UVRES COMPLETES D E M. LE C7^ DE BUFFON, Intendant du Jardin du Roi ^ de l' Académie Franfoife y de celle des Sciences, è^c. Tome Troifième. Histoire des Animaux quadrupèdes. A PARIS, D£ L'IMPRIMERIE ROYALE. M, DCCLXXV, v^ ADAMS16TJ TABLE De ce qui efl: contenu dans ce Voïume, L E Surmulot page r La Marmotte 6 L'Ours . i8 Le CajJor. 39 Le Raton 75 Le Coati 80 L'Agouti 87 Le Lion c>5 Les Tigres '. . ., 128 Animaux de l'ancien Continent . 134. Animaux du nouveau Monde . . 174. Animaux communs des deux Confi- ne ns. , . f I p 3 Le Tigre , . . 2. 3p TABLE. 'La Panthère , l'Once & le Léopard. Le Jaguar .*...*.- 289 Le Conguar. •.....•«*.. 298. Le Lynx ou Loup-cervier * . . 303 Le Caracal *. 3 ^o L'Hyœne ...» 325 La Civette & le Xihet. ...... 3.42 La Genette ^ ...... . 3 6^5 Un Loup noir - r . . . 3 ^9 L'Ondatra & le Defman .... 372. HISTOIRE HISTOIRE NATURELLE. LE SURMULOT (^a), NOUS donnons îe nom de Surmulot à une nouvelle efpèce de mulot , qui n eft connue que depuis quelques années. Aucun Nacuralifte n a parlé de cet ani- mal 5 à l'exception de M. Brifïbn qui, îe comprenant dans le genre des rats » l'a appelé B,at des bols. Mais comme il diffère autant du rat que le mulot ou la fouris, qui ont leurs çioms propres, il doit avoir auflî un nom particulier , fur^ mulot 5 comme qui diroit gros , grand mulot j auquel en effet il refTemble plus faj Rat des bois. Mus caudâ longîjjîmâ , fuprâ di- late falviis , infrà albicans .... Mus fylvejîris. BÙffoo: f^ Regn. animal, pag. lyo. Tome III, Quadrupèdes, A % Hijloire Naturelle qu'au rat par ia couleur & par les habi- tudes naturelles. Le furmulot eH. plus îon & plus méchant que le rat, il a le poil roux, la queue extrêmement longue & fans poil, l'épine du dos arquée comme l'écureuil , & le corps beaucoup plus épais, des mouftaches comme le chat. Ce n'eft que depuis neuf ou âiyi ans que cette efpèce eft répandue dans les en- virons de Paris : l'on ne fait d'où ces animaux font venus , mais ils ont pro- digieufement multiplié, & l'on n'en fera pas étonné , lorfqu'on faura qu'ils pro- duifent ordinairement douze ou quinze petits, fouvent feize, dix-fept, dix-huit, &: même jufqu'à dix -neuf. Les endroits où ils ont paru pour la première fois , Se où ils fe font bientôt fait remarquer par leurs dégâts , font Chantilly, Marîy- la -ville & Verfailles. M. le Roy,Infpec- teur du Parc , a eu la bonté de nous en envoyer une grande quantité , vivans & morts, ils nous a même communiqué les remarques qu'il a faites fur cette nouvelle efpèce. Les mâles font plus gros , plus hardis & plus méchans que les femelles : lorfqu'on les pourfuit & qu'on veut les. du Surmulot, 3 faifif , ils fe retournent & mordent le bâton ou la main qui les frappe -, ieur morfure eft non -feulement cruelle, mais dangereufe , elle ^eft promptement fuivie d'une enflure affez con(idérable , & la plaie, quoique petite , eft long -temps à fe fermer. Ils produifent trois fois par an , ainfi deux individus de cette efpèce en font tout au moins trois douzaines en un an -, les mères préparent un lit à leurs petits. Comme il y en avoit quelques- unes de pleines dans le nombre de celles qu'on nous avoit envoyé vivantes. Se que nous les gardions dans d^s cages , nous avons vu les femelles deux ou trois jours avant de mettre bas, ronger ia planche de la cage, en faire de petits copeaux en quantité , les difpofer , les étendre & en- fuite les faire fervir de lit à leurs petits. Les furmulots ont quelques qualités naturelles qui femblent les approchet des rats d'eau s quoiqu'ils s'établitfent par- tout , ils paroiiTent proférer le bord des eaux -, les chiens les châflfent comme ils chaiïent les rats d'eau, c'eft -à-dire, avec un acharnement qui tient de la fureur. Lorfqu'ils fe fentent pourfuivis & qu'ils Aij 4 Hifloire Naturelle ont îe choix de fe jeter à Teau ou de fe fourrer dans un buifïon d'épînes, à égale diftance 5 ils choififlent Teau, y entrent fans crainte, & nagent. avec une ni erveil- leufe facilité. Cela arrive fur-tout lorf- qu'ils ne peuvent regagner leurs terriers, car ils fe creufent , comme les mulots y des retraites fous terre, ou bien ils fe gîtent dans celles des lapins. On peut , avec les furets , prendre les furmulots , dans leurs terriers , ils les pourfuivent comme les lapins , & femblent même les chercher avec plus d'ardeur. Ces animaux palTent Tété dans la cam- pagne , & quoiqu'ils fe nourrifïent prin- cipalement de fruits & de grain , ils ne lailfent pas d'être auffi très - carnaiïîers ; ils mangent les lapereaux , les perdreaux , îa jeune volaille ,& quand ils entrent dans ]Lin poulailler, ils font comme le putois , ils en égorgent beaucoup plus qu'ils ne peuvent en manger. Vers le mois de no^ vembre les mères , les petits & tous les jeunes furmulots quittent la campagne & vont en troupe dans les granges oii ils font un dégât infini ^ ils hachent la paille, confomment beaucoup de grain 3 du Surmulot, j & infedent le tout de leur ordure. Les vieux inâles relient à la campagne , cha- cun d'eux habite feul dans Ton troii , ils y font , comme les mulots , proviilon pendant rautomne de gland , de faine , &c. ils le remplirent jufqu'au bord, 8c demeurent eux-mêmes au fond du trou. Ils ne s'y engourdifl'ent pas comme les loirs, ils en lortent en hiver ^ fur-touç dans les beaux jours. Ceux .qui vivent dans les granges, en chalTent les fouris & les ratS", Ton a même remarqué, depuis que les furmuîots fe font (î fort multipliés aux environs de Paris, que les rats y font beaucoup moins commun? qu'ils ne Vé- toient autrefois. tandis que les autres s'amufent à jouer fur le gazon , ou s'occupent à le t:ouper pour en faire du foin *, & lorfque celle qui fait fentinelle aperçoit un homme , un aigle , un chien , &c. elle avertit les autres par un coup de fifïlet , & ne rentre elle-même que la dernière. Elles ne font pas de provi/ions pour l'hiver, il femble qu'elles devinent qu'elles feroient inutiles \ mais lorfqu'elles Tentent les premières approches de la faifon qui doit les engourdir , elles travaillent à fermer les deux portes de leur domicile, & elles le font avec tant de foin & de folidité ^ qu'il eft plus aifé d'ouvrir la terre par -tout ailleurs que dans l'endroit qu'elles ont muré. Elles font alors très- graiïes , il y en a qui pèfent jufqu'à vingt livres -, elles le font encore trois mois après , mais peu à peu leur embonpoint diminue , & elles font maigres fur ia fin 1 4 Hijîoire Naturelle de Thiver. Lorfqu'on découvre leur re- traite , on les trouve relFerrées en boule & fourrées dans ie foin , on les emporte tout engourdies , on peut même les tuer fans qu elles paroilfent ie fentir \ on choifit les plus gralTes pour les manger , & les plus jeunes pour les apprivoifer. Une chaleur graduée les ranime comme les loirs , & celles qu'on nourrit à la maifon , en les tenant dans des lieux chauds 5 ne s'engourdilTent pas , & font même auffi vives que dans les autres temps. Nous ne répéterons pas , au fujet de rengourdiffement de la marmotte , ce que nous avons dit à l'article du loir -, le refroidilTement du fang en eft la feule caufe 5 & Ton avoit obfervé avant nous, que dans cet état dç. torpeur la circulation étoit très -lente auiïi-bien que toutes les fecrétions . & que leur fang n'étant pas renouvelé par un chyle nouveau , étoit fans aucune férofité. Voyez Tranfac- izons Phllofophiques ■, nS 3ÇJ» Au refte , il n eft pas fur qu'elles foient toujours &: conftamment engourdies pendant fcpt ou huit mois , comme prefque tous les Auteurs le prétendent. Leurs terriers font de la Marmotte i j profonds, elles y demeurent en nombre, il doit donc s y conferver de la chaleur dans les premiers temps , & elles y peuvent manger de Therbe qu'elles y ont amairée. M. Altmann dit même , dans Ton Traité fur les animaux de SuiOfe , que les Chaf- feurs, laille.at les marmottes trois femaines ou un mois dans leur caveau avant que d'aller troubler leur repos -, qu ils ont foin de ne point creufer lorfqu'il fait un temps doux , ou qu'il fouffle un vent chaud ; que fans ces précautions les marmottes fe réveillent, & creufent plus avant*, mais qu'en ouvrant leurs retraites dans le temps des grands froids, on les trouve tellement alFoupies qu'on les emporte facilement. On peut dpnc dire, qu'à tous égards elles font comme les loirs , & que lî elles font engourdies plus long -temps, c'eft qu'elles habitent un climat .où i'hiver eft plus long. Ces animaux ne produi/ent qu'une fois l'an -, les portées ordinaires ne font que de trois ou quatre petits , leurac- croifTcment eft prompt , & la durée de leur vie n'eft que de neuf ou dix ans v aufli l'efpèce n'en eft ni nombreufe , ni I 6 Hi/iGire Naturelle bien répandue. Les Grecs ne îa con*' noiiroient pas , ou du moins ils n en ont Mt aucune mention. Chez les Latins-,- Pline eft ' ie premier qui rait" indiquée " fous le nom de mus Alplnùs y rat des Alpes; & en effet, quoiqu'il y ait dans les Alpes plufîeurs autres eipèces de^ rats 5 aucune nefl plus remarquable que' la marmotte o aucune n habité commé^ elle les fominets des plus hautes mon-' tagnes s les autres fe tiennent dans les^ vallons 5 ou bien fur la croupe des^ collines & des premières montagnes V mais il n^ en a point qui monte auflp haut que la marmotte *, d'ailleurs , elle ne^ defcend jamais des hauteurs , & paroîr être particulièrement attachée- 4 ïâ chame^ des Alpes , où elle femble choisir Ytx.-^ pofition .du midi & du levânt\dô> pré- férence à celle du nord ou du couchant.' Cependant il s'en trouve dans les Ape/i-i nins, dans les Pyrénées & daii^s les plus hautes montagnes de T AlIemagne..Lei'o^<7/t^ de Pologne ^f^r/'atiquei^Mi ^ni^QY^fd^ p : J Yc) Vide Auâuartum Hifi. Nat. rPolonix » aiith^i Kzaczynski , p- dans une pareille occafioji , &: dans;' 3> un befoin auffi preflant, qu'ils auroient :p dû manifefter leur fureur carnafîière , » il peu qu'ils eulTent été de cette na- ^ ture. Ils iront jamais tué d'animaux 3î pour les dévorer , & pour peu qu'ils » fuilent carnafîîers , ils n abandonne- » roient pas les pays couverts de neige , » où ils trouveroient des hommes & des » animaux à difcrétion , pour aller au !» loin cherdier des fruits & des racines , » nourriture que les bêtes carnaffières 5> refufent de manger »rM. du Pratz ajoute dans une note , que depuis qu'il a écrit eet article, il a appris avec certitude que dans les montagnes de Savoie û y a deux fortes d'ours, les uns noirs, comme ceux de la Louiiiane , qui ne font point car- nafîiers-, les autres rouges, qui font aufïï carnafîîers que les loups. Le baron dé ia Hontan dit ( tome I de fes voyages j page 86 J que les ours du Canada font de VOurs. 25 extrêmement noirs , & peu dangereux ; qu/ils n attaquent jainars les hommes , à moins qu'on ne tire deifus & qu'on ne les bleflTe. Et il dit aufli ( tome II ^ /?. 40 , que les ours rougeâtres font méchans > qu'ils viennent eifrontément attaquer les Chaleurs, au lieu que les noirs s'en- fuient. Wormius a écrit (f) qu*on connoît trois ours en Norvège : le premier (Breffdiur) très-graad, qui n'eft pas tout - à - fait noir , .mais brun , & qui n'eft pas fi nuilible que les autres , ne vivant que d'herbes & de feuilles d'arbres ^ le fécond (' Ildgïerfdiur ) plus petit , plus noir , carnafïier , & attaquant fouvent les chevaux & les autres animaux, fur -tout en automne \ le troiiième (Myrebiorn) qui eft le plus petit de tous , & qui ne laiffe pas d'être nuiiible \ il fe nourrit, dit -il, de fourmis , & fe plaît à renverfer les fourmiilières. On a remarqué ( ajoute - 1 -il fans preuve ) que ces trois efpèces fe mêlent, & produifent enfemble des ef- pèces intermédiaires-, que ceux qui font carnafliers attaquent les troupeaux, fou- (fj Vide Muf. Worm.pag. 318^ . 24 Uijloire Naturelle lent toutes les bêtes comme îe loup , & n'en dévotent qu une ou deux j que quoique carnaiïîers ils mangent des fruits fauvages, & que quand il 7 a une grande quantité de forbes, ils font plus à craindre que jamais , parce que ce fruit acerbe leur agace fi fort les dents , qu'il n'y a que le fang & la grailTe qui puifTe leur oter cet agacement qui les empêche de manger. Mais la plupart de ces faits rapportés par Wormius me paroiflënt fort équivoques , car il n'y a point d'exemple que des animaux dont les appétits font conftarnment différens , comme dans les deux premières efpèces, dont les uns ne mangent que de l'herbe & des feuilles , & les autres de la chair & du fang , fe mêlent enfemble & produifent une efpèce intermédiaire *, d'ailleurs ce font ici les ours noirs qui font carnafîiers , & les bruns qui font frugivores , ce qui eft ab- folumcnt contraire à la vérité. De plus , îe P. Rzaczynski Polonois (g)^ Se M. Klein de Dantzic ( h) , qui ont parlé des ours de leur pays , n'en admettent que (g) Anctuar. Hijî. Nat. pag, ja. ChJ De guadrup. pag, 82. deux de rOurs, ij deux efpèces , les noirs & les bruns ou roux, & parmi ces derniers, des grands èc des petits •, ils difent que ces ours noirs font les plus rares *, que les bruns font au contraire fort communs \ que ce font ieà ours noirs qui font les plus grands & qui mangent les fourmis , & enfin que les grands ours bruns ou roux font les plus nuifibles & les plus carnaiïiers. Ces té- moignages, au(îî-bien que ceux de M. du Pratz & du baron de la Hontan , font , comme Ton voit , tout-à-fait oppofés a celui de Wormius que je viens de citer. En eftet , il paroît certain que les ours rouges 5 roux ou bruns , qui fe trouvent non-feulement en Savoie , mais dans les hautes montagnes , dans les vaftes forêts , & dans prefque tous les déferts de la terre, dévorent les animaux vivans, & mangent même les voiries les plus infed;ées. Les ours noirs n'habitent guère que les pays froids, mais on trouve des ours bruns ou roux dans les climats froids & tempérés , & même dans les régions du midi. Ils étoient communs chez les Grecs *, les Romains en faifoîent venir de Libye (i) (i) Herodot. Solin. Crinit. €f alii. Qiiod freno Libyci domantur urji , dit Martial. Tome III. Quadrupèdes, B i6 HiJIolre Naturelle pour fervir à leurs fpe^tacles *, il s'en trouve à la Chine (kj-, au Japon (0^ en Arabie , en Egypte , Se jufque dans rîle de Java fmj. Ariftote (^n) parle auflî des ours blancs terreilres , & regarde cetre diftérence de couleur comme acci- dentelle , & provenant , dit-il , d'un dé- faut dans la génération. Il y a donc des ours dans tous les pays déferts, efcarpés , ou couverts , mais on n'en trouve point dans les royaumes bien peuples , ni dans les terres découvertes & cultivées -, il n'y en a point en France , non plus qu'en Angleterre , (i ce n'eft peut-être quelques- uns dans les montagnes les moins fré- quentées. L'ours efl: non -feulement fauvage , mais folitaire *, il fuit par inftind: toute fociété 5 il s'éloigne des lieux où les hommes ont accès , il ne fe trouve à fkj Hîftoire générale des voyages , par M. l'abbé Prévôt, tome III , pa^re 4,92. Kiftoire Naturelle du Japon , par Koempfer , tome I, page log, ( l) Strabo , lih. X VI. Profp. Aipin. pag« a_^j. (m) Voyage autour du monde de le Gentil. Paris , ty^S , tome III , page 8^. ( n) Ariftot. de admir. cap. CXZ. Idcm de ^en% animal, lib. V, cap. ri. de VOurs. 27 fon aife que dans îes endroits qui appar- tiennent encore à la vieille Nature -, une caverne antique dans des rochers inaccef- iîbles , une grotte formée par le temps dans le tronc d'un vieux arbre, au milieu d'une épaiffe forêt , lui fervent de do- micile •, il s'y retire feul , y P^fïe une partie de l'hiver fans provifîons , fans en fortir pendant pluiieurs femaines. Cependant il n'efl: point engourdi ni privé de fentiment $ comme le loir ou la marmotte \ mais comme il eil naturel- lement gras, & qu'il i'eft exceiïîvement fur la fin de l'automne, temps auquel if fe recèle, cette abondance de graille lui fait fupporter i'abftinence , & il ne fore de fa bauge que lorfqu'il fe fent aftamé. On prétend que c'eft au bout d'environ quarante jours (oj que les mâles fortenc de leurs retraites , mais que les femelles y relient quatre mois , parce qu'elles y font leurs petits. J'ai peine à croire qu'elles puilTent non-feulement fubfifter , mais encore nourrir leurs petits , fans prendre elles-mêmes aucune nourriture pendant un auflî long efpace de temps. {^oj AxiHoU Hijî. animal, lik, yUI^cap.jcvil^..* Bij ^ 18 Hijloire Naturelle "On convient qu'elles font éxcefîîvement grades lorfquVIIes font pleines , que d'ailleurs étant vêtues d'un poil très- épais , dormant la plus grande partie du temps , & ne fé donna î:t aucu'n mouve- ment, elles doivent perdre très -peu pair la tranfpiratioh -, mais s'il eft vrai que les ïnâles fortent au bout de quarante jours^ preiTés par le befoin de prendre de là nourriture , il n'efl: pas naturel d'imaginer que les femelles ne foient pas encore plus prelTées du même befoin après qu'elles ont mis bas, &lorfqu'allaitant leurs petits, elles fe trouvent doublement épuifées *, k moins que l'on ne veuille fuppofer qu'elles en dévorent quelques-uns avec les enveloppes & tout le refte du produit fuperflu de leur accouchement , ce qui tie me paroît pas vraifemblable , malgré i^xèmple des chattes , qui mangent quel- quefois leurs petits. Au refte , nous né parlons ïci que de l'efpcce des ours bruns, dont les mâles dévorent en eftet les ôur- fons nouveaux nés , lorfqu'ils les trou- vent dans leurs nids, mais les femelles au contraire femblent les aimer jufqu'à la fureur : elles font , loïi^u'eïïes ont . ùifs de F Ours. 29 bas 5 plus féroces , plus dangereufes qug îes mâles -, elles combattent & s'expofenc à tout pour fauver j^uts petits , qui ne font point informes en naiffant , comme l'ont dit les Anciens 3 & qui lorfqu'iis font nés , croiffent à peu près auflî vite que les autres animaux ; ils font parfaite- ment formés fpj dans le fein de leur mère , & (î les fœtus ou les jeunes ourfons onc paru informes au premier coup-d'œil-, c'efl: que Tours adulte Tell: lui-même par la maffe , la grofTeur & la difproportion du corps & des membres -, & Ton fait que dans toutes les efpèces , le fœtus ou le petit nouveau -né eft plus difproporr tionné que l'animal adulte. Les ours fe recherchent en automne ; k femelle cft , dit-on , plus ardente que le mâle : on prétend qu'elle fe couche fur le dos pour le recevoir , qu'elle l'em- brafTe étroitement , qu'elle le retient lon'g- temps , &c. mais il eft plus certain qu'ils s'accouplent à la manière des quadru- (^pj In Mufio Illujl. Scnatùs Bononienfis urfulum à eœfomatris utero extracium , 0 omnibus fuis partibus fvrmamm, in vafe vitreo adhuc Jirvamus. Aldrov. de i[uadrup. digit. pag. 120. Biij 3® Hijloire Naturelle gèdes. L'on a vu des ours captifs s*ac- coupler , & produire -, feulement on n'a pas obfervé combiep dure le temps de la geftation. Ariftote ( q) dit qu'il n'efl: que de trente jours *, comme perfonne n'a contredit ce fait , & que nous n'avons pu le vérifier , nous ne pouvons aufïï ni ie nier , ni rafTurer , nous remarque- rons feulement qu'il nousparoît douteux : i**. parce que l'ours eft un gros animal , & que plus les animaux font gros, plus il' faut de temps pour les former dans îe fein de la mère : 2.° parce que les jeunes ours croident aflez lentement ^ ils fuivent feur mère , & ont befoin de fes fecours pendant un an ou deux : 3°. parce que l'ours ne produit qu'en petit nombre , un, deux, trois , quatre, & jamais plus de cinq -, propriété commune avec tous les gros animaux , qui ne produifent pas beaucoup de petits , & qui les portent long -temps : 4.° parce que l'ours vit vingt ou vingt-cinq ans, & que le temps de la geftation & celui de l'accroifTement font ordinairement proportionnés à la durée de la viç, A ne raifonner que fur (qj Ariftote; Hift. animal, lib. VI, cap. XXJi. de VOurs. 3 r ces anaîogies , qui me paroifiTent afTez fondées , je croirois donc que le temps de la geftation dans Tours eft au moins de quelques mois-, quoi qu'il en fort, il paroît que la mère a le plus grand foin de Tes petits : elle leur prépare un lit de moufTe & d'herbes dans le fond de fa caverne , & les allaite jufqu à ce qu'ils puifïent fortir avec elle : elle met bas en hiver, & Tes petits commencent à la fuivre au printemps. Le mâle 6i la femelle n'ha*- bitent point enfemble , ils ont chacun îeur retraite féparée, & même fort éloi- gnée : lorfqu'ils ne peuvent trouver une grotte pour fe gîter , ils caffent & ramafiTent du bois pour fe faire une loge qu'ils re- couvrent d'herbes ou de feuilles, au point de la rendre impénétral:)le à l'eau. La voix de l'ours efl: un grondement , un gros murmure , fouvent mêlé d'un frémiiTement de dents qu'il fait fur- tout entendre lorfqu'on l'irrite *, il efl: très - fuf- ceptible de colère, & fa colère tient tou- jours de la fureur, & fouvent du caprice : quoiqu'il paroifTe doux pour fon maître , & même obéilTantlorfqu'ileft apprivoifé, il faut toujours s'en défier, & le traiter B iiij 3 2 Hijtoire Naturelle avec circonfpedion , fur - tout ne le pas frapper au bout du nez ni le toucher aux parties de îa génération. On lui apprend à fe tenir debout , à gefticuler , à danfer *, il femble même écouter le Ton des inftru- mens , 8c fuivre grofîîèremenr la mefure ; mais pour lui donner cette efpèce d'éduca- tion, il faut le prendre jeune, & le cou:- traindre pendant toute fa vie -, Tours qui a de Tâge ne s'apprivoife ni ne fe con- traint plus , il eft naturellement intrépide, ou tout au moins indiftérent au danger. L'ours fauvage ne fe détourne pas de foa chemin , ne fuit pas à Tafpedt de Thomme j cependant on prétend que par un coup de iifflet (^rj on le furprend , on Tétonne au point qu'il s'arrête & le lève fur les pieds de derrière. Ceft le temps qu'il faut prendre pour le tirer , 8c tâcher de le tuer -, car s'il n'eft que blefTé , il vient de furie fe jeter furie tireur , & Tembraflanc des .pattes de devant, il l'étouiferoit (fj s'il n'étoit fecouru. On chalTe & on prend les ours de fij Voyages de Regnard , tome I, pages ^y & 5^, (f) Id. ibid. Hiftoire de la Louifiane, ^ai M. le Page du Pratz, tomt II, page 8t. de VOurs. 3 5 ^Kifieurs façons , en Suède, en Nqrvège \ en Pologne, &:c. La manfère, dit -on, !|a moins dangereufe de les prendre (tJ.QÙ. de ies enivrer en jetant de l'eau -de -vie, fjir ie miel qu ils aiment beaucoup y Ec qu'ils cherchent dans les troncs d*arï)res, ^ la Louiiiane & en Canada , où les ours noirs font très -communs, & où ils ne nichent pas dans les cavernes^, mais dans de vieux arbres morts fur pied , & donc ïe cœur eft pourri , on les prend er^ mettant ie feu dans leurs maifons (u) : comme ils montent très - aifément fur les arbres , ils s'établifTent raremept à rez de terjre , & quelquefois ils font. nichés ^ trente & quarante pieds de hauteur. Si c'eû une mère avec fes petits, elle dQi- cend la première , on la tue avant qu'elle foit à terre-, les petits defcendent enfuite^ on les prend en leur palTant une corde au cou , & on les emmène pour les élever ou pour les manger , car la chair de ftj Voyages de Regnaird , tome I, page ^^. fuj Mémoires fur la Louifîane , par M. DuRiOnt, Paris , ^753 , page 75 & fuivanus. Hiftoiie de la LouiCane , par M. le Fage du Fratz , tomt IT^ fage Sj. Bv 34 Hijloire Naturelle Tourfen eft délicate & bonne *, celle de Fours eft mangeable ', mais comm'e elle efl: mêlée d'une graillé huileufe , il n'y a guère que les pieds , dont la fubftance eft plus ferme , qu'on puiffe regarder comme une viande délicate. La chalTe de Tours, fans être fort dan- gereufe , eft très -utile lorfqu'on la fait avec quelque fuccès 5 la peau eft de toutes les fourrures groflières celle qui a le plus, de prix , & la quantité d'huile que l'on tire d'un feul ours eft fort confîdérable. On met d'abord la chair & la graifte cuire enfemble dans une chaudière, la graiffe fe fépare j on la purifie en y jetant, lorfqu'elle eft » fondue & très- chaude, du Tel en bonne n-i quantité & de l'eau psr afperfion : il vi fe fait une détonation , & il s'en élève » une fumée épailTe qui emporte avec 3:> elle la mauvaife odeur de la graille : la 3^ fumée étant paftee , & la graille étant 33 encore plus que tiède, pn la verfe dans 3> un pot ou on la îatlTe'repofer huit ou 3^ dix jours •, au bout de ce temps on voit ?:k nager deiTus une huile claiîe , qu oa (aj Tome IJLj pages 8$ & ^90, de F Ours. 55 enî^ve avec une cuiller -, cette huile eft ce auflî bonne que la meilleure huile d'olive, ce & fert aux mêmes ufages. Au - deilous œ on trouve un faindoux au(îi blanc , «c mais un peu plus mou que le faindoux ce de porc -, il fert au befoin de la cuihne & ce il ne lui refte aucun goût défagréable, ce ni aucune mauvaiie odeur. » M. Damonc^ dans Tes Mémoires Jàr la Louifiane , s'ac- corde avec M. du Prarz, & il dit de plus, que d'un feul ours on tire quel- quefois plus de cent vingt pots de cette huile ou graiffe *, que les fauvages en traitent beaucoup avec les François , quelle eft très -belle, très -faine & très- bonne ; qu'elle ne fe fige guère que par un grand froid, que quand cela arrive , elle eft toute en grumeaux, & d'une blancheur à éblouir -, qu'on la mange alors fur le pain en guife de beurre. Nos Epiciers - Droguiftes ne tiennent point d'huile d'ours , mais ils font venir de Savoie, de SuilTe ou de Canada de la graifTe ou axonge qui n'eft pas purifiée. L'Auteur du Dictionnaire du Commerce dit même que pour que la grarlfe d'ours- foit bonne > xi faut qu'elle loit grisâtre y J3 v| 3(3 Hijîoire Naturelle gluante , & de mauvaife odeur , & que celle qui eft trop blanche eft fophiftiquée & mêlée de fuif. On fe fert de cette grailTe comme de topique pour les hernies, les rhumatifmes , &c. & beaucoup de gens alTurent en avoir refTenti de bons eftets. La quantité de graiflfe dont Tours eft chargé le rend très -léger à la nage, auffi traverfe-t-ii fans fatigue des fleuves & des lacs. « Les ours de la Louiliane, à\t 35 M. Dumont (y)^ qui font d\in très- 3> beau noir , traverfent le fleuve malgré 30 fa grande largeur -, ils font très -friande » du fruit des plaqueminiers ; ils montent » fur ces arbres , fe mettent à califourchon » lur une branche, s'y tiennent avec une y> de leurs pattes, & fe fervent de l'autre , 35 pour plier les autres branches & appro- » cher d'yeux les plaquemines •, ils fortent » aulîî très - fouvent des bois pour venir » dans les habitations manger les patates & le maliis ». En automne , lorfqu ils fe font bien engraifles , ils n'ont prefque pas la force de marcher (^)y ou du moins ils fy) Mémoires fur la touifiane , jpage y S', (') Voyage du Baron delà Kontan^pa^^^é". de F Ours. 37 ne peuvent courir (^aj auiïî vite qu un homme. lis ont quelquefois de dix doigts d'épaiireur ( bjde graifTeaux côtes & aux cuiiTes j le delTous de leurs pieds eft gros Se enflé *, lorfqu'on le coupe , il en fort un fuc blanc & laiteux : cette partie paroît compofée de petites glandes qui font comme des mamelons , & c'ell ce qui fait que pendant Thivier , dans leurs retraites, ils fucent continuellement leurs pattes. L'ours a les fens de la vue , de Touïe & du toucher très -bons, quoiqu'il ait l'œil très -petit, relatrvement au volume de fon corps, les oreilles courtes, la peau épaiiïe & le poil fort touftu : il a Todorat excellent , & peut - être plus exquis qu'au- cun autre animal , car la furface inté- rieure de cet organe fe trouve extrême- ment étendue : on y compte fc) quatre CaJ Hiftoire de la Louifiane, par M. du Piatz^ page 8^. (h) Extrait d'un Ouvrage Danois, cité par M.» ArnaultdcNoblcville & Salerne. Hijhire Namrelle des animaux. Paris, 1757 , tome VI, page ^74. Ce) Etienne Lorentiiius , Éphan,d'AlUm. Décur. I^ Ann. JX & X , pag. ^03, cité par M." Arnault de Nobleville & Salerne. Hijîoire Naturelle dis ani- maux , tome VI f page ^(i6. 3 8 Hijïolre Naturelle , &c. rangs de pîans de laines offeufes, féparés îes uns des autres par trois plans perpen- diculaires, ce qui multiplie prodrgieufe- ment les furfaces propres à recevoir les impreflions des odeurs. Il a les jambes & les bras charnus comme Thomme , Tos du talon court & formant une partie de la plante du pied, cinq orteils op- pofés au talon dans les pieds de derrière , les os du carpe égaux dans les pieds de devant -, mais le pouce n'eft pas féparé , &: le plus gros doigt eft en dehors de cette efpèce de main, au lieu que dans celle de Thomme il eft en dedans -, fès doigts font gros , courts & ferrés l'un contre l'autre , aux mains comme aux pieds -, les ongles font noirs & d'une îubftance homogène fort dure. Il frappe swcc fes poings , comme Thomme avec les iîens -, mais ces reflerablances grof- fières avec l'homme, ne le rendent que plus diâorme , & ne lui donnent aucune jfupéiiorité fur îes autres animaux» ff/rvUT Il:^.jj.2>& 3 Jù-. X OURS btlxj:n^ des j^xpes TTrL.HT. Ti.2^n°.».j>.3d. LoxJiLs :bx^nc tebjelustbje 39 LE CASTOR (a). AUTANT Thomme s'eft élevé au- delfus de l'état de nature , autant les animaux fe font abaifTés au-delTous \ fournis & réduits en fervitude , ou traités comme rebelles &: difperfés parla forcé, leurs focîétés fe font évanouies, leur in- duftrie eft devenue ftérile , leurs foibles arts ont difparu , chaque cfpèce a perdu fes qualités générales, & tous n'ont con- ferve que leurs propriétés individuelles , perfectionnée dans les uns par l'exemple , rimitation, Téducation, & dans les autres fbj Le Caftor ou le Bièvrc ; en Gttc , KtfVœf j en Italien, Bivaro ^Bevero ; en Efpagnol , Bevaro ; en Allemand, Biber j tn Anglois , Beaver; en Suédois^ Baefwer ; en Polonois , Bobr. Cqftor., Gefner, Hijî. quadrup. pag. ^o^. Icon. animal, qnadrup. pag. 8Jj.. Cajîor Jîve fiber, Ray. Synopf. animal, quadrup^ pag. 205. Cajîor caudâ ovatâplanSr , fiber. LinnJEUs^ Cajîor, fiber. Klein, de quadrup. pag. ^i. Cajîor cajîanei coloris , caiidâ horifontaliter planât Çfljîorjiyefibtr, BtilTon, Regn^. animal. pag, j^^^. 4€r Hifioire Naturelle parïa crainte &rpar la néceflîté ou ils fotit de veiller continuellement à îeur fureté. Quelles vues , quels defTelns > quels projets peuvent avoir des efclaves fans ame , ou des relégués fans puifTance ? ramper ou fuir, & toujours exîfter d'une manière folitaire , ne rien édifier , ne rien produire, ne rien tranfmettre, & toujours languir dans la calamité , déchoir , fe perpétuer fans fe multiplier , perdre eri un mot par la durée autant & plus qu'ils n'avoient acquis par le temps. Audi ne refte - 1 - il quelques veftiges de îeur merveilleufe induftrie, que dans ces contrées éloignées & déferres j ignorées de Thomme pendant une longue fuite de (îècles , où chaque efpècé pou voit manifefter en liberté {^^ talens naturels & les perfeâ:ionner dans le repos en fe réur niffant en fociété durable. Les caftors. font peut- être le feul exemple qui fubfifte comme un ancien monument de cette efpèce d'intelligence des brutes , qui , quoique infiniment inférieure par fon principe à celle de l'homme , fuppofe cependant des projets communs & d^s vues relatives j projets qui ayant pouç du Cajlor. 41 bafe la [ociéié , &: pour objet une digue à conftruire , une bourgade à élever , une efpèce de république à fonder , fup- pofent aulîi une manière quelconque de s'entendre & d'agir de concert. Les caftors , dira -t- on , font parmi les quadrupèdes ce que les abeilles font parmi les infedes. Quelle différence î II y a dans la Nature, telle qu'elle nous eft parvenue , trois efpèces de fociétés qu'on doit confidérer avant de les comparer ; la fociété libre de l'homme, de laquelle après Dieu il tient toute fa puififance y la fociété gênée des animaux, toujours fugitive devant celle de l'homme*, & enfin la fociété forcée de quelques petites bêtes , qui naiifant toutes en même temps dans ie même lieu, font contraintes d'y de* meurer enfemble. Un individu pris folr- tairement & au fortir des mains de la Nature , n'eft qu'un être ftérile , dont l'induftrie fe borne au fimple ufage des fens *, l'homme lui-même dans l'état de pure nature dénué de lumières & de tous les fecours de la fociété , ne produit rien , n'édifie rien. Toute fociété , au contraire, devient nécefïàirement féconde > 42 HiJIoire Naturelle quelque fortuite , quelqu aveugle qu'elle puiflè être, pourvu qu elle foît compofée d'êtres de même nature : par la feule né- ceffité de fe chercher ou de s'éviter , il s'y formera -des mouvemens communs > dont le réfuitat fera fouvent un ouvrage qui aura l'air d'avoir été conçu , conduit éc exécuté avec intelligence. Ainfi l'ou- vrage des abeilles qui , dans un lieu donné , tel qu'une ruche ou le creux d'un vieux arbre , bâtiflent chacune leur cellule -, l'ouvrage des mouches de Cayenncqui non - feulement font aulîi îeurs cellules , mais conftruifent même la ruche qui doit les contenir , font des travaux purement mécaniques qui ne fuppofent aucune intelligence , aucun projet concerté , aucune vue générale 5 des travaux qui n'étant que le produit d'une nécefîîté phyiique , un réfultat de mouvemens communs fbj , s'exercent toujours de la même façon , dans tous les temps & dans tous les lieux , par une multitude qui ne s'eft point affemblée (h) Voyez les preuves que j'en ai données , volume IV à^ Qtt Ouvrage, dans le Difcours fui U nature des animaux. du Cajlor, 43 par choix , mais qui fe trouve réunie par force de nature. Ce n'eft donc pas la fociéré , c'efl: le nombre feul qui opère ici *, c'eft: une puifTance aveugle , qu'on ne peut comparer à la lumière qui dirige toute fociété : je ne parle point de cette lumière pure , de ce rayon divin , qui n'a été départi qu'à l'homme feul -, les caftors en font affu- rément privés , comme tous les autres animaux : mais leur fociété n'étant point une réunion forcée , fe faifant au con- traire par une efpèce de choix, & fup- pofant au moins un concours général & des vues communes dans ceux qui ïa compofent , fuppofe au moins audi une lueur d'intelligence qui , quoique très -iliftérente de celle de l'homme par le principe , produit cependant des effets allez femblables pour qu'on puilTe les comparer , non pas dans la fociété plé- nière & puifTante , telle qu'elle exifte parmi les peuples anciennement policés , mais dans la fociété nailTante , chez des hommes fauvages , laquelle feule peut ,. avec équité , ecre comparée à celle des animaux. 44 Uijloire Naturelle Voyons donc îe produit de Tune & Taurre de cç^s fociécés ; voyons jufqu'ou; s'étend Tart du caftor , & oii fe borne celui du fauvage. Rompre une branche pour s'en faire un bâton , fe bâtir une hutte 5 la couvrir de feuillages pour fe mettre à Tabri , amafler de la mouITe ou du foin pour fe faire un lit , font des adtes communs à Tanimal & au fau- vage \ les ours font des huttes , les finges ont des bâtons , plufieurs autres animaux fe pratiquent un domicile propre , com- mode , impénétrable à Teau. Frotter une pierre pour la rendre tranchante & s'en faire une hache , s'en fervir pour couper, pour écorcer du bois, pour aiguifer des flèches 5 pour creufer un vafe , écorcher un animal, pour fe revêtir de fa peau , en prendre les nerfs pour faire une corde d'arc 5 attacher ces mêmes nerfs à une épine dure , & fe fervir de tous deux comme de fil & d'aiguille , font d^s adtes purement individuels que l'homme en folitude peut tous exécuter fans être aidé des autres, des adtes qui dépendent de fa feule conformation , puiiqu'ils ne fuppofent que l'ufage de la main , mais du Caflon 4j conper & tranfporter un gros arbre > éle^ ver un carbet , conftruire une pyrogue , font au contraire des opérations qui fup- pofent nécefTairement un travail commun Se des vues concertées. Ces ouvrages font auffi les feuls réfultats de la fociété naif- lante chez des nations fauvages , comme îes ouvrages des caftors font les fruits de îa fociété perfedtionnée parmi ces ani- maux : car H faut obferver qu'ils ne fongent point à bâtir , à moins qu'ils n'habitent un pays libre , & qu'ils n'y foient parfaitement tranquilles. Il y a des caftors en Languedoc , dans les îles du Rhône, il y en a en plus grand nombre dans les provinces du nord de l'Europe *, mais comme toutes ces contrées font habitées , ou du moins fort fréquentées par les hommes , les caftors y font , comme tous les autres animaux , dil^ perfés , folitaires , fugitifs , ou cachés dans un terrier -, on ne les a jamais vus {c réunir , fe raftembler , ni rien entre- prendre , ni rien conftruire *, au lieu que dans ces terres déferres , où l'homme en fociété n'a pénétré que bien tard , 8c où Ton ne voyoit auparavant que quelques 46 HiJIoire Naturelle veftfges de Thomme fauvage , on a par- tout trouvé des caftors réunis , formant des fociétés , & Ton n'a pu s'empêcher d'admirer leurs ouvrages. Nous tâcherons de ne citer que des témoins judicieux , irréprochables , & nous ne donnerons pour certains que les faits fur lefquels ils s'accordent : moins portés peut-être que quelques-uns d'entre eux à l'admiration , nous nous permettrons le doute 8c même ia critique , fur tout ce qui nous paroîtra trop difficile à croire. Tous conviennent que le caftor, loin d'avoir une fupériorité marquée fur les autres animaux , paroît au contraire être au-deffous de quelques-uns d'entre eux pour les qualités purement individuelles-, Se nous fommes en état de confirmer ce fait, ayant encore adtuellement un jeune caftor vivant , qui nous a été envoyé do Canada (cj j & que nous gardons depuis près d'un an. C'eft un animal alfez doux , alfez tranquille , allez familier , un peu trift:c5 même un peu plaintif, fanspafîîons f^J Ce Caftor qui a été pris jeune , m'a été en- voyé au commencement de l'année 1758 , par M, de Montbelliard, Capitaine dans Royal -Artillaie. du CaJIor. j^y violentes, fans appétits véhémens, ne fe donnant que peu de mouvement , ne faiiant d'effort pour quoi que ce Toit, cependant occupé férieufement du defir de fa liberté , rongeant de temps en temps les portes de ia priion , mais fans fureur , fans précipitation , & dans la feule vue d'y faire une ouverture pour en fortir -, au refte affez indifférent, ne s' attachant pas volontiers (d):, ne cher- chant point à nuire , & alfez peu à plaire. Il paroît inférieur au chien , par les qua- lités relatives qui pourroient l'approcher de l'homme *, il ne femble fait ni pour fervir , ni pour commander, ni même pour commercer avec une autre efpèce que la fienne : fon fens , renfermé dans lui-même , ne fe manifefte en entier qu'avec fes femblables ^ feul , il a peu d'induftrie perfonnelle , encore moins de rufes , pas même allez de défiance pour éviter dts pièges grolîîers : loin d'atta- quer les autres animaux , il ne fait pas fdj M. Kleîn a cependant écrit qu'il en avoit pourri un pendant plufieurs années , qui le fuivoit & l'alloit chercha comme les chiens vonç cherche* IsiVits maîtres. 48 HiJIoire Naturelle même fe bien défendre *, il préfère la fuite au combat , quoiqu'il morde cruel- lement & avec acharnement iorfqu'il fe trouve faiii par la main du chafTeur. Si Ton confidère donc cet animal dans Tétat de nature , ou plutôt dans Ton état de folitude & de difperiîon , il ne pa- roîtra pas , pour les qualités intérieures, au-deflus des autres animaux -, il n'a pas plus d'efprit que le chien , de fens q^ie î'éléphant , de finefle que le renard , &c. Il eft plutôt remarquable par les fingu- iarités de conformation extérieure , que par la fupériorité apparente de fes qua- lités intérieures. Il eft le feul parmi les quadrupèdes qui ait la queue plate , ovale Se couverte d'écaillés, de laquelle fi fe ferr comme d'un gouvernail pour fe diriger dans l'eau -, le feul qui ait des nageoires aux pieds de derrière , Se en même temps les doigts féparés dans ceux du devant , qu'il emploie comme des mains pour porter à fa bouche , le feul qui relTemblant aux animaux terreftres par les parties antérieures de Ton corps , paroilTe en même temps tenir des animaux aquatiques par les parties poftérieures : il du CajLor, ^9 H fait la nuance des quadrupèdes aux poilTons 5 comme la chauve - louris fait celle des quadrupèdes aux oifeaux. Mais" CQS iingularités feroient plutôt des défauts que dQS perfections , ii l'animal ne favoit tirer de cette conformation , qui nous paroît bizarre , des avantages uniques , & qui le rendent fupérieur a tous les autres. Les caftors commencent par s'aOTem- bler au mois de juin ou de juillet pour fe réunir en fociété , ils arrivent en nombre & de pluiieurs côtés, & forment bientôt une troupe de deux ou trois cents : le lieu du rendez - vous eft ordi- nairement le lieu de récabliiTement , & c'eft toujours au bord des eaux. Si ce font des eaux plates , & qui fe fou- tiennent à la même hauteur comme dans un lac , ils fe difpenfent d y conflruire une digue j mais dans les eaux courantes. Se qui font fujettes à haufler ou bailTer , ■comme fur les ruilfeaux, les rivières, ils établilTent une chaulïée , & par cette retenue ils forment une efpèce d'étang ou de pièce d'eau , qui fe foutient tou- jours à la même hauteur : la chauiTée Tome ///» Quadrupèdes. C fO Hijloire Naturelle traveiTe la rivière comme une éciufe, & va d\in bord à l'autre *, elle a fouvent quatre - vingts ou cent pieds de longueur fur àh. ou douze pieds d'épailTeur à fa bafe. Cette conftrud;ion paroît énorme pour des animaux de cette taille , & fuppofe en effet un travail immenfe (e) ; mais la folidité avec laquelle Touvrage efl: conftruit , étonne encore plus que fa grandeur. L'endroit de la rivière où ils établilTent CQttc digue eft ordinaire- ment peu profond , s'il fe trouve fur le bord un gros arbre qui puilfe tomber dans Teau, ils commencent par l'abattre pour en faire la pièce principale de leur conftru6tion : cet arbre eft fouvent plus gros que le corps d'un homme •, ils le fcient , ils le rongent au pied , & fans autre inftrument que leurs quatre dents incifives, ils le coupent en alTez peu de temps , & le font tomber du coté qu'il leur plaît, c'efb-à-dire en travers fur la rivière s enfuite ils coupent les branches fej Les plus grands caftors pèfent cinquante oii foixante livres , & n'ont guère que trois pieds de longueur depuis le bout du mufeau /ufqu'à l'origine de la queue. du Cajîor, j i de ia cime de cet arbre tombé , pour le mettre de niveau Se le faire porter par- tout également. Ces opérations fe font en commun -, plufieurs caftors rongent enfembie le pied de Tarbre pourTabattre, plufîeurs auîïî vont enfembie pour en couper les branches lorfqu'il eft abattu 5 d'autres parcourent en même temps les bords de la rivière , êc coupent de moindres arbres , les uns gros comme la jambe , les autres comme ia cuiiTe *, ils les dépècent & les fcient à une cer- taine hauteur pour en faire des pieux -, ils amènent ces pièces de bois, d'abord par terre jufqu'au bord de îa rivière , & enfuite par eau jufqu'au lieu de leur conftru6tion j ils en font une efpèce de pilotis ferré, qu'ils enfoncent encore en entrelaçant des branches entre les pieux. Cette opération fuppofe bien des diffi- cultés vaincues *, car , pour dreOTer ces pieux & les mettre dans une (ituation à peu près perpendiculaire, il faut qu'avec les dents ils élèvent le gros bout contre le bord de la rivière , ou contre Tarbre qui la traverfe, que d'autres plongent en même temps jufques au fond de l'eau Ci) f 1 Hijloire Naturelle pour y creufer avec les pieds de devant Lin trou 5 dans lequel ils font entrer la pointe du pieux , afin qu'il puilTe fe tenir debout. A niefure que les uns plantent ainfi leurs pieux, les autres vont cher- cher de la terre qu'ils gâchent avec leurs pieds & battent avec leur queue , ils la portent dans leur geule & avec les pieds de devant , & ils en tranfportent une li grande quantité , qu ils en remplilTenp \ tous les intervalles de leur pilotis. Ce pilotis efi: compofé de plufieurs rangs de pieux , tous égaux en hauteur , & tous plantés les uns contre les autres •, il - s'étend d'un bord à l'autre de la rivière , il eft rempli &: maçonné par -tout : les pieux font plantés venicalement du coté de la chute de l'eau , tout l'ouvrage eft au contraire en ralut du cote qui en foutient la charge, en forte que la chaujGTée qui a dix ou douze pieds de largeur à la bafe, fe réduit à deux ou trois pieds d'épaif- feur au fommet *, elle a donc non -feu- lement toute l'étendue, toute la folidité nécelTaire , mais encore la forme la plus convenable pour retenir l'eau , J'empê- cher de palier, en foutenir le poids > du CûJioK 5 3 &: en rompre les eftorts. Au haut de la chaufTée , c'eft-à-dire , dans la partie où elle a le moins d'épaifTeur , ils pratiquent deux ou trois ouvertures en pente , qui font autant de décharges de fuperficie qu'ils élargifTent ou retréciffent félon que la rivière vient à hauffer ou bailler *, & lorfque par des inondations trop grandes ou trop Hibites il fe fait quelques brèches à leur digue , ils favent les réparer , 8c travaillent de nouveau dès que les eaux font bailTées. Il feroit fuperflu , après cette expo- fition de leurs travaux pour un ouvrage public 5 de donner encore le détail de leurs conftru étions particulières , fi dans une hiftoire l'on ne devoir pas compte de tous les faits. Se Ci ce premier grand ouvrage n étoit pas fait dans la vue de rendre plus commodes leurs petites habi- tations : ce font des cabanes ou plutôt des efpèces de maifonnettes bâties dans Yem fur un pilotis plein tout près du bord de leur étang avec deux iffués , Tune pour aller à terre , l'autre pour fe jeter à l'eau. La forme de cet édifice eiï prefque toujours ovale ou ronde *, il y C irj j4 Hijloire Naturelle en a de plus grands & de plus petits \ depuis quatre ou cinq jufqu'à huit ou àh. pieds de diamètre , il s'en trouve aufîî quelquefois qui font à deux on trois étages s les murailles ont jurqu'à deux pieds d'épaifTeur , elles font élevées à -plomb fur le pilotis plein , qui fert ea même temps de fondement & de pLin- cher à la maifon. Lorfqu'elle n'a qu'un éi2gQ 5 les murailles ne s'élèvent droites qu'à quelques pieds de hauteur , au* deiTus de laquelle elles prennent la cour- bure d'une voûte en anfe de panier , cette voûte termine l'édifice & lui fert de couvert -, il eft maçonné avec folidicé & enduit avec propreté en dehors & en dedans -, il eft impénétrable à l'eau des pluies, & réfifte aux vents les plus impétueux *, les parois en font revêtues d'une efpèce de fluc fi bien gâché & fî proprement appliqué , qu'il femble que \ la main de l'homme y ait palTé , auflî ; la queue leur fert - elle de truelle pour ' appliquer ce mortier qu'ils gâchent avec leurs pieds. Ils mettent en œuvre diffé- rentes efpèces de matériaux , des bois , des pierres & des terres fabionneufes du Cajîor, j j qui ne font point fujettes à fe délayer par Teau *, les bois qu ils emploient font preiqiie tous légers &: tendres ^ ce fonc des aunes , des peupliers , des faules , qui naturellement croiiTent au bord des eaux & qui font plus faciles à écorcer , à couper , à voiturer , que des arbres, dont le bois feroit plus pefant & plus dur. Lorfqu ils attaquent un arbre , ils ne l'abandonnent pas qu'il ne foit abattu, dépecé 5 tranfporté *, ils le coupent tou- jours à un pied ou un pied & demi de hauteur de terre i ils travaillent afîîs , & outre l'avantage de cette fituation com- mode, ils ont le plaifir de ronger conti- nuellement de récorce & du bois donc le goût leur ell: fort agréable, car ils pré- fèrent récorce fraîche & le bois tendre à la plupart des alimens ordinaires *, ils en font ample provi(ion pour fe nourrir pendant l'hiver (f) ; ils n'aiment pas le bois ^Qc. C'eft dans l'eau & près de leurs (fj La provifioft pour huit ou dix caftors eft de vingt - cinq ou trente pieds en quarté , fur huit ott dix pieds de profondeur j ils n'en apportent dans leurs cabanes que quand ils font coupés menus , & tout prêts à manger ; ils aiment mieux le bois frais que \c bois flotté , & vont de temps en temps pendant l'hiver G iirj 5 6 Hijîoire Naturelle habitations qu'ils établifTent îeiir magafîn j - chaque cabane a le fien proportionné au I nombre de fes habitans, qui tous y ont un droit commun , & ne vont jamais piller leurs voifins. On a vu des bour- gades compofées de vingt ou de vingt- cinq cabanes -, ces grands établiircmens font rares , & cette efpèee de république eft ordinairement moins nombrcufe 5 elle n'eft le plus fouvent compofée que de dix ou douze tribus , dont chacune a i fon quartier , Ton magaiin , Ton habi- tation réparée *, ils ne fouflrent pas que des étrangers viennent s'établir dans leurs enceintes. Les plus petites cabanes coi>- tiennent deux , quatre , iix , & les plus grandes dix -huit, vingt. Se mêmje dit- on, jufqu'à trente caftors , prefque tou- jours en nombre pair, autant de femelles que de mâles -, ainfî , en comptant même au rabais, on peut dire que leur fociété eft fouvent compofée de cent cinquante ou deux cents ouvriers affociés , qui tous ont travaillé d'abord en corps pour élever le grand ouvrage public , Se enfuite par i en manger dans le bois. Mémoires de l'Académie 4eSi Sciences , année lyo^. Mémoire de M. Sarrajîn.. du Cajlor. ^7 compagnie pour édifier des habitations particulières. Quelque nombreuie que foit cette fociété , la paix s'y maintient fans altération -, le travail commun a ref- ferré leur union j les commodités qu'ils fe font procurées , l'abondance des vivres qu'ils amalTent & confomment enfemble , fervent à l'entretenir*, des appétits mo- dérés 5 des goûis {impies , de l'averfion pour ia chair & le fang, leur ôtent juf- qu'à l'idée de rapine & de guerre : ils jouilTent de tous les biens que l'homme ne fait que délirer. Amis entr'eux , s'ils ont quelques ennemis au dehors , ils favent les éviter , ils s'avertilTent en frap- pant avec leur queue fur l'eau un coup qui retentit au loin dans toutes les voûtes des habitations -, chacun prend fon parti , ou de plonger dans le lac, ou de fe re» celer dans leurs murs qui ne craignent que le feu du ciel ou le fer de l'homme > éc qu'aucun animal n'ofe entreprendre d'ouvrir ou renverfer. Ces afyles font non - feulement très - fûrs , mais encore très -propres & très -commodes-, le plan-- cher ell: jonché de verdure , des rameaux de buis 6c de fapin leur fervent de tapis Cv 5 8 Hijloire Naturelle fur lequel iis ne font ni ne fouffrent jamais aucune ordure : la fenêtre qui regarde fur Teau leur fert de balcon pour fe tenir au frais & prendre le bain pendant la plus grande partie du jour -y ils s'y tiennent debout , la tête & les parties antérieures du corps élevées , & toutes les parties poftérieures plongées dans Teau, cette fenêtre eft percée avec précaution , l'ouverture en efc aifez éle- vée pour ne pouvoir jamais être fermée par les glaces , qui dans le climat de nos eaftors , ont quelquefois deux ou trois pieds d'épaiffeur -, ils en abailTent alors la tablette , coupent en pente les pieux fur lefqueîs elle étoit appuyée , & fe font une iiïue jufqu'à f eau fous la glace. Cet élément liquide leur eft ii nécelfaire , ou plutôt leur fait tant de plaiiîr qu'ils fem- blent ne pouvoir s'en palTer , ils vont quelquefois alTez loin fous la glace , c'eft alors qu'on les prend aifément en atta- quant d'un coté la cabane, & les atten- dant en même temps à un trou qu'on pratique dans la glace à quelque dif- tance > & oii ils font obligés d'arriver I pour refpirer. L'habitude qu'ils ont de du Cajlor. j c) tenir continuelîement la queue & toutes les parties poftérieures du corps dans ieau , paroît avoir changé la nature de leur chair -, celle des parties antérieures jufqu'aux reins a la qualité , le goût , la condftance de la chair des animaux de la terre & de Tair \ celle des cuilFes & de la queue a l'odeur, la laveur & toutes les qualités de celle du poiiTon : cette queue longue d'un pied , épaitfe d'un pouce , & large de cinq ou (îx , eft: même une extrémité , une vraie portion de poilTon attachée au corps d'un qua- drupède *, elle efl entièrement recou- verte d'écaillés 8>c d'une peau toute fem- hiable à celle des gros poiiïbns : on peut enlever ces écailles en les raclant au cou- teau 5 & lorfqu elles font tombées , l'on voit encore leur empreinte fur la peau , comme dans tous nos poifTons. C'eft au commencement de l'été que les caftors fe rafTemblent ^ ils emploient les m.ois de juillet &: d'août à conftruire leur digue &: leurs cabanes -, ils font leur proviiion d'écôrce & de bois dans le mois de feptembre , enfuite ils jouilïenc de leurs travaux, ils goûtent les douceurs C YJ 4 6o Hijloire Naturelle domeftiques *, c eft ie temps du repos , c'eft mieux , c eft ia faifon des amours. Se connoiffant , prévenus Tun pour Tautre par Thabitude , par les plaifirs & les peines d'un travail commun , chaque couple ne fe forme point au hafard , ne fe joint pas par pure néceffité de nature , mais s'unit par choix & s'aflortit par goût : ils pafTent enfemble Tautomne & l'hiver *, contens Tun de l'autre ils ne fe quittent | guère y à l'aife dans leur domicile , ils n'en fortent que pour faire des prome- nades agréables êc utiles , ils en rap- portent des écorces fraîches qu'ils pré- fèrent à celles qui font sèches ou trop imbibées d'eau , les femelles portent , dit -on» quatre mois, elles mettent bas fur la fin de l'hiver 8c produilent ordinai- rcment deux ou trois petits *, les mâles, îes quittent à peu près dans ce temps , ils ; vont à la campagne jouir des douceurs êc des fruits du printemps *, ils reviennent de temps en temps à la cabane , mais ils n'y féjournent plus : les mères y de- meurent occupées à allaiter, à foigner , à élever leurs petits , qui font en état de ies fuivre au bout de quelques femaines j du Cajlor» 6i elles vont à leur tour fe promener , fe rétablir à l'air , manger du poiilon , des écrevifles , des écorces nouvelles , & paiïent ainfi Tété fur les eaux, dans les bois. Ils ne fe ralTemblent qu'en automne, à moins que les inondations n'aient ren- verfé leur digue ou détruit leurs cabanes, car alors ils fe réunifient de bonne heure pour en réparer les brèches. Il y a des lieux qu'ils habitent de pré- férence , où Ton a vu qu'après avoir détruit plulieurs fois leurs travaux , ils venoient tous les étés pour les réédifier , jufqu'à ce qu'enfin fatigués de cette per- fécution & afioiblis par la perte de plu- fieurs d'entr'eux , ils ont pris le parti de changer de demeure & de fe retirer au loin dans les foiitudes les plus profondes, C'eft principalement en hiver que les chaiTeurs les cherchent , parce que leur fourrure n'efl: parfaitement bonne que dans cette faifon \ & lorfqu'après avoir ruiné leurs établiiremens , il arrive qu'ils en prennent en grand nombre , la fo- ciété trop réduite ne fe rétablit point , îp petit nombre de ceux qui ont échappé à la mort;, ou à la captivité fe difperfe^ 6z Hijloire Naturelle ris deviennent fuyards, leur génie flétri par la crainte ne s'épanouit plus , ils s'enfouiiTent eux & tous leurs talens dans un terrier , où rabailTé à la condition des autres animaux , ils mènent une vie ti- mide, ne s'occupent plus que des befoins prefïans , n exercent que leurs facultés individuelles , &: perdent fans retour les qualités fociales que nous venons d'ad- mirer. Quelque admirables en etfet , quel- que merveilleufes que puilienr pajoître les chofes que nous venons d'expofer au fujet de la fociété & des travaux de nos caftors , nous ofons dire qu'on ne peut douter de leur réalité. Toutes les relations faites en différens temps par un grand nombre de témoins oculaires (g) j (g) Voyez fur l'iiiftoire des caftors, Glaïs Magnus , dans fa defcription des pays feptcntrionaux ; les J voyages du baron de la Hontan, tome H, page 255 &fuiv. le Mupeum Wormianum , page ^30 ; l'hiftoire de l'Amérique feptentrionale , par Baccuevilie de la Poterie, Rouen, ty22 , tome I ,pitge 2_j^ ; Mémoire fur le caftor , par M. Sarrafin , inféré dans les Mé- moires de l'Académie des Sciences, année iyo^;\^ relation d'un vovage en Acadie , par Dierville , Boiien, tyo8 , page 13.6 & fuiv. les nouvelles découvertes dans i*Amérique feprentiionale , Paris , î^$7 j p^^f du Cajtor, 6} s'accordent fur tous les faits que nous avons rapportés -, & fi notre récit ditière de celui de quelques-uns d'entr'eux, ce n'eft que dans les points ou ils nous ont paru enfler le merveilleux, aiier au-delà du vrai , & quelquefois mcme de toute vraifemblance. Car on ne s'eft pas borné à dire que les caftors avoient des mœurs fociales & des talens évidens pour Tar- chitedlure , mais on a afTuré qu'on ne pouvoir leur refufer des idées générales de police & de gouvernement *, que leur fociété étant une fois formée, ils favoient réduire en efclavage les voyageurs , les étrangers-, qu'ils s'en fervoient pour por- ter leur terre j traîner leur bois j qu'ils- t^^ ; ITiiftoire de la Nouvelle - Prance , par le P. Charlevoix , Paris 2744, tome II, page ^8 & fuiv, le voyage de Robert Lade , traduit de l'Anglois, par M. l'Abbé Prévôt , tome II . page 326 ; le grand voyage au pays des Hurons, par Sagard Théodat , Paris , i6^3 , page ^i^ & fuiv. le voyage à la baie de Hudfon^ par Ellis, Paris, 17-^.9, tome II, pages 6t ù 6'3. Voyez aufli Gefner , Aldrovande , Jonfton , Klein, &c. à l'article du caftori le traité du caftor , par Jean Marins, ParrV , ty^6 ^ l'hiftoire de la Vir- ginie, traduite de l'Anglois , Orléans* tyoy , p. ^06; l'hiftoire naturelle du P. Rzacz-ynski , à l'article du caftor, ôcc. &c. 64 Hijloire Naturelle traîtoient de même les pareifeux d'entr'eux qui ne vouloient , & les vieux qui ne pou voient pas travailler -, qu'ils les ren- verfoient fur le dos , les faifoient fervir de charrette pour voiturer leurs maté- riaux -, que ces républicains ne s'aiïem- bloient jamais qu'en nombre impair *, pour que dans leurs confeiis il y eue toujours une voix prépondérante *, que ia fociété entière , avoir un préfident ; que chaque tribu avoir Ton intendant *, qu ils avoient des fentinelles établies pour la garde publique -, que quand ils étoient pourfuivis , ils ne manquoient pas de s'arracher les tefticules pour fatisfaire à la cupidité des chaleurs -, qu ils fe mon- troient ainfi mutilés pour trouver grâce à leurs yeux, &c. &c. (^Ay). Autant nous fommes éloignés de croire à ces fables , ou de recevoir ces exagérations, autant il nous paroît difficile de fe refufer à admettte des faits confiâtes , confirmés , & moralement très -certains. On a mille fois vu , revu , décruit , renverfé leurs (hj Voyez JEÏ\tn & tous les Anciens , à l'exception de Piine , qui nie ce fait avec raifon. Voyez aufli fur les autres faits la plupart des auteurs cjus nous avons cités dans la note précédente. du Cajlor. 6j ouvrages *, on les a mefurés , delTinés , gravés -, enfin , ce qui ne iaiffe aucun doute 5 ce qui eft plus fort que tous les témoignages pafïés , c'eft que nous en avons de récens 8c d'aduels -, c'eft qu il en fubiifte encore de ces ouvrages fin- guliers qui , quoique moins communs que dans les premiers temps de ia dé- couverte de TAmérique feptentrionale , fe trouvent cependant en aflez grand nombre pour que tous les Miffionnaires , tous les Voyageurs , même les plus nouveaux , qui fe font avancés dans les terres du nord , afTurent en avoir rencontré. Tous s'accordent à dire qu'outre les caftors qui font en (ociété , on rencontre par -tout dans le même climat des caftors iblitaires 5 lefquels rejetés , difent-ils, de la fociété pour leurs défauts, ne parti- cipent à aucun de Tes avantages , n ont ni maifon , ni magafm , âc demeurent comme le blaireau dans un boyau fous terre , on a même appelé ces caftors folitaires , cajlors terriers ; ils font aifés à reconnoître , leur .robe eft fale , le poil eft rongé fur le dos par le frottement de la terre -, ils habitent comme les autres 66 Hijîoire Naturelle afTez volontiers au bord des eaux , oi\ quelques-uns même creufent une fofTe de quelques pieds de profondeur , pour former un petit étang qui arrive jufqu'à l'ouverture de leur terrier qui s'étend quelquefois à plus de cent pieds en lon- gueur, & va toujours en s'élevant afin qu'ils aient la facilité de fe retirer en haut à mefure que l'eau s'élève dans les inondations *, mais il s'en trouve anfîî , de ces caftors folitaires , qui habitent afïez loin des eaux dans les terres. Tous nos bièvres d'Europe font des caftors terriers & folitaires , dont la fourrure n eil pas à beaucoi^p près aufîi belle que celle des caftors qui vivent en fociété. Tons dif- fèrent par la couleur, fuivant le climat qu'ils habitent : dans les contrées du nord les plus reculées ils font tous noirs , & ce fonr les plus beaux •, parmi ces caftors noirs il s'en trouve quelquefois de tout blancs , ou de blancs tachés de gris , & mêlés de roux fur le chignon & fur la croupe fi ). A mefure qu'on s'éloigne du nord , la couleur s'éclaircit & fe mêle -, (^ij Cajïor alhits caudâhorifontaliurnlanâ, BrilToii, Kegn. animal, pag. 514 & fuivantes. du Caflor, 6j ils font couleur de marron dans la partie feptentrionaîe du Canada, châtains vers la partie méridionale, & jaunes ou couleur de paille chez les Illinois (^J. On trouve des caftors en Amérique depuis le tren- tième degré de latitude nord jufqu'au foixantième & au-delà ; ils font très-com- muns vers le nord, & toujours en moindre nombre à mefure qu'on avance vers le midi : c'eft la même chofe dans l'ancien continent -, on n'en trouve en quantité que dans les contt ées les plus feptentrio- nales , & ils font très- rares en France, en Efpagne , en Italie , en Grèce & en Egypte. Les Anciens les connoiiToient *, il étoit défendu de les tuer dans la religion des Mages*, ils étoient communs fur les rives du Pont-Euxin-, on a même appelé le caftor, canis pontlcus , mais apparem- ment que ces animaux n étoient pas aiTez tranquilles fur les bords de cette mer , qui en eftet font fréquentés par les hommes de temps immémorial , puif- qu'aucun des Anciens ne parle de leur (k) Hifloire de îa Nouvelle - France , par le P. Charlevoix. Paris , 2744, tome 11, page t^-f 0 fuivantes. 68 Hijloire Naturelle fociété ni de leurs travaux. JEYicn fur- tout 5 qui marque un fi grand foible pour le merveilleux , & qui , je crois , a écrit le premier que le caftor fe coupe ïes tefticules pour les lailTer ramalTer au chafTeur ( l) ^y nauroit pas manqué de parler des merveilles de leur république , en exagérant leur génie & leurs talcns pour TArchitedlure. Pline lui-même y Pline dont refprit fier , trifle & fublime déprife toujours Thomme pour exalter \i Nature , fe ieroit -il abftenu de comparer les travaux de Romulus à ceux de nos caftors ? Il paroît donc certain qu'aucun des Anciens n'a connu leur induflrie pour bâtir, & quoiqu'on ait trouvé dans les derniers flècles des caftors cabanes en Norvège & dans les autres provinces les plus feptentrionalcs de l'Europe , & qu'il y ait apparence que les anciens caftors bâtiiïbient auflî-bien que les caftors modernes', comme les Romains n'avoient pas pénétré jufque-là , il n'eft pas furpre- nant que leurs Ecrivains n'en faffent aucune mention. Plufieurs Auteurs ont écrit que le ('ij Hijî. animal, lib. VI; cap. xxxir. du CaJIor. 69 caftor étant un animal aquatique , il ne pouvoit vivre fur terre & fans eau : cette opinion n eft pas vraie , car le caftor que nous avons vivant , ayant été pris tout jeune en Canada, & ayant été toujours élevé dans la maifon , ne connoilToit pas l'eau lorfqu'on nous Ta remis , il craignoit &: refufoit d'y entrer j mais l'ayant une fois plongé & retenu d'abord par force dans un baffin , il s'y trouva ii bien au bout de quelques minutes, qu'il ne cher- choit point à en fortir , Se îorfqu'on le laiiToit libre , il y retournoit très- fouvent de lui-même-, il fe vautroit aufîî dans ia boue & fur le pavé mouillé. Un jour il s'échappa, & defcendit par un efcalier de cave dans les voûtes des carrières qui font fous le terrein du Jardin -royal ^ il s'enfuit alTez loin , en nageant fur les mares d'eau qui font au fond de ces carrières -, cependant , dès qu'il vit la lu- mière des flambeaux que nous y fîmes porter pour le chercher, il revint à ceux qui l'appeloient , & fe lailTa prendre aifé- ment. 11 eft familier fans être careflfant, il demande à manger à ceux qui font à table j fes inftances font un petit cri plaintif 70 Hijloire Naturelle & quelques geftes de la main \ ào.?, qu'on iui donne un morceau , il l'emporte, & fe cache pour le manger à Ton aife \ il dort aifez fouvent , & fe repofe fur le ventre -, il mange de tout , à l'exception de la viande qu'il refufe conftamment , cuite ou crue \ il ronge tout ce qu'il trouve, les étoffes, les meubles, le bois, & l'on a été obligé de doubler de fer- blanc le tonneau dans lequel il a été tranfporté. Les caftors habitent de préférence fur les bords . des lacs , des rivières & des autres eaux douces -, cependant ï\ s'en trouve au bord de la mer , mais c'eft principalement fur les mers feptentrio- naîes , & fur-tout dans les golfes médi- rerranés qui reçoivent de grands fleuves , &: dont les eaux font peu falées. lis font ennemis de la loutre , ils la chalTent, & ne lui permettent pas de paroître fur les eaux qu'ils fréquentent. La fourrure du caflor eft encore plus belle & plus fournie que celle de la loutre : elle eft compofée de deux fortes de poils -, l'un plus court , mais très -touffu, fin comme le duvet , impénétrable à i'eau , revêt du Cajtor. 7 i immédiatement la peau -, Tautre plus long , plus ferme , plus luftré , mais plus rare , recouvre ce premier vêtement , lui fert , pour ainii dire de furtout, le défend des ordures, de la pouiïière , de la fange , ce fécond poil n'a que peu de valeur , ce n eft que le premier que Ton emploie dans nos manufadures. Les fourrures les plus noires font ordinairement les plus fournies , & par conféquent les plus eftimées -, celle des caftors terriers font fore inférieures à celles des caflors cabanés« Les caftors font fujets à la mue pendant rété 5 comme tous les autres quadrupèdes -, aufîi la fourrure de ceux qui font pris dans cette faifon n a que peu de valeur. La fourrure des caftors blancs eft efti- mée à caufe de fa rareté. Se les parfai- tement noirs font prefque auffi rares que les blancs. Mais indépendamment de la fourrure qui eft ce que le caftor fournit de plus précieux *, il donne encore une matière dont on a fait un grand ufage en Mé- decine. Cette matière, que Ton a appelée cafloreum , eft contenue dans deux grofîès yélicules c[ue les Anciens avoient prifes 72 Hijîoire Naturelle pour les tefticules de ranimai : nous n*en donnerons pas la defcription ni les ufages fmj , parce qu on les trouve dans toutes les Pharmacopées (nj. Les Sau- vages tirent, dit-on, de la queue du caf- ror une huile, dont ils fe fervent comme de topique pour diflérens maux. La chair du caftor, quoique graffe & délicate, a toujours un goût amer alTez défagréable : on afTure qu'il a les os excefïîvement durs, mais nous n avons pas été à portée de vérifier ce fait, nen ayant dilTéqué quun jeune : fes dents font très-dures, & fî tranchantes qu elles fervent de cou- teau aux fauvages pour couper, creufer Se polir le bois, lis s'habillent de peau de caftors, & les portent en hiver le poil contre la chair : ce font ces fourrures imbibées de la fueur des Sauvages que fmj Voyez le traité du caftor , par Marius & lïzncus. Paris, ty/^6 , in-îz, (n) On prétend que les caftors font fortir la liqueur de leurs véficules en les preflant avec le pied , qu'elle kur donne de l'appétit lorfqu'ils font dégoûtés , & que les Sauvages en frottent les pièges qu'ils leur tendent pour les y attirer. Ce qui paroît plus certain , c'eft qu'il fe fcrt de cette liqueur pour fe graifler le poil. Ton du Cajtor. 75 Ton appelle cajiors gras , dont on ne fe ferc que pour les ouvrages les plus grofîiers. Lecaftor Teferc de Tes pieds de devant comme des mains , avec une adreffe au. moins égale à celle de Técureuil ;, les doigts en font bien féparés , bien divifés , au lieu. que ceux des pieds de derrière ront réunis entr'eux par une forte membrane •, ils lui ferventde nageoires ^s'élargifTent commet ceux de Toie , dont le caflor a aulîi en parties ia démarche fur la terre. Il nage beaucoup mieux qu'il ne court : comme il a les jambes de devant bien plus courtes que celles dejderrière, il marche toujours la tête, baiiTée & le dos arqué. Il a les fens très - bons , l'odorat très -fin, ôc même fufceptibles *, il paroît qu'il ne peut fup- porter ni la malpropreté , ni les mau- vaifes odeurs i lorrqu'on le retient trop long-temps en priibn ^ & qu'il fe trouve forcé d'y faire Tes ordures , il les met près du feuil de la porte, & dhs qu'elle efl: ouverte , il les pouiTe dehors. Cette habitude de propreté leur eft naturelle, & notre jeune caftor ne manquoit jamais de nétoyer ainiî fa chambre. A Tâge d'un an 5 il a donné des (ignés de chaleur , ce Tome IIU Quadrupèdes* , D 74 Hijloire Naturelle y &c. qui paroît indiquer qu'il àvoit pris dans cet efpace de temps la pius grande partie de Ton accroifTenient -, ainfi la durée de fa vie ne peut être bien longue, & ceft peut-être trop que de l'étendre à quinze ©u vingt ans. Ce caftor étoit très-petic pour Ton âge , & l'on ne doit pas s'êti étonner , ayant prefque dès fa naifîance toujours été contraint , élevé pour ainlî dire à fec , ne connoifTant pas Teau, juf- qu'à Tâge de neuf mois , il n'a pu ni croître , ni fe développer comme les autres, qui jouiffent de leur liberté &dq cet élément qui paroît leur être prefque aufîî nécelïàire que l'ufage de la terre. 4^ 7f LE RATON fa). u o I Q u E plufieurs Auteurs aient indiqué fous le nom de coan Tani- mal dont il eft ici queftion , nous avons^ cru devoir adopter le nom qu'on lui a> donné en Angleterre , afin d'ôter toute, équivoque , & de ne le pas confondrèr- svec le vrai coati, dont nous donnerons^ la defcription dans l'article fuivant , non plus qu'avec le coati- nwndi , qui cepen-» dant ne nous paroît être qu'une variété' de l'efpèce du coati. ^^'i,'-''^ '" Le raton que nous avons eu vivant^ ^aj Le Platon, du mot Anglois Rattoon, ou Rackoortg, jiom que l'on a donné dans cette langue à cet animali Jflapach dans quelques endroits de l'Amérique. , ^j. Vulpt affinis Americana , Ratton Ctu Racoon. Ray, SynopJ. animal, quadrup . pag. ij^. Viilpcs Amtricana Mapack , diàa Anglice Rattoon^: Charlet, pag. 75. Ko-ccooti. Sloane, Kiji. de la Jam. tome II,page-^s^. Urfus caudâ elongatà. Linna:us. Coati Brq/îlien/ium. Klein, dt quadrup. pag. 72. Urfus caudâ annulatim variegatâ. Le CoatL' BtiiTon, Regn. animal, pag. ciGi. Dij 7 & les joint enlemble pour ptendre ce qu'on lui donne. Quoiqu'il foit gros Se trapu , il eft cependant fort agile -, Tes ongles pointus comme des épingles , lui donnent la facilité de grrmper aîfémenc fur les arbres -, il monte légèrement )uf- quau-de(ïus de la tige, & court jufquà Textrémité des branches , il va toujours par fauts , il gambade plutôt qu'il ne marche , & fes mouvemens quôiqu o- biiques , font tous prompts & légers. Cet animal eft originaire des contrées méridionales de l'Amérique , oli ne le trouve pas dans l'ancien conânent , au moins les Voyageurs qui ont parlé d^s animaux de l'Afrique & des Indes orien- tales, n'en font aucune mention \ il eft au contraire très-commun dans le climat chaud de l'Amérique , & fur-tout à la Jamaïque (h) où il habite dans les mon- tagnes, & en defcend pour manger des cannes de fucre. On ne le trouve pas en Canada , ni dans les autres parties fepten- fbj Voyez l'Hiftoire naturelle de la Jamaïque , par Hans Sloane. Londres ^ 1735, in-folio , tome IX^ l'^f^i^i?* en Anglois, Diij 7 6 Hïjlôin Naturelle SÛoxiûcs de c€ continenr -, cependant H 51^ craint pas exceflîvement le froid : M. Klein (c) en a nourri un à Dant- xick , & celui que nous avions a pa(Ié une nuit entière les pieds pris dans de la gîace 5 Tans qu'il en ait été incommodé. Il trempoit dans Teau ou plutôt il détrempoit tout ce qu'il vouloit manger ,j il jetoit fon pain dans fa terrine d'eau© & ne r^en retiroit que quand il le voyoit .bien imbibé, à moins qu'il ne fût prelïé par la faim \ car alors il prenoit la nour- riture sèche , & telle qu'on la lui pré- fentoit -, il furetoit par -tout, mangeoit iiuffi de tout, de la chair crue ou cuite » ^u poilTon , des œufs , des volailles vi^ vantes , des grains , des racines , &c. il mangeoit aulli de toute forte d'infe6fces ; il fe plaifoit à chercher les araignées , & lorfqu'il étoit en liberté dans un jardin , il prenoit les limaçons , les hannetons , ;îes vers. Il aimoit le fucre , le lait & les iSUtres nourritures douces par-dciïus toute •chofe , à l'exception des fruits auxquels il préféroit la chair & fur-tout le poiffon. 'li fe retiroit au loin pour faire fesbefoins} CcJ Kldn, de quadrup. pag. ^2. hn.SUL. LE CASTOB. . n 3. p.rjB LE ILATOîsT. ^■Jir. du Raton, 7$ au refte il étoit familier , & même careA fant j fautant fur les gens qu'il aimoit , jouant voloutiers ôc d'alFez bonne grâce, iefte , agile , toujours en mouvement *, il ma paru tervir beaucoup de la. nature du maki , Se un peu des qualités du chien. L.J M Dii^ 8o Hljîoire Naturelle LE COATI (a). PL iT s I E u R s Auteurs ont appelé coati-mondi ranîmaldont il eft fer quef- tion : nous Favons eu vivant , & après Tavoir comparé au coati indiqué par Thevet , &: décrit par Marcgrave , nous avons reconnu que c'étoit ie même ani- mai qu'iis ont appelé coati tour court, & il y a toute apparence que le coati- mondi n'eft pas un animal d'une autre efpèce 3 mais une iimpîe variété de celle- ci j car Marcgrave. 5 après avoir donné k defcription du coati, dit précifément Ca) Le Coati , Cuatu Siogutarités de la France an- tard ique , par André Thev>t. Paris ^ ^55^ tP^g^s ^5 Coati. Marcgrav. JJifi. nat. 'Brajîl. pag. aa^. Coati-mondi. Hifl. dei'Acad. tome III ^ partie lit page ly. Vulpes minor , roffro fiiperiori longiufculo , caudâ Mnniilatiin ex nigro & nifo varicgatâ. Barrère , Hiji. de la France Èqiiinoxiale , page iGy. Urfus nafo prodiicio & mohili , caudâ anniilatim va* riegatâ. Le Coati-mondi à queuc annelée. Briflbn. Re^^ Miiimal. pag, 1^^. du Coati, 8 î qiul y a d'autres coati qui font d'un J^run - noirâtre , que Ton appelle au Brefil coati-mondi pour les diftrnguer des autres \ i\ n'admet donc d'autres dittérences entre le coati & le coati-mondi, que celle de la couleur du poil-, & dès -lors on ne doit pas les conlidérer comme deux ef- pèces diftinâres ^ mars les regarder comme des variétés dans la même eipèce. Le coati eft très-dirferent du raton que nous avons décrit dans l'article précédent \ il eft de plus petite taille , il a le corps & le coup beaucoup plus alongés , la tête auffi plus longue , arniî que le mufeau , dont la mâchoire fupé- rieure eft terminée par une efpèce de groin mobile qui déborde d'un pouce ou d'un pouce & demi au-delà de l'ex- trémité de la mâchoire inférreiire , ce groin retroulTé en haut, joint au grand alongement des mâchoires , fait paroitre le mufeau courbé & relevé en haut. Le coati a aulîi les yeux beaucoup plus petits que le raton, les oreilles encore plus courtes , le poil moins long, plus rude & moins peigné , les jambes plu? D y 8 z Hljloire Naturelle courtes , ies pieds plus longs & plus appuyés fur ie talon \ ï\ avoit, comme le raton, la queue annelée (^^^5 & cinq doigts à tous les pieds. Quelques perionnes penfent que le blaireau -cochon pourroit bien être le coati, &: Ton a rapporté (c) à cet animal le taxus fuillus , dont Aldrovande donne la figure -, mais (î Ton fait attention que 1 le blaireau - cochon dont parlent ies ■ chalTeurs eft fuppofé Te trouver en France, & même dans des climats plus froids de notre Europe , qu'au contraire îe coati ne fe trouve que dans les climat^ Jiléridionaux de l'autre continent , on cejettera aifément cette idée , qui d'ail- leurs Ji'efl: nullement fondée (d)'i car la ^ ^k) Ily aaufli des Coati > dont la queue eft d*une Teuîe'côukur; mais comme iis ne diffèrent des autres t]ue par ce fenl caraftère, cette différence ne nous çaiûît pas fuffire pour en faire deux efpèccs, & nous cftimons que ce n'eft qu'une variété dans ia même ^. ^éj Vide Btifibn , Kt^n. animal, pag. aéj. /d) Voyez ce que nous avons dit du Blairfau- cochon , yolumt II de cet Ouvrage , à l'article du 'blaireau. du CoatL 8 j figure donnée par Aldrovande n'eft autre chofe qu'un blaireau , auquel on a fait un groin de cochon. L'auteur ne dit pas qu'on ait deiïiné cet animal d'après na- ture 5 & il n'en donne aucune description. Le mufeau très-alongé &le groin mobile en tout fens, fuffifent pour faire diftin- guer le coati de tous les autres animaux ; il a, comme l'ours, une grande facilité à fe tenir debout fur les pieds de der- rière, qui portent en grande partie fur le talon, lequel même exterminé par de groffes callofîtés qui femblent fe prolon- ger au dehors & augmenter l'étendue de l'alîiette du pied. Le coati eft fujet à manger fa queue , qui , lorfqu'elle n'a pas été tronquée , eft plus longue que fon corps *, il la tient ordinairement élevée, la fléchit en tout fens , & la promène avec facilité. Ce goût fingulier , & qui paroît contre nature , n'eft cependant pas particulier au coati *, les finges , les makis , & quel- ques autres animaux à queue longue , rongent le bout de leur queue , en mangent la chair & les vertèbres, & là raccourciflent peu à peu d'un quart ou Dvj 84 Hijloife Naturelle d'un tiers. On peut tirer de -là une în- dudtion générale , c'eft que dans des parties très-alongées , & dont îes extré- mités font par conlequent très -éloignées des fens & du centre du fentiment ^ ce même fentiment eft foible, & d'autant plus foible que la diflance eft plus grande ôc la partie plus menue : car fi Textrémité de la queue klè ces animaux étoit une partie fort fenlible j la fenfatron de la douleur feroit plus forte que celle de Nota. On trouve dsns le felj'tiçïne volume de l'A- cadémie royale des Sciences de iSuède , un Mémoire de M. Linnxui furie ^oap-mqndi. iNpus croyons devoir rapporter ici l'extrait que i'aiïteur "de la Biblio- thèque raifonnée a fait de ce Mérçoire j fans prétendre garantir les faits qui y font rapportés. « M» Linnaeus donne dans un Mémoire, l'hiftoire 5> naturelle du Ceati - mondi. Cet animal fe trouve égU' 3i lement dans l'Amérique méridionale &. dans là fep- yy tentrionaU. Il approche de Tours par Ja longueur de » {ps jambes de derrière , fa tête penchée , fdn poil » épais , & par fes pattes -, mais il eft petit & familier, » & fa queue eft fort longue , & rayée de différentes » couleurs. M. le Prince fucceiteur de Suède, avoit » fait préfent d'un de ces animaux à M. Linnaeus , » qui Ta entretenu alfez long-temps dans fa maifcm eux 31 dépens des douceurs qu'il pouvoir attraper , & quel- »quefois de ceux de fa bafle-cour, où le Coati-mondi >} malgré le droit d'hofpitalité, emportoit des têtes à coup » de dsnts , & humait le fang. Il eft remarquable par- du Coati. 8; cet appétit , & ils conferveroieiît leur queue avec autant de foin que les autres parties de leur corps. Au refte, le coati eft un animal de proie qui fe nourrit de chair & de fang , qui , comme le renard ou la fouine , égorge les petits animaux , les volailles (^^y^, mange les œufs, cherche les nids des oifeaux (f)^ & c'eft proba- fon extrême opiniâtreté à ne rien faire contre fon « gré. Malgré fa petitefTe il fedéfendoit avec une force « extraordinaire lorfqu'on le faifoît marcher malgré lui, « & fe cramponnait contre les jambes des perfonnes ce dont il alloit familièrement ravager les poches &« confifqiier ce qu'il trouvoit à fa bienféance. Cette api- « niâtreté a fon remède ; le Coati craint extrêmement « les foies de cochon, la moindre brojfelm faifoit quit- dit - onfc) 5 que de deux^ elles tranfportent leurs petits comme les chattes , deux ou trois jours après leur naîirance -, elles les portent dans des trous d'arbres , où elles ne les allaitent que pendant peu de temps : les jeunes agoutis font bientôt en état de fuivre leur mère Se de chercher à vivre. Ainli le temps de TaccroilTement de ces - { cj Voy€z l'Hiftoire générale des îles Anttlles , pat le P. du Tertre. FajiSj « di^y j tome II ^ l'iage a^6'. de V Agouti. 91 animaux eftafïez court, & par conféquent leur vie n ell pas bien longue. Il paroît que Tagouti eft un animal particulier à l'Amérique -, il ne fe trouve pas dans Tancien continent j il femble être originaire des parties méridionales de ce nouveau monde -, on le trouve très - com- munément au Brefil, à la Guiane^ à "Saint - Domingue , & dans toutes les îles -, il a befoin d'un climat chaud pour fubUfter & Te multiplier -, il peut cepen- dant vivre en France, pourvu qu'on le tienne à Tabri du froid dans un lieu (ec & chaud, fur- tout pendant l'hiver j aulîî n'habite -t -il en Amérique que les con- trées méridionales , & il ne s'efl: pas ré- pandu dans les pays froids & tempérés. Aux îles il n'y a qu'une efpèce d'agouti, qui eft celui que nous décrivons*, mais a Cayenne , dans la terre ferme de la Guiane {d) Se au Bre(ii, on allure qu'il y en a de deux efpèces, & que cette féconde efpèce , qu'on appelle agouchi , eft conftamment plus petite que la pre- mière. Celle dont nousparlons cfl: certai- nement l'agouti; nous en fommes affurés (dj Voyage de A^s Marchais , tome II, page a^. $2 Hijloire Naturelle^ &c, par le témoignage des gens qui ont de- meuré long -temps à Cayenne ^ & qui connoilTent également Tagouti & Tagou- chi 5 que nous n avons pas encore pli nous procurer. L'agouti que nous avons eu vivant , & dont nous donnons ici la figure, étoit gros comme un lapin*, fon poil étoit rude & de couleur brune & un peu mêlée de roux-, il avoir la lèvre fupé- rieure fendue comme le lièvre, la queue encoreplus courte que le lapin , les oreilles auffi courtes que larges, la mâcb.oire fupé- ricure avancée au-delà de Tinférieure , le mufcau comme le loir , les dents comme la marmotte» le cou long , les jambes grêles , quatre doigts aux pieds de devant, & trois à ceux de derrière. Marcgrave » & prefque tous les Naturaliftes après lui > ont dit que Tagouti avoit iix doigts aux pieds.de derrière : M. Brifïon eft le feul qui n'ait pas copié cette erreur de Marc- grave j ayant fait fa defcription fur Tani- mal même, il na vu, comme nous, que trois doigts aux pieds de derrière. mvIU. II.^. p- ^ii.- ^■dir. LE COJLTT :NrOIB^V.TRï: n.m. liB COATL JBBUBT. ll4.Tl?z.p-^^ \B.IU: Tu A^&OUTJl , 93 |gBpaMMBaMaBBgaMfe'WW*^W>AMJftMiVI»IIIW'M —1 1 ai LE LION (a), DANS refpèce humaine , l'influence du climat ne fe marque que par des variétés allez légères , parce que cette efpcce eft une , & qu elle eft très-diftine- tement féparée de toutes les autres ef- pèces-, Thomme, blanc en Europe , noir en Afrique, jaune en Afie, & rouge en Amérique , n eft que • le même homme teint de la couleur du climat : comme il eft fait pour régner fur la terre , que le globe entier eft fon domaine , il femble que fa nature fe foit prêtée à toutes les lituatioHS -, fous les feux du midi , eft le plus fort, le plus fier, le plus terrible ie tous^ : nos loups , nos autres animaux carnaffiers 5 loin d'être Tes rivaux , feroient àpeinedignes d'&re fes pourvoyeurs {^^J» Les lion§ d'Amérique , cils méritent ce nom, font, comme le climat, infiniment plus doux que ceux de T Afrique ', & ce qui prouve évidemment que Texcès de leur férocité vient deTexcès de la chaleur, c eft que dans le même pays , ^.eu;C' qui habitent les hautes montagnes où Tair eft plus tempéré 5 font d'un naturel différent de ceux qui demeurent dans les plaines où ,Ia chaleur eft extrême. Les lions du mont Atlas ( c) , dont la cime eft quelquefois (h) Il y a une efpèce de Lynx qu'on appelle k I^Ofurvoyeur du.Lion^ ' (^ej Voyez rAfrlque d'Ogilby , pages 15 & tâ^ 9<> HiJIoire Naturelle couverte de neige , n'ont ni la hardieflTe , ni la force , ni la férocité des lions du Biiedulgerid ou du Zaara , dont les plaines font couvertes de fables brûlans, Ceft fur-tout dans ces déferts ardens que fe trouvent ces lions terribles , qui font i'eftroi des Voyageurs Se le fléau des provinces voiiines ^ heureufement Tef- pèce n'en eft pas trèî- nombreufe , il paroît même qu'elle diminue tous ' les jours 5 car , de Taveu de ceux qui ont parcouru cette partie de l'Afrique , il ne s'y trouve pas actuellement autant de lions , à beaucoup près, qu'il y en avoit autrefois. Les Romains, dit M. Shaw (d/;.. tiroient de la Libye , pour l'ufage des fpeétàcîes , cinquante fois pîus de lions qu'on -ne pourroit y en trouver aujour- d'hui. On a remarqué de même , qu'en Turquie 5 en Perfe &-dàns l'Inde, les lions font maintenant beaucoup moin$ communsqu'ils ne i'étoient anciennement ^ & comme ce puilTant & courageux animai & rhiôoire généraie des voyages , par M. i'abb'é Trevôt , tome f, page S6. (à) Voyez les voyages ds M. Shaw. itf Hayél, fai| du Lion, 97 fait fa proie de tous les autres animaux , & n'efl; lui - même la proie d'aucun , on ne peut attribuer la diminution de quantité dans Ton efpèce , qu'à l'augmentation du nombre dans celle de l'homme j car il faut avouer que la force de ce roi des animaux ne tient pas contre TadrefTe d'un Hottentot ou d'un Nègre , qui fou vent ofent l'attaquer tête à tête avec des armes aflèz légères. Le lion n'ayant d'autres ennemis que l'homme, & fon efpèce fe trouvant aujourd'hui réduite à la cin- quantième 5 ou 5 fi l'on veut , à la dixième partie de ce qu'elle étoit autrefois , il en réfulte que l'efpèce humaine , au lieu d'avoir fouffert une diminution confi- dérable depuis le temps des Romains ( comme bien des gens le prétendent ) , s'efl: au contraire augmentée , étendue & plus nombreufement répandue , même dans les contrées, comme la Libye, 011 la puidance de l'homme paroît avoir été plus grande dans ce temps, qui étoit à peu près le fiècle de Carthage , qu'elle ne l'efl: dans le fiècle préfent de Tunis & d'Alger. L'induftrie de l'homme augmente avec Tome III, Quadrupèdes, E 58 Hijloire Naturelle le nombre -, celle des animaux refte tou- jours la même : toutes les efpèces nuir^ fîbles 5 comme celle du lion , paroilTent être reléguées & réduites à un petit nombre , non - feulement parce que Fhomme efl: par -tout devenu plus nom- breux , mais aulli parce qu'il efl: devenu plus habile & qu'il a fu fabriquer des armes terribles auxquelles rien ne peut réfifter : heureux s'il n'eut jamais combiné le fer & le feu que pour la deftrud:ion des lions ou des tigres ! Cette fupériorité de nombre & d'in- duftrie dans Thomme, qui brife la force du lion 5 en énerve auiïi le courage : cette qualité , quoique naturelle , s'exalte ou fe tempère dans l'animal fuivant i'u- fage heureux ou malheureux qu'il a fait de fa force. Dans les vaftes déferts du Zaara , dans ceux qui femblent féparer deux races d'hommes très-diliérentes , les Nègres & les Maures , entre le Sénégal & les extrémités de la Mauritanie , dans les terres inhabitées qui font au-deiïïis du pays des Hottentots , & en général dans toutes les parties méridionales de l'Afrique ^ de l'Afie , où l'homme a du Lion. 99 dédaigné d'habiter, îes lions font encore en allez grand nombre , & font tels que la nature les produit : accoutumés à mefurer leurs forces avec tous les ani- maux qu'ils rencontrent , l'habitude de vaincre les rend intrépides &: terribles ; ne connoiiTant pas la puilTance de l'homme , ils n'en ont nulle crainte : n'ayant pas éprouvé la force de fes armes, ils femblent les braver*, les blef- fures les irritent , mais fans les eftrayer; ils ne font pas même déconcertés à l'af- pe6t du grand nombre -, un feul de ces lions du défert attaque fou vent ui.e cara- vane entière : & lorfqu'après un combat opiniâtre & violent il fe fent alioibli , au lieu de fuir il continue de fe battre en retraite, en faiiant toujours face & fans jamais tourner le dos. Les lions au contraire qui habitent aux en voirons des villes & des bourgades de l'Inde & de la Barbarie ( e ) ayant connu l'homme & la force de fes armes , ont perdu leur courage au point d'obéir à fa voix fej Voyez l'Afrique de Marmol , tome II, p. at^ ; 6c la relation du voyage de Thevenot , tome II , page t tz, Eij 100 Hijîoire Naturelle menaçante , de n'ofer Tattaquer , de ne fe jeter que fur le menu bétail^ Se enfin de s'enfuir en fe laifTant pourfuivre par des femmes ou par des enfans ffj _, qui leur font 5 à coups de bâtons , quitter prife Ôc lâcher indignement ieur proie. Ce changement , cet adoucifTement dans le naturel du lion , indique afifez qu il eft fufceptible des impreffions qu'on lui donne , & qu'il doit avoir allez de docilité pour s'apprivoifer jufqu'à un cer- tain point & pour recevoir une elpèce d'éducation : auffi Thiftoire nous parle de lions attelés à des chars de triomphe , de lions conduits à la guerre ou menés à la chalTe, & qui, fidèles à leur maître , ne déployoient leur force 8c leur courage que contre Tes ennemis. Ce qu'il y a de très -fur, c'eft que le lion pris jeune & élevé parmi les animaux domeftiques , s'accoutume àifément à vivre & même à jouer innocemment avec eux, qu'il efl: doux pour fes maîtres & même carelïànt , fur-tout dans le premier âge , & que fi fa férocité naturelle reparoît quelquefois , (^fj Voyez l'Afrique de Marmol, tomt I, page 5^ ^fuiv. du Lion, ICI H la tourne rarement contre ceux qui lui ont fait du bien. Comme Tes niouvemens font très - impétueux & ies appétits fort véhémens , on ne doit pas préfumer que les imprefTions de Téducation puiffent toujours ies balancer*, auffi y auroit-il quelque danger à lui laifTer fouftrir trop long-temps la faim , ou à le contrarier en le tourmentant hors de propos \ non-feu- lement il s'irrite des mauvais traitemens, mais il en garde le fouvenir & paroît en méditer la vengeance , comme il con- ferve auffi la mémoire & la reconnoif- fance des bienfaits. Je pourrois citer ici un grand nombre de faits particuliers dans lefquels j'avoue que j'ai trouvé quelqu'exagération , mais qui cependant font aiTez fondés pour prouver au moins, par leur réunion , que fa colère eft noble , Ton courage magnanime ', fon naturel fenfible. On Ta vu fou vent dédaigner de petits ennemis, méprifer leurs infultes &■ leur pardonner des libertés offenfantes j on Ta vu- réduit en captivité, s'ennuyer fans s'aigrir , prendre au contraire des habitudes douces , obéir à fon maître , flatter la main qui. le nourrit , donner £ iij I o z JJiJloire Naturelle quelquefois la vie à ceux qu'on avoîc dévoués à ia mort en les lui jetant pour proie, & comme s'il fe fût attaché par cet ad:e généreux , leur continuer enfuite ia même protection 5 vivre tranquillement avec eux, leur faire part de fa fubiiftance , fe la laiiTer même quelquefois enlever toute entière , & fouftrir plutôt la faim que de perdre le fruit de Ton premier bienfait. i On pourroit dire aufîî que le lion n'eft pas cruel , puifqu'il ne Teft que par néceiîîté , qu'il ne détruit qu'autant qu'il confomme , & que dh$ qu'il eft repu il eft en pleine paix, tandis que le tigre, le loup , & tant d'autres animaux d'efpèce inférieure, tels que le renard, la fouine, le putois , le furet , &c. donnent la mort pour le feul plaiiir de la donner , & que dans leurs mafifacres nombreux, ils femblent plutôt vouloir afTouvir leur rage que leur faim. . , ' , < L'extérieur du lion ne dément point fes grandes qualités intérieures: , il a la figure impofante , le regard ^(Turé , :îa démarche fièie, la voix terrible v fa taille n'eft point exce/îive comme celle de du Lion, i G 5 l'éléphant ou du rhinocéros -, elle n'efl; ni îourde comme celle de Thippoporame ou du bœuf, ni trop ramaflfée comme celle de Thyaine ou de Tours, ni trop alongée ni déformée par des inégalités comme celle du chameau *, mais elle eft au contraire (1 bien prife & fi bien pro- portionnée 5 que le corps du lion paroît être le modèle de la force jointe a Ta- gilité -, auiîî folide que nerveux , n'étant chargé ni de chair ni de graifTe, & ne contenant rien de furabondant, il eft tout nerf & m.ufcles. Cette grande force muf- culaire fe marque au dehors par les fauts & les bonds prodigieux que le lion fait aifément, par le mouvement brufque de fa queue, qui efl: aiTez fort pour terralTer un homme, par la facilité avec laquelle il fait mouvoir la peau de fa face 8c fur-tout celle de fon front, ce qui ajoute beaucoup à fa phyfionomie ou plutôt à Texpreffion de la fiireur, & enfin par la faculté qu'il a de remuer fa crinière, laquelle non-feulement fe hériiTe, mais fe meut & s'agite en tout Tens , lorfqu'il eft en colère. A toutes ces nobles qualités individuelles, E iiij 104 Hijloire Naturelle le lion joint aufîî k nobîefTe de Teipèce ; j'entends par efpèces nobles dans la Na- ture , celles qui font confiantes , inva- riables, & qu'on ne peut foupçonner de s'être dégradées : ces efpèces font ordinairement ifoiées & feules de leur genre *, elles font diftinguées par des caractères (i tranchés , qu'on ne peut ni les méconnoître ni les confondre avec aucune des autres. A commencer par l'homme , qui efl: l'être le plus noble de la création , l'efpèce en eft unique , puifque les hommes de toutes les races, de tous les climats , de toutes les couleurs , peuvent fe mêler Se produire enfemble. Se qu'en même temps l'on ne doit pas dire qu'aucun animal appartienne à l'homme ni de près ni de loin par une parenté naturelle. Dans le cheval l'efpèce n'efl: pas aufîi noble que l'individu , parce qu'elle a pour voifine l'efpèce de l'âne, laquelle paroît même lui appar- tenir d'allez près , puifque ces deux animaux prcduifent enfemble des indi- vidus , qu'à la vérité la nature traite comme des bâtards indignes de faire race , incapables même de perpétuer du Lion. 105 Tune ou lautre des deux efpèces dtÇ-^ quelles ils font iiTus -, mais qui provenanr du mélange des deux , ne lailfe pas de prouver leur grande aâEnité. Dans le chien refpèce efl: peut-être encore moins noble , parce qu'elle paroît tenir de près à celle du loup 5 du renard & du chacal, qu'on peut regarder comme des branches dégé- nérées de la même famille. Et en defcen- dant par degrés aux efpèces inférieures^ comme à celle des lapins, des belettes, des rats, Sec. on trouvera que chacune de ces efpèces en particulier ayant un grand nombre de branches collatérales. Ton ne peut plus reconnoître la Touche commune ni la tige directe de chacune de ces familles devenues trop nombreufes. Enfin dans les infectes , qu'on doit re- garder comme les efpèces infimes de la Nature , chacune eft accompagnée de tant d'efpèces voifines , qu'il n'eft plus poillble de les confidérer une à une, &' qu'on eft forcé d'en faire un bloc , c'eft- à-dire , un genre , lorfqu'on veut les dé- nommer. C'eft - là la véritable origine des méthodes , qu'on ne doit employer en eiiet que pour les dénombremens Ev io6 Hijloire Naturelle difficiles des plus petits objets de la Na- ture, & qui deviennent totalement inutiles & nieme ridicules lorl qu'il s'agit des êtres du premier rang-, daller Thomme avec le fînge 5 le lion avec le chat , dire que le lion eil un chat à crinière & à queue longue y c'eil dégrader, défigurer la Nature au lieu de la décrire &c de la dénommer. ; L'efpèce du lion eft donc une des plus nobles , puiiqu'elle eft unique &: qu'on ne peut la confondre avec celle du tigre , du léopard, de Tonce, &c. & qu'au contraire ces efpèces , qui femblenr être les moins éloignées de celle du lion , font alTez peu diftinâ;es entr'elles pour avoir été con- fondues par les Voyageurs & prifes les unes pour les autres par les nomenclateurs (g). Les lions de la plus grande taille ont environ huit ou neuf pieds de longueur (h) CëJ Voyez dans ce volume Tarticle des Tigres y où û eft parlé des animaux auxquels on a donné jnal-à-propos ce nom. fhj Un Hon fort jeune , difîequé par M.« de l'Académie , avoir fept péris &: demi de long depuis l'extrémité du mufle jufqu'au commencement de la queue, & quatre pieds & demi de hauteur depuis k haut du dos jufqu'à terre. Voyc^ les Mémoires du Lion, 10 j depuis le mufle jufquà Torigine de la queue, qui eft elle-même longue d'en- viron quatre pieds -, ces grands lions onc quatre ou cinq pieds de hauteur. Les lions de petite taille ont environ cinq pieds 8c demi de longueur, fur trois pieds & demi de hauteur, & la queue longue d'en-' viron trois pieds. La lionne eft dans toutes les dimenfions d'environ un quart plus petite que le lion. Ariftote (i) diftingue deux efpèces de lions 5 les uns grands , les autres plus petits -, ceux-ci, dit -il, ont le corps plus court à proportion , le poil plus crépu, & ils font moins courageux que les autres -, il ajoute qu'en général tous les lions font de la même couleur, c'eft- à - dire , de couleur fauve. Le premier de ces faits me paroît douteux \ car nous ne connoifïons pas ces lions à poil crépu, aucun voyageur n'en a fait men- tion -, quelques relations , qui d'ailleurs ne me paroilTent pas mériter une con- fiance entière , parlent feulement d'un pour fervir à Vhtjîoire des animaux. Taris ^ l6p6' , page 6. (ij Vide Arift. HiJ}. animal, cap. xliv, E Vj io8 Hijloire Naturelle tigre à poil frifé qui fe trouve au cap de Bonne -efpérance ( k) jy mais prefque tous les témoignages paroiffent s'accor- der fur Tunité de la couleur du lion , qui eft fauve fur le dos , & blanchâtre fiir les cotes & fous le ventre. Cepen- dant >€lien & Oppien ont dit qu'en Ethiopie les lions étoient noirs comme les hommes , qu'il y en avoir aux Indes de tout blancs, & d'autres mar- qués ou rayés de ditlérentes couleurs , rouges 5 noires & bleues , mais cela ne nous paroît confirmé par aucun témoi- gnage qu'on puilfe remarquer comme authentique 5 car Marc -Paul, Vénitien, ne parle pas de ces lions rayés comme les ayant vus, & Gefner (l ) remarque avec raifon qu'il n'en fait mention que d'après ^lien. Il paroît au contraire qu'il y a très -peu ou point de variétés dans cette efpèce -, que les lions d'Afrique & les lions d'Afie fe relïemblent en tout , &: que (\ ceux des montagnes diffèrent de ceux des plaines , c'efi: moins par les (k) Voyez les Mémoires de Kolbe , dans lefquels il appelle cet animal Loup - tigre. (l) Vide Gefner , Jlijl. animal, quadrup.pag. ^^^» du Lion, 109 couleurs de la robe que par la grandeur de la taille. Le lion porte une crinière , ou plutôt un long poiJ qui couvre toutes les parties an- térieures de Ton corps (m) _, & qui devient toujours plus long à mefure qu'il avance en âge. La lionne n'a pas ces longs poils , quelque vieille qu elle foit. L'animal d'A- mérique que les Européens ont appelé Lion j & que les naturels du Pérou ap- pellent Puma _, n'a point de crinière , il eft auiîî beaucoup plus petit, plus foible & plus poltron que le vrai lion. Il ne feroit pas impofîîble que la douceur du climat de cette partie de l'Amérique méridionale, eût allez influé fur la nature du lion , pour le dépouiller de fa crinière , lui oter Ton courage & réduire fa taille •, mais ce qui paroît impofîîble , c'eft que cet animal, qui n'habite que les climats (itués entre les tropiques, & auquel la Nature paroît avoir fermé tous les chemins du nord , ait palTé des parties méridionales de l'Afie ou de l'Afrique en Amérique , puifque ces continens font féparés vers le midi par des mers immenfes *," c'eft fmj Cette crinière n'eft pas du crin , mais du poil aiTez doux ôc liiTe ; comme cdui du xeôe du corps» 1 1 o Hifloire Naturelle ce qui nous porte à croire que le Pumas n'eft point un lion , tirant Ton origine des lions de l'ancien continent , & qui auroit enfuite dégénéré dans le climat du nouveau monde *, mais que c'efi: un animal particulier à l'Amérique, comme le font aufli la plupart des animaux de ce nou- veau continent. Lorfque les Européens en firent la découverte , ils trouvèrent en effet que tout y étoit nouveau, les ani- maux quadrupèdes, les oifeaux, les poif- fons^ les infedtes, les plantes, tout parut inconnu , tout fe trouva diftérent de ce qu'on avoit vu jufqu'alors. Il fallut ce- pendant dénommer les principaux objets de cette nouvelle nature -, les noms du pays étoient pour la plupart barbares , très-difficiles à prononcer & encore plus à retenir, on emprunta donc des noms de nos langues d'Europe , & fur- tout de l'Efpagnole & de la Portugaife. Dans cette difette de dénominations , un petit- rapport dans la forme extérieure , une légère reffemblance de taille & de figure fuffirent pour attribuer à ces objets in- connus les noms des chofes connues \ de-là les incertitudes , l'équivoque , la confurion qui s'eft encore augmentée > du Lion, \ 1^1 parce quen même temps qu'on donpok aux produâ:roiis du nouveau monde les dénominations de celles de l'ancien con- tinent, on y tranfporroit continuellement > & dans le même temps , les efpèces d'a- nimaux & de plantes qu'on nj a voit pas^ trouvées. Pour fe tirer de cette obfcurité & pour ne pas tomber à tout infiant dans l'erreur, il eft donc néceifaire de diftin- guer foigneuiement ce qui appartient err propre à l'un & à l'autre continent , & tâcher de ne s'en pas lailTer impofer par les dénominations adluelles , lefquelles ont prefque tous été mal appliquées y-nous ferons fentir toute la nécelîîté de cette diftindion dans l'article fuivant , & nous donnerons en même temps une énumé- ration raifonnée des animaux originaires de l'Amérique, & de ceux qui ont été tranfportés de l'ancien continent. M. de là Condamine , dont le témoignage mérité toute confiance , dit exprelTément qu'il ne fait pas fi l'animal que les Efpagnols de ^Amérique appellent Lion ^ ' & les naturels du pays de Quitto Puma ^ mérite le nom de lion \ il ajoute qu'il efl beau- coup plus petit que le lion d'Afrique 3 112 Hijloire Naturelle Se que le mâîe n a point de crinière (hj, Frelier dit auffi que les animaux qu'on appelle Lions au Pérou , font bien diffé- rens des lions d'Afrique -, quils fuient îes hommes , qu'ils ne font à craindre que pour les troupeaux , & il ajoute une chofe très- remarquable 5 c'eft que leur tête tient de celle du loup & dé celle du tigre , Se qu'il a la queue plus petite que î'un Se l'autre (o). On trouve dans des relations plus anciennes fp) _, que ces lions d'Amérique ne reflTemblent point à ceux ' (jij Voyez le Voyage de l'Amérique méridionale > ^ Age 24 & fuiv. (o) Voyez le Voyage de Frefler à la mer du fod. Taris, tyi6,yage 1^2. • (v) ^oytz l'hiftoire naturelle des Indes de Jofeph Acofta, tradition de Robert Renaud. Paris, j^oo, pages 4^ & j^o. du Lion. 1 1 3 que de crinière, & enfin par les habitudes naturelles -, caradères aiïez nombreux & aflèz efTentiels pour faire celTer Téqui- voque du nom , & pour que , dans la fuite , Ton ne confonde plus le Puma d'Amérique avec le vrai lion , le lion de l'Afrique ou de TAfie. Quoique ce noble animal ne fe trouve que dans les climats les plus chauds , il peut cependant fubfifter & vivre affez long - temps dans les pays plus tem- pérés, peut-être même avec beaucoup de foin pourroit-il y multiplier. Gelner rapporte qu'il i-iaquit des lions dans la ménagerie de Florence -, Willugby dit qu'à Naples une lionne enfermée avec un lion dans la même tanière , avoic produit cinq petits d'une feule portée : ces exemples font rares , mais s'ils font vrais, ils fuffifent pour prouver que les lions ne font pas abfolument étrangers au climat tempéré', cependant il ne s'en trouve a6tuellement dans aucune des parties méridionales de l'Europe , & dès le temps d'Homère il n'y en a voit point dans le Péloponèfe , quoiqu'il y en eût alors ^ & même encore du temps 114 Hijloire Naturelle d'Ariftote , dans îa Thrace, îa Macé- doine & ïa Thefîalie ; il paroît donc que dans tous les temps ils ont conftam- ment donné ïa préférence aux climats îes plus chauds, qu'ils fe lont rarement habitués dans les pays tempérés , & qu'ils n'ont jamais habité dans les terres du nord. Les Naturaliftes que nous venons de citer 5 & qui ont parlé de ces lions nés à Florence & à Naples, ne nous ont rien appris fur le temps de la geftation de la lionne , fur la grandeur des lionceaux îorfqu'ils viennent de naître , fur les de- grés de leur accroiffement. ^lien ( (j } dit que îa lionne porte deux mois, Phi- loflrate &: Edoward Wot ( r) difent au- contraire qu'elle porte fix mois -, s'il falloir opter entre ces deux opinions , je ferois de la dernière •, car le lion eft un animal de grande taille , & nous favons qLi'eii général dans les gros animaux , la durée de la geftation eft plus longue qu'elle ne Teft dans les petits. Il en eft de même de l'accroiftement du corps -, les Anciens & les modernes conviennent que les lions fq) vidé Gçfner, HiJ}. quadrup. pag. 575 & fuir. CiJ vide lih. de diff. animal, cap. ixxx. du Lion. 1 1 5 nouveaux -nés font fort petits , de la grandeur à peu près d'une belette (f)^ c eft-à-drre > de fix ou fept pouces de lon- gueur -, il leur faut djnc au moins quel- ques années pour grandir de huit ou neuf pieds : ils dii ent auiîî que les lion- ceaux ne font en état de marcher que deux mois après leur naiHance. Sans don- ner une entière confiance au rapport de ces faits , on peut préfumer avec allez de vraifemblance que le lion, attendu la grandeur de fa taille, eft au moins trois ou quatre ans à croître , & qu il doit vivre environ fept fois trois ou quatre ans , c'eft-à- dire , à peu près vingt -cinq ans. Le Sj de Saint - Martin , maître du Com- bat du Taureau à Paris, qui a bien voulu me communiquer les remarques qu'il avoir {dites fur les lions qui! a nourris , m'a fait aflfurer qu'il en avoit gardé quelques- uns pendant feize ou dix -fept ans, & il croit qu'ils ne vivent guère que viiigt; ou vingt-deux ans, il en a gardé d'autres pendant douze ou quinze ans , & l'on fent bien que dans ces lions captifs le manque d'exercice, la contrainte & Tei^- (fj Vid€ lib, de diff. (uiimal, cap. ixxx, \\ (A I I 6 Hijloire Naturelle nui 5 ne peuvent qu affoibiir leur fanté & abréger leur vie. Ariftote aiîure en deux endroits difré- rens de Ton ouvrage fur la génération (t) j que la lionne produit cinq ou fix petits de la première portée, quatre ou cinq de la féconde , trois ou quatre de la troi- fîème 5 deux ou trois de la quatrième , lin ou deux de la cinquième , & qu'après cette dernière portée, qui eft toujours la moins nombreufe de toutes , la lionne devient ftérile. Je ne crois point cette aflertion fondée , car dans tous les ani- maux les premières & les dernières por- tées font moins nombreufes que les portées intermédiaires. Ce Philofophe s'eft encore trompé , & tous les Natura- lises tant anciens que modernes , fe font trompés d'après lui , lorfqu'ils ont dit que la lionne n avoir que deux mamelles; il eft très -fur qu'elle en a quatre , & il efl: aîfé de s'en aftiirer par la feule inrpec* tion : il dit aulïï (uj que les lions , le^ ours 5 les renards naiffent informes , (\) vide Arift. de génération c flih, III, cap. ii» le X. fitj Ibîd. lib. IV, cap. VI. du Lion. 1 ij prefque Inarticulés _, & Ton fait , à n'en pas douter, qu'à leur naiifance tous ces animaux font aujGii formés que les autres, & que tous ieurs membres font diftindts & développés-, enfin il aiTure que les lions s'accouplent à rebours (x), tandis :juil eft de même démontré par la feule :nfpe6tion des parties du mâle & de leur iîredion, lorfqu elles font dans l'état Dtopre à l'accouplement, qu'il fe fait à a manière ordinaire des autres quadru- pèdes. J'ai cru devoir faire mention en létaii de ces petites erreurs d'Ariftote, Darce que l'autorité de ce grand homme i entraîné prefque tous ceux qui ont :crit après lui fur l'hiftoire naturelle des inimaux. Ce qu'il dit encore au fujet du :ou du lion, qu'il prétend ne contenir [u'un feui os, rigide, inflexible & fans livifîon de vertèbres, a été démenti par expérience qui même nous a donné fur :ela un fait très-général, c'eft que dans eus les quadrupèdes, fans en excepter (xj vide Arift. Hijî. animal. lib. V, cap. n.... jinnsus, Syji. nat. cdit. X. pag..^i, Léo retr» mngh & coiu 1 1 8 Hijloire Naturelle aucun, 8c même dans l'homme, le cou eft compofé de fept vertèbres, ni pluS; ni moins, & ces mêmes fept vertèbre.' fe trouvent dans le cou du lion , comme dans celui de tous les autres animaux quadrupèdes. Un autre fait encore, c'efl qu'en général les animaux carnaffiers oni le cou beaucoup plus court que le: animaux frugivores, Se fur-tout qu-e le: animaux rummans*, mais cette diftérenc( de longueur dans le cou des quadru- pèdes, ne dépend que de la grandeu: de chaque vertèbre Se non pas de leui nombre, qui eft toujours le même : oi peut s'en affurer en jetant les yeux fu] i'immenfe colîedîon de fquelettes qui f< trouvent maintenant au Cabinet du Roi on verra qu'a commencer par l'éiépham 8c à finir par la taupe, tous les animam quadrupèdes ont fept vertèbres dans U cou , & qu'pucun n'en a ni plus ni moins A réirard de la folidité des os du lion; qu'Ariftote dit être fans moelle Se fam- cavicç, de leur dureté qu'il compare a* celte du caillou, de leur propriété de faira feu par le frottement-, c'eit une erreur qui du Lion, 1 I 9 n'auroit pas dû être répétée par Kolbe (^y); ni même parvenir jufqu'à nous, puifque dans le fiècle même d'Ariftote, Epicure s'étoit moqué de cette aifertion. Les lions font très-ardens en amour *, lorfque la femelle eft en chaleur, elle eft quelquefois fuivie de huit ou dix m.^les (\) qui ne ceilent de rugir autour délie Se de fe livrer des combats furieux , jufqu'à ce que Tun d'entre eux, vainqueur de tous Iqs autres , en demeure pailible pof- felFeur & s'éloigne avec elle. La lionne met bas au printemps (a) & ne produit qu une fois tous les ans *, ce qui indique encore qu'elle eft occupée pendant plu- fieurs mois à foigner & allaiter Tes petits, & que par conféquent le temps de leur premier accroilTement, pendant lequel ils ont befoin des fecours de la mère, eft au moins de quelques mois. Dans ces animaux, toutes les pafllons, même les plus douces, font exceiïîves, Qc l'amour maternel eft extrême, La lionne CyJ Voyez les Mémoires de Kolbe. Amjlerdam , ty^i , tome III , pages 4 6* 5. Cl) vide Gefner , Kijl quadrup.j^âg. 575 & CnW. faj Idenif ibidsm. 12 0 Hijîoire Naturelle naturellement moins forte, moins coura- geufe & plus tranquille que le lion, de* vient terrible dès qu elle a des petits -, elle fe montre alors avec encore plus de hardielTe que le lion, elle ne connoît point le danger, elle fe jette indiflerem- ment fur les hommes & fur les animaux quelle rencontre, elle les met à mort, fe charge enfuite de fa proie , la porte & la partage à fes lionceaux, auxquels elle apprend de bonne heure à fucer le fang & à déchirer la chair. D'ordinaire elle met bas dans des lieux très-écartés & de difficile accès, & lorfqu elle craint d'être découverte, elle cache fes traces en re* tournant plufieurs fois fur fes pas, ou bien elle les efface avec fa queue*, quel- quefois même, iorfque l'inquiétude efi: grande, elle tranfporte ailleurs fes petits, & quand on veut les lui enlever, elle devient furieufe & les défend jufqu'à la dernière extrémité. On croit que le lion n a pas Todorat auffi parfait ni les yeux auffi bons que la plupart des autres animaux de proie -, on a remarqué que la grande lumière du foieîl paroît imcommoder, qu'il marche rarement du Lion, T 2. 1 rarement dans le milieu du joui , que c eO: pendant la nuit qu il fait toutes les courfes , que quand il voit des feux allu- més ^ autour des troupeaux, il nen ap- proclie guère , &:c. on a obfervé qu'iî névente pas de loin Todeur des autres animaux, quil ne les chalTe qua vue & non pas en les fuivant à la pifte , comme fout les chiens & les loups dont Todorat efl plus fin. On a même donné le nom de Guide ou de Pourvoyeur du lion à une efpèce de lynx auquel on fuppofe la vue perçante & Todorat exquis , & on prétend que ce lynx accompagne ou précède toujours le lion pour lui indi- quer fa proie : nous connoiiTons cet ani- mal , qui fe trouve comme le lion , en Arabie , en Libye , &:c. qui , comme lui , vit de proie , & le fuit peut-être quelque- fois pour profiter de Tes reftes , car étant foible & de petite taille , il doit fuir le lion plutôt que le fervir. Le lion , lorfqu'il a faim , attaque de face tous les animaux qui fe préfentent -, mais comme il eft très - redouté , & que tous cherchent à éviter fa rencontre , il eft fouvent obligé de fe cacher & de les Tome JIL Quadrupèdes^ F 12 2 Hijîoire Naturelle attendre au pafTage -, il fe tapit fur le ventre dans un endroit fourré , d'où il s'élance avec tant de force, qu il les faiiît fouvenc du premier bond : dans les déferts 8c les forêts 5 fa nourriture la plus ordinaire font îes gazelles & les finges , quoiqu'il ne prenne ceux-ci que lorfqu'ils font à terre , car il ne grimpe pas fur les arbres comme le tigre ou le puma ("bj; il mange beaucoup à la fois & fe remplit pour deux ou trois jours -, il a les dents iî fortes qu'il brife aifément les os , & il les avale avec la chair. On prétend qu'il fupporte long-temps la faim -, comme fon tempé- rament eft exceflîvement chaud , il fup- porte moins patiemment la foif , ëc boit toutes les fois qu'il peut trouver de l'eau , il prend l'eau en lapant comme un chien y mais au lieu que la langue du chien fe courbe en delTus pour laper , celle dit îion fe courbe en deffbus , ce qui fait qu'il eft long-temps à boire 8c qu'il perd beaucoup d'eau -, il lui faut environ quinze livres de chair crue chaque jour •, il préfère la chair des animaux vivans 9 de ceux fur-tout qu'il vient d'égorger > CbJ vide Klein ; de fuadrup. pag, 8a, du Lion. 125 il ne fe jette pas volontiers fur à^s ca- davres infeds, & il aime mieux chafTer une nouvelle proie que de retourner chercher les reftes de la première : mais quoique d'ordinaire il fe nourrifle de chair fraîche , fon haleine eft très-forte & fon urine a une odeur infupportabie. Le rugiiîement du lion eft fi fort que quand il fe fait entendre , par échos , la nuit dans les déferts, il relTemble au bruit du tonnerre (c) ; ce rugiffement eft: fa voix ordinaire , car quand il eft: en colère il a un autre cri , qui eft: court & réitéré fubi- temenf, au lieu que le rugiftement eft: un cri prolongé , une efpèce de grondement d'un ton grave , mêlé d'un frémifïement plus aigu : il rugit cinq ou fix fois par jour 5 & plus fouvent lorfqu'il doit tomber de la pluie (d). Le cri qu'il fait lorfqu il eft: en colère, eft: encore plus terrible que ie rugîfïemenf, alors il fe bat les flancs de fa queue , il en bat la terre , il agite fa fcj Voyez les voyages de la BoulIaye-le-Gouz , fagt ^20. fd) C'eft du fieuf de Saint -Martin, Maître du Combat da Taureau , qui a nourri pluûeurs lions , que nous tenons c€9 derniers faits. Fij 12 4 Hijloire Naturelle crinière, fait mouvoir la peau de fa face , remue Tes gros fourcils, montre des dents menaçantes ^ tire une langue armée de pointes fi dures, qu'elle fufït feule pour ccoreher la peau & entamer la chair fans îe fecours des dents ni des ongles , qui font après les dents fes armes les plus, cruelles. Il eft beaucoup plus fort par la tête, les mâchoires & les jambes de de- vant , que par les parties poftérieures du corps-, il voit la nuit comme les chats-, il lie dort pas long-temps & s*éveille aifé- ment *, mais c'eft mal- à -propos que Ton a prétendu qu'il dormoit les yeux ouverts. La démarche ordinaire du lion eft fière , grave & lente , quoique toujours oblique ; ia courfe ne fe fait pas par des mouve- mens égaux , mais par fauts & par bonds , &: fes mouvemens font (i brufques qu'il lie peut s'arrêter à l'inftant & qu'il palFe prefque toujours fon but : lorfqu'il faute fur fa proie il fait un bond de douze ou quinze pieds ^ tombe deffus, la faifit avec les pattes de devant, la déchire avec les ongles & enfuite la dévore avec les dents. Tant qu'il eft jeune & qu'il a de la légè- du Lion, 125 ïeté il Yit cïu produit de fa chaffe , & quitte rarement Tes déferts & Tes forêts où il trouve alTez d'animaux fauvages pour fubiifter aifémenf, mais lorfqu'il devient vieux , pefant & moins propre à l'exer- cice de la charie, il s'approche des lieux fréquentés , & devient plus dangereux pour Thomme & pour les animaux do- meftiques-, feulement on a remarqué que lorfqu'il voit des hommes & des animaux enfemble , c'eft toujours fur les animaux qu'il fe jette & jamais fur les hommes , à moins qu'ils ne le frappent , car alors il reconnoît à merveille celui qui vient de l'oitenfer (e)y8c il quitte fa proie pour Te venger. On prétend qu'il préfère la chair du chameau à celle de tous les autres animaux *, il aime audi beaucoup celle des jeunes éléphans , ils ne peuvent lui réfîfter îorfque leurs défenfes n'ont pas encore pouiTé & il en vient aifément à bout, à moins que la mcre n'arrive à leur fecours. CO Voj'ez l'Hiftoire générale des Voyages , tome V, page 86. M. J'abbé Prévôt qui , comme tout le monde fait , écrit avec autant de chaleur que d'elé- gance, y fait une très-belle defcription du lion , de f€s qualités & de fes habitudes naturelles. F û] itS Hijloire Naturelle L'éléphant , le rhinocéros 5 le tîgre 5c Thippopotame , font les feuls animaux qui puifTent réfifter au lion. Quelque terrible que foit cet animal , on ne laiffe pas de lui donner la chaffe avec des chiens de grande taille & bien appuyés par des hommes à cheval , on le déloge , on le fait retirer -, mais il faut que les chiens & même les chevaux foient aguerris auparavant, car prefque tous les animaux frémiflent & s'enfuient à la feule odeur du lion. Sa peau , quoique d'un tiiïu ferme & ferré, ne réfîfte point à la baie 5 ni même au Javelot *, néanmoins on. ne le tue prefque jamais d'un feul coup : on le prend fouvent par adreiTe , comme nous prenons les loups , en le faifant tomber dans une foITe profonde qu'on recouvre avec des matières légères au- deflus defquelles on attache un animal vivant. Le lion devient doux dès qu'il cft pris , & fi Ton profite des premiers niomiens de fa furprife ou de fa honte , on peut l'attacher , le mufeler & le con- duire où l'on veut. La chair du lion eft d'un goût défa- gréable & fort y cependant les Nègres & m. m. Tl.5.p.jLz6. I.E XTON -S. l'hippopotame Se ie rhinocéros. L'on a très -mal -à -propos donné le nom de chameau au lama (^^y^, & faj Cameîus dorfo levi , gibbo peâorali. Linnaeus. S-^'Um. natur, edit,X, pag. 5$. — Cainelus pilis X 3 6 Animaux au Pacos (b ) du Pérou , qui font d'une efpèce il diftérente de celle du chameau ^ qu'on a cru pouvoir leur donner aufïi le nom de moutons ; en forte que les uns les ont appelés chameaux-, Se les autres moutons du Pérou , quoique le Pacos n'ait rien de commun que la laine avec notre mouton, & que le Lama ne rei^ lemble au chameau que par Talongement du cou» Les Efpagnols fcj tranfportèrent autrefois de vrais chameaux au Pérou ; ils les avoient d'abord dépofés aux îles Canaries, d'où ils les tirèrent enfuite pour les pafTer en Amérique : mais il faut que le climat de ce nouveau monde ne leur foit pas favorable , car quoiqu'ils aient hrevijfimis vejîitns .... Camelus Peruanus , le Chameau du Pérou. Brifibn, Regn. animal, pag. $6,—^ Ovis Vcruaua. Marcgrav. }iijl- Sraf. pag. 243. ^bj Camelus tophisnullis , eorpore lanato. Linilctus, Syjlcm. natur. Edit. X , pag. 66. — Camelus pilis pro- lixis toto eorpore vejUtus. La Vigogne. BrifTon , Rfgn. animal, pag. 57. — Ovis Peruana pacos diSa Marc- grav. Hiji. Brajil. pag. 244. fej Voyez l'Hiftoire Naturelle des Indes de Jofeph Acoûa, traduite par Robert Renaud. Paris , i6oo , depuis la page ^^ jufqu'à tapage loS. Voyez aufli rtlidoire des Incas, Paris, ly^^ , tome II, pn^t a6G. Cr fuiy» de V ancien Continent, 137 produit dans cette terre étrangère , ils ne s Y font pas multipliés , & ils n y ont jamais été qu'en très -petit nombre. La giraffe ( d) ou le camelo-pardalist animal très- grand, très- gros & très -re- marquable 5 tant par fa forme fingulière que par la hauteur de fa taille, la longueur de fon cou & celle de fes jambes de devant , ne s'eft point trouvé en Amer riquej il habite en Afrique & fur-tout en Ethiopie, & ne s'eft jamais répanda au-delà des Tropiques dans les climats tempérés de Tancien continent. Nous avons vu dansTarticleprécédear, que le lion n'exiftoit point en Amérique, éc que le Puma du Pérou eft un animal d'une efpèce diftérente. Nous verrons de même que le tigre & la panthère ne fe trouvent que dans l'ancien continent , & que les animaux de l'Amérique méridio- nale auxquels on a donné ces noms font d'efpèces différentes. Le vrai trgie , le feul qui doive conferver ce nom , eft un animal terrible & peut-être plus à creindre que le lion -, fa férocité n'eft comparable Cd) Giraffa quant Arabes Zurnapa, Graci & Latini Xamelo-patdalin nomr/'wnt. Be;/ dis- je , en indique les caradères elTentieîs, en difant que leur poil eO: blanchâtre & de V ancien Continent, 139 que leur robe eft variée par-tout (ej de taches noires , femblables à des yeux s il ajoute que ia feule diiîérence qu'il 7 ait entre le mâle & la femelle , c'eft que la femelle a la robe plus blanche. Les ani- maux d'Amérique auxquels on a donné le nom de titres , relTemblent beaucoup plus à la panthère qu au tigre *, mais ils en diffèrent encore afTez pour qu'on puiiTe reconnoître clairement qu'aucun feux n'eft précifément de l'efpèce de la panthère. Le premier eft le jaguar ou •uguara ou janowara^ qui fe trouve à la 3uiane , au Breiîl & dans les autres parties îiéridionales de l'Amérique. Ray avoir , ivec quelque raifon , nommé cet animal yard (f) ou Zy/2x du Brejil ; les Por- ugais l'ont appelé once ou on^a , parce ju'ils avoient précédemment donné ce fej Pantherîs in candido brèves maculamm ociili arias . . . . & pardos , qui mares Jint appellant in eo mni génère creberrino in Africâ Syriaque , quidam '.h iis Pantheras candore folo difcernnnt , nec adhus •liam differentiam inveni, Piin, Hijî. Nat. lib. VIII , ap. XVII. ffj Fardas an Lynx Brafilienjîs , jagiiara dicia, vlarcgravii. Ray , Synopf, quadrup. pag. 166. 1 40 Animaux nom au lynx par corruption , & enfuîte à !a petite panthère des Indes ^ & les François , fans fondement de relation , Tont appelé tigre (g) , car il n'a rien de commun avec cet animal. Il diffère aufïî de ia panthère par la grandeur du corps , par ia pofition & la figure des taches , par la couleur Se la longueur du poil , qui eft crêpé dans la jeunellb , & qui eft toujours moins liiTe que celui de Is panthère : il en diftère encore par le r.aturel & les mœurs , il eft plus fauvag< & ne peut s'apprivoifer , &c. Ces dif férences cependant n'empêchent pas que le jaguar du Brefil ne reffemble plus à la panthère qu'à aucun autre animal de l'ancien continent* Le fécond eft celu; que nous appelons cougaar , par con- tradion de fon nom brafdien aiguacu- ara (h) que Ton prononce cougouacou-ara-; (g) Gros Tigre de la Guiane. Defmarchaîs , tome III, pag: a.95. Le Tigre d'Amérique. ErifTojij Kegn. animal, pag. 270. ChJ Cuguacu-ara. Pifon , H//?. Nat. J«i. pag. ic4>( •— Le Tigre rouge. Earrère , Hiji. Franc. »quîn. pag. 165. — Le Tigre rouge. Brifion , Rtgn. animal. pag. i-ji. de V ancien Continent. 141 'c que nos François ont encore mal-à~ iropos appelé tigre rouge ; il diiîere en out du vrai tigre & beaucoup de la pan- ière , ayant le poil d'une couleur roufTe , niforme & fans taches *, ayant aufïï la ^te d'une forme différente & le mufeau lus alongé que le tigre ou la panthère. Jne troiiième efpèce à laquelle on a ncore donné le nom de tigre , & qui n efl: tout aufîî éloignée que les précé- entes , c'eft le jaguarète (i) ^ qui eft à eu près de la taille du jaguar , & qiii li relTemble aufli par les habitudes na- irelles , mais qui en difïere par quelques ira6tères extérieurs ; on Ta appelé dgre oir y parce qu'il a le poil noir fur tout ■ corps , avec des taches encore plus^ Dires , qui font féparées & parfemées )mmc celles du jaguar. Outre ces trois pèces, & peut-être une quatrième qui î plus petite que les autres auxquelles 1 a donné le nom de tigres j il fe trouve icore en Amérique un animal qu'on fi) Jaguarète. Pifon , Hijî. Nat, Ind, pag. lOj^. -Once, efpèce de Tigre. Defmarchais , tome IIÏ, ge ^00. — Le Tigre noir. Briflbn , Regn, anim^h 5- i7i- 1 4 i -animaux peut leur comparer & qui me paroît avoir été mieux dénommé , c eft le chat- pard, qui tient du chat 8c de la panthère, & qu'il eft en effet plus aifé d'indiquer par cette dénomination compofée que par Ton nom mexicain tlacoofdotl ( k) : il eft plus petit que le jaguar , le ja- guarète & le couguar , mais en même temps il eft plus grand qu'un chat fau- vage , auquel il renemble par la figure j il a feulement la queue beaucoup pluî courte & la robe femée de taches noires : longues fur le dos & arrondies fur le ventre. Le jaguar, le jaguarète, le cou- guar 8c le chat-pard font donc les animauw d'Amérique auxquels on a mal-à-propo^ donné le nom de tigre. Nous avons vi vivant le couguar & le chat-pard -, noi nous fommes donc aflfurés qu'ils fotti chacun d'une efpèce différente entr'eux :J & encore plus différente de celle tigre & de la panthère , 8c à l'égard fkj Vidt Hernandei , Hijîor. Mexiq. pa^.^t»} —Chat- part. Hiftoire de l'Académie des Sciences ou Mémoires pour fervir à l'Hiftoire des Animaux €ome III, partiel, page îO^,— p-Chat-^ard.Briflbli. Kegn. animal, pag. 273. de V ancien Continent, 143 puma & du jaguar , il eft évident par îes defcriptions de ceux qui les ont vus , que le puma n'eft point un lion , ni le jaguar un tigre \ ainli^nous pouvons pro- loncer fans fcrupule que le lion, le tigre ^ même la panthère , ne fe font pas dIus trouvés en Amérique que Féléphant , e rhinocéros , Thippopotame , la giraffe k le chameau. Toutes ces efpèces ayant )eroin d'un climat chaud pour fe pro- >ager 8c n'ayant jamais habité dans les erres du Nord , n'ont pu communiquer i parvenir en Amérique : ce fait général , ont il ne paroît pas qu'on fe fût feule- lent douté , eft trop important pour ne î pas appuyer de toutes les preuves qui euvent achever de le conftater : conti- aons donc notre énumération comparée es animaux de l'ancien continent avec îux du nouveau. Perfonne n'ignore que les chevaux , Dti- feulement causèrent de la furprife , ais même donnèrent de la frayeur aux méricains lorfqu'ils les virent pour la remière fois : ils ont bien réuflï dans refque tous îes climats de ce nouveau )ntinent , & ils y font a(^ueliement pref- 144 Animaux qu auffi commuas que dans Tancien (t). Il en eft de même des ânes qui étoient également inconnus , &: qui ont égale- ment réulTi dans les climats chauds de ce nouveau continent -, ils ont même produit des mulets qui font plus utiles que les lamas pour porter des fardeaux dans toutes les parties montagneufes du Chili , du Pérou , de la nouvelle Ef- pagne , Sec, Le zèbre (m) eft encore un animal de Tancien fl) Tous les chevaux , dît GarcilafTo , qui font danj les Indes Efpagnoles , viennent des chevaux qui furent tranfportcs d'Andaloufie , d'abord dans l'île de Cuba • & dans celle de Saint - Domingue , enfuite à celle de Barlovento , ou ils multiplièrent fi fort , qu'il s'er lépandit dans les terres inhabitées , où ils devinrent fauvages , & pullulèrent d'autant plus qu'il n'y avoi point d'animaux féroces dans ces îles qui pulTent leu nuire , & parce qu'il y a de l'herbe verte tout l'année. Hijîoirt des Incas. Paris, 1744. — Ce foui les François qui ont peuplé les îles Antilles de chevaux les Efpagnob n'y en avoient point laifTé comme dan^ les autres îles & dans la terre ferme du nouveau continent. M. Aubert , fécond Gouverneur de la Gui deloupe , a commencé le premier pré dans cette île & y a fait apporter les premiers chevaux. Hijîoin géî nérale des Antilles , par le Père du Tertre. Paris, 1 66 f tome II, page a8^. M Ztbra, Ray, Syn. quad.pag. €9. — .Edxïrardsj ' ^ glcaniugi ée r ancien Continent, r 4 y fancren continent, & qui n'a peut-être jamais été tranfporté ni vu dans le nou- veau \ il paroît aftecler un climat parti- culier & ne fe trouve guère que dans cette partie de l'Afrique qui s étend de- puis rÉquareur jufqu'au cap de Bonne- efpérance. Le bœuf ne s'eft trouvé ni dans les îles ni dans la terre ferme de r4i"i"ïériqiie méridionale : peu de temps après la dé- couverte de ces nouvelles terres , les Efpagnols y tranfportèrent d'Europe des taureaux & des vaches. En 1550, on laboura pour la première fois la terre avec des bœufs (nj dans la vallée de Cufco. Ces animaux multiplièrent prodigieufe- ment dans ce continent , auiTi - bien que dans les îles de Saint - Dominsue , de Cuba, de Barlovento , ^c. ils devinrent même fauvages en plufieurs endroits* L'efpèce de bœuf qui s'eft trouvée au ^leanings of natural hiftory. London , ty^S , p. 37. 5* P51. — Afne fauvage. Kolbe, toine IJI , pag: sa. — Le Zèbre ou VAfne rayé. Briflbn. Regn. animal, iape 10 t. (nJ Voyez l'Hiftoire des Incas. Paris , 17^4 , orne II j page 2 6' 6" & fuiv. Tome IIL Quadrupèdes^ G I4<> Animaux Mexique , à la Louifiane , Sec, ( oj Se que nous avons appelé hœuf fauvage ou bijon 5 n'eft point ifTue de nos bœufs -, le bifon exiftoit en Amérique avant qu'on y eût tranfporté le bœuf d'Europe , 5< il difîère aiTez de celui - ci pour qu'on puiiïe le confîdérer comme faifant une efpèce à part : il porte une ho(^e entre les épaules*, Ton poil eft plus doux que îa laine , plus long fur le devant du corps que fur le derrière , & crêpé fur le cou & le Içng de Tépine du dos -, la couleur en eft brune, obfcurément mar- quée de quelqiies taches blanchâtres. Le bifon a de plus les jambes courtes *, elle? font , comme la tête & la gorge , cou-» vertes d'un long poil : le mâle a la queue longue avec une houpe de poil au bout , comme on le voit à la queue du lion. Quoique ces différences m'aient paru fuffifantes , ainii qu'à tous les autre? Naruraliflcs , pour faire du bœuf & du bifon (pj deux efpèces différentes , (^oj Voyez I*Hiftoire du nouveau Monde , par Jean de Laét. Leyde , t6^o , lib. X, cap. iv. f^pJ Voyez le premier volume de cette Hiftoire Natuielle , article du Boeuf. de r ancien Continent, 147 cependant je ne prétends pas raflùrer affirmativement : comme le feul caractère qui dirtérencie ou qui identifie les efpèces, eft la faculté de produire des individus qui ont eux-mêmes celie de produire leurs femblables , & que perfonne ne iious a appris fi le bifon peut produire avec le bœuf-, que probablement même 3n n'a jamais effayé de les mêler en- emble, nous ne forâmes pas en état de prononcer iur ce fait. J'ai obligation à VI. de la Nux , ancien Confeiller au Donfeil royal de l'île de Bourbon, & !Zorrefpondant de l'Académie des Scien- :es 5 de m'avoir appris , par fa Lettre (q) fqj Extrait de la Letti-e écrite par M. de la Nux à M. de Buffon. Je ne dois pas négliger de vous donner connoître que les Bifons, fi la loupe ou bofle qu'ils nt fur le garrot eft le feul caradère qui les diftingue es boeufs , ne font point une efpèce particulière 3c itférente de ceux-ci , comme vous paroiflez en être erfuadé. En cette île , oix depuis- plus de trente ans ai vu boeufs bretons , bœufs indiens , bifons , il eft rès-afTuré que ce font des animaux de même efpèce, lais de races différentes , qui s'ètant mêlées depuis ce !mps , ont produit des individus qui en ont eux-mêmes roduit d'autres , dont nos favanes font aélusKement :)uvertes. J'ai eu entr'autres une vache bretonne qui a te chez moi la fouche de plufieurs générations , & ;c Gij I4B Animaux datée de i'île de Bourbon du 9 oâ:obre 1759 , que îe bifon ou bœuf à bolTe de Tiie de Bourbon produit avec nos bœufs d'Europe , & j'avoue que je regardois ce bœuf à boiïe des Indes plutôt comme un bifon que comme un bœuf. Je ne puis trop remercier M. de la Nux de n'ai jamais eu de taureaux indiens ni bretons, mais feu-* lement des bifons entiers. Les premiers bâtards du mé- lange des bifons avec les races bretonnes , ont leur loupe ©u boffe fort petite : il y en a même qui n'en ont pref- que pas , feulement le defîus des omoplates eft plus charnu que dans les bœufs bretons ou indiens; encore après plufieurs mélanges de trois races bâtardes , tout difparoît j & j'ai aduellement plufieurs jeunes bëtcs qui n'ont pas la moindre apparence des boffes ou loupes très -diminuées que portent les mères qu'elles tettent. Nous nous fervons ici des boeufs , de quelque races qu'ils foient , pour porter les grains ôc autres denrées : l'âpreté de nos montagnes ne permet ni la charrue , ïA les charrois. Cet objet rend ici la race des bifons plus recommandable ; & la plupart de nos anciens Colons voient avec grand regret la diminution progrelfive àts loupes ou bolfes , ils font ce qu'ils peuvent pour conferver les fouches les plus boflues ; en effet , dans les defcentes affez roides , cette boffe retient la charge; malgré cela, j'ai l'expérience, & depuis bien des années , que la privation de la boffe ne rend pas nos boeufs moins propres à ce fervice. H y a huit mois que je me fuis défait d'un bœuf portant OU bçeufdc charge f né chez moi très métis , ^ui avoiç de V ancien Continent, 149 m'avoir fait part de cette obiervation , & il feroit bien à délirer qu'à Ton exemple les perfonnes habituées dans les pays loin- tains fiffent de femblables expériences fur ies animaux : il me fembie qu'il ieroit facile à nos habirans de la Louiliane d'elîayer de mêler le bifon d'Amérique avec la vache d'Europe, & le taureau d'Europe avec la bifonne •, peut-être produiroient- ils enfemble , & alors on feroit afluré que le bœuf d'Europe , le bœuf bofTii fervi pendant plus de quatre ans, 6c qui n'avoit pas la moindre apparence de boflcj j'ai encore fa mère qui a bofle , & qui , âgée de dix-fept à dix-huit ans , donne encore des veaux bien étofféS: Ces bceufs de chars^e font conduits & gouvernés par le nez qu'on perce entre J^c narines; on pafTe dans l'ouverture un fer courbe en croii'ant , un peu ouvert aux deux exrremitws , aux- quelles font attachés deux anneaux ; cette efcèce de bridon eil fu porté p?.r une têtière qui palTe derrière Its cornes & les oreilles. La corde ou longe de con- duire , longue de quinze à feize pieds , cft attachée à l'un des anneaux : ordinairement le bœuf devance le condu£leur. J'oubliois de vous obferver que les bifons entiers ont toujours été trouvés ici plus foibles , non- feulement que les taureaux bretons , mais encore que les bâtards de la race bretonne , je fens bien qu'on voudroit favoir il cela eft égal dans les individus pro- venus d'un taureau ou d'une vache bifonne , & danrs ceux provenus d'un bifon. Je ne fuis pas en état de répondre , &c. Giij I ^ o Animaux de rîle de Bourbon , le taureau des Indes orientales & le bifon d'Amérique ne fe- roient tous qu'une feuîe & même efpèce. On voit 5 par les expériences de M. de la Nux , que la boflfe ne fait point un caradlère eflentieï , puifqu'elle difparoît après quelques générations j & d'ailleurs j'ai reconnu moi - même par une autre obfervation , que cette boiTe ou loupe que l'on voit au chameau comme au bilon , ell: un caractère qui , quoique ordinaire n'eft pas conftant, & doit être regardé comme une diftérence acciden- telle dépendante peut-être de l'embon- point du corps -, car j'ai vu un chameau maigre & malade qui n'avoit pas même l'apparence de la bolTe. L'autre carac- tère du bifon de l'Amérique, qui eft d'a- voir le poil plus long & bien plus doux que celui de notre bœuf, paroit encore n'être qu'une différence qui pourroit venir de l'influence du climat, comme on le voit dans nos chèvres , nos chats & nos lapins , iorfqu'on les compare aux chèvres , aux chats & aux lapins d'Angora , qui , quoique très - diftérens par le poil , font cependant de la même de V ancien Continent. i 5 i cfpcce : on pourroir donc imaginer avec quelque forte de vraifemblance ( fur - tout (i ie bifon d'Amérique produifoit avec nos vaches d'Europe ) , que notre bœuf auroit autrefois paffé par les terres du Nord contiguës à celles de T Amérique Septentrionale , & qu'enfuite ayant dti- cendu dans les régions tempérées de ce nouveau monde , il auroit pris avec le temps les imprefîîons du climat, & de bœuf feroit devenu bifon. Mais jufqu'à ce que le fait eflentiel , c'eft - à - dire , la faculté de produire enfembie , en foit connu 5 nous nous croyons en droit de dire que notre bœuf ed un animal appartenant à Tancien continent, & qui n'exiffcoit pas dans le nouveau avant d'y avoir été tranfporté. Il Y avoit encore moins de brebis (r ) que de bœufs en Amérique : elles y ont été tranfportées d'Europe , & elles ont réufïi dans tous les climats chauds & tempérés de ce nouveau continent : mais quoiqu'elles y foient alTez prolifiques ( f)j (y) Voyez i'Hiftoire des Incas, Paris, 174-f , tomt II , page ^:i2. (0 Voyez i'Hift. du Brefil , par Pifon 5c Marcgravc. G iiij ï ji minimaux elles y font communément plus maigres, & les moutons ont en général la chair moins fucculente Se moins tendre qu'en Europe : le climat du Breiil efl: appa- remment celui qui leur convient le mieux , car c'efl: le feuî du nouveau monde où ils deviennent exceflivement gras (ij. L'on a tranfporté à la Jamaïque, non -feulement d-es brebis d'Europe, mais auiîî des mou- tons de Guinée fuj , qui y ont également réufîî : ces deux efpèces , qui nous pa- roifTent être difrérenres l'une de l'autre , appartiennent également & uniquement à l'ancien continent. Il en eft des chèvres comme des brebis , elles n'exiftoient point en Amérique , ôc celles qu'on y trouve aujourd'hui & qui y font en grand nombre , viennent toutes des chèvres qui y ont été tranf- portées d'Europe, Elles ne fe font pas autant multipliées au Brefil fxj que les ^tj Voyez l'Hiftoire du nouveau Monde, par Jeaa de Laët. Leyde , i6'/j.o , lib. XV, chap. xr. ( uj 0\is Giimecnjîs feu Angolenjîs. Marcgravii, lib. VI, cap. X. Ray, Synopjis. page 75. Voyez l'Hiftoire de la Jamaïque , par Hans Sloane. Londres,^ jyoy , vol. I, page 7^ de l'introduâion. (xj Voy. i'iliU. du nouv. Monde, lib. XV, c, xy^ de V ancien Continent, i j 5 brebis -, dans les premiers temps , lorf- que les Efpagnois les rranfpoitcrent au Pérou 5 elles y furent d'abord li rares qu'elles fe vendoient Jurqu'à cent &yi ducats pièce (y ) ; mais elles s'y malri- plièrent enfuite fi prodrgieufement qu'elles fe donnoient prefque pour rien , & que l'on n'eftimoit que la peau -, elles y pro- duifent trois , quatre & jufqu'à cinq che- vreaux d'une feule portée , tandis qu'en Europe elles n'en portent qu'un ou deux* Les grandes & les petites îles de l'Amé- rique font aufïï peuplées de chèvres que les terres du continent -, les Efpa- gnois en ont porté jufques dans les îles de la mer du Sud *, ils en avoient peuplé l'île de Juan - Fernandès (^) où elles avoient extrêmement multiplié -, mais comme c'étoit un fecours pour les Flr- buftiers, qui dans la fuite coururenr ces mers , les Efpagnois réfolurent de dé- truire les chèvres dans cette île , 8c pour cela ils y lâchèrent des ciiiens qui s'y :; étant multipliés à leur tour, détruilirent fyj Voyez l'Hiftoire desincas, tome II, page ^3 a, (\) Voyez le voyage autour du Monde, par Anfo^ \iv. II, p. loi, Gy f j4 Animaux les chèvres dans toutes les parties accef^ lîbles de Fîie •, & ces chiens y font deve- nus fi féroces , qu'actuellement ils atta- quent les hommes. Le fanglier , le cochon domeftique > ie cochon de Siam ou cochon de la Chine , qui tous trois ne font qu'une feule & même efpèce , & qui fe multi^ plient fi facilement & fi nombreufemenc en Europe Se en Afie , ne fe font point trouvés en Amérique : le Tajacou faj j ' qui a une ouverture fur le dos , eft Ta- nimal de ce continent qui en approche le plus j nous l'avons eu vivant , & nous avons inutilement effayé de le faire pro* duire avec le cochon d'Europe j d'ailleurs îl en diflère par un fi grand nombre d'autres caraélères , que nous fommcs bien fondés à prononcer qu'il eft d'une efpèce diUérente. Les cochons^tranfpor- tés d'Europe en Amérique , y ont encore mieux réuflî 8c plus multiplié que les faj Tajacu. Pifon , Ind. page 98. — Tajacu , ai^er Mtxicanus raofchiferus. Ray , Synopf. quadmp. P^ë- 97- — L° Sanglier du Mexique. Les François de îi Gukàe rappellent Cochon noir. Briflbn, Kegn. ajibv. p. lî i. de V ancien Continent t y$ brebis 8<. ies chèvres. Les premières truies, dit Garciiaiïb (b) ^fe vendirent au Pérou encore plus cher que les chèvres. La chair du bœuf & du mouton , dit Pifon fcjj n'eft pas fi bonne au Brefil qu'en Eu- rope j les cochons feuls y font meilleurs & y multiplient beaucoup ^ ils font auflî , félon Jean de La.'étfcl) j devenus meilleurs à Saint - Domingue qu ils ne le font en Europe. En général , on peut dire que de tous les animaux domeftiques qui ont été tranfportés d'Europe en Amérique , ie cochon eft celui qui a le mieux & le plus univerfelleipent réuOi. En Canada comme au Brehl , c'eil-à-dire , dans les Climats très -froids & très -chauds de ce nouveau monde, il produit, il multiplie > & fa chair cfl égalemeiit bonne à manger. L'efpèce de la chèvre au contraire ne s'efl: multipliée que dans l^s pays chauds ou tempérés , 8c n'a pu fe maintenir en ^bj Voyez l'Hiftoire des Incas , Taris , «7^4; tome II , pcige 2ff6' & fuiv. (c) Vide Pifon , Hz/?. A'fif. Brajll. cuirt app. Ma'ic- gîavii. (^dj Voyez THiftoire du nouveau J^nde , pas ^ Jean de La'èt. Leyde , tb'4o , ckap, iv , page 5. G vi I j 5 jinimaux Canada -, il faut faire venir de temps eri temps d'Europe des boucs & des chèvres pour renouveler refpèce , qut par cette raifon y eft très - peu nombreufe. L'âne., qui multiplie au Brelii , au Pérou , &c. na pu multiplier en Canada ; Ton n'y voit ni mulets, ni ânes , quoiqu'en difté- rens temps Ton y ait tranfporté plufieurs couples de ces derniers animaux auxquels le froid femble ôter cette force de tem- pérament , cette ardeur naturelle , qui dans ces climats les diftingue fi fort des autres animaux. Les chevaux ont à peu près également multiplié dans les pays chauds & dans les pays froids du conti- nent de l'Amérique •, il paroît feulement qu'ils font devenus plus petits ( e ) ; mais- eela leur eft commun avec tous les autres, animaux qui ont été tranlportés d'Europé- en Amérique-, car les bœufs, les chèvres y. îes moutons ? les cochons , les chiens ,. font plus petits en Canada qu'en France y. & , ce qui paro rra peut-être beaucoup plus fingulier, ceft que tous les animaux d'Amérique, même ceux qui font naturek; fej' Voyez l'Hiftoire de la Jamaïque , par Haa^i ^oaiie. Londres i lyoy & 2725.. àe V ancien Continent, i jj au climat font beaucoup plus petits en général que ceux de rancien continent» La Nature femble s'être fervie dans ce nouveau monde d'une autre échelle de grandeur*, Thomme eft le feul qu'elle ait mefuré avec le même module rmais, avant de donner les faits fur lefquels je fonde cette obfervation générale , il faut achever notre énumération. Le cochon ne s'eft donc point trouvé dans le nouveau monde , il 7 a été tranf- porté-, & non- feulement il y a multiplié dans rétat de domefticité , mais il eft même devenu fauvage en plufieurs en- droits ff) ^ & il vit & multiplie dans les bois comane nos fangliers , fans le fecours de Thomme. On a auiïi tranfporté de la Guinée auBreiil fg) une autre efpèce de cochon ditiérente de celle de l'Europe , qui s'y eft multipliée. Ce cochon de jf (^fj Les cochons d'Europe ont beaucoup multiplié dans eut s^l'. s indcs occidentales ; ils y font devenu» fauvag'S, ôc on les chafTe comme le fang'ier dont ils ont pris le natuf ! ôc .'a férocité. Hijïoire Natiu-elUdes: Indes , par Joftph Acojta. Paris ,, î6"oo , po-gt ^ & fuivantes. fgj Vide Pifon ,_ Hijl. Nat. Brafil, cum app. Marc* grayii. I j 8 animaux Guinée plus petit que celui d'Europe , a les oreilles fort longues & très-pointues , la queue aufli fort longue & traînant prefqu'à terre *, il n^eft pas couvert de foies longues , mais d\in poil court , & il paroît taire une efpèce diftindle & féparée de celle du cochon d'Europe ; car nous n'avons pas appris qu'au Brefdj où Tardeur du climat favorife la propa- gation en tout genre , ces deux efpèces fe foient mêlées , ni qu'elles aient même produit des mulets , ou des individus féconds. Les chiens , dont les races font lî variées & Ci nombreufement répandues , ne fe font , pour ainfi dire , trouvés eiî Amérique que par échantillons diriciles à comparer & à rapporter au total de fefpèce. Il Y avoit à Saint - Domingue des petits animaux appelés gofqués j fem- blables à des petits chiens ', mais il n'y avoit point de chiens femblables à ceux d'Europe, dit Garcilaflfo, & il ajoute (h) que les chiens d'Europe qu'on avoit tranfportés à Cuba & à Saint-Domingue > ^h) Voyez l'Hiftoire des Incas. Varis , «74^^ > tome II, page jaa & fuiyantes^ de V ancien Continent. 1^9 étant devenus fauvages , diminuèrent dans ces îies la quantité du bétail aulîî devenu fauvage*, que ces chiens marchent par troupes de dix ou douze & font aufîi méchans que des loups. Il n'y avoir pas de vrais chiens aux Indes occidentales, dit Jofeph Acofta (i) j mais feulement des animaux femblables à de petits chiens , qu'au Pérou ils appeloient alco j & ces alcos s'attachent à leurs maîtres & ont à peu près au(îi le naturel du chien. Si Ton en croit le Père Charlevoix ( k) ^ qui fur cet article ne cite pas Tes garans , « les gcfehis de Saint-Domingue étoient deoc petits chiens muets qui fervoient d'amu- a fement aux dames ( t ) ■, on s'en fervoitoi aufîi à la chaflTe pour éventer d'autres œ animaux -, ils étoient bons à manger (m) ^ ce Ci) Yoytz THiftoire Naturelle des Indes , par Joleph Acofta , page ^6 & fuivantes. Voyez aufli l'Hiftoire du nouveau Monde , par Jean de Laet. Liyde , i6/f.o , liv. X, chap. y. fkj Voyez l'Hiftoire de l'île Saint - Domingue , par le Père Cltarlevoix. Paris , ty^o , tomç. I, p. ^$ & fuiv. (ij y avoit-il des Dames à Saint-Domingue lorf* <]u'on en fit la découverte ! (nij La chair du chien n'eft pas bonne à manger. 1 6'o Animaux v> & furent d'une grande reffource dans 5> les premières fanrnes que les Efpagnols » efTuyèrent : refpèce aurort manqué dans » rîle y (i on n'y en avoir pas rapporté de » plufîeurs endroits du continent. Il y en »avoit de plufieurs fortes -, les uns avoient » la peau tout-à-fait lilTe , d'autres avoient » tout le corps couvert d'une laine fort » douce j le plus grand nombre n'avoit » qu'une efpèce de duvet fort tendre & » fort rare : la même variété de couleur » qui fe voit parmi nos chiens fe rencon- » troit auili dans ceux-là, & plus grande » encore , parce que toutes les couleurs » s'y trou voient, & même les plus vives. » Si Tefpèce des gofchis a jamais exiflé avec ces lîngularités que lui attribue le Père Charlevoix, pourquoi les autres Auteurs n'en font- ils pas mention ? & pourquoi ces animau'X qui, félon lui, étoient répan- dus non- feulement dans l'ile de Saint- Domi gue, mais en plufieurs endroits du continent , ne f. .bliftent - ils plus aujour- d'hui ? ou plutôt , s'ils fubfiftent , com- ment ont-ils perdu toutes ces belles fingu- îarités ! il efl; vraifemblable que le gofchis; du Père Charlevoix > dont il dit n avoir de V ancien Continent, i6i trouvé le nom que dans le Père Pers , cft le gofqués de GarcilaiTo -, il fe peut aulli que le gofqués de Saint-Domingue & Talco du Pérou ne foient que le même animal-, il paroît certain que cet animal ell: celui de l'Amérique qui a le plus de rapport avec le chien d'Europe. Quelques Auteurs Tout regardé comme un vrai chien : Jean de Laet (nj dit exprelTément , que dans le temps de la découverte des Indes il y avoit à Saint-Domingue une petite efpcce de chiens dont on le Tervoit pour la chaiTe, mais qui étoient abfolu- ment muets. Nous avons vu dans Thif- toire du chien (o ) j que ces animaux perdent la faculté d'aboyer dans les piys chauds \ mais l'aboiement eft remplacé par une efpèce de hurlement , & ils ne font jamais , comme ces animaux trouvés en Amérique , abfolument muets. Les chieus tranfportés d'Europe ont à peu près également réufîi dans les contrées les plus chaudes & les plus froides fnj Voyez THiftoire du nouveau Monde , pai Jean de Laet, liv. XV, chap. XV. (o) Voyez, le premier volume dc cette Hiftoite Nâ^» lujeUe , artitie du Chien^ i6i Animaux d'Amérique, au Brefîl & au Canada, & ce font de tous les animaux ceux que les Sauvages eftiment le plus fp) ; cepen* dant ils paroiiTent avoir changé de nature, ils ont perdu leur voix dans les pays chauds , la grandeur de la taille dans les pays froids , & ils ont pris prefque par - tout des oreilles droites j ils ont donc dégénéré , ou plutôt remonté à leur efpèce primitive , qui eft celle du chien de berger , du chien à oreilles droites , qui de tous eft celui qui aboie le moins. On peut donc regarder les chiens comme appartenans uniquement a Tancien continent, ou leur nature ne s'eft développée toute entière que dans les régions tempérées, & où elle paroit s'être variée & perfectionnée par les foins de l'homme , puifque dans tous les pays non policés Se dans tous les climats ex* celîiveraent chauds ou froids , ils font également petits, laids & prefque muets* L'hyœne fqj j qui eft à peu près de la {^pj Voyez l'Hiftoire au nouveau Monde , par Jean de Laët , liv. XV, chap. xr, page 513. (q) Hyœna. Ariftotelis, Hiji. atiimal. —^ Vahuh Arahiim. Charleton , Exer. pag, 15. de V ancien Continent, i (> 5 grandeur du loup , eft un animal connu des Anciens , & que nous avons vu vivant -, il eft: fingulier par Touverture & les glandes qu'il a fituées comme celles du hlaiieau , defqueiles il fort une hu- meur d'une odeur très- forte : il eft auflî très -remarquable par fa longue crinière , qui s'étend le long du cou & du garrot : par fa voracité, qui lui fait déterrer les cadavres, & dévorer les chairs les plus infedes , &c. Cette vilaine bête ne fe trouve qu'en Arabie ou dans \^s autres provinces méridionales de i'Afie -, elle n'exilie point en Europe, & ne s'eft: pas trouvée dans le nouveau m.onde. Le chacal (r) qui de tous les animaux , fafis m.ême en excepter le loup , efl celui dont i'efpèce nous paroît approcher le plus de i'efpèce du chien , mais qui cependant en diftèie par des caradtères euèntiels , eft: un animal très - commun en Arménie , en Turquie , & qui fe trouve aulîi dans plufteurs autres pro- ^r) Liijpus aiireus Jackall. Ray , Synopf. qnadrup. pag. 174. — ■ Ajîaticum animal. Adil. nuncu- patum. Bellon, Obf. pag. 160. — Canis Jîavus Le Loup doré. BrilTon , Regn. animal, pag. i^-j. I ^4 Animaux vinces de TAfie & de l'Afrique *, maïs il ed: abfolument étranger au nouveau continent. Il efî: remarquable par la couleur de Ton poil , qui eft d'un jaune brillant *, il eft à peu près de la grandeur d'un renard j quoique refpèce en foit très-nonibreufe-j elle ne s'eft pas étendue jufqu'en Europe, ni même julquau nord I deTAde. \ La genette (f) qui eft un animal bien connu des Efpagnols , puifqu'clle habite en Efpagne , auroit fans doute été re- marquée Ç\ elle fe fut trouvée en Amé- rique •, mais 5 comme aucun de leurs ' hiftoriens ou de leurs voyageurs n'en fait mention , il efl clair que c'eft encore un animal particulier à Tancien continent , dans lequel il habite les parties méri- dionales de TEurope , & celles de l'Ade qui font à peu près fous cette même latitude. Quoiqu'on ait prétendu que la civette fe trouvoit à la nouvelle Efpagne , nous penfons que ce n'eft point la civette de ffj Genetta. :Pel!on , Obfcrv pag. 76. — Genetta^ GatnsHifpania Ge uthocatus. Charleton , Exer. p. za» t^— jLâ Genettv. Biifibn , Regn, animal, pa^, jjz. de V ancien Continent, i6j l'Afrique & des Indes, dont on tire îe' nuifc que l'on mêle & prépare avec celui que l'on tire auffi de Tanimal ap- pelé hiam à la Chine , & nous regardons la vraie civette comme un animal des parties méridionales de lancien con- finent 5 qui ne s'efl pas répandu vers [e Nord , & qui n a pu paffer dans le louveau. Les chats étoient, comme les chiens, :out-à-fart étrangers au nouveau monde , & je fuis maintenant perfuadé que l'ef- JDèce n'y exiftoit point , quoique j'aie I zizi un padage (i) j par lequel il paroît I ju'un .homme de Téquipage de Chril- ophe Colomb avoir trouvé & tué fur a côte de ces nouvelles terres un chat auvage -, je n'étois pas alors auiîî inftruit ;[ue je le fuis aujourd'hui , de tous les ibus que l'on a fait des noms , & j'avoue ipe je ne connoifiTois pas encore aiïez i es animaux pour diftinguer nettement ians les témoignages des voyageurs les loms ufurpés , les dénominations mal appliquées , empruntées ou fadicés -, & ("tj Voyez le premier volume de cette Kifloiic Natu- relle, aitick du C/tflf, i66 animaux Ton n'en fera peur -être pas étonné , puifque les nomenclateurs , dont ies recherches fe bornent à ce feiil point- de -vue 5 loin d'avoir éclairci ia matière, Font encore embrouillée par d autres dénominations & des phrafes relatives à des méthodes arbitraires , toujours plus fautives que le coup-d'œil Se Yinfpec- tion. La pente naturelle que nous avons à comparer les chofes que nous voyons pour la première fois à celles qui nous font déjà connues , jointe à la difficulté prefqu'invincible qu'il y- avoit à pro- noncer ies noms donnés aux chofes par les Américains , font les deux caufes de cette mauvaife application des déno- minations 5 qui depuis a produit tant d'erreurs. Il ed: , par exemple , bien plus commode de donner à un animal nouveau le nom de Janglier (u) ou de cochon noir ^ que de prononcer fon nom mexicain quauh - coyamdt : de même , il fiij Voyez le voyage de Defmarchats , tome III , page ÎI3 ,• & l'Eflai fur l'hiftoire naturelle de la France ét^uinoxiale , par Earrère. Paris , ly^-o ; avec l'Kiftoiie du Mexique , par Hernandès , ^^agc 6^y ; &. l'Hiftoire 4e la nouvelle Efpag»e, par Fernandès , page 8. de r ancien Continent. 167 écoit plus aifé d'en appeler un autre renard Américain (^xj ^(^ut de iuiconferver Ton nom brafîlien tamandua- guacu ; de nommer de même mouton ou chameau du Pérou (y) j des animaux qui dans cette anguefe nommoient/^d/o/z ichiath oquïtlï : )n a de même âp-pelé cochon- d'eau (^) le :abia ou cahionara , ou capyhara y quoi- que ce foit un animal très-difîérent d'un :ochon , le çarigueibeju s'efl appelé loutre, l en efl: de même de prefque tous les ;Utres animaux du nouveau monde, dont es noms étoient fi barbares & fi étrangers )our les Européens , qu'ils cherchèrent . leur en donner d'autres par des ref- emblances, quelquefois heureufes, avec ss animaux de l'ancien continent-, mais DU vent aufîî par de fimples rapports ,- top éloignés pour fonder l'application [e ces dénominations. On a regardé omme des lièvres & des lapins cinq ou x efpèces de petits animaux, qui n'ont ;uère d'autre rapport avec les lièvres & es lapins que d'avoir, comme eux, la (icj Voyez Defmarchais , tome III, page ^07. ^ fyj Voyez Hernandès , Hijî. du Mexique , p. 660. (\) Voyez Defmarchais, tomt III , page gi^. t (î 8 Animaux chair bonne à manger. On a appelé vache ou élan un animal fans cornes ni bois , que ies Américains nommoient tapiierette au Brefil & manipouris à la Guiane ; que îes Portugais ont enfuite appelé anta.y 8c qui n a d'autre rapport avec la vache ou réian, que celui de leur relTembler mi peu par la forme du corps. Les uns ont comparé le pak ou le poca au lapin , & les autres ont dit qu'il étoit femblable à un pourceau de deux mois faj. Quel- ques-uns ont regardé le philandre comme un rat, & Tont appelé rat de bois ; d'au- tres l'ont pris pour un petit renard (b ), Mais il n efl pas néceffaire d'infifter ici plus long-temps fur ce fujet, ni d'expofei dans un plus grand détail les faufTes dé- nominations que les voyageurs , les hifto riens & les nomenclateurs ont appliquée; aux animaux de l'Amérique , parce que nous tâcherons de les indiquer & de le; corriger, autant que nous le pourrons : dans la fuite de ce difcours & lorlqw (aj Voyez l'Hiftoire du nouveau Monde , pa» Jean de La'ét , page /f.8^ & fuivantes. (h) Vide Klein, de quadrnp.jpag. ^<) ; & Barrère» Hiftoire de la France équinoxialc, page idG. noun de r ancien Continent, 1^9 nous traiterons de chacun de ces animaux en particulier. On voir que toutes les efpèces de nos animaux domeftiques d'Europe , & les plus grands animaux fauvages de l'A- frique & de TAiie , manquoient au nou- veau monde : il en eft de même de plulieurs autres efpèces moins confîdé- rables , dont nous allons faire mention le plus fuccintement quîi nous fera pofîîble. Les gazelles , dont il 7 a plufieurs îfpèces différentes , & dont les unes font en Arabie , les autres dans Tlnde orien- rale & les autres en Afrique , ont toutes ï peu près également befoin d'un climat :haud pour fubiîifter & fe multiplier : I elles ne fe font jamais donc étendues dans I .es pays du nord de Tancien continent Dour palTer dans le nouveau -, auflî cq% ^rpèces d'Afrique & d'Aile ne s'y font pas trouvées : il paroît feulement qu'on a rranfporté l'efpèce qu'on a appelée gabelle i* Afrique j & que Hernandès nomme alga^el (c) ex Aphrica, L'animal de \b. nouvelle Efpagne que le même Auteur (c) Voyez Hernandès , Kijl. du Mexique, p. 512. ' Tome III, Quadrupèdes, H 170 minimaux appelle temamacame , que Seba" dé (Igné par îe nom de cervus ^ Klein par celui de tragulus ^ Se M. Brilfon fdj par celui de gabelle delà nouvelle Efpagne _, paroît aum drtiérer, par refpGce:, de tQuces ies gazelles de l'ancien contiaent. On feroic porté ,à imaginer qwe Iç chamois, qui fe plait dans les neiges dos Alpes,, naurQit.pa$ cçai^it- les ^Uc-es du Nord, & que de -là il auroit pu paffer en Amérique : cependant il ne s'y eft pas trouvé. Cet animal iembk atleâ:e^- nour feulement uii climat,. tRais ui^e fltuation particulière *, il ejft attaché -^u.xfommet§ des habites, momagnq-s des- Alpes .^ des Pyrénées :, &c. & loin de s'être répandu dans les pays éloignés , il n'eft jamais defcendu dans les plaines qui font au pied de- ces monra^qes. Ce i/^fl: pas lefeui.anrnxaLqui afledte cooftamnient ua pays , ou plutôt -une iituation particu- lière: la marmotte, le bouquetin, rour?,, ie lynx ou loup - cervi^r font auiîî d^ animaux montagnardo q;ue Ton t;rouv^e très - rarement dans les plaines. Le bufik qui eft -un animal des pay'S de r ancien Continent, ly i chauds, & qu'on a rendu domeilique en Italie , refTemble encore moins que îe bœuf au bifon d'Amérique > & ne s'efl pas trouvé dans ce nouveau continent. Le bouquetin fe trouve au-delTus des plus hautes montagnes de l'Europe ôc de l'Aile , mais on ne l'a jamais vu fur les Cordillères. L'animal (^ej dont on tire îe mufc & qui eft à peu près de la grandeur d'un daim , n'habite que quelques contrées particulières de la Chine & de la Tartarie orientale *, le chevrotain (fj , que Ton çonnoît fous le nom de petit cerf de Guinée j paroît confiné dans certaines provinces de l'Afrique & d^s Indes o rien- raies 5 &:c. Le lapin , qui vient originairement l'Efpagne , & qui s'eft répandu dans :ous les pays tempérés de l'Europe , l'étoit point en Amérique -, les animaux le ce continent auxquels on a donné fou lom font d'efpèces diiiérentes , & tou^ (^ej Hiam. animal, mufci. Boym. Jîor. /inen. iG^fî. — Animal. mofchifiniin. îkny,Synopf quadrup. p. 127, ('fJ Chevrotain. BrilTon, Regn, animal pag. 9s, H ij" 172 - Animaux les vrais lapins qui s'y voient aâ:iielîement y ont été tranfportés d'Europe (g). Les furets qui ont été apportés d'A- frique en Europe , où ils ne peuvent fubhfter fans les foins de Thomme, ne fe font point trouvés en Amérique *, il n'y a pas jufqu'à nos rats & nos fouris qui n'y fuffent inconnus-, ils y ont palTé avec nos vailTeaux (h) j & ils ont prodi- gieufement multiplié dans tous les lieux habités de ce nouveau continent. Voilà donc à peu près les animaux de l'ancien continent, Y éléphant j le rhinocéros^ Y hippopotame jy la giraffe j le chameau ^ le dromadaire j le lion^ le tigre j l'a panthère ^ le cheval , Vâne , le "^èbre , le bœuf ^ le buffle 5 la brebis , la chèvre _y le cochon , le chien j Yhydtne ^ le chacal ^ la genette j la civette j le chat j la.ga:^elle , le chamois ^ le bouquetin j le chevrotain j le lapin _, le furet j les rats & les fouris ; aucuns n'e- xiftoient en Amérique lorfqu on en fit la découverte. Il en eft de même des loirs ^ des lérotSj des marmottes j desmangoujies, (ëj Voyez l'Hiftoire des Incas. Taris, ij^ j tome II, page ^a:i & fuivantes. {hj Idem, ibidem. de V ancien Continent, 173 à^s blaireaux jy des gibelines j des hermines ^ de I3. gcrboife j des makis 8c de pluiîeurs efpèces de /înges , 8cc. dont aucune n'exidorc en Amérique à i'arrivée des Européens , & qui par conféquent font toutes propres & parciculières à l'ancien continent , comme nous tâcherons de le prouver en détail, lorfqu'il fera queflion de chacun de ces animaux en particulier. Hi^' Ï74 ■ ' ' J ■— ^ ANIMA U X BU NOUVEAU MONDE. LE S animaux du nouveau Monde étoienc auiîî inconnus pour les Euro- péens 5 que nos animaux Tétoient pouf ies Américains. Les feuls peuples à demi- civilifés de ce nouveau continent , étoient les Péruviens & les Mexicains: ceux-ci n'avoienr point d'animaux doTnefliques -, les feuls Péruviens avoient du bétail de deux efpèces, le lama Se lepjcos^ Se un petit animal qu'ils appeloient alco:, qui étoit domeftique dans la maifon , comme le font nos petits chiens. Le pacos & le lama , que Fernandès appelle peruich- catl (a)^ c'eft-à-dire ( en Angîois) bétail Péruvien y affedent , comme le Chamois , une fituation particulière. Ils ne fe trou- vent que dans les montagnes du Pérou , f d J Ttruich - catl. Fernandès, Hîjî. nov. Hifp. pag. II. — Camelus Penianus glama àicius. Ray» Synopf quadrup. pag. 145. — Camelus , feu Cumelo' eotifiener P cruviamim , lanige)um, pacos dicîum. Idem, ibid. pag, 747. «7; du Chili & de la nouvelle Efpagne , quoi- qu'ils fuirent devenus domeftiques chez les Pécuvrens, & que par conféquent les hommes aiênr favorifé leur multiplication & les aient tranfportés ou conduits dans les contrées voilmes, ils ne ie font pro- pagés nulle part , ils ont même diminué dans leur pays natal, où refpèce en efl: : aétuellement moins nombreufe qu'elle ne i l'étoit avant qu'on y eût tranlporté le bétail d'Europe, qui a très -bien réufîi dans toutes les contrées méridionales -^e ce continent. Si Ton- y réfléchit , il paroîtra fingulier que dans un monde prefque tout com- pofé de naturels fauvages, dont les mœurs jppiochoient beaucoup plus que les nôtres de celles des bêtes , il n'y eût au- I :une fociété, ni même aucune habitude ; entre ces hommes fauvages & les animaux ; qui les environnoient j puifque l'on n'a crouvé des animaux domeftiques que chez les peuples ^déja civilifés : cela ne prouve- t-il pas que l'homme dans l'état de fauvage , n'eft qu'une efpcce d'animal incapable de commander aux autres, & qui n'avant comme eux que les facultés H iiij iy6 Animaux indrvidiieîles , s'en fert de même pour chercber fa fubliftance & pourvoir à fa fureté en attaquant les foibles, en évitant les forts 5 &: fans avoir aucune idée de fa puillance réelle &: de fa fupériorité de nature fur tous ces êtres , qu'il ne cherche point à fe fubordonner? En jetant un coup d'œil fur tous les peuples entière- ment, ou même à demi- policés, nous trouverons parrtout des animaux domef- tiques •, chez nous, le cheval, Tâne , le bœuf, la brebis, la chèvre, le cochon , îe chien & le chat *, le buffle en Italie , le renne chez les Lappons *, le lama , le pacos Se Talco chez les Péruviens j le droma- daire, le chameau & d'autres efpèces de bœufs , de brebis & de chèvres chez les Orientaux \ l'éléphant même chez les peuples du Midi -, tous ont été foumis au joug , réduits en fervitude ou hïcn admis à la fociété , tandis que le Sauvage cherchant à peine la fociété de fa femelle, craint ou dédaigne celle des animaux. Il eft vrai que de toutes les efpèces que nous avons rendues domefliques dans ce continent, aucune n'exiftoit en Amérique*, mais il les hommes fauvages dont elle du nouveau Monde. ijj étoit peuplée , fe fufTent anciennement réunis , & qu'ils fe fufïent prêté les lu- mières & les fecours mutuels de la fociété, ils auroient fubjugué & fait fervir à leur ufagela plupart des animaux de leur pays, car ils font prelque tous d'un naturel doux ; docile & timide ^ & il y en a peu de mal-faifans & prefqu'aucun de redou- table. Ainfi 5 ce n eft ni par fiené de na- ture, ni par indocilité de caractère que ces animaux ont confervé leur liberté , évité Tefclavage ou la domefticité , mais par la feule impuilTance de l'homme , qui ne peut rien en effet que par les forces de la fociété, fa propagation même, fa multiplication en dépend. Ces terres immenfes du nouveau monde n'étoient, pour ainil dire , que parfemées de quel- ques poignées d'hommes , & je crois qu'on pourroit dire qu'il n'y avoir pas dans toute l'Amérique, lorfqu'on en fit îa découverte , autant d'hommes qu'on en compte actuellement dans ia moitié de l'Europe. Cette difette dans l'efpèce : humaine faifoit l'abondance , c'eft - à - dire, le grand nombre dans chaque efpèce des ■ animaux naturels au pays , ils avoienc Hv 178 Animaux beaucoup moins d'ennemis & beaucoup plus d'efpace, tout favorifoit donc leur multiplication , & chaque efpcce étoit relativement très-nombreufe en individus : mais il n'en étoit pas de même du nombre abfolu des efpèces , elles étoient en petit nombre , & fi on les compare avec celui des efpèces de l'ancien continent, on trouvera qu'il ne va peut - être pas au quart, & tout au plus au tiers. Si nous comptons deux cents efpèces d'animaux quadrupèdes ( b ) dans toute la terre ha- bitable ou connue , nous en trouverons plus de cent trente efpèces dans l'ancien continent, & moins de foixante-dix dans 3e nouveau \ Se (i l'on en ôtoit encore les efpèces communes aux deux continens , c'eft- à -dire celles feulement qui par leur nature peuvent fupporter le froid. Se qui ont pu communiquer par les terres du nord de ce continent dans l'autre , on ("hj M. Lînnaeus , dans fa dernière édition Jîolms , lysff , n'en compte que cent foixante - fept. Jvi. Eriaôn, dans fon Règne animal , en indique deux cents foixante 5 mais iJ en faut retrancher peut-être plus de foixant; , qui ne font que des variétés & non pas des efpèces diftinftes & différentes. du nouveau Monde, 179 ne trouvera guère que quarante efpèces d'animaux propres & naturels aux terres du nouveau monde. La Nature vivante Y efl: donc beaucoup moins agifïànte , beaucoup moins variée , & nous pouvons même dire beaucoup moins force *, car nous verrons , par Ténumération des ani- maux de r Amérique, que non- feulement les efpèces en font en petit nombre , mais qu'en général tous les animaux y font incomparablement plus petits que ceux de l'ancien continent , & qu'il n'y en a aucun en Amérique qu'on puiiTe compa- rer à l'éléphant, au rhinocéros, à l'hip- popotame , au dromadaire , à la giraffe , au buffle, au lion, au tigre, &c. Le plus gros de tous les animaux de l'Amérique méridionale eil; le tap'ir ou tapiierete ( c) du Brelii", cet animal, le plus grand de tous , cet éléphant du nouveau monde, eft de îa groffeur d'un veau de (ix mois ou d'une très -petite niule j car on l'a com- ( c) Tapiierete , Brajilienf. Pifon , Hijï. nat. p. tôt. Marcgrav^ , Htjî. Brajîl. page 229. — Maypoury Manipouris. Barrère , Hiji. Fr. équin. pag, 161, -— Le Tapir ou Manipouris. Briffon , Regn, animal, page 1 1^. Les Portugais i'appelient Anta. Hvj I s o Animaux paré à run & à Tautre de ces animaux , quoiqu'il ne leur rellemble en rien , n étant ni folipède , ni pied - fourchu , mais fiffipède irrégulier , ayant quatre doigts aux pieds de devant & trois à ceux de derrière : il a le corps à peu près de la forme de celui d'un cochon , la tête cependant beaucoup plus grolîe à pro- portion , point de défenfes ou dents ca- nines , la lèvre fupérieure fort aîongée & mobile à volonté. Le lama dont nous avons parlé , n efl: pas iî gros que le tapir , & ne paroît grand que par Talongement du cou & la hauteur des jambes. Le pacos eft encore de beaucoup plus petit. Le cabiai ( d) qui eft après le tapir , le plus gros animal de TAmérique méri- dionale 5 ne Teft cependant pas plus qu'un cochon de grandeur médiocre , il ditlère autant qu'aucun des précédens de tous îes animaux de l'ancien continent *, car quoiqu'on l'ait appelé cochon de marais (e) ( d.) CapyharaBraJilîenJîbus. Marcgravii , Hîjl. Bra» fd. page 230. fej Sus maximuspalii/Iris. Barrère , Hijî. Fr. équîiu p, îéo. — Cochon d'eau. Voyages d« Defmarchais, ïomc lll , page j i^. du nouveau Monde, i 8 i ou cochon d'eau , il ditïere du cochon par des caradères eirentieis & très - ap- parens -, il eft fifîîpède, ayant, comme ie tapir, quatre doigts aux pieds de devant & trois à ceux de derrière, il a ies yeux grands , le mufeau gros & obtus, les oreilles petites , le poil court & point de queue. Le tajacou ( f) ^ qui eft encore plus petit que le cabiai & qui reffemble plus au cochon, fur -tout par Textérieur, en ditlère beaucoup par la conformation des parties intérieures, par la figure de Teftomac , par la forme des poumons , par la grolTe glande & Touverture qu'il a fur le dos , &c. il efl: donc , comme nous Tavons dit, d'une efpcce diflérente de celle du cochon, & ni le tajacou, ni le cabiai 5 ni le tapir, ne fe trouvent nulle part dans l'ancien continent. Il en eft de même dutamandua - cuacu ou ouarlri ( §)•> (f) Tajacu. Pifon , Hijî. nat. pag. 98. — Tajacu , Caaigoara Brajîlienfibus. Marcgravii , HiJî. Brafïl. pag. 219. — - Coyainetl. Fernandès , HiJl. nov. Jiifp. pag. 8. CgJ T'amandua cuacu Jîve major. Pifon, J'^ijî. nat, pag. j;jo. — Le Fourmiller-tamanoir. BriiTon j Regn, animal, pag. a^. I 8 2 Animaux Se du ouatlrîou (h) , que nous avons appelés fourmiliers ou mangeurs de fourmis : ces animaux dont les plus gros font d'une taille au-deffous de la médiocre , paroifîent être particuliers aux terres de l'Amérique méridionale \ ils font très - linguliers en ce qu'ils n'ont point de dents, qu'ils ont la langue cylindrique comme celle des oifeaux qu'on appelle pics , l'ouverture de la bouche très - petite , avec laquelle ils ne peuvent ni mordre ni prefque faifir -, ils tirent feulement leur langue , qui eft très- longue, & la mettent à portée des fourmis , ils la retirent lorfqu'elle en eft chargée, & ne peuvent fe nourrir que par cette induftrie. Le parejfeux ( i) , que les naturels du Brelil appellent aï ou hai , à caufe du cri plaintif ai qu'il ne celTe de faire en- tendre, nous paroît être aufîî un animal qui n'appartient qu'au nouveau continent. Il eft encore beaucoup plus petit que les fhj Tamandua minor flavefcens. Ouatiriouacou, Barrère, Hijî. Fr. équin. pag. 1^3. (ij Ai ou Parejfeux. Defmarchais , tome ITT, page ^00. — Ouaikaré. Barrcre , Hrjl. Fr. équin, page, ip^. du nouveau Monde, i 8 3 précédens, n ayant qu'environ deux pieds de longueur, ôc il eft très-ilngulier, en j:e qu'il marche plus lentement qu'une :ortue, qu'il n'a que trois doigts tant aux pieds de devant qu'à ceux de derrière , que Tes jambes de devant font beaucoup plus longues que celles de derrière , qu'il a la queue très- courte & qu'il n'a point d'oreilles *, d'ailleurs le parelTeux & le tatou font les feuls parmi les quadru- pèdes, qui n'ayant ni dents incifives ni dents canines, ont feulement des dents [■nolaires cylindriques & arrondies à l'ex- :rémité , à peu près comme celles de quel- ques cétacées , tels que le cachalot. Le cariacou de la Guiane, que nous avons eu vivant, eft un animal de la nature & de la grandeur de nos plus , grands chevreuils -, le mâle parte un bois femblable à celui de nos chevreuils & qui tombe de même tous les ans \ la femelle n'en a point : on l'appelle à Cayenne biche des hoïs. Il y a une autre efpèce qu'ils appellent ^uŒ. petit cariacou, ou biche des marais ou des Palétuviers , qui efl confidérablement plus petite que la première, & dans laquelle le mâle n'a 184 Animaux point de bois : j'ai foupçonné , à caufe- de la relîemblance du nom , que le cariacou de Cayenne pouvoir être le cuguacu (k) ou cougouacou-apara du Bre- fîi j & ayant confronté les notices que Pifon & Ma regrave nous ont données du cougouacou 3 avec les caractères du caria- cou 5 il nous a paru que c'étoit le même animal , qui cependant eft affez différent de notre chevreuil pour qu'on doive le regarder comme faifant une efpèce difté- rente. Le tapir, le cabiai , letajacou, le four- miller, le parelTeux , le cariacou , le lama , le pacos 5 le bifon , le puma, le jaguar , le couguar, le jaguarète , le chat-pard, &:c. font donc les plus grands animaux du nouveau continent, les médiocres & les petits font les cuandus ou gouandous ( l) , fkj Cuguacu-ete. Cuguacu- a-para. Pifon. H//?. n.at, pag.i)y, — Maicgi. Hijî. Brafil. pug. .3^^. — Biche des Palétuviers. Biche des Bois. Barrère, Hiji. Fr, équin. page 151. flj CuanduBi-aJîlienJibus. Pifon , Hijî. nat.pag. 99. -— jMarcgravii , HiJi. Brafil. pag. 233. Gouandoii. Barrcre, Uijî. Fr. équin. pag. 75^.-— Chat -épineux, Defmarchais, tome III, page ^o^. — Le Porc -épie d'Amérique. BriiTon, Regn. animal. 2^%. 119. du nouveau Monde, 185 les agoutis (m)^ les coatis, les pacas (n) , les philandres (o) , les cochons d'Inde (p) , les aperea (q)^ & les tatous (r)-, que je crois tous I originaires Se propres au nouveau monde , quoique les Nomenclateurs les plus ré- cens parlent d'une efpèce de tatous des Indes orientales , & d'une autre efpèce en Afrique. Comme c'eft feulement fur le témoignage de l'Auteur de la def- :ription du Cabinet de Seba, que l'on a fait mention de ces tatous Africains & Orientaux, cela ne fait point une auto- rité fuiîifante pour que nous puiffions y fmj Voyez dans ce volume l'article de V Agouti 5z celui du Coati. (n) Paca. Pifon , Hiji. nat. pag. ici. Vaca Brafi- '.ienfibus , Marcgr. Hiji. Brafil. pag. 224. — Ourana Vak. lîarrère, HiJi. Fr. équinox. pag. 152. ^oj Carigneya Brafilienjîhus. Marcgravii , K//? Bra* fil. pag. 222. — Opojfum. Jean de Laët , page 83. — Le Philandre. Bn([on ,Regn. animal, page 286' & fuivantes. (pj Voyez dans le fécond volume de cette Hiftoire naturelle l'article du Cochon d'Inde. CqJ ApereaBraJilienfibus. Marcgravii , HiJi. BrafA. pag. aaj.— Le Lapin du Brefil. BrilTon, Regn. ani' mal. pag. j/^6. (t) Tatou, Armadillo , Ayotochtli, Hernandès, hijî. Mex, pag. j z^. I 8 ^ Animaux ajouter foi-, car on fait en général com- bien il arrive de ces petites erreurs, de ces quiproquo de noms & de pays lorf- qu*on forme une colledtion d'Hiftoire naturelle: on achette un animal fous le nom de chauve -four'is de Ternate ou d'A- mérique , & un autre fous celui de tatou des Indes orientales ; on les annonce en- fuite fous ces noms dans un ouvrage ou Ton fait ia defcription de ce Cabinet , & de -là ces noms palTent dans les iifles de nos Nomenclateurs, tandis qu'en exa- minant de plus près , on trouve que ces chauve -fouris de Ternate ou d'Amérique font des chauve - fouris de France (f) , & que ces tatous des Indes ou d'Afrique pourroient bien être auffi des tatous d'A- mérique. Jufqu'ici nous n'avons pas parlé des fînges, parce que leur hiftoire demande une difcuiïion particulière. Comme le mot Jinge eft un mot générique que (^S) Voyez au fécond volume de cette Hiftoire naturelle l'article des Chauves- fouris. Voyez aufli la defcription du Cabinet de Seba, vol. I , page 47, où il donne les figures de l'armadille d'Afrique, & la page 62 , oïl il donne celle de l'aimadilie Orien- tale. du nouveau Monde. 187 on applique à un grand nombre d^Ç* )èces ditîërentes les unes des autres , il l'eft pas étonnant que Ton ait dit qu'il I e trouvoit des iinges en grande quantité [ans les pays méridionaux de Tun & de autre continent -, mais il s'agit de favoir . les animaux que Ton appelle ^/?/z^^^ en ^lie & en Afrique , font les mêmes que les j nimaux auxquels on a donné ce même I tom en Amérique -, il s'agit même de voir ' £ d'examiner fi de plus de trente efpèces [e iinges que nous avons eu vivans , une suie de ces efpèces fe trouve également [ans les deux continens. Le fatyre (t) ou l'homme des bois , qui ar fa conformation paroît moins drf- érer de l'homme que du finge , ne fe rouve qu'en Afrique ou dans TAfie léridionale , & n'exifte point en Amé- ique. Le gibbon fu) dont les jambes de devant ("tj Satyrus Inéricus , Ourang-outatig Indis , & homo 'Iveji. diâ. Chaileton, Exerc. pag. 16. — L'homme es bois. Briiïbn. Kegn, animal, pag. i8g» (u) Ce fmge que nous avons vu vivant , & que 1. Dupîeix avoit amené de Pondichery y n'eft in- ique dans aucune nomenclature. I 8 8 Animaux ou les bras fontaulli îongs que tout îe corps 5 y compris même les jambes de derrière , fe trouve aux grandes Indes & point en Amérique. Ces deux efpèces de finges , que nous avons eu vivans , n'ont point de queue. Le (inge (x) proprement dit , dont le poil eft d'une couleur verdâtre mêlée d*un peu de jaune , & qui n'a point de queue , fe trouve en Afrique & dans quelques autres endroits de l'ancien con- tinent 5 mais point dans le nouveau. I: en eft de mêm^e des linges cynocéphales, dont on connoît deux ou trois efpèces : leur mufeau ell moins court que celui des précédens , mais comme eux il< font fans queue , ou du moins ils Tont il courte qu'on a peine à la voir. Touî ces finges qui n'ont point de queue . ceux fur-tout dont le mufeau eft court . & dont la face approche par conféqueni beaucoup de celle de Thomme , font le* vrais linges , & les cinq ou fîx efpèces dont nous venons de parler , font toutes naturelles & particulières aux climats fxj Simiajîmpliciur dicla, Ray , Synopf. quadrup. du nouveau Monde. i 8 9 ':haucls de Tancren continent , & ne fe rouvent nulle parc dans le nouveau. On beut donc déjà dire qu'il n'y a point de Tais finges en Amérique. Le babouin (y)^ qui eft un animal plus ^ros qu'un dogue , & dont le corps eft accourci , ramalTé à peu près comme . :elui de l'hyarne , efl: fort diftérent des inges dont nous venons de parler -, il i la queue très-courte & toujours droite , e mufeau alongé & large à l'extrémité , es fefTes nues & de couleur de fang , es jambes fort courtes , les ongles forts ;& pointus. Cet animal qui eft très -fort iSc très -méchant , ne fe trouve que dans I es déferts des parties méridionales de 'ancien continent , & point du tout dans :eux de l'Amérique. Toutes les efpèces de finges qui n'ont point de queue , ou qui n'ont qu'une [jueue très-courte , ne fe trouvent donc 5ue dans l'ancien continent *, & parmi ^yj Papio. Ray, Synopf. qiiadrup. pag. i ^%.'-—Babîo. Charleton Exer. pag. i6 — Cebus - papio. Saboon. Uyana gzfneri. Klein, de quadrup. pag. i^.-'^Babouin, Mémoires de Koib , tome III , pag, ^^.—^ Babouin, dBiiiTon, Bega. aaùna/.pag, 192. 190 Animaux les efpèces qui ont de iongues queues, prefque cous ies grands fe trouvent en Afrique -, il y en a peu qui foient même d'une taille médiocre en Amérique , mais ies animaux qu'on a délignés par le nom générique àt petits Jinges k longue queue^ y font en grand nombre *, ces efpèces de petits linges à longue queue font les fapajous, les fagouins, les tamarins, &c. Nous verrons dans Thiftoire particulière que nous ferons de ces animaux , que tous ces linges d'Amérique font difiérens des linges de l'Afrique & de l'Alie. Les makis ("^J dont nous connoillons trois ou quatre efpèces ou variétés , & qui approchent allez dts linges à longue queue , qui comiriC eux ont des mains , mais dont le mufeau eft beaucoup plus alongé & plus pointu , font encore des animaux particuliers à l'ancien continent, | & qui ne fe font pas trouvés dans klJ nouveau. Ainfi tous les animaux de l'A- frique ou de l'AHe méridionale qu'on a défignés par le nom de Jing.es , ne fe fl) Simiafciurus lanuginofiis fufcus , &c. Gazophil. Petivcr. Tab. 77 , f>^. V. Profimia fufca. L« tuaki. BrilTon , Regm animal, pag, 320 & fuiv. du nouveau Monde, i 9 r roiiveai: pas plus en Amérique que ies •léphans , les rhinocéros ou ies tigres, .^lus on fera de recherches & de corn- jaraifons exades à ce fujet, plus on fera :onv'aincu que les animaux des parties néridionales de chacun des continens î'exiftoient point dans l'autre , & que le )etît nombre de ceux qu'on • y trouve ujourd'hui ont été traniportés par les lommes , comme la brebis de Guinée [ui a été portée au Brefil *, le cochon l'Inde , qui au contraire a été porté du îrelll en Guinée ,& peut-être encore [uelques autres eipèces de petits animaux , lelquels le voiiinage & le commerce de es deux parties du monde ont favoriiéîe ranfport. Il y a environ cinq cents lieues [e mer entre ies côtes du Breiil & celles de :i Guinée, il 7 en a plus de deux mille [es cotes du Pérou à celles des Indes •rientales : tous ces animaux qui par leur lature ne peuvent fupporter le climat \\ nord , ceux même qui, pouvant le apporter , ne peuvent produire dans e même climat, font donc confinés de [eux ou trois cotés par des mers qu'ils le peuvent traverfer, & d'autre côté par 192 Animaux du nouveau Monde. des terres trop froides qu'ils ne peuvent habiter fans périr -, ainfi , Ton doit ceffer d'être étonné de ce fait général , qui d'a- bord paroît très - fingulier , & que per- fonne avant nous n'avoit même foup- çonné , favoir qu'aucun des animaux de la zone torride dans l'un des continens i ne s'eft trouvé dans l'autre. . ANIMAV} I9Î ^ANIMAUX communs aux deux Continens. iAf o u s avons vu par rénumération pré- cédente 5 que non-feulement les animaux Jes climats les plus chauds de TAfrique Se de TAfie, manquent à l'Amérique, mais iiéme que la plupart de ceux des climats empérés de l'Europe y manquent éga- ement. Il n'en eft pas ainfî des animaux [ui peuvent aifément fupporter le froid k. fe multiplier dans les climats du Nord^ >n en trouve plulieurs dans l'Amérique eptentrionale , & quoique ce ne foit jmais fans quelque diflérence alTez mar- l 'uée 5 on ne peut cependant fe refufer ! les regarder comme les mêmes, & à roire qu'ils ont autrefois palïe de l'un à autre continent par des terres du Nord, eut - être encore a6lueiiement incon- ues , ou plutôt anciennement fubmer- ées -, & cette preuve , tirée de l'Hiftoire aturelle, démontre mieux la contiguité refque continue des deux continens vers Tome III. Quadrupèdes. I ï 94 animaux communs le Nord , que toutes les conjeâ:ures de là Géographie fpéculative. Les ours des Illinois de laLouidane; &:c. paroidènt être les mêmes que nos ours -, ceux - là font feulement plus petits ôç plus noirs. Le cerf du Canada , quoique plus petit que notre cerf , n'en diilère au refte que par la plus grande hauteur du bois , le plus grand nombre d'andouillers & par la queue qu'il a plus longue. Il en eft de même du chevreuil , qui fe trouve au midi du Canada & dans la Louiiiane , qui eft aufîî plus petit , & qui a la queue plus longue que le che- vreuil d'Europe -, & encore de Toriginal qui eft le même animal que l'élan, mais qui n'eft pas ii grand. '^p 'Le renne de Lapponre , le daim de Groenland & le karibou de Canada me paroilTent ne faire qu'un ieul & même animal. Le daim ou cerf de Groenland , décrit & defîîné par Edouard (a) j ref femble trop au renne pour qu'on puiHe le regarder comme faifant une efpècc faj Voyei A Natural Hiftory of birds By Georg< Edwards. London^ tj^^ , ^ag. ^i. aux deux Continens. 19^ âiiférente-, & à Tégard du karibou dont on ne trouve nulle part de defcription exacte , nous avons cependant jugé par toutes les. indications que nous avons pu recueillir , que c'étoit le même animal que le renne. iVÎ.';Briiro.n (b) a. cru devoir en faire une efpèce dittérente , & il rap- porte le karibou au ctrvus Burgundicus de Jonfton \ mais ce cervus Burgundkus eft un animal inconnu , & qui Turemenc n'exifle ni en Bourgogne ni en Europe : e'eft amplement un nom que Ton aura donné à quelque tête de cerf ou de daim dont le bois étoit bizarre -, ou bien il Te ppurroit que la tête du karibou qu'a vue M. BriiFon , & dont le bois n' étoit compolé de chaque coté que d'un feul mérain droit , long de dix pouces ., avec un andouiller près de la baie tourné ea avant , foit en eftet une tête de renne femelle 5 ou bien une jeune tête d'une première ou d'une féconde année : car on fait que dans le renne la femelle porte un bois comme le mâle , mais beaucoup plus petit 5 & que dans tous deux la diredtion des premiers andouillers Q?i. ea {i>J BrilTon, Kcgn. animal. pag, gt. VA î^6 animaux communs avant -, & enfin que dans cet animal rétendue & les ramifications du bois , comme dans tous les autres qui en por- tent, fuivent exadement la progreSion des années. i^^-v^^ .*u-> ^ nU... Les lièvres, lès^éèliréiiiîs', les iTérilTons ; les rats mufqués , les loutres , les mar^ mottes, les rats, lès mufaraignes , les chauve - fouris , les taupes font auffi des efpèces qu'on pourroit regarder comme' communes aux deux continens , quoique dans tous ces genres il n'y ait aucun< efpèce qui Toit parfaitement femblabie en Amérique à celles de l'Europe *, ôâ Ton fent qu'il eft bien difficile , pouf ne pas dire impolîible , de prononcer fî ce font réellement des erpèces diflérentesi ou feulement des variétés de la même efpèce, qui ne font devenues conilanteé que par l'influence du climat. Les caftors de l'Europe paroiiTeiit être les mêmes que ceux du Canada , ce§ animaux préfèrent les pays froids , mais' ils peuvent aufîî fublifter & fe multiplier dans les pays tempérés , il y en a encore quelques-uns en France dans les île6 du Rhône , il y en avoir autrefois en ii^n aux deux Condnens. 197 pïus grand nombre , Se il paroîc qiuFs aiment encore moins les pays trop peuplés que les pays trop chauds : ils n'établiiTent leur fociété que dans des délerts éloignés de toute habitation-, & dans le Canada même , qu'on doit encore regarder comme un vafte défert , ils Te font re- tirés fort loin des habitations de toute la Colonie. Les loups Se les renards font auffi des animaux communs aux deux continens : en les trouve dans toutes les parties de l'Amérique feptentrionale , mais avec des variétés-, il y a fur -tout des renards & des loups noirs , Se tous y font en gé- néral plus petirs qu'en Europe, comme le font auiîi tous les autres animaux , tant ceux qui font naturels au pays , que ceux .qui y ont été tranfportés. Quoique la belette & l'hermine fré- quentent les pays froids en Europe, elles font au moins très -rares en Amérique ; il n'en eft pas abfolument de même des martes , des fouines & des putois. La marte du nord de l'Amérique paroît être la même que celle de notre nord -, le vifon de Canada relTemble liij 198 Animaux communs beaucoup à îa fouine , & le putois rayé de l'Amérique feptentrionale , n'eft peut- être qu'une variété de refpèce du putois de l'Europe. Le lynx ou loup-cervier qu'on trouve en Amérique , comme en Europe , nous a paru le même animal *, il habite les pays froids de préférence , mais il ne laiffe pas de vivre & de multiplier fous les climats tempérés , & il fe tient ordinairement dans les forêts & fur les montagnes. Le phoca ou veau -marin paroît con- finé dans les pays du nord, & fe trouve également fur les côtes de l'Europe & de l'Amérique feptentrionale. Voilà .tous ies animaux , à très - peu près> qu'on peut regarder comme com- muns aux deux continens de l'ancien Se du nouveau monde -, & dans ce nombre qui 5 comme l'on voit , n'eft pas confî- dérable , on doit en retrancher peut - être encore plus d'un tiers , dont les efpèces, quoiqu'alTez femblables en apparence , peuvent cependant être réellement dif-; ferehtes. Mais en admettant même dans tous ces animaux l'identité d'efpèce aveq i^eux d'Europe, on voit que le nombre .1 aux deux Contînens. 1 95) de ces efpèces communes aux deux con-^ tinens , eft afTez petit en comparaifon de ceiui des efpèces qui font propres & particulières à chacun des deux : on voit de plus qu'il n'y a de tous ces animaux que ceux qui habitent ou fréquentent îes terres du Nord, qui foient communs aux deux mondes , & qu'aucun de ceux qui ne peuvent fe multiplier que dans les pays chauds ou tempérés , ne le trouvent à la fois dans tous les deux. Il ne paroît donc plus douteux que îes deux continens ne foient ou n'aient été contigus vers le nord , & que les animaux qui leur font communs n'aient palTé de l'un à l'autre par des terres qui nous font inconnues. On feroit fondé à croire , fur - tout d'après les nouvelles découvertes des RufTes au nord de Kam- tfchatka , que c'eft avec l'Afie que l'Amé- rique communique par des terres con- tigucs, & il femble au contraire que le nord d'Europe en foit &: en ait été toujours féparé par des mers alFez conlî-^ dérables pour qu'aucun animal quadru- pède n'ait pu les franchir -, cependant les animaux du nord de l'Amérique ne I îiij zoo animaux communs font pas précifément ceux du nord de TAfie, ce font plutôt ceux du nord de l'Europe. Il en eft de même des animaux des contrées tempérées : Targali fcj^ la zibeline, la taupe dorée de Sibérie, le mufc de la Chine ne fe trouvent point à la baye d'Hudfon , ni dans aucune autre partie du nord-oueft du nouveau con- tinent*, on trouve au contraire dans les terres du nord-eft de l'Amérique, non- feulement les animaux communs à celles du nord en Europe & en Aiîe , mais auffi ceux qui femblent être particuliers à TEurope feule , comme Télan , ie renne , &c. néanmoins il faut avouer que les parties orientales du nord de TAfie font encore iî peu connues qu'on ne peut pas aiTurer fi les animaux du nord de l'Europe s'y trouvent ou ne s'y trou- vent pas. ' Nous avons remarqué comme une ^cj Argali , animal de Sibérie dont M. Gmelin <îonnc une bonne defcription dans le premier tome de fes Voyages , page ^dS , Se qu'il croit être le lïiêirie q-ue le Mufmon ou Moujlon des Anciens. Pline a parlé de cet animal , & Gefner en fait mention dans fon Hiftoire des quadrupèdes, p. ^^^ ^935' aux deux Continens, 2 o t chofe très - (îngulière , que dans le nou-» veau continent les animaux des pro- vinces méridionales font très -petits en comparaifon des animaux des pays chauds de l'ancien continent. Il nV a en effet nulle comparaifon pour la grandeur de réiéphant , du rhinocéros , de Thippo- potame , de la giraffe, du chameau, du lion 5 du tigre , &c. tous animaux natu- rels & propres à Tancien continent, & du tapir, du cabiai, du fourmiller, du lama, du puma, du jaguar, &c qui font les plus grands animaux du nouveau monde \ les premiers font quatre, iix, huit & dix fors plus gros que les derniers. Uns autre obfervation qui vient encore à Tappui de ce fait général , cQ\k. que tous les animaux qui ont été tranfportés d'Europe en Amérique , comme les chevaux , les ânes, les bœufs , les brebis , les clièvres, les cochons, les chiens, &c. tous ces animaux, dis-Je, j font devenus plus petits \ & que ceux qui n'y ont pas été tranfportés & qui y font allés d'eux- mêmes , ceux en un mot , qui font comirttuns aux deux mondes , tels que iés loups , les renards , les cerfs , les Iv 20 2 animaux communs^,^r chevreuils , ies élans font auffi confidé'-i rablement plus petits en Amérique qu en^ Europe 5 & cela fans aucune exception. II y a donc dans la combinaifon des. élémens & des autres caufes phyfiques ,, quelque chofe de contraire à Tagrandif- fement de la Nature vivante dans ce" nouveau monde : ïLy a des obflacles au développement & peut-être à la forma- tion des grands germes , ceux même qui, par les douces influences d'un autre climat, ont reçu leur forme plénicre 8c leur extenfion toute entière, fe relTerrent, fe rapetiifent fous ce' ciel avare Se dans cette terre vide , où l'homme en petit nombre étoit épars , errant ^ où loiii; d'uler en maître de ce territoire comme de fon domaine, il navoit nul empire > ;oiî ne s'étant jamais foumis ni les^animaux ni les éiémens;. , ! n'ayant ni dompté les mers , ni dirigé les fleuves , ni travaillé îa terre, il n-éroit en lui-même qu'un animal du premier rang , & n'exiftoic pour la Nature que comme un être fans conféquence , une efpèce d'automatej împuiiïant, incapable de la réformer, ou de 1^ féconder > elle l'avoit traité moitt$ aux deux Condnens. 203. en mère qu'en marâtre en lui refufant le Tentiment d'amour & ie deiir vif de fe multiplier. Car, quoique le Sauvage du nouveau monde foit à peu près de mémo ftature que l'homme de notre monde , cela ne fufEt pas pour qu'il puiflfe faire une exception au fait général du râpe-, ciirement de la Nature vivante dans tout ce continent : le Sauvage eft foible & petit par les organes de la génération , il n'a ni poil , ni barbe & nulle ardeur pour fa femelle -, quoique plus léger que l'Européen parce qu'il a plus d'habitude à ■ courir , il eft cependant beaucoup moins fort de corps *, il eft auffi bien moins fenfible , & cependant plus craintif & plus lâche •, il n'a nulle vivacité , nulle activité dans Tame -, celle du corps efi: moins un exercice, un mouvement vo- lontaire qu'une néceiîité d'adlion caufée par le befoin*, ôtez-lui la faim & la foif, vous détruirez en même temps le principe adlif de tous fes mouvemens -, il demeu- rera ftupidement en repos fur fes jambes ou couché pendant des jours entiers» li ne faut pas aller chercher plus loin la caufe de la vie dilperlée des Sauvages > 2 04 animaux communs Se de îeur éloignement pour la focrété : la plus précieufe étincelle du feu de la Nature leur a été refuiée -, ils manquent d^ardeur pour leur femelle , 8c par con- féquent d'amour pour leurs femblables ; ne connoiiTant pas rattachement le plus vif, le plus tendre de tous, leurs autres fentimens de ce genre font froids & languiiTans *, ils aiment foiblement leurs pères 8c leurs enfans *, la fociété la plus intime de toutes , celle de la même fa- mille 5 n a donc chez eux que de foibles liens *, la fociété d'une famille à Tautre n'en a point du tout : dès -lors nulle réunion , nulle république , nul état fo- cial. Le phylique de l'amour fait chez eux le moral des mœurs -, leur cœur efl glacé, leur iociété froide & leur empire dur. Ils ne regardent leurs femmes que comme des fervantes de peine ou des bêtes de fomme qu'ils chargent, fans ménagement , du fardeau de leur chalTe , ëc qu'ils forcent fans pitié, fans recon- noiilance , à des ouvrages qui fouvent font au - dellus de leurs forces : ils n'ont que peu d'enfans *, ils en ont peu de foin -, tour fe reiïent de leur premier défaut y aux deux Contmens. 20/ Hs font indifïerens parce qu'ils font peu puifTans , & cette indiftérence pour ie fexe eft la tache originelle qui flétrit la Nature , qui Tempêche de s'épanouir , & qui , détruifant les germes de la vie , coupe en même temps la racine de la fociété. L'homme ne fait donc point d'ex- ception ici. La Nature en lui refufant les puilTances de l'amour i'a plus mal- traité èc plus rapetiilé qu'aucun des ani- maux \ mais , avant d'expofer les caufes de cQt eftet général, nous ne devons pas difîimuler que il la Nature a rapetilTé dans le nouveau monde tous les animaux quadrupèdes, elle paroît avoir maintenu les reptiles & agrandi les infectes ; car quoiqu'au Sénégal il y ait encore de plus gros lézards & de plus longs lerpens que dans l'Amérique méridionale , il n'y a pas à beaucoup près la même diffé- rence entre ces animaux qu'entre les qua- drupèdes -, le plus gros ferpent du Sénégal n'efi: pas double de la grande couleuvre de Cayenne , au lieu qu'un éléphant eft peut - être ôh. fois plus gros que le tapir qui, comme nous l'avons dit,- zo6 Animaux communs eft îe plus grand quadrupède de TAmé- rique méridionale •, mais à Tégard des inledes , on peut dire qu'ils ne font nulle part aufïi grands que dans le nou- veau monde : les plus grofïes araignées , les plus grandes fcarabées , les chenilles îes plus longues , les papillons les plus étendus fe trouvent au Brefil , à Cayenne & dans les autres provinces de l'Amé- rique méridionale -, ils l'emportent fur prefque tous les infedles de l'ancien monde , non -feulement par la grandeur du corps & des ailes , mais auffi par la vivacité des couleurs , le mélange des nuances , la variété des formes, le nombre des efpèces & la multiplication prodigieufe des individus dans chacune. Les crapauds , les grenouilles &: îes autres bêtes de ce genre font aufli très-groffes en Airiérique» Nous ne dirons rien des oifeaux ni des poifïons, parce que pouvant pafler d'un inonde à l'autre , il feroit prefqu'impof- iîble de diftinguer ceux qui appartien- nent en propre à l'un ou à l'autre , au lieu que les infedes & les reptiles font, à peu près comme les quadrupèdes con- finés chacun dans fon continent» aux deux Continens. loj Voyons donc pourquoi il fe trouve de il grands reptiles , de iî gros infecbes > de (i petits quadrupèdes & des hommes Ç\ froids dans ce nouveau monde. Cela tient à la qualité de la terre , à la con- dition du ciel , au degré de chaleur , à celui d'humidité , à la fituation , à Télé- vation des montagnes, à la quantité des; eaux courantes ou ftcignantes y à l'éten- due des forêts, & fur -tout à Tétat brut dans lequel on y voit la Nature. La cha- leur eft en général beaucoup moindre dans cette partie du monde , Se l'hu- midité beaucoup plus grande ; fi , l'on compare le froid & le chaud dans tous [es degrés de latitude , on trouvera qu'à Québec , c'eft-à-dire , fous celle de Paris > l'eau des fleuves gèle tous les ans de quelques pieds d'épailfeur, qu'une malle encore plus épaille de neige y couvre I la terre pendant plufieurs mois , que l'air y eft il froid que tous les oifeaux fuient , & difparoiirent pour tout l'hiver , &c» I cette différence de température fous la 1 même latitude dans la zone tempérée , quoique très -grande, l'efl: peut-être en- core moins que celle de la chaleur fous 2Lo8 Animaux communs îa zone torride : on brûle au Sénégal , & fous la même ligne on jouit d'une douce température au Pérou -, il en eft de même lous toutes les autres latitudes qu'on voudra comparer. Le continent de l'Amérique eft litué & formé de façon que tout concourt à diminuer Taétion de la chaleur -, on y trouve les plus hautes montagnes, & par la même raifon les plus grands fleuves du m.onde : ces hautes montagnes forment une chaîne qui femble borner vers Toueft le con- tinent dans toute fa longueur -, les plaines & les bafifes terres font toutes situées en deçà des montagnes, & s'étendent de^ puis leur pied jufqu'à îa mer , qui de notre côté fépare les continens : ainfi lé vent d'eft , qui , comme Ton fait, eft le vent conftant & général entre les tro- piques , n'arrive en Amérique qu'après avoir traverfé une très-vafte étendue d'eau fur laquelle il fe rafraîchit-, & c'eft par cette raifon qu'il fait beaucoup moins chaud au Breîil , à Cayenne , &c. qu'au Sénégal , en Guinée , &c. où ce même vent d'eft arrive chargé de la chaleur de toutes les terres & des fables brûlansqu'ii aux deux Continens, 209 )arcourt en traverfant & l'Afrique & 'Afie. Qu'on fe rappelle ce que nous vons dk au fujet de la différente couleur [es hommes, & en particulier de celle :es Nègres *, il paroit démontré que la sinte plus ou moins forte du tanné , du trun & du noir dépend entièrement de \ fituation du climat -, que les Nègres e Nigritie & ceux de la côte occidentale e l'Afrique font les plus noirs de tous , arce que ces contrées font fituées de .laniète que la chaleur j eft conftamment •lus grande que dans aucun autre endroit lU globe , le vent d'eft avant d'y arriver yant à traverfer des trajets de terres nmenfes *, qu'au contraire les Indiens :iéridionaux ne font que tannés -, & les irafiliens bruns , quoique fous la même aticude que les Nègres , parce que la haleur de leur climat eft moindre & Lioins confiante, le vent d'eft n'y arri- ant qu'après s'être rafraîchi fur les eaux 5c chargé de vapeurs humides. Les luages, qui interceptent la lumière & la haleur du foleil , les pluies qui rafraî- ;hi(rent l'air & la furface de la terre font périodiques & durent plufieurs mois à 2 I o Animaux communs Cayenne & dans les autres contrées de rAmérique méridionale. Cette première i caufe rend donc toutes les cotes orien- I taies de T Amérique beaucoup plus tem- pérées que r Afrique &: i'Afie-, & iorf- qu'après être arrivé frais fur ces cotes , îe vent d'eft comm.ence à reprendre un degré plus vif de chaleur en traverfant les plaines de TAmérique, il efl: tout-à- coup arrêté , refroidi par cette chaîne de montagnes énonnes dont efl: com.pofée toute la partie occidentale du nouveau continent , en forte qu'il fait encore moins chaud fous la Ligne au Pérou qu'au Brefil & à Cayenne , &c. à caufe de rélévationprodigieufe des terres •, auflî les naturels du Pérou, du Chili, &c. ne font que d'un brun rouge & tanné moins foncé que celui des Braliliens. Suppri- mons pour un inftant la chaîne des Cordillères , ou plutôt rabailTons ces montagnes au niveau des plaines adja- centes , la chaleur eût été excefîive vers ces terres occidentales, & l'on eût trouvé les hommes noirs au Pérou & au Chili tels qu'on les trouve fur les cotes occi- dentales de l'Afrique. aux deux Contînens. 211 'Am(î,par la feule dirpofition des terres î ce nouveau continent , la chaleur y roit déjà beaucoup moindre que dans lîcien -, & en même temps nous allons »ir que l'humidité y ell; beaucoup plus ande. Les montagnes étant les plus .ptes de la terre & Te trouvant oppofées ; face à la dire6lion du vent d'eil , tètent, condenfent toutes les vapeurs : l'air , & prodiiifent par conféquent te quantité infinie de fources vives , li par leur réunion forment bientôt des îuves les plus grands de la terre : il y donc beaucoup plus d'eaux courantes '.ns le nouveau continent que dans Tan- m , proportionnellement à l'efpace ^ cette quantité d'eau fe trouve encore odigieufement augmentée par le défaut écoulement : les hommes n'ayant ni )rné les torrens, ni dirigé les fleuves, féché les marais, les eaux ftagnantes luvrent des terres immenfes, augmen- nt encore l'humidité de l'air & en minuent la chaleur : d'ailleurs la terie ant par -tout en friche & couverte dans •ute fon étendue d'herbes groffières , )aifles & touffues , elle ne s'échauffe 5 ZI 2 animaux communs ne fe sèche jamais *, la tranfpiration d tant de végétaux , preilés les uns contr les autres , ne produit que des cxhalaifor humides & mal faines -, la Nature , caché fous fes vieux vêtemens , ne montra J: mais de parure nouvelle dans ces trifte contrées , n'étant ni careilée ni cultivé l par Thomme , jamais elle n'avoit ouvei I fon fein bienfaifant -, jamais la terre n'avo t vu fa furface dorée de ces riches ép. | qui font notre opulence & fa fécondin ! Dans cet état d'abandon , tout languit i tout fe corrompt , tout s'étoutle -, Tair i i la terre, furchargée de vapeucs humide l & nuifîbles , ne peuvent s'épurer ni pro î fiter des influences de Taftre de la vie *, 1 foleil darde inutileme.it fes rayons les plt vifs fur cette mafle froide , elle eft hoi d'état de répondre à fon ardeur -, elle n produira que des êtres humides , de plantes, des reptiles, désinfectes, &n pourra nourrir que des hommes froids 6 des animaux foibles. C'efl donc principalement parce qu'i y avoit peu d'hommes en Amérique êc parce que la plupart de ces hommes menant la vie des animaux , laifToient h aux deux Contlnens, 213 ature brute & négligeoient la terre > ['elle eH: demeurée froide, impuiifantc produire les principes a6tifs , à déve- :pper les germes d^s plus grands qua- I upèdes auxquels il faut , pour croître . fe multiplier , toute la chaleur , toute idtivité que le foieil peut donner à la ) :re amoureufe *, & c'eft par la raifon • ntraire que les infe6les , les reptiles i toutes les efpèces d'animaux qui fe I înent dans la fange , dont le fang eft i l'eau 5 & qui pullulent par la pour- I Lire , font plus nombreufes • & plus I jndes dans toutes les terres baifes , ' mides & marécageufes de ce nouveau iitinent. Lorfqu'on réfléchit fur ces différences iiarquées qui fe trouvent entre l'ancien le nouveau monde , on feroit tenté de )ire que celui-ci eft en effet bien plus ûveau , & qu'il a demeuré plus long- inps que le refte 'du globe fous les ix de la mer -, car , à l'exception des ( Dtmes montagnes qui le bornent vers i ueft 5 & qui paroiflènt être des mo- J mens de la plus haute antiquité du j 3be , toutes les parties bafes de ce z 1 4 Animaux communs continent feinblent être des terreins noi veiiement élevés & formés par le dépc; des fleuves & le limon des eaux y on j trouve en effet , en plufîeurs endroits fous la première couche de la terre v gétale , les coquilles & les madrépor. de la mer , formant déjà des bancs, di mades de pierre à chaux , mais d'ord iiaire moins dures & moins compad que nos pierres de raille qui lont c même nature. Si ce continent eft réell ment auffi ancien que Tautre , pourqu y a-t-on trouvé fi peu d'hommes pourquoi .y étoient-ils prefque tous fa vages & difperfés ? pourquoi ceux q s'étorent réunis en fociété > les Mexicai & les Péruviens ne comptoient-ils q deux ou trois cents ans depuis le premi homme qui les avoir railemblés ? poi quoi ignoroient-ils encore l'art de trai mettre à la poftériré de? faits^ par d fignes durables , p\iifqu'ils avoient dé trouvé celui de le communiquer ( loin leurs idées, & de s'écrire. en noua des cordons ? pourquoi ne s'étoient- pas fournis les animaux , & ne fe '" ■yoient-ils que du lama & du paços i aux deux Contlnens. 21 f 'éroient pas, comme nos animaux do leftiques , réiîdens , fidèles & dociles ? .eurs arts écoienc naillans comme leur Dciécé , leurs talens imparfaits , leurs lées non développées , leurs organes ides & leur langue barbare -, qu'on îtte les yeux fur la lifte des animaux (dj ^ (â) Pelon ichiatl oquitli. — Le lama, Tapiierette au Brefil , maypoury ou manipouris à la I uiane. — Le tapir. Tamandua - giiacu au Brcfil , ouariri à la Guiane. — Le tamanoir. Ouatiriouaou à la Guiane. — Le fourmiller. Ouaikaré à I9. Guiane , ai ou haï au Brefîl. — Le irefleux. Aiotochtli au Mexique , tatu ou tatiipeha au refîl , chirquinchum à la nouvelle Efpagne. — Le tou. Tatu- tu au Brefîl, tatou-kabajfou à la Guiane, — Le tatouet. I Macatlchichiltic on temamaçama , animal .jui ref- :mb!e à queioues égards à la gazelle , & qui n'a is encore d'autre nom que celui de gaieiu de la noit» lu Efpagne. % Jiya ou carigueibeju , anima! qui r'^flemble affcz à la utre , & que par cette raifon l'on a nomme loutre, du. rtfil. Quauhtla coymatl ou quapi^otl au Mexique , OB laigoara au Bieiil, — "Xe tajacu ou tajacou. 2 ï 6 animaux communs leurs noms font prefque tous (î difficiles à prononcer , qu'il eft étonnant que les Européens aient pris la peine de les écrire. Tout femble donc indiquer que les Américains étoient des hommes nou- veaux, ou pour mieux dire des homme* li Tlacooiclotl ou tlalocelotl. — Le chat-pard. Cabionara ou capyl-ara. Le cabiai. Tlatlauhqid occlotl au Mexique , Janowara oi jaguara au BreCl. — Le jaguar. Cuguacu arana ou cuguacu ara , ou cougouacou ara "— Le couguar. Tlaquat{in au Mexique , aouaré à la Guiane , cari giieya au Brefil. — Le philandre. Hoit7jaquatiin , animal qui reiTemble au porc-épic & qui n'a pas encore d'autre nom que celui de pore épie de la nouvelle Efpagne. Cuandu ou gouandou , animal qui reffemble encor au porc-épic , que l'on a nommé porc-épic du Brefil Se qui peut-être eft le même que le précédent. . Tepetnaxtlatan au Mexique , maragiiao ou maraeai, au Brefiî, — Le marac. Cet animal a la peau mai quée comme celle d'une panthère j il eft de la form( & de la grofîeur d'un chat; on l'a appelé mal-à-propo: chat tigre ou chat fauvage tigré , puifque fa robe eii marquée comme celle de la panthère 6c non pa; "comme celle du tigre. Quauhtechalletl thliltic ou tlilocotequilliti , anima. aux deux Contlnens. 2 î 7 Il anciennement dépayiés , qu'ils avoient perdu toute notion , toute idée de ce monde dont ils étoient ifTus. Tout femble s'accorder aufîi pour prouver que la plus grande partie des continens de TAmé- rique étoit une terre nouvelle , encore hors de la main de Thomme , & dans laquelle la Nature n'avoir pas eu le temps d'établir tous Tes plans , ni celui de fe développer dans toute Ton étendue j que les hommes y font froids & les animaux petits , parce que Tardeur des uns & la grandeur des autres dépendent de la fa- [ubrité & de la chaleur de l'air ^ & que ians quelques fîècles , lorfqu'on aura dé- xiché les terres , abattu les forêts , dirigé [ui reffemble à l'écureuil , 6c qui n'a pas encore l'autre nom que celui d'écureuil noir. Quimichpatlan oaajfapanick, animal qui reflembîe >. l'écureuil volant , & qui peut-être eft le même. Yiquiepatl. — La mouffette. C'eft un animal qu'on . z^^dé petit renard , renard d'Inde, blaireau de Suri- '.am , mais qui n'eft ni renard ni blaireau; comme il epand une odeur empeflée & qui fuffoque même une aflez grande diftance , nous l'appellerons nouffette. Xoloit{cuintli ou cnetlachtli , animal qui a quelque effemblance avec le loup , 2c qui n'a pas encore l'autre nom que celui de loup du Mexique , &c. Tome III, Quadrupèdes, K 2 I 8 minimaux communs les fieuves & contenu les eaux , cette même terre deviendra la plus féconde , îa plus faine , la plus riche de toutes , comme elle paroîr déjà Têtre dans toutes •les parties que Thomme a travaillées. Cependant , nous ne voulons pas en conclure qu'il y ■ naîtra pour lors des animaux plus grands : jamais le tapir & îe cabiai n'atteindront à la taille de l'élc- phant ou de rhippopotame j mais au moins les animaux qu'on y tranfportera ne diminueront pas de grandeur, comme ils Font fait dans les premiers temps : peu à peu Fhomme remplira le vide de ces terres immenfes qui n croient qu'un défert lorfqu'on les découvrit. Les premiers hifloriens qui ont écrit îes conquêtes des Efpagnois ont , pouf augmenter la gloire de leurs armes, pro- digieufement exagéré le nombre de leurs ennemis : ces hiftorier.s pourront-ils per- fuader à un homme fenfé , qu'il y avoip des miliions d'hommes, à Saint-Domin- gue &à Cuba, iorfquils difent en même temps qu'il n'y avoit parmi tous cçS' hommes ni nionarchie , ni république , ni prefque aucune fociété ; &: quand o|)> aux deux Continens, 219 fait d'ailleurs que dans ces deux grandes îles voilines Tune de Taucre, & en méine temps peu éloignées de la terre ferme du continent, il n'y avoir en tout que cinq efpèces d'animaux quadrupèdes , dont la plus grande éroit à peu près de la grolTeur d'un écureuil ou d'un lapin. Rien ne prouve mieux que ce fait , combien la Nature étoit yidQ & déferte dans cette terre nouvelle, ce On ne trouva dans Tile de Saint - Domingue , dit ce de La'ét , que fort peu d'efpèces d'ani- ce maux à quatre pieds ^ comme ie hutias c« qui efi: un petit animal peu différent de ce nos lapins, mais un peu plus petit, avec ce les oreilles plus courtes & la queue ce comme une taupe ... Le chem'i qui eft ce prefque de la même forme, mais un peu ce plus grand que le hutias .... Le mohui ce un peu plus petit que le huûas.... hecori ce pareil en grandeur au lapin , ayant la ce gueule comme une taupe , fans queue , ce les jambes courtes-, il y en a de blancs & ce de noirs , & plus fouvent mêlés des deux : ce c'ePc un animal domeftique 8c grande- ce ment privé.... De plus une petite efpèce ce de chkns qui étoieiit ablolument muets-, de moutons, de chèvres, de chevaux , 35 de bœufs , d'ânes , tant dans la Guade- » loupe que dans les autres îles habitées 95 par les François , a été apporté p^r eux , » les Efpagnols n'y en mirent aucun , 35 comme ils ont fait dans les autres îles , » d'autant que les Antilles étant dans ce » temps toutes couvertes de bois, le bétail n'yauroit pu iublîfter fans herbages (^^y^ xt.> ^ej Voyez l'Hiftoire du nouveau Monde , par Jean de Laët , Leyde , t6^o , liv. I, chap, ly , P^ge S- Voyez auflî l'Hiftoire de l'île Saint-Domingue , pat le P. Charlevoix. Paris, lygo , tome I ,page jj. V ffj Voyez l'Hiftoire naturelle des Indes , par Joieph Acofta , traduftion de Renaud. Paris , iGoo, page i^./^. & fuivanus. CsJ Voyez l'Hiftoire générale des Antilles , par le P. du Tertre. Paris , iGSy , tome XI, page 28^ aux deux Continens. 11 1 M. Fabry , que j'ai déjà eu occafîon de citer dans cet ouvrage , qui avoir erré pen- dant quinze mois dans les terres de 1 oueft de l'Amérique , au-delà du fleuve Miiïii- {îpi , m'a aiTuré qu'il avoit fait fouvent trois & quatre cents lieues lans rencontrer un feul homme. N,3s Ofliciers qui ont été de Québec à la belle rivière d'Ohio , & de cette rivière à la Louiliane , con- viennent tous qu'on pourroit fouvent faire cent & deux cents lieues dans la profondeur des terres fans rencontrer une feule famille de Sauvages : tous ces témoignages indiquent aifez jufqu'à quel point la Nature eft déferre dans les con- tries même de ce nouveau continent , où la température eft la plus agréable *, mais ce qu'ils nous apprennent de plus particulier & de plus utile pour notre objet , c'eft à nous défier du témoignage poftérieur des Defcripteurs de Cabinets ou des Nomenclateurs , qui peuplent ce nouveau monde d'animaux , îefquels ne fe trouvent que dans l'ancien , & qui en défignent d'autres comme originaires de 5- fuiv ou Ton doit obferver qu'il y a pliilieuxs «kofcs empruntées de Jofeph Acofta, Kiij 2 2 2 Animaux communs certaines contrées , où cependant jamais ils n'ont exîfté. Par exemple , il eft clair & certain qu'il n'y avoir orrginairem.ent dans rîle Saint-Domingue aucun animal quadrupède plus fort qu'un lapin *, il eft encore certain que , quand il y en auroit eu 5 les chiens Européens , devenus fauvages & méchaos comme des loups , les auroient détruits : cependant on a appelé chat-Vgre ou chat -tigré (h J de Saint-Domingue le marac ou maracaïa du Ereiîl , qui ne fe trouve que dans la terre ferme du continent. On a dit que le lézard écailleux ou diable de Java fc trouvoit en Amérique , & que les Bra- filiens l'appeloient tatoë f ijj tandis qu'il ne fe trouve qu'aux Indes orientales : or a prétendu que la civette f^Jj qui eft ur animal des parties méridioraîes de l'an cien continent , fe trouvoit auiîi danî le nouveau 5 '& fur «tout à la nouvell( Efpagne , fans faire attention que le; civettes étant des animaux utiles , & qu'or fhj Felis Srveftris; Tigrimis en Hifpanioîa. Seba V9l. I , pag. 77. (^ij Seba , vol. I, page 88. fkj Briiion , B,egn. animal, pag. ajî". aux deux Contmens. iiz, élève en plufieurs endroits de TAfrique , du Levant & des Indes comme des ani- maux domeftrques pour en recueillir le parfum dont il fe fait un grand com- merce 'f les Efpagnols nauroient pas manqué d'en tirer le même avantage Se de faire le même commerce , il la civette fe fût en effet trouvée dans la nouvelle Efpagne. De la même manière que les Nomen- clateurs ont quelquefois peuplé mal-à- propo.s le nouveau monde d'animaux qui ne fe trouvent que dans Tancien continent , ils ont aufîi tranfporté dans celui-ci ceux de Tautre -, ils ont mis des philandres aux Indes orientales , d'autres à Amboine (lj:> des parelTeux à Cey- lan (^mj, & cependant les philandres &ies parefifeux font des animaux d'Amérique il remarquables , l'un par l'efpèce de f.ic qu'il a fous le ventre & dans lequel ii porte fes petits , l'autre par l'excefïïve lenteur de h démarche & de tous fes mouvem.ens, qu'il ne feroit pas pofTible, s'ils eulTent exifté aux Indes orientales 3 flj Seba , vol. T , pages 6i & G^. (m) Idem , ibid. page 54. K iiij 2 24 minimaux communs que les Voyageurs n'en eufTent fait mention. Seba s'appuie du témoignage de François Vahntin-, au fujet du phi« landre des Indes orientales, mais cette autorité devient, pour ain(î dire, nulle, puifque ce François Valentin connoiiroic il peu les animaux & les poiffons d'Am- boine , ou que Tes defcriptions font (î mauvaifes , qu'Artedi lui en fait le re- proche, & déclare qu'il n eft pas poffible de les reconnoître aux notices qu'il en donne. Au refte , nous ne prétendons pas aiïurer affirmativement & généralement , que de tous les animaux qui habitent les climats les plus chauds de l'un ou de l'autre continent, aucun ne fe trouve dans tous les deux à la fois -, il faudroit , pour en être phyfiquement certain , les avoir tous vus -, nous prétendons feulement en être moralement fûrs, puifque cela eft évident pour tous les grands animaux , lefquels feuls ont été remarqués & bien défignés par les Voyageurs -, que cela eft encore affez clair pour la plupart des petits, «& qu'il en refte peu fur lefquels nous ne puifîîons prononcer. D'ailleurs aux deux Continens, iij quand il fe trouveroit à cQt égard quel- ques exceptions évidentes ( ce que j'ai bien de Ta peine à imaginer ) , elles ne porteroient jamais que fur un très- petit nombre d'animaux , & ne détruiroient pas la loi générale que je viens d'établir, &: qui me paroît être la feule boulTole qui puiife nous guider dans la connoif- fance des Animaux, Cette loi qui fe ré- duit à les juger autant par le climat & par le naturel, que par la figure & la con- formation, fe trouvera très -rarement en défaut, & nous fera prévenir ou recon- noître beaucoup d'erreurs. Suppofons , par exemple , qu'il foit queftion d'un animal d'Arabie , tel que l'hyane *, nous pourrons alTurer , fans crainte de nous tromper, qu'il ne fe trouve point en Lapponie, & nous ne dirons pas, comme quelques-uns de nos Naturaliftes , que l'hya^ne (n)%c le glouton font le même ani- mal. Nous ne dirons pas , avec Kolbe f o ) , (n) Voyez le Règne animal, par M. BriiTon , (o) Voyez la defcription du cap de Bonne - efpé- lancc , par Kolbe. Amjierdam , ly^i , tome lU , pane 62. Kv 2i6 animaux communs que le renard croifé , qui habite îes parties les plus boréales de Tancien & du nouveau continent , fe trouve en même temps au cap de Bonne - efpérance , & nous trouverons que l'animal dont il parle n'efl point un renard , mais un chacal. Nous reconnoîtrons que Tanimal du cap de Bonne -efpérance , que le même auteur défigne par le nom de cochon de terre ^ & qui vit de fourmis , ne doit pas être confondu avec les four- miliers d'Amérique j & qu'en eftet cet animal du Cap eil vraifemblablement le lézard écailleux (p), qui n'a de commun avec les fourmiliers , que de manger des fourmis. De même s'il eiit fait atten- tion que Félan eft un animal du nord ( qj, il n eut pas appelé de ce nom un animal d'Afrique, qui n'eft qu'une gazelle. Le pl\oca qui n'habite que les rivages des mers feptentrionales , ne doit pas fe trouver au cap de Bonne - efpérance (r), ^^ Voyez la defcription du capdeEonne-efpérance, par Koll>e. Amjierdam , ry^i , tome III, page ^^. fqjldem, ibid. page 128. Voyez aufll le Règne animai , &.c. frj Voyez k Règne animal , par M. BrifTon.; aux deux Condnens, iiy La genette qui eft un animal de FElpagne, de TAlîe mineure, &c. & qui ne ie trouve que dans i' ancien continent, ne doit pas être indiquée par îe nom de coati , qui eft Américain, comme on ie trouve dans M. Klein (f). Vyfquiepatl du Mexique y animal qui répand une odeur empeftée , & que par cette raifon nous appellerons mouffette, ne doit pas être pris pour uu petit renard ou pour un blaireau ft). Le coati -mondi d'Amérique ne doit pas être confondu , comme Ta fait Aldrovande (^u)y avec le blaireau - cochon , dont on n'a jamais parlé que comme d'un animal d'Europe. Mais je n'ai pas entrepris d'indiquer ici toutes les erreurs de la nomenclature des quadrupèdes -, je veux ieulement prouver qu'il y en auroit moins, ii l'on eût fait quelque attention à la différence des climats*, h l'on eût page 3^0 y ou il eft dit d'après Kolbe, que le phoca s'appelle Chien-marm par hs habitans du cap de Bonne -efpérance. (^fj vide Klein, de quadrup. pag. 63. ftj vide Seba , vol. I , page 63 ; & le Règiïg animal de M. Briflon , page s ^5. (u) Yid« Aidrovand. quadrup. dis,it, pag, 267, K vj 2 2 8 Animaux communs afTez étudié Thifloire des Animaux pour reconnoîrre , comme nous l'avons fait les premiers, que ceux des parties méridio- nales de chaque continent ne fe trouvent pas dans tous ies deux^ ia fois -, & enfin fî Ton fe fût en même temps abftenu de faire des noms génériques , qui confondent enfemble une grande quantité d'efpèces , non - feulement différentes , mais fouvent très - éloignées les unes des autres. Le vrai travail d'un Nomenclateur ne confifte point ici à faire des recherches pour alongerfa lifte, mais des comparai- ions raifonnées pour la raccourcir. Rien n'eft plus aifé que de prendre dans tous les Auteurs qui ont écrit des Animaux , les noms & les phrafes pour en faire une table , qui deviendra d'autant plus lon- gue , qu'on examinera moins : rien n'eft plus difficile que de les comparer avec aiïez de difcernement pour réduire cette table à fa jufte dimenfion. Je le répète , il n'y a pas dans toute la terre habitable & connue deux cents efpèces d'animaux quadrupèdes , en y comprenant même les iinges pour quarante -, il ne s'agit donc que de leur aflîgner à chacun leur nom , aux deux Condnens, izc) ^ îl ne faudra pour pofTéder parfaitement cette nomenclature, qu'un très -médiocre iifage de fa mémoire, puifqu'il ne s'agira que de retenir ces deux cents noms. A quoi fert-il donc d'avoir fait pour les quadrupèdes des clafTes , des genres , des méthodes en un mot , qui ne font que des échaffaudages qu on a imaginés pour aider la mémoire dans la connoif- iance des plantes , dont le nombre eft en effet trop grand, les différences trop petites , les efpèces trop peu confiantes , Se le détail trop minutieux & trop in- différent pour ne pas les confîdérer par blocs, ôc en faire des tas ou des genres , ?n mettant enfemble celles qui paroifTent e refTembler le plus ? Car , comme dans routes les productions de l'elprit , ce qui eft abfolument inutile eft toujours mai :magrné & devient fouvent nuifible -, il ta arrivé qu'au lieu d'une lifte de deux :ents noms , à quoi fe réduit toute la lomenclature des quadrupèdes , on a Fait des Dictionnaires d'un fi grand lombre de termes & de phrafes , qu'il Faut plus de travail pour les débrouiller , ^uil n'en faut pour les compofer. 2 3 û Animaux communs Pourquoi faire du jargon & des phrafeS^ îorfqu'on peut parler clair, en ne pro- nonçant qu'un nom fimple ? pourquoi changer toutes les acceptions des ternies ,' fous le prétexte de faire des clalTes & des- genres ? pourquoi lorfqiie Ton fait un genre d'une douzaine d'animaux , par exemple 5 fous le nom de genre du lapin ; le lapin même ne s'y trouve-t-il pas , Se qu'il faut l'aller chercher dans le genre du lièvre ("x)} N'eft-ilpas abfurde, difons mieux , il n'eft que ridicule de faire des claiïes où l'on raflfemble les genres les plus éloignés, par exemple, de mettre eniemble dans la première l'homme fy) 8c la chauve - fouris 5 dans la féconde l'élé- phant & le lézard écailleux , dans la troi- fième le lion àc le furet, dans la quatrième le cochon & la taupe, dans la cinquième le rhinocéros 8c le rat , &c. Ces idées mal conçues ne peuvent fe foutenir j auiïi les ouvrages qui les contiennent font - ils fuccefîivement détruits par leurs propres auteurs *, une édition contredit CxJ Vide BiifTon , Regn. animal, pag?. 140 ôc 142. fyj Vide Linnati, Syjl. nat. HoJmix > 1758; tome I, paf. î8 & 19. aux deux Continens. z ^ i TaLitre , & le tout n a de mérite que pour des écoliers ou des evifans , toujours dupes du inyftcre , à qui Tair métho- dique paroît fcientifique 5 8c qui ont enfin d'autant plus de refpedb pour îeur maître , qu'il a plus d'art à leur préfenter les chofes les plus claires & les plusaifées, fous un point de vue le plus obfcur & îe plus difficile. En comparant la quatrième édition ' de l'ouvrage de M. Linnxus , avec la dixième que nous venons de citer , l'homme (^} n eft pas dans la première clalTe ou dans le premier ordre avec la chauve -fou ris 5 mais avec le lézard écail- leux 5 l'éléphant , le cochon , le rhino- céros 5 au lieu de fe trouver le premier avec le lézard écaiileux, le fécond avec la taupe , & le troifième avec le rat , fe trouvent tous trois enfemble ( a) avec la mufaraigne , au lieu de cinq ordres ou cialï'es principales (b)^ antropomorpha j,fe^ r£ 5 glires , jumenta j pecora j auxquelles il f^J Vide idem, ibid. edit. ly. Parijîiis , 27^^, pag. 64. faj Idem , ibid. pag. 69 . fbj Idem , ibid. pag, 6^ & fequent. 252 minimaux communs avoit réduit tous les quadrupèdes , TAu- teur, dans cette dernière édition, en a fait fept (cj ^ primates j bruu j fer a j bejlia j glires j pecora j hellu&. On peut juger par ces changemens efTentieis & très- généraux, de tous ceux qui fe trouvent dans ies genres *, & combien les efpèces , qui font cependant ies feules chofes réelles , y font balottées , tranfportées & mal niifes enfemble. Il y a maintenant deux efpèces d'hommes , l'homme de jour & l'homme de n\\ix.(d) , homo diurnus fapiens ; homo noclurnus troglodues ; ce font (e)i dit Fauteur, deux efpèces très- diftindèes , & il faut bien fe garder de croire que ce n'eft qu'une variété. N'efl- ce pas ajouter des fables à des abfur- dités? & peut-on préfenter le réfultac des contes de bonnes -femmes ou les fcj Vide lÀwrvidfSyJî. nat. edit. x. HoImiîE, 1758, (à) Idem , ibid. T?a.gt zo ^ :i^. ( tj Speciem troglodita ab hominefap tente dijlinciif- fimam , nec nojîri generis illam ncc fangiiinis ejfe , Jîatiira qiiamvis fimillimam. dubiurn non ejî , ne itaqué varie'tatem credas quant vel fola méirJbrana niclitans ahfolutenegat. Lin.nxi,5j^, nat. edit. x , pag. 24. aux deux Contlnens. 233 i^ifîons menfongères de quelques voya- geurs rufpedts , comme faifanc partie prin- :ipale du fyftême de la Nature? de dIus, ne vaudroît-il pas mieux fe taire ur les chofes qu'on ignore que d'établir les caractères efTentiels & des diftérences générales fur des erreurs groiîîères, en iffurant , par exemple , que dans tous es animaux à mamelles •, ia femme feu- e (f) a un clitoris -, tandis que nous fa- çons par la dilîedtion que nous avons vu "aire de plus de cent efpèces d'animaux, juc le clitoris ne manque à aucune fe- nelle. Mais j'abandonne cette critique , gui cependant pourroit être beaucoup plus pngue, parce qu'elle ne fait point ïcï non principal objet -, j'en ai dit alTez )our que l'on foit en garde contre les erreurs , tant générales que particulières , gui ne fe trouvent nulle part en auiîi jrand nombre que dans ces ouvrages de nomenclature , parce que voulant y tout :omprendre , on eft forcé d'y réunir out ce que Ton ne fait pas au peu qu'on -ait. En tirant des conféquences générales (fj Linnaci, Syjî, nat. cdit. x. pag. 24 & 25. 2 34 animaux communs de tout ce que nous avons dit , nous trouverons que l'homme eft îe fcul des êtres vivans dont la nature Toit alTez force , afTez étendue , afTez flexible pour pou- voir fublifter, fe multiplier par- tout, & fe prêter aux influences de tous les cli- mats de la terre -, nous verrons évidem- ment qu'aucun des animaux na obtenu ce grand privilège , que loin de pouvoir fe multiplier par -tout, la plupart font bornés & confinés dans de certains cli- mats, & même dans des contrées parti- culières. L'homme eft en tout l'ouvrage du ciel •, les animaux ne font à beaucoup d'égards cjue des productions de la terre ; ceux d'un continent ne fe trouvent pas dans l'autre *, ceux qui s'y trouvent font altérés , rapetilTés , changés fouvent au point d'être méconnoiffables : en faut - il plus pour être convaincu que l'em- preinte de leur forme n'eft pas inalté- rable -, que leur nature , beaucoup moins conftante que celle de l'homme , peut fe varier & même le changer abfolument avec le temps -, que par la même raifon les efpèces les moins parfaites, les plus délicates , les plus pefantes , les moins aux deux Continens. 2 3 j agifTantes , les moins armées , Sec. ont déjà difparu ou difparoîtront ? leur état, [eur vie , leur être dépend de la forme :jue Thomme donne ou laille à la furface de la terre. Le prodigieux mahmout, animal qua- drupède , dont nous avons fouvent con- Idéré les oiremens énormes avec éton- î?:nent , & que nous avons jugé fîx fois m moins plus grand que le plus fort Héphant 5 n'exifte plus nulle part -, & :ependant on a trouvé de Tes dépouilles ni plufieurs endroits éloignés les uns des mtres 5 comme en Irlande, en Sibérie, i la Louiliane , &c. Cette efpèce étoit :ertainement la première 5 la plus grande , a plus forte de tous les quadrupèdes : puifqu'elle a difparu , combien d'autres dIus petits 5 plus foibies oc moins re- marquables ont dû périr aufîi fans nous .ivoir laide ni témoignages ni renfeigne- iiens fur leur exiftence paifée? combien d autres efpèces s'étant dénaturées, c'eft- î-dire perfe6tionnées ou dégradées par [es grandes viciffitudes de la terre & des ^aux , par l'abandon ou la culture de la Kature , par la longue influence d'un z)6 Animaux communs climat devenu contraire ou favorable , ne font plus les mêmes qu elles étoient autrefois ? & cependant les animaux quadrupèdes font , après Thomme , les êtres dont la nature eft la plus fixe & la forme la plus confiante : celle des oifeaux & des poilfons varie davantage *, celle des infedes , encore plus , & fi Ton defcend jufqu'aux plantes que Ton ne doit point exclure de la Nature vivante *, on fera furpris de la promptitude avec laquelle les efpèces varient , & de la faci- lité qu'elles ont à fe dénaturer en prenant de nouvelles formes. Il ne feroit donc pas impoiîibîe , que , même fans intervertir Tordre de la Nature, tous ces animaux du nouveau monde ne fiiffent dans le fond les mêmes que ceux de l'ancien, defquels ils auroient autrefois tiré leur origine -, on pourroit dire qu'en ayant été féparés dans la fuite par des mers immenfes , ou par des terres impra- ticables , ils auront avec le temps reçu toutes les imprefîions , fubi tous les effets d'un climat devenu nouveau lui-même & qui auroit aufîi changé de qualité par les caufes mêmes qui ont produit la aux deux Contlnens. 237 réparation -, que par conféquent ils fe feront avec ie temps rapetiflTés , déna- :urés, &c. Mais cela ne doit pas nous empêcher de les regarder aujourd'hui :omme des animaux d'efpèces différentes : le quelque caufe que vienne cette difté- •ence , qu'elle ait été produite par le emps , le climat & la terre , ou qu'elle oit de même date que la création , elle l'en eft pas moins réelle : la Nature , je 'avoue 5 eft dans un mouvement de lux continuel -, mais c'eft aftez pour 'homme de la faifir dans l'inftant de Ton iècle, & de jeter quelques regards en I rrière & en avant , pour tâcher d'entre- oir ce que jadis elle pouvoir être , & ce ■ue dans la fuite elle pourroit devenir. Et à l'égard de l'utilité particulière que ious pouvons tirer de ces recherches iur î comparaifon des animaux , on fent" >ien, qu'indépendamment des corredions [e la nomenclature , dont nous avons Lonné quelques exemples , nos connoif- ances fur les animaux en feront plus éten- \ tues, moins imparfaites & plus fûres s que lous rifquerons moins d'attribuer à un nimal d'Amérique , ce qui n'appartient 238 Animaux communs ^ &c. qu à celui des Indes orientales , qui porte le même nom -, qu en parlant des animaux étrangers fur les notices des voyageurs , nous faurons mieux diftinguer les noms & les faits , & les rapporter aux vraies efpèces -, qu enfin Thiftoire des animaux que nous fommes chargés d'écrire en fera moins fautive , & peut-être plus lu- mijieufe & plus complette. 239 LE TIGRE (a). D= A N s îa claiïe des Animaux carnaf- ^ iiers , le Lion eft le premier, le Ti- ,re eft le rccond \ & comme le premier ^ iCme dans un mauvais genre 3 eft toujours ( aj Le Tigre , le vrai tigre, le tigre des Indes licntales; en Latin, Tigris ; en Italien, Tigva ; en Ikmand, Tigerthler; en Anglois , Tiger. Tigris Gefner , H/,/?, quadmp. pag. 93^. Tigris. Ray, Synopf. quadrup. pag. i^j. Tigris maciilis ohlongis. Linnxi , Syjlem, natnr, it. IV , pag. 64. Nota. Qu'il eft ici fetil de fon nre avec la panthère Felis caudâ elongatâ zculis-virgatis. Idem, ibidem, edit. vi , pag. 4. Nota. .1^. du genre du tigre il a paffe dans celui du chat, qiiïl ell: dans ce même genre avec le lion , la nthère, le chat-pard, le chat , le chat-ccrrvier & :ux elpèces de lynx .... Felis caudâ elongatâ, corpons iculis omnibus virgati s. Umn'x'i , Syji. Nat edit. x, ^.41. Nota. Qu'il fe trouve ici avec îe lion , la nthcre, le jaguar, le chat-pard, le chat, le lynx , qu'on ne fait ce qu'eft devenu l'autre lynx non plus le le chat-cetvier. Tigris. Klein, de quadrup. pag. 78. Tdis Jlava , maculis longis ni gris , varie gâta .,. ., rris. Briflbn , Kegi, animal. £âg. i6i. 2 40 Hijloire Naturelle ie plus grand & fouvenc le meilleur -, le fécond eft ordinairement le plus méchant de tous. A la fierté , au courage , à la force , le lion joint la noblefTe, la clé- mence , la magnanimité , tandis que le tigre eft bafTement féroce , cruel fans juftice , c'eft-à-dire , fans néceffité. Il en eft de même dans tout ordre de chofes où les rangs font donnés par la force : le premier , qui peut tout , eft moinî tyran que l'autre , qui ne pouvant jouii de la puiiïance plénière , s'en venge er abufant du pouvoir qu'il a pu s'arroger Auffi le tigre eft- il plus à craindre qu( le lion : celui-ci fouvent oublie qu'il el îe roi, c'eft-à-dire, le plus fort de ton les animaux *, marchant d'un pas tran quiiie , il n'attaque jamais l'homme , moins qu'il ne foit provoqué ^ il n précipite ^Qs pas , il ne court , il n chafte que quand la faim le prefTe. L tigre au contraire , quoique raiTafié d chair , femble toujours être altéré d fang , fa fureur n'a d'autre intervalle qu ceux du temps qu'il faut pour drcffe des embûches -, il faifit & déchire un nouvelle proie avec la même rage qu' viei du Tigre. 241 vient d'exercer , & non pas d'afTouvir , en- dévorant la première -, il défole le pays qu il habite , il ne craint ni rafpeâ: ni les armes de l'homme , il égorge , il dévafle les troupeaux d'animaux domef- tiques , met à mort toutes les bêtes fau- vages 5 attaque les petits éléphans , les jeunes rhinocéros , & quelquefois même ofe braver le lion. La forme du corps eft ordinairement d'accord avec le naturel. Le lion a l'air noble ;, la hauteur de fes jambes eft pro- portionnée à la longueur de fon corps , î'épaiiïe & grande crinière qui couvre fes épaules & ombrage fa face , Ton re- gard alTuré , fa démarche grave , tout (emble annoncer fa fîère & majeftueufe intrépidité. Le tigre trop long de corps, trop bas far fes jambes , la tête nue , les yeux hagards, la langue couleur de fang, toujours hors de la gueule , n'a que les caractères de la baffe méchanceté Se de rinfatiable cruauté -, il n'a pour tout inftinct qu'une rage conftante , une fu- reur aveugle , qui ne connoît , qui ne diftingue rien , & qui lui fait fouvent dévorer Tes propres enfans , & déchirer^ Tamc II L Quadrupèdes. L 2^1 Hijloire Naturelle îeur mère lorfqu'elle veut les défendre. Que ne l'eût -il à Texcès cette foif defon fang ! ne pût - il Téteindre qu'en détni*- fant dès leur nai{Iànce , la race entière des inonftres qu'il produit ! Heureufement pour le refte de la Na- ture 5 refpèce n'en eft pas nombreufe , & paroît confinée aux climats les plus chauds de l'Inde orientale. Elle fe trouve au Malabar , à Siam , à Bengale , dans les mêmes contrées qu'habitent l'éléphant & le rhinocéros -, on prétend même que fouvent le tigre accompagne ce dernier (b)_y & qu'il le fuit pour manger fa fiente , qui lui fert de purgation ou de rafraîchilTe- ment : il fréquente avec lui les bords des fleuves & des lacs -, car comme le fang ne fait que Taltérer , il a fouvent befoin d'eau pour tempérer l'ardeur qui le con- fume -, & d'ailleurs il attend près des eaux les animaux qui y arrivent , & que la chaleur du climat contraint d'y venir (bj vide Jac. Bontli , Hijî. Natur. Ind. or. Amft. j6s%, page 5^. Voyez auflî le Recueil des voyages de la Compagnie des Indes. Amji. tyoQ , tome VU, page iy8 & fuivantes. Voyages de Schouttea aux Indes oiientaks. du Tigre. 245 pîufîeurs fois chaque jour : c eft-Ià qu'il choilit fa proie , ou plutôt qu'il multiplie fes maiïacres -, car fouvent il abandonne les animaux qu'il vient de mettre à mort pour en égorger d'autres -, ilfembie qu'il cherche à goûter de leur fang , il le fa- voure 5 il s'en enivre *, & lorfqu'il leur fend & déchire le corps , c'eft pour y plonger la tête , & pour fucer à longs traits le fang dont il vient d'ouvrir la fource qui tarit prefque toujours avant que fa foif ne s'éteigne. Cependant quand il a mis à mort quel- ques gros animaux comme un cheval» un buffle , il ne les éventre pas fur la place, s'il craint d'y être inquiété^ pour [es dépecer à fon aife , il les emporte dans les bois (c) _i en les traînant avec tant de légèreté , que la vîtelTe de fa courfe paroîc 1 peine ralentie par la maffe énorme qu'il entraîne. Ceci feul fuiîiroit pour faire juger de fa force -, mais pour en donner jne idée plus jufte , arrêtons - nous un :nftant fur les dimenfions & les propor- ions du corps de cet animal terrible. (cj vide Jac. Bontii , Hijî. Nat. Ind. or, Amft. 1658, ^ag, 5J. 2 44 Hljioire Naturelle Quelques voyageurs Tont comparé, pour la grandeur, à un cheval (^djj d autres à un buffle fejj d'autres ont feulement dit qu'il éioit beaucoup plus grand que le lion ffj. Mais nous pouvons citer des témoignages plus récens & qui méritent une entière confiance. M. de la Lande- Magon nous a fait aiTurer qu'il avoir vu aux Indes orientales un tigre de quinze pieds 5 en y comprenant fans doute la longueur de la queue , fi nous la fup- pofons de quatre ou cinq pieds , ce tigre avoit au moins dix pieds de longueur, il eft vrai que celui dont nous avons la dépouille au Cabinet du Roi, n'a qu'en- viron fept pieds de longueur depuis Tex- ^dj Voy. les Voyages de Dellon , p. «04 6- fuiv. fej Les tigres des Indes , dit la BouIJaye-Je-Gouz , font prodigieufement grands j j'en ai vu des peaux plus longues & plus larges que celles des boeufs ; ils s'adonnent quelquefois à manger les hommes , ôc en pluiieurs endroits des Indes il n'y va point de voya- geurs fans être bien armés , parce que cet animal étant de la figure d'un chat , il fehauflfe furies pieds de derrière pour fauter fur celui qu'il veut afîaillir. yoyages di la Boullaye- U-Gpu^. Paris , 1657. jpages dji^S & 247. ffj Vide Profper Alp. hiji. nat Mgypt. Lugd. Ba«i ^735^ P^^' ^37' "^£t Wotton,i7a^. ^^, du Tigre. 24^ trémité du mufeau jurqu'à rorigine de la [jueue -, mais il avoit été pris, amené tout jeune, & enfuite toujours enfermé dans une loge étroite à la Ménagerie , oi\ le défaut £e mouvement & le manque d'efpace , *ennui de la prifon , la contrainte du :orps , la nourriture peu convenable ont ibrégé fa vie & retardé le développement, [ )u même réduit raccroilTement du corps, '^^ous avons vu dans i'hiftoire du cerf (g)^ jue ces animaux pris jeunes & renfermés îans des parcs trop peu fpacieux , non- eulement ne prennent pas leur croiflance 1 entière , mais même fe déforment & îeviennent rachitiqLies & ballets , avec les jambes torfes. Nous favons d'ailleurs )ar les dilîedtions que nous avons faites I Tanimaux de toute efpèce élevés & nourris [ans des ménageries , qu'ils ne parvien- lent jamais à leur grandeur entière •, que eur corps & leurs membres qui ne )euvent s'exercer , reftcnt au-delTous des [imenfions de la Nature -, que les parties ^[ont Tufage leur eft abfolument interdit, :orame celles de la génération , font fî C gj Voyez le fécond volume de cette Hiftoirc îatuielle , article du Cerf, Liij 2 4^ HiJIoire Naturelle petites Se fi peu développées dans tous ces animaux captifs & célibataires , qu'on a de la peine à les trouver , & que fou- vent elles nous ont paru prefqu'entière- fnent oblitérées. La feule différence du climat pourroit encore produire les mêmes effets que le manque d'exercice & là captivité : aucun animal des pays chauds ii€ peut produire dans les climats froids , y fût - il même très-libre & très-largement nourri -, & comme la reproduction nçS qu'une fuite naturelle de la pleine nutri- tion, il eft évident que la première ne pouvant s'opérer , la féconde ne fe fait pas complètement , & que dans ces animaux 5 le froid feul fuffit pour ref- treindre la puiffance du moule intérieur, ^ diminuer les facultés adives du déve- loppement 5 puifqu il détruit celles de la reprodudtion. Il n'eft donc pas étonnant que ce tigre dont le fquelette & la peau nous fonE tenus de la Ménagerie du Roi , ne foit pas parvenu à fa jufte grandeur -, cepen- dant la feule vue de cette peau boutée donne encore l'idée d'un animal formi- dable y ôc l'examen du fquelette ne permet du Tigre. 247 pas d*en douter. L'on voit fur îes os des jambes des nigoiîtés qui marquent des attaches de mufcles encore plus fortes que celles du lion \ ces os font auiïî folides , mais plus courts , & comme nous l'avons dit , la hauteur des jambes dans le tigre n'eft pas proportionnée à la grande lon- gueur du corps. Ainli cette vîtelîe terrible dont parle Pline , &: qiie le nom (r) même du tigre paroît indiquer , ne doit pas s'en- tendre des mouvemens ordinaires de la démarche , ni même de la célérité des pas dans une courfe fuivie *, il eft évident qu'ayant îes jambes courtes , il ne peut marcher (f) ni courir aufli vite que ceux frj Tigrîs vo&abulum ejî linguce Armenice , nam ibi & fagitta & quod vthemaitijjîmiim jlumen , dicitur tigris. Varro , de lingua latina. — Perfa & Medi fagittam tigrim nuncupant. Gefner , Hiji. quadrup, pag. 93^. (^fj Ce que dit Pline , que cet animal eft d'une vîtelTe terrible , eft une erreur , dit Bontius ; car au contraire il eft lent à courir , 6c c'eft à caufe de cela qu'il attaque plus volontiers les hommes que les animaux qui courent bien, comme les cerfs, les fan- gliers , les buffles , les bœufs fauvages , qu'il n'attaque tous qu'en fe mettant en embufcade ; il fe jette im* pétueufement fur leur tête , & terraffe d'un feul coup de patte les animaux les plus forts. Bont. p. 5^ù S^* L iiij 248 Hijloire Naîxirelle qui les ont proportionnellement pîiîS longues : mais cette viteiTe terrible s'ap- plique très -bien aux bonds prodigieux qu'il doit faire fans eftort *, car en lui fuppofant , proportion gardée , autant de force & de fouplefTe qu'au chat qui lui refTemble beaucoup par la confor- mation 5 & qui dans Tinflant d'un clin d'œil , fait un faut de plulieurs pieds d'étendue j on fentira que le tigre, dont le corps eft dix fois plus long, peut dans un inftant prefque auffi court faire un bond de plufîeurs toifes. Ce n'effc donc point la célérité de fa courfe , mais la vîteiTe du faut que Pline a voulu dé- signer , & qui rend en effet cet animal terrible , parce qu'il n eft pas poiïible d'en éviter l'effet. Le tigre eft peut-être le feuî de tous les animaux dont on ne puiffe fléchir le naturel", ni la force, ni la contrainte , ni la violence ne peuvent le dompter. II s'irrite des bons comme des mauvais trai- temens *, la douce habitude qui peut tout , ne peut rien fur cette nature de fer -, le Il eft , comme l'on voit , fort aifé de concilier ces faits avec les exprelfioas de Pline. du Tigre. 249 temps îoin de ramollir en tempérant ies humeurs féroces , ne fait qu'aigrir le fiel de fa rage , il déchire la main qui le nourrit comme celle qui le frappe *, il rugit à la vue de tout être vivant j chaque objet lui paroît une nouvelle proie, qu'il dévore d'avance de Tes regards avides , qu'il menace par des frémilTemens affreux mêlés d'un grincement de dents , & vers lequel il s'élance fouvent maigre les chaînes & les grilles qui brifent fa fureur fans pouvoir la calmer. Pour achever de donner une ïdho. de îa force ( t) de ce cruel animal , nous croyons devoir citer ici ce que le Père Tachard, témoin oculaire, rapporte d'un combat du tigre contre des éiéphans. « On avoir élevé , dit cet auteur (u) une haute paliflade de bambous d'environ œ cent pas en carré : au milieu de l'enceinte « étoient entrés trois éiéphans deftinés « ^t) Indi tigrim elephanto rohujîiorem multo exijîi" mant. Nearchus fcribit Indos referre tigrim ejfe maxi' miequi magnitudine , velocitate & viribus bejîias omnes fuperarc , elephantum etiam, injidientem in caput ejuSg facile fuffocare. Gefn. hijî. quadrup. pag. 937. (uj Premier voyage de Siam , par le P. Tachaid. Taris f t686'fpage a^3. & fuivantes. Lv 250 HiJIoire Naturelle 3> pour combattre îe tigre. Ils avoîentune » efpèce de grand plaftron , en forme de » mafque, qui ieur couvrôit la tête ôc une 03 partie de la trompe. Dès que nous fumes 30 arrivés fur le lieu , on fit fortir de îa loge y> qui étoit dans un enfoncement, un tigre » d'une figure & d'une couleur qui pa- 3> rurent nouvelles aux François qui aiîîf- » toient à ce combat*, car outre qu'il étoit » bien plus grand , bien plus gros & d'une yi taille moins effilée que ceux que nous DO avions vus en France , fa peau n étoic 35 pas mouchetée de même *, mars au lieu 05 de toutes ces taches femées fans ordre , 05 il avoir de longues & larges bandes efl 35 forme de cercle j ces bandes prenant 35 fur le dos fe rejoignoient par-defTous le î» ventre, & continuant le long de laqueue^ 05 y faifoient comme des anneaux blancs 35 & noirs placés alternativement dont elle 05 étoit toute couverte. La tête n'avoit rien o5 d'extraordinaire, non plus que les}am- 35 bes , hors qu'elles étoient plus grandes a> & plus grofles que celles des tigres conv 35 m uns , quoique celui-ci ne tût qu'un 35 jeune tigre qui avoir encore à croître , » car M. Conftance nous a dit qu'il y en du Tigre. 2^1 ' avoîtdansie royaume de plus gros trois ^ fois que celui-là-, & qu'un jour étant ce à la chaiïe avec le Roi , il en vit un de ce fort près qui étoit grand comme un ce mulet. Il y en a auiïï de petits dans le ce pays 5 femblables à ceux qu'on apporte ce d'Afrique en Europe , & on nous en ce montra un le même jour à Louvo. ce j On ne lâcha pas d'abord le tigre ce ' qui devoir combattre , mais on le tint «« attaché par deux cordes , de forte que ce n'ayant pas la liberté de s'élancer , le ce premier éléphant qui l'approcha lui ce donna deux ou trois coups de fa trompe ce fur le dos : ce choc flit fi rude que le ce tigre en fut renverfé & demeura quel- « que temps étendu fur la place fans mou- ce vement , comme s'il eût été mort •, ce cependant dès qu'on l'eût délié , quoi- ce que cette première attaque eût bien ce rabattu de fa furie, il fit un cri horrible ce & voulut fe jeter fur la trompe de Télé- c« phant qui s'avançoit pour le frapper -, ce mais celui-ci la repliant adroitement , la ce mit à couvert par fes défenfes , qu'il ce préfenta en même temps & dont il ce atteignit le tigre (i à propos qu'il lui « L vj 2^2 HiJIoire Naturelle 80 fit faire un grand faut en Taîr 5 cet 30 animal en fut li étourdi qu'il n'ofa plus » approcher. Il fit plufieurs tours le long » de la paliflade , s'élançant quelquefois 33 vers les perfonnes qui paroiffoient vers n les galeries : on pouffa enfuite trois 00 éléphans contre lui , qui lui donnèrent 33 tour à tour de fi rudes coups qu'il fit 33 encore une fois le mort, & ne penfa y) plus qu'à éviter leur rencontre : ils Teuf- 35 fent tué fans doute , fi Ton n eût fait finir le combat ». Il eft clair par la def- cription même du Père Tachard , que ce tigre qu^il a vu combattre des éléphans , eit le vrai tigre *, qu'il parut aux François un animal nouveau , parce que probable- ment 5 ils n'avoient vu en France dans lès Ménageries que des Panthères ou des Léopards d'Afrique , ou bien des Jaguars d'Amérique , Se que les petits tigres qu'il vit à Louvo n'étoient de même que des Panthères. On fent aulîi par ce fimple récit 5 quelle doit être la force & la fijreur de cet animal ^ puifque celui-ci, quoique jeune encore , & n'a/ant pas pris tout fon accroiiTement , quoique réduit en cap- tivité 3 quoique retenu par des lienj ^^ du Tigre. 2jj quoique feul contre trois , étoit encore afTez redoutable aux colofîès qtul com- battoit, pour qu'on fût obligé de les couvrir d'un plaftron dans toutes les parties de îeur corps , que la Nature n'a pas cuiralTées comme les autres d'une enveloppe impénétrable. Le tigre dont le Père Gouie (x) a com- muniqué à l'Académie des Sciences une defcription anatomique , faite par les Pères Jéfuites à la Chine, paroît être de i'efpèce du vrai tigre , auffi - bien que celui que les Portugais ont appelé tigre fxj On ne connoît guère en Europe que its tigres dont la peau cft mouchetée de taches j mais dans la Tartarie & dans la Chine , on en connoît auffi dont la peau eft rayée de 'bandes noires; & même en ces pays-là , on prétend que ce font deux efpèces différentes , quoiqu'ils ne paroiiTent pas avoir d'autres différences que celle-là. Le tigre rayé que \ts Jéfuites de la Chine didéquèrent , &: qui avoit été tué à la chafTe par l'Empereur , avec quatre autres , ne pefoit que deux cents foixante-cinq livres , aufll n'étoir - il pas des plus grands : un des autres pefoit quatre cents livres. Celui qui fut diiféqué avoit un tiers de l'eftomac plein de vers , & l'on ne pou- voit pas dire qu'il fût corrompu. Quelqu'un qui étoit préfent, dit qu'on avoic trouvé la même chofe à un autre tigre qu'il avoit vu ouvrir à Macao. Hijioire de l'Académie des Sciences , année i 6q^ , page 5 z . 2^4 Hijloire Naturelle royal, duquel M. Perrault(^y) fait mention dans Tes Mémoires fur les animaux, Se dont il dit que la defcription a été faite à Siam. Deiion (^)y dans fes voyages , dit expreiTément que le Malabar eft le pays des Indes où il y a le plus de tigres, qu'il y en a de pluiieurs efpèces , mais que le plus grand de tous , celui que les Portugais appellent Tigre royal -y eft ex- trêmement rare , qu'il eft grand comme un cheval, &c. Le tigre royal ne paroît donc pas faire une efpèce particulière & diftérente de celle du vrai tigre \ il ne fe trouve qu'aux Indes orientales, & non pas au Brefil> comme l'ont écrit quelques-uns de nos naturaliftes (a). Je fuis même porté à croire que le vrai tigre ne fe trouve qu'en Afîe & dans les parties les plus méridionales de l'Afrique dans l'intérieur des terres-, car la plupart des voyageurs qui ont fré- quenté les côtes de l'Afrique, parlent à la vérité des tigres, & difent même qu'ils fy) Mémoires pour fervir à l'Hiftoixe des animaux partie II , page a.8y. (\) Voyage de Dellon , page 204. (a) BriiTon , Kegn, animal, pag. 269, du Tigre. 255 Y font très-communs \ néanmoins , il ell aifé de voir par les notices mêmes qu'ils* donnent de ces animaux , que ce ne font pas des vrais tigres, mais des léopards, des panthères ou des onces, &c. Le Dodleur Shaw (h)^ dit exprefTément qu'aux royaumes de Tunis & d'Alger , le lion & la panthère tiennent le premier rang entre les bêtes féroces *, mais que le tigre ne fe trouve pas dans cette partie de la Barbarie : cela paroît vrai , car ce furent des Ambadadeurs Indiens (c), 8c non pas des Africains , qui préfentèrent à Au- gufte , dans le temps qu il étoit à Samos , le premier tigre qui ait été vu des Ro- mains ^ 8c ce fut auffi des Indes qu'Hé- liogabale fit venir ceux qu'il vouloir atteler à Ton char pour contrefaire le dieu Bacchus. L'efpcce du tigre a donc toujours été plus rare 8c beaucoup moins répandue que celle du lion : cependant la tigreiTe produit , comme la lionne , quatre ou f^bj Voyage de Shav. La Haye, ^7'^3 , tome I ^ I^g^ 3^5- ' ( c) Voyez la defcription des îlles de l'Archipel ;^ far Dapper. Aiu/ierdam, lyo^ , page 206, 1^6 Hijloire Naturelle cinq petits -, elle efl: furieufe en tout temps? mais fa rage devient extrême lorfqu'on les lui ravit : elle brave tous les périls ,• elle fuit les ravilTeurs ^ qui fe trouvant prefTés font obligés de lui relâcher un de fes petits -, elle s'arrête , le faifit , l'em- porte pour le mettre à Tabri , revient quelques inftans après & les pourfuit jufqu'aux portes des villes ou jufquà leurs vailTeaux { & lorfqu'elle a perdu tout efpoir de recouvrer fa perte , dQS cris forcenés & lugubres , des hurlemens aftreux expriment fa douleur cruelle & font encore frémir ceux qui les entendent de loin. Le tigre fait mouvoir la peau de fa face 5 grince des dents , frémit , rougit comme fait le lion -, mais fon rugilTement eft différent -, quelques voyageurs (d) Tout comparé au cri de certains grands oifeaux. Tigndes indomitArancantyrugiunt' que Leones. ( Autor PhïlomeU). Ce mot Rancant n'a point d'équivalent en fran- çors •, ne pourrions - nous pas lui en donner un, & dire, les tigres rauquentSc (d) S-cond voyage de Siam , par le P. Tachar^.^ du Tigre. 257 îes îions rugiiïent -, car le Ton de la voix du tigre eft: en effet très-rauque ( e )? La peau de ces animaux eft alTez efti- mée, fur-tout à la Chine *, les Mandarins militaires en couvrent leurs chaifes (f) dans les marches publiques , ils en font auffi des couvertures de couffins pour Thiver -, en Europe , ces peaux quoique rares ne font pas d'un grand prix. On fait beaucoup plus de cas de celles du léopard de Guinée & du Sénégal que nos fourreurs appellent Tigre. Au refle , c'eft la feule petite utilité qu'on puifïe tirer de cet animal très-nuifible , dont on a prétendu que la fueur (g) étoit un venin & le poil de la mouftache un poifon (h) fur pour les hommes & (t) Les tigres de l'eft de l'Afie font d'une grofTeiir & d'une légèreté furprenante j ils ont ordinairement le poil d'un roux-fauve. ... Ils rugilTent comme les lions j leur cri feul pénètre d'horreur. Voyages de Co* real. Paris y iy^s , tome I, page ly^. (f) Hiftoire générale des voyages, par M. l'abbé Prévôt, fome VI, paf^e 601. fg) Hiftoire Naturelle de Siam , par Gervaife, Taris, t6'88 y page 56'. ChJ La Chine illuftrée , par Kircher , tradudion de Dalc^uier. Amji, i6yo , pages tio & îiî, ^ j 8 Hijloire Naturelle y &c. pour les animaux -, mais c'effc afTez du mal très - réel qu'il fait de Ton vivant , {ans chercher encore des qualités ima- ginaires 8c des poifons dans f i dépouille v d'autant que les Indiens m.angcnt de fa chair & ne la trouvent , ni mal farne ni mauvaife j Se que fi le poil de fa mouf- tache pris en pilluie , tue , c^efb qu'étanc dur & roide , une telle pilluie Tait dans reflomac le même eftet qu'un paquet de petites éguiiies. m. Tl'/.p.^jS XE TIGILE. jR. £r. 259 La panthère, L'ONCE ET LE LÉOPARD. X ouR me faire mieux entendre, pour éviter le faux emploi des noms , détruire ies équivoques & prévenir les douces -, fobrerverai d'abord , qu avec les tigres dont nous venons de donner Thidorre , il Te trouve encore dans l'ancien conti- nent, c'eft-à-dire , en Afie & en Afri- que , trois autres efpèces d'animaux de ce genre, toutes trois différentes du tigre, & toutes trois différentes entr'elles. Ces trois efpèces font WP anthère ^ Y Once & le Léopard y lefquelles non -feulement ont été prifes les unes pour les autres par îes Naturalifles , mais même ont été con- fondues avec les efpèces du même genre qui fe font trouvées en Amérique. Je mets à part pour le moment prélent ces efpèces que l'on a appelées indiftinéle- ment tigres j panthères _, léopards y dans le nouveau monde , pour ne parler que de celles de l'ancien continent, & afin de 2 6o Hijloire Naturelle ne pas confondre les chofes , & d'ex-^- pofer pius nettement les objets qui y font relatifs. La première efpèce de ce genre & qui fe trouve dans Tancien continent , cft la grande panthère que nous appellerons iîmpiement Panthère , qui étoit connue des Grecs fous le nom de Pardalis j des anciens Latins fous celui de Panthera _, enfuite fous le nom de P ardus , & des Latins modernes fous celui de Leop ardus. Le corps de cet animal , lorfqu'ii a prist fon accroîfTement entier , a cinq ou lix: pieds de longueur en le mefurant depuis Textrémité du mufeau jufqu'à Torigine de la queue , laquelle efl: longue de plus de deux pieds-, la peau eft pour le fond du poil d\m fauve plus ou moins foncé fur le dos & fur les côtés du corps, & d'une couleur blanchâtre fous le ventre y elle efl: marquée de taches noires en grands anneaux ou en forme de rofe *, ces anneaux font bien féparés les uns des autres fur- ies côtés du corps , évidés dans leur milieu, & la plupart ont une ou pluiieurs taches au centre de la même couleur que le tour de lanneau , ces mêmes anneaux, de la V anthère ^ &c. 16 1 dont les uns font ovales & les autres cir- culaires ont fouvent plus de trois pouces de diamètre , il n'y a que des taches pleines fur la tête , fur la poitrine, fur le ventre èc fur les jambes. La féconde efpèce eft la petite pan- thère d'Oppien(^(3y)5 à laquelle les Anciens n'ont pas donné de nom particulier j mais que les Voyageurs modernes ont appelé Once y du nom corrompu Lynx ou Lunx, Nous conferverons à cet animal le nom £Once j qui nous paroît bien appliqué, parce qu en effet il a quelque rapport avec le lynx *, il eft beaucoup plus petit que la Panthère , n'ayant le corps que d'environ trois pieds & demi de longueur , ce qui eft à peu près la taille du lynx s il a le poil plus long que la panthère , la queue beaucoup plus longue , de trois pieds de longueur & quelquefois davan- tage , quoique le corps de l'once foit en tout d'un tiers au moins plus petit que celui de la panthère , dont la queue n'a guère que deux pieds ou deux pieds & demi tout au plus -, le fond du poil de l'once eft d'un gris blanchâtre fur le 26 z HiJIoire Naturelle dos 8c fur les côtés du corps , & d'un gris encore plus blanc fous le ventre , au îieu que le dos & les cotés du corps de îa panthère font toujours d'u'i fauve plua ou moins foncé , les taches font à peu près de îa même forme & de la même grandeur dans Tune & dans l'autre. La troifîème efpèce , dont les Anciens ne font aucune mention , eft un animal du Sénégal , de la Guinée & des autres pays méridionaux que les Anciens n'ar voient pas découverts : nous l'appelle- rons léopard j qui eft le nom qu'on a mal- à-propos appliqué à: la grande panthère., & aue nous emploierons, comme l'ont fait pluiieurs Voyageurs , pour déiigner l'a- nimal du Sénégal , dont il eft ici queftion. Il eft un peu plus grand que l'once , mais beaucoup moins que la panthère , n'ayant guère plus de quatre pieds de longueur;, îa queue a deux pieds ou deux pieds & demi -, le fond du poil , fur le dos & fur les côtés du corps , eft d'une couleur fauve plus ou moins foncée , le delTous du ventre eft blanchâtre , les taches font en anneaux ou en rofe, mais ces anneaux font beaucoup plus petits que ceux de de la Panthère^ &c. 26 } a panthère ou de Tonce , & la plupart ont comporés de quatre ou cinq petites aches pleines : il y a aufli de ces taches pleines difpofées irrégulièrement. Ces trois animaux font , comme Ton ''oit 5 très-diffèrens les uns des autres , & ont chacun de leur efpèce : les mar- :hands fourreurs appellent les peâux de a première efpèce , peaux de panthère ; inlî nous n'aurons pas changé ce nom Duifqu il eft en ufage ', ils appellent celles le la féconde efpèce , peaus de tigres V Afrique , ce nom eft équivoque & lous avons adopté celui ^once ; enfin , [s appellent improprement/^^ jz/a: de tigre y :elles de Tanimai que nous appelons ici éopard, Oppien (b) connoifloit nos deux pre- nières efpèces , c'eft-à-dire , la panthère k Tonce •, il a dit le premier, qu'il y avoir leux efpèces de panthère -, les unes plus grandes & plus grolTes , les autres plus petites, & cependant femblables par la brme du corps , par la variété & la dif- jolition des taches , mais qui drtféroient oar la longueur de 1^ queue que les C^J Oppianus, de venatio»e , lib. III. 2 64 Uijloire Naturelle petites ont beaucoup plus longues que It grandes. Les Arabes ont indiqué la grand panthère par le nom al Nemer (Nemer e retranchant Tarticle ) » & la petite par 1 nom al Phet ou al Fhed ( Phet ou Fhe en retranchant l'article ) -, ce dernier non' quoiqu'un peu corrompu fe reconno dans celui de Faadh ^ qui eft le noi adtuel de cet animal en Barbarie, ce L y> Faadh , dit le D. Shaw (c)_y refTemble s n léopard ( il veut dire la panthère ) , en ( » qu'il efl: tacheté comme lui*, mais iLe v> diffère à d'autres égards , il a la peé » plus obfcure & plus groiïïère , & n'e pas il farouche. » Nous apprenons d'à îeurs par un pa{ïàge d'Albert, commen par Gefner (dj^ que le Phet ou Fhed (t des Arabes s'efl appelle en Italien & da: quelques autres langues de l'Europe Zeun^a ou Lon-^a, On ne peut donc p f^i:^ Voyages de Shav. La Haye , i74£:j/tomeI page z6 Nota. Qu'en Anglois Va fe pronon comme ai , &c que le Do(fleur Shaw en écriva Faadh , prononçoit Faidh , ce qui approche cncc plus de Fhed. (d) Gefner , Hz/?, quadmp. pag. 825. ^ej Alphid ideji Leop ardus minor, Albertus, doutei de la Panthère ^ &c, iG^ douter , en rapprochant ces indications , que la petite panthère d'Oppien , le Phet ou le Phed des Arabes , le Faadh de la Barbarie, YOn:^e ou Y Once des Européens ne foient le même animal. Il y a grande apparence aufîi que c'eH: le Pard ou Fardas des Anciens , & la Panthera de Pline -, puifqu il dit, que le fond (f) de fon poil eft blanc , au lieu que celui de la grande panthère eft , comme nous Tavons dit, d'une couleur fauve plus ou moins foncée : d'ailleurs , ï\ eft très-pro- bable que la petite panthère s'eft appelée fîmplement Pard ou Pardus , & qu'on eft venu enfuite à nommer la grande panthère, Léopard ou Leopardus j parce qu'on a imaginé que c'étoit une efpèce métive qui s'étoit agrandie par le fecours Se le mélange de celle du lion -, mais comme ce préjugé n'eft nullement fondé, nous avons préféré le nom ancien & primitif de Panthère , au nom compofé &; plus nou- veau, Léopard^ que nous avons appliqué à un animal nouveau qui n'avoit encore que des noms équivoques. ffj Pantheris in candido brèves macularum oculi. Plin. Hijî. Nat. lib. VIII, cap. xvii. Tome IIL Quadrupèdes. M ^6S Hifioire Naturelle Ainfî, Fonce difîère de la panthère l en ce qu'il eft bien plus petit, quil a la queue beaucoup plus longue , le poil plus long auffi & d\ine couleur grife ou blanchâtre , & le léopard diflere de la panthère & de Tonce en ce qu'il a la robe beaucoup plus belle , d'un fauve vif & brillant , quoique plus ou moins foncé avec des taches plus petites , & la plupart difporées par groupes , comme Ç\ chacune de ces taches étoit formée de quatre taches réunies. Pline (g) j & plufieurs autres après lui, ont écrit que dans les panthères , la femelle avoit la robe plus blanche que le mâle : cela pourroit ctre vrai de l'once j mais nous n'avons pas obfervé cette difle- rence dans les panthères de la ménagerie de Verfaiiles qui ont été deflinéeS vi- vantes-, s'il y a donc quelque didérence dans là couleur du poil entre le mâle Se la femelle de la panthère , il faut que cette différence ne Toit pas bien confiante ni bien feniible. On trouve à la vérité des nuances plus ou moins fortes dans plufieurs peaux de ces animaux que nous (gj riinii, Hi/Î. Nat. lib. VIII, cap. xyiu ie la Panthère^ &c, 26 j ivons comparées -y mais nous croyons jue cela dépend plutôt de ia diflérence le Tâge ou du climat que de celle des exes. Les animaux que M.« de TAcadémie les Sciences ont décrits (h)^ Se dilTéqués ous le nom de Tigres j & l'animal décric )ar Caïus dans Gefner fij , fous le nom Wncia 5 font de même efpèce que otre léopard ^ on ne peut en douter., n comparant la figure & ia defcription ne nous en donnons ici avec celles de ^aïus & celles de M. Perrault : il dit à la érité que les animaux décrits & dilTéqués ar M.is de l'Académie des Sciences , fous î nom de Tigres j ne font pas Fonce de laïus ("kjj les feules raifons qu'il en donne, ChJ Mémoires pour fervix à l'Hiftoiredes animaux^ irtie III , page _j. ('ij Gefner, HiJ}. guadrup, page 8i|. CkJ Nous obferverons que les éditeurs de la troî- :me partie d^ Mémoires pour fervir à l'Eifloire •s animaux , ont laiflé palTcr dans l'imprefllon une ute qu'il eft d'autant plus néceiTaire de corriger , l'elle eft plus répétée. On a écrit par-tout Ours au :u d'Once; il eft ait, page 5 , ligne a. 8 , Fours décrit ir Caïus dans Gefner. — Page § , l'ours que aïus a déciit. — Fage z8 , ligne 1 1 , l'ours bc-iç 2 6B IJiJîoire Naturelle font 5 que celui-ci efl plus petit 8c qu il n'a pas le defTous du corps blanc : ce- pendant , fi M. Perrault eût comparé îa defcription entière de Caïus avec les fujets qu'il avort fous les yeux , je fui* perfuadé qu'il auroit reconnu qu'ils ne diftéroient en rien de l'once de Caïus Gomme ii pourroit refter fur cela de doutes, j'ai cru qu'il étoit nécefTaire d( rapporter ici les parties eflentielîes d cette defcription de Caïus , quijquoiqu faite fur un animal mort, me paroît for exade fij. On y obfervera , que Caïus léopard. — P^g'^ i8, defcription très - exafte qu'il donnée d'un Ours. Il cft évident qu'il faut fubftitu dans ces quatre endroits le mot Once à celui d'Our. puifque l'animal dont il eft queftion , a été déci par Caïus fous le nom d'Uncia dans Gefner. iîi' ^uadriip. page 825. fl) Unciafera eji fav ijjîma , canis villatici magt tudine ,facie €Aiure Leonina : corpore , cauda , pede unguefelis, afpeâu truci : dente tam robufto & acut utvel ligna dividat : iingue itapolle$, ut eodem cont nitentes in adverfum, retineat : colore perfumma Corpo. fallefcentis ochm ,per ima cineris , afperfo undique rt. cula nigva ùfrequenti . cauda reliquo corpore aliquar tbfcuriori & grandiori macula. Auris intus palletji nigro , foris nigricatjine pallore , Jî unam jlavam' »bfcuramm(ieulaîn à TTiediQ tximas .... Reliquum ca^ de la Panthère ^ &c. 2 (> 9 fans donner précifément la longueur du corps de Tanimai qu'il décrit , dit qu ii eft plus grand qu'un chien de berger & aufîî gros qu'un dogue 5 quoique plus bas de jambes -, je ne vois donc pas totum ejl macuîofumfrequentijjîma macula nigra , fut & feliquutu corpus J nijîea parte qux inter nafum & oculum fji , qua nulla faut , nijî utrinque dua , & eœ parvcz t quemadmodura (/ cetera omnes in extremis & imis par- tibus , reliquis funt minores : maculiz in fummis quidcm rrurum partihus & in cauda, nigriores funt& /ïngulares ^ 9er latera vero compojitx , quafi iîngula: macuîx ex :juatuor fièrent. Ordo nullus eji in maculisnijî in lahro fuperiori , ubi ordines quinque funt. Inprimo&fupe- riori duo: difcretce : in fecundo fez conjunciœ , utlinea 'ffe videantur. Hi duo ordines liberi funt , me inter fc tommijli. In tertio ordine octo conjundœ funt , fed cum quarto ubi finit commifcentur Nafus nigrefcit , linea per Inngitudinem perque fummam tant uni faperfi- ùem inducia leniter ; oculi glauci funt vivit ex :arne : famina marc crudelior ejî Çf minor , utriufque. ''exus una ad nos ex Mauritania eft adveda nave. Nafcuntur in libya. Si quod illis coeundi jlatum tempus ejî, hie menjis junius ejî : nam. hoc mas faemi" nam fupervenit Ijla animalia tam ferocia funt g •it cujlos cum piimo vellet de loeo in locum movere , cogebatur fujh in caput aâo fut aiuntj fmi-mortua reddere Quod fcribunt effe cane lojigius , idmihi non videtur : nam funt apud nos multi canes villatici , qui longitudine aquent : pecuario tamen & major eJi Çf longior , ut & villatico humilior. Caïus apud Gefnex ^ Hiji. quadrup. pag. 8-25 ÔC 82^. M iij 270 Hijloire Naturelle pourquoi M. Perrault dit que Yonct de Caïus étoit bien plus petit que les tigres didéqués par M.^^* de l'Académie des Sciences. Ces tigres n'avoient que quatre pieds de longueur en les mefurant depuis rextrémicé du inufeau Jufquà rorigine de la queue"; le léopard que nous décrivons ïcï , & qui eH: certaine- ment le même animal que les tigres de Kî. Perrault, n'a aufîi qu'environ quatre pieds, & il l'on mefure un dogue, fur- tout un dogue de forte race, on trouvera qu'il excède fouvent ces dimenfions. Ainii, les tigres décrits par M.^s de l'Aca- démie des Sciences ne difFéroient pas aiTez de YUncia de Caïus parla grandeur, pour ç[uç. M. Perrault fût fondé à con- clure de cette feule différence , que ce ne pouvoir être le même animal. La fé- conde difconvenance , c'efl: celle de la couleur du poil fur le ventre ', M. Perrault dit qu'il eft blanc , & Caïus qu'il eft cendré , c'eft-à-dire , blanchâtre : ain(î ces deux caractères , par lefquels M. Perrault a jugé que les tigres dilTéqués par M.^^s (Je l'Académie , n'étoient pas l'once de Caïus , auroient dû le porter àe la V anthère ^ &c. lyi à prononcer le contraire , fur -tout s'il eue fait attention que tout le refte de la defcription s'accorde parfaitement. Qn ne peut donc pas fe rcfufer a regarder les tigres de M.« de l'Académie, YUncia de Caius, & notre Léopard:, comme le même animal , & je ne conçois pas pourquoi quelques-uns de nos Natura- lises ont pris ces tigres de M. Perrault , pour des animaux d'Amérique , & les ont confondus avec le jaguar. Nous nous croyons donc certains que îes tigres de M. Perrault , Yuncia de Caïus & notre léopard , font le même animal : nous nous croyons également afTurés que notre panthère efl le même animal que la panthère des Anciens *, elle en difîere à la vérité par la grandeur, mais elle lui reflemble par tous les autres cara6lères -, & comme nous l'avons déjà dit plufieurs fois 5 on ne doit pas être étonné qu'un animal élevé dans une ménagerie ne prenne pasfonaccroiirement entier. Se qu'il refte au - delTous des dimenlions de la Nature. Cette diflérence de grandeur nous a tenu nous-mêmes aiTez long-temps •dans la perplexité , mais après Texamea M iiij 2/2 Hijloire Naturelle le plus long 5 8c nous pouvons dire ïô plus fcrupuleux , après la comparaifon exade & immédiate des grandes peaux de îa panthère , qui fe trouvent chez les Fourreurs avec celle de notre panthère, il ne nous a plus été permis de douter, & nous avons vu clairement quecen'étoient pas des animaux diiiérens. La panthère que nous décrivons ici & deux autres de la même efpèce, qui étoient en même temps à la ménagerie du Roi , font Venues de la Barbarie : la régence d'Alger fit préfent à Sa Majefté des deux premières , il y a dix ou douze ans -, la troifième a été achetée pour le Roi, d'un Juif d'Alger. Une autre obfervation que nous ne pouvons nous difpenfer de faire , c'eft que des trois animaux dont nous donnons ici îa defcription fous les noms de Pari" thèrcj d'Once & de Léopard, aucun ne peut "fe rapporter à Tanimal que les Naturaliftes ont indiqué par le nom de pardus ou de leopardus. Le pardus de M. Linnacus & le léopard de M. Brififon , qui paroifTent être le même animal , font défignés pat les phrafes fuivajites : de la Panthère ^ &c, 275 P ardus j felis caudâ elongatâ j corpor'is maculis fuperloribus orbkulatls j inferiori" bus i vlrgads, Syft. nat. edit. x, pag. 41...^ Le léopard , Felis ex albo flavicans > ma-* çuUs n'igrls in dorfo orbiculatis j in ventre Ion gis j variegata. Regn. anim. pag. 272, Ce caractère des taches longues Tur le ventre , ou alongées en forme de verges fur les parties inférieures du corps , n ap- partient ni à ia panthère , ni à Tonce , ni au léopard, defqueis ii efl: ici queftiom Cependant il paroît que c'eft de la pan- :hère des Anciens -, dupanthera , pardalisj, vardus j leopardus de Gefncr-, du pardus » 'yanthera de Profper Alpini^ dupanthera^ varia j Affrlcana de Pline \ de la panthère 5 sn un mot, qui fe trouve en Afrique (m) & aux Indes orientales que ces Auteurs 3nt entendu parler , & qu'ils ont défignée par les phrafes que nous venons de citer* Or, je le répète, aucun des trois animaux que nous décrivons ici , quoique tous crois d'efpèce ditférente, nom ce carac- tère de taches longues & en forme de verges fur les parties inférieures , & en même temps nous pouvons alTurer paç /^m iBïifloji; Regrt. animal, page zyj, M y 2 74 Hijloire Naturelle les recherches que nous avons faites i que ces trois efpèces & peut-être une quatrième dont nous parlerons dans la {^uite, & qui n'a pas plus que les trois premières , ce caradère des taches lon- gues fur le ventre , font les feules de ce genre qui fe trouvent en Afîe Se en Afrique -, en forte > que nous ne pouvons nous empêcher de regarder comme dou- teux ce caradlère , qui fait le fondement des phrafes indicatives de ces Nomen- clateurs. C'éft tout le contraire dans ces trois animaux , Se peut - être dans tous ceux du même genre -, car non -feule- ment ceux de l'Afrique Se de l'Afie ,, Riais ceux même de l'Amérique , iorf- qu'iis ont des taches longues en forme de verges ou des tramées , les ont tou- jours fur les parties fupérieures du corps, iuï le garrot, fur le cou, fur le dos Sc Jamais fur les parties inférieures. Nous remarquerons encore , que Tar* nimal dont on a donné la defcription dans la troifième partie des Mémoires pour fervir à Thiftoire des animaux , fous îe nom de panthère ( n ) j eft un animal CnJ l^^én;. pour fervir à Thift. éçs-zmm. part. IU,p^.^ y de la V anthère y &c. ijf différent de la panthère , de Tonce & du léopard , dont nous traitons ici. Enfin nous obferverons qu'il ne faut pas confondre , en iifant les Anciens , le panther avec la panthère, La panthère efl l'animal dont il eft ici queftion -, le panther du Scholiafte d'Homère & des autres Auteurs , efl une efpèce de loup timide que nous croyons être le chacal , comme nous l'expliquerons lorfque nous donnerons Thiftoire de cet animal : au refte le mot pardalis , eft l'ancien nom grec de la panthère , il fe donnort in- diftin élément au mâle & à la femelle* Le mor pardus efl: moins ancien , Lucain & Pline , font les premiers qui l'aient employé 5 celui de leopardus^ eft encore plus nouveau , puifqu'il paroît que c'eft Jule Capitolin qui s'en eft fervi le premier ou l'un des premiers : & à l'égard du nom même de panthera ^ c'efl un mot: que les anciens Latins ont dérivé du grec, mais que les Grecs n'ont jamais employé. Après avoir dilTipé , autant qu'il efï" en nous > les ténèbres dont la nomen- clature ne ce& d'obfcurcir la Nature | M v) 2j6 Hijloire Naturelle après avoir expofé, pour prévenir toute équivoque, les figures exades des trois animaux dont nous traitons ici •, pafTons à ce qui ies concerne chacun en parti- culier. La panthère que nous avons vue vi- vante , a Tair féroce , Tœil inquiet , ie regard cruel , les mouvemens hrufques , & les cris fembiabies à celui d'un dogue en colère^ elle a même la voix plus forte & plus rauque que le chien irrité , elle a la langue rude & très- rouge, les dents fortes & pointues , les ongles aigus & durs, la peau belle, d'un fauve plus ou moins foncé , femée de taches noires arrondies en anneaux , ou réunies en forme de rofes, le poil court , la queue marquée de grandes taches noires au- detTus & d'anneaux noirs & blancs vers l'extrémité. La panthère eft de la taille & de la tournure d'un dogue de forte race, mais moins haute de jambes. Les relations des Voyageurs s'accor- dent avec les témoignages des Anciens au fujet de la grande 8c de la petite pan- thère 3 c'eft-à-dire , de notre panthère Se de notre once. Il paroît qu'il exifte de la Panthère y &c. ijy aujourd'hui, comme du temps d'Oppien , dans la partie de l'Afrique qui s'étend le long de la mer méditerranée , & dans les parties de l'Afie, qui étoient connues des Anciens, deux efpèces de panthères , la plus grande a été appelée panthère ou léopard Se la plus petite once , par la plu- part des Voyageurs. Ils conviennent tous que l'once s'apprivoile aifément , qu'on ie dreireàiacha{re(^Oy^, & qu'on s'en fert à ^oj Les Perfans ont une certaine bête appelée Once , qui a la peau tachetée comme un tigre , mai$ qui eft fort douce ôc fort privée. Un Cavalier la porte en troufle à cheval , & ayant aperçu la. gazelle , il fait defcendre l'once , qui eft fi légère qu'en trois fauts elle faute au cou de la gazelle , quoi-- qu'elle coure d'une vîteiTe incroyable. La gazelle eft une efptce de petit chevreuil, dont le pays eft rempli» l'once l'étrangle auffitôt avec fes dents aiguës j mais fi par malheur elle manque fon coup & que la gazelle lui échappe, elle, demeure fur la place hon- teufe Se confufe , & dans ce moment un enfant la pourroit prendre fans qu'elle fe défendit. Voyages de Tavernier. Rouen, tyi^, tome II , page 36' .... y Pour les grandes chaffes on fe (ert de bêtes féroces dreffées à chalTer , lions , léopards > tigres , panthères 3 onces j les Perfans appellent ces dernières bêtcs Youiie^ Elles ne font point de mal aux hommes ; un Cavalier en porte une en croupe , les yeux bandés avec un bourrelet , attachée par une chaîne , & fe tient fui la loute des bêtcs qu'on xel^ce ôc qu'oa 278 HiJIoire Naturelle cet ufage en Perfe 8c dans plufîeurs autres provinces de TAfie ; qu'il y a des onces afTez petits pour qu'un Cavalier puifïe les porter en croupe, qu'ils font affez doux pour fe laiiïer manier & carefTer avec la lui fait pafler devant elle le plus près qu*on peut ^ quand le cavalier en aperçoit quelqu'une , il débande ies yeux de l'animal , Ôc lui tourne la tête du côté de la bête relancée; s'il l'aperçoit, il fait un cri, s'é- lance à grands fauts , fe jette deflus la bête 6c la terralTe i s'il la manque après quelques fauts , il fe rebute d'ordinaire , ôc pour le confoîer on le carelTe . . , J'ai vu cette forte de chalfe en Kircanie , l'an i666 Il y a de ers bêtes drelTees qui font la chaffe nnement , fe traînant fur le ventre le long des haies & des bullTons jufqu'à ce qu'elles foient proches de la proie , & a.'oi-s elles s'élancent deffus. Voyages de Charain en Perfe , (/c. Amjîerdam , ty i i ^ tome II, pages ^^ & 33 i Voyez aufli le Voyage autour du monde de Gemelli Careri. Paris, iGig, tome II, liages 96* & 3 73, où cependant l'auteur paroît avoir emprunté plulicurs chofes de Chardin Quo temp are perverti Alexandriam dnospardos . . . Vidi àpud Antonium Calepium , . , . Ufque adeb cicures erant & manfueti , utfemptv in Ifdnlis dejumbentes dormie* banî .... Carne eos nutriebat : fxpe à nobis cum pardo ibatur ad vnandas ga^ellas , & pugnam inter ipfos puî- cherrimam quiz fiebat admirabamur . prafert'm gaiellcz artifciiun cumpardo o.nibus duriffimis annatœpngnan" do, fed eam tam miilto fati gatr^ni atque ex pugna admo- dum defejfam interiinebat. Carri pojîeavidimus quandcum mulierem quinque çatulos récentes àptmthera ^if"/^; ex ie la V anthère , &c. ijp main, La panthère paroît être d\ine na- ture plus fièrè & moins flexible -, on la dompte plutôt qu'on ne Tapprivoife y Jamais eMe ne perd en entier Ton cara6lère féroce , & lorfqu'on veut s'en fervir pour la chaiïe (^pj il faut beaucoup de foins pour Arabe coemijfe eofque ut fêles aluijfe. .... Erantomnino vifupiilchei rimi,albicabant colore maculi s -parvis rotuit dis toto corpore euariati .... Parum guident differentiee. inter pardum quidan Çf pantheram obfervavimus inter" cedere , panthera quidem major £r toto corpore eft (y capite atque multo ferocior. Proip. Alpin. Bijî. u^gypt. part. I , Lugd Eat. 1735 > P^g- - 3^ • • • • Acccpi a quo' dam oculato tefie in aida régis Galliarum , leopardos, duorum generum ail ; magnitud!ne tantuin différentes , majores vituli corpulentiaejfe, humiliores, oblongiores ; ahteros minores ad cflnis molem accedere , (f uniim ex mi' noribus aliquando ad fpeâaculuTt}. régi exhibendiim, à hejîiario autvenatore,equo injîdente à tergo fuperjlragulo autpulvino vehi , alligatum catena (y lepore objecio di- mitti quem ilU faltibus aliqiiotbene magnis ajfecutusju' gulet. Gcfner, Hi/î. quadrup. ^âg. 83 1 Émanuel , roi de Portugal , envoya à Léon X, une pantlière drefTee à la çhafl'e. Hijloire des conquêtes des Portugais, par le P. Lafiteau Paris, ?7J^,' tome I , page 525. Cette panthère étoit une once _, car l'auteur dit auffî qu'on fe fert en Perfe de i'once ou f anthère pour chaiîer les gazelles 5 qu'on fait venir ces animaux d'Arabie, & qu'ils font aifcz privés pour qu'on puifTe les porter en croupe a. cheval. fpj Tigres ex Ethiopia in y^gyptum convedas vidi" mus j et/i nullo modo cicui-atiz hx manfuefiant f ne^ii$ î 8 o Hijloire Naturelle la drefïèr , & encore plus de précautions pour la conduire & Texercer. On la mène fur une charrette enfermée dans une cage , dont on lui ouvre la porte lotfque le gibier paroît^ elle s'élance vers la bête , l'atteint ordinairement en trois ou quatre unquam ferinam naturam rclînquant ; funt lecenis quam JîniiUs & forma & colore alhicante , rotandis maculis fulvefccntibus evariatœ fed lecenis longe majores funt. Profp, Alpin. Hijf. ^gypt. pag. a^y Quand on a découvert quelques gazelles, on tâche de les faite apercevoir au léopard , que l'on tient enchaîné fur une petite charrette > cet animal rufé ne fe met pas incontinent à courir après , comme on pourroit l'i- magintr, mais il s'en va tournant, fe cachant & fe courbant pour Its approcher de près & les furprendre $ & comme il eft capable de faire cinq ou fix fauts oit bonds d'une vîtefle incroyable , quand il fe fent à portée , il s'élance deflus , les étrangle & fe foûlc de leur fang, du cœur & de leur foie ; hc s'il m.anquc fon coup t ce qui arrive affez fouvent , il en demeure là; auiïl ferott-ce en vain qu'il prétendroit de les prendre à la courfe , parce qu'elles courent bien mieux & plus long -temps que lui : le maître ou gouverneur vient enfnite bien doucement autour de lui , le flattant & lui jetant des morceaux de chair , & en l'amufant ainfi , il lui met des lunettes qui lui couvrent les yeux , IVnchaîne & le remet fur la charrette. Voyage de Bernier dans U Mogol.AmJîerdam, tyto y tome II, page 3^^ & fuivantes. Il paroît que c'eft de la grande panthère dont il s*agit ici ,. parce qu'on n'eft pas obligé de prendre tant de pré»' cautions avec Tonce. de la Panthère y &c, 281 fauts 5 la terrafTe & Tétrangle : mais fî elle manque Ton coup , elle devient furieufe Se fe jette quelquefois fur fon maître, qui d'ordinaire prévient ce danger en portant avec lui des morceaux de viande ou des animaux vivans , comme des agneaux , des chevreaux, dont il lui en jette un pour calmer fa fureur. Au refte , i'efpèce de Tonce paroît être plus nombrcufe Se plus répandue que celle de la panthère j on la trouve très- communément en Barbarie , en Arabie Se dans toutes les parties méridionales de TAlie , à l'exception peut-être de TEgypte (^q) ; elle s'eft même étendue juiqu'à la Chine, où on l'appelle Jïi/2C/2- Ce qui fait qu'on fe fert de l'once pour la chafTe dans les climats chauds de fq) Il n'y a point de lions , ni de tigres , ni de léopards en Egypte. Dcfcription de l'Egypte , par Mafcrier. La Haye, ly^o , tome II , page 125. {rj Hinen-pao. C'eft une efpèce de léopard ou de panthcre que Ton voit dans la province de Pékin ; il n'eft pas fi féroce que les tigres ordinaires. Les Chinois en font grand cas. Relation dt la Chine , par Thévengt' Taris , 1 6^6, page 13, 282 Hijîoire Naturelle TAfie, c'eft que les chiens y font très- • rares (fj s ii i^V 3, pour ainil dire , que : ceux qu'on y tranfporte , & encore per- dent-iis en peu de temps leur voix & leur inftind: -, d'ailleurs ni la panthère , | ni l'once , ni le léopard ne peuvent- fouf- frir les chiens , ils femblent les chercher Se les attaquer de préférence llir toutes ies autres bêtes (t). En Europe , nos chiens de chalfe n onc pas d'autres en- nemis que le loup -, mo.m dans un pays rempli de tigres, de lions, depandùn-es, de léopards Se d'onces , qui tous font plus forts & plus cruels qi^e le loup, il ne feroit - pas poffible de conferver des chiens., Au refte, l'once n'a pas l'odorat aufli fin que ie chien , il ne fuit pas les bêtes à la ffj Comme les Maures , à Surate & fur les côtes de Malal ar , n'ont point de chiens pour chafTer les gazelles ôc les daims , ils tâchent de fuppléer à ce défaut par le moyen des léopards apprivoifés qu'ils dreffent à cet exercice. Ces animaux fe jettent adroi- tement fur la proie , & quand iis l'ont attrapée ils ne la quittent point & s'y tiennent fermement attachés. Voyage de Jean Ovington. Paris, tp2^y tome -f, /?. 27 5. a (^tj Les léopards font ennemis mortels des chiens,^ U ils en dévorent autant qu'ils peuvent en reucontxer. Voyage ds le Maire, î6g^ , page 33. de la Panthère y &c. 285 pifte, H ne lui feroit pas pofTible non plus de les atteindre dans une courfe fuivie -, il ne chafle qu'à vue , & ne fait » pour ainiî dire, que s'élancer & fe jeter fur le gibier -, il faute fi légèrement , qu'il franchit aifément un fofifé ou une mu- raille de plusieurs pieds ; fouvent il grimpe fur les arbres pour attendre les animaux au palTage 6c fe laifTe tomber deiTus , cette manière d'attraper la proie efl com- mune à la panthère , au léopard & à i'once. Le léopard (^u) a l'es mêmes mœurs 8c (uj Le léopard de Guinée eft d'ordinaire de la hauteur & de la groffeur d'un gros chien de bou- cher ; il efl féroce , fauyage & incapable d'être appri- voiféî il fe Jette avec furie fur toutes foi tes d'animaux, même fur les hommes , ce que ne font pas les lions & les tigres de cette côte. de Guinée, n moins qu'ils ne foitnt extrêmement prefles de la faim. Il a quel- que chofe du lion &; quelque chofe du grand chat fauvage, fa peau e A toute mouchetée de taches rondes, noires de différentes teintes fur un fond grisâtre ; il a la tête médiocrement groffe , !e mufcau court, la gueule large, bien armée de dents dont les femmes du pays fe font des colliers. Il a la langue pour le moins aufiî rude que celle du lion. Ses yeux font vifs & dans un mouvement continuel, fon regard cruel; i* ne refpire que 1-^ carnage : fes oreilles rondes & aiTez courtes font toujours droites ; il a le cou gros Se •ourt , les cuifîes épailTes , les pieds larges , cinq doigts 284 Hijloire Naturelle le même naturel que la panthère , Se je ne VOIS nulle part qu on Tait apprivoifé comme i'once -, ni que ies Nègres dti Sénégal ou de Guinée , où il eft très- commun , s'en foient jamais fervis pour ia chalTe. Communément , il eft plus grand que Tonce & plus petit que la panthère *, il a la queue plus courte que i'once , quoiqu'elle Toit longue de deux pieds ou deux pieds & demi. à ceux de devant , & quatre à ceux de derrière , les uns & les autres armés de griffes fortes , aiguës ôc tranchantes j il les ferme comme les doigts de la main, & lâche rarement fa proie qu'il déchire avec les ongles autant qu'avec les dents : quoiqu'il foit fort carna-filer & qu'il mange beaucoup , il eft tou/ours maigre j il peuple beaucoup , mais il a pour ennemi le tigre , qui étant plus fort & plus alerte en détruit nn grand nombre. Les Nègres prennent le tigre , le léopard , le lion dans des fofTes profondes recouvertes de rofeaux & d'un peu de terre fur laquelle ils mettent quelques bêtes mortes pour appât. Voyages de Def- marchais, tome I, page ao^i Le tigre du Sé- négal eft plus furieux que le lion ; fa hauteur & fa longueur eft prefque comme celle d'un lévrier : il attaque indifféremment les hommes & les bétes. Les Nègres le tuent avec leurs zagayes & leurs flèches , afin d'en avoir la peau : quelque percé qu'il foit de leurs coups , il fe défend tant qu'il a un refte de vie , & il en tue toujours quelques-uns. Voyag pas en ufage parmi les François des Co'onies , Se qu'ils appellent indiftinclement Chats - tigres les chat- pards 5c les tigres. Le chat -tigre, dit Dampier , tome III, page jo6 , qui eft très - commun dans la baie de Campèche , a les jambes courtes & le corps lamaflfé comme un mâtin ; mais par la tête , le poîl & la manière de guetter fa proie , il refTemble au tigre. Ni) 2 9 2 Uijloire Naturelle alerte que quand la faim le preHe (cj. Les Sauvages , naturellement poltrons , ne laiiîent pas de redouter fa rencontre *, ils prétendent qu'il a pour eux un goût de préférence , que quand il les trouve endormis avec des Européens , il refpe(5te ceux- ci j & ne fe jette que fur eux (dj. (c) Il y a des tigres auBrefîl, lefquels étant agités par la rage de famine , font courageux , mais étant repus deviennent fi lâches qu'ils s'adonnent inconti-' nent à fuir de peur des chiens. Description des Indes orientales , par Herrera. Amjl. 1722 , P^g^ 25a. — Il y a une grande quantité de tigres au Brefil , que la faim rend très -légers & très à craindre j mais étant raflafiés , ce qui eft admirable , iis font li poltrons & fi pefans que le moindre chien de berger leur donne la fuite. Hijîoire des Indes par Majf'ée. Paris , i66^, page Gc). — Il y a des tigres autour de Porto -bello , dont les environs font aflez déferts, apparemment que ce font des tigres de petite efpèce, puifqu'un homme feul en vient à bout avec une lance ou une autre arme blanche , & lui coupe les pattes l'une après l'autre quand l'animal fe drefle pour l'atta" quer. voyage de Don Juan & Don Antoine de Ulloa, Extrait de la Bibliothèque raifonnée ) tome XLIVf page 4ti^. ^J J'ai ouï quelquefois conter que ces tigres étoient ^nimés contre les Indiens, & qu'ils n'afiailloient point les Efpagnols , ou bien peu ; qu'ils alloient quelquefois prendre ou choifit un Indien endormi au milieu des du Jaguar, 295 On conte la même chofe du léopard (e)^ on dit qu'il préfère les hommes noirs aux blancs , qu'il femble les connoître à Todeur , & qu il les choific la nuit comme le jour. Les Auteurs qui ont écrit Thiftoire du nouve?.u monde, ont prefque tous fait mention de cet animal , les uns faus îe nom de tigre ou de léopard ^ les autres fous les noms propres qu'il portoit au Breiil , au Mexique, &c. Les premiers qui en aient donné une defcription détaillée , font Pifon & Marcgrave *, ils l'ont appelé jaguara au lieu de janouara y qui étoit Ion nom en langue Brafilienne (f)-i ils Efpagnols , & qu'ils remportoient. Hijhire Naturelle des Indes , par Jofeph AcGJîa. Paris , i6oQ , page î<)0. ( e) La province de Bamba au roj'aume de Congo a d-'s libres o,ui n'attaquent jamais les hommes blancs; mais qui fe ruent ibuvent fur les noirs, tellement que quelquefois trouvant deux hommes, l'un bianc, .&, l'autre noir qui dorment l'un près de l'autre , ct% animaux vont de furie contre le noir fans offenfec le blanc en aucune forte. Voyage autour du mond: > par Drack. Paris , i6/f.i , page lo^. (f) Il y a au Brefil une bête raviffante que les Sauvages appellent Janou-ara , laquelle eil prefque aulÏÏ hauts de jambes qu'un lévrier , mais ayant de grands Niij 2 94 HiJIoire Naturelle ont aufîî indiqué un autre animal du même genre & peut-être de îa même efpèce fous ie nom de jaguarete. Nous Ta vous diftingué du jaguar dans notre énumération , comme Tont fait ces deux Auteurs, parce quil y a quelque appa- rence que ce peuvent être des animaux d'efpèce différente *, cependant comme nous n'avons vu que l'un de ces deux animaux , nous ne pouvons pas décider fi ce font en effet deux efpèces diftindes, ou 11 ce n'efl: qu'une variété de la même efpèce. Pifon 8c Marcgrave difent que le jaguarete diffère du jaguar en ce qu'il a le poil court , plus luflré & d'une couleur toute différente , étant noir , femé de taches encore plus noires. Mais au refte , il reffemble (i fort au jaguar poils autour du menton , ( il entend les poils de la mouftache) la peau fort belle & bigarée comme celle d'un once , elle lui refTemble aufli bien fort en tout le refle. Voyage par Jean de Lery. Paris , ^57^} T^S^ ^6'3. — Le Janouar eft une efpèce d'once grande comme un dogue d'Angleterre, ayabt îa peau fort riche & toute marquetée. Mijjion des Capucins , par le Père d'Abbeville, Paris, «^14, page 352. — Le janoura du Brefîl ne vit que de proie j il eft de la taille d'un lévrier, il a la peau tachetée. Voyage de Coréal , tome I, pa<^e ly^. du Jaguar. ^9$ pan la forme du corps > par le naturel & par les habitudes , qu il fe pourroit que ce ne fût qu'une variété de la même efpèce ', dautant plus qu'on a dû re- marquer , par le témoignage même de Pilon , que dans le jaguar , la couleur du fond du poil & celle des taches dont il eft marqué, varient dans les dîftérens individus de cette même efpèce. Il die que les uns font marqués de taches noires , & les autres de taches roulles ou jaunes; & à regard de la diftérence totale de la couleur, c'eft-à-drre, du blanc, du gris, ou du fauve au noir, on la trouve dans plufieurs autres efpèces d'animaux , il y a des loups noirs , des renards noirs , des écureuils noirs , &c. Et 11 ces variations de la Nature font plus rares dans le^ animaux fauvages que dans les animaux domeftiques , c'efl: que le nombre des hafards, qui peuvent les produire, eft moins grand dans les premiers , dont la vie étant plus uniforme , la nourriture moins variée , la liberté plus grande que dans les derniers, leur nature doit être plus confiante, c'efl-à-dire, nx)ins fu- jette aux changemens 8c à ces variations N iiij 2 9^ Hijloire Naturelle qu'on doit regarder comme accidentelles , quand elles ne tombent que fur la couleur du poil. Le jaguar fe trouve au Brefil, au Para^ guay (gh^u Tucumam ( hj^ à la Guiane (1% au pays des Amazones (k), 2i\x Mexi- que (l)^ Se dans toutes les contrées mé* ridionales de l'Amérique -, il eft cependant plus rare à Cayenne que le couguar ^ quils ont appelé tigrejouge; 8c le jaguar eft maintenant moins commun au Brefiî , qui paroît être Ton pays natal , qu il ne r^J Hifloire du Paraguay, par le Père Charîevoix , tome I, pages ^t & lyt. Vb y e^ a ujfi idt m , tome IV, fhj Voyez idem ^ ibidem. ^i) Voyage de la France étjuinoxiale , par Binet , "Paris , i6£^ t V^Z^ 3^3 i & Defmarchais, tome III , fkj On trouve le janouar dans les terres du Mara- gnon. Hijloire de la mijfion des Capucins dans Vile du Maragiion , par le P. d'Abbeville. Paris, i6i/^ ^ page 2$ t. (l) On voit daîis les montagnes du Mexique un animal féroce qu'on appelle un Once, qui eft de la forme & de la taille d'un Loup-ctrvier, mais qui a des ferres, & dont la tête reffanble davantage à celle d'un ti;^re. Vvyage de Voodes Rogeis , trad.i's de l'Anglais, Amjh i;; lo, tvine II, pag? 4.7. du Jaguar. 297 rétoît autrefois : on a mis fa ré ce à prix > on en a beaucoup détruit, & il s'ed retiré loin (m) des côtes dans la profondeur des terres. Le ju?iguarète a toujours été plus- rare , ou du moins il s'éloigne encore plus des lieux habités ( n) ^ & le petit nombre des Voyageurs qui en ont fait mention , paroilTent n en parler que dia- prés Marcgrave & Pifon. fm) Voyage de Dampier. Rouen, tyt^ ^tomelV, page 6' 9. CnJ Voyage de Defmarchais , tome III , page ^00, Nv 25)8 Hijloire Naturelle LE COUGUAR (a). LE Couguar a k taille auiïi longue., mais moins étoffée que le Jaguar s i^ eft plus îevreté, plus effilé & plus haut fur Tes jambes -, il a la tête petite , la queue longue 3 le poil court & de couleur prefqu'uniforme 5 d'un roux vif, mêlé de quelques teintes noirâtres, fur -tout au-delTus du dos ^ il n'eft marqué ni de bandes longues comme le tigre , ni faj Le Couguar , nom que nous avons donné à cet animal , & que nous avons tiré par contraftion de fon nom Brafilien Cuguacu ara , que l'on pro- nonce Couguacouare. On l'appelle Tigre rouge , à la Guiane. Cuguacu ara. Pifon , Hijî. Natii^&g. 105. Cuguacu arana. Marcgravii , HiJ}. Nat. pag. 24^. Cuguacu arana Brajîlunjlbus, Ray ,Synopf. quadrup pag. 169. Ti gris fnlv lis. Barrère, Uijî. Franc, equin. p. \66. JFelis exjlavo rufefcens , mento & infimo ventre albi- cantibus Tigrisfulva. Le tigre rouge. BlifTon^ Kegn. animal. ç:tg. 27:. Tigre, en Amérique , dont la peau eft brune fan? être m^ouchetée. Voyages de M. de la Condamine fur id rivière des AmaTonts^ Paris , ly^S , page 1 6z, du Coiiguar, 299 de taches rondes & pleines comme le léopard , ni de taches en anneaux ou en rofes comme Tonce & la panthère -, il a ie menton blanchâtre , ainii que la gorge & toutes les parties inférieures du corps. Quoique plus foible , il eft aulTi féroce & peut-être plus cruel que le jaguar*, il paroît être encore plus acharné fur fa proie (b) y il la dévore fans la dépecer ^ dès qu'il l'a faiiie, il Fentame , la fuce , la mange de fuite & ne la quitte pas qu'il ne foit pleinement ralTafié. Cet animal eft allez commun à la Guiane-, autrefois on Fa vu arriver à la nage & en nombre dans l'île de Cayen- ne (^Cy^ 5 pour attaquer & dévafter les trou- peaux : c'étoit dans les commencemens un fléau pour la Colonie, mais peu à peu on Ta chafTé , détruit & relégué loin des habitations. On le trouve au Brefil, au Paraguay , au pays des Amazones , & (bj Cuguacu arana, Tigre rouge ^ ou plutôt bay rouge , qui eft le plus goulu Ôc le plus carnaflîev de îous. Baxrèie, Hijî. de la France équin. page t66. (c) Voyage de Defmar chais, page 300. — La Colonie de Cayenne n'eut pas de plus grand fléau a efTuyer que celui des tigres. Voyage de Vhodes Kogers. Amjîerdam , i^io, tome IIÎ,page a 8. Nv} joo Hijloire Naturelle il y a grande apparence que i'animal qui nous eft indiqué dans quelques relations > fous le nom (^Ocorome (d ) dans le pays des Moxes au Pérou , eft le même que le couguar , auiîi-bren que celui du pays des Iroquois ( c )^ qu'on a regardé comme un tigre, quoiqu'il ne foir point moucheté comme la panthère, ni marqué de bandes longues comme le tigre. Le couguar , par la légèreté de Ton corps & la plus grande longueur de Tes jambes, doit mieux courir que le jaguar & grimper auiîi plus aifément fur les arbres; ils font tous deux également pareileux & poltrons dès qu'ils font rafïaliés -, ils rd) L'ocorome , du pays dits Moxes au Pérou , eft de la grandeur d'un grand chi'-n ; fon poil eft roux , Ton mufeau pointu, les dents fort affilées. Lettres édifiantes, dixième recueil. Paris, tyt^. — Second volume des Voyages de Coreal. Paris , ipaa , page J52. ^ej On trouve au pays des Iroquois , des Tigres de couleur de petit - gris qui ne font point mouchetés ; ils ont la queue fort longue, 6c donnent la chafTe au porc -épie. Les Iroquois les tuent plus fouvent furies arbres. qu'à terre. . . . Quelques-uns ont le poil rou- geâtre i tous l'ont trts-tin, & leurs peaux font de tv^s - bonnes fourrures. Hijl. de la nouy^lle France ,par It P, Charlivoixy Paris, ty^'^} tome I,pag;e ip:i. du Couguar, '501 n'attaquent prefqiie jamais les hommes, à moins qu ils ne les trouvent endormis. Lorfqu'on veut palFer la nuit ou s'arrêter dans les bois , il fuftit d'allumer du feu (f) pour les empêcher d'approcher. Ils fe plaifent à l'ombre dans les grandes forêts -, ils fe cachent dans un fort ou même fur un arbre touftu , d'oii ils s'élancent fur les animaux qui palTenr. Quoiqu'ils ne vivent que de proie & qu'ils s'abreuvent plus fouvent de lang que d'eau , on pré- tend que leur chair eft très -bonne à manger : Pifon dit exprelTément qu'elle eft auiïi bonne que celle du veau (gj ; d'autres la comparent à celle du mou- ffj Les Indiens des bords de l'Orénoque dans la Guiane , allument du feu pendant la nuit pour épou- vanter les tigres qui n'ofent approcher du lieu ou ils font tant que le feu brûle. . . , On n'a rien à craindre de ces tigres , quand même i's feroient en grand nombre , tant que le feu dure. Hijîoire naturelle de l'Orénoque , par le Père Jofepk Jumilla, traduite de VEfpagnol. Avignon y lys^ > tome II , page j. f g) Nec ejî, qnod aliquis putet à Barbaris tantum expeti carnem horum rapaciiiin aniinalium : illiz enini qnce rufefcentibus & flavefcentihusmacidis funt , ab oni^ nihiis pajfim Europceis incolis , injîar vititlince , ejîi- mantur. Pifon; Hiji. nat. pag. 103. 3 0 2 Hijioire Naturelle y &c, ton (h) : j'ai bien de îa peine à croire que ce foit en eftet une viande de bon goût 3 j'aime mieux m'en rapporter au témoi- gnage de Defmarchais ( zV, qui dit que ce qu'il y a de mieux dans ces animaux , c'effc la peau dont on fait des houfles de cheval , 6c qu'on eft peu friand de leur chair > qui d'ordinaire eft maigre & d'un fumet peu agréable. (^hj Les Tigres du pays dçs Iroquôis foiîtljons, au jugement même des François qui en efiiment la chair autant que celle du mouton. Hijîoire de la nouvelle France ) par le Père Cfiarlevoix . Paris, z^/^^j tomel, page 27a. ;''''■'_ (^îj Voyages de ryefmafrchais. Paris , ^73^» torm ■III, pages-- a^^ & :^ 00 y ^é^ y.JTZ 1:E JAGT7AB. TLjo.p.Soz. 3 Jr. IzE COT7GXJAB.. i jOJ LE L YN X o u LO UP-CERVIER (a). MESSIEURS de l'Académie des Sciences nous ont donné une très- bonne defcription du Lynx ou Loup- (a) Le Lynx on Loup-cervier. Aù-y^. yElianî. ChaiiS , lupus ce rvarius. Plinii. Raphhisvc\ rufus apud Gallos Plinio tejîe ; en Italien , Lupo cerveiro , Luppa gatto ; en Efpagnol , Lynce ; en Allemand, Lucks ; en Polonois , Rys » Ojîrowidi; en Anglois , Ounce , félon Ray ; Liqarne, félon Caïus ; en Suédois , Warglo , félon Linnxus. Lupus cervarius , lynx , Chaus raphias. Gefner , Tîijî. quadrup. pag. 678. Lynx. Aldrov. df quadrup. di'g. vivip. p, 90. & 92. Lynx. Ray, Synopf. quadrup. pag. 166. Fclis caudâ truncatâ, corpare rufefcente maculato^ Linn. Syjl. nat. edit. iv , pag. 6^ , & edit. vi , pag. 4 — Felis caudâ abreviatâ , apice atrâ auriculis apice harbatis. Linn. Syjî. nat. edit. x , pag. 43. Lynx. Jonfton , de quadrup. pag. 83. Loup-cervier. Mémoires pour fervir à VJiiJîoire. des animaux , partie I, page t2y. Lynx. Aldïovandi , Klein , de quadrup. pag. 77- Felis aurieularum apic ibuspilis longijfimis praditis\ 304 Hijloire Naturelle cervier (b) y &ils ontdifcuré, en Critiques éclairés , les faits & les noms qui ont rapport à cet animal dans les écrits d^s Anciens : ils font voir que le lynx d'-^lien eft le même animal que celui qu'ils ont décrit & dilTéqué fous le nom de Loup^ cervier; ôc ils cenfurent , avec raifon, ceux qui Tout pris pour le Thos d'Ariftote. Cette difcufïion eft mêlée d'obfervations Se de réflexions qui font intérelfantes & iolides. En général la deicription de cet animal eft une des mieux faites de tout l'ouvrage •, on ne peut même les blâmer de ce qu'après avoir prouvé que cet animal eft le Lynx d'^Iien Se non pas le Tkos d'Ariftote, ils ne lui aient pas con- fervé fon vrai nom Lynx , & qu'ils lui aient donné en françois le même nom que Gaza a donné en latin au Thos d'Ariftote : Gaza eft en eftet le premier qui, dans fa tradudion de Thiftoire des animaux d'A- riftote, ait traduit par ^^ Lupus-cervarius; ils auroient dû feulement avertir que caudâ brevî. "— Lynx. Le Loup-cervier. Briflon , Kegn, animal. };'age 275. ('bj Mémoires pour fervir à l'hifloire des animaux, partit If page t2y & fuivanus. du Lynx ou Loup- cervier. 305 par le nom de Loup -cervier, ils n'enten- doient pas le Lupus- cervarlus de Gaza ou le Thos d'Arîftore , mais le Lupus- cervarius ou le Chaus de Pline. Il nous a aufîî paru qu'après avoir très -bien indi- qué 5 d'après Oppien , qu'il y avoir deux efpèces ou deux races de loups - cerviers j les uns plus grands qui chaflent & atta- quent les daims & les cerfs, les autres plus petits qui ne chafïènt guère qu'au lièvre \ ils ont mis enfemble deux efpèces réellement différentes *, favoir , le lynx marqué de taches qui fe trouvent commu- nément dans les pays feptentrionaux , & le lynx du Levant ou de la Barbarie dont le poil eft fans taches & de couleur uni- forme. Nous avons vu ces deux animaux vivans', ils le reflembient à bien des égards, ils ont tous deux un long pinceau de poil noir au bout des oreilles : ce caradtère particulier par lequel ^lîen a le premier indiqué le lynx j n'appartient en eftet qu'à ces deux animaux -, & c'eft probable'-Tient ce qui a déterminé M/' de l'Académie à les regarder tous deux comme ne £^ifant qu'un. Mais indépen- damment de la di^érence de la couleur }06 Hijloire Naturelle 8c des taches du poilj on verra que très* vraifemblablement ce font deux animaux d'efpèces diftérentes. M. Klein ('cj dit que les plus beaux lynx font en Afrique & en Afîe, prin- cipalement en Perfe *, qu il en a vu un à Drefde qui venoit d'Afrique , qui étoit bien moucheté Se qui é!?oit haut fur fes jambes V que ceux d'Europe, & notam- ment ceux qui viennent de Pruffe & des autres pays feptentrionaux font moins beaux -, qu'ils n'ont que peu ou point de blanc, qu'ils font plutôt roux avec des taches brouillées ou cumulées ( macuUs conflucntihus ^ &c.) Sans vouloir nier abfo- iument ce que dit ici M. Klein , j'avoue que je n'ai trouvé nulle part ailleurs > que le îynx habitat les p^^ys chauds de l'Afrique & de l'Afie. Kolbe (d) eft le feul qui dife qu'il eft commun au cap de Bonne -efpérance, & qu'il reffemble par- faitement à celui du Brandebourg en Al- lemagne s mais j'ai reconnu tant d'autres méprifes dans les Mémoires de cet Auteur , que je n'ajoute prefque aucune foi à fon (^cj Klein, de quadnip. page 77. (dj Mém. de Kolbe. Amji. ly^i , tome III, f. 6j. ^ du Lynx ou Loup - cervier. 307 témoignage, à moins qu'il ne s'accorde avec celui des autres. Or , tous les Voyageurs difent avoir vu des Lynx ou Loups- ce rvi ers à peau tachée dans le nord de l'Allemagne , en Lithuanie , en Mofcovie , en Sibérie , au Canada & dans les autres parties feptentrionales de l'un Se de Tautre continent -, mais aircun , du moins de tous ceux que j'ai lus , ne dit avoir rencontré cet animal dans les climats chauds de l'Afrique Se de TAfie : îe lynx du Levant, de la Barbarie , de l'Arabie Se des autres pays chauds , font , comme nous l'avons dit ci - defïlis , d'une couleur uniforme & fans taches •> ce ne font donc pas ceux dont parle M. Klein, qui, félon luij font bien mouchetés , ni ceux de Kolbe , qui relTemblent 5 dit-il, parfaitement à ceux du Brandebourg. Il feroit difficile de concilier ces témoignages avec ce que nous fa vous d'ailleurs : le lynx eft cer- tainement un animal plus commun dans ies pays froids que dans les pays tempé- rés , & il eft au moins très -rare dans les pays chauds. Il étoit à la vérité connu 3o8 Hijloire Naturelle des Grecs (e) Se des Latins , mais cela ne ruppcfe pas qu'il vînt d'Afrique ou des provinces méridionales de TAiie ; Pline dit au contraire que les premiers qu'on vit à Rome du temps de Pompée , avoient été envoyés des Gaules. Main- tenant , il n y en a plus en France , (î ce n'eft peut-être quelques-uns dans les Pyrénées & les Alpes -, mais aulîî fous le nom de Gaules , les Romains comprenoient beaucoup de pays fepten- trionaux, & d'ailleurs tout le monde fait qu'aujourd'hui la France ed bien moins troide que ne l'étoit la Gaule. Les plus belles peaux de lynx viennent de Sibé- rie (fj fous le nom de /oup - cervier, & de Canada (gj fous celui de chat-cervier: (t) Les Grecs qui dans leurs fixions , ne laifloieni pas de confervtr les vraifeir.blances , & fur- tout kî circonftances des temps ôc des lieux , ont dit qu< c'étoit un Roi de Scythie qui avoit été changé er lynx, ce qui paroïc indiquer que le lynx étoit ur. animal de Scythie. ffj On trouve en Ruffie beaucoup de loups -cer- viers qui ont la peau belle, quoiqu'ils ne valent pas ceux de Sibérie. Nouveau Mémoire fur la grande RiiJJie, Turisj iy:i5 , tome II, page y^. (gj Le Loup -ccivier de l'Amérique feptentrionalc du Lynx ou Loup - cerrler, 509 )arce que ces animaux étant comme tous es autres plus petits dans le nouveau jue dans l'ancien continent , on les a :omparés au loup pour la grandeur en :urope , & au chat fauvage en Amé- ique ( hj. Ce qui paroît avoir déçu M. Klein , k qui pourroit encore en tromper beau- :oup d'autres moins habiles que lui ; :'eft: I.® que les Anciens ont dit que 'Inde avoit fourni des lynx au dieu lib. XVIII , pag. 139. foj Relation d'Adam Oléarius , tome I , page ta t. Cl? J Aiiciuarium hijî. nat, Polonitz GabrieU Jt{ac^ynski. Gedani , 1742. C^J Vid^ Aidrov. de quadrup. digit. pag. 96, Tome IIL Quadrupèdes^ 0 314 Hijloire Naturelle habite les climats froids plus volontiers que les pays tempérés , eft du nombre de ceux qui ont pu palier d'un continent à l'autre par les terres du Nord -, auffi Ta-t-on trouvé dans TAmérique fepten- trionale. Les Voyageurs (rj Font indiqué d'une manière à ne s'y pas méprendre , 8c d'ailleurs on fait que la peau de cet animal fait un objet de commerce de l'Amérique en Europe. Ces loups -cer- viers de Canada font feulement, comme je l'ai déjà dit, plus petits & plus blancs que ceux d'Europe -, & c'eft cette dii'ài' rence de grandeur qui les a fait appeler (^rj On voit encore chez les Gafpéfiens trois fortes de loups. Le loup - cervier eft d'un poil argenté , il a deux cornichons à la tête ( il veut dire aux oreilles ) qui font de poil tout noir. La viande en eft affez bonne , quoiqu'elle fente un peu trop le fauvageon : cet animal eft plus affreux à voir que cruel ; la peau en eft très -bonne pour en faire des fourrures. Nou- velle relation de la Gafpéjîe , par le Père Chrétien Le- clerq. Paris , i6^i , page ^^8. — Au pays des Hurons les loups-cerviers font plus fréquens que les loups communs , qui y font affez rares. Voyage de Sagar Théodat. Paris , tG^a. , page ^07. — En Amé- rique fe voient bêtes ravifîantes comme léopards & loups-cerviers , mais de lions nullement. Singularités de la France antarâique , par Thevet. Paris , i^^8 , Vagt 103, du Lynx OU Loup-ce rvier, 3 i j chatS'Cerviers 3 & qui a induit les Nomen- clateurs (f) à les regarder comme des animaux d'efpèce drtiérente (tj. Sans vou- loir prononcer décifivement fur cette queftion , il nous a paru que le chat- cervier de Canada & le loup-cervier de Mofcoviâ font de la même efpèce , 1°, parce que la différence de grandeur n eft CfJ M. Linnaeus , qui demeure à Upfal & qui doit Connoître ctt animal , puifqu'il fe trouve en Suède & dans les pays circonvoifins , avoir d'abord diftin- gué le loup - cervier du chat - cervier. 11 nonimoit le premier ,felis caudâ truncatâ, corpore rufefcetite ma- culato. Syft. nat. edit. IV, pag. 6^; & edit. VI, pag. 4. Il nommoit le fécond , felis caudâ truncatâ , corp ore albo maculato .Syù. nzt. Idem, ibidem.il nomme même en fuédois le premier Warglo , & le fécond Kattlo. Fauna Suec. pag. 2. Mais dans fa dernière édition il ne diftingue plus ces animaux , & il ne fait mention que d'une feule efpèce qu'il indique par la phrafe Çmya.ntc , felis caudâ abbreviatâ , apive atrS: auriculis apice barbatis , & dont il donne une courte Se bonne defcription. Il paroît donc que cet Auteur , qui d'abord diftinguoit le loup-cervier du chat-cervier, eft venu à penfer comme nous , que tous deux n'é- toient que le même animal. [tj FeUsalba maculis ni gris varie gâta, caudâ brevi. . Catus cervarius , le chat-cervier. — Felis auricularum apicibus pilis longifjîmis preditis, caudâ brevi. . Lynx, le loup-cervier- Brifîbn , Regn. animal, pag. 274 ôc- -75- Oij 5 1 5 Hijloïre Naturelle pas fort confîdérable , Se qu'elle efl: à peu près relativement la même que celle qui fe trouve entre les animaux communs aux deux continens. Les loups , les renards , &c. étant plus petits en Amé^ rique qu'en Europe , il doit en être de même du lynx ou loup-cervier \ iJ*. parce que dans le nord de l'Europe même , ces animaux varient pour la grandeur , & que les Auteurs fuj font mention de deux efpèces , Tune plus petite & l'autre plus grande *, 3.^ enfin parce que ces animaux atFeétent les mêmes climats & étant du même naturel , de la même figure , & ne différant entr'eux que par la grandeur du corps & quel^ ques nuances de couleur 3 ces cara6tère$ ne me paroifTent pas Tuffifans pour leî réparer Se prononcer qu'ils foient de deux efpèces di&érentes. Le lynx dont les Anciens ont dit qu( la vue étoit alTez perçante pour pénétrer' les corps opaques , dont l'urine avoir la ^11) Lynces ambee f magnez ^parvxj corporis fgurâ Jltnilts funt , & Jîmiliter iitrift^iie oculifuaviterfulgentt faciès utrifque alacrisperlucet , paryumutrifque ç-aput^ C'c. Oppianus. du Lynx ou Loup-cervier. 3 i 7 merveilleufe propriété de devenir un corps folide , une pierre précieufe ap^ pelée Lr7/7/j tyncurius ^eù. un animal fabu- leux , aulîi-bien que toutes les propriétés qu'on lui attribue. Ce lynx imaginaire n'a d'autre rapport avec le vrai lynx que celui du nom. Il ne faut donc pas , comme l'ont fait la plupart des Natu- raliftes , attribuer à celui-ci , qui ell: un être réel , les propriétés de cet animal imaginaire , à i'exiftence duquel Pline lui-même n'a pas l'air de croire -, puif- qu'il n'en parle que comme d'une bête extraordinaire , & qu'il le met à la tête des fphynx , des pégafes , des licornes & des autres prodiges ou monftres qu'en- fante l'Ethiopie. Notre lynx ne voit point au travers les murailles, mais il eft vrai qu'il a les yeux briilans , le regard doux , l'air agréable Se gai -, fon urine ne fait pas des pierres précieufes , mais feulement il la recouvre de terre, comme font les chats , auxquels il refTemble beaucoup , Se dont il a les mœurs & même la propreté. Il n'a rien du loup qu'une efpèce de hurlement qui, fe faifant entendre de loin , a dû tromper O iï) 3 I 8 Hijloire Naturelle les chafTeurs , & leur faire croire qiuls entendoient un loup. Cela feul a peut- être luffi pour lui faire donner le nom de loup _y auquel pour le diftinguer du vrai loup , les chaflTeurs auront ajouté répithète de cervier ^ parce qu'il attaque les cerfs , ou plutôt parce que fa peau eft variée de taches à peu près comme celles des jeunes cerfs , lorfqu'ils ont la livrée. Le lynx eft moins gros que le loup (x)j 8c plus bas fur fes jamhes , il eft communément de la grandeur d'un re- nard : il diftere de la panthère & de Tonce par les caraélères fuivans *, il a le poil plus long , les taches moins vives & mal terminées , les oreilles bien plus grandes Se furmontées à leur extrémité d\in pin- ceau de poils noirs •, la queue beaucoup plus courte & noire à l'extrémité , le tour des yeux blancs , & l'air de la face plus agréable & moins féroce. La robe du mâle eft mieux marquée que celle de la femelle : il ne court pas de fuite comme le loup 5 il marche & faute comme le chat : il vit de chafte & pourfuit fon- . fxj Lynces nojlrte litpis minores funt , ter go macw * lofa, Stumphius. du Lynx OU Loup-cervier, 319 gibier jufqu à la cime des arbres •, les chats faiivages , les martes , les hermines , les écureuils ne peuvent lui échapper -, il faiiit aufîi les oifeaux -, il attend les cerfs , les chevreuils , les lièvres au paflfage & s'élance defllis , il les prend à la gorge j & lorfqu'il s'eft rendu maître de fa vic- time , il lui fuce le fang & lui ouvre la tètQ pour manger la cervelle, après quoi fouvent il l'abandonne pour en chercher une autre *, rarement il retourne à fa pre- mière proie 5 & c'efl: ce qui a fait dire , que de tous les animaux , le lynx étoit celui qui avoit le moins de mémoire. Son poil chartge de couleur fuivant les climats & la faifon , les fourrures d'hiver font plus belles , meilleures & plus four- nies que celles de Tété : fa chair, comme celle de tous les animaux de proie , n'eft pas bonne à manger (y ). (yj Pxzaczynski. auâ. hijî. nat. Po/. pag. 315. 0 iiij 3 20 Hijloire Naturelle LE CARACAL f^)- V^uoiQUE le Caracal reiïemble au Lynx par la grandeur 8c la forme du corps , par l'air de la tête , & qu il ait comme lui le caradtère iîngulier & , pour ain(î dire, unique d'un long pinceau de poils noirs à la pointe des oreilles -, nous avons préfumé par les difconvenances qui fe trouvent entre ces deux animaux , qu'ils étoient d'efpèces diflérentes. Le caracal n'eft point moucheté comme le îynx, il a le poil plus rude & plus court , fuj Le Caracal , nom que nous avons donné à cet animal , fie que nous avons tiré de fon nom en langue Turque , Karrah-kulak ou Karacoiûac ; en 'Arabe , Gat el challah ; en Perfe , Siyah-gush , ce qui dans ces trois langues veut dire Chat aux oreilUs noires . Siyah-gush, Charleton , Exercitationes. Oxoniae , 1^77 > pag- 21 , 22 & 23- Siyah-gush. Auricula atra. Scheich faadi in libro Guliftan/^M toÇ^ùo fexcenti s circiter ab hinc annis con- fcripto quem perfice & latine edidit. Georg. Gentius. Ubi vide apologum Leonis & auriculae atrae , pag. St, Le Pourvoyeur du Lion , félon plufîeurs Voyageurs, Le Guide du Lion , félon d'autres Voyageurs. du CaracaL 321 îa queue beaucoup plus longue Se d\ine couleur uniforme , le mufeau plus aîongé , la mine beaucoup moins douce & le na^ turel plus féroce. Le lynx n'habite que dans les pays froids ou tempérés \ le ca- racal ne fe trouve que dans les climats îes plus chauds : c'eft autant par cette différence du naturel & du climat, que nous les avons jugés de deux eipèces diftérentes , que par rinfpeélion & par îa comparaifon des deux animaux que nous avons vus vivans , & qui , comme tous ceux que nous avons donnés juf- qu ici 5 ont été delîinés & décrits d'après nature. Cet animal eft commun en Barbarie , en Arabie & dans tous les pays qi?ha- bitent le lion , la panthère & l'once \ comme eux il vit de proie , mais étant plus petit & bien plus foible , il a plus de peine à fe procurer fa fubUftance \ il n'a , pour ain(i dire , que ce que les autres lui lailTent, & fouvent il eft forcé à fe contenter de leurs reftes : il s'éloigne de la panthère, parce qu'elle exerce fes cruautés lors même qu'elle eft pleine- înent raflafiée j mais il fuit le lion qui , O V 3 2 '2 Hijtoire Naturelle dès qu'il eft repu , ne fait de mal à per- fonne *, le caracal profite des débris de fa table 5 quelquefois même il Taccompagne d'aiTez près , parce que grimpant légè- rement fur les arbres , il ne craint pas la colère du lion , qui ne pourroit Y y fuivre comme fait la panthère. C'eft par toutes ces raifons que Ton a dit du caracal , qu'il étoit le guide (hjj ou le pourvoyeur du lion -, que celui-ci dont Todorat n'eft pas fin 5 s'en fervoit pour éventer de loin les autres animaux j dont il partageoit enfuite avec lui la dépouille (cj, fbj Les Karacoulacs font des animaux un peu plus grands que des chais , & faits de même ; iJs ont les oreilles longues de. prcs de demi-pied & noires ; & c'eft d'oU ils tirent leur nom qui fîgnifie oreille noire. ils fervent de Chiaoux aux lions { comme difent les gens du pays ) , car ils vont devant eux quelques pas , 5c font comme leur guide pour les conduire aux lieux où il y a de quoi manger , ôc pour récom- penfe ils en ont leur part : quand cet animal appeiie le lion, il femble que ce foit la voix d'une peiTonne qui en appelle une autre , quoique pourtant la voix en foit plus claire. Voyage de Tliévtnot. Paris ^^tGGj^ j tome II y pages îi^ & 11$, (c) Je vis dans une cage de fer un animal que les Arabes nomment le Guide du Lion. Il eft très -reflera- blant au chat , c'eft pourquoi quelques-uns l'appellent Chat de Syrie , & j'en ai vu un autre à Florence du Caracal, 325 Le caracal eft de la grandeur d'un renard , mais il eft beaucoup plus féroce appelé de ce nom : il eft aflez farouche ; fî quelqu'un tache de retirer la viande qu'il lui a prefentée , il fe met en une grande furie , & li on ne l'appaife , il s'élance infailliblement fur lui. Il a de petits flocons de poil au fonimet des oreilles, & il eft appelé le guide du Lion , parce que , à ce qu'on dit , le lion n'a pas î'odorat bien fin; fi bien que fe joignant à cet ani- mal qui l'a tres-aigu, il fuit par ce moyen la proie, & l'ayant prife il en donne une partie à fon con- dufteur. Voyage d'Orient du Père Philippe, Carme-dé chaujfé. Lyon, i6'6<^. liv IL , pages -jG & 77. — Le Gat el challah des Arabes que les Perfans appellent Siyah-gush , & les Turcs Karrah-kulak , c'eft-à-dire , le Ch::it noir ou le Chat aux oreilles noires, comme fon nom porte dans ces trois langues , eft de la grandeur d'un gros chat. Il a le corps d'un brun tirant fur le rouge , le ventre d'une couleur plus claire & quel- quefois tacheté , le mufeau noir & les oreilles d'un gris foncé , dont les bouts font garnis d'une petite touffe de poil noir & roide comme celle du lynx. La figure de cet animal , donnée par Charkton, eft très - différente du Siyah-gush de Barbarie qui a la tête plus ronde avec les lèvres noires , mais du refte il lefTemble entièrement à un chat. Voyage de Shaw. La Haye , zy-^3 , tome L , pages ^3.0 & 3^t, Nota La figure donnée far Charleton pèche en ce que le poil n'y eft pas exprimé , & que la tête eft, pour ainfi dire , chauve, ce qui lui ôte de la rondeur i mais il n'en eft pas moins vrai que le Siyah-gush de Charleton & celui de Barbarie , dont parle ici le Dodeur jhavy , font tous deux des animaux de la même efpèce que notre Caxacal. Ovj 324 Hijîoire Naturelle ^ &c. Se plus fort -, on Ta vu afTaillir , déchirer Se mettre à mort en peu d'inftans un chien d'afTez grande taille qui , combat- tant pour fa vie , fe défendoit de toutes Tes forces : il ne s'apprivoife que très- diiEcilement , cependant lorfqu il eft pris jeune & enfuite élevé avec foin , on peut îe drefTer à la chafle qu'il aime naturelle- ment Se à laquelle il réuffit très -bien , pourvu qu'on ait l'attention de ne le jamais lâcher que contre des animaux qui lui foient inférieurs & qui ne puiiTent lui réiîfter -, autrement il fe rebute & re- fufe le fer vice dès qu'il y a du danger : on s'en fert aux Indes pour prendre les lièvres y les lapins Se même les grands oifeaux , qu'il furprend Se laiiit avec une adreffe lingulière. ^ m. J/B XrYNX: . TI.JL. p. $9.^. B.Jir JLM CAK^CAIi 5M RiSTOTE nous a ïai(ré deux notices au fujet de YHyxne ( b) ^ qui feules fuffiroient pour faire reconnoître ctt animal & pour le diftinguer de tous les autres -, néanmoins les Voyageurs & les Naturaliftes l'ont confondu avec quatre autres animaux , dont les efpèces font faj L'HyjBfte. Zabo , en Arabie ; Dubbah , en Barbarie j Kaftaar ou Cajîar , en Perfe. Hycena. Ariftot. Hijî. animal, lib. VI, cap. xxxii. Taxas porc imis feu hycena veterum. Kœmpfer , ama- nitates , pag. 411. Hyana. Canis caudâ reclâ annulatâ , pilis cervicis ereclis , auriculis nudis, Linn, Syjl. nat. edit, x ^ pag. 40. Nota. Que ce caractère de la queue an- nelée , qui a auffi été donné par Kœmpfer ^ n'eft ni bien fenfible ni confiant ; l'hyxne que nous avons vue , a tous les caraftères que M. Linnxus donne à cet animal , à Texception de celui de la queue qui n'avoit pas des anneaux bien marqués , mais feulement quelques teintes de brun fur un fond gris , qui formoient plutôt des ondes que des anneaux. (bj Ariftot. HiJî, animal, lib. VI ^ cap. xxxii } Se lib. VIII, cap. v. 5 2 (> HiJÎQÎre Naturelle toutes quatre dilïé rentes entre elles 8c diiïerentes de celle de l'hya^ne. Ces ani- maux font îe chacal , le glouton , la ci- vette & le babouin , qui tous quatre font carnafîîers & féroces comme l'hymne , 6 qui ont chacun quelques petites con- venances & quelques rapports particuliers avec elle , lefquels ont donné lieu à la méprile 8c à Terreur. Le chacal fe trouve à peu près dans le même pays , il ap- proche comme l'hya-ne de la forme du loup -, comme elle , il vit de cadavres & fouille les fépultures pour en tirer les corps : c'en ^fl allez pour qu'on les ait pris l'un pour l'autre. Le glouton a la même voracité , la même faim pour la chair corrompue , le même inftindt pour déterrer les morts , 8c quoiqu'il foit d'un Himat fort différent de celui de l'hya^ne 8c d'une figure aufîi très-différente , cette feule convenance de nature a fufïi pour que les auteurs les aient confondus. La civette fe trouve auffi dans le même pays que i'hyaene , elle a comme elle de longs poils le long du dos 8c une ouverture ou tente particulière -, caradères finguliers qui n'appartiennent qu'à quelques animaux , de FHyœne. 327 Se qui ont fait croire à Belîon qiie ia civette étoit l'hyxne des Anciens. Et à regard du babouin , qui reiTemble en- core moins à niya:ne que les trois autres , puifqu'ii a des mains & des pieds comme l'homme ou le iinge -, il n'a été pris pour elle qu'à caufe de la relTemblance du nom ; l'hymne s'appelle duhbah en Bar- barie , félon le dodeur Shaw *, & le ba- bouin fe nomme dabuh , félon Marmol & Léon rAfricain -, & comme le babouin efl du même climat , qu'il gratte aufli la terre & qu'il eft à peu près de la forme de l'hyxne , ces convenances ont trompé les Voyageurs & enfuice les Naturalifles qui ont copié les Voyageurs*, ceux même qui ont diftingué nettement ces deux animaux , n'ont pas laiilé de conferver à rhya:ne le nom. dahuh , qui eft celui du babouin. L'l;yxne n'eft donc pas le dahuh des Arabes , ni le jefef ou fefef des Africains , comme le difent nos Na- turaliftes (c) ; Se il ne faut pas non plus îa confondre avec le deeb de Barbarie. Mais afin de prévenir pour jamais cette fcj Charletcn , Exercit. pag. z^.— Briffon , Kegn, animal, pag. 234. 5 2 8 Hijloire Naturelle confuilon de noms , nous allons donner en peu de mots le précis des recherches que nous avons faites au fujet de ces animaux. Ariftote donne deux noms à Yhyxne , communément il l'appelle hy&na & quel- quefois glanus : pour être afifuré que ces deux noms ne défignent que le même animal, ilfuffit de comparer les paflTages (d) ou il en eft queftion. Les Anciens latins fdj Hyœna colore lupi prope ejî , fed hirfutior ; & jiibâ per totiim dorfum prctdita eji. Quod autem de ea fertur , génitale Jîmul & maris & fœminae eamdem habere f commentitiumefl : fed virile Jimiliter , atque in liipis , & canibus habetur. Qiiod verofcemineum ejfe vi- detiir , fub caudâ pojitum ejï , figura Jîmile genitali fcemina , fed Jîne ullo meatii, Sub hoc meatiis ezcre- mentonim eJi. Qiùn etiam fcemina hycena prater fuum illud etiam Jîmile , ut mas habet fub caudâ fine ullo meatu , à quo excrementorum meatus eji , atque fub eo génitale verum continetur . Vulvam etiam hyanafcemina, utcetem hujufce modi fczminx animantes habet. Sed raro hyanafcemina capitur , jam inter undecim numéro^ iinam tantum cepijfe venator retiilit quidam Lib. VI , cap. XXXII. — Qiiam autem alii hyœnam appellant ^ corpore non minore , quam lupus ejî , jubâ quâ equus , fed fetâ duriore , longioreque , & per totum dorfum porreâa. Molitur hœc infidias homini , canes etiam vomitionem hojninis imitando capit & fepulchra efodit humanx avida carnis ^ ac eruit. Aliflot. Hifi, anihal, Ub. YIlI,cap. V, de VHyœne, 329 ont confervé le nom dihy&na & n'ont point adopté celui de glanus ; on trouve feulement dans îes latins modernes le mot de ganus ou gannus (e) ^ 8c celui de belhus ( f) pour indiquer Thysene. Selon Rahs (g)^ les Arabes ont appelle Thyacne kabo ou -^^abo , noms qui paroifTent dé- rivés du mot y^eeh , qui dans leur langue eft le nom du loup. En Barbarie , Thyane porte le nom de duhbah^ comme on peut le voir par la courte defcription que le D. Shaw (h) nous a donnée de cet animal. ft) Gefner. H//?, quadrup. pag. J55. Cf) Belbi, idejî, hyœna , decemfueruntfuh Gor- diano Roiuix. Juliiis Capitolinus. Idem , ibidem. fgj Gefner. HiJ}. quadrup. 555. (^hj Aux royaumes de Tunis & d'Alger le dubbah cft de la grandeur du loup Il a le cou û ex- celïlvement roide , que lorfqu'il veut regarder derrièr* lui , ou feulement de côté , il eft obligé de tourner tout le corps comme les cochons, les tailTons & les crocodiles. Sa couleur eft d'un brun - fombre tirant fur le rouge , avec quelques raies d'un brun encore plus obfcur ; le poil de la nuque du cou eft prefque de la grandeur d'une paume , mais moins rude que les foies de cochon. Il a les pieds grands 5c bien armés , dont il fe fert pour remuer la terre & en tirer les rejetons du palmier & d'autres racines , & (quelquefois des corps morts Après le lion ôc 3 3 o Hijloire Naturelle En Turquie , rhy;sne fe nomme lirt/aatj félon Niereniberg(^/V; & en Perfe kaftaary fuivant Kœmpfer (^>^y>;& c^z/Z^r, félon Pietro la panthère, le dubbah eft le plus féroce & le plus cruel de tous les animaux de la Barbarie. Comme cette fcête eft pourvue d'une crinière , qu'elle a de la peine à tourner la tête & qu'elle fouille dans les fépulcres , il y a toute apparence que c'ell l'hyaene des Anciens. Voyage de Shaw ^ tome I , pag. _jao. ("ij Eufeb. Nierembeig. Hijî. nat. Antuerpiaî , 1^35 * pag. i8i. C^J Kaftaar i id ejî , taxas porcinus , Jive hyana veteriim ( Vid. in Tab. §. 4. N." 4. ) animal ejî porci , feu fcrophce grandioris , magnitudinem ejufdemquefor- mam coporis obtinens , fi caput , caudam & pedes excipio. Puis vejUtur longis , incanis , in orâ dorfi , porcino more, longioribus, pêne fpithamalibus, apicibus nigris ; caput habet Inpino non dijfîmile , roflro nigro , fronte longiori , oculis roflro propinquioribus nigris & volubilibus, auribus nudis ,fufcis & acuminatis ; caudâ donatur prœlongâ, villis denfis longioribus vefiita, cir- culifque nigricantibus ad decorem intercepta. Crura in orbem quodammodo variegata, pofieriora prioribusfunt longiora; pedes in quaternos ungues divifî, quos Inpino more contrahit. Corpus habetfiriis à dorfo ventre tenus picinmpaucis _, latis & inœqualibus, alternatim fufcis & nigris . . . . Mira vi terram effodit cavernifque abditunï fe illatebrare amat , diu fine cibo vivit , & raptii vicinm quarit Ferox & carnivorabefiia, quippe in humana fceviens cadavera, quœ noctu ex tumulis itru pigre effodit j &c. Kœmpfer , am^initates , pag. 411 6c 411 de VHyœne, 3 3 i délia Valle (l) ; ce font-Ià les feuls noms qu'on doive appliquer à Thy.Tne, puifque ce font les feuls fous lefquels on puifTe la reconnoître clairement : il nous paroîc cependant très - vraifemblable , quoique moins évident, que le lycaon Se la crocute des Indes & de TEthiopie dont parlent les Anciens, ne font pas autres que rhya:ne. Porphyre (m) dit exprelTément que la crocute des Indes eft Thysne des Grecs *, & en eflet tout ce que ceux-ci ont écrit , &: même tout ce qu'ils ont dit de fabuleux au fujet du lycaon Se de la crocute j con- vient à YhyxnQ , fur laquelle ils ont aufïi flj Jrvis à-Schiras un certain animal vivant, que les Perfans nomment en leur langue Cajlar , aulli puifTant qu'un gros chien , qui n'étoit pas encore , à ce que je crois , dans fa perfeftion ; il avoit la gran- deur , la forme & la couleur d'un tigre ( il entend la panthère ) , ôc la tête avec le mufeau effilé d'un pourceau. L'on dit qu'il fe nourriflbit de chair hu- maine , & qu'il fouilloit les tombeaux & les fépulcres pour manger les cadavres , ce qui m'a fait juger depuis que ce pourrolt être l'hyxne des Lati •- 5 quoi qu'il en foit, c'etoit un animal farouche que je n'avois jamais vn.Voyage de Pietro délia Valle. Rouen fJ^-Sj tome V; page ^4 j . rm) Porphirius ineo opère quodinfcrip/ît de abjlimn- fia ah nfu carnium, hyxnam dicitab Indis appellari cro- ciitam. Gillius apud Gefnerum , Hiji quadr, pag. 555; 5 3 2 Hijloire Naturelle débité plus de fables que de faits. Mais nous bornerons ici nos conjeâ:ures fur ce fujet 5 afin de ne nous pas trop éloigner de notre objet préfent, & parce que nous traiterons dans un difcours à part , de ce qui regarde les animaux fabuleux & des rapports qu'ils peuvent avoir avec les animaux réels. he pantker des Grecs , le lupus Canar'ius de Gaza , le lupus Armenius des Latins modernes & des Arabes , nous paroifTent être le même animal -, & cet animal eft le chacal que les Turcs appellent cïcal félon PoUux (n)^ thacal fuivant Spon (o) 6 Wheler^les Grecs modernes ':{achalia(p) les Perfans Jîechal (q) ou fchachal (rjj, les Maures de Barbarie deeb (f) ou jackaU Nous lui confervons le nom chacal j (n) Gefner, Hijl. quadrup. pag. 6js. (o) Voyages de Jacob Spon ôc George Wheler. Xj'o/z , xGjS , tome I , pages ii^. & 225. /^pj Idem j ibidem. fqj Voyage de Chardin en Perfe. Amjîerd, tyit f tome II, page 29. frj Kœmpfer , amaenitates exoticœ , pag. 413. (f) Voyage de Shaw. La Haye, 17^3 , tomel. de VTJycene. 533 qui a été adopté par plufîeurs Voyageurs, éc nous nous contenterons de remarquer ici qu"*!! diftère de rhya:ne non-feulement par la grandeur , par la figure , par la couleur du poil, mais aufîi par les habi- tudes naturelles , allant ordinairement en troupe, au lieu que Thyarne eft un animal folitaire : les nouveaux Nomenclateurs ont appelé le chacal d'après Kœmpfer , lupus-aureus parce qu'il a le poil d'un fauve-jaune , vif & brillant. Le chacal eft , comme l'on voit , un animal très - différent de Thysene : il en eft de même du glouton , qui eft une hèiQ du Nord , reléguée dans les pays les plus froids , tels que la Lapponie, la ■Ruflîe , la Sibérie-, inconnue même dans les régions tempérées , & qui par con- féquent n'a jamais habité en Arabie , non plus que dans les autres climats chauds ou fe trouve l'hymne : auiîi en diflère-t-il à tous égards , le glouton eft à peu près de la forme d'un très-gros blaireau, il a les jambes courtes , le ventre prefqu'à terre , cinq doigts aux pieds de devant comme à ceux de derrière , point de prinière fur le cou , le poil noir fur toui 5 3 4 Hijioire Naturelle ie corps , quelquefois d'un fauve birun fur les flancs. Il n'a de commun avec Vhyxne que d'être très-vorace , il n'étoic pas connu des Anciens , qui n'avoient pas pénétré fort avant dans les terres du Nord. Le premier Auteur qui ait fait mention de cet animal eft Olaiis (^tjj il Ta appelé gulo à caufe de fa grande voracité : on Ta enfuite nommé rofomak en langue Schvonefujijerff 8c wildfras en Allemand: nos voyageurs François (x) l'ont appelé glouton. H y a des variétés dans cette ef- pcce aulîi-bien que dans celle du chacal , dont nous parlerons dans l'hiftoire par- ticulière de ces animaux *, mais nous pou- vons alTurer d'avance que ces variétés , ftj Interomnia animalia guce immani voracitate cre- duntur infatiabilia ^ gulo inpartibus Sueciafeptentrio- nalis , prœcipuum fufcepit nomen , ubi patrio fermonc Jerff dicitur , & lingua Germanica WilsfrafT, Sclavo- nice Rofomaka , à multâ comeftione ; latinâ vero non nijî fiâitio gulo videlicet à gulojitate appellatur. Hift. de gent. feptent. ab Olao magno. Antuerpia , issS , (u) Hiftoire de la Lapponie , par Schoeffer. Varis , 26y8 y pag. ^i^. — Rzaczynski, Auâ. hijl. nav Talon, pag. 311. CxJ Relation delà grande Tartane. Amjî. 77^7, P^ge 8. de rHycvne, ^ ^j loin de les rapprocher , ies éloignent en- core de l'efpèce de i'hy2:ne. La civette n'a de commun avec Thy^ne que l'ouverture ou ï^^c fous la queue , & la crinière le l^ng du cou & de l'épine du dos -, elle en dirlère par la figure , par la grandeur du corps , étant de moitié plus petite-, elle a les oreilles velues & courtes, au lieu que Thyacne les a longues & nues \ elle a de plus, les jambes bien plus courtes, cinq doigts à chaque pied , tandis que rhysne a les jambes longues & n'a que quatre doigts à tous les pieds -, la civette ne fouille pas la terre pour en tirer les cadavres : il eft donc très -facile de les diftinguer l'une de l'autre. A l'égard du babouin qui efb le papio des latins , il n'a été pris pour l'hyœne que par une équi- voque des noms, à laquelle un palîage de Léon l'Africain (yj^ copié par Marmol(^^^j ^^'Dabuh Arabica appellatione Africanis Sefef dicitur. Animal & magnitudine & forma lupum rtfert, pedes & crura hominis fimiles •■, reliqno btjliarum generi" non ejî noxins fed humana corporafepulchrisevellitac dévorât. Léon. Afric. de Afric. defcript. Lugd. Sat- t6^3, tom. IT , pag. ^756. flj L'Afrique de Marmol. Paris , z 66;; , tome I^ page Si' 3 3^ Hijloire Naturelle femble avoir donné lieu. Le dabuh , difent ces deux Auteurs , eji de la grandeur & de la forme du loup j il tire les corps morts des fépulcres. La refTemblance de ce nom dabuh avec duhbah , qui eft celui de Thy^ne , & cette avidité pour les cada- vres 5 commune au dabuh & au dubbah^ les a fait prendre pour le même animal, quoi- qu'il foit dit exprelïément dans les mêmes paflages que nous venons de citer, que ie dabuh a des mains & des pieds comme Thomme , ce qui convient au babouin & ne peut convenir à Thyarne. On pourroit encore , en jetant les yeux fur la figure du lupus marïnus (a) de Bellon, copiée par Gefner (b)^ prendre cet animal pour rhya:ne -, car cette figure donnée par Bellon , reflemble beaucoup à celle de notre hyœne : mais fa defcription ne s'accorde point avec la nôtre en ce qu'il dit que c'eft un animal amphibie qui fe nourrit de poifTon , qui a été vu quel- quefois fur les côtes de TOcéan britan- nique , & que d'ailleurs Bellon ne fait aucune mention des caradères finguliers (a) Bellon, de aquatil. pag. 35. ^bj Gefnei, Hijî. quadrup. pag. ^74. H"» de^ VHyœne. 337 qui didinguent Thy^ne des autres ani- maux. Il fe peut que Bellon , prévenu que ia civette étoit l'hysene des Anciens > ait donné la figure de ia vraie hyxne fous le nom d'un autre animal qu'il a appelé lupus marinus ^ & qui certainement n'eft pas Th/arne j car je le répète, les caradères de l'hy-sne font fi marqués Se même i\ finguliers qu'il eft fort aifé de ne s'y pas méprendre : elle efl: peut- être le feul de tous les animaux quadru- pèdes 5 qui n'ait > comme je viens de le dire , que quatre doigts , tant aux pieds de devant qu'à ceux de derrière", elle a comme le blaireau , une ouverture fous la queue , qui ne pénètre pas dans l'in- térieur du corps -, elle a les oreilles lon- gues, droites & nues, la têre plus carrée &: plus courte que celle du loup ^ les jambes , fijr-tout celles de derrière , plus longues -, les yeux placés comme ceux du chien -, le poil du corps Se la crinière d'une couleur gris - obfcur , mêlée d'un- peu de fauve & de noir, avec des ondes tranfverfales Se noirâtres j elle eft de la" grandeur du loup Se paroît feulement avoir le corps plus court & plus ramafle. Tome IIL Quadrupèdes, P 55 8 Hrjloire Namrelie Cet animal fauvage & foliraire demeure dans les cavernes des montagnes , dans les fentes des rochers ou dans des tanières qu'il Te creufe lui-même fous terre : il eft d'un naturel féroce , & quoique pris tout petit (c)y il ne s'apprivoife pas^ il vit de proie comme le loup , mais il eft plus fort & paroît plus hardi *, il attaque quelquefois les hommes, il fe jette fur le bétail (dj:> fuit de près les troupeaux & fcj Hyanam mareinlfpahani curîojîtatis causa alehat dires quidam Gabr. feu ignicola , fuburbii Gabriftaan , captam dam ubera fugeret , in latibulis vicini montis. A.d eamfpeclandam-progrejfas , bejîiam eojitu depinxi , qua infoveâfubdiali duarum or gy arum profunditatis fcui inclufa fervahaturj cubantem inveni. Dejïderio nojîro pojfejfor omni ex parte fatisfaclurus , eam educi quoqut curavit in. aream ; quoduttutofieret, demijfofune rojlrum prias illaqueabat; max defcendentes fervi protracia utrin' que labrafuniculo ex pilis contorto,Jïrenue colligabant. Hoc facto educitur, laxatoque£une,quiroJlrumfrenabat, iejîia latius difcurrere permittitur,non femel apprehenfa, more athletico in terram projicitur, ac variis lacejfîtur vexationibus ; quibus illa irrito nocendi nifu obluâata , fubinde mugitum edidit vitulino Jim'llimum. Narrabant Gabri Jîc franatam nuper fe oppofuijfe duobus leonibus ^ quos afpeciante oculo ferenijjimo in fugam yerterit. Kœmpfer, amœnitates , pag. 412 &413. fdj En Abilllnie, les loups font petits & fort lâches, mais on y volt un animal , nommé Hycene , extrê- mement hardi & carnaflier j il attaque les gen? ea de VHyœne. 339 fouvent rompt dans la nuit les portes des étabies & les clôtures des bergeries : Tes yeux brillent dans robfcurité , & Ton pré- tend qu'il voit mieux la nuit que le jour. Si Ton en croit tous les Naturalises , Ton cri relTemble aux fanglots d'un homme qui vomiroit avec eftort , ou plutôt au mugiiïement du veau , comme le dit Kœmpfer, témoin auriculaire (ej, L'hyarne fe défend du lion , ne craint pas la panthère, attaque Tonce, laquelle ne peut lui réfifter-, lorfque la proie lui manque, elle creufe la terre avec les pieds & en tire par lambeaux les cadavres dQ% animaux & des hommes que dans le pays qu'elle habite , on enterre égale- ment dans les champs. On la trou\?e dans prefque tous les climats chauds de l'A- frique & de i'Afîe , & il paroît que i'animal appelé farajje à Madagafcar^^/y), plein Jour comme la nuit , & rompt fouvent les portes & les clôtures des bergeries. Hijîoirc de l'Abif" Jinit , p!;::•:: l4f mL Piij 342 Hijloire Naturelle LA CIVETTE (a), E T LE Z I B E T (b). A plupart des Naturaliftcs ont cru qu'il n*y avort qu\ine efpèce d'animai qui fournît le parfum qu'on appelle la (^aj La Civette. Animal libethi , Caïus tfpu Zebed ou Zehet. Animal du Mufc. Mémoires de' l'Académie royale «les Scijences , année ty^ i , page /^^^. Nota. Les Komenc!ateurs , que nous allons citer, B'ont point diftingué ces deux animaux, & l'on ne fait auquel des deux on doit appliquer leurs phrafes, parce cige S jj 3 Se la même encore que celle dont Fabius Columna a donné les figures (tant du mâle que de la femelle) dans l'ouvrage de Jean Faber , qui eft à la fuite de celui de Hernandès (cj, La féconde efpèce que nous appelons le Ziaet ., nous a paru être le même animai que celui qui a été décrit par M. de îa Peyronnie , fous le nom â^ animal du mufc^ dans les Mémoires de l'Académie des (c) Hernandès, Wiji. Mex, Roma , t6'^8 , de la Civette & du Zihet, 545 Sciences , année l'/ji : tous deilx dif- fèrent de la civette par les mêmes carac- tères, tous deux manquent de crinière ou plutôt de longs poils fur Tépine du dos , tous deux ont des anneaux bien marqués fur la queue , au lieu que la civette n'a ni crinière , ni anneaux apparens. Il faut avouer cependant que notre zibet & l'a- nimal du mufc de M. de la Peyronnie , ne fe refiTemblent pas affez parfaitement pour ne lailfer aucun doute fur leur iden- tité d'efpèce : les anneaux de la queue du zibet font plus larges que ceux de Va- nïmal du mufc : il n'a pas un double col- lier, il a la queue plus courte à propor- tion du corps •, mais ces différences nous paroilïent légères , & pourroient hien n'être que des variétés accidentelles aux- quelles les civettes doivent être plus fujetres que les autres animaux fauvages, puifqu'on les élève & qu'on les nourrit comme des animaux domeftiques , dans plufieurs endroits du Levant & des Indes. Ce qu'il y a de certain , c'eft que notre zibet refTemble beaucoup plus à l'animal du mufc de M. de la Peyronnie qu'à la civette , & que par conféauenc Pv 34^ JJiJloire NatureUe on peut les regarder comme des anf- maux de même efpèce -, puifquil n'eft pas même abfolument démontré que la; civette & le zibet ne foient pas des va- riétés d'une efpèce unique *, car nous ne favons pas ii cqs animaux ne pourroient pas fe mêler & produire enfemble *, & lorfque nous difons quils nous paroifTent être d'efpèces diftérentes , ce n eft point un jugement abfolu , mais feulement une J préfomption très -forte , puifqu'elle eil fondée fur la différence confiante de leurs caradtères , & que c'efl: cette conf- tance des différences qui diftingue ordi- nairement les efpèces réelles des fimples variétés. L'animal que nous appelons ici Civette > fe nomme Falanoue à Madagafcar (d) j- Nxjme ou N^fu/i àCongo (ej , Kankan en Ethiopie (f) y Kajîor dans la Guinée (g). (à) Voyage de Fkccourt. Paris, î66i , pages i^o & jst. ( t) Merolla cité par M. l'abbé Prévôt. Hijîoire générale des Voyages, tome I V, page 585. (f) Voyez idem, tome III , pages a^5 & 2^6, Kankan. Cs) "Voyez idem, ibidem; & tome IV, page çi^S, jomc V, page 86 ^fuivantes. de la Civette & du Zihet. 347 Ceft la civette de Guinée , car nous fommes fûrs que celle que nous avons eue avoit été envoyée vivante de Guinée à Siint-Domingue à un de nos Corref- pondans , qui l'ayant nourrie quelque temps à Saint Domingue, la fit tuer pour nous renvoyer plus facilement. :, - Le zibet eft vraifemblablement la civette de TAiie , des Indes orientales & de FArabie, où on la nomme Zebet ou Zibet , nom Arabe qui lignifie auiïi le parfum de cet animal , & que nous avons adopté pour défigner Tanimal même *, iî diftère de la civette en ce qu'il a le corps plus alongé & moins épais , le mufeau plus délié, plus plat & un peu concave à la partie fupérieure , au lieu que le mufeau de la civette eft plus gros, moins long & un peu convexe. Il a auiïi les oreilles plus élevées 8c plus lar- ges 5 la queue plus longue 8c mieux: marquée de taches & d'anneaux, le poil beaucoup plus court Se plus mollet -, point de crinière , c'eft-à-dire , de poils plus longs que les autres fur le cou , ni le long de l'épine du dos , point de noir au-deifous des yeux, ni fur les joues 5 P vj 348 Hijlolre Naturelle caractères particuliers Se très -remarqua- bles dans la civette. Quelques voyageurs a voient déjà foupçonné qu'il y avoit deux elpèces de civettes (h) ^ mais per- fonne ne les avoit reconnues allez claire- ment pour les décrire. Nous les avons vues toutes deux , &, après les avoir roigneufement comparées, nous les avons jugées d'efpèce & peut-être de climat diftérent. On a appelé ces animaux chats muf- qués ou chats civettes , cependant ils n'ont rien de commun avec le chat que Tagiliré du corps -, ils reflemblent plutôt au renard, fur -tout par la tête : ils ont la robe marquée de bandes & de taches , ce qui les a fait prendre aulîi pour de petites panthères par ceux qui ne les ont vues que de loin , mais ils diffèrent des panthères à tous autres égards. Il y a un animal qu'on appelle la Genette , qui eft taché de même, qui a la tête à peu près dii la même forme, & qui porte, comme îa civette , un fac dans lequel fe filtre une humeur odorante : mais îa genette efl plus petite que nos civettes s elle a les ('"J Aidrov. de quadrup. digh.^âg. 341 > de la Civette & du Zibet, 349 jambes beaucoup plus courtes & le corps bien plus mince *, Ton parfum eft très-foible éc de peu de durée , au con- traire le parfum des civettes eft très- fort , celui du zibet eft d'une violence extrême & plus vif encore que celui de ia civette ( i). Ces liqueurs odorantes fe trouvent dans l'ouverture que ces deux animaux ont auprès des parties de la génération -, c'eft une humeur épaiiïe , d'une confiftance femblable à celle des pommades , & dont le parfum , quoi- que très -fort , eft agréable au fortir même du corps de Tanimal. Il ne faut pas confondre cette matière des civettes avec le mufc qui eft une humeur fangui- nolente qu'on tire d'un animal tout diffé- rent de la civette ou du zibet ; cet animal fi) Maîgré toute l'attention qu'on a depuis long- temps de raflcrabler à la Ménagerie difFérens animaux étrangers , ce font les deux feuîs de cette efpèce qui y aient paru , & les feuîs dans le nombre des animaux mufqués qu'on y ait vus , qui aient donné un aulïi grand parfum. Mémoire de M. de laPeyronnie inféré dans ceux de l'Académie des Sciences , année ty^t , p^ge 444- Il ^ft quefiion dans ce paffage de Vanimal du mufc , que nous croyons être le même que notre zibet. 5 50 Hijloire Naturelle qui produit le mufc, eft une efpèce de chevreuil fans bois , ou de chèvre fans cornes , qui n'a rien de commun avec les civettes, que de fournir comme elles un parfum violent. Ces deux efpèces de civettes n*avoient donc jamais été nettement diftinguées Tune de l'autre , toutes deux ont été quel- quefois confondues avec les belettes odorantes (kj:> la genette & le chevreuil du niufc y on les a prifes aulîi pour i'hyarne. Bellon, qui a donné une figure 6c une defcription de la civette , a prétendu que c'étoit Thyxne des Anciens (l); fon erreur eft d'autant plus excufable , qu'elle n'eft pas fans fondement j il eft fur que la plupart des fables que les Anciens ont débitées fur i'hyarne, ont été prifes de la civette -, les philtres qu'on tiroir de certaines parties de Yhyxne , la force de ces philtres pour exciter à fkj Aldrovande a dit que la belette odorante, qu'on appelle à la Virginie Cœfam , étoit la civette. Aldrov. de quadrnp digit. pag. 342. Cette erreur a été adoptée par Hans Sloane qui , dans fon hiftoire de la Jamaïque^ dit qu'il y a des civettes à la Virginie. flj Bellon, Obfery. Paris ^ i^^^ , fol. 9i, de la Civette & du Zihet. 351 Taiiiour , indiquent aiîez la vertu ftimu- îante que Ton connoit à la pommade de civette dont on fe fert encore à cet effet en Orient. Ce quils ont dît de Tincer- titude du fexe dans Th/sne , convient encore mieux à la civette , car le maie na rien d'apparent au dehors que trois ouvertures tout-à-fait pareilles à celles de la femelle ^ à laquelle il refTemble il fort par ces parties extérieures , qu il ja'efl: guère polîîble de s'afTurer du fexe autrement que par la diIîeâ:ion j Tou- verture au dedans de laquelle fe trouve la liqueur , ou plutôt l'humeur épailTe du parfum , efl entre les deux autres & fur une même ligne droite qui s'étend de Tos facrum au pubis. Une autre erreur qui a fait beaucoup plus de progrès que celle de Belion., c'efl: celle de Grégoire de Bolivar au fujet des climats où fe trouve Tanimaf civette : après avoir dix. qu'elle efl com- ^îune aux Indes orientales & en Afrique, il alfure pofîtivement qu'elle fe trouve aufîi, & même en très -grand nombre 5 dans toutes les parties de l'Amérique méridionale. Cette alTerdon qui nous a 3 j z Hijîoire Naturelle été tranfinife par Faber, a été copiée par Aldrovande , & enfuite adoptée par tous ceux qui ont écrit fur la civette *, cepen- dant il eft certain que les civettes font des animaux des climats les plus chauds de l'ancien continent , qui n*ont pu pafTer par le Nord pour aller dans le nouveau , & que réellement Se dans le fait, il n'y a jamais eu en Amérique d'autres ci- vettes que celles qui y ont été tranfpor- tées des îles Philippines Se des côtels de l'Afrique. Comme cette afTertion de Bolivar eft pofitive , Se que la mienne n'eft que négative , je dois donner les raifons particulières par lerquelles on peut prouver la faufteté du fait. Je cite ici les paiïages de Faber en entier (mj (m) Hoc animal fiibethicumfcilicetj nafcltur in. mul- iis Indice orientalis atque occidentalis partibus ^ cujiif- modi in orientait fiintprovincicéBengala y Ceiian , Su- matra, y Java major & minor, Malipur ac plures alix In nova Hifpaniâ vero funt provincice de Quatcmala : Campege, Nicaragua, devcra-Crucc , Florida Ç,-magn^ illa infulâ Sandi Dominici , aut Hifpaniola , Cuba , Mantalino , Guadalupa & aliœ . . . . In regno Peruano animal hoc magna copia reperitur , in Paraguay , Tu- euman , Chiraguanas , Sanda - Cruce , \de la Sierra , Jungas , Andes y Chiachiapoias , Qiiiios , Timana , iioyo regno f.& in omnibus provinciîs magno jlumins de la Civette & du Zihet. 3^3 pour qu'on foit en état d'en juger, aind «jue des remarques que je vais faire à ce fujet : i.° la figure donnée par Faber, page s^S j lui avoir été lailTée par Recchi fans defcription (n)^ cette figure a pour infcription , animal ^zbethicum ^mericanum, elle ne relTemble point du tout à la civette ni au zibet , & repré- fente plutôt un blaireau -, 2.° Faber donne ia defcription & les figures de deux civettes , Tune femelle «•& Tautre mâle , lefquelies reflèmblent à notre zibet , mais ces civettes ne font pas le même animal (^oj que celui de la première figure 5 Maragnone confinibus, quœ circa hoc ferme fïne numéro ad duo leucarum milita funt eztenf a. Multo adhucplura ejupnodi animalia nafcuntur in Brajîliâubi mercaturct vel cambium ^ibethi Jive algaliœ exercitatur. Novx Hifp. anim. Nardi Antonii Recchi imagines Scnomina, Joannis Fabri Lyncei expofitione ,p. 555. fnj Voici ce que dit Faber dans fa préface, au fujet de Çts commentaires fur les animaux dont U va traiter. Non itaque Jîs nefcius , hos in animalia , quos modo commentarios tdimus , merâ nojlrâ confcriptos ejfe indujiriâ ac conjectura ad quas nam animantium nojîrorum fpecies illa reduci pojfînt, cumin auto grapho prceter nudum nomen & exacîam piduram de hijioriânt- gri quidemreperiatur y pag. 465, (oj Faber eft obligé de dire lui-même que ces figures 3 54 Hlfloire Naturelle 8c les deux fécondes ne repréfentent point des animaux d'Amérique, mars des civettes de l'ancien continent que Fabius Coiumna , confrère de Faber à TAca- %démie des Lyncc'i , avoit fait defilner à . Napies, & defqueîles il lui avoit envoyé la defcription & les hgures : 3.° après avoir cité Grégoire de Bolivar au fujet des climats où le trouve la civette , Faber finit par admirer la grande mé- moire de Bolivaf ( p)^ & par dire qu'il a entendu de fa bouche ce récit avec toutes fcs circonftances. Ces trois re- marques fuffiroient ieules pour rendre très-fufped: le prétendu animal y^bethi- cum Amerïcanum , au(îi-bien que les afïertions de Faber empruntées de Bo- livar -, mais ce qui achève de démontrer ne fe reffemblent pas. Quantum hœc icon ab illâ Mexi' eanâ différât , ipfa pagina ojlendit. Ego climatis & regionis differentiam plurimum poffe non ne^o, pag. 581. ^pj Mirer prof edo Gregorii nojlri fummam in anima- lium perquifitione inditfiriam & tenacijjîmam eorum qucz yidit iinquam memoriam, Jura tibi , mi lecior , hae cmnia quce hacleniis ipjius ab ore & fcriptis haiijî, Çf pojîhac diclurus fiim , plura rarioraque illius ipfum ope lihri memoriter dtfcripjîffe _, & per compendium qiiodam. modo C cum inter colloqitia protracliora & jam plura afftrat) tantiim sontraxijfi , pag. 540. de la Civette & du Zihet, 555 Terreur , c'eft que Ton trouve dans un petit ouvrage de Fernandès fur les ani- maux d'Amérique , à* la fin du volume qui contient THiftoire Naturelle du Mexique de Hernandès , de Recchi & de Faber que Ton trouve, dis- je, chap. XXXIV, page 1 1 j un palTage qui contredit formellement Bolivar , & où Fernandès (^qj afTure que la civerte n'eft point un animal naturel à TAmérique , mais que de fon temps. Ton avort com- mencé à en amener cjuelques-unes des îles Philippines frj à la nouvelle El pagne. ^qj De ^liiro à quo Galliavocata corraditdr , c.xxxrv. Non me latet viilgare ejfe , hoc felis vocari genus JHfpanis, quamquam advenam non indigènam , verunz ^ui ex infulis Philippicis ccepit jam in hanc novam Jîifpaniam adferri. Hift. anim. & minerv. nov. Hifp, lib. I , à Francifc. Fernandès , pag. i r. frj La civette fe trouve aux îles Philippines dans les montagnes ; fa peau relTemble afifez à celle du tigre , elle n'eft pas moins fauvage que lui , mais elle cft beaucoup plus petite. lis la prennent , z lent , ôc après lui avoir ôté la civette qui tft dedans une petite bourfe qu'elle a defTous ia queue, iis la laiil'ent en liberté pour la reprendre une autre fois. Relation de. divers voyages, par Thévenot. Paris, î6^6. Relation, des lies Philippines , pag. lo — On trouve quantité de civettes dans les montagnes des îles Philippines. Jiijîoire générale dis Voyages , tome A', pag. ^^y. 35^ Hijloire Naturelle Enfin en réunifiant ce témoignage po-' fîtif de Fernandès avec celui de tous les Voyageurs qui difent que les civettes font en effet très - communes aux îles Philippines , aux Indes orientales , en Afrique , & dont aucun ne dit en avoir vu en Amérique -, on ne peut plus douter de ce que nous avons avancé dans notte énumération des animaux des deux continens, & il reftera pour cer- tain, quoique tous les Naturaliftes aient écrit le contraire , que la civette n eft / point un animal naturel de l'Amérique , ^ mais un animal particulier & propre aux climats chauds de l'ancien continent , & qui ne s'eft jamais trouvé dans le nou- veau 5 qu'après 7 avoir été tranfporté. Si je n'eulfe pas moi-même été ea garde contre ces efpèces de méprifes qui ne font que trop fréquentes , nous aurions donné notre civette pour un animal Américain , parce qu'elle nous étoit venue de Saint-Domingue *, mais ayant recherché le mémoire & la lettre de M. Pages (fj^ qui nous l'avoit en- (f) La civette a été amenée de Guinée -, elle fe nourriffoit des fruits de ce pays , mais die mangeoit de la Civette & du Zihet, 357 voyée , j'y ai trouvé qu'elle écoit venue de Guinée. J'infifte fur tous ces faits particuliers comme fur autant de preu- ves du fait général de la ditlérence réelle qui fe trouve entre tous les ani- maux des parties métidionales de chaque continent. La civette & le zibet font donc toutes deux des animaux de l'ancien continent , elles n'ont entr'elles que les dîiiérences extérieures que nous avons indiquées ci -devant : celles qui fe trouvent dans leurs parties intérieures & dans la fl:ru<£lure des réfervoirs qui aufli très - volontiers de la viande. Pendant tout le temps qu'elle a été vivante , elle répandoit une odeui de rrîufc infoutenable à une très - grande diftance. Quand elle a été morte , j'ai eu beaucoup de peine d'en foutenir l'odeur dans la chambre. Je lui ai trouvé une fente précifément fur le fcrotum , qui étoit une ouverture commune de deux poches qu'elle avoir , une de chaque côté des tefticules. Ces pochet étoient pleines d'une humeur grife , épailTe ôc gluante , mêlée de poiis affez. longs qui étoient de la même couleur de ceux que j'ai trouvés dans ces poches. Ces facs pouvoient avoir environ un pouce t<. demi de profondeur; leur diamètre eft beaucoup plus grand à l'ouverture que dans le fond. Extrait du Mémoire de M. Pages , Médecin du Roi à Saint- Domingue , daté du Cap le 6 ftptcmhrc î'^S9' 3 j 8 Hijloire Naturelle contiennent ieur parfum , ont été fi bien indiquées 5 & ies réiervoirs eux-mêmes décrits avec tant de foin par M.^s Mq_ rand & de la Peyronnie (tj ., que je ne pourrois que répéter ce qu'ils en difent. Et à regard de ce qui nous refte à expofer au Tu jet de ces deux animaux , comme ce font ou des chofes qui leur font communes , ou des faits qu'il feroit bien diificile d'appliquer à l'un plutôt qu'à Fautrej nous avons cru devoir réunir le tout dans un feul & même article. Les civettes ( c'efl-à-dire la civette & le zibet , car je me fervirai maintenant de ce mot au plurier , pour ies indi- quer toutes deux), les civettes, dis -je, quoiqu'originaires & natives des climats les plus chauds de TAfriq^ie & de l'A lie , peuvent cependant vivre dans les pays tempérés & même froids, pourvu qu'on J îes défende avec foin des injures de l'air 3 & qu'on leur donne des alimens fucculens & choifis -, on en nourrit en affez grand nombre en Hollande , oii l'on fait commerce de leur parfum. La CtJ Mémoires de l'Académie loyale des Sciences , de la Civette & du Zihet, 359 civette faite à Amfterdam eft préférée par nos commerçans à celle qui vient du Levant ou des Indes , qui eft ordi- nairement moins pure : celle qu'on tire de Guinée feroit îa meilleure de toutes (u)^ fî les Nègres , ainfî que les Indiens & îes Levantins (x) y ne la falfifioient en y mêlant des fiics de végétaux , comme du iadanum , du ftorax & d'autres drogues fuj On voit quantité de civettes à Malabar , c*eft un petit animal à peu prcs fait comme un chat , à la réferve que fon mufeau eft plus pointu, qu'il a les griffes moins dangereufes , ôc crie autrement ; le par- fum qu'il produit s'engendre comme une efpèce de grailTe dans une ouverture qu'il a fous la queue ; on la tire de temps en temps, & elle ne foifonne qu'au- tant que la civette eft bien nourrie. On en fait un grand trafic à Caiccut , mais à moins de la cueillir foi-même , elle eft prefque toujours falfîfîée. Voyage deDdlon, page i t. Optimum l'ibethi genus ex Gui- neâ advehitur , Jînceritate exîmium , Joannes Hugo. fxj Le chat qui produit la civette a la tête & le mufeau d'un renard j il eft grand & tacheté comme le chat tigre ; il eft très- farouche j on en tire tous les deux jours la civette , qui n'eft qu'une certaine mu- coflté ou fueur épaiffe qu'il a fous la queue dans une concavité , &c. Voyages de le Maire. Paris , 26*95, pages zoo & lot; c'eft de la civette de Guinée jdont parle ici ce Voyageur. — ^ Je vis au Caire ^ dans la maifon d'un Vénicien , plufîeurs animau:^ fiers extrêmement , de la grandeur prefque d'un chien 360 Hijîoire Naturelle balfamiques Se odoriférantes. Pour re- cueillir ce parfum , ils mettent Tanimai dans une cage étroite où il ne peut fe tourner j ils ouvrent la cage par le bout , , tirent Fanimai par la queue, le contrai- couchant , mais plus grolfiers & de forme toute femblable à nos chats ; ils les appellent Ckats mufqués, & les gardent dans des cages Pour en venir à bout , & de peur qu'ils ne mordent , ils les tiennent fé parement dans des cages de bois bien fortes , mais fi étroites que l'animal ne peut pas s'y tourner Ils ouvrent enfuite la cage par - derrière autant qu'il faut pour tirer les jambes de l'animal dehors fans qu'il puiffe fe tourner pour blefler celui qui le tient; & ayant ramaffé la civette, ils les remettent dedans, tenant toujours l'animal bien ferré. Voyage de Pietro délia Valu. Rouen , 2745 , tome I , page 402. — — Les civettes qu'on nomme en Arabe Zehides , font naturellement fauvages & fe tiennent dans les mon- tagnes d'Ethiopie. On en tranfporte beaucoup en Europe , car on les prend petites & on les nourrit dans àts cages de bois bien fortes , 011 on leur donne à manger du lait , de la farine , du ble cuit , du xiz & quelquefois de la viande , &c. L'Afrique de Marmol , tome I, page 57. — Voyez aulTi le Voyage de Thévenot. Taris , i66^ ^ tome I , page 476'. — Les civettes de l'ile de Java rendent bien autant; de parfum que celles de Guinée , mais il n'eft pas blanc ni fi bon. Suite de la relation d'Adam Olearins"^ tome II, page ^S^- Indigence ita hoc pigmentum adultérant ut aujîm affirniare nullum ^ibethum Jîncerum ad nos deferri. Prof. Alpin. Hï/?. Mgypt. Lugd. Baf. »73S> p"g- iJP. gnent de la Civette & du Zihet. 3 6 i gncnt à demeurer dans cette fituation en mettant un bâton à travers les bar- reaux de la cage , au moyen duquel ils lui gênent les jambes de derrière, en- fuite ils font entrer une petite cuiller dans le fac qui contient le parfum , ils raclent avec foin toutes les parois inté- rieures de ce fac & mettent la matière qu'ils en tirent dans un vafe qu'ils cou- vrent avec foin : cette opération fe répète deux ou trois fois par femaine *, la quantité de Thumeur odorante dépend beaucoup de la qualité de la nourriture & de Tappétit de l'animal^ il en rend d'autant plus qu'il ell mieux & plus délicatement nourri : de la chair crue & hachée , des œufs , du riz , de petits animaux, des oifsaux, de la jeune vo- laille, & fur -tout du poilTon, font les mets qu'il faut lui offrir, & varier de manière à entretenir fa fanté & exciter fon goût -, il lui faut très - peu d'eau , & quoiqu'il boive rarement , il urine fréquemment , & Ton ne diftingue pas le mâle de la femelle à leur manière de pi (Ter. Le parfum de ces animaux eft Ç\ Tome IIL Quadrupèdes. Q 362 Hijloire Naturelle fort 5 qu'il Te communique à toutes les parties de leur corps, le poil en eft imbu , & la peau pénétrée au point que To- dtux: (x) s'en conlerve long -temps après leur mort , & que de leur vivanr l'on ne peut en foutenir la violence, fur -tout îî l'on eft enfermé dans le même lieu, Lorfqu'on les échaufte en les irritant , i'odeur s'exalte encore davantage , &: (1 on les tourmente jufqu'à les taire fuer , on recueille la Tueur qui eft aulîi très- parfumée & qui fert à falfifier le vrai fxj Le réfervoir qui contient la liqueur odorante de la civette, eft au-deiTous de l'anus, & au-deiTus d'un autre orifice fi femblable dans les deux lexcs , que fans la dilTeftion toutes les civettes paroîtroient femelles Comme on a remarque que les civettes font incommodées de cette liqueur, quand les vaif- feaux qui la contiennent en font trop pleins , on leur a trouvé aufli des mufeles dont elles fe fervent pour comprimer ces vailfeaux & la faire fortir. Quoi- qu'elle foit en plus grande quantité dans ces, réfervoirs .éc qu'elle s'y ptrfedionne mieux , il y a lieu de croire qu'elle fe répand aufii en fucur par toute la peau jj en effet, le poil des deux civettes fentoit bon , 5c fur - tout celui du mâle étoit fi parfumé que quand on avoit palTé la main deflns , elle en confervoit long--,] temps une odeur agréable. Hijîoire de l'Académie des Sciences depuis fon établijfement. Paris, î7JJ , terme /, fages 82 & 8^. de la Civette & du Zibet. 3 6 j parfum ou du moins à en augmenter le volume. Les civettes font naturellement fa- rouches , & même un peu féroces , cependant on les apprivoife aifément , au moins afTez pour les approcher & ies manier fans grand danger : elles ont les dents fortes & tranchantes , mais leurs ongles font foibles & émouffés j elles font agries & mêmes légères , quoi- que leur corps foit alTez épais , elles fautent comme les chats & peuvent aufîi courir comme les chiens , elles vivent de chafTe 3 furprennent & pourfuivent les petitis animaux , les oifeaux -, elles cher- chent comme les renards à entrer dans les bafTe-cours pour em.porter les volailles-, leurs yeux brillent la nuit, & ïl eft à croire qu'elles voient dans Tobfcurité. Lorfque ies animaux leur manquent > elles mangent çies racines & des fruits \ elles boivent peu & n habitent pas dans les terres humides , cMes fe tiennent volonciers dans les fables brûlans & dans les montagnes arides. Elles produiient en alfez grand nombre dans leur climat , mais quoiqu'elles puiffent vivre dans ies régions tempérées & qu'elles j64 Hiftoire Naturelle y &c. y rendent, comme dans leur pays natal, leur liqueur parfumée , elles ne peuvent y multiplier : elles ont la voix plus forte & la langue moins rude que le chat , leur cri refTemble aiTez à celui d'un chien en colère. ^ On appelle en françois Civette Thu- meur ondtueufe Se parfumée que Ton tire de ces animaux, on Tappelle Zibet ou Algallia en Arabie , aux Indes & dans le Levant , ou Ton en fait un plus grand ufage qu'en Europe. On ne s'en fert prefque plus dans notre médecine , les parfumeurs & les confifeurs en em- ploient encore dans le mélange de leurs parfums : l'odeur de la civette, quoique violente , eft plus fuave que celle du mufc -, toutes deux ont palTé de mode lorfqu'on a connu l'ambre , ou plutôt dès qu'on a fu le préparer -, & l'ambre même qui étoit, il n'y a pas long-temps, l'odeur par excellence , le parfum le plus exquis & le plus noble , a perdu de fa vogue , & n eft plus du goût de nos gens délicats. mt/.Ur. JyE ZIBET. Tl.i3.f^.3S4- I^ CIVIiTTE. i^5 LA G E NETTE (a). LA Genette eft un plus petit animal que les Civettes, elle a le corps alongé, îes jambes courtes, le mufeau pointu, la tcce effilée, le poil doux & mollet, d'un gris -cendré, brillant & marqué détaches noires, rondes & féparées fur les cotés du corps, mais qui fe réunilTent de fi près fur la partie du dos, qu'elles paroilTent former des bandes noires continues qui s'étendent tout le long du corps , elle a faj La Genette , en Efpagnol , Gcnetta, Genette. Bellon , Oè/erv. fol. 73. Genetta. Gefner , Hijl. qiiadnip. page 549. Genetta velGimtta. Ray , Synopf. quadrup. pag. 201 . ^ujîela caudâ annulis nigris albidifque cinclâ, Gc» netta. Linn, Syjl. nat. edit. vi, pag. ^. Genetta Viverra caudâ annidatâ , corport fidvo-'iiigricante maculato, Syft. nat. edit. x , pag. 45. Nota. Que du genre des Mufiela f elle a pafTé dans celui des Viverra , & qu'il en cû ainfi delà plupart des autres animaux que cet Au- teur , à chaque édition, change de genre fan? en donner aucune raifon. Miijlela caudâ ex annulis alternatiin alhîdis Cf nigris variegatâ Genetta. La Genette. BrilTon , Keg. animal, pag, 252. Qiij }S6 HiJIoire Naturelle auiîî fur le cou 8c le îong de Tépine du dos une efpèce de crinière ou de poil pitis iong, qui forme une bande noire & continue depuis la tête jufqu'à la queue 5 iaquelle eft auiîi longue que le corps, & marquée de fept ou huit anneaux alterna- rivement noirs & blancs fur toute fa lon- gueur -, les taches noires du cou font en forme de bandes, & Ton voir au-deflbus dé chaque œil une marque blanche très- apparente. La genette a fous la queue Se dans le même endroit que les civettes , une ouverture ou fac dans lequel fe filtre une efpèce de parfum, mais foible & dont Todeur ne fe conferve pas : elle eft un peu plus grande que la fouine , qui lui rellemble beaucoup par la forme du corps auiîi- bien que par le naturel & par les habitudes*, feulement il paroît qu'on apprivoife la genette plus aifé- ment : Bellon dit en avoir vu dans les maifons à Conftantinople , qui étoient auffî privées que des chats , Se qu'on laiiToit courir Se aller par-tout , fans qu'elles fiilent ni mal ni dégât. On les a appelées chats de Confiantinople , chats d'E/pagne, chats genette ; elles n*ont cependant/ien de la Genette. j6j de commun avec les chats que Tart d'épier & de prendre les fouris : c'eft peut - être parce qu'on ne les trouve guère que dans le Levant & en Efpagne qu'pn leur a donné le furnom de leurs pays *, car le nom même de genetùe ne vient point des langues anciennes , & n efi: probablement qu'un nom nouveau pris de quelque lieu planté de genêt , qui , comme Ton fait , eft fort commun en Efpagne j où Ton appelle aufîî genêts des chevaux d'une certaine race. Les Naturaiifles prétendent que la genette n'habite que dans les endroits humides & le long des ruifTeaux , & qu'on ne la trouve ni fur les montagnes ni dans les terres arides. L'efpèce n'en eft p:.s nom- breufe , du moins elle n'eft pas fort ré- pandue •, il ny en a point en France ni dans aucune autre province de l'Europe , à l'exception de l'Efpagne & de la Tur- quie. Il lui faut donc un climat chaud pour fubfîfter 8c fe multiplier -, néan- moins il ne paroît pas qu'elle fe trouve dans les pays les plus chauds de l'Afrique Se des Indes j car la foffane, qu'on ap- pelle genette de Madagascar _, eft une 368 Hijîoire Naturelle , &c. efpèce diftérente , de laquelle nous parle- rons ailleurs. La peau de cet animal fait une four- rure légère & très- jolie : les manchons de genette étoient à la mode il y a quel- ques années , & fe vendoient fort cher -, mais comme Ton s'eft avifé de les con- trefaire 5 en peignant de taches noires des peaux de lapins gris, le prix en a baiiîé des trois quarts, & la mode en eft paCfée. -/ 3.3cr. XJV OE^ETI^ 3IS9 DU LOUP NOIR. N OU S ne donnons la defcription de cet animal que comme un iupplément à celle du loup, car nous les croyons tous deux de la même efpèce. Nous avons dit, dans Thiftoire du Loup (a)^ qu il s'en trouve de tout blancs & de tout noirs dans le nord de TEurope, & que ces loups noirs font plus grands que les autres : celui - ci efl venu du Canada , il étoit noir fur tout le corps, mais plus petit que notre loup-, il avoir les oreilles un peu plus grandes , plus droites & plus éloignées l'une de Tautre -, les yeux un peu plus petits , & qui paroifToient aufîi un peu plus éloignés que dans le loup commun. Ces différences ne font , à notre avis , que des variétés trop peu confidérables pour féparer cet animal de refpèce du loup -, îa diilérence la plus fenîible efl: celle de la grandeur-, mais , comme nous l'avons déjà dit plus d'une ("aj Voyez dans le Volume II de cette Hiftoire naturelle; l'article du Loup, page j8^, Qv 3 70 Hijïoire Naturelle fois 5 les animaux qui font communs aux deux continens, c'eft-à-dire , ceux du nord de l'Europe Se ceux de TAménque feptentrionale , diffèrent tous par ia gran- deur, & ce loup noir de Canada, plus petit que ceux de l'Europe , nous paroît feulement confirmer ce fait général *, d'ailleurs comme il avoit été pris tout petit , & enfuite élevé à la chaîne , la contrainte feule a peut-être fuffi pour Tempêcher de prendre tout fon accroif- fement : nos loups ordinaires font auffi plus petits & moins communs en Canada qu'en E-urope , & les Sauvages en efli- ment fort ia peau fbj : les loups noirs , les loups -cerviers, les renards y font en plus grand nombre. Cependant le renard noir y eft auffi fort rare ', il a le poil infiniment plus beau que le loup noir , dont la peau ne peut faire qu'une four- rure aifez groffière. Nous n'ajouterons rien de plus à la defcription que M. Daubenton a faite de cQt animal que nous avons vu vivant, & qui nous a paru reiTembler au loup , fbj Voyage de Sagard Theodat, Paris, 1632^ TiurvUr. Fl.j^.p-Syo; £.3ir. LOUP isroiïL du Loup noir, ^yi non "feulement par la figure, mais par ie naturel, n'étant devenu déprédateur qu'avec Tàge (c) , & n ayant , comme le loup 5 qu'une férocité fans courage qui le rendoit lâche au combat quoiqu'il y fut exercé. fcj Voyez dans le Volume II de cette Hiftoire naturelle, l'article du Loup, page i88. Qvj 5 72. Hijloire Naturelle L'ONDATRA(a), E T LE DESMAN (b). L'ondatra &Ie Defman font deux animaux qu ri ne faut pas confondre , quoiqu'on les ait appelés tous deux Rats mufqués , 8c qu'ils aient quelques caraélères faj Ondatra chez les Sauvages de l'Aménque fep- tentrionale. Kat muf^ué de Canada. Rat mnfqué. Mémoires de l'Académie royale des Sciences, ûnnee 1726 , page ^3^. fh) Defman en Suéde. Rat viufqué de Mofcovie. Mus aquaticiis Clujîi exotic. auél. pag. 373. Mus aquatilis Clnjîi. Aldrov. de quadrup. digit. p. 44?. Mus aquati eus ex oticus Clujîi. Kz.y , Synopf. quadr, pag. 217. Mus aquacicus CluJIi. Mufeum Womianum , p. 334. Animal ex Mofcovia. Ruper , BelTer , Gazophif. Tab, XV. Cajîorcaudâ verticalittr plana , digitis orrinibus mem' Iranis inter fe connexis. . . . Mus mQfchiferus, Le lat mufqué. Bxlfion, Regn. animal, page 135. de r Ondatra & du Defman. 573 communs s il faut auiïi les diftinguer du pilori ou rat mufqué des Antilles -, ces trois animaux font d'efpèces & de climats diftérens. L'ondatra fe trouve en Canada , le defman en Lapponie , en Mofcovie , & le pilori à la Martinique & dans les autres îles Antilles. L'ondatra ou rat mufqué de Canada «diffère du defman en ce qu'il a les doigts des pieds tous féparés les uns des autres , les yeux très-apparens & le mufeau fort court 5 au lieu que le defman ou rat muf- qué de Mofcovie a les pieds de derrière réunis par une membrane (c) , les yeux extrêmement petits , le mufeau prolongé comme ^a mufaraigne. Tous deux ont la queue plate, & ils diffèrent du pilori ou rat mufqué des Antilles, par cette conformation & par pludeurs autres ca- ractères (ci) ; le pilori a la queue affez fcj Oculi exigui & vix çonfpicui. . , . Digiti majo- res memhranis connexi ad commodiiis notandum , rojîri pars fuperior jïrma , prominnla & pœne iinciam longa , nigricans eâque forma prcedita , iitinjlar fais auttalpce terrain vertere pojfit. Clufii exotic. page. ^75. (dj Les rats mufqués des Antilles que nos François appellent Piloris , font le plus iouvcnt leurs retraites 5 74 Hijloire naturelle courte, cylindrique ( e) comme celie des autres rats, au lieu que Tondatra & le dermaii Tout tous deux fort longue. L'ondatra reiremble par la tête au rat d'eau, & le defman à la mufaraigne. dans les trous de la terre comme les lapins , aufïi ils font prefque de la même grolTeiir , mais pour la figure ils n'ont rien de celle des gros rats qu'on voit ailleurs, flnon que la plupart ont le poil du ventre blanc comme les glirons , & celui du refte du corps noir ou tanné : ils exalent une odtur mufquée qui abat le cœur ôc qui parfume iî fort l'endroit de leur retraite qu'il eftfort aifé de ledifcerner. Hijîoire natit- relle des Antilles, Ko ter dam , i6^8 , page la/f. (e) Les piloris font une efpè ce de rats de bois deux ou trois fois plus gros que les rats ordinaires ; ils font prefque blancs , leur queue eu fort courte , ils fentent le mufc extraordinairement. l^ouveau voyage aux îles de l'Amérique, Paris , ty22 , tome I, page ^^S. — Les piloris fe trouvent à la Martinique & dans quelques autres îles des Antilles : ce font des rats mufqués de même forme que les rats d'Europe , mais d'une 11 prodigieufe grandeur que quatre de nos lats ne pcfent pas un pilori Ils nichent jufque dans les cafés , mais ne peuplent pas tant que les autres rats communs , . . . , Ces piloris font naturels dans i'ile de la Martinique , 5c non pas les autres rats communs qui n'ont paru que depuis quelques années qu'elle eft fréquentée des navires , bi.z. Hijîoire géné- rale des Antilles , par le Père du Tertre, Paris, iG6y ^ ioiTu II, ^age ^.02, de r Ondatra & duDefman, 5 7 j On trouve dans les Mémoires de TA- cadémie, année 1725^ une defcription très - ample Se très - bien faite de l'ondatra fous le nom de Rat mufqué. M. Sarrafîn , Médecin du Roi à Québec & Corref- pondant de TAcadémie, s'eft occupé à difïéquer un grand nombre de ces ani- maux dans lefquels il a obfervé des chofes lingulières. Nous ne pouvons pas douter ^ en comparant fa defcription avec la notre, que ce rat mufqué de Canada , dont il a donné la defcription , ne foit notre ondatra , c'eft- à dire , Tanimal dont nous donnons ici la figure. L'ondatra efl: de la grofTeur d'un petit îapin & de la forme d'un rat*, il a la tête courte & femblal^le à celle du rat d'eau 5 le poil luifant & doux avec un duvet fort épais au-defTous du premier poil, à peu près comme le caftor j il a la queue longue & couverte de petites écailles comme celles des autres rats , mais elle eft d'une forme ditîérente : la queue des rats communs eft à peu près cylindrique , & diminue de grofTeur depuis l'origine jufqu'à l'extrémité j celle 376 Hijîoire Naturelle du rat mufqué eft fort aplatie vers îa partie du milieu jurqu'à Textrémité, & un peu plus arrondie au commencement, c'eft-à-dire, àTorigine-, les faces aplaties ne font pas horizontales , mais verticales , en forte qu'il femble que la queue ait été ferrée & comprimée des deux côtés dans toute fa longueur : les doigts des pieds ne font pas réunis par des mem- branes , mais ils font garnis de longs poils affez ferrés qui fuppléent en partie Teffet de la membrane & donnent à l'ani- mal plus de facilité pour nager. Il a les oreilles très - courtes & non pas nues comme le rat domeftique , mais bien couvertes de poils en dehors & en dedans *, les yeux grands & de trois lignes d'ou- verture -, deux dents incifives d'environ un pouce de long dans la mâchoire inférieure, & deux autres plus courtes dans la mâchoire fupérieure : ces quatre dents font très -fortes & lui fervent à ronger & à couper le bois. Les chofes lingulières que M. Sarraiîn a obfervées dans cet animal, font, i.*' la force & la grande expan(îon du mufcle de V Ondatra & du Defman. 377 peaucier qui fait que Tanimal , en con- tradtant fa peau, peut refferrer Ton corps &ie réduire à un plus petit volume*, 2.^ la foupleiTe des fautes côtes qui permet cette contra6tion du corps , laquelle eft lî confidérable que le rat mufqué palTe dans des trous où des animaux beaucoup plus petits ne peuvent entrer*, 3.° la manière dont s'écoulent les urines dans les femelles , car Turètre n'aboutit point , comme dans les autres quadrupèdes, au-deflbus du clitoris, mais à une éminence velue fituée fur Tos pubis-, & cette éminence a un orifice particulier qui fert à réjedlion des urines *, organifation finguiière qui ne fe trouve que dans quelques efpèces d'ani- maux , comme les rats &: les linges dont les femelles ont trois ouvertures. On a .obfervé que le caftor eft le feul des qua- drupèdes dans lequel les urines & les excrémens aboutilTent également à un réceptacle commun qu'on pourroit com- parer au cloaque des oifeaux : les femelles des rats & des finges font peut - être les feules qui aient le conduit des urines & l'orifice par où elles s'écoulent, abfolu- ment féparés des parties de la génér^itiori *, 5 78 HiJIoire Naturelle cette fîngularité n'efi; que dans les fe- melles 5 car dans les mâles de ces mêmes efpèces Turètre aboutit à l'extrémité de la verge, comme dans toutes les autres efpèces de quadrupèdes, M. Sarrafin ob- ferve, 4.° que les teflicules qui, comme dans les autres rats , font litués des deux côtés de Tanus , deviennent très - gros dans le temps du rut pour un animal auiîî petit ^ gros , dit -il , comme des noix mufcades j mais qu'après ce temps ils di- minuent prodigieufement Se fe réduifent au point de n'avoir pas plus d'une ligne de diamètre*, que non -feulement ils chan- gent de volume , de conliftance 8c de couleur , mais même de fituation d'une manière marquée *, il en efl de même des véficules féminales, des vailïeaux déférens, &c. toutes ces parties de la génération s'oblitèrent prefque entièrement après la faifon des amours -, les tefticules , qui dans ce temps étoient au dehors & fort proéminens, rentrent dans l'intérieur du corps -, ils font attachés à la membrane adipeufe , ou plutôt ils y font enclavés , ainli que les autres parties dont nous ve- nons de parler ; cette membrane s'étend de r Ondatra & duDefman. 379 8c s'augmente par la furabondance de la nourriture jufqu'au temps du rut : les parties de la génération qui fembient être des appendices de cette membrane fe développent , s'étendent , fe gonflent & acquièrent alors toutes leurs dimeniions *, mais lorfque cette furabondance de nour- riture eft épuifée par des coïts réitérés , la membrane adipeufe qui maigrit , fe relTerre , fe conrrade & fe retire peu à peu du coté des reins *, en fe retirant elle entraîne avec elle les vaiiTeaux déférens , les vélicules féminales , les épidydimes & les tefticules qui deviennent légers , vides & ridés au point de n'être plus reconnoiiïables '-, il en eft de même des véficules féminales qui , dans le temps de leur gonflement, ont un pouce & demi de longueur & enfuite'font réduites, ainii que les tefticules , à une ou deux lignes de diamètre *, 5.° les follécules qui contiennent le mufc ou le parfum de cet animal fous la forme d'une humeur laiteufe , & qui font voiiîns des parties de la génération , éprouvent aufîî les mêmes changemensj ils font ttès-gros, très - gonflés , leur parfum très - fort , très- 3 8 o Hijloire Naturelle exalté, & même très-fenfible à une affez grande drftance dans le temps des amours s enfuite ils fe rident , ils fe fiétnlFent &: enfin s'oblitèrent en entier. Ce change- ment dans les follécules qui contiennent ie parfum fe fait plus promptement & plus complètement que celui des parties de la génération j ces follécules , qui font communs aux deux fexes , contiennent un lait fort abondant au temps du rut •, ils ont des vailfeaux excrétoires qui abou- tirent dans le mâle à l'extrémité de la verge & vers le clitoris dans la femelle , & cette fécrétion fe fait & s'évacue à peu près au même endroit que l'urine dans les autres quadrupèdes. Toutes ces fîngularités, qui nous ont été indiquées par M. Sarrafin, étoient dignes de l'attention d'un habile Ana- tomifte 5 & l'on ne peut allez le louer des foins réiérés qu'il s'efl: donné pour conftater ces efpèces d'accidens de la Nature & pour voir ces changemens dans toutes leurs périodes. Nous avons déjà parlé de changemens & d'altérations à peu près femblables à celles - ci dans les parties de la génération du rat d'eau , du de r Ondatra & du Dejlnan, 381 campagnol & de la taupe. Voilà donc des animaux quadrupèdes qui, par tout le refte de la conformation , refTemblent aux autres quadrupèdes , defquels cepen- dant les parties de la génération fe renou^ vellent & s'oblitèrent chaque année à peu près comme les laitances des poifTons & comme les vaiffeaux féminaux du calmar dont nous avons décrit les changemens , TanéantilTement & la reproduction (f); ce font -là de ces nuances par lefqueiies la Nature rapproche fecrètement les êtres qui nous paroiiTent les plus éloignés, de ces exemples rares , de ces infiances foli- taires qu'il ne faut jamais perdre de vue , parce qu'elles tiennent au fyftème général de l'organifation des êtres , & qu'elles en réunifient les points les plus éloignés. Mais ce n'eft point ici le lieu de nous étendre fur les conféquences générales qu'on peut tirer de ces faits linguliers , non plus que fur les rapports immédiats qu'ils ont avec notre théorie de la géné^ ration -, un efprit attentif les fentira d'a- vance , & nous aurons bientôt occafîon (f) Voyez le Volume III de cette Hiftoire naturelle, V^S^ 33* &fuivantcs. 382 Hijloire Naturelle de les préfenter avec plus d'avantage en les réuniilanr à la maffe totale des autres faits qui y ^o^^t: relatifs. Comme Fondatra eft du mcme pay^ que le caftor, que comme lui il habite fur les eaux , qu'il eft en petit à peu près de la même figure , de la même couleur « & du même poil , on les a fouvent com- 1 parés Tun à Tautre *, on afTure même qu'au premier coup d^œil on prendroit un vieux ondatra pour un caftor qui n'auroit qu'un mois d'âge ^ ils dift^èrent cependant aiîez par la forme de la queue pour qu'on i^Q puifTe s'y méprendre , elle eft ovale ^ & plate horifontalement dans le caftor ; | elle eft très-alongée & plate verticale- ment dans l'ondatra : au refte ces animaux fe relTemblent aftez par le naturel &c i'inftinâ: -, les ondatras, comme les caftors, vivent en fociété pendam l'hiver *, ils font des petites cabanes d'environ deux pieds &: demi de diamètre, & quelquefois plus grandes, où ils fe réunilïënt plu- fieurs familles enfemble *, ce n'eft point , comme les marmottes , pour y dormir pendant cinq ou fix mois , c'eft leulement pour fe mettre à l'abri de la rigueur de de V Ondatra & du Defman, 383 Fair : ces cabanes font rondes & couvertes d'un dôme d'un pied d'épaifTeur *, des herbes, des joncs entrelacés mêlés avec de la terre grafTe qu'ils paîtriffent avec les pieds , font leurs matériaux. Leur conf- trucftion eft impénétrable à Teau du ciel, & ils pratiquent des gradins en dedans pour n'être pas gagnés par l'inondation de celle de la terre : cette cabane , qui leurfert de retraite, eft couverte pendant i'hiver de plulîeurs pieds de glaces & der neiges fans qu'ils en ioient incommodés. Ils ne font pas de provilions pour vivre comme les caftors , mais ils creufent des puits & des efpèces de boyaux au-defifous & à l'entour de leur demeure pour cher- cher de l'eau & des racines -, ils palTent ainfi l'hiver fort triftement quoic|u'eiî fociété , car ce n'eft pas la faifon de ieurs amours : ils font privés pendant tout ce temps de la lumière du ciel •, auffi lorfque l'haleine du printemps commence à diftoudre les neiges & à découvrir les fommets de kurs habita- tions , les Chaifeurs en ouvrent le dôme, les oftufquent brufquement de la lumière du jour, & airomment ou prennent tous j84 Hljtoire Naturelle ceux qui n'ont pas eu le temps de gagner les galeries fouterraines qu'ils fe l'ont pratiquées & qui leur fervent de derniers retranchemens où on les fuit encore, car leur peau eft précieufe & leur chair n'eft pas mauvaile à manger. Ceux qui échap- pent à la main du Challeur , quittent leur habitation à peu près dans ce temps *, ils font errans pendant l'été, mais toujours deux à deux , car c'efl le temps des amours : ils vivent d'herbes & fe nour- rififent largement des productions nou- velles que leur offre la furface de la terre *, la membrane adipeufe s'étend , s'aug- mente , fe remplit par la furabondance de cette bonne nourriture -, les follécules fe renouvellent , fe rempli (Tent aufïï j les parties de la génération fe dérident, fe gonflent i & c'eft alors que ces ani- maux prennent une odeur de mufc d forte qu'elle n'eft pas fupportable -, cette odeur fe fait fentir de loin , & quoique fuave fgj pour les Européens , elle déplaît fi fort fgjlit rat mufqué de l'Amérique feptentrionale eft iiB peu plus gros & un peu plus long que le rat d'eau de France i fon élément eft l'eau, mais il ne lailfe pas d'aller quelquefois à terre i il a la queue plate , elle de l ' Ondatra S du Defnan .385 Il fore aux Sauvages , qu'ils ont appelé puante une rivière fur les bords de la- quelle habitent en grand nombre ces rats mufqués qu'ils appellent aufîi rats puants. Ils produifent une fois par an, & cinq ou (ix petits à la fois -, la durée de la geftation n'ell pas longue , puifquils n'entrent en amour qu'au commencement de l'été & que les petits font déjà grands elle eft de huit ou dix pouces de long , de la largeur d'un doigt, couverte de petites écailles noires; la peau, rouffe, couleur de minime-brun, le poil en eft fort fin, aflez long : il porte des rognons proche les tef- ticules qui ont Todeur de mufc très- agréable, & n'eft point incommode à tous ceux à qui le mufc donne des incommodités. Si on les tue l'hiver , pendant qu>e la peau eft bonne pour fourrer , les rognons ne fentent rienj au printemps, ils commencent à prendre leur fenteur qui dure iufqu'à l'automne Pour la chair, elle n'a point le goût de mufc , elle eft excellente à manger. Defcription dt l'Amérique flptentrionale , par Denys. Paris , iGy^ , tome II, page 3^8. — Les lats muTqués de Canada répandent une odeur admi- rable , 'a civette & la gazelle n'exhalent rien de fi fort ni de fî doux. Voyage de la Hontan. La Haye, tyoG , tome I , page 95. — Les Sauvages de l'Amérique n'aiment point l'odeur que répand le rat mufqué, ils lui ont même donne le nom àt puant tant c ."tte od'=;ur leur depla.'t Mémoires de l' Académie royale des Sciences» Année iyi$ , p<^gi 3-^7 ' Tome ÎÎL Quadrupèdes, R i%6 Uiftoire Naturelle au mois d'oâ:obre lorfqu'il faut fuivre leurs père & mère dans la cabane qu'ils conftruifent de nouveau tous îes ans -, car on a remarqué qu'ils ne reviennent point à leurs anciennes habitations. Leur voix eft une efpèce de gémi (rement que ics Chafieurs imitent pour ies piper & pour ies faire approcher -, leurs dents de devant font (i forces & ii propres à ronger , que , quand on enferme un de ces animaux dans une caifTe de bois dur , il y fait en très -peu de temps un trou aiTez grand pour en fortirj & c'eft encore une de ces facultés natureilçs qu'il a commune avec le caftor , que nous n'avons pu garder enfermé qu'en doublant de fer- blanc la porte de fa loge. L'ondatra ne nage ni auflî vite ni aufîi long- temps que le caftor -, il va plus fou vent à terre , il ne court pas Ynç^n 8c matche encore plus mal en fe berçant à peu près comme une oye. Sa peau conferve une odeur de niufc , qui fait qu'on ne s'en fert pas vo- lontiers pour fourrure 3 mais on emploie îe fécond poil ou duvet dans la fabrique des chapeaux. Ces animaux font peu farouches , &i ImvJIL. x'oiN'D^TiLA . Tl.i£. p.d86. 3dù-. UE DES^^j^JsTT de F Ondatra & du Dejhîan. 387 en îcs prenant petits , on peut les appri- voifer aiiémenf, ils font même très -jolis lorfqu'ils font jeunes ', leur queue longue 8c prefque nue , qui rend leur figure déragréabîe , eO: fort courte dans le pre- mier âge : ils jouent innocemment &aufîi leftement que des petits chats •, ils ne mordent point (^hj j & on les nourriroit aifément fi leur odeur n'étoit point in- commode. L'ondatra Se le defman font au rede les feuls animaux des pays fep- tentrionaux qui donnent du parfum -, car Todeur du cajloreum efl: très-défagréable, & ce n'eft que dans les climats chauds qu'on trouve les animaux qui fournirent îe vrai mufc , la civette & les autres parfums. fhj Les rats mufqués de Canada , que les Huroné appellent Ondathra , paifTent l'herbe fur terre & le blanc des joncs autour des lacs & des rivières ; il y a plaiiir à les voir manger & faire leurs petits tours quand ils font jeunes. J'en avois un très -joli ; je le nourrifîbis du blanc des joncs Se d'une certaine herbe femblable au chien- dent j je faifois de ce petit animal tout ce que je voulois , fans qu'il me mordit aucu- nement , auflî n'y font-ils pas fujets. Voyage 'de Sagard Théodat. Paris, i6'^2, p^ges ^22 Ù ^2^. N O TA. Que la plante dont M. Sarrafîn dit que le rat mufqué fe noLiirit le d1u,s volontiers eu le Calamus (iromaticus» 3 8 3 Hlfioire Naturelle , &c. Le derman ou rat murqué de MoA covie nous offriroic peut-être des fingu- iarités remarquables & analogues à celles de Tondatra, mais il ne paroît pas qu'au- cun Naturalifte ait été à portée de Texa- miner vivant, ni de le difléquer -, nous ne pouvons parler nous-mêmes que de k forme extérieure , celui qui efl: au Cabinet du Roi ayant été envoyé de Lapponie dans un état de defsèchement qui n'a pas permis d'en faire la difTedlion *, je n'aîouterai donc, à ce que j'en ai déjà dit , que le feul regret de n'en pas favoir davantage. Fi n du trofjihme volume. ^î": "% I mntw^ I ^