,^.^y Mr.. '^\j^:^,> ^yyy^^' Uk^à. Ë ^ ^ ^ ^ ^ ^ □ -ir cr Ln LU a ? ^ §5> I ^ ^ k ŒUVRES C 0 1^1 r I. E T i: s DE BUFFON. TOME XXI. OISEAUX. III. OEUVRES COMPLETES DE BUFFON AUGMENTEES PAR M. F. CL VIE B, MEMBRE DE l'iNSTITUT, i Académie des Sciences ) DE DEUX VOLUMES OFFRANT LA DESCRIPTION DES MAMMIFÈRES ET DES OISEAUX LES PLUS REMARQUABLES DÉCOUVERTS JUSQU'a CE JOUR. I) Ui\ BEAU PORTRAIT DE BUFFON, ET DE '2 6 O GKAVUUES K> TAILLE-DOUCE, EXÉCUTÉES POUR CETTE EDITIOiV PAR LES MEILLEURS ARTISTES. A PARIS, CHEZ F. D. PILLOT. EDITEUR, RUE UE SEliVE-SAl.AT-GEr.iMAlX. a" 49 ; SALMON, LIBRAIRE, nVF. CHRiSTIAE, N" 5, PRES CELLE DAl-PUIAE. i85o. $Z s 3 OISEAUX. III. RUFt'oïv. xxr. PI iSg . Tome il P aixCjU.e t , scnlip 1 LE CIIA-"VE 2 I^A.'PIE ._ 3.LE GEAT V\'VVV\\V\V\VVVV\.'\VVVVA\VV\\V\\\VVVWW'WV.'VWV\W\V\VV\XVV'V\VV\'VWVWVVWV'V\VV'WVVVV'V\V\V LE GRAVE, ou LE CORACIAS^ Cvrvus Graculus. L, %)uELQLEs aaleiirs ont confondu cet oiseau avec le choqiiard, appelé communément Choucas des Alpes : cependant il en diffère d'une manière assez marquée par ses proportions totales^ et par les dimensions, la forme, et la couleur de son bec, qu'il a plus long, plus menu , plus arqué , et de couleur rouge ; il a aussi la queue plus courte, les ailes plus longues, et, par une conséquence imturelle, le vol plus élevé; enfin ses yeux sont entourés d'un petit cercle rouge. Il est vrai que le crave ou coracias se rapproche du choquard par la couleur et par quelques unes de ses habitudes naturelles. Ils ont tous deux le plumage noir, avec des reflets verts, bleus, pourpres, qui jouent admirablement sur ce fond obscur. Tous deux se plaisent sur le sommet des plus hautes montagnes, et descendent rarement dans la plaine , avec cette 1. Grave est le nom qu'on lui donne en Picardie , suivant Belon ; eu latin, selon Campden , avis incendiarta; en italien, spelviero, taccola, tatida, pazon, zorL, cutta; en François, chouette et choucas rouge; dans le V^alais, choquard et chouette; en allemand, steintuhen (couchas de roche), stelntuien, stelnkrahe; en anglois, cornish-chough, Cornwall- kahe, killegrew. En comparant ces noms divers avec ceux du choquard ou choucas des Alpes, on en trouvera qui sont les mêmes; effet de la méprise qui a fait confondre ces deux espèces en une seule. •2. Le module du n" 255 est presque double de ce qu'itdoit être. 8 LE eu AVE OU COR AGI AS. différence néanmoins que le premier paroît beaucoup plus répandu que le second. Le coracias est un oiseau d'une taille élégante, d'un naturel vif, inquiet, turbulent, et qui cepen- dant se prive à un certain point. Dans les commence- ments on le nourrit d'une espèce de pâtée faite avec du lait, du pain, des grains, etc. ; et dans la suite il s'accommode de tous les mets qui se servent sur nos tables» Aldrovande en a vu un à Bologne en Italie qui avoit la singulière habitude de casser les carreaux de vitres de dehors en dedans, comme pour entrer dans les maisons par la fenêtre : habitude qui tenoit sans doute au même instinct qui porte les corneilles, les pies, et les choucas, à s'attacher aux pièces de mé- tal et à tout ce qui est luisant, mr le coracias est at- tiré, comme ces oiseaux, par ce qui brille, et, comme eux , cherche à se l'approprier. On l'a vu même en- lever du foyer de la cheminée des morceaux de bois tout allumés , et mettre ainsi le feu dans la maison ; en sorte que ce dangereux oiseau joint la qualité d'incendiaire à celle de voleur domestique. Mais on pourroit , ce me semble, tourner contre lui-même cette mauvaise habitude, et la faire servir à sa propre destruction, en employant les miroirs pour l'attirer dans les pièges, comme on les emploie pour attirer les alouettes. M. Saierne dit avoir vu à Paris deux coracias qui vivoient en fort bonne intelligence avec des pigeons de volière : mais apparemment il n'avoit pas vu le corbeau sauvage de Gesner, ni la description qu'en donne cet auteur, lorsqu'il a dit, d'après M. Ray, LE GRAVE OU CORACIAS. 9 qu'il s'ciccordoit en tout j, excepté pour la grandeur, avec le coracias ; soit qu'il voulut parler, sous ce nom de coraciaSj de l'oiseau dont il s'agit dans cet article; soit qu'il entendît notre choquard ou le pyrrhocorax de Pline, car le choquard est absolument différent : et Gesner, qui avoit vu le coracias de cet article et son corbeau sauvage , n'a eu garde de confondre ces deux espèces; il savoit que le corbeau sauvage diffère du coracias par sa huppe , par le port de son corps , par la forme et la longueur de son bec, par la briè- veté de sa queue, par le bon goût de sa chair, du moins de celle de ses petits, enfin parce qu'il est moins criard, moins sédentaire, et qu'il change plus réguliè- rement de demeure en certains temps de l'année, sans parler de quelques autres différences qui le distin- guent de chacun de ces deux oiseaux en particulier. Le coracias a le cri aigre , quoique assez sonore , et fort semblable à celui de la pie de mer ; il le fait entendre presque continuellement : aussi Olina re- marque-t-il que si on l'élève, ce n'est point pour sa voix, mais pour son beau phmiage. Cependant Belon et les auteurs de la Zoologie britannique disent qu'il apprend à parler. La femelle pond quatre ou cinq œufs blancs, ta- chetés de jaune sale : elle établit son nid au haut des vieilles tours abandonnées et des rochers escarpés, mais non pas indistinctement ; car, selon M. Edwards, ces oiseaux préfèrent les rochers de la côte occiden- tale d'Ansleterre à ceux des côtes orientale et méri- dionale, quoique celles-ci présentent à peu près les mêmes sites et les mêmes expositions. Un autre fait de même genre , que je dois à un lO LE GRAVE OU COllACIAS. observateur digne de toute confiance* , c'est que ces oiseaux, quoique habitants des Alpes, des monta- gnes de Suisse, de celles d'Auvergne, etc., ne pa- roissent pas néanmoins sur les montagnes du Bugey, ni dans toute la chaîne qui borde le pays de Gex jus- qu'à Genève. Belon, qui les avoit vus sur le mont Jura en Suisse, les a retrouvés dans l'île de Crète, et toujours sur la cime des rochers. Mais M. Hassel- quist assure qu'ils arrivent et se répandent en Egypte vers le temps où le Nil débordé est prêt à rentrer dans son lit. En admettant ce fait, quoique contraire à ce que l'on sait d'ailleurs de la nature de ces oi- seaux , il faut donc supposer qu'ils sont attirés en Egypte par une nourriture abondante, telle qu'en peut produire un terrain gras et fertile, au moment où , sortant de dessous les eaux, il reçoit la puissante influence du soleil. Et en effet, les craves se nour- rissent d'insectes, et de grains nouvellement semés et ramollis par le premier travail de la végétation. Il résulte de tout cela que ces oiseaux ne sont point attachés absolument et exclusivement aux sommets des montagnes et des rochers , puisqu'il y en a qui paroissent régulièrement en certains temps de Tannée dans la basse Egypte ; mais qu'ils ne se plaisent pas également sur les sommets de tout rocher et de toute montagne, et qu'ils préfèrent constamment les uns aux autres, non point à raison de leur hauteur ou de leur exposition, mais à raison de certaines circon- stances qui ont échappé jusqu'à présent aux obser- vateurs. 1. M. Hébert, trésorier de Textraorclinairc des guerres h Dijon. LE GRAVE OU COR AGI AS. 11 Il est probable que le coraclas d'Aristole est le même que celui de cet article , et non \epyrrhocorax de Pline, dont il diffère en grosseur, comme aussi par la couleur du bec, que le pyrrliocorax a jaune. D'ailleurs le crave ou coracias à bec et pieds rouges ayant été vu par Belon sur les montagnes de Crète, il étoit plus à portée d'être connu d'Aristote que le pyrrliocorax j lequel passoitchez les anciens pour être propre et particulier aux montagnes des Alpes, et qu'en effet Belon n'a point vu dans la Grèce. Je dois avouer cependant qu'Aristote fait àesonco- raclas une espèce de choucas [coloios) , comme nous en faisons une du pyrrkocorax de Pline; ce qui sem- ble former un préjugé en faveur de l'identité ou du moins de la proximité de ces deux espèces : mais comme dans le même chapitre je trouve un palmi- pède joint aux choucas, comme étant de même genre, il est visible que ce philosophe confond des oiseaux de nature différente, ou plutôt que cette confusion résulte de quelques fautes de copistes, et qu'on ne doit pas se prévaloir d'un texte probablement altéré , pour fixer l'analogie des espèces, mais qu'il est plus sûr d'établir cette analogie d'après les vrais caractères de chaque espèce. Ajoutez à cela que le nom de pyr- rkocorax^ qui est tout grec, ne se trouve nulle part dans les livres d'Aristote; que Pline , qui connoissoit bien ces livres, n'y avoit point aperçu l'oiseau qu'il désigne par ce nom , et qu'il ne parle point du pyr- rliocorax d'après ce que le philosophe grec a dit du coracias jf comme il est aisé de s'en convaincre en comparant les passages. Celui qui a été observé par les auteurs de la Zoo- 12 LE en AVE OU COR AGI AS. logie britannique j, et qui étoit un véritable coracias , pesoit treize onces , avoit environ deux pieds et demi de vol, la langue presque aussi longue que le bec, un peu fourchue, et les ongles noirs, forts, et cro- chus. M. Gerini fait mention d'un coracias à bec et pieds noirs, qu'il regarde comme une variété de l'espèce dont il s'agit dans cet article, ou comme la même espèce différente d'elle-même par quelques accidents de couleur, suivant l'âge, le sexe, etc. LE CORACIAS HUPPÉ, ou LE SONNEURS. Corvus E remit a. L, * J'adopte ce nom, que quelques uns ont donné à l'oiseau dont il s'agit dans cet article , à cause du rap- port qu'ils ont trouvé entre son cri et le son de ces clochettes qu'on attache au cou du bétail. Le sonneur est de la grosseur d'une poule ; son plu- mage est noir, avec des reflets d'un beau vert, et va- riés à peu près comme dans le crave ou coracias, dont nous venons de parler : il a aussi, comme lui, ie bec et les pieds rouges ; mais son bec est encore 1. A Zurich, scheller, waldt-rapp, stein-rapp; et en Bavière, comme eu Stirie, clauss-rapp; en italien, corvo spilato; en polonois, kruklesny^ nocny; en auglois, wood-crow from Stvifaerlfind. LE COR AGI AS HUPPÉ OU SONNEUR. K) plus long , plus menu , et fort propre à s'insinuer dans les fentes de rochers , dans les crevasses de la terre , et dans les trous d'arbres et de murailles, pour y chercher les vers et les insectes dont il fait sa princi- pale nourriture. On a trouvé dans son estomac des débris de grillons-taupes, vulgairement appelés coar- tillières. 11 mange aussi des larves de hannetons , et se rend utile par la guerre qu'il fait à ces insectes des- tructeurs. Les plumes qu'il a sur le sommet de la tête sont plus longues que les autres , et lui forment une espèce de huppe pendante en arrière : mais cette huppe, qui ne commence à paroître que dans les oiseaux adultes, disparoît dans les vieux; et c'est de là saas doute qu'il ont été appelés, en certains endroits, du nom de corbeaux chauves ^ et que, dans quelques descriptions , ils sont représentés comme ayant la tête jaune, marquée de taches rouges. Ces couleurs sont apparemment celles de la peau, lorsqu'au temps de la vieillesse elle est dépouillée de ses plumes. Cette huppe, qui a valu au sonneur le nom de huppe de montagne ^ n'est pas la seule différence qui le distingue du crave ou coracias; il a encore le cou plus grêle et plus allongé , la tête plus petite , la queue plus courte, etc. De plus, il n'est connu que comme oiseau de passage, au lieu que le crave ou coracias n'est oiseau de passage qu'en certains pays et certai- nes circonstances, comme nous l'avons vu plus haut. C'est d'après ces traits de dissemblance que Gesner en a fait deux espèces diverses, et que je me suis cru fondé à les distinguer par des noms différents. Les sonneurs ont le vol très élevé , et vont presque l4 I-E CORACIAS HUPVÉ OU SONNEUR. toujours par troupes^; ils cherchent souvent leur nourriture dans les prés et dans les lieux marécageux, et ils nichent toujours au haut des vieilles tours aban- données, ou dans des fentes de rochers escarpés et inaccessibles, comme s'ils senloient que leurs petits sont un mets délicat et recherché, et qu'ils voulus- sent les mettre hors de la portée des hommes : mais il se trouve toujours des hommes qui ont assez de courage ou de mépris d'eux-mêmes pour exposer leur vie par l'appât du plus vil intérêt; et l'on en voit beaucoup dans la saison , qui, pour dénicher ces pe- tits oiseaux, se hasardent à se laisser couler le long d'une corde fixée au haut des rochers où sont les nids, et qui, suspendus ainsi au dessus des précipices, font la plus vaine et la plus périlleuse de toutes les récoltes. Les femelles pondent deux ou trois œufs par cou- vée; et ceux qui cherchent leurs petits laissent ordi- nairement un jeune oiseau dans chaque nid, pour s'assurer de leur retour pour l'année suivante. Lors- qu'on enlève la couvée, les père et mère jettent un cri ka-ka kœ-kœ; le reste du temps ils se font rare- ment entendre. Les jeunesse privent assez facilement, et d'autant plus facilement qu'on les a pris plus jeunes et avant qu'ils fussent en état de voler. Ils arrivent dans le pays de Zurich vers le commen- cement d'avril , en même temps que les cigognes; on 1. Je sais que M. Klein fait du sonneur un oiseau solitaire; mais c'est contre le témoignage formel de Gcsner, qui paroît être le seul auteur qui ait parlé de cet oiseau d'après sa propre observation, et que M. Klein copie lui-même dans tout le reste, sans le savoir, en co- piant Albin. PI x38 . i orne ai s axLarcLe t , scxilp . 1 LE CORBEAU 2. T,A CORBINE LE COllACIAS HUPPÉ OU SONNEUR. l5 recherche leurs nids aux environs de la Pentecôte, et ils s'en vont au mois de juin avant tous les autres oiseaux. Je ne sais pourquoi M. Barrère en a fait une espèce de courlis. Le sonneur se trouve sur les Alpes et sur les hautes montagnes d'Italie , de Stirie , de Suisse , de Bavière , et sur les hauts rochers qui bordent le Danube , aux environs de Passau et de Keilheym. Ces oiseaux choi- sissent pour leurs retraites certaines gorges bien ex- posées entre ces rochers, d'où leur est venu le nom de hlauss-rappen^ corbeaux des gorges. LE CORBEAU'. Cor VUS Corax. L. Quoique le nom de corbeau'^ ait etë donné par les nomenclateurs à plusieurs oiseaux, tels que les cor- 1. En latin, corvas; en espagnol, cuervo: en italien, corvo: en alle- mand, rabe, rave, kol-rave ; en anglois, raî^gn ; en suédois , korp; en polonois, kruk; en hébreu, oreb ; en arabe, gerahib ; en persan, ca- lak; en vieux françois, corbln; en Guienne, escorbeau. Ses petits se nomment corbillats et corbillards; et le mot corbiner exprimoit autre-, fois le cri des corbeaux et des corneilles, selon Cotgrave. En compa-. rant les noms qu'on a donnés à cet oiseau dans les idiomes modernes, on remarquera que ces noms dérivent tous visiblement de ceux qu'il avoit dans les anciennes langues, en se rapprochant plus ou moins de son cri. Il faut se souvenir que les voyageurs donnent souvent, et très mal à propos, le nom de corbeau à un oiseau d'Amérique, qui a été rapporté à l'espèce du vautour. 2. Le dessin ^|e celle planche a été fait d'après un de ces individus^ l6 LE COP. BKAt. neilles , les choucas, les craves ou coracias , etc., nous en restreindrons ici l'acception , et nous l'attri- buerons exclusivement à la seule espèce du grand corbeau , du corvus des anciens , qui est assez diffé- rent de ces autres oiseaux par sa grosseur^, ses mœurs, ses habitudes naturelles, pour qu'on doive lui appliquer une dénomination distinctive, et sur- tout lui conserver son ancien nom. Cet oiseau a été fameux dans tous les temps : mais sa réputation est encore plus mauvaise qu'elle n'est étendue, peut-être par cela même qu'il a été con- fondu avec d'autres oiseaux, et qu'on lui a imputé tout ce qu'il y avoit de mauvais dans plusieurs espè- ces. On l'a toujours regardé comme le dernier des oiseaux de proie, et comme l'un des plus lâches et des plus dégoûtants. Les voiries infectes , les charo- gnes pourries, sont, dit-on, le fonds de sa nourri- ture; s'il s'assouvit d'une chair vivante, c'est de celle des animaux foibles ou utiles, comme agneaux, le- vrauts, etc. ^. On prétend môme qu'il attaque quel- quefois les grands animaux avec avantage, et que, suppléant à la force qui lui manque par la ruse et l'a- gilité, il se cramponne sur le dos des buffles, les dont le plumage est plutôt brun que noir, et qui ont le bec plus fort et plus convexe que celui représenté dans la planche enluminée , n° 49^- 1 . Le corbeau est de la grosseur d'un bon coq ; il pèse trente-quatre ou trente-cinq onces : par conséquent, masse pour masse, il équivaut à trois corneilles et à deux freux. 2. Traité de la pipée, où l'on raconte la chasse d'un lièvre entre- prise par deux corbeaux qui, paroissant s'entendre, lui crevèrent les yeux et finirent par le prendre. # LE CORBEAU. ÎJ ronge tout vifs et en détail , après leur avoir crevé les yeux^; et ce qui rendroit cette férocité plus odieuse, c'est qu'elle seroit en lui l'effet non de la nécessité, mais d'un appétit de préférence pour la chair et le sang, d'autant qu'il peut vivre de tous les fruits, de toutes les graines, de tous les insectes, et même des poissons morts, et qu'aucun autre animal ne mérite mieux la dénomination d'^m?z/?;^r^ 2. Cette violence et cette universalité d'appétit ou plutôt de voracité, tantôt l'a fait proscrire comme un animal nuisible et destructeur, et tantôt lui a valu la protection des lois, comme à un animal utile et bien- faisant : en effet, un hôte de si grosse dépense ne peut qu'être à charge à un peuple pauvre et trop peu nombreux ; au lieu qu'il doit être précieux dans un pays riche et bien peuplé, comme consommant les immondices de toute espèce dont regorge ordinaire- ment un tel pays. C'est par cette raison qu'il étoit au- trefois défendu en Angleterre, suivant Belon, de lui 1. C'est peut-être là l'origine de Tantipathie qu'on a dit être entre le bœuf et le corbeau. Au reste , j'ai peine à croire qu'un corbeau atta- que un buffle, comme les voyageurs disent l'avoir observé. Il peut se faire que ces oiseaux se posent quelquefois sur le dos des buffles, comme la corneille mantelée se pose sur le dos des ânes et des mou- tons, et la pie sur le dos des cochons, pour manger les insectes qui courent dans le poil de ces animaux; il peut se faire encore que par- fois les corbeaux entament le cuir des buffles par quelques coups de bec mal mesurés, et même qu'ils leur crèvent les yeux, par une suite de cet instinct qui les porte à s'attacher à tout ce qui est brillant : mais je doute fort qu'ils aient pour but de les manger tout vifs, et qu'ils pussent en venir à bout. '2. J'en ai vu de privés qu'on nourrissoit en grande partie de viande, tantôt crue, tantôt cuile. î8 LE CORBEAU. faire aucune violence, et que, dans l'île Feroé, dans celle de Malte, etc. , on a mis sa tête à piix^. Si aux traits sous lesquels nous venons de repré- senter le corbeau on ajoute son plumage lugubre, son cri plus lugubre encore, quoique très foible à proportion de sa grosseur , son port ignoble , son regard farouche , tout son corps exhalant l'infec- lion^, on ne sera pas surpris que, dans presque tous les temps, il ait été regardé comme un objet de dé- goût et d'horreur : sa chair étoit interdite aux Juifs; les sauvages n'en mangent jamais; et, parmi nous, les plus misérables n'en mangent qu'avec répugnance et après avoir enlevé la peau, qui est très coriace. Par- tout on le met au nombre des oiseaux sinistres , qui n'ont le pressentiment de l'avenir que pour annoncer des malheurs. De graves historiens ont été jusqu'à publier la relation de batailles rangées entre des ar- mées de corbeaux et d'autres oiseaux de proie, et à donner ces combats comme un présage des guerres 1. A l'égard de lile de Malte, on m'assure que ce sont des cor- neilles : mais on me dit en même temps que ces corneilles sont établies sur les rochers les plus déserts de la côte ; ce qui me fait croire que ce sont des corbeaux. 2. Les auteurs de la Zoologie britannique sont les seuls qui disent que le corbeau exhale une odeur agréable; ce ([ui est difficile à croire d'un oiseau qui vit de charogne. D'ailleurs on sait par expérience que les corbeaux nouvellement tués laissent aux doigts une odeur aussi désagréable que celle du poisson. C'est ce que m'assure M. IJébert , observateur digue de toute confiance, et ce qui est confirmé par le té- moignage de Hernantlès, page 53 i. Il est vrai qu'on a dit du carancro, «spèce de vautour d'Amérique, à qui l'on a aussi appliqué le nom de eorbeau, qu'il exhale une odeur de musc, quoiqu'il vive de voirie; mais le plus grand nombre assure précisément le contraire. LE CORBEAU. I9 cruelles qui se sont allumées dans la suite entre les nations. Combien de gens encore aujourd'hui frémis- sent ot s'inquiètent au bruit de son croassement! Toute sa science de l'avenir se borne cependant, ainsi que celle des autres habitants de l'air, à connoî- tre mieux que nous l'éiément qu'il habite, à être plus susceptible de ses moindres impressions , à pressentir ses moindres changements, et à nous les annoncer par certains cris et certaines actions qui sont en lui l'elFet naturel de ces changements. Dans les provinces méridionales de la Suède, dit M. Linnaeus, lorsque le ciel est serein, les corbeaux volent très haut en faisant un certain cri qui s'entend de fort loin. Les auteurs de la Zoologie britannique ajoutent que dans cette circonstance ils volent le plus souvent par paires. D'autres écrivains, moins éclairés, ont fait d'autres remarques mêlées plus ou moins d'incertitudes et de superstitions. Dans le temps que les aruspices faisoient partie de la religion, les corbeaux, quoique mauvais prophètes, ne pouvoient qu'être des oiseaux fort intéressants; car la passion de prévoiries événements futurs, même les plus tristes, est une ancienne maladie du genre humain : aussi s'atlachoit-on beaucoup à étudier tou- tes leurs actions, toutes les circonstances de leur vol , toutes les diflerences de leur voix , dont on avoit compté jusqu'à soixante-quatie inflexions distinctes, sans parler d'autres différences plus fines et trop dif- ficiles à apprécier; chacune avoit sa signification dé- tenninée ; il ne manqua pas de charlatans pour en procurer l'intelligence , ni de gens simples pour y croire. Pline lui-même, qui n'étoit ni charlatan ni 20 LE CORBEAU. superstitieux, iïmîs qui travailla quelquefois sur de mauvais mémoires, a eu soin d'indiquer celle de tou- tes ces voix qui étoit la plus sinistre. Quelques uns ont poussé la foliç jusqu'à manger le cœur et les en- trailles de ces oiseaux, dans l'espérance de s'appro- prier leur don de prophétie. Non seulement le corbeau a un grand nouibre d'in- flexions de voix répondant à ses diflerentes aflections intérieures, il a encore le talent d'imiter le cri des autres animaux , et même la parole de l'homme ; et l'on a imaginé de lui couper le filet , afin 'de perfec- tionner cette disposition naturelle. Colas est le mot qu'il prononce le plus aisément; et Scaliger en a en- tendu un qui , lorsqu'il avoit faim, appeloit distinc- tement le cuisinier de la maison, nommé Conrad'^. Ces mots ont en elTet quelque rapport avec le cri or- dinaire du corbeau. On faisoit grand cas à Rome de ces oiseaux par- leurs; et un philosophe n'a pas dédaigné de nous ra- conter assez au long l'histoire de l'un d'eux. Ils n'ap- prennent pas seulement à parler ou plutôt à répéter la parole humaine, mais ils deviennent familiers dans la maison : ils se privent, quoique vieux, et parois- sent même capables d'un attachement personnel et durable^. i< Scaliger remarque, comme une chose plaisante, que ce même corbeau ayant trouvé un papier de musique, l'avoit criblé de coups de bec , comme s'il eût voulu lire cette musique (ou battre la mesure). Il me paroît plus naturel de penser qu'il avoit pris les notes pour des insectes, dont on sait qu'il fait quelquefois sa nourriture. 2. Témoin ce corbeau privé dont parle Schwenckfeld, lequel s'étant laissé entraîner trop loin par ses camarades sauvages, et n'ayant pu sans doute retrouver le lieu de sa demeure, reconnut dans la suite. LE CORBEAU. :M Par luie suite de cette souplesse de naturel , ils ap- prenuent aussi, non pas à dépouiller leur voracité , mais à la régler et à l'employer au service de l'iiomme. Pline parle d'un certain Craterus d'Asie, qui s'étoit rendu fauieux par son habileté à les dresser pour la chasse, et qui savoit se faire suivre, même par les cor- beaux sauvages. Scaliger rapporte que le roi Louis (apparemment Louis XII) en avoit un ainsi dressé ^ dont il se servoit pour la chasse des perdrix. Albert en avoit vu un autre à Naples qui prenoit et des perdrix et des faisans, et même d'autres corbeaux : mais, pour chasser ainsi les oiseaux de son espèce, il falloit qu'il y fût excité et comme forcé par la présence du fau- connier. Enfin il semble qu'on lui ait appris quelque- fois à défendre son maître , et à l'aider contre ses ennemis avec une sorte d'intelligence et par une ma- nœuvre combinée, du moins si l'on peut croire ce que rapporte Aulu-Gelle du corbeau de Valérius*. Ajoutons à tout cela que le corbeau paroît avoir unie grande sagacité d'odorat pour éventer de loin les ca- davres; Thucydide lui accorde même un instinct assez sûr pour s'abstenir de ceux des animaux qui sont morts de la peste : mais il faut avouer que ce prétendu dis- sar le grand chemin , l'ijornine qui avoit coutume de lui donner à manger, plana quelque temps au dessus de lui en croassant, comme jjour lui faire fête , vint se poser sur sa main , et ne le quitta plus. 1. Un Gaulois de grande taille ayant défié à un combat singulier les plus braves des Romains, un tribun, nommé Valérius, qui accepta le défi , ne triompha du Gaulois que par le secours d'un corbeau qui ne cessa de harceier son ennemi, et toujours à propos lui déchirant les mains avec son bec, lui sautant au visage et aux yeux, en un mot, Tembarrassant de manière qu'il ne put faire usage de toute sa force contre Valérius, à qui le nom de Covvinus eti resta. i;i;Fro\. xxi. 2 22 LE CORBEAU. cerneiïKint se dément quelquefois , et ne lempêche pas toujours de manger des choses qui lui sont con- traires, comme nous le verrons plus bas. Enfin c'est encore à l'un de ces oiseaux qu'on a attribue la sin- gulière industrie, pour amènera sa portée l'eau qu'il avoit aperçue au fond d'un vase trop étroit , d'y laisser tomber une à une de petites pierres, lesquelles, en s'amoncelant, firent monter l'eau insensiblement, et le mirent à môme d'étancher sa soif. Cette soif, si le fait est vrai , est un trait de dissemblance qui distin- gue le corbeau de la plupart des oiseaux de proie , surtout de ceux qui se nourrissent de proie vivante, lesquels n*aiment à se désaltérer que dans le sang, et dont l'industrie est beaucoup plus excitée par le besoin de manger que par celui de boire. Une autre diffé- rence c'est que les corbeaux ont les mœurs plus socia- les ; mais il est facile d'en rendre raison : comme ils mangent de toutes sortes de nourritures , ils ont plus de ressources que les autres oiseaux carnassiers; ils peuvent donc subsister en plus grand nombre dans un même espace de terrain , et ils ont moins de raison de se fuir les uns les autres. C'est ici le lieu de re- marquer que , quoique les corbeaux privés mangent de la viande crue et cuite , et qu'ils passent commu- nément pour faire, dans l'état de liberté, une grande destruction de mulots, de campagnols, etc.^, M. Hé- 1. On dit qu'à l'Ile-cle-France on conserve précieusement une cer- taine espèce de corbeau destinée à détruire les rais et les souris. ( Voyage d' un officier du roi, 1772 , pag. 122 et suiv. ) On dit que les îles Berniudes ayant été affligées pendant cinq an- nées de suite par une prodigieuse multitude de rats , qui dévoroient les plantes tl le.* arbres, et qui passoicnt à la nage successivemcni LE CORBEAU. 25 bert , qqi les a observés long-temps et de fort près , ne les a jamais vus s'acharner sur les cadavres, en déchiqueter la chair, ni même se poser dessus ; et il est fort porté à croire qu'ils préfèrent les insectes, et surtout les vers de terre , à toute autre nourriture : il ajoute qu'on trouve de la terre dans leurs excré- ments. Les corbeaux, les vrais corbeaux de montagne, ne sont point oiseaux de passage, et diffèrent en cela plus ou moins des corneilles , auxquelles on a voulu les as-=- socier. Ils semblent particulièrement attachés au ro- cher qui les a vus naître , ou plutôt sur lequel ils se sont appariés; on les y voit toute l'année en nombre à peu près égal, et ils ne l'abandonnent jamais entiè- rement. S'ils descendent dans la plaine c'est pour chercher leur subsistance : mais ils y descendent plus rarement l'été que l'hiver, parce qu'ils évitent les grandes chaleurs ; et c'est la seule influence que la dif- férente température des saisons paroisse avoir sur leurs habitudes. Ils ne passent point la nuit dans les bois, comme font les corneilles; ils savent se choi- sir, dans leurs montagnes, une retraite à l'abri du d'une île à Tau Ire , ces rats disparureul tout d'an coup , sans qu'on en pût assigner d'autre cause, sinon que dans les deux dernières années on avoit vu dans ces mêmes îles une grande quantité de corbeaux qui n'y avoîent jouiais paru auparavant, et qui n y ont point reparu depuis. Mais tout cela ne prouve point que les corbeaux soient de gi'ands des-^ tructeiirs de rats : car on peut êlre la dupe d'un préjugé dansTlIe-de- i<'rance comme ailleurs; et, à l'égard des rais des îlcsi Bermudes, il peut se l'aire qu'ils se soient entre-détruits , comme il arrive souvent , ou qu'ils soient morts de l'aim après avoir tout consommé, ou qu'ils aient été submergés et noyés par un coup de vent en passant d'une ile à l'autre, et cela sans que les corbeaux y aient eu beaucoup de part. 51 4 t.E CORBEAU. nord, sous des voùfes naturelles, formées par des avances ou des enfoncements de rocher : c'est là qu'ils se retirent pendant la nuit, au nombre de quinze ou vingt. Ils dorment perchés sur les arbrisseaux qui croissent entre les rochers rils font leurs nids dans les crevasses de ces mêmes rochers, ou dansles trous de murailles, au haut des vieilles tours abandonnées, et quelquefois sur les hautes branches des grands ar- bres isolés^. Chaque mâle a sa femelle, à qui il de- meure attaché plusieurs années de suite : car ces oiseaux si odieux, si dégoûtants pour nous, savent néanmoins s'inspirer un amour réciproque et çon- . stant ; ils savent aussi l'exprimer, comme la tourte- relle, par des caresses graduées, et semblent con- noître les nuances des préludes et la voluptédes détails. Le mâle, si Ton en croit quelques anciens, commence toujours par une espèce de chant d'amour; ensuite on les voit approcher leurs becs, se caresser, se baiser; et l'on n'a pas manqué de dire, comme de tant d'au- tres oiseaux, qu'ils s'accouploient par le bec 2. Si cette absurde méprise pouvoit être justifiée, c'est parce qu'il est aussi rare devoir ces oiseaux s'accoupler réel- lement qu'il est commun de les voir se caresser : en effet, ils ne se joignent presque jamais de jour, ni dans un lieu découvert, mais au contraire dans les 1 . M. Linu?eus dit qu'eu Suède le corbeau niche principalement sur les sapins ; et M, Frisch , qu'en Allemagne c'est principaiement sur les grands chênes. Gela veut dire qu'il préfère les arbi(\s les plus hauts , et non l'espèce du chêne ou du sapin. 2. Aristote, qui attribue cette absurdité à Anaxagore , a bien voulu la réfuter sérieusement, eu disant que les corbeaux femelles avoient une vulve et des ovaires ; que si la semence du maie passoitparle ventricule de la femelle . elle s'y digèreroit et ne produiroit rien. LE COU BEAU. 2,) endroits les plus retirés et les plus sauva«>es^, comme s'ils avoient rinstinct de se mettre en sûreté dans le secret de la nature, pendant la durée d'une action qui, se rapportant tout entière à la conservation de l'espèce, semble suspendre dans l'individu le soin actuel de sa propre existence. Nous avons déjà vu le Jean-le-blanc se cacher pourboire, parce qu'en bu- vant il enfonce son bec dans l'eau jusqu'aux yeux, et par conséquent ne peut être alors sur ses gardes. Dans tous ces cas, les animaux sauvages se cachent par une sorte de prévoyance qui , ayant pour but immédiat le soin de leur propre conservation, paroît plus près de l'instinct des bêtes que tous les motifs de décence dont on a voulu leur faire honneur; et ici le corbeau a d'autant plus besoin de cette prévoyance, qu'ayant moins d'ardeur et de force pour l'acte de la généra- tion, son accouplement doit probablement avoir une certaine durée. La femelle se distingue du mPde, selon Barrère , en ce qu'elle est d'un noir moins décidé, et qu'elle a le bec plus foible; et, en effet, j'ai bien observé dans certains individus des becs plus forts et plus convexes que dans d'autres, et différentes teintes de noir et même de brun dans le plumage : mais ceux qui avoient le bec le plus fort étoientd'un noir moins décidé, soit que cette couleur fût naturelle, soit qu'elle fût altérée par le temps et par les précautions fju'on a coutume de prendre pour la conservation des oiseaux desséchés. Cette femelle pond , aux environs i . Albert dit qu'il a été témoin uue seule lois de raccouplcraeut de» rorbeaux, et qu'il se passe comme dans les autres espèces d'oiseau\. 26 tE CORBEAU. du mois de mars^, jusqu'à cinq ou six œufs, d'un vert pâle et bleuâtre , marqué d'un grand nom- bre de taches et de traits de couleur obscure. Elle les couve pendant environ vingt jours, et, pen- dant ce temps, le mâle a soin de pourvoir à sa nourriture : il y pourvoit môme largement ; car les gens de la campagne trouvent quelquefois dans les nids des corbeaux, ou aux environs, des amas assez considérables de grains, de noix, et d'autres fruits. Il est vrai qu'on a soupçonné que ce n'étoit pas seule- ment pour la subsistance de la couveuse au temps de l'incubation, mais pour celle de tous deux pendant l'hiver. Quoi qu'il en soit de leur intention, il est certain que cette habitude de faire ainsi des provisions et de cacher ce qu'ils peuvent attraper, ne se borne pas aux comrnestibles , ni même aux choses qui peu- vent leur être utiles, elle s'étend encore à tout ce qui . se trouve à leur bienséance ; et il paroît qu'ils préfè- rent les pièces de métal et tout ce qui brille aux yeux. On en a vu un àErford,quieutbien la patience dépor- ter une à une, et de cacher sous une pierre , dans un jardin, une quantité de petites monnoies, jusqu'à con- currence de cinq ou sixflorins; et il n'y a guère de pays qui n'ait son histoire de pareils vols domestiques. Quand les petits viennent d'éclore, il s'en faut bien qu'ils soient de la couleur des père et mère ; ils' sont plutôt blancs que noirs, au contraire des jeunes cygnes, qui doivent être un jour d'un si beau blanc, et qui commencent par être bruns. Dans ]es premiers 1. Willughhy dit que quelquefois les corbeaux }X)uclent encore plus tôt en Angleterre. LE CORBEAU. 27 jours, la mère semble un peu négliger ses petits; elle ne leur donne à manger que lorsqu'ils commen- cenl à avoir des plumes ; et i on n'a pas manqué de dire qu'elle ne commençoit que de ce moment à les reconnoître à leur plumage naissant, et à les trai- ter véritablement comme siens. Pour moi, je ne vois dans cette diète des premiers jours que ce que l'on voit plus ou moins dans presque tous les autres animaux, et dans l'homme lui-même ; tous ont eu besoin d'un peu de temps pour s'accoutumer à un nouvel élément, à une nouvelle existence. Pendant ce temps de diète , le petit oiseau n'est pas dépourvu de toute nourriture : il en trouve une au dedans de lui-même , et qui lui est très analogue ; c'est le restant du jaune que renferme Vabdomen ^ et qui passe in- sensiblement dans les intestins par un conduit parti- culier. La mère , après ces premiers temps, nourrit ses petits avec des aliments convenables, qui ont déjà subi une préparation dans son jabot, et qu'elle leur dé- gorge dans le bec, à peu près comme font les pigeons. Le mâle ne se contente pas de pourvoir à la subsis- tance de la famille, il veille aussi pour sa défense; et s'il s'aperçoit qu'un milan, ou tel autre oiseau de proie , s'approche du nid, le péril de ce qu'il aime le rend courageux; il prend son essor, gagne le dessus, et se rabattant sur l'ennemi , il le frappe violemment de son bec. Si l'oiseau de proie fait des efïbrts pour reprendre le dessus, le corbeau en fait de nouveaux pour conserver s.on avantage; et ils s'élèvent quelque- fois si haut, qu'on les perd absolument de vue, jus- qu'à ce que, excédés de fatigue, l'un ou l'autre, ou lous les deux, se laissent tomber du haut des airs, !>8 LE COllBEAL. Aristote et beaucoup d'autres d'après lui , préten- dent que, lorsque les petits commencent à être en état de voler, le père et la mère les obligent à sortir élu nid et à faire usage de leurs ailes; que bientôt même ils les chassent totalement du district qu'ils se sont approprié, si ce district, trop stérile ou trop resserré, ne suffit pas à la subsistance de plusieurs couples; et en cela ils se montreroient véritablement oiseaux de proie : mais ce fait ne s'accorde point avec les obser- vations que M. Hébert a faites sur les corbeaux des montagnes duBugey, lesquels prolongent l'éducation de leurs petits ^ et continuent de pourvoir à leur subsistance bien au delà du terme où ceux-ci sont en état d'y pourvoir par eux-mêmes. Comme l'occasion de faire de telles observations , et le talent de les faire aussi bien, ne se rencontrent pas souvent, j'ai cru devoir en rapporter ici le détail dans les propres ter- mes de l'observateur. « Les petits corbeaux éclosent de fort bonne heure, et dès le mois de mai ils sont en état de quitter le nid. Il en naissoit chaque année une famille en face de mes fenêtres, sur des rochers qui bornoient la vue. Les petits, au nombre de quatre ou cinq, se tenoient sur de gros blocs éboulés à une hauteur moyenne, où il étoit facile de les voir; et ils se fai- soient d'ailleurs assez remarquer par un piaulement presque continuel. Chaque fois que le père ou la mère leur apportoient à manger, ce qui arrivoit plu- sieurs fois le jour, ils les appeîoient par un cri craii^ cran ^ craUj très différent de leur piaulement. Quel- quefois il n'y en avoit qu'un seul qui prît Tessor , et , après un léger essai de ses forces, il revenoit se poser LE COKBEAl. 2Ç) sur SOU rocher; presque toujours il eu restoit quel- qu'uu , et c'est alors que son piaulement devenoit continuel. Lorsque les petits avoient l'aile assez forte pour voler, c'est-à-dire quinze jours au moins après leur sortie du nid, les père et mère les emmenoient tous les matins avec eux et les ranienoient tous les soirs. C'ëtoit toujours sur les cinq ou six heures après midi que toute la bande revenoit au gîte, et le reste de la soirée se passoit en criailleries très incommodes. Ce manège duroit tout l'été ; ce qui donne lieu de croire que les corbeaux ne font pas deux couvées par an. « Gesner a nourri de jeunes corbeaux avec de la chair crue , de petits poissons et du pain trempé dans l'eau. Ils sont forts friands de cerises, et ils les avaient avi- dement avec les queues et les noyaux; mais ils ne digèrent que la pulpe, et deux îseures après ils ren- dent par le bec les noyaux et les queues. On dit qu'ils rejettent aussi les os des animaux qu'ils ont avalés avec la chair, de même que la crécerelle, les oiseaux de proie nocturnes, les oiseaux pêcheurs, etc. , ren- dent les parties dures et indigestes des animaux ou des poissons qu'ils ont dévorés. Pline dit que les cor- beaux sont sujets tous les étés à une maladie pério- dique de soixante jours, dont, selon lui , le principal symptôme est une grande soif; mais je soupçonne que cette maladie n'est autre chose que la mue, la- quelle se fait plus lentement dans le corbeau que dans plusieurs autres oiseaux de proie. Aucun observateur, que je sache, n'a déterminé l'âge auquel les jeunes corbeaux, ayant pris la plus grande partie de leur accroissement, sont vraiment adultes et en état de se reproduire; et si chaque pé- 5o LE CORBEAU. riode de la vie étoit proportionnée dans les oiseaux , comme dans les animaux quadrupèdes , à la durée de la vie totale , on pourroit soupçonner que les cor- beaux ne deviendroient adultes qu'au bout de plu- sieurs années; car, quoiqu'il y ait beaucoup à rabattre sur la longue vie qu'Hésiode accorde aux corbeaux^, cependant il paroît assez avéré que cet oiseau vit quelquefois un siècle et davantage : on en a vu, dans plusieurs villes de France, qui avoient atteint cet âge ; et, dans tous les pays et tous les temps, il a passé pour un oiseau très vivace : mais il s'en faut bien que le terme de l'âge adulte , dans cette espèce , soit re- tardé en proportion de la durée totale de la vie ; car sur la fin du premier été , lorsque toute la famille vole de compagnie, il est déjà difficile de distinguer à la taille les vieux d'avec les jeunes ; et dès lors il est très probable que ceux-ci sont en état de se repro- duire dès la seconde année. Nous avons remarqué plus haut que le corbeau n'étoit pas noir en naissant : il ne l'est pas non plus en mourant, du moins quand il meurt de vieillesse ; car, dans ce cas, son plumage change sur la fin, et 1. Hesiodus cornici novem nostras altvlbuU œtaies^ quadruplum (jus cervis, id triplicatum corvls. ( Piin., l'ih. VII, cap. l\oiirco. LE COTIBEAI. v>,) vingt pennes , dont les deux ou trois premières^ sont plus courtes que la quatrième , qui est la plus longue de toutes^ , et dont les moyennes ont une sin- gularité, c'est quelextréniiléde leur côte se prolonge au delà des barbes et finit en pointe. La queue a douze pennes d'environ huit pouces, cependant un peu inégales, les deux du milieu étant les plus longues, et ensuite les plus voisines de celles-là; en sorte que le bout de la queue paroît un peu arrondi sur son plan horizontal^ : c'est ce que j'appellerai dans la suite queue étagéc. De la longueur des ailes on peut presque toujours conchu^e la hauteur du vol : aussi les corbeaux ont- ils le vol très élevé, coiiune nous l'avons dit, et il n'est pas surprenant qu'on les ait vus dans les temps de nuées et d'orage traverser les airs ayant le bec chargé de feu. Ce feu n'étoit autre chose sans doute que ce- lui des éclairs mêmes, je veux dire qu'une aigrette lumineuse formée à la pointe de leur bec par la ma- tière électrique, qui, comme on sait, remplit la région supérieure de l'atmosphère dans ces temps d'orage : et, pour le dire en passant, c'est peut-être quelque observation de ce genre qui a valu à l'aigle le titre de ministre de la foudre; car il est peu de fables qui ne soient fondées sur la vérité. De ce que le corbeau a le vol élevé, comme nous i. MM. Brissou el Linnseus disent deux, et M. Willughby dit troi>. 2. Ce sont CCS peuues de l'aile ([ni servent aux facteurs pour emplu- mer les sautereaux des clavecius , et aux dessinateurs pour dessiner à la plaine. 5. Ajoutez à cela que les corbeau .: ont . sur presque tout le corps , double espèce de plumes, et tellement adhcreutes à la peau, qu'on ne peut les arracher qu'à force d'eau chaude. 34 LE CORBEAU. venons de le voir, et de ce qu'il s'accommode à toutes les températures, comme chacun sait, il s'ensuit que le monde entier lui est ouvert, et qu'il ne doit être exclu d'aucune région. En effet, il est répandu depuis le cercle polaire jusqu'au cap de Bonne -Espérance et à l'île de Madagascar, plus ou moins abondamment, selon que chaque pays fournit plus ou moins de nour- riture, et des rochers qui soient plus ou moins à son gré. 11 passe quelquefois des côtes de Barbarie dans l'île de Ténériffe. On le retrouve encore au Mexique, à Saint-Domingue, au Canada, et sans doute dans les autres parties du nouveau continent et dans les îles adjacentes. Lorsqu'une fois il est établi dans un pays et qu'il y a pris ses habitudes, il ne le quitte guère pour passer dans un autre. 11 reste même attaché au nid qu'il construit, et il s'en sert plusieurs années de suite, comme nous l'avons vu ci-dessus. Son plumage n'est pas le même dans tous les pays. Indépendamment des causes particulières qui peuvent en altérer la couleur ou la faire varier du noir au brun et même au jaune, comme je l'ai remarqué plus haut, il subit encore plus ou moins les influences du climat : il est quelquefois blanc en Norwége et en Islande, où il y a aussi des corbeaux tout- à-fait noirs, et en assez grand nombre. D'un autre côté , on en trouve de blancs au centre de la France et de l'Allemagne, dans des nids où i! y en a aussi de noirs. Le corbeau du Mexique , appelé cacaloti par Fernandès, est varié de ces deux couleurs; celui de la baie de Saîdagne a un collier blanc; celui de Madagascar, appelé 6'6>t76'A selon Flaccourt, a du blanc sous le venlre; et l'on retro'ive le même mélange de blanc et de noir dans LE GOllBEAU. 55 quelques individus de la race qui réside en Europe, même dans celui à qui M. Brisson a donné le nom de corbeau blanc da Nord^ et qu'il eût été plus naturel, ce me semble, d'appeler corbeau noir et blanc ^ puis- qu'il a le dessus du corps noir, le dessous blanc, et la tête blanche et noire, ainsi que le bec, les pieds, la queue, et les ailes. Celles-ci ont vingt-une pennes, et la queue en a douze , dans lesquelles il y a une singularité à remarquer; c'est que les correspondantes de chaque côté , je veux dire les pennes qui , de cha- que côté, sont à égale distance des deux du milieu, et qui sont ordinairement semblables entre elles pour la forme et pour la distribution des couleurs, ont, dans l'individu décrit par M. Brisson, plus ou moins de blanc, et distribué d'une manière différente : ce qui me feioit soupçonner que le blanc est ici une altération de la couleur naturelle, qui est le noir; un effet accidentel de la température excessive du climat, laquelle, comme cause extérieure, n'agit pas toujours uniformément en toutes saisons ni en toutes circon- stances, et dont les effets ne sont jamais aussi régu- liers que ceux qui sont produits par la constante ac- tivité du moule intérieur; et si ma conjecture est vraie, il n'y a aucune raison de faire une espèce par- ticuhère, ni même une race ou variété permanente, de cet oiseau, lequel ne diffère d'ailleurs de notre corbeau ordinaire que par ses ailes un peu plus lon- gues ; de même que tous les autres animaux des pays du Nord ont le poil plus long que ceux de même es- pèce qui habitent des climats tempérés. Au reste, les variations dans le plumage d'un oiseau aussi généralement, aussi profondément noir que le 56 LE cou BEAT. corbeau, variations produites par la seule différence de l'âge, du climat, ou par d'autres causes purement accidentelles, sont une nouvelle preuve ajoutée à tant d'autres, que la couleur ne fit jamais un caractère constant, et que dans aucun cas elle ne doit être re- gardée comme attribut essentiel. Outre cette variété de couleur, il y a aussi dans l'espèce des corbeaux variété de grandeur : ceux du mont Jura, par exemple, ont paru à M. Hébert, qui a été à portée de les observer, plus grands et plus forts que ceux des montagnes du Bugey; et Aristote nous apprend que les corbeaux et les éperviers sont plus petits dans l'Egypte que dans la Grèce. OISEAUX ÉTRANGERS OUÏ ONT RAPPORT AU CORBEAU. LE CORBEAU DES INDES DE BONTIUS. Cet oiseau se trouve aux îles Moluques , et princi- palement dans celle de Banda. Nous ne le connoissons que par une description incomplète et par une figure très mauvaise; en sorte qu'on ne peut déterminer que par conjecture celui de nos oiseaux d'Europe auquel ii doit être rapporté. Bontius, le premier et je crois le seul qui l'ait vu, l'a regardé comme un corbeau; en LE CORBEAU DES INDES DE liO?rriUS. .}- quoi il a été suivi par Ray, Willughby, et quelques autres : mais M. Brisson en a fait un calao. J'avoue que Je suis de l'avis des premiers, et voici mes raisons en peu de mots. Cet oiseau a, suivant Bontius, le bec et la démar- che de notre corbeau, et en conséquence il lui en a donné le nom, malgré son cou un peu long, et la petite protubérance que la figure fait paroître sur le bec; preuve certaine qu'il ne connoissoit aucun autre oiseau avec lequel celui-ci eût plus de rapports, et néanmoins il connoissoit le calao des Indes. Bontius ajoute, à la vérité, qu'il se nourrit de noix muscades, et M. Willughby a regardé cela comme un trait mar- qué de dissemblance avec nos corbeaux : cependant nous avons vu que ceux-ci mangent les noix du pays, et qu'ils ne sont pas aussi carnassiers qu'on le croit communément. Or cette différence, étant ainsi ré- duite à sa juste valeur, laisse au sentiment de l'uni- que observateur qui a vu et nommé l'oiseau toute son autorité. D'un autre côté, ni la description de Bontius, ni la figure, ne présentent le moindre vestige de cette dentelure du bec dont M. Brisson a fait un des ca- ractères de la famille des calaos; et la petite protubé- rance qui paroît sur le bec dans la figure ne semble point avoir de rapport avec celle du bec du calao. Enfin le calao n'a ni ces tempes mouchetées, ni ces plumes du cou noirâtres dont il est parlé dans la des- cription de Bontius; et il a lui-même un bec si singu- lier, qu'on ne peut, ce me semble, supposer qu'un observateur l'ait vu et n'en ait rien dit, et surtout qu'il l'ait pris pour un bec de corbeau ordinaire. BIFFON. XSI. 58 LE COIVBEAU DES INDES DE BONTIUS. La chair du corbeau des Indes de Bontius a un fu- met aromatique très agréable, quelle doit aux mus- cades, dont l'oiseau fait sa principale nourriture; et il y a toute apparence que si notre corbeau se nour- rissoit de môme, il perdroit sa mauvaise odeur. Il faudroit avoir vu le corbeau du désert [raabei Zahara) , dont parle le docteur Shaw, pour le rap- porter sûrement à l'espèce de notre pays dont il se rapproche le plus. Tout ce qu'en dit ce docteur c'est qu'il est un peu plus gros que notre corbeau, et qu'il a le bec et les pieds rouges. Cette rougeur des pieds et du bec est ce qui a déterminé M. Shaw à le regar- der comme un grand coracias. A la vérité, l'espèce du coracias n'est point étrangère à l'Afrique, comme nous l'avons vu plus haut; mais un coracias plus grand qu'un corbeau ! Quatre lignes de description bien faite dissiperoient toute cette incertitude; et c'est pour obtenir ces quatre lignes de quelque voyageur in- struit, que je fais ici mention d'un oiseau dont j'ai si peu à dire. Je trouve encore dans Ka3mpfer deux oiseaux aux- quels il donne le nom de corbeaux ,, sans indiquer au- cun caractère qui puisse justifier cette dénomina- tion. L'un est, selon lui, d'une grosseur médiocre, mais extrêmement fier; on l'avoit apporté de la Chine au Japon pour en faire présent à l'empereur : l'autre, qui fut aussi ofi'ert à l'empereur du Japon, étoit uji oiseau de Corée, fort rare, appelé corelgavas j, c'est- à-dire corbeau de Corée. Rcempfer ajoute qu'on ne trouve point au Japon les corbeaux qui sont com- muns en Europe , non plus que les perroquets et quel- ques autres oiseaux des Indes. LE CORBEAU DES INDES DE BONTIUS. 5(.) Nota, Ce seroit ici le ii*eu de placer l'oiseau d'Ar- ménie, que M. de Tournefort a appelé roi des corbeaux^ si cet oiseau étoit en effet un corbeau , ou seulement s'il approchoit de cette famille. Mais il ne faut que jeter les yeux sur le dessin en miniature qui le repré- sente, pour juger qu'il a beaucoup plus de rapports avec les paons et les faisans par sa belle aigrette , par la richesse de son plumage , par la brièveté de ses ai- les, par la forme de son bec, quoiqu'il soit un peu plus allongé , et quoiqu'on remarque d'autres diffé- rences dans la forme de la queue et des pieds. Il est nommé avec raison sur ce dessin, avis Persica paoni congencr; et c'est aussi parmi les oiseaux étrangers analogues aux faisans et aux paons que j'en aurois parlé, si ce même dessin fût venu plus tôt à ma con- noissance ^. LA CORBINE ou CORNEILLE INOIRE^. Corvus Corone. L. Quoique cette corneille, n'*4S->? diffère à beaucoup d'égards du grand Corbeau, surtout parla grosseur et 1. Il est à l.-^ Bibliothèque du Roi , daus le cabinet des estampes , et fait }3aitie de cette belle suite de miniatures en grand qui leprcsenlent d'après nature les objets les plus intéressants de l'histoire naturelle. 2. En italien, comice, cornacchia, cornacclùo, gracchia; en espagnol, qô LA GOHBINE OU COnNEILLE NOIRE. par quelques unes de ses habitudes naturelles, ce- pendant il faut avouer que , d'un autre côté, elle a assez de rapports avec lui , tant de conformation et de couleur que d'instinct, pour justifier la dénomina- tion de corblne j qui est en usage dans plusieurs en- droits, et que j'adopte par la raison qu'elle est en usage. Ces corbines passent l'été dans les grandes forêts, d'où elles ne sortent de temps en temps que pour chercher leur subsistance et celle de leur couvée. Le fonds principal de cette subsistance au printemps ce sont les œufs de perdrix, dont elles sont très friandes, et qu'elles savent môme percer fort adroitement pour les porter à leurs petits sur la pointe de leur bec. Comme elles en font une grande consommation, et qu'il ne faut qu'un moment pour détruire l'espé- rance d'une famille entière, on peut dire qu'elles ne sontpas les moins nuisibles des oiseaux de proie, quoi- qu'elles soient les moins sanguinaires. Heureusement il n'en reste pas un grand nombre pendant l'été ; on en trouveroit difficilement plus de deux douzaines de pai- res dans une foret de cinq ou six lieues de tour aux envirans de Paris. En hiver elles vivent avec les mantelées, lesfrayon- nes ou les freux, et à peu près de la même manière : c'est alors que l'on voit, autour des lieux habités, des volées nombreuses, composées dé toutes les sortes de corneilles, se tenant presque toujours à terre pen- dant le jour, errant pêle-mêle avec nos troupeaux et nos bergers, voltigeant sur les pas de nos laboureurs, et sautant quelquefois sur le dos des cochons et des brebis avec une familiarité qui les feroit prendre pour LA COKBINE OU COIINEILLE NOIKE. 4' des oiseaux domestiques et apprivoisés. La iiuit , elies se retirent dans les forets sur de grands arbres qu'elles paroissent avoir adoptés, et qui sont des espèces de rendez-vous, des points de ralliement, où elles se rassemblent le soir de tous côtés , quelquefois de plus de trois lieues à la ronde, et d'où elles se dispersent tous les matins : mais ce genre de vie , qui est com- mun aux trois espèces de corneilles, ne réussit pas également à toutes; car les corbines et les mantelées deviennent prodigieusement grasses, au contraire des frayonnes, qui sont presque toujours maigres; et ce n'est pas la seule différence qui se remarque entre ces espèces. Sur la fin de l'hiver, qui est le temps de leurs amours, tandis que les frayonnes vont nicher dans d'autres climats, les corbines qui disparoissent en même temps de la plaine, s'éloignent beaucoup moins : la plupart se réfugient dans les grandes forêts qui sont à portée; et c'est alors qu'elles rompent la société générale pour former des unions plus intimes et plus douces : elles se séparent deux à deux, et semblent se partager le terrain, qui est toujours une forêt, de manière que chaque paire occupe son district d'en- viron un quart de lieue de diamètre, dont elle exclut toute autre paire ^, et d'où elle ne s'absente que powr aller à la provision. On assure que ces oiseaux restent constammentappariés toute leur vie; on pré tend môme que , lorsque l'un des deux vient à mourir, le survivant lui demeure fidèle, et passe le reste de ses jours dans une irréprochable viduité. 1. C'est peut-être ce qui a donné lieu de dire que les corbeaux chassoient leurs petits de leur district sitôt que ces petits étoient eu état de voWr. 42 LA COKBINE OU CORNEIILE NOIRE. On reconnoît la femelle à son plumage , qui a moins de lustre et de reflets. Elle pond cinq ou six œufs; ellelescouveenviron trois semaines, etpendant qu'elle couve le mâle lui apporte à manger. J'ai eu occasion d'examiner un nid de corbine, qui m'avoit été apporté dans les premiers jours du mois de juillet. On l'avoit trouvé sur un chêne à la hauteur de huit pieds, dans un bois en coteau où il y avoit d'autres chênes plus grands. Ce nid pesoit deux ou trois livres : il étoit fait en dehors de petites branches et d'épines entrelacées grossièrement et mastiquées avec de la terre et du crotin de cheval ; le dedans étoit plus mollet, et construit plus soigneusement avec du chevelu de racines. J'y trouvai six petits éclos; ils étoient encore vivants, quoiqu'ils eussent été vingt- quatre heures sans manger : ils n'avoient pas les yeux ouverts; on ne leur apercevoit aucune plume, si ce n'est les pennes de l'aile qui commençoient à poin- dre : tous avoient la chair mêlée de jaune et de noir, le bout du bec et des ongles jaunes, les coins de la bouche blanc sale, le reste du bec et des pieds rou- geatre. Lorsqu'une buse ou une crécerelle vient à passer près du nid, le père et la mère se réunissent pour l'attaquer, et ils se jettent sur elle avec tant de fureur, qu'ils la tuent quelquefois en lui crevant la tête à coups de bec. Ils se battent aussi avec les pies-griè- ches ; mais celles-ci , quoique plus petites , sont si cou- rageuses qu'elles viennent souvent à bout de les vain- cre, de les chasser, et d'enlever toute la couvée. Les anciens assurent que les corbines, ainsi que les corbeaux, continuent leurs soins à leurs petits LA CORBINE OU CORNEILLE NOIRE. L^3 bien au delà du temps où ils sont en état de voler. Cela me paroît vraisemblable : je suis môme porté à croire qu'ils ne se séparent point du tout de la pre- mière année; car ces oiseaux étant accoutumés à vi- vre en société, et cette habitude, qui n'est interrom- pue que par la ponte et ses suites, devant bientôt 1er réunir avec les étrangers, n'est-il pas naturel qu'ils continuent la société commencée avec leur famille, et qu'ils la préfèrent même à toute autre? La corbine apprend à parler comme le corbeau, et comme lui elle est omnivore : insectes, vers, œufs d'oiseaux, voiries, poissons, grains, fruits, toute nour- riture lui convient; elle sait aussi casser les noix en les laissant tomber d'une certaine hauteur. Elle visite les lacets et les pièges, et fait son profit des oiseaux qu'elle y trouve engagés; elle attaque même le petit gibier affoibli ou blessé, ce qui a donné l'idée dans quelques pays de l'élever pour la fauconnerie : mais, par une juste alternative, elle devient à son tour la proie d'un ennemi plus fort, tel que le milan, le grand duc, etc. Son poids est d'environ dix ou douze onces. Elle a douze pennes à la queue, toutes égales; vingt à chaque aile, dont la première est la plus courte, et la quatrième la plus longue; environ trois pieds de vol ^; l'ouverture des narines ronde et recouverte par des espèces de soies dirigées en avant ; quelques grains noirs autour des paupières; le doigt extérieur de cha- que pied uni à celui du milieu jusqu'à la première articulation; la langue fourchue et uîôme effilée; le 1. Willughby ne leur donne que deux pieds de vol ; ce seroil moins qu'il n'en donne au choucas. Je crois que c'est une faute d'impression. 44 LA CORBINE OU CORNEILLE NOIRE. ventricule peu rnusculeux; les intestins roulés en un grand nombre de circonvolutions ; les cœcum longs d'un demi-pouce ; la vésicule du fiel grande et com- muniquant au tube intestinal par un double conduit; enfin le fond des plumes, c'est-à-dire la partie qui ne paroît point au dehors, d'un cendré foncé. Comme cet oiseau est fort rusé, qu'il a l'odorat très subtil, et qu'il vole ordinairement en grandes troupes, il se laisse difficilement approcher, et ne donne guère dans les pièges des oiseleurs. On en attrape cepen- dant quelques uns à la pipée, en imitant le cri de la chouette et tendant les gluaux sur les plus hautes branches, ou bien en les attirant à la portée du fusil ou même de la sarbacane, par le moyen d'un grand duc ou de tel autre oiseau de nuit qu'on élève sur des juchoirs dans un lieu découvert. On les détruit en leur jetant des fèves de marais, dont elles sont très friandes, et que l'on a eu la précaution de garnir en dedans d'aiguilles rouillées. Mais la façon la plus sin- gulière de les prendre est celle-ci que je rapporte, parce qu'elle fait connoître le naturel de l'oiseau. Il faut avoir une corbine vivante : on l'attache solide- ment contre terre, les pieds en haut, parle moyen de deux crochets qui saisissent de chaque côté l'ori- gine des ailes; dans cette situation pénible, elle ne cesse de s'agiter et de crier : les autres corneilles ne manquent pas d'accourir de toutes parts à sa voix, comme pour lui donner du secours; mais la prison- nière, cherchant à s'accrocher à tout pour se tirer d'embarras, saisit avec le bec et les griffes, qu'on lui a laissés libres, toutes celles qui s'approchent, et les livre ainsi à l'oiseleur. On les prend encore avec des LA CORBINE OU CORNEILLli NOIRE. l[^ cornets de papier appâtés de viande crue. Lorsque la corneille introduit sa tête pour saisir l'appât qui est au fond, les bords du cornet, qu'on a eu la précau- tion d'engluer, s'attachent aux plumes de son cou ; elle en demeure coiflée, et, ne pouvant se débarrasser de cet incommode bandeau qui lui couvre entière- ment les yeux, elle prend l'essor et s'élève en l'air presque perpendiculairement (direction la plus avan- tageuse pour éviter les chocs) , jusqu'à ce qu'ayant épuisé ses forces, elle retombe de lassitude, et tou- jours fort près de l'endroit d'où elle étoit partie. En général, quoique ces corneilles n'aient le vol ni léger ni rapide, elles montent cependant à une très grande hauteur; et lorsqu'une fois elles y sont parvenues, elles s'y soutiennent long-temps, et tournent beau- coup. Comme il y a des corbeaux blancs et des corbeaux variés, il y a aussi des corbines blanches et des cor- bines variées de noir et de blanc, lesquelles ont les mêmes mœurs, les mêmes inclinations que les noires. Frisch dit avoir vu une seule fois une troupe d'hiron- delles voyageant avec une bande de corneilles variées, et suivant la môme route : il ajoute que ces corneilles variées passent l'été sur les côtes de l'Océan, vivant de tout ce que rejette la mer; que l'automne elles se retirent du côté du Midi ; qu'elles ne vont jamais par grandes troupes; et que, bien qu'en petit nombre, elles se tiennent à une certaine distance les unes des autres; en quoi elles ressemblent tout-à-fait à la cor- neille noire, dont elles ne sont apparemment qu'une variété constante, ou, si l'on veut, une race parti- culière. 46 Lk CORBINE OU CORNEILLE NOIRE. Il est fort probable que les corneilles des Maldives, dont parle François Pyrard, ne sont pas d'une autre espèce, puisque ce voyageur, qui les a vues de fort près, n'indique aucune différence; seulement elles sont plus familières et plus hardies que les nôtres : elles entrent dans les maisons pour prendre ce qui les accommode, et souvent la présence d'un homme ne leur en impose point. Un autre voyageur ajoute que ces corneilles des Indes se plaisent à faire dans une chambre, lorsqu'elles peuvent y pénétrer, toutes les malices qu'on attribue aux singes : elles dérangent les meubles, les déchirent à coups de bec, renversent les lampes, les encriers, etc. Enfin, selon Dampier, il y a à la Nouvelle-Hol- lande et à la Nouvelle-Guinée beaucoup de corneilles qui ressemblent aux nôtres; il y en a aussi à la Nou- velle-Bretagne : mais il paroat que, quoiqu'il y en ait beaucoup en France , en Angleterre, et dans une par- tie de l'Allemagne , elles sont beaucoup moins répan- dues dans le nord de l'Europe; car M. Klein dit que la corbine est rare dans la Prusse, et il faut qu'elle ne soit point commune en Suède, puisqu'on ne trouve pas même son nom dans le dénombrement qu'a donné M. Linnaeus des oiseaux de ce pays. Le P. Du Tertre assure aussi qu'il n'y en point aux Antilles, quoique, suivant un autre voyageur, elles soient fort communes à la Louisiane. LE FREUX, OU LA FRATONNE. 4? M<8«««<»»»«»* LE FREUX, ou LA FRAYONNE^. Corvus frugilegus. L. Le freux, n'' [^^[^, est d'une grosseur moyenne en- tre le corbeau et la corbine, et il a la voix plus grave que les autres corneilles. Son caractère le plus frap- pant et le plus distinctif c'est une peau nue, blanche, farineuse, et quelquefois galeuse, qui environne la base de son bec, à la place des plumes noires et di- rigées en avant, qui, dans les autres espèces de cor- neilles, s'étendent jusque sur l'ouverture des narines : il a aussi le bec moins gros, moins fort, et comme râpé. Ces disparités, si superficielles en apparence, en supposent de plus réelles et de plus considé- rables. Le freux n'a le bec ainsi râpé, et sa base déga'rnie de plumes, que parce que, vivant principalement de grains, de petites racines, et de vers, il a coutume d'enfoncer son bec fort avant dans la terre pour cher- cher la nourriture qui lui convient; ce qui ne peut manquer, à la longue, de rendre le bec raboteux, et de détruire [es germes des plumes de sa base, les- i. En latin , frugilega, cornix, frugivora, gracculus, suivant Belon ; en allemand , roeck , peut-être à cause de son bec inégal et raboteux ; en anglois , rook; en hollandois, koore-kraey. i\6 LE FRKUX, OU LA FKAYONNi:» quelles sont exposées à un frottement continuel ^. Cependant il ne faut pas croire que cette peau soit absolument nue : on y aperçoit souvent de petites plumes isolées; preuve très forte qu elle n'étoit point chauve dans le principe, mais qu'elle l'est devenue par une cause étrangère; en un mot, que c'est une espèce de difformité accidentelle, qui s'est changée en un vice héréditaire par les lois connues de la gé- nération. L'appétit du freux pour les grains, les vers, et les insectes, est un appétit exclusif; car il ne touche point aux voiries ni à aucune chair : il a de plus le ventricule musculeux et les amples intestins des gra- nivores. Ces oiseaux vont par troupes très nombreuses, et si nombreuses, que l'air en est quelquefois obscurci. On imagine tout le dommage que ceshordes de mois- sonneurs peuvent causer dans les terres nouvellement ensemencées, ou dansJes moissons qui approchent 1. M. Daubenton le jeune , garde- démonslrateur du Cabinet d'His- toire naturelle au Jardin du Roi, fit dernièrement, en se promenant à la campagne , une observation qui a rapport à ceci. Ce naturaliste , à qui l'ornithologie a déjà tant d'obligations, vit de loin , dans un ter- rain tout-à-fait inculte , six corneilles dont il ne put distinguer l'es- pèce , lesquelles paroissoient fort occupées à soulever et retourner les pierres éparses çà et là , pour faire leur profit des vers et des insectes qui étoient cachés dessous. Elles y alloienl avec tant d'ardeur, qu'elles faisoient sauter les pierres les moins pesantes à deux ou trois pieds. Si ce singulier exercice, que personne n'avoit encore attribué aux corneilles , est familier aux freux, c'est une cause de plus qui peut contribuer à user et faire tomber les plumes qui environnent la base de leur bec; et le nom de tourne-pierre, que jusqu'ici l'on avoit ap- pliqué exclusivement au couloncliaud, deviendra désormais un nom générique qui conviendra à plusieurs espèces. LE FREUX, OU LA FRAYONNE. 49 de la maturité : aussi, dans plusieurs pays, le gou- vernement a-t-îl pris des mesures pour les détruire. La Zoologie britannique réclame contre cette proscrip- tion , et prétend qu'ils font plus de bien que de mal , en ce qu'ils consomment une grande quantité de ces larves de hannetons et d'autres scarabées qui ron- gent les racines des plantes utiles, et qui sontsi redou- tés des laboureurs et des jardiniers. C'est un calcul à faire. Non seulement le freux vole par troupes, mais il niche aussi, pour ainsi dire, en société avec ceux de son espèce, non sans faire grand bruit; car ce sont des oiseaux très criards, et principalement quand ils ont des petits. On voit quelquefois dix ou douze de leurs nids sur le même chêne, et un grand nombre d'arbres ainsi garnis dans la même forêt, ou plutôt dans le môme canton. lis ne cherchent pas les lieux solitaires pour couver : ils semblent, au contraire, s'approcher, dans cette circonstance, des endroits habités; et Schwenckfeld remarque qu'ils préfèrent commimément les grands arbres qui bordent les ci- metières, peut-être parce que ce sont des lieux fré- quentés, ou parce qu'ils y trouvent plus de vers qu'ail- leurs ; car on ne peut soupçonner qu'ils y soient attirés par l'odeur des cadavres , puisque, comme nous l'avons dit, ils ne touchent point à la chair. Frisch assure que si , dans le temps de la ponte , on s'avance sous les ar- bres où ils sont ainsi établis, on est bientôt inondé de leur fiente. Une chose qui pourra paroître singulière , quoique assez conforme à ce qui se passe tous les jours entre des animaux d'autre espèce, c'est que, lorsqu'un cou- 50 LE FREUX, OU LA lUAYONNE. pie apparié travaille à faire son nid, il faut que l'un des deux reste pour le garder, tandis que l'autre va chercher des matériaux convenables. Sans cette pré- caution, et s'ils s'absentoient tous deux à la fois, on prétend que leur nid seroit pillé et détruit dans un instant par les autres freux habitants du même arbre, chacun d'eux emportant dans son bec son brin d'ar- bre ou de mousse pour l'employer à la construction de leur propre nid. Ces oiseaux commencent à nicher au mois de mars, du moins en Angleterre ; ils pondent quatre ou cinq œufs plus petits que ceux du corbeau, mais ayant des taches plus grandes, surtout au gros bout. On dit que le mâle et la femelle couvent tour à tour : lorsque les petits sont éclos et en état de manger, ils leur dégor- gent la nourriture, qu'ils savent tenir en réserve dans leur jabot, ou plutôt dans une espèce de poche for- mée par la dilatation de l'œsophage. Je trouve dans la Zoologie britannique que , la ponte étant finie, ils quittent les arbres où ils avoient niché; qu'ils n'y reviennent qu'au mois d'août, et ne com- mencent à réparer leurs nids ou à les refaire qu'au mois d'octobre. Cela suppose qu'ils passent à peu près toute l'année en Angleterre; mais en France, en Si- lésie, et en beaucoup d'autres contrées, ils sont cer- tainement oiseaux de passage, à quelques exceptions près, et avec cette différence, qu'en France ils an- noncent l'hiver, au lieu qu'en Silésie ilssontles avant- coureurs de la belle saison^. ]. J'ai vu à Bauine-la-Roche , qui est un village cle Bourgogne à quelques lieues de Dijon, eavironué de montagnes et de rochers es- carpés, et où la tcmpéralure est sensibleuieut plus froide qu'à Dijon ; LE FREUX, OU LA FRAYONNE. 5l Le freux habite en Europe, selon M. Linnaeus; ce- pendant ii paroît qu'il y a quelques restrictions à faire à cela, puisque Aldrovande ne croyoit pas qu'il s'en trouvât en Italie. On dit que les jeunes sont ÎDons à manger, et que les vieux mêmes ne sont pas mauvais, lorsqu'ils sont bien gras^; mais il est fort rare que les vieux pren- nent de la graisse. Les gens de la campagne ont moins de répugnance pour leur chair, sachant fort bien qu'ils ne vivent pas de charognes, comme la corneille et le corbeau. KO<8'«9*o*f>'9 e**«« LA CORNEILLE MANTELEEl Corvm Cornix. L. Cet oiseau, n" 76, se distingue aisément de la cor- bine et de la frayonne ou du freux par les couleurs j'ai vu, dis-je, plusieurs fois eu été uuo volée de freus qui logeoit et nJclioit, depuis plus d'uu siècle, à ce qu'on m'a assuré, dans dest trous de rochers exposés au sud-ouest, et où l'on ne pouvoit attein- dre à leurs nids que très difiiciiement et en se suspendant à des cordes. Ces freux éloient familiers jusqu'à venir dérober le goûter des moisson- neurs. Ils s'absenlolent sur la fia de l'élé pour une couple de mois seulement, après quoi iis rcvenoient à leur gîte accoutumé. Depuis deux ou trois ans ils ont disparu, et ont été remplacés aussitôt par des corneilles mantelées. 1 . M. Hébert m'assure que le freux est presque toujours maigre ; eu quoi il diffère, dit-il, de la corbine et delà manteiée. 2. En latin, cornix cinerea , varia, hy berna , sylvestris, corvus semi- cinei-eus ; en italien , mutacchia ou munaccliia , ou plutôt monacchia ; eu allemand, Iwlzkrae , schilikrac, nabelkrae, bundiekrac , pundterkrae , 52 LA CORNEILLE MANTELÉE. de son plumage. Il a ia tête, la queue, et les ailes d'un beau noir, avec des reflets bleuâtres; et ce noir tranche avec une espèce de scapulaire gris-blanc, qui s'étend par devant et par derrière, depuis les épaules jusqu'à l'extrémité du corps. C'est à cause de cette espèce de scapulaire ou de manteau que les Italiens lui ont donné le nom de monacchia (moinesse), et les François celui de corneille mantelée. Elle va par troupes nombreuses, comme le freux, et elle est peut-être encore plus familière avec l'homme, s'approchant par préférence, surtout pendant l'hiver, des lieux habités, et vivant alors de ce qu'elle trouve dans les égouts, les fumiers, etc. Elle a encore cela de commun avec le freux, qu'elle change de demeure deux fois par an, et qu'elle peut êlre regardée comme un oiseau de passage : car nous la voyons chaque année arriver par très grandes trou- pes sur la fin de l'automne, et repartir au commen- cement du printemps, dirigeant sa route au nord; mais nous ne savons pas précisément en quels lieux elle s'arrête. La plupart des auteurs disent qu'elle passe l'été sur les hautes montagnes, et qu'elle y fait son nid sur les pins et les sapins : il faut donc que ce soit sur des montagnes inhabitées et peu connues, comme celles des îles de Shetland, où l'on assure eifectivement qu'elle fait sa ponte; elle niche aussi en Suède, dans les bois, et par préférence sur les aunes, et sa ponte est ordinairement de quatre œufs : mais elle ne niche point dans les montagnes de la Suisse, de l'Italie, etc. winterkrae , asskrae, grauekrae; en anglois, rojston-crow , seacrow , hooded-crow. LA CORNEILLE MANTELÉE. 53 Enfin , quoique , selon le plus grand nombre de naturalistes, elle vive de toutes sortes de nourritures, entre autres de vers, d'insectes, de poissons^, même de chair corrompue, et, par préférence à tout, de laitage; et quoique, d'après cela, elle dût être mise au rang des omnivores, cependant , comme ceux qui ont ouvert son estomac y ont trouvé de toutes sortes de grains mêlés avec de petites pierres, on peut croire qu'elle est plus granivore qu'autre chose; et c'est un troisième trait de conformité avec le freux. Dans tout le reste, elle ressemble beaucoup à la corbine ou cor- neille noire ; c'est à peu près la même taille , le même port, le même cri, le même son de voix, le même vol; elle a la queue et les ailes, le bec et les pieds, et presque tout ce que l'on connoît de ses parties in- térieures, conformés de même dans les plus petits détails; ou si elle s'en éloigne en quelque chose c'est pour se rapprocher de la nature du freux : elle va souvent avec lui; comme lui, elle niche sur les ar- bres 2. Elle pond quatre ou cinq œufs, mange ceux 1. Friscli dit qu'elle épluclic fort aclroilcmeiit les arêtes de pois- sx)ns ; qu.0, lorsqu'on vide les étangs, elle aperçoit très vile ceux qui restent dans la boue, et qu'elle ne perd pas de temps à les en tirer. Avec ce goût, il est tout simple qu'elle se tienne souvent au bord dos eaux; mais on n'auroit pas dû pour cela lui donner le nom de corneille aquatique ou de. corneille marine , puisque ces dénominations convien- tlroient, au même titre, à la corueille noire et au corbeau, lesquels ne sonî certainement pas des oiseaux aquatiques. 2. Frisch remarque qu'elle place son nid tantôt à la cime des arbres, et tantôt sur les branches inférieures ; ce qui supposeroit qu'elle fait quelq«uefois sa ponte en Allemagne. Je "viens de m'assurer par moi- même qu'elle niche quelquefois en France, et notamment en Bourgo- gne. Une volée de ces oiseaux réside constamment, depuis deux ou trois années , à Ijaume-la-Rochc , dans certains trous de rochers où jiuri'UN. XXI. ' "^ 54 LA CORNEILLE MANTELÉE. des petits oiseaux, et quelquefois les petits oiseaus eux-mêmes. Tant de rapports et de traits de ressemblance avec la corbine et avec le freux me feroient soupçonner que la corneille mantelée seroit une race métisse , produite par le mélange de ces deux espèces ; et en effet, si elle ëtoit une simple variété de la corbine, d'où lui viendroit l'habitude de voler par troupes nombreuses, et de changer de demeure deux fois l'année? ce que ne fit jamais la corbine, comme nous l'avons vu; et si elle étoit une simple variété du freux, d'où lui viendroient tant d'autres rapports qu'elle a avec la corbine? au lieu que cette double ressem- blance s'explique naturellement , en supposant que la corneille mantelée est le produit du mélange de ces deux espèces qu'elle représente par sa nature mixte , et qui tient de l'une et de l'autre. Cette opi- nion pourroit paroître vraisemblable aux philosophes qui savent combien les analogies physiques sont d'un grand usage pour remonter à l'origine des êtres et re- nouer le fil des générations; mais on lui trouvera un nouveau degré de probabilité, si l'on considère que la corneille mantelée est une race nouvelle, qui ne fut ni connue ni nommée par les anciens, et qui , par conséquent, n'existoit pas encore de leur temps ^ puisque, lorsqu'il s'agit d'une race aussi multipliée et des corneilles frajoimes éloient ci-devant en possession de nicher tons les ans depuis plus d'un siècle : ces frayonnes ayant été une année sans revenir, une volée de quinze ou vingt mantelées s'empara aussitôt de leurs gîtes; elles y ont déjà fait deux couvées , et elles sont actuel- lement occupées à la troisième (ce 26 mai 1775). C'est encore un trait d'analogie entre les deux espèces. LA CORNEILLE MANTELEE. 55 aussi familière que ceîle-ci, il n'y a point de milieu entre n'être point connue dans un pays, et n'y être point du tout : or, si elle est nouvelle, il faut qu'elle ait été produite par le mélange de deux autres races; et quelles peuvent être ces deux races, sinon celles qui paroissent avoir plus de rapports, d'analogie, de ressemblance avec elle? Frisch dit que la corneille manteîée a deux cris : l'un plus grave , et que tout le monde connoît; l'autre plus aigu, et qui a quelque rapport avec celui du coq. Il ajoute qu'elle est fort attachée à sa couvée, et que, lorsqu'on coupe par le pied l'arbre où elle fait son nid, elle se laisse tomber avec l'arbre, et s'expose à tout plutôt que d'abandonner sa géniture. M. Linnasus semble lui appliquer ce que la Zoolo- gie britannique dit du freux , qu'elle est utile par la consommation qu'elle fait des insectes destructeurs dont elle purge ainsi les pâturages : mais, encore une fois, ne doit-on pas craindre qu'elle consomme elle- même plus de grains que n'auroient fait les insectes dont elle se nourrit? et n'est-ce pas pour cette raisotj qu'en plusieurs pays d'Allemagne on a mis sa tête à prix ? , On la prend dans les mêmes pièges que les autres corneilles. Elle se trouve dans presque toutes les con- trées de l'Europe, mais en différents temps. Sa chair a une odeur forte, et on en fait peu d'usage, si ce n'est parmi le petit peuple. Je ne sais sur quel fondement M. Klein a paru ran- ger parmi les corneilles V lioexotototl ou oiseau des saules de Fernandès, si ce n'est sur le dire de Seba , qui , décrivant cet oiseau comme le même que celui 56 LA CORNEILLE MANTELÉE. dont parle Fernandès, le fait aussi gros qu'un pigeon ordinaire, tandis que Fernandès, à l'endroit même cité par Seba, dit que V hoexotototl est un petit oiseau de la grosseur d'un moineau, ayant à peu près le chant du chardonneret et la chair bonne à manger ^. Cela ne ressemble pas trop à une corneille ; et de telles méprises, qui sont assez fréquentes dans l'ouvrage de Seba, ne peuvent que jeter beaucoup de confusion dans la nomenclature de l'histoire naturelle. OISEAUX ETRANGERS QUI ONT RAPPORT AUX CORNEILLKS. I. LA CORNEILLE DU SÉNÉGAL. Cor vus Dauricus, L. A juger de cet oiseau, n° 327, par sa forme et par ses couleurs, qui est tout ce que nous en connois- sons, on peut dire que l'espèce de la corneille man- telé€ est celle avec qui il a plus de rapports extérieurs, ou plutôt que ce seroit une véritable corneille mante- lée, si son scapulaire blanc n'étoit pas raccourci par 1. La corbine doit être répandue au loin, puisqu'elle se trouve dans la belle suite d'oiseaux que M. Sonnerat vient d'apporter, et qu'il a tirés des Indes , des îles Moluqucs , et même de la terre des Papous. Col individu venoit des Philippines. LA COllNKILLE DU SÉNÉGAL. 57 devant et beaucoup plus par derrière. On aperçoit aussi quelques différences dans la iongueur des ailes, Ja forme du bec, et la couleur des pieds. C'est une espèce nouvelle et peu connue. II. LA CORNEILLE DE LA JAMAÏQUE i. Corvus Jamaicensis, Gmel. Cette corneille étrangère paroît modelée à peu près sur les mômes proportions que les nôtres 2, à l'excep- tion de la queue et du bec qu'elle a plus petits; son plumage est noir comme celui de la corbine. On a trouvé dans son estomac des baies rouges, des graines, des scarabées; ce qui fait connoîlre sa nourriture la plus ordinaire, et qui est aussi celle de notre freux et de notre mantelée. Elle a le ventricule musculeux et revêtu intérieurement d'une tunique très forte. Cet oiseau abonde dans la partie septentrionale de l'ile, et ne quitte pas les montagnes; en quoi il se rappro- che de notre corbeau. M. Klein caractérise cette espèce par la grandeur des narines; cependant M. Sloane, qu'il cite, se con- tente de dire qu'elles sont passablement grandes. 1. Les Auglois de la Jamaïque l'appelleut aussi chaltering oagab- bting-crow {corneille babillarcle ) , et cacao-walke , sans doute parce qu'elle se lient ordinairement sur les cacaotiers. 2. Elle a un pied et demi de longueur prise de la pointe du bec au bout de la queue, et trois [ûeds de vol. ( M. Sloane s'est servi, selon toute apparence, du pied auglois, plus court que le nôtre d'environ îin onzième. ) 58 LA CORNEILLE DE LA JAMAÏQUE. D'après ce que J on sait de cet oiseau, on peut bien juger qu'il approche fort de nos corneilles; mais il se- roit difficile de le rapporter à l'une de ces espèces plu- tôt qu'à l'autre, vu qu'il réunit des qualités qui sont propres à chacune d'elles. Il diffère aussi de toutes par son cri , qu'il fait entendre continuellement. LES CHOUCAS*. Ces oiseaux ^ ont avec les corneilles plus de traits de conformité que de traits de dissemblance; et comme ce sont des espèces fort voisines, il est bon d'en faire une comparaison suivie et détaillée , pour répandre plus de jour sur l'histoire des uns et des autres. Je remarque d'abord un parallélisme assez singu- lier entre ces deux genres d'oiseaux; car, de même qu'il y a trois espèces principales de corneilles , une noire (la corbine), une cendrée (la manleîée), et une chauve (le freux ou la frayonne), je trouve aussi trois espèces ou races correspondantes de choucas, un noir (le choucas proprement dit), un cendré (le chouc), et enfin un choucas chauve. La seule différence est que ce dernier est d'Amérique, et qu'il a peu de noir dans son plumage, au lieu que les trois espèces de cor- 1. Eu latiu, lupus, graccus, gracculus, monedula {a moneta (juam /"arafar) ; en espagnol, graio , graia; en italien, ciagula , tattulUf pola, monacchia ; en allemand, tut ou duhi, tliate ou dahie, thaleche ou dahtike, tôle ou do/ite, grauedohle ; en hollandois, kaw, chaw ; en an- glois, kae , caddo , cliough, daw, jak-daw. a. N° 023 , le choucas proprement dit; n° 522 , le chouc ; et u" 52 i, le choucas chauve de Caveiine. LES CHOUCAS. DQ neilles appartiennent toutes à l'Europe, et sont toutes noires ou noirâtres. En général, les choucas sont plus petits que les corneilles. Leur cri , du moins celui de nos deux choucas d'Europe, les seuls dont l'histoire nous soit connue, est plus aigre, plus perçant; il a visiblement influé sur la plupart des noms qu'on leur a donnés en différentes langues, tels que ceux-ci, choucas j, grac- cuSj kaWj, klasj, etc. : mais ils n'ont pas une seule in- flexion de voix; car on m'assure qu'on les entend quelquefois crier, tian^ tiarij tian. Ils vivent tous deux d'insectes, de grains, de fruits, et même de chair, quoique très rarement : mais ils ne touchent point aux voiries, et ils n'ont pas l'habi- tude de se tenir sur les côtes pour se rassasier de pois- sons morts et autres cadavres rejetés par la mer; en quoi ils ressemblent plus au freux, et même à la man- telée qu'à la corbine : mais ils se rapprochent de celle-ci par l'habitude qu'ils ont d'aller à h. chasse aux œufs de perdrix, et d'en détruire une grande quantité. Ils volent en grandes troupes , comme le freux ; comme lui , ils forment des espèces de peuplades, et même de plus nombreuses, composées d'une multi- tude de nids, placés les uns près des autres, et comme entassés, ou sur un grand arbre, ou dans un clocher, ou dans le comble d'un vieux château abandonné. Le mâle et la femelle une fois appariés, ils restent long- temps fidèles, attachés l'un à l'autre ; et par une suite de cet attachement personnel, chaque fois que le re- tour de la belle saison donne aux êtres vivants le si- gnal d^'ime génération nouvelle, on les voit se recher- 6o LES CHOUCAS. cher avec empressement et se parler sans cesse; car alors le cri des animaux est un véritable langage, tou- jours bien parlé , toujours bien compris : on les voit se caresser de mille manières , joindre leurs becs comme pour se baiser, essayer toutes les façons de s'unir avant de se livrer à la dernière union, et se préparer à remplir le but de la nature par tous les degrés du désir, par toutes les nuances de la ten- dresse. Ils ne manquent jamais à ces préliminaires, non pas même dans l'état de captivité. La femelle, étant fécondée par le mâle> pond cinq ou six œufs marqués de quelques taches brunes sur un fond ver- dâtre; et lorsque ses petits sont éclos, elle les soigne, les nourrit, les élève avec une affection que le mâle s'empresse de partager. Tout cela ressemble assez aux corneilles, et môme, à bien des égards, au grand cor- beau : mais Charleton et Schwenckfeld assurent que les choucas font deux couvées par an; ce qui n'a ja- mais été dit du corbeau ni des corneilles, mais qui d'ailleurs s'accorde très bien avec l'ordre de la nature, selon lequel les espèces les plus petites sont aussi les plus fécondes. Les choucas sont des oiseaux de passage, non pas autant que le freux et la corneille mantelée, car il en reste toujours un assez bon nombre dans le pays pen- dant l'été; les tours de Vincennes en sont peuplées en tout temps, ainsi que tous les vieux édifices qui leur offrent la même sûreté et les mêmes commodi- tés : mais on en voit toujours m-oins en France l'été que l'hiver. Ceux qui voyagent se réunissent en gran- des bandes, comme la frayonne et la mantelée, quel- quefois même ils ne font qu'une seule bande avec LES CHOL'Cx\S. 6l elles, et ils ne cessent de crier en volant : mais ils n'observent pas les mêmes temps en France et en Angleterre; car ils quittent l'Allemagne en automne avec leurs petits, et n'y reparoissent qu'au printemps, après avoir passé l'hiver chez nous; et Frisch a raison d'assurer qu'ils ne couvent point pendant leur ab- sence , et qu'à leur retour ils ne ramènent point de petits avec eux; car les choucas ont cela de commun avec tous les autres oiseaux, qu'ils ne font point leur ponte en hiver. A l'égard des parties internes, je remarquerai seu- lement qu'ils ont le ventricule musculeux, et près de son orifice supérieur une dilatation de l'œsophage qui leur tient lieu de jabot, comme dans les corneilles, mais que la vésicule du fiel est plus allongée. Du reste, on les prive facilement, on leur apprend à parler sans peine; ils semblent se plaire dans l'état de domesticité : mais ce sont des domestiques infi- dèles, qui, cachant la nourriture superflue qu'ils ne peuvent consommer, et emportant des pièces de mon- noie et des bijoux qui ne leur sont d'aucun usage, appauvrissent le maître sans s'enrichir eux-mêmes. Pour achever l'histoire des choucas, il ne s'agit plus que de comparer ensemble les deux races du pays , et ajouter à la suite, selon notre usage, les variétés et les espèces étrangères. Le choucas. Nous n'avons en France que deux chou- cas. L'un, à €|ui je conserve le nom de choucas propre- ment dit, est de la grosseur d'un pigeon; il a l'iris blanchâtre, quelques traits blancs sous la gorge, quel- ques points de même couleur autour des narines, du cendré sur la partie postérieure de la tête et du cou r (j'J LES CHOUCAS. tout le reste est noir; mais cette couleur est plus fon- cée sur les parties supérieures, avec des reflets tantôt violets et tantôt verts. Le c/iouc. L'autre espèce du pays , à laquelle je donne le nom de c/iouc d'après son nom anglois, ne diffère du précédent qu'en ce qu'il est un peu plus petit et peut-être moins connu, qu'il a l'iris bleuâtre comme le freux, que la couleur dominante de son plumage est le noir, sans aucun mélange de cendré, et qu'on lui remarque des points blancs autour des yeux. Du reste , ce sont les mêmes rnœurs, les mêmes habitudes, même port, même conformation, même cri, mêmes pieds, même bec; et Ton ne peut guère douter que ces deux races n'appartiennent à la même espèce, et qu'elles ne fussent en état de se mêler avec succès et de produire ensemble des individus féconds. On sera peu surpris qu'une espèce qui a tant de rapports avec celles des corbeaux et des corneilles présente à peu près les mêmes variétés. Aldrovande a vu en Italie un choucas qui avoit un collier blanc; c'est apparemment celui qui se trouve dans quelques endroits de la Suisse, et que, par cette raison, les Anglois nomment choucas de Suisse. Schwerickfeld a eu occasion de voir un choucas blanc qui avoit le bec jaunâtre. Ces choucas blancs sont plus communs en Norwége et dans les pays froids; quelquefois même dans les climats tempérés, tels que la Pologne, on a trouvé un petit choucas blanc dans un nid de choucas noirs : et, dans ce cas, la blancheur du plumage ne dépend pas , comme l'on voit, de l'in- fluence du climat; mais c'est une monstruosité causée LES CHOUCAS. 65 par quelque vice de nature, analogue à celui qui pro- duit les corbeaux blancs en France et les nègres blancs en Afrique. Schwenckfeld parle, i°d'un choucas varié qui res- semble au vrai choucas, à l'exception des ailes, qui sont blanches, et du bec, qui est crochu ; ^'^ d un autre choucas très rare , qui ne diffère du choucas ordinaire que par son bec croisé^ : mais ce peuvent être des variétés individuelles, ou même des monstres faits à plaisir. LE CHOQUARD ou CHOUCAS DES ALPES^. Corvus Pyrr/iocorax. L. Cet oiseau, n° 53i, que nous avons fait représenter sous le nom de choucas des Alpes^ Pline l'appelle de celui de pyrrhocorax j, et ce seul nom renferme une description en raccourci : korax ^ qui û^m^\e cor beau ,, indique la noirceur du plumage , ainsi que l'analogie de l'espèce; pyrrhoSj qui signifie roux^ orangé j, ex- 1. J'ai eu cette année dans ma basse-cour quatre poulets huppés d'origine flamande , lesquels avoient le bec (roisé. La pièce supérieure étoit très crochue, et du moins autant que dans le bec-croisé lui-même; la pièce inférieure étoit presque droite. Ces poulets ne prenoient pas leur nourriture à terre aussi bien que l^s autres ; il falioit la leur pré- senter en grand volume. 2. J'adopte ce nom, qui est en usage dans le Valais, selon Gesncr. On l'appelle aussi cAyueiie. Les grisons, qui parle allemand, le nom- ment talien. 64 LE CHOQUAKD OU CHOUCAS DES ALPES. prime la couleur du bec, qui varie en effet du jaune à l'orangé, et aussi celle des pieds, qui est encore plus variable que celle du bec , puisque dans l'indi- vidu observé par Gesner les pieds étoient rouges; qu'ils étoient noirs dans le sujet décrit par M. Bris- son; que, selon cet auteur, ils sont quelquefois jaunes, et que, selon d'autres, ils sont jaunes l'hiver et rouges l'été. Ces pieds jaunes, ce bec de même couleur et plus petit que celui du choucas, ont donné lieu à quelques uns de prendre le choquard pour un merle, et de le nommer le grand merle des A Ip es . Cependant, en l'observant et le comparant, on trouvera qu'il ap- proche beaucoup plus des choucas par la grosseur de son corps, par la longueur de ses ailes, et même par la forme de son bec, quoique plus menu; et par ses narines recouvertes de plumes, quoique ces plumes soient moins fermes que dans le choucas. J'ai indiqué, à l'article du crave ou coracias, les différences qui sont entre ces deux oiseaux, dont Belon et quelques autres, qui ne les avoient pas vus, n'ont fait qu'une seule espèce. Pline croyoit son pyrrkocorax propre et particulier aux montagnes des Alpes : cependant Gesner, qui le distingue très bien d'avec le crave ou coracias, dit qu'il y a certaines contrées du pays des Grisons où cet oiseau ne se montre que l'hiver, d'autres où il paroît à peu près toute l'année; mais que son vrai do- micile , son domicile de préférence , celui où il se trouve toujours par grandes bandes, c'est le sommet des hautes montagnes. Ces faits modifient, comme l'on voit, l'opinion de Pline un peu trop absolue; Eiîais ils la confirment en la modifiant. LE CIIOQU/VRD OU CHOUCAS DES ALPES. 65 La grosseur du choquard est moyenne entre celle du choucas et celle de la corneille; il a le bec plus petit et plus arqué que l'un et l'autre, la voix plus aiguë, plus plaintive que celle des choucas, et fort peu agréable ^. Il vit principalement de grains, et fait grand tort aux récoltes; sa chair est un manger très médiocre. Les montagnards tirent de sa façon de voler des pré- sages météorologiques : si son vol est élevé, on dit qu'il annonce le froid, et que, lorsqu'il est bas, il promet un temps plus doux. 9««&S«>9.@iC'9«9«'9>a»9»« OISEAUX ETRANGERS Q'UI ONT RAPPORT AUX CHOUCAS. LE CHOUCAS MOUSTACHE. Cet oiseau , n° 226, qui se trouve au cap de Bonne- Espérance , est à peu près de la grosseur du merle ; il a le plumage noir et changeant des choucas, et la queue plus longue à proportion qu'aucun d'entre eux; toutes les pennes qui la composent sont égales, et 1. Schwenckfeld dit que le pyrrliocorax , qu'il appelle dnxsû corbeau de nuit, est criard, surtout pendant la nuit, et qu'il se montre rare- ment pendant le jour. Mais je ne suis pas sûr que Schwenckfeld en- tende le même oiseau que moi, sous ce nom de pyrrhocorax. 66 LE CnOl CAS MOUSTACHE. les ailes étant pliëes n'atteignent qu'à la moitié de sa longueur. Ce sont les quatrième et cinquième pennes de l'aile qui sont les plus longues de toutes; elles ont deux pouces et demi de plus que la première. Il y a deux choses à remarquer dans l'extérieur de cet oiseau : r ces poils noirs, longs, et flexibles, qui naissent de la base du bec supérieur, et qui sont une fois plus longs que le bec, outre plusieurs autres poils plus courts, plus roides, et dirigés en avant, qui en- vironnent cette même base jusqu'aux coins de la bou- che; 2° ces plumes longues et étroites de la partie supérieure du cou , lesquelles glissent et jouent sur le dos, suivant que le cou prend différentes situa- tions, et qui forment à l'oiseau une espèce de cri- nière. I [. LE CHOUCAS CHAUVE. Corvus calvus. L. Ce singulier choucas, n° 621, qui se trouve dans l'île de Cayenne, est celui qui peut, comme je l'ai dit, faire pendant avec notre corneille fauve, qui est le freux : il a en effet la partie antérieure de la tête nue, comme le freux, et la gorge peu garnie de plumes. H se rapproche des choucas en général par ses longues ailes, par la forme des pieds, par son port, par sa grosseur, par ses larges narines à peu près rondes; tnais il en diffère en ce que ses narines ne sont point recouvertes de plumes, et qu'elles se trouvent placées dans un enfoncement assez profond creusé de chaque côté du bec; en ce que son bec est plus large à la LE CUOliCAS CHAUVE. 67 base, et qu'il est échancré sur ses bords. A l'égard de ses mœurs, je n'en peux rien dire, cet oiseau étant du grand nombre de ceux qui attendent ie coup d'œil de l'observateur. On ne le trouve pas môme nommé dans aucune ornithologie. III. LE CHOUCAS DE LA iNOUVELLE-GUlNÉE. Corvus Novœ Guineœ. Gmel. La place naturelle de cet oiseau, n*" 629, est entre nos choucas de France et celui que j'ai nommé col- nud. 11 a le port de nos choucas, et le plumage gris de l'un d'eux (même un peu plus gris), au moins quant à la partie supérieure du corps; mais il est moins gros et a le bec plus large à sa base , en quoi il se rapproche du colnud. Il s'en éloigne par la longueur de ses ailes, qui atteignent presque l'extrémité de sa queue, et il s'éloigne du colnud et des choucas par les couleurs du dessous du corps, lesquelles consistent en une rayure noire et blanche qui s'étend jusque sous les ailes, et qui a quelque rapport avec celle des pics variés. IV. LE CHOUCARI DE LA NOUVELLE-GUINÉE 1. Corvus Papuensis. Gmel. La couleur dominante de cet oiseau (car nous n'en connoissons que la superficie) est un gris cendré , 1. Ainsi uonmié par M. Daubculou le jeune, à qui je dois aussi sa description et celle de l'espèce précéilente, n'ayant pas été à portée 6S LE CHOUCAUI DE LA NOUVELLE-GUINEE. plus foncé sur la partie supérieure, plus clair sur la partie inférieure, et se dégradant prescpie jusqu'au blanc sous le ventre et ses entours. Les deux seules exceptions qu'il y ait à faire à cette espèce d'unifor- mité de plumage, c'est, i° une bande noire qui en- vironne la base du bec , et se prolonge jusqu'aux yeux; 2° les grandes pennes des ailes, qui sont d'un brun noirâtre. Le choucari a les narines recouvertes en entier, comme les choucas ; il a aussi le bec conformé à peu près de même, si ce n'est que l'arcte de la pièce su- périeure est, non pas arrondie comme dans le chou- cas, mais anguleuse comme dans le colnud. 11 a en- core d'autres rapports avec cette dernière espèce, et lui ressemble par les proportions relatives de ses ailes, qui ne s'étendent pas au delà de la moitié de la queue, par ses petits pieds, par ses ongles courts; en sorte qu'on ne peut se dispenser de le placer, ainsi que le précédent, entre le colnud et le choucas. Sa longueur, prise de la pointe du bec ?Hi-bout de la queue, est d'environ onze pouces. Nous sommes redevables de cette espèce nouvelle, ainsi que de la précédente, à M. Sonnerat, V. LE COLNUD DE CATENINE. Corvus nudus. Gmel. Je mets le colnud de Cayenne à la suite des chou- cas, quoiqu'il en diffère à plusieurs égards; mais, à de voir ces oiseaux, airivés ioiit léceniîiient à Paris. Voyez les pi au-^ ches enluminées , u" 65o. LE COLNUD DE CAYENNE. 69 tout prendre, il m'a paru eu différer moins que de tout autre oiseau de notre continent. Il a, comme le n** 1 ci-dessus, le bec fort large à sa base ; et il a encore avec lui un autre trait de con- formité, en ce qu'il est chauve; mais il l'est d'une autre manière; c'est le cou qu'il a presque nu et sans plumes. La tête est couverte, depuis et compris les narines, d'une espèce de calotte de velours noir, composée de petites plumes droites, courtes, serrées, et très douces au toucher; ces plumes deviennent plus rares sous le cou, et bien plus encore sur ses côtés et à sa partie postérieure. Le coliiud, n° 609, est à peu près de la grosseur de nos choucas, et on peut ajouter qu'il porte leur livrée ; car tout son plumage est noir, à l'exception de quelques unes des couvertures et des pennes de l'aile, qui sont d'un gris blanchâtre. A voir les pieds de celui que j'ai observé, on ju- gei'oit que le doigt postérieur a été tourné par force en arrière ; mais que naturellement et de lui-même il se tourne en avant, comme dans les martinets. J'ai môme remarqué qu'il étoit lié par une membrane avec le doigt intérieur de chaque pied. C'est une es- pèce nouvelle. VI. - LE BALIGASE DES PHILIPPINES. Corvus Balicassius, Gmel. Je répugne à donner à cet oiseau étranger, n" 6o5, le nom de choucas^, parce qu'il est aisé de voir, par EUFFON. XXI. 5 ^O LK BALICASE DES PilILIPPINES. la description même de M. Brisson , qu'il diÛère des choucas à plusieurs égards. Il n'a que quinze à seize pouces de vol , et n'est guère plus gros qu'un merle; il a le bec plus gros et plus long à proportion que lous les choucas de notre Europe, les pieds plus grêles et la queue fourchue ; enfin, au lieu de cette voix aigre et sinistre des chou- cas, ii a le chant doux et agréable. Ces différences sont telles, qu'on doit s'attendre à en découvrir phi- sieurs autres lorsque cet oiseau sera mieux connu. Au reste, il a le bec et les pieds noirs, et le plu- mage de la même couleur avec des reflets verts ; en sorte que du moins il est choucas par la couleur. LA PIE\ Cor VUS Pic a. L. La pie^ a tant de ressemblance à l'extérieur avec la corneille 5 que M. Linnseus les a réunies toutes ûeux dans le même genre, et que, suivant Eelon , pour faire une corneille d'une pie, il ne faut que raccour- cir la queue à celle-ci et faire disparoître le blanc de son plumage. En effet, la pie a le bec, les pieds, les yeux, et la forme totale des corneiiles et des chou- cas : elle a encore avec eux beaucoup d'autres rap- 1. Eu ialiu. picci , cissa, avis ptuvia selon quelques uns; en italien , gazza, ragazza, aregazza , gazznola , gazzara , pica , patin; en espa- gnol, pega , acgevst , agelaster, algastev, agerlustev {quasi agrilustra); en anglois, pie, piot, rnagpie, pianet. 2. N" 488. LA PIE. 71 ports plus intimes dans l'instinct, les mœurs, et les habitudes naturelles; car elle est omnivore comme eux, vivant de toutes sortes de fruits, allant sur les charognes, faisant sa proie des œufs et des petits oi- seaux foibles, quelquefois même des père et mère, soit qu'elle les trouve engagés dans les pièges, soit qu'elle les attaque à force ouverte : on en a vu une se jeter sur un merle pour le dévorer; une autre enlever une écrevisse , qui la prévint en l'étranglant avec ses pinces , etc. On a tiré parti de son appétit pour la chair vivante en la dressant à la chasse comme on y dresse les cor- beaux. Elle passe ordinairement la belle saison, appa- riée avec son mâle, et occupée de la ponte et de ses suites. L'hiver, elle vole par troupes, et s'approche d'autant plus des lieux habités, qu'elle y trouve plus de ressources pour vivre, et que la rigueur de la sai- son lui rend ces ressources plus nécessaires. Elle s'ac- coutume aisément à la vue de l'homme ; elle devient bientôt familière dans la maison, et finit par se rendre la maîtresse. J'en connois une qui passe les jours et les nuits au milieu d'une troupe de chats, et qui sait leur en imposer. Elle jase à peu près comme la corneille, et apprend aussi à contrefaire la voix des autres animaux et la parole de l'homme. On en cite une qui imitoit parfai- tement les cris du veau, du chevreau, de la brebis, et mèsiic le flageolet du berger; une autre qui répé- toit en entier une fanfare de trompettes^. M. Wil- iughby en a vu plusieurs qui prononçoient des phra- 1 . Plutarque raconte qu'une \nc qui se plaisoll à imiter d'eile-inême la parole (ie l'iionime, le cri des animaux , el le poiî drs instrumeiîts, 7^ LA PIE. ses entières. Maî^got est le nom qu'on a coutume de lui donner, parce que c'est celui qu'elle prononce le plus volontiers ou le plus facilement; et Pline assure que cet oiseau se plaît beaucoup à ce genre d'imita- tion, qu'il s'attache à bien articuler les mots qu'il a appris, qu'il cliercbe long-temps ceux qui lui ont échappé, qu'il fait éclater sa joie lorsqu'il les a re- trouvés, et qu'il se laisse quelquefois mourir de dépit lorsque sa recherche est vaine, ou que sa langue se refuse à la prononciation de quelque mot nouveau. La pie a le plus souvent la langue noire comme le corbeau ; elle monte sur le dos des cochons et des brebis, comme font les choucas, et court après la vermine de ces animaux, avec cette différence que le cochon reçoit ce service avec complaisance, au lieu i\ue la brebis, sans doute plus sensible, paroît le re- douter. Elle happe aussi fort adroitement les mouches ei autres insectes ailés qui volent à sa portée. Enfin on prend la pie dans les mêmes pièges et de la îtjème manière que la corneille, et l'on a reconnu en elle les mêmes mauvaises habitudes, celles de vo- ler et de faire des provisions^ ; habitudes presque tou- jours inséparables dans les différentes espèces d'ani- ajaiit un jour entendu une fanfare de IroiniDetles, devint muette subi- tement; ce qui surprit fort ceux qui avoient coutume de Tentendre Ijabillor i*ans cesse : mais ils furent bien plus surpris queUjue tcnj|)s aorès lorsqu'elle lompil tout à coup le silence, non pour répéler sa le- çon ordinaire, mais pour imiter le son des trompettes quelle avoit en- tendues , avec les mêmes tournures de cliaul, les mêmes modulations, et dans le même mouvement. i. Je m'en suis assuré par moi-même en répandant devant une pie apprivoisée des pièces de monnoie et de petits morceaux de verre. J'ai mêuie reconnu ([u'elle cachoit son vol avec un si grand soin, qu il LA PIE. 73 maux. On croit aussi qu'elle annonce la pluie lorsqu'elle jase plus qu'à l'ordinaire. D'un autre côté, elle s'é- loiu;ne du iienre des corbeaux et des corneilles par un assez grand nombre de différences. Elle est beaucoup plus petite et même plus que le choucas , et ne pèse que huit à neuf onces. Elle a les ailes plus courtes et la queue plus lonj^ue à propor- tion ; par conséquent son vol est beaucoup moins élevé et moins soutenu : aussi n'entreprend-eîle point de grands voyages ; elle ne fait guère que voltiger d'arbre en arbre, ou de clocher en clocher; car, pour Faction de voler, il s'en faut bien que la longueur de la queue compense la brièveté des ailes. Lors- qu'elle est posée à terre, elle est toujours en action, et fait autant de sauts que de pas : elle a aussi dans la queue un mouvement brusque et presque continuel , comme la lavandière. En général, elle montre plus d'inquiétude et d'activité que les corneilles, plus de malice et de penchant à une sorte de moquerie» Elle met aussi plus de combinaisons et plus d'art dans la construction de son nid, soit qu'étant très ardente pour son mâle^, elle soit aussi très tendre pour ses petits , ce qui va ordinairement de pair dans les ani- maux; soit qu'elle sache que plusieurs oiseaux de ra- pine sont fort avides de ses œufs et de ses petits, et de plus, que quelques uns d'entre eux sont avec elle dans le cas de la représaille. Elle multiplie les précau- tions en raison de sa tendresse et des dangers de ce étoit quelquefois difficile de le IrouTer ; par exemple , sous un lit , entre les sangles et le sommier de ce lit. 1. Les anciens eu avoient cette idée, puisque de son nom grec kissa, ils avoient formé celui du kissan, qui est une expression de volupté- 74 LA PIE. qu'elle aime : elle place son nid au haut des pins grands arbres , ou du moins sur de hauts buissons ^, et n oublie rien pour le rendre solide et sûr; aidée de son mâle , elle le fortifie extérieurement avec des bûchettes flexibles et du mortier de terre gâchée, et elle le recouvre en entier d'une enveloppe à claire- voie, d'une espèce d'abattis de petites branches épi- neuses et bien entrelacées; elle n'y laisse d'ouverture que dans le côté le mieux défendu, le moins accessi- ble, et seulement ce qu'il en faut pour qu'elle puisse entrer et sortir. Sa prévoyance industrieuse ne se borne pas à la sûreté, elle s'étend encore à la com- modité, car elle garnit le fond du nid d'une espèce de matelas orbiculaire^, pour que ses petits soient plus mollement et plus chaudement; et quoique ce matelas, qui est le nid véritable, n'ait qu'environ six pouces de diamètre, la masse entière, en y compre- nant les ouvrages extérieurs et l'enveloppe épineuse, a au moins deux pieds en tous sens. 1. C'est ordliiairement sur la lisière des bois ou dans les vergers qu'elle l'établit. 2. Lutea stragulum sitbjicit... et merula et picqu'il la cite à la page suivante. D'ailleurs il avoit coutume de l'aire ses descriptions de mémoire, et la mémoire a besoin d'être aidée. (Vovez page 247 du tome H. ) Enfin sa description de la pie des Antilles est peut être la seule où il soit l'ait mention des pennes de îa queue. LA PIE DES ANTILLES. 85 les autres pennes de la queue rayées de bleu et de blanc , celles de l'aile mêlées de vert et de hleu , et le dessous du corps blanc. En comparant la description de la pic des Antilles du P. Du Tertre, avec celle delà pie des Indes à lon- gue queue d'Aldrovande , on ne peut douter qu'elles n'aient été faites l'une et l'autre d'après un oiseau de ]a même espèce , et par conséquent que ce ne soit un oiseau d'Amérique, comme l'assure le P. Du Tertre . qui l'a observé à la Guadeloupe , et non pas un oiseau du Japon, comme le dit Aldrovande d'oprès une tra- dition fort incertaine ; à moins qu'on ne veuille sup- poser qu'il s'est répandu du côté du Nord, d'où il aura pu passer d'un continent à l'autre. IV. L'HOCISANA^. Corvus Mexicanus. Gaiel. Quoique Fernandès donne à cet oiseau le nom de grand étourneau_, cependant on peut le rapporter, d'après ce qu'il dit lui-même, au genre des pies : car il assure qu'il seroit exactement semblable au choucas ordinaire, s'il étoit moins gros , qu'il eût la queue et les ongles moins longs , et le plumage d'un noir plus franc et sans mélange de bleu. Or, la longue queue est un attribut, non de l'étourneau , mais de la pie , et celui par lequel elle diÛere le plus à l'extérieur du choucas ; et quant aux autres caractères par lesquels 1. Le nom mexicain esi hocUznnoil. Cet oiseau s'appelle encore caxcaxtotolt clans le pay.«. BllFFOÎS. XXI. G S6 l'hogisana. rhocisana s'éloigne du choucas, ils sont autant oïl plus étrangers à l'ëtourneau qu'à la pie. D'ailleurs cet oiseau cherche les lieux habités , est familier comme la pie, jase de même, et a la voix perçante ; sa chair est noire et de fort bon goût. LA YARDIOLE^. Muscicapa Paradisi. Latham. Seba lui a donné le nom d'oiseau de paradis j comme il le donne à presque tous les oiseaux étran- gers à longue queue ; et à ce titre la vardiole le mé- ritoit bien, puisque sa queue est plus de deux fois aussi longue que tout le reste de son corps, mesuré depuis la pointe du bec jusqu'à l'extrémité opposée : mais il faut avouer que cette queue n'est point faite comme dans l'oiseau de paradis, ses plus grandes pennes étant garnies de barbes dans toute leur lon- gueur, sans parler de plusieurs autres différences. Le blanc est la couleur dominante de cet oiseau : il ne faut excepter que la tôle et le cou , qui sont noirs avec des reflets de pourpre très vif; les pieds, qui sont d'un rouge clair ; les ailes, dont les grandes pen- nes ont des barbes noires ; et les deux pennes du milieu de la queue, qui excédent de beaucoup toutes les autres, et qui ont du noir le long de la côte, de- puis leur base jusqu'à la moitié de leur longueur. Les yeux de la vardiole sont vifs et entourés de blanc; 1. c'est la pie de L'île Papoe , de M. Brisson. On l'appelle dans le pa^s waygelioe et wardwe, d'où j ai fait vardiole. LA VARDÏOLE. 87 la base du bec supérieur est garnie de petites plumes noires piliformes, qui reviennent en avant et cou- vrent les narines; ses ailes sont courtes et ne dépas- sent point l'origine de la queue : dans tout cela elle se rapproche de la pie; mais elle en diffère par la brièveté de ses pieds, qu'elle a une fois plus courts à proportion, ce qui entraîne d'autres différences dans le port et dans la démarche. On la trouve dans l'île de Papoe , selon Seba, dont la description, la seule qui soit originale, ren-^ ferme tout ce que Ton sait de cet oiseau. VI. LE ZANOÉ^. Corons Zanoe. Gmel. Fernandès compare cet oiseau du Mexique à la pie commune, pour la grosseur, pour la longueur de la queue , pour la perfection des sens, pour le talent de parler, pour l'instinct de dérober tout ce qu'elle trouve à sa bienséance : il ajoute qu'il a le cri comme plaintif et semblable à celui des petits étourneaux, et que son plumage est noir partout , excepté sur le cou et sur la tête, où l'on aperçoit une teinte de fauve. 1. Le nom mexicain est tsanahoei. 88 LE GEAI. LE GEAr. Corvm glandarim. Gmel. Presque tout ce qui a été dit de 1 mslinct de la pie peut s'appliquer au geai, n** 4^^; ^^ ce sera assez faire connoître celui-ci que d'indiquer les différences qui le caractérisent. L'une des principales c'est cette marque bleue, ou plutôt émaillée de différentes nuances de bleu, dont chacune de ses ailes est ornée , et qui suffi roit seule pour le distinguer de presque tous les autres oiseaux de l'Europe. 11 a de plus sur le front un toupet de petites plumes noires, lileues, et blanches : en géné- ral, toutes ses plumes .' ont singulièrement douces et soyeuses au toucher, et il sait, en relevant celles de sa tête , se faire une huppe qu'il rabaisse à son gré. Il est d'un quart moins gros que la pie ; il a la queue plus courte et les ailes plus longues à proportion , et , malgré cela, il ne vole guère mieux qu'elle. Le mâle se distingue de la femelle par la grosseur de la tête et par la vivacité des couleurs : les vieux diffèrent aussi des jeunes par le plumage ; et de là, en grande partie, les variétés et le peu d'accord des 1 . En latin , garrulus ; eu espagnol , gayo, cayo ; en italien , ghian- àaia, gaza verla , herta, bertina , baretino ; en allemand, haher , hatz- ler , bnum-hatzel eichen-heher , nitssheher , nuss-hecker , jack, broe- keœter , marcrgraff, niarcolfus ; en anglois, yo)', ia la. LJi GEAI. 89 descriptions; car il n'y a que les bonnes descriptions qui puissent s'accorder; et, pour bien décrire une espèce , il faut avoir vu et comparé un grand nombre d'individus. Les geais sont fort pétulants de leur nature; ils ont les sensations vives, les mouvements brusques; et , dans leurs fréquents accès de colère , ils s'empor- tent et oublient le soin de leur propre conservation , au point de se prendre quelquefois la tête entre deux branches, et ils meurent ainsi suspendus en l'air ^ : leur agitation perpétuelle prend encore un nouveau degré de violence lorsqu'ils se sentent gênés; et c'est la raison pourquoi ils deviennent tout-à-fait mécon- noissables en cage, ne pouvant y conserver la beauté de leurs plumes, qui sont bientôt cassées, usées, déchirées, flétries par un frottement continuel. Leur cri ordinaire est très désagréable, et ils le font entendre souvent; ils ont aussi de la disposition à contrefaire celui de plusieurs oiseaux qui ne chantent pas mieux, tels que la crécerelle, le chat-huant, etc. S'ils aperçoivent dans le bois un renard , ou quelque autre animal de rapine, ils jettent un certain cri très perçant, comme pour s'appeler les uns les autres, et on les voit en peu de temps rassemblés en force , et se croyant en état d'en imposer par le nombre, ou du moins par le bruit. Cet instinct qu'ont les geais de se rappeler, de se réunir à la voix de l'un d'eux, et leur violente antipathie contre la chouette, offrent plus d'un moyen pour les attirer dans les pièges, et il ne se passe guère de pipée sans qu'on en prenne 1 . Cet instinct rend croyables ce» batailles que l'on dit s'être données entre des années de geais et d«5 armées de pies. 9Q LE GEAI. plusieurs ; car, étant plus pétulants que la pie , il s'en faut bien qu'ils soient aussi défianis et aussi rusés. Us n'ont pas non plus le cri naturel si varié , quoi- qu'ils paroissent n'avoir pas moins de flexibilité dans le gosier, ni moins de disposition à imiter tous les sons, tous les bruits, tousles cris d'animaux qu'ils en- tendent habituellement, et même la parole humaine. Le mot richard est celui, dit-on, qu'il articulent le plus facilement. Us ont aussi , comme la pie et toute la famille des choucas, des corneilles, et des cor- beaux, l'habitude d'enfouir leurs provisions superflues, et celle de dérober tout ce qu'ils peuvent emporter; mais ils ne se souviennent pas toujours de l'endroit où ils ont enterré leur trésor ; ou bien , selon l'instinct commun à tous les avares , ils sentent plus la crainte de le diminuer que le désir d'en faire usage, en sorte qu'au printemps suivant, les glands et les noisettes qu'ils avoient cachés et peut-être oubliés , venant à germer en terre et pousser des feuilles au dehors, décèlent ces amas inutiles, et les indiquent, quoi-^ qu'un peu tard , à qui en saura mieux jouir. Les geais nichent dans les bois, et loin des lieux habités, préférant les chênes les plus touffus , et ceux dont le tronc est entouré de lierre; mais ils ne con- struisent pas leurs nids avec autant de précaution que la pie. On m'en a apporté plusieurs dans le mois de mai; ce sont des demi-sphères creuses formées de pe- tites racines entrelacées, ouvertes par dessus, sans matelas au dedans, sans défense au dehors : j'y ai toujours trouvé quatre ou cinq œufs; d'autres disent V en avoir trouvé cinq ou six. Ces œufs sont un peu ïTioins gros que ceux du pigeon, d'un gris plus ou LE GEAI. C)l moins verdâtre, avec de petites taches foiblement marquées. Les petits subissent leur première mue dès le mois de juillet; ils suivent leurs père et mère jusqu'au printemps de l'année suivante , temps où ils les quît^ tent pour se réunir deux à deux et former de nou- velles familles : c'est alors que la plaque bleue des ailes qui s'étoit marquée de très bonne heure paroît dans toute sa beauté. Dans l'état de domesticité, auquel ils se façonnent aisément, ils s'accoutument à toutes sortes de nour- ritures, et vivent ainsi huit à dix ans; dans l'état sau- vage, ils se nourrissent non seulement de glands et de noisettes, mais de châtaignes, de pois, de fèves, de sorbes, de groseilles, de cerises, de framboises, etc. Ils dévorent aussi les petits des autres oiseaux, quand ils peuvent les surprendre dans le nid en l'absence des vieux, et quelquefois les vieux, lorsqu'ils les trouvent pris au lacet; et, dans ceUe circonstance, ils vont, suivant leur coutume, avec si peu de pré- caution, qu'ils se prennent quelquefois eux-mêmes, et dédommagent air^si l'oiseleur du tort qu'ils ont fait à sa chasse; car leur chair, quoique peu délicate, est mangeable, surtout si on la fait bouillir d'abord, et ensuite rôtir : on dit que de celte manière elle apppro- che de celle de l'oie rôiie. Les geais ont la première phalange du doigt exté- rieur de chaque pied unie à celle du doigt du îuilieu; le dedans de la bouche noir; la langue de la môme couleur, fourchue, mince, con^me membraneuse, et presque transparente; la vésicule du fiel oblongue ; Testomac moins épais et revêtu de muscles moins forts 92 LE GEAÏ. que le gésier des granivores. Il faut qu'ils aient le go- sier fort large, s'ils avalent, comme on dit, des glands, des noisettes, et même des châtaignes tout entières, à la manière des ramiers : cependant je suis sûr qu'ils n'avalent jamais les calices d'œillets tout entiers, quoi- qu'ils soient très friands de la graine qu'ils renferment. Je me suis amusé quelquefois à considérer leur ma- nège : si on leur donne un œillet, ils le prennent brusquement; si on leur en donne un second, ils le prennent de même , et ils en prennent ainsi tout au- tant que leur bec en peut contenir, et même davan- tage ; car il arrive souvent qu'en happant les nou- veaux ils laissent tomber les premiers, qu'ils sauront bien retrouver. Lorsqu'ils veulent commencer à man- ger, ils posent tous les autres œillets , et n'en gardent qu'un seul dans leur bec ; s'ils ne le tiennent pas d'une manière avantageuse, ils savent fort bien le poser pour le reprendre mieux ; et ensuite ils le saisissent sous le pied droit , et à coups de bec ils emportent en détail d'abord les pétales de la fleur, puis l'enveloppe du calice, ayant toujours l'œil au guet, et regardant de tous côtés : enfin , lorsqu^e la graine est à découvert , ils la mangent avidement, et se mettent tout de suite à éplucher un second œillet. f)n trouve cet oiseau en Suède , en Ecosse , en Angleterre, en Allemagne, en Italie; et je ne crois pas qu'il soit étranger à aucune contrée de l'Europe , ni même à aucune des contrées correspondantes de l'Asie. Pline parle d'une race de geai ou de pie à cinq doigts, laquelle apprenoit mieux à parler que les au- tres. Cette race n'a rien de plus extraordinaire que LE GEAI. ()<) celle des poules à cinq doigts, qui est connue de tout le monde, d'autant plus que les geais deviennent en- core plus familiers, plus domestiques que les poules; et l'on sait que les animaux qui vivent le plus avec l'homme sont aussi les mieux nourris , conséquem- ment qu'ils abondent le plus en molécules organiques superflues , et qu'ils sont plus sujets à ces sortes de monstruosités par excès. C'en seroit une que les pha- langes des doigts multipliées dans quelques individus au delà du nombre ordinaire ; ce qu'on a atlribué trop généralement à toute espèce. Mais une autre variété plus généralement connue dans l'espèce du geai c'est le geai blanc ; il a la marque bleue aux ailes, et ne diffère du geai ordinaire que par la blancheur presque universelle de son plumage, laquelle s'étend jusqu'au bec et aux ongles, et par ses yeux rouges, tels qu'en ont tant d'autres animaux blancs. Au reste , il ne faut pas croire que la blancheur de son plumage soit bien pure; elle est souvent altérée par une teinte jaunâtre plus ou moins foncée. Dans un individu que j'ai observé, les couvertures qui bordent les ailes pliées étoient ce qu'il y a de plus blanc : ce môme individu me parut aussi avoir les pieds plus menus que le geai ordinaire. 94 LE GEAI DE LA CHINE A BEC ROUGE. &9 ®«8«*«i8»8i»*»*»S>0i9ôe>3««««>««.8*c<< OISEAUX ETRANGERS QUI OINT RAPPORT AU GEAI. LE GEAI DE LA CHINE A BEC ROUGE. Corvu$ erjtlirorjnchus. Gmel. Cette espèce nouvelle vient de paroître en France pour la première fois. Son bec rouge fait d'autant plus d'eû'et, que toute la partie antérieure de la tête, du cou, et même de la poitrine, est d'un beau noir velouté ; le derrière de la tête et du cou est d'un gris tendre, qui se mêle par petites taches sur le sommet de la tête avec le noir de la partie antérieure; le des- sus du corps est brun , et le dessous blanchâtre : mais, pour se former une idée juste de ces couleurs, il faut supposer une teinte de violet répandue sur toutes, excepté sur le noir, mais plus foncée sur les ailes, un peu moins sur le dos, et encore moins sous le ventre. La queue est étagée, les ailes ne passent pas le tiers de sa longueur, et chacune de ses pennes est marquée de trois couleurs : savoir, de violet clair à l'origne, de noir à la partie moyenne , et de blanc à l'extrémité ; mais le violet tient plus d'espace que le noir, et celui- ci plus que le blanc. Tome ai 1 . L.E G-EAI DU- PEROU 2 LE MA"t\i UC ODE _ 3 - LE MAGNIP'IgUE LE GEAI DE LA. CHINE A BEC ROUGE. 96 Les pieds sont ronges comme le bec, les ongles blanchâtres à leur naissance, et bruns vers la pointe, du reste fort longs et fort crochus. Ce geai, n° 622, est un peu plus gros que le nô- tre, et pourroit bien n'être qu'une variété de climat. II. LE GEAI DU PÉROU. Corvus Peravianas. Gmel. Le plumage de cet oiseau , n** 6^5 , est d'une grande beauté ; c'est un mélange des couleurs les plus distin- guées, tantôt fondues avec un art inimitable, tantôt contrastées avec une dureté qui augmente reffet. Le vert tendre , qui domine sur la partie supérieure du corps, s'étend d'une part sur les six pennes intermé- diaires de la queue, et de l'autre va s'unir, en se dé- gradant par nuances insensibles et prenant en même temps une teinte bleuâtre, à une espèce de couronne blanche qui orne le sommet de la tête. La base du bec est entourée d'un beau bleu , qui reparoît derrière l'œil et dans l'espace au dessous. Une sorte de pièce de corps de velours noir, qui couvre la gorge et em- brasse lout le devant du cou, tranche par son bjord supérieur avec cette belle couleur bleue, et par son bord inférieur avec le jaune jonquille qui règne sur la poitrine, le ventre, et jusque sur les trois pennes latérales de chaque côté de la queue. Cette queue «st étagée , et plus étagée que celle du geai de Sibérie. On ne sait rien des mœurs de cet oiseau, qui n'a~ voit point encore paru en Europe. 9^ LE GEAI BKLN DU CANADA. III. LE GEAI BRUIN DU CANADA. Corviis Canadensis. Gmel. S'il étoit possible de supposer que le geai eût pu passer en Amérique, je serois tenté de regarder celui- ci comme une variété de notre espèce d'Europe ; car il en a le port , la physionomie, ces plumes douces et soyeuses qui sont comme un attribut caractéristique du geai : il n'en diffère que par sa grosseur, qui est un peu moindre, par les couleurs de son plumage, par la longueur et la forme de sa queue, qui est éta- gée. Ces différences pourroient à toute force s'impu- ter à l'influence du climat : mais notre geai a l'aile trop foible et vole trop mal pour avoir pu traverser des mers; et en attendant qu'une connoissance plus dé- taillée des mœurs du geai brun du Canada, n"* 53o, nous mette en état de porter un jugement solide sur sa nature, nous nous déterminons à le produire ici comme une espèce étrangère, analogue à notre geai, et l'une de celles qui en approchent de plus près. La dénomination de geai brun donne une idée assez juste de la couleur qui domine sur le dessus du corps; car le dessous, ainsi que le sommet de la tête, la gorge, et le devant du cou, sont d'un blanc sale; et cette dernière couleur se retrouve encore à l'extrémité de la queue et des ailes. Dans l'individu que j'ai observé , le bec et les pieds étoient d'un brun foncé, le dessous du corps plus rembruni, et le bec LE GEAI BRUN DU CANADA. 97 inférieur plus renflé que dans la figure; enfin les plu- mes de la gorge se portant en avant , formoient une espèce de barbe à l'oiseau. IV. LE GEAI DE SIBÉRIE. Corvus Siblricus. Gmel. Les traits d'analogie par lesquels cette nouvelle es- pèce se rapproche de celle de notre geai consistent en un certain air de famille, en ce que la forme du bec et des pieds, et la disposition des narines sont à peu près les mêmes, et en ce que le geai de Sibérie, n*' 608, a sur la tête, comme le nôtre, des plumes étroites, qu'il peut à son gré relever en manière de huppe. Ses traits de dissemblance sont qu'il est plus petit, qu'il a la queue étagée , et que les couleurs de son plumage sont fort différentes, comme on pourra s'en assurer en comparant les figures enluminées qui re- présentent ces deux oiseaux. Les mœurs de celui de Sibérie nous sont absolument inconnues. LE BLANCHE-COIFFE, ou LE GEAI DE GAYENNE *. Corvus Cayanus. Gmel. Il est à peu près de la grosseur de notre geai com- mun : mais il a le bec plus court , les pieds plus hauts, la queue et les ailes plus longues à proportion; ce qui 1. N" 375. gS LE BLANCÎIE-COIFFE. lui donne un air moins lourd et une forme plus dé-^ veîoppée. On peut lui trouver encore d'autres différences, principalement dans le plumage ; le gris, le blanc , le noir, et différentes nuances de vioiet, font toute la variété de ses couleurs; le gris sur le bec, les pieds, et les ongles; le noir sur le front, les côtés de la tête, et la gorge; le blanc autour des yeux, sur le sommet de la tête, et le chignon jusqu'à la naissance du cou, et encore sur toute la partie inférieure du corps; le violet plus clair sur le dos et les ailes, plus foncé sur la queue : celle-ci est terminée de blanc, et compo- sée de douze pennes, dont les deux du milieu sont un peu plus longues que les latérales. Les petites plumes noires qu'il a sur le front sont courtes et peu flexibles : une partie , se dirigeant en avant, recouvre les narines; l'autre partie, se relevant en arrière, forme une sorte de toupet hérissé. VI. LE GARLU, ou LE GEAI A VENTRE JAUNE DE GAYENNE. C'est celui de tous les geais qui a les ailes les plus courtes, et qu'on peut le moins soupçonner d'avoir fait le trajet des mers qui séparent les deux conti- nents, d'autant moins qu'il se tient dans les pays chauds. Il a les pieds courts et menus, et la physio- nomie caractérisée. Je n'ai rien à ajouter, quant aux couleurs, à ce que la flgure , n** ^49, présente, et l'on ne sait encore rien de ses mœurs; on ne sait pas LE GAIILU. 99 même s'il relève les plumes de sa tête en manière de huppe , comme font les autres geais. C'est une espèce nouvelle^. VII. LE GEAI BLEU, DE L'AMÉRIQUE SEPTENTRIONALE. Corvus cristatus. Gmel. Cet oiseau, n° 629, est remarquable par la belle couleur bleue de son plumage, laquelle domine avec quelque mélange de blanc, de noir, et de pourpre, sur toute la partie supérieure de son corps, depuis le dessus de la tête jusqu'au bout de la queue. Il a la gorge blanche avec une teinte de rouge; au dessous de la gorge une espèce de hausse-col noir, et plus bas une zone rougeâtre , dont la couleur, se dégradant insensiblement, va se perdre dans le gris et le blanc qui régnent sur la partie inférieure du corps. Les plumes du sommet de la tête sont longues, et l'oiseau les relève, quand il veut, en manière de huppe 2 : cette hupp« mobile est plus grande et plus 1. Un voyageur instruit a cru reconuoîlre dans la figure enluminée de cet oiseau celai qu'on appelle à Gayenne bonjour commandeur, parce qu'il semble prononcer ces trois mots. Mais il me reste des doutes sur l'identité de ces doux oiseaux 5 parce que ce même voyageur m*a paru confondre le garlu , ou geai à ventre jaune, représenté dans les planches enluminées, n" 249, avec le tyran du Brésil, représenté n" 212. Celui-ci ressemble en effet au premier par le plumage; mais il a le bec tout différent. 2. Je ne sais pourquoi M. Klein, qui a copié Gatesby , avance que celte huppe est toujours droite et relevée. 100 LE GEAI BLEU DE l' AMÉRIQUE SEPTENTRION. belle que dans notre geai ; elle est terminée sur le front par une sorte de bandeau noir, qui, se prolon- geant de part et d'autre sur un fond blanc jusqu'au chignon , va se rejoindre aux branches du hausse-col de la poitrine : ce bandeau est séparé de la base du bec supérieur par une ligne blanche formée des pe- tites plumes qui couvrent les narines. Tout cela donne beaucoup de variété, de jeu, et de caractère, à la physionomie de cet oiseau. La queue est presque aussi longue que l'oiseau même, et composée de douze pennes étagées. M. Catesby remarque que ce geai d'Amérique a la même pétulance dans les mouvements que notre geai commun, que son cri est moins désagréable, et que la femelle ne se distingue du mâle que par ses cou- leurs moins vives. Cela étant, la figure qu'il a don- née doit représenter une femelle, et celle de M. Ed- wards un mâle. Mais l'âge de l'oiseau peut faire aussi beaucoup à la vivacité et à la perfection des couleurs. Ce geai nous vient de la Caroline et du Canada; et il doit y être fort commun , car on en envoie souvent de ces pays là. LE CASSE-NOIX. 101 LE GASSE-NOIX\ Corvus caryocatactes. Gjiel. Cet oiseau , n'' 5o , diffère des geais et des pies par îa forme du bec, qu'il a plus droit, plus obtus, et composé de deux pièces inégales i il en diffère en- core par l'instinct qui l'attache de préférence au sé- jour des hautes montagnes, et par son naturel moins déliant et moins rusé. Du reste , il a beaucoup de rap- ports avec ces deux espèces d'oiseaux; et la plupart des naturalistes qui n'ont pas été gênés par leur mé- thode n'ont pas fait difficulté de le placer entre les geais et les pies, et même avec les choucas, qui, comme l'on sait, ressemblent beaucoup aux pies: mais on prétend qu'il est encore plus babillard que les uns et les autres. M. Klein distingue deux variétés dans l'espèce du casse-noix : l'une , qui est mouchetée comme î'é- tourneau, qui a le bec anguleux et fort, la langue longue et fourchue, comme toutes les espèces de pies; l'autre, qui est moins grosse, et dont le bec (car il ne dit rien du plumage) est plus menu, plus arrondi, 1. Il s'appelle en latin , nucifraga, ossifragus, et par quelques uns , tardela saxatilis , merula saxalilis, pica abietam giiitatn , graccidus Àtpinus, corvus cinereus , etc.; en allemand, nuss-brclscker , nuss- b'icker , etc. \ tcumen- fie fier , Turckiscfier-fiolstscfireYcr; en angloh, nui- •Tdclcer. BUFto^'. xxr. 7 J02 LE CASSE-NOIX. composé de deux pièces inégales, dont la supérieure est la plus longue, et qui a la langue divisée profon- dément, très courte, et comme perdue dans le go- sier ^. Selon le même auteur, ces deux oiseaux mangent des noisettes; mais le premier les casse, et l'autre les perce : tous deux se nourrissent encore de glands, de baies sauvages, de pignons, qu'ils épluchent fort adroi- tement, et même d'insectes : enfin tous deux cachent, comme les geais, les pies, et les choucas, ce qu'ils n'oiit pu consommer. Les casse-Roix, sans avoir le plumage brillant, l'ont remarquable par des mouchetures blanches et trian- (Tiilaires qui sont répandues partout, excepté sur la tête. Ces mouchetures sont plus petites sur la partie supérieure, plus larges sur la poitrine : elles font d'autant plus d'effet et sortent d'autant mieux qu'elles tranchent sur un fond brun. Ces oiseaux se plaisent surtout, comme je l'ai dit ci-dessus, dans les pays montagneux. On en voit com- munément en Auvergne, en Savoie, en Lorraine, en Franche-Comté, en Suisse, dans le Bergamasque, en Autriche, sur les montagnes couvertes de forêts de sapins : on les retrouve jusqu'en Suède, mais seule- ment dans la partie méridionale de ce pays, et rare- ment au delà. Le peuple d'Allemagne leur a donné 1. Selon Willugiiby, la langue ne paroîl pas pouvoir s'avancer plus loin que les coins de la bouche, le bec étant fermé, parce que dans celle situation la cavité du palais, qui correspond ordinairement à la langue, se trouve remplie par une arête saillante de la mâchoire in- ierieure , laquelle correspond ici à celte cavité; il ajoute que le fond du palais el les bords de sa fente ou fissures sont hérissés de petites pointes. LE CASSE-NOIX. 1 o5 les noms d'oiseaux de Turquie ^ d'Italie ^ d'Afrique; et Ton sait que , dans le langage du peuple , ces noms signifient, non pas un oiseau venant réellement de ces contrées, mais un oiseau étranger dont on ignore le pays. Quoique les casse-noix ne soient point oiseaux de passage, ils quittent quelquefois leurs montagnes pour se répandre dans les plaines. Friscli dit qu'on les voit de temps en temps arriver en troupes avec d'au- tres oiseaux en différents cantons de l'Allemagne, et toujours par préférence dans ceux où ils trouvent des sapins. Cependant, en i75zj, il en passa de grandes vo- lées en France, et notamment en Bourgogne , où il y a peu de sapins^. Ils étoient si fatigués en arrivant qu'ils se laissoient prendre à la main. On en tua un la même année au mois d'octobre, près de Mostyn eu Flinlshire, qu'on supposa venir d'Allemagne. Il faut remarquer que cette année avoit été fort sèche et 1. Un habile ornithologiste de la ville de Sarbourg * m'apprend qu'en cette même année 1754 il passa en Lorraine des volées de casse- noix si nombreuses , que les bois et les campagnes en étoient remplis : leur séjour dura tout le mois d'octobre ; et la faim les avoit tellement affaiblis, qu'ils se laissoient approcher et tuera coups de bâton. Le même observateur ajoute que ces oiseaux ont reparu en 1766, mais en beaucoup plus petit nombre; que leur passage se fait toujours en automne, et qu'ils mettent ordinairement entre chaque passage ini in- tervalle de six à neuf années : ce qui doit se restreindre à la Lorraine ; car en France, et particulièrement en Bourgogne, les passages des casse-noix sont beaucoup plus éloignés. * M. le docteur Lotiinger, qui connoît très bien les oiseaus de la Lorraine, et à qui je dois plu» i-ieurs Eiils concernant leurs mœurs, leurs habitudes, et leurs passages. Je me ferai un devoir de le ciler pour toutes le$ observalions qui lui seront propres; et ee que je dis ici pourra suppléer a\!T ïo4 LE CASSE-NOIX. fort chaude; ce qui avoit dû tarir Ja plupart des fon- taines, et faire tort aux fruits dont les casse-noix font leur nourriture ordinaire : et d'ailleurs, comme en arrivant ils paroissoient affamés, donnant en fouie dans tous les pièges, se laissant prendre à tous les ap- pâts , il est vraisemblable qu'ils avoient été contraints d'abandonner leurs retraites par le manque de sub- sistance. Une des raisons qui les empêchent de rester et de se perpétuer dans les bons pays c'est, dit-on, que, comme ils causent un grand préjudice aux forêts en perçant les gros arbres à la manière des pics, les pro- priétaires leur font une guerre continuelle, de manière qu'une partie est bientôt détruite , et que l'autre est obligée de se réfugier dans des forêts escarpées , où il n'y a point de garde-bois. Cette habitude de percer les arbres n'est pas le seul trait de ressemblance qu'ils ont avec les pics; ils nichent comme eux dans des trous d'arbres, et peut- être dans des trous qu'ils ont faits eux-mêmes : car ils ont, comme les pics, les pennes du milieu delà queue usées par le bout ; ce qui suppose qu'ils grim- pent aussi comme eux sur les arbres; en sorte que si on vouloit conserver au casse-noix la place qui paroît lui avoir été marquée par la nature, ce seroit entre les pics et les geais ; et il est singulier que Willughby lui ait donné précisément cette place dans son Ofvii- tlwlogie y quoique la description qu'il en a faite n'in- dique aucun rapport entre cet oiseau et les pics. 11 a l'iris couleur de noisette ; le bec, les pieds, et les ongles noirs; les narines rondes, ombragées par de petites plumes blanchâtres, étroites, peu flexibles, lE C^\SSE-N01X. îo5 et dirigées en avant; les pennes des ailes et de la queue noirâtres, sans monehetures, mais seulement la plupart terminées de blanc, et non sans quelques variétés dans les différents individus et dans les diffé- rentes descriptions ; ce qui semble confirmer l'opi- nion de M. Klein sur les deux races ou variétés qu'il admet dans l'espèce des casse-noix. On ne trouve , dans les écrivains d'histoire natu- relle, aucun détail sur leur ponte , leur incubation, l'éducation de leurs petits, la durée de leur vie c'est qu'ils habitent , comme nous avons vu, des lieux inaccessibles, où ils sont, où ils seront long-temps inconnus, et d'autant plus en sûreté, d'autant plus heureux. ' LES ROLLIERS. Si l'on prend le rollier d'Europe pour type du genre, et que l'on choisisse pour son caractère distinctif, non pas une ou deux qualités superficielles, isolées, mais l'ensemble de ses qualités connues, dont peut- être aucune en particulier ne lui est absolument propre , mais dont la somme et la combinaison le ca- ractérisent, on trouvera qu'il y a un changement con- sidérable à faire au dénombrement des espèces dont M. Brisson a composé ce genre, soit en écartant celles qui n'ont point assez de rapports avec notre rollier, soit en rappelant à la môme espèce les individus qui ont bien quelques différences, mais moindres 106 LES ROLLIERS. cependant que celles que l'on observe souvent entre le mâle et la femelle d'une même espèce , ou entre Foiseau jeune et le même oiseau plus âgé , et encore entre l'individu habitant un pays chaud et le même individu transporté dans un pays froid, et enfin entre un individu sortant de la mue et le même individu ayant réparé ses pertes et refait des plumes nouvelles plus brillantes qu'auparavant. D'après ces vues , qui me paroissent fondées , je me crois en droit de réduire d'abord à une seule et même espèce le rollier d'Europe (planches enlumi- nées, n** 4^^) ^t le shaga-rag de Barbarie dont parle le docteur Shaw. 2° Je réduis de même à une seule espèce le rollier d'Abyssinie , n° 626, et celui du Sénégal, n" 3^6, que M. Brisson ne paroît pas avoir connus. 5° Je réduis encore à une seule espèce le rollier de Mindanao , n° 286, celui d'Angola, n° 8^, dont M-^ Brisson a fait ses deuxième et troisième rolliers , et celui de Goa, n" 627, dont M. Brisson n'a pas parlé : ces trois espèces n'en feront ici qu'une seule , par les raisons que je dirai à l'article des rolliers d'Angola et de Mindanao. 4** Je me crois en droit d'exclure du genre des rol- liers la cinquième espèce de M. Brisson , ou le rollier de la Chine , parce que c'est un oiseau tout différent , et qui resseinble beaucoup plus au grivert de Cayenne, avec lequel je l'associerai sous la dénomination com- mune de rolle ; et je les placerai tous deux avant les rolliers, parce ces deux espèces me paroissent faire la nuance entre les geais et les rolliers. 5° J'ai renvoyé aux pies les rolliers des Antilles , LES ROLLIERS. - I07 qui est la sixième espèce de M. Biisson, et cela par les raisons que j'ai dites ci-dessus à l'article des pies. 6° Je laisse parmi les oiseaux de proie l'ysquaulhli, dont M. Brisson a fait sa septième espèce de rollier, sous le nom de rollier de la Notwelle-Ei^pagnej et dont j'ai donné l'histoire à la suite des aigles et des balbu- zards. En effet, selon Fernandès, qui est l'auteur original , et selon Seba lui-même, qui l'a copié , c'est un véritable oiseau de proie, qui donne la cbasse aux lièvres et aux lapins, et qui par conséquent est très différent des rolliers. Fernandès ajoute qu'il est propre à la fauconnerie, et que sa grosseur égale celle dun bélier. 'j" Je retranche encore le hoxetot ou rollierjaunedu Mexique, qui est le neuvième rollier de M. Brisson, et que j'ai mis à la suite des pies, comme ayant plus de rapports avec cette espèce qu'avec aucune autre. Enfin j'ai renvoyé ailleurs lococolin de Fernandès, par les raisons exposées ci-dessus à l'article des cail- les, et je ne puis admettre dans le genre du rollier l'o- cocolin de Seba, très différent de celui de Fernandès, quoiqu'il porte le même nom ; car il a la taille du corbeau, le bec gros et court, les doigts et les ongles très longs, les yeux entourés tle mamelons rou- ges, etc. * : en sorte qu'après cette réduction, qui me paroît aussi modérée que nécessaire, et en ajoutant les espèces ou variétés nouvelles, inconnues à ceux qui nous ont précédés, et même le trenle-unième trou- î. Nouvel exemple de la liberté qu'a prise cet auteui- dapplicjuer les noms de certains oiseaux étrangers à d'autres oiseaux tout diffé- rents. On ne peut trop avertir les commençants de ces fréquentes mé- prise», (]ui tendent à faire un chaos de l'ornithologie. lo8 LES ROLLIERS. piale de M. Biissoii , que je regarde comme faisant la nuance entre les rolliers et les oiseaux de paradis^ il reste deux espèces de rolles et sept espèces de rol- liers avec leurs variétés. aS'oea'Sœo.So^aig» LE ROLLE DE LA CHINE. Coracias sinensis, Gmel. Il est vrai que cet oiseau , n° 620 , a les narines dé- couvertes comme les rolliers, et le bec fait à peu près comme eux : mais ces traits de ressemblance sont-ils assez décisifs pour qu'on ait du le ranger parmi les rolliers? et ne sont-ils pas contre-balancés par des différences plus considérables et plus multiplées, soit dans les dimensions des pieds, que le rolle de la Chine a plus longs, soit dans les dimensions des ailes, qu'il a plus courtes, et composées d'ailleurs d'un moindre nombre de pennes, et de pennes autrement propor- tionnées^, soit dans la forme de la queue , qu'il a éta- gée , soit enfin dans la forme de sa huppe, qui est une véritable huppe de geai, et tout-à-fait semblable à celle du geai bleu du Canada? C'est d'après ces diffé- rences , et surtout celle de la longueur des ailes, dont l'influence ne doit pas être médiocre sur les habitu- 1. Dans le rolle de la Chine, Taile esl composée de dix-huit pennes, dont la première est très courte, et dont la cinquième est la plus lon- gue de toutes, comme dans le geai; tandis que dans le rollier l'aile est composée de vingt-trois pennes, dont la seconde est la plus longue dç toulcsc LE ROLLE DE LA CHINE. 1 09 dos d'un oiseau , que je me suis cru en droit de séparer des rolliers le rolle de la Chine , et de le placer entre cette espèce et celle du geai, d'autant que presque toutes les disparités qui l'éloignent des rolliers, sem- blent le rapprocher des geais; car, indépendamment de la huppe dont j'ai parlé, on sait que les geais ont aussi les pieds plus longs que les rolliers, les ailes plus courtes, les pennes de Taile proportionnées comme dans le rolle de la Chine, et que plusieurs enfin ont la queue étagée, tels que le geai bleu du Canada, le geai brun du même pays, et le geai de la Chine. )'&ogofr<»8«aC«»<»g<'So8«»a'»«<»a I deux oiseaux , qu'entre les fables qu'on a débitées de l'un et de l'autre. D'ailleurs on ne peut nier que leur climat propre ne soit absolument différent, puisque le phénix se trouvoit en Arabie , et quelquefois en Egypte , au lieu que l'oiseau de paradis ne s'y montre jamais, et qu'il paroît attaché, comme nous venons de le voir, à la partie orientale de l'Asie, laquelle étoit fort peu connue des anciens. Clusius rapporte , sur le témoignage de quelques marins, lesquels n'étoient instruits eux-mêmes que par des oaï-dire , qu'il -y a deux espèces d'oiseaux de paradis : l'une constamment plus belle et plus grande, attachée à l'île d'Arou ; l'autre plus petite et moins belle , attachée à la partie de la terre des Papous qui est voisine de Gilolo. Heibigius, qui a ouï dire la même chose dans les îles d'Arou, ajoute que les oi- seaux de paradis de la Nouvelle-Guinée , ou de la terre des Papous, diffèrent de ceux de l'île d'Arou, non seulement parla taille, mais encore par les cou- leurs du plumage, qui est blanc et jaunâtre. Malgré ces deux autorités, dont l'une est trop suspecte et l'autre trop vague pour qu'on puisse en tirer rien de précis , il me paroît que tout ce qu'on peut dire de raisonnable d'après les faits les plus avérés c'est que les oiseaux de paradis qui nous viennent des Indes ne sont pas tous également conservés ni tous parfaite- ment semblables; qu'on trouve en effet de ces oi- seaux plus petits ou plus grands, d'autres qui ont ïgs> plumes subalaires et les fdets de la queue plus ou moins longs, plus ou moins nombreux; d'autres qui ont ces fiiets différemment posés, différemment con- formés, ou qui n'en ont point du tout; d'autres enlin 102 l'oiseau de PAllADIS. qui diffèrent entre eux par les couleurs du plumage , par des huppes ou touffes de plumes , etc. ; mais que, dans le vrai, il est difficile, parmi ces différences aperçues dans des individus presque tous mutilés, défigurés , ou du moins mal desséchés, de déterminer précisément celles qui peuvent constituer des espèces diverses , et celles qui ne sont que des variétés d'âge, de sexe , de saison, de climat, d'accident, etc. D'ailleurs il faut remarquer que les oiseaux de pa- radis étant fort chers comme marchandise , à raison de leur célébrité, on tâche de faire passer sous ce nom plusieurs oiseaux à longue queue et à beau plu- mage auxquels on retranche les pieds et les cuisses pour en augmenter la valeur. Nous en avons vu ci- dessus un exemple dans le roUier de paradis, cité par M. Edwards, planche cxii, et auquel on avoit acordé les honneurs de la mutilation. J'ai vu moi-même des perruches, des promérops, d'autres oiseaux, qu'on avoit ainsi traités; et l'on en peut voir plusieurs au- tres exemples dans Aldrovande et dans Seba^. On 1. La seconde espèce de munucodiata d' Aldrovande n'a ni les filets de la queue, ni les plumes subalaires, ni la caloUe de velours , ni le bec , ni la langue des oiseaux de paradis ; la différence est si marquée, que M. Brisson s'est cru fondé à faire de cet oiseau un guêpier : ce- pendant on l'avoit mutilé comme un oiseau de paradis. A légard de la cinquième espèce du même Aldrovande, qui est certainement un oiseau de paradis , c'est tout aussi certainement un individu non seu- lement mutilé, mais défiguré. Des dix oiseaux représentés cl décrits par Seba sous le nom (Voi- seaux de paradis, il n'y en a que quatre qui puissent être rapportées à ce genre; savoir, ceux des planches xxxviii, fig. 5, lx, fig. i, et lxiii, fig. 1 et 2. Celui de la planche xxx, fig. 5, n'est point un oiseau de paradis, et n"a aucun de ses attributs distinclifs, non plus que ceux des planches m.vi et lu. Ce dernier est la vardiole, dont j'ai parlé à L OISEAU DE PARADIS. \ÔO trouve même assez communément de véritables oi- seaux de paradis qu'on a taché de rendre plus singu- liers et plus chers en les défigurant de difTérentes fa- çons. Je me contenterai donc d'indiquer à la suite des deux espèces principales, les oiseaux qui m'ont paru avoir assez de traits de conformité avec elles pour y être rapportés, et assez de traits de dissemblance pour en être distingués, sans oser décidei', faute d'ob- servations suffisantes , s'ils appartiennent à l'une ou à l'autre, ou s'ils forment des espèces séparées de tou- tes les deux. LE MANUCODE*. Paradisea regia. Gmel. Le manucode, n"496- que je nomme ainsi d'après son nom indien ou plutôt superstitieux manucodiata j, qui signifie oiseau de DieUj est appelé communément (e roi des oiseaux de paradis; mais c'est un préjugé qui l'arlicle des pies. Ces trois espèces ont à Ja queue deux pennes excé- danles très longues, mais qui , étant ernpluraées dans toute leur lon- gueur, ressemblent peu aux filets de l'oiseau de paradis. Les deux de îa planche lx, fig. 2 et 5, ont aussi les deux longues pennes excé- dantes et garnies de barhes dans toute leur longueur; et de plus, ils ont le bec de perroquet; ce qui n'a pas empêché qu'on ne leur ait arraché les pieds , comme a des oiseaux de paradis. Enfin celui de la planche lxvi non seulement n'est point un oiseau de paradis, mais n'est pas même du pays de ces oiseaux, puisqu'il éîoit venu à Seba des îles Barbadcs. i. En latin, manacodiaia rex , rcx paradisi , rex avium paradisea- 7Hi,m, avis regia; en anglois , kind of birds of paradise, liUFFON. XXI, (^ l34 LE MANUCODE. tient aux fab!es dont on a chargé l'histoire de cet oi- seau. Les marins dont Cliisius tira ses principales in- formations avoient oui dire dans le pays que chacune des deux espèces d'oiseaux de paradis avoit son roi, à qui tous les autres paroissoient obéir avec beaucoup de soumission et de fidélité; que ce roi voloit tou- jours au dessus de la' troupe, et planoit sur ses su- jets ; que de là il leur donnoit ses ordres pour aller re- connoître les fontaines où on pou voit aller boire sans danger, pour en faire Tépreuve sur eux-mêmes, etc.^; et cette fable, conservée par Clusius, quoique non moins absurde qu'aucune autre , étoit la seule chose qui consolât ÎNieremberg de toutes celles dont Clusius avoit purgé l'histoire des oiseaux de paradis; ce qui, pour le dire en passant , doit fixer le degré de con- fiance que nous pouvons avoir en la critique de ce compilateur. Quoi qu'il en soit, ce prétendu roi a plusieurs traits de ressemblance avec l'oiseau de pa- radis, et il s'en distingue aussi par plusieurs diffé- rences. Il a, comme lui, la tête petite et couverte d'une espèce de velours, les yeux encore plus petits, situés au dessus de l'angle de l'ouverture du bec, les pieds assez longs et assez forts , les couleurs du plumage changeantes, deux filets à la queue à peu près sembla- bles, excepté qu'ils sont plus courts, que leur extré- mité , qui est garnie de barbes, fait la boucle en se roulant sur elle-même, et qu'elle est ornée de mi- roirs semblables en petit à ceux du paon. Il a aussi 1, Cela a rapport à la manière tlont les Indiens se rendent quelque- fois maîtres de toute une volée de ces oiseaux, en empoisonnant les fontaines oii ils vont boire. LE MANU CODE. 1 35 SOUS l'aile, de chaque côté, un paquet de sept ou huit plumes plus longues que dans la plupart des oi- seaux , mais moins longues et d'une autre forme que dans l'oiseau de paradis, puisqu'elles sont garnies dans toute leur longueur de barbes adhérentes entre elles. On a disposé la figure de manière que ces plu- mes subalaires peuvent être aperçues. Les autres dif- férences sont que le manucode est plus petit , qu'il a le bec blanc et plus long à proportion, les ailes aussi plus longues, la queue plus courte, et les narines couvertes de plumes. Clusius n'a compté que treize pennes à chaque aile, et sept ou huit à la queue ; mais il n'a vu que des indi- vidus desséchés, et qui pouvoient n'avoir pas toutes leurs plumes. Ce môme auteur remarque, comme une singularité, que dans quelques sujets les deux filets de la queue se croisent : mais cela doit arriver sou- vent et très naturellement dans le même individu à deux filets longs, flexibles 5 et posés à côté l'un de l'autre. 'LE MAGNIFIQUE DE LA NOUVELLE-GUINÉE, ou LE MANUCODE A BOUQUETS. Paradisea magnifica. Gmel. Les deux bouquets dont j'ai fait le caractère dis- tinctif de cet oiseau se trouvent derrière le cou et à l56 LE 3IAGNIFIQIJE DE LA NOUVELLE-GUINEE. sa naissance. Le premier est composé de plusieurs plumes étroites, de couleur jaunâtre, marquées près de la pointe d'une petite tache noire, et qui, au lieu d'être couchées comme à l'ordinaire, se relèvent sur leur base, les plus proches de la tête jusqu'à l'angle droit, et les suivantes de moins en moins. Au dessous de ce premier bouquet, on en voit un second plus considérable, mais moins relevé et plus incliné en arrière. Il est formé de longues barbes dé- tachées qui naissent de tuyaux fort courts, et dont quinze ou vingt se réunissent ensemble , pour for- mer des espèces de plumes couleur de paille. Ces plumes semblent avoir été coupées carrément par le bout, et font des angles plus ou moins aigus avec le plan des épaules. Ce second bouquet est accompagné, de droite et de gauche , de plumes ordinaires , variées de brun et d'orangé, et il est terminé en arrière, je veux dire du côté du dos , par une tache d'un brun rougeâ,tre et luisant , de forme triangulaire, dont la pointe ou le sommet est tourné vers la queue , et dont les plu- mes sont décomposées comme celles du second bou- quet. Un autre trait caractéristique de cet oiseau ce sont les deux fdets de la queue : ils sont longs d'environ un pied, larges d'une ligne , d'un bleu changeant en vert éclatant, et prennent naissance au dessus du croupion. Dans tout cela ils ressemblent fort aux fi- lets de l'espèce précédente : mais ils en diffèrent par leur forme; car ils se terminent en pointe, et n'ont de barbes que sur la partie moyenne du côté intérieur seulement. J Mî MAGiNlFIQUK DE LA iNOUVELLE-GL INKE. 1^7 Le milieu du cou et de la poitrine est marqué de- puis la gorge par une rangée de plumes très courtes, présentant une suite de petites lignes transversales qui sont alternativement d'un beau vert clair chan- geant en bleu , et d'un vert canard foncé. Le brun est ia couleur dominante du bas-ventre, du croupion , et de la queue ; le jaune roussâtre est celle des pennes des ailes et de leurs couvertures : mais les pennes ont de plus une tache brune à leur extré- mité; du moins telles sont celles qui restent à l'indi- vidu que l'on voit au Cabinet du Roi ; car il est bon d'avertir qu'on lui avoit arraché les plus longues pen- nes des ailes , ainsi que les pieds ^. Au reste , ce manucode, n** 65 1, est un peu plus gros (jue celui dont nous venons de parler à l'article précédent : il a le l)ec de môme, et les plumes du front s'étendent sur les narines, qu'elles recouvrent en partie ; ce qui est une contravention assez mar- quée au caractère établi pour ces sortes d'oiseaux par l'un de nos ornithologistes les plus habiles : mais les ornitholoaristes à méthode doivent être accoutumés à voir la nature, toujours libre dans sa marche, toujours variée dans ses procédés, échapper à leurs entraves et se jouer de leurs lois. Les plumes de la tête sont courtes, droites, serrées, et fort douces au toucher ; c'est une espèce de ve- lours de couleur changeante, comme dans presque tous les oiseaux de paradis; et le fond de cette couleur est un mordaré brun : la gorge est aussi revêtue de 1. Je no sais si l'indi\idu observé, par Aldrovande avoit le nombre des pennes de l'aile bien complet ; mais cet auteur dit que ces pennes étoient de couleur noirâtre. 1 38 LE MAGNIFIQUE DE LA. NOUVELLE-GUINEE. plumes veloutées; mais celles-ci sont noires, avec des reflets vert doré. LE MANUCODE NOIR DE LA NOUVELLE-GUINÉE^ DIT LE SUPERBE. Paradisea superba. Gmel. Le noir est en effet la principale couleur qui règne sur le plumage de cet oiseau ; mais c'est un noir ri- che et velouté, relevé sous le cou et en plusieurs au- tres endroits par des reflets d'un violet foncé. On voit briller sur la tête, la poitrine, et la face postérieure du cou, les nuances véritables qui composent ce qu'on appelle un beau vert changeant; tout le reste est noir, sans en excepter le bec. Je mets cet oiseau à la suite des oiseaux de para- dis , quoiqu'il n'ait point de fdets à la queue; mais on peut supposer que la mue ou d'autres accidents ont fait tomber ces filets : d'ailleurs il se rapproche de ces sortes d'oiseaux non seulement par sa forme totale et celle de son bec, mais encore par l'identité de cli- mat, par la richesse de ses couleurs, et par une cer- taine surabondance , ou , si l'on veut, par un certain luxe de plumes, qui est, comme on sait, propre aux oiseaux de paradis. Ce luxe de plumes se marque dans celui-ci, en premier lieu, par deux petits bouquets 1. IS" 632. LE MANUGODE NOIR DE LA NODV.-GUIiXEE. lOQ de plumes noires qui recouvrent les deux narines 5 en second lieu , par deux autres paquets de plumes de même couleur, mais beaucoup plus longues et di- rigées en sens contraire. Ces plumes prennent nais- sance des épaules, et, se relevant p!us ou moins sur le dos, mais toujours inclinées en arrière, forment à l'oiseau des espèces de fausses ailes qui s'étendent presque jusqu'au bout des véritables, lorsque celles- ci sont dans leur situation de repos. 11 faut ajouter que ces plumes sont de lon^gueurs inégales, et que celles de la face antérieure du cou et des côtés de la poitrine sont longues et étroites. c^a■s«^lO■i^■Q^9'■Mi^&^■i LE SIFILET, ou MAWUCODE A SIX FILETS. Paradisea anrea. Gmel. Si l'on prend les filets pour le caractère s()écifique des manucodes, celui-ci est le manucode par excel- lence; car au lieu de deux fdets il en a six, et de ces six il n'en sort pas un seul du dos, mais tous pren- nent naissance de la tête, trois de chaque côté : ils sont longs d'un demi-pied, et se dirigent en arrière; ils n'ont de barbes qu'à leur extrémité, sur une éten- due d'environ six lignes : ces barbes sont noires et assez longues. Indépendamment de ces filets , l'oiseau dont il s'a- sit dans cet article a encore deux autres attributs , l4o LE SIFILET. qui, comme nous l'avons dit, semblent propres aux oiseaux de paradis, le luxe des plumes et la richesse de couleurs. Le luxe des plumes consiste, dans le sifilet, i° en une sorte de huppe composée de plumes roides et étroites, laquelle s'élève sur la base du bec supé- rieur; 2° dans la longueur des plumes du ventre et du Las-ventre , lesquelles ont jusqu'à quatre pouces et plus : une partie de ces plumes, s'étendant direc- tement, cache le dessous de la queue, tandis qu'une autre partie, se relevant obliquement de chaque côté, recouvre la face supérieure de cette môme queue jusqu'au tiers de sa longueur, et toutes répondent aux plumes subalaires de l'oiseau de paradis et du manucode. A l'égard du plumage, les couleurs les plus écla- tantes brillent sur son cou; par derrière, le vert doré et le violet bronzé ; par devant, i'or de la topaze, avec des reflets qui se jouent dans toutes les nuan- ces du vert : et ces couleurs tirent un nouvel éclat de leur opposition avec les teintes rembrunies des parties voisines ; car la tête est d'un noir changeant en violet foncé, et tout le reste du corps est d'un brun presque noirâtre, avec des reflets du même vio- let fonc^. Le bec de cet oiseau est le même à peu près que celui des oiseaux de paradis; la seule difî*érence c'est que son arête supérieure est anguleuse et tranchante , au lieu qu'elle est arrondie dans la plupart des autres espèces. On ne peut rien dire des pieds ni des ailes, parce qu'on les avoit arrachés à l'individu qui a servi de LE SIFILET. l/jl sujet à cette description, suivant la coutuine des chasseurs ou marchands indiens, tout ce monde ayant intérêt, comme nous avons dit, de supprimer ce qui augmente inutilement le poids ou le vokime, et bien plus encore ce qui peut oliusquer les belles couleurs de ces oiseaux. «9e>8-&e-s>6©*«>*S'©s«*W:««*ti8'»«*»..<8»»&3 LE CALYBE DE LA NOUYELLE-GUINÉE^. Paradisea vir'idis. Gmel. Nous retrouvons ici , sinon le luxe et l'abondance des plumes, au moins les belles couleurs et le plu- mage velouté des oiseaux de paradis. Le velours de la tête est d'un beau bleu changeant en vert , dont les reflets imitent ceux de l'aigue-ma- rine. Le velours du cou a le poil un peu plus long; mais il brille des mêmes couleurs, excepté que cha- que plume étant d'un noir lustré dans son milieu , et d'im vert changeant en bleu seulement sur les bords, il en résulte des nuances ondoyantes qui ont beau- coup plus de jeu que celles de la tête. Le dos, le croupion, la queue , et le ventre, sont d'un bleu d'a- cier poli, égayé par des reflets très brillants. 1. C'est le noiii que M. Daubenlou le jeune a donné à cel oiseau, pour exprimer la principale couleur de son plumage, qui est celle de l'acier bronzé ; et c'est au même M. Daubenton que je dois lous les éléments des descriptions de ces quatre espèces nouvelles. lf\ii LE CALYBÉ DE LA NOUVELLE-GUINEE. Les petites plumes veloutées du front se prolon- gent en avant jusque sur une partie des narines , les- quelles sont plus profondes que dans les espèces pré- cédentes. Le bec est aussi plus grand et plus gros; nnais ii est de même forme, et ses bords sont pareil- lement échancrés vers la pointe. Pour la queue , on n'y a compté que six pennes ; mais probablement elle n'étoit pas entière. L'individu qui a servi de sujet à cette description, ainsi que ceux qui ont servi de sujets aux trois de- scriptions précédentes, est enlilé , dans toute sa lon- gueur, d'une baguette qui sort par le bec, et le déborde de deux ou trois pouces. C'est de cette ma- nière très simple, et en retranchant les plumes de mauvais efi'et, que les Lidiens savent se faire sur-le- champ une aigrette ou une espèce de panache tout-à- iait agréable , avec le premier petit oiseau à beau plumage qu'ils trouvent sous la main : mais aussi c'est une manière sûre de déformer ces oiseaux et de les rendre méconnoissables, soit en leur allongeant le cou outre mesure, soit en altérant toutes les autres proportions; et c'est par cette raison qu'on a eu beau- coup de peine à retrouver dans le calybé l'insertion des ailes qui lui avoient été arrachées aux Indes, en sorte qu'avec un peu de crédulité on n'eût pas man- qué de dire que cet oiseau joignoit à la singularité d'être né sans pieds la singularité bien plus grande d'être né sans ailes. Le calybé, n° 654, s'éloigne plus des manucodes que des trois espèces précédentes; c'est pourquoi je l'ai renvoyé à la dernière place, et lui ai donné un nom particulier. LE PIQUE-BOEUF. l43 LE PIQUE-BOEUF. Buphaga Afrlcana. L. M. Brissoii est le premier qui ait décrit et fait con- noître ce petit oiseau^, envoyé du Sénégal par M. Adan- son. Il a environ quatorze pouces de vol , et n'est guère plus gros qu'une alouette huppée. Son plumage n'a rien de distingué : en général, le gris brun do- mine sur la partie supérieure du corps, et le gris jau- nâtre sur la partie inférieure. Le bec n'est pas d'une couleur constante; dans quelques individus il est tout brun; dans d'autres , rouge à !a pointe, et jaune à la base; dans tous il est de forme presque quadrangu- laire , et ses deux pièces sont renflées par le bout en sens contraire. La queue est étagée, et onyremarque une petite singularilé, c'est que les douze pennes dont elle est composée sont toutes fort pointues. Enfin, pour ne rien oublier de ce que la figure ne peut dire aux yeux , la première phalange du doigt extérieur et étroitement unie avec celle du doigt du milieu. Cet oiseau est très friand de certains vers ou larves d'insectes qui éclosent sous l'épiderme des bœufs , et y vivent jusqu'à leur métamorphose : il a l'habitude de se poser sur le dos de ces animaux, et de leur en- tamer le cuir à coups de bec, pour en tirer ces vers; c'est de là que lui vient son nom de pique-bœuf. 44 l'étolrneau. e'a-s<8^-ê>3tê'3i&o<3'a«> > e).*6««*t»*o*o-ê*«iw««*&â-e»3-eré?/laT!ce entre les jcuiics merles et les jeunes étour- neaux est telle, que j'ai vu un procès véritable , une instance juridi- que , entre deux particuliers , dont l'un réclamoit un étourueau ovt sansonnet qu'il prétendoit avoir mis en pension chez l'autre pour lui apprendre à parler, siffler, chanter, etc., et l'autre représentoit un merle fort bien élevé , et réclamoit son salaire , prétendant en eifet n'a- voir reçu qu'un merie. 2. M. Barrère dit que l'étourneau a le b<;c quadrangulaire. Il con- viendra au moin« que les angles on sont fort arrondis. 5. C'est apparemment ce qui a fait dire à Aristote que l'étourneau se tient caché pendant Ihiver. \l\6 l'j£tolrneau. couvée, qu'ils se rassemblent en troupes très noin- breuses : ces troupes ont une manière de voler qui leur est propre, et semble soumise à une tactique uniforme et régulière, telle que seroit celle d'une troupe disciplinée , obéissant avec précision à la voix d'un seul chef. C'est à la voix de Finstinct que les étourneaux obéissent , et leur instinct les porte à se rapprocher toujours du centre du peloton , tandis que ia rapidité de leur vol les emporte sans cesse au delà; en sorte que cette multitude d'oiseaux, ainsi réunis parunetendancecommune vers le même point, allant ; et venant sans cesse, circulant et se croisant en tous sens, forme une espèce de tourbillon fort agité, dont la masse entière , sans suivre de direction bien cer- taine , paroît avoir un mouvement général de révolu- tion sur elle-même, résultant des mouvements parti- culiers de circulation propres à chacune de ses parties, et dans lequel le centre tendant perpétuellement à se développer, mais sans cesse pressé , repoussé par l'ef- fort contraire des lignes environnantes qui pèsent sur lui, est constamment plus serré qu'aucune de ces li- «nes , lesquelles le sont elles-mêaies d'autant plus qu'elles sont plus voisines du centre. Cette manière de voler a ses avantages et ses incon- vénients. Elle a ses avantages contre les entreprises de l'oiseau de proie , qui, se trouvant embarrassé par le nombre de ces foibles adversaires , inquiété par leur battement d'ailes, étourdi par leurs cris, décon- certé par leur ordre de bataille , enfin ne se jugeant pas assez fort pour enfoncer des lignes si serrées, que la peur concentre encore de plus en plus, se voit contraint fort souvent d'abandonner une si ri- i l'étourneau. i47 clie proie sans avoir pu s'en approprier la moindre partie. Mais, d'autre côté, un inconvénient de cette fa- çon de voler des étourneaux c'est la facilité qu'elle offre aux oiseleurs d'en prendre un grand nombre à la fois, en lâchant à la rencontre d'une de ces volées un ou deux oiseaux de la même espèce , ayant à cha- que patte une ficelle engluée : ceux-ci ne manquent pas de se mêler dans la troupe , et , au moyen de leurs allées et venues perpétuelles, d'en embarrasser un grand nombre dans la ficelle perfide , et de tomber bientôt avec eux aux pieds de l'oiseleur. C'est surtout le soir que les étourneaux se réunis- sent en grand nombre, coname pour se mettre en force et se garantir des dangers de la nuit r ils la pas- sent ordinairement tout entière, ainsi rassemblés, dans les roseaux, où ils se jettent vers la fin du jour avec grand fracas. Ils jasent beaucoup le soir et le matin avant de se séparer, mais beaucoup moins le reste de la journée, et point du tout pendant la nuit. Les étourneaux sont tellement nés pour la société, qu'ils ne vont pas seulement de compagnie avec ceux de leur espèce, mais avec des espèces différentes. Quelquefois au printemps et en automne, c'est-à- dire avant et après la saison des couvées, on les^voit se mêler et vivre avec les corneilles et les choucas , comme aussi avec les litornes et les inauvis, et même avec les pigeons. Le temps des amours commence pour eux sur la fin de mars; c'est alors que chaque paire s'assortit : mais ici comme ailleurs ces unions si douces sont prépa- rées par la guerre, et décidées par la force. Les fe- i^S l'étouhneâu. melies n'ont pas le droit de faire un choix ; les mâles, peut-être plus nombreux et toujours plus pressés, surtout an commencement, se les disputent à coups de bec : et elles appartiennent au vainqueur. Leurs amonrs sont presque anssi bruyants que leurs com- bats; on les entend alors gazouiller continuellement: chanter et jouir, c'est toute leur occupation ; et leur ramage est même si vif, qu'ils semblent ne pas con- noître la langueur des intervalles. Après qu'ils ont satisfait au plus pressant des be- soins, ils songent à pourvoir à ceux de la future cou- vée 5 sans cependant y prendre beaucoup de peine ; car souvent ils s'emparent d'un nid de pivert , comme le pivert s'empare quelquefois du leur: lorsqu'ils veu- lent le construire eux-mêmes, toute la façon con- siste à amasser quelques feuilles sèches, quelques brins d'herbe et de mousse, au fond d'un trou d'arbre ou de muraille. C'est sur ce matelas fait sans art que la fenielle dépose cinq ou six œufs d'un cendré verdûtre, et qu'elle les couve l'espace de dix-huit à vingt jours: quelquefois elle fait sa ponte dans les colombiers, au dessus des entablements des maisons, et même dans des trous de rochers sur les côtes de la mer, comme on le voit dans l'île de Wight et ailleurs. On m'a quelquefois apporté dans le mois de mai de pré- tendus nids d'étourneaux qu'on avoit trouvés, disoit- on , sur des arbres ; mais , comme deux de ces nids entre autres ressembloient tout-à-fait à des nids de prives, j'ai soupçonné quelque supercherie de la part de ceux qui me les avoient apportés; à uioins qu'on ne veuille imputer la supercherie aux étourneaux eux- mêmes , et supposer qu'ils s'emparent quelquefois des l'ÉTOURNEAU. l/j^g nids de grives et d'autres oiseaux, comme nous avons vu qu'ils s emparoient souvent des trous de piverts. Je ne nie pas cependant que , dans certaines circon- stances , ces oiseaux ne fassent leurs nids eux-mêmes- un habile observateur m ayant assuré avoir vu plu- sieurs de ces nids sur le môme arbre. Quoi qu'il en soit, les jeunes étourneaux restent fort long-temps sous la mère; et, par cette raison, je douterois que cette espèce fit jusqu'à trois couvées par an ^ comme l'assurent quelques auteurs, si ce n'est dans les pays chauds, où l'incubation, l'éducation, et toutes les périodes du développement animal, sont abrégées en raison du degré de chaleur. En général, lef> plumes des étourneaux sont lon- gues et étroites, comme dit Belon ; leur couleur est, dans le premier âge, un brun noirâtre, uniforme, sans mouchetures comme sans reflets. Les mouche- tures ne commencent à paroître qu'après la |)remière mue, d'abord sur la partie inférieure du corps, vers la fm de juillet; puis sur la tête, et enfin sur la partie supérieure du corps, aux environs du 20 août. Je parle toujours des jeunes étourneaux qui étoientéclos au commencement de mai. J'ai observé que , dans cette première mue , les plumes qui environnent la b'ase du bec tombèrent presque toutes à la fois, en sorte que cette partie fut chauve pendant le mois de juillet, comme elle l'est habituellement dans lafrayonne pendanttoute l'année. Je remarquai aussi que le bec étoit presque tout jaune le 1 5 de mai : cette couleur se changea bientôt en couleur de corne , et Belon assure qu'avec le temps elle devient orangée. iJUFfOK. XXI. i5o l'étourneau. Dans les Qiâles , les yeux sont plus bruns ou d'un brun plus uniforme, les mouchetures du plumage plus tranchées, plus jaunâtres, et la couleur rem- brunie des plumes, qui n'ont point de mouchetures, est égayée par des reflets plus vifs, qui varient entre le pourpre et le vert foncé. Outre cela, le mâle est plus gros; il pèse environ trois onces et demie. M. Sa- lerne ajoute une autre différence entre les deux sexes; e'est que la langue est pointue dans le mâle , et fourchue dans la femelle. Il semble en effet que M. Linnaeus ait vu cette partie pointue en certains individus, et fourchue en d'autres; pour moi, je l'ai vue fourchue dans les sujets que j'ai eu occasion d'observer. Les étourneaux vivent de limaces, de vermisseaux, de scarabées , surtout de ces jolis scarabées d'un beau vert bronzé luisant, avec des reflets rougeâtres, qu'on trouve au mois de juin sur les fleurs et princi- palement sur les roses; ils se nourrissent aussi de blé, de sarrasin , de mil , de panis, de chêne vis, de graine de sureau, d'olives, de cerises, de raisins, etc. On prétend que cette dernière nourriture est celle qui corrige le mieux l'amertune naturelle de leur chair ^, et que les cerises sont celle pour laquelle ils montrent un appétit de préférence : aussi s'en sert-on comme 1. Voyez Schwcnckfeld , M. Salerne , etc. Cardan dit que, pour bonifier la chair des étourneaux , il ne s'agit que de leur couper ïa tête sitôt qu'ils sont tués; xllbin , qu'il faut leur enlever la peau ; d'autres, que les étourneaux de montagne valent mieux que les autres : mais tout cela doit s'entendre des jeunes ; car , malgré les montagnes et les précautions, la chair des vieux sera toujours sèche, amère, et un très mauvais manger. l'étouhneau. i5i d'un appât infaiHibk pour les attirer dans des nasses d'osier que l'on tend parmi Jes roseaux où ils ont cou- tume de se retirer tous les soirs , et l'on en prend de cette manière jusqu'à cent dans une seule nuit; mais cette chasse n'a plus lieu lorsque la saison des cerises est passée. Ils suivent volontiers les bœufs et autre gros bé- tail paissant dans les prairies, attirés, dit-on ^ par les insectes qui voltigent autour d'eux, ou peut-être par ceux qui fourmillent dans leur fiente, et en général dans toutes les prairies. C'est de cette habitude que leur est venu le nom allemand rinderstaren. On les accuse encore de se nourrir de la chair des cadavres exposés sur les fourches patibulaires ; mais ils n'y vont apparemment que parce qu'ils y trouvent des insectes. Pour moi, j'ai fait élever de ces oiseaux, et j'ai remarqué que , lorsqu'on leur présentoit de pe- tits morceaux de viande crue, ils se jetoient dessus avec avidité et les mangeoient de même : si c'étoit un calice d'œillet, contenant de la graine formée, ils ne le saisissoientpas sous leurs pieds, comme font les geais, pour l'éplucher avec le bec; mais, le tenant dans le bec , ils le secouoient souvent et le frappoient à plusieurs reprises contre les bâtons ou le fond de la cage, jusqu'à ce que le calice s'ouvrît et laissât pa- roître et sortir la graine. J'ai aussi remarqué qu'ils buvoient à peu près comme les gallinacés, et qu'ils prenoient grand plaisir à se baigner. Selon toute apparence , l'un de ceux que je faisois élever est mort de refroidissement, pour s'être trop baigné pen- dant l'hiver. Ces oiseaux vivent sept ou huit ans, et mêm« plus. l52 l'ÉTOUHNIwMJ. dans rétat de domesticité. Les sauvages ne se pren- nent point à la pipée, parce qu'ils n'accourent point à l'appeau, c'est-à-dire au cri de la chouette. Mais, outre la ressource des ficelles engluées et des nasses dont j'ai parlé plus haut, on a trouvé le moyen d'en prendre des couvées entières à la fois, en attachant aux murailles et sur les arbres où ils ont coutume de ni- cher des pots de terre cuite , d'une forme commode, et que ces oiseaux préfèrent souvent aux trous d'ar- bre et de muraille pour y faire leur ponte. On en prend auFsi beaucoup au lacet et à la pantière. En quelques endroits de l'Italie, on se sert de belettes apprivoisées pour les tirer de leurs nids, ou plutôt de leurs trous ; car le grand art de l'homme est de se ser- vir d'une espèce esclave pour étendre son empire sur les autres. Les étourneaiix ont une paupière interne, les na- rines à demi recouvertes par une membrane, les pieds d'un brun rougeâtre^ , le doigt extérieur uni à celui du milieu jusqu'à la première phalange, l'ongle postérieur plus fort qu'aucun autre; le gésier peu charnu, précédé d'une dilatation de l'œsophage, et contenant quelquefois de petites pierres dans sa ca- vité ; le tube intestinal long de vingt pouces d'un orifice à l'autre; la vésicule du fiel à l'ordinaire; les cœcwn fort petits, et plus près de l'anus qu'ils ne le sont ordinairement dans les oiseaux. En disséquant uu jeune étourneau de ceux qui avoient été élevés chez moi, j'ai remarqué que les 1 . Je ne sais pourquoi Willughby a dit : Tibix ad articulos usque pluniosœ. Je n'ai rien vu de pareil dans tous les étcmrn eaux qui m'ont passé sous les yeux. l'étouhineau. i53 lîiatières contenues dans le gésier et dans les intestins étoient absolument noires, quoique cet oiseau eut été nourri uniquement avec de la mie de pain et du lait. Cela suppose une grande abondance de bile noire, et rend en même temps raison de ramertume de la cbairde ces oiseaux, et de Tusage qu'on a fait de leurs excréments dans les cosmétiques. Un étourneau peut apprendre à parler indifférem- ment françois, allemand, latin, grec, etc., et à pro- noncer de suite des phrases un peu longues : son gosier souple se prête à toutes les inflexions, à tous les accents. Il articule franchement la lettre r^ et soutient très bien son nom de sansonnet ^ ou plutôt de cliansonnet j, par la douceur de son ramage acquis, beaucoup plus agréable que son ramage naturel. Cet oiseau est fort répandu dans l'ancien conti- nent : on le trouve en Suède, en Allemagne, en France, en Italie, dans l'île de Malte, au cap de Bonne-Espérance, et partout, à peu près le même : au lieu que les oiseaux d'Amérique, auxquels on a donné le nom à^étourneaux^ forment des espèces assez multipliées, comme nous le verrons bientôt. Variétés de l' Etourneau. Quoique l'empreinte du moule primitif ait été assez ferme dans l'espèce de notre étourneau pour empêcher que ses races diverses , s'éloignant à un certain point, formassent enfin des espèces distinctes et séparées, elle n'a pu cependant rendre absolu- ment nulle la tendance perpétuelle qui porte la na- ture à la yarrété ; tendance qui se manifeste ici d'une l54 VARIÉTÉS DE l'ÉTOURNEAU. manière fort marquée , puisqu'on trouve des étour- neaux noirs ( ce sont les jeunes) , d'autres tout blancs, d'autres blancs et noirs, enfin d'autres gris, c'est-à- dire dont le noir s'est fondu dans le blanc. Il faut remarquer que souvent on a trouvé ces va- riétés dans les nids des étourneaux ordinaires ; en sorte qu'on ne peut les considérer que comme des variétés individuelles, ou purement éphémères, que la na- ture semble produire en se jouant sur la superficie , qu'elle anéantit à chaque génération pour les renou- veler et les détruire encore , mais qui ne pouvant ni se perpétuer, ni pénétrer jusqu'au type spécifique , ne peuvent conséquemment donner aucune atteinte à sa pureté , à son unité. Telles sont les variétés sui- vantes dont parlent les auteurs. L'étourneau blanc d'Aldrovande, aux pieds cou- leur de chair, et au bec jaune-rougeâtre, tel qu'il est dans nos étourneaux devenus vieux. Aldrovande remarque que celui-ci avoit été pris avec les étour- neaux ordinaires; et Rzaczynski assure que, dans un certain canton de la Pologne, on voyoit souvent sor- tir du même nid un étourneau noir et un blanc. Willughby parle aussi de deux étourneaux de cette dernière couleur qu'il avoit vus dans le Cumber- land, II. L'étourneau noir et blanc. Je rapporte à cette va- riété , i** l'étourneau à tête blanche d'Aldrovande, VARIÉTÉS DE l'ÉTOU Î\NE AU. l55 Cet oiseau avoit en effet la tête blanche ^ ainsi que le bec , le cou, tout le dessous du corps, les couver- tures des ailes, et les deux pennes extérieures de la queue ; les autres pennes de la queue et toutes celles des ailes étoient comme dans l'étourneau or- dinaire : le blanc de la tête étoit relevé par deux pe- tites taches noires situées au dessus des yeux, et le blanc du dessous du corps étoit varié par de petites tachesbleuâtres. a'^L etourneau-pie de Schwenckfeld, qui avoit le sommet de la tête, la moitié du bec du côté de la base , le cou , les pennes des ailes et de la queue, noirs, et tout le reste blanc. 3" L'étourneau à tête noire, vu par Willughby, ayant tout le reste du corps blanc. III. L'étourneau gris cendré d'Aldrovande. Cet auteur est le seul qui en ait vu de cette couleur, laquelle n'est autre chose , comme nous l'avons dit , que le blanc fondu avec le noir. On conçoit aisément com- bien ces variétés peuvent être multipliées , soit par les différentes distributions du noir et du blanc, soit par les différentes nuances de gris résultant des différentes proportions de ces couleurs fondues ensemble. l56 LETOURNEAU DU CAV DE EONNE-ESPÉUAA'CE. OISEAUX ÉTRANGERS QUI ONT RAPPORT A L'ÉTOURNEAU. UÉTOURNEAU DU CAP DE BONNE-ESPÉRANCE, ou LÉ TOUR NE AU -PIE. Sturnus Gapensis. Gmel. J'ai donné à cet oiseau d'Afrique le nom à'étour- neau-pie^j parce qu'il m'a paru avoir plus de rapports^ quant à sa forme totale , avec notre étourneau qu'a- vec aucune autre espèce , et parce que le noir et le blanc, qui sont les seules couleurs de son plumage, y sont distribués à peu près comme dans le plumage de la pie. S'il n'avoit pas le bec plus gros et plus long que notre étourneau d'Europe, on pourroit le regarder comme une de ses variétés, d'autant plus que notre éto'urneau se retrouve au cap de Bonne-Espérance : cette variété se rapporteroit naturellement à celle dont j'ai fait mention ci-dessus, et où le noir et le blanc sont distribués par grandes taches. La plus re- 1. fi" 280. LETOURNEAU DU CAP DE BON^E-ESPEKANCE. ll)^ marquable et celle qui caractérise le plus la physiono- mie de cet oiseau, c'est une tache blanche fort grande , de forme ronde , située de chaque côté de la tête, sur laquelle l'œil paroît piacé presque en en- tier, et qui, se prolongeant en pointe par devant jus- qu'à la base du bec, a par derrière une espèce d'ap- pendice variée de noir qui descend le long du cou. Cet oiseau est le même que l'étourneau noir et blanc des Indes d'Edwards , planche clxxxviî ; que le contra de Bengale d'Albin , tome III , planche xxi; que l'étourneau du cap de Bonne-Espérance , de M. Brisson , tome II , page 44^ •> ^^ niôme que son neuvième troupiale , tome II , page 94. H a avoué et rectifié ce double emploi, page 54 de son supplé- ment, et il est en vérité bien excusable au milieu de ce chaos de descriptions incomplètes , de figures tronquées, et d'indications équivoques qui embarras- sent et surchargent l'histoire naturelle. Cela fait voir combien il est essentiel , lorsqu'on fait l'histoire d'un oiseau , de le reconnoître dans les diverses descrip- tions que les auteurs en ont faites, et d'indiquer les différents noms qu'on lui a donnés en différents temps et en différents lieux; seul moyen d'éviter 00 de rectifier la stérile multiplication des espèces pure- ment nominales. l58 L ÉTOUIINEAU DE LA LOUISIANE. II. L'ÉTOURINEAU DE LA LOUISTANEi , ou LE STOURNE. Sturnus Ludovicianus. Gmel. Ce mot de stourne est formé du latin slurnus; je l'ai appliqué à un oiseau d'Amérique assez différent de notre étourneau pour mériter un nom distinct, mais qui a assez de rapports avec lui pour mériter un nom analogue. Il a le dessus du corps d'un gris varié de brun et le dessous du corps jaune. Les marques les plus distinctives de cet oiseau en fait de couleurs sont, 1° une plaque noirâtre variée de gris, située au bas du cou, et se détachant très bien du fond, qui, comme nous venons de le dire, est de couleur jaune; 2*^ trois bandes blanches qu'il a sur la tête ^ toutes les trois partant de la base du bec supérieur, et s'é tendant jusqu'à V occiput : l'une tient le sommet ou le milieu de la tête; les deux autres, qui sont pa- rallèles à cette première , passent de chaque côté au dessus des yeux. En général , cet oiseau se rapproche de notre étaurneau d'Europe par les proportions re- latives des ailes et de la queue, et en ce que ses couleurs sont disposées par petites taches : il a aussi la tête plate , mais son bec est plus allongé. Un correspondant du Cabinet nous assure que la Louisiane est fort incommodée par des nuées d'étour- neaux; ce qui indiqueroit quelque conformité dans 1. N" 256. t'ÉTOURNEAU DE LA LOUISIANE. ibg la manière de voler des étourneaux de Ja Louisiane avec celle de nos étourneaux d'Europe : mais il n'est pas bien sûr que le correspondant veuille parler de l'espèce dont il s'agit ici. III. LE TOLCANAi. Sturnus obscur us. Gmel. . La courte notice que Fernandès nous donne de cet oiseau est non seulement incomplète , mais elle est faite très négligemment; car, après avoir dit que le tolcana est semblable à l'étourneau pour la forme et pour la grosseur, il ajoute tout de suite qu'il est un peu plus petit : cependant c'est le seul auteur origi- nal qu'on puisse citer sur cet oiseau, et c'est d'après son témoignage que M. Brisson Ta rangé parmi les étourneaux. Il me semble néanmoins que ces deux auteurs caractérisent le genre de l'étourneau par des attributs très différents : M. Brisson, par exemple, établit pour l'un de ses attributs caractéristiques le bec droit, obtus, et convexe; et Fernandès, parlant d'un oiseau du genre de tzanatl ou étourneau, dit qu'il est court, épais, et un peu courbé; et, dans un autre endroit, il rapporte un même oiseau nommé cacalotototlj au genre du corbeau ( qui se nomme en eflfet cacalotl en mexicain, chapitre clxxxiv) et à celui de l'étourneau; en sorte que l'identité des noms em- i. Nom formé du nom mexicain tolocatzanatl , et qui si gnide étour- neau Mes roseaux. l6o LE ÏOLCANA. ployës par ces deux écrivains ne garantit nulJement J'identité de l'espèce dénommée, et c'est ce qui m'a déterminé à conserver à l'oiseau de cet article son nom mexicain, sans assurer ni niej- qu'il soit un étour- neau. Le tolcanà se plaît, comme nos étourneaux d'Eu- rope, dans les Joncs et les plantes aquatiques. Sa tète est brune , et tout le reste de son plumage est noir. Cet oiseau n'a point de chant, mais seulement un cri, et il a cela de commun avec beaucoup d'autres oi- seaux d'Amérique, qui sont en général plus recom- mandables par l'éclat de leurs couleurs que par l'a- grément de leur ramage. IV. LE CACASÏOL^. Slurnus Mexieaiius. Gmel. Je ne mets cet oiseau étranger à la suite de l'étour- neau que sur la foi très suspecte de Fernandès, et aussi d'après l'un de ses noms mexicains qui indique quelque analogie avec l'étourneau. D'ailleurs je ne vois pas trop à quel autre oiseau d'Europe on pourroit le rapporter. M. Brisson, qui a voulu en faire un cottinga, a été obligé , pour l'y amener, de retrancher de la de- scription de Fernandès, déjà trop courte, les mots qui indiquoient la forme allongée et pointue du bec , 1. Kom formé du nom mexicain caoccaxtotoîl. On lui donne encore dans la Nouvelle-Espagne le nom de kueitzanatl; et nous avons vu cpie le mot mexicain Hanatl rcpondoit à notre mot étoitrneau. LE GAG AS TOT,. l6l cette forme de bec étant en effet plus de l'ëtourneau que du cottinga. Outre ceia, le cacastol est à peu près de la grosseur de l'ëtourneau; il a la tête petite connue lui, et n'est pas un mei!!eur manger; enfin il se tient dans les pays tempérés et les pays chauds. Il est vrai qu'il chante mal ; mais nous avons vu que le ramage naturel de l'étourneau d'Europe n'étoit pas fort agréable, et il est à présumer que s'il passoit en Amérique, où presque tous les oiseaux chantent mal , il chanteroit bientôt tout aussi mal, par la facilité qu'il a d'apprendre, c'est-à-dire d'imiter le chant d'autrui. V. LE PIMALOT^ Le bec large de cet oiseau pourroit faire douter qu'il appartînt au genre de l'ëtourneau; mais s'il est vrai, comme le dit Fernanflès, qu'il eût la nature et les mœurs des au très étourneaux, on ne pourroit s'em- pêcher de le regarder comme une espèce analogue, d'autant plus qu'il se tient ordinairement sur les cô- tes de la mer du Sud, apparemment parmi les plantes aquatiques, de même que notre étourneau d'Europe se plaît dans les roseaux, comme nous avons vu. Le pimalot est un peu plus gros. 1. Mot formé du nom mexicain de cet oiseau pitzmaloil. 102 LETOUllNEAU DES TERRES MAGELLANIQUES. VI. LÉTOURNEAU DES TERRES MAGELLANIQUES, ou LE BLANCHE- RAIE*. Sturnus inillbarus. Gmel. Je donne à cette espèce nouvelle, apportée par M. de Bougainville , le nom de blanche-raie^ à cause d'une longue raie blanche qui, de chaque côté, pre- nant naissance près de la commissure des deux pièces du bec , semble passer par dessous Tœil , puis repa- roît au delà pour descendre le long du cou. Cette raie blanche fait d'autant plus d'effet, qu'elle est en- vironnée au dessus et au dessous de couleurs très rembrunies : ces couleurs sombres dominent sur la partie supérieure du corps ; seulement les pennes des ailes et leurs couvertures sont bordées de fauve. La queue est d'un noir décidé , fourchue de plus, et ne s'étend pas beaucoup au delà des ailes, qui sont fort longues. Le dessous du corps , y compris la gorge , est d'un beau rouge cramoisi, moucheté de noir sur les côtés ; la partie antérieure de l'aile est du même cramoisi sans mouchetures; et cette couleur se re- trouve encore autour des yeux et dans l'espace qui est entre l'œil et le bec. Ce bec, quoique obtus, comme celui des étourneaux , et moins pointu que celui des troupiales, m'a paru cependant, à tout pren- dre, avoir plus de rapport avec celui des troupiales; 1. ]\" ii3. aet-,scaJp LETOURNEAU DES TERllES MAGELLANIQUÉS. 1 63 et si l'on ajoute à cela que le blanche-raie a beaucoup de la physionomie de ces derniers, on ne fera pas diffi- culté de le regarder comme faisant la nuance entre ces deux espèces, qui d'ailleurs ont beaucoup de rap- ports entre elles. LES ÏROUPIALES. Ces oiseaux ont, comme je viens de le dire , beau- coup de rapports avec nos ëtourneaux d'Europe ; et ce qui le prouve c'est que couvent le peuple et les naturalistes ont confondu ces deux genres, et ont donné le nom à'étourneau à plus d'un troupiale : ceux-ci pourroient donc être regardés, à bien des égards, comme les représentants de nos étourneaux en Amérique , concurremment avec les étourneaux américains dont je viens de parler, quoique cepen- dant ils aient des habitudes très différentes, ne fût-ce que dans la manière de construire leurs nids. Le nouveau continent est la vraie patrie, la patrie originaire des troupiales et de tous les autres oiseaux qu'on a rapportés à ce genre, tels que les cassiques, les baltimores , et les carouges ; et si l'on en cite quel- ques uns, soi-disant de l'ancien continent , c'est parce qu'ils y avoient été transportés originairement d'Amé- rique : tels sont probablement le troupiale du Sénégal appelé capmore^ et représenté dans nos planches en- luminées, à deux âges différents, sous les n°' 376 et 076; le carouge du cap de Bonne-Espérance, plan- l64 r^ES TROUPIALES. che 607 , et tous les prétendus troupiales de Madras auxquels on a donné ce nom sans les avoir bien connus. Je retrancherai donc du genre des troupiales, 1" les quatre espèces venant de Madras, et que M. Brisson a empruntées de M. Ray, parce que la raison du climat ne permet pas de les regarder comme de vrais trou- piales ; que d'ailleurs je ne vois rien de caractéristi- que dans les descriptions originales, et que les figures des oiseaux décrits sont trop négligées pour qu'on puisse en tirer des marques distinctives qui les consti- tuent troupiales plutôt que pies, geais, merles, lo- riots, gobe-mouches, etc. Un habile ornithologiste (M. Edwards) croit que le geai jaune et le geai-boufife de Petiver, dont M. Brisson a fait son sixième et son quatrième troupiale , ne sont autre chose que le lo- riot mâle et sa femelle ; que le geai bigarré de Madras, dumême Peliver, dont M. Brisson a fait son cinquième troupiale , est son étourneau jaune des Indes ; et enfin que le troupiale huppé de Madras, dont M. Brisson a fait sa septième espèce, est le même oiseau que le gobe-mouche huppé de Bonne-Espérance du même M. Brisson. 2" Je retrancherai le troupiale de Bengale, qui est le neuvième de M. Brisson, puisque cet auteur s'est aperçu lui-même que c'étoit sa seconde espèce d'é- lourneau. S*" Je retrancherai encore le troupiale à queue foud'- chue , qui est le seizième de M. Brisson , et la grive noire de Seba : tout ce qu'en dit ce dernier c'est qu'il surpasse de beaucoup la grive en grosseur; que son plumage est noir ; qu'il a le bec jaune , le dessous LES TnOUPIALSS. 1 65 de la queue blanc, le dessus, ainsi que le dos, couame voile par une légère teinte de bleu , et une queue longue, large et fourchue; enfin, qu'à la différence près dans la forme de la queue et dans la grosseur du corps, il avoit beaucoup de rapports à notre grive d'Europe : or je ne vois rien dans tout cela qui ressem- ble à un troupiale ; et la figure donnée par Seba , et que M. Brisson trouve très mauvaise , ne ressemble pas plus à un troupiale qu'à une grive. 4° Je retrancherai le carouge bleu de Madras, parce que, d'une part, il m'est fort suspect à raison du cli- mat; que, de l'autre, la figure ni la description de M. Ray n'ont absolument rien qui caractérise un ca- rouge , et que même il n'en a pas le plumage : il a , selon cet auteur, la tête, la queue, et les ailes de cou- leur bleue, mais la quene d'une teinte plus claire ; le reste du plumage est noir ou cendré, excepté cepen- dant le bec et les pieds, qui sont roussâtres. 5° Enfin je retrancherai le troupiale des Indes, non seulement à cause de la différence de climat, mais encore pour d'autres raisons tout aussi fortes qui me- l'ont fait placer ci-dessus entre les rolliers et les oi- seaux de paradrs. Au reste , quoiqu'on ait réuni dans un même genre avec les troupiales, comme je l'ai dit plus haut, les cassiques , les baltimores, et lescarouges, il ne faut pas croire que ces divers oiseaux n'aient pas des diffé- rences, et même assez caractérisées, pour constituer de petits genres subordonnés, puisqu'ils en ont eu assez pour qu'on leur donnât des noms différents. En général , je suis en état d'assurer, d'après la compa- raison faite d'un assez grand nombre de ces oiseaux. BliFFON. X\I. l66 LES TROUPIALES. que les cassiques ont le bec plus fort, ensuite les trou- piales, puis les carouges. A l'égard des baltimores, ils ont le bec non seulement plus petit que tous les au- tres, mais encore plus droit et d'une forme particu- lière, comme nous le verrons plus bas. Ils paroissent d'ailleurs avoir d'autres mœurs et d'autres allures; ce qui suffit, ce me semble , pour m'autoriser à leur con- server leurs noms particuliers , et à traiter à part cha- cune de ces familles étrangères. Les caractères communs que leur assigne M. Bris- son ce sont les narines découvertes et le bec en cône allongé, droit, et très pointu. J'ai aussi remarqué que la base du bec supérieur se prolonge sur le crâne, en sorte que le toupet, au lieu de faire la pointe, fait au contraire un angle rentrant assez considéra- ble; disposition qui se retrouve à la vérité dans quel- ques autres espèces, mais qui est plus marquée dans celles-ci. LE TROUPIALE*. Orlolus icterus. L. Ce qu'il y a de plus remarquable dans l'extérieur de cet oiseau, n" 532, c'est son long bec pointu, les 1. En latin, icterus (l'un des noms latins du loriot , et qui ne peut convenir aux troupiales noirs), pica, cissa, piciis, tardas, xantlwrnas , coracias. Les sauvages du Brésil le nomment guira, tangemia: ceux de la Guiaae, j«/)om; nos colons, cul-jaune. Les Anglois lui ont donné dans leur langue une partie des noms ci-dessus; Albin, celui d'o(- seau de Banana. Torae 11. PanoTicl:, scixlp . 1.1, E TR0UPIATjE__-2 LETR01JPIA1.F, COMMATSTDEUR LE TROUPIALE. 167 plumes étroites de sa gorge, et la grande variété de son plumage : on n'y compte cependant que trois couleurs, le jaune orangé , le noir, et le blanc; mais ces couleurs semblent se multiplier par leurs inter- ruptions réciproques et par l'art de leur distribution. Le noir est répandu sur la tête, la partie antérieure du cou , le milieu du dos , la queue et les ailes : le jaune orangé occupe les intervalles et tout le dessous du corps; il reparoît encore dans l'iris^ et sur la par- tie antérieure des ailes : le noir qui règne sur le reste est interrompu par deux taches blanches oblongues, dont l'une est située à l'endroit des couvertures de ces mêmes ailes, et l'autre à l'endroit de leurs pennes moyennes. Les pieds et les ongles sont tantôt noirs et tantôt plombés : le bec ne paroît pas non plus avoir de cou- leur constante; car il a été observé gris blanc dans les uns, brun cendré dessus et bleu dessous dans les autres; et enOn dans d'autres, noir dessus et brun dessous. Cet oiseau, qui a neuf ou dix pouces de longueur de la pointe du bec au bout de la queue, en a qua- torze d'envergure, et la tête fort petite, selon Marc- grave. Il se trouve répandu depuis la Caroline jus- qu'au Brésil , et dans les îles Caraïbes. Il a la grosseur du merle : il sautille comme la pie, et a beaucoup de ses allures, suivant M. Sloane; il en a môme le cri , selon Marcgrave : mais Albin assure qu'il ressem- ble dans toutes ses actions à l'étourneau, et il ajoute 1. A-lbin ajoute que l'œil est entouré dune large bande de bleu; mais il est le seul qui l'ait vue/, c'est apparemment une variété acci- dentelle. l6S LE TROUPIAEE. qu on en voit quelquefois quatre ou cinq s'associer pour donner la chasse à un autre oiseau plus gros, et que lorsqu'ils l'ont tué , ils dévorent leur proie avec ordre, chacun mangeant à son rang; cependant M. Sloane, qui est un auteur digne de foi, dit que les troupiales vivent d'insectes. Au reste , cela n'est pas absolument contradictoire : car tout animal qui se nourrit d'autres animaux vivants, quoique très petits , est un animal de proie , et en dévorera à coup sûr de plus grands, s'il trouve l'occasion de le faire avec sûreté; par exemple, en s'associant comme les troupiales d'Albin. Ces oiseaux doivent avoir les mœurs très sociales, puisque l'amour qui divise tant d'autres sociétés sem- ble au contraire resserrer les liens de la leur. Bien loin de se séparer deux à deux pour s'apparier et remplir sans témoin les vues de la nature sur la multiplica- tion de l'espèce, on en voit quelquefois un très grand nombre de paires sur un seul arbre , et presque tou- jours sur un arbre fort élevé et voisin des habitations, construisant leurs nids, pondant leurs œufs, les cou- vant et soignant leur famille naissante. Ces nids sont de forme cylindrique , suspendus à l'extrémité des hautes branches, et flottant librement dans l'air, en sorte que les petits nouvellement éclos y sont bercés continuellement. iMais des gens qui se croient bien au fait des intentions des oiseaux assu- rent que c'est par une sage défiance que les père et mère suspendent ainsi leur nid, et pour mettre la couvée en sûreté contre certains animaux terrestres, et surtout contre les serpents. On met encore sur hi liste des vertus du troupiale LE TUOLPIALi:. 1 69 la docilité, c est-à-dire la disposition naturelle à su- bir l'esclavage domestique ; disposition qui se ren- contre presque toujours avec les mœurs sociales. î-»«*»*8-e«*«*e*8-8^®«<&«'S«'*«< L'ACOLGHI DE SEBA\ Oriolus Novœ-Hispaniœ. Gmel. Sera a pris ce nom dans Fernandès, et l'ayant ap- pliqué arbitrairement, selon son usage, à un oiseau tout différent de celui dont parle cet auteur, au moins quant au plumage, il a encore appliqué à ce môme oiseau ce qu'a dit Fernandès du véritable acolchi , sa- voir, que les Espagnols l'appellent tordOj c'est-à-dire étourneau. Ce faux acolchi de Seba a un long bec jaune , sor- tant d'une tête toute noire ; la gorge de cette der- nière coulenr ; la quene noirâtre, ainsi que les ailes : colles-ci ont pour ornement de petites plumes cou- leur d'or qui font un bon effet sur ce fond rembruni. Seba donne son acolchi pour un oiseau d'Améri- que; et j'ignore pourquoi M. Brissôn , qui ne cite d'autre autorité que celle de Seba, ajoute qu'on le trouve surtout au Mexique. Il est vrai que le mot acol- chi est mexicain ; mais on ne peut assurer la même chose de l'oiseau auquel Seba a trouvé bon de l'ap- pliquer. 1 . Le vrai nom est acolcliichi, (jue j ai raccourci pour le reudre dune prononciation moins désagréable. 170 L ARC-EN-QLETJE. M>««««9«e<9©*»-o««>e*e*o«««*e'^*90î8ie«-oie«<8:^^ L'ARC-EN-QUEUE. Oriolus annulatus. Gmel. Fernandès donne le nom d'oziniscan^ à deux oi- seaux qui ne se ressemblent point du tout, et Seba a pris la licence d'appliquer ce même nom à un troi- sième oiseau qui diffère entièrement des deux autres , excepté pour la grosseur; car ils sont dits tous trois avoir la grosseur d'un pigeon. Ce troisième oziniscan c'est l'arc-en-queue , dont il s'agit dans cet article. Je le nomme ainsi à cause d'un arc ou croissant noir qui paroît et se dessine très bien sur la queue lorsqu'elle est épanouie , d'autant qu'elle est d'une belle couleur jaune , ainsi que le bec et le corps entier, tant dessus que dessous ; la tête et le cou sont noirs, et les ailes de la mêtne couleur, avec une légère teinte de jaune. J'oubliois de dire que le croissant de la queue a sa concavité tournée du côté du corps de l'oiseau. Seba ajoute qu'il a reçu d'Amérique plusieurs de ces oiseaux, et qu'ils passent dans le pays pour des es- pèces d'oiseaux de proie ; peut-être ont-ils les mêmes habitudes que notre premier troupiale : d'ailleurs la figure que donne Seba présente un bec un peu cro- chu vers la pointe. 1. La véritable orlhograpiie sauvage ou brasilienne de ce mot esl otiinitzcan. LE JAPACANI. l-yl LE JAPACANr. Oriokis JapacanL Gmel. Je sais que M. Sloane a cru que son petit gobe- mouche jaune et brun étoit le même que le japacani de Marcgrave : cependant, indépendamment des diffé- rences du plumage , le japacani est huit fois plus gros , masse pour masse , toutes ses dimensions étant dou- bles de celles de l'oiseau de M. Sloane; car celui-ci n'a que quatre pouces de longueur et sept pouces de vol, tandis que, selon Marcgrave, le japacani est de la grosseur du bemtère, et le bemtère de celle de l'étourneau : or l'étourneau a plus de huit pouces de longueur et plus de quatorze pouces de vol. Il est difficile de rapporter à la même espèce deux oiseaux, et surtout deux oiseaux sauvages de tailles si diffé- rentes. Le japacani a le bec noir, long, un peu courbé ; la tête noirâtre; l'iris couleur d'or; la partie posté- rieure du cou, le dos , les ailes, et le croupion , va- riés de noir et de brun clair; la queue noirâtre par dessus, marquée de blanc par dessous; la poitrine, le ventre, les jambes, variés de jaune et de blanc, avec des lignes transversales de couleur noirâtre; les pieds bruns, les ongles noirs et pointus. Le petit oiseau de M. Sloane a le bec rond, pres- que droit, long d'un demi-pouce; la tête et le dos î. C'est le nom brasilici) de CCI oiseau. Iy2 LE JAPACAM. d'un brun cl.'.ir, «vec quelques taches noires; îa queue longue de dix-huit lignes et de couleur brune, ainsi que les ailes, qui ont un peu de blanc à leur extré- mité; le tour des yeux, la gorge, les côtés du cou, et les couvertures de la queue, jaunes; la poitrine de même couleur, mais avec des marques brunes, le ventre blanc, les pieds bruns, longs de quinze li-^ gnes, et du jaune dans les doigts. Cet oiseau est commun aux environs de San-Jago, capitale de la Jamaïque. II se tient ordinairement dans les buissons. Son estomac est très musculeux, et doublé comme sont tous les gésiers, d'une membrane mince, insensible et sans adhérence. M. Sloane n'a rien trouvé dans le gésier de l'individu qu'il a dissé- qué ; mais il a observé que ses intestins faisoient un grand nombre de circonvolutions. Le même auteur fait mention d'une variété d'es- pèce qui ne diffère de son petit oiseau qu'en ce qu'elle a moins de jaune dans son plumage. Cet oiseau sera, si l'on veut, un troupiale, à cause de la forme de son bec; mais ce sera certainement un troupiale autre que le japacani. LE XOCHITOL ET LE COSTOTOL. Oriolus Costotol. Gmel. M. Brisson fait sa dixième espèce ou son troupiale de la Nouvelle-Espagne j, du xochitol de Fernandès, chap. cxxii, que celui-ci dit n'être autre chose que 'LE XOCHITOL ET LE COSTOTOL. 1 7 J îe costotol adulte. Or il fait mention de deux costo- tols , l'un au chap. xxviii, l'autre au chap. cxliii, et tous deux se ressemblent assez ; mais s'ils différoient à un certain point, il faudroit n^icessairement appli- quer ce que dit ici Fernandès au costotol du cha- pitre xxviii , puisque c'est au chap. cxxii qu'il en parle comme d'un oiseau dont il a déjà été question, et que l'autre costotol est, comme nous l'avons dit, du chap. cxLiii. Maintenant si l'on compare la description du xo- chitol du chapitre cxxii à celle du costotol du cha- pitre XXVIII , on y trouvera des contradictions qui ne seront pas faciles à concilier. En effet, comment le costotol, qui, étant déjà assez formé pour avoir son chant, n'est alors que de la grosseur d'un serin de Canarie , peut-il parvenir dans la suite à celle de l'é- tourneau? comment cet oiseau, qui, étant encore jeune, ou, si l'on veut, n'étant encore que costotol , a le ramage agréable du chardonneret, peut-il, étant devenu xochitol , n'avoir plus que le cri rebutant de la pie? sans parler de la grande et trop grande diffé- rence qui se trouve entre les plumages ; car le costotol a la lete et le dessous du corps jaunes, et le xochitol du chap. cxxii a ces mêmes parties noires : celui-là a les ailes jaunes, terminées de noir; celui-ci les a variées de noir et de blanc par dessus et cendrées par dessous, sans une seule plume jaune. Or toutes ces contradictions s'évanouissent, si au xochitol du chapitre cxxw on substitue le xochitol ou l'oiseau fleuri du chapitre cxxv. Les grosseurs se rap- prochent, puisqu'il n'est que de celle d'un moineau ; il a le ramage agréable comme le costotol ; le jaune de 1^4 Ï^E XOCHITOL ET LE COSTOCOI. celui-ci se trouve mêlé avec les autres couleurs qui varient le plumage de celui-là ; ils sont tous deux un bon manger, et de plus le xochitol présente des traits de conformité avec les troupiales ; car il vit comme eux d'insectes et de graines, et il suspend son nid à l'extrémité de petites branches. La seule différence qu'on peut remarquer entre le xochitol du chapi- tre cxxv et le costotol c'est que celui-ci se trouve dans les pays chauds , au lieu que l'autre habite indifférem- ment tous les climats : mais n'est-il pas naturel de penser que les xochitols viennent nicher dans les pays chauds, où par conséquent leurs petits, c'est-à-dire les jeunes costotols, restent jusqu'à ce qu'étant deve- nus plus grands, c'est-à-dire xochitols, ils soient en état de suivre leurs père et mère dans des pays plus froids? Le costotol a le plumage jaune avec le bout des ailes noir, comme j'ai dit, et le xochitol du chapi- tre cxxv a le plumage varié de jaune pâle, de brun, de blanc, et de noirâtre. Il est vrai que M. Brisson a fait de ce dernier son premier carouge : mais comme il suspend son nid précisément à la manière des troupiales, c'est une rai- son décisive de le ranger avec ceux-ci , sauf à faire un autre troupiale du xochitol du chapitre cxxii de Fer- nandès, lequel a la grosseur de l'étourneau, la poi- trine, le ventre, et la queue, couleur de safran, va- riée d'un peu de noir; les ailes variées de noir et de blanc par dessus et cendrées par dessous , la tête et le reste du corps noirs , le chant de la pie , et la chair bonne à manger. C'est, ce me semble, tout ce qu'on peut dire d'oi- seaux si peu connus et si imparfaitement décrits. LE TOCOLIN. 175 !> e<8>®*o<©'0<8'S je lai changé eu y ajoutant la première lettre du mot troupiate. 2. On lui a donné presque dans toutes les langues le nom iVétour- l'jG LE COMMANDEUR. a sur la partie antérieure de l'aile, et qui semble avoir quelque rapport avec la marque d'un ordre de che- valerie : elle fait ici d'autant plus d'effet, qu'elle se trouve comme jetée sur un fond dun noir brillant et lustré; carie noir est la couleur générale non seule- ment du plumage , mais du bec , des pieds, et des on- gles : il y a cependant de légères exceptions à faire ; l'iris des yeux est blanc , et la base du bec est bordée d'un cercle rouge fort étroit ; le bec est aussi quel- quefois plutôt brun que noir, suivant Albin. Au reste, la vraie couleur de la marque des ailes n'est pas d'un rouge décidé, selon Fernandès, mais d'un rouge af- foibli par une teinte de roux, qui prévaut avec le temps, et devient à la fin la couleur dominante de cette tache : quelquefois même ces deux couleurs se séparent de manière que le rouge occupe la partie antérieure et la plus élevée de la tache, et le jaune la partie postérieure et la plus basse. Mais cela est-il vrai de tous les individus, et n'aura-t-on pas attribué à l'espèce entière ce qui ne convient qu'aux femelles.^ On sait qu'en effet dans celles-ci la marque des ailes est d'un rouge moins vif: outre cela, le noir de leur plumage est mêlé de gris; et elles sont aussi plus pe- tites. Le commandeur, n° f^02 , est à peu près de la gros- seur et de la forme de l'étourneau : il a environ huit à neuf pouces de longueur de la pointe du bec au bout de la queue, et treize à quatorze pouces de vol; il pèse trois onces et demie. Ces oiseaux sont répandus dans les pays froids neau-rouges-ailes. Enlatiu, icterus pterophœniceus , avis rubcorum ha- merorum; cnaiiglois, red-winged starling; en espagnol, commendadoza. Lï C0M3IANDEUR. 1 "T comme clans les pays chauds; on les trouve dans la Virginie > la Caroline, la Louisiane, le Mexique, etc. Ils sont propres et particuliers au Nouveau-Monde, quoiqu'on en ait tué un dans les environs de Lon- dres; mais c'étoit sans doute un oiseau privé qui s'é- toit échappé de sa prison. Ils se privent en effet très facilement, apprennent à parler, et se plaisent à chanter et à jouer, soit qu'on les tienne eu cage, soit qu'on les laisse courir dans la maison ; car ce sont des oiseaux très familiers et fort actifs. L'estomac de celui qui fut tué près de Londres ayant été ouvert, on y trouva des débris de scara- bées, de cerfs-volants, et de ces petits vers qui s'en- gendrent dans les chairs ; cependant leur nourriture de préférence en Amérique c'est le froment , le maïs, etc., et ils en consomment beaucoup. Ces re- doutables consommateurs vont ordinairement par troupes nombreuses, et se joignant, comme font nos étourneaux d'Eiirope, à d'autres oiseaux non moins nombreux et non moins destructeurs, tels que les pies de la Jamaïque , malheur aux moissons, aux ter- res nouvellement ensemencées sur lesquelles toui- bent ces essaims affamés! mais ils ne font nulle part tant de dommages que dans les pays chauds et sur les côtes de la mer. Quand on tire sur ces volées combinées, il tombe ordinairement des oiseaux de plusieurs espèces, et avant qu'on ait rechargé, il en revient autant qu'au- paravant. Catesby assure qu'ils font leur ponte, dans la Caro- line et la Virginie, toujours parmi les joncs. Ils savent l'jS LE COMMANDEUR. en cnlrelacer les pointes pour faire une espèce de comble ou d'abri sous lequel ils établissent \enr nid à une hauteur si juste et si bien mesurée , qu'il se trouve toujours au dessus des marées les plus hautes. Cette construction de nid est bien différente de celle de notre premier troupiale, et annonce un instinct, une organisation , et par conséquent une espèce diffé- rente. Fernandès prétend qu'ils nichent sur les arbres à portée des lieux habités. Cette espèce auroit-elle des usages différents, selon les différents pays où elle se trouve ? Les commandeurs ne paroissent à la Louisiane que l'hiver, mais en si grand nombre, qu^on en prend quelquefois trois cents d'un seul coup de filet. On se sert pour cette chasse d'un filet de soie très long et très étroit, en deux parties, comme le filet d'a- louette. « Lorsqu'on veut le tendre, dit M. Lepagc Duprats, on va nettoyer un endroit près du bois; on fait une espèce de sentier dont la terre soit bien bat- tue, bien unie ; on tend les deux parties du filet des deux côtés du sentier, sur lequel on fait une traînée de riz ou d'autre graine , et l'on va de là se mettre en embuscade derrière une broussaiile où répond la corde du tirage : quand les volées de commandeurs passent au dessus, leur vue perçante découvre l'appât : fondre dessus et se trouver pris n'est l'affaire que d'un instant ; on est contraint de les assommer, sans quoi il seroit impossible d'en ramasser un si grand nombre. » Au reste, on ne leur fait la guerre que comme à des oiseaux nuisibles : car, quoiqu'ils pren- LE COMMANDEUR. 1^9 lient quelquefois beaucoup de graisse , dans aucun cas leur chair n'est un bon manger; nouveau trait de conformité avec nos étourneaux d'Europe. J'ai vu chez M. l'abbé Aubri ane variété de cette espèce, qui avoit la tête et le haut du cou d'un fauve clair : tout le reste du plumage étoit à l'ordinaire. Cette première variété semble indiquer que l'oiseau représenté dans nos planches enluminées, n'* 545, sous le nom de carouge de Cayenne^ en est une se- conde , laquelle ne diffère de la première que par la privation des marques rouges des ailes; car elle a tout le reste du plumage de même : à peu près même grosseur, mêmes proportions; et la différence des climats n'est pas si grande , qu'on ne puisse aisément supposer que le môme oiseau peut s'habituer égale- ment dans tous les deux. Il ne faut que jeter un coup d'œil de comparaison sur les planches enluminées, n'' l\02 et n°256, fig. 2, pour se persuader que l'oiseau représenté dans cette dernière sous le nom de troupiale de Cayenne n'est qu'une seconde variété de l'espèce représentée, n" [\02, sous le nom de troupiale à ailes rouges de la, Loui- siane^ qui est notre commandeur : c'est à peu près la même grosseur, la même forme, les mêmes pro- portions, les mêmes couleurs distribuées de même, excepté que, dans le n° 20Q , le rouge colore non seulement la partie antérieure des ailes, mais la gorge, le devant du cou, une partie du ventre, et même l'iris. Si l'on compare ensuite cet oiseau du n" 206 avec celui représenté n°556, sous le nom de troupiale de la Guiane^ on jugera tout aussi sûrement que le der~ l8o LE COMMANDEUR. nier est une variété d'âge ou de sexe du premier , dont il ne diffère que comme la femelle troupiale diffère du mâle , c'est-à-dire par des couleurs plus foi- bles; toutes ses plumes rouges sont bordées de blanc, et les noires, ou plutôt les noirâtres, sont bordées de gris clair , en sorte que le contour de chaque plume se dessine très nettement, et que l'oiseau pa- roît comme s'il étoit couvert d'écaillés : c'est d'ail- leurs la même distribution de couleurs , même gros- seur, même climat , etc. Il est impossible de trouver des rapports aussi détaillés entre deux oiseaux d'es- pèces différentes. J'ai appris que ceux-ci fréquentoient ordinaire- ment les savanes dans l'île de Cayenne, qu'ils se te- noient volontiers sur les arbustes, et que quelques uns leur donnqient le nom de cardinal. M?*6*f«©«*s«'t'«o««*ett«<*e3«-« LE TROUPIALE NOIRS Oriolus niger. Gmel. Le plumage noir de cet oiseau lui a valu les noms de corneille^, de merle ^ et de choucas : cependant il n'est pas aussi profondément noir, d'un noir aussi uniforme qu'on l'a dit; car, à certains jours , ce noir paroît changeant, et jette des reflets verdâtres, prin- cipalement sur la tête et sur la partie supérieure du corps, de la queue , et des ailes. 1 . On a appelé cet oiseau en anglois smcdl hlach blrd. LE TUOIJPIALE NOIR. l5l Ce troupiale, n° 534) est environ de la grosseur du merle , ayant dix pouces de longueur ^ et quinze à seize pouces de vol : les ailes, dans leur état de re- pos , vont à la moitié de la queue , qui a quatre . pouces et demi de long, est étagée et composée de douze pennes. Le bec a plus d'un pouce , et le doigt du milieu est plus long que le pied ou plutôt que le tarse. Cet oiseau se plaît à Saint-Domingue, et il est fort commun en certains endroits de la Jamaïque , par- ticulièrement entre Spanisli-tovvn et Passage-fort. 11 a l'estomac musculeux, et on le trouve ordinairement rempli de débris de scarabées et d'autres insectes. LE PETIT TROUPIALE NOIR. Oriolus minor, Gmel. J'ai vu un autre troupiale noir venant d'Améri- que, mais beaucoup plus petit, plus petit même que le mauvis; il n'avoit que six à sept pouces de lon- gueur, et sa queue, qui étoit carrée, n'avoit que deux pouces six lignes; elle débordoit les ailes d'un pouce. Le plumage étoit tout noir sans exception ; mais ce noir étoit plus lustré , et rendoit des reflets bleuâtres sur la tête et les parties environnantes. On dit que 1. J'entends toujours la longueur prise de la pointe du bec au bout de la queue. BUFFO?»'. XXI. 12 1Ô2 LE PETIT TROUriALE NOIR. cet oiseau s'apprivoise aisément, et qu'il s'accoutume à vivre familièrement dans la maison. L'oiseau représenté n** 606, fig. 1 de nos planches enluminées, est vraisemblablement ia femelle de ce petit troupiale; car il est partout de couleur noire où noirâtre , excepté sur la tête et le cou, qui sont d'une teinte plus claire, oh, si l'on veut , plus foible, comme cela a lieu dans toutes les femelles d'oiseau. On re- trouve encore dans le plumage de celle-ci les reflets bleus qu'on a remarqués dans le plumage du mâle : mais au lieu d'être sur les plumes de la tête, comme dans le mâle, ils se trouvent sur celles de la queue et des ailes. Aucun naturaliste, que je sache, n'a fait mention de cette espèce. LE TROUPIALE A CALOTTE NOIRE. Oriolus Mexlcanus. Gmfx. Cet oiseau, n° 535, me paroît être absolument de la même espèce que le troupiale brun de la Nou- velle-Espagne de M. Erisson. Pour se former une idée juste de son plumage , qu'on se représente un oiseau d'un beau jaune avec une calotte et un manteau noirs. La queue est de la même couleur, sans aucune tache; mais le noir des ailes est un peu égayé par du blanc || LE TROUPIALE A CALOTTE NOIUE. l83 qui borde les couvertures, et qui reparoît à l'extré- îoité des pennes. Cet oiseau a le bec gris clair avec une teinte orangée, et les pieds marrons. Ils se trouve au Mexique et dans l'île de Gayenne. LE TROUPIALE TACHETÉ DE CAYENNE. Orlolus melancoUcus. Gmel. Les taches de ce petit troupiaîe^ résultent de ce que presque toutes ses plumes , qui ont du brun ou du noirâtre dans leur milieu, sont bordées tout au- tour d'un jaune plus ou moins orangé sur les aiies, la queue, et la partie inférieure du corps, et d'un jaune plus ou moins rembruni sur le dos et toute la partie supérieure du corps. La gorge est sans tache et de couleur blanche : un trait de même couleur qui passe immédiatement sur l'œil , se prolonge en arrière entre deux traits noirs parallèles , dont l'un accompa- gne le trait blanc par dessus , et l'autre embrasse l'œil par dessous; l'iris est d'un orangé vif et presque rouge. Tout cela donne du jeu et de l'expression à la physio- nomie du mâle : je dis du mâle, car la femelle n'a au- cune physionomie, quoiqu'elle ait aussi l'iris orangé; à l'égard de son plumage c'est du jaune lavé qui, se i. j\" 448 ; fig. I, le mîilc, et fig. 2 , la femcîîe. l84 LE TROLPIATE TACUKTK DE CAYENNE. brouillant avec du blanc sale , produit la plus fade uniformité. Ces oiseaux ont le bec épais et pointu des trou- piales , et d'un cendré bleuâtre; leurs pieds sont cou- leur de chair. On jugera des proportions de leur forme par la figure indiquée ci-dessus. Le carouge tacheté de M. Brissori, qui a plusieurs traits de ressemblance avec le troupiale de cet ar- ticle, en diffère cependant à beaucoup d'égards, non seulement parce qu'il est plus de moitié plus petit , mais parce qu'il a l'ongle postérieur plus long, l'iris noisette , le bec couleur de chair , la gorge noire , ainsi que les côtés du cou, enfin le ventre , les jam- bes, les couvertures du dessus et du dessous de la queue, sans aucune tache. M. Edwards hésitoit à laquelle des deux espèces il falloit le rapporter, celle de la grive ou de l'orto- lan : M. Klein décide assez lestement que ce n'est ni à l'une ni à l'autre, mais à celle du pinson. Malgré sa décision , la forme du bec et l'identité du climat me déterminent pour l'opinion de M. Brisson, qui en fait un carouge. ».««-»9««#e<«>e.&c-S«-§>c<9«#9-^o««$s>@>â$S'»s^S'S LE TROUPIALE OLIVE DE GAYENÎNE. Oriolus olivaceus. Gmel. Cet oiseau, n°5o6, fig. 2, îi'a que six à sept pouces de longueur : il doil son noni à la couleur olivâtre LE ÏROLÎPIALE OLIVE DE CAYENNE. l85 qui règne sur la partie postérieure du cou , sur le dos , la queue , le ventre , et les couvertures des ailes. Mais cette couleur n'est point partout la même : plus sombre sur le cou, le dos, et les couvertures des ailes les plus voisines, un peu moins sur la queue, elle devient beaucoup plus claire sous le ventre , comme aussi sur la plus grande partie des couver- tures des ailes les plus éloignées du dos, avec cette différence entre les grandes et les petites, que celles- ci sont sans mélange d'autre couleur, au lieu que les grandes sont variées de brun. La tête, la gorge, le devant du cou, et la poitrine sont d'un brun mor- doré , plus foncé sous la gorge et tirant à l'orangé sur la poitrine, où le mordoré se fond avec la couleur olivâtre du dessous du corps. Le bec et les pieds sont noirs; les pennes de l'aile et quelques unes de ses grandes couvertures les plus proches du bord exté- rieur sont de la même couleur, mais bordées de blanc. Au reste, la forme du bec est celle des troupiales ; la queue est assez longue, et les ailes, dans leur si- tuation de repos, ne s'étendent pas au tiers de sa longueur. LE CAP-MORE. Oriolus textor. L. Les deux individus représentés dans les planches 375 le mâle adulte et 376 le jeune mâle ont été ap- portés par un capitaine de vaisseau, qui avoit ra- l86 LE CAP-MORE. massé une quarantaine d'oiseaux de différents pays ^ entre autres du Sénégal , de Madagascar , etc. , et qui avoit nommé ceux-ci pinsons du Sénégal. Je leur ai donné le nom de cap-more ^ à cause de !eur capu- chon mordoré , et j'ai substitué ce nom , qui exprime l'accident le plus remarquable de leur plumage, à la dénomination impropre de troupiales du Sénégal. Elle m'a paru impropre, cette dénomination , soit à raison du climat indiqué, qui n'est point celui des troupiales, soit à rrtison même de l'espèce désignée : car le cap- more s'éloigne assez de l'espèce des troupiales, et par les proportions du bec, de la queue, et des ailes, et parla manière dont il travaille son nid, pour qu'on doive l'en distinguer par un nom particulier; et il pourroitse faire que, sans être un véritable troupîale, il fût en Afrique le représentant de cette espèce amé- ricaine. Les deux dont il s'agit ici ont appartenil à une personne d'un haut rang, qui nous a permis de les faire dessiner chez elle; et cette personne ayant jeté un coup d'oeil sur leurs façons de faire, et ayant bien voulu nous communiquer ce qu'elle avoit vu , elle nous a appris sur l'histoire de cette espèce étran- gère et nouvelle tout ce que nous en savons. Le plus vieux avoit une sorte de capuchon brun, qui paroissoit mordoré au soleil : ce capuchon s'ef- faça à la mue de l'arrière-saison , laissant à la tête une couleur jaune; mais il reparut au printemps, ce qui se renouvela constamment les années suivantes. La couleur principale du reste du corps étoit le jaune plus ou moins orangé; cette couleur régnoit sur le dos comme sur la partie inférieure du corps, et elle bordoit les couvertures des ailes, leurs pennes et LE GAP-3IORE. 187 celles de la queue , lesquelles avoient toutes le fond noirâtre. Le jeune fut deux ans sans avoir le capuchon, et îxiême sans changer de couleurs; ce qui fut cause qu'on le prit d'abord pour une femelle, et qu'on le dessina sous cette dénomination , n° 1 76. La méprise étoit excusable, puisque, dans la plupart des animaux, le premier âge fait presque disparoître les diiférences qui distinguent les maies des femelles^ et qu'un des principaux caractères de ces dernières consiste à con- server très long temps les attributs de la jeunesse : mais enfin, lorsqu'au bout de deux ans le jeune trou- piale eut pris le capuchon mordoré et toutes les cou- leurs du vieux, on ne put s'empêcher de le reconnoî- tre pour un mâle. Avant ce changement de couleurs, le jaune de son plumage étoit d'une teinte plus foible que dans le vieux; il régnoit sur la gorge, le cou, la poitrine, et bordoit , comme dans le vieux, toutes les plumes de la queue et des ailes. Le dos étoit d'un brun olivâtre, qui s'étendoit derrière le cou et jusque sur la tête. Dans l'un et l'autre, l'iris des yeux étoit orangé, le bec couleur de corne, plus épais et moins long que celui du troupiale, et les pieds rougeâtres. Ces deux oiseaux vécurent d'abord en assez bonne intelligence dans la même cage; le plus jeune étoit ordinairement sur le bâton le plus bas, ayant le bec fort près de l'autre; il lui répondoit toujours en bat- tant des ailes et avec l'air de la subordination. Comme on s'aperçut dans l'été qu'ils entrelaçoient des tiges de mourron dans la grille de leur cage , on prit cela pour l'indice d'une disposition prochaine à l88 LE CAP-MORE. nicher, et on leur donna de petits brins de jonc , dont ils eurent bientôt construit un nid, lequel avoit assez de capacité pour que l'un des deux y fût caché tout entier. L'année suivante ils recommencèrent; mais alors le vieux chassa le jeune, qui prenoit déjà la li- vrée de son sexe, et celui-ci fut obligé de travailler à part àTautre bout de la cage. Nonobstant une conduite si soumise, il étoit souvent battu, et quelquefois si rudement, qu'il restoit sur la place : on fut obligé de les séparer tout-à-fait, et depuis ce temps ils ont tra- vaillé chacun de leur côté , mais sans suite ; l'ouvrage du jour étoit ordinairement défait le lendemain : un nid n'est pas l'ouvrage d'un seul. Ils avoient tous deux un chant singulier un peu aigre, mais fort gai. Le plus vieux est mort subite- ment, et le plus jeune à la suite de quelques attaques d'épilepsie. Leur grosseur étoit un peu au dessous de celle de riotre premier troupiale; ils avoient aussi les ailes et la queue un peu plus courtes à proportion. i'»9^io9«««»a'»9« LE SIFFLEUR. Oriolus viridis. Gmel. Je ne sais pourquoi M. Brisson a fait un bal timoré de cet oiseau ; car il me semble que , soit par la forme du bec , soit par les proportions du tarse , il est plutôt troupiale que baltimore. A reste , je laisse la ques- tion indécise, en plaçant le siffleur entre les balti- mores et les troupiales, sous le nom vulgaire qu'on LE SU' F LE un. 189 lui donne à Sainl-Domingue; nom qu'il doit sans doute aux sons aigus et perçants de sa voix. En généra! , cet oiseau est brun par dessus, excepté les environs du croupion et les petites couvertures des ailes, qui sont d'un jaune verdâtre comme tout le dessous du corps; mais cette dernière couleur est plus rembrunie sous la gorge, et elle est variée de roux sur le cou et la poitrine : les grandes couver- tures et les pennes des ailes , ainsi que les douze pennes de la queue, sont bordées de jaune. Mais, pour avoir une idée juste du plumage du sifïleur, il faut supposer une teinte olive plus ou moins forte, répandue sur toutes ses différentes couleurs sans ex- ception ; d'où il résulte que, pour caractériser cet oiseau par la couleur dominante de son plumage, il eût fallu choisir l'olive, et non pas le vert, comme a fait M. Brisson. Le silïleur, n" 236, fig. 1 , est de la grosseur du pinson ; il a environ sept pouces de longueur et dix à onze pouces de vol ; la queue , qui est étagée, a trois pouces , et le bec neuf à dix lignes. LE BALTIMORE. Oriolus Baltimore: Gmel. Cet oiseau ^ d'Amérique a pris son nom de quelque rapport aperçu entre les couleurs de son plumage ou leur distribution, et les armoiries de milord Balti- 1. N° 5o6, fi2. i. 190 LE BALTIMORE. more. C'est un pelil oiseau de !a grosseur d'un moi- iseau franc , pesant un peu plus d'une once, qui a six à sept pouces de longueur, onze à douze de vol, la queue composée de douze pennes, longue de deux à trois pouces, et dépassant les ailes en repos pres- que de la moitié de sa longueur. Une sorte de ca- puchon d'un beau noir lui couvre la tête, et des- cend par devant sur la gorge, et par derrière jusque sur les épaules. Les grandes couvertures et les pen- nes des ailes sont pareillement noires , ainsi que les pennes de la queue; mais les premières sont bor- dées de blanc , et les dernières ont de l'orangé à leur extrémité, et d'autant plus qu'elles s'éloignent davantage des deux pennes du milieu, qui n'en ont point du tout : le reste du plumage est d'un très bel orangé; enfin le bec et les pieds sont de couleur de plomb. La femelle que j'ai observée dans le Cabinet du Roi avoit toute la partie antérieure d'un beau noir, comme le mâle, la queue de la même couleur, les grandes couvertures et les pennes des ailes noirâtres, le tout sans aucun mélange d'autre couleur^; et tout ce qui est d'un si bel orangé dans le mâle, elle Tavoit d'un rouge terne. J'ai dit plus haut que le bec des baltîmores étoit non seulement plus court à proportion et plus droit que celui des carouges, des troupiales, et des cassi- ques , mais d'une forme particulière : c'est celle d'une pyramide à cinq pans, dont deux pour le bec supé- 1. M. Brisson remarque que l'oiseau donné par Gatesby pour la femelle du ballîmore bâtard paroU être plutôt celle du ballimore vé- ritable. LE BALTIMORE. IQî rieur, et trois pour le bec |inférieur. J'ajoute qu'ils ont le pied ou plutôt !e tarse plus grêle que les ca- rouges et les troupiales. Les baltimores disparoissent l'hiver, du moins en Virginie et dans le Maryland, où Catesby les a obser- vés. Ils se trouvent aussi dans le Canada ; mais Catesby n'en a point vu dans la Caroline. Ils font leur nid sur les plus grands arbres, tels que peupliers, tulipiers, etc. : ils l'attachent à l'extrémité d'une grosse branche, et il est ordinairement soutenu par deux petits rejetons qui entrent dans ses bords; en quoi les nids des baltimores me paroissent avoir du rapport avec celui de nos loriots. LE BALTIMORE BATARD. Oriolus spurlus. Gmel. On a sans doute appelé cet oiseau^ ainsi parce que les couleurs de son plumage sont moins vives que celles du baltimore, et qu'à cet égard on l'a consi- déré comme une espèce abâtardie : et en effet, lors- qu'on s'est assuré, par une comparaison exacte, que ces deux oiseaux sont ressemblants presque en tout 2, eX'cepté pour les couleurs, qu'ils ne diffèrent, à vrai dire, que par les teintes des mêmes couleurs distri- buées presque absolument de même, on ne peut T. N" 5oG, fig. 2. 2. Le bâtard a les ailes un peu plus courlcp. 192 LE BALTIMORE BAÏAUD. guère se dispenser d'en conclure que le baitimore bâ- tard n'est qu^une variété de l'espèce franche , variété dégénérée, soit par l'influence du climat, soit par quelque autre cause. Le noir de la tête est un peu marbré, celui de ia gorge est pur; la partie dii co- queluchon qui tombe par derrière est d'un gris oli- vâtre, qui se fonce de plus en plus en approchant du dos. Presque tout ce qui est d'un orangé si brillant dans l'autre , est dans celui-ci d'un jaune tirant sur l'orangé , plus vif sur la poitrine et sur les couvertures de la queue que partout ailleurs. Les ailes sont bru- nes; mais leurs grandes couvertures et leurs pennes sont bordées de blanc sale. Des douze pennes de la queue, les deux du milieu sont noirâtres dans leur partie moyenne, olivâtres à leur naissance, et mar- quées de jaune à leur extrémité : la suivante de cha- que côté présente les deux premières couleurs mêlées confusément, et dans les quatre pennes suivantes les deux dernières couleurs sont fondues ensemble. En un mot, le baitimore franc est au baitimore bâ- tard , par rapport aux couleurs du plumage , à peu près ce que celui-ci est à sa femelle : or cette femelle a les couleurs du dessus du corps et de la queue plus ter- nes, et le dessous du corps d'un blanc jaunâtre. LE CASflIQlJE JAUNE DU URESIE. 1{),) LE CASSIQUE JAUNE' DU BRESIL, ou LTAP0U2. Orlolas Persicus. Gmee. En comparant les cassiques aux troiipiales, aux ca- roiiges , et aux baltimores , avec lesquels ils ont beau- coup de choses communes, on s'apercevra qu'ils sont plus gros, qu'ils ont le bec plus fort et les pieds plus courts à proportion, sans parler du caractère de leur physionomie, aussi facile à saisir par le coup d'œil , ou même à exprimer dans une figure, que difficile à rendre avec le seul pinceau de la parole. Plusieurs auteurs ont donné la description et la fi- gure du cassique jaune, n" 1487 sous différents noms, et il y a à peine deux de ces figures ou de ces descrip- tions qui s'accordent parfaitement. Mais, avant d'en- trer dans le détail de ces variétés, il est bon d'écarler tout-à-fait un oiseau qui me paroît avoir des différen- ces trop caractérisées pour appartenir même de loin à l'espèce de Tyapou ; c'est la pie de Perse d'Aldro- vande. Ce naturaliste ne l'a décrite que d'après un dessin qui lui avoit été envoyé de Venise : il la juge de la grosseur de notre pie; sa couleur dominante 1. N° i48. '1. Ou lui a clotmé plusieurs nonislalins, pica , jiicus minor, cissa nigm, elc; eu ilalleu , gazza ou zalla di T erra- JS nova; eu anglois, hlack andycUow daw of Brasil: eu frauçois , cul-jaune. Ê94 ^^ CASSIQLE JAUNE DU BUÉSÎL. n'est pas le noir, eîie est seulement rembrunie [sub- fiiscum) ; elle a le bec fort épais, un peu court [bre^ viusculum) et blanchâtre; les yeux blancs, et les on- gles petits; tandis que notre yapou n'est guère plus gros que le merle, que tout ce qui est noir dans son plumage est d'un noir décidé; que soq bec est assez long et de couleur de sopfre , l'iris de ses yeux cou- leur de saphir, et ses ongles assez forts , selon M. Ed- wards, et Diême bien forts et crochus, selon Belon. On ne peut guère douter que des oiseaux si différents n'appartiennent à des espèces différentes, surtout si celui d'Aldrovande étoit réellement originaire de Perse, comme on le lui avoit dit; car l'yapou est cer- tainement d'Amérique. Les couleurs principales de ce dernier sont con- stamment le noir et le jaune; mais la distribution de ces couleurs n'est pas la môme dans tous les individus observés; par exemple , dans celui que nous avons fait dessiner, tout est noir, excepté le bec et l'iris des yeux, comoje nous venons de le dire , et encore les grandes couvertures des ailes les plus voisines du corps, qui sont Jaunes, ainsi que toute la partie postérieure du corps tant dessus que dessous, depuis et compris les cuisses jusques et par de là moitié de la queue. Dans un autre individu venant de Cayenne, qui est au Cabinet du Roi, et qui est plus gros que le précé- dent, il y a moins de jaune sur les ailes, et point du tou t au bas de la jambe ; enfin les pieds paroissent plus forts à proportion : ce peut être le mâle. Dans la pie noire et jaune de M. Edwards, qui est évidemment le môme oiseau que le noire, il y a sur quatre ou cinq des couvertures jaunes des ailes une LE CASSIQUE JAUNE DU BRESIL. ï qS tache noire près de leur extrémité : outre cela , le noir du plumage a des reflets couleur de pourpre, et l'oiseau paroît être un peu plus gros. Dans i'yapou ou le jupuba de Marcgrave, la queue n'est mi-partie de noir et de jaune que par dessous; car sa face supérieure est toute noire , excepté la penne la plus extérieure de chaque côté, qui est jaune jusqu'à la moitié de sa lon2:ueur. îl suit de toutes ces diversités que les couleurs du plumage ne sont rien moins que fixes et constantes dans cette espèce; et c'est ce qui me feroit pencher à croire, avec Marcgrave, que l'oiseau appelé par M. Bris- son cassique rouge est encore une variété dans cette espèce : j'en dirai les raisons plus bas. LE CASSIQUE ROUGE DU BRÉSIL, ou LE JUPUBA. Orlolas liœmorrlwas. Gmel. Ce nom est l'un de ceux que Marcgrave donne à i'yapou, et je l'applique au cassique rouge de M. Bris- son, parce qu'il lui ressemble exactement dans les points essentiels : mêmes proportions, même gros- seur, même physionomie , même bec, mêmes pieds, même noir foncé sur la plus grande partie du plu- mage, îl est vrai que la moitié inférieure du dos est rouge, au lieu d'être jaune, et que le dessons du corps et de la queue est noir en entier : mais cette dilFé- l()6 LE CASSIOUE nOUGE DU BRESIL. rence ne peut j^uère être un caractère spécifique, dans une espèce surtout où les couleurs sont très va- riables, comme nous avons eu occasion de le remarquer plus haut; d'ailleurs le jaune et le rouge sont des cou- leurs voisines, analogues, sujettes à se mêler, à se fondre ensemble dans l'orangé, qui est la couleur intermédiaire, ou à se remplacer réciproquement; et cela, par la seule diflférence du sexe, de l'âge, du climat, ou de la saison. Ces oiseaux ont environ douze pouces de longueur, dix-sept pouces de vol , la langue fourchue et bleuâtre, les deux pièces du bec recourbées également en bas, la première phalange du doigt extérieur de chaque pied unie et comme soudée à celle du doigt du mi- lieu , la queue composée de douze pennes , et !e fond des plumes blanc, tant sous le noir que sous le jaune du plumage. lis construisent leurs nids de feuilles de gramen entrelacées avec des crins de cheval et des soic^ de cochon , ou avec des productions végétales qu'on a prises pour des crins d'animaux : ils leur donnent la forme d'une cucurbite étroite surmontée de son alam- bic. Ces nids sont bruns en dehors; leur longueur totale est d'environ dix -huit pouces, mais la cavité intérieure n'est que d'un pied : la partie supérieure est pleine et massive sur la longueur d'un demi-pied; et c'est par là que ces oiseaux les suspendent à l'extré- mité des petites branches. On a vu quelquefois quatre cents de ces nids sur un seul arbre, de ceux que les Brasiliens appellent uti; et comme les yapous pon- dent trois fois l'année, on peut juger de leur prodi- gieuse multiplicalion. Cette habitude de nicher ainsi LE GASSIQUE ROUGE DU BRESIL. 197 en société sur un même arbre est un trait de confor- mité qu'ils ont avec nos choucas. LE CASSIQUE VERT DE CAYENINE. Orioius cristatm. Gmel. Je n'aurai point à comparer ou à concilier les té- moignages des auteurs au sujet de ce cassique, n" 76, car aucun n'en a parlé : aussi ne pourrai-je rien dire moi-même de ses mœurs et de ses habitudes. (I est plus gros que les précédents; il a le bec plus épais à sa base et plus long ; il paroît avoir aussi les pieds plus forts, mais également courts. On l'a très bien nommé casslque vert; car toute la partie antérieure, tant dessus que dessous, et compris les couvertures des ailes, est de cette couleur : la partie postérieure est marron; les pennes des ailes sont noires, celle's de la queue en partie noires et en partie jaunes, les pieds tout-à-fait noirs , et le bec rouge dans toute son étendue. Ce cassique a environ quatorze pouces tle longueur, et dix-huit à dix-neuf de vol. BlIFFON. XXI. > 8<««<&o*»» 98 1,1: CASSIQUE HIÎPPÉ DE CAYENNE. LE CASSIQUE HUPPÉ DE CAYENNE^. C'est encore ici une espèce nouvelle, et la plus grande de celles qui sont parvenues à notre connois- sance ; elle a le bec plus long et plus fort à proportion que toutes les autres, mais ses ailes sont plus courtes ; la longueur totale de Toiseau est d'environ dix- huit pouces, celle de la queue de cinq pouces, et celle du bec de deux pouces; il est, outre cela, distingué des espèces précédentes par de petites plumes qu'il hé- risse à volonté sur le sommet de sa tête, et qui lui font une espèce de huppe mobile. Toute la partie an- térieure de ce cassique, n° 280, tant dessus que des- sous, compris les ailes et les pieds, est noire; toute la partie postérieure est marron foncé. La queue, qui est étagée, a les deux pennes du milieu noires comme ©elles des ailes ; mais toutes les latérales sont jaunes : le bec est de cette dernière couleur. J'ai vu au Cabinet du Roi un individu dont les di- mejisions étoient un peu plus foibJes, et qui avoit la queue entièrement jaune : mais je n'oserois assurer que les deux pennes intermédiaires n'eussent point été arrachées; car il n'y avoit que huit pennes en tout. 1, ^îfrnf e?{icrf' (jiic la préct-clciite. LE CASSIQL'E DE LA LOU IST x\ N E. l 99 t8'6^B-a>»a.»a-8<>»o^«-»c *s.b« 8«*»t^^>*9*• S>s«.*»o.s>«»>* LE CASSÎQIÎE DE LA LOUISIANE. Orlolus Ludoviciamis. Gmel. Le bianc et le violet changeant, tantôt mêlés en- semble, et tantôt sépares, composent tontes les cou- leurs de cet oiseau, n** 646. Il a la tête blanche, ainsi que le cou , le ventre , et !e croupion; les pennes des ailes et de la queue sont d'un violet changeant et bor- dées de blanc; tout le reste du plumage est mêlé de ces deux couleurs. C'est une espèce nouvelle, tout récemment arrivée de la Louisiane; on peut ajouter que c'est le plus petit des ca&siques connus : il n'a que dix pouces de longueur totale ; et ses ailes, dans leur état de repos, ne s'étendent que jusqu'au milieu de la queue, qui est un peu étagée. ti3«0«>3<6«90<»»*3<9i»*o«>*»0*3*e^t8> LE GAROUGE\ Oriolus Bonana, Gmel. En général , les carouges sont moins gros et ont le bec moins fort à proportion que les troupiales. Celui i. Va\ latin, icterus minor, turdu:^ minor vavtus , xanîliornas niinar ; 200 LE GAROUGE. de cet article, ii" 555, fig. i , a le plumage peint de trois couleurs distribuées par grandes masses : ces couleurs sont, i** le brun rougeâtre, qui règne sur toute la partie antérieure de l'oiseau , c'est-à-dire la tête, le cou, et la poitrine; 2° le noir plus ou moins velouté, sur le dos, les pennes de la queue, celles des ailes, et sur leurs grandes couvertures, et même sur le bec et les pieds; 5° enfin l'orangé foncé, sur tes petites couvertures des ailes, le croupion, et les couvertures de la queue. Toutes ces couleurs sont plus ternes dans la femelle. La longueur du carouge est de sept pouces, celle du bec de dix lignes, celle de la queue de trois pouces et plus; le vol de onze pouces, et les ailes, dans leur état de repos, s'étendent jusqu'cà la moitié de la queue et par delà. Cet oiseau a été envoyé de la Martinique. Celui de Cayenne, représenté planche 607, fig. j, en diffère, parce qu'il est plus petit; que l'espèce de co- quelucbon qui couvre la tête, le cou , etc., est noir, égayé par quelques taches blanches sur les côtés du cou, et par de petites mouchetiues rougeâtres sur le dos; enfin , parce que les grandes couvertures et les pennes moyennes des ailes sont bordées de bïanc : mais ces différences ne sont pas, à mon avis, si con- sidérables, qu'on ne puisse regarder le carouge de Cayenne comme une variété dans l'espèce de la Mar- tinique. On sait que celle-ci construit des nids tout-à- fait singuliers. Si l'on coupe un globe creux en quatre tranches égales, la forme de l'une de ces tranches sera celle du nid des carouges : ils savent le coudre ou François, carouge. Quelques uns lui ont donné le nom d'oiseau de Banana, comme au troupiale. Lli CÂKOUGE. I>(M SOUS une feuille de bananier, qui lui sert d'abri, et qui fait elle-même partie du nid; le reste est composé de petites fibres de feuilles. Il est difficile de reconnoîlre dans ce qui vient d'être dit le rossignol d'Kspagne de M. Sloane; car cet oi- seau est plus petit que le carouge, selon toutes ses diniensions, n'ayant que six pouces anglois de lon- gueur et neuf de vol : il a le plumage diflt'rent, et il construit son nid sur un tout autre modèle; ce sont des espèces de sacs suspendus à l'extn'mitè des pe- tites branches par un fil que ces oiseaux savent fder eux-mêmes avec une matière qu'ils tirentd'une plante parasite, nommée barbe de vieiilard ; fd que bien des gens ont pris mal à propos pour du crin de cheval. L'oiseau de ^1. Sloane avoit la base du bec blanchâtre et entourée d'un filet noir; le sommet de la tète , le cou, le dos, et la queue d'un brun clair, ou plutôt d'un gris rougeàtre ; les ailes d'un brun plus foncé, varié de quelques plumes blanches; la partie infé- rieure du cou marquée dans son milieu d'une ligne noire; les côtés du cou, la poitrine, et le ventre, de couleur feuille morte. M. Sloane fait mention d'une variété d'âge ou de sexe, qui ne difFéroit de l'oiseau précédent que parce que le dos étoit plus jaune, la poitrine et le ventre d'un jaune plus vif, et qu'il y avoit plus de noir sous le bec. Ces oiseaux habitent les bois et chantent assez agréablement. Ils se nourrissent d'insectes et de ver- misseaux ; car on en a trouvé des débris dans leur es- tomac ou gésier, qui n'est point fort uiusculeui. Leur 'JO'2 LE CAROUGE. i'oie est partagé en un grand nombre de lobes, et de couleur noirâtre. J'ai vu une variété des carouges de Saint-Domin- gue, autrement des culs-jaunes de Gayenne, dont je vais parler, laquelle approchoit fort de la femelle du carouge de la Martinique , excepté qu'elle avoit la tête et le cou plus noirs. Gela me conûrme dans l'idée que la plupart de ces espèces sont fort voisines, et que, malgré notre attention continuelle à en réduire le nombre, nous pourrions encore mériter le repro- che de les avoir trop multipliées, surtout à l'égard des oiseaux étrangers, qui sont si peu observés et si peu connus. ta<9»9«<(K»9mi e ftioD aa»<>»«-8'£ LE PETIT CUL-JAUNE DE GAYENNE^ Oriolm Xantkornus, Gmel. C'est le nom que l'on donne dans cette île à l'oi- seau représenté dans les planches enluminées, n*" 5, fîg. 1 , sous le nom de carouge du Mexique; et fig. 2 , &OUS le nom de carouge de Saint-Domingue : c'est le mâle et la femelle. Ils ont un jargon à peu près sem- blable à celui de notre loriot, et pénétrant comme celui de la pie. i. On [aur doiuie à Saint-Domingue le nom ôe demoiseiks. LE PETIT GLL-JAUNE DE CAYEWNE. 200 Ils suspendent leurs nids en forme de bourses à r^xtrémité des petites branches, comme les troupia- les; mais on m'assure que c'est aux branches longues et dépourvues de rameaux des arbres qui ont la tête mal faite, et qui sont penchés sur une rivière : on ajoute que dans chacun de ces nids il y a de petites séparations où sont autant de nichées; ce qui n'a point été observé dans les nids de troupiales. Ces oiseaux sont extrêmement rusés et difficiles à surprendre. Ils sont à peu près de la grosseur de l'a- louette ; ils ont huit pouces de longueur, douze à treize pouces de vol, la queue étagée , longue de trois à quatre pouces, dépassant de plus de la moitié de sa longueur l'extrémité des ailes en repos. Les couleurs principales des deux individus représentés au n° 5, sont le jaune et le noir. Dans la fig. i, le noir règne sur la gorge, le bec, l'espace compris entre le bec et l'œil, les grandes couvertures et les pennes des ailes, les pennes de la queue et les pieds; le jaune sur tout le reste : mais il faut remarquer que les pennes moyen- nes et les grandes couvertures de l'aile sont bordées de blanc, et que les dernières sont quelquefois toutes blanches. Dans la fig. 2 , une partie des petites cou- vertures des ailes, les jambes, et le ventre, jusqu'à la queue, sont jaunes; tout le reste est noir. On peut rapporter à cette espèce, comme variétés, 1" le carouge à tête jaune d'Amérique de M. Brisson , qui a en effet le sommet de la tête , les petites couver- tures de la queue, celles des ailes, et le bas de la jambe, jaunes, et tout le reste noir ou noirâtre : il a environ huit pouces de longueur, douze pouces de vol ; la queue étagée, composée de douze pennes, et lio/f LE PETIT CUL-JAUNE DE GAYENNE. longue de près de quatre pouces. 2° Le carouge de l'île de Saint-Thomas, n° 555, fig. 2, qui a aussi le plumage noir, à la réserve d'une tache jaune jetée sur les pe-tites couvertures des ailes. Il a la queue compo- sée de douze pennes, étagée comme dans les culs- jaunes, mais un peu plus longue^. M. Edwards a des- siné un individu de la même espèce, pL cccxxii, qui avoit un enfoncement remarquable à la base du bec supérieur. 5° Le jamac de Marcgrave , qui n'en diffère que très peu, quant à la grosseur, et dont les cou- leurs sont les mêmes et à peu près distribuées de la même manière que dans la (ig, 1 , excepté que la tête est noire, que le blanc des ailes est rassemblé dans une seule tache , et que le dos est traversé d'une aile à l'autre par une ligne noire. LES COIFFES JAUNES. Oriolus icterocepkalus. Gaiel. Ce sont des carouges de Cayenne qui ont le plu- mage noir, et une espèce de coiffe jaune qui recouvre la tête et une partie du cou, mais qui descend plus bas par devant que par derrière. On auroit dû faire sentir dans la fig. n° 543 un trait noir qui va des na- rines aux yeux, et tourne autour du bec. L'individu représenté dans cette planche paroît notablement 1. Dans la fig. 2 , n° 5 , le dessinateur a fait la queue trop courte et le bec trop long. LES COIFFES JAUNES. 20[y plus grand qu'un autre individu que j'ai vu au Cabi- net du Roi ; est-ce une variété d'âge, ou de sexe, ou de climat, ou bien un vice de la préparation? Je l'i- gnore; mais c'est d'aprèi cette variété que M. Brisson a fait sa description. Sa grosseur est celle d'un pin- son d'Ardenne : il a environ sept pouces de longueur, et onze pouces de vol. LE GAROUGE OLIVE DE LA LOUISIANE. Oriolus Capensis. Gmel. C'est l'oiseau représenté dans les planclics enlu- minées , n** Go'j , fig. 2 , sous le nom de carouge du cap de Bonne- Espérance. J'avois soupçonné depuis long- temps que ce carouge , quoique apporté peut-être du cap de Bonne-Espérance en Europe, n'étoit point originaire d'Afrique, et mes soupçons viennent d'être justifiés par l'arrivée récente (en octobre 1773) d'un carouge de la Louisiane, qui est visiblement de la même espèce, et qui n'en diffère absolument que par la couleur de la gorge, laquelle est noire dans celui- ci, et orangée dans celui-là. Je suis persuadé qu'il en sera de môme de tous les prétendus carouges et trou- piales de l'ancien continent, et que l'on reconnoîtra tôt ou tard, ou que ce sont des oiseaux d'une autre espèce, ou que leur patrie véritable , leur climat ori- ginaire, est l'Amérique. 20G LE GAKOUGE OLIVE DE LA LOUISIANE. Le carouge olive de la Louisiane a en effet beau- coup d'olivâtre dans son plumage, principalement sur la partie supérieure du corps; mais cette couleur n'a pas la même teinte partout : sur le sommet de la tête elle est fondue avec du gris; derrière le cou , sur le dos, les épaules , les ailes, et la queue, avec du brun ; sur le croupion et l'origine de la queue, avec un brun plus clair; sur les r.ancs et les jambes, avec du jaune : enfin elle borde les grandes couvertures et les pennes des ailes, dont le fond est brun. Tout le dessous du corps est jaune , excepté la gorge , qui est orangée ; le bec et les pieds sont d'un brun cendré. Cet oiseau a à peu près la grosseur du moineau franc, six à sept pouces de longueur, et dix à ouze pouces de vol. Le bec a près d'un pouce , et la queue deux pouces et plus : celle-ci est carrée et composée de douze pennes. Dans l'aile , c'est la première penne qui est la plus courte , et ce sont les troisième et qua- trième qui sont les plus longues. LE KINK. Oriotus Sinensis. Gmel. (]etïe nouvelle espèce, arrivée dernièrement de la Chine , nous a paru avoir assez de rapport avec le ca- rouge, dune part, et^ de l'autre, avec le merle, pour faire la nuance entre les deux. 11 a le bec comprimé par les côtés, comme le merle; mais les bords en sont sans échancrures, comme dans celui du carouge ;. I " Tome 1 L I I,E I ,OKrOT_ 2,I,E LOSJOT I}ES lîsTOES LE KINK. 20^] et c'est avec raison que M. Daubenton le jeune lui a donné un nom particulier, comme à une espèce dis- tincte et séparée des deux autres espèces, qu'elle semble réunir par un chaînon commun. Le kink, n° 617, est plus petit que notre merie; il a la tête, le cou, le commencement du dos et de la poitrine, d'un gris cendré; et cette couleur se fonce davantage aux approches du dos : tout le reste du corps, tant dessus que dessous, est blanc, ainsi que les couvertures des ailes, dont les pennes sont d'une couleur d'acier poli, luisante, avec des reflets qui jouent entre le verdâtre et le violet. La queue est courte, étagée, et mi-partie de cette même couleur d'acier poli et blanc, de manière que, sur les deux pennes du milieu, le blanc ne consiste qu'en une pe- tite tache à leur extrémité : cette tache blanche s'é- tend d'autant plus haut sur les pennes suivantes, qu'elles s'éloignent davantage des deux pennes du milieu ; et la couleur d'acier poli, se retirant toujours devant le blanc qui gagne du terrain, se réduit enfin, sur les deux pennes les plus extérieures, à une petite tache près de leur origine. »«g« 9û»««9'S««'&4«' s LE LORIOT\ Oriolus Galbula. L. On a dit des petits de cet oiseau qu'ils naissoient en détail et par parties séparées, mais que le premier 1. Eu laliu , clilorion, clitoris, chloreus , oriolus, merida aurea, liir- diis aurons, iulcas, lalea, lideolus, oies luridiis, picua nidum susjicrtdens. 208 LE LORIOT. soin des père et mère ètoit de rejoindre ces parties, et d'en former un ii ul vivant par la verkî d'une cer- taine herbe. La difficulté de cette merveilleuse réu- nion n'est peut-être pas plus grande cpe celle de sé- parer les noms anciens que les modernes ont appliqués confusément à cette espèce, de lui conser- ver tous ceux qui lui conviennent en effet, et de rap- porter les autres aux espèces que les anciens ont eues réellement en vue, tant ceux-ci ont décrit superficiel- lement des objets trop connus, et tant les modernes se sont déterminés légèrement dans l'application des noms imposés par Itis anciens. Je me contenterai donc de dire ici que, selon toute apparence, Aristote n'a connu le loriot cjue par ouï-dire. Quelque répandu que soit cet oiseau , il y a des pays qu'il semble éviter : on ne le trouve ni en Suède, ni en Angleîerre , ni dans les montagnes du Bugey, ni même à la hauteur de Nan- tua , quoiqu'il se montre régulièrement en Suisse deux fois l'année. Belon ne paroît pas l'avoir aperçu dans ses voyages de Grèce; et d'ailleurs, comment supposer qu'Aristote ait connu par lui-même cet oi- seau , sans connoître la singulière construction de son nid, ou c[ue, la connoissaut, il n'en ait point parlé? avis icterus, galgulus (ces quatre derniers noms sont de Pline) , gai- bulus, giUbula, v'iveo , vineo ; en italien, oriolo, regalbulo, gualbcdro, galbero j reigalbero , garbeUa, rigejo, melziozulio, becquafigo, bccqua- fia-a brusola; en espagnol, oropenduta , oroyendola- en allemand, bierholdt, bierolf, brouder berolft, byrolt, iyrolt, kirsckoldt , gerolft, kersenrife, goLdamsel, goldmerle, gai merle, oUmevle, gelbUug , ividde- wal, wiiwol; en anglois, a witwol. M. Salernc soupçonne que c'est le bel oiseau jaune qu'on appelle la tuti onne du côté dAbbcville. On a dérivé le nom du loriot , les uns tiu mot grec chtorion, les autres du latin aureotus, d'autres enfin du cri de l'oiseau. LE LORIOT. 209 Pline, qui a fait menlion du c/ilor ion d'après Aris- tole , mais qui ne s'est pas toujours mis eu peine de comparer ce qu'il empruntoit des Grecs avec ce qu'il trouvoit dans ses Mémoires, a parié du loriot sous quatre dénominations différentes ^ sans avertir que c'étoit le même oiseau que le chlorlon. Quoi cju'il eu soit, le loriot est un oiseau très peu sédentaire, qui chaniie continuellement de contrées, et semble ne s'arrêter dans les nôtres que pour (aire l'amour, ou plutôt pour accomplir la loi imposée par la nature à tous les êtres vivants, de Sransmettre à une géuéra- lion nouvelle l'existence qu'ils ont reçue d'une géné- ration précédente; car l'amour n'est que cela dans la langue des naturalistes. Les loriots suivent cette loi avec beaucoup de zèle et de fidélité. Dans nos climats c'est vers le milieu du printemps que le mâle et la fe- melle se recherchent, c'est-à-dire presque à leur ar- rivée. Ils font leur nid sur des arbres élevés, quoique souvent à une hauteur fort médiocre; ils les façonnent avec une singulière industrie, et bien différemment de ce que font les merles, quoiqu'on ait placé ces deux espèces dans le même genre. Ils l'attachent or- dinairement à la bifurcation d'une petite branche, et ils enlaceiit autour des deux rameaux qui forment cette bifurcation , de longs brins de paille ou de chan- vre, dont les uns allant droit d'un rameau à l'autre, forment le bord du nid par devant, et les autres pé- nétrant dans le tissu du nid, ou passant par dessous et revenant se rouler sur le rameau opposé, donnent la solidité à l'ouvrage. Ces longs brins de chanvre ou de paille qui prennent le nid par dessous, en sont l'enveloppe extérieure; le matelas intérieur, destiné mo LE LOTWOT. à recevoir les œufs, est tissu de jDetites tiges de gra- nierij, dont les épis sont ramenés sur la partie convexe, et paroissent si peu dans la partie concave, qu'on a pris plus d une fois ces tiges pour des fibres de racines; enfin, entre le matelas intérieur et l'enveloppe exté- rieure , il y a une quantité assez considérable de mousse, de lichen, et d'autres matières semblables, qui servent, pour ainsi dire, d'ouate intermédiaire, et rendent le nid plus impénétrable au dehors, et tout à la fois plus mollet au dedans. Ce nid étant ainsi préparé, la femelle y dépose quatre ou cinq œufs, dont le fond blanc sale est semé de quelques petites taches bien tranchées, d'un brun presque noir, et plus fré- quentes sur le gros bout que partout ailleurs; elle les couve avec assiduité l'espace d'environ trois semaines; et lorsque les petits sont éclos , non seulement elle leur continue ses soins alTectionnés pendant très long- temps, mais elle les défend contre leurs ennemis, et même contre l'homme, avec plus d'intrépidité qu'on n'en attendroit d'un si petit oiseau. On a vu le père et la mère s'élancer courageusement sur ceux qui leur enlevoient leur couvée ; et , ce qui est encore plus rare , on a vu la mère prise avec le nid continuer de couver en cage, et mourir sur ses œufs. Dès que les petits sont élevés, la famille se met en marche pour voyager; c'est ordinairement vers la fin d'août ou le commencement de septembre : ils ne se réunissent jamais en troupes nombreuses, ils ne res- tent pas même assemblés en famille; car on n'en trouve guère plus de deux ou trois ensemble. Quoi- qu'ils volent peu légèrement et en battant des ailes, comme le merle, il est probable qu'ils vont passer LE LOr»ÎOT. 2 1 1 leur quartier d'hiver en ilt'rique : car, d'une part, M. le chevalier des Mazy, commandeur de l'ordre de Malte, m'assure qu'ils passent à Malte dans le mois de septembre, et qu'ils repassent au printemps; et d'autre part, Thevenot dit qu'ils passent en Kgypte au mois de mai, et qu'ils repassent en septembre. Il ajoute qu'au mois de mai ils sont très gras; et alors leur chair est un bon manger. AIdrovande s'étonne de ce qu'en France on n'en sert pas sur nos tables. Le loriot, n° 26, est à peu près de la grosseur du merle; il a neuf à dix pouces de longueur, seize pouces de vol , la queue d'environ trois pouces et demi, et le bec de quatorze lignes. Le mâle est d'un beau jaune sur tout le corps, le cou, et la tête, à l'exception d'un trait noir qui va de l'œil à l'angle de l'ouverture du bec. Les ailes sont noires, à quelques taches jaunes près, qui terminent la plupart des grandes pennes et quelques unes de leurs couvertures; la queue est aussi mi-partie de jaune et de noir, de façon que le noir règne sur ce qui paroît des deux pennes du milieu, et que le jaune gagne toujours de plus en plus sur les pennes latérales, à commencer de l'extrémité de celles qui suivent immédiatement les deux du milieu : mais il s'en faut bien que le plumage soit le même dans les deux sexes; presque tout ce qui est d'un noir décidé dans le mâle n'est que brun dans la femelle, avec une teinte verdâtre; et presque tout ce qui est d'un si beau jaune dans celui-là est dans celle-ci olivâtre, ou jaune pâle, ou blanc; olivâtre sur la tête et le dessus du corps, blanc sale varié de traits bruns sous le corps, blanc à l'extrémité de la plupart des pennes des ailes, 2 12 LE LOUIOÏ. et jaune pâle à rextréiiiité de leurs couvertures; il n'y a de vrai jaune qu'au bout de la queue, et sur ses couvertures inférieures. J'ai observé de plus dans une femelle un petit espace derrière l'œil , qui étoit sans plumes et de couleur ardoisé clair. Les jeunes mâles ressemblent d'autant plus à la fe- melle pour le plumage, qu'ils sont plus jeunes : dans les premiers temps, ils sont mouchetés encore plus que la femelle; ils le sont môme sur la partie supé- rieure du corps : mais, dès le mois d'août, le jaune commence déjà à paroître sous le corps. Ils ont aussi un cri différent de celui des vieux; ceux-ci disent yc^,, yo^ yOj, qu'ils font suivre quelquefois d'une sorte de jniaulement, comme celui du chat : mais indépen- damment de ce cri, que chacun entend à sa manière, ils ont encore une espèce de sifflement, suitout lors- qu'il doit pleuvoir, si toutefois ce sifflement est autre chose que le miaulement dont je viens de parler. Ces oiseaux ont l'iris des yeux rouge, le bec rouge brun, le dedans du bec rougeâtre, les bords du bec inférieur un peu arqués sur leur longueur, la langue fourchue et comme frangée par le bout, le gésier musculeux, précédé d'une poche formée par la dila- tation de l'œsophage, la vésicule du fiel verte, des cœcum très petits et très courts, enfin la première phalange du doigt extérieur soudée à celle du doigt du milieu. Lorsqu'ils arrivent au printemps, ils font la guerre aux insectes, et vivent de scarabées, de chenilles, de vermisseaux, en un mot, de ce qu'ils peuvent at- traper : mais leur nourriture de choix, celle dont ils LE LOÎUOT. :^ I T) sont le plus avides, ce sont les cerises, les figues^, les baies de sorbiers, les pois, etc. Il ne faut que deux de ces oiseaux pour dévaster en un jour un ce- risier bien garni , parce qu'ils ne font que béqueter les cerises les unes après les autres, et n'entament que la partie la plus mûre. Les loriots ne sont point faciles à élever ni à appri- voiser. On les prend à la pipée, à l'abreuvoir, et avec différentes sortes de filets. Ces oiseaux se sont répandus quelquefois jusqu'à l'extrémité du continent sans subir aucune altération dans leur forme extérieure ni dans leur plumage ; car on a vu des loriots de Bengale , et même de la Chine , parfaitement semblables aux nôtres : mais aussi on en a vu d'autres, venant à peu près des mêmes pays , qui ont quelques différences dans les couleurs, et que l'on peut regarder, pour la plupart, comme des variétés de climat , jusqu'à ce que des observations faites avec soin sur lès allures et les mœurs de ces espèces étrangères, sur la forme de leurs nids, etc., éclairent ou rectifient nos conjectures. i. C'est de là qu'on leur donne en certains pays le nom de becfi- gues , de sucophagos, etc., et c'est peut-être cette nourriture qui rend leur chair si bonne à manger. On sait cjne les figues produisent le même eOol sur la chair des merles et d'autres oiseaux. BL'ivoN. XXI. 14 2l4 LE COL LAVA N. »»e»p-&«^«'»»8ie-8«ia'e»^e^'»o<9»»;>-S<»»e^'6j<..^e4»i»»*'«»»'»°»*»»'* LES GRIVES. La famille des grives a sans doute beaucoup de rapports avec celle des merles^, mais pas assez néan- moins pour qu'on doive les confondre toutes deux sous une même dénomination, comme ont fait plu- sieurs naturalistes; et en cela le commun des hommes me paroît avoir agi plus sagement en donnant des noms distincts à des choses vraiment distinctes. On a appelé grives ceux de ces oiseaux dont le plumage étoit grivelé ^, ou marqué sur la poitrine de petites mouchetures disposées avec une sorte de régularité^. Au contraire, on a appelé merles ceux dont le plu- mage étoit uniforme, ou varié seulement par de gran- des parties. Nous adoptons cette distinction de noms d'autant plus volontiers, que la différence du plu- 1. Merulœ et turdi amicœ sunt aves, dit Pline. On ne peut guère douter que les merles et les grives n'aillent de compagnie, puisqu'on les prend communément dans les mêmes pièges. 2. Ce mot grivelé est formé visiblement du mot grive, et celui-ci paroît l'être d'après le cri de la plupart de ces oiseaux. 5. Quoique les anciens ne fissent guère la description des oiseaux très connus, cependant un trait échappé à Aristote suppose que tous les oiseaux compris sous le nom grec cicldai, qui répond à noire mot françois grives, étoicnt mouchetés , puisqu'en parlant du tardas iiia- cus, qui est notre mauvis , il dit que c'est Tespècc qui a le moins de mouchetures. i4l8 LES GRIVES. mage n'est pas !a seule qui se trouve entre ces oiseaux; et, réservant les merles pour un autre article, nous nous bornons dans celui-ci à parler uniquement des grives. Nous en distinguons quatre espèces principales vivant dans notre climat, à chacune desquelles nous rapporterons, selon notre usage, ses variétés, et, autant qu'il sera possible, les espèces étrangères ana- logues. La première espèce sera la grive proprement dite , représentée dans les planches enluminées, n** 4^^? sous le nom de lltorne. Je rapporte à cette espèce, comme variétés, la grive à tête blanche d'Aldrovande , et la grive huppée de Schwenckfeld ; et, comme es- pèces étrangères analogues > la grive de la Guiane ^ représentée dans les planches enluminées, n*' 398, fig. 1, et la grivette d' Amérique dont parle Catesby. La seconde espèce sera la draine de nos planches enluminées, n° 4^9? ^I"i ^^^ ^^ turdus viscivorus des anciens, et à laquelle je rapporte, comme variété, la draine blanche. La troisième espèce sera la lltorne^ représentée dans les planches enluminées, n** 49^ > sous le nom de ca- landrote. C'est le turdus pilaris des anciens. J'y rap- porte comme variétés la litorne tachetée de Klein , la lito?me à tête blancheàe M. Brisson, et comme espèces étrangères analogues la litorne de la Caroline de Ca- tesby, dont M. Brisson a fait sa huitième grive, et la Litorne de Canada du même Catesby, dont M. Brisson a fait sa neuvième grive. La quatrième espèce sera le mauvis de nos plan- ches enluminées , n° 5 1 , qui est le turdus aliacus des anciens , et notre véritable calandrote de Bourgogne. LES GRIVES. 2iq Enfin je placerai à la suite de ces quatre espèces principales quelques grives étrangères qui ne sont point assez connues pour pouvoir les rapporter à l'une plutôt qu'à l'autre, telles que la grive verte de Bar- barie du docteur Sbaw, et le hoami de la Chine de M. Brisson, que j'admets parmi les grives, sur la pa- role de ce naturaliste , quoiqu'il me paroisse différer des grives, non seulement par son plumage, qui n'est pas grivelé , mais encore par les proportions du corps» Des quatre espèces principales appartenant à no- tre climat, les deux premières, qui sont la grive et la draine, ont de l'analogie entre elles; toutes deux paroissent moins assujetties à la nécessité de changer de lieu , puisqu'elles font souvent leur ponte en France ^ en Allemagne , en Italie , en un mot , dans les pays où elles ont passé l'hiver; toutes deux chantent très bien, et sont du petit nombre des oiseaux dont le ramage est composé de différentes phrases; toutes deux paroissent d'un naturel sauvage et moins socia- ble , car elles voyagent seules , selon quelques obser- vateurs. M. Frisch reconnoît encore entre ces deux espèces d'autres traits de conformité dans les cou- leurs du plumage et l'ordre de leur distribution, etc. Les deux autres espèces, je veux dire la litorne et le mauvis, se ressemblent aussi de leur côté, en ce qu'elles vont par bandes nombreuses, qu'elles sont plus passagères, qu'elles ne nichent presque jamais dans notre pays, et que par cette raison elles n'y chantent l'une et l'autre que très rarement, en sorte que leur chant est inconnu non seulement au plu& grand nombre des naturalistes, mais encore à la plu- part des chasseurs. Elles ont plutôt un gazouillement 220 LES GKIVES. qu'un chant, et quelquefois, lorsqu'elles se trouvent une vingtaine sur un peuplier, elles babillent toutes à la fois, et font un très grand bruit et très peu mé- lodieux. En général, parmi les grives, les mâles et les fe- melles sont à peu près de même grosseur, et égale- ment sujets à changer de couleurs d'une saison à l'autre : toutes ont la première phalange du doigt ex- térieur unie à celle du doigt du milieu, les bords du bec échancrés vers la pointe , et aucune ne vit de grains, soit qu'ils ne conviennent point à leur appétit, soit qu'elles aient le bec ou l'estomac trop foible pour les broyer ou les digérer. Les baies sont le fond de leur nourriture, d'où leur est venue la dénomination de bacclvores. Elles mangent aussi des insectes, des vers; et c'est pour attraper ceux qui sortent de terre après les pluies, qu'on les voit courir alors dans les champs et gratter la terre, surtout les draines et les litornes : elles font la même chose l'hiver dans les en- droits bien exposés où la terre est dégelée. Leur chair est un très bon manger, surtout celle de nos première et quatrième espèces, qui sont la grive proprement dite et le mauvis ; mais les anciens Ro- mains en faisoient encore plus de cas que nous, et ils conservoient ces oiseaux toute l'année dans des espèces de volières qui méritent d'être connues. Chaque volière contenoit plusieurs milliers de gri- ves et de merles, sans compter d'autres oiseaux bons à manger, comme ortolans, cailles, etc.; et il y avoit une si grande quantité de ces volières aux environs de Rome, surtout au pays des Sabins, que la fiente des grives étoit empfoyée comme engrais pour fertili- LES GRIVES. 22 \ ser les terres ; et, ce qui est à remarquer, on s'en ser- voit encore pour engraisser les bœufs et les cochons. Les grives avoient moins de liberté dans ces vo- lières que nos pigeons fuyards n'en ont dans nos co- lombiers , car on ne les en laissoit Jamais sortir ; aussi n'y pondoient-elles point : mais, comme elles y trou- voient une nourriture abondante et choisie, elles y engraissoient, au grand avantage du propriétaire^. Les individus sembloient prendre leur servitude en gré ; mais l'espèce restoit libre. Ces sortes de grlviè- res étoient des pavillons voûtés, garnis en dedans d'une quantité de juchoirs, vu que la grive est du nombre des oiseaux qui se perchent : la porte en étoit très basse; elles avoient peu de fenêtres, et tournées de manière qu elles ne laissoient voir aux grives pri- sonnières ni la campagne , ni les bois, ni les oiseaux sauvages voltigeant en liberté, ni rien de tout ce qui auroit pu renouveler leurs regrets et les empêcher d'engraisser. Il ne faut pas que des esclaves voient trop clair : on ne leur laissoit de jour que pour dis- tinguer les choses destinées à satisfaire leurs princi- paux besoins. On les nourrissoit de millet et d'une es- pèce de pâtée faite avec des figues broyées et de la farine , et outre cela de baies de lentisque , de myrte , de lierre , en un mot, de tout ce qui pouvoit rendre leur chair succulente et de bon goiit. On les abreu- voit avec un filet d'eau courante qui traversoit la vo- 1. chaque grive grasse se vendoit , hors des temps du passage, jus- qu'à trois deniers romains , qui reviennent à environ trente sous de notre monnoie; et, lorsqu'il- y avoit un triomphe ou quelque festin public , ce genre de commerce reudoit jusqu'à douze cents pour cent. 322 LES GRIVBS. Hère. Vin^t jours avant de les prendre pour les man- ger, on augmentoii leur ordinaire et on le rendoit meilleur; on poussoit l'attention jusqu'à faire passer doucement dans un petit réduit qui cornmuniquoit à la volière les grives grasses et bonnes à prendre , et on ne les prenoit en effet qu'après avoir bien refermé la communication, afin d'éviter tout ce qui auroit pu inquiéter et faire maigrir celles qui restoient ; on tâ- choit même de leur faire illusion en tapissant la vo- lière de ramée et de verdure souvent renouvelées, afin qu'elles pussent se croire encore au milieu des bois; en un mot, c'étoient des esclaves bien traités, parce que le propriétaire entendoitses intérêts. Celles qui étoient nouvellement prises se gardoient quelque temps dans de petites volières séparées avec plusieurs de celles qui avoient déjà l'habitude de la prison : et moyennant tous ces soins on venoit à bout de les ac- coutumer un peu à l'esclavage, mais presque jamais on n'a pu en faire des oiseaux vraiment privés. On remarque encore aujourd'hui quelques traces de cet usage des anciens , perfectionné par les moder- nes, dans celui où l'on est en certaines provinces de France d'attacher au haut des arbres fréquentés par les grives des pots où elles puissent trouver un abri commode et sûr sans perdre la liberté , et où elles ne manquent guère de pondre leurs œufs, de les cou- ver, et d'élever leurs petits : tout cela se fait plus sû- rement dans ces espèces de nids artificiels que dans ceux qu'elles auroîent faits elles-mêmes : ce qui con- tribue doublement à la multiplication de l'espèce, soit par la conservation de la couvée , soit parce que, per-. LES GRIVES. 2 2v> dant moins de temps à arranger leurs nids, elles peu- vent faire aist^ment deux pontes chaque année ^. Lors- qu'elles ne trouvent point de pots préparés , elles font leurs nids sur les arbres, et même dans les buissons, et les font avec beaucoup d'art : elles les revêtent par dehors de mousse, de paille, de feuilles sè- ches, etc.; mais le dedans est fait d'une sorte de carton assez ferme, composé avec de laboue mouillée, gâchée et battue , fortifiée avec des brins de paille et de petites racines : c'est sur ce carton que la plu- part des grives déposent leurs œufs à cru , et sans au- cun matelas, au contraire de ce que font les pies et les merles. Ces nids sont des hémisphères creux , d'environ quatre pouces de diamètre. La couleur des œufs va- rie, selon les diverses espèces, du bleu au vert, avec quelques petites taches obscures, plus fréquentes au gros bout que partout ailleurs. Chaque espèce a aussi son c-'ri différent : quelquefois même on est venu à bout de leur apprendre à parler; ce qui doit s'en- tendre de la grive proprement dite ou de la draine , qui paroît avoir les organes de la voix plus perfec- tionnés. On prétend que les grives, avalant les graines en- tières du genièvre, du gui, du lierre, etc., les rendent souvent assez bien conservées pour pouvoir germer et produire lorsqu'elles tombent en terrain convena- i . Il paroît même qu'elles font quelquefois trois couTées ; car M. Sa- ierne a trouvé au commencement de septembre un nid de grives de ïigue où il y avoit trois œuh qui n'éloieut point encore éclos; ce qui pvoit bien l'air d'une troisième ponte. 2liq LES GRIVES. ble : cependant AIdrovande assure avoir fait avaler à ces oiseaux des raisins de vigne sauvage et des baies de gui, sans avoir jamais retrouvé dans leurs excréments aucune de ces graines qui eût conserve sa forme. Les grives ont le ventricule plus ou moins muscu- Jeux, point de jabot, ni même de dilatation de l'œ- sophage qui puisse en tenir lieu , et presque point de cœcuin ; mais toutes ont une vésicule du fiel, le bout de îa langue divisé en deux ou plusieurs filets, dix-huit pennes à chaque aile , et douze à la queue. Ce sont des oiseaux tristes, mélancoHques , et, comme c'est l'ordinaire , d'autant plus amouyeux de leur liberté : on ne les voit guère se jouer ni même se battre ensemble , encore moins se plier à la domes- ticité. Mais s'ils ont un grand amour pour leur li- berté , il s'en faut bien qu'ils aient autant de ressour- ces pour la conserver ni pour se conserver eux-mêmes : rioégalité d'un vol oblique et tortueux est presque le seul moyen qu'ils aient pour échapper au plomb du chasseur^ et à la serre de l'oiseau carnassier; s'ils peu- vent gagner un arbre touffu, ils s'y tiennent immobi- les de peur, et on ne les fait partir que difficilement 2. On en prend par milliers dans des pièges ; mais la grive proprement dite et le mauvis sont les deux espèces qui se prennent le plus aisément au lacet, et presque les seules qui se prennent à la pipée. 1. D'habiles chasseurs m'ont assuré que les grives éloieul fort diffi- ciles à tirer, et plus difficiles que les bécassines. 2, C'est peut-être ce qui a fait dire qu'ils étoient sourds , et qui a fait passer leur surdité en proverbe, coplioserosciclile ; mais c'est une vieille erreur : tous les chasseurs savent que la grive a l'ouïe fort bonne. LES GRIVES. 2'23 Les lacets ne sont autre chose que deux ou trois crins de cheval tortillés ensemble et qui font un nœud coulant; on les place autour des genièvres, sous les aliziers, dans le voisinage d'une fontaine ou d'une mare ; et quand l'endroit est bien choisi et les lacets bien tendus, dans un espace décent arpents, on prend plusieurs centaines de grives par jour. 11 résulte des observations faites en différents pays que lorsque les grives paroissent en Europe vers le commencement de l'automne, elles viennent des cli- mats septentrionaux avec ces volées innombrables d'oiseaux de toute espèce qu'on voit aux approches de l'hiver traverser la mer Baltique, et passer de la Laponie , de la Sibérie, de la Livonie , en Pologne, en Prusse, et de là dans les pays plus méridionaux. L'abondance des grives est telle alors sur la côte méri- dionale de la Baltique, que, selon le calcul de M. Klein, la seule ville de Dantzick en consomme chaque année quatre-vingt-dix mille paires. Il n'est pas moins cer- tain que lorsque celles qui ont échappé aux dangers de la route repassent après l'hiver, c'est pour retour- ner dans le Nord. Au reste, elles n'arrivent pas toutes à la fois : en Bourgogne, c'est la grive qui arrive la pre- mière, vers la fm de septembre; ensuite le mauvis , puis la litorne avec la draine : mais cette dernière es- pèce est beaucoup moins nombreuse que les trois autres ; et elle doit le paroître moins en effet , ne fut-ce que parce qu'elle est plus dispersée. Il ne faut pas croire non plus que tontes les espèces de grives passent toujours en même quantité : quel- quefois elles sont en très petit nombre , soit que le ^26 LES GRIVES. temps ait été contraire à leur multiplication , ou qu'il soit contraire à leur passage ^ ; d'autres fois elles arri- vent en grand nombre; et un observateur très ins- truit- m'a dit avoir vu des nuées prodigieuses de gri- ves de toute espèce, mais principalement de mauvis et de litornes, tomber au mois de mars dans la Brie, et couvrir, pour ainsi dire, un espace d'environ sept ou huit lieues : cette passée, qui n'avojt point d'exem- ple , dura près d'un mois , et on remarqua que le froid avoit été fort long cet hiver. Les anciens disoient que les grives venoient tous les ans en Italie de delà les mers, vers l'équinoxe du printemps (ce qui n'est pas généralement vrai de tontes les espèces, du moins pour notre Bourgogne ) , et que, soit en allant, soit en venant, elles se rassem- bloient et so reposoient dans les îles de Pontia, Pal- maria, et Patidataria, voisines des côtes d'Italie^. Elles se reposent aussi dans l'île de Malte, où elles arrivent en octobre et novembre. Le vent de nord- ouest y en amène quelques volées; celui de sud ou de sud-ouest les fait quelquefois disparoître : mais elles n'y vont pas toujours avec des vents déterminés^ et leur apparition dépend souvent plus de la tempe- 1. On m'assare qu'il y a dos années où les mauvis sont très rares eri Provence ; et la même chose est vraie des contrées plus septentrionales. 2. M. Hébert , receveur général de l'extraordinaire des guerres , qui a fait de nombreuses et très bonnes observations sur la partie la plus obscure de l'ornithologie , je veux dire les mœurs et les habitudes naturelles des oiseaux, 5. Ces îles sont situées au midi de la ville de Rome , tirant un peu h Test. On croit que l'île de Pandataria est celle qui est connue aujour- dhui sous le nom de Vcniotcnc. LES GRIVES. 22"^ rature de l'air que de son mouvement; car si, dans un temps serein, le ciel se charge tout à coup avec apparence d'orage , la terre se trouve alors couvert^ de grives. Au reste, il paroit que l'île de Malte n'est point le terme de la migration des grives du côté du midi , vu la proximité des côtes de l'Afrique , et qu'il s'en trouve dans l'intérieur de ce continent, d'où elles passent, dit-on, tous les ans, en Espagne^. Celles qui restent en Europe se tiennent l'été dans les bois en montagnes; aux approches de l'hiver, elles quittent l'intérieur des bois, où elles ne trouvent plus de fruits ni d'insectes, et elles s'établissent sur les li- sières des forêts ou dans les plaines qui leur sont contiguës. C'est sans doute dans le moment de cette migration que l'on en prend une si grande quantité au commencejnent de novembre dans la forêt de Compiègne. Il est rare, suivant Belon, que les dillé- rentes espèces se trouvent en grand nombre, en même temps, dans les mêmes endroits. 1. « Étant en Espagne en 1707 , dit le Iraducleur d'Edwards , dans » le royaume de Valence , sur les côtes de la mer , à deux pas de Gaslil- » Ion de la Plane, je vis en octobre de grandes troupes d'oiseaux qui » venoient d'Afrique en ligue directe. On en tua quelques uns, qui se » trouvèrent être des grives , mais si sèches et si maigres , qu'elles n'a- » voient ni substance ni goût. Les habitants de la campagne m'assa- » rèront que tous les ans en pareille saison elles venoient par troupes » chez eux, mais que la plupart alloient encore plus loin. » En admettant le fait, je me crois fondé à douter que ces grives qui arrivoient en Espagne au mois d'octobre , vinssent eneifet d'Afri- que , parce que la marche ordinaire de ces oiseaux est toute contraire, et que d'ailleurs la direction de leur route, au moment de leur arri- vée, ne prouve rien , celte direction pouvant varier dans un trajet un ])eu long par mille causes dilTérenles. ■2 '28 LES GRIVES. Toutes, ou presque toutes, ont les bords du bec supérieur échancrés vers la pointe, l'intérieur du bec jaune , sa base accompagnée de quelques poils ou soies noires dirigées en avant, la première phalange i du doigt extérieur unie à celle du doigt du milieu , la partie supérieure du corps d'une couleur plus rem- brunie, et la partie inférieure d'une couleur plus claire et grivelée ; enfin dans toutes, ou presque tou- tes, la queue est à peu près le tiers de la longueur to- tale de l'oiseau, laquelle varie, dans ces différentes espèces, entre huit et onze pouces, et n'est elle- même que les deux tiers du vol : les ailes, dans leur situation de repos, s'étendent au moins jusqu'à la moitié de la queue, et le poids de l'individu varie, d'une espèce à l'autre, de deux onces et demie à quatre onces et demie. M. Klein prétend être bien informé que la partie septentrionale de l'Inde a aussi ses grives , mais qui diffèrent des nôtres, en ce qu'elles ne changent point de climat. T1346 PaxbgxLe b sculp . 1 . LA GKrVE _ 2 . LA ROTJS SEP.0L1.E LA GTî.IVE. 229 LA GRIVE*. Turdus musicus. L Cette espèce ^ , que je place ici la première, parce qu'elle a donné son nom au genre, n'est que la troisième dans l'ordre de la grandeur. Elle est fort commune en certains cantons de la Bourgogne , où les gens de la campagne la connoissent sous les noms de grivette et de mauviette. Elle arrive ordinairement chaque année à peu près au temps des vendanges, et semible être attirée par la maturité des raisins, et c'est pour cela sans doute qu'on lui a donné le nom de grive de vigne : elle disparoît aux gelées, et se re- montre aux mois de mars et d'avril, pour disparoître encore au mois de mai. Chemin faisant, la troupe perd toujours quelques traîneurs qui ne peuvent sui- vre , ou qui, plus pressés que les autres par les dou- ces influences du printemps, s'arrêtent dans les fo- rêts qui se trouvent sur leur passage pour y faire leur ponte ^. C'est par cette raison qu'il reste toujours 1. En latin, tardas ^ tardas minor, tardas masicas; en italien, tardo mezzano; en espagnol, zorzaL; en allemand, drossel ou dros'tet (mot qui s'altère de sept ou huit façons différentes , selon les différents dia- lectes, et auquel cm ajoute quelquefois des épithètes qui ont rapport on au plumage ou au chant de l'oiseau) , sing-drostel , iveiss-dfostel , etc. ; en anglois, throstle, throsset , thrusk, song-thrush , mavis. tr. N° l[o6 , où cette grive est nommée par erreur la tltorne. '^ M. le docteur Loltinger m'assure qu'elles arrivent aux mois de BUFrON. XXI. i5 2JO LA GTIIVE. quelques grives dans nos bois, où elles font leur nîcî sur les pommiers et les poiriers sauvages, et même sur les genévriers et dans les buissons , comme on l'a observé en Silésie et en Angleterre. Quelquefois elles rattachent contre le tronc d'un gros arbre à dix ou douze pieds de hauteur; et dans sa construction elles emploient par préférence le bois pourri et vermoulu. Elles s'apparient ordinairement sur la fin de l'hi- ver, et forment des unions durables : elles ont cou- tume de faire deux pontes par an , et quelquefois une troisième , lorsque les premières ne sont pas venues à bien. La première ponte est de cinq ou six œufs d'un bleu foncé , avec des taches noires plus fréquen- tes sur le gros bout que partout ailleurs; et dans les pontes suivantes, le nombre des œufs va toujours en diminuant. Il est difficile, dans cette espèce, de dis- tinguer les mâles des femelles, soit par la grosseur, qui est égale dans les deux sexes, soit par le plumage, dont les couleurs sont variables, comme je l'ai dit. Aldrovande avoit vu et fait dessiner trois de ces gri- ves, prises en des saisons différentes, et qui diffé- roient toutes trois par la couleur du bec, des pieds, et des plumes : dans l'une , les mouchetures de la poitrine éloient fort peu apparentes. M. Frisch pré- mais et d'avril clans les montagnes de la Lorraine, et qu'elles s'en re- tournent aux mois de septembre et d'oclobre; d'où il s'ensuivroit que c'est dans les montagnes, ou plutôt dans les bois dont elles sont cou- vertes, qu'elles passent l'été, et que c'est delà qu'elles nous viennent en automne. Mais ce que dit M. LoUingcr doit-il s'appliquer à toute l'espèce, ou seulement à un certain nombre de familles qui s'arrêtent- en passant dans les forêts de la Lorraine, comme elles font dans les nôtres? C'est ce qui ne peut être décidé que par de nouvelles obser- vations. LA GRIVL:. 2ÔI tend néanmoins que les vieux mâles ont une raie blanche au dessus des yeux, et M. Linnaeus fait de ces sourcils blancs un des caractères de l'espèce : pres- que tous les autres naturalistes s'accordent à dire que les jeunes mâles ne se font guère reconnoître qu'en s'essayant de bonne heure à chanter ; car cette espèce de grive chante très bien^ surtout dans le prin- temps *^, dont elle annonce le retour : et l'année a pkis d'un printemps pour elle, puisqu'elle fait plu- sieurs pontes ; aussi dit-on qu'elle chante les trois quarts de l'année. Elle a coutume, pour chanter, de se mettre tout en haut des grands arbres, et elle s'y tient des heures entières. Son ramage est composé de plusieurs couplets difïerents, comme celui de la flraine ; mais il est encore plus varié et plus agréable , ce qui lui a fait donner en plusieurs pays la dénomi- nation de grive chanteuse. Au reste , ce chant n'est pas sans intention; et l'on ne peut en douter, puisqu'il ne faut que savoir le contrefaire, môme imparfaite- ment, pour attirer ces oiseaux. Chaque couvée va séparément sous la conduite des père et mère. Quelquefois plusieurs couvées se ren- contrant dans les bois, on pourroit penser, à les voir ainsi rassemblées, qu'elles vont par troupes noni- breuses : mais leurs réunions sont fortuites, momen- tanées; bientôt on les voit se diviser en autant de pe- tits pelotons qu'il y avoit de familles réunies^, et i. Dans les premiers jours de son arrivée, sur la fin de riiivei , elle ne fait entendre qu'un petit sifflement, la nuit comme le jour, de înème que les ortolans; ce que les chasseurs provençaux appellent jHster. '2. M. le docteur Lottinger dit aussi que, quoiqu'elles ne voyagent li:)2 LA GRIVE. D3ême se disperser absolument lorsque les petits sont assez forts pour aller seuls ^. Ces oiseaux se trouvent, ou plutôt voyagent en Ita- lie , en France , en Lorraine , en Allemagne , en An- gleterre, en Ecosse, en Suède, où ils se tiennent élans les bois qui abondent en érables : ils passent de Suède en Pologne quinze jours avant la Saint-Michel et quinze jours après, lorsqu'il fait chaud, et que le ciel est serein. Quoique îa grive ait l'œil perçant , et qu'elle sache fort bien se sauver de ses ennemis déclarés et se ga- rantir des dangers manifestes, elle est peu rusée au fond, et n'est point en garde contre les dangers moins apparents : elle se prend facilement, soit à la pipée, soit au lacet, mais moins cependant que le mauvis. Il y a des cantons en Pologne où on en prend une si grande quantité, qu'on en exporte de petits bateaux chargés. C'est un oiseau des bois, et c'est dans les bois qu'on peut lui tendre des pièges avec succès : on le trouve très rarement dans les plaines; et lors même que ces grives se jettent aux vignes, elles se retirent habituellement dans les taillis voisins le soir et dans le chaud du jour, en sorte que, pour faire de bonnes chasses , il faut choisir son temps, c'est-à-dire le ma- tin à la sortie, le soir à la rentrée, et encore l'heure de la journée où la chaleur est la plus forte. Quel- quefois elles s'enivrent à manger des raisins mûrs, et c'est alors que tous les pièges sont bons. [las en troupes, on en trouve plusieurs ensemble , ou peu éloignées les unes des autres. 1, On m'assure cependant qu'elles aiment la compagnie des ca- landres. LA GRIVE. 20.) Williighby, qui nous apprend que cette espèce niche en Angleterre et qu'elle y passe toute l'année, ajoute que sa chair est d'un goût excellent ; mais, en général , la qualité du gibier dépend beaucoup de sa nourriture ; celle de notre grive, en automne, con- siste dans les baies , la faîne , les raisins , les figues , la graine de lierre, le genièvre, l'alizé, et plusieurs autres fruits : on ne sait pas si bien de quoi elle subsiste au printemps ; on la trouve alors le plus com- munément à terre dans les bois, aux endroits humi- des , et le long des buissons qui bordent les prairies où l'eau s'est répandue; on pourrcit croire qu'elle cherche les vers de terre, les limaces, etc. S'il sur- vient au printemps de fortes gelées, les grives, au lieu de quitter le pays, et de passer dans des climats plus doux dont elles savent le chemin, se retirent vers les fontaines, où elles maigrissent et deviennent étiques; il en périt même un grand nombre, si ces secondes gelées durent trop : d'où l'on pourroit con- clure que le froid n'est point la cause, du moins ki seule cause déterminante de leurs migrations, mais que leur route est tracée indépendamment des tem- pératures de l'atmosphère , et qu'elles ont chaque année un cercle à parcourir dans un certain espace de temps. On dit que les pommes de grenade sont un poison pour elles. Dans le Bugey, on recherche les nids de ces grives , ou plutôt leurs petits , dont on fait de fort bons mets. Je croirois que cette espèce n'étoit point connue des anciens; car Aristote n'en compte que trois toutes différentes de celle-ci, et dont il sera question dans les articles suivants : et l'on ne peut pas dire non plus, 254- LA GRIVE. ce me semble, que Pline l'ait eue en vue en parlant de l'espèce nouvelle cpii parut en Italie dans le temps de la guerre entre Othon et Vitellius ; car cet oiseau étoit presque de la grosseur du pigeon, et par consé- quent quatre fois plus gros que la grive proprement dite , qui ne pèse que trois onces. J'ai observé, dans une de ces grives que j'ai eue quelque temps vivante, que, lorsqu'elle étoil en co- lère, elle faisoit craquer son bec, et mordoit à vide. J'ai aussi remarqué que son bec supérieur étoit mo- bile, quoique beaucoup moins que l'inférieur. Ajoutez à cela que cette espèce a la queue un peu fourchue, ce que la figure n'indique pas assez clairement. Variétés de la Grive proprement dite, L La grive blanche; elle n'en diflere que par la blan- cheur de son plumage ; on attribue communément celte blancheur à l'influence des climats du Nord, quoiqu'elle puisse être produite par des causes parti- culières sous les climats les plus tempérés, comme nous l'avons vu dans l'histoire du corbeau. Au reste, cette couleur n'est ni pure, ni universelle; elle est presque toujours semée, à l'endroit du cou et de la poitrine, de ces mouchetures qui sont propres aux grives, mais qui sont ici plus foibles et moins tran- chées; quelquefois elle est obscurcie sur le dos par un mélange de brun plus ou moins foncé, altérée sur la poitrine par une teinte de roux, comme dans celles que IJrisclî a représentées, sans les décrire, plan- VARIETES DE LA GRIVE. ^35 che XXXIII. Quelquefois il n'y a, dans toute la partie supérieure, que le sommet de la tête qui soit blanc, comme dans l'individu que décrit Aldrovande; d'au- tres fois c'est la partie postérieure du cou qui a une bande transversale blanche en manière de demi-col^ lier : et l'on ne doit pas douter que cette couleur ne se combine de beaucoup d'autres manières en diffé- rents individus avec des couleurs propres à l'espèce ; mais on doit aussi se souvenir que ces différentes combinaisons, loin de constituer des races diverses, ne constituent pas même des variétés constantes. La grive liiippée^ dont parle Schwenckfeld, doit être aussi regardée comme variété de cette espèce , non seulement parce qu'elle en a la grosseur et le plumage, à l'exception de son aigrette blanchâtre, faite comme celle de l'alouette huppée, et de son collier blanc, mais encore parce qu'elle est très rare; on peut même dire qu'elle est unique jusqu'ici , puisque Schwenck- feld est le seul qui l'ait vue , et qu'il ne l'a vue qu'une seule fois : elle avoit été prise en 1699 dans les forêts du duché de Lignitz. Il est bon de remarquer que les oiseaux acquièrent quelquefois en se desséchant une huppe par une certaine contraction des muscles de la peau qui recouvre la tête. 236 LÀ GRIVE DK LA GUIANE. OISEAUX ÉTRANGERS QUI ONT RAPPORT A LA GRIVE PROPREMENT DITE. I. LA GRIVE DE LA GUIANE. Tardas Gayanensis. Gmel. La figure enluminée n° 398, fîg. 1, dit de ce petit oiseau à peu près tout ce que nous en savons : on voit qu'il a la queue plus longue et les ailes plus courtes à proportion que la grive; mais ce sont pres- que les mêmes couleurs : seulement les mouchetures sont répandues jusque sur les dernières couvertures inférieures de la queue. Gomme la grive proprement dite fréquente les pays du Nord, et que d'ailleurs elle aime à changer de lieux, elle a pu très bien passer dans l'Amérique sep- tentrionale, et de là se répandre dans les parties du midi, où elle aura éprouvé les altérations que doit produire le changement de climat et de nourriture. LA ORIVETTE d'amÉRIQUE. 207 II. LA GRIVETTE D'AMÉRIQUE. Tardas minor. Gmel. Cette grive, n" 556, fig. 2, se trouve non seule- ment au Canada, mais encore dans la Pensylvanie , la Caroline, et jusqu'à la Jamaïque, avec cette différence qu'elle ne passe que l'été seulement en Pensylvanie, en Canada , et autres pays septentrionaux où les hi- vers sont trop rudes; au lieu qu'elle passe l'année entière dans les contrées plus méridionales, comme la Jamaïque^, et même la Caroline, et que, dans cette dernière province, elle choisit pour le lieu de sa retraite les bois les plus épais aux environs des ma- récages , tandis qu'à la Jamaïque , qui est un pays plus chaud, c'est toujours dans les bois qu'elle habite, mais dans les bois qui se trouvent sur les montagnes. Les individus décrits ou représentés par les divers naturalistes diffèrent entre eux par la couleur des plu- mes, du bec, et des pieds; ce qui donne lieu de croire (si tous ces individus appartiennent à la même es- pèce) que le plumage des grives d'Amérique n'est pas moins variable que celui de nos grives d'Europe , et qu'elles sortent toutes d'une souche commune. Cette conjecture est fortifiée par le grand nombre des rap- ports qu'a l'oiseau dont il s'agit ici avec nos grives, et 1. M. Sloaiie , qui parle des endroits où habite cette grive, ne dit point que ce soit un oiseau de passage •, d'où l'on peut présumer qu'il ne la regardoit point comme telle. 238 LA GRIVETTE D AMERIQUE. dans sa forme, et dans son port, et dans son habitude de voyager, et dans celle de se nourrir de baies, et danslacouleur jaune de ses parties intérieures, obser- vées par M. Sloane, et dans les mouchetures de la poitrine : mais il paroît avoir des rapports encore plus particuliers avec la grive proprement dite et le mauvis qu'avec les autres; et ce n'est qu'en comparant les traits de conformité que l'on peut déterminer à la- quelle de ces deux espèces elle doit être spécialement rapportée. Cet oiseau est plus petit qu'aucuoe de nos grives, comme sont en général tous les oiseaux d'Amérique relativement à ceux de l'ancien continent : il ne chante point, non plus que le mauvis; il a moins de mouche- tures que le mauvis, qui en a moins qu'aucune de nos quatre espèces; enfin sa chair est, comme celle du mauvis, un très bon manger. Tels sont les rap- ports de la grive du Canada avec notre mauvis : mais elle en a davantage, et, à mon avis, de beaucoup plus décisifs, avec notre grive proprement dite, à la- quelle elle ressemble par les barbes qu'elle a autour du bec; par une espèce de plaque jaunâtre qu'on lui voit sur la poitrine; par sa facilité à devenir séden- taire dans tout pays où elle trouve sa subsistance; par son cri assez semblable au cri d'hiver de la grive , et par conséquent fort peu agréable , comme sont ordi- nairement les cris de tous les oiseaux de ces contrées sauvages habitées par des sauvages; et si l'on ajoute à tous ces rapports l'induction résultant de ce que la grive, et non le mauvis, se trouve en Suède, d'où elle aura pu facilement passer en Amérique, il semble qu'on sera en droit de conclure que la grive du Ca-=. LA GRIVETTE D AMERIQUE. 20g «ada doit être rapportée à notre grive proprement dite. Cette grive, qui, comme je l'ai dit, est passagère dans le nord de l'Amérique, arrive en Pensylvanie au mois d'avril; elle y reste tout l'été, pendant lequel temps elle fait sa ponte et élève ses petits. Catesby nous apprend qu'on voit peu de ces grives à la Caro- line, soit parce qu'il n'y en reste qu'une partie de celles qui y arrivent, ou parce que, comme on l'a vu plus haut, elles se tiennent cachées dans les bois : elles se nourrissent de baies de houx , d'aubé- pine, etc. Les sujets décrits par M. Sloane avoient les ouver- tures des narines plus amples et les pieds plus longs que ceux décrits par Catesby et M. Brisson; ils n'a- voient pas non plus le même plumage; et si ces diffé- rences étoient permanentes, où seroit fondé à les re- garder comme les caractères d'une autre race, ou, si l'on veut, d'une variété constante dans l'espèce dont il s'agit ici. LA ROUSSEROLLE\ Turdus arandinact'm. L. On a donné à cet oiseau le nom de rossignol de rl- vière^ parce que le mâle chante la nuit comme le jour, 1. On lui a clomié le nom de rousseruUc à cause de la couleur rousse de son plumage, d'autres celui de roucficroUc j, parce qu'elle se licufc ^4© I.À KOUSSEROLLE. tandis que la femelle couve, et parce qu'il se plaît dans les endroits humides : mais il s'en faut bien que son chant soit aussi agréable que celui du rossignol, quoiqu'il ait plus d'étendue; il l'accompagne ordinai- rement d'une action très vive, et d'un trémoussement de tout son corps : il grimpe le long des roseaux et des saules peu élevés, comme font les grimpereaux , et il vit des insectes qu'il y trouve. L'habitude qu'a la rousserolle, n° 5i 5, de fréquen- ter les marécages, semble l'éloigner de la classe des grives : mais elle s'en rapproche tellement par sa forme extérieure , que M. Klein , qui Ta vue presque vivante, puisqu'on en tua une en sa présence, doute qu'on puisse la rapporter à un autre genre. Il nous apprend que ces oiseaux se tiennent dans les îles de l'embouchure de la Vistule; qu'ils font leur nid à terre sur le penchant des petits tertres couverts de mousse ^. Enfin il soupçonne qu'il passe l'hiver la nuit dans les bois épais et marécageux^ : il ajoute qu'ils ont toute la partie supérieure du corps d'un brun roux, la par- tie inférieure d'un brun sale , avec quelques taches cendrées; le bec noir, le dedans de la bouche orangé, comme les grives, et les pieds plombés. Un habile observateur m'a assuré qu'il connoissoit pai'mi les rouclies , c'est-à-dire parmi les joncs ; d'autres celui de tire- arrache , à cause de son cri ; selon Belon, elle prononce très distinc- tement ces syllabes , toro, tret, fuys, huy, sret. En latin, turdus-palus- tris, junco c'mctus, passer aquaticus; en italien , passere d'acqua; en al- lemand, bruchvceiden-tohr-drossel; en anglois, greater redsparow. 1 . Ils le font entre les cannes et les rouches , avec de petites pailles de roseaux, suivant Belon, et ils pondent cinq à six œufs (pag. 224 ). 2. Belon , qui avoit d'abord regardé la rousserolle comme oiseau de passage, assure que depuis il avoit connu le contraire. ZL,47- Tome 2a. n PâxiQ aet , scTÛp 1 . I^ A DRAnsm __ 2 . 1 ,r, MO g)"ŒEUll LA ROUSSE nOLLE. 9.l\} en Brie une petite ronsserolle nommée vulgairement e/farvatte^ laquelle babille aussi continuellement , et se tient dans les roseaux comme la grande. Cela ex- plique la contrariété des opinions sur la taille de la rousserolle, que M. Klein a vue grosse comme une grive, et M. Brisson, seulement comme une alouette. C'est un oiseau qui vole pesamment et en battant des ailes : les plumes qu'il a sur la tête sont plus longues que les autres, et lui font une espèce de huppe assez peu marquée. M. Sonnerat a rapporté des Philippines une véri- table rousserolle, parfaitement semblable à celle du n'' 5 1 3, LA DRAINE*. Turdus viscivorm, L. Cette grive, n'* 4^9? se distingue de toutes les au- tres par sa grandeur, et cependant il s'en faut bien qu'elle soit aussi grosse que la pie, comme on le fait dire à Aristote, peut-être par une erreur de copiste, car la pie a presque le double de masse ; à moins que 1. En latin, trrdus major, maximus, viscivorus ; en italien, tordo, tardela, gardenna , dressa, dresaano, gasotto , columbina; en allemand, krambsvogei, sc/inarre, ziering , zeher , zerrer , schenerrer; en anglois, missle ou misselbird , shrite, shreitch, misse-toe tkTush. La draine s'ap- pelle aussi haute grive en Lorraine , et verquette en Bugey , où le guise nomme verquet. 2/|2 . LA DU AI NE. les grives ne soient plus grosses en Grèce, qu'ici, où la draine , qui est certainement la plus grosse de toutes, ne pèse guère que cinq onces. Les Grecs et les Romains regardoient les grives comme oiseaux de passage; et ils n'avoient point ex- cepté la draine, qu'ils connoissoient parfaitement sous le nom de grive viscivorfj ou mangeuse de gui. En Bourgogne, lés draines arrivent en troupes aux mois d'octobre et de novembre, venant, selon toute apparence, des montagnes de Lorraine^ : une parlie continue sa route, et s'en va, toujours par bandes, dès le commencement de l'hiver, tandis qu'une autre partie demeure jusqu'au mois de mars, et même plus long-temps; car il en reste toujours beaucoup pen- 1 . M. le docteur Lottinger , de Sarbourg , m'assure que celles de ces grives qui s'éloignent des montagnes de Lorraine aux approches d(; l'hiver, partent en septembre et en octobre, qu'elles reviennent aux mois de mars et d'avril, qu'elles uichent dans les forêts dont ces mon- tagnes sont couvertes , etc. Tout cela s'accorde fort bien avec ce que nous avons dit d'après nos connoissances particulières; mais je ne dois pas dissimuler la contrariété qui se trouve entre une autre observation que Je même M. Lottinger m'a communiquée et celle d'un ornitholo- giste habile : celui-ci (M. IJébert) prétend qu'en Brie les grives ne se réunissent dans aucun temps de l'année: et M. Lottinger assure qu'en Lorraine elles volent toujours par troupes, soit au printemps, soit en automne. Et en effet, nous les voyons arriver par bandes aux environs de Montbard, comme je l'ai remarqué : leurs allures seroient-elles différentes en des pays et en des temps différents? Cela n'est pas sans exemple; et je crois devoir ajouter ici, d'après une observation plus détaillée, que le passage du mois de novembre étant fini, celles qui restent l'hiver dans nos cantons vivent séparément, et continuent de vivre ainsi jusqu'après la couvée ; en sorte que les assertions des deux observateurs se trouvent vraies, pourvu c[u'on leur ôte leur trop grande généralité, et qu'on les restreigne à un certain temps et à de certains lieux. LA DRAINE. 2l\S dant 1 cté tant en Bourgogne qu'en plusieurs autres provinces de France et d'Allemagne, de Pologne, etc. Il en reste même une si grande quantité en Italie et en Angleterre, qu'Aldrovande a vu les jeunes de l'an- née se vendre dans les marchés, et qu'Albin ne re- garde point du tout les draines comme oiseaux de pas- sage. Celles qui restent pondent, comme on voit, et couvent avec succès : elles établissent leur nid tantôt sur des arbres de hauteur médiocre, tantôt sur la cime des plus grands arbres, préférant ceux qui sont les plus garnis de mousse; elles le construisent, tant en dehors qu'en dedans, avec des herbes, des feuilles, et de la mousse, mais surtout de la mousse blanche; et ce nid ressemble moins à ceux des autres grives qu'à celui du merle, ne fût-ce qu'en ce qu'il est ma- telassé en dedans. Elles produisent à chaque ponte quatre ou cinq œufs gris tachetés, et nourrissent leurs petits avec des chenilles, des vermisseaux, des lima- ces , et même des limaçons, dont elles cassent la co- quille. Pour elles, elles mangent toutes sortes de baies pendant la bonne saison; des cerises , descornouilles, des raisins, des alizés, des olives, etc.; pendant l'hi- ver, des graines de genièvre, de houx, de lierre et de nerprun , des prunelles , des senelies, de la faîne, et surtout du gui. Leur cri d'inquiétude est tré tré tré tré ; d'où paroît formé leur nom bourguignon draine^ et même quelques uns de leurs noms anglois. km printemps, les femelles n'ont pas un cri diflérent; mais les mâles chantent alors fort agréablement, se plaçant à la cime des arbres, et leur ramage est coupé par phrases différentes qui ne se succèdent jamais deux fois dans le même ordre : l'hiver on ne les en- 1^44 lA DRAINE. tend plus. Le mâle ne diffère extérieurement de la femelle que parce qu'il a plus de noir dans son plu- mage. Ces oiseaux sont tout-à-fait pacifiques : on ne les voit jamais se battre entre eux, et avec cette douceur de mœurs ils n'en sont pas moins attentifs à leur con- servation; ils sont même plus méfiants que les mer- les, qui passent pour l'être beaucoup, car on prend nombre de ceux-ci à la pipée, et l'on n'y prend ja- mais de draine; mais, comme il est difficile d'éviter tous les pièges, elle se prend quelquefois au lacet, moins cependant que la grive proprement dite et le mauvis. Belon assure que la chair de la draine qu'il appelle grande grive est de meilleur goût que celle des trois autres espèces; mais cela est contredit par tous^ les autres naturalistes et par notre propre expérience. Il est vrai que nos draines ne vivent pas d'olives, ni nos petites grives de gui, comme celles dont il parle; et l'on sait jusqu'à quel point la différence de nourriture peut influer sur la qualité et le fumet du gibier. Variété de la Draine. La seule variété que je trouve dans cette espèce c'est la draine blanchâtre observée par Aldrovande, Elle avoit les pennes de la queue et des ailes d'une couleur foible et presque blanchâtre, et la tête cen- drée, ainsi que tout le dessus du corps. Il faut remarquer dans cette variété l'altération de la couleur des pennes des ailes et de la queue, les- quelles on regarde ordinairement comme moins su- jettes au changement, et comme étant, pour ainsi VARIÉTÉ DE LA DRAINE. ^^45 dire, de meilleur teiat que toutes les autres plumes. Je dois ajouter ici qu'il y a toujours des draines qui uichent au Jardin du Roi sur les arbres effeuillés. Elles paroissent très friandes de la graine de l'if, et en mangent tant, que leur fiente en est rouge. Elles sont aussi fort avides de la graine de micocoulier. En Provence on a une sorte d'appeau avec lequel on imite en automne le chant que les draines et les grives font entendre au printemps : on se cache dans une loge de verdure, d'où l'on peut découvrir par une petite fenêtre une perche que l'on a attachée sur un arbre à portée; l'appeau attire les grives sur cette per- che, où elles accourent croyant trouver leurs sembla- bles; elles n'y trouvent que les embûches de l'homme et la mort; on les tue de la lo<ïe à coups de fusil. LA LITORNE\ Turdus pilaris. Gmel. Cette grive ^ est la plus grosse après la draine, et ne se prend guère plus qu'elle à la pipée ; mais elle se prend comme elle au lacet. Elle diffère des autres 1. En hxlïn, tordus pilaris j trichas; en italien , tordo , viscada, vis- cardn ; eu espagnol, tordo , zortol; en allemand, krammet-voget, kratnvit-voget , ziemnier; ou anglois , field-fare. M. Salenie dit qu'elle s'appelle en l*icardie columhasse. Ce nom, qui vraiscmblahlement a été donné à la plus grosse des grives , conviendroit mieux à la draine, d'autant qu'en italien on la nomme lumbina. 2. j\" 490 ; où la litorno a é'é représentée mal à propos sous le iioni de calandrote. CUFFOIV. XXI. ■ 16 2 '[G LA LITORKE. grives par son bec jaunâtre , par ses pieds d'un brun plus foncé, et par la couleur cendrée, quelquefois variée de noir, qui règne sur sa tête, derrière son cou et sur son croupion. Le mâle et la femelle ont le môme cri, et peuvent également servir pour attirer les litornes sauvages dans le temps du passage; mais la femelle se distingue du mâle par la couleur de son bec, laquelle est beaucoup plus obscure. Ces oiseaux, qui nichent en Pologne et dans la basse Autriche, ne nichent point dans notre pays; ils y arrivent en troupes après lesmauvis, vers le commencement de décembre, et crient beaucoup en volant : ils se tiennent alors dans les friches où croît le genièvre; et, lorsqu'ils reparoissent au prin- temps^, ils préfèrent le séjour des prairies humides, et en général ils fréquentent beaucoup moins les bois que les deux espèces précédentes. Quelquefois ils font, dès le commencement de l'automne, une pre- mière et courte apparition dans le monient de la ma- turité des alizés, dont ils sont très avides, et ils n'en reviennent pas moins au temps accoutumé. Il n'est pas rare de voir les litornes se rassembler au nombre de deux ou trois mille dans u n endroit où il y a des alizés mûres; et elles les mangent si avidement, qu'elles en jettent la moitié par terre. On les voit aussi fort sou- vent après les pluies courir dans les sillons pour attra- per les vers et les limaces. Dans les fortes gelées, elles vivent de gui , du fruit de l'épine blanche, et d'autres baies ^. 1. Elles arriveiiL en Angleterre vois le cômmencemenl tl'ocloî)re . et elles s'en vont au mois de mars. 2. M. le docteur liOttinser, LA LITORNE. ^/j; On peut conclure de ce qui vient d'être dit, que ies litornes ont les mœurs différentes de celles de la grive ou de la draine, et beaucoup pJus sociales. Elles vont quelquefois seules : niais le plus souvent elles forment, comme je l'ai remarqué, des bandes très nombreuses; et, lorsqu'elles se sont ainsi réunies, elles voyagent et se répandent dans les prairies sans se séparer; elles se jettent aussi toutes ensemble sur un même arbre à certaines heures du jour , ou lors- qu'on les approche de trop près. M. Linnaeus parle d'une litorne qui, ayant été éle- vée chez un marchand de vin, se rendit si familière, qu'elle couroit sur la table et alloit boire du vin dans les verres : elle en but tant, qu'elle devint chauve; mais, ayant été renfermée pendant un an dans une cage sans boire de vin, elle reprit ses plumes. Cette petite anecdote nous offre deux choses à remarquer, l'effet du vin sur les plumes des oiseaux, et l'exemple d'une litorne apprivoisée, ce qui est assez rare, les grives, comme je l'ai dit plus haut, ne se privant pas aisément. Plus le temps est froid, plus les litornes abondent : il semble même qu'elles en pressentent la cessation ; car les chasseurs et les ha])itants de la campagne sont dans l'opinion que tant qu'elles se font entendre l'hi- ver n'est pas encore passé. Elles se retirent l'été dans les pays du Nord, où elles font leur ponle, et où elles trouvent du genièvre en abondance. Frisch attribue à cette nourriture le bon goût qu'il reconnoît dans leur chair. J'avoue qu'il ne iaut point disputer des goûts; mais au moins puis-je dire qu'en Bourgogne celte grive passe pour un manger assez médiocre, et 2/|8 LA LITORNE. qn en général le fumet que communique le genièvre esl mêlé de quelque amertiime. D'autres prétendent que la cbair de la litorne n'est jamais meilleure ni plus succulente que dans le temps où elle se nourrit de vers et d'insectes. La litorne a été connue des anciens sous le nom de turc/us plUiris^ non point parce que de lout temps elle s'est prise au lacet, comme le dit M. Salerne, car cette propriété ne Tainoit point distinguée des autres espèces, qui toutes se prennent de même; mais parce qu'elle a autour du bec des espèces de poils ou de barbes noires qui viennent en avanl , et qui sont plus longues que dans la grive et la draine. Il faut ajouter qu'elle a la serre très forte, comme l'ont remarqué les auteurs de la Zoologie britannique. Friscb rapporte que lorsqu'on met les petits de la draine dans le nid de la litorne celle-ci les adopte, les nourrit, et les élève comme siens : mais je ne conclurois point de cela seul , comme fait M. Friscb, qu'on peut espérer de tirer des mulets du mélange de ces deux espèces; car on ne s'attend pas sans doute à voir éclore une race nouvelle du mélange de la poule et du canard, quoiqu'on ait vu souvent des couvées entières de canetons menées et élevées par une poule. Variété de la Litorne. La litorne pie ou tachetée. Elle est en effet variée de blanc, de noir, et de plusieurs autres couleurs distri- buées de manière qu'excepté la tête et le cou, qui sont blancs tachetés de noir, et la queue, qui est toute noire, les couleurs sombres régnent sur la partie su- VARIÉTÉ DE LA LITOllNE. 2i{9 périeure du corps , fivec des lâches blanches; et, au contraire, les couleurs claires, et surtout le blanc, sur la partie inférieure, avec des niouchehues noires, dont la plupart ont la forme de petits croissants. Cette litorne est de la grosseur de l'espèce ordinaire. On doit rapporter à cette variété la litorne à tête blanche de M. Brisson ; elle a, comme elle, la tête blanche, ainsi qu'une partie du cou, mais sans mou- chetures noires; et elle ne diffère de la litorne que par cette tête blanche, en sorte qu'on peut la regarder comme la nuance entre la litorne commune et ia li- torne pie. Il est môme assez naturel de croire que la variation du plumage commence par la tête, le plu- mage de cette partie élant en effet sujet à varier dans cette espèce d'un individu à l'autre, comme je l'ai indiqué dans l'article précédent. OISEAUX ÉTRANGERS QUI ONT ['.APPORT A LA LITORNE. m L LA LITORINE DE GAYEiNNE. Tardas Cayennensis. Gmel. Je rapporte cette grive '^ à la litorne, parce qu'elle e paroît avoir plus de rapport à cette espèce qu'à 1 N° 5i5, où cet oiseau est représenté sous le uoiu de arrive de Cayenne. 2ÔO LA LITOàiNK DE GAYENNE. toute autre par îa couleur du dessus du corps et par celle des pieds. Au reste, elle diffère de toutes ces grives, en ce qu'elle n'a pas, à beaucoup près, les grivelures de la poitrine et du dessus du corps aussi marquées ; en ce que son plumage est varié plus uni- versellement, quoique d'une autre manière, presque" toutes les plumes du dessus et du dessous du corps ayant un bord de couleur plus claire, qui dessine nettement leur contour; en ce que la gorge est de couleur cendrée, sans mouchetures; enfin en ce qu'elle a les bords du bec inférieur échancrés vers le bout : ce qui m'autorise à en faire une espèce différente, jusqu'à ce que l'on connoisse mieux sa nature, ses mœurs, et ses habitudes. il. LA LITORNE DU CANADA. Tardas migratorius. Gmf.l. C'est ainsi que Catesby appelle la grive qu'il a dé- crite et fait représenter dans son Histoire de la Caro- line; et j'adopte cette dénomination d'autant plus volontiers, que la litorne se trouvant en Suède, du moins une partie de l'année , elle a bien pu passer de notre continent dans l'autre, et y produire des races nouvelles. La litorne du Canada, n** 556, fig. i, a le tour de l'œil blanc , une marque de cette même couleur en- tre l'œil et le bec, le dessus du corps rembruni, le dessous orangé dans sa partie antérieure , et varié LA LITORNE DU CA>ADA. âSl daas sa partie postérieure de blaac sale , et d'un brun roux, voilé d'une teinte verdâtre; elle a aussi quel- ques mouchetures sous la gorge, dont le fond est blanc. Pendant l'hiver, elle passe par troupes nom- breuses du nord de l'Amérique à la Virginie et à la Caroline, et s'en retourne au printemps, comme fait notre litorne; mais elle chante mieux ^. M. Catesby dit qu'elle a la voix perçante, comme la grive du gui, qui est notre draine. Ce même auteur nous apprend qu'une de ces litornes du Canada, ayant fait la dé- couverte du premier alaterne qui eût élé planté dans la Virginie, prit tant de goût à son fruit , qu'elle resta tout l'été pour en manger. On a assuré-à Catesby que ces oiseaux nichoient dans le Maryland, et y deiueu- roient toute l'année. LE MAUVISl Tiirdus Iliacus. Gmel. Il ne faut pas confondre le niauvis, n" 5i , avec les mauviettes qu'on sert sur les tables à Paris pendant l'hi- 1. Il faut toujours se rappeler qu'on ue sait point comment chanlc un oisejm quand on ne l'a pas entendu chanter au temps de l'amour, et que la litorne ne niche point dans nos contrées. 2. En lalin, tarf/«s J/ias, Iliacus , ij/as; eu italien, malvizzo, tordo- sacello, cion, cipper; en espagnol, matois; eu allemand , wcin-drostel, rolh-drostel, heide-drostel, pfieff-drostel, rolirostel, heide-ziemmer, beemer- zieinrnev, behemle, boemevlin, boemerle , iveingarfvogel; en anglois, wind'thrush, red-voing, swine-pipe. Les payans de Brie lui donnent le 2^2 LE MAL VI S. ver, et qui ne sont autre chose que des alouettes ou d'autres petits oiseaux tout différents du mauvis. Cette petite grive est la plus intéressante de toutes , parce qu'elle est la meilleure à manger, du moins dans notre Bourgogne, et que sa chair est d'un goCit très fin ^; d'ail- leurs elle se prend plus fréquemment au lacet qu'au- cune autre 2 : ainsi c'est une espèce précieuse et par la qualité et par la quantité. Elle paroît ordinairement la seconde, c'est-à-dire après la grive et avant la li- lorne; elle arrive en grandes handes au mois de no- vembre, et repart avant INoël. Elle fait sa ponte dans les bois qui sont aux environs de Dantzick. Elle ne ni- che presque jamais dans nos cantons, non plus qu'en Lorraine , où elle arrive en avril , et qu'elle abandonne sur la fin de ce même mois pour ne reparoître qu'en automne , quoiqu'elle pût trouver dans les vastes fo- rets de cette province une nourriture abondante et convenable; mais du moins elle y séjourne quelque temps, au lieu qu'elle ne fait que passer en certains endroits de l'Allemagne, selon M. Frisch. Sa nourri- ture ordinaire ce sont les baies et les vermisseaux, qu'elle sait fort bien trouver en grattant la terre. On nom de can ou quan , qui paroU évidemment formé de son cri. Nos paysans des environs deMonibard luidonnent celui de boate-quelon et celui de calandrote, qui dans nos planciics cnlumiuées a élé donné mal à propos à la lilorne , 11° 490- 1 . M. Linnaeus dit le contraire. Cette dilïérence d'un pays à l'autre dépend apparemment de celle de la nourriture , ou peut-être de celle des goûts. 2. M. Frisch et les oiseleurs assurent qu'elle ne se prend pas aisé- ment aux lacets, quand ils sont faits de crin blanc ou de noir; et il est vrai qu'en Bourgogne l'usage est de les faire de crins noirs et de crins blancs tortillés ensemble. LE M AU VIS. 255 la reconnoîtà ce qu'elle a les pi unies plus lustrées, plus polies que les autres grives, à ce qu'elle a le bec et les yeux plus noirs que la grive proprement dite , dont elle approche pour la grosseur , et à ce qu'elle a moins de mouchetures sur la poitrine : elle se distingue en- core par la couleur orangée du dessous de l'aile : rai- son pourquoi on la nomme en plusieurs langues grive à ailes rouges. Son cri ordinaire est tan tan^ kan kan ; et lorsqu'elle a aperçu un renard, son ennemi Dalurel , elle le con- duit fort loin , comme font aussi les merles, en répé- tant toujours le même cri. La plupart des naturalistes remarquent qu'elle ne chante point : cela me semble trop absolu; il faut dire qu'on ne l'entend guère chan- ter dans les pays où elle ne se trouve pas dans la sai- son de l'amour, comme en France, en Angleterre, etc. Cette restriction est d'autant plus nécessaire, qu'un très bon observateur (M. Hébert) m'a assuré en avoir entendu chanter dans la Brie, au printemps; elles étoient au nombre de douze ou quinze sur un arbre, et gazouilloient à peu près comme des linottes. Un autre observateur, habitant de la province méridio- nale, m'assure que le mauvis ne fait que siffler, et qu'il siffle toujours; d'où l'on peut conclure qu'il ne niche pas dans ce pays. Aristote en a parlé sous le nom de iurdiis liiacus ^ comme de la plus petite grive et la moins tachetée. Ce nom de turdus lliacus semble indiquer qu'elles passoient en Grèce des côtes d'Asie , où se trouvoit la ville d'Ilium, L'analogie que j'ai établie entre cette espèce et la litorne se fonile sur ce qu'elles sont l'une et l'autre 2'ôl{ LE M AL VIS. étrangèi'es à notre climat, où on ne les voit que deux fois l'année ^; sur ce qu'elles se réunissent en troupes nombreuses à certaines heures, pour gazouiller toutes ensemble , et encore sur une certaine conformité dans la grivelure de la poitrine : mais cette analogie n'est point exclusive , et on doit avouer que le mauvis a aussi quelque chose de commun avec la grive pro- prement dite; sa chair n'est pas moins délicate : il a le dessous de l'aile jaune, mais, à la vérité, d'une teinte orangée, et beaucoup plus vive. On le trouve quelquefois seul dans les bois , et il se jette aux vignes, comme la grive, avec laquelle M. Lottinger a observé qu'il voyage souvent de compagnie, surtout au prin- temps. Il résulte de tout cela que cette espèce a les moyens de subsister des deux autres, et qu'à bien des égards on peut la regarder comme faisant la nuance entre la srive et lalitorne. 1. En histoire naluielle, comme en bien d'autres matières, il ne faut rien prendre trop absolument : quoiqu'il soit très vrai en général que le mauvis ne passd point Fhiver dans notre pays, cependant M. Hébert m'assure qu'il en a tué une année, par un froid rigoureux. plusieurs douzaines sur une aubépine qui étoit encoie chargée de ses fruits rouges. LA CxlllVE BASSETTE DE BAUBAUIE. 2J,) OISEAUX ÉTRANGERS QUI ONT RAPPORT AUX GRIVES ET AUX MERLES. I. 'LA GRIVE BASSETTE DE BARBARIE. Tardas Barbaricas. Gmel. J'appelle ainsi cet oiseau à cause de ses pieds courts : il ressemble aux grives par sa forme totale , par son bec , par les mouchetures de la poitrine se- mées régulièrement sur un fond blanc; en un mot, par tous les caractères extérieurs, excepté les pieds et le plumage. Ses pieds sont non seulement plus courts, mais plus forts; en quoi il est directement opposé à rhoamy, et semble se rapprocher un peu de la draine , qui a les pieds plus courts à proportion que nos trois autres grives. A l'égard du plumage, il est d'une grande beauté : la couleur dominante du dessus du corps, compris la tête et le cou, est un vert clair et brillant; le croupion est teint d'un beau jaune , ainsi que l'extrémité des couvertures de la queue et des ailes, dont les pennes sont d'une cou- leur moins vive. Mais il s'en faut bien que cette énu- mération de couleurs, fut-elle détaillée, pût donner une idée juste de l'effet qu'elles produisent dans l'oi- seau même : pour rendre ces sortes d'effets, il faut 256 LA GRIVE BASSETTE DE BARBARIE. im pinceau, et non pas des paroles. M. Shaw, qui a observé cette grive de son pays natal, en compare le plumage à celui des plus beaux oiseaux d'Amérique : il ajoute qu'elle n'est pas fort commune , et qu'elle ne paroît qu'en été au temps de la maturité des figues; ce qui suppose que ces fruits ont quelque influence sur l'ordre de sa marche; et , dans ce seul fait , j'aper- çois deux nouvelles analogies entre cet oiseau et les grives , qui sont pareillement des oiseaux de passage , et qui aiment beaucoup les figues *c II. LE TILLY, ou LA GRIVE CENDRÉE D'AMÉRIQUE. Tardas plumheus. Gmkl. Tout le dessus du corps, de la tète, et du cou, est d'un cendré foncé dans i oiseau dont il s'agit ici, n** 56o. fig. 1 : cette couleur s'étend sur les petites couvertures des ailes, et, passant sous le corps, re- monte d'une part jusqu'à la gorge exclusivement, et descend d'autre part , mais en se dégradant , jusqu'au bas du ventre , qui est de couleur blanche , ainsi que les couvertures du dessous de la queue : la gorge est blanche aussi, mais grivelée de noir; les pennes et les grandes couvertures des ailes sont noirâtres et 1 . iSous avons vu plus haut que cé'oit ia nourriture que les anciens recooimandoient de donner aux grives qu'on vouloit engraisser pour ia table ; et nous verrons plus bas qu'elle rend la chair des merles plus délîcale. LE TILLY. 2f)7 bordées exlérieiirement de cendré. Les douze pennes de la queue sont étagées et noirâtres, comme celles de l'aile; mais les trois latérales de chaque coté sont terminées par une marque blanche d'autant plus grande dans chaque penne que cette penne est plus extérieure. ]j'iris,le tour des yeux, le bec, et les pieds sont rouges, l'espace entre l'œil et le bec est noir, et le palais est teint d'un orangé fort vif. La longueur totale du tilly est d'environ dix pou- ces , son vol de près de quatorze, sa queue de quatre, son pied de dix-huit lignes , son bec de douze , et son poids de deux onces et demie : enfin ses ailes dans leur repos ne vont pas jusqu'à la moitié de la queue. Cette espèce est sujette à des variétés ; car l'indi- vidu observé par ('atesby avoit le bec et la gorge noirs : cette différence de couleurs ne tiendroit-elle pas à celle du sexe ? Catesby se contente de dire que la femelle est d'un tiers plus petite que le mâle ; il ajoute que ces oiseaux inangent les baies de l'arbre qui donne la gomme élemi. Ils se trouvent à la Caroline , et sont très communs dans les îles d'Andros et d'ilathera , suivant M. Bris- son. III. LA PETITE GRIVE DES PHILIPPINES. Tardas Philippensis. Gmel. On peut rapporter au genre des grives cette nou- velle espèce, dont nous sommes redevables à M. Son- nerat : elle a le devant du cou et la gorge grivelés de ^58 LA pi:tite rriuvE des philippines. blanc sur un fond roux; le reste du dessous du corps d'un blanc sale tirant au jaune , et le dessous du corps d'un brun fondu avec une teinte olivâtre. La grosseur de cette grive étrangère est au dessus de celle du mauvis : on ne peut rien dire de l'étendue de son vol, parce que le nombre des pennes des ailes n'étoit point complet dans le sujet qui a été observé. IV. L'HOAMI DE LA CHINE. Ttirdus Sinensis. L. M. Brisson est le premier qui ait décrit cet oiseau, ou plutôt la femelle de cet oiseau. Cette femelle est un peu moins grosse que le mauvis. Elle lui ressem- ble , ainsi qu'à la grive proprement dite, et bien plus encore à la grivette du Canada , en ce qu'elle a les pieds plus longs proportionnellement que les autres grives; ils sont jaunâtres, de même que le bec : le dessus du corps est d'un brun tirant sur le roux ; le dessous d'un roux clair, uniforme : la tête et le cou sont rayés longitudinalement de brun ; la queue l'est aussi de la même couleur, mais transversalement. Yoilà à peu prés ce qu'on dit de l'extérieur de cet oiseau étranger; mais on ne nous apprend rien de ses mœurs et de ses habitudes. Si c'est en effet une grive , comme on le dit , il faut avouer cependant qu'elle n'a point de grivelures sur la poitrine , non plus que la rousse roi le. LA GUIVELETTE i)K S A [ \T- D 0 M I X Gli K. 209 LA GRIVELKTTE DE SAINT-DOMINGUE. MotaclUa aurocapilla. L. Cette grive, n'' 598, fig. 2, est voisine, pour la petitesse, de la grivette d'Amérique, et elle est en- core plus petite ; elle a la tête ornée d'une espèce de couronne ou de calotte d'un orangé vif et presque rouge. L'individu qu'a dessiné M. Edwards (pi. 202) dif- fère du nôtre, en ce qu'il n'est point du tout grivelé sous le ventre. Il avoit été pris au mois de novem- bre 1761 , sur mer, à huit ou dix lieues de l'île de Saint-Domingue; ce qui donna l'idée à M. Edwards que c'étoit un de ces oiseaux de passage qui quittent chaque année le continent de l'Amérique septentrio- nale aux approches de l'hiver, et partent du cap de la Floride pour aller passer cette saison dans des climats plus doux. Cette conjecture a été justifiée par l'ob- servation ; car M. Bartram a mandé ensuite à M. Ed- wards que ces oiseaux arrivoient en Pensylvanie au mois d'avril, et qu'ils y demeuroient tout l'été : il ajoute que la femelle bâtit son nid à terre, ou plutôt dans des tas de feuilles sèches, où elle fait une espèce d'excavation en manière de four; qu'elle le matelasse avec de l'herbe; qu'elle l'établit toujours sur le pen- chant d'une montagne, à l'exposition du midi, et qu'elle y pond cinq œufs blancs mouchetés de brun. Cette différence dans la couleur des œufs, dans celle s6o LA GlUVELETTE DE SAINT-DOMINGUE. du plumage, dans ja manière de nicher à terre, et non sur les arbres, quoique les arbres ne manquent point, semble indiquer une nature fort diftérente de celle de nos grives d'Europe. Vi. LE PETIT MERLE HUPPÉ DE LA CHINE. Je place encore cet oiseau , n" 5o8, entre les grives et les merles , parce qu'il a le port et le fond des cou- leurs des grives, sans en avoir les griveiures, que l'on regardée généralement comme le caractère dis- tinctif de ce genre. Les plumes du sommet de la tète sont plus longues que les autres, et l'oiseau peut, en les relevant , s'en former une huppe. Il a une mar- que couleur de rose derrière l'œil; il en a une plus considérable de môme couleur, mais moins vive sous la queue , et ses pieds sont d'un brun rougeâtre , en sorte que ce sera, si l'on veut, dans l'espèce des grives, le pendant du merle couleur de rose. Sa gros- seur est à peu près celle de l'alouette ; et les ailes, qui, déployées, lui font une envergure d'environ dix pouces, ne s'étendent guère, dans leur repos, qu'à la moitié de la queue. Cette queue est composée de douze pennes étagées. Le brun plus ou moins foncé est la couleur dominante du dessus du corps, com- pris les ailes, la huppe, et la tête : mais les quatre pennes latérales de chaque côté de la queue sont terminées de blanc; le dessus du corps est de cette dernière couleur, avec quelques teintes de brun au dessus de la poitrine. Je ne dois point omettre deux LE PETIT MERLE HUPPÉ DE LA CHINE. 261 traits noirâtres qui, partant des coins du bec, et se prolon<>eanl en arrière sur un fond blanc , font à cet oiseau une espèce de moustache , dont l'effet est marqué. >*e«i»'e>»«'3'8««>5t0l3<â>O«>9<8»*8«*S*3 LES MOQUEURS. Un oiseau remarquable par quelque endroit a tou- jours beaucoup de noms; et lorsque cet oiseau est étranger, cette multitude embarrassante de noms , qui est un abus en soi, donne lieu à un autre abus plus fâcheux encore , celui de la multiplication des espèces purement nominales , et par conséquent ima- ginaires, dont l'extinction n'importe pas moins à l'histoire naturelle que la découverte de nouvelles espèces véritables : c'est ce qui est arrivé à l'égard des moqueurs d'Amérique. En effet , il est aisé de re- connoître, en comparant le moqueur de M. Brisson el le merle cendré de Saint-Domingue, représentés dans nos planches enluminées, n** 558, que ces deux oiseaux appartiennent à la même espèce , et qu'ils ne diffèrent entre eux que par la couleur du dessous de son corps, qui est un peu moinn grise dans le merle cendré de Saint-Domingue que dans le moqueur : on reconnoîtra pareillement, et par la même voie de comparaison, que le inerle de Saint-Domingue de M. Brisson est encore le même oiseau, ne différant du moqueur que par quelques teintes plus ou moins foncées dans les couleurs du plumage , parce que les pennes de la queue ne sont point ou presque point BUFFON. XXI. 17 262 LES MOQUEURS. étagëes. On se convaincra de la même manière que le Izonpan de Fernandès est ou la femelle du cencon- tlatollij c'est-à-dire du moqueur, comme le soup- çonne Fernandès lui-même, ou tout au plus une va- riété constante dans cette même espèce. 11 est vrai que sou plumage est moins uniforme, étant mêlé par dessus de blanc, de noir et de brun, et par dessous de blanc , de noir et de cendré : mais le fond en est absolument le môme, ainsi que la taille, la forme to- tale , le ramage, et le climat. On en doit dire autant du tetzonpaîi et du centzonpcmtli de Fernandès ; car la courte notice qu'en donne cet auteur ne présente que quelques traits de ressemblance pour la grosseur, les couleurs, le chant, etpas un seul trait de disparité. Si l'on joint à cela la conformité des noms tzonparij tetzon- patij centzonpantliy on sera fondé cà croire que tous ces noms ne désignent qu'une seule espèce réelle qui aura produit plusieurs espèces nominales, soit par l'erreur descopistes, soitparla diversité desdialectes mexicains. Çnfin l'on ne pourra s'empêcher d'admettre aussi dans Fespèce du moqueur l'oiseau appelé grand moqueur par M. Brisson , et qu'il dit être le même que le mo- queur de M. Sloane, quoique j selon les dimensions' qu'en a données M. Sloane, il soit le plus petit des moqueurs connus : d'ailleurc M. Sloane le regarde comme étant de la même espèce que le cencontlatolU de Fernandès, dont M. Brisson a fait son moqueur simplement dit. Mais il y a plus, et M. Brisson lui- même a reconnu, sans s'en apercevoir, cette identité d'espèce que je prétends établir; car M. Ray ayant parlé du moqueur, pages 64 et 65, et en ayant ren- voyé la description à Vappendix (p. i59), M. Brisson • LES MOQUKIÎRS. 263 a rapporté la première citation au grand moqueur, et la dernière au petit, quoique, dans l'intention de M. Ray, elles se rapportassent évidemment toutes deux au môme oiseau. Les seules différences qui distin- guent le prétendu grand moqueur de lautre, c'est que son plumage est un peu plus rembruni, qu'il semble avoir les pieds plus longs^, et que les descripteurs n'ont pas dit qu'il eiit la queue étagée. Cette réduction ainsi faite, il ne nous restera que deux espèces de moqueurs ; savoir, le moqueur fran- çois et le moqueur proprement dit. Je vais parier de ces deux espèces dans l'ordre où je les ai nommées, parce que c'est à peu près l'ordre de leur ressema blance avec les grives. LE MOQUEUR FRANÇOIS. Tiirdus ru fus. L. Parmi les oiseaux d'Amérique appelés moqueurs c'est celui-ci, n*" 645, qui ressemble le plus à nos grives par les grivelures ou mouchetures de la poi- trine : mais il en diffère d'une manière assez mar- quée par les proportions relatives de la queue et des 1. L'expression de M. Sloane a quelque chose d'équivoque : il dit que les jambes et les pieds ont un pouce trois quarts de longs. Mais que doit-on entendre par les jambes et tes pieds? est-ce la jambe véritable avec le tarse, ou bien le tarse avec les doigts? M. Brisson la entendu du tai'se seule. ^64 iLE MOQUEUR FRANÇOIS. ailes, celles-ci, dans leur état de repos, finissant presque où la queue commence. La queue a plus de quatre pouces de longueur, c'est-à-dire plus du tiers de la longueur totale de l'oiseau, qui n'est que de douze pouces. Sa grosseur est moyenne entre celle de la draine et de la litorne. Il a les yeux jaunes, le bec noirâtre, les pieds bruns, et tout le dessus du corps du môme roux que le poil du renard, cepen- dant avec quelque mélange de brun : ces deux cou- leurs régnent aussi sur les pennes des ailes, mais sé- parément; savoir, le roux sur les barbes extérieures, et le brun sur les intérieures. Les grandes et les moyennes couvertures des ailes sont terminées de blanc; ce qui foruie deux traits de cette couleur qui traversent obliquement les ailes. Le dessous du corps est blanc sale , tacheté de brun obscur; mais les taches sont plus clairsemées que dans le plumage de nos grives : la queue est étagée , un peu tombante , et entièrement rousse. Le ramage du moqueur françois a quelque variété; mais il n'est pas comparable à celui du moqueur proprement dit. Il se nourrit ordinairement du fruit d'une sorte de cerisier noir, fort différent de nos cerisiers d'Europe , puisque ces fruits sont disposés en grappes. Il reste toute l'année à la Caroline et à la Virginie; et par conséquent il n'est pas , a^u moins dans ces contrées, un oiseau de passage : nouveau trait de dissemblance avec nos grives. LE MOQUEUR. 265 ï«<«>o»«»c^««« LE MOQUEUR*. Turdiis Orp/ieus. L. Nous trouvons dans cet oiseau ^ singulier une ex- ception frappante à une observation générale faite sur les oiseaux du Nouveau-Monde. Presque tous les voyageurs s'accordent à dire qu'autant les couleurs de leur plumage sont vives, riches , éclatantes , autant le son de leur voix est aigre, rauque , monotone, en un mot, désagréable. Celui-ci est au contraire, si l'on en croit Fernandès, Nieremberg, et les Améri- cains, le chantre le plus excellent parmi tous les vo- latiles de l'univers, sans même en excepter le rossi- gnol : car il charme, comme lui, par les accents flatteurs de son ramage, et de plus il amuse par le talent inné qu'il a de contrefaire le chant ou plutôt le cri des autres oiseaux; et c'est de là sans doute que lui est venu le nom de moqueur: cependant, bien loin de rendre ridicules ces chants étrangers qu'il répète, il paroît ne les imiter que pour les embellir; on croiroit qu'en s'appropriant ainsi tous les sons qui 1. Eli latin, mimas, i ardus , sytvia, avis polygloila; en iiuglois, American mock-bird , nighlingale^, American song-tlirusk, singing bird, grey-mokking-bird. Des voyageurs ont pris pour moqueurs certaines 43spèces de troupiales. 2. N° 558, fig. 1, où cet oiseau est représealé sous le jioni de merle Fétidité de Saint-Dominsuc. 266 LE MOQUEUR. frappent ses oreilles, il ne cherche qu'à enrichir et perfectionner son propre chant, et qu'à exercer de toutes les manières possibles son infatigable gosier : aussi les sauvages lui ont-ils donné le nom de cencon- t kl loin j qui veut dire quatre cents langues^ et les savants celui de polyglotte j, qui signifie à peu près la même chose. Non seulement le moqueur chante bien et avec goût, mais il chante avec action , avec âme , ou plutôl son chant n'est que l'expression de ses af- fections intérieures; il s'anime à sa propre voix, et J'accompagne par des mouvements cadencés, toujours assortis à l'inépuisable variété de ses phrases natu- relles et acquises. Son prélude ordinaire est de s'éle- ver d'abord peu à peu les ailes étendues , de retomber ensuite la tête en bas, au même point d'où il étoit parti; et ce n'est qu'après avoir continué quelque temps ce bizarre exercice que commence l'accord de ses mou- vements divers, ou, si l'on veut, de sa danse, avec les différents caractères de son chant. Exécute- t-iî avec sa voix des roulements vifs et légers, son vol décrit en même temps dans l'air une multitude de ces cer- cles qui se croisent; on le voit suivre en serpentant les tours et retours d'une ligne tortueuse , sur la- quelle il monte, descend , et remonte sans cesse. Son gosier forme-t-il une cadence brillante et bien battue, il l'accompagne d'un battement d'ailes également vif et précipité. Se livre-t-il à la volubilité des arpèges et des batteries, il les exécute une seconde fois par les bonds multipliés d'un vol inégal et sautillant. Donne- t-il essor à sa voix dans ces tenues si expressives où les sons, d'abord pleins et écSalants, se dégradent ensuite par nuances^ et semblent enfin s'éteindre tout- LE MOQIJEUU. 267 à-fait et se perdre dans un silence qui a son charme comme la plus belle mélodie ; on le voit en même temps planer moelleusement au dessus de son arbre, ralentir encore par degrés les ondulations impercep- tibles de ses ailes, et rester enfin immobile et comme suspendu au milieu des airs. Il s'en faut bien que le plumage de ce rossignol d'Amérique réponde à la beauté de son chant; les couleurs en sont très communes et n'ont ni éclat ni variété. Le dessus du corps est gris-l)run plus ou moins foncé ; le dessus des ailes et de la queue est en- core plus brun : seulement ce brun est égayé, i** sur les ailes, par une marque blanche, qui les traverse obliquement vers le milieu de leur longueur, et quel- quefois par de petites mouchetures blanches qui se trouvent à la partie antérieure; 2° sur la queue, par une bordure de même couleur blanche; enfin, sur ja tête, par un cercle encore de même couleur, qui hii forme une espèce de couronne, et qui, se pro- longeant sur les yeux, lui dessine comme deux sour- cils assez marqués ^. Le dessous du corps est blanc depuis la gorge jusqu'au bout de la queue. On aper- çoit dans le sujet représenté par M. Edwards quelques grivelures, les unes sur les côtés du cou , et les autres sur le blanc des grandes couvertures des ailes. Le moqueur approche du mauvis par la grosseur; il a la queue un peu étagée^, les pieds noirâtres, le bec de la même couleur, accompagné de longues bar- bes qui naissent au dessus des angles de son ouverture; 1. Tel est l'individu re[)réseul('; par M. Edwards, planche 78. •j.. Gela ne paroît point du tout dans la ligure de M. Sloanc , et il n'eu est point question dans la description. 268 LE MOQUEUR. enfin il a les ailes plus courtes que nos grives, mais cependant moins courtes que le moqueur François. Il se trouve à la Caroline , à la Jamaïque, à la Nou- velle-Espagne, etc. En général, il se plaît dans les pays chauds, et subsiste dans les tempérés : à la Ja- maïque, il est fort commun dans les savanes des con- trées où il y a beaucoup de bois. Il se perche sur les plus hautes branches, et c'est de là qu'il fait enten- dre sa voix. Il niche souvent sur les ébéniers. Ses œufs sont tachetés de brun. Il vit de ceiises, de baies d'aubépine, et de cornouiller, et même d'insectes; sa chair passe pour un fort bon njanger. Il n'est pas facile de l'élever en cage; cependant on en vient à bout lorsqu'on sait s'y prendre , et l'on jouit une par- tie de l'année de l'agrément de son ramage, mais il faut pour cela se conformer à ses goûts , à son instinct, à ses besoins; il faut, à force de bons traitements, lui faire oublier son esclavage, ou plutôt la liberté. Au demeurant c'estun oiseau assez famiher, qui sem- ble aimer l'homme, s'approche des habitations, et vient se percher jusque sur les cheminées. Celui qu'a ouvert M. Sloane avoit le ventricule peu musculeux, le foie blanchâtre, et les intestins roulés et repliés en un grand nombre de circonvolutions» PI. 04-8 Tanoxie t, sculp . . 1,LEMF,R1.E_ 2,.1,E10:RIJ1 COTTLEIIRBE ROSE— 3.LE MERI.E El^U LE MERLE. 269 LE MERLE'. Turdtis Meriila. L. Le mâle adulte, n° i , dans cette espèce , est encore plus noir que le corbeau ; il est d'un noir plus décidé, plus pur, mois altéré par des reflets : excepté le bec, le tour des yeux, le talon, et la plante du pied, qu'il a plus ou moins jaune, il est noir partout et dans tous les aspects; aussi les An^^lois l'appellent-ils Voiseaa noir par excellence. La femelle, au contraire, n'a point de noir décidé dans tout son plumage, mais différentes nuances de brun mêlées de roux et de gris; son bec ne Jaunit que rarement; elle ne chante pas non plus comme le mâle, et tout cela a donné lieu de la prendre pour un oiseau d'une autre espèce. Les merles ne s'éloignent pas seulement du genre des grives par la coideurdu plumage et par la diffé- rente livrée du mâle et de la femelle, mais encore par leur cri que tout le monde connoît, et par quelques unes de leurs habitudes. Ils ne voyagent ni ne vont en troupes comme les grives , et néanmoins , quoique plus sauvages entre eux, ils le sont moins à l'égard de l'homme ; car nous les apprivoisons plus aisément que les grives, et ils ne se tiennent pas si loin des lieux habités. Au reste, ils passent communément pour être très lins, parce qu'ayant la vue perçante, ils dé- 1. Eii latin, mcruia, rncruius, nigretiim ; en italien, merlu; en es- pagnol, micrla; en bas alJemantI, vierl. 270 LE MERLE. couvrent les chasseurs de fort loin et se laissent ap- procher difficilement; mais, en les étudiant de plus près, on reconnoît qu'ils sont plus inquiets que rusés, plus peureux que défiants, puisqu'ils se laissent pren- dre aux gluaux, aux lacets, et à toutes sortes de piè- ges, pourvu que la main qui les a tendus sache se rendre invisible. Lorsqu'ils sont renfermés avec d'autres oiseaux plus foibles, leur inquiétude naturelle se change en pétu- lance ; ils poursuivent, ils tourmentent continuelle- ment leurs compagnons d'esclavage, et, par cette raison, on ne doit pas les admettre dans les volières où l'on veut rassembler et conserver plusieurs espèces de petits oiseaux. On peut, si l'on veut, en élever à part à cause de leur chant, non pas de leur chant naturel, qui n'est guère supportable cju'en pleine campagne, mais à cause de la facilité qu'ils ont de le perfectionner, de retenir les airs qu'on leur apprend, d'imiter différents bruits, différents sons d'instruments, et même de contrefaire la voix humaine. Comme les merles entrent de bonne heure en amour, et presque aussitôt que les grives, ils com- mencent aussi à chanter de bonne heure; et comnie ils ne font pas pour une seule ponte, ils continuent de chanter bien avant dans la belle saison : ils chan- tent donc lorsque la plupart des autres chantres des bois se taisent et éprouvent la maladie périodique de la mue; ce qui a pu faire croire à plusieurs que le merle n'étoit point sujet à cette maladie; mais cela n'est ni vrai, ni même vraisemblable ; pour peu qu'on fréquente les bois, on voit ces oiseaux en mue sur la LE MERLE. 27 ! fin de l oté ; on en trouve même quelquefois qui ont Ja tête entièrement chauve : aussi Olina et les auteurs de la Zoologie britannique disent-ils que le merle se tait, comme les autres oiseaux, dans le temps de la mue, et les zoologues ajoutent qu'il recommence quelquefois à chanter au commencement de l'hiver; mais le plus souvent, dans cette saison, il n'a qu'un cri enroué et désagréable. Les anciens prétendoient que, pendant cette même saison, son plumage chaiigeoit de couleur et prenoit du roux, et Olina, l'un des modernes qui a le mieux connu les oiseaux dont il a parlé, dit que cela arrive en automne, soit que ce changement de couleur soit un eil'et de la mue, soit que les femelles et les jeunes merles, qui sont en effet plus roux que noirs, soient en plus grand nombre et se montrent aloî'S plus fré- quemment que les mâles adultes. Ces oiseaux font leur première ponte sur la fin de l'hiver ; elle est de cinq ou six œufs d'un vert bleuâtre, avec des taches couleur de rouille, fréquentes et peu distinctes. Il est rare que cette première ponte réus- sisse, à cause de l'inteînpérie de la saison; mais la seconde va mieux , et n'est que de quatre ou cinq œufs. Le nid des merles est construit à peu près comme ce- hii des grives, excepté qu'il est matelassé en dedans : ils le font ordinairement dans les buissons, ou sur des arbres de hauteur médiocre; il semble même qu'ils soient portés naturellement à le placer près de terre, et que ce n'est que par l'expérience des in- convénients qu'ils apprennent à le mettre plus haut. On m'en a rapporté un, une seule fois, qui avoit été pris dans le tronc d'un pommier creux. 272 LE MERLE. De la mousse, qui ne manque jamais sur le tronc des arbres, du limon qu'ils trouvent au pied ou dans les environs, sont les matériaux dont ils font le corps du nid; des brins d'herbe efde petites racines sont la matière d'un tissu plus mollet dont ils le revêtent in- térieurement, et ils travaillent avec une telle assiduité, qu'il ne leur faut que huit jours pour finir Touvrage. Le nid achevé, la femelîe se rnet à pondre, et ensuite à couver ses œufs : elle les couve seule, et le mTde ne prend part à cette opération qu'en pourvoyant à la subsistance de la couveuse. L'auteur du Traité dtiros- signol îissure avoir vu un jeune merle de l'année, mais déjà fort, se charger volontiers de nourrir des petits de son espèce nouvellement dénichés; mais cet au- teur ne dit point de quel sexe étoit ce jeune merle. J'ai observé que les petits éprouvoient plus d'une mue dans la première année, et qu'à chaque mue le plumage des mâles devient plus noir et le bec plus jaune, à commencer par la base. A l'égard des fe- melles, elles conservent, comme je l'ai dit, les cou- leurs du premier âge, comme elles en conservent aussi la plupart des attributs; elles ont cependant le dedans de la bouche et du gosier du même jaune que les mâ- les; et l'on peut aussi remarquer dans les uns et les autres un mouvement assez fiéquent de la queue de haut en bas, qu'ils accompagnent d'un léger tré- moussement d'ailes et d'un petit cri bref et coupé. Ces oiseaux ne changent point de contrée pendant l'hiver ^ ; mais ils choisissent, dans la contrée qu'ils ha- 1. Bieii des gens prélendeut qii'ils quilleiil la Corse vers le i5 lé- vrier, cl qu'ils ne reviennent que sur la fin tloclobre : mais M. Arlicr. professeur de philosopliie à Baslia, doute du fait, et il se fonde sur LE MERLE. 27^ bitent , l'asile qui leur couvient le mieux pendant cette saison rigoureuse : ce sont ordinairement les bois les plus épais, surtout ceux où il y a des fontaines chaudes et qui sont peuplées d'arbres toujours verts, tels que picéas , sapins, lauriers, myrtes, cyprès, genévriers, sur lesquels ils trouvent plus de ressources , soit pour se mettre à l'abri des frimas, soit pour vivre; aussi viennent-ils quelquefois les chercher jusque dans nos jardins, et l'on pourroit soupçonner que les pays où l'on ne voit point de merles en hiver sont ceux où il ne se trouve point de ces sortes d'arbres ni de fon- taines chaudes. Les merles sauvages se nourrissent outre cela de toutes sortes de baies, de fruits, et d'insectes, et comme il n'est point de pays si dépourvu qui ne pré- sente quelqu'une de ces nourritures, et que d'ailleurs le merle est un oiseau qui s'accommode à tous les climats , il n'est non plus guère de pays où cet oiseau ne se trouve, au nord et au midi, dans le vieux et dans le nouveau continent, mais plus ou moins diffé- rent de lui-même, selon qu'il a reçu plus ou moins fortement l'empreinte du climat où il s'est fixé. Ceux que l'on tient en cage mangent aussi de la viande cuite ou hachée, du pain, etc. ; mais on prétend que ce qu'en toute saison ils peuvent trouver clans cette île la tempéra- ture qui leur convient ; j)eu(lant les froids, qui sont toujours modérés, dans les plaines; et pendant les chaleurs sur les montagnes. M. Artier ajoute qu'ils y Uouvent aussi une abondante nourriture en tout temps, des fruits sauvages de toute espèce, des raisins, et surtout des olives, qui, dans l'ile de Corse, ne sont cueillies totalement que sur la fin d'avril. M. Lottingcr croit que les nifUes passent Vhivcr en Lorraine, mais que les femelles s'en éloignent un peu dans les temps les plus rudes. 2 74 I-E M En LE. les pépins de pomme de grenade sont un poison pour eux comme pour les grives. Quoi qu'il en soit, ils ai- ment beaucoup à se baigner, et il ne faut pas leur épargner l'eau dans les volières. Leur chair est un fort bon manger, et ne le cède point à celle de la draine ou de la litorne; il paroît même qu'elle est préférée à celle de la grive et du mauvis dans les pays où ils se nourrissent d'olives qui la rendent succulente, et de baies de myrte qui la parfument. Les oiseaux de proie en sont aussi avides que les hommes, et leur font une «Tuerre presque aussi destructive; sans cela, ils se multiplieroient à l'excès. Olina fixe la durée de leur vie à sept ou huit ans. J'ai disséqué une femelle qui avoit été prise sur ses œufs vers le i5 mai, et qui pesoit deux onces deux gros. Elle avoit la grappe de l'ovaire garnie d'un grand nombre d'œufs de grosseur inégales : les plus gros avoient près de deux lignes de diamètre, et étoient de couleur orangée; les plus petits étoient d'une cou- leur plus claire, d'une substance moins opaque, et n'avoient guère qu'un tiers de ligne de diamètre. Elle avoit le bec absolument jaune ainsi que la langue et tout le dedans de la bouche, le tube intestinal long de dix-sept à dix-huit pouces, le gésier très muscu- leux, précédé d'une poche fermée par la dilatation de l'œsophage, la vésicule du fiel oblongue, et point de cœcwn. Variétés du Merle, Les merles blancs et tachetés de blanc. Quoique le merle ordinaire soit l'oiseau noir par excellence, et VARIÉTÉS DU MERLE. ^76 plus noir que le corbeau, cependant on ne peut nier que son plumage ne prenne quelquefois du blanc, et que même il ne change en entier du noir au blanc, coninie il arrive dans l'espèce du corbeau et dans celle des corneilles, des choucas, et de presque tous les oiseaux, tantôt par l'influence du chmat, tantôt par d'autres causes plus particulières et moins con- nues. En effet, îa couleur blanche semble êlre, dans la plupart des anim*aux comme dans les fleurs d'un grand nombre de plantes, la couleur dans laquelle dégénèrent tou les les autres, y compris le noir, et cela brusquement et sans passer par les nuances intermé- diaires. Rien cependant de si opposé en apparence que le noir et le blanc; celui-là résulte de la priva- tion ou l'absorption totale des rayons colorés, et le blanc , au contraire , de leur réu»nion la plus complète : mais, en physique, on trouve à chaque pas que les extrêmes se rapprochent, et que les choses qui, dans l'ordre de nos idées et même de nos sensations, pa- roissent les plus contraires, ont, dans l'ordre de la nature, des analogies secrètes qui se déclarent sou- vent par des eflets inattendus. Entre tous les merles blancs ou tachetés de blanc qui ont été décrits, les seuls qui me paroissent devoir se rapporter à l'espèce du merle ordinaire sont, i^lc merle blanc qui avoit été envoyé de E.ome à Aîdro- vande, et 4I'' celui à tête blanche du même auteur, lesquels ayant tous deux le bec et les pieds jaunes comme le merle ordinaire, sont censés appartenir à cette espèce. Il n'en est pas de même de quelques autres en plus grand nombre et plus généralement connus, dont je ferai mention dans l'article suivant. 276 LE MEKLE A PrASTRON BLANC. LE MERLE' A PLASTRON BLANC. Turdus torquatm. L. J'ai changé la dénomination dte merle à collier^ que plusieurs avoient jugé à propos d'appliquer à cet-oi- seau; et je lui ai substitué celle de merle à plastron blanc j, comme ayant plus de justesse , et même comme étant nécessaire pour distinguer cette race de celle du véritable merle à collier dont je parlerai plus bas. Dans l'espèce dont il s'agit ici, n" 5 16, le mâle a en effet au dessus de la poitrine une sorte de plastron blanc très remarquable : je dis le mâle , car le plastron de la femelle est d'un blanc plus terne , plus mêlé de roux; et comme d'ailleurs le plumage de cette fe- melle est d'un brun roux, son plastron tranche beau- coup moins sur ce fond presque de même couleur, et cesse quelquefois tout-à-fait d'être apparent : c'est sans doute ce qui a donné lieu à quelques nomen- 1. Je dois dire par exactitude que , dans deux individus que j'ai eu occasion d'observer, le bec étoit moins rougeâtre qu'il ne le paroît ici, (Tue les pieds étoient plus bruns, les taches blanches de l'aile moins marquées, et qu'au contraire celles du ventre et de la poitrine l'é- toient davantage. 2. Ce merle se nomme en italien, merlo aipeslro ; en allemand, ring-aniselm , rotz-amsel (parce qu'il se nourrit quelquefois des vers qu'il trouve dans la fiente de cheval, etc.), watd-amsei, stein-amsel, birg-amsei, curer-amsel , scfmee-amsel, mccr-amsel, krametz-merlc ; en unslois , rinir-ouzel. LK MKîlLK A PLASIllOX BLANC. 2 7^ dateurs de faire de cette femelle une espèce particu- lière sous le norn de merle de montagne^ espèce pu- rement nominale, qui a les mêmes mœurs que le merle à plastron blanc, et qui en diffère moins, soit en grosseur, soit en couleur, que les femelles ne dif- fèrent de leurs mâles dans la plupart des espèces. Ce merle a beaucoup de rapports avec le merle or- tlinaire; il a, comme lui, le fond du plumage noir, les coins de l'intérieur du bec jaunes, et à peu près !a même taille, le même port : mais il s'en distingue par son plastron ; par le blanc dont son pluQiage est èmaillé, principalement sur la poitrine, le ventre , et les ailes; par son bec plus court et moins jaune; par la forme des pennes moyennes des ailes , qui sont car- rées par le bout, avec une petite pointe saillante au milieu , formée par l'extrémité de la côte : enfin il en diffère par son cri ^ , ainsi que par ses habitudes et par ses mœurs* C'est un véritable oiseau de passage , mais quiparcourtchaqueannéela circonférence d'un cercle dont tous les points ne sont pas encore bien connus; on sait seulement qu'en général il suit les chaînes des montagnes, sans néanmoins tenir de route bien cer- taine ^. On n'en voit guère paroître aux environs de Montbard que dans les premiers jours d'octobre; ils arrivent alors par petits pelotons de douze ou quinze, et jamais en grand nombre : il semble que ce soit quelques familles égarées qiii ont quitté le gros de la 1. Ce cii est en automne, crr, crr, cri; mais un homme cligne de foi avoit assuré à Gesner qu'il avoil entendu chanter ce merle au prin- temps, et d'une manière fort agréable. •2. il ne se montre pas tous les ans en Silésic , selon Schwenckfeki ; el c'est la même chose dans certains cantons de la Bourgogne. liiiFFoiv. XXI. 18 ^7^ TE MEPiLE A PLASTRON BLANC. troupe. Us reslenl rarement plus de deux ou trois semaines, ^3t la moindre gelée suffit alors pour les faire disparoître : cependant je ne dois point dissimu- ler que M. Klein nous apprend qu'on lui a apporté de ces oiseaux vivants pendant l'hiver. Us repassent vers le mois d'avril ou de mai, du moins en Bourgo- gne, en Brie^, et même dans la Silésie et la Frise, selon Gesner. 11 est très rare que ces merles habitent les plaines danslapartie tempérée de l'Europe : néanmoins M. Sa- lerne assure qu'on a trouvé de leurs nids en Sologne et dans la forêt d'Orléans; que ces nids étoient faits comme ceux du merle ordinaire; qu'ils contenoient cinq œufs de même grosseur, de même couleur, et (ce qui s'éloigne des habitudes du merle) que ces oiseaux nichent contre terre , au pied des buissons , d'où leur vient apparemment le nom de merles ter- riers ow buissonniers. Ce qui paroît sûr, c'est qu'ils sont très communs, en certains temps de l'année, sur les hautes montagnes de la Suède, de l'Ecosse, de l'Au- vergne , de la Savoie , de la Suisse , de la Grèce , etc. : il y a même apparence qu'ils sont répandus en As'ie , en Afrique, et jusqu'aux Açores; car c'est à cette es- pèce voyageuse, sociale, ayant du blanc dans son plumage, et se tenant sur les montagnes, que s'ap- plique naturellement ce que dit Tavernier des volées de merles qui passent de temps en temps sur les fron- 1. M. Hébert m'assure qu'en Brie , où il a beaucoup chassé en toute saison, il a tué grand nombre de ces merles dans les mois d'avril et de mai, et qu'il ne lui est jamais arrivé d'en rencontrer au mois d'oc- tobre. En Bourgogne, au contraire, ils semblent êlre moins rares en automne qu'au printemps. LE MERLK A PLASTRON BLANC. 279 tières de la Médie el de l'Arménie et délivrent le pays des sauterelles, comme aussi ce que dit M. Adanson de ces merles noirs tachetés de blanc qu'il a vus sur les sommets des montagnes de l'île Fayal ^ se tenant par compagnies sur les arbousiers , dont ilsmangeoienï îe fruit en jasant contiuellement. Ceux qui voyagent en Europe se nourrissent aussi de baies. M. Willugbby a trouvé dans leur estomac des débris d'insectes et des baies semblables à celle du groseillier; mais ils aiment de préférence celles de lierre et les raisins. C'est dans le temps de la ven- dange qu'ils sont ordinairement le plus gras, et que leur chair devient à la fois savoureuse et succulente. Quelques chasseurs prétendent que ces merles at~ tirent les grives, et que, lorsqu'on peut'en avoir de vivants, on fait de très bonnes chasses de grives au lacet; on a aussi remarqué qu'ils se laissent plus ai- sément approcher que nos merles communs, quoi- qu'ils soient plus difficiles à prendre dans les pièges. J'ai trouvé en les disséquant,, la vésicule du fiel oblongue, fort petite, et par conséquent, fort diffé- rente de ce que dit Willugbby ; mais l'on sait combien la forme et la situation des parties molles sont sujettes à varier dans l'intérieur des animaux : le ventricule étoit musculeux, sa membrane interne ridée à l'or- dinaire et sans adhérence; dans cette membrane , je vis des débris de grains de genièvre, et rien autre chose : le canal intestinal, mesuré entre ses deux ori- fices extrêmes, avoit environ vingt pouces; le ven- tricule ou gésier se trouvoit placé entre le quart et le cinquième de sa longueur : enfin j'aperçus quelques vestiges de cœsunij, dont l'un paroissoit double» l8o VARIÉTÉS m MERLE A PLASTRON. Variétés du Merle à plastron. Les merles blancs ^ au tachetés de blanc. J'ai dit que la plupart de ces variétés dévoient se rapporter à l'es- pèce du plastron blanc : en effet, Aristote , qui con- noissoit les merles blancs, en fait une espèce dis- tincte du merle ordinaire , quoique ayant la même grosseur et le même cri; mais il savoit bien qu'ils n'avoient pas les mêmes habitudes ^ et qu'ils se plai- soient dans les pays montueux. Belori ne reconnoît non plus d'autres différences entre les deux espèces que celle du plumage et celle de l'instinct qui atta- che le merle blanc aux montagnes. On le trouve, en effet, non seulement sur celles d'Arcadie, de Savoie , et d'Auvergne, mais encore sur celles de Silésie, sur les Alpes, l'Apennin, etc. Or cette disparité d'instinct par laquelle le merle blanc s'éloigne de la nature du merle ordinaire est un trait de conformité par lequel il se rapproche de celle du merle à plastron blanc; d'ailleurs il est oiseau de passage comme lui et passe dans le même temps. Enfin n est-il pas évident que la nature du merle à plastron blanc a plus de tendance au blanc, et n'est-il pas naturel de croire que la couleur blanche qui existe dans son plumage, peut s'étendre avec plus de facilité sur les plumes voisines que le plu- mage du merle ordinaire ne peut changer en entier du noir au blanc? Ces raisons m'ont paru suffisantes pour m'autoriser à regarder la plupart des merles blancs, ou tachetés de blanc , comme des variétés dans l'es- VARIÉTÉS DU ilERLE A PLASTRON. liS l pèce du merle à plastion blanc. Le merle blanc que j'ai observé avoit les pennes des ailes et de la queue plus blanches que tout le reste, et le dessus du corps, excepté le sommet de la tête, d'un gris plus clair que le dessous du corps; le bec étoit brun, avec un peu de jaune sur les bords : il y avoit aussi du jaune sous la gorge et sur la poitrine , et les pieds étoient d'un gris brun foncé. On l'avoit pris aux environs de Mont - bard, dans les premiers Jours de novembre, avant qu'il eût encore gelé, c'est-à-dire, au temps juste du pas- sage des merles à plastron blanc , puisque peu de jours auparavant on m'en avoit ap[)orté deux de cette der- nière espèce. Parmi les merles tachetés de blanc , cette dernière couleur se combine diversement avec le. noir : quel- quefois elle se répand exclusivement sur les pennes de la queue et les ailes , que cependant l'on dit être moins sujettes aux variations de couleur, tandis que toutes les autres plumes, que l'on regarde comme étant d'une couleur moins fixe, conservent leur noir dans toute sa pureté; d'autres fois elle forme un vé- ritable collier qui tourne tout autour du cou de l'oi- seau, et qui est moins large que le plastron blanc du merle précédent. Cette variété n'a point échappé à Beloii , qui dit avoir vu en Grèce , en Savoie, et dans la vallée de Maurienne , une grande quantité de mer- les au collier, ainsi nommés parce qu'ils ont une li- gne blanche qui leur tourne toiit le cou. iVI. Lottin- ger, qui a eu occasion d'étudier ces oiseaux dans les montagnes de la Lorraine, où ils font quelquefois leur ponte, m'assure? qu'ils y nichent de très bonne heure; ([u'ils construisent et posent leur nid à peu 2S2 VARIÉTÉS Dl) MERLE A PLASTRON. près comme ia grive; que l'édacalion de leurs petits se trouve achevée dès la fin de juin; qu'ils font un voyage tous les ans, mais que leur départ n'est rien moins qu'à jour nommé : il commence sur la fin de juillet, et dure tout le mois d'août, pendant lequel temps on ne voit pas un seul de ces oiseaux dans la plaine, quel qu'en soit le nombre; ce qui prouve bien qu'ils suivent la montagne. On ignore le lieu où ils se retirent. M. Lottinger ajoute que cet oiseau, qui étoit autrefois fort commun dans les Vosges, y est devenu assez rare. Le grand merle de montagne, II est tacheté de blanc, mais n'a point de plastron, et il est plus gros que la draine. Il passe en Lorraine tout à la fin de l'automne, et il est alors singulièrement chargé de graisse. Les oiseleurs n'en prennent que très rarement. Il fait la guerre aux limaçons, et sait casser adroitement leur coquille sur un rocher pour se nourrir de leur chair. A défaut de limaçons , il se rabat sur la graine de lierre. Cet oiseau est un fort bon gilier, mais il dégénère des merles quant à la voix, qu'il a fort aigre et fort triste ^. u Je liens ces faits de M. le iloclcur Lottinger. LE MERLE COULEUR DE ROSE. 'jST) LE MERLE COULEUR DE ROSE\ Turdus rosem. G.aiel. Tous les ornithologistes qui ont fait mention de ce merle, n** 25 1, n'en ont parlé que comme d'un oi- seau rare , étranger, peu connu , que l'on ne voyoit qu'à son passage , et dont on ignoroit la véritable pa- trie. M. Linnaeus est le seul qui nous apprenne qu'il habile la Laponie et la Suisse ; mais il ne nous dit rien de ce qu'il y fait, de ses amours, de son nid, de sa ponte, de sa nourriture, de ses voyages, etc. Aldro- vande, qui a parlé le premier des merles couleur de rose , dit seulement qu'ils paroissent quelquefois dans les campagnes des environs de Bologne, où ils sont connus des oiseleurs sous le nom à' é tour ne aux de mer; qu'ils se posent sur les tas de fumier; qu'ils prennent beaucoup de graisse, et queleurchaîrest unbon man- ger. On en a vu deux en Angleterre , que M. Edwards suppose y avoir été portés par quelque coup de vent. Nous en avons observé plusieurs eti Bourgogne, les- quels avoient été pris dans le temps du passage; et il est probable qu'ils poussent leurs excursions jusqu'en Espagne, s'il* est vrai, comme le dit M. Klein, qu'ils aient un nom dans la langue espagnole. 1. Ea latin, tardas roseas, merata rusea, avis incognita; les oiseleura des environs de Bologne l'appellent storiw marlno ; en espagnol, tor. dos; en anglois, the rose or carnation-coioured onzel ; en allemand, Laarkopslge-drossel. ^84 LE MERLE COULEUR DE ROSE. Le plumage du mâle est distingué ; il a la tête , le cou, les pennes des ailes et de la queue, noirs, avec des reflets brillants qui jouent entre le vert et le pourpre ; la poilrine , le ventre , le dos , le croupion , et les petites couvertures des ailes, sont d'une cou- leur de rose de deux teintes, l'une plus claire et l'au- tre plus foncée, avec quelques taches noires répan- dues çà et là sur celte espèce de scapulaire qui descend par dessus jusqu'à la queue, et par dessous jusqu'au bas-ventre exclusivement : outre cela, la tête a pour ornement une espèce de huppe qui se jette en ar- rière comme celle du jaseur, et qui doit faire un bel effet lorsque l'oiseau la relève. Le bas-ventre, les couvertures inférieures de la queue, et les jambes sont d'une couleur rembrunie, le tarse et les doigts d'un orangé terne, le bec mi- partie de noir et de couleur de chair (mais la distribu- tion de ces couleurs semble n'être point fixe en cette partie ; car dans les individus que nous avons obser- vés, et dans ceux d'Aldrovande , la base du bec étoit noirâtre, et tout le reste couleur de chair, au lieu que, dans les individus observés par M. Edwards , c'étoit la pointe du bec qui étoit noire, et ce noir se changeoit par nuances en un orangé terne, qui étoit la couleur de la base du bec et celle des pieds) ; le dessous de la queue paroît comme marbré , effet produit par la couleur de ses couvertures inférieures , qui sont noi- râtres et terminées de blanc. La femelle a la tête noire comme le mâle, mais non pas le cou ni les pennes de la queue et des ailes, qui sont d'une teinte moins foncée ; les couleurs du sca- pulaire sont aussi moins vives. LE MERLE COULEUR DE ROSE. 285 Cet oiseau est plus petit que notre merle ordinaire; il a le bec, les ailes, les pieds , et les doigts plus longs à proportion : il a beaucoup plus de rapports de gran- deur, de conformation, et môme d'instinct, avec le merle à plastron blanc ; car il est voyageur comme lui. Cependant il faut avouer que l'un des merles couleur de rose qui a été tué en Angleterre alloit de compagnie avec des merles à bec jaune. Sa longueur, prise de la pointe du bec jusqu'au bout de la queue , est de sept pouces trois quarts , et jusqu'au bout des ongles, de sept pouces et demi; il en a treize à qua- torze de vol, et ses ailes, dans leur repos, atteignent presque l'extrémité de la queue ^. iist^^^o^^^e^SiS^ie^is^ LE MERLE DE ROCHE. Tiirdffs saxatilis. G^iel. Le nom qu'on a donné à cet oiseau , n" 562 , indi- que assez les lieux où il faut le chercher : il habite les rochers et les montagnes; on le trouve sur celles du Bugey et dans les endroits les plus sauvages. Il se pose ordinairement sur les grosses pierres , et tou- jours à découvert : il est très rare qu'il se laisse ap- procher à la portée du fusil ; dès qu'on s'avance un peu trop, il part et va se poser aune juste distance sur une 1. Voici ses autres dimensions : îa queue a trois pouces, le hec en- viron treize lignes, le pifid quatorze, et le doigt du milieu de quatorze à quinze. 2S6 LE MERLE DE HOCHE. autre pierre située Je manière qu'il puisse dominer ce qui l'environne. Il semble qu'il n'est sauvage que par défiance , et qu'il connoît tous les dangers du voisi- nage de l'homme. Ce voisinage a cependant moins de dangers pour lui que pour bien d'autres oiseaux : il ne risque guère que sa liberté; car, comme il chante bien naturellement et qu'il est susceptible d'ap- prendre à chanter encore mieux, on le recherche bien moins pour le manger, quoiqu'il soit un fort bon morceau, que pour jouir de son chant, qui est doux , varié, et fort approchant de celui de la fauvette : d'ail- leurs il a bientôt fait de s'approprier le ramage des autres oiseaux , et même celui de notre musique. Il commence tous les jours à se faire entendre un peu avant l'aurore , qu'il annonce par quelques sons écla- tants, et il fait de même au coucher du soleil. Lors- qu'on s'approche de sa cage au milieu de la nuit avec une lumière , il se met aussitôt à chanter; et pen- dant la journée, lorsqu'il ne chante point, i! semble s'exercer à demi-voix et préparer de nouveaux airs. Par une suite de leur caractère défiant, ces oiseaux cachent leur nid avec grand soin , et l'établissent dans des trous de rocher, près du plafond des cavernes les plus inaccessibles ; ce n'est qu'avec beaucoup de ris- que et de peine qu'on peut grimper jusqu'à leur cou- vée, et ils la défendent avec courage contre les ra- visseurs, en tâchant de leur crever les yeux. Chaque ponte est de trois ou quatre œufs. Lors- que leurs petits sont éclos , ils les nourrissent de vers et d'insectes, c'est-à-dire des aliments dont ils vivent eux-mêmes : cependant ils peuvent s'accommoder d'une auire nourriture ; et lorsqu'on les élève en cage, LE MERLE DE ROCHE. 287 on leur donne avec succès la même pâtée qu'aux ros- signols. Mais, pour pouvoir les élever, il faut les pren- dre dans le nid; car dès qu'ils ont fait usage de leurs ailes et qu'ils ont pris possession de l'air, ils ne se laissent attraper à aucune sorte de pièges ; et quand on viendroit à bout de les surprendre ce seroit tou- jours à pure perte, ils ne survivroient pas à leur li- berté. Les merles de roche se trouvent en quelques en- droits de l'Allemagne, dans les Alpes, les montagnes du Tirol , du Bugey, etc. On m'a apporté une fe- melle de cette espèce , prise le 1 2 mai sur ses oe,ufs ; elle avoit établi son nid sur un rocher dans les en- virons de Montbard, où ces oiseaux sont fort rares et tout-à-fait inconnus : ses couleurs avoient moins d'éclat que celles du mâle. Celui-ci est un peu moins gros que le merle ordinaire, et proportionné tout dif- féremment : ses ailes sont très longues, et telles qu'il convient à un oiseau qui nicher au plafond des caver- nes; elles forment, étant déployées, une envergure de treize à quatorze pouces, et elles s'étendent, étant repliées, presque jusqu'au bout de la queue, qui n'a pas trois pouces de long : le bec a environ un pouce. A l'égard du plumage, la tête et le cou sont comme recouverts d'un coqjUeluchon cendré , varié de petites taches rousses : le dos est rembruni près du cou, et d'une couleur plus claire près de la queue : les dix pennes latérales de celle-ci sont rousses , et les deux intermédiaires brunes; les pennes des ailes et leurs couvertures sont d'une couleur obscure et bordées, d'une couleur plus claire : enfin la poitrine et tout le dessous du corps sont orangés, variés par de petites 288 LE MEULE DE HOCHE. mouchetures , les unes blanches et les autres brunes; le bec et les pieds sont noirâtres. LE MERLE BLEU\ Tardas cy anus. Gmel. On retrouve dans ce merle ^ le même fond de cou- leur que dans le merle de roche , c'est-à-dire le cen- dré bleu (mais sans aucun mélange d'orangé), la même taille, à peu près les mêmes proportions, le goût des mêmes nourritures , le même ramage , la même habitude de se tenir sur le sommet des monta- gnes et de poser son nid sur les rochers les plus es- carpés , en sorte qu'on seroit tenté de le regarder comme une race appartenant à la même espèce que le merle de roche; aussi plusieurs ornithologistes les ont pris l'un pour l'autre. Les couleurs de son plu- mage varient un peu dans les descriptions, et sont probablement sujettes à des variations réelles d'un in- dividu à l'autre, selon l'âge, le sexe, le climat, etc. Le mâle , que M. Edwards a représenté pi. xviii, n'é- toit pas d'un bleu uniforme partout; la teinte de la 1 . Je doule fort que ce soit L cuanos d'Aristote ( Hist. anim., lib. IX, cap. 2 1 ), qui avoit le bec long, le pied grand , et le tarse court ; ce qui ne convient guère au merle bleu. En latin, cyaniis, cœruleus, etc.; en italien, merlo biavo ; en allemand, blau-voget, blaii-stein amsel , klein btau-zinimer. On lui a aussi appliqué les noms qui conviennent au merle de roche, et même ceux de moineau ou passereau solitaire. 2. La pi nche enluminée , n" 260, représente la femelle , et la plan- che 18 de M. Edwards représente le mâle. LÉ MERLE BLEU, 28g partie supérieure du corps étoit plus foncée que la teinte de la partie inférieure : il avoit les pennes de la queue noirâtres , celles des ailes brunes , ainsi que les grandes couvertures , et celles-ci terminées de blanc, les yeux entourés d'un cercle jaune, le de- dans de la bouche orangé, le bec et les pieds d'un brun presque noir. Il paroît qu'il y a plus d'unifor- mité dans le plumage de la femelle. Belon, qui a vu de ces oiseaux à Raguse en Dal- matie, nous dit qu'il y en a aussi dans les îles de Né- grepont, de Candie, de Zante, de Corfou, etc., et qu'on les recherche beaucoup à cause de leur chant : mais il ajoute qu'il ne s'en trouve point naturellement en France, ni en Italie. Cependant le bras de mer qui sépare la Dalmatie de l'Italie n'est point une bar- rière insurmontable , surtout pour ces oiseaux , qui , suivant Belon lui-même, volent beaucoup mieux que le merle ordinaire , et qui, au pis aller, pourroient faire le tour et pénétrer en Italie en passant par l'état de Venise. D'ailleurs c'est un fait que ces merles se trouvent en Italie : celui que M. Brisson a décrit, et celui que nous avons fait représenter, n" 2^0, ont été tous deux envoyés de ce pays. M. Edwards avoit ap- pris par la voix publique qu'ils y nichoient sur les ro- chers inaccessibles, ou dans les vieilles tours aban- données'^; et de plus il en a vu quelques uns qui 1 . M. Loltinger me parle d'un merle plombé qui passe dans les mon- tagnes (le Lorraine aux mois de septembre et d'octol)re , qui est alors beaucoup plus gras et de meilleur goût que nos merles ordinaires , mais qui ne ressemble ni au mâle ni à la femelle de cette dernière es- pèce. "Gomme la notice que j'ai reçue de cet oiseau n'éloit point ac- compagnée de description, je ne puis décider s'il doit être rapporte 390 BE MERLE BLEU. avoient été tués aux environs de Gibraltar : d'oM il conclut, avec assez de fondement, qu'ils sont répan- dus dans tout le midi de l'Europe. Mais cela doit s'en- tendre seulement des montagnes ; car il est rare qu'on rencontre de ces oiseaux dans la plaine. Leur ponte est ordinairement de quatre ou cinq œufs ; et leur chair, surtout celle des jeunes, passe pour un fort bon manger. LE MERLE SOLITAIRE\ Tardas soUtarlas. L. Voici encore un merle habitant des montagnes, et renommé pour sa belle voix. On sait que le roi Fran- çois P" prenoit un singulier plaisir à l'entendre, et qu'aujourd'hui même un mâle apprivoisé de cette es- pèce se vend fort cher à Genève et à Milan, et beau- coup plus cher encore à Smyrne et à Constantinople. Le ramage naturel du merle solitaire est en effet très doux, très flûte , mais un peu triste, comme doit être comme variété à l'espèce du merle bleu dont il semble se rapprocher par le plumage et par les mœurs. 1. Il est probable que c'est ici le cossuphos baios, ou petit merle, dont Aristote dit (liv. IX, chap. 19 de son Histoire des Animaux) qu'il est semblable au merle noir, excepté que son plumage est brun , que son bec n'est point jaune , et qu'il a coutume dé se tenir sur les rochers ou sur les toits. Je ne sache que le solitaire à qui tout cela puisse con- venir. D'ailleurs cet oiseau se trouve dans les îles de l'Archipel, et par conséquent ne put être inconnu à Aristote ou à ses correspondants. Eu latin , passer seu tardas soUtarius, dont les Italiens ont fait passera soUlaria; les François, paisse solitaire; les Allemands, passer sotitary ; et les Anglois, sotitary sparrow. LE MERLE SOLITAIRE. 29 1 le chant de tout oiseau vivant en solitude. Celui-ci se tient toujours seul , excepté dans la saison de l'a- mour. A cette époque, non seulement le mâle et la fen.elle se recherchent, mais souvent ils quittent de compagnie les sommets agrestes et déserts, où jusque là ils avoient fort bien vécu séparément, pour venir dans les lieux habités, et se rapprocher de l'homme. Ils sentent le besoin de la société dans le moment où la plupart des animaux qui ont coutume d'y vivre se passe'*oienl de tout l'univers : on diroit qu'ils veulent avoir des témoins de leur bonheur, afin d'en jouir de toutes les manières possibles. A la vérité, ils savent se garantir des inconvénients de la foule, et se faire une solitude au milieu de la société , en s'élevant à une hauteur où les importunités ne peuvent atteindre que difficilement. Ils ont coutume de poser leur nid, fait de brins d'herbes et de plumes, tout au haut d'une cheminée isolée, ou sur le comble d'un vieux château , ou sur la cime d'un grand arbre , et presque toujours à portée d'un clocher ou d'une tour élevée : c'est sur le coq de ce clocher, ou sur la girouette de celte tour, que le mâle se tient des heures et des journées entières, sans cesse occupé de sa compagne tandis qu'elle couve, et s'eflbrçant de charmer les en- nuis de sa situation par un chant continuel. Ce chant, tout pathétique qu'il est, ne suffit pas à l'expression du sentiment dont il est plein; un oiseau solitaire sent plus, et plus profondément qu'un autre : on voit quelquefois celui-ci s'élever en chantant, battre des ailes, étaler les plumes de sa queue, relever celles de sa tête, et décrire en piaffant plusieurs cercles, dont sa femelle chérie est le centre unique. 2g'2 LE MEULE SOLITAIRE. Si quelque bruit extraordinaire , ou la présence de quelque objet nouveau, donne de l'inquiétude à la couveuse, elle se réfugie dans son fort, c'est-à-dire sur le clocher ou sur la tour habitée par son mâle , et bientôt elle revient à sa couvée , qu'elle ne renonce jamais. Dès que les petits sont éclos^ le mâle cesse de chanter, mais il ne cesse pas d'aimer : au contraire , il ne se tait que pour donner à celle qu'il aime ime nouvelle preuve de son amour, et partager avec elle le soin de porter la becquée à leurs petits ; car, dans les animaux, l'ardeur de l'amour n'annonce pas seu- lement une plus grande fidélité au vœu de la nature pour la génération des êtres, mais encore un zèle plus vif et plus soutenu pour leur conservation. Ces oiseaux pondent ordinairement cinq ou six œufs. Il nourrissent leurs petits d'insectes , et ils s'en nourrissent eux-mêmes, ainsi que de raisins et d'au- tres fruits. On les voit arriver au mois d'avril dans les pays où ils ont coutume de passer l'été ; ils s'en vont à la fm d'août, et reviennent constamment cha- que année au même endroit où ils ont en premier lieu fixé leur domicile. Il est rare qu'on en voie deux paires établies dans le même canton^. Les jeunes, pris dans le nid, sont capables d'in- struction : la souplesse de leur gosier se prête à tout, soit aux airs, soit aux paroles ; car ils apprennent aussi à parler, et ils se mettent à chanter au milieu de la nuit, sitôt qu'ils voient la lumière d'une chandelle» 1. 11 y en a tous les ans une paire sur le clocher de Sainle-Ueine , petite ville de mon voisinage , située à mi-côte d'une montagne passa- blement élevée. LE MERLE SOLITAIRE. 2^5 ïls peuvent vivre en cage jusqu'à huit ou dix ans^ lorsqu'ils sont bien gouvernés. On en trouve sur les montagnes de France et d'Italie , dans presque toutes les îles de l'Archipel , surtout dans celles de Zira et de INia, où l'on dit qu'ils nichent parmi des tas de pier- res, et dans l'île de Corse, où ils ne sont point regar- dés comme oiseaux de passage ^. Cependant en Bour- gogne il est inouï que ceux que nous voyons arriver au printemps et nicher sur les cheminées ou sur les combles des égHses, y passent l'hiver. Mais il est pos- sible de concilier tout ce\à : le merle solitaire peut très bien ne point quitter l'ile de Corse, et néan- moins passer d'un canton à l'autre , et changer de do- micile suivant les saisons, à peu près comme il lait en France. Les habitudes singulières de cet oiseau et la beauté de sa voix ont inspiré au peuple une sorte de véné- ration pour lui. Je connois des pays où il passe pour un oiseau de bon augure, où l'on soufTriroit impatiem- ment qu'il fut troublé dans sa ponte , et où sa mort seroit presque regardée comme un malheur public* Le merle solitaire est un peu moins gros que le merle ordinaire; mais il a le bec plus fort et plus crochu par le bout 2, et les pieds plus courts à pro- portion. Son plumage est d'un brun plus ou moins foncé , et moucheté de blanc partout , excepté sur le croupion et sur les pennes des ailes et de la queue; 1. c'est eu que j'apprends par M. Artier, professeur d'histoire natu- relle à Bastia , que j'ai déjà eu oceasiou de ciler. 2. Cela seul auroit dû le faire exclure du genre des merles dans toute distribution uiétliodique où Ton a établi pour l'un des car.'c- lères de ce genre, ic bout de la mandibule supérieure presque droit. ItUFFOIM. XXI. ]û ^94 I-E MERLE SOLITAIRE. outre cela , ie cou , la gorge, la poitrine, et les cou- vertures des ailes, ont dans le mâle une teinte de bleu et des reflets pourpres qui manquent absolument dans le plumage de la femelle : celle-ci est d'un brun plus uniforme, et ses mouchetures sont jaunâtres. L'un et l'autre ont l'iris d'un jaune orangé, l'ouver- ture des narines assez grande, les bords du bec échancrés près de la pointe, comme dans presque tous les merles et toutes les grives; l'intérieur de la bouche jaune; la langue divisée par le bout en trois filets, dont celui du milieu est le plus long; douze pennes à la queue, dix-neuf à chaque aile, dont la première est très courte; enfin la première phalange du doigt extérieur unie à celle du doigt du milieu. La longueur totale de ces oiseaux est de huit à neuf pou- ces , leur vol de douze à treize, leur queue de trois, leur pied de treize lignes , leur bec de quinze ; les ailes repliées s'étendent au delà du milieu de la queue. OISEAUX ETRANGERS OUI ONT RAPPORT AU MERLE SOLITAIRE I. LE MERLE SOLITAIRE DE MANILLE. Turdus Maràilensis. Gmel. Cette espèce paroît faire la nuance entre notre merle solitaire et notre merle de roche : elle a les LK xMEllLE SOLITAIRE DE MANILLE. 2QS couleurs de celui-ci , et distribuées en partie dans le même ordre; mais elle n'a pas les ailes si longues, quoiqu'elles s'étendent dans leur repos jusqu'aux deux tiers de la queue. Son plumage est d'un bleu d'ar- doise , uniforme sur la tête , la face postérieure du cou, et le dos; presque entièrement bleu sur le crou- pion; moucheté de jaune sur la gorge, la face anté- rieure du cou , et le haut de la poitrine; plus foncé sur les couvertures des ailes , avec des mouchetures semblables, mais beaucoup plus clairsemées, et quel- ques taches blanches encore moins nombreuses : le reste du dessous du corps est orangé, moucheté de bleu et de blanc ; les grandes pennes des ailes et de la queue sont noirâtres, et les dernières bordées de roux; enfin le bec est brun , et les pieds presque noirs. Ce solitaire, n° 656, approche de la grosseur de notre merle de roche. Sa longueur totale est d'envi- ron huit pouces , son vol de douze ou treize , sa queue de trois, et son bec d'un seul pouce. La femelle, n° 564? fig. 2 , n'a point de bleu ni d'o- rangé dans son plumage, mais deux ou trois nuances de brun, qui forment entre elles des mouchetures assez régulières sur la tête , le dos, et tout le dessus du corps. Ces deux oiseaux faisoient partie de l'envoi de M. Sonnerat. It. LE MERLE SOLITAIRE DES PHILIPPINES. Turdus eremifa. On retrouve dans cet oiseau la figure, le port , et le bec des solitaires, et quelque chose du plumage de 2g6 LE MERLE SOLITAIRE DES PHILIPPINES. celui de Manille; mais il est un peu plus petit. Cha- que plume du dessus du corps est d'un roux plus ou moins clair, bordé de brun; celles du dessous du corps sont brunes et ont un double bord , le plus in- térieur noirâtre, et le plus extérieur blanc sale : les petites couvertures des ailes ont une teinte de cen- dré , et celles du croupion et de la queue sont abso- lument cendrées; la tôte est d'un olive tirant au jaune, le tour des yeux blanchâtres, les pennes de la queue et des ailes brunes bordées de gris , le bec et les pieds bruns. La longueur totale de ce solitaire , n° 539 > ^^^ d'en- viron sept pouces et demi : il a plus de douze pouces de vol, et ses ailes repliées vont jusqu'aux trois quarts de la queue , qui est composée de douze pennes, et n'a que deux pouces deux tiers de long. Cet oiseau, qui a été envoyé par M. Poivre, a tant de rapports avec le solitaire de Manille , que je serois peu surpris qu'il fût reconnu dans lasuile pour n'être qu'une simple variété d'âge dans cette espèce , d'autant qu'il vient des mômes contrées, qu'il est plus petit, et que ses couleurs sont, pour ainsi dire, moyennes entre celles du mâle et celles de la fe- melle. LE J\UNOIR nu CAP DE BONNE-ESPERANCE. 2QJ OISEAUX ÉTRANGERS OUI ONT RAPPORT AUX MERLES D'EUROPE. LE JAUNOIR DU GAP DE BONiNE-ESPÉRANCE. Tardas morio. L. Ce merle d'Afrique a l'uniforme de nos merles d'Europe , du noir et du jaune , et de là son nom de jaunolr ; mais le noir de son plumage est plus bril- lant , et il a des reflets qui lui donnent à certains jours un œil verdâtre : on ne voit du jaune, ou plutôt du roux, que sur les grandes pennes des ailes, dont les trois premières sont terminées de brun, et les sui- vantes de ce noir brillant dont j'ai parlé. Ce môme noir brillant et à reflets se retrouve sur les deux pen- nes intermédiaires de la queue, etsurce qui paroît au dehors des pennes moyennes des ailes; tout ce qui est caché de ces pennes moyennes, et toutes les pen- nes latérales de la queue en entier, sont d'un noir pur; le bec est de ce même noir; mais les pieds sont bruns. Le jaunoir, n° 199, est uu peu plus gros que notre merle ordinaire. Sa longueur est de onze pouces, son vol de quinze et demi, sa queue do quatre, son bcG, 2gS LE JAUNOIR DU CAP DE BONNE-ESPERANCE. qui est gros et fort, de quinze lignes , et son pied de quatorze, ses ailes dans leur repos ne vont qu'à la moitié de la queue. II. LE MERLE HUPPÉ DE LA CHINE*. Gracula cristuteila. Latham. Quoique cet oiseau, n° 607 , soit un peu plus gros que le nierle^ il a le bec et les pieds plus courts, et la queue beaucoup plus courte; presque tout son plu- mage est noirâtre, avec une teinte obscure de bleu, mais sans aucun reflet; on voit au milieu des ailes une tache blanche, appartenant aux grandes pennes de ces mêmes ailes, et un peu de blanc à rextrémitëdes pen- nes latérales de la queue ; le bec et les pieds sont jau- nes, et l'iris d'un bel orangé. Ce merle a sur le front une petite touffe de plumes longuettes, qu'il hérisse quand il veut : mais, malgré celte marque distinctive et la différence remarquée dans ses proportions, je ne sais si l'on ne pourroit pas le regarder comme une variété de climat dans l'espèce de notre merle à bec jaune ; il a, comme lui, une grande facilité pour apprendre à siffler des airs et articuler des paroles. On le trans- porte difficilement en vie de la Chine en Europe. Sa longueur est de huit pouces et demi; ses ailes dans leur repos s'étendent à la moitié de la queue, qui n'a que deux pouces et demi de long, et qui est composée de douze pennes à peu près égales. 1. Les vojageurs parlent d'un merle noir de Madagascar qui a une huppe posée précisément comme celle du merle de cet article. EE PODOBE DU SENEGAL. 1^99 III. LE PODOBÉ DU SÉNÉGAL. Tardas erythr opter as. Gmel. Nous sommes redevables à M. Adanson de cette espèce étrangère et nouvelle, n° 354? ^"i ^1^ t)^^ brun, les ailes et les pieds de couleur rousse, les ailes courtes, la queue longue, étagée, marquée de blanc à l'extrémité de ses pennes latérales et de ses couvertures inférieures. Dans tout le reste , le po- dobé est noir comme nos merles, et leur ressemble pour la grosseur comme pour la forme du bec , qui cependant n'est point jaune. Vl. LE MERLE DE LA CHINE. Tardas perspicillatas. Lath. Ce merle , n" 6o4 , est plus grand que le nôtre ; il a les pieds beaucoup plus forts, la queue plus longue et d'une autre forme, puisqu'elle est étagée. L'acci- dent le plus remarquable de son plumage c'est comme une paire de lunettes qui paroît posée sur la base de son bec, et qui s'étend de part et d'autre sur ses yeux; les côtés de ces lunettes sont de figure à peu près ovale et de couleur noire, en sorte qu'ils tranchent sur le plumage gris de la tête et du cou. Cette même couleur ajrise , mêlée d'une teinte verdâtre , règne sur 50O LE MERLE DE LA CHINE. tout le dessus du corps, compris les ailes et les pen- nes intermédiaires de la queue ; les pennes latérales sont beaucoup plus rembrunies; une parlie de la poi- trine et le ventre sont d'un blanc sale, un peu jaune jusqu'aux couvertures inférieures de la queue, qui sont rousses. Les ailes dans leur repos ne s'étendent pas fort au delà de l'origine de la ueue. LE VERT-DORÉ, ou MERLE A LONGUE QUEUE DU SÉNÉGAL. Tardas œneas. L. La queue de ce merle, n° 220, est en effet très longue, puisque la longueur de l'oiseau entier, qui est d'environ sept pouces, mesurée de la pointe du bec à l'extrémité du corps, ne fait pas les deux tiers de la longueur de cette queue. L'étendue de son vol ne répond pas, à beaucoup près, à cette dimension excessive ; elle est môme bien moindre à propor- tion, puisqu'elle surpasse à peine celle du merle, qui est un oiseau plus petit. Le vert-doré a aussi le bec plus court proportionnellement; mais il a les pieds plus longs ^, La couleur générale de cet oiseau est ce beau vert éclatant que l'on voit briller sur le plumage des canards, et elle ne varie que par différentes tein- 1. Voici ses mesures précises , suivant M, Brisson : longueur totale, dix-huit pouces; longueur prise de la pointe du bec au bout des ongles, dix pouces et demi; vol, quatorze pouces un quart; queue ; onxcj bec, treize lignes; pied, dix-lmil = LE VERT-DOKE. JO 1 tes, par différenls reflets qu'elle prend en difterents endroits : sur la tète c'est une teinte noirâtre à travers laquelle perce la couleur d'or ; sur le croupion et les deux longues pennes intermédiaires de la queue ce sont des reflets pourpres; sur le ventre et les jambes c'est un vert changeant en une couleur de cuivre de rosette; dans presque tout le reste c'est un beau vert doré, comme l'indique le nom que j'ai donné à cet oiseau, en attendant que l'on sache celui sous lequel il est connu dans son pays. Il y a au Cabinet du Roi un oiseau tout-à-fait res- semblant à celui-ci^, excepté qu'il n'a pas la queue si longue à beaucoup près. 11 est probable que c'est un vert-doré qui aura été pris au temps de la mue , temps où cet oiseau peut perdre sa longue queue , comme la veuve perd la sienne. VI. LE FER-A-CHEVAL, ou MEULE A COLLIER D'AMÉRIQUE. Une marque noire en forme de fer à cheval, qui descend sur la poitrine de cet oiseau, et une bande de même couleur sortant de chaque côté de dessous son œil pour se jeter en arrière, sont tout ce qu'il y a de noir dans son plumage; et la première de ces ta- ches, par sa forme déterminée, m'a paru ce qu'il y avoit de plus propre à caractériser cette espèce , c'est- à-dire à la distinguer des autres merles à collier. Ce 1. Cet oiseau est étiqueté, merle vert du Sénégal. 302 LE FER-A-CHEVAL. fer à cheval se dessine sur un fond jaune, qui est la couleur de la gorge et de tout le dessous du corps, et qui reparoît encore entre le bec et les yeux; le brun règne sur la tête et derrière le cou , et le gris clair sur les côtés; outre cela, le sommet de la tète est marqué d'une raie blanchâtre; tout le dessus du corps est gris de perdrix; les pennes des ailes et delà queue sont brunes, avec quelques taches roussâtres^; les pieds sont bruns et fort longs, et le bec, qui est presque noir, a la forme de celui des merles. Cet oiseau a encore cela de commun avec eux, qu'il chante très bien au printemps, quoique son chant ait peu d'é- tendue. 11 ne se nourrit presque que de menues grai-^ nés qu'il trouve sur la terre 2, en quoi il ressemble aux alouettes; mais il est beaucoup plus gros, plus gros même que notre merle, et il n'a point l'ongle postérieur allongé comme les alouettes. Il se perche sur la cime des arbrisseaux, et l'on a remarqué qu'il avoit dans la queue un mouvement fort brusque de bas en haut. A vrai dire, ce n'est ni une alouette ni un merle; mais, de tous les oiseaux d'Europe , celui avec qui il semble avoir le plus de rapport c'est notre merle ordinaire. Il se trouve non seulement dans la Yirginie et la Caroline , mais dans presque tout le continent de l'Amérique^. Le sujet qu'a observé Casteby pesoit trois onces et un quart; il avoit dix pouces de la pointe du bec au bout des ongles , le bec long de quinze lignes , et les 1. M. Liiinaeus dit que les trois pennes latérales de la queue sont blanches en partie. 2. Par exemple , celle de Vornit/wgatum à fleurs jaunes. 5. M. Liunœus prétend qu'il se trouve aussi en Afrique. LE FER-A-CIIEVAL. 3o5 pieds de dix-huit ; ses ailes dans leur repos s etendoient à la moitié de la queue. VII. LE MERLE VERT D'ANGOLA. Tardas nitens. Gmel. Le dessus du corps, de la tête, du cou, de la quene, et des ailes, est, dans cet oiseau , d'un vert olivâtre ; mais on aperçoit sur les ailes des taches rembrunies, et le croupion est bleu : on voit aussi sur le dos, comme devant le cou, quelque mélange de bleu avec le vert; le bleu se retrouve pur sur la par- tie supérieure de la gorge; le violet règne sur la poi- trine , le ventre , les jambes , et les plumes qui recou- vrent l'oreille; enfin les couvertures inférieures de la queue sont d'un jaune olivâtre, le bec et les pieds d'un noir décidé. Cet oiseau , n*' 56i , est de la même grandeur que celui auquel M. Brisson a donné le même nom, et il lui ressemble aussi par les proportions du corps ; mais le plumage de ce dernier est différent : c'est par- tout un beau vert canard, avec une tache de violet d'acier poli sur la partie antérieure de l'aile. La grosseur de ces oiseaux est à peu près celle de notre merle, leur longueur d'environ neuf pouces, leur vol de douze pouces et un quart, et leur bec de onze à douze lignes ; leurs ailes dans leur repos vont à la moitié de la queue, qui est composée de douze pennes égales. Il est probable que ces deux oiseaux appartiennent 3o4 LE MERLE VERT D'ANGOLA. à la même espèce; mais j'ignore quel est celui des Jeux qui représente la tige primitive, et quel est celui quidoit n'être regardé que comme une branche colla- térale, ou, si l'on veut, comme une simple variété. VIII. LE MERLE VIOLET DU ROYAUME DE JUIDA. Tardas auratas. Gmel. Le plumage de cet oiseau est peint des mômes couleurs que celui du précédent; c'est toujours du violet, du vert, et du bleu, mais distribué différem- ment : le violet pur règne sur la tête, le cou , et tout le dessus du corps; le bleu sur la queue et les cou- vertures supérieures; le vert enfin sur les ailes : mais celles-ci ont une bande bleue près de leur bord in- férieur. Ce merle, n"* 54o, est encore de la même taille que notre merle vert d'Angola; il paroît avoir le même port; et comme ii vient aussi des mêmes climats, je serois fort tenté de le rapporter à la même espèce , s'il n'avoit les ailes plus longues , ce qui suppose d'autres allures et d'autres habitudes : mais, comme le plus ou moins de longueur des ailes dans les oiseaux des- séchés dépend en grande partie de la manière dont ils ont été préparés, on ne peut guère établir là des- sus une différence spécifique, et il est sage de rester dans le doute, en attendant des observations plus décisives. LE PLASTHON NOIÎl DE CEYLAN. 3o5 IX. LE PLASTRON NOIR DE CEYLAN. Tardas Zeylaiius. Gmel. Je donne un nom particulier à cet oiseau , parce que ceux qui Tout vu ne sont pas d'accord sur l'es- pèce à laquelle il appartient. M. Brisson en a fait un merle, et M. Edwards une pie ou une pie-grièche. Pour moi, j'en fais un plastron noir, en attendant que ses mœurs et ses habitudes, mieux connues, mettent en état de le rapporter à ses véritables ana- logues européens. 11 est plus petit que le merle, et il a le bec plus fort à proportion ; sa longueur totale est d'environ sept pouces et demi, son vol de onze, sa queue de trois et demi, son bec de douze à treize lignes, et son pied de quatorze; ses ailes dans leur repos vont au delà du milieu de la queue , qui est un peu étagée. Le plastron noir, n"* 2^2 , par lequel cet oiseau est caractérisé, fait d'autant plus d'effet qu'il est contigu par en haut et par en bas à une couleur plus claire; car la gorge et tout le dessous du corps sont d'un jaune assez vif. Des deux extrémités du bord supé- rieur de ce plastron, partent comme deux cordons de même couleur, qui d'abord, s'élevant de chaque coté vers la tête, servent de cadre à la belle plaque jaune orangée de la gorge, et qui, se courbant ensuite pour passer au dessous des yeux, vont se terminer et en <[uelque manière s'implanter à la base du bec; deux 5o6 LE PLASTRON NOIR DE CEYLAN. sourcils jaunes, qui prennent naissance tout proche des narines, embrassent l'œil par dessus, et, se trou- vant en opposition avec les espèces de cordons noirs qui l'embrassent par dessous, donnent encore du ca- ractère à la physionomie. Toute la partie supérieure de cet oiseau est olivâtre; mais cette couleur semble ternie par un mélange de cendré sur le sommet de la tête , et elle est au contraire plus éclatante sur le croupion et sur le bord extérieur des pennes de l'aile : les plus grandes de ces pennes sont terminées de brun; les deux intermédiaires de la cpieue sont d'un vert olive comme tout le dessus du corps, et les dix latérales sont noires, terminées de jaune. La femelle n'a ni la plaque noire de la poitrine , ni les cordons de même couleur qui semblent lui servir d'attaches; elle a la gorge grise , la poitrine et le ven- tre d'un jaune verdâtre , et tout le dessus du corps de la même couleur, mais plus foncée. En général , cette femelle ne diffère pas beaucoup de l'oiseau représenté dans les planches enluminées, n° 558, sous le nom de merle à ventre orangé du Sénégal. M. Brisson a donné le plastron noir dont il s'agit dans cet article comme venant du cap de Bonne-Es- pérance, et il en venoit certainement, puisqu'il en avoit été rapporté par M. l'abbé de La Caille; mais, s'il en faut croire M. Edwards, il venoit encore de plus loin, et son véritable climat est l'île de Ceylan. M. Edwards a été à portée de prendre des informa- tions exactes à ce sujet de M. Jean Gédéon Loten, qui avoit été gouverneur de Ceylan , et qui , à son re- tour des Indes, lit présent à la Société royale de plu- sieurs oiseaux de ce pays, parmi lesquels étoit un LE PLASTRON NOIR DE GEYLAN. J07 plastron noir. M. Edwards ajoute une réflexion très juste , que j'ai déjà prévenue dans les volumes précé- dents, et qu'il ne sera pas inutile de répéter ici , c'est que le cap de Bonne-Espérance étant un point de partage où les vaisseaux abordent de toutes parts, on doit y trouver des uiarcliandises, par conséquent des oiseaux de tous les pays, et que très souvent on se trompe en supposant que tous ceux qui viennent de cette cote en sont originaires. Cela explique assez bien pourquoi il y a dans les cabinets un si grand nombre d'oiseaux et d'autres animaux soi-disant du cap de Bonne-Espérance. X, L'ORANVERT, ou MERLE A VENTRE ORANGÉ DU SÉNÉGAL^, J'ai appliqué à cette nouvelle espèce le rïomd'ora?i- vertj n"" 558, parce qu'il rappelle l'idée des deux prin- cipales couleurs de l'oiseau : un beau vert foncé, en- richi par des reflets qui se jouent entre difl:erentes nuances de jaune, règne sur tout le dessus du corps, compris la queue , les ailes , la tête , et même la gorge ; mais il est moins foncé sur la queue que partout ail- leurs ; le reste du dessous du corps , depuis la gorge , est d'un orangé brillant : outre cela , on aperçoit sur les ailes repliées un trait blanc qui appartient au bord extérieur de quelques unes des grandes pennes : le bec est brun, ainsi que les pieds. Cet oiseau est plus petit que le merle; sa longueur est d'environ huit 1. Réuni à l'espèce précédente. 5o8 l'oranvert. pouces, son vol de onze et demi, sa queue de deux pouces deux tiers, et son bec de onze à douze lignes. Variété de l'Oranvcrt. Loranbleu. J ai dit que l'oranvert avoit beaucoup de rapports avec la femelle du plastron noir; mais il n'en a pas moins avec un autre oiseau représenté dans les planches enluminées, n*' 221, sous le nom de merle du cap de Boime-Espérance ^ et que j'appelle oranbleUj parce qu'il a tout le dessous du corps orangé, depuis la gorge jusqu'au bas-ventre inclusivement, et que le bleu domine sur la partie supérieure , de- puis la base du bec jusqu'au bout de la queue. Ce bleu est de deux teintes , et la plus foncée borde cha- que pkime, d'où résulte une variété douce, régu- lière, et de bon effet. Le bec et les pieds sont noirs, ainsi que les pennes des ailes; mais plusieurs des moyennes sont bordées de gris blanc. Enfin les pen- nes de la queue sont de toutes les plumes du corps celles dont la couleur paroît le plus uniforme. XI. LE MERLE BRUN DU GAP DE BO]\]NE-ESPÉRAI\GE '. Tardas hicolor. L. C'est une espèce nouvelle dont nous sommes rede- vables à M. Sonnerat ; elle est à peu près de la gros- 1. Il ne faut pas le confondre avec un autre merle brun du Gap, dont je parlerai bientôt sous le nom de brunet , et qui est beaucoup plus petit. lE MEULE BllUN DU CM' DE BONNE-ESPÉR. 7)0C) seur du merle; sa longueur totale est de dix pouces, et ses ailes s'étendent un peu au delà du milieu de la queue. Presque tout son plumage est d'un brun chan- geant , et jette des reflets d'un vert sombre ; le ventre et le croupion sont blancs. XII. LE BANIAHBOU DU BENGALE^. Tardas canoras. Gmel. Le plumage brun partout , mais plus foncé sur la partie supérieure du corps, plus clair sur la partie in- férieure , comme aussi sur le bord des couvertures et des pennes des ailes; le bec et les pieds jaunes; la queue étagée , longue d'environ trois pouces, et dé- passant les ailes repliées d'environ la moitié de sa longueur : voilà les principaux traits qui caractéri- sent cet oiseau étranger, dont la grosseur surpasse un peu celle de la grive. M. Linnaeus nous apprend, d'après les naturalistes suédois qui ont voyagé en Asie , que ce même oiseau se retrouve à la Chine : mais il paroît y avoir subi l'influence du climat ; car les baniahbous de ce pays sont gris par dessus, de couleur de rouille par des- sous, et ils ont un trait blanc de chaque côté de la tête. La dénomination d'oiseaux chanteurs que leur applique M. Linnaeus , sans doute sur de bons mé- moires, suppose que ces merles étrangers ont le ra- mai^e agréable. 1. Eu .'illemand, braungetber mistler; quelques uns l'oul nommé henialibou. miFPON. \xi. 20 JIO L OUROVANG. XIÎI. L'OUROVANG, ou MERLE CENDRÉ DE MADAGASCAR. Tardas Uravang. Gmel. La denomination.de 7ner/,e cendré donne ea général une idée fort juste de la couleur qui règne dans le plumage de cet oiseau ; mais il ne faut pas croire que cette couleur soit partout du même ton : elle est très foncée et presque noirâtre, avec une légère teinte de vert, sur les plumes longues, et étroites qui couvrent la tête; elle est moins foncée, mais sans mélange d'au- cune autre teinte, sur les pennes de la queue et des ailes, et sur les grandes couvertures de celles-ci; elle a un œil olive sur la partie supérieure du corps , les petites couvertures des ailes, le cou, la gorge, et la poitrine; enfin elle est plus claire sous le corps, et prend à l'endroit du bas-ventre une légère teinte de jaune. Ce merle , n° 667, fig. 2 , est à peu près de la gros- seur de notre mauvis; mais il a la queue un peu plus longue, les ailes un peu plus courtes, et les pieds beaucoup plus courts^; il a le bec jaune comme nos merles, marqué vers le bout d'une raie brune , et ac- compagné de quelques barbes autour de sa base ; la queue composée de douze pennes égales, et les pieds d'un brun clair. l. La longueur totale clc l'oiseau est de huit pouces et demi , son vol de douze, sa queue de trois et demi, son bec de douze lignes, et fon pied de huit ou neuf L II M E 11 LE DES C O L O M ÎM E R S. 3 I i LE MERLE DES COLOMBIERS. T ardus cvlumbinus. Gmel. Oq l'appelle aux Philippines Vétourneau des colom- biers ^ parce qu'il est familier par instinct, qu'il sem- ble rechercher l'homme, ou plutôt ses propres com- modités dans les habitations de l'homme, et qu'il vient nicher jusque dans les colombiers; mais il a plus de rapport avec notre merle ordinaire qu'avec notre étourneau , soit par la forme du bec et des pieds, soit par les proportions des ailes, qui ne vont qu'à la moitié de la queue , etc. Sa grosseur est à peu près celle du mauvis, et la couleur de son plumage est unie; mais il s'en faut bien qu'elle soit uniforme et monotone : c'est un vert changeant qui présente sans cesse des nuances différentes, et qui se multiplie par les reflets. Cette espèce est nouvelle, et nous en som- mes redevables à M. Sonnerat. On trouve aussi, dans sa collection , des individus venant du cap de Bonne- Espérance, lesquels appartiennent visiblement à la même espèce, mais qui en diffèrent en ce qu'ils ont le croupion blanc tant dessus que dessous, et qu'ils sont plus petits. Est-ce une variété de climat, ou seu- Jl'A LE MERI.E OLITE DU CAP DE BONNE-ESPER, XV. LE MERLE OLIVE DU GAP DE BONNE-ESPÉRANCE. Turdas oUvaceus. Gmel, Le dessus du corps de cet oiseau, compris tout ce qui paroît des pennes de la queue et des ailes lors- qu'elles sont en repos, est d'un brun olivâtre; la gorge est d'un brun fauve , moucheté de brun décidé ; le cou et la poitrine sont de la même couleur que la «orge , mais sans mouchetures ; tout le reste du des- sous du corps est d'un beau fauve ; enfin le bec est brun, ainsi que les pieds, et le côté intérieur des pennes des ailes et des pennes latérales de la queue. Ce merle est de la grosseur du mauvis; il a près de treize pouces de vol , et huit un quart de longueur totale; le bec a dix lignes, le pied quatorze; la queue, qui est composée de douze pennes égales, a trois pou- ces, et les ailes repliées ne vont qu'à la moitié de sa longueur. XVL LE MERLE A GORGE NOIRE DE SAiNT-DOMINGUE. T ardus ater. Gmel. L'espèce de pièce noire qui recouvre la gorge de cet oiseau s'étend d'une part jusque sous l'œi! , et même sur le petit espace qui est entre l'œil et le bec, et de l'autre elle descend sur le cou et jusque sur la poitrine; de plus, elle est bordée d'une large bande LE MERLE A GORGE NOTRE DE S^'-DOMINGTJE. 5 kI J'un roux plus ou moins rembruni , qui se prolonge sur les yeux et sur la partie antérieure du sommet de la tête : le reste de la tête, la face postérieure du cou, le dos, et les petites couvertures des ailes, sont d'un gris blanc, varié légèrement de quelques teintes plus brunes : les grandes couvertures des ailes sont , ainsi que les pennes, d'un brun noirâtre, bordé de gris clair, et séparées des petites couvertures par une ligne jaune olivâtre, appartenant à ces petites couvertures. Ce même jaune olivâtre règne sur le croupion et tout le dessous du corps; mais sous le corps il est varié par quelques taches noires assez grandes et clairsemées dans tout l'espace compris entre la pièce noire de la gorge et les jambes. La queue est du même gris que le dessus du corps, mais dans son milieu seulement, les pennes latérales étant bordées extérieurement de noirâtre; le bec et les pieds sont noirs. Cet oiseau, n° 669, qui n'avoit pas encore été dé- crit, est à peu près de la grosseur du mauvis; sa lon- gueur totale est d'environ sept pouces et demi, le bec d'un pouce, la queue de trois, et les ailes, qui sont fort courtes, ne vont guère qu'au quart de la longueur de la queue. XVII. LE MERLE DU CANADA. Tardas Novsboracensis, Lath.. Celui de tous nos merles dont semble approcher le plus l oiseau dont il s'agit ici c'est le merle de monta- gne, qui n'est qu'une variété du plastron blanc. Le merle du Canada est moins gros; mais ses ailes sont Jl/f LE MERLE DU CANADA. proportionnées de môme relativement à la queue , ne s'étendant pas dans leur repos au delà du milieu de s \ longueur; et les couleurs du plumage, qui ne sont pas fort différentes, sont à peu près distribuées de la mêoie manière; c'est toujours un fond rembruni, varié d'une couleur plus claire partout, excepté sur les pennes de la queue et des ailes, qui sont d'un brun noirâtre et uniforme. Les couvertures des ailes ont des reflets d'un vert foncé , mais brillant : toutes les autres plumes sont noirâtres et terminées de roux; ce qui, les détachant les unes des autres, produit une variété régulière, et fait que l'on peut compter le nom- bre des plumes par le nombre des marques rousses. XVIII. LE MERLE OLIVE DES INDES. Ttiidus Indicus. Gmel. Toute la partie supérieure de cet oiseau, compris les pennes de la queue, et ce qui paroît des pennes de l'aile, est d'un vert d'olive foncé; toute la partie inférieure est du même fond de couleur, mais d'une teinte plus claire et tirant sur le jaune : les barbes in- térieures des pennes de l'aile sont brunes, bordées en partie de jaunâtre ; le bec et les pieds sont presque noirs. Cet oiseau, n° 564, fig- i, est moins gros que le mauvis; sa longueur totale est de huit pouces, son vol de douze et demi , sa queue de trois et demi, son bec de treize lignes, son pied de neuf, et ses ailes dans leur repos vont à la moitié de la queue. ■ LE MERLE CENDRÉ DES INDES. v") 1 5 XIX. LE MERLE CENDRÉ DES INDES. Tardas cinereus. Gmel. ^ La couleur cendrée du dessus du corps est plus fon- cée que celle du dessous : les grandes couvertures et les pennes des ailes sont bordées de gris blanc en dehors; mais les pennes moyennes ont ce bord plus large, et de plus elles ont un autre bord de même couleur en dedans, depuis leur origine jusqu'aux deux tiers de leur longueur. Des douze pennes de la queue, les deux du milieu sont du môme cendré que le des- sus du corps; les deux suivantes sont en partie de la même couleur, mais leur côté intérieur est noir : les huit autres sont noires, comme le bec, les pieds, et les ongles; le bec est accompagné de quelques barbes noirâtres près des angles de son ouverture. Cet oiseau est plus petit que le mauvis; il a sept pouces trois quarts de longueur totale, douze pouces deux tiers de vol, la queue de troi* pouces, le bec de onze lignes, et le pied de dix. XX. LE MERLE BRUN DU SÉNÉGAL. Tardas Senegalensis. Gmel. Rien de plus uniforme et de plus commun que le plumage de cet oiseau, n° 563, fig. 2, mais aussi rien de plus facile à décrire : du gris brun sur la partie su- 5l6 LE MERLE BRUN DU SÉnÉGAL. përieure et sur l'antérieure, du blanc sale sur la partie inférieure, du brun sur les pennes des ailes et de la queue, comme sur le bec et les pieds ; voilà son si- gnalement fait en trois coups de crayon. Il n'égale pas le mauvis en grosseur; mais il a la queue plus longue it le bec plus court. Sa longueur totale, suivant M. Brisson, est de huit pouces, son vol de onze et demi, sa queue de trois et demi, son bec de neuf lignes, et son pied de onze; ajoutez à cela que les ailes dans leur repos ne vont qu'à la moitié de la queue, qai est composée de douze pennes égales, XXL LE TANAOMBÉ, ou MERLE DE MADAGASCAR. Tardas Madagascar lensis . Gmel. Je conserve à cet oiseau le nom qu'il a dans sa pa- trie, et il seroit à souhaiter que les voyageurs nous apportassent ainsi les vrais noms des oiseaux étran- gers; ce seroit le seul moyen de nous mettre en état d'employer avec succès toutes les observations faites sur chaque espèce, et de les appliquer sans erreur à leur véritable objet. Le tanaombé, n" 55;, fig. i, est un peu moins gros que le mauvis. Son plumage en général est très rem- bruni sur la tête, le cou, et tout le dessous du corps; mais les couvertures de la queue et des ailes ont une teinte de vert : la queue est vert doré, bordée de blanc, ainsi que les ailes, qui ont, outre cela, du violet changeant en vert à l'extrémité des grandes pen- lies; une couleur d'acier poli sur les pennes moyennes et les grandes couvertures, et une marque oblongue d'un beau jaune doré sur ces mêmes pennes moyen- nes; la poitrine d'un brun roux, le reste du dessous du corps blanc; le bec et les pieds sont noirs, et le tarse est fort court. La queue est un peu fourchue : les ailes dans leur repos ne vont qu'à la moitié de sa longueur; néanmoins ce merle a le vol plus étendu à proportion que le mauvis ^. Il est à remarquer que, dans un individu que j'ai eu occasion de voir, le bec étoit plus crochu vers la pointe qu'il ne paroît dans la figure enluminée , et qu'à cet égard le tanaombé semble se rapprocher du merle solitaire. XXII. LE MERLE DE MINDANAO. T ardus Mindanaoensis. Gmel. La couleur d'acier poli qui se trouve sur une partie des ailes du tanaombé est répandue dans le merle de cet article, n" 627, fig. 1, sur la tête, la gorge, le cou, la poitrine, et tout le dessus du corps jusqu'au bout de la queue : les ailes ont une bande blanche près du bord extérieur , et le reste du dessous du corps est blanc. La longueur totale de l'oiseau n'est que de sept pou- ces, et les ailes ne vont pas jusqu'à la moitié de la queue, qui est un peu étagée. C'est une espèce nou- velle apportée par M. Sonnerat. 1. Voici ses dimeHsions précises, d'après M. Brisson : longueur to- tale, sept pouces un tiers; vol, douze pouces un tiers; queue, deux, pouces deux tiers ; bec , onze lignes ; pied , neuf. 5l8 LE MERLE DE MINDANAO. M. Daiîbenton le jeune a observé un autre individu de la même espèce qui avoit les extrémités des lon- gues pennes des ailes et de la queue d'un vert foncé et changeant, et plusieurs taches de violet changeant sur le corps, mais principalement derrière la tête. C'est peut-être une femelle ou môme un jeune mâle. XXIII. LE MERLE VERT DE L'ILE-DE-FRANCE. Tardas Maiiritianus. Gmel. Le plumage de cet oiseau, n° 648, fig. 2, est de la plus grande uniformité; c'est partout à l'extérieur un vert bleuâtre rembruni, mais son bec et ses pieds sont cendrés. Il est au dessous du mauvis pour la grosseur : sa longueur totale est d'environ sept pou- ces, son vol de dix et demi, son bec de dix lignes, et ses ailes dans leur repos vont au tiers de sa queue, qui n'a que deux pouces et demi. Les plumes qui re- couvrent la tête et le cou sont longues et étroites. C'est une espèce nouvelle. XXIV. LE CASQUE NOIR, ou MERLE A TÊTE NOIRE DU CAP DE BOXNE-ESPÉRANGE. Tardas atricapitlus. Gmel. Quoique au premier coup d'œil le casque noir, n° 392 , ressemble par le plumage à l'espèce suivante. LE CASQUE NOIR. Oig qui est le brunet^ et surtout au merle à cul jaune du Séné gai j que je regarde comme une variété de cette même espèce; cependant, si l'on veut prendre la peine de comparer ces oiseaux en détail, on trouvera des différences assez marquées dans les couleurs, et de plus considérables encore dans les proportions des membres. Le casque noir est moins gros que le mau- vis : sa longueur totale est de neuf pouces, son vol de neuf et demi, sa queue de trois et deux tiers, son bec de treize lignes, et son pied de quatorze; d'où il suit qu'il a le vol moins étendu, et au contraire le bec, la queue, et les pieds proportionnellement plus longs que le brunet. Il a aussi la queue autrement faite, et composée de douze pennes étagées : chaque aile en a dix-neuf, dont les plus longues sont la cin- quième et la sixième. A l'égard du plumage , il lui ressemble par la couleur . brune de la partie supérieure du corps; mais il en diffère par la couleur du casque, qui est un noir brillant, par la couleur rousse du croupion et des couvertures supérieures de la queue, par la couleur roussâtre de la gorge et de tout le dessous du corps jusques et compris les couvertures inférieures de la queue, par la petite rayure brune des flancs, par la petite tache blanche qui paroît sur les ailes et qui appartient aux grandes pennes, par la couleur noirâtre des pennes de la queue, et enfin par la marque blanche qui termine les latérales, et qui est d'autant plus grande que la penne est plus extérieure. 020 LE lîRUNET DU CAP DE BONNE-ESPEUANCE. XXV. LE BRUNET DU GAP DE BOINISE-ESPÉRAAGE. Tardas Capensis. Gmel. La couleur dominante du plumage de cet oiseau est le brun foncé : elle règne sur la tête , le cou , tout le dessus du corps, la queue, et les ailes; elle s'é- claircit un peu sur la poitrine et les côtés; elle prend un œil jaunâtre sur le ventre et les jambes, et elle disparoît enfin sur les couvertures inférieures de la queue pour faire place à un beau jaune. Cette tache jaune fait d'autant plus d'effet, qu'elle tranche avec la couleur des pennes de la queue, lesquelles sont d'un brun encore plus foncé par dessous que par dessus. Le bec et les pieds sont tout-à-fait noirs. Ce merle n'est pas plus gros qu'une alouette : il a dix pouces et demi de vol; ses ailes ne vont guère qu'au tiers de la queue, qui a près de trois pouces de long, et qui est composée de douze pennes égales. Va7^iété du Brunet du Cap, L'oiseau représenté dans les planches enluminées, sous le nom de merle à queue jaune du Sénégal ^ , a beaucoup de rapport avec le brunet, seulement il est un peu plus gros, et il a la tête et la gorge noires : dans tout le reste, ce sont les mêmes couleurs, et à I. Le dessus du corps est moins jaunâtre et plus brun dans un in- dividu que j'ai observé, qu'il ne le paroît dans la planche 3 17. VARIÉTÉ DU BRUNET DU CAl». J'2l peu près les mêmes proportions; ce qui m'avoit fait croire d'abord que c'étoit une simple variété d'âge ou de sexe : mais ayant eu dans la suite occasion de remarquer que , parmi un grand nombre d'oiseaux envoyés par M. Soniierat, il s'en étoit trouvé plu- sieurs étiquetés merles du Cap ^ lesquels étoient par- faitement semblables au sujet décrit par M. Brisson, et pas un seul individu à tête et gorge noires, il me paroît plus vraisemblable que l'oiseau du n''3i7 re- présente une variété de climat. Le bec de cet oiseau est plus large à sa base et plus courbe que celui du merle ordinaire. XXVL LE MERLE BRUN DE LA JAMAÏQUE i. Tardas aarantius, Gmel, Le brun foncé règne en effet sur la tête, le dessus du corps , les ailes , et la queue de cet oiseau : un brun plus clair sur le devant de la poitrine et du cou, du blanc sale sur le ventre et le reste du dessous du corps. Ce qu'il y a de remarquable dans ce merle , c'est sa gorge blanche , son bec et ses pieds orangés. Il a les ouvertures des narines fort grandes. Sa lon- gueur totale est d'environ six pouces quatre lignes, son vol de neuf pouces quelques lignes, sa queue de deux pouces huit ou neuf lignes, son pied de deux pouces un quart, son bec de onze lignes, le tout ré- duction faite de la mesure angloise à la notre. On 1. En andois, tlivus/i. 322 LE MKllLE BllUN DE LA JAMAÏQUE. peut juger par ces dimensions qu'il est moins gros que notre mauvis. Il se tient ordinairement dans les bois en montagne, et passe pour un bon gibier. Tout ce que M. Sloane nous apprend de Tintérieur de cet oiseau, c'est que sa graisse est d'un jaune orangé. XXVII. LE MERLE A CRAVATE DE CAYENNE. Tardas cinnamomeas. Gmel. La cravate de ce merle est fort ample, et d'un beau noir bordé de blanc ; elle s'étend depuis la base du bec inférieur, et même depuis l'espace compris entre le bec supérieur et l'œil, jusque sur la partie moyenne de la poitrine, où la bordure blanche, qui s'élargit en cet endroit, est rayée transversalement de noir; elle couvre les côtés de la tête jusqu'aux yeux, et elle embrasse les trois quarts de la circon- férence du cou. Les petites et les grandes couvertures des ailes sont du même noir que la cravate : mais les petites sont terminées de blanc, ce qui produit des mouchetures de cette couleur; et les deux rangs de grandes couvertures sont terminés par une bordure fauve. Le reste du plumage est cannelle; mais le bec et les pieds sont noirs. Ce merle , n" 56o, fig. 2, est plus petit que notre mauvis, et il a la poinie du bec crochue comme les solitaires. Sa longueur totale est d'environ sept pouces, sa queue de deux et demi , son bec de onze lignes, et ses ailes, qui sont courtes, dépassent fort peu l'origine de la queue. Î.K AIERLE HUPPÉ DU CAP DE BONNE-ESPEU. 325 XXVIII. LE MERLE HUPPÉ DU GAP DE BOi\NE-ESPÉRANGE K Tardas Cafer. Gmel. La huppe de cet oiseau , n° 655 , fig. i , q est point une liuppe permanente ; mais ce sont des plumes plus longues et étroites, qui, dans les moments de tran- quillité, se couchent naturellement sur le sommet de la tête, et que l'oiseau hérisse quand il veut. La cou- leur de cette huppe , du reste de la tête et de la gorge, est d'un beau noir, avec des reflets violets; le devant du cou et la poitrine ont les mêmes reflets, sur un fond brun. Cette dernière couleur brune domine sur tout le dessous du corps, et s'étend sur le cou, sur les couvertures des ailes, sur une partie des pennes de la queue, et même sous le corps, où elle forme une espèce de large ceinture qui passe au dessus du ventre; mais, dans tous ces endroits, elle est égayée par une couleur blanchâtre, qui borne et dessine le contour de chaque plume à peu près comme dans le merle à plastron blanc. Celui de cet article a les cou- vertures inférieures de la queue rouges, les supérieures blanches, le bas-ventre de cette dernière couleur, enfin le bec et les pieds noirs. Les angles de l'ouver- ture du bec sont accompagnés de longues barbes noi- 1. Get oiseau a environ huit pouces de la pointe du bec jusqu'au bout de la queue , six et demi jusqu'au bout des ongles; la queue a li-ois pouces et demi, le bec douze lignes, le pied autant, le doigt clu milieu neuf lignes. 024 ^^ MERLE DAMBOINE. res dirigées en avant. Ce merle n'est guère plus gros que l'alouette huppée. Il a onze à douze pouces de vol ; ses ailes, dans leur situation de repos, ne s'éten- dent pas jusqu'à la moitié de la queue; leurs pennes les plus longues sont la quatrième et la cinquième, et la première est la plus courte de toutes. XXIX. LE MERLE D'AMBOINE. Tardas Amboinensis. Gmel. Je laisse cet oiseau parmi les merles, où M. Brissou l'a placé , sans être bien sûr qu'il appartienne à ce genre plutôt qu'à un autre. Seba , qui le premier nous l'a fait connoître, nous dit qu'on le met au rang des rossignols à cause de la beauté de son chant': non seulement il chante ses amours au printemps, mais i il relève alors sa longue et belle queue, et la ramène sur son dos d'une manière remarquable. Il a tout le « dessus du corps d'un brun rougeâtre , compris la queue et les ailes , excepté que celles-ci sont marquées d'une tache jaune ; tout le dessous du corps est de cette der- nière couleur , mais le dessous des pennes de la queue est doré. Ces pennes sont au nombre de douze , et régulièrement étagées. XXX. LE MERLE DE L'ILE DE BOURBON, Tardas Borbonicus. Gmel. La grosseur de ce petit oiseau est à peu près celle ' de l'alouette huppée : il a sept pouces trois quarts de LE ÎHERLE DE l'ÎLE DE BOJïlBON. 7)2^ longueur totale, et onze un tiers de vol; son bec a dix à onze lignes, son pied autant, et ses ailes dans leur repos ne vont pas jusqu'à la moitié de la queue, qui a trois pouces et demi, et fait par conséquent elle seule presque la moitié de la longueur totale de l'oiseau. Le sommet de la tête est recouvert d'une espèce de. calotte noire; tout le reste du dessus du corps, les petites couvertures des ailes, le cou en entier, et la poitrine, sont du cendré olivâtre; le reste du dessous du corps est d'un olivâtre tirant au jaune , à l'exception du milieu du ventre, qui est blanchâtre. Les grandes couvertures des ailes sont brunes ^ avec quelque mé- lange de roux; les pennes des ailes mi-parties de ces deux mêmes couleurs, de manière que le brun est en dedans et par dessous, et le roux en dehors. Il faut cependant excepter les trois pennes du milieu, qui sont entièrement brunes : celles de la queue sont brunes aussi , et traversées vers leur extrémité par deux bandes de deux bruns différents et fort peu ap- parentes, étant sur un fond brun. Le bec et les pieds sont jaunâtres. XXXI. LE MERLE DOMINICAIN DES PHILIPPINES. Tardas Donihiicanas. Gmel. La longueur des ailes est un des attributs les plus remarquables de cette nouvelle espèce : elles s'éten- dent dans leur repos presque jusqu'au bout de la queue. Leur couleur^ ainsi que celle du dessus du corps, BUFFON. XXr. 2 l 0 26 LE MERLE DOMINICAIN DES PHILIPPINES. est un fond brun, sur lequel on voit quelques taches irrë^uiières d'acier poli, oVi plutôt de violet chan- geaRt ^. Ce. fond brun prend un œil violet à l'orijjjine de la queue, et un œil verdâtre à son extrémité; il s'éclaircit du côté du cou, et devient blanchâtre sur la tète et sur toute la partie inférieure du corps. Le bec et les pieds sont d'un brun clair. Cet oiseau, n** 627, fig. 2, n'a guère que six pouces de longueur. C'est une nouvelle espèce dont on est redevable à M. Sonnerat. xxxri. LE MER'LE VERT DE LA CAROLINE 2. Muscicapa viridis. Latii, Catesby , qui a observé cet oiseau dans son pays natal nous apprend qu'il n'est guère plus gros qu'une alquette, qu'il en a à peu près la figure , qu'il est fort sauvage, qu'il se cache très bien, qu'il fréquente les bords des grandes rivières à deux ou trois cents milles de la mer, qu'il vole les pieds étendus en arrière comme font ceux de nos oiseaux qui ont la queue très courte , et qu'il a un ramage éclatant. Il y a appa- rence qu'il se nourrit de la graine dé solanum à fleur couleur de pourpre. Ce merle a tout le dessus du corps d'un vert obscur, l'œil presque entouré de blanc, la mâchoire inférieure 1. Ces iaclies vioIoUes, irrégulièrement semées sm' le dessus du corps, ont fait soupçonner à M. Daubenton le jeune que cet individu avoit été tué sur la fia de la mue, et avant que les vraies couleurs du plumage eussent pris consistance. 1. En an^lois, yellowbrcslcd chat ; eulatin, œnanthe Americana, etc. LE MERLE VERT DE LA CAROLINE. 3^7 bordée finement de ia môme couleur, la queue brune, le dessus du corps jaune , excepté le bas-ventre , qui est blanchâtre ; le bec et les pieds noirs. Les pennes des ailes ne dépassent pas de beaucoup l'origine de la queue. La longueur totale de l'oiseau est d'environ six pou- ces un quart, sa queue de trois, son pied de douze lignes , son bec de dix. XXXIII. LE TERAT-BOULAN; ou LE MERLE DES INDES. Tardas Orientalis. Gmel. Ce qui caractérise cette espèce c'est un bec, un pied, et des doigts plus courts à proportion que dans les autres merles, et une queue étagée, mais autre- ment que de coutume : les six pennes du milieu sont d'égale longueur, et ce sont proprement les trois pennes latérales de chaque côté qui sont étagées. Ce merle, n" 2y5, fig. 2 , a le dessus du corps, du cou, de la tête, et de la queue, noir, le croupion cendré , et les trois pennes latérales de chaque côté terminées de blanc. Cette même couleur blanche règne sur tout le dessus du corps et de la queue, sur le devant du cou, sur la gorge, et s'étend de part et d'autre jus- qu'au dessus des yeux ; mais il y a de chaque côté un petit trait noir qui part de la base du bec , semble passer par dessous l'œil, et reparoît au delà. Les grandes pennes de l'aile sont noirâtres , bordées de blanc du côté intérieur jusqu'à la moitié de leur lon'î^ueur; les 328 LE TERAT-BOULAN. pennes moyennes, ainsi que leurs grandes couvertures, sont aussi bordées de blanc, mais sur le côté exté- rieur dans toute sa longueur. Cet oiseau est un peu plus gros que l'alouette; il a dix pouces et demi de vol, et ses ailes étant dans leur repos s'étendent un peu au delà du milieu de la queue : sa longueur, mesurée de la pointe du bec jusqu'au bout de la queue , est de six pouces et demi, et, jusqu'au bout des ongles, de cinq et demi; la queue en a deux et demi , le bec huit lignes et demie * le pied neuf, et le doigt du milieu sept. XXXIV, LE SAUI-JALA, ou LE MERLE DORÉ DE MADAGASCAR. Tardas nigerrimus. Gmel. Cette espèce , qui appartient à l'ancien continent- ne s'écarte pas absolument de l'uniforme de nos mer- les; elle a le bec, les pieds, et les ongles noirâtres, une sorte de collier d'un beau velours noir qui passe sous la gorge et ne s'étend qu'un peu au delà des yeux; les pennes de la queue et des ailes, et les plu- mes du reste du corps, toujours noires, mais bordées de citron, comme elles sont bordées de gris dans le merle à plastron blanc, en sorte que le contour de chaque plume se dessine agréablement sur les plumes voisines qu'elle recouvre. Cet oiseau , n° 539, ^^§- ^' ^^^ à peu près de la gros- seur de l'alouette ; il a neuf pouces et demi de vol , et la queue plus courte que nos merles relativement à la LE SAUI-JALA. 02^ l-oiigueur totale de l'oiseau , qui est de cinq pouces trois quarts , et relativement à la longueur de ses ai- les, qui s'étendent presque aux deux tiers de la queue lorsqu'elles sont dans leur repos ; le bec a dix lignes ; la queue seize , le pied onze , et le doigt du milieu dix. XXXV. LE MERLE DE SURllNAM. Tardas Surinamus. Gmel. Nous retrouvons dans ce merle d'Amérique le même fond de couleur qui règne dans le plumage de notre merle ordinaire r il est presque partout d'un noir brillant; mais ce noir est égayé par d'autres couleurs : sur le sommet de la tête, par une plaque d'un faïUve jaunâtre; sur la poitrine, par deux marques de même couleur, mais d'une teinte plus claire; sur le croupion, par une tache de cette même teinte; sur les ailes, par une ligne blanche qui les borde de- puis leur origine jusqu'au pli du poignet ou de la troisième articulation; et enfin sous les ailes, par le blanc qui règne sur toutes leurs couvertures inférieu- res, en sorte qu'en volant, cet oiseau montre autant de blanc que de noir : ajoutez à cela que les [)ieds sont bruns, que le bec n'est que noirâtre, ainsi que les pennes de l'aile, et que toutes ces pennes, ex- cepté les deux premières et la dernière, sont d'un fauve jaunâtre à leur origine, mais du côté inférieur seulement. Le merle de Surinam n'est pas plus gros (ju'une alouette; sa longueur lota'^le est de six pouces et demi ^ 53o LE îHEKLE DE SURINAM. son vol de neuf et demi , sa quene de trois à peu près , son bec de huit lignes, et son pied de sept à huit; en- fin ses ailes dans leur repos vont au delà du milieu de la queue. XXXVI. LE PALMISTE, Tardas palmarum. GuEh. L'habitude qu'a cet oiseau, n*" 609, fig. 1 , de se tenir et de se nicher sur les palmiers, où sans doute il trouve la nourriture qui lui convient, lui a fait donner le nom de palmiste. Sa grosseur égale celle de l'alouette; sa longueur est de six pouces et demi, son vol de dix et un tiers , sa queue de deux et demi, et son bec de dix lignes. Ce qui se fait remarquer d'abord dans son plu- mage, c'est une espèce de large calotte noire qui lui descend de part et d'autre plus bas que les oreilles, et qui, de chaque côté, a trois marques blanches, l'une près du front, une autre au dessus de l'œil, et la troisième au dessous : le cou est cendré par der- rière dans tout ce c['n n'est pas recouvert par cette calotte noire; il est blanc par devant, ainsi que la gorge : la poitrine est cendrée, et le reste du dessous du corps gris blanc; le dessus du corps, compris les petites couvertures des ailes et les douze pennes de la queue, est d'un beau vert olive : ce qui paroît des pennes des ailes est à peu près de la même couleur, et le reste est brun ; ces pennes dans leur repos s'é- tendent un peu au delà du milieu de la queue : le bec et les pieds sont cendrés. LE PALMISTE. ÔÔl L'oiseau dont M. Brisson a fait une autre espèce de palmiste , ne diffère absolument du précédent que parce que sa calotte, au lieu d'être noire en entier, a une bande de cendré sur le sommet de la tête, et qu'il a un peu moins de blanc sous le corps; mais comme, à cela près, il a exactement les mêmes couleurs, que dans tout le reste il lui ressemble si parfaitement que la description de l'un peut convenir à l'autre sans y changer un mot, et qu'il vit dans le même pays, je ne puis m'empêcher de regarder ces deux individus comme appartenant à la même espèce, et je suis tenté de regarder le premier comme le mâle , et le second comme la femelle. xxxvïi. LE MERLE VIOLET A VENTRE BLANC DE JUIDA. Tardas leucogaster. Gmel. La dénomination de ce merle , n** 648 , fig. î , est une description presque complète de son plumage ; il faut ajouter seulement cju'il a les grandes pennes des ailes noirâtres , le bec de même couleur , et les pieds cendrés. A l'égard de ses dimensions, il est un peu moins gros qu'une alouette; sa longueur est d'envi- ron six pouces et demi , son vol de dix et demi , sa queue de seize lignes, son bec de huit, son pied de neuf; les ailes dans leur repos vont aux trois quarts de la queue. ÔÔ2 lE MERLE ROUX DE CAYENNE. XXXVIII. LE MERLE ROUX DE CAYENNE. Turdus iHififrons. Gmel. Il a la partie antérieure et les côtés de la tète, la gorge , tout le devant du cou, et le ventre, roux; le sommet de la tête et tout le dessus du corps, com- pris les couvertures supérieures de la queue et les pennes des ailes, bruns; les couvertures supérieures des ailes , noires , bordées d'un jaune vif, qui tranche avec la couleur du fond, et termine chaque rang de ces couvertures par une ligne ondoyante : les couver- tures inférieures de la queue sont blanches; la queue, le bec, et les pieds cendrés. Cet oiseau, n° 644 ^ ^S- i? ^^^ P^^^^ petit que l'a- jouette ; il ;i'a que six pouces et demi de longueur totale. Je n'ai pu mesurer son vol ; mais il ne doit pas être fort étendu , car les ailes dans leur repos ne vont pas au delà des couvertures de la queue. Le bec et le pied ont chacun onze ou douze lignes. XXXIX. LE PETIT MERLE BRUN A GORGE ROUSSE DE CAYENi\E. Avoir nommé xe petit oiseau, n° 644^ l^g- 2, c'est presque l'avoir décrit. J'ajoute , pour tout commen- taire , que la couleur rousse de la gorge s'étend sur le cou et sur la poitrine, que le bec est d'un jaune ver- dâtre. Ce merle est à peu près de la grosseur du char- LE PETIT 3IERLE BRUN A GORGE ROUSSE. ÔÔJ donneret; sa longueur totale n'est guère que de ciuq pouces , le bec de sept ou huit lignes , le pied de huit ou neuf, et les ailes repliées vont au moins à la moitié de la longu-eur de la queue , laquelle n'est en tout que de dix-huit lignes. XL. LE MERLE OLIVE DE SAINT-DOMINGUE^. Tardas Hlspanioiensis. Gmel. Ce petit oiseau a le dessus du corps olivâtre, et le dessous d'un gris mêlé confusément de cette même couleur d'olive, les barbes intérieures des pennes de la queue, des pennes des ailes, et des grandes cou- vertures de celles-ci, sont brunes, bordées de blanc ou de blanchâtre :.le bec et les pieds sont gris brun. Cet oiseau n'est guère pkis gros qu'une fauvette ; sa longueur iotale est de six pouces , son vol de huit trois quarts, sa queue de deux, son bec ele neuf li- gnes, son pied de même longueur; ses ailes dans leur repos vont pkis loin que la moitié de la queue; et celle-ci est composée de douze pennes égales. On doit regarder le merle olive de Cayenne ^ repré- senté dans les planches enluminées, n° 558, comme une variété de celui-ci, dont il ne diffère qu'en ce que le dessus du corps et d'un vert plus brun, et le dessous d'un gris plus clair; les pieds sont aussi plus noirâtres. Nota. Au moment où l'on finit d'imprimer cet arti- cle des merles , un illustre Anglois ( M. le chevalier 1. Cet oiseau est représenté dans les planches enluminées, u* 273, iig. i , sous le nom de merle de Saint-Domingue. 354 l'E MERLE OLIVE DE S^INT-DOMINGUE. Bruce), a la bonté de me communiquer les figures peintes d'après nature de plusieurs oiseaux d'Afrique, parmi lesquels sont quatre nouvelles espèces de merles. Je ne perds pas un instant pour donner au public la description de ces espèces nouvelles, et j'y joins ce que M. le chevalier Bruce a bien voulu m'ap- prendre de leurs habitudes, en attendant que des af- faires plus importantes permettent à ce célèbre voya- geur de publier le corps immense de ses belles observations sur toutes les parties des sciences et des arts. XLI. LE MERLE OLIVATRE DE BARBARIE. Tardas Tripolitanas. Latiiam. M. le chevalier Bruce a vu en Barbarie un merle plus gros que la draine , qui avoit tout le dessus du corps d'un jaune olivâtre; les petites couvertures des ailes de la même couleur, avec une teinte de brun ; les grandes couvertures et les pennes noires ; les pennes de la queue noirâtres', terminées de jaune, et toutes de longueur égale; le dessus du corps d'un blanc sale, le bec brun rougeâtre, les pieds courts et plombés. Les ailes dans leur état de repos n'alloient qu'à la moitié de la queue. Ce merle a beaucoup de rapport avec la grive bassette de Barbarie dont il a été question ci-devant^; mais il n'a point, comme elle, de griveîure sur la poitrine : et d'ailleurs on peut s'assurer, en comparant les descriptions, qu'il 1. Pa^e 255. J'aurois placé ce merle olivâtre h la suite de la grive hasselie, si je Teusse connu assez tôt. LE MEULE OLIVATRE DE BARBARIE. 355 en diffère assez pour que l'on doive regarder ces deux oiseaux comme appartenant à deux espèces distinctes. XLII. LE MOLOXITA, ou LA RELIGIEUSE D'ABYSSINIE. Tardas monacha. Gmel. Mon seulement cet oiseau a la figure et la grosseur du merle, mais il est , comme lui , un habitant des bois, et vit de baies et de fruits. Son instinct, ou peut-être son expérience, le porte à se tenir sur les arbres qui sont au bord des précipices , en sorte qu'il est difficile à tirer , et souvent plus difficile encore à trouver lors- qu'on l'a tué. Il est remarquable par un grand coqiie- luchon noir qui embrasse la tête et la gorge, et qui descend sur la poitrine en forme de pièce pointue. C'est sans doute à cause de ce coqueluchon qu'on lui a donné le nom de religieuse. 1! a tout le dessus du corps d'un jaune plus ou moins brun ; les couvertures des ailes et les pennes de la queue brunes bordées de jaune ; les pennes des ailes d'un noirâtre plus ou moins foncé , bordé de gris clair ou de blanc; tout le des- sous du corps et les jambes d'un jaune clair, les pieds cendrés, et le bec rougeâtre. XLIIL LE MERLE NOIR ET BLAINC D'ABYSSINJE. Tardas Mthiopicas. Gmel. Le noir règne sur toute la partie supérieure, depuis et compris le bec jusqu'au bout de la queue, à l'ex- 356 LE MERLE NOIR ET BLANC D ABYSSINIE. ception néanmoins des ailes, sur lesquelles on aper- çoit une bande transversale blanche qui tranche sur ce fond noir; le blanc règne sur la partie inférieure, et les pieds sont noirâtres. Cet oiseau est à peu près de la grosseur du mauvis, iliais d'une forme un peu plus arrondie; il a la queue ronde et carrée par le bout, et les ailes si courtes, qu'elles ne s'étendent guère au delà de l'origine de la queue : il chante à peu près comme le coucou, ou plutôt comme ces horloges de bois qui imitent le chant du coucou. 11 se tient dans les bois les plus épais, où il seroit souvent difficile de le découvrir s'il n'étoit décelé par son chant : ce qui peut faire douter qu'en se cachant si soigneusement dans les feuillages, il ait intention de se dérober au chasseur; car, avec une pareille in- tention, il se garderoit bien d'élever la voix : l'instinct, qui est toujours conséquent, lui eût appris que sou- vent ce n'est point assez de se cacher dans l'obscurité pour vivre heureux, mais qu'il faut encore savoir gar- der le silence. Cet oiseau vit de fruits et de baies , comme nos merles et nos grives. XLIV. LE MERLE BRUN D'ABYSSINIE. Tardas Abyssùucus. Gmel. Les anciens ont parlé d'un olivier d'Ethiopie qui ne porte jamais de fruit : le merle de cet article se nour- rit en partie de la fleiu' de cette espèce d'olivier; et s'il s'en tenoit là, on pourroit dire qu'il est du très petit nombre qui ne vit pas aux dépens d'autrui : mais LE MERLE BRUN DABYSSINIE. ÙÔ'J il aime aussi les raisins, et, dans la saison, il en mange beaucoup. Ce merle est à peu près de la gros-,, seur du mauvis : il a tout le dessus de la tête et du corps brun ; les couvertures des ailes de même cou- leur ; les pennes des ailes et de la queue d'un brun foncé, bordé d'un brun plus clair; la gorge d'un brun clair; tout le dessous du corps d'un jaune fauve, et les pieds noirs. LE GRISIN DE GAYENNE. Motacilla grisea, Gmel. Le sommet de la tête est noirâtre, la gorge noire, et ce noir s'étend depuis les yeux jusqu'au bas de la poitrine : les yeux sont surmontés par des espèces de sourcils blancs qui tranchent avec ces couleurs rem- brunies, et qui semblent tenir l'un à l'autre par une ligne blanche , laquelle borde la base du bec supé- rieur ; tout le dessus du corps est d'un gris cendré; la queue est plus foncée et terminée de blanc; ses couvertures inférieures sont de cette dernière cou- leur, ainsi que le bas-ventre; les couvertures des ailes sont noirâtres , et leur contour est exactement dessiné par une bordure blanche; les pennes des ailes sont bordées extérieurement de gris clair, et termi- nées de blanchâtre; le bec est noir, et les pieds cen- drés. Cet oiseau, n" 645, fig. i , le mâle, et fig. 2, lafe- 538 LE GRISIN DE CAYENNE. melle ^ n'est pas plus gros qu'une fauvette; sa lon- gueur est d'environ quatre pouces et demi, son bec de sept lignes , ses pieds de même ; et ses ailes dans leur repos vont à la moitié de la queue, qui est un peu étagée. La femelle du grison a le dessus du corps plus cen- dré que le mâle ; ce qui est noir dans celui-ci n'est en elle que noirâtre, et par cette raison, le bord des couvertures des ailes tranche moins avec le fond. LE VERDIN DE LA COCHÏNCHINE. Turdus Cocliinchinensis. Gmel. Le nom de cet oiseau, n*" 645, fig. 5, indique assez la couleur principale dominante de son plumage, qui est le vert ; ce vert est mêlé d'une teinte de bleu plus ou moins forte sur la queue, sur le bord extérieur des grandes pennes des ailes et sur les petites couver- tures qui avoisinent le dos : la gorge est d'un noir de velours, à l'exception de deux petites taches bleues qui se trouvent de part et d'autre à la base du bec in- férieur; le noir de la gorge s'étend derrière les coins de la bouche, et remonte sur le bec supérieur, où il occupe l'espace qui est entre sa base et l'œil, et par en bas il est environné d'une espèce de hausse-col jaune qui tombe sur la poitrine : le ventre est vert, le bec noir, et les pieds noirâtres. Cet oiseau est à peu près de la grosseur du chardonneret. Je n'ai pu mesurer LE VERDIN DE LA COCHINCHINE. oSg sa longueur totale , parce que les pennes de la queue n'avoient pas pris tout leur accroissement lorsque l'oiseau a été tué, et qu'on les voit encore engagées dans le tuyau : aussi ne dépassent-elles point l'extré- mité des ailes repliées. Le bec a environ dix lignes, et paroît formé sur le modèle de celui des merles; ses bords sont échancrés près de la pointe. Ce petit merle vient certainement de la Cochinclîine, car il s'est trouvé dans la même caisse que l'animal porte-musc envoyé en droiture de ce pays. L'AZURIN. Turdus cyanurus. Gmel. Cet oiseau, n" 555, n'est certainement pas un merle ; il n'en a ni le port, ni la physionomie, ni les proportions : cependant, comme il en a quelque chose dans la forme du bec , des pieds , etc. , on lui a donné le nom de merle de la Guuine j, en attendant que des voyageurs zélés pour le progrès de l'histoire naturelle nous instruisent de son vrai nom, et surtout de ses mœurs. A en juger par le peu qu'on en sait , c'est-à-dire par l'extérieur, je le placerois entre les geais et les merles. Trois larges bandes d'un beau noir velouté, sépa- rées par deux bandes plus étroites d'un jaune orangé, occupent en entier le dessus et les côtés de la tête 5Z[0 l'azurin. et du cou; la gorge est d'un jaune pur, la poitrine est décorée d'une grande plaque bleue : tout le reste du dessous du corps , compris les couvertures infé- rieures de la queue, est rayé transversalement de ces deux dernières couleurs , et le bleu règne seul sur les pennes de la queue , qui sont étagées. Le dessus du. corps, depuis la naissance du cou , et les couvertures des ailes les plus voisines, sont d'un brun rougeâtre; les couvertures les plus éloignées sont noires, ainsi que les pennes des ailes : mais quelques unes des pre- mières ont de plus une tache blanche, d'où résulte une bande de cette couleur dentelée profondément , el qui court presque parallèlement au bord de l'aile repliée. Le bec et les pieds sont bruns. Cet oiseau est un peu plus gros qu'un merle ; sa longueur totale est de huit pouces et demi, sa queue de deux et demi , son bec de douze lignes , et ses pieds de dix-huit. Les ailes dans leur repos vont presque à la moitié de la queue. 3!e<8« *s»^»o»»a<>^^»»»3o»^^»^»>8'^ft■«»»»^.»6.»9<>^<»»»?»^»-^ LE GOULIN\ Grcicula calva. L. Il y a au Cabinet du Roi deux individus de celte +,vspèce : tous deux ont !e dessus du corps d'un ;il ici. 7)l\S Ll G ou LIN. bec. M. Poivre nous apprend que cette peau nue , tantôt jaune , tantôt couleur de chair, qui environne les yeux, se peint d'un rouge décidé lorsque l'oiseau est en colère; ce qui doit encore avoir lieu, selon toute apparence , lorsqu'au printemps il est animé d'un sentiment aussi vif et plus doux. Je conserve à cet oiseau le nom de goulln^ sous lequel il est connu aux Philippines, parce qu'il s'éloigne beaucoup de l'espèce du merle, non seulement par la nudité d'une partie de la tête , mais encore par la forme et la gros- seur du bec. M. Sonnerat a rapporté des Philippines un oiseau chauve qui a beaucoup de rapport avec celui repré- senté dans les planches enluminées , n° 200, mais qui en diffère par sa grandeur et par son plumage. Il a près d'un pied de longueur totale. Les deux pièces de peau nue qui environnent ses yeux sont couleur de chair, et séparées sin^ le scmmet de la tête par une ligne de plumes noires qui court entre deux : toutes les autres plumes qui entourent cette peau nue sont pareille- ment d'un beau noir, ainsi que le dessous du corps, les ailes, et la queue. Le dessus du corps est gris : mais cette couleur est plus claire sur le croupion et le cou , phis foncée sur le dos et les flancs. Le bec est noirâtre, les ailes sont très courtes, et excédent à peine l'origine de la queue. Si les deux merles chau- ves qui sont au Cabinet du Roi appartiennent à la même espèce, il faut regarderie plus grand comme un jeune individu qui n'avoit pas encore pris son entier accroissement ni ses véritables couleurs, et le plus petit comme un individu encore plus jeune. Ces oiseaux nichent ordinairement dans des trous LE GOULIN. o/jC) d'arbre, surtout de l'arbre qui porte les cocos: ils vivent de fruits et sont très voraces; ce qui a donné lie 1 à l'opinion vulgaire, qu'ils n'ont qu'un seul in- testin, lequel s'étend en droite ligne de l'orifice de l'estomac jusqu'à l'anus, et par où la nourriture ne fait que passer. LE MARTIN. Paradisea trlstis. Gmel. Cet oiseau, n° 219, est un destructeur d'insectes, et d'autant plus grand destructeur qu'il est d'un ap- pétit très glouton; il donne la chasse aux mouches, aux papillons, aux scarabées; il va, comme nos cor- neilles et nos pies, chercher dans le poil des che- vaux, des bœufs et des cochons, la vermine qui les tourmente quelquefois jusqu'à leur causer la maigreur et la mort. Ces animaux, qui se trouvent soulagés, souffrent volontiers leurs libérateurs sur leur dos, et souvent au nombre de dix ou douze à la fois : mais il ne faut pas qu'ils aient le cuir entamé par quelque plaie; car les martins , qui s'accommodent de tout, becqueteroien t la chair vive , et leur feroient beaucoup plus de mal que toute la vermine dont ils les débar- rassent. Ce sont, à vrai dire, des oiseaux carnassiers, mais qui, sachant mesurer leurs forces, ne veulent qu'une proie facile, n'attaquent de front que des ani- maux petits et foibles. On a vu un de ces oiseaux, qui 5bO LE MARTÏN. étoit encore jeune, saisir un rat long de plus de deux pouces, non compris la queue, le battre sans relâche contre le plancher de sa cage, lui briser les os, et réduire tous ses membres à l'état de souplesse et de flexibilité qui convenoit à ses vues, puis le prendre par ia tête et l'avaler presque en un instant; il en fut quitte pour une espèce d'indigestion qui ne dura qu'un quart d'heure , pendant lequel il eut les ailes traînantes et l'air souflrant : mais ce mauvais quart d'Iieurc passé, il couroit par la maison avec sa gaieté ordinaire ; et environ une heure après, ayant trouvé un autre rat, il l'avala comme le premier, avec aussi peu d'inconvénient. Les sauterelles sont encore une des proies favori- tes du martin ; il en détruit beaucoup, et par là il est devenu un oiseau précieux pour les pays affligés de ce fléau , et il a mérité que son histoire se liât à celle de l'homme. Il se trouve dans l'Inde et les Philippi- nes, et probablement dans les contrées intermédiaires; mais il a été long-temps étranger à l'île de Bourbon. Il n'y a guère plus de vingt ans que M. Desforges- Boucher, gouverneur-général, et M. Poivre , inten- dant, voyant cette île désolée par les sauterelles ^ , songèrent à faire sérieusement la guerre à ces in- sectes, et pour celi ils tirèrent des Indes quelques paires de martins, dans l'intention de les multiplier et de les opposer comme auxiliaires à leurs redouta- bles ennemis. Ce plan eut d'abord un commencement 1. Ces sauterelles avoienl élé appoilées de Madagascar, et ToJci comment : ou avoit fait venir de cette ile des plants dans de la terre, el il s "éloit trouve mallieureusemenl dans ceUe terre des œufs de sau- lerelles. LE M A a TIN. /);^! de succès, et l'on s'en promeltoit les plus grands avantages, lorsque, des colons ayant vu ces oiseaux fouiller avec avidité dans des terres nouvellement ensemencées, s'imaginèrent qu'ils en vouloient an grain; ils prirent aussitôt l'alarme, la répandirent dans toute l'ile, et dénoncèrent le martin comme un animal nuisible : on lui fit son procès dans les formes; ses défenseurs soutinrent que s'il fouilloit la terre fraîchement remuée, c'étoit pour y chercher non le grain, mais les insectes ennemis du grain, en quoi il se rendoit le bienfaiteur des colons ; malgré tout cela, il fut proscrit par le conseil, et, deux heures après l'arrêt qui les condanmoit, il n'en restoit pas une seule paire dans l'ile, cette prompte exécution fut suivie d'un prompt repentir, les sauterelles, s'étaut multipliées sans obstacle , causèrent de nouveaux dé- gâts, et le peuple , qui ne voit jamais que le présent, se mit à regretter les martins comme la seule digue qu'on pût opposer au fléau des sauterelles. M. de Morave se prêtant aux idées du peuple, fit venir ou apporta quatre de ces oiseaux, huit ans après leur proscription : ceux-ci furent reçus avec des transports de joie, on fit une affaire d'état de leur conservation et de leur multiplication : on les mit sous la protec- tion des lois, et même sous une sauvegarde encore plus sacrée; les médecins, de leur côté, décidèrent que leur chair étoit une nourriture malsaine. Tant de moyens si puissants, si bien combinés, ne furent pas sans effet; les martins, depuis celte époque, se sont prodigieusement multipliés et ont entièrejuent détruit les sauterelles: mais de cette destruction même il est résulté un nouvel inconvénient; car ce fonds de sn!>- 552 r.E MARTIN. sistaiice leur ayant manqué tout d'un coup, et le nombre des oiseaux augmentant toujours, ils ont été contraints de se jeter sur les fruits, principalement sur les mûres, les raisins, et les dattes: ils en sont venus même à déplanter les blés, le riz, le maïs, les fèves, et à pénétrer jusque dans les colombiers pour y tuer les jeunes pigeons et en faire leur proie ; de sorte qu'après avoir délivré ces colonies des ravages des sauterelles, ils sont devenus eux-mêmes un fléau plus redoutable^ et plus difficile à extirper , si ce n est peut-être par la multiplication d'oiseaux de proie plus forts : mais ce remède auroit, à coup sûr, d'autres inconvénients. Le grand secret seroit d'entretenir un nombre suffisant de martins pour servir au besoin contre les insectes nuisibles , et de se rendre maître jusqu'à un certain point de leur multiplication; peut- être aussi qu'en étudiant l'histoire des sauterelles, leurs mœurs, leurs habitudes, etc. , on trouveroit le moyen de s'en défaire sans avoir recours à ces auxi- liaires de trop grande dépense. Ces oiseaux ne sont pas fort peureux, et les coups de fusil les écartent à peine. Ils adoptent ordinaire- ment certains arbres, ou même certaines allées d'ar- bres, souvent fort voisines des habitations, pour y passer la nuit; et ils y tombent le soir par nuées si prodigieuses, que les branches en sont entièrement couvertes, et qu'on n'en voit plus les feuilles. Lors- qu'ils sont ainsi rassemblés , ils commencent par ba- 1. Ils se rendent encore nuisibles en détruisant des insectes utiles, telle que la demoiselle, dont la larve, connue sous le nom de petit Lion, fait une guerre continuelle aux puceron* cotonneux, qui cau- sent tant de dommages aux cafiers. LE MARTIN. CiiSj biller tous à la fois et d'une manière très incommode pour les voisins. Ils ont cependant un ramage naturel fort agréable, très varie et très étendu. Le matin ils se dispersent dans les campagnes, tantôt par petits pelotons, tantôt par paires, suivant la saison. Ils font deux pontes consécutives chaque année , la première vers le milieu du printemps; et ces pon- tes réussissent ordinairement fort bien, pourvu que la saison ne soit pas pluvieuse. Leurs nids sont de construction grossière , et ils ne prennent aucune précaution pour empêcher la pluie d'y pénétrer; ils les attachent dans les aisselles des feuilles du palmier- latanier ou d'autres arbres : ils les font quelquefois dans les greniers, c'est-à-dire toutes les fois qu'ils le peuvent. Les femelles pondent ordinairement quatre oeufs à chaque couvée, et les couvent pendant le temps ordinaire. Ces oiseaux sont fort attachés à leurs petits : si l'on entreprend de les leur enlever, ils volti- gent çà et là en faisant entendre une espèce de croassement qui est chez eux le cri de la colère, puis fondent sur leur ravisseur à coups de bec ; et si leurs efforts sont inutiles, ils ne se rebutent point pour cela, mais ils suivent de l'œil leur géniture, et, si on la place sur une fenêtre ou dans quelque lieu ouvert qui donne un libre accès aux père et mère, ils se chargent l'un et l'autre de lui apporter à manger, sans que la vue de l'homme ni aucune inquiétude pour eux-mêmes, ou, si l'on veut, aucun intérêt person- nel , puisse les détourner de cette intéressante fonc- tion. Les jeunes martins s'apprivoisent fort vite ; ils ap- prennent facilement à parler : tenus dans une basse- vJ5/| Li: M AUX IN. cour, ils contrefonl d'eux-mêmes les cris de tous les animaux domestiques, poules, coqs, oies, petits chiens, moutons, etc. ; et ils accompagnent leur babil de certains accents et de certains gestes qui sont remplis de gentillesse. Ces oiseaux sont un peu plus gros que les merles : ils ont le bec et les pieds jaunes comme eux, mais plus longs, et la queue plus courte, la tête et le cou noirâtres; derrière l'œil une peau nue et rougeâtre, de forme triangulaire ; le bas de la poitrine et tout le dessus du corps, compris les couvertures des ailes et de la queue , d'un brun marron ; le ventre blanc ; les douze pennes de la queue et les pennes moyennes des ailes brunes, les grandes noirâtres depuis leur extré- mité jusqu'au milieu de leur longueur, et de là blan- ches jusqu'à leur origine , ce qui produit une tache oblongue de cette couleur près du bord de chaque aile lorsqu'elle est pliée : les ailes ainsi pliées s'éten- dent aux deux tiers de la queue. On a peine à distinguer la femelle du mâle par au- cun attribut extérieur^. 1 . Les principaux faits de l'iiistoire de cet oiseau sont dus à M. Son- nerat et à M. de La INux, correspondants du Cabinet d histoire natu- relle. LK JASELR. 555 LE JASEURS Ampeiis Garratus. L. L'attribut caractéristique qui distingue cet oiseau, n** 261 , de tout autre, ce sont de petites appendices rouges qui terminent plusieurs des pennes moyennes de ses ailes. Ces appendices ne sont autre chose qu'un prolongement de la côte au delà des barbes, lequel prolongement s'aplatit en s'élargissant en forme de petite palette, et prend une couleur rouge. On compte quelquefois jusqu'à huit pennes de chaque côté, les- quelles ont de ces appendices. Quelques uns ont dit que les mâles en avoient sept, et les femelles cinq*, d'autres, que les femelles n'en avoient point du tout. Pour moi, j'ai observé des individus qui en avoient i. En allemand, zinzeretUi, Boehmer, Boei/imle, Boe/imische dros- tel , liauben drostel, pest-vogeL, kriegevogei, wipstertz, seide-schwantz , S'chneclesche, schnce-vogel; en italien, beccofrisone , galletto del bosco, ucceLio del mondo nuovo; en anglois , Bohemian cliatterer, Bohemianjay, kilecail. On trouve dans la liste qu'a donnée M. Brisson des synonymes du jaseur, le xomotl de Seba, bien différent du xomotl de l^^crnandès, qui, à ia vérité , est liuppé, mais qui a le dos et les ailes noires, et la poitrine brune ; qui, déplus, est palmipède, etdont les Mexicains emploient les plumes pour eu former ces singuliers tissus qui font partie de leur luxe sauvage. Or le xomotl de Seba est presque aussi différent du jaseur de Bohème , au moins quant aux couleurs du plumage, que du xomotl de Fernandès ; car il a la tête rouge , du rouge sur le dos et la poitrine, du rouge sur la queue , du rouge sur les ailes, et le bec jaliue. 556 LE JASEIK. sept à lune des ailes et cinq à l'autre , quelques uns qui n'en avcient que trois , et d'autres qui n'en avoient pas une seule, et qui avoient encore d'autres diffé- rences de plumage ; enfin j'ai remarqué que ces appen- dices se partagent quelquefois longîtudinalement en deux branches à peu près égales, au lieu déformer de petites palettes d'une seule pièce comme à l'or- dinaire. C^est avec grande raison que M. Linnaeus a séparé cet oiseau des grives et des merles, ayant très bien remarqué qu'indépendamment des petites appendices rouges qui le distinguent, il étoit modelé sur des pro- portions différentes, qu'il avoit le bec plus court, plus crochu , armé d'une double dent ou échancrure, qui se trouve près de sa pointe dans la pièce infé- rieure comme dans la supérieure , etc. ^. Mais il est difficile de comprendre comment il a pu l'associer avec les pies-grièches, en avouant qu'il se nourrit de baies, et qu'il n'estpoint oiseau carnassier. A la vérité, il a plusieurs traits de conformité avec les pies-griè^ cbes et les écorcheurs, soit dans la distribution des couleurs , principalement de celles de la tête , soit dans la forme du bec, etc. ; mais la différence de l'instinct, qui est la plus réelle, n'en est que mieux prouvée, puisque , avec tant de rapports extérieurs et de moyens semblables, le jaseur se nourrit et se conduit si diffé- remment. Ce n est pas chose aisée de déterminer le climat 1 . Le docteur Lister prétend avoir observé , dans un de ces oiseaux, que les bords du bec supérieur u'étoient point échancrés près de la pointe; ce qui ne pourroit être regardé que comme une singularité individuelle très rare. Mais ccUe observation , vraie ou fausse , a cov* LE JASEUR. 557 propre de cet oiseau : on se tromperoit fort si, d'après les noms de geai de Bohème^ de jaseu?^ de Bo/mne^ d'oi- seau de Bohème,, que Gesner, M. Brisson, et plusieurs autres, lui ont donnés, on se^persuadoit que la Bohème fût son pays natal, ou même son principal domicile; il ne fait qu'y passer, comme dans beaucoup d'autres con- trées ^. En Autriche, on croit que c'est un oiseau de Bohème et de Styrie, parce qu'on le voit en effet ve- nir de ces côtés là; mais en Bohème on seroit tout aussi fondé à le regarder comme un oiseau de la Saxe, et en Saxe comme un oiseau du Danemarck ou des autres pays que baigne lamerBaltique. Les commer- çants anglois assurèrent au docteur Lister, il y a près de cent ans, que les jaseurs étoient fort communs dans la Prusse. Rzaczynski nous apprend qu'ils pas- sent dans fa grande et petite Pologne et dans la Li- tbuanie. On a mandé de Dresde à M. de Réaumur, qu'ils nichoient dans les environs de Pétersbourg. M. Linnaeus a avancé, apparemment sur de bons mé- nioires, qu'ils passent l'été et par conséquent font leur ponte dans les pays qui sont au delà de la Suède; mais ses correspondants ne lui ont appris aucun dé- tail sur celte ponte et ses circonstances. Enfin M. de Strahlenberg a dit à Frisch qu'il en avoit trouvé en Tartarie dans des trous de rocher; c'est sans doute dans ces trous qu'ils font leurs nids. Au reste, quel que soit le domicile de choix des jaseurs, je veux dire celui où, rencontrant une température convenable, rigé le docteur Lister d'une erreur où il étoit tombé d'abord, eu asso- ciant, comme a fait M. Linnœus, le jaseur aux pie.s-grièclie«. 1. Friscli assure, d'après les habitants du pays, que les jaseurs ne nichent point dans la Ijohème , et qu'ils viennent de plus loin. liUFFOA. xxr. 23 558^ LE JASEUR. une nourriture abondante et facile, et toutes les coni- modités relatives à leur façon de vivre , ils jouissent de l'existence, et se sententpressés de la transmettre à une nouvelle génération, toujours est-il vrai qu'ils ne sont rien moins que sédentaires, et qu'ils font des excur- sions dans toute l'Europe. Ils se montrent quelque- fois au nord de l'Angleterre , en France, en Italie, et sans doute en Espagne : mais, sur ce dernier article, nous en sommes réduits aux simples conjectures ; car il faut avouer que l'histoire naturelle de ce beau royaume, si riche, si voisin de nous, habité par une nation si renommée à tant d'autres égards, ne nous est guère plus connue que celle de la Californie et du Japon ^, Les migrations des jaseurs sont assez régulières dans chaque pays, quant à la saison; mais s'ils voya- gent tous les ans, comme Aldrovande l'avôit ouï dire, il s'en faut bien qu'ils tiennent constamment la môme route. Le jeune prince Adam d'Aversperg, chambel- lan de leurs majestés impériales, l'un des seigneurs de Bohème qui a les plus belles chasses, et qui en fait le plus noble usage, puisqu'il les fait contribuer aux progrès de l'histoire naturelle, nous apprend, dans un mémoire adressé à M. de Buffon -, que cet oiseau passe tous les trois ou quatre ans ^ des monta- gnes de Bohème et de Styrie dans l'Autriche au com- mencemenl de l'automne, qu'il s'en retourne sur la i. Il paroît que Gcsner uavoit point vu le Jaseur, et il dit qu'il est rare presque partout : d'où Ton peul conclure qu'il est rare , au moins en Suisse. 9. Ce prince a accompagné son Mémoire d'un jaseur empaillé, quil conservoit dans sa collection, et dont il a fait présent au Cabinet du i;oi. 5. D'autres disent tous les cinq ans, d'autres tous les sept ans. LE JASEUR. 55() fin de cette saison, et que, même en Bohème, on n'en voit pas un seul pendant l'hiver : cependant on dit qu'en Silésie c'est en hiver qu'il se trouve de ces oi- seaux sur les montagnes. Ceux qui se sont égarés en France et en Angleterre y ont paru dans le fort de l'hiver, et toujours en petit nombre ^; ce qui donne- roit lieu de croire que ce n'étoit en effet que des éga- rés qui a voient été séparés du gros de la troupe par quelque accident, et qui étoient ou trop fatigués pour rejoindre leur camarades, ou trop jeunes pour re- trouver leur chemin. On pourroit encore inférer de ces faits, que la France et l'Angleterre, de même que la Suisse, ne sont jamais sur la route que suivent les colonnes principales: maison n'en peut pas dire autant de l'Italie; car on a vu plusieurs fois ces oiseaux y ar- river en très grand nombre, notamment en l'année 1571, au mois de décembre ; il n'étoit pas rare d'y en voir des volées de cent et plus, et on en prenoit sou- vent jusqu'à quarante à la fois. La même chose avoit eu lieu au mois de février i53o ^, dans le temps que Charles-Quint se faisoit couronner à Bologne; car, dans les pays où ces oiseaux ne se montrent que de 1. Les deux dont paiie le docteur Lister furent tués jjrès d'York , sur la fin de janvier ; les quatre dont parle Salerne lurent trouvés dans un colombier de la Beauce , au fort de l'hiver. On avoit dit à Gesner c[ue cet oiseau ne paroissoit que rarement, et presque toujours en temps d*hiver-(page 620); mais, dans le langage ordinaire, ie mol hiver peut bien signifier la fia de l'automne , qui est souvent la saison des frimas. 2. Gomme l'Italie est un pays plus chaud que l'/Ulemagne, ils peu- vent s'y trouver encore plus tard , et je ne doute pas que dans des pays plus septentrionaux ils ne restassent une grande partie de l'hivir dans les années où cette saison ne seroit pas rigoureuse. 56o LE JASEUR. Join en loin, leurs apparitions font époque dans l'his- toire politique, et d'autant plus que, lorsqu'elles sont très nombreuses, elles passent, on ne sait trop pour- quoi, dans l'esprit des peuples pour annoncer la peste, la guerre , ou d'autres malheurs : cependant il faut excepter de ces malheurs au moins les tremblements de terre; car, dans l'apparition de i55i , on remarqua que les jaseurs, qui se répandirent dans le Modénois, le Plaisantin, et presque dans toutes les parties de ritalie ^ , évitèrent constamment d'entrer dans le Fer- rarois , comme s'ils eussent pressenti le tremblement de terre qui s'y fit peu de temps après, et qui mit en fuite les oiseaux même du pays. On ne sait pas précisément quelle est la cause qui les détermine à quitter ainsi leur résidence ordinaire pour voyager au loin ; ce ne sont pas les grands froids, puisqu'ils se mettent en marche dès le commence- ment de l'automne, comme nous l'avons vu, et que d'ailleurs ils ne voyagent que tous les trois ou quatre ans, ou môme que tous les six ou sept ans, et quel- quefois en si grand nombre, que le soleil en est ob- scurci : seroit-ce une excessive multiplication qui produiroit ces migrations prodigieuses, ces sortes de débordements, comme il arrive dans l'espèce des sau- terelles, dans celle de ces rats du nord appelés le- mingSj et comme il est arrivé même à l'espèce hu- maine dans les temps où elle étoit moins civilisée, par conséquent plus forte , plus indépendante de l'équi- i. Voyez Aldrovandl ornithologia , tome I, page 800. Il est vrai que cet auteur ne parle , à l'eudroit cité , que du Plaisantin et du iModénoi^; mais il avoit dit plus haut qu'on lui avoit envoyé des jaseurs, sous dif- férents noms, de presque tous les cantons d'Italie (page 796 ). LE JASEUR. 7)6l libre qui s'établit à la longue entre toutes les puissan- ces de la nature? ou bien les jaseurs seroient-ils chassés de temps en temps de leurs demeures par des disettes locales, qui les forcent d'aller chercher ailleurs une nourriture qu'ils ne trouvent point chez eux? On pré- tend que , lorsqu'ils s'en retournent , ils vont fort loin dans les pays septentrionaux, et cela est confirmé par le témoigna,2;e de M. le comte de Strahlenberg, qui, comme nous l'avons dit plus haut, en a vu dans la Tartarie. La nourriture qui plaît le plus à cet oiseau, lors- qu'il se trouve dans un pays de vignes, ce sont les raisins; d'où Aldrovande a pris occasion de lui donner le nom à'ampeUs^ qu'on peut rendre en françois par celui de vlnette. Après les raisins, il préfère, dit-on, les baies de troène, ensuite celles de rosier sauvage, de genièvre, de laurier, les pignons, les amandes, les pommes , les sorbes, les groseilles sauvages , les figues, et en général tous les fruits fondants et qui abondent en suc. Celui qu'Aldrovande a uourri pendant près de trois mois ne mangeoit des baies de lierre et de la chair crue qu'à toute extrémité, et il n'a jamais tou- ché aux grains; il buvoit souvent, et à huit ou dix reprises à chaque fois. On donnoit à celui qu'on a ta- ché d'élever dans la ménagerie de Vienne de la mie de pain blanc , des carottes hachées , du chènevis con- cassé , et des grains de genièvre, pour lequel il mon- troit un appétit de préférence; mais, malgré tous les soins qu'on a pris pour le conserver, il n'a vécu que cinq ou six jours. Ce n'est pas que le jaseur soit diffi- cile à apprivoiser, et qu'il ne se façonne en peu de ieîJips à l'esclavage; mais un oiseau accoutumé à la 562 LE JASEIJR. liberté, et par conséquent à pourvoir lui-même à tous ses besoins, trouvera toujours mieux ce qui lui con- vient en pleine campagne que dans la volière la mieux administrée. M. de Réaumur a observé que les jaseurs aiment la propreté, et que ceux qu'on tient dans les volière§ font constamment leurs ordures dans un même endroit. Ces oiseaux sont d'un caractère tout-à-fait social; ils vont ordinairement par grandes troupes, et quel- quefois ils forment des volées innombrables : mais, outre ce goût général qu'ils ont pour la société, ils paroissent capables entre eux d'un attachement de choix, et d'un sentiment particulier de bienveillance, indépendant même de l'attrait réciproque des sexes; car non seulement le mâle et la femelle se caressent mutuellement et se donnent tour à tour à mander, mais on a observé les mêmes marques de bonne in- telligence et d'amitié de mfile à mâle comme de fe- melle à femelle. Cette disposition à aimer, qui est une qualité si agréable pour les autres, est souvent sujette à de grands inconvénients pour celui qui en est doué; elle suppose toujours en lui plus de douceur que d'ac- tivité, plus de confiance que de discernement, plus de simplicité que de prudence, plus de sensibilité que d'énergie , et le précipite dans les pièges que des êtres moins aimants, et plus dominés par l'intérêt personnel, multiplient sous ses pas : aussi ces oiseaux passent-ils pour être des plus stupides, et ils sont de ceux que l'on prend en plus grand nombre. On les prend or- dinairement avec les grives, qui passent en même temps, et leur chair est à peu près de même goiit^; 1. Gesncr nous dit que c'est un gibier ilélicat, qu'on sert sur les L£ JASEUR. " 363 ce qui est assez naturel , vu qu'ils vivent à peu près des mêmes choses. J'ajoute qu'on en tue beaucoup à la fois, parce qu'ils se posent fort près les uns des autres. Ils ont coutume de faire entendre leur cri lorsqu'ils partent; ce cri est zij zlj ri : selon Frisch et tous ceux qui les ont vus vivants, c'est plutôt un gazouille- ment qu'un chant; et le nom dejaseurs qui leur a été donné indique assez que, dans les lieux où on les a nommes ainsi, on ne leur connoissoit ni le talent de chanter, ni celui de parler, qu'ont les merles; car jaser n'est ni chanter ni parler. M. de llèaumur va même jusqu'à leur disputer le titre dejaseurs. Néan- moins le prince d'Aversperg dit que leur chant est très agréable. Gela se peut concilier : il est très pos- sible que le jaseur aitun chant agréable dans le temps de l'amour, qu'il le fasse entendre dans les pays où il perpétue son espèce ; que partout ailleurs il ne fasse que gazouiller et que jaser, îors même qu'il est en liberté; enfin que, dans les cages étroites, il ne dise rien du tout. Son plumage est agréable dans l'état de repos : mais , pour en avoir une idée complète , il faut le voir lors- que l'oiseau déploie ses ailes, épanouit sa queue , et relève sa huppe, en un mot lorsqu'il étale toutes ses beautés; c'est-à-dire qu'il faut le voir voler, mais le voir d'un peu près. Ses yeux, qui sc^iïtd'un beau rouge, brillent d'un éclat singulier au milieu de la Itande meilleures tables , et dont le foie est fort estimé. \.v prince d'Aversperg assure que la chair du jaseur est d'un goût préférable à celle de la f'rive et du merle ; et d'autre côté, Scliwenckfeld avance que c'est un manger médiocre et peu sain : tout cela dépend beaucoup tle la cpia- lilé des choses dont l'oiseau s\sl nourri. 364 ^^ JASEUU. noire sur laquelle ils sont placés ; ce noir s'étend sous la gorge et tout autour du bec : la couleur vineuse plus ou moins foncée de la tête, du cou , du dos, et de la poitrine, et la couleur cendrée du croupion, sont entourées d'un cadre émaillé de blanc, de jaune, et de rouge , formé par les différentes taclies des ailes et de la queue; celle-ci est cendrée à son origine, noirâtre dans sa partie moyenne, et jaune à son ex- trémité : les pennes des ailes sont noirâtres, les troi- sième et quatrième marquées de blanc vers la pointe, les cinq suivantes marquées de jaune, toutes les moyen- nes de blanc, et la plupart de celles-ci terminées par ces lames plates de couleur rouge dont j'ai parlé au commencement de cet article. Le bec et les pieds sont noirs, et plus courts à proportion que dans le merle. La longueur tolale de l'oiseau est, selon M. Brisson, de sept pouces un quart, sa queue de deux pouces un quart, son bec de neuf lignes , ainsi que son pied, et son vol de treize pouces. Pour moi , j'en ai observé un qui avoit toutes les dimensions plus fortes; peut- être que cette différence de grandeur n'indique qu'une variété d'âge ou de sexe, ou peut-être une simple va- riété individuelle. J'ignore quelle est la livrée des jeunes, mais Al- drovande nous apprend que le bord de la queue est d'un jaune moins vit dans les femelles, et qu'elles ont sur les pennes moyennes des ailes des marques blan- châtres, et non pas jaunes, comme elles sont dans les mâles. Il ajoute une chose difficile à croire quoiqu'il l'atteste d'après sa propre observation, c'est que dans les femelles la queue est composée de douze pennes, au lieu que, selon lui, elle n'en a que dix dans les LE JASETJR. 365 mâles. Il est plus aisé , plus naturel de croire que le mâle ou les mâles observés par AIdrovande avoient perdu deux de ces pennes. Variété du Jaseiir, On a dû remarquer, en comparant les dimensions relatives du jaseur, qu'il avoit beaucoup plus de vol à proportion que notre meile et nos grives. De plus , AIdrovande a observé qu'il avoit le sternum conformé de la manière la plus avantageuse pour fendre l'air et seconder l'action des ailes : on ne doit donc pas être surpris s'il entreprend quelquefois de si longs voyages dans notre Europe ; et , comme d'ailleurs il passe l'été dans les pays septentrionaux, on doit naturellement s'attendre à le retrouver en Amérique: aussi l'y a-t-on trouvé en effet. Il en étoit venu plusieurs du Canada à M. de Réaumur, où on lui a donné le nom de ré- collet^, à cause de quelque similitude observée entre sa huppe et le froc d'un moine. Du Canada il a pu fa- cilement se répandre, et il s'est répandu du côté du Sud. Catesby l'a décrit parmi les oiseaux de la Caro- line ; Fernandès l'a vu dans le Mexique aux environs de ïezcuco^ , et j'en ai observé un qui avoit été en- voyé de Cayenne. Cet oiseau ne pèse qu'une once , selon Catesby : il a une huppe pyramidale lorsqu'elle est relevée, le bec noir et à large ouverture; les yeux placés sur une bande de même couleur, séparée du i. En allemand, grauer seiden sckwantz. a. Il dit qu'il se plaît dans les montagnes, quil vit de petites grai- nes, que son chant n'a rien de remarquable, et que sa chair est un manger médiocre. 366 VATIIÉTÊ DU JASELR. fond par deux traits blancs; l'extrémité de la queue bordée d'un jaune éclatant; le dessus de la tête, la gorge, le cou, et le dos, d'une couleur de noisette vineuse plus ou moins foncée; les couvertures et les pennes des ailes, le bas du dos, le croupion, et une grande partie de la queue , de diflérentes teintes de cendré ; la poitrine blanchâtre , ainsi que les couver- tures inférieures de la queue; le ventre et les flancs d'un jaune pâle. Il paroît, d'après cette description et d'après les mesures prises, que ce jaseur américain est un peu plus petit que celui d'Europe, qu'il a les ailes moins émaillées, et d'une couleur un peu plus rembrunie; enfin , que ces mêmes ailes ne s'étendent pas aussi loin par rapport à la queue : mais c'est évi- demment le môme oiseau que notre jaseur, et il a, comme lui, sept ou huit des pennes moyennes de l'aile terminées par ces petites appendices rouges qui caractérisent cette espèce. M. Brooke, chirurgien dans le Maryland, a assuré à M. Edwards que les fe- melles étoient privées de ces appendices, et qu'elles n*avoient pas les couleurs du plumage aussi brillantes que les mâles. Le jaseur de Gayenne que j'ai observé n'avoit pas en elTet ces mêmes appendices, et j'ai aussi remarqué quelques légères différences dans son plumage, dont les couleurs étoient un peu moins vives, comme c'est l'ordinaire dans les femelles. LE GROS-BEC. LE GROS-BEC\ Loxia coccoîhraustes, L. Le gros bec ^ est un oiseau qui appartient à notre climat tempéré, depuis l'Espagne et l'Italie, jusqu'en Suède. L'espèce, quoique assez sédentaire, n'est pas nombreuse. On voit toute l'année cet oiseau dans quelques unes de nos provinces de France, où il ne disparoît que pour très peu de temps pendant les hi- vers les plus rudes^ ; l'été, il habite ordinairement les bois, quelquefois les vergers, et vient autour des ha- meaux et des fermes en hiver. C'est un animal silen- cieux, dont on entend très rarement la voix, et qui n'a ni chant ni môme aucun ramage décidé^. Il sem- 1. Le gros-bec, ainsi nommé parce que son bec est plus gros que sou corps ne paroît le comporter. On l'appelle aussi pinson à gros bec, et mangeur de noyaux. 2. JN" 99, le mâle-, n" 100, la femelle. 5. On auroit peine à concilier cette observation , dont je crois être sur, avec ce que disent les auteurs de la Zoologie britanni>!9««««<)!e>««>?««*3*e»S«*e<8'»!S»îi!S»»* ?^e OISEAUX ETRANGERS QUI ONT RAPPORT AU GROS-BEC. I. LE GROS-BEC DE COROMAINDEL. Loxia Capensis, Lath. L'oiseau des Indes orientales représenté dans les planches enluminées sous le nom de gros-hec de Cn- romandel, n" loi, iig. i, et auquel nous conservons cette dénomination, parce qu'il nous paroît être de la même espèce que le gros-bec d'Europe , ayant la même forme , la même grosseur, le même bec, la même longueur de queue, et n'ep différant que par les couleurs, qui même sont en général distribuées dans le même ordre , en sorte que cette différence de couleur peut être attribuée à l'influence du climat ; et comme elle est la seule qu'il y ait entre cet oiseau de Coromandel et le gros-bec d'Europe, on peut, avec grande vraisemblance , ne le regarder ([ue comme une seule et môme espèce , dans laquelle se trouve cette belle variété dont aucun naturaliste n'a fait mention. II. LE GROS-BEC BLEU D'AMÉRIQUE. Loxia cœralea. Latii. L'oiseau d'Amérique représenté dans les planclies enluminées, n° 154? sous la dénomination de gros- bec bleu d'Amérique j et auquel nous ne donnerons pas un nom particulier, parce que nous ne sommes pas surs que ce soit une espèce particulière et diffé- rente de celle d'Europe; car cet oiseau d'Amérique est de la même grosseur et de la même taille que notre gros-bec : il n'en diffère que par la couleur du bec qu'il a plus rouge, et du plumage qu'il a plus bleu; et s'il n'avoit pas la queue plus longue, on ne , pourroit pas douter qu'il ne fût une simple variété produite par la différence du climat. Aucun natura- O'jS LE GKOS-EEC BLEU d'amÉRIQUE. liste n'a fait mention de cette variété ou espèce nou- velle , qu'il ne faut pas confondre avec l'oiseau de la Caroline auque Catesby a donné le nom de gros-bec bleu. ifl. LE DUR-BEC. Loxia enucleator. L. L'oiseau du Canada représenté dans les planches enluminées, n° i35, fig. i, sous la dénomination de gros-bec de Canada _, et auquel nous avons donné le nom de dur-bec _s parce qu'il par ■' avoir le bec plus dur, plus court, et plus lort à proportion , que les autres gros-becs. Il lui falloit nécessairement un nom particulier, parce que l'espèce est certainement dif- férente , non seulement de celle du gros-bec d'Eu- rope , mais encore de toutes celles des gros-becs d'A- mérique ou des autres climats. C'est un bel oiseau rouge , de la grosseur de notre gros-bec , avec une plus longue queue, et qu'il sera toujours aisé de dis- tinguer de tous les autres oiseaux par la seule ins- pection de sa figure coloriée ; la femelle a seulement un peu de rougeâtre sur la tête et le croupion, et une légère teinte couleur de rose sur la partie inférieure du corps. Salerne dit qu'au Canada on appelle cet oiseau bouvreuil. Ce nom n'a pas mal été appliqué ; car il a peut-être plus d'afîinité avec les bouvreuils qu'avec les gros-becs. Les habitants de cette partie de l'Amérique pourroient nous en instruire par une ob- servation bien simple; c'est de remarquer si cet oiseau Zl.a5o. raTLQXLe r, sculp l.LE JASETJR— 2. LE GROS BEC _3.XE:BEC CROISE LE DUR -BEC. 079 siffle comme le bouvreuil presque continuellement, ou s'il est presque muet comiiie le gros-bec. IV. LE CARDINAL HUPPÉ. Loxia Cardinalis. L. L'oiseau des climats teui pères de l'Amërique , re- présenté dans les planches enluminées, n** 57, sous la dénomination de gros-bec de F^irglniej, appelé aussi iuirdlnal happée et auquel nous conserverons ce der- nier nom, parce qu'il exprime en même 'temps deux caractères, savoir, la couleur et la huppe. Cette es- pèce approche assez de la précédente, c'est-à-dire de celle du dur-bec; il est de la môme grosseur et en grande partie de la même couleur : il a le bec aussi fort, la queue de la même longueur, et il est à peu près du même climat. On pourroit donc, s'il n'avoit pas une huppe , le regarder comme une variété dans cette belle espèce. Le mâle a les couleurs beaucoup plus vives que la femelle, dont le plumage n'est pas rouge, mais seulement d'un brun rougeâtre; son bec est aussi d'un rouge bien plus pâle, mais tous deux ont la huppe. Ils peuvent la remuer à volonté, et la remuent très souvent. Je placerois volontiers cet oi- seau avec les bouvreuils ou avec les pinsons , plutôt qu'avec les gros-becs, parce qu'ils chantent très bien, au lieu que les gros-becs ne chantent pas. M. Salerne dit que le ramage du cardinal huppé est délicieux , que son chant ressemble à celui du rossignol , qu'on lui 38o LE CARDINAL HLPPÉ. apprend aussi à siffler comme aux serins de Canarie, et il ajoute que cet oiseau, qu'il a observé vivant, est hardi, fort et vigoureux, qu'on le nourrissoit de graines et surtout de millet, et qu'il s'apprivoise ai- sément. Les quatre oiseaux étrangers que nous venons d'in- diquer sont tous de la même grosseur à peu près que le gros-bec d'Europe : mais il y a plusieurs autres es- pèces moyennes et plus petites, que nous allons don- ner par ordre de grandeur et de climat , et qui, quoi- que toutes difïV'rentes entre elles, ne peuvent être mieux comparées qu'avec les gros-becs, et sont plu- tôt du genre de ces oiseaux que d'aucun autre genre auquel on voudroit les rapporter; on leur a même donné les noms de moyens gros-becs^ petits gros-becs j, parce qu'en effet leur bec est proportionnellement de la môme forme et de la même grandeur que celui des i^ros-becs d'Europe. V, LE ROSE-GORGE. Loxia Ludoviclana. Gaiel. La première de ces espèces de moyenne grandeur est celle qui est représentée dans les planches enlumi- nées, n° i53, fig. 1 , sous la dénomination de gros-bec de la Louisiane, auquel nous donnons le nom de rose- gorge^ parce qu'il est très remarquable par ce carac- tère, ayant la gorge d'un beau rouge-rose, et parce qu'il diffère assez de toutes les autres espèces du même genre pour qu'il doive être distingué par un nom par- ticulier, M. Rrisson a indiqué le premier cet oiseau , LE nOSE-GOUGE. 58 i et en a donné une assez bonne figure ; mais il ne dit rien de ses habitudes naturelles. Nos habitants de la Louisiane pourroient nous en instruire. VI. LE GRIVELIN. Loxla Brasiliana. L. La seconde espèce de ces moyens gros-becs est l'oiseau représenté dans les planches enluminées, ïf 509, iig. 1, sous la dénomination de gros-bec du Brésil j auquel nous avons donné le nom de griveUn^ parce qu'il a tout le dessus du corps tacheté comme le sont les grives. C'est un oiseau très joli , et qui , ne ressemblant à aucun autre , mérite un nom particu- lier. Il paroît avoir beaucoup de rapport avec l'oiseau indiqué par Marcgrave , et qui s'appelle au Brésil gif ira-tir ica. Cependant , comme la courte descrip- tion qu'en donne cet auteur ne convient pas parfaite- ment à notre grivelin, nous ne pouvons pas prononcer sur l'identité de ces deux espèces. Au reste , ces espèces de moyenne grandeur, et les plus petites encore, desquelles nous allons faire men- tion , approchent beaucoup plus du moineau que du gros-bec, tant par la grandeur que par la forme du corps; mais nous avons cru devoir les laisser avec les gros-becs, parce que leur bec est, comme celui de ces oiseaux, beaucoup plus large à la base que n'est celui des moineaux. 582 LE ROUGE-x\OIR. VII. LE ROUGE-NOIR, Loxia Grlx. iMTir, La troisième espèce de ces gros-becs de moyenne grandeur est l'oiseau représenté dans les planches en- luminées, n** 509, fig. 2, sous le nom de gros-bec de Cayemie ^ et auquel nous donnons le nom de rouge- noirj parce qu'il a tout le corps rouge, et la poitrine et le ventre noirs. Cet oiseau, qui nous est venu de Cayenne, n'a été indiqué par aucun naturaliste ; mais, comme nous ne l'avons pas eu vivant, nous ne pou- vons rien dire de ses habitudes naturelles : nos ha- bitants de la Guiane pourront nous en instruire. VIII. LE FLAVERT. Loxia Canadensis. L. La quatrième espèce de ces moyens gros -becs étrangers est l'oiseau représenté dans les planches en- luminées , n° i52, fig. 2, sous !a dénomination de gros-bec de Cayenne'^ auquel nous avons douné le nom de flavert j, parce qu'il est jaune et vert : il diffère donc du précédent presque autant qu'il est possible parles couleurs ; cependant, comme il est de la même grosseur, de la même forme , tant de corps que de bec, et qu'il est aussi du même climat, on doit le regarder comme étant d'une espèce très voisine du rouge-noir, si même ce n'est pas une simple variété LE FLAVEUT. 385 d'âge ou d# sexe dans cette même espèce. M. Brisson a le premier indiqué cet oiseau. IX. LA QUEUE EN ÉVEJNTAIL. Loxla flabeilifera. Lath. La ciriqiiième espèce de ces gros-becs étrangers, de moyenne grosseur, est Foiseau représenté dans les planches enluininées, n° 38o , sous cette dénomina- tion de queue en éventail de Virginie : il nous est venu de cette partie de rAmériquej et n'a été indiqué par aucun auteur avant nous. La figure supérieure dans la planche n** 58o représente probablement le mâle, et la figure inférieure représente la femelle , parce qu'elle a les couleurs moins fortes. Nous avons vu ces deux oiseaux vivants; mais n'ayant pu les conserver BOUS ne sommes pas sûrs que ce soient en effet le mâle et la femelle, et ce pourroit être une variété de l'âge. Au reste, ces oiseaux sont si remarquables par la forme de leur queue épanouie horizontalement, que ce caractère seul sutfit pour ne les pas confondre avec les autres du même genre. X. LE PADDA, ou L'OISEAU DE RIZ. Loxia orvzivora, Ij. La sixième espèce de ces moyens gros-becs étran- gers est l'oiseau de la Chine décrit et dessiné par M. Edwards, et qu'il nous indique sous ce nom de 7)Sl\ li: padda. padda ou oiseau de riz^ parce que Ton appelle en clii- uois padda le riz qui est encore en gousse, et ^ue c'est de ces gousses de riz qu'il se nourrit. Cet auteur a donné la figure de deux de ces oiseaux; et il suppose, avec toute apparence de raison, que celle de sa plan- che 4i représente le mâle, et celle de la planche 42 la femelle. Nous avons eu un mâle de cette espèce, qui est représenté dans les planches enluminées, n" i52 , fig. 1. C'est un très bel oiseau : car, indépendamment de l'agrément des couleurs, son plumage est si par- faitement arrangé , qu'une plume ne passe pas l'autre, et qu'elles paroissent duvetées, ou plutôt couvertes partout d'une espèce de fleur comme on voit sur les prunes; ce qui leur donne un reflet très agréable. M. Edwards ajoute peu de chose à la description de cet oiseau, quoiqu'il l'ait vu vivant : il dit seulement qu'il détruit beaucoup les plantations de riz; que les voyageurs qui font le voyage des Indes orientales l'appellent moineau de Java ou moineau indien; que cela paroîtroit indiquer qu'il se trouve aussi bien dans les Indes qu'à la Chine; mais qu'il croit plutôt que, dans le commerce qui se fait par les Européens entre la Chine et Java, on a apporté souvent ces beaux oi- seaux, et que c'est de là qu'on les a nommés moineaux de Java^ moineaux indiens; et enfin que ce qui prouve qu'ils sont naturels aux pays de la Chine, c'est qu'on en trouve la figure sur les papiers peints et sur les étofles chinoises. Les espèces dont nous allons parler sont encore plus petites que les précédentes, et par conséquent difl^èrent si fort de notre gros-bec par la grosseur, qu'on auroit tort de les rapporter à ce genre, si la LE PADDA. 585 forme du bec, la figure du corps, el; même l'ordre et la position des couleurs n'indiquoient pas que ces oiseaux , sans être précisément des gros-becs , ap- partiennent néanmoins plus à ce genre qu'à aucun autre. XL LE TOUCNAM-COURVI. Loxin PhiUppina. !>. La première de ces petites espèces de gros- becs étrangers est le toucnam-courvi des Pliilippines, dont M. Brisson a donné la description avec la figure du mâle , sous le nom de gros-bec des Philippines j, et dont nous avons fait représenter le mâle dans les planches enluminées, n" i55, fig. 2, sous cette dénomination , mais auquel nous conservons ici le nom qu'il porte dans son pays, parce qu'il est d'une espèce différente de toutes les autres. La femelle est de la même gros- seur que le mâle , mais les couleurs ne sont pas les mêmes; elle a la tête brune, ainsi que le dessus du cou, tandis que le mâle l'a jaune, etc. M. Brisson donne aussi la description et la figure du nid de ces oiseaux. XII. L'ORCHEF. Loxia Bengalensis. L. Le second de ces petits gros-becs étrangers est l'oi- seau des Indes orientales, représenté dans les plan- ches enluminées, n^SgS, fig. 2, sous la dénomination 386 l'orchef. de gros-hec des Indes ^ et auquel nous donnons ici le nom à'orcliefj, parce qu'il a le dessus de la tête d'un beau jaune , et qu'étant d'une espèce différente de toutes les autres il lui faut un nom particulier. Cette espèce est nouvelle, et n'a été représentée par aucun auteur avant nous. XIII. LE GROS-BEC NONNETTE. Loxia collaria. L. La troisième de ces petites espèces est l'oiseau re- présenté dans les planches enluminées, n** 593, tig. 5, sous la dénomination de gros-bec^ appelé la noiinette^ et auquel nous avons donné ce nom, parce qu'il a une sorte de béguin noir sur la tête. C'est encore une espèce nouvelle, mais sur laquelle nous ne pou- vons rien dire de plus, n'ayant pas même connois- sance des pays où on la trouve. Cet oiseau nous a été vendu par un marchand oiseleur qui n'a pu nous en informer. XïV. LE GRISALBIN. Loxia grisea. h. La quatrième espèce de ces petits gros-becs étran- gers, aussi nouvelle et aussi peu connue que les deux précédentes, est l'oiseau représenté dans les planches enluminées, n** 393, fig. 1, sous la dénomination de gros-bec de Virginie _, auquel nous donnons ici le nom de grisalbin^ parce qu'il a le cou blanc , aussi LE GRÏSÂLliliX. 587 bien qu'une partie de ia tête , et tout le reste du corps gris; et comme l'espèce diffère de toutes les autres, elle doit avoir un nom particulier. XV. LE QUADRICOLOR. Loxia qaadricolor. L. Le cinquième de ces petits gros-becs étrangers est l'oiseau donné par Albin sous le nom de 7noineau de la Clilne^ et ensuite par M. Brisson sous celui de gros- bec de Java, représenté dans les planches enlumi- nées, n'' 101 , fig. 2, sous cette dénomination, gros- bec de Java, et auquel nous donnons ici le nom de qaadricolor, qui sutïira pour le distinguer de tous les autres, et qui lui convient très bien, parce que c'est un bel oiseau, peint de quatre couleurs vives égale- ment éclatantes ; ayant la tète el le cou bleus , le dos , les ailes, et le bout de la queue verts, une large bande rouge en forme de sangle sous le ventre et sur le milieu de la queue , et enfin le reste de la poitrine et du ventre d'un brun clair ou couleur de noisette. INous ne savons riea de ses habitudes naturelles. XVI. LE JACOBIN ET LE DOMINO. Loxia Malacca. L. et Loxia MoLucca. L. La sixième espèce de ces petits gros-becs étrangers est l'oiseau connu des curieux sous le nom de jaco- bin, et auquel nous conserverons ce nom distinctif 388 LE JACOB Ii\ ET LE DOMINO, et assez bien appliqué ; nous l'avons fait représenter dans les planches enluminées, n" i^g, fig. 5, sous la dénomination de gros-bec de Javdj, dit te jacobin,, et nous croyons que celui de la même planche enlumi- niinée, fig. i , et qu'on nous a donné sous le nom de gros-bec des Moluqiies^ est de la même espèce et probablement la femelle du premier. INous avons vu ces oiseaux vivants, et on les nourrit comme les se- rins. M. Edwards en a donné la description et la figure sous le nom de gowrl^ pi. xl; et, par la signification de ce mot, il présume que l'oiseau est des Indes, et non pas de la Chine ^. Nous eussions adopté ce nom gowri qu'il porte dans son pays natal, si celui de ja- cobin n'eût pas déjà prévalu par l'usage. On voit dans la môme planche enluminée, n" iSg, fig. 2 , et dans la planche, n° i53, fig. 1 , la représentation de deux autres oiseaux que les curieux appellent dominos ^ et qu'ils distinguent des jacobins : ils en diffèrent en ce qu'ils sont plus petits; mais on doit les considérer comme variétés dans la même espèce. Les mâles sont probablement ceux qui ont le ventre tacheté, et les femelles l'ont d'un gris blanc uniforme. On peut voir la description de ces oiseaux dans l'ouvrage de M. Brisson, depuis la page 239 jusqu'à la page 244; mais il n'y a pas un mot de leurs habitudes naturelles. 1, On l'appelle oiseau, coury, parce que soq prix ordinaire ne passe pas un coury, c'est-à-dire la valeur d'une de ces petites coquilles qui servent comme monnoie dans les Indes; or cette monnoie n'a poini cours à la Chine- LE BAGLAFECIIT. 38g XVII. LE BAGLAFEGHT. G'est un oiseau d'Abyssinie , qui a beaucoup de rapport avec le toucnam-courvi ; seulement il en dif- fère par quelques nuances , ou par quelque distribu- tion de couleurs. La tache noire qui est des deux côtés de la tête s'élève dans le baglafecht jusqu'au dessus des yeux : la marbrure jaune et brune de la partie supérieure du corps est moins marquée , et les grandes couvertures des ailes, ainsi que les pennes de ces mêmes ailes et celles de la queue, sont d'un brun verdâtre bordé de jaune. Cet oiseau a l'iris jau- nâtre, et ses ailes dans leur état de repos vont à peu près au milieu de la queue. Le baglafecht se rapproche encore du toucnam- courvi par les précautions industrieuses qu'il prend pour garantir ses œufs de la pluie et de tout autre danger; mais il donne à son nid une forme différente : il le roule en spirale à peu près comme un nautile; il le suspend, comme le toucnam-courvi, à l'extré- mité d'une petite branche , presque toujours au des- sus d'une eau dormante, et son ouverture est con- stamment tournée du côté de l'est, c'est-à-dire du côté opposé à la phiie. De cette manière, le nid est non seulement fortifié avec intelligence contre l'hu- midité, mais il est encore défendu contre les diffé- rentes espèces d'animaux qui cherchent les œufs du baglafecht pour s'en nourrir. BUFFON. XXI. ti5 jgO LE GROS-BEC DABYSSINIE. X V 1 1 1. LE GROS-BEC D'ABYSSLME. Loxla Abyssinien. Gmel. Je rapporte encore au gros-bec cet oiseau d'Ahyssi- iiie , qui lui ressemble par le trait caractéristique, je veux dire par la grosseur de son bec, comme aussi par la grosseur totale de son corps. Il a l'iris rouge, le bec noir, ainsi que le dessus et les côtés de la tête , la gorge,'et la poitrine ; le reste du dessous du corps , les jambes, et la partie supérieure du corps, d'un jaune clair, mais qui prend une teinte de brun à l'en- droit où il s'approche du noir de la partie antérieure , comme si, dans ces endroits, ces deux couleurs se fondoient en une seule; les plumes scapulaires sont noirâtres ; les couvertures des ailes brunes , bordées de gris; les pennes des ailes et de la queue brunes , bordées de jaune, et les pieds d'un gris rougeâtre. Ce que l'histoire du gros-bec d'Abyssinie offre de plus singulier, c'est la construction de son nid, et l'espèce de prévoyance qu'elle suppose dans cet oi- seau , et qui lui est commune avec le loucnam-courvi et le baglafecht. La l'orme de ce nid est à peu près pyramidale , et l'oiseau a l'attention de le suspendre toujours au dessus de l'eau à l'extrémité d'une petite branche ; l'ouverture est sur l'une des faces de la py- ramide , ordinairement tournée à l'est. La cavité de cette pyramide est séparée en deux par une cloison ; ce qui forme , pour ainsi dire , deux chambres : la première , où est l'entrée du nid , est une espèce de LE GROS-BEC DABYSSINÎE. ÔQl vestibule où l'oiseau s'introduit d'abord; ensuite il grimpe le long de la cloison intermédiaire; puis il redescend jusqu'au fond de la seconde chambre, où sont les œufs. Par l'artifice assez compliqué de cette construction , les œufs sont à couvert de la pluie , de quelque côté que souffle le vent , et il faut remarquer qu'en Abyssinie la saison des pluies dure six mois ; car c'est une observation générale , que les inconvé- nients exaltent l'industrie , à moins qu'étant excessifs ils ne la rendent inutile et ne l'étouffent entièrement. Ici il y avoit à se garantir non seulement de la pluie , mais des singes, des écureuils, des serpents, etc. L'oiseau semble avoir prévu tous ces dangers , et , par des précautions raisonnées, les avoir écartées de sa géniture. Cette espèce est nouvelle , et nous devons tout ce que nous en avons dit à M. le chevalier Bruce. XIX. LE GUIFSO BALITO^. Loxia tr'ulactyla. Gmel. îl n'est point d'espèce européenne avec laquelle cet oiseau étranger ait plus de rapports que celle de nos gros-becs : comme eux, il fuit les lieux habités et vit retiré dans les bois solitaires ; comme eux, il est aussi peu sensible aux plaisirs de l'amour, puisqu'il ne con- noît pas le plaisir de chanter; comme eux enfin, il ne se fait guère entendre que par les coups de bec réitérés dont il perce les noyaux pour en tirer l'a- 1. Le nom entier de cet oiseau , tel qull se trouve sur les ligures de _Mo le clievalier Bruce, est gaifso balito dhnmo-ivon jerck. 5()2 LE GUIFSO BALITO. mande : mais il diffère des gros-becs par deux traits assez marqués : premièrement son bec est dentelé sur les bords; en second lieu , ses pieds n'ont que trois doigts , deux en avant et un en arrière, disposi- tion remarquable et qui n'a lieu que dang un petit nombre d'espèces. Ces deux traits de dissemblance m'ont paru assez décisifs pour que je dusse distinguer cet oiseau par un nom particulier, et Je lui ai conservé celui sous lequel il est connu dans son pays natal. La tête, la gorge, et le devant du cou sont d'un beau rouge qui se prolonge en une bande assez étroite sous le corps Jusqu'aux couvertures inférieures de la queue : il a tout le reste du dessous du corps, la par- tie supérieure du cou, le dos, et la queue noirs; les couvertures supérieures des ailes brunes, bordées de blanc ; les pennes des ailes brunes , bordées de ver- dâtre, et les pieds d'un rouge très obscur. Les ailes dans leur situation de repos ne vont qu'au milieu de la longueur de la queue. XX. LE GROS-BEC TACHETÉ DU CAP DE BONNE-ESPÉRANCE. Loxia nœvia. Gmel. L'oiseau que nous avons fait représenter sous ce nom dans les planches enluminées, n° 669, fig. 1 , quoique différent de nos gros-becs d'Europe par les couleurs et la distribution des taches , nous paroît néanmoins assez voisin de cette espace pour qu'on puisse le regarder comme une variété produite par le LE GROS-BSC TACHETE. OiJJ climat, et par cette raison nous ne lui donnons pas un nom particulier. D'ailleurs M. Sonnerai nous a as- suré très positivement que cet oiseau est le même que celui de l'article i" représenté dans la pi. loi , fig. 1 ; et il observe que ce qui fait paroître ces oi- seaux diflerents les uns des autres, c'est qu'ils chan- gent de couleur tous les ans. XXI. LE GRIVELIN A CRAVATE. Loxia cotlaris. L. L'oiseau que nous avons fait représenter dans les planches enluminées, n° 669, fig. 2 , sous la dénomi- nation de gros-bec d' Angola ^ parce qu'il nous est venu de cette province de l'Afrique, nous paroît ap- procher de l'espèce du grivelin ; et, comme il a tout le cou et le dessous de la gorge revêtus et environnés d'une espèce de cravate blonde qui même s'étend jus- qu'au dessus du bec, nous avons cru pouvoir lui don- ner le nom de grivelin à cravate. ]\ous ne connoissons rien de ses habitudes naturelles. FIN nu VINGT-UNIEME VOLUME. TABLE DES ARTICLES CONTENUS DANS LE VINGT-UNIÈME VOLUME. SUITE DES OISEAUX. Le Grave , ou le Goracias Page 7 Le Goracias huppé , ou le Sonneur. 12 Le Gorbeau. i5 Oiseau étranger qui a rapport au Corbeau 5G Le Gorbeau des Incles de Bonlius ibid. La Corbine ou Gorneille noire Sg Le Freux, ou la Frayonne 4? La Gorneille mantelée 5 1 Oiseaux ÉTRANGERS qui ont rapport aux Corneilles 56 La Gorneille du Sénégal ibid. La Gorneille de la Jamaïque 67 Les Glioucas 58 Le Ghoquard ou Choucas des Alpes 65 Oiseaux étrangers qui ont rapport aux Choucas 64 Le Choucas moustache ibid. Le Choucas chauve 66 Le Choucas de la Nouvelle-Guinée 67 Le Choucari de Ja Nouvelle-Guiuée ibid. 596 TABLE. Le Golnud de Cayenne Page 68 Le Balicasse des Philippines. . 69 La Pie 70 Oiseaux étrangers qui ont rapport à la Pie 79 La Pie du Sénégal ibid. La Pie de la Jamaïque 80 La Pie des Antilles 85 LHocisana 85 La Vardiole 86 Le Zanoé. . 87 Le Geai 88 Oiseaux étrangers qui ont rapport au Geai 94 Le Geai de la Chine à bec rouge ibid. Le Geai du Pérou gS Le Geai brun du Canada 96 Le Geai de Sibérie 97 Le Blanche-Coiffe, ouïe Geai de Cayenne ibid. Le Garlu, ou le Geai à ventre jaune de Cayenne 98 Le Geai bleu de l'Amérique septentrionale 99 Le Casse-lVoix 101 Les RoUiers io5 Le RoUe de la Chine 108 Le Grivcrt ou Roile de Cayenne 109 Le RoUier d'Europe 110 Oiseaux étrangers qui ont rapport au RoUier. ....... 116 Le Rollier d'Abyssinie ibid. Variété du Rollier d'Abyssinie ibid. Le Rollier d'Angola et le Cuit, ou Rollier de J\îindanao. . 117 Variétés des RoUiers d'Angola et de Mindanao 120 Le Rollier des Indes ibid. Le Rollier de Madagascar 121 Le Rollier du Mexique. ibid. Le RoUier de Paradis 122 TABLIi. 597 L'oiseau de Paradis Page 124 Le Manucode i35 Le Magnifique de la Nouvelle -Guinée, ou le Manucode à bouquets i35 Le Manucode noir de la Nouvelle-Guinée , dit le Superbe. . i38 Le Sifilet, ou Manucode à six filets 169 Le Galybé de la Nouvelle- Guinée i4l Le Pique-Bœuf i45 L'Étourneau i44 Variétés de l'Étourneau i55 Oiseaux étrangers qui ont rapport à l'Étourneau i56 L'Étourneau du cap de Bonne-Espérance, ou l'Étourneau- Pie ibid. L'Étourneau de la Louisiane, ou le Stourne i58 Le Tolcana 169 Le Gacastol 160 Le Pimalot 161 L'Étourneau des terres Magellaniques, ou le Blanche-Raie. 1 62 Les Troupiales i63 Le Troupiale 166 L'Acochi de Seba 169 L' Arc-en-queue 170 Le Japacani 171 Le Xochilol ou le Gostolol 172 Le Tocolin. 175 Le Commandeur ibid. Le Troupiale noir 1 80 Le petit Troupiale noir 181 Le Troupiale à calotte noire 182 Le Troupiale tacheté de Gayenne i83 Le Troupiale olive de Gayenne 184 Le Cap-More i85 LeSiffleur 188 Le Baltimore 189 Le Baltimore bâtard 191 Le Gassique jaune du Brésil , ou l'Yapou 196 Le G assique rouge du Brésil, ou le Jupuba 195 Le Gassique vert de Gayenne 197 098 TABLE. Le Cassique huppé tle Cayenne Page ï 9^ Le Cassique de la Louisiane iqq Le Garouge ibid- Le petit Cul-Jaune de Cayenne 202 Les Coiffes jaunes 2o4 Le Carouge olive de la Louisiane 2o5 Le Kink 206 Le Loriot 207 Variétés du Loriot 214 Le Coulavan ibid. Le Loriot de la Chine 2i5 Le Loriot des Indes 216 liC Loriot rayé ibid. Les Grives 217 La Grive 229 Variétés de la Grive proprement dite 2 34 La Grive blanche ibid. La Grive huppée 2 35 Oiseaux ÉTRANGERS qui ont rapport à la Grive proprement dite. 236 La Grive de la Guiane ibid. La Grivelte d'Amérique 237 La Rousserolle 239r La Draine 241 Variété de la Draine 244 La Litorne ibid. Variétés de la Litorne 248 La Litorne pie ou tachetée ibid. La Litorne h tête blanche 249 Oiseaux ÉTRANGERS qui ont rapport à la Litorne ibid. La Litorne de Cayenne ibid. La Litorne du Canada 25o Le Mauvis 261 Oiseaux étrangers qui ont rapport aux Grives et aux Merles. 266 La Grive basselte de Barbarie ibid- Le Tilly , ou la Grive cendrée d Amérique 256 TABLE. 399 La petite Grive des Philippines Page 2.57 L'Hoami de la Chine 268 La Grivelette de Saint-Domingue 269 Le petit Merle huppé de la Chine 260 Les Moqueurs 261 Le Moqueur françois 260 Le Moqueur 265 Le Merle 269 Variétés du Merle 274 Les Merles blancs et tachetés de blanc ibid. Le Merle' à plastron blanc 276 Variétés du Merle à plastron 280 Les Merles blancs ou tachetés de blanc ibid. Le grand Merle de montagne 282 Le Merle couleur de rose 280 Le Merle de roche 286 Le Merle bleu 288 Le Merle solitaire 290 Oiseaux étrangers qui ont rapport au Merle solitaire. . . . 294 Le Merle solitaire de Manille ibid. Le Merle solitaire des Philippines 296 Oiseaux ÉTRANGERS qui ont rapport aux Merles d'Europe. . . 297 Le Jaunoir du cap de Bonne-Espérance ibid. Le Merle huppé de la Chine 298 Le Podobé du Sénégal 299 Le Merle de la Chine ibid. Le Vert-Doré, ou Merle à longue queue du Sénégal. . . . 3oo Le Fer-à-Cheval, ou Merle à collier d'Amérique 001 Le Merle vert d'Angola 3o5 Le Merle violet du royaume de Juida 3o4 Le Plastron noir de Ceylan 5o5 L'Oranvcrt, ou Merle à ventre orangé du Sénégal. . . . 307 Variété del'Oranvert 5o8 L'Oranbleu ibid. Le Merle brun du cap de Bonne-Espérance ibid. Le Baniahbou du Bengale , . 309 L'Ourovang, ou Merle cendré de Madagascar oio 400 TABLE. Le Merle des colombiers Page 5 1 1 Le Merle olive du cap de Boune-Espérance 3i2 Le Merle à gorge noire de Saint-Domingue J^bid. Le Merle du Canada 3i5 Le Merle olive des Indes 3i4 Le Merle cendré des Indes 3i5 Le Merle brun du Sénégal ibid. Le Tanaombé, ou Merle de Madagascar 3 16 Le Merle de Mindanao 3 17 Le Merle vert de l'Ile-de- France 3 18 Le Casque noir, ou Merle h tête noire du cap de Bonne- Espérance ibid. Le lirunet du cap de Bonne-Espérance 32o Variété du Brunet du Cap ibid. Le Merle à queue jaune du Sénégal ibid. Le Merle brun de la Jamaïque 32 1 Le Merle à cravate de Cayenue 322 Le Merle huppé du cap de Bonne-Espéraace 323 Le Merle d'Amboine 324 Le Merle de l'île de Bourbon ibid. Le Merle dominicain des Philippines 325 Le Merle vert de la Caroline 326 Le Téra-Boulan, ouïe Merle des Indes 327 Le Sauï-Jala, ou le Merle doré de Madagascar 328 Le Merle de Surinam 329 Le Palmiste 33o Le Merle violet à ventre blanc de Juida 33i Le Merle roux de Cayenne 332 Le petit Merle brun à gorge rousse de Cayenne ibid. Le Merle olive de Saint-Domingue 333 Le Merle olivâtre de Barbarie 334 Le Moloxita , ou la Religieuse d'Abyssinie 335 Le Merle noir et blanc d'Abyssinie ibid. Le Merle brun d'Abyssinie 536 Le Grisin de Cayenue 537 Le Vcrdin de la Cochinchine 338 L'Azurin 339 Les Brèves 3^0 Le Mainate des Indes orientales 343 TABLE. 4^1 Variétés du Mainate Page 345 Le Mainate de M. Brisson ibid. Le Mainate de Bontius ibid. Le petit Mainate de M. Edwards 346 Le grand Mainate de M. Edwards ibid. Le Goulin 347 Le Martin 349 Le Jaseur 355 Variété du Jaseur 365 Le Gros-Bec 367 Le Bec-Croisé 370 Oiseaux étrangers qui ont rapport au Gros-Bec 376 Le Gros-Bec de Goromandel ibid. Le Gros-Bec bleu d'Amérique 377 Le Dur-Bec 378 Le Cardinal huppé 379 Le Rose-Gorge 38o Le Grivelin 38 1 Le Rouge-Noir 382 Le Flavert ibid. La Queue en éventail 383 Le Padda , ou l'Oiseau de Riz ibid. Le Toucnam-Courvi 385 L'Orchef ibid. Le Gros-Bec Nonette 386 Le Grisalbin. ibid. Le Quadricolor 387 Le Jacobin et le Domino ibid. Le Baglafecht 389 Le Gros-Bec d'Abyssinie 390 Le Guifso Balito 391 Le Gros-Bec tacheté du cap de Bonne-Espérance 392 Le Grivelin à cravate 393 PIN DE LA TABLE. 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