mk ^fe ^^ OEUVRES COMPLETES DE BUFFON. TOME XXIV. OISEAUX. VI. IMi.iS. lUriaMtiilE d'aI.. AiOESSARU, BUE CE FCRSTfiMCEr.G , ^'^ 8 ÎJIS- OEUVRES COMPLETES DE BLFFON A L! G M ii iN T E Ji s PAR M. F. CUVIER, MEMBRE DE l'iNSTITUT, ; Académie (J^sSciencpsI DE DEUX VOLUMES ,^u4?45lemctttaites OFFRANT LA DESCRIPTION DES MAMMIFÈRES ET DES OISEAUX LES PLUS REMARQUABLES DÉCOUVERTS JUSQU'a CE JOUl^, T 4 i; <; o M p i c x E B -, 1) UN BEAU PORTRAIT DE BUFFON, ET DE 7OO FIGURES E^ rAII.LB-DOUCE. EXÉCUTÉES POUR CETTE ÉDITIOîV PAR r.ES MEILLEURS ARTISTES. A PARIS, CHEZ F. D. PILLOT, ÉDITEUII, RUE DE SEIÎVE-SAÎNT-GERMAIN, I\" 49» l ^ .■^ } 3 2 2 1 OISEAUX. VI. EUFFOX. XXIY. w^vv\^vv^.\\'vvv'vvvvvvtv»■^l^\\vv\vv'^vv^/vv!Lvvv^'v-\v\v\\x«/'l^^vv•\\^\\ \v\vvvv\-vvvv'\'vvwvw\vv\vv LES PERROQUETS'. i_jEs animaux que rhomme a le plus admirés sont ceux qui lui ont paru participer à sa nature ; il s'est émerveillé toutes les fois qu'il en a vu quelques uns faire ou contrefaire des actions humaines : le singe , par la ressemblance des formes extérieures, et le per- roquet, par l'imitation de la parole, lui ont paru des êtres privilégiés, intermé-diaires entre l'homme et la brute ; faux jugement produit par la première appa- rence, mais bientôt détruit par l'examen et la ré- flexion. Les sauvages, très insensibles au grand spec- tacle de la nature , très indifférents pour toutes ses merveilles, n'ont été saisis d'étonnement qu'à la vue des perroquets et des singes; ce sont les seuls ani- maux qui aient fixé leur stupide attention. Ils arrê- tent leurs canots pendant des heures entières pour considérer les cabrioles des sapajous, et les perro- quets sont les seuls oiseaux qu'ils se fassent un plaisir de nourrir, d'élever, et qu'ils aient pris la pein«e de chercher à perfectionner ; car ils ont trouvé le petit art , encore inconnu parmi nous, de varier et de ren- 1. En latin, psittacus; en aliemand , sittich, sicksusi , pappengey [le nom de sitlich marque proprement les perruches, celui de pappengey les grands perroquets) ; en anglpis , popinjay ou popingey (les perro- quets) , maccaws (les aras ) , perrockeeis (les perruches) ; en espagnol, popagio; en italien, papagaUo (les perroquets) , pereqaetio (les per- ruches ). 8 LES PERROQUETS. dre plus riches les belles couleurs qui parent le plu- mace de ces oiseaux*. L'usage de ia main, la marche à deux pieds, la res- semblance , quoique grossière, de la face, le manque de queue, les fesses nues, la similitude des parties sexuelles, la situation des mamelles, l'écoulement pé- riodique dans les femelles, l'amour passionné des mâles pour nos femmes, tous les actes qui peuvent résulter de cette conformité d'organisation , ont fait donner au singe le nom d'homme sauvage par des hommes , à la vérité, qui l'étoient à demi , et qui ne savoient comparer que les rapports extérieurs. Que seroit-ce si, par une combinaison de nature aussi possible que toute autre , le singe eût eu la voix du perroquet , et , comme lui , la faculté de la parole ! le singe parlant eût rendu muette d'étonnement l'espèce humaine entière, et l'auroit séduite au point que le philosophe auroit eu grande peine à démontrer qu'avec tous ces beaux attributs humains , le singe n'en étoit pas moins une bête. Il est donc heureux pour notre intel- ligence que la nature ait séparé et placé dans deux espèces très différentes l'imitation de la parole et celle de nos gestes, et qu'ayant doué tous les animaux des mêmes sens, et quelques uns d'entre eux de membres et d'organes semblables à ceux de l'homme, elle lui ait réservé la faculté de se perfectionner ; ca- 1. Ou appelle perroquets tapirés ceux auxquels les sauvages donnent ces couleurs artificieUes : c'est, dit-on , avec du sang d'une grenouille, qu'ils laissent tomber goutte à goutte daus les petites plaies qu'ils font aux jeunes perroquets en leur arrachant des plumes; celles qui renais- sent cliangent de couleur, et de vertes ou jaunes qu'elles étoient, de- viennent orangées, couleur de rose ou panachées, selon les drogues qu'ils emploient. LES PERROQUETS. () ractère unique et glorieux qui seul fait notre préëiui- nence , et constitue l'empire de l'homme sur tous les autres êtres : car il faut distinguer deux genres de perfectibilité ; l'un stérile, et qui se borne à l'éduca- tion de l'individu ; et l'autre fécond , qui se répand sur toute l'espèce, et qui s'étend autant qu'on le cultive par les institutions de la société. Aucun des animaux n'est susceptible de cette perfectibilité d'es- pèce; ils ne sont aujourd'hui que ce qu'ils ont été, que ce qu'ils seront toujours, et jamais rien de plus, parce que leur éducation étant puTcment indivis duelle , ils ne peuvent transmettre à leurs petits qiie ce qu'ils ont eux-mêmes reçu de leurs père et mère, au lieu que l'homme reçoit l'éducation de tous les siècles, recueille toutes les institutions des autres hommes; et peut, par un sage emploi du temps, profiter de tous les instants de la durée de son es- pèce pour la perfectionner toujours de plus en plus. Aussi quel regret ne devons-nous pas avoir à ces âges funestes où la barbarie a non seulement arrêté nos progrès, mais nous a fait reculer au point d'imper- fection d'où nous étions partis! Sans ces malheureu- ses vicissitudes, l'espèce humaine eût marché et marcheroit encore constamment vers sa perfection glorieuse , qui est le plus beau titre de sa supériorité, et qui seule peut faire son bonheur. Mais l'homme purement sauvage qui se refuseroit à toute société, ne recevant qu'une éducation indi- viduelle , ne pourroit perfectionner son espèce , et ne seroit pas différent, môme pour l'intelligence, de ces animaux auxquels on a donné son nom; il n'au- roil pas même la parole , s'il fuyoit sa famille et aban- 10 LES PERllOQLETS. donnoit ses enfants peu de temps après leur nais- sance. C'est donc à la tendresse des mères que sont dus les premiers germes de la société ; c'est à leur constante sollicitude et aux soins assidus de leur ten- dre aflection qu est dû le développement de ces ger- mes précieux : la foiblesse de l'enfant exige des at- tentions continuelles, et produit la nécessité de cette durée d'affection pendant laquelle les cris du besoin et les réponses de la tendresse commencent à former une langue dont les expressions deviennent constan- tes et l'intelligence réciproque, par la répétition de deux on trois ans d'exercice mutuel ; tandis que dans les animaux, dont l'accroissement est bien plus prompt, les signes respectifs de besoin et de secours, ne se répétant que pendant six semaines ou deux mois, ne peuveut faire que des impressions légères, fugitives, et qui s'évanouissent au moment que le jeune animal se sépare de sa mère. Il ne peut donc y avoir de langue , soit de paroles, soit par signes, que dans l'espèce humaine , par cette seule raison que nous venons d'exposer; car l'on ne doit pas attribuer à la structure particulière de nos organes la formation de notre parole, dès que le perroquet peut la pro- noncer comme l'homme : mais jaser n'est pas parler, et les paroles ne font langue que quand elles expri- ment Tintelligence et qu'elles peuvent la communi- quer. Or, ces oiseaux, auxquels rien ne manque pour la facilité de la parole, manquent de cette expression de l'intelligence, qui seule fait la haute faculté du langage; ils en sont privés comme tous les autres ani- maux, et par les mêmes causes, c'est-à-dire par leur prompt accroissement dans le premier âge , par la LES PERROQUETS. 1 I courte durée de leur société avec leurs parents, dont les soins se bornent à l'éducation corporelle , et ne se répètent ni ne se continuent assez de temps pour faire des impressions durables et réciproques , ni même assez pour établir l'union d'une famille con- stante , premier degré de toute société, et source unique de toute intelligence. La faculté de l'imitation de la parole ou de nos ges- tes ne donne donc aucune proéminence aux animaux qui sont doués de cette apparence de talent naturel. Le singe qui gesticule , le perroquet qui répète nos mots, n'en sont pas plus en état de croître en intelli- gence et de perfectionner leur espèce : ce talejut se born^, dans le perroquet, à le rendre plus intéres- sant pour nous, mais ne suppose en lui aucune supé- riorité sur les autres oiseaux , sinon qu'ayant plus éminemment qu'aucun d'eux cette facilité d'imiter la parole , il doit avoir le sens de l'ouïe et les organes de la voix plus analogues à ceux de l'homme; et ce rapport de conformité, qui dans le perroquet est au plus haut degré , se trouve , à quelques nuances près, dans plusieurs autres oiseaux dont la langue est épaisse, arrondie, et de la môme forme à peu près que celle du perroquet : les sansonnets, les merles, les geais, les choucas , etc. , peuvent imiter la parole. Ceux qui ont la langue fourchue , et ce sont presque tous nos petits oiseaux, sifflent plus aisément qu'ils ne jasent. Enfin, ceux dans lesquels cette organisa- tion propre à siffler se trouve réunie avec la sensibilité de l'oreille et la réminiscence des sensations reçues par cet organe, apprennent aisément à répéter des airs, c'est-à-dire à siffler en musique : le serin, la H? 12 LES PERROQUETS. notte, le tarin, le bouvreuil, semblent être naturelle^ ment musiciens. Le perroquet, soit par imperfection d'organes ou défaut de mémoire , ne fait entendre que des eris ou des phrases très courtes, et ne peut ni chanter ni répéter des airs modulés : néanmoins il imite tous les bruits qu'il entend, le miaulement du chat, l'aboiement du chien, et les cris des oiseaux, aussi facilement qu'il contrefait la parole. Il peut donc exprimer et même articuler les sons, mais non les moduler ni les soutenir par des expressions caden- cées; ce qui prouve qu'il a moins de mémoire, moins de flexibilité dans les organes, et le gosier aussi sec, aussi agreste, que les oiseaux chanteurs l'ont moelleux et tendre. D'ailleurs, il faut distinguer aussi deux sortes d'imi- tation : l'une réfléchie ou sentie, et l'autre machinale et sans intention ; la première acquise , et la seconde , pour ainsi dire, innée. L'une n'est que le résultat de l'instinct commun , répandu dans l'espèce entière , et ne consiste que dans la similitude des mouvements et des opérations de chaque individu , qui tous sem- blent être induits ou contraints à faire les mêmes choses; plus ils sont stupides, plus cette imitation tracée dans l'espèce est parfaite : un mouton ne fait et ne fera jamais que ce qu'ont fait et font tous les au- tres moutons ; la première cellule d'une abeille res- semble à la dernière. L'espèce entière n'a pas plus d'intelligence qu'un seul individu, et c'est en cela que consiste la différence de l'esprit à l'instinct : ainsi l'imitation naturelle n'est dans chaque espèce qu'un résultat de similitude , une nécessité d'aulant moins intelligente et plus aveugle , qu'elle est plus LES PERROQUETS. l.) également répartie. L'autre imitation, quon doit re- garder comme artificielle, ne peut ni se répartir ni se communiquer à l'espèce ; elle n'appartient qu'à l'individu qui la reçoit , qui la possède sans pouvoir la donner : le perroquet le mieux instruit ne trans- mettra pas le talent de la parole à ses petits. Toute imitation communiquée aux animaux par l'art et par les soins de l'homme reste dans l'individu qui en a reçu l'empreinte ; et quoique cette imitation soit , comme la première, entièrement dépendante de l'organisation , cependant elle suppose des facultés particulières qui semblent tenir à l'intelligence, telles que la sensibilité, l'attention , la mémoire ; en sorte que les animaux qui sont capables de cette imitation, et qui peuvent recevoir des impressions durables et quelques traits d'éducation de la part de l'homme , sont des espèces distinguées dans l'ordre des êtres organisés; et si cette éducation est facile, et que l'homme puisse la donner aisément à tous les indi- vidus, l'espèce, comme celle du chien, devient réellement supérieure aux autres espèces d'animaux, tant qu'elle conserve ses relations avec l'homme ; car le chien abandonné à sa seule nature retombe au niveau du renard ou du loup, et ne peut de lui-même s'élever au dessus. Nous pouvons donc ennoblir tous les êtres en nous approchant d'eux; mais nous n'apprendrons jamais aux animaux à se perfectionner d'eux-mêmes. Chaque individu peut emprunter de nous sans que l'espèce en profite , et c'est toujours faute d'intelligence entre eux ; aucun ne peut communiquer aux autres ce qu'il a reçu de nous : mais tous sont à peu près également ll[ LES PERROQUETS. susceptibles d éducation individuelle; car, quoique les oiseaux , par les proportions du corps et par les formes de leurs membres, soient très différents des animaux quadrupèdes, nous verrons néanmoins que comme ils ont les mêmes sens, ils sont susceptibles des mêmes degrés d'éducation. On apprend aux aga- mis à faire à peu près tout ce que font nos chiens ; im serin bien élevé marque son affection par de cares- ses aussi vives, plus innocentes et moins fausses que celles du chat. Nous avons des exemples frappants^ 1. « Ou m'apporta, dit M. Fontaine, en 176Ô, une buse prise au piège. Elle iHoit d'abord extrêmement farouche, et même cruelle ; j'entrepris de l'apprivoiser, et j'en vins à bout en la laissant jeûner et la contraignant de venir prendre sa nourriture dans ma main : je parvins par ce moyen à la rendre très familière ; et, après l'avoir te- nue enfermée pendant environ six semaines, je commençai à lui lais- ser un peu de liberté, avec la précaution de lui lier ensemble les deux fouets de l'aile : dans cet état elle se promenoit dans mon jardin, et revenoit quand je l'appelois pour prendre sa nourriture. Au bout de quelque temps, lorsque je me crus assuré de sa fidélité, je lui ôtai ses liens, et je lui attachai un grelot d'un pouce et demi de diamètre au dessus de la serre, et je lui appliquai une plaque de cuivre sur le jabot, où étoit gravé mon nom : avec cette précaution je lui donnai toute liberté; et elle ne fut pas long-temps sans en abuser, car elle prit son essor et son vol jusque dans la forêt de Belesme. Je la crus perdue; mais , quatre heures après, je la vis foudre dans ma salle qui étoit ouverte, poursuivie par cinq autres buses qui lui avoieut donne la chasse, et qui l'avoient contrainte à venir chercher son asile... De- puis ce temps elle m'a toujours gardé fidélité, venant tous les soirs coucher sur ma fenêtre : elle devint si familière avec moi , qu'elle paroissoit avoir un singulier plaisir dans ma compagnie ; elle assistoit à tous mes diners sans y manquer, se mettoit sur un coin de la table, et me carcssoit très souvent avec sa tête et son bec , en jetant un petit cri aigu, qu'elle savoit pourtaut quelquelbis adoucir. 11 est vrai que j'avois sfîul ce privilège : elle me t>uivit un jour, éiant à cheval, à plus de deux lieues de chemin eu planant... Elle nainioit ni les chiens ni les chats ; elle ne les redoutoit aucuneuienl : elle a eu souvent vis-à- LES PERROQUETS. l5 de ce que peut l'oducalion sur les oiseaux de proie, qui de tous paroissent être les plus farouches oA les vis de ceux-ci de rudes combats à soutenir, elle en sorloil toujours victorieuse. J'avois quatre chats très forts que je faisois assembler dans mon jardin en présence de ma buse; je leur jetois un morceau de chair crue; le chat qui étoit le plus prompt sen saisissoit , les au- tres couroient après; mais loiseau fondoit sur le corps du chat qui avoit le morceau , et avec son bec lui pinçoit les oreilles, et avec ses serres lui pétrissoit les reins de telle force que le chat étoit forcé de lâcher sa proie. Souvent un autre chat s'en emparoit dans le même instant; mais il éprouvoit aussitôt le même sort, jusqu'à ce qu'enfin la buse, qui avoit toujours l'avantage , s'en saisit pour ne pas la céder : elle savoit si bien se défendre , que , quand elle se voyoit assaillie par les quatre chats à la fois, elle prenoit son vol avec sa proie dans ses serres , et annonçoitpar son cri le gain de la victoire. Enfin les chats, dégoûtés d'être dupes , ont refusé de se prêter au combat. » Cette buse avoit une aversion singulière; elle n'a jamais voulu souffrir de bonnet rouge sur la tête d'aucun paysan; elle avoit l'art de le leur enlever si adroitement, qu'ils se trouvoient têle nue sans savoir qui leur avoit enlevé leur bonnet : elle enlevoit aussi les per- ruques sans faire aucun mal, et poiloit ces bonnets et ces perruques sur l'arbre le plus élevé du parc voisin, qui étoit le dépôt ordinaire de tous ses larcins... Elle ne souffroit aucun autre oiseau de proie dans le canton; elle les attaquoit avec beaucoup de hardiesse, et les mettoit en fuite. Elle ne faisoit aucun mal dans ma basse-cour : les volailles, qui dans le commencement la redoutoient, s'accoutumèrent insensiblement avec elle; les poulets et les petits canards n'ont jamais éprouvé de sa part la moindre insulte : elle se baignoit au milieu de ces derniers. Mais ce qu'il y a de singulier, c'est qu'elle n'avoit pas cette même modération chez les voisins : je fus obligé de faire pu- blier que je paierois les dommages qu'elle pourroit leur causer : ce- pendan»telle fut fusillée bien des fois , et a reçu plus de quinze coups de fusil sans avoir aucune fracture. Mais un jour il auiva que, pla- nant dès le grand mati«n au bord de la forêt, elle osa attaquer un re- nard ; le garde de ce bois , la voyant sur les épaules du renard , leur tira deux coups de fusil : le renard fut tué , et ma buse eut le gros de l'aile cassé; malgré cette fracture, elle s'échappa des yeux du chasseur, et fut perdue pendant sept jours. Cet homme , s'étaut aperçu par le bruit du grelot que c'éloil mon oiseau , vint le lendemain jn'cu avertir ; j'en- l6 LES PERROQUETS. plus difficiles à dompter. On oonnoît en Asie le petit art d'instruire le pigeon à porter et rapporter des bil- lets à cent lieues de distance. L'art plus grand et mieux connu de la fauconnerie nous démontre qu'en diri- geant l'instinct naturel des oiseaux on peut le perfec- tionner autant que celui des autres animaux. Tout me semble prouver que si l'homme vouloit donner autant de temps et de soins à l'éducation d'un oiseau ou de tout autre animal qu'on en donne à celle d'un enfant, il feroit par imitation tout ce que celui-ci fait par intelligence; la seule différence seroit dans le pro- duit : l'intelligence, toujours féconde, se communi- que et s'étend à l'espèce entière, toujours en aug- mentant, au lieu que l'imitation, nécessairement stérile, ne peut ni s'étendre ni même se transmettre par ceux qui l'ont reçue. Et cette éducation par laquelle nous rendons les animaux, les oiseaux, plus utiles ou plus aimables voyai sur les lieax en faire la recherche ; on ne put le trouver, et ce ne fut qu'au bout de sept jours qu'il se retrouva. J'avois coutume de l'ap- peler tous les soirs par un coup de sifflet, auquel elle ne répondit pas pendant six jours; mais le septième j'entendis un petit-cri dans le loin- tain, que je crus être celui de ma buse : je le répétai alors une seconde fois, et j'entendis le même cri; j'allai du côté où je Tavois entendu, et je trouvai enfin ma pauvre buse qui avoit Taile cassée, et qui avoit fait plus d'une demi-lieue à pied pour regagner son asile , dont elle n'étoit pour lors éloignée que de cent vingt pas. Quoiqu'elle fût extrêmement exténuée, elle me fit cependant beaucoup de caresses; elle fut près de six semaines à se refaire et à se guérir de ses blessures : après quoi elle recommença à voler comme auparavant, et à suivre ses anciennes allures pendant environ un an; après quoi elle disparut pour toujours. Je suis très persuadé qu'elle fut tuée par méprise; elle ne m'auroit pas abandonné par sa propre volonté. » {Lettre de M. Fontaine, curé de ^aint-Pierre de Betesme, d M. le comte de Buffon, en date du 2S janvier LES PERROQUETS. 17 pour nous, semble les rendre odieux à tous les au- tres, et surtout à ceux de leur espèce. Dès que l'oi- seau privé prend son essor et va dans la forêt, les au- tres s'assemblent d'abord pour l'admirer, et bientôt ils le maltraitent et le poursuivent comme s'il étoit d'une espèce ennemie : on vient d'en voir un exemple dans la buse. Je l'ai vu de même sur la pie, sur le geai : lorsqu'on leur donne la liberté, les sauvages de leur espèce se réunissent pour les assaillir et les chas- ser; ils ne les admettent dans leur compagnie que quand ces oiseaux privés ont perdu tous les signes de leur aft'ection pour nous , et tous les caractères qui les rendoient différents de leurs frères sauvages, comme si ces mêmes caractères rappeloient à ceux- ci le sentiment de la crainte qu'ils ont de rhomme, leur tyran, et la haine que méritent ses suppôts ou ses esclaves. Au reste, les oiseaux sont, de tous les êtres de la nature, les plus indépendants et les plus fiers de leur liberté , parce qu'elle est plus entière et plus étendue que celle de tous les autres animaux. Comme il ne faut qu'un instant à l'oiseau pour franchir tout ob- stacle et s'élever au dessus de ses ennemis, qu'il leur est supérieur par la vitesse du mouvement et par l'a- vantage de sa position dans un élément où ils ne peu- vent atteindre , il voit tous les animaux terrestres comme des êtres lourds et rampants, attachés à la terre; il n'auroit même nulle crainte de l'homme, si la balle et la flèche ne lui avoient appris que, sans sortir de sa place, il peut atteindre, frapper, et por- ter la mort au loin. La nature, en donnant des ailes aux oiseaux, leur a départi les attributs de l'indépen- ï8 LES PERROQUETS. dance et les instruments de la hante liberté : aussi n'ont-ils de pairie qU'C le ciel qui leur convient; ils en prévoient les vicissitudes et changent de climat en devançant les saisons ; ils ne s'y établissent qu'après en avoir pressenti la température; la plupart n'arri- vent que quand la douce baleine du printemps a ta- pissé les forets de verdure, quand elle fait éclore les germes qui doivent les nourrir, quand ils peuvent s'é- tablir, se gîter, se cacher sous l'orabrage, quand enfin, la nature vivifiant les puissances de l'amour, le ciel et la terre semblent réunir leurs bienfaits pour combler leur bonheur. Cependant cette saison de plaisir de- vient bientôt un temps d'inquiétude ; tout à l'heure ils auront à craindre ces mêmes ennemis au dessus desquels ils planoîent avec mépris : le chat sauvage , la marte, la belette , chercheront à dévorer ce qu'ils ont de plus cher; la couleuvre rampante gravira pour avaler leurs œufs et détruire leur progéniture : quel- que élevé, quelque caché que puisse être leur nid, ils sauront le découvrir, l'atteindre, le dévaster; et les enfants, cette aimable portion du genre humain, mais toujours malfaisante par désœuvrement, viole- ront sans raison ces dépôts sacrés du produit de l'a- mour. Souvent la tendre mère se sacrifie dans l'espé- rance de sauver ses petits ; elle se laisse prendre plutôt que de les abandonner; elle préfère de partager et de subir le malheur de leur sort à celui d'aller seule l'annoncer par ses cris à son amant, qui néanmoins pourroit seul la consoler en partageant sa douleur. L'affection maternelle est donc un sentiment plus fort que celui de la crainte , et plus profond que celui de l'amour, puisqu'ici celte affection l'emporle sur LES VEK ROQUETS. I9 les deux dans le cœur d'une mère, et lui fait oublier son amour, sa liberté, sa vie. Pourquoi le temps des grands plaisirs est-il aussi celui des grandes sollicitudes? pourquoi les jouissan- ces les plus délicieuses sont-elles toujours accompa- gnées d'inquiétudes cruelles, même dans les ctres les plus libres et les plus innocents? n'est-ce pas un re- proche qu'on peut faire à la nature, cette mère com- mune de tous les êtres? Sa bienfaisance n'est jamais pure, ni de longue durée. Ce couple heureux qui s'est réuni par choix, qui a établi de concert et con- struit en commun son domicile d'amour, et prodigué les soins les plus tendres à sa fainille naissante, craint à chaque instant qu'on ne la lui ravisse; et s'il par- vient à l'élever, c'est alors que des ennemis encore plus redoutables viennent l'assaillir avec plus d'avan- tage : l'oiseau de proie arrive comme la foudre, et fond sur la famille entière; le père et la mère sont souvent ses premières victimes, et les petits , dont les ailes ne sont pas encore assez exercées, ne peuvent lui échapper. Ces oiseaux de carnage frappent tous les autres oiseaux d'une frayeur si vive , qu'on les voit frémir à leur aspect; ceux mêmes qui sont en siàreté dans nos basse-cours, quelque éloigné que soit l'en- nemi, tremblent au moment qu'ils l'aperçoivent; et ceux de la campagne, saisis du même effroi, le mar- quent par des cris et par leur fuite précipitée vers les lieux où ils peuvent se cacher. L'état le plus libre de la nature a donc aussi ses tyrans, et malheureu- sement c'est à eux seuls qu'appartient cette suprême liberté dont ils abusent, et cette indépendance abso- lue qui les rend les plus fiers de tous les animaux. aO LES PERROQUETS. L'aigle méprise le lion et lui enlève impunément sa proie ; il tyrannise également les habitants de l'air et ceux (le la terre , et il auroit peut-être envahi l'empire d'une grande portion de la nature , si les armes de l'homme ne l'eussent relégué sur le sommet des mon- tagnes, et repoussé jusqu'aux lieux inaccessibles, où il jouit encore sans trouble et sans rivalité de tous les avantages de sa domination tyrannique. Le coup d'œil que nous venons de jeter rapidement sur les facultés des oiseaux suffitpour nous démontrer que, dans la chaîne du grand ordre des êtres, ils doi- vent être , après l'homme , placés au premier rang. La nature a rassemblé, concentré dans le petit vo- lume de leur corps plus de force qu'elle n'en a dé- parti aux grandes masses des animaux les plus puis- sants; elle leur a donné plus de légèreté sans rien ôter à la solidité de leur organisation ; elle leur a cédé un empire plus étendu sur les habitants de l'air, de la terre et des eaux ; elle leur a livré les pouvoirs d'une domination exclusive sur le genre entier des insectes, qui ne semblent tenir d'elle leur existence que pour maintenir et fortifier celle de leurs destructeurs, aux- quels ils servent de pâture. Ils dominent de même sur les reptiles, dont ils purgent la terre sans redou- ter leur venin; sur les poissons, qu'ils enlèvent hors de leur élément pour les dévorer; enfin sur les ani- maux quadrupèdes, dont ils font également des vic- times : on a vu la buse assaillir le renard, le faucon arrêter la gazelle, l'aigle enlever la brebis, attaquer le chien comme le lièvre , les mettre à mort, et les emporter dans son aire ; et si nous ajoutons à toutes ces prééminences de lorce et de vitesse celles qui LES PERROQUETS. 21 rapprochent les oiseaux de la nature de Thomme, la marche à deux pieds, l'imitation de la parole , la mé- moire musicale, nous les verrons plus près de nous que leur forme extérieure ne paroîfc l'indiquer, en môme temps que, par la prérogative unique de l'at- tribut des ailes et par la prééminence du vol sur la course, nous reconnoîtrons leur supériorité sur tous les animaux terrestres. Mais descendons de ces considérations générales sur les oiseaux à l'examen particulier du genre des perroquets : ce genre, plus nombreux qu'aucun au- tre , ne laissera pas de nous fournir de grands exem- ples d'une vérité nouvelle ; c'est que dans les oiseaux, comme dans les animaux quadrupèdes, il n'existe dans les terres méridionales du Nouveau-Monde au- cune des espèces des terres méridionales de l'ancien continent , et cette exclusion est réciproque ; aucun des perroquets de l'Afrique et des grandes Indes ne se trouve dans l'Am-érique méridionale, et récipro- quement aucun de ceux de cette partie du Nouveau- Monde ne se trouve dans l'ancien continent. C'est sur ce fait général que j'ai établi le fondement de la nomenclature de ces oiseaux, dont les espèces sont très diversifiées et si multipliées, qu'indépendamment de celles qui nous sont inconnues, nous en pouvons compter plus de cent; et de ces cent espèces , il n'y en a pas une seule qui soit commune aux deux con- tinents. Y a-t-il une preuve plus démonstrative de cette vérité générale que nous avons exposée dans l'histoire des animaux quadrupèdes? Aucun de ceux qui ne peuvent supporter la rigueur des climats froids n'a pu passer d'un continent à l'autre, parce que ces liUi^FOIN. XXIV. 2 22 LES PERROQUETS. continents n ont jamais été réunis que dans les ré~ gions du Nord. 11 en est de même des oiseaux qui , comme les perroquets , ne peuvent vivre et se multi- plier que dans les climats chauds ; ils sont , malgré ia puissance de leurs ailes, demeurés confinés, les uns dans les terres méridionales du INouveau-Monde , et les autres dans celles de l'ancien ; et iis n'occupent dans chacun qu'une zone de vingt-cinq degrés de chaque côté de l'équateur. Mais, dira-t-on, puisque les éléphants et les autres animaux quadrupèdes de l'Afrique et des grandes In- des ont primitivement occupé les terres du Nord dans les deux continents, les perroquets kakatoès , les lo- ris et les autres oiseaux de ces mêmes contrées méri- dionales de notre continent , n'ont-ils pas du se trou- ver aussi primitivement dans les parties septentriona- les des deux mondes? Gomment est-il donc arrivé que ceux qui habitoient jadis l'Amérique septentrionale n'aient pas "gagné les terres chaudes de l'Amérique méridionale? car ils n'auront pas été arrêtés, comme les éléphants, par les hautes montagnes ni par les terres étroites de l'isthme; et la raison que vous avez tirée de ces obstacles ne peut s'appliquer aux oiseaux qui peuvent aisément franchir ces montagnes. Ainsi les différences qui se trouvent constamment entre les oiseaux de l'Amérique méridionale et ceux de l'Afri- que supposent quelques autres causes que celle de votre système sur le refroidissement de la terre et sur la migration de tous les animaux du nord au midi. Cette objection, qui d'abord paroît fondée, n'est cependant qu'une nouvelle question, qui, de q^iel- ([ue manière qu'on cherche à la faire valoir, ne peut LES PERROQUETS. 23 ni s'opposer ni nuire à 1 explication des faits généraux de la naissance primitive des animaux dans les terres du nord , de leur migration vers celles du midi , et de leur exclusion des terres de l'Amérique méridio- nale. Ces faits, quelque difficulté qu'ils puissent pré- senter, n'en sont pas moins constants, et l'on peut, ce me semble, répondre à la question d'une manière satisfaisante sans s'éloigner du système ; car les es- pèces d'oiseaux auxquelles il faut une grande chaleur pour subsister et se multiplier, n'auront, malgré leurs ailes, pas mieux franchi que les éléphants les som- mets glacés des montagnes ; jamais les perroquets et les autres oiseaux du midi ne s'élèvent assez haut dans la région de l'air pour être saisis d'un froid con- traire à leur nature, et par conséquent ils n'auront pu pénétrer dans les terres de l'Amérique méridionale, mais auront péri comme les éléphants dans les con- trées septentrionales de ce continent, à mesure qu'elles se sont refroidies. Ainsi cette objection , loin d'ébran- ler le système , ne fait que le confirmer et le rendre plus général, puisque non seulement les animaux qua- drupèdes, mais même les oiseaux du midi de notre continent, n'ont pu pénétrer ni s'établir dans le con- tinent isolé de l'Amérique méridionale. INous con- viendrons néanmoins que cette exclusion n'est pas aussi générale pour les oiseaux que pour les quadru- pèdes , dans lesquels il n'y a aucune espèce couîmune à l'Afrique et à l'Amérique, tandis que dans les oiseaux on en peut compter un petit nombre dont les espèces se trouvent également dans ces deux continents ; mais c'est par des raisons particulières, et seulement pour de certains genres d'oiseaux qui^ joignant à une grande ^4 LES PERROQUETS. puissance de vol la facullé de s'appuyer et de se re- poser sur l'eau, au moyen des larges meuibranes de leurs pieds , ont traversé et traversent encore la vaste étendue des mers qui séparent les deux continents vers le midi. Et comme les perroquets n'ont ni les pieds palmés ni le vol élevé et long-temps soutenu , aucun de ces oiseaux n'a pu passer d'un continent à l'autre , à moins d'y avoir été transporté par les hom- mes : on en sera convaincu par l'exposition de leur nomenclature, et par la comparaison des descriptions de chaque espèce , auxquelles nous renvoyons tous les détails de leurs ressemblances et de leurs diffé- rences , tant génériques que spécifiques ; et celte no- menclature étoit peut-être aussi difficile à démêler que celle des singes, parce que tous les naturalistes avant moi avoient également confondu les espèces et même les genres des nombreuses tribus de ces deux classes d'animaux, dont néanmoins aucune espèce n'appartient aux deux continents à la fois. Les Grecs ne connurent d'abord qu'une espèce de perroquet, ou plutôt de perruche : c'est celle que nous nommons aujourd'hui grande perruche à collier^ qui se trouve dans le continent de l'Inde. Les pre- miers de ces oiseaux furent apportés de l'île Tapro- bane en Grèce par Onésicrite, commandantde la flotte d'Alexandre : ils y étoient si nouveaux et si rares , qu'Aristote lui-môme ne paroît pas en avoir vu et semble n'en parler que par relation. Mais la beauté de ces oiseaux et leur talent d'imiter la parole en fi- rent bientôt un objet de luxe chez les Romains; Je sévère Caton leur en a fait un reproche. Ils logeoient cet oiseau dans des cages d'argent , d'écaillé et iTi-^ LES PERROQUETS. 'jS voire; et le prix d'un perroquet fut quelquefois plus grand chez eux que celui d'un esclave. On ne connoissolt de perroquets à Rome que ceux qui venoient des Indes, jusqu'au temps de Néron, où des émissaires de ce prince en trouvèrent dans une île du NM , entre Syène et Méroé ; ce qui revient à la limite de vingt-quatre à vingt-cinq degrés que nous avons posée pour ces oiseaux, et qu'il ne pa- roît pas qu'ils aient passée. Au reste , Pline nous ap- prend que le nom psittacuSj donné par les Latins au perroquet, vient de son nom indien psittace ou sittace. Les Portugais, qui les premiers ont doublé le cap de Bonne-Espérance et reconnu les côtes de l'Afri- que, trouvèrent les terres de Guinée et toutes les îles de l'Océan indien peuplées, comme le continent, de diverses espèces de pierroquets, toutes inconnues à l'Europe, et en si grand nombre qu'à Cnlicut, à Ben- gale et sur les côles de l'Afrique, les Indiens et les Nègres étoient o'bligés de se tenir dans leurs champs de mais et de riz vers le temps de la maturité , pour en éloigner ces oiseaux qui viennent les dévaster. Cette grande multilude de perroquets, dans toutes les régions qu'ils habitent, semble prouver qu'ils réi- tèrent leurs pontes, puisque chacune est assez peu nombreuse : mais rien n'égale la variété d'espèces d'oiseaux de ce genre qui s'offrirent aux navigateurs sur toutes les plages méridionales du Nouveau-Monde lorsqu'ils en firent la découverte; plusieurs îles re- çurent le nom à' îles des Perronnets. Ce fureni les seuls animaux que Colomb trouva dans la première où il aborda, et ces oiseaux servirent d'objets d'échange dans le premier commerce qu'eurent les Européens 9/o LES PERROQUETS. avec les Américains. Enfin on apporta des perroquets d'Amérique et d'Afrique en si grand nombre, que le perroquet des anciens fut oublié : on ne le connois- soit plus du temps de Belon que par la description qu'ils en avoient laissée; et cependant, dit Aldrovande, nous n'avons encore vu qu'une partie de ces espèces dont les îles et les terres du Nouveau-Monde nour- rissent une si grande multitude, que, pour exprimer leur incroyable variété , aussi bien que le brillant de leurs couleurs et toute leur beauté, il faudroit quitter la plume et prendre le pinceau. C'est aussi ce que nous avons fait en donnant le portrait de toutes les espèces remarquables et nouvelles dans les planches coloriées. Maintenant, pour suivre autant qu'il est possible i'ordrfe que la nature a mis dans cette multitude d'es- pèces, tant par la distinction des formes que par la division des climats, nous partagerons le genre entier de ces oiseaux d'abord en deux grandes classes, dont !a première contiendra toutes les perroquets de l'an- cien continent, et la seconde tous ceux du Nouveau- Monde : ensuite nous subdiviserons la première en cinq grandes familles, savoir, les kakatoès, les perro- quets proprement dits, les loris, les perruches à lon- gue queue et les perruches à queue courte : et de même nous subdiviserons ceux du nouveau continent en six autres familles, savoir, les aras, les amazones , les cricks, les papegais, les perriches à queue longue, et enfin les perriches à queue courte. Chacune de ces onze tribus ou familles est désignée par des ca- ractères distinctifs, ou du moins chacune porte quel- que livrée particulière qui les rend reconnoissabîes -^ LES KAKATOES. 27 et nous ailons présenter celles de l'ancien continent les premières. PERROQUETS DE L'ANClEiN CONTINENT. LES KAKATOES. Les plus grands perroquets de l'ancien continent sont les kakatoès; ils en sont tous originaires et pa- roissent être naturels aux climats de l'Asie méridio- nale. Nous ne savons pas s'il y en a dans les terres de l'Afrique ; mais il est sûr qu'il ne s'en trouve point en Amérique. Ils paroissent répandus dans les régions des Indes méridionales et dans toutes les îles de l'O- céan indien, à Ternate, à Banda, à Céram, aux Phi- lippines, aux îles de la Sonde. Leur nom de kakatoès j, catacua et catatou ^ vient de la ressemblance de ce mot à leur cri. On les distingue aisément des autres perroquets par leur plumage blanc et par leur bec plus crochu et plus arrondi, et particulièrement par une huppe de longues plumes dont leur tête est or- née, et qu'ils élèvent et abaissent à volonté^. Ces perroquets kakatoès apprennent difficilement à parler; il y a môme des espèces qui ne parlent ja- 1. Le sommet delà tcte, qui est recouvert par les longues plumes couchées en arrière delà huppe, est absolument chauve. 28 LES KAKATOÈS. mais : mais on en est dédommagé par la facililé de leur éducation. On les apprivoise tous aisément : ils semblent même être devenus domestiques en quel- ques endroits des Indes, car ils font leurs nids sur le toit des maisons; et cette facilité d'éducation vient du degré de leur intelligence qui paroît supé- rieure à celle des autres perroquets; ils écoutent, entendent et obéissent mieux : mais c'est vainement qu'ils font les mômes efforts pour répéter ce qu'on leur dit; ils semblent vouloir y suppléer par d'autres expressions de sentiment et par des caresses affectueu- ses. Ils ont dans tous leui^ mouvements une douceur et une grâce qui ajoutent encore à leur beauté. On en a vu deux, l'un mâle et l'autre femelle, au mois de mars iyyS, à la foire Saint-Germain, à Paris, qui obéissoient avec beaucoup de docilité soit pour éta- ler leur huppe, soit pour saluer les personnes d'un feigne de tête, soit pour toucher les objets de leur bec ou de leur langue , ou pour répondre aux questions de leur maître, avec le signe d'assentiment qui exprî- nioit parfaitement un oui muet. Ils indiquoient aussi par des signes réitérés le nombre des personnes qui étoient dans la chambre, l'heure qu'il étoit, la couleur des habits, etc. Ils se baisoient en se prenant le bec réciproquement; ils se caressoient ainsi d'eux-mêmes : ce prélude marquoit l'envie de s'apparier; et le maître assura qu'en eflelilss'apparioient souvent, même dans notre climat. Quoique les kakatoès se servent, comme les autres perroquets , de leur bec pour monter et descendre, ils n'ont pas leur démarche lourde et à6s- «ngréable ; ils sont au contraire très agiles, et marchenît de bonne grâce, en trottant et par petits sauts vifs. Pli3: Tome iIy Paii.quet,scnlp, l.LÉ KAKATOES AHDPPEBl.A2SrCSE_2.LEKAKAT'OESÀBIJPPE JATJME LE KAKATOES A HUPPE BLANCHE. 2g <»««>« <»e«>e««.$^«.s««««<@«#e<»a<9«^ LE KAKATOES A HUPPE BLANCHE. PREMIÈRE ESPÈCE. Psittacus crlstatus. L. Ce kakatoès, n" 2 63, est à peu près de la grosseur d'une poule : son plumage est entièrement blanc, à l'exception d'une teinte jaune sur le dessous des ailes et des pennes latérales de la queue; il a le bec et les pieds noirs. Sa magnifique huppe est très remarqua- ble, en ce qu'elle est composée de dix ou douze grandes plumes, non de l'espèce des plumes molles, mais de la nature des pennes, hautes et largement barbées; elles sont implantées du front en arrière sur deux lignes parallèles, et forment un double éventail. LE KAKATOÈS A HUPPE JAUNE. SECONDE ESPÈCE. Psittacus sulplwrcus. L. Dans cctle espèce l'on distingue deux races qui ne diffèrent entre elles que })ar la grandeur. La planche OO lE KAKATOÈS A HUPPE JAENE. enluminée, n** i4, représente la petite : dans l'une et Taiitre le plumage est blanc avec une teinte jaune sous les ailes et la queue, et des taches de la même cou- leur alentour des yeux. La huppe est d'un jaune ci- tron ; elle est composée de longues plumes molles et effilées, que l'oiseau relève et jette en avant : le bec et les pieds sont noirs. C'est un kakatoès de cette es- pèce, et vraisemblablement le preoiierqui ait été vu en Italie, que décrit Aldrovande : il admire l'élégance ef la beauté de cet oiseau , qui d'ailleurs est aussi in- telligent, aussi doux, aussi docile, que celui de la première espèce. Nous avons vu nous-mêmes ce beau kakatoès vi- vant; la manière dont il témoigne sa joie est de se- couer vivement la tête plusieurs fois de haut en bas, faisant un peu craquer son bec et relevant sa belle huppe; il rend caresse pour caresse ; il touche le vi- sage'de sa langue et semble vous lécher; il donne des baisers doux et savourés : mais une sensation par- ticulière est celle qu'il paroîl éprouver lorsque l'on met la main à plat dessous son corps, et que de l'autre main on le touche sur le dos, ou que simplement on approche la bouche pour le baiser ; alors il s'appuie fortement sur la main qui le soutient, fl bat des ailes, et, le bec à demi ouvert, il souffle en haletant, et semble jouir de la plus grande volupté : on lui fait répéter ce petit manège autant que l'on veut. Un au- tre de ses plaisirs est de se faire gratter; il montre sa tète avec la patte ; il soulève l'aile pour qu'on la lui frotte : il aiguise souvent son bec en rongeant et cas- sant le bois. Il ne peut supporter d'être en cage ; mais il n'use de sa liberté que pour se mettre à portée de LE KAKATOES A HUPPE JAUNE. ôl son maître, qu'il ne perd pas de vue : il vient lors- qu'on l'appelle, et s'en va lorsqu'on le lui commande; il témoigne alors la peine que cet ordre lui fait en se retournant souvent, et regardant si on ne lui fait pas signe de revenir. Il est de la plus grande propreté : tous ses mouvements sont plein de grâce , de délica- tesse et de mignardise. Il mange des fruits, des lé- gumes , toutes les graines farineuses, de la pâtisserie, des œufs, du lait, et de tout ce qui est doux sans être trop sucré. Du reste , ce kakatoès avoit le plumage d'un plus beau blanc que celui de notre planche en- luminée^. « s>:8>«*«*<>fl«<*o««*s'0!e«o*o<»e>3>e*«*e«'e* £>«•»♦»■» ?8'« q^ui le représente; il faut y suppléer en lui figurant quinze pouces de longueur.) Edwards le dit un des plus rares. On le trouve aux Moluques et à la Nouvelle-Guinée, d'où il nous a été envoyé. LE PERROQUET VARIE. TR0ISIÈ3IE ESPÈCE. Psittacus accipitrinus. L. Ce perroquet est le même que le psittacus elegans de Clusius , et le perroquet à tête de faucon d'Edwards. II est de la grosseur d'un pigeon. Les plumes du cou , qu'il relève dans la colère, mais qui sont exagérées dans la figure de Clusius, sont de couleur pourprée, bordées de bleu ; la tête est couverte de plumes mê- lées par traits de brun et de blanc comme le plumage d'un oiseau de proie , et c'est dans ce sens qu'Edwards l'a nommé perroquet à tête de faucon. Il y a du bleu dans les grandes pennes de l'aile et à la pointe des la- térales de la queue , dont les deux intermédiaires sont vertes, ainsi que le reste des plumes du manteau. Le perroquet maillé des planches enluminées. LE PERROQUET VARIÉ. 49 n*" 626, nous paroît être le môme que le perroquet varié dont nous venons de donner la description, et nous présumons que le très petit nombre de ces oi- seaux qui sont venus d'Amérique en France avoient auparavant été transportés des grandes Indes en Amé- rique , et que si on en tronve dans l'intérieur des terres de la Guiane, c'est qu'ils s'y sont naturalisés comme les serins, le cochon d'Inde, et quelques autres oiseaux et animaux des contrées méridionales de l'ancien continent qui ont été transportés dans le nouveau par les navigateurs; et ce qui semble prou- ver que cette espèce n'est point naturelle à l'Amé- rique, c'est qu'aucun des voyageurs dans ce conti- nent n'en a fait mention , quoiqu'il soit connu de nos oiseleurs sous le nom de perroquet maillé j, épithète qui indique la variété de son plumage : d'ailleurs il a la voix, différente de tous les autres perroquets de l'Amérique; son cri est aigu et perçant. Tout sem- ble prouver que cette espèce, dont il est venu quel- ques individus de l'Amérique, n'est qu'accidentelle à ce continent, et y a été apportée des grandes Indes. LE VAZA, ou PERROQUET NOIR. QUATRIÈ3IE ESPÈCE. Psitt acm niger, L. La quatrième espèce des perroquets proprement dits est le vaza, n** 5oo, nom que celui-ci porte à !:>() LE VAZÂ. or PERROQUET NOIR. Madagascor. suivant Flaccourt , qui ajoute que ce perroquet imite la voix de Thomme. Heunefoit eu fait aussi mention ; et c'est le même que François Gauche appelle woures-melnte ^ ce qui veut dire oi- seau nolr^ le nom de vourou en langue madécasse signifie oiseau en général. Aldrovande place aussi des perroquets noirs dans rÉtbiopiCo Le vaza est de la grosseur du perroquet cendré de Guinée; il est égale- ment noir dans tout son plumage, non d'un noir épais et profond, mais brun et comme obscurément teint de violet. La petitesse de son bec est remar- quable ; il a au contraire la queue assez longue. M. Edwards, qui l'a vu vivant, dit que c'étoit un oi- seau irès familier et fort aimable. LE MASCARLN. CINQUIÈME ESPÈCE. Psittacus mascarinus. L. Il est ainsi nommé parce qu'il a autour du bec une sorte de masque noir qui engage le front, la gorge, et le tour de la face. Son bec est rouge; une coiffe grise couvre le derrière de la tête et du cou; tout le corps est brun ; les pennes de la queue, bru- nes aux deux tiers de leur longueur, sont blanches à l'origine. La longueur totale de ce perroquet, n° 55, est de treize pouces. M. le vicomte de Querhoent nous assure qu'on le trouve à l'île de Bourbon , où PliôZ Terme 24 PaxiQ-aeb scxilp 1 LEMASCAaiN_2LEN0IRA_3,LE 1,0RY CRAMOISI LE MASCiMUN. ,)1 probablement il a été transporté de Madagascar-. Nous avons au Cabinet du Roi un individu de même grandeur et de même couleur, excepté qu'il n'a pas le masque noir ni le blanc de la queue, et que tout le corps est également brun ; le bec est aussi plus petit, et, par ce caractère, il se rapproche plus du vaza. dont il paroît être une variété s'il ne forme pas une espèce intermédiaire entre celle-ci et celle du raascarin. C'est à cette espèce ou à cette variété que nous rapporterons le perroquet brun de M. Brisson. »eyft*fi-»A««>'>«*e-î-ê.«>«-&e-ai»9 LE PERROQUET A BEC COULEUR DE SANG. SIXIÈME ESPÈCE. Psittacus macrorkyncos. L. Ce perroquet, n° 710, se trouve à la Nouvelle- Guinée : il est remarquable par sa giandeur; il l'est encore par son bec couleur de sang, plus épais et plus large à proportion que celui de tous les autres per- roquets, et même que celui des aras d'Amérique. Il a la tête et le cou d'un vert brillant à reflets dorés; le devant du corps est d'un jaune ombré de vert; la queue, doublée de jaune , est verte en dessus; le dos est bleu d'aigue-marine ; l'aile paroît teinte d'un mé- lange de ce bleu d'azur et de vert, suivant différents aspects, les couvertures sont noires, bordées et cha- marrées de traits jaune doré. Ce perroquet a quatorze pouces de longueur. 02 LE GRAND PERROQUET VERT A TÊTE BLEUE. «»%»»i»»g t>»»»»»«li»0»<>ft'»»!>»-»»ft»»»3 *«*9«0«» LE GRAND PERROQUET VERT A TÊTE BLEUE. SEPTIÈME ESPÈCE. Psittacus gramineus. L. Ce perroquet, n** 862, qui se trouve à Àmboine, est un des phis grands ; il a près de seize pouces de longueur, quoique sa queue soit assez courte. Il a le front et le dessus de la tête bleus; tout son man- teau est d'un vert de pré surohargé et mêlé de bleu sur les grandes pennes; tout le dessous du corps est d'un vert olivâtre; la queue est verte en dessus, et d'un jaune terne en dessous. LE PERROQUET A TETE GRISE. HUITIEME ESPECE. Psittacus senegalus. L. Cet oiseau a été nommé dans la planche enlumi- née, n° 288 , petite perruclie du Sénégal. Mais ce n'est point une perruche proprement dite, puisqu'il n'a pas la queue longue , et qu'au contraire il l'a très courte; il n'est pas non plus un moineau de Guinée ou une petite perruche à queue courte, étant deux LE PERROQUET A TÊTE GRISE. 53 OU trois fois plus gros que cet oiseau : il doit donc être placé parmi les perroquets, dont c'est véritable- ment une espèce, quoiqu'il n'ait que sept pouces et demi de longueur; mais dans sa taille ramassée il est gros et épais. Il a la tête et la face d'un gris lustré bleuâtre ; l'estomac et tout le dessous du corps d'un gros jaune souci , quelquefois mêlé de rouge aurore ; la poitrine et tout le manteau verts , excepté les pen- nes de l'aile, qui sont seulement bordées de cette couleur autour d'un fond gris brun. Ces perroquets sont assez communs au Sénégal ; ils volent par petites bandes de cinq ou six : ils se perchent sur le sommet des arbres épars dans les plaines brûlantes et sablon- neuses de ces contrées, où ils font entendre un cri aigu et désagréable ; ils se tiennent serrés l'un contre Tautre , de manière que l'on en tue plusieurs à la fois; il arrive même assez souvent de tuer la petite bande entière d'un seul coup de fusil. Lemaire assure qu'ils ne parlent point ; mais cette espèce peu connue n'a peut-être pas encore reçu de soins ni d'éducation. LES LORIS. On a donné ce nom dans les Indes orientales à une famille de perroquets dont le cri exprime assez bien le mot lori. Ils ne sont guère distingués des autres oi- seaux de ce genre que par leur plumage, dont la cou- leur dominante est un rouge plus ou moins foncé. Outre cette différence principale, on peut aussi re- marquer que les loris ont, en général, ie bec plus KlIfFON. XXIV. 4 54 LES LORIS. petit, moins courbé et plus aigu que les autres perro- quets, lis ont de plus le regard vif, la voix perçante ^ et les mouvements prompts. Ils sont, dit Edwards, les plus agiles de tous les perroquets, et les seuls qui sautent sur leur bâton jusqu'à un pied de hauteur. Ces qualités bien constatées démentent la tristesse silencieuse qu'un voyageur leur attribue. Ils apprennent très facilement à siffler et à articuler des paroles : on les apprivoise aussi fort aisément, et, ce qui est assez rare dans tous les animaux, ils con- servent de la gaieté dans la captivité; mais ils sont, en général, très délicats et très difficiles à transpor- ter et à nourrir dans nos climats tempérés, où ils ne peuvent vivre long-temps. Ils sont sujets, même dans leur pays natal, à des accès épileptiques? comme les aras et autres perroquets; mais il est probable que les uns et les autres ne ressentent cette maladie que dans la captivité. « C'est improprement, dit M. Sonnerat, que les ornithologistes ont désigné les loris par les noms de loris des PhilipplneSj, des Indes orientales,, de la Chine jetc. Les oiseaux de cette espèce ne se trouvent qu'aux Moluques et à la Nouvelle-Guinée ; ceux qu'on voit ailleurs en ont tous été transportés. » Mais c'est encore plus improprement, ou, pour mieux dire , très mal à propos que ces mêmes no- menclateurs d'oiseaux ont donné quelques espèces de loris comme originaires d'Amérique , puisqu'il n'y en existe aucune, et que si quelques voyageurs y en ont vu, ce ne peuvent être que quelques individus qui avoient été transportés des îles orientales de l'Asie. M. Sonnerat ajoute qu'il a trouvé les espèces de LES LOUIS. 55 loris constamment différentes d'une îie à l autre , quoiqu'à peu de distance. On a fait une observation toute semblable dans nos îles de l'Amérique : cha- cune de ces îles nourrit assez ordinairement des es- pèces différentes de perroquets. LE LORI NOTRA. PREMIÈRE ESPÈCE. Psittacus garrukis. L. Ce lori est représenté, dans les planc-ies enlumi- nées, n° 216, sous la dénomination de (ori des Molu- ques ; mais cette dénomination est trop vague, puis- que , comme nous venons de le voir, presque toutes les espèces de loris viennent de ces îles. Celui-ci se trouve à Ternate, à Céram et à Java. Le nom de noirci est celui que les Hollandois lui donuent et sous le- cjuel il est connu dans ces îles. Cette espèce est si recherchée dans les Indes, qu'on donne volontiers jusqu'à dix réaux de huit pour un noira. On lit dans les premiers voyages des Hollan- dois à Java, que pendant long-temps on avoit tenté inutilement de transporter quelques uns de ces beaux oiseaux en Europe; ils périssoient tous dans la tra- versée : cependant les Hollandois du second voyage en apportèrent un à Amsterdam. On en a vu plus fréquemment depuis. Le noira marque à son maî- tre de l'attachement et même de la tendresse : il le caresse avec son bec , lui passe les cheveux brin à 56 LE LORI NOIRA. brin avec une douceur et une familiarité surprenantes; et en même temps il ne peut souffrir les étrangers, et les mord avec une sorte de fureur. Les Indiens de Java nourrissent un grand nombre de ces oiseaux. En général, il paroît que la coutume de nourrir et d'é- lever des perroquets en domesticité est très ancienne chez les Indiens , puisque Elien en fait mention. Variétés du Noir a. C'est apparemment au noira que se rapporte ce que dit AIdrovande du perroquet de Java que les insu- laires appellent nor, c'est à dire brillant. Il a tout le corps d'un rouge foncé , l'aile et la queue d'un vert aussi foncé , une tache jaune sur le dos, et un petit bord de cette même couleur à l'épaule. Entre les plu- mes de l'aile, qui étant pliée paroît toute verte, les couvertures seulement et les petites pennes sont de cette couleur jaune, et les grandes sont brunes. II. Le lori décrit par M. Brisson sous le nom de bride Cératrij et auquel il attribue tout ce que nous avons appliqué au noira, n'en est en effet qu'une variété, et il ne diffère de notre noira qu'en ce qu'il a les plu- mes des jambes de couleur verte , et que le noira les a rouges comme le reste du corps. LE LORI A COLLIER. ^J e»»ft'»»»»«»»»»<>i»8>»»e LE LORI A COLLIER. SECONDE ESPÈCE. Psitt acus domicella. L. Cette seconde espèce de lori est représentée, dans les planches enluminées, n° 1 19, sous la dénomination de lori mâle des Indes orientales : nous n'adoptons pas cette dénomination, parce qu'elle est trop vague, et que d'ailleurs les loris ne sont pas réellement répan- dus dans les grandes Indes, mais plutôt confinés à la Nouvelle-Guinée et aux Moluques. Gehii-ci a tout le corps et la queue de ce rouge foncé de sang qui est proprement la livrée des loris ; l'aile est verte; le haut de la tête est d'un noir terminé de violet sur la nuque; les jamhes et le pli de l'aile sont d'un beau bleu; le bas du cou est garni d'un demi-collier jaune; et c'est par ce dernier caractère que nous avons cru devoir désigner cette espèce. L'oiseau représenté dans les planches enluminées, n" 84, sous la dénomination de lori des Indes orien- taleSj et que M. Brisson a donné sous le même nom, paroît être la femelle de celui dont il est ici question ; car il n'en diffère qu'en ce qu'il n'a pas le collier jaune ni la tache bleue du sommet de l'aile si grande : il est aussi un peu plus petit; apparemment le mâle seul dans cette espèce porte le collier. Ce lori est , comme tous les autres , très doux et familier, mais aussi très délicat et difficile à élever. Il n'y en a point qui ap- 58 LE LORI A COLLIER. prenne plus facilement à parier et qui parle aussi dis- tinctement. J'en ai vu un_, dit M. Aublet, qui répé- toit tout ce qu'il entendait dire à la première fois. Tout étonnante que ce,tte faculté puisse paroître , on ne peut guère en douter ; il semble même qu'elle appar- tienne à tous les loris. Celui-ci en particulier est très estimé : Albin dit qu'il Fa vu vendre vingt guinées. Au reste, on doit regarder comme une variété de cette espèce le lori à collier des Indes donné par M. Brisson. e»fMKfï« «^9*«>»cs>o*f>*»* iM» ty» LES LORIS-PERRUCHES. Les espèces qui suivent sont des oiseaux presque entièrement rouges comme les loris; mais leur queue est plus longue, et cependant plus courte que celle des perruches, et l'on doit les considérer comme fai- sant la nuance entre les loris et les perruches de l'ancien continent. Nous les appellerons, par celle raison, loris -perruches. >^y»*e>8«««*t*î~8«*» LE LORI-PERRUGHE ROUGE. PREMIERE ESPECE. Pslttacus borneus. L. Le plumage de cet oiseau est presque entièrement rouge, à l'exception de quelques couvertures et des exlrémités des pennes de l'aile et des pennes de la queue, dont les unes sont vertes et quelques autres sont bleues. La longueur totale de l'oiseau est de huit pouces et demi. Edwards dit qu'il est très rare, et qu'un voyageur le donna à M. Hans Sloane , comme venant de Bornéo. Tome 2.4- PànoTiet scul-p 1 LE LOBY-PEKRUCEE' ROUGE ET 'VIOI^T-Q.LAPERRUCHE TRICOLORE- 3 LAPERRIJ- CHE À TE TE BLEUE lE LORI-PERRUCHE VIOLET ET ROUGE. 65 a9«<»«»a»««««««ce« &«<»»»e«««« tMi-&««« >. 9«^ir-« 8>»«« >&4 LE LORI-PERRUCHE TRICOLOR. TROISIÈME ESPÈCE. Psittacus ambolnensis. L. On peut nommer ainsi cet oiseaji , n*" 240, le rouge , le vert, et le bleu turquin occupant par trois gran- des masses tout son plumage : le rouge couvre la tête, le cou, et toMt le dessous du corps; l'aile est d'un vert foncé ; le dos et la queue sont d'un gros bleu , moelleux et velouté. La queue est longue de 64 LE LORI-PERRUCHE TRICOLOR. sept pouces, roisean entier de quinze et demi, et de la grosseur d'une tourterelle. La queue, dans ces trois dernières espèces, quoique plus longue que ne Test communément celle des loris et des perroquets proprement dits, n'est néanmoins pas étagëe comme celle des perruches à longue queue, mais composée de pennes égales et coupées à peu près carrément. PERRUCHES DE L'ANCIEN CONTINENT. PERRUCHES A QUEUE LONGUE ET ÉGALEMENT ÉTAGÉE. Nous séparons en deux familles les perruches à longue queue : la première sera composée de celles qui ont la queue également étagée, et la seconde de celles qui l'ont inégale, ou plutôt inégalement éta- gée , c'est-à-dire qui ont les deux pennes du milieu de la queue beaucoup plus longues que les autres pennes, et qui paroissent en même temps séparées l'une de l'autre. Toutes ces perruches sont plus gros- ses que les perruches à queue courte dont nous don- nerons ci-après la description , et cette longue queue les distingue aussi de tous les perroquets à queue courte. îlaÔ Tome n.lj^ 1 LAGRAbTDE PERRUCHE ACOLLIER ROUGE _2 LAPERECDCHi: ACOLLIER COULEUR DE HO SE LA GR. PERRUCHE A COLL. DUN ROUGE VIF. 65 i»ft8»a»ft9<'fl«»»<'i<» LA GRANDE PERRUCHE A COLLIER D'UN ROUGE VIF. PREMIÈRE ESPÈCE A QUEUE LONGUE ET ÉGALE. Psittacus Alexandri L. Pline et Solin ont également décrit le perroquet vert à collier, qui, de leur temps, étoit le seul connu, et qui venoit de llnde. Apulée le dépeint avec l'é- légance qu'il a coutume d'affecter, et dit que son plumage est d'un vert naïf et brillant. Le seul trait qui tranche, dit Pline, dans le vert de ce plumage, est un demi-collier d'un rouge vif appliqué sur le haut du cou. Aldrovande , qui a recueilli tous les traits de ces descriptions, ne nous permet pas de douter que ce perroquet à collier et à longue queue des anciens ne soit notre grande perruche à collier rouge. Pour le prouver, il suffit de deux traits de la description d'Aldrovande : le premier est la largeur du collier, qui, dit-il, est dans son milieu de l'épais- seur du petit doigt; l'autre est la tache rouge qui marque le haut de l'aile. Or, de toutes les perruches qui pourroient ressembler à ce perroquet des an- ciens, celle-ci, n^ 642, seule porte ces deux carac- tères; les autres n'ont point de rouge à J'épaule, et leur collier n'est qu'un cordon sans largeur. Au reste, cette perruche rassemble tous les traits de beauté des oiseaux de son genre ; plumage d'un vert clair et gai sur la tête, plus foncé sur les ailes et le dos; demi- 61) LA. GR. PERRUCHE V COLL. d'lN ROUGE VIF. coliier couleur de rose, qui, entourant le derrière du cou, se rejoint sur les côtés à la bande noire qui enveloppe la gorge; bec d'un rouge vermeil, et tacbe pourprée au sommet de l'aile : ajoutez une belle queue, plus longue que le corps, mêlée de vert et de bleu d'aigue-marine en dessus, et doublée de jaune tendre, vous aurez toute la figure simple à la fois et parée de cette grande et belle perruche qui a été le premier perroquet connu des anciens. Elle se trouve non seulement dans les terres du continent de l'Asie méridionale, mais aussi dans les îles voisi- nes et à Ceyla-n ; car il paroît que c'est de cette der- nière île que les navigateurs de 1 armée d'Alexandre la rapportèrent en Grèce , où l'on ne connoissoit en- core aucune espèce de perroquets^. < *«*© N9-»««'9««<*i>«e*»^>9*-?« LA PERRUCHE A DOUBLE COLLIER. SECOISDE ESPÈCE A QUEUE LONGUE ET ÉGALE. Psittacus bitorquatus. Kuhi. Deux petits rubans, l'un rose et l'autre bleu, en- tourent le cou en entier de cette perruche , n** 2 1 5 , qui est de la grosseur d'une tourterelle; du reste, tout son plumage est vert, plus foncé sur le dos, jau- nissant sous le corps, et, dans plusieurs de ses par- I, Voyez, , sur le perroquet des anciens, la fin du discours qui pré- cède les perroquets. LA PKURUCHE A DOUBLE COLLIER. 6^ lies, rembruni d'un trait sombre sur le milieu de chaque plume; sous la queue, un frangé jaunâtre borde le gris brun tracé dans chaque penne. La moi- tié supérieure du bec est d'un beau rouge ; l'infé- rieure est brune. Il est probable que cette perruche , venue de l'île de Bourbon, se trouve aussi dans le continent correspondant ou de l'Afrique ou des Indes. LA PERRUCHE A TÊTE ROUGE. TROISIÈME ESPÈCE A QUEUE LONGUE ET ÉGALE. Psittacus erythroceplialus, L. Cette perruche, n** 264? qui a onze pouces de longueur totale , et dont la queue est plus longue que le corps, en a tout le dessus d'un vert sombre, avec wn^ tache pourpre dans le haut de l'aile; la face est d'un rouge pourpré, qui, sur la tête, se fond dans du bleu , et se coupe sur la nuque par un trait prolongé du noir qui couvre la gorge ; le dessous du corps est d'un jaune terne et sombre; le bec est rouge. LA PERRUCHE A TETE BLEUE. QUATRIÈME ESPÈCE A QUEUE LONGUE ET ÉGALE. Psittacus cyanocephatus. L. Cette perruche , n° 192 , longue de dix pouces, a le bec blanc , ht tête bleue, ie corps vert , le devant du cou 6S LA PERRUCHE A TÊTE BLEUE. jaune, et du jaune mêlé dans le vert sous le ventre et la queue, dont les pennes intermédiaires sont en dessus teintes de bleu ; les pieds sont bleuâtres. LA PERRUCHE-LORL CINQUIÈME ESPÈCE A QUEUE LONGUE ET ÉGALE. Psittacus ornatus. L. Nous adoptons le nom qu'Edwards a donné à cette espèce, à cause du beau rouge qui semble la rappro- cher des loris. Ce rouge , traversé de petites ondes brunes , teint la gorge , le devant du cou , et les côtés de la lace jusque sur l'occiput qu'il entoure; le haut de la tête est pourpré , Edwards le marque bleu ; le dos, le dessus du cou, des ailes, et l'estomac, sont d'un vert d'émeraude ; du jaune orangé tache irré- gulièrement les côtés du cou et les flancs; les gran- des pennes de l'aile sont noirâtres, frangées au bout de jaune ; la queue , verte en dessus, paroît doublée de rouge et de jaune à la pointe ; le bec et les pieds sont gris blanc. Cette perruche , n° 552 , est de moyenne grosseur, et n'a que sept pouces et demi de longueur. C'est une des plus jolies par l'éclat et l'as- sortiment des couleurs. Ce n'est point Vavis paridi- siaca de Seba, comme le croit M. Brisson, puisque, sans compter d'autres diflerences, cet oiseau de Seba, très difficile d'ailleurs à rapporter à sa véritable es- pèce, est à queue inégalement étagée. LA PERKIJCHE JAUNli. 69 LA PERRUCHE JAUNE. SIXIÈME ESPÈCE A QUEUE LONGUE ET ÉGALE. P$ittacus solstitialis. L. M. Brisson donne cette espèce sous la dénomina- tion de perruche jaune d* Angola ^ et la décrit d'après Frisch. Tout son pluûiage est jaune, excepté le ven- tre et le tour de l'œil qui sont rouges, et les pennes des ailes avec une partie de celles de la queue qui sont bleues. Les premières sont traversées dans leur milieu d'une bande jaunâtre. Au reste, la queue est représentée dans Frisch d'une manière équivoque et peu distincte. Albin , qui décrit aussi cette perruche , assure qu'elle apprend à parler; et, quoiqu'il l'appelle perroquet d' Angoia, il dit qu'elle vient des Indes oc- cidentales. LA PERRUCHE A TETE D'AZUR. SEPTIÈME ESPÈCE A QUELE LONGUE ET É^GALE. Cette perruche qui est de la grosseur d'un pigeon, a toute la têle, la face et la gorge, d'un beau bleu céleste; un peu de jaune sur les ailes; la queue bleue, également étagée, et aussi longue que le corps; le reste du plumage est vert. Cette perruche vient des grandes Indes, suivant M. Edwards, qui nous l'a fait connoître. DL'FrO.>. XXIV. 5 •-O LA PEllRrCHE-SOUIlIS. LA PERRUCHE-SOURIS. HUITIÈME ESPÈCE A QUEUE LONGUE ET ÉGALE. Psittacus murinus. L. Cette espèce paroît nouvelîe, et nous ignorons son pays nalal ; peut-être pourroit-on lui rapporter l'in- dication suivante, tirée d'un voyage à l'île de France : « La perruche verte à capuchon gris, de la grosseur d'un moineau, ne peut s'apprivoiser. » Quoique cette perruche, n° 768 , soit considérablement plus grosse que le moineau, nous lui avons donné le nom de souris j parce qu'une grande pièce gris de souris cou- vre la poitrine, la gorge , le front et toute la face ; le reste du corps est vert d'olive , excepté les grandes pennes de l'aile, qui sont d'un vert plus fort; la queue est longue de cinq pouces, le corps d'autant; les pieds sont gris ; le bec est gris blanc. Tout le plumage pâle et décoloré de cette perruche lui donne un air triste, et c'est la moins brillante de toutes celles de sa famille. LA PERRUCHE A MOUSTACHES. NEUVIÈME ESPÈCE A QUEUE ÉGALE. Psittacus pondicerianus. L. Un trait noir passe d'un œil à l'autre sur le front de cette perruche, n"* 517, et deux grosses moustaches LA PERRUCHE A MOUSTACHES. 7I de la même couleur partent du bec inférieur, et s'é- largissent sur les côtés de la gorge; le reste de la face est blanc et bleuâtre ; la queue , verte en dessus , est jaune paille en dessous; le dos est vert foncé; il y a du jaune dans les couvertures de l'aile, dont les gran- des pennes sont dun vert d'eau foncé; l'estomac et la poitrine sont de couleur de lilas. Cette perruche a près de onze pouces; sa queue fait la moitié de cette longueur. Celle espèce est encore nouvelle ou du moins n'est indiquée par aucun naturaliste. LA PERRUCHE A FACE BLEUE. DIXIÈME ESPÈCE A QUEUE LONGUE ET ÉGALE. Psittacus hœmatopus. L. Cette belle perruche a le manteau vert et la tête peinte de trois couleurs, d'indigo sur la face et la gorge, de vert brun à l'occiput, et de jaune en dessous; le bas du cou et la poitrine sont d'un mordoré rouge , tracé de vert brun; le ventre est vert, le bas-ventre mêlé de jaune et de vert , et la queue doublée de jaune. Edwards a déjà donné cet^e espèce ; mais elle paroît avoir été représentée d'après un oiseau mis dans de Tesp rit-de-vin, et les couleurs en sont flétries. Celui que représente la planche enluminée, n** 61, étoit mieux conservé. Cette perruche se trouve à Am- boine. Nous lui rapporterons comme simple variété, ou du moins comme espèce très voisine la perruche des Molugues _, n*" 74^, dont la grandeur et les princi- -ja LA PERUUCHï; A FACE BLEUE. pales couleurs sont les mêmes , à ceîa près que la tête entière est indigo, et qu'il y a une tache de cette cou- leur au ventre. Le rouge aurore de la poitrine n'est point onde, mais mêlé de jaune. Ces différences sont trop légères pour constituer deux espèces distinctes. La queue de ces perruches est aussi longue que le corps : la longueur totale est de dix pouces. Leur bec est blanc rougeâtre. LA PERRUCHE AUX AILES CHAMARRÉES. ONZIÈME ESPÈCE A QUEUE LONGUE ET ÉGALE. Psittacfis olivaceus. L. L'oiseau donné dans la planche enluminée, n° 287, sous le nom de perroquet de Luçon doit plutôt être ap- pelé perruche _, puisqu'il a la queue longue et étagée. II a les ailes chamarrées de bleu, de jaune et d'orangé; la première de ces couleurs occupant le milieu des plumes, les deux autres s'étendent sur la frange; les grandes pennes sont d'un brun olivâtre. Cette couleur est celle de tout le reste du corps, excepté une tache bleuâtre derrière la tête. Cette perruche a un peu plus de onze pouces de longueur, la queue fait plus du tiers de cette longueur totale. Cependant l'aile est aussi très longue , et couvre près de la moitié de la queue; ce qui ne se trouve pas dans les autres perruches , qui ont généralement les ailes beaucoup plus courtes. LA PERRUCHE AUX AILES CHAMARRÉES. ^'S Passons maintenant à l'énumération des perruches de l'ancien continent, qui ont de même la queue lon- gue, mais inégaîem-ent étagée. PERRUCHES A LOi^GUE QUEUE ET INÉGALE DE l'ancien continent. LA PERRUCHE A COLLIER COULEUR DE ROSE. PREMIÈRE ESPÈCE A QUEUE LONGUE ET ÉGALE. Psittacus torquatus. Briss. , nonQm. Loin que cette perruche paroisse propre au nou- veau continent, comme le dit M. Brisson, elle lui est absolument étrangère. On la trouve dans plusieurs parties de l'Afrique : on en voit arriver au Caire en grand nombre par les caravanes d'Ethiopie. Les vais- seaux qui partent du Sénégal ou de Guinée, où cette perruche se trouve aussi communément, en portent en quantité avec les nègres dans nos îles de l'Améri- que. On ne rencontre point de ces perruches dans tout le continent du Nouveau-Monde; on ne les voit que dans les habitations de Saint-Domingue , de la Martinique, de la Guadeloupe, etc., où les vais- seaux d'Afrique abordent continuellement, tandis qu'à Cayenne, où il ne vient que très rarement des ^4 ^^ PERRUCHE A COLLIER COULEUR DE ROSE. vaisseaux négriers, l'on ne connoît pas ces perruches*. Tous ces faits , qui nous sont assurés par un excellent observateur, prouvent que cette perruche n'est pas du nouveau continent, comme le dit M. Brisson. Mais ce qu'il y a de plus singulier, c'est qu'en même temps que cet auteur place cette perruche en Améri- que, il la donne pour le perroquet des anciens, \epsit- tacus torquatus macrourus antlqiiorum d'Aldrovande, comme si les anciens. Grecs et Romains, étoient allés chercher leur perroquet au Nouveau-Monde. De plus, il y a erreur de fait : cette perruche à collier n'est point le perroquet des anciens décrit par Aldrovande; ce perroquet doit se rapporter à notre grande per- ruche à collier, première espèce à queue longue et également étagée , comme nous l'avons prouvé dans l'article où il en est question. La perruche à collier, n° 551, que nous décrivons ici, a quatorze pouces de long; mais de cette lon- gueur, la queue et ses deux longs brins font près des deux tiers : ces brins sont d'un bleu d'aigue-marine ; tout le res|:e du plumage est d'un vert clair et doux, lin peu plqs vive sur les pennes de l'aile , et mêlé de jaune sur celles de la queue ; un petit collier rose ceint le derrière du cou , et se rejoint au noir de la gorge ; une teinte bleuâtre est jetée sur les plumes 1. La grande ressemblance entre la perruche n° 55o des planches enluminées, qui est le scinclalo , et celle-ci, nous eût portés à lui ap- jiliquer les mêmes raisons, et à regarder ces deux espèces comme très voisines, ou peut être la môme; mais l'autorité d'un naluraLisle tel que Tiîarcgrave ne nous permet pas de croire qu'il ait donné comme natu- lelle au Brésil une espèce qui n'y auroit été quapportée, et nous force à regarder, malgré leurs rapports, le scinciaio comme différent de la perruche à collier couleur de rose, et ces espèces comme réparées. LA PERRUCHE A COLLIER COULEUR DE ROSE. 76 de la nuque, qui se rabattent sur le collier ; le bec est rouge brun^. LA PETITE PERRUCHE A TÊTE COULEUR DE ROSE A LONGS BRL\S. SECONDE ESPÈCE A QUEUE LONGUE ET INÉGALE. Psittacus bengalensf.s. L. Cette petite perruche , n** 888, dont tout le corps n'a pas plus de quatre pouces de longueur, en aura douze si on la mesure jusqu'à la pointe des deux longs brins par lesquels s'effilent les deux plumes du milieu de la queue : ces longues plumes sont bleues; le reste de la queue , qui n'est long que de deux pouces et demi , est vert d'olive, et c'est aussi la couleur de tout le dessous du corps et même du dessus, oii elle est seulement plus forte et plus chargée ; quelques pe- tites plumes rouges percent sur le haut de l'aile. La tête est d'un rouge de rose mêlé de lilas , coupé et bordé par un cordon noir, qui, prenant à la gorge , fait tout le tour du cou. Edwards, qui parle avec ad- miration de la beauté de cette perruche, dit que les Indiens du Bengale , où elle se trouve , l'appellent fridytutali. Il relève avec raison les défauts de la 1. M. Brissou fait une seconde espèce de perruche à collier des Indes (tome IV, page 326), apparemment parce qu'il s'est trompé sur le pays de la première, et sur une simple figure d'Albin, dont on peut croire que les inexactitudes font toutes les différences. Nous n'hésile- rons pas de rapporter cette espèce à la précédente. 76 LA PETITE PERRUCHE A LONGS BRINS. figure qu'en donne Albin , et surtout la bévue de ne compter à cet oiseau que quatre plumes à la queue. LA GRANDE PERRUCHE A LONGS BRINS. TROISIÈME ESPÈCE A QUEUE LONGUE ET INEGALE. Psittacus maiaccensis. L. Les ressemblances dans les couleurs sont assez grandes entre cette perruche, n°887, et la précédente, pour qu'on les pût regarder comme de la môme es- pèce, si la différence de grandeur n'étoit pas consi- dérable : en effet , celle-ci a seize pouces de longueur, y compris les deux brins de la queue , et les autres dimensions sont plus grandes à proportion. Les brins sont bleus comme dans l'espèce précédente; la queue est de même vert d'olive j mais plus foncé et de la même teinte que celle des ailes ; il paroît un peu de bleu dans le milieu de l'aile ; tout le vert du corps est fort délayé dans du jaunâtre : toute la tête n'est pas couleur de rose, ce n'est que la région des yeux et de l'occiput qui sont de cette couleur ; le reste est vert, et il n'y a pas non plus de cordon noir qui borde la coiffe de la tête. LA GRANDE PERRUCHE A AILES ROUGEATRES. 77 LA GRANDE PERRUCHE A AILES ROUGEATRES. QUATRIÈME ESPÈCE A QUEUE LONGUE ET INEGALE. Psittacus eupatria. L. Cette perruche , n** 259 , a vingt pouces de lon- gueur depuis la pointe du bec jusqu'à rextrëmité des deux brins de la queue : tout le corps est en dessus d'un vert d'olive foncé, et en dessous d'un vert pâle mêlé de jaunâtre; il y a sur le fouet de chaque aile un petit espace de couleur rouge, et du bleu foible dans le milieu des longues plumes de la queue; le bec est rouge, ainsi que les pieds et les ongles. LA PERRUCHE A GORGE ROUGE. CINQUIÈME ESPÈCE A QUEUE LONGUE ET INEGALE, Psittacus incarnatuSc L. Edwards, qui décrit cet oiseau, dit que c'est la plus petite des perruches à longue queue qu'il ait vue. Elle n'est pas plus grosse en effet qu'une mé- sange; mais la longueur de la queue surpasse celle de son corps. Le dos et la queue sont d'un gros vert; les couvertures des ailes et la gorge sont rouges; le 78 LA PERRUCHE A GORGE ROUGE. dessous du corps est d'uu vert jaunâtre ; l'iris de l'œil «st si foncé, qu'il en paroît noir, au contraire de la plupart des perroquets, qui l'ont couleur d'or. On assura M. Edwards que cette perruche venoît des grandes Indes. >^at8e»9»e«8»o»»»fi»fte^»e»e»0»8a^o*»e*»»»Mt LA GRANDE PERRUCHE A BANDEAU NOIR. SIXIÈME ESPÈCE A QUEUE LONGUE ET INÉGALE. Psittacus atricapilus. L. L'oiseau que M. Brisson donne sous le nom d'ara des Moluf/ues n'est bien certainement qu'une perru- che : on sait qu'il n'y a point d'aras aux grandes Indes ni dans aucune partie de l'ancien continent. Seba de son côté nomme ce^; oiseau lorL Ce n'est pas plus un lori qu'un ara; et les longues plumes de sa queue ne laissent aucun doute qu'on ne doive le compter au nombre des perruches. La longueur to- tale de cet oiseau est de quatorze pouces, sur quoi la queue en a près de sept. Sa tête porte un bandeau noir, et le cou un collier rouge et vert; la poitrine est d'un beau rouge clair; les ailes et le dos sont d'un riche bleu turquin i le ventre est vert foncé, parsemé de plumes rouges; la queue, dont les pennes du mi- lieu sont les plus grandes, est colorée de vert et de rouge avec des bords noirs. Cet oiseau venoit , dit Seba , des îles Papoc; un Hollandois d'Amboine l'avoit acheté d'un Indien cinq cents florins. Ce prix n'étoit LA GRANDE PERRUCHE A BANDEAU NOIR. 79 pas au dessus de la beauté et de la gentillesse de Toi- seau : il prononçoit distinctement plusieurs mots de diverses langues, saluoit au matin et chantoit sa chan- son. Son attachement égaloit ses grâces : ayant perdu son maître, il mourut de regret ^. 1>S*«*9<8>9*S<8>0«'»|»'««1<'8«* LA PERRUCHE VERTE ET ROUGE. SEPTIÈME ESPÈCE A QUEUE LONGUE ET INEGALE. Psittacus japonicus. L. Cette espèce a été donnée par M. Brisson sous la dénomination de perruche du Japon : mais on ne trouve dans cette île, non plus que dans les provinces septentrionales de la Chine, que les perroquets qui y ont été apportés; et vraisemblablement cette per- ruche prétendue du Japon, dont Aldrovande n'a vu que la figure, venoit de quelque autre partie plus méridionale de l'Asie. Willughby remarque même que cette figure et la description qui y est jointe pa- roissent suspectes. Quoi qu'il en soit, Aldrovande représente le plumage de cette perruche comme un mélange de vert, de rouge, et d'un peu de bleu : la première de ces couleurs domine au dessus du corps; la seconde teint le dessous et la queue, excepté les deux longs brins qui sont verts; le bîeu colore les 1. Le Uacliicteur de Seha lui donne cint[ doigts, de quoi le lexle ne dil mot; mais la figure représente mai les jjiedvS d'une autre façon, en mettant les doigts trois en avant el un en arrière. SO LA PERRUCHE VERTE ET ROUGE. épaules et les pennes de l'aile , et il y a deux taches de cette même couleur de chaque côté de l'œil. . LA PERRUCHE HUPPEE. HUITIÈME ESPÈCE A QUEUE LONGUE ET INÉGALE. Psittacus javanlcus. L. Celle-ci est le petit perroquet de Bcntius^ duquel Willughby vante le plumage pour l'éclat et la variété des couleurs, dont le pinceau, dit-il, rendroit à peine le brillant et la beauté : c'est un composé de rouge vif, de couleur de rose, mêlé de jaune et de vert sur les ailes , de vert et de bleu sur la queue , qui est très longue, passant l'aile pfiée de dix pouces; ce qui est beaucoup pour un oiseau de la grosseur d'une alouette. Cette perruche relève les plumes de sa tête en forme de huppe, qui doit être très élé- gante, puisqu'elle est comparée à l'aigrette du paon dans la notice suivante, qui nous paroît appartenir à cette belle espèce. «Cette perruche n'est que de la grosseur d'un ta- rin ; elle porte sur la tête une aigrette de trois ou qua- tre petites plumes, à peu près comme l'aigrette du paon. Cet oiseau est d'une gentillesse charmante *. » Ces petites perruches se trouvent à Java, dans l'in- térieur des terres : elles volent en troupes en faisant grand bruit; elles sont jaseuses; et quand elles sont 1. Willughhy. OrM/(/io/., p. 8i. LA l'ERKlJCllE HUPPÉE. 8l privées, elles répètent aisément ce qu'on veut leur apprendre. LES PERRUCHES A COURTE QUEUE DE I/ANCIEN CONTINENT. -=s;^^<,S=. Il y a une grande quantité de ces perruches dans l'Asie méridionale et en Afrique : elles sont toutes différentes des perruches de l'Amérique ; et s'il s'en trouve quelques unes dans ce nouveau continent qui ressemblent à celles de l'ancien, c'est que probable- ment elles y ont été transportées. Pour les distinguer par un nom générique, nous avons laissé celui de perruches à celles de l'ancien continent, et nous ap- pellerons ;?tTrîcA^s celles du nouveau. Au reste, les espèces de perruches à queue courte sont bien plus nombreuses dans l'ancien continent que dans le nou- veau : elles ont de même quelques habitudes natu- relles aussi différentes que le sont les climats; quel- ques unes, par exemple, dorment la tête en bas et les pieds en haut , accrochées à une petite branche d'arbre, ce que ne font pas les perriches d'Amé- rique. En général , tous les perroquets du Nouveau- Monde font leurs nids dans des creux d'arbre , et spécialement dans les trous abandonnés par les pics. 82 LES PERRUCHES A COURTE QUEUE. nommés aux îles charpentiers. Dans l'ancien conti- nent, au contraire, plusieurs voyageurs nous assurent que différentes espèces de perroquets suspendent leurs nids tissus de joncs et de racines , en les atta- chant à la pointe des rameaux flexibles. Cette diver- sité dans la manière de nicher, si elle est réelle pour un grand nombre d'espèces, pourroit être suggérée par la diflférente impression du climat ; en Amérique, où la chaleur n'est jamais excessive , elle doit être recueillie dans un petit lieu qui la concentre; et, sous la zone torride d'Afrique, le nid suspendu re- çoit, des vents qui le bercent, uû rafraîchissement peut-être nécessaire. Là PERRUCHE A TETE BLEUE. PRExMIÈRE ESPÈCE A QUEUE COURTE. Psittacus Galgulas. L. Cet oiseau a le sommet de la tête d'un beau bleu, et porte un demi-collier orangé sur le cou; la poi-' trine et le croupion sont rouges, le reste du plu- mage est vert. Edwards dit qu'on lui avoit envoyé cet oiseau de Sumatra. M. Sonnerat l'a trouvé à l'île de Luçon , et c'est par erreur qu'on l'a étiqueté perruche du Pérou dans les planches enluminées, n° 190, fig. 2, car il y a toute raison de croire qu'elle ne se trouve point en Amérique. Cette espèce est de celles qui dorment la tête en bas. Elle se nourrit de callou^ sorte de liqueur blan- ?1 18 ô Torae 2.4 PaiLqTiet,scT3lp 1 XEMODJEAU DE GDINÉe _2 LAPERRUCHE A TETE COIILE,IIRDE ROSE- 3 LAPER- RU CHi: Auz aÎles^^zariÉes LA PEÎlllUCIIE A TÊTE BLEUE. 83 che que l'on tire, dans les Indes orientales, du coco- tier, en coupant les bourgeons de la grappe à laquelle lient le fruit. Les Indiens attachent un bambou creux à rextrémitë de la branche , pour recevoir cette li- queur, qui est très agréable lorsqu'elle n'a pas fer- menté, et qui a à peu près le goût de notre cidre nouveau. il nous paroît qu'on peut rapporter à cette espèce l'oiseau indiqué par Aldrovande, qui a le sommet de la tête d'un beau bleu , le croupion rouge, et le reste du plumage vert. Mais comme ce naturaliste ne fait mention ni du collier ni du rouge sur la poitrine, et que d'ailleurs il dit que ce perroquet venoit de Ma- laca , il se pourroit que cet oiseau fût d'une autre espèce , mais très voisine de celle-ci. B««iS080'8>»»a«»«»0'8<>»»8»»»»o»»»o»»a»»»g«»al LA PERRUCHE A TETE NOIRE, ou LE MOINEAU DE GUINÉE. SECONDE ESPÈCE A QLEUE COURTE. PsittacLis p'dUarius. L. Cette perruche, n" 60, est connue par les oise- leurs sous le nom de moineau de Guinée. Elle est fort commune dans celte contrée, d'où on l'apporte sou- vent en Europe, à cause de la beauté de son plumage, de sa familiarité et de sa douceur; car elle n'apprend point à parler, et n'a qu'un cri assez désagréable. Ces oiseaux périssent en grand nombre dans le transport; à peine en sauve-t-on un sur dix dans le passage de 84 l'A PEIUUCHE A TÈTE AOIKE. Guinée en Europe, et néanmoins ils vivent assez long -temps dans nos climats en les nourrissant de graines de panis et d'alpiste, pourvu qu'on les mette par paire dans leur cage : ils y pondent même quel- quefois^; mais on a peu d'exemples que leurs œufs aient éclos. Lorsque Tun des deux oiseaux appariés vient à mourir, l'autre s'attriste et ne lui survit guère. Ils se prodiguent réciproquement de tendres soins : le maie se tient d'affection à côté de sa femelle, lui dégorge de la graine dans le bec ; celle-ci marque son inquiétude si elle en est un moment séparée : ils charment ainsi leur captivité par l'amour et la douce habitude. Les voyageurs rapportent qu'en Guinée ces oiseaux, par leur grand nombre, causent beaucoup de dommages aux grains de la campagne. Il paroît que l'espèce en est répandue dans presque tous les climats méridionaux de l'ancien continent; car on les trouve en Ethiopie, aux Indes orientales, dans l'île de Java, aussi bien qu'eu Guinée. Bien des gens appellent mal à propos cet oiseau moineau du Brésil^ quoiqu'il ne soit pas naturel au climat du Brésil ; mais comme les vaisseaux y en transportent de Guinée, et qu'ils arrivent du Brésil en Europe, on a pu croire qu'ils appartenaient à cette contrée de l'Amérique. Celte petite perruche a le corps tout vert, marqué par une tache d'un beau \. On ue peut douter qu'avec quelques soins ou ne parvieuJroit à pro[jager plus communémeat ces oiseaux en domcsticilé. Quelquefois la lorce de la natuie seule, malgré la rigueur du climat et delà sai- son, prévaut en eux-. On a vu chez S. A. S» de Bourbon de Veruian- dois, abbesse de Beaumonl-les-Tours , deux perruches de Corée faire éclorc deux petits au mois de janvier, dans une chambre sans feu, où le froid les fil bientôt périr. LA PERRUCHE A TÊTE NOIRE. 85 bleu sur le croupion , et par un masque rouge de feu mêlé de rouge aurore qui couvre le front , engage l'œil, descend sous la gorge, et au milieu duquel perce un bec blanc rougeâtre; la queue est très courte, et paroît toute verte étant pliée : mais, quand elle s'étale, on la voit coupée transversalement de trois bandes, lune rouge, l'autre noire, et la troi- sième verte, qui en borde et termine l'extrémité ; le fouet de l'aile est bleu dans le mâle, et jaune dans la femelle , qui diffère du mâle en ce qu'elle a la tête d'un rouge moins vif. Clusius a parfaitement bien décrit cet oiseau sous le nom de pslttacus minimus. MM. Edwards , Brisson et Linnaeus l'ont confondu avec le petit perroquet d'Amérique peint de diverses couleurs, donné par Seba : mais il est sûr que ce n'est pas le même oiseau; car ce dernier auteur dit que non seulement son per- roquet a un collier d'un beau bleu céleste , et la queue magnifiquement nuancée d'un mélange de cinq cou- leurs, de bleu, de jaune, de rouge, de brun, et de vert foncé , mais encore qu'il est tout aimable par sa voix et la douceur de son chant, et qu'enfin il ap- prend très aisément à parler. Or il est évident que tous ces caractères ne conviennent point à notre moi- neau de Guinée; et cet oiseau de Seba qu'il a eu vi- vant est peut-être une sixième espèce dans les per- ruches à queue courte du nouveau continent. Une variété ou peut-être une espèce très voisine de celle-ci est l'oiseau donné par Edwards, sous la dé- nomination de très petit perroquet vert et rouge ^ qu'il dit venir des Indes orientales, et qui ne diffère de celui-ci qu'en ce qu'il a le croupion rouge. BUFFON. XXIV. 6 i 86 LE COULACISSI. LE COULACISSI. TllOlSIÈME ESPÈCE A QUEUE COURTE. Psittacus philippensis. Briss. Comme nous adoptons toujours de préférence les noms que les animaux portent dans leur pays natal, nous conserverons à cet oiseau, n" 620, fig. 1, le mâle, et fig. 2, la femelle, celui de coulacissi qu'on lui donne aux Philippines, et particulièrement dans l'île de Luçon. Il a le front, la gorge et le croupion rouges; un demi-collier orangé sur le dessus du cou ; le reste du corps et les couvertures supérieures des ailes sont vertes; les grandes pennes des ailes sont d'un vert foncé sur leur côté extérieur, et noirâtre sur le côté intérieur; les pennes moyennes des ailes et celles de la queue sont vertes en dessus et bleues en dessous ; le bec , les pieds , et les ongles , sont rouges. La femelle diffère du mâle en ce qu'elle a une tache bleuâtre de chaque côté de la tête , entre le bec et i'œil ; qu'elle n'a point de demi-collier sur le cou , ni de rouge sur la gorge , et que la couleur rouge du front est plus foible et moins étendue. MM. Brisson et Linnaeus ont confondu cet oiseau avec la perruche couronnée de saphir, donnée par Edwards, qui est notre perruche à tête bleue, pre- mière espèce à queue courte. LA PERRUCHE AUX AILES d'oR. 87 LA PERRUCHE AUX AILES D'OR. QUATRIÈME ESPÈCE A QUEUE COURTE. Psittacus chrysopterus, L. C'est à M. Edwards que l'on doit la connoissance de cet oiseau : il dit que vraisemblablement il avoit été apporté des Indes orientales, mais qu'il n'a pu s'en assurer. Il a la tête, les petites couvertures su- périeures des ailes et le corps entier, d'un vert seu- lement plus foncé sur le corps qu'en dessous; les grandes couvertures supérieures des ailes sont oran- gées ; les quatre premières pennes des ailes sont d'un bleu foncé sur leur côté extérieur, et brunes sur leur côté intérieur et à l'extrémité; les quatre suivantes sont de couleur orangée; quelques unes des suivantes sont de la même couleur que les premières, et enfin celles qui sont près du corps sont entièrement vertes, ainsi que les pennes de la queue ; le bec est blan- châtre; les pieds et les ongles sont de couleur de chair pâle. •< M »»»e<»e<»««»»e«»&»€ LA PERRUCHE A TETE GRISE. CINQUIÈME ESPÈCE A QUEUE COURTE. Psittacus canus, L. M. Brisson a donné le premier cet oiseau, n" 791, fig. 2, qu'il dit se trouver à Madagascar. Il a la tête. 88 LA PERRUCHE A TÈTE GRISE. la gorge, et la partie inférieure du cou, d'un gris tirant un peu sur le vert; le corps est d'un vert plus clair en dessous qu'en dessus; les couvertures supé- rieures des ailes et les pennes moyennes sont vertes; les grandes pennes sont brunes sur leur côté inté- rieur, et vertes sur leur côté extérieur et à l'extrémité; les pennes de la queue sont d'un vert clair, avec une large bande transversale noire vers leur extrémité ; le bec, les pieds et les ongles sont blanchâtres. »frft'f:«<»ci8«c«<»»tt««<»««'£«• LA PERRUCHE AUX AILES BLEUES. SEPTIÈME ESPÈCE A QUEUE COURTE, Psittacus capensis. L. Cette perruche, n'*455, fig. i, est nouvelle, et nous a ëte envoyée du cap de Bonne-Espérance, mais sans aucune notice sur le climat ni sur les habitudes na- turelles de l'oiseau. Il est vert partout , à l'exception de quelques pennes des ailes qui sont d'un beau bleu : le bec et les pieds sont rougeâtres. Cette courte description suffit pour la faire distinguer de toutes les autres perruches à queue courte. LA PERRUCHE A COLLIER. HUITIÈME espèce A QUEUE COURTE. Psittacus torquatus. L. C'est encore à M. Sonnerat que nous devons la connoissance de cet oiseau , qu'il décrit dans les termes suivants : « Il se trouve aux Philippines, et particulièrement dans l'île de Luçon. Il est de la taille du moineau du Brésil ( de Guinée) ; tout le corps est d'un vert gai et agréable , plus foncé sur le dos , éclairci sous le ventre , et nuancé de jaune. Il a derrière le cou, au bas de la go LA PERRUCHE A COLLIER. tête, un large collier; ce collier est composé , dans le mâle, de plumes d'un bleu de ciel : mais, dans l'un et l'autre sexe, les plumes du collier sont variées transversalement de noir. La queue est courte , de la longueur des ailes , et terminée en pointe ; le bec, les pieds, l'iris, sont d'un gris noirâtre. Cette espèce n'a pour elle que sa forme et son coloris; elle est d'ail- leurs sans agrément , et n'apprend point à parler. » >a^g»ac 8»,e«»o»o<)»»»»»&c»8i»»t'»»»»j LA PERRUCHE A AILES NOIRES. NEUVIÈME ESPÈCE A QUEUE COURTE. Psittacus minor. L. Autre espèce qui se trouve à l'île de Luçon, et dont M. Sonnerat donne la description suivante. « Cet oiseau est un peu plus petit que le précédent : il a le dessus du cou , le dos , les petites plumes des ailes et la queue , d'un vert foncé ; le ventre d'un vert clair et jaunâtre. Le sommet de la tête du mâle est d'un rouge très vif. Les plumes qui entourent le bec en dessus dans la femelle sont de ce même rouge vif; elle a de plus une tache jaune au milieu du cou, au dessus. Le mâle a la gorge bleue ; la femelle l'a rouge. L'un et l'autre sexe a les grandes plumes des ailes noires; celles qui recouvrent la queue en dessus sont rouges; le bec, les pieds, et l'iris, sont jaunes. Je donne , dit M. Sonnerat , ces deux perruches comme mâle et femelle, parce qu'elles me semblent différer LA PERRUCHE A AILES NOIRES. C) 1 très peu , se convenir par la taille , par la forme , par les couleurs, et parce qu elles habitent le même cli- mat : je n oserois cependant affirmer que ce ne soient deux espèces distinctes. L une et l'autre ont encore de commun de dormir suspendues aux branches la tête en bas, d'être friandes du suc qui coule du ré- gime des cocotiers fraîchement coupés. » L'ARIMANON. DIXIÈME ESPÈCE A QUEUE COURTE. Psittacus taïtianus, L. Cet oiseau, n** 4^5 , fig. 2 , se trouve à l'île d'Otaïti , et son nom, dans la langue du pays, signifie oiseau de €0C0_, parce qu'en effet il habite sur les cocotiers. Nous en devons la description à M. Commerson. JNous le plaçons à la suite des perruches à courte queue , parce qu'il semble appartenir à ce genre ; ce- pendant cette perruche a un caractère qui lui est par- ticulier, et qui n'appartient ni aux perruches à courte queue , ni aux perruches à queue longue : ce carac- tère est d'avoir la langue pointue et terminée par un pinceau de poils courts et blancs. Le plumage de cet oiseau est entièrement d'un beau bleu , à l'exception de la gorge et de la partie infé- rieure du cou , qui sont blanches ; le bec et les pieds sont rouges. Il est très commun dans l'île d'Otaïti, où on le voit voltiger partout , et on l'entend sans cesse piailler ; il vole de compagnie , se nourrit de bananes. 92 LARIMANON. Mais il est fort difficile à conserver en domesticité ; il se laisse mourir d'ennui, surtout quand il est seul dans la cage ; on ne peut lui faire prendre d'autre nourriture que des jus de fruit ; il refuse constamment tous les aliments plus solides. »pift»ft»»a.»a<»»»8^i»e»&9J»»0'e«8»»»»e» PERROQUETS DU NOUVEAU CONTINENT, LES ARAS. De tous les perroquets , l'ara est le plus grand et le plus magniliquement paré; le pourpre, l'or, et l'azur brillent sur son plumage. Il a l'œil assuré, la conte- nance ferme, la démarche grave, et même l'air dés- agréablement dédaigneux, comme s'il sentoit son prix et connoissoit trop sa beauté ; néanmoins son naturel paisible le rend aisément familier et même susceptible de quelque attachement. On peut le rendre domesti- que sans en faire un esclave, il n'abuse pas de la li- berté qu'on lui donne; la douce habitude le rappelle auprès de ceux qui le nourrissent, et il revient assez constamment au domicile qu'on lui fait adopter. Tous les aras sont naturels aux climats du JNouveau- Monde situés entre les deux tropiques, dans le con- tinent comme dans les îles; et aucun ne se trouve en Afrique ni dans les grandes Indes. Christophe Colomb, dans son second voyage, en touchant à la Guadeloupe^ LES ARAS. 93 y vit des aras auxquels il donna le nom de gtuica- mayas. On les rencontre jusque dans les îles désertes; et partout ils font le plus bel ornement de ces som- bres forêts qui coiivrent la terre abandonnée à la seule nature. Dès que ces perroquets parurent en Europe, ils y furent regardés avec admiration. Aldrovande , qvii pour la première fois vit un ara à Mantoue en 1672 , remarque que cet oiseau étoit alors absolument nou- veau et très recherché, que les princes le donnoient et le recevoient comme un présent aussi beau que rare. Il étoit rare en effet; car Belon, cet observateiu- si curieux, n'avoit point vu d'aras, puisqu'il dit que les perroquets gris sont les plus grands de tous. Nous connoissons quatre espèces d'aras; savoir, le rouge , le bleu, le vert, et le noir. Nos nomenclateurs en ont indiqué six espèces qui doivent se réduire par moitié, c'est-à-dire aux trois premières, comme nous allons le démontrer par leur énumération suc- cessive. Les caractères qui distinguent les aras des autres perroquets du Nouveau-Monde sont, 1° la grandeur et la grosseur du corps, étant du double au moins plus gros que les autres; 2° la longueur de la queue, qui est aussi beaucoup plus longue, même à proportion du corps; 5** la peau nue et d'un blanc sale qui couvre les deux côtés de la tête , l'entoure par dessous, et re- couvre aussi la base de la mandibule inférieure du bec; caractère qui n'appartient à aucun autre perro- quet. C'est cette même peau nue, au milieu de la- quelle sont situés les yeux , qui donne à ces oiseaux une physionomie désagréable : leur voix l'est aussi , 94 I-^S ARAS. et n'est qu'un cri cjui semble aiiiculer ara. d'un ton rauque, grassayant^ et si fort, qu'il offense l'oreille. L'ARA ROUGE. PREMIÈRE ESPÈCE. Psittacus macao, L. On a représenté cet oiseau dans deux différentes planches enluminées, sous la dénomination à'ara rouge et de petit ara rouge ^ n° 12 et 64i : mais ces deux représentations ne nous paroissent pas désigner deux espèces réellement différentes; ce sont plutôt deux races distinctes ou peut-être même de simples variétés de la même race. Cependant tous les nomen- clateurs, d'après Gesner et Aldrovande , en ont fait deux espèces, quoique Marcgrave et tous les voya- geurs, c'est-à-dire tous ceux qui les ont vus et com- parés, n'en aient fait, avec raison, qu'un seul et même oiseau qui se trouve dans tous les climats chauds de l'Amérique, aux Antilles, au Mexique, aux terres de l'isthme , au Pérou , à la Guiane , au Brésil , etc. ; et cette espèce, très nombreuse et très répandue en Amérique, ne se trouve nulle part dans l'ancien con- tinent. Il doit donc paroître bien singulier que quel- ques auteurs aient, d'après Albin, appelé cet oiseau perroquet de Macao ^ et qu'ils aient cru qu'il venoit du Japon. Il est possible qu'on y en ait transporté quel- ques uns d'Amérique ; mais il est certain qu'ils n'en sont pas originaires, et il y a apparence que ces au- Pl.lQO Tome s.^ LQaet ,sculp . 1 , L '^RA ROTJGE_ 2 . L'ARA ITOlR . l'ara rouge. 95 teurs ont confondu le grand lori rouge des Indes orientales avec Tara rouge des Indes occidentales. Ce grand ara rouge a près de trente pouces de lon- gueur; mais celle de la queue en fait presque moitié. Tout le corps , excepté les ailes , est d'un rouge ver- meil ; les quatre plus longues plumes de la queue sont du même rouge; les grandes pennes de l'aile sont d'un bleu turquin en dessus , et en dessous d'un rouge de cuivre sur fond noir; dans les pennes moyennes, le bleu et le vert sont alliés et fondus d'une manière admirable; les grandes couvertures sont d'un jaune doré, et terminées de vert; les épaules sont du même rouge que le dos; les couvertures supérieures et in- férieures de la queue sont bleues ; quatre des pennes latérales de chaque côté sont bleues en dessus , et toutes sont doublées d'un rouge de cuivre plus clair et plus métallique sous les quatre grandes pennes du milieu; un toupet de plumes veloutées, rouge mor- doré , s'avance en bourrelet sur le front ; la gorge est d'un rouge brun ; une peau membraneuse , blanche et nue, entoure l'œil, couvre la joue, et enveloppe la mandibule inférieure du bec, lequel est noirâtre, ainsi que les pieds. Cette description a été faite sur un de ces oiseaux vivant , des plus grands et des plus beaux. Au reste, les voyageurs remarquent des va- riétés dans les couleurs, comme dans la grandeur de ces oiseaux, selon les différentes contrées, et môme d'une île à une autre : nous en avons vu qui a voient la queue toute bleue, d'autres rouge et terminée de bleu. Leur grandeur varie autant et plus que leurs cou- leurs ; mais les petits aras rouges sont plus rares que . ies grands. c)6 l'ara rouge. En général, les aras étoient autrefois très communs à Saint-Domingue. Je vois, par une lettre de M. le chevalier Desliayes, que depuis que les établissements françois ont été poussés jusque sur le sommet des montagnes, ces oiseaux y sont moins fréquents. Au reste, les aras rouges et les aras bleus, qui font notre seconde espèce, se trouvent dans les mêmes climats, et ont absolument les mêmes habitudes naturelles : ainsi ce que nous allons dire de celui-ci peut s'appli- quer à l'autre. Les aras habitent les bois dans les terrains humides plantés de palmiers , et ils se nourrissent principale- ment des fruits du palmier- latanier, dont il y a de grandes forêts dans les savanes noyées : ils vont ordi- nairement par paires et rarement en troupes; quel- quefois néanmoins ils se rassemblent le matin pour crier tous ensemble, et se font entendre de très loin. lis jettent les mêmes cris lorsque quelque objet les effraie ou les surprend. Ils ne manquent jamais aussi de crier en volant; et de tous les perroquets, ce sont ceux qui volent le mieux : ils traversent les lieux dé- couverts, mais ne s'y arrêtent pas; ils se perchent toujours sur la cime ou sur la branche la plus élevée des arbres. Ils vont le jour chercher leur nourriture au loin ; mais tous les soirs ils reviennent au même endroit, dont ils ne s'éloignent qu'à la distance d'une lieue environ , pour chercher des fruits mûrs. Du Tertre dit que quand ils sont pressés par la faim , ils mangent le fruit du mancenillier, qui, comme l'on sait, est un poison pour l'homme et vraisemblable- ment pour la plupart des animaux. Il ajoute que la chair de ces aras qui ont mangé des pommes de man^ LARA ROUGE. 97 cenillier est malsaine , et même vénéneuse : néan- moins on mange tous les jours des aras à la Guiane , au Brésil, etc., sans qu'on s'en trouve incommodé, soit qu'il n'y ait pas de mancenillier dans ces con- trées, soit que les aras trouvant une nourriture plus abondante et qui leur convient mieux, ne mangent point les fruits de cet arbre de poison. Il paroît que les perroquets dans le Nouveau-Monde étoient tels à peu près qu'on a trouvé tous les ani- maux dans les terres désertes, c'est-à-dire confiants et familiers, et nullement intimidés à l'aspect de l'homme, qui, mal armé et peu nombreux dans ces régions, n'y avoit point encore fait connoître son em- pire. C'est ce que Pierre d'Angleria assure des premiers temps de la découverte de l'Amérique : les perroquets s'y laissoient prendre au lacet et presque à la main du chasseur; le bruit des armes ne les efFrayoit guère, et ils ne fuyoient pas en voyant leurs compagnons tom- ber morts. Ils préféroient à la solitude des forets les arbres plantés près des maisons : c'est là que les In- diens les prenoient trois ou quatre fois l'année pour s'approprier leurs belles plumes, sans que cette espèce de violence pariÀt leur faire déserter ce domicile de leur choix ; et c'est de là qu'Aldrovande , sur la foi de toutes les premières relations d'Amérique, a dit que ces oiseaux s'y montroient naturellement amis de l'homme, ou du moins ne donnoient pas des signes de crainte : ils s'apprpchoient des cases en suivant les Indiens lorsqu'ils lesy voyoient entrer, etparoissoient s'affectionner aux lieux habités par ces hommes pai- sibles. Une partie de cette sécurité reste encore aux perroquets que nous avons relégués dans les bois. 98 l'ara rouge. M. de La Borde uous le marque de ceux de la Guîane; ils se laissent approcher de très près sans méfiance et ?aas crainte; et Pison dit des oiseaux du Brésil, ce qu'on peut étendre à tout le Nouveau-Monde, qu'ils ont peu d'astuce et donnent dans tous les pièges. Les aras font leurs nids dans des trous de vieux arbres pourris, qui ne sont pas rares dans levir pays natal , où il y a plus d'arbres tombant de vétusté que d'arbres jeunes et sains : ils agrandissent le trou avec leur bec lorsqu'il est trop étroit; ils en garnissent l'in- térieur avec des plumes. La femelle fait deux pontes par an, comme tous les autres perroquets d'Améri- que , et chaque ponte est ordinairement de deux œufs, qui, selon Du Tertre, sont gros comme des œufs de pigeon, et tachés comme ceux de perdrix. Il ajoute que les jeunes ont deux petits vers dans les narines, et un troisième dans un petit bubon qui leur vient au dessus de la tête , et que ces petits vers meurent d'eux- mêmes lorsque ces oiseaux commencent à se couvrir de plumes. Ces vers dans les narines des oiseaux ne sont pas p^articuliers aux, aras; les autres perroquets, les cassiques et plusieurs autres oiseaux , en ont de même tant qu'ils sont dans leur nid. Il y a aussi plu- sieups quadrupèdes, et notamment les singes, qui ont des vers dans le nez et dans d'autres parties du corps. On connoît ces insectes en Amérique sous le nom de vers macaques; ils s'insinuent quelquefois dans la chair des hommes , et produisent des abcès dijHiciles à guérir. On a vu des chevaux mourir de ces abcès causés par les vers macaques ; ce qui peut provenir de la négli- gence avec laquelle on traite les chevaux dans ce pays, où on ne les loge ni ne les panse. LARA. ROUGE. 99 Le mâle et la femelle ara couvent alternativement leurs œufs et soignent les petits; ils leur apportent également à manger; tant qu'ils ont besoin decluca- tion , le père et la mère , qui ne se quittent guère, ne les abandonnent point ; on les voit toujours ensemble perchés à portée de leur nid. Les jeunes aras s'apprivoisent aisément , et dans plusieurs contrées de l'Amérique on ne prend ces oi- seaux que dans le nid ; et on ne tend point de pièges aux vieux , parce que leur éducation seroit trop diffi- cile et peut-être infructueuse : cependant Du Tertre raconte que les sauvages des Antilles avoient une sin- gulière manière de prendre ces oiseaux vivants; ils épioient le moment où ils mangent à terre des fruits tombés ; ils tâchoient de Les environner , et tout à coup ils jetoient des cris, frappoient des mains, et faisoient un si grand bruit, que ces oiseaux subite- ment épouvantés oublioient l'usage de leurs ailes, et se renversoient sur le dos pour se défendre du bec et' des ongles; les sauvages leur présentoient alors un bâton , qu'ils ne manquoient pas de saisir, et dans le moment on les attachoit avec une petite liane au bâ- ton. 11 prétend de plus qu'on peut les apprivoiser, quoique adultes et pris d'une manière violente; mais ces faits me paroissent un peu suspects, d'autant que tous les aras s'enfuient actuellement à la vue de l'homme, et qu'à plus forte raison ils s'enfuiroient au grand bruit. Waffer dit que les Lidiens de l'isthme de l'Amérique apprivoisent les aras comme nous ap- privoisons les pies; qu'ils leur donnent la liberté d'aller se promener le jour dans les bois, d'où ils ne manquent pas de revenir le soir; que ces oiseaux 100 LARA ROUGE. imitent la voix de leur maître et le chant d'un oiseau tju'il appelle chlcali. Fernandès rapporte qu'on peut leur apprendre à parler, mais qu'ils ne prononcent que d'une manière grossière et désagréable; que quand on les tient dans les maisons ils y élèvent leurs petits comme les autres oiseaux domestiques. Il est très sûr en effet qu'ils ne parlent jamais aussi bien que les autres perroquets , et que quand ils sont apprivoi- sés ils ne cherchent point à s'enfuir. Les Indiens se servent de leurs plumes pour faire des bonnets de fête et d'autres parures ; ils se passent quelques unes de ces belles plumes à travers les joues, la cloison du nez, et les oreilles. La chair des aras, quoique ordinairement dure et noire , n'est pas mau- vaise à manger , elle fait de bon bouillon ; et les per- roquets en général sont le gibier le plus commun des terres de Cayenne, et celui qu'on mange ordinaire- ment. L'ara est peut-être plus qu'aucun autre oiseau sujet au mal caduc, qui est plus violent et plus immédiate- ment mortel dans les climats chauds que dans les pays tempérés. J'en ai nourri un des plus grands et des plus beaux de cette espèce , qui m'avoit été donné par ma- dame la marquise de Pompadour en i^5i : il tomboif d'épilepsie deux ou trois fois par mois, et cependant il n'a pas laissé de vivre plusieurs années dans ma cam- pagne en Bourgogne , et il y auroit vécu bien plus long-temps si on ne l'avoit pas tué. Mais dans l'Amé- rique méridionale ces oiseaux meurent ordinairement de ce même mal caduc , ainsi que tous les autres per- roquets, qui y sont également sujets dans l'état de domesticité* C'est probablement, comme nous l'avons L ARA ROUGE. 101 déjà dit dans l'article des serins, la privation de leur femelle et la surabondance de nourriture qui leur causent ces accès épileptiques , auxquels les sauvages, qui les élèvent dans leurs cabanes pour faire commerce de leurs plumes, ont trouvé un remède bien simple : c'est de leur entamer l'extrémité d'un doigt et d'en faire couler une goutte de sang; l'oiseau paroi t guéri sur-le-champ ; et ce même secours réussit également sur plusieurs autres oiseaux qui sont en domesticité sujets aux mêmes accidents. On doit rapprocher ceci de ce que j'ai dit à l'article des serins qui tombent du mal caduc, et qui meurent lorsqu'ils ne jettent pas une goutte de sang par le bec : il semble que la na- ture cherche à faire le même remède que les sauvages ont trouvé. On appelle crampe ^ dans les colonies, cet accident épiieptiquci , et on assure qu'il ne manque pas d'ar- river à tous les perroquets en domesticité, lorsqu'ils se perchent sur un morceau de fer, comme sur un clou ou sur une tringle, etc.; en sorte qu'on a grand soin de ne leur permettre de se poser que sur du boij?;. Ce fait, qui, dit-on, est reconnu pour vrai, semble indiquer que cet accident, qui n'est qu'une forte convulsion dans les nerfs , tient d'assez près à l'élec- îricilé, dont l'action est, comme l'on sait, bien plus violente dans le fer que dans le bois. aLPf'o?*. XXIV. 102 L ARA BLEU. L'ARA BLEU. SECONDE ESPÈCE. Pstttacus ararauna. L. Les nomenclateurs ont encore fait ici deux espèces d'une seule ; ils ont nommé la première ara bleu et jaune de la Jamaïque ^ et la seconde, ara bleu et jaune du Brésil : mais ces deux oiseaux sont non seulemeni de la même espèce, mais encore des mêmes contrées dans les climats chauds de TAmérique méridionale. L'erreur de ces nomenclateurs vient vraisemblable- ment de la méprise qu'a faite Albin , en prenant le premier de ces aras bleus pour la femelle de l'ara rouge; et comme on a reconnu qu'il n'étoit pas de cette espèce, on a cru qu'il pouvoit être diflérent de l'ara bleu commun : mais c'est certainement le même oiseau. Cet ara bleu , n° 36 , se trouve dans les mômes endroits que l'ara rouge; il a les mêmes habitudes naturelles, et il est au moins aussi commun. Sa description est aisée à faire; car il est entière- ment bleu d'azur sur le dessus du corps, les ailes, et la queue ; et d'un beau jaune sur tout le corps : ce jaune est vif et plein , et le bleu a des reflets et un lustre éblouissant. Les sauvages admirent ces aras et chantent leur beauté ; le refrain ordinaire de leurs chansons est : Oiseau jaune ^ oiseau jaune ^ que tu es beau ! Les aras bleus ne se mêlent point avec les aras Tomo 24!. ]auct,sculp. 1 .L'ARABLEU__2 .L'ARA^TERT LARA BLEU. 1 o5 rouges, quoiqu'ils fréquentent les mêmes lieux, sans chercher à se faire la guerre. Ils ont quelque chose de différent dans la voix : les sauvages reconnoissent les rouges et les hleus sans les voir, et par leur seul cri ; ils prétendent que ceux-ci ne prononcent pas si distinctement ara, L'ARA VERT. TROISIÈME ESPÈCE. Psittacus severnSj, et P. inUitaris, L. L'ara vert , n° 585 , est bien plus rare que l'ara rouge et l'ara bleu ; il est aussi bien plus petit, et l'on n'en doit compter qu'une espèce, quoique les no- menclateurs en aient encore fait deux, parce qu'ils l'ont confondu avec une perruche verte qu'on a ap- pelée perruche ara^ parce qu'elle prononce assez dis- tinctement le mot ara, et qu'elle a la queue beaucoup plus longue que les autres perruches : mais ce n'en est pas moins une vraie perruche, très connue à Cayenne et très commune, au lieu que l'ara vert y est si rare que les habitants mêmes ne le connoissent pas, et que, lorsqu'on leur en parle, ils croient que c'est une perruche. M. Sloane dit que le petit Macao, ou petit ara vert, est fort commun dans les bois de la Jamaïque : mais Edwards remarque avec raison qu'il s'est trompé, parce que, quelques recherches qu'il ait faites, il n'a jamais pu s'en procurer qu'un seul par ses correspondants, au lieu que s'il étoit io4 i/ara vert. commun à la Jamaïque, il en viendroit beaucoup en Angleterre. Celte erreur de Sloane vient probable- ment de ce qu'il a, comme nos nomenclateurs, con- fondu la perruche verte à longue queue avec l'ara vert. Au reste, nous avons cet ara vert vivant; il nous a été donné par M. Sonini de Manoncourt, qui l'a eu à Gayenne des sauvages de l'Oyapock, où il avoit été pris dans le nid. Sa longueur, depuis l'extrémité du bec jusqua celle de la queue, est d'environ seize pouces; son corps , tant en dessus qu'en dessous , est d'un vert qui, sous différents aspects, paroît ou éclatant et doré, ou olive foncé ; les grandes et petites pennes de l'aile sont d'un bleu d'aigue-marine sur fond brun doublé d'un rouge de cuivre ; le dessous de la queue est de ce même rouge , et le dessus est peint de bleu d'aigue-marine fondu dans du vert d'olive; le vert de la tête est plus vif et moins chargé d'olivâtre que le vert du reste du corps; à Ja base du bec supérieur, sur le front , est une bordure noire de petites plumes effilées qui ressemblent à des poils; la peau blan- che et nue qui environne les yeux est aussi parsemée de petits pinceaux rangés en lignes des mêmes poils noirs; l'iris de l'œil est jaunâtre. Cet oiseau, aussi beau que rare, est encore aima- ble par ses mœurs sociales et par la douceur de son naturel : il est bientôt familiarisé avec les personnes qu'il voit fréquemment; il aime leur accueil, leurs caresses, et semble chercher à les leur rendre : mais il repousse celles des étrangers, et surtout celles des enfants qu'il poursuit vivement, et sur lesquels il se jette; il ne connoît que ses amis. Comme tous les l'ara veut. io5 perroquets élevés en domesticité, il se met sur le doigt dès qu'on ie lui présente; il se tient aussi sur le bois : mais en hiver, et même en été, dans les temps frais et pluvieux, il préfère d'être sur le bras ou sur l'épaule, surtout si les habillements sont de laine, car en général il semble se plaire beaucoup sur le drap ou sur les autres étofl'es de cette nature qui garantissent le mieux du froid; il se plaît aussi sur les fourneaux de la cuisine, lorsqu'ils ne sont pas tout-à-fait refroidis, et qu'ils conservent encore une chaleur douce. Par la même raison il semble éviter de se poser sur les corps durs qui communiquent du froid, tels que le fer, le marbre, le verre, etc., et même dans les temps froids et pluvieux de l'été, il frissonne et tremble si on lui jette de l'eau sur le corps; cependant il se baigne volontiers pendant les grandes chaleurs, et trempe souvent sa tête dans l'eau. Lorsqu'on le gratte légèrement, il étend les ailes en s'accroupissanl, et il fait alors entendre un son désagréable, assez semblable au cri du geai, en sou- levant les ailes et hérissant ses plumes, et ce cri ha- bituel paroît être l'expression du plaisir comme celle de l'ennui : d'autres fois il fait un cri bref et aigu qui est moins équivoque que le premier, et qui exprime la joie ou la satisfaction ; car il le fait extraordinaire- ment entendre lorsqu'on lui fait accueil, ou lorsqu'il voit venir à lui les personnes qu'il aime. C'est cepen- dant par ce même dernier cri qu'il manifeste ses pe- tits moments d'impatience et de mauvaise humeur. Au reste , il n'est guère possible de rien statuer de positif sur les différents cris de cet oiseau et de ses io6 l'aka vert. semblables, parce qu'on sait que ces animaux, qui sont organisés de manière à pouvoir contrefaire les sifflements, les cris, et môme la parole, changent de voix presque toutes les fois qu'ils entendent quel- ques sons qui leur plaisent et qu'ils peuvent imiter. Celui-ci est jaloux; il l'est surtout des petits en- fants qu'il voit avoir quelque part aux caresses ou aux bienfaits de sa maîtresse; s'il en voit un sur elle, il cherche aussitôt à s'élancer de son côté en étendant les ailes : mais comme il n'a qu'un vol court et pe- sant, et qu'il semble craindre de tomber en chemin, il se borne à lui témoigner son mécontentement par des gestes et des mouvements inquiets, et par des cris perçants et redoublés , et il continue ce tapage jusqu'à ce qu'il plaise à sa maîtresse de quitter l'en- fant et d'aller le reprendre sur son doigt; alors il lui en témoigne sa joie par un murmure de satisfaction, et quelquefois par une sorte d'éclat qui imite parfai- tement le rire grave d'une personne âgée. Il n'aime pas non plus la compagnie des autres perroquets; et si on en met un dans la chambre qu'il habite , il n'a point de bien qu'on ne l'en ait débarrassé. 11 semble donc que cet oiseau ne veuille partager avec qui que ce soit la moindre caresse ni le plus petit soin de ceux qu'il aime, et que cette espèce de jalousie ne kii est inspirée que par l'attachement : ce qui le fait croire, c'est que si un autre que sa maîtresse caresse le même enfant contre lequel il se met de si mau- vaise humeur, il ne paroît pas s'en soucier, et n'en témoigne aucune inquiétude. Il mange à peu près de tout ce que nous man- geons : le pain , la viande de bœuf, le poisson frit , LARA VEUT. IO7 ia pâtisserie, et le sucre surtout, sont fort de son goût ; néanmoins il semble leur préférer les pommes cuites, qu'il avale avidement, ainsi que les noisettes, qu'il casse avec son bec et épluche ensuite fort adroi- tement entre ses doigts, afin de n'en prendre que ce qui est mangeable. Il suce les fruits tendres au lieu de les mâcher, en les pressant avec sa langue contre la mandibule supérieure du bec; et pour les autres nourritures moins tendres, comme le pain, la pâtis- serie, etc., il les broie ou les mâche, en appuyant l'extrémité du demi-bec inférieur contre l'endroit le plus concave du supérieur : mais , quels que soient ses aliments, ses excréments ont toujours été d'une couleur verte, et mêlée d'une espèce de craie blan- che, comme ceux de la plupart des autres oiseaux, excepté les temps où il a été malade, qu'ils étoient d'une couleur orangée, ou jaunâtre foncé. Au reste, cet ara, comme tous les autres perro- quets, se sert très adroitement de ses pattes; il ra- mène en avant le doigt postérieur pour saisir et re- tenir les fruits et les autres morceaux qu'on lui donne, et les porter ensuite à son bec. On peut donc dire que les perroquets se servent de leurs doigts, à peu près comme les écureuils ou les singes ; ils s'en ser- vent aussi pour se suspendre et s'accrocher. L'ara vert dont il est ici question dormoit presque ainsi accroché dans les fils de fer de sa cage. Les perro- quets ont une autre habitude commune que nous avons remarquée sur plusieurs espèces différentes; ils ne marchent, ne grimpent, ni ne descendent ja- mais sans commencer par s'accrocher ou s'aider avec la pointe de leur bec ; ensuite ils portent leurs pattes 108 LARA VEl.T. eu avant pour servir de second point d'appui. Ainsi ce n'est que quand ils marchent à plat qu'ils ne font point usage de leur bec pour changer de lieu. Les narines, dans cet ara, ne sont point visibles ^ comme celles de la plupart des autres perroquets; au lieu d'être sur la corne apparente du bec., elles sont cachées dans les premières petites plumes qui recouvrent la base de la mandibule supérieure, qui s'élève et forme une cavité à sa racine. Quand l'oi- seau fait effort pour imiter quelques sons difûciles, on remarque aussi que sa langue se replie alors vers l'extrémité ; et lorsqu'il mange, il la replie de même ; faculté refusée aux oiseaux qui ont le bec droit et la langue pointue, et qui ne peuvent la faire mouvoir qu'en la retirant ou en l'avançant dans la direction du bec. Au reste , ce petit ara vert est aussi et peut- être plus robuste que la plupart des autres perro- quets ; il apprend bien plus aisément à parler , et pro- nonce bien plus distinctement que l'ara rouge et l'ara bleu ; il écoute les autres perroquets et s'instruit avec eux. Son cri est presque semblable à celui des autres aras ; seulement il n'a pas la voix si forte à beaucoup près , et ne prononce pas si distinctement ara. On prétend que les amandes amères font mourir les perroquets; mais je ne m'en sui'S pas assuré : je sais seulement que le persil, pris môme en petite quantité, et qu'ils semblent aimer beaucoup, leur fait grand mal; dès qu'ils en ont mangé, il coule de leur bec une liqueur épaisse et gluante, et ils meurent ensuite en moins d'une heure ou deux. Il paroît qu'il y a dans l'espèce de l'ara vert la îiiCme variété de races ou d'individus que dans celk LARA VERT. 1 O9 des aras rouges; du moins M. Edwards a donné l'ara vert sur un individu de la première grandeur, puis- qu'il trouve à l'aile plice treize pouces de longueur, et quinze à la plume du milieu de la queue. Cet ara vert avoit le front rouge; les pennes de l'aile étoient bleues, ainsi q«e le dos et le croupion. M. Edwards appelle la couleur de dedans les ailes et du dessous de la queue un orangé obscur. C'est apparemment ce rouge bronzé sombre que nous avons vu à la doublure des ailes de notre ara vert. Les plumes de la queue de celui d'Edwards étoient rouges en dessus et ter- minées de bleu. ^^^CtC^Cl»»»»»®»»*!^ L'ARA NOIR. QUATRIÈME ESPÈCE. Psittacus ater. L. Cet ara a le plumage noir avec des reflets d'un vert luisant, et ses couleurs mélangées sont assez semblables à celles du plumage de l'ani. Nous ne pou- vons qu'indiquer l'espèce de cet ara, qui est connue des sauvages de la Guiane , mais que nous n'avons pu nous procurer; nous savons seulement que cet oiseau diffère des autres aras par quelques habitudes naturelles : il ne vient jamais près des habitations, et ne se tient que sur les sommets secs et stériles des montagnes de roches et de pierres. Il paroît que c'est de cet ara que de Laet a parlé sous le nom d'araruna ou machao_, et dont il dit que le plumage est noir^ 110 LA R A N O I R. mais si bien mêlé de vert, qu'aux rayons du soleil il brille admirablement. Il ajoute que cet oiseau a les pieds jaunes, le bec et les yeux rougeâtres, et qu'il ne se tient que dans Imtérieur des terres. M. Brisson a fait encore un autre ara d'une per- ruche, et il l'a appelé ara varié des Moluques, Mais, comme nous l'avons dit, il n'y a point d'aras dans les grandes Indes, et nous avons parlé de cette perruche à l'article des perruches de l'ancien continent. LES AMAZONES ET LES CRIKS. Nous appellerons perroquets amazones tous ceux qui ont du rouge sur le fouet de l'aile : ils sont con- nus en Amérique sous ce nom, parce qu'ils viennent originairement du pays des Amazones. Nous donne- rons le nom de criks à ceux qui n'ont pas de rouge sur le fouet de l'aile, mais seulement sur l'aile : c'est aussi le nom que les sauvages de la Guiane ont donné à ces perroquets, qui commencent même à être con- nus en France sous ce même nom. Ils diffèrent en- core des amazones i i** en ce que le vert du plumage des amazones est brillant et même éblouissant, tan- dis que le vert des criks est mat et jaunâtre ; 2° en ce que les amazones ont la tête couverte d'un beau jaune très vif, au lieu que, dans les criks, ce jaune est obscur et mêlé d'autres couleurs ; 5° en ce que les criks sont un peu plus petits que les amazones, les- quels sont eux-mêmes beaucoup plus petits que les LES AMAZONES ET LES CRIKS. 111 aras; 4" '^s amazones sont très beaux et très rares, au lieu que les criks sont les plus communs des per- roquets et les moins beaux ; ils sont d'ailleurs ré- pandus partout en grand nombre, au lieu que les amazones ne se trouvent guère qu'au Para et dans quelques autres contrées voisines de la rivière des Amazones. Mais les criks, ayant du rouge dans les ailes , doi- vent être ici rapprochés des amazones, dont ce rouge fait le caractère principal ; ils ont aussi les mêmes habitudes naturelles; ils volent également en troupes nombreuses, se perchent en grand nombre dans les mêmes endroits, et jettent tous ensemble des cris qui se font entendre fort loin ; ils vont aussi dans les bois, soit sur les hauteurs, soit dans les lieux bas, et jusque dans les savanes noyées, plantées de palmiers common et d'avouara^ dont ils aiment beaucoup les fruits, ainsi que ceux des gommiers élastiques^ des bananiers j etc. Ils mangent donc de beaucoup plus d'espèces de fruits que les aras, qui ne se nourrissent ordinairement que de ceux du palmier -latanier; et néanmoins ces fruits du latanier sont si durs qu'on a peine à les couper au couteau : ils sont ronds et gros comme des pommes de rainette. Quelques auteurs ont prétendu que la chair de tous les perroquets d'Amérique contracte l'odeur et la cou- leur des fruits et des graines dont ils se nourrissent, qu'ils ont une odeur d'ail lorsqu'ils ont mangé du fruit d'acajou, une saveur de muscade et de girofle lors- qu'ils se nourrissent du fruit de génipay dont le suc, d'abord clair coaime de l'eaii , devient en quelques heures aussi noir que de l'encre. Ils ajoutent que lia LES AMAZONES ET LES CUIRS. ]es perroquets deviennent très gras dans la saison de la malurité des goyaves, qui sont en effet fort bonnes à manger; enfin que la graine de coton les enivre au point qu'on peut les prendre avec la main. Les amazones, les criks , et tous les autres perro- quets d'Amérique font, comme les aras, leurs nids dans des trous de vieux arbres creusés par les pics ou charpentiers, et ne pondent également que deux œufs deux fois par an, que le maie et la femelle couvent alternativement. On assure qu'ils ne renoncent ja- mais leurs nids , et que , quoiqu'on ait touché et ma- nié leurs œufs, ils ne se dégoûtent pas de les couver, comme font la plupart des autres oiseaux. Ils s'at- troupent dans la saison de leurs amours, pondent en- semble dans le même quartier, et vont de compagnie chercher leur nourriture. Lorsqu'ils sont rassasiés, ils font un caquetage continuel et bruyant, changeant de place sans cesse, allant et revenant d'un arbre à l'autre, jusqu'à ce que l'obscurité de la nuit et la fa- tigue du mouvement les forcent à se reposer et à dor- mir. Le matin on les voit sur les branches dénuées de feuilles, dès que le soleil commence à paroître ; ils y restent tranquilles jusqu'à ce que la rosée qui a humecté leurs plumes soit dissipée, et qu'ils soient réchauffés : alors ils partent tous ensemble avec un bruit semblable à celui des corneilles grises, mais plus fort. Le temps de leurs nichées est la saison des pluies. D'ordinaire les sauvages prennent les perroquets dans le nid, parce qu'ils sont plus aisés à élever et qu'ils s'apprivoisent mieux : cependant les Caraïbes, selon le P. Labat , les prennent aussi lorsqu'ils sont LES A3IAZ0NES ET LES CRIKS. 11!) grands, lis observent, dit-il , les arbres sur lesquels ils se perchent en grand nombre le soir , et, quand Ja nuit est venue, ils portent aux environs de Tarbre des charbons allumés , sur lesquels ils mettent de la gomme avec du piment vert : cela fait une fumée épaisse qui étourdit ces oiseaux et les fait tomber à terre; ils les prennent alors, leur lient les preds, et les font revenir de leur étourdissement en leur je- tant de l'eau sur la tête. Ils les abattent aussi, sans les blesser beaucoup, à coups de flèches émoussées. Mais lorsqu'on les prend vieux, ils sont difficiles à priver. Il n'y a qu'un seul moyen de les rendre doux au point de pouvoir les manier; c'est de leur souffler de la fumée de tabac dans le bec : ils en respirent assez pour s'enivrer à demi, et ils sont doux tant qu'ils sont ivres; après quoi on réitère le même ca- mouflet s'ils deviennent méchants, et ordinairement ils cessent de l'être en peu de jours. Au reste, on n'a pas l'idée de la méchanceté des perroquets sauvages; ils mordent cruellement et ne démordent pas, et cela sans être provoqués. Ces perroquets pris vieux n'ap- prennent jamais que très imparfaitement à parler. On fait la môme opération de la fumée de tabac pour les empêcher de cancaner ( c'est le mot dont se servent les François d'Amérique pour exprimer leur vilain cri) , et ils cessent en effet de crier lorsqu'on leur a donné un grand nombre de camouflets. Quelques auteurs ont prétendu que les femelles des perroquets n'apprenoient point à parler; mais c'est en même temps une erreur et une idée contre nature : on les instruit aussi aisément que les mâles, et même elles sont plus dociles et plus douces. Au Il4 r^ES AMAZONES ET LES CRIKS. reste, de tons les perroquets de TAmérique , Jos amazones et les criks sont ceux qui sont les plus sus- ceptibles d'ëducalioa et de l'imitation de la parole, surtout quand ils sont pris jeunes. Comme les sauvages font commerce entre eux des plumes de perroquets , ils s'emparent d'un certain nombre d'arbres sur lesquels ces oiseaux viennent faire leurs nids ; c'est une espèce de propriété dont ils tirent le revenu en vendant les perroquels aux étrangers, et commerçant des plumes avec les autres sauvages. Ces arbres aux perroquets passent de père en fils, et c'est souvent le meilleur immeuble de la succession. >»a.gc8i»S'»S«»Q-8<'^<»0'a'ai8»g<»8»»as< LES PERROQUETS AMAZONES. Nous en connoissons cinq espèces, indépendam- ment de plusieurs variétés : la première est l'amazone à tête jaune; et la seconde , le tarabé ou l'amazone à tête rouge; la troisième, l'amazone à tête blanche; la quatrième, l'amazone jaune; et la cinquième, l'aourou-couraou. L'AMAZONE A TÊTE JAUNE. PREMIÈRE ESPÈCE. Psittacus ochrocephalus. h. Cet oiseau a la sommet de la tête d'un beau jaune vif; la gorge , le cou , le dessus du dos, et les couver- LAMAZONE A TÈTE JAUNE. 11^ liires supérieures des ailes, d'un vert brillant; la poi- trine et le ventre, d'un vert jaunâtre; le fouet des ailes est d'un rouge vif; les pennes des ailes sont va- riées de vert, de noir, de bleu violet, et de rouge; les deux pennes extérieures de chaque côté de la queue ont leurs barbes intérieures rouges à l'origine de la plume , ensuite d'un vert foncé jusque vers l'ex- trémité, qui est d'un vert jaunâtre ; les autres pennes sont d'un vert foncé , et terminées d'un vert jaunâtre ; le bec est rouge à la base , et cendré sur le reste de son étendue ; l'iris des yeux est jaune ; les pieds sont gris, et les ongles noirs. Nous devons observer ici que M. Linntens a fait une erreur en disant que ces oiseaux ont les joues nues [psittacus genis nud'is) : ce qui confond mal à propos les perroquets amazones avec les aras, qui seuls ont ce caractère, les amazones ayant au con- traire des plumes sur les joues, c'est-à-dire entre le bec et les yeux, et n'ayant, comme tous les autres perroquets, qu'un très petit cercle de peau nue au- tour des yeux. Variétés ou espèces voisines de l' Amazone à tête jaune. Il y a encore deux auîres espèces voisines g'»»a'8-<»»»»e»a»»»>»e.»e 9»»i»<>»«^»9 L'AMAZONE JAUNE. QUATRIÈME ESPÈCE. Psittacus aurora. L. Ce perroquet amazone, n'' i3, est probablement du Brésil, parce que Salerne dit qu'il en a vu un qui prononçoit des mots portugais. Nous ne savons ce- pendant pas positivement si celui dont nous donnons la figure est venu du Brésil; mais il est sûr qu'il est du nouveau continent, et qu'il appartient à l'ordre des amazones par le rouge qu'il a sur le fouet des ailes. Il a tout le corps et la tête d'un très beau jaune, du rouge sur le fouet de l'aile, ainsi que sur les gran- des pennes de l'aile et sur les pennes latérales de la queue; l'iris des yeux est rouge; le bec et les pieds sont blancs. L'AOUROU-COURAOU. CINQUIÈME ESPÈCE. Psittacus œstivus. L. I/aourou-coui\aou, n° 547? de Marcgrave est un bel oiseau qui se trouve à la Guiane et au Brésil. Il a le front bleuâtre avec une bande de mèaie couleur au dessus des yeux; le reste de la tête est jaune; les ] :20 L AOUROU-COURAOU. plumes de la gorge sont jaunes et bordées de vert bleuâtre; le reste du corps est d'un vert clair qui prend une teinte de jaunâtre sur le dos et sur le ven- tre; le fouet de l'aile est rouge; les couvertures su- périeures des ailes sont vertes; les pennes de l'aile sont variées de vert, de noir, de jaune, de bleu vio- let, et de rouge : la queue est verte; mais lorsque les pennes en sont étendues, elles paroissent frangées de noir, de rouge, et de bleu : l'iris des yeux est de couleur d'or; le bec est noirâtre, et les pieds sont cendrés. Variétés de i' A ourou-Couraou . Il y a plusieurs variétés qu'on doit rapporter à celte espèce. I. L'oiseau indiqué par Aldrovande sous la dénomi- nation de psittacus virldls melanorynclios ^ qui ne dif- fère presque en rien de celui-ci, comme on peut le voir en comparant la dercription d' Aldrovande avec la notre. II. Une seconde variété est encore un perroquet in- diqué par Aldrovande, qui aie front d'un bleu d'aigue- marine, avec une bande de cette couleur au dessus des yeux; ce qui, comme l'on voit, ne s'éloigne que d'une nuance de l'espèce que nous venons de décrire. Le sommet de la tête est aussi d'un jaune plus pâle; la mandibule supérieure du bec est rouge à sa base , VARIÉTÉS DE L AOU ROU - C O U RAOL. 121 bleuâtre dans son milieu, et noire à son extrémité; la mandibule inférieure est blanchâtre. Tout le reste de la description d'Aldrovande donne des couleurs absolument semblables à celles de notre cinquième espèce, dont cet oiseau par conséquent n'est qu'une variété. On le trouve non seulement à la Guiane , au Brésil , au Mexique , mais encore à la Jamaïque ; et il faut qu'il soit bien commun au Mexique, puisque les Espagnols lui ont donné un nom particulier, c^f^^r/na. Il se trouve aussi à la Guiane, d'où on l'a probable- ment transporté à la Jamaïque; car les perroquets ne volent pas assez pour faire un grand trajet de mer. Labat dit même qu'ils ne vont pas d'une île à l'autre, et que l'on connoît les perroquets des diil'érentes îles. Ainsi les perroquets du Brésil, de Cayenne, et du reste de la terre-ferme d'Amérique, que l'on voit dans les îles du vent et sous le vent, y ont été transportés, et l'on n'en voit point ou très peu de ceux des îles dans la terre-ferme, par la difficulté que les courants de la mer opposent à cette traversée, qui peut se faire en six ou sept jours depuis la terre-ferme aux îles, et qui demande six semaines ou deux mois des îles à la terre-ferme. ill. Une troisième variété est celle que Marcgrave a in- diquée sous le nom de uiaru-curuca. Cet oiseau a sur la tête une espèce de bonnet bleu mêlé d'un peu de noir, au milieu duquel il y a une tache jaune. Cette indication, »:omme l'on voit , ne diflere en rien de no- tre description. Le bec est cendré à sa base, et noir à son extrémité : voilà la seule petite dilTérence qu'il 122 VARIETES DE L AOUROU - COU R AOU. y ait entre ces deux perroquets. Ainsi l'on peut croire que celui de Marcgrave est une variété de notre cin- quième espèce. I V. Une quatrième variété indiquée de même par Marc- grave , et qu'il dit être semblable à la précédente, a néanmoins été prise, ainsi que les oiseaux que nous venons de citer, et beaucoup d'autres, par nos no- menclateurs, comme des espèces différentes, qu'ils ont même doublées sans aucune raison. Mais , en comparant les descriptions de Marcgrave, on n'y voit d'autres différences, sinon que le jaune s'étend on peu plus sur le cou; ce qui n'est pas, à beaucoup près, suffisant pour en faire une espèce diverse, et encore moins pour la doubler, comme l'a fait M. Bris- son en donnant le perroquet d'Albin comme différent de celui d'Edwards, tandis que ce dernier auteur dit que son perroquet est le même que celui d'Albin. Enfin une cinquième variété est le perroquet donné par M. Brisson sous le nom de perroquet amazone à front jaune y qui ne diffère de celui-ci que parce qu'il a le front blanchâtre ou d'un jaune pâle , tandis que l'autre l'a bleuâtre ; ce qui est bien loin d'être suffi- sant pour en faire une espèce distincte et séparée. LES CRUvS. 12Ô LES CRIKS. Quoiqu'il y ait un très grand nombre d'oiseaux auxquels on doit donner ce nom, on peut néanmoins les réduire à sept espèces, dont toutes les autres ne sont que des variétés. Ces sept espèces sont, r le crik à gorge jaune; 2° le meunier ou le crik poudré; 3° le crik rouge et bleu ; 4° l^ crik à face bleue; 5° le crik proprement dit; 6° le crik à tête bleue ; 7** le crik à tête violette. LE CRIK A TÊTE ET A GORGE JAUNES. PREMIÈRE ESPÈCE. Psitt acns oc hr opter m, L. Ce crik a la tête entière , la gorge et le bas du cou d'un très beau jaune ; îe dessous du corps d'un vert brillant , et le dessus d'un vert un peu jaunâtre ; le fouet de l'aile est jaune, ^au lieu que dans les amazones le fouet de l'aile est rouge ; le premier rang des cou- vertures de laile est rouge et jaune ; les autres rangs sont d'un beau vert; les pennes des ailes et de la queue sont variées de vert, de noir, de bleu violet, de jau- nâtre et de rouge; l'iris des yeux est jaune; le bec et les pieds sont blanchâtres. 1^4 ^^ CRIK A TÊTE ET A. (lORGE JAINES. Ce crik à gorge jaune est actuellement vivant chez le R. P. Bougot qui nous a donné le détail suivant sur son naturel et ses mœurs. «Il se montre, dit-il, très capable d'attachement pour son maître : il l'aime, mais à condition d en être souvent caressé. Il semble être fâché si on le néglige, et vindicatif si on le chagrine ; il a des accès de dés- obéissance; il mord dans ses caprices et rit avec éclat après avoir mordu , comme pour s'applaudir de sa méchanceté. Les châtiments ou la rigueur des traite- ments ne font que le révolter, l'endurcir, et le rendre plus opiniâtre ; on ne le ramène que par la douceur. » L'envie de dépecer, le besoin de ronger, en font un oiseau destructeur de tout ce qui l'environne; il coupe les étolTes des meubles, entame les bois des chaises, et déchire le papier et les plumes , etc. Si on l'ôte d'un endroit, l'instinct de contradiction, l'in- stant d'après, l'y ramène. Il rachète ses mauvaises qua> lités par des agréments ; il retient aisément tout ce qu'on veut lui faire dire. Avant d'articuler il bat des ailes, s'agite, et se joue sur sa perche. La cage l'at- triste et le rend muet ; il ne parle bien qu'en liberté : du reste, il cause moins en hiver que dans la belle sai- son , où , du matin au soir, il ne cesse de jaser, tel- lement qu'il en oublie la nourriture. « Dans ses jours de gaieté il est affectueux; il reçoit et rend les caresses, obéit et écoute : mais un caprice interrompt souvent et fait cesser cette belle humeur. Il semble être affecté des changements de temps; il devient alors silencieux. Le moyen de le ranimer est de chanter près de lui; il s'éveille alors et s'efforce de surpasser par ses éclats et par ses cris la voix qui Lli CKIK A TÈTE ET A GORGE JAUNES. 125 l'excite. Il aime les enfaots , et en cela il diiFère du naturel des autres perroquets : il en aflectionne quel- ques uns de préférence ; ceux-là ont droit de le pren- dre et de le transporter impunément ; il les caresse ; et si quelque grande personne le touche en ce mo- ment, il la mord très serré. Lorsque ses amis enfants le quittent, il s'afflige, les suit, et les rappelle à haute voix. Dans le temps de la mue, il paroît souffrant et abattu , et cet état de mue dure environ trois mois. » On lui donne pour nourriture ordinaire du chè- i ncvis, des noix, des fruits de toute espèce, et du pain trempé dans du vin. Il préfèreroît la viande si on vouloit lui en donner; mais on a éprouvé que cet aliment le rend lourd et triste , et lui fait tomber les plumes au bout de quelque temps. On a aussi remar- qué qu'il conserve son manger dans des poches ou abajoues, d'où il le fait sortir ensuite par une espèce de rumination^. » M**»»*»*'*»» »• LE MEUNIER, ou LE CRIK POUDRÉ. SECONDE ESPÈCE. Psittacus pulvérulent us. L. Aucun naturaliste n'a indiqué ni décrit cette espèce d'une manière distincte; il semble seulement que ce 1. ]\ole corniuiuiiquée par le R. P. Bougot, gardien des Capucins de Semur, qui a fait pendant longtemps son plaisir de leducalion des perroquets. 120 LE MEUNIER. OL LE C.RIK CENDRÉ. soit le grand perroquet vert poudré de gris, que Bar- rère a désigné sous le nom de perroquet blanckâtre. C'est le plus grand de tous les perroquets du Nouveau- Monde, à l'exception des aras. Il a été appelé meunier par les habitants de Cayenne, parce que son plumage, dont le fond est vert, paroît saupoudré de farine. Il a une tache jaune sur la tête; les plumes de la face supérieure du cou sont légèrement bordées de brun; le dessous du corps est d'un vert moins foncé que le dessus, et il n'est pas saupoudré de blanc ; les pennes extérieures des ailes sont noires, à l'exception d'une partie des barbes extérieures qui sont bleues; il a une grande tache rouge sur les ailes; les pennes de la queue sont de la même couleur que le dessus du corps, depuis leur origine jusqu'aux trois quarts de leur longueur, et le reste est d'un vert jaunâtre. Ce perroquet, n°86i, est un des plus estimés, tant par sa grandeur et la singularité de ses couleurs, que par la facilité qu'il a d'apprendre à parler, et par la douceur de son naturel. Il n'a qu'un petit trait dé- plaisant; c'est son bec, qui est de couleur de corne blanchâtre. LE CRIK ROUGE ET BLEU. TR0ISIÈ3IE ESPÈCE. Psittacus cœruleocephalus. Latham. Ce perroquet a élé indiqué par Aldrovande, et toup- ies autres naturalistes ont copié ce qu'il en a dit; ce- LE CRIK ROIGE ET BLEU. .12^ pendant ils ne s'accordent pas dans ia description qu'ils en donnent. Selon Linnœus il a la queue verte, et selon M. Brisson il l'a couleur de rose. Ni l'un ni l'autre ne l'ont vu, et voici ce qu'en dit Aldrovande. ft Le nom de varié [poikiloa) lui conviendroit fort, eu égard à la diversité et la richesse de ses couleurs. Le bieu et le rouge tendre [roseus) y dominent; le bleu colore le cou, la poitrine et la tête, dont le som- met porte une tache jaune ; le croupion est de même couleur ; le ventre est vert ; le haut du dos bleu clair; les pennes de l'aile et de la queue sont toutes cou- leur de rose ; les couvertures des premières sont mé- langées de vert, de jaune et de couleur de rose; celles de la queue sont vertes ; le bec est noirâtre ; les pieds sont gris rougeâtre. » Aldrovande ne dit pas de quel pays est venu cet oiseau ; mais comme il a du rouge dans les ailes, et d'ailleurs une tache jaune sur la tête, nous avons cru devoir le mettre au nombre des criks d'Amérique. Il faut remarquer que M. Brisson l'a confondu avec le perroquet violet indiqué par Barrère, qui est néan- moins fort différent, et qui n'est pas de l'ordre des amazones ni des criks, n'ayant point de rouge sur les ailes. Dans la suite , nous parlerons de ce perro- quet violet. l'2^ LE CRIK A FACE BLEUE. > 9.a»'ae«8'fr»^gi»»i»i}»aetit que les amazones : mais jiéanmoins il ne faut pas, comme l'ont fait nosnomen- clateurs, le mettre au nombre des perruches; ils ont pris ce crik pour la perruche de la Guadeloupe, parce ïla^S Touxe 2,4 Paxi^u.ec scal-p 1,LE CPvTS _2.LEI'IEnTlER_3 .LE CRIK A TETE ELE'OE LE CRIK. 129 fjii'i! esl entièrement vert comme elle; cependant il leur étoit aisé d'éviter de tomber dans cette erreur, s'ils eussent consulté Marcgrave, qni dit expressément que ce perroquet est gros comme un poulet. Ce seul caractère auroit suffit pour leur faire connoîlre que ce n'étoit pas la perruche de la Guadeloupe , qui est aussi petite que les autres perruches. On a aussi confondu ce perroquet crik avec le per- roquet tahua qu'on prononce tavoua ^ et qui cepen- dant en diffère par un grand nombre de caractères; car le tavoua n'a point de rouge dans les ailes, et n'est, par conséquent, ni de l'ordre des amazones ni de celui des criks, mais plutôt de celui des papegais , dont nous parlerons dans l'article suivant. Le crik, n" 809, que nous décrivons ici, après d'un pied de longueur, depuis la pointe du bec jusqu'à l'ex- trémité de la queue, et ses ailes pîiées s'étendent un peu au delà de la moitié de la longueur de la queue, li est, tant en dessus qu'en dessous, d'un joli vert assez clair, et particulièrement sur le ventre et le cou où le vert est très brillant; le front et le sommet de la tète sont aussi d'un assez beau vert; les joues sont d'un jaune verdâtre; il y a sur les ailes une tache rouge; les pennes en sont noires, terminées de bleu ; les deux pennes du milieu de la queue sont du même vert que le dos; et les pennes extérieures, au nombre de cinq de chaque côté, ont chacune une grande tache oblon- gue rouge sur les barbes intérieures, laquelle s'élar- git de plus en plus de la penne intérieure à la penne extérieure; l'iris des yeux est rouge; le bec et les pieds sont blanchâtres. Marcgrave a indiqué une variété dans cette espèce IJO LE CRIK. qui n'a de diflërence que la grandeur, ce perroquet étant seulement un peu plus petit que le précédent ; il appelle le premier aiuru-catinga^ et le second aiuru- a par a. LE CRIK A TÊTE BLEUE. SIXIÈME ESPÈCE. Psittacus autiiinnails. L. La sixième espèce de ces perroquets est celle du crik à tête bleue, donnée par Edwards ; il se trouve à la Guiane, ainsi que les précédents. Il a tout le devant de la tête et de la gorge bleu , et cette couleur est terminée sur la poitrine par une tache rouge; le reste du corps est d'un vert plus foncé sur le dos qu'en dessous; les couvertures supérieures des ailes sont vertes; leurs grandes pennes sont bleues, celles qui suivent sont rouges, et leur partie supérieure est bleue à l'extrémité ; les pennes qui sont près du corps sont vertes; les pennes de la queue sont en dessus vertes jusqu'à la moitié de leur longueur, et d'un vert jau- nâtre en dessous ; les pennes latérales ont du rouge sur leurs barbes extérieures; l'iris des yeux est de couleur orangée ; le bec est d'un cendré noirâtre , avec une tache rougeâtre sur les côtés de la mandi- bule supérieure; les pieds sont de couleur de chair, et les ongles noirâtres. VARIETES DU CRIK A TETE BLEUE. î^l Variétés du Crik à tête bleue. Nous devons rapporter à cette sixième espèce les variétés suivantes : Le perroquet coclio _, indiqué par Fernandès , qni ne paroît différer de celui-ci qu'en ce qu'il a la tête variée de rouge et de blanchâtre, au lieu de rouge et de bleuâtre; mais du reste il est absolument sembla- ble et de la même grandeur que le crik à tète bleue , qui est un peu plus petit que les criks de la première et de la seconde espèce. Les Espagnols l'appellent ca- therinaj, nom qu'ils donnent aussi au perroquet de la seconde variété de l'espèce de Faourou-couraou ; et Fernandès dit qu'il parle très bien. II. Le perroquet indiqué par Edwards, qui ne diffère du crik à tête bleue qu'en ce qu'il a le front rouge et les joues orangées : mais comme il lui ressemble par tout le reste des couleurs, ainsi que par la gran- deur, on peut le regarder comme une variété dans cette espèce. m. Encore une variété donnée par Edwards, qui ne diffère pas par la grandeur du crik à tête bleue , mais seulement par la couleur du front et le haut de la gorge qui est d'un assez beau rouge, tandis que l'au- 102 VAP.TETES DU CRTK A TÈTE BLEUE. tre a le front et le haut de la gorge bleuâtres : mais comme il est semblable par tout le reste , nous avons jugé que ce n'étoit qu'une variété. Nous ne voyons pas la raison qui a pu déterminer M. Brisson à joindre à ce crik le perroquet de !a Dominique , indiqué par le P. Labat ; car cet auteur dit seulement qu'il a quel- ques plumes rouges aux ailes , à la queue et sous la gorge, et que tout le reste de son plumage est vert : or cette indication n'est pas suffisante pour le placer avec celui-ci, puisque ces caractères peuvent conve- nir également à plusieurs autres perroquets amazones ou criks. LE CRIK A TÊTE VIOLETTE. SEPTIÈME ESPÈCE. Psittactis violaceus. L. C'est le P. Du Tertre qui le premier a indiqué et décrit ce perroquet qui se trouve à la Guadeloupe. « Il est si beau , dit-iî , et si singulier dans les, couleurs de ses plumes, qu'il mérite d'être choisi entre tous les autres pour le décrire. 11 est presque gros comme une poule; il a le bec et les yeux bordés d'incarnat; toutes les plumes de la tête , du cou et du ventre , sont de couleur violette, un peu mêlée de vert et de noir, et changeantes comme la gorge d'un pigeon ; tout le dessus du dos est d'un vert fort brun ; les gran- des pennes des ailes sont noires; toutes les autres sont jaunes, vertes et rouges, et il a sur les couvertures LE CRIR A TÊTE VIOLETTE. l35 des ailes deux taches en forme de roses des mêmes couleurs. Quand il hérisse les plumes de son cou , il s'en fait une belle fraise autour de la tête, dans la- quelle il semble se mirer comme le paon fait dans sa queue; il a la voix forte, parle très distinctement, et apprend promptemcnt, pourvu qu'on le prenne jeune. » Nous n'avons pas vu ce perroquet , et il ne se trouve pas à Cayenne : il faut même qu'il soit bien rare à la Guadeloupe a-iijourd'hui , car aucun des ha- bitants de cette île ne nous en a donné connoissance : mais cela n'est pas extraordinaire; car depuis que les îles sont fort habitées, le nombre des perroquets y est fort diminué ; et le P. Du Tertre remarque en particulier de celui-ci que les colons françois lui fai- soient une terrible guerre dans la saison où les goya- ves , les cachinians, etc., lui donnent une graisse extraordinaire et succulente. Il dit aussi qu'il est d'un naturel très doux et facile à priver. « Nous en avions deuXj ajoute-t-il, qui firent leur nid à cent pas de notre case , dans un grand arbre. Le mâle et la fe- melle couvoient alternativement, et venoient l'un après l'autre chercher à manger à la case , où ils ame- nèrent leurs petits dès qu'ils furent en état de sortir du nid. » Nous devons observer que , comme les criks sont les perroquets les plus communs, et en même temps ceux qui parlent le mieux, les sauvages se sont amu- sés à les nourrir et à faire des expériences pour varier leur plumage ; ils se servent, pour cette opération , du sang d'une petite grenouille, dont l'espèce est bien différente de celle de nos grenouilles d'Europe ; 1UIFF0.^. XXIV. Q l34 l'E CRIK A TÊTE VIOLETTE. elle est de moitié plus petite , et d'un beau bleu d a- zur , avec des bandes longitudinales de couleur d'or ; c'est la plus jolie grenouille du monde ; elle se tient rarement dans les marécages , mais toujours dans les forêts éloignées des habitations. Les sauvages com- mencent par prendre un jeune crik au nid, et lui arrachent quelques unes des plumes scapulaires et quelques autres plumes du dos; ensuite ils frottent du sang de cette grenouille le perroquet à demi plumé : les plumes qui renaissent après cette opéra- tion, au lieu de vertes qu'elles étoient, deviennent d'un beau jaune ou d'un très beau rouge; c'est ce qu'on appelle en France perroquets tapirés. C'est un usage ancien chez les sauvages , car Marcgrave en parle. Ceux de la Guiane , comme ceux de l'Amazone , pra- tiquent cet art de tapirer le plumage des perroquets. Au reste , l'opération d'arracher les plumes fait beau- coup de mal à ces oiseaux; et même ils en meurent si souvent que ces perroquets tapirés sont fort rares , quoique les sauvages les vendent beaucoup plus cher que les autres. Nous avons fait représenter dans les planches enlu- minées , n° 1 20 , un de ces perroquets tapirés * ; et on doit lui rapporter le perroquet indiqué par Klein et par Frisch, que ces deux auteurs ont pris pour un perroquet naturel, duquel ils ont, en conséquence, fait une description qu'il est inutile de citer ici. 1. Il y est nommé perroquet amatone varié du Brésil. Pl.lg^ Tome a . Paaa-neb,scxLlp . 1 .LEPAPEG-AI DE P ARADIS _ 2 .LE PAPEGAIMAn.J .L<: .n; TAvOUA. LES PAPEGAIS. 1 55 LES PAPEGAIS. Les papegais sont, en général, plus petits que les amazones; et ils en diffèrent, ainsi que des criks, en ce qu'ils n'ont point de rouge dans les ailes : mais tous les papegais, aussi bien que les amazones, les criks, et les aras, appartiennent au nouveau conti- nent, et ne se trouvent point dans l'ancien. Nous connoissons onze espèces de papegais , auxquelles nous ajouterons ceux qui ne sont qu'indiqués par les auteurs, sans qu'ils aient désigné les couleurs des ai- les; ce qui nous met hors d'élat de pouvoir pronon- cer si ces perroquets dont il est fait mention sont, ou non, du genre des amazones, des criks, ou des papegais. LE PAPEGAl DE PARADIS. PREMIÈRE ESPÈCE. Psittacus paradisi, L. Catesby a appelé cet oiseau, n° 556, perroquet de paradis : il est très joli, ayant le corps jaune, et tou- tes les plumes bordées de rouge mordoré ; les gran- des pennes des ailes sont blanches, et toutes les au- tres jaunes, comme les plumes du corps; les deux pennes du milieu de la queue sont jaunes aussi; et toutes les latérales sont rouges depuis leur origine l36 LE PAPEGAI DE PARADIS. jusque vers les deux tiers de leur longueur, le reste est jaune ; l'iris des yeux est rouge ; le bec et les pieds sont blancs. Il semble qu'il y ait quelques variétés dans cette espèce de papegai ; car celui de Catesby a la gorge et le ventre entièrement rouges, tandis qu'il y en a d'autres qui ne l'ont que jaune, et dont les plumes sont seulement bordées de rouge ; ce qui peut pro- venir de ce que les bordures sont plus ou moins lar- ges , suivant l'âge ou le sexe. On le trouve dans l'île de Cuba; et c'est par cette raison qu'on l'a étiqueté perroquet de Cuba dans la planche enluminée. LE PAPEGAI MAILLE. SECONDE ESPÈCE. Psittacus accipitrinus. L. Ce perroquet d'Amérique, n"* 626, paroit être le même que le perroquet varié de l'ancien continent; et nous présumons que quelques individus qui sont venus d'Amérique en France y avoient auparavant été transportés des grandes Indes, et que, si l'on en trouve dans l'intérieur des terres de la Guiane, c'est qu'ils s'y sont naturalisés, comme les serins et quel- ques autres oiseaux et animaux des contrées méri- dionales de l'ancien continent, qui ont été transpor- tés dans le nouveau par les navigateurs; et ce qui semble prouver que cette espèce n'est point natu- LE PAPEGAI MAILLE. lô'] relie à l'Amérique , c'est qu'aucun naturaliste, ni au- cun des voyageurs au nouveau continent, n'en ont fait mention , quoiqu'il soit connu de nos oiseleurs sous le nom de perroquet maillé^ épithète qui indique la variété de son plumage. D'ailleurs il a la voix dif- férente de tous les autres perroquets de l'Amérique ; son cri est aigu et perçant. Tout cela semble prouver 9<<>'»a« LE PAPEGAI A BANDEAU ROUGE. QUATRIÈME ESPÈCE. Psittacus dominicensis, L. Ce perroquet se trouve à Saint-Domingue, et c'est par cette raison que, dans les planches enluminées, n** 792 , on la nommé perroquet de Saint-Domingue. Il porte sur le front, d'un œil à l'autre , un petit ban- deau rouge; c'est presque le seul trait, avec le bleu des grandes pennes de l'aile, qui tranche dans son plumage tout vert , assez sombre , et comme écaillé de noirâtre sur le cou et le dos, et de rougeâtre sur l'estomac. Ce papegai a environ neuf pouces et demi de longueur. LE PAPEGAI A VENTRE POURPRE. CINQUIÈME ESPÈCE. On trouve ce perroquet, n° 548, à la Martinique; mais il n'est pas si beau que les précédents. Il a le front blanc; le sommet et les côtés de la tête d'un cendré bleu ; le ventre varié de pourpre et de vert , mais où le pourpre domine; tout le reste du corps, tant en dessus qu'en dessous, est vert; le fouet de l4o LE PAPEGAI A VENTRE POURPRE. l'aile est blanc; les pennes sont variées de vert, de bleu, et de noir; les deux pennes du milieu de la queue sont vertes ; les autres sont variées de vert , de rouge, et de jaune ; le bec est blanc; les pieds sont gris, et les ongles bruns. LE PAPEGAI A TÊTE ET GORGE BLEUES, SIXIÈME ESPÈCE. Psittacus menstruus. L. Ce papegai, n° 584, se trouve à la Guiane, où ce° pendant.il est assez rare; d'ailleurs on le cherche peu, parce qu'il n'apprend point à parler. li a la tête , le cou, la gorge, et la poitrine, d'un beau bleu, qui seulement prend une teinte de pourpre sur la poitrine ; les yeux sont entourés d'une niembrane couleur de chair, au lieu que, dans tous les autres perroquets, cette membrane est blanche ; de chaque côté de la tête on voit une tache noire; le dos, le ventre , et les pennes de l'aile sont d'un assez beau vert; les couvertures supérieures des ailes sont d'un vert jaunâtre ; les couvertures inférieures de la queue sont d'un beau rouge ; les pennes du milieu de la queue sont entièrement vertes ; les latérales sont de la même couleur verte, mais elles ont une tache bleue qui s'étend d'autant plus que les pennes deviennent plus extérieures; le bec est noir avec une tache rouge LE PAPEGAI A TÊTE ET A GORGE BLEUES. l/^l des deux côtés de la maadibule supérieure ; les pieds sont gris. Nous avons remarqué que M. Brisson a confondu ce perroquet avec celui qu'Edwards a nommé le per- roquet vert face de bleUj, tandis que ce perroquet face de bleu d'Edwards est notre crik à tête bleue. LE PAPEGAI VIOLET, SEPTIÈME ESPÈCE. Psittactis purpureus, L. On le connoît, tant en Amérique qu'en France, sous la dénomination de perroquet violet : il est assez com- mun à la Guiane; et, quoiqu'il soit joli, il n'est pas trop recherché , parce qu'il n'apprend point à parler. Nous avons déjà remarqué que M. Brisson l'avoit confondu avec le perroquet rouge et bleu d'Aldro- vande , qui est une variété de Hotre crik. Il a les ailes et la queue d'un beau v*iolet bleu; la tête et le tour de la face de la même couleur, ondée sur la gorge , et comme fondue par nuances dans du blanc et du lilas; un petit trait rouge borde le front; tout le des- sus du corps est d'un brun obscurément teint de vio- let : toutes ces teintes sont trop brunes et trop peu senties dans la planche enluminée, n°4o8. Le dessous du corps est richement nué de violet bleu et de violet pourpre ; les couvertures inférieures de la queue sont couleur de rose , et cette couleur teint en dedans le$ l42 LE PAPEGAI VIOLET. bords des pennes extérieures de la queue dans leur première moitié. LE SASSEBE. HUITIÈME ESPÈCE. Psittaciis collarim. L. OviEDO est le premier qui ait indiqué ce papegai sous le nom de xaxbés ou sassebé. Sloane dit qu'il est naturel à la Jamaïque. Il a la tête , le dessus et le dessous du corps verts; la gorge et la partie infé- rieure du cou d'un beau rouge ; les pennes des ailes sont les unes vertes et les autres noirâtres. Il seroil à désirer qu'Oviedo et Sloane , qui paroissent avoir vu cet oiseau , en eussent donné une description plus détaillée. LE PAPEGAI BRUN. NEUVIÈME ESPÈCE. Psittacus sordidus. L. Cet oiseau a été décrit, dessiné et colorié par Ed- wards; c'est un des plus rares et des moins beaux de tout le genre des perroquets; il se trouve à la Nou- velle-Espagne. Il est à peu près de la grosseur d'un pigeon commun ; les joues et le dessus du cou sont LE PAPEGAI BRUN. l4^ verdâtres; le dos est d'un brua obscur; le croupion est verdâtre; la queue est verte en dessus et bleue en dessous; la gorge est d'un très beau bleu sur une lar- geur d'environ un pouce; la poitrine, le ventre et les jambes sont d'un brun un peu cendré ; les ailes sont vertes, mais les pennes les plus proches du corps sont bordées de jaune ; les couvertures du dessous de la queue sont d'un beau rouge; le bec est noir en des- sus, sa base est jawne , et les côtés des deux mandi- bules sont d'un beau rouge; l'iris des yeux est d'un brun couleur de noisette. LE PAPEGAI A TÊTE AURORE. DIXIÈME ESPÈCE. Psittacus ludovicianus, L. M. Le Page Dupratz est le seul qui ait parlé de cet oiseau. « Il n'est pas, dit-il , aussi gros que les perroquets qu'on apporte ordinairement en France. Son plumage est d'un beau vert céladon ; mais sa tête est coiffée de couleur aurore , qui rougit vers le bec , et se fond par nuances avec le vert du côté du corps. 11 apprend difficilement à parler ; et quand il le sait, il en fait ra- rement usage. Ces perroquets vont toujours en com- pagnie ; et s'ils ne font pas grand bruit étant privés, en revanche ils en font beaucoup en l'air, qui retentit au loin de leurs cris aigres : ils vivent de pacanes, de î44 I-E PATEGAI A TÊTE AURORE. pignons, de graines du laurier-tulipier, et d'autres pe- tits fruits. » LE PARAGUA. ONZIÈME ESPÈCE. Psittacus paraguanus, L. Cet oiseau décrit par Marcgrave paroi t se trouver au Brésil. Il est en partie noir et plus grand que Tauia- zone; il a la poitrine et la partie supérieure du ventre, ainsi que le dos, d'un très beau rouge ; l'iris des yeux est aussi d'un beau rouge; le bec, les jambes et les pieds sont d'un cendré foncé. Par ses belles couleurs rouges , ce perroquet a du rapport avec le lori : mais comme celui-ci ne se trouve qu'aux grandes Indes, et que le paragua est proba- blement du Brésil , nous nous abstiendrons de pro- noncer sur l'identité ou la diversité de leurs espèces, d'autant qu'il n'y a que Marcgrave qui ait vu ce per- roquet, et que peut-être il l'aura vu en Afrique, ou qu'on l'aura transporté au Brésil , parce qu'il ne lui donne que le nom simple de paragua,, sans dire qu'il est du Brésil ; en sorte qu'il est possible que ce soit en effet un lori, comme l'a dit M. Brisson. Et ce qui pourroit fonder cette présomption , c'est que Marc- grave a aussi donné un perroquet gris comme étant du Brésil, et que nous soupçonnons être de Guinée, parce qu'il ne s'est point trouvé de perroquets «îijris en Amérique , et qu'au contraire ils sont très com-« Riq6, Tome 0-4 !PcaiQuet^5;:alTp 1 . X.E MATF O TJRI _ 2 L A PERRICHE P.*^OTJANE LE PAKAGUA. l45 iDunsen Guinée, d'où on les traasporte souvent avec les nègres. La manière dont Marcgrave s'exprime prouve qu'il ne le regardoit pas comme un perro- quet d'Amérique : Avis psittaco plane siinllls. LES PERRIGHES. Avant de passer à la grande tribu des perriches nous commencerons par en séparer une petite famille qui n'est ni de cette tribu, ni de celle des pagegais, et qui paroît faire la nuance pour la grandeur entre les deux. Ce petit genre n'est composé que de deux espèces; savoir, le maipouri et le caïca ; et cette der* nière n'est que très nouvellement connue. LE MAIPOURL PREMIÈRE ESPÈCE. Psitiacus melanocepkalus, L. Ce nom convient très bien à cet oiseau, parce qu'if siffle comme le tapir, qu'on appelle à Cayenne mai^ pourl; et quoiqu'il y ait une énorme différence entre ce gros quadrupède et ce petit oiseau, le coup de sifflet et si semblable qu'on s'y méprendroit. Il se trouve à la Guiane, au Mexique, et jusqu'aux Cara- ques ; il n'approche pas des habitations et se tient ordinairement dans les bois entourés d'eau, et même sur les arbres des savanes noyées ; il n'a pas d'autre l46 LE MAI POU RI. voix que son sifflet aigu , qu'il répète souvent en vo- lant, et il n'apprend point à parler. Ces oiseaux vont ordinairement en petites troupes, mais souvent sans affection les uns pour les autres, car ils se battent fréquemment et cruellement. Lors- qu'on en prend quelques uns à la chasse, il n'y a pas moyen de les conserver; ils refusent la nourriture si constamment, qu'ils se laissent mourir; ils sont de si mauvaise humeur, qu'on ne peut les adoucir, même avec les camouflets de fumée de tabac, dont on se sert pour rendre doux les perroquets les plus revêches. Il faut, pour élever ceux-ci, les prendre jeunes, et ils ne vaudroient pas la peine de leur éducation, si leur plumage n'étoit pas beau et leur figure singulière; car ils sont d'une forme fort différente de celle des per- roquets et même de celle des perriches: ils ont le corps plus épais et plus court , la tête aussi beaucoup plus grosse, le cou et la queue extrêmement courts, en sorte qu'ils ont l'air massif et lourd. Tous leurs mouvements répondent à leur figure. Leurs plumes mêmes sont toutes différentes de celles des autres perroquets ou perruches : elles sont courtes, très serrées, et collées contre le corps, en sorte qu'il semble qu'on les ait en effet comprimées et collées artificiellement sur la poitrine et sur toutes les parties inférieures du corps. Au reste, le maipouri est grand comme un petit pa- pegai; et c'est peut-être par cette raison que MM. Ed- wards, Brisson et Linnaeus l'ont mis avec les perro- quets : mais il en est si différent qu'il mérite un genre à part , dans lequel l'espèce ci-après est aussi com- prise. Le maipouri, n° 527, a le dessus de la tête noir; LE MAiPOURI. l47 une tache verte au dessous des yeux; les côtes de la tète , la gorge et la partie inférieure du cou sont d'un assez beau jaune; le dessus du cou, le bas-ventre et les jambes, de couleur orangée ; le dos, le croupion, les couvertures supérieures des ailes, et les pennes de la queue, d'un beau vert; la poitrine et le ventre blanchâtres quand l'oiseau est jeune , et jaunâtres quand il est adulte ; les grandes pennes des ailes sont bleues à l'extérieur en dessus, et noires à l'intérieur, et par dessous elles sont noirâtres; les suivantes sont vertes et bordées extérieurement de jaunâtre; l'iris des yeux est d'une couleur de noisette foncée; le bec est de couleur de chair; les pieds sont d'un brun cen- dré , et les ongles noirâtres. a.»»»*»»»^»»»))^»^-»^. LE CAICA. SECONDE ESPÈCE. Pslttacus pileatus. L. Nous avons adopté, pour cet oiseau , le mot catca de la langue galibi , qui est le nom des plus grosses perriches, parce qu'il est en eflet aussi gros que le précédent : jl est aussi du môme genre ; car il lui res- semble par toutes les singularités de la forme, et par la calolle noire de sa tête. Cette espèce est non seu- lement nouvelle en Europe , mais elle l'est même à Cayenne. M. Sonnini de Manoncourt nous a dit qu'il étoit le premier qui l'eût vue en 1 773; avant ce temps il n'étoit jamais venu de ces oiseaux à Cayenne , et l48 LE CAÏCA. l'on ne sait pas encore de quel pays ils viennent : mais depuis ce temps on en voit tous les ans arriver par petites troupes dans la belle saison des mois de sep- tembre et d'octobre, et ne faire qu'un petit séjour; en sorte que, pour le climat de la Guiane, ce ne sont que des oiseaux de passage. La coiffe noire qui enveloppe la tête du caïca , n° 744? ^^^ comme percée d'une ouverture dans la- quelle l'œil est placé; cette coiffe noire s'étend fort bas et s'élargit en deux mentonnières de même cou- leur; le tour du cou est fauve et jaunâtre; dans le beau vert qui couvre le reste du corps, tranche le bleu d'azur qui marque le bord de l'aile presque depuis l'épaule 5 borde ses grandes pennes sur un fond plus sombre, et peint les pointes de celles de la queue, excepté les deux intermédiaires , qui sont toutes ver- tes et paroissent un peu plus courtes que les latérales. a-8< «<<8i&»»e<;tdtti»»e<; ac<»9 PERRÏCHES DU NOUVEAU CONTINEINT. i^^6<= Il y a dans le nouveau continent, comme dans l'an- cien , des perriches à longue et à courte queue ; dans les premières , les unes ont la queue également éta- lée , et les autres l'ont inésale : nous suivrons donc le même ordre dans leur distribution, en commen- çant par les perriches à queue longue et égale , que nous ferons suivre des perriches à queue longue et Lîis rsRnicHEs de l ancien' continent. 1 |9 inégale , et nous finirons par les péniches à queue conrte. PERRICHES A OUELE LONGUE ET ÉGALEMENT ÉTAGÉE. LA PERRICHE PAVOUANE. PREMIÈRE ESPÈCE A QUEUE LONÊUE ET ÉGALE. Psktacus gujanemis. L. Cette perriche est une des plus jolies; elle est re- présentée jeune dans la planche 407, et tout-à-fait adulte, c'est-à-dire dan.^ sa beauté, planche 167 : nous observerons seulement que son bec n'est pas rouge, et que le vert de son plumage n'est pas aussi foncé qu'on le voit dans cette dernière planche. La pavouane est assez commune à Cayenne; on la trouve également aux Antilles, comme nous l'assure M. de La Borde , et c'est de toutes les perriches dn nouveau continent celle qui apprend le pins facilement à par- ler : néanmoins elle n'est docile qu'à cet égard; car, quoique privée depuis long-temps, elle conserve toujours un naturel sauvage et farouche ; elle a même l'air mutin et de mauvaise humeur : mais comme elle a l'œil très vif et qu'elle est leste et bien faite , elle plaît par sa figure. Nos oiseleurs ont adopté le nom de pavouane qu'elle porte à la Guiane. Ces perriches i;î;rr()N. \x^\. lO î5o LA PER RICHE PAVOUAIS'E. Tolent en troupes, toujours criant et piaillant; elles parcourent les savanes et les bois, et se nourrissent, de préférence, du petit fruit d'un grand arbre qu'on nomme dans le pays i' immortel ^ et que Tournefort a désigné sous la dénomination de curallodendron^. Elle a un pied de longueur; la queue a près de six pouces, et elle est régulièrement étagée; la tête, le corps entier, le dessus des ailes et de la queue , sont d'un très beau vert. A mesure que ces oiseaux pren- nent de l'âge , les côtés de la tête et du cou se cou- vrent de petites taches d'un rouge vif, lesquelles de- viennent de plus en plus nombreuses, en sorte que, dans ceux qui sont âgés , ces parties sont presque entièrement garnies de belles taches rouges; on ne voit aucune de ces taches dans l'oiseau jeune , et elles ne commencent à paroître qu'à deux ou trois ans d'âge. Les petites couvertures inférieures des ailes sont du même rouge vif, tant dans l'oiseau adulte que dans le jeune ; seulement ce rouge est un peu moins éclatant dans le dernier. Les grandes couver- tures inférieures des ailes sont d'un beau jaune ; les pennes des ailes et de la queue sont en dessous d'un jaune obscur; le bec est blanchâtre, et les pieds sont 1. On a remarqué ^ue les perruches ne font aucune société avec les perroquets, mais vont toujours ensemble par grandes troupes. L^ PERKICHE A GOUGE BRUNE. LA PERRIGHE A GORGE BRUNE. SECONDE ESPÈCE A QUELE LONGUE ET ÉGALE. Psittacus œrugmosus. L. M. Edwards a donné le premier cette perriche qui se trouve dans le nouveau continent. M. Brisson dit qu'elle lui a été envoyée de la Martinique. Elle a le front, les côtés de la tête, la gorge, et la partie inférieure du cou, d'un gris brun; le sommet de la tête d'un vert bleuâtre ; tout le dessus du corps d'un vert jaunâtre; les grandes couvertures supé- rieures des ailes bleues; toutes les pennes des ailes sont noirâtres en dessous; mais en dessus les grandes pennes sont bleues, avec une large bordure noirâtre sur leur côté inférieur; les moyennes sont d'un même vert que le dessus du corps; la queue est verte en des- sus, et jaunâtre en dessous; l'iris des yeux est de cou- leur de noisette ; le bec et les pieds sont cendrés. LA PERRIGHE A GORGE VARIÉE. TROISIÈME ESPÈCE A QUELE LONGUE ET ÉGALE. Psittacus versicolor. L. Cette perriche, n" i44? ^st fort rare et fort jolie; on ne la voit pas fréquemment à Cayenne, et l'on ne ir>2 LA PERIIICHE \ GORGE VARIEE. sait pas si on peut l'instruire à parier; elle n est pas si grosse q^u'un merle. La plus grande partie de son plumage est d'un beau vert : mais la gorge et le devant du cou sont d'un brun écaillé et maillé de gris rous- sâtre; les grandes pennes de l'aile sont teintes de bleu; le front est vert d'eau; on voit derrière le cou , au bas et près du dos, une petite zone de cette môme couleur; au pli de l'aile sont quelques plumes d'un rouge clair et vif; la queue, partie verte en dessus et partie rouge brun , avec des reflets couleur de cuivre , est en dessous toute de cette dernière couleur; la même teinte se marque sous le ventre. LA PERRICHE A AILES VARIÉES. QUATRIÈME ESPÈCE A QUEUE LONGUE ET ÉGALE. Psittacus virescens. L. Cette espèce, n° 35g, est celle que l'on nomme à Cayenne la perruche commune ; elle n'est pas si grande qu'un merle, n'ayant que huit pouces quatre lignes, y compris la queue, qui a trois pouces et demi. Ces perriches vont en grandes troupes, fréquentent vo- lontiers les lieux découverts, et viennent même jus- qu'au milieu des lieux habités. Elles aiment beaucoup les boutons des fruits de l'arbre immortel , et arrivent en nombre pour s'y percher dès que cet arbre est en fleurs : comme il y a un de ces grands arbres planté dans la nouvelle ville de Cayenne, plusieurs per- sonnes y ont vu arriver ces perriches, qui se rassem- LA PEURICHE A AILES BKUNES. I 55 bioieiit sur cet arbre tout voisin des maisons. On les fait fuir en les tirant; mais elles reviennent peu de temps après. Au reste, elles ont assez de facilité pour apprendre à parler. Cette perriche a la lête, le corps entier, la queue, et les couvertures supérieures des ailes, d'un beau vert; les pennes des ailes sont variées de jaune, de vert blewâtre, de blanc et de vert; les pennes de la queue sont bordées de jaunâtre sur leur côté inté- rieur; le bec, les pieds, et les ongles sont gris. La femelle ne diffère du mâle qu'en ce qu'elle a les couleurs moins vives. Barrère a confondu cette perri^che avec Vanaca de Marcgrave; mais ce sont deux oiseaux d'espèces diffé- rentes, quoique tous deux du genre des perriches. L'ANAGA. CINQUIÈME ESPÈCE A QUEUE LONGUE ET ÉGALE. Psittacus anaca. L. L'ânaga est une très jolie perriche qui se trouve au Brésil : elle n'est que de la grandeur d'une alouette. Elle a le sommet de la tête couleur de marron; les côtés de la tête bruns; la gorge cendrée; le dessus du cou et les flancs verts ; le ventre d'un brun rous- sâtre; le dos vert avec une tache brune; la queue d'un brun clair; les pennes des ailes vertes, termi- nées de bleu . et une tache ou plutôt une frange d'un i54 l'anaca. rouge de sang sur le haut des ailes; le bec est brun ; les pieds sont cendres. M. Brisson a place cette perriche avec celles qui ont la queue courte : cependant Marcgrave ne le dit pas, et comme il ne manque pas d'avertir dans ses descriptions qu'elles ont la queue courte, et qu'il a mis celle-ci entre deux autres qui ont la queue lon- gue, nous présumons, avec fondement, qu'elle est en effet de l'ordre des perriches à queue longue. Il en est de même de Tespèce suivante, donnée par Marcgrave sous le nom àe jendaya^ et dont il ne dit pas que la queue soit courte. LE JENDAYA. SIXIÈME ESPÈCE A QUEUE LONGUE ET EGALE. Pslîtacus jendaya. L. Cet oiseau est de la grandeur d'un merle. Il a le dos, les ailes, la queue, et le croupion d'un vert bleuâtre tirant sur l'aigue-marine; la tête, le cou, et la poitrine sont d'un jaune orangé , l'extrémité des ailes noirâtre; l'iris des yeux d'une belle couleur d'or; le bec et les pieds noirs. On le trouve au Brésil; mais personne ne Ta vu que Marcgrave , et tous les autres auteurs l'ont copié. LA. PEKRICHE ÉMEKAUDE. i55 LA PERRIGHE ÉMERAUDE. SEPTIÈME ESPÈCE A QUEUE LONGUE ET ÉGALE. Psittacm smaragdinm. L. Le vert plein et brillant qui couvre tout le corps de cette perriche, excepté la queue, qui est d'un brun marron, avec la pointe verte, nous semble lui rendre propre la dénomination de perriche émeraude : celle de perruche des terres Mage llaniques qu'elle porte dans les planches enluminées, n** 85, doit être reje- tée, par la raison qu'aucun perroquet ni aucune per- ruche n'habitent à de si hautes latitudes; il y a peu d'apparence que ces oiseaux franchissent le tropique du Capricorne pour aller trouver des régions qui, comme Ton sait, sont plus froides à latitudes éi^ales, dans l'hémisphère austral que dans le nôtre. Est-il pro- bable d'ailleurs que des oiseaux qui ne vivent que de fruits, tendres et succulents se transportent dans des terres glacées qui produisent à peine quelques ché- tives baies? telles sont les terres voisines du détroit, où l'on suppose pourtant que quelques navigateurs ont vu des perroquets. Ce fait, consigné dans l'ou- vrage d'un auteur respectable, nous eût paru éton- nant, si, en remontant à la source, nous ne l'eussions trouvé fondé sur un témoignage qui se détruit de lui- même : c'est le navigateur Spilberg qui place des per- roquets au détroit de Magellan , près du même lieu où un peu auparavant il se figure avoir vu des autruches; l56 LA PEî'.IllCHE ÉMEKALDi-. or, pour un homme qui voit des autruches à la pointe des terres JUagellaniques, il n'est point trop étrange d'y voir aussi des perroquets. Il en est peut-être de même des perroquets trouvés dans la Nouvelle-Zé- lande, et à la terre de Diémen, vers le /\5^ degré de latitude australe. INous allons maintenant faire l'énumération et don- ner la description des perriches du nouveau conti- nent à queue longue et inégalement étagée. PERRICHES A QUEUE LONGUE ET INÉGALEMEINT ÉTAGÉE, LE SINCIALO. PREîHUiRE ESPÈCE A QUEL'E LONGUE ET INEGALE. Psittacus rufirostris. L. C/est le nom que cet oiseau porte à Saint-Domin-^^ gue. Il n'est pas plus gros qu'un merle, mais il paroît une fois plus long, ayant une queue de sept pouces de longueur, et le corps n'étant que de cinq. Il est fort causeur; il apprend aisément à parler, à siffler, et à contrefaire la voix ou le cri de tous les animaux qu'il entend. Ces perriches volent en troupee et se perchent sur les arbres les plu» touffus et les plus verts; et comme elles sont vertes elles-mêmes, on a beaucoup de peine à les apercevoir : elles font grand Pli8c) Tome^^i îôXLC^uec.sculp 1 LESriSrVIALO_Q..LAPE.Î^RICHE APUjÉ-TUB^ _3.I.E TOUî-ETE 50S0VE LE SINCIALO. i:)7 bruit sur les arbres, eu criant, piaiiiaut, et jabotant plusieurs ensemble; et si elles entendent des voix d'hommes ou d'animaux, elles n'en crient que plus fort. Au reste, cette habitude ne leur est pas parti- culière; car presque tous les perroquets que Ton garde dans les maisons, crient d'autant plus fort que Ton parle plus haut. Elles se nourrissent comme les antres perroquets; mais elles sont plus vives et plus gaies. On les apprivoise aisément : elles paroissent aimer qu'on s'occupe d'elles, et il est rare qu'elles gardent le silence; car, dès qu'on parle, elles ne manquent pas de crier et de jaser aussi. Elles devien- nent grasses et bonnes à manger dans la saison des graines de bois d'Inde, dont elles font alors leur prin- cipale nourriture. Tout le plumage de cette perriche, n" 55o, est d'un vert jaunâtre; les couvertures inférieures des ailes et de la queue sont presque jaunes, les deux pennes du milieu de la qweae sont plus longues d'un pouce neuf lignes que celles qui les suivent immédia- tement de chaque côté , et les autres pennes latérales vont également en diminuant de longueur par degrés jusqu'à la plus extérieure, qui Cv^^t plus courte de cinq*^ pouces que les deux du milieu; les yeux sont en- tourés d'une peau couleur de chair; l'iris de l'œil est d'un bel orangé; le bec est noir avec un peu de rouge à la base de la mandibule supérieure; les pieds et les ongles sont couleur de chair. Cette espèce est répandue dans presque tous les climats chauds de l'Amérique. La perriche indiquée par le P. Labat en esi une variété, (fui ne diffère que parce qu'elle a quelques l58 Lli SINCIALO. petites plumes roages sur !a tête, et le bec blanc; différences qui ne sont pas assez grandes pour en faire deux espèces séparées. Nous sommes obligés de remarquer que M. Brisson a confondu ce dernier oiseau avec Vaiurti-catinga de Marcgrave, qui est un de nos criks. LA PERRICHE A FRONT ROUGE. SECONDE ESPÈCE A QUEUE LONGUE ET INEGALE. Psittacus canicularis, L. Cet oiseau, n° 767, se trouve, comme le précé- dent, dans presque tous les climats chauds de l'Amé- rique, et c'est M. Edwards qui l'a décrit le premier. Le front est d'un rouge vif; le sommet de la tête d'un beau bleu, le derrière de la tête, le dessus du cou, les couvertures supérieures des ailes et celles de la queue, sont d'un vert foncé; la gorge et tout le des- sous du corps, d'un vert un peu jaunâtre; quelques unes des grandes couvertures des ailes sont bleues; les grandes pennes sont d'un cendré obscur sur leur côté intérieur, et bleues sur leur côté extérieur et à l'extrémité; l'iris des yeux est de couleur orangée ; le bec est cendré; les pieds sont rougeâtres. Nous devons observer qu'Edwards , et Linnaeus qui l'a copié , ont confondu cette perriche avec le Ud^aputé-juba de Marcgrave, qui néanmoins fait une autre espèce , de laquelle nous allons donner la de- scription. L APUTE- JLBA. 1 3C) »»a.8;«»a»i»fc««.ae«9<«»»agoa»fc»o»a »a no»o8<»a«g»»cgg»»e* 9 L'APUTE-JUBA. TROISIÈME ESPÈCE A QUEUE LONGUE ET INEGALE. Psitt acus pertinax. L. Cette perriche a le front, les côtés de la tête, et le haut de la gorge, d'un beau jaune ; le sonimet et le derrière de la tête , le dessus du cou et du corps, les ailes et la queue, sont d'un beau vert; quelques unes des grandes couvertures supérieures des ailes et les grandes pennes sont bordées extérieurement de bleu; les deux pennes du milieu de la queue sont plus longues que les latérales, qui vont toutes en diminuant de longueur jusqu'à la plus extérieure, qui est plus courte d'un pouce neuf lignes que les deux du milieu; le bas- ventre est jaune; l'iris des yeux est orangé foncé ; le bec et les pieds sont cendrés. Par la seule description , on voit déjà que cette espèce n'est pas la même que la précédente; elle en est même fort différente : mais d'ailleurs celle-ci est très commune à la Guiane, tandis que la précédente ne s'y trouve pas. On l'appelle vulgairement à la Guiane perruche poux-de-bois ^ parce qu'elle fait or- dinairement son nid dans les rucbes de ces insectes. Comme elles reste pendant toute l'année dans les terres de la Guiane, où elle fréquente les savanes et autres lieux découverts, il n'y a guère d'apparence que l'espèce s'étende ou voyage jusqu'au pays des l60 LÂPUTÉ-JIJBA. Illinois, cotuine l'a dit M. Brisson , d'après lequel on a donné à cet oiseau le nom de perruche illinoise dans les planches enluminées , n° 528. Ce que nous disons ici est d'autant mieux fondé qu'on ne trouve aucune espèce de perroquet ni de perruche au delà de la Caroline, et qu'il n'y en a qu'une seule espèce à la Louisiane, que nous avons donnée ci-devant. ci>«-e»«-fle- >* » Là PERRICHE COURONNEE D'OR. QUATRIÈME ESPÈCE A QUEUE LONGUE ET INEGALE. Psittacm aiireus. L. C'est ainsi qu'Edwards a nommé cette perriche ^ et i! l'a prise pour la femelle dans l'espèce précé- dente. C'éloit en efïét une femelle qu'il a décrite, puisqu'il dit qu'elle a pondu cinq ou six œufs en An- gleterre , assez petits et hlancs , et qu'elle a vécu qua- torze ans dans ce climat. Néanmoins on peut être as- suré que l'espèce est différente de la précédente ; car toutes deux sont communes à Cayenne, et elles ne vont jamais ensemhie, mais chacune en grandes trou- pes de leur espèce ; et les mâles ne paroissent pas dif- férer des femelles, ni dans l'une ni dans l'autre de ces deux espèces. Celle-ci s'appelle à la Guiane perruche des savanes; elle parle supérieurement bien; elle est très caressante et très intelligente, au lieu que la pré- cédente n'est nullement recherchée, et ne parle que difficilement. Cette jolie perriche a une grande tache orangée LA PERUICHE COURONNÉE d'oR. 1 () 1 sur le devant de la tête ; le reste de la tête , tout ie dessus du corps, les ailes et la queue, sont d'un vert foncé ; la gorge et la partie inférieure du cou sont d'un vert jaunâtre, avec une légère teinte de rouge terne; le reste du dessous du corps est d'un vert pâle ; quelques unes des grandes couvertures supérieures des ailes sont bordées extérieurement de bleu; le côté extérieur des pennes du milieu des ailes est aussi d'un beau bleu, ce qui forme sur chaque aile une large ba.nde longitudinale de cette belle couleur; l'iris des yeux est orangé vif; ie bec et les pieds sont noirâtres. LE GUAROUBA, ou PERRICHE JAUNE. CINQUIÈME ESPÈCE A QUEUE LONGUE ET INÉGALE. Psittacus guaruba. L. Marcgrave et de Laet sont les premiers qui aient parlé de cet oiseau, qui se trouve au Brésil, et quel- quefois au pays des Amazones, où néanmoins il est rare ; et on ne le voit jamais aux environs de Cayenne. Cette perriche, n'* 525, que les Brésiliens appellent guianiba^ c'est-à-dire oiseau jaune , n'apprend point à parlei ; elle est triste et sofitaire : cependant les sau- vages en font grand cas; mais il paroît que ce n'est qu'à cause de sa rareté, et parce que son plumage est très difîerent de celui des autres perroquets, et 102 LE GUAROLBA , OU PERRICHE JAUNE. qu'elle s'apprivoise aisément. Elle est presque toute jaune : il y a seulement quelques taches vertes sur l'aile, dont les petites pennes sont vertes, frangées de jaune; les grandes sont violettes, frangées de bleu, et l'on voit le même mélange de couleurs dans celle de la queue , dont la pointe est d'un violet bleu; le milieu , ainsi que le croupion , sont d'un vert bordé de jaune ; tout le reste du corps est d'un jaune pur et vif de safran ou d'orangé. La queue est aussi longue que le corps , et a cinq pouces ; elle est fortement éta- gée , en sorte que les dernières pennes latérales sont de moitié plus courtes que les deux du milieu. La perruche jaune du Mexique , donnée par M. Brisson , d'après Seba, paroît être une variété de celle-ci; et un peu de rouge pfde que Seba met à la tête de son oiseau coclio^y et qui n'étoit peut-être qu'une teinte orangée, ne fait pas un caractère suffisant pour indi- quer une espèce particulière. >»ao«>e4^««jj8«.a«*<»^«»S«*»*»8«j LA PERRICHE-ARA. SEVTIÈxME ESPÈCE A QUEUE LONGUE ET INEGALE. Psittacus makavouana, Lath. M. Barrère est le premier qui ait parlé de cet oi- seau, n" 864; on le voit néanmoins fréquemment à Cayenne, où il dit qu'il est de passage. Il se tient dans les savanes noyées comme les aras, et vit aussi comme eux des fruits du palmier-latanier. On l'ap- pelle perriche-ara^ parce que d'abord elle est plus grosse que les autres perriches; qu'ensuite elle a la queue très longue , ayant neuf pouces de longueur, et le corps autant. Elle a aussi de commun avec les aras la peau nue depuis les angles du bec jusqu'aux yeux, et elle prononce aussi distinctement le mot ara^ mais d'une voix moins rauque , plus légère, et plus aiguë. Les naturels de la Guiane l'appellent maka- vouanne. Elle a lest pennes de la queue inégalement étagées; tout le dessus du corps, des ailes, et de la queue, LA PERRUCHE-ARA. 1 65 est d'un vert foncé un peu rembruni, à l'exception des grandes pennes des ailes, qui sont bleues, bor- dées de vert, et terminées de brun du côté extérieur; le dessus et les côtés de la tête ont leur couleur verte, mêlée de bleu foncé, de façon qu'à certains aspects ces parties paroissent entièrement bleues; la gorge, la partie inférieure du cou, et le haut de la poitrine, ont une forte teinte de roussâtre; le reste de la poitrine, le ventre, et les côtés du corps, sont d'un vert plus pâle que celui du dos; enfin il y a sur le bas-ventre du rouge brun qui s'étend sur quelques unes des couvertures inférieures de la queue; les pennes des ailes et de la queue sont en dessous d'un vert jaunâtre. Il ne nous reste plus qu'à donner la description des perriches à queue courte du nouveau continent, auxquelles on a donné le nom générique de touis; et c'est en effet celui qu'elles portent au Brésil. 9^«<»oa»eift8i»t i(raic<»o<8ioJto»o»o;sig>»a»o LES TOUIS, ou PERRICHES A QUEUE COURTE. Les touis sont les plus petits de tous les perro- quets et même des perriches du nouveau continent. Ils ont tous la queue courte, et ne sont pas plus gr0s que le moineau ; la plupart semblent aussi différer des perroquets et des perriches, en ce qu'ils n'appren- nent point à parler. De cinq espèces que nous con- liUî'FON. XXIV. î 1 l66 LES TOUIS, OU PERRICHES A QUEUE COURTE. noissons, il n'y en a que deux auxquelles on ait pu donner ce talent. Il paroît qu'il se trouve des touis actuellement dans les deux continents, non pas ab- solument de la même espèce, mais en espèces ana- logues et voisines probablement, parce qu'elles ont été transportées d'un continent dans l'autre, par les raisons que j'ai exposées au commencement de cet article; néanmoins je pencherois à les regarder tou- tes comme originaires du Brésil et des autres parties méridionales de l'Amérique, d'où elles auront été transportées en Guinée et aux Philippines. LE TOUI A GORGE JAUNE. PREMIÈRE ESPÈCE DE PERRICHE A QUEUE COURTE. Psittacus tout. L. Ce petit oiseau, n° 190, fig. 1, a la tête et tout le dessus du corps d'un beau vert : la gorge d'une belle couleur orangée ; tout le dessous du corps d'un vert jaunâtre; les couvertures supérieures des ailes sont variées de vert, de brun, et de jaunâtre ; les couver- tures inférieures sont d'un beau jaune ; les pennes des ailes sont variées de vert, de jaunâtre, et de ceudré foncé; celles de la queue sont vertes et bordées à l'intérieur de jaunâtre ; le bec, les pieds, les ongles, sont gris. LE SOSOVÉ. 167 LE SOSOVÉ. SECONDE ESPÈCE DE TOUI OU PERRICHE A QUEUE COURTE. Psiitacus sosove, L. SosovÉ est le nom galibi de ce charniant petit oi- seau, n'^/jôG, fig. 2, dont la description est bien aisée; car il est partout d'un vert brillant, à l'exception d'une lacbc d'un jaune léger sur les pennes des ailes et sur les couvertures supérieures de la queue ; il a le bec blanc et les pieds gris. L'espèce en est commune à la Guiane, surtout vers rOyapok et vers l'Amazone. On peut les élever aisé- ment, et ils apprennent très bien à parler. Ils ont une voix fort semblable à celle du polichinel des ma- rionnettes; et lorsqu'ils sont instruits, ils ne cessent de jaser. ««C 4Vv««0'C4«'««'e««^ LE TIRICA. TROISIÈME ESPÈCE DE TOUI OU PERRICHE A QUEUE COURTE. Psiitacus tlrica. L. Marcgrave estle premier qui ait indiqué cet oiseau. Son plumage est entièrement vert; il a les yeux noirs, le bec incarnat et les pieds bleuâtres. Il se prive très aisément, et apprend de même à parier; il est aussi très doux et se laisse manier facilement. lOS LE TIUICA. Nous croyons qu'on doit rapporter au tirica la per- ruche représentée, n"* 857, des planches enluminées, sous le nom de petite jaseuse: elle est, comme le tirica, entièrement verte; elle a le bec couleur de chair, et toute la taille d'un toui. Nous remarquerons que le tuin de Jean de Laet ne désigne pas une espèce particulière , mai? toutes les perriches en général : ainsi ou ne doit pas rappor- ter, comme l'a fait M. Brisson, le tuin de Laet au tui-tirica de Marcgrave. M. Sonnerat fait mention d'un oiseau qu'il a vu à l'île de Luçpn, et qui ressemble beaucoup au tui- tirica de Marcgrave; il est de la même grosseur et porte les mêmes couleurs, étant entièrement vert, plus foncé en dessus et plus clair en dessous : mais il on diffère par la couleur du bec, qui est gris , au lieu qu'il est incarnat dans l'autre, et par les pieds, qui sont gris, tandis qu'ils sont bleuâtres dans le premier. Ces différences ne seroierit pas assez grandes pour en faire une espèce , si les climats n'étoient pas autant éloignés; mais il est possible et même probable que cet oiseau ait été transporté de l'Amérique aux Phi- lippines , où il pourroit avoir subi ces petits change- ments. l'été, ou toui-été. 169 -yg»8«0'8'»»e»»9i»ft'»»t^a*«'»o L'ETE, ou TOUI-ETE. QUATRIÈME ESPÈCE DE TOUX OU PERRÏCIIE A QUEUE COURTE. Psitt acus passer inus. L. C EST encore à Marc2;rave qu'on doit la connoissance de cet oiseau, qui se trouve au Brésil. Son plumage est en général d'un vert clair : mais le croupion et le haut des ailes sont d'un beau bleu ; toutes les pennes des ailes sont bordées de bleu sur leur côté extérieur, ce qui forme une longue bande bleue lorsque les ailes sont pliées; le bec est incarnat, et les pieds sont cen- drés. On peut rapporter à cette espèce loiseau donné par Edwards sous la dénomination de la plus petite des perruches^ qui n'endiffère que parce qu'elle n'a pas les pennes des ailes bordées de bleu, mais de vert jau- nâtre , et qu'elle a le bec et les pieds d'un beau jaune; ce qui ne fait pas des difïérences assez grandes pour en faire une espèce séparée. LE TOUI A TÊTE D'OR. CINQUIÈME ESPÈCE DE PERRÎCHE A QUEUE COURTE. Psittacus ttiL L. Cet oiseau se trouve encore au Brésil. Il a tout le plumage vert, à l'exception de la tête, qui est d'une 1^0 LK TOIII A TETK D 011. belle couleur jaune; et comme il a la queue très courte, il ne faut pas le confondre avec une autre perriche à longue queue, qui a aussi la tête d'un très beau jaune. Une variété ou du moins une espèce très voisine de celle-ci est l'oiseau qu'on a représenté dans la plan- che enluminée, n° 4^^^ ^^g- i? ^^us la dénomination de petite perruche de l'île Saint-Thomas _, parce que M. l'abbé Aubry, curé de Saint-Louis , dans le cabi- net duquel on en a fait le dessin , a dit Tavoir reçu de cette île : mais il ne diffère du toui à tête d'or qu'en ce que le jaune de la tête est beaucoup plus pâle : ce qui nous fait présumer, avec beaucoup de fondement, qu'il est de la même espèce. Nous ne connoissons que ces cinq espèces de touis dans le nouveau continent, et nous ne savons pas si les deux petits perroquets à queue courte, le premier donné par Aldrovande, et le second par Seba, doivent s'y rapporter, parce que leurs descriptions sont trop imparfaites. Celui d'Aldrovande seroit plutôt un petit kakatoès, parce qu'il a une huppe sur la tête, et celui de Seba paroît être un lori, parce qu'il est presque tout rouge. Cependant nous ne connoissons aucun kakatoès ni aucun lori quileur ressemblent assez pour pouvoir assurer qu'ils sont de ces genres. *0*0 8>S *»8.»0« *»***« >ales alternativement blan- ches et noires sur le bord extérieur; on aperçoit de LE COUROUCOU A VENTRE ROUGE. 1 70 plus une nuance de vert doré changeant sur le dos et sur les pennes du milieu de la queue, ce qui ne se trouve pas sur le précédent ; mais la couleur rouge se trouve située de même, et ne commence que sous Je bas-ventre, et le bec est aussi semblable par la forme et par la couleur. M. le chevalier Lefebvre Deshayes, correspondant du Cabinet, que nous avons déjà eu occasion de citer plusieurs fois comme un excellent observateur, nous a envoyé un dessin colorié de cet oiseau , avec de bonnes observations. Il dit qu'on l'appelle à Saint-Do- mingue le caleçon rouge ^ et que, dans plusieurs au- tres îles, on le nomme demoiselle ou dame anglolse. « C'est dans l'épaisseur des forets, ajoute-t-il , que cet oiseau se retire au temps des amours; son accent mélancolique et même triste semble être l'expression de la sensibilité profonde qui l'entraîne dans le désert pour y jouir de sa seule tendresse et de cette lan- gueur de l'amour plus douce peut-être que ses trans- ports. Cette voix seule décèle sa retraite , souvent inaccessible, et qu'il est difficile de reconnoître ou remarquer. » Les amours commencent en avril. Ces oiseaux cherchent un trou d'arbre et le garnissent de pous- sière ou de bois vermoulu; ce lit n'est pas moins doux que le coton ou le duvet. S'ils ne trouvent pas du bois vermoulu , ils brisent du bois sain avec leur bec et le réduisent en poudre; le bec dentelé vers la pointe est assez fort pour cela : ils s'en servent aussi pour élargir l'ouverture du trou qu'ils choisissent lors- qu'elle n'est pas assez grande. Ils pondent trois oa t74 TE COUllOLCOU A VENTRE llOUGE. quatre œufs blancs et un peu moins gros que ceux de pigeon. » Pendant que la femelle couve, l'occupation du mâle est de lui porter à manger, de faire la garde sur un rameau voisin, et de chanter. Il est silencieux et même taciturne en tout autre temps ; mais tant que dure celui de l'incubation de sa femelle , il fait reten- tir les échos de sons languissants, qui, tout insipides qu'ils nous paroissent, charment sans doute les en- nuis de sa compagne chérie. )) Les petits , au moment de leur exclusion , sont entièrement nus, sans aucun vestige de plumes, qui néanmoins paroissent pointer deux ou trois jours après. La tète et le bec des petits nouvellement éclos sem- blent être d'une prodigieuse grosseur, relativement au reste du corps; les jambes paroissent aussi exces- sivement longues, quoiqu'elles soient fort courtes quand l'oiseau est adulte. Le mâle cesse de chanter au moment que les petits sont éclos ; mais il reprend son chant en renouvelant ses amours aux mois d'août et de septembre. » Ils nourrissent leurs petits de vermisseaux, de chenilles, d'insectes; ils ont pour ennemis les rats, les couleuvres , et les oiseaux de proie de jour et de nuit : aussi l'espèce des ouroucoais n'est pas nom- breuse, car la plupart sont dévorés par tous ces en- nemis. » Lorsque les petits ont pris leur essor, ils ne res- tent pas long-temps ensemble ; ils s'abandonnent à leur instinct pour la j?olitude et se dispersent. » Dans quelques individus , les pattes sont de cou- LE COUROUCOU A VENTRE ROUGE. I75 leur rougeâtre ; dans d'autres, d'un bleu ardoisé. On n'a point observé si cette diversité tient à l'âge ou ap- partient à la difîerence du sexe. » M. le chevalier Deshayes a essayé de nourrir quel- ques uns de ces oiseaux de Tannée précédente : mais ses soins ont été inutiles; soit langueur ou fierté, ils ont obstinément refusé de manger. « Peut-être, dit- il, eussé-je mieux réussi en prenant de petits nouveau- nés : mais un oiseau qui fuit si loin de nous, et pour qui la nature a mis le bonheur dans la liberté et le silence du désert , paroît n'être pas né pour l'escla- vage , et devoir rester étranger à toutes les habitudes de la domesticité. » LE COUROUCOU A VENTRE JAUNE. SECONDE ESPÈCE. Trogon viridis. L. Cet oiseau a environ onze pouces de longueur; les ailes pliées ne s'étendent pas tout-à-fait jusqu'à la moitié de la longueur de la queue. La tête et le des- sus du cou sont noirâtres, avec quelques reOels d'un assez beau vert en quelques endroits; le dos, le crou- pion, et les couvertures du dessus de la queue sont d'un vert briliant, ainsi que les cuisses; les grandes couvertures des ailes sont noirâtres, avec de petites lâches !>!anches ; les grandes pennes des ailes sont 1-^6 LE COUROUCOU A VENTRE JAUNE. noirâtres, et les quatre ou cinq pîus extérieures ont la tige blanche; les peanes de la queue sont de même couleur que celles des ailes, excepté qu'elles ont quel- ques reflets de vert brillant; les trois extérieures de chaque côté sont rayées transversalement de noir et de blanc ; la gorge et le dessous du cou sont d'un brun noirâtre ; la poitrine, le ventre, et les couvertures du dessous de la queue sont d'un beau jaune ; le bec est dentelé et paroît d'un brun noirâtre, ainsi que les pieds; les ongles sont noirs; la queue est élàgée , la plume de chaque côté ayant deux pouces de moins que \eii deux du milieu qui sont les plus longues. Il se trouve entre le couroucou à ventre rouge et le couroucou à ventre jaune, n° JqS, quelques va- riétés que nos nomencîateurs ont prises pour des es- pèces différentes : par exemple, celui que l'on a re- présenté dans les planches enluminées, n° ^65, sous la dénomination de couroucou de la Guiane ^ n'est qu'une variété d'âge du couroucou à ventre jaune, duquel il ne diffère que par la couleur du dessus du dos, qui, dans l'oiseau adulte, est d'un beau bleu d'azur, et, dans l'oiseau jeune, d'une couleur cen- drée. De même, l'oiseau représenté dans les planches enluminées, n° "joQ . sous la dénomination de cou- roucou à queue rousse de Cayenne^ est encore une va- riété provenant de la mue de ce môme couroucou à ventre jaune, puisqu'il n'en diffère que par la cou- leur des plumes du dos et de la queue, qui sont rousses au lieu d'être bleues. On doit rapporter encore comme variété à ce même couroucou à ventre jaune, l'oiseau indiqué LE COIJROUCOU A VENTRE JAUNE. 177 par M. Brisson sous la dénomination de cotiroucoit vert à ventre blanc de Cayenne ^ parce qu'il n'en dif- fère que par la couleur du ventre qui paroît prove- nir de l'âge de l'oiseau; car les pluuies de cet oiseau, décrit par M. Brisson, n'étoient pas entièrement for- mées. Ce pourroit être aussi une variété accidentelle qui ne se trouve que dans quelques individus ; mais il paroît certain que ni l'une ni l'autre de ces trois va- riétés ne doivent être regardées comme des espèces distinctes et séparées. Nous avons vu un autre individu de cette même espèce, dont la poitrine et le ventre étoient blan- châtres avec une teinte de jaune citron en plusieurs endroits ; ce qui nous a fait soupçonner que le cou- roncou à ventre blanc, dont nous venons de parler, n'étoit qu'une variété du couroucou à ventre jaune. •«i*»O«>»l*-«>9*O«»«'»«>9<8«59*»«0*««<8'»ft«**««*-. '>««■«*« -s LE COUROUCOU A CHAPEROIN VIOLET. TROISIÈME ESPÈCE. Trogon violacem. Gmel. Ce couroucou a la gorge, le cou, la poitrine , d'un violet très rembruni; la tête de même couleur, à l'exception de celle du front, du tour des yeux, et des oreilles, qui est noirâtre; les paupières sont jau- nes; le dos et le croupion d'un vert foncé avec des reflets dorés; les couvertures supérieures de la queue 1^8 LE COL'ROUCOL A CHAPERON VIOLET. sont d'un vert bleuâtre avec les mêmes reflets dorés; les ailes sont brunes , et leurs couvertures ainsi que les pennes moyennes sont pointillées de blanc; les deux pennes intermédiaires de la queue sont d'un vert tirant au bleuâtre , et terminées de noir; les deux paires suivantes sont de la même couleur dans ce qui paroît, et noirâtres dans le reste; les trois paires la- térales sont noires, rayées, et terminées de blanc ; le bec est de couleur plombée à sa base , et blanchâtre vers la pointe ; la queue dépasse les ailes pliées de deux pouces neuf lignes , et la longueur totale de l'oi- seau est d'environ neuf pouces et demi. M. Koelreuter a appelé cet oiseau lanius ; mais il est bien difierent, même par le genre, de celui de la pie-grièche, du lanier, et de tout autre oiseau de proie. Un bec large et court , des barbes autour du bec inférieur, voilà ce qui marque la place de cet oiseau parmi les couroucous; et tous les attributs qui lui sont communs avec les coucous, tels que les pieds très courts et couverts de plumes jusqu'aux doigts, qui sont foibles et disposés par paires , l'une en avant et l'autre en arrière, les ongles courts et peu crochus, enfin le manque de membrane autour de la base du bec, sont tous des caractères qui l'éloignent entière- ment de la classe des oiseaux de proie. Les couroucous sont des oiseaux solitaires qui vivent dans l'épaisseur des forêts humides, où ils se nourrissent d'insectes. On ne les voit jamais aller en troupe; ils se tiennent ordinairement sur les bran- ches à une moyenne hauteur, le mâle séparé de la femelle qui est posée sur un arbre voisin. On les en- tend se rappeler alternativement en répétant leur sif- LE COLROUCOU A CHAPERON VIOLET. 1 "9 flement grave et monotone ouroticouais. Ils ne volent poÎQt au loin , mais seuleQ)ent d'un arbre à un autre, et encore rarement; car ils demeurent tranquilles au même lieu pendaat la plus grande partie de la jour- née , et sont cacrhés dans les rameaux touffus , où l^on a beaucoup de peine à les découvrir, quoiqu'ils lassent entendre leur voix à tout moment : mais comme ils ne remuent pas, on ne les aperçoit pas aisément. Ces oiseaux sont si garnis de plumes, qu'on les juge beaucoup plus gros qu'ils ne le sont réelle- ment; ils paroissent de la grosseur d'un pigeon, et n'ont pas pl'js de chair qu'une grive : mais ces plumes si nombreuses et si serrées sont en môme temps si légèrement implantées, qu'elles tombent au moindre frottement; en sorte qu'il est difficile de préparer la peau de ces oiseaux pour les coaserver dans les cabi- nets. Ce sont, au reste, les plus beaux oiseaux de l'Amérique méridionale , et ils sont assez communs dans l'intérieur des terres. Fcrnandès dit que c'est avec les belles pluraes du couroucou à ventre rouge que les Mexicains faisoient des portraits et des ta- bleaux très agréables, et d'autres ornements qu'ils portoient les jours de fête ou de combat. 11 y a deux autres oiseaux indiqués par Fernandès, dont M. Brisson a cru devoir faire des espèces de cou- roucous : mais il est certain que ni l'un ni l'autre n'appartiennent à ce genre. Le premier est celui que Fernandès a dit être sem- blable à l'étourneau , et duquel nous avons fait men- tion à la suite desétourneaux (t. XXI). Je suis étonné que M. Brisson ait voulu en faire un couroucou, puis- que Fernandès dit lui-même qu'il est du genre de l8o LE COUROLCOU A CHAPERON VIOLET. l'étourneau, et qu'ils sont semblables par la figure : or les étourneaux ne res^iemblent en rien aux courou- cous; le bec, la disposition des doigts, la forme du corps, tout est si éloigné, si diflérent dans ces deux oiseaux, qu'il n'y a nulle raison de les réunir dans un même genre. Le second oiseau que M. Brisson a pris pour un couroucou est celui que Fernandès dit être d'une grande beauté, gros comme un pigeon, se trouvant sur le bord de la mer, et qui a le bec long, large, noir, un peu crochu. Cette forme du bec est, comme l'on voit, bien diflérenle de celle du bec des courou- cous, et cela seul devoit suffire pour les faire exclure de ce genre. Fernandès ajoute qu'il ne chante pas, et que sa chair n'est pas bonne à manger; qu'il a la lête bleue, et le reste du plumage d'un bleu varié de vert, de noir, et de blanchâtre. Mais ces indications ne nous paroissent pas encore suffhsantes pour pou- voir rapporter cet oiseau du Mexique à quelque genre connu. LE COUROUCOUCOU. CuculfÀS hrasiliensis. L. Entre la grande famille du coucou et celle du cou- roucou , il paroît que l'on peut placer un ciseau qui semble participer des deux, en supposant que son indication donnée par Seba soit moins fautive et plus exacte que la plupart de celles qu'on trouve dans son eros ouvrage : voici ce qu'il en dit. LE CUU noue OU COU. l8l « Il a la tète d'un rouge tendre, et surmontée ^'une belle huppe d'un rouge plus vif et varié de noir. Le bec est d'un rouge pâle ; le dessus du co-rps d'un rouge vif; les couvertures des ailes et le dessous du corps sont d'un rouge tendre; les pennes des ailes et celles de la queue, sont d'un jaune ombré d'une teinte noirâtre. » Cet oiseau est moins gros que la pie; sa longueur totale est d'environ dix pouces. Il faut remarquer que Seba ne parle point de la disposition des doigts, et que, dans la figure, ils pa- roissent disposés trois et un , et non pas deux et deux ; mais ayant donné à cet oiseau le nom de coucou _, c'é- toit dire assez qu'il avoit les doigts disposés de cette dernière manière. ®*8*0«i«<«>*8>*9«<8>9«««i»»e«'€> LE TOURACO. Cuculus Persa. L. Cet oiseau, n" 601, est un des plus beaux de l'A- frique, parce qu'indépendamment de son plumage brillant par les couleurs, et de ses beaux yeux cou- leur de feu, il porte sur la tête une espèce de huppe, ou plutôt une couronne qui lui donne un air de dis- tinction. Je ne vois donc pas pourquoi nos nomen- clateurs l'ont mis dans le genre des coucous, qui, comme tout le monde «ait , sont des oiseaux très laids , d'autant que le touraco en diffère non seulement par la couronne de la tête, mais encore par la forme du JStKFO>. XXIV. 12 l82 LE TOU n ACO. bec, dont la partie supérieure est pins arquée que dans les coucous, avec lesquels il n'a de commun que d'avoir deux doigts en avant et deux en arrière; et comme ce caractère appartient à bea^ucoup d'oi- seaux, c'est sans aucun fondement qu'on a confondu avec les coucous le touraco , qui nous paroîtêtre d'un genre isolé. Cet oiseau est de la longueur du geai ; mais sa queue large et longue semble agrandir sa taille , quoi- qu'il ait les ailes très courtes; car elles n'atteignent qu'à l'origine de sa longue queue. Il a la mandibule supérieure convexe, recouverte de plumes rabattues du front, et dans lesquelles les narines sont cachées : son œil vif et plein de feu est entouré d'une paupière écarlate , surmontée d'un grand nombre de papilles éminentes de la même couleur. La belle huppe ou plutôt la mitre qui lui couronne la tête est un faisceau de plumes relevées, fines et soyeuses, et composées de brins si déliés, que toute la toufl'e en est transpa- rente : le beau camail vert qui lui couvre tout le cou , la poitrine et les épaules , est composé de brins de la même nature, aussi déliés et soyeux. Nous connoissons deux espèces, ou plutôt deux variétés dans ce genre, dont l'une nous est venue sous le nom de touraco d'Abyssinle^ et la seconde »sous celui de touraco du cap de Bonne-Espérance. Elles ne diffèrent guère que par les teintes, la masse et le fond des couleurs étant les mêmes. Le touraco d'Abyssinie porte une huppe noirâtre, ramas- sée, et rabattue en arrière et en flocons: les plumes du front, de la gorge , et du tour du cou , sont d'un vert de pré; la poitrine et le haut du dos sont de cette n.^sG Toin< Pauouet-, scn 1 . LE ÏOUB AC 0 _ 2 - LE C OUC OH LE TOIRACO. l83 même couleur, mais avec une teinte olive qui vient se fondre dans un brun pourpré, rehaussé d'un beau reflet vert; lout le dos, les couvertures des ailes et leurs pennes les plus près du corps, ainsi que toutes celles de la queue, sont colorées de même : toutes les grandes pennes de l'aile sont d'î^n beau rouge cramoisi avec une échancrure de noir aux petites barbes vers la pointe ; nous ne concevons pas com- ment M. Brisson n'a vu que quatre de ces plumes rouges : le dessous du corps est gris brun, foiblo- ment nuancé de gris clair. Le touraco du cap de Bonne-Espérance ne diffère de celui d'Abyssinie que par la huppe relevée en pa- nache , tel que nous venons de le décrire , et qui est d'un beau vert clair, quelquefois frangé de blanc : le cou est du même vert qui va se fondre et s'étein- dre sur les épaules dans la teinte sombre , à reflet vert lustré. Nous avons eu vivant le touraco du Cap. On nous avott assuré qu'il se nourrissoit de riz, et on ne lui offrit d'abord que cette nourriture : il n'y toucha pas, s'affama , et , dans cette extrémité , il avaloit sa fiente ; il ne subsista pendant deux ou trois jours que d'eau et de sucre dont on a voit mis un morceau dans sa cage : mais voyant apporter des raisins sur la table, il marqua l'appétit le plus vif; on lui en donna des grains, il les avala avidement; il s'empressa de même pour des pommes, puis pour des oranges; depuis ce temps on l'a nourri de fruits pendant plusieurs mois. Il paroît que c'est sa nourriture naturelle, son bec courbé n'étant point fait du tout pour ramasser des graines : ce bec présente une large ouverture, fen- l84 ÎE TOURACO. due jusqu'au dessous des yeux. Cet oiseau saute et ne marche pas : il a les ongles aigus et f'oiis, et la serre bonne, les doigts robustes et recouverts de fortes écailles. Il est vif et s'agite beaucoup. Il fait entendre à tout moment un petit cri bas et rauque, creû,, creû, du fond du gosier, et sans ouvrir le bec : mais de temps en temps il jette un autre cri éclatant et très fort, co , cOy co , co, co_, cOj co; les premiers accents gra- ves, les autres plus hauts, précipités, et très bruyants, d'une voix perçante et rude. li fait entendre de lui- même ce cri quand il a faim; mais il le répète à vo- lonté quand on l'excite et qu'oQ l'anime en l'imitant. Ce bel oiseau m'a été donné par madame la prin- cesse de Tingri. et je dois lui en témoigner ma res- pectueuse reconnoissance : il est même devenu plus beau qu'il n'étoit d'abord ; car il étoit dans un état de mue, lorsque j'en ai fait la description qu'on vient de lire : aujourd'hui, c'est-à-dire quatre mois après, il a refait son plumage et repris de nouvelles beautés ; il porte deux traits blancs de petites plumes ou poils ras et soyeux, l'un assez court à l'angle intérieur de l'œil, l'autre devant l'œil et prolongé en arrière à l'angle extérieur; entre deux est un autre trait de ce même duvet, mais d'un violet foncé : son manteau et sa queue brillent d'un riche bleu pourpré, et sa huppe est verte et sans franges. Ces nouveaux carac- tères me font croire qu'il ne ressemble pas exacte- ment au touraco du cap de Bonne-Espérance, comme je l'avois cru d'abord ; il me paroît différer aussi par ces mêmes caractères de celui d'Abyssinie. Voilà donc trois variétés dans le genre du touraco; mais nous ne pouvons encore décider si elles sont spécifiques LK TOliKACO. l85 OU individuelles, périodiques ou constantes, ou seu- lement sexuelles. Il ne paroît pas que cet oiseau se trouve en Amé- rique, quoiqu'Albin l'ait donné comme venant du Mexique. Edwards assure qu'il est indigène en Gui- née^ d'où il est impossible que l'individu dont parle Albin ait été transporté en Amérique. Nous ne savons rien sur les habitudes naturelles de cet oiseau dans son état de liberté; mais comme il est d'une grande beauté, il faut espérer que les voyageurs le remar- queront et nous ferons part de leurs observations. ««o«>e««<»9-»e LE COUCOU\ Cticulus canorus. L. Dès le temps d'Aristote on disoit communément que jamais personne n'avoit vu la couvée du coucou : on savoit dès lors que cet oiseau , n" 8 1 1 , pond comme les autres, mais qu'il ne fait point de nid; on savoit qu'il dépose ses œufs ou son œnf (car il est rare qu'il en dépose deux au même endroit ) dans les nids des autres oiseaux, plus petits ou plus grands, tels que les fauvettes, les verdiers, les alouettes, les ramiers, etc. ; qu'il mange souvent les œuis qu'il y trouve ; qu'il laisse à l'étrangère le soin de couver, nourrir, élever sa gé- i. En italieu , cuculo, cucco , cuco , cucho; eu espagnol, cac/t7/o; eu françois, coucou, coquu, en allemand, gucker, guggaack , kukkuk, gugckuser; en flamand, kockok ou kokuut, kockuunt; en anglois, a cukkoxv , a gouke. ï86 î.E COL coi:. niture; que cette étrangère, et nommément la fau- vette , s'acquitte fidèlement de tous ces soins , et avec tant de succès, que ses élèves deviennent très gras, et sont alors un morceau succulent : on savoit que leur plumage change beaucoup lorsqu'ils arrivent à l'âge adulte; on savoit enfin que les coucous commen- cent à paroître et à se faire entendre dès les premiers jours du printemps, qu'ils ont l'aile foible en arri- vant, qu'ils se taisent pendant la canicule; et l'on disoit que certaine espèce faisoit sa ponte dans des trous de rochers escarpés. Voilà les principaux faits de l'histoire du coucou ; ils étoient connus il y a deux mille ans, et les siècles postérieurs n'y ont rien ajouté ; quelques uns même de ces faits étoient tom- bés dans l'oubli , notamment leur ponte dans des trous de rochers. On n'a pas ajouté davantage aux fables qui se débitent depuis le même temps à peu près sur cet oiseau singulier : le faux a ses limites ainsi que le vrai ; l'un et l'autre est bientôt épuisé sur tout sujet qui a une grande célébrité , et dont par conséquent on s'occupe beaucoup. Le peuple disoit donc il y a vingt siècles , comme il le dit encore aujourd'hui, que le coucou n'est au- tre chose qu'un petit épervier métamorphosé ; que cette métamorphose se renouvelle tous les ans à une époque déterminée; que lorsqu'il revient au prin- temps, c'est sur les épaules du milan, qui veut bien lui servir de monture, afin de ménager la foiblesse de ses ailes (complaisance remarquable dans un oi- seau de proie tel que le milan); qu'il jette sur les plantes une salive qui leur est funeste par les insec- tes qu'elle engendre; que la femelle coucou a l'ai- ' LJi COUCOU. 187 Iciition de pondre dans chaque nid qu'elle peut dé- couvrir un œuf de la couleur des œufs de ce nid^ pour mieux tromper la mère; que celle-ci se fait la nour- rice ou la gouvernante du jeune coucou; qu elle lui sacrifie ses petits, qui lui paroissent moins jolis 2; qu'en vrai marâtre elle les néglige , ou qu elle les lue et les lui fait manger. D'autres soupçonnent que la mère coucou revient au nid où elle a déposé son œuf, et qu'elle chasse ou mange les enfants de la maison pour mettre le sien plus à son aise ; d'autres vouîoient que ce soit celui-ci qui en fasse sa proie, ou du moins qui les rende victimes de sa voracité, en s'appropriant exclusivement toutes les subsistances que peut fournir la pourvoyeuse commune. Elien raconte que le jeune coucou sentant bien en lui-même qti'il est bâtard ou plutôt qu'il est un intrus, et craignant d'être traité comme tel sur les seules couleurs de son plumage, s'envole dès qu'il peut remuer les ailes , et va rejoin- dre sa véritable mère^; d'autres prétendent que c'est la nourrice qui abandonne le nourrisson , lorsqu'elle s'aperçoit, aux couleurs de son plumage , qu'il est d'une autre espèce; enfin plusieurs croient qu'avant de prendre son essor, le nourrisson dévore la nour- 1. Le véritable œuf du coucou est plus gros que celui du rossignol, de forme moins allongée , de couleur grise presque blanchâtre , ta- cheté vers le gros bout de brua violet presque efîacé , et de brun foncé plus tranché; enfin marqué dans sa partie moyenne de quelques traits irréguliers couleur de marron. 2. Les coucous sont hideux lorsqu'ils viennent d eclore , et même pluf leurs jours après qu'ils sont éclos. 3. On a dit aussi , en se jetant dans l'excès opposé, et même op- pose à toutes les observations , que la mère coucou , oubliant sçs pro- pres œufs, couvoit des œufs étrangers. i88 Li-: cou cor. rice qui lui avoit tout dooaé, jusqu'à son propre sang. 11 semble qu'on ait voulu faire du coucou un ar- chétype d'ingratitude*; mais il ne falloit pas lui prê- ter des crimes physiquement impossibles. N'est-il pas impossible en effet que le jeune coucou, à peine en état de manger seul, ait assez de force pour dévorer un pigeon ramier, une alouette, un bruant, une fau- vette.^ Il est vrai que l'on peut citer en preuve de cette possibilité un fait rapporté par un auteur grave, M. Klein, qui l'avoit observé à l'âge de seize ans. Ayant découvert dans le jardin de son père un nid de fauvette, et dans ce nid un œuf unique , qu'on soupçonna être un œuf de coucou, il donna au cou- cou le temps d'éclore et même de se revêtir de plu- mes; après quoi ii renferma le nid et l'oiseau dans une cage qu'il laissa sur place : quelques jours après, il trouva la mère fauvette prise entre les bâtons de la cage, ayant la tête engagée dans le gosier du jeune coucou, qui l'avait avalée, dit-on, par mégarde, croyant avaler seulement la chenille que sa nourrice lui présentoit apparemment de trop près. Ce sera quelque fait semblable qui aura donné lieu à la mau- vaise réputation de cet oiseau ; mais il n'est pas vrai qu'il ait l'habitude de dévorer ni sa nourrice ni les petits de sa nourrice. Premièrement, il a le bec trop foible, quoique assez gros; le coucou de M. Klein en est la preuve, puisqu'il mourut étouffé par la tête de la fauvette , dont il n'avoit pu briser les os. En second lieu, comme les preuves tirées de l'impossible sont souvent équivoques et presque toujours suspectes 1. Ingrat comme an coucou, disent les Allemands. Mélanclithoa ^ l'ait une belle harangue contre l'ingratitude de cet oiseau. LE COU COL. 189 aux bons esprits, j'ai voiilu coDstater ie fait par la voie de l'expérience. Le 27 juin , ayant mis un jeune cou- cou de l'année, qui avoit déjà neuf pouces de lon- gueur totale, dans une cage ouverte , avec trois jeunes fauvettes qui n'avoient pas le quart de leurs plumes, et ne mangeoient point encore seules, ce coucou, loin de les dévorer ou de les menacer , sembloit vou- loir reconnoître les obligations qu'il avoit à l'espèce; il souffroit avec complaisance que ces petits oiseaux, qui ne paroissoient point du tout avoir peur de lui , cherchassent un asile sous ses ailes, et s'y réchauf- fassent comme ils eussent fait sous les ailes de leur mère; tandis que dans le même temps une jeune chouette de l'année, et qui n'avoit encore vécu que de la becquée qu'on kii donnoit , apprit à manger seule en dévorant toute vivante une quatrième fau- vette que l'on avoit attachée auprès d'elle. Je sais que quelques uns, pour dernier adoucissement, ont dit que le coucou ne mangeoit que Les petits oiseaux qui venoient d'éclore et n'avoient point encore déplumes. A la vérité , ces petits embryons sont, pour ainsi dire , des êtres intermédiaires entre l'œuf et l'oiseau, et par conséquent peuvent absolument être mangés par un animal qui a coutume de se nourrir d'œufs couvés ou non couvés ; mais ce fait , quoique moins invraisem- blable , ne doit passer pour vrai que lorsqu'il aura été constaté par l'observation. Quant à la salive du coucou, on sait que ce n'est autre chose que l'exsudation écumeuse de la larve d'une certaine cigale appelée la bedaude^. Il est pos- 1. Oii a dit que les cigales qui --^ortoient de cette iaive dounoient 190 LE COUCOU. sible qu'on ait vu un coucou chercher celte larve dans son écume, et qu'on ait cm l'y voir déposer sa sa- h*ve ; ensuite on aura remarqué qu'il sortoit un in- secte de pareilles écumes, et on se sera cru fondé à dire qu'on avoit vu la salive du coucou engendrer la vermine. Je ne combattrai pas sérieusement la prétendue métamorphose annuelle du coucou en épervier^; c'est une absurdité qui n'a jamais été crue par les vrais naturalistes, et que quelques uns d'eux ont réfutée : je dirai seulement que ce qui a pu y donner occasion , c'est que ces deux oiseaux ne se trouvent guère dans 'nos climats en même temps et qu'ils se ressemblent par le plumage^, par la couleur des yeux et des pieds, par la longue queue, par leur estomac mem- braneux , par la taille , par le vol , par leur peu de fé- condité, par leur vie solitaire, par les longues plu- mes qui descendent des jambes sur le tarse, etc. Ajoutez à cela cjue les couleurs du plumage sont fort sujettes à varier dans l'une et l'autre espèce , au point qu'on a vu une femelle coucou , bien vérifiée femelle la mort au coucou en Je piquant sous l'aile. C'est tout au plus quelque fait particulier mal vu, et plus mal à propos généralisé. 1 . Je viens d'être spectateur d'une scène assez singulière. Un éper- vier s'étoit jeté dans une basse-cour assez bien peuplée; dès qu'il fut posé, un jeune coq de l'année s'élança sur lui et le renversa sur son dos; dans celte situation , l'épervier , se couvrant de ses serres et de son bec , en imposa aux poules et dindes qui crioient en tumulte au- tour de lui; quand il fut un peu rassuré , il se releva , et alloit pren- dre sa volée , lorsque le jeune coq se jeta sur lui une seconde fois, le renversa comme la première , et le tint ou l'occupa assez long-temps pour qu'on pût s'en saisir. 2. Surtout étant vus par dessous, tandis qu'ils volent. Le coucou bat des ailes eu partant, et file ensuite comme le tiercelet. LE COUCOU. IQl par la dissection, qu'on eût prise poiu* le plus bel émeriilon , quant aux couleurs, tant son plumage étoit joliment varié ^. Mais ce n'est point tout cela qui constitue l'oiseau de proie : c'est le bec et la serre ; c'est le courage et la force , du moins la force relative, et à cet égard il s'en faut bien que le coucou soit un oiseau de proie ^ : il ne l'est pas un seul jour de sa vie , si ce n'est en apparence et par des circon- stances singulières, comme le fut celui de M. Klein. M. Lottinger a observé que les coucous de cinq ou six mois sont aussi niais que les jeunes pigeons ; qu'ils ont si peu de mouvements, qu'ils restent des heures dans la même place, et si peu d'appétit, qu'il faut les aider à avaler. 11 est vrai qu'en vieillissant ils pren- nent un peu plus de hardiesse, et qu'ils en imposent quelquefois à de véritables oiseaux de proie. M. le vicomte de Querkoent, dont le témoignage mérite toute confiance, en a vu un qui, lorsqu'il croyoit avoir quelque chose à craindre d'un autre oiseau, hérissoit ses plumes, haussoit et baissoit la tête len- tement et à plusieurs reprises, puis s'élançoit en criant, et, par ce manège, mettoit souvent en fuite une crécerelle qu'on nourrissoit dans la môme mai« son ^. 1. M. Hérissant a vu plusieurs coueons qui , par leur plumage , res- sembloient à différentes espèces cl'émoucliets ou mâles d'éperviers, et un autre qui ressembloit assez à un pigeon biset. .1. Aristote dit avec raison que c'est un oiseau timide ; mais je ne sais pourquoi il cite en preuve de sa timidité son habitude de pondre au nid d'autrui. 3. Un coucou adulte, élevé chez M. Lottinger, se jetoit sur tous les oiseaux, sur les plus torts comme svr les plus foibles , sur ceux de son espèce comme sur les autres , attaquant la tête et les yeux par préfé- ig'2 LE COL COL'. Au reste , bien loin d'èlre ingrat, le coucou paioît conserver le souvenir des bienfaits et n'y être pas in- sensible. On prétend qu'en arrivant de son quartier d'hiver, il se rend avec empressement an lieu de sa naissance, et que, lorsqu'il y retrouve sa nourrice ou ses frères nourriciers, tous éprouvent une joie ré- ciproque, qu'ils exprinîent chacun à leur manière; et sans doute ce sont ces expressions différentes , ce sont leurs caresses mutuelles, leurs cris d'allégresse, leurs jeux, qu'on aura pris pour une guerre que les petits oiseaux faisoient au coucou. Il se peut néanmoins qu'on ait vu entre eux de véritables combats; par exemple, lorsqu'un coucou étranger, cédant à son instinct^, aura voulu détruire leurs œufs pour placer le sien dans leur nid , et qu'ils l'auront pris sur le fait. C'est cette habitude bien constatée qu'il a de pondre dans le nid d'autrui qui est la principale singularité de son histoire, quoiqu'elle ne soit pas absolument sans exemple. Gesner parle d'un certain oiseau de proie fort ressemblant à l'autour, qui pond dans le nid du choucas; et si l'on veut croire que cet oiseau inconnu, qui ressemble à l'autour, n'est autre chose ronce : il s'élauçoit même sur les oiseaux empaillés-, el quelque rude- ment qu'il fût repoussé , il revenoit toujours à la charge, sans se re- buter jamais. Pour moi, j'ai reconnu, par mes propres observations, (jue les coucous menacent la main qui s'avance pour les prendre , qu'ils s'élèvent et s'abaissent alternaliveiuent en se îiéinssant, et même qu'ils mordent avec une sorte de colère , mais sans beaucoup d'effet. 1. Arislote, Pliue, et ceux qui les ont copiés ou qui ont renchéri sur eux, s'accordent à dire que le coucou est timide; que tous les petits oiseaux lui courent sus, et qu'il n'en est pas un d'eux qui ne le mette en fuite : d'autres ajoutent que cette persécution vient de ce qu'il ressemble à un oiseau de proie. Mais depuis quand les petits oiseaux, poursuivent-ils les oiseaux de proie? LE COUCOU. ]q7) qu'un coucou, d'autant plus que celui-ci a été sou- vent pris pour un oiseau de proie, et que l'on ne con- noît point de véritable oiseau de proie qui ponde dans des nids étrangers, du moins on ne peut niei- que les torcous n'établissent quelquefois leur nom- breuse couvée dans des nids de siltelle, comme Je m'en suis assuré; que les moineaux ne s'emparent aussi des nids d'hirondelles, etc. : mais ce sont des cas assez rares , surtout à l'égard des espèces qui con- struisent un nid , pour que l'habitude qu'a !e coucou de pondre tous les ans dans des nids étrangers, doive être regardée comme un phénomène singulier. Une autre singularité de son histoire, c'est qu'il ne pond qu'un œuf, du moins qu'un seul œuf dans cha- que nid; car il est possible qu'il en ponde deux, comme le dit Aristote, et comme on l'a reconnu pos- sible par la dissection des femelles , dont l'ovaire pré- sente assez souvent deux œufs bien conformés et d'é- gale grosseur. Ces deux singularités semblent tenir à une troi- sième, et pouvoir s'expliquer par elle; c'est que leur mue est plus tardive et plus complète que celle de la plupart des oiseaux. On rencontre quelquefois, l'hiver, dans le creux des arbres, un ou deux coucous entièrement nus, nus au point qu'on les prendroit, au premier coup d'œil , pour de véritables crapauds. Le R. P. Rougot, que nous avons cité plusieurs fois avec la confiance qui lui est due, nous a assuré en avoir vu un dans cet état, qui avoit été trouvé, sur ia fin de décembre, dans un trou d'arbre. De quatre autres coucous élevés, l'un chez M. Johnson, cité par Willnghhy, le second chez M. îe comte de Buf- 194 LE coucou. fon , le troisième chez M. Hébert, et le quatrième chez moi, le premier devint languissant aux appro- ches de l'hiver, ensuite galeux, et mourut; le second et le troisième se dépouillèrent totalement de leurs plumes dans le mois de novembre ; et le quatrième, qui mourut sur la fin d'octobre, en avoit perdu plus de la moitié : le second et le troisième moururent aussi; mais avant de mourir ils tombèrent dans une espèce d'engourdissement et de torpeur. On cite plu- sieurs autres faits semblables; et si l'on a eu tort d'en conclure que tous les coucous qui paroissent l'été dans un pays y restent l'hiver dans des arbres creux ou dans des trous en terre, engourdis^, dépouillés de plumes, et, selon quelques uns, avec une ample provision de blé (dont toutefois cette espèce ne mange jamais), on peut du moins, ce me semble, en con- clure légitimement, i** que ceux qui, au moment du départ, sont malades ou blessés, ou trop jeunes 9 en un mot, trop foibles, par quelque raison que ce soit, pour entreprendre une longue route, restent dans le pays où ils se trouvent, et y passent l'hiver, se met- tant de leur mieux à l'abri du froid dans le premier trou qu'ils rencontrent à quelque bonne exposition, comme font les cailles , et comme avoit fait apparem- ment le coucou vu par le R. P. Bougot; 2" qu'en 1. Ceux qui parlent de ces coucous trouvés Ihiver dans des trous s'accordent tous à dire qu'ils sont absolument nus, et ressemblent à des crapauds. Gela me feroit soupçonner qu'on a pris quelquefois pour des coucous des grenouilles qui passent véritablement l'hiver dans des trous sans manger, sans pouvoir manger, ayant la bouche fermée et les deux mâchoires comme soudées ensemble. Au demeu- rant, Aristole dit positivement que les coucous ne paroissent point l'hiver dans la Grèce. LE COUCOU. 1C)5 général ces sortes d'oiseaux entrent en mue fort tard, que par conséquent ils refont leurs plumes aussi fort tard, et qu'à peine elles sont refaites au temps où ils reparoissent, c'est-à-dire au commencement du prin- temps. Aussi ont-ils les ailes foibles alors, et ne vont- ils que rarement sur les grands arbres; mais ils se traînent , pour ainsi dire , de buissons en buissons , et se posent même quelquefois à terre, où ils sautillent comme les grives. On peut donc dire que , dans la sai- son de l'amour, le superflu de la nourriture étant pres- que entièrement absorbé par l'accroissement des plu- ines , ne peut fournir que très peu à la reproduction de l'espèce ; que c'est par cette raison que la femelle coucou ne pond ordinairement qu'un œuf ou tout au plus deux; que cet oiseau ayant moins de ressources en lui-même pour l'acte principal de la régénération , il a aussi moins d'ardeur pour tous les actes accessoi- res tendant à la conservation de l'espèce, tels que la nidification, l'incubation , l'éducation des petits, etc., tous actes qui partent d'un même principe et gar- dent entre eux une sorte de proportion. D'ailleurs, de cela seul que les mâles de cette espèce ont l'in- stinct de manger les œufs des oiseaux , la femelle doit cac])er soigneusement le sien ; elle ne doit pas retour- ner à l'endroit où elle l'a déposé, de peur de l'indi- quer à son mâle; elle doit donc choisir le nid le mieux caché, le plus éloigné des endroits qu'il fré- quente ; elle doit même , si elle a deux œufs, les dis- tribuer en différents nids; elle doit les confier à des nourrices étrangères, et se reposer sur ces nourrices de tous les soins nécessaires à leur entier développe- ment : c'est aussi ce qu'elle fait, en prenant néan- 196 LE coucor. moins toutes les précautions qui lui sont inspirées par la tendresse pour sa géniture , et sachant résister à cette tendresse même pour qu'elle ne se trahisse point par indiscrétion. Considérés sous ce point de vue, les procédés du coucou rentreroient dans la règle générale, et supposeroient l'amour de la mère pour ses petits, et même un amour hieu entendu, qui préfère l'Intérêt de l'objet aimé à la douce satis- faction de lui prodiguer ses soins. D'ailleurs, la seule dispersion de ses œufs en diû'érentsnids, quelle qu'en puisse être la cause, soit la nécessité de les dérober à la voracité du mâle, soit la petitesse du nid^, suffi- roit seule et très évidemment pour lui en rendre l'in- cubation impossible : or, cette dispersion des œufs de coucou est phK> que probable , puisque . comme nous l'avons dit, on trouve assez souvent deux œufs bien formés dans l'ovaire des femelles, et très rarement deux de ces œufs dans le même nid. Au reste, le coucou n'est pas le seul parmi les oiseaux connus qui ne fasse point de nid; plusieurs espèces de mésanges, les pies, les martins-pêcheurs, etc. , n'en font point non plus. Il n'est pas le seul qui ponde dans des nids étrangers, comme nous venons de le dire. Il n'est pas non plus le seul qui ne couve point ses œufs : nous avons vu que l'autruche, dans la zone torride, dépose les siens sur le sable, où la seule chaleur du soleil sutlit pour les faire éclore. Il est vrai qu'elle ne les perd guère de vue, et qu'elle veille assidûment à i. Des personnes dignes de foi m'ont dit avoir vu deux fois deux coucous dans un seul nid, mais toutes les deux fois dans un nid do grive : or un nid de grive est beaucoup plus grand qu'un nid de fau- Têtle , de chantre ou de rouge-gorge. LE COUCOU. ig'J leur conservation : mais elle n'a pas les mêmes motifs que la femelle du coucou pour les cacher et pour dissimuler son attachement; elle ne prend pas non plus, comme cette femelle, des précautions suffisan- tes pour la dispenser de tout autre soin. La conduite du coucou n'est donc point une irrégularité ahsurde , une anomalie monstrueuse, une exception aux lois delà nature, comme l'appelle Willughby; mais c'est un elTet nécessaire de ces mêmes lois, une nuance qui appartient à l'ordre de leurs résultats, et qui ne pourroit y manquer sans laisser un vide dans le sys- tème général, sans causer une interruption dans la chaîne des phénomènes. Ce qui semble avoir le plus étonné certains natu- ralistes, c'est la complaisance qu'ils appellent dénatu- rée de la nourrice du coucou , laquelle oublie si faci- lement ses propres œufs pour donner tous ses soins à celui d'un oiseau étranger, et même d*un oiseau de- structeur de sa propre famille. Un de ces naturalistes, fort habile d'ailleurs en ornithologie , frappé de cette singularité , a fait des observations suivies sur cette matière , en ôtant à plusieurs petits oiseaux les œufs qu'ils avoient pondus, et y substituant un œuf unique de quelque oiseau autre que le coucou et que celui auquel appartenoit le nid : il s'est cru en droit de conclure de ces observations qu'aucun des oiseaux qui se chargent de couver l'œuf du coucou , même au préjudice de sa propre famille , ne se chargeroit de couver un œuf unique de tout autre oiseau qui lui seroit présenté dans les mêmes circonstances, c'est-à- dire , qui seroit substitué à tous les siens, parce que cette complaisance est nécessaire au seul coucou, et 198 LE coucou. que lui seul en jouit en vertu d'une loi spéciale du Créateur. Mais que cette conséquence paroîtra précaire et hasardée, si l'on pèse les réflexions suivantes! 1" Il faut remarquer que la proposition dont il s'agit est générale , par cela mêiiie qu'elle est exclusive ; qu'à ce titre il ne faudroit qu'un seul fait contraire pour la réfuter; et que même en supposant qu'on n'auroit point connoissance des faits contraires, il faudroit, pour l'établir, un peu plus de quarante-six observa- tions ou expériences faites sur une vingtaine d'espèces; ^° qu'il en faudroit beaucoup plus encore et déplus rigoureusement vérifiées, pour établir la nécessité et l'existence d'une loi particulière, dérogeant aux lois générales de la nature en faveur du coucou ; 5" qu'en ■admettant que les expériences eussent été faites en nombre suffisant et suffisamment vérifiées, il eût fallu encore, pour les rendre concluantes, en assimiler les procédés autant qu'il étoit possible, dans toutes leurs circonstances , et n'y souffrir absolument d'autres dif- férences que celles de l'œuf. Par exemple, il n'est pas égal, sans doute , que l'œuf soit déposé dans un nid étranger par un homme ou par un oiseau ; par un homme qui couve une hypothèse chérie, contraire à la réussite de l'incubation de l'œuf, ou par un oiseau qui paroît ne désirer rien tant que cette réussite : or, puisque l'on ne pouvoit pas se servir du coucou, du merle, de l'écorcheur, de la fau- vette , ou du roitelet, pour substituer un œuf unique de ces différentes espèces aux œufs des chantres, rouge-gorges , lavandières , etc. , il eut fallu que la même main qui avoit agi dans ces sortes d'expérien- LE COUCOU. igg ces faites avec des œufs autres que celui du coucou, agît aussi dans un pareil nombre d'expériences corres- pondantes faites avec l'œuf même du coucou, et com- parer les résultats ; or, c'est ce qui n'a pas été fait : cela étoit néanmoins d'autant plus nécessaire , que la seule apparition de l'homme, plus ou moins fréquente, suffit pour faire renoncer ses propres œufs à la cou- veuse la plus échauÛée, et môme pour lui faire aban- donner l'éducation déjà avancée du coucou^, comme j'ai été à portée de m'en assurer par moi-même. 4° Les assertions fondamentales de l'auteur ne sont pas toutes exactes; car le coucou pond quelquefois, quoique très rarement, deux œufs dans le môme nid, et cela étoit connu des anciens. De plus, Tauteur suppose que l'œuf du coucou est toujours seul dans le nid de la nourrice, et que la mère coucou mange ceux qu'elle trouve dans ce nid, ou les détruit de quelque autre manière. Mais on sent combien un pareil fait est dif- ficile à prouver, et combien il est peu vraisemblable. Il faudroit donc que jamais cette mère coucou ne dé- posât son œuf ailleurs que dans le nid d'un oiseau qui auroit fait sa ponte entière , ou que jamais elle ne manquât de revenir à ce même nid pour détruire les œufs pondus subséquemment : autrement ces œufs pourroient être couvés et éclore avec ceux du cou- cou, et il y auroit quelques changements à faire, soit dans les conséquences tirées, soit dans la loi parti- culière imaginée à plaisir ; et c'est précisément le cas, 1. On a vu une verdière des prés, dont le nid étoit à terre sous une grosse racine, abandonner l'éducation d'un jeune coucou, par la seule inquiétude que lui causèrent les visites réitérées de quelques curieux. 200 LE COUCOU. puisqu'on m'a apporté nombre de fois des nids où il y avoit plusieus œufs de l'oiseau propriétaire^ , avec un œuf de coucou , et même plusieurs de ces œufs éclos ainsi que celui du coucou^. 5° Mais ce qui n'est •pas moins décisif, c'est qu'il y a des faits incontesta- bles, observés par des personnes aussi familiarisées avec les oiseaux qu'étrangères à toute hypothèse^, lesquels faits , tous dilTérenls de ceux rapportés par l'auteur, réfutent invinciblement ses inductions ex- clusives, et font tomber le petit statut particulier qu'il a bien voulu ajouter aux lois de la nature. PREMIÈRE EXPÉRIENCE. Une serine qui cou voit ses œufs et les fit éclore <;ouva en même temps, et encore huit jours après, 1. i6 mai 1774» cinq œufs de charbonnière avec l'œuf du coucou; les œufs de la mésange ont disparu peu à peu. 19 mai 1776, cinq œufs de rouge-gorge avec l'œuf du coucou. 10 mai 1777, quatre œufs de rossignol avec l'œuf du coucou. 17 mai , deux œufs de mésange sous un jeune coucou, mais qui ne sont pas venus à bien. C'est quelque hasai-d semblable qui aura donné •lieu de dire que le jeune coucou se chargeoit de couver les œufs de sa nourrice. Voyez Gesncr, page 365. 2. Le 1% juin 1777, un coucou nouvellement éclos dans un nid de grive, avec deux jeunes grives qui commençoient à voltiger. Le 8 juin 1778, tm jeune coucou dans un nid de rossignol, avec deux petits rossignols et un œuf clair. Le 16 Juin, un jeune coucou dans un nid de rouge-gorge, avec un petit rouge-gorge qui paroissoit plus anciennement éclos. M. Lottiuger m'a mande un fait, constaté par lui-même, dans sa cttre du 17 octobre 1776 : « Au mois de juin, un coucou nouvelle- '» ment éclos dans un nid de fauvette à tête noire , avec une jeune » fauvette qui voloit déjà , et un œuf clair. » Je pourrois citer plusieurs autres faits semblables. 5. Je dois la plus grande partie de ces faits à une de mes parentes LE COUCOU. :îOt deux œufs de merle pris dans les bois ; elle ne cessa de les couver que parce qu'on les lui ôta. SECONDE EXPÉRIENCE. Une autre serine ayant couvé pendant quatre jours, sans aucune préférence marquée , sept œufs , dont cinq à elle et deux de fauvette, les abandonna tous, la volière ayant été transportée dans l'étage inférieur: ensuite elle pondit deux œufs qu'elle ne couva poiat du tout. TROISIÈME EXPÉRIENCE. Une autre serine dont le mâle avoit mangé ses sept premiers œufs a couvé pendant treize jours ses deux derniers avec trois autres, dont l'un étoit d'une autre serine, le second de linotte, et le troisième de bou- vreuil : mais tous ces œufs se sont trouvés clairs. QUATRIÈME EXPÉRIENCE. Une femelle troglodyte a couvé et fait éclore un œuf de merle ; une femelle friquet a couvé et fait éclore un œuf de pie. CINQUIÈME EXPÉRIENCE. Une femelle friquet couvoit six œufs qu'elle avoit (madame Potot de Montbeillard ) , qui depuis plusieurs années s'a- muse utilement des oiseaux, se plaît à étudier leurs mœurs, à suivre Jpurs procédés , et quelquefois a bien voulu faire des observations et ieuler des expériences relatives aux questions dont j'élois occupé. 1202 LV. COUCOU. pondus ; on en ajouta cinq, elle continua de couver: on en ajouta encore cinq; elle trouva le nombre trop grand, en mangea sept, et couva le reste ; on en ôta deux, et on mit à la place un œuf de pie, que la fe- melle friquet couva et fit éclore avec les sept autres. SIXIÈME EXPÉRIENCE. Une manière connue de faire ëclore sans embar- ras des œufs de serin , c'est de les donner à une cou- veuse chardonneret, prenant garde qu'ils aient à peu près le même degré d'incubation que ceux de la cou- veuse qu'on a choisie. SEPTIÈME EXPÉRIENCE. Une serine ayant couvé trois de ses œufs et deux de fauvette à tête noire pendant neuf à dix jours, on retira un œuf de fauvette dont l'embryon étoit non seulement formé , mais vivant : dans ce même temps on lui donna à élever deux petits bruants à peine éclos, dont elle a pris soin comme des siens, sans cesser de couver les quatre œtifs restants , qui se trouvèrent clairs. HUITIÈME EXPÉRIENCE. Sur la fin d'avril 1776, une autre serine ayant pondu un œuf, on le lui enleva ; trois ou quatre jours après, cet œuf lui ayant été rendu, elle le mangea; deux ou trois jours après, elle pondit un autre œuf et le couva; on lui en donna deux de pinson qu'elle couva, aprè^ avoir cassé les siens : au bout de dix jours ou lui ôta LE coi;c:ou. 2o5 ces œufs de pinson qui ëtoient gâtés ; on lui donna à élever deux petits bruants qui ne faisoient que d e- clore, et qu'elle éleva très bien, après quoi elle fit un nouveau nid, pondit deux œufs, en mangea un : et quoiqu'on iui eût ôté l'autre , elle couvoit toujours à vide, comme si eîle eût eu des œufs; pour profiler de ses bonnes dispositions , on lui donna un œuf uni- que de rouge-gorge qu'elle couva et fit éclore. NEUVIÈME EXPÉRIENCE. Une autre serine ayant pondu trois œufs, les cassa presque aussitôt ; on les remplaça par deux œufs de pinson et un de fauvette à tête noire, qu'elle a cou- vés, ainsi que trois autres qu'elle a pondus successi- vement. Au bout de quatre oji cinq jours, la volière ayant été transportée dans une autre chambre de l'é- tage inférieur, la serine abandonna : peu de temps après elle pondit un œuf auquel on en joignit un de sittelle ou torche-pot ; ensuite elle en pondit deux autres auxquels on en ajouta un de linotte relie couva le tout pendant sept jours , mais par préférence les étrangers ; car elle éloigna constamment les siens , et elle les jeta successivement les trois jours suivants : l'onzième jour, elle jeta celui du torche-pot; en un mot, celui de la linotte fut le seul qu'elle amena à bien. Si par hasard ce dernier œuf eût été un œuf de coucou , que de fausses conséquences n'eût-on pas vu éclore avec lui ! DIXIÈME EXPÉRIENCE. Le 5 juin , on a donné à la serine de la septième expérience un œuf de coucou, qu'elle a couvé avec ."204 I-E COUCOU. trois des siens; le 7, un de ces trois œufs avoit dis- paru; le 8, un autre; le 10, le troisième et dernier; enfin le 1 1, quoiqu'elle se trouvât précisément dans le cas de la loi particulière , celui où le coucou met ordinairementlesfemellesdes petits oiseaux, et qu'elle n'eût à couver que l'œuf privilégié, elle ne se soumit point à cette prétendue loi, et elle mangea l'œuf uni- que du coucou comme elle avoit mangé les siens. Enfin on a vu une femelle rouge-gorge, qui étoit fort échauflee à couver, se réunir avec son mâle de- vant leur nid pour en défendre l'entrée à une femelle coucou qui s'en étoit approchée de fort près, s'élan- cer en criant contre cet ennemi , l'attaquer à coups de bec redoublés, le mettre en fuite, et le poursuivre avec tant d'ardeur qu'ils lui ôtèrent toute envie de revenir. Il résulte de ces expériences, 1° que les femelles de plusieurs espèces de petits oiseaux qui se chargent de couver l'œuf du coucou se chargent aussi de cou- ver d'autres œufs étrangers avec les leurs propres; 2° qu'elles couvent quelquefois ces œufs étrangers par préférence aux leurs propres, et qu'elles détrui- sent quelquefois ceux-ci sans en garder un seul ; 5° qu'elles couvent et font éclore un œuf unique au- tre que celui du coucou ; 4° qu'elles repoussent avec courage la femelle coucou lorsqu'elles la surprennent venant déposer son œufdans leur nid; 5° enfin qu'elles mangent quelquefois cet œuf privilégié, môme dans le cas où il est unique. Mais un résultat plus impor- tant et plus général, c'est que la passion de couver, qui paroît quelquefois si forte dans les oiseaux, semble n'être point déterminée à tels ou tels œuf&^ LE COUCOU. 20ô ni à des œufs féconds, puisque souvent ils les man- gent ou les cassent, et que plus souvent encore ils en couvent de clairs; ni à des œufs réels , puisqu'ils couvent des œufs de craie, de bois, etc.; ni même à ces vains simulacres, puisqu'ils couvent quelque- fois à vide; que par conséquent une couveuse qui fait éclore, soit un œuf de coucou, soit tout autre œuf étranger substitué aux siens, ne fait en cela que suivre un instinct commun à tous les oiseaux, et, par une dernière conséquence, qu'il est au moins inutile de recourir à un décret particulier de l'Auteur de la nature, ponr expliquer le procédé de lafemelle coucou. Je demande pardon au lecteur de m'être arrêté si long-temps sur un sujet dont peut-être l'importance ne lui sera pas bien démontrée ; mais l'oiseau dont il s'agit a donné lieu à tant d'erreuis, que j'ai cru devoir non seulement m'attacher à en purger l'histoire natu- relle, mais encore m'opposer à l'entreprise de ceux qui les vouloient faire passer dans la métaphysique. Rien n'est plus contraire à la saine métaphysique que d'avoir recours à autant de prétendues lois parlicu- liéres qu'il y a de phénomènes dont nous ne voyons point les rapports avec les lois générales : un phéno- mène n'est isolé que parce qu'il n'estpoint assez connu; il faut donc tâcher de le bien connoître avant d'oser l'expliquer; il faut, au lieu de prêter nos petites idées à la nature, nous efforcer d'atteindre à ses grandes vues, par la comparaison attentive de ses ouvrages, et par l'étude approfondie de leurs rapports. Je connois plus de \ingt espèces d'oiseaux dans le nid desquels le coucou dépose son ceuf , la fauvette ordinaire, celle à tète noire, la babillarde, la iavan^ 206 LE COUCOU. dière , le rouge-gorge, le clianlie, le troglodyte, la mésange, le rossignol, le rouge-queue, l'alouette, le cujelier, la farlouse, la linotte, la verdlère, le bou- vreuil, la grive, le geai, le merle et la pie-grièche. On ne trouve jamais d'œufs de coucou , ou du moins ses œufs ne réussissent jamais, dans les nids de cailles et de perdrix, dont les petits courent presque en naissant; il est même assez singulier qu'on en trouve qui viennent à bien dans des nids d'alouettes, qui , comme nous l'avons vu dans leur histoire , donnent moins de quinze jours à l'éducation de leurs petits, tandis que les coucous, du moins ceux qu'on élève en cage, sont plusieurs m^ois sans manger seuls : mais, dans l'état de nature, la nécessité , la liberté , le choix de la nourriture qui leur est propre, peuvent contri- buer à accélérer le développement de leur instinct et le progrès de leur éducation^; ou bi»en seroit-ce que les soins de la nourrice n'ont d'autre mesure que les besoins du nourrisson ? On sera peut-être surpris de trouver plusieurs oi- seaux granivores, tels que la linotte, la verdière et le bouvreuil, dans la liste des nourrices du coucou >; mais il faut se souvenir que plusieurs granivores nour- rissent leurs petits avec des insectes, et que d'ailleurs les matières végétales, macérées dans le Jabot de ces petits oiseaux, peuvent convenir au jeune coucou à un certain point, et jusqu'à ce qu'il soit en état de trouver lui-même les chenilles, les araignées , les co- 1. Je ne dois pas dissiiiiuler ce que dit M. Salerne. que cet oiseau se fait nourrir des mois entiers par sa mère adoptive, et qu'il la suit autant qu'il peut, criant sans cesse pour lui demander à manger-, maii? on sent que c'est «n fait difficile à observer. LE COUCOU. 207 léoptères , et autres insectes dont il est friand, et qui Je plus souvent fourmillent autour de son habitation. Lorsque le nid est celui d'un petit oiseau, et par conséquent construit sur une petite écheile , il se trouve ordinairement fort aplati et presque mécon- noissable ; effet naturel de la grosseur et du poids du jeune coucou. Un autre effet de cette cause c'est que les œufs ou les petits de la nourrice sont quelquefois poussés hors du nid : mais ces petits , chassés de la maison paternelle, ne périssent pas toujours lorsqu'ils sont déjà forts, que le nid est près de terre , le lieu bien exposé, et la saison favorable; ils se mettent à l'abri dans la mousse ou le feuillage , et les pères et mères en ont bien soin sans abandonner pour cela le nourrisson étranger. Tous les habitants des bois assurent que lorsqu'une fois la mère coucou a déposé son œuf dans le nid qu'elle a choisi , elle s'éloigne, semble oublier sa gé- niture et la perdre entièrement de vue, et qu'à plus forte raison le maie ne s'en occupe point du tout. Cependant M. Lottinger a observé, non que les père et mère donnent des soins à leurs petits, mais qu'ils en approchent à une certaine distance en chantant; que de part et d'autre ils semblent s'écouter, se ré- pondre , et se prêter mutuellement attention. Il ajoute que le jeune c-oucou ne manque jamais de répondre à l'appeau, soit dans les bois, soit dans la volière^ pourvu qu'il ne voie personne. Ce qu'il y a de sûr c'est qu'on fait approcher les vieux en imitant leur cri, et qu'on les entend quelquefois chanter aux en- virons du nid où est le jeune, comme partout ailleurs; mais il n'y a aucune preuve que ce soient les père et 208 LE COUCOU. mère du petit : ils ii'oiil pour lui aucune de ces at- tentions affectueuses qui décèlent la paternité ; tout se borne de leur part à des cris stériles, auxquels on a voulu prêter des intentions peu conséquentes à leurs procédés connus, et qui, dans le vrai, ne supposent autre chose , sinon la syn)pathie qui existe ordinai- rement entre les oiseaux de même espèce. Tout le monde connoît le cliant du coucou, du moins son chant le plus ordinah-e ; il est si bien arti- culé et répété si souvent^, que dans presque toutes les langues il a influé sur la dénomination de l'oiseau, comme on le peut voir dans la nomenclature. Ce chant appartient exclusivement au mâle; et c'est au prin- temps, c'est-à-dire au temps de l'amour, que ce mâle le fait entendre, tantôt perché sur une branche sèche, et tantôt en volant ; il s'interrompt quelquefois par un râlement sourd , tel à peu près que celui d'une per- sonne qui crache , et comme s'il prononçoit crou ^ croiij d'une voix enrouée et en grasseyant. Outre ces cris, on en entend quelquefois un autre assez sonore, quoiqu'un peu tremblé, composé de plusieurs notes, et semblable à celui du petit plongeon; cela arrive lorsque les mâles et les femelles se recherchent et se poursuivent 2. Quelques uns soupçonnent que c'est le 1. Cou cou, cou cou, cou cou cou, tou cou cou. Cette fréquente ré- pétition a donné Jieu à deux façons proverbiales de parler : lorsque quelqu'un répète souvent la môme chose, cela s'appelle, en Allema- gne, chanter La chanson du coucou. On le dit aussi de ceux qui, n'é- tant qu'en petit nombre, semblent se multiplier par la parole, et font croire , eu causant beaucoup et tous à la fois , qu'ils forment une as- semblée considérable. 2. Ceux qui ont bien entendu ce cri l'espriment ainsi, go, go, guet, guet, guet. LE COUCOU. 209 cri de la femelle. Celle-ci , lorsqu'elle est bien aimée , a encore un gloussement glou^ glou_, qu'elle répète cinq ou six fois d'une voix forte et assez claire , en vo- lant d'un arbre à un autre. Il semble que ce soit son cri d'appel ou plutôt d'agacerie vis-à-vis son mâle; car, dès que ce mâle l'entend, il s'approcbe d'elle avec ardeur, en répétant son toUj cotij cou'^. Malgré cette variété d'inflexion , le chant du coucou n'a ja- mais dû être comparé avec celui du rossignol , sinon dans la fable 2. Au reste , il est fort douteux que ces oiseaux s'apparient; ils éprouvent les besoins physi- ques, mais rien qui ressemble à l'attachement ou au sentiment. Les mâles sont beaucoup plus nombreux que les femelles^, et se battent pour elles assez sou- vent; mais c'est pour une femelle en général, sans aucun choix, sans nulle prédilection ; et lorsqu'ils sont satisfaits, ils s'éloignent et cherchent de nouveaux objets pour se satisfaire encore et les quitter de même, sans les regretter, sans prévoir le produit de toutes ces unions furtives , sans rien faire pour les petits qui en doivent naître; ils ne s'en occupent pas même après 1. Note communiquée par M. le comte de RioUet , qui se fait un louable amusement d'observer ce i\ae taul d'au Ires ne font que re- garder. 2. Ou dit que le rossignol et le coucou disputant le prix du chant devant Tâne, celui ci l'adjugea au coucou; que le rossignol en appela devant l'homme, lequel prononça en sa faveur, et que depuis ce temps le rossignol se mot à chauter aussitôt qu'il voit l'homme, comme pour remercier son juge ou pour justifier sa sentence. 5. On.ue tue, on ne prend presque jamais que des coucous chan- t(;urs, et par conséquent mâles. J'en ai vu tuer trois ou quatre dans une seule chasse, et pas une femelle. La Zoologie britannif/iic dit que dans le même été , sur le même arbre et dans le même piège , on a pris cinq coucous, tous cinq mâles. 210 LE COUCOU. qu'ils sont nés; tant il est vrai que la tendresse mu- tuelle des père et mère est le fondement de leur affec- tion commune pour leur géniture, et par conséquent le principe du bon ordre, puisque, sans l'affection des père et mère , les petits et même les espèces cou- rent risque de périr, et qu'il est du bon ordre que les espèces se conservent. Les petits nouvellement éclos ont aussi leur cri d'ap- pel, et ce cri n'est pas moins aigu que celui des fau- vettes et des rouge-gorges leurs nourrices, dont ils prennent le ton par la force de l'instinct imitateur ^ ; et comme s'ils sentoient la nécessité de solliciter, d'im- portuner une mère adoptive, qui ne peut avoir les entrailles d'une véritable mère, ils répètent à chaque instant ce cri d'appel , ou , si l'on veut , cette prière , sans cesse excitée par des besoins sans cesse renais- sants, et dont le sens est très clair, très déterminé par un large bec qu'ils tiennent continuellement ouvert de toute sa largeur; ils en augmentent encore l'ex- pression par le mouvement de leurs ailes, qui accom- pagne chaque ori. Dès que leurs ailes sont assez fortes, ils s'en servent pour poursuivre leur nourrice sur les i. « La structure singulière de leurs nariues contribue peut-être, » dit M. Frish , à produire ce cri aigu. » Il est vrai que les narines du coucou sont , quant à l'extérieur, d'une structure assez singulière, comme nous le verrons plus bas; mais je me suis assuré qu'elles ne contribuent nullement à modifier son cri, lequel est resté le même, quoique j'eusse fait boucher ses narines avec de la cire. J'ai reconnu, en répétant cette expérience sur d'autres oiseaux, et notamment sur le troglodyte, que leur cri reste aussi le même, soit qu'on bouche leurs narines, soit qu'on les laisse ouvertes. On sait d'ailleurs que le siège des principaux organes de la voix des oiseaux est, non pas dans les nariiies, ni même dans la glotte, mais au bas de la trachée-artère . un peu au dessus de sa bifurcation. LE coucou. 211 branches voisines lorsqu'elle les quitte , ou pour aller au devant d'elle lorsqu'elle leur apporte la becquée. Ce sont des nourrissons insatiables^, et qui le parois- sent d'autant plus, que de petits oiseaux, tels que le rouge-gorge, la fauvette, le chantre, et le troglodyte, ont de la peine à fournir la subsistance à un hôte de si grande dépense, surtout lorsqu'ils ont en môme temps une famille à nourrir, comme cela arrive quelquefois. Les jeunes coucous que l'on élève conservent ce cri d'appel, selon M. Friscli, jusqu'au 1 5 ou 20 septem- bre , et en accueillent ceux qui leur portent à man- ger; mais alors ce cri commence à devenir plus grave par degrés , et bientôt après ils le perdent tout-à-fait. La plupart des ornithologistes conviennent que les insectes sont le fonds de la nourriture du coucou , et qu'il a un appétit de préférence pour les œufs d'oi- seaux , comme je l'ai dit ci-dessus. Ray a trouvé des chenilles dans son estomac; j'y ai trouvé, outre cela, des débris très reconnoissables de matières végétales, de petits coléoptères bronzés, vert doré, etc., et quel- quefois de petites pierres. M. Frisch prétend qu'en toute saison il faut donner à manger aux jeunes cou- cous aussi matin et aussi tard qu'on le fait ordinaire- ment dans les grands jours d'été. Le môme auteur a observé la manière dont ils mangent les insectes tout vivants : ils prennent les chenilles par la tôte; puis, les faisant passer dans leur bec , ils en expriment et font sortir par l'anus tout le suc; après quoi ils les a^^itent encore et les secouent plusieurs fois avant de les avaler. Ils prennent de même les papillons par la 1. C'est de là que Fou dit provorbialemont avaler comme un coucou. 212 LE COUCOU. tête, et, les pressant dans leur bec, ils les crèvent vers le corselet, et lés avalent avec leurs ailes. Ils mangent aussi des vers; mais ils préfèrent ceux qui sont vivants. Lorsque les insectes manquoient, Frisch donnoit à un jeune qu'il élevoit du foie, et surtout du rognon de mouton, coupé en petites tranches lon- guettes de la forme des insectes qu'il ainioit. Lorsque ces tranches étoient trop sèches, il falloit les hu- mecter un peu, aGn qu'il pût les avaler. Du reste, il ne buvoit jamais que dans le cas où ses aliments étoient ainsi desséchés ; encore s'y prenoit-il de si mauvaise grâce, que l'on voyoit bien qu'il buvoit avec répu- gnance , et pour ainsi dire à son corps défendant : en toute autre circonstance il rejetoit , en secouant son bec, les gouttes d'eau qu'on y avoit introduites par force ou par adresse *, et l'hydrophobie proprement dite paroissoit être son état habituel. Les jeunes coucous ne chantent point la première année , et les vieux cessent de chanter , ou du moins de chanter assidûment, vers la fin de juin : mais ce silence n'annonce point leur départ ; on en trouve même dans les plaines jusqu'à la fm de septembre, et encore plus tard^. Ce sont sans doute les premiers froids et la disette d'insectes qui les déterminent à passer dans des climats plus chauds. Ils vont la plu- 1. J'ai observé la même chose, ainsi que le chartreux do M. Sa- lorne, et comme l'observeront tous ceux qui prendront la peine d'éle- ver ces sortes d'oiseaux. Seroit-ce à cause de cette hjdrophobie natu- relle qu'on a imaginé de conseiller contre la vraie maladie de ce nom une décoction de la ficnlc du coucou dans du vin? 2. M. le commandeur de Querhoent et M. Hébert ont vu plusieurs fois de jeunes coucous rester dans le pays jusqu'au mois do septembre, et quelques uns jusqu'à la fin d'octobre. LE COUCOU. 91 5 part en Afrique, puisque MM. les commandeurs de Godeheu et des Mazys les mettent au nombre des oi- seaux qu'on voit passer deux fois chaque année dans l'île de Malte ^. A leur arrivée dans notre pays, ils semblent moins fuir les lieux habités ; le reste du temps, ils voltigent dans les bois, les prés, etc., et partout où ils trouvent des nids pour y pondre et en manger les œufs , des insectes et des fruits pour se nourrir. Sur l'arrière -saison , les adultes, surtout les femelles, sont bons à manger, et aussi gras qu'ils étoient maigres au printemps 2. Leur graisse se réunit particulièrement sous le cou ^ , et c'est le meilleur morceau de cette espèce de gibier. Ils sont ordinaire- ment seuls , inquiets , changeant de place à tout mo- ment , et parcourant chaque jour un terrain considé- rable, sans cependant faire jamais de longs vols. Les anciens ol>servoient le temps de l'apparition et de la disparition du coucou en Italie. Les vignerons qui n'a- voient point achevé de tailler leurs vignes avant son arrivée étoient regardés comme des paresseux, et de- venoient l'objet de la risée publique; les passants qui les voyoient en retard leur reprochoient leur paresse en répétant le cri de cet oiseau, qui hii-mème étoit l'emblème de la fainéantise , et avec très grande rai- son, puisqu'il se dispense des devoirs les plus sacrés de la nature. On disoit aussi fin comme un coucou (car 1. M. Saleruedit, d'après les vojageurs , que les coucous se poseu quelquefois en grand nombre sur les navires. 9. C'est dans cette saison seulement que la façon de parler provert biale, maigre comme an coucou, a sa juste application. 5. J'ai observé la môme chose dans un jeune merle de roche que je faisois élever, et qui est mort au mois d'octobre. lîDFFOIS. X.VIV. l4 2l4 LE COUCOU. on peut être à la fois fin et paresseux), soit parce que , ne voulant point couver ses œufs , il vient à bout de les faire couver à d'autres oiseaux, soit par une autre raison tirée de l'ancienne mythologie^. Quoique rusés, quoique solitaires, les coucous sont capabies d'une sorte d'éducation ; plusieurs personnes de ma connoissance en ont élevé et apprivoisé. On les nourrit avec de la viande hachée, cuite ou crue, des insectes, des œufs, du pain mouillé, des fruits, etc. Un de ces coucous apprivoisés reconnoissoit son maî- tre , venoità sa voix, le suivoit à la ciiasse , perché sur son fusil; et lorsqu'il trouvoiten chemin un griot- tier, il y voloit , et ne revenoit qu'après s'être rassasié pleinement : quelquefois il ne revenoit point à son maître de la journée, mais le suivoit à vue, en volti- geant d'arbre en arljre. Dans la maison, il avoit toute liberté de courir, et passoit la nuit sur un jnchoir. La fiente de cet oiseau est fort abondante; c'est un des inconvénients de .son éducation. 11 faut avoir soin de le garantir du froid dans le passage de l'automne à l'hiver : c'est pour ces oiseaux le temps critique; du moins c'est à cette époque que j'ai perdu k>us ceux que j'ai voulu faire élever, et beaucoup d'autres oiseaux de diUérenles espèces, Olina dit qu'on peut dresser le coucou pour la chasse du vol comme les éperviers et les faucons ; 1. Jupiter, s'élant aperçu que sa sœur Junon étoit seule sur le mont Dicéien , aulremeul dit Thornax , excita nu violeiît orage et vint sous, la forme d'un coucou se poser sur les genoux de la déesse, qui, le vovant mouillé, transi, battu de la tempête, eu eut pitié, et le ré- chauffa sous sa robe; le dieu reprit sa forme à propos, et devint Fé- poux de sa sœur. De cet instant le mont Dicéien fut appelé Coccyrrien^ ou montas:ne du coucou; et de là Toriginc du Jupiter cucnlus. XE cor cor. 2i5 mais il est le seul qui assure ce fait ; et ce pourroit bien être une erreur occasionée , comme plusieurs autres de l'histoire de cet oiseau, par la ressemblance de son plumage avec celui de l'épervier. Les coucous sont répandus assez généralement dans tout l'ancien continent; et quoique ceux d'A- mérique aient des habitudes différentes, on ne peut s'empêcher de reconnoîlre dans plusieurs un air de famille : celui dont il s'agit ici ne se voit que l'été dans les pays froids ou même tempérés, tels que l'Europe, et l'hiver seulement dans les climats plus chauds , tels que ceux de l'Afrique septenirionale ; il semble fuir les températures excessives. Cet oiseau posé à terre ne marche qu'en sautillant, comme je l'ai remarqué : mais il s'y pose rarement; et quand cela ne seroit point prouvé par le fait, il seroit facile de le juger ainsi d'après ses pieds très courts et ses cuisses encore plus courtes. Un jeune coucou du mois de juin, que j'ai eu occasion d'ob- server, se faisoit aucun usage de ses pieds pour mar- cher : mais il se servoit de son bec pour se traîner sur le ventre, à peu près comme le perroquet s'en sert pour grimper ; et lorsqu'il grimpoit dans sa cage, j'ai pris garde que le plus gros des doigts postérieurs se dirigeoit en avant, mais qu'il servoit moins que les deux autres antérieurs^ : dans son mouvement pro- gressif il agitoit ses ailes comme pour s'en aider. 1 . Si celte habitude est commune à toute l'espèce , que devient l'ex- pression digiti scansorii, appliquée par plusieurs naturalistes aux doigts disposés comme dans le coucou, deux en avant et deux en arrière? D'ailleurs ne sait-on pas que les siltelles, les mésanges, et ies oiseaux appelés grimpereaux par excellence, grimpent supérieurement quoi- '2 1 6 LE COUCOU. J'ai déjà dit que le plumage du coucou étoit fort sujet à varier dans les divers individus; il suit de ià qu'on donnant la description de cet oiseau on ne peut prétendre à rien de plus qu'à donner une idée des couleurs et de leur distribution, telles qu'on les ob- serve le plus communément dans son plumage. La plupart des mâles adultes qu'on m'a apportés ressem- hloient fort à celui qui a été décrit par M. Brisson : tous avoient le dessus de la tête et du corps , compris les couvertures de la queue, les petites couvertures des ailes, les grandes les plus voisines du dos et les trois pennes qu'elles recouvrent, d'un joli cendré; les graudes couvertures du milieu de l'aile brunes, tachetées de roux, et terminées de blanc; les plus éloignées du dos et les dix premières pennes de l'aile d'un cendré foncé, le coté intérieur de celles-ci ta- cheté de blanc roussâtre; les six pennes suivantes brunes; marquées des deux côtés de taches rousses , terminées de blanc ; la gorge et le devant du cou d'un cendré clair, le reste du dessous du corps rayé trans- versalement de brun sur un fond blanc sale; les plu- mes des cuisses de même, tombant de chaque côté sur le tarse en façon de manchettes; le tarse garni extérieurement de plumes cendrées jusqu'à la moitié de sa longueur, les pennes de la queue noirâtres et terminées de blanc ; les huit intermédiaires tachetées de blanc près de la côte et sur le côté intérieur; les deux du milieu tachetées de même et sur le bord ex- térie{n% et la dernière des latérales rayée transversa- lement de la même couleur; l'iris noisette, quelque- qu'ils aient les doigts disposés à la manière vulgaire . c'est-à-dirç uoi& cil avant et un seul en arrière ? LK COUCOU. 2in fois jaune; la paupière interne fort transparente; le bec noir au dehors, jaune à Tintérieur; les angles de son ouverture orangés, les pieds jaunes; un peu de cette couleur à la base du bec inférieur. J'ai vu plusieurs femelles qui ressembloient beau- coup aux mâles ; j'ai aperçu à quelques unes, sur les côtés du cou , des vestiges de ces traits bruns dont parle Linnaeus. Le docteur Derham dit que les femelles ont le cou varié de roussâtre , et le dessus du corps d'un ton plus rembruni^; les ailes aussi, avec une teinte roussâtre, et les yeux moins jaunes. Selon d'autres observateurs, c'est le mâle qui est plus noirâtre : il n'y a rien de bien constant dans tout cela que la grande variation du plumage. Les jeunes ont le bec, les pieds, la queue , et le dessous du corps, à peu près comme dans l'adulte, excepté que les pennes sont engagées plus ou moins dans le tuyau ; la gorge, le devant du cou , et le des- sous du corps, rayés de blanc et de noirâtre, de sorte cependant que le noirâtre domine sur les parties an- térieures plus que sur les parties postérieures (dans quelques individus il n'y a presque point de blanc sous la gorge) ; le dessus de la tête et du corps joli- ment varié de noirâtre , de blanc , et de roussâtre , distribués de manière que le roussâtre paroît plus sur 1. Une personne digue de foi m'assure qu'elle a vu quelf{ues uns de ces individus plus bruns, qui étoient aussi de plus grande laille. Si c'étoJent des femelles, ce seroit un nouveau trait de conformité enlre l'espèce du coucou et les oiseaux de proie. D'un autre côté , M. Frisch a remarqué que , de deux jeunes coucous de différents sexes qu'il nourrissoit , le mâle étoit le plus brun. 21 8 LE COUCOU. le milieu du corps, el le blanc sur les extrémités; une tactie blanche derrière la tête, et quelquefois au dessus du front; toutes les pennes des ailes brunes, terminées de blanc, et tachetées plus ou moins de roussâtre ou de blanc; l'iris gris verdâtre , le fond des plumes cendré très clair. Il y a grande apparence que cette femelle si joliment madrée^ dont parle M. Sa- lerne, étoit une jeune de l'année. Au reste, M. Friscli nous avertit que les jeunes coucous élevés dans les bois par leur nourrice sauvage ont le plumage moins varié, plus approchant du plumage des coucous adul- tes, que celui des jeunes coucous élevés à la maison. Si cela n'est pas, il semble au moins que cela devroit être; car on sait qu'en général la domesticité est une des causes qui font varier les couleurs des animaux , et Ton pourroit croire que les espèces d'oiseaux qui participent plus ou moins à cet état doivent aussi par- ticiper plus ou moins à la variation du plumage : ce- pendant je ne puis dissimuler que les jeunes coucous sauvages que j'ai vus, et j'en ai vu beaucoup, n'a- voient pas les couleurs moins variées que ceux que j'avois fait nourrir jusqu'au temps de la mue exclusi- vement. Il peut se faire que les jeunes coucous sau- vages que M. Frisch a trouvés plus ressemblants à leurs père et mère fussent plus âgés que les jeunes coucous domestiques auxquels il les comparoit. Le même auteur ajoute que les jeunes mâles ont le plu- mage plus rembruni que les femelles, le dedans de la bouche plus rouge, et le cou plus gros^. i. M. Fiisch .soupçouue que la giosseur du cou . qui est propre aop iualc , pourroil bien avoir t(uel(|uc rapport au cri que les mâles , et îe.^ scuis luùlcs , fout euteadre; cepeudaiil je n'ai point remarqué, dans LE COUCOU. ' 219 Le poids d'un coucou adulte, pesé le 12 avril, étoit de quatre onces deux gros et demi; le poids d'un autre, pesé le 17 août, étoit d'environ cinq onces: ces oiseaux pèsent davantage en automne , parce qu'alors ils sont beaucoup plus gras, et la diflerence n'est pas petite; j'en ai pesé un jeune le 22 juillet, dont la longueur totale appproclioit de neuf pouces, et dont le poids s'est trouvé de deux onces deux gros : uq autre qui éloit presque aussi grand, mais beaucoup plus maigre, ne pesoit qu'une once quatre gros, c'est- à-dire un tiers moins que le premier. Le mâle adulte a le tube intestinal d'environ vingt pouces, deux cœcums d'inégale longueur, l'un de quatorze lignes (quelquefois vingt-quatre), l'autre de dix (quelquefois jusqu'à dix-liuit), tous deux di- rigés en avant, et adhérant dans toute leur longueur au gros intestin par une membrane mince et trans- parente ; une vésicule du fiel ; les reins placés de part et d'autre de l'épine, <îivisés chacun en trois lobes principaux, sous-divisés eux-mêmes en lobules plus petits par des étranglements , faisant tous la sécré- tion d'une bouillie blanchâtre ; deux testicules de forme ovoïde , de grosseur inégale , attachés à la partie supérieure des reins, et séparés par une mem- brane. L'œsophage se dilate à sa partie inférieure en une espèce de poche glanduleuse , séparée du ventricule par un étranglement. Le ventricule est un peu mus- culeux dans sa circonférence, membraneux dans sa le grand nombre de dissections que j'ai faites, que les organes qui contribuent à la formalion de la voix eussent plus de volume dans les mâles que dans les fcmelles. '^20 LE COUCOU. partie moyenne , adhérant par des tissus fibreux aux muscîes du bas-ventre et aux diÛ'érentes parties qui l'entourent; du reste, beaucoup moins gros et plus proportionné dans l'oiseau sauvage nourri par le rouge-gorge ou la fauvette , que dans i'oiseau appri- voisé et élevé par l'homme : dans celui-ci , ce sac , ordinairement distendu par l'excès delà nourriture, égale le volume d'un moyen œuf de poule, occupe toute la partie antérieure de la cavité du ventre de- puis le sternum à l'anus , s'étend quelquefois sous le sternum de cinq ou six lignes, et d'autres fois ne laisse à découvert aucune partie de l'intestin ; au lieu que , dans des coucous sauvages que j'ai fait tuer au moment même où on me les apportoit, ce viscère ne s'étendoit pas tout-à-fait jusqu'au ster- num , et laissoit paroître entre sa partie inférieure et l'anus deux circonvolutions d'instestins, et trois dans le côté de l'abdomen. Je dois ajouter que , dans la plupart des oiseaux dont j'ai observé l'intérieur, on voyoit , sans rien forcer ni déplacer, une ou deux circonvolutions d'intestins dans la cavité du ventre à droite de l'estomac, et une entre le bas de l'esto- mac et l'anus. Cette différence de conformation n'est donc que du plus au moins , puisque dans la plupart des oiseaux, non seulement la force postérieure de Testomac est séparée de l'épine du dos par une por- tion du tube intestinal qui se trouve interposée, mais que la partie gauche de ce viscère n'est jamais recouverte par aucune portion de ces mêmes intes- tins, et il s'en faut bien que je regarde cette seule différence comme une cause capable de rendre le coucou inhabile à couver, ainsi que l'a dit un orni- Lli coucou. 2!2i thologiste. Ce n'est point apparemment parce que cet estomac est trop dur, puisque, ses parois étant membraneuses, il n'est dur en effet que par acci- dent et lorsqu'il est plein de nourriture ; ce qui n'a guère lieu dans une femelle qui couve. Ce n'est point non plus, comme d'autres l'ont dit, parce que l'oiseau craiiidroit de refroidir son estomac , moins garanti cjue celui des autres oiseaux, car il est clair qu'il courroit bien moins ce risque en couvant qu'en voltigeant ou se perchant sur les arbres : le casse-noix est conformé de môme , et cependant il couve. D'ailleurs ce n'est pas seulement sous l'esto- mac, mais sous toute la partie inférieure du corps, que les œufs se couvent : autrement la plupart des oiseaux qui , comme les perdrix, ont le sternum fort prolongé, ne pourroient couver plus de trois ou quatre œufs à la fois, et l'on sait que le plus grand nombre en couve davantage. J'ai trouvé dans l'estomac d'un jeune coucou que je faisois nourrir une masse de viande cuite presque desséchée , et qui n'avoit pu passer par le pylore ; elle étoit décomposée, ou plutôt divisée en fibrilles de la plus grande finesse. Dans un autre jeune coucou , trouvé mort au milieu des bois vers le commencement d'août, la membrane interne du ventricule étoit velue; les poils , longs d'environ une ligne , sembloient se di- riger vers l'orifice de l'œsophage. En général , on ren- contre fort peu de petites pierres dans l'estomac des jeunes coucous, et presque jamais dans l'estomac de ceux où il n'y a point de débris de matières végétales^ Il est naturel que l'on en trouve dans l'estomac de ceux qui ont été élevés par des verdières, des alouettes, 232 LE COi:COU. et autres oiseaux qui nichent à terre : le sternum forme un angle rentrant. Longueur totale , treize à quatorze pouces ; bec , treize lignes et demie; les bords de la pièce supérieure ëchancrës près de la pointe (mais non dans les tout jeunes ) ; narines elliptiques , ayant leur ouverture environnée d'un bord saillant , et au centre un petit grain blanchâtre qui s'élève presque jusqu'à la hau- teur de ce rebord ; langue mince à la pointe , et non fourchue ; tarse, dix lignes; cuisses, moins de douze; l'intérieur des ongles postérieurs le moins fort et le plus crochu de tous; les deux doigts antérieurs unis ensemble à leur base par une membrane ; le dessous du pied comme chagriné , et d'un grain très fin ; vol , environ deux pieds; queue, sept pouces et demi, composée de dix pennes étagées^; dépasse les ailes de deux pouces. Variétés du Coucou. On aura vu sans doute avec quelque surprise, eu lisant l'histoire du coucou , combien le type de cette espèce est inconstant et variable, ce qui, en effet, n'est point ordinaire chez les oiseaux qui vivent dans l'état de nature, et surtout chez ceux qui s'apparient ; car pour ceux, au contraire , qui ne s'apparient point et qui n'ont qu'une ardeur vague , indéterminée , pour une femelle en général , sans aucun attachement particulier, à force d'être étrangers à toute fidélité personnelle, ou, si l'on veut, individuelle, ils sont 1. M. Ray n'a compté que; liuit pennes Jaus la queue de l'indiviclu qu'il a obsené en iGqS*. mais assurément il en manquoit deui. VARIETES DU COUCOU. 220 plus exposés à manquer aux lois encore plus sacrées de la fidélité due à l'espèce , et à contracter des al- liances irrégulières, dont le produit varie plus ou moins, selon que les individus qui se sont unis par hasard étoient plus ou moins différents entre eux : de là la diversité que l'on remarque entre les indi- vidus, soit pour la grosseur, soit pour les formes, soit pour le plumage ; diversité qui a donné lieu à plus d'une erreur, et qui a fait prendre de véritables coucous pour des faucons, des émeriilons, des au- tours, des éperviers, etc. Mais, sans entrer ici dans le détail de ces variétés inépuisables et qui paroissent n'être rien moins que constantes, je me bornerai à dire que l'on trouve quelquefois en différents pays de notre Europe des coucous qui diffèrent beaucoup entre eux par la taille^ , et qu'à l'égard des couleurs, le gris cendré, le roux, le brun, le blanchâtre, sont distribués diversement dans les divers individus, en sorte que chacune de ces couleurs domine plus ou moins, et que , par la rnultij^licité de ses teintes, elle augmente encore les variations de leur plumage. A l'égard des coucous étrangers, j'en trouve deux qui me semblent devoir se rapporter à l'espèce euro- péenne comme variétés de climat, et peut-être en ajouterois-je plusieurs autres si j'avois été à portée de les observer de plus près. 1. Le coucou varié aux pieds rouges des Pyrénées, de Barrère, est encore une de ces variétés, et j3eut-êlre son coucou cendré d'Améri- que. Il eu est de même du cucule francescanu de Gerini, et de son ca cille ragginoso. Mais ces deux derniers sont des variétés d âge. 2^4 VARIÉTÉS DU COUCOU. I. Le coucou du cap de bonne-espérance [Cticutus Capensis. L. ) , représenté dans les planches enlu- minées, n° 390, a beaucoup de rapport avec celui de notre pays, et par ses proportions, et par la rayure transversale du dessous du corps, et par sa taille , qui n'est pas beaucoup plus petite. Il a le dessus du corps d'un vert brun ; la gorge . les joues, le devant du cou, et les couvertures supé- rieures des ailes, d'un roux foncé; les pennes de la queue d'un roux un peu plus clair, terminées de blanc ; la poitrine et tout le reste du dessous du corps rayés transversalement de noir sur un fond blanc, l'iris jaune , le bec brun foncé , et les pieds d'un brun rougeâtre. Il a de longueur totale un peu moins de douze pouces. Seroit-ce ici l'oiseau connu au cap de Bonne-Espé- rance sous le nom à'édoUo^ et qui répète, en effet, ce mot d'un ton bas et mélancolique? Il n'a point d'autre chaut, et plusieurs habitants du pays, non pas Holtentots, mais Européens, sont persuadés que l'âme d'un certain patron de barque qui prononçoit souvent le même mot est passée dans le corps de cet oiseau; car nos siècles modernes ont aussi leurs mé- tamorphoses : celle-ci n'est pas moins vraie que celle du Jupiter cuculusj et nous lui devons probablement la connoissance du cri de ce coucou. On seroit trop heureux si chaque erreur nous valoit une vérité. II. Les voyageurs parlent d'un coucou du royaume de VARIETES DU COUCOU. 2^5 Loango en Afrique, lequel est un peu plus gros que le nôtre, mais peint des mêmes couleurs, et qui en diflère principalement par sa chanson : ce qui doit s'entendre de l'air, et non des paroles; car il dit coa- cou comme le nôtre , mais sur un ton différent. Le mâle commence, dit-on, par entonner la gamme et chante seul les trois premières notes; ensuite la fe- melle l'accompagne à l'unisson pour le reste de l'oc- tave, et diffère en cela de la femelle de notre cou- cou qui ne chante point du tout comme son mâle, et qui chante beaucoup moins ; c'est une raison de plus pour séparer ce coucou de Loango du nôtre , et pour le considérer comme une variété dans l'espèce. LES COUCOUS ETRANGERS. Les principaux attributs du coucou d'Europe con- sistent, comme on vient de le voir, en ce qu'il a la tête un peu grosse , l'ouverture du bec large , les doigts disposés, deux en avant et deux en arrière; les tarses garnis de plumes ; les pieds courts, les cuis- ses encore plus courtes , les ongles foibles et peu cro- chus, la queue longue et composée de dix pennes étagées. Il diffère des couroucous, et par le nombre de ces mêmes pennes (car les couroucous en ont douze à la queue) , et surtout par son bec, qui est plus allongé, et dont la partie supérieure est plus convexe. Il diffère des barbus en ce qu'il n'a point de 226 LES COUCOUS ÉTRANGERS. barbes autour de la base du bec. Mais tout cela doit être entendu sainement, et il ne faut pas s'imaginer qu'on ne doive admettre dans le genre dont le cou- cou d'Europe est le modèle que des espèces qui réu- nissent exactement tous ces attributs. C'est le cas de répéter qu'il n'y a rien d'absolu dans la nature, que, par conséquent, il ne doit y avoir rien de strict dans les méthodes faites pour la représenter, et qu'il seroit moins difficile de réunir dans une vaste volière toutes les espèces d'oiseaux, séparées par paires bien assorties, que de les séparer intellectuellement par des caractères méthodiques qui ne se démentissent jamais : aussi, parmi les espèces que nous rapporte- rons au genre du coucou, en trouvera-t-on plusieurs en qui les attributs propres à ce genre seront diver- sement modifiés , d'autres qui ne les auront pas tous , et d'autres qui auront quelques uns des attributs des genres voisins. Mais si l'on examine de près ces es- pèces diverses, on reconnoîtra qu'elles ont plus de rapport avec le genre du coucou qu'avec aucun au- tre; ce qui suffit, ce me semble , pour nous autoriser à les rassembler sous une dénomination commune , et pour en composer un genre, non pas strict, ri- goureux , et par cela même imaginaire , mais un genre réel et vrai, tendant au grand but de toute généra- lisation , celui de faciliter le progrès de nos connois- sances , en réduisant an plus petit nombre tous les faits de détail sur lesquels elles sont nécessairement fondées. On ne sera donc point surpris de trouver ici parmi les coucous étrangers des espèces qui ont la queue carrée , comme le coucou tacheté de la Chine, celui de l'île de Panay, le vourou-driou de LES COUCOUS ÉTRANGERS. 22'j Madagascar, et une variété du coucou brun piqueté de roux des Indes; d'autres qui l'ont , pour ainsi dire , fourchue, comme îe coucou qui a deux longs brins à la place des deux pennes extérieures ; d'autres qui l'ont plus qu'étagée et semblable à celle des veuves, comme le san-hia de la Chine et le coucou huppé à collier ; d'autres qui l'ont étagée seulement en par- tie , comme le vieillard à ailes rousses de la Caroline, lequel n'a que deux paires de pennes étagées, et comme une variété du jacobin huppé de Coroman- del, qui n'a que la seule paire extérie!ire étagée, c'est-à-dire, plus courte que les quatre autres paires, lesquelles sont égales entre elles; d'autres qui ont douze pennes à la queue, comme le vourou-driou et îe coucou indicateur du Cap; d'autres qui n'en ont que huit, comme le guira-cantara du Brésil, si tou- tefois Marcgrave ne s'est point trompé en les comp- tant ; d'autres qui ont l'habitude d'épanouir leur queue lors même qu'ils sont en repos, comme le coua de Madagascar, le coucou vert doré et blanc du cap de Bonne Espérance, et le second coukeel de Mindanao ; d'autres qui en tiennent toutes les pennes serrées et superposées, les intermédiaires aux laté- rales; d'autres qui ont quelques barbes autour du bec, comme le san-hia, le coucou indicateur, et une variété du coucou verdâtre de Madagascar; d'autres qui ont le bec plus long et plus grêle à proportion, comme le tacco de Cayenne ; d'autres qui ont le doigt postérieur interne armé d'un long éperon, semblable à celui de nos alouettes, comme le houhou d'Egypte, le coucou des Philippines, le coucou vert d'An ligue ^ îe toulou, et le rufalbin; d'autres enfin qiii ont les 228 LES COUCOUS ÉTRANGERS. pieds plus ou moins courls, plus ou moins garnis de plumes, ou même sans aucune plume ni duvet. Il n'est pas jusqu'au caractère réputé le plus fixe et le plus constant, je veux dire la disposition des doigts tournés deux en avant et deux en arrière, qui ne participe à l'inconstance de ces variations, puisque j'ai observé dans le coucou que l'un de ses doigts postérieurs se tournoit quelquefois en avant , et que d'autres ont observé, dans les hibous et les cliats- huants, que l'un de leurs doigts antérieurs se tournoit quelquefois en arrière; mais ces légères différences, bien loin de mettre du désordre dans le genre des coucous, annoncent j au contraire, le véritable ordre de la nature, puisqu'elles représentent la fécondité de ses plans et l'aisance de son exécution, en repré- sentant les nuances infiniment variées de ses ouvra- ges, et les traits infiniment diversifiés qui , dans cha- que famille d'animaux, distinguent les individus sans leur ôter l'air de famille. Une chose très remarquable dans celle des cou- cous, c'est que la branche établie dans le Nouveau- Monde est celle qui paroît être la moins sujette aux variations dont je viens de parler, la moins dégéné- rée, celle qui semble avoir conservé plus de ressem- blance avec l'espèce européenne considérée comme tronc commun, et s'en être séparée plus tard. A la vérité, l'espèce européenne fréquente les pays du Nord, pousse ses excursions jusqu'en Danemarck et en Norwége, et par conséquent aura pu aisément franchir les détroits peu spacieux qui, à ces hauteurs, séparent les deux continents; mais elle a pu franchir f\yec encore plus de facilité l'isthme de Suez d'une LES COUCOUS ETRANGERS. 2'2g part, ou quelques bras de mer fort étroits, pour se répandre en Afrique ; et du côté de l'Asie elle n'avoit rien du tout à franchir, en sorte que les races qui se sont établies dans ces dernières contrées doivent s'être séparées beaucoup plus lot de la souche pri- mitive, et lui ressembler beaucoup moins : aussi ne compte-t-on guère en Amérique que deux ou trois exceptions ou anomalies extérieures sur quinze espè- ces ou variétés, tandis que, dans l'Afrique et l'Asie, on en compte quinze ou vingt sur trente-quatre ; et sans doute on en découvrira davantage à mesure que tous ces oiseaux seront plus connus. Ils le sont si peu, que c'est encore un problème si, parmi tant d'espèces étrangères, il en est une seule qui ponde ses œufs dans le nid des autres oiseaux, comme fait le coucou d'Eu- rope; on sait seulement que plusieurs de ces espèces étrangères prennent la peine de faire elles-mêmes leur nid et de couver elles-mêmes leurs œufs : mais, quoique nous ne connoissîons que des différences su- perficielles entre toutes ces espèces, nous pouvons supposer qu'il en existe de considérables et de gé- nérales, surtout entre les deux branches fixées dans les deux continents, lesquelles ne peuvent manquer de recevoir tôt ou tard l'empreinte du climat ; et ici les climats sont très différents. Par exemple , j'ai ob- servé qu'en général les espèces américaines sont plus petites que les espèces de Fancien continent, et pro- bablement par le concours des mêmes causes qui, dans cette même Amérique , s'opposent au développe- ment plein et à l'entier accroissement, soit des qua- drupèdes indigènes, soit de ceux qu'on y transporte d'ailleurs. Il y a tout au plus en Amérique deux espè- 230 LES COUCOUS ÉTRANGERS. ces de coucous dont la taille approche de celle du nôtre, et le reste ne peut être comparé à cet égard qu'à nos merles et à nos grives ; au lieu que nous connoissons dans l'ancien continent plus d'une dou- zaine d'espèces aussi grosses ou plus grosses que l'eu- ropéenne, et quelques unes presque aussi grosses que nos poules. En voilà assez, ce me semble, pour justifier le parti que je prends de séparer ici les coucous d'Amérique de ceux de l'Afrique et de l'Asie , en attendant que le temps et l'observation , ces deux grandes sources de lumières, nous ayant éclairés sur les mœurs et les habitudes naturelles de ces oiseaux, nous sachions à quoi nous en tenir sur leurs différences vraies, tant intérieures qu'extérieures, tant générales que parti- culières. OISEAUX DU VIEUX CONTINENT QUI ONT RAPPORT AU COUCOU. I. LE GRAND COUCOU TACHETÉ. CucuLus glandarius. L. Je commence par cet oiseau qui n'est point abso- lument étranger à notre Europe, puisqu'on en a tué un sur les rochers de Gibraltar. Selon toute appa- rence , c est un oiseau de passage, qui se tient l'hiver LE GRAND COUCOU TACHETÉ. 23l en Asie ou en Afrique , et paroît quelquefois dans ia partie méridionale de l'Europe. On peut regarder cette espèce et la suivante comme intermédiaires, quant au climat, entre l'espèce commune et les étrangères; elle diffère de la commune non seulement par la taille et le plumage , mais encore par ses dimensions re- latives. L'ornement le plus distingué de ce coucou c'est une huppe soyeuse d'un gris bleuâtre, qu'il relève quand il veut, mais qui, dans son état de repos, reste couché sur la tête. Il a sur les yeux un bandeau noir qui donne du caractère à sa physionomie : le brun do- mine sur toute la partie supérieure, compris les ailes et la queue ; mais les pennes moyennes et presque toutes les couvertures des ailes, les quatre pennes latérales de la queue et leurs couvertures supérieu- res, sont terminées de blanc, ce qui forme un émail fort agréable; tout le dessus du corps est d'un orangé brun, assez vif sur les parties antérieures, plus sombre sur les postérieures; le bec et les pieds sont noirs. Il a la taille d'une pie, le bec de quinze à seize li- gnes , les pieds courts , les ailes moins longues que notre coucou; la queue d'environ huit pouces, com- posée de dix pennes étagées , dépassant les ailes de quatre pouces et demi. II. LE COUCOU HUPPÉ NOIR ET BLANC. Cucuius pisanus. L. Yoici encore un coucou qui n'est qu'à demi étran- ger, puisqu'il a été vu, une seule fois à la vérité, en 202 LE COUCOU HUPPE NOIR BT BLANC. Europe. Les auteurs de Y Ornithologie italienne nous apprennent qu'en 1739 un mâle et une femelle de cette espèce firent leur nid aux environs de Pise; que la femelle pondit quatre œufs, les couva, les fit éclore, etc.^; d'où l'on peut conclure que c'est une espèce fort différente de la nôtre , que certainement on ne vit jamais nicher ni couver dans nos contrées. Ces oiseaux ont la tète noire, ornée d'une huppe de même couleur , qui se couche en arrière ; tout le dessus du corps, compris les couvertures supérieures, noir et blanc ; les grandes pennes des ailes rousses , terminées del)lanc; les pennes de la queue noirâtres, treminées de roux clair; la gorge et la poitrine rousses, les couvertures inférieures de la queue roussâtres; le reste du dessous du corps blanc, même les plumes du bas de la jambe qui descendent sur le tarse ; le bec d'un brun verdâtre , les pieds verts. Ce coucou paroît un peu plus gros que le nôtre , et il a la queue plus longue à proportion ; il a aussi les ailes plus longues et la queue plus étagée que le grand coucou tacheté, avec lequel il a d'ailleurs assez de rapport. ni. LE COUCOU VERDATRE DE MADAGASCAR. Cuculus madagascariensis. L. La grande taille de cet oiseau, n^'SiS, est son at- tribut le plus remarquable. Il a tout le dessus du corps i. Ces auteurs disent expressément que jusque là on n'avoit jamai» \u de ces oiseaux dans les environs de Pise, et que depuis on n'y en a point revu. LE COUCOU VEKDATRE DE MADAGASCAR. ^53 olivâtre foncé, varié sourdement par des ondes d'un brun plus sombre; quelques unes des pennes laté- rales de la queue terminées de blanc; la gorge d'un olivâtre clair, nuancé de jaune ; la poitrine et le haut du ventre fauve; le bas-venire brun, ainsi que les couvertures inférieures de la cpieue; les jambes d'un gris vineux; l'iris orangé ; le bec noir; les pieds d'un brun jaunâtre ; le tarse non garni de plumes. Longueur totale, vingt-un pouces et demi; bec,, vingt-une à vingt-deux lignes; queue, dix pouces, composée de dix pennes étagées; dépasse les ailes, qui ne sont pas fort longues, de huit pouces et plus. Je trouve une note de M. Commerson sur un cou- cou du même pays, très ressemblant à celui-ci, et dont je me contenterai d'indiquer les différences. Il approche de la taille d'une poule , et pèse treize onces et den^ie. 11 a sur la tète un espace nu , sillonné légèrement, peint en bleu, et environné d'un cercle de plumes d'un beau noir; celles de la tôte et du cou douces et soyeuses; quelques barbes autour de la base du bec, dont le dedans est noir, ainsi que la langue ; celle-ci fourchue; l'iris rougeâtre; les cuisses et le côté intérieur des pennes de l'aile noirâtres; les pieds noirs. Longueur totale, vingt-un pouces trois quarts; bec, dix-neuf lignes, ses bords tranchants; les narines sem- blables à celles des gallinacés; l'extérieur des deux doigts postérieurs pouvant se tourner en avrmt comme en arrière (ce que j'ai déjà observé dans notre cou- cou d'Europe); vol, vingt-deux pouces ; dix-huit pen- nes à chaque aile. Tout ce que nous apprend M. Commerson sur les ^54 Llî coucou VEI^DATRE DE MADAGASCAR. mœurs de cet oiseau, c'est qu'il va de compagnie avec les autres coucous. 11 paroît que c'est une variété dans l'espèce du coucou verdâtre, et peut-être une variété de sexe : dans ce cas, je croirois que c'est le maie. IV. LE COUA. Gueulas cristatus. L. Je conserve à ce coucou , n" 689, où cet oiseau est représenté sous le nom de coucou huppé de Madagas- car^ le nom qui lui a été imposé par les habitants de Madagascar, sans doute d'après son cri, ou d'après quelque autre propriété. II a une huppe qui se ren- verse en arrière , et dont les plumes , ainsi que celles du reste de la tête et de tout le dessus du corps, sont d'un cendré verdâtre; la gorge et le devant du cou cendrés, la poitrine d'un rouge vineux; le reste du dessous du corps blanchâtre ; les jambes rayées pres- que imperceptiblement de cendré; ce qui paroît des pennes de la queue et des ailes, d'un vert clair, chan- geant en bleu et en violet éclatant, mais les pennes latérales de la queue terminées de blanc; l'iris orangé; le bec et les pieds noirs. Il est un peu plus gros que notre coucou, et proportionné différemment. Longueur totale, quatorze pouces; bec, treize li- gnes; tarse, dix-neuf lignes; les doigts aussi plus longs que dans notre coucou ; vol , dix-sept pouces ; queue, sept pouces, composée de pennes un peu étagées; dépasse les ailes de six pouces. M. Commerson a fait la description de ce coucou au mois de novembre, sur les lieux et d'après le vi-- LE COLA. ^vlo vant. Il ajoute qu'il porte sa queue divergeante , on plutôt épanouie; qu'il a le cou court; les ouvertures des narines obliques et à jour, la langue finissant en une pointe cartilagineuse . les joues nues , ridées, et de couleur bleue. La chair de cet oiseau est bonne à manger ; on le trouve dans les bois aux environs du Fort-Dauphin. V. LE IIOUIIOU D'EGYPTE^. Cucalus œgyptius. L. Ce coucou s'est noiiioié lui-môme ; car son cri est hoUj hou, répété plusieurs fois de suite sur un ton grave. On le voit fréquemment dans le Delta. Le mâle et la femelle se quittent rarement; mais il est encore plus rare qu'on en trouve plusieurs paires réunies. Ils sont acridophages dans toute la force du mot; car il paroît que les sauterelles sont leur principale nour- riture. Ils ne se posent jamais sur les grands arbres, encore moins à terre, mais sur les buissons, à portée de quelque eau courante. Ils ont deux caractères sin- guliers : le premier, c'est que toutes les plumes qui recouvrent la tête et \e cou sont épaisses et dures , tandis que celles du ventre et du croupion sont dou- ces et effilées; le second , c'est que l'ongle du doigt postérieur interne est long et droit comme celui de notre alouette. La femelle (car je n'ai aucun renseignement cer- tain sur le mâle) a la tête et le dessus du cou d'un vert 1. C'est le nom que les Arabes donnent au coucou d'Egypte d'après son cri ; ils l'écrivent heut, heut. 236 LE HOUHOU d'ÉGYPTE. obscur, avec des reflets d'acier poli ; les couverture;»; supérieures des ailes, d'un roux verdâtre; les pennes des ailes rousses, terminées de vert luisant, excepté les trois dernières qui sont entièrement de cette cou- leur, et les deux ou trois précédentes qui en sont mê- lées; le dos brun , avec des reflets verdâtres; le crou- pion brun, ainsi que les couvertures supérieures de la queue, dont les pennes sont d'un vert luisant, avec des reflets d'acier poli ; la gorge et tout le dessous du corps d'un bîanc roussâtre , plus clair sous le ventre que sur les parties antérieures et sur les flancs; l'iris d'un rouge vif; le bec noir, et les pieds noirâtres. Longueur totale, de quatorze pouces et demi à seize et demi; bec, seize à dix-sept lignes ; narines, trois lignes, fort étroites; tarse, vingt-une lignes; ongle postérieur interne, neuf à dix lignes; ailes , six à sept pouces; queue, huit pouces, composée de dix pennes étagées; dépasse les ailes de cinq pouces, M. de Sonnini, à qui je dois la connoissance de cet oiseau et tout ce que j'en ai dit, ajoute qu'il a la lan- gue large, légèrement découpée à sa pointe, l'estomac comme le coucou d'Europe; vingt pouces de tube intestinal, et deux cœcums, dont le plus court a un pouce. Après avoir comparé attentivement, et dans tous les détails, celte femelle avec l'oiseau représenté dans les planches enluminées, n° 824, sous le nom de cou- cou des Philippines j, je crois qu'on peut regarder ce- lui-ci comme le mTde , ou du moins comme une va- riété dans l'espèce. Il a la même taille, les mêmes dimensions relatives, le même éperon d'alouette, la même roideur dans les plumes de la tête et du cou , LE H OU ITOU d'Egypte. 237 la même queue etagée : seulement ses couleurs sont plus sombres ; car, à l'exception de ses ailes, qui sont rousses comme dans le houhou, tout le reste de son plumage est d'un noir lustré. L'oiseau décrit et repré- senté par M. Sonnerat dans son Voyage à la Nouvelle- Guinée j sous le nom de coucou vert d'Antigue^ res- semble tellement à celui dont Je viens de parler que ce que j'ai dit de l'un s'applique naturellement à l'au- tre. Il a la tête , le cou , la poitrine , et le ventre d'un vert obscur tirant sur le noir; les ailes d'un rouge bruQ foncé; l'ongle du doigt interne plus délié et peut-être un peu plus long; toutes ses plumes géné- ralement sont dures et roides ; les barbes en sont ef- filées, et cbacune est un nouveau tuyau qui porte d'autres barbes plus courtes. A la vérité, la queue ne paroît point étagée dans la figure; mais ce peut être june inadvertance. Ce coucou n'est guère moins gros que celui d'Europe. Enfin l'oiseau de Madagascar, appelé toiilou^ n° 295, fig. 1, a, avec la femelle du bouhou d'Egypte, les mêmes traits de ressemblance que j'ai remarqués dans le coucou des Philippines; son plumage est moins sombre, surtout dans la partie antérieure, où le noir est égayé par des taches d'un roux clair. Dans quel- ques individus, l'olivâtre prend la place du noir sur le corps, et il est semé de taches longitudinales blan- châtres , qui se retrouvent encore sur les ailes; ce qui me feroit croire que ce sont des jeunes de l'an- née, d'autant plus que, dans ce genre d'oiseaux, les couleurs du plumage changent beaucoup, comme on sait, à la première mue. 2ôS LE RUFALBIN. VI. LE RUFALBIN. Gueulas senegalensis. L. On verra facilement que !e nom que nous avons imposé à ce coucou du Sénégal , n° 552 , sous le nom de coucou du Sénégal ^ est relatif aux deux couleurs dominantes de son plumage, le roux et le blanc. Lors- qu'il est perché, sa queue, qu'il épanouit comme le coua en manière d'éventail , est presque toujours en mouvement. Son cri n'est autre chose qu'un bruit semblable à celui qu'on fait en rappelant de la langue une ou deux fois. Il a, comme les deux précédents, l'ongle du doigt postérieur interne droit allongé, fait comme l'éperon des alouettes; le dessus de la tète et du cou noirâtre; les côtés de chaque plume d'une couleur plus foncée, et néanmoins plus brillante ; les ailes, pennes, et couvertures rousses, celles-là un peu rembrunies vers le bout; le dos d'un roux très brun ; le croupion et les couvertures supérieures de la queue rayés transversalement de brun clair, sur un fond brun plus foncé; la gorge, le devant du cou , et tout le dessous du corps, d'un blanc sale, avec cette différence que les plumes de la gorge et du cou ont leur côte plus brillante , et que le reste du des- sous du corps est rayé transversalement et très fine- ment d'une couleur plus claire ; la queue noirâtre ; le bec noir, et les pieds gris brun. Son corps n'est guère plus gros que celui d'un merle; mais il a la queue beaucoup plus longue. Longueur totale , quinze à seize pouces ; bec , LE nUFALCIN. 2ÔÇ) quinze lignes; tarse, dix-neuf; ongle du doigt pos- térieur interne, cinq lignes et plus; vol. an pied sept à huit pouces; queue, huit pouces, composée de dix pennes étagées; dépasse les ailes d'environ quatre pouces, VII. LE BOUTSALLICK. Cuculus scolopaceus. L. M. Edwards vojoit tant de traits de ressemblance entre ce coucou de Bengale et celui d'Europe , qu'il a cru devoir indiquer spécialement les traits de dis- parité qui en font, à son avis, une espèce distincte. Voici ces difTérences, indépendamment de celles du plumage, qui sautent aux yeux, et que l'on pourra toujours reconnoître par la comparaison des figures ou des descriptions. Il est plus petit d'un bon tiers , quoique de forme plus allongée , et que son corps , mesuré entre le bec et la queue, ait un demi-pouce de plus que celui du coucou ordinaire; avec cela il a la tête plus grosse, les ailes plus courtes , et la queue plus longue à pro- portion. Le brwn est la couleur dominante du boutsallick , plus foncée et tachetée d'un brun plus clair sur la par- tie supérieure, moins foncée et tachetée de blanc, d'orangé, et de noir, sur la partie inférieure; ?es ta- ches de brun clair ou royssatre forment, par leurs dis- positions sur les pennes de la queue et des ailes, une rayure transversale un peu inclinée vers la pointe des pennes; le bec et les pieds sont jaunâtres. 24o LE BOTJTSALLICK. Longueur totale, treize à quatorze pouces; bec, douze à treize lignes ; tarse, onze à douze; queue, environ sept pouces, composée de dix pennes éta- gées ; dépasse les ailes de près de cinq pouces. VIII. LE COUCOU VARIÉ DE MINDANAO. , Cuculus miiidanensis. L. Cet oiseau est en effet tellement varié, qu'au pre- mier coup d'œil on pourroit prendre son portrait co- lorié fidèlement, mais dessiné sur une échelle plus petite, pour celui d'un jeune coucou d'Europe. Il a la gorge, la tête, le cou, et tout le dessus du corps, tachetés de blanc ou de roux plus ou moins clair, sur un fond brun, qui lui-même est variable, et tire au vert doré plus ou moins brillant sur toute la partie supérieure du corps , compris les ailes et la queue ; mais les taches changent de disposition sur les pennes des ailes, où elles forment des raies transversales d'un blanc pur à l'extérieur et teinté de roux à l'intérieur, et sur les pennes de la queue , où elles forment des raies transversales de couleur roussâtre ; la poitrine et tout le dessous du corps jusqu'à l'extrémité des couvertures inférieures de la queue sont blancs , rayés transversalement de noirâtre; le bec est aussi noirâtre dessus, mais roussâtre dessous, et les pieds gris brun. Ce coucou, n** 23^7, se trouve aux Philippines; il est beaucoup plus gros que celui de noire Europe. Longueur totale, quatorze pouces et demi; bec, quinze lignes; tarse, quinze lignes; le plus long doigt, LE COUCOU VARIÉ DE MINDANAO. 2^1 dix-sept lignes; le plus court, sept lignes; vol, dix- neuf pouces et demi; queue, sept pouces, composée de dix pennes à peu près égales ; dépasse les ailes de quatre pouces et demi. IX. LE CUIL. Cuculus honoratus, L. Tel est le nom que les habitants de Malabar don- nent à cet oiseau, n° 294, et qui doit être adopté par toutes les autres nations, pour peu que l'on veuille s'entendre. C'est une espèce nouvelle que l'on doit à M. Poivre, et qui diffère de la précédente, non seu- lement par sa taille plus petite , mais par son bec plus court, et par sa queue, dont les pennes sont fort inégales entre elles. Il a la tête et tout le dessus du corps d'un cendré noirâtre, tacheté de blanc avec régularité ; la gorge et tout le dessous du corps blancs, rayés transversale- ment de cendré ; les pennes des ailes noirâtres; celles de la queue cendrées, rayées les unes et les autres de blanc; l'iris orangé clair; le bec et les pieds d'un cendré peu foncé. Le cuil est un peu moins gros que le coucou ordi- naire : il est en vénération sur la côte de Malabar, sans doute parce qu'il se nourrit d'insectes nuisibles. La superstition en général est toujours une erreur : mais les superstitions particulières ont quelquefois un fondement raisonnable. Longueur totale, onze pouces et demi; bec, onze lignes; tarse, dix; queue, cinq pouces et demi , com- 1>1{2 LE CUIL. posée de dix pennes étagées, la paire extérieure n'é- tant guère que la moitié de la paire intermédiaire; dépasse les ailes de trois pouces et demi. LE COUCOU BRUN VARIÉ DE NOIR. Ciiculns tahitius. L. Tout ce qu'on sait de ce coucou , au delà de ce qu'annonce sa dénomination , c'est qu'il a une longue queue, et qu'il se trouve dans les îles de la Société * , où cet oiseau est connu sous le nom d'ara wereroa. La relation du second voyage du capitaine Cook est le seul ouvrage oia il en soit fait mention, et c'est celui d où nous avons tiré cette courte notice , em- ployée ici uniquement pour engager les navigateurs qui aiment l'histoire naturelle à se procurer des con- noissances plus détaillées sur cette espèce nouvelle, et en général sur tous les animaux étrangers. XI. LE COUCOU BRUN PIQUETÉ DE ROUX. Cucatus punctatus. L. On le trouve aux Indes orientales et jusqu'aux Phi- lippines. Il a la tête et tout le dessus du corps pique- tés de roux sur un fond brun ; mais les pennes des ailes et de la queue , et les couvertures supérieures de celles-ci, rayées transversalement, au lieu d'être piquetées; toutes les pennes de la queue terminées 1. Ou sait que ces îles sont situées dans les mêmes mers que l'ile de Taïti. LE COUCOU BRUN PIQUETÉ DE ROUX. ^[^S de ronx clair; la gorge et tout le dessous du corps rayes transversalement de brun noirâtre sur un fond roux; une tache oblongue d'un roux clair sous les yeux; l'iris d'un roux jaunâtre; le bec couleur de corne, et les pieds gris brun. La femelle a le dessus de la tête et du cou moins piqueté, et le dessous du corps d'un roux plus clair. Ce coucou, n° 771, est beaucoup plus gros que celui de nos contrées, et presque égal à un pigeon romain. Longueur totale, seize à dix-sept pouces; bec, dix-sept lignes; tarse, de même; vol, vingt-trois pou- . ces ; queue, huit pouces et demi, composée de dix pennes étagées; dépasse les ailes de quatre pouces un tiers. L'individu décrit par M. Sonnerat n'avoit point la tache rousse sous les yeux ; et ce qui est un trait plus considérable de disparité, les pennes de sa queue étoient égales entre elles , comme dans le coucou ta- cheté de la Chine ; en sorte que l'on doit peut-être ne rapporter cet individu à l'espèce dont il s'agit ici que comme une variété. XI]. LE COUCOU TACHETÉ DE LA CHINE *. Cuculus maculatus. L. Nous ne connoissons de cet oiseeau , n° 764 , que la forme extérieure et le plumage. Il est du petit nom- 1. C'est le nom que M. Mandait a imposé à cette espèce nouvelle, dont il m'a donné communication, ainsi que de tous les morceaux de son beau cabinet, dont j'ai eu besoin, avec un empressement et une ^44 I-E coucou TACHETÉ DE LA CHINE. bre des coucous dont la queue n'est point étagée. Il a le dessus de la tête et du cou d'un noirâtre uni- forme, à quelques taches blanchâtres près qui se trouvent au dessus des yeux et en avant; tout le des- sus du corps, compris les pennes des ailes et leurs couvertures, d'un gris foncé verdâlre, varié de blanc I et enrichi de reflets doré brun ; les pennes de la queue rayées des mêmes couleurs ; la gorge et la j poitrine variées assez régulièrement de brun et de 1 blanc; le reste du dessous du corps et les jambes rayés de ces mêmes couleurs, ainsi que les plumes qui tombent du bas de la Jambe sur le tarse et jus- qu'à l'origine des doigts; le bec noirâtre dessus, jaune dessous, et les pieds jaunâtres. Longueur totale, environ quatorze pouces; bec, dix-sept lignes; tarse, un pouce; queue, six pouces et demi, composée de dix pennes a peu près égales entre elles; dépasse les ailes de quatre pouces et demi. XIII. LE COUCOU BRUN ET JAUNE A VENTRE RAYÉ. Cucuiiis radiatus. h. 1 Il a la gorge et les côtés de la tête couleur de lie ' de vin; le dessus de la tête gris noirâtre ; le dos et les ailes brun noir terne ; le dessous des pennes des ailes voisines du corps marqué de taches blanches ; la queue noire , rayée et terminée de blanc ; la poi- fraiichise qui font autant d'honneur à son c.traclère qu'à son zèle pour le progrès desconnoissances. LE GOUCOÎ BPvinX ET JAUNE. '^45 trine d'un jaune d'orpin terne; le ventre jaune clair; le ventre et la poitrine rayés de noir; l'iris oranii^é pâle; le bec noir, et les pieds rougeâtres. Ce coucou se trouve à l'île de Panay, l'une des Philippines ; il est presque de la grosseur du noire ; sa queue est composée de dix pennes égales. X 1 V . LE JACOBIJN HUPPÉ DE COROMANDEL *. Cuculus melanoleucos. L. On comprend bien que ce coucou est ainsi appelé , parce qu'il est noir dessus et blanc dessous. Sa huppe, composée de plusieurs plumes longues et étroites, est couchée sur le sommet de la tête et déborde un peu en arrière : mais . à vrai dire, ces sortes de hup- pes, tant qu'elles restent couchées, ne sont que des huppes possibles; pour qu'elles méritent leur nom, il faut qu'elles se relèvent, et il est à présumer que l'oiseau dont il s'agit ici relève la sienne lorsqu'il est remué par quelque passion. A l'égard des couleurs de son plumage, on diroit qu'il a jeté une espèce de cape noire sur une tunique blanche : le blanc de la partie inférieure est pur et sans aucun mélange ; mais le noir de la partie supé- rieure est interrompu sur le bord de l'aile par une tache blawche immédiatement au dessus des couver- tures supérieures, et par des taches de même couleur qui terminent les pennes de la queue; le bec et les pieds sont noirs. i. Cette espèce et sa variété, qui sont laults deux nouvolk'S, ont été envoyées par M. Sonnerai. BUFFOIV. XXIV. 16 '2^\6 LE JACOBIN HUPPÉ hE CO R OM A N DEL. Cet oiseau, ii" 872, se trouve sur la côte de Coro- mandel ; il a onze pouces de longueur totale ; sa queue est composée de dix pennes étagées, et dépasse les ailes de la moitié de sa longueur. Il y a au Cabinet du R.oi un coucou venant du cap de Bonne-Espérance, assez ressemblant à celui-ci, et qui n'en diffère qu'en ce qu'il a un pouce de plus de longueur totale , qu'il est tout noir tant dessus que dessous, à l'exception de la tache blanche *de l'aile, laquelle se trouve exactement à sa place , et que , des dix pennes intermédiaires de la queue , huit ne sont presque point étagées , la seule paire extérieure étant plus courte que les autres de dix-huit lignes. C'est probablement une variété de climat, XV. LE PETIT COUCOU A TÊTE GUISE ET VENTfiE JAUNE. Cuculus flavus. L. Cette espèce se trouve dans l'île de Panay, et c'est M. Sonnera t qui l'a fait connoître : elle a le dessus de la tête et la gorge d'un gris clair; le dessus du cou, du dos, et des ailes, couleur de terre d'ombre, c'est-à- dire brun clair; le ventre , les jambes, et les couver- tures inférieures de la queue, d'un jaune pâle, teinté de roux; la queue noire, rayée de blanc; les pieds jaune pâle; le bec aussi , mais noirâtre à la pointe. Cet oiseau est de la grosseur d'un merle , moins corsé, mais beaucoup plus allongé : sa longueur to- tale est de huit pouces et quelques lignes ; et sa LE PETIT COUCOU A lÊTE CRISE, elc. 'jJiJ queue, qui est étagée, fait plus de la moitié de cette longueur. XVI. LES COUKEELS. Je trouve dans les ornithologies trois oiseaux de différentes tailles, dont on a fait trois espèces diffé- rentes, mais qui m'ont paru si ressemblants entre eux par le plumage, que j'ai cru devoir les rapporter à la même espèce comme variétés de grandeur, d'autant plus que tous trois appartiennent aux contrées orien- tales de l'Asie; et, par les mêmes raisons, j'ai cru pouvoir leur appliquer à tous le nom de coukecl^ nom sous lequel le plus petit des Irois est connu au Ben- gale. M. Edwards juge, d'après la ressemblance des noms , que le cri du conkeel de Bengale doit avoir du rapport avec celui du coucou d'Europe. Le premier et le plus grand de ces trois coukeels approche fort de la grosseur d'un pigeon. Son plu- mage est partout d'un noir brillant, changeant en vert, et aussi en violet, mais sous les pennes de la queue seulement; le dessous et le côté intérieur des pennes de l'aile est noir; le bec et les pieds sont gris brun , et les ongles noirâtres. Le second vien4 de Mindanoa, et n'est guèie moins gros que notre coucou; il tient le milieu , pour la taille, entre Je précédent et le suivant. Tout son plu- mage est d'un noirâtre tirant au bleu ; il a le bec noir à la base , jaunâtre à la pointe ; la première des pennes de l'aile presque une fois plus courte que la troi- sième , qui est Tune des plus longues. Il porte ordi- nairement sa queue épanouie. ^4^ LES COUKJ'ELS. Le troisième et ie plus petit de tous [CucuUis ni- ger. L. ) a à peu près la taille du merle. 11 est noir partout comme les deux premiers, sans mélange d'au- cune autre couleur fixe ; mais , suivant les différents degrés d'incidence de la Iqmière, son plumage réflé- chit toutes les nuances mobiles et fu2;itives de l'arc- en-ciel : c'est ainsi que l'a vu M. Edwards, qui est ici l'auteur original ; et je ne sais pourquoi M. Brisson ne parle que du vert et du violet. Ce coucou a, comme lepremier, le côté intérieur et le dessous des pennes de l'aile noirs; le bec d'un orangé vif, un peu plus court et plus gros qu'il n'est dans le coucou d'Europe; le tarse gros et coiu't , et d'un brun rougeâtre , ainsi que les doigts. Il faut remarquer que c'est à cet oiseau qu'appar- tient proprement le nom de coukeel^ qui lui a été donné au Bengale , et que les conséquences que l'on a tirées de la similitude des noms à la ressemblance des voix sont plus concluantes pour lui que pour les deux autres ; il a les bords du bec supérieur non pas droits, mais oiidés. Yoici les dimensions comparées de ces trois oi- seaux, qui ont tous la queue composée de dix pennes étagées. PREAIIER COLKEEL. SECOND. TROISIEME. pouces. lign. pouces, lign. poures. lign. Longueur totale. . 16 o i4 o 90 Bec o 1.5 o :5 o 10 Tarse o 17 o 7 Vol 23 o 16 o ailes assez longues. Queue 8 o 7^ 4 3 Dépasse les a'ies de. f\ o 5 6 29 LE COUCOU VEPiT-DORE ET BLANC. 249 X V 1 1. LE coucou VERT-DORÉ ET BLAlNC. Cuculus auraius. L. Tout ce qu'on nous apprend de cet oiseau, c'est qu'il se trouve au cap de Bonne-Espérance, et qu'i*l porte sa queue épanouie en manière d'éventail; c'est une espèce nouvelle. Il a toute la partie supérieure , depuis la base du bec jusqu'au bout de la queue, d'un vert doré clian- i];eant, très riche, et dont l'uniformité est égayée sur la tête par cinq bandes blanches, une au milieu du synciput, deux autres au dessus des yeux en forme de sourcils qui se prolongent en arrière , enfin deux autres plus étroites et plus courtes au dessous des yeux : il a en outre la plupart des couvertures supé- rieures et des pennes moyennes des ailes, toutes les pennes de la queue et ses deux plus grandes couver- tures supérieures, terminées de blanc; les deux paires les plus extérieures des pennes de la queue, et la plus extérieure des ailes, mouchetées de blanc sur leur côté extérieur; la gorge blanche, ainsi que tout le dessous du corps , à l'exception de quelques raies vertes sur les flancs et les manchettes , qui , du bas de la jambe , tombent sur le tarse ; le bec vert-brun, et les pieds gris. Ce coucou , n° 667, est à peu près de la grosseur d'une grive. Longueur totale, environ sept pouces ; bec , sept à huit lignes ; tarse de même , garni de plu- mes blanches , jusque vers le milieu de sa longueur ; queue, trois pouces quelques lignes, composée de 2^0 LE COUCOU VERT-DORK ET BLANC. dix pennes étagées , et qui, dans leur état naturel, sont divergentes; dépasse de quinze lignes seulement les ailes, qui sont fort longues à proportion. XVIII. LE COUCOU A LONGS BRINS. Cuculus paradisœus. L. Tout est vert , et d'uu vert obscur, dans cet oiseau , la tête , le corps , les ailes et la queue : cependant la nature ne l'a point négligé; elle semble au contraire avoir pris plaisir à le décorer par un luxe de plumes qui n'est point ordinaire : indépendamment d'une huppe dont elle a orné sa tête , elle lui a donné une queue d'une forme remarquable ; la paire des pennes extérieures est plus longue que toutes les autres de près de six pouces , et ces deux pennes , ou plutôt ces deux brins, n'ont de barbe que vers leur extré- mité, sur une longueur d'environ trois pouces. Ce sont ces deux longs brins qui ont autorisé M. Linnaeus à appliquer à cet oiseau le nom de coucou de Paradis : par la même raison on auroit pu lui appli,quer et aux deux suivants la dénomination générique de coucou veuve. Il a l'iris d'un beau bleu, le bec noirâtre, et les pieds gris. On le trouve à Siam, où M. Poivre l'a observé vivant : sa taille est à peu près celle du geai. Longueur totale, dix-sept pouces; bec, quatorze lignes; tarse, dix; queue, dix pouces neuf lignes, plutôt fourchue qu'étagée; dépasse les ailes d'environ neuf pouces. r.E r.OLCOu huppe a collier. 201 XIX. LE COUCOU HUPPÉ A COLLIER. Cuculus coromandus. L. Voici encore un coucou décoré d une huppe , et remarquable par la longueur des deux pennes de sa queue ; mais ici ce sont les pennes intermédiaires qui surpassent les latérales, comme cela a lieu dans la queue de quelques espèces de veuves. Il a toute la partie supérieure noirâtre, depuis et compris la tête jusqu'au bout de la queue , à l'excep- tion d'un collier blanc qui embrasse le cou, et de deux taches rondes d'un gris clair qu'il a derrière les yeux , une de chaque côté , et qui représentent , en quelque manière, deux pendants d'oreille : il faut en- core excepter \q^ ailes , dont les pennes et les couver- tures moyennes sont variées de roux et de noirâtre , ainsi que les scapulaires, et dont les grandes pennes et les couvertures sont tout-à-fait rousses; la gorge et les jambes sont noirâtres; tout le reste du dessous du corps blanc; l'iris jaunâtre; le bec cendré foncé; les pieds cendrés aussi, mais plus clairs. On trouve ce coucou , n° 274. fig- 2 , sur la côte de Coromandel : sa grosseur est à peu près celle du mauvis. Longueur totale, douze pouces un quart; bec, onze lignes; tarse, dix; ailes courtes; queue, six pouces trois quarts, composée de dix pennes, les deux in- termédiaires beaucoup plus longues que les latérales, celles-ci étagées; dépasse les ailes de cinq pouces et demi. '2^i'2 LE SAN-iHA DK LA CIIÏNE, XX. LE SAN-HIA DE LA CHI]NE. Cuculus sinensts. L. Ce coucou ressemble à l'espèce précédente, et con- séqueminent aux veuves par la longueur des deux pennes intermédiaires de sa queue. Son plumage est très distingué , quoiqu'il n'y entre que deux couleurs principales ; le bleu plus ou moins éclatant règne en général sur la partie supérieure, et le blanc de neige sur la partie inférieure : mais il semble que la nature , toujours heureuse dans ses négligences, ait laissé tomber de sa palette quelques gouttes de ce blanc de neige sur le sommet de la tête, où il a formé une plaque dans laquelle le bleu perce par une infinité de points; sur les joues un peu en arrière, où il repré- sente deux espèces de pendants d'oreille , semblables à ceux de l'espèce précédente; sur les pennes et les couvertures de la queue, qu'il a marquées chacune d'un œil blanc près de leur extrémité; de plus, il pa- roît s'être fondu avec l'azur du croupion et de la base des grandes pennes de l'aile, dont il a rendu la teinte beaucoup plus claire; tout cela est relevé par la cou- leur sombre et noirâtre de la gorge et des côtés de la tête; enfin la belle couleur rouge de l'iris, du bec et des pieds, ajoute les derniers traits à la parure de l'oiseau. Longueur totale , treize pouces ; bec, onze lignes, quelques barbes autour de sa base supérieure; tarse, dix lignes et demie; queue, sept pouces et demi, composée de dix pennes fort inégales ; les deux in- termédiaires dépassent les deux latérales qui les sui- LE SAi\-IIIA DE LA CHINE. 2,55 vent immédiatement, de trois ponces un quart, les plus extérieures de cinq pouces trois lignes, et les ailes de presque toute leur longueur. XXI. LE TAIT- SOU. Cuculus cœruleus. L. Selon ma coutume , je conserve à cet oiseau son nom sauvage, qui est ordinairement le meilleur et le plus caractéristique. Le tait-sou, n** 296, fig. 2, ainsi appelé à Mada- gascar, son pays natal , a tout le plumage d'un beau bleu , et cette belle uniformité est encore relevée par des nuances très éclatantes de violet et de vert que réfléchissent les pennes des ailes, et par des nuances de violet pur, sans la plus légère teinte de vert, que réfléchissent les pennes de la queue ; enfin la couleur noire des pieds et du bec fait une petite ombre à ce petit tableau. Longueur totale, dix-sept pouces; bec, seize lignes; tarse , deux pouces; vol , près de vingt pouces; queue, neuf pouces, composée de dix pennes, dont les deux intermédiaires sont un peu plus longues que les laté- rales; dépasse les ailes de six pouces. XXII. LE COUCOU IJNDICATEUR. Cucuius indicator. L. C'est dans l'intérieur de l'Afrique^ à quelque dis- tance du cap de Bonne-Kspérance, qsie se trouve cet 254 ^'^ COL COI] INDICATEUR. oiseau , connu par son singulier instinct d'indiquer les nids des abeilles sauvaûres. Le matin et le soir sont les deux temps de la journée où il fait entendre son cri, durs, ckirs^, qui est fort aigu, et semble appe- ler les chasseurs et autres personnes qui cherchent le miel dans le désert ; ceux-ci lui répondent d'un ton plus grave , en s'approchant toujours : dès qu'il les aperçoit, il va planer sur l'arbre creux où il connoît une ruche; et si les chasseurs tardent à s'y rendre, il redouble ses cris, vient au devant d'eux, retourne à son arbre , sur lequel il s'arrête et voltige , et qu'il leur indique d'une manière très marquée ; il n'oublie rien pour les exciter à profiter du petit trésor qu'il a découvert, et dont il ne peut apparemment jouir qu'avec l'aide de l'homme , soit parce que l'entrée de la ruche est trop étroite, soit par d'autres circon- stances que le reiateur ne nous apprend pas. Tandis qu'on travaille à se saisir du miel , il se tient dans quelque buisson peu éloigné, observant avec intérêt ce qui se passe , et attendant sa part du butin , qu'on ne manque jamais de lui laisser , mais point assez considérable , comme on pense bien , pour le rassa- sier, et par conséquent risquer d'éteindre ou d'affoi- blir son ardeur pour cette espèce de chasse. Ce n'est point ici un conte de voyageur, c'est l'obser- vation d'un homme éclairé qui a assisté à la destruction de plusieurs répubhques d'abeilles trahies par ce petit T. Selon d'autres voyageurs, le cri de cet oiseau est wîeki, xviekl; et ce mot wieki signifie miel dans la langue hotteatote. Quelquefois il est arrivé que le chasseur, allant à la voix de ce coucou , a été dévoré par les bêtes féroces; et on n'a pas manqué de dire que l'oiseau s'en- k'udoit avec elles pour leur livirr leur proie. LE COUCOU INDICATEIII. ^55 espion, et qui rend compte de ce qu'il a va à la so- ciété royale de Londres. Voici la description qu'il a faite de la femelle, sur les deux seuls individus qu'il a pu se procurer, et qu'il avoit tués, au grand scandale des Hottentots; car dans tout pays l'existence d'un être utile est une existence précieuse. Il a le dessus de la tête gris; la gorge , le devant du cou, et la poitrine blanchâtres, avec une teinte de vert qui va s'afloiblissant et n'est presque plus sensi- ble sur la poitrine; le ventre blanc; les cuisses de même , marquées d'une tache noire oblongue; le dos et le croupion d'un gris roussatre ; les couvertures su- périeures des ailes gris briin ; les plus voisines du corps marquées d'une tache jaune , qui , à cause de sa si- tuation , se trouve souvent cachée sous les plumes scapulaires; les pennes des ailes brunes; les deux pennes intermédiaires de la queue plus longues, plus étroites que les autres, d'un brun tirant à la couleur de rouille; les deux paires suivantes noirâtres, avant le côté intérieur blanc sale; les suivantes blanches, terminées de brun , marquées d'une tache noire près de leur base, excepté la dernière paire où cette tache se réduit presque à rien ; l'iris gris roussatre; les pau- pières noires; le bec brun à sa base, jaune au bout, et les pieds noirs. Longueur totale, six pouces et demi; bec, environ six lignes, quelques barbes autour de la base du bec inférieur; narines oblongues, ayant un rebord sail- lant, situées près de la base du bec supérieur, et sé- parées seulement par son arête; tarses courts; ongles foibles; queue étagée, composée de douze pennes; dépasse les ailes des trois quarts de sa longueur. 2DO LE VOUROU-DRIOU. XXIII. LE VOUROU-DRIOU. CucuLus afer. L. Cette espèce et la précédente diffèrent de toutes les autres par le nombre des pennes de la queue; elles en ont douze, au lieu que les autres n'en ont que dix. Les différences propres au vonrou-driou consistent dans la forme de son bec plus long, plus droit, et moins convexe en dessus; dans la position de ses narines, qui sont oV)longues, situées oblique- ment vers le milieu de la longueur du bec; et dans un autre attribut qui lui est coma)un avec les oiseaux de proie , c'est que la femelle de cette espèce est plus grande que son mâle, et d'un plumage fort dif- férent. Cet oiseau se trouve dans l'île de IMadagascar, et sans doute dans la partie correspondante de l'A- frique. Le mâle, n** 687, a le sommet de la tête noirâtre avec des reflets verts et couleur de cuivre de rosette ; un trait noir si'tué obliquement entre le bec et l'œil ; le reste de la tête, la gorge, et le cou, cendrés; la poitrine et tout le reste du dessous du corps, cVun joli gris blanc; le dessus du corps, jusqu'au bout de la queue, d'un vert changeant en couleur de cuivre de rosette; les pennes moyennes de l'aile à peu près de môme couleur; les grandes, noirâtres tirant sur le vert ; le bec brun foncé , et les pieds rougeâtres. La femelle , n° 588 , est si différente du mâle , que les habitants de Madagascar lui ont donné un nom différent; elle s'appelle cromh en langue du pays. LE VOUUOU-DRIOU. 257 Elle a la tète, la gorge, el le dessus dii cou, rayés transversalement de brun et de roux ; le dos , le crou- pion , et les couv^ertures supérieures de la queue, d'un brun uniforme; les petites couvertures supé- rieures des ailes brunes , terminées de roux; les gran- des vert obscur, bordées et terminées de roux; les pennes de l'aile comme dans le mâle, excepté que les moyennes sont bordées de roux; le devant du cou et tout le reste du dessus du corps, roux clair, varié de noirâtre; les pennes de la queue d'un brun lus- tré , terminées de roux ; le bec et les pieds à peu près comme le mâle. Voici leurs dimensions comparées : LE MALli. LA FEMELLE. pouces, lifîii. poiiCfs. lign. Lougut'ur lolale i5 o ly 6 Bec '2. o 2 4 Tarse i 5 i 5 Vol '2 5 8 29 4 Queue 70 7 y Dépasse les ailes de 2 4 2 7 258 LE COU COU DIT LE VIEILLARD. OISEAUX D'AMÉRIQUE OUI ONT RAPPORT AU COUCOU. I. LE COUCOU DIT LE VIEILLARD, ou l'oiseau de PLUIE. Caculus ptuvialis. L. On donne à cet oiseau le nom de vieillard^ parce qii'i] a sous la gorge une espèce de duvet blanc, ou plutôt de barbe blanche, attribut de la vieillesse. On lui donne encore le nom (ïoiseau de ptuie^ parce qu'il ne fait jamais plus retentir les bois de ses cris que lorsqu'il doit pleuvoir. II se tient toute l'année à la Jamaïque , non seulement dans les bois, mais partout où il y a des buissons , et il se laisse approcher de fort près par les chasseurs avant de prendre son essor. Les graines et les vermisseaux sont sa nourriture ordi- naire. Il a le dessus de la tête couvert de plumes duve- tées et soyeuses, d'un brun foncé ; le reste du dessus du corps, compris les ailes et les deux intermédiaires de la queue, cendré olivâtre ; la gorge blanche , ainsi que le devant du cou; la poitrine et le reste du des- sous du corps roux; toutes les pennes latérales de la queue noires, terminées de blanc, et la plus exié- LE COUCOU DIT LE VJElhLAKl). 2V>Ç) rieure l)ordée de même ; le bec supérieur noir, l'in- térieur presque blanc ; ses pieds d'un noir bleuâtre. Sa taille est un peu au dessus de celle du merle. L'estomac de celui qu'a disséqué M. Sloane étoii très grand proportionnellement à la taille de l'oiseau , ce qui est un trait de conformité avec l'espèce euro- péenne ; il étoit doublé d'une membrane fort épaisse ; les intestins étoient roulés circulairement comme le cable d'un vaisseau , et recouverts par une quantité de graisse jaune. Longueur totale, de quinze pouces à seize trois quarts; bec, un pouce; tarse, treize lignes; vol, comme la longueur totale ; (jiiene , fie sept pouces et demi à huit et demi , composée de dix pennes éta- pes; dépasse les ailes de presque toute sa longueur. f> Espèces voisines du f^'ieillard_, nu Oiseau de pluie. I. LE VIEILLARD A AILES ROUSSES. Cuculiis americantis. L. Il a les mêmes couleurs sur les parties supérieures et sur la queue ; presque les mêmes sur le bec : mais le blanc du dessous du corps, qui, dans l'oiseau de pluie, ne s'étend que sur la gorge et la poitrine, s'é- tend ici S011S toute la partie inférieure; de plus, les ailes ont du roussâtre, et sont plus longues à pro- portion. Enfin , la queue est plus courte et conformée différenunent, comme on le verra plus bas à l'article des mesures. Ce coucou, n° 816. eo*e*»»^&»*e*9o*««:»»o»e«>8«6 LES ANIS. >«^9< Ani est le nom que les naturels du Brésil donnent à cet oiseau , et nous le lui conservons, quoique nos voyageurs françois et nos nomenclateurs modernes l'aient appelé bout de petun ou bout de tabac ^ nom ridicule , et qui n'a pu être imaginé que par la res- semblance de son plumage ( qui est d'un noir brunâ- tre ) à la couleur d'une carotte de tabac ; car ce que dit le P. Du Tertre , que son ramage prononce pctk LES ANIS. 270 bout de petiin ^ n'est ni vrai ni probable . d'autant que les créoles de Cayenne lui ont donné une déno- mination plus appropriée à son ramage ordinaire , en l'appelant bouilleur de canari^ ce qui veut dire qu'il irnite le bruit que fait l'eau bouillante dans une marmite ; et c'est en effet son vrai ramage ou ga- zouillis, très différent, comme l'on voit , de l'expres- sion de la parole que lui suppose le P. Du Tertre. On lui a aussi donné le nom d'oiseau diable j, et Ton a rûôme appelé l'une des espèces diable des savanes^ et l'autre diable des palétuviers^ parce qu'en effet les uns se tiennent constamment dans les savanes , et les autres fréquentent les bords de la mer et des marais d'eau salée , où croissent les palétuviers. Leurs caractères génériques sont d'avoir deux doigts en avant et deux en arrière ; le bec court, cro- chu, plus épais que large , dont la mandibule infé- rieure est droite , et la supérieure élevée en demi- cercle à son origine ; et cette convexité remarquable s'étend sur toute la partie supérieure du bec, jus- qu'à peu de distance de son extrémité, qui est cro- chue : cette convexité est comprimée sur les côtés , et forme une espèce d'arête presque tranckante tout le long du sommet de la mandibule supérieure ; au dessus et tout autour s'élèvent de petites plumes effilées, aussi roides que des soies de cochon, longues d'un demi-pouce, et qui toutes se dirigent en avant. Cette conformation singulière du bec suffît pour qu'on puisse reconnoîtreces oiseaux, etparoît exiger qu'on en fasse un genre particulier, qui néanmoins n'est com- posé que de deux espèces. 2n[\ l'ani des savanes. a<8iaiei6'8<^o<»a »a»o. L'ANI DES SAVANES. PREMIÈRE ESPÈCE. Crotophaga ani, L. CEiani, n° 102, fig. 2, est de la grosseur d'un merle; mais sa grande queue lui donne une forme allongée : elle a sept pouces ; ce qui fait plus de la moitié de la longueur totale de l'oiseau , qui nen a que treize et demi. Le bec , long de treize lignes, a neuf lignes et demie de hauteur; il est noir, ainsi que les pieds, qui ont dix-sept lignes de hauteur. La de- scription des couleurs sera courte ; c'est un noir à peine nuancé de quelques reflets violets sur tout le corps, à l'exception d'une petite lisière d'un vert foncé et luisant qui borde les plumes du dessus du dos et des couvertures des ailes, et qu'on n'aperçoit pas à une certaine distance, car ces oiseaux paroissent tout noirs. La femelle ne diffère pas du mâle. Ils vont constamment par bandes, et sont d'un naturel si so- ciable, qu'ils demeurent et pondent plusieurs ensem- ble dans le même nid: ils contruisent ce nid avec des bûchettes sèches, sans le garnir; mais ils le font ex- trêmement large, souvent d'un pied de diamètre; ou prétend mèrae qu'ils en proportionnent la capacité au nombre de camarades qu'ils veulent y admettre. Les femelles couvent en société; on en a souvent vu cinq ou six dans le même nid. Cet instinct, dont l'effet PI 197 Tome a 4- -V ^^^^ -w m 1 > iL s^^r^ ^ ^^ Ik î^ 1 ^^^ ^ lanouet.scxilp 1 , Ij 'A-NI des savane S— 2,1^ KUPPE l'ani des savanes. 275 seroit fort utile à ces oiseaux dans les climats froids , paroît au moins superflu dans les pays méridionaux , où il n'est pas à craindre que la chaleur du nid ne se conserve pas : cela vient donc uniquement de l'im- pulsion de leur naturel sociable ; car ils sont tou- jours ensemble, soit en volant, soit en se repo- sant, et ils se tiennent sur les branches des arbres tout le plus près qu'il leur est possible les uns des autres. Ils ramagent aussi tous ensem.ble , presque à toutes les heures du jour ; et leurs moindres trou- pes sont de huit ou dix , et quelquefois de vingt- cinq ou trente. Ils ont le vol court et peu élevé : aussi se posent-ils plus souvent sur les buissons et dans les halliers que sur les grands arbres. Ils ne sont ni crain- tifs ni farouches, et ne fuient jamais bien loin. Le bruit des armes à feu ne les épouvante guère, il est aisé d'en tirer plusieurs de suite : mais on ne les recherche pas, parce que leur chair ne peut se man- ger, et qu'ils ont même une mauvaise odeur lors- qu'ils sont vivants. Ils se nourrissent de graines et aussi de petits serpents, lézards, et autres reptiles; ils se posent aussi sur les bœufs et sur les vaches pour manger les tiques, les vers, et les insectes nichés dans le poil de ces animaux. ■6 l'ani des palétuviers. i*««S«A«itt'e«Ci«iteit L'ANI DES PALETUVIERS*. SECONDE ESPÈCE. Crotophaga major, L. Cet oiseau, ii° 102, fig. 1, est plus grand que le précédent, et à peu près de la grosseur d'un geai ; il a dix-huit pouces de longueur en y comprenant celle de la queue, qui en fait plus de moitié. Son plumage est à peu près de la même couleur, noir brunâtre , que celui du premier : seulement il est un peu plus varié par la bordure de vert brillant qui termine les plumes du dos et des couvertures des ailes ; en sorte que , si l'on en jugeoit par ces différences de gran- deurs et de couleurs, on pourroit regarder ces deux oiseaux comme des variétés de la même espèce. Mais la preuve qu'ils forment deux espèces distinc- tes, c est qu'ils ne se mêlent jamais ; les uns habitent constamment les savanes découvertes, et les autres ne se trouvent que dans les palétuviers : néanmoins ceux-ci ont les mêmes habitudes naturelles que les autres ; ils vont de même en troupes ; ils se tiennent sur le bord des eaux salées; ils pondent et couvent plusieurs dans le même nid, et semblent n'être 1. Ani, Supplément à l'Encyclopédie, t. I, article ani , par M. Adan- son. Nous devons observer que le savant auteur de cet article paroît douter que les auis pondent et couvent ensemble dans le même nid : cependant ce fait nous a été assuré par un si grand nombre de témoins oculaires, qu'il n'est plus possible de le nier. LANI DES PALETUVIERS. 2'J'J qu'une race différente qui s'est accoutumée à vivre et habiter dans un terrain plus humide, et où la nourriture est plus abondante par la grande quanlilé de petits reptiles et d'insectes que produisent ces terrains humides. Gomme je venois d'écrire cet article, j'ai reçu une lettre de M. le chevalier Lefebvre Deshayes, au sujet des oiseaux de Saint-Domingue, et voici l'extrait de ce qu'il me marque sur celui-ci : (k Cet oiseau , dit-il , est un des plus communs dans l'île de Saint-Domingne Les Nègres lui donnent différentes dénominations, celles de bout de tabac ^ de bout de petun^ à'amangoua, de perroquet noir^ etc. Si on fait attention à la structure des ailes de cet oi- seau, au peu d'étendue de son vol , au peu de pesan- teur de son corps relativement à son volume, on n'aura pas de peine à le reconnoître pour un oiseau indigène decesclimatsdu Nouveau-Monde. Comment, en effet, avec un vol si borné et des ailes si foibles , pourroit-iî franchir le vaste intervalle qui sépare les deux conti- nents? Son espèce est particulière à l'Amérique méridionale. Lorsqu'il vole, il étend et élargit sa queue; mais il vole moins vite et moins long-temps que les perroquets Il ne peut soutenir le vent, et les ouragans font périr beaucoup de ces oiseaux. » Ils habitent les endroits cultivés, ou ceux qui l'ont été anciennement; on n'en rencontre jamais dans les bois de haute futaie. Ils se nourrissent de di- verses espèces de graines et de fruits; ils mangent des grains du pays, tels que le petit mil, le maïs, le riz, etc. Dans la disette, ils font la guerre aux chenilles et à quelques autres insectes. Nous ne dirons pas qu'ils BUFION, XXIV. 18 278 l'ani des palétuviers. aient un chant ou un ramage , c'est plutôt un siffle- ment ou un piaulement assez simple. Il y a pourtant des occasions où sa façon de s'exprimer est plus va- riée: elle est toujours aigre et désagréable; elle change suivant les diverses passions qui agitent l'oiseau. Aper- çoit-il quelque chat ou un autre animal capable de nuire , il en avertit aussitôt tous ses semblables par un cri très distinct , qui est prolongé et répété tant que le péril dure. Son épouvante est surtout remarquable lorsqu'il a des petits , car il ne cesse de s'agiter et de voler autour de son nid... Ces oiseaux vivent en so- ciété, sans être en aussi grandes bandes que les étour- neaux; ils ne s'éloignent guère les uns des autres et même y dans le temps qui précède la ponte , on voit plusieurs femelles et mâles travailler ensemble à la construction du nid , et ensuite plusieurs femelles couver ensemble , chacune leurs œufs , et y élever leurs petits. Cette bonne intelligence est d'autant plus admirable, que l'amour rompt presque toujours dans les animaux les liens qui les attachoient à d'au- tres individus de leur espèce... Ils entrent en amour de bonne heure : dès le mois de février les mâles cherchent les femelles avec ardeur; et , dans Je mois suivant, le couple amoureux s'occupe de concert à ramasser les matériaux pour la construction du nid... Je dis amoureux, parce que ces oiseaux paroissent l'être autant que les moineaux; et pendant toute la saison que dure leur ardeur , ils sont beaucoup plus vifs et plus gais que dans tout autre temps... Ils ni- chent sur les arbrisseaux , dans les cafiers , dans les buissons et dans les haies ; ils posent leur nid sur l'en- droit où la tige se divise en plusieurs branches LANI DES PALETUVIERS. 2'-g Lorsque les femelles se mettent plusieurs ensemble dans le même nid , la plus pressée de pondre n'attend pas les autres, qui agrandissent le nid pendant qu'elle couve ses œufs. Ces feaielles usent d une précaution qui n'est point ordinaire aux oiseaux, c'est de couvrir leurs œufs avec des feuilles et des brins d'herbe à me- sure qu'elles pondent Elles couvrent également leivrs œufs pendant l'incubation, lorsqu'elles sont obli- gées de les quitter pour aller chercher leur nourri- ture... Les femelles qui couvent dans le même nid ne se chicanent pas comme font les poules lorsqu'on leur donne un panier commun; elles s'arrangent les unes auprès des autres; quelques unes cependant, avant de pondre, font avec des brins d'herbe une sé- paration dans le nid, afin de contenir en particulier leurs œufs, et s'il arrive que les œufs se trouvent mê- lés ou réunis ensemble, une seule femelle fait éclore tous les œufs des autres avec les siens ; elle les ras- semble, les entasse, et les entoure de feuilles : par ce moyen, la chaleur se répartit dans toute la masse, et ne peut se dissiper... Cependant chaque femelle fait plusieurs œufs par ponte... Ces oiseaux construisent leur nid très solidement, quoique grossièrement, avec de petites tiges de plantes filamenteuses, des branches de citronnier ou d'autres arbrisseaux : le dedans est seulement tapissé et couvert de feuilles tendres qui se fanent bientôt; c'est sur ce lit de feuilles que sont déposés les œufs. Ces nids sont fort évasés et fort éle- vés des bords ; il y en a dont le diamètre a plus de dix-huit pouces : la grandeur du nid dépend du nom- bre de femelles qui doivent y pondre. Il seroit assez difficile de dire au juste si toutes les femelles qui pon- 2So l'ani des palétuviers. clent dans le même nid ont chacune leur mâle : il se peut faire qu'un seul mâle suffise à plusieurs femelles, et qu'ainsi elles soient en quelque façon obligées de s'entendre lorsqu'il s'agit de construire les nids : alors il ne faudroit plus attribuer leur union à l'amitié, mais au besoin qu'elles ont les unes des autres dans cet ouvrage... Ces œufs sont de la grosseur de ceux de pigeon; ils sont de couleur d'aigue-marine uni- forme , et n'ont point de petites taches vers les bouts, comme la plupart des œufs des oiseaux sauvages Il y a apparence que les femelles font deux ou trois pontes par an ; cela dépend de ce qui arrive à la pre- mière; quand elle réussit, elles attendent i'arrière- saison avant d'en faire une autre : si la ponte man- que , ou si les œufs sont enlevés , mangés par les couleuvres ou les rats, elles en font une seconde peu de temps après la première ; vers la fin de juillet ou dans le courant d'août elles commencent la troisième. Ce qu'il y a de certain, c'est qu'en mars, en mai et en août, on trouve des nids de ces oiseaux... Au reste, ils sont doux et faciles à apprivoiser, et on prétend qu'en les prenant jeunes, on peut leur donner la même éducation qu'aux perroquets , et leur appren- dre à parler, quoiqu'ils aient la langue aplatie et ter- minée en pointe, au lieu que celle du perroquet est charnue, épaisse et arrondie... » La même amitié, le même accord qui ne s'est point démenti pendant le temps de l'incubation con- tinue après que les petits sont éclos : lorsque les mères ont couvé ensemble, elles donnent successivement à manger à toute la petite famille... Les mâles aident à fournir les aliments. Mais lorsque les femelles ont l'ani des palétuviers. :28i couvé séparément, elles élèvent leurs petits à part, cependant sans jalousie et sans colère ; elles leur por- tent la becquée à tour de rôle, et les petits la pren- nent de toutes les mères. La nourriture qu'elles leur donnent dépend de la saison : tantôt ce sont des che- nilles, des vers , des insectes ; tantôt des fruits ; tan- tôt des grains, comme le mil , le maïs, le riz , l'avoine sauvage, etc Au bout de quelques semaines les petits ont acquis assez de force pour essayer leurs ailes; mais ils ne s'aventurent pas au loin : peu de temps après , ils vont se percher auprès de leurs père et mère, sur les arbrisseaux, et c'est là que les oiseaux de proie les saisissent pour les emporter... » L'ani n'est point un oiseau nuisible : il ne désole point les plantations de riz , comme le merle ; il ne mange pas les amandes du cocotier, contme le char- pentier (le pic) ; il ne détruit pas les pièces de mil comme les perroquets et les perruches. » LE HOUTOU, ou MOMOT*. Momotus brasiliensls. Lath. Nous conservons à cet oiseau, n" 3^0, le nom de hotitou que lui ont donné les naturels de la Guiane , et qui lui convient parfaitement, parce qu'il est l'ex- pression même de sa voix : il ne manque Jamais d'ar- 1. On auroit dû dire, motmot du Mexique; car motmot est un nom mexicain que Fe^nandès a cité pour cet oiseau, tandis qu'au Brésil il ne porte pas le nom de motmot, mais celui de guira- guainumbi , que Marcgrave nous a conservé. 282 LA HOUTOU, OU MOMOT. liculer koutoii brusquement et nettement , toutes les fois qu'il saute. Le ton de cette parole est grave , et tout semblable à celui d'un homme qui la pronon- ceroit , et ce seul caractère suffiroit pour faire recon- noître cet oiseau lorsqu'il est vivant, soit en liberté , soit en domesticité. Fernandès, qui le premier a parlé du houtou , ne s*est pas aperçu qu'il l'indiquoit sous deux noms dif- férents; et cette méprise a été copiée par tous les nomenclateurs, qui ont également fait deux oiseaux d'un seul. Marcgrave est le seul des naturalistes qui ne se soit pas trompé. L'erreur de Fernandès est ve- nue de ce qu'il a vu un de ces oiseaux qui n'avoit qu'une seule penne ébarbée : il a cru que c'étoit une conformation naturelle , tandis qu'elle est contre na- ture ; car tous les oiseaux ont tout aussi nécessaire- ment les pennes par paires et semblables, que les autres animaux ont les deux jambes ou les deux bras pareils. Il y a donc grande apparence que, dans l'in- dividu qu'a vu Fernandès, cette penne de moins avoit été arrachée, ou qu'elle étoit tombé par accident; car tout le reste de ses indications ne présente aucune différence : ainsi l'on peut présumer, avec tout fon- dement , que ce second oiseau , qui n'avoit qu'une penne ébarbée , n'étoit qu'un individu mutilé. Le houtou est de la grosseur d'une pie ; il a dix-sept pouces trois lignes de longueur jusqu'à l'extrémité des grandes pennes de la queue ; il a les doigts dis- posés comme les martin-pêcheurs, les manakins, etc. Mais ce qui le distingue de ces oiseaux, et même de tous les autres, c'est la forme de son bec , qui , sans être trop long pour la grandeur du corps, est de figure LE IIOUTOU, OU MOMOT. 283 conique , courbé en bas et dentelé sur les bords des deux mandibules. Ce caractère du bec conique, courbé en bas et dentelé , suffiroit encore pour le faire re- connoître; néanmoins il en a un autre plus singulier, et qui n'appartient qu'à lui : c'est d'avoir dans les deux longues pennes du milieu de la queue un inter- valle d'environ un pouce de longueur, à peu de dis- tance de leur extrémité , lequel intervalle est abso- lument nu, c'est-à-dire ébarbé ; en sorte que la tige de la plume est nue dans cet endroit : ce qui néan- moins ne se trouve que dans l'oiseau adulte; car dans sa jeunesse ces pennes sont revêtues de leurs barbes dans toute leur longueur, comme toutes les autres plumes. L'on a cru que cette nudité des pennes de la queue n'étoit pas produite par la nature, et que ce pouvoit être un caprice de l'oiseau, qui arrachoit lui-même les barbes de ses pennes dans l'intervalle où elles manquent; mais l'on a observé que dans les jeunes ces barbes sont continues et tout entières; et qu'à mesure que l'oiseau vieillit ces mômes bar- bes diminuent de longueur et se raccourcissent , en sorte que dans les vieux elles disparoissent tout-à- fait. Au reste , nous ne donnons pas ici une descrip- tion plus détaillée de cet oiseau, dont les couleurs sont si mêlées, qu'il ne seroit pas possible de les re- présenter autrement que par le portrait que nous en avons donné dans notre planche enluminée, et encore mieux par la planche d'Edwards, qui est plus parfai- tement coloriée que la nôtre. Néanmoins nous obser- verons que les couleurs en général varient suivant l'âge ou le sexe ; car on a vu de ces oiseaux beaucoup moins tachetés les uns que les autres. J284 3LE HOUTOU, OU MOMOT. On ne les élève que difficilement, quoique Pison dise le contraire. Comme ils vivent d'insectes, il n'est pas aisé de leur en choisir à leur gré. On ne peut nourrir ceux que l'on prend vieux; ils sont tristement crain- tifs, et refusent constamment de prendre la nourri- ture. C'est d'ailleurs un oiseau sauvage très solitaire, et qu on ne trouve que dans la profondeur des forêts ; il ne va ni en troupes ni par paires : on le voit pres- que toujours seul à terre , ou sur des branches peu élevées; car il n'a pour ainsi dire point de vol; il ne fait que sauter vivement, et toujours prononçant brus- quement houtou. Il est éveillé de grand matin, et fait entendre cette voix lioutou avant que les autres oi- seaux ne commencent leur ramage. Pison a été mal informé lorsqu'il a dit que cet oiseau faisoit son nid au dessus des grands arbres : non seulement il n'y fait pas son nid, mais il n'y monte jamais; il se con- tente de chercher à la surface de la terre quelque trou de tatous, d'accouchis ou autres petits animaux quadrupèdes, dans lequel il porte quelques brins d'herbes sèches pour y déposer ses œufs , qui sont ordinairement au nombre de deux. Au reste, ces oi- seaux sont assez communs dans l'intérieur des terres de la Guiane ; mais ils fréquentent très rarement les environs des habitations. Leur chair est sèche, et n'est pas trop bonne à manger. Pison s'est encore trompé en disant que ces oiseaux se nourrissent de fruits; et comme c'est la troisième méprise qu'il a faite au sujet de leurs habitudes naturelles, il y a grande apparence qu'il a appliqué les faits historiques d'un autre oiseau à celui-ci, dont il n'a donné la description que d'a- près Marcgrave , et que probablement il ne connois- LE HOUTOU, OU MOMOT. 285 soit pas ; car il est certain que le hontou est le même oiseau que le guira-guainumbi de Marcgrave ; qu'il ne s'apprivoise pas aisément, qu'il n'est pas bon à man- ger, et qu'enfin il ne se perche ni ne niche au dessus des arbres, ni ne se nourrit de fruits comme le dit Pison. (^*«>*8>0«8«O«'^ 8«««®*9«««*CC «<»««•«*«*»* *»«>««««<» LES HUPPES, LES PROMEROPS, ET LES GUÊPIERS. S'il est vrai que la comparaison soit le véritable instrument de la connoissance , c'est principalement lorsqu'il s'agit d'objets qui ont plusieurs qualités communes, et qui se ressemblent à beaucoup d'é- gards. On ne peut trop comparer ces sortes d'objets; on ne peut trop les rassembler sous le même coup d'œil : il résulte de ces rapprochements , de ces com- paraisons , une lumière qui fait souvent découvrir des différences réelles où l'on n'avoit d'abord aperçu que de fausses analogies, pour avoir trop isolé les objets et ne les avoir considérés que l'un après l'autre. Par ces raisons, j'ai dû réunir dans un seul article ce que j'ai à dire de général sur les genres très voisins des huppes, des promerops, et des guêpiers. Notre huppe est bien connue par sa belle aigrette double, qui est presque unique dans son espèce, puisqu'elle ne ressemble à aucune autre, si ce n'esfe à celle des kakatoès, par son bec long, menu, et ar-* 286 LES HUPPES, PROMEUOPS, ET CIIÊPIERS. que, et par ses pieds courts, l^a huppe noire et blan- che du Cap diffère de la nôtre en plusieurs points, et notamment par son bec plus court et plus pointu, comme on le verra dans les descriptions : mais on a dû la rapporter à ce genre , dont elle approche plus que de tout autre. Les promerops ont tant de rapports avec le genre de la huppe, qu'on pourroit dire, en adoptant pour un moment les principes des méthodistes, que les promerops sont des huppes sans huppe ; mais la vérité est qu'ils sont un peu plus haut montés, et qu'ils ont communément la queue beaucoup pius longue. Les guêpi?rs ressemblent, par leurs pieds courts, à la huppe comme au martin-pôcheur, et plus parti- culièrement à ce dernier par la singulière disposition de leurs doigts, dont celui du milieu est adhérent au doigt extérieur jusqu'à la troisième phalange, et au doigt inférieur jusqu'à la première seulement. Le bec des guêpiers, qui est assez large à sa base et assez fort, tient le milieu entre les becs grêles des huppes et des promerops d'une part, et les becs longs, droits et pointus des martin-pêcheurs, d'autre part; toute- fois s'approchant un peu plus des premiers que des derniers, puisque le guêpier vit d'insectes comme les huppes et les promerops, et non de petits poissons comme les martin-pêcheurs; or, l'on sait combien la force et la conformation du bec influent sur le choix des aliments. On trouve encore quelques vestiges d'analogie en- tre le genre des guêpiers et celui des martin-pê- cheurs. Premièrement, la belle couleur d'aigue-ma- rine qui n'est rien moins que commune dans les LES HUPPES, PROMEP^OPS, Eï GUÊPIERS. 287 oiseaux d'Europe, embellit également le plumage de notre martin-pêcheiir et celui de notre guêpier. En second lieu , dans le plus grand nombre des espèces de guêpiers, les deux pennes intermédiaires de la (Tueue excèdent de beaucoup les latérales, et le genre du martin-pecbeur nous présente quelques espèces dans lesquelles ces deux intermédiaires sont de même excédantes. Troisièmement, il nous présente aussi des espèces qui ont le bec un peu courbé, et qui en cela se rapprocbent des guêpiers. D'un autre côté, quelque voisins que soient les deux genres des guêpiers et des promerops, la na- ture, toujours libre, toujours féconde, a bien su les séparer, ou plutôt les fondre ensemble par des nuan- ces intermédiaires qui tiennent plus ou moins de l'un et de l'autre : ces nuances, ce sont des oiseaux qui sont guêpiers par quelques parties, et promerops par d'autres parties. J'applique à ce petit genre intermé- diaire, ou , si l'on veut, équivoque, le nom de merops. Tous ces dilTérents oiseaux qui ont déjà tant de rapports entre eux, se ressemblent encore par la taille. Dans chacun de ces genres, les espèces les plus grosses ne le sont guère plus que les grives; et les plus petites ne sont guère plus petites que les. moineaux et les bec-figues : s'il y a quelques excep- tions, elles sont peu nombreuses, et d'ailleurs elles ont également lieu dans ces différents genres. A l'égard du climat, il n'est pas le même pour tous. Les promerops se trouvent en Asie, en Afrique, et en Amérique ; on n'en voit jamais en Europe ; et s'ils sont aborigènes du vieux continent, et que, par con- séquent, ils aient passé plus tôt ou plus tard dans le 288 LES HUPPES, PROMEROPS, ET GUÊPIERS. nouveau, il faut que ce soit par le nord de l'Asie. La huppe est attachée exclusivement à l'ancien monde, et j'en dis autant des guêpiers, quoique l'on trouve dans les planches enluminées la figure d'un oiseau appelé guêpier de Cayenne, Mais on a de fortes raisons de douter qu'il soit, en effet, originaire de cette île : des ornithologistes qui y ont fait plusieurs voyages ne l'y ont jamais vu ; et l'individu d'après lequel la figure de ces planches a été dessinée et gra- vée est umque à Paris jusqu'à présent, quoiqu'en général les oiseaux de Cayenne y soient très com- muns. Quant aux deux guêpiers donnés par Seba, comme étant l'un du Brésil et l'autre du Mexique, on sait combien l'autorité de Seba est suspecte sur cet article ; et ici elle l'est d'autant plus, que ce seroient les deux seules espèces de guêpiers qui fussent ori- ginaires du nouveau continent. LA HUPPE. Upupa epops. L. Un auteur de réputation en ornithologie (Belon) a dit que cet oiseau , n° 52 , avoit pris son nom de la grande et belle huppe qu'il porte sur sa tête ; il auroit dit tout le contraire s'il eût fait attention que le nom latin de ce môme oiseau, upupa ^ d'où s'est évidem- ment formé son nom françois, est non seulement plus ancien de quelques siècles que le mot générique huppe, qui signifie dans notre langue une touffe de LA HUPPE. 289 plumes dont certaines espèces d'oiseaux ont la tête surmontée, mais encore plus ancien que notre langue elle-même , laquelle a adopté le nom propre de Fes- pèce dont il s'agit ici, pour exprimer en général son attribut le plus remarquable. La situation naturelle de cette touffe de plumes est d'être couchée en arrière , soit lorsque la huppe vole, soit lorsqu'elle prend sa nourriture, en un mot, lors- qu'elle est exempte de toute agitation intérieure '^, J'ai eu occasion de voir un de ces oiseaux qui avoit été pris au filet, étant déjà vieux ou du moins adulte, et qui par conséquent avoit les habitudes de la nature: son attachement pour la personne qui le soignoit étoit devenu très fort , et môme exclusif; il ne paroissoit content que lorsqu'il étoit seul avec elle. S'il surve- noit des étrangers, c'est alors que sa hnppe se relevoit par un effet de surprise ou d'inquiétude, et il alloit se réfugier sur le ciel d'un lit qui se trouvoit dans la même chambre ; quelquefois il s'enhardissoit jusqu'à descendre de son asile, mais c'étoit pour voler droit à sa maîtresse ; il étoit occupé uniquement de cette maîtresse chérie, et sembloit ne voir qu'elle. Il avoit deux voix fort différentes : l'une plus douce, plus in- térieure qui sembloit se former dans le siège môme du sentiment, et qu'il adressoit à la personne aimée; l'autre plus aigre et plus perçante, qui exprimoit la colère ou l'effroi. Jamais on ne le tenoit en cage ni le jour ni la nuit , et il avoit toute licence de courir dans 1. On ajoute qu'elle cherclie le feu, qu'elle aime à se coucher de- vant la cheminée, à s'y épanouir. Celle dont je vais parler apparie- noit à mademoiseUc Lemulier, mariée depuis à M. Dumesniel, mestre- dp-camp. 290 LA HUPPE. la maison; cependant, quoique les fenêtres fussent souvent ouvertes , il ne montra jamais , étant dans son assiette ordinaire, la moindre envie de s'échapper, et sa passion pour la liberté fut toujours moins forte que son attachement. A la fin toutefois il s'échappa : mais ce fut un effet de la crainte; passion d'autant plus impérieuse chez les animaux, qu'elle tient de plus près au désir inné de leur propre conserve<= LA HUPPE NOIRE ET BLANCHE DU CAP DE BONNE-ESPÉRANCE*. Upupa capensis. L. Cet oiseau diffère de notre huppe et de ses variétés par sa grosseur ; par son bec plus court et plus pointu ; par sa huppe, dont les plumes sont un peu moins hautes à proportion, d'ailleurs effilées à peu près comme celles du coucou huppé de Madagascar; par le nombre des pennes de sa queue , car elle en a 1. L'oiseau de Madagascar que Flaccoiirt nomme tivouch paroît avoir du rapport avec celui-ci : sa tête est ornée d'une belle huppe , et sou plumage n'est que de deux couleurs, noir et gris. On peut sup- poser que c'est du gris clair. LA HUPPE NOIRE ET BLANCHE DU CAP. 507 douze ; par la forme de sa langue, qui est assez lon- gue, et dont l'extrémité est divisée en plusieurs filets; enfin par les couleurs de son plumage. Il a la huppe , la gorge, et tout le dessons du corps, blancs sans tache ; le dessus du corps , depuis la huppe exclusi- vement jusqu'au bout de la queue, d'un brun dont les teintes varient et sont beaucoup moins foncées sur les parties antérieures ; une tache blanche sur l'aile; l'iris d'un brun bleuâtre; le bec, les pieds, et même les ongles, jaunâtres. Cet oiseau, n*" 697, se tient dans les grands bois de Madagascar, de l'île BourLon, et du cap de Bonne- Espérance. On a trouvé dans son estomac des graines, des baies de pseudobuxas. Son poids est de quatre onces; mais il doit varier beaucoup, et être plus considérable aux mois de juin et de juillet , temps où cet oiseau est fort gras. Longueur totale, seize pouces; bec, vingt lignes, très pointu, le supérieur ayant les bords échancrés près de la pointe et l'arête fort obtuse, plus long que l'inférieur, celui-ci tout aussi large; dans le pa- lais, qui est fort uni d'ailleurs, de petites tubérosités dont le nombre varie; narines comme notre huppe; les pieds aussi, excepté que l'ongle postérieur, qui est le plus grand de tous, est très crochu ; vol, dix- huit pouces; queue, quatre pouces dix lignes, com- posée de pennes à peu près égales, cependant les deux intermédiaires un peu plus courtes; dépasse d'environ deux pouces et demi les ailes, qui sont composées de dix-huit pennes. 5o8 LE PROMr.RLPE. LE PROMERUPE. Upupa paradisea. L. Cette espèce vient oaturellement prendre sa place entre les huppes et les promerops, puisqu'elle porte sur la tête une louffe de longues plumes couchées en arrière, et qui paroissent capables de former, en se relevant, une aigrette peu différente de celle de notre huppe : or, en différât-elle un peu, toujours se- roit-ii vrai que, par ce seul caractère, cet oiseau se rapproche de noire huppe plus que tous les autres promerops; mais, d'un autre côté, il se rapproche de ceux-ci et s'éloigne de la huppe par l'excessive longueur de sa queue. Seba nous assure que cet oiseau vient de la partie orientale de notre continent, et qu'il est très rare. 11 a la gorge, le cou, la tête, et la belle et grosse huppe dont sa tête est surmontée, d'un beau noir, les ailes et la queue d'un rouge bai clair; le ventre cendré clair; le bec et les pieds de couleur plombée. Sa grosseur est à peu près celle d'un étourneau. Longueur totale, dix-neuf pouces; bec, treize li- gnes, un peu arqué, très aigu; tarse, environ neuf lignes; ailes courtes; queue, quatorze pouces un quart, composée de pennes fort inégales; les deux intermédiaires dépassent les latérales de plus de onze p ouces, et les ailes de plus de treize. ,E rnOMEIlOl'S A AILES BLEUES. 5()() >^«'»W8»»4«««««««N»e«<».»<»«>»e««i»aS««««>»9<»3M«6 t>;«««««9«#«<»»»o LE PROMEROPS BRUN A VENTRE TACHETÉ. Upupa promerops. Lath. Cet oiseau a en effet le ventre tacheté de brun sur un fond blanchâtre, et la poitrine sur un fond orangé brun ; la gorge blanc sale , accompagnée de chaque lU^FFON. X\1V 5lO LE PROMEROPS A VENTRE BRUN TyVCHETÉ. côté d'une ligne brune qui part de l'ouverture du bec, passe sous l'œil , et descend sur le cou ; le sommet de la tête brun , varié de gris roussâtre ; le croupion et les couvertures supérieures de la queue vert d'olive; le reste du dessus du corps , compris les pennes de la queue et des ailes, brun; les flancs tachetés de brun; les jambes brunes; les couvertures inférieures de la queue , d'un beau jaune ; le bec et les pieds noirs. L'individu des planches enluminées, n°637, paroît être le mâle, parce qu'il est plus tacheté , et que les couleurs sont plus tranchées; il a sur les ailes une raie grise très étroite, formée par une suite de petites taches de cette couleur qui terminent les couvertures supérieures. L'individu décrit par M. Brisson n'a point cette raie; ses couleurs sont plus foibles , et il est moins tacheté sous le corps. Je crois que c'est la fe- melle ; elle est plus petite d'un dix-huitième que son mâle, et n'est guère plus grosse qu'une alouette. Longueur totale du maie, dix-huit pouces; bec, seize lignes ; tarse , dix lignes deux tiers ; ailes cour- tes; vol, treize pouces; queue, treize pouces ^ com- posée de douze pennes, dont les six intermédiaires sont beaucoup plus longues que les six latérales; cel- les-ci étagées; dépasse les ailes de onze pouces. LE PROMEROPS BRUN A VENTRE RAYÉ. Upupa fusca. Gmel. Cet oiseau , n** 658, se trouve à la Nouvelle-Gui- née, d'où il a été apporté par M. Sonnerat. Le mâle a la Tome 2 4- :^f^- Paiiouet Scutp ILE FROMÉrOPS AVENTRE RAYE 2LEGUEPIER LE PROMEROPS ERUN A VENTRE RAYÉ. 5ll gorge , le cou et la tête, d'un beau noir, animé sur la tête par des reflets d'acier poli; tout le dessus du corps brun, avec une teinte de vert foncé sur le cou, le dos et les ailes ; la queue d'un brun plus uniforme et plus clair, excepté la dernière des pennes latérales , qui a le côté intérieur noir; la poitrine et tout le dessous du corps rayés transversalement de noir et de blanc ; l'iris et les pieds noirs. J'ai vu un individu qui avoit une teinte de roux sur la tête, comme dans la figure enluminée. La femelle a la gorge, le cou et la tête, du même brun que le dessus du corps , et sans aucun reflet ; dans tout le reste, elle ressemble à son mâle. Longueur totale, vingt-deux pouces; bec, deux pouces et demi, étroit , arrondi, fort arqué; queue, treize pouces, composée de douze pennes étagées, fort inégales entre elles; les plus courtes ont quatre pou- ces ; les plus longues dépassent les ailes de neuf pouces. «ia>»c<&a'»a'8»8i»»»»C'»c«»o>»C'g«iS«ia< LE GRAND PROMEROPS A PAREMENTS FRISÉS*. Upupa magna. Gmel. Les parements frisés qui sont en même temps la parure et le caractère de celte espèce ^ consistent en 1. Le nom de quatre-aites , qui a été donné par des voyageurs à un oiseau de proie d'Afrique , pourroit très bien convenir au proinerops dont il s'agit ici. 2. Le sifilct décrit ci-devant ( tome XXII) a aussi des espèces de pa- 5l2 LE PROMEKOPS A PAÎIEMENTS FRlSÉS. deux gros hoiKpets de plumes frisées, veloutées, peintes des plus belles couleurs qu'elle a de chaque côté du corps, et qui lui donnent un air tout-à-fait distingué. Ces bouquets de plumes sont composés des longues couvertures des ailes, au nombre de neuf, lesquelles se relèvent en se courbant sur leur côté su- périeur, dont les barbes sont fort courtes , et étalent avec d'autant plus d'avantage les longues barbes du côté opposé , qui devient alors le côté convexe. Les couvertures moyennes des ailes, au nombre de quinze, et même quelques unes des scapulaires, participent à cette singulière configuration, se relèvent de même en éventail , et de plus sont ornées à leur extrémité d'une bordure d'un vert brillant, changeant en bleu et violet; d'où il résulte sur les ailes une sorte de guir- lande qui va s'élargissant un peu en remontant vers le dos. Autre singularité : sous ses plumes frisées nais- sent de chaque côté douze ou quinze longues plumes, dont les plus voisines du dos sont décomposées , et qui toutes ont les mêmes reflets jouant entre le vert et le bleu. La tête et le ventre sont d'un beau vert changeant; mais d'un éclat moins vif que la guirlande du parement. Dans tout le reste du plumage, la couleur domi- naaie est un noir lustré, enrichi de reflets bleus et violets, et toutes les plumes, dit M. Sonnerat, ont le moelleux du velours, non seulement à l'œil, mais au toucher. Il ajoute que le corps de cet oiseau , quoi- que d'une forme allongée , paraît court et excessive- remeuts ; mais ils n'ont pas la même forme , ni ne sont composés des mêmes plumes; et ceux du manucode noir, dit le superbe, sont diri- gés en sens contraire. LE PROMEROPS A PAREx>iENTS FUSSES. v> 1 v^ ment petit, en comparaison de sa très longue queue. Le bec et les pieds sont noirs. M. Sonnerat a rapporté ce promerops , n° 639, de la Nouvelle-Guinée. Longueur totale, trois pieds et demi (quatre suivant M. Sonnerat); bec, près de trois pouces; ailes, courtes; queue, vingt-six à vingt-sept pouces, composée de douze pennes étagées , larges et poin- tues : les plus courtes ont six à sept pouces; les plus longues dépassent les ailes d'environ vingt pouces. s««««'««»«<8«^a*e*«*e LE PROMEROPS ORANGE. Upupa aurantiaca. Gmel. La couleur orangée règne sur le plumage de cet oiseau, et prend diflerentes teintes en diflerénls en- droits : une teinte dorée sur la gorge, le cou, la tête et le bec ; une teinte rougeâtre sur les pennes de la queue et les grandes penne des ailes ; enfin une teinte jaune sur tout le reste. La base du bec est entourée de petites plumes rouges. Tel est, à mon avis , le mâle de cette espèce , qui est à peu près de la taille de letourneau. Je regarde comme sa femelle le cochitototl de Fernandès, qui est de la même taille , du même continent , et dont le plumage ne diffère guère de celui du promerops orangé que, comme dans beaucoup d'espèces, le plu- mage du mâle diffère de celui de la femelle. Ce co- chitototl a la gorge, le cou, la tête, et les ailes, variés, sans aucune régularité, de cendré et de noir : tout le reste de son plumage est jaune; l'iris d'un jaiine pâle; 5l4 1^12 PKOMEflOPS ORANGE. le bec noir, grêle , arqué , très pointu , et les pieds cendrés. 11 vit de graines et d'insectes, et se trouve dans les contrées les plus chaudes du Mexique , où il n'est recherché ni pour la beauté de son chant ni pour la bonté de sa chair. Le promerops orangé , que je re- garde comme le mâle de cette espèce , se trouve au nord de la Guiane, dans les petites îles que forme la rivière de Berbice à son embouchure^, au nord de la Guiane. Longueur totale de ce mâle , environ neuf pouces et demi; bec, treize Hgnes ; tarse, dix; queue, près de quatre pouces , composée de pennes égales; dé- passe les ailes d'environ un pouce. ?<>g'^e>e<»ftfre'»»«>&»g PIEU A TÊTE GRISE, v)25 »a'»»»aiiWa«»oso»offa<»a'»9<8»S'>ag'S»»a-8'»ft8^8'o 3»@>e'^<9«iï LE GUEPIER A TETE GRISE. Merops cinereus. La th. Il pourroit se faire que cet. oiseau n'eût d'améri- cain que le nom presque mexicain c/uauhciluij qu'il a plu à Seba de lui imposer. Il est de la taiile de notre moineau d'Europe, et appartient au genre des guê- piers par la longueur et la forme de son bec, par la loniiueur des deux pennes intermédiaires de sa queue, et par ses pieds gros et courts. Il faut suppo- ser qu'il s'y rapporte aussi par la disposition de ses doigts. Il a la tête d'un joli gris ; le dessus du corps , de même gris , varié de ronge et de jaune ; les deux lon- gues pennes intermédiaires de la queue , d'un rouge franc; la poitrine et tout le dessous du corps, d'un jaune orangé, et le bec d'un assez beau vert. Longueur totale , neuf à dix pouces ; le bec et la queue en font plus de la moitié. LE GUÊPIER GRIS D'ETHIOPIE. Merops cafer. L. M. Linnaeus est le seul qui parle de cette espèce, et il n'en dit qu'un mot d'après un dessin fait par nuFPON. xxrv. 'il 026 LE GUÊPIEIl GRIS D'KTHÎOPIE. M. Burmann. Ce mot, auquel je ne puis rien ajouter ^ cest que ie plumage de l'oiseau est gris; qu'il a une tache jaune à l'endroit de l'anus, et que sa queue est très longue. LE GUÊPIER MARRON ET BLEU. Merops badins. L. La couleur marron règne sur les parties antérieures du dessus du corps, compris le haut du dos; la cou- leur d'aigue-marine sur le reste du dessus du corps et sur toute la partie inférieure, mais beaucoup plus belle et plus décidée sur la gorge, le devant du cou, et la poitrine, que partout ailleurs; les ailes sont vertes dessus, fauves dessous, terminées de noirâ- tre; la queue d'un bleu franc; ie bec noir, et les pieds rongeâtres. Cet oiseau, n** 262, se trouve à l'île de France. Sa taille n'est guère au dessus de celle de l'alouette hup- pée , mais beaucoup plus allongée. Longueur totale, près de onze pouces; bec, dix- neuf lignes ; tarse , cinq et demie ; doigt postérieur le plus court de tous; vol, quatorze pouces; queue, cinq pouces et demi, composée de douze pennes, dont les deux intermédiaires dépassent de deux pou- ces deux lignes les latérales; et les ailes de trois pou- ces et demi ; ces ailes composées de vingt-quatre pennes, dont la première est très courte, et la troi- sième ia plus longue. LE GUÊPIER MARRON ET BLEU DU SÉNEGAC. 027 Variété, LE GUÊPÏER MARRON ET BLEU DU SÉNÉGAL. (no 3i4.) G est une variété de climat. On ne voit dans tout son plumage que les deux couleurs que j'ai indiquées dans sa dénomination; mais elies sont distribuées un peu autrement que dans l'espèce précédente : la cou- leur de marron s'étend ici sur les couvertures et les pennes des ailes , excepté les pennes les plus voisines du dos, et sur les pennes de la queue, excepté la partie excédante des deux intermédiaires, laquelle est noirâtre. Ce guêpier se trouve au Sénégal , d'où il a été ap- porté par M. Adanson. Sa longueur totale est d'envi- ron un pied : il est, au reste, proportionné à peu près comme celui de l'île de France. LE PATIRIGH. Merops super ciliosus, L. Les naturels de Madagascar donnent à cet oiseau îe nom de patiricli tiricliy qui a visiblement du rap- port avec son cri , et que j'ai cru devoir lui conser- ver en l'abrégeant. La couleur dominante de son 528 I.E rATlRICII. plumage est le vert obscur et changeant en un mar- ron brillant sur la tête, moins obscur sur le dessus du corps, s'éclaircissant par nuances sur les parties postérieures, plus clair encore sur les parties infé- l'ieures, et enfin se dégradant toujours du côté de la queue; les ailes sont terminées de noirâtre; la queue est d'un vert obscur; la gorge d'un blanc jau- nâtre à sa naissance, et d'un beau marron à sa partie inférieure. Mais ce qui caractérise le plus cet oiseau, n** 209, et lui donne une physionomie singulière, c'est un large bandeau noirâtre, bordé dans loute sa circonférence de blanc verdâtre : cette bordure tourne autour de la base du bec et embrasse la nais- sance de la gorge, en prenant une teinte jaunâtre, comme je l'ai dit plus haut. Le bec est noir, et les pieds sont bruns. Cet oiseau se trouve à Madagascar; il est un peu plus gros que le guêpier marron et bleu. Longueur totale, onze pouces un tiers; bec, vingt- une lignes; tarse, cinq lignes; doigt postérieur le plus court; vol, quinze pouces deux tiers; queue, cinq pouces et demi, composée de douze pennes; les deux intermédiaires dépassent de plus de deux pouces les latérales, et de deux pouces trois quarts les ailes, contposées de vingt-quatre pennes, dont la pre- mière est très courte, et la deuxième la plus longue. J'ai vu un autre guêpier de Madagascar, fort res- semblant à celui-ci pour la taille , les couleurs du plumage, et leur distribution; mais elles étoient moins tranchées; le bec étoit moins fort, et les deux pennes intermédiaires de la queue n'excédoient point les latérales. C'étoit sans doute une variété d'âge ou de sexe. Son bandeau étoit bordé d'aigue-marine, et LE PATIRICli. :)2q il avoit le croupion et la queue de cette môme cou- leur, ainsi qu'un individu rapporté par M. Sonnerat; mais ce dernier avoit les deux pennes intermédiaires de la queue fort étroites et beaucoup plus longues que les latérales. >>»»<>»a»->g@\««'«^««««x:»34<>«««« LE GUEPIER VERT A GORGE BLEUE. Merops viridls. Lath. Une petite aventure arrivée à un individu de cette espèce long-temps après sa mort fournit un exemple des méprises qui peuvent contribuer à l'importune multiplication des espèces nominales. Cet individu, n"* 740, qui appartenoit à M. Dandrige , ayant été dé- crit, dessiné, gravé, colorié par deux Anglois, Ed- wards et Albin, un François, fort habile d'ailleurs, et qui avoit sous les yeux un individu de cette même espèce , a cru que les deux figures angloises représen- toient deux espèces distinctes, et en conséquence il les a décrites séparément et sous deux dénominations diflerentes. Pour nous, nous allons fondre ces de- scriptions diverses en une seule, et toujours dans le même esprit. Nous rapporterons encore à l'espèce décrite, comme simple variété, le petit guêpier des Philippines de M. Brisson. L'oiseau de M. Dandrige , observé par M. Edwards , différoit de notre guêpier d'Europe en ce qu'il étoit une fois plus petit, et que les deux pennes intermé- 55o Liî gut:pier vert a gorge bleue. diaires de sa queue étoient beaucoup plus longues et plus étroites. Il avoit le front bleu , une grande plaque de même couleur sur la gorge, renfermée dans une espèce de cadre noir formé dans le bas par un demi-collier en forme de croissant renversé; dans le haut par un bandeau qui passoit sur les yeux et descendoit des deux côtés du cou, comme pour aller se joindre aux deux extrémités du demi-collier; le dessus de la tête et du cou orangé ; le dos, les petites couvertures et les dernières pennes des ailes, dun vert de perroquet; les couvertures* supérieures de la queue, d'un bleu d'aigue-marine ; la poitrine et le ventre d'un vert clair; les Jambes d'un brun rougeâ- tre; les couvertures inférieures de la queue, d'un vert obscur ; les ailes variées de vert et d'orangé, ter- minées de noir ; la queue d'un beau vert dessus, d'un vert rembruni dessous ; les deux pennes intermédiai- res excédant les latérales de deux pouces et plus, et cette partie excédante d'un brun foncé et très étroite ; les côtes des pennes de la queue brunes, les pieds aussi; le bec noir dessus, et blanchâtre à sa base dessous. Dans l'individu décrit par M. Brisson , et qui est à peu près celui des planches enluminées , il n'y avoit point de bleu sur le front; le vert du dessous du corps participoit de l'aigue-marine ; le dessus de la tête et du cou étoit du même vert doré que le dos ; en général , il y avoit une teinte de jaune doré jetée légèrement sur tout le plumage, excepté sur les pen- nes des ailes et les couvertures supérieures de la queue; le bandeau ne passoit point sur les yeux, mais au dessous. M. Brisson a remarqué de plus que les LE GUÊPIER VERT A GORGE BLEUE. 33 1 ailes ëtoient doublées de fauve, et que la côte des pennes de la queue , qui étoit brune dessus , comme dans l'oiseau de M. Edwards, étoit blanchâtre par dessous. Enfin l'individu des planches enluminées avoit plusieurs pennes et couvertures des ailes et plusieurs pennes de la queue bordées près du bout et terminées de jaune doré ; mais il est facile de voir que toutes ces petites différences , détaillées ici jus- qu'au scrupule , ne passent point , à beaucoup près , les limites entre lesquelles se jouent les couleurs du plumage , non pas seulement dans les individus d'une même espèce , mais dans le même individu à diffé- rents âges, ni , comme on voit , les limites entre les- quelles se jouent les descriptions diverses faites d'a- près un même objet. J'en dis autant de l'inégalité des dimensions; inégalité d'autant moins réelle, que plu- sieurs de ces dimensions ont été prises sur des figu- res. Celles de la figure d'Albin sont les plus fortes , et très probablement les moins exactes. L'oiseau appelé par M. Erisson , petit guêpier des Philippines'^ ^ est de même taille et de même plumage que son guêpier à collier de Madagascar. La princi- pale différence qu'on remarque entre ces oiseaux, c'est que, dans celui des Philippines, les deux pen- nes intermédiaires de la queue , au lieu d'être plus longues que les latérales, sont , au contraire , un peu plus courtes, mais M, Brisson soupçonne lui-même que ces pennes intermédiaires n'avoient pas encore 1. La phrase de M. Brisson est la même pour cet oiseau que pour son guêpier à collier de Madagascar , à l'exception de la couleur du l)audeau et du sinciput, de la longueur des deux pennpp iîitermé dîaires de la queu? , et du dorni collier quil n'a point 002 LE GUÊPIER VERT A GORGE BLEUE. pris tout leur accroissenjent , et que , clans les indivi- dus où elles ont acquis leur juste longueur, elles dé- passent de beaucoup les pennes latérales. Cela est d'autant plus vraisemblable que ces deux intermé- diaires paroissent ici différentes des latérales, et con- formées à peu près de même que le sont , dans leur partie excédante, les intermédiaires du guêpier v^rt à gorge bleue. Autres différences , car ii ne faut rien omettre : le bandeau, au lieu d'être noir, étoit d'un vert obscur, et les pieds d'un rouge brun. Mais tout cela n'empêche pas que ce petit guêpier des Philip- pines de M. Brisson ne soit, ainsi que ces deux guê- piers à collier, l'un de Madagascar, et l'autre de Ben- gale, ne soit, dis-Je, de la même espèce que notre guêpier vert à gorge bleue. Cet oiseau est répandu , comme on voit , depuis les côtes d'Afrique jusqu'aux îles les plus orientales de l'Asie. Sa grosseur est à peu près celle de notre moineau. Longueur totale, six pouces et demi (probable- ment elle seroit d'environ huit pouces trois quarts. Comme dans notre guêpier vert à gorge bleue , si les deux pennes intermédiaires de la queue avoient pris tout leur accroissement) ; bec, quinze lignes; tarse, quatre lignes et demie; vol, dix ponces; les dix pennes latérales de la quene, deux pouces et demi ; dépassent les ailes de quatorze lignes. LE GRAND GUÊPIER VERT ET BLEU, etC. 555 L^'&t?ift^6lI>B?O^fg^'Ot&>fl^^^-O^6^^'ft't^O0^'P^i^ft"C^fr0^C'C^'O^ w?^"D'C'DO'l>O0O><^ LE GRAND GUEPIER VERT ET BLEU A GORGE JAUNE. Merops chrysocephalus. Lath. C'est unp espèce nouvelle, dont on est redevable à M. Sonnerat. EUe diffère de l'espèce précédente par son plumage, ses proportions, et surtout par la lon- gueur des pennes intermédiaires de la queue. Elle a la gorge d'un beau jaune qui s'étend sur le cou, sous les yeux et par-delà , et qui est terminé de brun vers le bas ; le front , les sourcils , tout le dessous du corps, de couleur d'aiguë -marine ; les pennes des ailes vertes, bordées d'aigue-marine depuis le milieu de leur longueur ; leurs petites couvertures supé- rieures d'un vert brun , quelques unes mordorées ; les plus longues proche du corps, d'un jaune clair ; le dessus de la tête et du cou mordoré ; tout le dessus du corps vert doré ; les couvertures supérieures de la queue vertes. Longueur totale, dix pouces; bec, vingt lignes ; tarse, six lignes; ongle postérieur le plus court et le plus crochu ; queue , quatre pouces un quart , com- posée de douze pennes ; les dix latérales à peu près égales entre elles; les deux intermédiaires dépas- sent ces latérales de sept à huit lignes, ot les ailes de dix-huit. 534 LE PETIT GUÊPIER VSRT ET BLEU, etC. LE PETIT GUÊPIER VERT ET BLEU A QUEUE ÉTAGÉE^ Merops angolensis. Gmel. La petitesse de la taille n*est pas le seul trait de disparité qui distingue ce guêpier du précédent ; il en diffère encore par la couleur de la tête, par ses proportions , et surtout par la conformation de sa queue, qui est étagée, et dont les deux pennes inter- médiaires ne sont pas fort excédantes. A l'égard du plumage , du vert doré dessus , du bleu d'aigue-ma- rine dessous; la gorge jaune; le devant du cou mar- ron ; uue zone pointillée de noir en forme de ban- deau sur les yeux ; les ailes et la queue du même vert que le dos; l'iris rouge; le bec noir et les pieds cen- drés : voilà les couleurs principales de cet oiseau , qui est le plus petit des guêpiers. Il se trouve dans le royaume d'Angola en Afrique. C'est le seul oiseau de ce genre qui ait la queue étagée. Longueur totale, environ cinq pouces et demi ; bec, neuf lignes ; tarse , quatre lignes et demie ; doigt postérieur le plus court; queue, deux pouces et plus, composée de douze pennes étagées ; dépasse les ailes d'environ un pouce. 1. C'est M. Brisson qui a fait connoître cette espèce en La déciûvaut, ci la faisant graver sur uu dessin d après nature communiqué par M. Poivre. LE GUÊPIER VEUT A QUEUE d'aZUR, 355 LE GUÊPIER VERT A QUEUE D'AZUR. Merops pkilippinus, L. Cet oiseau , n° 67, a tout le dessus de la tête et du corps d'un vert sombre , changeant en cuivre de ro- sette ; les ailes de même couleur , terminées de noi- râtre, doublées de fauve clair; les pennes dix-neu- vième et vingtîèrme marquées d'aiguë -marine sur le côté extérieur , et les vingt-deuxième et vingt-troi- sième sur le côté intérieur; toutes les pennes et les couvertures de la queue d'un bleu d'aiguë -marine, plus clair sur les couvertures inférieures ; un bandeau noirâtre sur les yeux; la gorge jaunâtre tirant au vert et au fauve ; cette dernière teinte plus forte vers le bas ; le dessous du corps et les jambes d'un vert jau- nâtre changeant en fauve; le bec noir, et les pieds bruns. Cet oiseau se trouve aux Philippines; sa taille est au dessous de celle de notre guêpier. Longueur totale, huit pouces dix lignes; bec, vingt- cinq lignes ; l'angle de son ouverture bien au delà de l'œil ; tarse, cinq lignes et demie ; doigt postérieur le plus court; vol, quatorze pouces dix lignes; queue, trois pouces huit lignes , composée de douze pennes à peu près égales; dépasse de onze lignes les ailes, qui ont vingt -quatre pennes : la première est très courte, et la seconde est la plus longue de toutes, 55() LE (rUÈPIER ROUGE A TKTE BLELE. LE GUÊPIER ROUGE A TÊTE BLEUE. Merops nubicus. Gmel. Une belle couleur d'aigue-inarine brille d'une part sur la tête de cet oiseau , n'* 649 , et sur sa gorge , où elle devient plus foncée, et d'autre part sur le crou- pion et toutes les couvertures de ia queue ; il a le cou . et tout le reste du dessous du corps, jusqu'aux jam- bes, d'un rouge cramoisi, nuancé de roux; le dos, la queue, et les ailes, d'un rouge de brique, plus brun sur les couvertures des ailes; les trois ou quatre pennes des ailes les plus proches du dos , d'un vert brun , avec des reflets bleuâtres; les grandes pennes terminées de gris bleuâtre , fondu avec le rouge, les moyennes terminées de brun noirâtre; le bec noir, et les pieds d'un cendré clair. C'est une espèce nouvelle qui se trouve en Nubie . où elle a été dessin^ée par M. le chevalier de Bruce. Elle n'est pas tout-à-fait si grande que notre espèce d'Europe. Longueur totale, environ dix pouces; bec, vingt- une lignes; tarse, six lignes; ongle postérieur le plus court de tous; queue, environ quatre pouces, un peu fourchue ; dépasse les ailes de vingt-une lignes. Tome ^4- Pauaiiet Sailp ILE GUEPIER RûUGE A TETE BLEUE 2 l' ENGOULEVENT OU TETE DE CHEVRE 3 I^HIRONDELLE DE MURAILLE. LE GUEPIER ROUGE ET VERT DU SENEGAL. CfC)'] LE GUÊPIER ROUGE ET VERT DU SÉINÉGAL^. Merops erytiir opter us. Gmel. Cet oiseau, n*" 5ï8, a le dessus de !a tête et du corps, compris les couvertures supérieures des ailes et celles de la queue , d'un vert brun , plus brun sur la tête et le dos, plus clair sur le croupion et les couvertiu^es supérieures de la queue; une tache en- core plus foncée derrière l'œil ; les pennes de la queue et de^ ailes rouges, terminées de noir; la gorge jaune; tout le dessous du corps blanc sale; le bec et les pieds noirs. Longueur totale, environ six pouces; bec, un pouce; tarse, trois lignes et demie; queue, deux pouces; dépasse les ailes d'environ un pouce. »e.e^»»4>'Oat«jt<<4)*)<8ia<8<'.8'0<>«»&'tp«>o^-»^-»»»>' »» LE GUEPIER A TETE ROUGE. Merops erytliroceplialus. Latii. Si le nom de t'^r^/m^// convient à quelque guêpier, c'est certainement à celui-ci; car il a une espèce de i. Nous devons cette espèce à M. Adansoii. La figure et la descrip- tion sont aussi exactes qu'elles peuvent l'être, ayant été faites sur la peau de l'oiseau, desséchée et conservée en herbier, c'est-à-dire entre deux feuilles de papier. 338 LE GUÊPIER A TÊTE ROUGE. grande calotte rouge qui lui couvre non seulement la tête, mais encore une partie du cou : il a de plus un bandeau noir sur les yeux ; le dessus du corps d'un beau vert; la gorge jaune ; le dessous du corps orangé clair; les couvertures inférieures de la queue jaunâ- tres, bordées de vert clair; les ailes et leurs couver- tures supérieures dun vert foncé; la queue verte dessus, cendrée dessous ; l'iris rouge; le bec noir, et les pieds cendrés. On trouve cet oiseau dans les Indes orientales. Sa taille est à peu près celle du guêpier vert à gorge bleue. Longueur totale, six pouces; bec, seize lignes; tarse, cinq lignes; le doigt postérieur le plus court; queue, vingt-une lignes, composée de douze pennes égales; dépasse les aiies de dix lignes. LE GUEPIER VERT A AILES ET QUEUE ROUSSES. Merops cayennensis, L. Pour compléter la description de cette espèce nou- velle, déjà fort ébauchée dans la dénomination, il faut ajouter seulement que le vert est plus foncé sur la partie supérieure du corps , et plus clair sous la gorge que partout ailleurs; que les pennes des ailes sont blanches à leur origine ; que leur côte , ainsi que celle des pennes de la queue, est noirâtre; les pieds LE GUf:PIEÎl VERÎ A AILES ET QUEUE ROUSSES. 359 d'un brun jaunâtre , un peu plus longs qu'ils ne le sont ordinairement dans les oiseaux de ce genre, et le bec noir. Ce guêpier, n°454? ressemble beaucoup, parla couleur de sa queue et de ses ailes, à notre guêpier à tête Jaune et blanche ; mais il en diiOTère dans tout le reste du plumage : d'ailleurs il est beaucoup plus petit , et n'a pas les deux pennes intermédiaires de la queue excédantes. On m'a assuré qu'il ne se trouvoit pas à Cayenne. Je suis d'autant plus porté à le croire , que le genre des guêpiers me paroîl appartenir à l'ancien conti- nent, comme je l'ai dit plus haut. Au reste, M. de La Borde, qui est actuellement à Cayenne, nous en- verra bientôt la solution immédiate de ce petit pro- blème. LIGTÉROGÉPHALE, ou LE GUÊPIER A TÊTE JAUNE. Merops congener, L. Le jaune de la tête n'est interrompu que par un bandeau noir, et s'étend sur la gorge et tout le des- sous du corps ; le dos est d'un beau marron ; le reste du dessus du corps est varié de jaune et de vert; les petites couvertures supérieures des ailes sont bleues, les moyennes variées de jaune et de bleu ; et les plus grandes entièrement jaunes; les pennes des ailes noi- JL^O L'iCïÉROCÉPir ALE. res, terminées de rouge; la queue mi-partie de deux couleurs, jaune à sa base , et verte à son extrémité ; le bec noir et les pieds jaunes. Ce guêpier est un peu plus gros que notre guêpier ordinaire , et son bec est plus arqué. II ne se montre que très rarement dans les environs de Strasbourg, dit Gesner. P»»o»9<»e.»a&oe'»»»»<5«»c^ctac'a'aiae»a L'ENGOULEVENT'. Caprimulgus europœus, L. LonsQo'iL s'agit de nommer un animal, ou , ce qui revient presque au même , de lui choisir un nom parmi tous les noms qui ont été donnés, il faut, ce me semble, préférer celui qui présente une idée plus juste de la nature, des propriétés, des habitudes de cet animal, et surtout rejeter impitoyablement ceux qui tendent à accréditer de fausses idées, et à perpé- tuer des erreurs. C'est en partant de ce principe que j'ai rejeté les noms de tette-chèvre ^ de crapaud-votant _, 1. Caprimulgus : en anglois, tlie goat-sucker ; dans la province de Shropshîre, ilie fern-owt; dans la province d'York, the churn-owl, à cause du bruit qu'il fait eu volant; en provençal, cliauclie crapaout, ce qui revient au calcabottn des B'olonois ; crapaud-volant ou iette-cliè- vre , chasse-paud, foule-crapaud; en Sologne, choche- branche; dans rOrléanois, coucou rouge; en Saintonge , fresaie (ce qui a pu don- ner lieu à l'erreur de Belon) , autrefois caprimuige; en Toscane, n-ot- tola; à Ravenne , cova-terra: à IMalte, bouchraie ou boucraie; dans quelques endroits de la Bourgogne, sèche-trappe; c'est-à-dire secAe- lerrine, ce qui a rappr.il à son lial.ihido pri^tendue de téter les chèvres. t/engoulevent. 541 de grand merle ^ de corbeau de nttit , et d'hirondelle à queue carrée _, donnés par !e peuple on par les savants à l'oiseau dont il s'agit ici. Le premier de ces noms a rapport à une tradition, fort ancienne à la vérité, mais encore plus suspecte : car il est aussi difficile de supposer à un oiseau l'instinct de têtcr une chèvre, que de supposer à une chèvre la complaisance de se laisser téter par un oiseau ; et il n'est pas moins diffi- cile de comprendre comment , en la tétant Téelle- ment , il pourroit lui faire perdre son lait : aussi Schwenckfeld , ayant pris des informations exactes dans un pays où il y avoit des troupeaux nombreux de chèvres parqués, assure n'avoir oui dire à per- sonne que jamais chèvre se fût laissé téter par un oiseau quelconque ^. Il faut que ce soit le nom de crapaud'Volant j (fonné à cet oiseau, qui lui ait fait attribuer une habilude dont on soupçonne les cra- pauds, et peut-être avec un peti plus de fondement. J'ai pareillement rejeté les autres noms, parce que l'oiseau dont il étoit question n'est ni un crapaud, ni un merle, ni un corbeau, ni une chouette, ni môme une hirondelle, quoiqu'il ait avec cette dernière es- pèce quelques traits de ressemblance, soit dans la conformation extérieure, soit dans les habitudes; par exemple, dans ses pieds courts, dans son petit bec suivi d'un large gosier, dans le choix de sa nourri- 1. M. Linnaeus applique mal à propos à l'engoulcTent ce vers d'O- vide : (',ar|i»-rc diountur l.iclriili.i Tisccra ro<-lris. iFast,, lib. \\, V. iÔ7- ) Ce vers doit se rapporter aux chouettes. Aristote ajoute que les chèvres aiasi téiées devenoient aveugles. UUFFON. XXIV. 2 2 54^ l'engoulevent. ture , dans la manière de la prendre : mais à d'autres égards il en diffère autant qu'un oiseau de nuit peut différer d'un oiseau de jour, autant qu'un oiseau so- litaire peut différer d'un oiseau sociable, et encore par son cri, par le nombre de ses œufs , par l'habitude qu'il a de les déposer à cru sur la terre , par le temps de ses voyages; et d'ailleurs on verra dans la suite qu'il existe réellement des espèces d'hirondelles à queue carrée, avec lesquelles on ne doit pas le confondre. Enfin j'ai conservé à cet oiseau le nom d'engoulevent qu'on lui donne dans plusieurs provinces, parce que ce nom , quoique un peu vulgaire, peint assez bien l'oiseau, lorsque les ailes déployées, l'œil hagard, et le gosier ouvert de toute sa largeur , il vole avec un bourdonnement sourd à la rencontre des insectes dont il fait sa proie, et qu'il semble engouier par aspi- ration. L'engoulevent, n° 193, fig. 2, se nourrit en effet d'insectes, et surtout d'insectes de nuit''; car il ne prend son essor et ne commence sa chasse que lorsque le soleil est peu élevé sur l'horizon^; ou s'il la com- mence au milieu du jour, c'est lorsque le temps est né- buleux : dans une belle journée, il ne part que lorsqu'il 1. Charîeton dit qu'il vit de guêpes, de liourdons, principalement de scarabées, de eautharides. Klein lui a trouvé dans le ventricule des mouches de différentes espèces, de petits scarabées, sis grands stercoraires noirs à la fois. La Zoologie britannique ajoute les teignes et les cousins ; et Willugliby les graines. Un ami de M. Hébert a trouvé dans le gosier d'un de ces oiseaux de ces petits hannetons que l'on voit sur la fin de Tété. On ne peut guère douter quil ne happe aussi les phalènes ou papillons de nuit qui se trouvent sur son passage. 2. C'est sans doute par cette raison qu'Arislote le donne pour ub oiseau paresseux; mais il ne le seroit tout au plus (]ue le soir. i/eNGOL LEVENT. o/^v" y est forcé, et dans ce cas son vol est bas et peu sou- tenu : il a les yeux si sensibles, que le grand jour réblouit plus qu'il ne l'éclairé, et qu'il ne peut bien voir qu'avec une lumière affoiblie; mais encore lui en i'aut-il un peu, et l'on se tromperoit fort si l'on se persuadoit qu'il voit et qu'il vole lorsque l'obscurité est totale. Il est dans le cas des autres oiseaux noc- turnes : tous sont, au fond, des oiseaux de crépus- cule plutôt que des oiseaux de nuit. Celui-ci n'a pas besoin de fermer le bec pour ar- rêter les insectes qui y sont entraînés; l'intérieur de ce bec est enduit d'une espèce de glu qui paroît filer de la partie supérieure, et qui suffit pour retenir toutes les phalènes et même les scarabées dont les ailes s'y engagent. Les engoulevents sont très répandus, et cependant ne sont communs nulle part; ils se trouvent, ou du moins ils passent dans presque toutes les régions de notre continent, depuis la Suède et les pays encore plus septentrionaux jusqu'en Grèce et en Afrique d'une part, de l'autre jusqu'aux grandes Indes, et sans doute encore plus loin. M. Sonnerat en a envoyé un au Cabinet du Ptoi , venant de la côte de Coro- mandel , qui est sans doute une femelle ou un jeune, puisqu'il ne diffère guère du nôtre qu'en ce qu'il n'a point sur la tête et les ailes ces taches blanches dont M. Linnaeus fait un caractère propre au mâle adulte. M. le comuuindeur de Godeheu nous apprend qu'au mois d'avril le vent du sud-ouest amène ces oiseaux à Malte ; et M. le chevalier des Mazys, très bon obser- vateur, me mande qu'ils passent en égaie abondance en autonîne. On en rencontre dans les plaintes et dans 5 44 l' E X G 0 U L îi V K N T. les pays de montagnes , dans la Brie et dans le Bugey, en Sicile^, et en Hollande, presque toujours sous un buisson ou dans de jeunes taillis, ou bien autour des vignes : ils semblent préférer les terrains secs et pier- reux , les bruyères, etc. Ils arrivent plus tard dans les pays plus froids, et ils en partent plus lôt^; ils ni- chent, chemin faisant, dans les lieux qui leur con- viennent^, tantôt plus an midi, tantôt plus au nord. Ils ne se donnent pas la peine de construire un nid; un petit trou qui se trouve en terre ou dans des pier- railles, au pied d'un arbre ou d'un rocher, et que le plus souvent ils laissent comme ils l'ont trouvé, leur suffit '^. La femelle y dépose deux ou trois œufs plus gros que ceux du merle et plus rembrunis ^; et quoi- que l'aiTection des père et mère p our leur géniture se 1. Un voyageur instruit ma rapporté que, sur les montagnes de Sicile, ou vojoit ces oiseaux paroîlre une heure avaut le coucher du soleil, et se répandre pour chercher leur nourriture, de compagnie avec les guêpiers, et qu'ils alloient quelquefois cinq ou six ensemble. 2. En Angleterre , ils arrivent sur la fin de mai , et ils s'en vont vers le milieu d'août, suivant la Zoologie britannujue. En France, M. Hé- bert en a vu dans le mois de novembre : un chasseur m'a assuré en avoir vu l'hiver. 5. Les chasseurs que j'ai consultés prétendent qu'ils ne nichent pas dans le canton de la Bourgogne que j'habite (l'Auxois) , et qu'ils n'y paroissent que dans le temps des vendanges. 4- Telle est l'opinion la plus généralement reçue ; mais je ne dois pas dissimuler que , selon M. Linnaeus , ils construisent un nid avec de la terre humectée , de forme orbiculaire , entre des rochers. M. Salerne dit aussi que M. de Réaumur a vu un nid de crapaud volant où il y avoit trois œufs, etc.; mais il dit au même endroit que le crapaud volant ne fait point de nid. Il a donc voulu dire que M. de Réaumur avoit vu l'endroit où une femelle de cette espèce avoil pondu ses ceufs. 5. Ils sont oblongs, blanchâtres, et lâchetés de brun, dit M. Sa- krne; marbrés de brun et de pourpre sur uii fond blanc , dit le comte l'engoulevent. 545 mesure ordinairement par les peines et les soins qu'ils se sont donnés pour elle, il ne faut pas croire que l'engoulevent ait peu d'altaehement pour ses œufs : on m'assure, au contraire , que la mère les couve avec une grande sollicitude, et que lorsqu'elle s'est aper- çue qu'ils étoient menacés ou seulement remarqués par quelque ennemi (ce qui revient au même), elle sait fort bien les changer de place en les poussant adroitement, dit -on, avec ses ailes, et les faisant rouler dans un antre trou qui n'est ni mieux travaillé ni mieux arrangé que le premier, mais où elle les juge apparemment mieux cachés. La saison où l'on voit plus souvent voler ces oiseaux , c'est l'automne. Eti général , ils ont à peu près le vol de la bécasse et les allures de la chouette. Quelque- fois ils inquiètent et dérangent beaucoup les chas- seurs qui sont à l'affût. Mais ils ont une habitude assez singulière et qui leur est propre : ils feront cent fois de suite le tour de quelque gros arbre effeuillé, d'un vol fort irrégulier et fort rapide ; on les voit de temps à autre s'abattre brusquement et comme pour tomber sur leur proie, puis se relever tout aussi brusquement. Ils donnent sans doute ainsi la chasse aux insectes qui voltigent autour de ces sortes d'arbres : mais il est très rare qu'on puisse, dans cette circonstance, les approcher à la portée du fusil ; lorsqu'on s'avance, ils disparoissent fort promptement et sans qu'on puisse découvrir le lieu de leur retraite. Comme ces oiseaux volent le bec ouvert, ainsi que de Ginaaii dans l'Ornithologie italienne : celui-ci ajoute que la coque en est extremeincnt mince. 546 l'engoulevent. je i'ai remarqué plus haut, et qu'ils volent assez ra- pidement , on comprend bien que l'air, entrant et soTtant continuellement, éprouve une collision con- tres les parois du gosier , et c'est ce qui produit un bourdonnement semblable au bruit d'un rouet à fiier. Ce bourdonnement ne manque jamais de se faire en- tendre tandis qu'ils volent, parce qu'il est l'effet de leur vol , et il se varie suivant les différents degrés de vitesse respective avec lesquels l'air s'engouffre dans leur large gosier. C'est de là que leur vient le nom de wheel-birdj sous lequel ils sont connus dans quel- ques provinces d'Angleterre. Mais est-il bien vrai que ce cri ait passé généralement pour un cri de mauvais augure, comme le disent Eelon , Klein, et ceux qui les ont copiés? ou plutôt ne seroit-ce pas une erreur \ née d'une autre méprise, qui a fait contond^re l'engou- levent avec l'effraie? Quoi qu'il en soit, lorsqu'ils sont posés, ils font entendre leur cri véritable, qui con- siste dans un son plaintif répété trois ou quatre fois de suite; mais il n'est pas bien avéré qu'ils ne le fas- sent jamais entendre en volant. Ils se perchent rarement; et lorsque cela leur ar- rive, on prétend qu'ils se posent, non en travers comme les autres oiseaux, mais longitudinalement sur la bran- che qu'ils senjblent ckockcr ou cocker comme le coq fait la poule, et de là le nom dx} clioche-branclie. Sou- vent, lorsqu'un oiseau est connu dans un grand nom- bre de pays différents, et qu'il a été nommé dans chacun, il suffit , pour faire connoître ses principales habitudes, de rendre raison de ces noms divers. Ceux- ci sont des oiseaux très solitaires; la plupart du temps L JSNGOLLEVENT. 34; on les trouve seuls, et Ton n'en voit guère plus de deux ensemble; encore sont-ils souvent à dix ou douze pas l'un de l'autre. J'ai dit que l'engoulevent avoit le voi de la bécasse, et Ton peut dire la môme chose du plumage ; car il a tout le dessus du cou , de la tête et du corps, et môme le dessous, joliment variés de gris et de noi- râtre, avec plus ou moins de roussâtre sur le cou , les scapulaires , les joues, la gorge, le ventre, les cou- vertures, et les pennes de la queue et des ailes; tout cela distribué de manière que les teintes les plus fon- cées régnent sur le dessus de la tète, la gorge, la poitrine, la partie antérieure des ailes et leur extré- mité : mais cette distribution est si variée, les détails en sont si multipliés, et d'une si grande finesse, que ridée de la chose se perdroit dans les particularités d'une descriplion d'autaat plus obscure qu'elle seroit plus minutieusement complète; un seul coup d'œil sur l'oiseau , ou du moins sur son portrait, en appren- dra plus que toutes les paroles. Je me contenterai donc d'ajouter ici les attributs qui caractérisent l'en- goulevent. Il a la mâchoire inférieure bordée d'une raie blanche qui se prolonge jusque derrière la tôte; une tache de la môme couleur sur le côté intérieur des trois premières pennes de l'aiie, et au bout des deux ou trois pennes les plus extérieures de la queue, mais ces taches blanclies sont propres au mâle , sui- vant M. Linnasus^; la tête grosse; les yeux très sail- lants; l'ouverture des oreilles considérable; celle du 1. Willughby a observé un individu en qui ces taches étoient d'un jaune pâle, teintées de noir et peu marquées. J'ai observé la même chose sur diiux individus. Ce sont apparemment les femelles. L'un de 54s l'engoulevent. gosier dix fois plus grande que celle du bec; le bec petit, plat, un peu crochu; la langue courte, poin- tue , non divisée par le bout; les narines rondes^ leur bord saillant sur le bec ; le crâne transparent ; l'ongle du doigt du milieu dentelé du côté intérieur, comme dans le héron, enfin les trois doigts antérieurs unis par une membrane jusqu'à la j)remière phalange. On prétend que la chair des jeunes est un assez bon man- ger, quoiqu'elle ait un arrière-goût de fourmi. Longuevir totale , dix pouces et demi ; bec , qua- torze lignes; tarse , sept lignes, garni de plumes pres- que jusqu'au bas ; doigt du milieu , neuf lignes; doigt postérieur, le plus court de tous, ne devroit point s'appeler postérieur, vu qu'il a beaucoup de dispo- sition à se tourner en avant, et que souvent il est tourné tout-à-fait ; vol , vingt-un pouces et demi ; queue, cinq pouces, carrée, composée de dix pennes seulement; dépasse les ailes de quinze lignes. OISEAUX ÉTRANGERS QUI ONT RAPPOUT A L'ENGOULEVENT. Comme il n y a qu'une s«ule espèce de ce genre éta- blie dans les trois parties de l'ancien continent, et qu'il s'en trouva dix ou douze établies dans le nou- veau , on pourroit dire avec quelque fondement que ces individus (Moit plus polit que les autres ; et j'ai jugé que céloit une jeuue leniclle. OISEAUX QUI ONT RAPPORT A L ENGOULEVENT. 54() rAmérique est la principaie résidence de ces oiseaux, le vrai lieu de leur origine, et par conséquent regar- der notre race européenne comme une race étran- gère, séparée de sa tige, exilée, transportée par quel- que cas fortuit dans un autre univers, où elle a fondé une colonie qui sembleroit devoir être toujours sub- ordonnée à la race mère, et ne devoir jamais lui disputer le pas dans aucun genre. D'après cela, on pourroit inférer que nous aurions dû commencer l'histoire de cette famille par les races américaines qui représentent ici la métropole; et nous aurions en effet suivi cet ordre, qui , sous ce point de vue , pa- roît être celui de la nature, si nous n'eussions été déterminés par des raisons encore plus fortes à suivre un ordre tout diff'érent, et cependant tout aussi na- turel, du moins plus analogue à la nature de notre entendement ; ordre qui consiste à procéder du plus connu au moins connu, et nous prescrit à nous au- tres Européens de commencer l'histoire d'une classe d'animaux quelconque par les espèces européennes comme étant les plus connues dans les pays où nous écrivons , et les plus propres à jeter de la lumière sur l'histoire des espèces étrangères^, sauf aux naturalistes 1. C'est par cette même raison que j'ai commencé l'histoire du cou- cou par celJe de l'espèce européenne, et que j'ai considéré celle-ci comme étant le tronc commun des brandies répandues dans les trois autres parties du monde. Mais tout ce que j'ai dit dans cette su|)po- sition ne se trouve pas moins vrai : il sera toujours vrai de dire que les races provenant d'un tronc commun s'éloigneront d autant plus de cette race primitive, qu'elles en auront été séparées plus ancienne- ment; que par conséquent la race européenne ayant plus de ressem- blance avec celle d'Amérique qu'avec celles d A Irique et d'Asie , doit être censée dériver nouvellement eî immédîaieiueut de la race améri- ODO OISEALX QUI OiNT IlAPPOUT A L ENGOULEVENT. américains à commencer l'histoire qu'ils feront de la nature (et plût au ciel qu'ils en fissent une !) par les productions de l'Amérique. Les principaux attributs qui appartiennent aux en- goulevenls, c'est un bec aplati à sa base, ayant la pointe légèrement crochue, petit en apparence, mais suivi d'une large ouverture , plus large que la tète , disent certains auteurs; de gros yeux saillants, vrais yeux d'oiseaux nocturnes , et de longues moustaches noi- res autour du bec. Il résulte de tout cela une phy- sionomie morne et stupide,mais]bien caractérisée; un air de famille lourd et ignoble , tenant des martinets et des oiseaux de nuit , mais si bien marqué , que l'on distingue au premier coup d'œil un engoulevent de tout autre oiseau. Ils ont outre cela les ailes et la queue longue, celle-ci rarement et très peu fourchue, composée de dix pennes seulement ; les pieds courts et le plus souvent pattus; les trois doigts antérieurs liés ensemble par une membrane jusqu'à leur pre- mière articulation; le doigt postérieur mobile et se tournant quelquefois en avant; l'ongle du doigt du milieu dentelé ordinairement sur son bord intérieur, la langue pointue et non divisée par le bout; les na- rines tubulées , c'est-à-dire que leurs rebords sail- lants forment sur le bec la naissance d'un petit tube cylindrique; l'ouverture des oreilles grande , et pro- bablement l'ouïe très fine: il semble au moins que cela doit être ainsi dans tout oiseau qui a la vue foi- ble , et le sens de l'odorat presque nui ; car le sens de l'ouïe étant alors le seul qui puisse l'aviser de ce qui caine. laciuelle peut clle-mêino être issue, mais plus anciennement , de la ni ce asiatique. OISEAUX QUI ONT UAPPOIVI A L EXCOULEVENï. 55 1 se passe au dehors à une certaine distance , ii est comme force de donner une grande attention aux rapports que lui fait ce sens unique , et de le dispo- ser de la manière la plus avantageuse ; ce qui ne peut manquer à la longue de le modifier, de le perfection- ner, du moins quant aux bruils qui sont relatifs à ses besoins, et en même temps d'influer sur la confor- mation des pièces qui composent cet organe. Au reste, on ne doit passe persuader que tous les attributs dont j'ai fait l'ènumération appartiennent sans exception à chaque espèce : quelques unes n'ont point de mousta- ches, d'autres ont plus de dix pennes à la queue; d'au- tres n'ont pas l'ongle du milieu denteh'; quelques unes l'ont dentelé, non sur le bord intérieur, mais sur l'ex- térieur; d'autres n'ont point les narines tubulées; dans d'autres enfin , le doigt postérieur ne paroît avoir au- cune disposition à se tourner en avant. JMais une pro- priété commune à toutes les espèces, c'est d'avoir les organes de la vue trop sensibles pour pouvoir soutenir la clarté du jour; et de cette seule propriété dérivent les principales différences qui séparent le genre des engoulevents de celui des hirondelles : de là l'habi- tude qu'ont ces oiseaux de ne sortir de leur retraite que le soir au coucher du soleil , et d'y rentrer le matin avant ou peu après son lever : de là l'habitude de vivre isolés et tristement seuls ; car l'effet naturel des ténèbres est de rendre les animaux qui y sont condamnés, tristes, inquiets, défiants, et par consé- quent sauvages : de là la différence du cri; car on sait combien dans les animaux le cri est modifié par les- affectio!!? intérieures : de là encore, selon moi, Tlia- OD'2 OISEAUX QUI O.M ilxVrPOilT A L ENGOULEVENT. bitude de ne point faire de nid; car il faut voir pour choisir les matériaux d'un nid, pour les employer, les entrelacer, les mettre chacun à leur place, donner la forme au tout, etc. Nul oiseau, que je sache, ne travaille à cet ouvrage pendant la nuit, et la nuit est longue pour les engoulevents, puisque sur vingt-quatre heures ils n'ont que trois heures de crépuscule, pen- dant lesquelles ils puissent exercer avec avantage la faculté de voir : or ces trois heures sont à peine suffi- santes pour satisfaire au premier besoin , au besoin le plus pressant, le plus impérieux, devant lequel se taisent tous les autres besoins, en un mot, au besoin de manger. Ces trois heures sont à peine suffisantes, parce qu'ils sont obligés de poursuivre leur nourriture dans le vague de l'air, que leur proie est ailée comme eux, fuit légèrement, leur échappe, sinon par la vi- tesse, du moins par l'irrégularité de son vol, et qu'ils ne peuvent s'en saisir qu'à force d'allées et de venues, de ruses, de patience, et surtout à force de temps : il ne leur en reste donc pas assez pour construire un nid. Par la même raison les oisea-ux de nuit qui sont organisés à peu près de même , quant au sens de la vue , et qui pour la plupart n'ont l'usage de ce sens que lorsque le soleil est sous l'horizon on près d'y descendre, ne font guère plus de nid que les engou- levents, et , ce qui est plus décisif, ne s'en occupent qu'à proportion que leur vue, plus ou moins capable de soutenir une grande clarté, prolonge pour eux le temps du travail. De tous les hiboux, le grand duc est le seul que l'on dise faire un nid, et c'est aussi de tous celui qui est le moins oiseau de nuit , puisqu'il OISEAUX QUI ONT RAPPORT A L ENGOULEVENT. OJv> voit assez clair en plein Jour pour voler et fuir à de grandes distances*. La petile chevêche, qni poursuit et prend les petits oiseaux avant le coucher et après le lever du soleil, amasse seulement quelques feuilles, quelques brins d'herbe, et dépose ainsi ses œufs, point tout-à-fait à cru, dans des trous de rochers on de vieil- les murailles; enfin le moyen duc, l'effraie, la hulotte, et la grande chevêche, qui, de toutes les espèces noc- turnes, peuvent le moins supporter la présence du soleil , pondent aussi dans des trous semblables ou dans des ariires creux, mais sans y rien ajouter, ou dans des nids étrangers qu'ils trouvent tout faits; et j'ose assurer qu'il en est de même de tous les oiseaux qui, par le vice d'une trop grande sensibilité , ou, si l'on veut, d'une trop grande perfection des organes visuels, sont oflbsqués , aveuglés par la lumière du jour, au lieu d'en être éclairés. Un autre eOet de cette incommode perfection, c'est que les engoulevents, ainsi que les autres oi- seaux de nuit, n'ont aucune couleur éclatante dans leur plumage, et sont même privés de ces retlets ri- ches et changeants qui brillent sur la robe, assez mo- deste d'ailleurs, de nos hirondelles; du blanc et du noir, du gris qui n'est que le mélange de l'un et de l'autre, et du roux, font toute leur parure, et se brouillent de manière qu'il en résulte un ton général de couleur sombre, confus et terne: c'est qu'ils fuient la lumière, et que la lumière est, comme l'on sait, la source première de toutes les belles couleurs. Nous voyons les linottes perdre sous nos yeux , dans les prisons où nous les tenons renfermées, le beau rouge 1. Vovo7, tome XIX de cette Histoire naturelle. 354 OISEArX QUI ONT RAPPORT A LENGOULEVENT. qui faisoit rorneiiîentde leur plumage, lorsqu'à cha- que aurore elles pouvoient saluer en plein air la lu- mière naissante , et tout le long du jour se pénétrer , s'imbiber pour ainsi dire de ses brillantes influences. Ce n'est point dans la froide Norwége ni dans la té- nébreuse Laponie, que l'on trouve les oiseaux de paradis, les cotingas, les flamands, les perroquets, les colibris, les paons; ce n'est pas même dans ces climats disgraciés que se forment les rubis, le saphir, la topaze; enfin les fleurs qui croissent comme malgré elles, et végètent tristement sur une cheminée ou dans l'ombre d'une serre entretenue à grands frais, n'ont pas cet éclat vif et pur que le soleil du prin- temps répand avec tant de profusion sur les fleurs de nos parterres et même sur celles de nos prairies. A la vérité, les phalènes ou papillons de nuit ont quel- quefois de fort belles couleurs; mais cette exception apparente confirme mon idée, ou du moins ne la contredit p^s; car d'habiles observateurs ont remar- qué que ceux de ces papillons nocturnes qui voltigent quelquefois le jour, soit pour chercher leur nourri- ture, soit pour s'apparier, et qui ne sont par consé- quent nocturnes qu'à demi, ont les ailes peintes de couleurs plus vives que les véritables phalènes, les véritables papillons de nuit, qui ne paroissent jamais tandis crue le soleil est sur l'horizon. J'ai même ob- serve que la plupart de ceux-ci ont des couleurs as- sez semblables à celles des engoulevents; et si dans le grand nombre il s'en trouve qui en aient de belles, c'est parce que les couleurs du papillon ne peuvent manquer d'être déjà fort ébauchées dans sa larve, et que les larves ou les chenilles des phalènes n'é- OISEAUX Qin ONT RAPPORT A LENGOULEVENT. 555 prouvent pas moias l'actioii de la lumière que les chenilles des papillons diurnes. Enfin les chrysalides de ceux-ci, qui sont toujours sans enveloppe, tou- jours exposées à l'air libre, ont pour la plupart des couleurs éclatantes, et quelques unes semblent or- nées de paillettes d'or et d'argent que l'on cherche- roit vainement sur les chrysalides des phalènes, le plus souvent renfermées dans des coques ou enfouies dans la terre. En voilà assez, ce me semble, pour m'autoriser à croire que lorsqu'on aura tait des ob- servations suivies et comparées sur la couleur des plumes des oiseaux, des ailes des papilJons, et peut- être du poil des quadrupèdes , on trouvera que , toutes choses égales d'ailleurs, les espèces les plus brillantes, les plus riches en couleurs, seront presque toujours celles qui dans les différents états auront été le plus à portée d'éprouver l'action de la lumière. Si mes conjectures ont quelque fondement, les personnes qui réfléchissent verront sans beaucoup de surprise combien un sens de plus ou de moins, ou seulement quelques degrés de sensibilité de plus ou de moins dans un seul organe, peuvent entraîner de différences considérables , et dans les habitudes na- turelles d'un animal, et dans ses propriétés tant inté- rieures qu'extérieures. I. L'ENGOULEVENT DE LA CAllOLÏLNE. CaprimuLgas carotinensis. Gaiei.. Si , comme il y a toute apparence , l'Europe doit les engoulevents à l'Amérique, c'est ici l'espèce qui a franchi le passage du nord pour venir établir une co- 356 l'engoulevent de la Caroline. lonie dans l'ancien continent. Je le juge ainsi parce que cette espèce, habitant l'Amérique septentrio- nale, s'est trouvée plus à portée des contrées encore plus septenlrionaîes, d'où le passage en Europe étoit facile, et que d'ailleurs elle ressemble fort à la nôtre, et pour la taille, et pour les couleurs : entre autres marques communes, elle a la mâchoire inférieure bordée de blanc, et une tache de même couleur sur le bord de l'aile. Son principal trait de dissemblance, c est qu'au lieu d'être variée sous le corps par de pe- tites lignes transversales, elle l'est par de petites li- gues longitudinales, et qu'elle a le bec plus long. Mais une si grande difl'érence de climat n'auroit-elle pas pu produire des différences encore plus considé- rables dans la forme et le plumage de cet oiseau? Voici ce que Catesby nous apprend de ses habi- tudes naturelles : il se montre le soir, mais jamais plus fréquemment que lorsque le temps est couvert; et de là sans doute son nom d'oiseau de pluie ^ qui lui est commun avec plusieurs autres oiseaux; il poursuit la gueule béante les insectes ailés dont il fait sa pâ- ture, et son vol est accompagné de bourdonnement ; enfin il pond à terre des œufs semblables à ceux de vanneau. On voit que chaque trait de cette petite histoire est un trait de conformité avec l'histoire de notre espèce européenne. Longueur totale, onze pouces un quart; bec, clix- neuf lignes, environné de moustaches noires; tarse, huit lignes; ongle du milieu dentelé à l'intérieur; les trois doigts antérieurs liés par une membrane qui ne passe pas la première articulation; queue, quatre pouces; dépasse les ailes de seize lignes.. LE WHir-POOR-WILL. Ô^J II. LE WHIP.POOR-WILL. Caprimutgus virgimanus. Gmei,. Je conserve le nom que les Yirginiens ont donné à cette espèce , parce qu'ils le lui ont donné d*après son cri, et que par cela seul il doit être adopté dans toutes les langues. Ces oiseaux arrivent en Virginie vers le milieu d'a- vril, surtout dans la partie occidentale, et dans les endroits montagneux : c'est là qu'on les entend chan- ter ou plutôt crier pendant la nuit d'une voix si ai- guë et si perçante, tellement répétée et multipliée par les échos des montagnes, qu'il est difficile de dormir dans les environs. Ils commencent peu de minutes après le coucher du soleil, et continuent jusqu'au point du jour. Ils descendent rarement sur les côtes, plus rarement encore ils paroîssent pendant le jour. Leur ponte est de deux œufs d'un vert ob- scur, varié de petites taches et de petits traits noi- râtres ; la femelle les dépose négligemment au milieu d'un sentier battu, sans construire aucun nid, sans mettre ensemble deux brins de mousse ou de paille, et même sans gratter la terre. Lorsque ces oiseaux couvent, on peut les approcher d'assez près avant qu'ils s'envolent. Plusieurs les regardent comme des oiseaux de mau- vais augure. Les sauvages de la Virginie sont persua- dés que les âmes de leurs ancêtres , massacrés autre- fois par les Anglois , ont passé dans le corps de ces oiseaux ; et pour preuve ils ajoutent qu'avant cette BUFFON. XXIV, 25 558 LE wnip-poon-wiLL. époque, on ne les avoit jamais vus dans le pays. Mais €ela prouve seulement que de nouveaux habitants ap- portent de nouvelles cultures, et que les nouvelles cultures attirent des espèces nouvelles. Ces oiseaux ont le dessus de la tête et tout le corps , jusques et compris les couvertures supérieures et les pennes de la queue , et même les pennes moyennes des ailes, d'un brun foncé, rayé transversalement de brun clair, et parsemé de petites taches de cette môme couleur, avec un mélange de cendré fort irré- gulier; les couvertures supérieures des ailes, de même semées de quelques taches d'un brun clair; les gran- des pennes des ailes, noires : les cinq premières mar- quées d'une tache blanche vers le milieu de leur lon- gueur; et les deux paires extérieures de la queue marquées de même vers le bout; le tour des yeux, d'un brun clair tirant au cendré; une suite de taches orangées qui prend à la base du bec, passe au dessus des yeux, et descend sur les côtés du cou; la gorge couverte d'un large croissant renversé, blanc dans le haut, teint d'orangé dans le bas, et dont les cornes se dirigent de chaque côté vers les oreilles; tout le reste de la partie inférieure, blanc teinté d'orangé, rayé transversalement de noirâtre; le bec noir, et les pieds couleur de chair. Cet engoulevent est d'un tiers plus petit que le nôtre, et a les ailes plus longues à proportion. Longueur totale , huit pouces ; bec , neuf lignes et demie, sa base entourée de moustaches noires; tarse , cinq lignes; l'ongle du doigt du milieu, dentelé sur son bord extérieur; queue, trois pouces un quart; ne dépasse point les ailes. Ï.E GUIRA-QUEREA. 7)Sg III. LE GUIRA-QUEREA. Caprimulgus torqaatus. Gmel. Quoique M. Brisson n*ait fait aucune distinction CQtre le gnira décrit par M. Sloane et celui décrit par Marcgrave, je me crois fondé à les distinguer ici, du moins comme variétés de climat. J'en dirai les raisons en parlant du guira de Marcgrave. Celui de M. Sloane avoit la tête et le cou variés de couleur de tabac d'Espagne et de noir; le ventre et les couvertures supérieures de la queue et des ailes, variés de blan- châtre ; les pennes de la queue et des ailes variées de brun foncé et de blanc; la mâchoire inférieure pres- que sans plumes; la tête au contraire en étoit char- gée; les yeux saillants hors de l'orbite d'environ trois lignes ; la pupille bleuâtre , et l'iris orangé. Cet oiseau se trouve au Brésil; c'est un habitant des bois , qui vit d'insectes et ne vole que la nuit. Longueur totale, seize pouces; bec, dewx pouces, de forme triangulaire ; sa base , trois pouces ; le su- périeur un peu crochu , bordé de longues moustaches ; narines , dans une rainure assez considérable ; gosier à large ouverture; tarse, trois lignes^; vol, trente pouces; queue, huit pouces ; langue petite et trian- gulaire; estomac blanchâtre, peu musculeux, conte- nant des scarabées à demi digérés; foie rouge , divisé 1. S'il n'y a point ici de faute d'impression, ce guira est. de tous les oiseaux connus, celui qui a les pieds les plus courts , relativement à la longueur de ses ailes, et il mériteroit le nom (.Vapode par excel- lence. 560 LE GUIRA-QUEREA. en deux lobes, l'un à droite, l'autre à gauche; les intestins roulés en plusieurs circonvolutions. Le guira de Marcgrave avoit deux caractères très apparents qui ne se trouvent point dans la descrip- tion de M. Sloane, et qui cependant n'auroient pu échapper à un tel observateur; je veux dire un collier couleur d'or, et les deux pennes intermédiaires de la queue beaucoup plus longues que les latérales. D'ail- leurs il est plus petit, car Marco;rave ne le fait pas plus gros qu'une alouette; et il est difficile de supposer à une alouette ou à tout autre oiseau de cette taille une envergure de trente pouces, comme l'avoit le guira de M. Sloane. Tout cela, joint à quelques autres dif- férences de plumage, m'autorise à regarder celui de Marcgrave comme une variété de climat. Il avoit la tête large , comprimée, assez grosse ; les yeux grands; un petit bec à large ouverture ; le corps arrondi ; le plumage d'un cendré brun , varié de jaune et de blan- châtre; un collier de couleur d'or teinté de brun ; les bords du bec près de la base, hérissés de longues moustaches noires; les doigts antérieurs liés par une membrane courte; l'ongle de celui du milieu den- telé; les ailes de six pouces; la queue de huit, com- pris les deux pennes intermédiaires qui excèdent les latérales. IV. L'IBIJAU. Caprimulgus bras'dianus. Gmel. On retrouve dans cet oiseau du Brésil tous les at- tributs des engoulevents; tête large et comprimée, gros yeux, petit bec, large gosier, pieds courts, on- l'ibijau. 36i gle du doigt du milieu dentelé sur son bord inté- rieur, etc. Mais une chose qui lui est propre, c'est l'habitade d'épanouir sa queue de temps en temps. Il a la tête et tout le dessus du corps noirâtre, semés de petites taches, la plupart blanches, quelques unes teintées de jaune; le dessous du corps blanc, varié de noir comme dans l'épervier, et les pieds blancs. Sa taille est à peu près celle de l'hirondelle ; il a la langue très petite; les narines découvertes; tarse, six lignes; queue , deux pouces, ne dépasse point les ailes. Variétés de t'Ibljau. I. LE PETIT ENGOULEVENT TACHETÉ DE GAYENNE. (a" 734.) Caprimulgus semitorquatus. Gmel. Il a beaucoup de rapports avec l'ibijau , et par sa pe- titesse, quoique moindre, et par la longueur relative de ses ailes, et par ses autres proportions, et par son plumage noirâtre tacheté d'une couleur plus claire : mais cette couleur plus claire est du roux ou du gris dans tout le plumage, excepté sur le cou, lequel porte en sa partie antérieure une espèce de collier blanc , dont Marcgrave n'a point parlé dans la de- scription de l'ibijau, et qui fait la marque distinctive de cette variété; elle a aussi le dessous du corps plus rembruni. Longueur totale, huit pouces; bec , quinze lignes, 562 VARIÉTÉS DE l'iBIJAIÎ. noir, garni de petites moustaches; queue, deux pou- ces et demi. II. LE GRAND IBIJAU. Ce n'est en effet qu'une variété en grandeur, et la différence est considérable à cet égard. Celui-ci est de la taille d'une chouette , et il a l'ouverture du bec si grande, qu'on y mettroit le poing : du reste, ce sont les mêmes couleurs et les mêmes proportions. Marcgrave ne dit pas qu'il ait l'habitude d'épanouir sa queue comme le petit ibijau; il dit encore moins qu'il ait une corne sur la partie antérieure de la tête, et derrière cette corne une petite huppe , comme ou pourroit se le persuader d'après la figure. Mais on sait combien les figures données par Marcgrave sont peu exactes, et combien il est plus sûr de s'en rap- porter au texte : or le texte dit que le grand ibijau ne diffère absolument du petit que par la taille ; et comme d'ailleurs il ne donne au petit ibijau ni huppe ni corne, on peut, ce semble, conclure avec toute probabilité que le grand n'en a point non plus. On doit rapporter à cette espèce le grand engou- levent de Cayenne, n° 325 , soit à cause de sa grande taille, soit à cause de son plumage tacheté de noir, de fauve et de blanc, principalement sur le dos, les ailes, et la queue. Le dessus de la tête et du cou , et le dessous du corps, sont rayés transversalement de diverses teintes de ces mêmes couleurs : mais la teinte générale de la poitrine est plus brune, et forme une espèce de ceinture. M. de Sonnini en a vu un dont le plumage étoitplus rembruni ; on l'avoit trouvé dans VARIÉTÉS DE l'iBIJAU. 565 le creux d'un très gros arbre : c'est la demeure or- dinaire de cet engoulevent; mais il préfère les arbres qui sont à portée des eaux. Il est à la fois le plus grand des oiseaux de ce genre connus à Cayenne, et le plus solitaire. Longueur totale , vingt-un pouces ; bec, trois pou- ces de long et autant de large ; le supérieur a une forte échancrure des deux côtés près de sa pointe, l'infé- rieur s'emboîte entre deux échancrures , et il a ses bords renversés en dehors; narines non saillantes et couvertes par les plumes de la base du bec qui re- viennent en avant ; tarse , onze lignes , garni de plu- mes presque jusqu'aux doigts; ongles crochus, creu- sés par dessous en gouttière, cette gouttière divisée en deux par une arête longitudinale ; l'ongle du doigt du milieu non dentelé; ce doigt est fort grand, et paroît plus large qu'il n'est en effet, à cause du re- bord membraneux qu'il a de chaque côté; queue, neuf pouces, un peu étagée ; les ailes la dépassent de quelques lignes. V. L'ENGOULEVENT A LUNETTES, ou LE HALEUR. Caprimutgus americanus. L. On a cru voir quelque rapport entre les narines saillantes de cet oiseau et une paire de lunettes : de là son nom d'engoulevent à lunettes. Quant à celui de lia leur j on juge bien qu'il doit avoir rapport à son cri. Cet engoulevent vit d'insectes comme tous les 564 l'engoulevent a lunettes. autres, et ressemble , par la conformation des parties intérieures, au guira de M. Sloane, avec lequel il va de compagnie; car il se trouve à la Jamaïque comme le guira , et de plus à la Guiane. Son plumage est varié de gris, de noir, et de feuille-morte; mais les teintes sont plus claires sur la queue et les ailes : il a le bec noir, les pieds bruns, et beaucoup de plumes sur la tête et sous la gorge. Longueur, suivant M. Sloane, sept pouces; bec petit à grande ouverture, le supérieur un peu cro- chu, long de trois lignes (sans doute à compter de- puis la naissance des plumes du front ) , bordé de moustaches noires; tarse avec le pied, dix-huit li- gnes; vol, dix pouces : sur quoi il faut remarquer, 1° que ces mesures ont été prises avec le pied anglois, im peu plus court que le notre ; 2° que M. Brisson indique d'autres mesures que M. Sloane, mais que, selon toute apparence, il les a empruntées de la fi- gure donnée par M. Sloane lui-même, laquelle est beaucoup plus grande que ne le suppose le texte de cet auteur, pris à la lettre; 5" que dans cette hypo- thèse , qui n'est pas sans vraisemblance , la longueur de l'oiseau, fixée à sept pouces par M. Sloane, sem- ble devoir se prendre de la base du bec à la base de la queue, ce qui concilieroit les dimensions de la figure avec celles qui sont énoncées dans le texte. Cependant je ne dois pas dissimuler que M. Ray, sans s'arrêter à la figure de l'oiseau donnée par M. Sloane, et sans prendre garde qu'il est fort rare que l'on donne de pareilles figures grossies, s'en tient à la lettre du texte , et regarde cet engoulevent comme un très petit oiseau. l'engoulevent varié de cayenne. 565 VI. L'ENGOULEVENT VARIÉ DE CAYENNE. Caprimulgus cayeiinensis. Gmël. Tous les oiseaux de ce genre sont variés , mais ce- lui-ci, n"* 760, l'est plus que les autres; c'est aussi l'espèce la plus commune dans l'île de Cayenne. Cet engoulevent se tient dans les plantages, les chemins , et autres endroits découverts : lorsqu'il est à terre , il fait entendre un cri foible , toujours accompagné d'un mouvement de trépidation dans les ailes; ce cri a du rapport avec celui du crapaud; et si l'engoule- vent d'Europe en avoit un semblable, on auroit été bien fondé à lui donner le nom de crapaud -volant. Celui de Cayenne, dont il s'agit ici, a encore un autre cri qui n'est pas fort diiTérent de l'aboiement d'un chien : il est peu farouche, et ne part que lors- qu'on est fort près ; encore ne va-t-il pas loin sans se poser. Il a la tête rayée finement de noir sur un fond gris, avec quelques nuances de roux ; le dessus du cou rayé des mêmes couleurs, mais moins nettement; de cha- que côté de la tête cinq bandes parallèles rayées de noir sur un fond roux; la gorge blanche, ainsi que le devant du cou; le dos rayé transversalement de noirâtre sur un fond roux ; la poitrine et le ventre rayés aussi, mais moins régulièrement, et semés de quelques taches blanches; le bas-ventre et les jambes blanchâtres, tachetés de noir; les petites et moyennes couvertures des ailes, variées de roux et de noir, de sorte que le roux domine sur les petites, et le noir 566 l'I' NGOULEVENT VARIÉ DE CAYENNE. sur les moyennes; les graades terminées de blanc; d'où il résulte une bande transversale de cette cou- leur; les pen'ues des aiies noires; les cinq premières marquées de blanc vers les deux tiers ou les trois quarts de leur longueur; les couvertures supérieures et les deux pennes intermédiaires de la queue rayées transversalement de noirâtre sur un fond gris, brouillé de noir; les pennes latérales noires, bordées de blanc, ce bord blanc d'autant plus large que la penne est plus extérieure ; l'iris Jaune ; le bec noir; et les pieds brun jaunâtre. Longueur totale, environ sept pouces et demi; bec, dix lignes, garni de moustaches; tarse, cinq li- gnes; queue, trois pouces et demi; dépasse les aiîes d'environ un pouce. VII. L'ErsGOULEYENT ACUTIPENNE DE LA GUIANE. Caprimuigus acutus, Gmel. Cet oiseau, n° 'jT)2 , diffère de l'espèce précédente ^ planche 760 , non seulement par ses dimensions re- latives, mais par la conformation des pennes de sa queue qu'il a pointues. Il y a aussi quelques diffé- rences dans les couleurs du plumage. Celui-ci a le dessus de la tête et du cou rayés transversalement , mais pas bien nettement, de roux brun et de noir; les côtés de la tête variés des mêmes couleurs, en sorte néanmoins que le roux y domine; le dos rayé de noir sur un fond gris, et le dessous du corps sur un fond roux; les ailes à peu près comme dans l'es- I^ENGOULEVENT ACUTIPENNE DE LA GUIANE. ûG'J pèce précédente ; les pennes de la queue rayées trans- versalement de brun sur un fond roux pâle et brouillé, terminées de noir ; mais cette tache noire qui termine est précédée d'un peu de blanc ; le bec et les pieds sont noirs. On dit que ces oiseaux se mêlent quelquefois avec les chauve-souris; ce qui n*est pas fort étonnant, vu qu'ils sortent de leur retraite aux mêmes heures, et qu'ils donnent la chasse au même gibier. Probable- ment c'est à ce môme engoulevent que doit se rap- porter ce que dit M. de La Borde d'une petite espèce de la Guiane, qu'elle fait sa ponte, ainsi que les ra- miers, les tourterelles, etc. , aux mois d'octobre et de novembre, c'est-à-dire deux ou trois mois avant les pluies. On sait que la saison des pluies, qui com- mence à la Guiane vers le i5 décembre, est aussi dans cette môme contrée la saison de la ponte pour la plupart des oiseaux. Longueur totale , environ sept pouces et demi ; bec, sept lignes; queue, trois pouces, composée de dix pennes égales; est dépassée paries ailes de quelques lignes. VIII. L'ENGOULEVENT GRIS. Caprimulgus grise us. Gmel. J'ai vu dans le cabinet de M. Mauduit un engoule- vent de Gayenne beaucoup plus gros que le précé- dent ; il avoit plus de gris dans son plumage, étoit proportionné un peu différemment, et n'avoit pas les pennes de la queue pointues. Quant au détail des couleurs, i! différoit de l'espèce précédente, en ce 368 l'engoulevent gris. qu'il avoit Jes pennes des ailes inoins noires, rayées transversalement de gris clair ; celles de la queue rayées de brun sur un fond gris varié de brun, sans aucune tache blanche ni sur les unes ni sur les autres ; le bec brun dessus, et jaunâtre dessous. Longueur totale, treize pouces; bec, vingt lignes; queue, cinq pouces un quart; dépassoit un peu les ailes. IX. LE MOlNTVOYAU DE LA GUIANE. Caprlmulgus guianensis. Gmel. Montvoyau est le cri de cet engoulevent, n° -53 , qui en prononce distinctement les trois syllabes, elles répète assez souvent le soir dans les buissons : on ne doit pas être surpris que ce mot soit devenu son nom. II s approche de notre engoulevent par la tache blan- che qu'il a sur les cinq ou six premières pennes de l'aile, dont le fond est noir, et par une autre tache ou bande blanche qui part de l'angle de l'ouverture du bec, se prolonge en arrière, et, ce qui n'a pas lieu dans l'espèce européenne , s'étend jusque sous la gorge. Il a aussi en général plus de fauve et de roux dans son plumage , qui est varié presque partout de ces deux couleurs : mais elles prennent différentes teintes et sont disposées diversement sur les diffé- rentes parties , par raies transversales sur la partie inférieure du corps et les pennes moyennes des ailes, par bandes longitudinales sur le dessus de la tête et du cou, par bandes obliques sur le haut du dos , en- fin par taches irrégulières sur le reste de dessus du corps, où le fauve prend une nuance de gris. LE MO NT VO TAU DE LA GUI ANE. ôQg Longueur totale , neuf pouces ; bec , neuf lignes et demie, environné de moustaches; tarse, nu; ongle du milieu, dentelé sur son côté extérieur; queue, trois pouces; dépasse les ailes d'un pouce. X. L'ENGOULEVENT ROUX DE CAYENNE. Capritnulgus rufus. Gmel. Du roux brouillé de noirâtre fait presque tout le fond du plumage de cet oiseau, n° ^55 ; un noir plus ou moins foncé en fait presque tout l'ornement. Ce noir est jeté par bandes longitudinales, obliques, ir- régulières, sur la tête et le dessus du corps : il forme une rayure transversale fine et régulière sur la gorge, un peu plus large sur le devant du cou, le dessous du corps et les jambes ; encore un peu plus large sur l^s couvertures supérieures et sur le bord intérieur de l'aile près de l'extrémité ; enfin la plus large de toutes sur les pennes de la queue. Quelques taches blanches sont semées çà et là sur le corps , tant des- sus que dessous. En général , le noirâtre domine sur le haut du ventre, le roux sur le bas-ventre, et plus encore sur les couvertures inférieures de la queue. La partie moyenne des grandes pennes des ailes offre un compartiment de petits carrés aUernativement roux et noirs, qui ont presque la régularité des cases d'un échiquier; l'iris est jaune; le bec brun clair, et les pieds couleur de rouille. Longueur totale, dix pouces et demi; bec, vingt- une lignes; queue, quatre pouces deux tiers; dé- passe les ailes de six lignes. Ô'JO L ENGOULEVENT ROUX DE GAYENNE. J'ai VU chez M. Mauduit un engoulevent de la Loui- siane, de la même taille que celui-ci, et lui ressem- blant beaucoup ; seulement les raies transversales étoient plus espacées sur le cou, et le roux y deve- noit plus clair, ce qui formoit une sorte de collier; le reste du dessous du corps étoit rayé comme dans le précédent; le bec étoit noir à la pointe, et jau- nâtre à la base. Longueur totale, onze pouces; bec, deux pouces, bordé de huit ou dix moustaches très roides , reve- nant en avant; queue, cinq pouces, dépassant fort peu les ailes. LES HIRONDELLES'. On a vu que les engoulevents n'étoient , pour ainsi dire, que des hirondelles de nuit, et qu'ils ne difle- roient essentiellement des véritables hirondelles que par la trop grande sensibilité de leurs yeux, qui en fait des oiseaux nocturnes , et par l'influence que ce 1. En italien, rondine, rond'ma, rundino , rundinella, rendena , ce- sila, zi&iia; en espagnol, gotondrina, andorinha; en françois, hiron- delle; en vieux françois, herondelle , harondelle ; dans le Brabaut, ha- ronde; en allemand, schwalb j schawalbe ; en saxon, swale; en flamand, swalwe; en anglois, swallow , sans doute à cause de son large gosier, car to swallow signifie avaler. En Guinée, les hirondelles de jour, que l'on sait très bien distin- guer de celles de nuit, c'est-à-dire des engoulevents, se nomment lelé atterenna. A la Guiaue, elles se nomment papayes en langue ga- ripone. LES HIRONDELLES. Ô'] l vice premier a pu avoir sur leurs Iiabitudes et leur conformation. Eu eflet, les hirondelles ont beaucoup de traits de ressemblance avec les engoulevents, comme je l'ai déjà dit; toutes ont le bec et le gosier larges ; toutes ont les pieds courts et de longues ailes, la tête aplatie, et presque point de cou ; toutes vi- vent d'insectes qu'elles happent en volant : mais elles n'ont point de barbes autour du bec, ni l'ongle du doigt du milieu dentelé ; leur queue a deux pennes de plus, et elle est fourchue dans la plupart des es- pèces : je dis la plupart, vu que l'on connoît des hi- rondelles à queue carrée; par exemple, celles de la Martinique; et j'ai peine à concevoir comment un or- nithologiste célèbre , ayant établi la queue fourchue pour la différence caractérisée qui sépare le genre des hirondelles de celui des engoulevents, a pu man- quer à sa méthode au point de rapporter au genre des hirondelles cet oiseau à queue carrée de la Martini- que, lequel étoit , selon cette méthode, un véritable engoulevent. Quoi qu'il en soit, m'attachant ici prin- cipalement aux différences les plus apparentes qui se trouvent entre ces deux familles d'oiseaux, je re- marque d'abord qu'en général les hirondelles sont beaucoup moins grosses que les engoulevents : la plus grande de celles-là n'est guère plus grande que le plus petit de ces derniers, et elle est deux ou trois fois moins grande que le plus grand. Je remarque, en second lieu, que, quoique les couleurs des hirondelles soient à peu près les mêmes que celles des engoulevents, et se réduisent à du noir, du brun, du gris, dubSanc, et du roux, cependant leur plumage est tout différent, non seulement parce 572 LES HIRONDELLES. que ces couleurs sont distribuées par plus grandes masses, moins brouillées, et quelles tranchent plus nettement l'une sur l'autre, mais encore parce qu'elles sont changeantes et se multiplient par le jeu des di- vers reflets que l'on y voit briller et disparoître tour à tour à chaque mouvement de l'œil ou de l'objet. 5** Quoique ce£ deux genres d'oiseaux se nourris- sent d'insectes ailés qu'ils attrapent au vol, ils ont cependant chacun leur manière de les attraper, et une manière assez diflérenle. Les engoulevents, comme je l'ai dit, vont à leur rencontre en ouvrant leur large gosier, et les phalènes qui donnent dedans s'y trouvent prises à une espèce de glu , de salive visqueuse , dont l'intérieur du bec est enduit, au lieu que nos hirondelles et nos martinets n ouvrent le bec que pour saisir les insectes, et le ferment d'un effort si brusque, qu'il en résulte une espèce de craque- ment. Nous verrons encore d'autres différences à cet égard entre les hirondelles et les martinets, lorsque nous ferons l'histoire particulière de chacun de ces oiseaux. 4" Les hirondelles ont les mœurs plus sociables que les engoulevents : elles se réunissent souvent en troupes nombreuses, et paroissent même, en cer- taines circonstances, remplir les devoirs de la société, et se prêter un secours mutuel; par exemple, lors- qu'il s'agit de construire le nid. 5° La plupart construisent ce nid avec grand soin ; et si quelques espèces pondent dans des trous de muraille ou dans ceux qu'elles savent se creuser en terre , elles font ou choisissent ces excavations assez profondes pour que leurs petits, venant à éclore, LES HIUONDELLES. 5"5 y soient en sûreté, et elles y portent tout ce qu'il faut pour qu'ils s'y trouvent à la fois mollement, chaudement, et à leur aise. 6° Le vol de l'hirondelle diffère en deux points principaux de celui de l'engoulevent. Il n'est pas ac- compagné de ce bourdonnement sourd dont j'ai parlé dans l'histoire de ce dernier oiseau , et cela résuite de ce qu'elle ne vole point comme lui le bec ouvert. En second lieu, quoiqu'elle ne paroisse pas avoir les ailes beaucoup plus longues ou plus fortes 5 ni par conséquent beaucoup plus habiles au mouvement, son vo! e ^t néanmoins beiiuconp plus haidi, plus lé- ger, pkis soutenu, parce qu'elle a la vue bien meil- leure, et que cela lui donne un grand avantage pour employer toute la force de ses ailes^: aussi le vol est-il son état naturel, je dirois presque son état né- cessaire; elle mange en volant, elle boit en volant, se baigne en volant, et quelquefois donne à manger à ses petits en volant. Sa marche est peut-être moins rapide que celle du faucon, mais elle est plus facile et plus libre; l'un se précipite avec effort, l'autre coule dans l'air avec aisance : elle sent que l'air est son domaine; elle en parcourt toutes les dimensions et dans tous les sens, comme pour en jouir dans tous les détails, et le plaisir de cette jouissance se marque par de petits cris de gaieté. Tantôt elle donne la chasse aux insectes voltigeants, et suit avec une agi- lité souple leur trace oblique et tortueuse, ou bien quitte l'un pour courir à l'autre, et happe en passant 1. Cet exemple est une confirmation ajoutée à tant d'autres des vues de M. de Buffon sur ce sujet. Voyez, le tome l" de cette Histoire des oiseaux. isiiFFOiN. XXIV. 24 5;4 LES HinOADKLLES. un troisième; tantôt elle rase légèrement la surface de la terre et des eaux pour saisir ceux que la pluie ou la fraîcheur y rassemble ; tantôt elle échappe elle- même à rirapétiiositè de l'oiseau de proie par la flexi- bilité preste de ses mouvements : toujours maîtresse de son vol dans sa plus grande vitesse, elle en chans^e à tout instant la direction; elle semble décrire au milieu des airs un dédale mobile et fugitif dont les routes se croisent, s'entrelacent, se fuient, se rap- prochent, se heurtent, se roulent, montent, descen- dent, se perdent, et reparoissent pour se croiser, se rebrouiller encore en mille manières, et dont le plan trop compliqué pour être représenté aux yeux par Tart du dessin , peut à peine être indiqué à l'imagina- tion par le pinceau de la parole. 7° Les hirondelles ne paroissent point appartenir à l'un des continents plus qu'à l'autre, et les espèces en sont répandues a peu près en nombre égal dans l'ancien et dans le nouveau. Les nôtres se trouvent en jNorwége et an Japon, sur les côtes de l'Egypte, celles de Guinée , et au cap de Bonne-Espérance. Eh ! quel pays seroit inaccessible à des oiseaux qui volent si bien et voyagent avec tant de facilité? Mais il est rare qu'elles restent toute l'année dans le même climat. Les nôtres ne demeurent avec nous que pen- dant la belle saison : elles commencent à paroître vers l'équinoxe du printemps . et disparoissent peu après l'équinoxe d'automne. Aristote , qui écrivoit en Grèce, et Pline, qui le copioit en Italie, disent que les hirondelles vont passer l'hiver dans des climats d'une température plus douce, lorsque ces climats ne sont pas fort éloignés, mais que, lorsqu'elles se LES HIRONDELLES. 5~5 Irouvent à une grande distance de ces régions tem- pérées, elles restent pendant l'hiver dans leur p ivs natal, et prennent seulement la précaution de se ca- cher dans quelques gorges de montagne bien expo- sées. Aristote ajoute qu'on en a trouvé beaucoup qui étoient ainsi recelées, et auxquelles il n'étoit pas resté UMie seule plume sur le corps. Cette opinion, accréditée par de grands noms, fondée sur des faits, étoit devenue une opinion populaire, au point que les poëtes y puisoient des sujets de comparaison , quelques observations modernes sembîoient même la confirmer^ ; et si Ton s'en fût tenu là , il n'eut fallu que la restreindre pour la ramener an vrai : mais un éveque d'Upsal , nommé Oloiis MagnuSj et un jé- suite nommé Kircher, renchérissant sur ce qu'Aris- tote avoit avancé déjà trop généralement, ont pré- tendu que, dans les pays septentrionaux, les pêcheurs tirent souvent dans leurs filets, avec le poisson, des groupes d'hirondelles pelotonnées, se tenant accro- chées les unes aux autres, bec contre bec, pieds contre pieds, ailes contre ailes; que ces oiseaux, transportés dans des poêles, se raniment assez vite, mais pour mourir bientôt après 2, et que celles-là i. Albert, Augustin Nyphus, Gasi)ar Heldelin, et quelques autres, ont assuré qu'on avoil trouvé plusieurs fois, pendant l'iiivcr, en Alle- magne , des lùrondt'lles t-ngourdies dans des arbres creux , et même dans leurs nids , ce qui n'est pas absolument impossible. 2. Voyei, V Histoire des nations septentrionales ; ouvrage sans critique, où l'auteur s'est plu à entasser pbis de merveilleux que de vérités. Au reste, M. l'abbé Prévôt fait lionneur de cette beUe découverte de l'immersion des hirondelles à un autre éveque , auteur de la p^ie du cardinal Commendon. Mais cette Vie t!e Gommendon ne peut avoir paru qu'api-ès [a mort de ce cardinal, arrivée en i584, et V Histoire J^G LES ÏUilONnELLES. seules conservent la vie après leur réveil , qu\ , éprou- vant dans son temps l'influence de la belle saison, se dégourdissent insensiblement, quittent peu à peu le fond des lacs, reviennent sur l'eau, et sont enfin rendues par la nature même , et avec toutes les grada- tions, à leur véritable élément. Ce fait, ou plutôt cette assertion, a été répétée, embellie, chargée de circonstances plus ou moins extraordinaires; et comme s'il y eût manqué du merveilleux, on a ajouté que, vers le commencement de 'l'automne, ces oi- seaux venoient en foule se jeter dans les puits et dans les cilernes. Je- ne dissimulerai pas qu'un grand nombre d'écrivains et d'autres personnes recomman- dables par leur caractère ou par leur rang ont cru à ce phénomène. M. Linnceus lui-même a jugé à propos de lui donner une espèce de sanction, en l'appuyant de toute l'autorité de son suffrage ; seulement il l'a restreint à l'hirondelle de fenêtre et à celle de chemi- née, au lieu de le restreindre, comme il eût été plus naturel , à celle de rivage. D'autre part , le nombre des naturalistes qui n'y croient point est tout aussi considérable; et s'il ne s'agissoit que de compter ou de peser les opinions, ils balanceroient facilement le parti de l'affirmative : mais, par la force de leurs preuves, ils doivent, à mon avis, l'emporter de beau coup. Je sais qu'il est quelquefois imprudent de vou- loir juger d'un fait particulier d'après ce que nous appelons les lois générales de la nature; que ces lois n'étant que des résultats de faits , ne méritent vrai- ment leur nom que lorsqu'elles s'accordent avec tous des nations septentrionales, par Olaûs, avoit paru à Rome dès l'an }555. LES IIIIIONDELLES. JJ^ les faits :• mais il s'en faut bien que je regarde comme un fait le séjour des hirondelles sous l'eau. Voici mes raisons. Le plus grand nombre de ceux qui attestent ce prétendu fait, notamment Hevelius et Schceffer, chargés de le vérifier par la Société royale de Lon- dres, ne citent que des ouï-dire vagues^ , ne parlent que d'après une tradition suspecte , à laquelle le ré- cit d'Oiaiis a pu donner lieu, ou qui peut-être avoit cours dès le temps de cet écrivain, et fut l'unique fondement de son opinion. Ceux mêmes qui disent avoir vu, comme Ettmuller, Walerius, et quelques autres^, ne font que répéter les paroles d'Oiaiis, sans se rendre l'observation propre par aucune de ces remarques de détail qui inspirent la confiance et donnent de la probabilité au récit. S'il étoit vrai que toutes les hirondelles d'un pays habité se plongeassent dans l'eau ou dans la vase ré- gulièrement chaque année au mois d'octobre, et qu'el- les en sortissent chaque année au mois d'avril, on au- roit eu de fréquentes occasions de les observer, soit au moment de leur immersion, soit au moment beau- 1. Voyez les Transactions philosophiques , n" lo, et jugez si ou a été ioudé à dire que la Société royale avoit vérifié le fait, coiume l'ont dit les journalistes de Trévoux, l'abbé Pluctie, e'. quelques autres. 2. Chambers cite le docteur Colas, qui dit avoir vu seize hirondelles tirées du lac Samerotli. une trentaine tirées du grand étang royal eu Kosmeilen, et deux autres à Schledcilen, au moment où elles sor- toieut de l'eau. Il ajoute qu'elles étoieut humides et l'oibles , et qu'il a observé eu effet que ces oiseaux sont ordinairement très loibles lors- qu'ils commencent à paroître ; mais cela est contraire à l'obsorvation journalière. D'ailleurs, le docteur Colas n'indique ni les espèces dont il pailo, ni la date de Ses observations, ni les circonstances, etc. O^cS LES HiIiO^DELLl•S. coup plus intéressant de leur émersion, soit pendant leur long sommeil sous l'eau. Ce seroit nécessairement autant de faits notoires qui auroient été vus et revus par un grand nombre de personnes de tout état, pê- cheurs, chasseurs, cultivateurs, voyageurs, bergers, rcatelots, etc., et dont on ne pourroit douter. On ne (toute point que les marmottes, les loirs, les hérissons ne dorment l'hiver engourdis dans leurs trous; on ne doute point que les chauve-souris ne passent cette mauvaise saison dans ce même état de torpeur, ac- crochées au plafond des grottes souterraines, et en- veloppées de leurs ailes comme d'un manteau : mais on doute que les hirondelles vivent six mois sans res- pirer, ou qu'elles respirent sous l'eau pendant six mois; on en doute, non seulement parce que la chose tient du merveilleux , mais parce qu'il n'y a pas une seule observation , vraie ou fausse , sur la sortie des hiron- delles hors de l'eau^, quoique cette sortie^ si elle étoit réelle , dût avoir lieu et très fréquemment dans la sai- son où l'on s'occupe le plus des étangs et de leur pê- che^; enfin l'on en doute jusque sur les boids de la mer Baltique. Le docteur Halmann, Moscovite, et M. Browne, Norvégien, se trouvant à Florence, ont assuré auii auteurs de l'Ornithologie italienne que , dans leurs pays respectifs, les hirondelles paroissoient et disparoissoient à peu près dans les mêmes temps i. Je sais bien que M. Heerkens , dans son poëme intitulé Hirundo, a décrit en vers latins cette émersion, mais ii ne s'agit point ici de descriptions poétiques. 2. Dans le Nivernais, le Morvan , la Lorraine, et plusieurs autres provi'nces où les étangs abondent, le peuple n'a pas même l'idée de Vimmersion des hirondelles. LES HIRONDELLES. 5y9 qu'en Italie, et que leur prétendu séjour sous l'eau pendant l'hiver est une fable qui n'a cours que parmi le peuple. M. Tesdorf de Lubeck, homme qui joint beaucoup de philosophie à des connoissances très étendues et très variées, a mandé a M. le comte de Buflbn que , malgré toute la peine qu'il s'étoit donnée pendant quarante ans , il n'avoit pu encore parvenir à voir une seule hirondelle tirée de l'eau. M. Klein , qui a fait tant d'eflbrts pour donner cré- dit à l'immersion et à l'émersion des hirondelles, avoue lui-même qu'il n'a jamais été assez heureux pour les prendre sur le fait. M. Herman, habile professeur d'histoire naturelle à Strasbouri^ , et qui semble pencher pour l'opinion de M Klein , mais qui aime la vérité par dessus tout , me fait dans ses lettres le même aveu ; il a vouiu voir et n'a rien vu. Deux autres observateurs dignes de toute confiance, M. Hébert et M. le vicomte de Querhoent , m'assu- rent qu'ils ne connoissent la prétendue immersion des hirondelles que par ouï-dire, et que jamais ils n'ont rien aperçu par eux-mêmes qui tendît à la confirmer. M. le docteur Lottinger, qui a beaucoup étudié les procédés des oiseaux, et qui n'est pas toujours démon avis, regarde cette immersion comme un paradoxe in- soutenable. On sait qu'il a été offert publiquement en Alle- magne à quiconque apporteroit , pendant l'hiver, de ces hirondelles trouvées sous l'eau, de les payer en donnant autant d'argent poids poiîr poids, et qu'il ne s'en est point trouvé une seule à payer. 58o LKS ITlilOADELLES. Plusieurs personnes, gens dv lollres, hommes en place , grands seigneurs^, qui croyoient à cet étrange phénomène et avoient à cœnr d'y faire croire . ont promis souvent d'envoyer des groupes de ces hiron- delles pêchées pendant l'hiver, et n'ont rien envoyé. M. Klein produit des certificats, mais presque tons signés par une seule personne qui parle d'un fait uni- que , lequel s'est passé long-temps auparavant , ou lorsqu'elle étoit encore eafant, ou d'un fait qu'elle ne sait que par ouï-dire; certificats par lesquels même il est avoué que ces pèches d'hirondelles sont des cas fort rares, tandis qu'au contraire ils devroient être fort communs; certificats dénués de ces circonstances instructives et caractérisées qui accompagnent ordi- nairement une relation originale ; enfin certificats qui paroissent tous calqués sur le texte d'Olaûs : ici l'in- certitude naît des preuves elles-mêmes, et devient la réfutation de l'erreur que je combats; c'est le cas de dire : le fait est incertain, donc il est faux^. Mais ce n'est point assez d'avoir réduit à leur juste valeur des preuves dant on a voulu étayer ce para- doxe, il faut encore faire voir qu'il est contraire aux lois connues du mécanisme animal. En etfet, lors- qu'une fois un quadrupède, un oiseau, a commencé de respirer, et que le trou ovale qui faisoit dans le fœtus la communication des deux ventricules du cœur 1 . Un grand-maréchal de Pologne et un ambassadeur de Sardaigne on avoient promis à M. de Réaumur; M. le gouverneur de R et beaucoup d'autres en avoient promis à M. de Bufîon. 2. Les feuilles périodi(|ues ont aussi rapporté des observations favo- rables à l'hypothèse de M. Klein; mais il ne faut (jue jeter un coup d'oeil sur ces observations pour voir combien elles sont incomplètes et p. u décisives. LES HIRONDELLES. v)8 l est ferme, cet oiseau , ce quadrupède, ne peut cesser de respirer sans cesser de vivre; et certainement il ne peut respirer sous l'eau. Que l'on tente, ou plutôt (jue l'on rcuoiivelle l'expérience, car elle a déjà été faite '^; que l'on essaye de tenir une hirondelle sous l'eau pen- dant ([uinze jours, avec toutes les précautions indi- quées , coïnnie de lui mettre la tête sous l'aile , ou quelques brins d'herbe dans le bec , etc. ; que l'on essaye seulement de la tenir enfermée dans une gla- cière, comme a fait M. de Buffon , elle ne s'engour- dira pas, elle mourra et dans la glacière, comme s'en est assuré M. de Buflbn, et bien plus sûrement en- core étant plongée sous l'eau ; elle y mourra d'une mort réelle , à l'épreuve de tous les moyens employés avec succès contre la mort apparente des animaux noyés récemment. Comment donc oseroit-on se per- mettre de supposer que ces mêmes oiseaux puissent vivre sous l'eau pendant six mois tout d'une haleine? Je sais qu'on dit cela possible à certains animaux : mais voudroit-on comparer, comme a fait J\î. Klein, les hirondelles, aux insectes^, aux grenouilles, aux pois- sons, dont l'organisation intérieure est si diflerente? voudroit-on même s'autoriser de l'exemple des mar- i. Voyez r Ornithologie italienne. Les au leurs assurent positivement que toutes les hirondelles que l'on a plongées sous l'eau, dans le temps même de leur disparition, y meurent au bout do quelques minutes; et quoique ces hirondelles noyées récemment eussent pu revenir à la vie par la méthode que j'indiquerai ci-dessous, néanmoins il est plus que probable que si elles restoient sous l'eau plusieurs jours de suite (à plus forte raison si elles y restoient plusieurs semaines, plusieurs mois), elles ne seroient plus ressuscitables. fî. Les chenilles périssent dans l'eau au bout d'un certain temps, comme s'en est assuré M. de Réaumur, et probablement il en est de même des autres inseeles qui ont des trachées. ?}S'.i LES HIROrN'DELLES. înottes, (les loirs, des hérissons, des chanve-souris, doni; nous parlions tout-à-l'heure , et de ce que ces animaux vivent pendant l'iiiver engourdis , conclure que les hirondelir-s pourroient aussi passer cette sai- son dans un étal de torpeur à peu près semblable? Mais sans parler du fond de nourriture que ces qua- drupèdes trouvent en eux-mêmes dans la graisse sur- abondantedontils sont pourvus sur la fin de l'automne, et qui manque à l'hirondelle ; sans parler de leur peu de chaleur intérieure ^ observée par M. de Buffon , en quoi ils diffèrent encore de l'hirondelle^; sans me prévaloir de ce que souvent ils périssent dans leurs trous , et passent de l'état de torpeur à l'étal de mort , quand les hivers sont un peu longs, ni de ce que les hérissons s'engourdissent aussi au Sénégal, où l'hiver est plus chaud que notre plus grand été, et où l'on sait que nos hirondelles ne s'engourdissent point; je me contente d'observer que ces quadrupèdessont dans l'air, et non pas sous l'eau ; qu'ils ne laissent pas de respirer, quoiqu'ils soient engourdis; que la circula- lion de leur sang et de leurs humeurs, quoique beau- coup ralentie , ne laisse pas de continuer ; elle conti- nue de même, suivantles observations de Vallisnieri, dans les grenouilles qui passent l'hiver au fond des marais : mais la circulation s'exécute dans ces amphi- bies par une mécanique toute différente de celles qu'on observe dans les quadrupèdes ou les oiseaux^; 1. Le docteur Martine a trouvé la clialeur des oiseaux, et nommé- ment celle des hirondelles, plus forte de deux ou trois degrés que celle des quadrupèdes les plus chauds. 2. La circulation du sang dans les quadrupèdes et les oiseaux n'est autre chose que le mouvement perpétuel de ce fluide, déterminé. LES HlilOINDELLES. 585 et il est contraire à toute expérience, comme je l'ai dit , que les oiseaux plongés dans un liquide quel- conque puissent y respirer, et que leur sang puisse y conserver son mouvement de circulation : or ces deux mouvements , la respiration et la circulation, sont essentiels à la vie , sont la vie même. On sait que le docteur Hook ayant étranglé un chien, et lui ayant coupé les côtes, le diaphragme, le péricarde, le haut de la trachée-artère , lit ressusciter et mourir cet ani- mal autant de fois qu'il voulut, en soufflant ou cessant de souffler de l'air dans ses poumons. Il n'est donc pas possible que les hirondelles ni les cigognes, car on lésa mises aussi du nombre des oiseaux plongeurs, vivent six mois sous l'eau sans aucune communication avec l'air extérieur; et d'autant moins possible que par la systole du cœur, à passer de son ventricule droit, par l'artère pulmonaire , dans les poumons; à revenir des poumons, par la veine pulmonaire , dans le ventricule gauche ; à passer de ce ventricule, qui a aussi sa systole, parle tronc de l'aorle el ses branches, dans tout le reste du corps; à se rendre par les branches des veines dans leur tronc commun qui est la veine-cave, et enfin dans le ventricule droit du codur, d'où il recommence son cours par les mêmes routes. Il résulte de cette mécanique , que , dans les (|uadrupèdes c-t les oiseaux , la res- piration est nécessaire pour ouvrir au sang la route de la poitrine, et que par conséquent elle est nécessaire à la circulation; au lieu que chez les amphibies, comme le cœur n'a qu'un seul ventricule ou plu- sieurs ventricules, qui , communiquant ensemble, ne font l'effet que d'un seul, les poumons ne servent point de passage à toute la masse du sang, mais en reçoivent seulement une quantité suffisante pour leur nourriture, et par conséquent leur mouvement, qui est celui delà respiration , est bien moins nécessaire à celui de la circulation. Cette conséquence est prouvée par le fait : une tortue à qui on avoit lié le tronc de l'artère pulmonaire, a vécu, et son sang a continué de cir- culer pendant quatre jours, quoique ses nonaîons fussent ouverts el cou{>és en plusieurs mdroits. 584 LliS II m OIS DEL LE s 4 cette communication est nécessaire, même aux pois- sons et aux grenouilles, du moins c'est ce qiii résulte des expériences que je viens de faire sur plusieurs de ces animaux. De dix grenouilles qui avoient été trouvées sous la glace le 2 février, j'en ai mis trois des plus vives dans trois vaisseaux de verre pleins d'eau , de manière que, sans être gênées d'ailleurs, elles ne pouvoient s'élever à la surface, et qu'une partie de cette même surface étoit en contact immédiat avec l'air extérieur; trois autres grenouilles ont été jetées en même temps cha- cune dans un vase à demi plein d'eau , avec liberté entière de venir respirer à la surface, enfin les quatre restantes ont été mises toutes ensemble dans le fond d'un grand vaisseau ouvert, et vide de toute liqueur. J'avois auparavant observé leur respiration , soit dans l'air, soit dans l'eau, et j'avois reconnu qu'elles l'avoient très irrégulière ; que lorsqu'oa les laissoit li- bres dans l'eau, elles s'élevoient souvent au dessus, en sorte que leurs narines débordoient et se trou- voient dans l'air. On voyoit alors dans leur gorge un mouvement oscillatoire qui correspondoit à peu près à un autre mouvement alternatif de dilatation et de contraction des narines. Dès que les narines étoient sous l'eau, elles se fermoient, et les deux mouve- ments cessoient presque subitement; mais ils recom- mençoient aussitôt que les narines se retrouvoient dans l'air. Si on contraignoit brusquement ces gre- nouilles de plonger, elles donnoient des signes visi- bles d'incommodité , et lâcboient une quantité de bulles d'air. Lorsque l'on remplissoit le bocal jus- qu'aux bords , et qu'où le reconvroit d'un poids de LT-S HTÎIONDELLKS. 385 Jouze onces, elles cnlevoient ce poids et le faisoient tomber pour avoir de l'air. A l égard des trois gre- nouilles que l'on a tenues constamment sons l'eau , elles n'ont cessé de faire tous leurs efforts pour s'ap- procher le plus près possible de la surface; et enfin elles sont mortes, les unes au bout de vingt-quatre heures, les autres au bout de deux jours^. Mais il en a été autreinent des trois qui a voient l'air et l'eau , et des quatre qui avoient lair et point d'eau : de ces sept grenouilles, les quatre dernières et une des premières se sont échappées au bout d'un mois, et les deux qui sont restées , l'une mâle et l'autre femelle , sont vives pins que jamais dans ce moment {22 avril 1779), et dès le 6 la femelle avoit pondu environ lôoo œufs. Les jnenies expériences faites avec les mêmes pré- cautious sur neuf petits poissons de sept espèces dif- férentes, ont donné des résultats semblables : ces sept espèces sont les goujons, les ablettes, les meuniers, les vérons, les chabots, les rousses, et une autre dont je ne connois que le nom vulgaire en usage dans le pays que j'habite, savoir la houzière. Huit individus des six premières espèces lenus sous l'eau sont morts en moins de vingt-quatre heures^, tandis que les in- 1. Il est bon de remarquer que los grenouilles sont trèsvivaces, qu'elles soutiennent pendant des mois le jeune le plus absolu, et qu'elles conserfent pendant plusieurs heures le mouvement et la vie, après que le cœur et les autres viscères leur ont été lires du corps. 2. L'ablelle est morte en trois heures, les deux petits meuniers en six heures et demie, l'un des goujons au bout de sept heures, l'autre au bout de douze heures, le véron en sept heui-es et demie, le chabot en quinze heures, la rousse en vingt-trois heures, et la bouzière en près de quatre jours. Ces mêmes poissons tenus dans l'air sont morts; savoir, les ablettes au bout de trente-cinq à quarante-quatre minutes, 586 LKi nui ON BELLES. (livirhis qui étoient dans des bouteilles semblables, mais avec la liberté de s'élever à la surface de Feau , ont vécu et conservé toute leur vivacité. A la vérité, la bouzière renferuiée a vécu plus long-temps que les six autres espèces, maïs j'ai remarqué que l'individu libre de cette même espèce ne montoit que rarement au dessus de l'eau , et il est à présumer que ces pois- sons se tiennent plus babituellement que les antres au fond des ruisseaux, ce qui supposeroit une orga- nisation un peu diflérente^ : cependant je d©is ajouter que l'individu renfermé s'élevoit souvent jusqu'aux tuyaux de paille qii l'empechoient d'arriver au des- sus de l'eau , que dès le second jour il étoit souflVant, mal à son aise ; que sa respiration commença dès lors à devenir pénible, et son écaille pâle et blanchâtre^. Mais ce qui paroîtra plus surprenant , c'est que de deux carpes égales, celles que j'ai tenue constamment sous l'eau a vécu un tiers de moins que celle que j'ai la bouzière an bout d'environ quarante-quatre, la rousse au bout de cinquante ou cinquante-deux, les meuniers au bout de cinquante à soixante , l'un des vérons en deux heures quarante-huit minutes, l'au- tre eu Irois heures; l'un des goujons au bout d'une heure quarante- neul" minutes, et l'antre au bout de six heures vingt-deux minutes : le plus grand de tous ces poissans n'avoit pas vingt lignes de long en- tre œil et queue. 1 . Ce poisson étoit plus petit qu'une petite ablette; il avoit sept na- geoires comme elle, les écailles du dessus du corps jaunâtres, bor- dées de brun , et celles du dessous nacrées. 2. Cela a lieu en général pour tous les poissons qu'on laisse mourir sous l'eau; mais il y a loin de là aux changements de couleurs si singu- liers qu'éprouve en mourant le poisson connu autrsjfois chez les Ro- mains sous le nom de tnuUus, et dont le spectacle iaisoit partie du uxe et des plaisirs de la table chez ceux qu'on appeloit alors proceres guUe. LES II J RONDELLE 5. 7)'6^ leiuie hors de l'eau ^, quoique celîe-ci , en se débat- taut, fût tombée de dessus la tablette d'une chemi- née qui avoit environ quatre pieds de hauteur : et dans deux autres expériences comparées, faites sur des meuniers beaucoup pins gros que ceux dont il a été question ci-dessus, ceux qu'on a tenus dans Tair ont vécu plus long-temps, et quelques uns une fois plus long-temps que ceux qu'on a tenus sous l'eau 2. J'ai dit que les grenouilles sur lesquelles j'ai fait mes observations avoieot été trouvées sous la glace; et comme il seroit possible que cette circonstance donnât lieu de croire à quelques personnes que les grenouilles peuvent vivre long-temps sous l'eau et sans air, je crois devoir ajouter que celles qui sont 1 . La première a vécu dlx-liuil heures sous l'eau , et la seconde pvbs (le vingt-sepl dans l'air. •2. Des deux meuniers f{u on a laissé mourir hors de i'oau dans une eliarabrc sans feu, thermomèlre 7 degrés an dessus de zéro , l'un avoit un pied de long, pesoit trente-trois onces, et a vécu huit heures ; l'au- tre avoit un peu plus de neuf pouces et demi, p.esoit dix sept onces, el a vécu quatre heures dix-sept minutes; tandis que deux poissons de même espèce n'ont vécu sous Teau, l'un que trois heures cinquante-sis uûîiutes, et l'autre que trois heures et un quart. Mais il n'en a pas été de même des rousses : car la plus grande, qui avoit cinq pouces huit lignes de long, n'a vécu que trois heures dans l'air : et l'autre, qui avoit quatre ponces neuf lignes , a vécu trois heures trois quarts sous l'eau. Dans le cours de ces observations, j'ai cru voir que l'agonie de chaque poisson se marquait par la cessation du mouvement légulier des ouïes, et par une convulsion périodique dans ce même organe, laquelle revenoit deux ou trois fois en un quart d'heure; le gros meu- nier en a eu treize en soixante -dix-sept minutes , et il m'a paru que la dernière a raanjué l'instant de la mort : dans l'un des petits, cet in- stant a été marqué par une convulsion dans les nageoires du ventre; mais dans le plus grand nombre, celui de tous les mouvements exter- nes et réguliers qui s'est soutenu le plus long-lemps, c'est le mouve ment de la mâchoire inférieure. 588 LES HIRONDELLES. SOUS la ojlace ne sont point sans air, puisqu'il est connu que i'eau, tandis qu'elle se glace, laisse échapper une grande quantité d'air qui s'amasse nécessairement entre i'eau et la glace , et que les grenouilles savent bien trouver. Si donc il est constaté , par les expériences ci-des- sus, que les grenouilles et les poissons ne peuvent se passer d'air; s'il est acquis par l'observation générale de tous les pays et de tous les temps qu'aucun amphi- bie, petit ou grand, ne peut subsister sans respirer l'air, au moins par intervalles, et chacun à sa ma- nière^; comment se persuader que des oiseaux puis- sent en supporter l'entière privation pendant un temps considérable? comment supposer que les hirondelles, ces filles de l'air, qui paroissent organisées pour être toujours suspendues dans ce fljide élastique et léger, ou du moins pour le respirer toujours , puissent vivre pendant six mois sans air? Je serois sans doute plus en droit que personne d'admettre ce paradoxe, ayant eu l'occasion de faire une expérience, peut-être unique jusqu'à présent , qui tend à le confirmer. Le 5 septembre, à onze heures du matin , j'avois renfermé dans une cage une nichée entière d'hirondelle de fenêtre, composée du père, de la mère, et de trois jeunes en état de voler. Etant revenu quatre ou cinq heures après dans la chambre i. On sait que les castors , les torlues, les salamandres, les lôzards, les crocodiles, les hippopotames, les haleines, viennent souvent au dessus de Teau, ainsi que les grenouilles, pour jouir de l'air : les co- quillages eux-mêmes, qui de tous lus animaux sont les plus aquati- ques , semblent avoir besoin d'air , et viennent de temps en temps le respirer à la surface de l'eau ; par exemple, la moule des étangs. Voyei le Mémoire de M. Méry sur ce coquillage. LES HIRONDELLES. ôSÇ) OÙ étoit cette cage , je m'aperçus que le père n'y étoit plus; et ce ne fut qu'après une demi-heure de recher- che que je le trouvai : il étoit tombé dans un grand, pot-à-l'eau où il s'étoit noyé; je lui reconnus tous les symplômes d'une mort apparente, les yeux fermés, les ailes pendantes, tout le corps roide. Il me vint à l'esprit de le ressusciter, comme j'avois autrefois res- suscité des mouches noyées ; je l'enterrai donc à quatre heures et demie sous de la cendre chaude , ne laissant à découvert que l'ouverture du bec et des na- rines. Il étoit couché sur son ventre : bientôt il com- mença à avoir un mouvement sensible de respiration qui faisoit fendre la couche de cendres dont le dos étoit couvert ; j'eus soin d'y en ajouter ce qu'il falloil. A sept heures, la respiration étoit plus marquée; l'oi- seau ouvroît les yeux de temps en temps, mais il étoit toujours couché sur son ventre : à neuf heures, je le trouvai sur ses pieds, à côté de son petit tas de cen- dres; le lendemain matin il étoit plein de vie : on lui présenta de la pâtée, des insectes; il refusa le tout, quoiqu'il n'eût rien mangé la veille. L'ayant posé sur une fenêtre ouverte, il y resta quelques moments à regarder de côté et d'autre; puis il prit son essor en jetant un petit cri de joie , et dirigea son vol du côté de la rivière^. Cette espèce de résurrection d'une hi- rondelle noyée depuis deux ou trois heures ne m'a point disposé à croire possible la résurrection pério- dique et générale de toutes les hirondelles, après avoir passé plusieurs mois sous l'eau. La première est un phénomène auquel les progrès de la médeême de faire usage de leurs ailes, nos oiseaux rasent la terre et cherchent ces insectes sur les tiges des plantes, sur l'herbe des prairies, et jusque sur le pavé de nos rues; ils rasent aussi les eaux et s'y plon- gent quelquefois à demi en poursuivant les insectes aquatiques, et, dans les grandes disettes, ils vont disputer aux araignées leur proie jusqu'au milieu de leurs toiles, et finissent par les dévorer elles-mêmes. Dans tous les cas , c'est la marche du gibier qui déter- mine celle du chasseur. On trouve dans leur estomac des débris de mouches, de cigales, de scarabées, de papillons^, et même de petites pierres 2; ce qui prouve qu'elles ne prennent pas toujours les insectes en vo- lant, et qu'elles les saisisssent quelquefois étant po- sées. En effet, quoique les hirondelles de cheminée passent la plus grande partie de leur vie dans l'air, elles se posent assez souvent sur les toits , les chemi- nées, les barres de fer, et même à terre et sur les arbres. Dans notre climat elles passent souvent les nuits, vers la fin de l'été, perchées sur des aunes au 1. Elles ne digèrent pas toujours également bien. Dans le gésier d'un individu qui avoit passé deux jours sans manger il se trouva beau- coup de débris d'insectes coléoptères, et dans un autre individu qui avoit mangé la veille cinq ou six mouches il ne se trouva presque rien. 2. Voyez Belon, Willughby. On a dit bien des absurdités sur ces pierres d'hiroutlelles et leurs vertus, ainsi que sur les pierres d'aigle, les pierres alectoriennes , et autres bézoards qui semblent être les bijoux favoris et de la charlatanerie cl de la crédulité. l'hirondelle de cheminée. 4^9 bord des rivières, et c'est alors qu'on les prend en grand nombre et qu'on les mange en certains pays^ ; elles choisissent les branches les plus basses qui se trouvent au dessous des berges et bien à l'abri du vent. On a remarqué que les branches qu'elles adop- tent pour y passer ainsi la nuit meurent et se dessè- chent. C'est encore sur un arbre , mais sur un très grand arbre, qu'elles ont coutume de s'assembler pour le départ. Ces assemblées ne sont que de trois ou quatre cents; car l'espèce n'est pas si nombreuse, à beaucoup près, que celle des hirondelles de fenêtre. Elles s'en vont de ce pays-ci vers le commencement d'octobre; elles partent ordinairement la nuit comme pour dé- rober leur marche aux oiseaux de proie qui ne man- quent guère de les harceler dans leur route. M. Frisch en a vu quelquefois partir en plein jour, et M. Hébert en a vu plus d'une fois, au temps du départ , des pe- lotons de quarante ou cinquante qui faisoient route au haut des airs ; et il a observé que dans cette cir- constance leur vol étoit non seulement plus élevé qu'à l'ordinaire, mais encore beaucoup plus uniforme et plus soutenu. Elles dirigent leur route du côté du midi , en s'aidant d'un vent favt)rable, autant qu'il est possible ; et lorsqu'elles n'éprouvent point de contre- temps, elles arrivent en Afrique dans la première huitaine d'octobre. Si, durant la traversée, il s'élève un vent de sud-est qui les repousse, elles relâchent , de même que les autres oiseaux de passage, dans les îles qui se trouvent sur leur chemin. M. Adanson en 1. A Valence en Espagne, à Lignitz en Silésic , etc. 4io l'hirondelle de cheminée. a vu arriver dès le 6 octobre, à six heures et demie du soir, sur les côtes du Sénégal , et les a bien re- connues pour être nos vraies hirondelles. Tl s'est as- suré depuis qu'on ne les voyoit dans ces contrées que pendant l'automne et l'hiver. II nous apprend qu'elles y couchent toutes les nuits, seules ou deux à deux , dans le sable sur le bord de la mer^, et quelquefois en grand nombre dans les cases, perchées sur les chevrons de la couverture. Enfin il ajoute une obser- vation importante, c'est que ces oiseaux ne nichent point au Sénégal 2. Aussi M. Frisch observe-t-il qu'au printemps elles ne ramènent jamais avec elles des jeunes de l'année : d'où l'on peut inférer que les con- trées plus septentrionales sont leur véritable patrie; car la patrie d'une espèce quelconque est le pays où elle fait l'amour et se perpétue. Quoiqu'en généréff ces hirondelles soient des oi- seaux de passage , même en Grèce et en Asie , on peut bien s'imaginer qu'il en reste quelques unes pen- dant l'hiver, surtout dans les pays tempérés où elles trouvent des insectes ; par exemple , dan§ les îles d'Hière et sur la côte de Gênes, où elles passent les nuits sur les orangers en pleine terre , et où elles cau- sent beaucoup de dommage à ces précieux arbris- seaux. D'un autre côté, on dit qu'elles paroissent rarement dans l'île de Malte. 1. Cette habitude de coucher dans le sable est tout-à-fait contraire à ce que nous voyons faire aux hirondelles dans nos climats. [1 faut qu elle tienne à quelque circonstance particulière qui aura échappé à l'observateur; car ces machines vivantes que nous appelons des ani- maux sont plus capables qu'on ne croit de varier leurs procédés d'après la variété des circonstances. 2. On dit aussi qu'aucune espèce d'hirondelles ne niche à Malte. l'hirondelle de CHEMINEE. /j 1 1 Oii s'est quelquefois servi , et Ton pourroit encore se servir avec le même succès, de ces oiseaux pour faire savoir très promptement des nouvelles intéres- santes : il ne s'agit que d'avoir une couveuse prise sur ses œufs dans l'endroit merae où Ton veut envoyer l'avis, et de la lâcher avec un fil à la patte , noué d'un certain nombre de nœuds, teint d'une certaine cou- leur, d'après ce qui aura été convenu ; cette bonne mère prendra aussitôt son essor vers le pays où est sa couvée, et portera avec une célérité incroyable les avis qui lui auront été confiés. L'hiroadelle de cheminée a la gorge , le front et deux espèces de sourcils d'une couleur aurore , tout le reste du dessous du corps blanchâtre avec une teinte de ce même aurore ; tout le reste de la partie supé- rieure de la tête et du corps d'un noir bleuâtre écla- tant, seule couleur qui paroisse, les plumes étant bien rangées, quoiqu'elles soient cendrées à la base et blanches dans leur partie moyenne; les pennes des ailes suivant les différentes incidences de la lumière, tantôt d'un noir bleuâtre plus clair que le dessus du corps, tantôt d'un brun verdâtre ; les pennes de la queue noirâtres avec des reflets verts; les cinq paires latérales marquées d'une tache blanche vers le bout; le bec noir au dehors, jaune au dedans; le palais et les coins de la bouche jaunes aussi , et les pieds noi- râtres. Dans les mâles la couleur aurore de la gorge est plus vive, et le blanc du dessous du corps a une légère teinte de rougeâtre. Le poids moyen de toutes les hirondelles que j'ai pesées est d'environ trois gros; elles paroissent plus 4l2 l'hirondelle de CHEMINEE. grosses à l'œil , et cependant elles pèsent moins que les hirondelles de fenêtre. Longueur totale , six pouces et demi; le bec repré- sente un triangle isocèle curviligne, dont les côtés sont concaves et ont sept ou huit lignes; tarse, cinq lignes, sans aucun duvet; ongles minces, peu cour- bés, fort pointus, le postérieur le plus fort de tous; vol, un pied; queue, trois pouces un quart, très fourchue (beaucoup moins dans les jeunes), compo- sée de douze pennes , dont la paire la plus extérieure dépasse la paire suivante d'un pouce, la paire inter- médiaire de quinze à vingt lignes, et les ailes de qua- tre à six lignes ; elle est ordinairement plus longue dans le mâle. On m*a envoyé, pour variétés, des individus qui avoient toutes les couleurs plus foibles et la queue peu fourchue : c'étoient probablement de simples va- riétés d'âge ; car la queue n*a sa vraie forme, et le plu- mage ses vraies couleurs, que dans les adultes. Je mets au nombre des variétés accidentelles, i" les hirondelles blanches. Il n'y a guère de pays en Eu- rope où l'on n'en ait vu , depuis l'Archipel jusqu'en Prusse. Aldrovande indique le moyen d'en avoir tant que l'on voudra; il ne s'agit, selon lui, que d'éten- dre une couche d'huile d'olive sur l'œuf. Aristote at- tribue cette blancheur à une foiblesse de tempéra- ment, au défaut de nourriture, à l'action du froid. Un individu que j'ai observé avoit au dessus des yeux et sous la gorge quelques teintes de roux, des traces de brun sur le cou et la poitrine , et la queue moins lon- gue. Il pourroit se faire que cette blancheur ne fiU l'HIUONDELLE de cheminée. f4l5 que passagère j et qu'elle ne reparût point après la mue ; car, quoiqu'on voie assez souvent dans les cou- vées de l'année des individus blancs, il est rare qu'on en voie l'année suivante parmi celles qui reviennent du quartier d'hiver. Au reste, il se trouve quelque- fois des individus qui ne sont blancs qu'en partie : tel étoit celui dont parle Aldrovande , lequel avoit le croupion de cette couleur, et pouvoit disputer à l'hi- rondelle de fenêtre la dénomination de cul-blanc. Je regarde, en second lieu , comme variété acci- dentelle l'hirondelle rousse, chez qui la couleur au- rore de la gorge et des sourcils s'étend sur presque tout le plumage, mais en s'affoiblissant et tirant à l'isabelle^ L'hirondelle de cheminée, n° 543, fig. i^ est ré- pandue dans tout l'ancien continent, depuis la Nor- wége Jusqu'au cap de Bonne-Espérance, et du côté de l'Asie jusqu'aux Indes et au Japon. M. Sonnerat a rapporté un individu de la côte de Malabar, lequel ne diffère de notre hirondelle de cheminée que par sa taille un peu plus petite; encore est-il probable que sa peau s'est retirée en se desséchant. Sept autres hirondelles rapportées du cap de Bonne -Espérance par le même M. Sonnerat ne diffèrent non plus des nôtres que comme les nôtres diffèrent entre elles ; seulement on trouve , en y regardant de bien près , qu'elles ont le dessous du corps d'un blanc pur, et que l'échancrure qui , dans les dix pennes latérales delà queue, marque le passage de leur partie étroite est plus considérable, 1. M. le comte de Riolct in'a assuré avoir vu deux individus do relie couleur dans une troupe d'hirondelles de cheminée. 4i4 l'hirondelle de cheminée. Voici d'autres hirondelles qui , par leur ressem- blance, soit dans les couleurs, soit dans la confor- mation, peuvent être regardées comme des variétés de climat. Variétés de t' hirondelle domestique. I. L'HIRONDELLE D'ANTIGUE A GORGE COULEUR DE ROUILLE. Hirundo panayana. Gmel. Elle^a la taille un peu plus petite que notre hiron- delle, le front ceint d'un bandeau de jaune rouillé; sur la gorge une plaque de même couleur, terminée au bas par un collier noii: fort étroit; le devant du cou et le reste du dessous du corps blancs ; la tête , Je dessus du cou, et le dos, d'un noir velouté, les petites couvertures supérieures des ailes d'un noir violet changeant; les grandes, ainsi que les pennes de l'aile et de la queue, d'un noir de charbon; la queue est fourchue et ne dépasse pas les ailes. IL L'HIRONDELLE A YENTRE ROUX DE GAYENNE. Hirundo rufa. L. Elle a la gorge rousse, et cette couleur s'étend sur tout le dessous du corps en se dégradant par nuances; le front blanchâtre, tout le reste du dessus du corps d'un beau noir luisant : elle est un peu plus petite que la nôtre. L*HTRONDELLi: A VENTllE lîOUX. 4*^ Longueur totale , environ cinq pouces et demi ; bec, six lignes; tarse, quatre à cinq; doigt posté- rieur, cinq. Les hirondelles de cette espèce font leur nid dans les maisons, comme nos hirondelles de cheminée : elles le construisent en forme de cylindre avec de petites tiges , de la mousse, des plumes; ce cylindre est suspendu verticalement, et isolé de toutes parts : elles l'allongent comme font les nôtres, à mesure qu'el- les se multiplient; l'entrée est an bas, sur l'un des cô- tés, et si bien ménagée qu'elle communique, dit-on, à tous les étages. La femelle y dépose quatre ou cinq œufs. Il n'est point du tout contre la vraisemblance que nos hirondelles domestiques soient passées dans le nouveau continent , et y aient fondé une colonie qui aura conservé l'empreinte de la race primitive ; em- preinte très reconnoissable à travers les influences du nouveau climat. III. L'HIRONDELLE AU CAPUCHON ROUX. (n° 725, fig. 2.) Hirundo capensis. Gmel. Ce roux est foncé et varié de noir; elle a aussi le croupion roux, terminé de blanc; le dos et les cou- vertures supérieures des ailes d'un beau noir tirant au bleu , avec des reflets d'acier poli ; les pennes des ailes brunes , bordées d'un brun plus clair; celles de la queue noirâtres ; toutes les latérales marquées , sur le côté intérieur, d'une taclie blanche , laquelle ne paroït que lorsque la queue est épanouie; la gorge 4â6 l'hirondelle au capuchon roux. variée de blanchâtre et de brun; enfin le dessous du corps semé de petites taches longitudinales noirâtres sur un fond jaune pâle. M. le vicomte de Querhoent, qui a eu occasion d'observer cette hirondelle au cap de Bonne-Espé- rance, nous apprend qu'elle niche dans les maisons, comme les précédentes ; qu'elle attache son nid au plafond des appartements; qu'elle le construit de terre à l'extérieur, de plumes à l'intérieur; qu'elle lui donne une forme arrondie , et qu'elle y adapte une espèce de cylindre creux qui en est la seule entrée et la seule issue. On ajoute que la femelle y pond quatre ou cinq œufs pointillés. ?oa«5«*^«®e OISEAUX ETRANGERS QUI ONT RAPPORT A L'HIRONDELLE DOMESTIQUE. I. LA GRANDE HIRONDELLE A VENTRE ROUX DU SÉNÉGAL^. Hirundo aenegalensis. L. Elle a la queue conformée de même que nos hi- rondelles de cheminée; elle a aussi les mêmes cou- leurs dans son plumage , mais ces couleurs sont dis- tribuées différemment : d'ailleurs elle est beaucoup 1. N" 3io, où cet oiseau est représente sous le nom d'hirondelle à ventre roux du Sénégal. LÀ GKANDE IIIRONDELLi: A VENTUE ROUX. /j I 7 plus grande , et paroît modelée sur d'antres propor- tions ; en s^te qu'on peut la regarder comme une espèce à part. Elle a le dessus de la tôte et du cou, le dos et les couvertures supérieures des ailae, d'un noir brillant, avec des reflets d'acier poli ; les pennes des ailes et de ia queue noires ; le croupion roux , ainsi que toute la partie inférieure; mais la teinte de la gorge et des couvertures inférieures des ailes est beaucoup plus foible et presque blanche. Longueur totale , huit pouces six lignes ; bec, huit lignes; tarse de môme, doigt et ongle postérieurs les plus longs après ceux du milieu ; vol, quinze pouces trois lignes; queue, quatre pouces, fourchue de vingt- six lignes ; dépasse les ailes d'un pouce. IL L'HIRONDELLE A CEINTURE BLANCHE. Ilirundo fasciata. L. Celle-ci , n'' 724 , fig. 2, n'a point de roux dans son plumage; tout y est noir, excepté une ceinture blanche qu'elle a sur le ventre, et qui tranche vivement sur ce fond obscur : il y a encore un peu de blanc sur les jambes ; et les pennes de la queue, qui sont noires dessus comme tout le reste, ne sont que brunes par dessous. C'est un oiseau rare : il se trouve à Cayenne et à la Guiane, dans l'intérieur des terres, sur le bord des rivières. Il se plaît à voltiger sur l'eau comme font nos hirondelles ; mais, ce qu'elles ne font pas toutes, il se pose volontiers sur les arbres déracinés qu'on y voit flottants. /{iS l'hirondelle a ceintlre blanche. Longueur totale , six pouces; bec noir, six lignes; tarse , six lignes; queue, deux pouces uiiifquart, four- chue de près de dix-huit lignes; dépasse les ailes de quatre lignes. lïl. L'HIRONDELLE AMBRÉE. Hirundo ambrosiaca. Gmel. Seba dit que ces hirondelles , de même que les lîôtres de rivage, gagnent la côte lorsque la mer est agitée; qu'on lui en a apporté quelquefois de mortes et de vivantes, et qu'elles exhalent une odeur si forte d'ambre gris qu'il n'en faut qu'une pour parfumer toute une chambre : cela lui fait conjecturer qu'elles 1" ••11* se nourrissent d msectes et autres animalcules qui sonS; eux-mêmes parfumés, et peut-être d'ambre gris. Celle qu'a décrite M. Brisson venoit du Sénégal, et avoit été envoyée par M. Adanson; mais, comme on voit, elle se trouve aussi quelquefois en Europe. Tout son plumage est d'une seule couleur, et cette couleur est d'un gris brun, plus foncé sur la tête et sur les pennes des ailes que partout ailleurs; le bec est noir, et les pieds bruns : l'oiseau est tout au plus de la grosseur d'un roitelet. J'ai hésité si je ne rapporterois pas cette espèce aux hirondelles de rivage , dont elle paroît avoir quel- ques façons de faire; mais comme le total de ses ha- bitudes naturelles n'est pas assez connu, et qu'elle a la queue conformée de même que notre hirondelle do- mestique , j'ai cru devoir la rapporter provisoirement à cette dernière espèce. Longueur totale, cinq ponces et demi ; bec , six II- l'hirondelle ambrée. 419 gnes ; tarse, trois; le doigt postérieur le plus court de tous; vol, once pouces et plus; queue , près de trois pouces, fourchue de dix-huit lignes, composée de douze pennes , dépassée par les ailes de quatre lignes. ©«^'©♦©♦©♦^ L'HIRONDELLE AU CROUPION BLANC, OU L'HIRONDELLE DE FEiNÊTRE^. Hirundo urbica, L. Ce n'est pas sans raison que les anciens donnoient à cette hirondelle, n** 542, fig. 2 , le nom de sauvage. Elle peut à la vérité paroître familière et presque do- mestique, si on la compare au grand martinet; mais elle paroîtra sauvage si on la compare à notre hirondelle domestique. En eflet , nous avons vu que celle-ci , lorsqu'elle trouve les cheminées fermées, comme elles le sont dans la ville de Nantua, niche sous les avant- toits des maisons, plutôt que de s'éloigner de l'homme; au lieu que l'espèce à croupion blanc, qui abonde dans les environs de cette ville, et qui y trouve fenêtres, portes, entablements, en un mot, toutes les aisances 1. Ea alleraatiil, Icirsch-scliwaLben , mur-sclivoalben , berg-scliwalben, mur-spyren, munster- spyren, wysse-spyren ; - eu anglois, rock-martie nettes, charck-martinettes ; en italien, rondoni, tartari, noms qui se donnent aussi à l'hirondelle de rivage; vulgairement, cul-blanc de fenêtre, petit martinet; en Provence, rabirolle , religieuse, à cause de son plumage noir et blanc-, en Lorraine, le matelot, la petite hi- rondelle. 420 l'HIRONDELf.E AU CROUPION BLANC. pour y placer son nid, ne l'y place cependant jamais ; elle aime mieux l'aller attacher tout au haut des rocs escarpés qui bordent le iac^. Elle s'approche de l'homme lorsqu'elle ne trouve point ailleurs ses con- venances; mais, toutes choses égales, elle préfère pour l'emplacement de son manoir une avance de rocher à la saillie d'une corniche, une caverne à un péristyle, en un mot, la solitude aux lieux habités. Un de ces nids, que j'ai observé dans le mois de septembre, et qui avoit été détaché d'une fenêtre, étoit composé de terre à l'extérieur, surtout de celle qui a été rendue par les vers , et que l'on trouve le matin çà et là sur les planches de jardin nouvellement labourées; il étoit fortifié dans le milieu de son épais- seur par des brins de paille, et dans la couche la plus antérieure par une grande quantité de plumes^. La poussière qui garnissoit le fond du nid fourmilloit de petits vers très grêles., hérissés de longs poils, se tor- tillant en tous sens, s'agitant avec vivacité, et s'aidant de leur bouche pour ramper ; ils abondoient surtout aux endroits où les plumes étoient implantées dans les parois intérieures. On y trouva aussi des puces plus gros- ses, plus allongées, moins brunes que les puces ordi- naires, maisconformées de même; etsept ou huit punai- ses, quoiqu'il n'y en eût point et qu'il n'y en eût jamais eu dans la maison. Ces deux dernières espèces d'in- 1. M. Guys de Marseille m'a aussi confirmé ce fait : mais il ne faut pas prendre à la lettre ce qu'ont dit les anciens d'une digue très solide, d'un stade de longueur, formée entièrement de ces nids dans le port d'Héraclée en Egypte, et d'une autre digue semblable construite par les mêmes oiseaux dans une île consacrée à Isis. 2. J'ai trouvé jusqu'à quatre ou cinq gros de ces plumes dans uiî nid qui ne pesoit eu tout que treize onces. l'hIKOADELLE au CROL'PîOfî RLANC. 4'n sectes se trouvoient indifféremment et dans la pous- sière du nid et dans les plumes des oiseaux qui Thabi- toient au nombre de cinq, savoir, le père, la mère, et trois jeunes en état de voler. J'ai certitude que ces cinq oiseaux y passoient les nuits tons ensemble. Ce nid représentoit par sa forme le quart d'un demi- sphéroïde creux, allongé par ses pôles, d'environ quatre pouces et demi de rayon, adhérent par ses deux faces latérales au jambage et au châssis de la croisée, et par son équateur à la plate -bande supé- rieure. Son entrée étoit près de cette plate-bande, située verticalement, demi-circulaire , et fort étroite. Les mômes nids servent plusieurs années de suite , et probablement aux mêmes couples : ce qui doit s'entendre seulement des nids que les hirondelles attachent à nos fenêtres; car on m'assure que ceux qu'elles appliquent contre les rochers ne servent ja- mais qu'une seule saison, et qu'elles en font chaque année un nouveau. Quelquefois il ne leur faut que cinq ou six jours pour le construire; d'autres fois elles ne peuvent en venir à bout qu'en dix ou douze jours. Elles portent le mortier avec leur petit bec et leurs petites pattes, elles le gâchent et le posent avec le bec seul. Souvent on voit un assez grand nombre de ces oiseaux qui travaillent au même nid^ , soit qu'ils se plaisent à s'entre-aider les uns les autres, soit que dans cette espèce, l'accouplement ne pouvant avoir lieu que dans le nid, tous les mâles qui recherchent la même femelle travaillent avec émulation à l'achè- 1. J'en ai compté jusqu'à cinq posés dans un même nid, ou accro- chés autour, sans compter les allants et venants; plus leur nombre est grand , plus l'ouvrage va vite. BUFFON ^XIV. 27 422 L HIRONDELLE AU CROUPION BLANC. vement de ce nid, dans l'espérance d'en faire un doux et prompt usage. On en a vu quejques uns qui travailloîent à détruire le nid avec encore pli^s d'ar- deur que les autres n'en mettoient à le construire : étoit-ce un mâle absolument rebuté, qui, n'espérant rien pour lui-même, cherchoit la triste consolation de troubler ou retarder les jouissances des autres? Quoi qu'il en soit, ces hirondelles arrivent plus tôt ou plus tard, suivant le degré de latitude; à Upsal le 9 mai, selon M. Linn^eus ; en France et en Angle- terre dans les commencements d'avril ^, huit ou dix jours après les hirondelles domestiques, qui, selon M. Frisclî , ayant le vol plus bas, trouvent plus faci- lement et plus tôt à se nourrir. Souvent elles sont sur- prises par les derniers froids , et on en a vu voltiger au travers d'une neige fort épaisse ^. Les premiers 1. Cette année 1779 l'hiver a été sans neige, et le printemps très beau; néanmoins ces hirondelles ne sont arrivées en Bourgogne que le 9 avril, et sur le lac de Genève que le i4- On a dit qu'un cordon- nier de Bâle , ayant mis à une hirondelle un collier sur lequel étoifc écrit : Hirondelle, Qui es s,i belle, Dis moi, l'hiver où vas-tu? reçut, le printemps suivant, et par le même courrier, cette réponse à sa demande : A Athènes, Chez h ntoiue. Pourquoi l'en informes-lu ? Ce qu'il y a de plus probable dans celte anecdote, c'est que les vers ont été faits en Suisse : quant au fait, il est plus que douteux, puis- qu*on sait par Belon et par Aristote que les hirondelles sont des oi- seaux semestriers dans la Grèce comme dans le reste de l'Europe, et qu'elles vont passer l'hiver en Afrique. 9. Gela prouve que ce que dit le curé Iloegstroem, de JNordlande, sur le pressentiment des températures , qu'il attribue aux hirondelles. L HU\O^^DELL^', AU CnOUPION BrANC. 1^5 jours de leur arrivée elles se tiennent sur les eaux et dans les endroits marécageux. Je ne les ai gnère vues revenir aux nids qui sont à mes fenêtres avant le i5 avril; quelquefois elle^ n'y ont paru qne dans les premiers jours de iriai. Elles établissent leur nid à toute exposition, mais par préférence aux fenêtres qui regardent la campagne , surtout lorsqu'il y a dans cette campagne des rivières, des ruisseaux ou des étangs : elles le construisent parfois dans les mai- sons; mais cela est rare et mên}e fort difficile à obte- nir. Leurs petits sont souvent éclos dè^ le i5 de juin. On a vu le mâle et la femelle se cares.'^er sur le bor*! d'un nid qui n'étoil pas encore achevé , se becqueter avec un petit gazouillement expressif* : mais on ne les a point vus s'accoupler; ce qui donne lien de croire qu'ils s'accouplent dans le nid, où on les en- tend gazouiller ainsi de très gr.'ind matin, et quel- quefois pendant la nuit entière. Leur première ponte est ordinairement de cinq œufs blancs, ayant un n'est pas plus applicable à celle-ci qu'à celle de chemiuée, et doit être regardé, ainsi que je l'ai dit, comme fort douteux. « On a \u, dit- il , en Laponie des hirondelles partir dès le commencement d'août, et abandonner Leurs petits dans un temps fort cliaud, et où rien nan- nonçoit un changement de température; mais ce changement ne tarda pas, et l'on pouvoit aller en traîneau le 8 septembre. Dans cer- taines années, au contraire, on les voit rester assez tard , quoique le temps ne soit pas dou.x , et on est assuré alors que le froid nest pas prochain. » Dans tout ceci , P4, le curé paroi t nêtre que l'écho d'un bruit popu- laire, qu'il n'aura pas pris la peine de vériGer, et qui d'ailleurs est contredit par les observatfons les plus authentiques. 1. Frisch prétend que les mâles de cette espèce chantent mieuv que ceux de rhirondelle domestique; mais, à mon avis, c'est tout le ron - traire. 4â4 L*H1U0NDELLE Al. CR OtfîON BLANC. disque moins hlanc au gros bout; ja seconde ponte est de trois ou quatre; et la troisième, lorsqu'elle a lieu , de deux ou trois. Le mâle ne s'éloigne guère de la femelle taudis qu'elle couve ; il veille sans cesse à sa sûreté, à celle des fruits de leur union, et il fond avec impétuosité sur les oiseaux qui s'en approchent de trop près. Lorsque les petits sont éclos, tous deux leur portent fréquemment à manger, et paroissent en prendre beaucoup de soin. Cependant il y a des cas où cet amour paternel semble se démentir. Un de ces petits, déjà avancé et même en état de voler, étant tombé du nid sur la tablette de la fenêtre, le père et la mère ne s'en occupèrent point , ne lui don- nèrent aucun secours : mais cette dureté apparente eut des suites heureuses; car le petit, se voyant aban- donné à lui-même, fit usage de ses ressources, s'a- gita, battit des ailes, et, au bout de trois quarts d'heure d'eiforts, parvint à prendre sa volée. Ayant fait détacher du haut d'une autre fenêtre un nid contenant quatre petits nouvellement éclos, et l'ayant laissé sur la tablette de la même fenêtre, les père et mère, qui passoient et repassoient sans cesse, volti- geant autour de l'endroit d'où l'on avoit ôté le nid, et qui nécessairement le voyoient et entendoient le cri d'appel de leurs petits , ne parurent point non plus s'en occuper, tandis qu'une femelle moineau, dans le môme lieu et les mêmes circonstances, ne cessa d'apporter la becquée aux siens pendant quinze jours. II semble que l'attachement de ces hirondelles pour leurs petits dépende du local; cependant elles continuent de leur donner la nourriture encore long- temps après qu'ils ont commencé à voler, et même l'hirondelle au croupion blanc. 4^5 elles !a leur portent au milieu des airs. Le fond de cette nourriture consiste en insectes ailés qu'elles attrapent au vol ^, et cette manière de les attraper leur est tellement propre que, lorsqu'elles en voient un posé sur une muraille, elles lui donnent un coup d'aile en passant, pour le déterminer à voler, et pou- voir ensuis le prendre plus à leur aise. On dit que les moineaux s'emparent souvent des nids de ces hirondelles, et cela est vrai; mais on ajoute que les hirondelles , ainsi chassées de chez elles, reviennent quelquefois avec un grand nombre d^autres, ferment en un instant l'entrée du nid avec le même mortier dont elles l'ont construit, y claque- murent les moineaux, et rendent ainsi l'usurpation funeste aux usurpateurs. Je ne sais si cela est jamais arrivé; mais ce que je puis dire, c'est que des moi- neaux s'étant emparés, sous mes yeux et en différents temps, de plusieurs nids d'hirondelles, celles-ci, à la vérité, y sont revenues en nombre et à plusieurs fois dans le cours de l'été, sont entrées dans le nid, se sont querellées avec les moineaux, ont voltigé aux environs, quelquefois pendant un jour ou deux, mais qu'elles n'ont jamais fait la plus légère tentative pour fermer l'entrée du nid, quoiqu'elles fussent bien dans le cas, qu'elles se trouvassent en force, et qu'elles eussent tous les moyens pour y réussir. Au reste, si les moineaux s'emparent des nids des hiron- delles, ce n'est point du tout par l'effet d'aucune an- tipathie entre ces deux espèces, comme on l'a voulu 1. C'est l'opinion la plus générale , la plus conforme à l'observation journalière : cependant M. Guys m'assure que ces oiseaux cherchent les bois de pins, où ils trouvent des chenilles dont ils se nourrissent.^ 4^6 l'hirondelle au croupion blanc. croire : cela signifie seulement que ies. moineaux prennent leurs convenances. Ils pondent dans ces nids parce qu'ils les trouvent commodes; ils pon- droient volontiers dans tout autre nid , et même dans tout autre trou. Quoique ces hirondelles soient un peu plus sau- vages que les hirondelles de cheminée, quoique des philosophes aient cru que leurs petits ëtoient inap- privoisabks^, la vérité est néanmoins qu'ils s'appri- voisent assez facilement. Il faut leur donner la nour- riture qu'elles aiment le mieiix et qui est la plus analogue à leur nature, c'est-à-dire des mouches, des papillons, et leur en donner souvent 2; il faut surtout ménager leur amour pour la liberté, sentiment com- mun à tous les genres d'animaux, mais qui, dans au- cun , n'est si vif ni si ombrageux que dans le genre aîié-^. On a vu une de ces hirondelles apprivoisées qui avoit pris un attachement singulier pour la per- 1. M. Rousseau de Genève. 2. Quelques auteurs prétendent qu'elles ne peuvent absolument vi- vre de matières végétales; cependant il ne faut pas croire que ce soit un poison pour elles. Le pain entioit pour quelque chose dans la nour- riture d'une hirondelle apprivoisée dont je parlerai bientôt : mais, ce qui est le plus singulier, on a vu des enfants nourrir de petits hiron- deaux de cheminée avec la seule fiente qui tomboit d'un nid d'hiron- delle de la même espèce; ces jeunes oiseaux vécurent fort bien pen- dant dix jours à ce régime, et il y a toute apparence qu'ils l'eussent .soutenu encore quelque temps si l'expérience n'eût été interrompue par une mère qui avoit plus le goût de la propreté que celui des con- noissances. 3. <' J'ai souvent eu le plaisir, dit M. Rousseau , de les voir se tenir dans ma chambre, les fenèfres fermées, assez tranquilles pour gazouil- ler, jouer et folâtrer ensemble à leur aise en attendant qu'il me plût do leur ouvrir, bien sûres que cela ne tarderoit pas. En effet, je me kvois tous ies jours pour cela à (juatre heures dn aiatin. » L'iIIRONDELLli AL CROUPION BLANC. 4^7 soane dont elle avoit reçu l'éducation ; elle restoit sur ses genoux des journées entières; et lorsqu'elle la voyoit reparoître après quelques heures d'absence, elle l'accneilloit avec de petits cris de joie, un batte- ment d'ailes et toute l'expression du sentiment. Elle commençoit déjà à prendre la nourriture daus les mains d^ sa maîtresse, et il y a toute apparence que son éducation eût réussi complètement si elle ne se fût pas envolée. Elle n'alla pas fort loin, soit que la société intime de l'homme lui fût devenue néces- saire, soit qu'un animal dépravé , du moins amolli par la vie domestique, ne soit plus capable de la li- berté : elle se donna à un jeune enfant, et bientôt après elle périt sous la griffe d'un chat. M. le vicomte de Querhoent m'assure qu'il a aussi élevé, pendant plusieurs mois, de jeunes hirondelles prises au nid; mais il ajoute qu'il n'a jamais pu venir à bout de les faire manger seules, et qu'elles ont toujours péri dans le temps où elles ont été abandonnées à elles-mêmes. Lorsque celle dont j'ai parlé ci-dessus vouloit mar- cher, elle se traînoit de mauvaise grâce, à cause de ses pieds courts : aussi les hirondelles de cette espèce se posent-elles rarement ailleurs que dans leur nid, et seulement lorsque la nécessité les y oblige : par exemple , elles se posent sur le bord des eaux, lors- qu'il s'agit d'amasser la terre humide dont elles con- struisent kur nid, ou da»s les roseaux pour y passer les nuits sur la fin de l'été, lorsqu'à la troisième ponte elles sont devenues trop nombreuses pour pouvoir être toutes contenues dans les nids*, ou i. Vers la fin de l'été , ou les voit volliger le soir en grand noml)rc à^uS l'hirondelle Al CROLPION BLANC. enfin sur les couverts et les cordons d'un grand bâti- ment, lorsqu'il s'agit de s'assembler pour le départ. M. Hébert avoit en Brie une maison qu'elles pre- noient tous les ans pour leur rendez-vous général : l'assemblée étoit fort nombreuse, non seulement parce que l'espèce l'est beaucoup par elle-même, chaque paire faisant toujours deux et qu^quefois trois pontes, mais aussi parce que souvent les hiron- delles de rivage et quelques traîneuses de l'espèce domestique en augmentoient le nombre. Elles ont un cri particulier dans cette circonstance, et qui pa- roît être leur cri d'assemblée. On a remarqué que , peu de temps avant leur départ , elles s'exercent à s'élever presque jusqu'aux nues, et semblent ainsi se préparer à voyager dans ces hautes régions; ce qui s'accorde avec d'autres observations dont j'ai rendu compte dans l'article précédent , et ce qui explique en même temps pourquoi- l'on voit si rarement ces oiseaux dans l'air, faisant route d'une contrée à l'au- tre. Ils sont fort répandus dans l'ancien continent ; cependant Aldrovande assure qu'il n'en a jamais vu en Italie, et notamment aux environs de Bologne. On les prend l'automne en Alsace avec les étour- neaux, dit M. Herman , en laissant tomber, à l'entrée de la nuit, un filet tendu sur un marais rempli de joncs, et noyant le lendemain les oiseaux qui se trou- vent pris dessous. On comprend aisément que les hirondelles noyées de cette manière auront été quel- sur Jes eaux, et voltiger presque jusqu'à la nuit close : c'est apparem- ment pour y aller qu'elles se rassemblent tous les jours une heure ou »loux avrnit !o coucher du soleil. Ajoutez à cela qu'il s'en trouve beau- eoup moins le soir dans le» villes que pendant le reste de la journée. L HIRONDELLE AU CKOLPION BLANC. i^SQ qnefois rendues à la vie, et que ce fait très simple, ou quelque autre de même genre, aura pu donner lieu à la fable de Jéur immersion et de leur émersion annuelles. Cette espèce semble tenir le milieu entre l'espèce domestique et le grand martinet : elle a un peu du gazouillement et de la familiarité de celle-là; elle construit son nid à peu près comme e!le, et ses doigts sont composés du même nombre de phalanges res- pectivement : jelle a les pieds pattus du martinet, et le doigt postérieur disposé à se tourner en avant; elle vole comme lui par les grandes pluies, et vole alors en troupes plus nombreuses que de coutume; comme lui elle s'accroche aux murailles , se pose rarement à terre : lorsqu'elle y est posée, elle rampe plutôt qu'elle ne marche. Elle a aussi l'ouverture du bec plus large que l'hirondelle domestique, du moins en apparence, parce que son bec s'élargit brusque- ment à la hauteur des narines, où ses bords font de chaque côté un angle saillant. Enfin quoiqu'elle ait un peu plus de masse , elle paroît un peu moins grosse, parce qu'elle a les plumes, et surtout les couvertures inférieures de la queue, moins fournies. Le poids moyen de toutes celles que j'ai pesées a été constam- ment de trois à quatre gros. Elles ont le croupion , la gorge , et tout le dessous du corps, d'un beau blanc; la côte des couvertures de la queue brune; le dessus de la tête et du cou, le dos, ce qui paroît des plumes et des plus grandes couvertures supérieures de la queue , d'un noir lus- tré, enrichi de reilets bleus; les plumes de la tête et du dos cendrées à leur base, blanches dans leur par- L[ÙO LHIROiNDELLE AU CU0LPIOx> BLANC. tie moyenne; les pennes des ailes brunes, avec des reflets verdatres sur îes bords; les trois dernières les plus voisines du corps terminées de blanc ; les pieds couverts jusqu'aux ongles d'un duvet blanc, le bec noir, et les pieds gris brun. Le noir de la femelle est moins décidé : son blanc est moins pur; il est même varié de brun sur le croupion. Les jeunes ont la tête brune, une teinte de cette même couleur sous le cou; les reflets du dessus du corps d'un bleu moins foncé, et même verdatres à certains jours; et, ce qui est remarquable, ils ont les pennes des ailes plus foncées. Il semble que l'individu décrit par M. Bris- son étoit un jeune. Ces jeunes ont un mouvement fréquent dans la queue de bas en haut, et la naissance de la gorge dénuée de plumes. Longueur totale, cinq pouces et demi; bec, six. lignes; l'intérieur d'un rouge pale au fond, noirâtre auprès de la pointe; narines rondes et découvertes; langue fourchue, un peu noirâtre vers le bout; tarse , cinq lignes et demie, garni de duvet plutôt sur les côtés que devant et derrière; doigt du milieu, six lignes et demie; vol, dix pouces et demi; queue, deux pouces, fourchue de six, sept, et jusqu'à neuf lignes, paroît carrée lorsqu'elle est fort épanouie; dépasse les ailes de huit à neuf" lignes, dans quelques individus de cinq seulement, dans d'autres point du tout. Tube intestinal , six à sept pouces ; très petits cœ- cums, pleins d'une matière différente de celle qui remplissoit les vrais intestins; un^ vésicule du fiel, gésier musculeux; œsophage, vingt lignes, se dilate avant son insertion en une petite poche glanduleuse; l'hIUONDELLE Alj CROUnOiN BLANC. 4^* testicules de forme ovoïde, inégaux; le grand dia- mètre du plus gros étoit de quatre lignes, sou petit diamètre de trois : on voyoit à leur surface une quan- tité de circonvolutions , comme d'un petit vaisseau tortillé et roulé en tous sens. Ce qu'il y a de singulier, c'est que ies petits pèsent plus que les père et mère : cinq petits qui n'avoient encore que le duvet pesoient ensemble trois onces , ce qui faisoit pour chacun trois cent quarante-cinq grains ; au lieu que les père et mère ne pesoient à eux deux qu'une once juste , ce qui fuisoit pour chacun deux cent quatre-vingt-huit grains. Les gésiers des petits étoient distendus par la nourriture, au point qu'ils avoient la forme d'une cucurbite , et pesoient ensemble deux gros et demi, ou cent quatre-vingts grains, ce qui faisoit trente-six grains pour chacun; au lieu que les deux gésiers des père et mère , qui ne contenoif*nt presque rien, pesoient seulement dix- huit grains les deux, c'est-à-dire le quart du poids des autres : leur vohime étoit aussi plus petit à peu près dans la même proportion. Ge!a prouve claire- ment que les père et mère se refusent le nécessaire, pour donner le superflu à leurs petits , et que dans le premier âge les organes prépondérants sont ceux qui ont rapport à la nutriti()n^, de même que dans l'âge adulte ce sont ceux qui ont rapport à la reproduction. On voit quelquefois des individus de cette espèce qui ont tout le plumage blanc; je puis citer deux té- moins dignes de foi, M. Hébert et M. Herman. L'hiron- delle blanche de ce dernier avoit les yeux rouges, i. J'ai observé la inêiiie dispioportîou et dans les gésiers et dans leti iiitestins des jeunes inoiticaux, rossignolï", iauvetles , etc. 452 L HIllONDELLE AU CROUPION BLANC. ainsi que tant d'autres animaux à poil ou plumage blanc; elle n'avoit pas les pieds couverts de duvet conîme les avoient les autres de la même couvée. On peut regarder comme une variété accidentelle dans cette espèce l'hirondelle noire à ventre fauve de Barrère; et comme variété de climat l'hirondelle brune à poitrine blanchâtre delà Jamaïque, dont parle Brown^. L'HIRONDELLE DE RIVAGEl Hirundo rlparia. L. Nous avons vu les deux espèces précédentes em- ployer beaucoup d'industrie et de travail pour bâtir leur petite maison en maçonnerie; nous allons voir deux autres espèces faire leur ponte dans des trous en terre , dans des trous de muraille, dans des arbres creux, sans se donner beaucoup de peine pour con- struire un nid, et se contentant de préparer à leur couvée une petite litière composée des matériaux les 1. Cet auteur lui donne le nom de house-sivallow ; mais elle a plus de rapport avec l'hirondelle au croupion blanc. 2. Dans la basse Allemagne, speiren (c'est en Suisse le nom des mar- tinets); en anglois a bank-martinet ; en italien, rondoni , lartari (noms qui se donnent aussi à l'hirondelle de fenêtre) ; en François, hirondelle d'eau, argatile, ergatile, noms sans doute formés du mot argatilis, qu'on a pris pour le nom d'une hirondelle; petit martinet , de même que l'hirondelle de fenêtre: à Nantes, mottereau; à Saint- Ay, près d'Orléans , carreaux , peut-être parce qu'elles font leurs nids dans des carrières sur les bords de la Loire ; batte-marre , de même que la lavan- dière; à Genève, grison; en Sibérie, sireschis. l'hjhondelle de uivage. 4">-'> plus comaïuns, entassés sans art ou grossière orient ar- rangés. Les hirondelles de rivage, n** l\bo, fig. 2, arrivent dans nos climats et en repartant à peu près dans les mêmes temps que nos hirondelles de fenêtre. Dès la fin du mois d'août elles commencent à s'approcher des endroits où elles ont coutume de se réunir toutes ensemble : et vers la fin de septembre M. Hébert a vu souvent les deux espèces rassemblées en grand nombre sur la maison qu'il occupoit en Brie^, et par préférence , sur le côté du comble qui étoit tourné au midi. Lorsque l'assemblée étoit formée, la maison en étoit entièrement couverte. Cependant toutes ces hirondelles ne changent pas de climat pendant l'hi- ver. M. le commandeur des Mazys me mande qu'on en voit constamment à Malte dans cette saison, surtout par les mauvais lemps^ ; et il est bon d'observer que dans cette île il n'y a d'autre lac , d'autre étang, que la mer, et que par conséquent on ne peut supposer que dans l'intervalle des tempêtes elles soient plon- gées au fond des eaux. M. Hébert en a vu voltiger en 1. Celte maison étoit dans une petite ville, mais à une extrémilo ; elle avoit son principal aspect sur une rivière , et tcnoit à la campagne de plusieurs côtés. 2. « A Saint-Domingue, dit M. le chevalier Lefebvrc Deshays , on voit arriver les hirondelles à l'approche des grains : les nuages se dis- sipent-ils, elles s'en vont aussi, et suivent apparemment la pluie. « Elhis sont en clîet très communes en cette île dans la saison des pluies. Aristole écrivoit, il y a deux mille ans , que, même en été, Thirondelle de rivage ne paroissoit dans la Grèce que lorsqu'il pleuvoit. Enfin Toii sait que sur toutes les mers on voit pendant les tempêtes des oiseaux de toute espèce, aquatiques et autres, relâcher dans les îles , quelque- fois se réfugier sur les vaisseaux, et que leur ap;)arition est presque toujours l'annonce de quelque bourrasque. 434 l'hlrondeli-e de rivage. diflerents mois de l'hiver jusqu'à quinze on seize à la fois dans les montagnes de Biigey; c'étoit fort près de Nantua , à une hauteur moyenne, dans une gorge d'un quart de h'eue de long sur trois ou quatre cents pas de large , lieu délicieux , ayant sa principale ex- position au midi , garanti du nord et du couchant par des rochers à perte de vue, où le gazon conserve pres- que toute Tannée son beau vert et sa fraîcheur, où la violette fleurit en février, et où l'hiver ressemble à nos printemps. C'est dans ce Heu privilégié que l'on voit fréquemment ces hirondelles jouer et voltiger dans la mauvaise saison , et poursuivre les insectes, qui n'y manquent pas non plus. Lorsque le froid de- vient trop vif, et qu'elles ne Irouvent plus de mou- cherons au dehors , elles ont la ressource de se réfu- gier dans leurs trous, où la gelée ne pénètre point, où elles trouvent assez d'insectes terrestres et de chry- salides pour se soutenir pendant ces courtes intempé- ries, et où peut-être elles éprouvent plus ou moins cet état de torpeur et d'engourdissement auquel M. Gmelin et plusieurs autres prétendent qu'elles sont sujettes pendant les froids, mais auquel les ex- périences de M. Collinson prouvent qu'elles ne sont pas toujours sujettes. Les gens du pays dirent à M. Hé- bert qu'elles paroissoient les hivers après que les neiges des avents étoient fondues, toutes les fois que le temps étoit doux. Ces oiseaux se trouvent dans toute l'Europe. Belon en a observé en Romanie qui nichoient avec les mar- lin-pècheurs et les guêpiers dans les berges du fleuve Marissa , auirefois le fleuve Hebrtis. M. Rœnigsfeld , voyageant dans le nord . s'aperçut que la rive gaucho l'hiuondelle de rivage. /|55 d'un ruisseau qui passe au village de Rakui en Sibérie ëtoit criblée, sur une étendue d'environ quinze toises, d'une quantité de trous servant de retraite à de petits oiseaux grisâtres nommés stresclds (lesquels ne peu- vent être que des hirondelles de rivage). On en voyoit cinq ou six cents voler pêle-mêle autour de ces trous, y entrer, en sortir, et toujours en mouvement, comme des moucherons. Les hirondelles de cette espèce sont fort rares dans la Grèce, selon Aristote; mais elles sont assez communes dans quelques contrées d'Itah'e, d'Espagne, de France, d'Angleterre, de Hollande et d'Allemagne^. Elles font leurs trous ou les choisissent par préférence dans les berges et les falaises escarpées, parce qu'elles y sont plus en sûreté; sur le bord des eaux dormantes, parce qu'elles y trouvent des insec- tes en plus grande abondance ; dans les terrains sa- blonneux, parce qu'elles ont plus de facilité à y faire leurs petites excavations et à s'y arranger. M. Salerne nous apprend que sur les bords de la Loire elles ni- chent dans les carrières; d'autres disent dans les grot- tes. Toutes ces opinions peuvent être vraies, pourvu qu'elles ne soient pas exclusives. Le nid de ces hiron- delles n'est qu'un amas de paille et d'herbe sèche ; il est garni à l'intérieur de plumes sur lesquelles des œufs reposent immédiatement^. Quelquefois elles creusent elles-mêmes leurs trous; d'autres fois elles 1. Dans les rives du Jihin , de la Loire, de la Saône, etc. 2. Schwenckfeld dit que ce nid est de forme sphérique ; mais cela me paroît plus vrai de la cavité des trous où pondent ces hirondelles, que du nid qu'elles y construisent. ISon faciant liœ nidos , ait Pline; Aldrovande est de son avis. M. Edwards dit que ceux qu'avoit fait fouiller INI. Collinson étoieut parfaits; mais il ne spécilie pas leur forme. Enfin Belon doute qu'elles creusent elles-uiemes leurs trous. 436 L*HIUONDELLE DE RIVAGE. s'emparent de ceux des guêpiers et des martin-pê- cheurs. Le boyau qui y conduit est ordinairement de dix-buit pouces de longueur. On n'a pas manqué de donner à cette espèce le pressentiment des inonda- tions , comme on a donné aux autres celui du froid et du chaud, et tout aussi gratuitement : on a dit qu'elle ne se laissoit jamais surprendre par les eaux; qu'elle savoit faire sa retraite à propos, et plusieurs jours avant qu'elles parvinssent jusqu'à son trou. Mais elle a une manière tout aussi sûre et mieux constatée pour ne point souffrir des inondations, c'est de creu- ser son trou et son nid fort au dessus de la plus grande élévation possible des eaux. Ces hirondelles ne font, suivant M. Frisch , qu'une seule ponte par an ; elle est de cinq ou six œufs blancs, demi-transparents, et sans taches, dit M. Klein. Leurs petits prennent beaucoup de graisse, et une graisse très fine, comparable à celle des ortolans. Comme cette espèce a un fonds de subsistance plus abon- dant que les autres, et qui consiste non seulement dans la nombreuse tribu des insectes ailés, mais dans celle des insectes vivant sous terre , et dans la multi- tude des crysalides qui y végètent, elle doit nourrir ses petits encore mieux que les autres espèces , qui, comme nous avons vu, nourrissent très bien les leurs: aussi fait-on une grande consommation des hiron- deaux de rivage en certains pays, par exemple à Va- lence en Espagne^; ce qui me feroit croire que, dans ces mêmes pays, ces oiseaux, quoi qu'en dise M. Frisch , font plus d'une ponte par an. 1. Ces jewues hirondeaux sont néanmoins sujets aux poux de bois, qui se glissent sous leur peau : mais ils n'ont jamais de punaises. l' HIRONDELLE i)E RIVAGE. 4-^7 Les adultes poursuivent leur proie sur les eaux avec une telie activité, qu'on se persuaderoit qu'ils se bat- tent. En effet, ils se rencontrent, ils se choquent en courant après les mêmes moucherons; ils se les ar- rachent ou se les disputent en jetant des cris perçants ; mais tout cela n'est autre chose que de l'émulation, telle qu'on la voit régner entre des animaux d'espèce quelconque attirés par la môme proie et poussés du même appétit. Quoique cette espèce semble être la plus sauvage des espèces européennes , du moins à en juger par les lieux qu'elle choisit pour son habitation, elle est toutefois moins sauvage que le grand marthiel, lequel fait, à la vérité, sa demeure dans les villes, mais ne se mêle jamais avec aucune autre espèce d'hirondelle; au lieu que l'hirondelle de rivage va souvent de com- pagnie avec celle de fenêtre, et même avec celle de cheminée. Cela arrive surtout dans les temps du pas- sage, temps où les oiseaux paroissent mieux sentir qu'en toute autre circonstance le besoin et peut-être l'intérêt qu'ils ont de se réunir. Au reste, elle diffère des deux espèces dont je viens de parler, parle plu- mage, par la voix, et, comme on a pu le voir, par quelques unes de ses habitudes naturelles ; ajoutez qu'elle ne se perche jamais, qu eile revient au prin- temps beaucoup plus tôt que le grand martinet. Je ne sais sur quel fondement Gesner prétend qu'elle s'accroche et se suspend par les pieds pour dormir. Elle a toute la partie supérieure gris-de-souris, une espèce de collier de la même couleur au bas du cou, tout le reste de la partie inférieure blanc ; les pennes de la queue et des ailes brunes, les couvertures in- jîurro.N. XXIV. a 8 458 l'hiuondelle de rivage. férieures des ailes grises, le bec noirâtre, et les pieds bruns, garnis par derrière, jusqu'aux doigts, d'un duvet de même couleur. Le mâle, dit Schwenckfeld , est dun gris plus sombre, et il a à la naissance de la gorge une teinte jaunâtre. C'est la plus petite des hirondelles d'Europe. Lon- gueur totale, quatre pouces neuf lignes; bec, un peu pbis de cinq lignes ; langue fourchue ; tarse , cinq lignes; doigt postérieur le plus court de tous; vol, onze pouces; queue, deux pouces un quart, four- chue de huit lignes, composée de douze pennes; les ailes composées de dix-huit, dont les neuf plus inté- rieures sont égales entre elles; dépassent la queue de cinq lignes. L'HIRONDELLE GRISE DES ROCHERS^ Hirundo montana. L. Nous avons vu que les hirondelles de fenêtre étoient aussi parfois des hirondelles de rocher : mais celles dont il s'agit ici le sont toujours; toujours elles ni- chent dans les rochers : elles ne descendent dans la plaine que pour suivre leur proie; et communément leur apparition annonce la pluie un jour ou deux d'a- vance : sans doute que l'humidité, ou plus générale- 1. Je ne counois cette espèce que par M. le marquis de Piolenc , qui m'en a envoyé deux individus. l'hiuondelle guise des nociiERs. 459 ment l'état de l'air qui précède la pluie, détermine les insectes dont elles se nourrissent à quitter la uion- tag;ne. Ces hirondelles vont de compagnie avec celles de fenêtre; mais elles ne sont pas en si grand nom- bre. On voit assez souvent le matin des oiseaux de ces deux espèces voltiger ensemble autour du châ- teau de l'Épine en Savoie. Ceux dont il s'agit ici pa- roissent les premiers, et sont aussi les premiers à re- tra^nér la montagne : sur les huit heures et demie du matin il n'en reste pas un seul dans la plaine. L'hirondelle de rocher arrive en Savoie vers le milieu d'avril, et s'en va dès le premier août; mais on voit encore des traîneuses jusqu'au )o octobre. Il en est de môme de celles qui se trouvent dans les montagnes d'Auvergne et du Dauphiné. Cette espèce semble faire la nuance entre l'hiron- delle de fenêtre, dont elle a à peu près le cri et les allures , et celle de rivage , dont elle a les couleurs ; toutes les plumes du dessus de la tête et du corps, les pennes et les couvertures de la queue , les pennes et les couvertures supérieures des ailes, sont d'un gris brun bordé'de roux; la paire intermédiaire de la queue est moins foncée ; les quatre paires latérales comprises entre cette intermédiaire et la plus exté- rieure* sont marquées, sur le côté intérieur, d'une tache blanche qui ne paroît que lorsque la queue est épanouie ; le dessous du corps est roux ; les flancs d'un roux teinté de brun, les couvertures inférieures des aiies brunes, le pied revêtu d'un duvet gris varié de brun, le bec et les ongles noirs. Longueur totale, cinq pouces dix lignes; vol, douze pouces deux tiers; queue, vingt-une lignes, 44o l'hikondelle ghise des nOCHEllS. un peu fourchue, composée de douze pennes, dé- passée par les ailes de sept lignes. La seule chose qui m'a paru digne d'être remar- quée dans l'intérieur, c'est qu'à l'endroit du cœcum il y avoit une seule appeudice d'une ligne de dia- mètre et d'une ligne un quart de longueur. J'ai déjà vu !a même chose dans le bihoreau. LE MARTINET NOIR*. Hirundo apus. Gmel. ]^Es oiseaux de cette espèce sont de véritables hi- rondelles, et, à bien des égards, phis hirondelles , si j'ose ainsi parler, que les hirondelles mêmes; car non seulement ils ont les principaux attributs qui carac- térisent ce genre, mais ils les ont à l'excès : leur cou, leur bec, et leurs pieds, sont plus couris; leur tête et leur gosier plus larges, leurs ailes plus longues; ils ont le vol plus élevé, plus lapide que ces oiseaux , qui volent déjà si légèrement 2. Us volent par néces- 1. En espagnol, vencelo , arrexaquo; en anglois, greot-swatlow; martlettes; en ailemaucl, ger-schwnlb , geyr-scfiwalb; en fi'ançois, mar- tinet, marielet, grande hirondelle; en différentes provinces , grande hi- rondelle, hirondelle noire, marielet, alérion ; arbalétrier h Avignon (parce qu'il a en volant la forme d'un arc tendu ) : à Aix , faucillette; en Cham- pagne, griffon, griffet: à Genève, martyrola (petit martyr, parce que les enfants se plaisent à le tourmenter); à Paris, dans le peuple, le Juif; hirondelle de mer au cap de Bonne-Espérance. 2. Aristote disoit qu'on ne pouvoit distinguer les martinets des hi- rondelles cpie par leurs pieds pattus; il no connoissoitdonc pas lasin- LE MARTINET iXOIR. 44' site , car d'eux-mêmes ils ne se posent jamais à terre; et lorsqu'ils y tombent par quelque accident, ils ne se relèvent que très difficilement dans un terrain plat; à peine peuvent-ils, en se traînant sur une petite motte , en grimpant sur une taupinière ou sur une pierre, prendre leurs avantages assez pour mettre en jeu leurs longues ailes ^. C'est une suite de leur conformation , ils ont le tarse fort court ; et lors- qu'ils sont posés ce tarse porte à terre jusqu'au ta- lon, de sorte qu'ils sont à peu près couchés sur le ventre, et que , dans cette situation, la longueur de leurs ailes devient pour eux un embarras plutôt qu'un avantage, et ne sert qu'à leur donner un inutile balan- cement de droite et de gauche ^. Si tout le terrain étoit uni et sans aucune inégalité , les plus légers oi- seaux deviendroient les plus pesants des reptiles; et s'ils se trouvoient sur une surface dure et polie, ils seroient privés de tout mouvement progressif; tout changement de place leur seroit interdit. La terre n'est donc pour eux qu'un vaste écueil , et ils sont obligés d'éviter cet écueil avec le plus grand soin, gulière conformation de leurs pieds el de leurs doigts , ni leurs mœurs et leurs habitudes encore plus singulières. i. Un chasseur m'a assuré qu'ils se posoicnt quelquefois sur des las de crottin, où ils trouvoient des insectes et assez d'avantage pour pouvoir prendre leur volée. 2. Deux de ces oiseaux observés par M. Hébert navoient, étant po- sés sur une table et sur le pavé, que ce seul mouvement : leurs plumes se renfloient lorsqu'on approclioit la main. Un jeune, trouvé au pied de la muraille où étoit le nid, avoit déjà cette habitude de hérisser ses plumes , qui n'avoient pas encore la moitié de leur longueur. J'en ai vu deux, depuis peu, qiù ont pris leur essor, étant posés l'un sur le pavé, l'autre dans une allée sablée: ils ne marchoient point, et ne changeoient de place qu'en battant des ailes. 442 LE MARTINET NOIR. Ils n'ont guère que deux manières d'être, le mouve- ment violent ou le repos absolu ; s'agiter avec effort dans le vague de l'air, ou rester blottis dans leur trou , voilà leur vie : le seul état intermédiaire qu'ils con- noissent, c'est de s'accrocher aux murailles et aux troncs d'arbres tout près de leur trou , et de se traî- ner ensuite dans l'intérieur de ce trou en rampant, en s'aidant de leur bec et de tous les points d'appui qu'ils peuvent se faire. Ordinairement ils y entrent de plein vol; et après avoir passé et repassé devant plus de cent fois, ils s'y élancent tout à coup, et d'une telle vitesse, qu'on les perd de vue , sans savoir où ils sont allés : on seroit presque tenté de croire qu'ils deviennent invisibles. Ces oiseaux sont assez sociables entre eux, mais ils ne le sont point du tout avec les autres espèces d'hirondelles, avec qui ils ne vont jamais de com- pagnie : aussi en diffèrent-ils pour les mœurs et le naturel, comme on le verra dans la suite de cet ar- ticle. On dit qu'ils ont peu d'instinct ; ils en ont ce- pendant assez pour loger dans nos bâtiments sans se mettre dans notre dépendance . pour préférer un lo- gement sûr à un logement plus commode ou plus agréable. Ce logement, du moins dans nos villes, c'est un trou de muraille dont le fond est plus large que l'entrée; le plus élevé est celui qu'ils aiment le mieux, parce que son élévation fait leur sûreté : ils le vont chercher jusque dans les clochers et les plus hautes tours , quelquefois sous les arches des ponts , où il e«,t moins élevé, mais où apparemment ils le croient mieux caché, d'autres fois dans des arbres creux, ou enfin dans des berges escarpées à côté des marlin- LE MARTINET NOIR. /j45 pécheurs, des guêpiers, et des hirondelles de rivage. Lorsqu'ils ont adopté un de ces trous, ils y reviennent tous les ans, et savent bien le reconnoître quoiqu'il n'ait rien de remarquable. On les soupçonne, avec beaucoup de vraisemblance, de s'emparer quelque- fois des nids des moineaux ; mais quand à leur retour ils trouvent les moineaux en possession du leur, ils viennent à bout de se le faire rendre sans beaucoup de bruit. Les martinets sont de tous les oiseaux de passage ceux qui, dans notre pays, arrivent les derniers et s'en vont les premiers. D'ordinaire ils commencent à paroître sur la lin d'avril ou au commencement de mai, et ils nous quittent avant la fin de juillet '^. Leur marche est moins régulière que celle des autres hiron- delles, et paroît plus subordonnée aux variations de la température. On en voit quelquefois en Bourgogne dès le 20 avril ; mais ces premiers venus sont des pas- sagers qui vont plus loin : les domiciliés ne reviennent guère prendre possession de leur nid avant les pre- miers jours de mai. Leur retour s'annonce par de grands cris. Ils entrent assez rarement deux en même temps dans le même trou, et ce n'est pas sans avoir beaucoup voltigé auparavant : plus rarement ces deux sont suivis d'un troisième ; mais ce dernier ne s'y fixe jamais. J'ai fait enlever en différents temps et en différents endroits dix ou douze nids de martinets : j'ai trouvé dans tous à peu près les mêmes matériaux, et des 1. On m'assure qu'ils n'arriveut qu'en mai sur le lac de Genève, et qu'ils en repartent vers la fin de juillet ou au commencement d'août;^ et lorsqu'il fait bien beau et bien chaud, dès le i5 juillet. 444 ^'^ MAr.TINET NOIR. matériaux de toiUe espèce; de la paille avec l'épi, de l'herbe sèche, de la mousse, du chanvre, des bouts de ficelle, de fil et de soie, un bout de queue d'hermine, de petits morceaux de gaze, de mousse- line et autre étoiles légères, des plumes d'oiseaux domestiques, de perdrix, de perroquets, du char- bon, en un mot, tout ce qui peut se trouver dans les balavures des villes. Mais comment des oiseaux qui ne se posent Jamais à terre viennent-ils à bout d'a- masser tout cela? Un observateur célèbre soupçonne qu'ils enlèvent ces matériaux divers en rasant la sur- face du terrain , de mênie qu'ils boivent, en rasant la surface de l'eau. Frisch croît qu'ils saisissent dans l'air ceux qui sont portés jusqu'à eux par quelque coup de vent ; mais on sent bien qu'ils ne peuvent se pro- curer que fort peu de chose de cette dernière façon, et que si la première étoit la véritable, elle ne pour- roit être ignorée dans les villes où ils sont domiciliés: or, aprèsdesinformationsexacîeSjjen'ai trouvé qu'une seule pereonne digne de foi qui crût avoir vu les mar- tinets (ce sont ses expressions) occupés à cette ré- coke; d'où je conclus que celte récolte n'a point lieu. Je trouve beaucoup plus vraisemblable ce que m'ont dit quelques gens simples, témoins oculaires, qu'ils avoient vu fort souvent les martinets sortir des nids d'hirondelles et de moineaux, emportant des maté- riaux clans leurs petites serres ; et ce qui augmente la probabihté de cette observation, c'est que, i° les nids des martinets sont composés des mêmes choses que ceux des moineaux; 2° c'est que Ton sait d'ail- leurs que les martinets entrent quelquefois dans les nids des petits oiseaux pour manger les œufs; d'où LE MARTINET NOIR. 44^ Ton peut juger qu'ils ne se font pas faute de piller le nid quand ils ont besoin de matériaux. A l'égard de la mousse qu'ils emploient en assez grande quantité, il est possible qu'ils la prennent avec leurs petites ser- res, qui sont très fortes, sur le tronc des arbres, où ils savent fort bien s'accrocher, d'autant plus qu'ils nichent aussi comme on sait dans les arbres creux. De sept nids trouvés sous le cintre d'un portail d'église, à quinze pieds du sol, il n'y en avoit que trois qui eussent la forme régulière d'un nid en coupe, et dont les matériaux fussent plus ou moins entrela- cés; ils l'étoient plus régulièrement qu'ils ne le sont communément dans les nids des moineaux : ceux des martinets contenoient plus de mousse et moins de plumes, et en général ils sont moins volumineux. Peu de temps après que les martinets ont pris pos- session d'un nid , il en sort continuellement pendant plusieurs jours, et quelquefois la nuit, des cris plain- tifs; dans certains moments on croit distinguer deux voix : est-ce une expression de plaisir commune au mâle et à la femelle? est-ce un chant d'amour par le- quel la femelle invite le mâle à venir remplir les vues de la nature? Cette dernière conjecture semble êlre la mieux fondée, d'autant plus que le cri du mâle en amour, lorsqu'il poursuit sa femelle dans l'air, est moins traînant et plus doux. On ignore si cette fe- melle s'apparie avec un seul mâle, ou si elle en reçoit plusieurs; tout ce que l'on sait, c'est que dans cette circonstance on voit assez souvent trois ou quatre martinets voltiger autour du trou, et même étendre leurs griffes com»>ie pour s'accrocher à la muraille ;^ mais ce pourroient être les jeunes de l'année précé-^ 446 LE MARTINET NOIR. dente qui roconnoissent le lieu de leur naissance. Ces petits problèmes sont d'autant plus difficiles à résou- dre, que les femelles ont à peu près le même plu- mage que les mâles, et qu'on a rarement l'occasion de suivre et d'observer de près leurs allures. Ces oiseaux, pendant leur court séjour dans notre pays, n'ont que le temps de faire une seule ponte; elle est communément de cinq œufs blancs, pointus, de forme très allongée. J'en ai vu le 28 mai qui n'é- toient pas encore éclos. Lorsque les petits ont percé la coque, bien différents des petits des autres hiron- delles, ils sont presque muets et ne demandent rien : heureusement leurs père et mère entendent le cri de la nature, et leur donnent tout ce qu'il leur faut. Ils ne leur portent à manger que deux ou trois fois par jour; mais à chaque fois ils reviennent au nid avec une ample provision, ayant leur large gosier rempli de mouches, de papillons, de scarabées, qui s'y prennent comme dans une nasse, mais une nasse mo- bile, qui s'avance à leur rencontre et les engloutit^. Ils vivent aussi d'araignées qu'ils trouvent dans leurs trous et aux environs : leur bec a si peu de force , qu'ils ne peuvent s'en servir pour briser cette foible proie, ni même pour la serrer et l'assujettir. Yers le milieu de juin les petits commencent à vo- ler, et quittent bientôt le nid; après quoi les père et mère ne paroissent plus s'occuper d'eux. Les uns et les autres ont quantité de vermine qui ne paroît pas les incommoder beaucoup. 1. Le seul martinet qu'ait pu tuer M. Hébert avoit une quantité cHnsectes ailés dans sou gosier. Cet oiseau les prend, selon M. Frisch , en fondant dessus avec impétuosité, le bec ouvert de toute sa largeur. LE xMARTINET NOIR. 44? Ces oiseaux sont bons à manger, comme tous les autres de la même famille, lorsqu'ils sont gras; les jeunes surtout, pris au nid, passent en Savoie et dans le Piémont pour un morceau délicat. Les vieux sont difficiles à tirer, à cause de leur vol également élevé et rapide : mais comme par un effet de cette rapidité même ils ne peuvent aisément se détourner de leur route, on en tire parti pour les tuer, non seulement à coups de fusil , mais à coups de baguette ; toute la difficulté est de se mettre à portée d eux et sur leur passage en montant dans un clocher, sur un bas- tion , etc. ; après quoi il ne s'agit plus que de les at- tendre et de leur porter le coup lorsqu'on les voit ve- nir directement a soi ^, ou bien lorsqu'ils sortent de ' leur trou. Dans l'île de Zante, les enfants les prennent à la ligne; ils se mettent aux fenêtres d'une tour éle- vée, et se servent pour toute amorce d'une plume que ces oiseaux veulent saisir pour porter à leur nid^ : une seule personne en prend de cette manière cinq ou six douzaines par jour. On en voit beaucoup sur les ports de mer : c'est là qu'on peut les ajuster plus à son aise , et que les bons tireurs en démontent tou- jours quelques uns. Les martinets craignent la chaleur, et c'est par cette raison qu'ils passent le milieu du jour dans leur nid, dans les fentes de muraille ou de rocher, entre l'en- tablement et les derniers rangs de tuiles d'un bâtiment 1. On en lue beaucoup de cette m;uiière dans la petite ville que j'habite , surtout de ceux qui nichent sous le cintre du portail dont j'ai parlé. 2. Peut-être aussi prennent-ils cette plume pour un insecte : ils ont le! vue bonne; mais en allant vite on ne distingue pas toujours bi.en. 44^ l'E MAKTJNET NOIR. (élevé; et le matin et le soîr ils vont à la provision , ou voltigent sans but et par le seul besoin d'exercer leurs ailes : ils rentrent le matin sur les dix heures, lorsque le soleil paroît , et le soir, une demi-heure après le coucher de cet astre. Us vont presque tou- jours en troupes plus ou moins nombreuses, tantôt décrivant sans fin des cercles dans des cercles sans nombre, tantôt suivant à rangs serrés la direction d'une rue, tantôt tournant autour de quelque grand édifice , en criant tous à la fois et de toutes leurs for- ces; souvent ils planent sans remuer les ailes, puis tout à coup ils les agitent d'un mouvement fréquent et précipité. On connoît assez leurs allures; mais on ne connoît pas si bien leurs iritenlions. Dès les premiers jours de juillet on aperçoit parmi ces oiseaux un mouvement qui annonce le départ; leur nombre grossit considérablement, et c'est du i o au 20, par des soirées brûlantes, que se tiennent les grandes assemblées; à Dijon , c'est constamment autour des mêmes clochers^. Ces assemblées sont fort nombreu- ses; et, malgré cela, on ne voit pas moins de mar- tinets qu'à l'ordinaire autour des autres édifices : ce sont donc des étrangers qui viennent probablement des pays méridionaux , et qui ne font que passer. Après le coucher du soleil , ils se divisent par petits pelotons , s'élèvent au haut des airs en poussant de grands cris, et prennent un vol tout autre que leur vol d'amusement. On les entend encore long-temps après qu'on a cessé de les voir, et ils semblent se perdre du côté de la campagne. Ils vont sans doute passer la I. Ceux de Sainl-Philibert et de Saiiil-Bénigne LE MAllTIKET NOIK. 449 nuit dans les bois : car on sait qu'ils y nichent , qu'ils y chassent aux insectes; que ceux qui se tiennent dans la plaine pendant le jour, et même quelques uns de ceux qui habitent la ville , s'approchent des arbres sur le soir, et y demeurent jusqu'à la nuit. Les mar- tinets, habitants des villes, s'assemblent aus'si bien- tôt après , et tous se mettent en route pour passer dans des climats moins chauds. M. Hébert n'en a guère vu après le 27 juillet; il croit que ces oiseaux voyagent la nuit, qu'ils ne voyagent pas loin, et qu'ils ne traversent pas les mers : ils paroissent en efl'et trop ennemis de la chaleur pour aller au Sénégal ^. Plu- sieurs naturalistes prétendent qu'ils s'engourdissent dans leur trou pendant l'hiver; mais cela ne peut avoir lieu dans nos climats, puisqu'ils s'en vont long- temps avant l'hiver, et même avant la fin des plus grandes chaleurs de l'été. Je puis assurer d'ailleurs que je n'en ai pas trouvé un seul dans les nids que j'ai fait enlever vers le milieu d'avril , douze ou quinze jours avant leur première apparition. Indépendamment des migrations périodiques et régulières de ces oiseaux, on en voit quelquefois en automne des volées nombreuses qui ont été détour- nées de leur route par quelques cas fortuits : telle étoit la troupe que M. Hébert a vue paroître tout à coup en Brie, vers le commencement de novembre. 1. Ce que dit Aristole de son apode ^ qu'il paroU en Grèce toute l'année , scmbleroit supposer quil ne craint pas tant la chaleur : mais \ apode d'Aristote ne seroit-il pas notre hirondelle de rivage? Cette ha- bitation constante dans un même pays est plus analogue à la nature de cette hirondelle qu'à celle de notre martinet ; et celui-ci d'ailleurs, qui craint le chaud et l'évite tant qu'il peut, s'acconimoderoit diffici-^ lement des étés de la Grèce. 4^50 LE MARTINET NOIR. Elle prit un peuplier pour ie centre de ses mouve- ments; elle tourna iong-temps autour de cet arbre ^ et finit par s'éparpiller, s'élever fort haut, et dispa- roître avec le jour pour ne plus revenir. M. Hébert en a vu encore une autre volée, sur la fin de septem- bre, aux environs de Nantua, où l'on n'en voit pas ordinairement. Dans ces deux troupes égarées, il a remarqué que plusieurs des oiseaux qui les compo- soient avoient un cri différent des cris connus des martinets, soit qu'ils aient une a^itre voix pendant l'hiver, soit que ce fût celle des jeunes ou celle d'une autre race de cette même famille dont je vais parler dans un moment. En général , le martinet n'a point de ramage; il n'a qu'un cri ou plutôt un sifflement aigu, dont les inflexions sont peu variées; et il ne le fait guère eu- tendre qu'en volant. Dans son trou, c'est-à-dire dans son repos, il est tout-à-faît silencieux : il craindroit, ce semble, en élevant la voix, de se déceler. On doit cependant excepter, comme on a vu , le temps de l'amour. Dans toute autre circonstance, son nid est bien différent de ces nids babillards dont parle le poëte^. Des oiseaux dont le vol est si rapide ne peuvent manquer d'avoir la vue perçante, et ils sont en effet une confirmation du prÎTicipe général établi ci-devant dans le discours sur la nature des oiseaux. Mais tout a ses bornes, et je doute qu'ils puissent apercevoir une mouche à la distance d'un demi-quart de lieue, comme dit Belon , c'est-à-dire de vingt-huit mille fois 1 . Pabula parva legeus , niclisque loqnacibus escas. ViRG. LE MARTINET NOIR. 4-^1 le diamètre de cette mouche, en lui supposant neuf lignes d'envergure; distance neuf fois plus grande que celle où l'homme qui auroit la meilleure vue pourroit l'apercevoir^. Les martinets ne sont pas seulement, répandus dans toute l'Europe; M. le vicomte de Querhoent en a vu au cap de Bonne-Espérance, et je ne doute pas qu'ils ne se trouvent aussi en Asie, et même dans le nouveau continent. Si l'on réfléchit un moment sur ce singulier oiseau , on reconnoîtra qu'il a une existence en effet bien sin- gulière, et toute partagée entre les extrêmes opposés du mouvement et du repos : on jugera que , privé tant qu'il vole ( et il vole long-temps) des sensations du tact, ce sens fondamental, il ne les retrouve que dans son trou : que là elles lui procurent, dans le recueillement, des jouissances préparées, comme toutes les autres, par l'alternative des privations, et dont ne peuvent bien juger les êtres en qui ces mêmes sensations sont nécessairement émoussées par leur continuité : enfin l'on verra que son caractère est un mélange assez naturel de défiance et d'étour- derie. Sa défiance se marque par toutes les précau- tions qu'il prend pour cacher sa retraite, dans la- quelle il se trouve réduit à l'état de reptile . sans défense , exposé à toutes les insultes : il y entre furti- vement; il y reste long-temps; il en sortàl'improviste; il y élève ses petits dans le silence : mais, lorsqu'ayant pris son essor il a le sentiment actuel de sa force ou plutôt de sa vitesse , la conscience de sa supériorité sur les autres habitants de l'air , c'est alors qu'il de- 1. On sait qu'un objet disparoît à nos yeux lorsqu'il est à la distance de trois mille quatre cent trente-six fois son diamètre. 452 LE MARTINET NOIK. vient étourdi , tëiuéraire ; il ne craint plus rien , parce qn'il se croit en état d'échapper à tous les dangers ; et souvent, comme on l'a vu, il succombe à ceux qu'il auroit évités facilement s'il eût voulu s'en aper- cevoir ou s'en défier. Le martinet noir , n" 6^2 , fig. 1 , est plus gros que nos autres hirondelles, et pèse dix à douze gros; il a l'œil enfoncé, la gorge d'un blanc cendré; le reste du plumage noirâtre avec des reflets verts ; la teinte du dos et des couvertures inférieures de la queue plus foncée ; celles-ci vont jusqu'au bout des deux pennes intermédiaires ; le bec est noir; les pieds de couleur de chair rembrunie; le devant et le côté intérieur du tarse sont couverts de petites plumes noirâtres. Longueur totale, sept pouces trois quarts ; bec , huit à neuf lignes ; langue , trois lignes et demie , fourchue ; narines de la forme d'une oreille humaine allongée, la convexité en dedans, leur axe incliné à l'arête du bec supérieur; les deux paupières nues, mobiles, se rencontrent en se fermant vers le milieu du globe de l'œil; tarse, près de cinq lignes; les quatre doigts tournés en avant ^, et composés chacun de deux phalanges seulement ( conformation singulière et propre aux martinets]; vol, environ quinze pou- ces; queue , près de troispouces , composée de douze pennes inégales ^, fourcLue de plus d'un pouce, dé- passée de huit à dix lignes par les ailes , qui ont dix- 1. Commeut donc a-t-on pu donner pour caractère du genre au- ï]iiel on a rapporté ces oiseaux , d'avoir trois doigts tournés en avant ft un en arrière? 2. Je ne sais jîourquoi Willughby ne lui en donne que dis; peut- 'èlre confond-il cette espèce avec la suivante. LE MARTINET AGI il. 4 ^^5 huit pennes , et représentent assez bien, étant pliées, une lame de faux. OEsophage, deux pouces et demi , forme vers le bas une petite poche glanduleuse ; gésier musculeux à sa circonférence, doublé d'une membrane ridée, non adhérente , contenoit des débris d'insectes , et pas une petite pierre; une vésicule de Gel , point de cœ- cum ; tube intestinal, du gésier à l'anus , sept pouces et demi; ovaire garni d'oeufs d'inégale grosseur { le 20 mai ). Ayant eu depuis peu l'occasion de comparer plu- sieurs individus mâles et femelles, j'ai reconnu que le mâle pèse davantage , que ses pieds sont plus forts ; que la plaque blanche de sa gorge a plus d'étendue , et que presque toutes les plumes blanches qui la composent ont la côte noire. L'insecte parasite de ces oiseaux est une espèce de pou, de forme oblongue, de couleur orangée, mais de différentes teintes, ayant deux antennes fdiformes, le tète plate , presque triangulaire , et le corps com- posé de neuf anneaux hérissés de quelques poils rares. j«i8«i8««>9*e«i»*9*>«« LE GRAND MARTINET A VENTRE BLANC*. Hirundo melba. Gmel. Je retrouve dans cet oiseau, et les caractères géné- raux des hirondelles, et les attributs particuliers du 1. Eu Savoie, lo peuple l'appelle yaco^/n. BUFFOIN. XXIV, 29 /|54 LE GUAKD MARTINET A VENTRE BLANC. martinet noir; entre autres, les pieds extrêmement courts j les quatre doigts tournes en avant, et tous quatre composés seulement de deux phalanges. Il ne se pose jamais à terre et ne perche jamais sur les ar- bres, non plus que le martinet. Mais je trouve aussi qu'il s'en éloigne par des disparités assez considéra- bles pour constituer une espèce à part: car, indépen- damment des différences de plumage, il est une fois plus gros; il a les ailes plus longues, et seulement dix pennes à la queue. Ces oiseaux se plaisent dans les montagnes , et ni- chent dans des trous dérocher; il en vient tous les ans dans ceux qui bordent le Rhône en Savoie, dans ceux de l'île de Malte, des Alpes suisses, etc. Celui dont parle Edwards avoit été tué sur les rochers de Gibraltar ; mais on ignore s'il y étoit de résidence, ou s'il ne faisoit qu'y passer ; et quand il y auroit été do- micilié, ce n'éloit pas une raison suffisante pour lui donner le nom d'hirondelle d'Espagne ; i"" parce qu'il se trouve en beaucoup d'autres pays , et probable- ment dans tous ceux où il y a des montagnes et des rochers; 2° parce que c'est plutô? un martinet qu'une hirondelle. On en tua, en 1776, dans nos cantons, sur un élang qui est au pied d'une montagne assez élevée. M. le marquis de Piolenc(à qui je dois la connois- sance de ces oiseaux, et qui m'en a envoyé plusieurs individus) me mande qu'ils arrivent en Savoie vers le commencement d'avril; qu'ils volent d'abord au dessus des étangs et des marais; qu'au bout de quinze jours ou trois semaines, ils gagnent les hautes montagnes; que leur vol est encore plus élevé que celui de nos mar- tinels noirs, et que l'époque de leur départ est moins LE GRAND MARTINET A VENTRE BLANC. 4^^ fixe que celle de leur arrivée , et dépend davantage du froid et du chaud, du beau et du mauvais temps *. Enfin M. de Piolenc ajoute qu'ils vivent de scarabées, de mouches, et de moucherons, d'araignées, etc. ; qu'ils sont difficiles à tirer; que la chair des adultes n*est rien moins qu'un bon morceau^, et que l'es- pèce en est peu nombreuse. Il est vraisemblable que ces martinets nichent aussi dans les rochers escarpés qui bordent la mer , et qu'on doit leur appliquer,comme aux martinets noirs, ce que Pline a dit de certains apodes qui se voyoient souvent en pleine mer, à toutes les distances des cô- tes, jouant et voltigeant autour des vaisseaux. Leur cri est à peu près le même que celui de notre mar- tinet. Ils ont le dessus de la tête et toute la partie supé- rieure gris brun, plus foncés sur la queue et les ailes, avec des reflets rougeâtres et verdâtres ; la goige, la poitrine , et le ventre, blancs; sur le cou un collier gris brun , varié de noirâtre ; les flancs variés de cette dernière couleur et de blanc ; le bas-ventre et les couvertures inférieures de la queue , du même brun que le dos ; le bec noir ; les pieds couleur de chair, garnis de duvet sur le devant et le côté intérieur : le fond des plumes étoit brun sous le corps , et gris clair dessus; presque toutes les plumes blanches avoient la côte noire , et les brunes étoient bordées finement de blanchâtre par le bout. Un mâle que j'ai 1. Dans le pays de Genève, il reste moins long-temps que le mar- tinet noir. a. Les chasseurs disent ordinairement que ces oiseaux sont très durs, soit à tuer, soit à manger. /j5(i LE Gr.ArcD maktinet a vlntre blanc. observé avoit les plumes de ia lête plus rembrunies que deux autres individus avec lesquels je le com- parai ; il pesoit deux onces cinq gros. Longueur totale, huit pouces et demi; bec, un pouce , un peu crochu ; langue , quatre lignes , de forme triangulaire; iris brun; paupières nues; tarse, cinq lignes et demie ; ongles forts, l'intérieur le plus court ; vol , vingt pouces et plus ; les ailes composées de dix-huit pennes; queue, trois pouces et demi, composée de dix pennes inégales, fourchue de huil à neuf lignes, dépassée par les ailes de deux pouces au moins. Gésier peu rausculeux, très gros, doublé d'une membrane sans adhérence , contenoil des débris d'in- sectes et des insectes tout entiers, entre autres un dont les ailes membraneuses avoient plus de deux pouces de long; tube intestinal, neuf à dix pouces; l'œsophage formoit à sa partie inférieure une poche glanduleuse ; point de cœcum ; je n'ai pas aperçu de vésicule du fiel ; testicules très allongés et très petits ( 18 juin ). 11 m'a semblé que le mésentère étoit plus fort , la peau plus épaisse, les muscles plus élastiques, et que le cerveau avoit plus de consislance que dans les autres oiseaux; tout annonçoit la force dans celui- ci, et l'extrême vitesse du vol en suppose en effet beaucoup. Il est à remarquer que l'individu décrit par M. Ed- wards étoit moins gros que le nôtre. Cet observateur avance qu'il ressembloit tellement àThirondelle de ri- vage , que la description de l'un auroit pu servir pour tous deux ; c'est que le plumage est à très peu près le même, et que d'ailleurs tous les martinets et nîême LK GRAND MARTINET A VENTRE BLANC. 4-^7 toutes les hirondelles se ressemblent beaucoup : mais M. Edwards auroit dû prendre garde que Thirondelle de rivage n'a pas les doigts conformés ni disposes comme l'oiseau dont il s'agit ici. s»»»» »»»;»»»»>! OISEAUX ETRANGERS QUI ONT RAPPORT AUX HIRONDELLES ET AUX MARTINETS i. Quoique les hirondelles des deux continents ne fas- sent qu'une famille, et qu'elles se ressemblent toutes par les formes et les qualités principales ^ , cependant il faut avouer qu'elles n'ont pas toutes le même in- stinct ni les mêmes habitudes naturelles. Dans notre Europe et sur les frontières de l'Afrique et de l'Asie les plus voisines de l'Europe, elles sont presque toutes de passage. Au cap de Bonne -Espérance et dans l'Afrique méridionale , une partie seulement est de passage , et l'autre sédentaire. A la Guiane , où la 1. Je ne mettrai point au rang des hirondelles étrangères plusieurs oiseaux à qui les auteurs ont bien voulu appliquer ce nom , quoiqu'ils appartinssent à des genres tout-à-fait différents. Tels sont, l'oiseau dont M. Lînnaeus a fait une hirondelle sous le nom de pratlcoLa ; l'oi- seau appelé , au cap de Bonne-Espérance , liirond&Ue de montagne, et qui nous a été envoyé sous ce nom , quoique ce soit une espèce de martin-pêcheur ; V hirondelle de la mer Noire, de M. liasselquisl, ou plutôt de son traducteur; et V hirondelle du Nil, du même. 2. 11 y a p,rf?ut-êlre une exception à faire pour le bec , qui est plus fort dans quelques hirondelles de l'Amérique. 458 OISEAUX QUI ONT RAPP. AUX HIRONDELLES, etC. température est assez uniforme, eiles restent toute l'année dans les mêmes contrées , sans avoir pour cela les mêmes allures : car les unes ne se plaisenl^ que dans les endroits habités et cultivés; les autres se tiennent indifféremment autour des habitations ou dans la solitude la plus sauvage; les unes dans les lieux élevés, les autres sur les eaux ;d autres parois- sent attachées à certains cantons par préférence , et aucune de ces espèces ne construit son nid avec de la terre , comme les nôtres : mais il y en a qui ni- chent dans des arbres creux, comme nos martinets, et d'autres dans des trous en terre, comme nos hi- rondelles de rivage. Une chose remarquable, c'est que les observateurs modernes s'accordent presque tous à dire que dans cette partie de l'Amérique, et dans les îles contiguës, telles que Cayenne, Saint-Domingue, etc. , les es- pèces d'hirondelles sont et plus nombreuses et plus variées que celles de notre Europe , et qu'elles y res- tent toute l'année , tandis qu'au contraire le P. Du Tertre, qui parcourut les Antilles dans le temps où les établissements européens commençoient à peine à s'y former , nous assure que les hirondelles sont fort rares dans ces îles, et qu'elles y sont de passage comme en Europe. En supposant ces deux observa- tions bien constatées , on ne pourroit s'empêcher de reconnoître l'influence de l'homme civilisé sur la na- ture, puisque sa seule présence suffit pour attirer des espèces entières, et pour les multiplier et les fixer. Une observation intéressante de M. Hagstraem , dans sa Laponie suédoise ^ vient à rappi4i de cette conjec- ture. Il rapporte que beaucoup d'oiseaux et d'autres OISEAUX QUI ONT UAPP. AUX HIRONDELLES, etC. 4^9 animaux, soit par un penchant secret pour la so- ciété de riiomnie, soit pour profiter de son travail, s'assemblent et se tiennent auprès des nouveaux éta- blissements : il excepte néanmoins les oies et les canards, qui se conduisent tout autrement, et dont les migrations sur la montagne ou dans la plaine se font en sens contraire de celles des Lapons. Je finis par remeirquer , d'après M. Bajon et plusieurs autres observateurs, que, dans les îles et le continent de l'Amérique, il y a souvent une grande différence de plumage entre le mâle et la femelle de la même espèce, et une plus grcade encore dans le même iji- dividu observé à différents âges; ce qui doit justifier la liberté que j'ai prise de réduire souvent le nombre des espèces, et de donner comme de simples variétés celles qui, se ressemblant par leurs principaux attri- buts, ne diffèrent que par les couleurs du plumage. I. LE PETIT MARTINET NOIR. Hirundo nigra. Gmel. Cet oiseau de Saint-Domingue est modelé sur des proportions un peu différentes de celles de notre mar- tinet : il a le bec un peu plus court , les pieds un peu plus longs, la queue aUvSsi est moins fourchue, les ailesbeaucoup plus longues; enfin les pieds ne parois- sent pas dans la figure avoir les quatre doigts tournés en avant. M. Brisson ne dit pas combien les doigts ont de phalanges. Cette espèce est sans doute la même que l'espèce presque toute noire de M. Bajon , laquelle se plaît dans 46ô LA PETIT MAnTIiNET NOI?,. les savanes sèches et arides, niche dans des trons en terre, comme t'ont quelquefois nos martinets, et se perche souvent sur des arbres secs ; ce que nos mar- tinets ne font point. Elle est aussi plus petite et plus uniformément noirâtre, la plupart des individus n'ayant pas une seule tache d'une autre couleur dans tout leur plumage. Longueur totale , cinq pouces dix lignes ; bec , six lignes ; tarse , cinq lignes ; vol , quinze pouces et demi ; queue, deux pouces et demi, fourchue de six lignes, dépassée par les ailes de quatorze lignes, et dans quelques individus de dix -huit. Un de ces individus avoit sur le front un petit bandeau blanc fort étroit. J'en ai vu un autre , n"* 726, fig. 1 , dans le beau ca- binet de M. Mauduit, venant de la Louisiane, de la même taille et à très peu près du même plumage ; c'é- toitun gris noirâtre sans aucun reflet. Ses pieds n'é- toient point garnis de plumes. II. LE GRAND MARTINET NOIR A VEKTRE BLANC. Hirundo dominicensis. Gmel. Je regarde cet oiseau , n** 545 , fig. 1 , comme un martinet, d'après le récit du P. Feuillée , qui l'a vu à Saint-Domingue , et qui lui donne à la vérité le nom d'hirondelle y mai» qui le compare à nos martinets, et pour la taille, et pour la figure, et pour les couleurs. Il le vit au mois de mai, un matin, posé sur un ro- cher, et Tavoit pris à son chant pour une alonelte, avant que le jour permît de le distinguer. Il assure LE GRAND MARTINET NOIR A VENTRE BLANC. 4^1 qu'on voit quantité de ces oiseaux dans les îles de TA- mérique, aux mois de mai, juin et juillet. La couleur dominante du plumage est un beau noir, avec des reflets d'acier poli; elle règne non seule- ment sur la tête et tout le dessus du corps, compris les couvertures supérieures de la queue, mais encore sur la gorge, le cou, la poitrine, les côtés, les jambes, et les petites couvertures des ailes; les pennes, les grandes couvertures supérieures et inférieures des ai- les, et les pennes de la queue, sont noirâtres; les cou- vertures inférieures de la queue el le ventre, blancs, le bec et les pieds bruns. Longueur totale, sept pouces; bec, huit lignes; tarse, six; vol , quatorze pouces deux lignes; queue, deux pouces trois quarts, fourchue de neuf lignes, composée de douze pennes, ne dépasse point les ailes. M. Gomraerson a rapporté d'Amérique trois indi- vidus fort approchants de celui qu'a décrit M. Bris- son, et qui semble appartenir à cette espèce. m. LE MARTINET NOIR ET BLANC A CEINTURE GRISE. Hirundo peruviana. Latii. Trois couleurs principales font tout le plumage de cet oiseau : le noir règne sur le dos, jusques et com- pris les couvertures supérieures de la queue ; un blanc de neige sur le dessous du corps; un cendré clair sur la tête , la gorge, le cou , les couvertures supérieures des ailes, leurs pennes et celles de la queue. Toutes 402 LE MARTINET NOIR ET BLANC. ces pennes sont bordées de gris jaunâtre, et l'on voit sur le ventre une ceinture cendré clair. * Cet oiseau se trouve au Pérou, où il a été décrit parle P. Feuillée. Il a, comme tons les martinets , les pieds courts , le bec très court et très large à sa base , les ongles crochus et forts, noirs comme le bec, et la queue fourchue. IV. LE MARTINET A COLLIER BLANC. Hirundo cayennensis. L. Cette espèce, n° 725, fig. 2, est nouvelle, et nous a été envoyée de l'île de Cayenne. Nous l'avons rangée avec les martinets, parce qu'elle paroît avoir, comme notre martinet, les quatre doigts tournés en avant. Le collier qui la caractérise est d'un blanc pur, et tranche vivement sur le noir bleuâtre, qui est la cou- leur dominante du plumage; la partie de ce collier qui passe sur le cou forme une bande étroite, et tient de chaque côté aune grande plaque blanche qui oc- cupe la gorge et tout le dessous du cou; des coins du bec partent deux petites bandes divergentes, dont l'une s'étend au dessus de l'œil comme une espèce de sourcil, l'autre passe sous l'œil à quelque distance ; enfin il y a encore sur chaque côté du bas-ventre une tache blanche, placée de manière qu'elle paroît par dessus et par dessous; le reste de la partie supérieure et inférieure, compris les petites et les moyennes cou- vertures des ailes, est d'un noir velouté, avec des reflets violets ; ce qui paroît des grandes couvertures des ailes , les plus proches du corps , brun bordé de blanc ; les grandes pennes et celles de la queue , noi- LE MARTINET A COLLIER BLANC. 4^^ res ; les preaiières bordées iatérieureraent de brun roussâtre ; le bec et les pieds noirs ; ceux-ci couverts de plumes jusqu'aux ongles. M. Bajon dit que ce mar- tinet fait son nid dans les maisons. J'ai vu ce nid chez M. Mauduit : il étoit très grand, très ètoflé, et con- struit avec Touate de i'apocyn; il avoit la forme d'un cône tronque, dont l'une des bases avoit cinq pou- ces de diamètre , et l'autre trois pouces ; sa longueur étoit de neuf pouces; il paroissoit avoir été adhérent par sa grande base, composée d'une espèce de carton fait de la même matière; la cavité de ce nid étoit partagée obliquement , depuis environ la moitié de sa longueur, par une cloison qui s'étendoit sur l'en- droit du nid où étoient les œufs, c'est-à-dire assez près de la base, et l'on voyoit dans cet endroit un petit amas d'apocyn bien mollet qui formoit une espèce de soupape, et paroissoit destiné à garantir les petits de l'air extérieur. Tant de précautions dans un pays aussi chaud font croire que ces martinets craignent beaucoup le froid. Ils sont de la grosseur de nos hi- rondelles de fenêtre. Longueur totale, prise sur plusieurs individus, cinq pouces trois à huit lignes; bec , six à sept ; tarse, trois à cinq ; ongle postérieur foible ; queue , deux pouces à deux pouces deux lignes , fourchue de huit lignes , dépassée par les ailes de sept à douze lignes. V. LA PETITE HIRONDELLE NOIRE A VENTRE CENDRÉ. Hirundo cœrulea, Latii. Cette hirondelle du Pérou, selon le P. Feuillée, est beaucoup plus petite que nos hirondelles d'Europe. 464 LA PET. HIROND. NOllŒ A VEJNTllE CEiNDRÉ. Elle a la queue fourchue ; le bec très court, presque droit ; les yeux noirs , entourés d'un cercle brun ; la tête et tout le dessus du corps , compris les couver- tures supérieures des ailes et de la queue, d'un noir brillant; tout le dessous du corps cendré; enfin les pennes de ailes et de la queue, d'un cendré obscur, bordées de gris jaunâtre. Vï. L'HIRONDELLE BLEUE DE LA LOUISIANE, Hirundo viotacea. L. Un bleu foncé règne en effet dans tout le plumage de cet oiseau , n° 722 : cependant ce plumage n'est pas absolument uniforme; il se varie sans cesse par des reflets qui jouent entre différentes teintes de vio- let : les grandes pennes des ailes ont aussi du noir , mais c'est seulement sur leur côté intérieur, et ce noir ne paroît que quand l'aile est déployée ; le bec et les pieds sont noirs ; le bec est un peu crochu. Longueur totale, six pouces six lignes; bec, sept lignes et demie ; tarse, sept lignes ; queue , très four- chue, et dépassée de cinq ligues par les ailes, qui sont fort longueso M. Lebeau a rapporté du même pays un individu qui appartient visiblement à cette espèce, quoiqu'il soit plus grand et qu'il ait les pennes de la queue et des ailes, et les grandes couvertures de celles-ci, sim- plement noirâtres, sans aucun reflet d'acier poli. Longueur totale, huit pouces et demi; bec, neuf lignes , assez fort et un peu crochu ; queue , trois pouces, fourchue d'un pouce, im peu dépassée par les ailes. l'iIIUONDELLE RLEL'E de la LOUISIANE. 4^5 f^ariétés. V hirondelle bleue de la Louisiane semble être la tige principale de quatre races ou variétés, dont deux sont répandues dans le midi , et les deux autres dans le nord. I. L'HIRONDELLE DE CAYEJNINE Des planches enluminées, n" 545, fig. 2. Hirundo cludybœa. L. C'est l'espèce ia plus commune dans l'îie de Cayenne, où elle reste toute l'année. On dit qu'elle se pose com- munément dans les abattis, sur les troncs à demi brû- lés qui n'ont plus de feuilles. Elle ne construit point de nid , mais elle fait sa ponte dans des trous d'arbre. Elle a le dessus de la iète et du corps d'un noirâtre kislré de violet; les ailes et la queue de même, mais bordée d'une couleur plus claire ; tout le dessous du corps gris roussâtre, veiné de brun, et qui s'éclaircit sur le bas-ventre et les couvertures inférieiwes de la queue. Longueur totale, six pouces; bec, neuf lignes et demie, plus fort que celui de nos hirondelles; tarse, cinq à six lignes ; doigt et ongle postérieurs les plus courts ; vol , quatorze pouces ; queue , deux pouces et demi, fourchue de six à sept lignes , dépassée par les ailes d'environ trois lignes. II. J'ai vu quatre individus rapportés de l'Amérique méridionale par M. Commerson , lesquels étoient 466 l'hirondellk de cayenne. d'une taille moyenne entre ceux de Cayenne et ceux de la Louisiane , et qui en diCféroient par les couleurs du dessous du corps. Trois de ces individus avoient la gorge gris brun, et le dessous du corps blanc; le quatrième, qui venoit de Buenos-Ayres, avoit la gorge et tout le dessous du corps blancs, semës de taches brunes, plus fréquentes sur les parties antérieures, et qui devenoient plus rares sur le bas-ventre. III. L'OISEAU DE LA CAROLINE QUE CATESBY A NOMMÉ MARTINET COULEUR DE POURPRE. Il appartient au môme climat. Sa taille est celle de l'oiseau de Buenos-Ayres dont je viens de parler. Un beau violet foncé règne sur tout son plumage, et les pennes de la queue et des ailes sont encore plus fon- cées que le reste ; il a le bec et les pieds un peu plus longs que les précédents , et sa queue, quoique plus courte, dépasse un peu les ailes. Il niche dans des trous qu'on laisse ou qu'on fait exprès pour lui autour des maisons, et dans des calebasses qu'on suspend à des perches pour l'attirer. On le regarde comme un animal utile, parce qu'il éloigne par ses cris les oiseaux de proie et autres bêtes voraces, ou plutôt parce qu'il avertit de leur apparition. Il se retire de la Virginie et de la Caroline aux approches de l'hiver et y revient au printemps. Longueur totale, sept pouces huit lignes; bec, dix lignes; tarse, huit lignes; queue, deux pouces huit lignes, fourchue de quatorze, dépasse peu les ailes. l'hikondelli: de la baie d'hudson. 4^7 IV. L'HIROINDELLE DE LA BAIE D'HUDSOIN* De M. Edwabds, planche GXX. Hirundo subis. Gmel. Elle a, comme les précédentes, le bec plus fort que ne Tout ordinairement les oiseaux de celte fa- mille. Son plumage ressemble à celui de l'hirondelle de Cayenne; mais elle la surpasse beaucoup en gros- seur. Elle a le dessus de la tète et du corps d'un noir brillant et pourpré, un peu de blanc à la base du bec ; les grandes pennes des ailes et toutes celles de la queue, noires sans reflets, bordées d'une couleur plus claire ; le bord supérieur de Taile blanchâtre ; la gorge et la poitrine gris foncé; les flancs bruns; le dessous du corps blanc, ombré d'une teinte brune; le bec et les pieds noirâtres. Longueur totale, près de huit pouces; bec, huit lignes ; les bords de la pièce supérieure échancrés près de la pointe; tarse, sept lignes; queue, près de trois pouces, fourchue de sept à huit lignes, dé- passe les ailes de trois lignes. VII. LA TAPÈRE. Hirando tapera. L. Marcgrave dit que cette hirondelle du Brésil a beaucoup de rapport avec la nôtre; qu'elle est de la \. Les habitants de la baie d'iludson l'appellent dans leur langue sa$/iaun-pashu. 468 LA TAPÈRE. même taille, quelle voltige de la même manière, et que ses pieds sont aussi courts et conformés de même. Elle a le dessus de la tête et du corps, compris les ailes et la queue, gris brun, mais les pennes des ailes et l'extrémité de la queue plus brunes que le reste; la go^'ge et la poitrine gris mêlé de blanc ; le ventre blanc, ainsi que les couvertures inférieures de la queue ; le bec et les yeux noirs ; les pieds bruns. Longueur totale, cinq pouces trois quarts; bec, huit lignes; son ouverture se prolonge au delà des yeux; tarse, six lignes; vol, douze pouces et demi; queue, deux pouces un quart, composée de douze pennes, fourchue de trois ou quatre lignes, est un peu dépassée par les ailes. Cet oiseau, suivant M. Sloarie, appartient à l'es- pèce de notre martinet; seulement il est d'un plu- mage moins rembruni. Les savanes, les plaines, sont les lieux qu'il fréquente le plus volontiers. On ajoute que de temps en temps il se perche sur la cime des arbustes ; ce que ne fait pas notre martinet, ni au- cune de nos hirondelles. Une différence si marquée dans les habitudes suppose d'autres différences dans la conformation, et me feroit croire , malgré l'autorité de M. Sloane et celle d'Oviedo, que la tapère est une espèce propre à l'Amérique, ou du moins une espèce distincte et séparée de nos espèces européennes. M. Edwards la soupçonne d'être de la même es- pèce que son hirondelle de la baie d'Hudson ; mais, en comparant les descriptions, je les ai trouvées dif- férentes par le plumage, la taille et les dimensions relatives. l'hirondelle buune et blanche, etc. 4^9 VIII. L'HIRONDELLE BRUNE ET BLANCHE A CEINTURE BRUNE. Hirundo torquata. Gmel. En général, toute la partie supérieure est brune, toute l'inférieure blanche ou blanchâtre, excepté une large ceinture brune qui embrasse la poitrine et les jambes. H y a encore une légère exception ; c'est une petite tache blanche qui se trouve de chaque côté de la tête, entre le bec et l'œil. Cet oiseau, n** 723, fig. 1 , a été envoyé du cap de Bonne-Espérance. Longueur totale, six pouces; bec, huit lignes, plus fort qu'il n'est ordinairement dans les hiron- delles, le supérieur un peu crochu, ayant ses bords écliancrés prés de la pointe ; queue , vingt-sept lignes, carrée, dépassée de huit lignes par les ailes, qui de- viennent fort étroites vers leurs extrémités, sur une longueur d'environ deux pouces. IX. L'HIRONDELLE A VENTRE BLANC DE G A YEN NE. Hirundo leucoptera. Gmel. Un blanc argenté règne non seulement sur tout le dessous du corps, compris les couvertures inlérieures de la queue , mais encore sur le croupion, et il borde les grandes couvertures des ailes; ce bord blanc s'é- lend plus ou moins dans différents individus; le des- sus de la tête, du cou, et du corps, et les peliies cou- vertures supérieures des ailes, sont cendrés, avec des lUJFFON. XXIV. 5o 4;^ l'hirondelle a ventre blanc. reflets plus ou moins apparents qui jouent entre le vert et le bleu, et dont on retrouve encore quelques traces sur les pennes des ailes et de la queue , dont le fond est brun. Celte jolie hirondelle, n*" 546, fig. 2, rase la terre comme les nôtres, voltige dans les savanes noyées de la Guiane, et se perche sur les branches les plus basses des arbres sans feuilles. Longueur totale, prise sur différents individus, de quatre pouces un quart à cinq pouces ; bec , six à huit lignes; tarse, cinq à six; ongle postérieur le plus fort après celui du milieu ; queue , un pouce et demi , fourchue de deux à trois lignes, dépassée de trois à six lignes par les ailes. On peut regarder comme une variété dans cette espèce l'hirondelle à ventre tacheté de Cayenne, n** 546, qui n'en diffère que par le plumage, encore le fond des couleurs est-il à peu près le même ; c'est toujours du brun, ou du gris brun, et du blanc ; mais ici le dessus du corps et les pennes des ailes et de la queue sont d'un brun uniforme, sans reflets, sans mélange de blanc : la partie inférieure, au contraire, qui, dans l'autre, est d'un blanc uniforme, est dans celle-ci d'un blanc parsemé de taches brunes ovales, plus serrées sur le devant du cou et la poitrine, plus rares en approchant de la queue. Mais il ne faut pas croire que ces différences soient toujours aussi mar- quées que dans les planches : il y a parmi les hiron^ délies à ventre blanc des individus qui ont moins de blanc sur les couvertures supérieures des ailes, et dont le gris ou lo brun du dessus du corps a moins de reflets. tA SALANGANE. f^jl X. LA SALAJNGAlNEi. Hirundo esculenta. L. C'est le nom que donnent les habitants des Phi- lippines à une petite hirondelle de rivage fort célè- bre, et dont la célébrité est due aux nids singuliers qu'elle sait construire. Ces nids se mangent ^ et sont fort recherchés, soit à la Chine, soit dans plusieurs autres pays voisins situés à cette extrémité de l'Asie. C'est un morceau, ou, si l'on veut, un assaisonne- ment très estimé, très cher, et qui, par conséquent, a été très altéré , très falsifié, ce qui, joint aux Cables diverses et aux fausses applications dont on a chargé l'histoire de ces nids, n'a pu qu'y répandre beaucoup d'embarras et d'obscurité. On les a comparés à ceux que les anciens appe- loient nids d'alcyons ^ et plusieurs ont cru mal à pro- pos que c'étoit la même chose. Les anciens regar- doient ces derniers comme de vrais nids d'oiseaux, composés de limon, d'écume, et d'autres impuretés de la mer. Ils en distinguoient plusieurs espèces. Ce- lui dont parle Aristote étoit de forme sphérique, à bouche étroite, de couleur roussâtre , de substance spongieuse, celluleuse, et composé en grande partie 1. Quelques uns, oonime KaBmpfer, l'ont nommée alcyoti, à cause des rapports observés entre son nid et celui qu'on nomme, en Europe , nid d'alcyon; en sorte que dans la Méditerranée c'est l'oiseau qui a donné le nom au prétendu nid, et dans l'Océan indien c'est le nid qui a donné le nom à l'oiseau. 2. A Pataue et à la Chine , ces iiids se nomment saroi bon vas , cnno; au Ja\)on , jenwa , joniku : en langue v\i]gnir