une modification du premier, Vous avez appris la nouvelle très-extraordinaire qu'on nous a mandée dernièrement de Schemnitz en Hongrie, fur la réduction en forme de régule métallique, de plufeurs terres primitives. J'ai lu dans la dernière féance de l’académie royale de Berlin, un mémoire, dans lequel j'ai prouvé, par une fuire nombreufe d’expériences, que cette pré- tendue rédudtion eft abfolument faufle, & que les grains métalliques que MM. Ruprecht & Tondi ont obtenus, ne font abfolument que du hydrofiderum , ou du fer combiné avec l'acide phofphorique, & qui doit probablement fon exiftence au mélange martial des creufets de Heffe, & à l'acide phofphorique, contenu dans la cendre des os que l’on avoit employés, qui l’un & l’autre fe font développés dans le feu foutenu que l’on avoit employé. Les grains de métal que j'ai conf- tamment obtenus en employant l’une ou l’autre de ces terres primitives, fe reflembloient parfaitement ; même dans l’analyfe que j'en ai faite par là voie sèche ou humide, il me donnoit toujours le même réfüultar, En n’employant que la poudre de charbon, ou des cendres d'os empârés SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 325 avec l'huile de lin, j'ai également obrenu de ces grains métalliques. Mais en répétant mes expériences dans des creufets de porcelaine, au lieu des creufets de Hefle donc on fe fert ordinairement, je n’ai rien obtenu de métallique. J'ai l'honneur d’être , &c. Berlin, 27 Février 1791. BEXNRER PA E EU DEU/N FE). L ET'FR.E DE M. KEIR, A M DELAMÉTHERIE, Sur la Combuftion de l'Air inflammable & de l'Air déphlogiflique. Monsieur, M. Prieftley a fait de nouvelles expériences fur la combuftion d’un mêlange des airs pur & inflammable. Il a trouvé le moyen ou d'en tirer un acide nitreux ou de n’en tirer que de l'eau fans acide, fuivant fa volonté. La production de l'acide dépend , comme je l’avois indiqué dans Particle Acide nitreux de mon Diétionaire de Chimie, de la proportion de l'air pur qui doit être aflez grande relativement à l’air inflammable, M. Prieftley donnera dans fon Mémoire les proportions néceflaires pour avoir, foit l'acide, foit l'eau pure. Dans ces expériences il a employé un air très-pur fans aucun mélange d'air phlogiftiqué. Néanmoins il s’eft formé toujours de l'air pblosiftiqué dans la combultion : car le réfidu en contient. A l'égard du nouveau métal de M. Gregor, je crois qu’il faut attendre des expériences ultérieures pour en conftater l'exiftence. Je me réjouis bien fincérement avec vous , Monfieur , que votre nation a rompu fi heureufement fes anciens fers, & qu'elle a donné à tous les peuples le plus bel exemple que préfente l'hifoire du genre humain. Je fuis, &c. Nora. Il s’eft gliffé bien des fautes dans l’impreflion de mon Mémoire, dans votre Journal , cahier de février. Il faut, comme vous l'avez dit dans la note, toujours entendre grains mefure , & non grains pefuns. Page 117, ligne 10, a perdu 92, Lifez a perdu 92 grains Page 128, ligne 14, huile bouillante, /ifez eau bouillante Page 129 , Lignes 25 & 16 , vailleaux d’argentrecouverts de cuivre, Zifez vailleaux de cuivre recouverts d’argent , ce qu’on appelle argent plaqué, Page 134, ligne 4, l'argent, Zifez l'or Page 138 , ligne 39, nitreux phlogiftiqué , Z/ez nitreux céphlopifiiqué Page 140, ligne 16 , le fer, Zifez l'argent, 326 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, PQ Q) DD mer ummemeeres mom De RE D ET NOUVELLES LITTÉRAIRES. Jo URNAL pu LAZBOUREUR. Ce Journal compofé par M. Qurnro, eft fait pour mettre à la portée du peuple les vérités qui peuvenc lui être les plus utiles. Le peuple, qu'on doit regarder comme l'homme focial le moins civilifé , eft roujours bon, quoi qu'en difent fes détracteurs. Il ne s’agit que de lui faire voir la vérité. On ne fauroit donc trop multiplier ces fortes d'Ouvrages, On s’abonne pour celui-ci chez Debray, Libraire au Palais-Royal, N°. 235$, & chez les principaux Libraires. Icones Plantarum Syriæ rariorum defcriptionibus & obfervationibus illuftraiæ , auétore J4COBO-JULIANO LA BILILARDIERE, D.M. Prix, 7 iv. 4 fols. Lutetiæ Parifiorum, impenfis autoris & præflat venalis apud\Prevofl, Auguflinorum ripa, Typog. Circ. Soc. Galiicæ Comediæ via, N°. 4. M. la Billardière partit pour lu Syrie en février 1787. Il en a parcouru la plus grande partie, particulièrement le mont Amman, & en a remporté un très-grand nombre de plantes. Il a choifi les plus rares & les plus intéreffantes pour les publier par Décades, dont voici la première ; & il ne compte pas en donner plus de dix. Ses defcriptions font exactes , & faites fuivant la méthode employée aujourd'hui par tous les vrais botaniftes, celle de Linné. Les gravures font très-bien exécurées ; & nous pee regarder cet Ouvrage comme une nouvelle richelle pour la otanique. Le goût, les talens & la jeuneffe de l’auteur font de sûrs CRE qu'il enrichira encore cette partie de nos connoiffances déjà fi étendue. ‘Année 1791, ou dixième année de la Bibliothèque Phyfico-Econo- mique, infiruäive & amufante, contenant des Mémoires, Obfervatrions, Pratiques fur FEconomie rurale : — Les nouveiles Découvertes dans les Arts utiles & agréables : — La Deféription & la Figure des nouvelles Machines , des Infirumens qu'on peut y employer, d’après les expériences des Auteurs qui les ont imapinées : — Des Recertes, Pratiques, Procédés, Médicamens nouveaux , externes où Internes qui peuvent fervir aux Hommes & aux Animaux : — Les Moyens d'arréver les Incendies & de prévenir les accidens , d'y remédier, de je garantir des fraudes : — De nouvelles vues fur plufieurs points d'Economie domeflique , & en général fur tous les objers d'utilité & SUR L'HIST, NATURELLE ET LES ARTS, 327 d'agrément dans la vie civile & privée , &e. Ge. On y a joint des Nozes que l'on a cru néceflaires à plufteurs articles ; 2 vol, in-12. avec des Planches. Prix, $ liv.4 fols brochés, francs de port par La pofle dans tout le Royaume. À Paris, chez Builion, Imprimeur & Libraire, rue Haute-Feuiile, N°, 20. L'accueil favorable que le Public fait conftamment à cet Ouvrage eft le meilleur éloge qu'on en puifie faire, Ces deux volumes ne l'intéreflerone pas moins que les précédens, : L’Ouvrage compiet forme atuellement 16 vol, 1-12. avec beauco:p de planches, favoir, l'année 1782, 1 vol. 1783, 1 ; 1784, 1: 178$,1; 1786; 2; 1787; 2501788, 23 1789 :2,5; 179012; 1791, 2 vol. Chaque année fe vend féparément zu prix de 2 iv. 12 {ols le vol. broché, Biblicrhèque de l'Homme public, ou Ænaly/fe raifonnée des principaux Ouvrages François & Etrangers, fur la Politique en pénéral, la Lepiflation, les Finances , la Police, l'Agriculture & Le Commerce en particulier, & [ur le Droit naturel & public; par M. De CONDORCGET , de l’Académie Françoile & de celle des Sciences, & autres Gens de Lettres ,tomes I & I, feconde année : Ouvrage done il paroît un volume par mois. On s’abonre à Paris, chez Buiflon , Imprimeur & Libraire, rue Haute-Feuille, N°. 20. Prix, 32 tiv. pour unan, 17liv. pour fix mois & 9 liv. pour trois mois, franc de port ar la poite ; & pour Paris, 28 liv. 10 fols pour un an, 15 liv. pour fix mois & 8 liv. pour trois mois. Cet Ouvrage périodique fe continue avec fuccès, & renferme des extraits d’ouvrages intéreilans pout l’homme public. On trouvera dans ces deux volumes un Mémoire de M. Condorcet, concernant l’Inftrudion publique, fur lequel nous aurions bien des chofes à dire , fi nous avions aflez d’efpace. Papillons d'Europe, &c. XXI livraifon, contient 12 Planches, depuis la Planche ccLr jufques & compris la Planche cczxr1. Cet Ouvrage eft roujours fait avec le même foin. Entomologie, ou Hifloire-Naturelle des Infè&es ; par M, Ozivrer, douzième livraifon. M. Olivier avance dans fa grande entreprife qui fera bientôt achevée, Cette douzième livraifon eff aufh bien foignée que les précédentes. Vente fur deux Publications de la Colleëlion des Minéraux de feu M, RoMé DE LIsLE, rue Copeau, maifon du Bureau des Cuirs. La colle@ion des minéraux de M. Romé de l'Ile eft une des plus précieufes & des plus complettes qui ait été faite en France, l'on y trouvera tous les morceaux qui ont fervi à ce favant à faire fon grand Ouvrage fi LA 328 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, &c: généralement eftimé fur la Criftallographie ; ou Defcription des formes ropres à tous les corps du règne minéral, en 4 vol, 27-8°, Comme certe collection eftconnue de tous ceux qui pourroient avoir envie de l’acquérir, on s’eft difpenfé d’en faire le catalogue : il n’y a point de minéralogifte qui ne fache que M. Romé de l’Ifle a employé plus de vingt années à raffem- bler toutes les productions du règne minéral, & qu’il a conftlamment apporté fes foins à choifir des échantillons, dont les cara‘tères extérieurs étoient bien déterminés, & à réunir routes les variétés que chaque fel, pierre, ou minéral quelconque pouvoit prendre dans fa criftallifation. Les perfonnes qui defreronc acquérir cette collection , font invitées de s’adreffer à M. PELLETIER , Apothicaire, rue Jacob , ou à M. Besson , aue du Coq. On prendra avec elles le jour pour la leur faire voir. La première publication a été faire le mercredi 6 avril 1701, à quatre heures de relevée , fufdite rue Copeau , l'enchère a été de 6000 liv. La feconde publication & l’adjudication définitive fe fera le mercredi premier Juin. ei TAXBOLME Des ARTICLES CONTENUS DANS CE CAHIER. R 4 PPORT Jurles Exhumations du Cimetière & de l'Eglife des Saints-Innocens, lu dans La féance de la Société Royale de Médecine cenue au Louvre le 3 Murs 1789; par M, THOURET, page 249 Analyfe de la Hyacinthe blanche du Hartz ; par M. SAGE, 269 Quatorzième Lertre de M. De Luc, à M. DELAMÉTHERIE , für les Os foffiles, & fur les dernières opérations de l'ancienne Mer , 271 Suite d'un Voyage minéralogique en Daourie ; par M. PATRIN, 289 Defcription d'une Machine hydraulique ; par M. DETROUVILLE, extrait d'un Rapport de l'Académie des Sciences de Paris, 299 Elérmens de l'Art de la Teinture ; par M, BERTHOLLET: extrait, 302 Analyfe d'une nouvelle efpèce de Sel ammoniac déphlogifliqué , calcaire fulminant , en efflorefcence fur du Tuf du Wéfuve ; par M. SAGE, 311 Mémoire fur l'équilibre du Feu ; par P. PREVOST , Profeffeur honoraire à Genève, de la Société des Arts de la méme Ville, de l'Académie de Berlin € de la Société des Curieux de la Nature, 314 De l'Eleétricité du Spath boracique ; par M. l'Abbé Haüy, 323 Extrait d'une Lettre de M. KLAPROTH, à M. PELLETIER, fur Les prétendus Métaux calcaire & magnéfien, &tc. 324 Extrait d'une Lerrre de M. Keïr, à M. DELAMÉTHERIE, /ur la Combuflion de l Air inflammable & de l'Air déphlogifliqué , 32$ Nouvelles Litréraires, 326 LS DETTE Hs Foie < | JOURNAL DE PHYSIQUE. | 31 MAr 1791. L si —— 1 MÉMOIRE Sur la nature de la fubftance du Cerveau , & fur la propriété qu'il paroït avoir de fe -conferver long-tems après toutes les autres parties , dans les Corps qui fe décompofent au Jfein de la terre ; Par M THOURET, de la Société Royale de Médecine. Lu à la féance publique du 23 Février 1790. Ex rendant compte des exhumations du cimetière des Saints-Innocens, dont j'avois dirigé les différentes opérations , j'avois annoncé que l'une des plus intéreflantes & des plus curieufes obfervarions, que ces travaux m’avoient préfentées , étoit la confervation du cerveau, que j'ai trouvé encore fubfftant dans un grand nombre de corps, long-tems après la deftruétion de toutes Les autres parties. Ce phénomène étant trop extraor= dinaire pour ne pas fixer l'attention des favans , j'ai cru devoir en donner ici une defcription particulière. Les corps que reafermoit le cimetière, fe trouvent, ainfi que je l’a expofe, dans des états différens. Les uns que l’on enterroit dans les foffes communes , au nombre de douze à quinze cens, & qui en formoient la très-majeure quantité, s'éroient fondus en une efpèce de favon blanchître, plus ou moins folide, qui avoit confervé la forme & le volume des difté- rentes parties. Dans ceux-ci, le cerveau participoit très - fenfiblement à cet état de confervation. En ouvrant la cavité qui le renferme, je l'ai toujours trouvé en aflez grandes mafles, quelques-unes approchant de celle de l'un de ces deux hémifphères, & occupant environ le quart ou le tiers de la cavité du crâne, IL étroit le plus fouvent mou , pulpeux, & fondant # fous les doigrs comme la matière favonneufe dans laquelle Le tiffu des chairs s'éroit changé : quelquefois il m'a paru plus ferme, plus folide, & approchant même de létat friable, au moins en apparence. Dans ces différentes mafles , les formes du cerveau étoient encore très- Tome XXXVIIT, Part, I. 1791. MAI, ‘Ie 339 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, reconnoiflables : on y remarquoit la diviñion des hémifphères, & les nombreufes circonvolutions qui fillonnent fa furface. Ces mafles confer- voient leur couleur naturelle, & n'avoient d’ailleurs d’autre odeur que celle dé la fubftance favonneufe, dont les os étoient environnés. Quel- quefois elles m'ont paru à l’intérieur diverfement colorées, On pouvoic appercevoir auffi, dans plufieurs, la fubftance médullaire encore diflinéte & enveloppée de la fubftance corticale, qui étoir plus grisätre. Dans les corps les moins avancés où les vifcères étoienr déjà détruits, on remarquoit le cerveau confervant une très-grande partie de fon volume. Dans beaucoup d’autres, les chairs elles-mêmes avoient déjà difparu, & les es étant abfolumenr décharnés, le cerveau fubfiftoit encore. Cet état de conféervation avoit réfiité à un féjour de plufieurs années dans la terre; celles des foffes communes qui avoient 13 à 14 ans, en offroient de nombreux exemples; & j'ai pu obferver le même effet dans quelques- unes, dont la date peut-être beaucoup plus ancienne, n’étoit pas au- deffous de 25 à 30 ans. Les autres corps que renfermoit le cimetière, avoient été enterrés à part, foit à la furface du fol dans le terrein découvert, foit dans des lieux clos & fermés, tels que les Charniers, l’églife ou les chapelles, & les différens caveaux dont ces lieux étoient environnés. Ces différens corps s’étoient décompolés & détruits, ainfi qu'on l'obferve le plus ordinairement ; & après le féjour de cinq ans qu'ils avoient fait dans la terre , à l’époque où les travaux eurent lieu, je les trouvai pour la plus grande partie réduits en offemens. Mais dans cet état même, où fes chairs avoient été difloutes |, & tous les vifcères décompofés , ces corps m'ont prefque toujours préfenté des traces & des veftiges du cerveau, Les mafles qu'il offroir étoient différentes des premières : elles r’étoient, pour ainfi dire, que des refles de ce vifcère, changé en une fubftance sèche & terreule, fe réduifant fous les doigts en une pouflière douce au toucher, de couleur jaunâtre. Ces traces m'ont paru quelque- fois affez confidérables. Elles formoïent des maffes très-folides, rondes & applatiss, de trois à quatre pouces de diamètre, & d'un pouce ou deux d'épaifleur. Le plus fouvent elles avoient moins de volume, Je les ai obfervées, au refte , à peu-près les mêmes, dans les différens lieux où les corps avoient été dépolés. À l’intérieur de l'églife, prefque tous les corps en offroient des velliges, même après un efpace de plus de 30 ans. Celles que j’ai trouvées dans les caveaux , m'ont paru feule- ment plus humides; on remarquoit plus de fécherefle fur celles que l'on rencontroir dans la fouille des terres, à l’intérieur de l’églife & des chapelles, où fous les Charniers. Les fépultures ifolées qui avoienc eu lieu à la furface du fol découvert, offroient également des traces de la confervation du cerveau. J'en ai obfervé dans les corps qui avoient été ainfi enterrés aux Saints- Innocens & à l’exhumagion de Ram SURVL'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 331 bouillet, M. l'abbé Teffier a eu occalion de répéter la même obfer- vation. | En fuivant avec attention, aïnfi que la circonftance le permettoit, les divers degrés d’altération que paroifloit éprouver le cerveau, j'ai remarqué que dès l'époque mème où la décompofition des parties com mençoit à s'opérer, celle de cet organe étoit toujours plus tardive & plus lente. Queiques-uns des corps enterrés dans l'églife ne l’étoiene que depuis des époques plus ou moins récentes, & fur plufieurs que J'ai examinés avec foin, malgré le danger de leur approche, j'ai ohfervé que, lors même que tous les autres vifcères étoient déjà entièremene diflous , le cerveau fubfiftoit encore prefqu’en fon entier. Cette difpolition au refte fi tardive à fe détruire, ne le fouftrait pas enfin à fon entière décompoftion. Plus ou moiss lente fuivant les circonftances, elle arrive enfin par degrés. Dans Jes corps changés en matière favonneufe, on a vu quil confervoit encore un tiers ou un quart de fa mafle, après vingt ou trente ans. Dans les fépultures ifolées , il fe trouvoit, au bouc de cinq ans diminué confidérablement de volume, & changé en une fubftance sèche, pulvérulenre & jaunâtre, À ce depré en fuccédoir un plus grand encore de détérioration; & dans les anciens amas d’oflemens accumulés fous les roîts des Charniers, ainfi qu'en quelques circonftances, même à l'intérieur des terres, j'en ai trouvé des mafles très-perires , entièrement noirâtres à l'extérieur (1), blanchâtres en dedans, qui, malgré la grande dureté dont elles jouifloient , fembloient être parvenues à l’état le plus voifin de leur décompoftion. Ces mafles , toutefois lorfqu'elles étoient féchées & expofées à l'air, paroifloient être indeftruibles. En confidérant cette faculté fingulière de_réfifter auf puiffammene à la deftruétion, on ne pouvoit qu'être étonné de la voir entre tant d’autres parties du corps, appartenir au cerveau. C’éroit, de tous les vifcères , celui qu’on devoir le moins s’attendre à trouver confervé long- tems après la mort. On fait quelle eft la mollefle de fon tiflu, & combien eft grande à l’air fa difpofition à fe corrompre. Cette prompte (1) C’eff pour avoir confondu & les circonftances & les époques , que dans les Annales de Chimie, on a dit que le cerveau confervé dans les corps pañlés au gras, étoit con/2amment rapetiffe , noirârre à fa furfuce, &c, &e. Cette aflertion eftinexacte, & doit être attribuée à la circonftance quiforçant à exécuter les fouilles pendant la rigueur des nuits, n’a permis qu’à moi feul qui les dirigeois de les fuivre avec attention. Je n’ai obfervé cette couleur noirâtre , que fur un très-petit nom!re de cerveaux très-anciens , à en juger par la diminution de leur volume, que j'ai rencontrés fous Îles toîts des charniers & à l’intérieur des terres, où ils avoient été roircis par la pouflière des offemens, ou par la teinte même du fl. Hors ces cir- conftances , le cerveau m’a toujours préfenté la couleur grisâtre , ou blanche qui lui eft naturelle, & {ur le très-grand nombre de ceux que je conferve dans ma coile&ion, c’eft la feule , à l'exception près dont je viens de parler , qu’on obferve. Tome XXXV UT, Part, 1, 1791. MAL, Ttz 332 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, propenfion du cerveau à la putridité n'eft point inconnue dans les travaux des diflections. Quelques anatomiftes même croient avoir remarqué que les corps qui y font deftinés , s’altèrent moins promptement , quand on en a retiré cet organe. Cependant plufieurs obfervations avoient déjà appris que par l'effet d'une difpofition contraire, on rencontroit quel- quefois le cerveau confervé dans les corps, long-tems après leur fépulture. Fabrice de Hilden rapporte, d’après George Faber, un femblable exemple obfervé fur un corps qui avoit féjourné cinquante ans dans la terre, Le cerveau n'avoit reçu aucune altération fenfble ; il étoit blanc, il couloit comme une matière huileufe, & n'exhaloit aucune odeur infecte. On avoit, au rapport de Théophile Raynaud, trouvé, après un grand combre d'années de fépulrure , à Avignon , un cerveau également humide & mou, & fans aucune marque d’alcération, Un autre fait cité par Pierre Borel, eft celui d'un grand nombre de corps d'hommes égorgés, qu'on avoit précipités dans le puits des Dominicains à Caftres ; en les retirant au bout de quatre-vingts ans, on trouva dans tous la fubftance du cerveau encore molle, & fans infeion. Enfin le plus mémorable exemple en ce genre, eft celui des célèbres catacombes de Kiovie, fur les rives du Borifthènes , dont on doit Ja defcription à Herbinius. Suivant cet auteur, on y trouve un grand nombre de momies parfaitement confervées , & des têres, qui , quoiqu’entièrement décharnées , font remplies d'une matière grafle & huileufe qui en découle. Garmann à qui ce fait n'étoit point inconnu, ne doutoit pas que cetre matière ne für la propre fubftance du cerveau , qui s’étoit confervé depuis des fiècles. Mais quelque frappantes que fuffent ces différentes obfervations, elles n’érablifloient encore que des exceptions rares, ou un fait extraor- dinaire; & fans une obfervation plus générale, elles n'auroient pas fufi pour faire regarder la lente & tardive deltruction du cerveau comme une des loix les plus conflantes de la nature, dans la décompofrion des corps, qui, après avoir ceflé de vivre, font abandonnés à la deftru&ion. L'exiftence de ce fingulier phénomène étant bien établie, la caufe qui le prodéit méritoit d’être recherchée. Elle ne m’a paru dépendre d'aucune circonftance locale, ni de Ja fituation particulière du cerveau dans une boîte offeufe qui l’environne de toures parts. Si c’étoit à cette circonftance que l’on dût attribuer la confervation de cet organe, on devroit bien plus conftamment encore trouver la fubftance médullaire confervée dans la cavité des os Jongs, où elle eft plus exactement ren- fermée. Cependant elle ne paroît furvivre , en aucune manière, à la deftruétion des autres parties dont elle fuit la marche ordinaire, C’auroit été d’ailleurs dans les têtes les mieux confervées que l’on auroit dû rencontrer plus fréquemment le cerveau ainG préfervé de toute SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS, 333 altération; lobfervation n’étoit pas d'accord avec ce principe. Dans quelques-unes de ce genre, j’ai trouvé le cerveau détiuir, tandis qu'il fe rencontroit encore fubiftant dans d'autres qui, déformées par la preflion du fol, ou par quelqu’autre circonftance accidentelle , le laifloiene à nud expofé à l'action de toutes les caufes de la deftru&ion. Souvent même on en rencontroit des parties qui étoient méêlées avec les terres, & forties de l'enveloppe offeufe, qui doit ordinairement les renfermer. Ce n’étoit donc qu'à la nature particulière de la fubftance du cerveau , qu'on pouvoit attribuer le phénomène de fa confervation. Mais en quoi confiftoit le caraétère qui diftinouoit ainfi la fubftance propre de ce vifcère? Sur ce point, on ne pouvoit s’aider d'aucune lumière connue, d'aucune des connoiflances acquifes. Quelques recherches ce- perdant avoient été tentées fur cet organe. Plufieurs anaromiftes & chimiftes avoient eflayé de dévoiler fa nature & fa compoltion; mais leurs efforts n’avoient conduit à aucuns réfulrats précis. Les uns, en le foumettant à l’action d’un feu violent, n’en avoient retiré que des roduits altérés par la diftillation. Les autres, en le faifant macérer dans Peau , l'efprit-de-vin ou les acides, n'y avoient cherché que des vaiffeaux ou des glandes. Ainfi au milieu de ces tentatives dans lef- quelles on étoit allé au-delà, ou reflé bien en decà du but qu'on devoit atteindre, la nature du plus important de tous les organes étoit reftée profondément ignorée, ainfi que l'eft encore celle des différens vifcères , qui forment l'économie animale, Cependant quelques réflexions m’avoient paru propres à jetter quelque lueur fur cette profonde obfcuriré. L’analogie de cette confervation fi fingulière du cerveau dans les corps réduits en offemens au fein de la terre, & de celle de toutes les parties dans les corps du cimetière transformés en matière favonneufe, indiquoir aflez que ce vifcère devoit être , ainfi que cetre efpèce particulière de favon , formé d’une matière huileufe analogue au blanc de baleine. La confervation du cerveau dans les corps dépolés au fein de la terre, me paroifloic s'expliquer naturelie- ment d’après cette reflemblance. On n'ignoroit pas d’ailleurs que cel de la cavité du crâne, dans l’efpèce de cachalot qui le produic, que fe retire principalement le blanc de baleine, Fondé fur certe double analogie, j'avois penfé que dans l'homme & dans les différentes efpèces d'animaux, c'étoit d'une fubflance huileufe de ce genre, ou qui lui étoit au moins analogue, qu’étoit formée la matière propre du cerveau. Quelques recherches que j'ai faites à ce fujer (1), m'ont paru cor- A (x) J'ai été fecondé dans ce travail par M. Adam Defmareft , apothicaire en chef de Phôpital de Bicétre , que je dois citer avec éloge, 334 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, firmer cetre conjecture. Si l'on prend une certaine quantité de Ja fubftance du cerveau, & qu'en l'expofant à une chaleur modérée pour en diffiper l'humidité, on la réduife au quart de fon poids, on la trouve alors changée en une matière onétueufe & épaifle, de la con- fifance du maftic employé dans les arts. Sa couleur eft d'un brun jaunâtre, tirant un peu fur le vert. Si l’on verfe de l’eau fur cette matière, elle s'y unit très-facilement, & il en réfulte une diflolution qui eft opaque, qui mouffe fortement par l'agitation, & pafle trouble par le papier; qui préfente, en un mot, tous les caractères d’un véritable favon. Les acides, l’eau de puits, les fels calcaires la dé- compofent, en y formant un précipité abondant & en flocons très- tenus. En filtrant cette diffolution , après lavoir précipitée par l'acide vitriolique, 1l pafle une liqueur peu colorée, qui criftallife par l’éva- oration, & donne un fel neutre très-abondant, qui paroît être à bafe d'alkali fixe. Le rélidu refté fur le filtre, & raflemblé , forme un magma blanchâtre, dans lequel on retrouve la même odeur, la même con- fiftance que dans la première fubftance. Cependant il a changé de nature, En Pagitant dans l’eau, il paroît encore s’y fufpendre; mais il ne contraéte aucune union avec ce fluide. En filtrant, l’eau paffe abon- dammenr, très-claire & très-limpide. Les différens effais démontrent qu'elle n'a diffous aucun principe. En faifant fécher à une chaleur très-douce ce même réfidu , il prend une forme concrète ou folide , avec une couleur jaune plus rembrunie. Dans cer état, il eft attaquable par l’efprit-de-vin , avec lequel on peut, à différentes reprifes , le difloudre prefqu’en entier. Cette diffolution , lorfqu'on la filtre au papier, pafle très-claire 3 elle fe trouble par l'addition de l'eau & prend une couleur laiteufe : par Le repos, il fe forme à la farface une pellicule manifefte- ment huileufe, dans laquelle on peut diflinguer de petites lames brillantes ; il fe précipite au fond un fédiment en flocons blanchätres , tandis qu’une autre partie plus légère, épalement blanche, s'élève à la furface du liquide, où elle forme une bande foiblement opaque, qui fe continue avec la pellicule. La même diffolution filtrée & mife à repofer, fans lavoir précipitée par l'eau, fe remplit bientôt des mèmes lames criftal- lines & brillantes, & fe couvre également par le feul repos de la pellicule huileufe qui s'élève à fa furface. Cette matière huileufe, ainfi que celle des lames brillantes & criftallines, qui eft manifeftement la même, paroît être très-fufible, Elle fe ramollie & coule au plus léger degré de chaleur. Les alkalis fixes la convertiflent en un favon folide, & c’eft une fubftance alkaline de certe nature qui , dans le cerveau même la met dans un état favonneux , le cerveau étant ainfi un vrai favon à bafe d’alkali fixe. On voit, par ces recherches, en quoi confifte la nature de cet organe, dont la fubftance, qui ne reffemble à celle d’aucune autre partie du SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 335 corps, a toujours paru Je diftinguer fi particulièrement de trous les autres vifcères. Sa blancheur, fa mollefle, fon état pulpeux , fa maffe uniforme & comme inorganique, font autant d'effets de {on état favonneux. Quelques uns de ces réfultats paroïffent avoir été entrevus par les auteurs. La nature huileufe du cerveau a été fucceffivement conteflée & admife parmi les anciens. Hyppocrate ne penfoit pas que le cerveau contint rien de gras. Platon, qué l'on fera peut-être étonné de voir citer en pareille matière, le comparoit au contraire à la moëlle ou aux fucs médullaires , à raifon de fa mollefle, & de ce que comme la moëlle, il eft renfermé dans une enveloppe offeufe, Les modernes confidérant que comme elle, il n’eft pas inflammable, lui avoient refufé la nature huileufe, Cependant elle avoit été reconnue par le plus grand nombre; {a fubftance grafle au toucher, & qui parcît fe liquéfier ou fe fordre plutôt qu'elle ne coule, fembloit à Bartholin & à Diémerbreeck üne preuve de cette vérité. Suivant le premier , Ariffote regardoic le cerveau comme ayant quelque chofe de gras, & dans les cétacées il ne pouvoit y avoir, fuivant lui, aucun doute à cet égard. Leuvenhoeck croyoit avoir obfervé, dans les oifeaux , la fubftance corticale formée de petits vaifleaux & d’une efpèce d'humeur vitrée, femblable à de la graifle. L’analyfe chi- mique éroit venue à l’appui de cette opinion. Le cerveau difillé, fuivant Lémery & plufeurs autres auteurs, donnoit une grande quantité de phlegme limpide, de l’alkali volatil, & deux efpèces d'huile; l'une jaune , de la confiflance du beurre; l’autre noire, fétide & épaifle comme de la poix. Une analyfe plus exacte avoit démontré dans le cerveau la préfence d’une fubitance huileufe non altérée, En le foumetrant à l’adion d'une preffe très-chaude , après en avoir extrait les trois quarts de fon poids de phleome inodore, Burrhus annonçoit qu'il en avoit retiré une huile très-infammable, qui, en la laiflanc refroidir, prenoir promptemenc une forme concrète. Enfin cette matière ondueufe, trouvée dans les catacombes de Kiovie , ayant la confiftance d'une forte d'onguent ou de baume, & plutôt propre, fuivant Herbinius , à faire des onétions qu’à couler ou fe fondre, lui paroifloit ètre une matière manifeftemene grafle & huileufe, La diflolubilité de la fubance du cerveau dans les fluides aqueux, avoit été également entrevue, & elle auroit dû mettre les obferva- teurs fur la voie de la vérité. Dans les diverfes préparations de Rhuyfch & des autres anatomiites, on avoit appercu que cette fubftance fe diffolvoic très-facilement dans l’eau, qui l’entraînoic, en laiflanc à nud les réfeaux vafculeux remplis par la matière des différentes inje@tions, Mais bien loin d'éclairer fur a véritable compofñtion de la matière propre du cerveau, cette circonftance en avoit détourné routes les idées, & l'on n'en faifoit ufage que pour contefter la nature vérirablement huileufe de cétte fubftance. Le caractère favonneux du cerveau étoit donc entière- 336 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE; ment inconnu , & l’état de fon huile rendue mifcible à l'eau par une fubftance alkaline, n’écoit pas même foupçonné. On voit par ces détails combien la fubftance de cet organe fe rap- proche de celle de l’efpèce fingulière de favon, dans laquelle nous avons trouvé la majeure partie des corps transformés au cimetière des Saints- Innocens, Elle eft, comme certe dernière , formée d’une matière huileufe plus ou moins concrèce & criftalline, très-fufible, diffoluble à l’efprit- de-vin & formant une véritable efpèe de favon dans laquelle il n’y a de différence que celle de la fubitance alkiline , qui , dans le favon des corps du cimetière, eft de la nature de l’aikali volatil. On voit aufli que, comme celle de cetre efpèce de favon , la matière huileufe qui fait la bafe de la fubfiance du cerveau approche beaucoup de la nature du blanc de baleine. Nous pouvons ajouter que dans l’analyfe de Burrhus citée plus haut, il comparoit l'huile qu'il avoit exprimée du cerveau , à celle qu’on auroit retirée de cette fubftance. On voit aufi par quelle fingulière prérogative entre routes les autres parties du corps, le cerveau jouit de la faculté de fe conferver long- tems au milieu de la deftrution, même dans le fein de la rerre. La matière favonneufe qui le forme, ayant pour bafe une fubitance buileufe analogue au blanc de baleine, paroît, par cela même peu fufceprible de fe décompofer dans la terre, fi elle n’y rencontre pas beaucoup d'humidité. Lés corps transformes en cetre même matière favonneufe, au cimetière, étoient dans un état qui les faifoit réfifter long-rems à la putréfaction. C'étoit en fe changeant en certe efpèce de favon qu’ils avoient acquis cette propriété, & l’on voit ainfi par quelle raifon , dans les différentes efpèces de fépultures où les parties molles des corps ne pouvant pafler à cer état, & n’oppofant dès lors aucun obftacle à leur décompofition , elles fe détruifent rapidement , le cerveau jouiflant par fa nature de l'avantage contraire , continue fi long-tems à fe conferver. Certe découverte de la préfence du blanc de baleine, formant dans l'homme & les animaux, la bafe du cerveau, offre l'explication de plufieurs phénomènes relatifs à l'économie animale. On ignore encore quel eft le véritable érat de certe fubftance fingulière , dans les différentes cavités du crâne de l’efpèce de cachalot qui la produit. Les recherches précédentes portent à croire qu’elle eft également, dans cette efpèce d'animal fous la forme de favon, & que le procédé employé pour l'en extraire, doit confifter à la dégager de cette cambinailon favonneufe, Une circonftance rapportée par Anderfon, dans la defcription qu'il donne de la manière d’extraire le blanc de baleine, d'après le rapport d'un capitaine hollandois fort intelligent qui s'étoir trouvé à cette efpèce : de pêche, femble devoir donner beaucoup de prix à cette conjecture. Suivant lui, on le trouve fous la forme d’une huile blanche & coulante, qui SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 337 qui peut pañler de l’une dans les autres de fes différentes cellules, & qui étant verfée fur l'eau, fe coagule comme du fromage, où des pelotons de neige. Tel et aufli l'effet que produifent l’eau de puits & les fels calcaires fur la diflolution favonneufe de la fubftance du cerveau, que ce mélange épaillic ou coagule. L'eau de mer contenant des fels dont une terre calcaire forme la bale, on voit comment elle doit produire le même rélulrar. Ce n’eft plus d’ailleurs dans la feule efpèce de cécacées, que l'on doit reconnoître la préfence du blanc de baleine. Il paroît exifter, finon abfolument formé, au moins dans fon état de combinaifon le plus avancé , & fous la forme de fon principe conftisuant & de fa bale la plus immédiate, dans l’homme & les quadrupèdes. Dans l'homme on avoit déjà foupçonné fa préfence, que quelques faits rares avoient atteftée : ainû&t dans le foie humain expofé à l'air pendant dix ans, par M. Poullerier , & qui s’y étoit changé en une matière blanche terreufe & comme crétacée, on avoit reconnu l’exiftence du blanc de baleine, cetre matière s'étant fondue à un léger degré de chaleur, & difloute à l'efpric-de-vin. D'autres travaux l’avoient fait foupçonner dans la réfine de la bile & les pierres biliaires. Antérieurement à ces époques, un autre hafard, non moins heureux, avoit préfenté en 1777 à MM. Rouelle & d’Arcet , un phénomène que j'ai reconnu depuis analogue à celui du cimetière des Saints- Innocens, fur un chier trouvé fous l’eau dans l'un des bras de la Seine , & dont toutes les chairs étoient changées en cette mème matière blanche & favonneufe, formée par te blanc de baleine. Mais dans ces différentes obfervations, ce n'ércit que comme un produit morbifique, ou comme l'effet d’une alté- ration contre nature, que Ce nouveau principe s'étoit prélenté. Ainfi les corps du cimetière, comme l'animal obfervé par M. d'Arcet, & le foie mis en expérience par M. Poulletier , avoient éprouvé les divers degrés d’altération qui décompofent les corps livrés, après la mort, à la deftruction. Ainfi dans les calculs biliaires , on pouvoir ne regarder le blanc de baleine que comme une matière étrangère, dont la nature ui cherchoit à s'en délivrer , tentoic l’expulfion au - dehors , & w’elle avoit de même peut-être, dans le foie cité ci-deflus, dépofée dans le tiflu de ce vifcère, qui, avant la mort , pouvoit en avoir été obftrué. Dans la bile, ce principe n’étoit encore que foupçonné, & cette humeur étant d’ailleurs au rang de celles qui font excrémentitielles, la même raifon de l’y regarde: comme une matière étrangère à la nature, pouvoic être adoptée. Mais d’après les recherches expolées dans ce mémoire, on ne peut plus le méconnoître pour l’un des principes confti- tuans , & l’un des élémens les plus naturels de l'économie animale, C'eit lui ui, mêlé dans une certaine proportion aux fucs Iympathiques conimuns Tome XXXVIII, Pare, I, 1791. MAL 338 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, à toutes Les parties du corps (1) , & dépofé dans un uiffu particulièrement organifé, forme la bafe de l'organe du cerveau. Ainfi l’on voit fe vérifier l'une des vues auxquelles l'examen du phénomène fi fingulier de la tran{mutation des corps dans le cimetière des Saints-Innocens en blanc de baleine, m'avoit paru devoir nous conduite ; favoir, que ce principe exifle tout formé dans l'économie animale vivante ; quil paroît y avoir un ufage particulier; qu'il Je fépare des fucs qui le contiennent pour nourrir & réparer le cerveau dont il forme La fbflance ; qu'il Je dépofe dans les canaux du foie par lefquels il s'évacue, lorjqu'il devient nuifible ; qu'il offre ainfi dans l’économie animale, une nouvelle Jécrétion & une excrétion particulière jufqu'alors inconnue, qui fert à déterminer la nature ft parfaitement cachée, jufqu'à cette époque, de l'organe du cerveau (2). Maïs ce n'étoit point dans cet organe feul, ni dans le foie qu'il m’avoit paru que les phénomènes de la tranfmutation des corps du cimetière devoient nous faire foupçonner, dans les corps vivans, la préfence de ce principe huileux analogue au blanc de baleine. Tout me fembloit devoir nous porter à croire qu'il pouvoir étre caché dans la compofition intime & fi peu connue des humeurs, comme la matière glurineufe l'a été fi long-tems dans la fubflance du froment & des mufeles ; qu'il pouvoit être un des principes des fucs graiffeux ; que c'étoit lui qui donnoit à la lymphe fa confiflance plaflique. En obfervant avec attention que C’étoit principalement par le corps adipeux, que la con- verfion des corps en matière grafle ou favonneufe avoir toujours paru s’opérer , j’avois cru devoir propofer d’examiner : 2 la fubflance de la graiffe ne contenoit pas plus particulièrement dans l'économie vivante, Le blanc de baleine tout formé ; ft La manière d’étre qui paroiffoit propre à cette dernière fubffance , wétoit pas le véritable caraëlére de l'huile animale, laquelle exiflant & dans la graiffe & dans la lymphe fous une apparence différente & cachée, ne fe reproduifoit enfuite fous fa véritable forme que par l'effet d'une putrefaëtion particulièrement modifiée & très-lente , qui lur rendoit fon premier cara&ère £ Quelques nouveaux faits de l’analyfe animale, dont l'heureufe application à l’objet de ce Mémoire eft due à M. Hallé (3), paroiffent propres à confirmer ces différentes conjectures. En traitant la matière glutineufe végérale , & la fubftance fibreule animale, fuivant la méthode de M, Berchollet, par (3) C’eft par cette portion de fucs lymphatiques , que le cerveau fe durcit par Peffet de la co&ion. (2) Voyez Rapport fur les exhumations du cimerière des Saints-Innocens, dans le cahier précédent de ce Journal , page 147. (3) Voyez l'excellent article A/menz, de la nouvelle Ercyclopedie par ordre de Matières. SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 339 l'acide nitrique, on obferve qu'il fe fépare une matière huileufe , con- crète , inaltérable par cet acide; caractèrequi la diftingue abfolumenc des huiles ordinaires, & fur-tout des huiles végérales. Ce caractère fe trouve en entizr dans le blanc de baleine , fur lequel les acides nitrique & muriatique n’ont aucune action. Certe propriété de réfifter à l’action de l'acide nitrique, commune à cette huile concrète, & au blanc debaleine A & qui les diftingue entièrement Pune & l'autre de la graiïfle & des huiles, a fait préfumer à M. Hallé qu'une autre propriété du blané de baleine, qui eft de paffer tout entier dans la diftillation, fans éprouver prefque de changement, pourroit lui être auffi commune avec cette matière, qui dès-lors feroit véritablement de la même nature. Ain, fuivane lui, le blanc de baleine , ou au moins fon élément, ou fa bafe conftiruante, fe trouve dans la matière fibreufe, fi abondante dans les animaux. [1 penfe de plus qu'il exifte aufli dans les fucs albumineux , qui traités également ar l'acide nitrique, donnent, felon lui , une perite quantité de la même fubftance huileufe concrète. J'ajouterai d’après M. d’Arcer, que cette même huile concrète fe fépare également des tendons & des parties membraneufes , traitées, d'après lé même procédé , par l'acide airrique. La matière du blanc de baleine , où au moins une fubftance grafle qui lui eft très-analogue, exifte donc très-univerfellemert dans l'économie animale, & l’on doit peut-être douter plus que jamais, ainfi que j'avois cru devoir l’obferver, que dans la conve-fion des corps en matièré favonneufe, il s'opère, dans les chairs, une véritable tranfmuration, La fubftance huileufé analogue au blanc de baleine, qui fert de bafe à cetre matière favonneufe, exiftant toute formée & très- abondante dans l’économie animale, ne doit-on pas, au lieu de la regarder comme un nouveau produit dû à la putréfaétion après la mort, la confidérer au contraire comme le réfidu d’une diflolution lente & particulière, qui en emportant les principes auxquels elle étoir unie, la dégage de l’état de combinaifon dans laquelle elle étoit cachée, méconnue & préexiftante ? On peut ajouter d’ailleurs que certe matière n'eft pas , toujours au moins, un produit de l’organifation animale, [’analyfe, par l'acide nitrique, la démontre également dans la partie glutineufe des végétaux. M. Hallé croit en conféquence, qu'elle peut pañler des végéraux aux animaux, en s’y perfectionnant fuivant les loix de l’organifation de ces derniers ; ainf, femblable en cela à la cire, la matière du blanc de baleine , regardée comme un produit du règne animal, auroit cependant les végétaux pour origine. Toutefois, ces derniers n’en contenant qu'une beaucoup moins grande quantité que certains individus, ou certaines fubftances du règne animal , oneft fondé à préfumer que certe matière fe forme aufli, au moins en partie, par les forces & le mécanifme de la vie. M. Hallé penfe à Tome XX XVIII, Pare. I, 1791. MAL, Vv 2 340 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, ce fujet que la partie butireufe du lait ou du chyle, & la graifle fe transforment par l’animalifation en cette efpèce de matière grafle ou huileufe concrète ; que cetre élaboration fucceflive du principe huileux fait pafler infénfiblement les fucs de l’état de gelée ou de matière lymphatique , à celui de fubftance albumineufe, qu'il regarde comme analogue , & formant le point de paflage de la gelée à la matière glutineufe ou fibreufe ; quant à certe dernière, c’eft, fuivant lui, une plus grande proportion de cette même huile concrète, qui dans les animaux la fait différer de ce qu'elle étoit dans les végétaux, où elle eft moins animalifée. On voit par ces détails, combien ces nouvelles vues méritent d'être approfondies. En répandanc un grand jour fur la converfion des corps du cimetière des Saints-Innocens en momies grafles ou favonneules , elles nous apprennent à ne plus la confidérer comme un hénomène extraordinaire & rare, abfolument étranger aux loix de l’économie animale. Ce n’eft point en intervertiflant l'ordre de ces loix, que cette fingulière transformation eft échappée à la nature, On n’y apperçoit plus qu'une fuite de fa marche naturelle & conftante , mais obfervée fous un nouveau jour, & dans un ordre de circonftances différentes. En un mot, pour rappeler encore une de ces vues nouvelles, que le phéno- mène des corps du cimetière m'avoit paru préfenter en fi grand nombre, on peut juger maintenant, fi, comme je l'avois annoncé, la bafe de l'économie animale n'efl pas une fubflance, finon déjà femblable, au moins trés-analogue à la nature du blanc de baleine 3 [° tout le but de fes fonäions n'efl pas de tendre vers la produétion ou le développe- ment de cette fubflance ; & Ji ce principe enfin nefl pas comme le caraëtère effentiel de l'animalifarion , en méme-tems qu'il paroît former le premier mode de la deflruétion, qui , après la mort, décompofe toutes les parties. SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 341 MÉMOIRE (*) Abrégé fur les Compofitions | Fabrications & Procédés ufités dans la Verrerie Royale des Bouteilles du Bas- Meudon , près Paris, anciennement établie à Sèvres, comparée avec les Compofitions , Fabrications & Procédes employés par M. PaïorT pes CHARMES , Sous-In/peëleur des Manufaëures', lors de fon expérience faite dans ladite Verrerie , en 1788 & 1789. ARTICLE PREMIER. Compofition & durée des Fours. Méthode de Sèvres, A couronne & l'embaffure des fours de Sevres font conftruits ordi- nairement avec de la terre de V’an- vres, près Paris, quand la terre à pots que lon a de rébut, vient à manquer , finon on emploie cette dernière terre ; mais ni l’une ni Pautre ne font épluchées & dégagées des parties ferrugineufes ou pyri- teufes dent elles font infectées, fur- tout la terre de Vanvres qui, outre la couleur grife-noire qu'elle doit à un principe martial , renferme en- core beaucoup de pyrites en nature. La routine préfide feule à la compofition des briques pour la couronne & l’embaflure du four, Voici comment l’on procède : Après avoir imbibé la terre caflée Méthode de M. Pajor. cree employé pour la con1- pofition des briques de couronne du four à M. Pajot quede la terreà pots épluchée comme pour ces derniers. Cette terre provenoit des environs de Gournay en Bray , près Beau- vais. La même efpèce de terre a été pareillement employée pour les briques d’embaflure, hormis qu’elle n'a pas été épluchée. Le fable dont on s’eft fervi étoic très-blanc, ramifé au tamis de laiton fin, & avoit été pris à la Buste d’Aumont entre Creil & Senlis. Les proportions de ces fubftances vérifiées à la balance étoient de fix cens livres deterre & fept cens vingt- cinq livres de fable. Cette compo- fition ainfi que le parfait mélange (7) Ce Mémoire devoit étre publié en 1789 ; mais diveres raifons en ont empé- ché, 342 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, Méthode de Sèvres. en morceaux plus ou moins gros fur une aire quelconque en terre ou pavé , drellée ou non, & l'avoir labourée avec des rabots, comme il eft d’ufage pour le mortier, ony jette du fable jaune & fec , tiré des ravinés, près de erfailles, on le tamile d'avance pgroflièrement au tamis de canevas; il eft mêlé avec la terre fans aucune proportion. On ebferve feulement qu’il foit en quan- tité fuffilante pour que le mélange foit plutôt malgre que gras. Après avoirbien mêlé ces deux matières au rabot, on achève de les peciir & corroyer avec le talon pendant plus ou moins de tems, Aucune perfonne n'eft commife pour furveiller le mêlange de ces terres, ainfi que toutes les autres compofitions & opérations dont il fera parlé, en forte que les ouvriers qui s'en occupent , ne font pas tou- jours les mêmes, Le fonc tantôt plus ou moins parfaitement ; auffi n'eft:il pas rare de voir cette compofition très-imparfaitement mêlée, & les briques qui en proviennent, très- penchées dans la mafle qui lescom- pofe; & comme ces briques font ordinairement moulées fur un terrein inégal, il en réfulre un déchet con- fidérable, lorfque l’on s'occupe de les dreffer pour les mertreen œuvre. Ce déchet peur équivaloir à un quart ; il nécelfite donc une plus grande quantité de briques. La durée des fours, c’eft-à dire, de la couronne , eft tout au plus de cinq à fix reveillées : on appelle reveillée tout Le tems que le four eft Méthode de M. Pajot. ont été furveillés exactement de même que toutes Les autres compoli= tions & opérations dontil fera parlé, par une perfonne commife & in{= truite à cet effec-par M. Pajor. Les terres détrempées à froid dans une grande caille de bois à rebord, n'en ont été enlevées pour être moulées qu'après avoir été fufflamment pé< tries & corroyées avec les talons, coupées & recoupées alternative- ment, rétournées de même fens deffus deffous, & jufqu'à ce qu’on n’y fentic plus, en y enfonçant le doigt , aucun grumeau ni nœud de terre, mais au contraire qu'elles pas rufent parfaitement douces, liantes, & d'une égale divifion &confiftance dans toutes leurs parties. Les briques onc été moulées fur un plancher oucarreau uni ou à-peu- près égal; lors du dreflage pour les mettre en œuvre, il n’y a pas eu un vingtième de décher. L'expérience n'a pu être aflez longue pour vérifier la durée d’un four conftruit avec des briques de cette compofition, maisil y a tout à préfmer , d’après Jes caradtères de durabilité des fièges dont on parlera ci-après, que la compofition étant moins friable, mieux mélangée , moins fufible à raifon de la propreté & pureté des terres & du fable, plus compacte, & par une fuite de ces rapports, plus difficile à fe laiffer entamer par la violence & la continuité du feu , une couronne de cette compofition devra avoir une durée ax moins double de celles actuelles. SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. Méthode de Sevres. en feu; il eftrare qu’elle pafle quatre mois & demi, elle s’étend peu fou- vent jufqu'à cinq mois ;en forte que la durée d'un four ne va pas au-delà de vingt-cinq à trente mois, en additionnant toutes les reveillées. Il eft bien entendu que cette durée ne regarde que la couronne ; car les ouvreaux, les tonnelles , les logis & autres ouvertures du four font zéparés à neuf après chaque reveillée. 313 Méthode de M, Pajor. Ilen devra réfulter d'ailleurs un autre avantage bien précieux pour la qualité du verre, c’elt que la cou- ronne & les ouvreaux étant moins fujets à larmer dans les pots, les bouteilles feront moins remplies de grains ou grumeaux, de cordes, &c, qu'ils rendent pius ou moins défec- tueufes & fufceptibies d’être rebu- tées par rapport au coup-d'œil , ou à la cafle qui en eft une fuite ordinaire. NrRTTcLE LI, Compofition & durée du Siège. La compofition des terres pour les fièges des fours de Sèvres, eft Ja même que celle pour les couronnes ; elle eft aufli peu foignée & fur- veillée, Les briques en font pareille: ment népligées, & produifent le même déchet lors du dreflage. Les fièges font formés de deux fortes de briques, de grandes & de oertites, les unes & les autres font moulées dans des moules à angles droits, Les grandes briques ont visgt-huir pouces de longueur fur huic pouces de largeur & quatre pouces d’épaifleur. Les petites ont quatorze pouces fur douze pouces & quatre pouces d’épaifleur. pape Les petites briques font miles à plat fous les grandes , dont on pofe deux rangs de chaque Fun fur Pautre, & c’eft fur ces grandes que font placés les pots. Les fièges ne durent qu'une re- veillée , laquelle, comme il a été dit pe "t, ne dure ouère au-delà de La compoñtion des terres pour les grandes & petires briques des fièges du four de M. Pajot a été vérifiée à la balance dans les propor- tions fuivantes : pour les grandes briques , dites proprement briques defièse, fix cens livres deterre à pots épluchée, fix cens livres de ciment ou écaille épluchée de pots caflés & paflés au four ; ladite écailie pilée & tamifée au ramis de laiton moyen, & cent livres de fable d’Aumont tamifé au même tamis que pour l'écaille, Pour les petites briques , nommées particulièrement briques de cingaflifes, fix cens livres deterre à pots épluchée, & fix cens cin- quante livres de ciment même que deflus, & préparé femblablement, Les grandes briques font taillées & moulées en trapèze, ou fuivant l'inclinatfon des fièces, elles ont vingt-huit pouces fous le cul des pots, trente-fix à la partie oppofée qui touche les petites briques, fur 344 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE; Méthode de Sèvres. quatre mois & demi, & peu fouvent cinq mois. Il eft rare qu'au bout de quinze jours de feu, il ne faille raccom- moder ou sorcher les fièges, fou- vent même oneft obligé de prendre ce foin dès la première huitaine. Méthode de M. Pajot. vingt-cinq pouces de hauteur & quatre pouces d'épaifleur. Les petites briques ont vingt pouces de longueur , douze pouces de largeur & quatre d’épaifleur ; on en met cinq aflifes à plat & à recouvrement les unes fur les autres; en commençant les fièges, c’eft ce qui les a faic défigner fous le nom de briques de cinq aflifes ; fur ces briques font pofées de champ celles en trapèze, on a foin de les difpofer toujours de manière qu'ellescoupent le joint des briques des cinq aflifes, Ce font les grandes briques fur lefquelles repofent & font placés Les ots. D'après la bonne contenance que font les fièges de M. Pajot, ily a tout lieu d'efpérer qu'ils dureront le double de ceux de Sèvres , puifque depuis trois mois qu'ils fonc en feu, ils n’ont pas encore éprouvé la moindre dégradation. Les briques grandes & petites de M. Pajot ont produit environ un trentième de déchet, lors du re- dreffage. Elles ont été moulées fur une furface carrelée & fenfiblement droite. On a fait ufage d’écaille de pots, à défaut d’écailles convenables de fiège. Dans un cours de fabrication, les nouveaux fièges , après l’extinc- tion des fours, bien loin d’être ; comme ceux ordinaires fuivant la méthode de Sèvres , jettés au rebut, rentreroient comme écailles & rem- placeroient celle des pots dont on a été obligé de fe fervir pout cette première fois, ARTICLE SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS, 345 ARTICLE III, Compofition & durée des Pots. Méthode de Sèvres. Les pots de Sèvres font compofés de fix quarts de mefure de terre grafle ou terre glaife grife-blanche de Gournay en Bray ; ladite terre épluchée plus ou moins gros qu'une noix, pilée fous une meule de fonte dont le chemin eft aufli en fonte, puis tamifée au tamis de canevas, de trois mefures combles de fem- blable terre cuite ou brilée dans les arches , mais non épluchée ni avant ni après {a cuiflon , pilée feulement & tamifée comme celle ci-deffus , & d’une demi-mefure d’écailles de ors groffièrement épluchée, pilée ra des mortiers & pilons de fer, puis tamifée au tamis de crin. * Ces mefures ne font nullement vérifiées à la balance , mais feule- ment au coup-d’œil des ouvriers qui ne font pas toujours les mêines. Le mêlange de ces différentes terres efl délayé à l’eau bouillante dans une caifle de bois à rebord, puis pétri au talon , coupé & recoupé peadant un nombre de fois déterminé , après quoi les ouvriers le regardent comme fuffifammenc marché , & on l’enlève de fuite de fa caifle pour être converti chaque jour de l'année, devant le feu, dans des chambres échauffées par des poîles , en poss ronds par le bas & ovales par le haur. Les bords de ces pots font pliés en dedans pour donner de la prife aux outils avec lefquels on les enlève Tome XXXV' IUT, Part, I, 1791, MAL, Méthode de M. Pajot. La compoftion des pots de M. Pajot a été vérifiée à la balance; elle écoit de fix cens livres de fem- blable terre que celle des pots de Sèvres, épluchée feulement en mor ceaux gros comme une noix, & de quatre cens cinquante livres d’é- cailles d’anciens pots de Sèvres, caflés au four , épluchés , pilés fous la meule de fonte, & tamifés au tamis de foie, La terre a été détrempée préli- minairemenc vingt-quatre heures, à eau froide dans un coffre, d’où après avoir foutiré l’eau furabondante, on l'a tranfportée dans une caifle à re- bord bien propre , où elle a été pié- tinée & marchée avec les talons, en lui mêlant à différentes reprifes la quar tité d’écailles défignée ci-deflus, Ce mélange a été enfuite marché régulièrement , ainfi qu'il a été annoncé pour la terre à couronne , jufqu’à ce qu’il air été reconnu bon pour être employé & converti en pots. Les pots de M. Pajor font ronds tant au cul qua la gueule ou haut de la Hêche. Le cul s’en forme en appliquant fur le fourneau qui eft rond des morceaux de paftons ou fauciflons de terre gros comme un œuf, On les écrafe & étend d’abord mollement & circulairement avec la paume de la main, on les regratre enfuite avec les doigts & fuccellive- ment en forme de boule , afin d’en Xx 346 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, Méthode de Sèvres. & retourne fur les fièges. Ces rebords qui font larges de trois à quatre pouces, font nommés /occanoirs. Les culs des pots font faits, en jettant à grande force deflus un fonceau ou fond de bois quarré qui doit porter le pot que l'on veut façonner, des morceaux de terre plus ou moins gros qu'un œuf, les uns deflus les autres, jufqu’à ce qu'ils aient formé une épaifleur de trois pouces environ [ur le diamètre requis pour le pot. On ne fe ferr pas de l’inftrument nommé ci-contre Zaboureur pour déterminer au jufte l'épaifleur du cul & la naiffance de la fléche ou du pourtour du pot à fon able. Ces diverfes dimenfions font déterminées au coup-d'æil. Le jable & la flêche fe forment & fe montent en fpirale, mais en appliquant feulement les paflons ou fauciffons deterre toujoursen dedans du pot. Les pots durent dans le four dix jou:s l’un portant l’autre, compris le chambrage. Chambrer , c'eft re- tourner le pot percé ou fendu au jable , au-dedans du four, du côté de morts-murs ou des logis, pour pa: l'application fubite d’un mor- ceau de terre de réburoudef/anvres mouillée & fraîche, geler en quelque foite le filet de verre qui s'échappe pa: la fente ou le trou du pot, & Vempêcher ainfi de couler davan- tase. Cette opération fe fait de mème fous le cul des pots, lorfqu'ils y font percés, avec poflibilité de Îes chambrer. Au moyen de ce pal- liatif, on retarde la mort des pots de Méthode de M. Pajot, lier, égalifer & travailler davantage la terre dans toute fon épaifleur ou fa couche. Cette façon empêche fur-tout qu’il ne fe forme ‘des fouf- flures dans l'intérieur de la pâte. On élève de cette manière, le cul du pot jufqu’à la hauteur de cinq pouces environ après quoi l’on pale fur route la circonférence du fonceau un inftrument en bois nommé /a- boureur taillé de telle forte qu'en le promenant fur tout le pourtour de la mafle de terre, il fe forme en cette partie voifine du bord du fon- ceau, un vuide qui détermine & l'épaifleur du fond du por & celle de fon jable ou de la naiffance de la flèche, On élève enfuice la Aèche ou le pourtour du pot, en appliquant des bougies fucceflives de fauciflons de terre les unes fur les autres, mais placées tant au dedans qu’au dehors le pot, à moitié bord & à moitié fauciflons ; ces deux parties grattées d'avance pour en lier & faire péné- trer plus intimément les dirons cordons fuccellifs, Ces pots n’ont point de foccanoir, on les place en conféquence fur les fièges avec des inftrumens tous dif- férens de ceux ufités pour Les pots de Sèvres. Ces pots ont duré l'un portant l’autre de quinze à feize jours ; quoi- qu'ils foient fufceptibles de cham- brer comme ceux ci-contre, néan- moins on doit s’en difpenfer , atten- du que lechambrage d’un pot, quel- que facile qu'il puifle être, néceffite toujours une perte de tems , de verre , & par- deffus tout uns SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. Méthode de Sevres. cinq à fix jours ; fans le chambrage la durée commune n’en feroit guère que de fix à fept jours; cependant, comme tout le monde fait, le béné- fice d’une verrerie à bouteilles eft fur-tout fondé fur la plus grande durée des pots & des fièges. Dans onze mois de tems, fur quatre cens cinquante & tant de pots employés dans les deux fours de Sèvres & fabriqués & compofés felon la méthode de cette verrerie, il n’y en a eu qu'un qui ait duré dix- fept jours & un autre de vingt-deux à vingt-trois jours , y compris, pour Pun & l’autre, leur chambrage. Tous les autres pots, féparément, n'ont pas duré plus de fix, huir à dix & douze jours, en y comprenant aufli le chambrage. 347 Méthode de M. Pajor. grande dégradation des fièges. Sur fept pots fabriqués par M. Pajot lui-même & d’après fà compolition, dansune chambre fans feu, au mois de juin, il y en a eu trois mis le même jour qui ont duré plus de vingt-quatre jours , deux même ont duré vingt-neuf jours. Les autres ont duré de treize à dix- huit jours, & il n’eft pas douteux qu'ils ne fuffent parvenus comme les autres au moins à vingt-quatre jours, fi M. Pajot n’eût été traverfé dans fon expérience. Il eft affez ordinaire en effet, qu'un étranger éprouve toutes fortes de contrariétés , lorf- que fous l’aufpice même du proprié- taire , il eft chargé ou invité à faire des innovations dans un établife: ment quelconque, contre le gré des directeurs ignorans, toujours jaloux des fuccès & des améliorations qui ne leur font pas dues immédiate- ment. Nota. Les pots de M. Pajor contiennent à-peu-près vingt-cinq. bouteilles de moins que ceux ordi- naires de Sèvres. ARTICLE IV. Préparation & Compofition des matières vitrifrables. Les matières vitrifiables dont on fe fert à Sèvres pour former le verre à bouteilles , font des cendres lefi- vées, connues autrement fous le nom de charrés ; du fable jaunâtre tiré de la Butre de Picardie fur le chemin de Verfailles , de la foude de vareck, & du profil ou caflure Tome XXXVIII, Pare. 1, 1791. MAL, M. Pajot a fait éplucher la foude en la caflanc en morceaux gros comme des noix ou ä-peu-près. Par ce moyen, on l’a dégagée des parties étrangères dont elle eft ordinaire- ment fraudée , telles que le galet, le fer, les briques, &c. qui, s'ils ne forment du grain dans le verre , Xx 2 348 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, Méthode de Sèvres. de bouteilles, plus les moules qui fe détachent des cannes. La foude n’eft point épluchée, mais feulement caflée en morceaux gros comme les deux poings, Le picadil ou verre de cave, de même que le grofil, n’eft ni épluché ni lavé. Le fable & les cendres font mal tamifés, au travers du grand tamis de fl de fer difpofé à cet effet dans chaque Aulle. Le verre à bouteilles de Sèvres eft compofé de deux brouettes & demie de verre dont les © environ en meules & le refte en grofil ou verre de cave. Le tiers du grofil, le verre de cave & le verre de meules ne font pas frittés & font enfournés à froid. De deux brouettes & demie de cendres frittées , d’un tiers de brouette en fable, & vingt-cinq livres de foude environ. … Cette compofition eft celle ordi- naire, quand aucune des matières ne manque. Les diverfes quantirés au relte ne font nu!lement vérifiées à la balance , mais feulement eftimées au coup-d'œil du maître Ti/eur. Méthode de M. Pajor, comme il arrive par les galets ou cailloux, accélèrent la perte des creufets en les détruifant ou corro- dant, à raifon des fubftances méral- liques , fur-tout celles ferrugineufes qui sy trouvent plus ou moins mélangées. Le profil a été pareillement purgé des ordures fans nombre dont il eft rempli, fur-tout des clous, des tôles , & autres morceaux de fer qui sy rencontrent, Le lavage l’a auf dépouillé des graviers & de certe boue plus ou moins martiale dont il fe trouve prefque toujours recou- vert. Le picadil a été aufli épluché & purgé de fes différentes crafles ferru- gineufes & charbonneufes, dont il eft prefque toujours infecté. Le fable & Ja cendre ou charré, mélés enfemble fur le four, après avoir été tamilés à la pelle fur le tamis de fil de fer, ont été repañlés, à la main, au tamis de laiton à larges mailles. Ces matières ont été ainfi plus foigneufement purgées des clous , des épingles noires & jaunes, &c. que les charrés con- tiennent toujours en plus ou moins grande quantité. Afin d'éviter tout foupçon tou- chant la plus grande durée de fes pots, M. Pajor a fuivi la compo- fition des verres détaillée ci-contre. BRRÛT CNE Vi Nombre des Enfournemens par mois.” L'on ne fait dans chaque four de la verrerie de Sèvres que vingt- Au moyen de la plus grande quantité de matières vitrifiables, de SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. Méthode de Sèvres. quatre enfournemens par mois, en fuppofant le moins de contre-tems poflible,commezorchage des fièges, mife des pots , &c. Méthode. de M, Pajor. la plus grande durée des pots & de la moindre désradation des fièges de M. Pajot, Von eft parvenu à faire trente enfournemens par mois, ‘ ARTICLE VIH Dépenfe du Combuflible par enfournement. L'on dépenfe à Sèvres dans chacun des fours pour chaque enfournement cinq ‘voies & demie de charbon, l’un portant l’autre. ARTICL Produit On ne peut faire que vingt-quatre mille bouteilles de pinte par! quin- : zaïne dans chaque four de Sèvres, et L'on n'a dépenfé dans le four de M. Pajot que quatre voies de char- bon par chacun enfournement, l’un portant l’autre. Cette économie de combuftible doit être attribuée à plufieurs caufes: 1°. à la pureté des matières vitri- fiables qui ajoute à la briéveté des fontes; 2°, à la diminution de l'érendue du foyer, au moyen d’une voûte compofée ainfi que les briques de cinq aflifes, & pratiquée fous la grille entre les fièges & au milieu - du four. Cette voûte qui a vinge pouces d'épaiffeur, dix-huit pouces de hauteur & vingt-quatre pouces de longueur , en reflerrant le foyer fans nuire à l'effet dy combuftible {ur les. pots, contribue Gngulièrement à en diminuer la dépenfe ; elle ajoute d'ailleurs beaucoup à 12 folidité des fièges dans la partie du milieu, plus fufceptible que toute autre. d’être dégradée par le feu, les courans d'air & fur-tout par les Aots du verre qui sécoule, foit des pots fur- comblés , foit des pots caflés, &c. EVE. Bouteilles. Au moyen des trente fonres que - À LAS 15 pepe lon peut faire par mois, fuivant les : procédés mis en ufage dans le four 359 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, Méthode de Sèvres. Méthode de M. Pajot. lorfqu’il ne fe rencontre aucun évé- de M. Pajor, l'on peut faire dans nement qui contrarie la fabrication. fes pots ronds fans foccanoir de vingt-neuf à trente mille bouteilles par quinzaine. La bouteille demème compte de pinte. Ce furplus de bouteilles ef dû non-feulement à la pluralité des fontes, mais aufli à la plus grande pureté du verre que donne celle des matières. à 1°. L'ouvrier eft difpenfé d’écré- mer fon verre, par conféquent de retirer & jetter à l’auge quinze à vingt bouteilles pour chaque pot comme il eft ordinaire, lorfque les matières ne font pas purifiées ; 2°. il rejette aufli moins de bouteilles pendant le travail, puifque fon verre contient moins de pierres & de graviers; d’un autre côté enfin, il lui cafle moins de bouteilles, d’après tes raifons ci-deflus, & dans la re- cuiflon & dans le tranfport , foit au magafin , foit chez le marchand. Rapport de MM. Bætholet & Vandermonde, de l'Académie des Sciences de Paris , & Commiffaires nommés par l'Adminiftration du Commerce, pour l’examen des Inventions & Découvertes utiles aux Manufaëtures. M. de Tolozan nous a chargés d'examiner le réfultat des opérations faites à la verrerie du Bas-Meudon par M. Pajot des Charmes , fous- infpecteur des manufactures d’Abbeville. Nous avons lu le Mémoire avec autant d’attention que d’intérèr , & comme les économies qui y font annoncées &- qui proviennent d'un choix mieux fait des matériaux & d'une meilleure conftruction, font certifiées par M. Panchaud , pro- priétaire de la verrerie du Bas-Meudon ; nous penfons qu'elles ne doivent laiffer aucun doute relativement aux procédés qu'on fuit dans cette verrerie & probablement dans plufieurs autres, & qu'il ne peut qu'être avantageux d’en rendre public le réfultar. Il eft d’ailleurs à defirer que M. Pajoc des Charmes continue à s'occuper de l'art de la Verrerie, dont d SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 35r nous paroît bien connoître les détails, & auquel il peut fe rendre fort utile, À Paris, le 13 mai 1789. Signé , Vandermonde , Bertholer, DRE CIRERRE LEE SORT EE PE EE SP EE UP EE PRE TIGE DEN DU HT COR MEN ALT EPL D TLC E S S A I + SAUNR GET (IE QUE SF O-N;: Quelle eft l'influence de l’Ele&ricité fur la Germination & la Végétation des. Plantes ; Par M. DE ROZIERES, Capitaine au Corps Royal dun Génie, Correfpondant de l’Académie Royale des Sciences de Paris, Membre Affocié de la Société d'Emulation de Bourg en Breffe, de l Académie Delphinale , de la Société Philofophique des Sciences & Arts utiles de Lyon , Vice-Secrétaire de la Société Académique & Parriotique de Valence en Dauphiné. AVIS. M. Delamétherie , d’après ce que j’avois eu l'honneur de lui écrire , avoit bien voulu annoncer dans le cahier du mois de janvier 1790 de fon Journal de Phyfique, que mon Mémoire y paroitroit incefflamment , mais des raifons majeures que je n’avois pas prévues, m'ont obligé de différer jufqu’à préfent fa publication, O N ne peut, ce me femble, révoquer en doute que la queftion importante que je vais eflayer de traiter , n'ait déja été réfolue ancienne- ment en faveur de l'électricité par un grand nombre de phyficiens, auffi-célèbres par leur favoir, que recommandables par leur véracité (1); il n’eft pas moins certain qu'un temps confidérable sétoit écoulé, pendant lequel on n’avoit vu s'élever aucune réclamation publique , relativement à la décifion qui avoit été portée par ces favans, lorfqu’en 1785 (2), M. Schvanckharde, écrivant pour lui & au nom de M. le docteur Ingen-Houfz , a préfenté des fufpicions fur la vérité des confé- quences que les phyfciens anciens & modernes avoient admifes, D'après leurs obfervations multipliées (3) , ce doéteur les a lui-même confirmées (1) Ces favans font MM. Nollet, Mainbraÿ, Jallabert, Menon ; Boze, &c. &c. &ce (2) Foyez le Journal général de Phyfique de M. l'Abbé Rozier , &c. du mois de décembre 1785, page 46, &c. At i ! (3) Les phyfciens modernes qui ont confirmé la vérité de la folution donnée 352 - OBSÉRVATIONS SUR LA PHYSIQUE, dans des ouvrages poftérieurs, où il a expofé les détails & réfukats des expériences qui l’avoient dérerminé à changer d'opiriion (1). Une autorité aufli recommandable que celle de M, Ingen-Houfz ne pouvoit manquer de réveiller toute l'attention des phyficiens fur une matière. Aufli a-t-on vu paroître fucceflivement dans plufieurs ouvrages impri- més, des réfutarions de l'opinion de ce favant, appuyées fur des faits récens très-nombreux , lefquels ont paru avoir été obfervés avec autant de conftance, d’exaétirude, &c. que ce phylicien diftingué & fes émules avoient pu en apporter dans leurs expériences (2). Que doit-il réfulter de cet expofé? 1°. Que fi la queftion qui fait le fujert de ce mémoire doit être décidée par Le nombre des faits bien conftatés, il n’ÿ a pas de doute qu'elle ne le foit préfenrement comme anciennement, en faveur de l’éledricité , puifque la très-grande majorité eft à fon avantage. 2°. Que fi lon préfère de la décider d’après des autorités recommandables & refpettuables , elle le fera encore en fa faveur, la plus grande partie étant cértainement oppofée à celle de Meñieurs Ingen-Houfz, Schvanckharde, &c. &c. &c. Nous allons câcher de prouver par de nouveaux faits ce que nous vénons d'avancer. Je crois convenable de faire précéder le détail des expériences, relatives à cet objet, que j'ai füivies pendant les années 1786, 1787, 1788, 1789 & 1790, avec le foin & l’exaétitude qu'elles exigeoient (3), du précis des raifons qui m'ont déterminé à entreprendre ce travail, qui devoit être très-fatiguant par fa longueur & fa fujétion, excellive- ment minutieux, & par conféquent ennuyeux (4). Etonné finguliè- par les anciens, font MM. la Cepède, Achard, Bertholon, Gardini, Carmoy Mauduit, Memberb , d'Ormoy, &c. &c. &c : (x) 1°. Voyezles Nouvelles Expériences & Offervarions fur différens objets de Phyfique, par M. Jean Inger-Houfz , tome II, page 182, & dem du même auteur, un ouvrage ayant pour titre: Expériences fur les Vegercux, tome II, page 24, &c. (2; Voyez le Journal de Phyfique, année 1788, novembre , page 339, &c. Idem, année 1789 , page 161. Idem , année 1789; page 407., &c. . (3): J'ai lu une partie de ce travail dans Ja féance publique de la Société acadé- mique & patriotique de. Valence en Dauphiné, tenue le 26 août 1786. (4) Cependant comme la manipulation qu'il exige ne préfente aucune difficulté, on ne peut fe refufer, à croire que tout phyficien eft en état de l’entreprendre. Il fufñt pour cela d’en avoir le tems , la patience, dé pofléder une machine éle&rique ordinaire garnie de fes armures & autres accefloires à portée de tout le monde, J'ajouterai que ce genre d'expérience r’étant rien moins que délicat relativement aux procédés à fee , on ne peut attribuer à cette raifon, la différence des réfu'tats obtenus par les obfervateurs. EL faut donc convenir qu’elle n’a pu avoir lièu, que parce que les procédés n’ont point été faits d'une manière uniforme, & que le concours des circonftances n’a pas été femblable , ainfi qu'il le falloit effenciellement pour obtenir des réfultats concordans. ‘ remen£ SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 353 rement de la nouvelle opinion de M, Ingen-Houfz fur la folution d’une queftion que j'avois regardée comme parfaitement décidée depuis très-long-remps, & qu’en conféquence j'avois admife (fur parole, comme tant d’autres phyliciens) depuis plus de douze années, j'avoue qu'un motif de curiofité, auquel je ne pus réfifter, m'engagea alors à m'aflurer par moi-même de ce que je devois penfer d’une contra- diction fi remarquable; &fans doute il ne falloic rien moins: que lé defir ardent de découvrir la vériei far un füjec auffi: important, & Pefpérance d'y parvenir, pour avoir pu me décider à tenter de vaincre tous les dégouts qui devoient néceflairement réfulter.de la monoto< mie, &c: de la manipulation des expériences que j'allois entreprendre, & dont.je me croyois rrès-peu capable, Je puis certifier pourtant de les avoir furmontées confftamment; ce qui le prouve, c'eft que j'en ai fait un nombre beaucoup plus confidérable que celui que je m'étois d’abord propofé ; d'après les réfultats defquelles il m'e@ impoffible de douter aujourd'hui des effets avantageux de l'éleitricité fur La germi- nation. & la végétation de certaines plantes. S Je me contenterai d’en rapporter un extrait, les bornes de ce mé- moire ne me permettant pas d'en publier la totalité. D'ailleurs, des répétitions ne ferviroient qu'à fatiguer erès-gratuitement l'attention de mes leéteurs. Je défire que les faits qu'ils y trouveront, comparés à ceux qui ont été publiés anciennement & récemment dans plufeurs ouvrages, paroiffent aflez concordans pour concourir à fixer définitivement leur opinion fur la véritable folution d'une ‘queftion que les phyficiens regardent unanimement, & avec raifon, comme une des: plus inté- réflantes qui ait éré propofée. Si je fuis affez heureux pour remplir le but que je me fuis propofé, je ferai très - fatisfait ; mais de quelque manière qu'il en foit, je déclare formellement qu'ayant acquis toutes les preuves néceffaires à ma con- vidtion, je ne vois point de motif capable de me déterminer à répéter ce que j'ai fait pendant plufieurs années, & conféquemment je ne ublierai rien à l’avenir fur cer objet. Je fuis bien éloigné certainement d’avoir la plus petite prétention de chercher à me faire un mérite de la tâche que j'ai remplie pen- dant les années 1786, 1787, 1738 & 1789, & partie de celle 1790, puifque j'avoue que je travaillois infiniment plus pour moi que pour les autres. Mais je préfume que fi chaque phyficien, peu fatisfaic de l'état de’ doute dans lequel il fe trouve, relativement à des queflions de faits pareilles à celle-ci, vouloit, fans prévention, prendre la peine de fuivre unel marche à-peu-près femblable, ce feroit le moyen le Tome XX XVIII, Part. I, 791. MAL. Yy 34 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, plus für d'éviter bien des difcuflions littéraires (1), lefquelles fouvent, A A fans éclaircir ce qui auroit befoin de l'être , entraînent des perfonnalités fort défagréables (2). AVERTISSEMENT. Je défignérai dans mon journal d'expériences, &c. l’ordre dans lequel les plantes font forties de terre , par les lettres de l'alphabeth, Icfquelles feront placées entre parenthèfes, Ant les plantes forties les premières feront exprimées par la lettre (A), les fecondes par (B), &c. &c. Celles qui font forties enfemble feront indiquées par la même lettre; mais elles feront différenciées par un chiffre placé dans la parenthèfe pour les raifons qu'on verra dans la fuite de ce Mémoire, 1, 2,3» 4,4, $;, 6, 7 & huitieme Expériences, Le 4 mars 1786, à 7 heures du matin, j'ai femé dans huit vafes verniflés égaux , remplis de terre humide de la même qualité, 4 grains de cerfeuil, 4 grains de nafitor, 4 de trefle, { 2 de bled noir, è 2 de feiole, $ 2 de petites raves, è 2 de bled , è 2 de lairues, À 2 d'haricot, {° de pois lupin , è 2 de moutarde, (x) (Cet'exemple nous a été donné récemment par MM. Bertholen, d'Ormoy, &c.) (2) Je fuis très-perfuadé que des caufes principales qui éloignent beaucoup de gens de lire des ouvrages fur les fciences, c’eft de voir le peu de ménagement que gardent entr’eux leurs auteurs , & fur-tout la difparité de leurs opinions , méme fur des faits qui frappent nos fens. Ce que j’avance ici, je certifie l’avoir oui dire à plufeurs perlonnes d’efprit qui defiroient acquérir des connoïflances, maïs qui avoient été rebutées par les contradi@tions fans nombre des favans, dans leurs écrits, lefquelles font qu'après avoir beaucoup lu, on n’eft fouvent pas plus infiruit. Tout le monde fait, que l’on a dit il y a long-tems , & répété fréquemment depuis, que , du choc des opinions naît fouvent la lumière. Cette aflertion eft fans doute très- vraie ; mais il eft effentiel pour engager à lire des differtations de controverfe , de les traiter de manière à ne pouvoir ind'fpofer ni les parties intéreffées ni d’autres, c’eft-à-dire, que quand on n’ef pas de l’avis de quelqu’un pour des raifons que l’on trouve bien fondées, & qu’on fe croit obligé d’expofer, que ce foit toujours avec fagefle & fans employer le farcafme ni même Fironie, qui annonce prefque toujours la prévention ou l’orgueil , & quelquefois l’un & l’sutre. D'ailleurs on fait que ce ton ef infiniment déplacé lorfqu’ii ef queflion de fujets férieux. Au refle , il faut con- venir qu’il ex'fle vlufeurs phyficiens très-diflingués parmi les modernes, bien faits, à cet égard, ainfi qu'à beaucoup d’autres , pour fervir de modèle par la manière dont ils ont traité leurs ouvrages. Je me contenteraï ici d’en citer deux : favoir, MM. de la Cepède & Marivetz, &c. SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 355 Après quoi j'ai femé dans des vafes égaux en tout aux premiers, les mêmes efpèces & quantités de graines, lefquelles ont été immédiatement recouvertes , dans les feize vafes, de fix lignes de terre humide , & placés aufli-tôt fur une tablette de bois couverte de plateaux de verre, près de l'embräfure d'une fenêtre , de manière à ce que chacun de ces vafes pût recevoir également l'influence de la lumière diffufe ( j’ai jugé convenable, ur de bonnes raïfons, de les garantir conftammient de celle directe du foleil). Les huit vafes deftinés à recevoir l'action de l'électricité par communication ayant été bien ifolés, fans les avoir changés de place, ils ont reçu ce même jour, ainfi que ceux fuivans, fix mille tours de roue, mais à quatre reprifes différentes , avec intervalle chaque fois d’une heure au moins. Cerfeuil éle&rifé. Cerfeuil non éle&rife. OBSERVATIONS. mm Une graine (A) a commencé à paroi- tro à fleur de terre , le 12 mars, entre 7 & 3 Heures du matin. Le r3 id. à 8 heures du matin. (A) s’élevoit au-deffus de la terre, de po. Lig. = sons ses ser sses see à OÙ T Le 14 Fe) 8 heures id (CAPTER ER b one NON Le 15 id. à 8 heures, (ATZ de ALARME Le 16 id, à 8 heures. COTE de RM OR Ion Le 17 id, à 8 heures. ANR deR ones atunle sais CEE PUR Le 18 id, vers midi 2 cerfeuils, (A1) (A z) (x) ont commencé à paroïtres Le 18 id. à 8 heures. (A) 11. (OR ARCS: Le r9 id, à 8 heures du matin. po. lig. Le 19 id. à 8 heures. (A x) s’élevoit de. ........... O :1 Az) de er ereelo il (A) die eee raser 2 ( SSRAET EEE N Dee UE DEC Le 20 id. à 8 heures. (AR) I de. 1e ares: © 3e (A) I, de, ...,.....,...,.. 2, 3 £ (Az) I.de................ 0 3 + Fat Le 21 id, à 8 heures, Le 21 2 à 8 heures, (À D 1de de. Eee Lo ls 4% OR cree LS (AT) Ed SEE EEEer ere ° (1) J'ai défigné par différens chiffres les plantes jumelles afin de les difinguer , malgré les différences & variations qui pourroient avoir lieu dans leurs accroifle- mens , &c. Tome XXXVII, Part. I, 1791, MAI. XYy2 356 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, Cerfeuil eleërife. Cerfeuil non éle&rifé. OBSERVATIONS. CE ie iRne.._ “5 — Le 22 mars à 8 heures du matin. Le 22 mars à 8 heures du matin. po. lig. po. lig. (Aa de RER AR See LOGE (AT) dde. AMEN #0) CE Le 22 id. vers 3 heures du foir un (Az) Id. de... 00200 MAUTLE fecond cerfeuil (B) commençoit à pa- roitre. Le 23 à 8 heures du matin. Le 23 mars à 8 heures du matin. po. lig. po. lig. (CRDI TEINTE CRE SANT EE 1 8 (AT) de ARMES C2 (B)lidide Er AR AEnS où? (CU) LC RE STE CRC o 8 Le 24 mars à 8 heures id. Le 24 id. à 8 heures. CALAIS ARE A TO CAD) Ti der ENTRER EE o 9 4 (Bd ide Sci o 3 iC Az) Idem eee. .0 9% Le 25 id. à ‘8 EEE Le 25 id. à 8 heures. (CRT OO Verts 2 True (AD) De de eee eerteee ce ©. 11 & (GED CA ES Re A EE OS WA 2) Hd deteste 2e 1 Le 26 id. à 8 heures. Le 26 à 8 heures. CANTARe EN ERA AE EN 2 0 NCA NT) de er ter here elrX + (B) dde ren More (AR MTEIdertes FOR EURE 11H J'ai ceflé d'électrifer & de comparer ces plantes le 27 mars. Il s’eft trouvé deux faux germes dans chaque vafe , ce que j'ai foigneu-. femenc vérifié. Bleds éleérifes. Bleds non éleétrifés. OBSERVATIONS, D CN RS. “CR Un grain de bled (A):commencoit à Un grain de bled (A) paroifloit à paroître à raz de terre;, le 14 mars 1786, fleur de terre, le 14 mars 1786, entre vers 7? heures du matin. 6 & 7 heutes du foir. Un autre id. (B) vers 2 heures apres- Un autre id. (B) à 9 heures & demie midi. du foir. Le rs id. à 8 heures du matin. Le 15 1dem. à 8 heures du matin. (A) s’'élevoit au-deflus de la terre, (A) s’élevoit au-deflus de terre, ( po. lg. po. lig. de EME SAR AVR o 4 Ce AR SAR TE AE EL CEA AES CHÈRE G) Id. de SCA NES EE 08 (BA dE PEER Sete ete o 11 Le 16 id. à 8 heures. Le 16 id. à 8 heures. (CAM de RSC, AREUAE o 9 (COLE COOP AAA o + (BITUME ONE) DT IE REC RERENEES ONE Le 17 id. à 8 fenes Le 17 id. à 8 heures, (ADAM ER RON NE EN 18 CADMAMEE RENE RARES SNOoUNTO (B) Id, de . FAP RS te PONT COMTE MR E Ie OMG SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 357 . Bleds éleérifés. . Bleds non éleétrifës. OBSERVATIONS. TP Le 18 id. à 8 heures, Le 18 id. à 8 heures, po. lig. po. lig. (A) Id. de... Cobed EE 1 NCAA e eee ebeepecs et tie) (Bd bee ss tres vLÉS (B) Ti de ee TOR Le r9 id..à 8 heures, Le 19 id, à 8 heures. (BI dE eue res x 9 (AMIE de RER dure de 1-2 à CHAT RER Eee 116 (BR de Re o 11 + Le 20 id, à 8 heures. Le. 20.id. à 8 heures. eds RE Re Le RARE (APIs uet 4 WE (HS ACT AUCAE Dre de 1 8 COCA UE En A NE Me Le 21 id. à 8 heures, Le 21 14, à 8 heures, Cie Mrs RUES CARTES (AN IT der En eee me TG: Bidsdes Hs. Bien #4 TON MT. RDC r 11B30E Le 22 id. à 8 heures. Le 22 id. à 8 heures. VA des scene ass 24302 QA)NIAE SECRETS 1 81e (BIS. seu vessie 2 O COMTE Res een cire E $ Le 23 id. à 8 heures. Le 23 id. à 8 heures, CYAIBIde mers dee nas Mae 2e D (A) er er Eire 1.10 (NAME TE ere +2 2 GMT CS BorortPinéeagce TU 7Re Le 24 id. à 8 heures. Le 24 id. à 8 heures, (2: VIE LA CHPRORS EEE ennsnezmesree (ANIME, LU. ;+ HN US (BTE TR PA 203 (Bed, de CEE Use LNOEE Le 25 id. à 8 heures. Le 25 id. à 8 heures. (EST CA COMORES 210: NCA) des. Ras me-raie se 2 Ne (MES CORRE Sen ER (CNET RER SEP PRE Lo 1 10 À Le 26 id. à 8 heures. Le 26 id. à 8 heures. (OH de, Do oteo 2MOMUANLITE dE ee te SAPARES (Bride 20e à Horus à Ham NU (R) MR EEE rares detas . z o E J'ai difcontinué d’éle&rifer ces plantes le 27 mars, & ceflé de les comparer un mois après.. Jufqu’à cette époque j'ai apperçu conftamment que les tiges des plantes électrifées étoient plus hautes que les autres, plus fortes, & d’un verd rrès-fenfiblement plus foncé. Je ne dois pas omertre de dire qu'elles avoient été arrofées pendant ce mois comme pendant l’électrifation. Il en a été ufé de même à l'égard de toutes celles dont il fera fait mention dans ce Mémoire. Haricots éleétrifés. OBSERVATIONS. ue. Le 1o avril, vers 2 midi, Un haricot (A) commençoit à fortir de terre. Haricots non éle&rifés. heures après. 358 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE; Haricors életrifés. Haricots nor éle&rifés. OBSERVATIONS, DRE CR CR. “) Le 14 id. à 8 heures du matin. (A) s'élevoit au-deffus de terre, po. lig. dessiner snctersats eo Le 17 id. à 8 heures du matin. (A) Id. der". AAC x 3 Le 20 id. à 8 heures, (A) dde. eee CE AP Le 23 id. à 8 heures. (A) Ido eetieteee ATT Le 26 id. à 8 heures, CN RCE ES ESS LME Dans la nuit du 19 au 20 un haricot (A) eft forti de terre. Le 213 id, à 8 heures. (A) Id. de... Hserecesse OUT Le 26 id. à 8 heures. (AY dem EN ol J'ai ceflé d'électriler ce vale le 27 avril, & le même jour de comparer ces plantes. J'ai trouvé un faux germe dans chaque vafe. Seiples éleérifes. Seigles non éleétrifes. OBSERVATIONS. CO CN NN. Le r2 mars à 7 heures du matin, un feigle (A) paroïfloit élevé d’un quart de ligne au-deffüs de terre. Le même jour, vers 3 heures, un fecond feigle (B) paroiïfloit à fleur de terre. Le 15 id. à 8 heures du matin, (A) s’élevoit au-deffus de terre, po. lig. CÉete ID OEN OP AN SEMI (B) Id. de........... vos ee NOTE Le 18 id. à 8 heures. (AMI de ere eee ner DL SUN (B) Id. de.................. 2 4 Le 21 id. à 8 heures. (AY IdMde Eten ee ne An BIE (B) Id. de... hais on NAS Le 25 id. à 8 heures. CA) IG A REV IEETT 6 9 (B) id de ne nie ROGUE Le 12 mars, à 7 heures du matin, deux feigles (A 1) (À 2) commençoient paroître à rez de terre. Le 15 14. à 8 heures du matin, (Ar) s’élevoit au-deflus; de terre, po, Lig de..,.. ein iielalets oteletele at lle LOT IUNRE (Bz) I. des... 0.42) 0 & Le 18 id. à 8 heures. (Ar) IL de Pet eee ZAR CP) CEA Made 2 æ e 21 id. à 8 heures. (AT) HR de Re PO EC EEE 4 2 (Az) TL des) RER HAN Le 25 id. à 8 heures. (ADM de ETES ErEe reel CZ CARMIT de enterrer e ME No RIHNIM J'ai difcontinué l’éledrifation le 26 mars, & ceflé de comparer ces plantes le 26 du mois fuivant. Jufqu'à certe époque, j'ai obfervé conftamment , que celles électrifées érgient plus élevées que les aurtes, plus fraîches , & même plus fortes. SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 359 J'ai auffi obfervé que les plantes éleétrifées ont pouffé leur troiñième feuille quinze jours plutôt que les autres. J'ai trouvé dans chaque vafe deux faux germes de bled-noir. Pois lupins éle&rifes. Pois lupins non éleétrifes. OBSERVATIONS. DR SR CR. _ ““ Le 1$ mars il ne paroifloit rien. Le 16 mars à midi un pois lupin (A) commencçoit à (ortir de terre. Le xr7 id. vers 8 heures du foir un autre pois lupin (B) commençoit à pa- roître hors de terre. (A) étoit élevé au- deflus. Le 18 id. à 8 heures du matin, (A) s’élevoit au-deflus de terre, d po. lig. Etetaiioiaieie soie s ejeeisioe sie 0) 47 PR ie, - Le 2x id. à 8 heures. CAN de eee eccm-sce 10 3 BU dE 0. rec o Le 25 id. à 8 heures. {A) Id. de.......,....,.... 1 9% (B} dde... ec 1117 à Le 15 mars, vers 8 heures & demie du matin , un pois lupin (A) commencoit à paroître à rez de terre. Le 16 mars (A) s’élevoit un peu au deflus de terre. Le 17 , vers ; heures du foir, un fecond pois lupin (B) fortoit de terre. (A) s’élevoit au-deflus de quelques lignes. Le 18 idem à 8 heures du matin, (A) s’élevoit au-deflus de terre, po. lig. CA ANA OR AA ECO o 8 (Bemide =" e--c.-- rUO EG Le 21 idem à 8 heures. (A) Tdemde............... 0 11 (B) Idem de............,... © 11 Le 25 idem à 8 heures. (CAYAIBE mien seeieat re ace EC (B) Men de. aaeesecessse I 6 Éiubte ut ire J'ai ceflé d'éleétrifer ces plantes le 26 mars, & difcontinué de les comparer le 27 du mois fuivant. Jufqu'à cette époque les plantes éleétri- fées avoient gardé leurs avantages fur les autres relativement à la grandeur & groffeur des tiges. La couleur verte des feuilles des premières étoit auffi plus foncée. Moutardes éleëtrifées. OBSERVATIONS Es, he Le »2 mars dans la nuit, une graine de moutarde (A) eft fortie de terre. Le 14 idem vers midi, une autre graine de moutarde (B) a commencé à paroïtre à. rez de terre. Moutardes non éleärifees. 560 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, Moutardes éleétrifees. Moutardes non éleitrifees. OBSERVATIONS. Ce. Le18 idem à 8 heures du matin. (A) s’élevoit au-deflus de terre, de’ po. lg. ME M bonctauaubs ME (B) Idem des A. As Mio ‘A Le 26 idem à 8 heures. (A) Idemide: rater oo (B)éldemideste. 0 lente. No leur J'ai difcontinué l'éleûrifation le 27 mars, & ceffé le même jou d'examiner l'état de ces plantes. Ledit jour, j’ai obfervé que parmi les plantes qui avoient été femées dans le vafe non éleétrifé, il fe trouvoit un faux germe, & que l’autre graïhe commençoit feulement à germer. Petites raves éleériftes. Petites raves non éleétrifees, OBSERVATIONS. r UT HAT We. te Le 13 mars, vers 7 heures du matin, une rave (A) commençoit à fortir de terre. Le 14 idem dans la nuit, une autre raye (B) étoit fortie de terre, Le 18 idem à 8 heures du matin. (A) s’élevoit au-deflus de terre, - Fe po. lig. de... sos sis soie sole Le ooo SRE» (B) Idem de...... eee LO175 Le 21 idem à 8 heures. . (A) s'élevait de. .... MR 3 (B) Idem de................ 1 o Le 26 idem à8 heures. (As élevaitide.-2."...---0rmo (B) Idem 4e...... eee 1 16% J'ai ceflé d’éleétrifer ces plantes Le 14 mars, vers 8 heures du matin, une rave (A) commencoit à fortir de terre. Le 18 idem vers ro heures du matin, une feconde rave (B) comimençoit à paroître. ! Le 18 idem à 8 heures du matin. “ s’'élevoit au-deflus de terre, po. ilg. sosnsnosoresserrssres © 6 À SR ne Où Le 21 idem à 8 heures. (A) sélevoif de. ........,..-orr à (B) em de PR See BNOIOrS Le 26 idem à 8 heures. (ADS vOIde PR TA (BEM deep ere mce--eulte 41% le 27 mars, & de les comparer un mois après. J'ai conftamment obfervé pendant ce tems, que les plantes électrilées éroient plus vigoureufes que les autres , les Elle plus hautes & plus larges, les tiges plus hautes & les feuilles d’un plus beau verd. Laitues SUR L’HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 361 Laitues éle&trifees. Laitues non éleétrifées. OBSERVATIONS. RS ce Le 12 mars, vers 11 heures du matin, une laitue (A) commençoit à paroître hors de terre. Le 12 idem à 6 heures du foir, une feconde laitue (B) paroifloit à rez de terre. Le 12 vers midi, une laitue (A) commençoit à fortir de terre. Le 13 vers $ heures du foir, une autre Jaitue (B) paroïfloit hors de terre. Le 18 idem à 8 heures du matin, (A) s’élevoit au-defflus de terre, Le r8 idem à 8 heures du matin. (A) s’élevoit au-deflus de terre, o. lig. o. lig. LEsoomoc Rome not & 13 Je net dencre a 8 2 (B) em de ne ri seecepon dus (Blender... -edoN7 Le 21 idem à 8 heures. Le 21 idem à 8 heures. MAN A MIETNAEE Lien aote ele sorte CNE AIG EEE MN TE 5 (D) HAT NRA re OC Le 26 idem à 8 heures. SPEARS PEINE NE (BY HEmides LR NM AU TEE (B) Idem de........... se NET O Le 26 idem à 8 heures. (AÏTlerdes.- nsc Mn (Bhienide ts Ne Ur Le 27 mars j'ai difcontinué d'éle&trifer ces plantes, & ceffé de comparer leur état le 27 avril fuivant. J'ai remarqué conftamment , pendant ce tems, que les plantes éle@rifées étoient plus belles que les autres , fous tous les rapports. J’ai aufli remarqué , comme dans l'expérience précé- dente, que non-feulement les feuilles des plantes éleétrifées éroient plus avancées que celles des autres , mais même que leur nombre étoit plus confidérable. Nafitors éle&rifés. Nafitors non éleétrifes. OBSERVATIONS. CR Re... ) Le 14 mars à r1 heures du matin, on voyait paroître hors de terre un nafitor (AY: Le 14 idem vers 8 heures du foir, un fecond nafitor (B) commencoit à paroi- tre. Le 1$ idem à 7 heures du matin, un troifième nafitor (C) commençoit à fortir de terre. Tome XX XVIII, Part. I, 1791. MAL, Le 14 mars entre 3 & 4 heures du foir , un nafitor (A) commencoit à paroi- tre à rez de terre. Le 17 idem à 8 heures du matin, un‘ fecond nafitor (B) commencoit à fortir de, terre. Zz 362 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, Nafitors éle&rifés. Nafirors non éle&trifés, OBSERVATIONS. TT 2 À Le 15 idem entre rx heures & midi, un quairième naftor (D) commençoit à paroitre à rez de terre. Le 18 mars, à 8 heures dumatin, (A) s’élevoit au -deffus de terre , +3 ? ig- AE pa someone ia sie sin els ole 0 4 + (B)"Idémiden eee dehoNsts (Chien de ne MER EESEES UOMNANS (D)Fidem\de "CSS EnRe 0 3 Le 21 mars à 8 heures. (A) Idem de... AA Eee o 7 à (Bhimide rte. LÉO Oo 7e (O)UEmider ARRETE RANCE «0 $ + (D) Idem de. ........ Ada HONOR Le 26 mars à 8 heures. (AS Mlem del ner L ENTER Be ME Ne (B) Idem de........... ABLE (C) Her de Rene ce MON RCA EE bboochdee Le 17 id, à ro heures & demie, un troifième nafitor (C) commençoit à pa< roitre. Le 17 idem entre 2 & 3 heures après midi, un quartième naftor (D) com- mençoit à paroître. Le 18 mars, à 8 heures du matin, (A) s’éleyoit au-deflus de terre, po. lig, FÉogsodeècoe CHPOOP COOP UC RE TE (B) Idem de... cornes QUES (CG) Hemde ss DER Oo 1% (D) Idem de....... sense ieiet o 1 Le 21 mats à 8 heures. (A) Iem de... ue ON (B) Idemde...... Leslie else . O0 4% (CG) "Hemde Re HA DD ONE ET (D) Idem de........ SS30 6e 0 4% Le 26 mars à 8 heures. (A) Idem de... AE EE ES 1 1% (BAUER. cer -JOTO SR (C)Uem de LE 0e Eee MOTOS (D'emde ete. AOC BACT ONE: J'ai ceffé d’éle&rifer ces plantes le 27 mars, & de les comparer un mois après. Jafqu'à cette époque, les plantes éleétrifées avoient non- feulement confervé leur avantage fur les autres , maïs le plus grand nombre paroifloit en avoir acquis de beaucoup plus orands; depuis la ceflation de l’éle&ricité, je n’ai point obfervé de différence fenfible de couleur entre les plantes électrifées & les autres plantes. Treffles éleétrifés. Treffles non éleétrifés. OBSERVATIONS. D Le 14 mars, à 9 heures du matin, un treffle (A) commençoit à fortir de terre. Le 15 à midi & demi, un fecond treffle (B) commençoit à paroître. Le 15 foir à 6 heures environ, un troi- fième trefle (C) commençoit à paroîre à rez de terre. Dans la nuit du r$ au 16 un quatrième trefle (D) étoit forti de terre. Le r$ entre 8 & 9 heures du matin, un treffle (A) commençoit à paroître, Le r7 vers 11 heures du matin, un fecond treffle (B) commençoit à fortir de terree LD SUR Treffles éleétrifés. L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 363 Treffles non éleGrifés. OBSERVATIONS. a RC. Le 18 mars, à 8 heures du matin. (A) s’élevoit au-deflus de terre, po. lig. de sechnameemssse cesse OISE (B) Idem de........ DÉTECTE LE (C) Idem de... AC cs. D, 4 À (D) Idem de........... CNONEN Le 27 idem à 8 heures du matin. (A) Idem de:..:...:..:. ONE (B) Idem de... 7... o 7% (C) Idem de......... et ONE (D) Ier de... 0 6+ Le 26 mars à 8 heures, (A) Idem de... SOS M TMS (BB) EmUe Ce. 1 23% (C) Idem des... 5020. UNION (D) Ilem'de:.. pes ssssoe O 11 € Le 18 mars, à ro heures du matin, un troifième treffle (C) commençoit à paroître à rez de terre. (A) s’élevoit au - deffus de terre, < po. lig, de..... Loue eneressesc 0) 4 € (B) Idem de... ..… ssssereres © 3 À (C) Idem de, ..... sers. O1 © Le 21 idem à 8 heures, CAYNTIem I de Rene TES o 6% (B)NITEMNdE Re LR nE SE (C) Idem de.:...:.... se O 4% Le 26 idem à 8 heures. (A) Idem de,........ CHOSE MEN RIM (B) Idem de...... LL NA UE o II & (C) Idem de.......... POP OPNIC III L'éle&rifarion a été difcontinuée le 27 mars, & j'ai ceflé de comparer l’état de ces plantes un mois après, pendant lequel rems, j'ai conftammenc obfervé que les plantes électrifées devenoient , prefque de jour en jour, plus belles que les autres, relativement à la grandeur des tiges, hauteur & largeur des feuilles, Comme dans l'expérience précédente, je n'ai point remarqué de différence fenfble de la couleur des plantes éledrifées aux autres. J'ai trouvé un faux germe dans Le vafe non électrifé. Roquette éleétrifee. Roguette non éleétrifée. OBSERVATIONS. EE RÉ. Le :3 mars, à 8 heures du foir , une graine de roquette (A) commençoit à fortir de terre. Le 13 idem entre 2 & 3 heures après- midi , une feconde graine de roquette (B) commençoit à paroitre. Le 14 idem à 8 heures du matin, une troifieme graine de roquette (C) paroifloit à rez de terre. Tome XXXVIII, Part. I, 1791, MAI. Le 14 idem vers 11 heures du matin, une graine de roquette (A) paroiffoit à rez de terre. Le 14 idem à midi, une feconde graine de roquette (B) commençoit à fortir de terre, Le 15 idem à 3 heures après-midi, une troifieme graine de roquette (C) commençoit à paroître, 3 A7 364 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, Roquette éleärife. Roquette non éleitrifée. OBSERVATIONS. I À Le 15 idem à 3 heures après-midi , Le 1$ idem vers 8 heures du foir , une une quatrieme graine de roquette (D) quatrieme graine de roquette (D) pa- commençoit à fortir de terre. - roifloit à rez de terre. Le 18 idem à 8 heures du matin, Le 18 idem à 8 heures du matin, (A) s’élevoit au-deflus de terre , (A) s’élevoit au-dellus de terre, po. lig. po. lige RS Re Late au ENG: GÉMos eo aer Et: .e-loN2 Te (B) Idemide.. 50e, AUPO S ENNB) AIT TAIdE ee Ce Ebelpiee SU (C) Idem de.......... eeto Pa UC) IREM. ER ent o 2% (D) Idem de... eue Nr D) iemideR rence 0 2% Le 21 idem à 8 heures, Le 21 idem à 8 heures, (A) Idem de......... NME 1 1 E (A) Idemde....... POS ONOTA (BY Idem ide este Nernlele te ae s 1 00 2) (B) Idemde............., Vo 9 {C) Idem de...,.... esse = el ONTO (C) Idem de. ...... SAND Ia0 0 MOME (Dern eee cRres-resee OhroRE MCD)RFEMAdE Reese n es o 8% Le 26 idem à 8 heures. Le 26 idem à 8 heures. CA) Tdenidens eines RL NTONE CA) EITEmRAde se eee ee ANS (BMITEMAUE RER eerelese TND 21e lB)EGen IE. te HMS (C)Memiden se mette 146 (CO) Em de NRA ER ENTER TA (D) Idem de...:..... Re ND OA a TIUD)RIGETIdeR RCE COCA J'ai ceffé d’'éledrifer le 27 du mois de mars, & de comparer les plantes un mois après. À cette époque, les plantes éleétrifées étoient prefque doubles des autres, tant par leur hauteur que par la largeur de leurs feuilles, &c. dont le nombre étoit de Auit, tandis que celui des feuilles des plantes non éleétrifées n’étoit que de cing. À l'égard de la couleur verte de ces premières, elle éroit infiniment plus belle que celle des autres, qui paroifloient même commencer à s’étioler dans les derniers jours pendant lefquels je les ai obfervées, Nota. Le 30 mars j'ai fait fortir de terre , avec toutes les précautions convenables , les plantes contenues dans les feize vaies qui avoient fervi pour les expériences qui ont été rapportées , afin de comparer les racines des plantes éleétrifées avec celles des autres plantes. Refulrat. J'ai obfervé , en général, que les racines des plantes éleétrifées étoient beaucoup plus longues que celles des autres plantes, & qu’elles paroiffoienc plus visoureufes. Mota. Toutes les fois que les plantes électrifées & les autres ont paru avoir befoin d'être arrofées, elles l'ont été avec la même quantité & qualité d’eau & conftamment avant l'électrifation: ayant obfervé, d'après SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS, 36$ des expériences mulripliées, qu’il réfultoit plufieurs avantages de ce dernier procédé ; Savoir : 1°. Celui de pouvoir faturer, fi je puis m'exprimer ainfi, les plantes de fluide électrique en moins de tems, toute chofe égale d'ailleurs. 2°. D'accélérer la germination & la végération des plantes éleétrifées très-fenfiblement , relativement à celles des plantes électrifées arrofées fans cette précaution , toute chofe aufli égale d’ailleurs. Pendant la durée de la plupart des expériences qui font rapportées dans mon journal, le plus haut degré du thermomètre, füivant la règle M. de Réaumur , placé à l’ombre près des vales électrifés & autres, a été de 14 d.?, & le plus bas de 6 d. < au-deflus de o. J'ai préféré d'indiquer dans ce Mémoire, la charge de fluide éle@rique que j'ai donnée aux plantes foumifes à fon action , par le nombre des tours de roue de la machine , qui a été mue conftamment uniformément plutôt que par la durée de l’éle&rifation. Regardant la prenrière indication comme l’approximation la plus exacte qu'il paroît que l’on puiffe obtenir; tandis que celle que donne l’efpace du tems peut être très-inexacte, puifque, par exemple, on peut donner, dans un quart d'heure, cent , deux cens, quatre cens , neuf cens, mille tours de roue d'une machine électrique: ce qui certainement doit produire un effet fort différent fur les plantes foumifes à l’action de ce fluide, indépendamment de toute autre caufe, La fuite au mois prochain. SUR LA LIMITE DES ALISÉS: PREMIER MÉMOIRE; Par P. PREVOST, Profeffeur honoraire à Genève, de la Société des Arts de La même Ville, del Académie de Berlin & de La Société des Curieux de la Nature. 1 ORSQU'ON ouvre la porte d’une chambre chaude, il s'établit deux courans d'air, l’un inférieur du froid au chaud , l'autre fupérieur du chaud au froid , & par conféquent une limite intermédiaire où l’air n’a point de mouvement fenfble. La flamme d'une bougie placée fur cette limite conferve fa diredtion verticale & n’éprouve que de légères agitations inteftines: cette même Aamme placée alternativement dans les courans inférieurs & fupérieurs , et chaflée en dedans ou en dehors de la chambre 366 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQ VE, chaude & démontre à l'œil la direétion de ces courans, Cette expérience de FRANKLIN, connue & répétée de tout le monde, trouve fon appli- cation dans la théorie des vents. En faifant de grandes abftractions , nous pouvons nous renréfenter le globe terreftre comme une fphère homogène, parfaitement unie à fa furface , chauffée par tous les points de fon équateur d’une manière conftante & uniforme, en forte que la température de chacun des parallèles foic dès long-tems conftante & invariable. Le foyer de chaleur érant à l'équateur , & la déperdition fe faifanc par tous les points de la furface, il eft clair que la chaleur des différens parallèles fera d'autant plus grande qu'ils feront plus rapprochés de la fource, c’eft-à-dire, que la chaleur décroîtra de l'équateur aux pôles, & l'air ambiant participera à la température du fol. Comparant cette hypothèfe aux circonftances de l'expérience précé- dente, on y apperçoit l’influence des mêmes caufes, lefquelles doiven donner lieu d’obferver les mêmes phénomènes. Si donc on veut bien fe prêter por abftraction à fuppofer un globe tel que je viens de le décrire, on reconnoîtra qu’il doit s’y établir quatre courans oppofés deux à deux : favoir , deux inférieurs , l’un du nord au fud dans l'hémifphère boréal, Pautre du fud au nord dans l’auftral; & deux fupérieurs en fens contraire. Ce grand mouvement général de l'atmofphère peut être repréfenté plus fimplement en la confidérant comme partagée en deux tourbillons hémifphériques , tournans en fens contraire & fe touchant à l'équateur. Chaque particule d'air qui fuir ce grand mouvement étant fuppofée partir d'un pôle (par exemple du pôle nord), vole d’abord à l’équateur en rafant la furface de la terre ; arrivée-là elle monte verticalement comme par une cheminée, puis parvenue à une certaine hauteur, elle vole de nouveau vers le pôle qu’elle avoit quitté (le pôle nord), où elle fe précipite vers la furface terreftre , vole de nouveau à l'équateur, & ainfi de fuite fans fin. Les particules placées fous Le pôle oppofé (le pôle fud) font relativement à ce pôle la même route rentrante : & l'air placé fur la limite, immobile entre deux courans contraires, forme dans fon afcenfion des tournans & des calmes pareils à ceux des rivières {ur la limite des remous ou de deux torrens qui fe heurtent. La marche uniforme des deux tourbillons que je viens de décrire ne peut être troublée que par quelqu’altération du foyer de chaleur , ou par Pintroduction de quelque caufe étranoère. Ces deux circonftances, fur-rout la dernière, s’oppofent fur notre globe à la régularité que détermine mon hypothèfe. Il arrive de-là que les vents alifés ont une direction conftante différente de celle de nos deux rourbilions, & qu'ils ne confervent leur conftance qu’en certains climats & dans certaines plages du globe. Je ne n'arrête point à ces différences, & je ne m'occupe que de la limice des alifés de nos deux hémifphères. Malgré les caufes étrangères, SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARIS. 307 > cette limite eft très-fenfible, Sur la mer Atlantique, par exemple, les alifés de l'hémifphère nord foufflent du nord-elt; ceux de lhémifshère fud , foufflént du fud-eft. Il faut donc néceflairement qu'il y ait un cercle ou une petite zone intermédiaire, où la direction de ces vents ne foit ni nord, ni fud : & cette limite doit fe faire remarquer par l’inconflance da fes vents, & par des calmes qui fuccèdent à d'impétueux rourbillons. En effet l'obfervation prouve que lesalifés fud-eft s'étendent dans l'hémifphère fud jufqu’au 3° de latitude feptentrionale, & que les alifés nord-eft ne s'étendent dans l'hémifphère nord que jufqu'au $°. Il y a donc une limite d'environ 2° où les alifés ne font ni nord ni fud ; on y rencontre fans ceffe des calmes, accompagnés de pluies abondantes ; des vents irréguliers & orageux , mêlés d’éclairs & de tonnerres. Cet efpace s'étend plus au nord ou au fud fuivant que la déclinaifon du foleil eft plus feptentrionale ou méridionale (1). Ces phénomènes, d'ailleurs fi bien d'accord avec la caufe aflignée, offrent cependant une anomalie remarquable, Nous avions lieu de nous attendre ( du moins dans notre hypothèfe abftraite) que la limite des alifés feroit placée à l’équateur : & le fair eft qu'elle eft placée entre 3° & $° de latitude feptentrionale, c'eft-à-dire, environ à quatre degrés de l'équateur du côté du pôle nord. Si ce phénomène étoit local, on pourroit l'attribuer à des caufes particulières ; mais comme il a lieu fur une partie très-étendue du globe, il paroît néceflaire de recourir pour lexpliquer à quelque caufe générale. Il s’en offre une qui me paroît fuffifante. C'eft la même qui eft rappelée par M. DE Luc dans une des intéreffantes Differtations qu'il a publiées en dernier lieu dans ce Journal (2). Cet celle à laquelle j'ai eu recours pour expliquer le magnétifme naturel du globe terreftre (3). C’eit celle que M. ÆprKus a développée dans un Mémoire particulier (4). C’eft en un mot , l’accumulation de chaleur produite par le plus long (éjour du foleil dans l’hémifplière boréal. Avant de déterminer l'isuence de cette caufe fur la limite des alifés , il fera bon de rappeler en peu de mots Ja théorie de M. ÆpiNus relativement à l’intenfiré de fon action. Ce phyfcien établit d’abord & admet comme un fait reconnu la fupériorité de tempérarure de l’hémifplière boréal fur l’hémifphère aultral par une même latitude. Cherchant enfuite à expliquer ce phénomène, il (x) C'eff à ces termes que peuvent fe réduire les cbfervations des voyageurs. Joyez entr'autres Nicaozsow’s, Introduétion to Natural Phylefophy , voi. II, pag. $7. (2) Journal de Phyfique , Août 1790, feprième Lettre à M. DELAMÉTHERIE, $. 12. ’ (3) De l'origine des forces magnétiques , $. CXXIV , 2. (4) Cogitariones de difiriburione Caloris per rellurem, Ce Mémoire a été lu à PAcadémie de Péterfbourg , en 1761. 3683 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, exclut comme infuffilante la caufe tirée de la plus grande proximité du foleil pendant l'hiver du pôle boréal; car, dit-il, la nature indemnife pendanc l'été les régions auftrales de la perte qu'elles font pendant l'hiver, ou du moins il s'en faut de bien peu que ces deux quantités ne fe compenfent exactement, Venant enfin à la vraie caufe, il confidére le long féjour du folei! dans les plages boréales. La durée des faifons chaudes y furpañle de fepc jours celle des faifons froides. Dans l’hémifphère auftral c'eft le contraire, Voilà donc quatorze jours chauds qu’un hémifphère a de plus que l’autre. Aïnfi, à compter l’année de trois cens foixante-cinq jours , on peut dire que le rapport des jours chauds du boréal aux jours chauds de f'auftral , eft celui de 189 <à 175 +, ou de 14 à 13; & la chaleur de ces deux hémifphères doit être dans le mème rappott, Tel eft le raifonnement de M. Æpinus, & le réfultat qu'il fournit; réfultat qui ne peut être envifagé que comme une approximation fufceptible d'incertitude par pluleurs raifons aflez manifeftes , mais que j'employerai néanmoins ici, comme propre à fixer nos idées fur l'objer principal qui m'occupe. D'après tout ce qui précède, il paroi que la limite des alifés doit être le parallèle auquel répond la plus grande chaleur moyenne du globe, Ce feroic l'équateur , fi les deux hémifphères étoient également chauds. Ce fera donc un parallèle fitué dans l'hémifphère boréal , puifque celui-ci eft le plus chaud ; & ce parallèle ne fera pas très-éloigné de l'équateur , puifque cette füpérioriré de température n'elt pas grande. On conçoit donc que ces deux quantités (la latitude de la limite, & la chaleur de notre hémifphère ) {ont dépendantes l’une de l'autre, & qu'elles doivent fe déterminer mutuellement. C’eft l’objet d’un calcul dont je vais tracer l'efquifle. Pour que ce calcul eût toute l'exa@itude requife , il faudroit commen- cer par décrire la courbe de chaleur de chaque hémifphère , c'eit-à-dire , celle qui repréfente les décroiffemens gradués de température, depuis la commune limite jufqu’aux pôles. La pofition de cette limite donneroit le rapport des aires correfpondantes aux deux hémifphères, ou réciproque- ment. Cette courbe n'étant pas connue , & n'ayant d’autre deffein que de me faire comprendre par un exemple, j'uferai de plus de liberté. Je me reprélente donc le globe terreftre coupé en deux fegmens inégaux par un paralièle fervant de limite, & par conféquent placé dans l'hémifphère boréal. Ces deux fegmens, quoiqu'inégaux , contiennent une égale quantité de chaleur. Elle eft accumulée dans le petit fegment, & raréfiée dans le grand. Par conféquent plus la différence des deux fegmens croîrra , plus auffi la chaleur totale de lhémifphère boréal fur- pailera celle de Pauftral. Il règne donc une forte de rapport inverfé entre la grandeur d’un fegment & la chaleur de l’hémifphère auquel il appartient. El eft nême probable (en belançant diverfes confidérations qu'il É. SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 369 qu'il feroit crop long d’énoncer ), qu'on ne s'éloigne pas beaucoup de la vérité en pofant ce rapport inverfe comme rigoureux , du moins lorfque les deux fegmens ne diffèrent que d’une quantité très-petire. Je partirai donc du principe que la chaleur de chaque hémifphère efl inver[emence comme le fegment compris entre Jon pôle & la limite des alifés. Cela étant admis , j'appelle 1 le rayon du globe terreftré, 6 la circon- férence d’un grand cercle: & partant 3 l'aire d'un grand cercle, 2 la folidité d’un hémifphère, Enfuite confidérant la tranche comprife entre l'équateur & la limite des alifés, je remarque que cette limire eft très- voifine de l'équateur, que fa latitude eft très-petite, & que l'arc qui l’exprime peut être confondu avec fon finus. J'envifage donc cette tranche comme un cylindre dont la bafe eft l’équateur, & dont la hauteur eft Parc qui exprime la latitude de la limite des alifés. Je nomme Z ce petit arc, & par conféquent 3 Z le cylindre ou la tranche duquel cet arc eft la hauteur , & qui eft elle-même l'excès de l’hémifphère boréal fur le petit fegment , ou la demi-différence des deux fegmens. Soit enfin le rapport de chaleur des deux hémifphères nord & fud, celui de #: 5. Maintenant en vertu du principe que je viens de pofer, j’écablis cette proportion : Le grand fegment eft au petit, comme la chaleur de l’hémifphère nord eft à la chaleur de l'hémifphère fud. Symboliquement, 2H 3/:2—3/=n:s. D'où l'on tire, /— : I). n+s Telle eft la valeur de la latitude cherchée, en appelant 6 la circon- férence de l'équateur. Pour avoir cette latirude en degrés, il eft clair qu'il faudra multiplier cette quantité par 60, Faifons maintenant une double application de cette formule ; d’abord en fuppofant inconnue la pofñtion de la limite, enfuite en fuppofant inconnu le rapport de chaleur des deux hémifphères, PREMIÈRE APPLICATION, Si dans la formule précédente , on fait le rapport de chaleur des deux hémifphères tel que le donne le réfultat du calcul de M. ÆpiNUSs , on aura n: 5 — 14: 13. Et partant /=+, en degrés Z= = x 60 = 1° 28/ 53”. Cette latitude eft moindre que celle de 4°, qui nous eft fournie par l'obfervation. Mais nous avions quelque lieu de nous y attendre; car, 1°. le rapport de 14: 13 eft un peu plus petit que celui dont il eft déduic par approximation ; 2°. M. Æprnus a négligé la confidération de la différence de diftance de la cerre au foleil aux faifons correfpondantes des deux hémifphères ; 3°, la quantité décerminée par notre calcul eff le finus de latitude , & non la latitude mème ; 4°. toutes ces différences font à la vérité bien perites, mais indépendamment de telles confidérations, il, Tome XXXVIII, Part, I, 1791. MAI, Aaa 379 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, eft bien évident que ni le caleul de M, Æpsnus, ni le nuen , ne font établis fur des notions aflez précifes, pour qu'un léger écart dans les réfulrats puifle furprendre. Or, l'application fuivante de notre formule - fera voir qu'un changement affez petit dans le rapport afliané par M. Æpinus, produiroit dans la latitude de la limite cherchée , un accord parfait entre la théorie & l'obfervation. SECONDE APPLICATION. Maintenant donc nous fuppofons inconnu le rapport de chaleur des deux hémifphères, & nous allons le déterminer par la poftion connue de la limite des alifés. Nous avons vu que cette limite eft à 4° nord de l'équateur, c'eft-à- dire, de la circonférence. Mais puifque dans notre formule la circon- férence n'eft divifée qu’en fix parties, il elt clair que certe valeur de 4° doit être divifée par 60 , pour fe rapporter à la même unité. Soit donc 4 — . = — Er on trouvera le rapport 2:5=— 11: 9. Ce rapport eft plus grand que celui de 14: 13; maïs il ne le furpaffe pas tellement quon eûc lieu d’être fort furpris, fi quelque nouveau phénomène prouvoir que le véritable rapport eft moyen entre ces deux-là. Au refte , c’eft en renonçant bien expreffément à route prétention de précifion dans cette détermination , que je rapproche ces réfultars. C’eft auffi pour cela que, dant tout ce petit calcul, je me fuis contenté du rapport de l'hexagone pour la circonférence du cercle; fentant que lorfqu'on commet déjà tant d'autres négligences, ce n’eft pas la peine d'être rigoureux à un feul évard, pourvu qu'on refte dans les limites d’inexactirude qu'on s’eft prefcrires. C’eft donc un exemple que je donne, une queftion que je propofe, & non un théorème que je démontre. ns SUR LA LIMITE DES ALISÉS, SECOND MÉMOIRE; Par le méme. Ds le Mémoire précédent j'ai fait des abflra&tions qu'il eft indifpenfable d'examiner pour juger de leur influence fur les réfulrats. La plus confidérable de toutes eft celle par laquelle je me fuis permis de négliger dans les vents alifés la confidérarion de leur mouvement de left à l’oueft. Ce mouvement eft celui qui caraéterife le mieux l'alifé, foit parce que fous la zone torride cette direction eft conftante dans les SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. . 37r deux hémifphères, foit parce que c'eft felon cette diretion que ce vent foufle avec plus de force. s En négligeant ainfi la partie principale du mouvement des alifés , j'ai néceffairement négligé la caule qui le produir. Cette caufe (démontrée Par D'ALEMBERT (1))eft la même qui, en agiflant fur l'Océan , y produit les marées ; c’eft l’action combinée du foleil & de la lune fur l'atmofphère, à Quelques Ledteurs jugeront peut-être au premier coup-d’œil cette même caufe fufffante pour expliquer le mouvement que j’ai attribué à la chaleur. Mais fans entrer dans les détails de la réfutation de cette opinion, je me contenterai de rapporter celle du philofophe que je viens de nommer. Son autorité me paroît ici d’un très-grand poids, parce qu'avec la fcience & la fagacité néceffaire pour appliquer la caufe à tous les phénomènes qui s’y rapportent , il avoit le plus grand intérêt à le faire, non-feulement pour s’aflurer mieux le prix académique qu'il avoit en vue d'obtenir, mais fur-tont pour tirer tout le parti poflible du principe qu'il avoit découvert, ou du moins dont il avoit le premier entrepris le développement. Je vais citer Les propres expreflions de cer auteur aurant qu'on peut le faire fans figures, & fans tranfcrire une longue fuite de propoftions, c’efl-ä-dire, en omettant plufieurs phrafes intermédiaires. æ À l'égard de la vîteffe du vent dans le fens du méridien. . ......1 Dans un feul & même hémifphère, certe force fera toujours dirigée » du même côté; ainfi comme elle produit ( Ayp.) fon plein & entier » effet, il en réfulte que l’action de cette force devroit continuellement » rapprocher de l'équateur la mafle entière de l'air, & que toute » l’atmofphère devroit fe réunir & s’amonceler dans le plan équinoxial. » Or, il eft clair au premier coup-d’œil qu'on ne peut légitimement >» fuppofer que cela arrive, & que la maffe de l’atmofphère doit néceffai- » rement faire des ofcillations dans le fens du méridien , & avoir du » nord au fud une efpèce de flux & de reflux, On ne doit donc poine » fuppofer que la force qui agir dans le fens du méridien ait fon plein & » » entier effec. Au refte, il eit évident que cette force. . . . . .eft nulle à l’équateur & aux pôles, & très-petite dans les lieux voifins. Donc » pour peu qu’il y aît de ténacité dans les parties de l'air, & d’afpérité » dans la furface de la terre, l’action de cette force fera nulle près de >» l’équateur & des pôles ; elle n’aura d’effet que dans les zones tempé- » rées, & Cet effet doit même être peu confidérable ; car lorfque l'air » n’a point de mouvement dans le fens du méridien près de Péquateur & (1) Réflexions fur La caufè générale des Vents, couronnées par l’Académie de Berlin. Tome XX XVIII, Pare, I, 1791, MAL, Aaa 2 372 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, » des pôles, l'air intermédiaire qui fui eft adhérent & contigu , ne doit » faire que de très-petites ofcillations en ce fens. » De-là il s'enfuir que fi l’on veut chercher la vitefle du vent fuivant » la méthode de l'article 39, on ne doit & on ne peut avoir égard qu’au 5 mouvement qui fe fait dans le fens du parallèle (1) », Quelsuimpartaire que foit certe citation , elle fafär pour démontrer ue de l’aveu de çet auteur , l’attra@tion qui produit le courant d’eft de l'atmofphire , n'explique pas les courans oppofés du nord & du fud (2). Cette force produiroit trop d’effer felon ces directions oppofées, fi on ne fuppo{oit fon aétion nulle ou continuellement détraite : & c’eft fous ce point de vue que D'ALEMBERT l’envifage. Cependant l'expérience preuve que les alifés ont un mouvement conftant & affez fort felon le fens dur méridien, & qui tend à fuir le pôle de Fhémifphère dans lequel ils foufflent. [left donc indifsenfable de recourir pour expliquer cette partie du mouvement des alifés à une caufe différente de celle que D'ALEMBERT a analyée. Que cette caufe foit celle que j'ai fuppofée, c’eft ce que tout nous porte à croire, HALLEY l'avoit indiquée, & même étendue à l’autre partie du phénomène (3). La plupart des phyficiens Pont adoptée après Jui. D’ALEMBERT même ne l'exclut point. IL reconnoîc fon influence, Il doute feulement qu'elle puifle être foumife au calcul, & c’elt princi- palement. pour cette raifon qu'il ne s'en eft pas occupé (4). Puis donc que le feul mouvement des alifés que j'ai confidéré ne dépend pas de Pattradtion luni-folaire, & puifque la chaleur eft la feule caùfe qui de Faveu de tous les phyfciens influe fur ce mouvement (5); il étoit fans doute permis de s'occuper de cette caufe feule, & l'abitraction que j'ai faire de route autre eft fufhfamment jufifiée. En fecond lieu, j'ai fuppefé que les alifés n’avoient qu'une limite intérieure, favoir, celle qui fépare ceux de lun & de Pautre hémifjthère. Or, l'expérience prouve que ces vents réguliers font enfermés entre les tropiques, où peu au-delà. En forte que foir pour le mouvement d’eft , foit pour celui de nord & fud , la caufe qui produit cette récutarité, n'agit plus dans les zones froides où même tempérées. Il ne faut donc pas envifager le vent fupérieur conftant comme foufflant de l'équateur aux D (1) Réflexions fur La caufe generale des Vents, couronnées par l’Académie de Berlin, €. 41. (2) I s’agit ici de courans conflans & indépendans des caufes locales. Ainf il ne faur point confondre l’explication dont il eft queflion , & que l’attraétion ne donne pas, avec celle des vents produits par cette force combinés avec quelqu'obftacle local, (3) Tranfaë. Philof. N°, 179. . (4) Reflexions fur la caufe generale des Vents, 6. 93. (s) D’une manière fenfible & conflante ; car je n'exclus pas l'influence ou peflagère ou infenfible de plufeurs autres caufes, .SUR'L’'EIST: NATURELLE "ET LES ARTS. pôles , mais feulemenc de. l'équateur aux tropiques: ce qui détermine deux nouveaux rourbillons , & deux limites extérieures lefquelles fépareie les alifés des vents irréguliers; au lieu que celle que j'ai feule conlidérée fépare l’une de l'autre les deux efpèces d'alifés. Comme je n’avois rien à dire de ces deux limirés voifines des tropiques, Jai cru dévoir les pañler fous (ilence dans l’expolé de la remarque qui fair l'objer du Mémoire précédenr. Je dirai feulement ici qu’en fuppofant la limite inrérieure élevée de 4° dans Phémifphère nord, il ne s’enfuic pas évidemment que la limite extérieure doive être plus élevée vers le nord que vers le fud ,en forte, par exemple, qu’à fuppofer ces limites tour près des tropiques, l’une füc de 4° plus au nord, & l'autre de 4° moins au fud que le tropique voilin ; car pour tirer cette conféquence, il faudicir avoir bien analyfé la caufe qui décermine ces limites extérieures, travail qui neft point Lobjer de nos recherches a@uelles. Toutefois en eft tenté de croire cette conféquence légitime. C'eft pourquoi dans les exemples tirés des journaux des navigareurs , j'en citerai qui femblent la confirmer, Une troifième abftraction très-confidérable que j'ai faite , eft celle du mouvement annuel de la terre, ou de la variation périodique qu'épronve la fource de cette chaleur qui agit comme caufe dans le mouvement nord & fud des vents alifés. L'influence de cette variation eft telle, qu’elle déplace la limite des alifés, & rend très-dificile la détermination de la pofition moyenne de cette Jimite dans les parages peu fréquentés. C'eft le réfuicat qu'on peut tirer des journaux les plus exats des voyages dans la mer Pacifique. M, Forfter qui a recueilli avec foin les confé- quences de tout genre que ces voyages peuvent offrir, démontre cette incertitude (1). I] faudra accumuier un nombre confideral:le d’obferva- tions nouvelles pour décider par cette voie expérimentale, fi les vents conftans de fud s'étendent .généralementau-delà de l'équateur dansl'Océan Pacifique, comme on faic qu'ils font dans l'Océan Atlantique: & ce réfultat général efl d'autant moins aifé à obrenir , qu'il faut le dégager de toutes les influences locales, qui produifent fouvenc des effers confidé- rables, tels que ies mouffons , & les vents irréguliers qui foufflent dans le voilinage des rerres. d $ Voici cependant quelques remarques rirées des journaux de quelques navigateurs récens , lefquelles femblent dénner lieu de foupçonner que , dans l'Océan Pacifique, la poficion de la limite des alifés eft à-peu- près la mênie que: fur j'Atlantique. _ CARTERE£T, près des îles Charlotte, entre 4° & 6° de latitude fepten- trionale, trouva des vents variables, foufflant par intervalles de cliaque 2 ——————— (1) Voyage de Coox & Forster , tome V delatraduétion françoife, “ 374 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, rhumb de la bouffola avec beaucoup de pluie & des raffales violentes : circonflances qui femblent cara@térifer la limire des alifés; mais le voifinage des terres, celui du grand continent d’Afie, ôtent à certe obfervation une partie de fa force: & le navigateir même qui l'a faite fuppofe que c'étoit un des vents de la mouflon, Prefque tous les navigateurs. qui parcourent la mer Pacifique, ne rencontrent les alifés dans l'hémifphère fud que vers le 19° de latitude, & Il n'éft pas nouveau dans cette mer, dit Cook, de rencontrer fi tard » le vent alifé fud-eft ». M. FORSTER ajoute: « Suivant notre obfer- » vation, nous l’avions trouvé (l’alifé) au mois d'août 1772, à Madère, » quoique cette île oifle par 33° de latitude feptentrionale (1) ». Mais il faut remarquer que la principale raifon de certe différence eft que les navigateurs fe trouvent d'ordinaire dans ces parages méridionaux , tandis que le foleil parcourt les fianes feptentrionaux. Auñli lorfqu'ils s’y rrouvenc dans la faifon de l'été auftral , ils éprouvent que les vents alifés foufflene à des latitudes beaucoup plus élevées. Toutefois il femble que le paral- lèle qui leur fert de limite extérieure da côté du fud , n’eft pas aufli voifin du pôle qu'il left dans l’hémifphère boréal. Cook dans fon troifième voyage paffa deux fois la ligne dans la mer Pacifique. La première fois par le 253° de longitude à Pelt de Greenwich : la feconde fois par le 19$° de même longitude. Le journal de fon premier affage rend à confirmer mon opinion fur la pofirion de la limite des alifés, C'étoit en décembre 1777, & cependant l’alifé cine conftamment du {ud dans l’hémifphère boréal : & cette dire&tion fe foutint jufqu'au s° de latitude, Le journal du fecond paflage paroît tendre au contraire à détrüire ma conjecture ; car Le vent tinc du nord dans l’hémifphère auftral jufqu'au 8° de latitude ; mais il faut obferver, 1°. que la faifon contribuoit à déterminer cette direction: c'étoit au mois de février 1780 ; 2°. que le voifinage des terres, & fur-tout du grand continent d’Afie , écoit probablement la caufe principale de certe anomalie ; Dre que ce foupçon ef confirmé par une irrégularité remarquable ; fävoir , qu'au 8° le vent fouffloit nord-oueft, c’eft-à-dire , précifément dans le fens contraire au véritable alifé. En forte que cetre oblervation corrigée des influences locales cefleroit probablement de faire exception à la loi générale. N’efpérant pas tirer des obfervations à ma portée des réfultats plus aflurés, j'ai cru devoir foumettre au jugement des phyficiens une remarque de théorie , que des obfervations fubféquentes peuvent feules confirmer ou détruire. (1) Voyage de Cook & Fonsrer, 6 aoûr 1773, tom. 1, pag. 29$ de la traduction françoife, ! | OUB-SIE RIM AIT, LOUNSS. Sur le Chêne Ballotte ou à Glands doux du Mont- Athlas ; Par M. DESFONTAINES, de l'Académie des Sciences, Le productions du règne végétal dont la fociété peut retirer des avantages, font celles qui méritent particulièrement l’arrention des botaniltss, & qu’ils doivent s'appliquer à décrire avec exactirude, afin qu'on puifle les reconnoître & en faire ufage dans tous les rems & dans tous les lieux où elles croiffenr. De ce nombre eftune efpèce de chêne, connu fur les côtes de Barbarie fous le nom de Ballote, & dont les glands aufi doux que la châtaigne , fervent de nourriture pendant une partie de Vhiver à un grand nombre d'habitans du Mont-Athlas, Il paroît vraifemblable que Pline avoit eu connoiffance du chêne au gland doux. « Il eft certain , dit cet auteur , qu'il y a des glards qui fonc » la principale richeffe de plufieurs nations, même pendant la paix ; ces >» glands torréfiés & réduits en farine fervent à faire une forte de pain » dans les tems de difette ». Glandes opes effe nuncquoque multarum gentium etiam pace gauden- tium conflar. Nec non & inopiä frugum urefa&is molitur farina, fpiffa- turque in panis ufum. Plin, lib. XVI, cap. V. Plufeurs botaniftes modernes ont pareïllément fait mention du chêne au gland doux ; mais aucun de ceux que J'ai confultés ne l’a décrit avec exactitude. C’eft ce qui m'a déterminé à offrir à l’Académie les cb'ervations que j'ai faites fur cet arbre intéreflant pendant mon féjour fur les côtes de Barbarie en 1785. DEscriIPTron. Planche I. Quercus ballota. Chéne ballote. ). Foliis ellipricis, perennantibus denticulatis inteprifve , [ubtus tomentofis | fruë&u longiffimo. Tronc. De trente à quarante pieds d’élévation fur un à deux de dia- mètre; écorce fillonnée , d’une couleur brune tirant fur le gris, rameaux raboteux , difpofés en une tête ovale où quelquefois fphérique, jeunes pouffes blanches, cotoneufes , lésèrement canelées. Feuilles. Perfftantes, elliptiques, plus ou moins allongées, ordi- 376 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, nairement arrondies au fommet, vertes & glabres en deflus, blanches & cotoneufes en deffous , entières où légèrement denrées; un peu roides, longues d’un à deux pouces, larges de fix à dix lignes, moins piquantes & moins ondées que celles de l’yeufe , quercus lex , Lin, Pétiole long d'environ deux lignes. Fleurs. Monoïques comme dans toutes les autres efpèces de chêne. F1, mâles. Chatons grêles, pendans , Cotoneux , tantôt folitaires ; tantôt réunis aux aiflelles des feuilles, eurs ordinaires rapprochées en petits groupes Le long de l'axe du chaton. Calice, Très-petit, membraneux, cinq à fix divifions, profondes; obtufes , inégales. Corolle, Nulle, Etamines. Sept, un peu plus longues que le calice, filets capillaires; anthère à deux loges à-peu-près fphériques, renfermant des pouflières jaunes, F1, femelles. Elles naiflent comme les mâles feules ou réunies en paquets aux aiflelles des feuilles , maïs toujours fur les plus jeunes rameaux. Calice. Perfftant, compofé de petites écailles ovoïdes , étroitement ferrées. , Corolle. Nalle. Style. Très-court, divifé en trois ou quatre parties qui débordent le calice, embryon ovoïde. Fruir. Sefile ou porté fur un pedicule d’une à deux lignes, gland long d’un pouce & demi à deux pouces fur cinq à fix lignes de diamètre , entouré à fa bafe d’une coque hémifphérique, compofée d'un grand nombre de petites écailles obtufes coroneufes , très-rapprochées les unes contre les autres, Cette coque reffemble beaucoup à celle des glands de l'yeufe: On voit d’après cette defcription que le chêne ballote a de grands rapports avec l’yeufe, Il en diffère principalement par fes feuilles recou- vertes en deflous d’une fubflance coroneufe blanche & très-épaifle ; par fes fruits beaucoup plus ailongés en proportion de leur groffeur, enfin par leur faveur douce & approchante de celle de la chätaigne. Le ballote s'élève à une plus grande hauteur que l’yeufe, & il a un afpett fi différent, qu'on les diftingue facilement l'un de l’autre, même à une rande diftance lorfqu'ils croiffent dans les mêmes lieux. Le ballote a auffi quelque reflemblance avec le liège , mais fon écorce n'eft jamais fongueufe comme celle de ce dernier. Les glands du liège fonc plus courts , plus grêles, d'une faveur amère & aftringente, & fes feuilles ne font point blanchés & cotoneules en deffous comme celles du ballote. 4... J'en ai obfervé deux variérés bien faillantes , l’une à feuilles orbiculaires, dont RTS UP PES SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 377 dont le diamètre n'étoit que de cinq à fix lignes, celles de la feconde éroient très-allongées & terminées en pointe. Ces différences peuvent venir de l’âge de l'arbre, de fon expofñition , de l'élévation ou de la nature du fol où il croit. [1 fleurit en mai, & fes fruits fonc mûrs dans le mois de novembre. Je fuis porté à croire que ce chëne eft le même que l’i/ex major, cluf. rar. pag. 22, dont les feuilles font pareillement cotoneufes en deflous , & qui porte des glands doux que lon mange dans plufieurs cantons de 'Efpagne. Né:nmoins la defcription de l’auteur eft fi abrégée que je n’oferois l'affurer bien pofitivement ; mais tout ce qu'il en dit, ainfi que la figure qu'il en a donnée, fe rapporte aflez bien au chêne ballote du Mont-Athlas. M. de la Mark, dans l'Encyclopédie métho- dique , a parlé d’une efpèce de chêne à gland doëx originaire d'Efpagne, qu'il a nommé chénres à feuilles rondes. Cette efpèce, dont j'ai vu plafieurs individus, à la vérité encore tiès-jeunes , dans le jardin de M. Cels, m'a paru très différente de celle du Mont-Athlas, D'après cela il eft poffible qu'il exifte deux efpèces de chêne à glands doux. Le ballote croît en grande abondance dans les royaumes d'Alger & de Maroc. J'en ai vu de valles forêts fur les montagnes de Belide , de Mafcar , de Tlemfen , &c. On le rencontre quelquefois dans les plaines, mais toujours en petite quantité. On en vend les glands dans les marchés publics. Les maures les mangent cruds ou grillés fous la cendre, Ils font très-nourriflans & n’ont aucune amertume. Or m'a afluré que dans quelques cantons de la B:rbarie on en exprimoit une huile très-douce & qui le difputoit à celle de l’olive. Le bois du chêne ballote eft dur, compacte & fort pefant. IL eft excellent pour le chauffage. On pourroit l'employer utilement à des ouvrages de charronage & de menuiferie. Je. fuis perfuadé qu’on s'en ferviroit aufli avec avantage dans les conflructions navales & civiles. Il feroit facile, & en même-tems très-utile d’accliniater en France cét arbre précieux. [Il réuffiroic fur les montagnes de nos provinces méridionales dont la température approche de celle des lieux où il croît naturellement. On le trouve le plus ordinairement fur celles dont les neiges difparoiflent vers le commencement d’avril, Les glands que j'ai rapportés & ceux que j'ai fait venir depuis mon retour des côtes de Barbarie, ont levé dans plufeurs jardins de la capitale. J'ignore encore fi ceux que j'ai diftribués à plufeurs cultivateurs de Provence y ont réuff, 29,2 Er a Tome XX XVIII, Part. I, 1791. MAI, Bbb 378 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, RSR CESR EE OPEN EP RE FIRE 7 AAC JT TNT PR OO SET EEE PRIE QUINZIÈME LETTRE DE VMS QUE LIVE: A M DELAMÉTHERIE, Pour fervir d’Introduélion à quelques confidérations météo- rologiques , auxquelles donnent lieu la formation & la naïflance de nos CONTINENS. Windfor, le 11 Avril 1701 MEL Je ferai aujourd’hui une paufe dans l’hiftoire de notre globe, pour la reprendre après quelques confidérations, rendues néceffaires par l'état préfent de la Phyfique. Ma prochaine Lettre renfermera la naiflance de nos continens , par la retraite de la mer fur une autre partie du globe ; & les monumens nous indiqueront, qu'entre les derniers tems où l’ancienne mer couvroit nos terres, & les premiers tems de la mer a@tuelle, il dut fe faire des chan- gemens fenfbles dans l’état de larmofphère & dans celui de l’eau de la mer ; changemens indiqués entr’autres, par ceux qu'éprouvèrent les corps organifes dans cet intervalle. Ce que jai dit des caufes auxquelles nos continens ont dû leur formation , & ce que je dirai de la révolution qui les a mis à fec, sil étoit examiné fans préjugé, donneroit de ces phénomènes géologiques , une idée plus naturelle qu'on ne l'avoit cru poflible jufqu'ici ; mais la Chimie moderne offufque fi fort tout ce qui a quelque rapport avec l'atmofphére, & le ton tranchant de ceux qui la répandent écarte telle- ment tout ce qui n’eft pas leur doërine, qu'il fembleroit qu'on ne pût traiter aujourd’hui que pour la poftérité, des mêmes objets qui, il y a huit à dix ans, fe concilioient la plus grande attention de la part des hyficiens. Toutefois je ne changerai pas ma marche ; car la poftérité eft RS pour moi : & je ne défefpère point même, que nous ne voyions de nos jours difparoître ce voile qui obfcurcit toute la nature. A juger de l'état où doit fe trouver la Phyfique, d’après ce qu’en difent les néologues, on croiroit que tous les faits y font découverts, que toutes les conféquences en font invariablement fixées, qu'ils en font en SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 379 pofleffion , & qu'ils ont droit de nous les dicter comme des arréts : ils n’écoutent plus rien de contraire à leur doéfrine ; ils condamnent à l’ob/i tous ceux qui ne la profeffent pas ; & ils s'emparent du /anpage même, par-tout où ils peuvent trouver un prétexte pour placer le leur. On ne peut prefque plus rien lire de nouveau, en Médecine , en Phyfologie , en Minéralogie , en Chimie, en Botanique même, qui ne foit imprégné de ce qui pourtant ne deviendra qu'un jargon défagréable, s'ils fe trompent dans leurs principes , & en même-remsils fuient les difcuflions, J'imagine qu’ils croient bien faire , mais nous croyons bien faire aufi en ne les imitant pas; & nous avons un motif qu’ils ne fauroient avoir, & auquel ils ont tort de ne pas réfiéchir : c'eft que , par la circonfpection de notre marche, nous ne craignons pas les zouveaux faits, nous les recherchons même ; au lieu que par la rapidité & l’inconfidération de la leur , laiffant par-tout , au moyen de leurs mots, des empreintes de leurs hypothèfes , chaque nouveau fait doit les faire trembler, comme tremblent au moindre cas imprévu, ceux qui fe font emparés d'un terrein qui auparavant étoit commun, Nous ne devons pas cefler de leur donner cet avertiffement, pour qu'ils confidèrent enfin leur marche; & j'en ai une nouvelle occalion. r. On vient de lire à la Société Royale un Mémoire du docteur PRIESTLEY, qui produira, j'efpère, un mouvement utile dans les opinions fur le grand objet de la nature de l’eau ; parce qu'avec des remarques importantes fur les faits déjà connus, ce Mémoire contient aufli de nouveaux faits très-remarquables. Je ne vous parlerai , Monfeur , que de ces derniers faits, & ce ne fera même que fort en abrégé; le refte exigeant la lecture de tout le Mémoire. 2, Le docteur PRIESTLEY a pris d’abord beaucoup de foin pour obtenir de l'air déphlogifliqué & de l'air inflammable auffi pur qu'il eft poffible; ce qu'il certifie, tant par la nature de fes procédés , que par les réfulrats de fes effais: & c’eft avec ces airs qu’il a découvert Les phénomènes fuivans: « Chaque fois qu'il a confumé un mélange de ces deux airs dans lequel » l'air inflammable étoit furabondant, l’eau produite n'a donné aucun » figne d’acidiré, » Chaque fois au contraire qu’il a eu furabondance d’air déphlogifli- » quêé, l’eau produite a été acide ». els font les faits principaux ; & comme il n’y a pas d'apparence que nous foyons au bout des découvertes fur cette route , je ferai ici quelques remarques générales. 3. Les néologues regardent leur doërine comme étant l’expreffion fimple des faits ; & ils l'ont cru de bonne foi, car rien fans cela ne les difculperoit du bouleverfement qu'ils occafionnent dans le langage de la Phyfique. Dirigé par cette idée , & dans l’efpérance que fi l’on peut enfin leur faire appercevoir , que leur doérine renferme des hyporhéfes, quelque Tome XXXVIIT, Part. I, 1791, MAL Bbb 2 320 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, probables qu’elles leur paroiflent, ils feront les premiers à arrêter ce défordre ; j’ai écrit une Lettre à ce fujet à M. DE LA PLAGE, deftinée eux Annales de Chimie , dans laquelle, entr'aurres exemples, je lui ai cité la conclufion qu'il a tirée lui-même de l'expérience de MM. Four- cROY & SEGUIN fur la combuflion de Pair déphlogifliqué avec l'air inflammable : il a conclu, dis-je, de cette expérience, « qu'on peut > regarder l'eau (en général) comme formée de la combinailon des deux >» gaz ». Sur quoi, fans examiner la propoirion elle-même, j'ai faic remarquer à un logicien tel que M. DE LA PLACE, qu’elle n'eft pas. l'expreffion fimple du fair , puifqu'il eft fimplemenc: « que l'eau obtenue » dans l'expérience, eft provenue de la décompofition mutuelle des deux » gaz ». Or, comme il n'y a rien-là qui indique la maniére , cette con- cufion générale « que la formation de l’eau eft due à la combznaifon de deux éngrédiens», (conclufion qui, à ne confidérer que ce fait, me parut d’abord très-probable ) eft évidemment Æypothétique , & comme telle , expofée au changement. 4 Voici donc une des grandes conféquences que j'attends de la nouvelle découverte du dodeur PRIESTLEY. Les néologues chercheront fans doute à expliquer ce nouveau phénomène ; mais l’on verra qu’ils feront obligés d'y employer des Aypothèfes : j'en laifle à part le degré de folidité, qui ne fait rien ici; mais quiconque fera attentif à cette difcuffion future, y reconnoîtra, que la devife féduifante , expo/ition fimple des fais, dont les néologues décorent leur doërine, n’eft pourtant qu'une illufion , & une illufion dangereufe; car on ne réfifte - pas à ceux qui perfuadent qu'ils ne font que répéter Les faies 3 au lieu que, s'ils éroient convenus d'entrée, que leurs shéories renfermoient des hypothèfes , quelque probables qu’elles euffent paru d'abord , dès qu’ils demandoient en même-rems qu’on les confacrât en Phyfique par une foule de néologifmes , on auroit pris beaucoup de tems peur réfléchir. Nous n'avons pas à nous reprocher de ne lavoir pas montré de bonne heure ; mais ils parlent fi haut, qu’on n'entend que leur voix : toutefois ne nous laffons pas de le démontrer; ça été le but de ma Lerrre à M. DE LA PLACE, & je continuerai de le faire ici , fur de nouveaux fondemens que me fournit un des inventeurs de ces réolopifmes. $- Vous avez vu, Monfieur, dans le VII® cahier du Journal de Médecine éclairée, 6e. un nouvel exemple de la force de perfuafion des néologues à l'égard de leur prétendue faëographie, & de la manière vive done ils s'expriment à fon füjer. M. Fourcroy , enthoufiafmé de l’hypothèfe de la décompofition de l'eau, la qualifie: « une doûrine qui r'admer » aucune hypothèfe, & qui ne préfènte ABSOLUMENT que des » FAITS... .Une logique faine, qui doit porter la perfualion dans » les efprits fans préjugés ». Quand ma Lettre à M. DE LA PLACE, ainfi qu'une autre, adreflée depuis peu à M. Fourcxoy lui-même & re SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 38: deftinée à fon Journal, feront publiées, les /ogiciens auront plufeurs queftions à décider; mais en attendant je les prie de lire attentivement la page 178 de ce même Journal, parcequ'elle peut fuffire feule à dérerminer l'efpèce de logique dont parlent les néologues. 6. Dans les pages 176 &.177 M. Fourcroy explique d’abord, par quel procédé on a découvert, que 1039,3$8 gr. de gaz {prétendu ) hydrogène , & 6209,86y gr. de gaz (prétendu) oxigéner, en tcut120onc. &gros 49,22 pr. des deux gaz , produifent 12 onc. 4 gros 42 pr, d’eau : ce qui donne le rapport de 85,663 d'oxigène à 14, 337 d'hydrogene , dans les quantités comparatives des gaz qui produilent 100 d’eau ; avec un déficit d’environ == de la maïle. Après ce récit, M. Fourcroy invire ceux qui n’ont pas admis fa doétrine, à fe pénétrer des vérités fondamentales de la Phyfique moderne ; ce qui leur {ufñra , penfe-t-il, pour reconnoître: « que C’eft offrir le fimple réfultat immédiat - de » l'expérience , & non avancer une affertion hyporhétique , que dedire, »,1°. que 85 gr. d'air vital (oxigène) & 15 à-peu-près de gaz Aydro- » gène, FORMENT 100 gr. d'eau ». 7« Voilà une première propofition qui femble d'abord n'être encore aue la fémple répétition du fait ; cependant elle renferme déjà la tranfition u fait à l'Ayporhèfe foutenue. Tous les phyficiens connoifient aujour- d'hui, que l’euu eft le produit fenfiblement pondérable de l'opération dont il s’agit, & la queflion entr’eux eft feulement, fi cetre eau eft formée par la réunion des bafes pondérables de ces fluides, ou fi ces bafes ne font point l’une & l’autre, l'eau elle-même; tellement que la produdion de l'eau par cette expérience ne foit que fa ibération. Ainfi, par l'emploi feul du mot former, au {ns duquel il eft fort aifé de ne pas prendre garde, & que les néologues eux-mêmes ont peut-être employé d’abord fans le pefer , leur premier pas eftune pétition de principe. 8. Cette tranfition d’un fais à une Ayporhéfe ( à laqueile on fe laiffe aifément entraîner fi lon n'a pas préfens à l’efprit les préceptes de Ja logique fur l'attention au Jens attaché à tous les 7045 ) fait un pas de plus dans le fécond énoncé de M: FourCRoY ; toujours fous la claufe fondamentale , de s'offrir que le fimple ré[uleat immédiat de l'expérience, a 2°. (dit-il ) Cette eau elt' conflisuée ; ou formée immédiatement, par » l'union des deux bafès de ces gaz. . . puifque ces bafès font précipi- » tées une vers l’aucre par l'aéte même de la combuftion », Ici M. Fourcroy , en exprimant plus précifément ce qu'il croit voir dans le fait, ne prend pas garde qu'il entreprend de prouver fon opinion par un raifonnement. PUISQUE . .. . dit-il; & rien de ce qu'il dit enfüite ne fe voit dans le f£mple réfulcar immédiat de l'expérience ; c'efkiune con- Jeure chimique , & il falloic attendre qu’elle eûc été (ufifamment exa- minée d’après tous les faits, j 9:.« 3° (dit-il) Enfuire: les marières ; la lumière &le calorique, qui 332 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, » tencient ces deux ha/és en difJolution fluide élaflique ; fe dégagent » pendant la précipitation & l'union des bafes, & elles conftituent la » flamme & la chaleur qu'on apperçoit ». Nous voilà déjà bien loin de la claufe de z’offrir que le fimple réfultat immédiat de expérience ; & voici la conféquence de cette déviation, M. FouRCROY n’a apperçu que la lumière & le calorique, outre l’eau ; & nous verrons bientôt, que, fuppofer qu'il n’y avoir point d’autre fubftance dans les gaz , eft-une propofiion qui demande examen. Mais ici déjà , en reconnoiflant deux diffolvans diftin@s, la lumière & le calorique, M. Fourcrox ne pouvoit plus décider immédiatement , que des combinaifons différentes de ces deux difJolvans feuls , ne fauroient former deux efpèces de gaz, avec une même ba/e pondérable , {avoir, l’eau elle-même; cela devenoic un objet de difcuffion , & n’étoit point le femple réfultat immédiat de l'expérience. 10. «& 4°. (dit-il enfin) Ces deux difJolvans dégagés n'ayant aucun poids appréciable pour nous, & étant d’une ténuité telle, que nous ne connoiflons aucun corps qui puifle les coërcer , leur perte, leur dégagement à travers les vaifleaux de verre, ne change point du ioue » Le réfuleat en poids de l'expérience ». Je ne comprends pas comrtenc M. FoURcROY, tout en reconnoiflant cette conclufion naturelle, non de cerre feule expérience , mais de l’erfemble de nos connoiffances fur le feu & la lumiére, n’a pas fenti qu’elle renverfoit la prétention de n'offrir que le fimple réfulrat immédiat des fuits ; puilque déjà cette conclufon , quelque probable qu'elle foit , n'eft pourtant qu'une Aypo- thèfe, qui n’eft pas encore admife par tous les phyliciens. Mais fur-tour , comment favons-nous, que ces deux fubftances ämpondérables, la lumière & le calorique, éroient contenues dans les gaz? C'eft qu'en s'échappant, l'un frappe l'organe de notre vue, & l’autre affecte le thermomètre. Or, quelle preuve avons-nous, qu’il n’y ait pas aufli dans les mêmes gaz, d’autres fubftances aufli émpondérables que les premières; fubftances qui traverfent de même nos vaifleaux, mais fans être apperçues, ou qui peut-être fe combinent entr'elles de manière à échapper à nos analyfes > Voilà un nouvel objet qui exige une grande & importante difcuffion , dans laquelle il ne faut pas fe borner à l'expérience dont il s’agit, mais embraffer tout l’enfemble des phénomènes de la Phyfique terreftre: & jufqu'a ce que de cette difcuffion , rélulte une théorie qui , après un examen fufñfant , obrienne l'approbation des phyficiens éclairés & exaës , il nous fera impoñible de rien prononcer définitivement fur la nature de l’eau, ni par conféquent d'y conformer quelque nouvelle nomenclature , avec l’efpérance lépitime qu'elle fera znvariable. 17. Voilà un enfemble de remarques ; que je foumets au jugement des logiciens | non pour décider , fi toutes les conclufions de M. Four cRoY peuvent , ou ne peuvent pas , être appuyées de rai/ons folides ; c'eft à la $ y 8 PRE ER PO EE SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 38; Phyfique à décider fur ce point; mais pour prononcer d’abord , fi ces conclufions , d’après la claufe fondamentale, n'offrent que le fimple réfulcat immédiat de l'expérience ; & dans le cas, que je crois prévoir, où ils prononceront négativement, je leur demanderai encore, fi l’on admet en Logique, qu'au lieu d'écouter les objedions | & d'y répondre fi l'on fe fent en état de le faire, on entreprenne de foutenir un grand enfemble de shëfes , par un argument général tel que celui-ci: « Les > phyfciens qui adoptent notre doérine font fi zombreux aujourd'hui, » & fes adverfaires fi rares , que leurs efforts ne peuvent plus l'arteindre, » & que leurs obje&ions iront naturellement s'enfévelir dans l'oubli ». Ces Meffieurs fans doute ont oublié la fable du /zo7 & du moucheron. 12. C'eft-là cependant un moyen qu'employoit déjà M. Fourcroy dans fon VI° cahier ; ce qui m’engagea à lui adreffer quelques remarques, que je Le priai d’inférer dans fon Journal : il y revient dans fon VII cahier, & avec d'autant plus de confiance , qu’il peut compter dans fa lifte les noms des BLACK & des KIrWAN. Mais en nous donnant copie des Lettres d’acceflion de ces chimiftes célèbres, M, FOURCROY nous faic connoître leurs motifs, que je ne crois pas fuffifans pour les retenir à toujours fous l’étendard de la Chimie moderne. Je dirois (comme les néologues qui tirent grand parti de ces acquiefcemens ) qu'il eft très- noble de céder ainfi à la perfuafon contre des idées déjà manifeftées, fi ce n’étoit pas-là ce que j'ai fait moi-même plus d’une fois. Mais je fais aufi, que le fentiment qui porte à de tels aveux, empêche qu’on ne craigne de les rétraéter lorfqu’on vient à appercevoir qu’on a abandonné trop tôt fes premières opinions ; ainfi je ne crois pas qu’on foit sûr de la perfualion finale de ces habiles chimiftes , à qui il refloit des queftions très-importantes à examiner. 13. On enveloppe aujourd’hui de détails féduifans , le point d’où l’on part pour faire une révolution en Phyfique. Quel peut être le motif d'écarter fi foigneufement les plus grandes queftions relarives à la arure de l'eau , pour ne s'occuper que de la recherche d'une foule de petits faits chimiques que les deux hypothèfes réclament également ? Seroit-ce pour accoutumer les oreilles à la zouvelle nomenclature, en remplir ure multitude de volumes , & rendre ainfi plus difficile de l’abandonner ? Mais ce n’eft pas par de tels chemins que la faire Logique trace notre marche ; elle veut que nous écartions tout doute fur nos premiers pas, avant que de nous engager dans un labyrinthe de petites routes, qui, par elles-mêmes, ne fauroient nous faire connoître, ni d’où nous venons, ni où nous allons, 14. L'objet, dis-je, qui, dans la crife préfenre de la Phyfique, l'intéreffe avant tout (avant les queftions relatives aux chaux métalliques & à la nature du foufre , qui ont fixé l'attention de M. KIRWAN 3 avant celle du phlogiffique à laquelle le docteur BLacxk s’eft arrêté) c’eft ce 364 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, qu'on doit penfer de la nature de l'eau. Ce fera de la décifion de ce point, que dépendra finalement le fort de la nouvelle zomenclature , quels que puiflent avoir été fes progrès fur les elprits & dans les biblio- thèques, Cet objet par conféquent devroit fixer l'attention de tous les phyliciens, non fur cette multitude de phénomènes indireëts, que jufqu’ici, par des hypothèfes plus ou moins ingénieufes, chaque parti réclame , mais fur ceux qui pourroient tracer quelque grande route dans le labyrinthe de ces petits phénomènes. Or, il eft impoñlible de ne pas convenir, qu’une décifion finale fur la nature de l'eau, doit être avouée par la Météorologie , & il n'eft pas moins évident, pour tout phyficien inftruit des controverfes aétuelles, que les néologues déclinent cet examen , attribuant indiflintement nos objections à l’efpric de parti ou à l'ignorance, & n'en faifant mention , que lorfqu'ils croyent pouvoir y répondre. En voici un exemple. récent : 15. M. FourcROY ; dans fon VII* cahier, divife en deux claffes feules, rous ceux qui, n'admettant pas la compoftrion de l'eau, y font des objections: Les uns, dit-il, z'entendenr pas les bafes de cette doctrine ; les autres font conduits par lefprit de parti. NH cite enfuite, dans une note, des exemples d’objections de chacune de ces claffes prétendues, & les croyant propres à appuyer fun aflertion, il ajoute : « Nous engagtons les perfonnes qui ot étudié la Chimie moderne , à » Lire avec. arrencion les differtations citées ci-deflus, & à juger ‘par » elles-mémes de la force des objections de leurs auteurs; elles feronc % bientôt convaincues de la vérité de nos affertions , & elles verront » pourquoi, malaré tant d’oppolñtions, la doéttine moderne acquiert » tous les jours. plus de partifans ». Ms ne trouveront pas-là ce pourquoi, que nous pourrions leur montrer dans des caufes morales. Mais comme il ne s’agit ici que de Phyfique & de Logique, je deman- derai pourquoi , voulant parler d'objeélions , on n'indique pas aufli à ces Lecteurs vos ouvrages, ceux du docteur PRIESTLEY , & de divers autres chimiftes ; pourquoi encore on ne leur dit pas: « Il eft un phylicien, que » vous avez confidéré un tems comme ayant ouvert diverfes routes en » Météorologie, qui a continué à s’occuper fortement de cette claffe de » phénomères, qui, des premiers & avant les néologues, avoit admis la » compofition de l'eau, mais qui la trouve aujourd'hui abfolument » contraire à tout ce qui concerne la produétion de la pluie. Or, » sürement, ce métécre aqueux nous montre une production d’eau , » incomparablement plus grande & plus importante à la Phyfique , que > celle dont nous fommes partis jufqu’ici ; & un tel avis n'eft pas à » néoliger. Lifèz donc avec artenrion. ce que ce phyficien a publié fur >» un objet fi inféparablement lié avec la controverfe auelle, & Jugez » par vous-méêmes ». C'eft à quoi l’on ne penfe point ; ou fi l'on y penfe, on n’en dit rien; mais ce filence ne détruira pas ce que j'ai dit & SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS, 385 & continuerai à dire fur la Météorologie , & l’atmofphère Fatteftera à ceux qui fongeront enfin à la confulrer. 16. Les néologues s’avancent ainfi à pas précipités & peu circonfpeds, fur les bords du pays de la Phylique ; ils en fouillent tous les recoins , & ils y plantent l’érendard de leur zomenclarure en figne de prife de poffeffion , comme s'il s’agifloit d'une terre qu’ils euflent découverte ; mais nous l'habitions déjà : nous en avions vifité diverfes parties qui leur font encore inconnues ; & fi nous n’y formons des établiflemens qu'avec précaution, c’eft parce que nous voyons qu'il ne fauroit y en avoir aucun à demeure, fans qu’on y ait découvert la vraie fource de l'eau : ils croyent la pofléder , & nous ne fommes pas jaloux de cette conquête apparente ; mais NOUS reyrettons qu'ils pégligent nos avis, parce que nous prévoyons, que tous leurs travaux a@uels, quelqu’utiles qu’ils puflent être en eux-mêmes, feront abandonnés lorfqu’on trouvera d’où procède, ou même feulement d’où ne procède pas l'eau qui tombe de l'air. 17. Je m'arrêre à cetre dernière remarque, parce que l’un des caractères de nos tems, produit par le nombre des aflertions pofitives des néologues , eft qu'au lieu de donner quelqu'attention aux découvertes négatives , on femble les craindre & les fuir; randis que, [ur le moindre défaut des idées contraires à celles qu’on imagine , au lieu d’examiner fi ces défauts font eflenriels, & fi le fond des idées n’eft point folide , on les bannit en les tournant en ridicule. On croyoit ci-devanr, par exemple, que la pluie pouvoit être expliquée par l'Aumidiré de l'air à & cette opinion eft néceflaire à la nouvelle théorie : aujourd’hui, des faits certains démontrent, que cette explication étoit faufle; & cela feul attaque la nouvelle théorie dans fes fondemens; mais on n’y fait pas attention. On a cru depuis environ trente ans, que l'air étoit le difJolvane de l’eau dans l’évaporation ; & cette hypothèfe fe prête à nombre d’explications vagues, néceflaires à la nouvelle théorie: on démontre aujourd’hui, que ce diffolvant eft le feu ; & roures les loix de détail deviennent alors précifes : mais cette précifion embarrafle, & l’on écarte la difcuflion. STAHL avoit jerté du jour fur la combuflion, & fur les autresphénomènes liés à la même caufe; & ce fut en érabliffant l’exiftence d’un élément particulier, qu'il nomma le pAlopiflique : il ne vit pas tout dès l’abord , & fit plufieurs erreurs ; mais fes fuccefleurs les ont peu- à-peu corrigées, & aux yeux de nombre de phyficiens, cette théorie répofe encore fur une bafe folide: les néologues, par lhypcthèfe de la décompofirion de l'eau , ont cru pouvoir fe pailer d'admettre cette fubftance particulière ; & ils fe fonr un moyen des changemens que fa détermination a {ubis , les donnant comme une preuve d’erreur fonda- mentale, comme Gi la précifion de nos connoifflances ne fe formoit pas toujours par degrés, c’eft-à-dire , par des additions & changemens. 18. Je me fuis aflez expliqué ci-devant fur le phlogiflique , pour n'y cc Tome XXXV II, Par, I 1791. MAL. 386 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, revenir en détail que lor!qu’il én fera tems. Aujourd'hui l'hyporhèfe de la décompofrion de l’eau fait tant de bruit, qu'on ne fauroit s'entendre; mais fi cette hypothèfe tombe, on viendra peut être à écouter: 1°. que le phlogiflique eft une fubflance particulière, auili é#pondérable que le feu, qui difingue toutes les efpèces d’airs inflamnrables , de quelque fublfarce qu'ils foient tirés, & qui, par fa propriété de s'unir à un certain degré de chaleur , avec une fubflance zenue particulière, qui appartient à l'air déphocifliqué , eft aivf la caufe immédiate de l’inflam- sation ; 2°. qu'outre le phlogiflique , comme diftineuant feul, quant eux ingrédiens , l'air inflammable léger de la vapeur agueufe, il exifte ure autre fubftance senue , qui diftinoue de cette efpèce d'air, toute la claile des airs inflammables ples pefans , tirés des fubftances végétales & animales & de quelques minéraux ; fubftasce qui , par fon aflociation au phlogifiique , Fempêche de décompofer l'air déphlogifliqué, & produit le changement de cet asr en air fixe ; 3°. que les airs (ou gaz) en général, ne diffèrent de la vapeur aqueufe, que par l'addition de fubitances cenues , ou fenfiblement impondérables , peut-être auf incoërcibles par elles-mêmes; & qu'ainfi l'eau , fubflance fimple & feule pondérable dans les airs, fait la maffe fenfible de toute cette claffe de fluides ; 4°. que c’eft l'eau des airs (ou gaz \ qui ajoute du poids à toutes les fubftances auxquelles ils s'uniflent , ou &iminue celui des fubftances dont ils fe dégagent ; & que ce font les fubftances rezues qui déterminent ces compofi:ions & décompoftrions ; $°. enfin, que l'appa- rition des acides , appartenans à la clafle des fubftances zenues , réfulte de dilution , quand quelqu’opération chimique les dégage en même-tems que de l'eau , & non d’une redondante acidification. Mais, je le répète, il n'eft pas tems d’en venir à l'application de ces idées, fondées fur Panalogie & fur des faits précis, tandis que la nouvelle doctrine ne fe fonde que fur des faits équivoques & fans analosie: l'effentiel aujourd'hui, eft de tracer définitivement ; la grande route de la Chimie, par une décifion finale fur la nature de l'eau ; & ce {era la Méréorologie qui fournira à notre Chzmie cette première bafe d’une vraie théorie. 29. La plupart des hommes, aimant à s'avancer à grands pas dans Res recherches dont ils s'occupent, ou dans les fciences qu’ils apprennent, font féduits par rout ce qui leur promer de grands progrès, Quand M.Fourcroy, par exemple, publie, que la doéhine moderne acquiert sous les jours plus de partifans ; qu'elie a élevé la féience chimique à un degré de fplendeur d’où il paroft impoffible de la faire defcendre ; pouvons-nous éfpérer d'être écoutés durant cét enthoufiafme! Comment les écoliers, c’eft-à-dire, des hommes qui ne reçoivent encore, les fciences que telles qu'on les leur préfenre, ne feroient-ils pas très-contens de ceux qui les enf£ignent, lorfqu'au moyen de quelques formules aifées, ils croient recevoir la clef du fan@uaire de la nature ! Auf re —— ss SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS, 387 puis-je voir qu’une fleur de rhétorique, dans la partie de la Lettre du doéteur BLACK à M. Lavoisier où il l'informe, que fès difciples, quoique libres dans le choix de leurs opinions fcientifiques , com- mencent à faire ufage de la nouvelle nomenclature : il eit trop accoutumé à enfeigner, pour attacher du poids à cet acquiefcement. 20. La facilité d'enfeigner, pour ceux qui le font par état, eft un des moyens de fuccès de la nouvelle zomenclature : c’elt une formule com- mode , qui cadre paffablement avec les phénomènes de notre Chimie, qu'on trouve le moyen d’appliquer fuperficiellement à la Phyfique, & dont ainfi les znfliruecurs & les élèves fouhairent également la certitude. Mais fe prévaloir d’un tel moyen de perfuafion, n'indique pas qu’on en ait beaucoup foi-même; & cette marche me paroîr bien plutôt naître du doute qu'on puifle trouver quelque chofe de réel dans la nature. Je re puis m'expliquer autrement ; cette ardeur à répandre une formule qui ne fait que de naître ; certe application mirutieufe à une multitude de petites analyfes, qui ne paroiflent deflinées qu'à fournir des exemples nombreux d'applications bien ou mal faites de la formule , & à la rendre ainfi familière; ce refus d’analyfer les grands phénomènes de la Phyfque, qui pourtant devroient être l’objet de ceux qui veulent y occuper le premier rang. Je ne puis m'empêcher de croire, que les néologuss voyent tout cela comme moi ; & siofi, plus leurs affertions font tranchantes, fans pourtant montrer qu’ils aient cherché à les rendre certaines , plus elles me paroiffenc l'effet d’une forte de fcepricifme. Si Von n'a en vue que des Loëx, on a droit fans doute d'affirmer pofitive- ment celles qu'on a trouvées; car elles peuvent être déterminées dans chaque clafle de phénomènes, fans égard à d'autres clafles ; mais fi l'on nomme ces loix des caufes, & qu'on entende des caufes réelles, tout phyfcien attentif devient circonfpe“ , & avant que de rien décider dans la claffe de phénomènes qu’il étudie principalement, il fent le befoin de confulter les autres clafles qui peuvent y avoir du rapport. Ceux qui cherchent la réalité , avec l'efpérance de faire chemin dans cetre route, ne s’expofent pas à l’entraver, en y fixant à demeure ce qui peut-être n’y convient pas : & toute théorie phyfique eft fujerte à changement , jufqu'à ce qu’elle ait embraffé tous les grands objets qui , dans la nature, doivent y tenir par des liens réels. Auffi, quand M. FourcROY nous apprend, que leur doétrine chimique & fa nomenclature font déjà enfeignées par tous les profeffeurs en France, & qu’elle eft prête à l'être par route PEurope, l'effec que cela produit fur moi eft du chagrin, pour la Phyfique , qu'on oublie, & pour les méologues, qui fe préparent des regrets. L'effenriel feroit de leur faire naître l'idée, qu'on peut découvrir quelque chofe de r£e/ dans la nature; mais on n’y parviendra pas, s'ils continuent d’être inatrentifs ; de forte que , pour quelque tems du moins, ceux qui n'aiment la Phyfique que parce qu'ils la regardent comme le Tome XXXV IL, Pare, I, 1791. MAL. Ccc2 388 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, recueil de ce qu'on a découvert jufqu'ici de plus probable fur les caufés apiflantes dans la nature, & qui y cherchent les germes de nouvelles découvertes, ne peuvent efpérer d’être entendus que les uns par les autres; mais c'en eft aflez pour animer leurs travaux, & pour tran{mettre à la poflérité les pas qu'ils font dans la Phyfique réelle. 21. D’entre les phyficiens qui ont adopté la nouvelle do&rine, M. Lies, profefleur de Phyfique à Touloufe, eft celui qui me paroït y avoir le plus réfléchi: il a fenti, que pour juger du mérite de cette doétrine, il falloit la comparer à la Météorologie , par où nous nous entendrons bien plutôt. Nous fommes d'accord, ce phyfcien & moi, fur un grand point, c'eft que les pluies d'orage ne proviennent point de l'Aumidié de l'air : voici comment il s'exprime à ce fujet, dans un remier Mémoire, inféré dans votre Journal, cahier dé juin 1790. «ll » faut (dit-il) examiner, s'il et probable que les vapeurs qui nagent » dans l’atmofphère fe réuniflent en mafles fenfibles, pour produire la » pluie au moment même où un orage fe forme. Que ceux qui fou- » tiennent cette opinion, nous expliquent s'il eft poflible, pourquoi les » pluies d'orages font inflantanées ? » Ils ne l’entreprendront pas, s'ils font informés que ces pluies procèdent d’un air rrès-féc. 22. Voilà donc un premier phénomène de la Chirie atmofphérique, qui devoit être expliqué par la nouvelle do@rine, & M. LiBES a cru y trouver une preuve de fa folidité. Dans fon explication nous fommes encore d'accord , fous une acception générale, à l’égard d'un grand point ; c’eft qu’une partie des vapeurs qui $’élèvent des eaux & du fol , change d'état & devient air dans l’atmofphère. Ainfr, toute la différence de nos opinions ne procède que d’une différente détermination de ce premier phénomène météorologique ; & comme les fairs doivent décider entre nous, j'efpère que nous arriverons à un même point, M. Erges fuppofe , comme je le fis d'abord au tems où j’admis la décompofition de l'eau , que la vapeur aqueufe fe décompofe en air inflammable & air déphlogifliqué, & il explique enfuire le retour de ces airs à l'érat d'eau ; par l'encremife de l’érincelle éleétrique , à la manière de nos expériences, qui ninfpirèrent la même idée. Je vais donc lui expofer pourquoi je ne m'arrêtai que peu à cette hypothèfe, que j’avois déjà abandonnée av rems où je publiai mes Idées fur la Méréorologie , quoique je retinfle encore celle de la décompofirion de l'eau. 23. 1°, La plus forte é/ecrifarion d’un mêlange d'air déphlogifliqué & d'air inflammable ne les décompofe pas, il faut que le fluide électrique fe décompofe lui-même en érircellant , pour produire ce phénomène : or, les nues orageufes fe formant avant aucune apparence d’érincelle éleétrique , par conféquent la formation même de la zue, qui eft la fource de la pluie, ne provient pas de cette caufe, 2°. L'air inflam- æable, duquel, dans Fhypothèfe , ces phénomènes dépendroient , devroir SUR LHIST. NATURELLE ET LES ARTS, 389 fe trouver préalablement dans les couches d'air où ils ont lieu, puifque c'elt à lui qu'eft attribuée la formation de la aue : mais fi cela étoit, quand de telles zues commencent à paroître dans les hautes montagnes, leurs habitans ; qui fouvent allument des feux à ces haureurs, y embra- feroient ces couches mêlées d'air inflammable , oa fi elles échappoient à cer accident , la première étincelle eéleürique qui les traverferoit , au lieu de ce renouvellement d'opérations que nous voyons en réfulter, y mettroic fin tout-à-coup, par une terrible commotion de l'air & un déluge d'eau. 3°. Quand l'air inflammable , en fe confumant avec la parue déphlogifliquée d’une mafñle d'air atmofphérique , y a produit de l'eau , le rélidu, foit air phlogiflique, foïit air fexe, fuivant la nature de l'air inflammable , fait périr les hommes & les animaux: au lieu qu'on n éprouve aucune fenfation pénible, en refpirant dans les couches d’air où fe forment des nues orageufes. 4°. T1 fe forme plus de zuies & pluies foudaines , fans aucune apparence d'érincelle éleétrique , qu'avec ce phé- nomène: ce font nos ondées , ou pluies d'accès , formées prefqu’inftan- tanément dans l'air tranfparent le plus /ec. Dans le tems où je m'occu- pois de la mème idée que M. Lr8rs, je cherchois f , en fuppofant que nous n’appercevions pas de petites érincelles électriques , le refte pourroic s'arranger ; mais il falloit de l'air inflammable , & il n’y en a pas dans ces couches. 24. Si M. Liges , & les autres phyficiens artentifs comme lui, confidèrent ces premiers avertiflemens d'une branche naiflante de Phyfique expérimentale , qui embrafle l'Hygrologie, l'Hygrométrie & Fétude des couches élevées de l’asmofphère, ils concevront bientôt, que jufqu'ici nous n'entendions rien du tout en Météorologie, & que nous commençons feulement à la déblayer des reftes d'édifices fanraftiques que: l'ignorance y avoit bâris. Comment donc pourrions-nous avec prudence, décider fur la nature de l’eau , & remplir notre langage & nos livres de mots dérivés de cette décifion ! Dans le rems même où la 4écompofirion de l'eau me paroifloit probable, voyant toutes les autres hypothèfes qu’on fe préparoit à lui aflocier, pour en former une nouvelle Fhyfique, qui portoit même à faux {ur certe bafe, je mempreflai de publier à la hâte, dans mes {dées fur la Météorologie , des réfulrats d'expériences, & des principes généraux, qui militoient contre cette entreprife; mais on étoic enchanté de l’idée d'une zouvelle nomenclature, & Von ne m’écoura pas. Maintenant que ce mal eft fait , le remède ne peur opérer que d’une manière lente. Je procède donc aujourd’hui plus régulièrement, & jétablirai ; par un nombre de nouvelles expériences précifes , que lorfque je fuis entré dans la carrière que je parcours, je ne l'ai pas fait inconfidé rément. 25: Quel défavantage re doit-on pas avoir pour quelque rems , vis-à- vis d’une doërine à laquelle on atuibue, d'expliquer facilement Les . 390 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, phéuomènes les plus cachés jufqwici aux phyficiens , quand ce qu'on annonce du réfultat de longues recherches, aboutit principalement à montrer notre ignorance fur nombre de chofes que nous croyons favoir ! Mais ces vérités négatives une fois reconnues , débarraffent la route qui peut conduire à des vérités poftives ; & celles-ci, quelle que foit ia fenteur de leur accumulation, feront difparoïître les fimples formules, qui ne racontent que des faits découfus, fans les lier à rien dans la nature. La Phyfique exaée n’a point de /plendeur, par où elle eft éclipfée par celle qu'on enfeigne aujourd'hui; mais elle n’en fera pas moins des progrès parmi ceux qui l'aiment: & quand fa vraie clarté fera plus répandue, elle furmontera ce faux éclar. Je continuerai donc à employer la réferve & la précifion de fon langage ,.en répondant à quelques queftions de M. Lies , comme objeétions à une de mes idées tonda- mentales en Météorologie: queltions contenués dans une note de fon fecond Mémoire, publié dans votre’cahier de mars de cette année. 26. J'avoisdicau $. 17 de la VIS de ces Lettres (cahier de juin 1790) > qu'avant la formation des nues orageufes dans l’air encore tranipa- » rent,cet ar ne contient, ni la vapeur aqueufe qui formera la nue » elle-même, ni le fluide éleétrique qui en partira ; qu'il. contient feu- » lement les érgrédiens qui formeront ces fluides , par ure caufe que # nous ignorons ». M. LiBes voudroit, que pour établir certe propo- fition , j'allafle plus loin qu'il n’eft nécefläire, & en même-rems que je puis aller. Sans ‘douté qu'en avançant qu'une chofe n'eft pas, il faut prouver cette thèfe régative ; mais quand an l’a fait, routes les confé- quences qui en découlent immédiatement font sûres, quoiqu'on ne fubflitue rien à la place de ce qu'on a ainfi enlevé du catalogue des chofes réelles. Ce fera donc fous ce point de vue, que j’envifagerai les quatre conditions fuivantes, que met M. Ligss à l'admiflibilité de ma propofition. 27. Premier point. « Il faudroir prouver , que le fluide eledrique eft » compofé de tels & rels érgrédiens ». Non pas pour l'écabliflement de ma propoñtion négative, à l'égard de laquelle j'avois feulement à prouver, que le fluide électrique n’exifte pas comme £e/, dans l'air où les nues orageufes fe forment, & qu'il ne vient pas d'ailleurs lorfque ces nues font formées; & j'ai rempli cette condition : d'où il découle immé- diatement , que puifque cependant il s'y manifefte tout-à-coup en grande abondance , fes ingrédiens quelconques devoient ètre dans l'air fous une forme inconnue. Toutefois jai été un pas plus loir qu'il n’étoit néceflaire pour cette propoñtion, & qui pourra conduire à la découverte des inprédiens du fluide éleétrique , en montrant , que ce fluide, comme la vapeur aqueufe , et compofé de deux parties diftinctes, l'une qui ne jouit pas de l’expanftbilité par elle-même, & que j'ai nommée matière éledtrique ; autre qui en jouit, & produit l'expanfibiliré du mixte , que y SUR! L'AHIST. NATURELLE ET LES ARTS, 2où j'ai nommée fluide déférent éleärique. C'eft-là , dis-je , tout ce que je vois [ur ce premier point. Second point, « IL faudroit prouver, qu'en tems d'orage ces élénens + font en grande quantité dans l'armofphère ». Je n'ai pas dit que ce fët dans l'armofphére en général; c’eft feulement dans la cotche où fe forme alors l'orage ; & je ne prouve qu'ils y font, que par la nécefliré qu'ils y foient pour y former des vapeurs aqueufes & du fluide éleétrique, puifqu'auparavant ces Auides n'y exifoient pas comme tels , & qu'ils n’ont pu procéder que de fubftances contenues alors dans l'air fous une forme inconnue. Troifième point. « Qu'il s’y trouve en même-tems une caufe qui » combine ces élémens ». Cette caufe-doit s’y trouver, puifque l’efec s'opère; c’eft-là tout ce que je vois; mais en même-tems j'ai lieu de penfer , que lorfqu’on découvrira cette caufe , elle nous fournira la vraie clef de toute la Météorologie. J’ai expliqué les raifons de mon opinion à cet égard, tirées d’un grand rombre de phénomènes, aufli obfcurs que celui-là, & par la même efpèce de vuide dans nos connoiïflances; vuide qui, j'efpère, fe remplira , pourvu qu'on vienne à reconnoître , que la nouvelle doërine le cache au lieu de le remplir. Quatrième point. « Que cette caufe eft capable de produire de fortes =» explofions, & les différens phénomènes qui acompagnent le sonnerre >. J'ai indiqué deux forres d’explofions dans ces phénomènes ; l’une qui concerne le f/uide éleétrique, V'autre d’où rélulte le roulement du zonnerre. La première eft une conféquence de ce qui précède : fi le fluide éle&rique eft produic dans la rue, & qu'il sy trouve d’abord en trop grande quantité , il doit fe débander comine teut autre fluide expan- fible, en fuivant fes propres loix. Quant aux explo/ions qui forment le roulement du sonnerre, je ne les admets, que parce qu’elles me paroiflenc feules propres à expliquer ce météore ; car d’ailleurs j'en ignore la nature & lacaufe ; puifqu'on ne peut les attribuer à l’ar 2rftammable, {ans qu'on en fuppofe une nouvelle produdion dans le phénomène mêne : ce qui jufqu'ici feroit une hypothèfe, non improbable, mais gratuite, 28. La difcuflion à laquelle les queftions de M, LiBEs viennent de me conduire, me fervira en même-tems d'exemple de ce que j'ai dir, que la Phyfique réelle ne perd rien du côté de la précifcon , quoiqu’e!le Jaile des doutes par-rout ; qu'elle fatisfait plus l'enrendemeue que Ja Pbyfiqne zominale , quoiqu’elle lui offre beaucoup moiss, & qu'elle faitnaître bien plus &’efpérance de découvrir des caufes dans la nature, -quoique jufu’ici elle n'en manifefte que fort peu. Tout ce que je me flatte d'avoir fait pour la Méréorologie, c'eft d’en avoir écarté des idées de caufes qui n’éroient pas réelles, & d’y avoir montré, foir par voie d'exclufion , foi par des indices pofitifs, les ef; èces , ou les genres, des caufes que nous devons y chercher, Je nréfenterai donc à ce fojet une 392 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, remarque générale à M. Ligss, à l'occafion de ce qu'il dit dans une note de fon premier Mémoire ; « que fi même la décompofition de l'eau » n'étoit pas démontrée, elle s'adapte fi bien aux phénomènes de la » nature,queles phyficiens devroient l’admettre comme pure hyporhèle». Mais cecine peut s'appliquer qu’à une Phyfique formulaire, qui fe renferme dans certaines clafles de faits; car fi pourtant l’Ayporhefe r'a pas fon fondement dans la nature, elle nous empêchera sûrement de faire des progrès dans la Phyfique réelle. Je vais examiner la Zo&rine des néologues fous ce point de vue; & comme je ne cherche que la vérité, je prie les phyfciens de fuivre cet examen, pour me redrefler s’il n’eft pas jufte, ou s’il l’eft, pour en pefer les conféquences. 29. Ce que nous trouvons de fondamental dans les divers ouvrages publiés par les inventeurs de la nouvelle doërine, eft d’abord un certain nombre de grands fairs, que nous ne leur devons qu'en petite partie, le refte ayant été découvert-par d’autres phyficiens ; je parle ici des faits fondamentaux ; car nous leur en devons un grand nombre d’autres, fort intéreffans en eux-mêmes , mais de clafles fubordonnées, Nous devons encore à leur grande habileté dans les expériences chimiques , beaucoup de précifion dans la détermination des phénomènes fondamentaux , par où ils nous ont fourni les vraies /oix de ces phénomènes dans des cir- canftances déterminées. Mais jufques-là ce n’eft pas leur doërine : nous ne leur devons à cet égard que de reconnoître (& en mon particulier je J'ai coujours fait ) qu'ils fe font diflingués entre les phyfciens, qui , dans notre génération, ont accru le nombre des fais & des dérerminations de Loix, provifion commune à tous les phyficiens. 30. Ce qui caradérife donc la doérine des néologues, c'eft qu’elle transforme en idées de caufes , des loix qui n'en indiquent aucune fans commentaire. Ce ne feroit-là fans doute que La pratique conftante en Phyfque , s'ils reconnoifloient qu'ils commentent : mais ils ne le recon- noiflent pas; & c'eft ce qui fera pour quelque tems une forte de crife en Phyfique, parce qu'il faut du tems pour furmonter le torrent de l'opinion. C'eit donc ainf qu'ils énoncent comme faits, leurs propofitions fonda- mentales fuivantes, Première propofition. La bafe de l'air déphlogifliqué ef le principe acidiftant de tous Les acides ( propolition conclue des faits analogues à celui-ci, que quand on brüle du foufre dans l'air déphlo- giflique , le foufre & cet air font détruits, laïffant une liqueur acide ), Seconde propofition. L'eau ef? sompofèe des bafes de l'air déphlogifliqué & de l'air inflammable ( déduite principalement , de ce qu’en confumanc ces deux airs , on obrienr d2 l’eau). Troifième propolfition, L'air inflam- mable eff un des ingrédiens de l'eau (conféquence de la propofition précédente ). Quatrième propolition. Le charbon pur , comme fubflance fimple , efl une bafe'acidifrable (dédvite de ce qu'en brûlant ce charbon dans de l'air déphlopifliqué , fuppolé principe acidifiant , on obtient un VU. ON RE VUS SUR L’'HIST, NATURELLE ET LES ARTS, 393 un ar particulier connu fous le nom d'air fixe , mais qu’en conféquence de toutes ces déduélions , on nomme gaz acide carbonique ). 31. Nous n'avons donc plus les faz/s dans la duétrine des néologues ; nous n’y avons que des propofirions déduires de ces faits : les quatre que je viens d’énoncer forment la bafe de toute la doëtrine, & cette baïe dépend elle-même, d’une pierre angulaire , favoir , La feconde de ces propofitions ; fi l’eau n’elt pas un compofé des bafes de l'air déphlogifliqué & de lair inflammable , tout l'édifice s'écroule : or, comme cet édifice a beaucoup de fplendeur, il devient par-là un remora dans nos recherches ; fes architectes craignent qu'on ne fonde autour de cette pierre angulaire, de peur qu'elle ne s’ébranle, & ils évicent au moins de favorifer l'examen par leur concours: or, voiciun grand exemple des conféquences de cettecrainte chez eux , & de limitation , quant aux progrès de La Phyfique.. 32. Si l’on fe bornoit au fais à l'égard l'expérience, aujourd’hui fi fameufe , d’une production d’eau , & qu'ainfi lon dît feulement: « qu'un » mélange d'air inflammable & d'air déphlopiflique très-purs , fair en # certaine proportion, étant confumé, produit de l'eau pure, avec >» très-peu de perte de mafle, & un petit réfidu aériforme » , & qu'enfuite on comparât ce premier fair au fuivant : « que dans certaines couches » d'air très-sèches , il fe produit quelquefois une grande quantité » d’eau »', il pourroit bien venir à l’efprit, que ces deux faits ont quelqu’analogie ; mais on ne feroit pas ce raifonnement : « Puifque >» l'eau eft un compofé d'air déphlopifliqué & d'air inflammable, & que » l'air armofphérique étant feul , ne peut fournir à la compofition de æ l’eau que le premier de ces ars, il faut bien que l'atmofphère ccn= » tienne une grande quantité d'air inflammable : & puilque cette æ quantité, diminuant à chaque pluie, doit fe renouveller , il faut bien >» que la vapeur aqueufe qui difparoît dans l’atmofphère , s'y décompofe >» en a?r inflammable & air déphlogifliqué ». Vel a été le raifonnement de M. Liges, dans lequel il a été entraîné par le feul chinzement du verbe produire en celui de former dans le premier fair : change nent qui feul a donné naïffance à la zouvelle doctrine. Alors il ne refte aucune apparence de doute fur la juftefle du raifonnement , par où l’on ne fonge pas même à aller obferver les couches élevées de l’air, pour examiner les phénomènes qui s'y paflenc, & chercher fi en effec il s’y trouve quelquefois beaucoup d'air inflammable. On ne fonge pas à fe repréfenter toutes les conféquences qui devroient réfulter de la préfence de cet air, pour s’aflurer fi elles exiftent : avec l'idée, féconde en idées pareilles , 4e la compofition & décompoftrion de l’eau, on explique par-tout la néture, fans l’obferver, & ainfi fans fon acquiefcement, & néanmoins on remplie le langage de mots tirés de cette hypothèfe; par où, fans laiffer à nos fuccefleurs aucun commencement de fil pour les acheminer dans le Tome XXXVIII, Part, I, 1791, MAL D dd 594 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, labyrinthe de la nature, on leur prépare une confufion de langage, qui les dégoûtera même de chercher les faits découverts dans ces rems-ci. J'elpère que les démonffrations que j'ai raflemblées dans certe Lettre, * de l'incertitude de la nouvelle doëtrine chimique, & les indices que j'y ai donnés de fon 2mprobabilité , commenceront à calmer l’enthoufiame qu'elle infpire, & que fes partifans a@uels écouteront ainfi avec plus d'attention, tout ce qui me refte à dire du mal qu’elle fait à la Phyfique. Je “fuis, &c. Londres, le 22 Avril 1791. Je vous prie, Monfieur, d'ajouter ceci au bas de ma Lestre darée de Windfor le 11 de ce mois. — J'y ai fait mention d’une Lettre que j'avois écrite à M. DE LA PLACE deftinée aux Anrales de Chimie ; mais je viens de recevoir de fa part une réponfe à cette Lettre qui en change la deftinarion. M. DE LA PLACE , comme j'en étois bien sûr, n'oppofe rien à la publication conjointe de nos Lettres, mais il me propofe de traiter dans une correfpondance particulière les queftions contenues dans la mienne, & j'y confens très-volontiers. Quand deux perfonnes ont fincérement le deffein de s’entendre & d'arriver à quelque point commun, elles y parviennent plus sûrement & en moins de tems, dans ure corref- pondance privée que par des Lettres publiques, & j’efpère que nous nous rapprocherons M. DE LA PLACE & moi. EEE DEL A;:G OMBUSTION: Par J.C. DELAMÉTHERIE. M, LGRÉ mon éloïgnement à revenir fur tout ce qui tient à la combuftion, & au principe de l'inflammabilité , j'y fuis forcé par une erreur que j'ai commife faute d’être familiarifé avec la langue angloife ; je préfenterai en même-tems quelques nouveaux développemens, M. Berchollet , dans fon ouvrage fur la Teinture, a relevé cette erreur dans le pañfage fuivant (rome I, page 170 ) : « Pendant que l’hydrogène > $& le charbon fe combinent avec l’air vital qui forme à-peu-près le quart » de Pair armofphérique, le calorique ou principe de la chaleur qui > étoit combiné avec l'air vital & qui lui donnoit l’état élaflique , fe > dégage en grande partie, Il s’en dégage peut-être aufli une portion du > charbon, & fur-tour de l'hydrogène, qui étoit contenudans le corps » combuftible. Telle eft Porigine de la chaleur qui eft produite par la » combuftion », Et il ajoute en note : SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 395 æ Quoique la théorie de la chaleur ait fait de grands progrès, & que » de nos jours elle ait produit des ouvrages de génie , on fera peut-être » toujours réduit à confidérer les principes qu'on établit fur fa nature & » fur fes combinaifons comme des fppofirions par le moyen d:fquelles >» on peut lier les phénomènes qu'elle préfente & expliquer les loix qu'elle » fui, » Lorfqu'on regarde l'air vital comme la fource de la chaleur qui fe » dégage de la combultion, l’on ne prétend pas que les corps qui » brülent ny contribuent point eux-mêmes, quoiqu'en fixant fon >» attention fur la caufe principale de ce phénomène, on fe foic quelque- » fois contenté de l'indiquer feule. . . .Si l’on fair attention que dans >» les combuftions accompagnées de Aamnie l’air vital perd plus ou moins » fon état élaftique, l’on conviendra que cette théorie eft au moins » probable & farisfaifante. » Parmi les corps qui peuvent contribuer le plus à la chaleur , le gaz » hydrogène doit certainement tenir le premier rang. Or, la théorie qui » attribue principalement à l'air vital la chaleur , qui fe dégage dans la >» combuftion , s’applique même à celle de ce gaz. Néanmoins l'on en a » tiré une objection qu’on a préfentée avec une af]urance dédaigneufe , » en faifant une application faufle des expériences de M. Crawford. » M. Crawford a déterminé les rapports de chaleur fpécifique des corps; » en comparant leurs mafles & non leurs volumes. Or, il faut 85 parties » d'oxigène ( pefantes) avec quinze parties d'hydrogène. La quantité de >» chaleur dégagée de l’air vital, ou gaz oxigène, doit donc êrre à celle qui » eft produite par le gaz hydrogène dans le rapport de 8$ à 75 , ou de D» 17 à1$>. J'avois cru que M. Crawford avoit calculé la chaleur fpéciñque d’après Jes volumes; & comme il faut deux parties (en volume ) d'hydrogène ou air inflammable contre une d’air pur, j'en avois conclu que d’après la table de M. Crawford , & les principes de la nouvelle théorie, l'air pur ne fournifloit qu'un dixième ou un onzième de la chaleur dégagée pendane La combultion de ces deux airs; mais puifque M. Crawford calcule d’apr's la mafle, Pair pur fournira dans cette hypochèfe un peu plus de la moitié de la chaleur. Je prie le Lecteur de faire attention aux paroles du célèbre chimifte que je viens de citer. « On fera peut-être toujours réduit à confidérer les > principes qu'on établit fur fa nature, & fes combinaifons (de la » chaleur) comme des fuppoftions ». Comment d’après cet aveu peut- on regarder comme démontréela nouvellethéorie chimique, qui cependant repofe route fur cette théorie de la chaleur & fur différentes autres bypothèfes ? Enfin , M. Berthollet convient , « que dans la combuftion la chaleur » ne vient pas uniquement de l'air pur , mais qu'il en eft fourni par les Tome XXXVIIT, Part. I, 1791. MAL, Ddd 2 396 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, » corps qui brülent ». Je n'ai jamais prétendu autre chofe; & j'ai dit que dans la combuftion la chaleur & la lumière étoient fournies & par les corps combuftibles & par l'air pur, mais en plus grande quantité par les premiers, ; ; Nous voilà donc d’accord. Toute cette fameufe difpute eft terminée, & fe réduit à une querelle de mots. On fubftirue le mot CALORIQUE COMBINÉ , à celui DE PHLOGISTIQUE OU PRINCIPE IN- FLAMMABLE ; car par principe inflammable je n'ai jamais entendu que La fubflance qui dans la combuflion fournit la flamme , ou La chaleur & la lumière ; mais d'ailleurs on convient unanimement que dans la combuftion , les corps combuflibles fourniffent de la lumière & de la chaleur ; l’air pur fournit de la lumière & de la chaleur: il ne s’agira plus que d’en déterminer la quantité refpective. Mais peut-on dire avec M. Bertholler, « que ce foit le calorique ou » principe de la chaleur qui étoit combiné avec l'air viral, & qui lui » donnoit l’état élaftique », qui fournifle la portion de chaleur & de lumière due à l'air pur dans l’acte de la combuftion ? Je ne le crois pas, d’après les principes mêmes de la nouvelle théorie & d'après rous les faits. Dans la combuftion il y a non-feulement dégagement de chaleur ou calorique , mais encore dégagement de lumière. Or, dans la nouvelle théorie la chaleur ou calorique & la lumière font deux êtres différens. La lumière eft placée à la tête du tableau de la nouvelle nomenclature, & regardée comme un être fimple. Le calorique eft le fecond dans ce même tableau, également regardé comme un être fimple , & il eft défigné par chaleur latente ou matière de la chaleur fuivant les noms anciens : donc le calorique combiné qui tient l'air pur à l'état aériforme , n'eft pas fufhfant pour produire la portion des effets dus à l'air pur dans la combuftion. D'ailleurs il me femble que le principe qui dans la combuftion produit la portion des effets dus à l’air pur ne fauroit être le calorique combiné que tient l'air pur à létat élaflique ; car nous avons une foule de phénomènes, où l'air pur n’étant pas à l'état élafique produit les mêmes effets que lorfqu’il eft à l’état élaftique. L'air pur dans l'acide nitreux, dans l'acide marin déphlogiftiqué , dans des chaux métalliques, &c. n’eft pas à l’étar élaftique, Or, il produit les mêmes effets que lorfqu'il eft à l'étar élaftique. Toutes les combinaifons du nitre avec les corps com- buftibles brülent avec activité. Prenons pour exemple la poudre à canon. Suppofons un monceau de plufieurs milliers de poudre, & que la tempé- rature foit la plus froide poffible. L'érincelle légère d'un briquet enflam- mera cette poudre, produira une explofion terrible, & dégagera une quantité énorme de chaleur, calorique & de lumière. Si la poudre étroit faire avec le fel marin déphlooiftiqué, ou muriate de potafle oxigéné , on pourroit l’enflammer fans étincelle , mais feule- pu lotte SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 397 ment par un frottement un peu violent, comme le prouve la terrible expérience d’Effone. La chaux fulminante d'argent détonne par le plus léger attouchemenr. Or, dans certe chaux l'air pur n'y eft pas à l’état élaftique, l'air inflam mable de l’alkali volatil n’y eft pas à l’état élaftique ( c’eft-à-dire, à l’état aériforme ). Le chaux d’or fulminant détonne également par le frottemenr. Dans routes ces expériences l'air pur n’eft point à l’état élaftique. L'air inflammable, le charbon , le foufre , ne font point à l’étar élaftique. Cependant ily a dégagement d’une énorme quantité de chaleur, calorique & de lumière: donc cette chaleur & certe lumière viennent d’une autre caufe, Bergman & tous les phyficiens conviennent qu'il pourroït y avoir un degré de froid fuffñfant pour ôter à l'air fon état élaftique. Cependant il n'en feroit pas moins propre à la combuftion. Au moins voyons-nous que jamais il ne favorile plus la combuftion , que dans nos grands froids qui n'ont pas cette intenfité, il.eft vrai, La même vérité peut fe prouver par d’autres faits : c’eft que l’air pur peut perdre fon état élaftique, & fe combiner fans qu'il y ait dégagement de lumière ni d’une certaine quantité de chaleur, Lorfqu'on combine de l'air pur & de l'air nitreux, en quelque quantité que ce foir, on n’a jamais de lumière, mais feulement un degré de chaleur bien inférieur à celui qui fe dégage dans la moindre combuftion. Il en eft de même dans toutes les autres combinaifons de cet air où il n’y a pas combuftion. Enfin, le calorique qui tient l'air pur à l’état élaftique n’eft pas différent de ce calorique qui tienc les autres airs ou gaz, & les autres corps au même état aériforme ou élaftique. Pourquoi lorfque ces corps ceflenc d’être à l'état élaftique ne donneroient-ils pa: également de la lumière &c. de la chaleur ? & jamais ils n’en donnent. Tous ces faits me paroiflent établir, aufli bien qu'un fait phyfique peut l'être, que la portion des effets dus à l'air pur dans la combuftion n’eft point düe au calorique combiné qui tient l'air pur à l'état élaflique. Ce ne peut pas être non plus le feul calorique ou chaleur, qui pourroic être combiné dans les corps combuftibles, qui produira la portion des effets dus à ces corps combuftibles dans la combuftion , puifque, comme je viens de le dire, le calorique, fuivant le tableau de la nouvelle nomen- clature, n'eft que la chaleur latente ou matière de la chaleur ; & que dans Ja cotnbuftion , non-feulement il y a dégagement de chaleur ou de calorique , mais encore de lumière, qui , dans la nouvelle nomenclature, eftun élément différent du calorique. Voici maintenant les différentes queftions qui fe préfentent à réfoudre. La matière de la chaleur , le calorique, & la lumière qui fe dévagent , foit de l'air pur, {dit des corps combuftibles dans Paéte de la combuftion, 398 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE; font-ils combinés féparément dans ces corps © ou forment-ils un feul compofé auquel on donnera un nom quelconque, x, fi l’on veut ? Ou le calorique & la lumière ne peuvent-ils fe combiner feuls? & ont-ils befoin de quelques intermédiaires , foit «le l’eau , foit de l’air, ou tout autre corps pour former ce principe inconnu x, qui dans la combuftion donne la chaleur & la lumière? Ça été le fentiment de Stahl que j'avois adopté en regardant ce principe x comme l'air inammable, É Obfervons bien que, comme le dit M. Bercholler, toutes ces théories de la chaleur ne font que des füppofitions , que des kypothèfes, par lkfquelles on cherche à expliquer les phénomènes. Suppofons que la chaleur, calorique, & la lumière peuvent fe combiner feuls & fans intermédiaires , il fera au moins certain que le principe x, qui dans la combuftion donne la chaleur & la lumière , ne fera pas la chaleur ou calorique feu] , ni la lumière feule, mais fera ou ces deux principes féparés , ou un compofé de ces deux principes fimples de la nouvelle nomenclature. Or, ff l’on veut donner à ce principe x compofé de la fimple réunion de la chaleur & de la Jumière, ou de leur combi- paifon , un nom, aucun ne me paroît Jui mieux convenir que celui de Principe inflammable , principe qui donne la flamme, la lumière & la chaleur, Si cependant ce nom choque les prétentions de renverfer toute idée de principe de linflammabilité , confervons-lui le nom x ; car pourvu que nous nous entendions, c'eft tout ce qu’il faut ; & pour lors les auteurs de la nouvelle nomenclature auront le rems d’inventer un nouveau nom que nous adopterons volontiers, s’il eft bon. Ce principe x quelconque exiftera donc & dans l'air pur, & dans les corps combuftibles ; mais il me paroît abfolument différer & de la chaleur latente, ou du fimple calorique , qui tient l'air pur ou les autres corps à l'érat aériforme ou à l’état élaftique; car l'air pur , l’air inflammable & les autres corps ne perdent point ce principe en ceffant d’être à l’état élaftique. On ne fauroit non plus le confondre avec la chaleur rayonnante de Schéele, Ce principe x paroîr effentiel aux corps combuftibles & à l’air pur qui chargent de nature lorfqu'ils en font dépouillés. Pour rendre route cette théorie plus fenfible, je vais rapporter la comparaifon que j'ai déjà employée. Suppofons un corps'r quelconque, dont l’eau foit un des principes conftituans , laquelle fe trouvera toujours avec un autre principe, l'air, par exemple, foit qu'elle foit combinée avec lui, foit qu’elle lui foit fimplement réunie. Suppofons encore que ce corps raît plus ou moins d’affinité avec l’eau, ce que nous appellerons gualité hy grométrique. Certe propriété ou capacité hygrométrique variera en raifon de l’affinité qu’aura ce corps 7 avec l’eau , ou de la capacité qu’il aura à attirer les molécules d’eau qui viendront s’interpofer entre fes parties. Nous connoiflons un grand nombre de ces corps, tels que différens SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 3c9 fels, le cheveu préparé de M. de Sauflure , la lame de baleine de M. de Luc, &c. Ces corps contiendront donc , 1°. une eau principe, une eau combinée, dont ils ne feront dépouillés que lors de leur décompofition ; 2°, une portion d'eau hygrométrique ou eau latente, qui fera en raifon compofée de l'humidité de Patmofphère, & de la qualité hygrométrique de ces corps, ou leur capacité à attirer cetre humidité, Le fel marin calcaire , & le vitriol de foude ou fel de Glauber, ont une eau principe. Expofés à l'air, l’un s’effleurira & l'autre rombera en liqueur , en raifon de leur capacité à attirer l'eau de l’atmofphère entre leurs parties. L'eau Aygrométrique variera donc dans ces corps, fans que l’eau qui en eft principe, foit qu’elle foit unie fimplement avec l'air, foir qu'elle foit combinée avec lui, ceffe d'y être toujours en même quantité. La chaleur latente, la chaleur fpécifique pourra donc varier également dans Les corps, & fera en raifon compofée de la chaleur extérieure & de leur capacité ou affinité à attirer cette chaleur extérieure entre lears parties; mais la chaleur qui eft un des principes de ces corps, le calorique combiné, foit qu'il foit fmplement uni avec la lumière, ou qu'il y ait combinaifon entreux, ne vatiera pas, & fera toujours la même jufqu'à ce qu'elle foit dégagée de ces corps par de nouvelles affinités : & c’eft ce qui arrive dans la combuftion. L'air pur & le corps gombuftible S’uniflenc par des affinités fupérieures, foit à la fimpie température extérieure, comme dans la combuftion du pyrophore, foie à une plus haute température , comme dans la combuftion des autres corps. Le principe x fe dégage avec chaleur & lumière, Il y a un grand nombre de pareilles affinités qui ne peuvent s'exercer qu'avec le fecours de la chaleur extérieure. L'acide vitriolique concentré, par exemple, n’agit fur la plupart des métaux qu'avec le fecours de la chaleur, portée fouvent jufqu’à tenir l'acide à l’état d’ébullition. La combuftion n’eft donc que la combinaifon du corps combuñible & de l’air pur accompagnée ou produifant le dégagement du principe x, c’eft-à-dire, de la chaleur, calorique, & de la lumière, foit que ceite chaleur , calorique, & certe lumière foient combinées féparément dans ces corps , foit qu'ils y foient combinés fous la forme d’un feul compofé, ou que ce compofé contienne avec la lumière & la chaleur, calorique, d’autres corps quelconques, comme le penfoit Stahl. Ray, Mayou, Hales, &c. avoient bien vu que dans toute combuftion il y avoit combinaïifon d’un air que les expériences de MM. Bayen & Prieftley ont enfuite démontré être l’air pur , mais cette vérité n’avoit pas été aflez fentie par les phyfciens & les chimiftes de leurs tems. Elle a été mife de nos jours hors de tout doute : les auteurs de la nouvelle nomenclature en avoient tiré la conféquence que la combultion n'étoit que cetteunion du combuftible & de l'air pur , lequel perdoit fon calorique combiné qui le renoit à l’état élaflique, Us en conciuoient que , 400 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, les acides vitriolique , phofphorique, carbonique ( air fixe) , les chaux & les acides métalliques , &c. n'étoient que le foufre , le phofphore, le charbon, les fubitances métalliques , &c. combinés avec l'oxigène, c'eft-à-dire, l'air pur dépouillé de fon calorique. M. Berchollet convenant aujourd’hui que dans la combuftion, le combuftible fournit ainfi que l'air pur du calorique & de la lumière, c'eft-à-dire, le principe x, fera donc également obligé d’avouer que les acides vitriolique, phofphorique , carbonique , métalliques , &c. font le foufre, le phofphore, le charbon, les métaux, &c. moins leur prin= cipe x, c’elt-à-dire, leur chaleur & leur lumière, plus l'air pur moins fon principe x, c'eft-à-dire, fa chaleur, calorique & lumière , & que par conféquent le foufre, le phofphore, le charbon, les métaux, &c. ne font point des êtres fimples. J’avois avancé & je penfe toujours que dans le foufre , le phofphore, les métaux, &c. les principes de l'acide y font réellement exiftans , ainfi que l’a dit Stahl, & y font combinés avec un ou d’autres principes , qui Les empêchent de jouir de toutes leurs qualités. Je comparai ces fubftances au fucre (1), par exemple, qui dans la diftillatior donne de l'air inflammable, de l'air fixe, &c. & enfuite un acide bien développé , & je difois l'acide végétal eft enveloppé dans le fucre & les corps muqueux, comme l’eft l'acide vitriolique dans le foufre. Je vais faire voir que mes adverfaires font obligés d'en convenir eux-mêmes. M. Lavoilier regarde le fucre comme un oxide, compofé de 0,64 oxi- gène, 0,28 carbone, 0,08 hydrogène (2) ou 8 parties oxigène, 3 À cat- bone, 1 hydrogène. Tous les corps muqueux font, fuivant lui, compofés des mêmes principes , ainfi que Île lait & routes les fubftances dont on retire les acides animaux , tels que l'acide lactique , l'acide fachlactique , l'acide formicin, &c. Si on ajoute au fucre une plus grande quantité d’oxigène, il paflera à l’érat d'acide ; car ce chimifte après avoir développé les phénomènes de la fermentation fpiritueufe du fucre, fuir ceux de la fermentation acéteufe , & il dit(3): « La fermentation acéteufe n’eft autre chofe que l'acidif- » cation du vin par l’abforption de l’oxivène. L’acide acéteux eft com- » pofé d’une proportion qui n’a pas encore été déterminée d’hydrogène, » de carbone combinés enfemble , & portés à l’état d’acide par l’oxigène », Et ailleurs (4) : « L’acide acéteux eft compofé des mêmes principes que » l'acide tartareux , l'acide oxalique ( ou faccharin), l’acide citrique , > l'acide malique, &c. mais la proportion de ces principes eft différente EEE (1) Effai fur lAir pur, & dans ce Journal. (2) Traité élémentaire de Chimie, page 142. (3) Page 169. (4) Page 205. 3» pour SUR L'HIST. NATURELIE ET LES ARTS. 4or # pour chacun de ces acides, & il paroît que l'acide acéteux eft Le plus » oxigéné de tous ». Voici les conféquences que je crois pouvoir tirer de ces fuppofitions. Le fucre eft compofé de 8 oxigène, 3 + carbone, 1 hydrogène: les acides tartareux, faccharin , citrique, malique, acéteux , font compofés de charbon d'hydrogène & d’une quantité plus ou moins grande d’oxigène que M. Lavoifier ne détermine pas. Suppofons que le charbon & l'hydro- gène étant toujours les mêmes, l’oxygène foit 80 dans l'acide cartareux, 100 dans l’acide faccharin , & 128 dans l’acide acéteux. Pour faire paffer le fucre à l'état de ces acides il faudra donc lui ajouter différentes quantités d'oxigène. Mais on pourroit encore convertir le fucre en ces acides d’une autre manière ; favoir, en lui enlevant du charbon & de l'hydrogène , de forte que l’oxigène qui eft naturellement dans le fucre fe retrouve dans les mêmes proportions que lorfqu'on y a ajouté de l’oxigène. Dans le fucre l’oxigène y eft 8, le charbon 3 ?, l'hydrogène 1. Nous avons fuppofé que dans l'acide acéteux l’hydrogène étant 1 , le charbon 3 ©, l'oxigène y feroit 16.Ocons donc du fucre la moitié de fon hydrogène & de fon charbon fans toucher à fon oxigène, les mêmes proportions fe retrouveront, & nous aurons fair paffer le fucre à l’état d'acide acéteux fans addirion d’oxigène. Je puis donc me fervir également de ces deux expreflions : L’acide acéreux eft le fucre plus une portion d'oxigène ; L'acide acéteux eft le fucre moins une portion de charbon & d'hydrogène, Ces deux propofitions font identiques. La première exprime le fentiment de M. Lavoilier. La feconde exprime celui de Stahl , tel que je le modifie. On doit dire la même chofe de tous les corps muqueux , de tous les acides végétaux & de toutes les fubftances qui fourniflent les acides animaux, d’après les données de M. Lavoifier lui-même. Les acides végétaux & animaux font donc compofés, 1°. d’air pur ou oxigène ; 2°. d’air inflammable ou hydrooène ; 3°. d’un principe 7 que M. Lavoifier appelle carbone, mais je crois ce charbon compefé, Ces acides font contenus dans le fucre, les corps muqueux , &c. dont ils ne diffèrent que par une plus grande quantité d’oxigène. La théorie de Stahl, telle que je la modifie, eft donc démontrée pour les acides végétaux & animaux, même de l’aveu de nos adverfaires. J'ejoute qu'elle eft au moins très-probable pour les acides minéraux 3 & j'ai d’abord pour moi, l'analogie qui dit, que des fubftances femblables font compofées des mêmes principes; qu’ainf les acides minéraux doivent ayoir des parties intégrantes , des principes analogues, à celles des acides végétaux & animaux, Effectivement, fuppofons que les acides vitriolique , phofphorique Tome XXXVIII, Part, 1, 1791. MALI, Eee 402 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, métalliques foient aufli compofés , 1°. d’air pur, 2°. d'air inflammable, 3°: d’un ou plufieurs principes quelconques #, É Suppofons encore que le foufre , le phofphore les métaux font des oxides, pour me fervir de l’expreffion de M. Lavoifier , c'eft-à-dire, des fubftances analogues au fucre, compofées d’une portion m d’oxigène , d’une portion # d'hydrogène & d’une portion o d'un ou plufeurs principes #. Si on ajoute à ces compofés une quantité g d’oxigène , ils deviendront acides. Si au lieu de leur ajouter de l’oxigène , on diminue leur portion m d'hydrogène & o du principe Ÿ , de manière que l’oxigène foir roujours dans la même proportion que dans les acides , ces compolés feront encore devenus acides. Il fera donc vrai dans cerre hypothèfe, que le foufre, le phofphore, les métaux, pourront pafler à l'érat d’acides ou par la fouftraction du principe #7 & de l'hydrogène , ou par l'addiion de l'oxigène , de l'air pur. Ces deux propolitions, L'acide vitriolique eft le foufre plus une portion d’oxisène; L'acide vitriolique eft le foufre moins üne portion d'hydrogène & du principe 7”, Seront également vraies dans cette hypothèfe. C’eft tout ce que j'ai cherché à établit. Or, l'hypothèfe de regarder le foufre , le phofphore, les métaux comme des oxides, ou compofés d’air pur (oxigène ), d'air inflammable (hydro- gène ), & d'un ou plufeurs principes #”, eft au moins aufli probable que celle de les regarder comme des êtres fimples : ainfi je pourrois la foutenir comme on foutient l'oppofée, Mais je vais plus loin , & il me femble que cette hypothèfe eft plus probable. M. Lavoifier convient lui-même que ces fabftance ne font pas fimples, « fans doute un jour ces fubftances qui font {imples pour nous » feront décompofées (1) ». M. Berthollet convient qu'elles doivent au moins contenir le principe # qui dans la combuftion donne la chaleur & la lumière. Il refte donc à prouver que ce font des compofés analogues au fucre. ï Le raifort , la patience contiennent du foufre. Margraf a retiré du phofphore de la graine de finapi, & depuis il a été prouvé que le phof- phore fe trouve dans la matière glutineufe de rous les végéraux. Or, ce foufre & ce phofphore ne font ni dans la terre végétale, ni dans les eaux, ni dans l'air : il faut donc qu'ils aient été produits par les forces de la végétation , qui n’a pu employer pour la formation de ces fubftances , comme pour celle du fucre , que les airs, le feu , la lumière , le fluide électrique , le fluide magnétique, l’eau, &c. a ————— — ———— ——————— —" ——— — — — ——— —" ———— “— ————— "2 {1) Nomenclature chimique , page 37- SUR L’'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 403 Les plantes contiennent encore du fer, de l'or; car on n'a difputé que fur Ja quantité de ce dernier, & de la manganèfe qu'y a démontré Schéele. Dans la combuftion du foufre & du phofphore on obtient toujours un acide érendu d’eau. Certe eau paroît due à la combuftion d’une portion d'air inflammable, principe de ce corps, & d’air pur. Le foufre, le phofphore, les métaux, préfentent les mêmes phénomènes lorfqu’ils font traités avec l'acide nitreux, que le fucre. ILy a bezucoup d'air nitreux dégagé, & production d’acide. La combuftion du fucre avec l'air pur eft différente, il eft vrai, de celle du foufre, du phofphore , des métaux , parce que le premier {e décom- — pole à ce degré de chaleur ; mais s’il ne fe décompofoit pas, nous aurions les mêmes phénomènes. La calcination de certains métaux à l'air libre , tels que Le plomb , l’étain, &c. fe fair comme le viaaigre par f'abforption de l’air pur de l’armofphère. l Tous ces faits & beaucoup d’autres me paroiflent donc établir, 1°. que le foufre , le phofphore , les métaux ne font pas plus des êtres fimples que le fucre ; 2°. qu'ils contiennent au moins le principe x ou le principe qui dans la combuftion donne la chaleur & la lumière; 3°. qu’il eft probable que ce font des fubftances analogues au fucre , compofées d’air-pur , d’ait, inflammable & d’un principe F; 4°. qu'ils peuvent pafler, ainfi que le fucre, à l’état d’acide où par l'addition d’oxigène, ou par fouftration de l'hydrogène & du principe 7. . J'en conclus que la théorie de Stabl, telle que je la modifie, eft , 1°. démontrée relativement au fucre , au corps muqueux , &c. aux acides végétaux & animaux; 2°. que relativement au foufre, au phofphore & aux métaux, elle eft plus probable que la théorie oppofée ; 3°. qu'il exifte un principe x qui dans la combuftior donne la chaleur calorique & la Jumière. C’eft ce principe x que Stahl , & rous ceux qui fuivent fa doctrine ,. ont appelé principe inflammable , phlogiflique , c'eft-à-dire, le principe qui dans la combuftion donne la flamme , la chaleur & la lumière. La nature de ce principe x elt encore inconnue ; mais il paroît certain qu'il diffère du calorique combiné qui tient l'air pur à l’état élaflique. Lan SE ——— NOUVELLES LITTÉRAIRES. Vo YAGE dans les Erats-Unis de P Amérique, fait en 1784 par SMITH , traduit de l’Anglois, par M. DE B...., contenant une, Defcriprion de fa fituation préfente, de fa Population, Agriculture, Tome XXXV III, Part. I, 1791. MAL. Eee 2 404 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, Commerce, Coutumes & Mœurs de fes Habitans , des Nations Indiennes, & des principales Villes & Rivières, avec quelques Anecdotes fur plufieurs Membres du Congrès & Officiers généraux de l'Armée Américaine, 1 vol, in-8°, de $oo pages. Prix, 4 liv. 10 Jôts broché & $ Liv. franc de port par la pofle. À Paris , chez Buiflon , Imprimeur & Libraire, rue Haute-Feuille, N°, 20. Tout ce qui nous retrace l'importante révolution d'Amérique eft faie pour nous attacher, par la grande influence qu'elle a eu fur la nôtre. Nous dirons feulement que M. Smith étoit un ariftocrate de ce tenis-là. Nouveau Voyage dans les Etats-Unis de P Amérique feptentrionale, fait en 1788 , par J. P. Brissor WARVILLE, Citoyen François, 3 vol. in-8°. formant environ 1400 pages. Prix , 13 liv. brochés 6 14 Liv. 10 fois francs de port par la pofle. À Paris, chez Buillon, Imprimeur & Libraire, rue Haute-Feuille, N°. 20. M. Briflot fit un voyage en 1788 dans les Etats-Unis pour en étudier le gouvernement , apprendre à connoître les mœurs de fes habitans, voir leurs fols, leurs richefles , leurs reflources, &c. le patriotifme de l’auteur eft connu, ainfi que fon talent, Cet ouvrage ne peut donc qu'intérefler dans ce moment principalement, Il ne faut pas confondre les deux Voyages dans les Etats-Unis , qui aroiffent en ce momenr, l’un fous le nom de Smith , l'autre fous celui de M. Briflot. Le premier a été fait pendant la dernière guerre, le fecond a été fair en l'année 1788. Le premier embrafle principalement la defcription des Etats du midi; le fecond concerne principalement les Etats de l’eft & du milieu. Le premier offre des réflexions phyfiques & topographiques , & des obfervations fur Ja dernière guerre : le fecond eft un tableau moral, politique & commercial des Etats-Unis. On y voit tous leurs développemens depuis la paix. D’après ce parallèle, on voit que Lun & autre fe fervent naturellement de fupplémenr, Recherches fur La nature & les caufes de la Richeffe des Nations , traduites de © Anglois de M. SmiTH, fur la quatrième & derniere édition , par M, RoOUCHER , & fuivies d'un volume de Notes , par M. DE CoNvorcET , rome 1W, in-8°. de 600 pages : ce volume termine SMITH. Le tome V qui paroîtra incefjamment , fera compolë des Notes de M. DE CONDORCET & d'une Table analytique & raifonnée de tout l'Ouvrage. À Paris, chez Buiflon, Libraire & Impri- meur, rue Haute-Feuille, N°, 20. Prix, 4 liv. 10 fols le volume broché & $ liv. franc de port par la polte. Nous avons déjà annoncé les deux premiers volumes de cette tra- dudion, Ceux-ci fonc faits avec le même foin, ie à SUR L'HIST. NATURELLE ET LES. ARTS. 40ÿ Æconomie rurale € civile , ou Moyensles plus économiques d’admi- * niflrer & faire valoir fes biens de Campagne & de Ville ; de conduire fes Affaires litigieufes ; de régler fa Maïfon , fa Dépenfe, fes Achats & Ventes ; d'exécuter ou faire exécuter les Ouvrages des Arts & Métiers de l'ufage le plus ordinaire ; de confèrver & rétablir fa Santé € celle des Animaux domefliques, &c. avec des Avis fur les préjugés, erreurs, fraudes, artifices, falfifications des Ouvriers & Mar- chands, &c. troifième partie, Exploitation des Terres ou Economie des Champs ; par M. P Abbé DE LALAUZE, l'un des coopérateurs du Cours complet d'Agriculture de M. l Abbé ROZ1ER , tome III, in-8°. de $40 pages. À Paris, chez Buiflon, Imprimeur & Libraire, rue Haute-Feuille, N°, 20. Prix , 4 liv. 10 fols, & $ liv. franc de porc par la pofte. Les nombreux Ouvrages qui dépnis quelque tems fe publient dans notre langue fur l'Agriculture, & l’accueil qu’on leur fait, annoncent qu'enfin la Nation va tourner fes vues fur cette première fource de toute richefle & de tout bonheur. La fertilité de nos fols divers qui peuvent réunir toutes fortes de productions, eft un sür moyen de fourenir certe première impulfon. Cet Ouvrage eft divifé en crois parties : Adminiflration des biens de Ville & de Campagne, dont il paroît 1 vol. Economie ou Gouvernement de la Maiïfon , 1 vol. Exploitation des Terres, & Economie des Champs, 3 vol. en tout 5 vol. ä7-8°, avec des planches, Mémoires de la vie privée de B. FRANKLIN , écrits par lui-même , & adreffés à fon fils ; Juivis d'un Précis hiflorique de fa vie politique, ecrit parun Anglois : & de diverfes piéces relatives à ce père de La liberté, 1 vol, in-8°. Prix, 3 liv. 12 fols broché , & 4 liv. 2 fols france par la pofle. À Paris, chez Buiffen, Libraire, rue Haute-Feuille , N°. 20. Tout ce qui a rapport à cet homme ami de l'humanité, ne peut qu'intérefler les ames honnètes. Catalogue méthodique & raifonné de la Colleion des Foffiles de Mademoïifelle ELÉONORE DE Ra48 ; par M. DE BorN. A Vienne; & à Strafbourg, chez Koeniy, 2 vol. i1-x2. Ce Caralogue doit être regardé comme un fyflême complet de Minéralogie, & être mis au nombre des meilleurs ouvrages en ce genre, IL réunit d’ailleurs routes les analyfes les plus récentes des minéraux. Differtation fur le Mercure , fur fes propriétés médicinales € dans les Arts, & Jur la méthode de le tirer de la Mine ; par M. Bucx'oz L’Auteur , dont on connoît la confiance dans l'étude de la nature ,re 406 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE; néglige rien de ce qu'il croit utile aux progrès des fciences. Le catalogue de fes ouvrages qu'il vient de publier, & dont la collection entière PET : : , coûteroit 2483 liv. 10 fols prouve l’immenfité de fes travaux. Cours de Chirurgie pratique fur la Maladie vénérienne, à l'ufage des Elèves en Chirurgie ; par M. C. À. LomsarD, Maitre en Chirurgie de la Ville de Dôle, Département du Jura, Chirurgien-Major erz chef de l'Hôpital militaire & auxiliaire de Strafbourg , ancien Chirurgien-Major employé en cette qualité à l'armée de Corfès Membre de plufieurs Académies, &c. deux parties. A Strafbourgs chez l’Auteur, 1790, 21-8°. Prix, 6 liv, en feuilles & 6 liv. 6 fols brochés. M. Lombard traite en maître de l’art de toutes les affetions véné- riennes , & nous aflurons que ce Livre eft non-feulement eflentiel & d'une néceflité abfolue aux élèves en Chirurgie, mais bien encore aux perfonnes inftruites. Etrrennes pour les perfonnes de tout âge & de toutes conditions , pour l'an de grace 1791. À Laufanne, chez Heubach & Fifcher; à Metz, chez Marchal, & à Nancy, chez Matthieu, 1-16. de 151 pag. avec 13 eftampes Suifles enluminées. Prix, 3 liv. 12 fols reliées. Ce petit charmant recueil annuel fera continué fur le même plan, c'elt-à-dire, qu'ilrenfermera des defcriptions , des anecdotes, des morceaux de poéfies, des traits hifloriques, finguliers & remarquables ; ce qui formera toujours un mêlange de ledures intéreffantes & amufantes. Delectus Opufculorum Botanicorum : Choix d'Opufiules de Botanique, édité & enrichi de Notes, par PAUL VETER, Doëeur en Médecine & Chirurgie, Membre des Sociétés des Curieux de la Nature de Zurich 6 de Halle, Affocié du Collège Royal de Médecine de Nanci: premier volume, avec des Planches en taille-douce. À Strafbourg, dans la Librairie académique, 1790, z-8°. de 336 pages. Ce premiér volume renferme douze excellentes Differtations fur la pefle d’eau (Hippuris), l'arbre poifon de Macaifar, un nouveau genre de gramen ( Reflo), des Obfervations de Botanique, par M. Nercrer de la Chenal, fur le fufain (Evonymus), le Calendrier zoologique & de Flore des environs d'Abo en Suède, fur les figaiers, la ftruéture & la figure des feuilles dans les plantes, l'Hiftoire de la Botanique, les plantes hybrides produites par les épis de froment & de folle-avoine, les princi- pales plantes qui croiffent fpontanément fans culture dans la principauté de Tranfylvanie, & un Effai pour fervir à ia Flore de Gottingue, contenant les végétaux qui naïflent {ur les pierres calcaires. On trouve SUR L'HIST. NATUREZLE ET LES ARTS, 407 actuellement dans la même Librairie académique , les Obfervations fur l'efficacité du mélange d'éther fulfurique & d'huile volatile de térében- thine , dans les coliques hépatiques produites par les pierres biliaires , par M. Durarde , Médecin des Etats de Bourgogne & de la ville de Dijon, ancien Profeffeur de Chimie & de Botanique, aflocié régnicole de la Société Royale de Médecine, aggrégé honoraire au Collège Royal des Médecins de Nanci, des Académies de Dijon, de Montpellier, de Clermont, 1790, in-8°. de 166 pages , fans compter une Lettre de M. Girard, Docteur en Médecine, fur les heureux effets qu'il a obtenus de l'emploi de ce nouveau remède. Programme de l Académie Royale des Sciences de Turin. L'Académie ayant en vue de remplir avec tout le zèle poñfible Ja commiflion dont le Roi l’a chargée, de s'occuper des moyens propres à perfectionner l’art de la Teinture, a cru devoir inviter le Public, & fur-rout les perfonnes les plus expérimentées en ce genre, à lui commu niquer leurs lumières. C'eft dans ce but qu'elle. propofe un prix de 4000 livres à décerner à l'Auteur qui fatisfera le mieux à la queftion fuivante : Indiquer le moyen le plus facile & en méme terms le plus économique de tirer de la guëède ( paflel ,ou voëde ),ou de toute autre plante du pays, une fecule bleue telle qu'on puiffe la fubflituer avantagcufement à l'indigo dans l'ufage de la teinture. Pour faciliter le travail à tous ceux qui voudront s'attacher à réfoudre ce problème, l’Académie publiera un petit Ouvrage ayant pour titre: Norizie pubblicate per ordine della Reale Accademia delle Scienze di Torino , relative al quefito dalla medefima propoflo, &c. Cer Ouvrage fera mis en vente dans Le mois de mars prochain, chez Jean-Michel Briolo À Imprimeur-Libraire de l’Académie. Toutes perfonnes pourront concourir, excepté les Académiciens nationaux, Les Mémoires feront écrits en latin , en italien, ou en françois, & préfentés avant la fin de l'an 1792. Dars les états du Roi, 6n pourra remettre les paquets fans les affranchir aux bureaux des poñles, à l’adreffe de M. ie Comte Felix Saint-Martin de la Mothe , Secrétaire du comité pour les teintures. 11 fera libre aux concurrens d'accompagner leur réponfe d’un biller cacheté , qui portera en dehors la même devife que le Mémoire, & dans l'intérieur duquel fera écrit Je nom & l’adrefle de l'Auteur. On n'ouvrira que les billets des Mémoires qui auront été diftingués, Mefieurs les concurrens font encore prévenus que l'Académie ne prononcera fon jugement qu’après avoir répété leurs expérience, & qu'à cec effer ils 408 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, &c. - devront , au cas qu'ils en foient requis , réitérer leurs opérations devane. fes commiffaires. Turin , le 21 Février 1791. LAB DE DEs ARTICLES CONTENUS DANS CE CAHIER: Mau OIRE fur la nature du Cerveau, & fur la propriété qu'il paroît avoir de Je conferver long-tems aprés toutes Les autres parties , dans les Corps qui fe décompofent au fein de la Terre; par M. THOURET , de la Socicté Royale de Médecine : lu à la féance: publique du 23 Février 1700, page 329 Mémoire abrégé fur lés Compofirions , Fabrications & Procédés ujites dans la Werrerie Royale des Bouteilles-du Bas-Meudon , près Paris, anciennement établie à Sevres , comparés avec les Compoft- tions, Fabrications & Procédés employés par M. PAJIOT DES. CHARMES, Sous-Infpeéteur des Manufaëlures | lors de fon expé- rience faite dans ladite Verrerie, en 1:88 & 1789, 341 EfJai fur cette queflion : Quelle eft l'influence de l'Eleétricité fur la Germination & la Wégétation des Plantes ; par M. DE RoZiËRES,: Capitaine au Corps Royal du Génie, Correfpondant de l'Académie Royale des Sciences de Paris, Membre Affocié de la Societé d'Émulation de Rourg en Breffe, de l’Académie Delphinale , de la Société philofophique des Sciences & Arts utiles de Lyon , Wice- Secrétaire de la Société Académique & Patriotique de Valence en Dauphiné , 351. Sur la Limite des Alfés : premier Mémoire ; par M. P, PREVOST , Proféfleur honoraire à Geneve, de la Société des Arts de la même: Ville, de L Académie de Berlin & de la Société des Curieux de la Nature, 36$ Sur la Linite des Alifés : fecond Mémoire, par le même, 370 Objérvations fur le Chéne Ballote ou à Glands doux d12 Mont- Athlas ; par M. DESFONTAINES, de l’Académie des Sciences , 375. Quinzieme Lertre de M. De Luc, à M. pe LA MÉTHERIE, pour Jervir d'introduéion à quelques confrdérations météorologiques , auxquelles donnent lieu la formation & la naïffance de nos Conti- nens , - 378 De la Combuflion ; par J, GC, DELAMÉTHERIE, 394 Nouselles Lireraires, 493 ons 2 nine domi A a + re — Dm & VA | JOURNAL DE PHYSIQUE. Il EL JüurnN 1791. I À OBSERVATIONS SUR LES ROCHES VOLCANIQUES, ET SUR LE BASALTE; Traduites de l Allemand de M. WERNER, Infpecteur de l'Académie des Mines à Freybere; par J. P. B. W. B. AVIS DU TRADUCTEUR. La claflification des roches volcaniques dont je donneici [a tradu&ion, eft tirée du Mémoire de M. Werner fur la clafification & la defcription des différentes roches en général (I) qui a paru en 1787. Quant à lobfervation fur la colline de Scheibenberg, l’auteur l'a publiée en 1788 dans un Journal (Il) fous le titre de Nouvelle Découverte. C'eft dans ces deux ouvrages que M. W. a commencé à établir fon opinion fur l'origine du bafalte par voie humide, qui a excité en Allemagne une très-vive fermentation parmi les partifans du fyftême volcanique. J’aurois defiré donner ici un réfumé de tout ce que M. W. a publié fur l'origine des bafalres & des foñiles qu'il regarde comme de la même formation ; mais des circonftances particulières ne me permettant pas maintenant de me livrer à ce travail, je me conrenterai de donner la traduction de quelques-uns des principaux Mémoires de ce favant, foic fur l’origine des bafaltes , foit fur la théorie des volcans; j'en écarterai tout ce qui n’eft que polémique pour m'attacher principalement à ce qui peut contribuer à bien développer & faire connoître opinion de M. W. Je donnerai en même-tems la defcription des principaux foffiles done il fera queftion dans ce Mémoire, non-feulement afin de fixer le juge- ment fur les fofiles que M. VW. a exclus de la clafle des volcaniques ; mais encore pour donner une idée de fa manière de décrire, qui eft maintenant généralement adoptée en Allemagne , & qui me paroît être la feule bonne; puifque c’eft la feule que foit conforme à la nature, & qui nous préfente une image de l’objet décrir. Je dois à l’obligeante Tome XX XVIII, Part. I, 1791. JUIN, F f£ 410 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, complaïifance du célèbre M. W. les defcriptions de la Wüucke & du BaJalte dont on trouvera ci-après la traduétion. J’ajouterai encore que la feule manière de répandre du jour fur les différens produits volcaniques fera d'en donner de femblables defcriptions jointes à d'exactes obfervations fur leurs différentes pofitions dans les lieux où on Les trouve. Claffification des Roches volcaniques. I De ces Roches en général. Les montagnes volcaniques doivent au feu ou leur entière exiflence , ou du moins leurs altérations. J’appelle les premières, favoir, celles qui font entièrement formées par le feu des volcans & par de vraies éruptions volcaniques , VRAIMENT VOLCANIQUES; & au contraire, je nomme PSEUDO-VOLCANIQUES, celles qui font fimplement altérées par le feu & produites par des feux fouterrains (feux terreftres, erdhrande ) qui ne les ont point remuées de leur première place. D’après cette diverlité d’origine, j’admets aufli feulement deux genres de roches volcaniques. Un afpeét en partie durci, defléché & fendillé, mais aufli en partie bulleux & fcoriforme , diftingue ordinairement les roches volcaniques , que quelques-uns nomment aufli produits volcaniques (1). Elles paroiflent être pour la plupart de nature argilleufe. II. Des différentes Roches volcaniques en particulier, A. Roches vraiment volcaniques. Les roches vraiment volcaniques confiftent, 1°. en vraies /aves, de couleur grife , rouge ou noire, d'un afpe& plus où moins bulleux, mi- dures ou tendres & fouvent mêlées de petits criftaux prifmatiques à huit eôtés, que prefque rous les minéralogiftes ont pris pour du fchor! crif- tallifé, mais qui ne font qu’une efpèce de HORNBLENDE CRISTALLISÉE ; 2°, en pierres ponces , tantôt gris clair, tantôt noir & prenant plus ou moins l’afpeét de la lave; 3°. enfin, en cerzdres volcaniques d'un afpect terreux , mélées de petits morceaux de laves & de ponces, & qui pour la plupart broyées & menuifées ne font que des ponces & des lavese Quand les cendres volcaniques font très-anciennes & qu'elles fe font agglutinées , elles prennent les noms de TUF VGI.CANIQUE & de TRAP. La pierre ponce eft entre ces trois efpèces de roches la plus évidemment volcanique. (a) Le mot impropre, produis , qui ne devroit être employé que pour défigner les corpsartificiels, a éré adoptée ici dans le tems où l’on ne fe foucioit pas de regarder les pierres volcaniques comme des feffiles & des corps naturels. Croyuit-on peut-être que Typhon & fes camarades euffent travaillé ou plutôt fondu ces efpèces de pierres? SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 4r1 Ces roches font très - irrégulièrement fituées dans les montagnes ailes conftiruenc, mais cependant elles affectent une forte de ftrati- cation en raïfon de ce qu’elles ont été jetées, ou qu’elles ont coulé les unes fur les autres par éruption. On y trouve fouvent du foufre & du {el ammoniac natif, Des faurces chaudes & des trous fumans fe rencontrent auffi volontiers dans leur voifinage; mais on n’y voit jamais de pétrifications & très- rarement des métaux. L’extérieur des montagnes vraiment volcaniques préfente roujours un défordre évident; & la plupart de leurs monts ont une forme arrondis qui quelquefois eft enfoncée dans le milieu. Mais ce qui les caractérife fur-tout , ce font ces gouffres en forme d'entonnoirs (ou crarers) qu'on y voit encore en entier ou en partie. Lorfque les volcans font encore brülans, on les reconnoît par la fumée ou la Aamme qui s'en échappe toujours : fi au contraire, ils font éceints & très-anciens, ces crarers, qui font toujours le lieu d'origine des mafles volcaniques environnantes, fe reconnoiflent pourtant bientôt en faifant atrention à la pofñrion & à la direction de ces mêmes roches volcaniques, parce qu'elles les indiquent roujours dans un lieu plus élevé. Les volcans éteints & dégradés contiennent fouvent des petits lacs dans les vuides formés par leurs éboulemens. B. Roches pfeudo - volcaniques. Les roches pfeudo- volcaniques font, premièrement des fcuries de cerre femblables à des laves, pour la plupart de couleur noire & même rouge, préfentant de grandes bulles; fecondement du ja/pe porceluine de lüfieurs couleurs, qui , par le durciffement ou la cuiflon , prend un afpeét crevaflé ou fendillé; & troifièmement toutes les argiles à demi- brälées. Comme ces montagnes font des montagnes fecondaireschangées ou altérées par des feux fouterrains , erdbrande, & qu'elles contiennent même toujours de la houille ( parce que ce foflile a fourni la matière de leur embrafement ) ; elles ont encore affez bien confervé leur première ftruéture ftratifiée. On trouve mème dans quelques JASPES PORCELAINES des empreintes de planres; cela prouve qu’ils étoient avant leur cuiflon de l'ARGILE SCHISTEUSE, qui , comme on le fait, contient très- fréquemment des empreintes de plantes (1). Un foflile qui paroît encore être tout-à-fait propre aux montagnes pfeudo-volcaniques , c’eft la MINE DE FER ARGILEUSE COLONNAIRE. J'ai trouvé ces efpèces de montagnes en Bohème, à Leffa & Hohdorf, près de Karifbade, à Stracka & Schwinfchutz, non loin d'Oflegg & Bilin. À Dutlinguen , près de Saarbruck, il y a une montagne pfeudo- (1) Je pofsède moi-même un tel morceau de jafpe porcelaine avec des empreintes évidentes de mille-feuilles & de rofeau , de Plamz, près de Zwikau en Saxe. Tome XXXVIIL, Part, 1,1791. JUIN, Fff2 s r — 412 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, volcanique qui eft encore dans fa naiflance, mais déjà il s’y forme beaucoup de jafpe porcelaine & de mine de fer argileufe colonnaire. On trouvera que j'ai bien diminué le nombre dés roches regardées jufqu'à préfent comme volcaniques; & peut-être cela fera-t-il défapprouvé par beaucoup de minéralogiftes & géognoftes volcaniftes. Le bafalte & une partie des {chiltes porphyres (porphyrfchifrs) , des porphyres & des mandelftein (1), (ces derniers fous le nom de TUF VOLCANIQUE ) ont été pris jufqu'à préfent pour des laves, par tous les minéralogiftesitaliens, françois, allemands & ariglois ; ce dont je me fuis convaincu , non-feulement par les defcriptions de ces écrivains, mais aufli par l'examen de tous les produits de ces pays, regardés comme volcaniques; mais je me fuis aufli convaincu par les obfervations que j'ai faites mai- même avec beaucoup de foin fur ces efpèces de pierres dans leurs gîtes & leur lieu natal, tant en Saxe que dans d’autres pays limitrophes, & par les rapports que m'ont donnés de favans obfervareurs fur ces memes pierres d’autres pays; je me fais convaincu , dis-je , que ces roches fe pré fentent fous les mêmes circonftances que les autres montagnes primitives & fecondaires, & ne montrent rien qui annonce qu’elles doivent leur * origine au feu (2). Enfin , des rapports très-exaéts que j'ai eu fur les obf£- (1) Le mandelflein eft regardé comme une laye , Jorfque Îes efpèces de pierres & de terres éliptiques & amandiformes qu’il contenoit ont été entièrement décompoftes, & qu’il ne refle plus que les trous ronds & véficulaires qu’elles occupoient. Ce mandelftein fe trouve au Hartz, près de Landshut en Sibérie, & non loin de Karlfbad. (2) Quand je revinsà Freyberg , en 1775, je trouvai le {yflême des volcanifies généralement adopté, & particulièrement lopinion de Porigine volcanique du bafäite, £a nouveauté & l'intérêt de cette doûtrine, l’art de perfuader de fes défenfeurs, & même, dans un certain fens , une forte d’évidence & de probabilité de la chofe, lui avoit fait bientôt un grand nombre de profélites. Quoique cette opinion me parût dès le commencement très-paradoxale , j’avois cependant trop d'égards pour les miné. ralogifies qui l’avoient adoptée , pour pouvoir nvy oppofer tout de fuite. Je laiffai donc cette opinion éfablie jufqu’à ce que je puffe recueillir des obfervations Jà-deffue.. Cela eut lieu dès Pété fuivant, en 2776 ; J'obfervai & j'examinai la plus célèbre montagne bafaltique de la Saxe , le Stolpen ; mais je n°y trouvai aucunes traces d’une a@ion volcanique, ni la moindre chofe qui dénotât une telle origine. Bien plus, toure la ftru@ture intérieure de cette montagne prouve le contraire. J’ofai alors pour la première fois fouenir & démontrer ouvertement qu'au moins tous les bafaltes ne pouvoient pas Ctre d’oripine volcanique , & qu'indubit:blement celui de Stolpen étoit de ce nombre, Quoique je trouvai au commencement de nombreufes & de grandes oppofitions à ces idées; je trouvai pourtant aufli plufeurs pérfonnes qui les 2doprèrent ; mais elles acquirent fur-iout un grand poids par les obfervations que je fis en 1777 , fur les anciens feux fouterrains , erdbrande, dans les montagnes de houilles, qui entourent celles de bafalte & de porphire fchiffer de Bohême , & qui conflituent les montagnes pfeudo- volcaniques. Comme je publierai bientôt mes objeétions développées contre l’origine volca- mique du bafalte & de quelques autres efpèces de roches, j’abrège ici la-deflus, & SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS 413 diennes d'Iflande , (agate d’Iflande, verre volcanique), & des morceaux très-femblables, je dis plus, prefqu'entièrement les mêmes, qui n'ont éré envoyés des environs de Tokai dans la haute Hongrie, & de Madagafcar , - m'ont donné bien des doutes fur l’origine volcanique de cette pierre ; je fuis même prefqu'entièrement convaincu du contraire. Obférvation fur la Colline bafaltique de Scheibenberg. L'obfervation inattendue que j'ai faite l’été pañlé (1) à la colline de SCHEIBENBERG , bien reconnue pour BASALTIQUE fur les RAPPORTS DU BASALTE AVEC LES ROCHES SUR LESQUELLES IL REPOSE (2), doit être infiniment importante pour tout géognofte obfervateur & fans préjugé : fur-tout dans un tems où la nature & l'origine du bafälte excitent les recherches des favans & fixent leur attention (3), —— ———————, je dirai feulement en peu de mots qu’après bien des recherches & des méditations (ür ce fujet, je crois qu’il n’eft aucun bafalte d'origine volcanique, mais qu’ils font tous formés par les eaux comme toutes les autres montagnes primitives & [econ- daires (*). ; (x) Je finirai ce voyage dans nos monragnes les plus reculées (Obererzgebirge} avec quelques-uns de MM: les audireurs de mon dernier cours Géognoflique. Mon but étoit de leur éclaircir par l’obfervarion de la nature même, ce que je leur avois dit {ur la nature & l'origine du bafalre. J’étoïs accompagné de M. l'Oberpamfs Sckrelar widemian de Siugard, M. le doéteur Baader de Munich , M. de Oppel de Freyberg & M. Gerhard de Berlin (le fils du refpeable confeilier privé des finances } qui tous furent moins de mes recherches & de l’obfervation décrite. (z) Savoir, fes rapports avec le gneifs fur léquel le hafa/te & les couches qui forment fa bafe , fe trouvent ici , non pas comme le produit d’une éruption & dur amonvelement volcanique , mais toujours comme une PRÉCIPITATION PAR VOIE « HUMIDE. (3), M. Hopfner de Berne, affez connu par fon zèle louable pour les progrès d= Ja Minéralogie, & particulièrement de l’Hiftoire-Naturelle de fà patrie, a entr’autres chofes, bien mérité de la Minéralogie & für-tour de la Géognofie, quand if a prôpolé , dans le troifième volume de fon Magafin Helvérique, Ev. un prix pour la meilleure réponfe à cette queflion : Qu'EsT-CE QUE C’EST QUE LE BASALTE ? EST-IL VOLCANIQUE? OÙ N’EST-1z PAS VOLCANIQUE? M. Hopfner a occafionné par-là, non-feulement un examen particulier & très- néceflaire de la nature du bafalte, meis aufi une reév/ffon non moïns utile de tont ce qui a été dit & écrit jufqu'à peéfent für cet objet ; & l’on peut efpérer avec for- dement qu’il en réfal:era lheureufe & importante conféquerce que la narure & l'origine du bafulte (qui a été jufqu’à préfent très-problématique) fera plcinemenr _£claircie, & qu’elle répandra une nouvelle & vive lumière fur lPHifloire-Narurelle, encore affèz obfcure de notre globe terref?res * €} Je donnerai auffi la traduétion de ce Mémoïre, J’ajourerai encore qu’on y trouvera ainf que dans les autres Mémoires que nous publierons, une dérermination encore plus ex:@%e des roduits volcaniques que celle-ci, parce qu'à mefure que l’auteur cravailloir dans cette matière, e nouveaux faits & de nouvelles méditations lui ont fais ajouter divers perfe@tionnçemens à ce qu'il avoir publié dans fa clafifcarion des roches, 44 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, J’avoisdéjà remarqué autrefois deloinune grandeHALDEBLANCHE(r), près du fomnet de certe montagne bafaltique, qui eft ficuée à un perit quart de lieue, & prefqu'au midi de [a petite ville de Scheibenberg. M’en étant informé, on me dit que c’éroit la halde d’une SABLONIÈRE qui fervoir aux befoins de la ville déjà depuis fa fondation. UNE MINE DE SABLE AU SOMMET D'UNE MONTAGNE BASALTIQUE me parut une chofe fort fingulière (2). Ainfi mon premier foin fut, en m'élevant fur cette montagne pour y faire des recherches minéralogiques , de porter mon attention fur cette SABLONIÈRE. Je vis déjà de loin que la colline, ou plutôt fa fommité, étoit taillée de ce côté dans une place, & que je trouveroïs-là une coupe prefque perpendiculaire. Ainfi j'étois certain de pouvoir y reconnoître un peu l'intérieur de la montagne bafaltique ; & l’on verra que je ne fus point trompé dans mon opinion, Néanmoins je penfois que c'éroic feulement un banc de fable qui entouroit le pied de la fommité bafalrique , ainfi QU'ON CROYOIT ALORS GÉNÉRALEMENT qu'étoient dépofés le fable & l'argile au POHLBERG, près d'ANNABERG (3) , où l'on extrait, comme on fait, ces fofliles en grande quantité. (1) Halde eft un mot allemand adopté en françois dans la fcience des mines ; il indique l'endroit où l’on jette les déblais que l’on fort d’une mine. (2) Je foupçonnai tout de fuite que les couches de fable & d'argile (fe préfen= toient au Scheibenberg comme au Pohiberg , près d’Annaberg ; mais je ne penfois pas alors de quelle manière ils pouvoient fe préfenter. Néanmoins je me flattai de l'efpérance qu’on trouveroit ici plus de circonftances remarquables qu’au Pohlberg, & j’attendois le premier moment favorable pour porter mes recherches fur cet objet dans ce lieu. (3) Sous La fommité du Pohlherg on creufe en plufieurs endroits de l'argile pour les potiers d’Annaberg, & le fable dont on a befoin. L’argile eft extraite par de petites galleries qu’on a pouffées dans la couche même, & qui portent dans l'endroit le nom de Galleries des Potiers. I s’en trouve une grande quantité dans la partie occidentale de la fommité ; maïs à l'exception de deux ou trois qui font exploitées, le refle eft tout dégradé. Les propriétaires des galleries exploitées les tiennent con- tinuellement fermées, & même les font murer pendant le tems qu’on n’y travaille pas ; ce qui fait qu’on a que très-rarement l’occafon d'y defcendre , & qu'il faut fe contenter de ce qu’on voit au-dehors dela mine , & des informations que l’on peut prendre für cet objet. I1 me fallut auffi m'en contenter, On m’aflura que ces galleries n’étoient pas pouflées fort avant ; que l'argile étoit fimplement fituée au pied de la fommité fous l’éboulemsent formé par la chire des morceaux de bafalre, & que les couches de cette argile étoient dépofées fur le penchant & fur le pied de la fommité, ou que peut-être elles proyenoient du bafalte décompofé. On me donnoit pour preuve qu'il y avoit une grande quertiré de morceaux de bafalte dans l'argile ; & en effet , je trouvai à l'extérieur fur la halde & près des ouvertures des galleries dégra- dées , quelques morceaux de bafalte fous l'argile, mais je ne pouvois ni voir l’état intérieur, nien juger. Les fablonières qui fe trouvent un peu plus loin contre le nord étoient aufli toutes tombées & en partie recouvertes de gafon. Ainfi je n’y pouvois rien voir non plus, fi ce n’eft qu’elles font fétuées un peu plus bas, & SUR L’BIST. NATURELLE ET LES ARTS, 415$ Mais combien je fus furpris de voir en arrivant & au premier coup- d'œil, premièrement, au fond un épais BANC DE SABLE QUARTZEUX, puis au-deflus une COUCHE D'ARGILE , enfin une couche de la pierre aroileufe nommée WACKE , & fur celle-ci repofer le BASALTE : quand je vis les trois premières couches (1)-s’enfoncer PRESQU'FORISCNTA- ÉEMENT SOUS LE BASALTE, & former ainfi fa BASE , le fable devenir plus fin au-delus, puis argileux, & fe changer enfin en vraie argile, comme l'argile fe convertifloit en wacke dans fa partie fupérieure, & finalement la wacke en bafalte; en un mot, de trouver ici une TRAN- SITION PARFAITE du SABLE PUR au SABLE ARGILEUX , de celui-ci à VARGILE SABLONEUSE & de l’ARGILE SABLONEUSE par plufieurs gradations à l'ARGILE GRASSE , à la WACKE, & enfin au BASALTE. À cetre vue, je fus fur le champ & irréfiftiblement entraîné à penfer {comme lauroit été fans doute tout connoiffeur impartial frappé des conféquences de ce phénomène) je fus, dis-je, irréfiftiblernent entraîné aux idées fuivan'es : ce BASALTE, cette WACKE, cette ARGILE & ce SABLE SONT D'UNE SEULE ET MÈME FORMATION ; ils font tous V'effer d’une PRÉCIPITATION PAR VOIE HUMIDE dans une Jeule & même fubmerfion de cette contrée ; les eaux qui la couvroient aiors tranfportoient d'abord le SABLE, puis dépofoient PARGILE & chan- qu'on en extrait un fable groflier. Sur une de ces vieilles haldes, je trouvai avfi des raorceaux où le ble s’étoit rouille & conglomére avec une ochre de fer d’un brun fonce. C’eft-\à tour ce que j’avois obfervé ici avant més recherches fur La colline de Scheibenderg ; mais lorfque je me fus afluré que dans cette dernière montagne l'argile & le fable étoient fitués deffous le bafalte, je penfois tout de fuite que l’arpile & le fable du Pohlberg devoient auffi fe comporter de la méme manière. Aufi-tôt que je revins à Annaberg je priai un des maîtres potiers de me faire ouvrir une des galler‘es dont il étoit propriétaire : il m’ouvrit une de celles qui n’étoient pas murées , mais fimplement fermées ; jy defcendis avec mes compagnons de voyage, & je trouvai qu’elle étoit creufée d’environ douze toifes (lachter ); qu'avant d'arriver à l'extrémité , il y avoit au toit & au fol une argile graffe & qu’on ne voyoit en aucun endroit le befalte dedans. On me dit encore qu’il y avoit tout près une autre gallerie pouflée encore plus avant , mais qu’on ne pouvoit pas y entrer, parce qu’elle étoit fermée par un double mur. J'en conclus donc avec certitude , qu’on étoit déjà parvenu , avec cette gallerie, en bonne partie fous la fomymité bafejtique, & par confcquent fous le bafalte folide , & qu’ainfi argile formoit ici, comme au Schei- benberg , une couche fituse fous Le bufalre ; mais que cette couche eft beaucoup plus confibérablz qu’au Scheibenberg \ ouifque fur trois bonnes aunes de hzuteur de la gallerie, on remarque à peine une altération dans l'argile, foit au fol, foit zu toit; qu’en outre on trouve le vrai fable fous largile, puifque les SABLONIERES, quoïque dégradées, ne font pas éloignées; enfin, je me fuis aufli convaincu de la préfence de la wACKE par quelques morceaux très-évidens de cette pierre que j'ai trouvés ici fur une vieille halde , & qui avoient tout l’habitus & tous les caractères de Ja wacke du Scheibenberg. (1) Savoir, la couche de fable , d’arpile & de wacke, r 416 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, geoient peu-ä-peu leur précipitation en WACKE, & enfin en vrai BASALTE. ” J'ajouterai encore quelques courtes remarques à cette obfervation. Le BASALTE préfente ici une coupe peu confidérables, mais prefque per- pendiculaire , & il eft divifé en COLONNES. Les fentes qui féparent ces colonnes, bafaltiques defcendent jufqu'à la wacke & penètrent dans quelques endroits à travers la couche du fol. La WACKE (1) a ici en grand prefqu'une ftruéture fchifteufe, On ne peut pas voir le fond ou le fol de la COUCHE DE SABLE, il eft recouvert par la halde; mais on obferve pourtant qu'il devient GROSSIER PAR DESSOUS, & fe change en vrai GRAVIER ou iable CAILLOUTEUXx. Le GNEISs, qui conftirue la roche (gibirge ) de toute cette contrée fe trouve immédiatement fous la halde de fable. La place ne me permet pas de m'érendre davantage fur cette grande & importante obfervation ; mais j'en donnerai certainement bientôt une plus ample defcription dars quelqu'un de nos Journaux. Maintenant que dira [a PLUS GRANDE PARTIE DE NOS MINÉRALOGISTES TRÈS- PRÉVENUE POUR L'ORIGINE VOLCANIQUE DES BASALTES Ÿ Pour moi je fuis extierement dans l'idée que tous les BASALTES en général SONT FORMÉS PAR VOIE HUMIDE, ET D'UNE SEULE & cependant TRÈS-NOUVELLE formation; que TOUS les BASALTES conftituoient autrefois une couche d’une grandeur immenfe & fort épaifle , recouvrant plufeurs montagnes primitives & fecondaires; que le tems a détruit la plus grande partie de cette couche , & que toutes les SOMMITÉS BASALTIQUES nous en montrent les RESTES. Je donnerai bientôc au Public ma THÉORIE développée [ur la re l'origine du bafalre , avec toutes les preuves fur lefquelles je les fonde, (1) Un des cara@tères de Ja wacke eft qu’elle contient fouvent du mica noir criftaliié en tables à fix côtés , mais point de chrfolite en grains. Dans le bafelte au contraire on ne trouve que très-rarement le mica criftallifé , & ce n’eft que dans les parties qui font adjacentes à la wacke, & par conféquent toujours inférieures. La hornblende criflallifee eft commune à la wacke & au hafalre, Dans la wacke de Scheibenberg j’ai aufli fouvent trouvé du fable de fer magnétique en grains, Il eft enfin à remarquer que la wacke en filon ,en coin & en couche , eft fouvent ün vrai mandelflein. J’ai entr’autres trouvé à Joachimftad , fur le filon de wacke, près du filon de wacke ( Kuhgange) & dans la gallerie Barbara ( qui traverfe la Buizen- wacke ) à quelques places une wacke formant nn vrai mandelflein, dans lequel les amendes font éliptiques & comprimées en large & prefque routes de fpath calcaire. La wacke de Scheibenberg tient dans quelques places beaucoup de bohl, qui s'approche de celui de Lemnos, On voit aufli, au côté feptentrional de cette mon- tagne , une vraie gallerie, pouflée, autrefois dans cette wacke , probablement pour extraire du bohl, dans laquelle on peut encore entrer, & qui eft connue fous le nom de Zwerplochs. à Defcription SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS, 417 Deféription du Bafalre (argilla bafaltes, W'ern. ) d'apres fes caraëteres extérieurs. (II.) Le bafalte a prefque toujours une couleur NOIRE GRISATRE qui eft cependant de différentes incenfités & paflant même depuis le foncé jufqu'au clair: dans Les fentes il n’elt pas rare qu’il prenne une couleur Juperficielle grife jaunâtre & brun jaunâtre, mème quelquefois rozr bleuärre : il fe forme auñi très-fouvent à fa furface ( par décompofition } une croûte plus au moins épaifle, grife de cendre & aufli grfe Jaurâtre, On le trouve le plus fouvent fous forme MASSIVE, cependant aufli quelquefois BULL:UXx ; mais les bulles y font pour la plupart plus grandes & en mosndre quantité que dans d'autres foffiles voifins & de la même forme; elles fonc aufi prefque toujours remplies d’une autre efpèce de pierre. En outre, on le trouve aufli dans le voilinage des monts & des montagnes bafaltiques, en morceaux anguleux plus ou moins gros qui s’'approchent quelquefois beaucoup de la forme Jphérique. Le bafalte qui préfente dans /es fentes une couleur fiperficielle noire bleuâtre , eft auf quelquefois d'un /cirrillement fort & prefque: demi- métallique. Yntérieurement ce foffile eft prefque toujours d'un FoI8LE SCINTILLEMENT ; mais qui paroît provenir plutôt des très-petires & fines parties étrangères (horn-blend) dont il eft mêlé, que de fes propres molécules. d ( Sa caflure eft toujours compaëe , favoir , ordinairement ANGULEUSE, partie à grandes partie à petites, partie à fènes inégalités. — Mais elle s’approche aufli quelquefois de la concoïde évafée ; — quelquefois aufli de légale, — Plus fouvent elle pafle à l'ÉCAILLEUSE. IL fe caffe toujours en FRAGMENS INDÉTERMINÉS A BORDS OBTUS. Le bafalce fe préfente le plus ordinairement en PIÈCES SÉPARÉES DE FORMES TRÈS -DIFFÉRENTES & de modifications extrêmement variées. — Il eft rare qu'il fe trouve auttement, Ces pièces féparées font pour la: plupart : COLONNAIRES , dépuis environ trois pouces jufqu'à trois pieds 6 plus de diamètre, {ur une longueur fouvent de cinquante pieds & beaucoup plus. — Elles font ordinairement droites , cependant aufli quelquefois courbes. — Variant depuis la plus grande régularité jufqu'à une irrégularité telle qu'on a peine à les reconnoître pour des colonnes. Préfentant, & même fouvent, routes Îles différentes nuances de la régularité dans diverfes places de la même montagne, — De plus, le zombre des faces des colonnes régulières Tome XXXVIIT, Part. I, 1791. JUIN, Ggg 418 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, varie dans un même groupe de bafalte, cependant la plus grande partie en ont ciag, ex ou fept ; quelquefois auf, mais très-rarement , elles ont des fentes hémifphériques tranfverfales (articulations). — De plus, toutes les efpèces de colonnes fe trouvent, dans un même groupe, tantôt perpendiculatres tantôt zZnclinees , tantôt Aortfontales , néanmoins divergentes entr'elles & très-rarement parallèles. — Mais quand elles s’écartent, c’eft le plus fouvent par leur partie inférieure & très-rarement par la Jupérieure. — Et enfin fouvent dans une même montagne les colonnes font raflemblées en groupes plus ou moins grands qui forment ainfieux-mèmes DE TRÈS-GRANDES PIÈCESSÉPARÉES VOLUMINEUSES, dont les COLONNES PARTICULIÈRES ont une fituation f£xe, déterminée, concordantes entr'elles & prefque toujours différente de celle des colonnes des groupes femblables & avoifinans comme ces groupes eux- mêmes ont pour la plupart des contours aflez diftinétement marqués par des fentes. ; : ; : Mais on trouve auf quelquefois le bafalte en ‘PIÈCES SÉPARÉÉS GRENUES VOLUMINEUSES & même depuis les petits grains ( gros comme du genièvre) par tous les degrés de grandeur jufqu’aux GRANDES MASSES qui ont quelques pieds de diamètre ; celles-ci paffent déjà quel- quefois dans les pièces féparées colonnaires irrégulières. Ces pièces féparées grenues & volumineufes fe trouvent pour la plupart ANGULEUSES s'approchant quelquefois de la forme fphérique ; quand elles font en grands volumes, elles font elles-mêmes formées D'ÉPAISSES PIÈCES SÉPARÉES LAMELLEUSES CONCENTRIQUES plus ou moins parfaites (bafalte fphérique). — Enfin on le trouve aufli quelquefois en ÉPAISSES PIÈCES SÉPARÉES LAMELLEUSES DROITES (car c'eft plutôc ainfi qu'on doit envifager les couches courtes & minces donc il eft quelquefois formé , que pour des fchites proprement dits ). Les faces de toutes ces différentes pièces féparées font rudes & auf mates. Quelques bafaltes ont un peu de TRANSLUCIDITÉ AUX BORDS (favoir, ceux qui paffent à la caflureécailleufe), maisla plus grande partie font au contraire OPAQUES. IL donne une raclure grife &:mate. Left MI-DUR S'APPROCHANT ORDINAIREMENT DU DUR-AIGRE: Les morceaux qui ne font pas fendillés font TRÈS-TENACES, le toucher eft ur peu froid & maigre. Il eft MÉDIOCREMENT PESANT , S'APPROCHANT DU PESANTe Il fond facilement au feu fans addition, SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS, 419 Defeription de la Wacke (argilla wacca, Wern, ) d'aprés fes caraëtées extérieurs, Ce foffile eft ordinairement d’une couleur GRISE-VWERDATRE de différentes intenfités , claire , haute & foncée. Mais il pafle quelquefois de cette couleur & rnême du foncé jufqu'au gris de cendre, plus rarement du clair au gris jaunâtre. I] n’eft pas rate que la wacke & particulière- ment la wacke en filon , prenne dans fes fentes une couleur fuperficielle noire bleuärre. Ouvre cela il y a quelques variétés, formant de très-grandes mafles de rochers & même du mandelftein, qui font pénétrées d’une diflolution ferrugineufe; elles paroiffent alors d’un brun rougeârre , même jJaunêtre , ou tout au moins achetées par cette couleur. La wacke ne {e préfente pas feulement fous forme maffive , mais elle eft aufi aflez fouvent BULLEUSE. Les bulles fe trouvent dans quelques- unes abondamment , dans d'autres plus raremenr. — Elles font quelque fois pesites , fouvent aufli d’une moyenne groffeur. —Pour la. plupart LONGUES & PLUS OU MOINS APPLATIES. OU COMPRIMÉES EN LARGE. Enfin, ces bulles font quelquefois vuzdes & d’autres fois pleines en tour ou en partie. C’eft la vacke à bulles pleines. qui forme le mandelttein & fe trouve, foit en filons & en dépôts femblables à des filons (gang ohnliche ausfullungen) ( Butzen wakke) , toit en fimples couches & même en grandes mafles de rochers. La wacke dont nous avons parlé, qui dans fes fentes préfenre une couleur fuperficielle noire bleuâtre , donne aufli un fort Jcinrillement demi-métallique. ï = : Mais intérieurement la Wacke eft PAR ELLE-MÈME MATE. On en trouve cependant plafieurs variétés qui paroiflent avoir un FOIBLE SCINTILLEMENT , à caufe d’une quantité de petites parties de horn- blende qu'elles contiennent, & qui y font fouvent fi intimément mêlées & en fi grande quantité, qu'on peut à peine les diflinguer de celles de la Wacke même. : Sa caflure eft toujours compaéie, & favoir, ordinairement UN1E. Cependant elle paffe dans quelques wackes à la CONCOÏDE 1mpAr- FAITE ÉVASÉE, dans d’autres elle pañle à l'anguleufe à petites & fines inépalués. Cette dernière caflure fe trouve dans la wacke intimément mêlée de hornblende. Elle montre très-rarement wne difpofiion à la caffure fchiteufe. Ses fragmens font indéterminés à bords peu aigus, & fouvent déjà obtus. Elle eft toujours opaque. Tome XX XVIII, Pere, I, 1791, JUIN, Gog 2 le] 420 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, Elle prend de l'éclat par la raclure. Elle eft le plus fouvent TENDRE,, quelquefois TRÈS-TENDRE, Elle neft pas beaucoup aigre ; & même devenant en partie traëlable. Trés-caffante. Le toucher eftun PEU GRAS ; dans quelques-unes plus, dans d’autres moins. Elle n’efl pas très-pefante. NoTes. (1) Kurze klafification und Befchreibung der verfchiedenen Geburgo arten. Von Werner, &c. Je donnerai fous peu une traduétion de ce Mémoire très- important, (11) Neue Entdeckung. Aus N°. 57 des Intelligenfblattes des allgemeinen litterateur zeitung vom Jahre 1788. (III) On trouvera dans l'ouvrage de M. Werner fur les cara@ères extérieurs des : fofliles, traduit par madame Picardet, les définitions de la plupart des carz@ères dént il eff ici queftion ; maïs il en eft un que l’on n’y trouvera pas, c’eft celui des pièces féparées ; entre les diverfes & nombreufes additions que M. Werner a faites à fon ouvrage, c’eft une des plus effentielles par l'utilité dont elle eft pour l’exa&e détermination des foffiles, On appelle piéces féparees les différentes parties vifibles qui dans la texture d’un foffile fe préfentent aux yeux avec leurs trois dimenfions commenfurables. M. Werner en adopte trois efpèces d’après Les rapports de leurs dimenfons. Pieces féparées grenues. Ce font celles dont les trois dimenfons font à-peu-près égales, & qui ont une forme plus ou moins arrondie. Pièces féparées lamelleufes. Ce font celles dont la longueur & la largeur font à-peu-près égales, mais dont lépaifleur eft beaucoup plus petite. Pièces Jéparées colonnaires. Ce font celles dont la longueur eff beaucoup plus grande que la largeur & l’épaifleur. Je publieraibientôt une Æxpofirion fuccinéle du fyfléme des caraéfères exte- rieurs de M. Werner, qui a été faite (ous les yeux de l’auteur, dans laquelle on trouvera de plus amples explications fur cet objet, & tous lesperfeionnemens que ce fayant a faits à (on ouvrage, ; Se SUR L'HIST, NATURELLE ET LES ARTS. 421 mer MÉMOIRE Pour établir -par des expériences quelques rapports entre EXP es queiq | guelques parties confütuantes du Bois ; Par M. SENESB1IER, Bibliorhécaire de la République de Genève. fL eft toujours important de connoître es rapports qu'il y a entre les parties conftituantes des corps, cela peut aider à pénétrer leur nature , mais cela fournit sürement des caraétères pour les diftinguer avec plus de précifion , & cela indique des moyens pour rendre raifon de leurs différences, tout comme cela doit déterminer dans l'ufage qu’on en peut faire, En m'occupant de la nature du bois, j'ai cru qu'il feroic poflible d’eftimer avec quelqu'exactitude fes parties compofantes , & de parvenir ainf d'une manière plus sûre à dévoiler fon organifation ; f cette idée peut être bonne, il feroit facile d'en étendre l'application à tous les bois connus ; mais je ne l’efpère pas, à moins qu’on ne parvienne à rendre cette mérhode plus facile à fuivre & plus sûre dans fon ufège. Voici pourtant le travail que j'ai entrepris & que je fuis venu à bout de réalifer avec aflez d’exactirude, Je penfois à dépouiller le bois des parties que la végétation avoit incarcérées dans les mailles de fon réfeau, comme on étoit parvenu à dépouiller avec l'eau feconde les os de leur matière crétacée ; j'efpérois d'obtenir ainfi le réfeau primordial des végétaux avec fes mailles aufli étendues qu’elles pouvoient être, & privées autant qu'il feroit poffible de toutes les parties nourricières qui les avoient remplies. Il eft évident que quand le réfeau végétal auroit été réduit à cet érar, il offriroit tout-à-fait le pendant du réfeau animal produit par l'opération que M. Hériflanc fit fubir aux'os qu’il priva de leur matière terreufe. If m'étoit aifé de prévoir que les parties végétales qu’on pouvoit difloudre, étoient diflolubles dans l'eau & dans l’efprit-de-vin, de forte qu'en foumettant des parties fort minces de bois à l’action de ces deux menïtrues, j'avois rempli le but que je m’écois propofé; mais malgré tous mes efforts, je me fuis trouvé bien loin de ce que j'efpérois. Pour faire ces expériences, je coupai des morceaux de fapin & de fureau aufli minces qu'il me fut polible ; je les coupai de cette manière, foit en fuivant les fibres du bois dans leur longueur, foit en les coupant tran{verfalement : cela n’eft point facile, les canifs & les couteaux les plus tranchans ne parwiennent point à enlever des tranches minces de ce bois en confervant de l’union entre un certain nombre de fes parties [4 422 OBSERMATIONSISUR L'A PHYSIQUE, ligneufes , mais elles tombent alors en pouflière. Pour en venir à bout j'employai l'inftrument décrie par M, Hill dans fon ouviage anglois, fur l'écorce & le bois, & je parvins à couper des tranches de bois aufli minces que le papier fin, je pefai des morceaux de ces tranches qui furent tous réduits au poids d’un grain ; je les plaçai dans des verres de montre, & je mis un morceau de chaque efpèce dans deux verres différens, afin que l’un d'eux füt rempli d'eau & l’autre d’efprit-de-vin rectifié. Je laiffai chacune de ces tranches de boïs dix-neuf jours dans le même fluide; je les réduifis à l'érat de féchereffe qu'ils avoient quand ils furent pefés la première fois ; je les pefai alors de nouveau, & je les replaçai encore dans des verres de montre ; mais je difpofai les chofes de manière que les tranches de bois qui avoient été placées la première fois dans lefprit-de-vin fuffent mifes dans l’eau, & que celles qui avoient été mifes d’abord dans l'eau fuffent mifes dans l'efprit-de-vin; je pefai alors ces tranches de bois pour la troifième fois, après les avoir réduites , autant qu'il me fut poffible, au premier point de fécherefle. J'ai cru trouver ce point de féchereffe en plaçant d’abord ces tranches dans un lieu où la chaleur étoit habituellement de 20 à 25 degrés du thermomètre de Réaumur, & en tenant ces tranches dans ce lieu pendant huit ou dix jours : quoique je n’eufle point d’inftrument propre à mefurer cette fécherefle, néanmoins la petite épaiffeur des tranches de bois ne me permettoit pas de douter qu'au bout de ce tems ces tranches n'euffent acquis le même degré de féchereffe qu'elles avoient eu d'abord, d'autant plus que les caufes qui pouvoient changer l'humidité de l’air, s’il y en avoit de particulières, devoient être les mêmes, comme je n’en fuis afluré enfuite par le moyen de l’hygromètre. Voici les réfulcats de ces expériences en trois Tableaux comparatifs propres à faire juger les quantités de matière que Le bois a perdues dans les deux procédés, PREMIER TABLEAU. x. Tranche tranfverfale de fapin mife dans l’efprit-de-vin .... + 21 le ste) laloletelà ele tete telofeltetolel chere aie siL'EAU sit eie ls eee 3. Tranche tranfverfale de fapin très-vieux mife dans l’efprit-devin À du por nono ren sosporesee nes es eee lea su. 5. Lamede fapin dans la longueur dubois mife dans l'efprit-de-vin > Gén nn ne ae naar eee pote PES 52 SE 7, Lame de fapin vieux dans la longueur du bois mife dans Pefprit-de-vin. ...4...,.4..0 too 8. »e lead nee lerelste ele clelaiile sel ee eioie ete eine SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS: 423 9 L'écorce de fureau mife dans l’efprit-de-vin. ......,,. MOMIE Lan à Ce A ANR ROC D EN CPS RENE Peau ME 13. Bois de fureau mis dans l’efprit-de-vin ......,.,,..... TAMRRSREES 2N Diesis Mean nr Res s'oriente CL Sélesle HÉETS 15. Moëlle du fureau mife dans lefprit-de-vin, .........,. NOR ele relere island ine RTS CRE he u 6 Je n'ai point renu compte du parenchyme de l'écorce du fureau mis dans l'eau, parce qu'il fe moifir, qu'il fermenta & qu'il m'auroit été impoffible de le nettoyer fans perte confidérable. SECOND TABLEAU, Toutes les tranches de bois qui avoient été d’abord dans l’eau , ont été mifes dans l’efprit-de-vin, & celles qui avoient été d’abord mifeg dans l'efprit-de-vin ont été placées dans l'eau, perte, 1. Tranche tranfverfale de fapin qui a été dans l’efprit-de-vin mife dans l’eau ........ sur PLo ape meta ace le also ler 2. a ati chere lala tere FA LATE es. .l'eau, l'efprit-de-vin + 3. Tranche tranfverfale de fapin vieux qui a été dans l’efprit-de-vin mile, dansil'eamsait st. haies te ts ee RE ere Pre A me SP EUS SEPT Hi rent leaû, Pefprit-de vin + $: Lame de fapin dans la longueur du bois qui a été dans l'efprit-de-vin mife dans l'eau ......... CSA RAA PER Z GPA EAU NE RENE esse... lefprit-de-vin © 7 + Lame de fapin vieux dans la longueur du bois qui a été dans l’efprit-de-vin mife dans l’eau........,....,. Srobressleau...U ets es ce ce ce: N'ESPrit-de-vin 9. Ecorce de fureau qui aété dans l’efprit-de-vin mife dans l’eau - 10. sossss.essseee...e. Veau. ,..... l'efprit-de-vin + 11. Parenchyme verd du fureau qui a été dans lefprit-de-vin mis ans l’eau. see ee 5 HAN SEE IS EAU RTE essence... Veau.s .lefprit-de-vin 13. Bois de fureau qui a été dans l’efprit-de-vin mis dans l’eau. . Flo Ie sonores... l'eau. ....... l'efprit-de-vin # 15. Moëlle de fureau qui a été dans l’efprit-de-vin mife dans l’eau = 16. se e. sortes se Le OICRIO l'eau res. l'efprir-de-vin = [2 424 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, TROISIÈME TABLEAU, Ou Sommaire de la perte faite dans ces deux procédés, N°. La perdus se. 2 2) Noig asperdue te Pr O0) à CODE JO re TOR LISA R Ro 7 LA 3° Che BONE ECHO PCR TEST Car II, conne ss 7 & , CO soso 7 12, : £° sn ele ete 13e crosses 5 5 , 6. soso Ido css evessree 7 7. Bios cities ANT UT LC BEN DA ne PINS 16, han RS ANNE 3 » On comprendra bientôt que j'ai employé des morceaux de bois aufi petits & auffi minces, parce que je voulois être sûr que l'eau & l'efprit- de-vin pourroient agir fur toutes leurs parties autant qu'il feroit poflible ; cependant je n'ai pu obtenir encore ce que je defirois, quoiqu'après une digeftion plus longue, je n’aie pu enlever des quantités de matière un peu fignifiantes à ces tranches qui avoient déjà éprouvé l’action de l'eau & de l’efprit-de-vin pendant trente-buit jours, Il paroît par ces expériences que les bois mis d’abord dans l’eau, ont plus perdu de leur poids dans ce moment, que ceux qui ont été premiè- rement mis dans l’efprit-de-vin , & qu'après la feconde opération la perte du poids {a plus grande a été tantôt pour ceux qui ont été d’abord dans lefprit-de-vin & qui ont été enfuire mis dans l’eau, & tantôt pour ceux qui ont fubi cette opération dans l’ordre inverfe. En général, l’eau a plus enlevé de parties extractives au bois, lorfque l'eau lui a été d'abord appliquée , que lorfque le bois a été mis dans l'eau après avoir été dans l'efprit-de-vin; ce qui eft arrivé fans doute, parce que l'eau de l'efprit- de-vin avoit déjà beaucoup diffous de ces parties diffolubles dans l’eau pure. ; Il faut encore remarquer que les tranches tran{verfales du bois ont perdu dans l’eau une plus grande quantité de matière, que les lames de ces bois lorfqu'elles y-ont été mifes: pour la première fois'; mais ‘cela devoit arriver , parce que les fucs féveux contenus dans les vaiffeaux , ou entre les fibres du bois, s’offroient à découvert au diflolvant, tandis qu'ils étoient moins expofés à fon action, quand ils. étoient. fous une enveloppe. Ce qui me confirme dans cette opinion , c’eft que le bois de füreau qui a beaucoup plus perdu de fon poids que le fapin, el pourtant bien moins réfineux que celui-ci ; mais cet effet n'a été vraifemblablement produit que parce que le tiflu du fureau ef plus lâche, & qu'il donne ainf SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS, 425 ainfi plus de prife aux diffolvans pour agir fur lui: j'ai vu d’ailleurs les tranches tran{verfales du fureau criblées par une foule de trous, qui offrenc la place des fucs fur lefqueis les diflolvans ont agi ; enfin, on fait que les fucs féveux diffolubles dans l'eau traverfent la partie ligneufe , & que la réfine qui eft une partie conftituanre du bois, {e trouve intimément combinée avec lui, en forte qu'elle offre moins de prile à l’adion de l'efprit-de-vin. L'écorce du fureau traitée de la même manière offre Les mêmes phéno- mènes , avec cette différence , que la perte produite dans [es deux cas a été beaucoup plus grande que celle qui a été éprouvée par le bois ; mais la moëlle a fubi la plus grande déperdition de fa fubftance & enfuire le parenchyme de l'écorce qui onc offert d’ailleurs les mêmes phénomènes que l'écorce & le bois, L'écorce devoit naturellement fubir une déperdition de fubftance plus grande que Le bois, parce qu’elle left remplie d2 fucs, de mucilage & de réfine qui font diffolubles dans l'eau & l'efprit-de-vin ; mais je n'ima- ginois guère que la moëile perdit encore plus de fa fubftance dans l'eau & l'efprit-de-vin que l'écorce ; on fent bien que la moëlle doit être formée des mêmes élémens que l'écorce, le bois & le parenchyme; mais ils paroiflent y offrir une plus grande prife aux diffolvans que dans la moëlle; cependant comme on ne trouve la moëlle que dans de jeunes tiges qui font fort humectées, comme elle paroît correfpondre avec l'écorce par le moyen des filets ligneux qui les uniffenr , il fe pourroit qu’elle fût un des élémens nourriciers des boutons, & qu’elle remplaçät pour eux les cotylédons des graines, En étudiant une de ces tranches tranfverfales du fapin neuf avec le microfcope , j'ai vu une partie de ce fapin qui reffembloit à un réfeau à jour , mais dans l’autre partie il étoit opaque , ce qui montroit que les mailles du réfeau. qui étoient à jour fe trouvoient vuides , tandis que les mailles de la partie du réfeau refté opaque étoient pleines ; foit que certe partie du réfeau füt plus épaïfle , foit que par d’autres caules les diflolvans aient pu agir fur les matières qui remplifloient ces mailles ; mais je crois m'être afluré que les places les plus opaques font celles , où le bois eft refté le plus épais, & où l’efprit-de-vin & l’eau n'ont pu pénétrer les cellules dans lefquelles la matière difloluble étoit enfermée, Ce fquelette du bois refflemble parfaitement à un réfeau dont les fils fe croifent à angles droits : les fils de la trame & de la chaîne m'ont paru abfolumene les mêmes, & les points où ils fe croifenc ne laiflent appercevoir aucun nœud ; il fembleroit quelquefois qu'il y a des fibres plus grofles que les autres ; mais en étudiant ces groffes fibres avec attention , j'ai trouvé qu'elles font feulement formées par l'addition d’une partie du réfeas que j'ai décric, les mailles de ce réfeau font même encore remplies par une matière femblable à celle qui a été difloure dans les autres, & rai eu le Tome XX XVIII, Pare. I, 1791. JUIN. Hbhh 426 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, plaifir de le voir dans une partie de ce filer qui avoit pris la forme de réfeau , tandis que le refte reffembloit à un filet qui feroit d'une feule ièce. Il n’eft pas douteux que ces mailles ne contiennent une matière par= ticulière , puifque lon en voit des reftes dans quelques mailles, & puifque ces reftes obftruent abfolument le trou qu’elles devroient laifler appercevoir , & puifqu'on peut diftinguer des mailles où cette matière eft'en partie difloute, Ces fibres m'ont paru d’une extrême fineffe, il m’a femblé quelquefoi qu’il y avoit dans Le réfeau plufeurs parties déchirées, mais ces déchiruress font très-probahlement occafionnées par l'opération employée pour les couper. Ces fibrilles m'ont paru tranfparentes dans toutes les parties où les menftrues ne les ont pas dégagées de la partieréfineufe. J'ai eu des morceaux de ces fibrilles parfairement anatomifés, qui prouvoient direéte- ment que ces menftrues n’atraquoient point les fibres formant le fquelette du réfeau. ._ Les tranches tranfverfales de ce bois qui avoient été expofées d’abord à l’action de l’efprit-de-vin , ont été réduires en fragmens très-petits, au Heu que celles qui avoient été d’abord traitées par l’eau confervèrent leur première forme, quoiqu’elles aient éprouvé enfuite l’adtion de lefprit- de-vin, & qu’elles aient été auf bien difféquées que les précédentes. Comme les deux tranches que j’ai fur-tout étudiées avoient une ligne & un quart de diamètre, j'ai obfervé dans cet efpace- quatre raies qui paroifloient jaunes à l'œil & qui éroient tout-à-fait opaques ; elles étoient entr'elles à une diftance égale , & elles fe diftinguoient ainfi du refte du réfeau qui étoit prefque fans couleur , ou du moins dont la couleur paille étoir rout-à-fait claire. Seroit-ce de plus gros vaiffeaux ê Seroit-ce des vaifleaux pleins d'une matière particulière ? Cela feroic probable, puifque les diffolvans n’ont produit fur eux aucun effer. Cependant ce pourroit être aufli une extenfion de quelques fibres du réfeau , comme il paroîtroit dans quelques parties déchirées, Les furfaces enleveés au fapin dans fa longueur offrent le fpectacle de tubes vuides tranfparens placés les uns à côté des autres ; on fent les parois de ces tubes par une efpèce d’ombre qu'ils fe jettent quand ils font voifins; mais je n’ai point pu diftinguer ces fibres qu’on voit dans la feétion tranf- verfale & qui forment la trame ; cela s'explique fort bien par la fection des tubes qui les rend fenfibles, lorfqu'ils font coupés tranfverfaiement , & qui ne peuvent être apperçus quand on les obferve dans leur longueur, païce qu'on ne peut voir alors qu'une partie de leurs parois: Ces tubes font alors affez tranfparens pour laiffer diftinguer de petits corps opaques placés fous eux. La tranche tranfverfale du fureau offre une fuite de trous au milieu dune matière opaque , ils y font très-nombreux, mais je ne faurois y SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 427 découvrir aucun ordre; ce à vint fans doute de cecue la fe@tion des différens trous qu'il pourror y svoir n’eft pas dégagée de la mar:ère qui les remplit, Quant à la moëlle, ces trous fe preflert dans la fe&ien tranfverfale, mais ils ne fonr pas percés; cependane comme la matière qui les forme & qui les ferme eft tranfparente , on les voit parfaitement bien. Enfin, j'ai vu clairement que la lame de la partie verte d: l'écorce qui eft la plus intérieure offre fous cette couleur verre le même fqueletre que le bois anatomifé de cetre manière, ce qui confirmeroit la différence qu'on foupçonne, avec raifon, forrement entre le liber & lécorce, de même que la grande reffemblance du liber avec le bois. SUITE #2D°E LE IS AS "TA FT SURACETTE"QUES TION: Quelle ef l'influence de l'Ele&ricité Jur la Germination & la Végétation des Plantes ; - Par M. DE ROZIERES, Capitaine au Corps Royal du Génie, Correfpondant de l'Académie Royale- dés Sciences de Paris; Membre Affocié de la Société d'Emulation de Beurg en Breffe, de l'Académie Delpkinale , de la Société Philofophique des Sciences & Arts uriles de Lyon, VWice-Secrétaire de la Société Académique & Patriotique de Valence en Dauphiné. r2%35455$3 0,7:0, 9310, 17, 12; 13, 14, 196 16 Expériences faites pendant les années 1727, 1788 & 1789. Jar répété les mêmes expériences pendant les années 1787, 1788 & 1789 , avec la feule différence que j'ai employé un très-grand nombré de plantes de chaque éfpèce, & que j'ai fait ce travail pendant diverfes faifons, Obfervations. Les réfulrats que j'ai obtenus, ont été, en général, concordans avec ceux obfervés en 1786. LT, 25 35 435% 0,7 C\87Expériences. Le 15 décembre 1789 , j'ai femé dans huit vafes fix graîns de bled , fix de feigle, douze graines d’épinard , douze dem de petites raves , douze Tome XX XVIII, Part. I JUIN, 1791. Hhh 2 428 OBSRFATIONS SUR LA PHYSIQUE, id, de violiers, douze id. de laitues , quatre 22. de pois lupins, & huit graines de bafilic , de la même manière que dans les expériences ci-devant détaillées. La même quantité de graines a été femée immédiatement dans huit autres vafes égaux en tout aux premiers. Un quart-d’heure environ après le fémis , j'ai commencé à électrifer par communication, huit de ces vafes, lefquels étoient bien ifolés fur des plateaux de verre, & pendant le rems que l'électrifation a eu lieu, ces vafes ont reçu chaque jour deux mille tours de roue, mille tours le matin , autant l’après midi, & conftamment aux mêmes heures, Toutes ces plantes ont été arrofées lorfqu’elles paroïfloient en avoir befoïn , avec la même quantité & qualité d’eau , & conftamment avant l'életrifation , par les raifons ci-devant détaillées. Ces mêmes plantes ont été placées de manière à être conflamment à l'abri du foleil, & à recevoir également l'influence de la lumière diffufe. Nota. Pendant la durée des expériences faites pendant les années 1787, 1788 & 1789, le thermomètre de Réaumur n’eft pas monté au-deflus de 15 degrés, & defcendu plus bas que le fecond degré au- deflus du terme de la congélation, Obfervations. 1°. Prefque toutes les plantes életrifées font forties de terre plutôt que les autres, 2°. Pendant vingt-huit jours qu’a duré l’électrifation & même long- tems après, les tiges des plantes qui avoient été foumifes à fon action paroifloient en général plus vigoureufes , quoique plus élevées. 3°. Les feuilles étoient plus nombreufes, plus longues, plus larges ; & d’un verd très-fenfiblement plus beau, Nota. Le 25 avril, les plantes que j’avois difcontinué d’électrifer depuis plus d’un mois , ainfi que les autres (lefquelles pendant ce tems avoient été arrofées à l'ordinaire & placées dans une chambre à l'abri du foleil & de la gelée) ont été mifes hors de terre, avec les précautions néceffaires pour empêcher que les racines ne fuffent endommagées, toutes ces plantes ont été mefurées immédiatement, SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS, 429 Bleds éleärifes. Bleds non électrifés. OBSERVATIONS. mt po. lig. 0. lig. PES Te afsee mie e/sfeela el EL Tr Mines nos us cv: SR 9 Première feuille.....,... Première feuille... ... se31 4 : Deuxième feuille,....., Deuxième feuille. .....,. 4 2 Troifième feuille. ...... 1 Troifième feuille....... 4% Quatrième feuille. ..,... Quatrième feuille...,,.. o 2 les plus longues, les plus longues. RACINES Arena seeseletete Racines een anse 6 Ripe sense Hirerooodomonapuoée 6 Première feuille... GÉCE Prénière feuille, .... RER 4 3 Deuxième feuille, ....... Deuxième feuille. .... ste 6 Troifième feuille. .,..... Troifème feuille, ....,.. o Quatrième feuille. ...,.. Quatrième feuille... .... : o Racines se sa es Racines eee se © m4 + 0m00W 0O00nNON QOOMmMDIFP w O © O0 » -] Deuxième feuille.,...,., 3 ( Troifième feuille,......, Quatrième feuille... ,.,,. RACINES Paie naiss Ph 1518 odobeuos .. Première feuille...:..... Deuxième feuille....,.., Troifième feuille. ...,... Quatrième feuille... ..,. RACINES ose eo se pee T1. nome dde Première feuille,..,.,..,. Deuxième feuille. ....... Troifième feuille. ....,. Quatrième feuille... .,... Racines aie dersiie ets INFOS MODS bE NES Première feuille. .,....., Deuxième feuille, .,,..,, Troifième feuille..,...,, Quatrième feuille... .,.,, RaCines san eee telle etes Tiges dors sseseresoecs Première feuille.,..,.,.. Deuxième feuille.....,,. Troifième feuille .,...... Quatrième feuille.....,.. RACINES. re soiree aie Tiges... soresooos ee Première feuille... ,...., Deuxième feuille.,,...,, Troifième feuille..,..,.. Quatrième feuille. ....., Racines: ste ass eclere ae pi LS el Re eee seems Première feuille...,...... Deuxième feuille. ....., » Troifième feuille...,..... Quatrième feuille... ....., RACINES es roro as ere Hip se ses epe ete Première feuille, ..,..... Deuxième feuille, .,.,,.. Troifième feuille, ....,.. Quatrième feuille... ,,.., RACINES hs stats ie nis srele a De TO = cb NN Oo Oo 1 © O CB © A HA Qui 1 O W O D A EH MW A O © À NON ; PES Peer ( première fenillers stats : O -R b DO D RW ES M'Y D D RUN M 1) D À PS MAR APS M co + H BR O m0 N 4 WOW NH Om D OPA M 1 ON WW. R 4 OO RAN HR 3 z Il ne s’eft trouvé aucun faux germe dans les deux vafes qui contenoïent ces plantes, 430 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, Seigles éleärifès. - Seigles non éledrifès. OBSERVATIONS. po. lig po. Lig. Tige assis tal Tipe ra emanene;ene ME O Première feuille, ....... 3. o Première feuille........ 2110 1 < Deuxième feuille....... at i7 1 Deuxième feuille....... 4 o Troifième feuille. ...... 2 10 Troifième feuille..,.... 2 1 Racines. ...... SAN LIÉE RACINES an eeees nez) Mige.. sh isneeeT 7 pe ste rlateiementte ROUE Première feuille......., 3 3 Première feuille. ,,..... 1 7 2 ) Deuxième feuille....... 3 7. 2 4 Deuxième feuille....... 2 9 Troifième feuille....... 1 8 Troifième feuille....... 1 ?x Racines es b-ete 2 oO Racines... ÉRÉA ALTO Tige... LOS Tiger. HEC Con o 10 Première feuille.,...... 2 © Première feuille...,..... 2 0 3 < Deuxième feuille......, $ 0 3 4 Deuxième feuille. ...... Dr Troifième feuille....... 3 0 j Troifième feuille. ...... 2 4 Racines... eesssore2 6 (imécibes Le drcheitus 2 6 Tige........ nn see das ETES HAS age At Lee LORTE Première feuille. ....... 2 10 Première feuille. ....... 1 10 4 4 Deuxième feuille. ...... 3 © 4 < Deuxiéme feuille...,... 1 8 Troifième feuille. .,.... APTE Troifième feuille. ...,.., 1 € Racines. s.2esseses.e 5, 6 Racines... LE 07 TIRE sursesersenserses Premiere feuille.,....,. $ 4 Deuxième feuille... .... Troifième feuille. ...... Racines .....sssvorsess A HS pb M w co a oO J'ai trouvé le 25 avril ,un faux germe dans le vafe éledrifé , & deux dans celui qui ne l’avoit pas été, lefquels n'offroient que peu de différence entr'eux. ; , Laitues éleärifees. Laitues non éleärifées, OBSERVATIONS. MN po. lig. L ; pe. lig. Tiges & feuilles. ..,... 2 4 Tiges & feuilles. ...,... r © Racine. .... SDS ar Put RACINE er Elec raie es EU VZ Tiges & feuilles... .. TROT Tiges & feuilles.....,,.. o 11 ZRSARAGIREE RE Lee Sole TT 7 RAGE een eee Le eve NT 10 2 SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 431 Laitues éle&rifèes. Laitues non éleärifées. OBSERVATIONS. po. lig. . lige F Tiges & feuilles... 1 9 Tiges & feuilles... ;..:, 0 10 3 Rhone 7/70 ru EUX 3 ÀRagnes en Le XA40 D] Tiges & feuilles........ 1 4 4 TR obes z Tiges & feuilles. ..,..,. 1 5 Fa ia 1 é { Races Peer ; Tee & feuilles.....,,, 1 4 7 Tiges & feuilles.....,,. 1 3 5 3 Racine Re eZ Li Tiges & feuilles........ 1 SÊR AIRE Na ue Re eiacierts LEZ Tiges & feuilles........ 1 2 Sr Ve ere 3 J'ai obfervé le 25 avril 1790 , qu'il y avoit trois faux germes dans le vafe éle&rifé & fept dans le vafe non électrifé. Ces derniers paroifloienc plus grêles que les premiers, À l'égard des deux autres graïnes je n’ai pu les retrouver dans Jaterre, maloré tous mes foins. Nota. Les mefures qui répondent aux mots de tiges & feuilles indiqués collectivement expriment la hauteur de chaque plante prife depuis fon fommet jufqu’au coller de fa racine. | -Celles qui correfpondent aux mots racines indiquent la 1ongueur de chacune depuis fa naïfJance au collet , jufqu'à fon extrémité inférieure. Nous croyons devoir prévenir qu'il en fera ufé de même dans la fuite de ce Mémoire; & il eft de plus néceflaire d’avertir que quand on ne trouvera pour chaque ire: qu’une feule fois le mot racine avec fa mefure placée à côté, ainfi que dans les obfervations rapportées pré- cédemment , ce fera pareillement pour faire connoître les plus longues. J'ai remarqué avec attention que les racines moyennes & autres des plantes électrifées étoient en général plus longues & plus vigoureufes que celles des autres plantes. 432 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, Pois lupins éle&rifès. Pois lupins non éleétrifés. OBSERVATIONS. Re... =) po. lig. po. lig. £ Tiges & feuilles,....... 3 9 : g Te & feuilles, ....... 2 11 ÉLiRacine ae Nes MN ar RaGine rs eeneeece Se 2 Tiges & feuilles........ 3 ? Tiges & fenilles........ 2 11 a 56546 DER TE 2 RE SEE cena eee AT Tiges & feuilles........ 3 + Tiges & feuilles. ......, 2 6 3 he eu se 3 Ru de 26 Tiges & feuilles, ....... 3 o rue © à Le 26 avril 1790, j'aitrouvé dans le vafe qui n'avoit pointété éleérifé un pois lupin dont la pourriture étoit fort avancée. Violiers éleétrifés. Violiers non éleétrifés. OBSERVATIONS. po. lig. 3 po, lig. . ë 3 Tives & feuilles..,.,,., 1 s 4 Tiges & feuilles... 1 0 MÉMRACINE RER, rest le03 RaCine. des esroesee 0 2 Tiges & feuilles........ 1 o Tiges & feuilles........ 1 o ND RE OU TZ Ne ne Le 3 goes & feuilles, ....,., 1 o ao NP E Oo 17 Haginies ose ans rennes @ 8 à PRE cul dore Ste aps -$ Tiges & feuilles..,...,. o 10 ‘ç Tiges & feuilles. .....,. o 9 Ph TN oO II HRRieine) NON Le 9 e Tiges & feuilles....,.,, © 9 QUE & feuilles,,.,...,.. o 7 Racines MR eee TO LA Raciness rides A ot 8 Tiges & feuilles....,,.,. 0 9 Tiges & feuilles. ......., o 6 CE PR AR A ME De CE mL EN 8 = gate & feuilles,..,...,, © 8 IRatihe ss se cle ele en OL INO ges feuilles... Oo 7 + Racine. ses sisennese OM J'ai remarqué le 25 avril 1790, qu'il y avoit trois faux germes dans le vafe électrilé, mais je n'ai pu découvrir ce qu’étoit devenue la douzièms graine, SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 433 graine. J'ai de plus trouvé fix faux germes dans le vafe non élé@rite, lelquels paroïfloient excellivement chetifs. Petites raves éle&rifees. Petites raves non élerifiess L OBSERVATIONS. LR CR ER. “ES, n è po. lige . lige à cer & feuilles.,.,....3 2 : Tiges & feuilles...,,... 5 7 Racine, 2e monresre ose 2 9 Rs 4 rte Ée SEES JE Tiges & feuilles... ..... o Tiges & feuilles.,,...,, 1 6 ni NE PME 6 MAR SUN LENS Tiges & feuilles.,...,., 2 4 Tiges & feuilles........ 1 6 3 Tres ssnssessaresese 1 10 3 Poe MT SFR See NET = Tiges & feuilles. .....:, 2 4 £ Tiges & feuilles. ...... ATTES. Ra£ine...,..resper ess Tr 4 À Racine: .:-,scesmosenee F7 À Tiges & feuilles. ....... 2 1 Tiges & feuilles... PER S,{ Racine dorer s.sspesss T 9 AR ne OR 4 Tiges & feuilles...,..,, 2 + Tiges & feuilles. .... 1 S$ a ne RE © 6 À Re EE RAS Net ee 14 Tiges & feuilles....,.,, 2 o it & feuilles. ...,,,. x RACE En Eee ee CET TAUREGiNE 27 en aeteet NC QE A0] 5 Tiges & feuilles..,.,,.. 2 o Tiges & feuilles....,..: 1 0 L'RaGInES rar metre E c4 8 $ Racine NE one ARR TES Tiges & feuilles, ......, 1 9 : Tiges & feuilles:.....,. 0 10 : Phone EAP RACIS Tu hr ronRiger He o 9 Tiges & feuilles...;.... 1 8 Tiges & feuilles,......, o ro Ne are RU LI Fe NT eo; o 8 Le] Tiges & feuilles, ...... 2 Rte tan 1 8 Tiges & feuilles........ 1 3 Flame M UE I Z J'ai obfervé le 20 mars 1790, qu'il y avoit deux faux germes, pref- qu'impercepribles , dans Le vafe qui n’avoit point été foumis à l'action du fluide électrique. ‘ Tome XXX VITE, Part, I, 1791, JUIN. fii 434 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, Epinars éledrifés. Epinars non éleérifes. OBSERVATIONS, : Ÿ po. lig. po. lig, Tige & feuilles... ..,....2 4 ses Be. feuilles nee are us RACINE seront RER SUR ati à de neue de Dés à 72100 Tige & feuilles... :..4...2 2 ës Tige & feuilles,,.,...., 2 1 Maciner Anne CARTE SU 2NINT Racine! see. s.e02 © À En OT LR o Tige & feuilles..:.... 2 1 RACE ENS eve eee caf VO 3%: Races eee es eee Sr A pese RUE Se I IL A TA AE 1x9 RACINE D MONTE 'ÉONOOEEL AOUS see M0 ; nr & feu HES A RL AA TT Tige & feuilles, ,:..,... 1 17 RACINE ra ee aie ME OT AE DAS ONS EaS t.140134 6 {4 Tige & feuilles... ....., 2 1 Tige & feuilles... ,.,... 1 10 Racine! OC RM Racmes need etes LOS 7 4 Tige & feuilles. +... ... 2 o Tige & feuilles. ...,.... 1 © Racine ........ ÉMIS ATV BacieeenSe Aie 8 es feuilles er nn Er 8 4 TE la PAL ONE Le) Racine ne noie à stua eniel MEET Racine. .... AA Si QUES 5€ Tige & feuilles, 10 FE Qt f Tige & fouilles. LPseS 42 ? MRAtINE AN Le ARE TH PEN RAGE Menara Lie 1007 ro$ T'E° & feuilles... .,..:,. 1° 17 JF Tige & feuilles. ....2. SUERE RÉCLESONDE orne ie 1 o SARacne 259 ME ee 1 9 S Tige & OU. Roue CENT ç Tige & feuilles. .u...... roue ÀRacine......... HAE à à 1 6 TTRacine, esse RU ETS MC 5 Tes & feuilles. 7... 23 \T 1,9 Tige & feuilles st. et LNASE RACINE EN. eee ae TATO RACINE. eee» see ONE Bafilies éleétrifés. Bafilies non éleëtrifes. OBSERVATIONS. CR RS Re... : ÿ $ f po. lig, Tige-& feuilles, .5..,.. 1 3 RaGTe Screens O { Tige & feuilles, ....,.. Te) AGIR E M nle es cle ete u te s'en e, Le 20 mars, j'ai trouvé deux faux germes dans le vale éle@rifé, & quatre SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 435 dans celui qui nel'avoit pas été, lefquels m'ont paru très-fenfiblement plus grêles dans le premier vale que dans le fecond, 1,2, 3»: 4, $s 6,7 & huitième Expériences. Le 17 janvier 1790 , à une heure après midi, j'ai femé dans huit vafes de terre verniflée les graines indiquées ci-après, favoir , quatre pois gour- mands, quatre bleds-noirs, quatre choux verds, quatre haricots blancs, quatre laitues , quatre bleds, quatre feigles & quatre petites-raves ; enfuite j'ai fait la même opération dans huit autres vafes épaux én tout aux fufnommés , lefquels conrenoient aufli de la terre humide en même quantité & qualité , immédiatement routes les graines ont été recouvertes de fix lignes d’épaifleur de terre femblable. Tous ces vafes ont été mis dans l’embrafure d’une fenêtre fur des éragères placées au même niveau & recouvertes de plateaux de verre, lefdits vafes difpofés de manière à recevoir également l'influence de la lumière difufe, & conftamment à l’abri de celle direde.du foleil. Jai commencé à deux heures après midi à électrifer , par communi- cation , huit des vafes ifolés en fuivant exaétement la même méthode que j'avois employée pour ceux misen expérience le 15 décembre 1789. La feule différence qui a eu lieu eft que les arrofemens des plantes électrifées ont été faits avec de l’eau éle&rifée. © * Obférvations. Prefque toutes les plantes éle@rifées font forties de terre plufieurs beures plutot que les autres, il y en a eu même un petit nombre qui ont paru plufeurs jours avant , tels que les haricots. Un pois lupin non éleétrifé a paru à rez de terre, quatre heures environ avant les deux électrifés qui font fortis les premiers. Un feigle non éle&rifé eft forti de terre en même-tems que le premier des bléds qui avoient été élecrifés. Nota. Le 3 mars 1700, les vafes placés fur.les étagères dans l’embra- fure de la fenêtre, tant ceux électrifés que ceux qui ne l’avoient pas été, font tombés à terre avec leurs fupports. Cet accident a été caufé par la rüprure du lien d'un taffeau qui fourenoit les étagères. En conféquence j'ai été forcé de difcontinuer d’électrifer, ce qui a apporté contrariété à ce que je m’étois propofé de faire pendant deux mois confécutifs, Toutes les plantes ont été mefurées immédiatement après leur renverfement. 6 À 53 Certe opération s’eft faite fans difficulté, n’y ayant eu que deux plantes un‘ peu endommagées dans leur chüûre. Tome XX XVIII, Part, I, 1791. JUIN. lii 2 436 OBSERVATIONS SUR LA PH YSIQUE, ÿ Pois gourmands életrifès. Pois gourmands non éledriféss OBSERVATIONS. D I po. lig. po. 18. Lee & feuilles (B)..... ro 6 , £ Tige & feuilles (ÀA)....,. 10 5 Racine .. sors 10 MACINE Sata ele s'hfe oies ae 0 Tige & feuilles (Aer 1b 554) se & feuilles (B)..... 8 o RACINE. » semis pie ele-sseies TS RaCne sels eemesse es .10 6 Tige & feuilles (C).: où 3 { Tige & feuilles (C)..... 8 3 RP PR en LE 10 8 RACINE EE Na Ms see NI S J'ai trouvé le 3 mars, dans le vafe électrifé, & de même dans celui qui ne l'avoit pas été, une graine de pois g gourmand qui étoit tombée prefque complertement en pourriture, Choux verts éle&trifés. Choux verts non éleérifes. OBSERVATIONS. : : po. lig. nos ligs Tiges & feuilles(À 1)... 3 0 1 $ Tiges & re ee 10 Racine. ...sv.sssss..se 2 10 Race nee SOLE. Tiges & feuilles(A 2).... 2 ro Tiges & feuiles(B).... 2 o Racines Re En es c'e ne EE AE A ÉD o $ £ Tiges & feuilles(B)..... 2, 8 { Tiges & feuilles(C).....2 o PACINE A ne cieete ei ee 0 1188 RAIDE ere rm sr ©, 4.4 Tiges & feuilles(C).....2 7 Tiges & feuilles(D)..... 1 rt Racinese: es dde cal 3e Racines... RSS . © à Seigles éle&rifés. Seigles non éleërifés, OBSERVATIONS. CR CR RS 0. lg po. lig. 10 Tiges & feuilles(A r).. Racine. . .. HAE ADD . Tiges & feuiles(A mere Racine. le ecesesse Tiges & feuilles(B)...... Racine .....ssnssssss .. Tiges & feuilles(C)..... Raçine .smssovgrserseas k guess & feuilles(A)..,.. 7 ne 7 2 Racine,...... A œ ….. Tiges & feuilles(B 1).... 7 $ Racine. 17 "9 $ s) 4 Tiges & feuilles(B 2)... Räcmeses ten ue AE FAO AR WIN NNT a+ no o $ Tiges & feuilles(C)..... $ Race nee create $ SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 437 Laitues éleérifees. Laitues non éleétrifées, OBSERVATIONS. 7 po. lig. po. lig. $ Tiges & feuilles(C 1)... 2 8 : sie & feuilles(B)..... 2 9 RACE ir ss some ose o 9 Racine s.,22. se. O9 Tiges & feuilles(A)...,. 2 € M 5 Tiges & feuilles(A)},.... 1 7 RACINE nie RER E dee à hat Racine rm eee: ei0LS Tiges & AE se. 02,110 Racine. aa RACE o 8 ÿ Tiges & RE 2)...22 Racines SE DT TC) J'ai trouvé deux faux germes très-chétifs dans le vafe non éledtrifé, Petites Raves éleérifées. Petites Raves non életrifées. OBSERVATIONS. a >, ; È po. lig. 2 lig, Tiges & feuilles(A)..... 3 11 , $ Tiges & feuilles(A).. s Racine ................ 8 9 £ Re dr TUE 17 Tiges & feuilles(B)...... 3 7 s £ Tiges & feuilles(C)..... 2 rt RACINE EN cmiel ee RCE Racime.#.5.2 ee LAITENT Tiges & feuilles(C)....., 3 7 { Tiges & feuilles(B)...., 29 RACE. Pies stature see e LUE RACINE ESA RS 17?$ Tiges & feuilles(C)..... 20 S Tiges & feuilles(D)...., r 8 RAaGinC.. Lyme Sn e a ET RACE LA Mecs ee ee 312 Bleds éleétrifés. Bleds non éle&rifes, OBSERVATIONS. ST 4 À po. lig. J ÿ po. lg £ Tiges & feuilles(A)..... 8 1 Tiges & feuilles(A 1).... 7 10 RACINE Sectes FOR de) RACINE nes eee A 7 US Tiges & feuilles(B),..... 7 6 Tiges & feuilles(A 2)..., 7 RE ri ete () ee de Bad o 6 Tiges & feuilles(C)..... 7 o a Tiges & feuilles(B) .....-6 %4 déni à Libé .% 4 6 Racine... con. SAS .5 € o » Les & feuilles(D)..... 6 11 sas & feuilles(C)..... 6 RaGine . eresvaresogeses 2 Matin ol. strate » 438 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, J'ai obfervéle 3 mars 1790, que les grains de bled noir & de haricots blancs qui avoient été femés dans les vafes éleétrifés & dans les autres le 15 décembre, ne préfentoient de-difference dans leur état à cetre première époque, que celle d’un gran& gonflement qui m'a paru avoir été uni- quement occafñonné par leur féjour dans la terre humide, n'ayant point remarqué la plus petite apparence d’un commencement de développement de germe. 3 ù Nota. Pendant la durée de routes ces expériences, le plus haut degré du thermomètre de M. de Réaumur a été de. 15 ?, & le plus bas de 4 + au-deflus du terme de la congellation. 1,2, 3» 4» S»s 6,7 6 huitième Expériences. Le 18 janvier 1790, j'ai femé dans huit vafes égaux de terre verniflée, contenant de la terre humide en même quantité & de même qualité, huit graines de chanvre , & huit de choux verds, huit de feigle & huit de bled. J'ai de plus femé, dans quatre aurres vafes égaux en tout aux premiers, quatre graines de chanvre, quatre de choux verds, huit de feigie & huit de bled. Immédiatement après ce dernier fémis, toutes les graines contenues dans les douze vafes ci-deflus défignés , ont été recouvertes de fix lignes d’épaiffeur de terre humide, enfuite j'ai placé les huit premiers vafes fur une étagère fituée dans l’embrafure d'une fenêtre fur laquelle j'avois mis des plateaux de verre pour ifoler les vafes qui devoient recevoir l'action du fluide électrique ainfi que les autres. A près avoir difpofé tous ces vafes de manière qu’ils fuffenc à l'abri de l'influence de la lumière directe du foleil , j'ai pofé les quatre autres vafes fur des plateaux de verre firués fur le plancher de la même chambre & vis-à-vis de la fenêtre , mais à une diftance de douze pieds de ceux placés dans l’embrafure. Après quoi j'ai commencé à élecrifer quatre de ces vafes, en fuivant abfolumént les mêmes procédés que j’avois déjà employés pour les dernières expériences dont il a été fait mention dans ce Mémoire. Obfervations. La majeure partie des plantes éle@rifées ont levé avant celles non éledrifées placées à côté des premières. A l'égard de celles qui étoient fituées fur le plancher , elles font routes forties de terre plufieurs heures plus tard qué les autres , la différence pour les huit premières a été depuis deux heures & demie mirimement , les aütres plantes ont paru à rrès-peu de chofe près dans le mênre tems. { “ARE De ce nombre j'aicompré un bled éle&rifé & un autre non éle@rifé , un feigle électrifé .8 un qui ne l'avoie pas étés - « SUR, L'HIST, NATURELLE ET LES ARTS. 439 Nora. Le 19 mars 1790, j'ai ceflé l’éledrifation. Le même jour à huit heures du matin après avoir fait fortir de terre toures les plantes avec les précautions convenables pour que leurs racines, &c. ne fuflent ni caflées ni froiflées ; elles ont été mefurées immédiatement, Chanvre éle&rifé. Chanvre non éle&rife. Mefurées premiérement le premier Mars: OBSERVATIONS. po. lig. po. lig, Tige fans feuilles. ,.,,,,6 2 Tige fans feuilles..,,,,, 6 2 1°° feuille, longueur.....0o 7 1°° feuille, longueur... ,. o 3 largeur.....,.0 3 x larpéyr aie. one 2° feuille, longueur.....o 7 2° feuille , longueur... o 3 largeur.......o 3 x largeur.....,.0 2 3° feuille, longueur..... o $ 3° feuille, longueur... o 2 = 1 largeur. ...,.o 3 x largeur... 0 71 à 4° feuille, longueur.....o 5 4° feuille , longueur... ..o 2 x largeur....... © 3 largeur. ...,.,.0o 1: = 5° feuille, longueur.....o 2 x largeur... 0) 1 2 Point de cinquiéme ni de fixieme 6° feuille, longueur.....o 2 3 feuille, largeur.,.....o 1 Z po. lig. po. ligë Tize fars feuilles. ...,.. $ 6 Tige fans feuilles... ,.., 6 ro 1°° feuille, longueur. ....o 6 1° feuille , longueur. .... o 3 largeur....... o 4 largeur... ONE 2° feuille, longueur. .... o -6 2€ feuille, longueur. .... o 3 largeur... .... 0 4 largeur... AO 2 3° feuille, Jongueur*.... o 4 3° feuille, longueur.....o 2 + 2 largeur....... 0 3 2 Jargeur.......o 1 À 4° feuille, longueur, .... o. 4 4° feuille , longueur... o 2 £ largeur......, 0 3 largeur....,,,0o 2 È 5° feullle, longueur. ..., o 7 largeur....... o 033 Point de cinquieme ni de fixieme 6° feuille, longueur... ,. o 1 … feuilles, largeur. .,,,, 0 03 440 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE; Les mêmes Plantes mefurées le 19 Mars, Celles éleétrifées. ‘Celles non éledrifèes. en OBSERVATIONS. RE CS CR A 6. lig. Tige fans feuilles, ..... 11 Nota. La plante correfpondante come 1"€ feuille, longueur.,... 0 7 mençoit à s’étioler le 4 Mars. largeur....... 0 3 Elle étoit morte le 9 du même mois, 2° feuille, longueur,...,0 7 . Jargeur.......0 3 3° feuille, longueur..... 1 1 2 y largeur ....., o 5 4° feuille, longueur,....1 1: largeur... ... o # 5° feuille, longueur.....ô 6 largeur,...... o 2 6° feuille, longueur.....o 6 ro. Hgs largeur... ,... 0: -2 Le 5 Mars la racine avoit Racine, longueur...,...2 6 Jongueur.e «ses eoserpessoses L 9 PO. lig Tige fans feuilles....r,. 6 4 Une autre plante correfpondante 4 1° feuille, longueur. . ... o 6 + commencé à s’étioler le 7 Mars largeur....... 0 2% Elle étoit fans vie, 2° feuille, longueur..... o 6 3 Le 13 idem. largeur......, 0 2 À 3° feuille, fongueur...,.1 o largeur... ... 9 4% % \ 4° feuille, longueur, .... 1 0 largeur......: 0 4% 5° feuille , longueur, .... o 5 + largeur. ...., Oo I 6° feuille, longueur,.,.. 0 $ % Jargeur.. ..... o 1% Le r3 Mats po. ile. Racine, Jonpueur...... 3 4 Sa racine avoit de longueur 1 7 J'ai obfervé le 19 mars 1790, qu'il y avoit deux faux germes de chanvre dans chacun des vafes électrifés & non élecrifés, lefquels ne préfentoient prefque point de différence entr’euxe Bleds SUR L'HIST. NATURELLE ETLES ARTS. . 44u Bleds éledrifés. Bleds non éle&rifès. Mefurés-le 19 mars. OBSERVATIONS à RS po lig. po. fig: Tige fans feuille. ....,.. 1 L Tige fans feuille. ....... r 10 Première feuille... ...... 4 Première feuille. .. .... cn) Deuxième feuille. ....:.. ANT à Deuxième feuille,” .. PV GS, 4 x < Troifième feuille...-..,.10 o Troifième feulle........ € 3 Quatrième feuille... ..... 2 6 Quatrième feuille... ... 2. 3 Cinquième feuille. ..... $ 8 Point de cinquieme feuille. Racine... .... PSE te TT Racine. CASE DDet JA à Tige fans feuille. ......, 1 9 Tige fans feuille ....... 1 9 Première feuille....:..."3 Première feuille .:.:..,. 410 Deuxième feuille. ....... $ ro \ Deuxième: feuille, . ..... 6: 7, 2 < Troifième feuille. ....... 722 9 Dre fete V2 . $ 10 À Quatrième feullle....... 7 10 Quatrième feuille... .... 6 IL Cinquième feuille......, 4 2 Point de cinquième feuille. RAGE. SL PR Re et à A7 Ratite.-e.:-440eet 0300 Tige fans feuille........ 1 8 Tige fans feuille. ....,. 11 $ Prémière feuille, ....... 4 o £ Première feu.lle..... LEE 7 Deuxième feuille........ 6 5 Deuxième feuille. ...... 6 o 3 ln FD oi € 4 à 19 èlm lige O © = R CACCTO] Kkk 2 444 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, i £ “Bleds. OBSERVATIONS. Tige fans feuille(B 1).5.::%.,,,.,. 703 Première feuille...longueur........2 11 Deuxième feuille. .longueur...,...., 6 0 Troifième feuille. ..longueur, ...,,.. 6 x = Quatrième feuille..longueur.,......1 10 # Racines .......e0«lONpUEUT. use» » » 2 (ne fans feuille. (B 2)... rez Première feuille ...longueur.,....,...3 2 Deuxième feuille..longueur....,... $ 10 & 3 { Troifième feuille ..lorgueur........ 6 Quatrième feuille. .longueur........ 1:58 Race te. longueur, «:..... - Tige fans feuille (C)........ HO MES Première feuille ...longueur........ 2 4 Deuxième feuille. .Jongueur.....,.. $ 9 4 Troifieme feuille. . longueur... ..... $s T2 “2 Quatrième feuilie..longueur.…...... 64 6% Racine bear longueurs.sseue Choux verts OZ2SERVATIONS. CR 3 " poiiti. : sue PAR dE RE PERDRE Raçines. .4.......longueuri, 4.17 44 Tige & feuille(A)..,........ HO cn LE Racine .,.........longueur...,,...1 3 % lPigene-femillé(C) Te ..1 10 À Racie sperme recasans oser L 2 2 J'ai obfervé le 19 mars, qu'il y avoic un faux germe, lequel étoie tès-chetif, AR SUR L'HIST, NATURELLE ET LES ARTS, 445 aitu Seigles. 7 +, OBSERVATIONS. a it Re... |) ? po, ligs Tige fans feuille(Ar).,.,....,..2 7 Première feuille. . .longueur.....,..2 10 + Deuxième feuille. longueur, ......, $ o X À Troifième feuille.. longueur. ,....., 6 $ & Quatrième feuille::longueur.....,.. 1 10 Racirie .......... longueur... ... er Tige fans feuille (B 1).....,..:... 1 11 % Première feuille. ..longueur..,...,. 2 9 À Deuxième feuille. .longueur.....,.. 4 11 Ÿ Troifième feuille,. longueur. .. sv SALE Quatrème feuille,. .Jongueur........1 9 + Race 22 A Rene ne 5 2e Tige fans feuille (A)......:.,..,,. 1 10 4 Première feuille ...longueur..,..... 2 9 Deuxième feuille. .longueur....,..., $ _o 3 À Troifième feuille.. longueur, ....,..5 9 à Quatrième feuille. .longueur......., 1 10 Raçine ..... ....…longueur.:....,. 1 10 & Tige fans feuille (B 2) ...... sossve 1 6 Première feuille... .longueur,....,..2 8 3 Deuxième feuille: .longueur....., 4 61 # 4 Troifième feuille.. longueur. ....,.. $ 8 Quatrième feuille. .lonpueur......,, 1 11 Racine ....,......longueur......,. 1 10 Nota. Pendant la durée de ces expériences le maximum du thermo: mètre de Réaumur a été de 15 d. +, le minimum de 4 d, = au-deflus de zéro. ù Obfervation générale: La comparaifon de ces plantes avec celles de même efpèce non électrifées qui avoient été placées dans l'embrâfure de la fenêtre, prouve inconteftablement que la germination n’eft pas conftamment plus hâtive & la végétation plus accélérée de celles qui reçoivent un plus foible degré de lumière que des autres, toute chofe égale refpectivement ; ce qui paroît contraire à ce qu'a prétendu M. Ingen-Houfz. Comme j'ai répété ces expériences fur un grand nombre de plantes de différentes efpèces { détail qw’il feroir trop long de tapportér ) & que j'ai obtenu prefque toujours des réfultats femblables à ceux qui ont été défignés en dernier lieu, je.crois être fondé à foutenir que ce qui a été 446 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, généralifé à cet égard n'eft que particulier, & mène à établir avec confiance cette aflertion ; favoir, que 2 le plus ou Le moins d'intenfité de lumière que reçoivent des plantes de même efpèce , toutes chofes égales de part & d'autre, influe fur le développement de leurs germes ainft que fèr leur végétation, ce n’eff point en général, comme on l'a avancé, mais plutôt d'une manière oppofce. Je fuis bien éloigné cependant de révoquer en doute, qu'il puifle exifter des plantes qui croiffent plus vite que d’autres de même efpèce , ar la feule raifon que ces premières font expofées à une lumière plus Éible; mais je ne penfe pas que cela doive füuffre, à beaucoup près, pour adopter dans toute fon étendue l’opinien de M. le docteur Ingen-Houfz à cet égard. Nota, Pour m'aflurer très-pofitivement , que la végétation des plantes fituées à une certaine diftance de la fenêtre , n’étoit point retardée com- parativement à celles des plantes placées dans fon embrâfure ; à caufe de la différence de la chaleur à laquelle ces plantes étoïent expofées , j'ai tenu conflamment à côté d'elles deux thermomètres au mercure, que j'avois reconnu fuivre la même marche, il en eft réfulté , que leur com- paraifon régulière & très-multipliée m'ayant donné des termes fenfible- ment égaux dans le même *ems , mes doutes ont été détruits, Il eft effentiel d'avertir, que les arrofemens des plantes qui étoiene placées à douze pieds de diftance de la fenêtre, ont été faits de manière ue la terre y a été conftamment entretenue au même degré d'humidité qu'avoit celle contenue dans les autres vafes : ce qui fous-entend par conféquent qu'ils ont été moins fréquens dans les vafes les plus éloignés de la fenêtre. Obfervation générale. très-fenfiblement les plantes expofées à un foible degré de lumière ,.des auvres , & fur quoi il me paroît difficile d'être contredit par les phyli= ciens , &c. font pour les premières : 1°. Leur étiolement. 2°. Leurs racines , tiges, &c. plus prêles. Lefquelles entraînent néceflairement leur moindre durée, Je n’ai point jugé convenable de rapporter dans ce Mémoire les expériences fur cet objer, que j'ai répétées en fuivant , auffi exactement u’il m'a été poffible, les procédés, &c. défignés par M. Ingen-Houfz Le plufieurs de fes ouvrages , par la feule raifon qu'ayant obtenu conf- tamment des réfultats , à très-peu de chofe près, femblables à ceux publiés récemment par MM. les abbés Bertholon, d'Ormoy, &c, je devois épargner au Lecteur une répétition faftidieufe, Fin de le première partie, Les quite principales & conftantes que j'ai obfervées diftinguer 1 nant te 0 5 Te nn SE dé nie he à SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 447 LETTRE DE M VAN-MARU M; AM. JEAN INGEN-HOUSZ, Médecin du Corps de l'Empereur , &cs Contenant la defcription d'une Machine éleérique , conftruite d'une manière nouvelle & fimple , & qui réunit plufieurs avantages fur la conftruéion ordinaire, Nsreves 3 Comme la Phyfque doit à votre génie l'invention des machines électriques à plateau, j’ai cru bien faire en vous dédiant la defcription d'une nouvelle conftruétion de la machine à plateau, que j'ai fait faire dans le dernier mois de mars. Ayant befoin d'une machine éleétrique dans Le laboratoire , que j'ai fait faire l’année paflée près du muféum de Teyler, pour m'en fervir . dans les recherches phyfico-chimiques que je me fuis propofées , & pour lefquelles la grande machine teylerienne feroit trop incommode , j'ai étudié de quelle manière je pourrois perfectionner l'appareil ordinaire, en le fimplifant en même-tems & le rendant plus propre pour s’en fervir à tout inftant. L'appareil, que vous voyez repréfenté PZ, I, eft le réfultat de cette recherche. Je m'en vais vous l'expliquer, vous expofant en même-tems, quel eft le but de chaque changement , que j'ai faic faire à l'appareil ordinaire, I. La machine électrique à plateau a eu jufqu'ici le défaut, que l'éle&ricité négative a été toujours très-inférieure en comparaifon avec l'électricité poftive, à caufe que les frottoirs font ordinairement unis avec la plus grande partie de l’appareil de la machine , de manière w’on ne peut pas les ifoler féparément. On les ifole donc avec tout L'appareil de la machine, dans lequel les plateaux font tournés , en mettant fa bafe fur trois ou plufeurs colonnes de verre. Mais cet ifolement n'eft que très-imparfait, parce que tout l'appareil de la machine , ou au moins fa bafe, & fa partie fupérieure (en cas que les montans foient faits de verre ; comme ceux de la machine ceylerienne ) ü \ LA s 448 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, étant unis avec les frottoirs, il y a alors une trop grande furface con- dudrice expofée à l'air, & par-là trop de moyen d’atrirer du fluide électrique de Parmofphère; ce qui détruit en grande partie la force négative qu'on a excitée. Les machines éle@riques à cylindres, dont les anglois fe fervent , ont cet avantage , que les frortoirs font feulement unis ‘avec leurs conducteurs , & ifolés avec eux ; ce qui fait que l’éle@ricité négative eft vout-à-fait égale à l'électricité pofitive. Depuis que j'ai obfervé cet avantage très-réel aux différentes machines éle@riques à cylindre, que j'ai vues l'année paflée à Londres, j'ai reconnu d'autant plus le défaue de nos machines électriques à plateau à cet égard, & j'ai recommencé mes recherches pour bien ifoler féparément les frottoirs ; ce que j'avois déjà effavé il y a deux années. /’oyez ma première Lettre à M. Landriani, Journal de Phyfique , avril 1789, page 285. M. Nisholfon a donné à fa grande machine à cylindre, qui eft la plus vigoureufe, & la plus parfaite que j'aie vue de cette efpèce une conftruction particulière, par Jaquelle il peut obrenir l’élericité, foit poftive ‘ou négative dans le même conduéteur , par un changement qui fe fait à V'inftanr. C’eft par-là qu’on eft en état d'examiner & de faire voir la différence des phénomènes des deux élefricités, avec plus d’exactitude & d'évidence, en les effayant toutes deux, l'une après l’autre, au même appareil. Vous avez admiré avec moi cette invention , lorfque ce célèbre phyficien nous a fait voir fon bel appareil, C’eft depuis ce tems-li que je ne {uis appliqué à rrouver les moyens de donner la même perfection à une machine à plateau, c’eft-à-dire, de la faire conftruire en forte de pouvoir produire les deux élecricités l’une égale à Pautre, de pouvoir les changer à linftant, & les effayer au ‘même conducteur ; un arrange- ment que Je croyois d’autant plus intéreflant, parce que c’eft par les machines à plateau, qu'on peuc obrenir la plus grande force. PL. I. répréfente la machine , que j'ai fair exécurer pour cer effet, & qui fatisfait parfaitement aux différens buts fufdirs. Vous voyez d'abord , que les frottoirs fonc ifolés inimédiarement , chaque paire étant placée fur un fapport de verre A. (Voyez PL. II, fig. r, qui repréfente les contours de PL. T, excepté que les arçs des conduéteurs fe trouvent dans une autre poñition , dont je parlerai après.) Dans l'appareil ordinaire des machines à plateau les frottoirs font placés verticalement : il faut donc qu'il y ait pour cer effet deux monrans , qui portent un chapiteau sauquel les frottoirs fupérieurs fonc fixés. Puis pour ifôler les frottoirs verticaux , il faut , 1°. que l'axe foit ‘auili élevé deffus la bafe de l'appareil, qu'il air affez d’efpace entre les bords du plateau & la bafe de l'appareil, pour y mértre un fupport ifolant affez long pour ifoler les frottoirs inférieurs ; & pour l'ifolement des frottoirs fupérieurs, le-chapireau doïr être fi élevé, our qu'il y aitentre lui & le bord du plateau affez d'efpace à cét effer. Ceft de cette manière que j'ai fait ifoler féparément les frottoirs rie (3 SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 449 de ma machine à deux plateaux de trente-deux pouces de diamètre, décrite dans ma première Lettre à M. Landriani ; mais le volume de certe machine , qui étoit beaucoup aggrandi par cet arrangement, me plaifoic très-peu , & cependant les fupports éroient encore trop courts, pour bien ifoler les frottoirs. 2°. La diftance des deux montans doit être afez grande, afin que l'appareil des frottoirs s’en trouve affez éloigné pour n’en pas attirer du fuide éleétrique; mais pour cet effet les montans d'une machine à plateau de trente-deux pouces de diamètre devroient être au moins à trois pieds & demi ou quatre pieds de diftance. J'ai tenté de diminuer cette diftance , en faifanc garnir les montans par des plaques de verre verniflé, mais je ne pouvois pas ifoler les frottoirs de cette manière aufli bien que je le defirois. Pour éviter tous les inconvéniens fufdits, & pour obtenir un ifolement plus parfait des frottoirs, je les ai fait placer dans une pofition horifon- tale, & je fais repofe: & tourner l'axe du plateau B 2 fur une feule colonne C, qui a pour cet effet un chapiteau allongé K , portant deux collets de cuivre D, placés tout près les extrémités de ce chapiteau allongé, & dans lefquelles l'axe tourne. On voit mieux cer arrangement dans la PL. III, fig. 2 , qui repréfente la coupe verticale de l'appareil , paflant par le milieu de l’axe & des conducteurs. Tout y eft réduit à : de fa grandeur, & les parties marquées de la PL. IT, ont ici les mêmes lettres. L’axe a un contrepoids de plomb O, pour prévenir, que le poids du plateau ne caufe pas trop de frottement dans les collets D, qui fe trouvent près de la manivelle. Fig. 3, repréfente la fetion verticale des collets D, réduire à un quart de la mefure. Vous voyez d’abord, Monfieur, combien l'appareil eft fimplifié & perfectionné par cet arrangement. Au lieu des deux montans de l'appareil ordinaire, dans lequel l'axe eft tourné, & du chapiteau qu’ils portent, je n’ai qu’une feule colonne ; & comme les frottoirs ne font pas placés vis-à-vis de cette colonne, la diflance de feize pouces fufft pour les ifoler. De plus , la pofition horifontale des frottoirs donne lieu à ce que les fupports des frottoirs aient plus que la longueur néceffaire pour les bien ifoler, fans que le volume de l'appareil foit augmenté par-li, & que les frortoirs ne trouvent donc aucun corps fi près d'eux pour en attirer le fluide électrique, excepté l'axe ; mais j'ai prévenu que celle-ci ne puifle rendre du fluide électrique aux frottoirs, l'ayant fait faire en partie d’un corps non conduéteur, comme je le décrirai ci-après. C’eft par ces moyens que je fuis parvenu à obtenir une électricité négative tout-à-fair égale à l'électricité pofrive de la même machine. IT. Le fecond point que j'ai eu en vue, eft de pouvoir changer à l'inftant les électricités d'une machine à plateau, auili bien qu'on peur le faire à des machines à cylindre, & d'y appliquer en même-rems l’idée de de M. Nicholfon , pour faire les changemens des deux élecricités au Tome XXXVIIT, Part, I, 1791. JUIN, LI v 4 ES « 450 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, même conduéteur : voici de quelle manière jy fuis parvenu. L’arc du conducteur EE, qui porte les deux petits conducteurs abforbans FF, (PL IIT, fig. x) eft fixé à l'axe G , qui tourne dans la boule H. Vis-à- vis de cet arc ou demi-cercle EE, à l’autre côté du plateau, fe trouve un autre arc ÎE, fait de fl-d’archal d’un demi-pouce & fixé à l’extrémiré du chapiteau K, de manière qu'on puifle le tourner , comme l'arc EE, jufqu’à ce qu'il touche les parties poftérieures des frottoirs ; pour leur fournir du fluide éleétrique. On voit la machine dans cet état, PL. I. Si au contraire on veut fe {ervir du même conducteur pour un effet négatifs pour lors on n’a rien à faire que de tourner l'arc EE, jufqu’à ce que les conducteurs abforbans FF touchent les frottoirs, & de mettre l'arc IT dans une pofition verticale. PZ. IT , repréfente la machine dans fon érat négatif. Les deux petits conduéteurs F, F étant arrangés en forte qu'ils touchent en même-tems les deux paires de frottoirs, il n’y a pas autre chofe à obferver pour mettre la machine dans fon état négatif, que de tourner cet arc jufqu'à ce qu'il foit arrêté ; il couche alors les parties poftérieures des frottoirs, & le même conduéteur, qui a fervi pour l'életricité pofitive , fait à préfent voir l'életriciré négative. Le con- ducteur IT étant placé verticalement , fert au procédé indifpenfable dans le cas qu’on veuille éle&trifer négativement, c'eft-à-dire, d’abforber le fluide éle&trique , qui par le frottement fe trouve fur la furface du plateau, ayant, pour mieux fatisfaire à cet effet , les deux petits conduc- teurs L, L, qui ont la diftance d'environ + pouce du plateau. — Vous voyez donc , Monfieur, qu'on peut changer par ce fimple appareil les deux électricités d’une machine à plateau, en tournant feulement les deux arcs fufdits, ce qu’on peur faire dans un inflane, & qu’on a de plus Vavantage de pouvoir comparer les différens phénomènes des deux électricités au même conducteur. III. Le troilième article, qui m'a paru depuis quelque tems être moins convenable dans l'appareil ordinaire , eft la forme & le volume du conducteur , & la manière de le placer. Le corps du conducteur d'une machine à plateau de trente pouces & davantage, confifte ordinairement dans un cylindre de plufieurs pieds, pourvu de deux boules d'un plus rand diamètre à fes extrémités, dont l’une porte l’arc avec les bras abforbans. Ce conduéteur repofe fur un fupport, qui eft féparé du refte de Pappareil , & dont on eft ordinairement obligé de lôter, quand on veut enfermer le plateau & les frottoirs dans fon armoire pour les con- ferver, d'autant plus, puifque le grand volume du conducteur lui fait ordinairement occuper trop d’efpace, quand il eft fixé fur fon fupport. On eft donc obligé , chaque fois quand on recommence les expériences, de remettre le conduéteur fur fon fupport , & d’en chercher exactement la jufte pofition , afin que les bras abforbans, ou les pointes qu'ils portent, ne touchent pas Le platean, Outre cela il arrive quelquefois, après avoir » SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 4x placé le conducteur d’une grande machine, que les bras ou pointes abforbans commencent à toucher le plateau pendant l'expérience : ce qui eft occafionné par le tremblement du plancher, & par la pofition moins ftable du conduéteur ; un inconvénient fur-rout défagreable, quand on charge une batterie, Pour éviter tous ces embarras, j'ai diminué de beaucoup le volume du conduéteur , en employant une feule boule de neuf pouces H, au lieu du conducteur cylindrique ordinaire de plufieurs pieds. Cerre boule H elt fixée par trois vis fur une petite calotte M, qui eft foudée à une virole maftiquée fur le fupport N, & ce fupport eft fixé fermement fur la bafe de l'appareil. Si donc le conducteur avec fes bras abforbans eft une fois bien fixé de cette manière, il l’eft pour toujours. De plus, comme l'étendue de ce conduétur n’eft pas trop grande pour V’enfermer , avec fon fupport, dans une armoire, faire de la même manière que les armoires, dont on fe fert ordinairement pour conferver les plateaux & les frottoirs des machines de cette grandeur, j’ai fait enfermer tout l'appareil, excepté la colonne B & l'axe jufqu’à la ligne rayée ff, dans une telle armoire, féparée en deux parties, qu'on met facilement fur l'appareil comme une enveloppe; ce qui le conferve fi bien , qu'il eft toujours prêt à l'ufage, avfli-tôt qu’on en a Ôré l’enveloppe, pourvu qu'on ne fe foit pas fervi de la machine pendant long-tems: car alors le plateau & les froitoirs doivent être nettoyés auparavant , comme à l'ordinaire, IV. Les bras abforbans des conducteurs des machines à plateau, qui font pourvus de pointes, ont le défaut, que les pointes les plus proches de l'axe donnent des rayons vers l’axe & vers les frottoirs, ou vers les frottoirs feuls , en cas que l’axe foit bien ifolé. C’eft ce qu'on n’a pas pu prévenir, en cas que lexciration für forte , qu’en faifant Les bras ablorbans plus courts, qu’ils ne doivent être pour abforber le fluide électrique excité dans toute la largeur de la furface frottée. Pour diminuer ce défaut, j'ai eflayé , en février 1790 , fi des conducteurs cylindriques fans pointes ne pourroïent pas fervir également pour des conducteurs abforbans, à condition qu'ils ne foient pas éloignés plus d’+ de pouce de la furface frottée, & ayant vu alors , qu'ils y fatisfont tout-à-tait fi bien, & qu’ils ne donnent point tant de rayons fufdits, j'ai fait faire les bras abforbans F,F fans pointes. Ce font deux cylindres longs de fix pouces & larges de deux pouces & demi, faits de cuivre mince, & terminés en hémifphères. Ces conducteurs ne préviennent pas rout-à-fair les rayons fufdits vers les frottoirs, mais ils ne les donnent pas cependant de beaucoup près fi-tôt, & feulement dans le cas qu'on laiffe le conduéteur feul très-furchargé du fluide électrique, c'eft-à-dire, quand on ne fait rien que d'accumuler le fluide électrique , fans le communiquer avec une batterie, ou avec quelqu’autre appareil. V. Pour communiquer aifément l'électricité du conducteur à tout appareil, qu'on veut employer, fans avoir befoin de différentes pièces de Tome XX XVIII, Pare. I, 1791. JUIN, L'Lll2 452 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, communication ou de guéridons , dont on fe fert ordinairement près des eonduéteurs de grandes machines à plateau, j'ai fait faire un tuyau de cuivre courbé P , tel qu'on le voit repréfenté f£g. r, PL, LIT, à l’extr?- mité duquel eft un globe Q d’environ trois pouces.'Ce tuyau, qui eft uni avec une pièce cylindrique de cuivre R, elt fixé au conducteur H par la boule S , qui a une tige, qui pafle par le milieu de la pièce R, & qui eft viflée dans le conducteur. Par le moyen de cette boule, qui fert ici pour une vis de preflion , on peut fixer le tuyau fufdir, foit horifontale- ment , Où verticalement, ou dans toute autre poñrion défirée ; & afin qu'une légère preffion de la pièce R donne affez de frottement pour tenir le tuyau courbé dans la potion horifontale , la furface de la pièce cylindrique R , qui regarde le conducteur, eft creufée, pour répondre exactement à la convexité de la boule H. Par le moyen de ce feul tuyau mobile, on peut communiquer l’éledricité du conduéteur à tout appa- reil, qui a depuis un jufqu’à cinq pieds de hauteur deffus le plancher, ou le fond fur lequel la machine repofe. La boule S, qui eft de deux pouces , fert aufli pour en tirer de longs rayons foudroyans ; mais il faut Ôter pour cet effet le tuyau courbé, & ne pas faire entrer la vis de la boule S plus loin dans le conducteur H , que jufqu’à ce que la boule en foit à la diftance d'environ un pouce. VI. Pour prévenir la diffipation de l'éle@ricité du conducteur le long des fupports , je Les ai munis de boules T T, faites de boïs de mahoni. Leur forme eft exaétement la même que celle des boules, dont les fupports du. conduéteur de la grande machine teylerienne font pourvus, pour prévenir le flux du fluide électrique le long des fupports, & que j'ai trouvée alors être le moyen le plus fatisfsifant à cet effer; PL. IT, fig. 1, en repréfente la coupe. Ces boules couvrent en même-tems les viroles de cuivre, qui font maitiquées fur les fupports, & dont les bords, s'ils éroient découverts, cauferoient la perte d'une grande partie de Félectricité communiquée au conducteur, Tous les trois fupports ont aufli en bas des anneaux de bois de mahoni V, V, V, pour couvrir les viroles de cuivre W, qui font mafti- quées aux fupports, & pourvues de plaques de cuivre , affez larges pour pouvoir être fixées bien folidement fur la bafe de l'appareil , par des vis de fer qui les traverfenr,. Comme la partie fupérieure de ces anneaux de bois a la même forme , que la partie inférieure des-boules, ils fervent également pour prévenir, que les bords des viroles fufdits n’attirent pas le fluide électrique du conducteur, ou ne le lui rendent. VIT. Les frottoirs de cette machine, qui ont neuf pouces de long ; font faits exaétement comme ceux que j'ai décrits, dans ma feconde Lettre à M. Landriani, (Journal de Phyfique, février 1791, page 109, &c.) (*) & aufli l'appareil, qui fert pour les appliquer, ne diffère pas de celui que j'ai décrit dans ma première Lettre à M. Lao: SUR L'HIST. N'ATURELIE ET LES ARTS. 453 driani (Journal de Phyfique, avril 1789 , pag. 276 , 277, fig. 1), que par rapport aux charnières, par fefquelles les frortoirs fonc fixés aux reflorts qui les preffenr. Au lieu de la charnière, f22. 6, j'ai fait faire à chaque frottoir une sue de fer X , longue de trois pouces & large d’un pouce , qui eft fixée par des vis fur le dos du frottoir , comme on voir, PL. II, & cette plaque eft réunie au bout du reflort par ane charnière ordinaire, VIII. Les extrémités des frottoirs font couvertes par des plaques de gomme lacque Y,Y,Y, qui débordent de trois côtés. Ces plaques empêchent, que les bords & les coins de cette partie des frottoirs n’attirenc point le fluide électrique ; ce qui a lieu quand ces plaques n'y font pas placées, & ce qui fait perdre une partie très-confidérable de la force, fur-tout lorfqu on fait agir la machine négativement, Aufli une des paires des frottoirs eft pourvue d'une boule J , pour prévenir que les extrémités des règles de bois & n'abforbent pas le fluide électrique, en cas qu'on électrife négativement ; ce que j'ai prévenu à l’autre paire des frottoirs , ayant faic faire les règles de bois fi courtes , que la boule T empêche l'abforption fufdite. IX. Les frortoirs avec leurs refforts font tenus à leur place , par un appareil tout-à-faic femblable à celui que j'ai décrit dans ma première Lettre à M. Landriani, page 277, fig. 2, 3. Chaque paire des frottoirs eft fixée par une vis fur une plaque de cuivre , qui a la forme d’une queue d’aronde, & qui s'adapte à une boule Z de fix pouces de diamètre, viflée fur la virole maftiquée au haut de chaque fupport de verre A. PL, III, fig. 2, repréfente la fection horifontale d'une de ces boules, & de l'appareil qui tient & preile les frottoirs. Dans cerre figure toutes les mefures fonc réduires au quart. La partie de la boule Z, qui eft vis-à-vis du bord du plateau , eft coupé à un tiers du diamètre, en forte que la fection a cinq pouces de diamètre à-peu-près. À cette place eft foudée une plaque de cuivre aa de trois quarts de pouce d'épaifleur , creufée en queue d’aronde, pour y recevoir la couliffe ou plaque de cuivre 2 4. Le centre de cette couliffe étant percé quarrément & chanfré en même tems à fa partie poftérieure, pour y faire pafler une vis c, & y loger fa tête, la plaque de fer 44, qui joint les deux refforts ee par des char- nières , s applique par deffüs cette vis, & eft renu ferme fur la couliffe 26, par le moyen d'un fort écrou f. On fair entrer les deux couliffes 25 à leurs places réciproques par en haut des boules Z , & comme elles font lus étroites au bout inférieur, qu'au fupérieur, il faut qu’elles s’arrêtenc à leurs places, lorfqu’elles fort pouffées aflez loin, Maïs comme lation du plateau en rotation fe fair de bas en haut fur un des deux frottoirs, je fus obligé de l'arrêcer à fa place , par Le moyen d’un reffort, fixé d'un bout fur la furface de la coulifle 2 par deux vis, & muni de l'autre bout d’un bouton terminé en une tige, qui traverie la cou 454 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, life Bb, & elt preflée dans une petite cavité pratiquée dans {a plaque aa. à X. Cette machine n'ayant qu'un feul plateau, le frottement n’eft donc que la moitié de l'appareil ordinaire à deux plateaux. Cetre dimi- nution de réfftance , jointe à la forme de la bafe de l'appareil , donne cet avantage, qu'on n'a pas befoin de fixer la bafe de l’appareil pat des vis fur le fond de l'appartement, où on veut l’employer. On peut donc s'en fervie en tout endroit, & en changer d’abord l'emplacement à volonté. Par le détail , que je viens de vous donner de cet appareil, vous apper- cevez facilement, Monfeur, qu'il eft non-feulement plus parfait , que l'appareil ordinaire, par l'égalité de force des deux électricirés & par la facilité avec laquelle ôn peut les changer & comparer leurs différens phé- nomènes ; mais, qu'il eft en même-tems à plulieurs égards plus commode pour s’en fervir. Si vous confidérez de plus fa implicite & fi vous le comparez avec les appareils les plus parfaits des machines à plateau, qui font à-peu-près de la même grandeur, {ur-tout avec ceux qui ont, fuivanc la conftruction de la machine teylerienne , les äeux montans de verres , pour avoir l'axe ifolé, comme on les fait à préfent, je crois que vous m'avouerez d'abord, que la conftruétion de cette machine ne demande as de beaucoup d’autant de dépenfes que celle des appareils , qui font actuellement en ufage. Je n’entrerai pas ici dans le détail des effets vigoureux de cette machine, “pour faire voir, combien ils approchent des effets que la grande machine teylerienne donnoit dans fon premier état , & avant que j’y avois adapté les nouveaux frotroirs. Il fufhra de vous dire, qu’une batterie de quatre- vingt-dix verres, dont chacun a plus d'un pied quarré de furface garnie, a été chargée en cent cinquante tours de plateau au plus haut degré , ainf qu’elle fe déchargea de foi-même. Je fis cette expérience le 19 mars dernier , en préfence de MM. les directeurs de la fondation teylerienne , & de plufeurs amateurs d'électricité. Le tems fut alors peu favorable pour l'éledtriciré, le vent fut fud-ouett , l'hygromètre indiquoit que l'air étoit très-humide , & l’expérience fut faite en préfence de dix-fept perfonnes, dans une chambre où on n’avoit pas eu de feu depuis quinze jours. Aufä ce ne fut que ce jour-là , que la machine fut achevée pour en faire le premier eflai; ils s’y trouvoient donc encore plufieurs défauts, que je fis corriger après. Cependant je préfère de ne faire mention que de certe feule expérience , parce qu'elle fut faite en préfence de plufieurs électriciens. La batterie, que j'employai, étoit une partie de la même batterie, dont je me füuis fervi pour les expériences publiées avec la defcription de la machine reylerienne. La batrerie entière de cent trente-cinq verres ne pouvoit être chargée dans ce tems-là par cette machine qu'en quatre- vingt-feize jufqu’à cent tours des plateaux , c’eft-à-dire, dans les cir- conftances les plus favorables, & après avoir expofé la batterie aux rayons 1 Î | SUR L’HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 45s du foleil : & les deux tiers de cette batterie, ou quatre-vingt-dix verres (dont je me fuis fervi beaucoup pour des expériences, qui ne demandoient pas la décharge de toute la batterie) n'ont jamais été chargés, fuivanc mon journal, en moins de foixante-fix tours de plateau, quoique je Peuffe faic placer auparavant dans les rayons du foleil ou près du feu. I] paroît donc, fuivant l’expérience fufdite, que la force que cette nouvelle machine avoit dans des circonftances moins favorables, & dans fon état moins parfait, étoic déjà ? de la force , que la machine teylerienne avoit dans des circonftances les plus favorables, avant que les nouveaux frottoirs y furent adaptés. Tout bien confidéré, vous m’avouerez fans doute, après les expériences, &: je viens de vous parler, que cette machine d’un feul plateau de trénte-un pouces de diamètre aura au moins, dans des circonftances égales, la moitié de l’effec , que la machine teylerienne a jamais donné. avant que Les nouveaux frottoirs y fuffent appliqués. Si vous comparez Îe diamètre de ce plateau avec celui des plateaux de la machine teylerienne, qui ef foixante-cinq pouces , & fi vous confidérez de plus, que certe machine n’a qu’un feul plateau , & que l’autre en a deux , vous ferez furpris, que fon effet approche d’autant de celui de la grande machine, & vous ferez fürement curieux de favoir à quoi j’attribue un tel effet. La conftruction particulière de cette machine, par laquelle les frottoirs font aflez éloignés de tous les corps prochains qui pourroient fournir du fluide électrique, & l'ifolement de l'axe, expliquent fürement les raifons, pourquoi l'électricité négative de cette machine eft fi forte, & fi égale à l'électricité pofitive. De plus l'axe étant parfaitement ifolé, par la conftruction que je décrirai ci-après, j'ai obtenu par-là, que les bras abforbans du conducteur, en cas qu'on y communique l’électricité pofitive , n'élancent point de rayons ou d’aigrettes fur l'axe ; ce qui eft, en cas que l'excitation foit forte , le défaut prefque général , non-feulement des machines à plateau conftruites de la manière ancienne, maïs encore, quoiqu'en moindre degré, de celles qui ont l'axe ifolé, de la manière que j'ai fait pratiquer le premier à [a machine teylerienne , à moins qu’on ne fafle les bras abforbans du con- ducteur trop courts, pour pouvoir abforber tout le Auide électrique excité dans toute la largeur de la furface frotrée, comme l'expérience m'a appris à notre grande machine. Aufli les bras abforbans n'ayant pas des pointes, ils n’élancent sas facilement des rayons für les parties poftérieures des frottoirs , fur-tout puifque leurs extrèmités, qui regardent l'axe , font des hémifphères de deux pouces & demi de diamèrre, dont lafurface eft très- polie. Il eft donc à cet ifolement de l'axe, & à la forme bien arrondie des bras abforbans que j’attribue en partie, que les effects du conducteur de cette machine font plus forts que ceux du conducteur de ma machine à 456 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, deux plateaux de trente-deux pouces de diamètre, & de toute autre machine de cette grandeur, que j'ai vue jufqu'ici ; mais la principale raifon que la force de cette machine foit fi confidérable en comparaifon du diamètre du plateau, & qu'elle charge fi promptement une grande batterie, fe trouve fürement dans le bon effet de notre conftruétion des frottoirs, & dans celui de l’amalgame. Dans ma feconde Lettre à M. Landriani (Journal de Phyfique 1791, page 109 ), j'ai fait voir par des expériences faites avec la grande machine, combien j'ai gagné avec la feule conftruc- tion des frotroirs , & quelle partie de l'augmentation de la force doit être attribuée à l’amalgame de M. Kienmayer, ayant pris pour bafe fa propre évaluation. Suivant ces expériences la machine teylerienne a chargé , en avril 1760 , la batterie par moins d’une Cinquième partie de tours de plateau , qui y auroient été néceflaires dans fon meilleur état précédent : elle avoit donc gagné plus de quatre fois la force qu'elle avoit auparavant , dont à peine la moitié peut être attribuée à l'amalgame de M. Kienmayer , fuivant fa propre évaluation ( voyez pag. 117, 118). Or, fi vous comparez la furface frottée de ce plateau , qui eït douze cens quarante-trois pouces quarrés, avec les furfaces frotrées des deux plateaux de la grande machine teylerienne, qui font enfemble neuf mille fix cens trente-fix pouces quarrés, & fi vous y comparez en même-tems la différence des effets de ces deux machines , en chargeant des barteries, vous trouverez, que, lorfque cette machine donne la moitié de l’effec, que la machine teylerienne donnoit auparavant ( comme j'ai déduit de l'expérience, que j'en ai faite) qu'alors l'excitation , que font nos frottoirs À cette machine, n’a pas paru encore être tout-à-fait fi forte, que celle des frottoirs d'une pareille conftruction à la grande machine teylerienne, faivant les expériences d'avril 17903 car la furface frottée de notre nouvelle machine eft à-peu-près la huitième partie de la furface frottée de la grande machine. Or, fi excitation étoit cinq fois autant , en propor- tion de la furface frottée , que celle des premiers frotroirs de la machine teylerienne , cette machine nouvelle auroit cinq huitièmes (au lieu d'un huitième } de la force, que l’autre machine avoit dans fon premier état ; mais il n’a pas paru jufqu'ici, qu’elle ait plus de la moitié de l’effer de la grande machine dans fon premier étar. Il paroît donc, que le prompt effet de cette machine, en chargeant une batterie, doit être principale- ment attribué aux frottoirs mêmes , & à l’amalgame. Celui dont je me fers à préfenr, diffère de l’amalgame de M. Kienmayer en ce que j'y ai mêlé un quart du poids d’or mufif , qui f'a paru en augmenter l'effer. Je n'ofe pas dire pourtant , de combien eft certe augmentation , n'ayant pas encore fait aflez d'expériences décifives l-deffus, Les comparaifons précédentes font voir en même-tems , que cette nouvelle machine n’a pas encore donné tout l’effer , qui en ef à attendre, quand on s’en fervira dans un tems aufli favorable, que celui d'avril 1790 3 s SUR L’'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 457 1700 , lorfque je faifois les expériences fufdires avec la machine teyle- rienne, pourvu que le plateau foit tout-à-faic fi propre pour être excité que ceux de la grande machine. Je n'ai pas pu les comparer à cet égard, parce que, depuis que la machine eff finie, il n’y a pas eu un feul jour aulli favorable pour l'éleétricité, que dans ce tems-là. x Il refte encore à expliquer la conftruction de quelques parties de cet appareil, pour ceux qui defireront de le copier. 1°. Le milieu de la partie non conductrice de l’axe eft un cylindre de bois de noyer aa aa , chauffé au feu, jufqu’à ce qu'il ifole aufli bien que le verre, & trempé alors dans du vernis d’ambre, pendant que le bois eft encore très-chaud. Les deux extrémités de ce cylindre, qui font d’un moindre diamètre, font forcées, à grands coups de marteau, dans les fortes viroles de cuivre & c, & font retenues-là chacune par trois vis de fer d, 4. Le cylindre a a & les deux viroles ,c, font couverts d’une couche de gomme lacque eeee, pour conferver le cylindre de bois au mieux dans fon état ifolant, & pour prévenir que la virole Z ne donne point de rayons vers les frottoirs, en cas qu’on éleétrife négativement, comme auffi pour évier que le bord de la virole c ne puifle pas donner des rayons vers l’autre virole; ce qui pourroit aflujectir les bras abforbans du conducteur d’élancer des rayons vers l'axe. Le fond de la virole 4 eft viffé à demeure, fur l’extrèmité taraudée de l’axe de Fer B. Le fond de la virole «, qui eft de quatre pouces de diamètre, eft terminé en un axe d'un pouce d’épaifleur fur deux pouces de longueur ; taraudé au bour, On met le plateau là-deffus, & on le preffe contre le fond qui lui fert d'afliette, ar l’écrou de buis Z, Entre l’afiette & le plateau, comme aufli entre le plateau & l’écrou 2, fe trouvent deux anneaux de feutre ; & dans:le trou du plateau , qui eft de deux pouces de diamètre, eft un anneau de bois de buis, ainä que le plateau ne touche nulle part le cuivre, pour prévenir ue le contact du cuivré n’occafionne pas des fentes dans le plateau: L'écrou a deux trous 2, z , dans lefquels on applique les pointes d’une clef de fer, fixées à angle droit à un levier de dix-huit pouces de longueur, pour pouvoir la dévifler avec plus de facilité, lorfqu’elle eft fortement ferrée. 2°. La boule du conducteur H, dont les deux hémifphères font jointes dans la ligne ponduée KE , a un axe de fer G, qui la traverfe, en angle droit à la ligne ÆÆ. Cet axe fe tourne dans deux pièces de cuivre /, m; fixées dans l’intérieur de la boule; z eft une rofette , qui s’ajufte fur la artie quarrée de l'axe ; o eft un écrou, qui retient l'axe à fa place. Près de f’autre bout de Paxe il y a une partie conique, qui s'ajufte dans la pièce chanfrée 7 ,& qui s’aboutit en un quarré p , fur lequel eft appliqué l'arc du conduéteur , & eft arrèté- là par une vis de preflion faite en acier. 3°. Pour placer le fupport M exactement , de manière que l'axe G fe trouve parfaitement horifontal , ou à angle éroit ayec le plan du plateau, Tome XXXFIII, Part, I, 1791. JUIN, M mm ‘ \ 4538 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, le fond gg de la virole W a trois vis de rappel, 7, qui repofent fur trois petites plaques de cuivre 5, s , enfoncées de niveau avec le bois de la bafe de l’appareil, & comme la tige cylindrique de fer z , rivée forte- mcat dans le milieu du fond gg, fert de centre de mouvement'hori- fontal, on eft par-là en état d’ajufter en tout fens la poñition néceflaire de l'axe, pour que les bras abforbans , en tournant l'arc EE, fe trouvent par-rout à égale diftance du plateau. Le conduéteur étant une fois bien ajufté, on l'arrière folidement dans cette poftion, en ferrant l'écrou w, fur le bout taraudé de la tige re - ?. Les bras ablorbans des conducteurs étant rapprochés du plateau, à fi peu de diftance près, j'ai jugé néceflaire de les'adapter aux arcs de cercle de manière qu'on puifle régler & fixer facilementleur parallélifme avec le plateau. C'eft pour cer effet, que vous voyez, à chacun des bras abfor= buus F,F, un ruyau de cuivre v, de trois quarts de pouce de diamètre, fouté dans leur intérieur, qui avance dans l'arc de cercle EE, d’un pouce & demi à peu-près, & qui a dans ce beut-ci deux trous taraudés, ou; recevoir chacun une vis 37, dont la rète eft enfoncée dans le cuivre de Pac EE, qui eft doublé à cet endroit , par un anneau de cuivre fixé dans fon intérieur, Puis comme les bras abforbans s’emboîtent en mème- tems lur les extrémités de l'arc du conducteur, ce point de contact {ere d'un point d'appui pour les mouvoir çà & 1à , en détournant une vis & en errant autre, fuivaor que Fun où l'autre bout du bras fe trouve plus ou moins près du plateau. C'elt d’une manière pareille, que les deux bras abforbans £ , L font adaptés à l'arc de cercle IT , excepté que les tuvaux æ, x, qui font foudés ici à l'extérieur des bras abforbans L, L, gliffene fur l'extérieur de l'arc de cercle 11, & que les vis y, y, font placées tout ès des bras ahforbans. .$* Afin de pouvoir tourner l'arc de cercle IT, il ya une plaque de cuivre +, fixée au bot du chapitean K, par trois vis de fer B:>7, eft un anneau , auquel font fixés les deux bras de l'arc de cercle II. Voyez fig. 4, (PL. IT), qui repréfente cette partie de l’appareil réduite à moitié de fa grandeur ; d eft un autre anneau fixé , par trois vise, e, fur la plaque 2 æ, À1 s’adapré dans l'anneau y, qui eft chanfré pour cet effet, & auquel ii fert de centre de mouvement, 6°. Les frortoirs font pourvus de plaques minces de fer, qu'on voit en partie PL. T& IE, fixées , chacune par quatre vis, fur le dos du frortoir, Ces plaques , quitouchent la charnière X, couvrent aufli route la largeur de la farface poftécieure du frortoir ,ainfi qu'elles fe joignent à leur furface amalgamée. On les voit, fe. 2, (PL, 111), où j'ai marqué les plaques£,g, avec leurs vis, comme elles fe trouvent fur la partie poftérieure des froctoirs, quoique le refte de la figure repréfente la fection de cet appareil. Ces plaques ont ici le double ufage, de faciliter le tranfport du fluide éledrique vers l’amalgame , quand on électrife pofitivement , & de faire SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 459: la communication la plus parfaite entre l’amalgame froitant, & Le conduéteur, quand on fe ferc de l'éle@ricité négative. 7”. Les plaques de gomme lacque Y Y fe tiennent aux frottoirs, chacune par une plaque de cuivre-mince , qui y eft réunie par la chaleur, & à laquelle font rivés deux fils de laiton , qui entrent dans deux trous forés dans le bois du frottoir. à 8°. La colonne de bois de mahony C aboutit par en haut en un quarré €, fur lequel s'adapte le chapiteau K, & eft preflé bien ferme contre l’embafement de la colonne par l’écrou », qui fe viffe fur le boue taraudé de la tige quarrée de fer 8, laquelle eft retenue folidement par la pièce de fer 2, qui pafle par elle & la colonne diamétralement. 9°. Tous les trois fupports de verre de cette machine font fixés fur des couliffes, qui fe tiennent folidement dans la bafe de l'appareil, & qu'on peut en féparer facilement par le moyen d’un levier, appuyé contre une des tiges y, y, y, tandis qu'on applique la force à l’autre tige oppofée, comme j'ai indiqué fur la bafe par les lignes rayées, qui repréfentent ce levier, Il eft le même, dont on fe fert pour déviffer l’écrou 4, Cet arran- gement facilite le tranfport de cet appareil, qui eft en général fait de manière , qu'on peut le décompofer & le recompoler en peu de tems, fans qu'il foit dérangé par-là. La bafe a de plus quatre anneaux de cuivre (dont on en voit deux PL I & IT), afin de pouvoir le porter facilement, ; 10°. Entre la colonne C & la manivelle fe trouve un fil d'archal, qui va depuis le collet D jufqu'a la bafe , & qui eft communiqué-là, par un fil d’archal horifontal , avec un des anneaux fufdits , qui fe trouvent à côté, IL fuit donc de communiquer cet anneau avec le fil conduéteur, dont le fond de l’endroir, où on fe fert de grandes machines éle@riques, doit être pourvu, pour éviter, que celui, qui tourne le plateau , ne fouffre point de chocs, en cas que des rayons s’élancent d’un ou de l'autre bras des conducteurs vers les frottoirs. Après le détail, que je viens de donner de cette machine, fi on y joint la defcription de notre manière de conftruire les frottoirs ( Journal de Phyfique, février 1791 }, je ne doute pas, que chaque faifeur d’inftru- mens de phyfique pourra le copier, & en obtenir le même effet que j'en ai vu, & probablement un plus fort encore, quand il s’en fervita dans une atmofphère plus favorable, Si ce réfulrat de mes recherches, que je vous prie de regarder comme un produit dela fondation teylerienne, peut être utile aux phyficiens, qui der de fe fervir avec facilité d’une force électrique très-confidérable pour un prix modique, & qu'il puifle contribuer de cette manière aux progrès de la fcience, j'en aurai toute la fatisfaétion que j'en delire — J'ai l'honneur d’être, &c. Harlem , ce 30 avril 1797. Tome XXXV III, Part, 1, 1791. JUIN, Mmm 3 ’ { a6o OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE: LETTRE - DÉERAM VD EN ENONCE A M FOURCROY, SUR I4 CHIMIE MODERNE. Wind{r, le 4 Avril1791« Monsirvx: J'ai lu dans le N°. VI de votre Journal, l’horofcope fuivant, relatif aux hypothèfes du pAlogiflique & de la fimplicité de Veau : « Il ne fera > bientôt plus queftion de ces hypothèfes & de ces fyftèmes , manifefle- > ment imagines ou foutenus par quelques perfonnes, dans la feule » intention de combattre la doétrine antiphlogiftique. Les phyfciens > qui adoptent cette dernière doctrine font fi zombreux aujourd'hui , & æ fes adverfaires f£ rares, que leurs efforts ne peuvent plus l’atteindre, >» & que leurs objeétions iront naturellement s'enfevelir dans Poubli >. Je vous prie, Monfieur , de mettre dans le même dépôt, cer autre horofcope : « Dès qu'on viendra à s'occuper férieufement de la Meréo- = rologie, l'hypothèfe de la décompofition & recorpofition de l'eau ; » & par conféquent celles d'un principe acidifiant & d'un principe » aquéfiant , feront abandonnées; & aënft finira ce qu'on nomme La » Chimie moderne ». Vos talens, Monfieur , & ceux de vos coopérateurs, me perfuadenr, que votre Journal demeurera entre les mains des phyfciens ; & il fera intéreffant pour eux, d'y comparer ces deux pronoftics après l’événe- ment, En affignant ainfi la chûte de la Chimie moderne, au tems où l’on en viendra à une étude plus générale & plus attentive de la Méréorodogie , je pars de la propolition fuivante: « Il eft impofñlible d’expliquer la > pluie par l’Aumidité de Vaër ; ainfi l'eau qui conftitue ce météore, » doit procéder d'une décompofition de l'air atmofphérique ». Pour fentir d’abord, Monfieur, l’importance de cette propofition , veuillez l’admettre pour un moment. Suivant la Chimie moderne, il faudra fuppofer alors dans les couches de l’atmofphère d’où procède la pluie, un volume d'air inflammable, où principe aquéfiant, un peu SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 464 plus que double de celui de la partie de l'aÿr atmo/phérique qui s’em- ployera pour la former ; mais avec une telle quantité d’air inflammable, le premier coup de tonnerre mettroit l’atmofphère en feu: & fans tonnerres , les feux qu’allument les montagnards au haut des grandes montagnes, produiroient fouvent le même effet. Suppofons que ce principe aquéfiant réfidât dans Patmofphère fous une forme 707 inflammable : il faudroit toujours, fuivant la nouvelle Chimie, qu'il fe joigrîr à l’autre élément de l’eaz qu’elle fuppofe faire partie de l'air atmofphérique ; mais quand cet air eft privé de fa partie fufceptible de fe joindre au principe fuppofé aquéfrant , le réfidu eft impropre à la re/piration. Or, cependant , on refpire très-librement dans les nues pluvieufes. Si donc il eft sûr, que la pluie doive fe former d'une décompofition d'air ; ce n’eft pas de celle d’une partie compo/ante de l'air atmofphé- rique, réunie à un autre aiz fuppofé kydrogène : c’eft de la décompofttion d’une portion de l'air atmofphérique , toute femblable à la portion qui refte dans les nues. Ainfi l'air armofphérique, foit mixte, foit homo- gène, eftcempofé de l’eau elle-même, comme {ubftance fenfiblement pondérable. Si ma-propofrion fondamentale eft admife, cette conféquence eft inévitable : ainfi, Monfieur , la propofition elle-même doit être rétutée, fans quoi il demeurera certain , que les douze onces d’eau produites en plufieurs jours dans votre lahoratoire, ne prouvent point la compofition de l'eau ; puifque cette petite produétion d'eau n’a rien de commun, avec celle des violentes ozdées qui fe forment tout-à-coup dans un aër très-/ec ; ni avec aucun des autres phénomènes de la pluze, qui tôt ou tard fubmergera la Phyfique moderne, fi elle ne peut s’en garantir folidement. Quant à moi, commeje ne cherche qu’à comprendre d’où procède Veau de la pluie, la manière dont on viendra à la découvrir n'eft indifférente, pourvu que ce foit réellement ; car cela n'aura pas lieu , fans quelque nouveau & grand pas en Phyfque , que je cherche feulement à accélérer , en montrant qu'on s'arrête à des idées qui ne font pas encore fondées. C’eft à ces avertiflemens de la Météorologie , que je dois d’avoir été frappé de bonne heure , des faits que le doéteut PRIESTLEY oppofa le premier contre la certitude de la compoftrion de l’eau ; hypothèfe que nous avions admife, lui & moi, d’après M. WATT, avant qu'on y fongeät à Paris. Or, rien encore, même dans notre Chimie, n’a affoibli ces faits à mes yeux; de forte que je crois toujours dès-lors, que l'eax elle-même fait la partie fenfiblement pondérable de tout air. Sur quoi, Monfieur , vous faites trois objections, que vous croyez péremptoires , & auxquelles néanmoins je répondrai très-aifémenc. 1°. « IL faudroit fuppofer {dires-vous, Monfieur) que l'eau peut être 462 OBSERVATIONS SUR LA PHPÇSIQUE, » difloute dans deux états auffi différens l’un de l'autre que ls font le » gax oxigène & le gax hydrogére ; quoiqu’avec le méme dijfolvane, æ le calorique » - Ce feroir-là en effet une fuppofñtion abfurde ; maïs nous ne la Faifons pas. Nous penfons que les différens airs contiennent , outre le feu 82 l'eau , des fubftances particulières, d’où réfultent leurs caractères diftinc- tifs, & qui y produifent entre le feu & l’eau, cette union qui diftingue un fhtide aériforme d'une fimple vapeur, Je me fuis aflez expliqué {ur ce point, pour être difpenfé d'en dire ici davantage ; & comme la nature ne change pas avec les opinions des hommes fur elle, lorfqu’on fongera une fois à la Méréorologie, on croira peut-être utile de chercher ce que j'en ai dit, à quoi jufqu'ici Les néologues ne paroiffent avoit fait aucune attention, 2°, « I faudroit (dires-vous encore) expliquer pourquoi, en fuppofant » que ces deux gaz fi différens foient tous les deux une fimple d'fJolution » d'eau, on eft obligé de prendre quatre-vingt-cinq parties de l'un & æ quinze de l’autre, pour avois cent parties d'eaz pure ». C'eft à quoi je vais répondre, pour vous Come pour nous, car nous avons la même tèche. Suivant notre théorie, l'es de chacun des deux airs n’eft aban- donnée par le feu, que lorfqu: leurs /ubftances diflindives fe réusiflencz ce qui, dans la combulftion, s'opère à une certaine rempérature , que jai déterminée par l'expérience dans mes Idées fur la Météorologie. De votre côté vous dites, qu’à cette même cempérature , les bafes des deux airs s'uniffent , par-où le feu s'échappant, il ne refle que l'ears. Nous n'avons rien-là de part ni d'autre qui nous indique , por:rguo; il faut quatré-vingt-cinq parties en poïds de Van des airs, & quirze de autre, pour avoir cent patties d'eau pures; nous ne le favons que par l'expérience: vous dites donc d'après elle, que c’eft dans ce rapport que fe trouvent les deux zprédiens daus leu formée ; & nous difons, aie c’eft dans ce rapport que doivent être les deux ais, pour que la fa flerce diflinétive de l'un foit entièrement combinée avec la /22/Zance diflinétive de l’autre. Quant à la pureté de l’eau , réfultante felon nous, quand elle a lieu, d’une combinaifon des deux /ubflances diflindives qui les fait échapper à notre obfervation, elle fe rapporte à votrétroifième objetion, que je vais rapporter pour y répondre, ; 3°. « Enfin (dites-vous, Monfieur) , pour expliquer comment la malfe » cotale des deux gaz n’eft que l'eau , comme le penfent les partifans » de cétre hypothèfe, il ne faudroit pas être forcé de fuppojer , que » Vair n'a point de poids par lui-même, & qu'il le doit à l'eau qu'il >» contient: /zppofition étrange , que l’on trouve dans le dernier cahier x du Journal de Phyfique ». Je remarquerai d’abord, que par #affe totale, il faut entendre ici ÿ SUR L'HIST., NATUREËLE ET LES ARTS. 463 maffe pondérable :’car, par exemple, le feu , la lumière, le fluide éleétrique , ont une maffe ; mais le rapport de cette maffe, avec celle des fubftances auxquelles ils fe trouvent réunis , eft imperceptible à nos balances. C’eft ce qui eft déjà reçu par les phyficiens qui admertenc l’exiflence de ces fluides , & nous ne difons pas autre chofe des autres Jubflances , qui, avec celles-là & l'eaz , forment différens-airs , fuivanc notre opinion. Quant à la fuppofition à laquelle vous vous arrêtez , elle eft fi Join d'être une conditioz forcée de notre théorie , qu’elle n’en fait pas même une partie réelle; c’eft une pure zomenclature, qui ne change rien à la théorie que je viens d'exprimer ; elle eft de M. DELAMÉTHERIE, qui a eu l’idée ingénieufe, de diftinguer deux chofes dans ce qu’on nomme indiftinétement airs ou gaz : premièrement , des fluides compofés de feu & d’autres fubftances ëmpondérables , qui conftituent divers diffolvans de l’eau ; & c’eft à ces fluides qu’il donne le nom d’airs : ils deviennent des gaz , quand l'eau s'y eft réunie. C’eft ainfi du moins que je l'ai comprise Faifant maintenant abfiration des mors , je trouve cette idée très= féconde , & je penfe qu’on en jugera comme moi, lorfqu'on viendra à s’occuper vraiment de la Méréorologie ; pour expliquer d'abord la pluie ; puis l’origine du fluide éleétrique qui part de quelques nues, le roulement du connerre , les vents orageux & locaux , la oréle , la production de la chaleur par les rayons folaires , les rapports de la lumière au feu & nombre d’autres phénomènes météorologiques. Mais quand les néologues entreprendront cette tâche indifpenfable > ‘ils ne doivent pas perdre de vue l'importance qu'ils attachent à la révolution qu'ils crcient avoir produire dans la Phyfque , & fur laquelle vous vous exprimez ainfi: « L’hiftoire des fciences ne préfente que > rarement dans la fuite des fiècles, des époques aufli rillantes & auffi >» honorables à l'efprit humain , que la révolution opérée depuis quinze » ans dans la Chimie. . .. C’eft fur-tout à la décompofirion & à la à recompofition de l’eau , que cette fcience doit les grands progrès > qu’elle a faits depuis fept ans, & la facilité avec laquelle elle explique > les phénomènes-de la nature les plus cachés jufqu'ici aux phyft- » ciens... Il feroit inutile de répondre aux prétendues objeétions que » quelques perfonnes font encore contre cette belle expérience. . . .On # ne peut que les engager à fe pénétrer des vérités for.damentales de la > Phyfique moderne , & fur-tout des principes de Logique qu'on y a > fubftitués à l'ancienne manière de raifonner ». . Je n'examinerai pas à qui font dus les progrès de la Phyfique dans notre génération , ri ce qu'en difent aujourd'hui les néologues: je fouhaite au contraire qu’ils fe rappellent toujours, Ja part qu'ils s’en attribuent , foit en commun, fois Les uns aux autyes, & [a Logique qu'ils croient y avoix 46, OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, introduire les premiers, afin qu'ils fongent à ne pas déchoir de ces prétentions , lorfqu'ils viendront enfin à traiter la Météorologie, d'où les hyporhèfes mal fondées répandent Perreur fur toute la Phyfique. Il fembleroit , d’après les efpèces d’arréts qu'on prononce journellement dans cette fcience, que beaucoup de phyfciens confondiffent aujourd'hui la PAyfique expérimentale avec la Phyfique exaëte : la première peut fouvent fans doute fournir des réfultats exaës ; mais elle ne crée pas la juftefle d’efprit , dont les conclufions , & non les arréts , conftituent la dernière. Vous employez, Monfieur, en faveur de votre doétrine, un fingulier argument, que voici : « Les phyficiens qui l’adoptent font fi zombreux » aujourd'hui, & fes adverfaires f£ rares , que leurs efforts ne peuvent » plus l'arteëndre », Mais nous n'allons pas ez conquête , nous allons 4 la découverte. Suppofons donc que deux hommes de fens aient par- couru long-tems & foigneufement un certain pays; & que mille autres n’avant parcouru que fes confins , y aient recueilli mille petits faits inté- reflans & exacts, mais qu'à l'égard de l’intérieur du pays, ils s’en foient rapportés à des récits vagues : à laquelle des deux relations donnerez- vous le plus de confiance, quant à une idée réelle de ce pays-là ou des mille où des deux obfervareurs ? Or, Monfieur , de ces rombreux phy- ficiens, que vous dites adoprer la PAyfique moderne, aucun ne nous a montré encore, qu'il connût diftinétement & par fes propres obferva: tions, ce qui fe paffe dans l’un des plus grands laboratoires chimiques de la nature, l’armofphère, Jufqu’à ce donc que nous ayons vu ce qu'ils en connoiffent & ce qu'ils en concluent , leur zombre n'eft rien , pour nous affurer , que des bords de la Chimie de la nature ( notre petite Chimie) & d’après fes réfulrats les plus exaé?s, ils aient bien jugé, en quoi confifte l’eau ; fubftance qui participe à tous les phénomènes chimiques qui s’opèrent fur notre globe. Vous avez eu pour but, Monfieur, en inftituant votre Journal, que ceux d’entre les médecins qui fe font occupés peu de Phyfique, puffent y trouver, parmi des faits intéreffans pour leur art, les principes d'une fcience qui leur deviendroit très-urile. C’eft dans ce deffein d’abord , que vous y avez publié une efquifle faite par M. SEGUIN de fes idées fur les phénomènes de chaleur. Mais je ne crois pds que cette élquifle réponde à ce que vous vous propofez, parce qu'elle me paroît loin de renfermer ce qui eft déjà connu für Le feu, fa nature & fes modifications, 8 qu'il y a quelques erreurs , ce que je me propofe de montrer dès que j'en aurai le loifir, Cet dans le même but, que vous venez de publier dans ce Journal, l'efquifle dela doctrine des néologues fur la nature de Peau ; mais vous voulez bien fans doute informer ceux des médecins à qui vous le deftinez, des objedions qu’on fait contre certe doétrine; ainf je: ne doute poinc E que mn” SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 465 que vous ne veuillez y admettre cette Lettre, d’autant plus que vos Lecteurs pourront y trouver enfuite vos remarques, que j'étudierai sûrement moi-même, avec l'intention d’y découvrir le vrai (1). J'ai l'honneur d’être, &c. A LETTRE DE MD ESA USSURE fi, A M DELAMÉTHERIE, SUR UNE HYDROPHANE IMBIBÉE DE CIRE. Mossisur, Je profiterai"du fingulier phénomène que préfente une compoñition artificielle qui, à ce que je crois, n'eft pas connue , pour montrer qu'on ne fauroit trop fe défier des prétendues nouveautés en Hiftoire-Naturelle que nous offrent fouvent certains marchands de minéraux. Il y a peu de jours qu'un de ces marchands vendit aflez chérement à un amateur une pierre blanche opaque , remarquable par fa propriété d’acquérir (lorfqu’on la chauffe légèrement dans une cuiller ) la couleur & la tranfparence de la plus belle topafe. Cette pierre aflez femblable pour la forme & la grandeur à une graine de haricot, eft appelée par le marchand pierre du foleil , & fe trouve, fuivantelui , dans les fables de PArménie, où on la reconnoît à fa propriété d’être tranfparente le jour & opaque la nuit par l'effet que produit fur elle la préfence des rayons du foleil. En réfiéchiffant fur la caufe de ce phénomène, je penfai que cette pierre du foleil pouvoit n'être autre chofe qu’une hydrophane imbibée d’une fubftance telle que la cire, qui a la propriété d’être tranfparente fondue & opaque figée, & que cette hydrophane ainfi imbibée devenoit pyrophane ou tranfparente en la chauffant , par la même raifon qu'elle devenoit antérieurement tranfparente en la mouillant. Je fis digérer une hydrophane dans de la cire vierge fondue jufqu'à ce que cette pierre y eût pris une parfaite tranfparence , je l'en retirai, je l'efluyai, & j’eus une pyrophane parfaitement femblable à celle du marchand , qui convaincu & confondu, reprit fa pierre pour le prix auquel il l’avoit cédée. (x) M. de Fourcroy n'ayant pu imprimer cette Lettre dans fon Journal , m'a prié de l’inférer dans celui de Phyfique. Tome XX XVIII, Part. [, 1791, JUIN. Nnu 466 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, Il eft à remarquer qu'une pyrophane ainf préparée acquiert au feu une beaucoup plus grande tranfparence qu'une hydrophane de la même efpèce dans l'eau, parce que la propriété réfringente de la cire eft plus grande que celle de l'eau. Si l’on veut que la pyrophane prenne en devenant tranfparente la” couleur du grerat, il faut chauffer plus long-tems & plus fortement la cire vierge dans laquelle on la fait digérer. On pourroït en colorant légèrement cette cire , lui faire prendre d’autres couleurs, Je fuis, &c. —— 2 EXTRAIT ET TRADUCTION D'UN MÉMOIRE Sur une nouvelle Subflance qu'on peut avec avantage fubflituer au grain pour la fabrication de l'Eau-de-vie ; Par M. FoRsTER, Profeffeur à Halle, inféré dans le Journal der Phylck von Herm. Lehres Gren zu Halle Jahn 1790, B. 2, Heftr. S. 163: Par J.B, Van Mons, Apothicaire à Bruxelles, Membre de plufieurs Societés favantes. Lors de {a difétte de bled que fouffrit la Saxe en 1770 & 1771; M. Forfter imagina de chercher une fubftance qui püût remplacer le orain dans la fabrication de l’eau-de-vie. IL efpéroit que le bien qui en réfulteroit pour fon pays feroit d’autant plus grand que la cherté de la matière dont on s’étoit jufqu’alors exclufivement fervi, défendant d’en diftiller doréna- vant, le brûleur & le débitant en fouffroient dans leur commerce, l’état par la diminution des impôcs qu’il lève fur cette liqueur, & le peric peuple par la privation où il fe trouvoit d'une boiffon que l'habitude lui a rendue, pour ainfi dire, de première néceflité. Le travail de M. Forfter le conduifit à tirer des racines de carotte ( daucus carota, L.) au moyen de la fermentation , une liqueur fpirirueufe plus agréable & en plus grande quantité qu’on ne l’obtient ordinairement du grain. Voici la méthode qu'on doit employer. On laiffe dans un endroit à l'abri de l'humidité fe faner pendant trois jours vingt livres de cette racine bien dépouillée de terre: on coupe alors les racines fbreufes & l'herbe. On fait bouillir la mafle pendant trois heures dans deux cens feize quartiers (1) d’eau de fource, on la réduit en (r). Je crois que le quartier dont l’auteur s’eft fervi peut être évalué à quatre- vingt-quatorze pouces cubes $ de France, Noce du Traduéreur. - SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. .467 pulpe en l’écrafant avec une fpatule, & on en exprime le jus. Or fait de nouveau bouillir cet extrait pendant cinq heures avec un peu de houblon. On coule le tout encore chaud dans une cuve, & quand la chaleur du bouillon ef defcendue au 66° degré du thermomètre anglois, on y ajoute fix quartiers de levain. Dans un été paflablement chaud, la mafle continue ordinairement de fermenter pendant quarante-huit heures, & elle dépofe fa lie quand fa température elt baiflée à s8 degrés. On prend alors quarante-huie quartiers du jus de la même préparation qui n’ait pas encore fubi la fermentation, on l’échauffe & on le verfe dans le liquide déjà fermenté. Cette addition fait remonter [a chaleur à 66 degrés. La liqueur commence de nouveau à fermenter pendant vingt-quatre heures, puis la chaleur redefcend à $8, la lie fe précipite une feconde fois, & on met la liqueur en tonneaux. Cette opération produit dans la mafle une troifième fermentation qui dure trois jours. Il faut que pendant tour ce tems la température du laboratoire foit conflamment entretenue entre 44 & 46 degrés de chaleur, En diftillant cette liqueur ainfi fermentée, an obtient deux cens quartiers d'e/prèt premier qui fourniflent par la rectification quarante- huit quartiers d'e/prit ardent, Produit confidérable, puifque dix livres de racines donnentun quartier d’efprit premier. Le marc reftant de l’expreffion de la pulpe pèfe environ fix cens “foixante-douze livres, qui joint avec l'herbe & les racines fbreufes, fournit aux cochons ure nourriture faine & très-aoréable, Ce produic doit être compté au rang des avantages de cette nouvelle méthode, M. Forfter parle erfuite de l’abondance de la carotte & de la facilité de fa culture. Je termine fon intéreffanc Mémoire en faifant des vœux pour que le gouvernement pruflien apporte fon attention fur cette découverte importante, & veuille bien l’encourager par des primes (1), (1) La cherté des bleds qui obligea, il y a quelques années, le gouvernement des Pays-Bas à défendre la fabrication des eaux-de-vie qu'on tire des grains ,m’avoit porté à faire des recherches du même genre que M. Forfler, J’avois fait piufieurs expériences’avec l’extrait des pommes de terre (fo/anum tuberofum , L. ) tantôt feul , tantôt mélé avec l'extrait de la racine de carotte, avec celui de betterave ( Beza vulgaris , L.) de chien-dent ( sramen repens, L. ). de brane urfine ( Xera- cleum fpondiliur , L.) &c. que je faifois fermenter & que je diffillois enfuite ; mais je n’ai jamais pu Gôbtenir des fuccès fatisfaifans: fans doute parce que je n'opérois que fur des quantités-trop peu confidérables, a à Quoiqu’il ai été connu depuis long-tems que le fuc de la carotte éroit fufceptible Tome XXXVIII, Part. I, 1791. JUIN. Nnn2 468 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, OBS ER) V /NTTF'T'OTNES SUR LE CUIVRE: PHOSPHORÉ!();: Par M, SAGE, Le cuivre eft fufceptible de fe combiner avec le cinquième de fon poids de phofphore : ce métal perd alors fa couleur rouge pour en prendre une d’un gris blanc ; dans cer état il eft fufceptible du poli, & a Papparence de l'acier. Le cuivre combiné avec le phofphore acquiert de la dureté; la lime ne l’entame que difficilement , il eft plus dur: que le fer, & au moins autant que le mêlange métallique avec lequel on fait des miroirs. Cet alliage eft compofé de quatre parties de cuivre & de deux parties & demie d’étain, É Quoique le cuivre phofphoré n'ait pas de dudtilité, il eft cependant difficile à pulvérifer. Ce cuivre ne paroît pas s’altérer fenfiblement à Yair ; j'en conferve depuis plus d’une année, dont le poli & La couleur ne font pas altérés. ; On obtient facilement le cuivre phofphoré en employant ä-peu-près le procédé indiqué par M. Pellerier , auquel la Chimie doit déjà beau- coup d’analyfes exactes & de procédés ingénieux. Je mêle enfemble deux cens grains de copeaux de cuivre, autant de verre animal, & vingt-quatre grains de poudre de charbon. Je mets ce méêlange dans un creufet, & par-deflus environ une ligne de poudre de charbon: j'expofe ce mêlange à un feu violent; une portion du phofphore qui fe forme, brüle, mais le cuivre s’en fature d'environ un cinquième de fon poids. Le phofphore eft fi inhérent dans ce métal , qu'ayant fondu plufieurs fois du cuivre phofphoré , il ne m'a pas paru avoir diminué fen- fiblement de fon poids, ni avoir perdu de fa couleur, peut-être que la précaution que je prends de le fondre avec du verre animal, y influe; D d'être changé par la fermentation en liqueur vineufe, on n’en ef pas moins redevable à M. Forfter de nous avoir le premier donné une méthode sûre pour parvenir à en extraire J’eau-de-vie. Note du Traduéeur. (:) Phofphure de cuivre des chimijzes neologues : le mot phofphure eft extrémement dur ; la termiraifen .sre aexprime abfolument rien , n’a pas d’etymologie. Tovte expreffion iofignifiante doit être éliminée , j'en appelle aux Condillacs, que mos favans ont cités. SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS, 469 quand le tour eft en bain, il préfente un effec phofphorique , brillant, plus beau à voir qu’ailé à décrire. Le creufec refroidi, on trouve fous le verre animal, qui a pris une couleur, rouge , le culot de cuivre phofphoré dont toutes les furfaces offrent des criftaux en dendrites qui ne font que des prifimes tétraèdes articulés, formés par l'implantation d'oétaëdres : ces prifmes font croifés comme ceux du régule d’antimoine. La pefanteur fpécifique du cuivre phofphoré eft de .... 71220 Celle du cuivre rouge de .,......... rod pee 775380 Cette pefanteur , dit M. Briflon , eft plus grande que ne l’exigenc les pefanteurs des deux compofans, dans la proportion de quatre parties de cuivre & d’une de phofphore ; ce qui prouve qu'il y a une grande péné- tration de ces deux fubftances dans fes pores l’une de l’autre ; car s'il n'y avoit point de pénétration , la pefanteur fpécifique de ce mélange donneroit pour celle du phofphore ......... Sobvos ES M. Briflon croit que le phofphore pèfe moins que l'acide phofphorique dont la pefanteur fpécifique eft ..............,.. 15575 ES pet CC D ee NOUVELLES LITTÉRAIRES. D; CTIONNAIRE raifonné univerfel d'Hifloire- Naturelle, con tenant l’hifloire des Animaux , des Végétaux & des Minéraux , celle des Corps célefles , des Météores & des autres principaux Phénomènes de la Nature, avec l'hifloire des Drogues fimples & celle de leurs ufages dans la Médecine , dans l'Economie domeflique € champétre , & dans les Arts & Métiers ; par M. VALMONT-BOMARE, Démonflrateur d’Hifloire-Naturelle, &c. À Lyon ,chez Bruyfet frères ; & à Paris, chez Boflange & Compagnie, rue des Noyers : nouvelle édition , confidérablement augmentée, avec vignettes & frontifpice gravés; 1791. En 15 vol. z1-8°, de 6 à 790 pages. Prix, 75 liv. en feuilles, En 8 vol, 7-4°. de 8 à 900 pages. Prix, 120 liv. en feuilles. IL feroit fuperfu de s'étendre fur le mérite & fur l’utilité d’un Ouvrage confacré par un fuccès conftant, & par l’approbation univerfelle ; tel devoir être le fort d’un Livre qui, renfermant dans fon enfemble toutes les parties de l’Hiftoire-Naturelle , en préfente tous les détails fous une forme agréable, également utile & acceffible aux Leéteurs de tous les ordres , & qui, en devenant un objet d’amufement & d'inftruétion pour homme du monde, offre en même-tems des connoiflances précieufes 4530 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, à l'agriculteur, au cultivateur , au médecin, au pharmacien, & à tous les arts qui fervent la fociété. Peu d'ouvrages ont été aufli utiles pour propager en France le goût de l'Hifoire-Naturelle & des connoiflances utiles, que le Didionnaire de M. de Bomare. Les nombreufes éditions qui en ont été faites font la meilleure preuve qu’on en puifle donner. Auf fe trouve-t-il jufques dans le fond des campagnes, où il a répandu des lumières, de la Philofophie & le véritable efprit de la fcience. L’eftimable auteur de cet ouvrage a cherché à donner encore plus de perfection à cette édition, qui, comme l’on voit, eft confidérablement augmentée, [| n’a épargné ni travaux, ni foins, ni dépenfes. Auf cette nouvelle édition n'a-t-elle pas été annoncée, qu’une com- pagnie fe hâte de la contrefaire, & y fait travailler à Paris dans douze imprimeries. Cet abus énorme eftun vrai vol fait, au public, parce qu'une édition contrefaite fourmille d'erreurs typographiques, aux auteurs qu'or rend refponfables de ces erreurs & à qui on enlève leurs propriétés, & aux libraires qui ont contracté des engagemens avec ces auteurs. L’Affemblée-Nationale fera fans doute des loix févères pour prévenir cette violation des propriétés. De la Balance du Commerce & des Relations commerciales éxtérieures de la France dans toutes les parties du Globe , particulièrement à la fin du règne de Louis XIF 6 au moment de la Révolution, le tout appuyé de Notes & Tables raifonnées authentiques , fur le Commerce & la Navigation, la Population, le Produit territorial & de Plu- dufirie , le prix du Bled, le Numéraire, le Revenu, la Dépenfe & la Dette publique de la France, à ces deux époques , avec la valeur de fes importations & exportations progreffives depuis 1716 jufqu’er 1788 inclufivement ; par M. ARNOULD , Sous-Direüteur du Bureau de la Balance du Commerce, 2 vol. in-8°. & x vol. in-4°. de Cartes & Tableaux. Prix, 12 Liv. broch. & 14 liv. francs de port par la pofle dans tout le Royaume. À Paris, chez Buiffon , Imprimeur- Libraire , rue Haute-Feuille , N°. 20. Rien de plus utile pour la Nation que l'ouvrage que lui préfente M. Arnould, Chacun y trouvera la fource de la richeffe publique. On y verra d’un côté les objets que nous fommes obligés de tirer de l'étranger, foit pour fatisfaire des befoins réels, foit pour des befoins fadices, On cherchera donc à multiplier chez nous ces objets autant qu'il nous fera poñlible. D'un autre côté on appercevra les objets que nous fourniflons aux étrangers. On tâchera également d'augmenter ces produits & de leur donner tout le degré de perfection qu’il eft poffible. Syfléme de la Raïfon, ou Le Prophète Philofophe ; par M, CarRa : SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 471 imprimé à Londres pour la premiére fois en 1773. Troifièéme édition. Prix, 1 liv. 4 fols & 1 liv. 10 fols franc de port par La pofle. À Paris chez Buiflon , Imprimeur-Libraire, rue Haute-Feuille, N°, 20. ÿ Profpeëus du Journal des Savans, æ Des caufes involontaires, faciles à juftifier, n’ont pas permis depuis deux ans, difent les auteurs de ce Journal , le plus ancien de l'Europe, & qui parut pour la première fois en 166$ , de s'acquitter vis-A-vis des foufcripteurs avec la même exactitude que dans les années précédentes. Mais de nouvelles précautions, un nouvel ordre de chofes vont rendre >» à fes auteurs les moyens de réparer une négligence donc ils ne fon point coupables ». Les auteurs de ce Journal font tous des favans diflingués, On foufcrit chez M. Mafla , à l’Imprimerie des fourds & rauets, dans l'ancienne maifon clauftrale des Céleftins , à l’Arfenal. 6 8 y y Hifloire des Infe&les ; par M. OLIVIER , treizième € qguatorzième livraifons. , M. Olivier ne néglige rien pour donner à cet ouvrage toute {a perfeion dont il eft fufceprible dans ce moment. Il eft en Hollande actuellement pour fouiller dans les riches colleétions de ce Pays, & y recueillir ce qui peut lui manquer. Les foufcripreurs doivent voir avec plaifir que les livraifons fe fuccèdent rapidement: Sur l'Adminifiration de M. NECKER; par lui-même. Ac plerique fam ipf vitam narrare, fiduciam potius morum ; quim arrogantiam arbitrati funt. Tacire. 1 vol, in-8°, À Paris, hôtel de Thou , rue des Poitevins. La nation françoife n’oubliera jamais ce que M. Necker a fait pour elle, & le regardera toujours comme un des principaux auteurs de cette révolution qui lui eft fi précieufe , parce qu’elle lui a fait recouvrer fes droits: & fi dans un inftant où elle achevoit fa conftitution par tant de facrifices , & au travers de tant de périls, fa reconnoïflance a paru fufpen- due , bientôt fes vrais fentimens reparoîtront lorfque cette conftitution fi defirée fera terminée, Oubliane tous les reproches que lui fait aujourd’hui M. Necker, elle ne fe fouviendra que des bienfaits qu'elle en a reçus, & elle fe plaira à les rappeler. ...Mais examinons çes reproches de M. Necker. Sans doute M. Necker ne prétend pas que Les Rois fiennent leur couronne de Dieu & de leur épée. 1] n'ignore pas que lorfque les Francs , 472 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, élifoient leurs Rois, & les élevoient fur le pavois , leur choix éroit très- libre : que l'intention de la nation étoit que ces Rois ne régnaffent que par la loi, puifqu’elle les chafloir dès qu’ils s’en écartoient. É L'Aflemblée-Nationale de France a rappelé ces principes fi vrais, & a décrété que la nation n’avoit pas un Roi pour les plaifirs de ce Roï, mais pour fon avantage à elle; que ce Roi ne dévoit régner que par la loi, c'elt-à-dire, fe conformer à la volonté générale de la nation ; que la nation avoit le droit de changer même la forme de fon gouvernement ; & de n'avoir plus de Roi fi elle le defiroit : en un mot, qu'en la nation feule réfidoic la fouveraineré, que le Roi n'étoit inftitué que pour exécuter & faire exécuter cette volonté fouveraine , & y étoit toujours fubordonné. Tels ont été les principes de gouvernement de tous Les peuples de l'Europe, qui ont tous eu autrefois leurs afJémblées générales, & qui dans peu de tems en recouvreront tous la jouiffance. L'impulfon eft donnée. L’'Aflemblée-Nationale en décrétant qu'il y aura en France une affemblée permanente, n’a donc fait que rappeler certe vérité éternelle : Que tout peuple qui wa pas fes affemblées nationales permanentes ef? fous de defpotifme ; que Jon gouvernement foit entre les mains d’un feul comme en France , ou entre [:s mains de plufieurs, comme à Wenife, à Berne, &c... .Ce defpotifme peut être plus ou moins dur, plus ou moins arbitraire. M. Necker conviendra bien que Ja loi étant l’expre(Hon de la volonté générale, doit être faite par la nation; & d'ailleurs les Rois étoient-ils à même de faire des loix ? N’appeloient-ils pas à cet effec des gens de loi ? & les enregiftremens n'étoient-ils pas une efpèce de fanétion faite par des gens qui fe regardoient comme les repréfentans du peuple, quoiqu à tort 3 M. Necker ne niera pas que la nouvelle adminiftration de la juftice ne foit préférable à l’ancienne: & qu’un magiftrat élu pour un tems par le peuple ne foit en général préférable à celui qui avec de l'or peut acheter le droit de juger fes femblables. Touté l'Europe a des municipalités, & nous en avions. On les a feulement dégagées des entraves que les miniftres leur avoient impofées dans ces derniers tems. M. Necker convient bien fans doute, & cette vérité étoit avouée même à la cour, que la nation feule avoit droit d'accorder l'impôt, & par conféquent en devait furveiller l'emploi. C'eft pour remplir ces vues qu'il avoit publié fes Comptes rendus. Dès-lors la nation doit fixer les dépenfes publiques , le nombre des troupes, des vaifleaux , &c. Elle feule doit déclarer la guerre, faire la paix, contracter les rraités de com- merce, &c. elle doit avoir fes adminifirateurs, &c. On avoit fenti depuis long-tems , & M, Necker lui-même, l'utilité des SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 473 des affemblées provinciales , & que nos grandes provinces devoient être divifées, Quelques-unes l’écoient déja , telle que la Normandie, L'Aflem- blée-Nationale n’a donc fait que mettre la dernière main à ce projet; & les déparrtemens ne font que les affemblées provinciales ou les états provinciaux mieux organifés, Ce feroit même à tort que l’Afflemblée- Nationale voudroit s'approprier l'idée de certe divifion. Mais, dit M. Necker, le Roi a trop peu d'autorité fur Jes adminiftra- teurs des départemens, les municipalités, &c. Je lui foutiens que cette autorité étoit bien moindre dans nos provinces d'état , par exemple , en Bretagne, qu'elle ne l’eft aujourd'hui dans les départemens ; & fans doute M. Necker ne voudroit pas propofer des intendans, ces defpotes fubalrerness M. Necker ne niera pas que tout ce que l’Affemblée a décrété fur le clergé eft conforme à toute idée d’ordre & de morale, & de plus aux anciennes mœurs de l’églife. IL avoit été trop fcandalifé lui-même de la diflolution de notre ci-devant clergé, pour ne pas applaudir à cette reftauration de l’ancienne difcipline. Il ne s’élèvera pas non plus contre la liberté des cultes. Perfonne ne connoît mieux que M. Necker tous les brigandages de la noblefle françoife, toutes les furprifes qu'elle faifoit au Roi , toures les entraves qu'elle apportoit à toute efpèce de bien, enfin tous les forfairs dont elle s'étoit rendu coupable envers la nation. . . . Qu'on parcoure feulement notre hiftoire depuis 1756 jufqu’à ces derniers tems, & on verra que toutes les humiliations que nous avons éprouvées, que le mépris où nous étions tombés chez l'étranger, que les millions de millions extorqués de la nation. . . . que cout celaétoit l'ouvrage de la nobleffe. Qu’eft-ce qui ne fera pas étonné de voir M. Necker réclamer contre Tun des plus beaux décrets de l’Aflemblée, qui a ramené l’homme à être lui-même, en anéantiflant tous ces titres que l'opinion avoit élevés fi haut. Les récompenfes doivent être perfonnelles, & cela ef fondé fur une loi de la nature qui a peu d’exceptions: Les fils d’un grand homme en ont rarement les qualités (1). Que M. Necker veuille donc bien examiner de fang froid la confti= tution françoife, & il verra qu'elle ne rend à la nation que des droits dont elle jouifloit autrefois ; que le Roi a toute l'autorité qu'il doit avoir & qu'ont eu les plus grands de fes prédécefleurs , tels que CAarle= (x) M. Jefferfon me difoit en 1789 : « Croyez-vous votre nation aflez avancée » pour anéantir comme nous le corps de la nobleffe », Je l’efpère , lui répondis-je, Nous y travaillons depuis long-tems. La noblefle elle-même y 2 encore plus travaillé que nous. — Eh bien, je vous annonce la plus belle des révolutions, — Avec quel plaïfir cet ami zélé de l’humanité aura-t-il vu fa prédiftion s’aççomplir ? Tome XXXV III, Part, I, 1791. JUIN, Ooo 474 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, magne, ce prince étonnant, & encore bien plus fi on fe reporte à fon fiècle, &c. qu'il en aura même plus, puilqu'il régnera au nom de la volonté générale, au lieu que dans l’ancien ordre les grands régnoient fous fon nom. M. Necker lui-même en avoit fait fouvent lexpérience. Il avoit arrêté quelqu'opérarion avec le Roi. À peine étoit-il retiré, que les Maurepas, les Polignuc, les Vaudreuil, &c. faifoient rout chanver, & finifloient par faire renvoyer M. Necker contre l'intention du monarque dont la volonté éroit bien connue. | k Quant à l'argent, M. Necker n'avoit d'abord fixé les dépenfes de Ia perfonne du Roi qu'à vingt millions. Il a demancé enfuite la fomme énorme de vingt-fept à vingt-huit millions, fommie excédant les revenus de la Suède... . On les a accordés. M. Necker auroit-il voulu faire de l'Aflemblée-Nationale le CONSFIL, pu Ror, comme il l'avoir dir dans les lettres de convocation ? J'écrivis dans l’inftant à Mapame NECcKkER pour le lui communiquer, & je lui difois que cette marche rorcueufe éroit indigne de Jui; que la nation ne fouffriroit jamais que fes repréientans n'euflent que les fonctions de conféeillers du Roi, qu'on ne faifoie qu'aigrir les efprits déjà fi mécontens, &c. &c. J’imprimai ces réflexions que j'envoyai dans tout le royaume. ; Mais, objete M. Necker, la puiffance royale n’a pas aflez de force dans ce moment. . . « Pourquoi? lui répondrai-je, Parce que la méfiance eft grande contre les miniftres , parce qu’on a fait faire au Roi beaucoup. de démarches au moins imprudentes.... Si on avoir laïflé agir Louis XVI fuivant fon cœur, que fa conduite eût été aufli loyale que celle du Roi de Pologne, ce prince philofophe, left aujourd’hui , la conftitution françoife feroit achevée depuis long-tems. Et lorfque Îes efprits feront/calmés , que les nouveaux pouvoirs feront en activité ; que nous aurons d’autres chefs des gardes nationales, fur-tout à Paris, qui n'infpirent pas la méfiance aux citoyens. . . le Roi aura toute l'autorité dont il doit jouir pour faire exécuter la Loi & régner en fon nom ; car fans doute M. Necker ne voudroit pas que le Roi eût continué de gouverner par les lertres de cachet & les bayonettes. . . . Je ne doute pas que quand le premier moment de fenfibilité de M. Necker fera paflé , il ne reconnoifle toutes ces vérités. Au refte, je fais bien que M. Necker a été en butte à quelques haines particulières, Les rurgotiftes & les économiftes ( parti intriguant qui prend un afcendant bien dangereux ),qui ne lui pardonneront jamais d’avoir fait du bien fans eux, d’autres intérêts non moins a@ifs ont beaucoup contribué aux défagrémens qu'il a éprouvés. . . . Mais il ne doit pas ignorer le jeu des pañlions particulières, qui favet égarer l'opinion publique un inftant. Qu'il fe rappelle les exils des Atriflides, des SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 475 Coriolans; les accufarions intentées conrre les Scipions,les Catons. . . .: & il plaindra plutôt l'humanité, qu'il ne blâmera la tation françoife de ne pas être au-deflus de certe humanité. N'a-t-il pas entendu un de fes plus ardens adverfaires, Mirabeau, dire à la tribune de l’Aflemblés- Nationale, au fujet d’un pamphler intitulé, Grande trahifon du Comte de Mirabeau : « On m'apprend bien que les honneurs du capitole font » proche de la roche Tarpéienne ». Le même Mirabeau ne difoit-il pas en parlant de M. de la Fayetie: « Un homme que le bhafard des » circonftances & non les talens ont porté à une efpèce de diétature, » qui voudroit être maire du palais & chef de Mamelucks. . .», tandis que les courtifans de la Fayette le voudroienc faire paler comme auteur des révolutions de l'Amérique & de la France. Ne dit-on pas que tout les 1789, ou le parti miniftériel & le chef de la milice , qui ont toujours fur Les lèvres le mot peuple, font vendus fecrettement au pouvoir exécutif dontils accaparent autant qu’ils peuvent les places, & même l'argent, ajoute-t-on (1). . . Il eft vrai que Mirabeau , ainfi que tous fes femblables, au milieu du Forum , avoit toujours les yeux tournés vers le palais. . . . Mais M. Barnave qui n’a jamais dévié de la vraie route n’a-t-il pas été traité avec la plus grande injuftice? Tous les auteurs de parti n’ont-ils pas été jufqu’à refufer à ce jeune héros de la révolution, même le titre de patriate?. . . . On lui a fait un crime d'avoir propolé ce qu'il avoit cru, peut-être à tort, commandé par la politique, de différer de quelques mois d'accorder les droits de citoyens actifs à quelques gens de couleur ( & ils ne font que trois à quatre inille en état d'en profiter ) tandis qu'on a applaudi à la politique de M. Rewbel qui a fait refufer ces mêmes droits pour un tems indéterminé aux juifs d’Alface & de Paris: tandis que l’Affemblée-Nationale a cru qu’il étoit ordonné par cette même politique de les refufer pour toujours à un tiers environ des françois: tandis qu’elle a laiflé fix à fept cent mille nègres dans l’efclavage toujours fuivant la politique. . . . Mais il falloit un prétexte pour dépopularifer Barnave, & ceux qui comme lui ont toujours été à la tribune les plus fermes défenfeurs des intérêts de la patrie, On l'a faif : on a fait courir le bruic qu'il ignoroit même les droits de l’homme. . . . Toutes les intrigues dont on connoît fi bien l’art ont été employées. . . . M. Barnave favoit bien fans doute que fon projer de décret étoit fondé fur la politique & non fur la philofophie , aux yeux de laquelle tous les hommes fonc égaux... .Mais puifqu'on n’avoit pas foupçonné le patriotifme de (1) Ne dit-on pas que ces 1789 ou miniftériels feront dans la prochaineilégiflature où il n’y aura point d’ariftocrates , ce que font les miniftériels au parlement d'Angle- serre, c'eft-à-dire, anti-patriotes & vendus à la cour? Tome XX XVIII, Part, L JUIN, 1791. Ooo 2 { 476 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE; M. Rewbel lorfqu’il avoit plus confulté la politique que la philofophie au fujet des juifs d’Alface & de Paris, il ne devoit pas croire que le fien dût être plus foupçonné, lorfqu’il fe conduiroit de même au fujet de quelquesgens de couleur. . . . Mais M, de la Fayette ni le parti miniftériel, les 1789 , qui s’étoient coalifés dans ce moment avec le parti tout-à-fait oppolé, ne jaloufoïent pas M. Rewbel. Que M. Necker en butte aux mêmes jaloufies parcoure tous ces exemples, & j'en appelle à fon cœur honnète. . ..Il doit être aflez philofophe pour favoir que les hommes feront toujours hommes. TABLE Des ARTICLES CONTENUS DANS CE CAHIER: Cr rares Jur les Roches volcaniques, & fur le Bafale ; traduites de L Allemand de M, WERNER , infpeëteur de l Acadèmie des Mines à Freybere , par J. P.B. W. B. page 409 Mémoire pour établir par des expériences quelques rapports entre quelques parties conflituantes du Bois ; par M. SENEBIER , Biblio- thécaire de la République de Genève, 421 Suite de l'Effai fur cette queflion : Quelle ef? l'influence de l'Eledricité fur la Germination & la Végération des Plantes ; par M. be Rozreres , Capiraine au Corps Royal du Génie, Correfpondant de l'Académie Royale des Sciences de Paris, Membre Affocié de la Société d'Emulation de Bourse en Brefle, de l Académie Delphinale , de la Société Philofophique des Sciences & Arts uriles de Lyon , Vice-Secrétaire de la Société Académique & Parriotique ‘ de Valènce en Dauphiné, RNA Lettre de M. VaAN-MaARUM, à M. JEAN INGEN-Housz, Médecin du Corps de l'Empereur, &c, contenant la defcription d'une Machine éleërique , confiruite d'une manière nouvelle & fimple, & qui réunie plufieurs avantages fur la conffruélion ordinaire , 447 Lettre de M. DE Luc, à M. FourcroY, fur la nouvelle Chimie , 460 Lertre de M. DE Saussure fils, à M. DE LA MÉTHERIE, fur une Hydrophane imbibée d'eau, 46$ Extrait & Tradu&ion d'un Mémoire fur une nouvelle Subflanceqw’on peut avec avantage fubfluer au Grain pour la Fabrication de l'Eau- de-vie ; par M, ÉORSTER , Profeffleur à Halle ,traduit par M, VAN- SUR L'HIST, NATURELLE ET LES ARTS, 477 Mons, Apothicaire à Bruxelles, Membre de plufieurs Sociétés favantes , j 466 Obfervations fur le Cuivre phofphoré ; par M, SAGE, 468 Nouvelles Latéraires, 469 MABDE GÉNÉRALE DÉS CM ROTICLEES CGONM EN UISTD/ANS ICE V OL U ME. I HISTORRE-NATURE EL E, D';sc0 URS préliminaire; par J.C. DFLAMÉTHERIE, page 3 Defcriprion de diverfes Criflallifations métalliques ; par M.C. PAJOT, 52 Extrait d'une Lettre de M, le Chevalier LANDRIANI , à M. P Abbé TEsTA, s4 Defcriprion d'un Bouleau hybride pinné; par M. DAN-LUNDMARK, $$ Lectre de M. SAGE, à M. le Baron DE BORN, 66 Idée générale de la Sibérie & de fes Habitans ; par M, PATRIN, de plufieurs Académies , 81 Douzième Lettre de M. DE Luc, à M. DELAMÉTHERIE , fur Les Couches calcaires de la feconde Claffe & les Couches de Pierre fobleujè de la première, & fur leurs Caraffrophes. Formation des Montagnes du fecond ordre, 90 Obfervations fur PHifloire-Naturelle du Coucou ; par M. EpwarT JENNER : extraites des Tranfa&ions Philofophiques, traduites par M. A B.0t*#; 161 Treizième Lettre de M. DE Luc, à M. DELAMÉTHERIE, fur les Couches de Craie & celles de Houille, & fur leurs Cataflrophes , 174 Notice minéralogique de la Daourie ; par M. PATRIN, 22$ Quatorzième Lettre de M. DE Luc, à M. DELAMÉTHERIE , fur Les Os foffiles,& fur Les dernières opérations de l'ancienne Mer , 271 Suie d'un Voyage minéralogique en Daourie ; par M. PATRIN, 289 , 478 TABLE GÉNÉRALE DES ARTICLES. Objérvations fur, le Chêne Balloie ou à Glands doux du Mont. Athlas ; par M. DESFONTAINES, de l’Académie des Sciences , 375 Quinzieme Lettre de M, De Luc, à M. DE £a MÉTHERIE, pour érvir d'introduéion à quelques confidérations météorologiques , auxquelles donnent lieu la formation & la naiflance de nos Conti- nens , 378 Obfervations fur les Roches volcaniques , & fur le Bafalte, traduites de l'Allemand de M. WERNER , Infpeëteur de L'Académie des Mines à Freyberg ; par J.P.B. W.B. 409 PHYSIQUE. M: MOIRE Jur l'aëlion de la Lumière folaire pour blanchir la Cire jaune ; par JEAN SENEBIER, Bibliothécaire de la République de Genève, page 56 Lettre de M. VAN-MaARUM , à M. DELAMÉTHERIE, fur les caufes de La mort produite par l’Eleëricité , 62 Seconde Lettre de M. VAN-Marum , à M. le Chevalier Marsrrro LanDrtANt, contenant la Defcription des nouveaux Frortoirs éle&triques adaptés à la Machine Teylerienne , de leur effet en comparaifon des autres, & des Obfervations, qui font voir en général quelle doit étre la conflru&tion des Frottoirs éle&riques , pour en obrenir le plus grand effet, 109 Defcription de la Machine pneumatique à vapeurs de M. l'Abbé CaJ3ETAN BERRETRAY; par M. JoacHim CARRADORI, 150 Vues fur la manière d'exécuter le projet d'une Mefure univerfelle , décrété par l Affemblée Nationale ; par le P. COTTE, Prétre de l'Oratotre , Correfpondant de l'Académie Royale des Scien- ces, Éc. à 17E Mémoires fur les Aurores boréales ; par ANTOINE Liges, Profeffeur de Phyfique au Collège Royal de Touloufe, 191 Défcription d’un Cyanomètre, ou d'un Appareil defliné à mefurer l'intenfité de la Couleur bleue du Ciel ; par M. DE SAUSSURE, 19 Defcription d’une Machine hydraulique ; par M. EN extrait d'un Rapport de l'Académie des Sciences de Paris, 299 Mémoire fur l'équilibre du Feu ; par P. PREvoOsT , Profeffeur honoraire à Genève, de la Société des Arts de la méme Ville, de l'Académie de Berlin & de la Société des Curieux de la Nature, 314 De l'Eleétricité du Spath boracique ; par M. l'Abbé Haüy, 323 TABLE GÉNÉRALE DES ARTICLES. 479 Mémoire abrégé fur les Compofitions , Fabrications & Procédés ufttés dans la Verrerie Royale des Bouteilles du Bas-Meudon , près Paris anciennement établie à Sevres , comparés avec des Compoft- tions, Fabrications & Procédés employés par M. PasoT Des CHARMES , Sous-Infpeéteur des Manufoë&ures , lors de for expé- rience faite dans ladite Verrerie , en 1783 & 1789, 341 Effui fur cette queftion : Quelle ef influence de l'Eleëricité fur la Germination & la Végétation des Plantes ; par M. DE ROZIÈRES » Capitaine au Corps Royal du Génie, Correfpondant de l'Académie Royale des Sciences de Paris, Membre Affocié de la Société d'Émulation de Rourg en Breffe, de l Académie Delphinale , de la Société philofophique des Sciences & Arts utiles de Lyon, Vice- Secrétaire de la Société Académique & Patriotique de Valence en Dauphiné , 351 Suite , Le 427 Sur la Limite des Alifés : premier Mémoire ; par M. P. PREVOST , Profeffeur honoraire à Geneve, de La Société des Arts de la méme Ville, de L'Académie de Berlin & de la Société des Curieux de la - Nature, 365$ Sur la Limite des Alifés : fecond Mémoire, par le même, 370 Mémoire pour établir par des expériences quelques rapports entre quelques parties conflituantes du Bois ; par M. SENEBTER , Biblio- thécaire de La République de Genéve, 421 Lerrre de M. VAN-Marum , à M, JEAN INGEN-Housz , Médecin du Corps de l'Empereur, &c. contenant la Defcription d'une Machine éle“rique, conflruite d’une manière nouvelle € fimple, & qui réunie plufieurs avantages fur la conftruëion ordinaire, 447 ———_—_———— — ——"——————" ——— ————Z—Zah rer) GHELIFIMET'E, FE TRAIT d’une Lettre de M. Crsezc, à J.C. DELAMÉTHERIE, Jur le Menackanite, nouvelle Subflance métallique, page 67 Expériences & Obfervations [ur la diffolurion des Métaux dans les Acides, & leurs précipitations, avec l'expofition d'un nouveau menftrue acide compofé & utile dans quelques opérations techniques du départ des Métaux ; par M. J. Ketr, Membre de la S.R. (extrait des Tranfaëtions Philofophiques ). Ce Mémoire a été lu à la Société Royale le 20 Mai 1700, 124 Efais fur l'Art de l'Indigotier , pour fervir à un Ouvrage plus étendu ÿ par M. JEAN-BAPTISTE LEBLOND , Médecin Naturalifle , Penfionnaire du Roi, Correfpondant de l'Académie Royale des 480 TABLE GÉNÉRALE DES ARTICLES, Sciences de Paris, de la Société Royale d'Agriculture & de celle de Médecine, &c+ Commiffaire pour Sa Mageflé pour faire La recherche du Quinquina dans la Guyanne Françoife, lus & approuvés par l’Académie des Sciences : extrait, I4E CAnalyfè d'une Mine de Laiton de Pife en Toftane ; par M. SAGE, 15$ Mémoire de M. FRaNçors TIHAUSKY, premier Lieutenant des Fonderies Impériales, fur les Métaux retirés des différentes Terres : extrait des Mélanges de M. JACQUIN, 208 Rapport fur les Exhumations du Cinerière & de l'Eglife des Saints- Innocens, lu dans la féance de la Société Royale de Médecine tenue au Louvre le 3 Mars 1789; par M. THOURET, 249 Analyfè de la Hyacinthe blanche du Hartz ; par M. SAGr, 269 Elémens de L'Art de la Teinture ; par M. BERTHOLLET: extrait, 302 Analyfe d'une nouvelle efpèce de Sel ammoniac déphlogifliqué , calcaire fulminant , en efflorefcence fur du Tuf du Wéfuve ; par M. SAGE, 311 Extrait d'une Lettre de M. KLAPROTH, à M. PELLETIER, fur les prétendus Métaux calcaire € magnéfien, €c. 324 Extrait d'une Lertre de M, KEïr, à M. DELAMÉTHERIE, fur la Combuflion de P Air inflammable & de l'Air déphlogifliqué, 325$ Mémoire fur la nature du Cerveau , & fur la propriété qu'it paroft avoir de fe conferver long-tems aprés toutes les autres parties, dans les Corps qui fe décompofent au ein de la Terre; par M. TuourET , de la Société Royale de Médecine : lu à la Jéance publique du 23 Février 1790, 329 De La Combuflion ; par J. GC. DELAMÉTHERIE, 394 Lettre de M. DE Luc, à M. Fourc&oY , fur la nouvelle Chimie, 460 Lettre de M. DE SAUSSURE fils, à M. DELAMÉTHERIE, fur une Hydrophane imbibée d’eau, 465 Extrait & Traduétion d'un Mémoire fur une nouvelle Subflance qu'on peut avec avantage fubflituer au Grain pour la Fabrication des Eaux- de-vie ; par M. FORSTER, Profeffeur à Halle, traduit par M. Van- Mons, Apothicaire à Bruxelles, Membre de plufieurs Sociétés 466 468 Fe LL 1 Ne Sn / = IL Ÿ 2 the) : DEN 4 ps re | aa mn an PRUEN L' JV / e =" i *f k E Jo, sains) ul TN EU iteseinemneraadiéns dues a On As em he dd eee er rte mime mind om been en ST TT To Doeenannatddes + 20 i sat 50S) 2 TES CSSS EL LIOHE { L DL VD ET " FR TN } f qu x, Lo NI à ua ' ” Les _ ‘40 U PE F a: L “LIRE - LR SÉRAAL Re