n2 |A 63 1L LEP decli "m M Y e. um ECONOMIE RURAL Fr. TON E.PREMIER. 4^ ST 5:00 a . EURE b J217R vl - Digitized by the Internet Archive in 2010 with funding from University of Ottawa http;//www.archive.org/details/oeconomierurale01 vani GCONOMIE RER A. LE: TRADUCTION DU POEME DU P. VANIERE, INTITULÉ PRAE DIUM RUSTICUM, Par M. BERLAND. TOME PREMIER. HA B4RITIS, Chez les Freres ES TIENNE, rite Saint Jacques , à la Vertu. MN DLGC EVE Avec Approbation & Privilège du Roy. cv no mma (04. MONSEIGNEUR DALBERT D'ALLY, DUC DE CHAULNES: PAIRDEFRANCE, BARON DE PÉQUIGNY, &c. LIEUTENANT-GENERAL DES ARMÉES DU ROY, BE ONSEIGNEUR, Votre attachement pour les Lettres , votre Nom , vos Digni. EPIIT. tés juflifieroient les plus grands Éloges : ce n'efl cependant point à ces titres , c'efl à votre Cœur, à vos F'ertus que je rends hom- mage, Si l’admiration faifoit naítre le talent , Je peindrois ce zéle ardent qui vous anime pour le bien de la Patrie dans les di- vers Commandemens que vous confie Sa Majeflé , ce dévoue- ment , cette fidélité héréditaires dans votre Maifon à la Perfon- ne du Prince & aux intéréts de PÉtat, Je vous repréfenterois avec cette affabilité naturelle , cette vérité dans le caratfére , & cette bonté officieufe qui vous É PITRE gagnent les cœurs. Enfin , que ne dirois-je point de l'étendue de vos connoifJances , & du digne emploi que vous en faites ? Ce n'efl point à des Arts frivoles que vous facrifez vos loufirs : l'utilité publique efl le feul ob- Jet de vos recherches , de vos libéralités , & de vos travaux. L'Homme de Lettres n'a de droit fur votre Eflime que lorfque fes Écrits caradérifent l’honnéte- Homme 6 le Citoyen. Frappé de l'éclat d'un Mérite au[ft rare, pouvois-je faire paroître cet Ou- vrage fous de plus heureux Auf- pices ? Je me félicite chaque jour [4 Et PLTTTIRN FE de la permiffion que vous m'a- vez donnée de vous l'offir, & Je me croirat autorifé à m'en ap- plaudir ft vous lhonorez de vo- tre fuffrage. Je fuis ; avec un Fu TA pet , MONSEIGNEUR, Votre trés-humble & tres- obéiffant ferviteur , BERLAND, PREFACE. -VANT que j'eufle fongé à traduire le AA V Poeme du Pere Van- BE) nicre, il me paroifloit furprenantque nousn’eneuflions point encore de verfion dans notre langue : je ne pouvois me perfuader que la difficulté de réuffir, fût une raifon fuffi- fante pour détourner des gens de Lettres de l'entreprendre. J'i- maginois que la célébrité de l'Auteur , les éloges que lui ont donnés les Maitres de l'Art, l'utilité de l'Ouvrage , & le plai- fir qu'il fait à la le&ure , de- voient balancer les difficultés, & même les furmonter. Mais Tome f. a METUS PRÉFACE. lorfque je les ai vü naître à cha- que page, & fe multiplier fous ma plume à mefure que j'avan- çois dans cette traduction , j'ai loué la prudence de ceux qui n'avoient pas ofé entrer dans cette carriére, & ma furprife a changé d'objet ; c'eft ma har- dicfle , ou plutôt ma préfomp- tion qui m'a étonné. — — Tous les motifs qui peuvent déconcerter un Traduc&eur.fe font préfentésen foule pour me faire abandonner mon projet : difficulté de faire paffer d'une langue dans une autre les beau- tés, l'efprit, & les images de tout Poete en général; d'allier la fidélité dans la copie avec l'expreflion, les graces & le co- loris de l'original ; de faifir en maitre les teintes les plus légé- res , les dégradations des cou- leurs, & les ombres de tout ce . PRÉFACE. iÿ qui fait tableau : défaut de {e- cours en traduifant un Poëme qui n'avoir jamais été traduit, ni méme commenté : raifon de découragement prife d’un in- jufte préjugé , mais néanmoins exiftant , qui range les Traduc- teurs dans la derniére claffé des gens de Lettres : difficulté de parler en Frangois des travaux de la campagne fans choquer des oreilles Françoifes , d'annoblir par le choix des termes les dé- tails champétres, de rendre fup- portable , quelquefois. méme agréable , la fécherefle des pré- ceptes qu'entraine néceflaire- ment avec foi tout ouvrage di- dactique. En un mot , difficulté de faire gouter des leçons fur l'Gconomie Rurale à une Na- tion , dont une partie croyoit il n'y a pas encorc long-tems , | a 1j Ly PREFACE. uelaterre devoit fervir nos be- (Lins fans culture. Nous ne fommes plus dans ces tems heureux ou les Prin- ces , les Généraux d'Armées , les Dictateurs méme cultivoient la terre. L'agriculture étoit alors honorée comme le premier & le plus utile de tous les Arts. LesSouverains & les Grands ne fe contentoient pas d'encoura- ger les Peuples par leur exem- ple, ils les éclairoient encore par leurs écrits. Salomon qui depuis le Cédre jufqu'à l'Hif- {ope connoiffoeit tous les arbres & routesles plantes, fe faifoicun plaifir * de cultiver des jardins, d'y planter toute forte d'arbres, & de mettre au jour fes obfer- vations. Différens Rois ont écrit * Magnificavi opera mea, feci hortos & pomaria , & confevi ea cuncti generis arbo- ribus. Eccl. c. 22. ; PREFACE. y fur l'Agriculture , & Magon Général Carthaginois a laiflé fur cette matiére vingt-huit vo- lumes, qui ont été traduits en Grec & en Latin. En Afífyrie , en Perfe , en Egypte , on récompenfoit les gens dont les terres étoient bien cultivées , & l'on punifloit ceux qui négligeoient ce foin. Numa Pompilius & Ancus Martius, tous deux Rois de Rome, avoientla mémeattention. Dans les premiers tems de la Répu- blique Romaine on alloit ont vent chercher des laboureurs à la charrue , pour leur donner le commandement des Armées , & leur confier le gouvernement des affaires : les Curius Denta- tus , les Camilles, les Fabricius, les Catons faifoient leurs déli- ces des travaux de la campagne, palloient fucceffivement de la a iij vj PREFACE. Chaife Curule à la charrue , fa- voient manier également l'épée & le hoyau , enfemencer les terres & les conquérir , & dés poíant les faifceaux revenoient tout couverts de gloire & de lauriers habiter leurs toits ruf- tiques. Il n'eft point. étonnant que dans ces tems reculés il y ait cü tant d'Auteursquiayent écrit fur l'Agriculture | puifqu'elle étoit encrédit & en véneration ; ils étoient fürs de trouver des lecteurs en traitant une matiére dont tousles honnétes gens fai- foient leur principale affaire. Héfiodc, Poëted'Afcra en Beo- tie, & à peu prés contemporain d'Homére à ce qu'on croit , eft le premier qui ait fait un Póéme fur la campagne ; il. eft intitulé les ouvrages & les jours. Varron Auteur latin, qui a écrit auff PREFACE. vij fur l'Agriculture, compte juf- qu'à cinquante Auteurs parmi les Grecs fur le méme fujet. Nicandre Poëte de Colophon, qui felon Suidas vivoit du tems d'Attale Roi de Pergame, & duquel Quintilien dit que Vir- gile a emprunté beaucoup de chofes dans fes Géorgiques , a mis en vers les plaifirs & les tra- vaux de la campagne : Caton & Palladius font venus enfuite ; & dans destems poftérieurs , Pline & Columelle font entrés dans de trés-grands détails fur la cul- ture des terres , la nourriture des beftiaux , les occupations des Fermiers , & furtoute l'Œ- conomie Rurale. Le plus beau génie de l'antiquité , Virgile lui- méme n'a pas dédaigné de faire des Géorgiques; & c'eft de l'a- veu des connoifleurs , le plus . beau & le plus fini de fes ou- vrages. a 111} »; PREEAXZE. Quoique l'Agriculture du tenis des Empereurs füt tombée dans une forte de mépris , on con- fervoit encore de l'eftime & de la vénération pour ces anciens perfonnages dela République, qui pouvant tenir les premiers rangs & paíler une vie brillante au ie delà volupté, avoient préféré le féjour de la campa- gne à la pompe des Villes, des mœurs fimples , une table fru- gale, une vie retirée & labo- rieufe , & tous les attributs de la modeftie & d'une fortune médiocre à l'éclat des richeíles & aux douces flaterics des Cour- tifans. On aimoit à fe fouvenir que ces grands hommes quand on venoit les chercher pour commander les armées , loin d'étre enchantés de cette diftinc- tion ne quittoient leurs travaux domeftiques qu'avec regret ; que PREFACE. ix C'étoit par foumiflion aux ordres dela République , & non pour leur intérét particulier, qu'ilsre- cevoient la commiffion de Gé- néral , & qu'il n'y avoit qu'un dévouement entier au bien de l'Etat & de la Patrie , qui püt leur faire fupporter l'éloigne- ment de leurs foyers ruftiques : auffi lifoit-on encore Columelle avec plaifir , quoiqu'il reprochát aux Romains le peu de cas que de fon tems ils faifoient de l’A- griculture. » Je voisà Rome, dit cet Au- » teur, des Ecoles de Philofo- » phes, de Rhéteurs, deGéome- » tres, de Muficiens , & ce qui » eft bien plus étonnant degens » occupés uniquement, les uns » à préparer des mets propres à » piquer le goût & à irriter la » courmandife , les autres à » orner la téte par des frifures x PREFACE. »artificielles , & je n'en vois » aucune pour l'Agriculture : » cependant on peut fe pafler » de tout le refte, & la Répu- » bliquea étélongtems floriffan- » te fans tousces Arts frivoles ; » mais il n'eft pas poffible de fe » paffer du labour de la terre, »puifque la vie en dépend. ... » Oferoit-on comparer aux au- » tres Árts la fage & innocente » Agriculture que le feul déran- »gementde nos mœurs a pü ren- » dre méprifable , & par une » fuite néceffaire prefque ftérile » & fans fruit ? | Ne pourroit-on pas appliquer à notre fiécle ce que dit .Colu- melle du fien? & notre goût pour les Arts frivoles , pour le luxe & les plaifirs , n'a-t-il pas affez de rapport aux mœurs du tems de Tibere, fous le régne duquel vivoit cet Auteur? Cette . PREFACE. xf application a déja été faite dans un livre moderne ^ ; l'Auteur étend les réflexions de Colu- melle, & fe plaint qu'il n'y ait point en France d’Académie pour l'Agriculture & le Com- merce : » On n'a point, dit-il, » imaginé des prix pour multi- » plier les Artiftes , les Manu- » facturiers , les Agriculteurs ; » aucun fonds public ni parti- » culier #eft deftiné à encoura- » ger les découvertes utiles à la » fociété. Un ^ Citoyen zélé »séleve & rend publiques des » obfervationsfurl' Agriculture, » fruit d'une expérience iongue 108 4a pour titre Remarques fur les avan- tages & les défarantages.de la France & de la Grande Bretagne, &c. ! * & Ceft M. Duhamel du Monceau, de PA-, cadémie Royale des Sciences de Paris & de la Société Royale de Londres, qui a donné uu Traité fur la culture des terres, & un. autre fur la confervation des bleds. xj | PREFACE... » & couteufe. Peu de gens feront » les mêmes eflais , faute de » moyens , ou de crainte de per- » dre s'ils ne réuffiffent pas: lui- » même, faute de fecours , fera »forcé d'abandonner une étude » à laquelle le travail & les facul- » tés d'un feul Citoyen ne peu- » vent fuffire: enfin , c'eft pref- » e un phénoméne entre les » fujets des prix des Académies » de France, que celii de l'A- » cadémie d'Amiens qui propofe » pour l'année 1755 , desquef- »tions relatives au commerce;on »n'a prefque rien écrit fur l’Agri. » culture, ni fur le commerce en » général , encore moins fur les » détails de ces objets, & fur » ceux qui y ont rapport ; on a » méme négligé lesfecours que » les Etrangers pourroient offrir » fur ces matiéres. On ne trouve » dans aucunc Bibliothéque pu- PREFACE. xüjy » blique ni particuliere , de col- » le&ion des ouvrages qui exif- » tent fur le Commerce & l'A- » griculture: on a enrichi avec oin la langue Frangoife des » Poëlies & des Romans de » toutes les Nations , on a tra- » duit quelques-uns de nos Poë- »tes & de nos Romanciers » bons & mauvais. Nos Auteurs » fur le Commerce & fur l'A- » griculture feront les derniers » connus. L'Auteur a bien fenti que la caufe de notre répugnance pour l'Agriculture, provient des prin- cipes d'éducation qu'on recoit en France , maisil n'a parlé que du peu de goüt que nous avons pourles voyages, qui felon Jui font la meilleure école , & il n'a point contredit cesprincipes.Ce- » |» pendant il auroit été important defaireconnoitreenquoi péchoir XLV PREFACE. cette éducation , puifqu'elle eft la fource de nos dégoüts & de notre mépris pour tous les Arts utiles. En effet quand nous aurions autant de paflion que les Anglois pour les voyages, de quel avantage nous feroient-ils ? que rapporterions- nous aprés avoir couru le monde ? des ridi- cules , des vices de plus, & fort peu de mémoires intéreflans pour la fociété. Nousen voyons l'expérience tous les jours. Par- mi le petit nombre de jeunes gens qui vont en Angleterre, il n'y en a aucun qui revienne meilleur ou plus inftruit; il n'eft mention dans leur Journal que des fingularités Angloifes, de ism particularités fur les pectacles & les actrices, fur les promenades & le jeu. On y parle aufli d'avantures galantes vraies ou faufles: c'eft même le plus PREFACE. xv gros chapitre du journal ; maisil n'eft pas dit un mot du Gouver- nement , de la Police, du Com- merce & de l'Agriculture. Pour voyager avec fruit, il faut fa- voir autre chofe que chanter, monter à cheval , faire desarmes & aligner des vers. Il faut avoir au moins un commencement de fagefle , un defir ardent de fe perfectionner , dans la vüe de fe rendre utile à fa Patrie, une no- tiongénérale des Arts , un efprit docile & le cœur libre : il faut envifager le bien public comme l'ebjec principal d’un Citoyen ; n'exiger l'eftime de perfonne , qu'aprés avoir fervi l'humanité; & fe croire, quand on. ne con- tribue pas au bonheur de la fo- ciété , indigne de jouir des avan- tages qu'elle procure. Qu'avec ces préliminaires on va loin, & que les progrès dans les Artsíont xv PREFACE. rapides! On reconnoit alors que la terre porte à regret un homme qui fe croit né uniquement pour lui-même , & qu'au contraire le particulier , füt-il artifan , qui par fon travail ou fes confeils , foulage , enrichit , éclaire fa Pa- trie , mérite autant d'honneur , & de refpe& qu’un Héros qui la défend. | Mais y a-t-il rien de plus op- pofé à ces maximes que les prin- cipes de notre éducation? Nous fommes aflaillis pendant notre jeuneffe par un tas de Maitres : qui prefque tous ne nous enfei- gnent que des frivolités: on fa- conne le corps , on polit l'efprit fuperficiellement , & on néglige le cœur , la partie effentielle de l'homme. On crieroit à l'extra- vagance, fiunPeintre s'avifoit de donner à fes figures des attitu- des, des graces , & une drape- rie PRPFACE. y rie avant d'avoir fait la tête, & l'on n'a pas de honte de faire de nous des pagodes & des Panzns avant que de nous rendre hom- mes: quand on nous a chargé la mémoire de Grec & de Latin, & qu'on nous a débité dans les Colléges , ou chez nos Parens, quelques vieilles hiftoires , qui n'ont point de traità nos moeurs, on nous croit des modéles de perfection , & on nous introduit dans le grand monde comme des Etres capables & propres à tout, mais à tout ce qui n'eft point néceffaire. Les riches font élevés dans le mépris de tous les gens qui font obligés de tra- vailer pour vivre; ils traitenc l'artifan , le laboureur , le com- merçant comme des eíclaves , & ne fouffrent ces efpeces dans fa fociété que comme des ombres propres à faire fortir leur éclat: Tome f. b xvj PREFACE, Si par hazard le Gouverneur ou les Parens d'un enfant de qua- lité ontaffez de courage & de bon fens pour l'inftruire. des de- voirs de l'homme relativement à fes différens pointsde vüe , & pour lui apprendre que la vertu, l'honneur & les folides occupa- tions compofentle vraicitoyen , que la nobleffe & la fortune n'en font tout au plusque levernis, ue les Arts de pur agrément ne he que l'acceffoire & non l'ef- fenticl de l'éducation , & qu'on, eft obligé d'étre bon,bienfaifant, zélé pour l'intérêt public , plus indifpenfablement que d’être joli homme : ce jeune Seigneur eft tout étonné quand on le li- vre à fa propre conduite , & qu'il fréquente les gens du bel air & du in^ ton, d'entendre précher la controver{e de tout ce qu'on lui a enfeigné , & de voirquele plus PRERKACE. xix fêté des cercles & des affem- blées, eft celui qui a le ton le plus avantageux , & qui a le mieux peroré fur les colifichets : sil ouvre la bouche ; & qu'il s'a- vife de raifonner avec jufteffe fur des matiéres intére(fantes , _onfe demande tout bas sil eft François ; & on ne lut-tépond que par une pirouetté , ou un morceau d'Opéra. Les jeunes gensle perfiflent, & il fe voit la fable detout le monde, parce qu'ilne reflemble pas au oéné- ralsainfi défolé de cé ridicule , leplus.terrible fléau de l'amour propre , il maudit fes Parens & fon Gouverneur, par qui il croit avoir été trompé, abjare leurs principes , s'en'défait comme d'unecrafle de Collége , devienit- fat , libertin, petit maitre, & perd en un-mois par le mauvais exemple , le fruit del'éducation bii xx PREFACE. la plus raifonnable & la plus foi- enée. | Il n'eft donc pas avantageux de faire voyagerun jeune hom- me, à moins qu'on n'ait veríé dans fon cœur les femences des qualités fociales & patriotiques;. ce.n'eft pas même affez qu'il les ait reçues, s'il eft l'unique ou du moins prefque le feul à lesavoir, le mauvais exemple les étouffc- ra bientôt & les empéchera de fru&ifier. Il faudroit avant tou- tes chofes réformer la facon de penfer dela Nation: mais com- ment y parvenir? ce ne fera point par les préceptes , ils font. inuti- les ;. quand il. s'agit de corriger touteune Nation, la voyela plus courte eft l'exemple *. Et à qui appartient-il de montrer l'exem- * Longum eft iter per præcépta ,breve per empla. Ser. L ;5'arqniax * PREFACE. xx ple, & de faire cette réforme ? C'eft aux Chefs de l'Etat, aux gens en place , aux principaux membres de laSociété, c'eftà eux à donner le ton, en témoignant du goüt pour le Commerce & l'Agriculture , à creufer ces deux fources inépuifables de richeffes & de bonheur , par leurs réfle- xions & leurs travaux, à proté- ger, récompenfer & honorer ceux qui cultivent ces Arts avec fuccès & diftin&tion, & à rejet- ter fur les occupations frivoles tout le mépris qu'on attache aux profeffions utiles: car tandisqu'il n'y aura qu'un petit nombre de particuliers à faire des obferva- tions, pour étendre lecommerce ou le reétifier , ou pour multi- plier les productions dela terre, le général de la Nation. ne fe modélera point fur cesgens fans qualité: dont on ne fait aucun xxy PRÉFACE, cas, & les Auteurs patriotes & bien intentionnés auront beau écrire contrela dépravation des mœurs & le vice de l'éducation françoife , il n’en réfultera au- cune réforme, & on ne les re- gardera que comme des décla- mateurs ou des Philofophes faf- tidieux. "EN LHP Uníeul hommea réformé nos idées fur la Philofophie , & fon nom vivra toujours, parce qu'il a été le premier à nous. donner des. principes sûrs pour entrer dans les fenriers de la. vérité ; ur feul hommea changé la face dux Commerce, & quoique cette partie n'ait été qu'ébauchée par le grand Colbert, 1] s'eft immor- talifé : un feul homme ne pour- roit-il pas réformer les abus de notre éducation ,-détruire nos préjugés honteux fur l'Agricul- ture, &-ne feroir-1l pas auf glo- PREFACE. xxüj rieux pour un Miniftre d'en être appellé, comme ^. Magon, le pere & le reftaurateur , & defub- juguer lefprit des François en le tournant au folide , que d’é- tendre les limites du Royaume par la guerre & la dépopula- tion ? 5 | | Horace, après avoir déploré dans unede fes plus belles Odes la corruption des mœurs de fon fiécle, & prouvé que les pertes des Romains pendant la guerre provenoient de la molleffe de leur éducation, de leur goût pour lesplaifirs & la débauche , & du mépris qu'ils avoient pour l'utile, s'écrie avec éloquence : » Ce * ne font pas des Romains z Veruntamen Carthaginenfem Magonem, vel rufticationis parentem veneremur. Colum. * Non bis juventus orta parentibus Fofecit &quor fanguine Punico , xxiv PREFACE. » femblables à ceux d'aujour- » dhut, quiont teincla mer du » fang des Carthaginois , & qui »ont fait tomber fous leurs » coups le puiffant Antiochus , » Pyrrhus, & Annibal notre plus » fatal ennemi : c'étoit une race » d'hommes robuftes & rufti- »ques , exercés à manier la » houe, à rompre les guérets, & » à couperdu bois, dont ils por- » toient des fardeaux felon l’or- » dre qu'ilsen recevoient d'une » mere rigide. Les mémes raifons fubfiftent Pyrrbumque Q» ingentem cecidit Antiocbum , Annibalemque dirum. Sed vuflicorum mafcula militum Proles fabellis docialigonibus — — Verfare glebas & fevera Matris ad arbitrium recifos Portare fufles , coc. L. 3. Od. c. parmi . PREFACE. xx parmi nous. Notre penchant pour le luxe , pour l'oifiveté , la mollefle , & les riens, nous dé- tourne , & nous détournera toujours, tandis qu'il durera, des occupations honnétes & avantageufes. Si je ne craignois de palier les bornes de mon fu- jet, que j'ai peut-être déja fran- chies , il nemefcroit pas difficile de faire voir que la volupté ga- gne jufqu'aux troupes, que la plupart des foldats font énervés parla débauche, & qu'en tems de guerre les Hópitaux d'armée font prefque pleins de malades, avant méme qu'on ait combattu. Le petit nombre des laboureurs fufhfant à peine pour lestravaux de la campagne , on ne peut plus tirer dela charrue qu'une médio- cre quantité de ces hommes ro- buftes pour en faire desfi oldats, à moins qu'on ne veuillelaiffer les Tome f£, C xxv PREFACE. terres incultes;on eftdonc obligé pour recruter les troupes de ra- maffer danses villes l'excrément du peuple, des fainéans, des ca- davres vivans , qui s'engagent pour déferter, ou pour fe faire traiter de leurs maladies dans les Hôpitaux : d'ou il arrive que le fond effectif d'une armée fe trouve réduit à la moitié quand il eftqueftion d'une bataille. Il eftaifé d’après ces différen- tes obfervations de comprendre combien j'ai eu befoin d'encou- ragement dans la traduction d'un Poëme qui embrafle tous les travaux ruftiques, & com- bien en méme tems j'ai eu de difficultés à vaincre pour la met- tre en état d'étre lue par des François: car ils étendent le mé- pris qu'ils ont pour les. détails champètres jufqu'aux noms qui les expriment; il nousa plü d'at- PREFACE. xxvi tacher des idées baffes à une in- finité de chofes que l'oreille ne peut entendre nommer dans un Ouvrage poëtiques , fans étre ré- voltée. Les Grecs & les Romains penfoient différemment ; non- feulement ils avoient annobli tous les termes qui concernent les Arts mécaniques, mais la fé- condité de leur langue leur o.- froit dix expreflions pour une; la nôtre, au contraire, n'a fouvent qu'un mot pour fignifier une chofe, & ce mot précifément eft une expreflion bafle , que le bel ufage a profcrite , & releguée dans le ftile burlefque, ou comi- que:&tel eft, dit l'Abbé des Fon- taines, le genre de notre langue, quefinousvoulons fubftituer aux mots vulgaires, un langage dé- tourné ,une périphrafe neuve pour exprimer de petites chofes, ces tours paroiflent finguliers, & cij xxvu PREFACE. quelquefois méme ridicules. Le Pere Vanniere a. bien fenti la pauvreté & le caprice de notre langue à cet égard : auffi s'eft.il bien donné de garde de faire fon Poëme en François. Les Anglois qui veulent être libres en tout, fe font affranchis de cette déli- catefle comme d’une fervitude : ilsfe fervent fans fcrupule des termes les pluscommuns, pour- và qu'ils défignent clairement leurs idées; & dans la crainte de bleffer l'oreille, ils ne perdent point à choifir des mots , un tems qu'ils employent plus utilement à penfer & à approfondir. Malgré ces difficultés je me fuis foumis à l'ufage , & j'ai ref- pecté la délicateffe de notre lan- gue , parce que ce n'eft point à un fimple particulier à réformer un préjugé national; j'ai donc fait tous mes efforts, pour ban- PREFACE. xxix nir de mon ftile les termes bas & vulgaires, furtout dans les def- criptions , qui plus fufceptibles d'élégance & d'agrémens, exi- gent un langage plus noble & plus relevé. Mais comme tout Poëme didaétique fuppofe des préceptes, & que pour les don- ner il faut entrer dans des détails qui n'offrent que des images grofliéres & communes, lorf- que l'Auteur a pour objet des Arts mécaniques comme les tra- vaux de la campagne , il ne m'a pas été poffible de rendre ces en- droitsavec élégance. Il feroit in- jufte dans ces morceaux d'exiger autre chofe d'un tradu&teur que de la clarté, del'exa&titude & de la précifion, & il doit être dif- peníé du coloris & des graces, puifquenotrelanguen’enapoint pour ces objets. Il n'eft pas moins difficile de c uj xxx PREFACE. faire paffer d'une langue dans une autre les images & les beau- tés d'un Po&me : car quoique la nôtre ait aflez de fécondité, d'élégance & d'harmonie , dans les fujets nobles & fpirituels, on grues pas que chaque langue a fon génie particulier, & que les 1mages qui plaifent dans une feroient infoutenables dans une autre , fi on lescopioit lit- téralement. Les beautés d'üne langue étrangére reffemblent , pourla plupart, aux plantes rares qu'on nousapporte d'une région éloignée pour enrichir nos jar- dins: l'art le plus induftriieux , les arrofemens les plusfages, les foins les plus vigilans , ont bien de la peine à les fauver: tout cela ne rachette pointla tempé- rature de l'air, la qualité de la terre & le dégré de chaleur; elles perdent de leur agrément à être ” || PREFACE. xxx) ainfitranfplantées, meurent fou- vent, & dégénérent toujours pour les propriétés. Un Traduc- teur a les mêmes inconvéniens à craindre : ce n’eft qu’à force de méditations fur fon original, de corrections & d'avis , qu'on rend fupportable la traduction d'un Poeme , & quel'onen conferve une partie des beautés. On eft méme obligé quelquefois de re- jetter les images , ou bien deles remplacer par quelque chofe d'équivalent , parce que notre langue, délicate & fcrupuleufe, n'admcet point les figures fortes, les métaphores hardies , les conftruétions neuves. La moin- drelicence contre la Grammai- re nous blefle : dés qu'on veut prendre l'effor par des routes in- connues, la critique furveillante eftaux barriéres , & nous arrète. Ainfi pour être lü & goûté par les c iij xxxi PREFACE. connoifleurs , il faut fe renfer- mer dansle cercle des tours & des expreflions adoptés par l'u- fage, de facon cependant que l'on paroiffe * riche & varié ,. méme dans fa médiocrité , & que fi les mêmes termes revien- nent , ce foit de loin à loin, & fous des jours différens. Pour cela le grand point eft de bien connoitre le fond de fa langue, de faire valoir, & d'étaler artif- tement ce qu'elle a de riche , à l'imitation del'Optique , dont lingénieufe magie multiplie , quand elle veut , les mémes ob- jets. * Vouléz-vous du Public mériter les amours , : Sans cefle en écrivant variez vos difcours ; Un ftile trop égal & toujours uniforme En vain plait à nos yeux , il faut qu'il nous en* dorme. Boil. art Poët. PREFACE. xxxüj Mais s'il. eft mal aifé de tra- duire , méme en profe , un Poe- me qui a pour objet un Árt mé- canique, il l'eft encore davan- tage, pour ne pas dire impofli- ble, de le faire en vers; parce que notre langue encore plus rigide pour la Poéfie, ne par- donne rien , & que d'ailleurs la rime & le mécanifme de notre verfification ne peuvent s'accor- der avec la fidélité qui eft le principal mérite d'une traduc- tion : » on omet , ou l'on ajoü- » te néceflairement, & dés-lors »on cefle d’être Traducteur, » proprement dit; on n'eftqu'un » imitateur ou un paraphrafte. C'eft le fentiment de /’Abbé des Fontaines ; il l'a foutenu dans lafeuille 477. des Obfervations fur les écrits modernes , contre l'opinion de M. le Préfident Bouhier ; & l’a encore fortifié xxxiy PREFACE, par de nouvellesraifons dansfon Difcours fur la Traduëion des Poétes, Le Pere Sanadon dans. la Préface qui eft à la téte de fa traduction des Oeuvres d'Ho- mére , avoit. penfé de la méme facon avant l'Abbé des Fontai- nes. Pour ne pas m'étendre da- vantage fur cette. matiére , je renvoye le Lecteur aux Ouvra- ges que je viens de citer; je rele- verai feulement [a contradic- tion ou l'Abbé des Fontaines cft. tombé, en parlant de notre ver- fification. Voici comme il s'ex- prime dans fon Difcours fur [a tradu&fion des Poétes :» Pource » qui eft de la rime qui caracté- » rife particulierement nos vets, »on me permettra de compter »pour rien ce prétendu agré- » ment qui n'eft point mfaturcl ,. » & qui eftincapable de faire par »1lui-méme d'autre impreflion PREFACE xxxv »fur notre ame, que celle du » dégoüt, & de l'ennui. « Il fou- tient la méme chofe dans fon Difcours fur les Géorgiques : » Que ne pourroit-on pas dire » ici (ce font fes termes) des. » inconvéniens: de notre verfi- » fication, & du vice radical de » nos vers, furtout de nos vers » Alexandrins, dont l’hémifti- » che périodique, en les cou- » pant avec une infipide égalité, » produit néceflairement une » uniformitéennuyeufe dans des »ouvrages de longue haleine, » & endort le le&eur, fur qui »]a rime feule fuffiroit d'ailleurs » pour produire cet effet. Selon ces deux citationsl' Ab- bé des Fontaines penfe qu'il eft. impoflible de faire en vers Fran- gois quelque chofe de fuppor- table, fi l'ouvrage eftde longue halcine. Cependant il affure xxxvj PREFACE. dans fon méme Difcours fur les Georgiques : » Que Defpréaux, » dans fon Art Poétique , a en- » fanté un Ouvrage fi accompli , »que ceux qui fe donnent les » airs de le méprifer en fentent » eux-mêmes la perfection : que » M. l'Abbé Durefnel a réuffi » dans fa traduction en vers des » deux Poémes de Pope , fur la » Critique & furl'Homme *, & » qu'enfin nous pourrions pro- » duire d'excellens Poémes fur » Ja Mufique , fur la Peinture, » furla Navigation, fur l'Art de » la guerre. Comment tout cela fe peut- il, fila rime & le mécanifme de nos vers produifent néce[faire- ment une untformité ennuyeufe ; & fi, felon l'Abbé desFontaines, * Autre contradiction, puifque felon lui toute traduétion en vers eftinfidéle. PREFACE. xxxvi » ON peut foutenir fans air de pa- » radoxe, qu'il n'y a plus dans le « mondeque de la profe, & que » tousles versen langue vulgaire »chez toutes lesNations moder- » nes, ne font que des phrafes » coupées, dont les mots font » comptés avec une marque au » bout de chaqueligne,inventée » pour la diftinguer de la fuivan- » te, & appellée rzze? Je ne crois pas que le judi- cieux Auteur qui nous a donné lefprit du Pere Maffillon , & qui nous fait efpérer celui de l'Abbé des Fontaines, mette cette con- tradition dans la collection qu'il fait de fes traits d’efprit & de juftefle. L'Abbé des Fontaines a outré fa propofition : il devoit fe bor- ner. à dire qu'on ne peut pas. faire en vers une traduction fi- déle d'un Poéme de longue ha- xxxvi] PREFACE. leine. M. l'Abbé Durefnel n'a point réufli comme T raducteur, c’eft comme imitateur, & quel- quefois méme comme créateur. Les François qui ont lü lePoëme de Pope en Anglois foutiennent que M. l'Abbé Durefnel différe de fon original, prefqu’autant pour les images & les penfées, que pour la langue & la verfifi- cation. On affure que lecélébre Auteur dela Tragédie de Didon a achevé la traduction en vers des Géorgiques; fi cela eft, on peut prédire, fans faire tort à M. le Franc, que ce fera une imita- tion heureufe , un portrait bien defliné , dont l'expreffion fera léchée autant que le fujet le per- met, quiaura quelques traits de Virgile, & auquel il ne man- quera pour être parfait que plus x rcffemblance avec l'origi- nal. LP E: *. PREFACE. xxxix Sije n’avois confulté que mon inclination , j'aurois traduit en vers le Pere Vanniere ; mais quelques charmes qu’ait pour moi la Poëfe, les barriéres in- furmontables qu'oppofent conf- tamment la rime & la mefure aux efforts d'un Tradu&eur , partifan de la fidélité, m'ont fait donner la préférence à la profe. C'eft bien affez d'étre affujetti à prendre le caractére & le génie defon Auteur, à fai- fir les toursqui luifont propres, à s'élever & à defcendre avec Jui, à le fuivre dans fes écarts méme , comme une ombre atta- chée à fes traces; en un mot à le rendre trait pour trait , felon le énie de la langue qui Pinter- prête, fans s’aflervir aux régles d'une verfification tyrannique , . qui difpute fans ceffe le pas à l'exa&itude , & fouvent au bon xl PREFACE. fens. Un Tradu&eur n'a donc pas trop, méme en profe , de toute fon attention, & de tout fon art , fur tout fi l'original n'a point encore été traduit ni com- menté. Or le Poëme du Pere Vanniére eft dans ce cas ; per- fonne avant moi n'a entrepris cet ouvrage, aucun guide ne m'a montré le chemin , aucun com- mentaire pour l'éclairciflement du texte, ne m'aapplani les dif- ficultés : j'ai quelquefois traduit le méme endroit de dix fagons différentes , avant de trouver le vrai fens; il m'a fallu me rem- plir des expreffions & des rours propres à mon Auteur , afin de pouvoir par la comparaifon des paffages intelligibles, tirer des lumiéres pour ceux qui ne lPé- toient pas , & démeler leur faux jour. Ceux qui traduifent les Poëtes anciens ont vingt guides au " PREFACE. xlj au lieu d'un ; prefque toutes les difficultés font levées; les fe- coursdes commentatcurs, qu'on appelle communément vario- rum , autrement des différens Scholiaftes, vous mettent en état de choifir le fens le plus raifon- nable,&qui eft le mieux appuyé: vous n'avez point la crainte de donner à gauche dans les en- droits fufceptibles de plufieurs interprétations différentes, parce que l’obfcurité de ces paflages, & l’éloignement destemsne per- mettant pas de connoître claire- ment la penfée de l'Auteur , on peut rarement vous contredire avec certitude : mais quand on a traduit un Poéme moderne , quelques gens de Lettres con- temporains de l'Auteur , dont ge n'eft pas reculé, peuvent vous montrer évidemment vos erreurs , & vous combattte avec Tome L, d xh; PREFACE. des armes süres , s'il leuratranf- mis des éclairciffemens fur les endroits difficiles.. Il faut donc des recherches pénibles, des corrections fans nombre, & une attention plus fcrupuleufe pour réuflir dans la premiére traduc- ion d'un Po&me moderne , qu'il n'en faut dans la verfion des Poëmesanciens. On peut à la vérité confulter quelques gens de gout ; mais ce qu'un Traduc- teur n'entend point après une forte application , eft ordinaire- ment plus obícur encore pour celuique l'on confulte, à moins que la difficulté ne roule fur quelque régle d'Art, & que ce- lui à qui vous vous adreflez ne foit un Artifte intelligent. Quelque conftance, quelque peine qu'exige une traduction d'un long Poéme ; il n'eft point peut-être de travail plus 1ngtat , PREFACE. xj & aufli peu flateur pourl'amour propre. Les Le&eurs , pour la plápart ignorans , confondent la verfion d'un Po&me avec celle d'un ouvrage fec & purement dogmatique , où il n’eft queftion ni de gout , ni d'efprit, ni de penfées fublimes ou délicates, ni de comparaifons brillantes, ni de graces, ni d'harmonie ;. ils netiennent point compte de cctte perpétuelle contenfion d'efprit ou i] faut être , pour ne pas perdre de vüe fon modéle, & ne pas fe livrer à fa propre imagination , de votre pénétra- tion à faifir les rapports desdeux langues , à appercevoir toutes les beautés , & à les placer dans: leur jour avec la méme entente, le méme deflein, & fans autre différence quecelle du langage;: ils ne font point cas du difcerne- ment: qu'on doit avoir ,. pour dij: xliy | PREFACE. apprécierles figures & leur fub- ftituer des ornemens équivalens, quand le génie de la langue le demande.On neremarque point les différens ftiles qu'un Tra- duéteur eft obligé de prendre, felon les fujets que traite fon Auteur , parce que bien desgens ne fe doutent pas que la profe foit fufceptible de différens nombres. Comment donc vous loueroit-on du foin que vous avez pris de rendre votre ftyle tantót coulant & léger, comme un ruiffeau qui ferpente ; tantôt plein & majeftueux comme un fleuve qui roule fes eaux avec dignité ; tantót vif, précis, fail- lant & ferré comme un jet d'eau qui s'élance dansles airs à perte de vûe ; tantôt harmonieux & mefuré comme une cafcade qui charme à la fois lesoreilles & les yeux ? Tout cela eft moins que . PREFACE. xlv rien , vous dit-on, désqu'on fait deux langues; rien n’eft fi aifé: on vous ravale méme au point de vouscomparer à un Graveur, qui tire l'eftampe d'un tableau. Comme l'Abbé des Fontaines a fait voir le peu de jufteffe de cette comparaifon humiliante , je vais rapporter fes termes : »L'eítampe, dit-il, ne repré- » fente que le fimple defiin ; » mais une traduction fidéle & » élégante, n'exprime-t'elle que » le fond de la penfée du Poéte? » n'en a-t-elle pas tout le colo- »ris, c'eftà-dire les images, » lesagrémens, la vivacité, l'har- » monie? Tout au plus fon co- ' » loris eft moins vif parle défaut » du métrre: une traduction en » profe n'eft donc point à un ori- »ginalen vers, ceque le burineft : » au pinceau. Si on vouloit com- » parer une bonne traduction à xkjy PREFACE. à » une bonne copie de tableau, la » comparaifon: dans un fens » pourroit fembler plus jufte; » cependant elle eft encore im- » parfaite, en ce que le Peintre » copifte ne fait aucun ufage de » fon génie , & n'a d'autre em- » ploi quede choifir fescouleurs » fur fa palette , & de les appli- » quer velie fon modéle : le » Traducteur au contraire doit. » pour ainfi dire , créer lui-m&- » me fes couleurs; il faut que » fon génie les cherche, les trou- » ve , les afforrifle , & les appli- » que avec goût, &C. Malgré ces raifons, le com- mun des lecteurs ne donne qu'à. regret le nom. d'Auteur à quel- qu'un qui traduit un Poete, & sil réuflit, on ne lui accorde d'autre. talent que celui de favoir bien deux langues; il n'y aque des Traduéteurs mé- ” PREFACE. xlv: mes, ou des gens confommés. dans la belle Littérature , qui puiffent eftimer la valeur d’une bonne traduction de Poéme , & quand on peut obtenir leurs fuf- frages , on eft peu touché de n'étre pas goüté des autres Lec- teurs. Les bons Traducteurs font plus rares que les bons Hif- toriens , que les bons Orateurs, & que les bons Poëtes. C'eft une preuve qui git en fait: retran- chez deux ou trois Traducteurs Francois , le reíte eft miférable : les Poétes Grecs & Latins font pour ainfi dire deshonorés dans les verfions qu'on en à faites ; nous avons eu au contraire dans tous les genres plufieurs écri- vains créateurs qui ont réufli. La meilleure: traduétion que nous ayons de Virgile eft fans . contredit celle de l'Abbé des Fontaines ; cependant quoiqu'il xlij PREFACE. ait eu le fecours des autres Tra- ducteurs & des Scholiaftes, com- bien de fautes n'y pourroit-on pas reprendre? Dira-t-on quc cet Auteur ignoroitle latin , ne favoit pas écrire, & ne connoif- foit pas les régles ? non fans doute ; il ne manquoit ni d’ef- prit, ni de connoiflances , ni d'art , c'étoit le précepteur du bon goût , & il avoit plus d'une fois fait fes preuves de Littéra- teur éclairé, & de bon Ecrivain. Ses fautes viennent donc du grand nombre de difficultés qui i: préfentent dans une longue traduétion , & de ceque lecer- veau le mieux conftitué n’eft que rarement capable d'une atten- tion aflez forte & affez conftan- te , pour arriver à la perfection dans un parcil ouvrage, Quelle raifon , malgré tant d'écueils , a donc pü m'engager à . PREFACE. xüx à traduire le Pere Vanniere? c'eft le cas que les connoïleurs font de fon Poéme ; c'eít l'agrément des defcriptions , la nouveauté de plufieurs fujets qui n'avoient point été traités , comme les lé- gumces , les oifeaux de la baffe- cour , les pigeons & les parcs; c’eft l'honneur que j'efpérois me faire , fi je furmentois les obfta- cles ; c'eft enfin l'envie d'affoi- blir le dégoût qu'on a pour l'a- griculture & la vie champêtre, en mettant à la portée d’un plus grand nombre de perfonnes les préceptes & les beautés du Pre- dium rufhcum. Quand un Orateur Evangéli- que ale bonheur de ramener au bercail une brebis égarée, 1l ne T fes travaux apofto- liques , fon zéle eft payé par le falut d'une feule ame. Je n'am- bitionnerois également , pour Tome f£, € Î PREFACE. fruit de ma tradu&ion, que de rendreagriculteur un feul Fran- qois ; mais je voudrois que ce füt un homme en place que je pufle convertir, afin que par fon exemple & fon autorité, il fit des profélites qui travaillaflent à leur tour à la propagation de l'agriculture. Quelle fatisfac- tion pour moi fi je voyois un jour la Nation aufli curieufe des travaux & des plaifirs champé- tres, qu'elle eft aujourd'hui pat- fionnée pour desamufemens fri- voles! Il eft tems de paffer aux dé- fauts que la critique a repris dans le Poëme du Pere Vannie- rc. Quelque partifan que je fois de cet Auteur, fon mérite ne me fait point illufion , & je ne veux point fuivre la folle manie de la plupart destradu&teurs, qui relevent comme des beautés les " PREFACE, ÿ taches mêmes de leur origina}, au lieu de fe borner à les couvrir : C'eft une petitefIe de? jurer par un Auteur & d'en être idolitre au point d'encenfer fes erreurs. Ami du vrai en tout, je ne puis diflimuler que le Pere Vanniere n'a pastoujours été guidé parun goüt für; 1l a indifcrétement embraffé tout ce qui concerne la maifon ruftique, comme fi un Poëme étoit un Traité; il eft entré dans des détails petits ou inutiles ; il s'eftappefanti fur des fujets qu'il ne falloit qu'effleu- rer,& ne s'eít pas trop foucié de foulager l'attention du Lec- teur par des fiétions agréables ; il eft d'autant moins excufable de s'étre livré à fon penchant pour les minuties, quelui-même - a Nullius addi&us jurare in verba ma- gifiri. Hor. e 1j dj PREFACE. fe reproche ce défaut dans fon XIIe livre, où il dit à l'article des poulets: Dum soror d nimio per fingul & verfoy amore. 1l auroit dû fe fouvenir du pré- cepte d'Horace qui veut 4 qu'on fupprime tous lés dérails qui ne font pasfufceptiblesd'agrément, & imiter le Prince des Poetes , qui au jugement de Pline n'a pris que la fleur de fon fujet. D'ailleurs le Poéme du Pere : Vanniere , quoique d’une gran- de étendue, puifqu'il contient environ 12000 vers, n'a que bien peu de morceaux fublimes, & les digreflions qui terminent la plupart deslivres de ce Poéme plaifent moins par le fond que 24 E: que Defperat tractata nitefcere poffe relinquis. "At. p. "n L Mi | PREFACE, y parl'éléganee du ftile, & par l'harmonie. Virgile au contraire fait voir dans les Epifodes des Géorgiques toute la beauté de fon génie ;ils’éleve avec ces ailes de feu qui ravi[Jent une ame aa. célefle féjyour. ( Koufleau. ) J'a1 dit que le Pere Vanniere n'avoit pas mis aflez de fictions dans fon Poëme ; car à l'excep- tion detroisouquatre livresqu'il a femés de fables & de méta- morphofes, il*n'y en a point dans les autres pour deélaffer le Jeéteur : cependant tout Poéme doit étre nourri de fictions , la Fable eft méme l'ame de la Poe- fie ; & un ouvrage didactique en exige plus.qu'un autre , à caufe de la (chercffe des préceptes , à moins qu'on n'ait. l'art de les mettre en defcriptions , & deles | relever par des comparaifons in- génieufes, & des images fré- eij Áv PREFACE. quentes , comme a fait Horace dans fon Art Poétique. Lesplus grands Maitresont jugéla fable néceífaire dans un Poéme , pour peu qu'il foitlong; & la raifon en cít prife dans la nature. Tout Poéme en général doit avoir pour objet ou de corriger nos mœurs , ou de multiplier nos connoiflances en nousamufant; mais comme les régles d'art exi- gent une grande contention d'efprit , & que Jés principes de morale mortifient, nos fens , on y trouve toujours quelque chofe d'auftére , de fec & de rebutant. Le bon Poëte a donc l'adreffe de coudre fa morale & fes précep- tes à * une fi&tion agréable , afin de les faire goûter : ik fait qu'il * Une morale nue apporte de l’ennui ; Le conte fait paffer le précepte avec lui. La Font. Fab. du Lion & du Chaffeur. » PREFACE. ly fauttraiterle commun des hom- mes comme des enfans , & em- mieller les bords de la coupe qui contient le reméde propreà leur guérifon ; il joint à l'a&ion prin- cipale des épifodes intéreffans , dans lefquels font fondues pour ainfi dire , les vérités morales dont il veut imbiber notre ame ; il nous montre nos vices dans ceux desautres, & nousen inf- pire de l'horreur par les couleurs dont il les peint: les préceptes tout nuds échappent, ou révol- tent; mais quand ils tiennent à une action elle leur donne de la confiftance & de l'agrément; ils font alors fur l'efprit la méme impreflion qu'un beau tableau furles yeux, le précepte s'em- preint avec la fable dans la mé- moire. Inftruifez en action, dit: Roufleau dans une de fes Epi- tres : pourquoi cela ? fi ce n'eft c iiij ij PREFACE. pour attacher le leéteur, & faire paíler l'inftru&ion à la faveur d'un récit féduifant; en un mot on ne lit des versque par délaíle- ment, & parce qu'on efpere y trouver des chofes amufantes , qui demandent peu d'applica- tion pour être entendues. Un Poëte ne doit donc qu'entamer les régles d'un art, moins pour l'enfeigner que pour faire nai- tre l'envie de l'apprendre. par lheureux choix. qu'il fait d'un petit nombre de préceptes enca- drés dans des fables, ou de belles. defcriptions : l’utile doit être enveloppé , on ne veut voir pa- roitre que le plaifir & les graces, autrement un Poëme manque fon effet, qui dait être de nous d'fpofer par le charme de la fic- tion & de l'harmonie, à une étude plus férieufe, de ce qu'on n'a fait qu'ébaucher. PREFACE. bi Comment donc le Pere Van- niere dans une remarque, pag. 273. a-t-il pü traiter la fable de fottifes & de contes de vieilles ? Saint Grégoire de Nazianze a adopté dans fes Poëfies quelques fables regües, & en a inventé d'autres. Synéfius, Evéque de Ptolémaide, jugeoit la fable né- ceflaire dans un Poéme. Le Pere Rapin, & tous les bons Poétes doivent en partie leur célébrité aux fables qu'ils ont eü le génie d'inventer & l'adreffe d'inférer à propos dans leurs Poémes. Quoiqu'ilenfoit, le PereVan- niere a fes épifodes, mais dans un autre genre que ceux de Vir- cie, & du Pere Rapin: ce font des écarts Poétiques qui lui font propres; d'ailleurs fa fé- condité dans l’expreflion , l'harmonie & la douceur de fes vers, la multitude & l'aménité de fes defcriptions femblent lij PREFACE. dédommager des agrémens de la fable. On trouve par-tout des payfages charmans; fes tableaux des moeurs & des plaifirs cham- pétres ont un fi beau coloris, qu'on efttenté de renoncer au féjour des villes. Quelques gal- licifmes déparent un peu fon ftile; il n'eft pas auffi pur que celui du Pere Rapin, mais il eft auffi élégant & plus varié ; fon vers n'elt pas Virgilien , c'eftun mode qui affe&te pourtant l'o- reille avec plaifir: 1l. eft méme d'une harmonie trop foutenue. L'Auteur a marqué trop d'éloi- enement pour les élifions , fes versen deviennent trop fonores. Il eftde certaines duretés qui pré- parent utilement l'oreille àfentir tout le mérite des beaux fons qui fuivent. C'eft ainfi que les diffo- nances en mufique, quand elles font habilement fauvées, produi- * PREFACE. x fent une harmonie qui flate da- vantage. Virgile a excellé dans cette partie, comme dans lesau- . tres, c'eft partout un grand Mai- tre. Cependant on peut dire que file Poéme de Vanniere eft au- deflous des Géorgiques pour les épifodes & le ftile, il eft au-def- fus pour la variété des fujets & our le choix des détails dans m endroits ou il ne s'eft pas ar- rêté à des minuties, Comme il n'y a point de vers François fans rime , & confé- quemment qu'un vers n'en eft un qu'autant qu'il rime avec un autre qui le fuit, je ne me fuis point affujetti à cette régle qui défend de mettre douze {yllabes mefurées dans un ouvrage de profe. J'ai évité les rimes autant que je lai pü ; mais quand douze {yllabes fe font préfentées par hazard dans la forme d’un vers de PREFACE. Alexandrin ou diffylabe , je n'as point cru devoir rompre cette mefure. M. de la Motte & l'Ab- bé des Fontaines ont méprifé avec raifon cette faufle délica- teffe , puifqu'il n'y a point d'u- mité dans nos vers, & qu'ils doi- vent marcher pour ainfi dire ac- couplés. À l'égard des épithetes j'en at retranché quelques-uns qui au- roient paru oififs, & j'en ai fubf- titué d'autres à certains qui au- roient été puériles ou appro- chansdu pléonafme: la langue latine en admet beaucoup qui n'auroient point de grace en François, c'eft au Fraducteur à les bannir quand il a du goût. Je mc fuis permis en récompenfe quelques légéres additions pour l'éclairciffement de certains paf- fages , ou pour rendre la phrafe PREFACE, ixj plus coulante; mais ce n'a été que dans des cas indifpenfables, & rarementai-jeajoutéplus d'un ou dedeux mots. Pour ce qui eft des remar- ques au lieu de les hérifler de difcuffions grammaticales dont on eft revenu aujourd’ hui, & M pour l'ordinaire font peu atisfaifantes , j'ai cité plufieurs morccaux pris de différens Au- teurs tant anciens que moder- , qui avoient quelque rap- Mes, au füjet, & aux penfées du Pere Vanniere ; perfuadé qu'il y avoit plus à gagner pour la jeaneffe | la comparai- (on qu'elle feroit à portée de faire de ces morceaux avec ceux qui leur reflemblent dans le Predium ruflicum , que dans des minuties de Grammaire, Jai penfé d'ailleurs qu'elle ES lrij JDREFABE sorneroit volontiers la mémoire dc ces imitations, en voyant l'utilité qu'en retirent les bons Auteurs , quand ils favent fe les approprier , comme le Pere Vanniere , par des applications heurcufes. KE DU PERE VANNIERE EY RN E DU SUPPLEMENT AU DICTIONNAIRE DE MOREKR I. ACQUES VANNIERE , Jefuite, Poëte Latin, J & l’un des meilleurs entre les modernes, étoit néle 9. Mars 1664, à Caules, Bourg du Diocéfe de Béziers,en Languedoc, comme ille dit lui-même a la fin du cinquiéme livre de fon Pradium rufticum. On voit par le mè-- me endroit que fon Pere aimoit beaucoup les occupations de la campagne, & que ce fut fous lui qu'il commenca a s'inftruire de ces occupations qu'il a fi bien décrites dans l'ou- vrage que l'on vientde nommer. Le jeune Vanniere fit fes études à Béziers au collége des Jéfuites , & après fa Rhétori- Lxiv VIE DU PERE VANNIERE. que, il entra dans la Société, en 1680, à l'âge de feize ans & demi. Lorfqu'il eut fini fes deux années de noviciat, il alla faire fa 'Dhilofophie au collége de Tours, où fon ta- lent rare & fi fingulier j pour la Poëfie latine ne tarda pas à fe déclarer; car dés la premiére année de fa régence , il s’annonça par le Poë- me intitulé , Fe jon L'année fuivante, ap- pellé à Touloufe pour y continuer fa régence, il donna dans cette ville (on Poëme des Co- lombes , qui fit dire au célébre Sazteuil , par- lantdel'Auteur, que ce nouveau-venu avoit dérangé tous les Poétes Latins modernes fur le Parnafle. Le Pere Vanniere donna encore le Poëme fur la Vigze ; & celui qui a pour titre Olus, parut peu apres à Montpellier, où l’Auteur étoit Profeíleur de Philofophie, La connoiffance qu'il eut l'avantage de faire de M. de Lamoignon de Bafville , Intendant de Languedoc, & de M. Flechier, Evéque deNîmes, lui fut d'une grande utilité pour perfectionner, fon goût & fes talens: il en re- ‘çut des avis utiles , & il (e fir un devoir de les fuivre. Rappellé à Touloufe par fes Supé- rieurs, il futmis à la tête de la Maiíon des Penfionnaires , & après avoir rempli ce pof- te durant fix années, on lui accorda la place d'Ecrivain dans le collége de Touloufe, ce qui lui convenoic d'autant plus, quii pou- woit vaquer a la com pofiti tion avec plus de li- berté, Quoiqu'il parit tout occupé de fon Pre- dium V'1E DU PERE VANNIERE. ix dium ruflicum , il ne laiffa pas de s'effayer (ar plus d'un genre de Poéfie : il commença en- tr'autres un Poème fur faint François Xaviers mais em ayant communiqué le plan au Pere de la Rue, celui-ci le déteurna de l'exécution, Dans la (uite il fuc Recteur du Collége d'Auch où il ne refta que trois ans. Revenu à Tou- loufe , il fut envoyé à Paris en 1730. pour y pourfuivre un procès intenté au fujet du legs que M. de la Berchere , Archevèque de Nar- bonne , avoit fait de (a Bibliothéque aux Jé- faites de Touloufe. Le Pere Vanniere fut ac- cueilli à Paris comme il le méritoit; tous les gens de lettres voulurent le voir & le connoitre. L'événement du procès qui l'avoit.. fait venir à Paris ,. n'ayant pas été cel qu'il le fouhaitoit, ikreteurna a Touloufe, où ileft mortle 22. Août 1739 dans la foixante-fei- ziéme année de fon âge. Les dix premiers Poëmesou chants de fon. Pradium ruflicum , avoient paru réunis en un feul- volume iz-r2. lan 1710, à Paris. Depuis l'Auteur revit cet ouvrage , & l'aug- menta de fix autres chants. Ainfi. il y en 2-- feize dansl'édition faite à Touloufe en 17 5 0; in-r2. & dans cellequi a paru en 1746 iz- r2. à Paris, chez Bordelet , & quel'on aflu-. re étre augmentée & revue avec un nouveau : foin. Cette derniere édition eft ornée de plu- fieurs vignettes gravées par Brunet , & toutes afforties aux différens fujets qui font décrits: Tome E, € Ixvj VIE DU PERE VANNIERE. dans l'ouvrage. Ces feize livres comprennent fous le titre de Pradium ruflicum , tout ce quia rapport aux travaux & à la vie de la campagne , comme le dit l'Auteur lui-mé- me dans fa préface, ou épitre dédicatoire en profe à M. de Lamoignon de Bafville. C'eft peut-être l'ouvrage qui approche le plus de Virgile, & de la perfection en ce genre. L'auteur fi judicieux duSpettacle de laNature en faitun grand éloge dans le tome deuxié- me de fon ouvrage, au commencement du cinquiéme entretien, & tous les connoiífeurs en ont toujours parlé auffi avantageufement, » Les perfonnes de goût qui poffédent la lan- »gue latine, dit M. Titon du Tillet , admi- »rent non-feulement la beauté & la fécon- »dité du génie du Pere Vanniere , la juitefle »»& le naturel avec lefquels il peint tous les »íujets qu'il traite , mais encore l'élégance »& la pureté de fon ftyle, dignes du régne 5 d' Augufte ; en quoi il l'emporte prefque fur »tous nos Poétes Latins, au jugement des » meilleurs connoifleurs. Depuis l'édition de Touloufe on a réimprimé cet ouvrage en Hollande & encore depuis à Touloufe ; cette derniere édition, eft, dit-on, trés - belle, On n'eft point furpris de cet empreflement pour un livre qui fera lu & eftimé tant qu'il reftera du goüt parmi les hommes, & quel- que foin de cultiver les belles lettres. On n'ef- time pas moins, & avec raifon, lesantres | VIE DU PERE VANNIERE. lxyiy œuvres poetiques du Pere Vanniere , impri- mées in-12. a Paris, chez Simon en 1730 fous ce titre: Jacobi Vanierii ? Societate Jefu opufcula. Outre neuf éclogues fur l'amitié, fon effence, fes caractéres, fes devoirs, fes effets; on trouve dans ce recueil, des let- tres, quelques odes, des épigrammes , des hymnes , des épitaphes. M. Titon du Tillet a fait auffi imprimer à la fin de fon Pzarzaffe frangois , in-folio , une piéce qui eft dans ce recueil, & qui eftàla louange du Parnefle, que M. Titon lui-même a fait exécuter en bronze. Elle eft adreflée à M. de Caulet , Pré- fident à Mortier au Parlement de Touloufe , qui eft mort depuis , & M. Titon y a joint la tradu&ion ou imitation en profe & en vers , que le Pere Brumoy en a faite. Le Pe- re Vanniere, homme fort laborieux , & qui pendant plus de jo ansa travaillé, dit-on, 13 & 14 heureschaque jour , ne s'eft pas bor- né à exercer fes talensíur la Poéfie. Tout le monde connoit fon Dictionnaire poétique primé à Lyon chez Briaffon en 1710 zz- 40. C'eft affurément le meilleur ouvrage en ce genre , & il étoit prefque impoffible qu'un Auteur qui connoifloit fi bien les poëtes, & qui étoit lui-même un poete excellent , ne fit pas en ce genre quelque chofe de fort bon, , Ily aun abregé de ce Di&ionnaire pour la commodité des :eunes étudians; mais le grand ouvrage du Pere Vanniere eft un Dic- fu Ixvij VIE DU PERE VANNIERE, tionnaire françois-latin , auquel il travailloit depuis 20 ans, plus étendu, plus complet ,. & fans doute plus parfait que tout ce que nous. avons en ce genre, Le Pere Théodore Lom- bard eft chargé dele continuer , & c'eft dans. ce deffein qu'on a accordé à cet habile Jefuite la penfion que Sa Majefté donnoit à fon il- luftre confrere. M. Titon du Fillet profitant du voyage que le Pere Vanniere fit à Paris en 1730, & dont celui-ci rend compte dans une de fes lettres a la fin de fes opufcules , fit exé- cuter en fon honneur un beau médaillon, où font repréfentés fur le revers plufieurs (u- jets des travaux & des plaifirs de la campagne,. avec ces mots pour legende : Delicia & ruris opes. Cette marque d'eítime étoit düe à ua. homme qui dans fes poéfies s'eft fair un de- voir de témoigner la fienne à tous ceux qui. s'étoient diftingués dans les lettres, & avec qui il avoit eu quelque liaifon , ou à qui il croyoit devoir de la reconnoiffance. Le Pere Vanniere étant entré un jour dans la cour du. Collége de LouisleGrand, le Pere Porée fe: trouva à la porte de la Claffe de Rhétorique: qu'il régentoit, il fut au-devant de lui , le complimenta , & l'ayant conduit jufqu’à la porte de fa Claffe, éleva fa voix en difant 5, Rhétoriciens, fortez., dr venez voir le plus grand Poëte de nos jours ; il fut promptement obéi par les écoliers qui ne font pas fâchés de prendre l'air, & qui entourérent en méme TPE ET pon US PR RE RCI PERS Vie DU PERE VANNIERE. lie tems une gerfonne dont leur Régent failoir tant de cas. M. des Forges Maillard , connu par {es Poëfies françoiles, a honoré la mé- moire de cet habile Jefuite par une Ode fran- çoife , adreflée à M. Titon du Tillet, &im- primée dans le Mercure de France, deuxié- me volume du moisde Décembre 1739 , & dans le Supplement de la defcription du Par- zaffe françois. Il ya dans la vingt-feptiéme ftrophe de cette Ode une penfée finguliére, qui fait honneur au Pere Vanniere , mais qui paroit outrée. Le Poëte dit que le Pere Rapin: confola Euterpe de la mort de Virgile , & que le Pere Vanniere l'avoit coníolé de la mort du Pere Rapin, €ette feconde partie eft jufte : mais la premiére l'eft-elle? Depuis Virgilejufqu'auP.Rapin n'avons-nous donc eu: aucun Poëre Latin digne d’eftime , & capa- ble de confoler Euterpe? Cette mufe a-t-elle été dans les larmes durant ce nombre de fié- cles qui fe font écoulés depuis la mort de Vir- gile jufqu'au Pere Rapin? M. des Forges Maillard a un peu, ce femble , abufé de la liberté que les Poétes ont de feindre. Sans: faire ici l'énumération de tous les Poctesqui entexcellé dansle méme genre qui aacquis tantde gloire aux PP. Rapin & Vanniere; nous renvoyons M. Maillard aux Mémoires de Tre- voux , Où il trouvera cette énumération faite: avec équité dans les mémoires de Juin 1705: article 104 pages 1042 & fuivantes. En xx VIE DU PERE VANNIERE, 1745 , le fieur Petit, graveur , a fait le por- trait du Pere Vanniere, au bas duquél on lit ces vers latins de Mr. Vanniere , neveu du célébre Jefuite. : ÆAfpice quem Gallis alium natura Maronem , Ingeniumque dabant , nec non labor omnia vincent, Dum pietas mores , vultus virtutis amorem Spirabant , flemus qui flebilis occidit orbi , ÆAbffulit bunc oculis , animis non invida tellet Sers , vivet dum viver amor, dum rura manebunt. (ECONOMIE À À A N37. ed GCONOMIE R UR AL E. ma LIVRE PREMIER. Quelles précautions l’on doit pren. dre dans l'achat d'une Terre j & pour fon amélioration. 7ÿ#| AMOUR de la Gloire AT me tranfporte, je veux entrer aufh dans les fen- tiers gliffans du Parnaffe. Je ne puis réfifter à l'ar- deur qui m'anime, le nom de Poëte ni fes veilles ne me rebutent point. Nom fi refpe&é jadis, je veux vous mériter ; (1) quoiqu'aujourd'hui l’on : montre malignement au doigt ceux qui vous portent, & que mon om- bre ne puiffe pas jouir de la réputa- Tome I. 2 (ÉCONOMIE TT tion tardive que je laifferai après ma rions Pour INOFF. r^cuar — Je me garderai bien cependant de NE TgR- : : T traiter un fujet au-deffus de mes for- ces, & peu convenable à mon ca- ra&ére. Louis, vainqueur de l'U- nivers , offre à l'efprit un beau champ pour fe fighaler : mais qui n'a pas .couru cette carriére? Et d'ailleurs les Poëtes ne pourroient Jamais ren- dre dans leurs fi&ions (quoiqu'elles ( 2)neleur coutent rien) tout ce que ce grand Prince a fait de mémorable. Les exploits de nos jours furpaflent ceux des tems fabuleux. Eblouie de tant de hauts faits, la Renommée n'a plus de voix ; & les grandes actions -font fi familiéres à notre fiécle , qu'on les voit fans les admirer. — - Mon goût n'eft pas non plus de chauffer le Brodequin ou le Cothur- ne, pour exciter les ris ou pour ar» racher des larmes ; je ne veux pas auffi prendre le ton de la plaintive Elégie , & me livrer fans fujet à la douleur. Encore moins trémperai- je ma plume dans le fiel, peur le di- filer, comme un Cinique, fur tout le genre humain. RURALE. Liv. I. 3 Epris d'une pañfion fecrette pour les charmes de la vie champêtre, je rroxs rour me fuis amufé à peinare les objets A NAT qui m'ont agréablement flaté. (3 )Le : EE. travail ne coute point quand le fujet plait; (4) & le plaifir & la nature me rendront Poete , fi je n'en ai pas le génie. DrviNiTÉS chimériques , Cé- rès , & vous Bacchus , ce n'eft point vous que jinvoque. Le Dieu des Chrétiens , feul véritable, eft le feul qui féconde nos champs par le foufle de fa puiffance. Pere & conferva- teur de la race humaine, vous créâ- tes autrefois l'homme fous de meil- leurs aufpices, pour qu'il vécüt exempt de maladies & des terreurs de la mort : il auroit pañfé des jours heureux , fans crime , au milieu des richeffes de la campagne, jufqu'à ce qu'ennuyé de la vie , il eüt rompu le fil de fes jours, & quitté la terre pour habiter vos céleftes lambris. Mais le crime d'un feul nous a tous - fait déchoir de notre premiére gran- deur : la Pomme fatale , mangée À 1j PRECAUe ——M M € M — TERe ppp Invocation, 4 (ÉCONOMIE 2.:... malgré votre défenfe, a privé tous rroxs rour les arbres de leurs ornemens ; l'or Secr. des épis, & la pourpre des raifins se, ne parent plus nos campagnes, fi elles ne font cultivées ; la terre ne produit plus d’elle-même que de fté- riles chardons, & des herbes inuti- les : il femble qu’elle fe plaife à ven- ger les outrages faits à votre puif- fance. Nous cédons au deftin, & nous fubiffons volontiers la peine du crime de notre premier pere : nous ne demandons point, Grand Dieu! que la terre nous faffe gratuitement des largeffes , ni que vous renou- velliez votre antique Alliance avec nous. Mais nous vous prions de bé- nir le travail que vous nous impofez ; afin qu'il puiffe nous rendre ce qu'au- trefois la nature produifoit fans pei- ne dans des tems plus heureux. Sommaire DIEU PUISSANT ! je vais fous vos se VW aufpices examiner la nature des dif- férens terreins. Je donnerai des La- boureurs expérimentés pour cultiver le fond qu'on aura acheté ; j'enfei- gnerai à foigner les troupeaux, à for- LD RURALE. Liv. I. $ mer le boeuf aux travaux ruftiques === 3 PRECAU- quil partage avec le Laboureur , & 1oxs roux à couvrir une campagne d'arbres tAc#AT fauvages & cultivés. Enfuite , après xs. avoir traité des moiffons, des prai- res, & des différens travaux de l'Agriculture que raméne chaque année , les légumes , la vigne & fon aimable jus fuccéderont naturelle- ment. Quand les champs auront re- cu les hommages que je leur dois, je préfenterai fur la fcéne les oifeaux domeftiques & les tendres colombes. Les abeilles, leurs cellules & leur gouvernement trouveront auffi pla- ce dans mes vers ; aprés quoi je par- lerai des étangs & des hôtes qu'ils renferment ; fans oublier les parcs qui fervent de retraite au chevreuil & au cerf timide. (;) O vous! Fhonneur &l'ap- Dédicace. pui de votre Maifon, ILLUSTRE LAMOIGNON, Magiftrat éclairé chargé des affaires publiques ; c’eft vous qui, pour ne rien laiffer à dé- firer à ceux qui cultivent la terre, m'ordonnez de mettre la main à cet À ii PRÉCAU- TIONS POUR L’ ACHAT D'UNE TzzR- RE, 6 (ÉCONOMIE Ouvrage en leur faveur. Ils vous doi- vent déja tous les autres avantages dont ils jouiffent ; leurs moiffons ne craignent point la main avide du foldat ; ils ont gouté les douceurs de la paix, méme dans la plus grande chaleur de la guerre ; au lieu du hoyau , on n'a point armé leurs mains d'unfer meurtrier. Jamais un Labou- reur ,forcé de partir, n'a renvoyé fes boeufs libres du joug, mi laiflé des ouvrages imparfaits à fa femme & à fes enfans éplorés. (6) Quoique l'Héréfie , fe rappellant ies antiques fureurs , excitát des monts voifins des bras ennemis à prendre les ar- mes ; quoique nos murs ne retentif- fent que du bruyant fracas de la guerre , la paix a toujours pris foin de nos guéréts ; & Jamais nos La- boureurs n'ont eu d'autre inquiétude que celle de célébrer dignement nos triomphes. Cette fage précaution met en état la province de fournir abondamment au Roi de nouveaux fubfides. Eh ! comment pourroit-elle fe refufer à vos demandes? Si l'obéiffance ou le RURALE. Liv. I. 7 Lens ex. 7 zéle ne nous remuent pas aflez puií-. 7 famment, votre éloquence , ILLUS- rioxs roux TRE LAMOIGNON, nous rend géné- 7, 4°" 47 reux, À votre voix, les coffres du sx. Prince fe rempliffent de toutes les fommes qu'exigent les frais de la guerre ; & nos villes, pour le falut du Prince & de la Patrie , facrifient leurs richeffes & leurs habitans. Pa- roiffez donc, Laboureurs, exami- nons enfemble la culture que la terre exige de vous ; afin que dans ces tems de calamité, elle réponde mieux à vos foins. (7) LaïssoNs à lPopulence fes Ce qu'il faur vaftes domaines : que cent charrues dcs puiffent à peine fuffire au labourage sch:xe une de fes terres , on y confent. Mais ^"^ que celui qui veut joindre l'utile à lagréable dans une maïfon de cam- pagne , en achette une où fes occu- pations bornées lui permettent d'en Jour, fans l'abforber tout entier. Qu'il ne fe contente pas d'en confi- dérer la fituation & l'afpe& , qu'il en connoiffe & l'air, & les eaux ; qu'il obferve, non pas la warn de Jets S iij RARES PEER p PRÉCAU- TIONS POUR L'ACHAT DUNE TER- RE, 1 air, ka fituation La fertilité, 8 ŒCONOMIE d'eaux qui s’y trouvent, mais s’il y a quelque ruiffeau affez commode & affez fourni d'eau pour arrofer le Jar- din, & porter enfuite auloin dans les campagnes la fécondité avec la frai- cheur. Que le ciel y foit pur, & que les tiédes zéphirs y régnent plutót que lesfougueux aquilons ; que le niveau du terrein ait une pente infenfible versles vents pluvieux du midi : enfin que votre maifon ne foit pas enfeve- he dans une vallée profonde, nifituée fur des rochers nuds & ftériles , n empeftée parles exhalaifons d'un ma- rais. Une montagne qui eft en face du nord , eft le féjour des tempétes ; les moiffons dans les plaines font fujet- tes à des inondations fréquentes. D'un autre cóté , une maifon fituée dans le fond d’une vallée, voit à pei- ne le ciel ; elle eft fubmergée par les eaux qui y féjournent , & leurs ex- halaifons condenfées fe convertiffent en brouillards , & nuifent aux bleds en épis, & à la vigne en fleur. N'achetez point avec. emprefle- » RURALE. Zi. I. 9 ment une terre qui vous aura plü tA PR ÉCAU- au premier afpeét ; fouvent la fuper- oss roux ficie du fol nous féduit & nous trom- ^ ^ «9^ * pe. (8) Il faut connoitre de longue xx, main les champs & les amis qu'on veut avoir : ce qui eft bon en foi, & par fa valeur intrinféque , doit tou- jours plaire par préférence. Quand vous verrez peu de fruits , des arbres mal nourris , & petits dans leur et- péce, c'eftune preuve que la terre a quelque mauvaife qualité. Mais vous faurez infailliblement qu'un pays eft mal fain , fi vous n'y voyez que peu de vieillards , files habitans ont un teint pale & livide , s'ils font déchar- nés, s'ils ont la viie mauvaife , la ref- piration difficile , & l'efprit auffi pe- fant que le corps foible. L'eau doit être faine & léegére , & aufli eftimée que l'air pour fa bonté. La meil- leure eft celle qui fe précipite au haut d'un rocher. L'eau de tontaine qu'on peut puifer aifément, eft du fecond ordre ; vient enfuite celle de citerne. La plus mauvaiíe eft celle qui, dans les champs, coule lente- ment, & fans murmure. Mais pour l'eau des marais, où croiffent les trif- DUNE TERe La falubrite, IO (ÉCONOMIE Im tesrofeaux jene confeille d'en boire rions rour qu'à ceux qui, ennuyés de vivre, vue Trn- aürOlent pas fous leur main un po:- AL. y, fon tout prêt. On ne demande à l'air & à l'eau ni odeur, ni faveur. Si les anguilles foifonnent en une riviére, & que fon eau ne décolorenile teint , ni les lé- vres de ceux qui en boivent ; fi on ne voit point au fond & autour des vafes qui la contiennent une ef- péce de croute fale & mal propre ; fi elle bout promptement quand on l'expofe au feu, & que les légumes s’y cuifent facilement ; fi ellereprend peu de tems aprés fa fraicheur natu- relle, ainfi que les eaux qui coulent du haut des montagnes , & qui doi- vent leur légéreté à la précipitation deleur cours : une eau de cette qua- lité rend au corps fa force, donne à l'efprit de la vivacité, la vie auxter- reins les plus arides , & porte la fer- tilité dans tous les champs qu’elle ar- rofe. Ne faites aucun cas de ces Terres fomptueufes où les eaux ne viennent que de fort loin, elles font d'un en- tretien ruineux : aimez les beautés RURALE. Z».[. 1I de la nature, & non la parure de 7777 l'art. Faites choix d'une Maifon de rioxs roux campagne qui ne doive fes ornemens ^ Ao qu'à fa fituation avantageufe , à fes az. bois champétres , à fes agréables fon- taines , à fes vaftes prairies toujours verdoyantes ; & ne préférez pas une terre qui ne donne d'agrémens qu'à grands frais , & dont les revenus {oient abforbés par le luxe & la dé- penfe ; de peur que ce fond , loin de vous rapporter aucun profit , ne con- fomme encore pour fon entretien vos autres biens. Que tout acquéreur d'une maifon de campagne en fache les revenus; quil confidére combien il y a de pail- le, combien de tonneaux de vin, combien de preffoirs , combien de barils d'huile. Qu'il n'eftime pas fon terrein par fon étendue , mais par la bonté de la terre ; quil compte les mefures de bled & les muids de vin, & gon pas les arpens. Il doit connoi- tre, outre les revenus , les charges & les redevances delaterre, & fon. profit annuel , toutes les dépenfes prélevées ; s'informer du détail de PRÉCAU- TIONS POUX IPSA ACH AT D'UNE TER- AR, 12 (ECONOMIE chaque chofe , & prendre des lumié- res de fes Laboureurs mêmes. Qu'il examine fi fes beftiaux reviennent raíffafiés des pâturages ; fila forét peut fournir de bois la maifon , tant pour les réparations, que pour le chauffage ; fi l’eau néceffaire pour l'arrofement des jardins, vient d'u- ne fource toujours pure , ou s'il faut la puifer dans des puits avec des feaux ou des pompes; fi le chemin eft commode pour le tranfport des denrées ; fi, fans être beau , du moins il eft pratiquable ; & file maitre n'eft pas dégoûté d'aller à fa campagne, par les profondes orniéres , & la dif- ficulté des paffages. Ne vous embarraffez pas de favoir fi ce fera le matin en allant à votre maifon , ou le foir à votre retour , que vous aurez le foleii en face, & que vous ferez obligé de tourner la téte pouréviterfes rayons. Ne vous mettez point en peine fila maifon eft fimple en fon architeure , pourvû qu'elle vous garantiffe du froid & des chaleurs : ou fi, bâtie dans le goût de ces immenfes Châteaux, refpec- * RURALE. Zi. 1. 13 tables par leur antiquité , elle n'eft pastrop vafte , & ne reflemble pas à une Citadelle par fes tours & fes fofiés. Au cas que le bâtiment foit trop grand , relativement auterrein, vous jouirez de la folie de votre prédécef- feur, pourvü que vous ne faffiez pas trop de dépenfe pour l'entretien : car étant plus en état de voir vos amis à votre maifon de campagne , vous y retournerez plus fouvent. Peu doit vous importer encore que votre prédéceffeur ait laific la terre en friche, la vigne fans culture, & qu'un ruiffeau proméne infructueufe- ment fes eaux dans un Jardin qui n’eft point foigné ; le travail d'une année peut aifément réparer tous ces petits defordres. Faites l'acquifinon d'un fond qui puiffe, à peu de frais, s'a- méliorer ; où tout croiffe à plaifir ; où la terre libérale ne produife que de grands arbres, dont les feuilles, fortement attachées à leurs rameaux,, en faflent l'ornement, méme pen- dant l'hiver, malgré la neige & les frimats ; où, après un peu de repos, Lies; … | PRÉCAU- T1ONS POUR L'ACHAT D'UNE TER- RE. Signes cer- taias d'une bonne Terre: 14 (ÉCONOMIE elle recommence fes largeffes avec ions soc, là méme profufion ; toujours fécon- r'acuar de, & parée de verdure ; toujours PURE TEk-ficile à ouvrir, fans retenir l'eau RE. : 2 3 & fans fe crévaffer dansles chaleurs. Mais , de peur que la premiére cou- che de la terre ne vous trompe , fai- tes en tirer à quelques pieds de pro- fondeur. Car, ainfi qu'une nourrice mal faine communique aux enfans qu’elle allaite fa maladie avec fon lait ; les moiffons & les fruits fe ref- fentent du terroir quand il eft vi- cieux. Biens (cus Je ne voudrois pas qu'on eût plu- Did fieurs fonds de terre fous un feul cli- mat, & expoiés aux mêmes coups de vent. S'il eftbeau d'avoir plufieurs domaines dépendans d'une feule terre, d'un autre côté n’eft-1l pas imprudent d'expofer toute fa fortu- ne aux cas fortuits d'un feul canton ? D'ailleurs , la variété plait quelque- fois ; on aime à voir un autre ciel, de nouvelles routes, & différens có-- teaux. Lapioximité — Faites en forte que votre maifon d'une ville , d'une riviére. de campagne foit fituée à la proxi- NU RALE. Liv. I. 13 nmuté d'une grande ville, d'un gros = bourg, ou du moins d'une riviére Ar HE oa navigable : la facilité des tranfportsv ^c5 ^ 7 faitlaricheffe d'une Terre. Avec cetas — avantage , onatoujours de quoi s’oc- cuper à la campagne ; les ouvriers ne manquent point pour tous les tra- vaux ruftiques , & votre table peut étre promptement couverte de tou- te forte de mets. Quand vous étes attaqué d'une maladie fubite , vous pouvez jour du Médecin ; s'il ne vous foulage pas, il adoucira du moins vos maux par des paroles con- folantes. Faites pourtant choix d'une maifon de campagne à une certaine diftance de la ville, afin de n'étre pas importuné par des vifites trop fréquentes. Vous vous écarterez fur tout du Du grand grand chemin , par où paffent ordi- emi». nairement les troupes qui changent de garnifon. La foudre & la gréle que vomit un nuage épais , infpirent moins de crainte aux Laboureurs , que la pouffiére qui vole fur le paffa- ge d'un bataillon d'infanterie, ou d'un efcadron de cavalerie, Une fermiére 16 (ÉCONOMIE $.z... Craint moins l'approche du milan riows rov pour les pouffins qu'elle éléve ; le RE LEE berger croit fon troupeau plus en fu- RE. reté à | afpeét d'un loup, & lui-mé- me eft moins effrayé , que lorfqu'au loin il entend hennir les chevaux d'un régiment de cavalerie, & que fes yeux, Jufqu'oirils peuvent attein- dre, font frappés de l'éclat des armes qui brillent le long du chemin. Car le foldat, accoutumé aux rapines, prend des routes détournées pour s'approprier par adreffe ou à force ouverte tout ce qui fe préfente. On arrache le Laboureur de fa charrue, on lui commande durement de fervir de guide , & d'atteler fes bœufs à des chariots pour trainer le bagage, & foulager la troupe fatiguée. Ses en- fans & fa trifte moitié le pleurent à fon départ , comme fi on l'entrainoit à la guerre ; ils croyent voir en fa main des armes au lieu d'un aiguil- lon, & s'imaginent qu'il ne verra ja- mais fes champs ni fes dieux domef- tiques. Dubon& ll convient auffi que vous faffiez e M 35 une étude du caraétére & des mœurs de RURALE. Liw.I. 17 de votre voifin : car il y auroit de OXON Een ——ui— á— PRÉCAU- la folie à être a {o1- méme Part 2e POUR fan de fon infortune , & à laiffer à des enfans pour héritage des procés éternels avec un voifin de mauvaife foi; tantót il détournera le ruiffeau qui arrofe vos prairies, tantôt il fera une digue pour inonder vos champs ; une autre fois, il pratiquera un nou- veau fentier pour piller vos fruits , il rognera une portion de votre ter- re, arrachera la borne qui fert de li- mite , ou bien ce feront fes beftiaux qui viendront impunément gáter le foin de vos prairies ; (9) & fi quelque béte de votre troupeau a touché au moindre brin d'herbe dont la pro- priété foit incertaine , ou fi vous fai- tes abattre un arbre planté fur un fofíé mitoyen : auffitót procès dont le Juge faura faire fon profit ; car il mangera en frais vos troupeaux, avant de prononcer que le terrein contefté vous appartienne ; (10) & la vi&oire vous coute fi cher, que vous auriez mieux fait de laiffer fur pied cet arbre, quelque pernicieux que füt fon ombrage pour vos moiffons. Tome I. L'ACHAT D'UNE TER- AL, CWIXCOMER Neu PRÉCAU- 18 ŒCONOMIE Je ne vous parle point du raifin, rions rour des noix, des pommes , des agneaux L'ACHAT D'UNE TERe RE, & des brebis qui vous feront enlevés furtivement, Si quelque bœuf vous manque, Jettez vos foupcons fur vo- tre voifin ; car le boeuf n'eft pas un animal vagabond qui aille au loin ; & qui s'égare. Que de jours défagréables vous pafferez au milieu de ces débats ! (11) L'amitié par tout a des dou- ceurs ; mais en campagne principa- lement , un bonami eft d'une reffour- ce infinie ; 1l diffipe vos ennuis par les charmes de fa converfation ; on mange l'un chez l'autre alternative- ment, & l’on fe donne réciproque- ment des avis & des fecours. Si cet agrément vous manque , & que vo- tre efprit pour délaffement n'ait d'au- tre fatisfaétion que le chant des oi- feaux, le filence des bois, ou la fo- ciété de quelques domeftiques ftupi- des , vous abandonnerez bientót vos foyers ruftiques pour ceux de la ville. Cependant une campagne n'ai- me rien tant que l'oeil du Maitre , pourvû que l'Agriculture lui plaife , RURALE. Liv. 1. 19 & qu'une indolente volupté ne lui faffe pas toujours rechercher l'om- brage des bois, ou la fraicheur des fontaines. C’eft pourquoi ne faites conftruire de bâtimens qu’à proportion de vos facultés, & de l'importance de la terre. Vos premiers foins pourtant doivent étre de planter des arbres ; vous penferez enfuite à votre loge- ment & aux étables, Commencez par faire valoir tou- tes les parties de votre fond , négli- gées par votre prédécefleur : ( 12) car la terre , cette nourrice des hommes, eft toujours dans la fleur d'une Jeuneffe brillante ; le tems ne prend rien fur elle, & ne diminue point fa fertilité ; un peu de culture la pare, & la maintient en vigueur, Pour nous , au contraire , désquela vieilleffe (maladie incurable ) nous affaiffe par fon poids, nous n'allons quen empirant, & nos beaux ans n'ont point de retour. Il faut épierrer vos champs, & en arracher les mauvaifes herbes, la fougére & le jonc. Vousferez mourir Bj —— — PREÉCAU- TIONS POUR L'ACHAT D'UNE TER- RE, Epierrer Les champs, PRÉCAU- TIONS POUR L ACHAT DUNE TER» RE. 20 (ÉCONOMIE la fougére en femant des féves ; vous vous déferez des joncs & des mau- vaifes herbes en y faifant paffer la charrue ; pour les pierres, c'eft avec la main qu'il faut s'en déhvrer. On en fait enfuite un tas au milieu des champs , ou on les enfouit en terre. Cependant il arrive fouvent qu'un champ dégarni de pierres trompe l'efpérance du Laboureur ; foit que la terre, venant à fe durcir aprés l'enlévement de ces pierres , diftri- bue fon fuc aux plantes avec moins d'abondance ; foit que ces cailloux qui fe rencontrent prés des racines , les garantiflent , par leur oppofition, de la chaleur immodérée du foleil. Si vos prairies, à caufe de leur vieilleffe , ou dela quantité de mouffe qui les couvre, ne vous rapportent que de mauvais foin, chargez-les de cendre ou de fumier. L'effet de cette premiére opération eft-il trop lent ? labourez vos prairies, femez-y du froment ; &, de peur qu'une fer- mentation trop forte ne nuife aux premiéres moiflons, vous diminue- rez ce grand feu en femant des grains ES OMEGA c— , | RURALE. Zi. I, 21 mélangés qui produifent beaucoup d'herbes , ou des féves qui pouffent en peu de tems , ou des navets qui prennent beaucoup de fubftance. Votre terre eft-elle trop chargée de bois? faites-en abattre une cer- taine quantité ; & qu'aulieu de gland l'on voye des épis dans vos champs : ear le terrein d'une forêt exploitée , eft trés -propre à donner du bled. Mais fi le bois manque fur votre terre , vous y planterez des chó- nes , du pláne & des ormeaux , que pourront voir plufieurs générations; vous remplacerez les oliviers, qu'un vent de midi aura renverfés, & vous ne foufrirez pas que des ar- bres fans rapport , ou qui ont dé- généré, & qui ne donnent que de méchant frut, occupent un pou- ce de votre terrein ; il faut y met- tre la hache fans miféricorde , ou bien après les avoir élagués , i1 faut les greffer , & les contraindre à vous donner de meilleur fruit. PRECAU- TIONS POUR L'ACH;AT P'UNE TERS RE, Au cas que votre terre ne s'imbibe - pas de toutes les eaux qu’elle recoit, & que ces eaux croupiffantes dans 22 ŒCONOMIE Er MM champs faffent mourir vos moif- rions rour ÍODS , faute d'une pente qui les faf- l'AcHAT fe écouler vers la riviére la plus DUNE TER- . ds , RE. prochaine : voici le reméde ; ouvrez de larges foflés qui traverfent cette plaine marécageufe; quand vous ren- contrerez un fond fabloneux , conf- truifez (13) une raye couverte, & à chaque extrémité de cette raye éle- vez avec des pierres une efpéce de petit pont , afin qu'aucun obftacle n'arrête l'écoulement de l'eau des deux cótés. Ah! fi vous aviez un marais à deffé- cher pour en faire fortir un champ , qui n’eût point encore và le jour , avec quelle ufure cette terre nour- rie d'un limon gras, & repofée de- puis un tems immémorial , ne vous dédommageroit-elle pas de vos tra- vaux & de vos femences ? Il eft une plaine aux environs de Beziers , où le Laboureur proméne aujourd’hui la charrue , & qui n'étoit autrefois fillonnée que par les vaiffeaux. Les ( 14) Romains , maitres alors d'une grande partie du monde, eurent la conftance d'ouvrir un chemin à tra- MÀ - Pm -—w—— dt er : de dope nn D + ‘oh des Se OS dd es tés RURALE, Ziv. I. 23 vers une longue montagne , pour UE UNCENDEROY SRE PRECAU- l'écoulement des eaux du marais ,;04s roux afin de ne rien perdre de ce terrein qu'ils croyoient le meilleur de tout l'univers. Ouvrage fans doute digne de leur grandeur , & dont profi- térent les fiécles fuivans. Le paffage qu'on avoit pratiqué pour l'écoulement des eaux de ce marais , n'étoit plus connu de nos jours ; mais on retrouva la route qu'elles avoient tenu (15) lorfqu'on perça la même montagne à l'occa- fion du fameux canal, qui fait au- jourd’hui la jon&ion des deux mers. (16) Alors cet ancien monument de la grandeur Romaine , parut en oppo- fition avec l'entreprife des Fran- çois. Rome fembloit réclamer la fupériorité fur nous , du moins àl'é- gard de cet ouvrage ; mais fi elle triompha des difficultés à force de bras & de conftance , elle ne fut conduire à la mer par ce chemin, que les grenouilles du marais avec fes eaux : la France , au contraire, entretient fur les deux mers un com- merce confidérable depuis qu'elle a LACHAT D'UNE TERs RE, PuRECAU- 24 (ÉCONOMIE fu ouvrir fous la terre méme un ions roux ample paffage à fes vaiffeaux : tan- L'ACHAT D'UNE TER- RE. tôt ils craignent le fort d'Icare, & croyent voguer au milieu des airs, tant le lit du canal eft élevé, & tan- tôt ils defcendent fi bas qu'ils croyent cingler fur l'Acheron dans l'Empire des morts; mais un inftant aprés qu'ils ont traveríé cette mer fouter- raine , à force de rames , & qu'ils découvrent les hautes tours de Be- ziers , & les agréables campagnes d'alentour , lieux fortunés qu'éciaire le foleil de fes rayons les plus écla- tans, ils fe croyent tranfportés au milieu des Champs Elifées. Mais malgré la beauté du ciel & les dehors enchantés de Beziers , on eft plutôt faifi de crainte qu'affe&é d'un fentiment de plaifir ; car les eaux qui fe précipitent de la mon- tagne font un fi horrible fracas, qu'on croit entendre ces torrens fou- gueux des Alpes , qui groffis par les pluies , roulent impétueufement leurs flots parmi des rochers dé- ferts. Les vaifleaux fe voyent au bord d'un précipice , & font frappés d'une ^" : RURALE. Liv. I. 15 d’une horreur fubite au bruit formi- dable que font les eaux par leur chû- te. Cependant, au moyen des ou- vrages immenfes & des éclufes qui retiennent les eaux, & les mettent fucceffivement au niveau, les vaif- feaux chargés defcendent avec une merveilieufe facilité de ces lieux fou- vent efcarpés, que les chévres mé- me ne franchiffoient ci-devant qu'a- vec peine, (17) Ce monument eft votre ou- vrage , fameux Riquet ; c'eft à vous que Beziers, où vous prites naiffan- ce , eft redevable de fa fortune & de fa réputation : c'eftà vous que la France doit la merveille quil'honore le plus & l'enrichit davantage. Alci- de , en applaniffant des montagnes, en détourffant le cours des fleuves, s'eft acquis l'immortalité. Vos tra- vaux ont furpaflé ceux d'Hercule, n nous procurant la communication des deux mers, par un canal d'une immenfe étendue , & le chef d’œu- — URKELCAU- TIONS POUR L'ACHAT D'UNE TER- RE --— vre d'un génie fupérieur. Ah! file ipeétacle des chofes d'ici bas vous touche encore , daignez du haut des Tore 1. C 26 ŒCONOMIE cieux confidérer votre ouvrage : à d Eod: moins que , fur notre planéte , vous AR n'aimiez mieux envifager cet aima- E. ble enfant, iffu du fang des Lamoi- gnons par fa mere. Que de rares exemples de vertu il trouvera dans fa famille ! foit qu'il fuive les nobles traces de fon pere ou de fon oncle, foit que le cafque de Mars ou le mortier de Thémis couvre un jour fon illuftre téte. Les eaux, — 91 VOS champs arides manquent de fontaines & d'eaux, & que vous apperceviez les indices ordinaires qui dénotent les fources, creufez la terre , & donnez la libertéà ces eaux renfermées qui ne demandent qu'à voir le jour. Mais dans la crainte que ces indices, quelquefois dou- teux, ne vous trompenf, étendez- vous à terre , & regardez l'orient au lever du foleil. Si vous voyez fe lever au-deffus d'un champ un pe- tit nuage, ou quelques légéres va- peurs, fouillez cet endroit, vous y trouverez de l'eau. De plus, fi vous y voyez de la mouffe & de la fariet- te fauvage, plantes qui fe plaifent " RURALE. Liy.I. 27 toutes les deux dans les terreins 222 . 3 PRECAU. humides, & que vous apperceviez r:oxs roux des effains de moucherons voltiger one ud au-deffus en forme de tourbillon : 6 i. les joncs, les faules, le pouliot fau- vage, & tous les arbrifieaux qui croiffent aux environs des fontaines & des riviéres , y abondent , ce font autant de fignes évidens qu'il y a des fources cachées en cet endroit. C'eft par ces indices , (18) & non par l'intelligence de la baguette divi- natoire , que découvrent des fources ces gens qui , aprés avoir jugé à l'oeil qu'il y avoit de l'eau en quelqu'en- droit, vont publier qu'ils doivent cette découverte à une baguette mi- raculeufe. Comme fi les eaux, qui coulent dans des lieux fouterreins * avoient la vertu de faire incliner une branche de coudrier, tandis qu'un fleuve profond & rapide n'a pas le méme pouvoir. C'eft ainfi que les Augures à Ro- me, feignant de mefurer le ciel ( 19) avec des baguettes courbes, & con- : fidérantle vol des oifeaux, leur at- tribuoient les prédidions qu'ils fai- Ci 28 (ÉCONOMIE SSD DREEAU- TIGNS POUR L'ACHAT D'UNE TER- KE, foient, quoiqu'ils ne les duffent qu'à leurs lumiéres ; parce que le peuple croyoit plus au vol des oifeaux qu'aux confeils d'un efprit éclairé. Un jour un de ces 1mpofteurs qui cherchent les fources & les tréfors , vantant fon art devant moi, & mé- me étant fur le point de duper une troupe d'idiots auxquels l'efpérance d'une fortune rapide donnoit de la foi ; Je feignis d'admirer comme eux fon talent, & je cachaifous un buif- fon devant l'affemblée la même pié- ce de monnoie qu'il difoit y avoir trouvée. Mais comme Je voulois prouver que cette baguette s'incli- noit à la volonté de celui qui la te- noit, & non par elle-méme , Je pro- fitai d’un moment où ce fourbe avoit les yeux tournés d'un autre cóté , & je repris fans être appercu la pièce de monnoie. Un moment après cet homme prend la baguette , & la fait mouvoir entre fes doigts qui paroif- fent immobiles ; d’où 1l conclut que fa baguette ne s'incline que par la feule vertu de l'or caché qui attire tout à lui, Mais, m'écriai-je , il n'y RURALE. Liv. I. 29 a point là d'or caché. On reconnut la fourberie de l'impofteur , & l'on en rit beaucoup. Il fe trahit lui - mé- me par fa fuite & fa honte : cepen- dant il continue encore l'exercice de fa baguette , qui lui fait effe&ive- ment trouver de l'or chez les dupes. Si quelqu'un de ceux qui ont be- (Ou Ee Ru Rem PRECAU- TIONS POUR L'ACHAT D'UNE TER- KE, foin d'eau , n'ajoute pas foi aux dif- férens indices que J'ai donnés , qu'il ouvre la terre, & qu'aprés avoir creufé une efpéce de puits , il mette au fond des lampes allumées , des floccons de laine , des briques qui n'ayent pas encore été cuites , des vafes renveríés , & qu'il ferme cette petite foffe avec plufieursais de bois. Trouve-t-il aprés la nuit les lampes éteintes , les vafes mowllés & dé- goutans , la laine hume&ée , les bri- ques détrempées & fendues par l'hu- midité ? Qu'il cherche de l'eau dans cet endroit ; & s'il lui refte encore quelque doute , qu'il y apporte des charbons allumés : alors s'il voit que la terre exhale une épaiffe vapeur , c'eft une preuve qu'il y a des fources en ce terrein ; à moins que les eaux Tome I, * Ci 30 ŒCcONOMIE s....., qui y féjournent ne proviennent des z:oxs rour pluies de l'hiver. ACHAT Que l’on confidére enfuite la qua- D'UNE TER-4. 7 . , RE. lité de la terre. Celle qui eft chargée de craye fournit peu d'eau , & en- core eft-elle défagréable ; une terre noire donne de meilleure eau , mais en petite quantité ; la terre remplie de gravier n'a qu'un filet d'eau , mais fupérieure aux autres par fa dou- ceur. Il ne faut pas compter fur celle qui coule parmi des cailloux rougeä- tres , elle s'échappe par des conduits . inconnus , & trompe nos efpérances. L'eau qui paffe fur un fond de fable argenté qui la purifie, ett plus faine & plus abondante que les autres. Les meilleures ont leur fource au pied d'une colline, & celles qui font pe- fantes fe trouvent dans les terres graffes : mais les plus abondantes, ainfi queles fleuves les plus rapides , yiennent des montagnes les plus éle- vées. (20) Soit queles eaux de pluie & celles de neige fondue , foient for- cées d'aller fe réunir dans de vaítes fouterreins , d’où, comme d’un ré- fervoir général, dériyentles fources RURALE. Zi. I. 31 & les fleuves ; foit que les eaux de 777777 l'Océan, qui, comme une ceinture, «oss soca entourent notre globe , aillent fe dé- * ^«v ^7 charger par des conduits cachés fous 2. la terre , & méme fous le fond de la mer, que l'eau prefle l'eau , que chaque flot en pouffe un autre, & que par des routes inconnues l'eau s'éléve jufqu'au fommet des plus hautes montagnes , de la méme fa- con que monte la liqueur le long d'un linge ou d'un morceau d'étoffe, ou comme des eaux renfermées à leur chute dans des canaux de plomb, s'élancent du baffin par un jet auffi baut que la colline d’où elles partent a d'élévation, & frappent les airs avec impétuofite. Ou, comme l'efprit de vin, des fleurs & des plantes, exalté par la chaleur du feu, fe condenfe , s'atta- che au chapiteau de la cucurbite, & diftille goute à goute, de méme le feu qui échauffe les entrailles de la terre , fait fermenter les eaux qu'elle contient comme fi elle étoit une vafte montagne creufée en forme de vafe d'airam , & les fait s'élever en va- Cu. —— ——Á MÓ—— MÀ 32 (ECONOMIE I peurs humides : auffitôt qu'elles ont CAU ; ; LE poexs rour atteint les froides concavités d'une “acrir montagne, elles fe condenfent, & x. forment une légére rofée. Les pier- res & toutes les autres matiéres d'a- lentour , font 1mbibées de ces parti- cules d’eau, d’où peu à peu naït un ruiffeau, qui, pénétrant infenfible- ment à travers les montagnes & les veines de la terre, fuit la route la plus inclinée, & fe répand dans les champs qui font au-deflous. La chaleur de la terre, qui garan- tit les plantes des rigueurs du froid quand elles font couvertes de neige, & les tourbillons de feu qui, par une éruption fubite, s'échappent du mont Etna, embrafent l'air au loin, & fément la défolation & l'effroi dans les plaines de la Sicile, prou- vent que les entrailles dela terre font autant de fourneaux ardens. Joignez à ces preuves les fontaines minéra- les ,les différens bains d'eau chaude , dont la terre eft le foyer ; ajoutez que c'eft par fa chaleur que fe for- ment l'or & les autres métaux , ou- vrages que jamais les hommes ne * RURALE. Lm.[/. 33 pourront imiter. Le fein de la terre ESA AU RECAU- renferme tant de chaleur, que ceux ;;oxs roux quitravaillent aux mines s’imaginent habiter déja l'empire de Pluton ; Pa- &ivité des feux qu’elle contient eft fi puiffante, qu'ils l'ébranlent juíques dans fes fondemens , & renverfent les montagnes. | C'eft à limitation des volcans que nous avons imaginé nos foudres mi- htaires : leur flamme terrible eft un funefte préfent de la terre, & non pas le larcin de quelque impie Pro- méthée. Le feu qu'enferme la terre fe dé- céle par l'efferveícence même des eaux de l'Océan ; & depuis peu dans les Indes il eft forti de la mer une ifle qui s'étoit détachée du fein de la ter- re. L'apparition en fut fignalée par un bruit épouvantable, & par une gréle de pierres énormes lancées du fond des eaux. Les ondes bouillon- nantes de la mer en Jettérent au loin d'épaiffes fumées ; & les curieux qui, pour comprendre ce phénoméne , voulurent aller voir cette partie de la mer devenue tout à coup folide, L'ACHAT D'UNE TER- RE, 34 ŒCONOMIE : ne fentirent,hélas ! que trop les effets RECAU H ions roux de ces feux fouterreins : eux & leurs ACHAT vaiffeaux en furent auflitôt confu- E TER " AE, mes. L’immenfe quantité d'eau renfer- mée dans le creux des montagnes, eft depuis la naiffance du monde dans une continuelle fermentation qu'ex- citent les feux concentrés dela terre. Des vapeurs légéres montent juí- qu'au fommet des montagnes , d’où retombant par goutes , elles forment un ruiffeau qui, prenant fon cours par les champs les plus en pente, va rendre à la mer les eaux qu'il tenoit d'elle. C'eft par cette raifon que l'éau qui a fa fource au haut d’une monta- gne, eft plus légére & plus faine, parce que fes particules ne font com- pofées que de vapeurs déliées , & que paffant à travers le fable, qui pour elle eft une forte de tamis , elle y dépofe toutes les immondices dont font chargées les eaux depluye. Car quoique celles-ci s'exhalent auffi en vapeurs par la force du foleil quiles pompe , elles confervent toujours le goût défagréable qu’elles ont con- » RURALE. Li. I. 35 traété dans la terre , en s'imprégnant des différens fels des plantes ; & lorfqu'on a préféré pour la provifion d'un vaiffeau l'eau de citerne à celle de fource, elle eft fi corrompue en pleine mer , que les nautonniers, quelque ardente que foit leur foif, ne fauroient en boire. . Réfléchiffez long-tems où vous jet- terez les fondemens de votre maifon, afin qu'elle foit commode , faine , & placée dans une fituation agréable, Que l'art & la dépenfe n'en faffent pas tout l'ornement: qu'elle plaife auffi par le délicieux ombrage de fes bois , & par le doux murmure d'un nuiffeau qui, ferpentant au milieu des prairies , conferve à peu de frais les agrémens de votre campagne. Fuyez le voifinage des torrens & des grands chemins, de peur que vos champs trop expofés ne foient rava- gés par une inondation, ou pillés par des voleurs. Il eft à propos de PRECAU- IIONS POUR L'ACHAT D'UNE TER- RE, vous éloigner auffñ des triftes marais, . dont les exhalaifons peftiférées en- fantentles maladies , gátent les grains & les fruits qu’on veut garder pour Doe AC EE PRECAU- TIONS POUR L'ACHAT D'UNE TER- 2e 36 (ECONOMIE l'hiver , & rouillent méme les uften- ciles de campagne aprés un certain tems. Ces marais produifent des brouillards qui font mourir les moif- {ons ; leur vafe croupiffante donne lêtre à des légions d'infedes qui vous déchirent le vifage avec leurs trompes : enfin le limon des marais engendre des milliers de grenouilles, nation ennemie du repos & du fom- meil , & qui (21) femble par fes coaffemens répéter les anciennes in- jures des payfans de Lycie. Que votre maifon ne foit pas en- terrée dans des vallées fombres. J'ai- merois mieux , furvant la coutume de nos ancêtres , & felon l'ufage des aigles , loger mes pénates fur la cime d'une montagne , quand ils devroient être le jouet de tous les vents, que de me voir pendant l'hiver environné de brouillards au pied d'une colline , & étouffé dans l'été par les fouffles brulans de la canicule , fans refpirer l'haleine d'aucun zéphir. Vous ne choifirez donc point un lieu bas expofé à être noyé par les pluyes de l'hiver , ni trop élevé , & RURALE. Liv. I. 37 en butte aux fureurs des vents du ni- di, niefcarpé de maniére à reflentir l'incommodité des ravines. Mais au cas que vous preniez un terrein dans un valion, choififfez-le de façon qu'il y ait de l'air. Si vous vous placez fur le haut d'une montagne , quil y en ait une plus haute qui sóng ferve d'abri contre les vents. Enfin fi vous vous logez dans la plaine, qu'elle ait une pente qui puiffe donner l'éccu- lement aux eaux de pluye. Loríqu un fond de terre eft gras, qu'il eff un peuélevé , avecune pen- te infenfible vers le midi, & quun agréable ruiffeau coule m envi- rons ; c'eft une excellente fituation LJ PRECAVWM- TIONS POUR L'A"CUH AT D'UNE TER- RE, pour une maifon de campagne : con- - ftruifez-y votre demeure , vos cel- liers , des étables, & tracez-y le plan de tous vos bâtimens. Mais , de peur que par trop de précipitation vous ne fafiez en bátiflant quelque faute effentielle , laiffez ce plan d'ouvrage foumis , pendant toute une année , à —Ó d'un cenfeur rigide , qui. puiffe avec vous en juger fainement. Il ne convient pas d'avoir une (-u-— PRECAU- TIONS POUR LACHAT »'UNE TER- XE, 38 (ÉCONOMIE petite maifon quand les terres font confidérables, ni un grand cháteau quand le fond dé terre eft de peu de valeur : que l'édifice réponde à l'é- tendue de vos domaines. Il eft moins flateur de faire des entreprifes har- dies , qu'il n’eft glorieux de les finir : plus ona mis defafte en commençant un édifice, plus il eft honteux de le laiffer imparfait. Pour être logé au large à votre maifon de campagne, & faire avancer l'ouvrage , fans jet- ter l'or à pleines mains, faites ufage des matériaux qui font fur votre fond. La terre vous fournit les pier- res pour la conftruétion des murs ; la charpente fe fera des arbres de votre bois , ainfi que les ouvrages de me- nuiferie ; vous y trouverez auffi tous les fagots & tous le bois taillis dont vous aurez befoin pour cuire la brique & la chaux. Tirez le fable de votre terre , ou faites-le amener dans des charrettes,apres l'avoir pris àla riviére la plus proche. Mais vous tiendrez tout cela prét avant que vos murs fortent de terre. Que vos boeufs pendant la faifon RURALE. Liv. I. 39 morte de l'hiver, vous aménent les * . . x PRECAU* pierres : que la hache jette-à bas sions roux plufieurs planes de votre bois, des" ^«** 7. chénes énormes par leur groffeur, xz. des fapins qui durent long-tems dans un lieu fec , des frénes fauvages re- marquables par leur hauteur, & (22) des hétres que l'affemblage le plus fort n'empéche pas de travail- ler. Mais vous ne ferez abattre le peupher qu'au commencement du décours de la lune ; &, loríque cet arbre fera entamé jufqu'au cœur, laiffez-le quelque tems menacer de fa chüte, afin que fa féve âcre & corrofive ayant eu le tems de cou- ler , le bois puiffe durer plus long- tems. Si le pays trop gras ne fournit pas de pierres propres à la conftruétion, faites cuire des briques d'argile dé- trempée dans une grande quantité d'eau. Quand elles ont été façonnées dans des moules de bois de chêne, on les fait fécher fur une aire bien unie. Qu'on ne travaille à cet ou- : vrage qu'après l'été jufqu'à la fin de l'automne , ou qu'après l'hiver, lorf- o PRECAU- A0 (DCONOMIE que le printems & les zéphirs ren- r:05s rou dent la faifon plus douce. Le foleil L'ACHAT D'UNE TER- AE. en hiver n'a pas affez de force pour fécher la brique, elle ne coníerve- roit pas fa premiére forme fans s'é- tendre ; & pendant les grandes cha- leurs elle fe fend au foleil. Faites chauffer votre four à chaux pendant trois ou quatre jours fane interruption, juíqu'à ce que la pier- re fe fende aux extrémités , & qu'on ne voye plus dans l'obícurité s'éle- ver de longs traits de flamme & de fumée. On fait cuire au four différentes pierres de chaux , felon les différens ufages auxquels on veut les em- ployer. Il faut qu'elles foient molles pour des enduits de muraille, & du- res pour les autres ouvrages de ma- connerie. Le meilleur fable eft celui qui fait du bruit fous les doigts enle maniant, & qui ne laiffe ni tache, ni crafle fur un linge blanc, quand on l'a fecoue. | Dès que vous aurez raffemblé les matériaux néceffaires, vous jetterez les fondemens de votre maifon, pour- | vü RURALE. Zi. I. 41 vü que ce ne foit pas fur des ruines PRECAU?* de vieux bátimens. Mais fi, aprés r:oss roux avoir creufé bien avant, le terrein ^,^ 6 ^ 7 D'UNE TER- n'eft pas encore folide , recreo RE. vous d'une profondeur égale à l’élé- vation dela quatriéme partie du mur que vous voulez conftruire. Alors . vous pourrez enfoncer des pilotis,fur lefquels vous poferez vos premiéres pierres de fondation. .. Que votre maifon regarde direc- tement le midi , afin que le foleil plus élevé pendant l'été , & n'entrant que trés-peu par les fenêtres , n'échauffe pas trop votre appartement, & que plus abbaiffé vers la terre pendant l'hiver, lorfqu'il retourne au tropi- que du capricorne , il puiffe pénétrer chez vous, & vous réjouir par la douceur de fes regards. On eft aujourd'hui dans l'ufage de donner tant de Jour aux maifons de ville & de campagne, de faire des fenétres fi larges , fi élevées, & en fi grande quantité, qu'on diroit que ce ne font que des colonnes, & non des murs, qui foutiennent les toits. On jur eroit que les hommes à . dome [. RENE ERE mn PR&cAU TIONS POUR L'ACHAT D'UNE TER- RE. 42 ŒCONOMIE préfent, fe croyant fuffifamment à l’abri des injures de l'air entre des murs de verre, ne font plus fenfibles à la rigueur du froid , aux vents per- nicieux du midi, ni aux ardeurs de la canicule : car la chaleur pénétre bien plus aifément par de larges croifées ; & lorqu'en hiver les aqui- lons font déchainés , de foibles ri- deaux de toile, mis au-devant des fenétres , ne futfifent pas pour garan- tir d'un froid piquant. Mars pour aug- menter le plaifir de la vüe , & faire paroitre une maifon plus riante au- dehors, on aime mieux fouffrir au- dedans, & acheter même à grand prix fon incommodité. C’eft ainfi que le François efclave de lufage , lui facri- fie la raifon ; & , fila mode le vou- loit , ( 23 ) il échangeroit l'or & l'ar- gent avec de vil papier, & donne- roit pour de méprifables effets une monnoye qui a une valeur intrinfé- que. Qu'on fuive la mode à la bonne heure dans les bátimens qu'on éléve à la ville, parce que le vent n'y fouf- fle pas comme en plein champ ; mais RURALE. Zw.1. 43 à la campagne , tenez-vous en à l'an- cienne pratique de vos ayeux, & ne donnez entrée à l'air par vos fe- nétres que le moins que vous pour- rez. N'ayez point pour objet , lorí- que vous bátiffez , d'étaler tous vos meubles par une longue enfilade d'appartemens ; mais que les iffues en foient aifées, & diftribuées de facon que vous n'ayez point d'in- quiétude de vos hótes, & que vous puiffiez dormir en füreté. Dés que la maifon deftinée à vous loger fera achevée, faites conftruire féparément les bâtimens nécefíaires pour conferver les grains & les au- tres fruits de la terre , dans la crainte de choquer les yeux des femmes, qui aiment en tout la décence , & qui feroient dégoutées de voir fans ceffe les uftenciles de campagne , les chiens, & méme les riches produc- tions de la campagne. Vous chorfirez pour vos celliers les endroits les plus frais ; pour ferrer votre huile , le lieu PRECAU TIONS POUD L'ACHA T D'UNE TER- RE, le plus expofé au foleil ; & ne met- . trez que dansun endroit bien fec , & fur des planches garnies de paille , les D x PRECA UE 44 (ECONOMIE fruits mürs réfervés pour l'hiver , tels rioxs roux que les pommes & les poires. Pour L'ACHAT P'UNE RE, TER: chafler le froid & l'humidité , placez de tems en tems dans votre fruiterie des charbons allumés ; car les vents du nord rident les fruits, & ceux du midiles gátent. Vifitez fouvent votre fruit, & ne manquez pas d'enlever ce- lui qui fe reffentira de l'humidité, dans la crainte qu'elle ne fe communique de l’un ál'autre, &quela contagion ne devienne générale fur les planches. Que les vents du nord donnent de Pair à vos greniers ; mais préfervez- les de ceux du midi dont les ailes hu- mides endommagent les grains. (24) Les Languedociens bâtiflent leurs greniers au milieu du chemin devant la porte de leur maifon ; ils font ainfi a l'abri de la pluye , qui pénétre tout, & de l'adion de l'air qui fait impreffion fur tous les corps. Quand les chareníons font entrés dans un tasde bled, ils n'en occupent d'abord que ia partie fupérieure ; mais tout le tas bientôt féra infuité de ces infeétes , fi vous vannez dans votre grenier ce grain qui eft déja en partie rongé, | RURALE. Liy.I. 45 Donnez au fermier une maifon PrECAU- vafte , au berger une petite cabane , r1oxs roux & au bouvier la tienne. Ne laiflez ^ °F 47 Pétable ; elles détruifent les murs, amolhflent & corrompent la corne du pied des animaux , & leur occa- fionnent toutes fortes de maladies. Qu'on n'ait point. à craindre le feu d'aucune lampe fufpendue en Pair, ou attachée aux murs de l'étable. Le four où la fermiére fait cuire fon pain , doit en être éloigné, de peur que les foliveaux de l'étable , échauf- fés par le feu du four, ne s'enflam- ment à la moindre étincelle, & ne caufent un incendie général. Le Laboureur aime fur-tout une cuifine fpacieufe , où tous fes gens raffemblés puiffent fe chauffer auprès d’un bon feu , fe délafler des fatigues du jour, fans que le travail ordinaire des foirées en foit interrompu : car le fermier ne permet pas pendant l'hiver qu'on travaille le jour à des ouvrages qu'on peut faire la nuit. Après le repas , viennent s'afleoir autour du foyer le laboureur remar- : D'UNE TER- point entrer les eaux de pluye dans ax. La cuifins. Gc PLC KE PRECAU- 46 (ÉCONOMIE quable par fa grande taille, le con- Tioxs poca duéteur des chévres hideux par fes L'ACHAT DUNE TER- vétemens, le pafteur des brebis, (25) le nerveuxfoffoyeur , & le dur bouvier. S'il eft refté quelques oli- ves plus tenaces que les autres aux branches d'olivier quils ont rom- pues , ils s'occupent à les chercher & à les cueillir, à nétoyer les toifons des brebis, à fendre l'ofier , qu'ils rendentfouple dans de l'eau chaude, à préparer les échalas pour la vigne, ou à conftruire des corbeilles avec de l'ofier. Etjamais les jeunes villageoi- fes n'ont tantde plaïfir à mamer leurs fufeaux que dans ces agréables mo- mens : car, tandis que le fermier fait fa ronde avec une lumiére, & quil va compter les brebis au ber- cail , les enfans n'étant plus retenus alors par la préfence du pere, une des filles agace , par fes propofitions tendres, l'idiot Ménalque, qu'elle feint d'aimer. Elle flate ce pauvre garcon par des déclarations malignes & fimulées , afin qu’à fon tour il s'ex- plique , & que fon gofier rauque ex- prime fon amour par une chanfon. RÈURALE. Liv. I. 47 Bientôt il s’applaudit de fon chant , ===" tient à grand honneur les éclats de ::0x5 roux rire de l'affemblée ; & dans le ravif- = FAT fement où il eft des railleries qu'il ex- er, cite , il ne s’apperçoit pas que ( 26) la rufée Theftilis fe moque de lui, & lui noircit le vifage. C'eft amfi qu'à la campagne comme à la ville, l'on trouve des originaux faits pour l'amufement d'autrui, On peut im- punément les piquer comme on fe- roit des boeufs avec l'aiguillon ; loin de s'en fâcher,ils témoignent eux-mé- mes leur fatisfaction par leur gayeté. Qu'au hangard fous lequel le la- boureur, pendant les pluyes d'hi- ver, met à couvert fes voitures , & répare fa charrue & fes charrettes, il n’y ait que des poteaux pour le foutenir, au lieu de porte. $1 le chemin qui conduit à votre campagne eft bien fréquenté , il con- vient que fur la route on établiffe une hótellerie pour les voyageurs. Mais faites-vous un devoir de don- ner le couvert aux pauvres dans vo- tre maifon. C'eft du nom d'hofpice qu'autrefois les Anciens compofé- 49 (ECONOMIE vir... rent celui de Jupiter hofpitalier , pe- tions rour le des dieux & des hommes. Ils ne S465"5r purent voir fans pitié leurs fembla- AE. bles paffer les nuits à la belle étoile, tandis que les plus vils animaux avoient un gite pour s’y repofer , & ils exercérent réguliérement l'hofpi- talité. Cependant ils ne favoient point , dans ces tems infortunés , que Dieu fe cache fouvent fou: les véte- mens du pauvre , & que toutes les pieufes hbérahtés font écrites au ciel. Que Paire ne foit pas trop cloi- once, afin que fi quelque nuage trom- peur vient tout à coup à fe réfoudre en pluye,la proximité de la maifon vous donne la facilité de fauver plus promptement vos gerbes mal bat- tues. Choififfez pour votre aire un lieu un peu plus élevé, & dégarni d'arbres , añn qu'elle foit plus expo- fée à l'air & au vent qui la nettoyent. Il faut l'applanir avec un grand cy- hndre , ou bien (27) la paver ; c'eft un ouvrage dont on ne voit pas la fin : au lieu qu'une aire fans pavé obéit à la longue aux coups du fléau, retient Iu RURALE. Lil. 49 retient les grains dans fes gerfures > ou les falit en fe pulvérifant. Ayezdeux petits réfervoirs d'eau, unqui ne ferve qu'à rouir le chan- vre, & l'autre dont l'eau pure & claire invite les troupeaux à s'y dé- faltérer. Que toutes les immondices de la maifon & de l'étable ; que les feuilles dont les vents ont dépouillé les forêts, & qui couvrent la terre en hiver ; que le limon, fila riviére en a laiffé dans quelque déborde- ment, foient portés dans une foffe à couvert , & loin de la maifon. Par ce moyen le fuc du fumier fe confer- ve, & ne s'évapore point ; cette eau fale fait mourir toutes les grai- nes mauvaifes , & vos moiflons ne font point mélangées d'herbes inu- tiles. Que vos vergers & votre parterre foient à la proximité de la maïfon, ainfi que tout ce qui plait à la vüe, ou qui pourroit provoquer au lar- cin, Ayez du côté du nord un bois qui vous pare du vent & du froid ; que fon ombrage en été vous rende toute la fraicheur dont il vous garan- Tome I, É nee PRÉCAU- TIONS POUR L'ACHAT DUNE TER* RE, PRÉCAU- T1ONS POUR LOATCIHSAVE p'UNE TEgR- R Ee so (ECONOMIE tiffoit Phiver , & qu'utile dans ces deux faifons iltempére, & le grand froid , & les ápres chaleurs. Placez vos légumes dans des vallons humi- des , & vos oliviers fur des collines ; que dans la plaine on voye flotter vos épis ondoyans , ou l'herbe de quelques vaftes prairies ; que vos vignes au-delà parent un agréable cóteau , & qu'autant que la vüe peut s'étendre, elles fixent les yeux de toute part. Comptez les arpens que vous avez en prairies , en terres la- bourées , en ohivets & en vignobles, par l'ouvrage & le revenu. Compa- rez le profit avec la peine , & faites moins d'état du nombre des denrées que du produit de la vente. La terre que vous avez deftinée aulabourage, comme la plus digne des foins de Cérés , demande le re- tour perpétuel des mémes travaux : elle réclame, après la récolte, une partie de fes largeffes pour les fe- mences ; mais elle manque fouvent à fes engagemens, foit que l'année trop féche ou trop pluvieufe ait été iuifible aux moiflons, foit que le * RURALE. Ly.l. $1 champ ftérile par lui-même n'ait pas == fourni la fubftance néceflaire aux rioxs Pour épis, foit qu'ils ayent été renverfés 5^ 5" 55. par la gréle , ou qu'ils ne portent que a:. peu de grains. La dépenfe qu'on eft obligé de fai- re pour l'entretien d'une vigne, en confomme quelquefois les revenus ; la récolte des olives eft aufli bien ca- fuelle , & quoiqu'elles fe confervent en bon état avec peu de culture, les fortes gelées & les grandes chaleurs les empéchent de venir à maturité ; les premiéres pluyes du printems en font mourir la fleur, & en jonchent la terre. Les prairies ne vous donnent point ces inquiétudes ; elles ne courent prefque aucun rifque, & toutes les pluyes leur font propres , foit que les vents du nord ou du midi les aménent. Le froid ni la chaleur ne leur caufent point de dommage, pourvü que quelques ruiffeaux vien- nent les rafraichir pour éteindre leur ardeur : d'ailleurs elles n'attendent ' prefque rien de votre travail, & dès qu'une fois l'herbe a posite elles L $2 (CONOMIE vous donnent leurs richeffes , fans se covx vous caufer d'embarras. L'infatiable ’'AcHAT Fermer en retire différens fervices : D'UNE TER- Ed. elles maintiennent les beftiaux en fanté, leur donnent du foin pour l'hiver , & des pâturages pour le ref- te de l'année. Quelque riante que foit une campagne , une prairie en augmente l'agrément , foit que l'on voye les pleurs de l'aurore briller comme des diamans fur des brins d'herbe entremélés de fleurs rouges , foit que l'herbe panchée prefque à terre femble demander à étre foulée, & paroifle vous offrirun lit de repos, foit que l'on regarde un ruiffeau qui conduit parj différens canaux vient la défaltérer, foit qu'elle reverdiffe fans ceffe pour donner de nouvelles récoltes, qui re coutent point de nouvelles femences. C'eft pourquoi , file nveaude vo- tre prairie n'eft pas trop en pente, & ne laiffe pas les eaux s'écouler trop précipitamment ; fi elle ne boit pas auff trop promptement l'eau qu'elle recoit , à l'imitation du fable qui eft fans confiftance ; enfin fi les RURALE, Liv. I. $3 pluyes n'y féjournent pas comme PRECAU- en un lac, femez-y , quelque vafte rioxs pour qu'elle foit, de la luzerne , & toutes les autres plantes qu'aiment le plus les beftiaux ; pratiquez-y plufieurs rigoles pour donner paffage aux ruif- feaux , à moins que la terre, par fon humidité naturelle , ne produife un tendre gazon, fans avoir befoin d'é- tre arroíée. Mais, dira-t-on, quelle forte de biens faut-il préférer? les oliviers, les prairies ou les vignes. Suivez l'ancien ufage des Laboureurs du leu ; car toute efpéce de terre n'eft pas propre à toute forte de produc- tions. (28) La Garonne qui baigne à fa fource un pays dont les habitans creufent le fein des montagnes , & manient avec des tenailles de groffes maffes de fer, voit à quelque diftan- ce les páturages les plus gras, & les Fermiers s'occupent à faire d'excel- lens fromages , ou à planter des ar- bres fruitiers. Peu après les champs qu'elle arrofe préfentent à fon admi- ration les plus belles moiflons, & {es bords charmans font enfuite ta- E iij L'ACHAT D'UNE TER- RE. meer PRÉCAU- TIONS POUR L'ACHAT DUNE TzR- RI, $4 (ÉCONOMIE piffés de pampres & de vignes. Dans quelque fituation que vous vous trouviez , & quel que foit l'hé- ritage que vous ont laiffé vos peres, que la hache cruelle ne touche qu'en partieà vosanciens bois. (29) Voyez combien les Anglois ont à fouffrir du froid, avec leur charbon de terre quils brulent au lieu de bois, & combien ils pátiffent en refpirant la fumée de ce charbon ; puifqu'ils fone obligés de venir à Montpellier pour changer d'air, & y rétablir leurs poumons defféchés. Ville célébre , conftruifez de nou- veaux murs qui vous donnent une plus vafte étendue ; ornez vos faux- bourgs des plus beaux édifices, & renfermez dans votre enceinte des jardins fpacieux qu'on pourroit ad- mirer méme à Verfailles ; afin que toute la France, qui bientót man- quant de bois , n'aura que du char- bon deterre à mettre en fes foyers, vienne un jour participer à la bonté - de votre air, pour rétablir fa fanté : car bientôt elle reffentira les mêmes maux que les Anglois, pour avoit RURALE, Liv.I. $5 trop refpiré la fumée pernicieufe de 777777. ce charbon ; à moins que les Maitres «:oss rour des Eaux & Foréts ne préviennent ^c 9 ^7 ce malheur. RE. Prenez dans vos bois celui qui vous eft néceffaire pour la réparation de votre maifon, pour votre chauf- fage, pour la charrue , & la con- ftrudion de vos vaifleaux ; mais confervez à votre poftérité les forêts que vous tenez de vos ancêtres. (3o)Nous vous pleuronsencore, mec fur bois charmant, chénes refpectables l'exploitation par vos années, dont l'ombrage épais ios à faire à calmoit nos peines, nous délaffoit la maifon de de nos travaux, & faifoit près de Sérures de Touloufe l'ornement de notre mai- Touloufe. fon de plaifance. Ce n’eft qu'avec douleur que nous montrons aujour- d'hui aux étrangers qui nous vien- nent voir, ces lieux fortunés conti- gus à la maifon que vous décoriez autrefois , & qui maintenant font hc- riffés d'épines & de buiffons. " Que ceux qui liront mes vers, permettent ces regrets, hélas! trop légitimes à un Poete amateur de la campagne, & qu'on nous laiffe au E inj $6 (ÉCONOMIE »..... moins la confolation de nous rappel- rioxs rour ler la mémoire de ces bois, puifque ras Arles deftins jaloux n'ont pas voulu wa, | qu'ils fiffent plus long-tems nos plai- firs. Je me les repréfente toujours, & je crois voir encore mes chers confreres prendre le frais fous leur verd feuillage. Jy vois les uns dans les retraites les plus fombres , médi- ter profondément fur la loi du Créa- teur, & fur fes divines largeñles ; d'autres récitent les faintes priéres auxquelles leur facré miniftére les oblige chaque jour : ceux-là couchés fous un arbre touffu , goutent le plai- fir du repos ; ceux-ci répondent au ramage des oifeaux par les airs qu'ils chantent, ou qu'ils répétent fur un tendre chalumeau ; d'autres enfin, pour compenfer les veilles qu'ils ont données à l'étude, fe livrent aux douceurs du fommeil. Defcriprion Là plufieurs s'amufent à jouer au duleud mail, On choifit pour ce jeu un en- TN droit dégarni d'arbres, autour du- quel il y en ait feulement pour don- nerde l'ombre. L'aire bien fablée , & fermée tout RURALE Hf 7 à l'entour par des planches de bois, === préfente quatre allées. Il y a un an- soxs rour neau de fer au milieu du jeu, à tra- 7 ^** ^7. vers lequel, fi on a l'adreffe de fai- xc. re pafler fans fupercherie un petit globe de buis, ou de le lancer au- delà du but , aprés lui avoir fait par- courir les quatre allées, on eft pro- clamé vainqueur par les fpeétateurs qui font aflis fur des fiéges élevés. Ceux qui ont envie d'entrer en li- ce pour difputer le prix , fe préfen- tent armés de bâtons ferrés, & font réfonner les bois des coups vigou- reux dont ils frappent le petit globe. C’eft ainfi que, fatiguant leur corpsà ce rude exercice , ils donnent du re- láche à leur efprit. Là j'en vois d'autres occupés à la Mention des le&ure. Quoique les bois femblent t» de deftinés à la récréation, Apollon n'infpire en aucun endroit avec autant de chaleur : c’eft dans le filen- ce des bois, & fous leur ombrage, que ceux qui ont le don de la parole apprennent à dévoiler au peuple les vérités les plus fublimes , & à frap- - per de la foudre évangélique les cœurs les plus endurcis. DIXISSE OEUOE PRÉCAU- TIONS POUR L'ACHAT D'UNE TER- RE Le Pere Cle. ric. $8 (ECONOMIE C'eft-là , cher Cleric, que je vous a1 và tout couvert des lauriers , que vous aviez déja cueillis fur le Par- naffe, donner l'effor à votre génie fertile, & mettre au jour des vers que Touloufe admirant toujours ne peut récompenfer aujourd'hui que par feslouanges. (31) Vous avez été couronné tant de fois, que fes largeffes font épuifées ; auff vous a-t-elle affocié aux Membres de fon Académie pour y juger ceux qui étoient autrefois vos concurrens. Avec quelle avidité je prétois l'o- reille aux beaux vers que vous réci- tiez , foit quil vous plüt de chauffer le cothurne de Sophocle, foit que laiffant le ton de Melpoméne, vous rendiffez en notre langue toute la - fineffe des plaifanteries de Térence, foit que les flots de votre éloquence plus rapides qu'un torrent, coulaf- fent de votre bouche toutes les fois que vous me répétiez les difcours que vous deviez prononcer vers le milieu de l'automne. Tous les ci- toyens alors quittoient la campagne pour repeupler la ville, comme fi le » RURALE. ZLw.l. 59 talent de la parole, quils vous = avoient tant de fois reconnu, pri-::oxs roux voit de fes charmes leur féjour cham-*^**^7. petre. RE. Vous vous plaifiez , je m'en fou- viens, à vous enfoncer dans le bois, ou à vous affeoir avec moi fous un vieux chátaignier. Là fe trouvoit une fontaine , dont l'eau pure & fidéle comme une glace repréfentoit fi bien les fruits de cet arbre, fes feuilles agitées par leszéphirs , & les oifeaux légers qui voltigeoient de branche en branche , qu'on doutoit fi tous ces objets n'étoient pas effeétivement au fond de cette fontaine, ou fi l’on voyoit paroitre leur image fur fa furface. C'eft à qu'aprés vous avoir lü les premiers eflais de ma Mufe, vous aviez la bonté de m'encourager & de m'aider de vos confeils, en me défignant les vers qu'il faloit refon- dre ou polir. Quoique votre nom n'ait befoin que de vos vers, pour étendre au loin fa réputation, je fe- . rois donc un ingrat fi j'oubliois de parler de vous dans cet Ouvrage, — 60 (ECONOMIE que vous avez daigné corriger , & five Bar n'entendrois guéres l'intérét de vuxr pus. MON amour-propre fije ne me glori- RE, fiois d'avoir été votre ami dés mes plus tendres années. LePereCam. — C'eft aufli dans ces lieux, cher Pire Campiftron, autre partie de moi- méme , que vous travailliez à méri- ter les éloges du public, & cette ré- putation d'homme de génie , qui rend Touloufe fi glorieufe de vous avoir pour citoyen ; réputation qui entraine le Sénat & le Peuple pour vous entendre , (32) foit que , digne émule de votrefrere, vous vous di- fünguiez comme lui par des Tragé- dies , foit que vous tiriez des fons de lalyre ou du chalumeau,ou qu'égale- ment veríé dans la langue Latine & la nôtre, vos difcours fe reffentent de la majefté Romaine , ou de l'amé- nité Francoife. Be. — C'eft dans ces bois, & pendant vos premiéres années que Je vous eus pour difciple , cher. Belot, vous qu'aujourd'hui je voudrois avoir pour maitre. Des le tems de vos étu- des vous vous étiez fait unnom, & RURALE, Liv. I. 61 vous paroifliez avoir tant d'aptitude 777777 pour tous les arts, qu'on ne pouvoit rioxs roux décider quelle carriére vousfuivriez t, ^ 6H * 7 pour acquérir la plus grande célébri- &:. té : car, foit que les temples reten- tiffent de vos difcours évangéliques, foit que vous vouluffiez effacer no- tre gloire en vous tournant du cóté des Mufes, la ville ne vous applau- diffoit pas moins , & paroiffoit auffi empreflée de vous entendre que lorf- que dans la chaire théologique , vos lumiéres diffipent les ténébres de la foi, & que vous enfeignez cinq cens difciples , qui prennent de vous des leçons de piété, moins encore dans vos difcours que dans vos mœurs. Agréables retraites , arbres tou- jours verds , fous lefquels fe font for- més de fi grands hommes , hélas! qu'étes-vous devenus ? De quels trif- tes murmures ne retentit pas le Par- nafleloríqu'approcha l'heured'abbat- tre ce bois chéri ! Mais que purent les tendres Elégies contre les coups de la hache inflexible ? Envain le cé- lébre Mourgue en témoigna fes re- t.p. Mours grets (33) par des vers auffi touchans &'* 62 ŒCONOMIE | que les accens d'Orphée : le tems PRÉCAU- 5 \ A rrons sov; heureux n’eft plus où les chênes do- zacsar ciles à la voix des Poëtes, leurobéif- E foient. Toute la oies de ceux- ci fe réduifit à pouffer quelques gé- miflemens à chaque coup de coi- gnée , comme pour implorer les fe- cours des perfonnes qui, le plus fou- vent, avoient joui des charmes de leur ombrage. Nous accourons : & de méme que fur un champ de ba- taille, où giffent impitoyablement les plus braves Capitaines , dont les illuftres noms vont périr avec eux, on eft fecrettement faifi de trifteffe & d'horreur en confidérant leur dif- formité, & leurs playes encore dé- goutantes , qui offrent la plus affreu- fe image; ainfi fommes-nous tout enfemble frappés d'horreur & tou- chés de pitié en voyant ces arbres , autrefois majeftueux, cruellement tranchés parle fer, triftement éten- dus fur la terre, & leur feuillage, & leurs rameaux honteufement fé- parés de leurs troncs , fécher par tas en différens étidroit$; en attendant quils ferviffent de proye aux flam- mes dévorantes. RURALE. Liv:I. 63 Hélas ! que la coupe de ce bois a ravi d'agrémens à notre maïfon de campagne , & qu'elle eft aujourd'hui différente d’elle-même ! L'urgente nécefhité, qui, dans des tems mal- heureux, nous a confeillé de l'abbat- tre , & d'employer à l'ufage de Bel- lone les délices de notre campagne, nous oblige encore aujourd’hui, par le méme efprit d'oeconomie , ennemi de toute forte de luxe, de mettre à profit tous nos champs : la charrue vient , pour ainfi dire , jufqu'au pied de notre maifon antique, pour en fapper les tours & les murs , & l'on moiflonne à préfent où l'on voyoit autrefois de belles avenues d'or- meaux réguliérement plantés. Nous payons bien cher maintenant le peu d'ombrage que nous avons pendant les chaleurs de l'été , par l'éloigne- ment des lieux oitil faut l'aller cher- cher. La longue allée qui fépare nos vi- gnes, & qui étoit autrefois garnie — FRECAU- IIONS POUR L'ACHAT D'UNE TER RE. d'ormeaux plantés à égale diftance, | n'a plus qu'un gazon pour ornement , & pas un feul arbre pour abri $i mme PRECAU TIONS POUR L'ACHAT pUNE JLER- REe 64 (ÉCONOMIE quelque tronc , ou quelque mince ar- bufte furvivant à à {a deftinée, cou- vre encore le bord de cette allée, le fouvenir , qu'à la vüe de ces débris on fe rappelle du charmant ombrage qu'on avoit autrefois , rouvre notre ancienne playe. On 'n'élague plus chaque année le buis n1 le poirier, on permet à leurs rameaux vagabonds de s'étendre à leur gré , & l'on a ar- raché les fleurs & les légumes de no- tre jardin, qui ne produit plus que de l'orge pour la nourriture des che- vaux. L'eau qui , autrefois refferrée dans des canaux, s’élançoit avec force dans les airs, & donnoit un fpec- tacle de différens jets d'eau, rampe à fon gré, & s'étend avec liberté dans la campagne. Jadis , mife à la torture, pour ainfi dire, de difié- rentes façons, elle Jailliffoit de la gueule d'un lion ou d'un monftre marin ; maintenant, tout à fait rufti- que , elle ne fert qu'à arrofer de vils haricots, ou de miférables choux : les lions & les veaux marins font remplis de toiles d’araignée , ou bien : les RURALE. Liw.I. 65 les oifeaux vont y bâtir intérieure- TR ment leurs nids. TIONS POUR Il y avoit autrefois un grand baf- fin qui fervoit de réfervoir aux eaux de notre maifon de campagne : une gondole nous portoit autour de nos prés fleuris , & nous nous amufions à préfenter un apas aux avides poif- fons, ou à nous repofer fous quel- que arbre touffu, pour gouter la fraicheur de l'eau, & nous dérober aux ardeurs du foleil. Hélas ! puis- je le croire ? cette gondole vendue avec le bois de chauffage, a eu le méme fort , & a garni les foyers pour fervir au feu d'aliment. La truite , ce charmant poiífon qui na- geoit vers la rive oit nous venions ordinairement nous affeoir, & qui par le mouvement de fes yeux & de fa queue , fembloit mendier les petits morceaux de fruit & de pain dont nous faifions provifion pour elle, a cédé Le féjour de ces eaux , au- jourd’hui dormantes & limoneufes , aux importunes grenouilles. L'habi- B ASCOHDCACE DUNE TIErA- RL, tation des paons eft maintenant infe- . étée par la mauvaife odeur des pou- Tome I. 66 (ÉCONOMIE 7 les qui y couchent ; les pigeons, ama- 7:05 rour feurs des maifons de campagne pro- Fe ren. pres & peignées, ont quitté tous à la RE, fois leurs trois colombiers , qui , fou- tenus par des colonnes de marbre, fervent à préfent de retraite aux rats & au finiftre hibou. Nous aurions nous-mêmes chan- gé de maifon, fila nôtre, quelque avilie qu'elle foit, n'étoit encore plus agréable que les autres maifons voifines : car, malgré les ravages qu'on y a faits, & fa rufticité actuel- le, elle conferve toujours, en dépit de fes maitres , une grande partie de fon éclat, & plaira toujours par le foin que prend la nature de la dé- dommager de fon ancienne décora- tion. Ce font de ces maifons négligées pour l'ornement , qu'il convient d'a- cheter, illuftre Lamoignon , quand une heureufe fituation eft leur prin- cipal agrément , & quand des four- ces intariffables , jointes à la fertili- té de la terre, en font la richeffe. Defcipion $1 quelqu'un eft curieux de con- du chateau de noître tous les embelliffemens que Bayille, emus en. Lund. — 47 l’art peut donner à des maifons , à == des eaux, & à des jardins avanta- Blog geufement fitués , quil aille voir ler su pert château que vous avez fait conftrui- ; ^. re fur la Terre de Courfon : quil examine la richeffe du fond , la varié- té des fleurs , la fertilité des ver pers, l'agrément des bois , les belles ave- nues , & la fuperbe architecture des bâtimens : & qu'il foit émerveillé de l'efprit d'ordre, d'invention & de détail qui a préfidé à ces ouvrages, foit qu'au loin il admire l'enfemble de ce château, & que fes yeux fe repaiffent par avant-goüt des char- mes d’un beau lieu, foit qu'étant par- venu à la premiére entrée, & quin- décis entre l'art & la nature , ilarré- te fes regards fatisfaits tantót fur le cháteau méme , tantót fur les plai- nes qui font à l'entour. On fe plait fur tout à regarder la ftatue de marbre qui repréfente , dirai-je votre augufte pere, ou ce- lui du peuple : on ne peut s'empé- cher de contempler (34) fes traits avec une fecrette vénération ; ces ' mêmes traits que Thémis, la plus F1 | | | | | PRECAU TIONS POUR L'ACHAT BUNE TER- RE, 68 (ÉCONOMIE füre proteétrice des hommes, em- prunta autrefois pour diéter des loix à ce Royaume, (35) Comme votre éloquence avoit foutenu les prétentions de la Sculpture & de la Peinture , lorfque ces deux Arts fameux qui enfeignent à rendre fidélement des figures fur le marbre , ou à les animer fur une toile avec un pinceau & des cou- leurs , demandérent à étre mainte- nus dans les priviléges d'Arts libé- raux ; ils veulent aujourd'hui, par reconnoiffance, tranfmettre votre image à la poftérité. Mais vous , di- gne fils, quoique votre pere n'ait befoin, pour perpétuer fon nom, que de fa propre renommée , plus durable que le marbre, vous défirez que cette marque de diftinction foit plutót accordée à ce grand Homme ; afin que l'air majeftueux du pere, & la piété filiale, foient à jamais con- fervés dans le même monument. Que dirai-je des autres merveilles qui fe préfentent de toute part dans ce féjour enchanté ? Soit qu'on aille fur les lieux les admirer , foit qu'on RURALE. Liv.I. 69 s'arrête & qu'on les parcoure des 777 yeux , la nature , pour ne point fati- ;0xs roux guer la vüe en n'offrant qu'une per-5^** ^7. Ípeétive vague & indéterminée, la... fixe agréablement par de charmans côteaux qui régnent de toute part, & où l'on voit dans tout leur éclat les richefles de Bacchus & les tréfors de Cérés. Il femble que la terre ait raffemblé , dans l'étendue du terrein que les yeux peuvent parcourir , toutes les productions qu'elle ne dit- tribue au refte de l'univers qu'avec la plus grande oeconomie. On ne voit point ailleurs dans les autres bátimens autant de dignité fans fafte , ni tant d'agrémens & d'é- légance, avec fi peu d'ornemens re- cherchés ; aucun bois ne fournit ailleurs un auffi frais ombrage, ni d'auffi délicieufes retraites; les ar- bres n'ont nulle part autant de gra- ce & de fertilité, & ne font auf bien taillés ; Jamais figues & poires en efpalier n'ont tant fait de plaïfir : on ne voit point la méme fymétrie dans les autres parterres , ni d’aufñ beaux légumes dans aucun Jardin ; & — PRÉC AU- TIONS POUR L'ACHAT D'UNE TER= AE. 70 ŒCONOMIE, &c. quoique pourtant, dans votre ab- fence , les fleurs & les arbres fe né- oligeant un peu, n'ayent pas leur grace ordinaire : car autant vous regrettez ces lieux , autant ils défi- rent votre retour, Qu'ils ayent du moins la confolation de pofléder vo- tre aimable fils de Courfon, de le dé- laffer de fes travaux, de raflafier leurs défirs en contemplant l'image du pere dans ce fils chéri, qui, pref- que votre égal , & votre concurrent en mérite, fait votre fatisfa&ion en marchant dignement fur vos traces. Pour vous , quelque agréable que foit le cháteau de Baville , fitué aux environs de Paris, perdez l'envie que vous avez de le revoir , & gar- dez-vous de dérober au Prince & au Peuple votre utile perfonne, dont les Dieux, pour gage de leur protec- tion, leur ont fait préfent. C'eft un crime à tout homme chargé des in- téréts publics, de bannir les foins, & de ne vivre que pour lui. Fin du Livre premier. * | 71 REMARQUES Sur le premier Livre. E Pere Vanniere rend compte des motifs qui ont déterminé fa Mufe à choifir les Travaux champétres , par préférence à d'au- tres fujets. 1l invoque enfuite le vrai Dieu au lieu des divinités de la Fable , & fait l'expofi- tion des matiéres qui doivent remplir les feize Chants de fon Poëme. Il dédie (on Ouvrage à M. de Lamoignon, alors Intendant du Lan- guedoc , & pafle aux précautions que l’on doir prendre dans l'achat d’un fond de Terre. 1l parle de la fituation des lieux, de la qualité de Pair & des eaux , des ornemens , des reve- nus , des bátimens, des indices d'une bonne ter- re, de l'inconvénient qu'il y a d’avoir un mau- vais voifin, & des réparations de la maifon. L' Auteur détaille les premiers foins qu'on doit donner à la terre. I] faut épierrer les champs, renouveller l'engrais des prairies, planter des arbres , deffécher des marais. De-là il prend occafion de rappeller l'ouvrage qu'entrepri- rent autrefois les Romains , pour faciliter l'écoulement des eaux d'un marais à tra- vers une montagne ; ce qui améne l'éloge du Canal de Languedoc, pour lequel le fameux Riquet fit percer la méme montagne. Vien- nent enfuite les moyens de découvrir les four- 72 Remarques ces, la réfutation de la baguette divinatoire, l'origine des fontaines , les feux fouterreins. Les différentes fituations pour une maifon de campagne font difcutées, & l'Auteur dit un mot de tous les matériaux néceffaires à la conítruction , & de toutes les efpéces de bà- timens qui concernent une maifon ruftique. I] fait enfuite la diftribution du fond en prai- ries, en vignobles, en terres labourables, & en bois; ce qui lui donne lieu de parler de la maiíon de plaifance des Jéfuites de Touloufe, de regretter fes bois de décoration qu'un in- térét domeftique a fait abbattre , & de faire le portrait & l'éloge de quelques Jéfuites qui fe promenoient dans les allées de ce bois. (1) [ Quoiqu'aujourd'bui l’on montre ma- lignement au doigt ceux qui vous portent. ] Le nom de Poëte eft aujourd'hui une dénomina- tion injurieufe , on rougit de le porter : on ne dit de quelqu'un qu'il eft Poéte , qu'avec l'air, leton, & tous les accompagnemens de mépris qui dégradent le talent & la perfonne. On montre un Poëte comme un fou, on lui parle comme à une marote, & on ne le voit chez foi qu'à huis clos. Voici comme Madame Deshoulieres décrit le défagrément de cet état dans une de fes Epitres. Je n'en citerai qu'une partie. A réver dans un coin , on fe trouve réduit ; Ce n'eít point un conte pour rire. Dès que la renommée aura femé le bruit Que | | Li . , ur le premier Livre. 73 Que vous favez toucher la Lire, Hommes , femmes, tout vouscraindra , Hommes , femmes , tout vous fuira ; Parce qu'ils ne fauront en mille ans que vous dire. Ils ont là-deflus des travers Qui ne peuvent fouffrir d'excufes : Ils penfent , quand on a commerce avec les Mufes y Qu'on ne fait faire que des vers, Et plus bas : Plus d'un exemple vous réponá Des malheurs dont ici je vous ai menacée, -Le favoir nuit à tout , 14 mode en eft pafíze; On croit qu'un bel efprit ne fauroit être bon. (1) [ Quoiqu'elles ne leur content rien. Ji y a dans le texte : 24/int cunéta licet. Cet en. droit eft imité dHorace. Àj Pictoribus atque. Poetis Quidlibet auden di femper fuit aqua poteflas. Arc. Poet. — (3) [Le travail ne coute point quand le fu- jet plait. ] Horace dit auffi, en parlant des Joueurs de paume : Molliter aufferum ffudio fallente laborem, L. IE, Sac, 11. (4) [Le plaifir & la nature me rendront Poéte , fr je n'en aipas le génie. ] Si natura negat , facit indignatio verfum. Juvenal, ($) [O vous! l’honneur QU appui de votre Maifon , Illuftre Lamoignon. ] Nicolas de la Tome I, G 7A Remarques | Moignon , Seigneur Comte de Launai Cour- fon, & auf Seigneur Marquis de la Mothe en Poitou, par ére&tion du mois d'O&obre 1700 , mais plus connu fous le nom de Baf- ville, qui lui avoit été donné dans fa jeuneffe, étoit fils de Guillaume de Lamoignon , Pre- mier Préfident au Parlement de Paris. Il fut pendant trente-trois ans Intendant en Langue- doc, & mourut Confeiller d'Etat ordinaire le 17 Mai 1724, ayant eu pour fils Urbain- Guillaume connu fous le nom de Courfon, fucceflivement Intendant de Rouen & de Bor- deaux , auffi mort ConfeiHer d'Etat ordinaire, & au Confeil des Finances , le 12 Mars 1742, Celui-ci a été pere de Guillaume de Lamoi- gnon de Montrevault, aujourd’hui l'un des Préfidens au Parlement de Paris. (6) [ Quoique P Héréfie. ] lleftici queftion des Proteftans des Cevennes , qui s'étoient rc- voltés. Il y a eu auffi dans les Cevennes des Fanatiques pendant la guerre de 1689, qui avoient été fottement abufés par de prétendues prophéties du Miniftre Jurieu. (7) [ Laiflons à l’opulence fes vafles do- maines, ] Virgile, Géorg. Liv. IL. a dit auffi ; | Laudate ingentia rura Exiguum «olito, z '(8) [I faut connoître. ] Chacun fe dit ami ; mais fou qui s’y repofe : Rien n'eft plus commun que ce nom, Rien n'eft plus rare que la chofe, Le Fontaine, Fable 77, / * fur le premier Livre. 75 Plát-à-Dieu qu'on obfervàt toujours la maxi- me de Vanniere! on ne feroit pas fi fouvent victime de la méchanceté des faux amis, de leur indifcrétion , ou du moins de leur impru- dence. Eh! qu'importe, dit quelque part M.de Fontenelle , qu'on foit blefté par un furieux ou par un étourdi > on n'en eft pas moins. blefié. La Fontaine, dans fa Fable de l'Ours & de PAmateur des jardins , dit auffi bien fenfément : Rien n'eft fi dangereux qu'un ignorant ami, Mieux vaudroit un fage ennemi, (9) LE: fi quelque bête de votre troupeau. ] C’eft ainfi que dans la Fable des animaux ma- lades de la pefte, l'Afne eft condamné pour une légére peccadille. , L'Afne vint à fon tour , & dit j'ai fouvenance Qu'en un pré de Moines paffant , La faim , l'occafion , l'herbe tendre , & je penfe Quelque diable aufli me pouffant , Je tondis de ce pré la largeur de ma langue ; Je n’en avois nul droit, puifqu'il faut parler net. À ces mots on cria haro fur le baudet: Un Loup quelque peu clerc ; prouva par fa harangue , Qu'il falloit dévouer ce maudit animal , Ce pelé, ce galeux , d’où venoit tout le mal? Sa peccadille fut jugée un cas pendable, Manger l'herbe d'autrui! quel crime abominable : (10) [ Et la victoire vous coute fs cher. 1 G ij LUE 76 Remarques Tout le monde fait la Fable de l'Huitre & des Plaideurs : en voici feulement la morale. Mettez ce qu'il en courte à plaider aujourd’hui, Comptez ce qu'il en refte à beaucoup de familles : Vous verrez que Perrin tire l'argent à lui , Et ne laiffe aux Plaideurs que ie fac & les quilles. (11) [ D'amitié par tout a des douceurs. ] Rien n'eftfi doux qu'un ami, quand il a de la candeur & de la difcrétion : mais que ces qualités font rares ! Qu'un ami véritable eft une douce chofe! I! cherche vos befoins au fond de votre cœur, 11 vous épargne la pudeur De les lui découvrir vous même. Un fonge , un rien, tout lui fait peur, Quand il s'agit de ce qu'il aime. L. Fontaine, Fable des deux Amis, Il n'eft point de plaifir égal à celui d'ouvrir fon cœur à un ami für, de dépofer dans fon fein fes plus cheres penfées, & de lui étre at- taché par le lien de l'honneur, de la vérité, du goût, & du plaifir. C'eft ainfi que le coeur de David, felon l'expreffion d'un Auteur, s'étoit znterné avec celui de Jonathas : coz- glutinata erat anima David anima Jonathe. Il y a dans la Henriade un morceau fur l'a- mitié qui a bien de l'élévation. Henri de l'amitié fentit les nobles flammes. Amitié, don du ciel, plaifir des grandes ames, " LJ * Jur le premier Livre. 77 Amitié, que les Rois, ces illuftres ingrats, Sont affez malheureux povr ne connoitre pas. Horace s'exprime avec tranfport, quand il décrit la rencontre qu'il fit à Sinueffe de trois de fes amis. Dieux ! quels amis c'étoit ! les trois plus grands génies, & les trois plus belles ames de Rome : Virgile, Plotius, Va- rius. Poffera lux oritur multo gratifftma : namque Pierius , & Varius Sinue[fa , Virgiliufque Occurrunt , anima quales neque candidiores Terra tulit , neque queis me fit devinétior alter: O qui complexus € gaudia quanta fuerunt! ——7, Ni! ego contulerim jucundo fanus amico, ( 2) [Car la terre, cette nourrice des bom- mes. ] Cet endroit eft imité de Columelle : » La terre, dit-il, a reçu del'Auteur de la na- » ture une jeuneffe éternelle ; elle a toujours » enfanté & enfantera toujours , & il n'eft pas » à craindre qu'elle tombe dans la vieilleffe » & la caducité comme l'homme. « Lucrece n'eft pas de cet avis dans fon fecond Livre : il penfe que la nature s'eft ufée à force de pro- duire; que les animaux font beaucoup plus petits que dans le premier âge du monde, & que tout dépérit fenfiblement. Cette opinion eft fauffe : la nature eft la méme; & les ani- maux feroient aufli robuftes & auffi grands qu’autrefois , s'ils vivoient à leur gré dans les bois. Voici les vers de Lucrece : G ij 78 Remarques Jamque adeo fratta eff atas effataque tellus, Vix animalia parva creat qua cunda creavit Sacla, deditque ferarum ingentia corpora partu. (13) [ Conffruifex une vaye couverte. ] Ce- la s'appelle auffi dans quelques endroits une pierrée. Voici comme les Auteurs qui ont écrit fur le ménage de la campagne & la cul- ture des terres , s'expliquent à cet égard. » On creufe en terre une rigole profonde de » trois pieds, on en remplit la moitié de pe- » tits cailloux, & l'autre moitié avec une » partie de la terre qu'on a tirée de la rigole » méme , & on l'égale au niveau du champ. » Quand on n'a ni pierres propres, ni gros » gräviers pour garnir le fond de la rigole, » on y met des javelles de farment bien liées, » & aflez grofles pour la garnir à moitié , & » lon jette des feuillages par deffus. Aux » deux bouts de chaque raye on fait avec de » grandes pierres deux efpéces de petit pont » pour foutenir les terres , & entretenir le » paffage & l'écoulement des eaux. Par ce » moyen les terres humides fe defféchent , & » deviennent trés-bonnes & très-fertiles em » bled. (14) [ Les Remains , maitres alors d’une grande partie du monde. ] » Ils defféchérent >> autrefois un marais aux environs de Be-- » ziers , près d’un village qu'on appelle Mon- » tedi ; & pour l'écoulement des eaux, per- » cérent la méme montagne que le célebre » Riquet, Auteur du Canal de Languedoc , -- Fur le premier Livre. 79 » &dontlenom fera immortel, fit auffi creu- » fer pour y pratiquer un paflage aux bat- » teaux. « Ceci eft tiré d'une note latine du Pere Vanniere. (15) [Lorqu'on perga la montagne à l'oc- eafion du fameux canal. ] VoyezleDiction- naire de Moreri. Il a depuis fon embouchure dans le port de Cette juíqu'à Touloufe, plus de foixante-dix lieues de longueur. Il a fallu fouvent le couder & le courber pour gagner le niveau autour des montagnes, l’affermir fur des pilotis dans des terreins mouvans, l'appuyer fur des ponts ou des arches de pier- re dans les vallées, efcarper ou abbattre cer- taines montagnes , en percer d'autres & les voüter pour le recevoir ; on a excavé plus de deux millions de toifes cubes de terre, & plus de cinq mille de rochers ; on a conftruit cent quatre éclufes pour élever ou defcendre les barques, feize énormes chauflées pour repouffer les eaux incommodes , vingt-qua- tre épanchoirs pour lâcher les eaux du canal, quand on craint qu'il ne s'emplifle de fable ou delimon. On compte dans cet ouvrage plus de 140000 toifes cubes de maçonnerie en pierres, à quoi il faut ajouter les jettées de 200 toifes, & le mole de $oo, qui cou- 'vrent à préfent le port de Cette. (16) [ Alors cet ancien monument de ls grandeur Romaine. | ll y a dans le texte : Prifcofque labores O ppofuit noftris Romana potentia ceptis. G iiij 80 Remarques Ce vers eft bien majeftueux , & donne uné belle image de la grandeur Romaine : il fem- ble qu'on voye le génie de Rome & celui de la France, rivaux Pun de l'autre, & furpris de leur rencontre, fe difputer la fupériorité fous la voûte de la montagne. Cette penfée feroit honneur méme à Homere & à Virgile. ( 17) [ Ce monument eff votre owvrage , fa- meux Riquet. ] La jon&ion des deux mers avoit toujours paru impoffible; parce qu'en- ire la Méditerranée & endroit od la Garon- ne commence à être navigable, il n'y avoit que quelques filets d'eau , & un intervalle de pius de quarante lieues. Cependant , quoique ce terrein fût immenfe, inégal, & fort éle- vé vers le milieu, au-deffus du niveau de la mer, M. Riquet, dela villede Beziers , eut affez de pénétration pour concevoir nette- ment le projet d'un canal oü les barques franchirosent cette hauteur , & pafleroient en montant & defcendant de Touloufc à la Mé- diterranée, & dela Méditerranée à Tou- loufe. Il y a long-tems qu'on a propofé de faire en Bretagne deux canaux également uti- les, l'un qui joindroit la riviére de Rennes à celle de Dinan , & l'autre qui formeroit une communication entre la Vilaine & la riviére de Laval. Il réfulteroit de ces deux jonétions un commerce confidérable qui enrichiroit plufieurs villes, & fur tout Rennes où le commerce eft mort , & où l'habitant n'eft pas dansl'aifance. Jecrois & l'on doit penfer que des motifs plaufibles ont empêché l'exécution “fur le premier Livre, 8: de cette entreprife : mais le zéle de M. le Duc d'Aiguillon, ainfi que des principaux chefs des Etats, pour les vrais intérêts de la Province, & le choix éclairé qu'on a fait de M. de la Bourdonnaye, pour remplir la pla- ce de Procureur Général Syndic, font efpé- rer que ces canaux feront commencés & mé- me achevés en peu de tems. (18) [Et non par l'intelligence de la ba- guette. | On a découvert la fauffeté des mer- veilles qu'on attribuoit à cette baguetre ; on a démontré l'impoffibilité de fa prétendue ac- tion fur les tréfors & fur les fources, & l’on en fait à préfent auffi peu de cas que du petit bâton d'un joueur de gobelets. ( 19) [Avec des baguettes courbes. | C'é- toit un petit bâton recourbé par le haut en forme de croffe, dont fe fervoient les Augu- res dans leurs fon&tions , pour défigner dans le ciel les quatre points principaux qui de- voient fervir à déterminer les bons ou les mauvais augures. (20) [Soit que les eaux de pluye.] Le Pere Vanniere décrit ici différentes opinions fur l'origine des fontaines, & paroit fuivre celle de Defcartes, qui croyoit que l'eau de la mer fe répandoit fous terre de tout côté, & que trouvant au pied des montagnes des ou- vertures fpacieufes, & un dégré de chaleur capable de la faire monter en vapeurs, fans élever avec elle les fels que leur poids fait de- : meurer au fond , le haut des cavernes arrétoit & épaiffiffoit cette vapeur , & en formoit des 82 Remarques ruifleaux , comme le couvercle d'un alambie réfout en eau la vapeur qui s’y.attache. Le Pere Rapin, qui a aufli parlé de l'origine des fontaines, aprés avoir expofé différens fentimens , en adopte un contraire à celui du Pere Vanniere. Il croit que l'eau de la mer vient en droiture jufqu'aux fontaines, qu'elle dépofe fon fel & (es immondices en fe filtrant - à travers les terres, & qu'elle s'épure ainfi à force de pafler au milieu des rochers & des fables qu'elle rencontre. Interior nam cum raro fit corpore tellus , Inque fpecus altos imperfoffofque meatus Interdiem de[cendat , & in loca concava fidat | Unda maris , rara per curva foramina terra Peraue finus ipfos furtivo lubrica lapfu Paulatim infinuat fefe, cecumque per imos Aut quarit calles ster ; aut molitur eundo, JE tque ubicunque magis rupta fe vifcera terre Diducurt crebroque patent adaperta meatu Tum largus magis atque magis fe fundit aqua fons ldeirco latices manant ex aquore falfo a TE - P te te tnt Non falfi : nam cum multum tellure fub ima Mulriplices fe per falebras & acerba locorum Perque cavos flexus © inaquales per arenas Tor[it ageus maris unda , falis qua craffa marins Materies barebat aqua purgatur : ' omne Ceu per cola means virium derergitur unde. M. Pluche eft d'un fentiment contraire à toutesces yang: ; & foutient que les vapeurs de la mer font beaucoup plus que fuffifantes . fur le premier Livre. 8; pour fournir d’eau la furface de la terre & le lit des riviéres ; que les pointes des montagnes font deftinées à arrêter les vapeurs de la mer qui flottent dans l'air ; que les efpaces qui fé- parent ces pointes font les baffins préparés pour recevoir les brouillards épaiffis, & les nuées précipitées en pluye ; que leurs entrail- les font nos châteaux d'eaux ou nos réfervoirs communs; qu’enfin les ouvertures latérales ar lefquelles les eaux coulent, font placées à l'égard des plaines de façon que l'eau y puiffe tomber, s'y répandre, & les fertilifer plutôt que de prendre fa route par deffous terre, & de regagner ainfi la mer, aprés avoir fait une circulation inutile. Le fentiment de M. Plu- che eft folidement prouvé & appuyé des ob- fervations de M. Mariote , qui a calculé com- bien il peut tomber de pouces d’eau fur la terre en ua an. — (21) [ Semble par fes coaffemens rététer les anciennes injures des payfans de Lyciz. | Les habitans de cette contrée furent changés en grenouilles , pour avoir accablé d'injures La- tone, mere de Diane & d'Apollon qu’elle portoit encore dans fon fein, & pour l'avoir empéchée de fe défaltérer au bord du marais où ils étoient à couper des joncs. Ovide L. e. Métamorphofe 4. termine ainfi cette Fable : Sed nunc quoque turpes Litibus exercent linguas , pulfoque pudore Quamuis (int (ab aqua , fub aqua maledicere tentant : Vox queque jam rauca eff inflataque colla tumelcuns * Tpfaque dilatant patulos convitia riéfus, r, 84 Remarques (22) [ Er des bétres. | Le Pere Vanniere a raifon de parler ainfi du hêtre, parce que ce bois travaille tant qu’il dure, & tourmente continuellement les affemblages. (23) [1l échangeroit l'or & Pargent avec de vil papier. ] Il paroît que l'Auteur à ici en vüe les Billets de banque, qui ont fait tant de bien & tant de mal dans la France. L'inimi- table Auteur des Lettres Perfanes a plaifam- ment allégorifé cette révolution dans les Fi- nances. » Dans une ifle prés des Orcades, il » naquit un enfant qui avoit pour pere Eole, » Dieu des Vents , & pour mereune Nimphe » de Calidonie. .. . Il apprit dans fes voya- » ges que dans la Bérique l'or reluifoit de >» toute part : cela fit qu’il y précipita fes pas. » Il y futfort mal recu de Saturne qui régnoit » pour lors. Mais ce Dieu ayant quitté la » terre, il s'avifa d'aller dans tous les carre- » fours, où il crioit fans cefle d'une voix » rauque : Peuples de Bétique, vous croyez » être riches parce que vous avez de l'or & » de l'argent; votre erreur me fait pitié. » Croyez-moi, quittez le pays des vils mé- » taux, venez dans l'Empire de l'Imagina- » tion, & je vous promets des richeffes qui » vous étonneront vous-mémes. Auffitór il » ouvrit une grande partie des outres qu’il » avoit apportées , & 1] diftribua de fa mar- » chandife à qui en voulur. Le lendemain il » revint, & s'écria : Peuples de Bétique, » voulez-vous être riches? Imaginez-vous » que je le fuis, & que vous l'étes beaucoup DO 'Á————" ———— À— — —— M ———É UU S * fur Le premier Livre. 85 w agfli. Mettez- vous tous les matins dans l'ef- » prit que votre fortune a doublé pendant la » nuit. Levez.vous enfuite ; &, fi vous avez » des créanciers, allez les payer de ce que » vous aurez imaginé, & dites leur d'imagi- » ner à leur tour. A quelques jours de là il » revint encore , & dit : Peuples de Bétique, » je vous avois confeillé d'imaginer, & je » vois que vous ne le faites pas. Hé bien! à » préfent je vous l'ordonne. J'apprens que » quelques-uns de vous font affez déteftables » pour conferver leur or & leur argent : » encore paffe pour l'argent. Mais pour de »lor:.... Maispourdelor!.... Oh! » cela me met dans une indignation! ..... » Je jure par mes outres facrées, que s'ils ne » viennent me l'apporter, je les punirai févé- » rement , &C. « (24) [ Les Languedociens. ] Ces peuples s'appelloient anciennement Teéfofages. C'é- toient du tems des Gaulois les peuples qui ha- bitoient une partie de la Gaule Celtique, en- tre iles Pirenées & les Cevennes, & qui étoient fi puiffans & fi nombreux, qu'il s'en détacha une colonie pour traverfer la Gréce , alors triomphante. Ils furent s'établir au-de- là de la Phrygie & de la Cappadoce , fans qu'aucun des peuples voifins ofat les attaquer niles inquiéter. Pline & Florus les appellent JT boliflobogi. (25) [ Le nerveux foffoyeur. ] Ce mot a. deux fignifications ; il fert à défigner les gens qui ouvrent les foffes pour enterrer lesmorts, $6 Remarques ainfi que les ouvriers qui font des foffés dans les campagnes pour l'écoulement des eaux. J'héfitois d'employer ce mot, dans la crainte que le Lecteur ne confondit ces deux for- tes d'ouvriers : mais on m'a dit que, pour exprimer ce dernier fens, il n’y avoit point d'autre terme généralement connu en Fran- ce. En Bretagne on appelle ces gens Coz- voyeurs ou Lambalais, parce qu'ils font preíque tous des environs de Lamballe, & la terre glaife dont ils fe fervent pour les foffés fe nomme dz conroi. Mais ces termes font lo- caux, ufités feulement dans cette province, & re s'entendroient point ailleurs. * - (26) [ La rujée Theflilis. ] Sous ce nom on comprend généralement toutes les villa- geoifes. C'eft auffi dans un fens générique que Virgile Pa employé. Ezl.2. Theffilis & rapido feffis mefforibus aflu Alia ferpillum queherbas coutundir olentes. Théocrite , Idylle 2, donne ce nom à une em- oifonneufe, (27) [ La paver. ] Virgile ne confeille pas de paver l'aire , mais de la pétrir en quelque forte, & de Paffermir avec de la terre vif- queufe. Area cum primis ingenti aquanda cylindro E: vertenda mang & creta [olidanda tenaci. (28) [ La Garonne. ] Cette riviére a fa * fur le premier Livre. 87 ource dans les Pirenées près de la Catalo- gne, traverfe le haut Languedoc & toute la Guyenne; &, ayant reçu la Dordogne, elle prend le nom de Gironde fous lequel elle fe décharge dans la mer de Gafcogne, près de la Tour de Cordouan. Il ya dans les Pire- nées quantité de mines de fer ; c’eft pour cela que le Pere Vanniere dit que les habitans manient avec des tenailles de groffes mafles de fer, parce que la plupart font forgerons. Il y a dans le texte maffas Chalybis. Le mot Chalybs dont on fe fert pour exprimer l'acier ou le fer, dérive des Chalybes, peuples qui forgeoient beaucoup de fer, & qui felon Pli- ne habitoient les bords du fleuve Thermodoon dans la Cappadoce ; mais qui , felon Juftin & plufieurs autres Auteurs, font les mêmes que. les habitans des Pirenées. Virg. Georg.L. 1. India mittit ebur , molles fua thura fabai. At Chalybes nudi ferrum. Et dans un autre endroit il employe le mor Chalyës pour l'acier. Vulnificu[que Chalybs vafla fornace lique[cit. Le Poëte Flaccus L. 4. Argonaut, parle auffi des Chalybes, — * | Non ità fit metuenda tibi [eviffima quanquam Gens Chabybum duris patiens cui cultus in arvis Er tonat afflictá femper domus ignea maffa, 88 Remarques Rouffeau , dans fà Cantate des Forges de Lemnos: C'eft ainfi que Vulcain, par l'Amour excité , Armoit coatre lui-même une époufe volage, Quand ie Dieu Mars encor tout fumant de carnage, Arrive l'œil en feu, le bras enfanglanté. Que faites-vous, dit-il, de ces armes fragiles, Fils de Junon , & vous Chalybes affemblés ? Eft-ce pour amufer des enfans inutiles, Que cer antre gémit de vos coups redoublés ? (29) [ Voyez combien les Anglois ont z fouffrir. | I] en meurt beaucoup de la mala- die de con/omptisn , que leur caufe, dit-on, la fumée du charbon de terre. Quand ils font attaqués de cette maladie, ils font dans l’ufa- ge de venir à Montpellier pour refpirer un air plus pur. Le Pere Vanniere fait fentir avec efprit que les Francois feront bientót dans le méme cas; à moins que les Grands-Maitres des Eaux & Foréts ne prennent des précautions pour faire planter de nouveaux bois , ou pour empécher la trop grande confommation qui s'enfait. Il y a des gens qui foutiennent qu'a- vant foixante ans nous ne pourrons plus nous chauffer qu'avec du charbon de terre. Voici ce que difentles Auteurs du Diétionnaire En- ciclopédique au mot Bois : » Le bois de chauf- » fage ne peut devenir egtrémement rare & » d'un grand prix , fans chaffer de la capitale » un grand nombre de fes habitans. Or il eft » conftant que la capitale d'un royaume ne » peut être attaquée de cette maniére, fans » que lA———— ———————— — * fur le premier Livre. 89 » que le refte du royaume s'en reffente. Je » ne prévois qu'un reméde à cet inconvé- » nient; & ce reméde eft même de nature à » prévenir le mal, fi on l'employoit dés à » préfent. Quand les foréts des environs de » la ville furent épuifées, il fe trouva un hom- » me qui entreprit d'y amener à peu de frais » les bois des forêts éloignées, & il y réuflit. » Lorfque la négligence, dans laquelle on per- > fifte, aura achevé de détruire les forêts » éloignées, il eft certain qu’on aura recours » au charbon de terre ; & il eft heureufement » démontré qu’on en trouve prefque par tout. Mais pourquoi n’en pas chercher, & » ouvrir des carriéres dés aujourd’hui? Pour- » quoi ne pas interdire l'ufage du bois à tous » les états & à toutes les profeflions dans lef- EJ » v quels on peut aifément s'en paffer > Caril en faudra venir là tôt ou tard ; & fil'on s'y prenoit plutôt, on donneroitle tems à nos » foréts de fe rétablir : & en prenant pour » Pavenir d'autres précautions que celles » qu'on a prifes pour le paffé, nos foréts , mi- » fes une fois fur un bon pied, pourroient >> fournir à tous nos beíoins, fans que nous » euflions davantage à craindre qu'elles nous » manquaffent. Il me femble que les vües que » je propofe font utiles : mais j'avoue qu'ei- » les ont un grand défaut ; celui de regarder » plutót l'intérét de nos neveux que le nótre, » & nous vivons dans un fiécle philofophique » où l'on fait tout pour foi, & rien pour la >> poftérité. Tome I. H Ÿ 90 Remarques (30) [ Nous vous pleurons encore, Bois charmant. ] L'Auteur exprime, avec une élo- uente douleur, les regrets qu'il a d’avoir vü abbattre ce bois. La defcription qu’il en fait, ainfi que des autres agrémens de la maiíon de plaifance , lui tient lieu d'Epifode pour termi- . ner fon premier Livre. ( 31) [ Vous avez été couronné tant de fois. ] On reçoit à l’Académie de Touloufe ceux qui ont remporté trois prix. Le Pere Cleric avoit déja été couronné huit fois. (32) [ Soit que digne émule de votre frere. ] Campiftron a fait plufieurs Tragédies , mais trés- peu de bonnes : il n'eft refté au Théâtre Frangois qu'une ou deux de fes piéces, enco- re les joue-t-on rarement, C’eft le fort qu'ont les Tragédies de prefque tous les Auteurs mo- dernes; elles tombent dans l'oubli dés leur vivant. (33) [ Par des vers auffi toucbans que les accens d'Orpbée. | Tout le monde fait qu'Or- phée defcendit aux Enfers pour chercher fa femme Euridice, & que Pluton fut fi charmé des fons de fa lire, qu'il lui permit d'emme- ner fa femme. Qu'il y a peu d'Orphées au- jourd'hui à tous égards! Voyez le bel Epi- fode qui eft à la fin du quatriéme Livre des Géorgiques. (34) [ Sestraits avec une fecrette vénéra- tion. | Guillaume de Lamoignon fut , en qua- lité de Premier Préfident du Parlement de Pa- ris, à là tête de la Commiflion nommée par le Roi pour la rédaction des Ordonnances. * fur le premier Livre. 91 (3$) [Comme votre éloquence. | Vanobf- tal Sculpteur , ayant fait des bis-reliefs pour une Dame, & n'ayant demandé fon paye- ment qu'un an aprés avoir livré fon ouvra- ge, on oppofa au Sculpteur la prefcription annale de la Coutume de Paris , qui rend la demandé d’un Artifan nulle, s'il n'a fait des diligences dans l'année ; le Sculpteur répondit que l'article de la Coutume étoit pour les Arts méchaniques : mais que la Peinture & la " Sculpture font des Arts libéraux. M. de La- moignon plaida pour Vanobftal , & l’Acade- mie fit imprimer fon Plaidoyer. Elle fit plus : pour reconnoitre le fervice que POrateur avoit rendu aux Arts , elle chargea M. Girar- don de faire fon bufte , & M. Champagne de faire fon portrait. M. le Brun fut engagé à folliciter M. de Lamoignon de fouffrir cette marque de diftindion; mais lOrateur fut conftant à la refufer , & tout ce qu'on put ob- tenir de lui fut que l'on feroit le bufte & le portrait de M. le Premier Préfident fon pere : ce qui fut exécuté. M. Clement, connu par beaucoup de devifes & d'infcriptions eftimées ,. fit celle-ci qui fe lit au-deffous du bufte. Quod Artis immunitates apud ampliffissum Ordinem patrocinio praclare deffenderer, Grai animi monimentum fibi nuncupatum Optimo parenti confecrari maluerit, US Hi DAS SN 8 LACET Xe * 4 LANCE RM S. TD De ten CER Ro SR DNA ŒCONOMIE RUIR A LE: LIVRE SECOND. Choix des Domefliques , 6 leurs différentes fonéons dans la culture des terres. bien choifir les Domeftiques ; & puifque celui qui trace les fillons les plus droits, eft l'ouvrier qui la- boure le plus utilement , ayez-en un fur-tout d'une taille avantageufe , qui, fans étre cruel, ne donne de la crainte à fes boeufs que par fon ex- térieur ; qu’il ait les bras nerveux, l'air formidable , & la main retenue ; F7. VAIS maintenant enfeigner à RURALE. Liv.II. 93 que content de les menacer, il n'aug- == mente pas, à force de coups, la du-Domesri- reté de leur travail, mais qu'il les? *** excite par des termes d'encourage- ment, & qu'il fe faffe obéir par les éclats de fa voix, plus que par les coups d'aiguillon. Un grand corps , appuyé fur le manche de la charrue, fait des fillons bien plus profonds, & remue bien plus facilement les ter- res qu'une année de repos a durcies : comme fa taille lui permet de voir par deffus les boeufs , quoiqu'il marche derriére eux au milieu du terrein qu'on laboure , ila le coup d'oeil jufte à chaque extrémité du champ, & s'il y a quelque chofe en terre qui réfit- te & mette les boeufs en danger de fe démettre le cou, ou de brifer leurs cornes , 1l fait faire adroitement à la charrue un petit circuit. Qu'il connoiffe la pratique de la campagne & les faifons propres au labourage. Il ne doit pas ouvrir la terre quand elle eft trop dure , ni quand elle eft abreuvée d'eau : car, fi on la remue quand elle eft féche , {es fucs nourriciers s'évaporent , CHOIX DES DOMEST:1- QUE s, 94 ŒCONOMIE * & fi on rompt les guéréts lorf- qu'elle eft imbibée d'eau , il. n’eft plus pofhble de toute l'année de la difpofer à produire. Quand une terre forte boit dif- ficilement les eaux de pluie, on ne l'ouvre que loríqu'elle eft féche & vers la fin du printems , avant que les graines des mauvaifes herbes qu'elle a produites ayent quitté la goufle & puiffent en tombant nui- re aux moiflons. Mais peu de tems aprés on lui donne un autre labour qui croife les premiers fillons. On ne doit pas non plus fur les coteaux tracer les fillons d'une fa- con toute uniforme , mais il faut conduire les taureaux de haut en * 1l y a dans le texte : Veriiur infza&is que tellus bumide glebis. Ce mot izfradiis eft pris dans un fens affirma- tif : fens que V irgile lui a donné en différens endroits. Turnus ut infraflos adverfo marte Latinos, /£neid.] 12. LJ Nec J avis imperio farifue infratla quiefeu. &neid. L $. RURALE. Liw. II. 9; bas & de bas en haut , de facon que la charrue fuive une ligne dia- 554.7; gonale en croifant les fillons. QUES M DES Le laboureur & le berger tirent Le paiteur. avantage mutuellement de leurs tra- vaux : car quoiquils tournent iou- vent ieurs vües fur des objets dif- férens , quoique le laboureur n'aime pas l'aerbe dans un champ, que le paiteur la cherche , & qu'il fuye avec foin les lieux couverts de buif- fons & d'épines , il ne laiffe pas d'y avoir du rapport entre leurs travaux maleré l’oppoñition apparente de leurs inclinations. L'un. donne fon travail à la terre , l'autre lui fournit le fumier de fes brebis.Les troupeaux rendent les champs fertiles, & ceux- ci nourriffent les troupeaux du plus tendre gazon. Les beftiaux qui man- quent de pâturages, & les campagnes qui ne font pas couvertes de trou- peaux dépériffent bientôt. ( 1) Les plus grands Généraux des Romains cultivoient eux-mêmes au- trefois leschamps qu'ils avoient con- quis à la pointe de l'épée. Rome a: fouvent tiré de la charrue , des la- CHO1Xx DzS Donztsrri- QUES. 06 (ÉCONOMIE boureurs pour les mettre à la téte de la République dans des tems orageux; & les troubles appaifés , ces grands hommes dépofoient les faifceaux & retournoient à leurs champs : les taureaux au labourage obéiffoent avec plus de joye à un maitre dont les nations domptées avoient fubi le joug. (2) La terre ouvroit fon fein avec plus de plai- fir à un foc chargé de lauriers , & furpaffoit les vœux de ces labou- reurs * conquérans. Si cependant j'ouvre les livres fa- crés & veux m'en rapporter aux an- ciennes hiftoires,on croyoit (3) qu'il étoit plus noble de garder les trou- peaux de fes peres que de fatiguer ja terre par des travaux pénibles pour mériter fes dons : car dans les premiers âges du monde , & dans les ** fiécles d'or, la race auguíte * Gaudente terrá vomere laureato (o trinm= phali aratore. Plin. 1. 18. c.3. ** On pourroit dire comme Ovide : "aurea nunc veré funt facula plurimus auro Venit bonos : auro conciliatur amor, «4» des RURALE, Liv. II. 07 des Rois ne dédaignoit pas de por qm ter la houlette en attendant le fcep- 553, tre : un Prince conduifoit les trou- o v 5s peaux avec douceur pour appren- dre à gouverner les peuples avec humanité, & à ne pas s'approprier leurs biens avec la cruauté de ces pafteurs qui tondent juíqu'au' vif leurs brebis, mais à recevoir avec bonté le fuperflu , à traire avec mo- dération & non pas jufqu'au fang. Comme en ces tems la terre en friche n'étoit qu'une vafte plaine,les pafteurs errant avec leurs troupeaux dans ces déferts immenfes > & vi- vant dans l'oifiveté fous un ciel pur & fcrein , apprirent non feulement quel étoit l'art de conferver les troupeaux , & quelles herbes leur étoient falutaires , ou pernicieufes : mais leur efprit fut curieux de pé- nétrer Jufqu'aux régions céleftes » (4) de connoitre les phafes & les éclip- fes dela lune , & les différentes ré- volutions du ciel. Ils furent les pre- miers à obferver le cours infenf- ble des aftres , à fixer les deux poles du monde & à lui donner un axe Tome I. I CHo1x DES DOMESTI- QUES. 98 ^ (ECONOMIE fur lequel il tourne. Ils fuivirent le foleil dans fes différentes maifons , ils compterent les fignes du zodia- que & leur donnerent des noms dif- férens , voulant que le bélier qu'on voit le premier à la tête des trou- peaux füt auffi la premiére conftel- lation , & (s) qu'il ramenát chaque année comme il ramene les brebis au bercail. De plus lesbergers furent les pre- miers à imiter le ramage des oifeaux par les chants mélodieux dont ils firent retentir les airs. Ils tirerent auffi des fons du chalumeau & con- vinrent d'en joindre plufieurs en- femble avec de la cire ou dela poix, de faire des paroles pour l'air qu'ils avoient compofé & de les aflujet- tir à une certaine mefure : (6) c'eft encore du mode paftoral & des pi- peaux ruftiques que nous nous fer- vons nous autres poëtes quand nous voulons chanter les doux loifirs de la vie champétre, ou de chaftes amours. | Mais hélas ; combien tout chan ge avec le tems, ce font aujourd’hui A. Ou Wo PTT - RURALE. Liv. II, de vils domeftiques (7) qui font l'emploi d'Apollon & des Rois du premier âge ; c'eft un homme ftu- pide & groffier qui conduit les trou- peaux , tandis qu'autrefois ce foin n'étoit confié quà des enfans bien élevés & d'une condition libre. Choïfiflez parmi ces gens de néant quelqu'un qui foit honnéte homme , dont l'humeur plaife davantage que la figure , qui fache conduire & íoi- gner les troupeaux dés fes plus ten- dres années, qui n'ait pas recu la méme éducation qu'on donne aux enfans de la ville, & qui ne foit plus dans fa premiére jeuneffe ; que Íon âge pourtant ne touche pas à la caducité , dans la crainte, Que la difficulté de marcher ne le rende parefleux & ne le faffe arrêter avec fon troupeau dans les champs les plus proches, ou que couché fur l'herbe tendre , il n'obferve pas afiez les mouvemens de fes brebis : elles demandent que les yeux du pafteur foient toujours en fentinelle, de peur que fi quelqu'une d'elles - S'arréte , ou devance le troupeau , Li CHOIX DES DOMESII- QUES, ed CHOIX DES DOMESTI- Q'ULESS Le Chévrier, 100 (ÉCONOMIE ou s'écarte dans la plaine , le loup qui eft en embufcade ne forte de ía retraite, n'enleve cette brebis vaga- bonde , (8) & ne l'emmene toute tremblantedanslefortdes bois. Alors illa charge fur fon cou, où1lla tient avec fes dents par l'oreille , &de fa queue lui frappe le derriere & les flancs , lorfqu'elle réfifte, tandis que par fes trifles bélemens elle appelle envain le fecours du berger trop éloigné pour la fauver, Que celui qui conduit un trou- peau de chévres à travers les ro- chers les plus eicarpés, ait un tem- pérament à l'épreuve de la neige & des brouillards , & qu'il ait le cou- rage de fuivre ce sanimaux grim- pans dans les endroits les plus ru- des & les plus dangereux. L'air fau- vage de ces lieux rend farouches le caractére & la figure du chévrier , & lui fait perdre l’ufage de la lan- gue ; mais que ces confidérations ne vous rebutent point , pourvü que yos chévres reviennent du pâtura= ge avec beaucoup de lait. Un fermier doit entendre la con- RURALE. Zw#w:11, 1o: duite des troupeaux & la pratique = du labourage : ce font là les deuxpomesri. pivots de l'agriculture.Il doit propor- 2v * s tionner les travaux ruftiques , dont nous reprendrons le fil dans la fuite, au génie & à la force de ceux qui le fervent : car de méme que les hommes différent entre eux pour la figure , & qu'aucun ne fe reffem- ble pour la force du corps ou les lumiéres de l'efprit , de méme à la campagne il y a différentes fortes de culture ; celle-ci veut qu'on af- focie l'art à la force, celle-là de- mande plus d'art que de vigueur : pour l'une i| faut un homme de tête & d'expérience , l’autre n'a befoin fimplement que de gens ro- buftes. Ne prenez point pour des ouvrages fatiguans de ces domefti- ques lâches dont la force eft épui- fée en un inftant , qui travaillent nonchalament à la terre , qui laif- fent toujours par adrefle & fuper- cherie quelques endroits en fri- che , qui ne creufent Jamais à la profondeur néceflaire , mais qui fe contentent de remuer la fuperficie | I uj CHoIX Dp:S DoMESsTiI Q U E.$S. Le Jardinier- potagifte, Le Fermier. 102 (ECONOMIE de la terre avec l'inftrument le plus léger. Les légumes demandent des jar- diniers vigoureux & diligens qui connoiffent les terreins propres à chaque efpéce , ils doivent fatiguer fans ceffe un potager par leur tra- vail , donner des attentions par- ticuliéres aux Jeunes plantes , éten- dre leurs précautions à l'avenir , foigner le fond du maitre avec oeco- nomie, s'attacher à faire venir du fruit plus qu'à fe faire un nom par de frivoles curiofités. Mais furtout gardez-vous de pren- dre à votre fervice ces Jardiniers préfomptueux qui fe vantent d'avoir une nouvelle méthode, & (9) qui n'ont que du Jargon fans talens , qui n'approuvent rien de ce que les au- tres ont fait, qui changent & boule- verfent tout & réparent moins un jardin qu'ils ne le détruifent , repaif- fant leur maitre d'efpérance fans jamais couvrir fa table d'un feul fruit. Ainfi qu'à la guerre l'efpoir & la viétoire ne fe rangent pas du par- RURALE. Liv. II. 103 ti le plus nombreux & le plus vail- lant , fi le Général fans expérience ne fait pas conduire les troupes au combat ; de méme à la cam- pagne eufhez- vous des légions d'hommes , vous ferez peu de pro- gres fi le chef de la bande ne fait pas faire valoir les bras & les for- ces dont il difpofe par des ordres donnés à propos. Sous un mauvais fermier vos champs deviennent mai- gres,vos bois font dégradés, vos tail- lis mal gouvernés : le troupeau & le berger lui même manquent de nour- riture ; les taureaux fans conduc- teur défolent les moiffons & fou- lent impunément lherbe des prai- ries ; les champs font ouverts aux rapines , & celui qui doit veiller pour s'y oppofer eft le premier vo- leur , i1 s approprie une partie de la cueillette des noix & des pommes , demande à fon maitre plus de grains quil n'en faut pour enfemencer la terre & en garde une partie , ne porte pas toute la récolte aux gre- niers & diminue les revenus par les faux frais : la vigne eft hériflée de | I uj CDUYIUUE Em CHOIX DES DOoOMESTi- QUES. Le mauvais Fermier, CHOIX D!5 D Q 104 (ÉCONOMIE chardons & de mauvaifes herbes ; oxzrsirle défaut d'arrofement fait mourir UE S. les jeunes arbres , & ce n'eft qu'un bois fec comme un échalas qui eft fur pied au lieu d'un plane qu'on croyoit avoir , ou bien c’eft un ar- bre tout penché qui étend fes ra- meaux juiqu’à terre & qui demeure contrefait , parce qu'on n'a pas eu le foin de le foutenir avec un appui dans fes premiéres années , ou par- ce quil a été battu par les vents du midi: le fermier pareffeux voit la tète de cet arbre courbée & fes branches balayer la terre fans dai- gner lui préter fecours , ni le foute- nir avec un pieu qui mette fa tige à l'abri des vents : fous un pareil fermier,s'il l'eft longtems,les fontai- nes mêmes courent rifque de perdre leurs eaux , les prairies deviennent ftériles , les eaux entraînent la terre des collines ; ; & lorfque ce fermier a ruiné & mis en difcrédit une fer- me pendant quelques années,il vous laiffe un procés à vuider pour tout payement. IL arrive méme fouvent qu un pre- n——— -— RURALE. Liv. II, 105 mier créancier peu complaifant tou- 777. che l'argent qui devoit revenir au pou: sc maitre & dépouille le fermier de tout fon bien par autorité de juftice. Ce fermier négligent voit mettre à l'encan la récolte qu'il avoit gar- dée foigneufement pour l'hiver, ain- fi que fes lits, fes vins , fes uften- ciles de ménage, & tout ce qu'il avoit acheté de l'argent du créan- cier. On vend méme jufqu’à fes voi- tures & fes bœufs qu'il voit trif- tement obéir à un autre maitre : pénétré de douleur il retourne à fa maifon auffi dégarnie de meubles quil eft dépourvü d'argent , mais bientót la farm importune l'en chaffe & l'oblige d'aller fervir aprés avoir été maitre : exemple frappant pour les fermiers pareífleux qui devroit leur apprendre à aimer le travail & à vivre d'oeconomie. Heureux les champs qu'un fer- ;.ponper. mier connoit de longue main & mic. quil cultive avec une nombreufe famille ! il croit Jouir de fon patri- moine lorfqu’il a eu fes ayeux pour prédéceffeurs dans la même ferme. CHOIX DFS DoMESTI QUES, * Devoits du Fermier, 106 ŒCONOMIE Qu'il ne foit ni trop jeune ni trop vieux ; la jeuneffle eft inconfidérée , & la vieillefle trop lente : quoique l'agriculture exige la tête d'un vieil- lard & la main d'un jeune homme, cependant un maître qui a l’un ou l'autre de ces âges fe fait obéir dif- ficilement par fes domeftiques, parce qu'ils trouvent que l'un ne fait pas commander , & que l'autre n'exécu- te pas ce quil commande : or l'exem- ple du maitre fait plus d'effet que fes ordres,car encampagne fi le domefti- que fe croit plus habile que le fer- mier, les commandemens de celui-ci font mal exécutés. Un bon fermier fe fait à lui-mé. me un plan de vie & de travail , il . difpofe en fa téte & par ordre l'ou- vrage de toute une année, & chaque foir il avertit les domeftiques avant qu'ils aillent fe repofer de ce qu'ils auront à faire le lendemain. Il eft toujours le dernier à fe coucher , voit fi les portes font exa- étement fermées & peuvent réfif- ter aux entreprifes des voleurs ; il vifite les étables , examine s'il a de la litiére fraiche fous les bef- RURALE. Liv.II. 107 tiaux & fi les rateliers font aflez garnis de foin pour les longues nuits d'hiver. Dès que le coq chante il fe leve & n'entend pas que fes do- meftiques aillent lentement à l'ou- vrage , mais qu'ils s'y préfentent courageufement comme s'ils alloient au combat pour repoufler l'ennemi ; il a l'eeil à tout , excite au travail, reprend vivement les ouvriers né- eligens , fait l'éloge de ceux qui font habiles & vigoureux, diminue par quelque récit agréable le poids du travail, & ne voit qu'avec regret approcher la fin du jour & de l'ou- vrage. S'il * s'appercoit que lesfor- ces manquent à quelqu'un de fes gens, il s'empreffe à lui donner du foulagement, & le renvoye au lo. gis : caril vaut mieux laiffer un do- meftique fe repofer pendant quel- ques jours , que de l'expofer à une longue maladie, pour avoir négligé : x CHOIX DES DOMESTI- QUES, d'abord de le foigner. Un bon fer- : mier n'ufe point de vilaine fuperche- rie dans la préparation des méts ; il. prétend que la nourriture foit pro- - * Voyez Columelle, liv. 1. c. 8. CHOIX DES DoMESsTI- QUES, 15$ (ÉCONOMIE portionnée à la fatigue & au travail ; un intérét fordide ne lui fait point méler de l'eau avec le vin , m don- ner du fon paitri pour du pain; il penfe avec raifon qu'il y auroit de l'inhumanité à refufer aux laboureurs les befoins de la vie, puifque la ter- re tient d'eux toutes fes richeffes ; le fermier & les compagnons de fes travaux prennent les mêmes alimens, & le méme vin coule indiftinétement pour tous les convives. Souvent le maitre , quoiqu'il n'ait pas befoin de confeil, fait des queftions à fes do- meftiques fur la culture de la terre ou de la vigne, pour favoir lequel mérite le mieux fa confiance. Cata&tére & mœurs du Fermier. La douceur fait fupporter le com- mandement. Un bon fermier s’em- porte peu, & ne fe permet les coups que rarement. * Il aime mieux par fa vigilance empécher fes domefti- ques de tomber dans des fautes , que de les punir quand ils font coupables. Il réprime quelques défauts par la crainte , mais la pureté de fes moeurs corrige davantage. Les rudes * Voyez Columelle, liv. 12. ch. 1. RURALE. Liv. II. 109 travaux aufquels il exerce fon corps === confervent l'innocence de fon ame. DORE Es Les crimes féduifans , ignorés fous" ** les toits ruftiques , font bien plus de progrès dans les grandes villes, où régnent plus communément le repos & l'oiiveté : (10) le travail, ce grand maitre des moeurs, contient les gens dela campagne par d'hon- nétes occupations ; le fermier don- ne l'exemple ; les domeftiques, té- moins de fa conduite & compagnons de fes travaux, imitent fes actions, ( 11 ) bien loin d’être complices ou miniftres de fes pafhons, comme il arrive dans le féjour des villes. On ne refte point dans l’inaétion, quoique la pluye retienne à la mai- fon les ouvriers. Le maitre fait la- ver les tonneaux, balayer partout, & nétoyer les grains. On racommo- de les cordages , on enléve le fumier de l'étable , on prépare la charrue & les autres uftenciles, & l'on fend du bois pour les cheminées. Il n'y a point en campagne de de- vin qui détourne du travail par fon verbiage , point deboutiques d'arti- 110 (ECONOMIE —— fans où l'on aille rire & entendre Dowrsr.. des contes, point de bouchon de ta- , QUES . yerne, comme en ville, qui tente les laboureurs : onne s'occupe point à prendre des oifeaux au lacet ou à la glu, & l'on ne néglige pas le foin des moiffons & des vignes , pour al- ler courir un liévre à la fuite d'une meute. Le fermier va rarement à la ville, à moins que le tems & fes affaires ne l’exigent ; c'eft-à-dire, quand il s'agit de vendre utilement fes grains, fes brebis malades, les boeufs dont il ne peut plus tirer de fervice, & la toifon defon troupeau ; ou loríqu'il eft queftion d'aller faire des emplet- tes pour garantir fes enfans des ri- gueurs de l'hiver , & habiller fa fem- me, non pas en étoffes de goût , mais de durée : car il eft œconome, & craint fur tout la contagion de la ville pour le luxe, & les exemples qui peuvent corrompre les mœurs. Luxe des vil — Qu'il eft indigné quand il. voit la u- récolte de cent arpens fufire à peine pour la parure d'une femme mondai- nc ! Mais fon indignation redouble , RgRALE. Liv. II. 1: quand il appercoit des meres avec = leurs filles, marcher dans la ville la»53s5s2:- gorge nue , la robe flotante & fans?" ** ceinture , avec d'énormes cercles , pour amplifier le contour de leurs juppes brillantes : ajuftement imagi- né par la licence , qui fait rougir la pudeur , & quil compare aux larges cerceaux dont il fe fert pour relier fes tonneaux. (12) Une feule de ces femmes ainfi parée , occupe toute une rue, & mémeun large carrefour. A peine peut-elle entrer dans fa maion, quoi- que les deux battans de la porte foient ouverts, à caufe du circuit immenfe de fa robe tendue , qui ref- femble aux voiles d'un navire en- flées par les vents. Si quelque hiftoire récente & fcan- daleufe court la ville, & deshónore des gens de la premiére diftinétion ; fi d'illuftres maris ont à rougir de quelques infidélités de leurs femmes , ou fe plaignent qu'elles les ruinent au jeu; ce fermier eft tout étonné que ces Magiftrats qui font obferver - les loix dans leur province, n'ayent M seras "7 + CHO1X DES DonxrsrIi- QUE S. 112 (ÉCONOMIE as la méme autorité chez eux ; & que le bien & la réputation d'un ma- ri dépende d'une femme coquette. En campagne les loix du mariage font bien plus en vigueur : lafemme obéit à fon mari comme à fon mai- tre; & fi quelquune, oubliant la foi conjugale, a prété l'oreille à la fédu&ion , aucun procésintenté à cet égard ne rend public ledeshonneur du mari ; (13) mais il ne tolére pas plus, quoique fans éclat, les défor- dres de fa femme que les autres qui peuvent arriver chez lui, & il aime- roit mieux fur le champ fe venger par le báton, que d'aller plaider cternellement pour faire rompre les noeuds d'un hymen infortuné. L'au- torité des maris, qu'on traite à la ville de rufticité parmi les gens po- lis, eft à la campagne le gardien le plus für de l'amour conjugal. Ah! de quels yeux regarderoit-il les femmes & les imbéciles maris de la ville, s’il voyoit dans des jours de réjouiffance, ces déefles affifes feules à table, les maris tête découverte, debout. ; autour d'elles, & la fer- viette RURALE. Luw.Il, 113 viette fur le bras, tenir à grand hon- 7777. neur les plus viles fontions de va-Domssri- let, & ne refufer aucun des mor- 2" ** ceaux qu'elles leur donnent par def- fus l'épaule, & comme par compat- fion. C'eftà ces repas que fe nourrit l'orgueil des femmes ; c’eft-là que les hommages rendus à leur beauté repaiffent leur gloire ; & c'eft d'a- près cette baffefíe indigne des hom- mes , (14) qu'elles les croyent nés uniquement pour les fervir. Quoique le fermier ne foit pas dans les rues à l'afüt des nouvelles dela ville , & qu'il ne faffe ordinai- rement de queftions que fur la va- leur des bleds aux laboureurs que le marché a fait venir à la ville , il eft bien aife pourtant d'entendre parler des fuccés de la France dans la guer- re préfente, afin de rapporter ces nouvelles aux curieux villageois de fon canton. Eníuite il achette une mefure de fel, un fer triangulaire encore informe pour battre le {oc de fa charrue , & le rendre plus tran- chant ; il y joint de la poix ferme & en pain, des hoyaux , une faucille Tome I. 114 (ÉCONOMIE e lont le dos eft coutbé en forme de CHO1X DES . | Doxssz, Croiffant, & des marres pour effar- qvzs — terles épines & les buiffons , des ha- ches & des ferpes pour émonder les arbres dont les branches s'étendent trop , & pour détacher de leur tronc les rameaux fecs. Il n'achette nen de ce qui fe trouve à la campagne , ni rien dece qu'il peutfaire; conféquem- ment point de corbeilles d'ofier, póint de fil de lin, ni de groffe toile de chanvre , point de fabots , il les fait lui-même groffiérement , enfin point de bottines de peau de ché- vre pour fe garantir des ronces & des épines. Car c’eft en vendant beaucoup qu'un fermier s'enrichit ; & s'lachette, au contraire, 1l eft bientót ruiné. pevoss du. Comme il n'entend rien aux com- eR ih ptes, & ne fait point écrire , il appor- ire, te plus fouvent à fon maitre l'argent dont il eft convenu avec lui, ce qui vaut mieux que des volumes d'écritu- re. Aucun reproche fecret ne le rend timide & tremblant à la vüe du mai- tre, qui vient voir fa campagne. Au dedans tout eft en régle, au dehors RURALE. Ly. IT. 115 tout eft en bon état ; fes boeufs & fes EMI. troupeaux ne fouffrent point de lapox:sz:. faim ; 1l n'y a point de bornes dépla- 9" ** cées, nide nouveaux fentiers dans les champs; les prairies & le Jardin ne dépériffent point faute d'étre arrofés, les moiffons ont la plus belle appa- rence , les champs font fermés par de bonnes hayes , ou de larges foffés : le fermier conduit fon maitre d'un bout de la ferme à l'autre ; il eft en- chanté des éloges qu'il lui donne , & de voir que le voifin ne bláme point fa conduite ni fes travaux, & n'ac- cufe point les fiens de vol clandeftin. Il ne cultive pas fes champs avec moins de foin, quoique la guerre, ou quelque proces fâcheux , force le maitre d'étre abíent. Ce n'eft pas fa préfence auffi qui Lui donne plus d'é- mulation ; fon devoir fait fon unique réole dans tous les tems. Mais inté- rieurement il eft au défefpoir quand ii voit le fils diffiper le bien du pere dans fon abfence, & introduire dans la maifon de campagne une troupe d'amis libertins , qui font main baffé fur tout ce qui s’y JUNE ra le y 116 ŒCONOMIE —— fermier, s'il craignoit que l'ennemi IX DES. Q4 : : . Doussr1. düt venir le mettre à contribution, QUES ne cacheroit pas plus foigneufement fes denrées. Ainfi jadis , loríqu'aprés avoir échappé à mille dangers, Uliffe dé- guifé en vieillard, arriva au port d’I- thaque , & entra dans fa Cour com- me étranger , examinant fecrette- ment tout ce qui fe paffoit fans être connu de perfonne ; ainfi, dis-je, un de fes fujets , qu'on appelloit Eu- mée, voyant les défordres de la Cour, & demandant fon maitre aux dieux , s'occupoit dans fes triftes re- grets àlabourer fes champs , gémif- foit amérement de ce que les amans de Pénélope, plus parafites que ga- lans, vivoient des troupeaux d'U- liffe, & fouffroit de voir les terres de ce Prince fertiles pour d'autres que pour lui. Un bon fermier fe pourvoit de tout , fait peu de demandes à fes voi- fins, de peur qu'à leur tour ils ne l'importunent ; il évite d'entrer dans les affaires d'autrui, ne croit à lui que ce qu'il tient de fon maitre, de- RURALE. Zv.I]] 117 tefte les larcins, conferve fon bien = . . E HOIX DES avec tout le foin imaginable , & n’eftbomesri- point tenté de celui des autres. On9»** eft fi perfuadé dans le village de fon exacte probité , qu’on le choifit pour juge dans les plus grands démélés , & qu'il termine les procès , fans être au fait des loix. (1 S)Lelaboureur eft le plus heureux des hommes, & doit chérir fon état. Retiré dans. une campagne obfcure, & accoutumé à vivre de peu, il fait borner fes défirs. Il chaffe loin de lui les chagrins dévorans , ainfi que les vaines efpérances ; l'ambition ne le tourmente point ; il fe met peu en peine de donner la loi ailleurs que dans fon champ & dans fes vergers. Il n'eft point brulé de la foif inquiéte des richeffes , pour étre plus pauvre au milieu des monceaux d'or, inca- pables dele raffafier. Il préfére à l'é- tude & au favoir faftueux , l'art de bien vivre , de gouverner fes trou- peaux , de connoitre les aftres favo- rables à la terre, la nature des vents, & les tems propres pour la moiffon. À l'abri des traits de l'envie , une SETARATEES SES LE —À —— CHOIX pts 18 ŒCONOMIE jaloufie fecrette ne le confume pas : Doursr1- Onne le voit point , porté fur le vent QUES. de la faveur, monter au faite des honneurs pour entomber avec éclat, & donner un trifte exemple de la fra- gilité des grandeurs humaines. Il ne redoute n1 les procès douteux, ni les décifions d'un Juge févére , ni les fu- reurs de l'implacable vengeance. Il ne craint perfonne, & ne fe craint point lui-même. Ses joies ne font point fuivies de l'affreufe trifteffe , ni fes repas du trifte dégoüt. Occu- pé fansreláche des travaux dela cam- pagne , tantôt il enfemence fa terre, & tantót il en recueille les préfens düs à fes peines. C'eft par là qu'il acquiert cette fanté vigoureufe , qui brave la goute, & tous les autres maux que la voluptueufe indolence traine à fa fuite. (16) C'eft ainfique fon appétit, aiguifé par le travail, trouve les méts dont il fe nourrit plus agréables. ( 17) Sans autre lit que la terre, il goüte les douceurs du fommeil ; de ce fommeil fugitif que le riche, couché fur l'or & fur la pourpre , appelle vainement, tandis RURALE. Liv, 11. 119 Lo à que les chagrins qui l'affiégent veil- | lent toute la nuit pres de lui. Vaut- A E uoti il mieux , au mépris des loix de la 2*5. nature, parcourir fur un fragite vaif- feau les mers que Dieu a féparées du continent , confier {a vie & fa fortu- ne à l’inconftance des vents, vivre tour à tour dans des climats divers, comme les oifeaux de paffage , & dé- vouer fon ame au vil intérét ? Celui qui habite les villes eft-1l plus heu- reux, lui qui fe tourmente pour fe faire un nom, qui affiége fans cefle les portes des Grands, qui flate juf- qu'à leurs domeftiques , qui, par un indigne éfclavage , achette un potte avantageux, qui veut parvenir aux honneurs par la voie la plus hon- teufe, & qui, toujours occupé de fervices frivoles, paffe réellement fa vie à ne rien faire ? Eft-il plus doux de vendre fes clameurs au Barreau, & d'y défendre d’une même voix le crime & l'innocence , ou d’être affis à un ennuyeux Tribunal, d'y exer- cer le pénible emploi de Juge , & de négliger fes propres affaires pour CH61Xx DAS 120 ŒCONOMIE celles des autres? * Vaudroit - il Doxzszi-Inleux, par une cruelle complaifan- QUES. ce, prêter fon argent à ufure, & exercer un métier odieux à ceux mé- me qu’il foulage ? Enfin eft-il plus glorieux de fuivre le parti des ar- mes, de vivre de meurtres , de ra- pines, de fang & de larmes , que des dépouilles qu’on peut enlever à la terre fans crime & fans violence ? (18) Heureux les laboureurs , s'é- crie lePoëte deMantoue,s'ils connoif- foient le bonheur de leur condition! Cependant il préfére à leurs occupa- tions l'étude du ciel, & la connoif- fance des routes myftérieufes de la nature. Eft-ce donc un fort digne d'envie, de fe tourmenter dans le défir de connoitre ce qui n'eft fait que pour en jouir , d'obferver le cours de ces globes qui roulent fur nos tétes , & delesranger, pourain- fi dire, en bataille dans fon efprit ? Exempt de ces foins , le laboureur * An fœneratio probabilior fit etiam his in- vifa quibus fuccurrere videtur ? Colum. l. 1. in procem, jouit RURALE. Liv. IL 1: ROSE Le jouit tranquillement d'une délicieufe cost nuit d'été , & du magnifique fpeéta- 555... cle des étoiles. Il voit dans une belle 2v ss. Journée fes troupeaux errer dans les prairies, & il proméne fes regards enchantés fur des champs parés de verdure & de fleurs ; tandis que le Phyficien , aiguifant fa vüe avec le microfcope , cherche tantót dans le fein d'une fleur, tantót dans un ca- davre infe& , de petits animaux que la nature dérobe à fes yeux. Le la- boureur, couché fur le bord d'un ruifleau, ne cherche point l'origine des fontaines , ni leurs routes fecret- tes dans les entrailles de la terre ; il ne les.fait point venir de la mer ; content d'y puifer , il boit ou dans le creux de ía main, ou méme il en approche fa bouche, & il admire le courant de l’eau, foit qu'un ruiffeau coule à petit bruit fur le fable, foit qu'un torrent fe déborde avec fra- cas , & renverfe tout cequi s'oppofe à fon paffage. Que lui importe de connoitre la fource des pluyes & des. fontaines , s'il ne fait l'art de dériver Tome I. L a Á—— Ó CHOIX DES 122 (ÉCONOMIE l'eau d'un champ voifin, & s’il ne Doxzsz;- Connoit les fignes qui lui annoncent QUES La Fermicre, la pluye. Hl ignore comment le froid ou le chaud allume la fiévre dans le corps humain ; mais il fait par quel moyen onlaguérit. Tandis que le doéte Médecin ordonne favamment l'ouverture de la veine , ou des pur- gations , & cent remédes femblables pour cent maladies différentes , le laboureur foulage tous fes maux par des racines & des herbes falutaires quil connoit ; i1 ne donne point la torture à fon palais par des potions améres, & 1l ne s'empoifonne point pour recouvrer la fanté. - Heureux fermier, que la fortune vous aime! (19) fila compagne que lhymen vous a donnée l'eft auff de vos travaux ; fi elle remplit exacte- ment ce qui eft de fon miniftere ; (1 elle n'aime pas avec paffion le fom- meil, la bonne chére & le yin, & qu'elle montre méme dans un âge peu avancé , un bon efprit , & du dif- cernement. Le mari & la femme bien unis RURALE. Liv.Il. 123 concourent, par leurs travaux, au == = bien commun de la fociété. * Le 555:.-.- mari, comme le maitre & le plus 2"** fort, doit cultiver la terre, & fup- porter la rigueur de l'hiver , & l'ar- deur dufoleil. Sa chére moitié porte le fardeau du ménage ; mais fes occu- pations font moins fatiguantes : l'un gouverne dans les plaines de Cérés, l'autre préfide dans l'intérieur de la maiíon. Le fermier ordonne & di- rige les ouvrages des domeftiques , la fermiére appréte leur repas ; le mari veille aux produétions de la ter- re, & dépofe la récolte dans fes gre- mers, après bien des fueurs. Quand elle y eft tranfportée , l'ouvrage de la femme eft de la conferver ; & com- me l'effet de la crainte eft de multi- pler les précautions , la nature a créé la femme timide & défiante , & a donné le courage & la force à l'homme pour le rendre propre aux plus rudes travaux. C’eft ainfi qu'ils ont befoin mutuellement l'un de l'au- tre : leur fortune s'accroit par leur , - * Ces deícriptions font toutes tirées de Co- lumelle. L. 12. iz praf, L j 124 (ÉCONOMIE union, & par leur amour récipro- CHo;X DES DOoMESTi- que. orecchie La femme a foin de bien ranger fa laFermicre, petite chaumiére. Les murs n'y font point ornés de tapifferie ; mais une élégante fimplicité y reléve Pindi- sence. Au lieu d'or & d'ivoire, ce font des grappes de raïfin fufpendues qui parent le plancher ; un riche buf- fet n'y étale point la vanité du mai- tre ; on n'y voitnitableaux curieux, ni ftatues rares ; toute la vaiflelle confifte en écuelles , en verres, quel- ques plats d'étain, & des affiettes de fayance ; encore celles-ci font- elles réfervées pour les perfonnes de diftin&ion , pour le jour de la féte du village, ou pour le maitre lorf- qu'il vient feul à fa maifon de cam- pagne , & qu'il veut bien fans céré- monial prendre un repas champêtre à la table de fon fermier. Le plan- cher noirci par la fumée, eft garni de porc falé , de paquets d'ail qu'on fent au loin , de bottes d'oignon , & de grappes de raifins un peu ridés : c'eftun préfent de la terre dont la fer- miére aime mieux régaler fes enfans , pcd RURALE, Liv. II. x2$ que de repaître leursyeux d’eftampes === oudetableaux. Le foir elle couvre la Doursr:- table d'une nappe, & la range auprès 2 v* *- du foyer quand il fait froid; mais dans les grandes chaleurs , elle la met prés de la porte, ou méme en plein air, quelquefois fous un feuillage épais, afin qu'on refpire la fraicheur. — Dirai-je toutes les peines qu'elle proviñons fe donne pour avoir des provifions vivres: à peu de frais, du lard, des chátai- gnes , & des raifins fecs ? Elle fonge Fo» dap dès l'automne à fe munir pour l’hi- xt, — ver , & plonge des grappes attachées enfemble par deux ou par trois dans des chaudiéres expofées au feu ; elle laiffe ainfi le raifin jufqu'à ce qu'il fe forme des rides fur les grains, & que la leffive, dont les chaudiéres font pleines, ait par fa chaleur fait perdre au raifin fa crudité. Alors elle rend de fa petite cruche un peu d'huile d'olive , qu'elle verfe dans la chaudiére , afin que le raifin ait meil- leur goût, & plaife davantage à la vüe. Enfuite elle l'étend furune lon- gue claye, dans un endroit expofé au foleil , mais à l'abri de la pluye & Lj 126 (ECONOMIE — —" de la rofée. Après quoi, quandil eft CHo1x Dp*s Doxuzsr:- bien fec, elle le ferre dans des cor- QUES. Dés MON. Duconfifase Outre cela , elle fait cuire des des coins, & coins dans du vin doux , ou les con- €1auaion- . . . . . pement de; fit au miel ; ou bien elle incife art:- olives. ftement des olives encore vertes, pour leur faire prendre le goüt du fel , du fenouil , de la menthe & du laurier. Salaifon de Quand les pourceaux reviennent SG de la glandée chargés de graiffe, la fermiére les enferme dans leur toit, ne leur permet plus ni buvée, ni nourriture liquide avant de les tuer, & les écarte des bourbiers , afin que la chair en foit plus ferme. Lorf- qu'un porc eft fufhfamment engraif- fé, & quon eft au moment de le tuer, on lui bouche la refpiration, dans la crainte qu'il ne morde ou ne fatigue les oreilles par des cris fans fn, & auffitót on l'égorge. La pe- tite famille du fermier fe range en haye tout à l'entour pour voir cou- ler fon fang, & s'étonne qu'il ne pouffe aucuns cris, quoiqu'il batte des flancs avec violence. Enfuite la RURALE. Liv. II. 127 fermiére a la patience de l'épiler à == l'aide d’une chaudiére bouillante , ou Domssri. de lui arracher les foyes jufqu’à la 27** racine, en allumant de la paille. Après quoi elle lui détache les en- trailles avec un fer chaud ; elle fale abondamment pendant dix jours , les morceaux qu'elle a coupés, & les couvre dans le faloir avec quelque chofe de pefant. Elle fufpend enfuite à une poutre le lard & les jambons, dans un endroit expofé à la chaleur & à la fumée. C'eft ainfi que la fermiére voit Travaux de couler tranquillement fes jours ; &, 3 Fermitre à moins que la Religion ne lui or- champs. donne d'aller vifiter quelques faints lieux éloignés du village, elle ne quitte point la maifon pour aller ail- leurs s'amufer à la bagatelle : elle obferve toujours la réfidence. Mais s’il eft d'une néceffité indifpenfable qu'elle quitte la quenouille pour ma- nier le rateau, ni chaud m froid ne la détournent. Il en eft de méme s'il faut aller cueillir des olives dans un terrein raboteux , ou couper les blondes moiffons pendant les plus Liu 128 (ÉCONOMIE E apres chaleurs. Sur le point méme Dox:szr; de mettre au jour le fruit qu'elle por- 9v:* te, elles'occupe encore àfarcler, à óter d'un champ les herbes qui nui- fent au bled, ou à botteler le farment. Elle aime tant les travaux champé- tres, & elle eft fi infatigable, qu'en pleine campagne elle fe délivre elle- méme , & vient préfenter à fon ma- r1 le fruit de leurs amours. A la voir, on ne diroit Jamais qu'elle en füt la mere ; mais on jureroit que c'eft un enfant trouvé dans les champs. Ah! quheureux fera fon deftin fous le chaume & dans l'indigence ! vero Cette mere ne fouffre point qu'u- des enfans de ne autre qu'elle donne le fein à fes * PTE enfans; elle eft charmée de leur tranf- mettre fes moeurs avec fon lait, & de les avoir auprès d'elle , afin qu'ils lui faffent d'innocentes careffes, & qu'ils reçoivent les fiennes ; que par un fouris ils reconnoiffent leur pere quand il rentre le foir, & lui mar- quent, en étendant leurs bras, le défir qu'ils ont de l'embraffer. Mais, au contraire , un enfant né fous des lambris dorés , eft exilé de la maifon RURALE. Liv. Il. 129 paternelle dés qu'il voit le Jour, & ^ CHOIX DES fa mere femble , auffitót qu'elle en Dowesri- eft délivrée , n'avoir plus d'entrailles 27 * * pour lui. Elle l'envoye nourrir loin de la capitale , dans quelque vile chaumiére , parmi lesanimaux ; (20) & ce fera à un chien qu'elle préfen- tera la mamelle qu’elle refufe à fon fruit. Quelques années après elle retire fon enfant de la nourrice, les cuiffes & le corps tout contrefaits : mais, en le voyant, le cri de la na- ture ne le lui fait point reconnoitre ni fentir tout ce qu'il a fouffert. La fermiére plus tendre garde au- pres d'elle fes enfans ; fon lait ne leur eft point épargné, & la nature len a pourvüe avec abondance. Quelque part qu'elle aille, fon en- fant fur fon fein la tient embraffíée : cet agréable fardeau abrége fon che- min. Si elle eft obligée d'agir, elle le pofe à terre , & l'enfant y refte fans pleurer : ainfidés le berceau on l'ha- bitue à l'ardeur du foleil. Cette bon- ne mere eft attentive aux leçons de. la nature, elle obferve les cris des oifeaux quand ils ont perdu leurs pe- DU 7T OA CHO1Xx DES DOoMrsrTr- QUES. 139 (ECONOMIE tits ; (21) elle voit l'inquiétude d'u- ne vache ; qui s'enfonce dans les bois les plus épais pour chercher le veau qu'on luia ravi, qui le deman- de par les. mugiffemens dont elle remplit les airs, & qui loríqu'elle retourne à létable au coucher du {oleil, n'eft tentée ni de l'herbe la plus délicate, ni de l’eau la plus clai- ge: uniquement occupée de fon veau, elle ne fe repait que de lar- mes. Tantót elle entend les triftes bélemens d'une brebis qui appelle fon agneau : elle voitavec quel plai- fir elle l'alaite ; elle admire la natu- re qui fait à cette mere reconnoitre fon agneau entre mille autres, & dont également elle eft reconnue J quoiqu'il n’y ait entr'eux aucune dif- férence pour la couleur , la figure & le cri. Et d’après ces exemples, elle croiroit manquer à l'amour mater- nel, fi elle avoit moins de tendrefle que les animaux. À peine un enfant de la campagne peut-1l marcher, qu'onle forme aux exercices champêtres , quil com- mence à manier le hoyau, & à mon- trer une certaine vigueur qui ne dé. = générera point de celle de fon pere. nouzsrs, Iricapable encore de travailler , il eft ours témoin de ce que font les autres ; il aime l'agriculture, & l'apprend en voyant ce qui fe pratique, quelque difiicile qu'elle foit. Déja prenant le ton de fonpere , il fe préfente en fon abfence, & fait avancer l'ouvrage par fon commandement , s'il ne peut encore y préter la main. Cependant le pere donne des le- cons à fon fils relatives aux différen- tes faifons & aux differens terreins. (22) Il lui enfeigne fur-tout à invo- quer Dieu par la priére, à lui pré- fenter fes voeux comme au fouve- rain arbitre des pluyes & des moif- fons , & à n'apporter au pied des au- tels qu'un cœur pur & fans tache. Il l'avertit que fi la terre lui obéit dans fes travaux , il doit auff: obéir au Maitre fupréme de la terre, le prier de donner aux moiffons des tems propices, & d'en écarter les orages. Il faut, ajoute-t-il, fanctifier. les jours de fête , fufpendre d'effet & fans fraude tous les ouvrages que : RURALE, Liy.lIl. 15: »- 132 | (ECONOMIE = défend la Loi pendant ces faints Doxzsz,]Ours, tant à la campagne que dans 9v:* ]amaifon; exempter les boeufs mé- mes du travail, & les laiffer libres du joug errer dans les prairies , jouir du repos , & réparer leurs forces. Il lui recommande d'aimer fes voifins , de ne toucher nide nuire à leurs trou- peaux & à leurs moiffons , afin qu'ils lui rendentle méme fervice , & le ga- rantiffent des voleurs. Ne portez, dit-il, envie à perfonne ; mais tà- chez , quand vous voyez aux autres de belles moiffons , d'en avoir enco- re de plus riches par votre travail. Evitez les procés douteux : ce font des guerres inteftines , ordinaire- ment ruineufes pour les deux partis. Rendez à chacun tous les bons offi- ces que vous pourrez. Ayez quel- ques amis, mais n'en faites pas un grand nombre. Enfin ne vous repo- fez pas tant fur les reffources de l'a- mitié que fur celles de laterre ; c'eft elle qui fonde vos efpérances les plus certaines. Il faut , pourfuit-il , vanter les vaftes domaines, mais s'en tenir aux petits par prédileétion. Un fond R@ORALE, Liv. II. 133 médiocre bien cultivé eft d’un meil- Choix DES leur rapport qu'un terrein de mille p 5 4er. arpens , quand le laboureur indigent av: s. manque de fumier pour l'engraiffer, d'uftenciles & d'ouvriers, pour le faire valoir par des foins perpétuels : car la terre lutte contre nous ; & lorfqu’elle a le deffus , mille herbes flériles qu'elle fe hâte de produi- re, fatiguent & défefpérent le mai- tre, s’il ne la contraint par fa fermeté & fa conftance, de céder à fes tra- vaux. Gardez-vous d'effayer une facon de cultiver qui vous foit étrangére , & d'adopter une nouvelle méthode ; fuivez celle qui eft approuvée par l'ufage. Bornez vos voeux ; ne vous laiffez point vaincre par la foif des richeffes , elles font un obftacle aux vertus. Ne fuivez point aufh les con- feils de l'indigence, elle méne au crime ; & d'ailleurs , quand on eft dans le befoin, notre état eft à char- ge à nos amis , OU pour nous-mêmes eftunfardeau. Ainfitracez-vous une route entre ces deux extrémités , de” facon que vous ne vousattiriez point 2HO1X DES ^ esae QUES. 134 | (ÉCONOMIE 'envie du village par votre opulen- ce, ni fa commifération par votre mifére. Faites couper vos moiflons & cueilir vos olives par des gens de journée , & ne nourriffez pas plus d'ouvriers que votre ferme n'en exi- ge. De peur qu il ne fe forme des partis, & qu'il ne fe fomente des haines & des querelles entre vos domeftiques , choififfez-les d'une hu- meur douce & tranquille. 1l s'en trouve qui n'arment que leur patrie y qui ne peuvent s'accorder qu'avec des gens de leur pays, & qui, enne- mis de tous les autres , brouillent & divifent la maifon du maître > par leur miférable efprit de difcorde & de fédition. N'en ayez jamais plu- fieurs de cette efpéce. Adouciflez, par votre exemple, la condition de ceux qui vous fer- vent; faites-vous craindre plus par votre filence que par les éclats d’une voix tonnante. Que votre dureté ne vous fafle pas détefter de votre mai- fon ; qu'on refpeéte en vous un juge févére ; ; mais qu'en vous on aime RORALE. Liv. I]. 135 encore davantage un maitre juite & === raifonnable. My caesus Pour vous faire amer de vos do-avss. meftiques, aimez-les comme vos enfans, ne leur retenez point leur falaire, ayez de la confiance en eux pour les rendre fidéles. Qui prend trop de précaution invite à le voler. Le maitre doit avoir connoiffance de tout , & diffimuler bien des cho- es. Qu'il occupe les domeftiques en état de travailler ; mais que fes foins compatiffans aillentjufqu'à l’in- quiétude pour ceux qui font infir- mes : 1l oblige tous les autres en fecourant celui qui eft malade. L'ai- guillon qui excite le plus un domef- tique au travail , eft fon attachement pour le maitre, & l'envie qu'il a de lui plaire. C'eft ainfr que le pere 1nftruit fon fils ; & lorfqul fent la vieilleffe ap- procher, quoiqu'il fort toujours prompt & vigoureux, & quil ait en- core la téte pour le commandement, & le bras pour l'exécution, il luire- met les rênes du gouvernement ruf- tique ; afin que ce fils né pour avoir UTT-' CURTIS TS TE T MM T.C T TEE DEEPELEBEPTIN 136 (ECONOMIE feul un jour la régie de la ferme , ac- CHOIX DES ; : Dox:sri;- quierre, parles confeils de fon pere, QUES ]es connoiffances de l’agriculture, auxquelles les autres ne parviennent qu'après bien des méprifes. Par ce moyen le pere, fans être amateur du repos, peut fe livrer à un genre de vie plus tranquille. Le fils, enri- chi des talens de fon pere, & doté de fes exemples, lui fuccéde dans le gouvernement; & la terre, égale- ment féconde , ne s’apperçoit pas qu'elle ait changé de maitre. Lajeuneyi. La fille déja grande & nubile par- isgeofe. —fageles pénibles travaux de fa me- re, & nerougit point de manier la houe & lerateau. Elle ne brille point par l'éclat de fes vétemens , n'a point de chevelure empruntée, point de pierres précieufes de l'Arabie, n1 de riche parure ; & quoique, par une inchnation commune à toutes les femmes , elle veuille paroitre belle, aucun árt ne relève fa figure. C'eft dans les prés fleuris qu'elle va cher- cher fes pierreries les jours de féte, & c'eftle criftal d'un ruiffeau qui lui fert de glace pour l'arrangement de | fes RURALE. Liw.Il. 137 cheveux ; fa tête n’eft point chargée d'une énorme coeffure , la fimplicité en eft l'ornement ; une pudeur ingé- nue pare fes joues au lieu de rouge, & c'eft par la force & non par la beauté qu'elle táche de l'emporter fur fes compagnes. C'eft avec cette dot qu'elle trouve un riche parti. Lorfque le tendre Hymen la folli- cite pour la premiére fois d'aimer & de fe ranger fous fes loix, loríque fon amant lui plait , & que tous deux d'un âge égal, fe conviennent réci- proquement , ils táchent de faire la vendange dans la méme vigne , & de couper dans le méme champ les blonds épis de Cérés , pour avoir la commodité de fe parler. La jeune fille fe metà la téte des moiffonneurs & entreprend le premier fillon ; mais pour plaire à fon amant, elle devan- ce les autres ouvriers déja fatigués. Le galant épris d'un charme fecret, la regarde moiffonner , & eft enchan- té que, par fon activité, elle le de- vance lui-même. Souvent à deffein il retarde fa maitreffe, & lui fait de douxreproches d'avoir paffé par def- Tome I, M AXE EE) CHOIX DES DOMEST Is QUES. Ses nôces, GREFFE TEE FER CHOIX DES DOMESTI- QUES, 138 ŒCONOMIE fus quelques épis fans les couper; afin qu’elle le flatte un moment de fes regards en fe retournant. Lesau- tres moiffonneurs fe livrent au fom- meil après le diner, pour réparer leurs forces ; mais nos deux amans en reprennent dans leurs tendres en- tretiens. Déja ils délibérent entre eux fur les moyens de rendre leurs champs de bon rapport, & de gou- verner en paix leur ménage. Des que les parens des deux có- tés font informés de l'amour de leurs enfans, & qu'ils les jugent dignes lun de l'autre, aufhitôt pour aflurer les conventions matrimoniales, ils en paíffent contrat. Alors viennent les parens & les amis de tous les environs du village , chargés de pré- fens champétres , & difpofés à célé- brer la féte nuptiale. Quand eft venu ce jour défiré, & que le Prétre , déja dans fes habits de cérémonie , commence à murmurer de ce qu'on n'arrive pas , les époux futurs fe mettent à genoux devant la maifon , fur le feuil méme dela porte. Les deux peres s'avancent vers eux , RURALE. Liv. II. 139 leurs yeux mouillés de larmes ; en- 75777 fuite levant la main & hauffant la poursri voix , ils leur donnent leur bénédi- 9" ** &ion ; & la tendreffe dicte à ces pe- res mille voeux pour la profpérité des enfans. Après quoi ils vont au tem- ple, l'amant avec un chapeau orné derubans de deux couleurs,& fa mai- trefle les yeux modeftement baifiés , & excédée de fueur fous fes habits de nóces.. Enfin ils fedonnent tous deux la main un peu noircie par le foleil, malgré la quantité de fon qu'ils ont employée pour la blanchir ; & pren- nent la Divinité méme pour témoin de leur inviolable union. Les garçons font la conduite du mari, & les filles celle de l'époufe , avec des cris d'al- légreffe , & au fon des tambours & des inftrumens. Alors, fuivant l'u- fage antique , ilsordonnent aux nou- veaux époux de s'affeoir fous un or- meau touffu , qui placé au milieu des hameaux , eft commun à tous les ha- bitans. (23)Une Jeunefille répand de- vant tout le cercle des fpeétateurs ,, | des grains de froment fur la téte du | couple affis;enfuite,une fecrette rou- | M1 QUESI TEUER CHOIX DES DOMEST:1- QUES. 140 (ÉCONOMIE geurlui couvrant le vifage , elle pro- nonce des voeux pour l'honneur & la fécondité du lit nuptiale, & pré- fente des gâteaux dans une corbeille. Auffitót la folâtre jeuneffe s'avife de railler fur les maris, & de tirer quel- que malin horofcope ; à moins que le nouvel époux ne paye une ran- con, & ne faffe couler à grands flots le vin de la nóce, pour fermer la bouche aux mauvais plaifans. Cependant les viandes fument fur les tables dreffées. Mais , quoiqu'el- les foient abondamment couvertes , aucun méts ne vient du marché ; car c’eft à leurs troupeaux qu’ils doivent le mouton & le chevreau dont la premiére faim eft raffafiée , & la vo- laille eft le fruit de l’œconomie de la fermiére , qui a confervé depuis longtems des poules & des canards pour faire honneur à la fête. Les pommes, les chátaignes & le fro- mage ne manquent point au deffert. Le vin ne fait pas feul la joie du feftin ; le fon d'un violon qui jure {ous l'archet,, les verres cafíés, les ris éclatans , & les différentes chan- RURALE, Liy II. 141 fons en l'honneur de la nouvelle 7 , É & à HOIX DES époufe , contribuent à la gayeté dup ox::::- repas ; les danfes & les Jeux vien-?"** nent enfuite, & c'eft jour de féte dans tout le village. Cette affemblée fait la nouvelle du jour dans les cam- pagnes voifines ; lesoreilles n'enten- dent qu'à cette nóce, il n'eft bruit d'autre chofe. Tout le voifinage loin de porter envie au bonheur des nou- veaux époux , leur fouhaite une heu- reufe poftérité , & des enfans qui ref- femblent à leur pere & à leurs a1eux. Fin du fecond Livre. Pd 142 EE TRECE REMARQUES Sur le fecond Livre. IE s'agit dans ce fecond Livre du choix des doméftiques du fermier, de leurs qualités & de leurs A Atos Le jardinier, le ché- vrier, le laboureur & le berger font paffés en revüe. Ce qui améne une digrefhon fur la dignité de la vie paftorale dans les premiers tems. Les devoirs & lesmoeurs d'un bon fer- mier font auffi détaillés. L'Auteur oppofe la fimplicité & Pœconomie rurale au luxe de la ville; d’où il paffe, ainfi que Virgile, à l’é- loge de la vie champêtre. Il n'oublie point de parler des foins de la fermiere , de l'édu- - cation de fes enfans, & des nóces de fa fille, dont il fait une agréable defcription. (1) [ Les plus grands Généraux des Ro- mains. | Les Curius Dentatus , les Catons,. & tant d'autres , cultivoient eux-mêmes leurs champs. L'agriculture étoit alors auffi hono- rée qu'elle eft aujourd'hui méprifée. ( 2) [ La terre ouvroit fon fein avec plus de plaifir. | Le Pere Vanmere donne en Poëte la raifon qui faifoit répondre la terre aux vœux de ces refpectables laboureurs. Mais fi elle étoit plus docile, comme le remarque Pline , c’eft que ces illuftres perfonnages avoient plus Remarques fur le fecond Livre, 145 de lumiére & de génie que des gens du peu- ple, qui s'en tiennent à une fimple routine. (3) [ Qul. étoit plus ncble de sarder les troupeaux. | Si l’on confulte Héfiode , Home- re & l'hiftoire des Hébreux , tous les Princes étoient pafteurs de leurs troupeaux, mais ne labouroient que rarement leurs terres, (4) [ De connoitre les phafes & les éclipfes de la lune. ] C'eft aux anciens bergers de la Chaldée, de l'Arabie & de l'Egypte que nous fommes redevables des premiers principes de l'aftronomie. (5) [ Et qu'il ramenát chaque année. ] Le _Belier eft le premier figne du Zodiaque, & celui du mois de Mars , par lequel commen- coit autrefois Pannée. C'eft ce qui fait dire au Pere Vanniere qu'il ramene chaque année, comme il ramene les brebis au bercail. Mais on s'appercoit fans doute que cette pen- fée tient de concerti Italien, & a plus de bril- lant que de jufteffe. Le premier figne du Zo- diaque ne reflemble pas plus à un belier qu'à un moulin à vent ; & d'ailleurs ce ne font point des conftellations qui ramenent les années, €'eft le cours du foleil , ou plutôt le mouve- ment de la terre. (6) [ C'eff encore du mode puftoral. ] M. de Fontenelle dans fes Eglogues , ne s'en eft guéres fervi. Le Diapazon de l'Opera lui a donné le ton. (7) [Qui font l'emploi d'JApollon. ] Ce Dieu garda pendant neuf ans les troupeaux d'Admette, Roi de Theffalie. Voyez le Di- 144 Remarques &ionnaire de la Fable , par M. de Chompré. (8) [Et ne l'emmene toute tremblante. ] 'Rouffeau , dans des vers adreflés à M, Duché, fait la méme defcription. La fiévre eft comme un loup cruel & raviffant , Qui vers les anttes fourds , traîne un agneau timide , Et des coups de fa queue hátant fes pas rétifs , Devance le-berger & le dogue intrépide , Qu'appellent au fecours fes bélemens plaintifs, Bientôt le raviffeur , tout palpitant de joye , Au fond d'un bois obfcur dévorera fa proye. | (3) [Et qui n'ont que du jargon [ans ta« lent. ] Vl y a des charlatans dans toutes fortes d'états. Pour percer il faut fe vanter foi-mé- me; la plupart des gens aiment mieux sen rapporter à votre parole, que de prendre la peine d'examiner votre favoir. Mais fi cette méthode réuffit de particulier à particulier, elle ne prend pas vis-à-vis du public : les Au- teurs-dramátiques en ont fait pour la plupart la mortifiante épreuve , malgré leur ton avan- tageux, & le manége des vils courtiers du Par- nafle: Que de piéces au néant depuis quel- ques années. (10) [ Le travail ce grand maitre des mœurs. ] M. de Voltaire a dit quelque part, Inftruit par le malheur , ce grand maitre de l’homme, Ce vers paroít dérivé de la penfée du Pere Vanniere, ( 11] Mur Le fecond Livre. 145 {11} [ Bien loin d'être complices ou minif- tres de fes paffions. ] Comme les fubalternes en général ne font point dans le cas d’être utiles aux Grands, plufieurs, pour mériter leur protection, ont la baffefe de fervir leurs plai- firs. C'eft la clé des faveurs pour bien des gens. Le plaifir eft le nœud des plus grandes affaires; . Tout y va, tout y tient Boiffi. Dehors trompeurs. ( 12) [ Une feule de ces femmes. ] ly a dans le texte : Occupat una vias laxofque canephora vicos, On appelloit autrefois Cazepbores les femmes qui portoient fur la téte des corbeilles rem- plies de plufieurs chofes néceffaires aux facri- fices. Je n'ai point confervé le mot Cazepbore dans la traduction , parce que ce terme n'étant point ufité dans notre langue, n'auroit point la grace qu'il a dans lelatin, & ne feroit en- tendu que de fort peu de gens. (13) [ Mass il ne tol?re pas plus, quoique fans éclat, les défordres de fa femme , que les autres qui peuvent arriver chez lui.] ly a dans le texte: Quo peëtore fontes Caffigat pueros , meritas à conjuge penas - Clam repetit fponfus, Tome I, N 146 Remarques J'ai crû devoir ici détourner le fens du latin; On ne conçoit pas comment le Pere Vanniere a eu la fimplicité de penfer qu’un fermier cor- rigeoit fa femme de la même façon que fes enfans. l (14) [ Quelles les croyent nés uniquement pour les fervir.] Le Poëte, fous le nom du fermier , condamne d'une maniére indirecte, mais fort dure , les ajuftemens & les panniers des femmes ; & quoique fes comparaifons ioient ingénieufes , elles ont quelque chofe de cynique qui les dépare. Que fignifie éga- lement cette longue tirade contre les égards, les foins & les attentions des hommes pour les femmes » L'Auteur voudroit-il engager la Nation Françoife , qui paffe pour la plus ga- lante & la plus polie de l'univers, à prendre les mœurs des fauvages ou des villageois: Dé- roge-t-on à fon état, & devient-on valet, parce qu'on eft poli, & qu'on fert une fem- me? $'ilen eft quelqu'une qui prenne droit de nos complaifances pour nous traiter avec hauteur, on la méprife. En un mot , il n'y a point de ridicule à fuivre un ufage générale- nent reçû ; & je ferois prefque tenté, en qua- lité de Tradu&eur, de faire réparation au fexe pour mon Original. | (15) [Le laboureur eft le plus heureux. ] L'Auteur, à l’imitation de Virgile & de Co- lüumelle, décrit avec élégance les avantages & le bonheur de la vie champéue ; il fuit le plan du Poëte Romain ; & , après avoir mon- tré les défagrémens des autres états , il donne LI RATS, mlt * ffc de fecond Livre. 147 1a préférence à celui de laboureur. Ce mor- ceau, quoique bien écrit, paroït trop long, & d'ailleurs n'eft pas concluant. ( 16) [ C'4ft ainfi que fon appetit aiguifé par fon travail. ] ll y a dans le texte : Labore diurnum Obfonantefamem. , . .. Ce mot obfonante eft bien énergique. C'eft ainfi que Cicéron a dit, famem ambulando ebfonatur. ( xz) [ Sans autrelit que la terre. ] Lucrece peint à peu prés de la méme facon le bonheur de la vie champétre. Non citiaris reboant laqueata aurataque templa, Attamen inter fe proffrati in gramine molli Propter aqua rivum , fub ramis arboris alta , Non magnis opibus jucunde corpora curant , Prafertim cum tempeflas arridet , © anni Tempora con[pergunt viridantes floribus berbas , Nec calida citius decedunt corpore febres Textilibus fi in pidiuris , offroque rubentt Ja&eris , quàm ft plebeia in vefle cubandum ef. (18) [ Heureux les laboureurs , s'écriele Poëte de Mantoue. ] O foriunatos nimium , [ua fi bona norint BPbA Lib 5 aig Me verd primum dulces ante omnia mua accipiant celique vias © fidera montrent, " Virg Georg. Lib. 2. N ij 148 Remarques J'avertis que PAbbé Desfontaines a traduit Ia digreffion du Pere Vanniere depuis le vers Ille fuos bominum , &c. jufqu'au vers O #ibi uam vultu , &c. & que yai fuivi fa traduction à quelques mots prés, perfuadé qu'elle vaut bien celle que j'aurois faite, & que le public n’y perd point. (19) [Si la compagne que l'Hymen vous 4 donnée. ] Horace décrit élégammeny les foins d'une fermiére. Quod fi pudica mulier in partem juvet Domum atque dulces liberos : ( Sabina qualis , aut perufla folibus Pernicis uxor Appuli) Sacrum vetuflis extruar lignis focum ; Laffi fab aduentum viri : C lauden [que textis craribus latum pecus Dilenta. [iccet ubera Et borna dulci vina promens dolio Dapes inemptas apparet. Epod. 2. ( 20) [ Et ce fera à un chien. | Il y a des Dames qui fefont téter quelques jours par un petit chien, afin que leur lait ne fe répande pas intérieurement, & ne s’altére pas, après qu'on a abandonné l'enfant à la nourrice. (21) [ Elle voir l'inquiétude d'une vache. ] Ce morceau eft copié de Lucrece Liv.2. & n’eft différent que par l'expreffion. Afin quele Le&eur foit en état de faire la comparaifon, je vais rapporter ici les vers de Lucrece, Mur L fecond Livre. 149 At mater virides [al-us orbata peragrans Linquit bum pedibus vefhigia prefa bifalcis Omnia convifens oculis loca , [i queat u/quam Confpicere amiffum fetum , combletque querelis Frondiferum nemus adfiflens, & crebra reviit A fflabulum defiderio perfixa juvenct : Nec tenera falices atque berba vore vigentes Fluminaque ulla queunt fummis labentia ripis, ObleBlare animum , fubitamque avertere curam : Nec vitulorum alia fpecies per pabula lata Derivare queunt alio, curaque levare ; U fue adeo quiddam proprium , notumque requirit, Praterca teneri tremulis cum vocibus hedi Cornigeras norunt matres , agnique petulei Balantes pecudes , 114 quod natura repofcit ; Ad fua quifque fere decurrunt ubera laëtis. (22) [Il Ini enfeigne fur tout a invoque Dieu. ] M. Rollin rapporte une formule de priéres pour les gens de la campagne. C'eft dans les ouvrages de Caton qu'il Pa prie. » Pere Mars, dit le Suppliant, je vous prie » & vous conjure de nous être propice & » favorable, à moi, à ma maifon, à tous » mes domeftiques , pour ce qui fait le fu- » jet de la préfente proceffion dans mon » champ, dans ma terre, & dans mon » fonds : d'empêcher , de détourner, & d'é- » loigner de nous les maladies connues & in- » connues, les défolations , les orages , les ca- » lamités, les intemperies de l'air; de faire » croître & parvenir à bien nos légumes , N uj 150 Remarques , &c. » nos blés ,nos vignes , nos arbres ; de con- * » ferver les pafteurs & les troupeaux; de » nous accorder la confervation de la vie & » de la fanté, à moi, à ma maifon, & à tous » mes domeftiques. Après cette formule, M. Rollin fait cette réflexion : » Quelle honte que des Chrétiens , » & fouvent ceux qui ont le plus de part aux » biens de la terre, foient maintenant fi peu » foigneux de les demander à Dieu, & qu'ils » rougiffent de l'en remercier! Chez les > payens tous les repas commengoient &finif- » foient par des priéres : elles font mainte- » nant bannies de prefque toutes nos tables. (23) [Unmejeuze fille répand. ] Apparem- ment que c'eft un ufage dans les villages du Languedoc, & que le Pere Vanniere , qui étoit de Beziers, avoit affifté à pareille céré- monie. Je ne crois pas qu'il y ait beaucoup de pays où cela fe pratique. ranis iind DE | EY N^: is BEN JE OR UR TE ŒCONOMIE RUR A L E. LIVRE TROISIÉME. Le BTOS Betail. Es LABOUREURS ne fuffifent pas pour la culture des terres, il faut encore des beftiaux qui enfon- cent le foc de la charrue dans les champs, & qui engraiffent de leur fumier ceux qui font maigres. Que celui qui a du goût pour les 1eChevat, longs voyages, ou qui aime à fuivre les drapeaux fanglans du dieu Mars, fe plaife à former un cheval qui ait la bouche tendre ; (1) qu'il lui ap- prenne à faire de fatiguantes courbet- tes ; qu'affujettiffant au frein fa bou- | N iij CEGRZZSEWERGARRCECE! Marce mra e LE GROS BÉTAIL. Le Bœuf. La Vache. 152 (ECONOMIE che écumante , tantôt il lui pique les flancs dans la plaine pour lui faire prendre le galop , & tantôt le manie fur les voltes, ou le fafle avec gra- vité marcher au pas. C'eft pour d'autres ufages qu'on doit dreffer le boeuf. * Il faut qu'a- vec le foc il ouvre la terre la plus dure , & que fon cou vigoureux trai- ne des charrettes dont l’effieu gémif- fe fous la charge. Parmiles boeuts , choififfez ceux qui ont une grande corpulence, les cornes hautes, la téte hideufe , les nazeaux larges & relevés, le cou ramaffé & charnu, le front hériffé, les oreilles velues , le fanon pendant fous la gorge, le corps large & nerveux, l'humeur douce & paifible , avec un extérieur farouche. La vache doit avoir l'air moins rude ** , le cuir doux, la jambe mé- * Voyez Columelle. Bos labori ofiffimus bominis focius im agricultura : eujus tanta fuit apud antiquos veneratio ut tam capitale effet bovem necalle quam civem. Colum. in præf. l. 6. | ** Voyez Virg. Georg. l. 2. & Varron. dee vufiic. RURALE. Liv. III. 153 p diocrement grande, & la corne du === pied plus petite que celle du boeuf ; 8 £1 412, quelle reffemble au taureau d'ail- leurs; qu'elle ait les membres grands, la poitrine large, des mufcles fail- lans , l'encolure haute , & de larges flancs ; le fanon lui pendra jufqu'aux genoux; fa queue tombera jufqu’à l'extrémité du pied, & la hauteur de fes cornesrelevera encore fa belle téte. Qu'il n'y ait que laiguillon & la pour voix du bouvier capables de faire trembler le boeuf ; qu'aucun bruit ne lépouvante , qu'aucun chemin ne l'arréte , & quil ait affez de confian- ce dans fa force pour entrer dans une ville , paffer fur un pont tremblant, ou traverfer une riviére, quelque bruit quil entende, quelque objet quil voye. Autrefois avant que l'homme eût, par fon induftrie, tiré les animaux des bois, pour les apprivoifer, & les rendre, aprés bien des foins, dociles à fon commandement, les. taureaux libres du joug erroient à leur gré dans les foréts; l'homme . LE GROS BÉTAIL, 154 (ÉCONOMIE alors n'avoit que fes bras pour re- muer la terre. Il ne favoit point en- core atteler des bœufs, fe faire por- ter par un cheval, retenir chez lui des chiens & les dreffer, n1 confer- ver des veaux dans une étable pour fa nourriture. Mais ainfi qu'a&uel- lement nous allons, avec ün meute , à la chaffe du cerf, du liévre & du fanglier , quand nous voulons don- ner un repas , de méme nos premiers parens étoient obligés d'aller chafler dans les bois le boeuf & le mouton , s'ils vouloient en avoir à leur table, & 1ls s'habilloient grofhérement de la peau de ces animaux , fans qu'elle füt apprétée. — (2) Quand des extrémités de l'A- fie feptentrionale, ils fe frayérent un chemin à travers les bois pour pénétrer au nouveau Monde, ils confervérentles moeurs des premiers âges auxquels ils touchoient encore, la chaffe étoit leur paffion , & leur nourriture dépendoit de leur adreffe a manier l'arc. Auffi lorfqu'ils virent pour la premiére fois les vaiffeaux de l'Efpagne , fes cavaliers fous les RURALE. Liv. III, 155 armes, & des taureaux attelés trai- 3 e EGROS nant des voitures, ces habitans fau- n£ ra ix, vages ne prirent pas les Efpagnols pour des hommes, mais pour des dieux defcendus du ciel, & fe fou- mirent volontairement à des gens qui difpofoient à leur gré des bétes les plus féroces. C'eftainfi que cette autre partie du monde recut le joug d'une poignée de foldats. Tous les autres animaux fe dé- 1a maai&ra pouillent dans l'étable de leur natu- 2: 2^7 nmm — —ÀA——— —! rel fanvage ; il n'y a que les boeufs Ne: qui en confervent toujours quelques reftes. S'ils ne font pas domptés dans leurs premiéres années, leur cou ré- belle au joug ne s'y foumet qu'avec bien de la peine. Il faut qu'un jeune taureau foit habitué de bonne heure à fouffrir la main de fon maitre quand ille caref- fe, & à fe laiffer entrelacer les cor- nes de feuilles & de branches d'ar- bre. C'eft le trifte eflai du joug au- quel il fera un jour affujetti. Vous le lui ferez porter (3) aprés qu'il aura và trois récoltes, & avant qu'il aille paitre l'herbe nouvelle au com- LE GROS BÉTAIL, 156 | (ECONOMIE mencement de fa quatriéme année : car lorfque les boeufs ont acquis tou- te leur vigueur, & qu’ils font par- venus à la vieilleffe, âge indocile & qui rend pareffeux , ils n'obéiffent au commandement qu'avec beau- coup de répugnance. Vous adouci- rez leur humeur farouche , & vous calmerez la violence de leurs em- portemens avec du fain-doux & du vin ; & cette liqueur , dont l'excés rend les hommes intraitables , appai- fe les fureurs d'un taureau quand on lui en fait boire. Si le vin ni les gâteaux préparés ne peuvent le réduire , fi vous n'ob- tenez rien de lui en adouciffant la voix pour le flater , ilfaut enchainer le rebelle dans l'étable , fans qu'il puiffe toucher au foin dont il voit le ratelier garni, & dompter à force de jeünes fon naturel fougueux. Vous n'approcherez de lui qu'avec précaution quand il eft dans l'accés de fa colére , qu'il agite fa téte pour détacher fes cornes, & qu'il porte vers le ciel fes regards effroyables : car s'il vous éloigne après vous avoir : RURALE. Liv. III. 157 2 donné un coup de pied , ce fuccès ne 77... fait qu'augmenter fa mauvaife hu-8£: 412. meur. Devenu préfomptueux, il ofe refufer le joug , menace de la corne, & fait des ruades de tout côte. Quand une fois il s'eft laiffé atteler à la charrue , il fefoumet enfuite avec douceur à toute forte de travaux; & la voix d'un enfant ou fon aiguil- lon fait trembler cet animal , qui fe- roit terrible s'il connoifioit fa force, Auflitôt que deux boeufs (4) fe font rangés fous le Joug , quil y ait quelqu'un qui tienne les cordeaux par derriére, & que celui qui veut les dompter marche devant, & les pique alternativement de l'aiguillon pour les faire avancer d'un pas égal ; quil les effaye d'abord avec un far- deau léger, & qu’il ne leur faffe ou- vrir des fillons que dans une terre déja préparée , ou dans un endroit fabloneux oü le foc puiffe entrer fa- cilement ; de peur qu'un travailtrop rude ne rebute ces Jeunes taureaux, qui ne font pas faits aux exercices fatiguans , ou ne leur démette les membres qui font encore déliçats, | LE GROS BÉTAIL. 158 (ECONOMIE Lorfqu'un taureau mal dreffé dé- figure un champ, & confond les fil- lons , parlesdétours qu'il fait à droi- te & à gauche, il faut joindre cet animal indocile à un taureau vigou- reux & bien dompté , qui le retienne loríquil veut courir de côté & d'au- tre , l'entraine quand il n'avance pas, & le force d’aflujettir fa marche à la volonté du bouvier, quoiqu'il exhale le feu de fa colére par fes nazeaux fumans, & qu'il eflaye par des fe- coufles violentes de rompre le joug. Mais s'il tente de fe fouftraire au travail parla rufe , aprés avoir effayé inutilement la force , & querétifil fe couche avec obftination au milieu des champs , i| ne faut point le char- ver de coups, m lui mettre du feu fous le ventre pour le faire lever ; mais on doit l'enchainer , & l'atta- cher de facon qu'il refte couché fans pouvoir manger , ni fe tenir debout , devenu fage à fes dépens, il ne fe couchera plus dans le fort de l'ou- . vrage; fon eftomac dompté par la faim , lui confeillera la docilité. Le bouvier fe fert encore d'un au- . RURALE. Liv. III, 159 tre moyen pour dompter les boeufs 77777 - qui n'ont point encore travaillé. IlenBéraiz. ——— —— À— D joint trois pour tirer la méme char- rue; le novice au milieu des deux vétérans , eft obligé de faire le mé- me ouvrage qu'eux, & de marcher à leur gré. Quelques coups de fouet l'endo&rinent ; aprés quoi il fait fa befogne de lui-méme. N'attelez enfemble que des tau- reaux d'égale force & de méme âge, afin qu'en labourant ils fatiguent au- tant l'un que l'autre : le fort ruine le foible, ou (comme les animaux ont du penchant à devenir vicieux) ce- lui qui a de bonnes qualités contra- éte infenfiblement les défauts de ce- lui qui eft pareffeux. Afin que les boeufs marchent tête levée , & ne faffent pas tant d'efforts enlabourant , qu'onles Joigne enfem- ble avec une forte courroie , & qu'on leur attache le joug au cou, & _ non pas aux cornes : car les tau- reaux tirent plus du cou & du poi- trail que dela téte & des cornes. De : cette facon ils employent toute leur force , font pénétrer le foc bien plus 160 ŒCONOMIE ST. avant dans la terre, & leur tête n'eft Béraiz. pas toujours tendue, & ne fatigue pas tant. Mais il faut que la main officieufe du bouvier dérange de tems en tems le joug pour foulager leurs épaules froiffées, dans la crain- te qu'il ne fe forme à leur cou des playes dangereufes. Quand le laboureur a découplé les boeufs au coucher du foleil , qu'il ne leur permette pas d'aller au rate- lier ou à l'abreuvoir, tandis qu'ils font mouillés de fueur ; mais qu'il leur frotte foigneufement le cou & les flancs avec du foin. L'amié des L’aflociation des travaux établit bocufs, une forte d'intimitéentredeuxboeufs, & la douce amitié qui unit les ani- maux par la longue habitude qu'ils ont de vivre enfemble , ne laiffe pas d'avoir fa force. Voyez comme ils vont paitre & boire de compagnie, comme ils fe repofent enfemble au milieu des champs , & ruminent l'un à côté de l'autre. | Quoique le boeuf foit courageux, & que la nature ait armé fon front pour le combat ; quoique les ani- maux RURALE. Liv. III, 161 maux qui habitent les forêts ou l'é- == table vivent rarement en paix fousp£raiz., le même toit , & que le bélier même ait du penchant à fe battre malgré la foibleffe de fes cornes : cepen- dant les bœufs, accoutumés à vivre enfemble , ne font point en guerre pour leur nourriture. Ils paffentleur vie fans débats , & de bon accord , fe donnent méme des baifers d'ami- tié ; & lorfque fatigués du travail, ils fe repofent fur un tendre gazon, ils fe font de douces careffes, & fe rendent mutuellement le fervice de fe frotter avec leurs dents, quand _ ils ont la peau tourmentée par quel- que demangeaifon. À voir deux boeufs accouplés tendre également le cou , & faire ufage de toute leur for- ce pour tirer une charrette chargée, on diroit qu'ils difputent entre eux d'honnéteté, & que chacun d'eux veut foulager fon compagnon dans 'fa peine. Si par hafard un loup preffé par la faim, attaque l'un de ces boeufs , & a l'adreffe de le mordre , auffitót l'autre excité par les mugiffemens de Tome I. LE GROS 162 ŒCONOMIE fon compagnon, (5) vient à fon fe: Béraiz, COUIS, Va droit en face à l'ennemi , Le Bœuf dans fa vicil leffe, & le force de s'en retourner à jeun comme 1l étoit venu. Dés qu'une mort prématurée em- porte l'un des deux, celui qui refte, défefpéré d'avoir perdu fon compa- gnon, le pleure amérement. Les gé- miffemens dont 1l remplit les airs, ne font qu'irriter le chagrin du la- boureur ; il craint de faire une nou- velle perte, & que la douleur n'en- léve aufh le furvivant , tant il le voit obftiné dans fa trifteffe àrefufer toute nourriture. (6) Retirez du travail un boeuf quand il eft vieux ; que libre du joug, il aille s'engraiffer dans d'agréables pâturages : afin qu'après vous avoir aidé pendant fa vie à labourer la ter- re, vous tiriez encore avantage de fa mort, enle vendant au marché, C'eft une fin, à la vérité, injufte : car cet animal que vous avez aflocié à vos travaux de campagne, & qui vous a été utile dans le tems de fa jeunefle & de fa force, mériteroit dans fa vieilleffe un fort plus heu- reux, — "Te en - RURALE. Liv. lll., 163 Le bœuf qu'on a licencié foule les prairies, & s'engraifle dans les verds pâturages , furpris qu'on lui permet- te d'auffi doux loifirs. Mais, hélas ! il ne fait pas qu'une mort funefte l'at- tend, & qu'une pefante maffue me- nace fa téte. C'eft à peu prés ainfi qu'un hom- me enflé de fes heureux fuccés , fe livre à des tranfports de joie au mi- lieu des richeffes ; & que fur la fo: de la fortune, il conçoit les plus hautes efpérances ; tandis qu'à fa portela mort, armée d'une faulx cruelle, a déja le bras levé pour trancher d'un méme coup le fil de fes jours fortunés , & de fes projets ambitieux. L'áne & le mulet labourent auff la terre ; mais ils vont à la charrue de bon gré, ils reçoivent le joug, ouvrent la terre avec le foc , & trai- nent des charrettes chargées , fans fe refufer au travail. - A L'áne fe nourrit facilement , & à peu de frais ; il fupporte patiemment le travail & la faim. Des feuilles ; de mauvaifes herbes de marais, de Ou BUR nut LE GROS BÉTAIL, L'Afzc- 164 G coNOMIE I RAT petites branches d'arbre , des buif- Bérais. {ons , de la paille, tout cela eft ali- ment pour lui, tout cela l'engraiffe, Il ne connoit point les maladies (7) aux- quelles en général le gros bétail eft fujet : cependant il n'a point de re- lâche dans fon travail; car s'il y a quelque chofe à porter à la ville ou à la maifon , c'eft toujours à ce pau- vre animal qu'on s’adrefle : il prête fon dos & fes flancs endurcis par les coups à toute forte d'ufages. Quoi- qu'il foit né pour porter les domefi- ques , bien des Dames en font leur monture , fans rougir de la fimplicité des premiers tems , & ne fe fervent que de baguettes pour le conduire, au lieu d'un mors. L'áne tout fier de {on fardeau & de fes caparaçons do- rés, achévele voyage fans remuer indécemment fes grandes oreilles. Quelquefois cependant il s’oublie, & a l'incivilité de cacher fa tête en- tre fes genoux, & tout d'un coup fe remuant avec foupleffe , 1l haufle le dos, & précipite fon cavalier dans une orniére ; après quoi 1l fe met à braire pour faire rire le peuple. Sou- HEN RURALE. Liv, III. 164 vent il s'arrête au milieu de la ville, & s'amufíe à ronger de mauvais choux , ou des feuilles de faule, fans fe mettre en peine des exhortations réitérées de fon maitre , ni des coups de báton qu'il lui donne pour le fai- re avancer. (8) La mule eft engendrée de deux animaux d'efpéce différente , & tient de tous les deux pour les qualités : car elle eft dure au travail, & vit de peu ; elle a le pied agile, & fe préte au tirage comme à porter la charge. Deux grandes mules bien choifies laboureront plus d'arpens que trois couples de boeufs ; à moins que ce ne foit dans une terre graffe & forte, qui demande toute la vi- gueur des taureaux les plus robuftes. Car fi la mule ne peut rompre les guéréts, elle fe fait plutót quelque fra&ture à force de tirer, que de cé- der à la réfiftance qu'elle trouve. Elle porte le voyageur en route fans lefatiguer ; & toujours arden- JG ERES ET LE GROS BETAIE, te, elle marche d'un pied für dans | les endroits les plus difficiles & les plus efcarpés. (9) L'Efpagne préfc- 166 (ÉCONOMIE = rant l'utile à l'agréable, & fidéle 3 LE cRO BÉrTAmir. "fes anciens ufages , ne monte encore aujourd’hui que des mules ; elle ré- ferve pour les champs de Bellone les chevaux courageux qu'elle nourrit en fon fein. On n y eft point choqué des longues oreilles d'une mule, ni de fa vilae tête ; mais on eds re qu'elle a le pas doux, qu'elle eft d'une merveilleufe agilité , & qu'un peu de chaume ou de paille fuffit pour l'engraiffer. Àh ! que font devenus les anciens François , fi refpeétables par la fim- plicité de leurs mœurs ! Quand ils étoient vieux, (10) ils ne fe faifoient porter au Sénat que par des mules prefque auf vieilles qu'eux, & che- min faifant accordoient aux plaideurs des momens d'audience qu'ils ne fai- foient point acheter. Ainfi qu'on faifoit iervir à tout le méme domef- tique, & qu'il ( 11) étoit à la fois portier, palfrenier & cuifimier; de même une mule alternativement fel- lée & bátée , portoit le bois & la ré- colte , aprés avoir,fervi de monture au maître; & témoignoit ou de la | E , | RÜRALE. Liv. III. 167 patience quand on l'employoit à de === vils ouvrages , ou dela gaieté quand 541412. elle marchoit dans la ville chargée du mari & de fa femme en croupe. C'eft par un vain fafte que nous furpaffons nos aieux , & non par les richeffes : notre luxe les épuife. On a par oftentation, & non pour s'en fervir, une troupe de domeftiques, Il feroit bien plus à propos de les employer au métier de la guerre, ou dans leur village aux fatiguans travaux de Cérés, que de les laiffer dans une coupable oifiveté , trainer une vie honteufe. Tous ces fainéans | caufent plus d'embarras à leurs mai- tres , quils ne leur épargnent de foins. Ce n’eft pas aflez que la dépenfe des écuries & des chevaux excéde les frais de la table, qu’un maitre foit mené comme en triomphe dans un char doré, & que des deux có- tés de l'équipage il ait des pages vêtus auffi proprement que fes en- fans , on a encore à fon fervice des gens qui remplacent les chevaux, par la baffefíe de leur emploi. Un Pre GROS BÉTAIL, 168 (ECONOMIE ——— homme , oubliant ce qu'il eft, porte un autre homme ; ; & l'on ne rougit pas de fe faire voiturer dans une vil- le par fon femblable, & de couvrir de cette infamie la race humaine que créérent les dieux à leur 1mage. Mais pourquoi entreprendrois-je ici de guérir les hommes de cette ma- ladie ? Penfeignerai avec plus de fuccés à connoître celles des beí- tiaux, & la maniére d'y remédier. Que le fermier faffe ufage pour le refte du gros bétail des traitemens que je vais indiquer pour le boeuf ; car il feroit trop long de détailler les différens accidens qui peuvent arriver aux divers troupeaux. Il arrive fouvent qu'un boeuf en langueur a du dégoût pour les plus gras pâturages, & quil ne peut ni manger ni ruminer. Il ne fe frotte pas même avec la langue ; mais fe couchant nonchalamment à terre, il tourne triftement la tête de côté & d'autre, agite fa queue , & remplit l'air de fes mugiffemens ; il a de fré- quens rapports , & don gofier fatigue à rendre ces vents; fes yeux font pefans, RURALE. Liy. III. 169 pefans, & répandent des larmes ; ris To enfin le bruiffement de fes entrailles 5 24 4... demande pour lui le fecours d'une main habile. Cette maladie provient du foin trop verd qu'il a mangé, ou d'une fiente recuite qui lui tourmente les inteftins. Le fermier, chagrinde voir fes champs fans culture , & fon bœuf malade’, doit effayer de le faire vo- mir avec quelque forte médecine, & de foulager fes entrailles avec des plantes émollientes qui diminuent {es tranchées. Du fromage vieux dé- layé dans le vin le plus rude, ave des noix de galle &de ciprès broyées, diffipe les vents, & calme fouvent les grandes douleurs. La fiévre fait auffi de terribles rava- ges dans le corps des boeufs ; ils en {ont attaqués quand vous leur voyez les yeux enfoncés & mouillés de larmes , & qu'avecun dégoüt géné- ral, ils ont la tête panchée, & la refpiration généc. Si, après les avoir faignés, la fiévre ne diminue pas, . coupez des choux, faites-les cuire avec de l'huile (12) & du garum, Tome I. E 170 (ECONOMIE & donnez-leur cette potion ; rendez- serais. leurenfuite l'appétit, en leur faifant manger des feuilles de vigne. Afin qu'un boeuf malade fe laiffe approcher quand on veut lui faire prendre des remédes, & qu'il n'é- carte pas à coups de pied les mains fecourables , on conftruit avec des {olives & des traverfes de bois , une machine commode, dans laquelle on l'enferme comme dans une cage, la tête en l'air & attachée avec de bons licols. De cette facon on lui fait avaler malgré lui les fucs utiles à fa guérifon. LeBœufboi- Quelquefois un boeuf eft boiteux inu fans avoir de bleffure apparente : mais fi vous lui touchez les jambes, il indique lui-méme l'endroit oü le fang extravafé s'eft corrompu par la fenfibilité qu'il témoigne. Ne crai- gnez pas alors d'employer un fer fa- lutaire, & de percer la tumeur ca- chée. $i l'ulcére eft à l'extrémité du pied , il faut le déchauffer jufqu'au vif, & nétoyer la playe avec le ícal- pel & de l'étoupe. On panfe enfuite le pied avec difiérens remédes , afin RURALE. Liv. III. 171 que le fabot repouffe ; & l'on ferre —— les bandes avec des liens de jene, Rh Aio. pour préferver la playe de toute hu- midité , qui feroit alors pernicieufe. Les eaux falées de l'Océan em- 12 galle. portent la galle : mais fi l'on de- meure au milieu des terres loin de la mer , 1l faut en contrefaire les eaux 3 & faire fondre du fel, ou fe fervir d'ail dont on aura enlevé la premié- re peau, ou de fouffre délayé dans de l'écume d'huile. Il furvient au cuir du boeuf une maladie plus dangereufe , loríqu'é-- chauffé & mouillé de fueur, il s'eft réfroidi à l'air. La peau fe defféche t & femble attachée àfes cótes, Pour ce mal, faites bouillir du laurier rofe avec du mare d'olives , & de la lie de vin, & frottez-lui-en le dos à l'ardeur du foleil. Il faut lui ouvrir la veine toutes Les tumeurs, les fois qu'il s'eft fait des contufions au cou & aux épaules , pour avoir trop fatigué dans un champ difficile à labourer. S'il a la tête enflée , &, fi les faignées qu'on lui a faites aux deux oreilles, n'ont apporté aucun Pg 172 GCONOMIE foulagement , 1l faut le frotter avec LE GROS : . ; ; BirA:;. de la graife de bouc, de la poix li- quide, & de la moele de boeuf. sangfuedans Lorfqu’une fangfue eft entrée dans »,.5o^er "^ Je sofier d'un taureau , & qu'on ne peut arracher avec la main cet infe- &e acharné , inférez le tuyau d'un entonnoir dans la machoire du bœuf, brulez enfuite des punaifes de facon que l'entonnoir en reçoive la va- peur & la porte dans le gofier du patient. Cette odeur infeéte détache la fangfue ; & comme on tient la tête du bœuf panchée , il eft bien- tót délivré de cet infe&e qui fort de lui-même , quoiqu'il ne feit pas en- core raffafié de fang. Morfure de Il arrive fouvent qu'un boeuf eft ven. — couché, fans le favoir, fur un fer- pent quil n'a point và dans un pâ- turage épais ; le reptile incommodé de ce fardeau , pique le pefant qua- drupéde, & bientót fon venin circu- le avec le fang dans tout le corps du boeuf. Si, par bonheur, cette blef- fure mortelie vient à votre connoif- fance , faites-lui prendre de la rhue, elle pouffe au-dehors tout le venin ; » RURALE. Liv. III. 173 & ne croyez pas qu'aucunMédecin , LE GRO (13 ) aucun Machaon ait indiqué CeB£crAir. reméde : ces gens-là ne connoiffent que le nom des plantes, leurs efpé- ces & leurs claffes. Mais la nature, plus utile aux animaux , leur enfei- gne la propriété des fimples, & la facon d'en ufer. C'eft de la belette qu'un laboureur apprit autrefois à fe fervir de la Une belette étant un jour aux prifes avec une couleuvre , qui lui faifoit réfiftance , elle alloit toutes les fois qu'elle en avoit été piquée , chercher de la rhue , fur laquelle s'étant rou- lée fecrettement pour fe panfer , elle retournoit au combat avec la méme ardeur. Un payfan qui, d'un champ élevé, examinoit ce manége , fut arracher juíqu'aux racines cette plante de rhue, qui fe trouva étre l'unique du canton. La belette re- vint, & cherchant , hélas! inutile- ment dans tout le champ fon reméde ordinaire , le venin gagna infenfible- ment Jufqu'au cœur ; elle enfla, & mourut incontinent, P uj plufieurs | rhue pour les piquures de ferpent. planes. | Vertus de la Rhue, & de De Îa Pierre ferpentine. 174 ŒCONOMIE Si la vertu des fimples étoit con- nue, quelle maladie les hommes au- roient-ils À craindre? C'eft à nous d’ufer de la raifon & de l'expérience pour préparer & mettre en pratique les fecrets que la nature indique aux animaux : ce font-là les guides que la Médecine a fuivis pour atteindre aux connoiffances dont elle fe glori- fie tant. La cigogne s'eftla premiére rafraichi les entrailles avec des fucs bienfaifans que lui adminiflroit fon long bec ; le cheval marin avec un brin de jonc aigu , s'eft ouvert la vet- ne le premier, quand il a eu trop de fang ; & le chien, en fe purgeant avec certaines herbes, notus a appris leur propriété, & la facon de s'en fervir. Il y a une pierre noirátre & fort légére , qu'on a apportée depuis peu du Levant » (14) qu'en appelle Pierre ferpentine , & qui a une vertu fingu- hére. Quand on la porte avec foi, on peut manier des ferpens, fans craindre l'effet de leur piquure. Cet- te pierre appliquée fur la playe , at- tire à elle tout le venin, & le rend auffitót, fi on la plonge dans de l'eau RURALE. Liv. III. 175 ou du lait chaud. De plus, cette méme pierre s'imbibe du fang cor- rompu d'un ulcére, & y refte atta- chée Jufqu'à ce qu'enivrée de pus, pour ainfi dire, elle tombe d'elle- méme. Que dirai-je de la pefte, cette mortelle contagion qui défole la campagne , & lui enléve fubitement les taureaux qui la cultivoient ? Ils meurent de toute part au milieu des champs & des bois, & l'air au loin eft infe&é de leur corruption ; le matin le fermier voit les boeufs qu'il avoit enfermés lefoir dansl'étable , y rendre les derniers foupirs. Plus d'u- ne fois, enlabourantlaterre, l'un des boeufs de la charrue eít tombé mort au milieu de l'ouvrage , &l'au- tre en pleurant le fort funefte du compagnon de fes travaux , & trai- nant fon cadavre à l'extrémité du champ , devient encore compagnon de fa mort en tombant fur lui, & ferme pour jamais à la lumiére fes yeux mouillés de larmes. Le trifte fermier retire fa charrue, & la trainant à contre cœur , porte à P ur LE GROS BETAr1L La Pefte, LE GROS BÉÈTAIL, 176 (ECONOMIE fa maifon , qu'il allarme, la nouvelle de cette double mort, & va femer un jufte effroi dans tous les hameaux voifins. C’eft pourquoi, dès que cette ma- ladie contagieufe s’eft déclarée par fes ravages, ne fongez à conferver de vos troupeaux que les beftiaux qui font en fanté; reléguez-les au loin fur des montagnes , ou dans des bois, & abandonnez à leur, deftin ceux qui font malades , fans chercher àles guérir. Cependant les Chrétiens ont tout à efpérer de la puiffante interceffion du Bienheureux Roch, qui, tandis qu'il vivoit, chaffa la pefle de fon pays par fes ferventes priéres, & qui, toujours notre paz tron, & puiffant auprès de Dieu, arrêtera du haut du ciel cette conta- gion dans fon cours. Depuis peu déja Touloufe & Mont- pellier ont élevé des autels fous fon invocation , aprés avoir éprouvé la prote&ion de ce Saint, qui fut leur citoyen. Il a récemment détourné de notre province (1$) la pefte qui défoloit » RURALE. Liv. III. 177 Marfeille , & qui, dans tous les en- emm virons , exerçant fes fureurs, nousa, 2: °°° retenus dans l’enceinte denos murs, par la crainte de la mort. Hélas! que de milliers d'hommes elle a fait périr ! Mais, parmi tant de fu- jets de regrets & d’allarmes, il en eft un bien grand de confolation, quand on fe fouvient que ces tems - de calamité ont rendu à la Religion toute la fplendeur qu'elle avoit dans les premiers fiécles ; & loríqu'on fe rappelle les illuftres exemples de zéle . & de charité que ce fléau a provo- qués ( 16) chez les Fideles. On les vit arriver par différentes bandes à Marfeille, où les appelloit le défir de mourir glorieufement pour ho- norer la Religion & l'humanité; Au- cune confidération perfonnelle neles retient ; ils s'ouvrent à travers les ri- viéres un paffage qu'un coupable en fuite, aprés s'étre échappé de la pri- fon, n'auroit pas ofé tenter; ils ne craignent point, pour abréger leur chemin, de paffer un fleuve à la, nage, malgré la largeur de fon ht, ( épreuve que perfonne encore n'a- OMBSERNCOUAN CESR LE GR BÉTAIL, 178 (ÉCONOMIE = voit ofé faire ) & s'expofent ainfi à "'deux genres de mort différens. La ville de Montpelher, fi utile à l'humanité , envoya des fecours à Marfeille. Il n° y vint ( 17) que trois Médecins, mais qui valoient eux feuls toute la faculté. Ils fe livrent avecardeur aux travaux de leur pro- fefhon , oublient jufqu’à leur confer- vation propre , & , difputant de cou- rage entre eux, s 'empreffent de pré- ter aux peftiférés les fecours que des concitoyens n'ofoient fe donner, & qu'un pere même refufoit à fon fils. Non feulement ils vifitent & foignent les malades, mais ils difléquent en- core les morts, pour examiner la caufe de cette contagion, & trou- ver’ dans la mort méme des fecours utiles aux vivans. Ayant reconnu combien le peuple avoit de frayeur de ce mal, ( 18) ils prouvent, moins par leur éloquence que par leur zé- le, qu'on s'effraye mal-à-propos de la pefte , comme d'un mal conta- gieux. Cette terreur une fois ban- nie des efprits , 1ls prennent des pré- cautions pour empécher cue la faum PT SN x — S à. » RURALE. Liv. TII. 179 ne précipite plus de malades au tom- == beau que la pefte, qui n'eft pas ung£z aix. mal incurable. | Des Militaires mêmes, qu'on ne foupçonne pas de bruler ordinaire- ment du feu de la charité , (19) aban- donnérent leur pofte, & vinrent à Marfeille. Miniftres de la mort au champ de Mars, ils employérent ici leurs bras à conferver la vie, & ne craignirent pas plus la mort fous l'ap- pareil de la pefte, & à la vüe de fes victimes , qu'ils ne l'avoient redou- tée au milieu du carnage & des hor- reurs de la guerre. Plufieurs femmes auffi, oubliant leur foibleffe naturelle, & animées par la Religion qui les fortifoit, fecoururent, non-feulement leurs époux & leurs enfans , mais encore tous lesautres malades. Elles eurent la tendre générofité, dans le fort de la contagion, d'employer leurs mains délicates aux fonétions les plus fervi- les , & de panfer fans crainte les ul- céres les plus capables de révolter les fens. (20) Ce fut vous, Illuftre Prélat , 180 (ECONOMIE FRERES . . : TRUM "Lr cross Qui» prodiguant vos jours , ranimá- Béra: tes le courage de tous les habitans. On vous vit, bravant la mort & la crainte, marcher d'un pas intrépide au milieu des cadavres , & voler au fecours des mourans, pour foulager leur corps, & fauver leur ame. Le bruit de ces exemples fe répan- dit avec la contagion dans les villes circonvoifines , & la France (21) fut toute furprife de voir les Evé- ques de nos jours, dignes émules des premiers pafteurs de l'Eglife , s’expofer à la mort pour le peuple, & furpaffer autant les Miniftres fu- balternes par leurs foins & leur courage , qu'ils leur étoient fupé- rieurs par le mérite & la dignité. Parmi le nombre de ces Pafteurs, il y en eut un qui, aprés avoir ap- pris l'extrémité & la défolation de fon troupeau , accourut pour le fou- lager avec l'empreffement de quel- qu'un qui viendroit recueillir une fucceffion. Peu inquiet de fes jours quil facrifioit pour le falut public, il quitta la Capitale que tous les au- tres alloient chercher. RURALE. Liv. LIL i181 O vous! qui embouchez la trom- —77— pette héroïque pour tranfmettre à la s; 4::. poftérité les actions des grands hom- mes , immortalifez les illuftres noms de ces Pafteurs généreux. Pour nous, continuons notre ouvrage , & repre- nons le foin des troupeaux. . Quand les gras pâturages man- quent dans un endroit, c'eft affez qu'un laboureur entende le gouver- nement des boeufs qui fervent à la charrue. L'Auvergne féconde en troupeaux éléve des vaches, & s'at- tache à faire provifion de lait. Les vaches reftent dans les étables pen- dant l'hiver , tandis que la neige cou- vre & blanchit les champs de toute part, & le foin qu'on donne alors aux troupeaux leur fait fupporter l'ennui de leur longue prifon. Mais auffitót que l'haleme des zéphirs fait fondre la neige des montagnes, & que la terre, après un long froid, commence à fe parer d'un gazon re- naiffant , alors, comme on voit les bandes guerriéres quitter les villes, & fe raffembler au champ de Mars, dés que la trompette en a donné le IER S 182 (ECONOMIE fignal, les vaches fortent avec pre- cipitation des étables, fe rendent à l'envi fur les plus hautes montagnes, & prennent fans aucun guide la rou- te qu'elles font dans l'habitude de fuvre. Dés que ces troupeaux ont atteint ———————] —— — les hauteurs , ils entrent dans les pá- turages , s'en raffafient avec délices, & y paffenttoutlejour. Maisle foir, quand la nuit approche , ils ont la précaution de former une forte de bataillon, & d'affeoir une efpéce de camp, en fe couchant en rond fur l'herbe. C'eft ainfi qu'ils épouvan- tent ou qu'ils repouffent par la force les loups qui, fur ces montagnes , dreffent des embüches aux Jeunes veaux. Ceux-ci font placés au mi- lieu, & les boeufs fe couchent au- tour d'eux rangés cóteà cóte. Leurs corps pefans font les fortifications qui défendent le camp, & leurs cor- nes, prétes au choc dans le cas de quelque alerte, font les paliffades dont les retranchemens font revétus. Ainfi les meres tranquilles pour leurs petits, & les petits en fureté près de RWRALE. Liv./I]. 183 leurs meres , dont ils approchent le = plus qu'ils peuvent, dorment tous s WA. fur un tendre gazon, fans craindre aucun danger. 51 une vache a remarqué au lever du foleil quelque loup rodant aux environs , elle remplit l'air de fes mugiffemens pour appeller du fe- cours : auffitót les autres vaches ac- courant de toute part, lui répondent par leurs cris, & ne touchent pas au moindre brin d'herbe juíqu'à ce que l'inquiétude foit bannie du troupeau par la fuite de l'ennemi. Mais quoique les vaches errent à leur gré dans ces páturages , elles ne manquent point tous les matins de fe rendre des l'aube du jour à la ca- banne du pafteur , pour fe faire trai- re. Le berger les récompenfe parun peu de fel, ; & ce petit préfent les in- vite à venir d'elles-mémes offrir des flots de lait à leur bienfaiteur. Le matin quand elles arrivent, le * ber- * C'eft le devoir du bon paíteur de connoi- tre & de conduire fon troupeau. Paffor pro- prias oves vocat nominatim , & educet eas & ante eas vadet. Evang. S. Jean. í mme LE GROS BETAIL. 184 ŒCcONOMIE ger appelle chaque vache par fon nom , pour la faire approcher plus près qu'elle ne voudroit ; elle obéit, & illa trait , après lui avoir fait tour- ner le derrière du côté des vafes qui font dans fa cabanne. Mais de peur que les meres, fe fouvenant de leurs veaux , neretiennent leur lait en ref- ferrant leurs mamelles , chaque veau a la premiére libation de celui de fa mere. Enfuite quand les vaches font re- tournées au pâturage, les bergers jettent de la préfure liquide dans le lait, le preffent bien avec leurs mains, & mettent deffus une groffe pierre pour lui faire rendre toutes les parties fereufes. $1 quelquefois pour éviter les grandes chaleurs, & refpirer un air plus pur , les maitres viennent de la ville voir leurs troupeaux furla mon- tagne : quel plaifir n'ont-ils pas de fe promener dans un pâturage dél- cieux, de compter les fromages, d'examiner les bergers, & de voir le troupeau en bon état, foit queles befliaux errent à leur gré dans les prairies , RURALE. Liv. III. 185 prairies, qu'ils fe repofent , & ru- = minent fur l'herbe, que les veauxazz4::. jouent autour de leurs meres, & quils tondent quelquefois lherbe d'un coup de dent mal affuré, foit que le pafteur s'occupe à traire les vaches, & , les bras nuds , preffe le lait dans des vafes, foit que les bergers des montagnes voifines fe réuniffent un jour de fête, & bo:- vent largement pour égayer leurs repas ! Souvent méme les maitres , renon- cant au vin pour quelque tems, prennent le lait pour fe rafraichir ; & lorfquils ont befoin d'une méde- cine, ils n'ont point recours à ces eaux minérales , quela terre , par fes fels , rend falutaires ; mais le matin ( 22) ils rempliffent de grands ver- res d'urine de vache, avec laquelle ils fe purgent. Potion qui fait beau- coup rire le berger, & qui n'eft point enviée par le veau qui téte encore. Mais lorfque les aquilons com-. mencent à foufler , & que les premié- Tome I. | LS en“. +2 ER 6 RO!'S BETAIL. 186 (ÉCONOMIE res neiges annoncent l'hiver & la pluye , les troupeaux fongent à quit- ter les montagnes, paiffent jour & nuit , font avec avidité provifion de nourriture pour la route ; & quoi- qu'ils ne hátent pas leur marche , ils defcendent pourtant d'eux- mémes de ces froides montagnes pour aller paffer l'hiver dans les étables , à l'a- bri du vent. (23) C'eft ainfi que Progné fugiti- ve, quand les premiers frimats fe font fentir, & loríque le foleil s'eft éloigné de nos climats, abandonne fon habitation paffagére qu'elle ré- créoit par fon chant , & va chercher des régions plus tempérées. C'eft ainfi que Philoméle , qui le matin falue le Dieu du jour par fes tendres accens , (24) garde le filen- ce pendant la nuit ; tandis qu'au mi- lieu des ténébres, le hibou, par fa voix lugubre , annonce aux mortels de funeftes préfages. (25) C’eft ainfi encore que la maifon d'un maitre , dans le tems de fa profpérité , eft fréquentée par un troupeau d'amis , qui s'enfuient des RURALE. Liv, III. 187 qu'il furvient un tems fâcheux ; CE pe = e E GROS que la fortune , qui fe plait à loger 5:24: {ous différens toits, emméne avec elle ces amis inconftans chez tous les hôtes où elle va camper. Fin du Livre troifiéme. 188 REMARQUES Sur le troifiéme Livre. E gros Bétail fait la matiére de ce Livre. L'Auteur ne dit qu'un mot du cheval, qu'il regarde ici comme un animal plus utile aux voyageurs & aux guerriers, que propre au labourage : mais il parle amplement des bœufs, de leurtaille , de leurs qualités, de la maniére de les dompter , de l'amitié qu'ont entr'eux ces animaux, & de leurs différentes maladies. Il fait auffi mention des vaches, de Pâne, du mulet; & à l'occafion des remédes qu'il indique pour leurs maladies, il fait l'élo- ge de quelques plantes, & principalement de la rhue ; il exalte auffi les vertus de la pierre ferpentine. Enfin la pefte , dont le gros bétail fent trop fouvent les funeftes effets, lui don- ne lieu de décrire celle de Marfeille : d’où il pafle pour terminer ce Livre , à l'ufage des habitans d'Auvergne, qui envoyent au prin- tems les troupeaux fur les montagnes. ( 1) [Qu'il lui apprenne a faire defatiguan- tes courbettes. | Virgile dit également, Georg. L: 94 Uii quarta accefferit atas Carpere mox gyrum incipiat , gradibufque fonare . Remarq. fur le roifième Livre, 189 Compofiris : finueique alterna volumina crurum: Sirque laboranti fimilis : tum curfibus auras Provecet , ac per aperta volans , cen liber habenis , Æquora , vix fummá vefligia ponat arena. (2) [ Quand des extrémités de l'.Afre fep- tentrionale. ] L'opinion la plus commune eft quo la Tartarie eft jointe à l'Amérique ; con- équemment fi cette quatriéme partie du monde n’eft qu’une preíqu'ifle, il n'eft point étonnant que Criftophe Colomb l'ait trouvée f peuplée. Il eft vrai que ce chemin qui con- duit de l’Afie feptentrionale en Amérique n’eft point encore connu, mais feulement confi- déré comme poflible, (3) [Après qu'il aura v4 trois récoltes, ] C'eft un tour poétique pour dire qu'il faut accoutumer le bœuf à porter le joug quand il a trois ans paffés. (4) [Se font rangés fous le joug. ] 1] ya dans le texte pellite juzo. L'auteur donne au joug cette épithéte , parce qu'on le garnit d'une peau, de peur qu’il ne bleffe le cou des jeunes bœufs. ($) [Wient promptement à fon fecours. | 11 y à dans le texte : "Auxilio jam non piger advolat. Jen'ai pas crá devoir rendre le mot advolat par le terme françois vole ; parce que l'agilité n'é- tant pas à beaucoup prés la qualité du bœuf, il m'a femblé que l'oreille françoife feroit rc- 190 Remarques volrée fi l’on difoit d’un boeuf qu'il vole au fe- cours de fon compagnon. Cette figure eft un peu trop forte pour un animal auffi pefant : cependant elle choque moins dans le texte, parce que C'eft un Poëme. (6) [Retirez du travail un bœuf quand il eft vieux. ] Cet endroit eft imité d'Horace : Solve fenefcentem mature fanus equum , ne Peccet in extremum ridendus & ilia ducat, t7) ['Auxquelles le gros bétail eft fujet. | L’Abbé Desfontaines, dans fa traduétion de Virgile, a rendu pecora majora € minora , par grands & petits troupeaux. Il eft fingulier que ce Littérateur ait confondu les grands & les petits troupeaux avec le gros & le menu bétail : les grands & les petits troupeaux dé- fignent feulement la quantité , mais non pas Pefpéce. C'eft pour la diftinguer qu'on dit gros & menu bétail. Par la premiére déno- mination , on entend les boeufs , les vaches, les chevaux , les ânes, les mulets; voilà ce que fignifient pecora majora dr armenta : & par la feconde , on entend les moutons, les bé- liers , les brebis, les chévres , les pourceaux ; qu'on appelle en latin pecora minora ant gre- ges. On peut dire qu'on a un grand troupeau de moutons , & un petit troupeau de bœufs : ce qui ne fe pourroit pas , fi le fens que donne Abbé Desfontaines à pecora majora, étoit jufte. (8) [ La mule eft engendrée. | Il y a dans | | ^ | Jur le troifiéme Livre, — 1 gt . letexte, mula Rhutenenfis. L'Auteur l'ap- pelle mule de Rouergue , parce qu'on en élé- ve beaucoup dans ce petit pays du Lyonnois. Mais dans une traduction , de pareilles épithé- | font toujours de trop. | (9) [ L'Efpagne préférant. ] Les équipages | du Roi méme n'ont que des mules , & ces ani- maux fervent de monture à la plupart des ha- bitans. (10) [ Ne fe faifoient porter. ] Je ne fai fi | €es tems font auffi à regretter que le penfe , PAuteur. Les Magiftrats d’aujourd’hui peu- | vent dire pour leur juftification , atre tems , | autres mœurs. Dés qu'on a du bien pour fe , procurer fes commodités, pourquoi ne pas | s’en fervir? D'ailleurs les Juges qui alloient | autrefois au Palais fur des mules, pouvoient, | eü égard à leur fiécle, être taxés d'autant de fafte que les Magiftrats de nos jours ; parce que, dans des tems plus reculés , les J uges fe rendoient peut-étre à pied od les appelloit leur miniftére. Ainfi l'on pouvoit dire, en comparaifon de l'ufage précédent, que ceux qui fe faifoient porter par des mules , mon- troient trop de fafte , & avoient trop de vani- té : tout eft relatif. (0 (11) [ Etoit a la fois portier, palfrenier & cuifinier. ] Moliere, dans fa Comédie de PA- vare, a trop jetté de ridicule fur les gens qui, | avec du bien , portent Poeconomie à ce point- | li, pour que cet ancien ufage reprenne fa- yeur. (12) [Et du Garum.] C’eft une fauffe 192 Remarques que les anciens faifoient avec la faumure du poiffon nommé Gazrus, que Voflius prétend être le maquereau. (13) [ Aucun Machaon. ] Vl étoit fils d’'Ef- culape, & l'un des célébres Médecins de la Gréce. Il partit pour le fiége de Troye, & y fut tué par Eurypile. Virgile dit qu'il fut le premier à fortir du cheval de bois pour s'em- parer de la ville. lllos patefaëlus ad auras Reddit equus , latique cavo fe robore promunt Tifandrus Sthenelufque duces , & dirus Ulyffes , Demiffum lapfi per funem , Athamafque Throafque Pelidefque Necptolemus , primufque Macbaon. Æneid. 1l. 2, (14) [ Qu'on appelle pierre ferpentine. ] On a attribué à cette pierre, ainfi qu’au bézoard, quantité d'effets merveilleux. Mais leurs ver- tus , fi prónées par les charlatans , s'évanouif- fent quand ce font des naturaliftes éclairés | qui en font l'épreuve. Au refte, l'éloge qu'en fait le Pere Vanniere ne doit pas féduire le Lecteur : les Poëtes adoptent les opinions communes, quand elles leur fourniflent des images : c’eft au Phyficien à les examiner. Voyez le Traité univerfel des Drogues fimples, par Nicolas Lemery , article Lapis ferpentis. Voyez aufli Tavernier. Les charlatans font accroire que c'eft une pierre qu'on trouve dans un ferpent que les Portugais appellent , Æbra de Capelos , & les François, Serpent au chaperon ; ' | Jur Le troifiéme Livre. 193 chaperon ; quoique ce ne foit qu'un morceau de corne de cerf brulé fur les charbons. (15) [La pefie qui défoloit Marfeille. ] L'auteur fait ici la defcriprion de la pefte de Marfeille, à l'imitation de Virgile, qui, à la fin du troifiéme Livre des Géorgiques, décrit celle qui défola le Frioul & la Carnio- le dans les Alpes Italiennes; & de Lucrece , qui peint celle de l'Attique , qu'a auffi rapportée Thucydide. Mais il s'en faut bien que la def- cription du Pere Vanniere égale celles des deux Poëtes & de l'Hiftorien dont je viens de parler. La fienne eft une gazette, un récit froid , plutôt qu'un tableau. Lucrece , au con- traire , fait une peinture fi vive de cette affreu- fe maladie, qu'on croit en être attaqué, & qu'on eft preíque tenté de prendre un préfer- vatif. Si Lucrece & Virgile n'étoient pas dans les mains de tout le monde, j'aurois inféré ici leurs defcriptions. ( 16) [ Chez les Fidéles. ] Il y a dans cet endroit une tirade de vingt vers qu'on à jugé à propos de fupprimer, comme un hors-d’œu- vre. Cette fortie déplacée fur les Janféniftes - m'a parue peu convenir au caractére du Pere” Vanniere , qui, par fon efprit, fa douceur & fa politeffe , a mérité l'amitié de tant d'hom- mes illuftres. D'ailleurs dans un Poéme où ii s'agit des délices & des travaux de la campa- gne , peut-on prendre avec grace le ton d'Ar- chiloque ? (17) [Que trois Médecin:. | Ce furent Tome I. R 194 .. Remarques MM. Chycoizeau , Chancelier de l'Univerfité de Montpellier, Didier , Profeffeur de la mé- me Univerfité, & Versny, Médecin de cette ville. (18) [Is prouvent moins par leur élo- quence. | M. Chycoineau fit imprimer un Li- vre où il foutient que la pefte n'eft point con- tagieufe. Peut-être fut-ce par politique que ce Médecin ofa réfuter l'opinion commune; parce que plufieurs perfonnes, dans la crainte de gagner cette maladie, refufoient leur fe- cours aux peftiférés. M. Aftruc, Médecin alors à Montpellier , fit une Differtation pour prouver que la pefte eft contagieufe, & fe communique par les corpufcules peftiférés , dont l'air eft chargé. M. Didier , dans un Dif- Cours , a réfuté ces deux opinions, & dit : S1 la terreur feule eft ble de produire la pefte , comment des enfans de huit jours ont- ils pu mourir de cette maladie ? Si elle fe prend par l'atmofphere des atómes peftilen- tiels, comment quelqu'un a-t-il pu entrer dans une infirmerie de peftiférés , fans être frappé de la pefte. Le fentiment de M. Didier elt que la pefte fe gagne par un contact im- médiat & durable. (19) [ Abandonnérent leur poffe. | Ce fu- rent MM. de Langeron , de Montand, & de Soiffons. (20) [ Ce fut vous, Illufire Prélat. ] L'Au- teur entend parler de Henri de Belfunce, Evéque de Marfeille, dont le zéle entendu, . ; | fur le troifième Livre, 195$ les foins & les aumônes , fauvérent plufieurs perfonnes , & réveillérent les fentimens d'hu- manité parmi bien des gens que la crainte écartoit du danger, (21) [ Fut toute [urprife de voir les Eve- ques de nos jours. ] Voici les noms de ces Evé- ques charitables , qui ont fait honneur à Phu- manité en fe dévouant pour le falut du peu- ple. MM. de Ventimille du Luc, Archevé- que d'Aix, Forbin de Janfon, Archevéque d'Arles, Louis de la Tour-du-Pin- Montau- ban, Evéque de Toulon, de Forefta de Co- longue, Evéque d'Apt, & Davejan, Evéque d'Ales. (22) [ Is rempliffent de grands verres. | L'urine de vache, qu'on appelle Ea de mil- le-fleurs , et un bon reméde quand on a l'ef- tomac chargé. (23) [C'eff ainfi que Progne.] Elle étoit fille de Pandion, Roi d'Athenes. Elle fut changée en hirondelle., Voyez les Méta- morphofes d'Ovide, & le Di&ionnaire de la Fable. (24) [ Garde le filence pendant la nuit. ] Ceci n'eft pas exact : quand le roffignol eft dans la faifon de chanter, on entend fon ra- mage aufli fouvent la nuit que le jour. (25) [ C’eft ainfi. ] Cette peníée eft imi- 1ée d'Ovide. Donec eris felix multos numerabis amicos, Tempora fi fuerint nubila, folus eris. R ij 196 Remarques , &c. Pétrone fait dire à un des convives du repas de Trimalcion : Scito autem ciim olla malè ferret & ubi fimul ves inclinata eft. amici de medio. Horace dit auffi : | Diffugiunt cadi Cum face ficcatis amici. p Mes E TE z Ive eet uae 7e FRET HELM WIE AM NU. RE Ee debe de he : : GCONOMIE RUR À LE. ——— — LIVRE QUATRIÉME, Le petit Bétail. ARLONS maintenant du foin qu'on doit prendre des trou- peaux de brebis. (1) Elles font le préfent de la nature le plus utile à la terre & aux hommes : car le fumier de ces beftiaux rend la terre meil- leure pour les bleds, leurtoifon cou- ^j les hommes, leur chair les nour- & je ferois tenté de croire E i able argent, (2) que vous pri- tes votre nom de celui de troupeau, après que la vie paftorale eut élevé Rémus & Romulus, & enrichi ces R uj Les Brebis. 198 (ÉCONOMIE Les 5 -< 2 Lereriitameux bergers au point qu'ils furent BiraiL. enétat de bätirRome, del'entourer | de murailles, & de faire adopter —— leurs ufages & leurs loix aux peu-— | ples qu'ils avoient fubjugués. | Les fermiers n'auront pas moins de foin du menu bétail que du gros : car la brebis imbécille ne veille fur elle d'aucune facon. Dieu lui a don- né une riche toifon , au lieu de la force & des armes qu'il a départies au refte des animaux. (3)Le boeuf attaque courageufement fon ennemi avec fes cornes, le cheval fe défend avec le pied , le lion déchire avec les grifies, le tigre mord, le renard em- ploye la rufe, le chien montre les dents & s'en fert dansl'adion, & le cerf timide pourvoit à fa fureté par Pagilité de fes pieds. Mais la brebis n'a ni rufe , nifor- ce, ni aucune efpéce d'armes ; point de courage , point de reffource dans fes dents pour repouffer les attaques du loup , ni d'agilité pour éviter fes embuches. À peine doubleroit-elle le pas pendant un orage, fi le paf- teur avec fa houlette ne la preffoit mme. dd. CRE. à j——————" RURALE. Liv. IV. 199 de marcher, & ne l'avertifloit par 7—— fes cris de fe mettre à couvert de lasz:a::.- pluye. Mais , quoique la nature l'ait vétue lus qu'aucun autre animal, cepen- dant elle eft fi délicate que les grands froids la font mourir, fi la bergerie n'eft pas expofée au midi, & file berger n'a pas foin de faire au trou- peau une litière (4) de paille & de fougére bien féche, fur laquelle les agneaux avec leurs meres foient cou- chés mollement & proprement pour fe repofer. Car les brebis qui, dans des tems bien reculés, vivoient en plein air au milieu des forêts , & bra- voient l'hiver & fes frimats , font devenues délicates comme nous de- puis que nous en avons fait des ani- maux domeftiques. Plus on prend de précaution pour fe conferver, plus les corps devenus fenfibles don- . nent de prife aux maladies. C'eft pourquoi examinons les foins Les Agneaux. qu'il faut prendre d'un agneau dès fon âge le plustendre. Auffitót qu'il eft né on le léve & on le tient droit fur fes jambes ; on prefle les mamel- R uj a — 200 (ÉCONOMIE t...;.,les de la brebis, & l'on fait goûter Brra:i {on lait à l'agneau, afin del'habituer à téter lui-même fa mere. Mais lorf- que le berger la trait pour la premie- re fois , il doit jetter le lait; car il eft pernicieux , & cauferoit des ma- ladies aux agneaux dés leur naií- fance. On enferme enfuite l'agneau avec fa mere, afin que celle-ci le foigne davantage, & que l'agneau apprenne à la connoitre. Aprés deux Jours on permet aux brebis, qui ont mis bas , d'aller paitre de (5) l'orge en herbe : mais on retient les agneaux dans la bergerie, quoiqu'ils appellent leur mere par des bélemens fans fin qui font retentir le bercail. Lorfque l’âge aura fortifié l'agneau, & quil commencera à être grand, on le laiffera aller au pâturage , pour exercer fes dents fur les herbes ten- dres ; & quand fa mere & lui fe fe- ront raffafiés de leur premiére ten- dreffe, & qu'ils pourront l'un & l'au- tre fupporter leur abfence fans in- quiétude, la mere retournera au pá- turage à l'ordinaire , & les tendres R'URALE. Liv. IV. 201 agneaux iront paitre , fous la condui- ===" te du fils du berger , l'herbe fuperflue B£+r411, des bleds , dont l'abondance eft nuifi- | ble quand ils commencent à pouffer ; | ou bien que le berger éléve fon fils | auxtravaux champétres, & s'il a chez lu: une jeune fille, qu'elle faffe pai- tre les agneaux , & qu'elle neles en- ferme pas dans l'étable aprés qu'ils font raffafiés, mais qu'elle les laiffe bondir fur le gazon, tandis qu'elle s'amufera à rouler fur un fufeau le fil de fa quenouille. Cependant, jeunesfilles, ne vous accoutumez pas à ce genre de vie. Il étoit permis autrefois dans les fiécles d'or; mais aujourd’hui vous ne devez connoitre ( 6) ni lesfatyres quife ca- chent dans les bois, n1 d'autres lar- cins que ceux qu'on fait des brebis. Loríque les meres reviennent le foir du pâturage, on les enferme avec leurs petits, à qui elles don- nent leurs mainelles à preffer pour fupplément de la nourriture du jour. Quand ils font févrés on les laifle pai- tre à la campagne avec le refte du | troupeau, & on les met dans la mé- TER AR CS CES L'E PETAUT 202 (ÉCONOMIE . me bergerie ; ou bien, on les fait par- B£rais, quer enfemble, dans le même en- Le Bélier, droit , à la belle étoile. Mais la concorde n’habite pas long- tems parmi eux, (7) & le cruel Amour, qui, prefque toujours dans les villes, fait le tourment & la per- te des hommes, régne avecle méme empire parmi les troupeaux. À pei- ne un agneau fent-il fon front armé de cornes , qu'il décéle par mille em- portemens le feu brulant qui le dé- vore, & que tous les béliers deve- nus rivaux fe livrent des combats ; à moins que le pafteur , avec le fer, ne tranche la caufe de leurs amours effrénés. Il faut que le bélier auquel on de- ftine l'emploi & le titre de pere , ait le corps large & élevé, qu'il foit chargé delaine, & qu'elle foit plus blanche que la neige. Sa langue ni fa toifon ne doivent point étre bigar- rées de différentes couleurs , de peur e la laine des agneaux ne reflem- ble à la fienne. Il faut qu'il ait beau- coup de laine au cou, àla téte , au ventre , & méme autour des yeux ; . RURALE. Lmw.lP/. 203 que fes cornes foient courbées fur le mufeau. Ses rivaux en font bleffés quand il les a droites. Dès qu'il les ent pouffer, fier de fes armes, & piqué de jaloufie , il eft continuelle- ment enguerre avecles autres. Mais voici la facon de le corriger : on prend un petit ais de bois, qu'on arme de pointes de fer ; on le lie aux cornes du bélier qui eft jaloux & hargneux, les pointes tournées vers le front. Avec cette efpéce de caf- que , 1l fond fur fon ennemi, & éle- vé fur fes pieds , il lui heurte la tête de la fienne : mais, bleffé de fes pro- pres coups , il fe garde bien dans la fuite d'ufer d'une arme qui lui eftfu- nefte à lui-méme. Pour chef de votre troupeau, pre- nez un bélier qui ait les cornes mu- tilées. Ainfi défarmé, 1l aimera la paix, & ne cherchera point àiutter contre les autres. Ne lui donnez point à failhr des brebis trop vieilles ou trop Jeunes ; les unes font expofées RSR - M V LE PETIT BÉTAIL. à une mort prochaine , & les autres : trompent fouvent vos efpérances. Que le pafteur ne méne pas paitre LE PET1I: BETAIL 104 (ECONOMIE fon troupeau loin de la bergerie, loríque (8) les grues & la finiftre Préfages de corneille appellent la pluye par leurs pluye. cris aigus, ou que les bœufs lévent la tête & ouvrent les nazeaux pour refpirer , ni lorfque l'air eft pefant, ou que les mouches fe font plus fen- tir quà l'ordinaire, ni quand le hé- ron s'éléve au-deffus des nues pour éviter les vapeurs qu'exhale la terre lorfque le tems menace de pluye. Craignez encore qu'il n'en tombe lorfque le vent fait voltiger des feuil- les légéres, & les entraîne dans les tourbillons qu'il excite ; ou quand vous voyez des traits de flamme briller dans les airs ; (9) ou quand Iris fe difpofe à verfer dans les cam- pagnes l'eau qu'elle pompe avec les deux pointes de fon arc; mais fur- tout lorfque pendant l'été le tonnerre gronde dans les airs, & qu'un nuage épais fe réfout en pluye chargée de petits animaux venimeux. Enfermez votre troupeau dansla bergerie ; car il ne pourroit prendre de poifon plus mortel : & cependant l'imprudente brebis l'avale avec plaifir, RURALE. Liv. IV. 205 Dans le printems , vous n'ouvri- === rez le bercail que lorfque le foleil au- i ar ra diffipé la gelée blanche quicouvre Les pärura- l'herbe. Dès que la canicule fera ^ fentir fa brulante haleine , menez paitre votre troupeau deux fois par jour ; une fois le matin, lorfque la rofée rend l'herbe plus délicate ,«& une autre fois lorfqu’elle eft humec- tée par la fraicheur du foir, qui en rend les fucs plus agréables. Car loríque l’aftre du jour au milieu de fa courfe , darde fes rayons avec le plus de force , & que l'herbe flétrie & defféchée fe foutient à peine fur fa tige, le berger doit conduire le troupeau dans quelque vallée ; afin de le mettre fous des arbres touffus (10) à l'abri de la chaleur, Pour accompagner & venger le troupeau, le pafteur doit avoir un chien, qui, dans les páturages , lui ferve de garde, & qui, pendant la nut, fentinelle infatigable, foit la fureté de la bergerie, & dont les cris menaçans fuffhfent pour épouvanter les loups & les voleurs. . Que le berger conduife lentement LEDETIT BÉrAIL, 206 (ÉCONOMIE fes brebis dans les champs ; quil excite les pareffeufes, & qu'il arréte celles qui fe hâtent trop : enfin qu'il rappelle par des fiflemens aigus, ou en prenant la voix menagante d'un homme en colére, celles qui s'écar- | tent du troupeau. Si quelque brebis | nouvellement mere fe couche de foi- | blefle , le tendre berger doit mettre fa téte fous elle pour la foutenir , lui montrer l’agneau qui vient de naitre, | & le nculioiitict dans fon fein. Il doit connoitre la caufe des ma- : ladies du troupeau , & la façon de les guérir ; les différentesfaifons, & ! les endroits propres aux pâturages ; | quelle couleur de laine fe vend le | mieux, & annonce en méme tems | la meilleure chair. Il doitfavoir dans | quelle faifon fe tondent les brebis, & à quelle heure il faut les ramener | du pâturage, & les abreuver à quel- | que agréable fontaine. Le berger qui né veut pas négli- | ger pour fon troupeau les plus petits | foins , le méne paitre le matin du | côté du couchant, & le foir du côté | du levant : car là grande chaleur eft 4 RURALE. Liv. IF. 207 pernicieufe aux brebis , lorfque pan- ———— chées pour paitre , elles ont encorés£zain la téte expofée à toute l'ardeur du foleil. Qu'on ne choififfe pas fur-tout de gras pâturages , qui raffafient le trou- peau. On doit ‘donner la préférence aux collines & aux terreins fecs, dont l’herbe courte contribue beau- coup à rendre la laine des brebis plus belle & plus fine. Le meilleur mou- ton pour le goût & la délicateffe de la chair, eft celui (11) du Gange, qui fe nourrit de thim. Le berger fenfible aux premiers froids, ne doit pas être aflez lâche pour refufer de paffer à la belle étoile quelques nuits fraiches de l'au- tomne , fous le prétexte que fes bre- bis font foibles & malades : car la menue fiente des brebis parquées , & leur chaleur modérée , engraiffent — bien mieux une terre , que fi on la | chargeoit de grands tas de fumier. | 161 cependant l'hiver, par un froid | prématuré , rend la faifon trop ru- | de, vous ne laifferez pas coucher | vos brebis fur la terre, ni aller les | E EVBIERIURCOE BÉrTArir, 208 (ÉCONOMIE pieds tout gelés chercher triftement fous la neige quelques brins d'herbe féche & aride : mais vous leur don- nerez dans la bergerie, dela vefce, des pois cornus, des feuilles d'ar- bres & du foin ; de peur que la faim cruelle ne les gagne , & que la gale ía compagne ne s'empare de tous leurs membres. Dés que ce mal in- fede le troupeau, la demangeaifon excite les brebis à fe froter contre les arbres ; elles fe gratent avec leurs cornes recourbées , ou fe déchirent avec les dents : aprés quoi bientót cette pefte fe communique à toute la peau. Apres l’hiver, quand le foleil a fait fondre les neiges, les troupeaux retourneront aux páturages. Le bé- lier marche à la tête ; fous un tel guide les brebis errent fans crainte dans la campagne , elles aiment à l'a- voir pour chef, foit que le berger les raméne le foir, foit que pendant la chaleur il les conduife dans les val- lées ou dans les bois , foit qu'il faille paffer un ruiffeau , entrer dans une barque pour traverfer un fleuve , ou fauter RURALE. Liv. IV. 209 fauterun foflé. Ce font des animaux = qui aiment tant à furvre l'exemple si724::., de leur chef, que s'il prend envie au bélier de fauter , toutes les brebis ( 12) fautent à fon imitation, quoi- que ce foit dans un terrein plat. Les moutons qui ne font qu'à mot- Les Moutons, tié males, fe laiffent auffi conduire au pâturage par le méme chef. On ne choifit point pour marcher à la téte du troupeau le bélier qui a la plus belle apparence, la plus riche toifon , le plus d'áge ou d'expérien- ce : mais, de méme que parmi les Grands la faveur capricieufe élève aux honneurs ceux quil lui plait, ainfi le goüt de préférence qu'un pafteur a pour un bélier, fufht pour en faire le général du troupeau. Il. marche toujours le premier , fonde le terrein : & , de méme quil con- duit les brebis à l'abreuvoir & au pâturage , il eft leur perfide conduc- teur quand elles vontà la boucherie. Ainfi, parmicette efpéce d'animaux, il y en a qui trahiffent leurs fembla- : bles, & qui fe foumettent d'eux- mêmes à ce trifte miniflére pour une Tome I. 210 (ÉCONOMIE — —-, Vile récompenfe : car le pafteur paye Píra:, Ordinaiement au bélier le prix de fa perfdie, & lui donne après fon re- tour un peu de bled, ou quelques autres graines de fon goüt. ARE C'eft le devoir du bouc de devan- cer les chévres , lorfqv'elles gravif- fentfur le haut des montagnes. Mais (13) la goutte lui permet à peine de faire un pasavecelles. Cemaleft — - le trifte falaire des plaifirs auxquels — le bouc fe livre dès fes premiéres années. À peine la barbe lui croit- — — elle au menton, à peine fes cornes | ont-elles commencé à percer, que | les feux cachés de l'amour font dé- ja des progrès dans fes veines. Auf une vieilleffe prématurée le rend bientôt infirme ; il devient lent, pa- reffeux , malade , inutile à tous égards : fon odeur infupportable in- feéte les troupeaux & l'air des envi- rons, & bientót la mort met fin à fes triftes Jours. LesChévres. — Les chévres agiles & les bêtes à. laine ne paiffent pas dans les mêmes heux. La chévre marche en fureté au milieu des rochers les plus efcar- | RU RALE. Liv. IV. 11 r pés, & recherche avec avidité le === citife & les petits arbriffeaux qui s£z4;::. font fur le penchant des montagnes. Les brebis aiment à paitre dans les champs , & non pas fur de ftériles ro- chers, qui ne font couverts que de ronces & de buiffons ; les épines leur déchirent la peau, & leur arrachent des floccons delaine , que les oifeaux enlévent avec foin pour en tapiffer leur nid. L'Efpagne, qui a foin de charger fes brebis de peaux de boucs, les garantit avec cette couverture épaií- fe, des ronces & des épines, & en retire de trés-fines laines ; & de mé- me qu'elle fait deux récoltes de foin tous les ans, elle tond deux fois l'année fes lucratives brebis. Ces animaux font fantafques , & La variété des rebutent les pâturages qu'ils ont "#55 long-temsfréquentés. Ainfi que nous aimons à voir fur nos tables des mêts variés & apprétés par une ha- bile main, de méme les troupeaux aiment à faire un'échange des plus. gras páturages avec ceux qui ont le .moins de fuc, & les feuilles renaif- S ij | | | : | | | , LE PETIT BETA L, Latonte des Moutons. 212 (ÉCONOMIE fantes des arbiffeaux leur ôtent le dégoût que la fatiété leur avoit cau- fé. Mais fur-tout aprés l'hiver & les pluyes, lorfque la faifon approche de mener les brebis fur les monta- gnes , les plus vertes prairies ne les arréteroient pas davantage que ne feroient retenus des jeunes gens par les délices dela ville, & la fociété de leurs amis, quand l'automne ra- méne les fruits & les vacances. Les brebis font charmées au com- mencement.de l'été qu'on les dé- pouille de leur toifon : c'eft une cou- verture d'hiver qui les échauffe trop. Le pafteur couche par terre la brebis qu'il veut tondre , l'attache par les pieds avec une corde, & lui coupe enfuite fa toifon. La bergerie, pen- dant cette opération , neretentit pas du moindre bélement, on n'entend que le bruit des cifeaux, à peine la brebis pouffe-t-elle un gémiffement, quoique le cruel pafteur , en la ton- dant jufqu'au vif, luifaffe de larges bleffures , qu'il ne daigne paníer qu’a- vec de la pouffiére de charbon, au lieu de frotter les playes avec de rm re sl htm te RURALE. Liv. IV. 213 Phuile d'olive , ou de la poix liquide. Autrefois, quand on devoit tondre fes brebis , on donnoit une fête à fes amis, & on les invitoit à manger. Ces agréables feftins revenoient au tems de la moiffon ; on les répétoit encore pendant les vendanges , lorfque la vigne foutenue de For- meau avoit prodigué fes fruits, & que Bacchus par fa préience ranimoit lajoie du village. La gayeté n'habite plus la terre à préfent, depuis que Bellonne la détole par fes fureurs. Mais la paix au vifage ferein , & four- ce des richefles, va bientót rappeller les ris & la félicité. Du haut des cieux je la vois defcendre ; la Piété la fuit, & lheureufe Abondance, Déja cette puiffante Déeffe, qui fait terminer les difcordes des Rois, volant de Royaume en Royaume, parcourt leurs fuperbes palais, & nous efpérons qu'elle ne leur confeil- lera pas en vain d'épargner le fang de leurs fujets, & de vivre heureux dans leurs Etats pacifiés. Ainfi nos oreilles fatiguées n'enten- dront plusle fon bruyant de la fatale ErrrPrfrur BÉTAIL. Douvceurs de r {a Paix. 214 (ECONOMIE r......frompette; mais de tout côté les Bír^::. bergers chanteront fur le chalumeau leurs tendres amours ; les vaiffeaux étendront librement leurs voiles , & vogueront fans crainte ; il n'y aura plus pour les nautonniers d'ennemis à combattre que les vents en fureur ; les épées déformais feront rouillées dans le fourreau , on ne verra briller que les armes champêtres, & le la- boureur trouvant fes greniers trop étroits pour fes riches moiffons , ad- mirera combien les tems font chan- gés. Les fciences & les arts rendront les villes floriffantes, & les Mufes recevront encore nos hommages & nos éloges. Quoique pourtant elles ne gardent pas le filence, malgré la Mention 4, lOngueur de la guerre , (14) le ref- M.de Bignon. pe&table Bignon les protége. Il tient le fceptre du Parnaffe ; &, Prêtre à la fois de Thémis & d'Apollon , il- luftré par fes aieux, mais plus ‘en- core par lui-même , il honore & ché- rit les Poëtes, & favorife par fes foins le progrès des beaux Arts. La nature par fon fecours fe montre & fe dévoile dans l'étude des plantes , . RURALE. Liv. IV. 215 & nos yeux pénétrent Jufqu'aux af- tres , & en mefurent l'étendue ; nous recherchons l'orgine cachée des fources & des vents; il n'eft point d'image que notre cizeau ne rende fur le marbre ; notre fiécle n'envie plus à la Grécel'Apelle qu'el- lea tant vanté, & qui , à l'antiquité prés, n'a rien de plus que nos artif- tes. Notrelangue, favant Bignon, s'eft parée par vos lumiéres d'une grace nouvelle, fa richeffe & fes agrémens font connus dans l'univers auffi loin que nos armes. Mais reprenons notre fujet , & con- tinuons de parler des troupeaux & de la campagne. J’aimerois affez à dire comment il faut nétoyer une toifon , la peigner & la carder ; je montre- rois comment il faut tirer la laine d'une quenouille , la devider en plu- fieurs pelotons , & de quelle manié- rele fil attaché à une navette, & abandonné d'une main légére , pañle & repañle dans les ouvertures de la chaine , pour en faire un tiffu ferré ; peut-étre méme enfeignerois-je à teindre la laine dans des vafes d'ai- SM LE PETIT BÉTAIL L'art d'ap- prêter la lai- ne. ÜORSSSISSUINRPAE LE PETIT BETAr1IL, Difperfion du troupeau. 216 (ECONOMIE rain remplis de fucs préparés , à lui donner l'éclatante couleur de la pourpre, ou celle du fafran , à lui faire prendre une teinture noire ou violette. Mais , fans doute , il fe trou- vera un Jour quelque Poëte qui choi- eR pour inis l'art d'appréter les lai- nes, & celui de manier le peigne, ou aiguille à broder , qui repréfente les délicieufes occupations de la cam- pagne, ou les combats des Rois, dans des tapifleries délicatement tra- vaillées. Pour nous 1l nous refte en- core plufieurs chofes à dire des bre- bis & du chien qui les garde. Divifez votre troupeau en différen- tes bandes , afin que , paiffant dans plufieurs endroits éloignés les uns des autres, 1l confomme les pâtura- ges qui font au loin, & que vos brebis ne s'épuifent pas à faire trop qe chemin , ou ne périffent pas tou- s, fila pefte infecte un canton, & ne welt pas encore de toute part. Mais cette contagion eft bien plus à craindre encore pour les chévres ; à moins que vous n'enfermiez dans un enclos celles qui en font attaquées , RURALE, Liv, IV. 217 & que vous ne leur fafliez prendre = pourantidote des racines de rofeaux s zc 4:«, & d’épine blanche bien broyées & délayées dans de l’eau. Il y a des pays où les bergers mê- Ditérentes lent enfemble toutes les efpéces de?» du troupeaux, & conduifent indiftinc- brebis, tement dans les mêmes pâturages les porcs & les brebis, quoiqu’on fache que leurs goûts foient trés-différens. Les porcs aiment les forêts & les lieux ombragés ; la brebis hait tous les bois , fe plait dans de verds pá- turages, & détefte les rivages où le porc aime à fouir & à faire de larges foffes. De plus, il fe veautre avec volupté dans l'ordure & dans la boue , & la brebis ofe à peine tou- cher de l'extrémité du pied un en- droit fangeux. Les porcs font toujours préts à fe déchirer à coups de dents, & il y a point d'animaux auffi doux que les brebis ; elles paiffent enfemble au milieu des champs , elles s'affem- blent en rond ferrées dans un tas ; & lorfque , pendant les grandes cha- leurs, 'ombrage leur manque , elles Tome I. T 218 ŒCONOMIE fe cachent la tête fous le ventre les unes des autres. S1 quelqu'une fur fa route rencontre un coin de cham où Pherbefoit plus agréable au goüt , elle ne veut pas feule en profiter, & n’eft point Jaloufe que les autres partagent avec elle fa bonne fortu- ne ; elle les appelle au contraire de toute fa force, par des bélemens réi- térés , pour les inviter à venir faire avec elle un meilleur repas. Leur guerre & leurs débats ne font pas dangereux ; & fi dans le fond des vallées il leur prend envie de fe livrer quelque affaut, le berger fur une hauteur fe fait un Jeu de leurs fréquens combats ; parce qu'il voit qu'ils fe terminent toujours fans effu- fion de fang, quoiqu'elles fe heur- tent réciproquement , & que cour- bant la téte pour de nouvelles atta- ques , elles s'élancent avec fureur fur leur adverfaire. Si par hafard leur. animofité va trop loin, il n'eft pas néceffaire d'employer le báton pour mettre la paix ; un des moutons s'ex- pofe à leurs coups en fe préfentant au milieu d'elles , & finit leur difpu- te en les féparant. D adi RuRALE. Li. IV. 219 Le penchant dominant du porc eft LE PETiF unegourmandife infatiable : car une; ir; truie , fi la faim la tourmente, dévo- re jufqu'à fes petits. La brebis, au contraire , eft de toutes les meres la plus tendre ; elle prodigue fes foins & fes carefles à fon agneau pour l'é- lever. Si elle eft obligée de le quit- ter , loríqu'il refte à la bergerie, elle s'ennuie au páturage , & le demande par fes cris ; tandis que de fes béle- mens il fait auffi retentir le bercail. La patiente brebis ne fait point fe venger par la force, quand il s'agit d'elle feule ; mais elle oublie fa ti- midité naturelle , & ofe avec coura- ge fe préfenter au combat contre les plus gros chiens, s’il en eft quelqu'un au pâturage quifeigne en jouant de fe précipiter fur un agneau, pour lui donner une faufle allarme. Quoique le berger ne puiffe pas connoitre quelle eft la mere de cha- que agneau en particulier , puifqu'ils ont tous la méme couleur, & qu'il ne paroit entre eux aucune différen- . cefenfible ; cependant toutes les me- res reconnoiflent leurs petits, & Ti TT 7 DES LG —————————— [ rer : 02 LE PETIT BETAIL, 220 (ÉCONOMIE tous les petits pareillement recon- noiffent leur mere par l'effet d'une merveilleufe tendreffe. Car le foir , dés que les brebis à leur retour du pâturage, rentrent dans le bercail , les agneaux s'applaudiffent de l'arri- vée de leurs meres, chacun témoi- gne fa joie à la fienne, en remuant la queue , & s'épuife en carefles que fa mere lui rend à fon tour ; aprés quoi , fans tarder ils vont tous pref- fer la mammelle de leurs meres pour éteindre leur foif, & fatisfaire l'en- vie qu'ils avoient d'étre avec elles. La truie , au contraire , fi l'on n'a pas foin de marquer fes petits, de donner une autre couleur à ceux d'u- ne autre truie , & de mettre chaque portée fous chaque mere ; la truie, dis-Je,étendra fes mammelles à terre, (15) & alaitera les petits des autres & les fiens indiftinétement , fans re- marquer entr'eux aucune différence, Les bienfaits ne la touchent point : fi le porcher du haut d'un chêne lui abbat du gland bien mür, elle ne donne pas le moindre foupçon de re- connolífance à la main bienfaifante RURALE. Liv. IV. 331 de qui elle le tient. Mais fi un berger elle s’attache à lui, & devient fa fidéle compagne, ou fe repofe fur l'herbe prés de fon cher pafteur , en dépit du chien jaloux. On ne devroit donc pas conduire au méme pátu- rage ces troupeaux différens, afin de ne pas fouiller les brebis par la fociété des porcs. Menez paitre les pourceaux, ou Pâturages des pores. dans les terres en jachére, ou au milieu des bois, & fonnez fouvent du cornet pour les appeller & les raffembler , quand ils fe difperfent. Loríque vous verrez un porc atti- ré par l'odeur des truffes, quil re- cherche avec avidité , griefla terre & fouir avec le grouin, courez, vo- lez vite à lui, de peur que fa vora- cité ne fe repaiffe d'un méts digne . de la table de votre maitre. Si l'on voit une truie baiffer la té- te, la porter de travers, & fubite- ment attaquée d'un vertige , tomber au milieu des champs, il faut la fai-: gner auffitót fous la queue , & quand on a tiré aflez de fang , faire une liga- T uj lip PurLT fait des careffes à quelque brebis ,5£z4 ix. 222 ŒCONOMIE ture à la plaie avec quelque légére écorce ; on enferme enfuite la truie dans fon toit, on lui fait avaler trois * Sorte de Verres de Garum*, & on lui prépare iaumure, fa nourriture dans de l'eau tiéde. N'enfermez pas les truies par ban- des comme les brebis , mais que cha- cune ait fon toit, & une litiére pro- pre : car quoique cet animal immon- defe plaife dans l'ordure , & fe veau- tre méme en mangeant, cependant une étable fale & fangeufe l'inquiéte & le chagrine. Les porcs font fujets aux écrouel- les & aux inflammations de gofier ; la lépre leur couvre tous les mem- bres d'écaille ; latoux leur óte la ref- pirations & leur fait battre des flancs ; & quand ils font au pátura- ge, le lait des herbes tendres leur caufe des flux de ventre. Vous ap- porterez à toutes ces maladies les re- médes que vous jugerez à propos : car ma Mufe ( 16) dédaigne de pré- ter des fecours à ces fales animaux , & défire de parler des qualités du chien, recommandable par fon exa- éte garde, & par fon vif attache- ment, » RURALE. Lwy.JPF. 223 Il y a des chiens de plus d'une ef. == péce ; les uns font la garde dans les 52... 7 maifons , fuivent le maitre, & vivent Différentes de ce qu'on fert à fa table ; d’autres jo nés avec un fort penchant pour la chaffe , femblent voler dans leur courfe en pourfuivant les hôtes des bois, ou guidés par la fubtihté de leur odorat, découvrent la voie du gibier ; ceux-ci dociles & prompts au commandement , obéiffent à tous les ordres du maitre, fe tiennent droits fur les pieds , danfent en me- fure , font agilement les fauts qu'on leur commande , & amufent les paí- fans dans les carrefours des villes ; ceux-là font légers à la courfe, & ceux-ci trop pefans pour courir ; les uns enfermés dans une large roue , font tourner la broche, & cuire les liévres qu'un autre a chaffés dans la plaine. ll y a auffi de jeunes chiennes qui, dés qu'elles font nées, font les délices de leurs maitreffes , en fau- tant fans ceffe autour d'elles pour leur donner & prendre quelques bai- fers, ou qui, fe repofant fur elles, jappent avec audace , Serquent nj LE PETIT BÉTAIL. Les chiens de chaffe, 224 (ÉCONOMIE plus d'emportement que ía Dame méme du logis. a Parmi les chiens propres aux exer- cices fatiguans de la chaffe, il y en a qui fuivent la voie des bêtes fur les montagnes , & d'autres qui ne cou- rent le gibier que dans la plaine ; les uns font excellens pour la caille, d'autres pour la perdrix ; ceux-ci forcent les cerfs à entrer dans les toiles, & fe repofant fur leur coura- ge & leur habileté à attaquer un tau- reau par fon endroit le plus foible, ofent le provoquer au combat au milieu d'une aréne. Unautre, défagréable à la vûe par le poil & la barbe, traverfe arfe- ment à la nage les étangs les plus larges ; & file plomb mortel du chaf- feur abbat une poule d'eau , qui flote fur un marais aprés fa chüte, & le teigne de fon fang, ce chien va la chercher à la nage, & la rapportant aux pieds de fon maitre, fe réjouit de l'applaudiffement quil li donne, & fait en fe fecouant pleuvoir une rofée dont l'air au loin eft inondé. Il y a des chiens quirafent la terre - RURALE. Liv. IF. 1:5 avec leur ventre, tant ils font bas ; ils ont les oreilles pendantes , chaf- Srl y | . fentle nez haut, & ont l'odorat d’u- | ne fineffe admirable pour fuivre la trace des bétes fauvages & des oi- | feaux , & quéter fans appeller. Pleins | d'ardeur , ils battent les champs de | cóté & d'autre ; dés qu'ils ont fenti | l'odeur du gibier , ils s'arrétent & le | Ë tiennent en refpe& , en reftant eux- mêmes immobiles , jufqu'à ce qu'on ait achevé de tendre les filets ; alors ils s’élancent fur leur proie, & l'é- pouvantent par leurs cris menacans. Le gibier bat l'air inutilement de fes ailes , il eft trop tard, les réts lui fer- ment toute iffue ; la main du chaf- feur ou la dent cruelle du chien lui donne la mort ; & l'on eft touché de pitié en voyant la perdrix, qu'on prend à la main, demander la vie par fes larmes. Souvent un liévre endormi dans un champ, s'éveillant par la frayeur que lui donne l'atta- que inopinée des chiens , fe trouve enveloppé dans les lacs, il faute en l'air, fe tourne & retourne pour en fortir : mais plus il fe donne de 226 ŒCONOMIE = mouvement, plus fon corps enlacé LE PETIT » Béraiz, S y embarrafle. Il y a encore d'autres chiens qui , dans les bois & dans les champs, crient fur la voie en courant le lié- vre , le raménent dans le méme en- droit d’oùils l'ont fait partir , & fous la main du chaffeur , qui attend fa proie pour tirer. Ces chiens ont les jambes menues & déliées , de lon- gues jointures aux cuiffes , le mufeau pointu, le pied fec & nerveux, l'ef- tomac avalé, & fort peu de ventre. lechende Que le laboureur occupé de foins campagoc ou plus intéreffans laiffe aux maitres H7 defœuvrés la paffion de la chaffe & des chiens de meute , & quil cher- che à fe procurer quelque mátin vi- goureux, dont la garde fafíe la fure- té de la maifon. Le jour un chien de cette efpéce défend le troupeau des loups , & la nuit en fentinelle il veil- le autour de la bergerie ; & fi quel- que voleur étoit tenté d'y entrer , il aboye pour l'écarter , ou le déchire à belles dents. Il doitavoir la queue courte ainfi que le mufeau, la tête énorme & hideufe pour la groffeur , RURALE. Liv. IV. 237 les oreilles pendantes, le poil rude 7777. fous le ventre , les pieds , l'épaule, Bér 12. le cou & les flancs larges , de méme que les autres parties du corps. Un mátin fait beaucoup de bruit en aboyant , & fe fait entendre au loin. D'abord il épouvante par fes cris , & fa vüe fait enfuite trembler lorfqu’af- fis il entr'ouvre une gueule frémif- fante, & gronde entre fes dents qu’il montre fans les defferrer. Il tient d'abord de la nature fon humeur farouche ; mais la facon du- re de l'éleverl'augmentera beaucoup fi on le tient prés de la porte enchai- né par le cou : là il aboye en pure perte, jufqu'à ce qu'au foleil cou- chant il rode en liberté autour de la maifon & de la bergerie, & répan- de au loin l'épouvante par fes cris. Comme il ne convient pas qu'il foit d'un naturel fi doux qu'il épargne juíqu'aux voleurs mêmes, il ne doit pas auffi étre méchant au point d'at- taquer fans fujet les perfonnes qui ne font pas fur leurs gardes, & de mordre indifféremment les amis com- me les ennemis. 228 (ÉCONOMIE il Les plaifirs de l'amour doivent Brrarr, être interdits aux Jeunes chiennes ; aie F5 & fi quelque femelle de belle race S'eft laiffee careffer à votre iníqu , il faut lui enlever fecrétement fa pre- miére portée : car une mere fijeune & fi novice n'éléve pas bien fes pe- tits ; & quand une chienne alaite dans un âge fi tendre, elle ne peut plus croitre ni fe fortifier. Quoiqu'elle vous demande par fes cris les petits qu'elle a perdus , n'en foyez point touché :. (17) les regrets de la jeuneffe ne font pas longs ; elle oubliera bientôt la perte qu'elle a faite, pourvû qu'on lui per- mette de jouer avec d'autres chiens, de courir en liberté, & de fe livrer dans peu à la tendreffe folátre de fes amoureux , qui renouvelleront en peu fa maternité. Dans le nombre des chiens qu'elle aura à fa feconde portée , choififfez- en deux feulement ; ou , fi vous vou- lez lui confier ce choix à elle-même, vous étendrez circulairement des fa- gots, & vous les allumerez, après avoir mis fes petits au milieu ; en- RURALE. LwiIF. 229 - fuite vous appellerez la mere, qui, == bien plus excitée par leurs cris , quo-2:c 411. béiffante au commandement , vole à leur fecours. Dés qu'elle les apper- coit entourrés de feu, effrayée de leur danger , elle s’élance aufhitót au milieu des lammes ; & d'abord , ou- vrant une large gueule , elle prend entre fes dents, tantôt celui-ci, tan- tôt celui-là , jufqu'à ce qu'elle les ait tous délivrés du péril évident où ils étoient. Remarquez: ceux qu'elle a enlevés les premiers , & mettez-les à part pour les garder ; faites mou- rir les autres au loin, ou enterrez- | les , de peur que leur mere, par un mouvement de tendrefle , ne les rap- porte, & ne veuille les réchauffer fous elle pour les rappeller à la vie, Quand les jeunes chiens feront fe- vrés, donnez-leur d'autres alimens dont les fucs plus fubftantiels puif- | fent augmenter leur force. | Sivous voulez préferver les chiens de la rage, vous aurez la précaution | de leur arracher doucement avec les | | dents un nerf qui a fon principe aux | premiéres articulations de l'épine du LE PETIT 230 (ECONOMIE dos, & qui s'étend jufqu’à l'extré- Biírai:r, mité de la queue. Il ne faut permettre aux jeunes chiens de jouer & de faire ufage de leurs dents qu'avec leur mere, & bien prendre garde que, loríqu'ils font encore foibles, ils n'aillent at- taquer les hommes ou les animaux ; de peur que , punis de leur témérité parle báton oula dent du loup, ils ne recoivent une imprefhon de frayeur difficile à détruire dans un âge plus avancé : mais fouffrez qu'ils aboyent pourannoncer, par leur vigilance, tous ceux qui entrent, en attendant qu'ils puiffent s'exercer aux com- bats. | Que le chien qu'on deftine à la garde du troupeau, foit ardent ; quil ait la taille longue , le poil blan- chátre & d'une feule couleur, de crainte que le berger ne frappe fon chien, lorfque fur le foir il pourfuit un loup avec le bâton. Il faut qu'un mátin foit également propre à la courfe & au combat, qu'il ait du courage & de l'agilité , & qu'après avoir pourfuivi le loup raviffant à NEM a À RURALE. Liv. IV. 231 travers les bois & fur les monta- = gnes , il lui faffe lâcher prife , & le chafle au loin tout chargé de bleffu- res, & hurlant de douleur dans le fond des bois. Mais de peur que le chien lui-méme ne revienne bleffé du combat, on lui attache au cou un collier garni de pointes de fer : cat C'eft par cet endroit que les loups at- taquent les chiens , & s'en rendent maitres. Ils fe jettent avec une aveu- gle fureur fur leur ennemi ; mais ils fe déchirent eux-mêmes la machoire, qu'ils teignent de leur propre fang, par la précaution du berger. Quelque part qu'un pafteur méne paitre fes brebis & fes chévres , le chien comme un fidéle compagnon eft toujours à fes cótés prét à le dé- fendre oule fervir ; ils partagent tous deuxle gouvernement du troupeau ; le chien fait des careffes au pafteur, & fe plait à en recevoir de lui, fon maitre eft l'arbitre de fa joie ou de fa trifteffe : deux hommes ne s'ai- LE PET:T BÉTAIL. ment pas davantage ; & le (ort qui fait par fes revers déferter les amis , ne peut par aucune adverfité dimi- 232 (ECONOMIE u— — nuer l'amitié qu'un chien a pour fon LEPETIT ^ Bírai:r, InNaitre. Amiitdes (19 ) Sabinus étant aux fers, Ro- chiens pour me autrefois admira fon chien qu'on eurmat pe put jamais , quelques coups qu'on lui donnát , faire fortir de prifon. Sa- binus fut précipité dans le Tibre de deffus un pont, les mains liées der- riére le dos ; fon chien fidéle fe Jetta auflitôt dans ce fleuve, & foutenant avec le dos, autant qu'il le pouvoit, le corps de fon maitre déja mort, il aima mieux fe noyer avec lui que de lui furvivre. Le peuple avec dou- leur , examinoit ce prodige , & pa- roiffoit furpris de voir uniquement dans un chien l'exemple d'un amour conftant & d'une fidélité inviolable. Les François n'admirérent pas moins autrefois ( 19) un chien qui fut le vengeur de fon maitre. Les murs du palais , où l'hiftoire de cet- te aétion mémorable eft peinte, font un monument éternel de cette mer- veille. Le chien dans ce tableau mon- tre les dents, & tient fous lui le meurtrier qu'il a déchiré. Son mai- tre attaqué láchement, étoit tombé mort RURALE. Liv. IF. 233 mort devant lui, aprés avoir perdu === beaucoup de fang; quelque tems: 115." après le chien apperçoit l'affaffin au milieu d'une cour ; cette rencontre l'excite à la vengeance, & réveille fa colere ; il aboye fans reláche aprés cet homme , & par cet achar- nement le défigne pour le meurtrier de fon maitre. Auflitôt 1l s'élance fur lui pour le punir de fon crime ; &, quoique l'affaffin füt armé, & que le chien n'eüt d'autre reffource que lardeur de fa fidélité , 11. s'attacha aux flancs du meurtrier , & lui dé- chira les entrailles. Les chiens fe repentent auffi d’a- voir offenfé leur maitre. Un jour un homme étant entré mafqué dans fa maifon , fon chien fe précipita fur lui avec fureur , & le mordit, ignorant que ce füt fon maitre. Celui-ci fe découvrit le vifage, malheureufe- ment trop tard , & montra fes blef- fures, ( 20) pardonnables fans dou- te , fi l'amour pouvoit fe pardonner quand il a offenfé ce qu'il aime. Auffi- tótle chien, déteftant la vie & la lu- miére, fe dévoue à la mort,& va fe ca- Tome I. QEWEEESTE UNI LE PETIT BETAIL. 234 (ÉCONOMIE. cher dans une cave fous untonneau , où1l demeure gémiffant & accablé de triftefle. Son maitre lui pardonnant, l'appelle avec douceur, & d'un ton d'ami; mais fa voix reconnue par le chien, ne fait qu'irriter fa dou- leur , il ne lui répond que par de tri- ftes hurlemens , & refufant de pren- dre la moindre nourriture pour con- ferver fa vie, il meurt vi&ime de fon abftinence & de fes regrets. Qu'on croye maintenant les opi- nions abfurdes de ces Philofophes, qui vous difent que ces mouvemens fi vifs & fi tendres ne font point caufés dans les animaux par la fen- fibilité, qu'ils n'ont point d'ame qui les faffe mouvoir & fentir, & qu'ils reffemblent à une machine que font remuer des refforts , ou à une ai- gulle aimantée, qui, d'une facon merveilleufe, parcourt fans reláche toutes les parties d'une bouffole , jufqu'à ce qu'elle fe foit arrêtée fur le point qui regarde dire&ement le nord. Quoi ! un chien dreffera des em- buches , & aprés avoir pourfuivi fa RURALE. Liv. IV. 235 proie dans la plaine , quittera bruf- PETIT E quement la grande route pour l'aller 5411. furprendre par un fentier détourné : un liévre fe jouera des chiens qui le fuivent, & brouillera la voie par des circuits qui fe croifent les uns les autres, fans que ces rufes foient le fruit de la réflexion? Quoi ! un finge fera mille tours d'adreffe , fans def- fein, fans induftrie ; la crainte des coups le forcera à fe cacher, fans qu'il fache qu'il a commis une faute ; le caftor, dans les fleuves les plus profonds , fe conftruira pour prendre le poiffon des cabanes , qui font des chef-d'oeuvres de génie ; les oifeaux fe logeront dans des nids bâtis avec tout l'art poffible ; (21 ) l'abeille & la fourmi auront la prudence en été de faire des provifions pour l'hiver , fans qu'aucune efpéce de difcerne- ment & de connoiffance préfide à des actions & à des travaux aufli ad- mirables ? Si quelqu'un peut parve- nir à vous perfuader que les bétes ne font que des machines , il vous prouvera par les mêmes raifonne- mens que les hommes UM des j ——— 256 (ECONOMIE me. Corps fans ame. Mais, pour ne pas BérAi:r, en dire davantage, un feul chien va me fournir des exemples de fen- fibilité qu'on ne pourra révoquer en doute. Cet animal veille & fait la garde à la porte de fon maitre, il obferve le moindre de fes mouve- mens pour voler oü fes ordres l'ap- pellent ; quand fon maitre eftgai, il fe réjouit avec lui ; s'il a du chagrin, il eft trifte ; 1l époufe fa querelle , & fe déclare fon vengeur ; compagnon fidéle , 1l fuit fes pas ; fes regrets en- finle font mourir fur fon tombeau ; & ce chien n'auroit ni tendreffe , ni reconnoiflance ? (22) De pareils délires ne peu- vent étre enfantés que par des cer- veaux creux, & par ces gens qui ont vü dans leur imagination, la terre, la mer, les cieux , & tout ce que l'u- nivers enferre , feformer par un feul & fimple mouvement (23) de la matiére divifée en petits cubes. Ils ont méme décidé que ce n'étoit qu'u- ne légére pouffiére qui avoit donne l'être au foleil ; que les étoiles fe livroient des combats , & étoient —— o re ai > ni | | | | | RURALE. Liv. IF. 237 aflujetties aux mêmes paflfions que IZEUR EE, nous : car, à ce qu'ils prétendent ,s i4 :«. elles en viennent aux prifes entr’el- les, ont de terribles guerres à fou- tenir, étendent les limites de leur empire, ou font fubjuguées & for- cées de fubir la loi du vainqueur. Ainfi elles errent fans place fixe dans l'immenfité des cieux, comme les eométes dont le défaftre préfage des événements fácheux , & qui ne font errantes , que parce qu'elles ont été vaincues par le tourbillon qui étoit leur plus proche voifin. * Ou bien, comme notre planéte qui eft déchue du rang qu’elle avoit parmiles aftres, enveloppée dans le tourbillon du fo- leil plus puiffant qu'elle, & privée de la lumiére, elle eft obligée de te- nir la route que lui prefcrivent les chevaux triomphansdu dieu du jour, quoiqu'elle faffe tous fes efforts pour rentrer dans fes premiers droits. Car , s'il faut en croire les prophé- ties de ces Philofophes , laterre dont la lumiére eft obfcurcie par les ma- tiéres opaques qui la couvrent , peut * Voyez Defcartes , p. 4. Principes. Mati men à ÀÓ LE PETIT 238 ŒCONOMIE reprendre fa premiére forme d’aftre Bérais quand fes feux fe feront fait jour à travers les croutes fatales qui l'en- veloppent , & nous confumer tout à coup par fes flammes dévorantes. Ils craignent, au contraire , que les ta- ches du foleil fe multipliant , il ne fe couvre quelque jour d'un voile auffi noir que de la poix, & que perdant fa lumiére & fes rayons, d'épaiffes ténébres ne dérobent la terre aux eux. | (24) Laiffons Defcartes , ce nou- veau créateur d'aftres , ce fublime architecte de l'univers , donner car- riére à fon imagination fur la nature des animaux, comme il l'a exercé fur la ftruêture des cieux. Pour vous, ó Laboureur ! méprifez les réveries des Philofophes ; & , prenant des leçons des animaux mêmes , ne faites cas que de lefprit induftrieux & pru- dent. Ne rougiflez point de rappel- ler aux ferviteurs ingrats les chiens fidéles & reconnoiffans, & à votre fils rébelle le naturel du bœuf, qui, pouvant combattre les lions &-les ours , obéit au commandement d'un RURALE. Liy. IV. 239 enfant. Rappellez fouvent la trifte Wemmmeem deftinée de la cigale qui chante après 52,5" s'être enivrée de la rofée du matin, & s'amufe pendant les beaux jours & le tems de la moiffon, à battre l'air d'un vain bruit, (25) tandis que la fourmi plus fage fait fa récolte pour la ftérile faifon de l'hiver. Vous reprendrez vivement des mêmes dé- fauts les laboureurs qui, ne fongeant qu'aux plaifirs de la vie, ne favent pas étendre leurs foins aux befoins de toute l'année ; & qui, au retour du froid & des frimats , font dévorés par la faim. L'hiver auprés du feu, repaffez fouvent dans votre efprit la trifteffe (26) & les gémiffemens d'un tour- tereau qui a perdu fa compagne, (27) la fidélité d'une colombe pour le mále qu'elle a choifi, ( 28) laten- dreffe de la cigogne qui nourrit ceux de qui elle tient le jour, l'attention d'une poule, qui, aprés avoir bé- queté long-tems la terre, s’abftient des grains qu'elle a trouvés , afin que fes petits en profitent. Sur-tout fon- gez fouvent aux laborieufes & infa- 240 ŒCONOMIE, &c. = tigables abeilles , dont l'union & les Béra:r, inclmations pareilles les font vivre agréablement fous le même toit. El- les ne gardent point pour elles feules le miel qu'elles préparent, & dont elles ont été cueillir la matiére fur différentes fleurs ; mais elles le por- tent dans un réfervoir public pour la fubfiftance commune. Les autres exemples que fournit la campagne à divers égards , feront auffi la matié- re de vos entretiens, ainfi que les foins que prennent généralement tous les animaux pour leurs beíoins. Vos enfansautour de vous, attentifs à vos hiftoires, les écouteront avec plaifir, & l'amour de la vertu (29) simprimera infenfiblement dans leur cœur. Fin du quatrième Livre. * REMAR- 241 e REMARQUES Sur le quatriéme Livre. pue décrit dans ce Livre les foins qu'on doit prendre du menu Bétail, des brebis, des agneaux, des moutons, des bé- liers, ainfi que leurs mœurs & leurs inclina- tions, qu'il compare avec celles des pour- ceaux. Les chévres, les maladies des diffé- rens troupeaux , les qualités des chiens qui les gardent , la maniére de les élever , & leur at- tachement pour leur maître, font peints avec beaucoup d'expreffion. Une differtation fur l'ame des bêtes , & une réfutation du fyítéme de Defcartes fervent d'épilogue à ce Livre. ( 1) [ Elles font le préfent. ] Virgile, Georg. liv. 3. Hic labor , binc laudem fortes fperate colon, (2) [ Que vous prites votre nom. | Le mot latin Pecunia , qui fignifie argent , vient du mot Pecus,qui fignifie troupeau. ( 3) [ Le bœuf attaque. ores , lvz2: Saure 1. Dente lupus , cornu taurus perir : unde , nifi intus Monflratum ? Tome I. x: ym 242 Remarques (4) [ De paille & de fougére. ] C'eft aufs le confeil que donne Virgile , Georg. l. 5. E: muliá duram flipula filicumque maniplis Sternerc fabtzr humum : glacies ne frigida laedat Molle pecus, fcabiemque ferat, turpefque podagras. (5) [ L'orge en berbe.] Cetufage étoit pra- tiqué du tems de Virgile, Luxuriem fcgetis prima depafcat in berba. Pline dit : Luxuria fegetum cafligatur dente pecoris. (6) [ Ni les fatyres. ] Quoiqu'il n'y ait plus de fatyres dans les bois , une jeune ber- gére n'y court pas moins de rifque aujour- d'hui. Les bergers font quelquefois de vrais fatyres. (7) [ Et le cruel Amour. ] Rouffeau peint ainfi les regrets des amans malheureux. A fa voix * les amans renouvellent leurs plaintes, Ils fentent ranimer leurs défirs & leurs craintes, L'un , outré du mépris qu'on fait de fes amours , Appelle vainement la mort à fon fecours; L'autre , témoin des feux d'une infidéle amante , Exhale en vains fermens fa celére impuiffante. Qui pourroit épui£er les fonges déréglés , Les fantômes trompeurs dont leurs fens font troublés » Quand le fang allumé d'un feu qui l'empoifonne , Au retour du printems, dans leurs veines bouilloanc' * De l'Amour. | fur le quatrième Livre. — 143 | "jadis nos fens plus vifs dans la faifon des leurs, | -Se fentoient excités par les mêmes chaleurs : | Mais de trente printems la fagefle efcortée , | De jour en jour s'oppofe à leur fougue indomptée, Pour ceux de qui l'été fait mürir la raifon , Le printems & l'hiver font la méme faifon. Je ne puis me refufer le plaifir de copier ici “un bel endroit du Difcours de M. deBuffon fur la nature des animaux, qui eft en tête du quatriéme volume. » Amour! s'écrie ce favant Naturalifte, » défir inné ! ame de la nature ! principe iné- » puifable d'exiftence ! puiffance fouveraine » qui peut tout, & contre laquelle rien ne » peut, par qui tout agit, tout refpire, & » tout fe renouvelle ! divine flamme! germe » de perpétuité que l'Eternel à répandu dans tout avec le foufle de vie ! précieux feati- » ment qui peut feul amollir les cœurs féro- » ces & glacés, en les pénétrant d’une douce » chaleur! caufe premiére de tout bien, de route fociété , qui réunis fans contrainte , & » par tes feuls attraits , les natures fauvages & » difperfées! fource unique & féconde de » tout plaifir, de toute volupté ! Amour, » pourquoi fais-tu l'état heureux de tous les » êtres, & le malheur de l’homme: C'eft » qu'il n'y a que le phyfique de cette paffion » qui foit bon ; c'eft que, malgré ce que peu- » vent dire les gens épris, le moral n'en vaut rien. Qu'eft-ce en effet que le moral de PAmour ? la vanité. Vanité dans le plaihr X ij LZ A x Ÿ 244 Remarques » de la conquête : erreur qui vient de ce » qu’on en fait trop de cas. Vanité dans le » défir de la conferver exclufivement : état » malheureux qu’accompagne toujours la ja- » loufie , petite paffion fi baffe qu'on voudroit » la cacher. Vanité dans la maniére d'en » jouir, qui fait qu'on ne multiplie que fes » geftes & fes efforts , fans multiplier fes plai- » firs. Vanité dans la façon méme de la per- » dre : on veut romprele premier; car fi l'on » eft quitté , quelle humiliation ! Et cette hu- » miliation fe tourne en défefpoir , loifqu'on » vient à reconnoître qu'on a été long-tems » dupe & trompé. Cependant eft-il bien vrai que l'Amour foit la caufe premiére de tout bien, la fource uni- que de tout plaifir ; qu’il faffe le malheur de l'homme ; que le moralen foit mauvais; que la vanité foit ce moral de l'Amour? Il faut convenir que ces propofitions paroiflent un peu trop générales. (8) [Les grues c» La finifire corneille. ] Le Pere Vanniere a tiré tous ces ridicules pronof- tics de Vizgile, qui les avoit pris lui-même dans Aratus, Poëte Grec fort ancien, de qui dit Ovide : Cum fole & luna femper Aratus erit, Voici quelques vers de Virgile à ce fujet Aut illum furgentem vallibus imi: » fur le quatrième Livre. — 348 eria fugere grues : aut bucula cœlum Sufpiciens patulis captavit naribus auras ; Tm cornix plena pluviam vocat improba voce , &c. Lucain, Horace & Catulle adoptent auffi ces différens pronoftics. Au refte, ce font des Poëtes; & ces idées leur offrant des images, ils font peut-être excufables de s'étre confor- més aux préjugés du peuple. Virgile paroît perfuadé de Pinfaillibilité de ces fignes ; car il ca explique phy(iquement la caufe. Je vais me fervir de la traduétion de PAbbé Desfontai- ne. » Cen'eft pasquejecroye de ces divers » animaux foient doués d'un efprit prophéti- » que, ni que leur prévoyance puiffe rien chan- » ger aucours de la nature : mais lorfque la » température de l'air a varié, & que leíoufie » des vents l’a condeníé ou rarefié, il fe fait » alors une différente impreffion fur les or- » ganes de ces animaux caufée par les divers » mouvemens de l'air. Voila ce qui occafion- » nele chant des oifeaux dans les campagnes, » l'agitation des corbeaux fous les feuilla- » ges, & la joie de tous les troupeaux dans » les prairies. « Ce qui furprend davantage, €'eft que Pline qui étoit Philofophe & Natura- lifte, ait donné dans ces puérilités, & ait em- ployé un long chapitre dans fon dix-huitiéme Livre, à décrire ces préfages. (9) [ Ou quand Iris fe difpofe. ] ll y a dans le texte : X iij 246 Remarques Et aquoreas gemino Thaumantias ore Ducit aquas. iris étoit fille de Thaumante ; c’eft pour cela qu'on l'appelle Thaumantias. Claud. de rap- 14 Prof. Juppiter interea cin&lam Thaumantida nimbi Ire jubet totoque Deos accer(ere mundo , Îlla colorato zephiros tranfgreffa volatu, &'e. Les Poétes ont feint qu'elle avoit été chan- gée en arc-en-ciel, & qu’elle étoit la meffa- gére de Junon; parce que fous le nom de cette Déeffe , ils entendoient l'air ou la pluye , & qu'ils croyoient que Parc-en-ciel 'annon- coit. Ils ont tous fuivi cette opinion commu- ne, foit que leur mauvaife phyfique leur fit confidérer Parc-en-ciel comme un fiphonqui pompoit l'eau de la mer, ou parce que cette opinion prête à la poëfie, & forme une image. Ovide L. 1. Métàmor. f. 7. dit : Nuntia Junonis vario induta colores — Concipit Iris equas , alimentaque nubibus affert. Virg. Geor, 3. donne dans la méme crreur. v Ente, AUG I ISOOREE bibit ingens A reus. . L] . . » LI LJ LI . LI e L] LI e e Propert L. 1. Purpureus pluvias cur bibit arcus aquas? Plante, Curcul. L. 5. Ecce autem bibit arcus ! pluet, " e Credo bercle bodie , D für le quatriéme Livre, — 147 L'arc- en - ciel. n'eft qu'un affemblage de plufieurs couleurs difpofées en arc, que l'on appercoit, lorfqu'un nuage commence à fe réfoudre en pluye , que le foleil lui eft oppo- fé, & qu'il eft peu élevé fur Phorifon : ainfi l'arc-en-ciel ne pompe point l'eau & ne ré- gle point la pluye; il en eft une fuite , mais n'agit point fur elle. 7oyez Poliniere dans fes expériences phyfiques. (10) [2 l'abri de la chaleur. ] Il y a dans le texte : learium vitent patulis fub quercubus effum. Je n'ai point rendu dans ma traduction le mot Icarium , parce que ne le pouvant faire que par une périphrafe , l’expreflion auroit été là- che & prolixe; d’ailleurs , quand on diroit /a chaleur qui fut funefle à lcare , quel autre effet cela feroit-il que de rappeller une fable connue de tout le monde ? Un traduéteur ne doit pas toujours tout traduire. | (11) [ Du Gazge. ] C'eft un canton dusxEan- guedoc renommé pour les bons moutons. (12) [ Sautent à fon imitation.] O imitatores fervum pecus, ! Hor. 1, 1, Epift. 15. (13) [ La goute lui permet , cc. ] L'Abbe de Chaulieu l'appelle fille des plaifirs. Mais la caufe en varie fouvent ; tous les gouteux ne l'ont pas méritée, & tous les débauchés ne l'ont pas. D'ailleurs , ce pauvre bouc ne fait pas pis que le bélier qui n'y eft point fujer. X 111] |. 248 Remarques (14) [ Le refpectable Bignon. ] Jean-Paul Bignon naquit à Paris le 19 Septembre 1662. de Jéróme Bignon , alors Avocat Général de Paris, Confeiller d'Etat, fils du célébre Jé- róme Bignon, & de Suzane-Phelypeaux de Pont-Chartrain. Il choifit Pétat Eccléfiaftique, comme le feul dans lequel il lui feroit permis de fe livrer fans réferve & fans diftraétion à fon goût pour Pétude. En 1683, il entra à PInftitution de POratoire, il fe lia avec le D. de Sainte Marthe , & entreprit avec lui un cours d'étude de l'antiquité facrée & profane : il quitta la congrégation de POratoire en 1691 ; il fut nommé Confeiller d'Etat en 1701, & l'attention qu'il donnoit aux Lettres ne l'avoit point empêché de remplir avec exa&titude, & méme avec éclat, les plus im- portantes fonctions de Cet emploi ; il n'avoit point abandonné la prédication, les fermons qu'il prononga en diverfes occafons étoient regüs avec applaudiffement. La variété de fes talens , fon application, Pétenéue & l'exa&ti- cde tit fes connoiflances le mettoient en état de fuffire à tout ; il étoit detrois Académies. I] mourut en 1743 , âgé de 80 ans fix mois. Voyez fon éloge par M. Freret , dans l'hiftoi- re de l'Académie des Infcriptions. ( 1$) [ Et alaitera les petits des autres, ] Il y a dans le texte : Catulis dabit ubera notis. Les mots catuli & vituli font fouvent em- » RE —— M CPFÉFRRREEREN * fur le quatrième Livre. 349 Ployés génériquement & par tranflation pour exprimer les petits de toute efpéce d'ani- maux quadrupedes. ( 16) [ Dédaigne de préter du fecours, dc. ] Cette plaifanterie eft affez froide , elle ne fe- roit fupportable que dans la bouche des Juifs qui ne mangent point de porc : quand cet ani- mal ne donneroit que le jambon , il mérite bien qu’on en prenne foin. (17) [ Les regrets de la jeuneffe ne font pas longs. ] C'eft une des raifons pour lefqueiles la jeuneffe eft appellée le bel âge. (18) [ Sabinus étant aux fers, érc. ] Cette hiftoire eft tirée de Pline, L. 8. ch. 40. où il rapporte plufieurs autres exemples de la fidé- lité & de l'attachement des chiens. (19) [Un chien qui fut le vengeur de fon maitre. ] Ce fait eft arrivé à Montargis fous le régne de Charles V. 7/oyez les monumens de la monarchie franc. de Dom Bernard de Monfaucon , tom. 3. Voyez auffi les eflais de M. Saint Foix, hift. fur Paris, tom. 1. à l'art. Ide Notre-Dame ou Saint Louis. (20) [ Pardonnable , fans doute, fi Fa- mour , (c. ] Ceci paroit imité de Virgile Georg. L. 4. Ignefcenda quidem , fcirent fi ignofcere Manes. (21) [ L’Abeille & la fourmi auront la prudence. ] Il eft à préfent décidé que ce n'eft point la prudence qui fait agir la fourmi lorf- qu'elle fait des amas de bled. Voici ce que dit M. de Buffon, tom. 4. de 250 Remarques Phiftoire naturelle dans le difcours prélimi- naire fur la nature des animaux. » La prévoyance des fourmis n'étoit qu'un » préjuge ; on la leur avoit accordée en les ob- »fervant , on la leur a ótée en les obfervant » mieux : elles font engourdies tout l'hiver, » leurs provifions ne font donc que des amas »fuperflus , amas accumulés fans vües , fans » connoiffance de l'avenir , puifque par cette »connoiffance même, elles en auroient pré- »vü toute linutilité. N'eft-il pas trés-natu- »rel que des animaux qui ont une demeure » fixe où ils font accoutumés à tranfporter les » nourritures dont ils ont aétuellement befoin, - »& qui flatent leur appétit , en tranfportent » beaucoup plus qu'il ne leur en faut , déter- » minés parle fentiment feul , & par le plai- » fir de l'odorat ou de quelques autres de leurs » fens, & guidés par l'habitude qu'ils ont prife » d'emporter leurs vivres pour les manger en »repos? Cela méme ne démontre-t-il pas »qu'ils n'ont que du fentiment & point de »raifonnement ? (22) [ De pareils délires, cc. ] Le pere Vanniere attaque ici le fameux Defcartes , il combat fon opinion fur l'ame des bêtes, & (on fyftéme fur la formation de l'univers ; mais il traite ce grand homme avec des termes peu mefurés. Defcartes, malgré fes erreurs , eft toujours le premier philofophe frangois. Sa grande imagination l'a détourné quelquefois des fentiers de la vérité , mais il y eft entré le premier : les principes qu'il a établis ont fait I » Jur le quatrième Livre. 251 éclore la faine philofophie , en détruifant les qualités occultes & toutes les quiddités des Pé- ripatéticiens , & c’eft encore de fon flambeau que (e fervent fes antagoniftes quand ils veu- lent montrer qu'il s’eft égaré. M. de Reaumur , hiftoire des infeétes, rend de ce grand homme un témoignage plus avan- tageux. » Nous devons, dit il, nous trouver » heureux d'avoir été précédés par un maire » tel que Defcartes, qui nous a appris à diícu- »ter les idées les plus reçûes, & à n'adopter »que celles qui n'ont rien que d'évident : » quels fervices un feul homme n'a-til pas » rendu à tout le genre humain? « La Fontai- ne jufte appréciateur du mérite, avoit aufli meilleure opinion de Defcartes :que le Pere Vanniere : avec quelle vénération il en parle dans fa belle fable, ou plutôt dans fon beau difcours à Madame de la Sabliere : Voici de la façon que Defcartes l'expofe , Defcartes ce mortel dont on eût fai: un Dieu Chez les paiens ; & qui tient le milieu Entre l'homme & l'efprit, comme entre l'huitre & l'homme , Le tient tel de nos gens , franche béte de fomme. Ce difcours eft un précis du fentiment de Def. cartes fur J’ame des bêtes : il contient de gran- des beautés. J'invite les jeunes gens à le lire fouvent , à le retenir, & à en faire leur profit, ainfi que de toutes les fables de cet Auteur. (23) [ De la matiére diviféc en petits cubes.] V. le monde de Defcartes V, le trait 252 Remarques. Defcartes dans fon monde rejette le vuide ; & veut que tout foit plein. Voici comme il ,en conçoit la formation. » Dieu forme d'a- de la lumiere » bord une maffe immenfe de matiére homo- pes. & les princi- » géne , & dont toutes les parcelles font dures, » cubiques ou du moins anguleufes ; enfuite il »imprimeà ces parcelles un mouvement dou- »ble, il les fait tourner la plupart fur leur »centre, & divers pelotons d'entr'elles au- »tour d'un centre commun , ce qu'il nomme »tourbillon. Cela fait, felon lui, tout eft fait, » & du frotement de ces parcelles écornées par »leurs angles, il s’en formera une pouffiére » trés-fine qu'il nomme le premier élément ou »la matiére fübtile; en fecond lieu une ma- »tiére globuleufe qu’il nomme le fecond élé- » ment ou la lumiére ; & enfin une pouffiére » maffive , ftriée, branchue qu’il nomme le » troifiéme élément dont fe formeront toutes » fortes de mafífes. Ce cahos forti de la main » de Dieu s'arrange,felon Defcartes, en vertu » de la continuation des deux mouvemens que » Dieu y a imprimés, & devient de lui-méme »un monde femblable au nôtre, dans lequel, »quoique Dieu n'y mette aucun ordre ni V. le monde » proportion , on pourra voir toutes les cho- oule traité de y fes tant générales que particuliéres , qui pa- la lumiere. » roiffent dans le vrai monde. Ce n’eft point un cerveau creux qui enfante d'auffi fublimes erreurs, 1l eft beau qu'un mortel jufques au ciel s'éléve, Il eft beau même d'en tomber, | Phaeton , Opéra. —-——————— ES EE ——ITIEIIIUIIM : fur de quatrième Livre, 253 (24) [ Laiffons Defzavies , tc. ] Ce philo- fopheétoit Gentilhomme francois, de la Haie en Touraine, d'une maifon qui eft encore à préfent illuftre en Bretagne & en Poitou ; íl eft mort à Stokolm en 1650, âgé de $4 ans, fon corps a été apporté en France , & on voit Íon tombeau avec un éloge funébre dans PE- &life de Sainte Geneviéve du Mont. On à plu- fieurs volumes de lui. Voyez fa vie par Adrien Baillet Pérault dans les hommes illuftres du dix-feptiéme fiécle ; Moreri , Bayle. (26) [ Tandis que la fourmi plus fage. ] Voyez la remarque vingt-uniéme. (25) [ Et les gémiffemens d'un tourterean. ] Cet endroit paroît imité du vers fuivant. Turturis inflar ego non gemebunda forens. (27) [ La fidélité d'une colombe. | C'eft Pline qui en eft le garant L. 10. ch. 34. Pz- dicitia illis prima , Cr neutri nota. adulteria , conjugii fidem non violant | communemque fervant domum , nifi calebs aut vidua nidum non relinquit. Et imperiofos mares. fubinde etiam iniquos ferunt, quippe (ufpicio eff adulte- rii quamvis natura non fit. Ces derniers mots fur-tout font remarquables. (28) [ La tendre[fe de la Cicorne.] Geni- tricum fenetlam invicem educant. Plin. Liv, 10. Ch. 23. (29) [ S'imprimera infenfblement , cc. ] Il y a dans le texte: 254 Remarques , 6c. Tacitumque bibent virtutis amorem. C’eft ainfi qu'Horace dit : Pugnas & exactos tirannos Den(um bumeris bibit aure vulgus. s Y E (^2 UNI CS e 17 à f CNN I TS. rl sr” EE A. z ALL EEE c^ y e = à axe — | £ * z Nes 2 t boc. Ÿ ym 79: D = > RE NE e + 2 RUR A LE. ——— LIVRE CINQUIÉME. Les Arbres. L en eft tems : parlons des mm = ER&| foins qu'on doit donner à la Les 4222s zc EP culture des arbres , em- — ployons les fruitiers de tou- tes les efpéces à décorer les champs, couvrons de chénes les montagnes , & d'oliviers le penchant des colli- . nes. On peut fe procurer les com- modités de la vie avec beaucoup d'argent & de travail; mais ce n’eft qu'après une longue fuite d'années . que les vergers & les jardins rap- portent de beau fruit, & que la terre 2566 - (ÉCONOMIE pareffeufe produit les hautes fu- taies. C'eft pourquoi fi vous voulez avoir de l'ombrage fur votre terre , & cueillir un jour abondamment du fruit qui, provenant des arbres que vous aurez plantés, vous paroiffe meilleur ; mettez la main à l’œuvre & confiez de bons plants au fein de la terre. Faites porter de beaux fruits àun fujet de mauvaife nature , en lui faifant adopter par la greffe une bran- che de bonne efpéce. Daignez , (1) iiluftre Lamoignon , diffiper avec moi l'ignorance des A- griculteurs, & mettre au jour pour l'utilité publique , les écrits qu'a M. de La- laiffés votre pere fur les plantes , & mierpenden. que vous confervez chez vous com- du Parlement me les fruits & les monumens pré- Pat. Cieux de fes travaux : car tandis que ce refpe&able Magiftrat di&oit les oracles de Thémis à la téte du pre- mier Tribunal du Royaume , l'étude de l'agriculture lui fervoit de délaffe- ment ; femblable à Salomon , il éten- dit fes connoiffances depuis le Cédre juíqu'à PHiflope , donna tout à la | tois CREER XC Lrs ARBRES, RURALE. Liy. V. 257 fois des régles pour le gouverne- ment des peuples & des arbres , & fit des unes fon occupation, & fon amufement des autres. Ce grand homme ne fe délaffoit jamais de fes travaux qu'en les variant, & il em- ployoit le tems que lui donnoient pendant l'autonne les vacances du barreau, à écrire fur les occupations champétres , afin qu'après avoir fer- vi fon fiécle par la fageíffe de fes arrêts ; fes momen$ de récréation fuffent encore utiles à la poftérité. Puiffentà jamais les Sénateurs fui- vre fes décifions comme une régle invariable , & pefer à la balance de cet homme refpeétable les droits douteux des plaideurs. Pour nous, fuivons les préceptes qu'il donnoit pour la diftribution des arbres fur fa terre de Baville. Je vais cependant parler d’abord de l'olivier dont il n'a pas fait men- tion. Soit que les fleurs de cet ar- bre femblables pour la forme à une BELFORT EE LES ARBRES, L'oliyier, grappe de raifin, annoncent d'avan-: ce une eurent cueillette, fort que fes rameaux courbés fous le fruit en Tome. Y LES ARBRES, 258 ŒcCONOMIE (2) paroiffent tout noirs , l'olivier eft de tous les arbres celui que l'avide fermier contemple avec le plus de complaifance , malgré la trifte cou- leur de fes feuilles. Les oliviers viennent à merveille dans les champs expofés au midi , & dont la terre n’eft ni fabloneufe ni trop graffe : mais 1l fautavant l'hiver labourer ces champs, & y faire de lar- ges foffes ; enfuite vous prendrez fur un coteau voifirt quelques-uns de ces jeunes rejettons qui pouffent au pied des oliviers à la faveur de leur om- brage,vous les enleverez à leur mere- tige pour les tranfplanter , & ils em- porteront même avec eux ( 3 ) quel- que sracines comme une efpéce de dot , fans qu’elle en fouffre. Gardez-vous d'arracher les rejet- tons aux vieilles fouches ; vous rif- queriez de faire mourir ces vieux troncs. Faites-en brouter les dra- geons par les troupeaux de brebis ; à moins que pour multiplier vos plants, vous ne vouliez facrifier le vieux tronc, le couper, & élever .en fa place ces rejettons qui font uon ER VER Ve TE AE. o OT ER SP I 1 ER D TT n——-——— RURALE. Liv. P. 239 pleins de vie & bien enracinés. Le laboureur doit tranfplanter à l'approche de l’hiver les jeunes plants qui ont pris racine , aprés en avoir coupé les branches ; mais il faut leur couvrir la téte de terre glaife & de mouffe verte que l'on affujettit avec un lien,de peur que les grands froids ne les pénétrent & ne les gelent en- tiérement. Les oliviers aiment le penchant des collines bien aërées ; ilfaut les y planter de loin à loin, afin qu'ils aient de lefpace pour étendre leurs rameaux de tout côté, & qu'ils puiffent en croiffant pren- dre unelarge circonférence ; car ceux dont la fête fe termine en pointe, donnent peu de fruit & n’abondent qu’en feuilles. Que le tronc ait la tête haute de peur que les troupeaux ne mangent les feuilles des branches courbées fous le poids du fruit. Car on voit fouvent des chevres s'élever fur l'ex- trémité du pied pour atteindre aux bas oliviers , fous lefquels il arrive quelquefois qu'on les laiffe coucher dans les beaux jours de l'été : mais i! Y y AGNEEEXGEXCOTL» —— LES ARBRES. oo? LESARBRES. 260 ŒCONOMIE faut frotter les branches d’oliviers avec de la fiente de boeuf délayée dans de la boue , pour mettre en fu- reté les feuilles que leur amertume naturelle ne garantit pas affez. Si.un jeune olivier eft trop bat- tu parles vents , & que la pente du terrein le faffe courber facilement, on enfonce à cóté un pieu de chéne qui lui fert d'appui , le redreffe & le met en état de réfifter à tous les vents. S'il tombe de la pluye dans un tems convenable , il faut bécher la terre autour des oliviers , ou la- bourer tout le champ ; ces foins ne font pas croitre ces arbres plus vite, mais les font durer plus long - tems. Car de méme que les produétions d’efprit dont on veut étendre la du- rée au-delà de plufeurs fiécles ne font pas l'ouvrage d'un moment ni d'un fimple eftort de génie , mais qu'elles s’achevent peu-à-peu & n'at- teignent le point de perfection qu'a- pres plufieurs années ; de méme la terre qui fait croitre en peu de tems le figuier & le poirier , retarde les progrès de faféve pour les tilleuls,les RURALE. Liv. V. 261 chênes & ( 4) les oliviers qui vivent plus d'un fiécle , & ne les garnit de branches qu'aprés bien du tems ; & loríque leur tronc s'eft muni de for- tes racines. Quand un olivier eft dans fes premiéres années , & que fes oli- ves müriffent pour la premiére fois , ce feroit une cruauté de les abbattre avecla perche , elle rom- proit les branches. Il faut cueillir à la main tout le fruit auquel on peut atteindre ; mais loríque les branches de l'arbre feront plus fortes & pour- ront fupporter les coups de perche, il faut les battre obliquement & ne pas frapper les olives en face, de peur de les meurtrir ; on les re- coit dans des draps à mefure qu'elles tombent, & lefoir on les vanne dans un endroit fpacieux de la même ma- niére à peu pres qu'onvanneles bleds Mais je ne fongé pas que je parle RSR / LES ARBzESs Variété des trop d'un feul arbre , & que j'ou- arbres blie les autres : fécuit par un amour national pour l'olivier , je ne vois. pas quelle vafte forét j'a1 à décrire dans mes vers , & combien il eft d’ar- —€——— LES ARBRES d es bois, 262 (ÉCONOMIE bres de différentes efpéces que je ois montrer à tailler, à élaguer,ou à rendre fertiles par linfertion d'un germe étranger. Il y a desarbres qui portent des fleurs odoriférantes ; d’autres étendent leurs rameaux pour donner un délicieux ombrage ; enfin les autres courbés fous un no- ble faix , rapportent des fruits. Jai deffein de les décrire tous malgré leur nombreufe variété , puifque notre pays fitué fous une zone tem- pérée nous en produit de toute ef- péce. Je parlerai d'abord des bois, j'en- feignerai la forme qu'on doit leur donner , & la maniére de les planter; car un bois épais, qui comme un nuage fert de voile contre le foleil, eft le plus agréable ornement d'une maifon de campagne. Quoiqu'autrefois la France püt à peine nourrir fes citoyens , ils eu- rent tant d'attachement pour leurs foréts , qu'ils aimérent mieux aller s'établir dans des pays étrangers que de pourvoir à leur fubfftance en abbattant leurs bois. NEED. aiias. sss RURALE. Liv. V. 263 Que n’avons nous encore pour les forêts ce même attachement , afin de nous oppofer aux coups de la hache cruelle ! Dansquelle campagne voit- on maintenant de beaux chênes ref- peëtés par la coignée parvenir à une extréme vieilleffe , à moins qu'ifolés fur des montagnes inacceffibles , ils ne fe défendent eux-mémes par l'a- vantage de leur fituation ? Si nos ayeux ont laiffé quelques bois à leur poftérité , ils ne donnent point d'ombrage impénétrable aux rayons - dufoleil, & ne cachent point dans les cieux leur téte altiére , tels que ces arbres prodigieux & refpeétables que"le peuple adoroit autrefois ; ce ne font que des rejettons de vieilles fouches condamnés aprés quatre luftres à devenir la proie de nos foyers. À peine un lhévre trouve- t-il un refuge dans les foréts qui fer- voient anciennement de retraite aux ours & aux daims timides. Eh ! quel peut-être l'agrément d'une campa- gne fans celui des bois ? Pendant les | apres chaleurs de la canicule , on eft forcé de refter chezío1 comme fi l'on CBS LEs ARBRIS 264 ŒCONOMIE étoit affiégé ; on ne peut dans l'été, ni ferepofer, ni gouter la fraicheur à l'ombre d'un chêne , ni compofer des vers , qui dans le filence des bois interrompu feulement par le con- cert des oifeaux , fe préfentent d'eux- mêmes à l’efprit & de la mefure qu'on défire. Etendez donc vos foins àl'avenir , & plantez des bois. $1 vous étes d'un âge avancé, & que vous n'efpériez pas d'affez longs jours pour les voir dans leur beauté & jouir de leur ombrage, vous aurez du moins le plaifir de voir cesjeunes plants s'em- bellir , croître infenfiblement , pa- rer leur téte de feuilles fans nom- bre , & inviter le roffignol paffager à ravir les oreiles par fes chants. Quand méme l'agréable vüe d'un jeune bois ne vous toucheroit point, ne devez-vous pas »ous fouvenir de vos chers enfans , & planter pour votre poftérité fi ce n'eft pas pour vous? | O vous,jeunes difciples de Loyola, qui étes nouvellement entrés dans notre íociété , s’il m'étoit per- mis de EEE C —————— BÀ —UNMUMMNUDTIUITEUNEUUESUUMEEEHURIT RE RURALE. Li. 7. 265 mis de replanter (6) l'ancien bois quon a fait abbattre , & dont ci- devant j'ai amérement pleuré la per- te; ma main feroit la premiére au travail, quelque fatiguant quil fût ; ce feroit un foulagement pour moi dans mes regrets, de favoir qu'un jour , mes chers confreres, ( 7) vous prendriezdes plaifirs aufquels j'aurois contribué.Je laboureroistroisou qua- tre champs contigusà notre maifondu côté que Borée fuivi des tempêtes, . fe déchaine avec fureur, & je feme- rois du gland dans tout ce terrein : dés que les Jeunes tiges commence- roient à fortir du fein de la terre, & à fe couvrir de feuilles , j'en écar- terois les troupeaux, & je laifferois ces nouveaux plants poufler confu- fément & fans ordre. Lorfqu’enfuite ces jeunes éléves commenceroient à étendre leurs ra- meaux , & à être agités par les vents, je les élaguerois avant l'hiver , j'en laifferois peu en terre , j'arracherois ceux qui ne feroient pas de belle ve- : nue,& planterois de Jeunes chénes de Tome I. Z Lis ARBRES. 266 (ECONOMIE même âge les endroits dégarnis , avant que les autres arbres des en- virons fuffent plus touffus & plus hauts : car ainfi que dans une ville ceux qui la gouvernent & qui font à la téte des affaires , contiennentle peuple dans fon état obícur , & l'em- péchent de s'élever ; de méme dans les bois épais les jeunes arbres ne croiffent Jamais parmi les grands qui portent jufqu'aux cieux leur tête fu- perbe, & dont le nuifible ombrage offufque les petits. Enfin j'arrache- rois toutes les épines qui pouflent au pié des jeunes arbres , & je táche- rois de donner à mes éléves la plus belle forme en les taillant à propos : mais ce travail n'eftutile que dans les premiéres années , car le chêne dans les bois fe délivre lui-même de fes branches les plus baffes quand il eft un peu grand ; au lieu que dans les champs fe trouvant plus au large , fes rameaux s'étendent de toute part & fourniffent beaucoup d'ombre. Le chéne des bois s'éléve au - deffus des arbres qui croiffent autour de lui, & femble vouloir atteindre aux RURALE. Liv. P. 267 cieux & s’umr avec le foleil ; pou SERRE . " > . ES ARBRES. inquiet de l'accroiflement de fes ra- meaux , il ne s'embarrafle guéres de leur diftribuer les fucs qu'il reçoit de la terre , & fe les approprie uni- quement pour l'élévation de fa tige. " Siyousétes curieux de belles ave- — ,.,,,,.., nues au-devant de vos maifons ie rilleul , i plantez trois rangs d'arbres, & pro- (15. * * curez-vous de l'ombrage avec l'or- meau touffu , le tilleul uni, & le cyprés taillé en éventail , ou avec le charme qui fe prête à toutes les formes qu'on lui donne : 1l eft d'un grand ornement dans les jardins ; íoit que les cizeaux du jardinier le courbent en arcade , foit qu'il ferve à brouiller les voies d'un labyrinthe oit parcourant toujours les mémes routes , & retournant toujours fur fes pas, on a peine à trouver l'iffue de ces agréables détours quand une fois on y eft entré. | Les (8) müriers dans levoifinage Le Mürier. d'une maifon, lui fourniffent auffi un ombrage qui plait;mais ilsne confer. : vent pas long - tems l'ornement de leurs rameaux; car dès qu'ils fe cou. Zi Lrs ARBRES, Les grands 268 ŒcoNOMIE vrent de feiulles renaiffantes une troupe de jeunes filles s'empreffent impitoyablement deles en dépouiller pour en nourrir les vers à foie : dom- mage cependant qui ne feroit pas ir- réparable , fi ces arbres reprenoient leur premier agrément au retour des feuilles ; mais leurs rameaux defléchés tiennent fans grace à leur tige maltraitée , parce qu'ils n'ont pas été ménagés dans le tems de la Óéve où ils font encore tendres. O ;euneffe fans pitié, épargnez du moins les feuilles les plus élevées des mü- riers ; écartez de la main gauche les branches d'en haut fans les dépouil- ler , & de la droite, prenez vos pro- vifions fur les plus baffes, de peur que ces arbres ne montrent une téte nue , hideufe à voir, & que leurs branches couvertes de noeuds ne donnent de l'ombre qu’à leurs troncs. Le Prince, en ordonnant que les chemins doi- grands chemins fuffent plantés d’ar- vent être plantés d’Ar- bres, bres des deux cótés,a voulu procurer à tout fonroyaume les mémes orne- mens que je demande dans les ter- nisl drum, RURALE. Li. P. 269 res des particuliers : cette précau- eem tion feroit un jour d'un grand fou- LEsA »32:5 lagement au voyageur pendant l'é- té , & d'une utilité confidérable pour le public dans la difette oü l'on eft de bois de chauffage : mais à quoi fervent des loix fans exé- cution ? $1 l'on a planté quelques arbres, celui qui les a mis les arra- che , ou les fait mourir par avarice , dans la crainte que leur ombre un jour ne faffe tort à fes moiflons. Pourvoyez, grand Prince, à l'exécu- tion de vos loix , en diminuant la taille des villages, & condamnant à une légére amende ceux qui contre- viendront à vos ordonnances ; vous hangerez par ce moyen la deftinée de ces arbres, & . vous les verrez croître en peu d'années, pour l'embel- liffement des chemins. Si vous ne dé- daignez pas de porter vos regards fur l'avenir , prévenez par vos foins la deftru&ion générale des bois , l'en- treprife n'eft pas difficile ; exemptez d'impôts les particuliers qui plante- ront leurs champs de pins ou de ché- nes, & vous verrez avec admiration L ij LES ARBRES: Les Arbres aquatiques, L'Auine, 270 (ÉCONOMIE fortir de terre de nouvelles forêts dans différens cantons. Les faules & le peuplier blanc ai- ment les riviéres : la furface des eaux en paroit plus riante lorfqu’el- les coulent fous leur ombrage ; ces arbres fourniffent des feuilles aux troupeaux, des planchers aux mai- fons & du bois aux foyers ; de plus leurs racines ferviront de rempart à vos champs contre l'effort de l'eau qui pourroit s’y infinuer peu à peu & gagner du terrain à leurs dépens. Souvent un fleuve déracinera vos faules & vos aulnes récemment plan- tés, & devenu plus rapide , les en- trainera dans fon cours ; mais ne vous rebutez pas , recommencez le méme ouvrage au printems fuivant, & remettez de nouveaux plants fur la rive: fi une fois leurs racines font bien adhérentes à la terre, & fi les eaux tranquilles ne quittent point de long-tems leur lit ordinaire , le faule foible', & laulne ‘tout méprifable Pv ul eft , réfifteront par la fuite à la ureur des flots , braveront impuné- ment ce fleuve impétueux , qui L 1 SE ue | RURALE. Liv. V. 271 bruyant au loin ravage les campa- gnes,rompt les digues qu'on lui oppo- fe, & roule des pierres énormes ; en- vain viendra-t-il battre ces arbres fur le rivage , ils fe défendront par leur nombre : frémiflant & furieux 1l reprendra fon cours , & couvrira tout au plus leurs branches d'écu- me & de limon qui attefteront fa ra- ge & fon débordement. Les faules donnent auffi de l'a- grément aux prairies qu'ils bordent; plus Phumidité les pénétre , & plu- tót croiffent leurs rameaux : d'ail- leurs , ils fourniffent des liens pour réprimer la fougue de Bacchus. Il faut que la branche de faule que l'on plante de bouture foit taillée par le bout en forme de coin, afin qu'el- le n'ait pas de peine à prendre raci- ne , & qu’elle donne promptement des feuilles ; il arrive fouvent qu'une (9) branche féche tirée d'un fagot de faule reprend de bouture aprés avoir été piquée en terre pour fer- vir degardien & d'appuià de jeunes plants : elle fe couvrede feuilles , & nuit méchamment par " ombre mr CR —— HÀ € M VÀ LES ÂRBRES, EE rs Lrs ARBRES, ie Euis. 272 (ECONOMIE aux progres des éléves qu'on lui a confiés. Et comme l'aveugle mort fait fa proie des meilleures chofes ; on voit périr pour toujours le til- leul & l'ormeau à cóté du faule que le voifinage de la mort n'empéche pas de reverdir & de s'étendre. Le buis qui conferve en tout tems fes feuilles, autrefois fans culture, n'habitoit que les montagnes : main- tenant il (10) alligne les fentiers d'un jardin par des bordures ferrées & pre- cifes ; il tranche d'un beau verd l'é- mail des fleurs dans les différens com- partimens ; quand on veut, il s'éléve en forme de muraille, il entoure un jardin & tient lieu de haie , fert de fiége & offre un lit de fes feuilles, ou bien fes tendres rameaux courbés, préfentent de petites grotes qui font un abri für contre l'ardeur du foleil. Le cizeau du jardinier lui fait pren- dre la figure , tantót d'un lion fu- rieux , tantôt de Diane l'arc en main & lançant des traits , & tan- tót d'une tour, d'un ferpent , ou d'un oifeau qui déploye fes ailes , & qui femblant vouloir s'élever . RURALE. Liv, P. 273 dans les airs, tient à la terre par les pieds. (11) L'iffe plait dans les jardins t£ ies mieux cultivés , & prend toutes les figures qu'on veut lui donner, foit qu’arrondi par le fer, 1l s'ap- puye fur la terre en forme de glo- be ; foit que fes rameaux courbés & conduits avec art, imitent un ciel, une voute , un foleil , un croiffant de lune ; foit que taillé par la cime, il fe termine en pyramide , ou qu'un jardinier habile le métamorphofe en homme ou en différentes fortes d'animaux. Que dirai-je du myrte , du laurier — ji 4cicia, 1e qu'on a confacré aux mufes ( 12) Perle , ie & dont on couronne les Poëtes, de ^^ la branche urfine , du pin aux feuil- les hériffées , du trifte cyprés , du plane, & de l'aulne qui fe plait fur la rive des fleuves,de l'acacia (13)qui depuis peu nous a été apporté de l'Amérique , arbre fi propre à tapif- fer les murs de fa verdure, & à or- ner au printems le devant d'une mai-. fon. Que dirai-je encore du peu- plier dont ( 14) les feuilles toujours Le vise LEs ARBRES. nn ons 274 ŒCONOMIE agitées font fenfibles à la plus douce haleine des zéphirs , & du fapin qui, après avoir été fur les montagnes battu des vents les plus terribles , fe voit fur la mer expofé aux fureurs d'Eole & de Neptune. arbres £u. Les doux fruits de Pomone m'in- tiers, vitent à me tranfporter dans les Jar- dins : s'il y ad'une part beaucoup de travail pour le fermier ; d'un autre cótéla cueillette des fruits le récom- penfe de fes peines. Il doit donc commencer par ouvrir des foffes au commencement du printems,afin que les chaleurs qui fuccéderont , corri- gent les mauvaifes qualités que la terre peut avoir,& qu’elle fe pénétre (15) des nitres de Pair néceffaires à toutes les produ&ions ; lesfoffes doi- ventétre creufées enforme de cóne, qui s'élargit par le bas afin que les ra- cines des arbres s'étendent en liberté dans la partie inférieure de la foffe , & que la partie fupérieure plus étroite ne donne que peu d'entrée aux grandes pluies. Choix de — Vous choifirez pour plants ceux P3s* ^^ qui auront la tige droite fans noeuds LES ARBRES. * RURALE. Liv, P. 273 & fans plaie , & qui feront garnis de trois racines & de trois bonnes branches, afin que celle du milieu fe foutienne plus droite, & qu'elle forme de fes rameaux une tête plus vafte & plus arrondie : défiez-vous des plants qu'on expofe en vente dans les villes , ils font fouvent à de- mi morts quand onles replante , par- ce quil y a trop de tems qu'ils font privés de la fubftance de la terre. Souvent aufli ils trompent vos ef- pérances , & ne vous rapportent que des fruits impofteurs, parce qu'ils ne font pas de la qualité pour laquelle on vous lesa vendus. Vous enfemencerez vous- même votre champ, & prendrez les pre- miers foins que demande-une pépi- niére pour donner de beaux éléves. Si vous manquez de jeunes plants , détachez d'un bon arbre une petite branche que vous nourrirez d'eau de pluie dans une bouteille expofée u foleil. Si cette branche s'imbibe toujours de l'eau nouvelle que vous. remettrez , elle pouflera une petite LES ARBRES, La Pépinice re, Te à LES AR.vAES: Remplace- sent des ar- bres qui man- quent. 276 (ECONOMIE racine aprés un mois : alors on lui donne une nourriture plus folide , on broye dans la main un peu de terre , que l’on mêle avec l'eau. En- fuite, loríquon voit que les bou- tons de feuilles commencent à per- cerl'écorce , on met cette branche en terre , & on l'éléve avec foin dans la crainte que le froid ne la gé- le, que l'ardeur du foleil ne la def- féche , ou que noyée par trop d'hu- midité , elle ne Jauniffe. Mais les plants d'arbres ne vien- nent pas également bien dans tous les champs ; car les fucs nourriciers ne font pas par tout les mémes,les ra- cines n'ont pas toutes les mêmes tif- fures ni les mémes canaux propres à donner paffage aux différens fels de la terre : c'eft pourquoi le laboureur varie les femences felon les lieux , & feme du millet & de l'avoine dans les champs où le froment ne vient pas bien , parce que cette terre eft plus analogue à ces grains qu'à d'autres femences. Quand un vieil arbre eft mort, , C'eft avec bien de la peine qu'on en R uni Ami Ev Livi". 277 eléve un autre dans fa place ; foit M. parce que les racines qui reftent du précédent , interceptent la nourritu- re , ou parce que le vice du fol fe communique au Jeune plant, & lui eft funefte. Quoi qu’il en foit, afin d'avoir une belle avenue d'arbres plantés à égale diftance , il faut, dés qu'on en veut remplacer quelqu'un, creufer une large foffe que vous laifferez long- tems ouverte ; vous brulerez les vieilles fouches , vous nétoyerez bien le fond de la foffe , & vous irez prendre dans quelque vallée de la terre fraiche bien engraifíée par le fuc des feuilles tombées & corrom- pues , que vous fubftituerez à celle que vous aurez tirée, C'eft ainfi que dans les maifons où 1l eft mort quel- qu'un de la pefte, on jette par les fenétres, crainte de la contagion, les meubles & les autres chofes que le peftiféré a pu toucher , & l'on brule des plantes aromatiques dans les appartemens pour les parfumer &. chaffer le mauvais air. Il faut obferver quelle partie z CRE RCE nt Les ARBRES. 278 (ECONOMIE du ciel regardent les arbres qu'on veut tranfplanter, & les remettre dans la méme expofition, de peur qu'ils ne reçoivent difficilement leur nourriture, fila partie des arbres qui regardoit le midi dans leur état précédent , regarde le nord dans leur nouvelle fituation. Car les vei- nes d'un arbre font moins grofles fous l'écorce qui eft tournée vers le fep- tentrion , & le foleil fait monter la feve dans cette partie en plus petite quantité, Examinez ces cercles ( 16) qui fe forment dans le tronc du ché- ne, & quifeterminentun peu en ova- le , 1ls font plus épais du côté du midi , & plus minces du cóté du nord : d’après cela vous fçaurez vous orienter & reconnoitre la route qu'il faut tenir quand vous vous ferez égaré dans un bois, fi vous coupez horifontalement une branche d'ar- bre ; car du cóté que l'écorce fe trouvera moins nourrie , & plus proche de la moelle , ce fera le fep- tentrion, conféquemment le midi du cóté oppofé : fi vous tournez le dos au pole arétique , vous aurez à RURALE. Liv. F. 279 votre droite le couchant & à votre gauche le levant. Si un jeune arbre,au lieu de pouf- oc fer de longues racines en terre, jet- pes "2% te trop de branches , élaguez-le avec la ferpe , afin que la fève def- cende à la fouche & la fortifie dans fes premiéres années. C'eft ainfi qu'au printems on méne paitre les troupeaux dans les champs enfe- mencés , afin que les moiflons dé- livrées des herbes furabondantes de- viennent plus belles , & que la tige du bled ne s’affaifle pas fous l'épi trop chargé. Loríqu'une branche du milieu d'un arbre tire à elle tous les fucs nour- riciers , & que les autres meurent faute de fubftance , 1l faut l'abbattre pour forcer la féve à prendre une au- tre route & à diftribuer également fes faveurs aux autres rameaux , fans prédile&ion pour le méme. Eh ! plüt à Dieu que le Prince confultant l'intérét public lorfqu'un ,nouveau parvenu s'eft élevé de la lie du peuple au faite de la fortune, abaiffát cette tête fuperbe qui fe DRE EPA me LEs ARBRES, CRETE LEs ARBRES, . L'ufage de la greffe. 280 ŒCONOMIE dreffe vers le ciel avec une hauteur infoutenable , & queles richeffes de tout le royaume poflédées par un feul, fuffent reparties à tous les ci- toyens! plüt à Dieu que le Prince ne fouffrit pas que ce vil mortel s'en- graiffát aux dépens du public , & infultât à notre mifére par la magni- ficence de fes bátimens & la fomp- tuofité de fa table ! Quoique la greffe réponde mieux à nos voeux quand les arbres font jeunes ; fi cependant vous avez en- vie de corriger quelque fruit , ou d'en raffembler de plufieurs efpéces fur un méme tronc , il y a différentes facons de le faire. On greffe en fente, non pas ce- pendant fur un endroit où fe trouve un œil, comme ( 17) l'enfeignoit le Prince des poëtes , mais plutôt dans la partie du fujet la plus unie où il ne fe trouve ni noeud ni cicatrice : l'on fait entrer fous cette écorce une petite branche d'un autre arbre : ou bien le jardinier greffe en levant de deflus un arbre de bonne efpéce ‘ un œil accompagné de l'écorce qu'il a taillé RURALE, Liv. PV. 281 taillée en forme d’écuflon. Il détache du fujet qui recevra cet oeil,un écuf- fon d'écorce précifément de la même taille & dela même grandeur que le précédent. La place vuide eft rem- plie à l'inftant par l'écuffon de bonne efpéce qui fait corps avec l'arbre où il eft adopté. On couvre de terre les trois fentes de.lécorce; on y fait une ligature.avec de l'ofier , & cet héri- tier étranger s'éléve & s'impatronife dans fa nouvelle habitation. On greffe en poupée, loríque les arbres ont beaucoup de féve; on choifit une.greffe bien unie , bien faine & chargée de boutons ; onl'ap- planit à deux faces en forme de coin ; on abbat enfuite les branches du fu- Jet qui deviennent inutiles ; on l'é- téte , & avant que d'enfoncer le coin dans l'épaiffeur du tronc qu'om veut fendre , onle lie bien dans la crainte qu'il ne fe faffe. une trop grande ou- verture ; onluifait enfuite une pou- pée avec de l'argile & dela mouffe, & on la lie tont à l'entour afin qu'im- mobile elle puiffe réfifter aux inju- res de l'air , & aux coups de vent. Tome I. Aa LES ARBRES, - Len ee. | lks ARBRES. 282 (EÉCONOMTIE On eft dans l'ufage de lier les gref- fes avec de l'ofier , mais nous préfé- rons le jonc & toutes les ligatures douces & fouples;car lorfque la cha- leur a defféché l'ofier , il ferre trop la greffe. On greffe en couronne , loríqu'au printems les arbres abondent en fé- ve ; on étronconne une tige fous l'é- corce de laquelle on infére plufieurs greffes , de maniére qu'elles for- ment une efpéce de couronne fur ce tronc. On greffe auffi en flute , lorfqu'on léve en forme de chalumeau l'écor- ce d’une branche avec tous fes yeux fains & entiers pout revétir une au- tre branche dépouillée pareillement de fon écorce , & corriger le goût du fruit. | Quand ( 18) on greffe en appro- che un citronier dont les fleurs & les fruits relévent la^ beauté d'ün vafe de marbre blanc, la greffe fe marie fiétroitement au fujet , qu'elle s'y attache comme à fon tronc na- turel, & qu'elle tire un double fuc des deux tiges. On la févre de la RURALE. Liv. P. 383 nournture de fon tronc, & on la coupe loríqu'elle eft habituée aux nouveaux fucs de celui qui l'a ado- ptée. L'ufage de la greffe eft ce qu'il, L'utilié de y a de plus agréable & de plus utile ^*^ dans le vafte champ de l'agriculture ; on a trouvé par-là le fecret de chan- ger les fauvageons de nature. Un arbre bien greflé profite en toute forte de terre ; les péchers qui en aiment une bien féche , profitent dans les champs les plus gras , ains que le cérifier , pourvû que le tronc quiles a adoptés , fe plaife dans ces terreins. Un poirier greffe fe défar- me de fes pointes , femble étonné de donner de nouveaux fruits , & une ombre différente de la fienne. Ainfi , le chátaigner fur lequel on greffe un noyer, produit des fruits unis qui n'ont plus d'enveloppe hé- riffée ; leprunier donne des pommes & (e greffe auffi fur le frêne , auquel il fait prendre fon nom ; le pommier enté fur le faule lui fait porter fon fruit ; & le buiffon né pour produi- re uniquement des épmes & des Àaij ETES a — Les ARBRES, LES ARBRES, Des fucs nourriciers de la terre, 284 (ÉCONOMIE ronces, fe pare de fleurs & charge de fruit fes rameaux : ainfi l'ormeau plus feuillu , rapporte du gland ; ainfi (19) les bayes du laurier fe chan- gent en córifes ; ainfi le mürier tout glorieux de fes nouvelles branches, & de fon nouveau feuillage , fe pare avec fafte des belles fleurs du citro- nier , & les jeunes filles vont cueil- hr des citrons au méme arbre qui nourriffot leurs vers à foie , & prendre des fleurs pour s'en orner 1a téte fur des branches d'oii elles ne rapportoient auparavant que des feuilles dans des corbeilles. . C'eftainfi que des fruits différens pendentaux rameaux d'un méme ar- bre, & que la méme féve conduite par les mémes racines, fe durcit pour donner le fruit de l'amandier , s'a- mollit pour former la prune, fe revêt d'une blancheur admirable dans les fleurs, donne une tunique de pourpre aux cérifes, & teint ennoir les máü- res. Les fruits d'une faveur douce ou acide,font également {es productions, ( 20) elle prend comme Protée tou- te forte de forme & de couleur ; Li RURALE. Zi. P. 238$ fes qualités varient dans les différen- = tes plantes qu'elle vivifie , elle pro- ^* ^*^*** duit à cótéde l'ail infupportable par fon odeur , l'oeillet & la rofe qui ex- halent un parfum raviffant ; & falu- taire & mortelle tout à la fois , elle fait naître les (11) mauves émollien- tes, & la cigue poifon dangereux. C'eft ainfi que la méme eau fortant par des tubes différemment percés , prend mille figures variées ; tantôt elle paroit concave en coulant dans des verres, tantót hériflée de pointes loríquelle repréfente une gerbe, tantót applanie quand elle forme plufieurs nappes ; tantôt auffi elle s'élance dans l'air par un jet rapide, s'arrondit comme une voile de vaif- feau , repréfente les rayons du fo- leil , toutes les couleurs de l'arc-en- ciel ,fe répand en pluie , & prenant la forme d'un dragon, ou d'un trait qu'on décoche,inonde l'air d'une hu- mide rofée. L'arbre fur lequel on veut enter, sn ee doit être fain & dans fa premiéreszrcicr. jeunefle ; car de même que les blef- fures dansun âge tendre , fe ferment RE re er lrs ARBRES, 486 ŒCcONOMIE & fe guériflent bientôt : ainfi les plaies que fait la greffe à un jeune arbre font légéres , & quelques jours après l'opération le rameau introduit chez fon nouvel hôte, ne fait qu'un corps avec lui. Tout arbre cependant n'adopte pas toute efpéce de fruit au gré de vos defirs ; car il eft impoffible de vaincre certaines antipathies invété- rées , & de réconcilier le chêne & le poirier, l'ohvier & la vigne, Bac- chus & Minerve. Quand vos plants auront trois ans, vous lesóterez de leur terre na- tale, & vous les tranfplanterez dans un terrein convenable , & qui leur plaife ; sil y ena quelqu' un qui ne pouffe pas, ou qui aprés avoir pouffé, ne continue pas de profiter, traní- plantez-le ailleurs , & vous embar- raffez plutót de lui choifir une terre qui lui foit propre par fa qualité & {on expofition , que de le placer dans un quartier diftingué par un charmant ombrage & de beaux fruits. Dans les champs dont la terre eft légére, & qui ont une pente douce vers le VERE aree cem ———Me—m—————— MÀ MÀ CT NN TT RURALE. Liv. P. 287 midi , les fruits font d’un meilleur goût ; & dans les terres graffes & humides , ils font plus gros & mieux nourris , tels qu'il en faut pour faire des pyramides qui ne doivent repai- tre que les yeux , & qu'on donne en fpectacle aux convives comme des tableaux amufans. . Choififfez pour élever des pom- miers , un champ qui foit plus fertile par lui-méme que par le fecours d'un ruiffeau qui l'arrofe. Ces arbres ne haiffent pas les montagnes , ni m&- me les terreins fabloneux quand ils ont de l'eau fufifamment pour tem- pérer leur ardeur. € ependant, com- me les pommes dégénérent ordinai- rement dans les champs trop gras, & n'ont plus le goût aufli piquant ; de méme dans les terreins trop fecs , elles tombent de l'arbre avant d'étre müres , & fe rempl fent de vers. Le pommier vient auffi fort bien dans les prairies :: dés que cet ar- bre y a pris une fois racine , il n'a LES ARBRES. plus befoin des foins du fermier, , & fans le fecours de la charzue , il rapporte des fruits à qui l'herbe ten- Lis ARBRES. Le Figuier. 288 (ECONOMIE dre fauve le dommage de la chute en les recevant dans fon fein lorf- que le vent les abbat. Le figuier aime le foleil, & on ne le plante point en plein vent dans les pays froids , mais on le tient dans une grande caiffe , & chaque année au retour de l'hiver on le mer à l'a- bri dans une ferre , & on le rappor- te au grand air lorfque les doux zé- phirs ont fait fuir au loin Borée du côté de l'Ourfe. * Pour nous , nous plantons le figuier , ou dans nos jar- dins ou dans nos vignes, & nous lui faifons fupporter en plein air les vents rigoureux du Nord : quoique depuis peu nous ayons effuyé un hi- ver quiauroit dù allarmer notre fé- curité, & que tous les figuiers aient péri dans nos champs au grand éton- nement des fermiers quirne pou- voient concevoir un accident aufü extraordinaire. Mais heureufement les germes & les rejettons: qui s'é- toient confervés en terre , ont pouflé * I! faut obferver que le. Pere V anuiere "PER étoit du Languedoc... ;,,,.; uei prompte- RÉ LS. me pe Mn hé, 0. oi] — ——— ^ | RURALE, Liy, 7. 289 m promtement , que nous ne nous ap- ME percevons plus de nos pertes. Le f- zs guier étend fes rameaux en peu de tems , mais auffi fa carriére eft bien courte. La mort(2 2)vole à la deftruc- tion de tous les êtres dont la nature a háté la perfe@ion. La fortune fe comporte à peuprés de la méme maniére ; elle comble de richeffes les mortels & les éléve au haut de fa roue : mais du faite des honneurs , elle les précipite dans le néant par un prompt retour ; elle adopte enfuite un nouveau favori i qu elle ne montre auffi qu'un inftant pour l'enfevelir auffitót dans l’obfcu- rité Où vivoient fes ancêtres. Plus une maifon eft élevée , plus fa chute fait de fracas ; c'eft comme un cé- dre qu'un voyageur avec admiration avoit và dans une forêt élever fes rameaux Jufqu'aux cieux , peu de tems après cet homme à fon retour porte fes regards où cet arbre fuper- be couvroit tout un bois de fon om- brage , ( 23) il cherche envain la té- te altiére du cédre, il ne voit que les traces de fa chute dans les arbres Tore I. Bb e- cincta mcs epp LEs ARBRES, le Citro- nier, 290 | (ECONOMIE voifins dontil a rompu les branches. Ne négligez pas de faire venir des figuers de bouture en les piquant dans un terrein pierreux , c’eft-là qu'ils fe plaifent ; mais malgré la bon- ne expofition, prenez-en beaucoup de foin dans les commencemens : ainfi fendez un rofeau entre fes noeuds , & couvrez-en comme d'un chapeau la téte de votre Jeune plant pour le garantir du froid. Afin que le figuier hátif donne des fruits avant la faifon , faites bouillir de l'huile , des oignons & du poivre , & arrofez-en fes racines , c'eft un moyen für pour exciter la féve & avoir des figues précoces : vous en aurez au contraire de tardives , fi vous arrachez les fruits dès qu'ils commencent à paroitre ; car cet ar- bre fécond en repouffe d'autres in- continent, mais les vents imprévüs du nord les gélent quelquefois , & les empêchent de venir à maturité. Le citronier. eft encore plus déli- cat, & demande de plus grands foins : s’il n'eft pas enfermé dans une ferre , s'il n'eft pas couvert de paille qui u— P Gg T " RURALE. Zi. 7. 291 le garantiffe des grands froids , à peine peut-il les fupporter , quoi- ^l foit dans un terrein expoíé au foleil & à l'abridu vent. Il veut être mis dans une caiffe, & cet arbre ambulant jouit tantôt pendant l'été des rayons bienfaifans du foleil au milieu des jardins , & tantót logé dans une longue ferre, écoute 1m- punément fouflerles vents du midi ; & tandis que le chéne pénétré de froid & dépouillé de feuilles mon- tre une tête chauve, le citronier fans être endommagé conferve fon mé- me agrément, & fon fruit & fes fleurs parent en méme tems fes ra- meaux. ' $1 vous voulez orner de citroniers un long portique , rangez-y vos caif- fes de file & à égale diftance, vous jouirez ainfi d'un printems perpé- tuel; car file mauvais tems ou la difficulté des chemins vous oblige de garder la maifon, vous pourrez Eo ioo LES LES ARBRES, au milieu de l'hiver jouir fous ce por- . tique des parfums du printems & des préfens de l'automne, & cueilhr à la fois des fruits & des fleurs au mé- me arbre, Bbij 292 ŒCONOMIE == [e noyer né pour être grand & 1:5 ARBRES Lraver un jour la fureur des vents, Le Noyer doit être expofé au grand air : c'eft en pleine terre, qu'il faut planter les noix humeëtées & la pointe en bas, afin que l'arbre en naiffant étende plus loin fes racines , & puiffe ré- fifter aux fecouffes des vents. Il faut faire changer de terre au noyer trois ou quatre fois pendant les premiéres années : car de méme que les jeunes gens qui voyagent au loin & s'expatrient de bonne heure , multiplient leurs connoiflances (24) & acquiérent des perfeétions,de mê- me le noyer quand on lôte jeune de fa terre natale devient plus grand & plus fertile. | On doit mettre une large diftance entre les: noyers qu'on plante, de peur qu'ils ne fe nuifent par leur om- brage , que leurs branches ne fe frap- pent les unes les autres , & que les noix tendres encore ne foient les victimes de leurs coups réciproques. Mais comme ces arbres étendent au loin leurs rameaux , & que leur om- brage eft mortel aux moïflons , i! — L^. option sens — dtl it i ora ca RURALE. Li. P. 393 faut les planter fur la hfiére des champs , de facon cependant qu'ils ne foient pas furle bord du chemin ni trop près de la ville ; car les paf- fans les attaquent pour avoir leurs fruits, & font pleuvoir fur leurs bran- ches une gréle de pierres qui les fra- caffe & deshonore les arbres. Les noix quand on les cueille ne doivent ‘pas encore avoir leur premiére écor- ce ouverte , elles s'en dépouillent d'elles-mémes aprés qu'on lesa mi- fes fur de la paille. Il n'eft pas befoin de tranfplanter le cháta:gnier , ou fi on le fait , il faut garnir fes racines d'une terre bien humeGée , afin qu'il ne fe ref- fente point du changement de place lorfquil fera établi dans fa nouvelle demeure. Placez l'amandier dans les champs oii l'on feme du froment, pourvü qu'il n'y foit point expofé au foufle impétueux des aquilons, car le vent brule les fleurs trop précoces que cet arbre imprudent tous les printems fait éclore. C'eft la fleur del'atbre qui fonde B b iij CORRE EE) LES ARBRES, Le Chátai- güier, L'Aman - dier, De la fleur des atbres. (eara SEA CASS LES ARBRES. Le Cerifier, 204 ŒCONOMIE toutes nos efpérances , auffila natu- re induftrieufe en prend un foin par- ticulier ; elle la fait naitre parmi le feuillage des rameaux , & revêtue d'une affez ferme tunique en forme de calice ; elle lui permet enfuite de s'épanouir médiocrement , & de développer fes pétales , & non de s'ouvrir d'abord en entier : mais elle l'habitue infenfiblement à fup- porter la fraicheur dela nuit & l'ar- deur du foleil ; cette fleur délica- te nourritle fruit en fon fein parfumé, & garantit des vents fon tendre élé- ve ; car les fleurs font comme le ber- ceau des fruits , elles leur fervent d'ornement & d'appui , & connoif- fent, pour ainfi dire , ce qu'elles font venues faire ; elles ne quittent les rameaux que lorfque le fruit forti- fié parle tems peut impunément voir le grand air , mais les feuilles reftent plus long -tems pour tempérer par leur agitation & leur ombrage l'ar- deur du foleil. Quoique la vigne fe plaife dans.la compagnie du cerifier & du figuier , & vive en bonne union avec le poi- RURALE. Liv. P. 295 rer & le pêcher , il convient que == vous réferviez pour ces arbres frui- ^ tiers les champs les plus proches de votre maifon , afin de les garantir du ravage des troupeaux & du pilla- ge du petit peuple. On laiffe le poirier croitre enli- 1e Poirier. berté fans toucher à fes branches, oubienon le taille , & on le réduit par la force au rang des arbres de baf- fe tige, ou bien étendu fur un treil- lage , il garnit un mur de fes feuilles, jouit de la chaleur réfléchie du fo- leil, & décore un jardin d'un tapis de verdure. Soit que le poirier taillé en efpa- aille au lier s'étende fur un mur en forme Potier. d'éventail, foit que libre d'entra- ves il prenne par la taille la figure d'un vafe , fouvenez-vous de répri- mer fon penchant à s'étendre , vous en ferez récompenfé par la grace que la taille lui donnera : maisil faut qu'il la recoive dés les premiéres années ; car un ( 25 ) arbre maltaillé, ainfi qu'un jeune homme mal élevé, ne va qu'enempirant: l’âge ne corrige pref- que jamais ce qui n'a pü être redreflé à la premiére culture, Bb] 296 (EcoNOoMtIE b — o Quandiles Houtons s’enflent & ES ARBRES, La taille des COMMENCEnt à s'ouvrir , le jardinier arbres, connoit aifément quelle eft la bran- . che à fruit qu'il faudra conferver : fes boutons font ferrés & nombreux 3 elle fleurit fur la branche qui a été taillée l'année précédente , elle eft courte,épaiffe, propre à porter beau- coup de fruit & à le bien nourrir. Siunpoirier nain Jette trop de bois, il faut empêcher fes rameaux d'excé- der la rondeur qu'on lui a prefcrite , & la hauteur du mur prés duquel on Paflujettit à un treillage; mais fur- tout confervez les branches fécon- des & les bons yeux qui font le plus cher objet de vos efpérances , & coupez fans miféricorde les bran- ches gourmandes & inutiles : telles font toutes celles qui pouffent droit, qui ont l'écorce nette & unie, la tige dure , & qui font d'une moitié plus hautes que l'arbre. Cependant ne coupez pas entiérement celles à qui les racines prodiguent leur féve ,- mais n'en retranchez que la moitié ; caraprés avoir été taillée , elle pou£ fera d'autres branches à fruit qui per: ceront de toute part, | RURALE, Liv. V. 297 On n'aime pas à voir dans un ar- bre taillé une branche qui croife les autres à moins qu'elle ne foit char- gée de boutons qui promettent beau- coup de fruit ; car c'eft ce qu'on de- fire & ce qui plait davantage ; mais qu'un agriculteur ne concoive pas de hautes efpérances fur l'abondance des fleurs , elles foifonnent toujours beaucoup loríqu'un arbre approche de fa fin ; refufez par compaflion les derniers préfens d'un pareil arbre, & faites tomber fes fleurs avec la main, peut-étre que fa féve ayant moins de parties à nourrir fera re- verdir fon tronc. C'eft ainfique dans les familles, une maifon ruinée fe reléve & recouvre par la fuppret- fion du luxe fon ancien éclat & tou- te la dignité de fes auteurs. Quand les arbres font foibles , i! faut les tailler avant la neige & les gelées , couper court les branches, & ne pas leur laiffer plus de boutons que l’âge & la force du tronc n'en peuvent porter. On peut au con- traire différer jufqu’au printems de tailler lesarbres trop vigoureux, On Lrs ARBRES, Tr ts EEE LES ARBRES. 298 (ECONOMIE arrête ainfi le progrès de leur féve, & on les affoiblit fagement de peur ils ne fleuriffent avant que la bel- le faifon foit toutà fait décidée. Lorfque le foleil conduit fon char dans la conftellation de la Vierge , il faut retailler les arbres , afin qu'ils confervent toute leur féve pour le fruit , & qu'ils ne pouffent pas des jets ftériles. Quand on taille , il faut tenir dune main la branche , & la couper del'autre , de faconque l'am- putation faite entre deux yeux , re- garde obliquement le foleil ; car lorf- qu'elle eft horifontale , la féve qui fortfait enfler l'extrémité de la bran- che , & détruit les yeux voifins. Ne laiffez point tailler vos arbres par vos domeftiques , ce font des bourreaux qui les mettroient en pié- ces. Apprenez vous-même à manier adroitement la ferpette , & les arbres reconnoiffans vous dédommageront devos peines par leursriches préfens. Aux environs de Beziers, ma che- re patrie , où l'Orb ( 26) après avoir roulé fes eaux à travers les précipi- ces, les rochers & les montagnes, RURALE. Liv. 7. 299 femble fufpendre le cours rapide de fon onde comme s'il étoit encore faifi dela crainte & de l'horreur qu'infpi- rent ces lieux : prés de Beziers , dis- je , où par fon calme agréable Orb invite à jouir de la beauté du ciel, & des délices d'un féjour enchanté, il y avoit, je m'enfouviens, un ama- teur du Jardinage , f Jamais il en fût un, qui donnoit tous fes foins à la culture des arbres : Je merappelle en- core combien il avoit la main. heu- reufe pour greffer , & avec quelle adreffe il tailloit fes citroniers devant moi : encore enfant alors, je me fai- fois un plaifir de ramaffer à terre les rameaux odoriférans qui tomboient fous fa ferpette , & de les porter à pleins bras au logis ; je n'ai point ou- blié combiende beaux fruits lui don- noient fucceffivement fes arbres, quelle hauteur avoient fes citroniers, qui l'auroient difputé aux oliviers pour la grandeur , ni quelles fleurs éclatantes par leur blancheur con- traftoient les fruits couleur d'or qui pendoient aux mêmes rameaux, Cet homme , hélas ! eft mon pere, CREER ARTT RE ER LES ARBRES» LES ARBRES. 300 (ECONOMIE que la mort cruelle vient de m'en- lever , mais dont les coups impuif- fans n'ont pü 1ne ravir ma tendreffe pour lui. Quand je me rappelle fa condui- te & fes vertueux exemples qui devroient être plutôt dans la mé moire que dans la bouche d'un fils, je (27) ne voudrois pas étre forti d'un autre pere , füt-il du fang royal, tant je prifois en luifes fentimens de religion , une fimplicité digne de l'à- ge d'or, une candeur ingénue , un coeur ferme à tout intérêt fordide, une probité incorruptible & des moeurs irréprochables. Que j'ai de plaifirà paffer en revûe dans mon efprit cette troupe innom- brable de pauvres, qui tous les jours affiégeoient fa porte : fa charité & fon zéle pour leur foulagement , la douceur de fon caraëtére & fon pen- chant à faire des largeffes étoient fi bien connus dans tout le village, que dés qu'on voyoit des pauvres ou des étrangers, qui la nuit demandoient l'hofpitalité, onleur indiquoit la mai- fon de mon pere , comme fi elle eût RURALE, Liv. P. 301 été un hofpice fondé pour tous les paffans malheureux qui fe trouvoient dans l'indigence. Pere refpe&table,dont la mémoire m'eft fi chère, recevez mes homma- ges ; vous qui enfeigniez que l'amour de l'Agriculture contribuoit à la per- fe&ion des moeurs : réjouiffez-vous, fi le fort de votre fils vous touche encore: les occupations & les plaifirs champêtres font mon unique ambi- tion; plein des fages confeils que vo- tre amitié me donnoit, je ne de- mande d'autre fruit de mes travaux que les innocens plaifirs que procu- rela campagne. Sij'ai eu pendant votre vivant quelque célébrité , elle ne me flattoit , que parce qu'elle fai- {oit la confolation de votre vieilleffe; mais Je ne fuis plus; fenfible à cette gloire,que je ne puis déformais parta- geravec vous, & le beau ciel de mon pays n'a plus à préfent d’attraits pour moi. Si ma patrie peut encore me plaire en votre abfence, c'eft parce que votre nom y eft toujours révé- ré ; ceft quà mon arrivée tout le village vient me faire l'éloge de vos Érmr rs LES ARBRES, 302 ŒCONOMIE, &c. FESSES 1 " a . " Les Anis. VOIDUS quu lui font toujours préfen- tes ; c’eft qu'il regrette en vous un proteéteur , & pleure avec moi mon pere & le fien. Fin du cinquième Livre, 393 RER TEE A RC EE RSS REMARQUES Sur le cinquiéme Livre. I L eft queftion des arbres dans ce livre : PAuteurgfipres avoir parlé de l'olivier & des bois, décrit plufieurs arbres en particulier; il enfeigne la maniére de femer & de planter, les foins qu'on doit prendre des jeunes plants; dans quel tems on doit les tranfplanter de la pépiniére, & les différentes façons de ereffer. II n'y a, dans ce livre, ni defcriptions ni épifodes : nuls poëtiques écarts ne relévent la féchereffe des préceptes ; tout y eft pure- mentdida&ique,à quelques fatyres près, fur des nouveaux parvenus & des fangfues publiques pour délafferle lecteur. Le Po&te termine ce livre par l'éloge de fon pere, & par des regrets fur fa mort. Ces fentimens font trés-louables dela part d'un fils, mais une fa- ble ou quelque autre digreflion auroit fait plus de plaifir. (1) [ Daignez, illuftre Lamoignon. ] 1 pa- roit par ce qui fuit , que M. de Lamoignon, premier Préfident au Parlement de Paris, avoit écrit fur les plantes : le public gagneroitbeau- coup , fans doute , fi cet ouvrage étoit impri- mé 1) [ En pareiffant tout noirs , cc. ] ma ne eA 304 Remarques Quand les olives font müres , elles font noires, & à une certaine diftance les branches de l'arbre paroiflent Pêtre aufl. (3) [ Quelques racines pour leur dot, cec. | Cette peníée eft très-poëtique , & offre une image agréable ; il femble que ces rejettons foient des enfans qui fortent de la maifon paternelle pour aller s'établir ailleurs,& qu'ils emportent leurs racines commgun troufleau. (4) [ Et les oliviers qui ufüent plus d'un fiécle , de. ] Virgile ditauffi G. 2. Palladia gaudent filua vivacis oliva, Pline les fait vivre deux cens ans : fortiffime ad vivendum olea ut quas durare annis ducen- iis inter authores comventat. Les anciens Auteurs rapportent que fur le tombeau de Corébus, il y avoit un vieux oli- vier fous l'écorce duquel il y avoit des armes cachées & fufpendues, & qu'ayant incifé cette écorce, on y trouva des chauflures & des cafques dont les guerriers fe fervoient autre- fois. Les orangers vivent encore davantage : celui de Verfailles appellé le erazd Bourbon, a près de trois cens ans. Pline, livre 2 1. ch. 1. fait obferver, dit M. Rollin, la différence que la nature a mife pour la durée entre les arbres & les fleurs. Aux plantes & aux arbres deftinésà nourrir l'hom- me par leurs fruits & à entrer dans la coní- truction des édifices & des navires , elle a ac- cordé des années & même des fiécles entiers : aux fleurs & aux odeurs qui ne. fervent qu'au plaifir , : Jur lecinquiéme Livre. — 308 plaifit, elle n'a donné que quelques mo- mens & quelques journées. ($) [ Séduit par un amour national pour Polivier. ] Le Pere Vanniere aimoit les oli- viers parce que le Languedoc fa patrie en élé- ve ainfi que la Provence ; ce font les feules Provinces de France où on les cultive; l'a- mour national n’eft peut-être pas une expreí- fion bien exacte dans le fens où je l'employe, mais j'ai mieux aimé la hazarder que de me fervir d'une périphrafe pour rendre le mot patrie. (6) [ L’ancien bois , dc. ] L'Auteur parle du bois qui fervoit de décoration à la maifon de plaifance des Jéfuites de Touloufe. Voyez la fin du premier Livre. (7) [onus prendriez des plaifirs auxquels j'aurois contribué, pc. ] La Fontaine parle de Putilité de planter dans la Fable du Vieillard & des trois jeunes Hommes. Un o&ogénaire plantoit. - Paffe encor de bâtir ; mais planter à cet âge! Difoient treis jouvenceaux , enfans du voifinage , Affurement il radotoit. Car au nom des Dieux , je vous prie, Quel fruit de ce labeur pouvez-vous recueillir? Autant qu'un Patriarche il vous faudroit vieillir, À quoi bon charger votre vie Des foins d'un avenir qui n'eft pas fait pour vous Ne fongez déformais qu'à vos erreurs paffées : Quittez le long efpoir & les vaftes penfées, Tour cela ne conyient qu'à nous. Tome I, DE A TUS 306 Remarques Il ne corivient pas à vous-mêmes, Repartit le Vieillard : tout établiffement Vient tard & dure peu : la main des parques blémes De vos jours & des miens fe joue également. Nos termes font pareils par leur courte durée. Qui de nous desclartés de la voute azurée Doit jouir le dernier? eft-il aucun moment Qui vous puiffe affurer d'un fecond feulement? Mes arricre-neveux me devront cet ombrage * Hébien ! défendez-vous au fage De fe donner des foins pour le plaifir d'autrui ? Cela méme eftun fruit que je goûte aujourd'hui : J'en puis jouir demain & quelques jours encore : Je puis enfin conter l'aurore Plus d’une fois fur vos tombeaux. Le Vieillard eut raifon: l'un des trois jouvenceaux Se noya dés le port allant à PAmérique, &c. ( 8) [ Les máriers , enc. ] Ce font les plus fages de tous les arbres, parce qu'ils ne pouf fent jamais de boutons que les froids ne foient paffés de façon, que lorfqu'ils bour- geonnent , on peut dire qu'il n’y a plus de ge- lée à craindre ; ceux qui voudront favoir quels arbres recoivent avec fuccés la greffe du mûrier n'ont qu'à lire Palladius. On rapporte dans la Fable que le fruit de cet arbre n’eft devenu rouge que depuis l'avanture de Pira- me & de Thisbé,& qu'autrefois il étoit blanc : Qui du fang de Pirame a reçu la teinture ; dit M. Roi dans fa Cantate de Siléne. (9) [ Qu’une branche féche tirée d’un fagot sle faule,&c.] Virgile dit pareillement de Po- D LA LJ LJ fur le cinquième Livre, 307 livier qu'un tronc fec de cet arbre dépouillé de toutes fes branches, étant mis dans la terre,re- prend une nouvelle vie & pouffe des racines. Quin ?? caudicibus fetis , mirabile dicta , Truditur & ficco radix oleagina ligno. Georg. E: ^x Feftus penfe que le faule a été appellé en la- tin: $alix : quid faliat cit? , à caufe qu'il croit vite, & comme s’il fautoit en croiflant. (10) [IL alligne les fentiers d'un jardin : (c. ] On nefe fert prefque plus de buis pour la bordure des parterres : il donne refuge aux limaçons & à plufieurs infeétes qui rongent les fleurs : il y ena de deux fortes , le buis nain, autrement appellé buis d’ Artois, dont les feuilles reffemblent beaucoup aux feuilles de myrte ; c'eft celui qu'on employoit dans les bordures : la feconde efpéce eft le buis de bois qui s'éléve bien plus haut,& a fes feuilles plus grandes que Pautre , ce qui le rend propre à former des paliffades , de petites grotes & des haies , mais il lui faut beaucoup de tems pour acquérir un peu de hauteur. (11) [ L'iffe plait dans les jardins , dre. 1 Pline prétend que l'ombre de Pif eft mor- telle lorfqu'on dort ou qu'on mange deffous ; il ajoute que fes bayes caufent la mort fi on en mange,fur-tout en Efpagne, & que chez les Gaulois le vin devenoit poifon dans des ton- neaux faits du bois de cet arbre : Rouffeau a embelli cette opinion dans fon Ode fur les détracteurs de l'antiquité ; z .Cey 308 Remarques Cieux ! gardez vos eaux fécondes, Pour le myrte aimé des Dieux, Ne prodiguez plus vos ondes , A cet if contagieux : Et vous enfans des nuages , Vents , miniftres des orages, Venez , ferstyrans du nord, De vos brulantes froidures Sécher ces feuilles impures Dont l'ombre donne la mort. ( 12 ) [Et dont on couronne les Poëtes, crc. ] Pline dit , que le laurier a été confacré à Apol- lon & aux Mufes , parce Ar y en avoit un bois fur le Mont Parnaffe. Le laurier eft la couronne des Poëtes, ainfi que des Héros; la gloire eft également leur partage , mais ceux-ci vivent avant & aprés leur mort, au lieu que les Poëtes pour la plüpart, méme les bons , ne vivent que dans Phiftoire. (13) [ De Pacacia , crc. ] M a été en vo- gue dans le dernier fiécle, parce que c'eft l'arbre qui croit le plus vite qui poufle le plus de bois , & qui fleurit le premier : on lui pré- fére le maronier d'Inde, la tête de l’acacia étant fujette à fe dégarnir. (14) [ Dont les feuilles toujours agitées, éc.] Elles tremblent toujours fans vent, par- ce qu’elles font attachées à une longue queüe mince & fort tendre. Pline cite une particu- larité du peuplier & de quelques autres ar- bres: Mirum in primis id quod ulmo , tiliaque , * für le cinquième Livre. — 309 €» populo alba , dr falici evenit. Circumagun- tur enim folia earum poft. folftitium , nec alio argumento certius intelligitur fidus confectum: Sicelaeft , c’eft une remarque curieufe dont il ne feroit pas aifé de donner la raifon. ( 15 ; [ Et qu'elle fepénétre des nitres de Pair néce[f aires à toutes les. productions , &rc. ] M. Lemery , dans un mémoire inféré parmi ceux de l'Académie des Sciences année 1717, pag. 43. regarde le fyftéme du nitre aérien com- me un ancien préjugé qu'on a foutenu fans preuve: car, fe demande M. Lemery , fous quelle forme le nitre de Pair peut-il y être contenu ? Sera-ce fous la forme de falpétre? mais fa péfanteur Pempécheroit d'y être fou- tenu. S: c’eft fous la forme d’efprit de nitre, Pair ne feroit pas bon à refpirer , & la quanti- ré d’acides qui entreroient perpétuellement dans les poumons , cauferoit une toux conti- nuelle. Quoiqu'on ne puiffe nier, ajoute t-il , qu'il ny ait quelquefois dans l'air des exha- laifons nitreufes , toujours eft-il certain, que fi ces exhalaifons portent du nitre dans toute la la maffe de Pair, c'eft infiniment au-deffus de la quantité ote eftobligé dy en fuppofer , pour les effets qu'il a plû de mettre fur le compte du nitre aérien. M. Lemery citel'ex- périence de M. Mariotte , qui ayant choifi Pé- tage le plus élevé d'une maifon pour y laiffer à l'air pendant deux ans une portion de terre qui auparavant avoit été exactement dénitrée, n'en put retirer enfuite aucun grain de nitre, mais il en retira beaucoup d'une portion de 310 Remarques la méme terre qui avoit été portée à la cave. Autre expérience. M. Lemery mit dans trois plats de terre , trois fortes de matiéres alkalines ; favoir , de la chaulx , du fel de tax- tre , & dela terre qui avoit été exactement dé- pouillée de fon nitre , il plaga ces trois plats fur trois efcabelles dans une efpéce de rez - de - chauffée où le foleil ne donnoit point, & où l'air entroit librement de plufieurs côtés ; en- droit tel qu'il le falloit pour faire une bonne récolte de nitre , puifque les murailles & la terre du lieu étoient garnies d'une grande quantité de falpétre. Ces trois matiéres font demeurées pendant deux ans & plus, expofées à l'air fans donner aucune marque de nitre, mais elles en ont donné beaucoup lorfqu’elles ont été pénétrées des fucs ou des fels des ma- tiéres animales , dans lefquelles M. Lemery a découvert qu'il y avoit beaucoup de nitre , comme on lepeutvoir dans les mémoires ci- devant cités, pag. 44. & (uiv. & pag. 122. Ainfi , felon M. Lemery , ce n'eft point l'air qui fournit aux terres le nitre qu'on en retire, mais bien les matiéres animales. Par ce ter- me, on entend le fumier & les parties quel- conques de toute efpéce d'animaux. Ce n’eft point effe&ivement par fon nitre, que l'air dif pofe les terres à produire : s'il en a, il eft en trop petite quantité pour faire cet effet ; lesin- fluences de l'air ne font falutaires aux végé- taux qu'à caufe des portions huileufes & bal- zamiques dont cet élément eft chargé. (16) [ Ces cercles qui fe forment. , re. ] " für le cinquième Livre. — 311 Il fe forme chaque année un nouveau cercle au bois de Parbre entre l'écorce & le tronc: & en coupant le tronc horifontalement , on voit fouvent tous ces cercles trés-bien figu- rés, & on les compte aifément principale- ment dans les chênes ; mais ces cercles nefont pas également nourris, cela dépend de la fer- tilité de l'année ; car lorfqu’elle a été favora- ble à la végétation , le cercle a plus de volu- me. On remarque méme que ces cercles ne font pas tout à fait ronds, & qu'ils dégéné- rent un peu en ovale; enforte que la moëlle r'eft jamais exaétement au milieu: l'arbre eft mieux nourri & les cercles font plus épais du côté du midi , au contraire du côté du fep- tentrion le tronc a moins profité & le rayon du centre la circonférence y eft le plus court de tous. La raifon de ces différences eft que l'afpect du midi eft bien plus favorable à la végétation que le nord : c'eft pourquoi dans la Zone Torride où le foleil donne également de tous côtés les cercles du bois des arbres font tous parfaitement ronds & exactement concentri- ques,comme on le remarque dans l'ébéne qui croit. Au moyen de ces obfervations , il eft aifé quand on fe perd dans un bois de fe retrou- veren s'orientant : l’on peut auffi par le nom- bre des cercles du tronc favoir l’âge del'ar- bre puifqu’il s'y forme un cercle chaque an-' née tant que l'atbre augmente. Voyez la mai fon ruftique. (17) [Comme lenfeignoit le Prince des 312 Rernarques Poëtes , &c.] Virgiledit qu’il faut faire l'ino- culation dans le nœud méme ou l'oeil de l’ar- bre : il a fuivi ufage de fon tems. Nam qua fe medio trudunt de cortice gemma, Et tenues rumpunt tunicas y anguffus in ipfo Fit nodo finus, L'ufage moderne eft d'élever l'écorce au-def- fus ou au-deffous de l'eil dans lendroit le plus uni, parce que ce n'eft point le nœud du fauvageon , mais celui de la greffe qui travail- le & faitun nouvel arbre. Voyez M. Pluche fur la greffe. (18) [ Quand on greffe en approche, erc. ] » Cete maniére de greffer, dit M. Pluche, » ne peut s’exécuter que fur deux arbres voi- » fins l’un de l'autre. On fend une branche ou »un tzónc d'arbre dont on eft mécontent pour » y faire entrer le bout d’une bonne branche » qui tienne encore à fa tige en couvrant la » plaie avec de la cire & du linge. On attend » un tems raifonnable pour étre für que les » deux petites écorces fontincorporées & n'en » font plus qu'une : alors, on févre la bonne » branche , c'eft-à-dire , qu'on la coupe & » qu'on la prive de la féve qu'elle tiroit de fa » tige naturelle pour la laiffer vivre de ce » qu'elle tire du fujet , fur lequel elle eft » entrée : on retranche tout le bois de ce- »» lui-ci pour tirer une nouvelle tête de la bran- » che greffe. Cette méthode n'eft guéres en » ufage que pour les arbres encaifks, qu'on eit L——————rr—————— — MÀ : AE Jur le cinquième Livre. 31 3 » eft maitre de rapprocher les uns des autres » à volonté. « ( 19) [ inf le laurier, tc. ] M. Pluche dit que ce font des monftres , plutôt que des merveilles , parce que n'y ayant dans ces fujets aucun fuc convenable aux fruits qu'on en veut tirer , tout ce qu'on fait venir de la forte eft forcé & de mauvais fuc. Le méme Auteur parle d'une nouvelle mé. thode de greffer , dont les Allemans & les An- glois ont commencé à faire ufage, mais qui n'a pas encore pris faveur parmi nous: elle confifte à enter une belle branche de bon fruit fur un tronçon de racines : on choifit une des groffes racines d'ua arbre qui ait de la conformité avec la nature de ce qu’on y veut greffer, on coupe cette racine en plüfieurs morceaux , fur chacun defquels on met une greffe felon quelques-unes des opérations pré- cédentes : quand un arbre eft vigoureux , rien n'empéche de lui ôter une grofe racine qui peut fournir tout d'un coup vingt ou trente fujets : & fi la pratique de greffer fur racine étoit fuf&(amment éprouvée, & d'un fuccès certain , on pourroit , en la fuüivant , planter tout d'abordla racine & la greffe dans l'en- droit méme où l'arbre doit'&emeurer : au lieu que dans les opérations précédentes . enter & tranfplanter font prefque toujours deux cho- fes féparées par de longs intervalles. (20) [ Elle prend comme Protée , cc. ] Dieu marin, fils de l'Océan & de Thétis, qui conduifoit les troupeaux de Neptune , & Tome I. : Dd 314 Remarques qui avoit le pouvoir de prendre toutes les for- mes qu'il vouloit. Tum varis illudent fpecies atque ora ferarum Fiet enim (abito , fus borridu: atraque tigris Squamofufque Draco & fulva cervice lena Ant acrem flamma fouitum dabit , &c,. Virg. Georg. L. 4. (z1) [ Les mauves émollientes , dre. ] Rouffeau dansune de fes Odes exprime la mé- me peníée. De la célefte rofée La terre fertilifée , Quand les frimats ont ceffz Faitégalementéclore Et les doux parfums de Flore Et les poifons de Circé. (22) [ La mort vole ala deffruction de tous les êtres, dont la nature a báté la perfedtion , re. ] Si cette obfervation eft jufte , que je tremble pour tes jours, charmante Eglé! toi fur qui la nature a veríé de fi bonne heure fes dons les plus rare$ & les plus flateurs : toi qui joins à tous les agrémens défirables, le mé- rite de penfer, de t’exprimer avec juftefle & de t'occuper utilement, dans un âge où ton fexe ne connoit que l'art de la coquetterie, & ne veutlire que dans un miroir. (23) [ Il cherche envain la tête altiére : » . fur le cinquième Livre. 315% dre. ] Cela reffemble à certain paffage de la Bible : rranfivi & ecce non crat. (24) [ Et acquierent. des perfections : &c. ] Les voyages ne perfectionnent pas tout le monde , on revient fouvent chez foi avec des qualités de moins & des vices de plus. C'eft ainfi que penfe l'agréable Auteur de Ver-vert. Dans maint auteur de fcience profonde J'ailü qu'on perdà trop courir le monde; Très-rarement en devient-on meilleur. Un fort errant ne conduit qu'à l'erreur , Il nous vaut mieux vivre au fein de nos lares Et conferver paifibles cafaniers Notre vertu dans nos propres foyers, Que parcourir bords lointains & barbares : Sans quoi le cœur vi&ime des dangers Revient chargé de vices étrangers, (2$ ) [ Un arbre mal taillé, coc. ] C'et à peu prés la penfée d'Horace. Doffrina fed vim promovet ivfitam Rettique cultus petfora roborant U tcumqae defecere more: Dedecorant bene nata culpa, Hor. Od. 3. L. 5. (26) [ Oz Orb après avoir vonié , Cc. ] C'eft une riviére qui prend fa fource fur de hautes montagnes , & qui baigne les murs de Beziers. Ddij IH 316 Remarques, &c. (27) [ Je ne voudrois , ce. ] Horace di- foit précifément la méme chofe de fon pere. 2. = + ee n. + — Longe mea difcrepas iflis Et vox €? ratio : num ft natura juberet 4M certis annis auum remeare peractum , "A ique alios legere ad faffum quofeumque parentes Opiatet fibi quifque 5 meis contentus , boneffos Fafcibus & fellis nolim mibi fumere. . 2... . à Sat: €; Er 1 Cette tendreffe filiale fait honneur à la mé- moire du Pere Vanniere. il N | f; (^ NX ESS, dfi cn ES S CNE -| 3 4 4 + ps as C y Le de de 4 i CL LE Je Le 5 B A Ne 4-4 get 4 4 +4 +) VN UT M deese testet t + t t t t t t À LIVRE SIXIÉME. Caufes des maladies des Arbres & moyens d'y remédier. ] ARLONS maintenant des maladies des arbres & , Ar^» RS | dela facon de les guérir : MOYENS D'Y rej comme les hommes & "7" , " les arbres, par le rap- port qu'ils ont entr'eux > font fujets aux mêmes accidens, J'indiquerai les caufes de leurs maladies communes, & les remédes qu'il convient d'y ap- porter d’après ce que j'ai obfervé chez les hommes. Leur forme eft à. ,.,.,.., peu prés femblable ; un arbre fe fou- qui & uoa- D du 318 (ÉCONOMIE tient fur fes racines comme fur des Matan pieds, fon tronc lui tient heu de Moyens ny COrps , & fes rameaux étendus "+ font fes bras, le fuc de la terre cir- vent entre les hommes &les Cle dans fes veines au heu du fang , arbres, & cette fource de vie fe communi- que à toutes fes feuilles. Lorfque de jeunes plants commen- centà fe parer de fleurs , & qu'ils peuvent à peine réfifter aux vents & aux intempéries de l'air ; leur âge tendre & brillant donne tout à la fois de la crainte & del'efpérance. Quoiquele jardinier cultive un at- bre dés fes premiéres années, ila cependant quelques égards pour la : — foibleffe de fon âge, & ne lui fait pas effuyer des traitemens durs , à moins que fon tronc ne foit fort, bien enra- ciné, & que les efforts de la féve n 'avertffenit de réprimer fa fougue avec la ferpette , & d'affervirà des loix fes rameaux vagabonds ; alors il les contient dans la plus exacte difcipline , les force de fe pher à fa volonté, de fe courber en forme d'arcade , Ou de couvrir un mur d'un beau tapis verd ,'felon la figu- Lo RURALE. Liv. VI. 319 re. quil veut leur donner par la taille. Après que l'ardeur de leur jeunef- fe indocile eft ralentie , vient l’âge mur Où les arbres rapportent du fruit ; ils fe reffentent auffi de l'im- portune vieilleffe qui les dépouille de leurs feuilles & rideleur écorce ; ainfi qu'une longue maladie déco- lore les hommes, les rend maigres & les affoiblit, de même une trifte maigreur s'empare du tronc des ar- bres quand ils font malades , & leurs branches languiffantes prennentbien- tót une couleur pále : ces maladies qui affe&ent les hommes & les ar- bres ont une même cauíe, & provien- nent , ou d'un fuc qui n’eft pas affez fubítantiel , ou d'une nourriture trop abondante. De méme que parmi les hom- mes loríque le fang bout dans les veines & s'extravaíe dans l'ardeur d'une fiévre brülante , les mala- dies déchainées font des ravages & des progrès rapides : ainfi dans les arbres leur féve impétueufe s'é- panche hors des conduits par une Ddi MALADIES DES ARBRES, MOYENS D'Y REMÉDIERs M émes fimptómes & memes caufes des maladies, 320 ŒCONOMIE éruption fubite , fe putréfie & gâte prt Ansa cs, LeS troncs où féjourne fa corruption : moyens r'v]a tête de l'arbre fe defféche , fes SERRES bras s'affoibliffent, fa chevelure tom- be, & tous les conduits de la féve étant bouchés , fes racines bienfai- . -. fantes ne lui portent plus de fucs ace Evcies nourriciers, Car c'eft par les racines je à celle du que s’infinue le fuc de la terre dans M A les plus petits canaux , & qu’il par- vient juíqu'aux feuillages , après quoi retournant du haut de la cime H circule & fe répand dans tous les rameaux : ainfi que le fang arrofe & vivifie toutes les parties de l'hom- me. Preuves de... Ne voit-on paslorfqu'on a lié quel- &uc circi^- eue branche avec de l’ofier, comme la féve qui reflue , fait gonfler l'écor- ce; ne voit-on pas qu'un arbre rever- dit & reprend auffitót vigueur, pour peu que fes rameaux foient humec- tés parla pluie ; & ne fait-on pas que certains reptilesle font mourrir par la communication de leur venin , quoique la piquure n'ait été faite qu'à une de fes branches. _ $1 vous voulez vous convaincre RURALE. Liv. 7I. 321 de la circulation de la féve par une expérience très-facile ; arrachez de , M*r4nne herbe avec fes racines , faites-enuoszws »x tremper une partie dans un vafe**xépi- rempli d'eau d'oi elle tirera fa fubf- tance ; laiffez l'autre partie hors du vafe, vous verrez que tous les brins d'herbe recevront également de la nourriture par la circulation de la féve : deplus, s’il arrive qu'une ri- viére dans fon coursdécouvre quel- ques racines d'arbres ; taillez-en une, & vous remarquerez avec furprife qu'elle pouffera des feuilles & rever- dira , quoiqu'elle ne reçoive de la terre d’autre nourriture que celle qui lui eft tranfmife par les canaux où la féve defcend des rameaux les plus élevés. Dès que l'hiver commence à fuf- pendre la circulation de la féve dans un arbre, fes feuilles tombent faute de nourriture , & fes rameaux en- gourdis par le froid, n'ont plus d'ac- tion ni de vigueur , Jufqu'à ce que le printems rouvre leurs racines ref- ferrées , & que les fucs dont la terre a fait provifion après la fonte des 322 ŒCONOMIE neiges,puiffent fe communiquer avec MALADIFS , . PN pes Arsres, plus d'abondance & de liberté à tous moyens vY [es végétaux. C'eftcette circulation REMEDIER, . , , qui fait reverdir la terre ; l'herbe des bleds monte plus fenfiblement , les arbres reprennent vie , les fucs abon- dans qu'ils reçoivent les dédomma- gent de la faim qu'ils ont foufferte pendant l'hiver , un verd tendre peint leur feuillage renaiffant , & ils pout- fent de jeunes rameaux qui donnent , Preuves de bientôt un épais ombrage. Je vais ia memecit- 1. 7 culaion ui. révéler les fecrets de la nature , & EE enfeigner comment la féve s'intro- duit dans les racines , pénétre juf- qu'aux feuilles les plus élevées & re- flue enfuite de la cime d'un arbre juíqu'à fa fouche. L'air embraffe, non-feulement tou- tes les régions fupérieures à notre lanéte , mais s'étend encore dans les entrailles dela terre;1l comprime par fa pefanteur tousles fluides & les for- ce des'élever par des conduitsimper- ceptibles désqu'ils trouvent un paffa-- ge libre : ainfi qu'on voit Jaillirle vin entre les doigts des pieds du vigne- ron,lorfqu'il foule le raifin,ou comme RURALE. Liv. VI. 323 la liqueur monte au haut d’un linge. quoiqu'il n'y trempe que par une ex- trémité, ou de même que l’eau s'éléve au fommet des plus hautes monta- gnes, & s'ouvre un paffage à tra- vers les rochers fur la cime defquels elle forme une fource , ou de même encore qu'on voit l'eau monter dans un tube fans autre effort que la pref- fion de l'air ; de méme la pefanteur de l'atmoífphére contraint les fucs d'entrer dansles veines des arbres : les feux concentrés que recéle la terre ouvrent fes pores , & fes fucs trouvant une iffue dans les racines s'y ghiffent en obéiffant à l'impulfion. Ces fucs cependant ne parvien- droient pas jufqu'à la téte de l'arbre, sil my avoit un ferment trés -a&if mélé avec la féve qui la fit monter & s'étendre au loin , & fi les veines oir elle circule (1) n'étoient munies de petites valvules faciles à fe fermer, qui l'empéchent de fortir ; c'eft par ce moyen qu'elle fe communique au tronc , aux rameaux & aux feuilles , & qu'elle prend une nouvelle route pour defcendre à la fouche d'où elle MALADIES DES ARBRES» MOYENS D'Y REMÉDIER, 324 (ECONOMIE =" remonte enfuite avec plusd'abondan- MALADIES DES ÁRBRES, MOYENS D y REMÉDIER, Utilité de l'eau pour la végérationdes plantes, ce par les mêmes voies après avoir réparé fes pertes en recevant de la terre une nouvelle provifion de fucs. Cette circulation divine , & ces fucs nourriciers qui renouvellent merveilleufement la vie , fe manifef- tent aux yeux dans les veines du corps humain , & le fortifient de la même façon qu'ils fervent à laccroiffement des arbres ; car la nature toujours femblable à elle- méme fuit les voies les plus fimples & obferve la méme marche pour la confervation des hommes , des plan- tes & des animaux. Qui eft-ce qui ne faura pas main- tenant apporter reméde aux mala- dies des arbres? Ils font toujours fains , lorfque le terrein qu'ils occu- pent leur fournit la fubftance né- ceffare, & que celle-ci ne trouve point d'obftacle à fon paffage; mais la féve ne fauroit fe filtrer, à moins quune pluie féconde ne détrempe les fels de la terre ; auffiles feuilles d'un Jeune arbre fe defféchent, & il meurt bientôt s'il n'eft defalteré par RURALE, Liv. VI. 325 la pluie: les grands arbres au con- traire qui ont pouffé de profondes frire racines trouvent les réfervoirs d'eau wovsss vx qui font cachés dans les entrailles de ^^ ^^'^ la terre & s'en abreuvent. Il y a à l'extrémité de l'Amérique & prés de la mer une (2) Ville qu'on appelle Lima & qui eft fituée fous l'équateur. Loríque le foleil éclaire perpendiculairement , il y régne des vents qui viennent tous les matins du côté de l'Océan, & qui rafrai- chiffent l'air: quand ces vents fe font calmés, les Aquilons fuccedent le foir, ils foufflent d'un autre cóté par. ,,,,,,, une agréable alternative & portentasbres don- avec eux le froid des fleuves & deg nina frui montagnes couvertes de neige au-quiarrofenr. deffus defquelles ils roulent. Les habitans y jouiffent d'un prin- tems éternel ; tous les jours de l'an- née s'y reffemblent. Le même arbre qui eft ftérile quand aucun ruiffeau ne lui porte fes eaux bienfaifantes, produit des fleurs & des fruits au gré du laboureur qui l'arrofe ; & quoique le ciel y foit toujours pur , & quil n'y tombe jamais de pluie, MALADIES DES ARBRES, MOYENS D'Y AEMEDIER, 326 (ECONOMIE les champs cependant toujours verds ne s'y reffentent point de la féche- refle; mais au lieu que nous nous fatiguons à puifer de l’eau dans nos puits pour arrofer nos jardins, les habitans de Lima conduifent de l'eau dans leurs champs par dif- férens canaux, & font mürir leurs fruts dans le mois quis veu- lent, ou ne les font venir qu’à la fin de l'année en différant d'humec- ter la terre. Ainfi l'on voit en méme - tems dans leurs jardins des poiriers en fleur, & d'autres poiriers courbés fous le poids du fruit ; les pommes ne leur manquent en aucune fai- fon; & tandis que le vigneron la- boure un cóté de fa vigne, ou en coupe les farmens trop allongés , il y cucille auf du raifin d’un autre côté , & d’autre part la voit en fleur & en refpire le parfum. O trop heureux habitans à qui la terre difpenfe fes largeffes felon la mefure de leurs defirs ! ils jouif- fent du printems pendant l'été , ils ont un hiver fans froid , un air RURALE. Liv. FI. 327 toujours pur, & des terres fécon- des fans pluie. Ce climat fi fertile en moiflons & en fruits, & íi riche en métaux, eft encore plus abondant en génies rares & en carattéres aimables : fi tous les habitans retfemblent (3) à cet homme admirable qui a và de- puis peu , fans aucun interpréte , les différens peuples de l’Europe dont il connoiffoit & la langue & les moeurs, & qui, quoique voya- geur en tant de contrées différen- tes, n'a été nul part étranger. La féve trop abondante, que la pluie fait regorger , eft trés nuifible aux arbres: {a corruption pourrit les troncs, ou les défigure par diffé- rentes tumeurs. Souvent un arbre qui a trop de MALADIES DES ARBRES, MCYENS D'Y REMÉDIERS La féve tto» féve s'en délivre lui-même. Son ?^osianteic- écorce fe fend & ouvre un paffa- ge à fes fucs pernicieux , fur-tout au printems; parce qualors la terre échauffée fait prendre aux raci- nes plus de fubftance. C'eft de la féve furabondante des arbres que proviennent la myrrhe , l'encens gorge, Lamyrthe. L'encens. 328 (ÉCONOMIE == qu'on brule dans les temples des oak as MCN , & ces précieux baumes qui moyens rv découlent des forêts d'Arabie & ser" qui enrichiflent fes habitans; c'eft NE: par ce moyen que lifle de Scio (4) Le mañic. tire le maflic en larmes, & que les bois de la Calabre donnent une ro- fée qui s’épaiflit à Pair. Le peuple crédule affure qu'elle tombe du ciel La manne. & l'appelle manne célefte par remi- nifcence de celle dont Dieu nourrit fi lontems les Ifraelites errans dans les déferts. Le Laboureur dépouile le Pin, Lapox. afin que la poix coule plus abon- damment de fes veines : l'hiver épaifit cette liqueur , qu'aucune écorce ne met plus à l'abri du froid; il ferme les iflues par lefquelles l'air fe communique aux arbres, & óte au Pin la vie avec la refpiration ; Delaregi- car on n'ignore plus que les arbres, aes, ^ ainfique les bétes fauvages , les oi- feaux & les poiffons tiennent la vie de l'air, & la perdent en ceffant de refpirer. |] Térébration La (5) térébration la plus füre des arbres voureaavoirpOUr tirer le fuc des arbres fe fait le fuc. en RURALE. Liv. VI. 329 en perçant le côté qui eíl expofé === au midi. De méme que le corps hu- , 21421: main recouvre fouvent la fanté aprés xovzss »'y la faignée , ainfi l'arbre fe porte "P*5^'**- mieux quand on le délivre d'une féve furabondante qui lui étoit nui- üble; bientôt aprés cette opéra- tion il ne fe borne plus à donner un ombrage ftérile, fon fruit fait courber fes rameaux , & acquiert pour le goüt un degré fupérieur. Servez-vous donc fans répugnance de la tariére pour percer vos ar- bres ; faites une ouverture pro- fonde au tronc, & de facon qu'elle aile toujours en montant , pour faciliter l'écoulement de la féve par le tuyau qu'on infere, & vous obferverez de percer du cóté qui regarde le midi, afin que la féve coule plus abondamment. Vous tirerez par ce moyen des vag des fucs utiles à la Médecine; celui d'or- &i& arbres me eft un {pécifique contre les fié- EU vres , celui de fureau guérit l'hydro- pifie; le fuc de fréne diminue les. douleurs de tête & des reins, il éclaircit & fortiñie la vüe, guérit Tome I. Ee 330 ŒcONOMIE “ZX Ja furdité & fert d’antidote contre M^r4?1*]e poifon le plus mortel. DES ARBRES, moyens »x Le bois de frêne a auffi de gran- MPMPPUA. des propriétés contre lesilux de fang ou les cours de ventre ; fes feuilles guériflent les plaies, arrêtent les progrès du cancer, & empêchent le venin dela vipére de fe répan- dre dans la maíffe du fang. . T y a une telle antipathie entre le frene & les ferpens qu'ils fuyent jufqu'à fon ombrage , & l'on a rc- marqué que fi l'on en placoit un au milieu d'un cercle garni d'un côté de feuilles de frêne , & d'autre part de charbons ardens; il aimeroit mieux pafler à travers le feu & s'en- fur à demi brulé. La féve du chéne eft un aftrin- ent qui arréte les pertes de fang ; celle de tilleul dégage les eftomacs trop chargés. La gomme de prunier fauvage eft excellente contre les dé- mangeaifons de la peau. Le fuc de bouleau n'eft pas moins utile pour bien des maladies , il guérit les cha- leurs de foie & d'eftomac , (6) & eft fouverain contre la pierre qui vient aux reins, RURALE. Liv. VI. 331 Les Anglois meilleurs phyficiens que nous ont pouflé leurs expérien- ces jufqu’à faire des (7) pun&ions aux fleurs, & ilsen recueillent des li- queurs bien plus efficaces que celles qui fe diftillent à l'alembic pour l'ufa- ge dela Médecine. Par ce moyen l’on fait à préfent tirer des tétes du pavot, un fuc plus propre que tous les au- tres à procurer un prompt fommeïl. Toutes les fois que la íéve trop abondante nuit aux arbres , on la fait couler par le moyen des coins qu'on enfonce dans le tronc ; mais de méme quil eft plus prudent à un malade de s'abítenir des méts qui pourroient l'incommoder , que d'étre obligé de prendre des vomi- tifs pour s'en délivrer: ainfi il eft plus à propos de retrancher aux ar- bres quelques racines, & de ies contenir dans une forte d’abflinence, que de les percer pour faire couler la féve qui les endommage. Quand un arbre donne peu de fruit , & que cette modicité RÀ — M MALADIES DES ARBRES, MOYENS p'«y REMÉDIER, Il faut cou. per les petites racines d'un neft compenfée que par beau- iube crop fé- coup de feuiles inutiles & par Ee yeux. SAT MALADIES DES ARBRES, 33% ŒCoNOMIE de belles branches qu’il étend avec fafte , il convient de retrancher quel- MOYENS py QUES racines à la fouche & de fouf- AEMEDIER. Les arbres langu flans fe rétao! {lent avecdelafien- te de pigeon, traire au tronc les fucs nourriciers. Ainfi lorfque le luxe, loifiveté & l'opulence ont corrompu la pureté des mœurs , & que Dieu daigne rap- peller àluiles pécheurs du fein de la licence : l'on commence par fuppri- mer les richeffes comme l'aliment des vices & comme la racine d’où dérivent tous les maux , aprés quoi l'on conduit les ames dans la voie du falut , pour leur faire produire des fruits dignes d'éloge & d’admi- ration. $1 au contraire un arbre languit , & que fes rameaux fe defféchent ; fifa téte devient chauve, & que fes feuilles tombent avant la faifon, par le peu de nourriture qui leur parvient; c'eft dans les racines qu’eft le fiége du mal, c'eft un fuc trop épais qui les gonfle, qui remplit les veines & qui empéche la com- munication de la féve : répandez au- tour de la fouche de la fiente de pigeon pour rouvrirles voies aux RURALE. Liv. PI. 333 fucs nourriciers, & rendre aux ra- : MALADIES meaux leurs feuillages & leur ver-,;s uses, dure. MOYENS D'Y Mais il n’y a point de meilleur re- 77^ ^ méde que le vin. Comme l'eau fait l'arrofement ordinaire des arbres, onleur rend la vie, fuflent-ils à l'ex- trémité, fi au lieu de cette liqueur froide on fubftitue le jusde la treille; le plane fur-tout, dés-quil eft ma- lade de langueur, rétablit en peu de tems fes forces & reprend les agré- mens de fon ombrage , auffitót que Bacchus vient lefortifier. $i quelque oeconome penfe que ; à inus le vin eft une liqueur trop précieufe nédecine — pour les arbres, il peut quand ils 775: deg font malades les humeéter avec d les ar- 31 ANA / . bresfont ma- l'écume des olives preffées; mais... sil veut employer le plus fouverain des remédes, qu'à la ville comme à la campagne il fafle amafler tou- tes les ordures & les chofes de re- but qui peuvent receler quelques fels utiles, comme les vieilles fe- melles, les rognures de corne qu'en- le vent les maréchaux en ferrant les chevaux, des os concafés , des plu- Avec du vis: MALADIES DES ARBRES, 334 (ECONOMIE mes , des peaux de bêtes écorchées, de la fiente de pigeon & de la cen- Moyens »'y dre de romarin, qu'on mette enfem- REMEBIER. le ces différentes chofes dans de grandes cuves avec de l’eau de pluie & qu'on les y tienne lontems en macération. Ces ordures ainfi in- fufées compofent un breuvage falu- taire pour les arbres malades, qui fait méme poufler l'herbe & donne plus d'éclat aux fleurs. A peine le jardinier pourra-t'il reconnoitre fes oignons qui auparavant avoient la tête enflée & difforme, ainfi que fon ail & fes autres légumes , après quilles aura arroíés avec cette li- queur chargée de nitre; c'eft ce fel qui fait toute la vertu de la terre; elle ne peut en avoir trop, la quan- tité n'en eft jamais nuifible; l'on doit lui reftituer par les amende- mens , celui qu’elle a perdu par fes produétions , & felon moi l’art d'a- méliorer une terre eft l'effentiel de l'agriculture. Quelquefois la nature prend plaifir à fe jouer dans les ar- bres par les différens coloris, & par le mélange durouge & du blanc D ES ton ——— À x TE. "RURALE. Liv. FI. 335 dont elle peint les fruits. Il vous fera facile d'imiter ces jeux, (8) fi vous mêlez au printems des fucs de différente couleur avec les eaux qui arroferont vos arbres, & vos pommes prendront la douceur du miel, fi vous en infufez dans le tronc de l'arbre; fendez donc fans crainte un pommier , ótez la moele qui fe trouve dans le coeur de l'arbre; fubftituez-y des fucs préparés & du miel, frottez & couvrez l'ouverture avec de la fiente de vache, & liez l'arbre avec un lien bien doux, de peur que larigueur du froid , ou que l'ardeur du foleil n'empire la plaie; ces jeux n'incommodent point les jeunes plants , ils les fouffrent vo- lontiers, mais un vieux tronc ne s’y préteroit pas, il s’en trouveroit offenfé. Ces jeux de l'art réuffiffent fur le tilleul, car cet arbre dans fa jeu- neffe eft d'une merveilleufe docili- té; fi vous lui donnez la forme d'une arcade & que vous abbaïffiez . jufqu'à terre fa tête courbée, vous admirerez fes rameaux poufler en MALADIES DES ÂRBRES , MOYENS D'Y REMEDIER»s 336 (ECONOMIE terre & faire les fonétions de fes MALADIES ^ prs Ansa, faCines : quand les nouvelles ont Anas x pris pied , on arrache les vieilles ; . . -. amfila tige de cet arbre renverfée fens - deffus-deffous, eft forcée de pouffer en l'air par les pieds qui font élevés au lieu de la tête, fes rameaux dont le fort eft changé rampent fous la terre & envoyent à la fouche & au corps de l'arbre la nourriture qu'ils en recevoient dans leurs premiéres années. La fouche au eontraire par un miracle de l'art produit des feuilles & des fleurs, & aprés avoir fervi dans la terre de pâture aux vers, fe voit careflée par l'abeille qui. bour- donne agréablement autour de fes rameaux fleuris. | Ainfi les hommes éprouvent fou- vent les (9) jeux cruels de la fortu- ne, qui tranfportant fes honneurs à d'autres favoris, terraffe les têtes les plus fuperbes, & par contrafte éléve du fein de la pouffiére au faite de la gloire les plus vils mortels ; mais quoiqu'ils femblent toucher les af- tres par leur élévation, & que leur HC tis at. RURALE. Liv. VI. 337 éclat faftueux efface celui de tout ALALISS le monde ; les taches qui leur ref- pes Arsres, tent de leur premiére origine four- PrEns »'Y niffent matiére à la raillerie: ce font des acteurs comiques , (10) qui pour avoir chauffé le cothurne , tont rire à leurs dépens: cependant on fe couvre de leur proteétion & l'on porte le culte jufqu'à l'idolátrie pour une fouche ignoble , parée des dépouilles du peuple. Détaillerai-je tous les accidens pigisensac- auxquels un arbre eft expofé ! tan- cidess qui en tót il eft battu par la grêle, tantÔt Le arbres. - la gelée le fait mourir, & tantôt la mouffe le confume ; la grêle par fes coups fait couler la féve "& caufe à l'arbre des tumeurs quile deshono- rent & l'empéchent de porter au- cun fruit, à moins que le jardinier ne coupe tous les rameaux offenfés ; afin que le tronc reverdiffe & poule de nouvelles branches. La grêle caufe moins de dom- mage à l'arbre, s'il eft tombé ré- cemment de la pluie, parce qu'a- lors l'écorce mouillée & gliffante pare & amortit les coups ; d ) Tome E. Ff 338 (ECONOMIE =" tant il eft important de favoir en vesAaisre tOut céder à la fureur, & de ne moyens »'r pas oppofer la force aux traní- | REMEDIER, ports. | Mais un arbre eft menacé du plus funefte accident lorfqu’un froid ex- ceffif vient à fuccéder à la pluie ; l'eau fe gele fous l'écorce & rompt par fa dureté les tendres fibres des arbres, de la méme maniére que le froid fait fendre un vafe d'argile en mille endroits. .La rigueur de l'hiver peut aller au point que le froid pénétre juf- qu'au cœur d'un arbre , en épaif- fifle la féve & empêche la circula- tion; c’eft un hiver * femblable qui a porté la défolation dans nos champs & quia fait périr tous les noyers & les oliviers. À peine le chêne a-til pü réfifler à fa vio- lence. Si l'hiver eft moderé, les feuil- les tombent à la vérité, mais la terre bienfaifante préferve les ra- cines de la gelée & abandonne vo- C———— et —— "Le grand hiver de l'année 1705. RURALE. Liv. WI. 339 lontiers aux aquilons furieux les feuilles & leur ombrage , ornemens , 2^»: inutiles en hiver & que les zéphirs movexs »v rameneront avec le printems. — "t Loríque de trop grandes chaleurs Les grandes durciffent & defléchent la terre , ^"^ fes fucs diminués ne font pas une nourriture fufifante pour les arbres; la maigreur s'empare de leurs ra- meaux exténués, & à voir leurs feuilles couvrir la terre, on jure- roit que le mois de Décembre eftt déja pafíé, & qu'il a depouillé les forêts. Heureux les peuples qui habitent fous l'équateur , à qui le foleil don- ne conftamment des jours égaux aux nuits pour la durée , & qui pendant toute l'année voyent leurs arbres parés d'un verd feuilage! Peut- être aufh l'habitude diminue-t'elle le plaiür de ce beau fpe&acle; on aimeroit peut-être mieux l'alternati- ve de nosarbres qui, apres s'étre dé- pouillés de leur parure , reprennent au printems leur feuillage, pour donner de l'ombre dans une faifon qui fait trouver la fraicheur agréa- ble. Ffnu 340 ŒCONOMIE SFR . . € la pourriture attaque un arbre p&sAsgars Put fe3:vleux jours , il n'y a que le nores o VEBELOE le foleil qui puiffent le gué- or el UM il faut leur montrer fa plaie, pourri : 1 rure, & faire à fon tronc une large ou- verture, afin que le foleil & le grand air pénétrant plus avant con- íolident les parties gátées & em- péchent la contagion de fe com- muniquer au loin & de gagner les rameaux les plus élevés. Diversacci- Les jeunes plants font auffi en (ox ess naiffant fujets à des maladies fort jeunes plants, dangereufes , foit qu'ils ayent ef- fuyé un été trop fec , un froid trop vif, ou des pluies trop abon- dantes. Souvent la main cruelle du voyageur fecoue violemment leur tige délicate , ou bien le foffoyeur & méme la taupe déchauffent leurs racines, & fi leur tige n'eft garnie d'un fagot d'épine, la chévre broute leur écorce, & les fait mourir. Une fertilité prématurée dans les jeunes poiriers leur caufe plus de dommage que tout autre accident ; car autant qu'on voit de fleurs fur- les branches, autant font-ce de — RURALE. Liv. VI. 341 fymptomes de maladies, & autant de préfages d'une mort affurée. 52... Quand les feuilles jauniffent, quoi- xov:ss »'v que l'écorce refte verte, il faut cher- "^^ cher dans la terre la caufe du mal, découvrir les racines & les nétoyer; mais lorfque l'écorce eft féche & commence à noircir , il n'y a pref- ue plus de reméde. | Si le microfcope n’eft point trom- Caufes di- . verfesdes ma. peur, la moififfure n'eft autre cho- 3i des ar- fé qu'une forte de champignon qui? sinfinue dans les veines des arbres, re. & dont la corruption ronge les bran- ches , & les fait mourir ; mais pour la mouffe elle intercepte leur 12 moufe. féve, à moins qu'on ne la ratif- fe avec le fer lorfque leur écorce a été amollie & humeëtée par la pluie. Le lierre, comme une chaine, en- Leliorre. tourre le tronc des arbres & ofe méler à leurs fruits les plus élevés fes graines défagréables. Dès qu'il commence à s'étendre & à monter fur l'écorce du tronc, 1l faut l'arra- cher avant qu'il attache fes crochets au haut des arbres, & qu'engraiílé . F fig MALADIES 342 ŒCONOMIE - de leur fubftance, il (12) les étouffe arr par fes embraffemens. moyens pr* Les chenilles filent une bourre Hong tenace , qui fert de berceau & d'en- T4 veloppe à leurs œufs, & répan- dent fur les feuilles une liqueur mortelle qui les brule : défaites-vous de ces infectes aprés qu'il eft tombé de la pluie; cette opération n'eft pas alors difficile, car la fraicheur les raffemble en un peloton. Vous Les four- €cartetez les fourmis, fi vous frotez mis. l'écorce de l'arbre qui en eft mal- traité, avec dela lie de vin, ou de fort vinaigre. Lesvers. — Souvent les vers naiffent dans un arbre , ou bien y pratiquent un che- min peu - à - peu jufqu'à fa moele, & y font un dégât confidérable, fi l'on n'a foin de retrancher les branches qui en font infeëtées avant que les autres rameaux s'en ref- : fentent. | Le rivar Tous les autres oifeaux fufpen- creufefon nid dent leur nid au haut des arbres ; dans le tronc é des arbres, le feul pivert avec fon bec perce le chêne le plus dur, le creufe " RURALE. Liv. VI. 343 & sy loge ; dreflez-lui des embu- 777. ches lorfqu'il conftruit fa maifon , »:: RAT & que larbre gémit de fes coups Moms PX . de bec qu'il fait entendre au loin. Un voleur étant un jour caché dans une forêt, examina la manœu- vre de cet oifeau , & quand le nid fut fait, cet homme méchant par état & capable de tout , ferma l'en- trée étroite de ce nid avec un fer quil y enfonça, & fe fit un plai- fir dé voir le pivert revenu sat- tacher contre l'arbre , fe défoler des murmures de fes petits enfermés, auxquels il répond par fes cris per- cans. | O puiffante nature! ô providence admirable! l'oifeau vole de tout cóté dans la forét, & apporte une plante merveilleufe pour fes effets, au moyen de laquelle il fait fortir le fer, & rentre dans fon nid: le voleur étonné de la propriété de cette plante avec laquelle le pivert avoit fauvé la vie à fes petits , fe rappella fon métier, & fe pro- pofa bien d'en faire ufage (13) pour faire fauter fans bruit les clous & . Ffuj 344 (ÉCONOMIE les ferrures qui font la fureté des »ssAnsar,pOrtes contre les attaques de fes MOYENS D'Y femblables. FPE —— Souvent on voit par un caprice de la nature, non par un effet de l'art, un arbre parafite s'élever fur un autre arbre, foit qu'un oifeau perché fur une branche ait parmi fes ordures laifff tomber quelque | graine fur l'écorce tendre d’un ar- bre, & que celui-ci ait permis à cette graine de prendre racine fur fa tige, & une partie de la féve pour fa nourriture , à peu pres comme l'on voit des giroflées jau- nes pouffer fur les murs, & des plantes communes croitre fur le haut d'une vieille tour, où le vent a porté leurs graines ; foit que par une qualité vicieufe des fibres de larbre , la féve produife quelques branches qui dégénérent & font d'un verd différent , produétion monf- trueufe qui pourtant nous a été utile, uifqu'elle a enfeigné aux Jardiniers MI. de la greffe. (14) C'eft ainfi que le chéne porte le gui, dont les feuilles font - RURALE.-Ziv. VI. 345 fort differentes des fiennes. Les Gaulois n'avoient rien autrefois de ,, 27^ 7 plus facré que l'arbre qui le por- MOYENS D'Y toit; & quoique ceux qui en avoient die coupé dans les bois & qui en Hesse avoient apporté dans leur maifon, Gaulois, ne craigniffent plus pour eux , ni pour leurs troupeaux, l'effet d'au- cun poifon, ni la fureur des vents pour leurs moiffons ; cependant après avoir coupé ces rameaux fa- crés, fuivant la coutume de leurs ancêtres , ils les faifoient placer par les Druides dansleurs temples pour le fervice du public ; c'eft pourquoi au jour confacré, lorfque la lune avoit montré fix fois fon croiffant , la nobleffe & le peuple , les hom- mes & les femmes alloient dans les bois & fur les montagnes, oi leur religion les appelloit, & l'on coupoit le gui facré avec une ferpe d'or, car il n'étoit pas permis de toucher à ce bois refpectable avec le fer ; le Prêtre après avoir recü dans la robe blanche dont il étoit revétu , le précieux rameau au grand applaudiffement du peuple , 346 ŒCONOMIE immoloit des bœufs fous le chêne Sere cni même, & ofoit quelquefois teindre Movrss pv fon couteau du fang humain. ue. Pardonnez-leur, grand Dieu! & Gaule chié- que leur poftérité que vous avez fait Rene. naitre dans des fiécles plus éclairés & plus fages n'expie pas leur cri- me. $1 la Gaule autrefois livrée au culte des faux dieux a pà , au mé- pris de vos faintes loix , commettre d'aufü grandes impiétés , i| n'eft point de nation maintenant qui ait plus en horreur les cérémonies payennes & qui vous ferve mieux ; car les François n'ont Jamais com- battu avec plus de courage pour la défenfe de leur pays & de la couronne , que pour la confervation de vos autels. (15) C'eft de nous que les Pon- tifesRomains tiennent aujourd'hui en fouveraineté l'étendue de leur do- mination, & le droit de donner des loix à plufieurs villes d'Italie, où ils n'étoient autrefois obéis qu'en matiére de religion. Nous avons changé leur houlette en un fceptre d'or, afin que le pafteur à qui le * RURALE. Liv. VI. 347 shsiuinp foin du troupeau de Dieu a été confié , fût décoré des marques de iiis, la fouveraineté. MOYENS D'Y Que dirai-je de nos ancienstriom- "7 phes & des mers que nous avons traverfées, lorfqu'autrcfois les Fran- cois alloient avec leurs Rois prodi- gues de leur augufte fang, porter leurs armes & (16) leurs croix vic- torieufes dans les villes de la Pa- leftine. Nous avons encore pour la re- soins de ligion le méme zéle qu'avoient au- Ets trefois nos ancêtres. Louis le Grand la propaga- porte fes vües pour la propagation pe de la foi, juíqu'à l'extrémité de icose& l'ex- l'Orient ; & plus d'une fois déja er nos vaiffeaux ont parcouru le vafte océan & fait le tour du monde avec les pieufes milices desefus-Chrift, non pour y foumettré- les peuples aux fleurs de lis, mais pour leur préfenter /a Croix, gage précieux du falut : pour élever des temples à Dieu, & non des fortifications au nom de Louis, pour faire part des tréfors céleftes aux nouveaux fu- jets de Jefus-Chrift, & non pour MALADIES PES ARBRES, MOYENS D'Y REMÉDIER. 349 ŒCONOMIE rapporter des richeffes qui font al- ler jufíqu'à l'extrémité de la Chine les autres vaiffeaux. | C'eft vous, grand Prince, qui avez extirpé lhéréfie, qui avez banni de la France les dogmes des no- vateurs, & qui par vos coups avez forcé les furies de replonger leurs têtes impies dans les enfers d’où elles avoient ofé fortir pour in- fe&er nos climats. Nos ayeux s'é- toient imaginé quil falloit une longue fuite de Rois & plufieurs fiécles pour abolir ce culte crimi- nel, & croioient s'étre aflez cou- verts de gloire, quand ils avoient pu regagner à Dieu les habitans d'une feule ville, & y relever fes autels. Louis parle , à fa voix tom- bent tous les temples coníacrés à d'abominables myftéres , & l'on ne met pas plus de Jours à les rafer, que l’artificieufe & rebelle héréfie n'avoit employé d'années pour détacher les citoiens de la religion de leurs pe- res. Aujourd'hui réunis, nous n'avons qu'une méme foi & qu'un même cul- RURALE. Liv. VI. 349 te ; la France n’a plus les mêmes fu- jets de crainte qu’elle eut autrefois lorfque fes fujets armés les uns con- tre les autres touchérent au moment de leur deftruétion ; l'héréfie expi- rante exhale fes derniéres fureurs , & montrant avec plaifir du haut des Cevenes les toits encore fumans, les temples en proie à des flammes fa- crilèges , des cadavres horriblement déchirés , des genres de mort qui tuent mille fois pour une , des fuppli- ces recherchés, inconnus même aux Tyrans de l'antiquité; elle fe confole elle-même de fa douleur , & par ce cruel fpeétacle rappelle aux François qu'elle a enfin abandonné un fouve- nir utile mais lamentable des maux qu'ils ont foufferts, SV ^85» MALADIES DES ARBRES, MOYENS D'Y REMEÉDIER, 359 REMARQUES Sur le fixiéme Livre. N a vá dans ce livre les maladies des ar- bres,les caufes & les remédes de ces ma- ladies , & les rapports qu'il y a entre les hom- mes & les arbres ; l'Auteur effaye de prouver que la circulation de la féve fe fait chez les uns comme la circulation du fang chez les autres ; il renouvelle la méthode de tirer par la térébration des arbres , des fucs qui feroient trés-utiles à la Médecine ; viennent enfüuite les moyens de corriger le goüt & de changer la couleur des fruits, aprés quoi le Poëte dé- taille les différens accidens qui furviennent aux arbres & les remédes qu'il convienf"em- ployer. Le Guy qui vient par excroiffance fur le chéne, fournit au Pere Vanniere l’oc- cafion de décrire le refpeét des Gaulois pour cet arbufte, leur maniére de le cueillir &leur fuperftition à cet égard ; il paffe delà à l'éloge des François , qui au lieu de ce culte fuperfti- tieux de leurs ancétres , reconnoiffent le vrai Dieu & vivent dans le Chriftianifme : cet élo- ge améne celui de Louis XIV. au fujet de la propagation de la foi & de l'extinction de l'héréfie. ( 1) [ N’etoient munies de petites valvules , * für le fixieme Livre. 353 (t. ] Ces valvules font imaginaires, on ne les trouve point , & la féve va librement de haut en bas, comme de bas en haut. (2) [ Uze ville qu’on appelle Lima , cc. ] C'eft la Capitale du Pérou dans l'Amérique méridionale: il y régne un printems perpé- tuel , & tout ce qu'en dit le Pere Vanniere, eft exactement vrai ; mais il ne parle point des iremblemens de terre qui y font fréquens & terribles , & qui ont dix renverfé cette ville de fonden comble : la nouvelle ville eft bâtie auprès des ruines de l’ancienne : ces tremble- mens n’en font point un féjour agréable, quel- que beau qu’y foit le ciel. (3) [ Acet homme admirable , érc.] L'Au- teur parle de Dom Jofeph Pardo de Figueroa, Gentilhomme de Lima , verfé dans toutes les Íciences , & Commandant des troupes du Mexique, (4)[ Tire le maflic en larmes , dre. ] C’eft une forte de gomme qui coule d'un ar- bre qu'on appelle lentifque. (C5) [ La térébration la plus fure , ec. ] C'eíft la maniére de tirer les fucs des arbres. La térébration fe fait en pergant le tronc d'un arbre avec une tariére à l'approche du prin- tems quand la féve commence à monter ; elle a été inconnue aux anciens , & nous la tenons des Anglois. La térébration, dit le Chance- lier Bacon, eft une efpéce de faignée qui dé- livre les arbres d'une réplétion de fucs qui nuit à leur fécondité. On a bien enchéri fut les vües de M. Bacon. On a trouvé que les ÉÉ ÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉ M M — o B B Bg | | | | DRE EE RARES BTE ct 352 Remarques fucs tirés par la térébration étoient d’une MALADIES grande utilité dans la Médecine. Voici l'ot- DES ARBRES , MOYENS D'Y AEMÉDIER. dre qu'il faut garder felon le Do&eur Torge. »ll ya, dit-il, différentes maniéres de tirer » le fuc d'un arbre pour en avoir beaucoup : » il ne furfit pas d'entamer Parbre légérement » avec un couteau , il faut percer le tronc du » côté du midi, paffer au-delà de la moelle, » & ne s'arrêter qu'à un pouce prés de l'écor- » ce qui eft du côté du feptentrion ; on doit » conduire la tariére' de facon que le trou » aille toujours en montant afin de donner » lieu à l'écoulement de la féve : le trou » doit être fait proche de la terre; 1°. pour » ne point gâter le tronc de l'arbre; 2°. afin » qu'il ne foit point befoin d'un long tuyau » pour conduire la féve dans le vaiffeau qui » doit la recevoir. « La térébration fe fait avec plus de fuccés à midi dansla chaleur du jour , parce que les fucs font plus en mouve- ment. La chaleur fait monter la féve , c'eft un alambic fait des mains de la nature , les alambics artificiels n'en font que des copies. (6) L Et eff fowverain contre la pierre , crc. ] Il y a bien à rabaitre de toutes ces préten- dues propriétés : ces fucs ont des vertus, fans doute , mais on les a exagerées. D'ailleurs, quelque dépuration que l'on en faffe, ils ne peuvent fe garder auffi long-tems à beau- coup prés que les eaux des plantes qu'on tire au feu par la diftillation : auffi a-t-on aban- donné l'ufage de ces fucs, quoique plus na- turels & plus efficaces. (7) to für de fexiéme Livre, 353 (7) 0 Jufqu'a faire des punctions aux fleurs ; &.] Le Do&eur Harvejus eft defcendu dela - térébration des arbres à la punction des plan- tes, il a trouvé le fecret de tirer des têtes de pavot /'Opium le plus pur as fut jamais. On commence par expofer au foleil durant quel- ques heures les plantes entiéres , enfuiteon en pique les tétes, & en peu de tems on en tire plein une taffe de fuc de pavot qui eft l'Opium véritable & qu'on ne fauroit affez payer. Ceux qui favent en quel état Opium vient de la Gréceou de l'Egypte, eftimeroient infiniment celui du Doéteur Hervejus. ll eft certain que le bon Opium ne vient point jufqu'à nous, que les étrangers qui le tirent des tétes de pavot le gardent pour leur ufage, & qu'ils ne nous envoyent que le #econium qui n'eft qu'un fuc tiré par expreffion , & qu'ils font épaiffir pour en faciliter le tranfport. Le meconium eft beau- coup inférieur en activité à l'Opium , mais d'ailleurs , il eft mélé de beaucoup de parties hétérogénes & impures. C'eftpour cela que les Chymiftes en font un extrait qu'ils appellent laudanum : Voyez M. Charras dans fa phar- macopée. Ce que je viens de dire de la téré- bration & de la punétion eft tiré en partie des curiofités de la nature par l Abbé de V allemont. Le mot térébration vient de terebra qui figni- Be tariére. (8) [ Si vous mélez au printems des [ucs, Qc. ] Ce font des contes de jardiniers aufquels T Abbé de Vallemont dans le livre que je viens de citer , a donné mal à propos un air de vé- Tome I. | Gg 354 Remarques rité. Les nouveaux fleuriftes y donnent à plein collier, ils font des épreuves réitérées ; & lorf- qu'ils fe font convaincus à leurs dépens , que c'eít une duperie, ils enfeignent aux autres ces prétendus fecrets pour perpétuer les du- pes. (9) [ Les jeux cruels de la fortune , rc. 1 Cette penfée eft imitée d'Horace, elle fe trou- ve dans deux Odes différentes. Valet ima fummis Mutare , & infignem attenuat Deus, Obfinra promens : binc apicem rapax Fortuna cum ffridore acuto Suflulit ; hic pofuiffe gaudet. L, 1. Od. 54. Et dans l'Ode 29. Livre 3. Fortuna favo lata negotio, © Ludum infolentem ludere pertinax , Tran[mutat incertos bonores , Nunc mibi nunc aliis bengna. ( 10) [ Qui pour avoir chauffe le cotburne , (vc. ] Cette chauffure eft affe&tée à la Tra- gédie : auffi un acteur qui joue ordinairemene dans le bas comique, eft-il ridicule quand ii s'avife de chauffer lecothurne. Feu Poiflon, Comédien, & le dernier mort, jouoit quelque- fois au carnaval le rôle de Mithridate dans la Tragédie qui porte ce nom, & l'on y rioit plus qu'à là Comédie la plus divertiflante. N fur £e fixiéme Livre. — 355 (11) [ Tanz il ef important , dc. ] Salo- mon difoit auffi : Refponfio mollis frangit iram. L. Prov. (12) [ Iles étouffe par fes embraffemens, (c. | Néron dit dans Britannicus. J'embraffe men rival, mais c'eft pour l'étouffer. (13) [ Pour faire fauter fans bruitles clous; ec. ]Ce font des contes de ma mere l'oye & de peau d'ane. Mais les Poétes ont droit d'adop- ter toutes les Fables qui leur fourniffent des defcriptions & des images agréables. Je ne crois pas que la nature produife pareille plante : s'il en eft une , nous fommes fort heu- reux qu'elle ne foit point connue : il y a déja affez de voleurs &ide plantes ruineufes , com- me le tabac , le caffé , &c. ( 14) [ C'eff ainfi que le chéne portelezuy , (c. ] C’eft uneexcroifcence d'arbre ou plan- te qui ne fe trouve jamais fur la terre & qui naît fur le chéne & quelques autres arbres. Ses fruits naiffent trois à trois difpofés en tre- fle dans Pextrémité des rameaux , ce font des bayes ovalesfemblablesà une petite perle rem- plies d'une femence plate, dela figure d'un Cœur , couverte d'une membrane argentée, trés-délicate , enveloppée de glu. Ces fruits. naiffent fur des branches différentes de celles qui portent les fleurs. Les grives font fort friandes des bayes du guy , elles les avalent & les vuident enfuite furles branches des ar- bres où elles fe perchent , par ce moyen elles. G £ij 356 Remarques donnent lieu à une nouvelle produétion du guy; mais en écrafant ces bayes avec leurs pattes ou avec leur bec , elles en font fortir la elu avec laquelle elles s'attachent aux bran- ches ; ce qui a fait direà Plaute : ipfa fibi avis mortem cacat. Virgile ne croyoit pas que guy vint de fa propre graine. Quale folet fitvis brumali frigore vifcum , Fronde virere nova quam non fua feminat arbos, Ænerd. L. 6. M. Rai eft de la méme opinion dans fon hif- toire des plantes , mais l'expérience l'emporte fur l'autorité. | Chez les Gaulois , les Druides alloient an- ciennement au mois de Décembre qu'ils ap- pelloient facré , cueillir le guy du chéne en rande cérémonie : cela fe faifoit avec beau- coup de folemnité. Les devins marchoient les premiers entonnant des cantiques & des hymnes en Phonneur de leurs divinités. En- fuite venoit un héraut le caducée en main ; aprés lui fuivoient trois Druides de front portant les chofes néceffaires pour le facri- fice. Enfin paroiffoit le Chef ou le Prince des Druides accompagné de tout le peuple : le chef des Druides montoit fur le chéne & cou- poit le ay avec une ferpe d'or , les autres Drui- des le recevoient, & au premier jour de l'an on le diftribuoit au peuple , comme une chofe fainte aprés l'avoir béni & confacré. (15) [ C'efl de nous que les Pontifes Romains für Le fexiéme Livre. — 347 tiennent aujourd’hui en (owveraineté , coc. ] L'Exarcat de Navenne fut donné à l'Eglife Romaine , par Pepin & par Charlemagne. Mais en donnant le Domaine utile,ils fe réfer- vérent la fouveraineté, & la laifférent perdre par la fuite. On trouvera à ce fujet beaucoup de lumiére dans P'Hiftoire Civile de Naples, par Giannone, quelque peu dans l'origine de la grandeur Romaine par l'Abbé de Vertot. (16) [ Et leurs croix victorieufes , cc. ] Dans le tems des croifades tous les croifés portoient une croix fur leur habit ou fur leurs armes. Fin du Tome premier. RG RE ERP EE 6 PTE Gm GEEFERUTCKUADUG gon —á— BÓ € HOPOPO ROO BOY UP PN. “A1 lá par ordre de Monfeigneur le Chan- celier , un Manufcrit qui a pour titre : Zz Metairie , ou GE conomie Rurale; Po&me traduit du Latin du Pere Vanniere , avec des remar- ques ; & il m'a paru que cette traduction ré- pondoit au mérite de l'original. Fait à Paris le 10 Novembre 1755. PHILIPPE DE PRETOT. PRIPFAIWwEUE. Ouis PAR LA GRACE DE Dieu, Ror de France & de Navarre; À nos amés & féaux Confeillers , les Genstenans nos Cours de Par- lement, Maitres des Requétes ordinaires de notre Hórel , Grand.Coníeil , Prévót de Paris, Baillifs , Sénéchaux , leurs Lieutenans Civils , & autres nos Jufticiers qu'il appartiendra : Sarur. Notre amé le fieur EsrIENNz , Librai- re, Nous a fait expofer qu'il défireroit faire imprimer & donner au Public un Ouvrage qui a pour titre : La Metairie, Poeme traduit du Latin du Pere Vanniere : s’il Nous plaifcit lui accorder nos Lettres de Privilége pour ce né- ceflaires : A ces CAUSES , voulant favorable- ment traiter l'Expofant, Nous lui avons per- mis & permettons par ces Préfentes de faire imprimer ledit Ouvrage autant de fois que bon lui femblera, & delefaire vendre & débi- ter par tout notre Royaume , pendant le tems de fix anhées confécutives, à compter du jour de la date des Préfentes ; Faifons défenfes à tous Imprimeurs , Libraires & autres perfon- nes de quelque qualité & condition qu'elles foient , d'en introduire d'impreffion étrangé- re dans aucun lieu de notre obéiflance ; com- me aufli d'imprimer ou faire imprimer , ven- dre, faire vendre, débiter ni contrefaire le- dit Ouvrage ni d'en faire aucun extrait, fous quel- que prétexte que ce puifle étre, fans la permiffion exprefle & par écrit dudit Expofant ou de ceux qui auront droit delui , à peine de confifcation des Exemplaires contrefaits , de trois mille li- vres d'amende contre chacun des contrevenans , dont un tiers à Nous , un tiers à l'Hótel-Dieu de Paris & l’autre tiers audit Expofant ou à celui ui aura droit de lui, & de tous dépens, domma- ges & intérêts : A la charge que ces Préfentes fe- ront enregiflrées tout au long fur le Regiftie de la Communauté des Imprimeurs & Libraires de Paris, dans trois mois de la date d'icelle ; que l'impreffion dudit Ouvrage fera faite dans no- tre Royaume & non ailleurs, en bon papier & beaux caracteres , conformément à la feuille imprimée , attachée pour modele fous le con- trefcel des Préfentes ; que l'impétrant fe confor- mera en tout aux réglemens de la Librairie , & notamment à celui du 10 Avril 172; ; qu'avant de l'expoferen vente , le Manuf(crit qui aura fer- vi de copie à l'impreffion dudit Ouvrage fera remis dans le miéme état où l'Approbation y aura été donnée és mains de notre trés - chez & féal Chevalier , Chancelier de France, le fieux DE LAMOIGNON; & quil en fera enfuite emis deux Exemplaires dans notre Biblio- théque publique , un dans celle de notre Chá- teau du Louvre , un dans celle de notre trés-cher & féal Chevalier Chancelier de Fran- ce le fieur p: LAMOIGNON , & un dans celle de notre trés-cher & féal Chevalier, Garde- des-Sceaux de France le fieur pe MACHAULT , Commandeur de nos Ordres ; le tout à peine de nullitédes Préfentes : du contenu defquelles vous mandons & enjoignons de faire jouir ledit Expo- fant & fes ayans caufe pleinement & paifible- ment, fans fouffrir qu'il leur foit fait aucun trouble ou empéchement. Voulons que la co- pie des Préfentes qui fera imprimée tout au long au commencement ou à la fin dudit Ouvrage , foit tenue pour düement fignifiée, & qu'aux co- pies collationnées par l'un de nos amés & feaux Confeillers Sécreraires , foi foit ajoutée com- me à l'Original ; Commandons au premier no- tre Huiflier ou Sergent fur ce requis, de faire pour l'exécution d'icelles tous Ates requis & néceffaires , fans demanderautre permitfion, & nonobftant clameur de Haro, Charte Norman- de & Lettres à ce contraires : CAn tel eft notre plaiir. DoNNz' à Paris le crente - uniéme jour du mois de Janvier , l'an de grace mil fept cens cinquante fix , & de notre Regne le quarante- te-uniéme. Par le Roi en fon Confeil. LE BEGUE. Regifiré fuv le Regiftre 14. de la Chambre Royale des Libraires & Imprimeurs de Paris N'. 22. fol. 21. conformément aux. anciens Réglemens confirmés par celui du 28 Février 1723. À Paris le 19 Mars 17564. C. AJOMBERT, Adjoint. FAUTES 4 CORRIGER dans le premier Volume. PR EE: A.G. E. P Age 17. ligne 4. Poetiques. lifez Poétique. P. 34.1. 5$. Œuvres d'Homére , l;f. dHorace. ŒCONOMIE RURALE. P. 58. 1. 27. ou faites-le amener, /if. ou le faites amener. P 48.1. 21. un peu plus élevé , órez plus. P. 45. 1. 17. graines mauvaifes X5 mauvai- fes graines. P. 53.1. 23. s'occupent, I;f. s'occuper. - P. 49K: donc un ingrat, 6tez donc. P. 99. 1. 18. dans la crainte. Que la, Zifez dans la crainte que la. P. 110.1, 3. commeen ville , if. comme à la ville. P. 112. [. 3. dépende, if. dépendent. P. 113.1. 15. fupprimez de la Ville. | P. 114.1, 22. fupprimez plus fouvent. P. 116.1. 1. s’il craignoit , /;f. s’il croyoit. P. 139. l. 4. fupprimez &. Ibid. l. &. Enfans. Aprés quoi, lif. Enfans, aprés quoi. Ibid. h 15. fnpprimez cat. P. 143. l. 20. de concetti, lif. du concetti. P. da I. 24. quand il 7; lorfqu'il. P. 1621. 24. fapprimez cat. P. 165.1. 11. fupprimez cat. P. 167.1. 26. ona encore, lif; il a encore. P. 185. I. 20. Pellite , lif. pellite. P. 193. 1. 8. Alpes Italiennes, l;f.. Alpes Ju- . liennes. Ibid. l. 25. m'a parue, lf. m'a paru. P. 196. l. 3. ferret , li. fervet. P. 203. l. 2. mufeau, Ses rivaux , Lf. mufeau, fes rivaux. P. 205. 1. 35. & dont les cris menaçans fuffi- fent pour épouvanter , [/f.par les cris me- nacans dont il épouvantera. 213. l. 20. difcores , lif. difcords. 214. l. 24. Iluftré, [if Illuftre. 225.1. 16. les lacs, lif. le lac. 258. l. 17. exercé, lif. exercée, . 296. l. 24. celles , if. celle. 309. l. iq. au-deflus, lif. an-deffous, 312. d. 28. entrée, lif. entée. 327. l. 14, nulpart , /if. nulle part. 329.1. 15. & de façon, ôtez &. . 18, & vous obferverez , lif, & obfer vez, | Ibid. 1, 24. les fievtes dif. la fievre, Ibid. L. 17, & des reins, lif. & de reins, P. 349.1, 17, abandonné , llf; abandonnée, P. 347. l, 4, de Navenne , lif, dé Ravenne, RRRELREE fug Iljisegc i Sg. Ste bas * 302 devo D AR í ROM ^ ^ Sean ^ * - at ns A La j : 2-9 . LA T J wor D ^ EU . 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