ŒUVRES COMPLETES FRANÇOIS ARAGO TOME QUATRIEME La iMiipiirti'' liltiM'airt' ilrs divers nuvi'apos de Françuis Ai\Ar.o, ùtant smimise à des délais légaux dilVéreuts, selon qu'ils sont ou non des u'uvros iiosllinuies, les éditeurs ont iinlilié chaque ouvrage séparément. Ce titre collectif n'est donné ici que pour indiquer au relieur le meilleur classement à adopter. Par la même raison, la réserve du droit de traduction n'est pas meutionnéi' ici, mais elle est faite an titre et an verso rliaque ouvrafp sëparé. 1854 113 A7 , t. 4 5:^:*.^ NOTICES SCIENTIFIQUES TOME PREMIER 1,1's (lfu\ llls (II' KRANr.iils Aiuiiip, seuls liriilii'i-s il(^ ses dniils, ainsi (|iii' les l'tlilpurs-iiropriétairi's de ses (i-iivrcs, sp réservent le droit de faire liailuiic les Notices Scientifiui es dans tontes les lan;;nes. Ils poiii'snivroni , r\, veiin des lois, des dccrels el des traités iiilernationanx, toute contrelaroi] on tonli Iradnelion, même partielle, faite au mépris de lenrs droits. Le dépôt lc(.'al de ce volume a été fait à Paris, an Minislire de rintéiicnr. .1 la fin do jnin 18!S4, et simnllanénient à la Direction royale du Cpicle de Leipzig. L<'s éditeurs ont rt'mpli dans les antres pays tontes les lorinalités pifseriles par les lois nationales de chaque Etat, on [lar lis traités inlerna- tionanv. L'nniipii' tradiictiou eu lau;.'ne allemande, autorisé'! par les dpu\ fils ilc Khanç.ois Ahago et les éditeurs, a été publiée simultanément à Leipzig, par tlTTo ^VlGANl), lihraire-éditeur, et le dépôt légal en a été l'ait partout on les lois l'exigent. I>»HI8. — IHPRItlERIt: DE J CLAVK, RUE SilJIT-BKNoi T, ŒUVRES FRANÇOIS ARAGO SECRETAIRE rERI'ETUEL DE L'ACADEMIE DES SCIENCES PUBLIEES UAl'RÈS SON ORDRE SOUS LA DIRECTION M. J.-A. BARRA L NOTICES' SCIENTIFIQUES TOME PHEMIEH » PARIS I LEIPZIG GfDE i:t J. BAUDRY, ÉDITEURS T. 0. WEIGEL, ÉDITETH b Ruft Bonaparte R'ônigs-Strasse Les propriétaires se reservent le ilroit de faire traJuire ce volume. 18 54 i\ « AVERTISSEMENT DES ÉDITEURS Une réclamation portée devant l' Académie des Sciences à propos d'une mention faite sur le titre des OEuvres d'Arago, la publicité que cette réclamation a acquise par son insertion dans les Comptes-rendus, nous imposent le devoir d'expli- quer pourquoi nous avons ainsi rédigé ce titre, et pourquoi nous le maintenons. Dans les dernières années de sa vie, Arago consacrait tout son temps à préparer la publication de ses OEuvres. Lors- qu'il sentit ses forces affaiblies par les progrès de la cruelle maladie à laquelle il a succombé, il se vit contraint de s'ad- joindre un collaborateur. Il lui fallait un savant qui, par ses connaissances générales en mathématiques, en météoro- logie, en optique et en physique terrestre, fût capable de Il AVERTISSEMENT l'aider dans ce travail dillicile. 11 lit choix de M. Barrai, son élève et son ami. Dans de nombreuses et longues conférences, tant à l'Ob- servatoire que chez lui, M. Barrai reçut de M. Arago toutes les instructions nécessaires pour la coordination des innom- brables matériaux, soit manuscrits, soit imprimés et dissé- minés dans difi'érents recueils scientifiques, qui devaient composer les OEuvres complètes. Ces faits, connus d'un grand nombre de personnes, sont attestés par M. Alfred Arago, fils de l'illustre savant. A la mort d' Arago, M. Barrai restait donc le seul déposi- taire de ses instructions complètes ; aussi est-ce à lui que M.M. Emmanuel et Alfred Arago confièrent le soin de publier les OEuvres de leur père, accomplissant ainsi religieusement ce qu'ils savaient être ses intentions. Nous qui avons pu apprécier le zèle pieux avec lequel M. Barrai remplit son honorable mission, et combien il est digne de la confiance que M. Arago avait eue en lui, nous ne pouvions laisser ignorer au public le nom de celui qui, par son dévouement éclairé, par ses connaissances étendues, nous permettait de transmettre à la postérité, avec tout leur éclat, les OEuvres d'un savant illustre, une des gloires de la France. En rédigeant le titre comme nous l'avons fait , nous avons accompli un devoir envers le public et envers M. Barrai lui-même. M. Barrai est resté totalement étranger à la rédaction de ce titre. Aussi, lorsque l'Académie a été entretenue de cette injuste réclamation, un scrupule, que tout le monde appré- DES ÉDITEURS. ii ciera, avait-il déterminé M. Barrai à renoncer à la mission qu'il avait acceptée avec tant de désintéressement ; mais il a dû céder devant la lettre suivante, écrite par ceux qui seuls avaient des droits au noble héritage de François Arago. .4 ilONSIEVR BARRAL Paris, le 30 mars 18b4. « Cher ami , « Nous venons vous prier de reprendre et de continuer la publi- cation des Œuvres complètes de notre père. Certains que nous sommes de la piété et du dévouement que vous avez pour sa mémoire , nous avons en vous toute confiance , et nous vous don- nons tout pouvoir. « Vos amis dévoués, « Emmamel arago. — Alfred ARAGO. » Ces débats, et aussi les difficultés que nous avons eu à surmonter pour entrer en possession des nombreux registres d'observation qui sont les éléments des Notices sur le magné- tisme terrestre et les aurores boréales, le temps exigé par les calculs pour la détermination des moyennes, sont la cause du retard qu'a éprouvé la mise en vente de ce volume. Ces registres, conservés si longtemps par des personnes qui, ne connaissant pas les intentions d' Arago, les croyaient inu- tiles à la publication, sont aujourd'hui déposés à la Biblio- thèque de l'Institut avec les calculs de M. Thoman, chargé par M. Barrai de la réduction des observations. Chacun pourra les examiner et en reconnaître toute la valeur scien- tifique. L'insistance que nous avons mise à les obtenir ,v AVFRTISSEMRNT iH-S r-DlTEURS. démontre que nous n'avons voulu rien omettre dans les Œuvres complètes d'Arago ; elle aura prouvé, nous osons l'espérer, que les mains dans lesquelles les fils d'Arago ont cru devoir déposer les œuvres de leur père étaient dignes de cette marque honorable de confiance. Le volume que nous publions aujourd'hui renferme, outre l'admirable Notice sur le tonnerre, dernière œuvre retouchée par Arago, les Notices qui contiennent la démonstration de plusieurs des découvertes qui rendent son nom immortel : l'action exercée par le courant électrique sur la limaille de fer, le magnétisme de tous les corps, les variations diurnes de l'inclinaison et de l'intensité du magnétisme terrestre, l'influence des aurores boréales sur l'aiguille aimantée. NOTICES SCIENTIFIQUES -o<)o- LE TONNERRE.^ J'ai été souvent consulté, au sujet des paratonnerres, par des architectes chargés de la conservation des monu- ments publics ; par des officiers du corps auquel revient, de droit, la construction des magasins à poudre ; par des commandants des navires de l'État et du commerce; par un grand nombre de citoyens de toutes les classes de la société. 11 me sera donc permis d'affirmer c|u'en général les physiciens de profession ont seuls une idée exacte des propriétés préservatrices de ces appareils. Si Ton de- mande, si l'on éta])lit des paratonnerres, c'est par une pure déférence pour les décisions des Académies. Chacun veut mettre ainsi sa responsabilité à couvert sous l'égide de la science; mais une conviction entière de l'efficacité de la méthode, vous ne la trouverez nulle part. Les uns ne vont pas au delà du doute : ils attendent, pour se pro- noncer, qu'au lieu de simples analogies on leur présente de véritables démonstrations. D'autres, comparant l'im- 1. Œuvre posthume. IV.— I. 1 2 LE TONNKURE. mensilé du dommage possil)le ;'i rcxiguïté du préservatif, déclarent qu'il n'pugiie à leur raison d'accorder qu'une mesquine tige métallique puisse mettre un grand édifice, un grand navire, à r.ibri des ai teintes du plus imposant des météores. Suivant eux, ces tiges élevées dans les airs cl qualifiées d'une manière si ambitieuse, sont absolument sans clTet ; elles ne font ni bien ni mal. Il en est qui, s'al)andonnant ci un ordre d'idées tout opposé, attribuent aux barres métalliques une forte action ; mais ils croient cette action nuisible. Armer le faîte d'un édifice de tiges de métal élevées, c'est, disent-ils, y appeler la foudre de propos délibéré; c'est créer un danger qui sans cela n'eût pas existé; c'est faire descendre sur soi des feux dont les nuées orageuses fussent allées se décharger au loin ; c'est accroître considérablement les risques courus par les ha- bitations voisines. Le grand Frédéric prenait rang lui- même parmi les adversaires de l'invention de Franklin, le jour où, cédant à l'opinion publique et à celle de l'Aca- démie de Berlin, il permettait de placer des paratonnerres sur ses casernes, sur ses arsenaux, sm" ses magasins à poudre, et défendait en même temps, dans les termes les plus formels, d'en ériger au château de Sans-Souci. Les doutes, les difTicultés que je viens d'indiquer, ont poussé dans les esprits de profondes racines. En réfléchis- sant au moyen de les extirper et d'augmenter le nombre des partisans éclairés des paratonnerres, il me parut, tout d'abord, qu'il conviendrait de séparer totalement l'obser- vation de la théorie; que la mai'che la plus sûre, la plus rationnelle, serait d'analyser les effets bien constatés de la foudre; d'essayer d'en déduire des conséquences gêné- LE TONNERRE. « raies, sans rien emprunter, par voie cFanalogie, aux expé- riences électriques des physiciens. Je crus, en un mot, qu'il faudrait se faire l'historien exact, minutieux du météore, sauf à chercher ensuite au milieu des petits phénomènes qui nous environnent ou que nous avons su faire naître dans nos cabinets, dans nos laboratoires, des points de contact et des rapprochements plus ou moins féconds. Tel était le plan que je me traçais lorsque j'an- nonçais la publication d'une Notice sur le tonnerre. J'ima- ginais, alors, en trouver tous les éléments dans les traités de physique modernes; ne m' engager qu'à un travail de peu d'étendue, ne m'imposer que l'obligation de réunir des faits constants, bien circonscrits, bien caractérisés, et de les coordonner suivant l'ordre méthodique et particu- lier commandé par le but de cette Notice. Loin de là, j'ai été obligé de recourir aux sources originales ; de parcourir plusieurs centaines de volumes du Recueil de l'Académie des Sciences, des Transactions philosophiques de Lon- dres, de la Collection de Berlin, du Journal de Phy- sique, etc. , etc. ; de faire le dépouillement d'une multitude d'ouvrages, de relations de voyages anciens et modernes, de Mémoires écrits, la plupart sans méthode, sans netteté, sans but; de lire, enfin, tout ce qui s'offrait à moi, avec l'espoir, souvent déçu, de découvrir au milieu de mille détails oiseux , un fait, une r.emarque, un simple chiffre, utiles à la science. Quelques personnes, je le sais, ont vu une énormité dans la seule pensée que j'avais eue de prendre la foudre pour sujet d'une de ces notices. Suivant elles, la matière avait été totalement épuisée par Franklin, par un grand 4 F.I" TONNl'IlUi:. nombre dr i)h\si(i('ns sc^s successeurs et ses émules, el, surtout, par les commissions académiques, jushMnenL célèbres, (|ui à diNcrses épo(|ues, à Londres connnc à Paris, furent ofnciellement appelées à éclairer l'autorité sur le placement des paratonnerres. Bien loin de me ral- lier à cette opinion, les lal)orieuses recherches auxquelles je me suis livré m'en ont éloigné chaque jour davantage. La question était si p».'u épuisée, qu'après tant de soins, la seule prétention qui me soit permise, c'est d'avoir escjuissé une sorte de canevas de l'histoire de la foudre, où vien- dront successivement se ranger, à leurs places naturelles, les faits dont la météorologie s'enrichira encore. Malgré tant d'observations oubliées ou inaperçues qu'il m'a été donné de remettre en lumière et de grouper dans un ordre systématique, c'est surtout par les lacunes qui se sont oITertes à moi, et dont je n'ai pas ci'u devoir faire mystère, que cette Notice pourra être utile. Puisse-t-ellc engager les voyageurs, les météorologistes, à considérer encore le redoutable météore de la foudre comme un riche sujet d'études! Si ce vœu était entendu, je serais amplement dédommagé de la peine que je me suis donnée. CH.4P1TRE PREMIER. DÉFIMTIU-NS. Pour me conformer à l'usage , je commencerai cette Notice en disant ce que signifient les mots fuuilre et ton- nerre. Mais ne fait pas qui veut de bonnes définitions. Je m'empare donc des définitions légales, de celles que LE TONNERRE. 5 l'Académie française a consignées dans son nouveau Dic- tionnaire. « Foudre. Le feu du ciel, la matière électrique lors- « qu'elle s'échappe de la nue en produisant une vivo « lumière et une violente détonation. » « ToxERRE. Bruit éclatant causé par l'explosion des « nuées électriques. » Ce n'est pas qu'en y regardant de très-près, des esprits difficiles ne pussent trouver quelque chose à reprendre dans ce peu de lignes. En poussant les scrupules à l'ex- trême, ils auraient le droit de se demander si le mot savant, si le mot technique, si le mot moderne d'électri- cité est bien placé dans la définition d'un phénomène aussi ancien que le monde, et qui avait donné lieu à tant d'événements funestes, avant que la physique fût saisie des premiers linéaments de la science électrique. Ce n'est pas qu'on ne pût aussi critiquer ce qu'il y a de probléma- ticiue, de théoric{ue dans les deux définitions; par exemple, les mots : explosion des nuées, car ils ne se rattachent, en aucune manière, aux huit ou dix hypothèses à l'aide des- quelles on a tenté d'expliquer le roulement du tonnerre; mais que résulterait-il de ces réflexions? la conséquence, peut-être, cjue dans le cas actuel les honorables auteurs du Dictionnaire ont été moins heureux, moins bien inspi- rés que d'habitude? Eh bien, il resterait à prouver qu'on pouvait faire mieux. Disons, si l'on veut : la foudre est un phénomène ou un météore qui se manifeste, quand le ciel est couvert de certains nuages, d'abord par un jet subit, de lumière et, quelque temps après, par un bruit plus ou moins prolongé. Cette définition échapperait à la plupart 6 LE TONNERRE. des critiques précédentes, puisqucUc ne renferme rien d'iiypotliétique, rien d'emprunté aux expériences mo- dernes des physiciens, rien qui ne soit le résultat d'une observation immédiate; en y songeant bien, on trouverait peut-être d'autres difficultés. Au surplus, ce qui nous importe particulièrement ici, c'est de remarquer que ton- nerre, dont la signification directe est brail^ éclat, roule- ment^ se prend si souvent pour foudre, comme dans les locutions : le tonnerre est tombé , frappé du tonnerre, feu du tonnerre , etc. , qu'on est arrivé à employer les deux expressions indistinctement, même dans des cas oi!i il peut en résulter des méprises, ou du moins un manque de netteté. Les bons écrivains ne font pas cette faute, témoin la phrase, si souvent citée, d'un de nos plus grands pro- sateurs : « Le ciel a plus de tonnerres pour épouvanter qu'il n'a de foudres pour punir. » CHAPITRE n. CARACTÈRES EXTÉRIEURS DES NUAGES ORAGEUX. Dans le langage vulgaire, les nuages sont une sorte de symbole de la mobilité et du vague dans les formes. Changeant comme les nuages est une expression prover- biale. Cependant nous allons rechercher, avec les météo- rologistes, si les nuages au sein desquels la foudre naît et s'élabore, oia elle se manifeste par d'éblouissants jets de lumière et des détonations plus fortes que celles de l'ar- tillerie, ne se distingueraient pas des nuages ordinaires, par quelques traits particuliers, constants et faciles à saisir. LE TONNERRE. 7 Au nombre de ces traits distinctifs, je citerai, en pre- mière ligne , une sorte de fermentation à laquelle les nuages orageux paraissent seuls sujets. Un physicien anglais, M. Forster, compare cette fermentation au mou- vement qu'on remarque à la surface d'un fromage rempli de vers ! Lorsque, par un temps calme, on voit s'élever assez rapidement de quelque point de l'horizon des nuages très- denses , semblables à des masses de coton amoncelées, c'est-à-dire terminés par un grand nombre de contours curvilignes brusquement et nettement arrêtés comme le sont les sommités des montagnes domiques couvertes de neige ; lorsque ces nuages se gonflent, en quelque sorte ; lorsqu'ils diminuent de nombre et augmentent de gran- deur; lorsque, malgré tous ces changements de forme, ils restent invariablement attachés à leur première base ; lorsque ces contours, d'abord si nombreux et si distincts, se fondent peu à peu les uns dans les autres, de manière à ne plus laisser bientôt à l'ensemble que l'aspect d'un nuage unique, on peut, suivant Beccaria, annoncer avec certitude qu'un orage s'approche. A ces premiers phénomènes succède, toujours à l'hori- zon, l'apparition d'un gros nuage très-sombre par l'inter- médiaire duquel les premiers paraissent toucher à la terre. Sa teinte obscure se communique, de proche en proche, aux nuages élevés , et il est digne de remarque que ce soit alors leur surface générale, celle du moins qu'on aperçoit de la plaine, qui devienne de plus en plus unie. Des parties les plus hautes de cette masse unique et compacte partent, sous la forme de longs rameaux, les 8 LE TONNERRE. nuiigcs qui, sans s'en détacher, vont graduellcnicnt cou- vrir tout le ciel. Au moment où les rameaux commencent ;\ se fcMincr, Tatmosplière est ordinairement parsemée de petits nuages blancs bien distincts, bien circonscrits, que le célèbic pliysicien de Turin appelle ascitizi, c'est-à-dire nuages addiliomiels ou subordoimés. Les mouvements des asci- tizi sont brusques, incertains, irréguliers. Ces nuages paraissent être sous rinfluence attractive de la grande masse. Aussi vont-ils, l'un après l'autre, se réunir à elle. Les ascitizi avaient déjà été remarqués par Virgile , qui les comparait à des flocons de laine. Les taches blanches qui, çà et là, interrompent la teinte uniformément obscure d'un gros nuage orageux étaient originairement des ascitizi. Après que , en s'étendant , le grand nuage obscur et orageux a dépassé le zénith, lorsqu'il couvre la majeure partie du ciel, l'observateur voit au-dessous beaucoup de petits ascitizi, sans qu'il puisse trop décider ni d'oii ils viennent, ni comment ils sont formés. Ces ascitizi parais- sent déchirés, morcelés : on dirait des lambeaux de nuages. Ils poussent çà et là de longs bras. Leur marche est vive, irrégulière, incertaine, mais toujours cependant horizontale. Lorsque, dans leurs mouvements opposés, deux de ces nuages viennent à se rapprocher, ils parais- sent vraiment étendre l'un vers l'autre leurs bras irré- guliers. Après s'être presque touchés, ils se repoussent évidemment, et les bras dont nous venons de faire men- tion se reploient par un mouvement contraire à celui qui s'était d'abord manifesté. LE TONNERRE. 9 Les reniarques qu'on vient de lire sont la substance de ce qu'a dit sur la matière un auteur (Beccaria) qui vivait dans une contrée (Turin) presque entièrement entourée de hautes montagnes. On saura ce qu'elles renferment de local et de général , quand on pourra les comparer à la description de la naissance, du progrès et de l'entier développement d'un orage dans un pays de plaine '. Personne ne doutera qu'il n'y ait quelque chose de local dans ce qui concerne la formation et le développe- ment des nuages orageux , en lisant cette description empruntée à M. Antoine d'Abbadie, des nuages dans les- quels la foudre s'élabore souvent en Abyssinie : « Les nuages orageux, en Ethiopie, sont toujours unis à leur surface intérieure , déchiquetés à leur surface opposée, et en général très-peu épais. Quelques-uns de ces nuages, malgré les fortes manifestations électriques dont ils étaient le foyer, n'auraient pas, dit le savant voyageur, empêché de voir les étoiles au travers. » M. d'Abbadie croit avoir remarqué que ces nuages ont une tendance à se réunir près des pics élevés, en sorte que ces pics, imprégnés de la matière de la foudre, ont l'air d'exercer une' force attractive sur les nuages. Ajoutons, à ces différentes remarques, que les nuages orageux abandonnent souvent la direction du vent cjui les 1. Saint-Lambert, dans son poëme des Sahons, commence la description d'un orage par ces deux vers : On voii à l'horizon, de deux points opposés, Des naages monter dans les airs emltrascs : Le versificateur, en parlant des (feux points opposés d'où CTtains nuages s'élèvent au début d'un orage, a-t-il décrit un phénomène local ? 10 LE TONNEIIRE. pousse pour suivre des cours cVeau. M. Slurgeon dit avoir souvent observé ce pliénoniène au confluent de la Medway et de la Tamise. Tour tout ce qu'il avance sur la disparition graduelle des fortes ondulations des nuages orageux , à mesure que ces nuages s'avancent de T horizon vers le zénith, Becca- ria n'a pu vouloir parler ((ue de leur surface inférieui'e, la seule qui fût visible de son Observatoire de Turin. Nous ne pourrions rien dire sur l'état de la surface supérieure, s'il ne m'était venu h l'esprit de consulter les ofTiciers d'état-major, anciens élèves de l'École polytechnique, qui, ayant parcouru récemment la chaîne des Pyrénées pour la couvrir de leurs admirables réseaux trigonométri- ques, avaient dû se trouver fréquemment au-dessus des orages ^ J'ai appris, par eux, qu'alors même qu'une couche de nuages semble parfaitement unie, parfaitement de niveau sur sa face inférieure , la face opposée n'est qu'un com- posé de très-hautes protubérances et de profondes cavités. M. Hossard m'a indiqué un signe précurseur des orages, dont aucun météorologiste n'avait fait , je crois, mention avant lui. Cet officier a remarqué que, durant les grandes chaleurs, il se produit tout à coup, sur plu- sieurs points de la couche des nuages inférieurs, des soulèvements qui se prolongent comme de longues fusées verticales, et à l'aide desquels des régions atmosphéri- 1. J'adresserai ici mes remercîments particuliers à deux de ces officiers, pleins de mérite, MM. les capitaines Pej'tier et Hossard, qui m'ont remis des notes également remarquables par leur exacti- tude et par les connaissances de physique qu'elles supposent. LE TONNERRE. 11 ques assez distantes peuvent se trouver en communica- tion immédiate ^ Franklin a été plus loin, en un certain sens, que Bec- caria. Suivant lui , un gros nuage unique ne saurait être orageux. Quand un observateur, dit-il , se trouve à peu près placé sur le prolongement horizontal d'un gros nuage d'oi^i jaillissent les éclairs et le tonnerre, il aperçoit, sous celui-ci, une série d'autres nuages fort petits et situés les uns au-dessous des autres. Quelquefois les plus bas de ces petits nuages sont peu éloignés de terre. Ainsi, d'après Franklin, deux conditions sont néces- saires pour qu'un nuage soit orageux : il faut que ce nuage soit très-étendu; il faut, de plus, que de petits nuages s'interposent entre sa surface inférieure et la terre. Mais est-il bien vrai que des éclairs ne jaillissent jamais d'un petit nuage isolé; que jamais la foudre ne s'en détache? Je prie de remarquer que je pose le problème comme question de fait, et nullement sous le point de vue d'une 1. Dans certaines localités, d'après les remarques de M. le capi- taine Peytier, les orages qui éclatent sur les montagnes, ont pour genne, si cette expression m'est permise, quelques lambeaux de nuages formés sur le bas pays, ou détachés des immenses couches dont les plaines environnantes étaient précédemment couvertes. Suivant lui, l'observateur placé sur un des pics des Pyrénées, d'où Ton aperçoit le Roussillon ou la Gascogne, sur le Ganigou ou le Pic du i\Iidi de Rigorrc, par exem.ple, voit tous les matins, plusieurs heures après le lever du soleil, se l'ormer au-iessus de la plaine, des nuages qui souvent s'élèvent avec rapidité, vont se grouper tous, tantôt sur une cime, tantôt sur une autre, et le plus ordinairenent y engendrent un orage. Lorsque la plaine est déjà couverte le matin, il n'y a pas lieu à de nouvelles formatioas; mais des fragments se détachent, çà et là, des nuages préexistants, les uns de bonne heure, les autres plus tard. L'orage éclate dès quo ces fragments se sont réunis en grand nombre autour d'une des cimes de la chaîne. 12 LK TONNF.nHK. possibilité théoriciiic. Kh bien, à la (|iiostion de fait, la plupart des météorologistes, d'accord en cela avec le phi- losophe américain, ont répondu néo;alivoinent. Je ]iuis citer, par exem|)le, le grand nnin do Saussure. Yoici ce que je trouve îi ce sujet dans la iv'lation du célèbre Voyage au col (lu Géant : it Ouant aux orages, je n'en ai vu naîli'e dans ces montagnes que dans le nionienl de hi rencontre ou du conllit de deux ou plusieurs nuages. Au col du Géant, tant que nous ne voyions dans l'air ou sur la cime du Mont-Blanc, qu'un seul nuage, quelque dense et quelque obscur qu'il parût, il n'en sortait point de tonnerre; mais s'il s'en formait deux couches l'une au-dessus de l'autre, ou s'il en montait des plaines ou des vallées ((ui vinssent atteindre ceux qui occupaient les cimes, leur rencontre était signalée par des coups de vent, des tonnerres, de la grêle et de la pluie. » 11 est des pliysiciens, et dans le nombre Saussure occupe certainement un des premiers rangs, dont les observations doivent être admises, presque sans examen, quand il s'agit de faits positifs; mais en matière de faits négatifs, cette foi aveugle serait une grande faute. On doit com- prendre, en elfet, que les circonstances rares et fortuites sous lesquelles certains phénomènes naturels se déve- loppent, peuvent ne s'être jamais offertes à tel ou tel savant , quelque éminent qu'il soit d'ailleurs ; aussi , sans être découragé par l'assertion de Saussure, me suis-jc mis à chercher dans de vieux recueils météorologiques qui, certes, sont loin de mériter le dédain avec lequel il est presque de bon ton d'en parier aujourd'hui, si les pclits LE TONNERRE. <3 nuages isolés ne produisent jamais ni éclairs ni tonnerre. La peine que j'ai prise n'a pas été sans résultat. Je lis dans un ^Mémoire de l'académicien Marcorelle, de Toulouse, que le 12 septembre 1747, le ciel étant serein et parfaitement pur, sauf un petit nuage qui parais- sait, à la vue, exactement rond et de liO 3,43 centimètres de diamètre , la foudre tout à coup gronda , éclata et tua la femme Bordenave, après l'avoir brûlée au sein, sans endommager ses vêtements. A la date du 30 juillet 176/i, je trouve dans les Obser- vations hotanico-météorologiques faites à Denainvilliers, près de Pithiviers, par M. Duhamel du Monceau, la note également sans réplique que je vais transcrire : « A cinq heures et demie du matin, par un beau soleil, il a passé un petit rocher isolé. De ce nuage il est sorti un éclair et un coup de tonnerre qui est tombé sur un orme, très-près du château de Denainvilliers; il a enlevé une lanière d'écorce de 20 pieds (6"'. 5) de hauteur jusqu'à la racine, sur 2, o et /t pouces de largeur (5 à 10 centi- mètres) ; il a fait sur le bois une rainure d'un travers de doigt de largeur et de profondeur, et dans le fond de cette rainure on voyait une ligne comme un fil noir, où le bois paraissait être fendu ; dans le moment , on a senti dans une ferme voisine une odeur de soufre qui a beau- coup effrayé. » Bergman vit lui-même « le tonnerre tomber d'un très- petit nuage sur un clocher, le ciel étant d'ailleurs par- faitement clair. » J'espère que les petits nuages seront définitivement rétablis dans leurs droits quand j'aurai rapporté une qua- H LE TONNER nr. tiiènic obscrvalioii cloiil je suis redevable ù M. le capi- taine llossard. En 185/4, cet officier, descendant la route qui passe au col de la Faucille, dans le Jura, vit se former un petit chapeau de nuages autour d'un sommet voisin, appelé le Colombier de Gex, dont la hauteur au-dessus de la mer est de 1,G00 mètres. Le nuage existait à peine depuis quelques instants, ([uand il en partit un fort coup de tonnerre. Quoique la discussion qu'on vient de lire ne soit cer- tainement pas propre à accroître notre confiance dans les faits négatifs, je dirai cependant que, suivant Beccaria, la foudre ne part jamais des nuées fumeuses, c'est-à-dire de ces couches de nuages qui sont si remarquables par l'apparente uniformité de leur composition et par la régu- larité de leur surface. Nous terminerons ici ce chapitre. Un jour, peu éloigné peut-être, on aura sur le sujet que j'y ai traité, des don- nées plus nettes, plus précises, plus substantielles. Ce sujet est certainement très-digne de l'attention des météo- rologistes. Ceux qui ne se préoccuperont pas du ridicule qu'on pourrait vouloir déverser sur l'observation assidue d'une chose aussi changeante, aussi variable, aussi mo- bile que les nuages , recueilleront certainement d'une pareille étude beaucoup de faits utiles à la science. LE TONNERRE. la CHAPITRE III. FOUDRE DES NUAGES VOLCANIQUES. LA FOUDRE s'ÉLABORE ET SE MANIFESTE QUELQUEFOIS DA^■S DES NUAGES DONT LA NATURE SEMBLE TOUTE DIFFÉREiSTE DE CELLE DES XUAGES ATMOSPHÉRIQUES ORDINAIRES. Pline le Jeune a écrit à Tacite deux lettres, devenues célèbres, au sujet de l'éruption du Vésuve qui, en Fan 79 de notre ère, occasionna la mort de son oncle, Pline le Naturaliste. Dans la seconde de ces lettres , il parle de nuées noires et horribles (c'étaient des nuées de cen- dres) déchirées par des feux serpentants (on n'emploierait pas aujourd'hui d'autres paroles pour caractériser cer- tains éclairs des orages ordinaires) ; « de nuées qui s'ou- vraient et laissaient échapper de longs sillons de flammes, semblables à des éclairs. » Les ouvrages du père délia Torre fourniraient au besoin beaucoup de citations du même genre. Dans la description de l'éniption du Vésuve de l'année 1182, nous trouve- rions, par exemple, « que la fumée excessivement dense ((?e?îs?'s5«mo)dura depuis le 12 jusqu'au 22 août, et que la foudre (saette) se montra souvent au milieu de cette fumée. » Bracini, témoin oculaire de l'éruption du Tésuve de l'année 1631 , dit que la colonne de fumée qui s'éleva du cratère s'étendit dans l'atmosphère jusqu'à la distance de IGO kilomètres, et que, pendant le trajet de ce nuage d'une espèce particulière, il en sortit souvent des foudres qui tuèrent plusieurs personnes et plusieurs animaux. 46 LK TUNNlilUlK. Pendant r('rLii)tioii du N'ésiivc de raiiiicc 1707, (lio- \aiini Valetta écrivait de Naples à liicliard Wallcr : « Le troisième et le (luatrii'iiic jiuir, le vulean a jeté i)ar son cratère des éclairs semblables à ceux qui, dans cer- taines circonstances, illuminent le ciel. Ils étaient tor- tueux, serpentants, et après leur apparition on entendait les éclats du tonnerre Des éclairs, des tonnerres si fréquents, si intenses, avaient t'ait croire à une pluie prochaine; mais on reconnut eiiiin (ju'ils naissaient dans un nuage obscur com[)osé , non de \ apeurs ordinaires, mais seulement de cendres. » Les paysans établis au pied du Vésuve disaient à sir AN illiam llamilton, à la suite de Téruption de 1767, qu'ils furent bien plus efl'rayés des éclairs incessants et des foudres qui tombaient parmi eux, que des laves brûlantes et des autres phénomènes menaçants dont une éruption volcanique est toujours accompagnée. Durant la terrible éruption de 1779, il sortait du cra- tère du Vésuve, pêle-mêle avec la lave incandescente, de fréquentes bouiTécs d'une fumée aussi noire qu'on puisse r imaginer (rt § 7. Madame Espert m*a adressé, en juillet 852, la lettre suivante : « Un feuilleton de la Presse , écrit dernièrement par M. Meunier, sur les effets du tonnerre en boule, m'engage à vous transmettre la relation d'un phénomène météoro- logique de ce genre dont j'ai été témoin. « Je demeure cité Odiot, n° 1, au second étage, d'où j'ai la vue sur les terrains Beaujon. « C'était au mois de juin 18ii9, le 16, je crois, un vendredi, à six heures trente minutes du soir, le jour même où le choléra sévissait le plus fortement à Paris. « La température était suffocante , le ciel paraissait calme dans ce moment, mais on voyait des éclairs de chaleur de tous côtés. « Passant devant ma fenêtre, qui est très-basse, je fus étonnée de voir comme un gros ballon rouge, absolument semblable à la lune lorsqu'elle est colorée et grossie par des vapeurs. Ce ballon descendait lentement et perpen- diculairement du ciel sur un arbre des terrains Beau- jon. Ma première idée fut que c'était une ascension de M, Grimm ; mais la couleur du ballon et l'heure me firent LE TONNERRE. So penser que je me trompais, et pendant que mon esprit cherchait à deviner ce que cela pouvait être, je vis le feu prendre au bas de ce globe, suspendu à une hauteur de 5 à 7 mètres au-dessus de l'arbre. On aui^ait dit du papier qui brûlait doucement avec de petiles étincelles et flam- mèches; puis, quand l'ouverture fut grande comme deux ou trois fois la main, tout à coup une détonation effroyable fit éclater toute l'enveloppe et sortir de cette machine infernale une douzaine de rayons de foudre en zigzag, qui allèrent de tous côtés, et dont l'un vint frapper une des maisons de la cité, le n° Zj., où il fit un trou dans le mur, comme l'aurait fait un boulet de canon : ce trou existe encore; enfin, un reste de matière électrique se mit à brûler avec une flamme blanche, vive et biillante, et à tourner comme un soleil de feu d'artifice. « Ce phénomène dura plus d'une minute. C'était un si beau spectacle , que je n'eus pas même l'idée du danger ni de la peur; je ne pouvais que m'écrier : Que c'est beau ! que c'est beau !. . . « Cependant la détonation avait été si forte, qu'elle avait renversé trois hommes dans la rue et jeté une vive émo- tion dans la cité et le quartier, comme vous pouvez croire. Ma cuisinière fut presque asphyxiée par un rayon de foudre qui passa devant sa fenêtre. La conciej-ge laissa tomber un plat qu'elle tenait à la maii:i, ne pouvant dire si c'était la peur ou la commotion d'un autre rayon de foudre qui descendit le grand escalier de la rue, sur le palier duquel elle se trouvait. Un autre rayon de foudre alla dans la pension de madame Loiseau , rue Neuve de Berry, où il blessa une des institutrices ; et les habitants 56 LE TONNERRE. (lu n° 4 se précipitèrcMit tout effrayés dans la cour, mais sans blessures. « Paris retentit du bruit alTrcux de ce terrible coup de tonnerre; mais peut-être suis-je la seule personne qui ait vu, par liasard, le phénomène qui se produisit; et je ne donnerais pas pour beaucoup de n'avoir pas été témoin d'un aussi admirable et merveilleux spectacle! » A la station de Beuzeville, sur le chemin de fer de Paris au Havre, pendant un orage qui eut lieu le 17 mai 1852, à cinq heures du soir, on a observé des faits très-curieux d'un éclair en boule que je dois expliquer ici d'après une lettre de M. de Lalande, écrite sur le récit de M. Maillot, chef de la station : « Après avoir laissé ma femme en mon lieu et place au poste du télégraphe, j'étais allé de l'autre côté de la voie montante, auprès du hangar des marchandises, pour hâter le chargement d'un wagon de plâtre qui devait être annexé, à six heures dix-huit minutes, au train mixte montant; je vis s'avancer dans l'air, en face de nous, dans la direction sud-est, un globe lumineux, lequel res- semblait à ces bombes d'artifice dont on se sert dans les combats simulés. J'appelai à haute voix un des facteurs de ma gare pour le faire jouir de ce spectacle. Grâce à à mon avis instantané, cet homme a vu, aussi bien que moi, cette bombe lumineuse, que nous nous attendions à voir passer sur nos têtes, s'arrêter et disparaître subite- ment au moment oia elle se trouvait au-dessus des fils du télégraphe, à vingt mètres de nous environ. La foudre LE TONNERRE. 57 en même temps tombait dans le cimetière de Beuzcville, comme nous l'apprîmes plus tard, ce qui me porterait à croire que l'espèce de zigzag qui semblait pousser vers nous le globe lumineux n'était autre que la foudre. L'orage alla s'abattre ensuite avec plus de violence sur Criquetot-lez-Neval, où la grêle causa de grands dégâts. » § 9- Je placerai encore ici un double cas de foudre observé par M. Al. Meunier, chef de bureau au ministère de l'in- térieur, et qui se trouve dans une lettre adressée à M. Ja- min, que ce physicien a bien voulu me communiquer : « C'était dans le mois de juin 1852, je longeais la rue Montholon entre onze heures et onze heures trente minutes du soir, lorsque la foudre éclata avec une violence peu ordinaire à Paris. J'y fis d'abord peu d'attention et je continuai ma route; mais, vers le milieu de la rue, un éclair immense brilla tout à coup , et fut suivi presque instantanément d'un coup de tonnerre semblable à une décharge d'artillerie. Il me seml)la voir une bombe énorme lancée avec violence, qui éclatait avec fracas au milieu de la voie publique. Dans le moment, cette espèce de globe qui s'avançait me fit l'effet de la lune se déta- chant du ciel. C'était à peu près la même dimension, et je dirai presque la môme couleur. Ce coup ne ralentit pas ma marche, car je me rappelai ce qu'on dit, que lors- qu'on a vu l'éclair on n'a plus rien à craindre. Je me contentai d'enfoncer mon chapeau, que le vent ou la commotion produite par la décharge électrique avait rejeté en arrière, et je continuai sans accident jusqu'au 5f^ Lli TONNERRE. delà de la place Cadet, liu momeiiL où je posais le pied sur 1g trottoir, je vis s avancer un peu obliquement un nouveau globe de l'eu , semblable au premier, mais qui avait de plus, à la partie supérieure, une espèce de llanimc rouge, qu'on peut comparer à la mèclie d'une l)om]3e, quoique un peu plus grosse. Ce globe, qui n'avait pas été précédé d'un éclair, au moins pour moi, descendit avec une effrayante rapidité, éclata dans la rue avec un bruit tel, que je n'ai jamais rien entendu do semblable, me donna une violente secousse sur le côté droit, et si violente, que je fus jeté contre la muraille. Le coup ne me parut sans doute si bruyant que parce que je me trouvais en position de le parfaitement entendre ; mais ce qui m'a surtout paru remarquable, c'est la forme spliérique du tonnerre. Mes souvenirs, à cet égard, sont des plus pré- cis. Quant à l'accident en lui-même, il n'eut pas de suite bien fâcheuse : j'en fus quitte pour être une quinzaine de jours sans pouvoir digérer. J'ajouterai, en terminant, que ce coup de tonnerre termina l'orage, et que, le len- demain , les journaux annoncèrent que la foudre était tombée dans les environs, rue Lamartine, je crois. » CIIAPITRE Vin. LES ÉCLAIRS S'ÉCHAPPENT QUELQUEFOIS DES KUAGES PAR LEUR StRFACE SUPÉRIEURE, ET SE PROPAGEiNT DAJNS L'ATMOSPHÈRE DE BAS EN HAUT. 11 y a dans la Styrie une montagne fort élevée, qu'on appelle le Mont Sainte-Ursule, au sommet de laquelle une église a été bâtie. Jean-Baptiste Werloschnigg, médecin, LE TONNERRE. 59 qui visitait cette église le 1"'' mai 1700, vit se former vers la moitié de la hauteur de la montagne, des nuages très- épais et très-noirs, qui furent bientôt le foyer d'un grand orage. Le ciel continua à rester très-sereiu au sommet ; le soleil y brillait du plus vif éclat. Chacun pouvait clone se croire en parfaite sûreté dans l'église, et cependant la foudre 'partie du nuage inférieur y alla tuer sept per- sonnes à côté du docteur Werlosclmigg. CHAPITRE IX. QUELLE EST LA DURÉE d'uN ÉCLAIR DE LA PREMIÈRE OU DE LA SECONDE CLASSE? Cette question a plus d'importance qu'on ne l'imagine- rait au premier coup d'œil. Sa solution, toute récente, repose sur des considérations assez délicates. Elles sont , du reste , empruntées en partie à un jeu d'enfant, je veux dire à cette expérience que chacun a faite ou a vu faire , et qui consiste à produire un ruban continu de lumière, par le mouvement rapide d'un petit charbon enflammé. Supposons que le charbon décrive une circonférence de cercle et qu'il emploie, à faire le tour entier, un dixième ^Q seconde seulement. Alors, L'EXPÉRIE^XE l'a MONTRÉ, on voit une circonférence de lumière, dans laquelle l'œil le plus attentif ne découvre aucune lacune, aucune solution de continuité. On dirait que le charbon occupe simultanément tous les points de la courbe, et ces points, cependant, il les atteint dans sa marche l'un après l'autre, et il s'écoule un dixième de seconde entre le 60 I.n TONNERRE. nioinciit où il quitte Tun d'eux et le moment où il y re- vient. Une conséquence importante découle de cette expé- rience. Elle deviendra évidente si , pour un instant , on veut bien concentrer son attention sur un seul point : sur le point le plus élevé, par exemple, de la circonférence de cercle que le charbon parcourt. Quand le charbon enflammé occupe ce point le plus élevé, les rayons de lumière qui en émanent forment son image dans l'œil de l'observateur, sur une certaine partie de la rétine. Dès que le charbon tourne, cette image doit également tourner, et cela arrive en effet, puisque le charbon se voit toujours dans sa véritable position. La première image semblerait devoir s'évanouir en même temps, la cause qui Tcngcndrait ayant sinon disparu, du moins changé de lieu : loin de là , le charbon a le temps de faire un tour entier, de revenir à sa première place, de reproduire dans l'œil l'image du point le plus élevé de la courbe , avant que la sensation résultant de son pre- mier passage par le même point se soit elTacée. Les impressions que nous recevons par la vue ont donc une certaine durée. L'œil humain , du moins , est consti- tué de manière qu'u/îe sensation lumineuse ne s'évanouit quun dixième de seconde après la disparition complète de la cause qui Va produite. Nous venons de reconnaître qu'un point rayonnant qui n'emploie qu'un dixième de seconde à faire un tour entier, donne naissance, pour notre œil, à une circonfé- rence de cercle qui est lumineuse dans tout son contour. Il est évident que si deux, trois, dix, cent points rayon- LE TONNERRE. 61 nants placés en ligne droite, les uns à la suite des autres, entre le premier point et le centre de rotation, tournent simultanément avec la même vitesse , ils donneront nais- sance à deux, à trois, à dix, à cent circonférences de cercle lumineuses et concentriques. Enfin, chacun com- prendra que si ces divers points rayonnants mobiles sont contigus, que s'ils se touchent, que s'ils sont assez nombreux pour former dans l'état de repos une ligne de lumière continue entre le premier point et le centre de rotation , les circonférences qu'ils engendreront en tour- nant se toucheront aussi, et qu'aux deux, trois, dix, cent circonférences de cercle séparées de la précédente expérience, succédera une surface circulaire entièrement éclairée. Il en est, comme on voit, de cette expérience, comme de celle que nous faisions avec des points isolés : une ligne lumineuse qui tourne autour d'une de ses extré- mités, engendre une surface de lumière circulaire, quand elle revient à chacune de ses positions successives avant que se soit effacée chacune des images qu'elle avait pro- duites dans l'œil pendant une première révolution, c'est- à-dire quand la ligne décrit la circonférence entière en un dixième de seconde. Au lieu d'une seule ligne lumineuse mobile , supposons maintenant qu'il y ait quatre lignes éclairées, toutes sem- blables quant à l'intensité, placées rectangulairement entre elles, ou de manière qu'elles partagent la circonfé- rence en quatre parties égales. La vitesse de rotation de l'appareil n'aura plus besoin d'être d'un tour complet par dixième de seconde ; une vitesse quatre fois moindre, une G2 LE TONNERRE. \ itos5;o d'un tour par quatvp dixièmes de seconde suffira à la production d'une surface circulaire qui semblera de même entièrement lumineuse. Que faut-il , en eflet , pour celte continuité d'éclat? Il faut qu'aucun point du cercle ne soit privé de lumière réelle pendant plus d'un dixième de seconde. Eh bien, arrêtons-nous par la pensée au moment où une des quatre lignes lumineuses est verticale. La ligne qui la suit de- viendra verticale à son tour dans le quart du temps que consomme une révolution complète, dans le quart de quatre dixièmes ou dans un dixième de seconde. La troi- sième ligne rotative succédera de même à la seconde, dans la verticale, après un dixième de seconde, etc., etc. Ainsi, lorsque dans l'œil V image \Qriica\e de la première ligne allait s'évanouir, la seconde des quatre lignes lumi- neuses rectangulaires de l'appareil rotatif vient la renou- veler ; lorsque V image verticale de cette seconde ligne atteint le terme de sa durée , la troisième ligne en occupe la place; la quatrième ligne, à son tour, se trouve dans la verticale au moment où l'image de la troisième com- mençait à s'effacer ; la première ligne , enfin , va , à point nommé, reprendre la position où d'abord nous l'avions supposée , pour remplir de sa lumière la verticale cjue la disparition de l'image de la quatrième ligne aurait laissée obscure. Je viens de montrer en détail, avec trop de détails peut- être , comment quatre lignes lumineuses , placées rectan- gulairement et décrivant un cercle autour de leur point d'intersection en quatre dixièmes de seconde , éclairent d'une lumière en apparence continue le rayon vertical de LE TONNERRE. 63 ce cercle. Tout le monde remarquera que les mêmes rai- somiements se seraient appliqués à un rayon horizontal ou à un rayon incliné ; le mode de production de surfaces lumineuses, par la rotation de simples lignes, est donc suffisamment expliqué. En résumé : Une ligne lumineuse engendre, en apparence, une surface circulaire de lumière, quand elle tourne assez vite autour d'une de ses extrémités, pour décrire la circonfé- rence entière en un dixième de seconde de temps. Ceci est un point de fait, lié à la conformation, à la sensibilité de l'œil humain. Les choses sont ainsi, mais elles auraient pu être autrement : l'expérience seule devait faire connaître la vérité. La vérité expérimentale une fois établie ; un dixième de seconde \)ar tour étant, dans la rotation d'uNE ligne, la moindre vitesse indispensable à la production d'une aire cir- culaire de lumière continue, il en résulte nécessairement, mathématiquement, que les moindres vitesses de rotation avec lescj[uelles dix, cent, deux cents lignes également espacées entre elles produiront le même effet en tournant autour de leur commune intersection , seront dix fois , cent fois, deux cents fois moindres que dans le cas d'une ligne unique, c'est-à-dire qu'elles correspondront à une seconde , à dix ou à vingt secondes par tour entier. Rien, dans tous nos raisonnements, n'implique que les lignes rotatives brillent d'une lumière propre. On doit donc s'attendre à observer des phénomènes identiques, soit qu'on fasse tourner des lignes lumineuses par elles- mêmes, ou des lignes lumineuses par réflexion; il faut 6i LE TONNERRE. sculcuuMil, dans ce dernier cas, que les lignes soient d'une telle nature, d'une telle forme, ou tellement dispo- sées relalivcment à la lumière éclairante , que Tœil puisse les apercevoir également dans toutes les positions qu'elles prennent en tournant. Tels seraient, par exemple, lesrais pldis et non polis d'une roue en argent mat; les rais plats et non polis d'une roue de quelque nature qu'elle fût, couverts d'une couche de blanc de céruse, etc., les uns et les autres éclairés de face par un réverbère, par une lampe à double courant d'air, ou nicmo par une simple bougie. Les rais n'étant pas polis, ne feraient l'office de miroir dans aucune de leurs positions. On les verrait seu- lement par cette sorte de lumière que les corps éclairés s'assimilent pour nous la restituer dans tous les sens, ou à l'état de lumière dilTuse : le vermillon , avec une teinte rouge prononcée; le laiton, avec une nuance jaune évi- dente; l'argent mat et le blanc de céruse, avec une blan- cheur parfaite, etc. Un rais d'argent mat, tournant autour d'une de ses extrémités en un dixième de seconde, engen- drera une surface circulaire blanche; quatre, dix, cent rais de la même matière, également espacés, produiront le môme effet, s'ils tournent, respectivement en O.h de seconde, en 1 seconde, en 10 secondes. Tenons-nous, un moment, à ce dernier cas : à celui où cent rais minces de métal, formant entre eux des angles égaux, donnent naissance, pour l'œil, à une surface de lumière circulaire. Cet effet commence à se manifester quand la vitesse de rotation est d'un tour par dix secon- des. Une vitesse moindre ne suffirait pas; mais toute vitesse plus grande, quelque grande qu'elle fût, condui- LE tonnerre:. 65 rait mieux encore, s'il est possible, au môme résultat. Dans le nombre infini de vitesses plus grandes que la vitesse qui est strictement nécessaire pour que les rais tournants paraissent être une surface continue, faisons un choix, afin de fixer les idées. Supposons que nos cent rais fassent un tour entier en un dixième de seconde, ce qui est une vitesse très-facile à obtenir, chaque rais em- ploiera alors le centième de cette quantité, ou un millième de seconde, pour aller d'une quelconque de ses positions à celle qu'occupe au même moment le rais précédent. Retenons bien ce nombre [un millième de seconde) , et introduisons dans notre expérience une dernière condi- tion. Supposons que la lumière qui éclaire les cent rais de la roue tournante , c{ue la lumière sans la présence de laquelle ces rais ne se verraient pas, puisqu'ils ne sont point lumineux par eux-mêmes, ne brille pas d'une ma- nière continue. Admettons que tournant toujours unifor- mément dans l'obscurité, avec la vitesse convenue d'un tour à chaque dixième de seconde , la roue soit éclairée par une lumière qui ne se montre qu'un instant. Eh bien, c'est la longueur de cet instant, c'est la durée de l'appa- rition de la lumière éclairante, qui déterminera si la roue éclairée apparaîtra sous la forme d'une roue véritable ayant du centre à la circonférence des pleins et des vides , des secteurs brillants et des secteurs obscurs , ou sous la forme d'une surface continue également lumineuse partout. Mettons, d'abord, que la lumière ne frappe la roue tournante qu'un instant infiniment court. Cette lumière ne saisira, n'éclairera les divers rais que dans une seule IV. — I. 5 C6 LE TONNERRE. (k leurs positions. Clinquc rais, sur cette position unifjue et spéciale, produira dans Tocil une image dont nous avons expérinicnlalement fixé la durée à un dixième de seconde. La roue tournante sera donc aperçue pendant un dixième de seconde sous sa véritable forme, et comme si elle était immobile. Passons à une autre supposition que j'appellerai ex- trême (cette expression sera bientôt justifiée). Admet- tons que la lumière éclairante ail duré un millième de seconde. Un niillième de seconde est, par hypothèse, le temps que chaque rais emploie à passer d'une de ses positions à celle qu'occupe au même moment le rais qui le précède. Dans ce court intervalle de temps, il n'y aura donc pas à l'intérieur de la roue tournante une seule lirjne idéale allant du centre à la circonférence ; il ]i'y aura pas un seul rayon (c'est le terme géométrique) qui, chacun à son tour, ne soit occupé par l'un ou par l'autre des rais ma- tériels; il n'y aura pas une de ces mille et mille positions, oi^i les rais ne reçoivent l'action de la lumière éclaii'anté, où ils ne doivent aller former une image dans l'œil. Ces images, qu'on se le rappelle bien, durent un dixième de seconde, c'est-à-dire cent fois plus de temps qu'il n'en faut pour c{ue tous les rayons géométriques de la roue aient lancé une ligne lumineuse à l'observateur. Ainsi, dans un certain moment, toutes les lignes lumineuses en question se verront simultanément; ainsi, la roue, quoi- qu'elle se compose de vide et de plein, paraîtra une sur- face continue, éclairée sur tous ses points. Si maintenant on essayait d'appliquer les mêmes con- LE TONNERRE. 67 sidératioiis , au cas où la durée de la lumière serait moindre que le temps dont chaque rais a besoin pour se transporter, en tournant autour du centre de la roue , d'une de ses positions à celle qu'occupe au même mo- ment le rais cjui le précède, chacun verrait, sans dif- ficulté, combien les résultats de l'expérience devraient être différents. Mettons, par exemple, que la durée de l'apparition de la lumière ne s'élève c{u'à la moitié de la précédente; c^u'elle ne soit que d'un DEm-millième de seconde. En un BEyn-millieme de seconde, chaque rais matériel parcourt seulement la moitié de l'intervalle angulaire compris entre une de ses positions et la position simulta- née du rais qui le précède. Quand la lumière se montre, chaque rais mobile est saisi , est éclairé dans une de ses positions ; quand elle disparaît, chaque rais n'est encore parvenu qu'à la moitié de la course qu'il avait à parcourir pour atteindre la position du rais précédent. A l'instant mathémalique du surgissement de la lumière, tous les rais comprenaient entre eux certains secteurs. Eh bien, il y a précisément la moitié de chacun de ces secteurs dans laquelle aucun rais n'a pénétré pendant la durée que nous venons d'assigner à l'apparition de la lumière. Tous ces espaces, vides de matière, n'ont pu réfléchir vers l'observateur aucun rayon de la lumière éclairante; con- séquemment, la roue a dii paraître composée de la réunion d'une série de secteurs alternativement obscurs et lu- mineux. Ceux qui n'ignoraient pas (|uc la sensation engendrée dans l'œil par l'action d'une lumière quelconque dure encore un peu de temps après que la lumière a réelle- ment disparu, devaient, ne iVit-ce qu'à raison de cette circonstance, ne pas trop espérer une solution rxocte de la question posée en tète de ce long chapitre ; et cepen- dant, en définitive, l'obstacle apparent est devenu lui- même le moyen d'investigation ; et nous sommes arrivés à opérer sur do simples millièmes de seconde mieux qu'on ne pourrait vraiment le faire, par les moyens habituels, sur les secondes entières. Qu'on r('néchisse un moment aux détails de l'expérience, et mon assertion ne paraîtra pas exagérée. Je veux savoir la durée de chacun des éclairs qui sillonnent le ciel pendant une nuit obscure. En face de la région où existe l'orage, j'établis une roue en métal por- tant cent rais déliés. Un mouvement d'horlogerie lui donne la vitesse continue et régulière de dix tours par seconde de temps , ou d'un tour entier par dixième de seconde. Je me place en observation entre la roue et les nuées ora- geuses, de manière cependant à ne pas empêcher la lumière des éclairs d'arriver librement à la roue tournante. Cette roue, je ne l'aperçois pas ordinairement, puisque, par hypothèse, tout est dans l'obscurité. Un éclair se montre ; à cet instant , la roue est éclairée ; je dois donc la voir, et je la vois , en effet , mais dans des conditions dilïérentes, suivant la durée de l'éclair. L'éclair n'a-t-il brillé que pendant un temps infiniment court, la roue se sera montrée, durant un dixième de seconde, comme cent 7'ais lumineux, immobiles, et de la largeur appa- rente des rais véritables. L'éclair a-t-il duré un millième de seconde , la roue LE TONNERRE. 69 aura semblé être un cercle, plein de lumière du centre à la circonférence. A des durées de l'éclair d'un demi-millième de seconde, d\m tiers , d'im quart , d'w/i cinquième, etc., de millième de seconde , correspondront des apparences circulaires où il y aura respectivement un demi, deux tiers, trois quarts, quatre cinquièmes de la surface totale du cercle, complè- tement privés de lumière. En faisant la roue tournante de plus en plus grande, l'échelle superficielle des mesures deviendra tout aussi étendue, tout aussi appréciable qu'on le désirera. Ajou- tons qu'en variant la vitesse de rotation , on peut même se soustraire à la nécessité d'évaluer à Vœil le rapport de la partie éclairée à la partie obscure ; qu'on peut tout réduire à la détermination de la vitesse sous laquelle le cercle paraît entièrement éclairé. Si une vitesse de la roue d'un dixième de seconde par tour, ne donne pas lieu à un cercle continu de lumière, on augmente graduelle- ment cette vitesse , de manière qu'enfin le cercle continu apparaisse. Si cet efîet ne commence à se réaliser qu'au moment où la vitesse de la roue est d'un tour par un demi ou par un tiers de dixième de seconde, ce sera la preuve que l'éclair n'aura eu qu'une durée d'un demi ou d'un tiers de millième de seconde, et ainsi de même pour tous les autres nombres qu'on pourrait trouver. Parvenus au terme de cette longue et minutieuse expli- cation , disons qu'après avoir multiplié autant que possible les rais de la roue; qu'après avoir eu recours aux plus grandes vitesses qu'on puisse déduire avec sûreté et uni- formité de l'emploi des engrenages, la roue tournante 70 LE TONNERRE. présentée, dans des temps d'orage, aux éclairs de la pre- mière ou de la seconde classe, n'a jamais paru une surface continue; que ses rais se voyaient aussi nettement, aussi distinctement que si la roue était en repos ; qu'ils ne parais- saient aucunement élargis. Nous resterons fort en deçà de la conséquence que cette expérience autoriserait, en nous bornant à dire c|ue les éclairs les plus brillants, les plus étendus de la première et de la seconde classe, môme ceux qui paraissent développer leurs feux sur toute l'éten- due de l'horizon visible, n'ont pas une durée égale à la millième partie d'une seconde de temps ^ CHAPITRE X. des ndages orageux sont-ils jamais lcmixeux d'l-ne manière continue? L'obligation que je m'étais imposée en commençant à écrire l'histoire du tonnerre, de consulter tous les Mémoires où je soupçonnerais qu'il serait question du météore, quelque obscurs, cfuelque dédaignés que ces mémoires pussent être, m'a conduit à exhumer un fait dont il y a vraiment lieu de s'étonner qu'on n'ait pas mieux apprécié l'importance. Ce fait, le titre du chapitre l'indique assez, c'est V émission, non pas intermittente, mais l'émission 1. M. Wlieatstone, à qui Ton doit les ingénieuses expériences dont e viens de rendre compte, est parvenu à l'aide d'une modification très-importante de son bel appareil, à constater que l'étincelle élec- trique de nos machines, ne dure pas la millionième partie d'une seconde. On doit vivement désirer que ces nouveaux moyens d'inves- tigation soient appliqués avec persévérance à l'étude des éclairs. De grandes découvertes en seront probablement le fruit. LE TONNERRE. 71 contjjnue de lumière â la surface de certains nuages; ce fait , je le trouve consigné de la manière la plus nette , à la date du 15 août 1781, dans un mémoire de Rozier, et à celle du oO juillet 1797, dans un mémoire de Nicholson. Le 15 août 1781, après le coucher du soleil, le ciel, à Béziers , se couvrit de nuages ; à sept heures trois quarts, le tonnerre commença à se faire entendre ; à huit heures cinq mmutes, il était complètement nuit, et l'orage avait acquis une très-grande intensité : « C'est à ce moment , dit Rozier, qu'en e^amin^nt la direction et l^elïet des éclairs, j'aperçus derrière le penciiant de la colline qui d'un côté termine la vue de ma maison , un point lumi- neux Ce point lumineux acquit peu à peu du volume et de l'étendue ; il forma insensiblement une zone , une bande phosphoriqiie qui se montrait à mes yeux sous une hauteur de 3 pieds ; elle finit par sous-tendre à mon œil un angle de 60 degrés. « Sur cette première zone lumineuse, il s'en forma une seconde de la même hauteur, mais qui n'avait que 30 de- grés d'étendue, c'est-à-dire la moitié de celle de la zone inférieure. Entre deux resta un vide dont la hauteur éga- lait celle d'une des deux zones prise séparément « On remarquait, dans l'une comme dans l'autre zone, des irrégularités à peu près comme sur les bords des gros nuages blancs avant-coureurs de l'orage. Ces bords n'étaient pas tous également lumineux, cjuoique le centre des zones oiTrît une clarté uniforme. Pendant le temps que les zones avançaient vers l'est, la foudre, à trois reprises diflérentes, s'élança de l'extrémité de la zone inférieure, » mais sans produire de détonation appréciable. 72 LE TONNERRE. Les zones lumineuses ne tenaient pas 5 la masse géné- rale des nuages orageux ; elles étaient beaucoup plus près de terre : « Le phénomène brilla depuis huit heures cinq minutes jusqu'à huit heures dix-sept minutes (c'est-à-dire pendant près d'un quart d'heure) ; » à huit heures dix-sept minutes, un coup de vent du sud éloigna l'orage de Béziers. Écoutons maintenant Nicholson : « Le 30 juillet 1707, je me levai à cinq heures du ma- tin; le ciel, excepté vers le sud, était alors couvert de nuages très-denses qui couraient avec une grande rapi- dité vers l'ouest-sucl-ouest. Des éclairs se montraient fré- quemment au nord-ouest et au sud-ouest Ils étaient suivis, après onze ou douze secondes, de violents coups de tonnerre. Les parties les plus basses , les plus ondulées, les plus déchiquetées des nuages, étaient constamment teintes en rouge et j'appris que cette teinte avait encore beaucoup plus de vivacité avant qu'il m'eût été possible de l'observer A quatre heures mi quart, au moment d'une grande obscurité, on eût dit des maisons placées en face de celle où je demeure, qu'on les regardait à travers un verre bleu d'une teinte foncée ; en portant les yeux au ciel, je vis les nuages d'un bleu de plomb très-intense. » Ces deux observations, celle surtout de Rozier, car elle ne peut donner lieu à aucune équivoque , ne me sem- blent pas sans quelque analogie avec une remarque de Beccaria que je recommanderai aussi à l'attention des observateurs, ne fût-ce qu'à titre de conjecture ou d'objet de recherche. « Il m'est arrivé très-fréquemment , dit le physicien de LE TONNERRE. 73 Turin, dans des nuits entièrement obscures, particulière- ment en hiver, de voir des nuages épars, s'agglomérer et former ensuite dans leur ensemble un nuage général, uniforme, à surface unie et cVune densité en apparence peu considérable. De tels nuages répandent dans tous les sens une lueur rougeâtre, sons limites définies, mais assez intense, pour qu'elle m'ait permis de lire des livres impri- més en caractères ordinaires (médiocre cara(tere). Les Clartés nocturnes provenant des nuages, je les ai surtout observées dans les nuits d'hiver, entre deux averses de ''^ îieige Quant à moi, je les attribue à la matière de la " foudre (feu électrique), car c'est à elle qu'il appartient universellement de former les nuages généraux, sans ondulations apparentes. Cette matière circulant dans les vapeurs, en quantité un tant soit peu plus considérable qu'elles ne peuvent en transmettre, doit se manifester à l'état lumineux, ainsi que le constatent tant d'expériences de cabinet. S'il existe des traits de lumière très-déliés et extrêmement fréquents, dans tous les points où les vapeurs présentent de légères variations de densité, il ne saurait évidemment manquer d'en résulter une lueur générale sans limites définies.» (Dell' Eletlricismo terrestre alino' sferico, page 288.) Voici une observation dont je dois la connaissance au célèbre directeur de l'Observatoire d'Armagh , le docteur Robinson , relative à la phosphorescence des nuages : « Pendant ses voyages pour la détermination des lignes d'intensité magnétique en Ecosse, le major Sabine resta plusieurs jours à l'ancre à Lough-Scavig, dans l'île de Sky. Cette île est entourée de montagnes nues et élevées, 74 LE TONNERRE. parmi lesquelles on en rcniarquo une qu'enveloppe presque toujours un nuage résullant de la précipitation des vapeurs que les vents à peu près constants de Toucst y amènent de r Atlantique. Ce nuage, la nuit, était lumineux par lui-môme et d'une manière permanente. Plusieurs fois, M. Sabine en vit sortir, en outre, des jets semblables à ceux des aurores boréales. II repousse bien loin l'idée que ces jets dussent être attribués à des aurores véritables, voisines de l'horizon et dont la montagne aurait dérobé la vue directe. Suivant lui, tous ces phénomènes de lumière continue et de lumière intermittente avaient leur cause , quelle qu'en puisse être d'ailleurs la nature, dans le nuage mémo, » M. Robinson m'annonce qu'il a fait lui-même, en Irlande , diverses observations sur les propriétés phospho- rescentes des brouillards ordinaires. Il est grandement à désirer que le savant astronome les communique sans retard au public. Certaines matières étrangères qui se mêlent quelquefois à notre atmosphère, lui communiquent la faculté phospho- rescente à un très-haut degré. Un mémoire de M. Verdeil , médecin à Lausanne, nous apprend, par exemple, que le célèbre brouillard sec de '178o « répandait, la nuit, une lumière qui permettait de voir les objets à une certaine distance et C{ui s'étendait également sur tout l'horizon. Cette lumière ressemblait assez à celle de la lune lorsque, étant dans son plein, cet astre se cache derrière un nuage épais , ou que le ciel est couvert. » Le brouillard sec de 1783 était le foyer, la cause peut- être , de fréquents orages. L'ouvrage si peu lu de Deluc, LE TONNERRE. T6 intitulé : Idées sur la Météorologie, nous apprend que des nuages peuvent devenir lumineux sans qu'on ait trop le droit d'en chercher l'exphcation dans de petites fulgu- rations sans cesse renouvelées. Voici le passage du physi- cien genevois : « Me retirant chez moi à Londres, vers les onze heures d'un soir d'hiver, l'air élant très-serein, sans être bien froid, n'y ayant point de clair de lune, je vis une pom- melure lumineuse , formant une zone de plusieurs degrés de largeur, qui s'étendait à peu près d'orient en occident, passant à 30 ou dO degrés du zénith du côté du sud , et atteignant presque l'horizon de part et d'autre. Je loge très-près de la campagne, ce qui me rendit facile d'ob- server ce phénomène dans toute son étendue, et je le fis, du moment où je commençai à l'apercevoir jusqu'à la fin. Cette espèce de nue, aussi brillante dans toute sa longueur qu'une nue mince devant la lune, cachait d'abord toutes les étoiles. Peu à peu , sa pommelure se discerna miei^, et les étoiles parurent dans les intervalles des pelotes ; je les ai aperçues ensuite dans les pelotes mômes, qui ne ressemblaient plus qu'à de la gazfe; et, enfin, au bout d'environ dix minutes, elle se dissipa presque partout en môme temps. 11 y avait là quelque décomposition phos- phorique; car d'où aurait procédé cette lumière, qui partait de toute la nue? Mais il n'y avait pas le moindre signe électrique, car tout était en repos, à l'exception d'un petit mouvement qu'avait l'ensemble de cette zone. » Lorsqu'on a réfléchi sur l'énorme affaiblissement que les nuages font éprouver, dans certains jours d'hiver, à la lumière éblouissante du soleil , on a tout lieu d'être surpris 7G LE TONNER UK. qu'après le coucher de cet astre, qu'à nuit close, qu'à minuit même, le ciel étant resté également couvert, il fasse assez clair, en plein champ , pour que chacun puisse se diriger et ne pas aller se heurter contre une multitude d'obstacles. Il ne paraît guère possible d'admettre que la lumière ou, si l'on veut, que la lueur difTuse dont nous tirons tant d'avantage la nuit par un ciel entièrement couvert , provienne des étoiles. Mais l'origine stellaire une fois exclue , nous n'avons plus qu'une ressource pour expliquer les faits , c'est de supposer que tous les nuages sont lumineux par eux-mêmes. 11 n'y aurait entre eux de différence que du plus au moins. \u plus haut terme de réchelle figureraient les nuages observés par Rozier. Plus bas, et à une assez grande distance, ceux de Nichol- son ; plus bas encore , les nuages neigeux de Beccaria. Enfin , le dernier terme de Téchclle se composerait des nuages denses, épais, dont le ciel est couvert dans les nuits les plus sombres d'hiver, et qui font cependant qu'à minuit, l'obscurité en plein air n'est jamais aussi forte que celle d'un souterrain ou d'un appartement sans fenêtres ^ 1. Nous ne voulions d'abord toucher qu'à un très-petit point d'un simple phénomène météorologique, mais telles sont les connexions nécessaires des différentes sciences, que, sans y penser et sans le vouloir, nous avons pénétré, je crois, quelque peu dans un des plus grands problèmes de la philosophie naturelle. J'appelle ainsi la question de savoir par quel artifice notre soleil brille depuis tant de siècles sans rien perdre de son éclat. Les combustions ordinaires sont inconciliables avec une pareille constance. A la longue, la matière combustible et la matière comburante auraient dû, en effet, s'épuiser. Regardons la phosphorescence comme une conséquence nécessaire de l'état gazeux et nuageux ; supposons, de plus, que le soleil soit entouré d'une couche continue de nuages, et la difficulté LE TONNERRE. 77 CfliPlTRE XI. DU TO.\i\Er.RE PROPREMENT DIT, OU DU BRUIT QUE FAIT ENTENDRE LA FOUDRE QUAND ELLE s'ÉCHAPPE DES NUAGES. A l'apparition des éclairs succèdent ordinairemont, après des intervalles de temps plus ou moins longs, des bruits que tout le monde a entendus, mais sans assez remarquer peut-être les caractères divers qui les distinguent suivant les circonstances. Lucrèce donnait , ce me semble , une idée fort exacte de certains éclats de la foudre, quand il les comparait à l'aigre cri du papier qui se déchire (Liv. vi). Je n'oserais pas affirmer qu'on ait beaucoup ajouté à l'exactitude de l'assijnilation , en substituant le déchire- ment brusque d'une forte étoffe de soie, à celui du papier ou du parchemin. Quelquefois le bruit du tonnci're paraît clair et sec, comme celui d'un simple coup de pistolet. Plus généralement , il est plein et très-grave. Des observateurs prétendent même qu'il devient de plus en plus grave à mesure que le retentissement se prolonge. Des musiciens exercés pourront seuls décider cette ques- tion. disparaîtra, car les émissions phosphorescentes n'impliquent pas indispensablement une déperdition de matière. Il suffirait, peut- être, d'étendre à toute une atmosphère l'état observé par llozier dans divers parties des nuages orageux de Béziers, pour arriver à quelque chose de ressemblant à l'éclat du soleil. Si mes conjectures étaient fondées, Nicholson se trouverait avoir saisi, à quelques minutes d'intervalle, les deux constitutions atmosphériques qui don- nent naissance aux étoiles rouges et bleues. 78 LE TONNERRE. Dans les phénomènes du tonnerre , deux circonstances semblent bien dignes d'attenlion : d'une part, sa longue durée; de l'autre, les diminutions et les accroissements successifs d' intensité qui se renouvellent si fréquemment pendant le retentissement d'un seul et même coup , d'une seule et môme détonation. Aussi, ce n'est pas par hasard que l'expression roulement du tonnerre a été générale- ment adoptée ; ce n'est pas non plus sans raison qu'on a assimilé ce roulement au l)riiit qu'engendre une lourde charrette qui descend rapidement un chemin très-rocail- leux^ Nous examinerons bientôt si des échos jouent dans tout ceci le rôle principal , ou seulement un rôle secon- daire. En attendant, je rapporterai ce que j'ai pu recueillir de certain sur la plus longue durée du roulement d'un tonnerre observé en pays de plaine, et correspondant à un seul éclair. On voudra bien donner quelque attention aux paroles que je viens de souligner ; car le tonnerre, même dans nos climats, fait quelquefois entendre un bruit continu pendant des heures entières ; alors, les éclairs se succèdent presque sans interruption. 1. Personne ne s'étonnera, j'espère, que je dise ici comment on est parvenu, sur certains théâtres, à imiter, à l'aide de procédés très-simples, non-seulement les tonnerres éloignés qui produisent une sorte de bourdonnement presque uniforme, mais encore les éclats brusques, saccadés, par lesquels se distinguent les tonnerres voisins. L'opérateur se sert pour cela, d'une lame mince et qua- drangulaire de tôle, d'un mètre de long sur un demi-mètre de large, qu'il saisit par un de ses angles entre le pouce et l'index. Il lui suffit ensuite de donner à sa main, sur elle-même, un mouvement de rotation oscillatoire, de manière que l'angle saisi soit fléchi tantôt dans un sens et tantôt dans le sens opposé. En variant la rapidité de ces alternatives, on arrive à reproduire toutes les modifications possibles du bruit du tonnerre. LE TONNERRE. 79 Je trouve dans les registres d'observations faites à Paris, par de L'ïsle, à la date : Du 17 juin 1712, un tonnerre dont le roulement dura 45 secondes. Le même jour, les plus forts résultats , après celui que je viens de rapporter, furent : M , o6 et 34 secondes. Dans les observations suivantes, du 3, du 8 et du 28 juillet, de L'Isle trouva au maximum des durées de 39 , de 38 , de 36 et de 35 secondes. Ceux qui n'ont point étudié les orages en météorolo- gistes, en physiciens, ignorent peut-être que le bruit de chaque détonation n'a pas toujours son maximum d'in- tensité au début. Le tonnerre commence souvent par un roulement sourd , auquel succèdent de ]3ruyants éclats , suivis eux-mêmes d'un roulement dont l' affaiblissement est rapide , mais graduel. Ce seront , pour certaines faces de la théorie, d'excellentes pierres de touche, que les évaluations numériques des intervalles compris entre les faibles commencements de certains tonnerres et leurs périodes retentissantes. Malheureusement la science en possède encore très-peu. Celles que je vais rapporter appartiennent encore à de L'Isle, dont il faut s'étonner que le travail n'ait jamais été cité. Le 17 juin 1712, un orage gronde sur Paris ; A 0 seconde, un éclair se montre; A 3 secondes, le tonnerre commence à se faire en- tendre très-faiblement; 80 LE TONNI-nRE. A 12 secondes, il éclate; A 10 secondes, il linit doucement. Il ne s'écoula donc pas moins de 9 secondes entre le commencement du tonnerre et celui de ses éclats. Voici un second exemple correspondant à la date du 21 juillet : A 0 seconde, éclair; A JO secondes, le bruit commence faiblement; A !2G secondes, le tonnerre éclate ; A o2 secondes, il finit doucement. Les citations qui suivent auront sur les précédentes l'avantage de faire connaître la durée des éclats. Le 8 juillet 1712 : A 0 seconde , éclair ; A 11 secondes, le tonnerre commence doucement; A 12 secondes, il éclate; A 32 secondes, les éclats cessent; A 50 secondes, le bruit finit doucement. Le lecteur remarquera que la durée des éclats fut de 21 secondes. 8 juillet : A 0 seconde, éclair; A 11 secondes, le tonnerre commence doucement ; A 12 secondes, il éclate; A 38 secondes, il cesse d'éclater; A 47 secondes , il finit doucement. La durée des éclats s'est élevée ici à près d'une demi- minute. LE TONNERRE. Si Je citerai encore un cas, parce qu'il nous offrira la cir- constance nouvelle d'un redoublement de force pendant les éclats : A 0 seconde , éclair ; A 10 secondes , le tonnerre commence très-doucement ; A 13 secondes, il éclate; A 20 secondes , les éclats redoublent d'intensité ; A 35 secondes , les éclats cessent ; A 39 secondes , le tonnerre finit doucement. L'intensité du tonnerre, et par là j'entends celle de sa période la plus éclatante, offre d'étonnantes variations. Le révérend William Paxton écrivait au docteur Milles, doyen d'Exeter, au sujet d'un coup de foudre qui ren- versa, le 2 mars 1769, l'un des pinacles de la tour de Buckland-Brewer, que ce coup produisit une détonation égale au moins à celle de ce>t pièces de canon qui seraient parties à la fois. D'autre part, je lis dans les notes dont je suis rede- vable à MM. les capitaines Peytier et Hossard, qu'aux Pyrénées, des coups de tonnerre qui partaient à côté d'eux, au milieu même des nuages dans lesquels ils étaient plongés, engendraient des bruits sourds, des bruits semblables à ceux d'une masse de poudre non comprimée c|u'on enflammerait en plein air. Les boules fulminantes, une des formes du tonnerre, produisent quelquefois les plus violentes détonations. Lorsqu'une de ces boules frappa le vaisseau le Mon- tagne en pleine mer, le li novembre 17/i9, le bruit, d'après la relation du Master Chalmers, fut celui de plu- IV.— I. 6 82 LE TONNERRE. sieur.s centaines de canons qui paiMiraicnt tous à la fois, mais il ne dura pas plus d'une demi-seconde. Le tonnerre commence à se faire entendre un temps assez long après rapparilion de réclair. Tout le monde Ta remarqué, tout le monde d'ailleurs a pu le voir dans I':s tableaux que j'ai formés d'après les observations de de L'Isle. La cause de ce pliénomènc est simple ; bientôt nous la discuterons en détail ; ses conséciucnces auront d'autant plus de prix et d'utilité, que nous aurons opéré sur de plus grands ou sur de plus petits nombres; cher- chons donc quels ont été, au maximum et au minimum, les intervalles observés entre un éclair et le tonnerre correspondant. Le célèbre géomètre Lambert ne croyait pas, cfiiant au maximum, que les intervalles entre l'éclair et le bruit, s'élevassent jamais à [\0 secondes; mais à l'époque où il émettait cette opinion, il aurait pu trouver dans les IMcmoires de de L'Isle publiés à Saint-Pétersbourg des résultats notablement supérieurs à la limite qu'il adoptait. Les observations de Paris du 2 mai 1712, donnaient : /i2, hS et ù8 secondes. Celles du G juin suivant : Z|7, 48, dS et 49 secondes. D'une observation du 30 avril se déduisait l'énorme intervalle de 72 secondes. Dans les observations de Cliappe, faites à Tobolsk en l'année 17G1, je remarque, le 2 juillet, les nombres /|2, lib et 47 secondes. LE TONNERRE. 83 Le 10 du même mois, je trouve 46 secondes. Les moindres intervalles entre l'éclair et le tonnerre que j'aperçoive dans le très-petit nombre d'observations de de L'Isle, sont : o, 4 et 5 secondes. Les observations de Chappe donnent plusieurs fois 2 secondes. Ces résultats nous seront peu utiles. Nous pourrions, au contraire, déduire des conséquences curieuses et théo- riquement très-importantes, d'intervalles qui ne s'élève- raient qu'à une petite fraction de seconde. Des fractions de seconde sont malheureusement difficiles à évaluer et le commun des observateurs ne pense pas devoir en tenir compte. Quand le bruit succède à l'éclair à moins d'une seconde d'intervalle, on déclare, sans autre examen, les deux phénomènes simultanés, tandis qu'il faudrait alors, plus que jamais, apporter de l'exactitude dans les appré- ciations. Toutefois , en consultant mes propres souvenirs, je suis certain de rester dans les limites de la vérité ; je me flatte môme de ne m' exposer à la dénégation d'aucun observateur exercé, si je dis que souvent l'intervalle entre l'éclair et le bruit, n'est pas d'une demi-seconde. 84 LE TONNERRE. CHAPITRE Xll. F\IT-IL DF.S KC.I.AIRS SANS TONM'.Ur.F. , TAU IN CIEL rARTAlTEMEM SEREIN ? J.o phciiomèiie cli^s éclairs sans tonnerre ])ar un ciel parfaitement serein, est trop connu, trop généralement constaté, pour qu'il soit nécessaire d'apporter, sur ce point, le témoignage d'aucun météorologiste. Qui n'a vu, qui n'a remarqué, en effet, dans nos climats, les éclairs de chaleur? Bergman nous apprend qu'en Suède, où ils sont aussi très-communs , les campagnards les appellent éclairs de l'orge {kornblecJc), parce que d'ordinaire ils se montrent en août , quand l'orge commence à mûrir. On s'est trompé en affirmant que les éclairs de chaleur restent toujours concentrés dans le voisinage de l'horizon. Leur lumière se développe quelquefois sur toute l'étendue du ciel visible. Cette remarque ne nous sera pas inutile, quand nous rechercherons si les éclairs de chaleur exis- tent par eux-mêmes, ou s'ils sont seulement des éclairs réfléchis. CHAPITRE XIII. ' Y A-T-IL JAMAIS DES TONNERRES SANS ÉCLAIî;S? Sénèque assure qu'il tonne quelquefois sans qu'il éclaire. {Quesl. nat., liv. ii, §18.) J'ai honte d'avouer que pour l'Europe je serai presque réduit à l'assertion de Sénèque. Les tonnerres sans éclairs, malo-ré les points de théorie dont ils peuvent fournir la LE TONNERRE. 85 solution, ont peu excité l'attention des observateurs ; leurs registres n'en font jamais mention. Au surplus mes citations, en quelque lieu que je doive les prendre , ne pourront guère laisser de doute sur la généralité du phénomène. A la date d'octobre 1751, Thibault de Chanvalon écrivait , à la ^lartinique , dans son registre d'observa- tions météorologiques : « De huit jours qu'il a tonné dans ce mois, il y en a eu deux sans éclairs. » En novembre, je lis : « Tonnerre un seul jour ; trois coups un peu forts, mais sans éclairs. » Le 19 mars 17G8, près de Cosséir, sur la mer Rouge, un violent coup de tonnerre jeta l'épouvante parmi les matelots de la petite barque sur laquelle le voyageur James Bruce s'était embarqué. Ce coup de tonnerre n'' avait été précédé (V aucun éclair. CHAPITRE XIV. Y A-T-IL JAMAIS, PAR UN TEMPS COUVEUT, DES ÉCLAIRS SA>S TONNERRE? Cette question doit être résolue affirmativeuient. Au besoin, je pourrais m' appuyer d'un témoignage bien ancien : de celui de Lucrèce. Dans le sixième livre du célèbre poëme sur la nature des choses^ chacun peut lire (vers :2 16 et 217) que d'innocents éclairs s'échappent en silence de certains nuages, et qu'ils ne causent ni trouble ni terreur. Les éclairs sans tonnerre , j)ar un temps couvert, pa- raissent être communs aux Antilles. Thibault de Chanva- 86 LE TONNI-RRi:. Ion en fait mention dans ses oijsen ations météorologiques de la Martinique. A la date de juillet 1751, je vois sur ses tableaux : « Tonnerre, six jours; éclairs sans limmrrc, lieux jours. » A quoi je dois ajouter que, pendant ces deux jours à éclairs sans tonnerre, le ciel était couvert. Les observations faites à Rio-Janeiro , par Dorta , et consignées dans les Mémoires de l'Académie de Lisbonne, ne sont pas moins positives ; elles me donnent : En 1783 24 jours d'éclairs sans tonnerre. 178/1 liS — 1785 lil — 1787 51 — Le journal météorologique tenu en 182(>, à Patna, dans l'Inde (latitude, 25" 37' nord), par M. Lind, con- duit à un résultat plus fort encore que ceux de Rio- Janeiro ; j'y trouve : 73 jours d'éclairs sans tonnerre. Si nous avions sous les yeux les observations très- détaillées du Brésil et de l'Inde ;, peut-être les nombres précédents subiraient- ils quelque réduction ; peut-être trouverions-nous que dtuis nos énumérations de jours iTécIairs sans tonnerre il figure des jours sereins. Cepen- dant , comme les tonnerres et les éclairs ne se manifestent guère que dans la saison des pluies , ces réductions ne sauraient être importantes. Je ne puis pas terminer ce chapitre sans citer quelques exemples d'éclairs sans tonnerre empruntés aux observa- teurs d'Europe. Quoique je fasse beaucoup moins de cas d'une asser- LE TONNERRE. 87 tion générale que cVunc observation particulière accom- pagnée de détails minutieux (et parmi ces détails, je vais jusqu'à comprendre la date et l'heure de l'observa- tion), je dirai cependant que dans la Dissertation sur le tonnerre, couronnée en 172G par l'Académie de Bor- deaux , le père de Lozeran de Fesc parle des éclairs extrêmement vifs qui, pendant certains orages, s'élancent des nuages dans tous les sens et presque sans interrup- tion , sans donner lieu à aucun bruit appréciable. Voici, maintenant, une observation de Deluc le jeune. Le i^août 1791, après le coucher du soleil, le ciel, vu de Genève, paraissait couvert à l'ouest au-dessus du Jura. Les nuages y étaient traversés par des éclairs resplendis- sants, et, toutefois, aucun tonnerre ne se faisait entendre. A cela, on peut répondre qu'une distance de 12 à 20 kilo- mètres sulTisait pour amortir entièrement le bruit des détonations. Faisons donc un pas de plus. Les nuages du Jura s'étendirent par degrés jusqu'au zénith de Genève. « Alors il en partait encore, dit Deluc, de tels éclairs qu'ils semblaient devoir être accompagnés d'un bruit à ébranler le cerveau, et cependant on n'en entendait presque point. » Un de ces éclairs (Deluc ne dit pas que celui-là fût plus brillant que les autres) produisit, au contraire, un bruit épouvantable. Une courte ondée le suivit. « Ensuite il continua à faire des éclairs; mais, ajoute Deluc, je n'entendis plus aucun bruit. » Le passage suivant est emprunté aux Meteorolocjical observations and essays de John Dalton : « Kendal (Angleterre), 15 août 1791, entre huit et neuf heures du soir. Je ne me rappelle pas avoir jamais 88 LE TONNERRE. vu à Kt'M(l;il aiitniil d'éclairs dans un si court espace de temps. On entendit (iiichjucs loimcrrcs [somc thiindcr); mais ils étaient éloignés. » Cil VIMTP, K \ V. TONNE-T-IL JAMMS PAR l .N TEMPS PAUFAITKMKNT SEREIN? Sénéque airirnic que la foudre gronde quelquefois dans u}} ciel sans nua(jes [Quesl. nat., liv. i, § 1). Anaximandrc croyait aussi à ce phénomène, puisqu'il en avait cherché la cause {Quest. nat., liv. ii, § 18). Lucrèce, au contraire, dit sans hésiter : « Où le ciel est serein le bruit ne se fait pas entendre. » (l>iv. vi, V. 98.) Et plus loin (v. 2/i5) : « La foudre n'est engen- drée qu'an milieu d'épais nuages entassés les uns sur les autres jusqu'à d'immenses hauteurs. Elle ne naît pas sous un ciel complètement serein ou seulement voilé. » Suétone rapporte que vers la fin du règne de Titus on entendit un coup de tonnerre par un ciel serein. Dans la Vie de Charlemagne , par Eginhard , il est question d'un météore lumineux qui par un temps serein frappa et renversa le cheval que montait l'empereur. Senebier parle du tonnerre des jours sereins comme d'un fait reconnu ; malheureusement il ne dit pas si sa conviction repose sur des considérations théoriques ou sur des observations directes {Journ. de Plujs., tom. xx\, page 2/i5). Volney est plus explicite. Le 13 juillet 1788, à six heures du matin , le ciel élant sans nuages, il entendit à Pontchartrain (à JG kilomètres de V'ersailles), quatre à LE TONNERRE. 89 cinq coups de tonnerre. Ce ne fut qu'à sept licures un quart qu'un nuage parut au sud-ouest. En cjiielques mi- nutes tout le ciel fut couvert. Peu de temps après il tom- bait de la grêle grosse comme le poing. {Du Climat d-^s États-Unis.) On s'exposerait à des erreurs en allant chercher les exemples de jours sereins accompagnés de tonnerres dans les pays sujets à de forts tremblements de terre. Ces derniers phénomènes, en effet , sont souvent précédés de longs mugissements dont une illusion acoustique, encore mal expliquée , transporte le siège dans F atmosphère. Voilà pourquoi je n'ai point cité les tonnerres effroyables qu'on entendit par le temps le plus beau, il y a une cen- taine d'années, à Santa-Fé de Bogota, et en commémo- ration desquels il se dit tous les ans, à la cathédrale , la messe du bruit {la missa del ruido). CHAPITRE XVI. LA FOUDRE DÉVELOPPE PAR SON ACTION, DANS LES LIELX OU ELLE ÉCLATE, SOUVENT DE LA FUMÉE, PRESQUE TOUJOURS UNE FORTE ODEUR QUI A ÉTÉ COMPARÉE A CELLE DU SOUFRE ENFLAMMÉ. Si je voulais citer tous les cas dans lesquels l'odeur sulfureuse s'est manifestée, je ferais ici le catalogue pres- que complet des coups de foudre dont on a été à même , peu de temps après l'explosion , de suivre les effets dar.s des appartements fermés; je me bornerai donc à quel- ques exemples : je citerai, en première ligne, ceux où l'odeur développée était tellement forte qu'on la sentait en plein air. 90 LE TON NE HUE. Wafor, chiruPi^ien de Danipicr, raconte qu'en traver- sant i'iathnie de Darien les ondées qu'il éprouvait « étaient accompagnées d'éclairs et de l'uricux coups de tonnerre, et qu'alors l'air était infecté d'une odeur sulfureuse ca- pable d'ôtcr la respiration, surtout au milieu des bois. » Dans un autre passage de la relation de Wafer je lis : « Après le coucher du soleil (les voyageurs étaient à la belle étoile sur un monticule), il se mit à pleuvoir d'une si terrible force, (ju'on aurait dit que le ciel et la terre allaient se confondre. On entendait à chaque instant d'épouvantables coups de tonnerre. Les éclairs avaient une odeur de soufre si intense, que nous en fûmes presque étouffés. » Dans ses Memoirs for a gênerai Imlory of Ihe ai?', Boyle rapporte C{u'à l'époque oi^i il habitait les bords du lac de Genève, de violents, de fréquents coups de ton- nerre imprégnèrent l'air d'une odeur sulfureuse très- intense et qui mancpa de suffoquer une sentinelle sur le bord même du lac. En février 1771, à l'île de France, Le Gentil, de l'Aca- démie des sciences, vit la foudre éclater sur un point de la campagne très-peu éloigné de la galerie où il se trou- vait alors, chez le comte de Rostaing. Quatre heures après la détonation , et quoiqu'il eût beaucoup plu. Le Gentil et M. de Rostaing, en passant pai' hasard près du point foudroyé, sentirent une odeur de soufre très- prononcée. Chacun a pu concevoir pourquoi j'ai placé ici en pre- mière ligne les manifestations d'odeurs sulfureuses qui s'étaient opérées en plein air; chacun comprendra, à LE TONNEHPxE. 91 plus forte raison, tout l'intérêt qa il y avait à rechercher si la foudre produit des effets analogues en mer. Lorsque le vaisseau anglais le Montagne fut frappé par un globe de feu, le 4 décembre 17/i9, avec une détonation que le master Chalmers assimila à celle qui résulterait de l'explosion simultanée de plusieurs centaines de canons, le navire répandit une si forte odeur, qu'il paraissait n'être qu'une masse de soufre {tfw ship seemed to be nothing but sulphur). A ce moment, le Montagne se trouvait par 42° US' de latitude nord et par 13° de longitude occiden- tale, ou, ce qui revient au même, à environ 100 kilo- mètres des terres les plus voisines. Le 31 décembre 1778, à trois heures de l'après-midi, le bâtiment de la Compagnie des Indes, l'Atlas, est frappé de la foudre dans la Tamise. Un matelot est tué dans les hunes. Le navire paraît un instant tout en feu, mais il n'éprouve réellement aucune avarie perceptible. Seule- ment, il se répand partout une forte odeur sulfureuse qui dure tout le reste du jour et toute la nuit suivante. Le New-York, paquebot de 520 tonneaux, fut frappé deux fois de la foudre dans la journée du 19 avril 1827, par 38° environ de latitude nord et 63° de longitude occi- dentale comptée de Paris, c'est-à-dire à une époque où sa moindre distance à la terre était de 600 kilomètres. Au moment de la première décharge, comme le bâti- ment n'avait pas de paratonnerre, il y eut de graves dégâts; cependant, la foudre ayant trouvé sur son chemin des pièces métalliques c[iii la conduisirent à la mer, rien ne prit feu ; cela n'empêcha pas c|ue les cabines ne s'em- plissent d'épais nuages de fumée sulfureuse. 92 LE TONNEUUE. Oiuind la seconde cxplo.sioii arriva, le paraloiinerrc du ycic-York était en place. Le navire fut un instant res- plendissant de lumière comme la première fois, mais il n'éprouva pas de dommage sensible. Néanmoins les di- verses parties du paquel)ot, et particulièrement la cabine des dames, se trouvèrent subitement remplies de vapeurs sulfureuses si épaisses, qu'on ne pouvait rien voir à travers. Voici maintenant de curieux exemples d'odeurs sulfu- reuses constatées dans des coups de foudre qui ont frappé des maisons ou des édifices. Lorsque, le 18 juillet 17G7, le tonnerre pénétra par les tuyaux de six cheminées dans une maison de la rue Plu- met , à Paris , il laissa partout une odeur suffocante qui prenait à la gorge. Le 18 février 1770, longtemps après le coup de foudre qui jeta à terre , sans connaissance, toutes les personnes réunies pour entendre les litanies dans l'église de Saint- Kevern ( Cornouailles ) , l'église était encore remplie d'une odeur sulfureuse presque suffocante. A la suite du coup de foudre qui produisit beaucoup de malheurs, le 11 juillet 1819, â Chàteauneuf-les-Mous- tiers (Basses-Alpes), l'église était remplie d'une fumée noire et épaisse qui ne permettait guère d'y marcher qu'à tâtons. L'odeur sulfureuse se développe là même où aucun phénomène lumineux ne s'est manifesté. Je crois pouvoir tirer cette conséquence du passage suivant, extrait de la relation que m'a donnée M. Piihouet du coup de foudre qui frappa le vaisseau de ligne le Gobjmin en 1812. LE TONNE RRR. g.l « Dans la visite du navire, dit M. Riiiouet, qui suivit Taccident, je me fis accompagner d'un officier et du maî- tre canonnier. Arrivé à la grande soute à poudre de der- rière, je la trouvai intacte; mais lorsque je fis ouvrir la soute à pnin qui y était attenante, il en sortit aussitôt une fumée noire et épaisse et une odeur sulfureuse qui faillirent nous suffoquer tous, quoique le maître canonnier n'eût fait qu'entr'ouvrir la porte et la refermer aussitôt. Étant entrés immédiatement dans la soute à pain , nous n'y trouvâmes, à notre grand étonnement, aucune trace de feu, mais seulement un bouleversement complet : plus de vingt milliers de biscuits avaient été remués de fond en comble , sans qu'on parvînt à découvrir aucun indice du chemin qu'avait dû suivre la matière fulminante pour parvenir dans cet endroit. » CHAPITRE XYII. DES MODIFICATIONS CHIMIQUES QIE LA lOlORE FAIT SUCin A l'air ATMOSI'IIÉr.IQLE. Après la grande et célèbre expérience dans laquelle Cavendish parvint, à l'aide d'une étincelle électrique, à réunir en acide nitrique liquide, les deux éléments gazeux dont se compose l'air que nous respirons, il n'était guère permis de douter que la foudre ne sillonne pas impuné- ment de ses traits enflannnés d'immenses étendues d'at- mosphère. Peu d'années, cependant, se sont écoulées depuis l'époque où un chimiste allemand, M. Liebig, a soumis cette idée si naturelle à des épreuves décisives. En 1827, le professeur de Giessen publia l'analyse de •a 1.1^ lUNNKKUH. 77 ivsidus, obtenus par la distillation de 77 échaiililions d'eau de pluie, recueillis dans des vases de porcelaine à 77 époques dilTérentes. Parmi ces 77 échantillons d'eau, 17 provenaient de pluies d'orage. Eh bien, ces 17 pluies d'orage contenaient toutes de l'acide nitrique en plus ou moins grande quantité, combiné à de la chaux ou à de l'ammoniaque. Dans les autres échantillons, au nombre de GO , M. Liebig n'en trouva que i2 où il existât des tra- ces, de simples traces, d'acide nitrique ^ Voilà donc la matière fulminante réalisant une des plus brillantes expériences de la chimie moderne. Ces réunions subites de l'azote et de l'oxygène que l'illustre cliimistc anglais opérait en vases clos, la foudre les détermine dans les hautes régions de l'atmosphère. Il y a là pour les physiciens et pour les chimistes un vaste et important sujet d'expériences. 11 faudra examiner si, toutes les autres circonstances restant égales, les c|uantités d'acide nitrique engendrées pendant les orages ne varient pas avec les sai- sons, avec la hauteur, et par conséfjuent aussi avec la température des nuées d'où la foudre s'élance ; il faudra rechercher aussi si dans les régions intertropicales, où pendant des mois entiers le tonnerre gronde chaque jour avec tant de force, l'acide nitricjue créé par la foudre aux dépens des deux éléments gazeux de l'atmosphère, ne suffirait pas à l'entretien des nitrières naturelles dont l'existence, dans certaines localités où les matières ani- 1. Ceci fut imprimé pour la première fois en 1837, époque anté- rieure aux expériences de :\l. iîarral. Les importantes observations de ce savant amèneront dans les conclusions auxquelles s'était arrêté le chimiste de Giessen, des modifications sur lesquelles nous revieu- iirons plus loin. LE TONNERRE. 95 maies ne se voyaient nulle part, était pour la science une véritable pierre d'achoppement. Peut-être qu'en se livrant à ces investigations savantes, on découvrira aussi l'ori- gine encore cachée de quelques autres substances, de la chaux, de l'ammoniaque, etc., c{ue M. Liebig a trouvées dans les eaux provenant des pluies d'orage. Mais ne par- vînt-on à éclaircir que la seule question des nitrières natu- relles, ce serait déjà beaucoup de gagné. Ne voit-on pas, au surplus, tout ce qu'il y aurait de piquant à prouver que la foudre prépare, qu'elle élabore dans les hautes régions de l'air, le principal élément de cette autre foudre (la poudre à canon) dont les hommes font un si prodigieux usage pour s'entre-détruire. CHAPITRE XYIII. la foudre opère souvent la fl'sion des pièces de metal qu'elle va frapper. Ce chapitre se composerait de bien peu de lignes, s'il s'agissait d'établir seulement que la foudre met instanta- nément en fusion, les minces lames ou les minces fils de métal qu'elle rencontre sur sa route. Mais il importe extrêmement de connaître l'étendue de cette faailté , de recherclier quelles sont les plus grandes épaisseurs de tels ou tels métaux f|ue la foudre ait jamais fondues, d'as- signer à ce curieux phénomène, non ses Umites possibles, mais ses Umites observées, et cela en étendant l'investiga- tion à tous les temps et à tous \v.s pays. 96 LH TON m: RUE. Dans sa MéléoroIo(ji(', li\. m , chap. l", Ari^lole, aprè.> avoir fait rémmuM'ation des diverses espèces de foudres que les anciens distinguaient , dit en parlant des elTets d'une d'entre elles : « On a vu le cuivre d'un bouclier (mot à mot la cuivrure) , se fondre sans que le bois ((ju'il recouvrait) en fût endommagé. » La propriété dont jouit la foudre de fondre les métaux e^t mentionnée aussi par Lucrèce, Sénèque, Pline. Ils citent spécialement le fer, l'or, l'argent, le bronze, le cuivre. La bizarrerie remarquée par Âristote à l'égard du bois s'était olTerte aux philosophes de Rome dans des circon- stances analogues. « L'argent, dit Sénèque, se fond sans que la bourse qui le contient soit endommagée L'épée se liquéfie dans le fourreau, qui demeure intact. Le fer des javelots coule le long du bois, et le bois ne prend pas feu. » Pline assure que « de l'or, du cuivre, de l'ar- gent , contenus dans un sac , peuvent être fondus par la foudre, sans que le sac soit brûlé, sans que la cire qui le ferme, empreinte d'un cachet, ait été ramollie. » Lucrèce parle de la liquéfaction de l'airain. A moins qu'on ne suppose que la puissance de la foudre se soit prodigieusement affaiblie depuis deux mille ans, nous aurons beaucoup à rabattre de ces ré- sultats. L'épée se liquéfie dans le foun-eau ! Si par là on entend qu'un coup de tonnerre a liquéfié la masse métallique tout entière d'une large épéc romaine, les observations modernes ne nous présenteront rien de semblable. Si le mot liquéfaction n'entraîne pas nécessairement l'idée d'une fusion générale; s'il a suffi, pour qu'on l'employât, LE TONNERRE. 97 que la lame présentât çà et là ou même dans toute son étendue, des traces d'une fusion limitée en quelque sorte à la superficie, oh ! alors, le fait emprunté à Sénèque de la fusion de l'cpée , même avec la circonstance singu- lière du fourreau resté intact , peut être confirmé par des exemples puisés dans les annales météorologiques de notre temps. En 1781, M. d'Aussac et le cheval qu'il montait furent tués par un coup de foudre dans les environs de Castres. M, Garipuy, de l'Académie de Toulouse, ayant, après la catastrophe, examiné attentivement l'épée à poignée d'ar- gent que M. d'Aussac portait, aperçut : Deux petites parties fondues à la coquille de la poignée, l'une dessus, l'autre dessous; Des marques évidentes, mais superficielles, de fusion à la pointe de la lame, sur 13 millimètres de longueur; La fusion, à sa surface, du bout du fourreau en fer (ce morceau de fer était aussi percé d'un trou oblong dans lequel la lame plate et large du canif de M. Garipuy pouvait passer) ; La fusion, à 33 centimètres de la poignée, du tran- chant supérieur de la lame, sur 7 millimètres de longueur et 3 millimètres de hauteur, avec cette circonstance que, vis-à-vis de la partie fondue, le fourreau était , non pas brûlé, mais seulement percé d'un trou de 3 millimètres de diamètre. M. de Gautran , qui , au moment de l'explosion , se trouvait à côté de M. d'Aussac et dont le cheval fut aussi tué, avait un gros couteau de chasse sur lequel M. Ga- ripuy remar({ua : IV. -I. . 7 98 LE TONNERRE. Que la pctilc chaîne ou argent qui pendait du pommeau à La garde avait été l'oiidue près de la garde et s'en était détachée ; Que le pommeau avait été fondu sur une surface de 7 millimètres en carré, dans toute l'épaisseur, d'ailleurs très-peu considérable, de l'argent; Que le tranchant inférieur de la lame, ainsi que le bout du fourreau en argent, avaient été fondus vis-à-vis Tun de l'autre sur 3 millimètres en carré, et que, dans l'mtervalle compris entre ces deux portions fondues et si rapprochées, le fourreau avait été percé et non brûlé. Le lecteur remarquera, sans doute, que sur l'épée de M. d'Aussac la fusion du métal ne se manifesta pas seu- lement aux deux extrémités, c'est-à-dire aux deux points d'entrée et de sortie, mais encore dans la partie par laquelle , suivant toute apparence, la foudre se partagea entre le cavalier et le cheval. Voilà, dans un seul événement bien authentique, bien observé, fusion d'argent, fusion de deux lames d'épée sans inflammation du fourreau. Mais la fusion des lames n'eut lieu que sur une couche superficielle peu étendue, et dont l'épaisseur, comme on est autorisé à le croire, était excessivement petite. Ces deux circonstances (la dernière surtout) une fois admises, rien de plus simple que d'expliquer, d'après les vrais principes de la pro- pagation de la chaleur, comment les fourreaux des épées restèrent intacts, comment ils ne prirent pas feu. Une comparaison rendra même toute explication superflue. Il n'est personne qui ayant fait passer un très-mince fil métallique au rouge-blanc en l'enfonçant dans les bords LE TONNERRE, 99 de la flamme d'une bougie ou dans ceux de la flamme d'une lampe d'Argant, n'ait remarqué avec qucUe in- croyable rapidité ce fil se refroidit quand on le relire. Il ne s'écoule pas une seconde de temps entre le moment où le métal émettait une lumière resplendissante et celui oh il est d'une obscurité complète. Le fil sort à peine de la flamme qu'on peut le prendre impunément entre ses doigts. Ce refroidissement serait plus rapide encore si, au lieu de rester suspendu dans l'air, le fil incandescent repo- sait sur une lame métallique massive à la température ordinaire, sur une lame qui lui soutirerait sa chaleur par voie de conductibilité. Mais ce fil, qu'est-il donc autre chose qu'un des éléments de la couche superficielle peu étendue, très-échaulïée (fondue si l'on veut), qui recouvre subitement une masse métallique à la suite d'un coup de foudre. Cette couche se refroidissant avec une excessive rapidité, il n'y a plus lieu de s'étonner qu'elle n'ait pas enflammé le cuir ou toute autre matière analogue dont étaient formés les fourreaux de l'arme de M. d'Aussac ou des épées des anciens Romains , auxquelles Pline et Sénèque faisaient allusion. Le 12 juin 1825, madame la marquise veuve de Paralez fut frappée à Cordoue par un coup de foudre qui la jeta à terre , mit le feu à son chàle et brisa une chaîne en or qu'elle portait autour du cou. Des frag- ments de cette chaîne m'ont été donnés par M. José Mariano Vallejo, qui avait été lui-même témoin et en partie victime de l'événement. Je ne vois sur les chaî- 400 LE TONNERRE. nous nuciinc trace nianirestc de fusion. Par quel genre craction la chaîne a-t-clle été rompue? C'est ce Cjue je ne saurais dire ^ § 3- Les expressions de Pline et de Sénèque sur la fusion d'une lame d'épée et sur celle de pièces de moiniaie furent longtemps prises avec toute l'extension qu'elles comportent. On admettait que la lame d'épée tout entière avait été fondue ; qu'en un clin d'œil d'épaisses rondelles de cuivre, d'or ou d'argent, étaient passées à une com- plète liquidité. Cela une fois admis, comment concevoir qu'un fourreau en bois eût pu rester rempli d'une lourde masse de fer incandescente sans prendre feu ; que le tissu d'une bourse eût subi, sans aucune altération, le contact prolongé du cuivre, de l'argent ou de l'or en fusion? Cette difficulté, qui semblait insurmontable, conduisit Franklin à une supposition , sans doute bien étrange , mais qui était une conséquence inévitable des prémisses : il admit que la foudre avait la propriété d'opérer des fusions froides ; que par son action instantanée les molécules des métaux pouvaient être amenées, sans aucun développe- ment de chaleur, à toute la mobilité que le mot fluidité implique. Plus tard , des observations authentiques et totalement exemptes d'ambiguïté, lui firent reconnaître que sa théorie avait été établie sur un fait faux , tant il 1, Les fils de soie dorés, lorsqu'on les expose à un courant très- intense d'électricité artificielle, présentent des efifets très-propres à élucider les phénomènes que nous avons en vue dans ce para- graphe. — L'or qui couvre ces fils est volatilisé sans que la chaleur rompe la soie. LE TONNERRE. 101 est vrai que la vieille histoire de la dent d'or renferme un enseignement dont les esprits les plus éminents et les plus lucides peuvent encore tirer quelcpe profit. Voici, au surplus, une des observations à l'aide des- quelles il a été d'abord nettement prouvé que les fusions opérées par la foudre ne sont pas froides. La foudre tombe le 16 juillet 1759 sur une maison du faubourg de Southwark, à Londres. M. William Moun- taine va aussitôt la visiter. On lui montre la place d'un fil de sonnette qui a été fondu ; il en cherche les restes sur le parquet et les découvre principalement le long de la ligne correspondant verticalement à celle que le fil occupait sous le plafond. Ces restes se composaient de très-petits globules de fer, contenus dans des cavités du bois du parquet évidemment brûlées. Quoique l'observation, même réduite à ce qui précède, démontre suffisamment que la fusion du fil de sonnette s'était opérée par voie d'échauffement, j'ajouterai quelques remarques. Parmi les globules extraits des cavités brûlées du parquet, il s'en trouvait de différentes grandeurs; les plus petits , ayant subi une fusion complète , avaient pris une forme parfaitement sphérique ; les autres s'éloignaient d'autant plus de la sphéricité que leurs diamètres étaient plus grands. La chute de toutes ces particules enflammées explique très-naturellement ces paroles des domestiques qui s'étaient trouvés dans les chambres où des fils furent fondus : « Nous avons vu tomber dans l'appartement une pluie de feu ! » Après l'explosion du tonnerre qui frappa le Neic-York, en 18^27 (chapitre xvi, p. 91), le pont de ce paquebot so 102 LE TONNERRE. trouva parsemé de glol)ules de fer qui brCilcrent le bois du pont et celui des lisses en cinquante endroits diffé- rents, quoique en ce moment la pluie tombât par torrents et (ju il y eût presque partout de la grêle ù une hauteur de six à liuit centimètres. § 4. Deux faits ont suffi pour prouver que la foudre fond les métaux en les rendant brûlants à la manière du feu ordinaire. 11 nous faut, maintenant, ainsi que je l'ai annoncé, chercher les plus grands effets de ce genre qui aient jamais été produits. Ici les citations devraient abon- der; mais le peu de précision qu'on a malheureusement apporté dans la description des dégâts résultant de la foudre nous réduira à glaner là où tout nous permettait d'espérer une riche moisson. Je trouve dans les Transactions philosophiques que, d'après un rapport du capitaine anglais Dibden, la fou- dre en tombant, dans Tannée 1759, sur une chapelle de la Martinique, réduisit une barre de fer carrée de 25 mil- limètres décote, qui était plantée dans le mur, à l'épais- seur d'un fil très-mince. Si la diminution de diamètre observée par le capitaine Dibden s'opéra, ce qui n'est nullement certain , par voie de fusion , le fait dont nous venons de parler occuperait peut-être le premier rang parmi tous ceux du même genre que les météorologistes ont recueillis de notre temps» LE TONNERRE. 403 § 5. Quand le paquebot le Neic-York reçut un second coup de foudre dans la journée du 19 avril 1827, il y avait au sommet du grand mât une baguette de fer de 1 mètre 2 décimètres de long, de 11 millimètres de diamètre à sa base, et qui se terminait à l'extrémité opposée par une pointe très-aiguë. La portion supérieure de cette baguette que le ton- nerre fondit, formait : Un cône de 3 décimètres de long et de 6 millimètres de diamètre à la base. De la base de la baguette partait une chaîne en fer semblable à celle dont se servent les arpenteurs, une véritable chaîne pliante de Gunter, consistant en fils de fer de 6 millimètres de diamètre, d'environ ko centimè- tres de long, façonnés en crochet à leurs deux bouts, et unis par des anneaux intermédiaires. Cette chaîne allait obliquement de l'extrémité du grand mât de perroquet à la mer. Sa longueur n'était certainement pas au-dessous de liO mètres. Après le coup de tonnerre, tout ce qui en restait, tout ce qu'on en retrouva avait à peine un mètre de long. Environ huit centimètres de cette ancienne chaîne restaient encore attachés à la base de la baguette métal- lique supérieure. Ce qui fut recueilli sur le pont du navire, se réduisait à doux crochets avec l'anneau intermédiaire complètement boursouflés , et à un petit fragment do chaînon. Je commettrais un oubli impardonnable si je ne rap- pelais pas, sans plus de retard, en renvoyant au § 3 de 40i LE TONNERRE. ce cliapilrc, coinincnt on s'assura que les 39 mètres de chaîne avaient été fondus et non pas seulement brisés et projetés au loin dans la mer. En résumé : Un coup de foudre peut fondre complètement, et dans toute son étendue, une chaîne de fer de liO mètres de long en communication avec la mer par une de ses extré- mités, lorsque le diamètre des divers chaînons ne sur- passe pas G millimètres. Franklin reconnut, sur sa propre maison de IMiiladel- phie, en 1787, qu'un coup de foudre y avait fondu mie baguette conique de cuivre de 2/i centimètres de long et de 8 millimètres de diamètre à la base. Cette baguette surmontait une grosse barre de fer qui se prolongeait depuis le toit jusqu'au sol humide. En 175/i, Franklin eut l'occasion d'examiner lui-même les effets du violent coup de tonnerre qui rasa et dispersa dans tous les sens la pyramide en charpente de 21 mètres de haut dont était surmontée la tour carrée, également en charpente, du clocher de la ville de Newbury aux États-Unis. Après avoir produit cet épouvantable dégât, la foudre en arrivant au niveau supérieur de la tour carrée, suivit un fil de fer qui unissait le marteau de la cloche aux rouages de la sonnerie situés beaucoup plus bas. Ce fil, de la grosseur d'une aiguille à tricoter et de 6 mètres de long, fut réduit en fumée, à l'exception d'un debout 5 centimètres qui, après l'accident , pendait en- LE TONNERRE. 105 core à la queue du marteau, et d'un autre bout de même étendue qu'on trouva attaché à l'horloge. Le trajet du fil le long des parois revêtues de plâtre et de deux plafonds de la tour, était marqué par un sillon noir semblable à celui que laisse une traînée de poudre après qu'elle a pris feu. Cette sorte de peinture noire se composait, sans aucun doute, de la matière du fil réduite en molécules impalpables. § 7. Le premier coup de foudre que reçut le paquebot le JSeic-York, le 19 avril 1827, pendant sa traversée d'Amé- rique à Liverpool, fondit un tuyau de plomb de 8 centi- mètres de diamètre et de lo millimètres d'épaisseur, qui allait du cabinet de toilette à la mer à travers les flancs du navire. § 8. La nature procède rarement par sauts brusques. A côté de chaque effet, il y en a toujours un autre du même genre, mais quelque peu moindre, de telle sorte ({u'on peut aller des plus petits aux plus grands sans solution de continuité. Affaiblissez, par la pensée, le coup de foudre qui a fondu une certaine barre métallique, et cette barre ne se fondra plus, et elle passera seulement à cet état d'incandescence et de mollesse qui permettrait à l'ouvrier forgeron de la souder à une autre barre scmbla- blcment préparée. Après un autre degré d'alTaiblissement de la foudre, la barre ne subira plus qu'un certain échauf- fement. Une ou deux citations, et l'on pourra se convaincre que nous ne faisons pas ici une vaine théorie. 406 LE TONNERRE. Le 20 avril 1807, le lonnciTe tomba sur le moulin à vent de Grcat-Marton, dans le Lancasliire. Une grosse chaîne en fer {a large iron citain) qui servait à hisser le blé, dut être, sinon fondue, du moins considérablement ramollie. En eflct, les anneaux étant tirés de haut en bas par le poids inférieur, se rejoignirent , se soudèrent , de manière qu après le coup de foudre, la chaîne était deve- nue une véritable barre de fer! (.1 rod of iron.) Le phénomène observé à Great-Marton s'est reproduit, en juin 1829, au moulin à vent de Toothill (Essex). Là aussi, les anneaux d'une chaîne en fer qui servait à monter les sacs de blé , se trouvèrent soudés entre eux à la suite d'un violent coup de foudre. Le 5 avril 1807, la foudre tomba sur la maison du garde du bois de Vézinet, entre Paris et Saint-Germain. Après l'événement, on trouva qu'une clé , dont quelqu'un venait de se servir, était soudée par son anneau , au clou auquel on l'avait suspendue. § 10. En mars 1772, le tonnerre tomba sur une des quatre tringles de fer qui dépassent le point le plus élevé du dôme de Saint-Paul, à Londres. Suivant les vues des construc- teurs, ces tringles devaient être, par l'intermédiaire de diverses autres pièces métalliques, en communication immédiate avec de larges tuyaux de métal destinés à rece- voir les eaux pluviales et à les conduire sous terre. Une deces communications était légèrement interrompue; eh LE TONNERRE. 407 bien , tout à côté de la solution de continuité, IVBI. Wilson et Délavai remarquèrent des effets qui les autorisèrent à croire qu'une barre de fer de 10 centimètres de large et de 12 millimètres d'épaisseur, avait acquis la chaleur rouge par l'effet du coup de foudre. § 11. Pour le but que nous nous proposons , ce n'est point assez d'avoir assigné les épaisseurs de divers métaux dont les coups de foudre opèrent la fusion ; la détermination des épaisseurs qui résistent ne nous sera pas moins utile. 11 y avait, dans la ville de Crémone , une tour élevée, surmontée d'une girouette, sur laquelle tomba la foudre en août 1777. La tige de cette girouette traversait un piédestal. Le marbre en fut brisé en éclats et jeté sur tous les points environnants. La girouette elle-même, malgré sa lourde masse , alla tomber à 20 pieds de la tour ; elle était percée. Tout nous autorise donc à ranger ce coup de foudre parmi les plus violents de nos climats. Eh bien , la tige en fer de la girouette, avec ses 12 mil- limètres de diamètre , était brisée , mais n'offrait aucune trace de fusion. >^ § 12. Le 12 juillet 1770, la foudre tomba à Philadelphie, sur la maison de M. Joseph Moulde. Le capitaine Falconer, qui était dans la maison, dit que la détonation fut d'une prodigieuse intensité. A défaut de cette déclaration , l'in- tensité du coup pourrait se conclure de la fusion de 15 cen- timètres d'une tige en cuivre (de diamètre inconnu) 108 LE TONNKRRE. qui surmontait le toit. De la tige en cuivre, la foudre passa clans une ti'ingle ronde en fer, de 13 millimètres do diamètre , qui descendait le long du bâtiment et pénétrait en terre à la profondeur de 1 mètre 8. Cette tringle de IVr ne fut ni fondue, ni aucunement endommagée. § 13. Le violent coup de foudre, déjà cité (§ 6 de ce cha- pitre) , qui rasa et dispersa dans tous les sens la pyramide L'U charpente de 21 mètres de haut dont était surmontée la tour carrée de Newbury, se propagea le long de la tige en fer du pendule de l'horloge, sans la fondre. Cette tige, cependant, n'avait que la grosseur des fortes plumes d'oie. La conséquence à tirer de cette observation, quant à la faculté que possèdent les tringles de métal assez minces de transmettre de très-violentes décharges, serait quelque peu équivoque et sujette à discussion , si nous ne pouvions pas prouver que la foudre, dont la puissance au sommet du clocher de Newbury se trouva établie par les énormes dégâts qu'elle y occasionna, avait encore une grande force en arrivant à la tige du pendule. Or, les preuves de cette grande force ne nous manquent pas. En quittant la tige en question, la foudre, dans sa marche descendante, dégrada et lézarda la tour carrée sur beaucoup de points. Des pierres des fondations furent même arrachées et lan- cées à la hauteur de 8 à 9 mètres. LE TONNERRE. 109 § 14. Pendant que le capitaine Coolv était dans la rade de Batavia, la foudre tomba sur son navire avec tant de force, que la secousse fut comparée à celle d'un tremble- ment de terre. 11 n'y eut, toutefois, aucun dommage appréciable ni dans le corps du bâtiment, ni dans les manœuvres; seulement, un fil de cuivre de 5 millimètres de diamètre, qui s'étendait depuis le sommet du grand màt jusqu'à la mer où il plongeait, parut un moment être tout en feu. CHAPITRE XIX. LA FOUDRE RACCOCRCIT LES FILS MÉTALLIQUES A TRAVERS LES- QUELS ELLE PASSE, .LORSQUE SA PUISSANCE jx'eST PAS ASSEZ GRANDE POUR EN DÉTERMINER LA FUSION. Il est probable que ce raccourcissement singulier se produit toutes les fois que la foudre n'a pas assez de force pour déterminer la fusion du fil métallique qu'elle par- court. Je ne connais cependant qu'un fait de ce genre parfaitement constaté. C'est au célèbre artiste anglais Xairne que la science en est redevable. ^ Le 18 juin 1782 , la foudre tomba à Stoke Newington , dans la maison de M. Parker. Par divers indices, il fut manifeste qu'elle parcourut d'abord un tuyau fixé exté- rieurement à la maison pour donner écoulement aux eaux pluviales; qu'ensuite elle entra dans une chambre à cou- cher, et que là elle suivit un fil métallique à l'aide duquel une personne pouvait, sans quitter son lit, ouvrir et fer- 410 LE TONNERRE. mcv une serrure de sûreté fixée à la porte d'entrée. Les positions qu'occupait avant et après l'événement lui anneau fixé à l'extrémité du fil et qui était demeuré intact, montrèrent que ce fil s'était raccourci de plusieurs centimètres, quoique la foudre n'en eût parcouru que 5 mètres. Ce raccourcissement une fois constaté, chacun co - prendra sans peine pourquoi des fils métalliques tendus entre des points fixes ou presque fixes , sont souvent brisés par des coups de foudre. CHAPITRE XX. LA FOUDRE MET QUELQUEFOIS EN FUSION CERTAINES SUBSTANCES TERREUSES ET LES VITP.IFIE INSTANTANÉMENT. § 1^^ J'ai déjà dit (chapitre iv, p. 20) quelques mots des bulles et couches vitreuses que les géologues ont obser- vées sur les roches les plus élevées du Mont-Blanc, des Pyrénées, deïoluca. Voici des détails plus précis^ : En 1787, Saussure trouva, sur. la sommité du Mont- Blanc nommée le Dôme du Goûté, des masses d'amphibok' schisteux, recouvertes de gouttes et de bulles noirâtres, évidemment vitreuses, de la grosseur d'un grain de 1. « Les pierres de foudre, disait l'empereur Kang-hi , sont des métaux, des pierres, des cailloux que le feu du tonnerre a métauior- pliosés en les fondant subitement et en unissant inséparablement différentes substances. Il y a de ces pierres où l'on distingue sensi- blement une espèce de vitrification. » {Mém. des Missionnaires, tome IV. ) LE TONNERRE. 111 clianvre. Ces bulles lui parurent d'autant mieux devoir être considérées comme des effets de la foudre , qu'il en remarquait de semblables sur des briques qui avaient été frappées par ce météore. M. Ramond, qui vit les mêmes phénomènes sur plu- sieurs cimes des Pyrénées, voulut bien jadis, à ma prière, écrire la note intéressante qu'on va lire : « Le Pic du Midi est une montagne très-dominante et très-isolée. Son sommet a fort peu d'étendue. Il est formé d'un schiste micacé glanduleux d'une dureté extrême, divisé en tables assez épaisses, fort adhérentes entre elles, et ne se subdivisant point en feuillets , mais en paralléli- pipèdes obliquangles , à la manière des trapps. Sa couleur est un gris noir, un peu argenté par le mica. La foudre n'agit cju'à sa superficie, qu'elle recouvre d'un glacis d'émail jaunâtre, surmonté de boursouflures ou bulles, tantôt spliériques, tantôt crevées et concaves, ordinaire- ment opaques, quelquefois demi-transparentes. Il y a des rochers dont la face entière est vernissée de cet émail, et couverte de bulles dont la grosseur atteint souvent celle d'un pois ; mais rintérieur de la roche demeure parfaite- ment sain : la partie fondue n'a pas plus d'un millimètre d'épaisseur. « Le sommet du Mont-Perdu, que j'ai atteint il y a vingt ans, m'a olTert le même phénomène. Celui-ci, presque entièrement couvert de neige, ne montre point de rochers continus, mais seulement des fragments de petite dimension, entassés sans ordre. C'est une pierre calcaire, bitumineuse et fétide; mais elle renferme du sablon quartzeux d'une extrême finesse, qui y est mélangé 112 LE tonni;rre. en assez grande proi)orU()n. Plusieurs de ces fragments portent des marques évidentes de l'action de la foudre. Leur surface est ctiargée de bulles d'émail jaunâtre, et, comme au Pic du Midi , la fusion n'est que superficielle : elle ne pénètre pas au dedans de la pierre, malgré la petitesse de son volume ; et , ce qui n'est pas moins remarquable , une chaleur qui a été capable de vitrifier la surface n'a pas enlevé à la pierre cette odeur cadavé- reuse dont nous la privons si aisément , soit en la dissol- vant dans un acide, soit en la chaud'-mt un peu fortement, « Enfin, j'ai encore vu, il y a une douzaine d'années, la surface des rochers vitrifiée et couverte de bulles par l'effet de la foudre, dans la roche Sanadoire, montagne du département du Puy-de-Dôme, formée de klingstein porpîujr, et c|ui, dans mon opinion, est d'origine volca- nique. La fusion est, de même, superficielle, et se mani- feste par des bulles et des soufflures sur un glacis de petite épaisseur. » MM. de Humboldt et de Bonpland ayant gravi la plus haute cime de Toluca (à l'ouest de la ville de Mexico) , y trouvèrent la surface du rocher el Frayle vitrifiée. La roche est un porphyre trachytique rougeâtre, renfermant de grands cristaux de feldspath lamelleux et un peu d'am- phibole. Les masses vitrifiées occupaient 18 décimètres carrés. L'enduit, vert d'olive, n'avait guère cjue 0.1 de millhnètre d'épaisseur, et ressemblait à celui de quelques aérolithes. En plusieurs endroits la roche était percée et les trous offraient intérieurement la même croûte vitreuse. Le lieu dans lequel les célèbres voyageurs découvrirent ces masses est une espèce de tour rocheuse qui s'élève LE TONNERUE. if3 perpendiculairement au-dessus de l'ancien cratère du volcan de Toluca, actuellement rempli d'eau, et dont le sommet n'a pas plus de 3 mètres de large. Saussure, Ramond, M. de Humboldt, ne doutent pas que les bulles et couches vitreuses des Alpes, des Pyré- nées , de la Cordillère , ne soient des eflets de la foudre ; mais cette opinion n'est pas le résultat d'une observation immédiate : ils y sont arrivés par voie d'exclusion; ils l'ont adoptée parce qu'aucune autre explication n'a paru satisfaire aux circonstances du phénomène. Passons donc à des faits qui ne puissent donner lieu à aucune équi- voque. Le 3 juillet 1725, la foudre étant tombée, en rase campagne, sur un troupeau, à Mixbury (Northampton- shire), tua cinq moutons et le berger. Près des pieds de celui-ci on remarqua , dans le terrain , deux trous de 12 centimètres de diamètre et de 1 mètre de profondeur. Le révérend docteur Jos. Wasse, ayant fait creuser avec soin tout autour de ces trous, on reconnut cju'ils étaient cylinch'icfues jusqu'à la profondeur d'un demi-mètre. Après ils devenaient étroits ; plus bas encore chacun se bifur- quait. Dans la direction d'un des rameaux, on trouva une pierre très-dure, d'environ 25 centimètres de long, de 15 centimètres de large et de 10 centimètres d'épais- seur. Une fente récente la partageait en deux. Sa surface était vitrifiée. Yers l'année 1750 , la foudre tomba sur la tour des IV.— I. 8 114 LE TONNERRE. Asinelli, à Bologne, et y produisit quelque dégât. En examinant avec attention une brique sur laquelle le coup porta particulièrement, Beccaria remarqua que la très- mince couche (le mortier (sable et chaux), ([ui adhérait i\ une des faces de cette brique, avait été complètement vitrifiée sur une étendue de 8 centimètres de long et de 18 millimètres de largeur moyenne. Cette couche vitreuse était vcrdàtrc et bien diaphane. Le 3 septembre 1789, le tonnerre tomba sur un chêne, dans le parc du comte d'Aylesford, et tua un homme qui avait cherché un abri sous cet arbre. Le bâton que ce malheureux portait à la main, et ([ui lui servait d'appui, fut, suivant toute apparence, la principale voie que suivit la foudre, puisque le sol, dans le point auquel le bâton aboutissait, était percé d'un trou de 13 centimètres de profondeur et de 67 millimètres de diamètre. Ce trou , examiné peu d'instants après sa formation par le docteur Withering , ne renfermait que quelques racines brûlées du gazon. Là auraient probablement fini les observations, si lord Aylesford ne s'était déterminé à faire construire une petite pyramide dans le lieu même de l'événement , avec une inscription destinée à détourner les passants de chercher, en temps d'orage, un abri sous les arbres. Mais en creusant pour les fondations, on trouva que le sol, dans la direction du trou , avait été noirci jusqu'à la pro- fondeur de 27 centimètres ; bli millimètres plus bas , le terrain quartzeux oiTrait des traces évidentes de fusion. Les échantillons adressés à la Société royale de Londres LE TONNERRE. 115 avec le Mémoire du docteur Withering se composaient : 1" D'une pierre quartzeuse dont un des angles avait été complètement fondu ; 2° D'un bloc de sable agglutiné par la chaleur, car il n'y avait aucune matière calcaire entre les grains. Dans cette masse existait une partie creuse [holloio part), où la fusion avait été si parfaite que la matière cjuartzeuse, après avoir coulé tout du long de la cavité , présentait dans le fond une forme globuleuse ; 3° De plusieurs pièces plus petites, toutes offrant quel- ques cavités [ail hâve some holloïc par?). CHAPITRE XXI. TUBES DE FOUDRE OU FULGURITES. On doit être actuellement assez familiarisé avec l'idée de fusions, de vitrifications opérées instantanément par la foudre, pour que je puisse aborder la question si curieuse et si vivement controversée des tubes de foudre ou fulgurites. Les tubes de foudre avaient été découverts il y a plus de cent ans (1711), par le pasteur Herman, à Massel , en Silésie, comme le prouvent des échantillons conservés dans le cabinet minéralogique de Dresde ; c'est au doc- teur Hentzen qu'appartient l'honneur de les avoir trouvés de nouveau en 1805, dans la lande de Paderborn, vul- gairement appelée la Senne, et d'avoir le premier indiqué leur origine. On en a depuis recueilli un grand nombre à Pillau, près de Kœnisberg, dans la Prusse orientale j à 116 LE TONNERRE. Niellebcn , près de Halle sur Saalc ; à Drigg, dans le Cumberland ; dans la contrée sablonneuse située au pied de Rcgenstein, près de Blankenburg, et au Brésil, dans les sables de Baliia. A Drigg , les tubes ont été trouvés au milieu de buttes de sable mouvant de 13 mètres de hauteur très-voisines de la mer. Dans la Senne , on les a le plus souvent décou- verts sur le penchant de monticules de sable qui sont élevés d'une dizaine de mètres ; quelquefois aussi dans des cavités que l'on dirait avoir été creusées dans la lande en forme de jattes de GO à 70 mètres de circuit sur ^i à 5 mètres de profondeur. A Nietleben, le tube déterré par M. Kaserstein était sur le flanc sud-est d'une butte de sable et à mi-côte environ. Les fulgurites sont presque toujours creux. A Drigg , leur diamètre total était de 5^ millimètres. Ceux de la Senne ont, à la surface du sol, depuis un demi-milli- mètre jusqu'à 15 millimiètres d'ouverture ; ils se rétré- cissent à mesure que l'on s'enfonce, et se terminent souvent en pointe. L'épaisseur des parois varie entre un demi- millimètre et 27 millimètres. Habituellement ces tubes descendent dans le sable suivant la verticale. On en a souvent trouvé qui étaient implantés suivant des directions obliques formant avec l'horizon des angles de liO". Leur longueur totale dépasse quelquefois 10 mètres. De nombreuses fissures transversales les divisent en frag- ments dont les longueurs sont comprises entre 10 et 130 millimètres. Le sable qui entourait les tubes se des- sèche et s'éboule avec le temps. On voit alors ces frag- LE TONNERRE. U7 ments à la surface du sol , et ils y roulent au gré des vents. Le plus ordinairement on ne trouve en creusant dans le sable qu'un seul tuyau; quelc|uefois aussi, parvenu à une certaine profondeur, ce tuyau principal se partage en deux ou trois branches dont chacune donne naissance à de petits rameaux latéraux qui ont depuis une trentaine de millimètres jusqu'à mie trentaine de centimètres de long. Ces derniers sont coniques et terminés par des pointes qui s'inclinent graduellement vers le bas. La paroi intérieure des tubes de foudre est un verre parfait, uni et très-brillant, semblable à l'opale vitreuse (hyalithe). Elle raie le verre et fait feu au briquet. Tous les tubes, quelle que soit leur forme, sont envi- ronnés d'une croûte composée de grains de quartz agglu- tinés . Cette croûte extérieure est quelquefois arrondie ; le plus souvent elle offre une série d'aspérités assez sem- blables , c^uant à l'aspect , aux rugosités dont les petites branches de l'orme de Hollande sont couvertes, ou à l'écorce crevassée qui revêt la souche des vieux bouleaux. Les irrégularités du canal vitreux correspondent à celles de la surface extérieure ; on dirait que le tube en fusion a été plié en totalité dans divers sens. Examinés à la loupe , les grains noirs et blancs qui composent la croûte extérieure des fulgurites, paraissent arrondis comme s'ils avaient éprouvé un commencement de fusion. A une certaine distance du centre les grains blancs accjuièrent une teinte rougeàtre. La couleur de la masse interne, et surtout celle des parties extérieures, dépend de la nature des couches 118 LE TONNEUUF.. sablonneuses que les tubes traversent. Dans les couches supérieures qui contiennent un peu d'humus (terreau), rextérieur des tubes est souvent noirâtre. Pkis bas , ils sont d'un gris jaunâtre ; plus bas encore, d'un blanc gri- sâtre. Enfin, là où le sable est pur et blanc, les tubes sont aussi d'une blancheur à peu près parfaite. Quelle est l'origine des tubes de foudre, des fulgurites? Ces tubes seraient-ils des incrustations formées autour de racines qui auraient disparu? Des stalactites ou autres productions du règne minéral? Des cellules ou loges appartenant à d'anciens habitants de la mer, de la classe des vers? Ou, enfin, des produits de la foudre? Ces quatre suppositions ont été faites. Les trois pre- mières disparaîtront devant une seule remarque : A Drigg, où les monticules de sable se déplacent au gré des vents, les tubes devaient être d'une date récente, car s'ils ne sont pas étayés de tous côtés , ils se brisent au moindre choc. Voyons, quant à la quatrième supix)sition, si les indices de fusion ciue les tubes présentent dans toute leur étendue conserveront seulement le caractère vague d'indice, ou s'ils acquerront celui de preuve décisive par des expé- riences minutieuses. A Drigg, le sable dans lequel on a découvert des tubes consiste en grains de quartz , blancs ou rougeàtres, mêlés avec quelques grains de porphyre {Jiornstone-porphynj). Ces derniers grains , présentés seuls au chalumeau com- mun, s'y fondent aisément ; mais ils n'existent pas dans le sable en suffisante quantité pour y produire l'effet d'un fondant, Le sable en masse, traité de même, devient LE TONNERRE. 449 d'abord rougo, passe ensuite au blanc opaque, et finit par s'agglutiner légèrement. 11 ressemble alors, en teinte et en cohésion , à celui qui compose la couche extérieure des tubes fulminaires. Ce même sable, exposé à la flamme de la lampe d'es- prit-de-vin soufflée par un courant d'oxygène, suivant le procédé du docteur Marcet, donna, par une action long- temps prolongée, un émail analogue à celui qui revêt le canal intérieur des tubes. La fusion, toutefois, était im- parfaite, et Ton sait cependant que la lampe du docteur Marcet fond de gros fils de platine avec un vif scintille- ment. Des expériences analogues, faites avec le sable de la Senne, ont donné les mêmes résultats. A une certaine distance du centre des fulgurites, le sable de l'enveloppe, comme nous l'avons dit plus haut, a une teinte rougeàtre. Jeté dans de l'acide hydrochlo- rique, ce sable rouge se décolora et devint semblable à celui c[u'on prenait dans les couches où il est le plus blanc et le plus pur. La liqueur ayant été décantée et soumise à la réaction alcaline, des traces de fer s'y mani- festèrent. Le sable ordinaire de la Senne , après a\ oir été exposé pendant quelques instants à une forte chaleur dans un creuset de platine, devenait rougeàtre et ressemblait alors à celui qui environne les tubes, avec cette différence seu- lement qu'il était un peu plus rouge. Quand le creuset eut atteint la chaleur rouge , la ressemblance devint parfaite. Ce sable rougi dans le creuset de platine, étant soumis à l'action de l'acide hydrochlorique, se décolora comme le sable rougeàtre d'un tube fulminaire. La liqueur décantée i|20 LE TONNERRE. présenta les mêmes traces de fer, et, après une précipi- tation complète du fer, des traces de chaux. Que manque-t-il, désormais, pour qu'il soit bien établi que les fulgurites sont engendrées par des coups de fou- dre? 11 manque une seule chose : la découverte d'un de ces tubes dans le point même de la région sablonneuse vers lequel on aurait vu la foudre se diriger. Eh bien, cette preuve ne nous fera pas défaut. Le docteur Fiedler, qui a publié en Allemagne des Mémoires approfondis sur les fulgurites {Blitz rohre) rapporte , il est vrai sur de simples ouï-dire , les deux faits suivants : « L'n pharmacien de la colonie de Frederichsdorf , s'étant transporté sur la place où deux hommes venaient d'être foudroyés, découvrit dans le sol deux tubes tout à fait semblables aux tubes fulminaires de la Senne. « Sur les confins de la Hollande, dans une contrée toute sablonneuse, un berger, après avoir vu tomber le tonnerre sur une butte, trouva, dans le point même vers lequel le trait lumineux lui avait paru se diriger, que le sable s'était fondu et avait coulé en forme de tube. » Enfin, voici un fait qui tranche toute difficulté : Le 17 juillet 1823, le tonnerre tomba sur un bouleau, près du village de Rauschen ( province de Samlande, le long de la mer Baltique), et mit en même temps le feu à un buisson de genièvre. Les habitants étant accourus, virent auprès de l'arbre deux trous étroits et profonds. L'un d'eux, malgré la pluie, leur parut, au tact, être à une température élevée. M. le professeur Hagen, de Kœnigs- ])erg, fit creuser avec soin tout autour de ces trous. Le LE TONNERRE. 121 premier trou, celui qui fut trouvé chaud, n'olTi'it rien de particulier. Le second, jusqu'à la profondeur d'un tiers de mètre, ne présenta non plus rien de remarquable; mais un peu plus bas commençait un tube vitrifié. La fragilité de ce tube, conséquence inévitable de la ténuité des parois, ne permit de le retirer que par petits fragments de 4 à 5 centimètres de long. L'enduit vitreux intérieur était très- luisant, couleur gris de perle, et parsemé dans toute son étendue de points noirs. Après mi exemple où, comme le dit M. Hagen, la jiature a été prise sur le fait, personne ne peut plus dou- ter que la foudre n'ait la propriété de se frayer un chemin à travers le sable, de l'amener instantanément à l'état de fusion, et de lui donner sur la longueur énorme de 10 à 12 mètres, la forme d'un tube creux vitrifié intérieure- ment ^ 1. Je ne sais si je me trompe, mais il me semble qu'un fait consi- gné par Boyle dans ses œuvres, est encore plus extraordinaire que tous les phénomènes de fusion et de vitrification instantanée dont il vient d'être question. Ce fait le voici : « Deux grands verres à boire tout pareils étaient Tun à côté de l'autre sur une table. La foudre pénètre dans l'appartement et paraît se diriger si exactement sur les verres, qu'on s'arrête à l'idée qu'elle a dû passer entre eux. Aucun cependant n'est cassé. Suî;.run, Boyle remarque une très-légère altération de forme ; quant à l'autre , il avait été si fortement p/oye (ce qui entraîne comme conséquence nécessaire l'existence d'un ramollissement) qu'il i)0uvait à peine rester debout sur sa base. » i22 LE TONNERRE. CHAPITRE XXII. LA FOUDRE PEPiCi; QUELQUEFOIS DE PLUSIiaRS TP.OUS LES CORPS qu'elle FRAPPE. En 1778, dans raulomiic, la foudre tom])a sur la mai- son de ringcnieur Caselli, à Alexandrie. Elle n'y fit de dégât appréciable que sur les vitres d'une fenêtre. Ces viti-es étaient percées d'un, de deux ou de trois trous d'en- viron Il millimètres de diamètre. De petites fissures en étoiles fort courtes partaient de ces trous; mais aucun des carreaux n'était fendu d'un bord à l'autre. En août 1777, la foudre frappa le clocher de l'église paroissiale du Saint-Sépulcre à Crémone, rompit la croix en fer qui surmontait la flèche, et lança au loin la girouette en cuivre étamé recouverte d'une couche de peinture à l'huile, qui tournait immédiatement au-dessous de la croix. La girouette se trouva percée de dix-huit trous. Les bords de neuf d'entre eux étaient très-proéminents du côté d'une des faces de la girouette ; les bords des neuf autres étaient aussi très - proéminents , mais du côté opposé. Aucun indice ne fit supposer aux habitants de Crémone que la flèche, que la girouette, eussent reçu plusieurs décharges foudroyantes. Si, toutefois, pour expliquer la multiplicité des trous on voulait absolument recourir à des coups répétés, il faudrait, d'après les directions inverses des rébarbes, admettre neuf coups dans un sens et neuf coups, tout juste, dans le sens contraire. La manière dont LE TON NI' H RE. 123 ces trous étaient groupés forcerait de supposer cjue, par un singulier hasard, les coups de directions opposées avaient été, par couples de deux, frapper des parties presque contiguës du métal. Enfin, l'inclinaison à peu près identique de toutes les rébarbes par rapport aux deux faces de la girouette n'impliquerait pas moins im- périeusement le parallélisme des dix-huit coups. Je me tromperais fort si la réunion de tant de conditions improbables n'amenait pas chacun à l'opinion qu'adop- tèrent les physiciens auxquels on doit la première des- cription du phénomène : à l'opinion que les dix-huit trous de la girouette de Crémone furent le résultat d'un seul et même coup de foudre. Le 3 juillet 1821, la foudre tomba, h Genève, sur une maison située près du temple de Saint-Gervais. En re- cherchant minutieusement les effets qu'elle avait produits^ les rédacteurs de la Bibliothèque universelle aperçurent plusieurs trous avec des marques de fusion évidentes dans les feuilles de fer-blanc dont l'arête incHnée du toit était revêtue. Parmi les effets de ce genre, le plus remar- quable est celui qui se produisit sur une feuille de fer- blanc neuf , recourbée , qui garnissait le bas d'une cheminée à sa sortie du toit et se repliait sur la""pente de ce môme toit. La feuille en question se trouva percée de deux trous presque circulaires d'environ 3 centimètres de diamètre, distants l'un de l'autre de 13 centimètres à partir de leurs centres, offrant sur toute l'étendue de leurs contours de fortes bavures, mais dirigées, dans les deux trous, en sens opposés. un LE TONNERRE. A propos de ces trous h rcbarbcs opposes produits par la foudre, je trouve, dans le Giornale de Pietro Confi- liachi et Gaspare Brugnatelli (1827, p. 335), une obser- vation du docteur Fusinieri, remarquable suivant moi par cette circonstance, que les trous à rébarbes ne sem- blent pas s'être formes dans le point que la foudre frappa en premier lieu. Voici au surplus la traduction des paroles du physicien italien : « Le 25 juin 1827, vers les huit hem^s du soir, la foudre tomba sur la maison n" 13/i9 de Vicence. Une gouttière horizontale de fer-blanc fut frappée la première. Ce demi- tube avait subi une lacération de 10 à 13 centimètres de long. Un tube vertical de décharge du même métal qui s'adaptait à la gouttière, était percé de trois trous. Le trou supérieur, de 27 millimètres de diamètre, n'offrait de bavure ni en dedans, ni en dehors. 16 centimètres plus bas, il existait un trou à peu près circulaire, de 13 millimètres de diamètre, avec une bavure interne. Plus bas encore, à la distance de 8 centimètres, on remarcjuait un trou égal au précédent, mais sa bavure était externe. » CHAPITRE XXin. PHÉNOMÈNES DE TRANSPORT PRODUITS PAR LA FOUDRE. C'est une propriété de la foudre bien digne d'être étu- diée, que celle en vertu de lactuelle le météore transporte quelquefois au loin des masses d'un grand poids. Je vais citer ici quelques exemples de ces transports. LE TONNERRE. 425 Dans la nuit du 14 au 15 avril 1718, un coup de foudre fit sauter le toit et les murailles de l'église de Gouesnon , près de Brest, comme aurait fait une mine. Des pierres avaient été lancées dans tous les sens, jusqu'à la distance de 51 mètres. Le coup de foudre qui fi-appa jadis le château de Cler- mont en Beauvoisis, fit un trou de G5 centimètres de large et de 60 centimètres de profondeur, dans un mur dont la construction, suivant la tradition générale, remontait au temps de César, et qui, en tous cas, était si dur, C{ue le pic l'entamait à peine. Les éclats provenant de ce trou se trouvèrent dispersés, en divers sens, à plus de 10 mètres de distance. Pendant la nuit du 21 au 22 juin 1723, la foudre brisa un arbre dans la forêt de Nemours. Les deux fragments de la souche avaient, l'un 5 et l'autre 7 mètres de long. Quatre hommes n'auraient pas soulevé le premier : la foudre le jeta, cependant, à 15 mètres de distance. Le second était à 5 mètres de la première place , mais dans une direction opposée au premier fragment; son poids surpassait celui que huit hommes parviendraient à remuer. En janvier 1762, la foudre tomba sur le cTocher de l'église de Breàg, dans le Cornouailles. La tourelle (pi- nacle) en maçonnerie du sud-ouest fut brisée en cent morceaux et totalement démolie. Une pierre, du poids d'un quintal et demi, avait été jetée de dessus le toit de l'église , dans la direction du sud, à la distance de 55 mètres {sixty yards). On trouva une autre pierre à 06/1. mètres (400 yards] 126 LE TONNERRE. du clocher, mais celle-ci vers le nord; une troisième était au sud-ouest. « A Funzie, in Fetlar (Ecosse), vers le milieu du der- nier siècle, une roche de micaschiste, de 32 mètres de long, de 3 mètres de large et, sur quelques parties, de \"\20 d'épaisseur, fut arrachée en un instant par un coup de foudre, et brisée en trois grands fragments, sans comp- ter les petits. Un de ces premiers fragments, de 7'". 90 de long, de 3 mètres de large et de l"'.20 d'épaisseur, avait été simplement renversé sur lui-même; le second, de8"\50 de long, de 2'". 10 de large et de 1"\50 d'épaisseur, lancé par-dessus un tertre, alla tomber à la distance de Z|5 mè- tres. Un autre fragment, d'environ 12 mètres de long, fut projeté dans la même direction avec plus de force encore, et se perdit dans la mer. » ( Extrait par M. Hibbert des manuscrits du R. George Low, cité par M. Lyell dans le P' volume de ses Principes de Géologie.) Le 6 août 1809, à Swinton, distant d'environ 8 kilo- mètres de Manchester, la foudre produisit, sur une partie de la maison de M. Chadwick, des effets mécaniques re- marquables que nous allons décrire, sans nous occuper pour le moment de leur explication. Un petit bâtiment en briques, servant à emmagasiner du charbon de terre , et terminé dans sa partie supérieure par une citerne, était adossé à la maison de M. Chad- wick. Les murs avaient 0"'.90 d'épaisseur, et s'élevaient de 3'". 30. Leurs fondations descendaient à 30 centi- mètres environ au-dessous du sol. Le 0 août, à deux heures après midi, après des dé- charges répétées d'un tonnerre éloigné et qui semblait LE TONNERRE. * 127 s'approcher, une explosion épouvantable se fit entendre. Elle fut immédiatement suivie de torrents de pluie. Pen- dant quelques minutes, une vapeur sulfureuse entoura la maison. Le mur extérieur du petit. bâtiment, cave et citerne, fut arraché de ses fondations et soulevé en masse ; l'ex- plosion le porta verticalement, et sans le renverser, à quelque distance de la place qu'il occupait d'abord. L'une de ses extrémités avait marché de 2"'. 70; l'autre, de l^'.SO. Le mur ainsi soulevé et transporté se composait, sans compter le mortier, de 7,000 briques et pouvait peser environ 26,000 kilogrammes. Au moment du phénomène, la cave renfermait une tonne de charbon, et la citerne une certaine quantité d'eau. {Mém. de Manchester, t. ii, 2* série.) M. Liais rapporte que, pendant l'orage c|ui éclata à Cherbourg dans la nuit du 11 au 12 juillet 1852, la foudre tomba sur le mût de misaine du navire le Patriote, qui se trouvait dans le port. Le mût foudroyé a été fendu sur une longueur de 2G mètres , entre l'extrémité du mât et la liune ; plusieurs fragments ont été lancés à une grande distance. La force de projection a été telle qu'un morceau long de 2 mètres, ayant 20 centimètres d'équarrissage par le bout le plus épais, terminé en pointe par l'autre extré- mité, est venu, à 80 mètres environ de distance, enfoncer la cloison en chêne du bâtiment de la tôlerie, cloison épaisse de 3 centimètres. Cet éclat est entré par le bout le plus gros , s'est enfoncé de près de moitié de sa lon- gueur dans la cloison : un nœud l'a arrêté. 128 LE TONNERRE. CHAPITRE XXIV. ACTION MAGNÉTIQUE DE LA FOUDRE. LA FOUDRE, QUAND ELLE PASSE PRÈS d'UNE AIGUILLE DE BOUS- SOLE, EX ALTÈRE LE MAGNÉTISME, LE DÉTRUIT ENTIÈREMENT, OU RENVERSE LES PÔLES. — DANS LES MÊMES CIRCONSTANCES, ELLE PEUT COMMUNIQUER UNE AIMANTATION PLUS OU MOINS FORTE A DES BARRES D'ACIER QUI, AUPARAVANT, N'EN OFFRAIENT AUCUNE TRACE. Voilà, assurément, des propriétés de la foudre bien curieuses. Les lecteurs ne seront pas fâchés, j'imagine, de savoir comment on les a découvertes. Ils voudront aussi qu'on leur dise, si les renversements des pôles, dans les aiguilles de boussole, sont des phénomènes très- rares ; ce double but sera atteint par les citations que je réunis ici. Vers l'année 1G75, deux bâtiments anglais marchaient de conserve dans un voyage de Londres à la Barbade. A la hauteur des Bermudes , la foudre brisa le mât d'un d'entre eux et en déchira les voiles ; l'autre ne reçut aucun dommage. Le capitaine de ce second bâtiment ayant remarqué que le premier virait de bord et paraissait vou- loir retourner en Angleterre , demanda la cause de cette détermination subite, et n'apprit pas sans étonnement que son compagnon croyait suivre encore la première route. Un examen attentif des boussoles du bâtiment foudroyé, montra alors cpe les fleurs de lis des roses des vents, qui d'abord, comme c'est l'habitude, se dirigeaient au nord, marchaient au contraire le sud, en sorte c{ue les pôles avaient été totalement renversés par la foudre. Cet état se maintint pendant tout le temps du voyage. LE TONNERRE. 129 Dcins le mois de juillet 1681 , d'après ce que rapporte Boyle, le navire l'Albemarl, qui se trouvait alors à une centaine de lieues du cap Cod , fut frappé de la foudre. Il en résulta d'assez graves dégâts dans les mâts, dans les voiles, etc. Quand la nuit arriva, chacun reconnut, C.q. plus, d'après les étoiles, que des trois boussoles qui existaient sur le bâtiment , deux , au lieu de marquer lo nord , comme précédemment , indiquaient le sud , et que l'ancien point nord de la troisième était dirigé à l'ouesl. La foudre éclata sur le navire anglais le Dover, capi- taine Waddel , le 9 janvier 11 dS , par 47" oO' de latitude nord et 2*2° 15' de longitude ouest de Greenwicli. Le prin- cipal màt , le pont, les chambres et quelques parties des bordages soulTrirent plus ou moins. Les pôles des aiguilles dans les quatre boussoles que portait le bâtiment furent renversés : le nord était passé au sud et réciproquement. Un coup de foudre détruisit, il y a quelques années, le magnétisme des quatre boussoles qui existaient à bord du brick Méduse^ pendant son voyage de La Guayra à Liverpool. De ces quatre instruments , deux étaient sur le pont et deux dans la chambre du capitaine. {Silliman, t. XII, 1827.) Le coup de foudre déjà cité plusieurs fois , qui frappa le Neic-York, en 1827, eut pour effet une diminution considérable et même la neutralisation complète du ma- gnétisme des aiguilles des quatre boussoles dont ce bâti- ment était pourvu. Les renversements de pôles des aiguilles de boussole par l'influence de la foudre doivent être plus fréquents que les physiciens ne l'imaginent. Dans le court intervalle. IV. — I. 0 130 LE TONNERRE. de 1808 à 1809, j'ai été presque lémoin de deux événe- ments de celte nature. Le premier arriva sur la corvette de gueri'e française la Baleine, ({ue je vis entrer assez endommagée sur la rade de Palma à Mallorca ; le second, sur un bâtiment génois qui vint se briser sur la côte, à (|uclque distance d'Alger, au moment où, trompé par la position anomale qu'un coup de tonnerre avait donnée aux boussoles, le capitaine croyait faire route vers le nord. Dans le fait relatif à VAlhemarl, que j'ai emprunté à Boyle, il est question d'une boussole qui, après un coup de foudre, pointait à l'ouest. Les journaux nautiques citent des cas dans lesquels, par l'influence du môme météore, des aiguilles s'étaient tournées d'une manière permanente au nord-nord-ouest, ou au nord-ouest, ou au sud-ouest, etc. Pour dire la même chose en d'autres termes, la foudre n'aurait pas seulement la propiiété de renverser les pôles, nord pour sud et réciproquement; l'altération ne serait pas non plus limitée à un angle droit : elle pourrait avoir toutes les valeurs comprises entre 0 et C'est sans raison , à mon avis , que ces faits ont été regardés comme impossibles. Les aiguilles des boussoles sont ordinairement des losanges en acier très-allongés. Les pôles y occupent les deux extrémités de la grande diagonale; mais avec un peu de soin, et en manœu- vrant convenablement les aimants naturels ou artificiels qui servent à aimanter ces aiguilles, on pourait amener ces mêmes pôles aux extrémités de la petite diagonale, et dès lors, ce serait celle-ci qui se placerait à peu près LE TONNERRE. i31 dans le méridien , la grande marquerait l'est et l'ouest. Ce que feraient les aimants , le tonnerre doit quelque- fois l'opérer. Un coup de ce météore peut transporter les pôles de l'aiguille , des angles aigus aux angles obtus du losange, ou dans tout autre point intermédiaire entre ces deux positions extrêmes. Après le changement , la fleur de lis de la rose des vents que l'artiste avait soigneusement adaptée au pôle nord, correspondant à un autre point, faut-il s'étonner que, suivant la quantité du déplacement, elle se dirige au nord-ouest, au nord-est, à l'ouest, à l'est, etc.? Je me suis certainement placé dans les conditions les plus défavorables possibles, lorsque j'ai supposé que les aiguilles des boussoles marines ont toujours été fabriquées avec des masses d'acier compactes d'une certaine largeur. Jadis, en effet, ces aiguilles se composaient de deux fils distincts du môme métal , légèrement infléchis dans leur milieu. Par leur rapprochement, ces fils formaient le con- tour d'un losange. L'aiguille était donc un losange évidé, et non un losange plein comme de nos jours. L'un des fils formait les deux côtés de droite ; l'autre , les deux côtés de gauche. Aux deux bouts de la grande diagonale, aux deux angles aigus du losange , il n'y avait entre les deux fils qu'un simple contact, qu'une simple juxta-position. Dans un pareil système, il y a place pour la distribution du magnétisme la plus compliquée , pour la formation de points conséquents, et dès lors pour toutes les bizarreries qu'on a mises, à tort, sur le compte de la crédulité des marins. <32 LE TONNERRE. CHAPITRE \\V. AIMANTATION TAU LA FOUDRE. Passons des cas dans lesquels la foudre a modifié Tét^t de corps préalablement magnétisés, à ceux où elle a été le principe magnétisant. En juin 1731, un marchand avait placé dans l'angle de sa chambre, à Wakefield, une grande caisse de cou- teaux, de fourchettes, et plusieurs autres objets en fer et en acier, cjui devaient être envoyés aux colonies. La foudre entra dans la maison précisément par cet angle; elle brisa la boîte et dispersa tout ce qu'elle renfermait. Les fourchettes , les couteaux , soit qu'ils olfrissent des traces de fusion, soit qu'ils parussent parfaitement intacts, étaient tous devenus fortement magnétiques. A la suite du coup de foudre qui frappa le bâtiment le Dover, en janvier 1748 , le capitaine Waddel reconnut qu'un grand nombre de pièces en fer et en acier situées près de l'habitacle avaient été fortement aimantées. J'ai lu C{uelque part que la foudre c(ui tomba dans la boutique d'un cordonnier, en Souabe, y aimanta tellement tous les outils, que ce pauvre artisan ne pouvait plus s'en servir. 11 était sans cesse occupé à débarrasser son mar- teau, ses tenailles et son tranchet, des clous, des aiguilles, des alênes, dont ils s'étaient saisis sur l'établi. Lorsque le paquebot le New-York arriva à Liverpool en mai 1827, après avoir été deux fois frappé de la foudre, ]\L Scoresby reconnut que les clous des cloisons et des panneaux brisés, que les ferrures des mâts tombées LE TONNERRE. 133 sur le pont, que les couteaux et les fourchettes qui, au moment de la décharge, étaient dans la soute au biscuit , enfin, que les pointes d'acier des instruments de mathé- matiques, avaient acquis un magnétisme très-prononcé. Les altérations que la foudre fait éprouver aux aiguilles aimantées des boussoles nautiques, ont eu souvent de très-graves conséquences. Nous l'avons déjà dit, à la suite d'un coup de foudre, des marins, trompés par les fausses indications de leurs instruments, se sont jetés sur des écueils dont ils croyaient s'éloigner à toutes voiles. L'ai- mantation instantanée de la multitude des masses d'acier répandues sur un navire , peut créer des centres d'attrac- tion puissants. De là, sans que les boussoles aient été dérangées elles-mêmes, résultent des déviations locales d'autant plus nuisibles, qu'en pleine mer le navigateur a peu de moyens d'en constater l'existence et surtout d'en déterminer la valeur. Ces deux genres de perturbations ne sont pas les seuls contre lesquels le pilote ait à se pré- munir. Quand un coup de foudre aimante les diverses pièces en acier qui entrent dans la composition d'un chro- nomètre, et particulièrement le balancier, une nouvelle force, le magnétisme terrestre, s'ajoute à celles des ressorts qui, primitivement, réglaient la marche de ces admirables mais très-délicates machines. Cette nouvelle force donne lieu quelquefois à des accélérations ou à des retards sensibles. Aussi, après un certain nombre de jours de navigation , en résulte-t-il , sur la longitude géogra- phique, des erreurs très-dangereuses. Les chronomètres du paquebot le New- York, par exemple, à leur arrivée à Liverpool, étaient de oo'" 58' en avance de ce qu'ils 434 LE TONNERRE. aura'cnt marque si la foudre n'avail pas rrai)pé le bâti- ment. Loi-sque M. Rihouct fut blessé jiar le coup de foudre ([ui frappa le vaisseau le Gohjniin , dans la nuit du 21 au ^1^1 février 1812, toutes les pièces en acier d'une montre à répétition qui était suspendue près de sa lélc, furent aimantées. Vingt-sept ans après , cette aimantation , pro- duite par la matière fulminante , durait encore. Le danger que la foudre peut faire courir aux naviga- teurs en altérant la marche de leurs chronomètres n'a été remarqué que depuis peu d'années. CHAPITRE XXVI. LA FOUDRE, DANS SA MARCHE SI RAPIDE, ORÉIT A DES ACTIONS DÉPENDANTES DES CORPS TERRESTRES PRÈS DESQUELS ELLE ÉCLATE. Rien ne me semble plus propre à montrer que , dans sa marche si prodigieusement rapide , la foudre est gou- vernée par des forces dépendantes de la nature et de la position des corps terrestres près desquels elle éclate , que la relation adressée à Nollet, en juillet 176/i, par le comte de Latour-Landry, concernant le coup de ton- nerre qui frappa l'église d'Antrasme près de Laval. Le 29 juin 17G3, au milieu d'un violent orage, la foudre tomba sur le clocher d'Antrasme; elle pénétra dans l'église, fondit ou noircit les dorures des cadres et des contours de certaines niches; elle laissa noircies et à demi-grillées les burettes d'étain placées sur une petite armoire; enfin elle perça de deux trous profonds, régu- liers comme ceux d'une tarière, la crédence peinte en LE TONNERRE. 1311 marbre contenue dans une niche en pierre de tufl'eau. Tous ces dégâts furent réparés : on rétablit les doru- res , on boucha les trous , on repeignit toutes les parties détériorées. Eh bien , le 20 juin ilQli , le tonnerre tomba sur le même clocher; de là il passa dans la même église, où il noircit les dorures qui avaient été noircies en 1703 , et pas davantage; où il fondit celles qu'il avait fondues, juste dans les mêmes limites ; les deiLX burettes étaient noircies, grillées comme un an auparavant; enfin les deux trous bouchés et repeints se trouvèrent débouchés. Ceux qui prendront la peine de réfléchir aux milliards de combinaisons qui pouvaient rendre différentes les routes des coups de foudre de 17Go et de 17G/i , n'hési- teront pas, j'imagine, à voir avec moi, dans la parfaite identité des effets des deux météores , une preuve démon- strative de la proposition que j'ai placée en tête de ce chapitre. La foudre tomba à Péronne, le 10 septembre I8/1.I , dans une chambre où, vingt-cinq ans auparavant, elle avait failli tuer le poète Béranger. CHAPITRE XXVIJ. - LOr.SQUE l'atmosphère est Or.AGErSE, IL Y A, SniULTANÉMEXT, DANS LES ENTRAILLES DE LA TERRE, A LA SURFACE OU AU SEhN DES EAUX, DE GRANDES PERTURBATIONS. Davini écrivait à Vallisneri qu'il avait observe , près de Modène , une fontaine dont les eaux toujours limpides par un temps serein , devenaient troubles quand le ciel se couvrait. Je ne sais si cette remarque a été vérifiée nr, LE TONNKMRR. dri)uis; Vallisiieri, cii tout cas, ne la révoc[uait pas en cloute. Il ajoutait, comme résultat de ses propres obser- vations, que les salses de Zibio, de Querzola , de Cas- sola, etc., du môme duché de Modène, et que les solfa- tares annoncent un orage, avant qu'il éclate, avant même qu'il se soit formé , et cela par une certaine esprce d'ébul- lilion, par des bruiis semblables à ceux du tonncire, quelquefois aussi par de véritables coups fulminants. Toaldo cite deux phénomènes semblables, dont il avait personnellement connaissance, et que je crois devoir rap- porter. Dans les collines du Vicentin, à peu de distance de réglise paroissiale de Molvena, existe une fontaine que les habitants appellent Bifoccio, parce qu'effectivement elle embrasse deux sources. Quand un orage se prépare, cette fontaine, même après une longue sécheresse , même aux époques où elle est complètement à sec , déborde subitement et remplit un large canal d'une eau très- trouble , qui se répand dans les vallées voisines. Voici un fait dont l'analogie avec les deux précédents n'échappera à personne , et qui conduit aux mêmes con- séquences. On avait foré, à quelque distance de Perpi- gnan ( Pyrénées- Orientales) , un puits artésien, qui fournissait à l'origine une grande quantité d'eau jaillis- sante. Cette eau diminua rapidement, ce que tous les habitants attribuèrent à l'accumulation de matières vers la partie inférieure du trou , je dirais presque à la forma- tion d'une sorte de piston terreux. Il arriva, un jour où le ciel était couvert de nuages fortement orageux , qu'on entendit sous terre un bouillonnement sourd , suivi bien- LE TONNERRE. 137 tôt d'une explosion , à la suite de laquelle la fontaine artésienne fournit la même quantité d'eau qu'auparavant. A 5 kilomètres environ de la source de Bifoccio, selon Toaldo, près de l'église paroissiale de Villaraspa, dans la cour de M. Joseph Pigati , de Vicence, il y a un puits ])rofond qui bouillonne tellement aux approches d'un orage, qui fait un si grand bruit, que les habitants des environs en sont tout effrayés '. J'ose affirmer qu'on va souvent chercher au loin, dans un autre hémisphère , des sujets d'étude mille fois moins intéressants que les deux dont je viens de faire mention. Le journal de Brugnatelli nous apprend cpe, le 19 juil- let '182/|., à la suite d'un orage, les eaux du lac Massa- ciuccoli, dans le territoire de Lucques, devinrent blan- ches comme si l'on y avait fait dissoudre une grande {{uantité de savon. Cet état durait encore le 20. Le len- demain, beaucoup de poissons morts, grands et petits, furent trouvés sur le rivage ! N'est-ce pas là une double indication de c^uelque éma-- 1. Ce serait peut-être le cas de dire ici quelques mots des rou- lements souterrains qu'entendent pendant les orages ceux qui se tiennent près de plusieurs des ouvertures naturelles jjar lesquelles le célèbre lac de Zirknitz s'emplit et se vide périodiquement. Valva- sor nous apprend que deux de ces ouvertures portent deux noms (Vella et Mala-Boljnaza), qui, dans le langage de la Carniule, veu- lent dire le plus petit et le plus grand tambour. Voilà bien, assuré- ment, tout ce qu'il faut pour croire à Texistence d'un bruit souter- rain; mais ici (le doute, comme ou l'a vu, n'existe pas à Villaraspa, puisque le phénomène se manifeste avant que l'orage éclate), lo bruit est-il un simple phénomène d'acoustique, une succession d'échos, ou bien résulte-t-il d'une sorte d'orage intérieur, dont l'existence serait subordonnée à celle de l'orage atmospliérique? On manque de données pour prononcer entre ces deux hypothèses. il38 LK TONNKMRIÎ. natiDii souterraine f[ui, peiidaiiL l'oi'age du 19, se faisait jour à travers le foiul vaseux du lac? Les historiens , les météorologistes , citent des inonda- tions locales, dont les ellels ont semblé bien supérieurs à ce (|U(3 pouvait faire craindre la médiocre cjuantité de pluie provenant des nuages et tombée dans un certain rayon. 11 est rarement arrivé qu'alors on n'ait pas vu , pendant un temps plus ou moins long, d'immenses masses d'eau surgir des entrailles de la terre par des ouvertures jusque-là inconnues, et aussi, qu'un violent orage n'ait pas été le précurseur du phénomène et probablement sa cause première. Telles furent, de point en point, par exemple , en juin 1686 , les circonstances de l'inondation qui détruisit presque en totalité les deux villages de Ket- levell et de Starbotton , dans le comté d'York. Pendant l'orage, une immense crevasse se forma dans la mon- tagne voisine, et, au dire de témoins oculaires, la masse fluide qui s'en échappa avec impétuosité, contribua au moins tout autant c^ue la pluie aux malheurs qu'on eut à déplorer. Je pourrais analyser un grand nombre de cas sem- blables au précédent; mais, comme par leur nature ils laissent toujours quelque incertitude, quelque louclie dans l'esprit, je me bornerai à une seule citation nou- velle. Celle-ci aura pour caution l'imposante autorité de Beccaria. En octobre 1755 , une inondation subite produisit d'im- menses ravages dans la plupart des vallées du Piémont. Le Pô déborda. Le désastre fut précédé d'horribles ton- nerres [orrendi tuoni, dit le savant italien). D'un assen- LE TONNERRïï. 139 tiraent unanime, il eut pour cause principale l'immense volume d'eau souterraine qui tout à coup, pendant l'orage, sortit du sein des montagnes par de nouvelles ouver- tures. Ces ruptures locales de l'écorce solide du globe n'au- raient rien d'extraordinaire, s'il était prouvé c|ue dans des temps orageux l'eau tend à se réunir aux nuages, et que cette tendance se manifeste par des intumescences prononcées. Or, voilà précisément ce qui résulte avec évidence des observations faites à bord du paquebot le New-York, en avril 1827. Pendant que l'orage grondait autour de ce navire, la mer était dans un bouillonnement continuel qui, par sa nature, aurait pu faire croire à l'existence de plusieurs volcans sous-marins. On apercevait surtout trois colonnes d'eau; elles s'élançaient dans les airs, puis retombaient en écumant, puis s'élevaient de nouveau pour retomber encore. Il existe au Mont-d'Or, en Auvergne , un bâtiment très- ancien au milieu duquel est une cuve en pierre d'un seul bloc, qu'on appelle la cuve de César. Elle a 1 mètre do large et 12 décimètres de profondeur. Le fon^ de cette cuve est percé de deux ouvertures , à travers lesquelles deux colonnes d'eau, sortant de terre, jaillissent en bouillonnant, c'est-à-dire en produisant un bruit, une sorte d'éructation dont l'intensité, d'après les observa- tions souvent répétées de M. le docteur Bertrand , aug- mente considérablement quand le temps est orageux. Les habitants de la vallée avaient trouvé , eux aussi , dans le bruit de la source jaillissante de la cuve de César, • mO LE TONNERRE. un signe avant-coiiifur des or;i}2;es. Ce signe, disent-ils, ne les trompe jamais! Un pareil phénomène mérite assurément d'être suivi avec un grand soin. On ne fera pas moins pour la science en cherchant s'il est vrai , comme Bcrzélius croit l'avoir rcniarciué, ({ue les flacons bien bouchés, contenant de l'eau chargée d'acide carbonique, éclatent beaucoup plus IV('(|urmment que d'habitude pendant les orages; si l'on prouve surtout ({uc les vibrations imprimées au verre par les détonations de la foudre ne contribuent nullement à reflet qu'a observé l'illustre chimiste suédois. Le célèbre Duhamel du Monceau rapporte que les éclairs sans tonnerre, sans vent et sans pluie, ont la propriété de rompre les épis d'avoine. Les fermiers connaissent cet elTet : ils disent que les éclairs abattent les avoines. Le 3 septembre 1771 , Duhamel fut lui-m('me témoin de ce phénomène au château de Denainvilliers, près de Pithiviers. Dans la nuit du 2 au 3, il éclaira beaucoup le matin. Au jour, on trouva que tous les épis qui étaient mûrs avec de belles grappes se trouvaient rompus au pre- mier nœud. Les seuls épis verts étaient restés sur pied. Les fermiers se déterminèrent à tout faucher. Duhamel rapporte également , comme une chose posi- tive, que les éclairs font couler le blé noir ou sarrasin qui se trouve en fleur. Yoici, touchant l'action que l'atmosphère, quand clic est orageuse, exerce sur les végétaux , un fait garanti par les rédacteurs de la Bibliolhequc britanitique de Griœve , et dont l'un d'entre eux avait été témoin. Je transcris leurs propres expressions : LE TONNERRE. !41 «On enlevait, au mois de mai de Tannée dernière (1795), l'écorce d'un bois de chêne situé sur une émi- nence, à deux lieues de Genève. Cette opération n'est possible que dans la saison où la sève , en mouvement entre le bois et l'écorce , détruit suffisamment l'adhé- rence de celle-ci pour qu'elle se sépare avec facilité , et encore les ouvriers remarquent-ils que l'état de l'atmo- sphère influe d'une manière très-marquée sur cette opé- ration. Un jour, le vent était au nord , le ciel serein ; l'écorce ne s'enlevait qu'avec beaucoup de difficulté; après midi, le temps se couvre vers l'ouest, le tonnerre gronde... et au même instant l'écorce des arbres s'enlève pour ainsi dire d'elle-même , à la grande surprise des ouvriers , qui se récrient tous sur ce phénomène , et qui hésitent d'autant moins à l'attribuer à l'état de l'air, qu'il disparaît avec les symptômes de cette disposition de l'atmosphère. »(Biblio(hèque britcumique, \o\. II, p. 221.) Je passe sous silence une multitude d'o/i dit sur la propriété qu'aurait le tonnerre , alors même qu'il no tombe pas, de faire cailler le lait, d'aigrir le vin , d'accé- lérer la corruption des viandes, etc., etc. Je ne connais pas d'expériences précises qui en établissent l'exactitude. L'assertion unanime des cuisinières , des marchands de vin, des bouchers, etc., peut bien légitimer des doutes, mais ne saurait tenir lieu de preuves. U2 LE TONNERRE. CIIAPITUE XXVllI. i/kTAT F.XCEPTlONNP.r. DANS LKQT'EIi LES ORAGES ATMOSPHÉRIQUES rLACE.VT LA PARTIE SOLIDE DU GLORE, SE MANIFESTE QUELQUE- EOIS PAR DES DÉTONATIONS FOUDROYANTES QUI , SANS AUCl NE APPARENCE LUMINEUSE, PRODUISENT CEPENDANT LES MÊMES EFFETS QUE LA FOUDRE PROPREMENT DITE. Je ne connais qu'une seule ol)servation directe qui puisse justifier cet énoncé ; mais clic est si nette , si démonstrative, M. Brydone en recueillit toutes les cir- constances avec un soin si intelligent, si éclairé, que le doute, quant aux conséquences qui en découlent, ne semble pas même permis. Le 19 juillet 1785, entre midi et une heure, il éclata un orage dans le voisinage de Goldstream. Pendant sa durée, il y eut dans la campagne environnante plusieurs accidents remarquables que je vais analyser. Une femme qui coupait du foin près des rives de la Tweed tomba à la renverse. Elle appela sur-le-champ ses compagnes, et leur dit qu'elle venait de recevoir sous son pied, et sans pouvoir dire de quelle manière, le coup le plus violent. En ce moment il n'y avait eu dans le ciel ni éclair ni tonnerre. Le berger de la ferme de Lennel-Hill vit tomber à ({uelques pas de lui un mouton qui, peu de moments auparavant, paraissait en parfaite santé. Il courut pour le relever, mais il le trouva raide mort. L'orage paraissait alors être très-éloigné. Deux tombereaux chargés de charbon de terre étaient conduits chacun par un jeune cocher assis en avant sur LE TONNERRE. 4i3 ui) petit siège. Ils venaient l'un et l'autre de traverser la Tweed ; ils achevaient de gravir une montée voisine des bords de cette rivière, lorsqu'on entendit à la ronde une forte détonation semblable à celle qui serait résultée de la décharge à peu près simultanée de plusieurs fusils, mais sans aucun roulement. Au même instant, le cocher du tombereau de derrière vit le tombereau de devant , les deux chevaux et son camarade tomber à terre. Le cocher et les chevaux étaient raides morts ! Examinons scrupu- leusement les détails de cet événement. Le bois du tombereau avait été fortement endommagé, là surtout où il existait des clous et des crampons en fer. Un grand nombre de morceaux de charbon se trou- vaient dispersés au loin , tout autour du tombereau. On eut dit, d'après l'aspect de plusieurs d'entre eux, qu'ils étaient restés sur le feu pendant quelque temps. Le sol était percé de deux trous circulaires à l'endroit même où les roues le touchaient quand l'accident arriva. Une demi-heure après l'événement ces deux trous émet- taient une odeur que Brydone compara à celle de l'éther. Les deux bandes circulaires en fer qui recouvraient les deux jantes olTraient des marques évidentes de fusion dans les deux parties qui reposaient sur la teîre au mo- ment de la détonation , et nulle autre part. Le poil des chevaux avait été brûlé, particulièrement aux jambes et sous le ventre. En examinant l'empreinte faite par ces animaux sur la poussière qui couvrait la route , on reconnut qu'au moment de leur chute ils étaient, complètement morts, qu'ils tombèrent comme des masses inertes, qu'ils n'éprouvèrent aucun mouvement convulsif. U4 LE TONNi:nni'. Le corps du in.illipun'ux coclicr piTscnhiit, clx et là, dos mnrqucs de lirùlures. Ses habits, sa chemise et sou chapeau surtout, ('lai(Mit r('(hiits en hunl)e;ui\. llsrépjui- daient une forte odeui-. Voih'i iucontestablcnienl les prii)cii)aux cdets d'un coup de foudre ordinaire; eh bien, la détonation ne fut précé- dée d'aucun éclair, d'aucun phénomène de lumière. Kous avons pour garants de ce fait remarquable le cocher du second char, lecjuel, au moment de l'accident, causait avec son camarade , dont il n'était éloigné que d'une vingtaine de mètres, et q'ii le vit tomber sans avoir aperçu aucune lumière. Nous pouvons invoquer aussi le témoi- gnage du berger de la ferme de Saint-Cuthbcrt ; celui-ci déclara à M. Brydonc c{u'il suivait de l'œil les deux tom- bereaux quand la détonation arriva ; que la chute de la voiture, des chevaux et du cocher fut accompagnée de la formation d'un tourbillon de poussière, mais qu'aucun éclair, qu'aucun feu ne se montra. Nous ajouterons, enfin, que M. Brydone , dans le moment môme de l'accident , s'était placé devant une fenêtre ouverte pour montrer à quelc{ues personnes de sa société comment, avec une montre à secondes , on peut déduire la distance des nuages orageux de l'intervalle c{ui s'écoule entre l'éclair et le bruit, et qu'il entendit la détonation foudroyante sans c^u'elle eût été précédée d'aucun éclair. Une grande sécheresse régnait depuis longtemps dans le pays quand arriva l'accident dont je viens de donner la relation. LE TONNERRE. U5 CHAPITRE XXIX. l'état particulier qu'un orage atmosphérique COMMUNIQUE AU GLOBE PAR SON INFUENCE, SE MANIFESTE QUELQUEFOIS PAR DE BRILLANTS,- PAR DE LARGES PHÉNOMÈNES DE LUMIÈRE DONT LA TERRE EST d'ABORD LE SIEGE, ET QUI DISPARAISSENT A LA SUITE d'une EXPLOSION, SOIT DANS LE LIEU MÊME OU ILS SONT NÉS, SOIT APRÈS UN DÉPLACEMENT PLUS OU MOINS ÉTENDU ET PLUS OU MOINS RAPIDE. Le fait que je vais rapporter prouve que, par Tinfluence d'un orage , des flammes peuvent se développer au sein des eaux et en jaillir. Dans la nuit du ^ au 5 septembre 17G7, pendant un violent orage, le fermier d'un étang, près de Parthenai, en Poitou , le vit couvert dans toute son étendue d'une flamme si épaisse qu'elle lui dérobait la vue de l'eau ^ Il paraît, enfin, que de grands météores lumineux d'une nature analogue à celle de la foudre naissent quel- quefois à la surface du globe , môme quand le ciel ne semble pas orageux. J'en trouverai la preuve dans un événement de mer qui, déjà, a été cité sommairement pour un autre objet (chapitre xi, p. 81). Le k novembre illid, par 42° 48' de latitvide nord, et 11° un tiers de longitude occidentale (comptée de Paris), quelques minutes avant midi et par un temps serein, un globe bleuâtre de feu, de la grandeur apparente d'une meule de moulin, s'avança rapidement vers le vaisseau anglais le Montagne, en roulant à la surface de la mer, 1. Le lendemain tous les poissons flottaient morts ù la surface de l'étang. IV.— I. 10 UG LE TON m: HUE. 1a- ^K)Iic, opivs s'(Mrc (''levé verliciilomenl à peu de Uis- Inncc du navire , alla frapper les mùls avec une explo- sion comparable fi celle de plusieurs centaines de canons. Le grand mal de hune était brisé en une multitude de pi(;?ces ; une large fenle régnait de haut en bas le long du grand mât; cinq matelots furent jetés sur le pont sans eomiaissancc; un d'entre eux était grièvement brûlé. \a\ nature fulminante du phénomène me paraît résulter de Todeur sulfureuse qui se répandit dans les batteries, t>l plus particulièrement encore de cette circonstance, que de gros clous en fer arrachés dans diverses parties du navire furent projetés sur le pont avec une telle force (]u ils s'y enfoncèrent profondément. Il ne fallut rien moms que de puissantes tenailles pour les ai'racher. Le savant docteur Robinson d'Armagh a eu la com- plaisance de me faire part d'un phénomène de lumière trôs-romarquable, observé sur les eaux sans aucune appa- rence d'orage, et dont les lecteurs ne seront certainement pas fâchés de trouver la description : « Le major Sabine et le capitaine James Ross reve- naient, en automne, de leur première expédition iircti- C|ue ; ils étaient encore dans les mers du Groenland pendant une des nuits si sombres de ces régions, quand ils furent appelés sur le pont par l'officier de quart qui venait d'apercevoir quelque chose de très-étrange. C'était, en avant du navire et précisément dans la direction qu'il suivait, une lumière stationnaire sur la mer et s'élevant à une grande hauteur, pendant que partout ailleurs le ciel et l'horizon paraissaient noirs comme de la poix. 11 n'y avait dans ces parages aucun danger connu ; la route LE TONNERRE. !47 jie fut donc pas changée. Lorsque le navire pénétra dans la région lumineuse, tout l'équipage était silencieux, atten- tif, en proie à une vive préoccupation. Aussitôt on aper- çut aisément les parties les plus élevées des niàts et des voiles et tous les cordages. Le météore pouvait avoir une étendue de 400 mètres. Lorsque la partie antérieure du navire en sortit, elle se trouva subitement dans l'obscu- rité ; aucun affaiblissement graduel ne se fit remarquer. On s'était déjà fort éloigné de la région lumineuse qu'elle se voyait encore à l'arrière du navire. » La cause de ces phénomènes de lumière, pour me servir de la belle expression de Pline, est encore cachée dans la majesté de la nature. Indépendamment des feux problématiques dont il vient d'être question, lesquels, en temps d'orage, naissent sur le sol , y demeurent quelque temps stationnaires et ne le quittent que pour éclater à une petite hauteur, comme les feux de Fosdinovo et de Dijon , ce serait sur la terre , s"il fallait en croire MafTei, Chappe, etc., que s'élaborerait presque toujours la foudre ; ce serait de terre que parti- raient subitement, inopinément, les éclairs foudroyants. Au lieu de se précipiter des nuages, ces éclairs iraient, au contraire, les rejoindre par un mouvement dirigé de bas en haut. Les partisans de cette opinion disent qu'ils ont vu dis- tinctement la foudre s'élever à la manière des fusées. En admettant comme un fait la marche si rapide qui résulte des expériences de M. Wheatstone, on conçoit difficile- ment la possibilité de distinguer à l'œil si un éclair qui joint les nuages à la teirc , a été montant ou descendant. lis LIÎ TONNERRE. Toutefois, comnicnl taxer d'erreur tant d'observateurs exercés? Les éclairs ascendants, ainsi que les éclairs en boule , dont il a été si longuement question dans le cha- pitre VII, se mouvraient-ils donc plus lentement que les éclairs engendrés au sein de l'atmosphère? Ce sujet appelle de nouvelles recherches. Celui qui aura vu, nettement vu, un éclair attaché à la terre par l'une de ses extrémités, ne point atteindre par l'extrémité opposée la surface des nuages, aura fait faire à la question un pas décisif. CHAPITRE XXX. FEUX SAINT-ELME. IL SE MONTRE SOUVENT, EX TEMPS d'OKAGE , DES LUMIÈRES VIVES ET LÉGÈREMENT SIFFLANTES, AUX PARTIES LES PLUS SAILLANTES DES CORPS TERRESTRES. Dans les temps orageux, les portions saillantes des corps, et principalement les parties métalliques, brillent quelquefois d'une assez vive lumière, C|ue les anciens dési- gnaient sous les noms de Castor et Pollux. Aujourd'hui, ces feux sont plus généralement connus sous le nom de feux Saint-Elme. Les Portugais les appellent Corpo- Santo, les Anglais Comazants. Dans quelques parties de la Méditerranée, on les nomme Saint-Nicolas, Sainte- Claire ou Sainte-Hélène. Les Commentaires de César renferment une des plus anciennes relations de ce phénomène qui nous aient été conservées. Dans le liM'e sur la guerre d'Afrique , § 47, on lit : « Cette même nuit (une nuit orageuse pendant LE TONNERRE. 1 19 laquelle il tomba beaucoup de grêle), le fer des javelots de la cinquième légion parut en feu. » Sénècjuc raconte qu'une étoile alla , près de Syracuse , se reposer sur le fer de la lance de Gylippe. On lit dans Tite-Live que le javelot dont Lucius Atreus venait d'armer son fils, récemment enrôlé parmi les sol- dats, jeta des flammes pendant plus de deux heures sans en être consumé. Pline avait vu lui-même de semblables clartés, à la pointe des piques de soldats qui étaient la nuit en faction sur les remparts. Plutarque parle d'observations semblables faites en Sardaigne et en Sicile. Procope nous apprend que , dans la guerre contre les Vandales, le ciel favorisa Bélisairc du même prodige. Voilà , ce me semble , assez de faits, quant aux flammes qui se montrent à terre, sur la pointe des lances, des jave- lots, etc. Les mômes auteurs nous fourniraient des cita- tions beaucoup plus nombreuses encore , relativement à des apparitions analogues qui ont eu lieu en temps d'orage dans les diverses parties des navires. Plutarque rapporte, par exemple, qu'au moment où la flotte de Lysandre sortait du port de Lampsaque pour attaquer la flotte athénienne, les deux feux ciu'on appelle les étoiles de Castor et de Pollux, allèrent se placer des deux côtés de la galère de l'amiral lacédémonien. On regardait, dans l'antiquité, les apparitions de flam- mes sur les mâts, les vergues ou les cordages des bâti- ments, comme des présages. Aussi étaient-elles observées avec un grand soin et recueillies scrupuleusement par les 450 LE TONNERUK. liistoliens. Une seule (lainine (on lui doiinoit alors le nom d'Hélène), était considérée comme un signe menaçant. Deux tlanimcs, Castor et Pollux, prédisaient, au con- traire, du beau temps et un heureux voyage. Si Ton est curieux de savoir sous quel point de vue les navigateurs contemporains de Colomb envisageaient ces mêmes phénomènes, nous emprunterons à Vllisloria del Abniranlc, écrite par son fils, ce passage si fortement empreint des idées du xv" siècle : « Dans la nuit du samedi (octobre l/i93, pendant le second voyage de Colomb), il tonnait et pleuvait très- fortement. Saint-Elme se montra alors sur le mât de perro- quet avec sept cierges allumés, c'est-à-dire qu'on aperçut ces feux que les matelots croient être le corps du saint. Aussitôt , on entendit chanter sur le bâtiment force lita- nies et oraisons, car les gens de mer tiennent pour certain que le danger de la tempête est passe dès que Saint-Elme paraît. Il en sera de cette opinion ce ciu'on voudra , etc. , etc. » Herrera nous apprend que les matelots de Magellan avaient les mêmes superstitions. « Pendant les grandes tempêtes, dit-il, Saint-Elme se montrait au sommet du màt de perrocjuct, tantôt avec un cierge allumé, et tantôt avec deux. Ces apparitions étaient saluées par des accla- mations et des larmes de joie. » En y regardant de bien près , peut-être apercevrait-on que le prestige dont les feux Saint-Elme étaient entourés dans l'antiquité, s'est conservé beaucoup plus longtemps qu'on ne paraît disposé à le croire. Quant à l'assimilation singulière de ces feux à des cierges allumés, on n'en LE TONNl'RRE. 15' découvre plus aucune trace dans les relations des naviga- teurs du milieu ou de la fin du xvii^ siècle. Peut-être, cependant, faut-il la regarder comrae la source de cette autre opinion , passablement étrange aussi , qui faisait des feux Saint-Elme des objets matériels dont on pouvait aller se saisir au sommet des mâts pour les descendre sur le pont. Le passage que je vais emprunter aux Mémoires de Forbin, présentera ces idées dans toute leur naïveté, en même temps qu'il fera connaître les énormes dimensions que les feux Saint-Elme acquièrent quelquefois : « Pendant la nuit (en 1696, par le travers des B;i- léares) , il se forma tout à coup un temps très-noir, accom- pagné d'éclairs et de tonnerres épouvantables. Dans la crainte d'une grande tourmente dont nous étions menacés, je fis serrer toutes les voiles. Nous vîmes sur le vaisseau plus de trente feiLX Sainte-Elme. II y en avait un , entre autres, sur le haut de la girouette du grand mât qui avait plus d'un pied et demi (0".50) de hauteur. J'envoyai un matelot pour le descendre. Quand cet homme fut en haut, il cria que ce feu faisait un bruit semblable à celui de la poudre qu'on allume après l'avoir mouillée. Je lui ordonnai d'enlever la girouette et de venir; mais à peine l'eut-il ùtée de place, que le feu la quitta et alla se posefsur le bout du mât, sans qu'il fût possible de l'en retirer. 11 y resta assez longtemps, jusqu'à ce qu'il se consuma peu à peu. » Si j'arrêtais mes citations ici , on aurait peut-être rai- son de s'imaginer que la cause des feux Saint-Elme avait anciennement plus d'activité que dans les temps mo- dernes. Rapportons donc encore quelques faits, et nous verrons des aigrettes lumineuses naître, comme jadis en ir,2 LE TONNERRE. tomp:^ crora2;o, sur des corps de toiilc nature, même les moins élevés. Dans XUincranj de Fynes Moryson, secrétaire de lord Montjoy, on lit qu'ù la date du 23 décembre 1601, an siège de Kingsale, pendant que le ciel était sillonné par des éclairs (sans tonnerre), les cavaliers en senlincllc voyaient des lampes brûler {lanips burn) à la pointe de leurs lances et de leurs épées. Le 25 janvier 1822, pendant une forte averse de neige, ]\1. (le Thielaw, qui se rendait alors à Freyberg, remar- qua sur la route que les extrémités des branches de tous les arbres étaient lumineuses. La lumière paraissait légè- rement bleuâtre. Le 1/| janvier 182/r, à la suite d'un orage, M. Maxa- doi'f ayant porté ses regards sur un chariot chargé de paille qui se trouvait au-dessous d'un gros nuage noir, au milieu d'un champ près de Cothcn, observa que tous les brins de paille se redressaient et paraissaient en feu. Le fouet mcme du conducteur jetait une vive lumière. Ce phénomène disparut dès que le vent eut emporté le nuage noir ; il avait duré dix minutes. Le 8 mai 1831, après le coucher du soleil, des officiers d'artillerie et du génie se promenaient tôte nue pendant un orage, sur la terrasse du fort Bab-Azoun, à Alger. Chacun, en regardant son voisin, remarqua avec étonne- ment, aux extrémités de ses cheveux tout hérissés, de petites aigrettes lumineuses. Quand ces officiers levaient les mains, des aigrettes se formaient aussi au bout de leurs doigts. (Voyage de M. Rozct.) Pendant l'orage du 8 janvier 1839 , quand la foudre LE TONNERRE. '1o3 frappa la tour de Téglise de Ilasselt, des cultivalcurs qui se trouvaient sur la digue entre Zwolle et Ilasselt, aux environs de cette dernière ville, observèrent un singulier phénomène. Peu de moments avant que le coup fou- droyant éclatât, ils remarquèrent que leurs vêtements étaient tout couverts de feu. En faisant de vains efforts pour l'en ôter, ils portèrent leurs regards sur les objets qui les environnaient, et virent avec eftroi que les arbres et les mâts scintillaient de la môme flamme; le coup retentit, et aussitôt les flammes disparurent. {Journal de La Haye.) N'y a-t-il pas quelque raison de s'étonner que des phé- nomènes qui se développent avec tant d'intensité près du sol et sur les parties saillantes des navires soient si rare- ment remarqués à la pointe des clochers ou sur les tiges des girouettes dont la plupart des maisons sont surmon- tées? Je n'ai qu'un mot à répondre : on n'aperçoit pas les feux Saint-Elmc au sommet des grands édifices, par la seule raison qu'on n'y prend pas garde. Là où il s'est trouvé des observateurs attentifs, les sommités de toute nature ont repris leurs droits '. Watson recueillait déjà une relation qui lui venait de France, et dans laquelle il était question de cette re- marque faite pendant vingt-sept années consécutives par M. Binon, curé de Plauzet, que, pendant les grands 1. Gueneau de Montbeillard rapporte, d'après le témoignage de d'IIermolaus Barbarus et d'Aldrovand , qu'on a vu quelquefois dans des temps d'orage, à des hauteurs très-considérables, des corbeaux dont le bec jetait une vive lumière. « C'est peut-être, ajoute le col- laborateur de BufTon, quelque observation de ce genre qui a valu à l'aigle le titre de ministre de la foudre. » 154 Llî TONNKUIŒ. oriift'os, les trois pointes do la croix du cloclior pnrais- saicnt enveloppées de flammes. En Allemagne, la sommité de la lour do Naumbourg était citée, sous ce rai)port, comme une exception singu- lière et très-remarquable; mais, au mois d'aoûl 1708, l^ichtenberg aperçut ces mêmes foux sur le clocher de la tour Saint-Jacques à Gœttingue. Le 122 janvier 1778, pendant un violent orage accom- pagné de pluie et de grêle, M. Mongez apercevait des aigrettes lumineuses sur plusieurs des sommités les plus élevées de la ville de Rouen. En 1783, M. Sauvan publiait que le 22 juillet, la nuit étant orageuse, il avait aperçu pendant trois quarts d'heure une couronne de lumière autour de la boule du clocher des Grands-Augustins à Avignon. Avant de clore ce chapitre, il ne sera peut-être pas inutile de dire que, par des circonstances atmosphériques toutes pareilles, du moins en apparence, et pendant des orages d'une égale intensité, les feux dont nous venons de nous occuper ont cependant, je ne dis pas seulement des intensités, mais des formes dissemblables; que sou- vent ils ressemblent à des aigrettes; que parfois aussi leur lumière se trouve concentrée en un petit globe, sans aucune trace de jets divergents. LE TONNERRE. 4 35 CHAPITRE XXXI. PENDANT DE GRANDS ORAGES, LES GOUTTES DE PLUIE, XES FLOCONS DE NEIGE, LES GRÊLONS, PRODUISENT DE LA LUMIÈRE EN ARRI- VANT A TERRE, OU MÊME EN s'eNTRE-CIIOQUANT. Plusieurs physiciens ayant nié la réalité de ce phéno- mène, j'ai cru devoir rechercher, avec un soin tout par- ticulier, les observations qu'on en a faites. Elles permet- tront à chacun d'avoir, à ce sujet, une opinion raisonnée et personnelle. Les pluies d'orage sont c{uelquefois assez lumineuses pour que dom Hallai, prieur des Bénédictins de Lessay, près de Coutances, crût ne point exagérer en disant, dans une lettre à Mairan : « Le 3 juin 1731, au soir, pendant des tonnerres extraordinaires , il tombait de toutes parts comme des gouttes de métal fonda et embrasé. » En 1761 , Bergman écrivait à la Société royale de Londres : « J'ai observé deux fois vers le soir, sans qu'il tonnât , une pluie telle qu'à son contact tout scintillait, et que la terre semblait couverte d'ondes enflammées. » On pourrait croire que les régions septenfrionales sont plus propres que les autres à la production des pluies lumineuses, puisque dans le très-petit nombre de citations qu'il m'est possible de faire à ce sujet, il en est encore une, comme on va voir, qui appartient à la Suède. Pendant la matinée du 22 septembre 1773, il tonna,, il éclaira et il tomba une pluie très-abondante dans le district de Skara (Gothie orientale). Ensuite on éprouva 1-if. LE TONNKRRF. uiio clialciir acrablanlo. La i)luie rcconimcnra à six licurcs du soir. Alors, disent toiilos les relations, chaque goutte jetait du feu en arrivant à terre. Le 3 mai 17G8, près la Candie, à deux lieues d'Arnay- le-l)uc, M. Pasumot fut surpris en plein champ par un gros orage. Quand il s'inclinait pour faire couler l'eau qui s'était accumulée près des rebords de son chapeau, cette eau, en rencontrant dans sa chute à environ un demi-mètre de terre celle qui tombait directement des nuages, en faisait jaillir des étincelles. Le 2S octobre 1772, sur la route de Briguai à Lyon, l'abbé Bertholon fut surpris par un orage vers les cinq heures du matin. Il tombait de la pluie et de la grêle en très-grande abondance. Les gouttes de pluie et les grê- lons qui rencontraient dans leur chute les parties métal- liques de la selle du cheval que montait M. Bertholon produisaient à l'instant môme des jets lumineux. Une personne de la connaissance du célèbre météoro- logiste Howard lui raconta que s'étant trouvée de nuit sur la route de Londres à Bow, pendant le violent orage du 19 mai 1809, elle vit distinctement que la pluie qui tom- bait devenait lumineuse au moment de son arrivée à terre. Voilà tout ce que j'ai pu recueillir quant à des pluies lumineuses. La grêle et la neige ne me fourniront qu'une ou deux citations '. 1. Pendant un orage, des voyageurs remarquèrent qu'en cra- chant, les gouttes de salive étaient lumineuses presque au sortir de la bouche. La frayeur dont furent saisis ceux qui se surprirent ainsi crachaut du ftu pouvant se renouveler, il m'a paru que Toliserva- tion, qui d'ailleurs par elle-même n'est pas dépourvue d'une certaine impoitancc théorique, devait être consignée dans cette notice. LE TONNERRE. 137 Dans sa lettre déjà mentionnée de 17G1, Bergman, après avoir parlé des pluies qui, en arrivant à terre, de- viennent lumineuses, dit qu'il a observé quelquefois le même phénomène pendant des averses de neige. Le 25 janvier 1822, des mineurs de Freybcrg racon- tèrent à Lampadius que le grésil (petite grêle) qui tom- bait pendant un orage était lumineux quand il arrivait ii terre. Pour qu'on ne s'égare pas en cherchant l'explication de ce phénomène ; pour qu'on n'essaie pas d'en trouver la cause dans des propriétés qui appartiendraient spécia- lement à l'eau liquide et à l'eau gelée, j'avertirai qu'on a aussi observé des pluies de poussière lumineuses. Ainsi, la poussière, fine comme du tabac d'Espagne, qui tombait sur la ville de Naples et sur les environs pen- dant l'éruption du Vésuve de l'année 179/i, émettait une lumière phosphorique pâle, mais bien visible la nuit. Un Anglais, M. James, qui se trouvait dans une chaloupe près deXorre del Greco, remarqua que son chapeau, celui des matelots et les parties de la voile où la poussière s'était rassemblée , répandaient surtout une lueur sen- sible. 458 LL TON Mi UK 11. ciiAriTi;i: xwii. CKoci; AiMiiK i)i:s or, \(;es. Y \-T-lL DKS UEIX OU IL Mi TONXK JAMAIS? — QIELS SONT LES LIEIX 01 1), TONNE LE PLUS? — TONNE-T-IL Al JOURl/nUI AISSI SOUVENT QUE DANS LES SIÈCLES PASSÉS? — DES f:iRCONSTANCES LOCALES INFLL'ENT-ELLES SUK LA FRÉQUENCE UE CE PHÉNOMÈNE? TONNE-T-IL TOUT AUTANT EN PLEINE MER QU'aU MILIEU DES CONTINENTS ? — QUELLE EST DE NOS JOURS , QUANT A LA FUÉ- Ql'ENCE, LA DISTRIBUTION CÉ0(;RAPIIIQUE DES ORACES? La botanique, la zoologie, rcntomologic, etc., ont donne lieu à de curieuses, à d'importantes classifications géographiques. On aurait donc ([uelquc droit d'être sur- pris si je n'essayais pas de faire aussi la géographie des orages. A défaut d'une solution satisfaisante des questions dont je viens de tracer l'énoncé, je montrerai du moins la marche qu'il faudra suivre quand on aura recueilli des documents suffisants. Première question. — Y a-t-il dos lieux où il ne tonne jamais? Pline {Hist. nat., liv. ii, § 52) dit qu'il ne tonne pas en Egypte. Aujourd'hui il tonne beaucoup à Alexandrie et trois ou quatre fois par an au Caire. Dans le Traité de la Superstilion de Plutarque on lit : « Celui qui ne navigue point ne craint point la mer ; celui qui ne suit pas les armes ne redoute point la guerre ; ni les voleurs de chemins, celui qui ne bouge de sa maison., , ni le tonnerre, celui qui demeure en .Ethiopie. » Je ne suis guère disposé à croire que du temps de Plutarque il ne tonnait jamais au sud de l'Egypte, comme LE TONNERRE. \o9 rinsinue le passage qu'on vient de lire. En tout cas, les choses seraient bien changées. Puisqu'il tonne quelquefois au Caire , puisqu'il tonne beaucoup en Abyssinie , à Gondar, par exemple, j'ose affirmer, quoiqu'en ce mo- ment je n'aie sous les yeux aucune observation directe, qu'il tonne dans toute l'étendue de l'ancienne ^Ethiopie. Si je ne puis pas citer un seul point situé dans les régions chaudes ou tempérées de l'ancien continent où il ne tonne jamais, il en sera tout autrement de l'Amérique. Les habitants de Lima (Pérou) (lat. 12° sud, longit. 79 degrés et demi ouest) qui n'ont pas voyagé, ne se font aucune idée du tonnerre. Nous pouvons ajouter qu'ils ne connaissent pas davantage les éclairs , car les éclairs sans bruit eiLX-mêmes ne sillonnent point l'atmosphère souvent embrumée, mais jamais couvei'te de véritables nuages, du bas Pérou. Passons maintenant des régions chaudes aux zones glaciales. En 1773, de la fin de juin à la fin d'août, le Race Horse , commandé par le capitaine Phipps , navigua con- stamment dans les mers du Spitzberg. Pendant cet inter- valle de deux mois d'été, on n'entendit pas le tonnerre une seule fois; on n'aperçut pas un seul éclair. Mon ami le révérend docteur Scoresby, jadis si célèbre comme capitaine baleinier, et à qui l'on doit une si inté- ressante description des pliénomènes des mers polaires, rapporte que pendant ses nombreux voyages il n'a aperçu d'éclairs, au delà du G5° de latitude, que deux fois. Il ne croit pas que jamais on ait vu éclairei' au Spitz- berg. lle marche diurne, le 19 jan- vier 1824 : «N» 118 + T.O. «N° IGO - 18% 7. «N° 2G + 27'.(). « C'est-à-dire qu'elles ont toutes les trois accéléré leur mouvement; et comme cette nouvelle marche diurne donne avec exactitude la différence en longitude qui existe entre Savu et le Port-Jackson, nous ne pouvons attribuer le changement survenu dans leur marche observée à Amboine qu'aux violents orages qui, dans les parages de Timor, ont été si bruyants et si multipliés autour de la corvette ^ « Je n'ai jamais été témoin des effets de la foudre sur les aiguilles des boussoles; mais je n'en conseille pas moins aux navigateurs d'avoir une boussole d'inclinaison et de la mettre en expérience immédiatement après le choc de la foudre sur le navire. L'on sait qu'en tournant l'instrument jusqu'à ce que l'inclinaison de l'aiguille soit un miiiima, on a, dans la pointe qui plonge sous l'ho- rizon, la direction de celui des deux pôles qui est toujours de môme dénomination que la latitude magnétique du 1. Du 16 au 17 août 182Zj , M. de Bougainville étant dans le dé- troit de A'Ialacca, éprouva un violent orage durant lequel le ton- nerre éclata si prts de la frégate que les roses des compas d'habitacle firent une révolution entière. LE TONNERRE. 179 lieu de l'observation. Cette opération, à laquelle j'ai sou- vent eu recours durant le voyage de la Coquille ^ est indispensable lorsque le ciel reste longtemps couvert après l'orage, et que l'on se trouve auprès d'une côte ou au milieu des îles d'un archipel. «Je trouve, dans les Tableaux des routes de la cor- vette la Coquille, etc., que j'ai publiés en 1829, un exemple de la distance extraordinaire à laquelle on peut apercevoir la lueur des éclairs. Ce fait , que je crois vous avoir communiqué , vient naturellement s'ajouter à ceux du même genre dont vous avez si bien expliqué la cause. (Voir chapitre xxxvii, p. 221.) « Dans la soirée du 6 mars 1823 , étant entre les paral- lèles de Lima et de Truxillo , et à environ 30 lieues dans l'ouest de la côte, nous vîmes des éclairs très-brillants dans l'est et le nord-ouest, au terme de l'horizon. Le vent était au sud-sud-est, le temps magnifique et le ciel d'une pureté remarquable. Le tonnerre ne se fit point entendre. L'on sait, en effet, depuis très-longtemps, qu'il ne tonne jamais sur les côtes du bas Pérou; mais l'on sait aussi, d'après Antonio de Ulloa, qu'il n'en est point ainsi à 30 lieues dans l'intérieur de cette contrée. Il est donc permis d'admettre que les éclairs, dont nouslivons vu la lueur dans notre atmosphère de la Coquille, avaient pris naissance au milieu de nuages orageux situés à envi- ron 60 lieues de distance. « Yoici un événement occasionné par le tonnerre, dont je n'ai point été témoin, mais dont je puis garantir l'au- thenticité. La corvette la Coquille, dont je pris le com- mandement en 1821, n'avait été employée jusqu'alors <80 LE TONNERRE. que comme transport de l'I^tat, et, fi ce liln^. r.-idini- liistration n'avait pas jugé à propos de la munir d'une cliaînc de paratonnerre. Ce bâtiment était au mouillage dans le golfe de Naplcs, lorsqu'un jour la foudre tomba à bord , sans toucher à la mâture, et pénétra dans la cale, d'où elle n'est sortie qu'après s'être fait jour au travers des bordages de la partie submergée de la carène. La voie d'eau était tellement considérable qu'il en serait résulté la perte du navire, si, au signal de détresse qui fut immédiatement arboré, les embarcations du port de Naples, auxquelles se réunirent tous les bateaux qui étaient occupés à la pèche dans les environs, n'étaient venues, avec célérité, la prendre à la remorque et la con- duire au rivage , où il était grand temps qu'on l'échouût. «Vous m'avez invité plus spécialement à m'expliquer sur deux questions auxquelles je suis plus lionoré d'avoir à répondre que satisfait de la réponse que j'ai à vous adresser. « Si j'examine l'ensemble des matériaux que nous pos- sédons sur la matière , je suis porté à admettre avec vous que les orages sont moins fréquents en mer que sur terre ; qu'en conséquence, il pourrait y avoir, à toute distance des îles et des continents, des lieux où il ne tonnerait jamais. Mais je vois aussi qu'il existe des anomalies qui viennent modifier toutes mes prévisions et contre les- quelles j'ai besoin de me tenir en garde. Un navigateur qui part des îles Moluques ou des îles de la Sonde , où le tonnerre se fait entendre pour ainsi dire tous les jours de \'année , doit naturellement se trouver fort à son aise dès qu'il s'éloigne de ces îles assourdissantes. Mais un habi- LE TONNERRE. 181 tant de Lima qui aurait eu la fantaisie de nous accompa- gner jusqu'aux îles de la Société , aurait éprouvé une impression contraire; car il aurait entendu, pour la pre- mière fois de sa vie , éclater la foudre pendant trois jours consécutifs, alors que nous étions à 600 lieues du Pérou, à 600 lieues à l'est de ïaïti , et à près de 230 lieues dans le nord-ouest de la petite île de Pâques. « 11 résulte de vos nombreuses recherches qu'il ne tonne pas dans les régions glaciales de notre hémisphère. Je pense qu'il en est ainsi dans les régions glaciales do l'hémisphère opposé, à moins d'être autarisé, par le Dic- tionnaire synonymique de La vaux , à prendre le mot orage dans sa véritable acception , auquel cas le tonnerre aurait été entendu par Cook, le 23 février 1773, étant par 61° 52' de latitude sud et 93" de longitude est. « Je fis , » dit ce célèbre navigateur, « de petites bor- « dées pendant la nuit, qui était extrêmement orageuse. » « L'on sait c{ue plusieurs hommes de l'équipage de l'amiral Anson furent grièvement blessés par la foudre à bo]"d du Centurion , étant au large et dans l'ouest du détroit de Magellan ; néanmoins , je crois pouvoir déduire des voyages de Cook, de Bellingshausen et de celui de l'Uranie, qu'il ne tonne pas sur le parallèle du cap Horn, au milieu du grand Océan Austral , où se trouve le point le plus éloigné de toute terre. Ce point est à environ 560 lieues de l'île Oparo, de l'île Antipode, de l'île de Pâques et des îles de Pierre 1" et d'Alexandre F'. « J'ai la presque certitude qu'il ne tonne que bien rare- ment sur la route C{ui conduit en ligne droite du cap de Bonne-Espérance aux îles de Sainte-Hélène et de l'Ascen- 482 LE TONNERRE. sien. Ici , la mer aurait cela de commun avec l'île de Sainte-Hélène, où l'on peut aflirmer que la cendre de Napoléon ne sera jamais troublée par la foudre. Mais il n'en est pas de môme de toutes les autres parties de l'Océan Atlantique, du Grand Océan et de la mer des Indes , comprises dans les régions tempérées. « 11 tonne à 2/|0 lieues dans l'est des côtes du Brésil et de la Patagonie; il tonne sous la ligne équinoxiale, entre l'Afrique et l'Amérique. Le point le plus isolé dans l'Océan Atlantique boréal est par 25" noi-d et 45° ouest; il est à 380 lieues des Antilles, de la Guyane, des îles du Cap- Vert, des Açores et des Bermudes : il y tonne. La foudre et les éclairs se manifestent également à 200 et 240 lieues au sud du cap de Bonne-Espérance, de la Nouvelle-Hol- lande, de la Nouvelle-Zélande et de l'île de Pâques. Et, si nous consultons les voyages de La Peyrouse, de Dixon, de Mears et de M. de Freycinet, nous retrouvons les mômes phénomènes, non moins brillants que partout ailleurs, non-seulement à plus de 250 lieues au nord-est des îles Mariannes, comme à plus de 300 lieues au nord des îles Sandwich , mais encore par 40° de latitude nord et 180° de longitude, précisément dans la partie centrale du Grand Océan boréal , où l'on se trouve à toute distance du Japon , des îles Aleutiennes et de la côte nord-ouest de l'Amérique septentrionale. Je dis à toute distance, parce c{u'il n'existe pas sur le globe, en y comprenant même les régions glaciales, un seul point de la surface de la mer qui soit à plus de GOO lieues de toute terre, et que les lieux dont je viens de parler, sur lesquels les navigateurs semblent s'être donné le mot pour y voir briller la foudre, * LE TONNERRE. 183 sont à cette distance des grandes terres environnantes. « Remarquons, avant de terminer, que les navigateurs dont les observations nous sont parvenues, sont d'autant moins nombreux que la plupart nous laissent dans l'incer- titude de savoir ce qu'il faut penser des violents orages, des temps orageux dont ils ont si souvent l'occasion de parler, quel que soit le lieu où ils se trouvent. La question de savoir ce que les marins entendent par orage n'est pas facile à résoudre. Voici néanmoins un passage de Dixon qui semble devoir nous éclairer. Ce navigateur, en s' éloi- gnant de Noatka , s'exprime ainsi : « Le 26 septembre 1786, vers trois heures du matin, « nous eûmes un orage très-fort et une grosse pluie : les « coups de tonnerre étaient affreux, les éclairs si fréquents « et si vifs, que ceux de nos gens qui étaient sur le pont « en furent aveuglés pour un temps considérable ; chaque « éclair laissait après lui une odeur de soufre très-désa- « gréable L'orage s'apaisa vers six heures du matin. » « 11 est bien évident que si le tonnerre et les éclairs avaient été plus modérés, Dixon n'en aurait rien dit, et nous serions encore à savoir ce qu'il entendait par orage. « Mais voici des passages extraits des voyages du capi- taine Mears qui nous laissent dans le doute. Le capitaine Mears, commandant la Felice en 1788, se rendant de Samboingan à la côte nord-ouest d'Amérique, éprouva de violents orages. « Ce temps, » dit-il, « continua d'être orageux jusqu'au « 17 avril , que le vent sauta à l'est-sud-est et souffla avec « plus de violence encore. » « Plus loin il ajoute : « Le matin du 2[i , le vent tourna 184 LE TONNEUUE. « au sud et à Vci>l, présage certain d'un temps orageux. « A midi, il souilla si violemment que nous fûmes obligés « de ferler toutes nos voiles; et, juscju'à trois heures de « l'après-midi , nous eûmes à soulïrir de l'ouragan le plus « rude que nous pussions nous souvenir d'avoir jamais « essuyé. Les oiseaux nous avaient abandonnés dès le « commencement de l'orage. » « De tous les voyages, et je ne parle ici que des voyages maritimes, je ne vois réellement que ceux de Dampier, de Cook, de La Peyrouse, de Dixon, de Vancouvert, de la corvette l'Uranie, et peut-être aussi celui de la Coquille, dans lesquels on a tenu compte assez régulièrement des apparitions du phénomène qui nous occupe. Je ne citerai pas ceux qui n'en disent presque rien , mais je ne puis m' empêcher de faire ici une remarque imitée de celle que vous avez fait parvenir à l'adresse du rédacteur des tableaux météorologiques de la Société Royale de Londres (Voir plus loin, page icS7.) ; c'est que le capitaine Lutké, commandant la corvette russe le Séniavine, étant venu prendre ses instructions scientifiques à Londres, en 1826, au début de son voyage autour du monde, se trouve être dans le même cas que le météorologiste de la Société Royale. Il s'est donné, comme lui, la peine d'exprimer, par des signes particuliers, tous les mots de la science en question, et malheureusement, le sort veut que les mots tonnerre et éclairs soient précisément ceux qu'il a oubliés. « Pour en finir, je dirai donc qu'il existe, tant en mer qu'à terre, des parages oi;i il ne tonne jamais ; mais j'ajou- terai aussi qu'il existe en plein océan des parages où il tonne, quelle que soit leur distance de la terre. LE TONNERRE. 183 « Quant à savoir s'il en est des régions tempérées comme de la zone torride, où les orages sont presque toujours d'autant moins fréquents que l'on s'éloigne da- vantage des terres, je crois que la question est difficile à résoudre, en raison non-seulement du trop petit nombre de voyageurs que nous pouvons consulter, mais encore du hasard qui ferait que chaque navigateur se serait trouvé en un lieu quelconque de la mer, l'un des vingt jours de l'année qui forment le terme moyen des jours de tonnerre observés dans les continents. «Pardonnez-moi, Monsieur, si j'ai osé vous écrire aussi longuement et avec si peu de méthode sur un sujet que vous venez de traiter d'une manière inimitable. Le but que je me suis proposé d'abord est peut-être motivé dans les premiers alinéas de cette lettre. Quant au reste , ie suis tenté de me déclarer incompétent, car en me reli- sant, je me suis aperçu, mais trop tard, que la question principale qui en est l'objet me semble , malgré tous les renseignements déjà recueillis, devoir être encore l'objet de nouvelles observations et de profondes études. « Veuillez agréer, etc. « L.-J. DupERRify. » Laissant de côté la question de savoir quelles sont les régions maritimes où il ne tonne jamais, je puis être complètement affirmatif sur le fait de la diminution des orages en mer. Je trouverai, par exemple, une preuve dé- monstrative de cette diminution dans l'intéressant voyage publié par M. le capitaine Bougainville. 18f. LE TONNERRE. La frép:nte la ThcliSy commandée par C(^t officier, quitte la rade de Toiiranc (Gochinchine) vers le milieu de février 1825, et fait voile pour Sourabaya, situé à l'extrémité sud-est de Java. Pendant cette traversée, à peine cssuie-t-elle un orage accompagné de tonnerre. Elle arrive enfin, et pendant son séjour dans la rade (du 19 au 30 avril), le tonnerre ne cesse de gronder tous les après-midis. La T/iétis fait voile le 1" mai pour le Port- Jackson. Pendant plusieurs jours elle se maintient pres- que exactement sur le parallèle de Sourabaya. Toutefois, à peine a-t-elle perdu de vue les terres de Java, que le tonnerre cesse de se faire entendre. En résumé, avant d'atteindre Sourabaya , les météorologistes de la Thétis n'ont aucun coup de tonnerre à enregistrer; pendant le séjour dans la rade et jusqu'à l'époque de l'appareillage, il tonne presque tous les soirs ; après le départ du navire l'équipage n'entend plus rien. L'épreuve ne saurait être plus complète. Disons cependant de nouveau que la consé- quence qui en découle est largement confirmée par l'en- semble des observations recueillies dans toutes les régions du globe. Ainsi, l'atmosphère océanique est beaucoup moins apte à engendrer des orages que celle des conti- nents et des îles. Sixième question. — Quelle est de nos jours, quant à la fréquence, la distribution géograpMque des orages? Ce paragraphe, comme son titre l'indique suffisamment, doit se composer d'un extrait des tableaux que les météo- rologistes ont formés dans toutes les régions du globe. Si ces tableaux étaient plus nombreux, plus complets, LE TONNERRE. 187 plus précis , je n'aurais eu à faire qu'une simple compi- lation ; malheureusement le travail n'était pas aussi sim- ple. Celui qui, sans examen, recueillerait de toute main, s'exposerait aux plus graves méprises. Un ou deux exem- ples expliqueront ma pensée. Les tableaux météorologiques de la Société royale de Londres ont été longtemps cités comme des modèles. On y trouve, indépendamment des observations journalières du thermomètre et du baromètre, la mesure de la pluie, la direction du vent, une indication minutieuse des jours sereins, des jours nuageux, des jours de brouillard, des jours où il a bruiné. Jamais ou presque jamais on n'y fait mention du tonnerre. En songeant à la grande impor- tance de ce météore, comparé aux phénomènes atmo- sphériques qui sont scrupuleusement enregistrés, on serait en vérité autorisé à croire qu'il ne tonne jamais à Londres. H y tonne, cependant , et presque autant qu'à Paris. Si les tableanx n'en font pas mention , c'est tout simplement que ce phénomène n'a pas fixé l'attention du météorolo- giste de la Société royale , c'est que son travail a toujours été incomplet. De pareilles lacunes existent dans les collections aca- démiques des États-Unis d' Amérique. Elles sont d'autant moins excusables que ce pays est dans une position excep- tionnelle ; que le nombre et l'intensité des orages y sur- passent de beaucoup ce qu'on observe en Europe par des latitudes correspondantes. Le pis de ces négligences (je ne les qualifierai pas d'un nom plus sévère), c'est qu'en se les permettant sans en avertir, on expose la science à faire fausse route. 188 LE TONNERRE. Dans la table qui suit je me suis attaché, autant que cela dépendait de moi , à rapporter des observations sur l'exactitude desquelles on pût compter. J'y ai classé les villes d'après le nombre moyen des coups de tonnerre (lu'on y entend, et non pas, ce qui par le fait serait très- dilVérent, d'après les latitudes géographiques. Quand les éléments du calcul ne m'ont pas manqué, j'ai indiqué par des nombres entiers ou fractionnaires ^ la distribu- tion des orages dans les divers mois de l'année. Je veux, je dois attendre, avant de me livrer à une discussion minu- tieuse de tous ces chiffres, que la table soit plus complète. L'intérêt d'une semblable discussion ne soulèvera de doute dans l'esprit de personne, si seulement on se donne la peine de remarquer que, sans dépasser la zone tem- pérée, les mois pendant lesquels il tonne le plus dans certains lieux sont précisément ceux où il tonne le moins dans d'autres. g 1er. jours. Calcutta (latit. 20" 1/2 N.; longit. 86" E.^ 60 1 seule année d'observations, l'année 1785. Répartition des 60 jours de tonnerre : 1. Pourquoi des nombres fractionnaires dans une question qui, de prime abord, ne semble devoir comporter que des nombres en- tiers? La réponse est toute simple : 0.3 placé vis-à-vis de février, signifie que dans ce mois il tonne 3 fois en dix ans; 0.1 emporte la conséquence que dans le même intervalle de dix ans, il ne tonne qu'une fois en novembre, etc., etc. Pour avoir, à Paris, le nombre moyen des jours de tonnerre de septembre entre 1806 et 1815, on a additionné le nombre des manifestations de ce météore durant les mois de septembre de ces dix années consécutives. La somme totale étant de 15, il a bien fallu, en divisant cette somme par 10, tomber sur le nombre fractionnaire 1.5. LE TONNERRE. 189 jours. Janvier 0 Avril 5 Juillet 6 Octobre 5 jours. Février ..... h Mai 7 Août 10 Novembre. ... 0 jours. Mars G Juin 8 Septembre. ... 9 Décembre. ... 0 §. 2- jours. Patna (dans l'Inde) (latit. 25° 37' N.) 53 1 seule année d'observations de M. Lind. Ces 53 jours de tonnerre ont été renfermés entre mai et décembre inclusivement. § 3- jours. Rio-Janeiro (latit. 23° S.; longit. Û5° 1/2 0.) 50.6 6 années d'observations de M. Dorta (de 178'2 ù 1787.) Extrêmes : 38 en 1786 et 77 en 1782. Répartition par mois de ces 50.6 jours d'orage annuels : jours. jours. jours. Janvier. . . . 10.2 Février. ... 9.3 ]\Iars û.O Avril 1.7 Mai 0.8 Juin 0.7 Juillet 1.3 Août 1.1 Septemljre . . 2.8 Octobre. ... 3.7 Novembre. . . 6.0 Décembre. . . 9.0 § 4. jours. Maryland (États-Unis) (latit. 39" N.; long. 79° 0.) Ul i seule année d'observations de M. Richard Brooke. jours. Janvier 0 Avril 1 Juillet 11 Octobre 1 jours. Février 0 Mai 10 Août. 5 Novembre. ... 0 Mars. ■. . . Juin. . . . Septembre Décembre. jours. § 5. jours. Ile de la :\Iartinique (latit. ili" 1/2 N.; longit. 63° 1/2 0.). ... 39 Il ne tonne jam.ais à la Martinique pendant les mois de janvier, février, mars et décembre. C'est en septembre qu'il tonne le plus souvent. 4G0 LE TONNERRE. § 6.. .... (Abyssinie) (latit. 13" N.; long. 35" E.). , 1 seule année d'observations de Bruce (1770). Répartition par mois : jours. Janvier o.O Avril Zi.O Juillet . . . . . 3.0 Octobre . . . . Zi.O jours. Février 0.0 Mai 6.0 Août G.O Novembre ... 0.0 jours. . 38 jours. Mars û.o Juin 7.0 Septembre. . . /|.0 Décembre ... 0.0 § 7. jours. Ile de la Guadeloupe (latit. 16° 1/3 N.; long, ew 0.) 37 Il ne tonne jamais dans cette île pendant les mois de janvier, février, mars et décembre. Le mois de septembre est celui pendant lequel il tonne le plus souvent. § 8. Viviers, dép. de l'Ardèche (latit. [iT 1/2 N.; longit. 2" 1/3 E.), 10 années, de 1807 à 1816. Extrêmes : l/i en 181/i ; 35 en 1811. Répartition par mois des 2^.7 jours d'orage annuels : jours. jours. Janvier 0.0 Février O.l Mars , . . . . Avril ,2.2 Mai Zi.O Juin Juillet 5.1 Août 3./J Septeïiibre. . Octobre .... 2.2 Novembre ... 0.6 Décembre . . jours, 211.7 jours. . 0.6 6.U 3.1 0.0 § 9. jours. Québec (Canada) (latit. UQ" SHi N.; longit 73° 1/2 0.) .... 23.3 jours. jours Janvier. .... 0.0 Février 0.0 Avril 0.6 Mai 2.5 Juillet 8.0 Août 5.0 Octobre . ... 0.5 Novembre ... 0.1 jours. Mars 0.0 Juin 5.5 Septembre ... 1.0 Décembre ... 0.1 LE TONNERRE. 191 § 10. Buenos-Ayres (latit. Sli" 1/2 S. long. 60" 3/4 0.) 7 années d'observations de M. Mossotti. Répartition suivant les mois : jours. jours. Janvier 1.9 Février 2.6 Avril 1.8 Mai 1.7 Juillet 1.3 Août 1.0 Octobre .... 2.3 Novembre ... 1.8 jour?. 22.5 jours. Mars 2. ! Juin 1.1 Septembre. . . 2.9 Décembre ... 2.0 § 11. Denainvilliers, près Pithiviers (Loiret) (latit. iiS" N. ; longit. 0 2Zi années d'observations de Duhamel (entre 1755 et 1780) Extrêmes ; 15 en 1765 ; 32 en 1769. Répartition, par mois, de 20.6 jours de tonnerre : jours. jours. Janvier 0. 1 Février 0. 1 Mars .... Avril 1.6 Mai 3.6 Juin .... Juillet U-U Août 3.5 Septembre . Octobre .... 0.5 Novembre ... 0.3 Décembre . jours. '). 20.6 jours. . 0.5 . Zi.5 . 1.5 . 0.0 § 12. Smyrne (latit. 38" 1/2; longit. 2/i" 3//i E.) . . . 1 seule année d'observations de M. de Nerciat. Répartition dans les divers mois : jours. . 19 jours. Janvier 2.0 Avril 1.0 Juillet 0.0 Octobre .... 0.0 jours. Février U.O Mai 1.0 Août 0.0 Novembre ... 1.0 Mars . . . , Juin . . . , Septeinl)ro, Décembre . jours. . à.O . 0.0 . 3.0 . 3.0 § 13. Berlin (latit. 52° 1/2 N.; longit. 11» E.) . . . 15 années d'observations de Béguelin , de 1770 à 1785. Extrêmes : 11 en 1780 , 30 en 1783. jQurs. 18.3 492 LE TONNERRE. llt^partition , par mois, dos 18.3 jours d'orago annuels : jouis. Février 0.0 Mars . . . . I\Iai 2.6 Juin ... Août 5.3 Septembre . Novembre ... 0.1 Décembre . JOUIS. .lanvior 0.0 Avril 0.6 Juillet [i.2 Octobre .... 0.1 O.l 3.9 1.3 0.1 § 14. Padoue (latit. Zj5" 1/3 N.; longit. 9" 1/2 E.) U années d'observations , de 1 780 à 1783. Répartition, par mois, de ces 17.3 jours de tonnerre : jours. jours. Janvier 0.0 Février 0.0 Mars . . . . Avril 2.2 Mai 1.2 Juin . . . .Uiiliet 3.5 Août 2.5 Septembre, Octobre . . . . 1.0 Novembre ... 1.5 Décembre jours. 17.3 jours. 1.2 3.5 0.7 0.0 § 15. Strasbourg (latit. 68" 1/2 N.; long. 5" 1/2 E.). . . 20 années d'observations de M. Herrenschneider. Extrêmes : 6 en 1818 , 21 en 1831. ! Je n'ai pas la répartition par mois.) jours. . 17 § 16. Maëstricht (latit. 51° N.; longit. 3° 1/3 E.) 11 années d'observations de M. Crahay. Les extrêmes sont : 8 en 1823 , et 27 en 1826, Répartition par mois : jours, Janvier 0.0 Avril 1.5 Juillet 3.7 Octobre .... 0.5 jours. 16.5 jours. jours. Février. . . . . 0.1 Mars . O.Zi Mai . . 2.5 Juin , . 2.9 Août . . . . , . . 3.3 Septembre. , . . 1.4 Novembre . , . . 0.1 Décembre . . . 0.1 § 17. jours. ^chapelle, près de Dieppe (latit. 50" N.; longit. 1° 1/Zi E.) . 15,7 LE TONNERRE. 493 18 annéos d'observations faites sous Pinspection de ^\. Nell de Bréaiité , par M. Racine : Extrêmes : 6 en 1820 ; 23 en 1828. Répartition, par mois, de ces 15.7 jours de tonnerre : jours. jours. jours. Janvier 0.2 Février 0.2 Mars 0.5 Avril 1.1 Mai 2.6 Juin 3.2 Juillet 2.3 Août 1.8 Septembre. . . 1.3 Octobre . ... 0.7 Novembre ... 0.8 Décembre ... 1.0 § 18. jours. Toulouse (latit U3° 1/2 N.; longit. 1"0.) 15.6 7 années d'observations , de 178i à 1790. Extrêmes : Zi en 178Û , 2Zi en 1788. § 19. jours, Utrecht (Hollande) (latit. 52o N.; long. 2° 3/4 E.) 15 (Un grand nombre d'années d'observations citées par Muschen- broek.) Extrêmes : 5 en 17Zi0 , 23 en 1737. § 20. jours. Tubingue (latit. 48' 1/2 N.; longit. 6° 3/ù E.) 14.6 9 années d'observations de Kraafft. § 21. Paris (latit. 48" 50'; longit. 0°). jours. 19 années, de 1785 à 1803 . l'>.2 Extrêmes : 7 en 179G, 22 en 1794. Répartition suivant les mois : jours. jours. jours. Janvier 0.1 Février 0.1 Mars . . . . . . 0.2 Avril 0.8 Mai 1.8 Juillet 2.5 Août 2.2 Juin . Septen . . 3.0 ibre . . . 0.7 Octobre .... o. 6 Noveml)rii . . . o.l Décoin bre . . . 0.1 IV. — I. 13 494 LE TONNERRE. jonrs. 10 années, de 180G i\ 1815 lZi.9 Extrêmes : 8 en 1815, 25 en 1811. jours. jours. jours. Janvier O.O Février 0.3 l\Iars 0.1 Avril 0.5 Mai 3.2 Juin 3.1 Juillet 2.7 Août 2.U Septembre. . . 1.5 Octobre .... 0.7 Novembre ... 0.1 Décembre ... 0.3 jours. 10 années, de 1816 à 1825 13.2 Extrêmes : 6 eu 1823, 22 en 1822. jours. jours. jours. Janvier 0.1 Février 0.0 IMars 0.5 Avril 1.0 Mai 3.0 Juin 2.8 Juillet 2.1 Août 1.5 Septembre. . . l.G Octobre .... 0.3 Novembre ... 0.2 Décembre ... 0.1 jours. 12 années, de 1826 à 1837 IZi.G Extrêmes : 8 en -1 831 , 20 en 1827. jours. jours. jours Janvier 0.0 Février. .... 0.1 Mars 0.3 Avril 0.9 Mai 3.1 Juin 2.9 Juillet 3.2 Août 2/2 Septembre. . . 1.2 Octobre .... 0.6 Novembre ... 0.0 Décembre ... 0.1 MOYENNES DES QUATRE PÉRIODES. jours. Zil années, de 1785 à 1803, et de 1806 à 1837 13.6 jours. jours. joiTvs. Janvier 0.1 Février 0.1 Mars 0.3 Avril 0.8 Mai 2.7 Juin 2.9 JuiUet 2.6 Août 2.1 Septembre. . . 1.3 Octobre .... 0.5 Novembre ... 0.1 Décembre ... 0.1 § 22. jours. Leyde (Hollande) (latit. 52° N.; longit. 2° E.) 13.5 29 années d'observations de Muschenbroek. Extrêmes : 5 en , 17 en 17Zi8. i LE TONNERRE. 19o Répartition , par mois, des 13. li jours annuels de tonnerre : jours. jours. jours. Janvier 0.1 Février O.i Mars 0.2 Avril 0,3 Mai 2.1 Juin 2.7 Juillet 2.9 Août 2.9 Septembre. . . l.o Octobre .... 0.3 Kovembre ... 0.3 Décembre . . 0.2 § 23. jours. Athènes (latit. 38° N.; longit. 21° 1/3 E.) 11 3 années, de 1833 à 1835. Extrêmes : 7 en 1835 , 18 en 183û. § 24. Polpero (côte orientale du Cornouailles) (latit. 50° 1/3 A'.; jours, longit. 6» 1/2 0.) 10 23 années d'observations de .M. Jonathan Couch. § 25. jours. Pétersbourg (latit. 60° N.; longit. 28° E.) 9.1 11 années d'observations de Ki'aafft (depuis 1726 jusqu'en 1736). La répartition , par mois , de ces 11 années s'effectue ainsi : jours. jours. jours. Janvier 0.0 Février 0.0 :\Iars 0.0 Avril 0.7 :Mai 2.7 Juin 2.1 Juillet 2.5 Août. ..... 0.9 Septembre. . , 0.1 Octobre .... 0.0 Novembre ... 0.1 Décenrijre ... 0.0 § 26. jours. Londres (latit. 51° 1/2 N.; long. 2° 1/2 0. . . 8.3 13 années d'observations de M.lIOAvard (de 1807 à 1822), faites à Plaistow , à Clapton et à Tottenham , près de Londres. Extrêmes : 5 en 1819, 13 en 1809. lîépartition, par mois, des 8.3 jours d'orage annuels : joins. jours. jours. Janvier 0.0 Février 0.2 Mars o.^ 19f> I.K TONNïïRHF. jours. ,|..IIIS. jiinr-:. Avril. . . . . . 0.6 Mai . 1.S Juin . l./j Jiiillot . . . . . 2.0 Août .... . i.;{ Septembre . . . 0./| Octobre . . . . 0.1 ISovembre . . O.L> Décembre . . . 0.1 § 27. jour.'!. Pékin (latit. ùO» N.; longit. 116° E.) 5.8 6 années d'observations des missionnaires (de 1757 à 1702). Extrêmes : 3 en 1757, 16 en 1762. Répartition, par mois, des 5.8 jours de tonnerre : joiir.«. Janvier 0.0 Avril 0.2 Juillet 1.7 Octobre .... 0.1 jours. Février 0.0 Mai 0.5 Août 1.0 Novembre . . .0.0 jonrs. Mars 0.0 Juin 2.0 Septembre ... 0.3 Décembre ... 0.0 § 28. jours. Le Caire (Egypte) (latit. 30" N.; longit. 29" E.) 3.5 2 années d'observations de M. le docteur Uestouches (1835 et 1836). Extrêmes : 3 en 1836, 6 en 1835. Répartition de 3.5 jours d'orage annuels : jours. jours. Janvier 1.0 Février 0.0 Avril 1.0 Mai 0.0 Juillet 0.0 Août 0.0 Octobre .... 0.0 Novembre ... 0.5 Mars .... jours. . 0.5 Juin .... . 0.0 Septemljre . Décembre . . 0.0 . 0.5 CHAPITRE XXXlll. QUELLE EST, DANS NOS CLIMATS, LA QIANTITK DE VICTIMES QUE LA FOUDRE FAIT ANNUELLEMENT? Dans une statistique dressée par ordre de l'administra- tion et publiée en 1852, on trouve qu'en France la foudre tue annuellement soixante-neuf personnes. On peut sup- LE TONNKUKE. 197 poser que cette évaluation est trop faible , soit parce qu'il y a beaucoup de ce* accidents dont l'autorité n'est pas instruite, soit parce que la foudre tue quelquefois des individus qui se sont réfugiés sous des arbres, sans qu'aucun indice mette sur la voie pour faire soupçonner la cause de la catastrophe. J'avais, pendant plusieurs années, fait prendre note des coups foudroyants mentionnés dans les journaux qui me passaient sous les yeux. En parcourant ce recense ment, dont l'imperfection frappera tout le monde, puis- qu'on n'y fait mention que des malheurs arrivés dans une très-petite partie de la France , on aura un aperçu rai- sonné sur les erreurs dont peut être affecté le résultat publié par l'administration. 6 mai, un lionirae, à, Lons-le-Saulnier. 8 — un homme, à Paris, bord de la Seine. « — une fille , à Lille. 11 juin, un garçon, près de Tours. « — un homme, à Montrevel (Ain). « — un homme, à Neulise. 23 — un homme, près d'ilazebrouck. 25 septembre, une jeune fille, à Valensole (Drôme). « — une jeune fille, à Pierrelatte. "* « — deux hommes, à Buygny-Saint-Macloux. « octobre, un homme, près de Nantes. 18/i2. un homme , près de Rodez. quatre personnes dans une barque, port do Marseille. un homme, près de Bayonne. trois personnes abritées sous un arbre, près de Pxoucn. deux personnes, à Ille. un hounne, à Lusiirnan-le-l'etit. « mai, « juin. « — « — 2i août. « — lîis LI«: TONNEURE. '_>(; — un lionimc, i\ Saint-Jean-dc-Crieulon, pri^s du Vigan, 28 — un lioiuHie, à ("louédic, près de Saint-Bricuc. « septembre, un lionnnc couché dans son lit, au village de Ver- taure (Haute-Loire). 1843. « avril, deux enfants abrités sous un arbre, h Bouguenais, près de iNantes. 8 juillet, deux enfants, à Braffe, près de Tournay. « — deux personnes abritées sous un arln'e, ù Génis (l'é- ri^^ord). V.» — un homme , au village de llochojean, IG août, trois personnes abritées sous une meule de blé, à Riom. IG — un homme, ii Arcachon. 2G — un homme abrité sous un arbre , près de Lille. 1" septembre, une jeune fille, commune d'Aubarède (Hautes-Py- rénéos). 9 — un homme abrité sous un arbre, à Camblannes. « — un homme, à Metz. 10 — un homme abrité sous un arbre, près deSenlis. ISlili. « mars , un homme , près de Douai. 26 avril, un homme, commune de Mas^jarraute. « juin, un homme, à Moulins. 27 — un homme en sonnant une cloche, à Sarliac. « juillet, un homme abrité sous un arbre, ùSaussines (Gard). 1" août, une jeune fille, à Hadel (Vosges). « — un homme, près de ;\Iâcon. « septembre, un homme en sonnant une cloche, à Saint-Robert (Corrèze). 5 octobre, trois hommes àFranceuil (Indre-et-Loire). 15 — un enfant , près de Kiort. « — un enfant, près de Rochefort. 22 — huit hommes, à Sauve (Gard). 18/i5. 28 mai, un homme a))rité sous un arbre, près de Montma- rault (Allier). LE TONNERRE. «99 « juin , un homme , près de Soissons. « — un enfant, bourg du Péage (Drôme). « juillet , un homme , près de Honfleur. « — un homme, à Saint-Loubès. « — un homme abrité sous un arbre, près de Reims. 23 — un enfant, près de Toulouse. 19 août, un homme , à Saint-Désert. 5 septembre, un homme sonnant les cloches, près de Toulouse. 7 — un homme , près d'Orthez. « octobre, un enfant abrité sous un arbre, à Doué (Maine-et- Loire). iSli6. un homme sonnant une cloche , à Cornille. un homme abrité sous un arbre , à Orignolles. une femme abritée sous un arbre , à Pau. cinq hommes, à Donjon (Allier). un homme abrité sous un arbre , à La Teste, une jeune fille, à Foissiat (Ain). un homme , à Vinça. quatre hommes à Levreux ( Indre ). un homme, à Marsais (Charente-Inférieure). un homme, à Arthès (Hautes-Pyrénées). un homme , à Arles. 1848. 19 juillet , un homme , à Saint-Germain-des-Bois. 20 — une femme , à Montreuil. 10 août, deux personnes , à Montbard. -^ 1849. l"mars, deux hommes abrités sous un arbre, à Bazelat (Creuse). 30 — une jeune fille, près de Foix. 10 avril, deux personnes, à Puyloubier (Bouches-du-Rhône) 20 — une jeune fille , à Laprado. « mai, un homme, à Lyon. « — un homme, à Casse ul (Gironde). 7 mai. h juin, 10 — 15 — 18 — (( — 6 juillet. (( août. « septembre 10 — 29 — ÎOO LE TONNEUHE. CHAPITRE XXXIV. DANS QUELLES SAISONS LES COUPS DE TONNERRE FOUDROYANTS SONT-ILS LE PLUS FRÉQUENTS? Autant je suis éloigné de regarder l'ensemble des pro- verbes, des dictons populaires, comme le code de la sagesse des nations, autant je crois que les physiciens ont eu tort de n'accorder que leur dédain à ceux de ces pro- verbes qui se rapportent à des phénomènes naturels. Les accepter aveuglément serait assurément une grande faute ; mais ce n'en est pas une moindre que de les reje- ter sans examen. En me laissant guider par ces principes, il m'est quelquefois arrivé déjà de trouver d'importantes vérités là où l'on s'obstinait à ne voir que le fruit de la préoccupation et des préjugés. Aussi, malgré tout ce qu'il y avait d'improbable, disons mieux, de contraire aux idées reçues , dans l'aphorisme des campagnards : « les tonnerres ne sont jamais plus dangereux que dans les saisons froides », j'ai pensé devoir le soumettre à une épreuve dont personne n'a le droit d'appeler, à celle de Tobservation. Cette épreuve, au surplus, voici de quelle manière simple il m'a paru qu'on pouvait la faire. J'ai tenu note, dans mes lectures, de tous les coups foudroyants à dates certaines signalés par les navigateurs, et je les ai classés par mois; bien entendu qu'il a fallu ne comprendre dans ce recensement que les événements d'un seul hémisphère, car, au nord et au midi de l'équa- teur les mois d'une môme dénomination correspondent à LE TONNERRE. 201 des saisons opposées. J'ai du aussi ne pas étendre le champ des observations jusqu'à ces régions des tropiques où les divers mois de l'année diffèrent très-peu entre eux sous le rapport de la température. J'ai échappé à toutes ces difficultés en me renfermant dans l'intervalle compris entre les côtes d'Angleterre et la Méditerranée inclusi- vement. Voici maintenant les résultats : JANVIER. 17^9. Le Dover, bâtiment marchand anglais. Le 9, latit. kl" 30' N.; longit. 22" 15' 0. 1762. Bellona, vaisseau anglais de Ik. Le. . . . latit. . . longit. - . 178i. Le Thisbé, vaisseau de guerre anglais. Le 3 (côtes d'Irlande). 18i/t. Le Milford, vaisseau de ligne anglais. Le. . . . (dans le port de Plyniouth). 1830. L'Etna, le Madagascar, le Monquelo, navires de guerre anglais. Le. . . . (dans le canal de Corfou). 1799. Le Catnbrian, vaisseau de guerre anglais. Le 22 (près de Plymouth). "* 1799. Le Terrible, vaisseau de ligne anglais. Le 23 (près des côtes d'Angleterre). 1809. Le IFarren-Hast'utgs, vaisseau de ligne anglais. Le IZi (à Portsmouth). 1812. Trois vaisseaux de ligne. Le 23 (àLorient). MARS. 182i. Le Lydia de Liverpool. Le 23 (dans la traversée de Liverpool à Mlraniiclne). 202 I.K TONNERRE. AVRIL. 1811. L'Indefatigable, le frarley , la Persévérance, le lyarren- Jfastinys, navires anglais marcliant do conserve. Le 20, latit. kG" UG' N-, longit. Il" 39'. 18'2/i. L'Annibal do Boston. Le 22, latit. 66" N., longit. /iO" O. 182/1. Le Ilopewell, navire marchand anglais. Le 22, latit. /lO" 30' N., longit 182/i. La Pénélope de Liverpool. Le 22, lat. Zi6" N., longit. 39" O. 1827. Le New-York, paquebot de 500 tonneaux. Le 19, latit. 38° 9'^'. longit. 61" 17' 0., pendant la traversée de New-York à Liverpool. MAI. JDIN. JUILLET. 1681. VJlhemarl, bâtiment anglais. Le. ... , près du cap Cod, latit. Zi2" N. 1830. Le Gloucester et le Melville, vaisseaux de ligne anglais. Le. . . . (en été), près de Malte. AOUT. 1808. Le Sultan, vaisseau de ligne anglais. Le 12 (à Mahon). SEPTEMBRE. 1813. Cinq des treize vaisseaux de ligne de l'amiral Exmouth. Le 2 (à l'embouchure du Rhône). 1822. L'Jmphio7i de New-York. Le 21, à quelque distance de New-York). OCTOBRE. 1795. Le Russel, vaisseau de ligne anglais. Le 5 (près de Belle-Ile). LE TONNERRE. 203 1813. Le Barfleur, vaisseau anglais de 98 canons. A la fin du mois (dans la Méditerranée). NOVEMBRE. 1696. Le Trumbull^ galère anglaise. Le 26 (rade de Smyrne). 1723. Le Leipsig, frégate autrichienne. Le 12 (à l'entrée du canal de Céphalonie). 1811. Le Belle-Ile, brick de Liverpool. Le. . . . (à Cideford, Devonshire). 1832. Le Southamptoti, vaisseau de ligue anglais. Le 5 (dans les Dunes). DÉCEUBRE. 1778. V Atlas, vaisseau de la Compagnie des Indes. Le 31 (à l'ancre dans la Tamise), 1820. Le Coquin, bâtiment français. Le 25 (dans la rade de Naples). 1828. Le Roebuck, cutter anglais. Le. ... (à Portsmouth). 1832. Le Logan de New-York. Le 19 (dans son passage de Savannah à Liverpool). Quand on a parcouru de l'œil ce recensement, quand on se rappelle, en même temps, combien il y a d'orages en été, combien peu, comparativement, il s'en forme pendant l'hiver, il semble difficile de ne pas reconnaître, qu'en mer du moins, les tonnerres des mois chauds sont beaucoup moins dangereux que ceux des saisons froides ou tempérées. Ce résultat me paraît déjà bien établi; j'eusse désiré cependant appuyer sa démonstration sur une statistique plus complète, mais les documents m'ont manqué. J'ajouterai qu'il n'a pas dépendu de moi qu'un aussi petit nombre de navires français figurât dans mon recensement. Pour les Anglais, j'ai pu mettre à pro- "20i LE TONNERHE. fit les citations contenues dans d'excellents Mémoires de M. Ilarris sur les paratonnerres. CHAPITRE XXXV. LA rOLDRE rRAPl'E l'UINClPALEiMEiM LES LIEUX ÉLEVÉS. Toutes circonstances étant égales, c'est sur les points élevés que la foudre va frapper de préférence ; il ne serait pas difficile de citer des exemples en opposition avec cette règle, et dont les causes sont restées cachées dans la maçonnerie des habitations ou dans les entrailles de la terre, mais il n'est personne qui, ayant pris note, dans une localité déterminée, du nombre de coups foudroyants reçus par le clocher du village voisin et du nombre de ceux qui ont atteint les maisons environnantes, ne soit très-disposé à reconnaître la vérité de l'énoncé placé en tète de ce chapitre. CHAPITRE XXXVI. LA FOUDRE SE PORTE DE PRÉFÉREiNCE SUR LES MÉTAUX, LORSQU'IL EN EXISTE, A DÉCOUVERT OU CACHÉS, SOIT DA^S LE VOISINAGE DES LIEUX VERS LESQUELS ELLE TOMBE DIRECTEMENT, SOIT PRES UE CEUX OU SA COURSE SERPENTANTE l'AMÈNE ENSUITE. — LA FOUDRE NE PRODUIT DE DÉGÂTS NOTABLES QU'A SON ENTRÉE DANS LES MASSES MÉTALLIQUES, OU AU MOMENT OU ELLE EN SORT. De toutes les propriétés de la foudre, celles-ci sont sans contredit les plus importantes. On ne s'étonnera donc pas que j'aie cherché à les établir sur des observations nom- breuses, et qui, à raison de la variété des circonstances, ne puissent laisser aucune prise au doute. LE TONNERBE. 205 § ^^^ Rien de plus instructif, quant à la faculté que les mé- taux possèdent d'attirer à eux la totalité ou la presque totalité de la matière fulminante dont ils peuvent se trouver subitement enveloppés, que le coup de foudre, déjà cité dans un autre chapitre, qui, en 175/|., produisit tant de dégâts sur l'immense tour en charpente de New- bury, aux États-Unis. La foudre tomba sur la partie supérieure de cette tour. Elle était bien puissante, puisqu'elle détruisit radicale- ment et jeta au loin une pyramide en charpente de 21 mètres de haut. Cette lourde pyramide rasée , la foudre trouva sur sa route un fil métallique qui joignait le marteau de la cloche aux rouages de l'horloge placée 6 mètres plus bas, se porta tout entière ou presque tout entière sur ce fil, et le fondit en quelques points. Je justifierai les mots presque tout entière qu'on vient de lire, en disant que, dans rétendue verticale de 6 mètres occupée par le fil, la charpente environnante, celle de la tour, n'éprouva absolument aucun dommage, quoique la loudre fût loin d'avoir épuisé sa force sur la pyramide supérieure, comme cela résulte clairement des dégâts qu'elle fit, en conti- nuant sa course descendante, dès que le fil métallique lui manqua. Parvenue, en effet, à l'extrémité inférieure de ce fil, la foudre se précipita de nouveau sur la charpente de la tour, et la dégrada considérablement. Telle était encore son intensité, même en arrivant au sol, qu'elle arracha di- 206 LK TONNERRE. verses pierres de la rondalion du innimnKMil. cl los Innra fi quelque distance. Pendant la nuit du 17 au 18 juillet 17G7, la foudre tombe à Paris sur une maison de la rue Plumet et en parcourt toutes les parties. Plusieurs cadres se trouvaient suspendus dans une chambre; elle attaque seulement celui qui était dore, tne lanterne de fer-blanc et deux bouteilles de verre très-mince reposaient sur la même table ; la lanterne est démolie et parfaitement fondue ; les deux bouteilles restent intactes. Dans une autre chambre, un poêle en fer est brisé en plusieurs morceaux : on n'y remarque aucun autre dégât. Ailleurs, une caisse en bois renfermait beaucoup d'ustensiles en fer ; la foudre brise la caisse ; elle atteint si fortement les ustensiles, qu'ils pré- sentaient des marques évidentes de fusion, et n'allume pas 250 grammes de poudre à canon que contenait une poire ouverte placée au milieu de toutes ces pièces mé- talliques fondues. §B. Le 15 mars 1773, la foudre tomba à Naples sur la maison de lord Tylney. Il y avait, ce jour-là, grande réception chez ce personnage. Les appartements ne ren- fermaient pas moins de cinq cents individus. Aucun ce- pendant ne reçut de véritable blessure. Le lendemain, Saussure et Hamilton (l'un et l'autre avaient été présents à l'événement) reconnurent que presque toutes les dorures, que les corniches des pla- LE TONNERRE. 207 fonds, les baguettes établies autour des tapisseries, les parties dorées des fauteuils et des sofas qui touchaient à ces baguettes, les jambages dorés des portes, des cor- dons de sonnette étaient fondus, noircis ou écaillés. Comme à l'ordinaire , le maximum de ces effets s'obser- vait partout où la matière fulminante avait trouvé quel- que solution de continuité. Un coup de foudre capable de fondre un fil de son- nette tuerait un homme. Ici, nous l'avons déjà dit, per- sonne ne fut même blessé. 11 est donc bien prouvé qu'en parcourant l'enfilade de neuf pièces dont se composait l'appartement de lord Tylney, la matière fulminante se porta de préférence ou à peu près en totalité vers les par- ties métaUiques que ces neuf pièces renfermaient. §4- Ces faits précis, caractéristiques, m'autorisent à passer maintenant à des exemples qui nous montreront la foudre se détournant évidemment de sa route primitive pour aller fropper des masses métalliques derrière de gros blocs de maçonnerie , ou même dans leur intérieur. La foudre étant tombée sur une assez grGsse verge de fer implantée dans le toit de la maison de M. Raven, dans la Caroline (États-Unis), parcourut ensuite un fil de laiton qui établissait, par l'extérieur du bâtiment, une communication intime entre cette verge et une barre de même métal enfoncée en terre. Pendant sa course des- cendante, la foudre fondit toute la partie du fil comprise entre le toit et le rez-de-chaussée , et cela sans endom- mager en aucune manière le mur sur lequel le fil était 208 I.R TONNERRE. pour ainsi dire appliqué. A la hauteur du rcz-do.-cliaus- si'e , les choses prirent un tout autre caractère. De h'i jus- qu'à terre le fil ne fut plus fondu. Au point même oi^i cette fusion cessa , la foudre , changeant complètement de route , lit un assez large trou dans le mur de la maison et entra dans la cuisine. La cause de cette déviation singulière de la foudre, de cette déviation à angle droit, ne fut un mystère pour personne, dès qu'on eut remarqué que le trou du mur était précisément à la hauteur de la partie supérieure d'un canon de fusil placé debout dans la cuisine , contre ce même mur. Ajoutons que le canon n'éprouva aucun dommage; que la crosse, au contraire, fut brisée, et qu'un peu plus loin il y eut quelque dégât dans l'àtre de la cheminée. Le fait dont nous venons de relater toutes les circon- stances conduit à deux conséquences capitales. 11 montre que l'action, quelle qu'en soit d'ailleurs la nature, en vertu de laquelle les métaux s'emparent de la matière fulminante , peut s'exercer même à travers les murs. Elle prouve encore que la masse du métal n'est pas sans influence ; que, dans des circonstances données, la foudre peut abandonner un fil mince pour se porter, même à quelque distance , sur une tige massive. §5. En 1759, le détachement qui conduisait, du Fort- Boyal à Saint-Pierre, le capitaine anglais Dibden, pri- sonnier de guerre à la Martinique, s'arrêta, pour se garantir de la pluie, au pied du mur d'une petite cha- LE TONNERRE. 209 pelle, qui n'avait ni tour ni clocher. Un violent coup de tonnerre le surprit dans cette position et tua deux soldats. Du même coup, la foudre praticiua dans le mur, derrière les deux victimes, une ouverture d'environ l"'.oO de haut et de 1 mètre de large. Toute vérification faite, il se trouva C{u'à la portion du mur démolie sur laquelkî les deux soldats foudroyés s'appuyaient, correspondait exac- tement, à l'intérieur de la chapelle, un ensemble de barres de fer massives destinées à supporter un tombeau. Ceux qui n'eurent pas le malheur de s'être ainsi placés fortuitement devant des pièces métalliques n'éprouvèrent aucun mal. §6. Un très-violent coup de tonnerre atteignit , le 10 juin 176^, le beau clocher de Saint-Brides, à Londres, et y produisit de graves dégâts, qui furent aussitôt examinés et décrits par William Watson et Edward Délavai. Voici ce qu'ils offraient de plus remarquable : La foudre tomba d'abord sur la girouette du clocher; de là elle descendit le long d'une barre de fer presque noyée dans les pierres de taille massives dont la flèche de la tour était formée. Cette barre , de !2 pouces anglais de diamètre (5 centimètres), avait 20 pieds anglais de long (G mètres) et reposait, par son extrémité inférieure, dans une cavité de 5 pouces (12 centimètres) de profon- deur, creusée au centre de la plus basse des pierres de taille en questiouv Une soudure au plomb unissait la barre à la pierre, le plus intimement possible. Que produisit la foudre dans cette flèche , dans cette portion supérieure du clocher de Snint-Bridcs? 2<0 LE TONNERRE. Elle enleva et noircit légèrement quelque peu de la dorure, au point le plus élevé de la croix en cuivre qui surmontait le clocher; elle fondit çà et h\ de petites par- ties de soudure. Pendant son trajet le long des G mètres de kl barre, elle ne laissa aucune trace appréciable, ni sur It^ fer, ni en aucun point de la maçonnerie environ- nante; mais, dès qu'un métal continu lui manqua, les vrais dégâts commencèrent. La grosse pierre de taille au milieu de laquelle l'extrémité inférieure de la barre se trouvait soudée au plomb offrait, dans des éclats, dans des fentes dirigées en tous sens, des marques manifestes d'une violente commotion. A la hauteur de cette même pierre, une très-large ouverture s'était formée, de de- dans en dehors , dans la paroi de la flèche. La descente de la foudre sembla s'être ensuite opérée par sauts, entre chaque barre ou crampon de fer et la barre ou le crampon immédiatement au-dessous. Seulement, il faut bien le remarquer, la foudre ne se borne pas, dans cette sorte d'itinéraire, aux seules pièces métalliques visibles. Les crampons placés dans l'épaisseur même des maçonneries, pour unir les pierres de taille entre elles, n'échappèrent pas plus que les autres à la matièi'e ful- minante. En définitive, il y eut des pierres fendues, éclatées, pulvérisées, déplacées, lancées comme des projectiles, aux extrémités mêmes, ou très-près des extrémités des barres de fer employées dans la construction du clocher. Partout ailleurs les dégâts étaient ou nuls ou sans gra- vité. On dirait, d'après ces effets, que la foudre ne par- vint à s'échapper, par les bouts des pièces métalliques LE TONNERRE. 2H qu'elle envahit, qu'à Taide d'un violent effort qui détrui- sit tout aux environs. §v. Cette propriété de la matière fulminante de se porter en grande quantité sur les métaux , même au travers d'épaisses masses de pierre dont ils peuvent être recou- verts et de les mettre complètement à nu, a trop d'inté- rêt, surtout à cause des applications dont elle est suscep- tible, pour qu'on ne doive pas me pardonner si j'ajoute un nouveau fait aux précédents. En 1767, comme on l'a vu plus haut, la foudre entra par une souche de cheminées dans une maison de la rue Plumet, à Paris. Nous avons déjà parlé de son action à l'intérieur. En dehors , tous les dégâts se trouvèrent con- centrés en un seul point, qui n'était cependant ni le plus haut, ni le plus exposé : l'entablement de la maison fut complètement démoli et projeté au loin. Lorsque toutes les pièces de fer que cet entablement cachait parurent à découvert, chacun comprit qu'elles avaient été la cause principale d'un effet c|ui, sans cela, eût semblé égale- ment inexplicable, et à raison de la place , et à cause de l'intensité. ■" §8- Nous avons vu la foudre complètement inoffensive, tant qu'elle parcourait une tige de fer continue, manifester sa sortie à l'extrémité du métal par la rupture , par la pul- vérisation , par la projection des matières solides qui enveloppaient ce point de sortie. Les matières rompues, pulvérisées, brisées, projetées, étaient généralement des server les astres au travers des vapeurs et des nuages, sans les trouver autrement soulevés que si l'atmo- sphère était sereine,- ne pourraient pas même se ré- soudre à réfuter sérieusement l'étrange conception de M. Logan. Un éclair en zigzags à angles très-aigus, un éclair à deux , à trois pointes , contrastent si fortement avec les courbes régulières que suivent dans leur marche les corps soumis à l'action de forces accélératrices^ qu'on n'ose, de prime abord, s'arrêter à l'idée qu'un semblable éclair marque dans l'atmosphère les places qu'une même ma- tière va successivement occuper. Faites de la foudre, non un corps, mais une ondulation, et les doubles et les tri- ples, etc. , réfractions que les ondes lumineuses éprouvent dans certains cristaux, deviendront des analogies frap- pantes dont l'esprit pourra se montrer satisfait. Il y aura seulement à se rappeler que l'atmosphère renferme une grande variété d'exhalaisons, et, en particulier, de la va- peur d'eau irrégulièrment disséminée, d'où il résulte LE TONNERRE. 219 qu'elle peut opposer à la marche de la foudre des résis- tances inégales dans divers sens. Les éclairs en boule dont nous avons cité tant d'exem- ples, et qui sont si remarc{uables, d'abord par la lenteur et l'incertitude de leurs mouvements, ensuite par l'éten- due des dégâts qu'ils occasionnent en éclatant, me parais- sent aujourd'hui un des phénomènes les plus inexplicables de la physique. Ces boules, ces globes de feu, semblent des agglomé- rations de substances pondérables, fortement imprégnées de la matière de la foudre. Comment se forment de telles agglomérations? Dans quelles régions sont-elles nées? D'où proviennent les substances qui les composent? Quelle en est la nature ? Pourquoi s'aiTêtent-elles quel- quefois pendant un temps assez long pour se précipiter ensuite avec une grande rapidité, etc., etc.? Devant tou- tes ces questions, la science reste muette. La foudre, en traversant l'atmosphère, détermine çà et là une combinaison de ses deux éléments gazeux, elle les transforme en acide nitrique. Serait-il donc impossible que la même action opérât quelc{uefois instantanément une sorte de demi-réunion des matières de* toute nature qui peuvent exister dans un certain volume d'air? Si cette conjecture, que je ne présente, bien entendu, qu'à ce titre, paraissait inadmissible, je rappellerais que M. Fusi- nieri déclare avoir constamment trouvé du fer métallique, du fer à divers degrés d'oxydation et du soufre, dans les dépôts pulvérulents qui entourent les fissures à travers lesquelles la fouch'e s'est ouvert un passage. Sans vouloir assurément réveiller des idées surannées touchant les 220 I.K TdNNKUHK. pierres do loniiorro ', je dirai {|u"il n>.st. point prouve qu'on doive absolument rejeter connue mensongères tou- tes les relations où il est parlé de coups de foudre accom- I\np;nés de chutes de matières. Sur c(uoi se fonderait-on pour s'inscrire en faux contre ce fait que je tire des œuvres de Boyle : « En juillet 1681 , la foudre produisit beaucoup de dégâts, près du cap Cod, sur le bâtiment anglais VAlbc- marl. Le coup de foudre fut suivi de la chute, dans la chaloupe même suspendue à la poupe du navire, d'une matière bitumineuse qui briilait en répandant une odeur semblable à celle de la poudre à canon. Cette matière se consuma sur pla-ce ; on avait essayé vainement de l'étein- dre avec de l'eau, ou de la projeter dehors en se servant de tiges de bois. » Cherchons maintenant ce que peuvent être les éclairs 1. Les prétendues pierres de foudre que certains peuples révé- raiont, avaient, en général, la forme d'un coin, d'une hache, ou celle d'un fer de flèche ou de lance. L'origine de ces pierres n'est pas douteuse, depuis qu'on en a trouvé de toutes pareilles parmi les outils et les armes des indigènes de l'Amérique; depuis que nous savons comment ils les fabriquaient. L'ancien continent aussi a été primitivement habité par des nations sauvages. Les mêmes besoins, la même disette de fer durent y fairfi naître la même industrie. Lorsque la métallurgie perfectionnée pro- duisit des instruments plus résistants, plus tranchants, plus com- modes, les pierres furent abandonnées, et elles se sont conservées à peu près intactes dans la terre. Plusieurs fois on a rencontré de ces mêmes pierres dans des troncs d'arbres. C'était, disait-on, un violent coup de tonnerre qui les y avait introduites. Toute autre explication semblait impossible. A ce compte, ce serait aussi le tonnerre qui aurait projeté les cra- pauds, que les troncs d'arbre recèlent quelquefois, et les monnaies anciennes que les bûcherons y ont découvertes. LE TONNER RK. 221 de chaleur, c'est-à-dire les éclairs des nuits sereines. «Dans la nuit la plus calme, à la lueur même des étoiles, on voit briller Féclair, dit Sénèque; mais soyez sûr, ajoute-t-ii, qu au lieu d'où part l'éclair, il se trouve des nuages que la forme sphérique de la terre ne nous permet pas d'apercevoir. Le feu de Téclair lancé vers le haut se montre dans la partie pure et sereine du ciel, quoique formé dans un nuage obscur et ténébreux. » {Qiiest. mit., liv. ii, §26.) Dans sa Dissertation sur le tonnerre, couronnée en 1726 par l'Académie de Bordeaux, le Père Lozeran de Fesc ne regardait pas non plus les éclairs de chaleur comme des éclairs primordiaux. Suivant lui aussi, ils sont la réverbération sur des couches atmosphériques plus ou moins élevées d'éclairs ordinaires nés au sein d'un orage dont la vue directe est empêchée par la rondeur de la terre. Cette explication est très-simple, et la plupart des phy- siciens l'ont adoptée. Quoi de plus naturel, en effet, que de douer l'atmosphère d'une certaine force réfléchissante? N'est-ce pas elle qui nous reflète la lumière crépusculaire longtemps avant que le soleil soit levé, longtemps après qu'il est couché? Ce raisonnement serait susceptible de quelques doutes puisés dans des considérations de quantité. Ne pourrait- on pas dire que l'atmosphère , quoique assez réfléchis- sante pour nous renvoyer la lumière crépusculaire prove- nant du soleil , ne doit réverbérer rien de sensible quand elle ne reçoit (]ue la lumière comparativement très-faible des éclairs? Voici la réponse : 222 LE TONNERRE. Kn 1739, pendant des expériences sur la vitesse du son, Cassini et Lacaille apercevaient dans l'atmosplièrc la lumière provenant du canon qu'on tirait au pied du l'anal de Cette, alors même que dans les stations qu'ils occupaient, la ville et le fanal leur étaient complètement cachés par des objets intermédiaires, tels que la mon- tagne de Saint-Bauzeli, etc. En 1803, M. de Zach faisait donner des signaux au mont Brocken du Ilarz, pour déterminer des différences de longitudes. Des observa- teurs placés sur la montagne de Renlenberg , à plus de 60 lieues de distance, apercevaient la lumière des 180 à 220 grammes de poudre qu'on brûlait chaciue fois à l'air libre , quoique le Brocken , à cause de la rondeur de la terre, ne soit pas visible du Kenlcnberg. J'ajouterai enfin que, lorsqu'on tire à Paris le canon de la batterie basse des Invalides , un observateur placé dans les allées du jardin du Luxembourg voisines de la rue d'Enfer, d'où l'on ne voit ni les divers étages du bâtiment, ni môme la flèche si élevée de son dôme, aperçoit dans l'air, au mo- ment de chaque décharge, une lueur ctui s'étend jusciu'au zénith et au delà. Si les faibles lumières qui résultent de l'inflammation de 200 grammes de poudre se reflètent dans l'atmo- sphère d'une manière aussi évidente, que ne peut-on pas attendre de la réflexion de la lumière infiniment plus vive de certains éclairs ! En voilà certainement assez pour établir la possibilité , la probabilité, si l'on veut, de l'explication que nous avons indiquée des éclairs de chaleur. Cependant il reste encore quelque chose à faire : il faut essayer de donner à cette LE TONNERRE. 223 explication le caractère de fa plupart des théories scien- tifiques modernes ; il reste à passer de la conjecture à une véritable démonstration. Voici deux cas où toutes les conditions désirables se trouvent, ce me semble, réunies. J'ai trouvé l'un dans le Voyage de Saussure; j'ai recueilli l'autre, en parcom-ant ligne à ligne les deux volumes d'Observations météorologiques de M. Luke Howard. Dans la nuit du 10 au 11 juillet 1783, l'illustre histo- rien des Alpes se trouvait à l'hospice du Grimsel , par un ciel calme et serein. Ce pendant, en regardant dans la direction de Genève, il voyait à l'horizon quelques bandes de nuages d'oia sortaient des éclairs qui ne paraissaient produire absolument aucun bruit. La même nuit, au même instant, la ville de Genève éprouvait le plus épou- vantable orage dont les habitants de ce pays aient jamais été témoins. Le 31 juillet 1813 , M. Howard voyait de Tottenham , près de Londres, de faibles éclairs de ciialeur à l'iio- rizon , vers le sud-est. Le ciel était étoile ; il n'y avait pas un seul nuage dans le firmament! M. Howard apprit bientôt de son frère, qui se trouvait sur la côte sud-est de l'Angleterre, que ce même 31 juillet, àrl'heure des éclairs silencieux de Tottenham , on apercevait de Has- tings un grand orage qui embrassait, en France, l'es- pace compris entre Dunkerque et Calais. Ainsi les éclairs dont on apercevait la lueur dans l'atmosphère de Londres étaient nés au milieu de nuages situés à près de 50 lieues de distance. Avoir prouvé que les éclairs de chaleur sont quelque- fois des éclairs réfléchis, n'implique pas la conséquence 224 LK TONNRRRE. (|ii"ils (tnl iDujoui's la mriiie origine. Ceux qui croieul qu'un ciel paiiaitement serein est souvent sillonné par des éclairs directs, par des éclairs qui jaillissent spontané- ment dans un air sans nuages, peuvent s'appuyer sur la circonstance que souvent les prétendus éclairs de chaleur se montrent , ù Paris p.'u- ex(Miiplc , pendant des nuits entières, et vers tous les points de l'horizon, sans que le ciel vienne à se couvrir. L'existence aussi prolon- gée d'une sorte d'oasis de séréjiité n'est, en elTet, guère probable. Le jour où il y aura sur la surface d'un pays autant d'observateurs météorologistes que la science le réclame, on arrivera aisément, par la comparaison de leurs jour- naux, à reconnaître si les éclairs de chaleur vus dans un endroit donné étaient ou n'étaient pas la réver- bération des éclairs provenant d'un orage éloigné. En attendant, il ne me semble pas impossible de décider la question par les observations d'un seul lieu , d'une seule personne, et à l'instant même où le phénomène apparaît. L'instrument que je réclamerai pour cela n'est pas compliqué. 11 se compose d'un tuyau de o à /; déci- mètres de long, portant à celle de ses extrémités qui doit être tournée vers les éclairs un bouchon percé d'une ou- verture circulaire de quelques millimètres de diamètre. Cette ouverture est couverte d'une plaque de ci'istal de roche à faces parallèles, de 5 à G millimètres d'épais- seur, taillée perpendiculairement aux arêtes du prisme hexaèdre du cristal naturel. A l'autre extrémité du tuyau, à celle où s'applique l'œil, existe un prisme de carbonate LE TONNERRE. 225 de chaux, de quartz ou de tout autre cristal doué de la double réfraction. Ce prisme est achromatisé. Sans le prisme , si vous dirigiez le tuyau vers un objet rayonnant ou seulement éclairé, vous ne verriez qu'un disque circulaire plus ou moins lumineux. A travers le prisme doublement réfringent, vous apercevez deux de ces disques. Quand la lumière de l'objet qu'on observe est de la •lumière blanche directe , les deux disques paraissent blancs. Si, au contraire, la lumière éclairante n'arrive dans le tuyau qu'après avoir été réfléchie sous un angle notablement différent de 90% les deux disques sont diver- sement colorés. Supposez l'un rouge, par exemple, l'autre sera vert. Les deux teintes changent quand on fait tourner le tuyau sur lui-même, mais elles sont toujours complémentaires l'une de l'autre : leur réunion reproduit le blanc, La lumière reflétée par l'air atmosphérique jouit, dans notre instrument, de toutes les propriétés de celle qui est réfléchie par le verre, par l'eau, etc. Dirigez, en effet, le tuyau vers un ciel serein, et vous verrez les deux disques briller des plus vives couleurs. 11 n^' a qu'une zone très-étroite voisine du soleil , et un espace plus cir- conscrit encore situé à l'opposite, où la coloration soit insensible. A peine aurai-je maintenant besoin d'ajouter quelques mots pour expliquer comment ce simple tuyau conduira à la solution désirée : Il est nuit, l'air est serein, de temps à autre des éclairs dits de chaleur illuminent le ciel. Après avoir IV. ~i. .15 •22C LE TONNERRE. dirigé le tuyau vers la ivi^ion où lo phénomène se mani- feste le i)liis ordinairenienl, on regarde h travers comme si c'était une véritable lunette. Quand un éclair brille, on voit aussitôt deux disques brillants. Ces deux disques sont-ils blancs, ou plutôt sont-ils Fun et l'autre de la teinte même de l'éclair, concluez-en avec certitude qu'on a observé de la lumière directe, qu'elle n'est pas arrivée à l'œil par voie de réverbération, que l'éclair a pris nais- sance dans la portion d'atmosphère située au-dessus de l'horizon. Les deux disques , au contraire , se montrent- ils colorés, c'est une preuve que la lumière, dont les cristaux renfermés dans le tuyau font une sorte d'analyse, est de la lumière réfléchie , qu'elle provient d'éclairs engendrés au-dessous de l'horizon visible. En mesurant l'intensité de la coloration des disques, on arriverait sans trop de difficulté à décider quelle région atmosphé- rique occupent ces derniers éclairs; mais je dois ici m' in- terdire de trop minutieux détails. 11 me suffit d'avoir montré comment, à l'aide de l'observation la plus simple on pourra dissiper tous les doutes que la question des éclairs de chaleur avait soulevés. Si l'on croit peu aujourd'hui à des éclairs silencieux engendrés au sein des nuages, c'est que, dans la seule explication un tant soit peu plausible qui ait été donnée des éclairs, le bruit doit résulter, au moins tout aussi inévitablement que la lumière , de l'action des causes physiques que l'explication met en jeu. Aussi ne manque- t-on pas de recourir à d'excessifs éloignements des nuées orageuses, quand il faut comprendre pourquoi on n'en- tend absolument aucune détonation à la suite de certains LE TONNERRE. 227 r éclairs éblouissants. Ces immenses, éloignements rien ne les justifie; en tout cas, ils ne suffiraient pas pour expliquer l'observation de Deluc (chap. xiv, p. 87), dans laquelle des éclairs de même intensité et nés dans les mêmes nuages étaient suivis, les uns d'étourdissants roulements, les autres d'un silence absolu. Veut-on , au surplus , la preuve que, dans l'atmosphère, un bruit n'est pas l'accompagnement nécessaire de toute production de lumière? La voici : Les trombes sont quelquefois le foyer d'éclairs très- brillants. Le li juin 1814, M. Griswold se trouva à une petite distance (400 mètres) d'un de ces météores, dans le territoire des Illinois. Des éclairs presque continus et d'un éclat incomparable descendaient des nuages vers la terre, à une petite distance de la surface extérieure de la trombe , ou peut-être même le long de cette sur- face. Cependant, on n'entendait absolument aucune déto- nation ^ Les tonnerres sans éclairs sur lesquels j'ai précédem- ment appelé l'attention des lecteurs (chap. xni, p. 84), peuvent s'expliquer très-simplement. Concevons deux couches distinctes de nus-ges super- 1. Pour tous les observateurs de la trombe, cette absence de bruit au milieu d'irradiations aussi éblouissantes, était un phénomène sans exemple. M. Griswold croit qu'au fond le bruit existait comme dans un orage ordinaire. Suivant lui, le rapide mouvement giratoire de l'air qui constitue le météore, empêchait les vibrations sonores de sortir de l'enceinte même de la trombe et de se communiquer à l'air à peu près tranquille de l'atmosphère. Je doute que cette expli- cation, tout ingénieuse qu'elle puisse être, fasse beaucoup de pro- sélytes. On aimera mieux croire à une production de lumière sans ])ruit. 228 LE TONNERRE. posées. Supposons que la couche supérieure devienne le siège d'un grand orage; qu'elle soit sillonnée par de brillants éclairs, qu'il en parte de retentissantes détona- tions. Si les nuages inférieurs sont très-opaques ou très- épais, la lumière des éclairs, quelque vive qu'on la suppose, ne les traversera pas; elle s'y absorbera presque en totalité; il n'en arrivera rien de sensible à la surface de la terre, et cependant, comme des corps non per- méables à la lumière se laissent facilement traverser par le son, le même observateur qui ne voit pas l'éclair entendra parfaitement le tonnerre. La double supposition que deux couches de nuages superposées existent simultanément dans l'atmosphère à dilTérentcs hauteurs , et qu'un orage se manifeste dans la couche supérieure seulement, seraient, au besoin, ap- puyées sur les relations de trop de voyageurs véridiques, pour que nous n'ayons pas la certitude d'avoir indiqué une des causes des tonnerres sans éclairs. Je dis seule- ment une des causes, car j'ai cité (p. lZi2 et suiv.) des foudres dont le siège ne paraît pas être dans les nuages, et qui détonent violemment sans avoir été annoncées par aucun phénomène lumineux. §. 2. — Du tonnerre ordinaire, de l'intervalle cpii le sépare de l'éclair, de son roulement, de ses éclats, des plus grandes distances auxquelles on l'entende, du tonnerre des jours sereins, de la longueur des éclairs. Quelquefois le tonnerre ne se fait entendre qu'un temps assez long après que l'éclair a brillé. Ceci a besoin d'ex- plication , car personne ne doute , quoique la chose soit loin d'être démontrée, que la lumière et le bruit n'aient LE TONNERRE. 229 été engendrés simultanément. Le phénomène au reste est si simple, que les anciens, très-peu avances générale- ment sur les matières de physique , en avaient déjà connu la véritable cause. Prenez, par exemple, le livre vi du poëme de Lucrèce, et vous y lirez d'abord des observa- tions destinées à établir que la lumière se meut en général beaucoup plus vite que le son. Quelques vers après, vous trouverez, comme conséquence inévitable des prémisses, que la lumière de la foudre doit arriver à terre bien plus vite que son fracas , quoique fracas et lumière aient été formés au même instant et par le même choc. Cette explication est parfaitement exacte. Le seul avan- tage que nous ayons à cet égard sur les philosophes de l'antiquité, c'est de pouvoir assigner pour chaque distance donnée le retard du son sur la lumière, en secondes entières et fractions de seconde. Deux phénomènes astronomiques ( les éclipses des sa- tellites de Jupiter et l'aberration) ont servi à prouver que la lumière traverse uniformément l'espace , avec une vitesse de 80,000 lieues environ par seconde de temps. Il résulte de là qu'elle n'emploie que un huit-millième de seconde à franchir 10 lieues. 10 lieues surpassent , sans aucun doute, la hauteur à laquelle les éclairs et le ton- nerre s'engendrent dans notre atmosphère. A moins donc qu'on ne veuille tenir compte d'une inappréciable fraction de seconde, il sera permis, dans toutes nos recherches sur le tonnerre, de supposer que nous voyons l'éclair à l'in- stant même oi^i il est né. Quant au son, on peut affirmer, d'après les expériences les plus récentes, qu'à la température de + 10° ccnti- «30 LE TONNERRE. grades, sa vitesse est de 337 mètres par seconde. Si le nuage où la foudre a éclaté est à 337 mètres de distance en ligne droite , il s'écoulera donc une seconde entière entre l'apparition de la lumière et l'arrivée du bruit : A une distance de 61 d'" correspondrait 2' d'intervalle ; A 1011 ' 3' 3370"^ 10^ et toujours ainsi proportionnellement. L'observateur qui aura déterminé avec un chrono- mètre, le nombre de secondes comprises entre l'arrivée de l'éclair et celle du tonnerre, en déduira donc facile- ment la distance qui le sépare du point où le météore s'est manifesté. Il^lui suffira de multiplier ce nombre, entier ou fractionnaire, par 337. Le produit sera la dis- tance cherchée exprimée en mètres. Ce résultat , il faut bien le remarquer, est en général la distance rectiligne du nuage , mesurée sur une ligne inclinée à l'horizon ; c'est l'hypoténuse d'un triangle rec- tangle dont les deux autres côtés sont, d'une part, une portion de l'horizontale du lieu de l'observation, de l'autre, la hauteur verticale du nuage sur cette même horizontale. Pour déduire de la longueur de l'hypoténuse, la hau- teur verticale du nuage, il faut connaître la hauteur angulaire de l'extrémité de l'éclair la plus voisine du lieu de l'observation; il faut savoir si elle est de 10% de 20% de /i.5°, etc. Cette hauteur, on la mesure avec une préci- sion suffisante à l'aide d'un graphomètre, d'un théodolite, LE TONNERRE. 231 OU d'un instrument à réflexion , en prenant pour repère, pour point de mire , les accidents fortuits de forme ou de clarté les plus voisins du point où l'éclair s'est montré et dont les nuages orageux ne sont jamais exempts. Cela une fois connu, le calcul s'effectue en un trait de plume. C'est ainsi, de point en point, qu'ont été déterminées les hauteurs absolues de nuages, rapportées chapitre iv, pages 20 et suivantes. Ce genre d'observations a été jus- qu'ici trop négligé ; la météorologie est très-intéressée à le voir se répandre. Les plus grands et les plus petits inter- valles entre l'éclair et le tonnerre doivent surtout fixer l'attention des physiciens : les premiers, parce qu'ils servent aujourd'hui à la détermination de la plus grande hauteur des nuages orageux; les seconds, à cause de leur liaison possible avec une question très-controversée dont je dirai ici quelques mots. Quand une seconde de temps s'écoule entre l'éclair et le tonnerre, les nuages sont au plus à 337 mètres de hauteur verticale ; quand l'intervalle des deux phéno- mènes est de 1/2 seconde, la hauteur des nuages ne peut pas être supérieure à 168 mètres; à 4/10", à 3/10", à 2/10", à 1/10' de seconde d'intervalle, corre'sj)ondraient, respectivement, des hauteurs de nuages inférieures à 135 mètres, à 101 mètres, à 68 mètres, à 34 mètres. La flèche des Invalides est à 105 mètres de hauteur verticale. Supposons qu'en temps d'orage, quelqu'un placé près du monument aperçoive un de ces éclairs qui ne paraissent pas quitter les nuages et qu'il s'assure de plus que le tonnerre a succédé à l'éclair après le court intervalle de 3/10" de seconde. De ce nombre résultera. 232 LE TONNERRE. comme nous venons de le voir, la conséquence que les niicigcs, foyer supposé de la foudre, ne pourraient être à plus de 101 mélres de hauteur, et qu'ils devraient enve- lopper la flèche du dôme. Si donc la flèche est restée libre, si les nuages l'ont toujours dominée , il sera prouvé que la détonation n'est pas née dans leur sein, et la théorie des foudres ascendantes produira en sa faveur un argument presque irrésistible. A Strasbourg, dont le clocher a 142 mètres de hauteur, le même mode d'observation s'étendrait jusqu'au cas où l'intervalle de l'éclair au bruit serait de 4/10" de seconde. Près des montagnes, si l'on s'y était procuré à l'avance un certain nombre de repères bien cotés, il deviendrait facile d'aller à des secondes entières. Des secondes en- tières d'intervalle ne seraient enfin, en aucun lieu, un obstacle à l'application de la méthode, si l'on était muni d'un ballon captif, à l'aide duquel on pourrait ou déter- miner la hauteur exacte des nuages, ou même seulement une limite en moins. Je ne sais si je me trompe, mais des observations de ce genre méritent toute l'attention des physiciens. Ne serait- il pas intéressant de trancher par une simple compa- raison de chiffres l'interminable question des foudres ascendantes, c'est-à-dire des foudres qu'on a supposées devoir s'élever de terre? Quant à ceux qui pensent que deux effluves, Tune ascendante et l'autre descendante, concourent invariablement à la production de tous ces phénomènes, ils trouveraient peut-être dans le même cadre d'expériences, en les supposant faites de deux lieux à la fois, de quoi reconnaître où la détonation se produit ; LE TONNERRE. 233 or, n'auraient-ils pasdonné à leur système un grand degré de probabilité , si , par exemple , le foyer de ces détona- tions paraissait devoir être entre les nuages et la terre? En partant des données numériques que nous rappor- tions tout à l'heure, cherchons aussi à déterminer les plus grandes distances auxquelles le tonnerre ait jamais été entendu. On a pu voir, à la page 8!2, que de L'isle compta une fois 72 secondes entre l'éclair et le tonnerre. Ce nombre, le plus considérable dont il soit fait mention dans les annales de la météorologie, multiplié par 337, donne pour la distance du nuage oii l'éclair s'était montré : 24, 264 mètres, ou environ 6 lieues de 4,000 mètres. Après ce résultat exceptionnel (72 secondes) , le plus fort qu'il m'ait été possible de recueillir est 49 secondes. Ge nombre multiplié par 337, donne : 16,513 mètres, ou un peu plus de 4 lieues de 4,000 mètres. La plus grande distance à laquelle le tonnerre se soit jamais fait entendre paraît donc être de 6 lieues de poste. Les plus grandes distances habituelles ne s'élèvent guère qu'à 4 lieues '. 1. On sera peut-être bien aise de trouver ici quelques limites de distances déterminées directement. Le 25 janvier 17a7, la foudre toml)a avec un bruit épouvantable sur le clocher de Lestwithiel (Cornouailles) et le détruisit presque en totalité. Le célèbre Smeaton en était alors éloigné d'environ 12 lieues {therty miles). Il vit les éclairs, mais il n'entendit absolument aucun bruit. Muschenbroek rapporte qu'il tonne quelquefois très-fortement à La Haye, sans qu'on entende rien à Leyde, à la distance de U lieues (16 kilomètres), et à Rotterdam, à la distance de 5 lieues ijk. On a aussi des exemples d'orages très-violents (pii avaient éclaté sur la ville d'Amsterdam , et dont le bruit ne se propagea pas jusqu'à Leyde, à la distance de 9 lieues. 234 LE TONNERRE. La ]totitcsse de ces distances frappera surtout quand on aura remarqué j^ quel point le bruit du canon s'entend de plus loin. Je trouve, par exemple : Que le canon tiré c\ Florence s'entend quelquefois du vieux château du Monle-Rotondo, près de Livourne, h la distance, en ligne droite, de 20 lieues 1/2 (82 kilo- mètres) ; Que lorsqu'on tire le canon à Livourne, on l'entend quelquefois à Porto-Ferrajo, à la distance de 20 lieues 1/4 (81 kilomètres) ; Qu'à l'époque où les Français faisaient le siège de Gènes, le bruit de leur artillerie était entendu de Livourne, à la distance de 36 lieues 3/4 (1/|7 kilomètres). La petitesse de la distance qui suffit pour éteindre com- plètement le bruit des plus violents tonnerres a excité l'étonnement dans tous les pays. Ainsi, je trouve dans les Mémoires des missionnaires de la Chine, tome iv, que l'empereur Kang-hi, qui s'était occupé en physicien des phénomènes de la foudre, portait à 10 lieues le plus grand intervalle que ses détonations pussent franchir. Il assu- rait, au contraire, avoir entendu le bruit de l'artillerie jusqu'à la distance de 30 lieues. Aujourd'hui, les recher- ches doivent tendre à découvrir si le grand affaiblisse- ment du son sur lequel nous venons de tant insister ne dépendrait pas exclusivement des réflexions partielles qu'il subit en rencontrant obliquement les surfaces de séparation des couches atmosphériques de différentes densités ^ 1. On sait en général très-peu de chose touchant les causes di- verses qui peuvent influer sur Tintensité du son et sur leur jiiode LE TONNERRE. 235 J'ai reçu de M. de Saint-Cricq l'assurance qu'on en- tendit le canon de Waterloo, de la ville de Creil, à la dis- tance de 50 lieues (200 kilomètres). Suivant M. Élie de Beaumont, la canonnade du 30 mars ISlZi fut entendue très-distinctement dans la commune de Casson, située entre Lizieux et Caen, à environ 176 kilomètres ou 44 lieues de Paris en ligne droite. A l'aide des résultats que nous venons d'obtenir tou- chant les plus grandes distances que le bruit du tonnerre franchisse, nous pourrons trancher une question impor- tante : nous déciderons s'il faut se résoudre à ne voir dans les tonnerres des jours sereins que des retentisse- ments de tonnerres ordinaires, élaborés au sein de nuages qui se trouvent au-dessous de l'horizon, ou s'il est permis de les considérer comme des tonnerres qui sont nés et qui d'action. Derham prétend que les sous s'entendent de plus loin et plus distinctivement en hiver, et surtout pendant la gelée qu'en été. Cette opinion a été confirmée par le capitaine Parry. Je lis dans son premier voyage (p. lZi3) : « La distance à laquelle on entendait les sons en plein air tant que régna le froid intense, était extrêmement grande et excitait constamment notre surprise malgré les fréquentes occasions que nous avions de faire cette remarque. Par exemple, nous avons entendu souvent à la distance de 1 mille (1600 mètres), des hommes qui causaient entre eux avec leur voix ordinaire. Le 11 février 1820, j'entendis à une plus grande distance encore un homme qui se sifflait à lui-même (a man singing to himself) en mar- chant le long de la grève. » Derham croit avoir remarqué que la neige nouvellement tombée est une cause d'affaiblissement du son plus efficace que la neige ancienne à la surface, de laquelle il s'est formé une croûte unie. Il dit aussi que les brouillards amortissent considérablement les ondes sonores. Des brouillards uniformément répandus, produisent proba- blement l'effet annoncé par le physicien anglais. Dans d'autres conditions ils font tout le contraire. Ainsi, en novembre 1812, l'at- mosphère étant couverte à une petite hauteur d'une couche épaisse 236 LE TONNERRE. ont éclate au milieu de l'atmosphère la plus pure. Voici, en quelques mots, par quels liens ces deux genres de vé- rités se tiennent. Un homme de petite taille, dont l'œil est élevé de 1 mètre G décimètres, peut voir, si l'horizon est bien dégagé, un objet placé à terre, jusqu'à la distance d'une lieue de /i,000 mètres. Si l'objet est élevé de 25 mètres, il sera aperçu à 5 Heues 1/2. Si la hauteur est de 500 mètres, on le découvrira à la distance de 21 lieues. Supposons, enfin, l'objet à 1,000 mètres d'élévation, et nous le verrons encore à plus de 29 lieues. Revenons maintenant à l'observation que nous avons déjà rapportée (p. 88). Volney, dont l'esprit d'exacti- tude est si bien connu, se trouvant à Pontchartrain, en- et continue de vapeur, M. Howard entendit distinctement le bruit que faisaient les voitures en roulant sur le pavé de Londres , quoi- qu'il se trouvât alors à une distance moyenne de cette ville qui n'était pas au-dessous de 2 lieues (5 milles). Les observations de M. de Humboldt faites sur les rives de l'Oré- noque, ont parfaitement établi que les sons se propagent plus loin la nuit que le jour. Est-il également certain que la différence dé- pende, comme l'insinue ingénieusement mon illustre ami , des cou- rants d'air chaud qui do jour s'élèvent du sol vers les régions supé- rieures de l'atmosphère? C'est une opinion admise que le vent quand il souffle en sens contraire de la direction suivant laquelle se propage le bruit, dimi- nue considérablement son intensité. Sur ce point les faits confir- ment le sentiment général. Il n'en est pas de même de l'opinion, non moins répandue, que des vents marchant dans le môme sens que le son, maintiennent sa force et le transportent plus au loin. Des observations de F. Delaroche sembleraient étal)lir que s'il y a, quant à l'intensité, des vents contraires au son , il n'en existe pas de favorables. LE TONNERRE. 237 tend très-distinctement quatre à cinq coups de tonnerre. Il regarde autour de lui, il n'aperçoit aucun nuage ni dans le firmament ni près de terre. Si les cinq coups ne sont pas partis de la portion d'atmosphère diaphane qui recouvre l'horizon visible ; si leur foyer ou leur cause doit être cherchée dans des nuages situés au delà des Umites de cet horizon, il faudra que ces nuages ne soient pas à plus de 6 lieues de distance, car sans cela la détonation n'aurait pas été entendue; or, des nuages, pour être invi- sibles à la distance de 6 lieues, ne doivent pas se trouver à plus d'une trentaine de mètres d'élévation. Nous voilà donc amenés à cette alternative : ou les tonnerres enten- dus par Volney venaient d'une atmosphère parfaitement sereine, ou ils avaient pris naissance dans les nuages si- tués, au plus, à la très-petite hauteur de 30 mètres. Entre ces deux hypothèques , le choix me semble devoir être d'autant moins douteux, que les nuages qui, une heure après les détonations entendues par Volney, envahirent l'atmosphère de Pontchartrain, étaient des nuages à grêle très-élevés. Quoi qu'il en soit de cette argumentation, quant à l'observation particulière qui l'a fait naître, il n'en demeure pas moins établi qu'après avoirentendu des coups de tonnerre par un ciel serein , on devra soigneu- sement chercher, en regardant tout autour de soi, si quel- que nuage ne commencerait pas à poindre aux limites de l'horizon visible '. 1. En y regardant de bien près, je n'ai trouvé que les circonstances de l'observation de Volney, desquelles il découlât d'une manière certaine que le tonnerre peut s'engendrer dans un ciel serein. Pline rapporte qu'à l'époque de la conspiration de Catilina, un décurion du municipe de Pompeia (M. Herennius) fut frappé de la •238 LE ÏONNERRK. Vûuv drdiiirc quelques conséquences importantes de la dclerniination de l'intervalle de temps qui sôpare l'éclair du bruit de la foudre , nous n'avons pas eu besoin de savoir à quelle cause physi(|ue le tonnerre doit être attri- bué. Les recherches qui ont été faites pour découvrir cette cause n'en doivent pas moins être mentionnées ici, (|uoi- qu'elles n'aient pas eu tout le succès désirable. foudre par un ciel sans nuages. Pline ne dit point si le tonnerre accompagna la foudre. Cette citation laisse donc la question tout entière. Suétone nous apprend « qu'après la mort de César, on vit, par un ciel pur et serein, un cercle semblable ii l'arc-en-ciel entourer le disque du soleil , et la foudre frapper le monument de Julie, fille de César. » l\ous savons aujourd'hui qu'aucun cercle semblable ù i'arc-en-ciel, qu'aucun cercle, soit halo, soit simple couronne, ne se forme autour du soleil par un ciel pur et serein. L'historien aurait dû se contenter de dire que le phénomène arriva par un temps légèrement couvert. On aura d'ailleurs remarqué qu'il ne parle pas de tonnerre. L'événement raconté par Crescentius soulève le même doute. Cet auteur déclare bien qu'un jour, vers midi, par un ciel serein, près de rîle Procida, la foudre se précipita sur la galère à trois rangs de rames, la Sainte-Lucie, où dînait le cardinal d'Aragon ; qu'elle dé- truisit plusieurs parties du gréement, qu'elle tua trois forçats, qu'elle endommagea deux autres galères; mais cette foudre fit-elle du bruit ? Je l'ignore. Les dégâts ne résultèrent-ils pas de la chute d'aérolithes? Personne ne pourrait aujourd'hui répondre à cette question. On lit dans les Mémoires de Forhin, à la date de 1685 : «Le ciel étant fort serein (près du détroit de la Sonde), nous entendîmes un grand coup de tonnerre, semblable au bruit d'un canon tiré à bou- let; la foudre, qui silllait horriblement, tomba dans la mer à deux cents pas du navire, et continua à siffler dans l'eau qu'elle fit bouil- lonner pendant un fort long espace de temps. » Toutes ces circonstances ressemblent trop bien à celles qui accompagnent la chute d'un gros aérolithe, pour qu'il ne soit pas naturel de croire que la détonation , le sifflement et le bouillonne- ment de la mer décrits par Forbin, dépendirent d'un de ces météores. LE TONNERRE. 239 Le choc de nos deux mains produit un bruit éclatant ; quel fracas ne doit-il donc pas résulter de la collision de deux énormes nuées? Telle est, en substance, l'idée que Sénèque s'était formée du bruit du tonnerre {Quest. nat., liv. ii,§27). Descartes n'a guère fait, ce me semble, que repro- duire l'explication de l'auteur des Questions naturelles , et essayer de la fortifier par une comparaison : « Pour les orages , dit-il , qui sont accompagnés de tonnerre , d'éclairs , de tourbillons et de foudre , desquels j'ai pu voir quelques exemples sur terre, je ne doute point qu'ils ne soient causés de ce qu'y ayant plusieurs nues l'une sur l'autre, il arrive quelquefois que les hautes descendent fort à coup sur les plus basses , en même façon que je me souviens d'avoir vu autrefois dans les Alpes , environ le mois de mai , que les neiges étant échauiïées et appesan- ties par le soleil , la moindre émotion de l'air était suffi- sante pour en faire tomber subitement de gros tas, qu'on nommait, ce me semble des avalanches, et qui, retentis- sant dans les vallées, imitaient assez bien le bruit du tonnerre. » Un seul mot, et cette explication s'écrotrlera d'elle- même : il tonne souvent, sans qu'il y ait dans l'atmo- sphère deux couches de nuages. Sénèque et Descartes se servaient du prétendu rappro- chement subit de deux couches de nuages superposées, pour condenser une certaine masse d'air dont la dilata- tion également brusque engendrait ensuite le bruit du tonnerre. Leurs successeurs ont fait intervenir l'atmo- sphère dans l'explication du phénomène, d'une manière 2J0 LE TONNERRE. en quelque sorte inverse. Us croient que, dans son tra- jet, la foudre produit le vide partout où elle passe. Le bruit serait la conséquence de la rentrée de Tair, ainsi que cela arrive dans l'appareil connu dans tous les cabi- nets de pliysique sous le nom de crève-vessie. La rentrée subite de l'air dans le vide doit incontesta- blement occasionner du bruit. Si la foudre produit du vide en traversant l'atmosphère, le tonnerre en sera la conséquence ; mais par quelle cause physique la foudre engendre-t-elle un vide? Voilà ce que personne n'a décou- vert. L'explication du tonnerre est donc encore à trou- ver; jusqu'ici on s'est contenté de remplacer une difficulté par une difficulté plus grande. Quelle que soit, au surplus, la cause physique des détonations de la foudre, il n'en reste pas moins à recher- cher dès à présent l'origine des longs roulements que tout le monde a remarqués, l'origine des changements d'in- tensité subits et si souvent répétés , qui sont connus des météorologistes sous le nom d'éclats. Pendant longtemps , on s'est accordé à voir dans les roulements du tonnerre de simples jeux d'échos. Cette explication a été ensuite abandonnée comme elle avait été adoptée, je veux dire d'après un premier aperçu. Voyons, quant à nous, la place qu'une discussion sérieuse permet de lui assigner. Tous ceux qui ont été témoins d'un orage dans quel- que vallée entourée de hautes montagnes, savent combien des circonstances locales peuvent donner de retentisse- ment, d'intensité, de durée, aux éclats de la foudre. Nous n'avons donc pas h rechercher si, parfois, des échos LE TONNERRE. 241 jouent un rôle dans ces phénomènes. La question est de décider si toujours des échos sont la cause des roulements observés. J'ai cité des cas (p. 79) où le roulement du tonnerre a duré 36, M , et même /i5 secondes. Est-il prouvé que des échos pourraient donner lieu à d'aussi longs roule- ments? En fait d'échos proprement dits, ce qui, en ce moment, me revient à la mémoire de plus extraorchnaire, est une observation de mon ami le révérend Will. Scc- resby. Près des lacs de Killarney, dans une station que les guides lui avaient indiquée , M. Scoresby entendait le bruit de la décharge d'un pistolet pendant une demi- minute. Nous aurions besoin de trois quarts de minute au moins ; mais il est permis de supposer que si le bruit retentissant du canon avait remplacé celui d'un pistolet , les 30 secondes seraient devenues /i5 secondes et même davantage. L'intensité me semble d'autant mieux devoir être prise ici en considération que , dans une localité des environs de Paris c|ui n'a jamais été citée, je crois, comme bien remarquable sous le rapport des échos, q.i'au pied de la tour de Montlhéry, pendant des expé- riences sur la vitesse du son faites dans le-mois de juin 1822, MM. de Humboldt, Bouvard, Gay-Lussac et Emile de Laplace entendaient pendant 20 à 25 secondes le roulement du canon qu'on tirait à côté d'eux. 11 y a donc peu d'espoir d'arriver ainsi à quelque chose de décisif, touchant le rôle exact que jouent les échos dans le roule- ment du tonnerre. Les marins assurent qu'en pleine mer la foudre est accompagnée de longs roulements comme à terre, quoi- IV. - 1. 16 2i2 LE TONiNEURE. ({ifil u\ ait là, pour renéler le son, ni pans de mur, ni rochers, ni bois, ni collines, ni montagnes. Ceux qui s'appuient sur celte énumération , oublient les nuages, ou plutôt ils admettent que les nuages ne jouissent pas de la faculté de réfléchir les sons. Muschenbroek dit cependant (jue, dans la môme localité où la décharge du canon ne fait entendre qu'un seul coup quand le ciel est serein, le bruit se répète plusieurs fois si le temps est couvert. L'observation du physicien hollandais semble-t-elle trop peu circonstanciée pour être admise? J'extrairai alors de la note que je publiai en 1822 sur les expériences rela- tives à la vitesse du son dont il a déjà été question, ces remarques : « AYillejuif, il nous est arrivé quatre fois d'entendre, à deux secondes d'intervalle, deux coups distincts du canon de Montlhéry. Dans deux autres circonstances, le bruit de ce canon a été accompagné d'un roulement pro- longé. Ces phénomènes n'ont jamais eu heu qu'au mo- ment de l'apparition de quelcpes nuages. Par un ciel complètement serein, le bruit était unique, il ne durait qu'un instant. » Définitivement, poui' prouver que les roulements du tonnerre ne résultent pas toujours et seulement de sons réfléchis, voici sur quelle remarque on pourrait s'ap- puyer : Le ciel est uniformément couvert ; un éclair se montre au zénith; à peu de secondes d'intervalle, le tonnerre éclate et son roulement se prolonge; quelque temps après, un nouvel éclair fend la nue dans la même région zéni- thale, le tonnerre le suit, mais cette fois le coup, quoique LE TONNERRE. 243 très-fort, est sec; il ne dure pas. Comment expliquerait- on ces grandes dissemblances en faisant du roulement du tonnerre un simple phénomène d'échos? Un des autem's les plus féconds et les plus ingénieux dont FAngleterre puisse se glorifier, le docteur Robert Hooke, a été le premier, je crois, à faire intervenir, dans Texphcation du roulement du tonnerre, une circonstance importante négligée à tort par la plupart des physiciens modernes. Je veux parler de la distinction essentielle qu'il établit à la page d'ili des Posthumous ivorks imprimés en 1705, entre les éclairs simples et les éclairs composés ou multiples. Chacun des premiers, dit l'auteur, n'occupe qu'un point dans l'espace et donne naissance à un bruit court, instantané. Le bruit des autres, au contraire, est un roulement prolongé, parce que les dilTérentes parties des longues lignes que ces éclairs occupent, se trouvant en général à des distances diverses, les sons qui s'y engendrent, soit successivement, soit au même instant physique, doivent employer des temps graduellement iné- gaux pour venir frapper l'oreille de l'observateur. Cette vue ingénieuse du docteur Robert Ilooke fut reproduite, il y a une cinquantaine d'années, dans l'En- cyclopédie britannique, par M. Robison. Une pareille adoption devant la recommander aux météorologistes, je placerai ici la traduction de quelques lignes que le célèbre professeur d'Édimburg a consacrées à cet objet. « J'aperçus parallèlement à l'horizon un éclair qui pou- vait avoir o milles (4,800 mètres) de long. Il me parut coexistant : personne n'aurait pu dire par quelle extré- mité il commença. Le tonnerre se composa, au début, 2ii LE TONNERRE. truiî coup livs-inleik^o, cl ensuite cFun roulement irrc- gulicr (jui dura environ 15 secondes. J'imagine que les détonations arrivèrent simultanément dans la vaste éten- due de réclair, mais qu'elles ne furent pas partout de la même intensité. DilTérenles portions de l'agitation sonore [sonorous agilaiiou) arrivèrent jusqu'à l'oreille à l'aide des ondulations sonores de l'air, les unes après les autres, ce qui produisit l'effet d'un son prolongé. Telles seraient aussi les apparences, pour une personne placée à l' extré- mité d'une longue file clc soldats qui tireraient tous leurs fusils au même instant. Cette personne entendrait de même un roulement irrégulier, si les fusils n'étaient pas également chargés dans les différentes parties de la nie. . Suivons cette comparaison de la file de soldats déchar- geant tous leurs armes au même instant , et nous verrons ainsi comment il peut arriver que des éclairs de longueurs semblables en apparence, donnent lieu cependant à des bruits, à des roulements si divers. Supposons d'abord, pour fixer les idées, que la file soit rectiligue et c{u'il y ait 1 mètre de distance entre chaque soldat et son voisin. Imaginons de plus que l'observateur, placé à l'une des extrémités de la file , se trouve à 1 mètre, par exemple, du premier soldat. Le bruit du fusil du premier, du second , du troisième, du centième, etc., etc., soldat, lui arriveront l/3o7', 2/337'% 3/337", 100/ 337^" de seconde, etc., après la décharge. S'il y a 337 soldats dans la file, le bruit durera 1 seconde, quoiqu'en réalité tous les fusils soient partis simultanément. A 674 soldats correspondi'ait un bruit de LE TONNERRE. 2io 2 secondes; à o,olÔ soldats, un lirait de 10 secondes, et ainsi de suite, toujours propoi tionncUement. La file de soldats restant toujours rectiligne, menons- lui une perpendiculaire par son milieu, et plaçons Tobscr- vateur en un point quelconque de cette perpendiculaire. Alors, le bruit qui parviendra le premier à son oreille, sera celui du fusil du soldat du milieu de la file, de celui auquel aboutit le pied même de la perpendiculaire. En- suite, il lui arrivera successivement, mais par couples, les bruits des fusils de chacun des deux soldats symétrique- ment placés par rapport au milieu. Le roulement se ter- minera donc par un bruit provenant de la décharge des fusils situés aux deux extrémités. Remplaçons une file rectiligne par une file circulaire et plaçons l'observateur au centre. Dans cette position, la distance de cet observateur à tous les soldats étant la même, il n'entendra plus de roulement, mais au lieu de cela une seule détonation formée de la réunion des bruits de tous les fusils. Ai-je besoin d'en dire davantage pour que chacun com- prenne maintenant l'étroite liaison qu'il y a entre les éclats de tonnerre et les zigzags des éclairs? Quand un éclair cjui fuyait, si cette expression m'est permise, dans une direction aboutissant à l'œil de l'observateur, se replie sur lui-même pour se pix'senter pendant quelques instants de face, il est de toute évidence qu'il doit en résulter une augmentation de bruit. 11 n'est pas moins clair c|ue cette augmentation sera suivie à son tour d'un alTaiblissemeiit bruscjuc, si par une seconde inflexion l'éclair se trouve amené de nouveau à se mouvoir à peu près dans la dircc- 246 LE TONNERRE. tion de la ligne visuelle, et ainsi de suite. Toutefois, des observations, destinées à mettre cette liaison intime des zigzags des éclairs et des éclats du tonnerre au nombre des vérités démontrées, auraient de l'intérêt et me sem- blsi subitement incandescents les minces filets qu'elle trou- vera sur son passage? En consultant la table que nous avons donnée, M. Dulong et moi, de l'élasticité de la vapeur, correspondant à divers degrés du thermomètre, on trouvera qu'elle est déjà de Zi5 atmosphères quand l'eau atteint le 260" degré centigrade. Quelle force cette vapeur ne doit-elle pas avoir à la température beaucoup plus considérable du fer roi'gc? Une telle force s'irait 2-i2 LE TONNERRE. L'vidonimcnt sufiisaiilo pour i\\[)li(iuor, sous I(> riipporl de riutcnsih', tout ce (|ue nous connaissons de Faclion mé- canique de la foudre. Ceux qui prctcrent un fait à une déduction théorique n'auront qu'à consulter les fondeurs sur les terribles cllets qui résult(înt de la présence d'une seule goutte d'eau dans un moule, nu moment où le mé- tal incandescent y pénètre, et ils arriveront ainsi directe- ment à la même conséquence. Plaçons de Tliumidité dans les fissures, dans les alvéoles d'une pierre de taille, et si la foudre vient à frapper cette pierre, le développement subit de vapeur la brisera, et ses fragments seront proje- tés au loin, suivant toutes les directions (voyez p. 1-25 et 127). Dans les mêmes circonstances, la brusque trans- formation en vapeur éminemment élastique de l'eau mêlée à la couche terrestre sur laquelle les fondations d'une maison reposent, suiïira pour soulever la maison en masse et pour la transporter à quelcpe distance (voyez p. 127). Lorsque Watt vit pour la première fois les tubes creux émaillés que la terre avait produits dans une masse de sable, il s'écria sur-le-champ : «Voilà un effet de la force élasticjue de la vapeur que la foudre engendra en traversant le sable. » Rien, toutefois, ne me paraît indi- quer plus clairement, plus directement, l'action de la vapeur aqueuse que le singulier morcellement que le bois éprouve quand la foudre le traverse. La foudre fend le bois, suivant sa longueur, en une multitude de lattes minces ou de filets encore plus déhés. La foudre frappa l'abbaye de Saint-Médard de Sois- sons en 167G. Voici ce qu'un témoin oculaire rapporte de l'état des chevrons du comble : LE TONNERRE. 2o3 *( Il s'en trouve quelques-uns de la hauteur de 1 mètre, divisés presque de haut en bas en forme de lattes assez minces; d'autres de la même hauteur sont divisés en forme de longues allumettes; on en trouve enfin quelqurs- uns divisés en filets si déliés, suivant l'ordre des fibres, qu'ils ne ressemblent pas mal à un balai usé. » Passons du bois mort au bois vert, et nous verrons des effets analogues. Le 27 juin 1756, la foudre tomba à l'abbaye du Val, près de l'Ile-Adam, sur un gros chêne isolé, de 16 mètres de haut et de 1"'.3 de diamètre à sa base. Le tronc était entièrement dépouillé de son écorce. On trouva cette écorce dispersée par petits fragments tout autour de l'arbre , à la distance de trente à qua- rante pas. Le tronc, jusqu'à deux mètres de terre, était fendu longitudinalement en morceaux presque aussi minces que des lattes. Les branches tenaient au tronc, mais elles aussi no conservaient aucune parcelle cl' écorce et avaient subi un déchiquetage longitudinal très-remarquable. Le tronc, les branches, les feuilles et r4corce n'of- fraient aucune trace de combustion ; seulement ils parais- saient avoir été complètement desséchés. Dans la même année 1756, le 20 juillet, la foudre tomba sur un gros chêne de la forêt de Rambouillet. Cette fois, les branches furent totalement séparées du tronc et dispersées tout autour avec une certaine régula- rité. Elles n'offraient pas de déchiqueture ; leur écorce paraissait presque entière. 254 LE TONNERRE. J.e tronc lui-mèiiic n'avait pas été pelé, mais, comme le chône de l'Ile-Adam, il était devenu une réunion de lattes; seulement elles se prolongeaient sous cette forme jusqu'à terre, au lieu de s'arrêter à quelque hauteur. Je ne puis résister au d(?sir de citer un troi.^ième cas dont le professeur Muncke a donné la relation dans les Annales allemandes de Poggendorf. Le diamètre du chêne observé par le physicien alle- mand était d'un mètre à fleur de terre. Le tronc tout entier de ce grand arbre disparut. Pour parler plus exac- tement, la foudre l'avait partagé en filaments de plusieurs mètres de long et de 3 à 4 millimètres d'épaisseur, sem- blables à ceux que l'action d'une gouge en aurait déta- chés. Trois branches de 5 à 6 décimètres de diamètre étaient tombées verticalement, coupées net comme par un seul coup de hache. Elles conservaient leurs feuilles et leur écorce. On ne voyait nulle part des traces d'in- flammation ou de carbonisation. L'absence totale de carbonisation , la division d'un tronc d'arbre en filaments si nombreux, si déliés, la dis- persion de ces filaments dans mille directions dilTérentes, tout cela, je le répète, semble la conséquence nécessaire de l'action d'une force élastique qui se serait développée entre les fibres du bois. A l'aide d'un coup de foudre, transformez subitement en vapeur l'eau hygrométrique contenue dans les vieux chevrons d'un comble, ou la sève qui empUt les tubes capillaires longitudinaux du bois vert, et vous aurez de tout point les phénomènes des chevrons de l'abbave de Saint-Médard de Soissons, des chênes LE TONNERRE. 235 de nie-Adam, de la forêt de Compiégne, etc., etc.^ La minutieuse discussion à laquelle nous nous sommes livré au sujet des transports de matières pondérables opé- rés par la foiKlre, montre que ces curieux phénomènes peuvent être expliqués sans recourir à de prétendus nou- veaux principes de physique. Il en résulte aussi qu'on ne saurait déduire de la direction d'un transport effectué par la foudre, le sens du mouvement du météore lui- même, et que les recherches de ceux qui, en s'appuyant sur une semblable base, se sont occupés des foudres ascendantes, n'avaient rien de bien solide. La question est assez importante pour légitimer quelques développe- ments. Certains physiciens, ainsi que nous l'avons déjà expli- qué, font consister la foudre en une matière subtile qui s^élance avec la plus grande vitesse du corps foudroyant vers le corps foudroyé; d'autres ne veulent y voir qu'une vibration. Quelle que soit celle de ces deux h^i^othèses qu'on adopte^ le sens de la propagation de la foudre, en d'autres termes, le sens de la propagation de la matière 1. La foudre frappe souvent les arbres de mort, alors même que le dégât extérieur apparent semble extrêmement léger. M. TuU , l'auteur de The philosophij of agriculture, pense que cet effet est la conséquence de la rupture des petits vaisseaux à travers lesquels la foudre a cheminé. Suivant nous la foudre agit ici mécaniquement comme la gelée, lorsqu'elle déchire les tubes capillaires dont se composent les tiges succulentes de certaines plantes. Seulement, comme les sucs aqueux se dilatent beaucoup plus en passant de rétat liquide h Tétat de vapeur qu'en se congelant , le météore doit produire des déchirures plus nombreuses et dès lors plus fatales. En se plaçant au même point de vue, les physiologistes arrive- ront peut-être à reconnaître enfin le mode particulier d'action par lequel la foudre donne le plus ordinairement la mort. 256 LE TONNERRE. sul)lile ou do la vibralioii, a semblé jusqu'ici devoir coïn- cidmil du cauon considéré comme moyen de dissiper les orages. Les navigateurs paraissent assez généralement persua- dés que le bruit de rartillerie dissipe les nuées orageuses cl même les nuées de toute espèce, mais ils citent peu de faits authentiques à l'appui de leur opinion. Ce que j'ai recueilli de plus net sur un sujet aussi digne d'étude se trouve, à la date de 1680, dans les Mémoires du comle de Forhin, publiés pour la première fois en 1729. « Pendant le séjour que nous fîmes, dit cet intrépide marin , sur ces côtes ( les côtes voisines de Carthagène des Indes), il se formait journellement, sur les quatre heures du soir, des orages mêlés d'éclairs, et qui, suivis de tonnerres épouvantables , faisaient toujours quelques ravages dans la ville o\x ils venaient se décharger. Le comte d'Estrées, à qui ces côtes n'étaient .pas inconnues, et qui dans ses différents voyages d'Amérique avait été exposé plus d'une fois à ces sortes d'ouragans, avait trouvé le secret de les dissiper en tirant des coups de canon. Il se servit de son remède ordinaire contre ceux- ci : de quoi les Espagnols s' étant aperçus , et ayant remarqué que dès la seconde ou la troisième décharge l'orage était entièrement dissipé , frappés de ce prodige et ne sachant à quoi l'attribuer, ils en témoignèrent une surprise mêlée de frayeur, etc. » Dans divers pays, les agriculteurs, encouragés par l'opinion des hommes de guerre, ont maintenant recours au bruit du canon lorsqu'ils se croient menacés d'un orage, et surtout d'un orage chargé de grêle. A quelle LE TONNERRE. 3<5 épocfiie cette pratique est-elle née ? Je ne saurais le dire avec exactitude; mais tout me porte à penser qu'elle n'est pas très-ancienne. Dans la première Encyclopédie, dont la publication remonte à 1760, je lis à l'article orage de M. de Jaucourt : « Nous avons ouï dire plus d'une fois à nos militaires que le bruit du canon dissipe les orages et qu'on ne voit jamais la grêle dans les villes assiégées Cet eflet du canon ne me paraît pas hors de toute vrai- semblance. Après tout, que risquerait-on à faire un essai? quelque quintal de poudre, les frais du transport de quel- ques pièces de canon, qui ne vaudraient pas moins après avoir été employées à cet usage. Peut-être qu'au moyen de cette espèce de mouvement d'ondulation qu'on excite- rait dans l'air par l'explosion de plusieurs canons tirés les uns après les autres, on pourrait ébranler, dissiper les nuages qui commencent à fermenter. » Il ressort avec évidence de tout ce passage qu'en 1765, l'emploi des canons ou des boîtes à feu, comme moyen de dissiper les orages, n'était pas passé dans la pratique, que les auteurs le recommandaient encore à titre d'im- portant sujet d'expériences; mais, à la date de 1769, on avait fait un pas de plus. Je trouve, en "effet, dans le tome VIII de V Histoire de Vair et des météores^ qu'en mai 1769, le comté de Chamb, en Bavière, essuya de violents orages; que les campagnes furent ravagées, excepté cependant « celles dont les habitants ont introduit l'usage de faire, aux premiers coups de tonnerre qui se font entendre , des décharges multipliées de boîtes et de petits canons. » C'est vers la même année, 1769, que M. le marquis 3!6 LR TONNERRE. (le Clicvriors, ancien officier de marine, relire dans sa terre de Vanrenard (Maçonnais), imagina de combattre le néau de la grêle de la manière dont il avait vu en mer dissiper, à ce qu'il croyait, les nuées orageuses, c'est-à- dire à l'aide des explosions de l'artillerie. 11 consommait annuellement, pour ce seul objet, 100 à 150 kilogrammes de poudre de mine. Le marquis de Chcvricrs mourut au commencement de la Révolution; mais les habitants de sa commune, con- vaincus de la bonté du procédé qu'il avait mis en usage, continuèrent à l'employer. Je trouve dans un Mémoire rédigé sur les lieux par M. Leschevin, commissaire en chef des poudres et salpêtres, cju'en 1800, les boîtes ou les canons étaient en usage dans les communes de Vaure- nard, d'iger, d'Azé, de Romanèche, de Julnat, de Tor- rins, de Pouilly, de Fleury, de Saint-Sorlin, de Viviers, des Bouleaux, etc. La commune de Fleury se servait d'un mortier qui recevait 500 grammes de poudre à la fois ; d'autres employaient des boîtes plus ou moins larges; c'est ordinairement sur les hauteurs que les décharges se faisaient. La consommation de poudre de mine était, pour ce seul objet, de 4 à 500 kilogrammes par an. Le procédé du marquis de Chevriers n'est pas resté concentré dans le Maçonnais. Naguère, un maire des environs de Blois m'apprenait que dans sa commune on tirait également des boîtes à l'approche des orages, et désirait savoir si la science avait légitimé cette coutume, ce qui , par parenthèse , ne semblait pas indiquer que l'usage en eût complètement démontré l'efficacité. La méthode mâconnaise ou bavaroise de dissiper les LE TONNERRE. 3!7 orages, se fonde jusqu'ici sur une opinion des marins et sur l'observation unique recueillie dans les parages de Carthagène des Indes; mais en matière de météorologie, l'expérience de quelques jours ne semble guère pouvoir servir de base à des conclusions générales. En cherchant dans ma mémoire si je ne découvrirais pas quelque fait qui vînt à l'appui de celui c|ue Forbin rapporte, j'en ai trouvé un qui est précisément tout l'opposé, et, chose re- marquable, c'est aussi un amiral du temps de Louis XIV, et ce sont encore les côtes orientales de l'Amérique qui s'y trouvent en jeu. Transportons-nous par la pensée au mois de sep- tembre 1711, et nous trouverons l'escadre de Duguay- Trouin en vue de Rio-Janeiro. Cette escadre, composée des vaisseaux /e Lî/5, le Magnanime, le Brillant, V Achille, le Glorieux, le Mars; des frégates r Argonaute, l'Ama- zone, la Bellone, r Aigle, et de plusieurs navires de moin- dres dimensions, emploiera toute la journée du 12 à forcer l'entrée de la rade, défendue par la formidable artillerie d'un grand nombre de forts et par celle de quatre vaisseaux et de trois frégates. L'intervalle du 12 au 29 sera, de jour comme de nuit, un combat continuel de mousqueterie et d'artillerie. Des galiotes lanceront des bombes ; les Portugais mettront le feu à plusieurs four- neaux de mines ; ils feront sauter plusieurs de leurs vais- seaux, ils incendieront beaucoup de magasins, etc. Enfin, le 20, jour de la prise de la place, deux vaisseaux de Duguay-Trouin, le Brillant et le Mars; la batterie de l'île des Chèvres, composée de cinq mortiers et de dix-huit pièces de 24, feront un feu continuel qui rasera une par- 318 I E TONNERRE. tie des retranchements de la ville ; la nuit, le signal donné par le commandant sera suivi d'un feu général des batte- ries et des vaisseaux, et cela n'empêchera pas qu'il n'éclate un orage accompagné, dit Duguay-Trouin , des éclats redoublés d'un tonnerre affreux qui se succéderont les ims aux autres sans laisser presque aucun intervalle. Voilà une expérience dans laquelle se trouvaient assu- rément réunies toutes les conditions désirables de succès, et cependant mille et mille détonations bien plus intenses que celles des petits canons, des petites boîtes du Maçon- nais, n'empêchèrent pas l'orage de naître, et, une fois formé, ne le dissipèrent pas. Si un seul fait, celui que j'ai emprunté à Forbin, n'a pas semblé démontrer suffisamment que des détonations ont la propriété de dissiper les orages, on pourra bien ne point voir dans le fait isolé que, d'autre part, j'ai tiré des Mémoires de Duguay-Trouin la preuve de la thèse inverse. Sans aucun doute, celui qui aurait sous la main les annales détaillées des dernières guerres y trouverait une multitude de documents propres à éclaircir la question que nous venons de débattre. J'en rapporterai deux qui me reviennent à la mémoire, dans l'espérance qu'ils pro- voqueront des citations analogues. Le 25 août 1806 était le jour qu'on avait choisi pour l'attaque de l'île et de la forteresse de Dannholm, près de Stralsund; le général Fririon, afin d'occuper et de fatiguer la garnison suédoise, la fit canonner toute la journée. Malgré ces vives et continuelles décharges d'artillerie, un violent orage éclata sur les neuf heures du soir ! Par une rencontre singuUère, le Duke, vaisseau anglais LE TONNERRE. 349 de 90, fut frappé de la foudre en 1793, pendant qu'il se canonnait avec une batterie de la Martinique. Voici, enfin, le résultat d'un petit travail qui, à défaut d'expériences plus directes, pourra ne pas paraître totale- ment dépourvu d'intérêt. Il y a dans le bois de Vincennes, à près de 8 kilomètres de l'Observatoire de Paris, un polygone où l'artillerie s'exerce pendant certains mois de l'année. Ce polygone est armé de 8 pièces de siège tirant de plein fouet; de li pièces de siège tirant à ricochet; de 6 mortiers, et enfin d'une batterie mobile de 6 pièces. Les écoles ont lieu, certains jours de la semaine, de sept à dix heures du matin. Le nombre de coups qu'on tire chaque jour est d'environ 150. Comme leur retentissement est encore très-fort à l'Observatoire, il m'a semblé que, s'il exerce sur l'atmosphère l'influence à laquelle croient tant de personnes, le ciel doit être plus rarement couvert les jours de tir que les autres jours de la semaine. Telle est l'idée que j'ai soumise à une discussion minutieuse. M. le général Duchan, commandant de l'école de Vin- cennes, a bien voulu, à ma prière, faire dresser le relevé des jours où il y a eu tir de l'artillerie, depuis 1816 jus- qu'en 1835. Le nombre total de ces jours s'est trouvé de 662. Les registres météorologiques de l'Observatoire m'ont donné pour chacun des 662 jours d'école l'état du ciel à neuf heures du matin. Dans ces 602 jours, il s'en est ren- contré 158 pendant lesquels le ciel, à neuf heures, était entièrement couvert. Sans le tir du canon, ce nombre aurait-il été plus considérable? 320 LE TONNERRE. II m'a semblé que je mettrais la solution du problème à Tabri de toute contestation, en faisant pour chaque veille de jour d'école et pour chaque lendemain le recen- sement météorolof^iquc dont je viens de parler, et en prenant la moyenne des deux nombres pour l'état normal météorologique des jours d'école, je veux dire pour cet état dégagé de toute influence possible du bruit de l'artil- ric. Les résultats ont été : Parmi les GG2 veilles de jours d'école, 128 jom's cou- verts; Parmi les 062 jours d'école, 158 jours con verts ; Parmi les CG2 lendemains des jours d'école, 1/iG jours couverts. La moyenne de 1/iG et de 128 ou 137 est tellement inférieure à 158, qu'on serait tenté d'en conclure qu'au lieu de dissiper et de chasser les nuages, le bruit de l'ar- tillerie les condense et les retient ; mais je sais très-bien que les nombres sur lesquels j'ai opéré ne sont pas assez forts pour permettre d'aller jusque-là. Je me bornerai seulement à dire que , relativement aux nuages com- muns, la détonation des plus forts canons paraît être sans influence. Voilà donc encore un problème qui exigera de nou- velles recherches. Je prendrai la liberté de les recom- mander à MM. les généraux commandants de nos écoles d'artillerie. Des observations sur l'état du ciel, recueillies dans le polygone même pendant le tir, auront un grand prix. Celles qui seraient faites à une ou deux lieues de distance^ ne contenteraient pas des esprits difficiles : on pourrait craindre qu'à la station météorologique, l'atmo- LE TONNERRE. 321 sphère ne devînt exceptionnellement couverte par suite du refoulement des nuages qui , sans le tir, se maintien- draient au zénith du polygone. En tous cas, il sera indis- pensable de joindre aux observations de chaque jour d'école les observations de la veille et celles du lende- main^ faites bien exactement toutes trois aux mêmes heures. Si l'on se contentait de noter les variations de temps pendant la durée du tir, on courrait évidemment le risque d'attribuer aux détonations de l'artillerie le changement dans l'état du ciel qui, presque tous les matins, se manifeste à mesure que le soleil s'élève sur r horizon \ CHAPITRE XLIII. EST-IL UTILE OU DANGEREUX DE SONNER LES CLOCHES EN TEMPS d'orage? Je vais examiner cette importante question, sans me préoccuper des décisions tranchantes de divers corps savants, administratifs ou judiciaires^, mais aussi sans aucune disposition à penser que les croyances générale- ment répandues ne sauraient manquer d'être appuyées sur des bases solides. 11 n'y a qu'un pas de l'opinion que nous venons de 1. Dans les 662 jours d'école de Vincennes, on a compté en jours parfaitement sereins : Les veilles des écoles. ... 83 Les jours d'école. ..... 8i Les lendemains 80 2. En 17/i7, l'Académie des Sciences elle-même regardait comme dangereux « de sonner les cloches ou d'exciter quelque autre vio- IV. -I. 21 322 LE TONNERRE. discuter, et suivant laquelle le bruit de l'artillerie déchi- rerait les nuages, les morcellerait, les détruirait, ettrans- tbrmerait rapidement le ciel le plus nuageux en un ciel d'azur, à la supposition que le même etîet doit résulter du retentissement prolongé d'une grosse cloche. Mais est-ce bien par cet ordre d'idées c^u'on a été conduit à mettre les cloches en branle avec l'espérance de dissiper ainsi les orages? J'oserais d'autant moins l'affirmer, que quelque érudit découvrii'a peut-être que l'usage de sonner les cloches est antérieur à rinvention de la poudre. On sera plus dans le vrai, je pense, si l'on cherche l'origine de cette singulière pratique dans des considérations reli- gieuses. Les cloches sont toujours bénies en grande pompe, quand on les met en place. Voici un extrait des oraisons dont, suivant le rituel de Paris, les églises retentissent dans ces cérémonies : « Bénissez, ô mon Dieu, etc et que toutes les fois qu'elle sonnera elle chasse au loin les malignes influences des esprits tentateurs , l'obscurité de leurs apparitions , l'arrivée des tourbillons, les coups des foudres, les dom- mages des tonnerres, les calamités des ouragans et tous les esprits des tempêtes, etc lente commotion dans l'air, lorsqu'on a un orage au-dessus de soi.» {Histoire de l'Jcadémie, 17Z|7, p. 52.) Un arrêt du parlement, en date du 21 mai 178Zj, homologua une ordonnance du bailliage de Langres qui défendait expressément de sonner les cloches quand il tonne. Deux ans auparavant semblable défense avait été faite dans le Palatinat, par Télecteur Charles- Théodore. On pourrait aussi citer des mandements en vertu des- quels la même pratique était proscrite dans retendue de plusieurs diocèses. LE TONNERRE. 323 « 0 Dieu , qui par le bienheureux Moïse , etc puis- sent ainsi être repoussées au loin les embûches de notre ennemi, le fracas de la grêle, la tempête des tourbillons de vent et la furie des ouragans ; que les tonnerres désas treux perdent de leur violence , etc « 0 Dieu tout-puissant et éternel , etc faites que le son de cette cloche mette en fuite les traits de feu de l'en- nemi des hommes, les coups de la foudre, la chute rapide des pierres, les désastres des tempêtes, etc » La cause, toute religieuse, que nous venons d'assi- gner à la coutume de sonner les cloches en temps d'orage n'est peut-être pas la seule qu'on puisse citer; n'en aurai-je pas signalé une seconde, non moins puissante, en rappelant combien les hommes ont toujours éprouvé le besoin de s'étourdir par le bruit quand ils avaient peur? Voyez le poltron dans l'obscurité : il chante; voyez une ville en proie à la guerre civile, on y sonne le toc- sin bien plus longtemps que cela eût été nécessaire comme signal, comme avertissement? Les peuples sau- vages , dans toutes les régions du globe , poussent aussi des clameurs assourdissantes pour faire cesser l'éclipsé de soleil ou de lune qui les eflraie ^ 1. Il faut avouer qu'en prenant ainsi le bruit comme une sorte de panacée, on est arrivé à une découverte singulière que je consi- gnerai ici sans aucun scrupule, malgré son peu de liaison avec la question du tonnerre; il suffira pour qu'on m'excuse que cette découverte puisse être utile. Thomas Gage rapporte dans ses Voyages, que les populations américaines avaient recours à de grands bruits pour écarter un fléau moins redoutable en apparence que la foudre, mais en fait beaucoup plus destructeur. Vers le milieu du siècle dernier, Gage se trouvait à Mixco, au- 321 LE TONNERRE. J'emprunterai ce qu'on peut dire de plus spécieux, en point de fait , sur le danger qu'il y aurait à sonner les cloches pendant les orages, à un ancien volume des Mémoires de l'Académie des sciences. Durant la nuit du 14 au 15 avril 1718 , dans l'espace compris entre Landerneau et Saint-Pol de Léon, en Bretagne, le tonnerre tomba sur vingt-quatre églises, et précisément, dit Fontcnolle, sur celles où l'on sonnait pour l'écarter. M. Deslandes, qui transmit ces détails à l'Académie, ajoutait : « Des clience de Guatimala, lorsqu'ane épaisse nuée de sauterelles fondit sur ce canton et le menaça d'une ruine complète. Au lieu d'em- ploj'er contre ces insectes les moyens compliqués et assez peu effi- caces auxquels on a quelquefois recours dans le midi de la France, les magistrats firent prendre aux habitants, des tambours, des trompettes, des cors, etc.; la population tout entière s'avança en- suite vers le territoire envahi, en faisant retentir l'air du bruit de ces divers instruments. Le bruit suffit pour chasser les sauterelles. On les poussa ainsi jusqu'à la mer du Sud, où elles trouvèrent leur tombeau ! Ce moyen de chasser les sauterelles est également employé en Valachie, en Moldavie, en Transylvanie {Transac. philos., p. 17/i9). Il y a très-peu d'années, des milliards de ces insectes ayant envahi la Bessarabie, le gouverneur militaire de la province mit en réqui- sition un grand nombre de paysans et de soldats; il les munit d'ustensiles de cuivre, de tambours, de trompettes, de porte- voix, etc., et les lança à la poursuite de l'animal dévastateur. Le gouverneur avait eu l'idée bizarre de donner le commandement de l'expédition au célèbre poète et fabuliste russe Pouschkin, alors exilé à Kicheneff ; le poète déclina cet honneur : il voulait bien faire parler les bêtes, mais non pas les tuer ! Ces effets, sur les sauterelles, d'un bruit très-intense, en les sup- posant bien constatés, auraient infiniment plus de prix que celui dont les historiens des croisades ont voulu conserver le souvenir lorsqu'ils lacontent qu'au siège de Ptolémaïs (Saint-Jean-d'Acre) l'armée des chrétiens faisait tomber de très-haut, par ses clameurs, les pigeons messagers qui , suivant la coutume orientale , portaient des avis aux troupes musulmanes assiégées. LE TONNERRE. 325 églises voisines où l'on ne sonnait pas furent épargnées. » L'observation a été rapportée d'une manière tr3p laco- nique. Les orages ravagent quelquefois de longues zones de terrain très-étroites; n'en fut-il pas ainsi en Bre- tagne? Les églises épargnées ne se trouvèrent-elles pas en dehors de la direction parcourue par les nuées ora- geuses? Dans les clochers où l'on sonnait, la mort ou les graves blessures des sonneurs constatèrent, sans aucune équivoque, la chute du météore; ailleurs, tout le dégât s'étant peut-être réduit à de légères lézardes dans les murs, ou à la chute de quelques plâtras, faudrait-il s'étonner qu'il n'eût point été remarqué? Quelles étaient, au surplus, les hauteurs comparatives des clochers fou- droyés et des clochers non foudroyés, etc., etc.? En présence de toutes ces incertitudes, l'observation de M. Deslandes n'a pas , on doit en convenir, le carac- tère d'une véritable démonstration; la science ne peut guère enregistrer la conséquence qu'on en a déduite qu'à titre de simple probabilité ^ On argumenta beaucoup , en août 1769, contre l'usage de mettre les cloches en branle quand le toimerre gronde, de la chute de la foudre sur le clocher de Passy, où l'on n'avait pas cessé de sonner ; mais, toute vérification faite, il fut reconnu que , pendant la longue durée de l'orage , on ne sonnait pas avec moins d'ardeur à Auteuil et à 1. Les nombreux et graves désastres du 15 avril 1718, ne firent aucun tort à la réputation des cloches dans l'esprit du peuple bas- breton : le 15 avril 1718 était le vendredi saint; ce jour-lù les clc- clies doivent rester muettes ; fallait-il donc sY'tonner, se dit-on, que ceux f|ui en les mettant en branle avaient enfreint un des préceptes de riiglise, en eussent été punis ? 32G LE TONNERRE. Chaillot, et cependant les clochers de ces deux com- munes , entre lesquels se trouvait compris le clocher fou- droyé de Passy, n'éprouvèrent aucun dommage '. En résumé : Dans l'état actuel de la science, il n'est pas prouvé que le son des cloches rende les coups de foudre plus imminents, plus dangereux; il n'est pas prouvé qu'un grand bruit ait jamais fait tomber la foudre sur des bâti- ments que, sans cela, elle n'aurait point frappes. Toutefois, il faut recommander fortement de ne pas mettre les cloches en branle , dans l'intérêt des sonneurs. Le danger qu'ils courent est, proportion gardée, celui des imprudents qui, en temps d'orage, se réfugient sous 1. En 1781, l'abbé Needham, de Bruxelles, crut avoir prouvé par des expériences de cabinet, que la sonnerie des cloches est abso- lument sans résultat , qu'elle ne fait ni bien ni mal. I\l. Needham fit construire un simulacre de clocher en bois , de 1 mètre de haut, dans lequel il suspendit une cloche de 15 centi- mètres de diamètre, susceptil;)le d'être mise en branle à l'aide d'une manivelle. Au sommet du clocher existait une boule métallique dont la communication avec le sol, ou, comme on dit dans les traités de physique, avec le réservoir commun, était convenable- ment établie. Cette boule fut placée en face de la boule toute sem- blable du conducteur d'une batterie électrique chargée à satura- tion. Quand la cloche ne sonnait pas, la distance explosive, la distance à laquelle l'étincelle s'élançait de la boule du conducteur sur la boule du clocher était de 7 millimètres. Eh bien , les deux boules ayant été placées à IZi millimètres, aucune étincelle, aucun écoulement de matière électrique ne parut avoir lieu entre elles, quoiqu'on sonnât la cloche fortement et rapidement, « Je regarde cette expérience comme décisive », dit l'abbé Need- ham. Voyons, cependant, si quelques doutes ne seraient pas permis : M. Needham ayant successivement opéré quand les deux boules se trouvaient à 7 et à IZi millimètres l'une de l'autre , était par- faitement en droit de conclure de ses résultats que le son de la cloche n'augmentait pas considérablement la facilité des décharges LE TONNERRE. 327 de grands arbres. La foudre frappe les objets élevés, et surtout les sommets des clochers; la corde de chanvre attachée à la cloche, et ordinairement imbibée d'humi- dité, conduit la décharge jusqu'à la main du sonneur; de là tant d'accidents déplorables ^ Remarquons que si la corde, sèche ou humide, ne touchait pas à terre, comme c'est ordinairement le cas, la matière fulmi- nante, après être parvenue à l'anneau de son extrémité inférieure, pourrait bien en très-grande partie revenir sur ses pas , remonter au sommet du clocher et se dissi- per dans l'espace. D'après cette vue , il ne serait point permis de conclure de l'absence de tout dégât à l'inté- rieur d'un clocher, qu'un sonneur n'y aurait pas été tué. électriques, qu'il ne rendait point la distance explosive double ; mais pour être autorisé. à affirmer que le bruit n'avait absolument aucun eflfet, il aurait fallu, je crois, passer de la distance de 7 mil- limètres à la distance de iU millimètres, non brusquement, comme le fit l'observateur de Bruxelles, mais par des nuances insensibles. Les petites masses électrisées, les deux boules de cuivre que M. Needham mettait en présence, étaient l'une et l'autre des corps solides. Dans l'atmosphère, au contraire, nous voyons des nuages flottants que les vibrations de l'air pourraient assez modifier dans leur forme pour faire changer sensiblement la teflsion électrique de la face tournée vers la terre. L'expérience de ]\L Needham, dans son application possible aux sonneries en temps d'orage , aurait eu un grand prix si elle avait donné un résultat positif : avec une réponse négative elle me paraît être à peu près sans valeur météo- rologique. 1. Je joindrai encore le récit d'un de ces accidents à ceux qu'on a trouvés à la page 266, car de pareilles citations sont le meilleur moyen de guérir les sonneurs de cloches de leur dangereuse manie : Le 31 mars 1768 , la foudre étant tombée sur le clocher de Cha- beuil, près de Valence en Dauphiné, y tua deux des jeunes gens qui s'y trouvaient réunis pour sonner les cloches, et en blessa griè- vement neuf. 328 LE TONNERRE. En remarquant la réserve que j'ai mise à m'expliqucr sur r utilité vraie ou imaginaire de sonner les cloches en temps d'orage , on sera étonné de voir l'assurance avec laquelle certaines autorités administratives se pronon- çaient à ce sujet. Je vois, en etTet, dans un arrêté de ^I. de Marcillac, préfet delà Dordogne, en date du \" juillet 1844, « que l'opinion suivant laquelle le son des cloches aurait la vertu d'écarter la foudre ou d'en paralyser les effets n'est fondée que sur la superstition, et que le moyen doit infailliblement amener la chute du météore... » On voit, par ce passage, que la fausse science n'est pas moins dangereuse que l'ignorance complète, et qu'elle conduit infailliblement à des conséquences que rien ne justifie. CHAPITRE XLÏV. DES PARATONNERRES MODERNES. Après avoir passé en revue la longue série de moyens à l'aide desquels les hommes ont successivement espéré pouvoir se garantir de la foudre , nous allons nous occu- per des paratonnerres de notre époque, de ceux que Franklin a imaginés, et dont l'efficacité, quoi qu'on en ait pu dire , ne semble pas douteuse. Cette efficacité , au surplus, nous essaierons de la constater par le raisonne- ment et par le fait , sans rien emprunter, en ce moment du moins, aux théories modernes de l'électricité. Toutes choses égales, la foudre en général se dirige de préférence sur les parties les plus élevées des édifices. LE TONNERRE. 329 Ainsi, c'est dans ces parties que les moyens préservatifs, quels qu'ils soient, doivent être établis. Toutes choses égales, la foudre se porte de préférence sur les métaux. Lorsqu'une masse de métal occupera le point culminant d'une maison , on sera donc à peu près certain que la foudre, si elle tombe, ira la frapper. La foudre qui a pénétré dans une masse métallique, ne produit de dégâts qu'au moment de sa sortie et aux environs des points par lesquels cette sortie s'opère. Une maison sera donc garantie , du faîte aux fondations, si les pièces métalliques du toit se prolongent sans solution de continuité jusqu'à terre. La terre humide offre à la matière fulminante dont une barre métallique s'est imprégnée, un écoulement facile, un écoulement qui s'opère sans effort, sans détonation, sans dégât d'aucune sorte , lorsque cette barre plonge un peu profondément dans la terre. En enfonçant jusqu'au sol toujours humide , la barre continue qui avait déjà pré- servé de tout dégât la portion extérieure d'un édifice, on préservera de même les fondations, ou en général l'en- semble des parties souterraines de la bâtisse. Quand il y a sur le toit , sur le faîte d'un édifice plu- sieurs masses métalliques distinctes , complètement sépa- rées les unes des autres, il est difficile et même impossible de dire laquelle de ces masses sera foudroyée de préfé- rence ; car le point de départ des nuées orageuses, le sens et la vitesse de leur propagation, ne doivent pas, à beau- coup près, être sans influence. Le seul moyen de sortir d'embarras est d'unir toutes ces masses entre elles par des tringles de fer, de cuivre, ou par des bandes de 330 LE TONNERRE. plomb, de zinc, etc. , de manière qu'on ne puisse dire d'aucune d'elles qu'elle ne communique point métalli- quemcnt, si l'expression m'est permise, avec la barre destinée à transmettre la foudre au sol humide , et qui descend le long d'un des murs verticaux de l'édifice. Nous voilà arrivés , par la seule observation , sans rien empruntera la théorie, à un moyen simple, uniforme et rationnel de garantir les bâtiments, grands et petits, des elTets de la foudre. Chacun doit comprendre maintenant le mode d'action , l'office de la barre qui descend jusqu'à terre et s'y enfonce plus ou moins profondément ; chacun comprend pourquoi cette barre a pris le nom de conduc- teur. Sans quitter ce même sujet, nous allons revenir un moment sur nos pas, mais seulement pour examiner des questions de quantité et de forme. A quelles distances des plaques de métal distribuées sur le toit d'un édifice doivent-elles être les unes des autres, pour qu'il y ait certitude qu'aucun point intermé- diaire ne sera directement foudroyé? Cette question ne saurait recevoir une solution absolue. 11 est clair, en effet, que plus ce métal aura de masse ou de surface, et plus sa sphère d'action sera étendue et intense. On peut affir- mer seulement que si on établit les communications vou- lues entre les lames de plomb, de zinc, etc. , qui, dans les bâtiments construits avec quelque soin, recouvrent presque toujours les arêtiers ; entre les tuyaux métalliques des cheminées, entre les mains com'antes et les crampons destinés aux couvreurs ; entre les gouttières et les tuyaux de décharge des eaux ; que si l'ensemble de ces pièces se LE TONNERRE. 331 lie en outre avec un conducteur convenable , on aura fait tout ce que la prudence la plus timide pouvait comman- der pour se garantir de la foudre. Par conducteur convenable, j'entends d'une part celui qui s'enfonce dans le sol jusqu'au terrain humide, et de l'autre un conducteur assez massif pour transmettre les plus violents coups de foudre sans se fondre. Les adversaires des paratonnerres ont beaucoup argu- menté, contre ces appareils, de l'ignorance où l'on est, de l'ignorance où l'on restera peut-être longtemps encore touchant le maximum d'effet qu'un coup de foudre peut produire, touchant dès lors le maximum de dimension qu'il faut donner aux conducteurs. La difficulté, quoi- que réelle , n'a vraiment rien qui doive arrêter aujour- d'hui. Si la dimension des conducteurs est empruntée à l'expérience, si celle qu'on adopte a résisté aux plus violents coups de foudre que les hommes aient enregistrés depuis trois ou quatre siècles, que peut-on raisonna- blement exiger de plus? De quoi s'inquiète l'ingénieur, quand il arrête la hauteur et la largeur des arches d'un pont, de la voûte d'un aqueduc, de la section d'un égout, etc.? 11 compulse les archives de la science, il se tient quelque peu en dessus des dimensions qui lui sont dictées par les plus fortes crues, par les plus abondantes pluies qu'on ait jamais observées; il remonte ainsi la chaîne des temps le plus loin que faire se peut, mais sans se préoccuper des bouleversements, des révolutions physiques , des cataclysmes , antérieurs aux époques his- toriques , dont les seuls géologues sont parvenus à saisir les traces et à mesurer l'importance. Le constructeur de 332 LE TONNERRE. paratonnerres ne saurait être tenu à plus d'attentions, à plus de prévoyance. Les paratonnerres actuels ne se composent pas seule- ment de conducteurs en communication immédiate avec des masses métalliques qui, dans tout état de choses, auraient formé une partie intégrante des édifices, qui seraient nécessairement entrées dans leur construction. Les masses métalliques préservatrices auxquelles le con- ducteur aboutit sont des tiges élancées , placées ad hoc sur le faîte des bâtiments ; on les termine même ordinai- rement par des pointes inoxydables et très-effilées. De grands avantages résultent de ces dispositions, de ces formes particulières. Cherchons à les mettre en évidence. Supposons que le conducteur d'un de ces paratonnerres formés, comme nous venons de le dire, de tiges métal- liques élancées et pointues, soit brisé en un point do son trajet, et que l'intervalle compris entre les deux bouts de métal en présence puisse être à volonté étendu et res- serré. En temps d'orage, cette lacune, cette solution de continuité du métal, devient le siège de curieux phéno- mènes. Donnez à la lacune une amplitude de 2 à 3 millimètres seulement, et pendant tout le temps que le tonnerre gron- dera au-dessus de votre tête, vous la verrez remplie d'une lumière légèrement sifflante. Quand les deux bouts du conducteur en présence seront écartés de plusieurs centimètres , la lumière n'ira plus du bout supérieur au bout inférieur que par intermittences : des jets instan- tanés remplaceront la flamme continue ; mais , en revan- che , au lieu des légers sifflements de tout à l'heure, vous LE TONNERRE. 333 entendrez des détonations bruyantes comme des coups de pistolet'. En quoi consiste la matière qui s'élance ainsi de l'ex- trémité supérieure de la lacune du conducteur sur l'ex- trémité inférieure? La matière fulminante s'écoule quelquefois sans déto- nation; elle engendre des lumières continues (Castor et PoUux) dont l'apparition est seulement accompagnée d'un léger sifflement; il en est exactement de même de la matière dont l'écoulement se fait à travers la lacune du conducteur. Supposons une émission subite de lumière, et il y aura détonation dans la lacune du conducteur, tout comme quand la foudre éclate au milieu des nuages. La matière de la foudre fond les métaux; la matière qui traverse le conducteur liquéfie également les fils dé- liés qui se trouvent sur son passage. L'étincelle émanant du conducteur transforme un mé- lange d'oxygène et d'azote en acide nitrique ; nous avons vu que la foudre engendre aussi cet acide en traversant l'atmosphère. 1. Si des expériences ad hoc n'avaient pas depuis longtemps constaté la réalité de ces phénomènes, le hasard les aurait aussi fait découvrir. Dernièrement, le capitaine Winn, commandant d'une frégate anglaise, remarqua, au moment d'un orage, qu'il y avait» par accident, dans le conducteur de son paratonnerre une solution de continuité d'environ 25 millimètres; tant que l'orage dura, c'osi-ù-dire pendant deux heures et demie, l'intervalle en question resta couvert d'étincelles vives et presque continuelles. Déjà les traités de météorologie faisaient anciennement mention d'un vaisseau anglais dont le conducteur était aussi interrompu et sur lequel l'équipage, pendant trois heures consécutives, vit avec effroi un jet de flamme remplir tout l'espace où le métal manquait. 334 LE TONNERRE. Un coup de foudre donne des pôles aux barreaux d'acier; il renibrce, délruit ou renverse souvent les pôles dont ces barreaux avaient été antérieurement doués par les procédés ordinaires de Taimantation; tout cela s'exé- cute à volonté, à l'aide des étincelles intermittentes du conducteur; les changements d'effet (renforcement ou renversement) dépendent exclusivement de la situation de l'aiguille par rapport à l'étincelle. Les coups fulminants tuent les hommes et les animaux ; quand les deux bouts du conducteur sont très-éloignés, quand l'étincelle doit être très-longue et que dans sa course elle se dévie, malheur à l'homme qu'elle va frap- per ; malheur surtout, lorsque la partie inférieure du con- ducteur est supprimée, à ceux qui par leur position peuvent la remplacer et en faire l'ofTice ^ Tant de points de ressemblance ne permettent guère 1. Il ne sera pas hors de propos de placer ici une description succincte du conducteur interrompu à côté duquel le célèbre ph}^- sicien Richmann fut tué à Pétersbourg, le G août 1753. Qu'on imagine une l)Outeille de verre ordinaire dont le fond sera percé, et à travers laquelle passera une tringle en fer maintenue par des bouchons en Hége. Qu'on adapte verticalement cette bouteille à un trou pratiqué sur le toit d'une maison, de manière que l'extrémité supérieure de la tringle dépasse d'un mètre et demi la surface du toit, et que l'ex- trémité opposée soit comme suspendue au milieu de l'appartement situé sous le toit. A cette extrémité inférieure sera attachée une chaîne métallique. Cette chaîne se prolongera jusqu'à l'étage où est situé le cabinet du physicien, non pas en ligne droite, mais en faisant plusieurs détours commandés par les localités. Nulle part, dans sa course, la chaîne ne touchera les murs ou la bâtisse. Partout où besoin sera, elle s'en trouvera séparée par des plaques de verre ou par des cou- ches épaisses de cire d'Espagne. LE TONNERRE. 335 de douter que la matière lumineuse, sifîlante, détonante, de la lacune du conducteur, que la matière capable d'opérer des fusions, d'engendrer des combinaisons chimiques, d'aimanter et de désaimanter des aiguilles d'acier, de tuer des hommes et des animaux, ne soit autre chose que de la matière fulminante enlevée aux nuages orageux par l'intermédiaire de l'appareil. Les paratonnerres, tels qu'on les construit aujourd'hui, ont donc, outre la propriété que nous leur avons déjà recon- nue, celle de dépouiller peu à peu les nuées orageuses de la matière fulminante dont elles sont chargées, de la con- duire silencieusement, par l'intermédiaire du conducteur, dans les entrailles de la terre. Supposons que la matière fulminante accumulée dans les nuages ne soit pas susceptible d'une régénération subite, et il en résultera que les paratonnerres doivent diminuer l'intensité des orages, le nombre, la force et la gravité des coups foudroyants. Dans le cabinet, la chaîne descendra verticalement du milieu du plafond, à travers une ouverture à parois vitreuses. L'ensemble de ces dispositions et surtout l'emploi des matières isolantes, devaient avoir et avaient en cfTet pour résultat de con- centrer la matière fulminante dans l'appareil, d'empêcher qu'elle s'échappât autrement que par le conducteur dont Richmann faisait usage et que de temps à autre il approchait de l'extrémité de la chaîne pendante afin d'en tirer des étincelles. Eh bien, le 6 août 1753, pendant que le savant professeur dispo- sait ses moj'ens d'observations, une langue de feu bleuâtre se déta- cha du bout de la chaîne, produisit une détonation semblable à. celle d'un coup de pistolet, et alla droit à la figure de Uichmann, en parcourant une distance de 3 décimètres au plus. Richmann tomba raide mort sur le coup. Le graveur Sukolow, qui se trouvait à cùté de lui, tomba aussi, mais il revint à la vie après un évanouisse- ment de quelques instants. 336 LE TONNERRE. Je vais au-devant d'une difficulté que pourraient faire ceux qui n'ont pas de notions suffisantes de la physique moderne. Nous nous sommes servi de conducteurs en certains points desquels il y avait des solutions de conti- nuité ; est-il démontré que des conducteurs continus ont aussi le privilège de s'imprégner de la matière fulminante des nuages et de la transmettre au sol? L'affirmative n'est pas douteuse ; mais ici nous ne pou- vons pas recourir à des preuves empruntées aux sens de la vue et de l'audition, puisque tout se passe sans dévelop- pement de lumière et en silence. Veut-on cependant s'as- surer qu'en temps d'orage le conducteur continu transmet quelque chose? qu'on en approche transversalement une aiguille^ et elle s'aimantera tout comme elle le faisait sous l'action des étincelles remplissant la lacune. On n'a qu'à diminuer suffisamment sa masse, sans cependant le briser en aucun point, et une auréole de lumière sifflante l'en- tourera quelquefois dans toute sa longueur. Quand l'orage est très-fort, ^atte lumière apparaît, sans même que la masse habituelle du conducteur ait besoin d'être amoin- drie. Ainsi munie des nouveaux paratonnerres de M. Harris, dans lesquels le conducteur ordinaire des navires est rem- placé par un poids égal de cylindres de cuivre mince qui enveloppent exactement les mâts et font corps avec eux, la frégate anglaise Dryad se trouva plusieurs fois exposée sur la côte d'Afrique aux violents orages que les naviga- teurs appellent tornados. La matière fulminante descen- dait alors le long de ces tuyaux de cuivre continus en telle quantité, qu'elle donnait naissance à une sorte d'atmo- LE TONNERRE. 337 sphère lumineuse et à un bruit semblable à celui de l'eau qui bout très-fortement. Parvenus à ce point, nous pourrons étudier l'influence de l'isolement^ de la hauteur et de la forme de la tige de fer supérieure ou du paratonnerre proprement dit. La mesure de cette influence sera le nombre d'étincelles qui traverseront une lacune donnée du conducteur, dans des circonstances atmosphériques données et dans un temps également donné. Le nombre de ces étincelles s'accroît rapidement quand la hauteur de la tige augmente ; il diminue, au contraire, très-vite, lorsqu'à égalité de hauteur la tige est entourée et , à plus forte raison , dominée par des objets peu éloi- gnés; il ne peut donc pas y avoir le moindre doute sur la convenance d'employer des paratonnerres très-hauts et de les placer sur des points culminants des édifices : c'est ainsi qu'on donne tout le développement possible à la faculté dont ces appareils jouissent d'atténuer l'intensité des orages. L'influence des formes semblait plus difficile à consta- ter. Les uns voulaient que la tige se terminât en boule ; d'autres, d'après Franklin, préconisaient les pointes très- aiguës; une expérience que, par parenthèse, je ne vois citée nulle part, éclaircira la question. En 1753, Beccaria établit sur le toit de San-Gioanni- di-Dio, à Turin, une barre de fer qui était maintenue vers le bas par des arcs-boutants formés de ces substances particulières qui transmettent difficilement la foudre. A une petite distance de l'extrémité inférieure de cette barre de fer commençait le conducteur. La partie la plus IV.— I. 22 338 LE TONNERRE. élevée de la barre portait une pointe métallique rotative qu'on pouvait, à volonté, tourner vers le ciel ou du côté de la terre, en tirant seulement un cordon de soie. La pointe étant renversée, l'appareil ne donnait pas d'étincelles; on dirigeait subitement la pointe vers le ciel, peu d'instants après les étincelles paraissaient; on tournait de nouveau la pointe vers la terre, plus d'étin- celles. Dans certaines circonstances atmosphériques, l'appa- reil donnait des étincelles quelle que fût la position de la pointe; mais alors même on voyait facilement que ces étincelles étaient plus fortes et plus fréquentes lorsque la pointe était en haut que lorsqu'elle était en bas. Cette expérience (il serait bien utile de la répéter) montre, sans équivoque, combien mie tige pointue a plus d'action qu'une tige obtuse pour enlever graduellement aux nuées orageuses la matière fulminante dont elles sont chargées. Elle semble devoir trancher définitivement, en faveur des paratonnerres en pointe, le procès qui, vers le milieu du dernier siècle, eut tant de retentissement, et auquel, en haine de Franklin, le roi d'Angleterre lui- même prit une part active. Ici viendra encore se placer une question de quantité, La matière fulminante que les paratonnerres en pointe soutirent aux nuées est-elle considérable ? Peut-il résulter de cette action un affaiblissement sensible des orages? Là où il y aura beaucoup de paratonnerres, les coups de foudre seront-ils moins à redouter? Des expériences de Beccaria m'ont fourni les éléments nécessaires pour éclaircir, je crois, tous ces doutes. LE TONNERRE. 339 Cet habile physicien avait dressé à Turin, sur deux points du palais de Valentino fort éloignés l'un de l'autre, deux gros fils métalliques rigides, maintenus en place à l'aide de corps de certaines natures que les physiciens appellent corps isolants. Chacun de ces fils était peu éloigné d'un autre fil métallique; mais celui-ci, au lieu d'être isolé, descendait le long du mur du bâtiment jus- qu'au sol , 011 il s'enfonçait assez profondément. Le pre- mier fil, comme on voit, était le paratonnerre; le second, le conducteur. Eh bien , en temps d'orage , de vives étincelles, je pourrais dire des éclairs de la première espèce, jaillissaient sans cesse entre les fils isolés supé- rieurs et les fils inférieurs non isolés. L'œil et l'oreille suffisaient à peine à saisir les intermittences : l'œil n'apercevait aucune interruption dans la lumière; l'oreille entendait un bruit à peu près continu. Aucun physicien ne me démentira, quand je dirai que chaque étincelle prise isolément eût été douloureuse ; que la réunion de dix aurait suffi pour engourdir le bras ; que cent eussent peut-être constitué un coup foudroyant. Cent étincelles se manifestaient en moins de cjjx secondes; ainsi, chaque dix secondes, il passait d'un fil au fil cor- respondant une quantité de matière fulminante capable de tuer un homme; en une minute six fois autant; en une heure soixante fois plus qu'en une minute. Par heure, chaque tige métallique du palais de Valentino arrachait donc aux nuées, en temps d'orage, une quantité de matière fulminante capable de tuer 360 hommes. Il y avait deux de ces tiges : le chiffre 3G0 doit donc être doublé ; nous voilà déjà au nombre 720. Mais le Valcn- 340 LE TONNERRE. tino se composait de sept toits pyramidaux, recouverts de feuilles de métal communiquant avec des gouttières éga- lement métalliques qui s'enfonçaient dans la terre. Les sommets de ces pyramides étaient pointus ; ils s'élevaient plus dans les airs que les extrémités des deux lignes sur lesquelles Beccaria opérait. Tout autorise donc à sup- poser que chaque pyramide soutirait aux nuages autant de matière, au moins, que les minces tiges en question. Sept, multiplié par 3G0, donne 2,520; et si l'on ajoute les 720 des deux tiges, on trouve 3,2/tO. En cavant tout au plus bas , en supposant que le Yalentino agissait seu- lement par ses pointes, que le reste du bâtiment était absolument sans action, nous n'en trouverons pas moins, pour ce seul édifice, que la quantité de matière enlevée à l'orage dans le court espace d'une lieure eût suffi pour tuer plus de trois mille hommes. Il est des physiciens c|ui tout en accordant que les paratonnerres sont utiles, qu'ils ne peuvent man- quer de recevoir les coups foudroyants dont les maisons auraient eu tant à souftrir, de les conduire , de les dis- séminer sans dommage dans les entrailles de la terre, nient que leur action graduelle et silencieuse ait une grande utilité. Les chilTres auxquels je suis arrivé me semblent devoir les détromper. Cb point est, au reste, trop important, pour que je ne l'envisage pas sous d'autres aspects. J'ai dit plus haut comment périt Richmann. Si à l'in- stant où le malheur arriva, il fût parti des nuages orageux un coup de foudre dirigé vers la tige métallique du toit, l'événement, quant à ses conséquences physiques, ren- LE TONNERRE. 341 trerait dans la classe très-nombreuse de ceux où des hommes ont été tués à côté de barres métalliques inter- rompues, je veux dire de barres qui n'étaient pas en communication immédiate avec la terre; mais ici tout annonce qu'il n'y eut pas de coup foudroyant extérieur ^ ; ici, la barre qui s'élevait sur le toit de la maison de Richmann à 1"\50 seulement de hauteur, la chaîne, la tringle inférieure, s'étaient silencieusement chargées de la matière de la foudre ; elles avaient peu à peu , et non d'une manière brusque, enlevé cette matière aux nuages; et la quantité soutirée ainsi s'était trouvée suffisante pour tuer un homme, pour en renverser un second sans con- naissance, pour fondre une certaine longueur de tringle de fer, pour produire dans plusieurs pièces de l'apparte- ment du célèbre physicien de Pétersbourg de notables dégâts. En présence de ces faits, j'attache peu de prix, je l'avoue, aux considérations théoriques d'après lesquelles on prétend réduire à des atomes la matière fulminante que les paratonnerres peuvent arracher aux nuages. Ces atomes, puisque atomes il y a, auraient en tout cas la force d'enfoncer les portes, de briser et de déplacer les meubles, de lézarder fortement les murs et de tuer les hommes. Si les paratonnerres, disent les dissidents, ont la faculté 1. Dans une relation publiée par y\. Lomonosow quelque temps après la mort de Richmann, il était question de traits de feu que plusieurs voisins du savant physicien virent se diriger des nuages sur la barre du toit au moment même où le malheur arriva. Ces observations pourraient être contestées ; en tout cas, personne n'a prétendu avoir vu et entendu un véritable coup de tonnerre. 312 LE TONNERRE. d'enlever aux nuées la matière fulminante dont elles sont imprégnées, comment éclatc-t-il des orages au-dessus des villes où ces appareils abondent? La réponse est facile. Les paratonnerres s'approprient une partie de la matière fulminante des nuées; personne n'a prétendu qu'ils les en dépouillassent entièrement. Une pareille opinion serait d'autant moins justifiable, que les nuages orageux paraissent être dans une sorte de solidarité; que d'ordinaire l'état fulminant d'un d'entre eux (qu'on me passe l'expression) ne peut être changé, qu'au même instant tous les autres nuages ne s'en res- sentent jusqu'aux plus grandes distances. Voici comment ce fait capital est mis en évidence. Reprenons le paratonnerre à conducteur brisé. Le temps est à l'orage. Des étincelles d'une certaine vivacité viennent de temps à autre remplir la lacune. Eh bien, presque tous les coups de tonnerre, forts ou faibles, voi- sins ou éloignés, amènent une altération subite ' dans le nombre et dans la vivacité des étincelles. Le moment de cette altération coïncide à peu près exactement avec celui de l'apparition de l'éclair. Si le nuage orageux d'où le tonnerre est parti se trouve fort éloigné, l'affaiblissement des étincelles peut ainsi précéder d'une demi-minute, de trois quarts de minute, d'une minute entière et même de plus, le moment où le bruit du tonnerre arrive à l'oreille de l'observateur. 1. Lorsque cette altération est étudiée à l'aide d'un instrument connu des physiciens sous le nom d'électromètre, les changements sont accusés avec une instantanéité remarquable , et ils peuvent de plus être mesurés. LE TONNERRE. 343 Toaldo parle d'un orage du 28 septembre 1773, qui embrassait simultanément l'espace compris entre Padoue, Trévise, Venise, et s'étendait bien au delà, cpi dura plus de six heures, cpi, pendant cette durée et partout où il régna , mettait le ciel tout en feu. Supposons que les diverses régions de cette immense nappe de nuages se trouvaient dans une certaine dépendance ; que l'état ful- minant de chaque partie était lié à l'état fulminant moyen de l'ensemble, et personne ne pourra imaginer que les quelques paratonnerres renfermés dans l'enceinte de la ville de Padoue exerçaient une action assez puissante pour rendre partout les coups de foudre impossibles. Quand, au contraire, les nuées orageuses occupent un espace restreint, et aussi dans certaines répartitions spéciales de la matière fulminante à leur surface, les effets amortis- sants d'un très-petit nombre de paratonnerres peuvent être prompts et efficaces. Plusieurs physiciens, entre autres Toaldo, assurent avoir vu deux fois à Nymphen- bourg, en Allemagne, des nuées orageuses d'oi^i partaient incessamment les plus vifs éclairs, s'avancer vers le châ- teau et n'être plus, après avoir dépassé les paratonnerres, que des nuées orageuses, que des nuées où iî^ apparaissait aucun jet lumineux , que des charbons éteints ^ car c'est l'expression dont Toaldo s'est servi. En 1785, M. Cosson, curé de Rochefort, écrivait à l'abbé Bertholon que, le U décembre, un nuage « qui jetait beaucoup d'éclairs, et dans lequel grondait le tonnerre, devint tranquille et ne donna plus que quelques lueurs assez faibles aussitôt après que le vent d'ouest l'eut fait passer au-dessus du paratonnerre de l'église. » Les vives 3U LE TOÎ^NERRE. aigrettes qui brillaient à la pointe du paratonnerre de Rochelort montraient clairement qu'il exerçait une forte action; cependant, en l'absence de la déclaration du cure, nous n'aurions pas osé affirmer qu'un seul paraton- nerre avait sufll pour enlever presque complètement au nuage son caractère orageux. La propriété des paratonnerres, à laquelle nous venons de consacrer tant de pages, est d'autant plus développée que leur tige a plus de hauteur. Rien ne le prouve mieux que les nombreuses expériences faites avec des cerfs- volants, et, dans ce genre, rien n'a approché des- résultats obtenus à Nérac par notre compatriote de Rom as. Cet intrépide physicien lança dans les airs, à des hau- teurs de 130 à 160 mètres (4 à 500 pieds) , un cerf-volant dont la corde était, comme les grosses cordes de violon, entourée d'un fil métallique. Pendant un orage très- médiocre, à peine accompagné de quelques légers coups de tonnerre, Romas tira de l'extrémité inférieure de la corde de son appareil, non plus de simples étincelles, mais des lames de feu de 3 mètres à 3°'. 25 (9 à 10 pieds) de longueur et de 27 millimètres (1 pouce) de grosseur. Ces lames faisaient autant de bruit qu'un coup de pisto- let. En moins d'une heure, Romas en tira trente, sans compter un millier d'autres de la longueur de 2'". 25 (7 pieds) et au-dessous. Le physicien de Nérac remarqua plusieurs fois que, pendant la durée de ses expériences, les éclairs et le tonnerre cessaient totalement. Le docteur Lining (de Charlestown ) et M. Charles, quoique ayant opéré moins LE TONNERRE. 343 en grand, transformèrent aussi des nuages orageux en nuages ordinaires. CHAPITRE XLV. DES PARAGRÈLES. Les observations rapportées dans le chapitre précé- dent ouvraient une large et brillante carrière dans la- quelle il est regrettable qu'on ne soit pas entré. La formation de la grêle semble incontestablement liée à la présence dans les nuages d'une abondante quantité de matière fulminante. Soutirez cette matière, et la grêle ne naîtra point, ou bien elle restera à l'état rudi- mentaire, et vous ne verrez plus tomber sur la terre que du grésil inolTensif. Doute-t-on des grands avantages que l'agriculture retirerait, dans certains pays, de la dispari- tion des orages à grêle? Voici ma réponse : En 176/i, un habitant éclairé du midi de la France écrivait ces lignes dans V Encyclopédie : « Il n'y a pas d'année où la grêle ne. ravage la moitié, quelquefois les trois quarts des diocèses de Rieux, Comminges, Conserans, Auch et Lombez. » Le seul orage du 13 juillet 1788 frappa en France mille trente-neuf communes. Une enquête officielle porta le dégât à 25 millions de francs. Je sais très-bien que la manœuvre du cerf-volant n'est pas exempte de danger; que l'orage naît, se développe, se fortifie par un temps généralement calme; que le vent à l'aide duquel l'appareil pourrait être lancé dans les airs ne commence à souffler qu'au moment où la pluie et la grêle toml^ent déjà, etc. Aussi n'est-ce pas de cerfs-volants 3i6 LE TONNERRE. qu'on devrait, suivant moi, se servir. Je voudrais qu'on employât des aérostats captifs pour cette grande et belle expérience; je voudrais qu'on les fît monter beaucoup plus haut que les cerfs-volants de Romas. Si en dépassant d'une centaine de mètres la couche atmosphérique où. s'arrêtent ordinairement les extrémités des paraton- nerres, de petites aigrettes deviennent des langues de feu de 3 à /i. mètres de long, que n'arriverait-il pas lorsque tout le système, suivant les circonstances, s' étant élevé trois, quatre... dix fois plus, irait presque effleurer la surface inférieure des nuées ; lorsque aussi, et cette par- ticularité a de l'importance, la pointe métallique souti- rante qui serait en communication avec la longue corde demi-métallique faisant les fonctions de conducteur, étant fixée vers la partie supérieure du ballon, se présenterait aux nuages à peu près verticalement ou dans la position d'un paratonnerre ordinaire. Il n'y a rien de trop hasardé à supposer que, par ce système, on parviendrait à faire avorter les plus forts orages. En tout cas, une expérience qui intéresse si directement la science et la richesse agricole du pays mérite d'être tentée. Si l'on se servait de ballons de dimensions médiocres, la dépense serait certainement inférieure à celle de tant de décharges de boîtes, de canons, que s'imposent aujourd'hui, sans aucun fruit, les pays de vignobles. C'est surtout dans les vignobles de la Bourgogne que les ravages occasionnés par la grêle sont considérables ; on calcula, en 18ii7, que les deux petites communes de Vaux et d'Arbuissonas avaient perdu, par l'action du météore, des récoltes dont la valeur dépassait un million LE TONNERRE. 34T et demi. Aussi, dès l'apparition de l'annuaire de 1838, des propriétaires des départements de Saône-et-Loire et de la Côte-d'Or témoignèrent-ils le désir de se réunir pour mettre en pratique le moyen que j'avais proposé. M. Berthelier de Chaussailles voulut bien me consulter sur les moyens de vaincre les obstacles qui devaient se présenter pour la réalisation de ce projet. Les doutes qui se sont élevés depuis sur l'origine électrique de la grêle, les difficultés qu'on a opposées à la théorie de Volta, m'ont prouvé qu'il fallait commencer par l'examen de la ques- tion météorologique. Mais cet examen, je n'ai pas eu, dans le pays que j'habite, occasion de le faire d'une ma- nière entièrement satisfaisante. Lorsque la science aura dit son dernier mot à ce sujet, on pourra revenir, s'il y a lieu, à l'idée de transformer, à l'aide de ballons armés de pointes métalliques, les nuages orageux en nuages inof- fensifs, et réaliser ainsi une expérience éminemment pro- fitable à l'agriculture. CHAPITRE XLVL DE LA SPIIÈr.E d'aCTIO.X DES PARATON-NERnES.^ Dans quelle étendue un paratonnerre bien construit exerce-t-il avec efficacité son action préservatrice? A quelle distance de la tige , mesurée dans le sens horizon- tal, peut-on avoir la presque certitude de n'être point foudroyé ? Cette question, dont l'importance ne saurait être niée, n'a pas été, je crois, étudiée avec tout le soin convenable. Guidé par de vagues analogies, J.-B. Leroy, qui s'est 3iS LE TONNERRE. tant occupe de la construction des paratonnerres, disait, en 1788, qu'une tiG;c de li h ^ mètres de hauteur fixée au faîte d'un édifice, défend tout autour d'elle un cercle de 16 mètres de rayon. D'après cela, l'action préserva- trice ii'ait horizontalement et dans tous les sons, à plus de trois fois la hauteur de la tige du paratonnerre au-dessus de la bâtisse à laquelle il est fixé. La section de physique de l'Académie des sciences restreignit cette limite. En 1823, consultée par le ministre de la guerre, elle parut adopter l'opinion de M. Charles ; elle admit, mais sans dire sur quelles bases, qu'un para- tonnerre protège autour de lui un espace circulaire d'un rayon égal au double de sa hauteur. L'ne aussi imposante autorité devait entranier l'assen- timent public. Aussi les auteurs des traités de physique et de météorologie les plus récents, d'accord avec la com- mission académique , donnent-ils généralement à la zone circulaire qu'un paratonnerre protège complètement, un rayon double de la hauteur de la tige. Admettons que cette fixation soit exacte pour une tige de paratonnerre implantée sur un édifice ordinaire de pierre de taille et de moellon, ou sur un comble commun on charpente recouvert de tuiles ou d'ardoises. En sera- t-il de même si de fortes masses de métal sont entrées dans la construction du comble ou de l'ècUfice? Personne assurément n'oserait le soutenir. Un paratonnerre, dit-on, ne protège un toit ou une terrasse, que dans une étendue égale au double, de la hauteur qu'il a au-dessus de ce toit ou de cette terrasse. Sa sphère d'action est-elle aussi restreinte , quand on la LE TONNERRE. 349 rapporte à un niveau différent et inférieur; quand on veut la mesurer sur le sol , par exemple? Ou bien, le paraton- nerre situé au sommet d'un clocher, protége-t-il à terre un cercle qui serait décrit avec un rayon double de la somme des hauteurs du clocher et du paratonnerre ? Ces questions importantes paraissent avoir à peine été posées. Voici quelques chiffres qui, sans les résoudre entière- ment, pourront guider les constructeurs. Le 15 mai 1777, la foudre frappa le magasin à poudre de Purfleet , à 5 lieues de Londres, malgré le paraton- nerre que Franklin , Cavendish, Watson , etc. , y avaient fait établir. Le météore tomba sur un crampon en fer qui à l'aide d'une soudure en plomb unissait deiLx dalles de la cor- niche dont l'édifice était entouré à la base du toit. De là il s'élança sur un tuyau de décharge et le suivit jusque dans l'eau d'un puits, sans autre dégât c]ue la rupture de la pierre qui se trouvait interposée entre le crampon et le tuyau. Je trouve sur les figures à échelle qui représentent le bâtiment, que la pointe du paratonnerre était à 7'". 92 de hauteur au-dessus du niveau des dalles Cfe la cor- niche; que la distance horizontale comprise entre le prolongement vertical du paratonnerre et le crampon fou- droyé, n'était que de 7"\ol. Ainsi le paratonnerre, loin d'avoir garanti, à la base du toit , un espace circulaire d'un rayon égal au double de sa hauteur au-dessus de la corniche, n'avait pas même étendu cette action préservatrice jusqu'à une distance égale à la simple hauteur. 350 LE TONNERRE. Le paratonnerre s'élevait de 3'". 35 au-dessus de la pointe du toit où on l'avait planté. Le double de cette quantité, ou6"'.70, laisserait le crampon à 0"'.G1 en de- hors du cercle d'action du paratonnerre, si à tous les étages d'un édifice le rayon de ce cercle était, comme on l'admet, le double de la hauteur de la tige au-dessus de la portion de bâtisse qui en supporte la base. Ainsi, des deux moyens de déterminer le cercle d'action d'un paratonnerre que nous nous étions proposé d'examiner, l'un, celui qui restreint le plus cette action, n'est pas infirmé par l'événement de Purfleet ; l'autre lui est direc- tement contraire, sur quoi, cependant, il importe de remarquer, et que la pointe de la tige de ce magasin n'était pas bien aiguë, et que l'amplitude d'action vient d'être mesurée relativement à un cordon de pierres de taille parsemé de crampons métalliques. Le 17 juin 1774, la foudre tomba à Tenterden (Kent), sur une des quatre cheminées de la maison de M. Haffen- den, quoiqu'une d'entre elles fut surmontée d'un para- tonnerre. Celle que la foudre démolit, se trouvait entourée à quelque distance de gouttières en plomb; elle était éloignée de 15'".2/|. de la tige pointue; la pointe, d'ail- leurs, ne dépassait le niveau des sommets des quatre cheminées, que de 1°\52; ainsi, la distance était dix fois plus grande que la hauteur du paratonnerre au-dessus du point foudroyé. Le coup si souvent cité de Tenter- deen, n'a donc rien de contraire aux opinions régnantes. Ajoutons que le conducteur n'était pas d'une forme et d'une construction entièrement irréprochables. Un violent coup de foudre atteignit la vaste maison LE TONNEERE. 351 des pamTes de Heckingham (comté de Norfolk), le 17 juin 1781, malgré les huit paratonnerres dont elle était armée. Le point que le météore frappa d'abord se trouvait situé à un des angles inférieurs du comble. Une large plaque de plomb le recouvrait. De ce point au paratonnerre le plus voisin la dis- tance horizontale était de 17"". 76. La sommité aiguë de la tige ne s'élevait pas au-dessus du niveau du point foudroyé de plus de 6'". 70 : c'était moins que la moitié de la distance horizontale, du point que la foudre frappa au prolongement de la verticale de la tige ; le point était donc en dehors du cercle que, d'après les opinions reçues, le paratonnerre pouvait protéger efficacement. Ici encore, on était en droit d'observer que les conduc- teurs ne se terminaient pas dans un sol suffisamment humide. Le docteur Winthrop , de New-Cambridge , rapporte qu'un arbre fut frappé par la foudre et sillonné dans toute sa longueur, quoiqu'il ne se trouvât éloigné horizontale- ment que de 16 mètres du paratonnerre établi sur le clo- cher d'une église. Si le clocher dépassait le sommet de l'arbre'lle 8 mè- tres ou plus, comme il paraît naturel de le croire, le fait cité par le docteur Winthrop serait directement contraire à l'idée que le rayon d'action d'un paratonnerre doit être mesuré par le double dç la hauteur verticale absolue de la pointe de la tige au-dessus de chaque objet. Une écurie appartenant à William Littelton , gouver- neur de la Caroline du Sud, fut frappée par la foudre et très-fortement endommagée, quoiqu'elle ne se trouvât 3o2 LE TONNERRE. qu à 18 mètres d'une maison armée d'mi bon paraton- nerre. Cette relation ne faisant connaître ni la liautem' du point foudroyé , ni celle du paratonnerre , on n'en peut rien déduire touchant le rayon d'action de ces appareils. Je rapporterai un second fait qui n'est pas non plus assez circonstancié ; mais les objets existent encore , et rien n'empochera qu'on ne remplisse les lacunes, La tour de l'église de Saint-Michel, Cornhill, à Londres, est surmontée d'un excellent paratonnerre; cela n'empêcha pas la foudre de tomber sur la couverture en plomb qui revêt le sommet du clocher de Saint-Pierre, quoique celui-ci soit considérablement plus bas et que sa distance à la tour de Saint- Michel ne surpasse pas 61 mètres. Il manque ici la hauteur verticale de la pointe du para- tonnerre du clocher de Saint-Michel, au-dessus de la couverture en plomb du clocher de Saint-Pierre. Si cette hauteur n'est pas de 31 mètres , comme on doit le sup- poser, l'événement n'infirmera point la règle d'après laquelle le rayon d'action devrait se mesurer sur le double des hauteurs relatives. En résumé , on est autorisé, par l'ensemble de tous ces faits, à porter l'amplitude de l'action préservatrice des paratonnerres implantés sur les parties culminantes des édifices au double de la hauteur des tiges, au-dessus de leurs points d'attache. L'événement de Purfleet lui-même confirme cette détermination. Pour garantir un grand bâtiment , il faudra donc l'ar- mer de plusieurs paratonnerres. Moins les tiges auront LE TONNERRE. 353 de hauteur, et plus elles devront être multipliées. Leur nombre sera suffisant lorsqu'il n'y aura sur un comble, sur une terrasse , etc. , aucun point dont la distance hori- zontale à la tige la plus voisine soit plus grande que le double de la hauteur de cette tige au-dessus de sa base. Cette règle étant une déduction logique des faits , on a peine à concevoir comment, dans la construction des paratonnerres, Franklin a paru se préoccuper si peu de considérations de hauteur. Tout ce qu'il exigeait, c'est que les pointes dépassassent un peu les sommets des che- minées. Je vois aussi la hauteur des tiges fixée à 3 mètres dans une note qui porte les signatures de Cavendish, de Priestley, de lord Mahon, de Nairne, de Watson, etc. En France, les constructeurs vont jusqu'à 10 mètres, et ils ne se sont même arrêtés là que par des motifs do solidité. Entre ces deux sortes de dimensions, le choix ne saurait aujourd'hui être douteux. CHAPITRE XLYII. LES PARATONNERRES IMPLANTÉS HORIZONTALEMENT OU DANS DES DIRECTIONS TRÈS-INCLINÉES SUR l'enTACLEMENT DES" ÉDiriCES , SONT-ILS UTILES? Toutes circonstances égales , la foudre doit tomber et tombe, en effet, sur les parties les plus élevées des édi- fices; mais où trouver une parfaite égalité de circon- stances? de combien de manières ne peut-elle pas êlre troublée? ne suffit-il pas pour cela d'un crampon de métal, de l'espagnolette d'une fenêtre, d'un tuyau de poêle, etc. Au reste, si les nuages chargés de matière IV. -I. 2î 354 LE TONNERRE. fulminante n'étaient pas terminés par des surfaces à peu priîs horizontales, les portions les plus élevées des édifices ne jouiraient pas incontestablement du fâcheux privilège que nous venons de leur attribuer ; or, chacun doit se rappeler ces lambeaux de nuages qui, dans des temps orageux, descendent presque jusqu'à terre, et que la masse générale traîne à sa suite partout où le vent la transporte. Rien n'est moins propre assurément qu'une tige verticale pour décharger peu à peu et en silence ces nuages pendants. Au contraire, un paratonnerre hori- zontal ou très-incliné produirait cet effet à merveille. Je n'entends pas, au surplus , réduire à ce seul rôle les para- tonnerres inclinés : ils doivent servir encore à recevoir les coups foudroyants , qui sans eux auraient frappé les faces latérales des édifices. Croit-on , avec quelques physi- ciens, que jamais ces faces ne peuvent être exposées au même degré que l'ensemble des parties culminantes? Ma réponse est toute prête : elle consistera dans divers faits que j'ai recueillis et qui ne me semblent pas laisser place au plus léger doute. M. Alexandre Small écrivait de Londres à Franklin, en 1764, qu'il avait vu, devant ses fenêtres, un trait fulminant très-vif, très-délié et assez bas, se mouvoir, sans zigzags apparents, dans une direction à peu près horizontale, et aller frapper un clocher fort loin de son sommet. En septembre 1780, un violent coup de tonnerre tua deux hommes au rez-de-chaussée de la maison de M. James Adair, à East-Bourn. Au premier étage , où il pénétra par une fenêtre, il fit aussi beaucoup de dégâts. LE TONNERRE. 335 Le troisième étage et le toit étaient restés parfaitement intacts. On aurait pu deviner ces effets, d'après les observa- tions de diverses personnes qui se promenaient sur le bord de la mer. La ligne que suivait le météore paraissait le conduire tout juste au milieu de la façade de la maison. C'est là seulement qu'il se brisa, qu'il se divisa , qu'il se partagea en plusieurs rameaux. Le 12 août 1783 , la foudre endommagea le clocher de la cathédrale de Lausanne. Elle tomba d'abord sur une barre de fer horizontale servant de lien à deux petites colonnes situées aux deux tiers de la hauteur de l'édifice. Il n'est pas douteux que le trait fulminant avait eu cette direction peu ordinaire : une personne digne de foi le vit distinctement s'élancer sur la barre; le docteur Verdeil , à qui l'observation fut immédiatement commu- niquée, se livra, en conséquence, aux recherches les plus scrupuleuses , et ne découvrit au-dessus de la barre de fer en question aucun indice quelconque de l'action de la foudre. Ce coup latéral et dirigé sur un point si éloigné de la sommité du clocher est d'autant plus remarquable, que l'édifice se trouvait fortuitement pourvu d'une sorte de paratonnerre. « Au sommet du clocher, dit en efl'et M. Verdeil , est une espèce de pommeau à huit faces longitudinales, sur- monté d'une longue verge de fer qui sert de pivot à la girouette, et qui se termine en forme de fer de pique. Ce pommeau est recouvert de plaques de cuivre dans toute sa circonférence. Huit bandes du même métal descendent 3o6 LE TONNERRE, depuis ce pommeau le long des angles de la flèche, qui est couverte de tuiles vernies au four. Ces bandes vont aboutir à une gouttière horizontale qui fait tout le tour de la base de la flèche , et se vide , au moyen de deux tuyaux de métal fort épais, dans deux grands réservoirs de cuivre qui sont toujours pleins d'eau. Du fond de ces réservoirs partent deux longs tuyaux de cuivre, qui des- cendent du haut en bas , se réunissent dans un réservoir commun, et de là vont se rendre dans une pompe à incendie qu'ils remplissent toutes les fois qu'il pleut. Cette pompe communique, par des égouts de métal, avec celui qui verse l'eau de la pluie sur le pavé. » Admettons qu'il pleuve (et il pleuvait beaucoup depuis une demi-heure , au moment du coup fulminant du 12 août 1783), et l'on aura, comme nous le cUsions tout à l'heure, dans l'ensemble de barres, de plaques et de tuyaux métalliques, un paratonnerre presque à l'abri de toute objection. Une aile de moulin à vent ( le moulin de Thoothill en Esscx) est au repos dans la position où elle fait avec l'ho- rizon un angle de Ziô degrés. Le tonnerre , partant des nuages, vient la frapper, en 1829. Qui ne s'imaginerait cjue le point de collision sera la partie la plus élevée de l'aile? Il n'en est rien cependant! Le milieu de l'aile porte un boulon en fer : c'est sur ce milieu que la foudre se précipite ; toute la portion supérieure reste intacte ; les avantages d'une plus grande hauteur sont compensés et bien au delà par la présence, dans la partie inférieure, de quelques kilogrammes de métal. S'il fallait prouver que toujours on devra établir sur les LE TONNERRE. 357 édifices des paratonnerres inclinés, les faits que je viens d'énumérer seraient trop peu nombreux; mais, on se le rappellera , je voulais seulement établir que dans certains cas les tiges obliques peuvent être utiles. CHAPITRE XLYIII. DE LA MEILLEURE FORME ET DES :\IEILLELRES DISPOSITIONS A DON>'ER AUX DIVERSES PARTIES DOM UN PARATONNERRE SE COMPOSE. § 1". — De la pointe. Nous avons prouvé que si l'on ne veut pas, avec raison, renoncer à la propriété dont les paratonnerres jouissent de décharger peu à peu et silencieusement les nuées orageuses de leur matière fulminante, il faut que la lige se termine par une pointe très-aiguë. Faisons cette pointe en fer, et la rouille provenant de l'action de l'air et de l'eau la détruira bientôt , et bientôt elle sera émous- sée, et sa propriété soutirante s'affaiblira de jour en jour. On a d'abord paré à cet inconvénient en dorant la pointe de la tige en fer dans une certaine étendue. La dorure du fer étant très-peu durable , on a trouvé mieux ensuite d'adapter à l'extrémité de la tige, à l'aide d'une vis, une pointe en cuivre doré. Enfin, des pointes de platine remplacent généralement celles de fer et de cuivre, depuis que les progrès de la métallurgie permettent de les fournir à des prix très-modérés. Les pointes de platine sont préférables à celles de cuivre, non-seulement à cause de leur inaltérabilité sous l'action de l'eau et de l'air, mais aussi à raison de leur 358 LE TONNEIllîE. iiifusibilité. Le coup de foudre qui fondrait, qui émous- serait une poinle de cuivre, laisserait au contraire à la pointe de platine la forme aiguë de laquelle dépend la grande intensité de son action. En se rappelant qu'un paratonnerre peut être foudroyé au début d'un orage, et que le remplacement des pointes exige souvent la con- struction d'échafaudages dispendieux, on ne manquera pas d'apprécier, sous le rapport économique et sous celui de la sûreté, tous les avantages de l'infusibilité des aiguilles de platine. Ces avantages sont tels, qu'en 1790, à une époque oii l'on savait à peine travailler ce métal , la Société philosophique de Philadelphie accueillait avec de vifs applaudissements la proposition que M. Robert Pat- terson lui faisait, d'exécuter la pointe des paratonnerres avec une autre substance très-peu fusible, avec de la plombagine (carbure de fer). Dans quelques pays, en Allemagne et en Angleterre, par exemple, certains constructeurs de paratonnerres adaptent à l'extrémité de la tige de ces appareils , non pas une pointe unique , comme on le fait en France , mais une pointe verticale autour de laquelle sont disposées circulairement d'autres pointes très-divergentes et diver- sement inchnées à l'horizon. Je sais bien qu'on justifiait ainsi cette pratique : une pointe s'émousse et s'oxyde à l'air; dès lors elle perd de sa puissance et de sa conductibilité ; eh bien , plusieurs pointes émoussées et rouillées agiront dans leur ensemble aussi fortement qu'une pointe unique non rouillée ! Mais cet avantage des pointes multiples, auquel une pointe unique de platine supplée aujourd'hui parfaitement, LE TONNERRE. 399 n'était pas le seul qu'on eût en vue et qu'on espérât : en employant des pointes diversement orientées et diverse- ment inclinées, il devait toujours, dans le nombre, s'en trouver une qui se présentât suivant la position la plus favorable, qui se présentât perpendiculairement au nuage orageux, quels que fussent sa forme, le nombre de ses faces et leur inclinaison. Tout cela doit paraître un tant soit peu subtil; mais jusqu'à l'époque où, en répétant avec un grand soin l'expérience de Beccaria, sur laquelle nous nous sommes déjà appuyé ( voyez p. oo7 ) , on aura établi qu'une pointe verticale enlève à toutes sortes de nuages plus de matière fulminante qu'une pointe inclinée, ou, mieux encore, jusqu'au moment où, en suivant la méthode du célèbre physicien de Turin , on sera parvenu à prouver qu'une pointe unique agit toujours plus forte- ment qu'un groupe de pointes disposées en étoile, on n'aura pas le droit de ranger les paratonnerres à pointes multiples parmi les conceptions qui ne méritent que le dédain. Je conviendrai néanmoins qu'en attendant ces expériences , il sera sage et trcs-suffisant de s'en tenir à la forme recommandée dès l'origine par Franklin ^ § 2. — Du conducteur. C'est de la bonne construction et de la bonne disposi- tion du conducteur que dépend principalement l'action préservatrice des appareils de Franklin. 1. Je ne dirai rien ici de la méthode que divers constructeurs avaient adoptée, et qui consistait à employer pour extrémité de la tige du paratonnerre une aiguille de fer aimantée. Il est évident que l'aimantation était dans ce cas de nul effet. 3G0 LE TONNERRE. Le conducteur et aussi la tige supérieure d'un paraton- nerre doivent être assez gros , assez massifs pour qu'un coup de foudre ne puisse point les fondre. D'après tout ce que nous avons recueilli dans le chapitre xvni, on satisfera am])lemcnt à cette condition en employant des barres de fer ou de cuivre, carrées ou cylindriques, de 20 milli- mètres de côté ou de diamètre. Si les constructeurs don- nent à la tige, surtout vers sa base, une plus grande épaisseur, c'est seulement afin ciu'cllc puisse résister à l'action du vent. Pour garantir de la rouille les tiges et les conducteurs des paratonnerres, on les couvre ordinairement d'une couche de peinture. En Amérique, on a porté le scrupule jusqu'à choisir de la peinture au noir de fumée, à cause de la propriété dont cette dernière matière jouit, de don- ner aux composés où elle entre dans une forte propor- tion, la faculté de transmettre assez facilement la matière fulminante. Le conducteur ne pouvant remplir convenablement son office qu'à la condition de se dépouiller de cette matière au fur et à mesure que la tige supérieure pointue du paratonnerre le lui transmet, il faut inévitablement sup- pléer au manque de conductibilité du sol par la multipli- cation du nombre de points d'écoulement ^ Si le conduc- teur descend dans un terrain médiocrement humide et, 1. IM. R. Ilare, professeur de chimie ù l'université de Pensylvanie, propose de mettre, quand cela est possible, la partie souterraine des conducteurs des paratonnerres en communication avec les tuyaux en fonte destinés dans la plupart de nos villes à conduire Teau dans les divers quartiers. LE TONNERRE. 361 dès lors, médiocrement perméable aux effluves fulmi- nants, il faudra qu'il soit en contact avec lui sur une grande longueur. La longueur pourra être moindre si ia terre est toute l'année fortement imprégnée d'humidité, moindre encore si le conducteur descend jusqu'à une nappe d'eau naturelle. L'augmentation si indispensable du nombre de points d'écoulement par lesquels le fluide peut passer du con- ducteur dans le sol, on l'obtiendrait aussi en épanouissant en quelque sorte le métal, en amenant la barre conduc- trice, par l'action du laminoir, à être une large plaque, en étendant autant que possible la surface destinée à pénétrer dans la terre. Il y a même tel développement de cette surface qui dispenserait, je crois, de rien enfoncer dans le terrain , qui rendrait un contact superficiel suffi- sant. Il doit en être ainsi, par exemple, dans les édifices entourés à leur base d'une bordure en plomb ou en fer- blanc qui est ployée à angle droit de telle manière que l'une des faces de l'angle est appliquée contre le mur, et que l'autre repose sur le sol. Que le conducteur touche bien cette bordure, et le fluide qu'il reçoit de la tige dans le temps le plus orageux pourra s'écouler par un si grand nombre de points, qu'on n'aura plus à craindre ni jets lumineux ni détonation. Voilà, si je ne me trompe, pour- quoi un monument tel que la colonne de la place Ven- dôme, reposant sur un large socle métallique qui lui-môme touche par sa surface inférieure le sol ou le soubassement en pierre, peut se passer de conducteur. Ordinairement, c'est en ramifiant le conducteur, et non par un laminage, que les constructeurs de paratonnerres 362 LE TONNERRE. augmentent la surface enterrée destinée à donner passage dans le sol au fluide fulminant. Lorsque la barre du conducteur pénètre dans le sol, on se trouve entre deux écueils. Si le terrain est humide, l'écoulement de la matière fulminante se fait sans diffi- culté, mais le métal se rouille, se détruit très-vite. Supposez le terrain sec, la barre dure longtemps, mais elle remplit fort mal ses fonctions. 11 était donc bien dési- rable qu'on découvrît une matière très-conductrice et qui n'attaquât pas le fer. Le charbon, quand il a été rougi, est dans ce cas. Aussi, comme Robert Patterson le proposa en 1790, les constructeurs de paratonnerres qui sont au courant de toutes les ressources de la science ne man- cj[uent-ils pas aujourd'hui de faire passer la barre con- ductrice au travers d'une sorte de puits rempli de braùe de boulanger. Je souligne de nouveau ces trois mots afin qu'on ne s'y trompe pas : le charbon rougi est inchspen- pensable; le charbon commun ne saurait le remplacer. Quand le conducteur descend jusqu'à une nappe liquide naturelle, il suffit, l'expérience l'a prouvé, de l'y faire plonger d'environ 1 mètre. Je viens de parler d'une nappe naturelle, par opposi- tion aux réservoirs artificiels ou citernes qui reçoivent l'eau pluviale. C'est à tort que ces citernes, quand elles ont été rendues étanches dans leur fond et sur leurs côtés, soit à l'aide d'un dallage et d'un masticage exact, soit par une couche épaisse de béton hydraulique, sont assimilées à des puits proprement dits. Les dalles ou le ciment hydraulique étant secs dans le milieu de leur épaisseur, n'offrent qu'un passage très-difficile à la ma- LE TONNERRE. 365 tière de la foudre ; cette matière n'a donc pas le moyen, comme dans le cas d'un puits, d'aller se répandre rapide- ment au loin par une multitude innombrable de fentes, de fissures remplies d'eau ou tout au moins d'humidité : après avoir un moment envahi le liquide de la citerne, la matière, faute d'écoulement, revient sur ses pas, remonte le long de la barre du conducteur et se précipite par un coup fulminant ou avec détonation sm' quelque objet placé dans le voisinage. Je sais très-bien qu'on aura le droit de demander des preuves à l'appui de cette théorie ; aussi je m'empresse de les fournir. Le 19 juin 1819, la foudre tomba sur la principale aiguille de la cathédrale de Milan. Cette aiguille était ai'mée d'un paratonnerre en bon état dont le conductem* plongeait dans un vaste puisard. Cependant, près de ce conductem' encore intact, on trouva, à diverses éléva- tions, des marbres brisés et dispersés, des arabesques détruites , etc. Toute vérification faite par le professeur Configliachi, il fut constaté que le prétendu puisard était une véritable citerne dallée ! Le k janvier 1827, la foudre tomba sur le paratonnerre du phare de Gènes. Ce paratonnerre et le conducteur furent brisés en plusieurs points, quoique tout semblât en bon état , quoique le conducteur plongeât dans de l'eau ; mais cette eau était contenue dans une citerne é tanche, de peu de capacité, creusée de main d'homme dans la roche sur laquelle le phare repose ! Quelque faible que soit la résistance qu'une barre mé- tallique oppose au passage de la matière fulminante, il est 364 LE TONNERRE. bon de ne pas la négliger. Cette résistance devant aug- menter avec la longueur de la barre, il sera convenable, à moins d'empêchement sérieux, de diriger le conducteur par le plus court chemin possible, entre le pied de la tige verticale du paratonnerre auquel il est attaché, et le sol humide oia il doit se décharger. Nous déterminions tout à l'heure la grosseur du con- ducteur, d'après des coups de foudre que j'appellerai simples. Dans ces coups, les barres étaient seulement envahies par la matière fulminante qui les avait directe- ment frappées. Ces dimensions pourraient bien ne pas être suffisantes si, dans un instant donné, un seul conduc- teur recevait et devait transmettre au sol tout ce qui aurait frappé simultanément plusieurs paratonnerres. La néces- sité d'un conducteur par paratonnerre ressort de cette remarque avec une entière évidence. Ceci n'empêche pas qu'il n'y ait utilité à établir une liaison intime entre les pieds des tiges de tous les pai'atonnerres , à l'aide de barres de fer courant le long des faîtières des toits, et qui n'ont pas besoin d'être aussi fortes que les conducteurs proprement dits. Il sera toujours avantageux d'étendre le même genre de communication aux grosses pièces métalliques qui font partie des toits ou balustrades des édifices, et surtout aux combles en fer dont l'usage com- mence à devenir si commun. Des barres métalliques rigides ne s'adaptent aux di- verses inflexions des toits, des corniches, des ornements d'architecture, qu'à l'aide d'un grand nombre de mor- cellements et de raccords dans lesquels, à la longue, les eaux et la rouille qui en est la suite, produisent de LE TONNERRE. 365 fâcheuses solutions de continuité. On évite aujourd'hui ces inconvénients en substituant des cordes métalliques flexibles aux barres dont jadis on faisait exclusivement usage. Ces cordes ont et doivent avoir les dimensions des anciennes barres. Les torons qui les composent peuvent être goudronnés séparément, mais cela n'empêche pas que la corde tout entière ne soit ensuite goudronnée elle- même avec le plus grand soin. 11 est toujours bien entendu que le goudron recouvrira seulement les parties extérieures de la corde, celles qu'il doit préserver de l'ac- tion de Tair et de l'humidité. Quant aux parties destinées à être plongées dans l'eau d'un puits, dans un terrain humecté ou dans de la braise de boulanger, il est indis- pensable que leurs surfaces métalliques soient à nu autant que possible. Certains constructeurs se croyaient obligés de séparer les combles et les murs des édifices, des paratonnerres et de leurs conducteurs, par les matières, telles que le verre, la poix, etc. , les moins propres à transmettre le fluide de la foudre, et qui, dès lors, ne doivent permettre à aucune portion appréciable de ce fluide de se dévier latéralement, de s'élancer d'une barre conductrice sur les objets qu'elle est destinée à protéger. Mais ces paratonnerres isolés ne sont plus guère en usage ; on a fini par y reconnaître un excès de précaution très-dispendieux ; on a réfléchi que la matière fulminante, une fois engagée dans une barre métallique suffisamment grosse et aboutissant à quelque nappe hquide indéfinie, ne la quitte, pour se porter sur les matériaux dont les édifices sont ordinairement composés, qu'en si petite quantité, qu'il n'en saurait 3G6 LE TONNERRE. résulter ni dommage, ni mcMne aucun effet appré- ciable. Les mômes raisonnements sembleraient pouvoir con- duire à décider une question qui aussi a été débattue entre les pliysiciens : celle de savoir s'il est indifférent d'établir les conducteurs dans l'intérieur ou à l'extériem* des édifices. J'avoue que sur ce dernier point je serai beaucoup moins affirmatif. « Il y a des grands seigneurs dont il ne faut approcher qu'avec d'extrêmes précau- tions; le tonnerre est de ce nombre», dit Voltaire. Je suis tenté de croire que l'illustre écrivain a raison , quand je me rappelle le cas déjà cité (p. 207) où la foudre, quit- tant le conducteur extérieur du paratonnerre de la maison de M. Raven , alla horizontalement , à travers le mur, frapper un fusil placé debout dans la cuisine. Quels dégâts, je le demande, n'auraient pas été la suite de ce mouvement latéral, si une grosse maçonnerie ne se fût trouvée sur le passage de la foudre ! Le conducteur, dira-t-on, n'avait pas une épaisseur suffisante. Oui sans doute, mais voici un cas où tout paraissait en bon ordre , où les paratonnerres fonction- nèrent comme on pouvait le désirer, et cependant il y eut déviation de la matière fulminante; et tout autorise à croire qu'il en serait résulté des malheurs, si de même un mur épais ne s'était trouvé interposé entre le conduc- teur et une foule d'ouvriers. Le 31 juillet 1829 , dans la prison de Charlestown , au moment d'un immense coup de tonnerre , trois cents per- sonnes reçurent à la fois une violente commotion dont l'eflet général fut, durant quelques secondes, un grand LE TONNERRE. 367 affaiblissement de force musculaire. L'accident n'eut de suites fâcheuses pour personne. La prison de Charlcstown était armée de trois para- tonnerres en bon état, placés à 5'". 50 l'un de l'autre. La foudre laissa donc le bâtiment parfaitement intact. Mais comment se fit-il que l'effet préservatif des conduc- teurs ne s'étendit pas, comme à l'ordinaire, aux habi- tants? On a trouvé une réponse satisfaisante à cette c]uestion, dans la grande quantité de fer que la prison renfermait. M. Bryant, le directeur, l'évalua à 100 tonnes; il faut ajouter à cela que presque toute la population ouvrière était armée de marteaux , de limes , de fusils ou de piques. Jusqu'ici, les physiciens ne paraissent avoir attaché aucune importance à la forme des inflexions qu'on est obUgé de faire subir au conducteur, pour l'amener du comble , parallèlement auquel il est descendu , vers le mur vertical de l'édifice. Au bord même du larmier du toit, au bord des corniches, la barre ou la chaîne con- ductrice est pliée de telle manière qu'au lieu de se trouver sur une même droite , la partie du comble et celle qui va rejoindre le mur font entre elles un angle de 90 degrés, et même quelquefois un angle aigu. Il n'est pas très- rare de remarquer d'aussi brusques déviations dans d'autres parties du conducteur, même près de terre. Sup- posons un violent coup de foudre , et de telles inflexions pourraient être dangereuses, du moins h en juger par divers événements dont j'ai lu les relations, et qui semblent autoriser à croire que , dans le calcul de la 368 LE TONNERRE. marche de la matière fulminante, on ne doit pas faire tolalement abstraction de la vitesse acquise. On peut con- sulter à ce sujet la Descriplion de Saint-Domingue de Moreau de Saint-Méry, tome r% page 393; Ton y verra la foudre suivre régulièrement un conducteur, l'aban- donner ensuite dans le point oia la barre était ployée de telle sorte que ses deux parties formaient un angle aigu, pour aller, à travers Tair, frapper des objets situés sur le prolongement du premier côté de l'angle. Les Mémoires de l'Académie de Lausanne, tome i", nous montreront aussi la foudre se dirigeant très-oblique- ment sur le milieu d'une barre de fer horizontale , et ne s'y propageant , bien que tout fût symétrique de part et d'autre, c|ue dans le sens du prolongement de son propre mouvement. Maintenant que la question est posée, des expériences de cabinet ne manqueront pas de faire prompte justice des considérations précédentes, si elles ne sont pas fondées ; en attendant , il ne pourra y avoir que de l'avantage à éviter, dans la forme du conducteur, des angles aigus, à ne passer d'une direction à une autre très-différente qu'à l'aide de courbes de raccord exemptes de tout changement brusque. Le IG décembre 1852, la foudre frappa le paraton- nerre établi sur la tour du séminaire de Sainte-Anne d'Auray et en fit disparaître la tige; le conducteur était brisé à l'endroit où, après avoir suivi le contour de la corniche, il se redressait pour redescendre verticalement jusc^u'au sol. C'est une nouvelle preuve de la nécessité qu'il y a à ne pas faire parcourir au conducteur des lignes offrant LE TONNERRE. 369 des angles trop aigus. (Relation de l'abbé Pinel, journal le Cosmos du 12 janvier 1853. ) Le pulvérin que le moindre courant d'air entraîne , qui se dépose sur toutes les saillies intérieures et extérieures des magasins à poudre est pour ces établissements un véritable danger. Supposons ce pulvérin enflammé par l'étincelle résultant d'une imperceptible solution de conti- nuité dans le conducteur, et le feu pourra se communiquer jusqu'aux barils de l'intérieur. Dans cette prévision, on a proposé de ne point poser les paratonnerres des maga- sins sur les bâtiments mêmes : il serait mieux , dit-on , de les établir à l'extrémité de longs mâts verticaux , éloignés de 2 à 3 mètres des murs de face. Cette idée se trouve déjà dans un Mémoire de Toaldo de 1776. Elle a reçu depuis ( en 1823 ) la haute approbation de la section de physique de l'Académie des sciences; malheureusement, il se présente dans son application une difficulté fort grave qui nous a déjà occupés. On sait très-bien que les pointes doivent s'élever plus haut que le faîte de l'édifice , mais quel est leur rayon d'action ? Supposez-le égal au double de la hauteur absolue de chaque paraJ;onnerre au-dessus du sol , et un petit nombre de ces appareils suffira pour mettre à l'abri toutes les parties du plus vaste magasin. Admettez, d'autre part, que le rayon d'action ne doive être calculé que sur le double de la hauteur des pointes au-dessus des parties culminantes des magasins, et il y a tel de ces bâtiments, qu'à moins d'immenses dépenses , il faudrait renoncer à garantir avec des mâts paratonnerres. Quoif(Lie j'aie déjà bien longuement insisté sur les TV. - I. 24 370 LE TONNERRE. règles auxquelles on doit se soumettre dans l'établisse- ment des paratonnerres et de leurs conducteurs, je pla- cerai ici la relation du coup de foudre qui menaça si gravement le magasin à poudre de Bayonne, le 23 fé- vrier 18"29. Les fautes, surtout quand elles ont failli devenir la cause de grands malheurs, laissent toujours dans la mémoire des souvenirs plus durables que de sim- ples préceptes. Il sera bon, d'ailleurs, de montrer com- ment une installation de l'appareil de Franklin , que j'appellerai en vérité prétentieuse , devint détestable par le simple oubli de quelques circonstances en apparence assez légères. Le magasin à poudre de Bayonne est un bâtiment de 17°'. 5 de long, sur ii'".li de large. Le toit est à deux eaux. La faîtière et la couverture des murs de pignon sont formées de larges lames de plomb liées les unes aux autres. Le paratonnerre a 6". 8 d'élévation; une douille en plomb, qui l'enveloppe à sa base, est soudée à l'une des lames du faîte. Par cette disposition , toutes les par- ties métalliques du toit communiquent entre elles. Le conducteur a au moins 27 millimètres de diamètre. Au lieu de pénétrer dans la terre , au pied du bâtiment, comme c'est l'ordinaire , il est soutenu horizontalement , à 8 décimètres de hauteur, par cinq poteaux en bois. Ce n'est qu'à la distance de 10 mètres du mur extérieur du magasin, que le conducteur s'enfonce verticalement dans une fosse carrée d'environ 2 mètres de côté, revêtue en maçonnerie sur ses quatre faces latérales , et remplie de charbon dans une hauteur de plus de 1 mètre , à partir du fond. Afin de multiplier le nombre de points de con- LE TONNERRE. 374 tact entre le charbon et le terrain naturel , on a terminé , dans le bas , les quatre murs de la fosse par des arceaux à jour. Le bout pointu du conducteur repose sur un piquet fiché au fond de la fosse. Des racines métalliques partant de la tige principale , en divergeant, et ramifiées ensuite elles-mêmes, vont se répandre dans toutes les parties de la masse charbonneuse. Au-dessus de cette masse est une couche de terre meuble recouverte d'un pavé en dalles. Le 23 février 1829, à quatre heures du soir, quelques minutes après une abondante averse de pluie et de grêle , que poussait un fort vent d'ouest, le tonnerre tomba sur le paratonnerre de Bayonne et fondit sa pointe dans une longueur d'environ 13 millimètres. Jusque là, rien d'ex- traordinaire. Mais des indices manifestes de décharges se montrèrent sur beaucoup d'autres points; ainsi la tige métallique n'avait pas entièrement garanti l'édifice. x4. l'angle sud-ouest du bâtiment, la lame de plomb recouvrant le mur de pignon présentait une déchirure de 0"\21 dans un sens, sur 0"M9 dans l'autre, et cela pré- cisément au-dessus d'un lien de fer réunissant deux pierres de la corniche. La foudre avait laissé aussi des traces de ses explosions sur les cinq poteaux de bois dont nous avons déjà parlé , et qui sont destinés à maintenir le conducteur horizonta- lement au-dessus du sol. La lame de plomb formant le chapeau de celui de tous ces poteaux qui se trouve le plus voisin du bâtiment avait été soulevée ; les deux clous qui l'attachaient étaient arrachés. Sur la couverture du second poteau, on remar- 372 LE TONNERRE. quait deux trous à peu près circulaires et une petite déchirure. Sur celle du troisième, on voyait trois trous, dont l'un de G centimètres de long sur 1 de large. Les lames de plomb du quatrième et du cinquième poteau n'étaient percées chacune que d'un seul trou. Dans toutes ces ouvertures ou déchii'ures, le plomb était rebroussé de bas en haut. Tels sont les principaux faits consignés dans une lettre au ministre de la guerre du colonel-directeur de l'artillerie de Bayonne , et dans le rapport d'une commission nom- mée par cet officier pour constater le dégât. La section de physique de l'Académie des Sciences, appelée dans le temps à donner son avis sur cet événe- ment et à expliquer l'inefficacité d'un paratonnerre qui , au premier aspect, pouvait paraître avoir été établi avec beaucoup de soin, consigna le fruit de son examen dans un rapport rédigé par M. Gay-Lussac , et dont je ne puis mieux faire que d'analyser les principales conclusions. Le conducteur n'a pas offert un écoulement suffisant à la matière fulminante ; c'est pour cela c^u'elle s'est ouvert un passage et par l'angle sud-ouest du bâtiment et par les cinq supports en bois. Il faut chercher la cause de l'insuffisance du paraton- nerre de Bayonne, dans les dispositions vraiment inexpli- cables adoptées par les constructeurs et que nous avons déjà fait connaître. Il eût fallu que la barre métallique (conducteur) plongeât dans l'eau d'un puits, ou du moins qu'elle se trouvât en contact avec la terre humide sur un grand développement. Au contraire, comme si l'on eût craint d'offrir trop de voies d'écoulement au fluide, cette LE TONNERRE. 373 barre, sur toute sa course horizontale, était soutenue à 0"'.8 de Iiauteur par des poteaux en bois, c'est-à-dire par des conducteurs imparfaits ' ; elle ne s'enfonçait ensuite verticalement dans le sol que d'environ 2 mètres. On avait , il est vrai , enveloppé l'extrémité de la barre dans du charbon ; mais ce n'était pas de la braise éteinte, c'était du charbon ordinaire dont la conductibilité n'a rien de remarquable ^. Avec une pareille installation , doit-on s'étonner que la foudre se soit ramifiée? qu'à défaut d'un écoulement suf- fisant par la voie qu'on lui avait destinée, elle ait suivi, en assez grande partie , la direction des cinq poteaux de bois pour arriver au sol? qu'en outre, à l'angle sud-ouest 1. Cette disposition avait été probablement suggérée par un pré- cepte très-juste de Franklin, mais ici fort mal interprété. Le grand physicien d'Amérique ne voulait pas que le bout inférieur des conducteurs restât trop voisin des murs des édifices. Il craignait qu'en l'absence d'une conductibilité suffisante du terrain , l'explo- sion dont ce bout doit être inévitablement le siège, ne se portât latéralement sur les fondations, et dans le cas d'un trop grand voi- sinage, ne les ébranlât. Il voulait donc qu'après avoir pénétré dans la terre, la barre conductrice, par une inflexion convenable, s'éloi- gnât des murs. Cet éloignement, il n'aurait jamais consenti à se le procurer en diminuant le nombre des points de contact-^de la barre et du sol. Il eût sans doute approuvé les 10 mètres de déviation latérale du conducteur de Bayonne, mais à la condition expresse qu'au lieu d'être soutenus en l'air par des poteaux, ces 10 mètres de barre auraient été enfoncés dans la terre. 2. Je dois le répéter, il a été établi par de nombreuses expé- riences, que le charbon ordinaire, que le charbon fail^lement cal- ciné, pris à l'état de siccité, n'est presque pas conducteur de la matière de la foudre. Imbibé d'eau, il présente des propriétés con- ductrices manifestes, mais cependant beaucoup plus faibles encore que celles du charbon auquel on a fait subir un violent coup de feu. A défaut de cette dernière espèce de charbon, on peut se servir de coke pulvérisé. 374 LE TONNERRE. du bâtiment , elle se soit élancée d'une plaque de plomb qui communiquait avec le conducteur, sur le lien en fer unissant deux pierres que cette plaque recouvrait? La préférence doiniée ainsi à l'angle sud-ouest s'explique d'ailleurs par la circonstance que le mur de cet angle, battu un moment avant l'explosion par la pluie d'orage, était devenu un demi-conducteur. CHAPITRE XLIX. DES ORGANES QUI SONT LE PLUS ORDINAIREMENT AFFECTÉS DANS LES MORTS OD LES BLESSURES OCCASIONNÉES PAR DES COUPS DE FOUDRE. La solution de la c[uestion posée en tète de ce cha- pitre intéresse au plus haut degré la médecine légale. Mais, on doit l'avouer, elle n'a pas été traitée jusqu'ici avec toute l'attention et la rigueur nécessaires. Ainsi , on ne sait pas si, dans le cas d'un coup foudroyant, mortel ou non, certains organes sont affectés de préférence à d'autres. John Hunter disait que la foudre, en traversant le corps, produisait une destruction entière et instantanée du principe vital. C'était, qu'on me passe ce jugement, répéter les faits connus en termes obscurs. Suivant Bro- die, la mort serait la conséquence de l'action du fluide de la foudre sur la tête. Edwards regardait la mort comme le résultat d'une désorganisation du système nerveux. D'autres confinent l'action au système cérébro-spinal , sans toutefois citer à l'appui de leurs opinions des expériences décisives. LE TONNERRE. 375 La foudre produit , sur les corps animés qu'elle frappe, des effets mécaniques considérables , ordinairement en I rapport manifeste avec les parties métalliques disséminées dans les vêtements de l'individu atteint. Quelquefois, les empreintes de la foudre ne sont que superficielles et se réduisent à des ecchymoses; dans d'autres circonstances, les os eux-mêmes sont brisés. On a signalé le cas dans lequel le crâne d'un homme frappé de la foudre était comme broyé par un instrument contondant. Il n'est pas rare que les vêtements de l'individu atteint prennent feu. On a prétendu, sur l'autorité de Hunter, mais sans des preuves suffisante», que le sang d'un homme ou d'un animal foudroyé ne se coagule pas dans l'intérieur du corps, et que les muscles n'acquièrent jamais la rigidité cadavérique ; mais cette dernière assertion est démontrée fausse par des anatomies authentiques faites par Schultès de Landschut. On a ajouté que la putréfaction se mani- festait , dans ce genre de mort , plus promptement qu'à l'ordinaire. Lorsque l'homme foudroyé portait sur lui un couteau , un canif, des aiguilles, ou tout autre instrument d'acier, le fort magnétisme que ces ustensiles reçoiveri au mo- ment est, pour le médecin légiste, la preuve la plus évi- dente, peut-être, que la mort a été occasionnée par le météore atmosphérique. On a cité des exemples dans lesquels des coups de foudre , trop peu intenses pour produire la mort , avaient occasionné la surdité ou produit une amaurose avec dila- tation et perte de la contractilité de la pupille. Dans cer- tains cas, cette surdité ou cette amaurose se dissipent en 376 LE TONNERRE. peu de temps ; on les a vues, d'autres fois, durer plusieurs jours ou plusieurs semaines. Le résultai le plus fréquent des coups de foudre d'une intensité médiocre est une paralysie partielle, et plus ou moins persistante, d esjambues ou des bras. M. Edouard Robin attribue la mort produite par la foudre à une sorte d'asphyxie, ou à une sorte de dispa- rition subite de l'oxygène atmosphérique. Il trouve une preuve à l'appui de sa théorie dans les observations faites par un médecin italien , et desquelles il résulterait que la putréfaction dans les corps où la mort a été déterminée par l'action de la foudre est, comparativement, très-peu active. CHAPITRE L. LA FOUDRE Br.lLE OKDINAIREMENT LE POIL SUR TOUTES LES PARTIES DU CORPS DE l'I.NDIVIDU QU'ELLE FRAPPE. Les exemples d'un pareil effet sont aussi nombreux que certains. Je bornerai mes citations à un petit nombre de cas qui ont été signalés par des circonstances exception- nelles. Voici ce que j'extrais d'mie relation que m'a com- muniquée M. Rihouet , capitaine de frégate. Cet officier remplissait les fonctions de second sur le vaisseau de ligne le Golymin, lorsque ce navire fut foudroyé dans la nuit du 21 au 22 février 1812, à sa sortie du port de Lorient. M. Rihouet reçut plusieurs blessures à la tète. « Le len- demain, dit ce capitaine de frégate, lorsque je voulus me raser, je trouvai que la barbe ne se coupait pas; elle LE TONNERRE. 377 s'arrachait sous l'action du rasoir. Depuis ce jour, elle a totalement disparu. Les cheveux, les cils, les sourcils et enfin tous les poils du corps toml^èrent successivement ; de- puis lors, je suis resté entièrement épilé. Pendant l'année 1813, les ongles des mains s'en allaient par écailles; ceux des pieds n'éprouvèrent aucun cliangement visible. » Je trouve, dans les Carias eruJitas du père Feyjoé, qu'après la chute de la foudre dans la ville de Santiago, un jeune homme , Juan Francisco Mcnendez Miranda , près duquel passa le météore, mais sans le blesser en aucune manière, commença à perdre ses cheveux et le poil qui couvrait diverses parties de son coips , de telle manière cju'au bout de quelques jours, on aurait dit qu'il avait été complètement épilé. CHAPITRE LI. LES COUPS DE FOUDRE TRÈS-L\TE>'SES TUEXT LES HOMMES, LES AMMAUX, LES VÉGÉTAUX; LES COUPS DE FOUDRE d'i.MK.Ns.ITÉ MÉDIOCRE ONT SOUVENT LA PROPRIÉTÉ DE DÉBARRASSER LES HOMMES ET LES AMMAUX DE MALADIES DONT ILS SOUFFRAIENT ANTÉRIEUREMENT ET MÊME DE HATER LA CROISSANCE DES VÉGÉTAUX. -^ M. Quatrefages a rapporté en détail, en 1838, deux cas parfaitement authentiques de pareils elTets. Le 20 juin 1831, un employé du télégraphe de Stras- bourg , ayant été frappé de la foudre dans sa guérite , tomba sans connaissance sur le plancher. Le cou, les bras étaient raidcs et paralysés , ainsi que les membres inférieurs. La paralysie du côté gauche persista juscju'au lendemain matin. 378 LE TONNERRE. « Cet employé, avant son accident, jouissait d'une assez bonne santé, mais lorsque ses blessures furent cicatrisées, il nous répéta souvent, dit M. de Quatrefages, que jamais de sa vie il ne s'était aussi bien porté. 11 avait acquis un embonpoint remarquable , et attribuait lui-même au coup de foudre l'amélioration sensible que sa santé avait éprouvée à dater de ce moment. » Le 10 juin 1835, à la Martinique, M. Roaldès , ayant été frappé de la foudre, tomba à terre, paralysé des membres inférieurs et du bras droit , mais cette paralysie ne fut pas de longue durée : elle céda à des frictions répétées. Trois heures après l'accident, il n'en restait plus de traces. M. Roaldès, dont la santé était précédemment délabrée, se rétablit à la suite de cette puissante com- motion. M. Cartheuser cite le cas d'un amaurotique qui fut guéri par l'impression de la foudre. A Plancy, département de l'Aube, la foudre tomba, le 20 juillet 18/|3, dans un atelier où étaient plusieurs ouvriers bonnetiers. A la suite de cet événement, un de ces ouvriers, atteint de douleurs rhumatismales, se trouva entièrement guéri. Un cheval de prix et malade, appartenant au lieute- nant-colonel du T régiment de chasseurs, qui faisait partie d'une colonne foudroyée, le lo juin 18/i2, à Tarbes, portait divers sétons, et les vétérinaires l'avaient condamné. Cependant, à partir du lendemain de l'acci- dent, la santé de cet animal s'améliora rapidement. Après douze jours, tout danger avait cessé. {L'Écho du monde savant, du 7 août 18/i2.) LE TONNERRE. 379 Le fait suivant est en complet désaccord avec les idées dominantes sur l'influence que le temps orageux exerce sur le développement de certains insectes, et particulière- ment des vers à soie. Le 11 juin 18/i!2, le tonnerre tomba sur une ferme située à Saint-Jean-du-Pin , près d'Alais, et y blessa gravement trois personnes qui se trouvaient accidentelle- ment dans la magnanerie dépendante de l'établissement. Ni la vive lumière, ni le bruit, ni les vapeurs sulfureuses, ni la fumée, ni la matière de la foudre, ne portèrent le moindre préjudice aux vers à soie; au contraire, ils parurent électrisés dans toute l'acception du terme, et continuèrent de travailler avec un redoublement d'ac- tivité. Aux exemples que nous avons cités et qui nous pré- sentent la foudre comme un instrument de dommages, je pourrais en joindre beaucoup d'autres dans lesquels ce météore a agi sur les végétaux d'une manière toute contraire. Je me bornerai à un seul , dont j'ai pu moi- même constater la réalité. 11 existait, il y a quelques années, entre Tours et Rochemort, un château, celui de Comacre, auquel on arrivait par une avenue de cjuinze cents peupliers. La foudre tomba sur un de ces arbres, et laissa, sur sa souche et sur le sol environnant, des marques évidentes de son action. Eh bien , à partir de l'événement , la croissance de l'arbre foudroyé devint tout à fait excep- tionnelle , les dimensions de sa souche dépassèrent bien- tôt celles de tous les autres arbres de l'avenue, tellement que la différence frappait les personnes les plus inat- 380 LE TONNERRE. tontivcs et qui ignoraient complètement révénement qui en avait été la cause. CHAPITRE LU. LST-IL PROLVÉ, EN FAIT, QUE DES l'AnATONNERUES AIENT PnÉ- SERVÉ DES RAVAGES DE LA FOLDUE DES DATIMENTS SLR LESQUELS ON" LES AVAIT ÉTABLIS? D'après la manière dont la question vient d'être posée, chacun a déjà deviné que nous essaierons ici de la résoudre par les simples faits et sans recourir en aucune façon aux déductions, du reste, si simples, si directes, si légitimes, qui tout à l'heure nous dévoilaient le mode d'action des paratonnerres. Les faits, nous les emprunte- rons, comme on verra, à tous les pays; ils seront nom- breux, car c'est par leur nombre qu'ils acquièrent du prix et de l'importance. Le temple des juifs à Jérusalem exista depuis le temps de Salomon jusqu'à l'an 70 de Jésus-Christ, ce qui fait un intervalle de plus de mille ans. Ce temple, par sa situation , était complètement exposé aux orages très-forts et très-fréquents de la Palestine. Cependant la Bible et Josèphe ne disent pas que la foudre l'ait jamais frappé. Si l'on se rappelle avec quel soin les anciens peuples enregistraient les tonnerres qui produisaient quelques dé- gâts; combien de fois, par exemple, les annales de Rome font mention de ceux qui atteignirent le Capitole ou d'autres édifices, on ne pourra guère expliquer le silence de l'Écriture sainte à ce sujet, qu'en admettant, avec l'orientaliste Michaclis, que le temple de Jérusalem ne LE TONNERRE. 381 reçut pas, en dix siècles, un seul coup véritablement foudroyant. Veut-on ajouter à la probabilité de cette con- clusion, je rappellerai que le temple, boisé intérieurement et extérieurement , aurait certainement pris feu si un fort coup de tonnerre était venu le frapper. Le fait une fois bien établi , nous devons , à la suite de Michaëlis et de Lichtenberg, en chercher la cause. Cette cause est très-simple. Par une circonstance fortuite , le temple de Jérusalem se trouvait armé de paratonnerres semblables à ceux qu'on emploie aujourd'hui et dont la découverte appar- tient à Franklin ! Le toit du temple, construit à l'italienne et lambrissé en bois de cèdre recouvert d'une dorure épaissse, était garni d'un bout à l'autre de longues lances de fer ou d'acier pointues et dorées. Au dire de Josèphe , l'archi- tecte destinait ces nombreuses pointes à empêcher les oiseaux de se placer sur le toit et d'y laisser tomber leur fiente. Les faces du monument étaient aussi recouvertes, dans toute leur étendue, de bois fortement doré. Enfin, sous le parvis du temple, existaient des citernes dans lesquelles l'eau des toits se rendait par des"1uyaux métal- liques. Nous trouvons ici, et les tiges des paratonnerres, et une telle surabondance de conducteurs, que Lichten- berg avait toute raison d'assurer que la dixième partie des appareils de nos jours sont loin d'olTrir, dans leur construction, une réunion de circonstances aussi satis- faisante. Définitivement le temple de Jérusalem , resté in- tact pendant plus de mille ans, peut être cité comme la 382 LE TONNERRE. preuve la plus manil'este de rcfficacitc des paratonnerres. Dans la Carinthie, au château du comte Orsini, réglise, placée sur une éminence, était si souvent frap- pée de la foudre, il y arrivait tant d'accidents déplora- bles, qu'on avait fini par ne plus y célébrer le service divin en été. Dans le courant de l'année 1730, un seul coup de foudre détruisit entièrement le clocher. Après qu'il fut rebâti, ce météore continua , terme moyen , à le frapper quatre ou cinq fois par an. Dans ce calcul , je prie bien de le remarquer, on ne tient pas compte des orages extraordinaires pendant lesquels cinq, et môme dix coups foudroyants, atteignaient le clocher dans une seule journée. Vers le milieu de 1778 , à la suite d'un de ces orages, le bâtiment menaçant de nouveau ruine, il fut démoli et reconstruit immédiatement après; mais cette fois , on le munit d'un paratonnerre pointu et d'un bon conducteur. En 1783, date de la note de Liclitcn- berg où je puise tous ces détails , c'est-à-dire après une période d'environ cinq années, au lieu de vingt à vingt- cinq coups, le clocher n'en avait reçu qu'un, et celui-là môme était tombé sur la pointe métalhque , sans produire aucun accident. Dans le printemps de l'année 1750 , la foudre tomba sur la tour de l'horloge hollandaise de New- York. De la cloche, elle se rendit à l'église, établie 7 à 8 mètres plus bas , en suivant, à travers plusieurs plafonds , le fil métal- lique à l'aide duquel les rouages mettaient en mouvement le marteau des heures. Tant que le métal ne lui manqua pas , elle ne fit aucun dégât dans la bâtisse; elle n'élargit môme pas les trous qui donnaient passage au fil à travers LE TONNERRE. 383 les plafonds , quoique leur diamètre ne fût guère que de 13 millimètres. Jusqu'à quelque distance de sa partie inférieure, le fil n'éprouva d'autre dommage que celui d'être réduit aux deux tiers de son épaisseur primitive. Dans le bas, sa fusion fut complète; mais aussi, à partir de là, la foudre s'élança sur les gonds d'une porte voisine, brisa la porte et se dissipa. En 1763, le tonnerre tomba sur le même clocher avec des effets identiques, quoique le fil de communication entre le marteau de la cloche et les rouages de l'horloge eût été remplacé par une petite chaîne en cuivre. En 1755 , nouvelle explosion. Alors la tige de la girouette communiquait avec un conducteur en fer, exté- rieur , continu , et qui descendait jusque dans le sol humide ; aussi la porte et le fil du marteau de l'horloge restèrent, cette fois, parfaitement intacts; la bâtisse n'éprouva également aucun dommage. Depuis sa construction , l'église de Saint-Michel , à Charlestown , était visitée et endommagée par la foudre , tous les deux ou trois ans. On se décida à y placer un paratonnerre. En illli, M. Henley apprenait d'Amé- rique c|ue, durant la période de quatorze 'ans qui s'était écoulée , à partir de l'établissement de l'appareil , l'église n'avait plus été .rappée. En 1772, Toaldo imprimait que le château royal de Turin, le Valentino, n'était plus frappé de la foudre depuis que Beccaria avait armé ses principaux pavillons de tiges métallicjues élancées, auxquelles aboutissaient des fils pénétrant dans le sol. Avant cette époque, le château était souvent ravagé. 384 LE TONNERRE. T.c clocher de Saint-Marc , à Venise, dont la conslruc- tion date d'une époque très-reculée, n'a pas moins de' \Ofl mètres d'élévation. La seule pyramide qui le sur- monte a 27'". G. Le tout se termine par un ange en bois recouvert de cuivre, de 3"'. 1 de haut. La grande élévation de ce clocher, sa position isolée , et , par-dessus tout , la multitude de pièces de fer qui entrent dans sa construction, l'exposaient fortement à la foudre. Aussi a-t-il été fréquemment frappé. Malheureu- sement les registres de la ville ne mentionnent pas tous les coups : ils n'ont relaté en général que ceux qui néces- sitèrent de dispendieuses réparations. En voici , au sur- plus , le tableau : 1388, 7 juin (point de détails); llxi.7, — la pyramide incendiée; 1^89, 12 août, la pyramide réduite de nouveau en cendres; 15/i8, ...juin (point de détails); 15G5, — lUem. 1653, — Ide7n. 17Zi5, 23 avril, grands dégâts. Trente-sept crevasses menaçaient la tour de ruine. La réparation coûta plus de ZiO,000 francs. 1761, 23 avril, dégâts peu considérables; 1762, 23 juin, de notables dommages. Au commencement de l'année 1776 , le clocher de Saint-Marc fut armé d'un paratonnerre. Il n'est pas venu à ma connaissance que, depuis cette époque, il ait été endommagé par la foudre. La belle tour de Sienne était très-souvent foudroyée, et, chaque fois fortement endommagée. A peine fut-elle pourvue, en 1777, d'un paratonnerre, qu'elle reçut le LE TONNERRE. 385 18 avril une nouvelle décharge. Seulement, cette fois, le météore ne produisit absolument aucun dégât. Je lis, dans un Mémoire de M. W.-S. Ilarris, qu'il y a en Devonshire six églises surmontées de clochers élevés ; ' que toutes les six , dans le court intervalle de quelques années, ont été frappées par la foudre; qu'une seule l'a été sans avoir éprouvé de dommage , et que c'est précisé- ment aussi la seule qui soit armée d'un paratonnerre. Genève est fort exposée aux orages , et cependant les tours de sa cathédrale, quoiqu'elles soient l'édifice le plus élevé de la ville, quoiqu'elles dominent sur tous les objets placés dans les environs à une grande distance, jouissent depuis plus de deux siècles et demi du privilège de n'être point foudroyées. Au contraire , le clocher, beaucoup plus bas, de Saint-Gervais, est assez souvent endommagé par le météore. Saussure cherchait, dès l'année 1771, la cause de cette singulière anomalie, et il la trouvait dans les con- ducteurs accidentels dont les tours de la cathédrale sont munies. La tour du milieu existe depuis près de trois cents ans, « et comme elle est toute en bois, dit Saussure, elle a dû toujours être , comme elle l'est encore actuel- lement, recouverte de fer-blanc de haut en bas; or, il est aisé de concevoir qu'un volume aussi considérable de métal a toujours dû faire un excellent conducteur, et que sa large base communiquant avec toutes les parties de l'édifice a pu facilement rencontrer, dans son étendue, quelque matière qui achevât la communication. » Ajou- tons, pour compléter l'explication de l'illustre physicien, que la communication avec le sol se faisait, à des degrés IV. — I. 25 3S6 LE TONNERRE. dilTéronts il est vrai, par toutes les matières, par toutes les parties de rédifice, et que le nombre suppléait ainsi à rintensitc. Disons enfin que les tuyaux de plomb ou de fer-blanc adaptés depuis plus d'un siècle aux murs du temple et qui conduisent les eaux pluviales sous terre, forment une communication peut-être plus parfaite que celle des barres ordinaires. La grande colonne de Londres, nommée le Monun^ent, fut élevée dans Tannée 1G77, par Christophe Wren , en commémoration du grand incendie de cette capitale. Elle a environ G2 mètres de hauteur, à compter du pavé de Fish-Street. Sa partie supérieure se termine par un large bassin de métal, rempli d'un grand nombre de bandes également métalliques, plus ou moins contournées, diri- gées dans divers sens , et qui , étant destinées à figurer des flammes, sont toutes terminées en pointes très- aiguës. Du bassin jusqu'à la galerie, descendent vertica- lement quatre fortes barres de fer, qui servent d'appui aux marches de l'escalier de même métal, aboutissant au bassin. Une des quatre barres (elle n'a pas moins, à sa base, de 13 centimètres de large, sur 25 millimètres d'épaisseur) est en communication avec les mains cou- rantes en fer de l'escalier, lesquelles descendent jusqu'au sol. Tout le monde retrouvera ici les pointes multiples de certains paratonnerres et le conducteur. Je n'ai pas appris que , dans les cent soixante années qui se sont écoulées depuis 1677, un seul coup de foudre ait frappé le Monu- ment. Les dégâts faits par la foudre dans la tour de Stras- bourg étaient chac^ue année l'occasion d'une dépense con- LE TONNERRE. 387 sidérable. Depuis l'époque assez récente où la flèche a été armée d'un paratonnerre, les dégâts sont nuls et la dé- pense a disparu du budget municipal. Le 12 juillet 1770, la foudre tomba simultanément, à Philadelphie, sur un sloop dépourvu de paratonnerre, sur deux maisons qui étaient dans le même cas, et sur une troisième maison défendue par un de ces appareils. Dans les quatre points, la détonation parut épouvantable. Les deux premières maisons et le sloop furent gravement endommagés; la maison armée d'un paratonnerre resta parfaitement intacte : on remarqua seulement que la pointe de la tige était fondue dans une assez grande lon- gueur. En 1813 , dans le mois de juin , au port royal de la Jamaïque, le vaisseau le Norge et un navire marchand, non munis l'un et l'autre de paratonnerres, furent frappés par la foudre et gravement endommagés. Les aulres bâtiments, en grand nombre, que le port renfermait, dont le Norge et le navire marchand étaient entourés, n'éprouvèrent aucun dégât : tous ceux-là avaient des paratonnerres. En janvier 1814, la foudre tomba dans le port de Ply- mouth. Des nombreux vaisseaux stationnant dans l'ha- moase, un seul fut frappé et endommagé. Ce vaisseau, le Mil for cU était aussi le seul qui, dans le moment, ne se trouvât pas armé d'un paratonnerre. En janvier 1830, dans le canal de Corfou, trois coups de foudre terribles atteignirent le paratonnerre du vais- seau anglais VEtna : le bâtiment n'en éprouva aucun dommage. Les vaisseaux, sans paratonnerres, le Macla- 388 LE TONNIIRRE. goscar et le Mosquelo, placés non loin de VElna^ furent également frappés : sur ces deux derniers navires, il y eut des dégâts considérables. CIIAPlTTiE LTII. LES PARATON^KURKS A TIGKS ÉLANCKKS ET POINTUES ATTIREM-ILS LA FOUDRE ? Je viens de prouver que la foudre ne produit point de dégât dans les bâtiments sur lesquels elle tombe , quand ces bâtiments se trouvent armés de bons paratonnerres. Les paratonnerres, pourvu qu'on les multiplie suffisam- ment, sont des préservatifs à peu près certains. Je ne connais aucun cas où ils se soient montrés inefficaces, sans qu'en même temps des défauts palpables de con- struction aient été immédiatement découverts. Je ne voudrais pas affirmer, cependant, que de très-rares exceptions fussent absolument impossibles. Si l'existence d'une action puissante des barres métalliques et particu- lièrement des barres pointues, soit sur la matière ful- minante renfermée dans les nuages, soit sur cette même matière quand elle s'est déjà échappée à l'état d'éclair en zigzag, ne peut guère donner lieu à des difficultés sé- rieuses , il n'en est plus ainsi du cas où la matière de la foudre a pris la forme d'un globe de feu et paraît s'être assimilé des substances pondérables. Ces cas exception- nels, au surplus, doivent être si rares, qu'ils ne valent pas la peine de nous occuper. Aussi n'est-ce pas de ce côté que les paratonnerres excitent des scrupules; leur pro- priété préservatrice n'est plus guère niée ; seulement on . LE TONNERRE. 389" croit qu'à raison du mode d'action qui leur est propre, ils attirent la foudre; on prétend qu'une maison poui'vue d'un paratonnerre est plus souvent foudroyée que si le paratonnerre n'y était pas. Cette opinion, Nollet la soutenait en 170/^; Wilson aussi s'en montra le très-ardent avocat; or, comme la garantie du conducteur ne paraissait pas infaillible, la multiplicité des coups, conséquence présumée de l'action de la pointe, devait, suivant ces deux physiciens, anéan- tir et au delà les bons effets du conducteur. Voilà comment ils arrivèrent à déclarer que les paratonnerres de Franklin étaient plus dangereux qu'utiles. J'exciterai probablement quelque surprise si j'affirme qu'il y a des indices assez évidents de l'opinion que les paratonnerres à tiges pointues augmentent le nombre des coups foudroyants, même dans les écrits de partisans les plus déclarés de l'invention de Franklin ; mais , je le demande, que signifierait sans cela ce précepte de Toaldo : «A l'égard des magasins à poudre, il convient de se tenir sur la défensive, de ne pas placer de pointe sur l'édifice, et de se contenter de mettre toutes les pièces métalliques qu'on y remarque en communication avec le conducteur? » Ce préjugé détourne beaucoup de personnes de recourir aux paratonnerres, par un sentiment analogue à celui qui les tiendrait éloignées d'un épais parapet en terre, contre lequel seraient incessamment dirigés les impuissants bou- lets d'une batterie; mais il sera renversé de fond en comble si l'on veut seulement prendre la peine d'examiner avec un peu d'attention les faits rapportés dans le cha- pitre précédent. 390 LE TONNERRE. Que voyons-nous, en cflbt, dans Tcglisc de Carinthie? quatre ou cinq coups par an , tant que le paratonnerre n'existe pas, et un coup dans cinq ans après rétablisse- ment de cet appareil. Dans l'église de Charlcslown , la diminution est telle, qu'en quatorze ans il n'y a pas un seul coup foudroyant, tandis qu'à en juger par ce qui arrivait avant que le paratonnerre fût construit , on aurait dû en observer six ou sept. Au Valentino, les paratonnerres de Beccaria font tota- lement disparaître les coups foudroyants qui précédem- ment étaient si communs. Le Monument, à Londres, quoiqu'il n'ait qu'un para- tonnerre accidentel , ne paraît pas avoir été foudroyé en cent soixante ans. En iSl/i, à Plymouth, parmi un grand nombre de bâtiments qui séjournaient, comme d'habitude, dans Hamoadc, l'un des trois ports de cette ville, un seul navire est atteint d'un coup foudroyant, et ce bâtiment est le seul aussi qui n'ait pas de paratonnerre. Voici, enfin, un cas qui nous présentera, comme disait Fontenelle, la nature sur le fait : Le 21 mai 1831, pendant un très-violent orage, le vaisseau le Caledonia était à la voile dans la baie de Plymouth. De la ville on voyait la foudre se précipiter vers la mer à de médiocres distances du vaisseau ; elle tombait aussi sur le rivage et y occasionnait divers acci- dents : entouré de tous ces coups foudroyants, le Caledo- nia, armé de ses paratonnerres, n'était jamais atteint, et il naviguait avec la même sécurité que par un ciel serein. LE TONNERRE. 391 Une maison de campagne, appartenant à la famille du célèbi-e physicien Macédoine Melloni , est située près du village de Vallera , éloigné d'une petite lieue de la ville de Parme; le belvédère de cette maison est dominé, à la distance de 50 à 60 mètres, par des chênes, des ormes, des frênes et aussi par le clocher de l'église de Vallera. Les habitants de la contrée ne se rappellent pas que cette maison, ainsi que les arbres environnants et l'église, aient jamais été frappés de la foudre avant 1830 , époque à laquelle un paratonnerre fut placé sur le sommet du toit qui couvre le belvédère. Mais, dans l'été de 1831 , la foudre tomba sur le paratonnerre en question, et avec une telle violence, que la pointe assez épaisse, en cuivre doré, fut entièrement fondue, et le conducteur fortement ébranlé. Si cette relation , mise en regard du dire de tous les habitants, montre que la tige métallique fut la cause déterminante de la chute de la foudre, elle prouve, de plus, que cette tige, dont le conducteur se rendait dans un puits renfermant toujours une certaine quantité d'eau, remplit parfaitement sa destination, car la maison ne reçut aucun dommage du coup foudroyalit qui l'at- teignit. J'ai cité beaucoup de cas, parce qu'en pareille matière rien ne peut suppléer au nombre. Un fait, deux faits iso- lés, favorables ou contraires à la thèse que j'avais en vue, auraient été sans importance. La cause de la curieuse influence exercée par les paratonnerres, et que nous venons de constater, sera entrevue de tout le monde , en se reportant aux expériences de Beccaria sur le nombre 392 LI- TON NI- Il II F.. prodigieux d'étincelles que, dans des temps orageux, les tiges aiguës du Yalentino enlevaient silencieusement aux nuages. Au surplus, clair ou obscur sous le rapport théorique, le fait n'en es! pas moins certain : les paraton- nerres n'ont pas seulement pour elVot de rendre les coups f tudroyants inolTensifs ; par leur influence, le nombre de ces coups est, en outre, considérablement réduit. CHAPITRE LIV. DES MOYENS DE PllÉVEXIR LES COUPS FOUDROYA.NTS QUI POUn- RAIENT FRAPPER LES MONUMENTS ÉLEVÉS, TELS QUE LA COL'JNNE DE LA PLACE VENDÔME ET l'OBÉLISQUE DE LOUQSOR. Cette question a été vivement débattue à l'époque où l'obélisque de Louqsor fut recouvert , dans sa partie supé- rieure, d'un pyramidion formé d'une composition pier- reuse artificielle et destinée à remplacer celui que l'action subite de la foudre ou l'action lente d'autres météores atmosphériques avaient mutilé. Nous allons parcourir succinctement les arguments qu'on allégua de part et d'autre. Parlons d'abord de la colonne de la place Vendôme. Cette colonne est revêtue, dans toute sa hauteur, d'une enveloppe métallic{ue épaisse : on peut donc l'assimiler à un paratonnerre de dimensions colossales. La matière de la foudre, en tombant sur une portion quelconque de la statue dont la colonne est surmontée, doit se répandre aussitôt sur toutes les parties métalliciues qui constituent le monument, et diminuer par là d'intensité dans une immense proportion ; en arrivant à la base de la colonne, LE TONNERRE 393 le courant de matière fulminaire, devenu à peine sensible, trouvera un écoulement suffisant dans les pierres humides qui composent le piédestal , et ensuite dans le pavé de la place. On peut donc affirmer que, dans ce cas particulier, un paratonnerre ne produirait aucun effet utile. Passons maintenant h l'obélisque de Louqsor. Suppo- sons qu'au pyramidion actuel dont on a surmonté le monument, on substitue un pyramidion en métal; qu'à chacun de ses angles correspondants à ceux de l'obé- lisque soit attachée une corde métallique descendant jusqu'au sol , ce qui n'altérera pas l'aspect monumental du monolithe, et ne cachera aucune partie des inscrip- tions hiéroglyphiques dont ses faces sont couvertes. Sup- posons, pour répondre à toutes les difficultés, que les quatre cordes dont il vient d'être parlé soient prolongées à travers la bâtisse du piédestal jusqu'au terrain humide, et toutes les conditions correspondant à un bon paraton- nerre se trouveront satisfaites; on pourra affirmer que l'obélisque ne courra aucun risque, quelle que soit l'in- tensité des orages qui l'assailliront un jour. La bonté de cette solution n'était pas contestée; on disait seulement que le monolithe, par sa masse, pouvait se passer de toute protection artificielle, sans réfléchir qu'alors même que le dégât se réduirait à l'enlèvement Ce quelque éclat du monument primitif, l'événement pour- rait avoir des conséquences fâcheuses pour l'art et pour les études archéologiques futures. Argumenter, pour se rassurer, de la masse de l'obélisque , c'est ne pas se sou- venir des faits que la science a enregistrés , c'est oublier ce que nous avons déjîi dit de la roche de 3i2 mètres 39i LE TONNERRE. de long et de 3 mètres de large qui fut arrachée par un coup de foudre, en Ecosse, vers le milieu du siècle der- nier, c'est ne tenir aucun compte de l'opinion populaire qui, suivant M. Mérimée, attribue à un coup de foudre la chute et la rupture des fragments du grand menhir de Locmariaker. Remarquons que ces deux fragments réunie pèsent 250,000 kilogrammes. CHAPITRE LV. PHÉNOMÈNES PRODUITS PAR LXLECTRICITK ARTIFICIELLE; DE LEL'R RESSEMBLANCE AVEC LES PHÉNOMÈNES ENGENDRÉS PAR LA MATIÈRE DE LA FOUDRE. L'ambre jaune, lorsqu'il a été frotté, attire vivement les corps légers , tels que des barbes de plmiie , des brins de paille, de la sciure de bois. Théophraste, parmi les Grecs, Pline, chez les Romains, citèrent déjà cette pro- priété, mais sans paraître y attacher plus d'importance qu'à un simple accident de forme ou de couleur ; ils ne se doutaient pas qu'ils venaient de toucher au premier amieau d'une longue chaîne de découvertes ; ils mécon- nurent l'importance cVune observation dont les modernes ont fait jaillir tout un monde de faits, aussi curieux par leur singularité qu'importants par les conséquences qu'on en a déduites : on les a appelés phénomènes électriques, du mot électron, par lequel les Grecs désignaient l'ambre. Les corps terrestres peuvent être partagés en deux classes, eu égard à la possibilité d'y développer de l'élec- tricité par voie de frottement. Ainsi le verre , la résine , l'ambre, le succin, etc. , deviennent facilement électriques, LE TONNERRE. 395 lorsqu'on les frotte. Un de nos compatriotes, membre de l'Académie des sciences, Dutay, reconnut qu'il y avait des différences essentielles entre l'électricité qui se déve- loppe à la surface du verre et celle qui , dans des cir- constances analogues, fait son apparition sur la surface des résines : la première de ces électricités porte le nom d'électricité vitrée ou positive, la seconde a été appelée l'électricité résineuse ou négative. Supposons qu'une baguette électrisée résineusement soit mise en présence d'une baguette à la surface de laquelle on a excité l'électricité vitrée, on verra à l'instant un trait de feu s'élancer d'une baguette sur l'autre, avec cette particularité remarquable que le trait lumineux en question , au lieu d'être droit, affectera la forme en zigzag prononcée. Les mêmes phénomènes se montreront , quoi- que avec un peu moins d'intensité , les distances restant les mêmes, lorsqu'une baguette non électrisée sera mise en présence d'une baguette électrisée positivement ou négativement. Si l'une des baguettes est terminée en pointe et se pré- sente par cette portion à la baguette électrisé^, cette der- nière perd l'électricité; mais, dans ce cas, les manifes- tations lumineuses sont beaucoup moins tranchées. Toutes ces circonstances se retrouvent de point en point dans les phénomènes qu'offre la matière fulminante naturelle : voyez, par exemple, l'expérience de Beccaria, page 337, dans laquelle le pouvoir tout à fait particulier des pointes est rendu évident. A l'aide de l'électricité arlificicllo, on fond des fils métalliques plus et moins longs et plus ou moins gros. 396 LE TONNERRE. suivant la furcc de la macliinc employée ; ces phéno- mènes, dans lem- ensemble et dans leurs détails, rcsscm- h\rn[ parfaitement aux phénomènes de fusion produits par la foudre, que nous avons décrits avec de nombreux détails (chap. xviii, xx, xxi). Si un trait lumineux est produit dans une masse d'air, ce trait ac(iuiert exactement les mêmes propriétés, soit qu'il naisse spontanément dans le fluide, soit qu'il pro- vienne de quelques combinaisons particulières; ainsi, il se développera la môme odeur dans les deux circonstances ; ainsi, la fusion que le trait engendre sera la même dans les deux cas; ainsi, la plaque métallique que le trait ira frapper sera également percée d'une ou de deux ouver- tures dans les deux cas, etc., etc., etc. 11 n'est qu'une circonstance dans laquelle le pliysicien ne sait pas engen- drer ce que la nature produit avec tant de facilité : il ne sait pas donner naissance au tonnerre en boule; il ne sait pas produire ces agglomérations sphériques de matière, lesquelles se meuvent avec lenteur, sans perdre la pro- priété de fulminer les coips. 11 y a à ce sujet, dans la science, une lacune qu'il serait très-important de combler. Au reste, quoi qu'il puisse résulter des recherches qui seront entreprises à ce sujet, il est dès ce moment un point parfaitement établi, c'est que l'électricité ordinaire et rélectricité artificielle sont généralement une seule et même chose. M. ]\Iûncke rapporte qu'un homme d'une force peu ordinaire, ayant reçu accidentellement, à travers le bras et le thorax, la charge d'une batterie qui n'avait cepen- dant pas plus de 18 décimètres carrés de surface, tomba LE TONNERRE. 397 et resta dans un état d'insensibilité complète pendant une heure. Franklin reconnut qu'on peut, avec rélectricité artifi- cielle accumulée dans deux jarres de 27 litres de capa- cité, tuer un dindon. Ces deux exemples, rapprochés des cas nombreux dans lesquels nous avons vu la matière de la foudre tuer des hommes et des animaux, montrent l'analogie ou plutôt la parfaite identité des deux matières. CHAPITRE LVr. DU r.ÔLE DE LA FOLDKE DANS LA NATURE. En parlant dans le chapitre xvii (p. 93) des modifi- cations chimiques que la foudre fait subir à l'air atmosphé- rique , nous avons dit que les expériences de Cavendish faites en petit, dans le laboratoire, sur la production de l'acide nitrique à l'aide de l'azote et de l'oxygène de l'aii', se combinant sous l'influence de Félectricité, devaient faire supposer que la foudre produit le même acide en sillonnant d'immenses étendues de l'atmospïière. Nous avons ajouté c|ue quekiues analyses de M. Liebig sur des pluies d'orage avaient démontré la vérité de cette conclu- sion. Plus récemment M. Barrai, en analysant, mois par mois , toutes les eaux de pluie recueillies pendant deux années à l'Observatoire de Paris, a donné une plus haute idée de l'importance du rôle du passage de la matière de la foudre à travers les régions aériennes. M. Barrai a trouvé constamment du nitrate d'ammoniaque dans les 398 LE TONNERRE. eaux moyennes de chaque mois de Tannée, c'est-à-dire même pour des époques où il ne tonne pas à Paris. Ce résultat n'a rien de contraire à Torigine électrique du nitrate d'ammoniaque ', car d'après les résultats que nous avons réunis dans cette Notice, on doit reconnaître qu'il n'y a probablement pas un seul jour de l'année oi!i l'on puisse dire qu'il n'a pas tonné ou éclairé en quelque lieu de la terre. Or, les nuages qui se résolvent en pluie à Paris , ont parcouru des régions dont il ne nous est pas permis de limiter l'étendue. Quand on considère le rôle important des sels ammoniacaux dans la végétation, on n'est pas éloigné de penser que peut-être l'explication des jachères est liée au passage de la matière de la foudre à travers l'atmosphère, que son dégagement soit lent, sans donner de lumière ou d'étincelles visibles, ou qu'il soit accompagné d'éclairs et de tonnerre. Nous avons vu qu'il y a des localités oii il tonne beau- coup plus souvent que dans des lieux peu éloignés. On sait aussi que les nitrières naturelles, que les grottes sal- pêtrées ne se rencontrent que dans des terrains particu- liers. Il serait intéressant de chercher si les lieux oh le salpêtre se forme dans des sols contenant d'ailleurs les alcalis terreux nécessaires à sa composition , ne sont pas dans des conditions spéciales relativement au dégage- ment de l'électricité atmosphérique; si, par exemple, il n'y tonne pas d'une manière exceptionnelle. 1. L'ammoniaque, formée, comme on sait, d'iiydrogène et d'azote, peut elle-même provenir de la même cause électrique qui, décom- posant l'eau atmosphérique, donnerait de riij'drogèno dans cet état que les chimistes appellent état naissant et qui est spécialement convenable pour sa combinaison avec l'azote de l'air. LE TONNERRE. 399 CHAPITRE LYIl. SUR LA THÉORIE DE LA FOUDRE. Nous pensons être parvenu à montrer T identité de l'électricité ordinaire de nos laboratoires et de Télectri- cité atmosphérique. Mais il reste à expliquer d'oii vient l'immense quantité de matière de la foudre qui circule avec tant d'abondance dans les temps d'orage à travers tous les corps , et qui s'est accumulée en certains nuages pour faire tout à coup explosion avec des effets si divers. Ce sujet est digne de l'attention de tous les amis des sciences , et nous n'avons jamais cessé de le placer parmi les objets sur lesquels devaient spécialement porter les instructions données aux voyageurs et aux météorolo- gistes. Dans le cours de notre Notice sur le tonnerre, nous avons eu soin de montrer les points nombreux sur les- quels il était nécessaire de réunir un plus grand nombre d'observations. Nous placerons seulement ici l'indication de quelques particularités que nous avons cru devoir recommander soit aux officiers de la Bonite, pour le voyage de circumnavigation que ce navire a accompli en 1836 et 1837, soit aux expéditions scientifiques du Nord et de l'Algérie. § l«f. — Des lieux où il ne tonne jamais. Nous avons dit que probablement il y avait en pleine mer des lieux où il ne tonne jamais. En Norvège, assure- t-on, les orages deviennent d'autant plus rares qu'on 400 LE TONNERRE. s'éloigne davanlagc des côtes maritimes. S'il fallait s'en rapporter i\ quelques voyageurs, il y aurait déjà, sous ce rapport, des difTércnccs notables entre l'entrée et le fond de chacune des immenses baies dont le pays est sillonné. C'est un sujet d'observations bien digne de l'at- tention des météorologistes. § 2. — Klrcdicité pris des cascades. En 178G, Tralles trouva près de la cascade du Slaub- bach , que la pluie extrêmement fine qui s'en détachait donnait des signes manifestes d'électricité négative. Le Reichenbach lui offrit les mômes phénomènes. Volta , peu de temps après, vérifia l'exactitude de l'observation de Tralles, non-seulement sur la cascade de Pissevache, mais encore partout où une chute d'eau , quelque insigni- fiante c{u'elle fût, donnait lieu, par l'intermédiaire du vent, à la dispersion de petites gouttelettes. Comme à Tralles , l'électricité lui parut toujours négative. Le physicien de Berne attribua d'abord l'électricité de la poussière d'eau dont toutes les grandes cascades sont entourées au frottement des gouttelettes sur l'air. Bientôt après il vit , avec Volta , la véritable cause de cette élec- tricité dans l'évaporation que les mêmes gouttelettes éprouvent en tombant. Cette explication a été combat- tue par M. le professeur Bclli. Sans nier que l'évapo- ration puisse avoir un certain effet dans le phénomène, M. Bclli réserve le rôle principal à l'action c{uc l'électri- cité atmosphérique doit exercer sur l'eau courante. L'eau, dit-il, sera par influence, par induction, à l'état négatif, quand l'atmosplière se trouvera, comme c'est l'ordinaire. LE TONNERRE. 401 chargée d'électricité positive. Au moment où cette eau se divisera en mille gouttelettes, elle ne pourra manquer de porter réicctricité dont l'induction de l'atmosphère l'avait imprégnée, sur tous les objets c|u'elle rencontrera. La théorie de M. le professeur Belli est susceptible d'une épreuve qui, d'un seul coup , en démontrera l'exac- titude ou la fausseté. Si elle est vraie, l'électricité du nuage dont les cascades sont entourées n'aura pas tou- jours le même signe : elle sera négative si l'atmosphère est positive ; on la trouvera positive , au contraire , quand les nuages seront négatifs. Ce sont donc des observations faites dans des temps orageux et non par un ciel serein, qui permettront de choisir entre la théorie de Volta et celle de M. Belli. § 3. — Explication des transports occasionnés par la foudre. Nous avons eu l'occasion de citer (p. 219 et 249) les expériences de M. Fusinieri , qui a étudié les effets de la foudre sous un point de vue entièrement neuf. Suivant ce physicien , les étincelles électriques prove- nant des machines ordinaires, que nous voyons traverser l'air, contiennent du laiton en fusion ef des molécules incandescentes de zinc, quand elles émanent d'un conduc- teur en laiton; si les étincelles partent d'une boule d'ar- gent, elles contiennent des particules impalpables d'ar- gent. Une sphère en or donne naissance, de la mémo manière, à des étincelles qui, pendant leur trajet dans l'atmosphère, renferment de l'or fondu, etc., etc. Dans le centre de toutes ces étincelles, il y a des molécules seulement fondues; mais sur le contour cxté- IV. — I. 26 402 LE TONNERRE. rieur, les parcelles métalliques éprouvent une combustion plus ou moins forte par leur contact avec l'oxygène de Tatmosphère. Lorsqu'une étincelle provenant d'une boule d'or tra- verse mic plaque d'argent même assez épaisse, on aper- çoit siu' les deux surfaces de cette plaque, au point d'entrée et au point de sortie du jet électrique, une couche circu- laire d'or dont l'épaisseur doit être bien petite, puisque la volatilisation naturelle suffit pour la faire disparaître en entier au bout de quelque temps. Suivant M. Fusinicri, ces deux taches métalliques se forment aux dépens de l'or en fusion que contient l'étincelle électrique. Le dépôt sur la première face n'aurait rien d'extraordinaire; mais en adoptant pour la tache de la surface de sortie l'expli- cation du physicien italien, on est obligé d'admettre que l'or disséminé dans l'étincelle primitive a traversé avec elle, du moins en partie, toute l'épaisseur de la plaque d'argent. Il n'est sans doute pas nécessaire d'ajouter qu'une étin- celle sortant d'une boule de cuivre donne lieu à des phé- nomènes analogues. L'étincelle qui émane d'un certain métal n'abandonne pas seulement une partie des molécules dont elle était d'abord imprégnée quand elle va traverser un autre métal : elle se charge encore, aux dépens de celui-ci, de molécules nouvelles. M. Fusinieri assure même qu'à chaque passage de l'étincelle il s'opère des échanges réciproques entre les deux métaux en présence; que si l'étincelle, par exemple, part de l'argent pour se porter sur le cuivre, il n'y a pas seulement transport du premier LE TONNERRE, 403 métal sur le cuivre, mais aussi transport du cuivre sur l'argent. Je n'insisterai pas davantage sur ces phéno- mènes; je ne les ai même cités ici qu'afm de montrer que les étincelles de nos machines ordinaires contiennent des matières pondérables. M. Fusinieri prétend qu'il existe de semblables matières dans la foudre ; c|u'elles y sont aussi à l'état de grande division, d'ignition et de combustion. Suivant ce physi- cien, des matières transportées sont la véritable cause des odeurs passagères que laisse le tonnerre partout où il éclate, comme aussi des dépôts pulvérulents dont demeu- rent entourées les fractures à travers lesquelles la matière électrique s'ouvre un passage. Ces dépôts, jusqu'ici beaucoup trop négligés des observateurs, ont offert à M. Fusinieri du fer métallique, du fer à divers degrés d'oxydation, et du soufre. Les taches ferrugineuses lais- sées sur les murs des maisons pourraient, à la rigueur, provenir du fer dont la foudre se serait chargée aux dépens de celui qui fait partie des bâtisses de tout genre ; mais que dirait-on des taches sulfureuses de ces mêmes murs, et surtout des taches ferrugineuses c[u'on trouve en rase campagne sur les arbres foudroyés. M. Fusinieri se croit donc autorisé à conclure de ses expériences que l'atmosphère renferme à toute hauteur, ou du moins jus- c|u'à la région des nuées orageuses, du fer, du soufre, et d'autres matières sur la nature desquelles l'analyse chi- mique est restée jusqu'ici muette; que l'étincelle élec- trique s'en imprègne et qu'elle les transporte à la surface de la terre, où elles vont former de très-minces dépôts autour des points foudroyés. 404 LE TONNERRE. Cette manière nouvelle d'envisager les phénomènes électriques mérite assurément d'être suivie avec l'exacti- tude que comporte l'état actuel de la science. Tous ceux qui seront témoins de la chute de la foudre feront donc une chose très-utile en recueillant avec soin la matière noire ou colorée que le fluide électrique semble avoir dé- posée sur toutes les parties de sa route où il a dû y avoir des changements brusques de vitesse. Une analyse chi- mique scrupuleuse de ces dépôts peut conduire à des dé- couvertes inattendues et d'une grande importance. ELECTRO-MAGNETISME '. I. DES RECIlF.nCHES FAITES EN FRANCE AVEC LA PILE. Les premières lignes que j'ai écrites sur T électricité m'ont été suggérées par un passage de la Bibliol/icqite universelle de Genève, à l'occasion des expériences gal- vaniques de M. Children. Je reproduis ici ces lignes insé- rées dans les Anncdes de chimie et de physique de 1816, parce qu'elles montrent le peu de fondement des repro- ches prématurés qu'on a faits à une grande nation comme la France, de ne pas s'efforcer toujours de tirer parti de toutes les découvertes nouvelles pour donner aux sciences une impulsion constamment active. Voici donc ce que j'ai dit en 1816 : « Les rédacteurs de la Bibliothèque universelle ont fait précéder le compte qu'ils viennent de rencke ( cahier de février 1816) des expériences galvaniques que M. Chil- dren a publiées dans le dernier volume des Transactions philosophiques ^ d'un paragraphe dont voici la substance : « Une somme assez considérable fut accordée en France, « il y a quelques années pour la construction d'un appa- « reil voltaïque qui serait mis à la disposition des chimistes « les plus habiles. On dut espérer des merveilles de 1. OEuvre posthume. 406 i:LnCTRO-MAGNr:TlSME. « celte belle dutalioii; TelVet s'en réduisit à cette sorte de « galvanisme moral, à une de ces secousses d'opinion « (\UQ le chef du gouvernement visait loujoui"s à pro- « diiire.... Et nous n'avons pas oui dire, continuent-ils, c que la science y ait plus gagné que l'art ne profita du « million promis à l'inventeur de la meilleure machine à « filer le lin ou le chanvre. Ce n'est pas en dehors du « savant ou de l'artiste qu'il faut chercher le principe « vivifiant du génie et générateur des découvertes; c'est «dans l'âme, dans le cai'actère personnel de l'individu « que gît ce feu sacré , ctc CniLDf.EN , « simple particulier de Londres, etc. » « Ce passage, dans lequel on réduit ainsi à zéro, d'un trait de plume , les expériences des deux chimistes fran- çais, MM. Gay-Lussac et Thénard, à qui fut confiée la grande pile de l'École polytechnique, aurait été sans doute parfaitement bien placé dans la Bibliothèque bri- icuinique; mais j'avoue que le nouveau titre qu'on vient de donner à ce journal me faisait espérer plus d'im- partialité. Puisque les rédacteurs n'ont jamais ouï dire que la science ait tiré aucun profit de cet instrument , je suis bien aise de leur apprendre ou de leur rappeler qu'il existe un ouvrage en deux volumes de MM. Gay-Lussac et Thénard , qui remonte à l'année 1811 ; que cet ouvrage, qui a pour titre : Recherches 'phijsico-chimiques faites sur la pile, etc., renferme un chapitre très-étendu sur les causes qui font varier l'énergie d'une batterie galvanique; sur la mesure de ses ellcts; sur l'influence qu'exerce, sui- vant sa nature , le liquide contenu dans les auges ou dans le récipient; sur les variations d'intensité qui peuvent ÉLECTRO-MAGNÉTISME. 407 dépendre du nombre et de la surface des plaques em- ployées , etc. Il ne m'appartient pas de fixer la place que ce travail peut mériter; mais assurément on ne pourra s'empêcher de trouver étrange que lïSl. les rédacteurs attaquent aussi amèrement et d'une manière si gratuite des recherches qui se rattachent à l'une des questions les plus déhcates de la physique , à moins qu'on ne leur suppose l'intention de produire à leur tour, chez l'étran- ger, une secousse de galvanisme moral! Quoi qu'il en soit, je ne doute pas que MM. les rédacteurs n'eussent mieux rempli l'attente des lecteurs de tous les pays, qui s'intéressent véritablement au progrès des sciences , s'ils avaient substitué au paragraphe injurieux qui a occa- sionné ces remarques, cruelques détails sur les effets qu'on peut attendre des piles de grandes dimensions; sur les circonstances de leur construction qui les rendent propres à produire tel ou tel autre genre de phénomènes ; sur le peu de durée de leur action ; sur les dépenses considé- rables qu'elles entraînent ; sur les petites quantités de réac- tifs qu'elles fournissent, etc.; s'ils avaient rappelé que, dans quelques circonstances, l'action bien dirigée des agents chimiques ordinaires produit des effets qu'on ne peut obtenir par le galvanisme; et ici serait venue se pla- cer naturellement l'indication des tentatives infructueuses que le célèbre Davy avait faites pour décomposer l'acide boracique avec la pile , à côté des procédés purement chimiques qui conduisirent MM. Gay-Lussac et ïhé- nard à cette découverte importante , etc. Puisqu'on sup- posait que l'intéressant Mémoire de M. Children ne pouvait se passer d'un préambule, il aurait été, ce me 408 ÉLECTRO-MAGNÉTISME. semble, de toute justice de rappeler que déjà rinflucncc des grandes surfaces des éléments de la pile avait été indiquée et appréciée en France, depuis plus de dix ans, dans un travail qui est dû à MM. Tliénard et Hachette, et qui a été imprimé par extrait dans le 11" cahier du Journal de r École polytechnique ^ etc. L'examen de toutes ces questions aurait, il est vrai, exigé d'assez longues recherches; mais n'est-il pas convenable que ceux qui veulent exercer une espèce de magistrature sur les sciences prennent la peine de les étudier, et qu'ils ne distribuent pas la louange ou le blâme d'après des ouï- dire. a Je serais bien tenté de demander à MM. les rédac- teurs de la Bibliothèque universelle où. ils ont appris que l'étude des sciences physiques est tombée en France dans un grand discrédit (voyez leur 2' numéro, p. 85) ; mais pour le moment, je n'ajouterai plus qu'un mot, et ce sera qu'ils étaient très-mal informés en annonçant que les travaux des mécaniciens qui se sont occupés de la filature du lin n'ont produit aucun résultat utile. M. Mo- lard, dont sûrement ils ne révoqueraient pas le témoi- gnage , leur aurait épargné cette assertion hasardée s'ils s'étaient donné la peine de le consulter. » On sait aujourd'hui combien ont été fructueux les efforts de Philippe de Girard en ce qui concerne la fila- ture du lin. Pour ce qui a rapport à l'emploi de la pile, n'est-ce pas chez nous qu'on a trouvé presque tous les phénomènes qui ont permis de faire rentrer les lois ma- gnétiques dans celles de l'électricité? Ampère n'a-t-il pas créé l'électro-dynamique? ÉLECTRO-MAGNÉTISME. 409 II. AnrAMATlOiN DU FER ET DE l'aCIER PAR L'ACTIÔN DU COURAM VOLTAÏQLE. Dans les procès-verbaux des séances du Bureau des longitudes, on lit ce qui suit à la date du 20 septembre 1820: «M. Arago parle d'une nouvelle expérience, de laquelle il résulte que la pile voltaïque aimante le fer doux. » Le 25 septembre, je rendis compte de mes expériences à l'Académie des sciences, et plusieurs mois avant que sir Humphry Davy lût un Mémoire sur ce sujet à la So- ciété royale de Londres, le Moniteur parla de la décou- verte que j'avais faite, dans les termes suivants : « M. Arago annonce avoir remarqué que le fil conjonc- tif qui établit la communication entre les deux pôles de la pile de Volta , se charge de limaille de fer comme le ferait un aimant. Ce fil n'agit donc pas seulement sur les aiguilles déjà aimantées, mais il développe encore le magnétisme dans le fer qui n'a pas été soumis à une aimantation préalable. Aussi, des aiguilles de boussole non aimantées sont-elles déviées par l'action du fil con- jonctif. » Mes expériences ont eu pour point de départ la bril- lante découverte d'OErsted , qui m'a été communiquée , en 1810, à Genève, par Pictet. Celte découverte, quelque singuliers que pussent en paraître les résultats, ne pou- vait laisser aucun doute dans l'esprit des savants; cepen- dant je fus heureux que M, le professeur de La Rive , qui 410 ÉLECTRO-MAGNÉTISME. a kii-mèinc découvert dos pliénomènes curioux avec les puissantes piles voUaïciues qu'il possède, voulut bien me pcimcltrc d'assister à la vérification qu'il fit, dans son laboratoire de Genève, des expériences d'OErsted devant MM. Prévost, Pictct, de Saussure, Marcet, de Can- dolle, etc., j'ai pu me convaincre moi-môme de l'exacti- tude des résultats principaux donnés par le savant danois, savoir : 1° qu'un fil métallique en communication avec les deux pôles de la pile agit sur l'aiguille aimantée ; 2° que la nature de cette action dépend , sinon de la position de la pile, du moins de la direction dans laquelle les fluides positif et négatif se meuvent dans le fil con- ducteur, relativement aux pôles de l'aiguille ; 3° que si le fil conducteur est placé au-dessous de l'aiguille j il pro- duira une déviation en sens inverse de celle qu'il occa- sionnait quand il était au-dessus. M. de La Rive a fait les expériences , tantôt en tenant l'aiguille seule sous le récipient d'une machine pneumatique, tantôt en y plaçant à la fois l'aiguille et le fil conducteur : les résultats ont toujours été les mêmes. OErsted n'avait trouvé que l'action exercée par le courant voltaïque sur une aiguille d'acier préalablement aimantée. En répétant les expériences du physicien danois, j'ai reconnu que ce même courant développe fortement la vertu magnétique dans des lames de fer ou d'acier C{ui d'abord en étaient totalement privées. Yoici comment j'exposai ma découverte dans les Annales de chimie et de physique (t. xv, p. 9li et suiv.), en 1820: « Je rapporterai , disais-je , les expériences qui éta- ÉLECTRO-MAGNÉTISME, iH blissent ce résultat , dans Tordre, à fort peu près, où elles ont été faites. « Ayant adapté un fil cylindrique de cuivre assez fin , à l'un des pôles de la pile voltaïque , je remarquai qu'à rinstant où ce fil était en communication avec le pôle opposé, il attirait la limaille de fer doux , comme l'eût fait un véritable aimant. « Le fil , plongé dans la limaille, s'en chargeait égale- ment tout autour, et acquérait, par cette addition, un diamètre presque égal à celui d'un tuyau de plume ordi- naire. « Aussitôt que le fil conjonctif cessait d'être en commu- nication avec les deux pôles de la pile à la fois, la limaille se détachait du fil et tombait. « Ces effets ne dépendaient pas d'une aimantation préa- lable de la limaille, puisque des fils de fer doux ou d'acier n'en attiraient aucune parcelle. « On les expliquerait tout aussi peu , en les attribuant à des actions électriques ordinaires; car, en répétant l'expérience avec des limailles de cuivre et de laiton, ou avec de la sciure de bois, on trouve qu'elles ne s'at- tachent, dans aucun cas, d'une manière sensible au fil conjonctif. « Cette attraction , que le fil conjonctif exerce sur la limaille de fer, diminue fort rapidement a mesure que l'action delà pile s'affaiblit. Peut-être trouvera-t-on , un jour, dans le poids de la quantité de limaille soulevée par une longueur donnée de fil, la mesure de l'énergie de cet instrument, aux différentes époc^ues d'une même expérience. 412 ÉLKCTRO-M AG N Î:TI SM E. « L'action du (il cuiijoiiclif sur le fer s'oxoi-cc à dis- tance : il est facile de voir, en elTet, que la limaille se soulève bien avant ({uc le fil soil en contact avec elle. « Je n'ai parlé jusqu'ici que d'un lil coiijonctif de lai- ton ; mais des fils d'argent, de platine, etc., donnent des résultats analogues. 11 reste toutefois à étudier si, à parité de forme, de masse ou de diamètre, des fils de diiïérents métaux agissent exactement avec la même intensité. « Le fil conjonctif ne communique au fer doux qu'une aimantation momentanée ; si l'on se sert de petites par- celles d'acier, on leur donne, parfois, une aimantation permanente. Je suis même parvenu à aimanter ainsi com- plètement une aiguille à coudre. » Le fil conjonctif de cuivre est doué, comme on voit, d'une vertu magnétique très-intense, tant qu'il commu- nique avec les deux pôles de la pile. Il m'est arrivé plus d'une fois de lui trouver encore des traces de cette pro- priété quelques instants après que la communication entre les deux pôles avait été totalement interrompue ; mais ce phénomène est très-fugitif, et je n'ai pu le reproduire à volonté, M. Boisgiraud, qui s'est occupé de la môme question, n'a pas été plus heureux que moi, c|uoique, dans un cas, le fil de platine dont il se servait eût conservé assez de force, après avoir été tout à fait isolé de la pile, pour supporter une petite aiguille à coudre. ÉLECTRO-MAGNÉTISME. 413 III. AIMANTATION d'l'XE AIGUILLE AU MOYE.\ DO PASSAGE DU COUaAiNT ÉLECTRIQUE EN HÉLICE. Ampère, à qui je montrais les expériences que je viens de rapporter dans le chapitre précédent, venait de faire l'importante découverte que deux fils rectilignes et parallèles, à travers lesquels passent deux courants électriques, s'attirent quand les courants se meuvent dans le même sens , et se repoussent quand ils sont diri- gés en sens contraires ; il avait de plus tiré de là , par analogie, cette conséquence que les propriétés attrac- tives et répulsives des aimants dépendent de courants électriques qui circulent autour des m.olécules du fer et de l'acier, dans une direction perpendiculaire à la ligne qui joint les deux pôles. Ampère supposait encore que sur une aiguille horizontale dirigée au nord, le courant dans la partie supérieure se mouvait de l'ouest à l'est. Ces vues théoriques lui suggérèrent à l'instant la pensée qu'on obtiendrait une plus forte aimantation en substi- tuant au fil conjonctif droit dont je m'étais servi, un fil plié en hélice au centre de laquelle l'aiguille d'acier serait placée ; il espérait de plus qu'on obtiendrait par là une position constante des pôles, ce qui n'arriverait pas dans ma méthode. Voici comment nous avons soumis, Ampère et moi , ces conjectures à l'épreuve de l'expé- rience. Un fil de cuivre roulé en hélice était terminé par deux portions rectilignes qui pouvaient s'adapter, à vo- ili ÉLECTRO-MAGNÉTISME. loiitc, aux pôles opposés d'une l'orle pile voltaïquc hori- zontale; une aiguille d'acier, enveloppée de papier, fut introduite dans Thélice , mais après seulement que la communication entre les deux pôles eut été établie, afin que TelTet qu'on attendait ne pût pas être attri- bué à la décharge électrique, qui se manifeste à l'in- stant même oii le fil conjonctif aboutit aux deux pôles. Pendant l'expérience, la portion de ce fil, dans la- quelle l'aiguille d'acier était renfermée, demeura con- stamment perpendiculaire au méridien magnétique, en sorte qu'on n'avait rien à craindre de l'action du globe terrestre. Or, après quekfues minutes de séjour dans l'hélice, l'aiguille d'acier avait reçu une assez forte dose de ma- gnétisme; la position des pôles nord et sud se trouva d'ailleurs parfaitement conforme au résultat qu'Am- père avait déduit , à l'avance, de la direction des éléments de l'hélice, et de l'hypothèse que le courant électrique parcourt le fil conjonctif en allant de l'extrémité zinc de la pile à l'extrémité cuivre. Il semble donc prouvé, d'après ces expériences, que si un fil d'acier est aimanté par un courant galvanique qui le parcourt longitudinalement, la position des pôles n'est pas uniquement déterminée par la direction du courant; et c{ue des circonstances légères presque inap- préciables, telles, par exemple, qu'un faible commence- ment d'aimantation , une légère irrégularité dans la forme ou dans la texture du fil , peuvent changer tout à fait les résultats; tandis que si le courant galvanique circule autour de l'acier, le long des spires d'une hélice, on ÉLECTRO-MAGNÉTISME. 4i5 pourra toujours prévoir, à l'avance , où viendront se placer les pôles nord et sud. En réfléchissant, toutefois, sur les discordances sin- gulières que les expériences d'aimantation par des dé- charges éleciriques , ont présentées aux physiciens cjui se sont occupés de cette recherche, il me semblait néces- saire de soumettre à des épreuves plus décisives les phé- nomènes des courants en hélice. Le lecteur va juger si nous avons atteint ce hut. J'imaginai d'abord de former, avec un fil de cuivre, deux hélices symétriques^, chacune de 5 centimètres environ , et séparées par une partie rectiligne du même fil ; les spires de l'une des hélices tournaient dans un sens; celles de l'autre dans le sens contraire, mais avec des inclinaisons pareilles ; les diamètres étaient égaux. Un fil d'acier renfermé dans un petit tube de verre fut déposé dans la première hélice ; je plaçai ensuite un fil parfai- tement semblable au précédent, et garanti aussi de toute décharge électrique par une enveloppe vitreuse, dans 1. Ces hélices symétriques sont semblables à celles que les bota- nistes ont désignées par les mots dextrorsum pour l'iiae, et sinis- trorsum pour Tautre. Leurs diamètres sont égaux; les spires qui les composent ont des inclinaisons pareilles ; mais elles ne peuvent jamais être superposées, de quelque manière qu'on les présente Tune à l'autre : en sorte qu'un renversement quelconque ne les fait pas changer d'espèce. L'hélice tournée dextrorsum est celle que la nature nous offre dans un grand nombre de plantes grimpantes ; c'est aussi presque la seule qu'on emploie dans les arts. Le cylindre d'acier renfermé dans une hélice dextrorsum acquiert un pôle austral (celui qui se dirige au nord) du côté négatif, ou cuivre, du fil conducteur; tandis que ce môme pôle se formera du côté positif, ou zinc, si l'on se sert de l'hélice siiiistrorsum. Ces résultats sont conformes à la théorie d'Ampère. 4IG ÉLECTRO-MAGNÉTISME. riu'lice voisine ; un polit l)oul do fil de cuivre établissait une communication constante entre cette dernière hélice et le pôle positif de la pile; dos lors, pour commencer rexpérience , il sulîisait d'attacher au pôle négatif le fil qui partait de rcxlrémilé de la seconde hélice : or, à l'instant où cette communication avait lieu , rélectricité accumulée au pôle positif de l'instrument s'écoulait par la partie droite du fil conjonctif , atteignait la première hélice, suivait graduellement toutes ses spires, arrivait à la seconde hélice par le fil droit qui la séparait de la précédente, et après l'avoir parcourue, se rendait au pôle négatif. Les deux fils d'acier se trouvaient donc soumis l'un et l'autre, durant l'expérience, à l'action d'un cou- rant galvanique de môme force; ce courant, en masse, se mouvait dans une seule direction; mais s'il circulait de gauche à droite autour du premier fil , ce môme mouve- ment s'exécutait de droite à gauche autour du second. Or, dans toutes les expériences de ce genre que nous avons faites chez Ampère avec une pile assez forte qu'il possédait, il a suffi de ce simple changement dans le sens suivant lequel le courant circulait autour des fils d'acier, pour donner lieu à une inversion complète des pôles : en sorte que les deux fils renfermés dans les deux hélices symétriques étaient , au môme instant , aimantés en sens contraire. ÉLECTRO-MAGNÉTISME. IV. POINTS CO-VSÉQUEJiTS PRODDITS DANS l'aIMANTATION DES FILS d'aCIER PAR DES COURANTS EN UÉLICE. Je pliai le fil de cuivre en hélice, de droite à gaucho, sur une longueur de 5 centimètres ; ensuite de gauche à droite, sur une longueur égale; puis enfin , une seconde fois, de droite à gauche : ces trois hélices étaient séparées par des portions rectilignes du même fil. Uîi seul et même fil d'acier, suffisamment long, de plus d'un millimètre de diamètre, et enveloppé d'un tube de verre, fut placé dans les trois hélices à la fois. Le courant galvanique , en parcourant les spires de ces diverses hélices , aimanta les portions corresponantes du fil d'acier, comme si elles avaient été séparées les unes des autres." Je remarquai, en effet, qu'à l'un des bouts se trouvait un pôle nord; à 5 centimètres de distance, un pôle sud; plus loin, un second pôle sud suivi d'un pôle nord; enfin, un troisième pôle nord, et à 5 jcentimètres de là ou à l'autre extrémité de l'aiguille, un pôle sud. On pourrait donc, par cette méthode, multiplier à volonté ces pôles intermédiaires que les physiciens ont désignés par le nom de points conséquents. Je dois faire remarquer cependant qu'en général , dans ces expériences , l'influence des hélices s'exerce non-seulement sur les portions de fil d'acier qu'elles ren- ferment , mais encore sur des parties voisines ; en sorte , par ex-'^mple , que si l'intervalle compris entre les hélices IV. — I. 27 H8 ÉLECTRO-MAGNÉTISME. consécutives est petit, les portions du fil d'acier, corres- pondantes à ces intervalles, seront elles-mêmes aiman- tées, comme si le mouvement de rotation imprimé au fluide magnétique, suivant l'idée d'Ampère, par l'in- fluonce d'une hélice, se continuait au delà des dernières spires. Ayant cherché à découvrir quelles étaient les cir- constances qui faisaient varier la position des pôles, lorsque des fils d'acier étaient parcourus longitudinale- ment par un courant galvanique , j'ai trouvé invariable- ment, même avec une pile très- active, que si le fil conjonctif est parfaitement droit, un fil d'acier placé dessus n'en reçoit aucun magnétisme. L'aiguille à coudre dont je m'étais servi dans mes premières expériences avait, il est vrai, acquis des pôles; mais alors les effets dépendants de la forme du fil conjonctif n'étaient pas connus, et pour maintenir plus facilement l'aiguille, j'avais un peu enroulé le fil autour de ses extrémités. V. PRINCIPE DES TÉLÉGRAPHES ÉLECTRIQUES. On voit que j'ai prouvé en 1820, immédiatement après la publication en France du Mémoire d'OErsted, que le fil conjonctif développe à distance la vertu magnétique dans des lames de fer ou d'acier. Il faut pour cela que ces lames soient placées transver- salement au courant. Je pourrais dire ici que nous nous assurâmes, Ampère ÉLECTRO-MAGNÉTISME. 419 et moi, que la vertu magnétique développée par le fil est très-forte lorsqu'on le fait circuler autour d'une spirale, enroulant à distance et plusieurs fois les lames qu'on veut aimanter. S'il est vrai que les expériences qui constatèrent l'exac- titude de ce résultat furent faites conjointement par mon ami et par moi, je dois déclarer que c'est Ampère qui, conduit par ses idées théoriques, conçut la possibilité de cette augmentation de force. Le développement momentané du magnétisme dans une masse de fer doux par l'action du courant voltaïque, est le principe sur lequel repose le mode d'action de la plupart des télégraphes électriques. VI. PROJET d'expérience SDR LE MAGNÉTISME DE LA LUMIÈRE ÉLECTRIQUE. A la suite du Mémoire qui précède sur l'aimantation du fer et de l'acier par l'action à distance du courant vol- taïque, j'ai fait les observations qui suivent : «Il existe, à l'Institution royale de Londfes, une pile voltaïque composée de 2,000 doubles plaques de 10 centi- mètres en carré. En se servant de ce puissant appareil, sir ïîumphry Davy a reconnu qu'il se produit une décharge électrique entre deux pointes de charbon adaptées aux extrémités des conducteurs positif et négatif, alors môme que ces pointes sont encore distantes l'une de l'autre de C à 8 dixièmes de millimètre. Le premier effet de la décharge est de rougir le charbon : or, aussitôt que l'iu- 4^0 ÉLECTRO-MAGNÉTISME. candescciice est établie, les pointes peuvent cire gra- duellement éloignées jusqu'à 10 centimètres, sans que pour cela la lumière intermédiaire se rompe. Cette lu- mière est extrêmement vive et plus large dans son milieu qu'à ses extrémités : elle a la forme d'un arc. « L'expérience réussit d'autant mieux que l'air est plus raréfié. Sous une pression de G millimètres, la dé- charge d'une pointe de charbon à l'autre commençait à la distance de 13 millimètres; ensuite, en éloignant gra- duellement les charbons, sir Humphry Davy obtint une flamme pourpre continue et qui avait jusqu'à 18 cen- timètres de longueur. « Il est sans doute très-naturel de supposer qu'un seul courant électrique agira sur l'aiguille aimantée tout comme s'il se mouvait le long d'un fil conjonctif métal- lique. Néanmoins, l'expérience me semble mériter d'être recommandée aux physiciens qui ont à leur disposi- tion des piles voltaïques d'une grande force, surtout à cause des vues qu'elle peut faire naître relativement aux aurores boréales. Ne serait-ce pas d'ailleurs, indépen- damment de toute application immédiate, un phénomène digne de remarque que la production dans le vide ou dnns de l'air très-raréfié, d'une flamme qui, agissant sur l'ai- guille aimantée, serait à son tour attirée ou repoussée par les pôles d'un aimant ? » L'expérience que je signalais ainsi à l'attention du monde savant, Davy la fit quelque temps après la publi- cation de la Note précédente, et elle a été répétée plus tard, avec des soins particuliers, par M. do La Rive (de Genève), qui pense que l'aimant mis en présence de l'arc ÉLECTRO-MAGNÉTISME. 421 lumineux ne repousse pas ou n'attire pas le courant élec- trique lui-même, mais seulement les particules de car- bone transportées cVun pôle à l'autre et traversées par le courant. VII. AIMANTATION PAR l'ACTION DE L'kLECTRICITÉ ORDINAIRE. Le procès-verbal de la séance du 6 novembre 1820, de rAcadémie des sciences, porte « que j'ai annoncé verba- lement avoir produit, à l'aide de l'électricité ordinaire, tous les phénomènes d'aimantation que j'avais déjà ob- servés en me servant de l'électricité voltaïque. » Le Moniteur du 10 novembre fait mention de mes expé- riences dans les termes suivants : « M. Arago a annoncé qu'il avait aimanté des fils d'acier en les plaçant dans des tubes de verre enveloppés par des hélices de fil métallique le long desquelles il a fait passer des étincelles électriques, ce qui présente une nou- velle analogie entre les modes d'action des électricités ordinaire et voltaïque. Les pôles nord et su"AISOX. La pierre d'aimant, ou l'aimant naturel, d'après l'ana- lyse de Bucholz, est une combinaison de protoxyde et de sesqui-oxyde de fer. Les propriétés de l'aimant les plus apparentes consistent dans l'attraction exercée sur le fer. Les anciens connaissaient ces propriétés attractives, mais ils ignoraient entièrement celles qui sont relatives à la direction. Les propriétés de l'aimant sont transmissibles au fer, au nickel, au cobalt et au chrome; elles devien- nent permanentes dans l'acier qui constitue la matière dont sont construits les aimants ou aiguilles aimantées ordinaires. Le fer pur n'est pas susceptible d'acquérir une vertu magnétique durable ; il doit être à cet effet combiné avec de certaines proportions de carbone, de phosphore et de soufre. On est convenu d'appeler déclinaison l'angle que forme la direction de l'aiguille aimantée placée sur un pivot vertical ou suspendue à l'aide d'un fil sans torsion , de manière à ce qu'elle se tienne horizontale, avec la direc- tion du méridien du lieu. i os I\l A G N i^: T 1 S M K ï V. W W V. S T I{ It . L'existence de la déclinaison de Taiguille aimantée est clairement indiquée dans Touvrage manuscrit d'un nommé Pierre Adsiger, qui existe dans la bibliothèque de l'Université de Leyde. La date de cet ouvrage est 12()9. J-i'auteur, dans ce même ouvrage, décrit la boussole comme un moyen de se diriger en mer. ( Traité chi nia- (jnclisme, par Cavallo. 3" édition. Supplément.) C'est Christophe Colomb qui a découvert le change- ment que la déclinaison de l'aiguille éprouve quand on change de place sur le globe ; il a fait cette remarque pendant son premier vogage, le 13 septembre l/i92. Il était alors à deux cents lieues de l'île de Feroc. La décli- naison allait toujours en augmentante mesure qu'il s'avan- çait à l'Ouest. {Hisloire de Colomb, 1. 1", p. 162, et Las Casas, liv. i", chap. vi.) CHAPITRE VL DU MOUVEMENT DE LA DÉCLINAISON EN UN LIEU DÉTERMINÉ AVEC LE TEMPS. L'aiguille aimantée horizontale fait, avec le méridien terrestre, un angle qui varie avec les années; elle semble osciller autour du méridien terrestre selon des ampli- tudes qu'on ne saurait encore déterminer. D'après les plus anciennes observations faites à Paris, la déclinaison était d'abord orientale; l'aiguille a mar- ché pendant plus de deux siècles vers l'ouest, ainsi qu'il résulte des chiffres suivants : dp.frrcs. minutes. Eu 1580, la déclinaison était orientale et égale à. . 11 oO En 1618, elle n'était plus que de 8 0 En 1663, Taiguille se dirigeait droit au pôle. Après être restée MAGNÉTISME TERRESTRE. 469 deux ans dans cette position, elle s'est continuellement éloignée du pôle en marchant vers l'ouest. La déclinaison de l'aiguille aimantée, en 1667, le 21 juin, d'après les observations des académiciens, faites sur l'emplacement où l'Observatoire devait être bâti, était de 15 minutes à l'occident. {Acad. des sciences, t. 1", p. M.) degrés, minutes. En 1678, la déclinaison occidentale était déjà de. . 1 30 En 1700, de 8 10 En 1767, de 19 16 En 1780, de 19 55 En 1785, de 22 0 En 1805, de 22 5 A partir de 1810, j'ai fait régulièrement, avec des boussoles de Lenoir et de Gambey, la mesure de la décli- naison à l'Observatoire. Je vais réunir dans un tableau tous les résultats obtenus jusqu'à cette année 1853, en marquant le jour et l'heure de chaque observation , parce que, dans un même lieu, la déclinaison de l'aiguille est continuellement variable, point important sur lequel je reviendrai dans un chapitre spécial. Années Déclinaisons Jours et heures ^Noms • occident. des observations. des observateurs. 1806 21" 51' //" 16 mai , à midi. Bouvard. 1807 22 25 // 7 octobre. Id, 1808 22 19 // 7 octobre. »> 1809 22 6 // 2/i février. » Id. 21 55 // 11 août. » 1810 22 16 // 13 mars, à l"- s. Arago. 1811 22 25 // 15 octobre, à midi. /d. 1812 22 29 // 9 octobre, à 2'' 30'" .s. Id. 1813 22 28 // 30 octobre, à midi. Id. iMk 22 2U II 10 août, à midi. Id. 1816 22 25 // 12 octobre, à 3'' s. Id. 470 MAGNÉTISME TERRESTRE. Années. Déclinaisons occident. Jours et heures (les oliservations Noms (les olisei'vateurs. 1817 22» 10' //" 10 février, i\ midi 30"'. Arago. 1818 22 2G II 15 octobre, à 9'' m. I(h 1819 22 29 // 22 avril, i\ 2'' ?. Id. 1821 22 25 // 26 octol)re, à midi. Id. 1822 22 11 // 9 octobre, à, midi. Id. 1823 22 23 // 21 novcml)re, h !•' 15'" s. Id. 1824 22 23 15 13 juin, à ]> 15"™ s. Id. 1825 22 12 68 18 août, à 8'' /lO"' m. Id. Ici. 22 21 31 Id. i\ midi. Id. 1827 22 20 // 8 juillet, àl»" 8'" s. Id. 1828 22 5 57 7 août, à 8'' 7'" m. Id. 1829 22 12 5 3 octobre, à 2'' /lô*" s. Id. 1832 22 3 II t\ mars, i\ 11'' 35'» m. Id. 1835 22 U " 9 novembre, à 1'' 8'" s. Id. 18/1 8 20 lli II 22 décembre, i\ 1'" /lô"' s. Laugier et Goujon. 18/i9 20 3/1 18 30 novembre, à 1'' 25"" s. Mauvais et Goujon. 1850 20 30 /jO h décembre, à 1'' /jS"' s. Laugier et Mauvais. 1851 20 25 // 16 novembre, à 1'' S" s. Id. 1852 20 19 // 3 décembre, à 2'' 12'" s. Id. Ainsi on voit, à en juger par ces seuls résultats, que c'est vers 1814 que l'aiguille aimantée a atteint sa dévia- tion maximum vers l'occident; depuis cette époque, elle a rétrogradé vers l'orient, mais avec une grande lenteur d'abord. De même que dans la fin de son excursion occi- dentale sa vitesse était très -petite, le commencement de sa course en sens contraire ne saurait être que très- peu rapide. Nous avons été le premier à annoncer [Annuaire de 1814) « que le mouvement progressif de l'aiguille aiman- tée vers l'ouest s'étant continuellement ralenti dans les dernières années, cela semblait indiquer que, dans quel- que temps , il pourrait devenir rétrograde. » Cependant, ajoutions-nous, <( comme l'aiguille a déjà présenté ancien- nement des stations de plusieurs années, il sera prudent, MAGNÉTISME TERRESTRE. 471 avant d'adopter définitivement cette conclusion, d'at- tendre des observations ultérieures. » Cependant, en 1817 {Àmiales de chimie et de physique, 2' série, t. vi, p. hh^)-, nous avons cru pouvoir nous départir de notre réserve. Nous avons dit : « Le 10 fé- vrier 1817, à une heure après midi, l'aiguille magnétique déviait à l'ouest de 22° 19'. Cette observation, comparée aux résultats des deux années précédentes, ne semble plus laisser aucun doute sur le mouvement rétrograde de l'aiguille aimantée. » Cette conclusion ne fut pas immédiatement admise. D'après des observations qu'il avait faites à Londres, de 1817 à 1819, le colonel Beaufoy pensa même infirmer le résultat que j'avais obtenu [Annales de chimie et de phy- sique, t. XI, p. 332). Mais bientôt cet habile observateur revint sur sa première impression et partagea complète- ment nos idées, aujourd'hui corroborées par un mouve- ment constamment rétrograde prolongé pendant près de quarante ans. Du reste, notre conviction était fondée sur plus de douze mille observations, non pas de déclinaisons absolues, mais de variations diurnes qui n.g pouvaient laisser aucun doute. Il était déjà assez difficile d'imaginer quelle espèce de changement, dans la constitution de la terre, avait pu, en cent cinquante-trois ans, transporter la résultante des forces magnétiques cfui en émanent, du nord à 23° vers l'ouest. On voit maintenant qu'il faudra expliquer de plus comment ce changement graduel a cessé pour faire place à un retour vers l'état antérieur du globe. Le mouvement graduel vers l'ouest n'a eu lieu qu'avec 4-2 MAr.NKTISMI' TERUKSTRE. pliisiours oscillations, comme Gassini l'a reconnu le premier. On verra, par le tableau suivant, que nous empruntons à M. Gilpin , que les observations de Londres avaient donné des résultats analogues à ceux des observations de Paris, en ce qui concerne le ralentissement dans le mou- vement vers Toccident. Année de 'observation. Déclina^. ,^!-^rS^-l-„ opservee. ^^^^^ ^^^ diverses épocj-ies. Noms des observateurs. 1580 11" 15' est T 5" Burrows. 1622 6 0 9 6 Gunter. 1634 U G 10 6 Gellibrand. 1657 0 0 10 2 Bond. 1665 1 22 ouest 9 7 Gellibrand. 1672 2 30 10 5 Halley. 1692 6 0 16 0 Id. 1723 lU 17 8 1 Grahani. 17Zi8 17 40 8 4 Id. 1773 21 9 9 3 Heberdem. 1787 23 19 4 7 Gilpin. 1795 23 57 1 2 Id. 1802 24 6 0 7 Id. 1805 24 8 // // Id. C'est à la suite d'observations poursuivies avec un zèle bien digne d'éloges, de 1817 à 1819, à Heath, près de Stommore , par 51° 37' li^2" de latitude nord et par l'20".7 de longitude occidentale, comptée de Green- vvich, que le colonel Beaufoy est arrivé à reconnaître que l'aiguille était parvenue, en mars 1819, à la limite de sa digression occidentale, et que maintenant elle marche vers l'est. Voici le résumé des observations de ce physicien : M AG N KT 1 S M ]•: T l' R R E ST ï\ E. 473 Déclinaisoiis en Isl7. Décl eu maisons Différoaces. matin, II 24" 34' 2" // Janvier . . midi, soir, II II 39 // 57 // II matin , II 24 34 22 II Février . . midi, soir. II II 40 II 51 II II matin , II 24 33 18 II Mars. ... raidi , II 41 37 II soir, II 33 47 II 1 matin, 2^» 31' 52" 24 34 6 + 2' 14" Avril. . . . midi, 44 43 44 50 + 0 7 soir. 35 58 36 36 -h 0 58 1 matin, 2Zi 32 20 24 3G 18 + 3 58 Mai .... midi , 42 35 45 49 + 3 14 soir, 34 45 38 35 + 3 50 ( matin. 24 31 9 24 33 47 + 2 38 Juin . . . . ' midi, 42 14 45 11 + 2 57 soir, 34 45 37 40 + 2 55 matin, 24 31 14 24 34 24 + 3 10 Juillet . . . midi, 42 6 44 59 + 2 53 1 soir. 35 43 38 14 + 2 31 matin. 24 33 2 24 34 40 + 3 24 Août. . . . midi. 42 51 45 58 + 3 7 soir, 33 45 37 50 + ^» 5 matin, 2Zi 33 2 24 34 29 " + 1 27 Septeml^re. midi , 41 36 45 22 + 3 46 soir, 34 38 37 28 + 2 50 matin. 24 31 0 24 35 26 + u 20 Octobre . . midi, soir, 40 // 46 33 // 28 + 2 // 42 1 matin, 24 31 49 24 33 24 + 1 35 Novembre . midi, [ soir, 37 II 55 41 II 41 + 3 // 36 [ matin. 24 34 3 24 37 4 + 3 1 Décembre . midi, soir. 38 II 2 41 // 20 -h 3 // 18 474 MAGNÉTISME TERRESTRE. Déclin lisiins en isiy. Pri'lin.Tisons CM 1^-20. riffrronpos. ( matin, 2/1" y-)' 42" 24" 34' 6" — 1' 36'' Janvior . . . midi, soir, 39 // 54 37 54 — 2 II 0 matin, n 34 17 24 32 19 — 1 58 Février . . midi, soir, 39 II 55 38 II 7 — 1 // 48 matin, 2/j 33 18 24 30 47 0 31 Mars. ... midi, 41 42 39 33 2 9 soir, 35 17 33 45 — 1 32 j matin, 24 32 36 . 24 30 38 — 1 58 Avril. . . . < midi, 43 9 40 29 — 2 40 soir, 74 59 31 53 — 3 1 matin. m 32 42 24 30 42 - 2 0 Mai midi. 41 22 40 8 — 1 14 soir, 34 10 33 0 — 1 10 matin. 2Zi 31 28 24 29 50 — 1 38 Juin. . . . , midi, 41 41 39 16 — 2 25 soir, 35 9 33 48 — 1 21 matin, 24 32 31 24 28 41 — 3 50 Juillet. . . midi. 42 12 39 0 — 3 12 1 soir, 34 24 33 26 — 2 11 ' matin, 24 32 33 24 30 25 2 8 Août. ... midi, 42 49 40 0 — 2 49 , soir. 34 24 33 14 — 1 10 matin. 24 32 20 24 31 16 — 1 13 Septembre. midi , 41 35 40 29 — 1 6 soir, 33 27 32 59 — 0 28 matin. 24 33 27 24 31 0 2 27 Octobre , . midi , [ soir, 40 // 8 37 // 33 — 0 II 35 matin. 24 32 42 24 32 23 — 0 19 Novembre. midi, soir, 38 II 43 37 // 38 — 1 II 5 matin, 24 33 29 24 33 3 — 0 26 Décembre . midi, soir, 37 // 20 36 // 34 — 0 // 46 MAGNÉTISME TERRESTRE. ^tg En soustrayant les déclinaisons de 1819 de celles déterminées aux mêmes heures en 1818, on trouverait aussi une colonne de différences négatives, mais seule- ment à partir du mois d'avril; dans ce mois, en 1819, serait donc, suivant les observations du colonel de Beau- foy, l'origine du mouvement rétrograde de l'aiguille aimantée. Pour voir d'un coup d'œil à combien s'élèverait main- tenant la vitesse moyenne de raiguillo vers l'est, réunis- sons ensemble toutes les observations faites aux mêmes heures dans chaque année. Déclinaisons moyennes ' en i818. Matin , W 34' 33" Différences entre 1813 et 1 SI 9. Midi , 2Zi à3 26 — 1' 32" Soir, 24 37 10 — 2 34 Déclinaisons moyennes en ISl'J. — 2 27 Matin , 24" 33' 06" Midi , 24 40 52 Soir, 24 34 43 Différences entre 1819 et 1820. Matin, Midi, Dé';linaisons moyennes \ en 1820. / 24° 32' 16" l 2/i 39 4 ) ~ 1' 50" — 1 48 — 1 33 Soir, 24 33 10 / Le mouvement rétrograde annuel moyen est donc égal à i' 57". Le mouvement total vers l'est, entre 1818 et 1820, se trouve être, d'après cette table : Par la comparaison des ob.servations du matin. . . 3' 22" Par celle des observations de midi 4 22 Et, enfin, d'après les observations du soir 4 00 Ces quantités étant supérieures aux erreurs des o])ser- 470 MAGNÉTISMli: TERRESTRE. vations, indiqucnl lo moiivoincnl rétrograde de raiguille avec une grande probabilité : il est bon, toutefois, de remarquer que, entre les années 1790 et 1791, un mou- vement semblable de 3 minutes vers Test avait déjà eu lieu c\ Londres, et que néanmoins, en 1792, la marche vers l'ouest avait recommencé, et s'est continuée depuis dans le même sens. Le colonel Beaufoy a publié, dans le numéro de mai 1822 des Annales of Phylosophij, un tableau détaillé d'observations de l'aiguille aimantée pour le mois de mars 1822. Il résulte de ce tableau que les déclinaisons moyennes étaient : Le matin, à 8'' 32'" 2/1° 27' 38" A 1'' 29"' après midi 2A o(J 36 A 6'' 20"' du soir 2/i 28 A5 Ces nombres, comparés à ceux de mars 1819, don- nent, pour le mouvement rétrograde de la pointe nord de l'aiguille en trois ans: Par les observations du matin 5' 2")" Par celles de 1'' 1/2 après midi 5 6 Et par les observations du soir 6 32 Moyenne 5 /j6 d'où le mouvement annuel moyen rétrograde à 1' 55". Il semblerait que, dans les régions plas septentrio- nales, le mouvement rétrograde de l'aiguille vers l'ouest s'est manifesté plus tôt que dans nos climats. Voici, en effet, ce que je trouve dans un Mémoire de Wlengel {Aîm. of Phylos. juill. 1819, p. 57) sur l'état de l'ai- guille de déclinaison h Copenhague ; MAGNÉTISME TEIUU.STRK. 477 16/i9 l'' 30' à l"est. Vers 1656 0 1672 3 35 ouest. 1806 18 25 1817 17 56 (Le 8 septembre, à 2 li. après-midi.) En 1737, à Tornca, d'après une moyenne entre les indications de quatre aiguilles différentes, la déclinaison était de 5° 5' ù l'ouest (Maupertuis, Fig. de la terre, p. 152); et, en 1695, Bilberg l'avait trouvée de T ouest. Une circonstance digne d'être notée, et qui résulte des tableaux précédents, c'est que la déclinaison a été nulle à Copenhague plus tôt qu'à Londres et qu'à Paris, et nulle aussi à Londres plus tôt qu'à Paris. CHAPITRE Vn. VARIATION DE LA DÉCLINAISON A LA SURFACE DE LA TEnUi:. En passant d'un lieu à un autre sur la surfh 22''13'21' .17 22° 12' Zi2' .81 22 '13' 24' .25 1828 — 10 26 .89 — 10 51 .11 - 10 12 .20 — 10 29 .32 1829 — 7 53 .kl — 7 2i .20 — 7 1 .37 — 7 56 .84 1830 — 5 55 .51 — 6 23 • 1,2 — 5 2 48 — 5 12 .58 1831 — 5 21 .28 — 3 28 46 n II 1835 II II II II Années. septembre Octobre. Novembrt , Décembr' 1820 22 22' 52' .25 22° 22' 10' .62 22''21'Zi6' .02 22 '21' 27' .37 1821 — 21 23 .67 — 21 2i .79 — 21 5i .63 — 21 20 .48 1822 — 20 58 .ZlO — 20 ZiZi .18 — 20 22 .96 — 21 5 .43 1823 — 19 21 .12 — 19 h% .99 — 20 7 .51 — 19 17 .37 182i — 20 18 .75 — 20 39 .69 — 20 6 .12 — 19 41 .14 1825 — 19 19 .15 — 19 hlx .12 — 19 15 .97 — 17 52 .72 1826 — 17 5 .85 — 16 19 .7Zi — 16 9 .6i — 15 53 .08 1827 — 13 15 .83 — 12 32 .98 — 12 Zil .78 — 11 57 .63 1828 — 10 53 .27 — 10 23 .99 — 10 iS .50 — 9 57 .05 1829 — 8 3i .26 — 7 ^1 .13 — 8 15 .37 — 9 36 .19 1830 — 5 16 .70 — 5 3 .'aV — 5 ZiO .7i — 6 59 .87 1831 n // // II 1835 II 21 52 32 .25 21 53 17 .35 II En examinant attentivement ce tableau , on observe : Deux maxima vers mars et vers septembre, c'est-à- dire vers les équinoxes ; Deux minima vers juin et vers décembre, c'est-à-dire vers les solstices. ""^ Les périodes constatées par Cassini (voir p. /i79) subsistent encore. Au printemps et à l'automne, l'aiguille éprouve un mouvement rétrograde vers l'occident ; elle se rapproche du méridien terrestre aux époques des sol- stices. Les conclusions qu'on aurait pu tirer des obser- vations trop peu nombreuses de Bowditch (p. /|.85) ne se vérifient pas. On voit , par les nombres précédents , que chaque 504 MAGNÉTISME TERRESTRE. année raiguille se rapproche maintenant du méridien, ou que la déclinaison moyenne diminue durant chaque mois. Mais on reconnaît que des observations faites du- rant une seule année peuvent induire en erreur, puisque, par exemple, les observations de iSIli donnent des résul- tats supérieurs à ceux de 1823 et de 1825, de telle soite que vers cette époque, il y a eu un léger mouvement rétrograde de l'aiguille vers l'ouest. On voit aussi que des observations isolées ne sauraient rien apprendi-e sur les valeurs réelles du mouvement de l'aiguille aimantée de déclinaison. En prenant les moyennes des deux déclinaisons men- suelles pour chacune des années contenues dans le tableau précédent, on obtient la déclinaison moyenne de l'aiguille à Paris, pour chaque année, et on calcule facilement le décroissement annuel de la déclinaison par rapport à chaque année précédente. Les résultats de ces calculs sont contenus dans le tableau suivant : Années. Valeurs des déclinaisons moyennes annuelles. Décroissement annviel de la déclinaison occidentale 1820 22-22' Zi2".30 // 1821 22 22 U .14 0'38".16 1822 22 20 57 .64 1 6 .50 1823 22 19 43 .01 1 14 .63 1824 22 20 48 .85 -f 1 5 .84 1825 22 19 45 .21 1 3 .64 1826 22 17 8 .30 2 36 .91 1827 22 13 59 .58 3 8 .72 1828 22 11 3 .38 2 56 .20 1829 22 8 40 .59 2 22 .79 18G0 22 6 37 .22 2 3 .37 Le décroissement annuel moyen de la déclinaison de 1820 à 1830 est de 1' 3G".51. MAGNETISME TERRESTRE. 503 La marche rétrograde de l'aiguille pour se rapprocher du méridien terrestre n'est pas d'ailleurs uniforme; elle a même présenté, de 1821 à 1823, une irrégularité mar- quée: l'aiguille s'est alors éloignée de nouveau légèrement vers l'ouest. Le mouvement paraît être actuellement accé- léré, car sa vitesse tend à s'accroître. On voit que, pour juger ce phénomène, il ne faut pas s'en rapporter à des observations isolées faites une fois par an, ainsi que M. Arago l'a fait remarquer (p. /j,G9).] CHAPITRE XL DE l'inclinaison. Une aiguille d'acier, soutenue par son centre de gra- vité, peut rester dans une position horizontale; mais aus- sitôt qu'elle a acquis la vertu magnétique, elle s'incline très-sensiblement. L'inclinaison fut observée pour la première fois par Robert Norman en 1576 [Transactions philosophiques pour 1738, p. 310). Dans notre hémisphère, c'est l'extrémité boréale de l'aiguille qui s'abaisse au-dessous de l'horizon; on observe le contraire dans l'hémisphère austral. On conçoit aisément qu'entre deux positions aussi dif- férentes, il doit exister un grand nombre d'intermédiaires, c'est-à-dire qu'au même moment l'inclinaison doit êli-e différente en dilférents lieux. On conçoit aussi qu'il doit y avoir des points où l'inclinaison est nulle, c'est-à-dire où l'aiguille se maintient horizontale; la ligne C|ui contient tous ces points s'appelle l'équateur magnétique. 506 MAGNÉTISME TERRESTRE. Les pôles magnétiques sont les points où l'aiguille d'inclinaison resterait verticale. On appelle lignes d'égale inclinaison celles qu'on obtiendrait si, l'on se mouvait à la surface de la terre avec une aiguille aimantée qui conserverait la môme inclinaison. Mais comme l'inclinaison varie dans un même lieu avec le temps, il est évident que les lignes d'égale inclinaison doivent se déplacer et peut-être changer de forme. Pour apprécier la valeur que peuvent avoir des observations qui ne sauraient être al^solument simulta- nées, il est nécessaire d'étudier les modifications que subit l'inclinaison dans un lieu déterminé. CHAPITRE XII. VARIATIONS ANNUELLES DE L'nCLINAISON. L'inclinaison diminue tous les ans à Paris. D'anciennes observations indiquaient déjà ce résultat ; on avait trouvé les nombres suivants : Années. Inclinaisons. 1671 75° 175Zi 72 15' 1776 72 25 1780 71 Zi8 1791 70 52 Par des mesures faites avec soin , mon illustre ami de Humboldt a trouvé : En 1798 69" 51' A partir de 1810, j'ai fait, à un très-grand nombre de reprises, des observations d'inclinaison avec des instru- MAGNÉTISME TERRESTRE. 507 ments variés; je vais réunir ici les résultats que j'ai obtenus, en donnant pour chaque fois la moyenne des quatre observations effectuées tant avant qu'après le ren- versement des pôles : 7 Octobre 1810 (entre midi et 2 h., temps couvert). Avant le renversement des pôles. . 68° àl'.li Après le renversement 68" 53'. 1 Moyenne définitive 68" 50'. 2 Observateurs, :\]M. Humboldt et Arago (boussole deLenoir). 18 Septembre 1813 (de 11 h. à 11 h. 1/2). Avant le renversement 68" 31'. 5 Après le renversement 68" 39'. 8 :\Ioyenne 68° 35'. 7 Observateur, M. Arago. 9 Février 1817 (vers 2 h. de l'après-midi; boussole de Lenoir). Avant le renversement 68" 17 '.8 Après le renversement 68° M'. 2 Moyenne 68° Sl'.O Observateurs, MM. Arago et Freycinet. iZi Mars 1817 (vers 2 h.). — Avant le renversement 68" 35'. 6 Après le renversement 68" iO'.l Moj-enne 68" 37'. 8 Observateurs, MM. Arago et Freycinet. Dimanche 16 mars 1817 (vers 2 h.). Avant le renversement 68" 3û'.3 Après le renversement 68" 31'. 0 Inclinaison 08" 32'. 6 Observateurs, MM. Arago et Freycinet. 508 MAGNETISME TERRESTRE. Vendredi 2C juin 1818 (de 1 h. à .") li.; beau ciel, quelques nuages). (15ou.->sûle de M. llitchie, par C.aiiihey.) Première aiguille. Avant le renversement G8" 22'.25 Après le renversement G8" 29'. 75 IVloyenne C8" 2G'.0 Observateur, M. Arago. 11 Juillet 1818 (de 11 h. à 2 h. 1/2; ciel nuageux: un peu de vent). (r.Oussole de Al. Ritehie par danibey. ) Deuxième aiguille. Avant le renversement 08" Zi3'.10 Après le renversement 68" 27'.55 Aloyennc 68" 35'. 32 Observateur, M. Arago. 11 Mars 1819 (de midi ù 3 h., ciel couvert). (Coussole par Gambey et destinée à l'université de Cambridge en Amérique.) Première aiguille. Avant le renversement 68" 20'. 8 Après le renversement 68" 13'. 5 Moyenne 68° 17'. 2 Observateur, M. Arago. 11 Mars 1819. Deuxième aiguille. Avant le renversement GS» 10'.6 Après le renversement 68» 39'.i Moyenne 68"^ 25'. 0 Observateur, M. Arago. 28 Avril 1822. (iJoussole de Lenoir, emportée par M. Duperrey dans son voyage autour du moud'.) Aiguille n° 2, MAGNÉTISME TERRESTRE. 509 Avant le renversement des pôles. . . 68° 60' Après le renversement 68" 5' -Moyenne 68 22 .5 Par deux azimuts perpendiculaires on a trouvé avec la même aiguille 68" 16', Observateurs, MM. Arago et Duperrey. 15 Juin 1822 (de 8 h. à 8 h. 1/2 du soir). (Boussole de M. Gambey, destinée à l'université de Abo, en Finlande. ) Aiguille II" 1. Avant le renversement 67" 50'. 60 Après le renversement 68" 27 .65 Moyenne 68" 9.1 18 Juin 1822. (Même boussole que le 15 juin 1822.) Aiguille n" 2. Avant le renversement 68" 15'. 6 Après le renversement 68" 8'. 9 Moyenne 68" 12'. 25 Par deux azimuts rectangulaires on a trouvé avec la même aiguille 68° 12.10. Observateur, :\l. Arago. 11 Novembre 1823 (vers 2 h.). (Boussole de l'Observatoire, aiguille de Gambej'.y* Avant le renversement 68" 20.05 Après le renversement 67" 57.10 Moyenne 68" 8'. 6 Observateur, M. Arago. 19 Août 1825 (vers 2 h.; temps couvert). (Boussole de l'Observatoire, aiguille marquée A, de Gambej-.) Avant le renversement 68" 11'. 5 Après le renversement 67" 50'. 5 Movenne 68" 1.0 510 MAGNÉTISME TERRESTRE. Les observations fuites dans deux azimuts rectangulaires don- nent 67" 59'. 30. Observateur, 1\1. Arago. 19 Juin :18'29 (entre 3 li. et U h., ciel nuageux, tcnip. 2/i"). (Boussole de M. Gambey, destinée à Freyberg.) AigxiUle n" 1. Avant le renversement 67" Zi5'.9 Après le renversement 67" .'i-'i'.9 Moyenne 67" Zi5'./i Observateurs, WS\. Arago et Ueich. 19 Juin 1829 (entre h li. 1/Zi et 5 h.; temp. 29"). JlguUle m 2. Avant le renversement 67" 36'. 0 Après le renversement 68" ^lO'.S Moyenne 67" 38'. û Observateurs, Ws\. Arago et r.eich. 21 Juin 1829 (entre midi et 2 h. 1/2; température 26". 8). (Même boussole et aiguille n" 2.) Avant le renversement 67" Zi3'.2 Après le renversement 67" 28'. 9 Moyenne 67" 36'. 0 Observations faites dans deux azimuts rectangulaires, 67" 6'. 8. Observateur, M. Arago. 22 Juin 1829 (entre /i et 5 h.; pluie et tonnerre, temp. 28".0). Première aiguille pour Freyberg. Avant le renversement 67" Zi/i'.S Après le renversement 66" 60'. 6 Moyenne 67" /t2'.5 Observateur, M. Arago. 24 Juin 1829 (entre 11 h. olh et 1 h. 3//i; ciel nuageux; tempé- rature, 27°, 0). Première aiguille pour Freyberg. MAGNÉTISME TERRESTRE. 5H Avant le renversement 67" /iS'.O Après le renversement 67" Zi3'.2 IMoj-enne 67" 65'. 6 Par des observations faites dans deux plans rectangulaires, on :t trouvé, 67» !\!i'.l. Observateur, M. Arago. Il est remarquable que les deux aiguilles donnent une différence de 7', et cette dififérence est à peu près la même lorsqu'on déduit lïnclinaison de deux azimuts rectangulaires. Quelle peut être la cause d'une telle anomalie ? Samedi 14 Mai 1831 (de 2 h. 1/2 à 3 h. 1/2 ; beau temps; tempé- rature, 20". 0). (Boussole de Gambey, construite pour M. Encke. ) Première aiguille. Avant le renversement 67° Z|2'.0 Après le renversement 67" i2'.7 Moyenne 67" Zi2'.3 Samedi 14 Mai 1831 (de h\\. à 5 h.; beau ciel; temp. 19°. 8). Deuxième aiguille. Avant le renversement 67° 46'. 4 Après le renversement 67" 41'. 2 Moyenne 67" 43'. 8 Observateur, M. Arago. Samedi 12 Novembre 1831 (entre 10 h. et 11 h.; ciel couvert; température, 12". 8). Aiguille no 2, destinée à M. Rudberg. Avant le renversement 67" 40'. 9 Après le renversement 67° 36.3 Moyenne 67" 38'. 6 Observateurs, :m^I. Arago et Rudberg. Samedi 12 Novembre 1831 (de 2 11 à 3 h. 1,2 ; ciel couvert; tem- pérature, 14". 5). Aiguille no 1 de Oamljoy, destinée à M. Rudberg, à Stockholm. 512 MAGNÉTISME TERRESTRE Avant le renvcrscrnont 67' /j3'.5 Après le renversement 67" ^0.7 îMoyoniio 67' /j'2.1 Observateurs, MM. Arago et raidbery. Les observations précédentes ne seraient mathémati- quement comparables entre elles que si elles avaient été faites à la même époque de l'année et à la même heure de la journée. L'aiguille d'inclinaison est, en effet , sujette à des variations aiuiuelles, et mémo à des variations diurnes comme l'aiguille de déclinaison , ainsi que je l'ai constaté dès 18:27, par des observations directes faites à l'aide de deux microscopes dirigés sur les pointes oppo- sées de l>aiguille d'inclinaison. Ces observations seront discutées dans un chapitre spécial, et l'on verra que le phénomène général de la diminution de l'inclinaison n'est pas masqué par les variations diurnes et mensuelles que nous mettrons en évidence. Je transcrirai donc ici les observations qui ont été consignées dans V Annuaire du bureau des longitudes, depuis que j'ai cessé de suivre moi-même ce genre de recherches : Dates des observations. Inclinaisons. 3 juillet 1835, a 9" m 67" 2V 6 janvier 18Zi9, à 2" s 66 Zi5 1" décembre 18'i9, à O" s 66 /ti 28 novembre 1850 , à 2'' s 66 37 20 novembre 1851, à 2" 30" s. . . , 66 35 Les observations faites à Londres montrent aussi le même phénomène de la diminution de l'inclinaison. Dans les Transactions philosophiques de 1806, page 395, on trouve la table suivante donnée par M. Gilpin : MAGNÉTISME TERRESTRE. 513 Années. Inclinaisons. 1786 72" 5' 1787 72 5 1788 72 k 1789 71 55 1790 71 54 1791 71 24 1795 71 11 1797 70 59 1798 70 55 1799 70 52 1801 70 o6 1803 70 32 1805 70 21 Nulle observation ne permet de dire aujourd'hui quel sera dans Tavenir le mouvement de l'aiguille d'incli- naison. CHAPITRE XIII. VARIATIOX DE l'i>CLINAISO-\ MAGNÉTIQUE AVEC LES LIEUX. L'inclinaison varie très-rapidement , quand on change de latitude. Ainsi nous venons de voir qu'à Paris l'ai- guille fait avec l'horizon un angle d'environ 66° et demi; par 15° de latitude, cet angle n'est plus que de 50", et enfin, dans le voisinage de l'équateur, l'aiguille est horizontale. Par 79° Mi' de latitude boréale, le capitaine Phipps trouva, en 177/i, une inclinaison de 82° 9'. Plus récem- ment, en 1S30, le capitaine Ross est parvenu à découvrir un point où sa boussole était exactement verticale. Le pôle boréal était alors par 70° 5' 17'' de latitude et par 79° 7' 9" de longitude à l'ouest du méridien de Paris. On n'est pas encore parvenu à aborder le pôle magnétique austral. IV. - I. 33 514 MAGNÉTISME TERRESTRE. Dans un voyage que j'ai exécuté en Italie en 1825, j'ai fait quelques observations d'inclinaison que je pla- cerai ici : Lioiii. Dates. Inclinaisons. Genève, 2 septembre 65°58'.2 Venbe, 19 vl 63 55.4 Florence, 26 id 62 58.6 Id. 30 i(l 63 9.5 Turin, 10 octobre 6i 53.0 Lyon, 20 id 65 39.2 CHAPITRE XIV. MODVEMENT DE TRANSLATION DE L'EQUATEUR MAGNÉTIQUE. La ligne sans inclinaison ou l'équateur magnétique coupe l'équateur terrestre sous un angle aigu , en sorte qu'une de ses parties se trouve dans notre hémisphère, et l'autre dans l'hémisphère opposé. On appelle nœuds les points d'intersection de l'équa- teur magnétique et de l'équateur terrestre. A l'occasion de la position de ces nœuds, M. Knpfïer s'est exprimé de la manière suivante dans un beau Mémoire sur le magné- tisme terrestre inséré dans les Annales de chimie et de physique, 2' série, t. xxv, p. 231 (1827) : « 11 est prouvé par les observations les plus récentes, et principalement par la discussion que M. Arago a publiée, en décembre 1825 , de toutes les inclinaisons recueillies durant le voyage de la Coquille autour du monde , que l'équatem^ magnétique a un mouvement de translation de l'est à l'ouest. » C'est en cherchant à concilier les observations d'incli- naison faites à des époques éloignées dans diverses régions MAGNÉTISME TERRESTRE. 5^5 de la terre peu distantes de réquateur magnétique, que j'ai reconnu que cet équateur s'avance progressivement et en totalité de l'orienta l'occident. On trouvera la dis- cussion à laquelle je me suis livré dans mon Rapport sur le voyage exécuté par la Coquille, de 1822 à 1825, sous le commandement de M. Duperrey. Aujourd'hui, on suppose que ce mouvement de 1 équa- teur magnétique est accompagné d'un changement de forme. L'étude des lignes d'égale inclinaison, envisagée sous le même point de vue , n'offrira pas moins d'intérêt. Il sera curieux, quand toutes ces lignes auront été tracées sur les cartes, de les suivre de l'œil dans leurs dépla- cements et dans leurs changements de courbure : d'im- portantes vérités pourront jaillir de cet examen. On com- prend maintenant pourquoi nous demandons autant de mesures d'inclinaison cpe les voyageurs pourront en recueillir. On a souvent agité la question de savoir si, en général, dans un lieu déterminé, l'aiguille d'inclinaison marquerait exactement le même degré à la surface du sol, à une grande hauteur dans les airs et à une grande profondeur dans une mine. Le manque d'uniformité dansla compo- sition chimique du terrain , rend la solution de ce pro- blème très-difficile. Si l'on observe en ballon , les mesures ne sont pas suffisamment exactes. Quand le physicien prend sa station sur une montagne , il est exposé à des attractions locales; des masses ferrugineuses peuvent alors altérer notablement la position de l'aiguille, sans que rien en avertisse. La même incertitude aiïecte les observations faites dans les galeries de mines. Ce n'est pas qu'il soit 6i6 MAGNÉTISME TERRESTRE. absolument impossible de déterminer en chaque lieu la part des circonstances accidentelles; mais il faut pour cela avoir des instruments d'une grande perfection; il faut pouvoir s'éloigner delà station qu'on a choisie, dans toutes les directions, et jusqu'à d'assez grandes distances; il faut ciilin répéter les expériences beaucoup plus qu'un voyageur n'a ordinairement les moyens de le faiie. Ouoi qu'il en puisse être, les observations de celte espèce sont dignes d'intérêt; leur ensemble conduira peut-être un jour à quelque résultat général. CHAPITRE XV. DE l'inTE.NSITÉ magnétique. Dans tous les phénomènes que nous venons de rap- porter, le globe terrestre fait, relativement aux aiguilles, l'office d'un véritable aimant. Mais la propriété magné- tique conserve-t-elle la même intensité dans toutes les régions du globe? est-il probable que, sous une latitude déterminée, elle éprouve une diminution sensible à mesure qu'on s'élève dans l'atmosphère, comme quelques personnes avaient cru le reconnaître? Telles sont les ques- tions importantes qui se présentent immédiatement, mais leur solution n'a été trouvée que depuis peu d'années. Nous avons dit plus haut que lorsqu'une aiguille aiman- tée est suspendue librement, elle se place toujours dans un plan qu'on appelle le méridien magnétique; si, après l'avoir écartée de sa position naturelle , on l'abandonne à elle-même, elle tendra à y revenir, en faisant de part et d'autre des oscillations plus ou moins étendues. L'elTet de MAGNÉTISME TERRESTRE. 517 la force magnétique qui les produit est analogue à Pac- tion que la pesanteur exerce sur un pendule en mouve- ment; les oscillations seront d'autant plus promptes, que la force magnétique aura une intensité plus considérable, et l'on pourra prendre pour sa mesure le carré du nombre d'oscillations que l'aiguille fera dans un temps donné. Par conséquent le rapport des intensités des forces magné- tiques dans deux lieux quelconques, sera égal à celui dos carrés du nombre d'oscillations qu'une même aiguille y fera dans le même espace de temps. Graham paraît être le premier qui se soit occupé de l'intensité du magnétisme terrestre ; Musschenbroeck fit quelques efforts pour résoudre la question , et Lemonnicr en montra l'importance. Wais les observations régulières d'intensité ne datent que des voyages de d'Entrecasteaux et de Ilumboldt , et cependant elles ont déjà jeté de vives lumières sur la question si compliquée, mais en même temps si intéressante, du magnétisme terrestre. Ce genre d'observations mérite au plus haut degré de fixer l'atten- tion de tous les voyageurs amis des sciences , car aujour- d'hui , à chaque pas, le théoricien est arrêté par lé'manque de mesures exactes. CHAPITRE XYI. SUR UN 3I0YEX DE MESURER LES VARIATIONS DU ilAGNÉfISJIE TERRESTRE EN CHAQUE POINT DU GLOBE. Comme nous venons de le dire , pour connaître la force magnétique du globe en un lieu donné, on fait osciller une aiguille horizontale, et l'on compte le nombre des oscil- {ils MAGNrCTISME TEHRESTRE. lations accomplies dans un temps déterminé. Mais, si l'on observe à deux époques diiTérentes , il est nécessaire que dans rintervalle la dose du magnétisme de l'aiguille n'ait pas changé. Dans la séance du 16 novembre 1825, j'ai indiqué au Bureau des longitudes un moyen de s'assurer de cette invariabilité par la comparaison du magnétisme de l'aiguille à la pesanteur. Le procédé que j'ai imaginé se fonde sur la propriété dont une aiguille aimantée jouit , quand elle est placée dans le voisinage d'un plateau métallique tournant sur lui-même, d'être entraînée avec d'autant plus de force que son magnétisme est plus intense. En faisant l'cxpé- rience dans un plan perpendiculaire à la direction de l'ai- guille d'inclinaison , on se rendra indépendant de l'action du magnétisme terrestre; alors les petits contre-poids dont chacune des extrémités de l'aiguille devra être chargée pour que le plateau, tournant avec une certaine vitesse, la dévie de 10% de 20% de 30% etc., donneront la mesure de l'intensité magnétique des pôles. Si l'on croyait devoir admettre que la science a des m-oyens de reproduire à volonté du fer doué exactement des mêmes propriétés , on pourrait substituer la déviation angulaire produite par une certaine masse de métal, à celle qu'occasionne le mouvement de rotation du plateau. Quoi qu'il en soit, une aiguille éprouvée préalablement par ce dernier pro- cédé deviendra, comme on voit, un excellent moyen d'apprécier les changements périodiques ou séculaires auxquels le magnétisme de notre globe pourrait être sujet. MAGNÉTISME TERRESTRE. 519 CHAPITRE XYII. DES VARIATIO.NS D"i.\TE>SITÉ MAG.NÉTIQIE AVEC LA HAUTEUR. Les voyages aérostatiques de Biot et Gay-Lussac , exé- cutés jadis sous les auspices de l'Académie, étaient en grande partie destinés à l'examen de cette question capi- tale : la force magnétique qui , à la surface de la terre , dirige l'aiguille aimantée vers le nord, a-t-elle exacte- ment la même intensité à quelque hauteur que l'on s'élève? Les obsen^ations de nos deux confrères, celles de Humboldt faites dans les pays de montagnes ; les obser- vations encore plus anciennes de Saussure, semblèrent toutes montrer qu'aux plus grandes hauteurs qu'il soit donné à l'homme d'atteindre, le décroissement de la force magnétique est encore inappréciable. Cette conclusion a été contredite récemment. On a remarqué que dans le voyage de Gay-Lussac, par exem- ple , le thermomètre qui , à terre , au moment du départ , marquait -f- ol° centigrades, s'était abaissjé jusqu'à — 9° dans la région aérienne où notre confrère fit oscil- ler une seconde fois son aiguille; or il est aujourd'hui parfaitement établi, qu'eu un môme lieu, sous l'action d'une même force, une même aiguille oscille d'autant plus vite que la température est moindre. Ainsi il résulte des recherches de M. Kupffcr sur cette question , qu'une môme aiguille d'acier fondu, de forme cylindrique, de 0"'.057 de longueur et de 2='. 395 de poids, emploie pour accomplir 300 oscillations une durée de o20 MAGNÉTISME TERRESTRE. 13"'ir.5 à — l'.G 13 17.5 ù +12.5 13 25.0 à +32.5 Ainsi, pour rendre comparables les observations faites dans le ballon et celles faites à terre, il aurait fallu, à raison de l'état du thermomètre, apporter une certaine diminution à la force que les observations supérieures indiquaient. Dans cette ascension, l'aiguille semblait éga- lement attirée en haut et en bas ; donc, malgré les appa- rences, il y avait aliaiblissement réel. Cette diminution de la force magnétique avec la hau- teur, semble aussi résulter des observations faites en 1829, au sommet du mont Elbrouz (dans le Caucase), par M. KuplTer. Ici l'on a tenu un compte exact des effets de la température , et cependant diverses irrégularités dans la marche de l'inclinaison, jettent quelque doute sur le résultat. Nous croyons donc que la comparaison de l'intensité magnétique, au bas et au sommet des montagnes, doit être spécialement recommandée aux observateurs dans les diverses latitudes. CHAPITRE XVIII. DES RELATIONS DE l'iNCLINAISON ET DE l'iNTENSITÉ MAGNÉTIQUES. L'intensité magnétique d'une même aiguille change avec le temps dans un lieu déterminé. Ce changement est-il une simple conséquence de la variation de direction de la force magnétique du globe? Comme on prend pour comparer les intensités les durées des oscillations MAGNÉTISME TERRESTRE. 521 d'une aiguille horizontale, on voit évidemment que plus l'inclinaison de la direction de la force du globe sera grande, plus petite aussi sera la composante horizontale. 11 résulte de cette remarque qu'il doit y avoir en un lieu donné une certaine dépendance entre les variations d'in- tensité et celles de l'inclinaison, mais il reste à voir si F in- tensité absolue ne change pas indépendamment de toute modification dans la direction des foi'ces magnétiques. M. Gilpin dit {Tratis. pliil. de 180G) que l'aiguille d'inclinaison n'éprouve pas h Londres de variations diurnes appréciables. M. Hansteen, de Christiania, au contraire, prétend s'être assuré dans l'été de 18'20, à l'aide d'une excellente bgussole de Dollond, que l'inclinaison est plus grande de quatre à cinq minutes le matin que dans l'après-midi. 11 prétend aussi que l'inclinaison est sujette à une varia- tion annuelle , et qu'elle est d'environ quinze minutes plus grande en été qu'en hiver. M. Hansteen , en faisant osciller une aiguille horizon- tale, avait trouvé ces résultats : 1° L'intensité magnétique est sujette à una variation diurne ; 2" Le minimum de cette intensité a lieu entre dix heures et onze heures du matin, et le maximum entre quatre et cinq heures de l'après-midi; 3° Les intensités moyennes mensuelles sont elles-mêmes vcriables; W L'intensité moyenne vers le solstice d'hiver surpasse beaucoup l'intensité moyenne donnée par des jours sem- blablement placés relativement au solstice d'été. 522 MAGNETISME TEURESTRE. En tenant compte de la correction dépendante de la variation d'inclinaison, fauteur arrive à cette consé- quence que la variation d'intensité n'est qu'apparente. Remarquons que M. Hansteen n'a pas tenu compte de l'influence de la température sur la durée des oscillations de l'aiguille horizontale {Aimales de physique et de chi- mie, '2' série, t. xvii, p. 126 (1822). Dans les Transactioîîs philosophiques pour 1823, il y a un Mémoire de M. Barlow sur les variations diurnes. M. Barlow est parvenu, comme nous avons vu (p. /|92), à amplifier f amplitude de la variation diurne au moyen d'aimants fixes. M. Barlow a essayé d'appliquer le même procédé aux variations diurnes de finclinaison ; mais il n'a obtenu ainsi aucune détermination numérique de ces variations. En février 1825, pendant le troisième voyage de Parry dans f Amérique du Nord, le lieutenant Foster a essayé au port Bowen de mesurer directement les variations de finclinaison ; il n'a pu y parvenir, parce qu'elles étaient trop petites. Foster a mesuré la durée des oscillations de f aiguille d'inclinaison, et comme d'autre part il observait les varia- tions de l'intensité horizontale, au moyen des oscillations, il en a conclu que les altérations de la composante hori- zontale provenaient en grande partie de changements dans finclinaison. M. Kupffer cherchait h expliquer en 1827 les varia- tions d'intensité magnétiques mesurées avec une aiguille horizontale, par une variation d'inclinaison, mais sans citer aucune preuve expérimentale à f appui. MAGNÉTISME TERRESTRE. 523 Je citerai maintenant des extraits de procès-verbaux des séances du Bureau des Longitudes, qui établiront nettement la marche des observations que j'ai poursuivies durant plusieurs années pour jeter quelque lumière sur la question. A la date du 23 mai 1827, on lit : «M. Arago annonce que les observations d'inclinaison qu'il a faites depuis quelques mois indiquent une variation diurne. L'inclinaison comptée à partir de l'horizontale est plus grande- le matin que le soir de 1' 1/2 à 2'. L'in- tensité mesurée par une aiguille horizontale est plus grande le soir que le matin. Il serait donc possible que cette variation d'intensité dépendît seulement de cette variation d'inclinaison. » A la date du 19 septembre 1827, on trouve : « M. Arago rend compte des observations simultanées d'intensité et d'inclinaison qu'il a faites depuis le commen- cement de l'année. L'inclinaison diminue aux heures oh l'intensité mesurée par une aiguille horizontale devient plus grande, mais le changement n'est pas suffisant pour expliquer toute la variation d'intensité, » -- A la date du 19 novembre 1828, j'ai été plus explicite; on lit dans le procès-verbal de la séance du Bureau des Longitudes : « M. Arago donne de nouveaux détails sur les obscrva- vations d'intensité et d'inclinaison qu'il a faites depuis quelques années. La variation journalière d'inclinai- son n'est pas suffisante pour expliquer les changements d'intensité qu'on déduit de l'observation de l'aiguille ho- rizontale. Ainsi le magnétisme absolu du globe est 521 M A ON fin S. ME TETxRESTRE. variable clans le même lieu aux diUérentcs heures du jour. » CHAPITRE XIX. VARIATIONS DE L I.N TtNSITK MAGNLTIQLE A TARIS. Les déductions authenlicjues qui prccèdcnl me permet- tent de réunir ici sans discussion les résultats que j'ai obtenus pour la mesure de l'intensité magnétique. Les observations ont été faites le matin entre huit et neuf heures, et le soir entre six et sept heures. Durée ^noyenne de 300 oscillations, le matin. 1825. 1826. 1827. 1828. 1829. Janvier. . . II n ll"'Zi9".87 ll"Zi9M5 ll"'Zi8\0i Février. . . ir "50',98 II 11 /i9.38 11 Zi9 .23 // .Mars. . . . 11 51 .17 K 11 69.72 11 Z|9.35 11 Zj8.37 Avril. . . . 11 51.62 II 11 50.33 11 Zi9 .52 11 /i8.8'i Mai II II 11 50.08 11 /i9.53 II Juin . . . . 11 51 .77 U il Zi9.87 11 Z|9.53 II Juillet . . . u 11 50.07 11 51.35 11 /|8 .73 Août. . . . 11 51.63 11 "51'.72 11 51.01 11 51.57 II Septembre. II 11 50 .35 H u Octobre . . II 11 50.80 11 /i9.9/i n II ISovembi'e . II 11 /i9.i8 K II Décembre . II II 11 /i9.07 11 Zi8.87 II Moyennes.. 11 51. Zi3 1151.26 11 /i9 .93 U 69.79 11 Zi8 .69 Durée moyenne de 300 oscillations, le soir. d825. 1820. Janvier. . * Février. . . ir "50^ .75 Mars. . . . 11 51 .10 Avril. . . . 11 50 .97 Mai. . . . // Juin . . , . li 50 .09 1827. ii^^o'.se 11 69.62 11 69 .58 11 69.53 11 69.36 11 69.29 1828. 11"'68'.78 11 68 .96 11 68.77 11 68.77 11 68.69 11 68.72 1829. 11"'68\08 // 11 67.91 11 67.61 MAGNETISME TERRESTRE. 182a. 1820. 52Î Juillet . . // „ ll"'Zi9'.i5 U-^SO'.G^ ll"'Zir.95 Août. . . // // 11 Zi9 .Ul 11 50.66 u Septembre // Il 11 /i9.57 // n Octobre . // // 11 /i9.57 // H Novembre // // 11 Zi9.12 // II Décembre * // 11 Zj8.70 11 Zi8.5a II jMoyennes. 11' "50% 95 // 11 /i9 M 11 /|9.17 11 hl .Vx Ainsi, on voit que la composante horizontale de l'in- tensité magnétique moyenne à Paris, est plus petite le matin que le soir. On voit aussi que cette composante horizontale augmente d'une année à la suivante. Aux mêmes heures m je mesurais la durée de 300 os- cillations à plusieurs reprises, j'ai pris aussi, pendant les années 1827, 1828 et 1829, l'inclinaison de l'aiguille et la température de la chambre où je faisais les expé- riences. Il est important de les rapprocher des nombres précédents. Inclinaisons moyennes trouvées le matin pendant les mesures cVintensité. 1827. 1828. 1829. Janvier // 68''2i'.77 ^.8" 19'. 66 Février 68" 29'. 73 68 24.65 II Mars 68 29 .93 68 23.20 68 19.28 Avril 68 35.14 68 24 .39 68 19.60 Mai 68 37.29 68 24.44 /t Juin 68 35.63 68 27.50 II Juillet 68 38.78 69 13.18 68 39.80 Août 68 55.61 69 7.20 * Septembre . . . 68 /i3.51 // a Octobre . . . . 68 33.57 // II Novemljre . . . 68 31.00 II n Décembre . . . 68 30.22 68 20 .47 II Moyenne?. . . . 68 3G.38 68 34.42 68 24.58 o2G MAGNETISME TERRESTRE. Idciinaisons moyennes trouvies h soir pendant les mesures d'intensité. 18-27. 18i>8. 4829. Janvier " 68"23'.91 68"20'.0i Février 68"2'i'.00 68 2/4-/48 // Mars G8 oO .50 68 22. /|0 68 18. /|9 Avril 68 :j;}.00 68 22.90 G8 17.50 Mai 68 35.80 -68 23.22 // Juin 68 33.75 68 26.38 // Juillet 68 35.27 60 G. 10 68 30 .3Zi Août 68 bl.hh 69 6.13 // Septembre. . . 68 Z42.G8 // // Octobre 68 32.95 n „ Novembre ... 68 31 ./il // » Décembre ... 68 29.93 68 18.80 // Moyennes.. . . 68 3i .70 68 32.70 68 21. G7 Je ne donne pas ces résultats pour discuter les varia- tions de rinclinaison , mais seulement pour rapprocher les déterminations précédentes des variations de l'inten- sité; je rapporterai tout à l'heure dans un chapitre spécial les observations de variations diurnes d'inclinaison que j'ai effectuées avec beaucoup de soin. Les nombres pré- cédents sont des déterminations d'inclinaisons directes faites seulement aux jours et heures où je déterminais les intensités, savoir : 105 jours d'observations en 1827, 52 en 1828, et 30 en 1829. Pour ces jours et ces heures, j'ai constaté les températures suivantes dans le cabinet où s'effectuaient mes observations. Températures le matin. 1827. 1828. 1829. Janvier 3". 9 8". 6 3". 5 Février 1.1 7 .7 // Mars 9 .0 9.3 6.8 MAGNÉTISME TERRESTRE. 527 Avril. . . . Mai Juin .... Juillet. . . Août. . . . Septembre. Octobre . . Novembre . Décembre . 13".4 17 .1 21 .6 24.9 23 .U 21 .2 17 .7 12 .1 8.9 13°. 0 17.6 22 .5 23 .6 23 .1 7 .9 Températures le soir Janvier. Février. ]Mars . Avril. Mai. . Juin . Juillet Août. Septembre Octobre . jNovembre Décembre 1827 3". 7 1.4 9.5 lZi.3 18.3 22 .2 25.9 23 .7 21 .8 18.3 li.5 9.5 1828. 8". 6 8.1 10.7 13 .9 18.3 23.0 23 .9 23.5 8.3 ir.8 22 .6 1820. /i^o II 7 .8 11 .7 23.2 On voit cVabord que la température des instruments ayant toujours été légèrement plus forte le soir que le matin, on ne peut pas attribuer à cette cause Vjivgmenta- tion de l'intensité le soir, puisque d'après les recherches de M. Kupffer, rapportées plus haut (p. 5'?0), l'inten- sité d'une aiguille diminue quand la température aug- mente. Reste maintenant l'influence de l'inclinaison. Nous venons de trouver que l'inchnaison est plus faible le soir que le matin de "?/ environ, ce qui correspond bien à une augmentation de la composante horizontale de l'intensité, mais à une augmentation infiniment plus faible que celle 828 ISI.UiM'TISME TERRESTRE. (|ui est accusée par les observations. On voit d'ailleurs ((ue rintensilé a subi une augmentation de 1827 à 1828, et ensuite de 1828 à 1829, tandis que l'inclinaison a été plus forte en 1828 qu'en 1827 et qu'en 1829. J'ai donc pu annoncer avec certitude dans la séance du 18 février 1829 du Bureau des Longitudes, que l'intensité absolue du magnétisme subissait en un lieu donné des variations diurnes et des variations annuelles. CHAPITRE XX. SIR l'intensité du magnétisme terrestre pendant les éclipses DE soleil. M. Lion , professeur de physique à Beaune , commu- niqua à l'Académie, dans la séance du /i août 1851, une Note relative à l'écIipse de soleil du 28 juillet. Dans cette Note, M. Lion annonçait qu'une aiguille magnétique hori- zontale avait indiqué un changement considérable d'in- tensité pendant la durée de l'éclipsé qui, en France, comme chacun sait, n'était que partielle. Il ne fut pas alors nommé de commissaires. Le même M. Lion , pour lever les doutes que sa première communication avait fait naître, adressa, le 11 août 1851, une Note explicative concernant ses premiers résultats. Enfin , M. le professeur de Beaune écrivit à l'Académie une lettre qui a été insérée en entier au compte-rendu de la séance du 9 février 1852, et dans laquelle il prétend que, d'après des observations faites par lui, il y a une variation d'intensité indiquée par l'aiguille horizontale , au moment d'une éclipse, même dans les lieux où le MAGNÉTISME TERRESTRE. 529 phénomène n'est pas visible. L'auteur demandait que rAcadéniie voulût bien faire vérifier sa découverte par une commission, notamment pendant l'éclipsé invisible du 17 juin 1852. L'Académie accueillit la demande de M. Lion , et chargea une commission , composée de quatre membres, de la vérification désirée. J'étais un des commissaires, et j'avais accepté les fonc- tions de rapporteur. J'ai fait faire en ma présence, par mes collaborateurs, MM. Laugier, Mauvais, Goujon et Cb.arles Mathieu , les observations dont je vais donner les résultais : Le 16 juin 1852. Temps moyen de Paris : Temps de ] l'observation. juiiree ae i de l'aigiiill iju oscillations e horizontale. Température. s-^ 33-" 11-" 33\9 IS".© 8 AS 11 34.2 18.0 10 2U 11 36.0 18.0 11 28 11 35.1 18.0 0 U3 11 34.2 18.0 1 33 11 34.8 18.1 2 3Û 11 33.6 18.0 3 37 11 33.6 18.0 k 32 11 34.2 18.8 5 38 11 34.2 18.8 6 /l9 11 33.0 18.8 6 57 11 33 .0 18.8 7 59 11 34 .5 18.5 8 9 11 33.9 18.5 47 juin 1852. T. .M. Paris : 9" 00'" 11"- 34%8 18M 36 11 33.9 18.5 10 15 11 34.2 18.6 10 5Zi 11 33.0 18.7 11 36 11 34.5 18.7 0 ^0 11 34 .2 18 .7 1 38 11 34.5 18.7 IV.- -I 34 530 MAGNÉTISME TERRESTRE. „ , ,. , ,. Diirco de 300 oscillations T«mr„'.r-,(„ro T.mps de 1 oLservation. ^^ ,,^ig„i„, i^orizontale. Température. o" GS" 11" 33'. 9 18". 8 2 58 11 34.8 18.9 (Commciirement de Téclipse pour le centre de la terre à 3" G"'.) 3'' 30" 11" 35-. 1 19M 3 55 11 32.7 19.1 U 16 11 33.0 19.0 5 6 11 33.3 19.2 5 22 11 33.0 19.* 5 30 11 33.0 20 .0 5 59 11 35.4 19.6 6 32 11 33.0 19 .4 (Fin deréclipseà 7"» 12".) 7" 22» ir 33'. 0 19". 0 7 58 11 33 .3 19.0 18 juin 1852. T. M. Paris : g** 29'" 11" 35'. 5 18».2 10 A8 11 34.8 18 .5 0 13 11 33.6 18.8 1 32 11 33.6 18.9 3 11 11 33.9 19 .2 3 21 11 33 .9 19.2 6 U3 11 33 .G 19.0 On voit par rensemble de tous ces chiffres, que l'ai- guille horizontale, à Paris, n'indiqua aucun changement brusque et sensible d'intensité, ni au commencement, ni à la fin de l'éclipsé, ni pendant sa durée. Ajoutons que l'aiguille d'inclinaison, suivie avec le plus grand soin, ne manifesta aucune perturbation irrégulière accidentelle. Nous supprimons ces observations pour abréger. x4près les expériences que nous venons de rapporter, il demeu- rait constaté que la conjecture de M. Lion était contraire aux faits, du moins quant à l'éclipsé invisible du 17 juin. Il eût été peut-être convenable que le rapporteur com- muniquât ces résultats aux membres de la commis- MAGNÉTISME TERRESTRE. 531 sion immédiatement ; mais il lai répugnait d'affliger un jeune homme dont l'instruction paraissait fort étendue. Ce motif seul semblait légitimer un retard. Sur ces entre- faites, je reçus de l'auteur du Mémoire une lettre qui paraissait annoncer que les observations faites à Beaune ne s'étaient pas mieux accordées avec les nouvelles vues théoriques que celle de Paris. M. Lion , craignant sans doute que la publication de ces dernières ne lui fît quelque tort auprès des personnes de la petite ville qu'il habite , demanda que le résultat négatif auquel nos observations avaient conduit ne fût pas publié. Je crus , en ce qui me concernait, devoir souscrire à ce vœu, quoique je ne pensasse pas que dans des recherches aussi compliquées et que dans l'isolement de l'auteur une erreur commise de bonne foi pût devenir une cause légitime de défaveur. Aujourd'hui que le fait annoncé par M. Lion est cité dans certaines publications comme étant conforme aux observations, il n'est plus permis de garder le silence, car la science a aussi ses exigences. Il paraît résulter d'une lettre récente qui m'a été com- muniquée, que M. Lion persisterait jusqu'à un certain point dans ses anciennes idées, qu'il penserait seulement que, parmi les conjonctions écliptiques, il y en aurait qui seraient accompagnées d'un changement d'intensité et d'autres qui seraient sans effet. Les observations ultérieures nous éclaireront à ce sujet. 532 MAGNÉTISME TERRESTRE. CHAPITRE XXI. VAHIATIONS DE l'iNCLINAISON ET DE l'iNTENSITÉ MAGNÉTIQUES d'un heu a l'autre. Les détails précédents dans lesquels je suis entré suf- fisent pour démontrer que l'on ne peut comparer les unes aux autres les intensités et les inclinaisons magnétiques de la terre en différents lieux , que si on les rapporte à la môme époque. Voici une table que M. lïansteen a con- struite, et qui a paru , en 182G, dans le Journal de Breio- slcr. Elle a été insérée inexactement dans les Annales de Poggendorf. L'intensité magnétique est supposée être égale à 1 sous l'équateur magnétique. Liera des oLservatious. de 1 ai'^nnie. Intensité. Hémisphère austral. Port du -Nord 75" 50 1. 5773 Port du Sud 70 Ù8 1. 6133 Sourabaya à Java 25 ZiO 0. 93/i8 Amboine 20 37 0. 9332 Lima 9 59 1. 0773 Equateur magnétique au Pérou. 10 0 1. 0000 Hémisphère boréal. Tomependa 3 11 1. 0191 Loxa 5 2Zi 1. 0095 Cuença 8 /i3 1. 0286 Quito 13 22 1. 0675 San-Antonio ih 25 1. 0871 San-Carlos 20 Zi7 1. 0/i80 Popayan 20 53 1. 1170 Santa-Fé de Bogota 24 16 1. 1/|73 Javita 2/1 19 1. 0675 Esraéralda 25 58 1. 0577 Caricliana 30 24 1. 1575 MAGNÉTISME TERRESTRE. 533 Lieux des observations. de° raieuuîe Intensité. Saint-Thomas 35" 6' 1. 1070 Carthagena 35 15 1. 2938 Cuinaiia 39 Zi7 1. 1779 Mexico A2 10 1. 3155 Mer Atlantique , par 12° 3U' de latitude nord et 53" UW de longitude ouest de Paris, .. . 45 8 1. 2300 Portici 60 5 1. 2883 Aaples 61 35 1. 27Z|5 Rome 61 57 1. 26Zi2 Vésuve, cratère 62 0 1.1933 Santa-Cruz de Ténériffe 62 25 1. 2725 Valencia 63 38 1. 2i05 Florence 63 51 1. 2782 Mer Atlantique , par 32" 16' de latitude nord et 2" 52' de longitude ouest 64 21 1. 2938 Barcelone 64 37 1. 3482 Marseille 65 10 1. 2938 ]\îmes 65 23 1. 2938 Milan 65 40 1. 3121 Montpellier 65 53 1. 3482 Airola 65 55 i. 3090 Turin 66 3 1. 3364 Médina del Campo 66 9 1.2938 Lans-le-Bourg (Mont Cenis)... 66 9 1.3327 Corne 66 12 1. 3104 Saint-Michel 66 12 1.-34S8 Lyon 66 14 1. 3334 Saint-Gothard 66 22 1. 3138 Mont Cenis 66 22 1.3441 Urseren 66 42 1. 3069 Altorf 66 53 1. 3228 Mer Atlantique , par 38" 52' de latitude nord et 24" 10' de longitude ouest de Paris 67 40 1. 3155 Madrid 67 41 1. 2938 Tubingen 68 4 1. 3569 Ferrol 68 32 1. 2617 Taris 69 12 1. 3482 Cottingen 69 29 1. 3485 634 MAGNÉTISME TERRESTRE. Lieux des observations. dri-riguille. l'il-^nsité Berlin 69"53' 1. 3703 Berlin 68 50 1. 3533 Danzig 69 Ziù 1. 3737 Londres 69 55 1. 3097 Ystad 70 13 1. 37/(2 Schleswig 70 36 1. 3816 Copenhague 70 36 1. 3G72 Odensée 70 50 1. 3650 llelsingborg 70 50 1. 3782 Kolding 70 53 1. 38/i6 Soroë 70 57 1. 38/)2 Friedrichsburg 70 59 1. Z|028 Aarhus 7113 1.3838 Aalborg 71 27 1. 3660 Friedriclishaven 71 /i8 1. 38/i2 Gothenburg 71 58 1. 3826 Altorp 72 14 1. 3891 Korsœr 72 24 1. 3735 Christiania 72 34 1. 4195 Bogstadt 72 34 1. 4378 Drummen 73 37 1. 3771 Gran 73 45 1. 3221 Kongsberg 73 47 1. 4144 Bergen 74 3 1. 4220 Haro (Tsland), par 70" 42' de latitude nord et 57° 26' de longitude ouest de Paris 82 49 1. 6406 Baie de Baffin, par 76" 8' de latitude nord et 81° 11' de longitude ouest de Paris 86 0 1. 6885 Voici en conséquence la loi de variation que l'on peut établir depuis l'équateur magnétique jusqu'au pôle ma- gnétique boréal : Inclinaisons. Intensités. 0° 1.0 24 1.1 45 1.2 64 1.3 73 1.4 MAGNÉTISME TERRESTRE. 533 lucliuaisons. Intensités. 76" 2/3 1.5 81 1.6 86 1.7 Il y aura lieu de rechercher les modifications que le temps pourra apporter dans cette loi. Afin de donner un point de départ aux physiciens qui, dans l'avenir, vou- dront se livrer à ce genre de recherches, je placerai ici un tableau de quelques-unes des inclinaisons magnétiques mesurées, vers 1805, par mon ami Alexandre de Hum- boldt {Connaissance des temps pour 1827) : ^i^"^- des o1,°ervations. Inclinaisons. Paris 1798 69" 26' Id 1806 69 12 Lyon 1805 66 14 Kîmes 1799 65 23 Montpellier id. 65 53 Marseille id. 65 10 I Ursei-en... Jd. 66 42 Saint-Gothard I Hospice... Id. 66 22 ( Airolo M, 65 25 Altorf 1805 66 53 Lucerne Id. 67 10 Zurich Id. 67 22 .. x^ • ( Lans-le-Bourg Id. 66 9 Mont Cents ^, . , , -n^ «„ ( Hospice Id. ^6 22 Turin Id. 66 3 Milan Id. 65 ZiO Corne Id. 66 12 Gènes Id. 6!i 1x5 Pavie Id. 65 25 Plaisance Id. 65 0 Parme Id. 65 7 Modène Id. 64 55 Bologne Id. 64 48 Florence Id. 63 57 Rome 1806 61 57 Naples 1805 61 35 53G MAGNÉTISME TERRESTRE. CHAPITRE XXII. VARIATIONS DIURNES DE L'INCLINAISON MAGNÉTIQUE. Les Traités de physique les plus récents disent encore ([uc les variations diurnes de l'inclinaison sont incertaines. Je pense que quand leurs auteurs auront sous les yeux les chiffres extraits de mes registres d'observation , ils icgarderont le phénomène comme parfaitement établi. J'ai communiqué la découverte du fait au Bureau des Longitudes dans la séance du i23 mai 1827. Postérieure- ment, il a été fait plusieurs tentatives du même genre dans divers observatoires. Je dois à l'un de nos physi- ciens les plus compétents en ces sortes de matières, M. Bravais, un résumé des travaux exécutés depuis mes recherches. La boussole que M. Kupffer a fait construire par Gam- bey, dans le but d'observer les variations diurnes de l'in- clinaison, a été mise en expérience, le 19 août 1830, à Saint-Pétersbourg. 11 résulte des observations faites avec cet instrument, dont l'aiguille a ses tourillons taillés en couteau, que l'in- clinaison maximum aurait lieu à dix heures du matin , et le minimum à dix heures du soir. L'étendue des varia- tions était de quatre à cinq minutes. Quelquefois, mais rarement, de sept à huit minutes. Dans le nouveau plan d'observations magnétiques con- certé à Goettingue en 1839, il n'y a pas d'instrument pour observer les variations diurnes de l'inclinaison. Le capi- taine Sabine dit, à l'occasion des observations faites à MAGNÉTISME TERRESTRE. 537 Toronto dans le Canada, qu'à l'aide des magnétomètres de Gauss et de Lloyd observés simultanément , on suit la marche horaire des intensités des forces magnétiques horizontales et verticales dont on déduit par le calcul les inclinaisons respectives et, par conséquent, les variations diurnes de l'inclinaison. Les observations faites à Toronto, pendant les années 18/iO, 1841 et 1842, ont donné les variations diurnes suivantes : Inclinaison maximum à 10'' m. Inclinaison minimum à 4 s. Étendue de l'amplitude de la variation l'.21. A Van-Diémen, pendant les années 1842 à 1848 , on a eu pour résultat des variations diurnes de l'inclinaison déduites par le calcul des variations diurnes des forces horizontales et verticales Un maximum à il" 30°" m. Un minimum à 6 m. La moyenne des sept années d'observations donne pour l'inclinaison de chaque mois : Janvier 70' 35'. 97 Février 70 37 44 maximum.-^ I^Iars 70 36 .81 Avril 70 35.53 Mai 70 36.67 Juin 70 33.97 Juillet 70 3Zj .61 Août 70 32 .79 minimum. Septembre 70 35 .3Zi Octobre 70 35 .69 Novembre 70 3G .60 Décembre 70 36 .56 11 y a, comme on le voit, un maximum en février et nn minimum en août, donnant heu à une différence de 4'. 95. B38 MAGNÏ-TISME TKHUl-STHE. M. Kreil a observé à Milan les vai'ialions de l'inclinai- naison , au moyen d'une aiguille munie d'un petit miroir parallèle à la fois h son axe magnéticiuc et à son axe de rotation , et qui réfléchissait les divisions d'une échelle parallèle à son axe magnétique. La description de l'appareil est dans le premier sup- plément des Éphcmérides de Milan, page 181. 11 a observé, pendant les années 1837 et 1838, aux heures suivantes : 8" du matin. 10 1/2 du matin. 1 du soir. li 1/2 du soir. 7 i/2 du soir. 11 du soir. Il a trouvé une variation diurne très-faible , savoir : 8" du matin, 63" 51' 11" 10 1/2 du matin, 63 51 25 1 du soir, 63 51 li U 1/2 du soir, €3 51 18 7 1/2 du soir, 63 51 8 11 du soir, 63 51 h Les observations magnétiques exécutées dans le Nord, par M. Bravais et ses collaborateurs, comprennent des mesures des variations de l'intensité magnétique verticale et de l'intensité horizontale. Les variations diurnes de l'intensité horizontale, dm-ant les jours calmes, magnéti- quement parlant , ont donné : Un premier maximum h 6" s. Un premier minimum à 1'' m. Un deuxième maximum à 1^ m. Un deuxième minimum à 11** m. Dans les journées perturbées, le maximum et le mini- MAGNÉTISME TERRESTRE. 539 mum du matin disparaissent ; le premier maximum arrive alors plus tôt, vers quatre heures trente minutes, et le second minimum a lieu vers minuit , selon M. Bravais. Ce physicien a fait voir que, dans nos climats, le second maximum devait avoir lieu à six heures du matin et le second minimum à midi, et il a cité à Tappui les obser- vations faites par M. Lamont àMmiich (18Zi2, iSko). La variation diurne de Tintensité verticale n"a pu être déterminée pour les journées calmes; l'époque la plus calme est de sept heures du matin à trois heures du soir. Dans les journées troublées, les perturbations sont tantôt positives, tantôt négatives, de quatre heures du soir à minuit; de minuit à huit heures du matin, elles sont presque toujours négatives; les perturbations négatives l'emportent aussi le reste de la journée. Le maximum a lieu vers deux heures du soir, et le minimum vers deux heures du matin. De ces deux éléments, variations de l'intensité horizon- tale et variations de l'intensité verticale, on peut déduire par le calcul les variations diurnes de l'inclinaison, et c'est ce qu'on fait en général aujourd'hui. -^ Mes observations au contraire ont été faites directement à l'aide de la boussole dont j'ai précédemment indiqué le principe (p. 512). [Les observations des variations diurnes d'inclinaison de M. Arago sont comprises dans ses registres de varia- tions diurnes de déclinaison. En général , M. Arago a concentré ses observations à deux époques de la journée, entre huit et neuf heures du matin et entre six et sept heures du soir. Mais il a fait 5i0 MAGNÉTISME TERRESTRE. parfois jusqu'à cent cinquante observations en un seul jour, et il résulte de l'ensemble de ses recherches, que rinclinaison paraît avoir chaque jour : 1" Un maximum entre huit et ncufheurcs du matin ; 2° Un minimum de deux à trois heures du soir ; o° Un second maximum entre huit et neuf heures du soir; II" Un minimum entre onze heures du soir et minuit. Ces heures avancent ou retardent suivant la saison et la température. Les observations de variations de Tinclinaison de M. Arago sont très-nombreuses , elles s'élèvent à plus de vingt mille ; mais elles n'ont pas été faites avec la même régularité que celles de la déclinaison. M. Fédor Thoman a pu calculer complètement les quatre séries qui corres- pondent aux années 1827, 1828, 1829 et 1830, de manière à assurer qu'elles représentent exactement le phénomène cherché. ANNÉE 18-27. Mois. Moyennes des maxima. Moyennes des miuima. Moyennes mensuelles. Araplitndos moyennes des variations diurnes. Janvier. . . 68"30'.72 68"30'.23 68" ■30'.i7 0'./i9 Février . . . 68 30.32 68 28.66 68 29. U9 1.66 Mars . . . . 68 30.^0 68 30 .00 68 30.20 O./lO A\ril . . . . 68 35.17 68 32.60 68 33.89 2.57 Mai 68 36. 8D 68 35.11 68 36.00 1 .78 Juin 68 36.21 68 35.05 68 35.63 I.IG Juillet. . . . 68 39.79 68 37. /li 68 38.61 2.35 Août 68 55.25 68 52. 7i 68 53.99 2.51 Septembre . 68 Zi7.05 68 -V2.63 68 i^.8i h ./|2 Octobre. . . 68 3i.68 68 33.36 68 3Z1.02 1.32 jNovembre. . 68 32.52 68 31.20 68 31.86 1.32 ■ Décemljre. . 68 30 50 68 29.90 68 30.20 O.ÔO Moyennes. . 68 36. 62 68 3.'i.9I 68 35 .77 1.71 MAGNÉTISME TERRESTRE. 5il Le minimum moyen a eu lieu en février, et le maximum moyen en août. Les plus grandes amplitudes des varia- tions diurnes se sont produites en avril et septembre , et la plus petite a eu lieu en mars. Mois. Janvier . Février . Mars . . Avril . . Mai. . . Juin. . . Juillet. . Août . . Septembr Octobre. Novembre Décembre, ^lovennes, Moyennes des maxima. 68"2û'.19 68 25.10 68 23.19 68 2^.31 68 2^.67 68 27.18 69 9.20 69 7.02 69 2.ZtO 68 ^6.21 68 25.90 68 19.65 68 36 .38 ANNEE 1828. Moyennes des minima. 68° 23'. 65 68 2i.80 68 20.50 68 20.20 63 23.39 68 25.37 69 5 .86 69 i.70 69 0.10 68 40. /il 68 2i.i0 68 18.80 68 34.35 Moyennes mensuelles. 68" 23'. 92 68 24.95 68 21.84 68 22 .25 68 24.03 68 26.27 69 7.53 69 5 69 1 68 42 68 25 86 25 31 15 68 19.22 68 35 .36 Amplifu'ies moyennes des vaii Etions diurnes. 0'.54 0.30 2.69 4.11 1.28 1.81 3.34 2.32 2.30 3.80 1.50 0.85 2.03 Le minimum jnoyen a eu lieu en mars, et le en juillet. Les plus grandes amplitudes des diurnes se sont produites en avril et en octobr petite en février. ANNÉE 1829. maxmium variations e, la plus Mois. Moyennes des inaîima. Moyennes des minima. Moyennes mensuelles. Amplitudes moyennes des variations diurnes. Janvier . . . 68" 20'. 15 68" 18'. 70 68" 19'. 42 1.45 Février. . // // n // Mar.s . . 68 19.47 68 16.70 68 18.08 2.77 Avril . . . 68 20.03 68 17.35 68 18.69 2.63 Mai .... // H // // Juin. . . . // II * // Juillet. . . 68 34.18 68 30.23 68 32 .20 3.95 512 MAGNÉTISME TERRESTRE. Mois. Août . . . Septembre Octobre. . Novembre. Décembre. Moyennes. Moyennos des umxiuia. r)8"2û'./i0 II 08 29.77 68 28.53 68 27.08 68 25. /j5 Moyennes des luiiiima. 68" 21. '02 68 27.0/1 68 25.71 68 25.35 68 22.76 Moyennes incnsiielles. 68'22'.71 08 28.. /|0 68 27.12 68 26.22 68 2Z|.10 Amplitudes mi.yniiirs dus variations diurnes. 3'. 38 II 2.73 2.82 1.73 2.69 Quoique les observations de quatre mois manquent, on voit qu'en 1829 on a eu un maximum en juillet et un minimum vers le mois de mars, conséquence analogue à celle déduite des observations des années précédentes. C'est surtout pendant l'année 1830 que M. Arago a étudié- cTV'ec une attention minutieuse les mouvements de l'aiguille d'inclinaison. Le résultat de son étude présente une série régulière de plus de trois mille observations qui fournissent un tableau très-exact de la marche des varia- tions diurnes de l'inclinaison et des valeurs mensuelles abso- lues de cet important élément du magnétisme terrestre. Mois. Janvier . Février . Mars . . Avril . . Mai . . . Juin. . . Juillet. . Août . . Septembre Octobre, Kovembre Décembre, Moyennes des maxima. 68" 26'. 10 68 25.87 68 29.51 68 35.8/1 68 38.18 68 Z|0./i2 68 39.03 68 /1/1.32 68 39.77 68 ZiO.76 68 37.89 68 36.23 Moyennes. , 68 3G.16 Moyennes des uiinima. 68°2/i'.21 68 2Z|.7/i 68 27.69 68 33.0/1 68 3/1. /i2 68 36.6/1 68 36.29 68 /il. 90 68 37. /|7 68 38. /il 68 35.55 68 3/1.50 68 33.7/1 Moyennes mensuelles. 68''25'.16 68 25.30 68 28.60 68 3/1. /i/i 68 36.60 68 38.53 68 37.66 68 /i3.11 68 38.62 68 39 .58 68 36.72 68 35.36 68 3/1.95 Amplitudes moyennes des variations di\ii'nes. l'.89 1.13 1.82 2.80 3.76 3.78 . 2.7/1 2./i2 2.30 2.35 2.3/1 1.73 2./i2 MAGNÉTISME TERRESTRE. 543 Le minimitm de l'inclinaison a eu lieu en février, et le maximum en août. On peut donc dire, en résumé, que le minimum de l'inclinaison coïncide avec l'époque de l'équinoxe du prin- temps, et que le maximum se présente avec le solstice d'été. On voit aussi que les variations diurnes de l'inclinaison ne s'élèvent pas en général au delà de 3 à k' , et que, par conséquent, des variations de plusieurs dizaines de minutes obtenues par des obseiTations isolées faites dans des saisons quelconques , peuvent être regardées comme indiquant avec une approximation suffisante la marche générale de l'inclinaison en un lieu donné. Ainsi , pour Paris, comme l'a conclu M. Arago dans les notes qu'il a laissées , on trouve : Décroissements moyens annuels. 1798 69" 51' ù'.93 1812 68 42 " 1828 68 35 1850 67 9 1851 66 35 O.Zi3 7.16 3.09 De 1798 à 1851 , en cinquante-trois ans , on a une diminution de 3° 16, ou par an, en moyenne, 2>' /il".9. ] En des lieux très-éloignés les uns des autres, le magné- tisme terrestre présente souvent dans sa marche une harmonie merveilleuse, mais parfois on rencontre des ano- malies qui démontrent qu'il existe des forces pertubatrices dont la nature nous est inconnue. Nous pourrons suivre le jeu magnétique de ces forces avec les instruments d'une bii MAGNÉTISME TERRESTRE. précision extrême que nos artistes habiles sont parvenus à construire, mais h la condition qu'il y ait des observa- tions très-fréquentes et très-exactes exécutées dans un grand nombre d'observatoires, à des époques convenues d'avance et à des instants très-rapprochés. Mon illustre ami, Alexandre de Humboldt, a cherché à associer à l'œu- vre commune plusieurs amis des sciences, et M. Gauss l'a secondé dans ses elïorts qui mériteraient d'être couronnés de succès. 11 serait nécessaire que les instruments fussent comparés entre eux. J'ai fait une fois, avec les instruments confiés à la Chevrette, des expériences qui ont été répétées à Toulon par M. de Blosseville. Voici les résultats obtenus en mai 1827 : Paris, du 2 au 4 7naL T,. ,. . i„„y„,:„r,„ Durée de 300 oscillations Déclinaison. Inclinaison. de raigi.ille horizontale. 22'25'.3 67"51'.3 18'18".68 Toulon, du 24 au 29 mai. i„ 1 „.v^„ Durée de 300 oscillations incliiidison. ^g raigiiiUe horizontale. eS-ll'.O 16'60".7 Il y a lieu de rechercher, avant de donner aux chiffres obtenus dans toutes les expériences de ce genre une con- fiance absolue, si les aiguilles conservent exactement le même magnétisme. Des expériences analogues à celles que j'ai indiquées dans le chapitre XVI, page 517, sont nécessaires pour fournir à la science un fondement assuré. AURORES BOREALES' CHAPITRE PREMIER. DÉFINITION DES AURORES BORÉALES. Le but final de la météorologie est , pour le commun des hommes, la prédiction du temps qu il fera. Envisagée de ce point de vue, la science ne compte encore que des essais avortés ou sans avenir. Sous d'autres rapports, ses progrès, au contraire, ont été certains, rapides, éclatants. Pour justifier cette assertion , il nous suffira de citer les questions relatives à l'électricité, au magnétisme, et voilà qu'aujourd'hui on peut dire que la simple observation d'une aiguille aimantée, librement suspendue, indique que dans les régions lointaines il se passe un magnifique phénomène aussi digne de l'attention du plus savant phy- sicien c|ue de l'admiration du plus humble spectateur. Au commencement du xMr siècle , Gassendi donna le nom d'aurore boréale h un phénomène qui, dans nos cli- mats , fait ordinairement son apparition vers le nord , et dont la naissance se manifeste, près de l'horizon , par des lueurs analogues à celles du crépuscule. L'aurore boréale n'est pas, comme l'arc -en-ciel, 1. OEuvre posthume. IV. -I. 35 546 AURORES BORÉALES. comme les halos, les couronnes , les parhélies, etc., un simple phénomène de lumière, elle semble se lier aux forces magnétiques du globe terrestre. Ces forces étant variables, au moins de position , il y a lieu de se deman- der si l'aurore boréale a toujours existé, si tous les siècles l'ont vue avec les mêmes formes, le même éclat, les mêmes couleurs, dans les mômes régions de l'espace , etc. Nous examinerons successivement le phénomène sous ses divers aspects. CHAPITRE II. LES AURORES BORÉALES ÉTAIENT CONNUES DES ANCIENS. Pline veut évidemment désigner deux aurores boréales quand il parle en ces termes de deux phénomènes lumi- neux extraordinaires qui sont venus dissiper les ténèbres de la nuit. « On a vu pendant la nuit, écrit le célèbre iiaturaUste, sous le consulat de C. Cœcilius et Cn. Papi- rius (an de Rome 6/il), et d'autres fois encore, une lumière se répandre dans le ciel , de sorte qu'une espèce de jour remplaçait les ténèbres. « Un bouclier ardent, jetant des étincelles, a traversé le ciel de l'occident à l'orient , au moment du coucher du soleil, sous le consulat de L. Valérius et de C. Marius (an de Rome 654).» (Pline, liv. ii, chap. xxxiii et XXXIV. ) D'après un travail très-savant dû à M. Edouard Biot, la première mention positive d'aurore boréale, dans les textes chinois, remonte à l'an 208 avant notre ère. (Comptes-rendus de l'Académie, t. xix , p. 829.) AURORES BORÉALES. b47 CHAPITRE III. DES AtRORES BORÉALES OCSERVÉES DA\S LE NORD. Nulle part les aurores boréales ne se montrent aussi fréquemment et avec autant de magnificence que dans les régions où ont hiverné les laborieux et zélés observa- teurs de l'expédition d'Islande. Nous sommes heureux de dire que plusieurs de nos jeunes voyageurs ont étudié ce mystérieux phénomène avec une constance exemplaire et en mettant à profit les moyens d'observation les plus subtils de l'astronomie, de la géodésie, de la physique. En montrant historiquement que ces recherches ont donné la preuve de la persistance du phénomène, nous aurons témoigné de l'intérêt qu'elles nous ont inspiré ; elles nous ont permis de regarder en arrière et de mesurer l'espace que la science a franchi. Pendant 206 jours (de septembre 1828 à avril 1839) passés à Bossek'op, sur la cote de West-Finmark, par 70" de latitude boréale, il a été obser/é lli'?* auroresi^oréales, parmi lesquelles il s'en est trouvé 6'i pendant la nuit de 70 journées qui règne dans ces régions. Nous emprunte- rons quelques traits, en abrégeant son récit, à la descrip- tion qu'a faite M. Lottin des magnifiques phénomènes qu'il lui a été donné d'observer. Le soir, entre quatre et huit heures, la brume légère qui règne presque habituellement au nord, à la hauteur de li ;i 6% se colore à sa partie supérieure , ou plutôt se frange des lueurs de l'aurore qui existe derrière. Celte 8i8 AURORES RORÉALES. J)oi-(Uire (loviont plus régulière cl forme un arc vague, d'une couleur jaune paie, dont les bords sont dilTus et dont les extrémités s'appuient sur les terres. Bientôt des stries noirâtres séparent régulièrement la matière lumineuse de Tare qui s'élève lentement, son sonnnet restant à peu près dans le méridien magnétique. 11 se l'orme des rayons qui s'allongent, se raccour- cissent lentement ou instantanément; ils dardent, aug- mentant ou diminuant subitement d'éclat. Tous ils sem- blent converger vers un même point du ciel , indiqué par la direction de l'aiguille d'inclinaison ; quelquefois ils atteignent ce point de réunion en formant ainsi le fragment d'une immense coupole lumineuse. L'arc continue de monter vers le zénith ; il éprouve un mouvement ondulatoire dans sa lueur, l'éclat de cha- que rayon augmentant successivement d'intensité. Souvent l'arc n'est qu'une longue bande de rayons qui se contourne, se sépare en plusieurs parties, for- mant des courbes gracieuses qui se referment presque sur elles-mêmes , et offrent , n'importe dans quelle partie de la voûte céleste, ce que l'on a nommé des couronna, boréales. Les courbes se forment et se déroulent comme les phs et les replis d'un serpent, les rayons se colorent, la base est d'un rouge de sang clair, le milieu d'un vert émcraude pâle, le reste conserve sa teinte lumineuse jaune clair. De nouveaux arcs se succèdent à l'horizon ; on en a compté jusqu'à neuf; ils se serrent les uns contre les autres et vont disparaître vers le sud. Quelquefois la masse des AURORES BOREALES. 5i9 rayons qui ont déjà dépassé le zénith magnétique paraît venir du sud , et , se réunissant avec ceux du nord , donne la véritable couronne, ayant une forme ordinairement elliptique , rarement circulaire. Il arrive que cette cou- ronne se forme aussi sans aucun arc préalable. La couronne s'affaiblit, les arcs pâlissent avant d'avoir atteint l'horizon du sud^ les rayons forment des lueurs pâles qu'on a désignées sous le nom de plaques aurorales; ils deviennent vagues et finissent par se confondre avec les nuages. CHAPITRE IV. AURORES BORÉALES GESERVÉES DE DIVERS LIEIX. Le 6 mars 1715 ou 1716, une aurore boréale fut observée à Cambridge par Roger Cotes. Les premiers rayons se montrèrent au nord ; mais à sept heures un quart , il s'en élevait de toutes les parties du ciel , depuis le nord jusqu'au sud. Ces rayons, en se réunissant, formaient une espèce de dais {canopy). Leur point de réunion était 20" au sud du zénith; l'azimut de ce point était de 10° comptés du sud vers l'est ; le dais s'élevait jusqu'à 10 ou 13" de hauteur dans la direction du nord où il était le plus étendu ; vers le sud , il ne descendait que jusqu'à 40° au-dessus de l'horizon. Les couleurs des rayons surpassaient quelquefois en vivacité celles du plus brillant arc-en-ciel ; mais elles s'éteignaient au bout d'une seconde de temps. L'auteur attribue le phénomène à des rayons parallèles (|ui ne paraissent converger que par un effet de perspec- tive. 850 AURORES BORÉALES. Roger Cotes rapporte qu'il a remarqué un tremblement très-sensible dans les extrémités supérieures des rayons lumineux de l'aurore boréale que nous venons de décrire. Ces rayons étaient aussi croisés quelquefois par des espèces d'ondes qui s'élevaient au nord parallèlement à l'horizon. Dans un phénomène précédent, Roger Cotes avait aperçu un grand nombre de rayons parallèles, jaillissant d'un nuage lumineux placé dans la région du nord ; quel- quefois une portion du nuage se détachait et marchait parallèlement à l'horizon; alors cette portion transportait avec elle un ou plusieurs des faisceaux lumineux dont nous venons de parler, les croisait successivement en leur demeurant néanmoins toujours parallèle. Pour qu'on puisse calculer plus exactement , si on le désire, la position de l'aurore boréale du 6 mars 1715 ou 1716, Cotes avertit qu'à sept heures un quart le som- met du dais était à peu près au milieu de l'intervalle compris entre Castor et Pollux ( Transactions philoso- phiques, 1720, vol. XXXI, p. 66, Roger Cotes). Le 30 mars 1717, à Rochester, le révérend Edmund Barrell dit avoir observé une aurore boréale qui n'était pas juste au nord, mais un peu vers l'ouest {Transaclions philosophiques , \o\. xxx, p. 58/i). Martin Folkes a observé la même aurore ; il a estimé que le point culminant de l'arc lumineux était envii'on à 20' à l'ouest du vrai nord. A la fm, la déviation lui paraissait plus petite de plusieurs degrés ( Transaclions philosophiques , vol. xxx, p. 196 et 588). Halley a observé une aurore boréale à Londres le AURORES BORÉALES. Sol 10 novembre 1719. Le point de concours des rayons lumineux était à 14° au sud du zénith et fort près du méri- dien. Les points de départ des rayons étaient au moins à 30 ou 40° de hauteur ; aucune lumière ne se voyait plus près de l'horizon; le ciel cependant était parfaitement calme et serein [Transactions philosophiques , vol. xxx, p. 1099). Le 15 février 1 730, Cramer observa une aurore boréale à Genève. La base de l'arc lumineux reposait sur une corde d'environ 145°; son milieu déclinait vers l'ouest d'environ 15° (huit heures trente minutes du soir). Le point le plus élevé était à 30 ou 40° de hauteur. On voyait en même temps, au midi, une bande lumi- neuse dont la hauteur variait successivement entre 45 et 54°. Cette bande , assez semblable à l'arc-en-ciel , mais plus large, variable entre 14 et 20°, était terminée par deux arcs parallèles également espacés. Son point culmi- nant déviait de 15° du sud vers l'est; il était donc diamé- tralement opposé au point culminant de l'arc boréal. Le rouge écarlate était la couleur de la zone australe. Cette aurore, par extraordinaire, alfaiblissait considérablement la lumière des étoiles sur lesquelles les arcs venaient se placer. Le temps était froid, calme et serein {Transac- tions philosophiques, 1730, vol. xxxvi, p. 279). Le 9 octobre 1730, Mairan et Cassini virent, l'un à Breûillepont en Normandie, l'autre en Picardie, une aurore boréale ordinaire qui , peu de temps après , huit heures du soir, commença à s'ébrécher vers son milieu, et se divisa en deux ovales lumineux inclinés à l'hori- zon, longs chacun de 15 à 18° sur 5 ù G° de largeur, Ji52 AURORES BORÉALES. entre lesquels on voyait les Pléiades. Ensuite les deux ovales diminuèrent d'intensité , changèrent de figure et disparurent. Pendant ce temps, le père Rouché observait à Poitiers, et à fort peu près dans la môme région du ciel , une aurore dont les formes ne paraissent pas pouvoir être ramenées par des effets de parallaxe à celles que Mairan et Cassini ont décrites. A Poitiers « on vit d'abord un demi-cercle dont le diamètre , tourné en haut, était paral- lèle à l'horizon, et long de plus de 20°. Ensuite ce demi- cercle se partagea en deux autres moindres contigus par leurs diamètres , qui faisaient une môme droite parallèle encore à l'horizon. Ces figures si régulières ne durèrent pas longtemps ; les deux petits cercles se réunirent pour former un grand cercle presque entier; enfin cela devint une espèce de segment de cercle qui finissait par un tri- dent , dont les dents étaient fort longues et bien sépa- rées. » [Académie des sciences de 1730, hist. , p. 7.) Maraldi , enfin , ne parle dans sa description de la même aurore, vue à Paris {Mémoires, p. 574), que de deux colonnes lumineuses inclinées à l'horizon , de 16 à 18° de longueur sur 5 à 6 de largeur. L'une commença à dimi- nuer à huit hem'cs vingt-cinq minutes, tandis que l'autre augmentait. Le docteur Blanc dit avoir observé une aurore boréale à la Barbade, le 10 octobre 1780, pendant un ouragan : elle se montra au nord-est {Académie d'Edinburf/h, 1788, tomer, p. 34). AURORES BORÉALES. o53 CHAPITRE V. SUR LA DÉTERMINATION DE LA HAUTEL'a DE l'ARC DES AUROR"S BORÉALES. Dans nos climats, quand une aurore boréale est com- plète, quand une partie de sa lumière dessine dans Tes- pace un arc bien tranché , bien déQni , le point culminant de cet arc est dans le méridien magnétique, et ses deux points d'intersection apparents avec l'horizon sont à des distances angulaires égales du même méridien. Lorsqu'il jaillit des colonnes lumineuses des diverses régions de l'arc, leur point d'intersection, celui que cer- tains météorologistes ont appelé le centre de la coupole , se trouve dans le méridien magnétique, et précisément sur le prolongement de l'aiguille d'inclinaison. Il est très-important de répéter partout ce genre d'ob- servations, moins pour établir entre les aurores boréales et le magnétisme terrestre une connexion générale dont personne ne peut douter aujourd'hui, qu'à raison des lumières qu'il doit répandre sur la nature intima du phé- nomène, et sur les méthodes géométriques d'après les- quelles on a quelquefois déterminé sa hauteur absolue. Ces méthodes, fondées sur des combinaisons de paral- laxes, supposent que partout on voit le même arc, je veux dire les mêmes molécules matérielles amenées par des causes inconnues à l'état rayonnant ! Si je ne me trompe, cette hypothèse, quand elle sera examinée avec le scru- pule convenable, soulèvera plus d'un doute sérieux. L'orientation magnétique de l'arc de l'aurore ne prouve 554 AURORES BORÉALES. rien autre chose si ce n'est que le phénomène est place symétriquement par rapport à l'axe magnétique du globe. Quant au genre de déplacement que le centre de la cou- pole éprouve pour chac[ue changement de position de l'observateur, il ne saurait s'expli({ucr par un jeu de parallaxes. Ce déplacement est tel qu'un observateur qui marche de Paris vers le pôle magnétique nord, voit le centre de la coupole, situé au sud de son zénith , s'élever de plus en plus au-dessus de l'horizon ; or c'est précisé- ment le contraire qui arriverait si la coupole était un point rayonnant et non un simple elTet de perspective. Dès qu'on a établi que dans les aurores boréales une de leurs parties est une pure illusion, on ne voit pas pourquoi l'on adopterait d'emblée que l'arc lumineux de Paris est celui qui sera aperçu de Strasbourg, de Munich, de Vienne, etc. ! Conçoit-on quel grand pas aurait fait la théorie de ces mystérieux phénomènes, s'il était établi que chaque observateur voit son aurore boréale comme chacun voit son arc-en-ciel ? Ne serait-ce pas d'ailleurs quelque chose que de débarrasser nos catalogues météo- rologiques d'une multitude de déterminations de hauteur qui n'auraient plus aucun fondement réel, bien qu'on les doive aux Mairan, aux Halley, aux Krafft, aux Caven- dish , aux Dalton. Avant de terminer un chapitre dans lequel il a été si souvent question de la hauteur absolue de la matière au miheu de laquelle l'aurore boréale s'engendre, je ne dois pas oublier de rappeler qu'une fois le capitaine Parry crut vwr des jets lumineux, provenant d'une aurore, se projeter sur une montagne peu éloignée de son bâtiment. AUROKES BORÉALES. 555 Cette observation mérite bien d'être confirmée et renou- velée. Les lignes précédentes , écrites pour faire partie des instructions votées par l'Académie des sciences, relati- vement aux observations de météorologie et de physique du globe , c|ui pouvaient être recommandées aux expédi- tions scientifiques du Nord et de l'Algérie , ont donné lieu à une réclamation de priorité de la part de M. Morlet, à la date du 13 avril 1840. J'ai répondu dans les termes sui- vants auxquels je n'ai rien à changer : « Le soupçon que chaque observateur pourrait bien voir son arc d'aurore comme chacun voit son arc-en-cie! , a été développé, il y a plus de vingt ans, dans les leçons de physique du globe professées à l'École polytechnique et à l'Observatoire. Si la chose en valait la peine, on le retrou- verait aisément dans les cahiers des élèves, dans les pro- cès-verbaux du Bureau des Longitudes, et même dans des ouvrages imprimés, de dix ans, au moins, plus anciens que le traité cité par M. I\lorlct. Je m'étonnerais que M. Morlet insistât, car je lui montrerais au besoin des Mémoires qui ont plus de cent ans de date , efe dans les- quels on donne des preuves péremptoires que l'aurore boréale d'un lieu peut ne pas être celle d'un autre lieu; je lui prouverais aussi que, longtemps avant lui, on avait senti la nécessité de rechercher si l'arc lumineux est ou n'est pas circulaire. Je peux affirmer c{ue MM. Lottin , Bravais, Martins n'avaient nullement besoin de lire les travaux de M. Morlet pour savoir cjue la détermination de la forme de l'arc de l'aurore s'effectuerait parfaitement d'après la mesure des abscisses et des ordonnées. Le peu ^liO AU roui: s BORl^.ALES. de fondement des réclamai ions de M. Moiiet ne m'cm- pècliei'a pas d'ailleurs de dire (luc les calculs auxquels il vient de se livrer pour rechercher d'après d'anciennes observations si Tare ou les arcs d'aurores boréales étaient circulaires, présentent un véritable intérêt. )^ Les détails qui sont rapportés dans le chapitre précé- dent, les diverses aurores boréales observées dans le siècle dernier, démontrent suffisamment qu'en chaciue lieu on voit des apparences de la mémo aurore qui se modi- fient avec la latitude et la longitude. CHAPITRE VI. DU BRUIT DES AURORES BORÉALES. Les aurores boréales sont-elles accompagnées de bruit? c'est une cpestion de fait sur laquelle ne sont pas d'ac- cord les observateurs. JNous allons d'abord rapporter les assertions de ceux qui sont pour l'atTn'mative. Voici deux passages du révérend Jeremy Belknap , tirés du 2' volume des Transactions of Ihe amcHcan Society, p. 19G : « Examinant il y a deux ans (en 1781 ) , à Dower, New-IIampshire , États-Unis, avec beaucoup d'attention les jets de lumière partant de l'arc lumineux d'une aurore boréale qui se montra dans une nuit calme , et pendant la gelée, je crus entendre (/ iJioughl I hcard) un bruit faible et rustling semblable au brushinr/ of silk. » « En mars 1783, la totalité de l'hémisphère paraissait en feu; les jets lumineux semblaient s'élever de tous les points et converger au zénith. Il n'y avait d'autre diiïé- rcnce entre le sud et le nord, si ce n'est que les vapeurs AURORES BORÉALES. • 557 paraissaient s'élever do points plus voisins de l'horizon au nord qu'au sud. Le vent soufflait de l'ouest par moments. Il s'écoulait ordinairement deux ou trois minutes entre deux boutTées. Dans cet intervalle, j'entendais nettement un rustliug noise qui se distinguait aisi'mcnt de celui du vent, et qui d'ailleurs aurait été eiïacé par celui de la boutïée. » On trouve ce passage dans une note du iif volume du Traité de physique de Cavallo : « Some times those coruscations (celles des aurores « boréales), when strong, are accompanied with a sort « of crackling noise distiiictly, as I remember to havc « heard it , more than once. » « Quelquefois les foi"tes corruscations de l'aurore boréale sont accompagnées d'une sorte de eraquement [crackling noise) très-distinct. Je me ressouviens de l'avoir entendu plus d'une fois. » (Cavallo, the Eléments of nalural or expérimental philosophy , t. m, p. 445.) Les aurores boréales dans le Groenland sont très-écla- tantes; les colonnes lumineuses dont elles sont formées répandent quelquefois sur tout l'horizon des couleurs aussi vives et aussi variées que celles de l'arc-en-ciel. On voit rarement ces phénomènes au nord de l'horizon. Le plus souvent ils se montrent à l'est ou au zénith. Quand les aurores paraissent basses , on entend un craquement semblable à celui de l'étincelle électrique. Les Groënlan- dais croient que les âmes des morts se battent alors dans les airs.» [Edinburg Encyclopedg , tome x, partie 2, p. 4^8 , année 1815. ) M. Ramm, inspecteur royal des forêts en iNorvége, 55S AURORES BORÉALES. écrit à M. Hanstccn, en date de 1825, que « dans les années 17()<), 1767 ou 1708, il entendit le bruit d'une aurore boréale. M. I\anim, qui n'avait alors que dix ans, remarqua ce phénomène pendant qu'il traversait une prairie près de laquelle il n'existait point de forêts. Le sol était couvert de neige et de givre. (Voir dans le Capi- taine Franklin que la neige craque quelquefois. ) Le bruit coïncidait toujours avec l'apparition des jets lumineux. Comment cela pouvait -il être, puisque ces jets sont incontestablement à une hauteur un peu considérable dans l'atmosphère. » {Philos. Magazine, mars 1826, p. 177.) Wargentin rapporte, dans le 15" vol. des Transaclions de Suède, que deux de ses élèves, le docteur Gisler et M. Hellant, qui avaient longtemps habile le nord de ce royaume, firent à l'Académie de Stockholm le rapport dont voici les principaux passages : « La matière des aurores boréales descend quelquefois si bas qu'elle touche le sol ; au sommet des hautes mon- tagnes , elle produit sur la figure des voyageurs un effet analogue à celui du vent. » (Docteur Gisler. ) «J'ai souvent entendu le bruit des aurores, ajoute le docteur Gisler ; ce bruit ressemble à celui d'un fort vent ou au bruissement que font quelques matières chimiques dans l'acte de leur décomposition.... ,1'ai cru souvent trouver que le nuage avait l'odeur de fumée ou de sel brûlé r. Les paysans de Norvège lui apprirent qu'il s'élevait quelquefois du sol un brouillard froid, d'une teinte blanc verdàtre, qui obscurcissait le ciel, quoiqu'il n'empêchât pas de voir les montagnes de loin ; ce brouil- lard à la fin donnait naissance à une aurore boréale. Il AURORES BORÉALES. S59 rend la respiration difficile. » {Philos. Magazine, mars 1826, p. 178.) Voici maintenant les observations qui sont pour le doute ou la négative. Gmelin (Tancien, le botaniste) dit, dans son Voyage en Sibérie, tome ii, p. 31 , traduit par Keralio, « que les aurores boréales pétillent, mais ce n'est pas lui qui a entendu le bruit; il affirme cela seulement, d'après ce que lui avaient dit les habitants de Yénisseisk , en Sibé- rie. » Suivant ces habitants^ « les chasseurs de renards assurent que les aurores boréales font un bruit semblable à celui d'un feu d'artifice si terrible, que leurs chiens, saisis d'eflroi, tombaient parterre, et qu'il était impos- sible de les faire bouger avant que ce bruit fût fini. » Patrin doute de l'authenticité de ce récit; il ajoute qu'on ne chasse point en Sibérie aux renards avec des chiens (et surtout pendant la nuit) , on ne fait que lem* tendre des pièges. Patrin dit que Pallas, qui avait voyagé pendant six ans en Sibérie, ne parlait du passage de Gmelin que nous avons rapporté qu'en plaisantant. Durant neuf hivers, passés dans diverses contrées de la Sibérie , Patrin a vu de très-belles aurores boréales : elles n'ont jamais fait aucun bruit. Cet auteur rapporte que, « ni l'évêque Eggede, qui a vécu quinze ans dans le Groenland, dont il a donné Tliistoire naturelle et la météo- rologie; ni le pasteur Horrebow, qui a décrit cent seize aurores boréales qu'il a observées en Islande, ne font la plus petite mention de ces bruits, de ces pétillements. » {Bibliothèque britannique , tome XLV, p. 89 et suiv. ) « 11 est impossible d'observer les apparitions soudaines 560 AURORES BORÏ'ALHS. et les grands mouvements des masses de lumière dont les aurores boréales se composent, sans s'imaginer qu'elles sont accompagnées d'un certain bruissement ; j'ai néan- moins la conviction que c'est une illusion, et que ce phé- nomène ne donne lieu à aucun bruit. Je suis souvent resté des heures entières couché sur la glace, très-loin de nos bâtiments, dans la vue de vérifier le fait, sans avoir jamais rien entendu. » (Capitaine Lyon, Privale journal, p. 100. ) Le capitaine Franklin nous apprend , que, à Cumber- land-House, par la gelée et un temps calme (S/i" de lati- tude nord), l'aurore boréale se montrait presque tous les soirs, mais que jamais, lors même qu'elle avait le plus de vivacité, on n'entendait le moindre bruit. Les rési- dents à cette factorerie assuraient, au contraire, que ce phénomène était souvent accompagné d'un rustling sound; mais il est si naturel d'associer l'idée de bruit à celle d'un mouvement rapide, que beaucoup d'observateurs peuvent s'être laissé entraîner 5 cette illusion. iNous ajouterons le rapprochement suivant : M. Winn présenta en 1772, à la Société royale, un Mémoire dans lequel il se proposait de prouver que l'ap- parition d'une aurore boréale est un présage certain d'une tempête du sud ou du sud-est. CHAPITRE VIL HEURES DES ALF.ORES BORÉALES. Le capitaine Lyon [Brief narralive , p. 167) dit que les aurores boréales se montrent rarement avant neut AURORES BORÉALES. 56t heures du soir, et que leur maximum d'intensité a lieu ordinairement vers dix heures. Nous verrons plus loin qu'il faut bien se garder de prendre de telles indications au pied de la lettre. CHAPITRE Vllf. CAUSES DES AUROKES BORÉALES. L'idée d'une connexion intime entre le magnétisme et les aurores boréales remonte au siècle dernier. Un membre de l'Académie des sciences, Du Fay, s'exprime en ces termes dans un Mémoire sur l'aimant, en date du 15 avril 1730, publié en 1732 dans le volume des Mémoires de l'Académie pour 1730 (p. iM et l/i8) : « M. Halley, et plusieurs autres physiciens depuis lui, ont dit que la matière magnétique pouvait avoir quelque part aux lumières boréales... « On peut encore ajouter que, suivant les observations les plus exactes , le centre auquel aboutissent les rayons des aurores boréales décline presque toujours vers l'ouest de ili ou 15% ce qui est à peu près la quantité-dont l'ai- guille décline présentement. Si ce centre des rayons des aurores boréales venait à suivre à l'avenir les variations de l'aimant, cela pourrait nous mener à quelque chose de plus positif (sur la cause des aurores). » Par le centre auquel aboutissent les rayons, Du Fay, sans aucun doute, entend le centre de l'arc lumineux ou le centre de la coupole. Cette idée ne fut pas immédiatement adoptée, car M. Garnctt remarque que le point central des aurores iV. — I. 36 562 AURORES BOREALES. boréales est 10° environ nu sud du zénith. 11 imagine, en conséquence, que ce défaut de coïncidence des deux points ne doit pas avoir lieu à Téquateur, et qu'il aug- mente à mesure qu'on se rapproche du pôle. M. Garnett ignorait donc, en 1791, la liaison qu'il y a entre le centre de l'aurore et le point oi^i aboutit l'aiguille d'inclinaison. [Mémoires de Manchester, t. iv, p. 255.) On a cru que l'inflammation accidentelle du gaz hydro- gène supposé exister dans les hautes régions de l'atmo- sphère, pouvait fournir une explication plausible de l'au- rore boréale. Dans cette hypothèse les propriétés magnétiques du phénomène tenaient au fer, dont on supposait le gaz imprégné. (Ussher, Transactions d'Irlande, tome ii, p. 190.) Du Fay, dans le Mémoire que nous avons cité plus haut, adopte l'opinion que les matières inflammables des hautes régions atmosphériques suffisent seules pour expli- quer les aurores boréales : « Les exhalaisons inflam- mables, dit-il, ou même dont quelques-unes sont déjà enflammées, étant répandues dans l'air, si leur degré de densité ou de pesanteur les amène à la distance de la terre où la matière magnétique circule en plus grande abondance, ce torrent , qui roule vers le nord , rassemble ces exhalaisons éparses dans toute l'atmosphère et les réunit vers le pôle ; celles qui sont déjà enflammées em- brasent les autres, ou la seule collision les allume, et le courant de matière les dispose en forme de rayons, tels que nous les voyons. » Mais voici des rapprochements plus plausibles. Toute AURORES BORÉALES. 363 théorie qui ne repose pas sur des faits déjà constatés n'a aucune valeur scientifique. Ussher remarquait {Transactions tï Irlande , t. ii, p. 191) que la période d'environ quarante années signa- lée par Mairan, et pendant laquelle il y eut très-peu d'au- rores, correspond par son milieu (1661) à l'époque où la déclinaison de l'aiguille aimantée était nulle en Angle- terre et en France. En 1788, Ussher déduisait la connexion de l'aurore et du magnétisme terrestre de la position de la coupole, et plus encore de celle de l'arc. « Le point le plus élevé de cet arc, disait-il, est toujours dans le méridien magnétique. » Pour ma part, j'ai publié en décembre 1817 [Annales de chimie et de physique, 2" série, t. vi, p. Illi2>), la note suivante : « Le 6 février, vers les six heures après midi , on a vu à Paris une très-belle aurore boréale. Nous nous sommes assuré, par des observations directes, que le point culminant de l'arc lumineux était exactement placé dans le méridien magnétique. » Dans le cahier de janvier 1819 des Annales de chimie et de physique , t. x, p. 119, j'ajoutai les détails suivants que je dois transcrire ici : « Les académiciens de Pétersbourg ont plusieurs fois annoncé que, dans cette ville, la déclinaison ne varie ni du matin au soir, ni du jour au lendemain, ni même d'une année à l'autre. Malgré la confiance que les noms d'Euler, de KrafTt, etc., peuvent inspirer, une anomalie aussi extraordinaire doit-elle être admise, tant qu'elle ne se fon- dera pas sur des observations nombreuses et faites avec des instruments très-précis. 664 AURORES BORÉALES. « Les aurores boréales doivent être placées au premier rang des causes qui troublent quelquefois la marche régu- lière des variations diurnes. Ces variations, même en été, ne sont plus que de quinze ou de vingt minutes ; mais si une aurore se montre, on voit souvent l'aiguille s'éloigner en quelques instants du méridien magnétique de plusieurs degrés. Comment concilier maintenant une influence aussi marquée avec des observations d'où il semblerait résulter que la môme aurore qui transporte subitement une aiguille de l'est à l'ouest laisse immobile une aiguille voisine ou lui imprime un mouvement contraii'e? «Pendant l'apparition d'une aurore boréale, on voit souvent, dans la région du nord, des rayons lumineux, diversement colorés, jaillir de toutes les parties de l'hori- zon. Le point du ciel où ces rayons se réunissent est pré- cisément celui vers lequel se dirige une aiguille aimantée suspendue par son centre de gravité, en sorte qu'à Paris, où l'on observe maintenant une inclinaison de 68° /lO', ce point est 21° 20' au sud du zénith. Il a été prouvé, en outre, que les cercles concentriques, presque semblables à r arc-en-ciel, qui se montrent ordinairement avant les jets lumineux dont nous venons de parler, reposent cha- cun sur deux parties de l'horizon également éloignées du méridien magnétique, et que les points les plus élevés de chaque arc sont exactement dans ce méridien. 11 est incon- testable, d'après cela, qu'il y a une liaison intime entre les causes de l'aurore boréale et celles du magnétisme terrestre. Ce ne sera toutefois qu'à l'aide d'observations nombreuses, faites simultanément dans divers points de la terre, avec des aiguilles délicatement suspendues. AURORES BORÉALES. 56b qu'on pourra essayer de découvrir comment le premier de ces phénomènes modifie le second. « On manque jusqu'à ce jour d'un nombre suffisant d'observations de variations, parce que le prix des bous- soles est assez élevé, et parce que les observations des variations diurnes sont très-assujettissantes. Heureuse- ment M. le maréchal duc dé Raguse, qui ne croit pas déroger en consacrant ses loisirs à l'étude des sciences, a bien voulu ne point apercevoir ces obstacles. Par ses soins, une excellente boussole de l'artiste Gambey a été placée depuis quelques mois à Châtillon-sur-Seine , en Bourgogne; en l'absence de M. le maréchal, les obser- vations sont faites par un jeune homme intelligent et instruit, auquel est également confiée la surveillance de quelques-uns des beaux établissements d'agriculture qu'on admire aux alentours du château de Châtillon. Ces obser- vations nous sont régulièrement communiquées, et elles seront rapprochées avec utilité de celles que nous faisons à Paris. «La marche de l'aiguille aimantée, dans-k matinée du 31 octobre 1818, n'offrit rien de remarquable; mais à partir de midi , la déclinaison augmenta plus que de cou- tume : à une heure, elle surpassait celle des jours précé- dents de 12' environ ; à cinq heures et demie, l'excès de déclinaison était encore de 1'. Après ce temps, i'aiguiilc rétrograda brusquement vers l'est, et de telle sorte qu'à huit heures la déclinaison était plus faible que la moyenne de toutes celles qu'on avait observées à la même heure durant le reste du mois, de près de 9'. On voit que les déplacements accidentels de l'aiguille, le 31 octobre, ont 666 AURORES BORÉALES. été plus considérables que la totalité de son oscillation diurne régulière; car dans ce mois, celle-ci n'est guère que de 10'. a A Chàtillon -sur-Seine, dans le château de M. le mare- chai duc de Raguse, l'aiguille, entre huit heures du matin et six heures du soir, éprouva des mouvements irrégu- liers, parfaitement semblables à ceux qu'on avait observés à Paris. « Enfin je trouve, dans les observations de M. le colonel Beaufoy, faites à Bushey-Heath (!'" 2' de temps à l'ouest de Greenwich, et par 51° 38' de latitude), que la décli- naison de l'aiguille, le SI octobre au matin, ne différait pas sensiblement de celle des jours précédents; mais qu'à une heure, elle était plus grande qu'à l'ordinaire de 11'. Les observations du soir manquent. « Si nous rapprochons ces remarques d'une lettre datée de Bishopwearmouth, en Sunderland, qui vient d'être insérée dans le journal du docteur Thomson, et dans laquelle M. Renney annonce avoir vu une aurore boréale le 31 octobre 1818, entre sept et huit heures du soir, on ne doutera pas que ce phénomène, qui n'a pas été aperçu à Paris à cause des nuages, n'ait déterminé les oscilla- tions irrégulières observées à Bushey-Heath, à l'Observa- toire royal et à Chàtillon. Il demeurera aussi évident que «l'aurore boréale agit avant de se montrer sur l'horizon, et c{ue son influence s'exerce simultanément à des dis- tances considérables. » AURORES BORÉALES. 567 CHAPITRE IX. SUR LES AURORES BORÉALES QUI SE MOMREM EX PLEIX JOUR. Les apparitions bien constatées d'aurores boréales de jour sont trop peu nombreuses pour je puisse me dispenser de traduire la description d'un de ces phénomènes que je trouve dans le tome v des Transaclions de la Société royale d'Edinhurgh. L'observation est du révérend Patrick Graham. Elle fut faite à Aberfoyle, dans le Perthshire. «Le 10 février 1799, vers trois heures et demie du soir, le soleil était encore éloigné de son coucher de plus d'une heure, et il brillait faiblement à travers une atmo- sphère couleur de plomb, lorsque j'aperçus un halo autour de l'astre. Pendant que j'observais ce phénomène, l'hé- misphère visible fut envahi en totalité par ce qui me parut, au premier aspect, une vapeur légère et pâle. Cette vapeur était disposée en bandes longitudinales [streaks) s'élevant de l'ouest et s'étendant vers l'est en passant par le zénith. En étudiant cette apparence plus attentivement, je reconnus qu'elle provenait d'une véritable aurore bo- réale; j'aperçus, en effet, les divers phénomènes qui caractérisent le météore quand on l'observe de nuit, si ce n'est qu'il était pâle et sans couleur. Les jets de matière électrique s'élançaient très-visiblement d'un nuage situé à l'ouest, éprouvaient une certaine diffusion, conver- geaient vers le zénith, et divergeaient au delà vers tous les points de l'horizon. Les corruscations étaient aussi instantanées et aussi distinctement perceptibles que pen- dant la nuit. 5C8 AURORES BOHÉALES. « Celte apparence dura plus de vingt minutes ; elle s'alTaiblit ensuite graduellement et fit place à des vapeurs légères dispersées çh et là, lesquelles, au coucher du soleil, se répandirent sur tout le firmament. La nuit sui- vante je ne parvins pas à découvrir la plus légère trace d'aurore boréale. » Le catalogue détaillé d'am'ores boréales que Mairan a publié dans la dernière édition de son Traité ne renferme aucune observation faite de jour. « Les grandes aurores boréales, dit ce savant académicien, commencent ordi- nairement de bonne heure, peu de temps après la fin du crépuscule, et quelquefois auparavant. » « Jamais, que je sache, ajoute-t-il ailleurs, ce phénomène ne commence le matin, après minuit, quand les nuits sont un peu longues. » En parcourant le tome ii des Mémoires de V Académie d'Irlande , j'ai trouvé une observation du docteur Henry Ussher, membre des Sociétés royales de Londres et de Dublin, qui tombe si peu dans les limites indiquées par Mairan , qu'elle a été faite de jour et tout près de l'heure de midi. Voici la traduction littérale de la note du savant irlandais : « Dans la nuit du samedi 2/i mai 1788, j'ai aperçu (à Dublin) une brillante aurore boréale : ses rayons lumineux se réunissaient , comme d'habitude, au pôle de l'aiguille d'inclinaison. J'ai toujours remarqué que les aurores boréales rendent les étoiles singulièrement ondu- lantes dans le télescope. Le lendemain matin ( 25 ) , vers onze heures, ayant trouvé que les astres oscillaient beau- coup dans ma lunette, j'examinai attentivement l'état du AURORES BORÉALES. Ë69 ciel , et j'aperçus des rayons d'une lumière blanche et vacillante qui s'élevaient de tous les points de l'horizon vers le pôle de l'aiguille d'inclinaison où ils formaient une coupole légère et blanchâtre, semblable à celle que présentent, la nuit, les brillantes aurores boréales. Les rayons étaient tremblotants depuis l'horizon jusqu'à leur point de réunion. « Cette aurore fut observée par trois différentes per- sonnes, qui marquèrent chacune séparément le point vers lequel les rayons convergeaient '. » L'influence manifeste que les aurores exercent sur la déclinaison de l'aiguille aimantée, m'a semblé un moyen de décider si le phénomène dont on vient de lire la des- cription était bien réellement une aurore boréale de jour. J'ai donc pris , dans les archives du Bureau des Longi- tudes, les observations de variations diurnes qui se fai- saient à l'Observatoire sous la direction de M. Cassini , et j'en ai déduit les résultats que voici : État moyen de Vaiguille entre le 18 et le 30 mai 17SS. 8 bénies. 10 heures. Midi. 2 heures. b heiijfs. 9 heures 35' 39' Zl2' hl' 37' 35' Le 2Zi, // Zi6 37 n 38 3G Le 25, Ixk 37 Ixh 39 36 io Ordinairement les observations faites à une hem-e dé- terminée, dans la même quinzaine, ne présentent guère entre elles que des discordances de 2 ou 3'. Les résultats 1. Ce Mémoire de Usslier se trouve tome h , p. 189 des Transac- tions de i.lcadimie d'Irlande, l'eut-ètre dois-je remarquer ici que la tal)le des matières n'en fait pas mention, et qu'il manque même dans certains exemplaires de ces Transactions , par exemple dans celui de la bibliothèque de l'Observatoire de Paris 570 AURORES BORÉALES. du 25 dilïèrent assez de la moyenne, tant par leur marche que par leurs valeurs, pour qu'on doive supposer qu'il y avait , ce jour-là , une cause perturbatrice. Ainsi les phénomènes magnétiques viennent à l'appui de la conclusion du docteur Usshcr. J'ai rapporté les observations du 2/i pour faire voir que l'aurore boréale qui se montra la nuit de ce même jour avait déjà commencé à agir dès le matin. L'observation de huit heures manque, à cause des grandes oscillations que faisait l'aiguille à cette époque de la journée. L'aurore boréale de jour est décrite dans la note de Ussher avec beaucoup de netteté. Ce savant est d'ailleurs connu par plusieurs Mémoires intéressants, dont je me plais à reconnaître le mérite. Ne demandera-t-on pas, d'après cela , comment j'ai pu croire nécessaire de cher- cher à prouver, par des voies indirectes, qu'un observa- teur aussi exercé ne s'était pas mépris, et que le phéno- mène qu'il avait aperçu dans la matinée du 25 mai 1788 était bien, comme il l'annonce, une aurore boréale? Je répondrai à cette question, qu'il arrive souvent, comme tous les météorologistes l'ont remarqué, que des bandes de nuages très-légères sont disposées dans les hautes régions de l'air, de manière qu'elles paraissent converger vers un seul et même point , et présentent ainsi la dispo- sition des rayons décrits par Ussher. Le point de conver- gence était , il est vrai , dans ce cas-ci , le pôle de l'ai- guille d'inclinaison. J'avouerai franchement que si cette circonstance ne m'avait pas entièrement convaincu , c'est seulement parce que, dans un Mémoire sur les halos, le même savant annonce que le grand axe des halos ellip- AURORES BORÉALES. 571 tiques est aussi toujours dirigé parallèlement à l'aiguille magnétique, résultat qui ne me paraît ni vrai ni vraisem- blable. CHAPITRE X. DES INFLUENCES MAGNÉTIQUES EXERCÉES SUR l'AIGUILLE AIMANTÉE. On a vu, dans les deux chapitres qui précèdent, que j'avais non-seulement montré, comme mes prédécesseurs, qu'il y avait de certaines coïncidences entre la direction de l'aiguille aimantée et les principales dispositions des aurores boréales, mais encore que j'avais découvert, dès 1819, que ce phénomène influait sur les mouvements de l'aiguille aimantée. J'ai même pu , en 1822 , retrouver que d'anciennes aurores avaient fait éprouver aux bous- soles des mouvements qui avaient passé inaperçus ou inexpliqués. Des conséquences aussi importantes ont ap- pelé mon attention sur ce genre de phénomènes, et j'ai recueilli avec soin, pendant plus de dix ans, toutes les observations d'aurores boréales pour les rapprocher de mes observations de déclinaison, d'inclinaison et d'inten- site. J'ai trouvé ainsi que les trois principaux phénomènes de l'aiguille aimantée étaient influencés par les aurores boréales, et que les actions constatées s'exerçaient lors même que les aurores étaient invisibles dans le lieu de l'observation. Les résultats que j'avais obtenus furent contestés par plusieurs physiciens; c'est la loi invariable que doivent subir toutes les découvertes. On ne voulut pas admettre que j'avais entièrement résolu la question, soit par mes propres expériences, soit par l'étude dé- taillée que j'avais faite des nombreuses observations de S72 AURORES BORÉALES. Celsius, d'Hiorthor, de Wilcke, deWargentin, de Canton, de Van-Swinden , de Cote, de Cassini et de Dalton. Pour ceux qui liront le catalogue dos aurores boréales obser- vées dans les deux hémisphères à partir de 1819, cata- logue que j'ai rédigé à l'aide de ma correspondance particulière et de la lecture de divers recueils scientitlqucs, en l'accompagnant du tableau de la marche de l'aiguille de déclinaison de Paris, l'opinion que j'ai adoptée dès 1817 ne paraîtra plus douteuse, non-seulement à l'égard des aurores visibles, mais en l'étendant même à celles qui ne s'étaient pas élevées au-dessus de l'horizon de Paris. On me fit l'honneur de s'occuper de cette opinion, mais on aima mieux s'en rapporter à des souvenirs re- cueillis pendant la communication verbale que je fis à l'Académie des Sciences sur ces phénomènes importants qu'aux notes que je publiai successivement dans les.4?i- nales de chimie et de physique. Je trouvai encore parmi mes adversaires un illustre savant qui depuis est devenu mon ami. M. Brewster, associé étranger de l'Académie des Sciences, la plus haute distinction que puisse ambi- tionner un savant, me pardonnera ce souvenir que je ne puis eflacer de l'histoire des sciences. Les remarques, les épigrammes, les quolibets (car on trouve tout cela dans le factum en question , voire même une comparaison qui amène le nom de la bataille de Navarin) , ne sont pas du reste dirigés contre le fond des clioses. On m'attribue des expressions dont je ne me suis pas servi, et on les imprime en italique. Peu importe que j'aie publié précisément le contraire des phrases qu'on AURORES BORÉALES. bT3 blâme ' ; l'italique décide péremptoirement que les expres- sions, que les phrases sont sorties de ma bouche. 11 serait sans doute fâcheux que de tels principes de critique lit- téraire fissent des prosélytes; mais la passion n'y regar- dera jamais de si près; elle se livre à une réfutation vigoureuse d'expériences, non publiées encore, et qui ne sont connues imparfaitement que par les confidences de leur auteur. J'abandonne ces remarques avec confiance à la méditation des savants, et je passe sans autre préam- bule à l'examen du fond de la question. Mon critique trouve fort étrange que je n'aie pas public régulièrement dans les Annales de chimie et de physique, les observations magnétiques de Paris. J'espère, sur ce point, qu'il reconnaîtra la justesse de ma réponse; elle sera puisée , en effet , dans cet axiome que le contenu doit être plus petit que le contenant. Les Annales forment chaque année trois petits volumes in-8% tandis que les observations magnétiques annuelles faites à l'Observa- toire rempliraient un gros volume in-folio ! 11 est d'ailleurs de toute évidence que les moyennes mensuelles ne suffi- 1. On me fait dire que les prédictions d'aurores boréales déduites des mouvements de Taiguille se sont toujours trouvées exactes. L'italique n'a pas été ici une marque suffisante de réprobation : le mot always est imprimé en très-gros caractères. Or, au moment où mon critique, le savant secrétaire de la Société royale d'Edin- burgh, insistait sur le mot toujours, il avait sous les yeux un écrit où M. Hansteen me reprochait , au contraire, d'avoir admis que tous les dérangements ne {provenaient peut-être pas d'aurores boréales. Il avait aussi pu lire que plusieurs de mes annonces ne s'étaient pas encore réalisées, et qu'aussitôt qu'on aurait publié les voyages des capitaines Parry et Franklin, je ferais connaître les résultats, quels quih fussent : c'était bien la peine, en présence de tous ces documents, d'écrire alioays en gros caractères. 574 AURORES BORÉALES. raient pas pour décider la question de l'influence des aurores ; les observations journalières détaillées sont ici indispensables. Si ces observations sont publiées, comme je le désire, ce ne pourra être ni dans les Annales ni dans tout autre journal scientifique; les principes de la géomé- trie y mettraient, comme on voit, un obstacle insurmon- table ; une publication spéciale faite par le gouvernement pourrait seule donner satisfaction à mon critique ; j'ai trop fait d'observations pour qu'on les publie toutes intégra- lement : tel est mon crime. J'avais pensé qu'en donnant, chaque année, avec le résumé météorologique, l'indication des jours où, d'après les dérangements de l'aiguille aimantée , je pouvais sup- poser qu'il y aurait eu quelque part une apparition d'au- rore boréale, j'exciterais les personnes qui observent ces phénomènes à publier leurs remarques. Ces prédictions , mon critique ne manque jamais de les qualifier ainsi, n'ont pas eu son assentiment ; il trouve mauvais que j'en aie le monopole [prédictions loich he noio monopolize). « Le devoir de l'auteur, dit-il [lus cluty), GSt de publier les observations sans délai. » Le devoir s'entend, dans ce monde, de bien des manières, et plus d'une fois déjà il m'est arrivé d'être sur ce point en désaccord complet avec le critique; aussi , malgré la sentence émanée de son tri- bunal, je prendrai la liberté de ne soumettre mes observa- tions au public, soit en totalité, soit par parties, qu'à l'in- stant où elle me sembleront dignes de lui être offertes. Pour ce qui est du monopole dont je me suis emparé (celui de discuter moi-même les observations que je fais) , je me flatte qu'on voudra bien l'excepter de l'anathème général AURORES BORÉALES. 573 dont tout ce qui porte ce nom est maintenant l'objet. Aujourd'hui, à la fin d'une carrière bien remplie, je ne trouve pas le temps de publier mes œuvres, et je suis forcé de confier ce soin à des mains amies. Au reste, si la critique désire entrer en concurrence avec moi , si elle veut aussi faire des prédictions, je lui enverrai très-volontiers les trois talismans dont je me suis servi, savoir, un fil de soie écrue, une aiguille aimantée et un microscope ; il ne me restera plus alors qu'à lui souhaiter de la santé, du zèle et une forte dose de patience. Quand j'appris, pour la première fois, combien on était jaloux de l'affreux monopole que j'exerce sur les prédic- tions d'aurores boréales, j'éprouvai, je l'avoue, un petit mouvement de vanité , malheureusement il fut de bien courte durée. Le savant qui me critifjue le plus énergique- ment déclare, en effet, que mes prédictions sont fausses, et il prétend le prouver de deux manières : 1° en citant des observations d'aurores dont l'apparition ne peut pas se concilier avec la marche de l'aiguille de Paris; 2" en mon- trant des prédictions démenties par l'événement. L'aurore inconciliable avec la marche de"î' aiguille de Paris est celle du 17 août 1825. Elle fut observée à Leith, à dix heures du soir. A dix heures, mon aiguille horizon- tale n'offrit rien d'extraordinaire ; mais comme elle était notablement dérangée le matin , j'avais pensé que les jets lumineux observés le soir en Ecosse étaient les dernières lueurs d'une aurore boréale du jour. Il faudrait citer toute une page de mon critique pour montrer combien cette hypothèse lui inspire de dédain. Elle est donnée comme un échantillon de ma manière de raisonner {M, Arago's 570 AURORES BORÉALES. mode ofrcasoning) ; comme un exemple de la défiance que les faiseurs de théories doiveiil iiisj)irer. Je suis sûr que mon critique s'est laissé aller à un sentiment de pitié, en songeant à toute la confusion dont il m'accablait. Cela ne rempèche pas cependant de s'écrier, et c'est ici, comme on dit, le coup de grâce. Si l'aurore de dix heures était la suite d'une aurore boréale du jour, pourquoi ne l'a-t-on pas vue à Leith entre sept iieures et dix heures? Dans tous les cas, pourquoi n'a-t-elle pas dérangé l'aiguille dans la soirée du 17 août? Sur le premier point, me permettra-t-on de répondre très-humblement qu'à sept heures, le 17 août, le soleil n'est pas encore couché à Leith; qu'à ce coucher succède un vif crépuscule suffisant pour masquer pendant assez longtemps les rayons d'une aurore boréale ordinaire ; qu'en tout cas rien ne m'assure que le ciel était serein au nord avant l'époque de l'observation; qu'enfin il ne serait pas impossible que le météorologiste de Leith n'eût mis la tête à la fenêtre qu'à dix heures du soir; car, si je ne me trompe, il dit : « J'ai vu une aurore boréale à dix heures » et non pas « une aurore a commencé à se former à dix heures. » Faut-il, en outre, qu'un Roussillonnais apprenne à un Scotman, né et élevé au milieu des Northern lights, qu'une aurore boréale n'a pas constamment le même éclat pendant toute la durée de son apparition ; qu'elle s'aflaiblit quelquefois durant des heures entières, au point de devenir presque invisible, et qu'ensuite elle se ravive subitement. J'attendrai cju'on m'ait prouvé qu'aucune de ces circon- stances n'a eu lieu le 17 août, avant de faire amende hono- rable sur mon mode of rcasoninr/. AURORES BORÉALES. 577 On se flatte d'avoir entièrement renversé {entirchj over- tuni) mes conclusions par cette remarque qu'à dix heures, le 17 août, pendant que l'aurore était visible à Leith, l'ai- guille de Paris occupait sa position habituelle; mais on combat ici un fantôme. J'ai dit et je maintiens cju'unc forte aurore boréale amène toujoui's ou presque toujours une déviation accidentelle dans l'aiguille horizontale de Paris ; mais je n'ai jamais soutenu qu'il y ait dérangement pen- dant tout le temps que dure l'aurore. Les perturbations que ce phénomène occasionne étant tantôt orientales et tantôt occidentales, il est évident, au contraire, qu'en pas- sant d'une de ces positions à l'autre, l'aiguille se trouve dans sa direction habituelle, et que l'observateur qui l'exa- minerait seulement alors, ne soupçonnerait pas l'existence d'une cause perturbatrice. J'imagine que mon critique daignera nous dire si cette simple remarque n'overlurn pas sa foudroyante objection. Passons maintenant aux prédictions qui ne se sont pas réalisées. J'avais annoncé que, d'après les indications de mon aiguille, on aurait dû voir au nord des aurores boréales, dans la nuit du 21 août 1825, dans la matinée-du 22, pen- dant la nuit du 26 et particulièrement durant celle du 29. Mon critique a consulté l'observateur de Leith, et il déclare que, le 21 août, quoiqu'il fît beau, et surtout le 26, il n'y eut pas d'aurore boréale. Le 29, le ciel n'était point favorable; ainsi de compte fait, trois de mes prédictions se sont trou- vées fausses. Que deviendront, s'écrie-t-on, en présence de ces faits, les conclusions balayantes (siceeping conclu- sions) de M. Ara go? Ces conclusions ne courront pas de grands risques IV. — II. 37 578 AURORES BORÉALES. quand j'aurai rectifié une faute de Iraducfion, sans aucun doute iiiNolonlairo, que je remarque dans les Mémoires de mon critique. J'avais cru, je ne saurais dire aujourd'hui sur quels fondements, que le ciel était couvert à Leith le 21, le 22, le 26 et le 29 août; je n'espérais donc pas que ces jours-là on eût pu y observer des aurores boréales; aussi, en publiant mon annonce, j'avais dit : « Si par un temps serein, des observateurs situés plus au nord (au nord de Leith) n'ont pas vu d'aurore boréale, par exemple dans la nuit du 29 août, je serai forcé d'admettre qu'il existe d'au- tres causes encore inconnues, qui exercent sur la marche de l'aiguille aimantée une influence considérable. » Sous la plume de mon critic|ue, ce passage s'est ainsi transformé : « Si le ciel n'a pas été couvert à Leith, et si les observateurs de cette ville {the observers there) n'ont pas vu d'aurore, etc., etc. » Il est de fort bonne guerre de confondre les auteurs par leurs propres paroles; mais la stricte justice exige alors, plus que jamais, qu'on les rapporte exactement. Si je m'étais mis, comme mon critique me le fait dire par erreur, à la discrétion du météorologiste de Leith, je n'aurais maintenant qu'à me taire, puisqu'il déclare qu'il ne s'est montré d'aurore boréale ni le 21, ni le 22, ni le 26 août; mais j'ai invoqué le témoignage des observateurs, quels qu'ils fussent, situés au nord ; or ces observateurs ont répondu, par l'organe de M. Hansteen, ami particulier de mon critique; ils ont déclaré avoir vu des aurores boréales à la fin d'août. Le célèbre professeur de Chris- tiania croit même pouvoir affirmer que ce phénomène s'est montré les 21, 22, 23 et 26 août; que m'importe à pré- AURORES BORÉALES. 579 sent qu'on n'ait rien vu à Leitii? Je n'énumcrerai pas toutes les causes qui peuvent avoii' amené ce résultat négatif; je m'en tiens à l'observation positive du correspondant de M. Hansteen; elle prouve irrévocablement qu'à la fin d'août 1825, mon aiguille n'a pas été mensongère. Puisque me voilà réhabilité comme prophète, je me hasarderai à faire une nouvelle prédiction, et je suis sûr qu'elle se réa- lisera : j'annonce donc que mon critique s'abstiendra de communiquer mes réponses catégoriques aux lecteurs de son journal, malgré tout le tort qu'il fera ainsi au mono- pole dont je suis en possession. Après la criticjue de mes observations, on s'écrie en pas- sant à celles de MM. Parry et Poster : « Nous voici main- tenant arrivé à une période de saines recherches [sound inquinj), aune époque oii l'aiguille aimantée et l'aurore boréale étaient observées en môme temps, sur le même horizon, et par des hommes qui n'avaient aucune hypo- thèse à faire prévaloir, etc. , etc. » Je m'abstiens de toute remarque sur les deux mots sou- lignés ; puisque mon criticfue a imaginé que mes recherches n'étaient point saines, il a bien fait de le dire; il aurait mieux fait sans doute de le prouver ; mais je ne suis pas si exigeant. Quand j'ai cité tout ce passage, j'ai voulu seule- ment qu'on pût mettre ces deux mots en regard des pa- roles doucereuses par lesquelles on avait débuté. On ne trouvera pas en effet sans étonnement que mon critique promettait, dansles premières lignes de son article, que la discussion serait candide et modérée (candid and mode- rate discussion) ; mais, comme dit le poëte : chassez le naturel , il rc\ient au galop. SSn AURORES BORÉALES. 1/ai^uillo crincliiiaison ne mérite pas moins d'attention que Taiguille horizontale ; mais, à cause de son mode de suspension l)eaucoup plus imparfait , personne jusqu'ici n'était parvenu à reconnaître bien nettement si sa position éprouve des cliangcments diurnes. Cette recherche m'a semi)lé assez curieuse pour motiver de nouvelles tenta- tives. Après divers essais infructueux, je suis enfin par- venu à déterminer les changements journaliers de l'incli- naison, non pas seulement par des moyennes mensuelles, mais à l'aide des observations de chaque jour. Ce résultat m'a fourni la possibilité de reconnaître que la variation diurne d'intensité, déterminée à l'aide des oscillations d'une aiguille horizontale, ne dépend pas tout entière des changements dans l'inclinaison; que ces changements devaient être plus grands que l'observation ne les donne pour tout expliquer, et f^u'ainsi l'intensité absolue du ma- gnétisme terrestre éprouve elle-même des variations à peu près régulières toutes les vingt-quatre heures. Voilà, en abrégé, l'analyse du travail auquel je me suis livré. Il se compose de plus que quatre-vingt mille observations. Toutes les fois que des affaires m'ont forcé de m'absenter, plusieurs de mes amis ont eu la complaisance de me rem- placer. Je voudrais bien leur en témoigner ici ma recon- naissance ; mais ne dois-je pas attendre pour cela que la critique ait bien voulu reconnaître qu'elle a jugé sans voir et sans entendre. Pour ce c|ui me concerne, je déclare sans hésiter, cjuoique cela ne soit peut-être pas poli, que les décisions tranchantes du critic{ue n'ont effleuré ni ma conviction, ni mon amour-propre; ainsi, jusqu'à nouvel ordre, j'assume sur moi seul toute responsabilité, soit à AURORES BORÉALES. 581 l'égard des conséquences que les observations m'ont paru autoriser, soit en ce qui concerne la direction peu saine que j'ai donnée à l'ensemble du travail. Je reprends, après cette courte digression, l'examen du Mémoire de mon célèbre critique. Il avait sans doute un vague pressentiment de la fai- blesse des objections que j'ai combattues, car il cherche à la fin de son écrit à trancher par des autorités la diffi- culté qui nous divise. Suivant lui, les physiciens, de quelque pays qu'ils soient, ne peuvent plus admettre une action des aurores boréales sur les aiguilles aimantées, depuis que la Société royale de Londres a décerné, en 1827, la médaille de Copley au lieutenant Foster; depuis surtout que M. Davies Gilbert, successeur de sir Humphry Davy dans la présidence de la Société royale , a rangé au nombre des plus importants résultats obtenus par l'habile navigateur dont je viens de parler, la réfuta- tion « d'une prétendue connexion entre les agitations de l'aiguille et les aurores boréales! » [Voyez le Discours d'ouverture de l'année 1828.) Personne au monde n'a pour la Société royale une admiration plus sincère que celle dont j'ai toujours fait publiquement profession. Ce sentiment, je l'avais puisé dans la lecture des Transactions philosophiques, long- temps avant que ce corps illustre daignât m' admettre au nombre de ses membres. En m'accordant spontanément, en 1825, la médaille de Copley; en appelant ainsi l'at- tention des physiciens sur les phénomènes du magnétisme en mouvement que je venais de découvrir, la Société m'a imposé un devoir bien doux , celui de la plus vive recon- 882 AURORES BORÉALES. naissance. On a compté, je présume, sur les eml)arras de cette position. On a pensé que si je repoussais ces argu- ments de la critique, je ne pourrais pas, du moins, sous peine d'ingratitude, me dispenser de souscrire aux déci- sions d'une compagnie qui m'a donné de telles marques de bienveillance; mais, je m'empresse de le dire, on s'est complètement trompé. Je me croirais vraiment indigne de toutes les faveurs dont j'ai été l'objet, si dans une question de science je faisais, en aucune manière, la part des considérations personnelles ; si j'examinais d'où émanent les arguments plutôt que ce qu'ils valent, si sur- tout je cédais à des décisions dénuées de preuves. Com- ment n'a-t-on pas songé qu'en devenant membre de la Société royale, j'avais dû me pénétrer de sa propre devise : Nuîlius in verba. J'aborde donc franchement cette partie du Mémoire dans laquelle, à l'abri des impo- santes autorités dont il s'enveloppait, mon savant critique se croyait inattac{uable. A mon avis, la Société royale n'a fait cju'un acte de la plus haute justice , en couronnant le Mémoire de M. Pos- ter. La multitude d'observations que cet infatigable navi- gateur a recueillies, les difficultés dont elles étaient entou- rées, la petite distance c{ui séparait les diverses stations du pôle magnétique, font de ce travail une des plus pré- cieuses acquisitions dont la science se soit enrichie depuis longtemps. On ne demandera pas, j'espère, une déclara- tion plus franche, plus explicite. Examinons maintenant à quel point elle a compromis ma cause. Je suppose pour un instant que les aurores boréales, comme l'annonce M. Poster, n'aient aucune influence sur AURORES BORÉALES. 583 l'aiguille aimantée au port Bowen. Ce fait sera sans doute très-curieux; mais qu'en pourra-t-on déduire contre les observations de Paris? De ce qu'en aucune saison on n'entend le tonnerre près du pôle , faudrait-il en conclure qu'il ne gronde jamais en France? Cette comparaison cho- quera mon critique, j'en suis sûr; mais, en y réfléchis- sant bien, il verra que je la cite seulement parce qu'elle fait toucher au doigt le vice de son raisonnement, parce qu'elle montre qu'un fait météorologique peut n'être vrai que dans le lieu où il s'est présenté. Je l'entends toutefois m' accuser d'avoir oublié que MM. Parry et Poster « vivaient précisément au milieu des rayons des aurores boréales » [livecl among the very beams of Ihe northern lights). Or, comment admettre qu'une aurore agisse de loin quand elle ne produit aucun effet de près? Je réponds qu'on ignore comment cette action s'exerce; qu'il n'est pas impossible que la valeur de l'inclinaison y joue un grand rôle, et que, là où la résultante du magnétisme ter- restre est presque verticale, la force perturbatrice devienne insensible, surtout si l'aurore a quelque tendance, comme au port Bowen , h se montrer simultanément sur tous les points de l'horizon. Généraliser dans de telles circon- stances, appliquer au liO' degré de latitude ce qu'on a observé sous le 73% c'est évidemment bâtir sur le sable. J'irai plus loin, maintenant, et j'établirai, je crois, sans beaucoup de peine, que les observations de Poster ne prouvent pas qu'il y ait au nord, durant les aurores boréales, de moindres dérangements de l'aiguille aimantée qu'à Paris. A Paris, des changements accidentels de direction de 58i AU ROUES BOUl-ALES. 3 OU II' de degré doivent frapper Tobservateur le moins attentif; des perturbations de 10', de 15', de 20', lui paraîtront énormes, et elles le sont, en elTet, eu égard aux déviations habituelles. Il n'en est pas ainsi au port Bowen, où les déelinaisons d'un jour et eelles du lendemain, aux mêmes heures, sont ordinairement très-dilTérentes. J'en citerai un exemple, et je le prends au hasard : IIiMiro. Position ilc l'aipiiillc. Le 22 janvier 1" 1'" 0"3i' ouest. 23 — 1 10 1 26 /rf. 2Zi — 18 0 10 /r/. 25 — 13 0 liO Id. 26 — 10 1 6 /rf. 27 — 12 0 52 I()Uf:A I.I- S. J'avais indiqué les jours où l'aiguille fut notablement dérangée ii Paris en \ 825, sans qu'on eût observé d'aurore boréale à Édinl)urgli; M. Hansteen a cherché dans ses journaux météorologiques si , plus au nord , à Christiania, ce météore ne se serait pas montré, et il trouve que : j'étais bien résolu îi me désister, ù ce sujet, de toute espace de prétention , à rendre une entière justice au premier auteur de la remarque, à ne présenter désormais mes observations qu'à titre de confirmation ; mais en examinant bientôt après les preuves dont M. Hansteen appuie sa thèse, j'ai reconnu (lue je n'avais lésé les droits de personne et qu'il n'y a lieu de ma part à aucune répara- tion. L'observation faite à Londres par 1\L Oraham est complète- ment insignifiante , puisque ce physicien ne dit pas s'il y avait ou s'il n'y avait pas d'aurore boréale visible; puisqu'il n'est pas prouvé qu'il ait cherché à s'en assurer; puisque tout annonce qu'il n'était pas instruit de la liaison de ce phénomène avec les mouvements de l'aiguille aimantée. En y réfléchissant , >I. Hansteen me per- mettra d'ajouter, qu'alors même qu'on lirait tous ces détails dans la Note de M. Graham , on n'en pourrait tirer légitimement aucune conséquence relativement à l'acion qu'exercent, suivant moi, les aurores boréales invisibles. H est, en effet, bien établi, par une multitude d'observations, qu'une aurore qui se montre dans un lieu donné y laisse souvent l'aiguille aimantée dérangée, après qu'elle a cessé de luire : or, puisque le 5 avril 1741, l'aiguille était, dans le jour, considérablement affolée à Londres, tout doit porter à croire qu'il y avait alors sur l'horizon une aurore boréale que la lumière atmosphérique empêcha d'apercevoir, et dont les oscilla- tions de l'aiguille, la nuit, furent la suite. Cette conjecture paraîtra d'autant plus naturelle qu'à Stockholm même Celsius n'aperçut, le 5 avril, à nuit close, que de faibles traces d'une aurore boréale qui finissait. Pour prouver sans réplique l'influence des aurores boréales invisibles, il faut donc qu'en un lieu donné, à Paris, si l'on veut, « un certain jour, le ciel étant parfaitement serein, l'aiguille aimantée ait marché régulièrement jusqu'à la nuit; qu'alors, et seulement alors, elle se soit notablement dérangée; que l'observa- teur ait cherché scrupuleusement et sans succès des traces de Taurore boréale, et que dans une station située beaucoup plus au nord ce phénomène se soit montré. » La réunion de toutes ces cir- constances a eu lieu si fréquemment pendant mes observations, AURORES BORÉALES. 593 Le 13 ^ mars, le ciel était couvert : l'aurore ne pouvait donc pas être aperçue. Les oO et 31, le ciel était serein, et le journal ne signale cependant aucune aurore; mais la fenêtre par laquelle M. Hansteen observa l'état du ciel n'était pas du côté du nord. Près de Drontheim , où il y a un observateur, il tombait de la neige les 30 et 31 mars et le 1" avril. Le 21 avril, ciel entièrement couvert à Christiania. (Je n'ai pas parlé du 21 avril ; j'ignore à quel propos M. Han- steen le cite.) Les 19 et 21 août, les circonstances atmosphériciues n'auraient pas permis de voir une aurore boréale dans les lieux qu'habitent les correspondants de M. Hansteen. Le 25 août^, à onze heures quarante minutes, une aurore boréale se montrait à Christiania et à Hardenger. Le journal de M. Holmbœ porte cfue l'aurore brilla plu- sieurs fois dans les derniers jours du mois d'août; mais les vraies dates n'y sont pas. M. Hansteen pense c|u'il est très- probable que ces dates sont les 21 , 22 et 23 août ; que dès lors on n'est pas obligé d'admettre avec M. Arago « qu'il que je n'ai pas dû hésiter à soumettre aux physiciens le fait qui en découle, et dont M. Hansteen, par cette discussion, m'aura rendu le service de faire ressortir la nouveauté. Si , au lieu d'éclaircir la question à l'aide d'arguments puisés dans la nature même des choses , j'avais voulu me contenter de répondre à la critique du savant professeur norvégien, il m'aurait suffi de remarquer qu'en analj'sant dans son grand ouvrage les observations de Celsius et de Graham, il n'a fait aucune mention de la conséquence quil en a déduite depuis la publication de ma Note. 1. Je pense qu'il faut lire le 19. Je n"ai rien dit du 13 dans la Note des Jnnales. 2. N'est-ce pas le 26 qu'il faut lire? IV. — I. 38 59i AURORES BORÉALES. existe des causes inconnues (autres que les aurores bo- réales) qui agissent sur Taiguille magnétique ^ » Le 10 septembre, aurore boréale très-brillante à Chris- tiania. Le 7 octobre, temps couvert. Les 3 ou II novembre, aurore boréale à Bergen. Le 22 novembre, ciel clair à Christiania; cependant le journal météorologique ne signale aucune aurore. (Une aurore a été vue à Leith.) Le 26 août, M. Hanstccn étant près de Bornéo en Lapo- nie, son aiguille horizontale, à neuf heures trois quarts du soir, fit 300 oscillations en 887 secondes, tandis que, ordi- nairement, il ne fallait que 881 secondes. «Cette irrégu- larité , dit ^l. Hansteen , ayant coïncidé avec la variation de déclinaison observée par M. Arago à Paris, montre que les influences des aurores embrassent de très-grandes étendues de pays, et que les changements de direction coïncident avec des changements d'intensité ^. » 1. Si je pouvais supposer que la traduction du Mémoire de I\!. Hansteen a été correctement imprimée dans le journal anglais où je l'ai trouvée, je ferais remarquer que le savant phj'sicien nor- végien me prête ici fort gratuitement une opinion que je n'ai point énoncée. Voici ma proposition : « La marche de l'aiguille, le 29 août 1825, ayant offert à Paris les plus fortes anomalies, si, par un temps serein , les olDservateurs du nord n'ont pas vu d'aurore boréale , on sera forcé d'admettre qu'il existe d'autres causes, encore inconnues, qui exercent aussi sur la marche de l'aiguille aimantée une influence considérable, je n'ai pas dit que j'admettais de telles causes : j'ai montré dans quelles circonstances M. Hansteen, tout comme un autre, serait forcé d'y recourir. 2. Ce résultat est exact, mais les observations de M. Hansteen ne le démontrent pas. J'ai reconnu, en effet, que l'aiguille d'inclinaison change tout aussi bien de position par l'action des aurores boréales, que l'aiguille horizontale. Les oscillations de celles-ci varieraient AURORES BORÉALES. 595 CHAPITRE XI. ACTIOX EXERCÉE PAR LES TREMBLEMEMS DE TERRE SUR l'aiguille aimantée. Quoique j'aie bien démontré l'influence exercée par les aurores boréales sur l'aiguille aimantée , je n'ai pas conclu de mes recherches que toutes les variations irrégu- lières que présenterait une boussole seraient dues à l'ap- parition d'une aurore sous une latitude quelconque. Bien loin de là, j'ai fait voir que les tremblements de terre produisaient des oscillations spéciales sur l'aiguille des variations diurnes. Les journaux ont annoncé qu'un fort tremblement de terre s'est fait sentir, le 19 février 1822, en Auvergne, à Lyon et en Suisse. La secousse s'est étendue jusqu'à Paris ; elle s'y est fait sentir le matin, à huit heures trois cjuarts (temps vrai), ou peu de minutes auparavant et sa dù'ec- tion coïncidait à fort peu près avec celle du méridien magnétique. Voici l'extrait du registre des observations des varia- tions diurnes de l'aiguille de déclinaison pour le 19 fé- vrier 1822: « A huit heures du matin, l'aiguille paraissait parfaite- ment tranquille, même sous le microscope. a A huit heures un quart du matin, circonstances toutes donc de durée alors même que lintensité resterait constante. Ce n'est qu'après avoir corrigé cette durée des effets que les change- ments d'inclinaison produisent, qu'on peut en déduire les intensités correspondantes à diverses heures et à différents jours. îiOfi AURORES BORÉALES. pareilles: l'cxlrémilé nord s'est seulement rapprochée du méridien terrestre de quelques secondes. « Huit heures et demie, l'aiguille est toujours fort tran- (|uille. J.a marche de la pointe nord vers le méridien a cessé; l'aiguille est maintenant au minimum de décli- naison. « Huit heures trois quarts. Il n'y a point eu, à cette heure, d'observation proprement dite , ou, en d'autres termes, d'indication en nombre de la place du micros- cope; mais voici ce que j'avais écrit sur le registre: « L'aiguille de la boussole est trcs-agitée. » J'ajouterai même que rien de semblable ne s'était présenté depuis que nous observons à Paris les variations diurnes. Les mouvements sont si grands que le microscope n'est pas nécessaire pour les observer ; on les aperçoit parfaitement à l'œil nu. La circonstance qui rend ce dérangement remarqual)le, c'est que « les oscillations de l'aiguille se font exclusivement dans le sens de la longueur. » Je ne vois qu'un tremblement de terre qui ait pu donner lieu à un mouvement de cette espèce ; encore faut-il qu'il ait été exactement dirigé dans le sens du méridien magnétique, c'est-à-dire, dans une ligne formant avec le méridien ter- restre un angle de 22° J //i. « Neuf heures , aiguille très-tranc|uille. La pointe nord n'a encore rétrogradé vers l'ouest que de 6". « Neuf heures trente minutes, aiguille tranquille. Le mou- vement vers l'ouest se continue, comme à l'ordinaire, gra- duellement et sans secousse. « Le sens dans lequel les oscillations s'exécutaient à huit heures trois quarts a permis de reconnaître que l'axe de AURORES BOREALES. 597 l'aiguille était alors dans une position exactement moyenne entre les deux déclinaisons, d'ailleurs si peu dilTérentes, observées à huit heures et demie et à neuf heures. Si l'électricité, comme on le suppose assez généralement, joue un rôle dans les tremblements de terre, on voit du moins que, dans celui du 19 février, elle a été sans effet sur la déclinaison de l'aiguille aimantée. » J'ai rédigé cette note à l'instant même où les grands mouvements de l'aiguille se manifestaient. Ayant appris depuis que la secousse avait été assez forte à Paris pour que des personnes couchées dans leurs lits l'eussent res- sentie, il m'a paru curieux de rechercher si la marche de l'horloge sidérale de l'Observatoire n'en aurait pas été affectée. Mais la table que voici montrera qu'à cet égard le tremblement de terre a été absolument sans effet. Les oscillations du pendule se font dans le plan du méridien. Avance diurne de la pendule sidérale à l'Observatoire. Pu 15 au 16 février O'.ûS Du 16 au 17 — 0 .50 Du 17 au 18 — Q-.lxù Du 18 au 19 — 0 . /lO Du 19 au 20 — 0./i7 Du 21 au 22 — 0 ./iO M. Gay m'a transmis de Valdivia , sur la côte occiden- tale de l'Amérique du Sud , quelques détails sur une per- turbation que l'aiguille aimantée éprouva ;\ l'époque du terrible tremblement de terre de février 1836. Cette per- turbation ne s'est pas renouvelée pendant les nombreuses secousses, fort petites il est vrai, qu'on a ressenties depuis. M. Gay a fait, pendant une année entière, des observations 598 AURORES BORÉALES. de variations diurnes de raiguillc aimantée horizontale. Suivant lui le phénomène n'a pas tout à fait la même marche qu'en Europe. « Au lieu , dit-il , de deux mouve- ments journaliers de va-et-vient j'en ai toujours obtenu trois : un le matin à l'est, l'autre au milieu de la journée à l'ouest, et l'autre le soir encore à l'est, ce dernier mouve- ment étant le complément de celui du matin ; les heures des maxima et des minima diffèrent un peu suivant les saisons, mais les anomalies sont tellement rares que je regarde le triple mouvement comme permanent dans ces contrées. La grande chaîne des Cordillères serait-elle la cause principale de cette constante irrégularité ? C'est ce que je ne puis croire et ce que néanmoins je compte véri- fier dans un voyage que je ferai à Mendoza. » CHAPITRE XII. AURORES AUSTRALES. Forster dit dans son ouvrage que personne avant Cook et lui n'avait parlé des aurores australes; ils observèrent la première qu'ils aient aperçue, en 1773, par 58° à 60° de latitude sud. Voici les dates de toutes les observations analogues : 18, 19, 20, 21 et 26 février, 15 et 16 mars 1773. Il est assez bien établi , maintenant , qu'il y a autant d'aurores polaires vers l'hémisphère sud que dans les régions arctiques. Tout porte à penser que les apparitions des aurores australes et celles dont nous sommes témoins en Europe , suivent les mêmes lois. Cependant ce n'est là qu'une conjecture. Si une aurore australe se montrait aux AURORES BORÉALES. 599 voyageurs sous la forme d'un arc , il serait donc important de noter exactement les orientations des points d'intersec- tion de cet arc avec l'horizon, et, à leur défaut, l'orienta- tion du point le plus élevé. En Europe, ce point le plus élevé paraît toujours situé dans le méridien magnétique du lieu où se trouve l'observateur. De nombreuses recherches , faites à Paris , ont promc , comme le démontrent tous les faits cités dans cette Notice, c[ue toutes les aurores boréales, voire celles qui ne s'élèvent pas au-dessus de notre horizon et dont nous ne connaissons l'existence que par les relations des observateurs situés dans les régions polaires, altèrent fortement la déclinaison de l'aiguille aimantée, l'inclinaison et l'intensité. Qui ose- rait donc arguer du grand éloignement des aurores aus- trales , pour affirmer c|u' aucune d'elles ne peut porter du trouble dans le magnétisme de notre hémisphère ? En tous cas, l'attention que les voyageurs mettront à tenir une note exacte de ces phénomènes, pourra répandre quelcjues lumières sur la question. Il faudrait que, dans les observatoires, on fît constam- ment des observations assez rapprochées""pour qu'aucune perturbation ne pût passer inaperçue. Si ma mémoire ne me trompe pas , parmi les météoro- logistes qui ont déjà recueilli bon nombre de descriptions d'aurores polaires observées dans l'hémisphère sud , per- sonne, avant M. Lafond, n'avait vu ces lueurs atmosphé- riques au nord du zénith par la faible latitude de 45°. Sans ajouter pour le moment à cette remarc[ue plus d'impor- tance qu'il ne faut, je dirai qu'à l'époque des observations de M, Lafond , l'aiguille aimantée horizontale des varia- 600 AURORES BORÉALES. tioiis diurnes i.h l'Observaloirc de Taris avait une marclic tivs-irrégulière, et je placerai ici la relation que m'a envoyée ce navigateur. « Le Ml janvier I80I, dit-il , étant par la latitude /i5° sud et par la longitude du centre de la Nouvelle-Hollande, nous vîmes une aurore australe. Les aurores vues dans riicmisphère nord ayant été appelées boréales par les sa- vants, il est naturel de donner le nom d'australes à celles qui sont vues dans l'hémisphère sud. Le siècle dernier, et sur leur de grandes discussions sur ces phénomènes il y a eu cause... « Le 14 janvier, dans la position où se trouvait le navire, le soleil s'était couché à sept heures trente minutes, mais la nuit se fit seulement à neuf heures, et même longtemps après une grande clarté existait à l'horizon, et à quelques degrés au-dessus, dans la partie la plus sud du globe, par rapport à nous. A minuit et demi , des rayons de lumière parurent dans la partie du nord-est; ils commençaient à S0° au-dessus de l'horizon, et se dirigeaient vers notre zénith. A une heure, ces rayons devinrent beaucoup plus lumineux et plus brillants, et s'étendirent davantage vers le nord. A deux heures, ils étaient dans leur plus grand éclat et embrassaient toute la partie du ciel comprise entre le nord-nord-est et le nord-ouest du compas, depuis 20° au-dessus de l'horizon jusqu'à 10° ou 15° au delà de notre zénith. « Le temps était clair, le ciel dégarni de nuages, et le vent frais venait du sud-ouest. « Les rayons de la lumière que nous apercevions étaient formés par un brouillard ou des nuages unis , un peu AURORES BORÉALES. 601 opaques; elle était plus vive et plus forte dans les endroits où le brouillard semblait le plus épais ; là elle avait une couleur rose obscur qui venait se fondre , dans les inter- valles, à un blanc et à un jaune pâle. « Ces rayons vacillaient parfois, et l'on pouvait alors croire entendre un bruissement, cjui n'était cependant que l'effet de la vue de ce mouvement sur l'imagination. Dans d'autres instants, ces rayons se mouvaient plus lentement et ressemblaient aux ondulations d'une mer profonde; enfin , pour donner une idée juste de ce spectacle par une comparaison qui , quoique vraie, peut paraître peu digne d'un elTet si majestueux et si grandiose, que l'on se figure un vase rempli d'eau, placé dans une cour formée par de hautes murailles; si le soleil, dans un beau jour, éclaire la partie de la cour où est placé le vase, son image est alors réfléchie par l'eau qu'il contient, sur la muraille qui est dans l'ombre. Si vous remuez le vase, le liquide, mis en mouvement, réfléchira successivement les rayons du soleil dans toutes sortes de directions. « La clarté que ces rayons répandaient était assez vive pour qu'on pût lire avec facilité une impression très-petite. Pour m'en convaincre, je fis apporter un volume in-8° de Firmin Didot , et mes officiers et moi nous nous passâmes le livre à plusieurs fois, et nous en lûmes tous sans peine quelques lignes. « A trois heures du matin , ces rayons lumineux dispa- rurent peu h peu, et ils furent remplacés par la clarté du jour naissant, qui commençait déjà à paraître dans toute la partie de l'est-sud-cst. « Le 15 et le 16, nous vîmes ces mêmes aurores, n}ai3 602 AURORES BOHÉALES. elles ne durèrent pas aussi longtemps et ne furent pas aussi brillantes que le premier jour, » CHAPITRE XIII. SUR r.\E DISPOSITION DES KLAGES QUI REPRODtlT CELLE QL'AFFECTEM LES RAYONS LUMINEUX DES AURORES BORÉALES. Le dimanche 24 juin iSi[li, vers huit heures»trente mi- nutes du soir, le ciel étant entièrement couvert , on vit se dessiner à Paris, du côté du sud, sur une couche presque uniforme de nuages, mi arc, en apparence circulaire, som- bre, régulier et très-étendu qui, cependant, ne se conti- nuait ni vers l'orient, ni vers l'occident, jusqu'à l'horizon. Cet arc devint de plus en plus noir et déplus en plus défini. Un arc blanchâtre se fonna bientôt le long de la bordure in- térieure de l'arc sombre, mais non dans toute son étendue. Au-dessus et au-dessous de ce phénomène, les nuages semblaient éprouver une agitation singulière. Les deux arcs, noir et blanc, toujours contigus, s'éle- vèrent graduellement au-dessus de l'horizon. Vers neuf heures, ils atteignaient le zénith, après s'être notablement affaiblis. Ensuite, ils disparurent. Le point culminant de l'arc parut être dans un plan vertical formant avec le méridien, vers l'est, un angle d'environ 20°. Dès que cette circulation eut donné au phé- nomène un caractère magnétique, M. Laugier obsena de minute en minute la boussole des variations diurnes : elle n'éprouva aucune perturbation. On aperçut, sur divers points de l'air, des traces de polorisation qui , évidemment , ne provenaient pas de la AURORES BORÉALES. 603 lumière de la lune. 11 reste à rechercher si la lumière cré- pusculaire n'en était pas la cause. Je dois faire remarquer que les observ^ations faites dans le Nord ont souvent montré que les nuages prenaient la forme et la position des aurores boréales. CHAPITRE Xiy. INCERTITUDE DE LA POLARISATION DE LA LUMIÈRE DES AURORES BORÉALES. En dirigeant sur la lumière des aurores boréales le po- lariscope à lunules que j'ai décrit en 1815, j'ai mx des traces de polaiisation. Mais cette simple observation ne m'autorisait pas à dire que le mystérieux phénomène se manifestait à nos yeux par de la lumière réfléchie. C'est cette conclusion qu'un physicien, M. Baudrimont, crut pouvoir tirer de l'observation de la lumière d'une aurore boréale visible à Paris le 22 octobre 1839, à dix heures un C{uart du soir. Pour que cette conclusion eût été légitime, il aurait fallu s'assurer cjue les rayons provenant de la lune, réfléchis et dès lors polarisés sur les molécules de l'atmosphère ter- restre ; que ceux de ces rayons, disons-nous, cjui se trou- vaient inévitablement mêlés aux rayons de l'aurore dont on faisait l'analyse, n'étaient pas l'unique cause de la dissemblance des lunules observées dans mon polariscope ou des stries du polariscope Savart décrites par M. Bau- drimont. 11 aurait fallu nussi tenir compte des effets pro- venant des réflexions multiples que les rayons de l'aurore elle-même éprouvent dans l'atmosphère. Une détermina- 60Î AURORES BORÉALES. lion exacte du sens et l'intensité apparente de la polari- sation dans divers azimuts, aurait pu trancher la dilTiculté ; mais le temps manqua. Au surplus, les observations seront toujours plus décisives si elles n'ont pas été faites par le clair de lune. 11 est présumable que les physiciens des expéditions scientifiques exécutées dans le Nord nous ap- porteront, sur ce point, quelque chose de décisif, puisque cette recherche leur fut spécialement recommandée par l'Académie au moment de leur départ. J'ai fait remarquer, dans la lettre de M. Baudrimont, communiquée à l'Académie des Sciences, plusieurs pas- sages qui ne sauraient se concilier avec les lois de la polorisation de la lumière, et, par exemple, une prétendue polarisation dans trois plans. Je supposais, au surplus, qu'il n'y avait, en réalité, dans les passages signalés, qu'une confusion apparente, qu'un simple manque de clarté. M. Baudrimont a réclamé au sujet de mes remarques. M. Baudrimont trouve qu'elles « tendaient à faire croire qu'il a mal observé. » « J'ai dit, bien positivement, ajoute M. Baudrimont, que la lumière était polarisée dans trois plans cjui allaient s'entre-couper en un même point... Peu m'importe cjue cela ne soit pas en harmonie avec les lois connues de la polarisation, etc., etc. » Pouvais-je, moi qui aussi avais observé attentivement ce phénomène , me dispenser de faire remarquer que la lumière analysée était un composé de lumière de l'aurore et de la lumière, partiellement polarisée, qu'envoyaient en même temps à l'œil les régions de l'atmosphère éclairées par la lune et interposées entre l'aurore et l'observateur. AURORES BORÉALES. 605 M. Baudi'imont, qui paraissait n'avoir pas songé à cette circonstance importante, tirait de son observation, telle qu'il l'avait donnée, une consécjuence évidemment illégi- time. Il disait de la lumière de l'aurore qu'elle était pola- risée; et, cependant, répétons-le encore, ce qu'il avait analysé avec le polariscope, qu'on me passe l'expression, n'était pas un corps simple, n'était pas la seule lumière de l'aurore, mais bien un mélange de cette lumière et d'une lumière atmosphérique qui étant, elle, polarisée, pouvait être l'unique cause des phénomènes observés. Si M. Bau- clrimont venait un jour nous dire que dans un ciel à peu près serein, la lumière des nuages isolés est polarisée, je lui demanderais de même, avec toute raison, comment il est parvenu à séparer cette lumière de celle des couches atmosphéric|ues comprises entre le nuage et l'œil. M. Baudrimont croit à une polarisation dans deux plans rectangulaires, lorsque pendant le mouvement de la rotation du polariscope, il lui est arrivé de voir, l'une après l'autre, deux séries de bandes qui, si elles existaient simultané- ment, se couperaient rectangulairement. 11 faut donc que je dise à M. Baudrimont que les rayons polarisés dans un seul plan, donnent précisément ce même phénomène. C'est là un des principes élémentaires de l'opticjue à l'égard des- quels il n'est permis à personne de dire : Peu in importe. CHAPITRE XV. DE l'UTILITK des CATALOGUES d'aIKORES BORÉALES. Mairan a prouvé que les aurores boréales ne sont pas toujours également fréquentes, et c^u'on est ciuelc|uefois de C06 AURORES BORÉALES. longs intervalles de temps sans en voir, non-seulement dans la zone tempérée, mais encore en Suède et en Nor- vège. Suivant le même auteur, les apparitions de ces phé- nomènes sont deux fois plus nomi^rcuses au moins quand le soleil est au périhélie que lorsqu'il se trouve dans la partie de son orbite la plus éloignée de la terre. Il pourra être curieux de rechercher un jour s'il existe quelque liai- son entre les cessations ou les reprises des aurores et d'au- tres phénomènes naturels ; c'est afin de faciliter de pareilles recherches que nous avons résolu de dresser un catalogue des aurores boréales dont nous pourrions avoir connais- sance. Nous avons rapproché des récits des voyageurs ou des narrations des journaux scientifiques, les comparai- sons de nos observations de l'aiguille aimantée à Paris. [M. Arago a pubhé une partie de son catalogue dans les Annales de chimie et de physique; mais le plus grand nombre de ses remarques et observations se trouvent dans les registres de variations diui'nes d'où nous les extrayons fidèlement. ] CHAPITRE XYI. CATALOGUE d'aCRORES BORÉALES DE 1818 A 1848. § 1. — Année 1818. La seule aurore boréale dont il soit fait mention dans les journaux scientifiques de 1818, a été observée le 31 octobre dernier, entre sept et huit heures du soir, à Bishopwearmouth , en Sunderland ( Angleterre ) , par M. Pienney. Cette aurore n'a, par elle-même, rien offert d'extraordinaire; mais elle a exercé sur l'aiguille aimantée AURORES BORÉALES. 607 à Londres, à Paris et au château du maréchal duc de Raguse, à Châtillon-sur-Seine, une action remarquable dont nous avons parlé avec détail ( chap. viii , p. 5G5 ) . § 2. — Année 1819. 1"' février, minuit trente minutes. — Quoicjue le ciel soit couvert, on aperçoit entre quelques nuages, dans la direction du nord, des blancheurs fort vives qui annoncent d'une manière évidente l'existence d'une aurore boréale. Les oscillations de la boussole s'élèvent jusqu'à 10' 36''. Comme nous l'avons dit dans la Notice sur le magné- tisme terrestre (chap. x, p. 495), nos observations de variations diurnes ayant été interrompues jusqu'en février 1820, nous ne pouvons que citer pour cette époque les observations d'aurores boréales venues à notre connais- sance. Le 15 octobre. — Aurore boréale obsenée dans le Suffolk. Le 17 octobre, vers huit heures cinquante minutes du soir. — Aurore boréale assez brillante, observée à Seath- waite, dans le Cumberland et dans les emirons de Lon- dres. Cette aurore avait augmenté, le matin du 17 octobre, d'environ 15' la déclinaison de l'aiguille aimantée. Le même jour, vers huit heures du soir, on a observé à Newton-Stewart ( Angleterre ) , un phénomène lumineux qui, d'après la description, était évidemment une aurore boréale. Je trouve, dans les observations publiées par le colonel Beaufoy, que, le même jour, la boussole de variations, en Angleterre, était fort éloignée de sa position habituelle. 608 AURORES BORÉALES, Voici en outre le catalogue des aurores boréales obser- vées pendant le voyage du capitaine Parry. 20 octobre, entre six heures et huit heures après midi. — Aurore boréale formant un arc large, d'une lumière blanche et irrégulière, s'étendant du nord-nord-cst au sud-sud-est; le centre de l'arc était 10° à l'ouest du zénith. La partie la plus brillante se trouvait au sud. 12 novembre, à six heures après midi. — Arc rompu et irrégulier; 0° de hauteur à son centre. 11 s'étendait du nord-ouest par nord , au sud par ouest. 13 novembre. — Depuis huit heures jusqu'à minuit elle se montra de la même manière. Direction de l'arc du sud-ouest au sud-est; la partie la plus brillante au sud. 15, 16 et 18 novembre. — Traces d'aurore boréale. Le 26 novembre au matin , cjuelques jets très-vifs d'au- rore boréale furent aperçus du sud au nord-ouest. ill décembre, à six heures après midi. — Aurore bo- réale; deux arcs concentriques passant des deux côtés du zénith : ils s'étendaient de l'horizon occidental à 20" de l'horizon opposé. (Aucun elîet sur l' électromètre et sur l'aiguille aimantée. ) 17 décembre, au matin. — Lumière faible et station- naire du sud-ouest à l' ouest-sud-ouest. 19 et 20 décembre. — A différentes heures du jour aurore boréale; le 20 elle se montra au nord-ouest, ce qui est plus au nord que d'habitude. § 3. —Année 1820. Dans le catalogue du capitaine Pari7, on a eu : 8 janvier, à cinq heures et demie après midi. —Arc AURORES BORÉALES. 609 large et irrégulier s'étendant du nord par l'ouest, round hy ouest to S.-^.-^.V. Il janvier, à huit heures du matin. — Des jets [corrus- cations) de l'aurore passaient avec une inconcevable rapi- dité de r ouest-nord-ouest à l'est-sud-est. Le 14 janvier, M. Howard, à Stratford (Angleterre), a observé, entre onze heures et minuit, une aurore boréale brillante : elle était entre le nord -ouest et le nord. Le capitaine Parry indique ensuite : 5 janvier, la seule aurore très-brillante observée durant le voyage. — Au moment de l'apparition, les jambes de l'arc étaient nord et sud; l'arc passait un peu à l'est du zénith. Le 3 février à six heures après midi , faible aurore du sud au sud-sud-ouest; à Paris, variations de 2' 39'^ Le 8 février au soir, aurore assez vive à plusieurs reprises; à Paris, variations de 5' 27". Le 10 février, à six heures un quart après midi, le capitaine Parry voit un arc s'étendant du sud-est au nord- est par nord. (Cette aurore a duré longtemps-tît était assez brillante.) A Paris, variations de 9' 12". A Paris, le 9 février, à huit heures du soir, des éclairs brillent fréquemment au sud; l'ouest est chargé de nuages noirs et épais : le reste du ciel est très-beau. A neuf heures le ciel se couvre dans tous les sens; les éclairs sont moins fréquents , mais ils paraissent plus intenses. A dix heures , les éclairs ont cessé ; le sud, l'ouest et le nord sont chargés de nuages noirs et épais qui ne s'élèvent guère au-dessus de 30°. Depuis neuf heures et demie on aperçoit au nord- IV.— I. 39 610 AURORES BORÉALES. ouest une lumière assez vive qui borde le nuage, et qui se distingue parfaitement de la blancheur lactée qui est à gauche. Cette lumière varie à chaque instant d'intensité, et disparaît après un quart d'heure de durée. L'aiguille est très-agitée ; ce n'est qu'à dix heures un quart que j'ai pu faire une observation un peu certaine. Les variations de l'aiguille s'élèvent à ili' 39". Le 11 février, à huit heures et demie, aurore assez vive par moment; à Paris, variation de 19' 57''. Le 19 février, à 10 heures et demie du soir, aurore assez vive; à Paris, variation de 15' 54". Le 3 avril, M. Scoresby observa la plus brillante aurore boréale qu'il ait jamais aperçue dans ses nombreux voyages {Greenl voyage, p. 17). Les variations à Paris s'élèvent à 16' a". Le 8 mars 1820, faible aurore. A Paris, variation de 23' 51 ". Le 2 octobre 1820, très-faible aurore. A Paris, varia- tion de 10' 55". Le 3 octobre, aurore plus brillante qu'à l'ordinaire : elle domiait autant de lumière que la pleine lune. Aucune action sur l' électromètre et sur l'aiguille annantée, dit le capitaine Parry. A Paris, variation de 8' 16". Le 13, aurore brillante. Arc du nord-est à l'ouest-sud- ouest : le méridien le coupe par le milieu. A Paris, varia- tion de r 1". Le ... novembre, de cinq heures à neuf heures du soir, on a observé à Pétersbourg une belle aurore boréale. Ce phénomène n'a pas été vu à Paris, et je n'en con- AURORES BORÉALES. 6H nais pas exactement la date; mais l'aiguille de la bous- sole de notre Observatoire ayant été considérablement éloignée de sa position ordinaire durant toute la journée du 14 novembre, je serais assez disposé à admettre que c'est précisément ce jour-là que l'apparition de l'aurore boréale a eu lieu à Pétersbourg. Les variations de la déclinaison à Paris ont été de 23' 33". M. Forster aperçut une aurore boréale en Angleterre, dans la nuit du 4 au 5 décembre 1820. (Fo/r son Traité sur les nuages.) A Paris, les variations de la boussole s'élèvent à 1' 20". § 4. — .\nuée 1821. En 1821, quoique le 2/i, le 25 et le 26 janvier; le d et le 21 février; le 1^ le 13, le 26 et le 30 mars; le 15 avril ; le 12 et le 19 mai ; le 22 juin ; le 6 et le ili juil- let, il y ait eu des oscillations anomales, je ne connais pas d'observations d'aurores boréales. M. le capitaine Parry a observé une aurore boréale dans la nuit du 15 août dans la baie d'Hudson. Il était alors par 65° 28' de latitude nord et par 50° 18'"*de longitude ouest de Greenwich. On voyait plusieurs nuages lumineux isolés; leur ensemble formait un arc dirigé du sud-sud-est à r ouest-sud-ouest. Les jets lumineux qui partaient des nuages montaient jusqu'au zénith; ils étaient quelquefois d'une teinte orange très-foncée. A Paris, les oscillations de l'aiguille de déclinaison ont été de 16' 78". Le 25 novembre, il y a eu à Paris des oscillations de 10' 17", mais nous ne trouvons nulle part d'indication d'une aurore boréale. 642 AURORES BORÉALES. Le 29 décembre, vers minuit, le capitaine Lyon vil dans la baie d'Hudson une brillante aurore boréale en forme d'arc, située au sud, et dirigée de Test à l'ouest. A Paris, l'aiguille de déclinaison n'avarié c|ue de 2' 30". § 5. — Auuées 182-2 et 1823. Le 13 février 1822, vers huit heures du soir, sir Cleorge Mackcnsie, voyageant entre Nairn et Inverness (Ecosse), vit dans le nord un arc lumineux de 3 ou 4° de largeur, qui embrassait une étendue d'environ 60°. On apercevait aussi des traces d'un arc i)lus large, moins intense, concentrif|ue au précédent, mais d'un plus grand diamètre. Tout resta dans cet état durant quelque temps; ensuite une vive lumière se montra subitement à l'est. Parcourant rapidement l'espace occupé par le phéno- mène , elle offrit ces apparences fantastiques , ces vagues lumineuses qui s'obseiTcnt toujours dans les aurores boréales brillantes. On assure que les sommets des arcs étaient directement sous la polaire. Cette circonstance serait fort remarc[uable si elle résultait de mesures prises avec un instrument. A onze heures du soir , quand M. Mackensie cessa ses observations, on voyait encore deux arcs lumineux concen- triques. Les aurores boréales sont devenues maintenant très- rares; celle dont on vient de lire la description est Hiéme la seule dont il soit fait mention dans les journaux scien- tifiques de 1822. Je n'ai point appris qu'elle ait été vue en France; mais son effet sur l'aiguille aimantée a été AURORES BORÉALES. 613 très-sensible dans la soirée du 13 février, surtout vers onze heures du soir. Le lendemain 14, la marche des déclinaisons diurnes fut de même assez régulière pour qu'on doive supposer que le phénomène du 13 se renou- vela dans la soirée. Les variations diurnes se sont élevées à Paris à li' 50". Le 19 février , il s'est manifesté à huit heures quarante- cinq minutes un mouvement tel , que je n'en ai jamais vu de pareil depuis que j'observe la boussole. L'aiguille oscillait très-rapidement, et ses mouvements, si considé- rables qu'on les voyait à l'œil nu, se faisaient principa- lement du nord au sud, c'est-à-dire dans la direction longitudinale de l'aiguille. Je ne vois qu'un tremblement de terre qui ait pu déranger l'aiguille de cette manière. Le 15 avril 1822, vers dix heures et demie du soir, le capitaine Scoresby , dont le bâtiment était par 65° de latitude nord et 5" de longitude ouest de Greenwich, aperçut une aurore boréale. Elle commença vers le nord , s'éleva graduellement au zénith, et s'étendit jusqu'au sud en formant un arc continu. Une espèce tie couronne naquit alors au zénith; sa lumière était aussi brillante que celle de la pleine lune ; il en partait avec une extrême rapidité des rayons de diverses couleurs : les teintes les plus remarquables étaient le bleu, le vert et le rouge. A Paris, les variations se sont élevées à 1/i' 53''. Le 13 juillet, il y avait à neuf heures quarante-cinq minutes, dans la direction du méridien magnétique, et près de l'horizon, une lueur qui m'a paru beaucoup plus vive que le crépuscule ne pouvait t'être à cette heure. (Quelques nuages peu élevés étaient sensiblement colores 6r» AURORES BORÉALES. en rouge. A dix heures la lueur avait disparu presque entièrement. Les variations s'élevèrent à 10' 55". Le 24 octobre, il y a une variation diurne de 22' 18" ; le 17 du môme mois de 2' liO" , mais il n'est venu à notre connaissance aucune observation d'aurore boréale. Durant l'année 182S, je n'ai pas observé à Paris d'au- rore boréale, et je n'ai eu connaissance d'aucun phéno- mène de ce genre constaté ailleurs. Ma boussole des variations diurnes a présenté le 20 janvier une variation de 12' 38", et le 5 septembre une variation de 11' 23". § 6. — Année 1824. Le 21 janvier, à neuf heures et demie du soir, on a vu à Leith, dans la direction du nord, un phénomène de lumière semblable à une aurore boréale. A Paris, variation de 5' 18". Dans la nuit du 29 juillet, le capitaine Lyon vit une faible aurore boréale. Il était alors près de la baie d'Hudson {Brief narrative, p. 16). A Paris, variation de 10' 8". Le capitaine Lyon aperçut une aurore boréale le 11 août, dans la baie d'Hudson; elle fut visible plusieurs heures de suite, surtout au zénith; la lumière était très- vive ; elle passait successivement du pourpre le plus vif au bleu léger, au jaune et au vert [Brief narrative , p. 35). A Paris, variation de 12' 56". Le 13 août à Paris il y eut une variation diurne de 13' 15". Cependant le capitaine Lyon ne vit point d'au- rore boréale cette nuit-là; mais le ciel ne fut découvert que durant peu d'instants (p. l\o-hh). AURORES BORÉALES. 6!5 Dans la matinée du 9 septembre on vit, dans les envi- rons d'Edinburgh, une brillante aurore boréale (journal de Brewster, juillet 1825, p. 55). A Paris, la variation diurne s'éleva à 19' 57'^ Le même jour, vers minuit, on observa une aurore boréale très-brillante, mais de courte durée, dans la baie d'Hudson; on y voyait toutes les couleurs prismatiques (capitaine Lyon, p. 91). Le 29 septembre, une brillante aurore boréale fut observée près de la baie d'Hudson, par le capitaine Lyon, dans la nuit (page 134). A Paris, les oscillations n'eurent pour amplitude que li' 41", mais elles furent très-fré- quentes. Le capitaine Parry signale une aurore boréale in the Morning du 17 novembre, à 45° environ au-dessus de l'horizon au port de Bowen. Dans la matinée veut dire sûrement après minuit. Cette aurore avait beaucoup dé- rangé r aiguille de Paris dans la nuit du 16 au 17, car la va- riation s'éleva, avec de nombreuses oscillations, à 25' 25". Le 25 novembre , à port Bowen , par 88"^/i.' de longi- tude ouest de Greenwich, 73° 13' de latitude nord, le capitaine Parry signale une aurore boréale au sud , dans la nuit, formant des arcs faibles. A Paris, la variation s'élève à 4' 41". Le 26 novembre , le même observateur aperçut à deux heures après minuit i;ne aurore boréale formant un arc irrégulicr dirigé du S.-S.-E. au N.-O. par N. L'arc était quelquefois très-brillant et il en partait des rayons qui se dirigeaient vers le zénith. A Paris, la variation a été de 6' 52 ". CIG AURORES BORÉALES. Le ^7 novonibre, Parry signale encore une aurore boréale faible dirigée de TE.-S.-E. au N.-N.-O. A sept heures du matin, à Paris, la variation est ;V M". Le !"■ décenibre, Parry voit une faible aurore boréale dans la matinée. A Paris, la variation est de 15' 17". Le 8 décembre, le temps était serein au port Bowen; aucLHie aurore boréale n'est cependant indiquée à la date du 8 dans le journal du capitaine Parry, quoicjue mes registres donnent une variation de 10' 27". Le 16 décembre , à sept heures du matin , on voyait au port Bowen une aurore boréale qui s'étendait de l'E.-S.-E. à rO.-S.-O. ; Parry ne dit pas qu'elle fût forte. A Paris, la variation fut de 2' 58". Les 20, 21, 22, 23 et 2/|, Parry aperçut souvent des aurores boréales, plusieurs furent brillantes et disposées en arcs bien terminés, d'où des rayons partaient vers le zénith ; d'autres se présentèrent sous la forme de nuages lumineux détachés. A Paris, la variation fut de 5' 8". Le 28 et dans la matinée du 29, le ciel était couvert au port Bowen; ainsi il ne fut pas possible d'y voir l'aurore boréale qui a pu occasionner le dérangement de l'aiguille observé à Paris dans la matinée du 29 et qui donna une variation de 1' 29". Le 31 décembre, la variation fut à Paris de 7' 1", mais le ciel était couvert au port Bowen. § 7. — Anuée 1825. Les aurores boréales ne s'aperçoivent plus guère main- tenant sous la latitude de Paris. On sait cependant, depuis AURORES BORÉALES. 617 les voyages des capitaines Parry et Franklin, que dans les régions arctiques, il y en a, presque tous les soirs, des traces plus ou moins vives. On s'était donc trop hâté d'an- noncer d'une manière absolue que ce phénomène est aujourd'hui beaucoup moins fréquent que par le passé; tout ce qu'on a le droit d'affirmer, c'est qu'il ne s'élève pas autant, et qu'il n'atteint que fort rarement les limites de notre horizon. Au reste, les zones, les arcs, les jets lumineux , dont les aurores boréales se composent , alors même qu'ils ne sont pas visibles dans un lieu donné , y exercent une influence manifeste sur la position de l'ai- guille aimantée. Les journaux des deux célèbres naviga- teurs que je viens de nommer, comparés à nos registres d'observations magnétiques, ne laisseront pas à cet égard l'ombre d'un doute. Cette singulière connexion mérite cer- tainement d'être étudiée sous toutes ses faces ; mais il fau- dra peut-être des recherches assidues, continuées pen- dant un grand nombre d'années, avant qu'on puisse en saisir tous les détails. Aussi doit-on beaucoup s'applaudir de voir des observateurs exacts, MM. Coldstream et Foggo, placés à Leith , en Ecosse , vers la limite que les aurores boréales ne dépassent presque plus, tenir une note exacte de tous ceux de ces phénomènes qui se montrent sur leur horizon. Ces observations nous aideront à compléter celles que nous pouvons constater autrement. Le 6 janvier le ciel était clair au port Bowen ; aucune aurore boréale n'est indiquée pour ce jour-là dans les registres imprimés du capitaine Parry, (|uoiquc la varia- tion s'élève à Paris à 11' 32''. Le 7 janvier, au port Bowen, une aurore boréale bril- 618 AURORES BORI^:ALES. laiite paraît à six heures du soir; clic est visible, mais fai- blement, durant le reste de la nuit. La variation est à Paris de iV 32". Le 11 janvier, au port Bowen, on signale une aurore boréale formant un arc du S.-E. au N.-O. On ne donne pas l'heure; on ne dit pas si l'aurore était brillante. A Paris, variation de 6' 33". Le 12 janvier, au port Bowen, aurore boréale assez vive dans la matinée. A Paris, variation de 5' 18". Au port Bowen, les 15, 16, 17 et 18 janvier, on aperçut fréquemment l'aurore boréale; elle avait une tendance marquée à former des arcs dirigés en général du S.-E. au S.-O. Quelquefois elle lança de brillants pinceaux lumineux vers le zénith. A Paris, les variations s'élèvent à 9' 31". Le 28 janvier, aurore faible au port Bowen. A Paris, variation de 56". Le j 1 février, au port Bowen , aurore boréale dans la nuit du 11 février. Lejournaldu capitaine Parry ne dit pas si elle était forte ou faible. A Paris, variation de 15' Zi5". Au port Bowen, les 14, 15, 16 et 17, on aperçut l'au- rore boréale dans la matinée. Le journal dit qu'elle était faible ; mais j'aperçois c|ue le ciel était couvert : l'intensité réelle de l'aurore pouvait donc être considérable. A Paris, variation de 11' ik". Au port Bowen , l'aurore a été faiblement visible les 22, 23 et 2[i février. Dans la matinée du 23, seulement, elle prit la forme d'un arc brillant et bien terminé, d'oii partaient des jets de lumière vers le zénith ; pendant la durée de l'arc, on voyait çà et là des taches très-bril- lantes. A Paris, variation de 8' 53". AURORES BORÉALES. 619 Le journal du capitaine Parry ne parle pas d'aurore boréale à la date du 4 mars ; le ciel était clair, cependant , au port Bowen. A Paris, variation de 8' 53''. A Paris, le 6 mars, la variation s'élevait à 11' 32"^ mais le ciel était trouble, le 6, au port Bowen. Le 9 mars, au port Bowen, brillante aurore boréale dans la nuit au sud-ouest. A Paris, variation de 7' 22". Au port Bowen, les 12, 13 et 14 de mars, on aperçut dans la matinée l'aurore boréale sous la forme d'une bande de lumière parallèle à l'horizon , à Zi5° de hauteur, et entre r ouest-nord-ouest et le sud-ouest. A Paris, la variation s'élève à 11' li". Le 19 mars, le ciel était trouble au port Bowen. (Parry.) Mais à Leith , le ciel était serein , le vent soufflait au sud avec force, lorsque, sur les huit heures du soir, on aperçut vers le nord, à l'horizon, la lueur qui est le premier indice d'une aurore boréale. Cette lumière augmenta d'intensité jusqu'à neuf heures et demie ; ensuite, des jets ascendants très-intenses commencèrent subitement à se montrer ; mais ils ne dépassèrent pas le ôS*" degré de hauteui\ Leiu' teinte habituelle était blanche ou jaunâtre; on en voyait toute- fois, par moments, de bleus et de verts. Un peu avant dix heures , le phénomène devint encore plus intéressant : un arc formé d'une lumière blanche resplendissante prit nais- sance vers l'ouest, s'éleva graduellement, atteignit le zénith , le dépassa, et alla se terminer du côté de l'est. Au zénith, il avait une lai'geur d'environ 7°; mais à 5° ou 6° de hauteur, limites au-dessous descjuelles on n'en voyait plus de traces, il se terminait presque en pointe. Cet arc fut stationnaire et parfaitement continu pendant une heure 620 AUROUr.S B Cl HÉ A LES. entière; on ne voyait à travers que les étoiles de première et de seconde grandeur; il se brisa en plusieurs parties a\;int de s'évanouir. Dès que Tare eut disparu, les jets ascendants, ([ui avaient cessé à Tinslant de sa formation, rec('mmencèrent à se montrer avec un vif éclat. A une heure après minuit, il n'y avait plus aucune trace du phé- nomène. A Paris, ce même jour, de midi à une heure et demie, l'aiguille horizontale sortit subitement et à plusieurs re- prises de sa position habituelle, de près de 5'. Ces mou- vements irréguliers me firent supposer que, le soir, il y aurait une aurore boréale; mais on n'en vit aucune trace, quoique le ciel fût parfaitement serein. A six et huit heures, l'aiguille n'oscillait point ; elle n'était pas non plus sortie de ses limites ordinaires; mais à onze heures et demie (c'était, comme on l'a vu plus haut, l'instant où l'aurore avait acquis à Leith son maximum d'éclat), la déclinaison avait brusquement diminué de plus de 8', et l'aiguille oscillait dans de grands arcs. L'amplitude de toute la variation diurne s'éleva à 17' 35''. La marche de la même aiguille des variations diurnes, avec laquelle ont été faites les observations précédentes, montre qu'il a dû y avoir de fortes aurores boréales, les oO et 31 mars et le 1"" avril. Les nuages n'ont probable- ment pas permis à MM. Foggo et Coldstream de les observer. Quoique le ciel ait été assez clair durant ces journées au port Bowen, le journal du capitaine Parry ne fait cependant mention d'aucune aurore boréale. J'ajoute qu'aucune aurore boréale n'est signalée par le capitaine Parry, durant le mois d'avril ! AURORES BORÉALES. 621 Peut-on supposer cependant que ce météore a cessé tout à coup de se montrer? Mon aiguille semble dire le contraire. Je signalerai aussi le 26 juillet, où j'ai eu une variation de 3/;' 46"'; je n'ai pas appris qu'on ait observé une aurore boréale durant cette journée. Le 17 août, à dix heures du soir, MM. Coldstream et Foggo aperçurent de faibles traces d'une aurore boréale. Je soupçonne que c'était la fin d'une aurore boréale de jour. Je trouve en ellet que le matin du 17, de huit heures et demie à midi, la déclinaison fut constamment d'environ 5' supérieure à la moyenne du mois pour les mêmes heures, tandis que, le soir, l'aiguille était revenue à sa position ordinaire. L'amplitude totale de la variation est de 12' 10''. Dans ce même mois d'août, la nuit du 21, la matinée du 22, la nuit du 26, celle surtout du 29 ont offert de fortes anomalies dans la marche de l'aiguille. Toutes ces nuits-là le ciel était, je crois, couvert à Leith. Si, par un temps serein, des observateurs situés plus au nord, n'ont pas vu d'aurore boréale, par exemple, dans-^la nuit du 29 août, nous serons forcé d'admettre qu'il existe d'autres causes, encore inconnues, qui exercent sur la marche de l'aiguille aimantée une influence considérable. Mais dans les derniers jours d'août, on vit des aurores boréales en Norvège, et M. Hansteen croit que leurs vraies dates sont le 21 et le 22. En outre, le 26 août, à onze heures quarante minutes, on aperçut une aurore boréale à Christiania. Le 10 septembre , une très-belle aurore boréale fut G22 AURORES BORÉALES. observée vers les dix liouros du soir, à Leith. A dix heures, le 10 septembre, l'aiguille horizontale h Paris était à 10' de sa position moyenne. L'amplitude totale de la variation est de 15' 17". Le même jour, on a vu une brillante aurore boréale à Christiania, d'après M. îLinsteen. Le 15 septembre, détroit de Davis, latitude 69° 1/2, au sud-est, nuage lumineux à 5 ou 6° au-dessus de l'horizon. Il en partait des jets lumineux dirigés vers le zénith. Les nuits suivantes, l'aurore se montra avec les mêmes carac- tères, au sud-ouest, à l'ouest et vers l'est (Pan^% p. 170). A Paris, variation de 10' 36". Le 20 septembre, le capitaine Parry vit un arc lumi- neux passant par le zénith et dirigé du sud-est au nord- ouest; il paraissait peu élevé, sa lumière était si vive qu'il jetait sur le bâtiment les ombres des corps opaques. A Paris, variation de 9' 49". Le 24 septembre, par 58° 1/2 de latitude et lili" 1/2 de longitude, le capitaine Pari-y annonce des masses lumi- neuses à l'est , couleur jaune de soufre. A neuf heures du soir, la lumière s'éleva en une bande étroite jusqu'au zénith, qu'elle dépassa bientôt pour atteindre l'horizon opposé; des jets de lumière se succédèrent ensuite avec une inconcevable rapidité. Le phénomène dura trois quarts d'heure; la lumière qu'il répandait fut souvent aussi vive que celle de la pleine lune ; quelques parties étaient ver- dâtres. A Paris, variation de 9' o". Le 5 octobre, le capitaine Parry rapporte que le ciel est couvert, mais tout autant éclairé que par la pleine kme. A Paris, variation de li' 42". AURORES BORÉALES. 623 Le 7 octobre, dans la soirée. — Aurore boréale peu remarquable à Leith. (L'observateur de Paris était absent. ) A Leith, le 3 novembre. — Aurore boréale à onze heures du soir. La pointe nord de l'aiguille des variations diurnes, à Paris, était, le 3 novembre à dix heures du soir, de 9' à l'orient de sa position moyenne. La variation totale a été de 15' 8''. Le même jour, M. Hansteen signale une aurore boréale à Bergen en Norvège. Leith, le li novembre, dans la soirée. — Jets de lumière très-vifs et très-nombreux ; mais ils restèrent visibles pen- dant peu de minutes, et ne furent ni précédés ni suivis de la clarté diffuse voisine de l'horizon, qui accompagne ordi- nairement ce météore. L'aiguille horizontale de l'Observatoire de Paris éprouva, le II novembre, des mouvements brusques assez considé- rables et fort irréguliers, depuis neuf heures du matin jusqu'à deux heures de l'après-midi; le soir, elle était à peu près revenue à sa position moyenne. La variation totale fut de 9' 31''. Les jets remarqués pafles olîser- vateur's écossais étaient donc, suivant toute apparence, les dernières lueurs d'une aurore boréale de jour. Leith, le 22 novembre. — Très-belle aurore boréale, visible pendant trois heures, malgré l'éclat que la lune répandait dans l'atmosphère. Les jets lumineux s'éle- vèrent jusqu'au zénith. L'aiguille des variations diurnes commença à sortir de ses limites habituelles le 22 novembre, à onze heures du soir. Le lendemain 23, à huit heures du matin, son extré- 624 AURORES BORÉALES. mité nord se trouvait à l'occident de sa position moyenne de plus de 3'. Le reste de la journée, sa marche fut très- irrégulière. La variation diurne totale s'éleva h 6' 24". Le môme jour, M. Farquliarson vit une belle aurore boréale dans rAberdeenshire. 11 était alors dix heures et demie du soir. {Trans. 18:29. p. lOG.) § 8. — Annoo 1820. Dans le cahieV de décembre 182G des Annales de chimie et de physique {2" série, t. xxxiii, p. /i21), j'insérai la note suivante dont je ne modifie les termes qu'en ce qui touche la rudesse de ma réponse à mes critiques : « On a vu un arc lumineux provenant d'une aurore boréale, à Carlisle et dans le Roxburgshire, le 29 avril 1826 ; ce phénomène n'a pas été aperçu à Gosport, quoi- que le ciel y fût serein. « A Paris, le 29 avril, à sept heures cinquante minutes du soir, la pointe nord de l'aiguille des variations diurnes était de quatre minutes à l'est de sa position ordinaire; à huit heures et demie, elle s'était rapprochée de l'ouest par un mouvement prompt; à onze heures et demie, elle avait repris, à une demi-minute près, la position de huit hem'es et demie. Une longue expérience m'a appris que ces grandes oscillations, à des heures où l'aiguille est presque toujours stationnaire , sont un indice à peu près assuré de l'existence d'une aurore boréale. Aussi, malgré toute la peine que l'on s'est donnée pour faire douter de ce résultat, dont, au reste, je suis moi-même très-éloigné de contester la singularité, je me hasarde à annoncer qu'on aura aperçu AURORES BOREALES. ei'i quelque part, dans le nord, de brillantes aurores boréales : « Le 16 janvier 1826; les 10 et 13 février; dans !a journée du 9 mars; le matin et le soir du 23; le 29 mars; les 9 et 13 avril; dans la nuit du 17 au 18 du même mois; le 24, etc., etc. « Si , pour juger de l'exactitude de ces annonces, mes critiques n'ont pas la patience d'attendre le retour des navigateurs du Nord, je les engagerai à consulter, dès ce moment, les pêcheurs de baleines ou les savants qui obser- vent dans le nord de l'Ecosse. Ils rendront ainsi à la science un service plus réel qu'en écrivant de fort lourdes plai- santeries sur la délicatesse éthérée de l'aiguille dont je me sers. » En décembre 1827, grâce à la complaisance de Dalton, je pus annoncer qu'une aurore boréale, comme je l'avais soupçonné, s'était montrée dans le nord de l'Angleterre, le 29 mars 1826. La lettre de cet illustre chimiste est trop intéressante pour que je puisse me dispenser de l'in- sérer ici en entier : « Mon cher ami , ^ « Je sais que vous prenez intérêt à tout ce qui regarde la météorologie ; je vous envoie en conséquence le résultat d'une recherche que j'ai faite dernièrement sur la hauteur des aurores boréales. :< On a vu une aurore boréale très-remarquable dans le nord de l'Angleterre et de l'Ecosse, le 29 mars 1826, entre huit et dix heures du soir. Elle avait la forme de l'arc-en- ciel et embrassait dans le firmament l'espace compris entre l'orient et l'occident magnétiques. Cet- arc resta presque IV. -I. UQ 62G AURORES BORÉALES. complètement stationnairc pcndai)! près d'une heure : son mouvement, dans le sens nord-sud, du moins, était tout à fait insensible. « L'arc fut aperçu sur divers points d'une ligne qui n'a pas moins de 170 milles anglais d'étendue dans la direc- tion du méridien magnétique : entre autres, à Manchester et à Edinburgh. A l'extrémité méridionale de cette ligne, le point culminant de l'arc était placé dans le méridien magnétique, du côté du nord, et à une hauteur angulaire de 00° au-dessus de l'horizon. A l'extrémité septentrionale, on trouva que le point culminant, situé aussi dans le méri- dien magnétique, se trouvait à 55° de hauteur, mais du côté du sud. Dans quelques villes intermédiaires, les obser- vateurs virent l'arc au zénith, dans d'autres il était au nord ou au sud de ce point, suivant la latitude du lieu. « D'après toutes ces données, j'ai trouvé que la hauteur verticale de l'arc était de 100 milles anglais (environ 33 lieues) ; sa largeur de 8 à 9 milles (3 lieues) ; son éten- due visible, de l'est à l'ouest, au delà de 500 milles (1G7 lieues), « .Manchester, le 22 novembre 1827. » Je n'ai pas du reste, je l'avoue, reçu la confirmation de toutes mes annonces. Mais en compulsant les journaux scientifiques et d'après ma correspondance, j'ai pu dresser la liste suivante d'aurores boréales et la rapprocher de mes observations. Le 5 janvier, une aurore boréale a été vue à Kœnigsberg, en Prusse, dans la nuit (lettre de M. Kupffer). Cette aurore a été vue aussi à Leith, dès sept heures du AURORES BORÉALES. 627 soir, au travers de quelques éclaircies. M. Coldstream estime qu'il y avait aussi un arc large et très-lumineux à 25° du zénith vers le sud [Edinb. Journ. of science, tome V, page 190). Variation à Paris, 9' 31". Le 16 janvier, une aurore boréale est signalée à Leith, entre une heure et deux heures du matin {Edinb. journ. of sci., tome v, p. 190). A Paris, l'amplitude de la varia- tion s'élève à ili' 2". Le 11 février on indique une aurore boréale à Leith, dans la soirée {Edinb, journ. ofsci., tome v). Ne serait-ce pas plutôt le 10 que l'aurore se montra? Les oscillations de ma boussole de déclinaison ont été fré- quentes, et l'amplitude totale de la variation s'est élevée à 1' 1". Le lendemain 11, la variation n'a été que 4' lii", 29 mars. On a vu plus haut les détails que Dalton m'a donnés sur l'aurore boréale de ce jour. A Paris, la variation s'est élevée à 29'. § 9. — Année 1827. Le 9 janvier, M. Marshal a vu à Kendah, en Angle- terre", une brillante aurore boréale. Le 9 janvier, la marche de l'aiguille des variations diurnes, à Paris, fut très-irrégulière. Déjà , à deux heures après midi, la pointe nord était plus occidentale qu'à l'or- dinaire, de li' 1/2 ; la déviation se maintint dans le môme sens jusqu'à sept heures et demie ; mais à onze heures cinq minutes la déclinaison était, au contraire, de o ly'2 plus petite que les jours précédents, La variation diurne s'éleva à 10' /i6". 628 AURORES BORÉALES. 1/aiguillc d'inclinaison fit aussi des oscillations irrégu- lièrcs; la variation s'éleva à 5'. 9. Le ciel ('tait complètement couvert. Le lo ou le 18 janvier, vers six heures du soir, on aperçut i\ Gosport (Angleterre) un arc lumineux placé du côté du nord et dans le méridien magnétique. Il augmenta graduellement d'amplitude et d'éclat; sa base, après neuf heures et demie, sous-tendait plus de 90°. Des colonnes de lumière d'un rouge pâle émanaient successivement des dilTérents points de l'arc où des accumulations momenta- nées et considérables de la matière lumineuse s'étaient d'abord formées; plusieurs de ces colonnes montèrent jus- qu'à 48° de hauteur. Le phénomène était encore visible, à travers les interstices des nuages, à onze heures et demie du soir. On n'aperçut rien les jours suivants. Je trouve les deux dates (13 et 18) dans le même numéro du Philosophical Magazine, d'où j'ai tiré ce qui précède. Si la première date est exacte, l'aurore n'a pas agi sensiblement sur l'aiguille aimantée de Paris; s'il faut lire le 18, comme je le suppose, l'action a été très-grande, et le dérangement, contre l'habitude, a porté d'abord l'extré- mité nord de l'aiguille vers l'ouest. A six heures et demie du soir, la déclinaison était de ?>' plus grande qu'à l'ordi- naire ; à six heures trois quarts, elle s'était encore accrue de 1' 1/2; à onze heures trois quarts, au contraire, je la trouvai de ïk' plus petite que les jours précédents, mais en cinq minutes, c'est-à-dire de onze heures quarante-cinq minutes à onze heures cinquante minutes, l'aiguille marcha à l'ouest de vingt et une minutes. Le ciel était serein. Les autres jours du mois de janvier 1827, dans lesquels AURORES BORÉALES. 629 raiguillc aimantée a été sensiblement dérangée, sont: le jeudi k (dans la matinée et vers midi surtout) ; le jeudi 25, toute la soirée depuis six heures; le mardi 30, dans la soirée. Pour cette dernière date je trouve que le docteur Fielder a vu une aurore boréale en Norvège. La variation de la déclinaison fut à Paris de 12' 47", celle de T incli- naison s'éleva à ll'.l. Le 17 février, à huit heures du soir, dit M. Burney, une lumière brillante se montra dans le nord, à Gosport, elle occupait 20° de chaque côté du méridien magné- tique. Des colonnes lumineuses partirent verticalement de temps à autre de quelques nuages qui se formaient çà et là. A onze heures, une averse de neige cacha subitement le phénomène. Le 17 février, l'aiguille de déclinaison n'offrit rien d'ex- traordinaire à Paris, ni dans la matinée, ni dans l'après- midi, du moins jusqu'à une heure un quart : alors la pointe nord se trouvait de cinq minutes à l'orient de sa position habituelle , et la variation s'éleva à 9' 12". Le ciel était serein. ^ En février, il a dû y avoir des aurores boréales ; le samedi 3, depuis midi; le dimanche 4, surtout dans la mati- née ; le dimanche 18, dans la soirée ; le lundi 19, vers midi. L'aiguille n'a pas éprouvé de grandes perturbations en mars. Le 8, au soir; le 9, au matin; le 13, à neuf heures un quart du soir ; le 22 , vers midi , et le 30 , à neuf heures et demie du soir, sont les seuls instants oia elle se soit trou- vée à 2 ou 3 minutes de sa position habituelle. Je ne doute pas que les observateurs du Nord n'aient aperçu plusieurs aurores boréales dans le mois d'avril. Les C30 AURORES BORÉALES. jours OÙ l'aiguille a été le plus dérangée sont: le 5 vers midi ; le G, le 7, le 22 et le 2/|. On a vu aussi des dévia- tions sensibles le 12 et le 13, Si je pensais qu'il IVil utile de continuer cette énuméra- tion, je dirais encore qu'il a existé des aurores boréales les 2 et IG mai, mais je vais revenir à ceux de ces phénomènes dont j'ai eu connaissance. Le 27 août, dans la soirée, on a aperçu une aurore boréale à Perth, au nord de l'Ecosse. Les jets de lumière étaient très-rapides; ils couvrirent un moment presque tout le ciel. Dans la soirée du même jour, une aurore boréale a été observée à New-York, à Washington, etc., etc. A Paris , le 27 août , je trouvai la pointe nord de l'ai- guille de 10' plus à l'occident que dans sa position ordinaire, à une heure six minutes de l'après-midi ; elle éprouvait de plus des oscillations irrégulières. Le soir, à neuf heures et demie, la déclinaison, au contraire, était plus petite cjue les jours précédents à pareille heure, d'environ 8'; le ciel était très-nuageux. La variation diurne de la déclinaison s'éleva à 27' 8". Le 28 août , pendant la soirée , une aurore boréale fut aperçue dans le Roxburghshire. Une brillante aurore boréale a été également observée aux États-Unis dans la soirée de ce jour. Au lever du soleil on la voyait encore. A dix heures du soir on y remarquait deux arcs concentriques. A Paris, le 28 août, à une heure après midi, la décli- naison de l'aiguille surpassait de G' la moyenne des jours précédents. Le soir, on n'observa malheureusement qu'une AURORES BORÉALES. G3I fois : il était alors onze heures, et la déclinaison parut de 3' plus petite qu'à l'ordinaire. Le lendemain matin 29, à neuf heures, la pointe nord se trouvait à l'occident de la position habituelle de 12'. A neuf heures trois quarts, cette déviation s'était encore accrue de li', et l'aiguille n'était plus stationnaire : elle oscillait dans des arcs de plus de 8'. Le soir, tout était rentré dans l'ordre. L'aiguille verticale éprouva les mêmes influences; l'in- clinaison, durant la matinée du 29, était supérieure de près de 6' à celle de la veille et du lendemain. Il y eut aussi dans l'intensité une variation de 5' sur la durée de oOO oscillations. Des aurores boréales ont été observées dans une très- grande partie des États-Unis d'Amérique, pendant les nuits du lundi 27, du mardi 28, du mercredi 29 et du ven- dredi 31 août 1827. Voici quelques extraits de la description de ces phéno- mènes qu'un observateur de New- York a donnée dans le Commercial Advertiser: Le lundi 27 août , quelcfues minutes après le coucher de la lune, la région boréale du ciel commeirça à devenir brillante : on aurait dit qu'un grand incendie l'éclairait. Bientôt on aperçut un arc lumineux peu élevé au-dessus de l'horizon, et au centre duquel l'étoile polaire coiTespondait. Un nuage épais semblait remplir tout l'intérieur de l'arc; des taches brillantes se formèrent de temps à autre sur divers points de son contour ; un grand nombre de colonnes lumineuses en jaillirent, et éprouvèrent un mouvement horizontal fort rapide, dirigé de l'est à l'ouest. A une autre époque de la nuit , les colonnes de lumière verticale paru- I C32 AURORES BORÉALES. ront complctcincnt stationnaircs. Le phénomène durait encore quand le soleil se leva. On \ient de voir que celte mèinc boréale fut obscr\ éo à Perlh en Ecosse, et qu'elle dérangea notablement l'aiguille aimantée de Paris. Le 28 août , à neuf heures et demie du soir, il y avait au nord deux arcs concentriques, distants l'un de l'autre de quelques degrés. L'étoile polaire était dans le plan verti- cal de leurs points culminants. L'arc supérieur s'éleva gra- duellement au-dessus de l'horizon de New- York, atteignit le zénith, où il parut stationnaire quelque temps, le dépassa ensuite vers onze heures, se brisa et disparut. Des colonnes de lumière verticale, douées d'un mouvement de transla- tion assez rapide qui les transportait de l'est à l'ouest, se montrèrent plusieurs fois sous ce grand arc. L'intérieur de l'arc le moins élevé était, comme la veille, le siège d'une épaisse vapeur. A onze heures, un gros nuage noir, poussé par un vent du nord-ouest, passa sur le contour lumineux. L'observateur prétend que le nuage et l'arc s'influençaient réciproquement, qu'ils semblaient très-agités dans celles de leurs parties qui s'étaient rap- prochées. A onze heures, un nombre considérable de colonnes de lumière semblaient jaillir de divers points de l'arc. Tout Fhémisphère enfin, jusqu'à l'étoile po- laire, se couvrait, de temps à autre, d'une lumière très- vive semblable à celle cjue répandent les éclairs dési- gnés par les météorologistes sous le nom dCéciairs de chaleur. Nous avons constaté tout à l'heure que cette aurore a été vue en Angleterre, et qu'elle troubla sensiblement à AURORES BORÉALES. 633 Paris la marche de l'aiguille horizontale et celle de T ai- guille d'inclinaison. Dans la journée du mercredi 29, l'auteur de la relation dont je viens de donner l'analyse, remarqua un grand arc de vapeur qui s'étendait du sud-ouest au nord-est. 11 dit que, pendant plusieurs jours, les nuages se disposèrent, presque constamment, en grandes traînées qui joignaient des points opposés de l'horizon. Suivant lui, cette bril- lante aurore boréale ne fut accompagnée d'aucun bruit. 11 est même persuadé que jamais ce bruit n'existe. Mais voici maintenant ce qu'on trouve, à ce sujet, dans le n° 1, volume xiv, avril 1828, de r American Journal of Science : A Rochester, pendant les aurores d'août 1827, on a entendu, dit-on, distinctement des détonations [reports) semblables à celles qui résultent de la décharge d'une bat- terie électrique. L'observateur du comté de Saint-Laurent assure aussi avoir entendu des détonations du même genre, surtout pendant que les colonnes lumineuses étaient le plus agitées. Les physiciens de New-Haven et duj:ollége de Yale parlent également du bruit que faisait l'aurore. Au milieu de ces relations contradictoires, on ne sait quelle opinion adopter. Je sens bien que le fait positif d'avoir entendu semble devoir annuler les faits négatifs; mais comment expliquer que MM. les capitaines Parry et Francklin, hivernant pour ainsi dire dans le foyer même des aurores, n'aient jamais rien entendu? Le samedi, 8 septembre, mon confrère de l'Acadé- mie, M. Héron de Villefosse, a vu une aurore boréale à Saint-Cloud, à huit heures et demie du soir, dans la G34 AURORES BOREALES. direction du nord-oiicsl; le ciel était serein et la lune irès- brillanle. Le 8 septembre on remarqua à Paris, dès midi, un dé- rangement très notable de l'aiguille des variations diurnes. La pointe nord se trouvait alors de 13' à roccident de sa position ordinaire. A une heure dix-neuf minutes, la décli- naison surpassait de 19' celle qu'on avait observée à pareille heure les jours précédents. Toute la journée l'ai- guille parut très-agitée, et la cause perturbatrice porta toujours l'extrémité nord à l'occident. Ce ne fut que le soir, à neuf heures et un quart, qu'on observa une déviation de 8 minutes en sens contraire, c'est-à-dire vers l'orient. Les personnes qui doutent encore de l'influence qu'exer- cent les aurores boréales, changeront certainement d'opi- nion quand elles vciTont la série tout entière des obser- vations faites à Paris le 8 septembre : Heures. 7" 16" midi midi 20 midi 30 midi liO midi U5 midi 50 midi 53 midi 57 1 à 1 7 1 11 1 IZi 1 16 1 19 Déclinaisous. 22" 9' 2' .8 22 33 59 .5 22 33 12 .7 22 35 A2 .4 22 35 39 .6 22 35 39 .6 22 37 31 .8 22 39 5 .3 22 39 33 .8 22 AO 15 .h 22 38 55 .9 22 38 37 .2 22 39 38 .1 22 38 li .6 22 38 18 .6 22 UQ 38 .9 AURORES BORÉALES. 63l> Heures. DédiDaisons. 1*^22"' 22" 39' 33". !i 1 2Zi 22 ZiO Zi3 .6 1 28 22 hO 15 .5 1 31 22 ZiO 10 .8 1 35 22 39 1x7 A 1 37 22 38 Zii .9 1 ÛO 22 37 33 .9 1 Zi3 22 36 23 .8 1 45 22 36 19 .1 1 50 22 3i 36 .2 1 55 ... 22 32 1.9 1 57 22 32 3i .6 2 0 22 31 38 .9 2 h 22 29 51 .3 2 8 22 30 5 .6 2 12 22 29 1/i .7 2 15 22 17 /il .2 2 20 22 18 18 .6 2 25 22 17 22 .5 2 30 22 1^ 10 .7 2 35 22 li /i3 .5 2 ZiO 22 15 20 .9 2 /i5 22 IZi 15 .Zi 2 50 22 IZi 52 .8 2 56 22 17 56 .5 3 0 22 18 56 .0 3 h 22 19 24 .1 ^ 3 7 22 20 1 .5 "* 3 11.5 22 21 7 .0 3 13 22 22 3 .0 3 15 22 22 5i .5 3 19 22 21 7 .0 3 24 22 22 54 .5 L'aiguille n'oscille presque pas; à chaque changement on la voit quitter sa position sans revenir ensuite en sens contraire. Henres. Déclinaisons. 3''28"' 22" 21' 55 ".9 3 33 22 21 8 .1 636 AURORES BORÉALES. Heures. Déclinaisons. S" 37'" 22" 20' 3l".7 3 /li 22 20 55 .1 3 50 22 20 /il .1 3 55 22 20 31 .7 U 0 22 20 /il .1 h 5 22 21 23 .2 Zl 50 22 16 37 .9 Û 55 22 15 51 .1 5 0 22 19 /i5 .0 5 5 22 18 20 .8 5 10 22 l/i ZiO .3 5 13 22 22 17 .9 5 15 22 19 10 .8 6 0 22 l/i 58 .2 6 15 22 12 57 .7 9 15 22 5 8 .9 9 30 22 9 12 .2 L'aiguille d'inclinaison a présenté les variations sui- vantes : Ilciircs. Inclinaisons. 7" 20'" m 68" 56'.5 1 22 s 68 57 .2 1 ZiO 68 57.8 2 Z|2 G8 55.5 3 0 68 5/1.1 5 0 68 58.0 5 5 68 59.2 6 15 68 58.8 9 20 68 5/1.8 Ainsi, r amplitude de la variation de la déclinaison s'est élevée jusqu'à 35' 36'', et celle de l'inclinaison à 5M. Le dimanche 9 septembre, on a vu, en Angleterre, une brillante aurore boréale. La matinée fut pluvieuse; le vent soufflait du nord-est. Un peu avant midi, le vent tourna à l'ouest, les nuages se dissipèrent au nord- ouest, et la partie du ciel éclaircie prit la forme d'un AURORES BOREALES. 637 segment de cercle parfaitement tranché, qui s'éleva gra- duellement jusqu'à 20° de hauteur. Au-delà, le ciel resta couvert dans la zone bleue circulaire; on aperçut, de temps à autre, des jets d'une faible lumière blanchâtre. Le soir, entre neuf et dix heures, on vit une aurore boréale très-brillante. L'auteur inconnu de cette observation ne doute pas, en conséquence, c{ue l'arc et les jets lumineux du matin n'eussent une connexion intime avec le phéno- mène observé le soir. [Journal de l'Institution royale, janvier 1828, p. liS9.) Cette aurore du 9 septembre a été vue par M. Far- quharson, dans l'Aberdeenshire, à onze heures du soir. {Transac.phiL, 1829, p. 107.) L'aiguille des variations diurnes fut très-notablement dérangée à Paris, le matin et le soir du 9 septembre, et aussi dans l'après-midi. Entre une heure trente minutes et deux heures, par exemple, la déclinaison diminua de près de 1'; à six heures un quart, elle était d'environ 12' plus petite qu'à l'ordinaire. L'amplitude de la variation diurne de déclinaison s'est élevée à 21' 50'', et celle de l'inclinaison à 2'r Le 25 septembre, l'aiguille qui, toute la journée, n'avait rien offert de particulier, ayant éprouvé à neuf heures et demie du soir un dérangement très-sensible, je soupçonnai qu'il y aurait quelque part une aurore boréale. J'aperçus bientôt, en effet, des nuages lumineux dispersés çà et là, entre le N.-N.-O. et le N.-E. ; ils n'étaient pas toujours également vifs; quelquefois ils semblaient s'allumer; un instant après ils disparaissaient totalement. Ces lumières éparses se réunirent une fois, et C38 AURORES BORÉALES. formèrent pendant quelques minutes un arc continu, peu élevé au-dessus de riiorizon, et dont le point culminant, autant qu'on en peut juger, était i\ une vingtaine de degrés du méridien terrestre, c'est-à-dire très-près du méridien magnétique. Le même pliénomènc a été aperçu au Havre; à Ostende, on Belgique; à Arau et à Zuricli, en Suisse; à Gosportet à Kendal , en Angleterre ; en Danemark et en Suède. Le professeur Cleaveland l'a observée à Brunswich, aux États- Unis. L'observateur d'Ostendeditque l'am'ore commença à se montrer à onze heures, qu'elle durait encore à minuit, et que sa lumière atteignit le zénith. M. Forster annonce qu'en Angleterre, la pleine lune ne lui a jamais montré les objets éloignés aussi distinctement que l'au- rore boréale du 25 septembre. M. le professeur Cleaveland rapporte que l'arc de l'au- rore était fort brillant, qu'il était situé au sud, et que sa plus grande hauteur au-dessus de l'horizon sud n'était que d'environ 35°. Des colonnes lumineuses s'élevaient de divers points de l'arc vers le zénith. Pendant ce temps, il n'y avait absolument aucune lumière, ni au nord, ni au nord-est. Seulement, à [\D°de hauteur, on apercevait quel- ques colonnes d'une lumière très-faible. M. Valenciennes a vu cette aurore entre Arras et Dou- ions; il a particulièrement porté son attention sur une nappe lumineuse dont la teinte purpurine était très-bril- lante, et qui se trouvait au-dessus d'un segment vif et blanchâtre placé à l'horizon même, vers le nord-ouest; il a remarqué aussi plusieurs rayons verticaux d'un jaune doré. AURORES BORÉALES. 639 Mon savant confrère m'a remis à ce sujet la note sui- vante : « J'allais d'Arras à Doulens, à peu près clans la direction de l'est à l'ouest. Le météore était devant moi, un peu à ma droite, par conséquent ouest-nord-ouest. Le soir, vers neuf heures, le ciel était nuageux , et j'aperçus quelques points lumineux que j'ai cru être des éclairs. Vers dix heures , le ciel devenu serein , put laisser apercevoir le météore , cjue je reconnus bientôt pour être une aurore boréale. A 10 ou 15° au-dessus de l'horizon, je voyais une lumière blanche assez ^ ive qui s'étendait assez loin sur le cercle de l'horizon. Au-dessus de cette lumière était comme une nappe d'un rouge purpurin brillant, qui variait d'in- tensité quand elle était faible. Il paraissait exister deux foyers lumineux qui, s'étendant, finissaient par se réunir en prenant une teinte purpurine d'autant plus vive ciu'ils étaient plus complètement confondus. Alors, au bas de l'horizon s'élevaient trois ou cjuatre faisceaux lumineiLX d'une couleur plus dorée, et qui avaient l'air de diviser la lumière rouge; les rayons s'effaçaient, ainsi que la nappe purpurine , c{ui peu à peu reprenait s'a première intensité et s'effaçait après avoir été traversée par de nou- veaux rayons. Ces rayons s'élevaient dans le ciel au- dessus de l'horizon jusqu'à 30 ou 36°. Le phénomène a duré jusqu'à onze heures trois quarts. Je n'ai rien vu d'aussi beau dans le ciel : c'était magnifique. La lumière blanche de l'horizon a duré plus longtemps, et éclairait si fort, que, comme il n'y avait pas de lune, les postillons et les conducteurs disaient cju'ils ne comprenaient rien à ce qu'ils croyaient être un incendie. 640 AURORES BORKALES. « En montant la côte de Douions, le ciel était d'une pureté et d'une beauté ravissantes. « L'horizon vers le nord-ouest éclairé d'une lumière incertaine qui effaçait un peu les étoiles, contrastait magnifiquement avec l'éclat des constellations de l'est. Orion surtout était admirable. » Le 25 septembre, l'aiguille des variations diurnes de l'Observatoire de Paris avait marché régulièrement depuis Je matin jusqu'à huit heures du soir, ensuite elle se dérangea. A neuf heures, je trouvai pour la déclinaison 7' de moins que les jours précédents; dix minutes plus tard, l'aiguille avait marché à l'ouest de 7'. Un mouve- ment oriental succéda à celui-là, de telle sorte qu'à dix heures un quart la pointe nord s'était rapprochée du méri- dien terrestre de lli'. Ensuite la déclinaison s'accrut de nouveau progressivement; à dix heures et demie, elle surpassait de 12' la déclinaison que j'avais observée à dix heures et un quart. Les observations de la boussole verticale n'offrirent pas moins d'intérêt : l'angle que l'aiguille d'inclinaison formait avec l'horizon était, par exemple, de 1' plus grand à dix heures un quart qu'à neuf heures et demie. Aussi pus-je présenter le lendemain mes observations au Bureau des Longitudes, dont le procès-verbal contient la note suivante : « M. Arago a observé la nuit précédente une aurore boréale. Le déplacement irrégulier de l'aiguille de variations diurnes pendant la soirée lui avait annoncé le phénomène. » Le 6 octoJ^re 1827, malgré le clair de lune, on a vu dans plusieurs parties de l'Angleterre, entre autres à Man- AURORES DOnÉALES. 644 chester et en Roxbiirghshire, une brillante aurore boréale. A Paris, le 6 octobre, l'aiguille des variations diurnes n'avait rien ofîert dans sa marche durant tout le jour qui méritât d'être particulièrement remarqué. Ce ne fut qu'à huit heures du soir qu'une diminution sensible dans la dé- clinaison, montra qu'il serait utile de multiplier les obser- vations. Je commençai, en efîet, à marquer la position de l'aiguille toutes les cinq minutes, et je continuai au-delà de onze heures. Les déplacements étaient excessivement irréguliers; l'observation toutefois ne présentait pas de difficulté, car l'aiguille oscillait à peine. A huit heures, la déclinaison était plus petite qu'à l'ordinaire; à dix heures vingt minutes, elle s'était accrue de 8'; cinq mi- nutes après, elle avait diminué de la même quantité. A dix heures trente-cinq minutes, je trouvai une déclinaison de 18' plus petite qu'à l'ordinaire; ensuite elle augmenta et diminua à plusieurs reprises, mais sans jamais atteindre, dans ses augmentations, aux valeurs des jours précé- dents. A onze heures douze minutes, au moment de la moindre déclinaison, sa diminution anomale était de plOS de :20'. L'aiguille d'inclinaison éprouva aussi des déplacements sensibles, le 6 octobre, entre huit et dix heures vingt- quatre minutes. Les observations que je fis sur les oscilla- tions d'une aiguille horizontale, convenablement corrigées de l'effet des changements d'inclinaison, ont prouvé que l'intensité magnétique varie aussi pendant les aurores boréales. En effet, les observations du soir comparées avec celles du mntin ont montré qu'il y a, dans l'intensité observée IV.— I. hi 642 AURORES BORÉALES. avec une aiguille horizontale, des changements qni ne tiennent pas i\ une variation d'inclinaison. Nous avons trouvé : Ueni'os. Durée Je 300 oscillations. Temijératurc. Inclinaisons. S^ôS-m 11™ 50*33 18".9 68" 3Zi'.2 6 0 s 11 50.11 19.9 68 35.0 7 5/1 s 11 50.23 19.8 08 36.5 Le premier nombre (11"' 50*. 33), soit à cause delà température, soit à cause de Tinclinaison, devrait être plus petit que le troisième (11"^ 50% 23). Par le seul fait de r inclinaison, la différence serait de 0%63 : elle est de 0'. 10 en sens contraire. Si l'on admet que l'aiguille a une force coercitivc imparfaite, le changement d'inclinaison observé entre huit heures cinquante-cinq minutes du matin et sept heures cinquante-quatre minutes du soir, serait moindre que le changement réel, et la conclusion se trouverait vraie à fortiori. L'aiguille horizontale ne commença à se déranger, le 6 octobre, qu'à la nuit; le ciel était parfaitement serein, mais la lune était très-brillante et l'horizon dans la direc- tion nord-ouest était un peu vaporeux. Pendant toute la soirée, je cherchai vainement à découvrir des traces de l'aurore boréale, et cependant, en Angleterre, on a cité celle de ce jour-là comme ayant été très-brillante. Sans ces trois circonstances réunies, ainsi que je l'ai déjà expliqué, je ne pourrais pas déduire légitimement des observations précédentes la conséquence que l'aurore vue de Manchester, quoiqu'elle soit restée au-dessous de l'ho- rizon de Paris, y a dérangé l'aiguille. AURORES BORÉALES. 643 Le 17 octobre, M. Burney a vu à Gosport une faible aurore boréale. Le 17 octobre, l'aiguille horizontale des variations diurnes, à Paris, commença à offrir quelques légères ano- malies, entre une heure et deux heures de l'après-midi; mais le soir, à neuf heures cinquante minutes, le dérange- ment devint énorme : la déclinaison était alors plus petite que les jours précédents, à pareille heure, de 24'. Entre neuf heures cinquante minutes et dix heures quarante- cinq minutes, elle augmenta ensuite de 19'. L'amplitude totale de la variation diurne s'éleva à 36' 10", et celle de l'inclinaison à 2M. J'apprends, par les journaux anglais, qu'on a aperçu des aurores boréales dans le Roxburghshire , le 18 et le 19 novembre. Suivant M. Burney, celle du 18, la moins faible des deux, ne s'éleva pas à plus de 5° au-dessus de l'horizon de Gosport. Le 18, l'aiguille des variations diurnes fut troublée à Paris, surtout dans l'après-midi. Le 19, à onze heures du soir, la déclinaison était plus petite que les JQurs précé- dents à la même heure, de 8'. Les recueils scientifiques n'ont encore annoncé aucune aurore boréale pour le mois de décembre 1827; je me hasarde cependant à prédire, d'après les indication? de l'aiguille aimantée, que les observateurs en auront aperçu vers le nord , le samedi 29 et le dimanche 30, § 10. — Année 1828. Les 18, 19 et 20 janvier, une aurore boréale a été vue 644 AURORES BORÉALES. ;\ l'iviiiklin, à Ilarlwick, h Albany et ù Aubuni (États- Inis). l>,'aiguille horizontale a été considérablement dérangée à Paris, les 17 et 18 janvier, et un peu dans la matinée du 19. Les variations diurnes de déclinaison s'élevèrent à 10' 25", 16' 13'' et k' 50". Les 3 et 19 février, des aurores boréales furent encore observées aux États-Unis, à Utica. Le 3, l'aiguille n'a été observée à Paris qu'une seule fois dans la soirée : ainsi on ne saurait dire si elle a éprouvé quelque dérangement. La variation diurne fut de G' /iO". Le 19, on n'a observé qu'une perturbation très-légère (variation de 6' l/i"); mais le 20, elle a été, dans son maximum, de près de 20' et très-variable; l'amplitude totale de la variation diurne de la déclinaison s'est élevée à 36' 19 ". Les 11 et 12 avril, des aurores ont été vues à Hartwick (États-Unis). Rien, à Paris, n'a annoncé ces phénomènes qui probablement ont été très-faibles. J'ai reçu de Montmorillon une lettre signée Gotteland, par laquelle on m'annonce que, le 5 juillet 1828, vers les dix heures du soir, on aperçut, à neuf reprises différentes et en moins d'une demi-heure, des masses lumineuses grandes comme le soleil et de diverses formes, qui s'élan- çaient de l'horizon jusqu'à la hauteur de 2 ou 3°, et dis- paraissaient ensuite. Cette vague description ne serait pas sufTisante pour me faire soupçonner que le phénomène de Montm.orillon était une aurore boréale, si , dans la soirée du 5 juillet et sur- tout dans la matinée du 6, l'aiguille aimantée n'avait pas xM'RORES BORÉALES. 643 été un peu dérangée à Paris; les variations diurnes de la déclinaison ont été , durant ces journées, de 7' 29" et de 11'51\ Déjà, à midi, le 5 juillet, le dérangement parut mani- feste; mais, contrairement à ce c{ui arrive ordinairement pendant les perturbations de jour, la déclinaison était sen- siblement trop petite. Le soir, à neuf heures trois c|uarts, je trouvai aussi la déclinaison plus petite qu'à pareille heure les jours suivants et les jours précédents; mais, le soir, en temps d'aurore boréale, c'est ainsi que la perturbation a lieu habituellement. J'ai appris du reste que, le 5 juillet, l'aurore boréale a été vue à Albany, à Dutchess, Lowville, Saint-Laurent, Ufica (États-Unis). Le ili août, une aurore a été encore vue à Clinton (États-Unis). Le 14 août, à dix heures et demie, la déclinaison à Paris était notablement plus petite c^u'à pareille heure les jours précédent?,' Le 16 août il parut une belle aurore à Gambridge, Lowville, Utica. Pendant cjuelque temps on aperçut un arc resplendissant. Le 16 août la déclinaison à Paris fut notablement plus grande qu'à l'ordinaire, le matin et à midi, tandis c|ue le soir, au contraire, elle était de plusieurs minutes plus petite. L'amplitude de la variation s'éleva à 17' 9". Le 8 septembre, à Saint-Laurent, la moitié du ciel était éclairée par des jets très-lumineux qui s'élevaient presque jusqu'au zénith. Le 8 septembre, l'aiguille commença à se déranger dans 6i6 AURORES BORÉALES. l'après-midi; et, comme c'est l'ordinaire ù cette époque du jour, la perturbation avait rendu la déclinaison trop forte. Le soir, au contraire et suivant une loi qui est aussi presque générale, cette déclinaison était trop petite, tandis que le lendemain matin elle était encore rcdcvcnuc de 7' plus grande que de coutume. La variation diurne monta le 8 à 23' 23''. Le 12 septembre, à Utica, on vit encore une aurore. La marche de l'aiguille à Paris, dans la soirée du 12, ne pré- senta rien qui dût en faire soupçonner l'existence. Le 15 septembre, vers neuf heures du soir, un jet de lumière partit à Edinburgh de la région occidentale de l'horizon, s'éleva vers le zénith, et forma bientôt un arc d'une grande beauté. En le dessinant sur un globe, on trouva que la trace horizontale du plan de l'arc était per- pendiculaire à celle du méridien magnéticjue. A neuf heures dix-sept minutes, l'arc passait par le zénith d' Edin- burgh. Il avait une marche lente et graduelle vers le sud ; ses parties les moins élevées étaient les plus brillantes. Au zénith, la largeur de l'arc était de 5 ou 6°. A Islay-House, en Ecosse, vers huit heures cinquante minutes du soir, l'aurore formait un arc lumineux qui s'étendait du sud-est au nord-ouest. Ses extrémités infé- rieures étaient beaucoup plus étroites que les portions éle- vées. Il en jaillissait de faibles rayons vers le sud-ouest. L'arc demeura stationnaire. Pendant toute la durée de son apparition, on vit au sud-est une brillante aurore dont la lumière était tantôt rouge, tantôt jaune, et quelquefois vert pâle [the Edinb. journ. ofscienc.y n° 19, p. 177). AURORES BORÉALES. C47 Le lundi 15 septembre, l'aiguille des variations diurnes n'a présenté, à Paris, aucun dérangement bien digne de remarque. Le lundi précédent (8 septembre), au con- traire, elle avait beaucoup dépassé ses positions habituelles, comme on vient de le voir. Il pourrait être utile de recher- cher s'il ne se serait pas glissé ici une erreur de date. Le 26 septembre une aurore a été vue à Albany, Auburn, Lowville, Clinton, etc. Le 26 septembre , à dix heures du soir, la déclinaison de l'aiguille, à Paris, était de 9' plus petite qu'à l'ordi- naire. La variation diurne fut de 16' 31". Le 27 septembre une aurore signalée à Cambridge (États-Unis) n'a été annoncée par rien, à Paris; la varia- tion ne fut cj[ue de l' M". MM. Kater et Moll rapportent qu'ils aperçurent, le 29 septembre, à huit heures trente-cinq minutes de temps moyen, une zone lumineuse cjui s'étendait de l' est-nord-est jusqu'à l'ouest, tirant un peu vers le sud. Ses pieds tou- chaient l'horizon des deux côtés ; sa lumière était blanche, à très-peu près uniforme, et d'une intensité bier^supérieure à celle de la voie lactée ; sa largeur leur parut être de o° lio\ Les bords étaient parfaitement terminés et aussi lumineux cfue le centre ; les étoiles se voyaient distincte- ment à travers. La hauteur de la partie la plus élevée de l'arc était de 72°. En rapprochant ce résultat de celui qui donne la posi- tion de ces points de rencontre avec l'horizon, M. Kater trouve c[ue le plan de cet arc était perpendiculaire au méridien magnétique, et qu'il formait avec l'horizon un angle égal à l'inclinaison de l'aiguille dmantée. A huit C48 AURORES BORÉALES. heures quaranlc-dcux minutes, temps moyen, la lumicrc commença à s'affaiblir du côté de l'est, et à neuf heures vingt-deux miiuites on n'en voyait plus aucune trace. Tendant la durée de son apparition, l'arc fut très-tran- quille ; il n'en partit aucun jet. Le temps était superbe ; le vent soufflait du sud-est. Chesfield Lodge , oia ces obser- vations ont été faites, se trouve par 51° 56' de latitude, et par /|3' de longitude en temps à l'ouest de Greenwich. Ce même phénomène du 29 septembre a été décrit par M. T. Forster de Boreham en Essex, comme une appari- tion de la lumière zodiacale. Aux approches de huit heures, cet obscr\ateur ne vit pas l'arc tout entier; sa lumière n'était sensible que depuis l'horizon ouest jusqu'au zénith, ou un tant soit peu au delà ; le reste de l'arc s'apercevait à peine. A huit heures et demie, la bande lumineuse com- m(?nçait brusquement vers l'ouest sud-ouest tirant vers le sud, à une hauteur de 5° au-dessus de l'horizon, et se pro- longeait jusqu'à 5° du zénith, en sorte qu'au total elle n'avait encore que 90° d'étendue. (A la même heure M. Kater voyait l'arc tout entier.) M. Forster dit que la teinte était rougeâtre et extrêmement vive. (M. Kater décrit la lumière comme tout à fait blanche.) Il aperçut, dans le nord, quelques jets d'aurore boréale; tout avait disparu à neuf heures. Quelle a dû être la cause, je ne dis pas de la différence de position, mais de la différence de forme de la bande lumineuse dans deux lieux si peu éloi- gnés? Les journaux anglais contiennent une troisième descrip- tion, datée de Gosport. Là l'observateur (]\L Burney je suppose) \it un petit segment lumineux vers le nord ma- AURORES BORÉALES. Ci9 gnétique, à sept heures du soir; la hauteur s'accrut gra- duellement ; à neuf heures, elle était de 26°. Les extrémités du segment correspondaient à Touest un peu nord et au nord-est un peu nord. Il en jaillissait des colonnes lumi- neuses, presque perpendiculaires à l'horizon, et qui mon- taient jusqu'à 35° : on en compta quarante dans l'espace de quarante minutes. Elles étaient ou légèrement jaunâtres ou d'un rouge très-vif. Une masse de lumière se détacha, sur tous les points, du segment en question à huit heures un quart ; cinq minutes après, elle formait un arc très- régulier de 4° 1/2 de largeur, ayant le point culminant à 70° de hauteur. Ses jambes sur l'horizon étaient à l'ouest tirant un peu vers le sud, et à l'est nord-est. La partie orientale disparut à huit heures cinquante minutes. De vives colonnes lumineuses {strearners) jaillissaient alors continuellement de la branche occidentale. Cette branche occidentale cessa d'être visible elle-même à neuf heures cinq minutes ; cependant on apercevait encore quelques indices près de l'horizon. Quant au segment lumineux d'où l'arc s'était détaché, on le vit jusqu'à dix heures. M. Bur- ncy aperçut de faibles lueurs de l'aurore boréale dans les deux soirées suivantes, c'est-à-dire , le 30 septembre et le 1 "octobre. (Je laisse aux physiciens à expliquer comment M. Bur- ney aperçut tant de jets, tant de courants lumineux [strca- mrrs) à l'heure même où M. Katcr n'en \oyait aucune trace. ) ALynn-Regis, M. L'tting vit qu'à iiuit heures le centre de l'arc lumineux passait juste par a de l'Aigle. La plus grande hauteur était de 56°, dans un plan formant avec le CoO AURORES BORÉALES. méridien un angle de 25"; ainsi le point culminant se trou- vait vers le sud-sud-est. M. Utting pense que l'arc avait 2 ou 3° de large à l'époque de son plus grand éclat; à la fin, suivant lui, il acquit jusqu'à 8 ou 10°. Il fixe l'époque de sa disparition à neuf heures. (Ann. ofPhilosophy, nov. 1828). Le même phénomène fut observé, près de Londres, depuis six heures du soir jusqu'à minuit. A six heures, l'aurore se montra d'abord au nord-ouest, sous la forme d'un segment de cercle très-brillant, appuyé sur l'horizon. Elle disparut à six heures et demie après s'être élevée jus- qu'à 12° de hauteur. A sept heures, l'aurore apparut de nouveau; son maximum d'intensité se trouvait alors au nord magnétique ; des colonnes de lumière en jaillissaient perpendiculairement et montaient jusqu'à 20°. A huit heures et un quart, tout s'était évanoui de nouveau; mais à dix heures, l'aurore redevint visible. De nombreuses colonnes de lumière s'élevaient de la base. L'auteur inconnu de la relation d'où ce qui précède est extrait, pense que les disparitions successives de l'aurore doivent être attribuées à l'existence d'un courant supérieur venant du nord-ouest; mais il ne dit pas comment ce cou- rant pouvait produire un tel effet. Il remarque, en outre, qu'un vent violent du nord-est souffla dans la soirée et dans la nuit. {Philos. il%.,janv. 1829, p. 77.) La môme aurore a été observée, à Plymouth, par M. George Harvey. A huit heures dix minutes, il voyait à r ouest-sud-ouest une colonne de lumière de 20" de long, élevée d'environ 20° et ayant 1° de large ; cinq minutes après, cette colonne s'était déjà considérablement accrue : elle croisait le méridien à 10° du zénith vers le sud. A huit AURORES BORÉALES. 651 heures vingt-sept minutes, elle atteignait presque Thorizon vers l'est; alors l'arc avait 4° de large; ses deux bords étaient parallèles et bien terminés; son plan, sauf quelques inflexions visibles seulement dans les parties les plus basses, était perpendiculaire au méridien magnétique, et formait avec l'horizon un angle égal à l'inclinaison de l'ai- guille aimantée. La partie occidentale parut toujours de beaucoup la plus brillante. Partout la lumière fut tran- quille : seulement, à huit heures quarante-huit minutes, un petit tremblement s'aperçut près des Pléiades. Pendant toute la durée du phénomène, les 90° de l'hori- zon compris entre le nord et l'ouest, étaient éclairés d'une forte lumière semblable à celle des brillants crépuscules qui annoncent le lever du soleil dans les belles matinées d'été. {Tlw Edinh. Journ. of Science, n° 19, p. lliG.) M. Davis Gilbert, président de la Société royale, a vu l'arc du 29 septembre, près de Penzance, sur les huit heures du soir. Son plan était perpendiculaire au méridien magnétique et sa lumière parfaitement tranquille. A Dublin, où le même phénomène a été observé, le point culminant se trouvait, dit-on, à sept heures et demie, de 10" au sud du zénith. Aux États-Unis, le même jour, on a vu des jets bril- lants à Albany, Cambridge, Saint-Laurent, Utica, Lowville, et on signala également un arc lumineux. Le 29 septembre , à six heures trois quarts de l'après- midi, la déclinaison marquée par l'aiguille des variations diurnes, était inférieure de plus de 1' à celle des jours précédents à la même heure. A dix heures vingt-cinq minutes, le dérangement accidentel s'était élevé à 12', G52 AURORES BORÉALES. toujours dans le inèmc sens; la variation diurne fut de 20' Ixli". Le 30 septembre, jour où M. Burncy observa aussi une aurore h Plyniouth, Taiguille fut très-dérangée toute la journée. A huit heures trois quarts du matin, par exemple, la déclinaison surpassait de plus de 20' celle des jours précédents et suivants : la variation fut de 17' 9". Cette aurore a été \ue à Dutchess (États-Unis). Le 3 octobre, une aurore boréale, vue à Cayuga, n'a rien occasionne de remarquable dans la marche de Tai- guille h Paris. La variation ne fut que de 6' 33". Le 8 octobre, on a aperçu une brillante aurore à Albany et à Dutchess. A minuit, on voyait un arc de 5° de large, placé perpendiculairement au méridien magnétique, et qui s'élevait de 10° au-dessus de l'horizon. Le 8 octobre, l'aiguille horizontale a été fort dérangée à Paris, et la variation s'éleva à 11' 23". Le 11 octobre, une aurore a été vue à Hartwick. Dans la soirée du 11, l'aiguille horizontale, à Paris, ne fut observée qu'à dix heures un quart : alors elle occu- pait sa place ordinaire, « Le lundi [mondaij) 15 octobre 1828, on aperçut, à Perth, dans la soirée, une brillante aurore boréale. En- suite, quelques minutes avant neuf heures, un pinceau de lumière très-vive commença à se montrer à l'horizon vers l'est; il s'éleva graduellement, et en peu d'instants prit la forme d'un arc qui embrassait tout le firmament. Dans sa position la plus élevée, la largeur de l'arc était d'environ 4°. Mais, à partir de là, elle diminuait gra- duellement de manière que, vers ses extrémités les plus AURORES'BORÉALES. 633 basses, vers ses points d'intersection avec l'horizon, l'arc était à peine visible. Ces deiLX points d'intersection se trouvaient à peu près diamétralement opposés : l'un au nord-est, tirant vers l'est; l'autre au sud-ouest, tirant vers l'ouest. Le point culminant était à 7" au sud du zénith de Perth. L'axe de l'arc (il eût été désirable que l'auteur de la relation se fût servi d'un terme plus précis) resta, pen- dant toute la durée du phénomène, dans le plan du méri- dien magnétique. » {The Edinb. Journ. of science^ jan- vier 1829, p. 179.) Le 15 octobre, l'aiguille horizontale de Paris n'a point été notablement dérangée; ainsi voihà une aurore qui paraît n'avoir pas exercé d'action. Je dis seulement qui paraît, car il me semble possible qu'il y ait une erreur de date dans la note publiée par M. Brewster. Cette note , en effet, commence ainsi : Le lundi (monday) 15 octo- bre; or, le 15 octobre n'était pas un lundi, mais bien un mercredi. « Le lundi [monday) 29 octobre 1828, on a observé une aurore boréale à Perth , en Ecosse , entre dix et onze heures du soir. Les jets lumineux étaient d'iffîe intensité remarquable, et s'élevaient avec une inconcevable rapi- dité jusqu'au zénith. L'almosphère paraissait être en feu. » [The Edinb. Journ. of science, janvier 1829, p. 179.) L'aiguille horizontale des variations diurnes eut à Paris une marche assez régulière le 29 octobre; ainsi, voilà une seconde aurore qui semble n'avoir pas agi. Mais par quelle fatalité faut-il encore que je remarque que le 29 oc- tobre était un mercredi, et non pas un lundi comme le porte la note du savant d'Édiuburgh! Le 30 octobre, l'aiguilie 651 AURORES BORÉALES. de déclinaison fut Iroublée; j'en dirai autant du 26, du 9 et du 8 du même mois. Le 31 octobre, à Paris, il y a eu au nord un nuage noir extraordinaire, que j'ai regardé comme le précurseur d'une aurore boréale; mais aucun jet lumineux ne s'est montré. L'aiguille était d'environ 5' écartée de la posi- tion habituelle dans la soirée. Le 8 novembre, une aurore a été vue à Utica (Étals- Unis). Les observations de l'aiguille horizontale n'ont pas été assez multipliées à Paris, dans la soirée du 8 novembre, pour qu'on puisse affirmer positivement qu'elle n'a point été troublée; mais, en tout cas, il n'existait aucun déran- gement ni le matin , ni à midi , ni h six heures quarante- cinq minutes du soir, ni à onze heures. Le 11 novembre, M. Erman vit une aurore polaire à Tobolsk (tiré d'une lettre adressée à l'Académie). A Tobolsk, la déclinaison est orientale; le sommet de l'arc de l'aurore correspondait au nord-nord-est. Dansla soi- rée, à Paris, l'aiguille était légèrement déviée de la posi- tion habituelle. Le 1" décembre, une aurore boréale fut observée à Manchester , à six heures du soir, par M. Blackwall. Sa lumière était pâle et blanche ; elle formait un arc de Il à 5° de largeur, dont le plan parut perpendiculaire au méridien magnétique. Son point culminant se trouvait élevé d'environ 30'. A six heures dix minutes, l'arc com- mença à s'affaiblir, et bientôt il disparut entièrement;^ mais ensLtite on aperçut des jets lumineux ascendants qui partaient d'une faible lueur située à l'horizon et sur le pro- AURORES BORÉALES. G53 loiigement du méridien magnétique. A Wirksworth, dans le Derbyshire, on vit l'aurore à neuf heures et demie; là il n'y avait aucune trace d'arc. Cette aurore a été aperçue aux États-Unis, à Ghuton et à Schenectady. Une aurore boréale a été observée à la même date par M. Erman, à Beresow en Sibérie (latitude 63° 56'). Cette aurore, au dire de M. Erman, augmenta l'incli- clinaison de 8'. 5. (Tiré d'une lettre manuscrite de M. Erman.) Quoique la déclinaison, à Beresow soit orientale, le sommet de l'arc de l'aurore était nord-nord-ouest, dit M. Erman. Si l'arc dont parle M. Erman était détaché , la remarque doit paraître importante ; si par arc on entend le contour supérieur d'un segment lumineux appuyé sur l'horizon , on pourra citer cent exemples pareils observés dans nos climats. Le i" décembre, l'aiguille horizontale des variations diurnes éprouva toute la journée de notables perturba- tions. Le matin, la déclinaison était plus grande qu'à l'ordinaire; le soir, au contraire, elle était plus petite. A onze heures vingt-huit minutes, la perturb-a:tion s'éleva à plus de 22'. L'aurore observée à Bérésow par M. Erman fils donne lieu à remarc|uer qu'elle se trouvait sans doute sous l'in- fluence du second pôle magnétique boréal, c'est-à-dire du pôle asiatique; toutefois, comme les aurores de nos climats, elle transporta le matin la pointe nord de l'ai- guille de déclinaison à l'occident de sa position normale, et le soir considérablement à l'orient. M. Blackwall a vu, à Manchester, le 26 décembre, 686 AURORES BORÉALES. à six Iicurcs du soir, un arc lumineux d'aurore boréale parfaitement tranclié, et dont le plan était perpendicu- laire au méridien magnétique. Cet arc s'élevait graduelle- ment au-dessus de riiorizon. A six heures vingt minutes, son point culminant se trouvait à 20" de hauteur; il aug- menta et diminua d'intensité h plusieurs reprises. Après sa disparition totale, il resta une lumière faible au nord magnétique. La même aurore a été vue à IIull, depuis six heures jusqu'à sept heures. Au moment de sa plus grande hau- teur, l'arc y parut être à 25°. A Gosport, M. Burney n'aperçut que de faibles lueurs de ce phénomène. A six heures trois quarts la déclinaison de l'aiguille, à Paris, était de 9' plus petite qu'à l'ordinaire. Ce déran- gement fut de courte durée. M. Burney a vu à Gosport , en décembre , une seconde aurore dont il n'a pas donné la date. D'après les déran- gements de l'aiguille, on peut supposer cjuc l'observation a été faite le 3 , le 15 ou le 28. Le 28 décembre, à six heures trente minutes du soir, M. Farquharson, dans l'Aberdeenshire, commença à apercevoir dans le nord magnétique un arc qui s'éleva, se dissipa et se reforma en présentant constamment la même marche à cinq reprises dilTérentes. On vit un mo- ment trois arcs concentriques. {Transac. philos, de 1829, p. 118.) A Paris, l'aiguille de déclinaison était sensiblement dérangée dès le matin. La variation s'éleva à 15' 54". AURORES BORÉALES. 657 § 11. — Année 1829. Le 2 janvier, M. Marslial a vu une brillante aurore à Kendal , près de Manchester. Le 2 janvier, à sept heures trois quarts du soir, l'ai- guille aimantée, à Paris, était d'environ 5' 1/2 plus orien- tale qu'à pareille heure les jours précédents et suivants. A huit heures, la déviation accidentelle n'allait plus guère que de 3' 1/2; à dix heures un quart, tout était rentré dans l'ordre accoutumé. L'aurore du 2 janvier a aussi agi sur l'aiguille verticale. En hiver, cette aiguille varie à peine du matin au soir; mais, quand il y a un changement sensible, l'inclinaison diminue entre la première et la seconde de ces deux épo- ques. Le 2, au contraire , elle a augmenté d'environ 1'. Je n'ajoute plus qu'une simple remarque, mais elle a quelque intérêt ; c'est qu'un observateur qui, à Paris, se serait contenté de consulter l'aiguille dans la soirée du 2 janvier, à sept heures un quart et à dix heures un quart, n'aurait pas soupçonné l'existence de l'aurore boréale? Les faits négatifs concernant l'influence magnétique de ce phéno- mène lumineux ne sauraient donc avoir de l'hnportance qu'autant que les observations ont été très-multipliées. Le 27 janvier, on a vu à Cambridge (Amérique), une aurore boréale. A Paris, il y a une faible mais réelle action perturbatrice sur l'aiguille horizontale. Les 30 et 31 janvier, on signale encore à Cambridge des aurores boréales. A Paris , le soir, on a vu un mouve- ment sensible de la pointe nord de l'aiguille vers l'est. IV.— I. liO 658 AURORES BORÉALES. Le 11 février, mon illustre ami Alexandre de Humboldt a vu , c> Berlin , de faibles traces d'une aurore boréale. Le 11 février, Taiguille horizontale a été très-notable- ment troublée à Paris, A midi vingt-cinq minutes, elle se trouvait à l'occident de sa position ordinaire de plus de 7'. A onze heures quarante-cinq minutes du soir, le change- ment en sens contraire s'élevait à près de 2' 1/2. On ne saurait dire quelle a été la valeur maximum de la pertur- bation , notre registre ne fournissant aucune observation dans l'intervalle de cinq heures trois quarts à onze heures trois quarts. L'amplitude totale de la variation diurne ob- servée s'éleva à 14' 58". Le 21 mars, l'aiguille des variations diurnes de décli- naison est fort agitée à Paris dans la soirée. La variation totale s'élève à 1 8' 33". Cependant on ne voit rien dans le nord qui puisse faire soupçonner rexistence d'une aurore boréale, et je n'ai pas trouvé ce phénomène indiqué à cette date dans les journaux scientifiques. L'aiguille d'in- clinaison a aussi présenté une variation de 2'. 2. Le lundi 23 mars, vers deux heures un quart du matin , M. Thomas Maclear de Biggleswade , en Angle- terre , aperçut un arc lumineux qui s'élevait de la partie orientale de l'horizon , en se dirigeant vers la grande Ourse. Dans l'espace de deux minutes, cet arc se partagea en trois branches , ensuite en quatre ; plus tard , on en compta jusqu'à cinq , mais ce nombre se réduisit bientôt à deux. Ces diverses branches étaient toujours réunies près de l'horizon, ce qui, comme on sait, n'est pas le carac- tère ordinaire des arcs multiples de l'aurore boréale ; mais ce qui ne peut laisser aucun doute sur la nature du phéno- AURORES BORÉxVLES. 659 mène , c'est que des jets lumineux partant de l'ouest mon- taient de temps en temps jusqu'à 10° de liautcur, et que, malgré le clair de lune, des traces d'aurore boréale se montrèrent au nord , tout près de Thorizon. Dans la matinée du 22 mars , l'aiguille horizontale avait été notablement dérangée. Le soir, elle ne fut observée qu'à dix heures quarante minutes, et sa déclinaison se trouvait de près de 3' 1/2 plus petite que celle des jours précédents et suivants à pareille heure. La variation totale monte à lli' 39". Le II a\ ril , une am'ore boréale a été observée à Utica ( Brewster, janvier 1031 , p. 80). Le k avril , dans la matinée , des cultivateurs qui se rendaient au marché de Dieppe , en partant de villages éloignés les uns des autres de plusieurs lieues, virent tous dans le ciel une traînée de feu qui paraissait très-large dans le bas et se terminait en pointe. Cette traînée répan- dait autant de clarté que la lune dans son plein. Je dois la connaissance de ce phénomène à M. Nell de Bréauté. Je le range, malgré tout ce que sa description offre d'imparfait, parmi les aurores boréales, parce que l'aiguille aimantée, dans la matinée du li avril, présente à Paris une marche remarquable. En effet, les dérange- ments de la boussole furent très-sensibles dans la nuit du 3 et dans la matinée du 4. A la première de ces époques, la pointe nord de la boussole était trop orientale; à la seconde, le dérangement, au contraire, s'était opéré vers l'occident, La variation totale de déclinaison fut de 13' W. Une aurore boréale est indiquée pour le 5 avril à Low- 660 AURORES BORÉALES. ville, dans le journal de Brcwstcr de jan\ier 1831, p. 80. A Paris, à six heures trois quarts du soir, l'aiguille était de W plus orientale qu'à l'ordinaire. Le 8 avril, on vit encore une aurore boréale à Lowville. Elle ressemblait à un nuage brilhuit. Près de l'horizon, on remarqua une lumière constante pendant plusieurs heures (Brewster, janvier 1831, p. 80). A Paris, l'aiguille fut très-dérangée dans la matinée du 9; elle était de 6' plus horizontale que la veille. Le 2 mai, à Paris, le ciel est complètement couvert; mais cependant, dans le nord, on aperçoit à une certaine hauteur au-dessus de l'horizon une lueur assez vive et qui contraste avec l'obscurité des nuages inférieurs. L'aiguille de déclinaison est très-dérangée le soir, et la variation totale est de 2V [\0'\ Le 29 mai, à Saint-Laurent (Amérique), on voit une aurore peu remarquable quant à l'intensité. A Paris, il y a un faible clîet sur la déclinaison. La variation totale monte à 14' 21". Le 31 mai, à Utica (Amérique), on signale encore une aurore peu remarquable quant à l'intensité. A Paris , il y a une perturbation occidentale notable à une heure trois-quarts du soir. La variation totale est de 13' 24''. Le P' juin, à Cambridge, à Franklin, etc. (Améri- que), on voit une aurore brillante avec plusieurs arcs concentriques. Il y a eu à Paris une perturbation orien- tale le matin. Le soir, on n'observa qu'une fois. Le 2 juin, à Cambridge, Utica, etc. (Amérique), on a vu une aurore boréale. A Paris, nos registres donnent une perturbation orientale de l'aiguille horizontale à neuf AURORES BORÉALES. 6€< heures et demie du soir. On ne voyait aucune trace d'au- rore, cjuoique le ciel fiit serein. L'amplitude de la varia- tion observée fut de 20' 16". Le 7 juin, à Schcnectady (Amérique), on note encore une aurore boréale ; mais je n'observe à Paris aucun dérangement. Le 14 juin, à Saint-Laurent (Amérique), l'aurore boréale signalée coïncide a\ec une petite perturbation occidentale remarquée vers midi ; la variation totale est de 15' 7". Le 21 juin, à Sough-Keepsie (Amérique), on voit une aurore boréale , qui n'est signalée à Paris par aucun dérangement notable. La variation totale n'est c{ue de 8' 53". Le 25 juillet, dans la soirée, M. Marshal, à Kendal, a vu une aurore boréale très-brillante {The Edinh. journ. of science , n° 2, p. 317). Dalton indique aussi une aurore boréale à Manchester, à onze heures du soir. Les dérangements de l'aiguille, le 25 juillet, ont été beaucoup plus forts le matin que le soir. Lii variation totale de déclinaison fut de 10' 36" ; celle d'inclinaison s'est élevée à 5'. Le 25 août , on a vu une aurore boréale à Poug-Keepsie (Brewster, janvier 1831). Les observations de Paris, trop peu nombreuses du reste , donnent une variation de 12' 28". Le 26 août, à Cambridge, Utica, etc. (Amérique), on a vu une aurore brillante. A Paris, à onze heures du soir, l'aiguille était de 12' plus orientale qu'à l'ordinaire, et la variation totale fut de 2/|' 10". 662 AURORES BORÉALES. Le vendredi 18 septembre, on a vu une très-brillante aurore boréale aux États-Unis d'Amérique ( par !iO° 35' de lat. N. et G4°18' de long. 0. de Greenwich), à neuf heures du soir. Les jets étaient très-mobiles et chan- geaient de couleur au point d'être tantôt rouges, tantôt bleus, ou de toutes les nuances intermédiaires. (Journ. de Silliman, vol. xviii, 1830, p. 393.) L'aurore du 18 a été vue à Albany et à Utica, mais on ne dit rien de son éclat (Brewster, janvier 1831 , p. 81). A Paris, à six heures du soir, l'aiguille était plus à l'oc- cident qu'à l'ordinaire et même qu'à onze heures un quart, d'une quantité très-sensible. La variation totale fut de 15' 5/i". Le 19 septembre, on a vu une aurore boréale à Man- chester dès huit heures trente minutes du soir (communi- qué par Dal ton). Cette aurore du 19 a été aperçue aux États-Unis d'Amé- rique (par 40° 35' de latitude et 64° 18' de longitude O. de Greenwich) vers neuf heures de l'après-midi [Journal de Siliman, vol. xviii, 1830, p. 393). A Albany et à Clinton, elle formait un arc d'environ 65° d'amplitude ; des jets s'en élevaient en se dirigeant vers le zénith. A Saint-Laurent, on l'aperçut depuis huit jusqu'à neuf heures du soir (Brewster, janvier 1831, p. 81). A Paris, l'aiguille , à une heure et demie du soir, était plus occi- dentale qu'à l'ordinaire de 3 à [i\ et, à onze heures du soir, la perturbation orientale se montrait à plus de 7'. La variation totale fut 20' 54''. Les journaux de Paris , du 23 septembre , annoncèrent qu'une brillante aurore boréale s'était montrée dans la AURORES BORÉALES. 663 nuit du 21 au 22, et que le public l'avait observée sur les ponts depuis neuf heures jusqu'à onze heures et demie. J'ai appris, par M. le capitaine Sabine, que M. Far- quharson a observé des aurores boréales dans l'Aberdeen- shire, le 21 et le 22 ; mais elles n'auraient produit sur son aiguille de déclinaison aucun dérangement appréciable. A Paris , le 21 septembre, l'aiguille se trouvait dans sa position habituelle , à six heures après midi , qui est la seule époque de la soirée oii on l'ait observée ; mais à midi précis, on avait noté une perturbation occidentale d'en- viron 6'. M. Farquharson, en Ecosse, ne vit aucun déran- gement dans son aiguille ; mais je crois qu'il ne robser\ a attentivement que le soir. A Paris, le 22 septemlDre, l'aiguille a été probable- ment dérangée d'une manière très-sensible dans la soirée ; car le 2o , à minuit vingt-cinq minutes , sa pointe nord était plus orientale qu'à l'ordinaire de plus de 4'. Le 26 septembre, on a vu une brillante aurore à Albany, à neuf hernies et demie du soir. Il en partait des jets qui s'élevaient jusqu'à l'étoile polaire (Brewster, jan- vier 1831, p. 81). Dans rAberdeenshire,-f aurore a été vue , mais elle a paru sans action sur l'aiguille de M. Farquharson {Trans., 18o0, p. 105). A Paris, on ne constata non plus aucune déviation. Le 1" octobre, dans l'Aberdeenshire, on signale une aurore sans action sur l'aiguille de M. Farquharson {Trans., 1830, p. 105). A Paris, il y eut quelques petites irrégularités dans la marche de l'aiguille de déclinaison, entre huit heures du soir et minuit. Le 3 octobre, à Manchester et dans l'Aberdeenshire, on CCI AURORES BORÉALES. \it une aurore, tandis que l'aiguille de M. Farquharson iraccusa aucune perturbation. A Paris, à sept heures et à sept heures un quart du soir, la pointe nord de Paiguille était de plus de !x' h l'occident de la position moyenne correspondante à ces heures. Il n'y eut pas d'observations pendant le reste de la soirée. Il est rare que l'aiguille soit aussi souvent et aussi forte- ment dérangée qu'elle l'a été pendant les trois derniers mois de 1829. Voici la liste des jours durant lesquels les perturbations m'ont paru assez notables pour devoir, je crois, être attribuées à des aurores boréales : Octobre, les h, 9, 10, 11, 12, 21, 22, 2!i, 25 et 30; Novembre, les 10, 13, 1/|, 16, 17, 18, 19, 24 et 26; Décembre, les 7, lu, 19, 20, 21 et 23. Le 6 octobre ne figure pas dans cette liste. Ce jour-là, en effet, la marche de l'aiguille me sembla régulière. Je l'avais observée à cinq heures vingt minutes, à sept heures, à huit heures, et à onze heures trente minutes. Se serait-il manifesté, entre huit heures et onze heures et demie, une grande perturbation qui n'aurait été ni précédée de quelque dérangement à huit heures, ni suivie d'aucune altération dans la déclinaison à onze heures? Cela n'est guère pro- bable, quoique la possibilité ne puisse être niée. Au reste, au point où la question est parvenue, les aurores qui n'agi- raient pas sur l'aiguille aimantée auraient maintenant plus d'intérêt pour la science que celles qui altèrent visiblement la déclinaison; aussi doit-on attendre avec impatience la publication des observations de M. Farquharson. Voici, comme exemple, le tableau détaillé de la marche AURORES BORÉALES. C05 de l'aiguille aimantée à Paris, le 11 octobre 1829, pen- dant Tune des aurores vues par M. Farquharson, dans l'Aberdeenshire : Henics. 7" 0'" matin 7 35 8 0 8 15 8 ZjO 9 0 9 25 10 0 10 30 Midi 0 Midi 20 Midi 50 1 ll5 2 0 3 Z»5 h 45 6 15 6 30 20 30 35 ÛO U5 50 55 8 0 8 5 8 10 8 15 8 20 8 25 10 15 10 30 10 1x5 10 52 11 0 jgiiil le bor izontale. Aiguille d'i iielinaisoD. 22 ° w 50" 67" 39' 45" 0 50 39 25 3 /l5 41 0 3 15 41 25 U 59 41 45 5 35 42 50 7 0 42 35 9 /lO 42 0 12 00 43 0 Ik 20 41 20 14 20 41 5 l/i 45 41 0 13 20 40 55 12 55 40 20 13 40 41 25 12 10 42 15 3 5 43 10 8 15 42 55 6 5 44 15 21 57 0 43 15 56 25 41 40 22 2 40 41 15 5 15 41 lo 7 30 42 5 8 50 43 15 7 45 43 50 7 30 4'i 25 /l 10 45 20 21 56 45 45 50 53 30 43 45 58 10 42 /lO 22 8 40 44 5 5 35 43 5 21 57 30 42 15 56 45 1/ 57 0 43 20 666 AURORES BORÉALES. Eeiires. Aiguille horizoniale. Aiguille d'iucliiiaisoQ. 11" 15" soir 21" 55' ZiO" /' 11 30 5Zj Zi5 67" tili' 20" 11 37 56 25 /' Lorsqu'on compare ces observations à celles qui ont présenté une marche régulière les jours précédents et les jours suivants, on trouve que l'aiguille de déclinaison était déjà dérangée à midi, le 11, et que sa direction se trouvait trop occidentale de près de 2' 1/2. L'incertitude dans les observations d'inclinaison ne va pas à 10". Après avoir examiné attentivement le tableau précé- dent, on n'apprendra pas sans une extrême surprise qu'à Alford, dans l'Aberdeenshire, l'aiguille de M. Farquharson n'a éprouvé, le 11 octobre, aucun dérangement. Ce savant distingué dit, en propres termes, que de huit heures à huit heures vingt minutes du soir, son aiguille était tranquille et dans sa position ordinaire. Eh bien , à Paris , entre les heures que M. Farquharson indique, la déclinaison varia de plus de 9', et elle se trouvait très-différente de sa valeur ordinaire. - Le 17 octobre, à Manchester (Angleterre), on a vu une brillante aurore à six heures et demie du soir. A Paris, l'aiguille de déclinaison n'offrit aucune anomalie remar- quable, du moins jusqu'à sept heures un quart. Le 21 octobre, à Utica et à Cambridge (Amérique), on signale une aurore. A Paris, à midi, la pointe nord de l'aiguille horizontale se trouvait de près de 3' à l'occident de sa position ordinaire, tandis que, à huit heures trois quarts du soir, par exemple, la déviation en sens contraire ou vers l'orient, était de plus de 5'. La variation totale a été de 16' 22". AURORES BOREALES. 667 Le 2/j. octobre, à Saint-Laurent (Amérique), on voit une aurore qui est aussi signalée en mer, par 44° de lati- tude nord et ô'i" 30' de longitude à l'ouest de Greenwicli, par le jeune savant colombien M. Acosta. A Paris, suivant une règle qui offre peu d'exceptions en temps d'aurore boréale, la perturbation de l'aiguille était occidentale le matin et vers midi , tandis que le soir elle devint orientale. A huit heures un quart du matin, l'anomalie était de 6'; à midi un quart, de plus de 5', et à six heures un quart du soir, de 13' ou ih'. La variation totale est de 22' 27". On vit une aurore le 25 octobre à Kendal (Angleterre) et en Aberdeenshire (Ecosse). A Kendal, l'aurore, d'après M. Marshal, se composait de cinq bandes parallèles. A Paris, le matin, à sept heures et demie, l'aiguille était do 5' à l'occident de sa position ordinaire; à midi, le déran- gement était de 6' dans le môme sens ; à six heures et demie du soir, de 6' en sens contraire ou vers l'orient. A Alford, l'aiguille de M. Farquharson ne fut pas dérangée le 25 oc- tobre. On signale une aurore le 27 octobre à Delaware (Amé- rique) ; mais il ne paraît pas parfaitement certain, d'après la description, que la lumière fût celle d'une aurore bo- réale. En tout cas , son action à Paris a été inappréciable. On a aperçu, durant la soirée du 30, vers la région du nord, des lueurs blanchâtres qui , dans toute autre localité, auraient pu être considérées comme des indices d'aurore boréale ; mais les réverbères de Paris ont pu donner des effets de ce genre. Il y a eu en outre, pendant très-long- temps, à r est-nord-est, un nuage lumineux d'un éclat variable et qui n'a pas changé de place. Ce nuage a attiré CC8 AUROIJ^S BORl'-ALES. TatliMilidn de bcnucouji do j)ersoniies. Il n'y avait auruiio étoile très-brillante dans cette région du ciel. L'amplitudcî totale de la variation fut de 18' 15". On a vu, le 9 novembre, à Lowville (Amérique), une aurore brillante. A Paris, il y eut un dérangement consi- dérable de l'aiguille vers l'occident durant la matinée, et de midi à une hcun^ et demie. Le soir, tout était à peu près dans l'état ordinaire. Le 17 novembre, une aurore boréale est observée dans TAberdeenshire. A six heures un quart, on voit un arc de lumière nébuleuse ayant son sommet dans le méridien magnétique à 20° de hauteur. Des arcs concentriques s'élèvent les uns après les autres et disparaissent dès qu'ils sont arrivés à 20° d'élévation. A onze heures, l'une des moitiés d'un de ces arcs devient très-brillante. A cette heure, l'aiguille de M. Farquharson n'était pas dérangée [Trans. phil., 1830, p. i02). A Paris, on observa une perturbation occidentale le matin, et le soir, comme de coutume, une variation orientale. La variation totale fut de \2>' lil". Le 18 novembre, dans rAberdeenshire, on voit l'aurore dès six heures du soir. A huit heures, on aperçoit des arcs très-brillants; à la hauteur de 20% il y a des jets ver- ticaux [Phil. trans , 1830, p. 102). Cette aurore n'a pas agi sur l'aiguille de M. Farquharson {Phil. Irans., 1830, p. 105). A Paris, le ciel était serein, mais on ne vit, dans la soirée, aucune trace d'aurore boréale. L'aiguille était de 9' trop orientale à six lieures et demie du soir; trois minutes après, elle était déjà revenue vers l'occident de 6' 1,2; à six heures trente-sept minutes, elle se trouvait AURORES BORÉALES. 669 un peu plus occidentale que de coutume , et cela mérite d'être remarqué, sinon pour la valeur, du moins quant au sens du dérangement, car le soir la perturbation se ma- nifeste presque toujours vers l'orient ; à six heures trois quarts, l'aiguille était à peu près rentrée dans sa position habituelle et elle s'y maintint toute la soirée. La variation totale fut de ik' 2". Le 19 novembre, à Saint-Laurent (Amérique) et dans l'Aberdeenshire (Ecosse), on vit une aurore faible dont les jets s'élevaient de temps en temps jusqu'au zénith. A Paris, on n'aperçut aucune trace d'aurore, quoique le ciel fût serein. Le matin , de sept heures et demie à sept heures cinquante minutes, l'aiguille était sensiblement plus occi- dentale que de coutume. Le soir, on n'observa pas. Une aurore boréale a été observée à Londres le 1 4 dé- cembre, dès six heures du soir, d'après une communication de Dalton. Elle parut très-brillante dans l'Aberdeenshire où M. Farquharson l'observa {Transac. philos. IS^O). A Gosport M. Berney aperçut aussi cette aurore. A six heures, on voyait une vive lumière au nord magnétique. Il s'en éleva quatorze colonnes de lumière à des hauteurs comprises entre 10 et 20°. A six heures un quart, il se forma un arc bien terminé de 3° de large et dont la plus grande hauteur était de 16°. Ses jambes correspondaient au nord un peu est et au nord-ouest un peu ouest. La teinte de l'arc était angulaire et disparut presque subite- ment. Plusieurs météores lumineux traversèrent Tare {Phil. mag., fév. 18o0). A Paris, il y eut une perturbation considérable vers l'occident à une heure et à une heure vingt minutes de l'après-midi; le soir, le dérangement 670 AURORES BORÉALES. s'était effectué vers l'orient, mais il surpassait à peine 2\ La variation totale fut de 13' 25". Le 19 décembre, une aurore boréale, qui n'eut rien de remarquable, fut vue à Schenectady [Jouni.Breio., p. 81). Dans l'Aberdeenshire, elle parut très-brillante à onze heures et demie du soir au nord. Les jets lumineux s'éle- vaient jusqu'au zénith. L'aurore était visible en même temps à l'horizon sud {Trans.phil., 1830, p. 103 et 104). A Paris, les observations de l'aiguille nous la montrèrent considérablement à l'occident de sa position ordinaire de- puis onze heures et demie du matin jusqu'à deux heures et demie du soir. Le soir, et surtout entre neuf heures et minuit, il y avait aussi dérangement très-notable, mais vers l'orient. La variation totale fut de 20' 54". A Alford, l'aiguille de M. Farquharson fut aussi considérablement troublée dans sa marche. Le 20 décembre, dans l'Aberdeenshire, on observa une aurore splendide depuis huit heures et demie jusqu'à onze heures du soir [Phil. irans., 1830, p. 104). A Paris, à une heure de l'après-midi, il y eut 8' de dérangement occi- dental ; à onze heures du soir. G' de perturbation orientale. La variation totale s'éleva à 21'. M. Farquharson affirme que son aiguille n'a pas été troublée ; mais l'a-t-il observée fréquemment? Le 28 décembre, à North-Salem (Amérique) on vit une aurore brillante; mais à Paris, l'aiguille n'a pas été dérangée sensiblement. § 12.— Année 1830. Le 25 janvier, dans l'Aberdeenshire, il y eut une au- AURORES BORÉALES. 671 rore présentant une succession d'arcs qui s'élevèrent peu. De temps en temps, elle était accompagnée de jets bril- lants. A Paris, à une heure après midi, l'aiguille était d'environ 3' à l'occident de sa position habituelle. Le soir, à neuf heures, la déviation en sens contraire, ou vers l'orient, n'était guère que de 1' 5". La variation totale fut de 10'. Aucun dérangement ne se manifesta dans l'aiguille de M. Farquharson, à Alford; mais, si je ne me trompe, comme je l'ai déjà dit, ce physicien n'ob- serve attentivement la déclinaison que le soir. Le 28 janvier, M. Marshal a vu à Kendal une très-bril- lante aurore boréale , dans la soirée ( Journal de Brew- ster). Dans l'Aberdeenshire, on aperçut des arcs très- brillants, mais peu élevés, à huit heures. A Paris, à 6" 1/i du soir, perturbation occidentale de près de 8'. 8" 25-° — 8 27 — 8 30 — 8 35 — 8 37 — S U5 — La variation totale fut de 15' 17". A Alford (Aberdeenshire), l'aiguille de M. Farquhar- son était : A 8" dans sa position ordinaire. A 8'' 1/2 orientale de 21' 30". A 9" 55™ oscillante dans une étendue de 30'. Je ne puis pas comparer une à une ces observations à celles de Paris, ne sachant pas si M. Farquharson em- ploie le temps vrai , comme il paraît naturel de le faire , ou le temps moyen. orientale — li'. — — 10'. — — 12'. — — 10'. 9'. 9'. — 1 __ 672 AURORES BORKALES. Le 19 Icvi'ior, M. Marshal vit, à Kcndal, une aurore boréale assez apparente, mais cVoù il ne s'éleva aucun jet {slrramcr) pQVce\Mb\c {Journal de Drewsler). A Paris, forte perturbation occidentale, depuis le matin jusqu'à trois heures, et perturl)ation orientale à neuf heures trois-quaris du soir. La variation fut de 13' 53". Le 18 mars, à Manchester (Angleterre), une aurore très-belle, vive et élevée, fut aperçue, d'après ce que m'apprend Dalton. A Paris, à six heures quarante minutes du soir, l'aiguille était plus orientale qu'à l'ordinaire de plus de 17'. La variation totale s'éleva à 2b' Mi". Le '•2!i mars , dans l'Aberdeenshire , il y eut une aurore brillante. A Paris, l'aiguille n'a éprouvé de déran- gement sensible ni le matin ni le soir. Celle de M. Far- quharson , au contraire , a été considérablement dérangée. A 9" 5'", dfi 32' vers l'ouest. Vers 9 10 tie 25' vers l'est. Vers 9 15 de 3't' vers Touest. Le 19 avril, à Manchester, Edinburgh, York, etc., on a vu une aurore très-brillante depuis neuf heures du soir jusciu'à minuit. A Paris, à une heure de l'après-midi, l'aiguille était plus occidentale que d'habitude de plus de 3'. A dix heures quarante minutes du soir, la perturba- tion en sens contraire, ou orientale, s'élevait à près de 12'. Le ciel alors était serein, mais on n'apercevait pas d'aurore. On dit qu'il y a eu une aurore boréale le 24 avril ; mais Dalton, qui me donne cet avertissement, ne l'a pas vue lui-même. L'aiguille, peu observée d'ailleurs à Paris, ne m'a rien indiqué de remarquable. AURORIÎS BORÉALES. 673 Les journaux ont annoncé que , le 5 mai à minuit , on vit à Saint-Pétersbourg une aurore boréale magnifique. Les rayons, diisent-ils, formaient un immense demi- cercle où ils paraissaient successivement rouges, blancs, verdàtres, puis ils s'effaçaient presque, et un moment après , ils recommençaient à briller et s'élançaient en longues pointes jusqu'au zénith. Que doit-on entendre par le 5 mai à minuit? Est-ce le minuit qui sépare le [\ du 5 mai , ou bien le minuit inter- médiaire entre le 5 et le 6? Dans l'une comme dans l'autre hypothèse l'aurore a agi h Paris. M. Kupffcr a vu l'aurore, à Saint-Pétersbourg, jus- qu'à deux heures du matin du 6 mai {Royal Institution, n°2, p. Z|29). A Paris, il y eut de grands dérangements dans la soi- rée du 5 mai : 5™, temps vrai, de plus de 7' vers l'orient. — — 5' id. A 8" 5 A 9 10 A 10 10 A 10 '\5 A 10 50 A 11 0 A 11 10 A 11 oO A 11 'lO A 11 Zlô A M 52 A minuit 5' id. 17' id. 9' id^ 9' id. 11' id. 17' vers roccident ! 8' vers l'orient. i;v id. 19' i'I. IW id. Le lendemain matin, il y avait encore dérangement, mais c'était vers l'occident. A neuf heures trois quarts, ce dérangement était de près de 9'. Dans la soirée du 5, l'aiguille d'inclinaison éprouvait aussi parfois en très- IV. - 1. i3 674 AURORKS BORÉALES. peu d'instants des variations de 3 à h'. A Saint-Péters- bourg, l'aiguille horizontale de M. Kupffer a été considé- rablement dérangée dans la nuit du 5 au 6 mai. Quoique je ne sache pas si les heures des observations se trouvent exprimées en temps vrai ou en temps moyen, je puis affirmer, je crois, que les grands mouvements ne se sont opérés ni aux mêmes époques, ni toujours dans le même sens , à Saint-Pétersbourg et à Paris. Ainsi , à onze heures et demie , par exemple , la pertur- bation sur notre boussole était de 17' occidentale, tandis qu'à Saint-Pétersbourg , à treize heures vingt minutes (correspondant à onze heures vingt-huit minutes de Paris) , on observait un dérangement de 12' vers l'orient. Le 20 août, à Kendal (Angleterre), on vit une bril- lante aurore boréale. Le gardien d'un phare, en Ecosse, a vu des aurores boréales les 7, 10, 12, 13, 17, 19, 20, 21 , 24 et 25 septembre. A Gosport, le 7 septembre , on aperçut une aurore de huit heures trois quarts du soir à neuf heures; le lende- main , on vit encore des traces du même phénomène. Le 17 septembre, une aurore parut très-brillante. M. Rupffer vit celle du 13 à Saint-Pétersbourg. Malheureusement, pendant une grande partie du mois de septembre et les premiers jours d'octobre, une maladie de l'observateur de Paris avait interrompu les observations magnétiques. Le 5 octobre, à Gosport (A ngleterre) , on vit une aurore. Le 5 octobre, le capitaine Godreuil, du navire le Géné- ral Foy, a aperçu en mer, une brillante aurore boréale. 11 était alors par /i2° 20' de latitude N. et 37" 19' de lon- gitude 0. {National du 28 octobre 1. AURORES BORÉALES. 673 Le 6 octobre, une aurore fut observée en mer par M. Acosta. Des jets s'élevèrent jusqu'à 50° et 60°. Elle cessa tout à coup à sept heures vingt-cinq minutes en mer (longitude 52° 30' de Greenvvich; latitude lih"). Le 16 , on vit une aurore boréale à Gosport , depuis dix heures jusqu'à dix heures et demie. Les colonnes lumi- neuses auxquelles elle donna naissance montèrent jusqu'à (3 de la grande Ourse {Philos. Maga%. , décembre 1830). A Paris, entre sept heures trois quarts du soir et neuf heures trente-neuf minutes, l'aiguille se maintint con- stamment dans une direction beaucoup plus orientale que sa position habituelle. Le ciel était serein, mais l'on n'aperçut aucune trace d'aurore. Le 4 7 octobre, il y eut une aurore à Gosport. Elle ne donna naissance à aucune colonne {Phil. may., décembre 1830). Le l" novembre, une brillante aurore boréale fut observée à Gosport, à neuf heures, par M. Burney, entre le nord et l'ouest. A neuf heures dix-huit minutes, les jets commencèrent à s'élever. Ces jets étaient resplendissants, quoique la lune presque pleine fût à 30° de hauteur [Phil. mag., janv. 1831, p. 79). A Paris, à neuf heures du soir, l'aiguille était à l'orient de sa position ordinaire d'environ 8'. La variation totale fut de 16' 32". Le 4 novembre, à Gosport, il y eut une aurore visible dès sept heures du soir. Les jets lumineux ne se formèrent qu'à huit heures, et montèrent à 22° de hauteur. Le phé- nomène disparut à neuf heures. La lune était alors sur l'horizon. A Paris, il y avait dans la position de l'aiguille une perturbation occidentale sensible à une heure après 676 AURORES BORÉALES. midi, et un commencement de perturbation orientale dès si^pt lieures quarante minutes du soir. A sept lieures cin- quante-cinq minutes, ce dérangement était considéral)le ; il existait encore ù dix heures quinze minutes. La variation totale s'éleva à 18' k2) . Une faible aurore fut encore obser\cc à (losport, entre sept heures et dix heures du soir, lu 7 novembre. 11 n'en partit aucun jet (Phil. mag.j janv. 183J, p. 79). La variation totale à Paris fut de 22' W. Le 7 décembre, une aurore boréale fut observée h Christiania par M. lïansteen (tiré d'une lettre manuscrite de M. Erman). A Paris, il y eut une déviation occidentale de l'aiguille de plus de 15' à une heure trois quarts de i'après-midi, et de plus de 20' à six heures vingt-cinq minutes. A sept heures cinq minutes, le dérangement était oriental. Entre une heure vingt miimtes et six heures vingt- cinq minutes, le dérangement s'accrut de 8'. Une brillante aurore boréale fut observée le 11 à Gos- port , dès huit heures et demie du soir. A deux heures du matin, les nuages s' étant dissipés, le phénomène se pré- senta dans toute sa majesté. Les jets ascendants qui en émanaient avaient dans leur maximum 2° de large et 30" de hauteur; leur teinte était rouge ou pourpre. A Paris, à huit heures du soir, l'aiguille était plus orientale qu'à l'ordinaire. La variation observée fut de 13' 25". Le 12, on vit à Gosport une faible aurore boréale depuis six heures jusqu'à dix heures. Elle s'étendait du nord-nord- est au nord-ouest. L'arc qui la terminait avait 8° de hau- teur {Phil. mag., fév. 1831). L'aurore fut encore aperçue les 13 et 1/!|. A Paris, dès six heures trois quarts du soir, AURORES BORÉALES. 677 l'aiguille était considérablement à Torient de sa position habituelle. La variation totale fut de 16' 32". Le lende- main 13, à huit heures du matjn , le dérangement, était aussi très-sensible, mais vers roccident. Le 25 décembre, une brillante aurore se montra encore à Gosport , depuis sept heures du soir jusqu'à minait. L'arc qui la terminait dans la première partie de la nuit s'étendait du nord-nord-est jusqu'à l'ouest-nord-ouest. Il en partait de nombreuses colonnes verticales colorées [Phil. mag., fév. 1831). W. Ilansteen écrivait à M. Erman, en date du 29 dé- cembre 1830 : « Depuis la fin de juillet, on a observé ici, à Christiania, trente-cinq aurores boréales qui toutes furent accompagnées de mouvements considérables de l'aiguille de déclinaison. » Parmi celles qui eurent le plus d'effet, il cite particulièrement celles du 0 et du 7 octobre. A Paris, j'avais été obligé de m'absenter. J'ai pensé devoir signaler dans ce catalogue tous les dérangements de l'aiguille aimantée de Paris, afin cjue le lecteur pût décider lui-même si, comme l'a» cru remar- quer M. Farquharson d'Alford ( Aberdeenshire), de tels dérangements ne se manifestent qu'à l'époque où, dons leur mouvement ascendant, les parties lumineuses de l'aurore atteignent le plan perpendiculaire au méridien magnétique, passant par l'aiguille d'inclinaison. Cette supposition, pour nos cliniats du moins, ne paraît pas soutenable. On doit se rappeler, en effet, que, presque toujours, l'aurore qui à son apparition le soir déviera la pointe nord de l'aiguille vers l'orient, a déjà produit le mutin un dérangement en sens opposé ou vers l'occident-. 678 AUnURES BORKALES. on notera de plus, et ceci tranche toute difficulté, que l'aurore agit à Paris (voyez le 19 avril , les 16 et 17 oc- tobre, etc.), lors même qu'elle ne s'élève pas au-dessus de l'horizon. Les aurores qui n'ont été visibles qu'en Amérique, qu'à Pétersbourg, qu'en Sibérie, malgré la distance immense qui nous sépare de ces régions, dérangent notablement l'aiguille aimantée de Paris. Ceci fait naître la question de savoir si les aurores de l'hémisphère sud produiront également quelque effet. Je croyais d'abord pouvoir ré- pondre affirmativement, d'après diverses observations australes dont je suis redevable à M. Simonoff; mais j'ai malheureusement découvert ensuite que les jours où le navigateur russe voyait des aurores vers le pôle sud , le phénomène se montrait aussi au nord, § 13. — Année 1831. Le 7 janvier on vit à Paris une grande aurore bo- réale. Pendant toute la durée des observations faites dans la soirée du 7 janvier, l'aurore boréale a été très-apparente. A sept heures trente-trois minutes de temps vrai , il y avait deux arcs bien distincts. La limite inférieure de l'arc supérieur passait par la Lyre. Le point culminant pouvait être de 1 à 2° plus haut à sept heures quarante minutes. La jambe est de l'arc supérieur était entre le Panthéon et le Val-de-Grâce, la jambe ouest un tant soit peu au sud de l'ouest. A sept heures cinquante-cinq minutes il s'élançait des AURORES BORÉALES. 679 jets verticaux. A huit heures cinq minutes, on voyait des sillons et de larges espaces d'un rouge de sang très- intense. La lueur de l'aurore permettait de lire. Il y a eu tantôt un arc et tantôt deux arcs concentri- ques. Dans l'un comme dans l'autre cas , les points culmi- nants correspondaient à très-peu près au méridien magné- tique, L'électromètre atmosphérique n'a donné aucune trace d'électricité pendant toute la durée du phénomène. L'amplitude totale de la variation diurne de la décli- naison s'éleva à 1° 16' 33'' ; celle de l'aiguille d'inclinai- son à 20'. L'arc s'est reformé régulier le 8 après minuit ; il s'éleva comme précédemment. Quoique le ciel fût couvert, il me sembla encore voir des traces d'un arc lumineux. L'ai- guille continua à être dérangée jusqu'au 13, Le 9 mars , une aurore boréale fut observée à Buch- holz, près Francfort sur l'Oder. L'observateur, M. Pas- torff, dit qu'elle commença le 7 à sept heures du soir, et qu'elle fut visible jusqu'à deux heures après minuit du 9 mars. Est-ce à dire qu'elle fut visible en plein jour deux jours de suite? La lumière était très-blanche et avait 30° d'amplitude de part et d'autre du méridien magnétique. La variation diurne de déclinaison fut de 33' 22". Je signale les trois journées du 2, du 10 et du 12 avril, comme ayant présenté des variations dans les aiguilles de déclinaison et d'inclinaison qui peuvent me faire soup- çonner des aurores boréales ; je n'en aperçus aucune trace sur le ciel de Paris. Le 12 avril, je vis deux nuages très-obscurs, formant sur CSO AURORES BORÉALES. le ciel étoile deux arcs bien tranchés (l'inférieur surtout) dont les points culminants se trouvaient dans le méridien magnétique. Ces bandes étaient certainement des nuages, car je n'aperçus aucune étoile à travers. Le 19, entre dix heures et demie et onze heures, on \it une aurore boréale à Berlin. Des rayons verticaux s'élançaient jusqu'au zénitli ; on apercevait une lueur rougeàtre à l'horizon nord. Le point culminant de la partie lumineuse était plus près du méridien vrai que dans l'aurore du 7 janvier; mais comme on ne dit pas si cette partie lumineuse avait la forme d'un arc, la re- marque n'a pas, je crois, une grande importance. La variation fut à Paris de 25' 53". Le 9 décembre, le ciel est couvert; il y a au nord, à l'horizon, une bande noire de nuages au-dessus de la- quelle on aperçoit une lumière vive et variable cjui ne peut évidemment émaner que d'une aurore boréale. J.' ai- guille est très-dérangée à Paris; elle est rapprochée le soir de plusieurs minutes vers l'orient. Le 22 décembre, à huit heures du soir, je vois au nord, au travers des nuages, une clarté qui me semble un indice évident d'aurore boréale. L'aiguille est notablement dérangée. § J4. — Années 1832 à 1848. Les observations magnétiques que j'ai faites à partir de 1832 ayant été souvent interrompues, par suite de diverses circonstances, je ne saurais attacher à la descrip- tion des aurores boréales qui ont été constatées succcssi- AURORES BORÉALES. 681 veinent, la môme importance que dans le catalogue pré- cédent. Cependant je pense encore rendre service à la science en notant ici les principales aurores boréales venues à ma connaissance. Voici une communication que je trouve dans une lettre de mon ami Alexandre de Ilumboldt : « Quoique les obser- vations sur l'influence qu'exercent les aurores boréales, même dans les lieux où elles ne sont pas visibles, n'aient plus besoin de confirmation , tu apprendras cependant avec quelque intérêt le fait suivant, que M. Gauss a inséré dans le Journal astiwiomique de Schumacher, n" 276 : « Le 7 février 1835, les variations de direction dans Fai- guille magnétique horizontale de Gottingue, surpassèrent tout ce que M. Gauss avait vu jusque-là : elles s'élevè- rent à six minutes en arc en une minute de temps. Eh bien , ce même 7 février, M. Feld, professeur de physique à Braunsberg (Prusse orientale), observait une belle aurore boréale qu'il a décrite dans le journal de Pog- gendorff. » Une circonstance heureuse a permis, e_n novembre ■1835, de vérifier une fois de plus l'action exercée sur l'aiguille aimantée par les aurores boréales. A cette époque, on comparait soigneusement les instruments con- fiés aux habiles officiers de la Bonite à ceux de TObsers a- toire. Pendant qu'on se livrait à ces vérifications, le 17 et le 18 novembre, les aiguilles des variations diurnes, tant celle de l'Observatoire, établie dans la grande salle méridienne, que l'aiguille de l'expédition, placée à l'ex- trémité sud du jardin, éprouvèrent des mouvements brusques, irréguliers, très-considérables. Quoique le ciel 682 AURORES BORÉALES. fût couvert, je n'iicsitai pas, des la matinée du 17, h con- clure de ces affolements qu'une aurore boréale se montre- rait. Le 18 , les oscillations inusitées étaient devenues si fortes, qu'on se crut autorisé, malgré un ciel entièrement couvert, à chercher dans le nord des traces d'aurores. Des lueurs vives, changeantes, y furent aperçues, en clTet : elles perçaient un rideau de nuages épais et con- tinu. Depuis que ces remarques diverses ont été consignées dans les registres de l'Observatoire, les journaux anglais ont annoncé que des aurores boréales se sont montrées dans plusieurs villes durant la nuit du 17 au 18 novem- bre , et pendant la nuit suivante. Ainsi , voilà un nouvel exemple, ajouté à tant d'autres, d'un dérangement de l'aiguille aimantée, évidemment engendré par ces lu- mières mystérieuses dont le foyer paraît être le pôle ma- gnétique. Au surplus, en terminant une communication sur ce sujet faite à l'Académie des sciences, j'ai cité les perturbations du 17 et du 18 novembre, seulement parce qu'elles se sont présentées pendant des vérifications d'in- struments dont l'Académie m'avait chargé, car je pré- tends avoir établi démonstrativement depuis plusieurs années, à l'aide d'un grand nombre d'observations, que les aurores boréales agissent sur les aiguilles aimantées de Paris, alors même qu'elles n'atteignent pas l'horizon de cette ville. L'aurore boréale dont j'avais soupçonné l'existence dès la matinée du 18 , et cela d'après les mouvements irrégu- liers de l'aiguille aimantée, a été observée à Nîmes, par M, Valz, entre huit et dix heures du soir. A neuf heures, AURORES BORÉALES. 683 pendant le maximum d'intensité du phénomène, des rayons rouges s'élevaient jusqu'au zénith. On voyait à l'horizon un espace rayonnant assez vif. Il ne se forma point d'arc. M. Masson , de Caen , MM. Gachot , lieutenant de vais- seau, et Vérusmor, de Cherbourg, M. Charié, ingénieur des ponts et chaussées, de Corbigny (Nièvre), etc. , virent aussi l'aurore boréale le 18 novembre, entre huit heures et neuf heures du soir. Les rayons rougeâtres du phénomène ont occasionné de nombreuses méprises : presque partout les populations se sont mises en marche pour aller éteindre de prétendus incendies, dont, suivant elles , la lumière se reflétait dans l'air. L'aurore a été vue à Cahors. C'est le point le plus méridional dont les observations me soient parvenues. Dans la nuit du 17 au 18 novembre, l'aurore présenta à Londres , par un effet particulier de l'atmosphère, l'as- pect d'un vaste incendie , au point que pendant toute la nuit douze pompes à incendie furent en mouvement pres- que continuel pour porter du secours à l'ô-ndroit d'où paraissait sortir cette flamme. On l'aperçut pour la pre- mière fois à onze heures du soir, et, après avoir brillé pendant quelque temps d'un vif éclat, elle disparut. A trois heures du matin, on aperçut de nouveau, à peu près dans la direction du nord , un jet de lumière très- brillant cpi s'élevait à 30° au-dessus de l'horizon. Au bout de quelque temps, la lumière devint plus faible, et sa direction venait du nord-ouest au nord-nord-oucst , ce qui fit supposer que ce n'était pas un incendie. L'aurore boréale brilla encore toute la nuit, jusqu'à six heures du G 4 AUROUCS Bnni: ALuS. matin, d'un cclat plus ou moins fort; le ciel fut serein pendant toute la nuit. L'aurore boréale fut encore très-briîiante dans la nuit du 18 au 19. Le mauvais temps et un ('pais brouillard n'ont pas permis de voir le météore à Paris ; mais dès dix heures du matin, il s'était annoncé, comme d'habitude, par une augmentation sensible de la déclinaison. Le soir, au contraire, de huit heures trois quarts à neuf heures, la pointe nord de l'aiguille était beaucoup plus rapprochée du méridien terrestre qu'à pareille époque les jours pré- cédents. A sept heures (cette circonstance est très-digne d'attention), la perturbation était positive : elle augmen- tait notablement la déclinaison. C'est vers onze heures quarante minutes du soir qu'on aperçut , même h tr^ivers les nuages , une vive lueur changeante. L'amplitude totale de la variation diurne de déclinaison observée s'éleva à 50' 12". Une aurore boréale a été signalée le 22 avril 1836, par 46° 25' latitude et hk" longitude ouest, par M. A. Duha- mel, juge aux îles Saint-Pierre et Miquelon. Ce qui la rendait remarquable, c'était l'intensité de la lumière, dont l'éclat, dit l'observateur, était tel qu'il elTaçait celui de la lune, alors en son plein. L'année 1836 paraît avoir montré le phénomène des aurores boréales a\ec une grande fréquence et en même temps avec toutes les variétés de formes, d'éclat, d'évo- lutions. C'est ce qu'a écrit à M. Biot M. Thomas Edmon- ston, qui observait à Shetland. Parmi toutes les aurores constatées, celle du 18 octobre est celle cjui a été le mieux AURORES BORÉALES. 685 vue dans notre continent. M. Mattcucci l'a observée à Forli (États-Romains); voici ce que rapporte ce pliysicien : « Il était neuf heures du soir, lorsqu'une lumière légè- rement rougeàtre se montra dans la région du nord. Elîr embrassait une étendue de 70 à 80% et s'élevait de "25 à 30°; sa forme était circulaire, dans ses parties les moins hautes; sa distance à l'horizon pouvait être de 7 à 8\ Vingt-trois minutes après sa première apparition , la lumière prit une teinte pourpre vive. Une ligne centrale plus foncée qu'on y remarquait, marcha vers l'ouest. Le phénomène disparut par un alTaiblisseraent graduel. » Cette aurore a été vue simultanément, d'après M. Bo- nafous, à Turin et à Chambéry, à neuf heures et demie du soir, dans la direction de l'est à l'ouest. M. Wartmann, de Genève, a fait la description sui- vante du phénomène tel qu'il l'a observé : « A huit heures trente-une minutes du soir, instant où commença le phénomène, le ciel était toujours serein, Tair parfaitement calme, et la lune, dans le septième jour de sa phase, luisait vers le sud. Deux nuages rougeâtres se montrèrent d'abord au nord-ouest , à environ 25 à 30" d'élévation au-dessus de l'horizon ; ils se rapprochèrent peu à peu jusqu'au contact, et en quelques minutes, tou- chant le sol , ils olfrirent l'image d'un vaste incendie lointain; bientôt après, ils prirent la forme d'un segment dont la corde s'appuyait sur l'horizon, et avait au moins 50° d'étendue ; ce segment, remarquable par une teinte rouge obscur fortement prononcée, surtout vers le milieu, semblait formé de molécules ondulantes. Trois stries ou faisceaux lumineux très-distincts, de couleur blanche, 686 AURORES BORÉALES. partaient du centre de Tare et rayonnaient dans une direction verticale; ils s'épanouissaient un peu vers le haut, et s'élevaient de plusieurs degrés au-dessus du segment, mais sans parvenir jusqu'au zénith. 11 y avait encore d'autres jets lumineux, d'un blanc pâle, peu distincts, qu'on voyait confusément rayonner vers le limbe. A huit heures quarante-cinq minutes, l'aurore était très-brillante et se trouvait dans la direction du méridien magnétique ; le segment avait alors à très-peu près 24 à 25° de hauteur : il atteignait et enveloppait les étoiles p, ^, e, ^, •/) de h. Grande-Ourse, situées près du point culminant de sa bordure; l'étoile a de la même constella- tion était presque en dehors, tandis que y, la plus basse des sept étoiles, plongeait assez avant. « Le météore n'est point resté stationnaire dans cette position; d'abord , il s'est avancé lentement et tout d'une pièce, du nord-ouest au nord, et jusqu'à 5" au nord-est, en parcourant un arc horizontal d'environ 30° et en tra- versant , par son extrémité supérieure , toutes les étoiles de la Grande-Ourse; puis, à huit heures cinquante-six minutes, revenant en arrière et présentant une couleur pâle d'un pourpre orangé, le segment s'est transformé en une espèce de fuseau allongé, dont la partie inférieure touchait à l'horizon , tandis que le segment atteignait les étoiles de la queue de la Petite-Ourse. Cette colonne ver- ticale, haute de liT, a continué de cheminer vers le nord- ouest, en répandant une lueur d'un rouge sombre, qui s'affaiblissait graduellement. A neuf heures, à peine était- elle encore visible, et à neuf heures cinq minutes, on n'apercevait plus dans l'atmosphère qu'une lueur confuse AURORES BOREALES. 687 qui, peu d'instants après, s'est complètement dissipée. » M. Wartmann a reçu de M. Struve les observations de cette même aurore boréale du 18 octobre 1836. Il en résulte qu'au moment où, à Genève, on trouvait 25° pour la hauteur angulaire du point culminant de l'arc lumineux, cette hauteur, en Livonie, était de 90". De là , par la méthode des parallaxes, M. Wartmann déduit cette conséquence que la matière de l'arc était à deux cents lieues de hauteur au-dessus de la terre. Le 18 février 1837, une aurore a été observée à Meaux (Seine-et-Marne), par M. Darlu. Ce phénomène a paru principalement remarquable par la couleur très- rouge de sa lumière. Il a, comme d'habitude, troublé notablement l'aiguille aimantée , mais sans que rien ait établi si le sens des perturbations avait quelque liaison avec la position des points oii la lumière était à son maxi- mum. M. Darlu parle d'un arc qui , à huit heures qua- rante-cinq minutes, occupait la région australe du ciel. A Paris, on n'a pas aperçu d'arc méridional. Les lueurs que l'aurore a jetées au sud ne formaient pas une zone continue, elles se montraient dans des places isolées : La même aurore a été vue dans les différentes villes suivantes : Olserrateurs. Atonne, près de Meaux MM. Darlu. Luzarches ilahn. Beauvais Zoéga. Versailles Gaudin. ILhonime. Lesroullon. Coliignon. Barliaise. Morlaix Pltot de flolies. 683 AURORES BORÉALES. Observateurs. Besançon MM. Virlet. Auguste Saint-llilalrc. Montricllicr , „, ( Bcrard. Marseille Valz. Mon ami Alexandre de lluniboldl m'a transmis un tal)leau des perturbations que raiguillc des variations diurnes aéprouvées à Gottingue, pendant l'apparition de celte aurore : A 8*" 'i" 30% la déclinaison surpassait sa valeur habituelle de 39'. De 9" 36" à 9" 37", on observa un changement de déclinaison de 11' 31 '. M. Morren, professeur de physique au collège royal d'Angers, a aperçu une aurore boréale le 6 avril 1837. Vers huit heures du soir, l'aurore se composait d'une lueur fauve, perpendiculaire à l'horizon et dirigée vers a de Géphée. A huit heures vingt-six minutes, un nouvel arc plus grand et plus lumineux que le premier se forma un peu plus à l'ouest : il couvrait a et y de Cassiopée. Ce dernier arc était intermittent : en quelques secondes, il perdait et reprenait son éclat. A neuf heures, tout avait disparu. A Paris, le ciel était couvert pendant l'observation de M. Morren, mais l'aiguille aimantée des variations diurnes présenta de fortes perturbations. M. MandI a vu à Paris, le 18 octobre 1837, de six heures cinq minutes à six heures et demie du soir, une aurore boréale très-rouge. Le ciel était alors entièrement couvert. Cette dernière circonstance aurait pu faire dou- ter que les bandes rouges observées par M. Mandl pro- vinssent d'une aurore boréale, si le Fédéral et le Cour- AURORES BORÉALES. 689 rîer de l'Ain n'eussent annoncé qu'au même moment , et dans les régions où le ciel était sans nuages , une aurore boréale se voyait à Genève et à Bourg; si, de plus, comme dernière confirmation , l'aiguille aimantée de l'Observatoire n'eût offert dans sa marche des anomalies sensibles pendant la soirée du 18 octobre dernier. Cette aurore a été vue à Stockholm. A l'occasion de cette aurore, M. Capocci a dit que les nuages empruntent souvent à des aurores polaires des teintes auxquelles on n'a pas fait assez d'attention. M. Capocci imagine encore que la lumière rougeàtre dont la surface de la lune brille quelquefois pendant les éclipses totales de cet astre doit être attribuée à des au- rores polaires terrestres. Quelques remarques photométriques deviendraient , je crois, des difficultés insurmontables contre l'hypothèse de M. Capocci. Les météorologistes ne méritent pas, au surplus , le reproche que le savant astronome de Naples semble leur adresser : les effets des aurores boréales sur les nuages sont depuis longtemps l'objet de leurs obser- vations assidues. Dans la nuit du 12 au 13 novembre, une brillante aurore boréale rougeàtre a été vue à Paris par M. de La Pilaye, à Angers par M. Morren, à Antony par M. Faure, à Vendôme par M. Yvon , à Jambles près Givry ( Saône- et-Loire) par M. Nervaux, entre Gênes et Livournc par M. Chassinat, à Montpellier par M. le capitaine Bérard. Quand l'arc se forma, sa partie supérieure, à peine dis- tincte, parut être à 20 ou 25° de hauteur. M. Bérard jugea que cette partie culminante était dans le méridien IV. —i. hk 690 AURORES BORÉALES. terrestre et non dans le méridien magnétique. C'est une anomalie sur laquelle on aurait besoin de plus amples renseignements. Le 23 septembre, une aurore a été observée à Ham- bourg par M. Robert. Pour l'année 1838 , je n'ai pas reçu de communication d'observations d'aurores boréales; elles paraissent avoir été fréquentes, au contraire , en 1839. M. Quetclet m'a écrit qu'une aurore boréale a été observée à Bruxelles, le 5 mai 1839, vers les onze heures et demie du soir, par M. Maiily, son adjoint. La lumière du phénomène se faisait surtout remarquer dans la direction du méridien magnétique; elle occupait environ la huitième partie du ciel dans le sens de l'ho- rizon : les jets lumineux s'élevaient par intervalles à plus de 50° de hauteur. M. Lalanne, ingénieur des ponts et chaussées, m'a annoncé , dans une lettre datée de Saint-Brice près Écouen , qu'il a vu une aurore boréale le 7 mai , vers neuf heures et demie. M. Lalanne signale, parmi les cir- constances qui l'ont le plus frappé, des gerbes éclatantes de couleur rouge, jaune, bleue, et qui s'élevaient jus- qu'à 25° ou 30° au-dessus de l'horizon. D'après une lettre de M. Herrick , de New-Haven (Connecticut), l'aurore boréale a été observée vingt- deux fois dans cette ville , entre le 1" janvier et le 3 septembre 1839. L'aurore du 3 septembre se montra avec une grande magnificence. Le centre de la couronne était à 7/r de hauteur angulaire au-dessus de l'horizon sud ; i! correspondait donc à peu près au point du ciel où AURORES BORÉALES. 691 l'aiguille d'inclinaison aboutit à Ncw-Iïaven. L'aiguille aimantée d'une boussole horizontale fut troublée, pen- dant toute la durée du phénomène , au point de marquer quelquefois une déclinaison différente de 3° de la décli- naison moyenne. Toutes les perturbations s'opérèrent en ce sens, que la pointe nord de l'aiguille était constam- ment à l'est de sa position habituelle. D'après M. Herrick, l'aurore du 3 septembre a été vue aussi à la Nouvelle-Orléans. Les astronomes de l'Observatoire et M. Fra vient ont vu cette aurore à Paris vers dix heures du soir. M. Que- telet m'a écrit qu'il l'a aperçue à Asti (Piémont) vers une heure du matin. A Alexandrie on a commencé à l'obser- ver à dix heures du soir, et elle dura toute la nuit. Une remarquable aurore m'a été signalée pour le 22 octobre par M. Darlu de Meaux, M. Chaperon de Strasbourg , M. Coquand , directeur du musée d'histoire naturelle d'Aix (Bouches-du-Rhône), M. Valz, directeur de l'observatoire de Marseille, M. Mamiani délia Pio- vere de Pesaro , M. Mateucci de Rome , enfin M. de La Pilaye. Ce dernier se croit autorisé à tu'er, des diffé- rences d'aspect, de hauteur et d'orientation que présentent les observations venues de divers lieux , la conséquence que le phénomène s'est porté dans notre atmosphère à une assez petite hauteur. La lumière de l'aurore a été partout rouge, très-vive, distribuée généralement par groupes sans connexions ap- parentes. Au moment où , à Marseille , elle prit la forme d'un arc régulier, le point culminant de cet arc était dans le méridien magnétique. A Paris, mon savant confrère 692 AURORES BORÉALES. Savary reconnut que les plans dans lesquels étaient con- tenus les jets d'un blanc verdûtre qui, de temps à autre, venaient traverser les zones rouges, passaient tous par le pointdu ciel qu'aurait perce l'aiguille magnétique d'inclinai- son. L'aiguille horizontale des variations diurnes de l'Ob- servatoire fut dans un mouvement d'oscillation continuel et Irès-irrégulier, pendant toute la durée du phénomène. Voici un passage de la lettre de M. Yalz : « Vers le pôle se trouvait un léger nuage blanc, éclairé de la pleine lune. La teinte rouge l'ayant atteint, le fit participer à sa propre couleur, de façon à donner lieu à penser que le foyer colorant se trouvait entre le nuage et l'observateur, par conséquent peu éloigné de ce dernier. On pourrait bien objecter que les rayons colorés, en tra- versant le nuage, lui communiquaient leur teinte; mais j'ai remarqué que le nuage interceptait la vue des étoiles, ce que ne faisait pas l'aurore boréale, et qu'ainsi l'expli- cation précédente ne saurait être admise. » Si nous avons rapporté ces quelques lignes de la lettre de M. Valz, c'est parce qu'elles signalent aux astro- nomes un genre particulier d'observations sur lequel ils n'ont peut-être pas dirigé leur attention avec assez de soin. La question si importante de la distance des foyers lumineux de l'aurore, ne saurait d'ailleurs être résolue par une observation isolée et reposant sur l'hypothèse que la surface inférieure du nuage était horizontale. M. JNecker de Saussure a observé les aurores boréales en Ecosse, à la fin de 1839 et au commencement de 1840 ; il m'a adressé à ce sujet une communication inté- ressante, d'où j'extrais les détails suivants : AURORES BORÉALES. 693 « Les aurores boréales sont incomparablement plus grandes, plus belles et plus compliquées à Sky que près d'Edinburgh. Là elles atteignent rarement le zénith; à Sky, au contraire, elles le dépassent presque constam- ment , et occupent la plus grande partie du ciel. « Celle du 3 septembre 1839 fut exclusivement confinée à la région méridionale du ciel : c'est la seule de ce genre que j'aie vue. «Il est fréquemment arrivé, tant à Edinburgh qu'à Sky, qu'il y a eu de belles et grandes aurores boréales deux soirs consécutifs. « Trois fois j'ai vu les aurores boréales commencer avant la nuit, et leurs fuseaux de lumière vive et blanche se projeter sur la couleur jaune et orangée qui régnait encore au couchant. C'est, à Sky, les d septembre et 28 octobre 1839, et le 4 janvier 18/|0. « Je n'ai jamais pu parvenir à entendre aucun bruit particulier, même pendant les aurores boréales les plus grandes et les plus vives, à Sky, où régnait le plus grand calme et le plus profond silence. Cependanfe-j'ai recueilli, dans les îles Shetland , de nombreux témoignages à cet égard, d'autant plus remarquables qu'ils étaient entière- ment spontanés et nullement influencés par aucune ques- tion préalable de ma part. « Des personnes de diverses conditions et états, et habitant des districts très-éloignés dans ces îles, ont été unanimes à dire que, lorsque l'aurore boréale est forte, elle est accompagnée d'un bruit qu'ils ont tous également et unanimement comparé à celui d'un van lorsqu'on vanne le blé. 694 AURORES BORÉALES. « Une des personnes chargées par le Northern Lighl- Houses Companij cVEdinburgh , au phare de Sumburgh- Head (à l'extrémité méridionale de Shetland), des obser- vations météorologiques, et qui a, par conséquent, l'habitude d'observer correctement, m'a dit d'elle-même et sans y être provoquée, que ce bruit s'entendait toujours distinctement , et a même ajouté qu'elle l'avait entendu de l'intérieur d'une des chambres du phare dont les volets étaient fermés, et avait annoncé, d'après cela, qu'il devait y avoir une aurore boréale, ce qui s'était confirmé. « Plusieurs fois les aurores boréales ont été accom- pagnées de gelée blanche, et le plus grand nombre d'entre elles ont été suivies par de grandes chutes de neige ou de pluie et par des coups de vent violents et des tempêtes. Ainsi, sous ce dernier rapport, mes observa- tions tendent plutôt à confirmer l'opinion généralement admise en Ecosse, que les aurores boréales sont des avant- coureurs de mauvais temps ou de vents très-forts. « J'avais entendu dire à M. G.-D. Forbes que les étoiles fixes, même les plus grandes, ne scintillent jamais près d'Edinburgh, si ce n'est lorsqu'il y avait une aurore boréale. Mes propres observations ont , en général , con- firmé cette remarque. Il est vrai que les étoiles fixes ne scintillent pas dans ces parages, ou du moins ce n'a été que rarement que j'ai vu , à celles de première grandeur, une légère scintillation. « A Sky, au contraire , toutes les étoiles fixes brillent et scintillent aussi vivement que dans les plus belles soi- rées de la France ou de la Suisse. Il en est de même dans le reste des Hébrides, dans les Orcades, les Shetland, AURORES BORÉALES. 69b sur toute la côte occidentale du nord de l'Ecosse et dans toute la haute région des Highlands. Or, il est à remar- quer que, dans toutes ces contrées, il n'y a pas de grandes villes, h peine des bourgs ou de grands villages, point de fabriques ou manufactures d'une grande étendue qui brûlent de la houille; la population très-clair-semée de ces régions solitaires n'emploie aucun combustible que de la tourbe ou du bois dont la fumée très-légère se dis- sipe tout de suite et n'obscurcit pas l'atmosphère. Aussi, là, le ciel est-il aussi pur que dans toute l'Europe conti- nentale. Mais, au contraire, dans toute la basse Ecosse et sur la côte orientale et nord-est de ce pays, où les villes, les grands villages, les manufactures abondent et où par- tout la houille est le combustible habituel , non-seulement les villes et leurs environs immédiats ont leur atmosphère obscurcie par une épaisse fumée que le vent chasse d'un côté ou de l'autre, mais jusque dans les campagnes les plus éloignées des villes on peut apercevoir que l'air est encore très-brumeux dans toute saison , à cause de cette fumée de houille. Il en est ainsi dans toute l'Angleterre , et même, ayant assez souvent navigué sur la partie de la mer d'Allemagne qui baigne les côtes orientales des îles Britanniques, j'ai toujours été frappé du peu de clarté de l'air, de son aspect brumeux dans ces parages. Rien ne m'a plus clairement démontré que ce fait tenait à la fumée de la houille que de voir, depuis l'île d'Arran et surtout depuis les cimes de ses montagnes, pendant les plus beaux mois du printemps et du commencement de l'été 1839, pendant que Arran lui-même jouissait de l'air et du ciel le plus pur ; de voir, dis-je, les côtes opposées C96 AURORES BORÉALES. des comtés d'Àyr et de Renfrew, constamment surmontées par une l3ande de brumes épaisses semblable à un long nuage gris s'élcvant de 1° à 1° 1/2 sur l'horizon. » D'après M. Cagigal , une aurore boréale a été observée à Caracas le 23 mai 1840. M. Cagigal fait remarquer que, quoiqu'on ait quelques rares exemples de l'observa- tion de ce phénomène à Cuba et à Saint-Domingue, il ne croit pas qu'on en connaisse par une latitude aussi basse que celle de Caracas. M. Wartmann m'a écrit de Genève que l'aurore boréale périodique du 18 octobre s'est encore montrée le 18 oc- tobre ISlii d'une manière évidente. A Paris, MM. Laugier et Goujon aperçurent une aurore boréale bien caractérisée, le 12 novembre 1841 , vers onze heures et demie. Une aurore boréale s'est montrée en France et en Bel- gique, dans la nuit du 6 au 7 mai 1843. Quoiqu'elle n'ait rien présenté d'inusité , nous allons extraire des relations parvenues à l'Académie les détails qui, comparés aux relations des pays éloignés, conduiront peut-être à des conclusions utiles. Voici ce que m'écrit M. Quetelet : « Pendant toute la journée du 6, le magnétomètre avait une marche très-régulière, et rien ne pouvait faire soup- çonner le phénomène qui devait signaler la soirée. Après dix heures, M. Beaulieu, l'aide de garde, vint m'annon- cer, avant de se retirer, que le barreau magnétique déviait très-sensiblement ; il était, en effet, dans une agi- tation extraordinaire. Je voulus m' assurer aussitôt si ce dérangement ne coïncidait pas avec quelque phénomène météorologique , et je remarquai que riiorJzon , vers le AURORES BORÉALES. 697 nord, était vivement éclairé ; mais la lumière de la lune ne me permettait pas de me prononcer encore sur l'exis- tence d'une aurore boréale. « Pendant que je continuais mes observations au magné- tomètre, dont la marche irrégulière se soutenait, on vint me dire que quelque chose d'extraordinaire se montrait dans le ciel et vers le sud (onze lieures douze minutes, t. m.). Au milieu d'un ciel parfaitement serein, on voyait une espèce de nuage blanchâtre, de forme elliptique, dans le méridien , et à la hauteur de 60 degrés environ. Le nuage variait à chaque instant d'éclat et de grandeur; ses variations brusques avaient quelque chose de fati- gant pour l'œil, et passaient alternativement de la faible lueur de la voie lactée à l'éclat d'un nuage blanc qui effaçait , à peu près , la lumière des étoiles les plus bril- lantes placées dans sa direction , mais dont les formes n'étaient pas arrêtées. Je crus voir dans ce phénomène l'espèce de nuage lumineux qui accompagne générale- ment les aurores boréales très-intenses ; et, effectivement, le nord était alors très-vivement éclairé, et des jets lumi- neux se projetaient à une hauteur assez grande dans le méridien magnétique. « Comme j'étais seul pour observer la marche du phé- nomène, tout en suivant les indications des instruments magnétiques qui continuaient à dévier de plus en plus, il m'a été impossible d'en saisir toutes les circonstances. Vers onze heures vingt-quatre minutes, la lueur qui s'était montrée au sud et dans le méridien avait entière- ment disparu ; et , vers le nord , le ciel ne tarda pas à rentrer également dans son état ordinaire. » 698 AURORES BORÉALES. Cette aurore a clé vue à Paris de dix heures quarante- cinq minutes à onze heures quinze minutes; sa lumière était assez intense pour le disputer à Téclat de la lune, qui n'était pas encore descendue sous l'horizon. On aper- çut deux arcs blanchâtres à travers lesquels les étoiles étaient visibles. A Reims, on vit des rayons de diverses couleurs. Aux environs de Dieppe, M. Nell de Bréauté, cor- respondant de l'Académie , a vu au nord, sur les bandes verticales, une très-légère teinte de couleur orangée. Le 8 décembre, M. Colla, à Parme, a vu une belle aurore de couleur rougeûlre, dont l'élévation, dans la partie la plus convexe, pouvait être de 6 à 7 degrés. De là s'éleva une colonne lumineuse, de couleur jaunâtre, à peu près dans la direction du méridien. Des taches blanches et globuleuses furent, en outre, aperçues vers le midi. Le phénomène a été accompagné d'une forte per- turbation magnétique de plus de 18'. Le 29 décembre , à huit heures du soir, une aurore boréale de peu de durée a été aperçue par M. Goulvier- Gravier. Nous arrivons maintenant à iSlil. Une brillante aurore boréale s'est montrée dans la nuit du 24 au 25 octobre. Elle a été observée dans le nord de l'Allemagne, à Paris, dans le département de l'Indre, à Bourges; à Parme, en Italie; à Cadix, en Espagne; à Mount-Eagle, en Irlande. Ses aspects ont été très-chan- geants, A Leipzig, on a vu les rayons très-prolongés former, par leur entre-croisement, ce qu'on est convenu de nom- mer la coupole. AURORES BORÉALES. 699 A Paris , M. Faye a remarqué un rideau blanchâtre, semblable aux tableaux de l'expédition du Nord , et un peu au-dessus du rideau, un large nuage grisâtre qui s'éleva peu à peu, en changeant continuellement de forme. M. Faye, les observateurs de Leipzig , etc., rapportent qu'il s'élevait de l'horizon des jets lumineux d'ime couleur vert pomme très-caractérisée; mais comme ces rayons étaient renfermés entre deux bordures d'un rose très-vif , on peut supposer que le vert était un effet de contraste. M. Faye vit avec étonnement tomber une pluie rare, le zénith étant seulement voilé. M. Goujon s'assura à l'Observatoire que l'aurore avait fortement dévié l'aiguille horizontale des variations diur- nes. M. Colla a observé le même effet à Parme. M. Démidoff, à Cadix, a remarqué que les nuages lumi- neux restèrent toujours séparés de l'horizon par une zone d'une sérénité complète, et dans laquelle on ne vit jamais aucune lueur, pas plus que dans les autres points du fir- mament; il y a lieu de noter aussi la po^-manence et l'immobilité de ces mêmes nuages lorsqu'ils eurent cessé de luire. M. Coopcr, à Mount-Eagle (Irlande) a vu quelques beaux rayons roses ; ils étaient plus pâles en remontant vers le nord, et sans couleur aucune à l'est et à l'ouest du nord. Le phénomène avait une grande étendue , et le point de convergence des rayons n'était point, en cette occasion, dans le méridien magnétique. M. Coulvicr-Gravier a aperçu une aurore boréale , le 1" novembre, entre neuf et onze heures. 700 AURORES BORÉALES. Le 17 décembre, à sept heures trente-cinq minutes du soir, la lune répandant une vive clarté, M. Rigault et plusieurs autres personnes ont vu, à la Ferté-sous- Jouarre, une aurore boréale. Elle consistait en quatre taches d'un rouge vif entre la grande Ourse et le Cygne, passant par la polaire. Notre savant confrère , M. de Gasparin , rapporte en ces termes l'observation qu'il a faite de cette même aurore : « Je passais , dit-il , à Saint-Symphorien-en-Laye (Loire); un vaste nuage, d'une couleur cramoisi intense, couvrait le ciel au zénith , et aurait pu faire croire à un incendie, si, dominant le pays des hauteurs de la mon- tagne de Tarare, d'oii je descendais, je n'avais constaté qu'il n'y en avait aucun. Ce nuage avait absolument l'ap- parence de ceux qui se trouvent au levant , un peu avant le lever du soleil. « Comme on signale l'apparition d'une aurore boréale à Blangy (Seine-Inférieure), le même jour et à la même heure, il y a apparence que la coloration de ce nuage était due à la réflexion de la lumière de ce météore. » Cette aurore a encore été observée : à Cirey, par M. Chevandier; à Bourges, par M. Levasseur; à Tou- louse, par M. Petit; à Florence, par M. DémidolT. Une lettre de M. Littrow a appris que, le 18 octo- bre 18/i8, on a vu à Kremsmûnster une aurole boréale pendant laquelle la déchnaison de l'aiguille a considéra- blement diminué. Une belle aurore boréale a été vue le 17 novembre à Cirey, au Havre, à Grenoble, à Montpellier, à Bordeaux, à Parme, à Venise, à Florence, à Pise, à Madrid. AURORES BORÉALES. 70J Les particularités suivantes" ont été remarquées à Mont- pellier : « C'est à neuf heures du soir que le phénomène attei- gnit sa plus belle phase. Au nord, à l'horizon, une bande lumineuse occupait encore 50 degrés, déclinant un peu vers le couchant, et ressemblant à la première aube du ma- tin. Au-dessous, quelques nuages, tranchaient, par leur noirceur, avec la clarté du ciel. Au-dessus des nuages, une lumière rouge, fort vive par moments, s'élevait à 50 degrés environ, sur une étendue de 90 degrés. L'éclat de la bande lumineuse a augmenté jusqu'à neuf heures et demie; elle effaçait alors la Grande-Ourse; entre la Polaire, la Lyre et le Cocher, aucune étoile n'était vi- sible. Le nuage rouge, au milieu duquel brillait l'étoile Wéga, éclatante de blancheur, paraissait se déplacer et subir des changements d'intensité. « Mais ce qu'il y a de plus remarquable dans le phé- nomène, ce sont les rayons ou jets de lumière qui s'éle- vaient, à certains moments, dans une direction à peu près verticale, s'évanouissant quelques minutes après, pour reparaître sur d'autres points, et qui conservaient pen- dant leur apparition une parfaite immobilité. Ces rayons, sensiblement parallèles au méridien magnétique, attei- gnaient jusqu'au zénith. Les uns étaient d'un rouge vif et contrastaient avec la teinte blanche des autres. « A dix heures, les jets de lumière se succédaient tou- jours, à de courts intervalles; mais, au lieu de s'élever parallèlement, ils paraissaient diverger d'un point placé au-dessous de l'horizon. La clarté blanche avait diminué d'intensité; les nuages rouges s'étaient étendus vers le 702 AURORES BORÉALES. couchant et embrassaient ;ilors un intervalle de 150 de- grés à l'ouest. L'étoile de rAiglc brillait à travers la lueur rouge qui, au levant, atteignait presque la constellation du cocher. « Pendant ce temps, l'aiguille aimantée a été observée avec soin, et nous avons constaté un écart vers l'est de plus de 1 degré. L'aiguille ne présentait pas des secous- ses brusques, mais des variations lentes et irrégulières. L'aurore boréale a persisté jusqu'au crépuscule du matin, qui en a fait disparaître les dernières traces. » Les faits observés à Pise ont une grande importance. Aussi placerai-je ici la totalité de la lettre que m'a écrite M. Matteucci: « Permettez-moi de vous donner la description d'une très-belle aurore boréale qui s'est montrée le 17 au soir, avec des circonstances assez singulières. « Le ciel était pur et les étoiles brillaient d'une vive lumière; depuis quelques jours, la température de l'air était froide plus qu'à l'ordinaire dans cette saison. Je venais de parcourir la ville pour aller au bureau du télé- graphe électrique , qui est placé à la station du chemin de fer. Le long du chemin, j'avais vu trois étoiles filantes très-brillantes parcourir le ciel dans dilTérentes direc- tions : du côté du nord, une couche de nuages légers était appuyée sur l'horizon , au-dessus duquel elle s'éle- vait de 15 à 20% et toujours en diminuant de densité. Vers neuf heures trente minutes, nous avons été surpris, au bureau du télégraphe , par la suspension soudaine de la marche des machines, qui avaient toujours très- bien fonctionné pendant toute la journée; cela arrivait AURORES BORÉALES. 703 en même temps aux machines de la station de Florence. Nous essayâmes de les faire aller soit en augmentant la force du courant , soit en agissant sur les machines et sur les manipulataires : tout fut inutile. De temps en temps, l'aiguille marchait par saccades, puis elle s'arrêtait brus- quement, l'ancre restant attachée aux électro-aimants. Ces phénomènes étaient exactement semblables à ceux qui se produisent toutes les fois qu'il y a un orage. « A neuf heures cinquante-cinq minutes, je sortis du bureau pour observer le ciel ; qui était toujours clair, et je fus frappé d'une lumière rougeâtre qu'on voyait du côté du nord, au-dessus des nuages. Je demandai tout de suite à la sentinelle depuis combien de temps cette lumière avait apparu , et j'appris qu'on avait commencé de la voir depuis quinze minutes. Je courus vite chez moi , afin de mieux observer le phénomène sur la terrasse du cabinet, qui est élevée de liO mètres à peu près. La lumière a toujours augmenté d'intensité et d'étendue jus- qu'à dix heures trente minutes ; à cette heure , elle était d'une couleur rouge sang très-intense. On ne voyait pas la disposition en arc qui, suivant le plus gfand nombre des observations, se rencontre dans l'aurore boréale. Au lieu de cela, c'étaient de grands nuages d'un rouge plus ou moins vif, tantôt séparés, tantôt réunis, qui se répan- daient du nord vers l'est, et qui s'élevaient quelquefois jusqu'au zénith. J'ai vu deux fois un long jet de lumière d'une couleur jaune citrine s'élever à travers le nuage rouge jusqu'à sa sortie de ce nuage, ayant son sommet dans la direction du méridien magnétique. Ce jet de lumière, pendant les deux ou trois minutes de sa durée, 704 AURORES BORÉALES. avait Tapparcnce d'un mouvement d'allongement et de raccourcissement successif. Les étoiles seules de première grandeur étaient visibles à travers cette lumière rouge de l'aurore boréale. Une étoile filante très-brillante a tra- versé cette lumière dans la direction du nord à l'est, presque parallèlement à l'horizon. Peu à peu la lumière rouge est allée en diminuant d'intensité et en se répan- dant vers l'est, et à dix heures cinquante minutes, elle avait complètement disparu. « Le ciel était, vers minuit, couvert d'un léger brouil- lard. Pendant le phénomène, la pression barométrique était 766""", 35; le thermomètre marquait-}- 4°. 8 cen- tigrades; l'hygromètre de Saussure marquait 89°; le vent de sud-est soufflait légèrement. « L'aurore boréale était déjà commencée lorsque j'ai élevé sur la terrasse l' électromètre atmosphérique à flamme. Pendant plusieurs minutes , j'ai obtenu des signes très-forts d'électricité positive ; la feuille ne faisait que toucher la colonne négative , se détacher pour la retoucher de nouveau, et ainsi de suite. Après minuit, les signes d'électricité étaient à peine sensibles; les ma- chines électro-magnétiques, qui étaient restées jusqu'à minuit sans fonctionner, ont repris leur marche ordi- naire, sans qu'il ait été fait le moindre changement ni dans les piles, ni dans les machines mêmes. » M. Colla, de Parme, rapporte que le plus grand éclat a eu lieu entre dix heures et dix heures trente minutes. En certains instants, l'aurore atteignit en hauteur pres- que jusqu'au zénith : elle occupait horizontalement plus de 150% AURORES BORÉALES. 705 t Le barreau aimanté, dil-il, me l'avait prédite quel- ques heures avant par ses variations extraordinaires; la déclinaison a quelquefois diminué de près d'un degré ; vers minuit, la diminution a été encore plus forte. Pen- dant le maximum de l'am'ore, l'aiguille était en mouve- ment continuel. Le lendemain , la perturbation magné- tique s'est renouvelée. » M. Highton, ingénieur télégraphique du London and ^orlh-yS'estern Raihcay, a signalé, à propos de cette aurore, une action très-vive exercée sur le télégraphe électrique. « Un télégraphe , dit-il , passant à travers le Watford Tunnel (un tunnel de 1,600 mètres de long), et dont les fils se prolongent en dehors jusqu'à liOO mètres d'un côté, et jusqu'à 800 mètres de l'autre, a été hors de service pendant trois heures. L'aimant a constamment été rejeté du même côté. Une telle action de l'aurore boréale est ordinaire. Elle s'est quelquefois manifestée'pendant le jour, quand l'aurore n'était pas visible, et dans un cas, j'ai pu suivre son action à partir de INorthampton, à travers Shapstone , Peterborough , sur la roule du télégraphe de l'Est jusqu'à Londres. » CHAPITRE XVn. CONCLUSION. Il s'écoule quelquefois une longue suite d'années sans qu'on aperçoive des aurores boréales soit dans les régions tempérées, soit, toute proportion gardée, dans les pays les plus voisins du pôle. La vraie cause de ces vicissi- IV.— I. 65 706 AURORES BORÉALES. tudes est entièrement ignorée; mais n'est-ce pas une rai- son de plus pour noter avec soin toutes les circonstances relatives aux apparitions d'un aussi singulier phénomène? Les journaux scientifiques , dans lesquels, pour chaque pays, on annonce l'apparition des aurores boréales, n'étant pas à la portée du plus grand nombre des physi- ciens, j'ai cru faire une chose utile à la science en publiant des tableaux que d'abord je dressais seulement pour mon usiige particulier. Le travail auquel je me suis livré dans cette Notice ne pourra plus laisser de doute, je pense, sur la con- nexion intime des aurores boréales et du magnétisme , et ce magnifique phénomène lumineux est ainsi rattaché à l'électricité. On vient de voir que l'action que j'avais annoncée, dès 1819, être exercée par les aurores visibles ou invisibles sur l'aiguille aimantée, se fait sentir sur les télégraphes électriques. Ma découverte ne saurait donc plus être contestée aujourd'hui. Je dois ajouter cependant que, dès 1827, j'avais constaté par la comparaison des mouvements des aiguilles aimantées de Kasan, Saint- Pétersbourg, Berlin, Freiberg et Paris, qu'il y a simul- tanéité d'action d'une aurore boréale sur tout le magné- tisme terrestre. Selon la belle expression de mon ami Alexandre de Humboldt , les orages magnétiques se font connaître par les perturbations de l'aiguille aimantée, lors même qu'on n'en voit aucune trace sur la voûte du ciel. fIN DU TOilE PREMIER DES NOTICES SCIENTIFIQUES. TABLE DU TOiME QUATRIÈME. TOME PREMIER DES NOTICES SCIENTIFIQUES. LE TONNERRE CHAPITRE PREMIER. — Définitious \ CHAPITRE II. — Caractères extérieurs des nuages orageux. . . 6 CHAPITRE m. — Foudre des nuages volcaniques. — La foudre s'élabore et se manifeste quelquefois dans des nuages dont la nature semble toute différente de celle des nuages atmo- sphériques ordinaires 15 CHAPITRE IV. — De la hauteur des nuages orageux 20 CH.APITRE V. — Des différentes espèces d'éclairs 29 § 1". Éclairs en zigzag ou de la première classe 29 § 2. Éclairs de la seconde classe 36 § 3. Éclairs de la troisième classe 37 CH.APITRE VI. — Anciens exemples d'éclairs de la troisième classe ou globes de feu 39 CHAPITRE VII. — Éclairs en boule /,6 CHAPITRE VIII. — Les éclairs s'échappent quelquefois des nua- ges par leur surface supérieure et se propagent dans l'at- mosphère de bas en haut 58 CHAPITRE IX. — Quelle est la durée d'un éclair de la première ou de la seconde classe ? 59 CHAPITRE X. — Des nuages orageux sont-ils jamais lumineux d'une manière continue ? 70 CHAPITRE XI. — Du tonnerre proprement dit, ou du bruit que fait entendre la foudre quand elle s'échappe c-.'s nuages. . 77 708 TABLE. CIFAPITRE XII, — Fait-il des éclairs sans tonnerre, par un ciel parfaitement serein ? SU ClIAPrri'.K Mil. — Y a-t-il jamais des tonnerres sans éclairs?. . 84 CIIAPITIIE XIV. — Y a-t-il jamais, par un temps couvert, des éclairs sans tonnerre ? 85 CIIAl'ITr.E XV. — Tonne-t-il jamais par un temps parfaitement serein? 83 CIIAPITUE XVI. — La foudre développe par son action, dans les lieux où elle éclate, souvent de la fumée, presque tou- jours une forte odeur qui a été comparée à celle du soufre enllammé 89 CHAPITRE XYIL — Des modifications chimiques que la foudre fait subir à l'air atmosphérique 93 CIIAPITUE XVIII. — La foudre opère souvent la fusion des pièces de métal qu'elle va frapper 95 CHAPITRE XIX. —La foudre raccourcit les fils de métal à tra- vers lesquels elle passe, lorsque sa puissance n'est pas assez grande pour en déterminer la fusion 109 CHAPITRE XX. — La foudre met quelquefois en fusion certaines substances terreuses et les vitrifie instantanément 110 CHAPITRE XX r. — Tulles de foudre ou fulgurites 115 CHAPITRE XXII. — La fouch'e perce quelquefois de plusieurs trous les corps qu'elle frappe = 122 CHAPITRE XXIIL — Phénomènes de transport produits par la foudre 12i CHAPITRE XXIV. — ACTiox maoétique de la foudre. — La foudre, quand elle passe près d'une aiguille de boussole, en altère le magnétisme, le détruit entièreaient, ou ren- verse les pôles. — Dans les mêmes circonstances , elle peut communiquer une aimantation plus ou moins forte à des barres d'acier qui, auparavant, n'en olTraient aucune trace. 128 CHAPITRE XXV. — Aimantation par la foudre 132 CH.\PITRE XXVI. — La foudre, dans sa marche rapide, obéit îi des actions dépendantes des corps terrestres près desquels elle éclate 134 CHAPITP.E XXVII. — Lorsque l'atmosphère est orageuse, il y a, simultanément, dans les entrailles de la terre, à la surface ou au sein des eaux, de grandes perturbations 135 CHAPITRE XXVIII. — L'état exceptionnel dans lequel les orages TABLE. 709 atmosphériques placent la partie solide du globe, se mani- feste quelquefois par des d(';tonations foudroj'antes qui, sans aucune apparence lumineuse, produisent cependant les mêmes effets que la foudre proprement dite 1Z|2 CHAPITRE XXrx. — L'état particulier qu'un orage atmosphé- rique communique au globe par son inlluence, se mani- feste quelquefois par de brillants, par de larges phéno- mènes de lumière dont la terre est d'abord le siège, et qui disparaissent à la suite d'une explosion, soit dans le lieu même où ils sont nés, soit après un déplacement plus ou moins étendu et plus ou moins rapide i.h5 CIIAWTUE XXX. — Feux saint-elme. — Il se montre souvent, en temps d'orage, des lumières vives et légèrement sif- flantes, aux parties les plus saillantes des corps terrestres. lZi8 CHAPITRE XXXL — Pendant de grands orages, les gouttes de pluie, les flocons de neige, les grêlons, produisent de la lumière en arrivant à terre, ou même en s'entre-choquant. 155 CHAPITRE XXXIL — Géographie des orages. — Y a-t-il des lieux où il ne tonne jamais ? 155 Quels sont les lieux où il tonne le plus? 1G2 Tonne-t-il aujourd'hui aussi souvent que dans les siècles passés? , iG3 Des circonstances locales influent-elles sur la fréquence de ce phénomène? 168 Tonne-t-il tout autant en pleine mer qu'au milieu des conti- nents? 17/i Lettre de M. le capitaine Duperrey -r 175 Quelle est , de nos jours, quant à la fréquence, la distribu- tion géographique des orages? 186 CHAPITRE XXXIIL — Quelle est, dans nos climats, la quantité de victimes que la foudre fait annuellement? 196 CHAPITRE XXXIV. — Dans quelle saison les coups de tonnerre foudroyants sont-ils le plus fréquents? 200 CHAPITRE XXXV. —La foudre frappe principalement les lieux élevés '_>0-'i CHAPITRE XXXVL — La foudre se porte de préférence sur les métaux, lorsqu'il en existe, à découvert ou cachés, soit dans le voisinage des lieux vers lesquels elle tombe direc- tement, soit près de ceux où sa course serpentante Famène ensuite. — La foudre ne produit de dégâts notables qu'à, 710 TABLE. son entrée dans les masses métalliques, ou au moment oCi elle en sort 204 CIIAPITUE XXXVir. — Explications, remarques et rapproche- ments concernant les observations précédentes 2lli § 1. Éclairs 215 § 2. Du tonnerre ordinaire, de l'intervalle qui le sépare de réclair, de son roulement, de ses éclats, des plus grandes distances auxquelles on l'entende, du tonnerre des jours sereins, de la longueur des éclairs 228 § 3. Longueur des éclairs 2Zi6 § û. Odeur développée par les coups de foudre '2k6 § 5. La foudre opère des fusions, des vitrifications instanta- nées ; elle raccourcit les fils métalliques le long desquels sa transmission s'effectue ; elle perce de plusieurs trous les corps qui se trouvent sur son passage, etc., etc 250 § 6. Des transports de matière opérés par la foudre 250 CHAPITRE XXXVIiï. — Des dakgers que fait courir la foudre. 260 § 1. Les dangers que fait courir la foudre sont -ils assez grands pour qu'on s'en occupe? 260 § 2. Destruction des édifices et des navires 266 CHAPITRE XXXIX. — Des moyens de se garantir de la foudre. 274 § 1. Des moyens que les hommes ont cru propres à les mettre personnellement à l'abri de la foudre 275 § 2. Lorsque la foudre tombe sur des hommes ou des animaux placés les uns à la suite des autres, soit en ligne droite, soit le long d'une courbe non fermée, c'est aux deux extré- mités de la file que ses effets sont généralement les plus intenses, les plus fâcheux 288 § 3. Des préceptes à l'usage des personnes qui craignent la foudre 290 § U' S'expose-t-on à être foudroyé quand on court pendant des temps orageux? 294 § 5. Les nuages d'où les éclairs et la foudre s'échappent incessamment, sont-ils constitués, comme les physiciens le supposent, de telle sorte qu'il y ait du danger à les tra- verser? 299 § 6. Est-on frappé de la foudre avant de voir l'éclair? 302 CHAPITRE XL. — Des dangers que causent les fils des télégra- phes électriques 304 TABLE. 7H CHAPITRE XLr. — Des moyens à l'aide desquels on a prétendu mettre les édifices à l'abri des atteintes de la foudre 306 § 1. Des anciens moyens de préservation des édifices 306 § 2. Est-il vrai que des arbres qui dominent une maison à de petites distances, la mettent complètement à Tabri des atteintes de la foudre, ainsi que le prétendent beaucoup de phj-siciens ? 307 CHAPITRE XLIl. — Des moj'ens à l'aide desquels on a prétendu préserver de la foudre des villes entières, et même de grandes étendues de pays 309 § 1. Procédé des anciens 309 § 2. Effet des grands feux allumés en plein air 311 § 3. Du bruit du canon considéré comme moyen de dissiper les orages 31^ CHAPITRE XLHI. — Est-il utile ou dangereux de sonner les cloches en temps d'orage ? 321 CHAPITRE XLIV. — Des paratonnerres modernes 328 CHAPITRE XLV. — Des paragrêles 345 CHAPITRE XLVL — De la sphère d'action des paratonnerres. . 347 CHAPITRE LXVII. — Les paratonnerres implantés horizontale- ment ou dans des directions très-inclinées sur l'entable- ment des édifices, sont-ils utiles? 353 CHAPITRE XLYIIL — De la meilleure forme et des meilleures dispositions à donner aux diverses parties dont un paraton- nerre se compose 357 § 1. De la pointe r 357 § 2. Du conducteur 359 CH.VPITRE XLIX. — Des organes qui sont le plus ordinairement affectés dans les morts ou les blessures occasionnées par des coups de foudre 374 CHAPITRE L. — La foudre brûle ordinairement le poil sur toutes les parties du corps de l'individu qu'elle frappe 353 CHAPITRE LL — Les coups de foudre très-intenses tuent les hommes, les animaux, les végétaux; les coups de foudre d'intensité médiocre ont souvent la propriété de débarras- ser les hommes et les animaux de maladies dont ils souf- fraient antérieurement, et même de hùter la croissance des végétaux 377 CHiVPlJTiE LII. — Est-il prouvé, en fait, que des paratonnerres 712 TABLE. , aient préservé des ravages de la foudre des bâtiments sur lesquels on les avait établis 380 CIIAPIïlîE Ldl. — Les paratonnerres à tiges élancées et poin- tues attirent-ils la foudre ? 388 CIIAI'ITIŒ LIV. — Des moyens de prévenir les coups foudroyants (lui pourraient frapper les monuments élevés, tels (lue la colonne de la place Vendôme et l'obélisque de Louqsor 392 CIIAIMTHK LV. — Phénomènes produits par réiectricité arti- ficielle; de leur resseml)lance avec les phénomènes engen- drés par la matière de la foudre 394 Cil M'ITP.E LVL — Du rôle de la foudre dans la nature 397 CIlArrrilE LVir. — sur la théorie de la foudre 399 § 1. Des lieux où il ne tonne jamais 399 § 2. Électricité près des cascades /lOO § 3. Explications des transports occasionnés par la foudre.. /lOl ELECTRO-MAGNETISME L — Des recherches faites en France avec la pile kOb IL — Aimantation du fer et de l'acier par l'action du courant voltaïque 609 m. — Aimantation d'une aiguille au moyen du passage du cou- rant électrique en hélice /tl3 IV. — Points conséquents produits dans l'aimantation des fils d'acier par des courants en hélice /il7 V. — Principe des télégraphes électriques Zil8 VI. — Projet d'expérience sur le magnétisme par rotation .'il9 VIL — Aimantation par l'action de l'électricité ordinaire /i21 VHI. — Du magnétisme de rotation /i2Zi ÉLECTRICITÉ ANIMALE L — Sur l'étincelle tirée de la torpille et du gymnote Ai9 IL — Sur une prétendue jeune fille électrique /i53 m. — Phénomène des tables tournantes /i56 I TABLE. 713 MAGNETISME TERRESTRE CHAPITRE PREMIER. — Avertissement relatif i\ mes observa- tions personnelles Zi59 CHAPITRE II. — Variations dans les éléments du magnétisme terrestre iGl CHAPITRE III. — Déviation locale de la boussole /i63 CHAPITRE IV. — Moyens de perfectionner les observations de la boussole à la mer Zi66 CHAPITRE V. — De la déclinaison /i67 CHAPITRE VI. — Du mouvement de la déclinaison en un lieu déterminé avec le temps 668 CHAPITRE VII. — Variation de la déclinaison à la surface de la terre Û77 CHAPITRE VIII. — Variations annuelles de l'aiguille de décli- naison 679 CHAPITRE IX. — Variations diurnes de Taiguillede déclinaison. 685 CHAPITRE X. — Observations de .M. Arago sur les variations diurnes de la déclinaison ù Paris , de 1818 à 1835 695 CHAPITRE XI. — De rinclinaison 505 CHAPITRE XII. — Variations annuelles de l'inclinaison 506 CHAPITRE XHI. — Variation de l'inclinaison magnétique avec les lieux 513 CHAPITRE XIV. — Mouvement de translation ée Téquateur magnétique 516 CHAPITRE XV. — De l'intensité magnétique 516 CHAPITRE XVI. — Sur un moj'en de mesurer les variations du magnétisme terrestre en chaque point du globe 517 CHAPITRE XVIL — Des variations d'intensité magnétique avec lu hauteur 519 CHAPITRE XVIII. — Des relations de l'inclinaison et de l'inten- sité magnétiques 520 CHAPITRE XIX. — Variation de l'inclinaison magnétique à Paris 526 CHAPITRE XX. — Sur l'intensité du magnétisme terrestre pen- dant les éclipses de soleil 528 714 TABLE. CHAPITRE XXI. — Variations de Tinclinaison et de l'intensité magnétique d'un lieu ii un autre 532 CHAPITRE XXII. — Variations diui-nes de l'inclinaison magné- tique 536 AURORES BORÉALES CHAPITRE PREMIER. — Définition des aurores boréales 5Zi5 CHAPITRE II. — Les aurores boréales étaient connues des anciens 5/i6 CHAPITRE III. — Des aurores boréales observées dans le nord. 5/i7 CHAPITRE IV. — Aurores boréales observées de divers lieux. . 5/i9 CHAPITRE V. — Sur la détermination de la hauteur de Tare des aurores boréales 553 CHAPITRE VL — Du bruit des aurores boréales 556 CHAPITRE VIL — Heures des aurores boréales 560 CHAPITRE VIIL — Causes des aurores boréales 561 CHAPITRE IX. — Sur les aurores boréales qui se montrent en plein jour 567 CHAPITRE X. — Des influences magnétiques exercées sur l'ai- guille aimantée 595 CHAPITRE XL — Action exercée par les tremblements de terre sur l'aiguille aimantée 595 CHAPITRE XIL — Aurores australes 598 CHAPITRE XIII. — Sur une disposition des nuages qui repro- duit celle qu'affectent les rayons lumineux des aurores boréales 602 CHAPITRE XIV. — Incertitude de la polarisation de la lumière des aurores boréales 603 CHAPITRE XV. —De l'utilité des catalogues d'aurores boréales. 605 CHAPITRE XVL — Catalogue d'aurores boréales de l^siS ù i8/i8. 606 § 1. — Année 1818 606 § 2. — Année 1819 007 § 3. —Année ls20 008 § Zi. — Année 1821 611 § 5. — Années 1822 et 1823 612 TABLE. 7i5 § 6. — Année 182i 614 § 7. — Année 1825 616 § 8. — Année 1826 624 § 9. — Année 1827 627 § 10. — Année 1828 6/j3 § 11. — Année 1829 657 § 12. — Année 1830 670 § 13. — Année 1831 678 § IZi. — Années 1832 à 1848 680 HAPITBE XVII. — Conclusion 705 FIN DE LA TABLE DU TOME QUATRIEME. TOME PREMIER DES NOTICES SCIENTIFIQUES. ! 113 J\ ( 1 r-' ' / Ara2;o, Doninique Francoi; Jean Oeuvres complètes P&A Sci. PLEASE DO NOT REMOVE CARDS OR SLIPS FROM THIS POCKET UNIVERSITY OF TORONTO LIBRARY