4 0(k o- 73 ri ,- > u_ s » - ^ LjI 1 ce < a: ^^B ^^^ UU U ^iËÉP-iË T. _] "-^^^s^Hwi^. h- CD |Lm «JS LL ZJ LL Z " rB £3 t^ Q O H O o f«| >» £ 00 g et- LU H h z ■C?^ — ,.JjMjà O fSw, ^ r M ŒUVRES COMPLÈTES D E M. LE C.TE DE BUFFON. Tome Onzième. HISTOIRE NATURELLE, GÉNÉRALE ET PARTICULIÈRE, Servant de fuite à l'Hiftoire Naturelle de l'Homme. Par M. le Comte de Buffon, Inten- dant du Jardin & du Cabinet du Roi> de l'Académie Françoife 3 de celle des Sciences, &c. Tome Onzième. A PARIS, Suivant la Copie «1-4.^ DE L'IMPRIMERIE ROYALE. M. DCCLXXVIIL •y ifclf TABLE De ce qui eft contenu dans ce Volume. Addition aux articles où il eft quefiion des corps glanduleux qui contiennent la liqueur fémi- nale des femelles Page i Addition à l'article des Varié- tés dans la génération 18 Addition a l'article de l'Accou- chement . .... 71 Addition a l'article de l'En- fance.. . . 81 I. En FANS nouveaux-nés aux- quels on ejl obligé de couper le filet de la langue.. . . idem- Tome XL a TABLE. IL Usage du maillot & des corps. . . , 82 III. Sur l'accroiffement fuccej- Jifdes enfans 84 ADDITION a l'article de la Pu* berté*. ................ 58 Addition a l'article de la def- çripiion de V Homme 117^ I. Hommes d'une grojfeur ex» traordinaire idem. Il gèa&s. ;•. .tvtv.jV m] II r. Nains../. 124 IV. Nourriture de l'Homme dans les différens climats. 1 2 B Addition a l'article de la Vieil- lejfe & de la Mort 132, ^Addition à l'article dufens de TABLE. la Vue. Du ftrahifme & des yeux louches 151. Addition à V article dufens de l'Ouïe... , 18^ Sur le degré de chaleur que l'hom- me & les animaux peuvent fup-. porter pendant un petit temps* 198 Addition a l'article des Varie-, tés de l'efplce humaine.. . 107, Sur la couleur des Nègres. 28$ Sur les Naias de Madagajcan 288 Sur les Patagons. ,.,7.77 30 1) JDes Américains. ........ 324 Insulaires de la mer du Sud* H* TABLE. H ABIT ANS des terres Auftralesï 360 Sur les Blafards & Nègres blancs 374 Sur les Monjîres 419 HISTOIRE HISTOIRE NATUPvELLE. ADD IT I O N Aux articles où il ejl que/lion des corps glanduleux qui contiennent la liqueur fé- minale des femelles ; vo- lume III y in-iz , pag. 503 8c fuivantes. Vjomme plusieurs Physiciens , Se même quelques Anatomiftes paroifïènt encore dourer de l'exiftence des corps glanduleux dans les ovaires, ou, pour Tome XL A % Supplément mieux dire, dans les tefticules des fe- melles, & particulièrement dans les tefti- cuîes des femmes , malgré les obfervations 4e Valifnieri, confirmées par mes expérien- ces, & par la découverte que j'ai faite du réfervoir réel de la liqueur féminale des femelles, qui eft filtrée par ces corps glanduleux , & contenue dans leur cavité intérieure*, je crois devoir rapporter ici le témoignage d'un très-habile Anato- mifte , M. Àmbroife Bertrandi , de Turin , qui m'a écrit dans les termes fuivans au fujet de ces corps glanduleux. In puellis à decimo quarto ad vigejz- rnum annum j quas non minus tranfacla vït<& genus j quàm partium genitalium kntemerata integritas virgines deccjjiffc indïcabat > ovarïa levia j globofa _, atque turgldula reperiebam ; in aliquibus porto luteas quajdam papillas detegebam qu& corporum luteorum rudimenta referrent. In aliis verb adeo perfecla & turgentia vidi y ut totam amplitudinem fuam ac- quifiviffe viderentur, Imb in robufiâ & fucci plenà puellâ quœ, furore u te ri no 3 diutino & vehementi tandem occubuerat, hujufmodi corpus invendu quod cerafi à VHijhirc Naturelle. 3 tnagnitudinem excedcrat j cujus verb pa- pilla gangrena erat correpta > idque totum atfo fanguine oppletum. Corpus hoc lu- tcum apud amicum ajjervatur. Ovaria in adolefcentibus intus inter- texta videntur confertïjjimis vafculorurn fafciculis j qu& arteria fpermatica propa- gines funt. In Vis 3 quitus mamm<& foro- riari incipiunt & menjirua jluunt j ad- modum rubella apparent.; nonnulU ip fo- rum tenuiffïmœ propagines cirçum veficu- las j quas ova nominant perducuntur. Verhm è profundo ovarii v'dlos nonnullos luteos germinantes vidimus _, qui graminis ad injlar j ut ait Malpigius ., vejiculis in arcum ducebantur, Luteas hujufmodi pro- pagines è fanguineis vafeulis fpermaticis elongari ex eo fufpicabar j quoi injiciens per arteriam fpermaticam tenuijjimum gummi folutionem in alkool _, corporis lutei mamillas pervadijfe viderim. Très porcellas îndicas a matre fub- duxij atque à mafculis feparatas per quindecim menfes ajfervavi ; fine enecatis in duorum turgidulis ovariis corpufcula. lutea inveni 3 fucci plena ,, atque perfeclœ plenitudinis. In pecubus quœ quidem à Afj 4 Supplément mafculo comprejfa fuerant j numquam verb conceperantj lutea corporel fapijjimè obfervavi. Egregius Anatomïcus Santorinus hœc fcripfit de corporibus lu tels. Obfervatio- num anatomicarum s cap. XI. §. xiv. In connubiis maturis ubl eorum corpora procréation! apta funt... v corpus luteum perpetub reperitur. §. x v. Graafius ...... corpora lutea cognovit pofl coïtum dumtaxat j antea numquam fibi vif a diclt Nos ea tamen in intemeratis virginibus plurïmis f&pe commonflrata luculenter vidimus j arque adeo neque ex viri initu tum pri- raum excitari^ neque ad maturitatem perduci j fed iifdem conclufum ovulum folummodo fecundari dicendum ejî, Levia virginum ovaria quibus ttiam maturum corpus ineraty nullo per- tufa ofeulo alba valida cïrcumfepta mem- brana vidimus, Vidimus aliquando & nofiris copiam fecimus in maturâ interne" ratâque modici habitas virgine 9 dirijfimî ventris cruciatû brevi peremptâ j non fc je alterum ex ovariis habere ; quod quam molle ac totumferè fucculentum 9 in al~ à VHiftoire Naturelle, j tero tamen extremo luteum corpus y ml* norls cerafi fere magnitudine j paululùm prominens exhibebat 3 quoi non mole, iumtaxat j fei & habitu & colore fe conf- plcienium dabat. II eft donc démontré , non- feulement par mes propres obfervarrons 3 mais en- core par celles des meilleurs Auteurs qui ont travaillé fur ce fujet , qu'il croît fur les ovaires , ou pour mieux dire, fur les teflicules déroutes les femelles, des corps glanduleux, dans l'âge de leur puberté, & peu de temps avant qu'elles n'entrent en chaleur ^ que dans la femme , où coures les faifons font à peu-près égales à cet égard , ces corps glanduleux commen- cent à paroître , lorfque le fein com- mence à s'élever, 8c que ces corps glan- duleux , dont on peut comparer i'ac- croifîement à celui des fruits , par la vé- gétation , augmentent en effet en groiTeur & en couleur , jufqu'à leur parfaite ma- turité, chaque corps glanduleux efl: ordi- nairement ifolé -, il fe préfente d'abord comme un petit tubercule , formant une légère protubérance , fous la peau lilïe & unie dutefticule , peu-à-peu iifoulève A iij 6 Supplément cette peau fine , & enfin , il la perce J iorfqu'il parvient à fa maturité -, il eft d'abord d'un blanc jaunâtre, qui bientôt fe change en jaune foncé , enfuite en rouge- rofe , & enfin eh rouge couleur de fang j ce corps glanduleux contient , comme les fruits, fa femenceau-dedans ; mais au lieu d'une graine folide,ce n'eft qu'une liqueur, qui eft la vraie femence de la femelle. Dès que le corps glandu- leux eit mûr, il s'entr'ouvre par fon ex- trémité fupérieure, &la liqueur féminaîe contenue dans fa cavité intérieure, s'écoule par cette ouverture, tombe goutte à goutte dans les cornes de la matrice , & fe ré- pand dans toute la capacité decevifcère, où elle doit rencontrer la liqueur du mâle , êc former l'embryon , par leur mé- lange intime , ou plutôt par leur péné- tration. La mécanique par laquelle fe filtre îa liqueur féminaîe du mâle dans les tefti- cuies > pour arriver , & fe conferver en- fuite dans les véficules féminales , a été fi bien faille & décrite dans un C\ grand détail par les Anatomiftes, que je ne dois pas m'en occuper ici j mais ces corps à VH'iftoire Naturelle. f glanduleux , ces efpèces de fruits que porte la femelle, & auxquels nous de- vons en partie notre propre génération , n'avoient été que très-légèrement obfervés> & perionne , avant moi, n'en avoit foup- çonfié i'ufage , ni connu les véritables fondions , qui font de filtrer la liqueur fémrnale, & de la contenir dans leur ca- vité intérieure , comme les vénxules fé- minales contiennent celles du mâle. Les ovaires ou tefticules des femelles font donc dans un travail continuel depuis îa puberté , jufqu'à l'âge de ftérilité. Dans les efpèces où la femelle n'entre en chaleur qu'une feule fois par an , il ne croît ordinairement qu'un ou dtiv£ corps glanduleux fur chaque tefticule , & quelquefois fur un feul \ ils fe trouvent en pleine maturité dans le temps de la chaleur dont ils paroilïent être la caufe occalionnelle j c'eft auîiî pendant ce temps qu'ils lailTent échapper la liqueur con- tenue dans leur cavité , & dès que ce ré- fervoir eft épuifé , & que le tefticule ne lui fournit plus de liqueur , îa chaleur cerTe , & îa femelle ne fe foucie plus de recevoir le mâle ; les corps glanduleux , Aiv 8 Supplément qui ont fait alors toutes leurs fondions i, commencent à Te flétrir *, ils s'arTaifïent 5 fe defsèchent peu- à-peu, & finiiïent par s'oblitérer , en ne laiflant qu'une petite cicatrice fur la peau du tefticuîe. L'année fuivante , avant le temps de la chaleur 9 on voit germer de nouveaux corps glan- duleux fur les teftrcules , mais jamais dans le même endroit où étoient les pré- cédens -, ainfî les tefticules de ces femelles , qui n'entrent en chaleur qu'une fois par an , n'ont de travail que pendant deux ou trois mois , au lieu que ceux de la femme qui peut concevoir en toute faifon, & dont la chaleur , fans être bien mar- iée , ne laifiè pas d'être durable , & même continuelle , font autti dans un travail COr»^ tinuel , les corps glanduleux y germent en tout temps *, il y en a toujours quel- ques - uns d'entièrement mûrs , d'autres approchant de la maturité , & d'autres en plus grand nombre , qui font oblitérés , & qui ne ïaiflent que leur cicatrice à la furface du tefticuîe. On voit, par l'obfervation de M. Am- broife Bertrandi , citée ci- deflus, que quand ces corps glanduleux prennent une à VHifioire Naturelle. $ végétation trop forte , ils caufent, dans toutes les parties fexuelles , une ardeur fi violente , qu'on Ta appellée fureur uté' rine ; fi quelque chofe peut la calmer , c'eft l'évacuation de la furabondance de cette liqueur féminale filtrée en trop grande quantité , par ces corps glanduleux trop puiiîans *, la continence produit, dans ce cas , les plus funeftes effets -, car fi cette évacuation n'eft- pas favorifée par l'ufage du mâle , & par la conception qui doit en réfuker , tout le fy (terne fexueî tombe en irritation , & arrive à un tel érétifme , que quelquefois la mort s'en- fuit , & fouvent la démence. C'efl: à ce travail continuel des teftr- cules de la femme , travail caufé par la germination & l'oblitération prefque con- tinuelle de ces corps glanduleux , qu'on doit attribuer la caufe d'un grand nom- bre de maladies du fexe. Les obfervations recueillies par les Médecins-Anatomiftes * fous le nom de Maladies des Ovaires ^ font peut-être en plus grand nombre que celles des maladies de toute autre partie du corps , & cela ne doit pas nous fur- prendre, puifque Ton fait que ces parties Ay i o Supplément ont de plus que les autres, & indépen- damment de leur nutrition, un ttavail particulier prefque continuel , qui ne peut s'opérer qu'à leurs dépens , leur faire des bleiïures , & finir par les charger de cicatrices. Les vésicules qui compofent prefque toute la fubftance des tefticules des fe- melles 3 & qu'on croyoit jufqu'ànos jours, être les œufs des vivipares , ne font rien autre chofe que les réfervoirs d'une lymphe épurée , qui fait la première hafe de la liqueur féminale : cette lymphe , qui remplit les vélicules , ne contient encore aucune molécule animée , aucun atome vivant ou fe mouvant*, mais dès qu'elle a pafle pat le filtre du corps glanduleux , & qu'elle eft dépofée dans fa cavité , elle change de nature , car dès-lors elle paroît compofée , comme la liqueur féminale du mâle, d'un nombre infini de particules or- ganiques vivantes & toutes femblables à celles que l'on obferve dans la liqueur évacuée par le mâle, ou tirée de fes vé- iicules féminales. Cétoit donc par une ïl- lufton bien groflière, que les Anatomiftes modernes, prévenus dufyftême des œufs. à VHiJloire Naturelle. 1 1 prenoient ces véiicules , quicompofentla îubftance , & forment l'organifation des tefticules , pour les œufs de femelles vivipares*, & c'étoit non -feulement par une faufle analogie, qu'on avoit tranfporté le mode de la génération des ovipares aux vivipares , mais encore par une grande erreur , qu'on attribuoit à l'œuf prefque toute la puiilance Se l'erret de la généra' tion. Dans tous les genres , l'œuf , félon ces Physiciens Anatomiftes , contenoit le dépôt facré des germes préexiftans , qui n'avoient befoin pour le développer, que d'être exercés par l'efprit féminal (aura feminalis ) du mâle : les œufs de la pre- mière femelle contenorent non-feulement les germes des enfans qu'elle devoir ou pouvoit produire , mais ils renferrnoient encore tous les germes d? fa poftérité , quelque nombreufe & quelqu'éloignée qu'elle pût être. Rien de plus faux que toutes ces idées, mes expériences ont claire- ment démontré qu'il n'exiite point d'œuf dans les femelles vivipares, qu'elles ont, comme le mâle , leu r liqueur féminale > que cette liqueur rédde dans la cavité des corps glanduleux, quelle contient comme celle A v j i z Supplément des mâles, une infinité de molécules or- ganiques vivantes. Ces mêmes expériences démontrent de plus , que les femelles ovipares ont , comme les vivipares, leur liqueur féminale , toute femblable à celle du mâle -, que cette femence de la femelle eft contenue dans une très-petite partie de l'œuf, qu'on appelle la cïcatrîcule ; que l'on doit comparer cette cicatricule de l'œuf des femelles ovipares au corps glan*- duleux des teilicules des vivipares , puif- que c eft dans cette cicatricule que fe filtre éc fe conferve la femence de la femelle ovipare , comme la femence de la femelle vivipare fe filtre & fe conferve de même dans le corps glanduleux > que c'eft à cette même cicatricule que la liqueur du mâle arrive pour pénétrer celle de la femelle , Se y former l'embryon > que toutes les autres parties de l'œuf ne fervent qu'à (a, nutrition & à fon développement*, qu'enfin l'œuf lui-même n'eft qu'une vraie ma- trice, une efpèce de vifeère portatif, qui xemplace dans les femelles ovipares , la matrice qui leur manque j la (eule diffé- rence qu'il y air entre ces deux vifeères , c'eft que l'œuf doit fe féparer du corps à VHiJloire Natu relie. i 5 de l'animal , au lieu que îa matrice y efl: fixement adhérente 5 que chaque femelle vivipare n'a qu'une matrice qui fait partie conftituante de fon corps , & qui doit fervir à porter tous les individus qu'elle produira j au lieu que , dans la femelle ovipare, il fe forme autant d'œufs, c'eit- à-dire , autant de matrices qu'elle doit produire d'embryons , en la fuppofant fécondée par le mâle : cette production d'œufs ou de matrices fe fait fucceflïve- ment & en fort grand nombre j elle fe fait indépendamment de la communica- tion de mâle 5 & lorfque l'œuf ou ma- trice n'eft pas imprégné dans fa primeur > & que la femence de la femelle con- tenue dans la cieatricuie de cetœufnaiiïanr, n'eft pas fécondée , c'efrà-dire, pénétrée cfè la femence du mâle , alors cette ma- trice , quoique parfaitement formée à tous autres égards , perd la fonction princi- pale 5 qui eCt de nourrir l'embryon qui ne commence à s'y développer que par la chaleur de l'incubation. Lorfque la femelle pond, elle n'ac- couche donc pas d'un fœtus , mais d'une matrice entièrement formée, 3c lorfque Ï4 Supplément cette matrice a été précédemment fé- condée par le mâle , elle contienr dans fa cicarricule le petit embryon dans un état de repos ou de non - vie s duquel il ne peut fortir qu'à l'aide dune chaleur ad- ditionnelle , foit par l'incubation , Toit par d'autres moyens équivalens , & fi la cica- tricule, qui contient la femence de la fe- melle 3 n'a pas été arrofée de celle du mâle , l'œuf demeure infécond, mais il n'en arrive pas moins à fon état de per- fection ; comme il a en propre, Se in- dépendamment de l'embryon , une vie végétative , il croît , Ce développe , & groffit jufqu'à fa pleine maturité -? c'en: alors qu'il le fépare de la grappe à la- quelle il tenoit par fon pédicule, pour fe revêtir enfuite de fa. coque. Dans les vivipares , la matrice a auffi une vie végétative : mais cette vie e(fc intermittente-, & n'eft même excitée que par la préfence de l'embryon. A mefure que le fœtus croît, la matrice croît aufTI, & ce n'en: pas une limpîe extenlîon en furface , ce qui ne fuppoferoit pas une vie végétative, maisc'eftun accroiiîement réel, une augmentation de fubftance & à VHifioire Naturelle. i j d'étendue dans toutes les dimenfions ; en forte que la mattice devient pendant la grodeiïe, plus épaille , plus large & plus longue. Et cette efpèce de vie végé- tative de la matrice , qui n'a commencé qu'au même moment que celle du fœtus, finît & celle avec fon exclufion -, car , après l'accouchement , la matrice éprouve un mouvement rétrograde dans toutes Ces dîmenfions-, au lieu d'un accroilïement , c'eft un airaiflement -, elle devient plus mince, plus étroite, plus courte, & re- prend en allez peu de temps les dîmen- fions ordinaires, jufqu'à ce que la pré- fence d'un nouvel embryon lui rende une nouvelle vie. La vie de l'œuf étant au contraire tout* à- fait indépendante de celle de l'embryon, n'eft point intermittente, mais continue depuis le premier inftant qu'il commence de végéter fur la grappe à laquelle il en: attaché , jtifqu'au moment de fon ex- clufion par la ponte ', & Iorfque l'em- bryon , excité par la chaleur de l'incu- bation , commence à fe développer, l'œuf qui n'a plus de vie végétative , n'eft dès- lors qu'un être pafîif , qui doit fournir 1 6 Supplément à l'embryon la nourriture dont il abefoin pour Ton accroifïèment & fon dévelop- pement entier -, l'embryon convertit en fa propre fubftance , la majeure partie des différentes liqueurs contenues dans l'œuf, qui eft fa vraie matrice, & qui ne diffère des autres matrices , que parce qu'il efl féparé du corps de îa mère -, & , lorfque l'embryon a pris dans cette matrice allez daccroiiTement & de force pour brifer fa coque, il emporte avec lui le refte des iubftances qui y étoient renfermées. Cette mécanique de îa génération des ovipares, quoîqu'en apparence, plus com- pliquée que celle de la génération des vivipares , eft: néanmoins la plus facile pour îa Nature, puifqu'elle eft ia plus or- dinaire & la plus commune -, car fi l'on ^ compare le nombre des efpèces vivipares à celui des efpèces ovipares, on trouvera que les animaux quadrupèdes &cétacées9 qui feuîs font vivipares , ne font pas îa centième partie du nombre des oifeaux, des poilïons & des infecles qui tous fonr ovipares -, & comme cette génération par ies œufs s a toujours été celle qui s'eft préfe ntée le plus généralement & le plus à VHiJloire Naturelle. i 7 fréquemment , il n'ed; pas étonnant qu'on* ait voulu ramener à cette génération par les œufs, celle des vivipares, tant qu'on n'a pas connu la vraie nature de l'œuf, & qu'on ignoroit encore fi la femelle avoir, comme le mâle, une liqueur fé- minale : l'on prenoit donc les teiticules des femelles pour des ovaires, les véii- cules lymphatiques de ces teftrcules pour des œufs , Se on s'éloignoit de la vérité , d'autant plus qu'on rapprochoit de plus près les prétendues analogies, fondées fur le faux principe omnla ex ovo , que toute génération venoit d'un œuf. i8 Supplément A D DITION A l'article des Variétés dans la Génération y volume II I, in- ii > pages 462, & fui- vauites j & aux articles où il ejî qiiejlion de la Géné- ration fpontanée > vol. IV, pages 141 & fuivantes. 1V1 es recherches & mes expériences fur les molécules organiques, démontrent qu'il n y a point de germes préexiitans , & en même-temps elles prouvent que îa génération des animaux & des végétans n'eft pas univoque ', qu'il y 2 peut-ê.re autant d'êtres , Toit vivans , foit végétaux , qui fe reproduifent p^r l'aflemblage fortuit des molécules organiques , qu'il y a d'a- nimaux ou de végétaux qui peuvent fe reproduire par une fuccefîion confiante à VHiftoire Naturelle. i 9 de générations ; elles prouvent que ïâ corruption ,îadécompofition des animaux & des végétaux , produit une infinité de corps organifés vivans & végétans } que quelques uns , comme ceux de îa laite du Calmar , ne font que des efpèces de ma- chines, mais des machines qui, quoique très- (impies , font actives par elles-mêmes *, que d'autres , comme les animaux fper- matiques , font des corps qui , par leur mouvement, femblent imiter les animaux ; que d'autres refïemblent aux végétaux par leur manière de croître & de s'éten- dre dans toutes leurs drmenfions : qu'il y en a d'autres , comme ceux du blé ergoté _, qu'on peut faire vivre & mourir aufîî fou vent que l'on veut -, que l'ergot ou le blé ergoté, qui eft produit par une efpçce d'aîté* ration ou de décompoîition de îa fubftance organique du grain , eft compofé d'une infinité de filets ou de petits corps orga- nifés , femblables pour la figure , à des anguilles-, que, pour les obferver au mi- croscope , il n'y a qu'à faire infufer le grain ergoté pendant dix à douze heures dans l'eau , & (épater les filets qui en compofent la fubftance, qu'on verra qu'ils 2 0 Supplément ont un mouvement de flexion Se de tor- tillement très -marqué , & qu'ils ont en même-temps un léger mouvement de pro- greffion , qui imite en perfection celuf d'une anguille qui fe tortille ; que, quand l'eau vient à leur manquer , ils cèdent de fe mouvoir •■> mais qu'en ajoutant de la nouvelle eau , leur mouvement fe re- nouvelle , & que, fi on garde cette ma- tière pendant plulieurs jours , pendant plusieurs mois , & même pendant plu- sieurs années , dans quelque temps qu'on la prenne pour l'obferver, on y verra les mêmes petites anguilles , dès qu'on la mêlera avec de l'eau , les mêmes filets en mouvement qu'on y aura vus la première fois y en forte qu'on peut faire agir ces petits corps aufli fouvent & suffi long* temps qu'on le veut , fans les détruire 3c fans qu'ils perdent rien de leur force ou de leur activité. Ces petits corps feront , fi l'on veut , des efpèces de machines qui fe mettent en mouvement dès qu'elles font plongées dans un fluide. Ce font des efpèces de filets ou filamens qui s'ou- vrent quelquefois comme les filamens de la femence des animaux , & produifent à l'Hijloire Naturelle. 2 1 des globuîes mou vans*, on pourrait donc croire qu'ils (ont de la même nature , & qu'ils font feulemenr plus fixes & plus folides que ces filamens de la liqueur féminale. Voilà ce que j'ai dit au fujer de la dé- composition du blé ergoré , volume II 9 pages 320 & fuivantes. Cela me paroîc affez précis , & même tout-à-fart allez dé- taillé-, cependant je viens de recevoir une lettre de M. l'Abbé Luc Magna nima , datée de Livourne, le 30 Mai 1775 , par laquelle il m'annonce , comme une grande & nouvelle découverte de M. l'Abbé Fontana , ce que l'on vient de lire, & que j'ai publié il y a plus de trente ans. Voici les termes de cette lettre : // Sig. Abbate Fontana^ Fificodi S. A. R. afatto Jlamyare , poche fettimane fono , un a let- tera nella quale egli puhlica due feoperte che debbonfofprendere chianque. La prima verfa intorno a queila malattia de! grano che i Francefe chiamano ergot , e noi grano cornuto .... Ha trovato colla prima feoperta ., ilfig. Fontana , chefi afeondono in queila malattia del grano alcune an- guillette j 0 ferpentelli) il quali morticke 22, Supplément fieno ^ poffbn tornare a vivere mille e mile yolte , e non con altro me^o che con una. femplice goctia d'acqua j fi dira che non eran fojfe mord quando fi e pretefo che tormino in vita, Quefio fi e penfato dalV. obfcrvatore fieffo , e per accertarfi che eran mord di fatto , colla punta di un ago ei gli ha tentad j e gli ha vedud an- darfene in cenere. Il faut que M.rs les Abbés Magnanima & Fontana , n'aient pas lu ce que j'ai écrit à ce fujet , ou qu'ils ne fe foient pas fou- venus de ce petit fait, puifqu'ils donnent cette découverte comme nouvelle -, j'ai donc tout droit de la revendiquer, & je vais y ajouter quelques réflexions. C'efi: travailler pour l'avancement des Sciences, que d'épargner du temps à ceux qui les cultivent : je crois donc devoir dire à ces Obfervateurs , qu'il ne fufrit pas d'avoir un bon microfcope pour faire des obfervations qui méritent le nom de dé- couvertes. Maintenant qu'il eft bien re- connu que toute fubftance organifée > contient une infinité de molécules orga- niques vivantes, & préfente encore, après fa décompoiition , les mêmes particules a VHijloire Naturelle. 2 3 vivantes : maintenant que Ton fait que ces molécules otganiques ne font pas de vrais animaux , & qu'il y a dans ce genre d'êtres microfeopiques , autant de va- riétés & de nuances que la Nature en a mis darîs toutes (es auttes productions-, les découvertes qu'on peut faire au mi- crofeope , fe réduifent à bien peu de chofe , car on voit de l'œil de l'efprit 5 & fans microfeope , l'exiftence réelle de tous ces petits êtres , dont il eft inutile de s'occuper féparément 5 tous ont une ori- gine commune & aufîï ancienne que ïa Nature*, ils en constituent la vie, &pa£- fent de moules en moules pour la perpé- tuer. Ces molécules organiques toujours adives, toujours Habilitantes , appartien- nent également à tous les êtres organifés , aux végétaux cemme aux animaux ; elles pénètrent la matière brute , la travailleur, la remuent dans toutes Tes dimeniions , & la font fervir de bafe au titïu de l'or- ganifation , de laquelle ces molécules vivantes font les feuis principes Se les feuls infrrumens -, elles ne font foumifes qu'à une feule puiiTance qui , quoique paflïve , dirige leur mouvement , Se fixe 2 4 Supplément leur pofitîon. Cette puiffance eft le mouîe intérieur du corps organifé, les molécules vivantes que l'animai ou le végétal tire des alimens ou de la sève , s'ailimilent à toutes les parties du moule intérieur de leur corps , elles le pénètrent dans toutes Tes dimenfions , elles y portent la végétation & la vie , elles rendent ce moule vivant & croiflant dans toutes Tes parties-, la forme intérieure du moule dé- termine feulement leur mouvement & leur pofîtion pour la nutrition & le développement dans tous les êtres or- ganifés. Et lorfque ces molécules organiques vivantes ne font plus contraintes par la puiffance du moule intérieur , lorfque h mort, fait ceiîèr le jeu de i*organifation , c'eft-àdire, la puifiance de ce mouîe, la décompofition du corps fuit , & les mo- lécules organiques, qui toutes fur vivent, fe retrouvant en liberté dans Iadiffoiurion & la putréfaction des corps, paliént dans d'autres corps auiîï-tôt qu'elles font pom- pées par la puiffance de quelqu'autre moule } en forte qu'elles peuvent paffer de l'animal au végétal , & du végétal à l'animal à FHifioire Naturelle. i j l'animal fans altération , & avec la propriété permanente & confiante de leur porter la nutrition & la vie *, feulement il arrive une infinité de générations fpontanées dans cet intermède , où« ïa puifïance du moule eft fans action , c'eft-à-dire , dans cet intervalle de temps , pendant lequel les molécules organiques Te trouvent en liberté dans la matière des corps morts Se décompofés *, dès qu'elles ne font point abforbées par le moule intérieur des êtres organifés,qui compofent les efpèces or- dinaires de la Nature vivante ou végé- tante *, ces molécules toujours actives, tra- vaillent à remuer la matière putréfiée, elles s'en approprient quelques particules brutes, & forment, par leur réunion, une multitude de petits corps organifés, dont les uns comme les vers de terre , les champignons , &c. paroilTent être des animaux ou des végétaux allez grands-, mais dont les autres , en nombre prefque infini , ne fe voient qu'au microfeope *, tous ces corps n'exiftent que par une gé- nération fpontanée, & ils remplirent l'in- tervalle que la Nature a mis entre la /im- pie molécule organique vivante, & l'ani- Tome XL B g 6 Supplément mal ou îe végétal -, aufn trouve t-on tous les degrés, toutes ies nuances imaginables dans cette fuite , dans cène chaîne d'êtres qui dekend de l'animal le mieux organifé à la molécule Amplement organique -, prife feule , cette molécule e£t fort éloignée de la nature de l'animal -, prifes plufieurs en- iemble , ces molécules vivantes en feroient encore tout auffi loin, fi elles ne s'ap- propriojent pas des particules brutes , & |i elles ne les dîfpofoient pas dans une certaine forme approchante de celle du moule intérieur des animaux ou des vé- gétaux ; & , comme cette difpofuion de forme doit varier à l'infini, tant pour le nombre, que par la diiïérente aclion des molécules vivantes contre la matière brute, ïl doit en réfulter, & il en réfulte en çffet des êtres de tous degrés d'animalité. Et cette génération fpontanée, à laquelle tous ces êtres doivent également leur exiftence$ s'exerce & fe manifefte toutes les fois que les êtres organifés fe décompo- fent -, elle s'exerce conftamment Se uni- yerfeîlement après la mort , & quelque? fois au(Ti pendant leur vie, lorfqu'ii y a quelque défaut dans l'organifation du a PHiftoire Naturelle. 2 y corps qui empêche îe moule inverieur d'abforber & de s'aiiimiler toures les mo- lécules organiques contenues dans les aii- mens ', ces molécules furabondantes , qui ne peuvent pénétrer le moule intérieur de ranimai pour fa nutrition , cherchent à fe réunir avec quelques particules de ia ma- tière brute des alimens, & forment, comme dans la putréfaction , des corps organifés ; c'eft-là l'origine des ténias , des afearides, des douves & de tous les autres vers qui naiiîent dans le foie , dans l'eitomac , les ïnteftins , & jufque dans le finus des veines de plusieurs animaux -, c'ed: auiïï l'origine de tous les vers qui leur percent la peau '•> c'eft la même caufe qui pro- duit les maladies pédiculaires j & je ne finirois pas, fi je voulois rappeler ici tous les genres d'êtres qui ne doivent leur exiftence qu'à la génération fpontanée, je me contenterai d'obferver que le plus grani nombre de ces êtres, n'ont pas la puifïànce de produire leur femblable , quoiqu'ils aient un moule intérieur , purf- quiis ont à l'extérieur & à l'intérieur une forme déterminée , qui prend de l'extenfion daiis coûtes ces dimenftons . BiJ % 8 Supplément êc que ce moule exerce fa puiflancepour îeur nutrition-, ii manque néanmoins à leur organifation , ïa puifïance de renvoyer les molécules organiques dans un réfervoir commun , pour y former de nouveaux êtres femblabîes à eux. Le moule inté- rieur fufrit donc ici à la nutrition de ces corps organifés, Ton action eft limitée à cette opération-, mais fa puifïance ne s'é- tend pas jufqu'à la reproduction. Prefque tous ces êtres engendrés dans ïa corrup- tion , y périfïent en entier *, comme ils font nés fans parens , ils meurent fans poilérité > cependant quelquesuns , tels que les anguilles du mucilage de la fa- rine , fembient contenir des germes de poftérité*, nous avons vu fortir , même en allez grand nombre , de petites anguilles de cette efpèce d'une anguille plusgroffe, néanmoins cette mère anguille n avoit point eu de mère , & ne devoir ion exiftence qu'à une génération fpontanée : il paroît donc, par cet exemple & par plulieurs autres , tels que la production de la ver- mine dans les maladies pédiculaires que , dans de certains cas, cette génération fpontanéç a la même puifïance que la gé- à VHijloire Naturelle, 1 9 nération ordinaire , puifqu'elle produit des êtres qui ont la faculté de fe repro- duire. A la vérité, nous ne Tommes pas apurés que ces petites anguilles de la fa* rine , produites par la mère anguille j aient elles - mêmes la faculté de fe re- produire par la voie ordinaire de la gé- nération \ mais nous devons le préfumer, puifque , dans plufieurs autres efpèces, telles que celles des poux qui , tout-à- coup, font produits en ii grand nombre, par une génération fpontanée , dans les maladies pédiculaires, ces mêmes poux, qui n'ont ni père ni mère, ne laiiTent pas de fe perpétuer, comme les autres, par une génération ordinaire & fuccefïive. Au refte , j'ai donné, dans mon Traité de la Génération , un grand nombre d'exemples , qui prouvent la réalité de plufieurs générations fpontanées:j'ai dit ( vol. lFy i/2-1 2, page 141), que les mo- lécules organiques vivantes , contenues dans tous les êtres vivans ou végétans , foot toujours actives , & que , quand elles ne font pas abforbées en entier par les animaux , ou par les végétaux pour leur nutrition , elles produifent d'autres êtres B nj 3 o Supplément organifés. J'ai dit, T. IV 'j page 146 .,que quand cette matière organique & produc- tive Te trouve raflemblée en grande quan- tité, dans quelques parties de l'animal où elle eft obligée de féjourner, fans pouvoir être repompée , elle y forme des êtres vivans. Que le ténia , les afcarides , tous les vers qu'on trouve dans le foie, dans ïes veines, &c. ceux qu'on tire des plaies, îa plupart de ceux qui fe forment dans les chairs corrompues, dans le pus, n'ont pas d'autre origine*, & que ïes anguilles de îa colle de farine, celles du vinaigre> tous les prétendus animaux microfcopi- ques ne font que des formes différentes que prend d'elle-même, & fuivant . les circonftances , cette matière toujours ac- tive, & qui ne tend qu'à l'organifation. Il y a des circonstances où cette même matière organique , non-feulement pro- duit des corps organifés , comme ceux que je viens de citer, mais encore des êtres dont la forme participe de celle des pre- mières fubftances nutritives qui conte- noient les molécules organiques. J'ai donné, T. Vj p. J 1 ç _> Edit. en 13 vol. & T. VI y p, 2 î 6 > Edit, en 31 vol. l'exem- ple d'un peuple des défères de l'Ethiopie, à VHiftoire Naturelle. 3 i qui eft fbuvent réduit: à vivre de faute- relies ; cette mauvaife nourriture fait qu'il s'engendre dans leur chair des in- fectes ailés, qui fe multiplient en ii grand nombre, qu'en très-peu de temps leur corps en fourmille \ en forte que ces hommes, qui ne fe noiïrriuent que d'in- fectes, font à leur tour mangés par ces mêmes infectes. Quoique ce fait m'ait tou- jours paru dans l'ordre de la Nature, ii ieroit incroyable pour bien des gens , fi nous n'avions pas d'autres faits analogues & même encore plus pofitifs. Un très -habile Phyficien & Médecin de Montpellier , M. Moublet , a brerj Voulu me communiquer, avec fes réfle- xions, le Mémoire fuivant, que j'ai cru devoir copier en entier. « Une perfonne âgée de quarante- ûx ans, dominée depuis long-temps par la paffion immodérée du vin, mourut d'une hydropifte afcite , au commencement de mai 1750. Son corps refta environ un mois Se demi enfeveli dans la fofïe 011 il fut dépofé , & couvert de cinq à rîx pieds de terre. Après ce temps , on l'en B iv 3 2 Supplément tira pour en faire ia tranilation dans un caveau neuf, préparé dans un endroit de Téglife éloigné de la fofïe. Le cadavre n exaloit aucune mauvaife odeur ^ mais quel fut Tétonnement des affiflans quand l'intérieur du cercueil & le linge dans îe- quel il étoit enveloppé parurent abfolu- ment noirs, & qu'il en fortit, par la fe- coufTe & le mouvement qu'on y avoit ex- cité, un efïaim ou une nuée de petits in- fectes ailés, d'une couleur noire, qui fe répandirent au dehors. Cependant on îe tranfporta dans le caveau qui fut feelîé d'une large pierre qui s'ajuftoit parfaite- ment. Le furlendemain, on vit une fouîe des mêmes animalcules qui erroient & voltigeoient autour des rainures & fur les petites fentes de la pierre où ils étoient p~rtkyïièreir,£iic attroupés. Fendant les trente à quarante jours qui fuivirent l'ex- humation , leur nombre y fur prodigieux , quoiqu'on en écrafât une partie en mar- chant continuellement defïus. Leur quan- tité confidérable ne diminua enfuite qu'avec îe temps, & trois mois s'étoient déjà écou- lés qu'il en exiftoit encore beaucoup. Ces infecles funèbres avoient îe corps à VHijloire Naturelle. 3 3 noirâtre \ ils avoient, pour la figure & pour la forme j une conformité exacte avec les moucherons qui fucent la lie du v\n\ ils étoient plus petits, & paronToient entr'eux d'une grofïeur égale : leurs aiies croient titfues & deffinées dans leur pro- portion en petits réfeaux, comme celles des mouches ordinaires *, ils en faifoient peu d'ufage, rampoient prefque tou- jours, &, malgré leur multitude, ils n'exci- toient aucun bourdonnement. Vus au microfcope, ils étoient hérif- fés fous le ventre d'un duvet fin, légère- ment fillonné & nuancé en iris, de dif- férente couleur, ainlî que quelques vers apodes j qu'on trouve dans des plantes vivaces. Ces rayons colorés étoient dûs à des petites plumes fquammeufes, dont leur corcelet étoit inférieurement couvert & dont on auroit pu facilement les dé- pouiller, en fe fervant de la méthode que Swammerdan empioyoit pour en déparer le papillon de jardin. Leurs yeux étoient luftrés comme ceux de la mufcacryfophis de Goe'daerr. Ils n'étoient armés ni d'antennes , ni de trompes, ni d'aiguillons j ils portoiei:t B y 3 4 Supplément feulement des barbillons à la tête, 8c leurs pieds étoient garnis de petits mail- lets ou de papilles extrêmement légères, qui s'étendoient juiqu'à leurs extrémités. Je ne les ai conlidérés que dans l'état que je décris: quelque foin que j'aie ap- porté dans mes recherches , je n'ai pu reconnoître aucun indice qui me fit pré- fumer qu'ils aient paffé par celui de larve & de nymphe*, peut-être plusieurs raifons de convenance & de probabilité, don- nent lieu de conjecturer qu'ils ont été des vers microfcopiques d'une efpèce particulière, avant de devenir ce qu'ils m'ont paru. En les anatomifant, je n'ai découvert aucune forte d'enveloppe dont ils pnflent fe dégager, ni aperçu fur le tombeau aucune dépouille qui ait pu leur appartenir. Pour éclaircrr Se appro- fondir leur origine , il auroit été nécef- faire , & il n'a pas été poiTible , de faire infufer de la chair du cadavre dans l'eau, ou d'obferver fur lui-même, dans leur principe, les petits corps mou vans qui en font iflus. D'après les traits dont je viens de les dépeindre, je crois qu'on peut les rap«* a VHijloire Naturelle. 3 5 porter au premier ordre de Swammer- dan. Ceux que j'ai écrafés , n'ont point exhalé de mauvaife odeur fenfibîe -, leur couleur n'établit point une différence : la qualité de l'endroit où ils étoient reiTet- rés, les impreflïons diverfes qu'ils ont' reçues & d'autres conditions étrangères, peuvent être les caufes occasionnelles de la configuration variable de leurs pores extérieurs , & des couleurs dont ils étoient revêtus. On fait que les vers de terre , après avoir été fubmergés Se avoir refté quelque temps dans l'eau , devien- nent d'un blanc de îys qui s'errace & fe ternit quand on les a retirés, 8c qu'ils reprennent peu-à-peu leur première cou- leur. Le nombre de ces infectes ailés a- été inconcevable, cela me perfuade que leur propagation a coûté peu à la Na- ture, 8c que leurs transformations, s'ils en ont efTuyé, ont dû être rapides & bien fubites. Il eft à remarquer qu'aucune mouche ai aucune autre eipèce d'iïife&es ne s'en font jamais approchés. Ces animalcules éphémères, retirés de deflus la tombe dont ils ne s'éloignoient point ,périiïoieiu: B vj 3 6 Supplément une heure après , fans doute pour avoir feulement changé d'élément & de pâ- ture, & je n'ai pu parvenir, par aucun moyen , à les conferver en vie. J'ai cru devoir tirer de la nuit du tom- beau & de i'oubli des temps qui {es a annihilés, cette obfervation particulière %c f\ furprenante. Les objets qui frappent îe moins les yeux du vulgaire, & que la plupart des hommes foulent aux pieds , font quelquefois ceux qui méritent le plus d'exercer l'efprit des Philofophes. Car comment ont été produirs ces in- fectes dans un lieu où l'air extérieur n'a- voit ni communication ni aucune ifiue ? pourquoi leur génération s'eft- elle opérée il facilement? pourquoi leur propagation a-t-elîe été û grande? quelle eft l'origine de ceux qui , attachés fur les bords des fentes de la pierre qui couvroit le ca- veau 3 ne tenoient à la vie qu'en humant l'air que le cadavre exhaloit ? d'où vien- nent enfin leur analogie & leur fimiîi- tude avec les moucherons qui naifîent dans le marc du vin ? Il femble que plus on s'efforce de raffembler les lumières & les découvertes d'un plus grand nombre à rHiJioire Naturelle. 3 7 d'Auteurs pour répandre un certain jour fur toutes ces queftions, plus leurs juge- mens partagés & combattus les replon- gent dans l'obfcunté où la Nature les tient cachés. Les Anciens ont reconnu qu'il naît conftamment & régulièrement une foule d'infe&es ailés de la pouffière humide des cavernes fouterreines (a). Ces obler- vations & l'exemple que je rapporte, établirent évidemment que telle eft la ftructure de ces animalcules que l'air n'eft point nécelTaire à leur vie ni à leur génération , & on a lieu de préfumer qu'elle n'eft accélérée , & que la multi- tude de ceux qui étoient renfermés dans le cercueil n'a été iî grande que parce que les fubftances animales qui font con- centrées profondément dans le fein de la terre , fouftraites à l'action de l'air , ne fou firent prefque point de déperdition , & que les opérations de la Nature n'y font troublées par aucun dérangement étranger. (a) Pline. Hifi. Nat. iib. xih 3 3 Supplément D'ailleurs nous connoiiîons des ani- maux qui ne font point néceflités de ref- pirer notre air, il y en a qui vivent dans la machine pneumatique. Enfin Théoprafte & Ariftote ont cru que certaines plantes & quelques animaux s'engendrent d'eux- mêmes, fans germe, fans femence , fans îa médiation d'aucun agent extérieur*, car on ne peut pas dire , félon la fuppo- fition de Gaffendi & de Lyfter, que les infectes du cadavre de notre Lydropique aient été fourmis par les anirriaicaïes qui circulent dans l'air, ni par les œufs qui peuvent fe trouver dans les alimens, ou par des germes préexiftans qui fe font introduits dans fon corps pendant la vie5 & qui ont éclos & fe font multipliés après fâ mort. Sans nous arrêter pour rendre raifon de ce phénomène à tant de (y ftèmes in- complets de ces Philofophes , étayons nos idées de réflexions phyfiques d'un favant Naturalise, qui a porté, dans ce fïècle, le flambeau de la fcience dans le cahos de la Nature. Les élémens de notre corps font compofés de particules hmilaires & organiques, qui font tout à -la fois nut ri- a VHiftoire Naturelle. 3 9 tives & productives -, elles ont une exif- tençe hors de nous, une vertu intrinsèque inaltérable. En changeant de portion 5 de combinaifon & de forme , leur tiiïu ni leur mafïe ne dépendent point , leurs propriétés originelles ne peuvent s'alté- rer y ce font de petits reiïbrts doués d'une force active , en qui réfident les principes du mouvement & de la vitalité , qui ont des rapports infinis avec toutes les chofes créées , qui font fufceptibles d'autant de changemens 8c de réfultats divers , qu'ils peuvent être mis en jeu par des caufes différentes. Notre corps n'a d'adhérence à la vie, qu'autant que ces molécules or- ganiques confervent , dans leur intégrité 5 leurs qualités virtuelles & leurs facultés génératives , qu'elles fe tiennent articulées enfemble dans une proportion exacte * 8c que leurs actions raflèmblées concou- rent également au mécanifme général -, car chaque partie de nous-mêmes eft un tout parfait > qui a un centre 011 fon organifa- tion fe rapporte, & d'où fon mouvement progredif & iïmultané , le développe , fe multiplie 8c fe propage dans tous les points de la fubftanee» 40 Supplément Nous pouvons donc dire que ces mo- lécules organiques , telles que nous les repréfentons , font les germes communs , ïes femences univerfelles de tous les règnes, & qu'elles circulent, & font déterminées en tout lieu : nous les trouvons dans les alimens que nous prenons , nous les hu- mons à chaque inftant , avec l'air que nous refpirons -, elles s'ingèrent & s'incor- porent en nous , elles réparent par leur établifïement local , lorfqu'elles font dans une quantité furEfante, les déperditions de notre corps , Se en conjuguant leur action & leur vie particulière , elles fe convertirTent en notre propre nature , & nous prêtent une nouvelle vie & des forces nouvelles. Mais fi leur intufufception& leur abon- dance font telles , que leur quantité ex- cède de beaucoup celle qui eft nécefïaire à l'entretien & à l'accronTement du corps , les particules organiques qui ne peuvent être abforbées pour fes befoins , refluent aux extrémités des vaifleaux, rencontrent des canaux oblitérés , fe ramafïent dsns quelque réfervoir intérieur, &, félon le moule qui les reçoit , elles s'afTmiilenr , à PHiJloire Naturelle. 4 1 dirigées par les Ioix d'une affinité natu- relle & réciproque , Se mettent au jour des efpèces nouvelles , des êtres animés & vivans , Se qui n'ont peut-être point eu de modèles , & qui n existeront ja- mais plus. Et quand en effet, font-elles plus abon- dances , plus ramaffées , que îorfque la Nature accomplit la deftruâion fpontanée & parfaite d'un corps organifé ? Dès l'inf- tant que la vie eft éteinte , toutes les molécules organiques, qui compofent la fubfrance vitale de notre corps , lui de- viennent excédentes & fuperflues •> la mort anéantit leur harmonie & leur rapport , détruit leur combinaifon , rompt les liens qui les enchaînent Se qui les uniffent en- semble -, elle en fait l'entière direction Se la vraie analyfe. La matière vivante fe fépare peu-à-peu de la matière morte-, il fe fait une divifion réelle des particules organiques & des particules brutes*, celles- ci , qui ne font qu'acceiloires , Se qui ne fervent que de bafe & d'appui aux pre- mières , tombent en lambeaux , Se fe per- dent dans la pouiïïère , tandis que les autres fe dégagent d'elles-mêmes , arTran- 4 2 Supplément chies de tout ce qui les captivoit dans leur arrangement & ïeur iituation parti- culière : livrées à leur mouvement inteftin , elles jouiiTent d'une liberté illimitée & d'une anarchie entière , 8c cependant dis- ciplinée , parce que la puiiïance & les loix de la Natute, furvivent à Tes propres ou- vrages. Elles s'amoncèlent encore, s'anafto- niofent 8c s'articulent , forment de petites malTes Se de petits embryons , qui fe dé- veloppent, & produifent. félon leur afïèm- blage , & les matrices où elles font rece- lées , des corps mouvans , des êtres ani^ mes & vivans. La Nature, d'une manière également facile, régulière & fpontanée, opère, par le même mécanifme , la décom- pofition d'un corps , & la génération d'un autre. Si cette fubftance organique n'étoit ef- fectivement douée de cette faculté gêné- rative , qui fe manifefte d'une façon Ci au- thentique dans tout l'Univers, comment pourroient éclorre ces animalcules qu'on découvre dans nos vifeères les plus cachés, dans les vaifïèaux les plus petits ? Com- ment dans des corps infenftbîes, fur des cendres inanimées, au centre de la pour- à PHiJloire Naturelle. 4 3 nuire & de la more, dans îe fein des ca- davres qui repofent dans une nuit & un hlcnce imperturbables, naîcroit en fi peu de temps une fi grande multitude d'in- fecles fi diflemblables à eux-mêmes, qui n'ont rien de commun que leur origine, & que Leeuwenhoëk Se M. de Réaumur ont toujours trouvés d'une figure plus étrange, & d'une forme plus différente 8c plus extraordinaire? Il y a des quadrupèdes qui font rem- plis de lentes. Le Père Kircher ( S crut. pert. Secl ' I j cap. vil; experim. $> & mund. fubterran. lib. XII Jj a aperçu , à larde d'un mrcrofeope , dans des feuilles de fauge, une efpèce de réieau, tiffu comme une toile d'araignée, "dont toutes les mailles monrrorent un nombre infini de petits animalcules. Swammerdan a vu îe cadavre d'un animal qui fourmilloit d'un million de vers -, leur quantité étoit fi prodigieufe, qu'il n'étoit pas poiïible d'en découvrir les chairs qui ne pouvoient fumre pour les nourrir -, il fembloit à cet Auteur qu'elles fe transformoient toutes en vers. Mais Ci ces molécules organiques font 44 Supplément communes à tous les êtres, fi leur efîènce 6c leur action font indeftructibles , ces petits animaux devroient toujours être d'un même genre & d'une même forme, ou ii elle dépend de leur combinaifon, d'où vient qu'ils ne varient pas à l'infini dans le même corps ? Pourquoi enfin ceux de notre cadavre reiîembloient aux mou- cherons qui forcent du marc du vin ? S'il en: vrai que l'action perpétuelle & unanime des otganes vitaux, détache 8c di(T\pQ à chaque inftant les parties les plus fubtiles & les plus épurées de notre fubftance ; s'il eft nécefTaire que nous ré- parions journellement les déperditions immenfes qu'elle fouffre par les émana- tions extérieures & par toutes les voies excrétoires •, s'il faut enfin que les parties nutritives des alimens , après avoir reçu les codions, & toutes les élaborations que l'énergie de nos vifcères leur fait fu- bir, fe modifient, s'affimilent, s'arrermif- fent & inhérent aux extrémités des tuyaux capillaires , jufqu'à ce qu'elles en foient chafïées & remplacées à leur tour par d'autres qui font encore amovibles? nous fommes induits à croire que la partie a VHïfwire Naturelle. 4 5 fubftantielle & vivante de notre corps , doit acquérir le caractère des aîimens que nous prenons, & doit tenir & em- prunter d'eux les qualités foncières & piaf- tiques qu'elles pofsèdent. La qualité _, la quantité de la chair ^ dit M. de Buffon ( Hift. Nat. du Cerf, tome II, in-11, page 1 19), varient fui- vant les différentes nourritures. Cette ma- tière organique que l'animal ajfimile à fon corps par la nutrition _, rieft pas ah' folument indifférente à recevoir telle ou telle modification j> elle retient quelques caractères de fon premier état j & agit par fa propre forme fur celle du corps organifé quelle nourrit L'on peut donc préfumer que des animaux auxquels on ne donneroit jamais que la même ef- pèce de nourriture , prendroient en affer peu de temps une teinture des qualités de cette nourriture. Ce ne feroit plus la nourriture qui s3 affimileroit en entier à la forme de V animal j mais l'animal qui s'ajfimileroit en partie à la forme de la nourriture. En effet, puifque les molécules nutri- tives & organiques , ourdiffent la trame 4 6 Supplément des fibres de notre corps, puifqu'elles fournirent la fource des efprits, du fang & des humeurs, & qu'elles fe régénèrent chaque jour, il efl: pîaufible de penfer qu'il doit acquérir le même tempérament qui réiuite d'elles-mêmes. Ainli , à la ri- gueur, & dans un certain fens, le tem- pérament d'un individu doit fou vent changer, être tantôt énervé, tantôt for- tifié par ia qualité & le mélange varié des alimens dont il fe nourrit. Ces in- ductions conféquentes font relatives à ia doctrine d'Hippocrate qui, pour corriger l'excès du tempérament, ordonne l'ufage continu d'une nourriture contraire à. fa conftitution. Le corps d'un homme qui mange ha- bituellement d'un mixte quelconque^ contracte donc infenfiblement les pro- priétés de ce mixte, & pénétré des mê- mes principes, devient fufceptibLe des mêmes dépravations 8c de tous les ehan- gemens auxquels il eft fujet. Rhédf ayant ouvert un Meunier peu de temps après fa mort, trouva i'eflomac, le co- lon, le cœcum & toutes les entrailles remplies d'une quantité prodrgieufe de à riîijïoire Naturelle. 4 7 vers extrêmement petits, qui avoient la tête ronde & la queue aiguë, parfaite- ment refïemblans à ceux qu'on obferve dans les infu fions de farine & d'épis de blé j ainfî, nous pouvons dire d'une per- sonne qui fait un ufage immodéré du vin , que les particules nutritives qui de- viennent la maiTe organique de fon corps, font d'une nature vineufe qu'il s'aiTîmîle peu-à-peu & fe transforme en elles, & que rien n'empêche en fe dé- compofant , qu'elles ne produifent les mêmes phénomènes qui arrivent au marc du vin. On a lieu de conjecturer qu'après que le cadavre a été inhumé dans le caveau , la quantité des infectes qu'il a produits , a diminué parce que ceux qui étoient placés au dehors fur les fentes de la pierre, favouroient les particules organi- ques qui s'exhaîoient en vapeurs & dont dont ils fe repaifîoient , puifqu'ils ont péri dès qu'ils en ont été fevrés. Si le cadavre eût relié enféveli dans la fofTe , où il n'eût fourrert aucune émanation ni aucune perte , celles qui fe font diiïipées par les ouvertures ? & celles qui ont été 48 Supplément abforbées pour l'entretien & pour la vie des animalcules fugitifs qui y étoient ar- rêtés, auroient fervi à la génération d'un plus grand nombre. Car il eft évident que lorfqu'une fubf- tance organique fe démonte , & que les parties qui la compofent fe féparent Se femblent fe découdre, de quelque ma- nière que leur dépériftement fe faite, abandonnées à leur action naturelle , elles font nécefïitées à produire des ani- malcules particuliers à elles-mêmes. Ces faits font vérifiés par une fuite d'obferva- tions exactes. Il eft certain qu'ordinaire- ment les corps des animaux herbivores & frugivores, dont rinftinct détermine la pâture & règle l'appétit, font couverts, après la mort, des mêmes infectes qu'on voit voltiger & abonder fur les plantes & les fruits pourris dont ils fe nourrilTent. Ce qui eft d'autant plus digne de recher- che & facile à remarquer, qu'un grand nombre d'entre eux ne vivent que d'une feule plante ou des fruits d'un même genre. D'habiles Naturaliftes fe font fer- vis de cette voie d'analogie pour décou- vrir les vertus des plantes -, & Fabius Columna a VHifioire Naturelle. 49 Coîumna a cru devoir attribuer les mêmes propriétés & le même caractère à toutes celles qui fervent d'afyie & de pâture à la même efpèce d'infecte , & les a ran- gées dans la même clalîe. Le Père Bonanni , qui défend îa géné- ration fpontanée, foutient que toute fleur particulière, toute matière djverfe pro- duit par la putréfaction conftamment & néceflairement une certaine efpèce de vers *, en erïet, tous les corps organifés qui ne dégénèrent point, qui ne fe dé- naturent par aucun moyen , & qui vivent toujours d'une manière régulière & uni- forme 3 ont une façon d'être qui leur e(t particulière & des attributs immuables qui les caractérifent. Les molécules nu- tritives, qu'ils puifent en tout temps dans une même fource, confervent une fîmi- îitude, une falubrité, une analogie, une forme Se des dimenfions qui leur font communes *, parfaitement fembîabîes à celles qui conitituent leur fubftance or- ganique, elles fe trouvent toujours chez eux fans alliage, fans aucun mélange hé- térogène. La même force diltributive les porte, les aiïortit, les applique, les adapte Tome XL C j o Supplément &: les contient dans toutes ïes parties avec une exactitude égale & une juftefle fymmétrique j elles fubiflfent peu de chan- gemens & de préparations j leur difporl- tion , leur arrangement, leur énergie, contexture & leurs facultés intrinsèques , ne font altérées que le moins qu'il eft pof- iibie,tant elles approchent du tempéra- ment & de la nature du corps qu'elles maintiennent Se qu'elles reproduifenr, &, îorfque l'âge & les injures du temps, quelqu'état forcé ou un accident imprévu car la mate- à VHifloire Naturelle. j 5 die ébranle leur arrangement , infirme leur tiflu , émoufle ïeur activité., amortit leurs difpoiitions falubres & exalte les principes hétérogènes & deftruéteurs qui les inficient. On comprend par-là, combien il efl dangereux de manger de la chair des animaux morts de maladie -, une petite quantité d'une fubflance viciée & conta- gieufe parvient à pénétrer, à corrompre & à dénaturer toute la m a (Te vitale de notre corps , trouble Ton mécanifme & fes fenfations, & change Ton exiftence, fes proportions & Tes rapports. Les mutations diverfes qu'elle éprouve fouvent, Te manifeftent fenfibiement pen- dant la vie : tant de fortes de vers qui s'engendrent dans nos vifcères & la ma- ladie pédrculaire ne font-ils pas des preuves démonftratives de ces transfor- mations & de ces aliénations fréquentes? Dans les épidémies, ne regardons-nous pas les vers qui fortent avec les matières excrémentielles comme un fymptôme eUentiel qui défigne le degré éminent de dépravation où font portées les parti- cules intégrantes fubftancielles & fpiri- C if j $ 4 Supplément tueufes des humeurs? & qu'eft-ce que ces particules, fi ce n'eft les molécules organiques, qui différemment modifiées* affinées & foulées par îa force fyftalti- que des vailîeaux, nagent dans un véhi- cule qui îes entraîne dans le torrent de la circulation ? Ces dépravations malignes que con- tractent nos humeurs, ou les particules intégrantes & eMentielîes qui les condi- ment, s'attachent Se inhérent tellement en elles, qu'elles perfévèrent Se fe per- pétuent au-delà du trépas. Il femble que la vie ne foit qu'un mode du corps -, fa diiïoïutîcn ne paroîc ctre qu'un change- ment d'état ou une fuite Se une conti- nuité des mêmes révolutions & desdéran- gemens qu'il a (o u ffe rts , 8c qui ont com- mencé de s'opérer pendant la maladie, qui s'achèvent Se fe confomment après la mort. Ces modifications fpontanées des molécules organiques Se ces productions vermineufes, ne paroiiFent le plus fou- vent qu'alors-, rarement, Se ce n'eft que dans les maladies violentes Se îes plus envenimées où leur dégénéiefcence eft accélérée, qu'elles fe développent plus a VHijloire Naturelle. j f tôt en nous. Nos plus vives misères font donc cachées dans les horreurs du tom- beau, & nos plus grands maux ne fe réa- lifent, ne s'effectuent & ne parviennent à leur comble , que lorfque nous ne les Tentons plus ! J'ai vu depuis peu un cadavre qui fe couvrit bientôt après la mort , de petits vers blancs, ainfi qu'il efl: remarqué dans l'obfervation citée ei-deilus. J'ai eu lieu d'obferver, en plusieurs circon(tances,que la couleur, la figure, la forme de ces animalcules varient fuivant l'intenfîté 3c le genre des maladies, C'eft ainfî que les fubftances organifées fe transforment & ont différentes ma- nières d'être , & que cette multitude in- finie d'infectes concentrés dans l'intérieur la terre & dans les endroits les plus infects & les plus ténébreux font évo- qués , naiffent & continuent à fe repaître àes débris & des dépouilles de l'huma- nité. L'univers vit de lui-même, & tous les êtres en périiTanr, ne font que rendre à la Nature les parties organiques & nu- tritives quelle leur a prêtées pour exif- îer j tandis que notre ame du centre de C iy $6 Supplément la corruption, s'élance au fein de la Di- vinité 3 notre corps porte encore après la more, l'empreinte & les marques de fes vices & de les dépravations •> & pour finir enfin par concilier la faine Philofophie avec la Religion , nous pouvons dite qua jufqu'aux plus fublîraes découvertes de îa Phyfique, tout nous ramène à notre néant. » Je ne puis qu'approuver ces raîfonne- mens de M. Moublet, pleins de difeerne- ment & de fagaciré-, il a très-bien faifi les principaux points de mon fyftème fur îa reproduction, & je regarde Ton obfervation comme une des plus eu- rieufes qui art été une fur la génération fpontanée (b). Plus on obfervera la Na- (b ) On peut voir pluueurs exemples de la gé- nération fpontanée de quelques infectes dans diffé- rentes parties du corps humain, en confuîtant Jes Ouvrages de M. Andry, & de quelques autres Ob- fervateurs qui fe font efforcés, fans fuccès , de fes rapporter à des efpèces connues, & qui tâchaient d'expiiquer leur génération, en fuppofant que les œufs de ces infectes avoient été refpirés ou avalés par les perfonnes dans lefquelles ils fe font trouvés; a VHifioire Naturelle. 5 7 ture de près, & plus on reconnoîcra qu'il fe produit en petit beaucoup plus d'êtres mais cette opinion fondée fur le préjugé que tout être vivant ne peut venir que d'un œuf, fe trouve démentie par les faits même que rapportent ces Obfervateurs. II eft impofïïble que des œufs d'in- fectes, refpir es ou avalés, arrivent dans îe foie, dans les veines, dans les finus, &c. & d'ailleurs pîuileurs de ces infectes trouvés dans l'intérieur du corps de l'homme & des animaux n'ont que peu ou point de rapport avec les autres infectes, & doivent, fans contredit, leur origine & leur naif- fance à une génération fpontanée. Nous citerons ici deux exemples récens, le premier de M. le Préfident H. . . . qui a rendu par les urines un petit cruftacée affez femb!able à une crevette ou' chevrette de mer , mais qui n'avoit que trois lignes ou trois lignes & demie de longueur. M. fon! fils a eu la bonté de me faire voir cet infe&e, qui n'étoit pas le feu! de cette efpèce que M. fon père avoit rendu par les urines, & précédemment il avoit rendu par le nez, dans un violent éternue-' ment, une efpéce de chenille qu'on n'a pas eonfer- vée , & que je n'ai pu voir. Un autre exemple , eft celui d'une Demoifeïte du Mans, dont M. Vetillard , Médecin de cette ville , m'a-envoyé le détail par fa lettre, du 6 Juillet 1771 . dont voici l'extrait. « M.Uc Cabaret, de- meurante au Mans, paroilfe Notre-Dame de la « Couture, âgée de trente & quelques années, « étoit malade depuis environ trois ans, & au troi- « fième degré, d'une phtifîc pulmonaire, pour « Cv 5 8 Supplément de cette façon que de toute autre. Qm aaiTurera de même que cette manière de: » laquelle je lui avors fait prendre le lait d'aneffe ?» le printemps & l'automne 1759. Je l'ai gouver- ?? née. en coniequence depuis ce temps. ?» Le 8 juin dernier, fur les onze heures du- ?» foir, la malade, après de vioîens' efforts, occa- ?» lionnes (difoit-eîie) par un chatouillement vif. ?» & extraordinaire au creux de l'eftomac , rejeta ?» une partie de rôtie au vin- & au fucre qu'elle ?» avoit prife dans l'aprèsdinée. Quatre personnes. » préfentes alors avec plusieurs lumières pour ?» fecourir la malade, qui croyoit être à fa der- ?» nière heure aperçurent quelque chofe remuer ?» autour d'une parcelle de pain , fortant de la ?» bouche de ia malade : c'étoit un infe&e qui,, ?» par le moyen d'un grand nombre de pattes , ». cherchoit à fe détacher du petit morceau de: ?» pain qu'il entouroit en forme de cercle. Dans ?». l'inftant les eiforts cefsèrent, & la malade fe. »? trouva foulagée ; elle réunit fon attention à îa ?» curiofité & à Pétonnement de quatre fpefta- »? trices qui reconnoifibient à cet infecte la figure. ?» d'une chenille ; elles la ramafsêrent dans un, ?> cornet de papier qu'elles laifsèrent dans la cham- ?? bre de la malade. Le lendemain, à cinq heures. » du matin,, elles me firent avertir de ce phéno- » mène, que j'allai auffitôt examiner. L'on me. » préfenta une chenille, qui d'abord me parut, ?» morte , mais l'ayant réchauffée avec mon ha- » leine , elle reprit vigueur & fe mit à courir fur ie ». papier. à PHiJIoire Naturelle. 5 9 génération eft non-feulement la plus fré- quente & la plus générale 3 mars encore Après beaucoup de queftions & d'objettions « Élites à la malade & aux témoins, je me détermi- n nai à tenter quelques expériences , & à ne point « méprifer, dans une affaire de phyfique, le témoi- « gnage de cinq perfonnes, qui toutes m'affuroient u un même fait & avec ïes mêmes circonf- « tances. «. L'hiftoire d'un ver-chenille, rendu par un « Grand-vicaire d'Aîais, que je me rappelai avoir « iû dans l'Ouvrage de M. Andry , contribua k « me faire regarder la chcfe comme poffibïe. . . u J'emportai la chenille chez moi dans une « boîte de bois, que je garnis d'étoffe & que je « perçai en différens endroits : je mis dins la <* boîte des feuilles de différentes plantes légumi- « neufes , que je choifis bien entières , afin de m'a- u percevoir auxquelles elle fe feroit attachée ; j 'y « regardai plutieurs fois dans la journée ; voyant « qu'aucune ne paroiiïbit de fon goût, j'y fubfti- <«. tuai des feuilles d'arbres & d'arbrjiïeaux que cet « infecte n'accueillit pas mieux, je retirai toutes ces u feuilles intaftes, & je trouvai à chaque fois îe « petit animal monté au couvercle de la boîte, « comme pour éviter la verdure que je lui avois u préfentée. u Le 9 au foir, fur les fix heures, ma chenille « étoit encore à jeun , depuis onze heures du foir « la veille , qu'elle étoit fortie de l'eftomac ; je ten- «- tai alors de lui donner mêmes «iimens que ceux ** C vj, 6o Supplément la plus ancienne, ceft-à-drre, la pre- mière & la plus unrverlelle y car fuppo- ?» dont nous nous nourriffbns, je commençai par j> lui préfenter le pain en rôtie avec^Ie vin, l'eau 77 & le fucre , tel que celui autour duquel on l'a- >» Voit trouvée attachée, elle fuyoit a toutes jam- » bes:le pain fec , différentes efpèces de laitage, >j différentes viandes crues , différens fruits , elle ?» paffoit pardeffus fans s'en embarrsfler & fans y 5> toucher. Le bœuf & le veau cuits , un peu » chauds , elle s'y arrêta, mais fans en manger. » Voyant mes tentatives inutiles, je pcnfai que fi » l'infecte étoit élevé dans i'eftomac , les alimens » ne paffoient dans ce vifcère qu'après avoir été ?? préparés par la mafncation , & conféquernment >? étant empreints des fucs faîivaires , qu'ils étoient ?> de goût différent , & qu'il falloit lui offrir des » aHimens mâchés , comme plus analogues à fa ?> nourriture ordinaire ; après plufîeurs expérien- ?» ces de ce genre faites & répétées fans fuccés , ?» je mâchai du bœuf & le lui préfentai , l'infecte » s'y attacha, l'afFujettit avec fes pattes antérieu- » îes, & j'eus, avec beaucoup d'autres témoins, 75 ia fatisfadiun de le voir manger pendant deux »» minutes, après Itfquelles il abandonna cet ali- jî ment & fe remit à courir. Je lui en donnai de 77 nouveau maintes & maintes fois fans fuccès. Je 77 mâchai du veau , l'infecte affamé me donna à 7> peine le temps de le lui préfenter, il accourut >7 à cet aliment, s'y attacha & ne cefla de manger n pendant une demi -heure, li étoit environ huit a VHiftoire Naturelle. 6 1 fous pour un rnftanr qu'il plût au fouve- rarn Etre de fnpprimèr la vie de tous les heures du foir ; & cette expérience fe fit en u préfence de huit à dix perfonnes dans' la maifon « de la malade, chez iaquelle je l'avois reportée II «« eft bon de faire obferver que les viandes blanches « faifoient partie du régime que j'avois prefcrit à « cette Demoifelle, Se qu'eî'es étoient fa nourri- « ture ordinaire , aufïï le poulet mâché s'eft-H « également trouvé du goût de ma chenille. « Je l'ai nourrie de cette manière depuis le 8 « juin jufqu'au 27, qu'elle périt par accident, « quelqu'un l'ayant ïaifle tomber par terre, à mon " grand regret; j'aurois été fort curieux de fivoir " fi cette chenille fe ferok métamorphofée , & com- « ment ? ma'gré mes foins & mon attention à la " nourrir félon fon goût , loin de profiter pendant " ïes dix-neuf jours que je l'ai confervée , elle a " dépéri de deux lignes en longueur & d'une « demi -ligne en largeur, je la conferve dans l'ef « prit-de-vin. " Depuis le 17 juin jufqu'au 22, elle fut pa- " refieufe , languiifante , ce n'étoit qu'en la ré- « chauffant a' ec mon haleine que je la faifois « remuer ; elle ne faifoit que deux ou trois petits " repas dans la journée, quoique je lui préfentafle « de la nourriture bien plus fouvent; cette lan- « gueur me fit efpérer de la voir changer de « peau, mais inutilement; vers le 22, fa vigueur " & fon appétit revinrent fans qu'elle eût quitté fa " dépouille. » Fiiis de deux cens perfonnes de toutes condi- « 61 Supplément individus a&uellement exiftans, que tous fuiTent frappés de mort au même inftant \ » tions ont affilié à fes repas, qu'elle recommençoit » cîix à douze fois le jour, pourvu qu'on lui don- » nât des mets feion fon goût, & récemment mâ- » chés ; car fitôt qu'elle avoit abandonné un mor- » ceau elle n'y revenoijt plus. Tant qu'elfe a vécu , » j'ai continué tous fes jours de mettre dans fa » boîte différentes efpèces de feuilles fans qu'elle m en ait accueilli aucune . . . . & il eft de fait » inconteftab'e, que cet infe&e ne s'eiï nourri >» que de viande depuis le 9 juin jufqu'au 27. » Je ne crois pas que jufqurà préfent, les Na- » turaliftes aient remarqué que jes chenilles or- » dinaiies vivent de viande ; j'ai fait chercher & » j^'ai cherché moi-même des chenilles de toutes »> les efpèces, je les ai fait jeûner plufieurs jours, & *9 je n'en îii trouvé aucune qui ait pris goût à la » viande crue , cuite ou mâchée. . . . » Notre chenille a donc quelque chofe de fin- » gulier & qui méritoit d'être obfervé , ne feroit- » ce que fon goût pour la viande, encore failoit- » il qu'elie fût récemment mâchée ; autre finguïa- y> rite vivant dans i'eftomac elle étoic w accoutumée à un grand degré de chaleur, &je >j ne doute pas que ie degré de chaleur , moindre » de l'air où elle fe trouva îorfqu'elle futrejetée^ fi ne foit la caufe de cet engourdilfement où je ii la trouvai le matin, & qui me la fit croire r> morte, je ne la tirai de cet état qu'en l'échauf- » fant avec mon haleine, moyen dont je me fuis *> toujours fervi quand elle m'a paru avoir moins à PHi/toire Naturelle. 6$ î:es molécules organiques ne îaifïeroient pas de furvivre à cette mort univeiTellev de vigueur : peut-être auflr le manque de cha- ««■ leur a-t-if été caufe qu'elle n'a point changé ce «• peau, qu'elle a fenlibfement dépéri pendant le << temps que je J'ai confervée " Cette chenille étoit brunâtre avec des bandes m longitudinales plus noires , elle avoit feize jambes " & marchoit comme les autres cheniiïes; elleavoit <* de petites aigrettes de poiî , principalement fur « îes anneaux de Ton corps La tête nbre, « brillante , écailïeufe , diviîl'e par un fillon en deux « parties égales, ce qui pourrait faire prendre ces « deux parties pour les deux yeux. Cette tête eft " attachée au premier anneau ; quand îa chenille « s'alonge, on aperçoit entre la tête & le premier a anneau , un intervalle membraneux d'un blanc- «•- fa!e,que je croirais être ie cou, il, entre les autres « anneaux,, je n'eus pas également diftingué cet in- « tervàlïe, qui eft fur tout fenfibïe entre ie premier " & le fécond, & le devient moins à proportion « de l'éloignemcnt de ia tête. « Dans le devant de îa tête on aperçoit un ef- " pace triangulaire blanchâtre, au bas duquel eft « une partie noire & écailïeufe, comme celle qui « forme les deux angles fupérieurs ; o 1 pourroit « regarder celle-ci comme une efpèce de mufeau... « Fait au Mans, le 6 Juillet 1761. >* Cette relation eft appuyée d'un certificat figné de la malade, de fon Médecin & de quatre au- tres témoins» 64 Supplément îe nombre de ces molécules étant toujours ïe même , & leur elTence indeftru&ible aufîî permanente que celle de la matière brute que rien nauroit anéanti, la Na- ture pofTéderoit toujours la même quan- tité de vie, & Ton verroit bientôt pa- roître des efpcces nouvelles qui rempîa- ceroient les anciennes -, car les molécules organiques vivantes fe trouvant toutes en liberté, & n'étant ni pompées ni ab- forbées par aucun moule fubfiflant, elles pourroient travailler la matière brute en grand •, produire d'abord une infinité d'êtres organifés, dont les uns n'auroient que la faculté de croître & de fe nourrir, volume II Iy ce dans plusieurs autres endroits des vo- lumes fuivans , au fujet de la nutrition , de la génération , de la reproduction, & qui aura médire fur la puiiTance des moules intérieurs , adoptera, fans peine, cette poffibiiiré d'une nouvelle Nature , dont je n'ai fait l'expolition que dans l'hypo^ 6 8 Supplément thèfe de la deftrudtion générale 8c fubîte de tous les êtres fubiïftans \ ïeur organi- sation détruite, leur vie éteinte, leurs corps décompofés, ne feroient pour la Nature, que des formes anéanties , qui feroient bientôt remplacées par d'autres formes , puifque les méfies générales de la matière vivante 8c de ïa matière brute , font & feront toujours les mêmes, puifque cette matière organique vivante , furvit à toute mort, 8c ne perd jamais fon mouvement, fon activité, ni fa punTance de modeler îa matière brute , 8c d'en former des moules intérieurs , c'eft- à-dire, des formes d'organifation capables de croître , de fe développer 8c de fe reproduire. Seule- ment on pourroit croire avec allez de fondement , que îa quantité de îa matière brute, qui a toujours été immenfément plus grande que celle de la matière vivante, augmente avec le temps , tandis qu'au contraire, îa quantité delà matière vivante, diminue 8c diminuera toujours déplus en plus , à mefuie que la Terre perdra, par le refroidiiTement, les tréfors de fa eba- leur , qui font en même-temps ceux à VEiftoire Naturelle. 69 de fa fécondité & de toute vitalité. Car d'où peuvent venir primitivement ces molécules organiques vivantes ? nous ne connoiflbns dans la Nature qu'un feul élément actif , les trois autres iont pure- ment palîifs , & ne prennent de mouve- ment qu'autant que le premier leur en donne. Chaque atome de lumière ou de feu, fufht pour agiter & pénétrer un ou plu- sieurs autres atomes d'air, de terre ou d'eau j Se , comme il fe joint à la force impuliîve de ces atomes de chaleur, une force at- tractive, réciproque Se commune à toutes les parties de la matière, il eft aifé de concevoir que chaque atome brut &paffif, devient actif & vivant au moment qu'il eft pénétré de toutes fes dimensions par l'élément vivifiant -, le nombre des mo- lécules vivantes eft donc en même raifon , que celui des émanations de cette cha- leur douce , qu'on doit regarder comme l'élément primitif de la vie. Nous n'ajouterons rien à ces réflexions ; elles ont befoin d'une profonde connoif- fance de la Nature , & d'un dépouille- ment entier de tout préjugé , pour être jo Supplément adoptées, même pour être fenties*, aînfî, un plus grand développement nefuffiroit pas encore à îa plupart de mes Lecteurs, & feroit fuperflu pour ceux qui peuvent m'entendre. a VHîjloire Naturelle. 7 1 ADDITION A V article de V Accouche- ment > volume IV; f/z-n^ pages 84 & fuivantes. I. Observation fur l'Embryon _, qu'on peut joindre a celles que j'ai déjà citées, JYL Roume de Saint-Laurent , dans 111e de Grenade, a eu occasion d'obferver la faufle couche du ne négrefTe qu'on lui avoit apportée : il le trouvoit dans une quantité de fang caillé , un Tac de îa grofïeur d'un œuf de poule j l'enveloppe paroiffok fort épaifîe > & avoit adhéré 3 par fa furface extérieure , à îa matrice 5 de forte qu'il fe pourroit qu'alors toute 7 1 Supplément l'enveloppe ne fût qu'une efpèce de pla- centa, ce Ayant ouvert le fac, dit M.Roume, »je l'ai trouvé rempli d'une matière » épaifte comme du blanc d'eeuf, d'une •> couleur tirant fur îe jaune : l'embryon » avoir un peu moins de fîx lignes de » longueur, il tenoit à l'enveloppe par »un cordon ombilical forr large & très- » court, n'ayant qu'environ deux lignes w> de longueur : la tête, prefque informe, s» fe diftinguoit néanmoins du refte du v> corps -, on ne diftinguoit point la bouche, 33 le nez, ni les oreilles*, mais les yeux o^paroiftoient par deux très-petits cercles » d'un bleu foncé. Le cœur étoit fort gros , » & paroiiïoit dilater , par fon volume , »la capacité delà poitrine. Quoique j'eufTe ternis cet embryon dans un plat d'eau » pour le laver , cela n'empêcha point »que îe cœur ne battît très- fort, & en- » viron trois fois , dans l'efpace de deux » fécondes, pendant quatre ou cinq mi- aonutes*, enfuite les battemens diminué- 33 rent de force & de vîtefte , & cefsèrent » environ quatre minutes après. Le coccix a? étoit alongé d'environ une ligne & » demie , ce qui auroît fait prendre , à h 3> première à VHijloire Naturelle. 7 j » première vue , cet embryon pour celui »d'un flnge à queue. On ne diftinguoit » poinr les os \ mais on voyoit cependant, »au travers de la peau du derrière delà » tête , une tache en lofange , dont les » angles étoient émouiTés , qui paroiflort » l'endroit où les pariétaux coronaux » 8c occipitaux dévoient fe joindre dans »Ia fuite -, de forte qu'ils étoient déjà *>cartil3g'meux à la bafe. La peau étoit »une pellicule très - déliée *, le cœur » étoit bien viiible au travers de la peau, . ». & d'un rouge pâle encore , mais bien » décidé. On diftin^uoit aufîi à la baie du »cœur , de petks alongemens , qui » étoient vraifemblablement les com- as mencemens des artères , 8c peut - être » des veines *, il n'y en avoit que »deux qui fuilent bien diftin&s: je n'ai » remarqué ni foie , ni aucune autre »gTande» *. Cette obfervation de M. Roume s'ac- corde avec celles que j'ai rapportées fur * Journal de Phyfique, par M. Fabbé Rozier^ Juillet J175, Paëes 52 # 53' 2 orne XI, D 74 Supplément la forme extérieure & intérieure du fœtus> dans ies premiers jours après la concep- tion, & ilferoit àdefirer qu'onenraiTsin- blât, fur ce fujet, un plus grand nombre que je n'ai pu le faire 5 car le développe- ment du fœtus , dans les premiers temps après fa formation, n'en: pas encore allez connu , ni aflez nettement préfenté par les Anatomiftes *, le plus beau travail qui fe foit fait en ce genre , eft celui de Malpighi & de Valiinieri, fur le déve- loppement du poulet dans l'œuf ^ mais nous n'avons rien d'aufîî précis, ni d'aufli bien fuivi fur le développement de l'em- bryon dans les animaux vivipares , ni du fœtus dans i'efpèce humaine j & cepen- dant , dans les premiers inflans , ou fi l'on veut , les premières heures qui fui- vent le moment de la conception , font ies plus précieux , ies plus dignes de la curioiité des Physiciens & des Anatomiftes: on pourroit ailément faire une fuite d'ex- périences fur des animaux quadrupèdes , qu'on ouvriroit quelques heures & quel- ques jours après la copulation , & du ré- fultat de ces obfervations on conclu roit pour le développement du fœtus humain 1 à VHlJloire Naturelle. 7 5 parce que l'analogie (croit plus grande & les rapports plus voilins que ceux qu'on peut tirer du développement du poulet dans l'œuf î mais, en attendant, nous ne pouvons mieux faire que de recueillir, raiïembler , & en fuite comparer toutes îes obfervations que le ha fard ou les ac- cidens peuvent préfenter fur les concep- tions des femmes dans les premiers jours, & c'en: par cette raifon que j'ai cru devoir publier l'obfervation précédente. I I. Observation fur une naiffancc tardive. J'ai dit, volume IV ^ page 1 24 & fuir. <§u'on avoit des exemples de grodeffes de dix, onze , douze & même treize mois. J'en vais rapporter une ici que les perfonnes intérelïées m'ont permis de citer , je ne ferai que copier le Mémoite qu'ils ont eu la bonté de m'envoyer. M. de la Motte, ancien Aide- Major des Gardes Françoifes, a trouvé, dans les papiers de feu M. de la Dij 7 6 Supplément Motte Ton père, h relation fuivante, cer- tifiée véritable de lui , d'un Médecin , d'un Chirurgien , d'un Accoucheur 3 d'une Sage- Femme , & de Madame de la Motte Ton époufe. Cette Dame a eu neuf enfans*, favorr, trois filles & fix garçons, du nombre des- quels deux filles & un garçon font morts en naiflànt , deux autres garçons font morts au fervice du Roi , on les cinq garçons reftans avoient été placés à l'âge de quinze ans. Ces cinq garçons , & îa fille qui a vécu, étoient tous bien faits, d'une jolie figure, ainfi que le père & la mère, & nés comme eux s avec beaucoup d'intelligence , ex- cepté le neuvième enfant, garçon, nommé au baptême Auguftin-Paul , dernier enfant que îa mère ait eu , lequel , fans être ab- solument contrefait , eft petit , a de grottes Jambes , une grplïe tête 5 & moins d'efprit que les autres. H vint au monde le io Juillet 173? s avec des dents 8c des cheveux , après treize mois de groiTetfe, remplis de plu- sieurs accidens iurprenans dont fa mère fui très-incQmnaodée* à VHifioire Naturelle. y y Elle eut une perre confidérable en Juiiler 1754-Î une jaunitTe dans le même- temps , qui rentra & dffparut par une fagnèe qu'on fe crut obligé de lui faire, & après laquelle la groileiie parut entiè- rement évanouie. Au mois de Septembre, un mouve- ment de l'enfant fe fit fentir pendant cinq jours , & ceiîant tout d'un coup , la mère commença bientôt à épailîîr confidéra- blement & visiblement dans le même mois -, &, au lieu du mouvement de l'en- fant, il parut une petite boule, comme de la grofleur d'un œuf , qui changeoit de coté, & fe trouvoit tantôt bas, tantôt haut , par des mouvemens très-fenfibles. La mère fut en travail d'enfant vers le 1 o d'Odobre ; on la tint couchée tout ce mois , pour lui faire atteindre le cin- quième mois de fa groflefïe, ne jugeant pas qu'elle pût porter fon fruit plus loin, à caufe de la grande dilatation qui fut re- marquée dans la matrice. La boule en queftion augmenta peu-à-peu , avec les mêmes changemens , jufqu'au 2 Février 1735 j rns^s à la fin de ce mois , ou en- viron , l'un des porteurs de chaife de la Diij 7 S Supplément mère (qui habitoit alors une vilïe de?rb» vince), ayant gliiîé & laiilé tomber la chaife, le fœtus fit de très -grands mou- vemens pendant trois ou quatre heures, par la frayeur qu'eut la mère \ enfuite il revint dans la même difpoiîtion qu'au paiîé. La nuit qui fuivit ledit jour , i Février | la mère avoit été en travail d'enfant pen- dant cinq heures , c'étoit le neuvième mois de la grcffeile, & l'Accoucheur, ainfî que la fage ~ femme, avoient aiïuré que l'accouchement viendroit la nuitfuivante. Cependant il a été dhïéré jufqu'en Juillet» malgré les diipofitions prochaines d'ac- coucher où fe trouva la mère , depuis ledit jour, i Février, & cela très- fré- quemment. Depuis ce moment, le fœtus a toujours été en mouvement , & fî violent pendant les àeuy: derniers mois, qu'il fen bloit quelquefois qu'il alloit déchirer fa mère, à laquelle il caufoir de vives douleurs. Au mois de Juillet, elle fut trente lîx heures en travail -, les douleurs étoient fupportables dans les commencemens,& le travail fe lit lentement , à l'exception À VUijloire Naturelle. 7 9 clés deux dernfères heures, fur la fin des- quelles , l'envie qu'elle avoir d'être dé- livrée de fon ennuyeux fardeau , & de la fituation gênante dans laquelle on fut obligé de la mettre , à calife âù cordon qui vint à fortir, avant que l'entant parûr3 lui fit trouver tant de forces, qu'elle en- levoit trois perfonnes : elle accoucha plus par les drorts qu'elle lit , que par les (e- cours du travail ordinaire. On la crut long-temps greffe de deux eiifans , ou d'un enfant & d'une molle. Cet événe- ment fit tant de bruit dans le pays , que M. de la Motte, père de l'enfant , écrivit îa prélënte relation pour la conferver, I I I. Observation fur une nai£ance très-précoce. J'ai dit, volume IV^page 133 & fuiv. qu'on a vu des enfans nés à la feptième , 8c même à îa fixième révolution , c'eft-à- dire , à cinq ou i»îx mois , qui n'ont pas îaidé de vivre ; cela efl: très-vrai, du moins pour (îx mois , j'en ai eu récemment u* Div So Supplément exemple fous mes yeux : par des cîrconf- tances particulières, j'ai é:é afïuré qu'un accouchement arrivé iix mois onze jours après la conception , ayant produit une petite fille très- délicate, qu'on a élevée avec des foins & des précautions extraor- dinaires, cet enfant n'a pas lardé de vivre & vit encore âgé de onze ans *, mais le développement de Ton corps & de fon efprit, a été également retardé par la foi- blefîè de fa nature : cet enfant eft encore d'une très-petite taille , a peu d'efprit & de vivacité ; cependant fa famé , quoique foible , eft aiTez bonne. h l'Hiftoire Naturelle. 8 î ADDITION A V article de L 'Enfance ; vol. IV, in- 1 % y page î 3 9 . I. Enfans nouveaux-nés auxquels on eft obligé de couper le filet de la langue, vJn doit donner à teter aux enfans dix ou douze heures après leur nai(Tance> mais il y a quelques enfans qui ont le filet de la langue iî court, que cette es- pèce de bride les empêche de teter , & Ton en; obligé de couper ce filet y ce qui eft d'autant plus difficile , qu'il eft plus court , parce qu'on ne peut pas lever le bout de la langue pour bien voir ce que i'on coupe -, cependant, lorfquelenleteft coupé, il faut donner à teter à l'enfant tout de Cuite après l'opération , éar il eft 8 2, Supplément arrivé quelquefois que, faute de cette at- tention , l'enfant avaîe fa langue à force de fucer le fang qui coule de la petite plaie qu'on iui a faite (a). I I. Sûr Vufage du Maillot & des Corps. J'ai dit yvoL IV \ pages iço & ipfy que les bandages du maillot > ainlî que les corps qu'on fait porter aux enfans, &aux filles dans leur jeuneile, peuvent corrom- pre i'ailembiage du corps , & produire plus de dirrormités qu'ils n'en préviennent. On commence heureufement à revenir un peu de cet ufage préjudiciable , & l'on ne ïauroit trop répéter ce qui a été dit à ce fujet , par les plus favans Anatomiites. M. Winflow a obfervé, dans piufieurs femmes & filles de condition, que les fa) Voyez ?es Obfervations de M. Petit, fur les maladies dis enfans nouveaux-nés, Mémoires de i'Académie des Sciences, aimée 1742^^ 254. à l'HiJloire Naturelle. 8 j cotes inférieures fe trouvoienc plus baffes , ic que îes portions cartilagineufes de ces cotes étoient plus courbées que dans les filles du bas peuple *, il jugea que cette différence ne pouvoit venir que de iufage habituel des corps qui font d'ordinaire extrêmement ferrés par en bas. Il ex- plique & démontre , par de très-bonnes îaifons, tous les inconvéniens qui en ré- sultent j la refpiration gênée par le ferre- ment des côtes inférieures , & par la voûte forcée du diaphragme , trouble la circu- lation , occafionne des palpitations , des vertiges, des maladies pulmonaires, &c. la comprefïion forcée de leftomac, du foie & de la rate , peut aufîi produire des accidens plus ou moins fâcheux par rapport aux nerfs, comme des foiblelïes, des Suffocations, des tremblemens, &c. (b)m Mais ces maux intérieurs ne font pas les feuls que l'ufage des corps occafionne: bien loin de redreller les tailles dëfec- tueu'fes , ils ne font qu'en augmenter les défauts, & toutes les perfonnes fenfées (h) Mémoires de l'Académie des ' Sciences j D vj 8 4 Supplément devroient profcrire, dans leurs familles ^ l'ufage du maillot pour leurs enfans, & plus févèrement encore lufage des corps pour leurs filles , fur- tout avant quelles aient atreint leur accroi(îèment en entier. I I I. Sur V accroiÇfement fuccejjif des Enfans > vol. IV, page 2, 1 5. Voici la Table de raccroifTemcnt fucceffif d'un jeune homme de la plus belle venue , né le 11 avril 1759, & qui avoir , pieds, ponces. îignej< Au moment de fanaifTance.. i. 7. g Alix mois, c'eft à-dire, le il o&obre fuivant, il avoit 2.. g m Ainfî > fon accroiiîement de- puis la naillance dans les premiers flx mois a été de cinq pouces. A un an, c'eit-à-dire, le 1 1 avril 1760 , il avoit.. . 2. $• § Aînii, fon accroitrement pen- dant ce fécond femeître a été de trois pouces. à VHiJloire Naturelle. 8 5 pieds, pouces, ligne». À dix-huit mois , c'cft-à- dire 5 le 1 1 o&obre 1 7 60 , il avoit 1, 6. g Ainfî , il avoit augmenté dans le troifîème femef- tre de trois pouces. A deux ans, c'efV-à-dire , le 1 1 avril 1761 , il avoit 2, 9. 3. Et par conféquent il a aug- menté dans le quatrième femeftre de trois pouces trois lignes. A deux ans & demi , c'eft- à-dire, le 11 odobre 1761 , il avoit 2. 10, 5 ~» Ainlî , il n'a augmenté dans ce cinquième femeflre que d'un pouce & une demi-ligne. A trois ans, c'eft-à-dire , le 11 avril 1762, il avoit.. 3, M G, Il avoit par conféquent aug- menté dans ce lîxième femeitre de deux pouces deux lignes & demie. A trois ans & demi, c'etë- à-dire,le 11 octobre 1761, il avoit 3. 1. j9 Et par conféquent il n'avoit augmenta daas çç fep- 8 6 Supplément pieds, pouces, fcgnet» ticme îemaftre que de fept lignes, A quatre ans, c'eft -à-dire, le il avril 17^3» il avoit 3» 2» le *• II avoit donc augmenté dans ce huitième femef- tre d'un ponce neuf lignes & demie. A quatre ans fept mois* c'eft-à-dire, le n no- vembre 1763 , il avoit.. . h 4» fit» Et avoit augmenté dans ces fept mois d'un pouce fept lignes. A cinq ans , c'eft-à-dire , le 11 avril 1764, il avoit 3. U 3* H avoit donc augmenté dans ces cinq mois de neuf lignes & demie. A cinq ans fept mois, c'eft- à-dire , le 1 1 novembre 1764, il avoit . . 3. ^» *•• Il avoit donc augmenté dans ces fept mois d'an pouce cinq lignes. A fix ans c'eft-à-dire, le |i avril. 176 î, il avoit... 3» 7» *~V ïl a augmenté d.-ms ces cinq mois de dix lignes & demie, à l'Hipire Naturelle. S 7 pieds, pouces, lignes^ A fix ans fîx mois dix-neuf jours, c'eft- à-dire, le 30 o&obre 176 f , il avoit... 3. 9. f, Et par conféquent il avoit grandi dans ces Cix mois dix-neuf jours d'un pouce dix lignes èc demie. A fept ans, c'eft-à-dire, le 11 avril 1766, il avoit.. 3. $. II*. Il n'avoit par conféquent grandi dans ces cinq mois onze jours que de ûx lignes. A fept ans trois mois s c'eft- à-dire, le 1 1 juillet 1766, i'1 avoit 3. 10. ti. Ainil, dans ces trois mois, il a grandi d'un pouce. A fept ans ôc demi > c'efr- à-dire , le 11 octobre 1756, il avoit 3. II. 7. Ainfi, dans ces trois mois, il a grandi de huit lignes. À huit ans, c'eit- à-dire , le 11 avril 1767, il avoit.. 4. g 4» Et par conféquent il n'a grandi dans ces fix mois que de neuf lignes. A huit ans & demi, c'eft-à- dire , le 1 1 oclobre 1 7 67s il avoit.., . . 4. î. 7 ~. 8 8 Supplément pieds, pouces, lignes* Et par conféquent il avoit grandi dans ces fîx mois d'un pouce trois lignes <5c demie. A neuf ans , c'eft-à-dire , le ii avril 1768 , il avoit 4. z. 7 f. Et par conféquent dans ces iîx mois il a grandi d'un pouce. À neuf ans fept mois douze jours , c'eft - à - dire , le 23 novembre 1768 , il avoit 4. 3. ? 7, Et par conféquent il avoit augmenté dans ces fept mois douze jours d'un pouce deux lignes. A dix ans, c'eft -à -dire , le 11 avril 176?, il avoit 4. 4. J -♦ Il avoit donc grandi dans ces quatre mois dix-huit jours de huit lignes. A onze ans ôc demi, c'eft- à-dire , le 11 octobre 1770, il avoit 4. *"» Iï» Et par conféquent il a grandi dans dix-huit mois de deux pouces cin^ lignes & demie. à VHiftoire Naturelle. 89 pieds, pouces, lignes* À douze ans , c'eft-à-dire > le 1 1 avril 1771 > il avoir. 4. 7* U Et par conféquent il n'a gr.m.li dans ces llx mois que de llx lignes A douze ans huit moisi c'eft-à dire , le 1 1 décem- bre 177 1 j il avoir 4. 8. ir« Et par conféquentil agrandi dans ces huit mois d'un pouce llx lignes. A treize ans, c'eit- à-dire, le 1 1 avril 1772. , il avoir. 4. 9» 4 f« Ainfl, dans ces quatre mois il a grandi de cinq lignes & demie. A treize ans & demi, c'eft-à-dire , le 1 1 octobre 1772, il avoit 4» I0« 7% Il avoit donc grandi dans ces llx mois d'un pouce deux lignes ôc demie. A quatorze ans, c'eft-à- dire , le 1 1 avril 1773 , il avoit f • g *• Il avoit donc grandi dans ces fix mois d'un pouce fept lignes. A quatorze ans llx moii dix jours, c'eft-à-dire , 5>0 Supplément pieds. le 21 o&obre 177* > il avoit.. y. pouces. 2. 4. îïgnea G* Et par conféquent il a grandi dans ces ilx mois dix jours de deux pouces quatre lignes. À quinze ans deux jours , c'eiVà-dire , le 1 î avril 1774 ■> il avott. y. S. Il a donc grandi dans ces cinq mois dix huit jours de deux pouces deux lignes. A quinze ans fîx mois huit jouis, c'eit-à-dire, le 19 o:>obre : 774? il avoit.. . y. J. 7é Il n'a donc grandi dans ces iïx mois iîx jours que de onze lignes, A it\7.t a«»s crois mois huit jours, c'eil:- à-dire, le 19 juillet 1 77 î > il avoit. . . . f . 7. & Il a donc grandi dans ces neuf mois d'un pouce cinq lignes & demie. A feize ans'iîx mois fîx jours , c'eft-à-dire, le i7odobre 177 ^ il avoit -. f. 7. $, Il a donc grandi dans ces deux mois vingt - huit jours de huit lignes & demie. à VHifloire Naturelle. 9 1 piects. pouces, lignes, À dix-fept ans deux jours, c'eft-à-dire , le 13 avril 17765 il avoit U *• *• 11 n'avoit donc grandi dans ces lîx mois deux jours que de cinq lignes. A dix-fept ans un mois neuf jours , c'eft-à-dire , le 10 mai 1776, il avoit. f. 8, J {• Il avoit donc grandi dans un mois fept jours de trois lignes trois quarts. A dix fept ans cinq mois cinq jours, c'ell-à-dire , le 16 feptembre 1776 , il avoit U 8» 10 7 Il avoit donc grandi dans ces trois mois vingt-iïx jours de quatre lignes un quctrt. A dix-fept ans fept mois & quatre jours , c'efl-à-dire , le 1 1 novembre 1776, il avoit U 9' g Toujours mefuré pieds nus èc de la même manière, 6c il n'a par conféquent grandi dans ces deux der- niers mois que d'une ligne êc demie. 9 z Supplément Depuis ce temps , c'eft-à-dire , depuis quatre mois & demi , la taille de ce grand jeune homme eft , pour ainfi dire, fta- tionnaire , & M. Ton père a remarqué que , pour peu qu'il ait voyagé , couru, danfé la veille du jour où l'on prend Ta mefure, il eft au-deftous des neuf pouces le lendemain matin -, cette mefure fe prend toujours avec la même toife , la même équerre , & par la même perfonne. Le 30 Janvier dernier, après avoir parlé toute la nuit au bal , il avoit perdu dix- huit bonnes lignes ; il n'avoit, dans ce moment , que cinq pieds fept pouces fix lignes foibles , diminution bien considé- rable , que néanmoins vingt-quatre heures de repos ont rétablie. Il patoît, en comparant TaccroilTement pendant les femeftres d'été à celui des femeftres d'hiver, que jufqu'à l'âge de cinq ans , la fomme moyenne de l'ac- croiftement pendant l'hiver , eft égale à la fomme de l'accroiftement pendant ete. Mais en compatant l'accroiftement pendant les femeftres d'été , à l'accrohTe- ment des femeftres d'hiver , depuis l'âge à VHijlolre Naturelle. 93 de cinq ans jufqu'à dix , on trouve une très - grande différence , car la fomme moyenne des accroiiîemens pendant Tété, e»nc de fept pouces une ligne , tandis que la fomme des accroiiîemens pendant l'hiver, n'efl: que de quatre pouces une ligne & demie. Et lorfque Ton compare , dans ïes années fuivantes , l'accronTement pendant l'hiver à celui de 1 été , la différence de- vient moins grande -, mais il me femble néanmoins qu'on peut conclure de cette obfervation , que l'accroiffement du corps eft bien plus prompt en été qu'en hiver, & que la chaleur, qui agit généralement fur le développement de tous les êtres organifés , influe confidéiab'.ement fur l'accroifiement du corps humain. Il feroit à deurerque pluheurs perfonnes prilïent îa peine de faire une Table pareille à celle ci, fur i'accroiilement de quelques- uns de leurs enfans. On en pourroit dé- duire des conféquences que je ne crois pas devoir hâfàrder d'après ce feul exem- ple -, il m'a été fourni par M. Gueneau de Montbeiiiard,qui s'en: donné le plailir de prendre toutes ces meiures fur ion fils, ^4 Supplément On a vu des exemples d'un accroiflè- ment très-prompt dans quelques individus -, l'Hiftoire de l'Académie fait mention d'un enfant des environs de Falaife en Nor- mandie , qui n'étant pas plus gros ni plus grand qu'un enfant ordinaire en naillant, avoit grandi d'un demi-pied chaque année, jufqu'à l'âge de quatre ans , où il étoit parvenu à trois pieds & demi de hauteur, & dans les trois années fuivantes, il avoit encore grandi de quatorze pouces qua- tre lignes -, en forte qu'il avoit , à l'âge de fept ans , quatre pieds huit pouces quatre lignes étant fans fouliers (c). Mais cet accroiiîement, fi prompt dans le pre- mier âge de cet enfant , s'efb enfuite ra- lenti -, car , dans les trois années fuivantes , il n'a crû que de trois pouces deux lignes \ en forte qu'à l'âge de dix ans , il n'avoir que quatre pieds onze pouces fix lignes, & dans les deux années fuivantes , il n'a crû que d'un pouce de plus -, en forte qu'à douze ans , il avoit en tout cinq pieds fîx lignes. Mais, comme ce grand (c) Hifloire de l'Académie des Sciences, cumée à VHiJIoire Naturelle, 95 enfant étoic en même- temps d'une force extraordinaire , & qu'il avoir des (îgnes de puberté dès l'âge de cinq à lix ans , on pourroit préfumer , qu'ayant abufé des forces prématurées de fon tempérament , /on accroiiïement s'étoit ralenti par cette caufe (d). Un autre exemple d'un très -prompt accroiiïement 3 eft celui d'un enfant né en Angleterre , & dont il eft parlé dans les Tran factions Philofophiques , N,Q 47 s * art. 11. Cet enfant , âgé de deux ans & dix' mois , avoit trois pieds huit pouces & demi. A trois ans un mois, c'eft- à-dire, trois mois après , il avoit trois pieds onze pouces. Il pefoit alors quatre flones, c'eft-à- dire , 56 livres. Le père & îa mère étoient de taille commune, & l'enfant, quand il vint au monde , n'avoit rien d'extraordinaire , »■ 1 ■ • > > ' ■ ■ . (à) H iiïoire de l'Académie des Sciences, aiwk ç 6 Supplément feulement les parties de la génération étoient d'une grandeur remarquable. A trois ans , h verge en repos , avoit trors pouces de longueur, & en action , quatre pouces trois dixièmes , & toutes ïes parties de la génération étoient ac- compagnées d'un poil épais & Frifé. A cet âge de trois ans, il avort la voix mâle , l'intelligence d'un enfant de cinq à lîx ans, & il battoit & terraiïoit ceux de neuf ou dix ans. Il eut été à defirer qu'on eut fuivi plus ïoin TaccroilTement de cet enfant fi pré- coce *, mais je n'ai rien trouvé de plus à ce iujet dans les Tranf actions Phiiofo- phiques. Pline parle d'un enfant de deux ans , qui avoir trois coudées , c'eft-à- dire , quatre pieds & demi -, cet enfant mar- choit lentement , il étoic encore fans raifon , quoiqu'il fût déjà pubert , avec i;ne voix maie Se forte, il mourut tout- à coup , à ïàge de trois ans , par une contraction convulhve de tous fes mem- bres. Pline ajoute avoir vu lui-même un accioiilement à peu-près pareil, dans le m à PHijîoire Naturelle. 97 fils de Corneille Tacite , chevalier Ro- main , à l'exception de la puberté qui lui manquoit , & û fembie que ces in- dividus précoces, fuiîent plus communs autrefois qu'ils ne le font aujourd'hui , car Pline dit expressément que les Grecs les appeloient eclrapelos , mais qu'ils n'ont point de nom dans la langue latine. Pline y liv. VU, cap. 16. Tome XL 5 8 Supplément AD DITION A V article, de la Puberté ? volume IV, z/z-iz, p. 2,2,1. .Oans î'Hiftoire de la Nature entière, rien ne nous touche de plus près que l'hiftoire de l'Homme , & dans cette hîftoire phyfique de l'homme , rien n'eft plus agréable & plus piquant , que le tableau fidèle de ces premiers momens où l'homme Te peut dire Homme. L'âge de la première & de la féconde enfance d'abord ne nous pré fente qu'un état de misère s qui demande toute efpèce de fecours , & enfuite un état de foibleilè , qu'il faut foutenir par des foins conti- nuels. Tant pour l'efprit que pour îe corps , l'enfant n'eft rien , ou n'eft que peu de chofe , jufqu'à l'âge de puberté -, mais cet âge eft l'aurore de nos premiers beaux jours 3 c'eft le moment où toutes les facultés , tant corporelles qu intel- a VHifloirc Naturelle. 9 9 îectuelles, commencent à entrer en plein exercice , où les organes ayant acquis tout ïeur développement, le fentiment s'épa- nouit comme une belle fleur, qui bientôt doit produire le fruit précieux de la raifon. En ne considérant ici que le corps & les fens , l'exigence de l'homme ne nous paroîtra complète , que quand il peut la communiquer j jufqu'alors fa vie n'en1, pour ainii dire , qu'une végétation , il n'a que ce qu'il faut pour être Se pour croître , toutes les puiîïances intérieures de fon corps fe réduifent à fa nutrition Se à fon développement -, les principes de vie, qui confiftent dans les molécules or- ganiques vivantes qu'il tire des alrmens, ne font employés qu'à maintenir la nu- trition , & font tous abforbés par l'ac-, croifïement du moule , qui s'étend dans toutes fes dimenfions ', mais , ïorfque cet accroiflement du corps eft à peu-près à fon poinr, ces mêmes molécules organiques vivantes , qui ne font plus employées à Tex- tenfion du moule , forment une furabon* dance de vie , qui doit fe répandre au- çlehors pour fe communiquer : le vœu çje la Nature n'eft pas de renferme* Eij ICO Supplément notre exiftence en nous-mêmes 5 par îa même loi qu'elle a fournis tous les êtres à la mort, elle les a confolés par la fa- culté de fe reproduire -, elle veut donc que cette furabondance de matière vi- vante, fe répande & foit employée à de nouvelles vies , & quand on s'obftine à contrarier la Narure , il en arrive fouvent de funeftes effets , dont il eft bon de donner quelques exemples. Extrait d'un Mémoire adrefïé à M. de Burî'on, par M.* ** le i.er O&obre 1774. et Je naquis de parens jeunes &robuftes; je parlai du fein de ma mère entre fes bras , pour y être nourri defon lait; mes organes & mes membres fe développè- rent rapidement , je n'éprouvai aucune des maladies de l'enfance. J'avois de la facilité pour apprendre , & beaucoup d'acquk pour mon âge. A peine avois-je onze ans , que la force & la maturité précoce de mon tempérament, me firent fentir vivement les aiguillons d'une palîîon qui , communément, ne fe déclare que plus tard. Sans doute je rae ferois livré dès-lors au plailîr qui m'entraînoit jinais, à VHiJloire Naturelle, i c î prémuni par les leçons de mes parens , qui me deftinoient à l'état eccléfiaftique, envifageant ces plarfïrs comme des crimes , je me contins rigoureufement, en avouant néanmoins à mon père , que l'état eccié- iiaftique n étoit point ma vocation } mais il fut fourd à mes repréfentations , & il fortifia fes vues par le choix d'un Direc- teur 3 dont l'unique occupation étoit de former de jeunes Eccléfialliques , il me remit entre fes mains j Je ne lui laiffai pas ignorer l'opporition que je me fentois pour la continence*, il me perfuada que je n'en aurois que plus de mérite, & je fis de bonne foi le vœu de n'y jamais manquer. Je m'erlorçois de chafler les idées contraires , & d'étouffer mes defirs : je ne me permettois aucun mou- vement qui eût trait à l'inclination de la Nature •, je captivai mes regards , & ne les portai jamais fur une perfonne du fexe -, j'impofai la même loi à mes autres fens j cependant le befoin de la Na- ture fe faifoit fentir fi vivement , que je faifois des erîorts incroyables pour y ré- fifter , & de cette oppofition , de ce combat intérieur , il en réfultoit une E iij 102 Supplément frupeur , une efpèce d'agonie , qui me rendoit femblabie à un automate, & m'ô- toic julqu'à la faculté de penfer. La Na- ture , autrefois fi riante à mes yeux 5 ne m'ofïroit plus que des objets trifëes 8c lugubres -, cette triftefle, dans laquelle je vivois , éteignit en moi le defir de m'inf- truire , Se je parvins flupidement à l'âge auquel il fut queftion de fe décider pour ïa prêtrife : cet étatVexigeant pas de moi une pratique de la continence plus par- faite que celle que j'avois déjà obfervée, je me rendis aux pieds des autels avec cetee pefanteur qui accompagnoit toutes mes actions j après mon vœu , je me crus néanmoins lié plus étroitement à celui de chafteté , & à l'ohfervance de ce vœu , auquel je n'avois ci-devant été obligé que comme (impîe Chrétien : il y avoit une chofe qui m'a voit fait toujours beaucoup de peine j l'attention avec laquelle je veillois fur moi pendant le jour, empê- choit les images obfcènesde faire fur mon imagination une imprelTion allez vive &. allez longue , pour émouvoir les organes de la génération , au point de procurer l'évacuation de l'humeur fénainale > mais, à VHiftoire Naturelle, i o 3 pendant le fommeil, la Nature obtenoîé ion foulagement, ce qui me parouToit uri défordre qui m'aftligeoit vivement, parce que je craignois qu'il n'y eût de ma faute , en forte que je diminuai confidé- rablement ma nourriture -, je redoublai fur-tout mon attention & ma vigilance fut moi-même , au point que, pendant le fommeil , la moindre difpofition qui ren- dort à ce défordre , m'éveilloit fur-îe* champ 3 & je l'évitois en me levant en furfaut. Il y avoit un mois que je vivois dans ce redoublement d'attention , 6c j'étois dans la trente-deuxième année de mon âge 5 Iorfquerout- à-coup cette conti- nence forcée , porta dans tous mes fens une fenfibiliré, ou plutôt une irritation que je n'avoîs jamais éprouvée : étant allé dans une maifon , je portai mes regards fur deux perfonnes du fexe , qui rirent fur mes yeux, & de-là dans mon imagi- nation , une fi forte impreffion , qu'elles me parurent vivement enluminées > & refplen diflantes d'un feu femblable à des étincelles éle&riques -, une troifième fem- me , qui étoit auprès des deux autres , ne me fit aucun effet , & j'en dirai ci- E iv 104 Supplément après la raifon > je la voyois reïle qu'elle étoit , c'efl>à-drre , fans apparence d'étin- celles ni de feu. Je me retirai brusque- ment , croyant que cette apparence étoit un preftige du démon ; dans le refte de la journée , mes regards ayant ren- contré quelques autres perfonnes du fexe, j'eus les mêmes illu/îons. Le lendemain , je vis dans la campagne des femmes qui me causèrent les mêmes impreflions, & îorf- que je fus arrivé à la ville , voulant me rafraîchir à l'auberge , le vin , le pain & tous les autres objets , me paroiiloient troubles, 8c même dans une (îtuation ren- verfée. Le jour fuivant, environ une demi- heure après le repas, je fentis tout-à-coup dans tous mes membres, une contraction & une tenfîon violentes, accompagnées d'un mouvement aftreux &convul(ïf, fem- blable à celui dont font fui vies les atta- ques d'épilepfie les plus violentes. A cet état convulfïf fuccéda le délire -, la fargnée ne m'apporta aucun foulagement -, les bains froids ne me calmèrent que pour un inftanr, dès que la chaleur fut reve- nue, mon imagination fut aflaillie par une fouie d'images obfcènes que lui fuggétoit à PHiJloire Naturelle. 105 le beforn de îa Nature. Cet état de dé- lire convuiiif > dura plu(îeurs jours , Se mon imagination , toujours occupée de ces mêmes objets, auxquels fe mêlèrent des chimères de toute efpèce , & fur- tout des fureurs guerrières , dans lef- quelles je pris les quatre colonnes de mon lit, dont je ne fis qu'un paquet, & en lançai une avec tant de force contre la porte de ma chambre, que je la fis fortir des gonds j mes parens m'enchaî- nèrent les mains , Se me lièrent le corps. La vue de mes chaînes, qui étoient de fer , fit une impreflïon fi forte fur mon imagination , que je reliai plus de quinze jours fans pouvoir fixer mes regards fur aucune pièce de fer , fans une extrême horreur. Au bout de quinze jours , comme je paroiflois plus tranquille , on me dé- livra de mes chaînes , Se j'eus enfuite un fommeil allez calme , mais qui fut fuivi d'un accès de délire auffï violent que les précédens. Je fortis de mon lit brufque- ment , Se j'avois déjà traverfé les cours & le jardin, lorfque des gens accourus, vinrent me faifir -, je me Taillai ramener fans grande réfiflance, mon imaginatioa £v io 6 Supplément étok, dans ce moment 8c les jours fui- vans, (ï fort exaltée, que je deffinois des plans & des coinpartimens fur le fol de ma chambre -, j'avois le coup-d'œil (î jufte , & la main (i a durée que , fans aucun inf- trument, je les traçois avec une jufteiTe étonnanre-, mes parens , & d'autres gens (impies, étonnés de me voir un talentque je n'avois jamais cultivé } & d'ailleurs , ayant vu beaucoup d'autres fin gu la rites dans le cours de ma maladie , s'imaginè- rent qu'il y avoît en tout cela du fort.ilége , 8c en conséquence ils rirent venir des charlatans de toute efpèce, pour me gué- rir -, mais je les reçus fort. mal, car quoi- qu'il y eût toujours chez moi de l'aliéna- tion, mon efprit Se mon caractère avoient déjà pris une tournure différente de celle que m'avoit donnée ma triite éducation. Je n'étois plus d'humeur à croire les fa- daifes dont j'avois été infatué j je tombai donc impétueufement fur ces guériileurs de forcieis , & je les mis en fuite: j'eus , en conféquence, plufieurs accès de fureur guerrière , dans Iefqueïs j'imaginai être fucceiTivement Achille 3 Céfa.r & Henri IV, J'exprimois* par mes paroles 6c par mes a PHiJloire Naturelle, i o 7 geftes , leurs caractères , leur maintien & ïeurs principales opérations de guerre , au point que tous les gens qui m'en- vironnoient , en étoient ftupéfiés. Peu de temps après , je déclarai que Je voulois me marier -, il me fembloit voir devant moi des femmes de toutes îes na- tions & de toutes les couleurs -, des blan- ches, des rouges , des jaunes , des vertes, des bafanées, &c. Quoique je n'euiîe ja- mais fu qu'il y eût des femmes d'autres couleurs que des blanches Se des noires -, mais j'ai depuis reconnu , à ce trait & à plufieurs autres, que, par Je genre de maladie que j a vois , mes efprirs exaltés au fuprême degré, il fe faifoit une fe- crette tranfmutation d'eux aux corps qui écoient dans la Nature, ou de ceux- ci à moi , qui fembloit me faire deviner ce qu'elle avoit de fecret j ou peut être que mon imagination , dans fon extrême acti- vité , ne îaidant aucune image à parcou- rir , devoit rencontrer tout ce qu'il y a dans la Nature , & c'eft ce qui , je penfe 3 aura fait attribuer aux fous , le don de la devination. Quoi qu'il en foit, le be foin de la Nature prenant 5 & n'étant plus , E y) io8 Supplément comme auparavant, combattu par mon opinion, je fus obligé d'opter entre toutes ces femmes ; j'en choifis d'abord quelques- unes , qui répondoient au nombre des différentes Nations que j'imaginois avoir vaincues dans mes accès de fureur guer- rière -, il me fembîoit devoir époufer cha- cune de ces femmes félon les ïoix & les coutumes de fa Nation : il y en avoitune que je regardois comme la reine de toutes ïes autres -, c etoit une jeune demoifelle que j'avois vue quatre jours avant le com- mencement de ma maladie : j'en étois dans ce moment éperduement amoureux, j'exprimois mes defirs tout haut , de îa manière la plus vive & la plus énergique *, Je n'avors cependant jamais lu aucun roman d'amour, de ma vie je n'avois fait aucune carefle , ni même donné un baifer à une femme } je parîois néan- moins très- indécemment de mon amour à tout le monde , fans fonger à mon état de Prêtre j j'étois forr furpris de ce que mes parens blâmoient mes propos , & condamnoient mon inclination. Un fom- meil allez tranquille , fuivic cer état de crife amouteufe , pendant laquelle je à CHiftoire Naturelle, i o 9 n'avois fenti que du plaiiir , & après ce fommeil , revinrent le fens 8c la raifon. Réfléchiiîant alors fur ïa caufe de ma maladie, je vis clairement quelle avoit été caufée par la furabondance & la ré- tention forcée de l'humeur féminale,& voici les réflexions que je fis fur le chan- gement fubit de mon caractère & de toutes mes pen fées. i.° Une bonne nature & un excellent tempérament , toujours contredits dans leurs inclinations , & refufés à leurs be- foins , durent s'aigrir 8c s'indifpofer , d'où il arriva que mon caractère , naturelle- ment porté à la joie 8c à h gaieté, fe tourna au chagrin & à la trifteffe , qui couvrirent mon ame d'épaïfîes ténèbres , & engourdilTant toutes les facultés d'un froid mortel , étouffèrent les germes des talens que j'avois fenti pointer dans ma première jeunefïe , dont j'ai dû depuis retrouver les traces; mais hélas ! prefque effacées faute de culture. 2.0 J'aurois eu bien plutôt ïa maladie différée à l'âge de trente-deux ans , fi la Nature 8c mon tempérament n'euiïent été Couvent, 8c comme périodiquement fou* 1 1 o Supplément - îagés par l'évacuation de l'humeur fémt- nale , procurée par ï'illufion & les fonges de la nuit \ en effet , ces fortes d'évacua- tions étoient toujours précédées d'une pefanteur de corps & d'efprit , d'une trifteilè & d'un abattement qui m'infpi- roient une efpèce de fureur , qui appro- choit du défefpoir d'Origène , car j'a vois été tenté mille fois de me faire la même opération. 3.0 Ayant redoublé mes foins & ma vigilance , pour éviter l'unique foulage- ment que fe procuroit furtivement la Na- ture, l'humeur féminale dut augmenter & s'échauffer, &, d'après cette abondance ëc eftervefcence , fe porter aux yeux qui font le fîége & les interprètes des pafïions* fur-tout de l'amour, comme on le voit dans les animaux , dont les yeux , dans Ta&e , deviennent étincelans. L'humeur féminale dut produire le même effet dans les miens , & les parties de feu dont elle étoit pleine , portant vivement contre la vitre de mes yeux , durent y exciter un mouvement violent & rapide , femblable à celui qu'excite la machine électrique > d'où il duc réfulter le même effet, & les à VHijloire Naturelle. 1 1 î objets me paroître enflammés , non pas tous indifféremment, mais ceux qui avoieni rapport avec mes difpoiîtions particu- lières , ceux de qui émanoient certains corpufcules , qui > formant une conti- nuité entr'eux & moi , nous mettoient dans une efpèce de contadl \ d'où il ar- riva que des trois premières femmes que je vis toutes trois enfemble,il n'y en eut que deux qui rirent fur moi cette im- prefîion iingulière , & c'efl: parce que la troifième étoit enceinte , qu'elle ne me donna point de detîrs, &que je ne lavis que telle qu'elle étoit. 4.0 L'humeur devenant de jour en jour plus abondante , & ne trouvant point d'iflue , par la réfolution confiante où j'étois de garder la continence , porta tout d'un coup à la tête , & y caufa le délire fuivi de convuliions. On comprendra aifément que cette même humeur trop abondante , jointe à une excellente organifation, devoit exalter mon imagination-, toute ma vie n'avoit été qu'un effort vers la vertu de la chaf- teté *, la paffion de l'amour y qui , d'après mes difpofîtionç naturelles , aurok dû fe ï i 2 Supplément faire fentir îa première , fut la dernière à me conquérir , ce n'eit pas qu'elle n'eût formé la première de violenres attaques contre mon ame-, mais mon état , toujours préfent à ma mémoire , faifoit que je ia regardois avec horreur -, & ce ne fut que quand j'eus entièrement oublié mon état, & au bout des fix mois , que dura ma maladie , que je me livrai à cette paillon , & que je ne repoufîai pas les images qui pou voient la fatisfaire. Au relie, je ne me flatte pas d'avoir donné une idée jufte , ni un détail exact plus d'une fois je m'écriai avec Job : Lux cur data mi fer 0 r» Je termine ici l'extrait de ce Mémoire de M. * * * qui m'eft venu voir de fort loin pour m'en ceitifierles faits*, c'en: un homme bien fait, très- vigoureux de corps, & en même-temps fpirituel, hon- nête & très - religieux -, je ne puis donc douter de fa véracité. J'ai vu, fous mes yeux , l'exemple d'un autre Eccléiiaftique qui , défefpéré de manquer trop fouvent au devoir de fon état, s'eft fait lui-même l'opération d'Origène. La rétention trop ïongue de la liqueur féminale, peut donc caufer de grands maux d'efprit & de corps , la démence & l'épilepfie , car h maladie de M. * * * n'étoit qu'un délire épiîeptique qui a duré fîx mois. La plu- part des animaux entrent en fureur dans le temps du rut, ou tombent en convuî- fîon , lorfqu'iis ne peuvent fatisfaire ce befoin de Nature *, les perroquets , les ferins, les bouvreuils & plufîeurs autres oifeaux, éprouvent tous les effets dune i i 4 Supplément véritable épilepfie, lorfqu'ils font privés de leurs femelles. On a fouvent remarqué dans les ferins , que c'eft au moment qu'ils chantent le plus fort. Or , comme je l'ai dit (a) > le chant eft dans les oifeaux l'exprefTion vive du fentiment d'amour \ un ferin féparé de fa femelle, qui la voit fans pouvoir l'approcher , ne celle dé chanter , & tombe enfin tout- à -coup, faute de jouifTance 5 ou plutôt de l'émif- fion de cette liqueur de vie , dont la Na- ture ne veut pas qu'on renferme la fura- bondance , & qu'au contraire elle a def- tinée à fe répandre au-dehors, & palier de corps en corps. Mais ce n'eft que dans la force de l'âge & pour les hommes vigoureux , que cette évacuation eft abfolument né- ceiîàire, elle n'eft même faîutaire qu'aux hommes qui favent fe modérer -, pour peu qu'on fe trompe , en prenant fes defirs pour des befoins , il réfulte plus de mal de la jouiiïance que de la privation -, on a peut-être mille exemples de gens perdus (a) Hiftoire Naturelle des Oifeaux , tome L Difcours fur ïa nature des Oifeaux. a VHijîoire Naturelle, i i 5 par les excès , pour un feul exemple de continence. Dans ïe commun des hommes, dès que Ton a palTé cinquante -cinq ou foixante ans, on peut garder en confcience 6c Tans grand tourment , cette liqueur , qui , quoique auffi abondante , efl bien moins provocante que dans la jeunefle , c'eft même un baume pour fâge avancé*, nous finirons à tous égards, comme nous avons commencé. L'on fait que 5dans l'en- fance , & jufqu'à la pleine puberté, il y a de l'ére&ion fans aucune émifîîon , la même chofe fe trouve dans la vieillefle» l'érection fe fait encore fentir a(ïez long- temps , après que le beCo'm de l'évacuation a ce(Tê, 8c rien ne fait plus de mal aux vieillards, que de fe laiflèr tromper par ce premier ligne , qui ne devroit pas leur en impofer , car il n'eft jamais auffî plein , ni auffi parfait que dans la jeu- nefïe*, il ne dure que peu de minutes, il n'eft point accompagné de ces aiguillons de la chair , qui feuïs nous font fentir le vrai befoin de nature dans la vigueur de lage *, ce n'eft. ni le toucher, ni la vue qu'on eu: le plus preffé de fatisfaire , c'efr un fens différent, un fens intérieur 6c particulier , i 16 Supplément bien éloigné du fiége des autres fens, par lequel la chair fe fent vivante , non-feu- lement dans les parties de la génération , mais dans toutes celles qui lesavoifinent: dès que ce fentiment nexifte plus , la chair eft morte au plaifir, & la continence efi plus falutaire que nuifibîe. à VHijîoire Naturelle, i i 7 ADDITION A l'article de la dejcription de l'Homme, volume IV^ in- 1 1 y pages j 3 1 & fuiv. I. Hommes d'une grqffèur extraordinaire. Il se trouve quelquefois des hommes d'une grolTeur extraordinaire *, l'Angle- terre nous en fournit plufîeurs exemples. Dans un voyage que le Roi Georges II fit, en 1724, pour vifiter quelques-unes de fes Provinces , on lui préfenta un homme du Comté de Lincoln , qui pe- foit cinq cens quatre-vingt-trois livres poids de marc : la circonférence de fon corps étoit de dix pieds Anglois, & fa hauteur de fix pieds quatre pouces *, il mangeoit dix - huit livres de bœuf pa£ ï i 8 Supplément jour -, il efb mort avant l'âge de vingt- neuf ans , & il a îaifTé fept enfans (a ). Dans Tannée 1750, le ic Novembre, un Anglois , nommé Edouard Brimht , marchand, mourut âgé de vingt-neuf ans, à Mader en Efïèx , il pefoit fix cens neuf livres poids Anglois , & cinq cens cin- quante-fept livres poids de Nuremberg -, fa grofTeur éroit fi prodigieufe, que fept perfonnes , d'une taille médiocre , pou- voient tenir enfembîe dans fon habit , & ïe boutonner (b ). Un exemple encore plus récent , efl celui qui efl: rapporté dans la Gazette Angîoife, du 24. Juin 1775 ? dont voici l'extrait» « M. Sponer efl: mort dans la Province de "Warwrck. On le regardoit comme l'homme le plus gros d'Angleterre , car quatre ou cinq femaines avant fa mort, (a) Voyez les Gazettes Angloifes. Décembre 3724, (b) Lmn< Natur. fyftem. Édit. aHem-mde. Nu* remberg, 1773, Ier vol. page 104, avec la figure de ce très-gros homme ? pi. 2. à UHijloire Nature lie. 119 il pefok quarante Jiones neuf livres (c'eft- à-dire, 649 livres) ', il étoit âgé de cin- quante-fept ans , & il n'avoir, pas pu fe promener à pied depuis plufîeurs années; mais il prenoît l'air dans une charrette auiîi légère qu'il étoit pefant , attelée d'un bon cheval : mefuré après fa mort, fa largeur d'une épaule à l'autre, étoit de quatre pieds trois pouces : il a été amené au cimetière dans fa charrette de promenade. On fit le cercueil beaucoup trop long, à deflein de donner aGTez de place aux perfonnes qui dévoient porter le corps, de la charrette à l'Eglife, & de-ïà à la fofïe. Treize hommes portoient ce corps , fix à chaque coté , & un à l'ex- trémité. La graiffe de cet homme fauva fa vie il y a quelques années -, il étoit à la foire d'Àtherfton, où s'étant querellé avec un Juif 3 celui-ci lui donna un coup de canif dans le ventre , maïs la lame étant courte , ne lui perça pas les boyaux , 8c même elle n'étoit pas affez longue pour parler au travers de la graifTe. On trouve encore, dans les Tranfa&rons Philofophiques , n° 47 p j art, 2 s uq i 2 o Supplément exemple de deux frères, dont l'un pefok trente-cinq ftones , c'eft- à-dire , quatre cens quarre-vingt-dix livres , & l'autre , trente-quatre ftones , c'eft-à-dire , quatre cens foixante-feize livres , à quatorze livres le ftone. Nous n'avons pas d'exemples en France d'une grofleur aufïi monftrueufe j je me fuis informé des plus gros hommes, foit à Paris , foit en Province , & jamais leur poids n'a été de plus de trois cens foi- xante, & tout au plus, trois cens quatre- vingt livres, encore ces exemples font-ils très-rares : le poids d'un homme de cinq pieds fix pouces doit être de cent foixante à cent quatre- vingt livres ; il eft déjà gros , s'il pefe deux cens livres , trop gros , s'il en pefe deux cens trente , 8c beaucoup trop épais , s'il pefe deux cens cinquante & au « deflus j le poids d'un homme de Cix pieds de hauteur , doit être de deux cens vingt livres ; il fera déjà gros, relativement à fa taille, s'il pefe deux cens foixante , trop gros à deux cens quatre vingt , énorme à trois cens & au -deflus. Et iî l'on fuit cette même proportion , un homme de fix pieds & demi à PHijioirê Naturelle, i 2 I & demi de hauteur , peut pefer deux cens quatre-vingt-dix livres, fans paroître trop gros , & un géant de fept pieds de grandeur s doit, pour être bien propor- tionné , pefer au - moins trois cens cin- quante livres ; un géant de fept pieds & demi, plus de quatre cens cinquante li- vres*, Se enfin un géant de huit pieds, doit pefer cinq cens vingt ou cinq cens quarante livres , fi la grofleur de fon corps & de fes membres eft dans ies mêmes proportions que celles d'un homme bien fait. I I. G É A N S. • Exemples de Géans d'environ fept pieds de grandeur & au-dejjus. Le géant qu'on a vu à Paris en 1735; & qui avoit fix pieds huit pouces huit lignes , étoit né en Finlande , fur les confins de la Lapponie méridionale , dans un village peu éloigné de Tornéo. Le géant de Thorefby en Angleterre,' haut de fept pieds cinq pouces Anglois, Tome XL F 12 2 Supplément Le géant , portier du duc de Wirtem- berg en Allemagne , de fept pieds & demi du Rhin. Trois autres géans vus en Angleterre, l'un de fept pieds fîx pouces , l'autre de fept pieds fept pouces , & ie t roiiième de fept pieds huit pouces. Le. géant Cajanus en Finlande , de fept pieds huit pouces du Rhin , ou huit pieds mefure de Suède. Un payfan Suédois, de même grandeur de huit pieds, mefure de Suède. Un garde du Duc de Brunfwrcîc- Hanovre , de huit pieds lîx pouces d'Amfterdam. Le géant Gilli , de Trente dans le Tiroi , de huit pieds deux pouces, mefure Suédoife. Un Suédois 3 garde du roi de Prude 5 de huit pieds iix pouces 3 mefure de Suède. Tous ces géans font cités , avec d'autres jnoins grands , par M. Schreher , Hijï* 4es Quadrup. Erlang. iy/jy tome Ij pages js & s4* Goliath , de geth. altitudlnis fex eu- jpitQrum & palmij ï«Reg. c. 17. t, ^« a VHiJloire Naturelle. 1 1 $ En donnant a la coudée dix-huit pouces de hauteur , le géant Goliath avoit neuf pieds quatre pouces de grandeur. Solus quippè Og rex Ba^an rejlhe~ rat de ftlrpc gigantum : mon/ira tus lecius ejhs ferreus qui ejl in Rabath . . . novcrn . cubitos habens longitudinis & quatuor la* titudinis ad menfurarn cubiti virilis manus, Deuteron. c. III, ir. 1 1. M. le Car , dans un Mémoire lu à l'Académie de Rouen , fait mention des géans cités dans {'Ecriture fainte, & par les Auteurs profanes. Ii dit avoir vu lui- même pluiîeurs géans de fept pieds , & quelques-uns de huit ; entre autres le géant qui fe faifoit voir à Rouen en 1735, qui avoit huit pieds quelques pouces. Iï cite la fille Géane, vue par Goropius y qui a/oit dix pieds de hauteur j le corps d'Orefte qui , félon les Grecs, avoit onze pieds 8c demi (Pline dit iept coudées , ce(t à dire, dix pieds & demi). Le géant Gabara _, prefque contempo- rain de Pline , qui avoit plus de dix pieds , auiïi - bien que le fquelette de Secondi! la & de Pujio , coniervés dans les jardins de Salufte. M. le Cat cite auf]J 124 Supplément rÉcoflbis Funnam , qui avoit onze pieds & demi. Il fart enfuite mention des tom- beaux où Ton a trouvé des os de géans de quinze , dix - huit , vingt , trente 8c trente - deux pieds de hauteur \ mars il paroit certain que ces grands oiïemens ne fonr pas des os humains , & qu'ils appar- tiennent à de grands animaux , tels que l'éléphant , la giraffe , îe cheval -, car il y a eu des temps où Ton enterroit les guer- riers avec leur cheval , peut - être avec leur éléphant de guerre. I I I. NAINS.- Exemples au fujet des Nains: Le nomme Bébé du Roi de Pologne (Staniflas) avoit trente -trois pouces de Paris 3 la tailïe droite & bien propor- tionnée, jufqu'à l'âge de quinze ou feize ans quelle commença à devenir contre- faite -, il marquoit peu de raifon. il mou* fut Tan 1764 > à lage de vingt-trois ans. Un autre, qu'on a vu à Paris en 1760 \ à YlTijloire Naturelle, i z j c'étoit un Gentilhomme Polonois , qui » à l'âge de vingt-deux ans , n'avoir que la hauteur de vingt -huit pouces de Paris , mais le corps bien fait & l'efprit vif-, & il poiTédoit même plufieurs Langues. Il avoir un frère aîné , qui n'avoit que trente-quatre pouces de hauteur. Un autre à Briftoî, qui, en 175 i 9 à l'âge de quinze ans , n'avoit que trente- un pouces Anglois ^ il étoit accablé de tous îesaccidensde la vieiilefles & de dix -neuf livres qu'il avoit pefé dans fa fepticme année , il n'en pefoit plus que treize. Un payfan de Fxife , qui , en 17515 fe fit voir pour de l'argent à Amfterdam : il n'avoit , à l'âge de vingt-lix ans , que îa hauteur de vingt-neuf pouces d'Am- fterdam. Un nain de Norfolk , qui fe fit voir dans la même année à Londres , avoir à l'âge de vingt- deux ans, trente -huit pouces Angîois , & pefoit vingt -fept livres & demie. Tranfaclions Pkilofo- phiques , n.Q 4PS- On a des exemples des nains qui F iij 12,6 Supplément n'avoîent que deux pieds fa); vingt-un et. dix huit pouces (b )\ & même d'un qui, à l'âge de trente-fept sus, navoït que feize pouces (c). Dans les Tranfactions Philosophiques 5 72,0 4^7_, art. i o , il eft parlé d'un nain, âgé de vingt - deux ans , qui ne pefoit que trente -quatre livres étant tout ha- billé, & qui navoit que trente - hure pouces de hauteur avec Tes foulieis & fa perruque. Marcum maximum & Marcum Tullium, equkes romanos y binum cubitorumfuifje auclor efi M. Varro 3 & ipfi vïdimus in loculis ajjervatos. Piin. lib. vu, cap. i6* Dans tout ordre de productions , la Nature nous orîre les mêmes rapports en plus & en moins-, les nains doivent avoir avec l'homme ordinaire, les mêmes pro- portions, en diminution , que les géans en augmentation. Un homme de quatre pieds & demi de hauteur, ne doit pefer fa) Carda nus , de fubtil. p ag. 357. (b) Journal de Méd, & TeUiamed. (c) Birch,Hifî.ofthe. R. Soc. tom. IV, page 500. a VHiftoire Naturelle, i 2 7 «que quatre- vingt- dfx ou quatre-vingt- quinze livres. Un homme de quatre pieds, foixante cinq, ou tout au plus, foixante*- dix livres -, un nain de trois pieds & demi, quarante -cinq livres-, un de trois pieds, Vingt-huit ou trente livres, fi leur corps & leurs membres font bien proportionnés, ce qui eft tout auffi rare en petit qu'en grand -, csr il arrive prefque toujours que les géans font trop minces , & les nains trop épais-, ils ont fur- tout la tête beau- coup trop grolïe, les cuilTes & les jambes trop courtes , au lieu que les géans ont communément la tête petite, les cuiïlès & les jambes trop longues. Le géant diflequé en Prufïe , avoit une verrèbrede plus que les autres hommes , & il 7 a quelque apparence que , dans les géans bien faits , le nombre des vertèbres eft plus grand que dans les autres hommes. H feroit à deiirer qu'on fît la même re- cherche fur les nains, qui peut-être ont quelques vertèbres de moins. En prenant cinq pieds pour la mefure commune de la taille des hommes, fept pieds pour celle des géans , & trois pieds pour celle des nains , on trouvera F îy * 2 8 Supplément encore des géans plus grands, 8c des nains plus petits. J'ai vu moi-même , des geans de fept pieds & demi & de fept precfe huit pouces-, j'ai vu des nains qui navoient que vingt-huxt & trente pouces de haut-, il paraît donc qu'on doit fixer les limites de la Nature a&ueïie, pour la grandeur du corps humain , depuis deux pieds & demi , Jufqu'à huit pieds de hauteur 5&, quoique cet intervalle /bit bien considérable, & que la différence paroifle énorme , elle eft cependant en- core plu? grande dans quelques efpèces d animaux , tels que les chiens ; un enfant qui vient de naître, eft plus grand leh- nvement à un géant , qu'un bichon de Malte adulte ne Tell en comparaifon du chien d'Albanie ou d'Irlande. I V. Nourriture de l'Homme dans les differens climats. . En Europe , & dans la plupart des climats tempérés de l'un Se de l'autre conti- nent , le pain , la viande , le lait , les h VHifloire Naturelle, i z 9 «tufs j les légumes & les fruits , font les alimens ordinaires de l'homme -, & le vin, le cidre & la bière fa boiflfon , car l'eau pure ne fufriroit pas aux hommes de tra- vail pour maintenir leurs forces. Dans les climats plus chauds , le fagou , qui eft la moële d'un arbre, fert de pain } & les fruits des palmiers fuppléent au défaut de tous les autres fruits j on mange auiïï beaucoup de dattes en Egypte, en Mauritanie , en Perfe , & le fagou eft d'un ufage commun dans les Indes méridio- nales , à Sumatra , Malacca , &c. Les figues font l'aliment le plus commun en Grèce , en Morée & dans les îles de l'Archipel , comme les châtaignes dans quelques Provinces de France & d'Italie. Dans la plus grande partie de l'A fie, en Perfe , en Arabie , en Egypte , & de-là jufqu'à la Chine, le riz fait la prin- cipale nourriture. Dans les parties les plus chaudes de l'Afrique , le grand & le petit millet , font la nourriture des Nègres. Le maïs dans les contrées tempérées de l'Amérique. Dans les îles de la mer du Sud, le Fy i 3 o Supplément fruit cf un arbre 3 appelé Y arbre de pains A Californie le fruit, appelé Pitahaïa. La caflave dans toute l'Amérique mé- ridionale , ainfi que les pommes de terre,, les ignames 8c les patattes. Dans les pays du Nord , la biftorre j fur- tout chez les Samojèdes Se les Jakutes» La faranne au Kamtfchstka. En Iilande & dans les pays encore plus voiiins du Nord , on fait bouillir des moufles & du varec. Les Nègres mangent volontiers Je l'éléphant & des chiens. Les Tartares de l'Afie & les Patagons de l'Amérique , vivent également de la ehair de leurs chevaux. Tous les peuples voiiins des mers du Nord , mangent la chair des phoques » des morfes & des ours. Les Africains mangent aufîï la chair des panthères & des lions. Dans tous les pays chauds de l'un & l'autre continent, on mange de prefque toutes les efpèces de fînges. Tous les habitans des cotes de la mer y ion dans les pays chauds, foit dans les climats froids , mangent plus de poison à PHlJloire Naturelle, r 3 1 que de chair. Leshabitans des îles Orcades5 les Iflzridôis , les Lsppoôs , les Groën- lamîois ne viveur , pour ainfî dire, que de poilfon. Le lait fert fie boifïbn à quantité de peuples j les femmes Tartares ne boivent que du lait de jument -, le petit lait, tiré du lait de vache , eftla boilîon ordinaire en I il an de. Il feroit à defirer qu'on raffembiât un plus grand nombre d'obfervations exactes fur la différence des nourritures de l'homme dans les climats divers , & qu'on pût faire la comparaison du régime ordi- naire des dirîérens peuples , il en réful- teroit de nouvelles lumières fur la caufe des maladies particulières , & , pour ainfi dire, indigènes dans chaque climat. VJ î 3 2 Supplément ADDITION A l'article de la Vieillejfe & de la Mort P volume IV, in- 1 2, , pages $5 5 & fuiv. J'ai cite , d'après les Tranfa&ions Phi- lofophiques, deux vieillefîes extraordi- naires , Tune de cent foixante-cinq ans, & l'autre de cent quarante - quatre. On vient "d'imprimer en Danois la vie d'un Norvégien , Chriftian- Jacobfen Drachen- berg, qui eft mort en 1771 , âgé de cent quarante-fix ans , il étoit né le 18 Novembre 1626, &, pendant prefque toute fa vie , il a fervi & voyagé fur mer, ayant même fubi l'efclavage en Barbarie pendant près de feize ans} il a fini par fe marier à l'âge de cent onze ans (a ). (a) Gazette de France, du vendredi, 11 No- vembre Ï774? article 4e Varfoyie, à UHiftoire Naturelle, i 3 3 Un autre exemple , efl: celui du vieil- lard de Turin, nommé André - B ri fio de Bra ^ qui a vécu cent vingt-deux ans fept mors & vingt-cinq jours , & quiau- roit probablement vécu plus long temps, car il a péri par accident , s'étant fait une forte contufion à la tête en tombant j il n'avoit , à cent vingt-deux ans , encore aucune des infirmités de la vieilleiîe > c étoit un domeftique actif , Se qui a con- tinué fon fer vice jufqu'à cet âge (bj. Un quatrième exemple , eft celui du fleur de Lahaye , qui a vécu cent vingt ans ; il étoit né en France , il avoit fait par terre, & prefque toujours à pied, le voyage des Indes , de la Chine , de la Perfe & de l'Egypte (c) \ cet homme n'avoit atteint la puberté quà l'âge de cinquante ans \ il s'eft marié a foixante- dix ans , & a laide cinq enfans. (h) Gazette de France, du lundi, 14 Novem- bre 1774, article de Turin. fcj Ibid, du 18 Février 1774, ankk de la Haye, £ j 4 Supplément Exemples que j'ai pu recueillir de pe s* formes qui ont vécu cent dix ans & au-delà. « Guillaume Lecomre, berger de pro feflîon 3 mort fubitement le 17 Janvier 1776, en la paroifTe de Theuville-aux- Maiiiots , dans le pays de Çaux , âgé de cent dix ans -, il s'étoit marié en fécondes noces à quatre - vingts ans. Journal de Folkique & de Littérature 3 1 s Mars 1776 j art. Paris. Dans la Nomenclature d'un Profeileur de Dantziclc 3 nommé Hanovius 3 on cite un Médecin impérial, nommé •Cramersj qui avoir vu à Tamefwar , deux frères 3 l'un de cent dix ans , l'autre de cent douze ans 3 qui tous deux devinrent pères à cet âge. îdem> ij Février 1 77 j, p. 1 Ç7, La nommée Marie Cocu _, morte vers îe nouvel an 1776, à Websboroug en Irlande 3 à l'âge de cent douze ans. Le fieur IJtwan-Horwaths, Chevalier de l'Ordre royal & militaire de Saint- Louis , ancien Capitaine de HuiTards au Service de France, mort à Sar-Albe, ea à VHiftoire Naturelle, i 3 / Lorraine, le 4 Décembre 1775 ? âgé de cent douze ans dix mois & vingt -fîx jours -, il étoit né à Raab en Hongrie 3 le 8 Janvier 1663 3 & avoir pailé en France en 1 7 1 2 , avec îe régiment de Berchény : ilfe retira du Service en 175 6. II a joui, jufqu'à la fin de fa vie, de la fanté la plusrobufle, que Tufage peu mo- déré des liqueurs fortes, n'a pu altérer. Les exercices du corps, & fur- tout h chaiie3 dont il fe délaiïoit par Tufage des bains, étoient pour lui des plaifirs vifs: quelque temps avant fa mort, il entreprit un voyage très-long 3 & îe fit à cheval. Journal de Politique & de Littérature j i s Mars I776 j article Paris. Rofîne Jwiwarowska , morte à Minsk en Lithuanie , âgée de cent treize ans. Idem, y Mai 1776 _, ihid. Le 16 Novembre 1773, il eit mort dans la paroifïè de Frile , au village d'Oldeborn, une veuve nommée Fockjd Johannes _, âgée de cent treize ans feize jours*, elle a confervé tous fes fens jufqu'à fa mort. Journal Hijïorique & Politique > jo Décembre 1773 ,p&ge 47* La nommée Jenneken Maghbargh â i $& Supplément veuve Fans j morte le i Février 17769 à la maifou de Charité de Zutphen s dans la Province de Gueldres, à l'âge de cent treize ans & fept mois ; elle avoic toujours joui de la fanté la plus ferme , & n'avoit perdu la vue qu'un an avant fa mort. Journal de Politique & de Litté- rature y 1 s Mars 1 776 , article Paris. Le nommé Patrek Meriton , cordon- mer à Dublin, paroît encore fortrobufte, quoiqu'il foit actuellement (en 1773 ) âgé de cent quatorze ans : il a été marié onze fois , & la femme qu'il a préfen- tement , a foixante- dix-huit ans. Journal Hiflorique & Politique ^ 1 0 Septembre î773 5 article Londres. Marguerite Bonefaut eft morte à Wear- GirTord, au comté deDevon,le 26 Mars 1774, âg^e ^e cent quatorze ans. Idem j 10 Avril J774j page jp. M. Eaftemann , procureur , mort à Londres, le 1 1 Janvier 1776, à l'âge de cent quinze ans. Journal de Politique & de Littérature , // Mars 1 776 ^ article Paris. Térence Gallabar , mort le 11 Février 37769 dans la paroiiïe de Killymon , à VHijhire Naturelle, t 3 7 près de Dungannon en Irlande , âgé de cent fel'ze ans 8z quelques mois. Ibid. j Mai 1776 \ article Paris. David Bran , mort au mois de Mars 1776 , à Tiimerane , dans ïe comté de Clarck en Irlande , à l'âge de cent dix- fept ans. Idem > ibidem, A Ville/ac en Hongrie , un payfan nommé Marsh Jonas, effc mort le 20 Jan- vier 1775 5 âgé de cent dix - neuf ans, fans jamais avoir été malade, Ii n'avoit été marié qu'une fois 5 -& n'a perdu fa femme qu'il y a deux ans. Idem , // Février I77,Si >P«ge 197- Eléonore Spicer eft morte au mois de Juillet 17735 à Accomak, dans la Vir- ginie , âgée de cent vingt-un ans. Cette femme n'avoit jamais bu aucune liqueur fpiritueufe \ Se a confervé l'ufage de fes fens jufqu'au dernier terme de fa vie. Journal Hijlorique & Politique j s ° &é~ eembre 1 77 3 > page 47. Les deux vieillards cités dans les Trans- actions Phiiofophiques , âgés l'un de cent quarante - quatre ans j & l'autre de cent foixante-cinq ans. Hijloire Naturelle* tome II j in-n, ^tf^j i// & /aiv. ï 3 8 Supplément Hanovius , profeiïeur de Dantzrck 5 fait mention , dans fa Nomenclature, d'un vieillard mort à l'âge de cent quatre- vingt-quatre ans. Et encore d'un vieillard trouvé en Valachie , qui , félon lui , étoit âgé rîe cent quatre-vingt-dix ans. Journal de Po» Inique & de Littérature ^ ï 5 Février 1 jj j" , VaieJ97*' D'après des regiftreî où l'on ïnfcvï- vcit la naiflance & la mort de tous les citoyens , du temps des Romains , il paroît que l'on trouva dans la moitié feulement du pays compris entre les Apennins & le Pô , pluiïeurs vieillards d'un âge fort avancé j favoir, à Parme , trois vieillards de cent vingt ans? &deux de cent trente} à Brixillum , un de cent vingt- cinq -, à Plaifance , un de cent trente- un -, à Faventin , une femme de cent trente-deux -, à Bologne , un homme de cent cinquante*, à Rimini, un homme 8c une femme décent trente-fepr, dans les collines autour de Plaifance, fix perfonries de cent dix ans -, quatre de cent vingt, & une de cent cinquante : enfin , dans îa huitième partie de l'Italie feulement 3 a VHifîoire Naturelle, i 3 9 d'après un dénombrement authentique 3 fait par les Cenfeurs , on trouva cinquante- quatre hommes âgés de cent ans -, vingt- fept âgés de cent dix ans} deux de cent vingt-cinq ; quatre de cent trente -, autant de cent trente-cinq ou cent trente- fept, & trois de cent quarante , fins compter celui de Bologne , âgé d'un iiècle & de ij Février 1775 *£• 197. y* Il y a dans les animaux , comme dans fefpèee humaine , quelques individus pri- vilégiés , dont la vie s'étend prefque au cïouble du terme ordinaire , & je puis citer l'exemple d'un cheval qui a vécu plus de cinquante ans s la note m'en a été donnée par M. le duc de la Roche- foucault, qui, non-feulement s'intérefîè au progrès des Sciences 5 mais les cultive avec grand foin, 140 Supplément « En 1734, M. ïe duc de Saint- Simon étant à Frefcati en Lorraine, vendit à Ton coufin , évêque de Metz, un cheval Normand qu'il réformoit de Ton attelage, comme étant plus vieux que les autres : ce cheval ne marquant plus à la dent : M. de Saint-Simon aifura Ton cou- fin qu'il n'avoit que dix ans, & c'en: de cette afifurance dont on part pour fixer la naiiTance du cheval à l'année 1724. Cet animal étoit bien proportionné 8c de belle taille , fi ce n'eft l'encolure qu'il avoir un peu trop épailTe. M. Tévêque de Metz (Saint-Simon) employa ce cheval jufqu'en 1760 à traî- ner une voiture dont fon Maître-d'hôtel fe fer voit pour aller à Metz chercher les provifions de la table -, il falloir tous les jours, au moins deux fois & quelquefois quatre, ïe chemin de Frefcati à Metz , qui eft de 3600 toifes. M. l'évêque de Metz étant mort en 1760, ce cheval fut employé jufqu'à l'arrivée de M. TEvêque adtuel , en 1762, 6c fans aucun ménagement, à tous les à VHifioire Naturelle. 1 4 1 travaux du jardin , & à conduire fouvent un cabriolet du Concierge. M. TEvêque actuel , à Ton arrivée à Frefcati, employa ce cheval au même ufage que fon prédécefTeur -, &, comme on le faifoit fort fouvent courir, on s'a- perçut en 1766 y que fon flanc commen- çoit à s'altérer -, & dès-lors M. TEvêque cefla de l'employer à conduire la voiture de fon Maître- d'hôtel, Se ne le fit plus fervir qu'à traîner une ratifibire dans îes allées du jardin. Il continua ce travail jufqu'en 17725 depuis la pointe du jour jufqu'à l'entrée de la nuit, excepté le temps des repas des ouvriers. On s'a- perçut alors que ce travail lui devenoit trop pénible , & on lui fit faire un petit tombereau , de moitié moins gtand que les tombereaux ordinaires, dans lequel il traînoir tous les jours du fable , de îa terre, du fumier, &c. M. TEvêque qui ne vouloir pas qu'on laifïât cet animaî fans rien faire , dans la crainte qu'il ne mourût bientôt, & voulant le conferver3 recommanda que pour peu que le cheval parût fatigué, on le laifïât repofer pendant vingt-quatre heures , mais on a été rare- ï 4 z Supplément ment dans ce cas : il a continué à bien manger , à Te conferver gras , & à fe bien porter jufqu'à ia fin de l'automne 1773 > qu'il commença à ne pouvoir prefque plus broyer ion avoine, & à la rendre prefque entière d^ns fes excrémens. Il commença a maigrir, M. l'Evêque ordonna qu'on lui fît ccncallèrfon avoine , Ôc le cheval parut reprendre de l'embonpoint pen- dant l'hiver -, mais, au mois de Février 1774 , il avoit beaucoup de peine à traî- ner fon petit tombereau deux ou trois heures par jour, & maigriiloit a vue d'œil. Enfin le mardi de la Semaine fainte3 dans le moment où on venoit de i'atte- ïer, il fe larda tomber au premier pas qu'il voulue faire , on eut peine à le re- lever^ on le ramena à l'écurie où il fe coucha fans vouloir manger, fe plaignit, enfla beaucoup & mourut le vendredi fuivant, répandant une infection horrible* Ce cheval avoit toujours bien mangé fon avoine & fort vite*, il n'avoir pas, à fa mort, les dents plus longues que ne les ont ordinairement les chevaux à douze ou quinze ans*, les feules marques de vieilleiîè qu'il -donnait, croient le§ à VHifioire Naturelle. 1 4 5 jointures & articulations des genoux , qu'il avoit un peu grades*, beaucoup de poils blancs & les falières fort enfoncées : il n'a jamais eu les jambes engorgées. » Voilà donc dans i'efpèce du cheval, l'exemple d'un individu qui a vécu cin- quante ans, c'eft- à-dire , le double du temps de ta vie ordinaire de ces ani- maux *, l'analogie confirme en général ce que nous ne connoiiîions que par quel- ques faits particuliers, c'eft qu'il doit fe trouver dans toutes les efpèces, & par conféquent dans l'efpèce humaine comme dans celle du cheval , quelques individus dont la vie fe prolonge au double de la vie ordinaire, c'eft-à-dire , à cent foixante ans au lieu de quatre-vingts. Ces privi- lèges de la Nature font à la vérité placés de loin en loin pour le temps , & à de grandes diftances dans i'efpace j ce font les gros lots dans la loterie univerfelle de la vie-, néanmoins ils fulîifent pour donner aux vieillards même les plus âgés, l'efpé- rance d'un âge encore plus grand. Nous avons dit, qu'une raifon pour yivre eft d'avoir vécu, & nous l'avons 144 Supplément démontré par l'échelle des probabilités de la durée de la vie -, cette probabilité eft à la vérité d'autant plus petite que l'âge eft plus grand \ mais lorfqu'il eil com- plet y c'eft-à-dire , à quatre- vingts ans, cette même probabilité, qui décroît de moins en moins , devient , pour ainfi dire, ftationnaire & fixe. Si Ton peut parier un contre un, qu'une homme de quatre- vingts ans vivra trois ans de plus, on peut le parier de même pour un homme de quatre-vingt-trois, de quatre-vingt- fîx, & peut-être encore de même pour un homme de quatre-vingt-dix ans. Nous avons donc toujours dans l'âge même le plus avancé, Tefpérance légitime de trois années de vie. Et trois années ne font-elles pas une vie complète, ne fuf- fïicnt-elles pas à tous les projets d'un homme fage ? nous ne fommes donc ja- mais vieux fî notre morale n'eft pas trop jeune ; le Philosophe doit dès-lors regarder la vieillerie comme un préjugé, comme une idée contraire au bonheur de l'homme, & qui ne trouble pas ce- lui des animaux. Les chevaux de dix ans, qui voy oient travailler ce cheval de cinquante à VHiftoire Naturelle. 1 4 j cinquante ans, ne le jugeoient pas plus près qu'eux de la mort-, ce n'éft que par notre arithmétique que nous en ju- geons autrement 5 mais cette même arith- métique bien entendue, nous démontre que, dans notre grand âge , nous Tommes toujours à trois ans de dritance de la mort, tant que nous nous portons bien y que vous autres jeunes gens vous en êtes fouvent bien plus près , pour peu que vous abuiiez des forces de votre âge-, que d'ailleurs , & tout abus égal , c eft-à-drre , proportionnel, nous fouîmes auflï fiirs à quatre-vingts ans de vivre encore trois ans, que vous ïëtes à trente ans d'en vivre vmgt-fix. Chaque jour que je me levé en bonne famé, n'ai-je pas la jouif- iance de ce jour aufïï préfente, auffi pïé- mèrequela vôtre? fi je conforme mes mouvemens, mes appétits, mes defirs aux feules impuïfions de la fage Nature, ne fuis-je pas auffi fage & plus heureux que vous? ne fuis-je pas même plus fur de mes projets, puifqu'elle me défend de les étendre au-delà de trois ans? & h vue du paiïé , qui caufe les regrets des Tome XL q 1^6 * Supplément vieux fous , ne m'offre- t-elîe pas au con- traire des jouîffances de mémoires des tableaux agréables, des images précieufes qui valent bien vos objets de plaifir? car elles font douces , ces images , elles font pures , elles ne portent dans l'ame qu'un 1 ou venir aimable *, les inquiétudes , les chagrins, toute ïa trifte cohorte qui ac- compagne vos jouiiTances de jeuneflè, difparoiilent dans le tableau qui me les repréfente -, les regrets doivent difpa- roître de même, ils ne font que les der- niers élans de cette folle vanité qui ne vieillit jamais. N'oublions pas un autre avantage ou du moins une forte compenfation pour le bonheur dans l'âge avancé j c'eff qu'il y a plus de gain au moral, que de perte au phyfique j tout au moral eft acquis *, & îï quelque chofe au phyfique eff perdu , on en eft pleinement dédommagé. Quel- qu'un demandoit au philofophe Fonte- nelle , âgé de quatre-vingt-quinze ans , quelles étoient les vingt années de fa vie qu'il regrettôit le plus ; il répondit qu'il i egrettoit peu de chofe , que néanmoins à VHifioire Naturelle. 147 l'âge où il avoit été le plus heureux étoît de cinquante-cinq à foixante-quinze ans -, H & cec aveu de bonne foi, & il prouva fon dire par des vérités fenfibles & confolantes. A cinquante-cinq ans la fortune eft établie, la réputation faite, la- considération obtenue, l'état de la vie fixe, les prétentions évanouies ou rem- plies, les projets avortés ou mûris, la plupart des paiïlons calmées ou du moins refroidies , la carrière à peu-près remplie pour les travaux que chaque homme doit à la fociété, moins d'ennemis ou plutôt moins d'envieux nuifibles, parre que le contre-poids du mérite eft connu par la voix du public j rour concoure . dans le moral à l'avantage de l'âge , juf- qu'au temps où les infirmités & les au- tres maux phyfiques , viennent à troubler h iouifïànce tranquille & douce de ces biens acquis par la fageiïe , qui feuls peu* vent faire notre bonheur. L'idée la plus trifte, c'eft-à-dire , la plus contraire au bonheur de l'homme , eft la vue fixe de Câ prochaine fin , cette idée fait le malheur de la plupart des Gij i 4 8 Supplément vieillards , même de ceux qui fe portent îe mieux, & qui ne font pas encore dans un âge fort avancé, je les pris de s'en rapporter à moi ; ils ont encore à foixante-dix ans l'efpérance légitime de fîx ans deux mois , à foixante-quinze ans l'efpérance toute aufTi légitime de quatre ans fix mois de vie, enfin à quatre-vingts & même à quatre-vingt- fix ans, celle de trois années de plus -, il n'y a donc de fin prochaine que pour ces âmes foibles qui fe plaifent à la rapprocher -, néan- moins le meilleur ufage que l'homme puifle faire de la vigueur de fon efprit, ceft d'agrandir les images de tout ce qui peut lui plaire en les rapprochant , & de diminuer au contraire en les éloi- gnant tous les objets défagréables , & fur-tout les idées qui peuvent faire fon malheur -, & fouvent il fuffit pour cela de voir les chofes telles qu elles font en effet. La vie , ou fi Ton veut la continuité de notre exiftence ne nous appartient qu'autant que nous la tentons*, or ce Sen- timent de l'exiftence n eft-il pas détruit par le fommeil ? chaque nuit, nous cédons à V Hijioire Naturelle. 1 4 9 d'être, & dès-lors, nous ne pouvons re- garder la vie comme une fuite non in- terrompue d'exiftences fenties, ce n'efl point une trame continue, ceft un fil divifé par des nœuds ou plutôt par des coupures qui toutes appartiennent à la mort, chacune nous rappelle l'idée du dernier coup de ctfeau , chacune nous re- préfente ce que c'eft que de cefler d'être ; pourquoi donc s'occuper de la longueur plus ou moins grande de cette chaîne qui fe rompt chaque jour? Pourquoi ne pas regarder & la vie & la mort pour ce qu'elles font en efïet ? mais , comme il y a plus de cœurs puiillanimes que d'ames fortes, l'idée de la mort fe trouve toujours exagérée, fa marche toujours précipitée, fes approches trop redoutées , & fon af- pect infoutenabîe ; on ne penfe pas que Ton anticipe maîheureufement fur fon exiitence toutes les fois que Ton s'arfecte de la deflrtiction de (on corps; car celîèr d'être n'eft rien , mais la crainte eft la mort de l'ame. Je ne dirai pas avec le Stoïcien, Mors homini fummum bonum Diis denegatum j je ne la vois ni comme G iij i j o Supplément un grand bien ni comme un grand mal, & j'ai tâché de la repréfenter telle qu'elle eft {volume IV> pages 366 & fulvantes ; j'y renvoie mes Ledleurs , par le defir que j'ai de contribuer à leur bonheur. à VHifioire Naturelle, i j ï ADDITION A l'article du Sens de la Vue, volume IV, in-iz, page 4x5 , fur la cauje du Strabijhie ou des yeux louches. Xje Strabisme eft non-feuîement un défauts mais une difformité qui détruit la phyfionomie, & rend défagtéables les plus beaux viiages ; cette diiîormité con- iifte dans la faillie direction de l'un des yeux, en fotte que quand un œil pointe à l'objet, l'autre s'en écarte & fe dirige vers un autre point. Je dis que ce défaut confifte dans la faulTe direction de l'un des yeux, parce qu'en erïet les yeux n'ont jamais tous deux enfemble cette mau- vaife difpofition , & que fi on peut mettre les deux yeux dans cet état en quelque G iv i 5 i Supplément cas, cet état ne peut duter qu'un înftaac & ne peut pas devenir une habitude. Le ilrabifme ou le regard louche, ne confifte donc que dans l'écart de l'un des yeux , tandis que l'autre paroît agir indépendamment de celui-là. On attribue ordinairement cet effet à un défaut de correfpondançé entre les mufcles de chaque œil -, la différence du mouvement de chaque œil, vient de la différence du mouvement de leurs muf- cles qui , n'agiilant pas de concert , pro- duifent la faufïè direction des yeux lou- ches *, d'autres prétendent ( & cela revient à peu-près au même) qu'il y a équilibre entre les mufcles des deux yeux, que cette égalité de force éd. la caufe de la direction des deux yeux enfemble vers l'objet, & que c'eft. par le défaut de cet équilibre que les deux yeux ne peuvent fe diriger vers le même point. M. de la Hire & plufieurs autres après lui , ont penfé que le îïrabifme n'eft pas caufé par le défaut d'équilibre ou de cor- refpondançé entre les mufcles , mais qu'il provient d'un défaut dans la rétine-, ils ont prétendu que l'endroit de la rétine, k FHijloire Naturelle, i 5 5 qui répond à l'extrémité de l'axe optique , étoit beaucoup plus fenfible que tout le refte de la rétine-, les objets, ont-ils dit, ne fe peignent diftindtement que dans cette partie plus fenfible, & Ci cette partie ne Te trouve pas correfpondre exactement à l'extrémité de l'axe optique , dans Tun ou l'autre des deux yeux, ils s'écarteront, Sz produiront le regard louche , par la nécelîité où l'on fera dans ce cas, de les tourner de façon que leurs axes optiques puiifent atteindre cette partie plus fen- fible & mal placée de la rétine. Mais cette opinion a été réfutée par pîufieurs Phyiî- ciens , & en particulier par M. Jurin (a) ; en effet , il femble que M. de la Hrre n'ait pas fait attention à ce qui arrive aux perfonnes louches lorfqu'elles fer- ment le bon œil , car alors l'œil louche ne refte pas dans la même fituation , comme cela devroit arriver, fi cetHe fîtua- tion étoit nécelîàire pour que l'extrémité de l'axe optique atteignit la partie la plus fenfible de la rétine -, au contraire, cet œil (a) Effay upon diflivft and îndifiindt vijîon r, Çfçm Optique de Smith > à Ja fin du fécond volume." i j 4 Supplément Te redreiïe pour pointer directement à l'objet , & pour chercher à le voir^ par conféquent Vœïi ne s'écarte pas pour trouver cette partie prétendue plus fen- fible de la rétine > de il faut chercher une autre caufe à cet effet. M. Jurin en rap- porte quelques cauf es particulières , & ii femble qu'il réduit le ftrabifme à une fïmple mauvaife habitude dont on peut fe guérir dans plufieurs cas*, il fait voir aufïi que le défaut de correfpondance ou d'équilibre entre les mufcles des deux yeux 5 ne doit pas être regardé comme la caufe de cette fauffe direction des yeux ; & en effet ce n'eft qu'une circonftance qui même n'accompagne ce défaut que dans de cet tains cas. Mais la caufe la plus générale, la plus ordinaire du ftrabifme, &dont perfonne, que je fâche, n'a fait mention , c'eft: l'iné- galité de force dans les yeux. Je vais faire voir que cette inégalité , lorfqu'elle eft d'un certain degré , doit nécelïàirement produire le regard louche ,.& que, dans ce cas , qui eft allez commun, ce défaut n'-eft: pas une mauvaife habitude dont on puifle fe défaire, j mais une habitude à VHiftoire Naturelle, i ; j nécefîaire, qu'on eft obligé de conferver pour pouvoir fe fervir de (es yeux. Lorfque les yeux font dirigés vers le même objet, & qu'on regarde des deux yeux cet objet , fi tous deux font d'égale force , il paroît plus diftind & plus éclairé, que quand on le regarde avec un ieul œil. Des expériences a(Tez aifées à répé- ter , ont appris à M. Jurin (b) , que cette différence de vivacité de l'objet , vu de deux yeux égaux en force , ou d'un feul œil, eft d'environ une treizième partie , c'eft-à-dire > qu'un objet vu des deux yeux , paroît comme s'il étoit éclairé de treize lumières égales , & que l'objet vu d'un feul œil, paroît comme s'il étoit éclairé de douze lumières feulement , les deux yeux étant fuppofés parfaitement égaux en force , mais lorfque les yeux font de force inégale, j'ai trouvé qu'il en étoit tout autrement-, un petit degré d'iné- galité , fera que l'objet vu de l'œil le plus fort , fera aufîi distinctement aperçu que s'il étoit vu des deux yeux ; un peu plus d'égalité rendra l'objet , quand il fera (b) Ejpiy ujxm dijlinft and indijilndt vifwn , &c. G vj i j 6 Supplément vu des deux yeux, moins diflinét que s'il eft vu du feul œil plus fort j 8c enfin une plus grande inégalité rendra l'objet vu des deux yeux fi confus, que pour l'a- percevoir diftin&ement , on fera obligé de tourner l'œil foible , & de le mettre dans uneiituation où il ne puiffe pas nuire. Pour être convaincu de ce que je viens d'avancer , il faut obferver que les limites de la vue diitindte, font aflTez étendues dans la viiion de deux yeux égaux -, j'en- tends par limites de la vue diftin&e, les bornes de l'intervalle de diftance dans le- quel un objet eft vu diftindement *, par exemple , li une perfonne, qui a les yeux également forts, peut lire un petit carac* tère dnnpreilion à huit pouces de dif- tance , à vingt pouces & à toutes les dif- tances intermédiaires*, &fi, en approchant plus près de huit, ou en éloignant au- delà de vingt pouces, elle ne peut lire avec facilité ce même caractère •, dans ce cas, les limites de la vue diftincte de cette perfonne 5 feront huit & vingt pouces, & l'intervalle de douze pouces, fera l'é- tendue de la vuediftin&e. Quand on paffe ces limîces, fQitau-defIus>ioit au-defToiis> à PHiJloire Naturelle, i 5 ? il fe forme une pénombre , qui rend les caractères confus , & quelquefois vaciU lans , mais avec des yeux de force iné- gale , ces limites de la vue diftincte fonc fort refïèrrées; car fuppofons que l'un des yeux foit de moitié plus foible que l'au- tre , c'eft-à-dire que, quand avec un œil, on voit diftin&ement depuis huit jufqu à vingt pouces , on ne puifle voir avec l'autre œil, que depuis quatre pouces jus- qu'à dix -, alors la vifion opérée par les deux yeux , fera difeindte & confuie depuis dix jufqu a vingt , 8c depuis huit jufqu'à quatre ; en forte qu'il ne reftera qu'un intervalle de deux pouces, lavoir, depuis huit juiqu'à dix , où la vifion pourra fe faire diltinclrement -, parce~que , dans tous les autres intervalles ,1a netteté de l'image de l'objet vu par le bon œil, eft ternie par la confufîon de l'image du même objet vu par le mauvais œil : or cet intervalle de deux pouces de vue diftindfce , en fe fervant des deux yeux , n'en: que la fixième partie de l'intervalle de douze pouces , qui ell l'intervalle de la vue diftincle, en ne fe ieryant qus du bon œil 5 donc il y a un avantage de t j 8 Supplément cinq contre un à fe fervir du bon œil feuU & par eonféquent à écarter l'autre. . On doit confidérer les objets qui frap- pent nos yeux , comme placés indifférem- ment & au hafard , à toutes les diftances différentes auxquelles nous pouvons les apercevoir *, dans ces diftances diffé- rentes , il faut diftinguer celles où ces mêmes objets fe peignent diftin&ement à nos yeux , & celles où nous ne les voyons confufément, toutes les fois que nous n'apercevons que confufément les objets, les yeux font effort pour les voir d'une manière plus diftincte , & quand les dif- tances ne font pas de beaucoup trop petites ou trop grandes , cet effort ne fe fait pas vainement. Mais , en ne faifant attention ici qu'aux diftances auxquelles on aperçoit diftin<5tement les objets , on fent aifément que plus il y a de ces points de diftance , plus aufîi la puiftance des yeux , par rapport aux objets , eft étendue j & qu'au contraire , plus ces in- tervalles de vue diftincte font petits, & plus la puiffànce de voir nettement , eft: bornée > &, lorfqu'ii y aura quelque caufe qui rendra ces intervalles plus petits , les à VHifioire Naturelle, i 5 9 yeux feront effort pour les étendre, car il eft naturel de penfer que les yeux , comme toutes les autres parties d'un corps organifé , emploient tous les relïorts de leur mécanique, pour agir avec le plus grand avantage j ainfï , dans le cas où les- deux yeux font de force inégale , l'inter- valle de vue diftincte fe tiouyant plus petit en fe fervant des deux yeux , qu'en ne fe fervant que d'un œil , les yeux chercheront à fe mettre dans la iituation la plus avantageufe , & cette fituation la plus avantageufe , eft que l'œil le plus fort agiffe feul , & que le plus foible fe détourne. Pour exprimer tous les cas, fuppofons que a — c exprime l'intervalle de la vi- iion diftindte pour le ..boa.-jœiï ,- & hc b — l'intervalle de la vifion dif- a tindte pour l'œil foible, b • — c exprimera l'intervalle de la vifion diftin&e des deux yeux enfemble, & l'inégalité de force des a yeux fera 1 j & le nombre des a — c 160 Supplément cas où Ton fe fervira du bon œiï , fera a — h j & le nombre des cas où Ton fe fervira des deux yeux , fera b — c; égalant ces deux quantités, on aura a — b ^ b — c ou b =z . . z Subftituant cette valeur de b dans rexprefîion de Tin égalité , on aura 7^ + c — \ a ■+■ c._L a i — ■„. , ou a~~c pour a — c z a îa mefure de l'inégalité, lorfqu'il y a au- tant d'avantage à te fervir des deux yeux qu'à ne fe fervir que du bon œil tout feuï. Si l'inégalité eït plus grande que *** — — ^on-doit contracter l'habitude de z a ne fe fervir que d'un œih & fi cette inéga- lité eft plus petite, on fe fervira des deux yeux. Dans l'exemple précédent ,<3 = 20, c=8; ainiî, l'inégalité des yeux doit être = ^5 au plus , pour qu'on puifie fe fervir ordinairement des deux yeux \ fi cette inégalité étoït plus grande , on feroit obligé de tourner l'œil foibîe poux ne fe fervir que du -bon ceil feul. à VHifioire Naturelle. 161 On peut obferver que, dans toutes ïes vues dont les intervalles font proportion- nels à ceux de cet exemple , le degré d'inégalité fera toujours -^. Par exemple , fi , au lieu d'avoir un intervalle de vue diftincte du bon œil , depuis huit pouces jufqu'à vingt pouces , cet intervalle n'é- coit que depuis (ix pouces à quinze pouces, ou depuis quatre pouces à dix, ou Sec. ou bien encore fi cet intervalle étoit de- puis dix pouces à vingt * cinq, ou depuis douze pouces à trente , ou &c le degré d'inégalité qui fera tourner l'œil foible , fera toujours -^. Mais fi l'intervalle ab- foin de la vue diftinéte du bon œil , augmente des deux côtés , en forte qu'au lieu de voir depuis fix pouces jufqu'à quinze , ou depuis huit jufqu'à vingt , ou depuis dix jufqu'à vingt-cinq, ou &c. on voie diftinctement depuis quatre pouces & demi jufqu'à dix-huit , ou de- puis fix pouces jufqu'à vingt-quatre, ou depuis fept pouces & demi jufqu'à trente, ou Sec. alors il faudra un plus grand degré d'inégalité pour faire tourner l'œil ; on trouve, par la formule, que cette iné- galité doit être pour tous ces cas = f. ï 6 1 Supplément II fuit de ce que nous venons de dire, qu'il y a des cas où un homme peut avoir la vue beaucoup plus courte qu'un autre, & cependant être moins fujet à avoir les yeux louches, parce qu'il fau- dra une plus grande inégalité de force dans fes yeux que dans ceux d'une per- fonne qui auroit la vue plus longue *, cela paroît affez paradoxe , cependant cela doit être : par exemple, à un homme qui ne voit diftinctement du bon œil que depuis un pouce & demi jufqu'à lix pouces , il faut | d'inégalité pour qu'il Toit forcé de tourner le mauvais œil, tandis qu'il ne faut que -^ d'inégalité pour mettre dans ce cas un homme qui voit diftbctement depuis huit pouces jufqu'à vingt pouces. On en verra aifé- ment la raifon fi l'on fait attention que dans toutes les vues , foit courtes , foit longues, dont les intervalles font propor- tionnels à l'intervalle de huit pouces à vingt pouces, la mefure réelle de cet in- tervalle eft {| ou | , au lieu que , dans toutes les vues dont les intervalles font proportionnels à l'intervalle de fix pouces à vingt-quatre, ou d'un pouce & demi à à VHijloire Naturelle. 1 6 3 fix pouces, la mefure réelle efl: ^, & c'eft cette mefure réelle qui produit celle de l'inégalité , car cette mefure étant toujours , celle de l'inégalité efl a j comme on Ta vu ci-defîus. Pour avoir la vue parfaitement dif- tincte , il efl: donc néceflaire que les yeux foient abfolument d'égale force , car. fi les yeux font inégaux, on ne pourra pas fe fervir des deux yeux dans un affez grand intervalle, & même dans l'inter- valle de vue diftinct.e qui refte en em- ployant les deux yeux , les objets feront moins diftrn&s. On a remarqué, au com- mencement de ce Mémoire, qu'avec deux yeux égaux on voit plus diflinclement qu'avec un œil d'environ une treizième partie \ mais au contraire dans l'intervalle de vue diftincte de deux yeux inégaux, les objets, au lieu de paroître plus diftindts en employant les deux yeux, paroifïent moins nets & plus mal terminés que quand on ne fe fert que d'un feul œil \ par exem- ple , fi l'on voit diftin&ement un petit 164 Supplément caractère d'impreffion depuis huit pouces jufqu'à vingt avec l'œil le plus fort, «Se qu'avec l'œil foible on ne voie diftîndte- ment ce même caractère que depuis huit jufqu'à quinze pouces, on n'aura que fept pouces de vue diftincte en em- ployant les deux yeux -, mais , comme l'image qui fe formera dans le bon œil, lera plus forte que celle qui fe formera dans l'œil foible , la fenfation commune , qui réfultera de cette vifion, ne fera pas aufîi nette que (î on n'avok employé que le bon œil : j'aurai peut -être occafion d'expliquer ceci plus au long; mais il me fufEt à préient de faire fentir que cela augmente encore le déiavantage des yeux inégaux. Mais, dira -t- on , il n'eft pas fur que l'inégalité de force dans les yeux doive produire le ftrabifme , il peut fe trouver des louches dont les deux yeux foient d'égale force -, d'ailleurs cette inégalité répand à la vériré de la confusion fur les objets, mais cette confufïon ne doit pas faire écarter l'œil foible; car, de quelque côté qu'on le tourne, il reçoit toujours d'autres images qui doivent troubler la a PHiJioire Naturelle, i 6 f fenfation autant que la tt oubleroit l'image indiflincte de l'objet qu'on regarde direc- tement. Je vais répondre à la première objec- tion par des faits -, j'ai examiné la force des yeux de plufieurs enfans & de plu- rieurs perfonnes louches } &, comme la plupart des enfans ne favoient pas lire, j'ai préfenté à pluiieurs diftances à leurs yeux des points ronds, des points trian- gulaires 8c des points 'quarrés , & en leur fermant alternativement l'un des yeux, j'ai trouvé que tous avoient les yeux de force inégale *, j'en ai trouvé dont les yeux étoient inégaux au point de ne pouvoir diftinguer à qu3tre pieds avec l'œil foi- ble la forme de l'objet qu'ils voyoient diftin clément à douze pieds avec le bon œil -, d'autres à la vérité n'avoient pas les yeux aufîî inégaux qui! eft nécefïaire pour devenir louches , mais aucun n'avoit ^les yeux égaux, & il y avoit toujours une ditîérence très-fenfibie dans la diftance à laquelle ils apercevoient les objets, 8c l'œil louche s'eft toujours trouvé le plus foible. J'ai .obfervé conftamment que quand on couvre le bon œil, 8c que ces ï 6 6 Supplément louches ne peuvent voir que du mau- vais , cet œil pointe & fe dirige vers l'objet auffi régulièrement & aufîi direc- tement qu'un œil ordinaire j d'où il eft aifé de conclure qu'il n'y a point de dé- faut dans les mufcles-, ce qui fe confirme encore par l'obfervation tout auffi conf- iante que j'ai faite en examinant le mou- vement de ce mauvais œil , & en ap- puyant le doigt fur la paupière du bon œil qui étoit fermé, & par lequel j'ai re- connu que îe bon œil fuivoit tous les mou* vemens du mauvais œil, ce qui achève de prouver qu'il n'y a point de défaut de çorrefpondance ou d'équilibre dans les mufcles des yeux. La féconde objection demande un peu plus de difeuffion : je conviens que, de quelque coté qu'on tourne le mau- vais œil , il ne laiffe pas d'admettre des images , qui doivent un peu troubler la netteté de l'image reçue par îe bon œil j mais ces images étant abfolument dirlérentes, Se n'ayant rien de commun , ni par la grandeur, nr par la figure, avec l'objet fur lequel eft fixé le bon œil > la feniation qui en refaite , eft , pour air$ à rHiJioire Naturelle, i 6 y dire , beaucoup plus fourde que ne feroit celle d'une image femblable. Pour le faire voir bien clairement , je vais rap- porter un exemple qui ne m'eit que trop familier : j'ai le défaut d'avoir la vue fort courte, & les yeux un peu inégaux , mon œil droit étant un peu plus foible que le gauche -, pout lire de petits caractères , ou une mauvaife écriture , & même pour voir bien diltinctement les petits objets à une lumière foible, je ne me fers que d'un œil 5 j'ai obfervé mille & mille fois, qu'en me fervant de mes deux yeux pour lire un petit caractère, je vois toutes les lettres mal terminées , & en tournant l'œil di-ok pour ne me fervir que du gauche , je vois l'image de ces lettres tourner aufïî, cette impofïibilité de réunion parfaite des images des deux yeux dans les vues courtes comme la mienne , vient fouvent moins de l'inégalité de force dans les yeux , que d'une autre caufe *, c'eft la trop grande proximité des deux prunelles , ou , ce qui revient au même , l'angle trop ouvert des deux axes optiques, qui produit à VHifloire Naturelle, x 69 produit en partie ce défaut de réunion* On fent hïen que plus on approche un petit objet des yeux , plus auflï l'inter- valle des deux prunelles diminue ', mais , comme il y a des bornes a cette dimi- nution , & que les yeux font pofés de façon qu'ils ne peuvent faire un angle plus grand que de foixante degrés tout au plus, par les deux rayons vifueîs, il fuit que , toutes les fois qu'on regarde de fort près avec les deux yeux , la vue eft fatiguée & moins diftin&e, qu'en ne regardant que d'un feul œil -, mais cela n'empêche pas que l'inégalité de force dans les yeux , ne produife le même effet , & que par conféquent il n'y ait beaucoup d'avantage à écarter l'œil fot- bîe, & l'écarter de façon qu'il reçoive une image différente de celle dont l'œiî le plus fort eft occupé. S'il refte encore quelques fcrupules à cet égard , il eft aifé de les lever par une expérience très-facile à faire *, je fuppofe qu'on ait les yeux égaux , ou à peu-près égaux , il n'y a qu'à prendre un verre convexe , & le mettre à un demi-pouce de l'un des yeux, en rendra par- là cec Tome XL H 170 Supplément œil fort inégal en force à l'autre -, fi Yon veut lire avec les deux yeux , on s'a- percevra d'une confufion dans les lettres , caufée par cette inégaliré , laquelle con- fufion difparoîtra dans Tinftant qu'on fer- mera l'œil oftufquépar le verre, & qu'on ne regardera plus que d'un œiî. Je fais qu'il y a des gens qui préten- dent que , quand même on a les yeux parfaitement égaux en force , on ne voit ordinairement que d'un œil j mais c'eft une idée fans fondement , qui eft con- traire à l'expérience: on a vu, ci-devant, qu'on voit mieux des deux yeux que d'un feul , lorfqu'on les a égaux -, il n'eft donc pas naturel de penfer qu'on cher- cheroit à mal voir , en ne fe fervant que d'un œil , lorfqu'on peut voir mieux, en fe fervant des deux. Il y a plus -, c'eft qu'on a un autre avantage très-confidé- rable à fefervir des deux yeux, lorfqu'ils font de force égale , ou peu inégale j cet avantage confifte à voir une plus grande étendue , une plus grande partie de l'ob- jet qu'on regarde : fi on voit un globe dun feul œil , on n'en apercevra que la moitié , Ci on le regarde avec les deux à VHifioire Naturelle, i 7 1 yeux, on en verra plus de la moitié > & il éft aifé de donner pour les diftances ou les grorTeurs différentes , la quantité qu'on voit avec les deux yeux de plus qu'avec un feul œil *, ainfî , on doit fe fervir , & on fe fert en effet > dans tous les cas, des deux yeux , lorfqu'ils font égaux , ou peu inégaux. Au refte , je ne prétends pas que l'iné- galité de force dans les yeux, foit la feule caufe du regard louche , il peut y avoir d'autres caufes de ce défaut j mais je les regarde comme des caufes acci- dentelles, & je dis feulement , que l'iné- galité de force dans les yeux , eft une efpèce de ftrabifme inné, la plus ordinaire de toutes , & fi commune , que tous les louches que j'ai examinés , font dans le cas de cette inégalité -, je dis de plus , que c'eit, une caufe dont l'effet eft né- cefïaire , de forte qu'il n'eft peut-être pas pofïible de guérir de ce défaut une per- Tonne dont les yeux font de force ttop inégale. J'ai obiervé , en examinant la portée des yeux de plufïeurs enfans qui n'étoient pas louches , qu'ils ne voient pas fi loin , à beaucoup près, que les adultes, Hij i 7 2 Supplément & que , proportion gardée , ils peuvent voir diftindement d'auffi près -, de forte qu'en avançant en âge , l'intervalle abfolu de la vue diftinfte , augmente des deux côtés , & c'eft une des raifons pourquoi il y a, parmi îes enfans, plus de louches que parmi les adultes ; parce que s'il ne faut que ■£, ou même beaucoup moins d'inégalité dans les yeux pour les rendre louches , lorfqu ils n'ont qu'un petit in- tervalle abfolu de vue diftindfce, il leur faudra une plus grande inégalité, comme g ou davantage pour les rendre louches, quand l'intervalle abfolu de vue diftinOe fera augmenté-, en forte qu'ils doivent fc corriger de ce défaut en avançant en âge. Mais quand les yeux, quoique de force inégale, n'ont pas cependant le degré d'inégalité que nous avons détermine par la formule ci-deffus, on peut trouver un remède au ftrabifme ; il me paroit que le plus natutel, & peut-être le plus cfh- cace de tous les moyens, eft de couvrir le bon œil pendant un temps: 1 œil dit- forme feroit obligé d'agir & de fe tourner directement vers les objets , & prendront en peu de temps ce mouvement hahi- à VÎJifloire Naturelle. 17 5 tueî. J'ai oui dire que quelques Oculiftes s'étoient fervis allez heureufement de cette pratique } mais, avant que d'en faire ufage fur une perfonne, il faut s'afïurer du degré d'inégalité des yeux , parce qu'elle ne réufïira jamais que fur des yeux peu inégaux. Ayant communiqué cette idée à plufieurs perfonnes , & entre autres à M. Bernard de Juiïieu , à qui j'ai lu cette partie démon Mémoire ,} ai eu le plaifir de voir mon opinion con- firmée par une expérience qu'il m'indi- qua , & qui eft rapportée par M. Allen, Médecin Anglois , dans fon Synopjîs uni-* yerfa Medicina. Il fuit de tout ce que nous venons de dire , que , pour avoir la vue parfaitement bonne , il faut avoir les yeux abfolument égaux en force -, que de plus , il faut que l'intervalle abfolu foit fort grand, en forte qu'on puifle voit aufli-bien de fort près que de fort loin , ce qui dépend de la facilité avec laquelle les yeux fe con- tractent ou fe dilatent , & changent de figure félon le befoinj car Ci les yeux étoient folides , on ne pourroit avoir qu'un très-petit intervalle de vue diltindte. Hiij j 74 Supplément II fuit aufïï de nos obfervations , qu'un borgne à qui il refte un bon œil , voit mieux & plus diftinétement que ïe com- mun des hommes , parce qu'il voir mieux que tous ceux qui ont les yeux un peu inégaux, &, défaut pour défaut } il vau- droit mieux être borgne que louche , (î ce premier défaut n'étoit pas accompagné & d'une plus grande difformité & d'au- tres incommodités. Il fuit encore évidem- ment de tout ce que nous avons dit, que les louches ne voient jamais que d'un œil 5 & qu'ils doivent ordinairement tour- ner le mauvais œil tout près de leur nez, parce que , dans cette Situation , la direc- tion de ce mauvais œil eft aufiï écartée qu'elle peut l'être de la direction du bon œil 5 à la vérité , en écattant ce mauvais œil du côté de l'angle externe , la direc- tion feroit aulli éloignée que dans le pre- mier cas •, mais il y a un avantage de tourner l'œil du côté du nez , parce que le nez fait un gros objet qui , à cette très-petite diftance de l'œil , paroît uni- forme , êc cache la plus grande partie des objets qui pourroient être aperçus du mauvais œil , & par conféquent cette a PHiJloire Naturelle, i J$ fituatîon du mauvais oeil , eft la moins défavantageufe de toutes. On peut ajouter à cette raifon , quoi* que fumfante , une autre raifon tirée de l'obfervation que M. Winflow a faite fur l'inégalité de la largeur de l'iris (c) , ïl allure que l'iris eft plus étroite du côté du nez, & plus large du côté des tempes, en forte que la prunelle n'eft point au milieu de l'iris , mais qu'elle eft plus près de la circonférence extérieure du côté-du nez-, la prunelle pourra donc s'approcher de l'angle interne , & il y aura par confé- quent plus d'avantage à tourner l'œil du 'côté du nez, que de l'autre côté, & le champ de l'œil fera plus petit dans cette fîtuation , que dans aucune autre. Je ne vois donc pas qu'on puifle trou- ver de remède aux yeux louches , lors- qu'ils font tels à caufe de leur trop grande inégalité de force , la feule chofe qui me paroît raifonnable à propofer , feroit de raccourcir la vue de l'œil le plus fort , afin que les yeux fe trouvant moins fcj Voyez les Mémoires de PAcadéraie des Sweaces, année 1721. Hiy xj6 Supplément inégaux , on fût en état de îes diriger tous deux vers le même point , fans trou- bler îa vilion autant qu'elle l'étojt aupa- ravant -, il fufnroit, par exemple, à un homme qui a ^d'inégalité de force dans îes yeux, auquel cas il eft néceiïairement louche , il fufnroit, dis-je , de réduire cette inégalité à -^ , pour qu'il cefsât de l'être. On y parviendroit peut - être , en com- mençant par couvrir le bon œil pendant quelque temps , afin de rendre au mau* vais œii îa direction & toute la force que le défaut d'habitude à s'en fervir, peut lui avoir orée , & enfuite en faifant porter des lunettes, dont le verre oppofé au mauvais œil, fera plan, & le verre du bon œil feroit convexe , infenfiblemenc cet œil perdroit de fa force , & feroit par conséquent moins en état d'agir in- dépendammenr de l'autre. En obfervant les mouvemens des yeux de plufieurs perfonnes louches , j'ai re- marqué que , dans tous les cas , les prunelles des deux yeux ne biffent pas de fe fuf- vre afîèz exactement, & que l'angle d'in- clinaifon des deux axes de l'œil , eft pres- que toujours le même, au lieu que, dans à VHiJloire Naturelle, i 7 7 îes yeux ordinaires , quoiqu'ils Te fuivent très-exa&ement, cet angle eft plus petit ou plus grand, à proportion de l'éloigne- menr ou de la proximité des objets -, cela feul fuffiroit pour prouver que les louches ne voient que d'un œil. Mais il eft aifé de s'en convaincre en- tièrement par une épreuve facile : faites placer la perfonne louche à un beau jour, vis-à-vis une fenêtre, préfentez à fes yeux un petit objet, comme une plume à écrire, & dites-lui delà regar- der -, examinez fes yeux , vous reconnoîtrez aifément l'œil qui eft dirigé vers l'objet, couvrez cet œil avec la main, & fur-le- champ la perfonne qui croyoit voir des deux yeux , fera fort étonnée de ne plus voir la plume, & elle fera obligée de re- drener fon autre œil & de le diriger vers cet objet pour l'apercevoir -, cette obfer- vation eft générale pour tous les louches j ainii , il eft fur qu'ils ne voient que d'un œil. Il y a des perfonnes qui, fans être ab- folument louches, ne laiiTent pas d'avoir une fauile direction dans l'un des yeux, qui cependant n'eft pas affez confidérable Hv 178 Supplément pour caufer une grande difformité, leurs deux prunelles vont enfemble, mais les deux axes optiques , au lieu d'être incli- nés proportionnellement à la diftance des objets, demeurenr toujours un peu plus ou un peu moins inclinés , ou même prefque parallèles 5 ce défaut qui eft afTez commun, & qu'on peut appeler un faux trait dans les yeux j a fouvenr pour caufe l'inégalité de force dans les yeux, & s'il provient d'autre chofe, comme de quel- qu'accident ou d'une habitude prife au berceau , on peut s'en guérir facilement, ïl eft à remarquer que ces efpèces de louches ont dû voir les objets doubles dans le commencement qu'ils ont con- tracté cette habitude de la même façon qu'en voulant tourner les yeux comme les louches, on voit les objets doubles avec deux bons yeux. En effet , tous les hommes voient les objets doubles, puifqu'ils ont deux yeux9 dans chacun defquels fe peint une image, 8c ce n'eft que par expérience & par ha- bitude qu'on apprend à les juger /im- pies, delà même façon que nous jugeons droits les objets qui cependant font ren- à VHijîoire Naturelle, i 7 9 verfés fur la rétine ; toutes îes fois que les deux images tombent fur les points cor- refpondans des deux rétines , fur lefquels elles ont coutume de tomber, nous ju- geons les objets (impies } mais, dès que Tune ou l'autre des images tombe fur un autre point, nous les jugeons doubles. Un homme qui a dans les yeux la faufle direction ou le faux trait dont nous ve- nons de parler , a du voir les objets dou- bles d'abord , & enfuite par l'habitude il îes a jugés (impies, tout de même que nous jugeons les objets fini pies , quoique nous les voyions en effet tous doubles : ceci e(t confirmé par une obfervation de M. Foîkes, rapportée dans les notes de M. Smith (d); il aflure qu'un homme étant devenu louche par un coup violent à la tête , vit les objets doubles pendant quelque temps, mais qu'enfin il étoir par- venu à les voir (impies comme aupara- vant, quoiqu'il fe fervît de fes deux yeux à la fois. M. Folkes ne dit pas (i cet homme étoit entièrement louche, il eft à croire qu'il ne i'étoit que légèrement, (d) A compleat fyfthem dent l'œil obfcurci ou couvert d'une taie, ne laiife pas de fuivre les mouvemens du bon œil-, ainii, dès que l'inégalité eft trop petite ou de beaucoup trop grande, les yeux ne font pas louches , ou s'ils le font , on peut les rendre droits, en couvrant, dans les deux cas , fe bon œil pendant quelque temps j mais îi l'inégalité eu: d'un 184 Supplément tel degré que l'un des yeux ne ferve qu'à ofTufquer l'autre & en troubler la fenfa- tion , on fera louche d'un feul œil fans remède -, & (1 l'inégalité eft telle que l'un des yeux foit prefbite., tandis que l'autre eft myope, on fera louche des deux yeux alternativement. & encore fans au- cun remède. J'ai vu quelques perfonnes que tout le monde difoit être louches, qui le paroif- foient en effet, & qui cependant ne Tétoient pas réellement, mais dont les yeux avoient un autre défaut, peut-être plus grand & plus difforme *, les deux yeux vont enfemble, ce qui prouve qu'ils ne font pas louches , mais ils font vacilîans , & ils fe tournent fi rapidement & fi fubitement qu'on ne peut jamais re- connoître le point vers lequel ils font dirigés : cette efpèce de vue égarée n'em- pêche pas d'apercevoir les objets , mais c'eft toujours d'une manière indiftin&e; ces perfonnes lifent, avec peine, & iorfqu'on les regarde , l'on eft fott étonné de n'apercevoir quelquefois que le blanc des yeux > tandis qu'elles difent vous voir Se vous regarder , mais ce font à PHiJloire Naturelle, i 8 f des coups d'œii imperceptibles , par lef- quels elles aperçoivent \ & , quand on les examine de près, on diftingue aifément tous les mouvemens dont les directions font inutiles, & tous ceux qui leur fervent à reconnoître les objets. Avant de terminer ce Mémoire, il eft bon d'obferver une chofe eiïentielle au jugement qu'on doit porter fur le degré d'inégalité de force dans les yeux des louches •, j'ai reconnu, dans toutes les ex- périences que j'ai faires, que l'œil louche? qui eft toujours le plus foible, acquiert de la force par l'exercice, & que plufîeurs perfonnes dont je jugeoîs le (trabifme incurable, parce que, par les premiers elîais , j'avois trouvé en trop grand degré d'inégalité, ayant couvert leur bon œil feulement pendant quelques minutes, & ayant par conféquent été obligées d'exer- cer le mauvais œil pendant ce petit temps, elles étoient elles-mêmes furprifes de ce que ce mauvais œil avoit gagné beaucoup de force, en forte que mefure prife après cet exercice , de la portée de cet œil, je la trouvois plus étendue t & je i S 6 Supplément jugeois ftrabifme curable \ ainii, pour pro- noncer avec quelqu'efpèce de certitude fur ïe degré d'inégalité des yeux , & fur la pofîibilité de remédier au défaut des yeux louches, il faut auparavant couvrir ïe bon œil pendant quelque temps, afin d'obliger le mauvais œil à faire de l'exer- cice & reprendte toutes fes forces , après quoi on fera bien plus en état de juger des cas où Ton peut efpérer que le re- mède fimple que nous propofons , pourra réuffir. à UHijloire Naturelle, i 8 7 ADDITION A l'article du Sens de l'Ouïe,' volume IV, m-ix, pages 476 & fuivantes. Jai dit, dans cet article , qu'en confi- dérant le fon comme fenfation , on peut donner la raifon du plaiur que font les fons harmoniques , & qu'ils confident dans îa proportion du fon fondamental aux autres fons. Mais je ne crois pas que la Nature ait déterminé cette proportion dans le rapport que M. Rameau établit pour principe: ce grand Muficien , dans fon Traité de l'Harmonie, déduit mge- nieufement fon fyftème d'une hypothèfe qu'il appelle le principe fondamental de la Mufique ; cette hypothèfe eft que le fon n'eft pas (impie, mais compofé, en forte que i'imprefïïon qui réfulte dans Notre oreille, d'un fon quelconque , n'eft i 8 8 Supplément jamais une impreffion iimpïe qui nous fait entendre ce feul fon , mais une im- preffion compofée, qui nous fait enten- dre plu fieurs fons -, que c'eft - là ce qui fait la différence du fon Se du bruit > que le bruit ne produit dans l'oreille qu'une impreffion iimple , au lieu que le fon produit toujours une impreffion compofée. Toute çaufe > dit l'Auteur , qui produit fur mon oreille une impreffion unique & Jlmple y me fait entendre du bruit ; toute caufe qui produit fur mon oreille une impreffion compofée de plufieurs autres 3 me fait entendre du fon. Et de quoi eft compofée cette impreffion d'un feul fon, de ut j par exemple ? elle eft compofée^ i.° du fon même de ut, que l'Auteur appelle le fon fondamental ; 2.0 de deux autres fons très -aigus, dont l'un eft la douzième au-defïus du fon fondamental , c'eft-à-dire , l'odtave de fa quinte en mon- tant , & l'autre , la dix-feptième majeure au-deftus de ce même fon fondamental, c'eft-à-dire, la double octave de fa tierce majeure en montant. Cela étant une fois ad- mis , M. Rameau en déduit tout le fyftême de la Mufique , & il explique la forma- à FHijhire Naturelle, i 8 9 tien de l'échelle diatonique, les règles du mode majeur , l'origine du mode mineur , les dirîérens genres de Mufique qui font ie diatonique , le chromatique & l'en- harmonique : ramenant tout à ce fyftème, il donne des règles plus fixes & moins arbitraires que toutes celles qu'on a don- nées jufqu'à préfent pour la composition. C'eft en cela que confïfte la principale uti> iité du travail de M. Rameau. Qu'il exifte en effet dans un Ton trois fons, lavoir ,1e Ton fondamental , la douzième & la dix- feptième, ou que l'Auteur les y fuppofe, cela revient au même pour la plupart des conféquences qu'on en peut tirer, & je ne ferois pas éloigné de croire que M. Rameau , au lieu d'avoir trouvé ce principe dans la Nature, l'a tiré des corn* binaifons de la pratique de fon art : il a vu qu'avec cette fuppofition , il pouvoit tout expliquer, dès-lors il l'a adopté, & a cherché à la trouver dans la Nature. Mais y exifte-t-elie ? Toutes les fois qu'on entend un fon ? eft-il bien vrai qu'on en- tend trois fons dirférens?Perfonne, avant M. Rameau , ne s'en étoit aperçu \ c'efl çjonç un phénomène qui , tout au plus , !5>o Supplément nexifte dans la Nature , que pour des oreilles mufkiennes •, l'Auteur (emble en convenir , lorfqu'il dit que ceux qui font infenfîbles au plaifir de la Mufîque , n'en- tendent, fans doute, que le Ton fonda- mental , & que ceux qui ont l'oreille afTez heureufe pour entendre en même-temps le fon fondamental & les fons concomi- rans, font néceflairement très-fenfibles aux charmes de l'harmonie. Ceci eft utre féconde fuppofkion qui , bien loin de confirmer la première hypothèfe, ne peut qu'en faire douter. La condition eflen- tielle dv.n phénomène phyfîque & réel- lement exiftant dans la Nature, eft d'ètïc général, & généralement aperçu de tous les hommes -, mais ici on avoue qu'il n'y a qu'un petit nombre de perfonnes qui foient capables de le reconnoître -, l'Au- teur dit qu'il eft le premier qui s'en (oit aperçu , que les Mufîciens même ne s'en étoient pas doutés. Ce phénomène n'eft donc pas général ni réel , il n'exifte que pour M. Rameau , & pour quelques oreilles également mufkiennes. Les expériences par lefquelles l'Auteur a voulu fe démontrer à lui-même, qu'un à PHifîoire Naturelle, i 9 1 fon eft accompagné de deux autres fons, dont l'un eft b douzième , & l'autre la dix-feptième au-defïus de ce même fon , ne me paroiffent pas concluantes -, car M. Rameau conviendra que , dans tous les fons aigus , & même dans tous les fons ordinaires , il n'eft pas polîible d'en- tendre en même-temps la douzième & la dix-feptième en haut , & il eft obligé d'avouer que ces fons concomitans ne s'entendent que dans les fons graves , comme ceux d'une groffe cloche , ou d'une longue corde*, l'expérience, comme l'on voit , au lieu de donner ici un fait général, ne donne même, pour les oreilles muficiennes , qu'un effet particulier, & encore cet effet particulier fera différent de ce que prétend l'Auteur j car un Mu- ficien qui n'auroit jamais entendu parler du fyftême de M. Rameau , pourroit bien ne point entendre la douzième & la dix - feptîème dans les fons graves *, & , quand même on le préviendroit que le fon de cette cloche qu'il entend , n'eft pas un fon (impie , mais compofé de trois fons, i! pourroit convenir qu'il en- tend en effet trois fons > mais il diroit 192 Supplément que ces trois fons, font le Ton fondamen- tal , la tierce & la quinte, Il auroit donc été plus facile à M. Rameau de faire recevoir ces derniers rapports, que ceux qu'il emploie , s'il eût dit que tout fon eft de fa nature , compofé de rrois fons ; lavoir , le fon fondamen- tal , la tierce & la quinte 3 cela eût été moins difficile à croire , & plus aifé à Juger par l'oreille, que ce qu'il affirme, en nous difant que tout fon eft de fa na- ture , compofé du fon fondamental , de la douzième & de la dix-feptième -, mais comme dans cette première fuppofition , il n'auroit pu expliquer la génération harmonique , il a préféré la féconde , qui s'ajufte mieux avec les règles de fon art. Perfonne ne l'a en effet porté à un plus haut point de perfection dans la théorie & dans la pratique, que cet il- luftre Muficien, dont le talent fupérieur a mérité les plus grands éloges. La fenfation de plaifir que produit l'harmonie , femble appartenir à tous les êtres doués du fens de l'ouie. Nous avons dit, dans î'Hiftoire des Quadrupèdes, que l'Eléphant a le fens de iouie très- bon 3 à VHiJloire Naturelle, i 9 3 bon , qu'il fe déleste au Ton des inflru- mens , & paroît aimer la Mufique 5 qu'il apprend aifément à marquer la mefure 5 à fe remuer en cadence, & à Joindre à propos quelques accens au bruit des tambours & au fon des trompettes , & ces faits font attelles par un grand nombre de témoignages. J'ai vu aufïï quelques chiens qui avoient un goût marqué pour la Mufique , & qui arrivoient de la balïe-cour ou de la cuifine au concert, y reftoient tout le temps qu'il duroit, & s'en retournoient enfuite à leur demeure ordinaire. J'en ai vu d'autres prendre allez exactement l'u- niflon d'un fon aigu , qu'on leur faifoic entendre de près , en criant à leur oreille. Mais cette efpèce d'inftincl: ou de faculté, n'appartient qu'à quelques individus ; la plus grande partie des chiens font in- difïérens aux fons mufïcaux , quoique prefque tous foient vivement agités par un grand bruit , comme celui des tam- bours , ou des voitures rapidement roulées. Les chevaux , ânes > mulets , cha- meaux , bœufs & autres bêtes de fomme*. Tome XI% I 194 ^Supplément paroilïent fupporter plus volontiers la fatigue ., & s'ennuyer moins dans leurs longues marches , iorfqu'on les accom- pagne avec des inftrumens \ c'eft par la même raifon qu'on leur attache des clo- chettes ou fonnailles : Fon chante ou Ton firrle prefque continuellement les bœufs, pour les entretenir en mouvement dans leurs travaux les plus pénibles , ils s'ar- rêtent & paroîiïent découragés , dès que leurs conducteurs cèdent de chanter ou de firrler -, il y a même certaines chanfons ruftiques , qui conviennent aux bœufs 3 par préférence à toutes autres, & ces chanfons renferment ordinairement les floms des quatre ou des fîx bœufs qui çompofent l'attelage } Ton a remarqué que chaque bœuf paroît être exciré par (on nom prononcé dans la chanfon. Les chevaux drelïent les oreilles , & paroif- fent fe tenir fiers & fermes au fon de la trompette , &c. comme les chien» de chalie s'animent aufîi par le fon du cor, On prétend que les marfouins , les phoques & les dauphins approchent des ■yaiffeaux lorf que , dans un temps calme , gn y feit une mu Ci que retentiilante j maiç. à VRifioirt Naturelle. 19 f ce fait, dont je doute, n'efl: rapporté par aucun Auteur grave. Plufieurs efpèces d'oifeaux, tels que les ferins , linottes , chardonnerets , bou- vreuils, tarins, font très-fufceptibles des impreiïions muficales , puifqu'ils appren- nent & retiennent des airs allez longs. Prefque tous les autres oifeaux font aufïi modifiés par les fons -, les perroquets , les geais , les pies , les fanfonnets , les merles ,. etc. apprennent à imiter le fîfflet , 8c même la parole j ils imitent aulîl la voix 8c les cris des chiens , des chats & des autres animaux. En général, les oifeaux des pays ha- bités, & anciennement policés , ont la. voix plus douce, ou le cri moins aigre que dans les climats déferts , & chez les Nations fauvages. Les oifeaux de l'Amé- rique, comparés à ceux de l'Europe & de l'Afie , en offrent un exemple frap- pant : on peut avancer avec vérité que , dans le nouveau continent , il ne s'eft trouvé que des oifeaux criards , 8c qu'à l'exception de trois ou quatre efpèces , telles que celles de l'organise, du fcar- late & du merle-moqueur, prefque toufc 1 5 6 Supplément les autres oifeaux de cette vafte région ; avoient & ont encore la voix choquante pour notre oreille. On fait que la plupart des oifeaux chantent d'autant plus fort , qu'ils en- tendent plus de bruit ou de fon dans le lieu qui les renferme. On connoît les affauts du roffignol contre la voix humaine, Se il y a mille exemples particuliers de l'inftincl: mufical des oifeaux , dont on n'a pas pris la peine de recueillir les détails. Il y a même quelques infectes qui parohlent être fenfibles aux impreilions de la Mufique : le fait des araignées qui defeendent de leur toile , & fe tiennent fufpendues , tant que le fon des inftru- mens continue , & qui remontent enfuite à leur place, m'a été atteftépar un afïèz grand nombre de témoins oculaires , pour qu'on ne puiflfe guère le révoquer en doute. Tout le monde fait que c'eft en frap- pant fur des chaudrons , qu'on rappelle les effaims fugitifs; des abeilles , & que l'on fait cefler, par un grand bruit, la ftrideur incommode des grillons. a VHiftoire Naturelle, i 9 7 Sur la voix des Animaux. Je puis me tromper, mais H m'a paru que le mécanifme par lequel les animaux font entendre leur voix, eft différent de celui de la voix de l'homme 5 c'en: par l'expiration que l'homme forme fa voix , les animaux au contraire , femblent la former par l'infpiration. Les coqs , quand ils chantent, s'étendent autant qu'ils peu- vent , leur cou s'alonge , leur poitrine s'élargit , le ventre fe rapproche des reins , & le croupion s'abaifîe , tout cela ne convient qu'à une forte infpiration. Un agneau nouvellement né , appelant fa mère , offre une attitude toute fem- blable 5 il en eft de même d'un veau dans les premiers jours de fa vie 5 lors- qu'ils veulent former leur voix , le cou s'alonge & s'abaifle , de forte que îa tra- chée-artère eft ramenée prefque au niveau de la poitrine 5 celle-ci s'élargir , l'abdo- men fe relève beaucoup , apparemment parce que les inteftins reftent prefque vides , les genoux fe plient , les cuines s'écartent, l'équilibre ieperd, & le petit animal chancelé en formant fa voix f lu) i o 8 Supplément tout cela paroît être l'effet d'une forte infpiration. J'invite les Phyficiens & les Anatomiftes à vérifier ces obfervations , qui me paroiflent dignes de leur at- tention. Il paroît certain que les loups & les chiens ne hurlent que par infpiration •, on peut s'en afïurer-aifément , en faifant hurler un petit chien près duvifage, on verra qu'il tire l'air dans fa poitrine, au lieu de le pouffer au-dehors *, mais lorfque ïe chien aboie , il ferme la gueule à chaque coup de voix , & le mécanifme de l'aboiement, eft différent de celui du hurlement. Sur le degré de chaleur que l'Homme ô les Animaux peu- vent fupporter. Quelques Physiciens fe font con- vaincus que le corps de l'homme pouvoit réfifter à un degré de chaud fort au-defîus de fa propre chaleur ; M. Eliis eft, je crois, le premier qui ait fait cette obfer- vation en 1758. M. l'abbé Chappe d'Au- teroche nous a informé qu'en Ruffie à ÏHijloire Naturelle 199 Ton chauffe les bains à foixante degrés du thermomètre de Réaumur. Et en dernier lieu le docteur Fordice al conftruit plusieurs chambres de- plein- pied , qu'il a échauffées par des tuyaux de chaleur pratiqués dans le plancher, en y veriant encore de l'eau bouillante. Il n'y avoir point de cheminée dans ces chambres ni aucun paffage à l'air, excepté par les fentes de la porte. Dans la première chambre, îa plus haute élévation du thermomètre étoit à cent vingt degrés , la plus balle à cent dix. (Il y avoit dans cette chambre trois ther- momètres placés dans dirrérens endroits)* Dans la féconde chambre, la chaleur étoit de quatre-vingt-dix à quatre-vingt- cinq degrés. Dans la troifième, la chaleur étoit modérée, tandis que l'air extérieur étoit au-deiTous du point de îa congéla- tion. Environ trois heures après le déjeûné , le docteur Fordice , ayant quitté, dans la première chambre, tous (es vêtemens, à l'exception de fa che- mife , & ayant pour chaurTure des fan- dales attachées avec des lifïères, entra dans k féconde chambre. Il y demeura cincj Iiy 2 c o Supplément minutes à quatre-vingt-dix degrés de cha» leur, & il commença à fuer modérément. Jï entra alors da.ns îa première chambre & fe tint dans ïa partie échauffée à cent dix degrés. Au bout d'une demi-minute fa chemife devint fi humide qu'il fut obligé de îa quitter. Auflïtôt l'eau coula comme un ruifleau fur tout fon corps. Ayant encore demeuré dix minutes dans cette partie de la chambre échauffée à cent dix degrés, il vint à la partie échauf- fée à cent vingt degrés; &, après y avoir refté vingt minutes, il trouva que le thermomètre, fous fa langue & dans fes mains, étoit exa&ement à cent degrés, Se que fon urine étoit au même point. Son pouls s'éleva fucceiïivement jufqu'à donner cent quarante-cinq battemens dans une minute. La circulation extérieure s'accrut grandement. Les veines devinrent grolTes , & une rougeur enflammée fe ré- pandit fur tout fon corps, fa refpiration cependant ne fut que peu arïect-ée. Ici, dit M. Blagden, le dodeur For- dice remarque que la condenfation de îa vapeur fur fon corps, dans la première chambre, étoit très-probablement la prin- à PHiJloire Naturelle, i o r cîpaîe caufe de l'humidité de fa peau. Il revint enfin dans la féconde chambre, où s'étant plongé dans l'eau échauffée à cent degrés, & s'étant bien fait efïùyer, il fe fit porter en chaife chez lui. La cir- culation ne s'abaifla entièrement qu'au bout de deux heures. Il fortit alors pour fe promener au grand air, & il femit à peine le froid de la faifon (a), M. Tillet, de l'Académie des Sciences de Paris, a voulu reconnoître, par des expériences, les degrés de chaleur que l'homme Bc les animaux peuvent fuppor- ter j pour cela , il fit entrer dans un four une fille portant un thermomètre -, elle foutint pendant allez long-temps la cha- leur intérieure du four jufquà nz degrés. M. de Marantin ayant répété cette ex- périence dans le même four, trouva que les feeurs de la fille qu'on vient de citer foutinrent, fans être incommodées, une chaleur de cent quinze à cent vingt de- grés pendant quatorze ou quinze minutes y (a) Journal Angïois, mois d'Otf&ère 1775 ? jeges 19 & Jltiy. toi Supplément &, pendant dix minutes, une chaleur de cent trente degrés : enfin , pendant cinq minutes, une chaleur de cent quarante de- grés. L'une de ces filles , qui a fervi à cette opération deM.Marantin, ioutenoit ïa chaleur du four dans lequel cuifoient des pommes & de la viande de bouche- rie pendant l'expérience. Le thermomè- tre de M. Marantin étoit le même que celui dont s'étoit fervi M. Tillet -, il étoit à efprit-de-vin (b). On peut ajouter à ces expériences celles qui ont écé faites par M. Boerhave fur quelques oifeaux & animaux , dont le ré^- fultat fembïe prouver que l'homme eft plus capable que la plupart des animaux de fupporter un très - grand degré de chaleur. Je dis que la plupart des anfe- maux, parce que M. Boerhave n'a fait fes expériences que fur des oifeaux Se des animaux de notre climat , & qu'il y a grande apparence que les éiéphans , les rhinocéros 8c les autres animaux des cli- mats méridionaux, pourroient fupporter (b) Mémoires de l'Académie des Sciences, année 1164, f âges i86 & fuiv* a VHijîoire Naturelle. 205 un plus grand degré de chaleur que l'homme. C'eft par cette raifon que je ne rapporte pas ici les expériences de M. Boer^ hâve , ni celles que M. Tillet a faites fur les poulets, les lapins, &c. quoique très- curieufes. On trouve, dans les eaux thermales, des plantes & des infectes qui y naifïent êc croifïènt, & qui par conféquent fuppor- tent un très-grand degré de chaleur. Les Chaudes-aigues en Auvergne ont jufqu'à foixante-cinq degrés de chaleur au ther- momètre de Réaumur, & néanmoins il y a des plantes qui croiffent dans ces eaux ; dans celles de Plombières , dont la cha- leur eft de quarante- quatre degrés > on trouve au fond de l'eau une efpèce de trcmella ,, différente néanmoins de la tre- Fnella ordinaire , & qui paroîr avoir comme elle un certain degré de fenfibilité ou de tremblement. Dans Tile de Luçon , à peu de àiO:anco de la ville de Manille , eft un ruiiîeau eonfîdérabîe d'une eau dont la chaleur eft de forxante-neuf degrés, Se dans cette eau fi chaude il y a non-feulement des plantes, mais même des poïilons de trofe Ivj 2 04 Supplément à quatre pouces de longueur. M. Sonne- rat , correfpondant du Cabinet , m'a allure qu'il avoit vu , dans le lieu même , ces plantes & ces poiilons , & il m'a écrie enfuite à ce Tu jet une lettre , dont voici l'extrait : « En paiîant dans un petit village fîtué à environ quinze lieues de Manille a capi- tale des Philippines , fur les bords du grand lac de l'île de Luçon, }e trouvai un ruifleau d'eau chaude, ou plutôt d'eau bouillante -, car la liqueur du thermomètre de M. de Réaumur monta à 69 degrés. Cependant le thermomètre ne fut plongé qu'à une lieue de la fource : avec un pa- reil degré de chaleur , la plupart des hommes jugeront que toute production de la Nature doit s'éreindre, votre fyC- tème & ma note fuivante prouveront le contraire*, je trouvai trois arbrilTeaux très* vigoureux , dont les racines trempoient dans cette eau bouillante , & dont les tètes étoient environnées de fa vapeur, fi conlidérable que les hirondelles qui ofoient traverfer le ruifleau à la hauteur de fept à huit pieds >tomboient fans mou- à PHiJioire Naturelle. 205 vement j l'un de ces trois arbrifteaux étoit un Agnus cafîus j & les deux autres des Afpalacus. Pendant mon féjour dans ce village , Je n'ai bu d'autre eau que celle de ce ruifleau, que je fajfois refroidir, Je lui trouvai un petit goût terreux & ferrugineux j le Gouvernement Efpagnol ayant cru apercevoir des propriétés dans cette eau, a fait conftruire différens bains, dont le degré de chaleur va en gradation, félon qu'ils font éloignés du ruiflèau. Ma furprife fut extrême iorfque je vifitai le premier bain de trouver des êtres vivans dans cette eau dont le degré de chaleur ne me permit pas d'y plonger les doigts -y je fis mes efforts pour retirer quelques- uns de ces poifîbns, mais leur agilité & la maîadrefïe des Sauvages ruftiques de ce canton, m'empêchèrent de pouvoir en prendre un pour reconnoître l'efpèce *, je îes examinai en nageant, mais les vapeurs de l'eau ne me permirent pas de les dis- tinguer allez bien pour îes rapprocher de quelque genre -, je les reconnus feule- ment pour des poiiîons à écailles de cou- leur brunâtre, les plus longs avoient en- viron quatre pouces. ... Je laifTe au io6 Supplément Pline de notre fiècîe à expliquer cette fin- gularité de la Nature. Je naurois point ofé avancer un fait qui paroît Ci extraor- dinaire à bien des perfonnes, fi je ne pour- vois l'appuyer du certificat de M. Pre- voft, CommiiTaire de la Marine, qui a parcouru avec moi l'intérieur de i'ile de Lucon. » a VHiJtoire Naturelle. 207 ADDITION A l'article qui a pour titre ^ Variétés dans l'efpèce hu- maine, volume V, in-i2*y pages 1 & fuivantes. JL/a ns la fuite entière de mon Ou- vrage fur l'Hiftoire Naturelle , il n'y a peut-être pas un feul des articles qui foit pîus fufceptible d'additions & même de corrections que celui des variétés de l'es- pèce humaine j j'ai néanmoins traité ce fujet avec beaucoup d'étendue, & j'y ai donné toute l'attention qu'il mérite ; mais on fent bien que j'ai été obligé de m'e» rapporter, pour la plupart des faits, aux relations des Voyageurs les pîus accrédi- tés •, maiheureufement ces relations fidèles, à de certains égards, ne le font pas à d'autres -, Jes hommes qui prennent h ato8 Supplément peine d'aller voir des chofes au loin; croyent fe dédommager de leurs travaux pénibles en rendant ces chofes plus mer- veilleufes -, à quoi bon fortir de (on pays (i Ton n'a rien d'extraordinaire à préfen- ter ou à dire à Ton retour } de-là les exa- gérations, les contes & les récits bizarres dont tant de Voyageurs ont fouillé leurs écrits en croyant les orner. Un efprit at- tentif, un Philofophe inftruit reconnoît aifément les faits purement conrrouvés qui choquent ia vraifemblance ou Tordre de la Nature *, il diftingue de même le faux du vrai, le merveilleux du vraifem- blable, & fe met fur-tout en garde contre l'exagération. Mais dans les chofes qui ne font que de fimpîe defeription , dans celles où Tinfpection & même le coup* d'œil fufEroit pour les défigner, comment diftinguer les erreurs qui fembient ne por- ter que fur des faits aufli {impies qu'indif- férens ? comment fe refufer à admettte comme vérités tous ceux que le relateur aflure , Iorfqu'on n'aperçoit pas îa fource de fes erreurs, Se même qu'on ne devine pas les motifs qui ont pu le déterminer à dire faux i ce n'efl qu'avec le temps à VHifloire Naturelle. 209 que ces fortes d'erreurs peuvent être cor- rigées -, c'eft- à-dire 3 lorfqu'un grand nom- bre de nouveaux témoignages viennent à détruire les premiers. Il y a trente ans que j'ai écrit cet article des variétés de Tefpèce humaine -, il s'eft fait dans cet in- tervalle de temps pïufîeurs voyages, donc quelques-uns ont été entrepris & rédigés par des hommes inftruits -, c'eft d'après les nouvelles connoiflances qui nous ont été rapportées que je vais tâcher de réinté- grer les chofes dans la plus exacte vérité, foit en fupprimant quelques faits que j'ai trop légèrement affirmés fur la foi des premiers Voyageurs, foit en confirmant ceux que quelques critiques ont impu- gnés & niés mal-à-propos. Pour fuivre le même ordre que je me fuis tracé dans cet article , je commence- rai par les peuples du nord. J'ai dit que les Lappons, les Zembliens, les Boran- drens, les Samojèdes, les Tartares fepten- trionaux, & peut-être les Oftiaques dans l'ancien continent *, les Groenlandois & les Sauvages au nord des Efquimaux dans l'autre continent, fèmblent être tous 2 i o Supplément d'une feule & même race qui s'en: éten- due 8c multipliée le long des côtes des mers feptentrionales, Sec. (a), M* Kling- ftedt,dms un Mémoire imprimé en 1761, prétend que je me fuis trompé: i.9 en ce que les Zembliens n'exiftent qu'en idée -, il eft certain , dit-il , que le pays qu'on appelé la nova Zembla^ ce qui fignlfie en langue Ruffe ^ nouvelle terre 3 ri a guère d'hahitans. Mais 5 pour peu qu'il y en ait, ne doit-on pas les appeler Zembliens? d'ailleurs les voyageurs Hol- landois les ont décrits Se en ont même donné les portraits gravés *, ils ont fait un grand nombre de voyages dans cette nouvelle Zembîe, & y ont hiverné dès 1596, fur la côte orientale à quinze de- grés du pôle -, ils font mention des ani- maux 8c des hommes qu'ils y ont ren- contrés*, je ne me fuis donc pas ttompé, & il eft plus que probable que c'eft M. Klingftedt qui fe trompe lui-même à fa) Hiftoire Naturelle, volume V, /«- 12, fages 3 & fui y an tes. à VHifioire Naturelle. 1 1 i cet égard. Néanmoins je vais rapporter les preuves qu'il donne de fon opinion. « La nouvelle Zemble eft une île féparée du continent par le décroit de Waigats, fous le foixante-onzième degré, & qui s'étend en ligne droite vers le nord jufqu'au foixante- quinzième, . . . . L'île eft réparée dans fon milieu par un canal ou détroit qui la traverfe dans toute fon étendue, en tournant vers le nord-oueft, & qui tombe dans la mer du nord du côté de l'occident, fous le foixante-trei- zième degré trois minutes de latitude. Ce détroit coupe l'île en deux portions prefqu'égales , on ignore s'il eft. quelque- fois navigable \ ce qu'il y a de certain , c'eft qu'on Ta toujours trouvé couvert de glaces. Le pays de la nouvelle Zemble , du moins autant qu'on en connoît, eft tout-à-fait défert & dénie, il ne produit que très-peu d'herbes, & il eft entière- ment dépourvu de bois, jufque-là même qu'il manque de broîîaiiles -, il eft vrai que perfonne n'a encore pénétré dans l'intérieur de l'île au delà de cinquante ou foixante verftes, & que par conséquent 2 12 Supplément on ignore fî, dans cet intérieur, il n'y a pas quelque terroir plus fertile, & peut- être des habitans ; mais , comme îes côtes font fréquentées tour-à-tour & depuis plu- fîeurs années, par un grand nombre de gens que la pêche y attire , fans qu'on ait jamais découvert la moindre trace d'habitans, Se qu'on a remarqué qu'on n'y trouve d'autres animaux que ceux qui fe nourrirent des poiiïbns que la mer jette fur le rivage , ou bien de moufTe , tels que les ours blancs, les renards blancs & îes rennes, & peu de ces au- tres animaux qui fe nourriiïènt de baies, de racines & bourgeons de plantes & de brofiailles , il eft très-probable que le pays ne renferme point d'habitans & qu'il eft aufli peu fourni de bois dans l'in- térieur que fur les côtes. On doit donc préfumer que le petit nombre d'hommes, que quelques Voyageurs difent y avoir vus, n'étoit pas des Naturels du pays, mais des Étrangers qui, pour éviter la rigueur du climat, s'étoient habillés comme îes Samojèdes, parce que les Ruifes ont cou- tume, dans ces voyages, de fe couvrir d'habillemens à la façon des Samojèdes-,, à VHijloire Naturelle. 2 i 5 Le froid de la nouvelle Zemble eft très- modéré , en compataifon de celui de Spitzberg-, dans cette dernière île, on ne jouit, pendant les mois de l'hiver, d'au- cune lueur ou crépufcule, ce n'efl: qu'à la feule pofition des étoiles , qui font conti- nuellement viiibles, qu'on peut diftin- guer le jour de la nuit *, au lieu que dans la nouvelle Zemble on les diftin- gue par une foibîe lumière qui fe fait toujours remarquer aux heures du midi, même dans les temps où le foleïl n'y pa- roît point. Ceux qui ont le malheur d'être obli-» gés d'hiverner dans la nouvelle Zemble, ne pendent pas , comme on le croit , par l'excès du froid , mais par l'effet des brouillards épais & mal fains, occasion- nés fouvent par la putréfaction des her- bes & des moufles du rivage de la mer , lorfque la gelée tarde trop à venir. On fait, par une ancienne tradition, qu'il y a eu quelques familles qui fe réfugièrent ce s'établirent avec leurs femmes 8c enfans dans la nouvelle Zem- ble, du temps de la deftru&ion de Nowogrod. Sous le règne du Czar Iwan h i 4 Supplément Wafnewitz, un payfan ferf, échappé, appartenant à la maifon des Stroganows 3 s'y étoit auffi retiré avec fa femme & Tes enfans, Se les Rufies connoifTent en- core jufqu'à préfent les endroits où ces gens-là ont demeuré, & les indiquent par leurs noms -, mais les defeendans de ces malheureufes familles ont tous péri en un même temps, apparemment par l'infection des mêmes brouillards. » On voit, par ce récit de M. Klingftedt, que les Voyageurs ont rencontré des hom- mes dans la nouvelle Zembïe-, dès-lors n'ont-ils pas dû prendre ces hommes pour les naturels du pays, puifqu'ils étoienc vêtus à peu-près comme les Samojèdes? ils auront donc appelé Zembliens ces hommes qu'ils ont vus dans la Zemble : cette erreur, (i c'en eft une , eft fort par- donnable -, car cette île étant d'une grande étendue & très-voiiine du continent, l'on aura bien de la peine à fe perfuader quelle fut entièrement inhabitée avant l'arrivée de ce payfan Rulïe. 2.0 M. Klingftedt dit, que je ne pa- rois pas mieux fondé à l'égard des Bq- A PHifioire Naturelle, z i j fandiens j dont on ignore juf qu'au nom même dans tout le nord > & que l'on pour* roit d'ailleurs reconnoître difficilement à la defcription que j'en donne. Ce dernier reproche ne doit pas tomber fur moi -, fî la defcription des Borandiens, donnée par les voyageurs Holiandois, dans le Recueil des Voyages du Nord, n'eft pas allez détaillée pour qu'on puifle recon- noître ce peuple , ce n'eft pas ma faute j je n'ai pu rien ajouter à leurs indications. H en eft de même à l'égard du nom, je ne l'ai point imaginé", je l'ai trouvé, non- feulement dans ce Recueil de Voyages que M. Kiingitedt auroit dû confulrer, mais encore fur des cartes & fur les glo- bes Angîois de M. Senex, Membre de la Société royale de Londres, dont lç$ ouvrages ont la plus grande réputation , tant pour l'exactitude que pour la préci- iîon. Je ne vois donc pas jufqu'à préfent que le témoignage négatif de M. Kling- ftedt feul, doive prévaloir contre les témoignages politifs des Auteurs que je viens de citer. Mais, pour le mettre plus à portée de reconnoître les Borandiens , |e lui dirai gue ce peuple dont il nig 2 i 6 Supplément l'exiftence, occupe néanmoins un vafte terrein, qui n'eft guère qu'à deux cens lieues d'Archangel à l'orient -, que la bourgade de Boranda , qui a pris ou donné ie nom du pays, eft fituée à vingt- deux degrés du pôle , fur la côte occi- dentale d'un petit golfe , dans lequel fe décharge la grande rivière de Petzora *» que ce pays habité par les Borandiens, eft borné au nord par la mer glaciale , vis-à-vis Tîle de Koîgo , & les petites îles Toxar & Mautice -, au couchant , il eft féparé des terres de la province de Jugori par d'aftez hautes montagnes*, au midi, il confine avec les provinces de Zirania & de Permia -, & au levant , avec les provinces de Condoria, & de Monti- zar , lefquelies confinent elles-mêmes avec les pays des Samojèdes, Je pourrois encore ajouter qu'indépendamment de la bourgade de Boranda, il exifte dans ce pays pluheurs autres habitations remar- quables, telles que Uftzilma, Nicolaï, liïèmskaia & Petzora -, qu'enfin ce même pays eft marqué fur plufieurs cartes par le nom de Petzora fivc Borandai. Je fuis étonné que M. Kiingftedt & M. de Voltaire ci PHiJIoire Naturelle. 1 1 7 Voltaire qui l'a copié, aient ignoré tout eela , 8c m'aient également reproché d'avoir décrit un peuple imaginaire, 8c dont on ignoroit même le nom. M. Klîng- ftedt a demeuré pendant pïufieurs an- nées à Archangel, où ies Lappons-Mof- covites & les Samojèdes viennent, dit-il, tous les ans en allez grand nombre avec leurs femmes & enfans , 8c quelquefois même avec leurs rennes, pour y amener des huiles de poiiîon ; il femble dès-lors qu'on devroit s'en rapporter à ce qu'il dit fur ces peuples , 8c d'autant plus qu'il commence fa critique par ces mots : M. de Buffon qui s'ejl acquis un fi grand nom dans la république des Lettres j & au mérite dijlingue duquel je rends toute la jujlice qui lui ejt due , Je trompe j &c. L'éloge joint à la critique la rend plus plaumble, en forte que M. de Voltaire 8c quelques autres perfonnes qui ont écrit d'après M. Klingftedt, ont eu quel- que raifon de croire que je m'étois en erret trompé fur les crois points qu'il me reproche. Néanmoins je crois avoir dé- montré que je n'ai fait aucune erreur au fujet des Zembliens, & que je n'ai di$ Tome XL K % ï 3 Supplément que la vérité au fujet des Borandrens. || Lorfqu on veut critiquer quelqu'un dont . on eftîme les ouvrages, & dont ou fait l'éloge, il faut au moins smftruire aiïèz pour être de niveau avec l'Auteur que l'on attaque. Si M. Klingftedc eut feulement parcouru tous les voyages du nord dont j'ai fait l'extrait, s'il eût re- cherché les journaux des voyageurs Hol- landois, & les globes de M. Senex, il auroit reconnu que je n ai rien ayance qui ne fût bien fondé. S'il eût conlulte la géographie du roi Alfred, ouvrage écrit fur Tes témoignages des anciens voyageurs Otherefc Wultïtant (b)> il auroit vu que les peuples que j'ai nommés Boran- ■diens d'après les indications modernes, s'appeloient anciennement Beormas c>u Boranas dans le temps de ce Roi géo- graphe-, que de Boranas on dérive allè- rent Boranda, & que c'eft par confe- quent le vrai & ancien nom de ce même (h) Voyez ïa traduction d'Oroiïus, par ïe roi iElfrend. Note fur le premier chapitre du premier livre, par M. For.fter, de la Société royale de Londres, i773 , in-*.0 &&* 34* & ful"' à VHijloire Naturelle. 1 1 9 pays qu'on appelle à préfent Petçora 3 lequel eft finie entre les Lappons- Mos- covites & les Samojèdes, dans la partie de la terre coupée par le cercle polaire , & traverfée dans fa longueur du midi au nord par le fleuve Petzora. Si l'on ne connoît pas maintenant à Archangel ie nom des Borandiens, il ne falloir pas en conclure que c'étoit un peuple imagi- naire, insis feulement un peuple dont le nom avoit changé, ce qui eft fouvenr .arrivé, non-feulement pour les nations du nord, mais pour pluheurs autres, .comme nous aurons occafion de le re- marquer dans la fuite, même pour tes peuples d'Amérique, quoiqu'il n'y aie pas deux cens ou deux cens cinquante ans qu'on ait impofé ces noms , qui ne fubfiitent plus aujourd'hui (c). 3,0 M. Klingftedt afïure que j'ai avancé une chofe dejiituée de tout fondement ^ (c) Un exemple remarquable de ces change- ïnens de nom , cJeft que PÉcoiîe s'appeioit lrar land ou Irland dans ce même temps où les Boran- diens ou Borandas étoient nommés Beonnas ou Bomiias. KiJ 2 i c Supplément lorfque je prends pour une mime nation les Lappons i les Samojèdes & tous les peuples Tartares du nord j pui/quil ne faut que faire attention à la diverfté des phyfïonomles y des mœurs & du langage même de ces peuples j pour fe convaincre qu'ils font d'une race différente _> comme j'aurai j die- il, occafion de le prouver dans la fuite. Ma réponfe à cette troi- fîème imputation fera fatisfaifante pour tous ceux qui, comme moi, ne cherchent que la vérité : je n'ai pas pris pour une même nation les Lappons , les Samo- jèdes & les Tartares du nord, puifque je les ai nommés & décrits féparément *, que je n'ai pas ignoré que leurs langues étoient différentes , & que j'ai expofé en particulier leurs ufages & leurs mœurs *, mais ce que j'ai feulement prétendu & que je foutiens encore, c'eft que tous ces hommes du cercle arctique > font à peu-près femblabies entr'eux -, que le froid & les aucres influences de ce cli- mat, les ont rendus très-diftérens des peuples de la zone tempérée *, qu'indé* pendamment de leur courte taille, ils çut tant d'autres rapports de reflèm- à VHiftoire Naturelle, m blance entre eux, qu'on peut les confî- dérer comme étant d'une mène nature ou d'une même race qui s'ejl étendue & multipliée le long des cotes des mers fep- tentrionales j dans des déferts & fous un climat inhabitable pour toutes les autres nations (d). J'ai pris ici, comme l'on voit, le mot de race dans le fens îe plus étendu, & M. Klingftedt le prend au contraire dans le fens le plus étroit , ainfî fa critique porte à faux. Les grandes différences qui fe trouvent entre les hom- mes, dépendent de la diveriité des cli- mats-, c'eft dans ce point de vue général qu'il faut faiilr ce que j'en ai dit*, &, dans ce point de vue , il eft très-certain que non-feulement les Lappons, les Boran- rîiens, les Samojèdes & les Tartares du nord de notte continent, mais encore îes Grocnlandois & les Efquimaux de l'Amérique, font tous des hommes dont le climat a rendu les races femblables, des hommes d'une nature également ra- (d) Hiftoire Naturelle , volume V, in- I a ', pages 2 & fuh'anm. K irj 222 Supplément petiflée, dégénérée, & qu'on peut dès- lors regarder comme ne faifant qu'une feule & même race dans l'efpèce hu- anaine. Maintenant que j'ai répondu à ces cri- tiques, auxquelles je n'aurots fait aucune attention, /î des gens, célèbres par leurs talens ne les enflent pas copiées, je vais rendre compre des connoiilances particu* lières que nous devons à M. Klingftedt, au fujet de ces peuples du Nord. « Selon lui , ïe nom de Samojède n'en; connu que depuis environ cent ans ^ le commencement des habitations des Samo- jèdes fe trouve au-delà de la riviète de Mezene, à trois ou quatre cens verftes d'Archange!.... Cette nation fauvage, qui n'eft pas nombteufe , occupe néan- moins l'étendue de plus de trente degrés en longitude le long des côtes de l'océan du nord & de la mer gLcrale, entre les foixante-fîxrène & foixançe dixième de- grés de latitude, à compter depuis la ri- vière de Mezene jufqu'au fleuve Jenifcé, & peut-être p us loin. » Jobferyerai qu'il y a trente degrés à PHiJloire Naturelle. 22$ «nviron de longitude, pris fur le cercle polaire , depuis le fleuve Jenffce juiqu a celui de Petzora -, ainfi, les Samojedes ne fe trouvent en effet qu'api es les Boran- diens , kfqueis occupent ou occupoient ci-devant la contrée de Petzora-, on voit que le témoignage même de M. Khng- ftedc confirme ce que j'ai avance , & prouve quJil talloit en effet diitmguer les Borandiens, autrement les habita.» natu- rels du diitrid de Petzora , des Samo- jedes qui font au -delà; du cote de l'Orient. a Les Samojedes, dit M. Klîngftedt j font commune nent d'une taille au-dcflous de la moyenne -, ils ont le corps dur & nerveux /d'une ilrudure large & carrée, les jambes courtes & menues, les pieds petits, le cou court & la tête grotte à proportion du corps, le vifage aplati, les yeux noirs, & l'ouverture des yeux pe- tite, mais alongée, le nez tellement ecrafe que le bout en eft à peu-près au niveau de l'os de la mâchoire fupérieure, qu'ils ont très- forte & élevée-, la bouche grande & les lèvres minces. Leurs cheveux , noirs Kiv 224 Supplément comme îe jais , font extrêmement durs , fort lilTes & pendans fur îeurs épaules -, leur teint eft d'un brun fort jaunâtre, & ils ont les oreilies grandes & rehaulTées. Les hommes n'ont que très-peu ou point de barbe, ni de poil, qu'ils s'arrachent, ainfî que les femmes, fur toutes îes parties du corps. On marie îes filles dès l'âge de dix ans, & fouvent elles font mères à onze ou douze ans , mais palîé l'âge de trente ans elles ceiTent d'avoir des enfans. La phy- iîonomie des femmes rerTetnble parfaite- ment à celle des hommes, excepté qu'elles ont les traits un peu moins groffiers , le corps plus mince, les jambes plus courtes & les pieds trèspeuts \ elles font fujettes, comme les autres femmes, aux évacuations périodiques, mais foiblement & en très- petite quantité *, toutes ont les mamelles plates & petites , molles en tout temps , lors même qu'elles font encore pucelles, & le bout de ces mamelles eft toujours noir comme du charbon, défaut qui leur eft commun avec les Lappones. » Cette defeription de M. Klingftedt s'accorde avec celle des autres Voyageurs à VHiJloire Naturelle, iif qui ont parlé des Samojèdes, & avec ce que j'en ai dit moi-même , volume V^in-n^ pages 2 & /"elle eft feulement plus détail- lée & paroît plus exacte, c'eft ce qui m'a engagé à la rapporter ici. Le feul fait qui me femble douteux , c'eft que , dans un climat suffi froid, les femmes foient mures d'aufîî bonne heure*, fi, comme le dit cet Auteur, elles produifent commu- nément dès Tâge de onze ou douze ans , il ne feroit pas étonnant qu'elles cellènt de produire à trente ans *, mais j'avoue que j'ai peine à me perfuader ces farts qui me paroiffent contraires à une vérité générale Se bien conftatée, c'eft que plus les climats font chauds, Se plus la produc- tion des femmes eft précoce , comme toutes les autres productions de la Nature. M. Klingfledt dit encore, dans la fuite de fon Mémoire, que ies Samojèdes ont la vue perçante , l'ouie fine Se la main sûre*, qu'ils tirent de l'arc avec une jufteiïe admirable % qu'ils (ont d'une légèreté ex- traordinaire à la courfe, 8e qu'ils ont au contraire, le goût greffier , l odorat foi- ble , le ta& rude & emoufté. Kt 2i6 Supplément « La chatte leur fournit leur nourri- ture ordinaire en hiver, & ia pêche en été -, leurs rennes font leurs {euies ri- che lies , ils en mangent la chair toujours crue, & en boivent avec délices le fang tout chaud , ils ne connoifïènt point i'u- fage d'en tirer le lait •, ils mangent aulîi îe poifïon crud. Ils fe font des tentes couvertes de peaux de rennes , & les tranfportent fouvent d'un lieu à un au- tre : ils n'habitent pas fous terre , comme quelques Ecrivains l'ont allure -, ils fe tiennent toujours éloignés à quelque di£ tance les uns des autres , fans jamais former de fociété j ils donnent des rennes pour avoir les filles dont ils font leurs femmes , il leur eft permis d'en avoir autant qu'il leur plaît , la plupart fe bornent à deux femmes, & il eft rare qu'ils en aient plus de cinq j il y a des filles pour îefquelïes ils paient au père cent, & jufqu'à cent cinquante rennes 5 mais ils font en droit de renvoyer leurs femmes & reprendre leurs rennes , s'ils ^ont lieu d'en être mécontens \ Ci la femme confefle qu'elle a eu commerce avec quelque homme de Nation étrangère , à VHijîoire Naturelle, ny ils la renvoient immédiatement à Tes pa- rens *, aind ils n'offrent pas , comme le dît M. de Buffon , leurs femmes & leurs filles aux Etrangers. » Je l'ai dit en effet , d'après les té- moignages d'un (i grand nombre de Voya- geurs , que le fait ne me paroiffoit pas douteux. Je ne fais même lî M. Klingftedt eft en droit de nier ces témoignages , n'ayant vu des Samojèdes que ceux qui viennent à Archangel ou dans les autres lieux de la Rufîïe , & n'ayant pas par- couru leur pays comme les Voyageurs dont j'ai tiré les faits que j'ai rapportés fidèlement. Dans un peuple fauvage , ftupcde & grofner , tel que M. Klingftedt peint lui-même ces Samojèdes , lefqueis ne font jamais de fociété , qui prennent des femmes en tel nombre qu'il leur plaît , qui les renvoient lorfqu'elies dé- plaiient , feroit - il étonnant de les voir offrir au moins celles-ci aux Etrangers ? Y a-t-il dans un tel peuple , des loix com- munes , des coutumes confiantes ? Les Samojèdes, voiiins de Jenifcé , fe con- K v j 2 z 8 Supplément duifent-ils comme ceux des environs de Petzora , qui font éloignés de plus de quatre cens lieues ? M. Klingftedt n'a vu que ces derniers, il n'a jugé que fur leur rapporr *, néanmoins ces Samojèdes occi- dentaux , ne connoifferat pas ceux qui font à l'orient , & n'ont pu lui en donner de juftes informations, & je perfifte à m'en rapporter aux témoignages précis des Voyageurs qui ont parcouru tout le pays*, je puis donner un exemple à ce fujet , que M. Klingftedt ne doit pas ignorer , car je le tire des voyageurs RufTes. Au nord de Kamtfchatka, font les Koriaques fédentaires & fixes , établis fur toute Ist partie fupérieure du Kamtfchatka, depuis la rivière Ouka , jufqu'à celle d'Anadir > ces Koriaques font bien plus femblables aux Kamtfchatkaïes,que les Koriaques er- rans , qui en dirièrent beaucoup par les traits & par les mœurs. Ces Koriaques errans , tuent leurs femmes & leurs amans , lorfqu'ils les furprennent en adul- tère •, au contraire , les Koriaques fixes 9 offrent, par politefte, leurs femmes aux étrangers, & ce feroit une injure de leur à VHiJloire Naturelle. 129 refufer de prendre leur place dans le lit conjugal (ej. Ne peut-il pas en erre de même chez les Samojèdes , dont d'ail- leurs les ufages & les mœurs font à peu- près les mêmes que celles de? Koriaques? Voici maintenant ce que M. Kiingftedc dit au fujet des Lappons : « Ils ont îa phyfionomie fembïable à celle des Finnois , dont on ne peut guère les diftinguer , excepté qu'ils ont l'os de la mâchoire fupérleure un peu plus fort & plus élevé ; outre cela , ils ont les yeux bleus , gris & noirs , ouverts Se formés comme ceux des autres Nations de l'Europe ; leurs cheveux font de diffé- rentes couleurs , quoiqu'ils tirent ordinai- rement fur le brun foncé & furie noir-, ils ont le corps robufte & bien fait , les hommes ont la barbe fort épaiiïe & du poil , ainii que les femmes , fur toutes les parties du corps où la Nature en pro- duit ordinairement j ils font, pour la plu* (e) Hiftoire générale dc$ Voyages, ptt, XïX «•4.0 jiege 350. z 3 o Supplément part , d'une taille au-dejfous de la tné~ dïocre ; enfin , comme il y a beaucoup d'affinité entre leur langue & celle des Finnois , au lieu qu'à cet égard , ils diffè- rent entièrement des Samojèdes , c'eft une preuve évidente que ce n'eft qu'aux Finnois que les Lappons doivent leur origine. Quant aux Samojèdes , ils def- cendent fans doute de quelque race tar- tare des anciens habitans de Sibérie.... On a débité beaucoup de fables au fujet des Lappons } par exemple , on a dit qu'ils lancent le javelot avec une adrefîe extraordinaire , & il efl pourtant certain , qu'au moins à préfent , ils en ignorent entièrement i'ufage , de même que celui de l'arc Se des flèches , ils ne fe fervent que de fulîïs dans leurs chailes. La chair d'ours ne leur fett jamais de nourriture, ils ne mangent rien de crud , pas même ïe poifTon , mais c'efl ce que font toujours les Samojèdes-, ceux-ci ne font aucun ufage de fei } au lieu que les Lappons en mettent dans tous leurs 3iimens. Ileft en- core faux qu'ils fa lient de la farine avec des os de poifïon broyés , c'efl; ce qui n'eft en ufage que chez quelques Finnois ha* à VHifioire Naturelle, z 3 1 bîtans de Carélie , au lieu que îes Lap- pons ne Te fervent que de cette fubftance douce & tendre , ou de cette pellicule fine & déliée , qui fe trouve Tous l'écorce du fapin , & dont ils font provilion au mois de Mai : après 1 avoir bien fait fé- cher , ils la réduifent en poudre , Se en mêlent avec de la farine , dont ils font leur pain. L'huile de baleine ne leur fert jamais de boifïon -, mais il eft vrai qu'ils emploient aux apprêts de leurs poiflons^ l'huile fraîche qu'on tire des foies & des entrailles de la morue , huile qui n'en: point dégoûtante , & n'a aucune mauvaife odeur tant qu'elle effc fraîche. Les hommes & les femmes portent des chemifes , le refte de leurs habillemens ei\ femblable à celui des Samojèdes qui ne connoifTenc point i'ufage du linge.... Dans plufieurs relations il e(t fait mention des Lappons indépendans , quoique je ne fâche guère qu'il y en ait , à moins qu'on ne veuille faire pafTer pour tels un petit nombre de familles établies fur les frontières, quife trouvent dans l'obligation de payer le tribut à trois Souverains. Leurs chafles Se ieurs pêches , donc ils vivent uniquement > 2 j 2 Supplément demandent qu'ils changent fouvent de demeure, ils palTent, fans façon, d'un territoire à l'autre ; d'ailleurs c'eft la feule race de Lappons entièrement fem- blable aux autres , qui n'ait pas encore embrafïe le Chriftianifme , & qui tiennent encore beaucoup du fauvage -, ce n'eft que chez eux que fe trouvent la poly- gamie & des ufages fuperftitieux Les Finnois ont habité , dans les temps reculés, la plus grande partie des contrées du Nord. » En comparant ce récit de M. Klingftedt avec les relations des Voyageurs & des témoins qui l'ont précédé , il eft aifé de reconnoître que , depuis environ un liècle, les Lappons Te font en partie civilifés ; ceux que Ton appelle Lappons- Mo feo- v'ues j & qui font les feuls qui fréquen- tent Archangel, les feuls parconféquent, que M. Klingftedt ait vus, ont adopté en entier la religion, & en partie, les mœurs Rudes -, il y a eu par conféquent des alliances & des mélanges. Il n'eft donc pas étonnant qu'ils n'aient plus aujour- d'hui hs mêmes fuperftitions > les mêmes à VHiJloire Naturelle. 233 ufages bizarres qu'ils avoier.t dans îe temps des Voyageurs qui ont écrit -, on ne doic donc pas les accufer d'avoir débité des fables ; ils ont dit , & j'ai dit d'après eux , ce qui étoit alors , & ce qui elt encore chez les Lappons Sauvages : on n'a pas- trouvé , & l'on ne trouve pas chez eux , des yeux bleus & de belles femmes , Se iï l'Auteur en a vu parmi les Lappons qui viennent à Archangel, rien ne prouve mieux îe mélange qui s'eil fait avec les autres Nations , car les Suédois & les Danois ont aufli policé leurs plus proches voifins Lappons } Se , dès que la religion s'établit , Se devient commune à deux peuples , tous les mélanges s'enfuivent, foit au moral pour les opinions , foie au phyfîque pour les actions. Tout ce que nous avons dit d'après ïes relations faites il y a quatre-vingts ou cent ans , ne doit donc s'appliquer qu'aux Lappons qui n'ont pas embraiïé le chrif- tianifme •, leurs races font encore pures Se leurs figures telles que nous les avons préfentées. Les Lappons , dit M. Kling- âedt, reflemblent, par la phyiionomie» £ 3 4 Supplément aux autres peuples de l'Europe , & parti- culièrement aux Finnois, à l'exception que les Lappons ont les os de la mâ- choire iupérieure plus élevés*, ce dernier trait ïts rejoint aux Samojèdes , leur raille au- délions de la médiocre, les y réunît encore , a nli que leurs cheveux noirs , ou d'un brun foncé-, ils ont du poil & de la. buihe, parce qu'ils ont perdu l'ufage de fe l'arracher comme font les Samojèdes. Le teint des uns & des autres eft de la même couleur-, les mamelles des femmes également molles, Se les mamelons éga- lement noirs dans les deux Nations. Les h biàemens y font les mêmes -, le foin des rennes , la çhafle, là pêche , la ftupidité & la pareile la même. J'ai donc bien le droit de perlifter à dire que les Lappons & les Samoièdes ne font qu'une feule & même efpèce ou race d'hommes très- dirtérente de ceux de la zone tempérée. | Si l'on prend la peine de comparer la relation récente de M. Hœgftrœm avec le récit de M. Klingftedt , on fera con- vaincu que , quoique les ufages des Lappons aient un peu varie ,-iIs font néan* à VHiftoire Naturelle. 2 5 J rnoîns les mêmes en général qu'ils étoient jadis, & tels que les premiers reiateurs les ont repréfentés. «Ils font, dit M. Hœgfrrœm , dune petite taille, d'un teint bafané Les femmes, dans le temps de leurs maladies périodiques , Te tiennent à la porte des tentes, & mangent feules. . .. Les Lappons furent de tout temps, des hommes paiteurs3 ils ont de grands troupeaux de rennes , dont ils font leur nourriture principale ;ii n'y a guère de familles qui ne confom- ment au moins un renne par femaine, & ces animaux leur fournilTent encore du lait abondamment, dont les pauvres fe nourrirent. Ils ne mangent pas par terre comme les Groê'nlandois & les Kamtfchat- kales, mais dans des plats faits de gros drap^ ou d.ins des corbeilles pofées fur une table-, ils préfèrent pour leur boilïon, l'eau de neige fon lue , à celle des ri- yières.... des cheveux noirs, des joues enfoncées , le vifage large , le menton pointu, font les traits com nuns aux deux fexes. Les hommes ont peu de barbe 8c ïa taille épaifTe , cependant ils font très- z 3 6 Supplément légers à la courfe. ... Ils habirenr fous des tentes faites de peaux de rennes ou de drap , ils couchent fur des feuilles , fur Iefquelles ils étendent une ou plufieurs peaux de rennes. ... Ce peuple en géné- ral, eft errant plus que fédentaire *, il eft rare que les Lappons relient plus de quinze jours dans le même endroit, aux approches du printemps , la plupart fe tranfportent avec leurs familles, à vingt ou trente milles de dtftance , dans la mon- tagne , pour tâcher d'éviter de payer le tribut. ... H n'y a aucun fiége dans leurs rentes , chacun s'afïïed par terre. ... ils attèîent les rennes à des traîneaux pour transporter leurs tentes & autres e&Qts a ils ont aulïï des bateaux pour veyager fur l'eau & pour pêcher. . . . Leur pre- mière arme eft l'arc fimple fans poignée > fans mire > d'environ une toife de lon- gueur. ... Ils baignent leurs enfans au fortrr du fein de leur mère , dans une décoction d'écorce d'aulne.... Quand les Lappons chantent , on drroit qu'ils hur- lent , ils ne font aucun ufage de la rime, mais ils ont des refrains très-fréquens. . . . Les femmes Lappones font robuftes, elles à VHifloire Naturelle. 1 3 7 enfantent avec peu de douleur , elles baignent fouvent leurs enfans , en les plongeant jufqu'au cou dans l'eau froide: toutes les mères nourrirent leurs enfans, & dans le befoin , elles y fuppléent par du lait de rennes. ... La fuperftition de ce peuple eft idiote, puérile, extrava- vagante , balle & honteufe •, chaque per- fonne , chaque année , chaque mois , cha- que femarne a fon Dieu > tous , même ceux qui font Chrétiens, ont des idoles, ils ont des formules de divination , des tambours magiques , & certains nœuds avec îefquels ils prétendent lier ou délier les vents ( fj. » On voit , par le récit de ce Voyageur Rioderne, qu'il a vu & jugé les Lappons différemment de M. Klingftedt , & plus conformément aux anciennes relations j ainli , la vérité eft , qu'ils font encore à très- peu-près tels que nous les avons dé- crits. M. Hœgitrœm dit , avec tous ie$ Voyageurs qui l'ont précédé , que les (f) Hiftoire générale des Voyages, volume XIX, pages 496 6* fuiy. 258 Supplément Lappons ont peu de barbe \ M. Kïrngfteck feul allure qu'ils ont la barbe épaiiïe & bien fournie , & donne ce fait comme preuve qu'ils diffèrent beaucoup des Sa- mojèdes j il en eft de même de la cou- leur des cheveux -, tous les relateurs s'ac- cordent à dire que leurs cheveux lont noirs , ie feul M. Klingftedr dit qu'il fe trouve parmi les Lappons des cheveux de toutes couleurs , Se des yeux bleus & gris , fi ces faits font vrais , ils ne dé- mentent pas pour cela les Voyageurs, ils indiquent feulement que M. Kiingftedt a jugé des Lappons en général, par le petit nombre de ceux qu'il a vus, & dont probablement ceux aux yeux bleus & à cheveux blonds , proviennent du mé- lange de quelques Danois , Suédois ou Mofcovites blonds , avec les Lappons. M. Hœgftrœm s'accorde avec M.Kling- itedt , à dire que les Lappons tirent leur origine des Finnois -, cela peut être vrai*, néanmoins cette queftion exige quelque difcuiïion. Les premiers Navigateuts, qui aient fait le tour entier des cotes fepten- trionales de l'Europe , font Othere & Wulfstan , dans le temps du Roi Alfred? a VHiJioire Naturelle. 239 Anglo-Saxon , auquel ils en firent une re- lation , que ce Roi géographe nous a confervée , & dont il a donné ïa carte avec les noms propres de chaque contrée dans ce temps, c'eii- à-dire, dans le neu- vième hècle (g) : cette carte, comparée avec les cartes récentes , démontre que la partie occidentale descotes de Norwège, jufqu'au foixante-cinquième degré , s'ap- peloit alors Halgoland. Le Navigateur Othere vécut pendant quelque temps chez ces Norvégiens, qu'il appelle Northmen* Y>z-W> il continua fa route vers le nord, en côtoyant les terres de la Lapponie, dont il nomme la partie méridional© Finna, & la partie boréale Terfenna : il parcourut en fix jours de navigation, trois cens lieues , jufqu'auprès du cap nord, qu'il ne put doubler d'abord, faute d'un vent d'oueft -, mais, après un coure féjour dans les terres voitines de ce cap, il le dépafïa, & dirigea fa navigation à left pendant quatre jours , ainfi il côtoya (s) V°yez cette carte à ïa fin des notes , fur îe premier chapitre du premier livre d'^Eifred fus Qrofws. Londres, 1773, in-% « 240 Supplément le cap nord, jufqu'au-delà de Wardhus -, enfuite , par un vent du nord , il tourna vers le midi, & ne s'arrêta qu'auprès de l'embouchure d'une grande rivière ha- bitée par des peuples appelés Beormas _, qui , feion Ion rapport , furent les pre- miers habitans fédentaires qu'il eut trouvés dans tout le cours de cette navigation , n'ayant, dit-il, point vu d'habitans fixes fur les cotes de Finna 8c de Terfenna , (c'eft-àdire , fur toutes îes côtes de la Lapponie) ; mais feulement des chalTeurs & des pêcheurs , encore en allez petit nombre. Nous devons obferver que la Lapponie s'appelle encore aujourd'hui Finmarky ou Finnamark en Danois, 8c que , dans l'ancienne langue Danoiie , mark lignifie contrée. Ainfi , nous ne pouvons douter qu'autrefois la Lapponie ne fe foit appeilée Fïnna ; les Lappons, par conféquent,étoient alors les Finnois, 8c c'efl probablement ce qui a fait croire que les Lappons tiroient leur origine des Finnois. Mais fi Ton fait attention que la Finlande d'aujourd'hui eft fituée entre l'ancienne terre de Finna ( ou Lapponie méridionale), le golfe de Bothnie, celui de à VHijloire Naturelle. 241 de Finlande &Ie lac Ladoga, & que cette même contrée, que nous nommons main- tenant Finlande , s'appeloit alors Cwen- land j 8c non pas Finmark ou Fini and ; on doit et oire que les habitans de Cwen- land ; aujourd'hui les Finiandois ou Fin- nois, étoientun peuple diiîérent des vrais 8c anciens Finnois , qui font les Lappons ', 8c de tout temps , la Cwenland ou Fin- lande d'aujourd'hui, n'étant féparéedela Suède & de la Livonie, que par des bras de mer alïez étroits , les habitans de cette contrée ont dû communiquer avec ces deux Nations *, auiïî les Finiandois aduels, font- ils fembiables aux- habitans de la Suéde & de la Livonie , & en même -temps très-dirïérens des Lappons ou Finnois d'autrefois , qui , de temps immémorial , ont formé une efpèce ou race particulière d'hommes. A l'égard des Beormas ou Bormais , il y a, comme je l'ai dit, toute apparence que ce font les Borandais ou Borandiens, 8c que la grande rivière do.n parient Othere & Wuifstan , eu: le fleuve L;etzora, & non la Dwrna; car ces anciens Voya- geurs trouvèrent des vaches marines fur Tome XL L z&z Supplément fur les côtes de ces Eeormas , & même ils en rapportèrent des dents au roi Alfred, Or îl n'y a point de morfes ou vaches marines dans la mer baltique , ni fur les côtes occidentales, feptentrionales & orien- tales de la Lapponie , on ne les a trou- vées que dans la mer blanche & au-delà d'Archangel , dans les mers de la Sibérie feptentrionale , c'eft-à-dire , fur les côtes des Borandiens & des Samojèdes. Au refte , depuis un fiècle , les côtes occidentales de la Lapponie ont été bien reconnues , & même peuplées par les Danois*, les côtes orientales l'ont été par les Ruflès , & celles du golfe de Bothnie par les Suédois-, en forte qu'il ne refte en propre aux Lappons, qu'une petite partie (de î'intétieur de leur prefqu'îie. « A Egedefminde , dit M. P. au foî- xante-huitième degré dix minutes de la- titude, il y a un Marchand, un Affiliant ïefqueîs, par îe climat & par leur fituation le long des côtes de la mer, doivent refîembler beaucoup aux Lappons & auxSamojèdes', ils ne font même féparés de ces derniers, que par le fleuve Jenifcé *, mais je n'ai pu me procurer aucune relation , ni même aucune notice fur ces peuples Patates , que les Voyageurs ont peut - être réunis avec les Samojèdes , ou avec les Tungufes. En avançant toujours vers l'orient, & fous la même latitude, on trouve encore une grande étendue de terre iituée fous îe cercle polaire , Se dont la pointe s'é- tend jufqu'au foixante- treizième degré y cette terre forme l'extrémité orientale Se feptentrionale de l'ancien continent : on y a indiqué des habitans, fous le nom dé L ii; z^6 Supplément Sckelati & Tfuktfchi j dont nous ne con- noiiïons prefque rien que îe nom (h). Nous penfons néanmoins que > comme ces peuples font au nord de Kamtfchatka , les Voyageurs Ru (Tes les ont réunis, dans leurs relations , avec les Kamtfcharkales & les Koriaques , dont ils nous ont donné de bonnes descriptions, qui méritent d'être ici rapportées. <• Les Kamtfchatkaïes , dit M. Steïïer, font petits & bafanés*, ils ont les cheveux noirs, peu de barbe , îe vifage large & plat , le nez écrafé, les traits irréguliers, (h) « On trouve chez ces peuples Tfuktfchi, » au nord de l'extrémité de PAfie, les mêmes 71 mœurs & les mêmes ufages, que Paul dit avoir j> obfcrvé chez les habitans de Camuf. Loifqu'un w Étranger arrive, ces peuples viennent lui offrir v leurs femmes & leurs fUIes; fi ïe voyageur ne ?5 les trouve pas allez belles & allez jeunes, ils en ?> vont chercher dans les villages voifms. . .'.Dut »» refte ces peuples ont l'ame élevée ; ils idolâtrent » l'indépendance & la liberté, ils préfèrent tous ia mort à l'efclav«ge. » Voilà la feule notice fur ces peuples Tfuktfchi que j'aie pu recueillir. Jour- nal étranger. Juillet 1762. Extrait du voyagt d'Jfit eu Amérique , par M. Muller. Londres > 1762. à VHiJtoire Naturelle, z^j les yeux enfoncés , la bouche grande , les lèvres épaiffes , les épaules larges , îes jambes grêles & le ventre pendant (i).» Cette defcription , comme Ton voit , rapproche beaucoup les Kamtichatkaîes des Samojèdes ou des Lappons , qui néan- moins en font d prodigieufement éloignés, qu'on ne peut pas même foupçonner qu'ils viennent les uns des autres, &ieur reiTemblance ne peut provenir que de l'influence du climat qui eft le même, & qui par conféquent a formé des hommes de même efpèce , à mille lieues de dii- tance les uns des autres. Les Koriaques habitent la partie fep- tentrionale du Kamtfchatlca , ils font er- rans comme les Lappons, & ils ont des troupeaux de rennes , qui font toutes leurs richefles. Ils prétendent guérir les maladies , en frappant fur des efpèces de petits tambours : les plus riches époufenc plufieurs femmes , qu'ils entretiennent dans des endroits féparés, avec des rennes (i) Hiftoire générale des Voyages , tome XIX, fages 276 6* fuip. L iv 2 4§ Supplément qu'ils leur donnent. Ces Koriaques errans diffèrent des Koriaques fixes ou Séden- taires , non -feulement par les mœurs, mais aulîî un peu par ïes traits *, les Ko- riaques fédentaires reflemblent aux Kamtf- chatkales, mais les Koriaques errans font encore plus petits de taille, plus maigres, moins robuftes, moins courageux, ils ont le vifage ovale , les yeux ombragés de fourcils épais , le nez court & la bouche grande ; les vêtemens des uns & des au- tres font de peaux de rennes , & les Ko- riaques errans 3 vivent fous des tentes, & habitent par-tout où il y a de la moufle pour leurs rennes (k). llparoîtdoncque cette vie errante des Lappons , des Sa- mojèdes & des Koriaques, tient au pâ- turage des rennes : comme ces animaux font non-feulement tour leur bien , mais qu'ils leur font utiles & très-néceflaires , ils s'attachent à les entretenir & aies mul- tiplier-, ils font donc forcés de changer de lieu , dès que leurs troupeaux en ont confommé les moufles. (k) Hiftoire générale des Voyages, tome. XIX , pages 349. & fuïv. à VHijloire Naturelle. 24^ ■ Les Lappons , les Samojèdes & ies Koriaques , (î femblables par la taille , la couleur, la figure, le naturel & les mœurs, doivent donc être regardés comme une même efpèce d'homme , une même race dans l'efpèce humaine prife en général , quoiqu'il (bit bien certain qu'ils ne font pas de la même nation. Les rennes des Koriaques ne proviennent pas des rennes Lappones , & néanmoins ce font bien des animaux de même efpèce*, il en eft de même des Koriaques & des Lappons, leur efpèce ou race cil: la même , & fans provenir l'une de l'autre , elles provien- nent également de leur climat , dont les influences font les mêmes. Cette vérité peut fe prouver encore par la compataifon des Groeniandois avec les Koriaques , les Samojèdes & les Lap- pons , quoique les Groeniandois paroif- fent être féparés des uns & des autres par d'alïez grandes étendues de mer , ils ne leur refïembient pas moins, parce que le climat eft le même j il eft donc très-inu- tile pour notre objet, de rechercher fî les Groeniandois tirent leur origine des •Iflandois ou des Norvégiens, comme Tons Ly zjo Supplément avancé plufïeurs Auteurs*, ou fî , comme ie prérend M. P. ils viennent des Améri- cains ( l ). Car de quelque part que les hommes d un pays quelconque , tirent leur première origine, le climat où ils s'habitueront , influera fi fort , à la longue , fur leur premier état de Nature , qu'a- près un certain nombre de générations 9 tous ces hommes fe réffembleront, quand même ils feroient arrivés de différentes contrées fort éloignées les unes des au- tres , & que primitivement ils eurTent été très-diiTemhlables entr'eux ; que les Grocnlandois foient venus des Efquimaux d'Amérique ou des Iilandois \ que les Lappons tirent leur origine des Finlan- dois , des Norvégiens ou des Rudes -, que îes Samojèdcs viennent ou non des Tar- tares, &ies Koriaquesdes Monguîs ou des habitans d'Yeço, il n'en fera pas moins vrai que tous ces peuples diftribués fous le cercle arétique ne foient devenus des hommes de même efpèce dans toute rétendue de ces terres feptentrionales. (I) Recherches fur les Américains, tome /, W 33» à VHiftoire Naturelle. 1 5 1 Nous ajouterons à la defcription que nous avons donnée des Groënlandois , quelques traits tirés de la relation récente qu'en a donnée M. Crantz. Ils font de petite raille, il y en a peu qui aient cinq pieds de hauteur-, ils ont le vifage large & plat, les joues rondes, mais dont les os s'élèvent en avant *, les yeux petits êc noirs 3 le nez peu Taillant, la lèvre infé- rieure un peu plus groiTe que celle d'en haut, la couleur olivâtre 3 les cheveux droits, roides & longs, ils ont peu de barbe, parce qu'ils le l'arrachent, ils ont auflî la tête grolîe , mais les mains 8c les pieds petits, ainfi que les jambes & les bras*, la poitrine élevée, les épaules lar- ges & le corps bien mufelé (m). Ils font tous chaiîeurs ou pêcheurs , & ne vivent que des animaux qu'ils tuent, les veaux marins & les rennes font leur principale nourriture, ils en font deflëcher la chair avant de la manger, quoiqu'ils en boi- vent le fang tout chaud j ils mangent aufîi du poiflon deffèché, des farcelies & (m) Cramz, Hjftorie von Groeland, tome, jf, fnge 178. LvJ 2 j 2 Supplément d'autres oifeaux qu'ils font bouillir dans de l'eau de mer -y ils font des efpèces d'aumelettes de leurs œufs , qu'ils mêlent avec des baies de builïon & de l'angéli- que dans de l'huile de veau marin., Iïs ne boivent pas de l'huile de baleine , ils ne s'en fervent qu'à brûler, & entretien- nent leurs lampes avec cette huile -, l'eau pure eft leur boifton ordinaire : les mères & les nourrices ont une forte d'habille- ment allez ample parderrière pour y porter leurs enfans*, ce vêtement, fait de pelleteries, eft chaud & tient lieu de linge & de berceau , on y met l'enfant nouveau-né tout nu. Ils font en générai iî mal-propres qu'on ne peut les approcher fans dégoût, ils lentent le poiflon pourri*, les femmes, pour corrompre cette mau- vaife odeur, fe lavent avec de l'urine, 8c les hommes ne fe lavent jamais : ils ont des tentes pour l'été & des efpèces de maifonnettes pour l'hiver, & la hauteur de ces habitations n'eft que de cinq ou iix pieds, elles font conftruites ou tapif- fées de peaux de veaux marins & de rennes , ces peaux leur fervent aufll de lits j leurs vitres font des boyaux tranf- à PBifiùirè Naturelle, z j j païens de poiiïons de mer. Ils avoient des arcs , & ils ont maintenant des fuills pour la chafïe ■■> 8c pour la pêche, des harpons 5 des lances & des javelines ar- mées de fer ou d'os de poiflbn *, des bateaux même afïez grands , dont quel- ques-uns portent des voiles faites du chanvre ou du lin qu'ils tirent des Euro- péens, ainii que le fer & plusieurs autres chofes , en échange des pelleteries 8c des huiles de poifïbn qu'ils leur donnenr. Ils fe marient communément à l'âge de vingt ans, & peuvent , s'ils font aifés, prendre pluiieurs femmes. Le divorce, en cas de mécontentement, eft non- feulement per- mis, mars d'un ufage commun-, tous les enfans fuivent la mère, 8c même après fa mort ne retournent pas auprès de leur père. Au refte, le nombre des enfans n'eu: jamais grand, ii eft rare qu'une femme en produife plus de trois ou quatre. Elles accouchent aifément 8c fe relèvent dès le jour même pour travail- ler. Elles laHTent teter leurs enfans jufqu'à trois ou quatre ans. Les femmes, quoique chargées de l'éducation de leurs enfans, des foins de la préparation des alimens5 2 j 4 Supplément des vêtemens & des meubles de toute la famille -, quoique forcées de conduire les bateaux à la rame , & même de conftruire les tentes d'été & les huttes d'hiver, ne Jaifîent pas , malgré ces travaux continuels , de vivre beaucoup plus long-temps que les hommes qui ne font que chafler ou pêcher*, M. Crantz dit qu'ils ne parvien- nent guère qu'à l'âge de cinquante ans, tandis que les femmes vivent foixante- àix à quatre-vingts ans. Ce fait , s'il étoit général dans ce peuple, feroit plus fin- gulier que tout ce que nous venons d'en rapporter. Au refle, ajoute M. Crantz, Je fuis afîuré par les témoins occulaires, que les Groe'nîandois reflembienr plus aux Kamt- fchatkales, aux Tungufes & aux Calmu- ques de i'Afîe , qu'aux Lappons d'Europe. Sur la côte occidentale de l'Amérique feptentrionale, vis-à-vis de Kamtfchatka, on a vu des nations qui, jufqu'aux traits même, reflemblent beaucoup aux Kamt- fchatkaies (n). Les Voyageurs prétendent (n) Crantz , Hiftorie von Groenland 9 tome î9 jage 332 &fuh. à VHiftoire Naturelle. % 5 J avoir obfervé en général dans tous les fauvages de l'Amérique feptentrionale 5 qu'ils reflemblent beaucoup aux Tartares orientaux, fur-tout par les yeux, le peu de poil fur le corps & la chevelure lon- gue, droite & tourïue (0). Pour abréger, je pafïe fous filence les autres ufages & les (uperftitions des Gro'énlandois que M. Crantz expofe fort au long} il fufrira de dire que ces ufages, fort fuperftiticux, foit raifonnables , fonc allez femblables à ceux des Lappons,- des Samojèdes & des Koriaques', plus on les comparera & plus on reconnoîtra que tous ces peuples voifins de notre pôie, ne forment qu'une feule & même efpèce d'hommes, c'eft- à-dire, une feule race différente de toutes les autres dans l'cfpèce humaine, à laquelle on doic encore ajou- ter celle des Efquimaux du nord de l'Amérique, qui relTemblent aux Groè'n- landois, & plus encore aux Koriaques du Kamtfchatka, félon M. Steller. Pour peu qu'on descende au-deflfous (q) Hiftoire des Quadrupèdes, par Scîueber3 tome /, page 27. z } 6 Supplément du cercle polaire en Europe , on trouve la plus belle race de l'humanité ; les Da- nois, les Norvégiens 5 les Suédois, les Finlandois, les Railles, quoiqu'un peu dirlérens entr'eux, fe reilèmblent allez pour ne faire avec les Polonois, les Allemands , & même tous les autres peu- ples de l'Europe, qu'une feule & même efpèce d'hommes diveriîfiée à l'infini par le mélange des différentes nations. Mais, en Afie , on trouve au-deflous de la zone froide, une race aufîî laide que celle de l'Europe eft belle, je veux parler de la race Tartare qui s'étendoit autrefois de- purs la Mofcovie juiqu'au nord de la Chine-, j'y comprends les Oltiaques qui occupent de vaftes terres au midi des Samojèdes, les Calmuques, les Jakutes, les Tungufes , & tous les Tartares fep- tentrionaux 3 dont les mœurs & les ufages ne iont pas les mêmes , mais qui fe ref- femblcnt tous par la figure du corps & par la difformité des traits. Néanmoins depuis que les Rudes fe font établis dans toute l'étendue de la Sibérie & dans les conrrées adjacentes, il y a eu nombre de mélanges entre les Ruilès & les Tar- à t'Hiftoire Naturelle. ïjj rares , & ces mélanges, ont prodigieufe- ment changé îa figure & les mœurs de pïufieurs peuples de cette vafle contrée. Par exemple , quoique les anciens Voya- geurs nous repréientent les Ofiiaques comme reiTèmblans aux Samojèdes*, quoi- qu'ils fôieht encore errans & qu'ils chan- gent de demeure comme eux , iuivant le befoin qu'ils ont de pourvoir à îeur fubfiftance par la challè ou par la pêche , quoiqu'ils fe fàflent des tentes & des huttes de la même façon \ qu'ils fe fer* vent aufîi d'arcs , de flèches & de meubles d'écorce de bcuîeau -, qu'ils aient des rennes & des femmes autant qu'ils peu- vent en entretenir ; qu'ils boivent le fang des animaux tout chaud', qu'en un mot, ils aient prefque tous les ufages des Sa- mojèdes , néanmoins M.rs Gemelin & Muller arTurent que leurs traits diffèrent peu de ceux des Ruffes, & que leurs cheveux font toujours ou blonds ou roux. Si les Oftiaques d'aujourd'hui ont les che- veux blonds, ils ne font plus les mêmes qu'ils étoient ci-devant 3 car tous avoient des cheveux noirs & les traits du vihge. à peu -près femblables aux Samojèdes. 2 5 § Supplément Au refte , ces Voyageurs ont pu confondre Te biond ayec le roux , & néanmoins dans la nature de l'homme ces deux couleurs doivent être foigneufement distinguées , le roux n'étant que le brun ou le noir trop exalté , au lieu que le blond eft le blanc coloré d'un peu de jaune , & l'op- pofé du noir ou du brun. Cela me paroît d'autant plus vraifemblable que les JVot- jackes ou Tartares vagoliffes ont tous les cheveux roux au rapport de ces mêmes Voyageurs, & qu'en général les roux font aufîi communs dans l'orient que les blonds y font rares. A l'égard des Tungufes, il paroît par îe témoignage de M.r$ Gmelin & Muller , qu'ils avoient ci-devant des troupeaux de rennes & plusieurs ufages femblables à ceux des Samojèdes, & qu'aujourd'hui ils n'ont plus de rennes & fe fervent de chevaux. Ils ont, difent ces Voyageurs,, aftez de relïemblance avec les Caimou- ques, quoiqu'ils n'aient pas la face auflî large & qu'ils foient de plus petite taille j ils ont tous les cheveux noirs & peu de barbe , ils l'arrachent aufîïtôt qu'elle paroît, ils font errans & tranfportent à VHiJloire Naturelle. 259 leurs tentes & leurs meubles avec eux, Ils époufent autant de femmes qu'il leur plaît. Ils ont des Idoles de bois ou d'ar- gile , auxquelles ils adrefïent des prières pour obtenir une bonne pêche ou une chaire heureufe , ce font les feuls moyens qu'ils aient de fe procurer leur fubfi£ tance (pj. On peut inférer de ce récit, que les Tungufes font la nuance entre la race des Samojèdes Se celle des Tartares, dont le ptototipe ou (1 Ton veut la carir cature ., fe trouve chez les Calmouques qui font les plus îaids de tous les hom- mes. Au refte , cette vafte partie de notre continent, laquelle comprend la Sibérie, & s'étend de Tobolk à Kamtfchatka, & de la mer Cafpienne à la Chine , n'eft peuplée que de Tartares, les uns indé- pendans, les autres plus ou moins fou- rnis à l'empire de RufTie ou bien à celui de la Chine, mais tous encore trop peu connus pour que nous puilîions rien ajouter à ce que nous avons dit, vol. V, pages 1 6 ÙJuivantes. fp) Relation de M.,s Gmelin & Mulîer. His- toire générale des Voyages, tom. XVlll,f. 243. z6o Supplément Nouspaflerons des Tartares aux Arabes, qui ne font pas auffi différens par les mœurs qu'ils le font par ïe climat. M. Nietburh, de la Société royale de Gottingen , a publié une relation curieufe & favance de l'Arabie , dont nous avons tiré quelques faits que nous allons rap- porter. Les Arabes ont tous la même religion fans avoir les mêmes mœurs*, les uns habitent dans des villes ou vil- lages, les autres fous des tentes en fa- milles féparées. Ceux qui habitent les villes travaillent rarement en été depuis les onze heures du matin jufqu'à trois heures du foir, à caufe de la grande chaleur ; pour l'ordinaire, ils emploient ce temps à dormir àms un fouterrein ou le vent vient d'en haut par une efpèce de tuyau 3 pour faire circuler l'air. Les Arabes tolèrent toutes les religions & en laiflenc le libre exercice aux Juifs, aux Chré- tiens , aux Banians *, ils font plus affables pour les Étrangers , plus hofpitaliers , plus généreux que les Turcs. Quand ils font à table ils invitent ceux qui furvien- nent à manger avec eux ; au contraire, les Turcs fe cachent pour manger, crainte à l'HiJloire Naturelle. 2 6 1 d'inviter ceux qui pourroient les trouver à table. La coiffure des femmes Arabes, quoi- que fimple, eft galante; elles font toutes à demi ou au quart voilées. Le vêtement du corps eft encore plus piquant, ce n'eft qu'une chemife fur un léger cale- çon , le tout brodé ou garni d'agrémens de différentes couleurs*, elles fe peignent les ongles de rouge , les pieds & les mains de jaune-brun, 8c les iourcils Se le bord des paupières de noir : celles qui habitent la campagne dans les plaines ont le teint & la peau du cotps d'un jaune-foncé -, mais, dans les montagnes , on trouve de jolis vifages, même parmi les paifannes. Lufage de l'inoculation , fi né* cefTaire pour conferver labeauté, eft an- cien & pratiqué avec fuccès en Arabie-, les pauvres Arabes-Bédouins, qui man- quent de tout , inoculent leurs enfans avec une épine , faute de meilleurs inf- rrurnens. En général, les Arabes font fott fobres, 8c même ils ne mangent pas de tout, à beaucoup ptès, foit fuperftition , foit faute d'appétit 3 ce n eft pas néanmoins délican 26 z Supplément teffe de goût, car la plupart mangent des Sauterelles -, depuis Babel- mande! jufqu'à Bara on enfile les fautereiîes pour les porter au marché. Ils broient leur blé entre deux pierres, dont Ja fupérieure Te tourne avec la main. Les filles le marient de fort bonne heure, à neuf, dix & onze ans dans lés plaines, mais dans les mon- tagnes les parens les obligent d'attendre quinze ans. ce Les habitans des villes Arabes , dit M. Nierburh , fur-tout de celles qui font fituées fur les cotes de la mer , ou fur la frontière , ont , à caiife de leur com- merce , tellement été mêlés avec les Etrangers , qu'ils ont perdu beaucoup de leurs mœurs & coutumes anciennes; mais les Bédouins , les vrais Arabes , qui ont toujours fait plus de cas de leur liberté, que de Taifance & des r "rebelles, vivent en tribus féparées, fous des tentes , & gar- dent encore la même forme de gouver- nement , les mêmes moeurs & les mêmes ufages qu'avoient leurs Ancêtres dès les cemps les plus reculés. Ils appellent, en général, tous leurs nobles, Schcchs ou à VHiJloire Naturelle. 265 Schœch ; quand ces Schechs font trop foibles pour fe défendre contre leurs voi- flns , ils s'uniffent avec d'autres , & choi- fiiTent un d'entr'eux pour leur grand Chef. Plusieurs des Grands éïifent enfin, de l'aveu des petits Schechs , un plus puifTant encore , qu'ils nomment Schec* helkbir-) ou Scheches-Schiûch 3 & alors la famille de ce dernier donne fon nom à toute la tribu. . . . L'en peut dire qu'ils naiiïent tous foldats , & qu'ils font tous pâtres. Les Chefs des grandes tribus ont beaucoup de chameaux qu'ils emploient à la guerre , au commerce , Sec. les pe- tites tribus élèvent des troupeaux de mou- tons. ... les Schechs vivent fous des tentes , Se iaiiTent le foin de l'agriculture & des autres travaux pénibles, à leurs iujets qui logent dans de mïférables huttes. Ces Bédouins , accoutumés à vivre en plein air , ont l'odorat très-fin : les villes leur pîaifent il peu , qu'ils ne comprennent pas comment des gens quife piquent d'aimer la propreté, peuvent vivre au milieu d'un air fi impur.... Parmi ces peuples , Ëtu» tonte refte dans la famille du grand ou petit Schech qui règne ? fans c-iûis loienç 264 ^Supplément affujeïtis à en choifir 1 aîné *, ils élifent le plus capable des fils ou des parens , pour fuccéderau gouvernement*, ils paient très- peu ou rien à leurs fupérieurs. Chacun des petits Schechs porte la parole pour fa famille , & il en eft le chef & le conducteur : le grand Schech eft obligé par-là de les regarder plus comme les alliés , que comme fes fujets -, car fi fon gouvernement leur déplaît, & qu'ils ne puiftent pas le dépofer , ils conduifent leurs beftiaux dans la poiîeffion d'une autre tribu , qui d'ordinaire , eft charmée d'en fortifier fon parti. Chaque petit Schech eft intéreile à bien diriger fa fa- mille , s'il ne veut pas être dépofé ou abandonné jamais ces Bédouins n'ont pu être entièrement fubjugués par des Etrangers. . . . mais les Arabes d'auprès de Bagdad, Moful, Orfa, Damask &Haleb, font, en apparence, fournis au Sultan.» Nous pouvons ajouter a cette rela- tion de M. Nierburh, que, toutes les contrées de l'Arabie, quoique fort éloi- gnées les unes des autres , font également Au jettes à de grandes chaleurs, & jouilTent constamment à VHiJloire Naturelle. 265 conftamment du ciel îe plus ferein -, & que cous les monumens hiftoriques attellent que l'Arabie étoît peuplée dès la plus haute antiquité. Les Arabes, avec une allez pente taille , un corps maigre , une voix grêle , ont un tempérament robude , îe poil brun , le vifage bâfané , les yeux noirs & vifs 5 une phyiionomieingénreufe , mais rarement agréable : ils attachent de la dig- nité à leur barbe , parlent peu , fans geites, fans s'interrompre, fans fe choquer dans leurs expreflïons ; ils font flegmatiques , mais redoutables dans la colère , ils ont de l'intelligence, &même de l'ouverture pour les fciences qu'ils cultivent peu -, ceux de nos jours n'ont aucun monument de genre. Le nombre des Arabes établis dans le défert , peut monter à deux millions, leurs habits , leurs tentes, i^urs cordages , leurs tapis, tout fe fait avec la laine de leurs brebis , le poil de leurs chameaux & de leurs chèvres (q)m Les Arabes, quoique flegmatiques M tout moins que leurs voi/ins les Êgyp- — (q) Hiftoire philofophique & politique. ÂmfttT- iam , 1772, tome 1 , pages 4 1 o & fiip. Tome XI, jVl z66 Supplément tiens*, M. le chevalier Bruce, quia vécu long- temps chez les uns & chez les au- tres , m'aflure que les Egyptiens font beaucoup plus fombres & plus mélanco- liques que les Arabes, qu'ils fe font fort peu mêlés les uns avec les autres, & que chacun de ces deux peuples confervefé- pa rément fa iangue & Tes ufages : cet il- luftre voyageur, M. Bruce, m'a encore donné les notes fuivantes , que je me fais Un plarfîr de publier. A l'article où j'ai dit qu'en Perfe &en Turquie il y a grande quantité de belles femmes de toutes couleurs , M. Bruce ajoute qu'il fe vend tous les ans à Moka , plus de trois mille jeunes Abyfîines , & plus de mille dans les autres ports de l'Arabie, toutes deflinées pour les Turcs. Ces Abyfïïnes ne font que bafanées, les femmes noires arrivent des côtes de h mer rouge , eu bien on les amène de l'intérieur de l'Afrique , & nommément du diitricl: de Darfour r, car, quoiqu'il y ait des peuples noirs fur les cotes de la mer rouge, ces peuples font tous Maho- métans , & l'on ne vend jamais les Ma- hométansj mais feulement les Chrétiens à VHifioire Naturelle. 267 ou Payens, les premiers venant de l'A- byfîïnie , & les derniers de l'intérieur de l'Afrique. J'ai dit (T. F>p.jç)> d'après quelques relations , que les Arabes font fort en- durcis au travail ', M. Bruce remarque avec raifon , que les Arabes étant tous pafteurs , ils n'ont point de travail fuivi, & que cela ne doit s'entendre que des longues courfes qu'ils entreprennent , pa- roiflant infatigables , & fouffrant la cha- leur , la faim & la foif , mieux que tous les autres hommes. J'ai dit (T.V>p. 7p)^ que les Arabes , au lieu de pain , fe nourrrfïènt de quel- ques graines fauvages, qu'ils détrempent & paîtrifïent avec le lait de leur bétail. M. Bruce m'a appris que tous les Arabes fe nourrilîènt de coufcoufoo 3 c'eft une efpèce de farine cuite à l'eau j ils fe nour- rirent auÉïï de lait , & fur-tout de celui des chameaux -, ce n'eft que dans les jours de fêtes qu'ils mangent de la viande, & cette bonne chère n'eft que du chameau & de la brebis. A l'égard de leurs vête- inens , M. Bruce dit que cous les Arabes Mij 2 6 S Supplément riches font vêtus, qu'il n'y a que les pau- vres qui foienc nus*, mais qu'en Nubie, la chaleur eft ii grande en été, qu'on eu: forcé de quitter Tes vêtemens , quelques légers qu'ils (oient. Au fujet des em- preintes que les Arabes Te font fur la peau , il obferve qu'ils font ces marques ou empreintes, avec de la poudre à tirer & de la mine de plomb*, ils fe fervent pour cela d'une aiguille , & non d une lancette. Il n'y a que quelques tribus dans l'Arabie déferre , & les Arabes det Nubie , qui fe peignent les lèvresj mais les Nègres de la Nubie ont tous les lè- vres peintes ou les joues cicatrifées^ & empreintes de cette même poudre noire. Mi refte, ces différentes impreiiions que les Arabes fe font fur la peau, déiignenc ordinairement leurs différentes tribus. Sur les habitans de la Barbarie, ( 1. V, vase SrJM Bruce allure que non feule- ment les enfans des Barbarefques font fort blancs en naiflant , mais il ajoute un fait que •|e n'ai trouvé nulle part -, c'eft que les femmes, qui habitent dans les villes de Barbarie, font d'une blancheur prcfquc à l'HiJloirè Naturelle. 2 £9 rebutante, d'un blanc de marbre qui tranche trop avec le rouge très -vif de îeurs joues, & que ces femmes aiment îa muiique 8c la danfe, au point d'en être tranfportées \ il leur arrive même de tomber en convulfion & en fyncope îorf- qu'elles s'y livrent avec excès. Ce blanc matte des femmes de Barbarie fe trouve quelquefois ei* Languedoc & fur toutes nos côtes de la méditerranée. J'ai vu plusieurs femmes de ces provinces avec le tenir blanc-matte & les cheveux bruns ou noirs. Au fujet deCophtes, (T. Vj p. 84,) M. Bruce obferve qu'ils font les ancêtres des Egyptiens actuels , & qu'ils étoienc autrefois Chrétiens & non Mahométans *, que plusieurs de îeurs defcendans font encore Chrétiens , & qu'ils font obligés de porter une forte de turban différent & moins honorable que celui des Maho- métans. Les autres habitans de l'Egypte font des Arabes-farafms qui ont conquis le pays, & fe font mêlés par force avec les naturels. Ce n'eft que depuis très-peu d'années (dit M. Bruce) que ces maifons de piété ou plutôt de libertinage , établies M iij zjo Supplément pour le fervîce des Voyageurs , ont été fupprrmées -, ainfî , cet ufage a été aboli de nos jours. Au lujet de la taille des Égyptiens, ( T. Fj p. S s jj M. Bruce obferve que la différence de îa taille des hommes qui font afTez grands & menus , &: des fem- mes qui généralement font courtes & trapues en Egypte, fur-tout dans les campagnes , ne vient pas de la Nature, mais de ce que. les garçons ne portent jamais de fardeaux fur îa tête *, au lieu que les jeunes filles de îa campagne vont tous les jours plufîeurs fois chercher de l'eau du Nil, qu'elles portent toujouts dans un jarre fur leur tête , ce qui leur affaifle le cou & îa taille, les rend tra- pues & plus carrées aux épaules -, elles ont néanmoins les bras & les jambes bien faits, quoique fort gros-, elles vont prefque nues, ne portant qu'un petit jupon très-courr. M. Bruce remarque suffi que, comme je l'ai dit, le nombre des aveugles en Egypte eft très-confidé- rabîe, & qu'il y a vingt-cinq mille per- fonnes aveugles nourries dans les hôpi- taux de la feule ville du Caire. à VHijloire Naturelle. 2 7 1 Au fujet du courage des Egyptiens, (T. Vtp. Sjt) M. Bruce obferve quils n'ont jamais été vaiilans, qu'ancienne- ment ils ne faifoient la guerre qu'en prenant à leur folde des troupes étran- gères 5 qu'ils avoient une iî grande peur des Arabes, que, pour s'en défendre, ils avoient bâti une muraille depuis Pelu- Jium jufqu'à Héliopolis ; mais que ce grand rempart n'a pas empêché les Arabes de les fubjuguer. Au refte, les Égyp- tiens actuels font très-parefTeux , grands buveurs d'eau-de-vie, fi triftes & h mé- lancoliques qu'ils ont befoin de plus de fêtes qu'aucun autre peuple. Ceux qui font Chrétiens ont beaucoup plus de haine contre les Catholiques romains que contre les Mahométans. Au fujet des Nègres, ( T. V>p. t 1 s 3) M. Bruce m'a fait une remarque de la dernière importance } c'eft qu'il n'y a de Nègres que les cotes, c'eft-à-^dire , fur les terres balles de l'Afrique, & que dans l'intérieur de cette partie du monde, les hommes font blancs, même fous l'Equateur -, ce qui prouve encore pins démonftrativement que je n'avois pu le M iv iji Supplément faire 5 qu'en général la couleur des hom- mes dépend entièrement de l'influence & de îa chaleur du climat , 6c que la couleur noire eft auiTi accidentelle dans Teipèce humaine que le bafané, le jaune ou le rouge-, enfin que cette couleur noire ne dépend uniquement, comme je l'aï dit, que des circonftances locales Se particulières à certaines contrées où la chaleur eîï exceffive. Les Nègres de la Nubie (m'a dk M. Bruce) ne s'étendent pas jufqu'à la mer rouge ; toutes les côtes de cette mer font habitées ou par les Arabes ou par leurs defeendans. Dès le huitième degré de latitude nord, commence le peuple de Galles, divifé en plufieurs Tribus, qui s'étendent peut-être de-ïà jufqu'aux Hottentots , & ces peuples de Galles font pour la plupart blancs. Dans ces vait.es contrées, comprifes entre le dix- huitième degré de latitude nord & le dix-huitième degré de latitude fud, on ne trouve des Nègres que fur les cotes & dans les pays- bas voiiins de la mer*, mais dans l'intérieur , où les terres font élevées & montagneufes, tous les hom- â PHifloire Naturelle. 275 mes font blancs. Ils font même prefque auffi blancs que les Européens, parce que toute cette terre de l'intérieur de l'Afrique eft fort élevée fur la furface du globe, & n'eft point fujette à d'exceiïïves chaleurs -, d'ailleurs il y tombe de grandes pluies continuelles dans certaines failons qui rafraîchirent encore la terre & Fair, ^ au point de faire de ce climat une ré- gion tempérée. Les montagnes qui s'é- tendent depuis le tropique du Cancer jufqu'à la pointe de l'Afrique, partagent cette grande ptefqu'ÎIe dans fa longueur, & font toutes habitées par des peuples blancs , ce n'elt que dans les contrées oii les terres s'abaifïent que Ton trouve des Nègres -, or elles fe dépriment beaucoup du côté de l'occident vers les pays de Congo , d'Angole , &c. & tout autant du coié de l'orient vêts Mélinde & Zangue- bar -, c'eft dans ces contrées baiïes , ex- cefïïvement chaudes , que fe trouvent des hommes noirs , les Nègres à l'occi- dent & les Catfres à l'orient. Tout îe centre de l'Afrique eft un pays tempéré & allez pluvieux 3 une terre très-élevée & prefque par - tout peuplée d'hommes Uv 274 Supplément blancs ou feulement bafanés & non pas noirs. Sur îes Barbarins, ( T. F j page 117,) M. Bruce fait une obfervation , ii dit que ce nom eft équivoque \ les habitans de Barberenna , que les Voyageurs ont appelés Barbarins s & qui habitent le haut du fkuve Niger ou Sénégal, font en effet des hommes noirs, des Nègres même plus beaux que ceux du Sénégal. Mais les Barbarins proprement dits, font les habitans du pays de Berber ou Earabra, fitué entre le feizième & le vingt- deu- xième ou vingt-troifième degrés de lati- tude nord', ce pays s'étend le long des deux bords du Nil, & comprend la con- trée de Dongola, Or les habitans de cette terre, qui font les vrais Barbarins voiiins des Nubiens , ne font pas noirs comme eux -, ils ne font que bafmés , ils ont des cheveux & non pas dp la laine , leur nez ri eft point écrafé , leurs lèvres font min- ces i enfin ils relTemblent aux AbyfTms montagnards, defquels ils ont tiré leur origine.  l'égard de ce que j'ai dit de îa beifïbn ordinaire des Éthiopiens ou à PHiJIoire Naturelle. 275 Aby fïïns , M. Bruce remarque qu'ils n'ont point Tufage des tamarins, que cet arbre leur eft même inconnu, lis ont une graine qu'on appelle Teef+j .de la- quelle ils font du pain , ils en font auffi * Manière de faire le pain avec la graine de la plante appelée Teef , en Abyf- finie. Il faut commencer par tamifer îa graine de teef, & en ôter tous les corps étrangers, après quoi l'on en fait de la farine ; enfuite on prend une cruche , dans laquelle on met un morceau de levain de ïa grofleur d'une noix ; ce levain doit être mis dans ïe milieu de la farine dont la cruche eft remplie. Si l'on fait cette opération fur les fept à huit heures du foir , il faudra ie lendemain matin à fept à huit heures prendre un morceau de la maffe déjà deve- nue levain, proportionné à la quantité de pain que l'on veut faire. On étend îa pâte en l 'aplati liant comme un gâteau fort mince , fur une pierre po- lie , fous laquelle il y a du feu ; cette pâte ne doit être ni trop liquide ni trop con liftante, & il vaut mieux qu'elle foit un peu trop molle que d'être trop dure. On la couvre enfuite d'un vafe ou d'un couvercle élevé de paille , & en huit ou dix mi- nutes & moins encore, félon ie feu, le pain eft cuit,& on l'expofe à l'air. Les Abyffins mettent du levain dans la cruche pour la première fois feulement, après quoi ils n'en mettent plus ; la M vj ty6 Supplément une efpece de bière en ïa îaiiTant fer* menter dans l'eau , Se cette liqueur a u» goût aigrelet qui a pu la faire confondre avec la boiflon faite de tamarins. Au fujet de la langue des Abyffins, que j'ai âk (T. V^p. 1 1 S J n'avoir aucune règle, M. Bruce obferve qu3il y a à la- vérité pïufieurs langues en Abyffinie,. mais que toutes ces langues font à peu- ples aiîujetties aux mêmes règles que les autres langues orientales , la manière d'écrire des Abyffins eft plus lente que celle des Arabes, ils écrivent néanmoins prefque auffi vite que nous. Au fujet de leurs habillemens & de leur manière de fe faluer, M. Bruce allure que les Jér fuites ont fait des contes dans leurs Let- tres édifiantes, & qu'il n'y a rien de vrai de tout ce qu'ils difent fur cela : les Abyffins fe faiuent fans cérémonie , ils ne portent point d'écharpes, mais des vêtemens fort amples, dont j'ai vu les ■■■ii-" « i i i. ... i i feule chaleur de ïa- cruche fuffit pour faire lever le p?in. Chaque matin, ils font leur pain pour ie jour entier. Note conimutiitjuée par M. là chèvd'ut Bruce à M. de Buffotn à PHiJloire Naturelle. 277 cîefïîns dans les porte - feuilles de M. Bruce. Sur ce que j'ai die des Acrldaphages ou mangeurs de fauter elle s (T. V>p. 1 1 9 ^) M. Bruce obierve qu'on mange des fau- tereiies, non-feulement dans les déiercs voilîns de l'Abyïîinie, mais aufïi dans ïa Lybie intérieure près le Palus-tritonides _> & dans quelques endroits du royaume de Maroc. Ces peuples font frire ou rôtir les fauterelles avec du beurre , ils les écrafent enfuite pour les mêler avec du lait & en faire des gâteaux. M . Bruce dit avoir fouvent mangé de ces gâteaux fans en avoir été incommodé. J'ai dit (T. V^-p.i 21 9) que vraifembla- blement les Arabes ont autrefois envahi l'Ethiopie ou Abyiïînie, & qu'ils en ont chafle les naturels du pays. Sur cela M. Bruce obferve queleshiftoriens Abyf- fins qu'il a lus, afïurent que de tout temps ou du moins très-anciennement, l'Arabie heureufe appartenoit au con- traire à l'empire d'Abyfîinie *, & cela s'eft en eftet trouvé vrai à l'avènement de Mahomet. Les Arabes ont auffi des époques ou dates fort anciennes de l'in*» 2 7 S Supplément va(îon des Abyffins en Arabie, & de îa conquête de leur propre pays. Mais ii eO: vrai qu'après Mahomet, ies Arabes fe font répandus dans les contrées bades de l'Abyffinie, les ont envahies & fe font étendus le long des cotes de la mer jufqu'à Mélinde, lans avoir jamais péné- tré dans les terres élevées de l'Ethiopie ou haute Abyiîinie -, ces deux noms n'expriment que la même région, con- nue des anciens fous le nom d'Ethiopie , & des modernes fous celui d'Abyffinie. (T. V^p, J 66 y>. J'ai fait une erreur en clifant que les Abyffins & les peuples de Mélinde ont îa même religion. Car les Abyffins font Chrétiens, & les habitans de Mélinde font Mahométans, comme les Arabes qui les ont fubjugés s cette différence de religion femble indiquer que les Arabes ne fe font jamais établis à demeure dans la haute Abyffinie. Au fujet des Hottentots & de cette excroiiïance de peau que les Voyageurs ont appelée le tablier des Hottentou 's j 8c que Thévenot dit fe trouver auffi chez les Egyptiennes , M. Bruce affure, avec toute raifon , que ce fait n'eft pas vrai à PHiJIoire Naturelle. 279 pour les Egyptiennes, & très-douteux pour les Hottentotes. Voici ce qu'en rapporte M. le vicomte de Querhoent dans le journal de Ton voyage, qu'il a eu la bonté de me communiquer (r)% ce II eft faux que les femmes Hotten- totes aient un tablier naturel qui recou- vre les parties de leur fexe -, tous les habitans du cap de Bonne- efpérance alïurent le contraire , & je l'ai ouï dire au Lord Gordon qui étoit allé pafïèr quelque temps chez ces peuples pour en être certain \ mais il m'a aîïuré en même temps que toutes les femmes qu'il avoit vues avoient deux protubérances charnues qui fortoient d'entre les grandes lèvres au-deiTus du clitoris, & tomboient d'environ deux ou trois travers de doigt 3 qu'au premier coup- d'oeil , ces deux excroifTances ne paroilïoient point [épu- rées. Il m'a dit au(ïï que quelquefois ces (r) Remarques cPHiftoïre Naturelle , faites à bord du vaifleau du Roi, la Vicient, pendant tes années 1773 & 1774, Par M- k vicomte de Quer- hoè'nt ; Enfeigne de vaiileau. 2 8 o Supplément femmes s'entouroient le ventre de quel- que membrane d'animal, & que c'eft ce qui aura pu donner lieu à Thiftoire du tablier. Il eft fort difficile de faire cette vérification , elles font naturellement très-modeftes, il faut les enivrer pour en venir à-bout. Ce peuple n eft pas fi excçC- fivement laid, que la plupart des Voya- geurs veulent le faire accroire j j'ai trouvé qu'il avoit les traits plus appro- chans des Européens que les Nègres d'Afrique. Tous les Hottentots que j'ai vus étoient d'une taille très-médiocre, ils font peu courageux, aiment avec excès les liqueurs fortes & paroifïent fort flegmatiques. Un Hottentot & fa femme paiToient dans une rue l'un auprès de l'autre, & caufoient fans paroîrre émus : tout d'un coup je vis le mari donner à Ca femme un foufîlet fî fort qu'il l'écendit par terre \ il parut d'un aufîi grand fang- froid après cette action qu'auparavant; il continua fa route fans faire feulement attention à fa femme qui, revenue un infiant après de fotr étourdifïement , hâta le pas pour rejoin- dre fon mari. » h ÏHifloire Naturelle. 281 Par une lettre que M. de Querho'ênt m'a écrite , le 15 février 1775 , il ajoute. « J'eufTe defiré vérifier par moi- même, Ci le tablier des Hottentotes exifte, mais c'eft une chofe très-difficile-, premièrement par la répugnance quelles ont de fe laitier voir à des étrangers, & en fécond lieu par la grande diftance qu'il y a entre leurs habitations & la ville du Cap dont les Hottentots s'éloi- gnent même de plus en plus ', tout^ce que je puis vous dire à ce fujet , c'eil que les Hollandois du Cap qui m'en ont parlé croient le contraire, & M. Bergh homme inftruit m'a allure qu'il avoir eu la curiofité de le vérifier par lui- même. » Ce témoignage de M. Bergh 8c celui de M. Gordon me paroiffent fuffire pour faire tomber ce prétendu tablier, qui m'a toujours paru contre tout ordre de na- ture. Le fait , quoique affirmé par^ plu- sieurs Voyageurs , n'a peut-être d'autre fondement que le ventre pendant de quelques femmes malades ou mal foi- lî l Supplément gnées après leurs couches. Mais à l'égard des protubérances entre les lèvres, les- quelles proviennent du trop grand ac- croirlement des nymphes -, c'eft un défaut connu Se commun au plus grand nombre des femmes Africaines. Ainfî, l'on dort ajouter foi à ce que M. de Querhoent en dit ici d'après M, Gordon, d'autant qu'on peut joindre à leurs témoignages celui du capitaine Coolc. Les Hottentotes (dit-il) n'ont pas ce tablier de chair dont on a fou vent parlé : Un Médecin du Cap, qui a guéri plusieurs de ces femmes de maladies vénériennes, allure qu'il a feulement vu deux appendices de chair ou plutôt de peau, tenant à la partie fupérieure des lèvres, & qui refîembloient en quelque forte aux tettes d'une va- che, excepté qu'elles étoient plates *, ik ajoute , qu'elles pendoient devant les parties naturelles, & qu'elles étoient de différentes longueurs dans différentes fem- mes ; que quelques-unes n'en avoient que d'un demi-pouce, Se d'autres de trois à quatre pouces de long (JJ. CD VoYage du capitaine Cook, chap. XII, pages 323 ttfuiv. à VEiftoire Naturelle. *§3 Sur la couleur des Nègres. Tout ce que j'ai dit fur la caufe de la couleur des Nègres, me paroit de la plus grande vérité', c'eft la chaleur ex- c^fîive dans quelques contrées au globe qui donne cette couleur, ou pour mieux dire cette teinture aux hommes, & cette teinture pénètre à l'intérieur , car le iang des Nègres eft plus noir que celui des hommes blancs. Or cette chaleur excedive ne fe trouve dans aucune contrée mon* tacmeufe, ni dans aucune terre fort élevée fu? le globe, & c'eft par cette raifon que fous l'Equateur même , les habitans du Pérou & ceux de l'intérieur de l'Afrique, ne font pas noirs. De même cette chaleur exceîTive ne fe trouve point fous 1 Equa- teur, fur les cotes ou terres balles voi- fines de la mer du côté de l'orient, parce que ces terres balTes font conti- nuellement rafraîchies par le vent d eft qui patlè fur de grandes mers avant dy arriver -, & c'eft par cette raifon que les peuoles de la Guyane, les Brafiiiens , &c. #n Améncme, ainfi que les peuples de Mélinde & des autres côtes orientales de z 8 4 Supplément l'Afrique, non plus que les habitans des îles méridionales de YACie ne font pas noirs. Cette chaleur excefïive ne fe trouve donc que fur les côres & terres baffes occidentales de l'Afrique , où le vent d'eft qui règne continuellement ayant à traverfer une immenfe étendue de terre , ne peut que s'échauffer en parlant , & augmenter par conséquent de plu- sieurs degrés la température naturelle de ces contrées occidentales de l'Afrique; c'eit par cette raifon, c'en>à-dire> par cet excès de chaleur provenant des deux circonftances combinées de la dépreilïon des terres & de l'action du vent chaud, que fur cette côte occidenrale de l'Afri- que on trouve les hommes les plus noirs. Les deux mêmes circonftances produifent à peu-près le même effet en Nubie & dans les terres de îa nouvelle Guinée *, parce que, dans ces deux contrées balles, le vent deft n'arrive qu'après avoir tra- verfé une vafte étendue de terre. Au con- traire lorfque ce même vent arrive après avoir traverfé de grandes mers, fur les- quelles il prend de la fraîcheur , la cha- leur feule de la zone torride, non plus à VHifloire Naturelle. 285 que celle qui provient de la dépreilion du terrein, ne fuffifent pas pour produire des Nègres, & c'eft la vraie raifon pour- quoi il ne s'en trouve que dans ces trois régions fur le globe entier-, favoir, i.° le Sénégal, la Guinée & les autres cotes occidentales de l'Afrique *, 2.0 la Nubie ou Nigrhie s 3° ïà terre des Papous ou nouvelle Guinée -, ainli , le domaine des Nègres n'eft pas aufïï vafte, ni leur nom- bre à beaucoup près aulli grand qu'on pourroit l'imaginer, & je ne fais fur quel fondement M. P. prétend que îe nombre des Nègres eft à celui des blancs, comme un eft à vingt-trots (t) ; il ne peut avoir fur cela que des aper- çus bien vagues, car autant que je puis en juger, Tefpèce entière des vrais Nè- gres eft beaucoup moins nombreufe ; je ne crois pas même qu'elle faiTe la cen- rième partie du genre-humain , puifque nous fommes maintenant informés que l'intérieur de l'Afrique eft peuplé d'hom- mes blancs. ( t ) Recherches fur les Américains 7 tome I, 2 8 6 Supplément M. P. prononce affirmativement fur un grand nombre de chofes fans citer fes garans *, cela feroit pourtant à délirer, fur-tout pour les faits importans. « Il faut abfolument, dit-il, quatre générations mêlées pour faire difparoître entièrement la couleur des Nègres, 8c voici l'ordre que la Nature obferve dans les quatre générations mêlées. i.° D'un nègre & d'une femme blan- che , naît le mulâtre à demi- noir, à demi- blanc, à longs cheveux. 2,S Du mulâtre & de la femme blan- che , provient le quarteron bafané à cher veux longs. 3 .° Du quarteron & d'une femme blan- che, fort l'odtavon moins bafané que le quarteron. 4,ç De l'odlavon Se d'une femme blanche , vient un enfant parfaitement blanc. Il faut quatre filiations en fens inverfe pour noicir les blancs. i.° D'un blanc & d'une négrefTe, fort le mulâtre à longs cheveux. 2.° Du mulâtre & de la nègre ffe? vient à VHijloire Naturelle. 287 le quarteron, qui a trois quarts de noir & un quart de blanc. 3.0 Du quarteron & d'une négrefTe y provient l'o&avon, qui a fept huitièmes de noir & huitième de blanc. 4.0 De cet o&avon & de la négtefTe, vient enfin le vrai nègre à cheveux en- tortillés (u). » Je ne veux pas contredire ces alTertîons de M. P. je voudrois feulement qu'il nous eût appris d'où il a tiré ces obfer- vations, d'autant que je n'ai pu m'en procurer d'aufîî préciles, quelques re- cherches que j'aie faites. On trouve dans l'hiftoire de l'Académie des Sciences , année 1 724 _, page 1 7 _, Tsbfervation ou plutôt la notice luivante : ce Tout îe monde fait que les enfans d'un blanc & d'une noire ou d'un noir & d'une blanche s ce qui eft égal, font d'une couleur jaune, & qu'ils ont des cheveux (u) Recherches fur les Américains 7 tome I, 288 Supplément noirs, courts & frrfés -, on les appelle mu* lâtres. Les enfans d'un mulâtre & d'une noire ou d'un noir & d'une mulâtrejjc 3 qu'on appelle griffes j font d'un jaune plus noir, & ont les cheveux noirs, de forte qu'il femble qu'une nation originai- rement formée de noirs & de mulâtres re- tourneroit au noir parfait. Les enfans des mulâtres Se des mulâtrefles , qu'on nomme cafques y font d'un Jaune plus clair que les gritïes , Se apparemment une nation qui en feroit originairement formée re- tourneroit au blanc. » Il paroît par cette notice, donnée à l'Académie par M. de Hauterive, que non- feulement tous les mulâtres ont des cheveux & non de la laine -, mais que les grifres nés d'un père nègre & d'une mulâtreiîe ont aufîï des cheveux & point de laine, ce dont jje doute: il eft fâcheux que l'on n'ait pas fur ce fujet important un certain nombre d'obfervations bien faites. Sur les Nains de Madagafcar. Les habitans des cotes orientales de l'Afrique à PHiJloire Naturelle. 289 l'Afrique 8c de l'île de Madagafcar , quoi- que plus ou moins noirs, ne font pas nè- gres , Se il y a dans les parties monta- gneufes de cette grande île , comme dans l'intérieur de l'Afrique, des hommes blancs. On a même nouvellement débité qu'il fe trouvoit dans le centre de l'île, dont les terres font les pius élevées , un peuple de Nains blancs*, M. Meunier, Médecin, qui a fait quelque féjour dans cette île, m'a rapporté ce fait, & j'ai trouvé dans les papiers de feu M. Com- merfon la relation Suivante : « Les Amateurs du merveilleux, qui nous auront fans doute fu mauvais gré d'avoir réduit à fîx pieds de haut la taille prétendue gigantefque des Patagons, ac- cepteront peut-être en dédommagement une race de pigmées qui donne dans l'excès oppofé , je veux parler de ces demi -hommes qui habitent les hautes montagnes de l'intérieur dans la grande île de Madagafcar } 8c qui y forment un corps de -nation, confidérable appelée Qiiimos ou Klmos en langue Madècajjç. Otez-leur la parole ou donnez-la aux " Tome XL N z 9 o Supplément finges grands & petits, ce feroit îe paf- fage infenfible de l'efpcce humaine à la gent quadrupède. Le caractère naturel & diitin&if de ces petits hommes eft d'êtte blancs ou du moins plus pâles en couleur que tous les noirs connus -, d'avoir les bras très-alongés , de façon que la main atteint au - deffous du genou fans plier le corps, & pour les femmes de marquer à peine leur fexe par les^ ma- melles , excepté dans le temps quelles 'nourrirent *, encore veut-on alïurer que la plupart font forcées de recourir au lait de vache pour nourrir leurs nou- veaux-nés. Quant aux facultés intellec- tuelles, ces Quimos le difputent aux au- tres Malgaches (ceft ainfi qu'on appelle en général tous les naturels de Madagaf- car ) , que Ton fait être fort fpirituels 8z fort adroits, quoique livrés à la plus grande pareffe. Mais on aflùre que les Quimos, beaucoup plus actifs, font auffi plus belliqueux -, de façon que leur cou- rage étant, fi je puis m'exprimer atnii, en raifon double de leur taille, ils n'ont jamais pu être opprimés par leurs voi- fins , qui ont fouvent maille à partir à PHijloire haturcllc. 291 avec eux. Quoique attaqués avec des for- ces & des armes inégales ( car ils n'ont pas l'ufage de la poudre & des fu(ïls comme leurs ennemis), ils fe font toujours battus courageufement 8c maintenus li- bres dans leurs rochers , leur difficile ac- cès contribuant fans doute beaucoup à leur confervation -, ils y vivent de riz, de dirrerens fruits, légumes & racines, & y élèvent un grand nombre des beftiaux (bœufs à boiïè 8c moutons à grotte queue) dont ils empruntent auiïi en partie leur fubfîftance. Ils ne communiquent avec les différentes caftes Malgaches dont ils font environnés ni par commerce, nî par alliances , ni de quelqu'autre manière que ce foit, tirant tous leurs beforns du fol qu'ils pofsèdent. Comme l'objet de toutes les petites guerres qui fe font entr'eux 8c les autres habitans de cette île, eft de s'enlever réciproquement quelque bétail ou quelques efclaves, la petitefle de nos Quimos les mettant pref- qu'à l'abri de cette dernière injure 3 ils favent par amour de la paix fe réfoudre à fourïrir la première julqu'à un certain point, c'eùV à-dire, que quand ils voient Nij 2 5 2 Supplément du haut de leurs montagnes quelque for- midable appareil de guerre qui s'avance dans la plaine, ils prennent d'eux-mêmes îe parti d'attacher à l'entrée des défilés par où il faudroit paner pour aller à eux cuelque fuperflu de leurs troupeaux, dont ils font, difent-ils, volontairement le facrifice à l'indigence de leurs frères aînés -, mais avec proteftation en même temps de fe battre à toute outrance, fi Ton1 pâlie à main armée plus avant iur leur terrein : preuve que ce n eft pas par fentïment de foiblefle, encore moins par lâcheté qu'ils font précéder les préfens -, leurs armes font la zagaie & le trait qu'ils lancent on ne peut pas plus jufte -, on prétend que s'ils pouvoient , comme ils en ont grande envie, s'aboucher avec les Européens , & en tirer des fufils & des munitions de guerre, ils pafleroient vo- lontiers de la défenfive à l'ofrenfive contre leurs voiiins, qui feroient peut-être alors trop heureux de pouvoir entretenir la paix. , ; . £ A trois ou quatre journées du tort Dauphin (qui eft prefque dans l'extré- mité du fud de Madaga(car),Ies gens du à PHiftoire Naturelle, 293 pays montrent avec beaucoup de corn- plaifance une fuite de petits mondrains ou tertres de terre élevés en forme de tombeaux qu'ils afîurent devoir leur ori- gine à un grand maffacre de Quimos dé* hits en plein champ par leurs ancêtres, ce qui fembleroit prouver que nos braves petits guerriers ne fe font pas toujours tenus cois & rencoignés dans leurs hautes montagnes , qu'ils ont peut-être afpiré à la conquête du plat-pays , & que ce ne fi: qu'après cette défaite caîamiteufe qu'ils ont été obligés de regagner leurs âpres demeures. Quoi qu'il en foit, cette tra- dition confiante dans ces cantons, ainfi qu'une notion généralement répandue par- tout Madagafcar , de l'exiftence en- core actuelle des Quimos, ne permettent pas de douter qu'une partie au moins de ce qu'on en raconte ne foit véritable, ïi eft étonnant que tout ce qu'on fait de cette nation ne foit que recueilli des té- moignages de celles qui les avoilment ; qu'on n'ait encore aucunes obfervations de faites fur les lieux , & que , foit les Gouverneurs des îles de France & de Bourbon, foit les Commandans particu- N iij 294 Supplément liers des dirlérens portes que nous avons tenus fur les côtes deMadagafcar, n'aient pas entrepris de faire pénétrer à l'intérieur des terres dans le deirein de joindre cette découverte à tant d'autres qu'on auroit pu faire en même temps. La chofe a été tentée dernièrement , mais fans fuccès : l'homme qu'on y envoyoit manquant de réfolution, abandonna à la féconde jour* née fon monde & fes bagages, & n'a laiifé, lorrqu'il a fallu réclamer ces der- niers, que le germe d'une guerre où il a péri quelques blancs & un grand nombre de noirs*, la méfintelligence qui, depuis îors, a fuccédè à la confiance qui régnoit précédemment entre les deux nations, pourroit bien, pourc la troiiième fois, devenir funefte à cette poignée de Fran- çois qu'on a ïaifTés au fort Dauphin , en retirant ceux qui y étoient anciennement. Je dis pour la troiiième fois, parce qu'il y a déjà eu deux Saint-Barthélemi com- plètement exercées fur nos garnifons dans cette ' île , fans compter celle des Portugais & des Hollandois qui nous y avoient précédés. Pour revenir à nos Quimos & en ter- à VHiJloire Naturelle. 295 miner la note, j'attefterai comme témoin oculaire , dans le voyage que je viens de faire, au fort Dauphin, (fur ia fin de 1770) M. le Comte de Modave, dernier Gouverneur , qui m'a voit déjà communi- qué une partie de ces obfervations, me procura enfin la fatisfaction de me faire voir parmi fes efclaves , une femme Qur- mofe, âgée d'environ trente ans, haute de trois pieds fept à huit pouces, dont la couleur étoit en ertet de ia nuance la plus éclaircie que j'aie vu parmi les habitans de cette île-, je remarquai qu'elle étoit très- membrue dans fa petite ftature > ne ref- femblant point aux petites perfonnes fluettes , mais plutôt à une femme des proportions ordinaires dans le décail , mais leulement raccourcie dans fa hau- teur que les bras en étoien: eiTe&ï- vemem très-longs & atteignais, fans qu'elle fe courbât, à la rotule du genou *, que fes cheveux étoient courts Se laineux , la phyfionomie allez bonne, fe rappro- chant plus de l'Européenne que de la Malgache, qu'elle avoit habituellement l'air riant, l'humeur douce Se complai- fante, Se le bon fens commun, à en juger N rv 2 $, 6' ' Supplément par fa conduite, car elle- ne favoït pas parler françois. Quant au fait des ma- melles, il fut aufîi vérifié & il ne s'en rroWa que le bouton , comme dans une fille de dix ans , fans la moindre flaccidité de la peau qui pût faire croire qu'elles fuflent parlées. Mais cette obfervation feule eft bien loin de fuffire pour établir une exception à la loi commune de la Nature : combien de filles & de femmes Européennes à la fleur de leur âge, n'orlrent que trop fouvent cette défee- tueufe conformation.. .... Enfin, peu avant notre départ de Madagafcar, l'envie de recouvrer fa liberté, autant que îa crainte d'un embarquement prochain, portèrent la petite efclave à s'enfuir dans les bois-, on la ramena bien quelques jours après-, mais toute exténuée & pref- que morte de faim , parce que fe défiant des noirs comme des blancs, elle n'avoit vécu pendant fon marronnage que de mauvais fruits & de racines crues } c'eft vmifemblablement autant à cette caufe qu'au chagrin d'avoir perdu de vue les pointes des montagnes ou elle étoit née* qu'il faut attribuer fa mort arrivée envi- à Vlïijlolre Naturelle i$j ron un mors après, à Saint- Pau!, île de Bourbon, où le navire qui nous rame-, noie à l'île de France a relâché pendant quelques jours. M. de Modave avoir eu cette Quimofe en préfent d'un Chef Mal- gache*, elle avoir palTé par les mains de plufieurs maîtres, ayant été ravie fort jeune fur les confins de fon pays. Tout considéré, je conclus (autant fur cet échantillon que fur les preuves accef- foires) par croire affez fermement à cette nouvelle dégradation de Tefpcce hu- maine, qui a fon fignalement caracté- ristique comme fes mœurs propres Et fi quelqu'un trop difficile à perfuader * ne veut pas fe rendre aux preuves allé- guées, (qu'on defireroit vraiment plus multipliées) qu'il fa (Te du moins atten- tion qu'il exifte des Lappons à l'extrémité boréale de l'Europe que la dimi- nution de notre taille à celle du Lappon eii à peu-près graduée comme du Lap- pon au Quimos Que l'un 8c l'autre habitent les zones les plus froides ou les montagnes les plus élevées de la terre Que celles de Madagafcar font évidemment trois ou quatre fois Nv % 9 8 Supplément plus exhaufîées que celles de Tlfle de France -, c'euVà-dire d'environ feize à dix-huit cens toifes au-deilùs du niveau de la mer Les végétaux qui croisent naturellement fur ces plus grandes hau- teurs, ne femblent être que des avortons, comme le pin & le bouleau nains & tant d'autres , qui de la clafle des arbres patient à celle des plus humbles arbuftes , par la feule raifon qu'ils font devenus alpicoïes, c'en:- à- dire habitans des plus hautes mon- tages Qu'enfin ce feroic le comble de la témérité , que de vouloir , avant de connoître toutes les variérés de la Nature, en fixer le terme, comme fi elle ne pou- voit pas s'être habituée dans quelques coins de la terre, à faire fur toute une race, ce qu'elle ne nous paroît avoir qu'ébauché, que comme par écart, fur certains individus qu'on a vus par fois ne s'élever qu'à la taille des poupées ou des marionnettes. » Je me fuis permis de donner ici cène relation en entier à caufe delà nouveauté, quoique je doute encore beaucoup de la vérité des allégués de de i'exiitence à VHifîoire Naturelle. 299 réelle d'un peuple de trois pieds & demi de taille , cela efl an moins exagéré •■> il en fera de ces Quimos de trois pieds & demi, comme des Patagons de douze pieds -, ils fe font réduits à fept ou huit pieds au plus , & les Quimos s'élèveront au moins à quatre pieds ou quatre pieds trois pouces*, fi les montagnes où ils ha- bitent ont feize ou dix-huit cens toifes au-derTus du niveau de la mer, il doit y faire allez froid pour les blanchir & rap- petiller leur taille à la même mefure que celle des Groëniandois ou des Lappons, & il feroit allez iingulier que la Nature eût placé l'extrême du produit du froid fur i'efpèce humaine dans des contrées voifines de l'Equateur *, car on prétend qu'il exifte dans les montagnes du Tucu- man, une race de pygmées de trente- un pouces de hauteur, au-delïus du pays habité par les Patagons. On allure même que les Efpagnols ont tranfporté en Eu- rope quatre de ces petits hommes fur la fin de l'année 1755 (x). Quelques Voya^ (x) Voyez îes notes fur ïa dernière édition de Lamotte Levayer , tome IX, page 82. N vj 3 oc Supplément geurs parlent aufîî d'une autre race d'Américains blancs 8c fans aucun poii fur ïe corps j qui fe trouve également dans les terres voifines du Tucuman , mais tous ces faits ont grand befoin d'être vérifiés. Au reRe, l'opinion ou îe préjugé de ï'exiftence des pygmées 'êft extrêmement ancien j Homère , Héfiode & Ariftote en font également mention. M. i'abbé Banier a fait une fa vante differtation fur ce lu jet , qui fe trouve dans la collection des Mémoires de l'Académie des Belles- Lettres î tome V> page ioi. Après avoir comparé tous les témoignages des anciens fur cette race de petics hommes*, il eft d'avis qu'ils formoient en effet un peuple dans les montagnes d'Ethiopie , & que ce peuple étoit le même que celui que les Hiftoriens Se les Géographes ont dérigné depuis fous le nom de Péchiniens ; mais il peiiie avec raifon, que ces hommes, quoique de très-petite taille, avoient Ibien plus d'une ou deux coudées de hau- teur , & qu'ils étoient à peu-près de la taille des happons. Les Quimos des mon- tagnes de Madagafcar, 6c les Péchiniens à VHijloire Naturelle. }0î d'Ethiopie, pourroient bien n'être que la même race, qui s'eit maintenue dans les plus hautes montagnes de cette partie du inonde. Sur les Patagons. Nous n'avons rien à ajouter à ce que nous avons écrit fur les autres peu- ples de l'ancien continent -, & , comme nous venons de parler des plus petits hommes , il faut aufîi faire mention des plus grands , ce font certainement les Patagons -, mais comme il y a encore beaucoup d'incertitudes fur leur grandeur 8c fur le pays qu'ils habitent *, je crois faire plailir au Lecteur en lui mettant fous les ytux un extrait fidèle de tout ce qu'on en lait. « Il efb bien finguîier, dit M, Com- merfon, qu'on ne veuille pas revenir de l'erreur que les Patagons forent des géans , & je ne puis allez m'éconner que des gens que j'aurois pris à témoin du contraire en leur fuppofant quelqu'amour pour la vérité 3 ofent, contre leur propre j o i Supplément conférence, dépofer vis-à-vis du public l d'avoir vu au détroit de Magellan ces Titans prodigieux qui n'ont jamais exifte que dans l'imagination échauffée des Poètes & des Marins Edio anche : & moi auffi je les ai vus, ces Patagonsi je me fuis trouvé au milieu de plus d'une centaine d'eux (fur la fin de 1765)) avec M. de Bougainville & M. le Prince de Nafïaw, que j'accompagnai dans la defeente qu'on fit à la baie Bcucault ; je puis alîurer, & ces Meiïieurs font trop vrais pour ne le pas certifier de même, que les Patagons ne font que d'une taille un peu au-delïus de la nôtre ordinaire, c'eft- à-dire , communément de cinq pieds huit pouces à fix pieds. J'en ai vu bien peu qui excédaient ce terme, mais aucun qui palïà fix pieds quatre pouces. Il eft vrai que, dans cette hauteur, ils ont prefque la corpulence de deux Européens, étant très-larges de quarrure & ayant la tête & les membres en porportion. Il y a encore .bien loin de-là au gigantifme, fi je puis me fervir de terme inuiité, mais expreffif. Outre ces Patagons avec lefquels nous reliâmes environ des heures à nous acca- à UHifloire Naturelle. 303 hier mutuellement de marques d'amitié , nous en avons vu un bien plus grand nombre d'autres nous fuivre av galop le long de leurs côtes •, ils étoient de même acabit que les premiers. Au furplus, il ne fera pas hors de propos d'obferver , pour porter le dernier coup aux exagérations qu'on a débitées fur ces fauvages, qu'ils vont errans comme les Scythes & font prefque fans cerlè à cheval. Or leurs chevaux n'étant que de race Efpagnole , c'eft-à-dire, de vrais Bidets _, comment eft-ce qu'on prétend leur affourcher des géans fur le dos? Déjà même nos Pata- gons, quoique réduits à la /impie toife, font-ils obligés d'étendre les pieds en avant, ce qui ne les empêche pas d'aller toujours au galop, foit à la montée, foit à la defcente, leurs chevaux fans doute étant formés à cet exercice de longue main. D'ailleurs l'efpèce s'en eft fi fort multipliée dans les gras pâturages de l'Amérique méridionale, qu'on ne cherche pas à les ménager. » M. de Bougainvilîe, dans la curieufe relation de fon grand Voyage, confirme 304 Supplément ïes faits que je viens de citer d'après M. Comme rfon. a II paroît attelle, dit ce célèbre Voyageur, par le rapport uniforme des François qui n'eurent que trop le temps de faire leurs obiervations fur ce peuple des Patagons, qiuls font en général de la ftature la plus haute & de la com- plexion la plus robufte qui foient con- nues parmi les hommes j aucun n'avoir au-deflous de cinq pieds cinq à fix pou- ces , & plufîeurs avoient fix pieds. Leurs femmes font prefque blanches & d'une figure allez agréable \ quelques-uns de nos gens qui ont hafardé d'aller jufqu'à leur camp, y virent des vieillards qui portoient encore lur leur vifage 1 appa- rence de la vigueur & de la fanté (yj> Dans un autre endroit de fa relation 5 M» de Bougainviiîe dit que ce qui lui a paru être gigantefque dans la ftature des Patagons, c'eft ieur énorme quar- rure , la groffeur de leur tête & l'é- pailleur de leurs membres *, ils font 1 ' r ■» ir m .- »'. Il veut parier des habi- tons de 111e d'Ochaïti, dont nous ferons mention ci- après. » Ces récits de M.rs Bougainville Se Commerlon me paroiffent très-fidèles *> mais il faut coniidérer qu'ils ne parlent que des Patagons des environs du détroit, & que peut-être il y en a d'encore plus grands dans l'intérieur des terres. Le Commodore Byxon allure qu'à quatre (x) Voyage autour du monde, par le Commo- dore Byron, chapitre HI, pages ifâjufqu'à 247. 5 o 8 Supplément ou cinq lieues de l'entrée du détroit de Magellan, on aperçut une troupe d'hom- mes, les uns à cheval, les autres à pied qui pou voient être au nombre de cinq cens -, que ces hommes n'avoient point d'armes, & que les ayant invités par fïgnes, l'un d'entr'eux vint à fa ren- contre-, que cet homme étoit d'une taille gigantefque j la peau d'un animal fauvage lui couvroit les épaules-, il avoit le corps peint d une manière hideufe ; l'un de fes yeux étoit entouré d'un cercle noir, Se l'autre d'un cercle blanc. Le refte du vifage étoit bizarrement filionné par des lignes de diverfes couleurs : fa hauteur paroifïoit avoir fept pieds Anglois. Ayant été jufqu'au gros de la troupe , on vit plufîeurs femmes proportionnées aux hommes pour la taille -, tous étoient peints Se à peu-près de la même gran- deur ; leurs dents qui ont la blancheur de l'ivoire font unies Se bien rangées, La plupart étoient nus, à l'exception de cette peau d'animal qu'ils portent fur les épaules avec le poil en dedans-, quel- ques-uns avoient des bottines, ayant à chaque talon une cheville de bois qui a VBiftoire Naturelle. 309 leur fert d'éperon. Ce peuple paroîc do- cile & paifible. Ils avoient avec eux un grand nombre de chiens & de très-petits chevaux, mais très- vîtes à la courfej les brides font dts courroies de cuir avec un bâton pour fervir de mors *, ieurs felles relTemblent aux coulîinets dont les payfans fe fervent en Angleterre. Les femmes montent à cheval comme les hommes & fans étriers (a). Je penfe qu'il n'y a point d'exagération dans ce récit, & que ces Patagons, vus par Byron, peuvent être un peu plus grands que ceux qui ont été vus par M.r? de Bougainville ôç Commerfon» Le même Voyageur Byron rapporte, que depuis le cap Monday ) ufqu'à la fortie du détroit, on voit le long de la baie Tuefday des autres fauvages très-ftupides & nus maigre la rigueur du froid , ne por- tant qu'une peau de loup de mer fur les épaules \ qu'ils ' font doux & dociles $ fa) Voyage autour du monde, par le Commo* glore Byron, çhupitrè III, pages ^ & fuh-auics. 3 i O Supplément qu'ils vivent de chair de baleine , &c. (b) ; mais ii ne fait aucune mention de leur grandeur , en forte qu'il elt à préfumer que ces fauvages font dirlérens des Pata- gons , & feulement de la taille ordinaire des hommes. M. P. obferve avec raifon îe peu de proportion qui le trouve entre les me- fures de ces hommes gïgantefques, don- nées par différens Voyageurs : qui croi- roit, dit- il, que les difFérens Voyageurs qui parlent des Patagons, varient entr'eux de quatre-vingt-quatre pouces fur leur taille ? cela elt néanmoins très-vrai. Selon la Giraudais, ils font hauts d'environ. 6 pieds. Selon Pigafetta 8. Selon Byron.. , 9» Selon Harris io. Selon Jautzon il. Selon Argenfola 13. Ce dernier feroit, fuivant M. P. le plus (b) Voyage autour du monde , par le Commo- dore Byron, chapitre Vil, p*ge 107. à VHifioire Naturelle. 3 1 r menteur de tons, & M. de la Grraudais le feul des fîx qui fut véridique *, mais indé- pendamment de ce que le pied efl: fort différent chez les différentes nations, je dois obferver que Byron dit feulement que le premier Patagon qui s'approcha de lui, étoit d une taille gigantefque, & que fa hauteur paroiflbit être de fept pieds An- glois-, ainfî, la citation de M. P. n'efl pas exacte à cet égard. Samuel Wallis dont ©n a imprimé la relation à la fuite de celle de Byron s'exprime avec plus de précifion. Les plus grands, dit-il, étant mefurés, ils fe trouvèrent avoir (ix peids fept pouces, pîufîeurs autres avoient fîx pieds cinq pouces, mais le plus grand nombre n'avoient que cinq pieds dix pouces *, leur teint eft couleur de cuivre foncé ; ils ont les cheveux droits & pref- que aufïï durs que les fores de cochon. . . lis font bien faits & robuftes ; ils ont de gros os, mais leurs pieds & leurs mains font d'une petitefle remarquable Chacun avoit à fa ceinture une arme de trait d'une efpèce fingulïère, c'étoient deux pierres rondes couvertes de cuir êc 3 ï % Supplément pefant chacune environ une livre, qui étoient attachées aux deux bouts d'une corde d'environ huit pieds de long, ils s'en fervent comme d'une fronde, en tenant une des pierres dans la main & faifant tourner l'autre autour de la tête jufqu'à ce qu'elle ait acquis une force fufhfante , alors ils la lancent contre l'objet qu'ils veulent atteindre-, ils font iî adroits à manier cette arme, qu'à la diitance de quinze verges ils peuvent frapper un but qui n'eft pas plus grand qu'un fcheiin. Quand ils font à la chaiîe du guanaque (le lama), ils jettent leur fronde de manière que la corde rencon- trant les jambes de l'animal , les enve- loppe par la force de la rotation & du mouvement des pierres, & l'arrêtent (cj. Le premier Ouvrage où . l'on ait fait mention des Patagons, efl la relation du voyage de Magellan, en 1 5 15), & voici ce qui ie trouve fur ce fujet dans l'abrégé que Harris a fait de cette relation. ( c ) Voyage de Samuel Wallis, chapitre r, se Lorfqu'ils à VHijloire Naturelle. 3 1 3 * Lorfqu' ils eurent pafïé la Ligne & qu'ils virent le Pôle auftral, ils conti- nuèrent leur route fud & arrivèrent à ïa côte du Brefil environ au vingt-deuxième degré-, ils obfervèrent que tout ce pays étoit un continent, plus élevé depuis le cap Saint- Auguftin. Ayant continué leur navigation encore à deux degrés & demi plus loin toujours fud, ils arrivèrent à un pays habité par un peuple fort fau- vage, & d'une ftature prodigieufe; ces géans faifoient un bruit effroyable , plus reffembïant au muguTement des bœufs qu'à des voix humaines. Nonobftant leur taille gigantefque, ils étoient fi agiles qu'aucun Efpagnol ni Portugais ne pou- voit les atteindre à la courfe. » J'obferverai que, d'après cette relation; il femble que ces grands hommes ont été trouvés à vingt-quatre degrés &demr de latitude fud -, cependant à la vue de la carte , il paroît qu'il y a ici de l'erreur, car le cap Saint- Auguftin que la relation place à vingt-deux degrés de latitude fud, fe trouve fur la carte à dix degrés» de forte qu'il efl: douteux , iï ces pre- Tome XI Q 3 r 4 Supplément niiers géans ont été rencontrés à douze degrés & demi ou à vingt- quatre dégrés 8c demi} car (1 c'eft à deux degrés 8c demi au-delà du cap Saint- Auguitin, ils ont été trouvés à douze degrés & demi, mais fi c eft à deux degrés 8c demi au- delà de cette partie à i endroit de ia cote duBrefiique l'Auteur dit être à vingt- xieux degrés, ils ont été trouvés à vingt* quatre degrés & demi : telle eit l'exa&t- tude d'Harris. Quoi qu'il en foir , la re- lation pourfuit ainli : ce Ils poufsèrent enfuite jufqu a qua- rante-neuf degrés & demi de latitude fud, ou la rigueur du temps les obligea de prendre des quartiers d'hiver & d'y $efter cinq mois. lis crurent long-temps îe pays inhabité, mais enfin un ïauvage des contrées voiiines vint les vifiter } il avoir l'air vif, gai, vigoureux, chantant 8c rîanfant tout le long du chemin. Etant arrivé au port, il s'arrêta 8c ré* pandit de ia pouffière fur fa tête \ fur cela quelques gens du vaiiTeau defeen- d;rent;, allèrent à lui & ayant répandu $p même de la ppuiïicre fur Jeux tête , àriJijloire Naturelle. 3 1 5 il vint avec eux au vaiHTeau fans crainte ni foupçon*, fa taiiie étoit fi haute que h tête d'un homme de raille moyenne de l'équipage de Magellan ne lui allok qu'à h ceinture, & il étoit gros à pro« portion Magellan fit boire Se manger ce géant, qui fut fort joyeux jufqu'a ce qu'il eut regardé par hafard un miroir qu'on iuî avoit donné avec d'autres bagatelles, il treiTailiit, & reculant d'effroi il renverfa deux hommes qui fe trouvoient près de lui. II fut long- temps à fe remettre de fa. frayeur. Nonobftant cela il fe trouva fi bien avec les Efpagnoïs, que ceux-ci eurent bientôt la compagnie de plufieurs de ces géans , dont l'un fur-tout fe fami- liarisa promptement, & montra tant' de gaieté & de bonne humeur , que les Européens fe pïaifoient beaucoup avec lui. Magellan eut envie de faire prifonniers quelques-uns de ces géans; pour cela, on leur remplit les mains de divers colifi- chets, dont ils paroiflbient curieux, &, pendant qu'ils les examïnoient , on leur mit des fers aux pieds : ils crurent d'abord Oij 3 16 Supplément que c'étoit une autre curioiîté & parurent s'amufer. du cliquetis de ces fers, mais quand ils fe trouvèrent ferrés & trahis , ils implorèrent le fecours d'un Etre invi- lible & fupérieur, fous le nom de Se» tebos. Dans cette occasion leur force parut proportionnée à leur ftature, car l'un d'eux furmonta rous les efforts de neuf hommes, quoiqu'ils l'euflent ter- ralïé & qu'ils lui eulîènt fortement lié les mains *, il fe débarratTa de tous fes liens & s'échappa malgré tout ce qu'ils purent faire : leur appétit proportionné aufîï à leur taille \ Magellan les nomma Patagcns. 9 Tels font les détails que donne Harris touchant les Patagons , après avoir , dit- il , pris les plus grandes peines à com- parer les relations des divers Ecrivains JEfpagnoIs & Portugais. Il eO: enfuire queftion de ces géans dans la relation d'un Voyage autour du monde , par Thoms Cavendish, dont yoici l'abrégé par le même Harris. M En faifant voile du cap Frio dans le a VHiJloire Naturelle. 3 1 7 Bre/il , ils arrivèrent fur la côte d'Améti-* que à quarante-fept degrés vingt minutes de latitude fud. Ils avancèrent jufqu'au port Defiré à cinquante degrés de lati- tude. Là, les fauvages leur blefsèrent deux hommes avec des flèches qui étoient fartes de rofeau , & armées de caillou. Cétoit des gens fauvages & gtofîîers, & à ce qu'il parut, une race de géans-, îamefure d'un de leurs pieds ayant dix-huit pouces de long, ce qui, en fuivant la propor- tion ordinaire , donne environ fept pieds & demi pour leur (rature. » Ha tris ajoute que cela s'accorde par-» faitement avec le récit de Magellan ; mais , dans fon abrégé de la relation de Magellan, il dit que la tête d'un homme de taille moyenne de l'équipage de Ma- gellan n'atteignoit qu'à la ceinture d'un Patagon : Or, en fuppofant que cet homme eut feulement cinq pieds ou cinq pieds deux ponces, cela fait au moins huit pieds & demi pour la hauteur du Patagon. Il dit, à la vérité, que Ma- gellan les nomma Patagons, parce que leur ftature étoit de cinq coudées ou O iij 3 i S Supplément fept pieds /ix pouces ; mais Ci cela eiî , il y a contraction dans Ton propre récit, ii ne dit pas non plus dans quelle langue le mot Patagon exprime cette ftature. Sebald de Veert, Hollandois, dans fon voyage autour du monde t aperçut dans une île voifine du détroit de Magel- îan , fept canots à bord desquels étoient des fauvages qui lui parurent avoir dix à onze pieds de hauteur. Dans la relation du voyage de George Spiibergen, il eft dit que fur la côte de la Terre- de-feu, qui eil au fud du dé- troit de Magellan, Tes gens virent un homme d'une ftature gîgamefque , grim- pant fur les montagnes pour regarder la flotte, mais quoiqu'ils allaient fur le rivage, ils ne virent point d'autres créa- tures humaines, feulement ils virent des tombeaux contenant des cadavres de taille ordinaire ou même au-de(Tous, & les fauvages qu'ils virent de temps à autre dans des canots, leur parurent au- deiïous de (ix pieds. Frézier parle de géans au Chili, de neuf ou dix pieds de hauteur. M. le Cat rapporte, qu'au détroit de a PHiJloire Naturelle. 3 1 9 'Magellan, le 17 de décembre 1615,011 vit au porc Déliré , des tombeaux cou- verts par des ras de pierres , & qu'ayant écarté ces pierres & ouvert ces tombeaux» on y trouva des l'quelettes humains de dix à onze pieds. Le P. d'Acuna parle de géans de feize palmes de hauteur, qui habitent vers la fource de la rivière de Cuchigan. M. de Brode, Premier Préfident du Parlement de Bourgogne (d) y paroi* être du fentiment de ceux qui croient à l'exiftence des géans Patagons, & il prétend avec quelque fondement, que ceux qui font pour la négative, n'ont pas vu les mêmes hommes ni dans les mêmes endroits. « Obfervons d'abord , dit- il , que la plupart de ceux qui tiennent pour l'affir- mative, parlent des peuples Patagons , habitans des cotes de l'Amérique méri- dionale à l'eft & à l'oueft, & qu'au con- traire h plupart de ceux qui foutiennent (d) Hiftoîre des Navigations aux terres Auf- feales? tçun Hppégei 327 & fuivantes. Oiv 3 2 0 Supplément la négative, parlent des habitan-s du détroit à la pointe de l'Amérique fur les côtes du nord & du fud. Les nations de l'un & de l'autre canton ne font pas les mêmes *, iî les premiers ont été vus quelquefois dans le détroit, cela n'a rien d'extraordinaire à un M médiocre élor- gnement du port Saint Julien, où il paroît qu'eft leur habitation ordinaire. L'équi- page de Magellan les y a vus plusieurs fois, a commercé avec eux , tant à bord des navires que dans leurs propres cabanes. » M. de BroiTe fait enfuite mention des Voyageurs qui difent avoir vu ces géans Patagons, il nomme Loife, Sarmiente, Nodal parmi les Efpagnols -, Cavendish , Hawkins, Knivet parmi les Anglois ; Sebald de Noort, le Maire 3 Spilberg parmi les Hollandois -, nos équipages des vaifleaux de Marfeille & de Saint- Malo parmi les François *, il cite, comme nous venons de le dire, des tombeaux qui renfermoient des fquelettes de dix à onze pieds de haut. « Ceci, dit-il avec raifon, eft un à PHiJIoire Naturelle. 521 examen fait de fang- froid , où l'épou- vante n'a pu gtofîir les objets. . . cepen- dant Narbrugh nie formellement que leur taille foit gigantefque .... fon témoignage eft précis à cet égard , ainti que celui de Jacques l'Hermite, fur les naturels de la Terre- de- feu, qu'il dit êcre puiflans, bien proportionnés, à peu-près de la même grandeur que les Européens -, enfin parmi ceux que M. de Gennes vit au port de Famine, aucun n'avoir fix pieds de haut. En voyant tous ces témoignages pour & contre , on ne peut guère le défendre de croire que tous ont dit vrai y c'eft-à- drre que chacun a rapporté les chofes telles qu'il les a vues-, d'où il faut eon-, dure que i'exiftence de cette efpèce d'homme particulière eft un fait réel > 6c que ce n'eft pas allez, pour les traiter d'apocryphes , qu'une partie dos marins n'ait pas aperçu ce que les autres ont fore bien vu. C'eft auflî l'opinion de M. Fre* zier, écrivain judicieux, qui a été à portée de ralîèmbler les témoignages fur les lieux mêmes. .... Il patoît confiant que les habitans des O y 322 Supplément deux rives du détroit font de taille ordi- naire, & que l'efpèce particulière (les Pa* tagons gigantefciues) faifoit il y a deux fiècles fa demeure habituelle fur le§ côtes de l'ed & de l'oued, plufieurs degrés au- deifus du détroit de Magellan.. . . Proba- blement la trop fréquente arrivée des vailleaux fur ce rivage les a déterminés depuis à l'abandonner tout- à-fait , ou à n'y venir qu'en certain temps de Tannée, & à faire, comme on nous le dit, leur ré- iidence dans l'intérieur du pays. Anfon préfume qu'ils habitent dans les Cordil- lères vers la cote d'occident, d'où ils ne viennent fur le bord oriental que par in- tervalles peu fréquens, tellement que (î les Vailleaux qui, depuis plus de cent ans, ont touché fur la côte desPatagons, n'en ont vu que fi rarement; la raifon, félon les apparences, e(t que ce peuple farou- che & timide s'eft éloigné du rivage de la mer depuis qu'il y voit venir ïi fré- quemment des vailleaux d'Europe , & qu'il s'eft , à l'exemple de tant d'autres nations Indiennes, retiré dans les monta- gnes pour fe dérober à ia vue des Etran- gers. » à VHiftoire Naturelle, 323 On a pu remarquer, dans mon Ou- vrage, que j'ai toujours paru douter de l'exiftence réelle de ce prétendu peuple de céans. On ne peut être trop en garde contre les exagérations, fur-tout dans les choies nouvellement découvertes •, néan- moins je ierois fort porté à croire, avec M. de Brode, que la différence de gran- deur donnée par les Voyageurs aux Pa- tagons ne vient que de ce qu'ils n'ont pas vu les mêmes hommes , ni dans les mêmes contrées, & que tour étant bien comparé , il en réfulte que depuis le vingt- deuxième degré de latitude fud, jufqu'au quarante ou quarante-cinquième, il exifte en effet une race d'hommes plus haute & plus puisante qu'aucune autre dans l'Univers. Ces hommes ne font pas tous des géans, mais tous font plus hauts & beaucoup plus larges & plus carrés que les autres hommes •,& comme il fe trouve des géans , prefque dans tous les climats, de fept pieds ou fept pieds & demi de grandeur, il n'eft pas étonnant qu'il s'en trouve de neuf & dix pieds parmi les Patagons. O vj 3 24 Supplément Des Américains. A l*eg ard des autres nations , qui ha-^ bitent l'intérieur du nouveau continent, M me paroît que M. P. prétend & affirme, fans aucun fondement , qu'en général tous les Américains, quoique légers & agiles à la courfe , étoîent deititués de force, qu'ils fuccomboient fous ie moindre far- deau , que l'humidité de leur conftitution eft caufe qu'ils n'ont point de barbe , & qu'ils ne font chauves que parce qu'ils ont le tempérament froid (page 42 ) ; & plus k)in, il dit que c'eft parce que les Américains' n'ont point de barbe qu'ils ont, comme les femmes, de longues che- velures, qu'on n'a pas vu un feui Améri- cain à cheveux crépus ou bouclés, qu'ils ne grifonnent prefque jamais , & ne perdent leurs cheveux à aucun âge (p. 60)^ tandis qu'il vient d'avancer (page 42 )x que l'humidité de leur tempérament les rend chauves*, tandis qu'il ne devoit pas ignorer que les Caraïbes, les Iroquois, les Hurons , les Floridiens , les Mexicains , les Tlafcaltequesjles Péruviens, &c,: çtoient à VHiftoire Naturelle. }if cîes hommes nerveux, robuftes & même plus courageux que l'infériorité de leurs armes à celles des Européens ne fem- bloit le permettre. Le même Auteur cîonne un tableau généalogique des générations mêlées des Européens & des Américains, qui y comme celui du mélange des nègres & des blancs, demanderoit caution , & iuppofe au moins des garans que M. P. ne cite pas j il dit : « i.° D'une femme Européenne & d'un fauvage de la Guyane, naiflent les • métis -, deux quarts de chaque efpèce \ ils font bafanés, 8c les garçons de cette pre- mière combinaifon ont de la barbe, quoi- que le père Américain (bit imberbe: l'hybride tient donc cette fingularité du fang de fa mère feule. z.Q D'une femme Européenne & d'un naétis provient l'efpèce quarterone : elle eft moins bafanée , parce qu'il n'y a qu'un quart de l'Américain dans cette généV ration. 3.0 D'une femme Européenne & d'un quarteron ou quart d'hommes vient l'ef- pèce octavone, qui a une huitième patrie 3 16 Supplément du fang Américain -, elle eu: très-foibîc- ment halée , mais a(Tez pour être reconnue d'avec les véritables hommes blancs de nos climats , quoiqu'elle jouiiTe des mêmes privilèges en conféquence de la Bulle du pape Clément XI. 4.0 D'une femme Européenne & de l'oclavon mâle fort l'efpèce que les Ef- pagnols nomment Puchuella. Elle eft to- talement blanche, & Ton ne peut pas la difcerner d'avec les Européens. Cette quatrième race, qui eft la race parfaite, a les yeux bleus ou bruns, les cheveux blonds ou tfoirs , félon qu'ils ont été de Tune ou de l'autre couleur dans les quatre mères qui ont fervi dans cette filia- tion (e). » J'avoue que je n'ai pas aflez de con- noilFances pour pouvoir confirmer ou infirmer ces faits , dont je douterois moins ii cet Auteur n'en eût pas avancé un très -grand nombre d'autres qui fe trouvent démentis , ou directement ( t) Recherches fur ïes Américains, tome /? page 24I. à VHiftoire Naturelle. 327 ©ppofés aux chofes les plus connues & les mieux conftatées -, je ne pren- drai la peine de citer ici que î#s monu- mens des Mexicains & des Péruviens, dont il nie l'exiftence , & dont néanmoins ies veftiges exiftent encore & démon- trent la grandeur & le génie de ces peu- ples qu'il traite comme des êtres ftupi- des, dégénérés de Tefpèce humaine, tant pour le corps que pour l'entende- ment. Il paroît que M. P. a voulu rap- porter à cette opinion tous les faits, iï les choifit dans cette vue *, Je luis fâché qu'un homme de mérite, & qui d'ailleurs paroît être inftruit, fe foie livré à cet excès de partialité dans fes jugemens, & qu'il les appuie fur des faits équivoques. NVt-il pas le plus grand tort de blâmer aigrement les Voyageurs & les Natura- raliftes qui ont pu avancer quelques farts fufpeéts 3 puifque lui-même en donne beaucoup qui font plus que» fuf- pecls? il admet & avance ces faits, dès qu'ils peuvent favorifer fon opinion*, il veut qu'on le croie fur fa parole & fans citer de garans. Par exemple, fur ces grenouilles qui beuglent, dit- il 3 comme 328 Supplément des veaux •, fur la chair de l'iguane qui donne le mal vénérien à ceux qui la mangent-, fur le froid glacial de la terre à un ou deux pieds de profondeur , Sec. Il prétend que les Américains en général font des hommes dégénérés -, qu'il n'eft pas aifé de concevoir que des êtres au fortir de leur création , puiiTent être dans un état de décreoirude ou de caducité (f)y & que ceft-ia l'état des Américains*, qu'il n'y a point de coquilles ni d'autres débris de la mer fur les hautes montagnes, ni même fur celles de moyenne hauteur (g)\ qu'il n'y avoit point de bœufs en Améri- que avant fa découverte ( h) ; qu'il n'y a que ceux qui n'ont pas allez réfléchi fur la conftitutîon du climat de l'Amérique, qui ont cru qu'on pouvoir regarder comme très-nouveaux les peuples de ce conti- nent (i) ; qu'au-delà du quatre- ving- (f) Recherches fur les Américains, tome I, page 24. (g) Idem, ibidem, page 25, (h) Idem, ibidem , page 133. ( ij Idem, ibidem, page 438= à Pllifloire Naturelle. 3 29 tième degrés de latitude , des êtres conf- titués comme nous, ne fauroient refpirer pendant les douze mois de l'année , à caufe de la denfité de l'athmofphère (k); que les Patagons font d'une taille pareille à celle des Européens, &c. (I) ; mais il eft inutile de faire un plus long dé- nombrement de tous les faits faux ou fufpects que cet Auteur s'efl: permis d'avancer avec une confiance qui indif- pofera tout Lecteur ami de la vérité. L'im perfection de nature qu'il repro- che gratuitement à l'Amérique en général, ne doit porter que fur les animaux de la partie méridionale de ce continent, les- quels fe font trouvés bien, plus petits 8c tous dirïérens de ceux des parties méridio- nales de l'ancien continent j « Et cette imperfection, comme le dk très-bien le Judicieux & éloquent Auteur de THifloire des deux Indes , ne (k) Recherches fur les Américains, tome ly page 296. ( l) Idem a ibidem , page 35 1. 3 3 o Supplément prouve pas la nouveauté de cet hémîf- phère, mais fa renaifîance \ il a d il être peuplé dans le même temps que l'an- cien* mais il a pu être fubmergé plus tard*, les offemens d'éléphans , de rhino- céros que l'on trouve en Amérique, prouvent que ces animaux y ont autrefois habité (m). » Il eft vrai qu'il y a quelques contrées de l'Amérique méridionale, fur-tout dans les parties baffes du continent, telles c\ut la Guyane, l'Amazone, les terres balles de l'iithme, &c. où les naturels du pays paroiiïent être moins robuftes que les Européens *, mais c'eft par des caufes locales & particulières. A Cartha- ghne , les habitans , foit Indiens , foit Etrangers , vivent , pour ainfï dire , dans un bain chaud pendant fîx mois de Tété j une tranfprration trop forte & continuelle leur donne la couleur pâle & livide des malades. Leurs mouvemens fe reflentent de la moîlefîe du climat qui relâche les (m) Hiftoire phiiofophique & politique , tome VI, pags 292. à PHi/loire Naturelle. 3 3 1 fibres. On s'en aperçoit même par les paroles qui Torrent de leur bouche à voix baffe & par de longs & fréquens inter- valles (n)> Dans la partie de l'Amérique, firuée fur les bords de l'Amazone & du Napo,les femmes ne font pas fécondes, & leur fténlité augmente loriqu'on les fart changer de climat \ elles fe font néan- moins avorter allez fouvent. Les hommes font foibles & Te baignent trop fréquem- ment pour pouvoir acquérir des forces*, îê climat n'eft pas fain 8c les maladies con- tagieufes y font fréquentes (o). Mais on doit regarder ces exemples comme des exceptions, ou, pour mieux dire, des différences communes aux deux conti- nens \ car dans l'ancien les hommes des montagnes 8c des contrées élevées font fenfîblement plus forts que les habicans des coces 8c des autres terres baffes. En général tous les habitans de l'Amérique feptentrionales , & ceux des terres éle- vées dans la partie méridionale, telles (11) Hiftoire philofophique & polique, tome III page 292. (o) Idem 9 ibidem, page 515. 3 j % Supplément que ie nouveau Mexique, le Pérou, îe Chili, &c. étoient des hommes peut-être moins agiilans, mais aufîi robuftes que les Européens. Nous favons par un témoignage refpe&able, par le célèbre Franklin , qu'en vingt-huit ans îa popu- lation fans fecours étrangers s'ed dou- blée à Philadelphie ; j'ai donc bien de la peine à me rendre à une efpèce d'impu- tation que M. Kalm fait à cette heureufe contrée. Il dit (p) qu'à Philadelphie, on croiroit que les hommes n'y font pas de la même nature que les Européens. «c Selon lui, leur corps & leur raifon font bien plus tôt formés , auffî vieillitTent- ils de meilleure heure. Il n'eft pas rare d'y voir des enfans répondre avec tout le bon fens d'un âge mûr*, mais il ne l'eft pas moins d'y trouver des vieillards octogénaires. Cette dernière obfervation ne porte que fur les Colons-, car les an- ciens habitans parviennent à une ex- trême vieilleife , beaucoup moins pourtant (p) Voyage en Amérique, par M. Kalm. Jour- nal étranger. Juillet 1761. à PHiJloire Naturelle. 3 3 3 depuis qu'ils boivent des liqueurs fortes. Les Européens y dégénèrent fenfiblemenr. Dans la dernière guerre, Ton obferva que les enfans des Européens nés en Amérique , n'étoient pas en état de fupporter les fati- gues de la guerre & le changement de climat, comme ceux qui avoient été élevés en Europe. Dès l'âge de trente ans les femmes cefïent d'y être fécondes. » Dans un pays où les Européens multi- plient fi promptement, où la vie des na- turels du pays eft plus longue qu'ailleurs, il n'eft guère pofîible que les hommes dé- génèrent, & je crains que cette obferva- tion de M. Kalm ne foit aufîi mal fondée que celle de ces ferpens qui , félon lui , enchantent les écureuils, & les obligent par la force du charme de venir tomber dans leur gueule. On n'a trouvé que des hommes forts & robuftes en Canada & dans toutes les autres conttées de l'Amérique feptentrio- nale j toutes les relations font d'accord fur cela -, les Californiens, qui ont été découverts les derniers, font bien faits & fore robuftes ? ils font plus bafanés que 334 Supplément ies Mexicains, quoique fous un climat plus tempéré (q) * niais cette différence provient de ce que les cotes de la Cali- fornie font plus bafles que les parties montagneufes du Mexique où ies habi- tans ont d'ailleurs toutes ies commo- dités de ïa vie qui manquent aux Ca- liforniens. Au nord de ia prefqa'île de Califor- nie y s'étendent de vaftes terres décou- vertes par Drake en 1578, auxquelles il a donné le nom de nouvelle Albion, & au-delà des terres découvertes par Drake, d'autres terres dans le même continent dont les cotes ont été vues par Martin d'Aguilar en 1603 -, cette région a été reconnue depuis en pluheurs endroits des côtes du quarantième degré de lati- tude jufqu'au foixante- cinquième, c'eft- à-dire à la même hauteur que les terres de Kamtfchatka par ies Capitaines Tfchi- rikow Se Béering : ces voyageurs Rudes ont découvert plufieurs terres qui s'avan- cent au-delà vers la partie de l'Amérique *— ■ 1 ■ ■■ ... .... (q) Hiftoire philofophique & politique , tome VI, gage 312. à VHlfioire Naturelle. 335 qui nous eft encore très-peu connue. M.KraiTinikorr,Profefïèur à Péterfbourg, dans fa defcription de Kamtfcharka , imprimée en 1749? rapporte ies faics fuivans : « Les habitans de îa partie de l'Amé- rique la plus voifine de Kamtfchatka font auiTï fauvages que les Koriaques ou ies Tfuktfchi ; leur (rature eft avanta- geufe-, ils ont ies épaules larges & rondes, les cheveux longs 8c noirs , ies yeux aufïï noirs que le jai, les lèvres grofles, la barbe foible & le cou court. Leurs cu- lottes 8c leurs bottes, qu'ils font de peaux de veaux marins 8c leurs chapeaux faits ce plantes plies en forme de para- fois, reflèmbïent beaucoup à ceux des Kamtfchatkales. Ils vivent comme eux de poifibn , de veaux marins & d'herbes douces qu'ils préparent de même ; ils font fécher Técorce tendre du peuplier. 8c du pin qui leur fert de nourriture dans les cas de néceiïîté j ces mêmes ufages font connus, non-feulement à Kamtfchatka, mais auiïi dans toute la .Sibérie & la Ruflie jufqu'à Viatk a. i mais 3 3 6 Supplément les liqueurs fpiritueufes & le tabac ne font point connus dans cette partie nord- oueft de l'Amérique , preuve certaine que les habitans n'ont point eu précé- demment de communication avec les Européens. Voici, ajoute M. Kraffinilcoff, les relîemblances qu'on a remarquées entre les Kamtfchatkales & les Amé- ricains. i.° Les Américains refïembîent aux Kamtfchatkales par la figure. 2.° Ils mangent de l'herbe douce de îa même manière que les Kamtfchat- kales : chofe qu'on n'a point remarquée ailleurs. 3.0 Ils fe fervent de la même machine de bois pour allumer le feu. 4.0 On a plufieurs motifs pour imagi- ner qu'ils fe fervent de haches faites de pierres ou d'os -, & ce n'eft pas fans fon- dement que Steller imagine qu'ils avoient autrefois communication avec le peuple de Kamtfchatka. 5.0 Leurs habits & leurs chapeaux ne diffèrent aucunement de ceux des Kamtf- chatkales. é.Ç Ils teignent les peaux avec le jus de à VHijloire Naturelle. 337 de l'aune, ainfï que cela eft d'ufage à Kamtfchatka. 7.Q Ils portent pour armes un arc 8c des flèches : on ne peut pas dire comment l'arc eft fait , car jamais on rien a vu ; mais les flèches font longues & bien po- lies: ce qui fait croire qu'ils fe fervent d'outils de fer. (Nota. Ceci paroît être en contradiction avec l'article 4). 8.Q Ces Américains fe fervent de ca- nots faits de peaux , comme les Koriaki & Tfuktfchi, qui ont quatorze pieds de long fur deux de haut : les peaux font de chiens marins , teintes d'une couleur rouge *, ils fe fervent d'une feule rame avec la- quelle ils vont avec tant de vîteile que les vents contraires ne les arrêtent guère, même quand la mer eft agitée. Leurs canots font Ci légers qu'ils les portent d'une feule main. 9.0 Quand les Américains voient fur leurs côtes des gens qu'ils ne connoilîènt point, ils rament vers eux 8c font un grand difcours*, mais on ignore fi c'eft quelque charme ou une cérémonie parti- culière ufitée parmi eux à la réception des étrangers, car l'un & l'autre ufage fe Tome XL P 3 3 3 Supplément trouvent aufîi chez les Kuriles. Avant de s'approcher iis fe peignent le vifage avec du crayon noir, & fe bouchent les narines avec quelques herbes. Quand ils ont quelque étranger parmi eux , ils paroif- fent arlabies & veulent converfer avec lui, fans détourner les yeux de deiTus les fiens. Ils le traitent avec beaucoup de foumifîion & lui préfentent du gras de baleine , Se du plomb noir avec lequel ils fe barbouillent le vifage, fans doute parce qu'ils croient que ces chofes font au (li agréables aux étrangers qu'à eux- mêmes (r). » J'ai cru devoir rapporter kl tout ce qui e(l parvenu à ma connqiffançe de ces peuples feptentrionaux de la partie occi- dentale du nord de l'Amérique j mais j'imagine que les voyageurs Rudes, qui ont découvert ces terres en arrivant par ies mers au-delà de Kamtfchatka, ont donné des deferiptions plus précries de cette contrée , à laquelle il femble qu'on (t) Journal étranger, mois de Novembre 1761. à VHiJloire Naturelle. 3 3 9 pourroit également arriver par l'autre côté, c'eft- à-dire, par la baie de Hudfon ou par celle de BstSta. Cette voie a ce- pendant été vainement ternes par la plu- part des nations commerçantes, « fur- tout par les Anglois & les Danois j & il eft à préfumer que ce fera par l'orient qu'on achèvera la découverte de l'occi- dent , fort en partant de Kamtfchatka , fort en remontant du Japon ou des iîes des Larrons, vers le nord & le nord -eft. Car l'on peut préfumer , par plufîeurs raïfons que j'ai rapportées ailleurs , que les deux continens iont contigus, ou du moins très-voiiîns vers le nord à l'orient de l'Ane. Je n'ajouterai rien à ce que j'ai dit des Efquimaux, nom fous lequel on com- prend tous les fauvages qui fe trouvent depuis la terre de Labrador jufqu'au nord de l'Amérique, & dont les terres fe joignent probablement à celles du Groenland. On a reconnu que les Efqui- maux ne diffèrent en rien des Groê'nlan- dois, & je ne doute pas, dit M. P. que ïes Danois , en s'approchant davantage du pôle, ne s'aperçoivent un jour que pij 3 40 Supplément les Efquimaux 8c les Groe'nîandois com- muniquent enfemble. Ce même Auteur préfume que les Américains occupoient le Groenland avant Tannée 700 de notre Ere, & il appuie fa conjecture fur ce que îes Iflandois & les Norwégrens trouvèrent, dès le huitième ficelé, dans le Groenland des habitans qu'ils nommèrent Skralins. Ceci me paroît prouver feulement que le Groenland a toujours été peuplé, & qu'il avoit, comme toutes îes autres contrées de la terre, Tes propres habitans, dont l'efpcce ou la race le trouve fembiabîe aux Efquimaux , aux Lappons, aux Sàmo- jèdes & aux Koriaques, parce que tous ces peuples font fous la même zone , Se que tous en ont reçu les mêmes impref- fions. La feule chofe iîngulière qu'il y ait par rapport au Groenland, c'eft, comme je l'ai déjà obfervé, que cette partie de la terre ayant été connue il y a bien des liècles, &: même habitée par des colo- nies de Norwège du coté oriental , qui çft le plus voifîn de l'Europe, cette même cote eft aujourd'hui perdue pour nous, inabordable par les glaces *, &:, quand le Groenland a été une féconde fois décou- à PHiJloire Naturelle. 3 4 1 vert dans des temps plus modernes, cette féconde découverte s'eft faite par la côte d'occident qui fait face à l'Amérique, & qui elt la feule que nos vaiffeaux fréquen- tent aujourd'hui. Si nous paflons de ces habitans des terres arctiques à ceux qui, dans l'autre hé- mifphère, font les moins éloignés du cer- cle antarctique , nous trouverons que , fous la latitude de cinquante à cinquante- cinq degrés, les Voyageurs difent que le froid eft auffi grand & les hommes encore plus miférabies que les Groenlandois ou les Lappons, qui néanmoins font de vingt degrés, c'en:- à-dire de fix cens lieues plus près de leur pôle. « Les habitans de la Terre-de-feu; dit M. Cook, logent dans des cabanes faites grofîièrement avec des pieux plan- tés en terre inclinés les uns vers les au- tres par leurs fommets , & formant une efpèce de cône femblable à nos ruches. Elles font recouvertes du côté du vent par quelques branchages & par une ef- pèce de foin. Du côté fous le vent , il y 3l une ouverture d'environ îa huitième Piij 342 Supplément partie du cercle, & qui fert Je porte Se de cheminée. . . . Un peu de foin ré- pandu à terre fert tout-à-la-fois de fiéges Se de lits. Tous leurs meubles confirent en un panier à porter à la main, un fac pendant fur leur dos, Se la veille de quel- que animal pour contenir de l'eau. Ils font d'une couleur approchante de 3a rouille de fer mêlée avec de l'huile > ils ont de longs cheveux noirs : les hom- mes font gros & mal faits*, leur (rature efl de cinq pieds huit à dix pouces , les femmes font plus petites Se ne parlent guère cinq pieds } toute leur parure con- iîlle dans une peau de guanaque (lama) ou de veau marin jetée fur leurs épaules dans le même état où elle a été tirée de deiïus l'animal j un morceau de la même peau qui leur enveloppe les pieds , 8c qui le ferme comme une beurfe au-deiTus de la cheville , & un petit tablier qui tient lieu aux femmes de la feuille de figuier. Les hommes portent leur manteau ou- vert j les femmes le lient autour de la ceinture avec une courroie -, mais , quoi- qu'elles foient à peu-près nues, elles ont un grand dellr de parokre belles \ elle a à l 'Hijîoire Naturelle. 343 peignent leur vifage, les parties voi fines des yeux communément en blanc, & le refie en lignes horizontales rouges & noires *, mais tous les vifages font peints différemment. Les hommes & les femmes portent des bracelets de grains , tels qu'ils peuvent les faire avec de petites coquilles & des os*, les femmes en ont un au poignet & au bas de la jambe j les hommes au poignet feu- lement. li parole qu'ils fe nourrirent de coquil- lages, leurs cotes (ont néanmoins abon- dautes en veaux marins , mais ils n'ont point d'inftrumenspour les prendre. Leurs armes confident en un arc 8c des flèches qui font d'un bois bien poli, & dont la pointe eft de caillou. Ce peuple paroît être errant , car au- paravant en avoir vu des huttes abandon- nées , 8c d'ailleurs les coquillages étant une fois épuifés dcins un endroit de la côte, ils font obligés a aller s'établir ailleurs y de plus, ifs n'ont ni bateaux ni canots-, ni rien de fembîable. En tout ces hommes font les plus miférables 8c les plus ftu- pides des créatures humaines j leur climat Piv 544 Supplément eft fi froid , que deux Européens y ont péri au milieu de l'ètè('f).v> On voir, par ce récit , qu'il fait bien froid dans cette terre de Feu , qui n'a été ainfi appelée que par quelques volcans qu'on y a vus de loin. On fait d'ailleurs que l'on trouve des glaces dans ces mers auftrales dès le quarante - feptième degré en quelques endroits, &en général on ne peut guère douter que l'hémifphère auf- tral ne foit plus froid que le boréal > parce que le foleil y fait un peu moins cîe féjour, Se aufTî parce que cet hémi- fphète auftral eft compofé de beaucoup plus d'eau que déterre , tandis que notre hémifphère boréal préfente plus de terre que d'eau. Quoi qu'il en foit, ces hommes de la Terre-de-Feu , où l'on prétend que le froid eft fi grand & où ils vivent plus miférablement qu'en aucun lieu du monde, n'ont pas perdu pour cela les dimen fions du corps : & comme ils n'ont d'autres (f) v°ya&e autour du monde ; par M. Coofc. tome IJ, jpages i&i & fuiront es* à VHijlolre Naturelle. 345 vdifins que ïes Paragons , lefquels , dé*. duc~tion faite de toutes les exagérations , font les plus grands de tous les hommes connus, on doitpréfumer que ce froid du continent auftral a été exagéré, puifque fes impre/ïions fur Tefpèce humaine ne fe font pas marquées. Nous avons vu , par îes obfervations citées précédemment , que dans la nouvelle Zembie , qui eft de vingt degrés plus voifine du pôle arctique que la Terre-de-Feu ne ï'eft de l'antarctique*, nous avons vu , dis-je, que ce n'eft pas la rigueur du froid 5 mais l'humidité mal- faine des brouillards qui fait périr les hommes -, il en doit être de même & à plus forte raifon dans les terres environ- nées des mers auftrales , où la brume femble voiler l'air dans toutes les faifons, Se le rendre encore plus maUfain que froid *, cela me paroîc prouvé par le feul fait de la différence des vêtemens } les Lappons , les Groenlandois , les Samo- )èdes & tous îes hommes des contrées vraiment froides à l'excès , fe couvrent tout le corps de fourrures , tandis que ïes habirans de la Terre-de-Feu & de celles du détroit de Magellan vont prefque nus Py ^6 Supplément 6c avec une fîmpîe couverture fur îes épaules i le froid n'y eft donc pas auiïi grand que dans les terres arcViques, mais l'humidité de l'air doit y erre plus grande,, ce c'eft très- probablement cette humi- dité qui a fait périr, même en été , les deux Européens dont parle M. Cock. Infulaires de la mer du Sud. A l'égard des Peuplades qui fe font trouvées dans toutes îes îles nouvelle- ment découvertes dans la mer du fud Se fur les terres du continent auftral, nous rapporterons fîmplement ce qu'en ont dit les Voyageurs , dont le récit femble nous démontrer que les hommes de nos anti- podes font, comme les Américains, tour auiîi robuftes que nous , & qu'on ne doit pas plus les aceufer les uns que les autres d'avoir dégénéré. Dans les îles de la raer Pacifique y iîtuées à quatorze degrés cinq minutes latitude fud , Se à cent quarante-cinq de- grés quatre minutes de longitude oueft du méridien de Londres , le Commodore Byron dit avoir trouvé des hommes armés à PHifioire Naturelle. 347 de piques de feize pieds au moins de longueur , qu'ils agitorent d'un air me- naçant. Ces hommes font d'une couleur bafanée , bien proportionnés dans leur taille 5 & paroiilènt joindre a un air de vigueur une grande agilité -, je ne Tache pas , die ce Voyageur , avoir vu des hommes il légers à la courfe. Dans plu- sieurs autres îles de cette même mer , & particulièrement dans celles qu'il a nom- mées îles du Prince de Galles , (ituées à quinze degrés latitude fud , & cent cin- quante-un degrés cinquante-trois minutes longitude oueft \ 8c dans une autre à la- quelle Ton équipage donna le nom d'île Byron } fituée à dix-huit degrés dix-huit minutes latitude fud , & cent foixarite- treize degrés quarante- fix minutes de lon- gitude, ce Voyageur trouva des peuplades nombreufes. Ces Infulaires , dit-il, font d'une taille avantageufe , bien pris &z pro- portionnés dans tous leurs membres ;ieur teint eft bronzé , mais clair, les traits de leur vifage n'ont rien de défagréabîe : on y remarque un mélange d'intrépidité & d'enjouement dont on efc frappé -, leurs cheveux qu'ils laiffenc croître, font noirs 3 Pvj 348 Supplément on en voit qui portent de longues barbes , d'autres qui n'ont que des mouftaches , & d'autres un feul petit bouquet à la pointe du menton (t)\ Dans plusieurs autres îles toutes fituées au-delà de l'Equateur , dans cette même mer, le capitaine Carteret dit avoir trouvé des hommes en très-grand nombre , les uns dans des efpèces de villages fortifiés de parapets de pierre , les autres en pleine campagne , mais tous armés d'arcs , de flèches ou de lances & de maflues 3 tous très -vigoureux & fort agiles; ces hommes vont nus ou prefque nus, & il aïîure avoir obfervé dans plusieurs de ces îies , & notamment dans celles qui fe trouvent à onze degrés dix minutes lati- tude fud & à cent foixante-quatre degrés quarante-trois minutes de longitude, que les narurels du pays ont la tête laineufe comme celle des nègres , mais qu'ils font moins noirs que les nègres de Guinée. Il d^t qu'il en eft de même des habitans de l' île d'Egmont , qui eft à dix degrés qua- (1) Voyage autour du monde, par le Comme* dore Byron, tom& ly chapitrts Vlll & X à VHijloire Naturelle. 349 rante minutes latitude fud , & à cent foi- xante degtés quarante- neuf minutes de longitude ^ & encore de ceux qui fe trou- vent dans les îles découvertes par Abel Tafman , lefquelies font fituées à quatre degrés trente -fîx minutes latitude fud * & cent cinquante- quatre degrés dix-fept minutes de longitude. Elles font , die Carteret , remplies d'habitans noirs qui ont la tête îaineuie comme les nègres d'Afrique. Dans les terres de la nouvelle Bretagne, il trouva de même que les na- turels du pays ont de la laine à la tere comme les nègres , mais qu'ils n'en on? ni le nez plat ni les groilès lèvres. Ces derniers qui paroilïent être de la même race que ceux des îles précédentes 3 pou- drent leurs cheveux de blancs & même leur barbe. J'ai remarqué que cet ufage de la poudre blanche fur les cheveux , fe trouve chez les Papous , qui font aufïi des nègres aflez voifins de ceux de la nouvelle Bretagne. Cette efpèce d'hommes noirs à tête laineufe,fembiefe trouver dans toutes les îles & terres balles , entre l'Equateur & le Topique, dans la merdufud.Néan- nioinSjdans quelques-unes de ces îles, on 3 j o Supplément trouve des hommes qui n'ont plus de laine fur la tête 8c qui font couleur de cuivre 5 c'eft-à-dire , plutôt rouges que noirs , avec peu de barbe & de grands & longs che- veux noirs *, ceux-ci ne font pas entière- ment nus comme les autres dont nous avons parlé -, ils portent une natte en forme de ceinture, 8c quoique les îles qu'ils habitent , foient plus voiiines de l'Equateur, il paroît que la chaleur n'y eu: pas auffi grande que dans toutes les terres ©ù les hommes vont absolument nus>&: où ils ont en même temps de la laine au lieu de cheveux (u). «Les infukires d'Orahiti { dit Samuel Wallis),iont grands, bien faits ,- agites , drfpos & d'une figure agréable. La taille des hommes err en général de cinq pieds fept à cinq pieds dix pouces \ celle des femmes eft de cinq pieds (ix pouces. Le teint des hommes eft bafané , leurs che- veux font noirs ordinairement , 8c quel- quefois bruns, roux ou blonds, ce qui eft (u) Voyage autour au mande ? par Carteret, thapitresr I P, V fc* VU. à VHiJtoire Naturelle. 3 j î digne de remarque, parce que îes che- veux de tous les naturels de l'Aiie méri- dionale , de l'Afrique & de Y Amérique font noirs •-, îes enfans des deux fexes les ont ordinairement blonds. Toutes les femmes font jolies, & quelques-unes d'une très-grande beauté. Ces .Insulaires ne paronTent pas regarder la continence comme une vertu, puifque leurs femmes vendent leurs faveurs librement en public. Leurs pères , leurs frères îes amenoient Souvent eux-mêmes. Ils connoillent le prix de la beauté , car la grandeur des clous qu'on demandoit pour la jouidance d'une femme , étoit toujours proportionnée à fes charmes. L'habiliement des hommes & des femmes eft. fait d'une efpèce d'é- toffe blanche (xjqui refïemble beaucoup au gros papier de la Chine -, elle eft fa- briquée comme le papier avec le liber ou écorce intérieure des arbres qu'on a mife en macération. Les plumes , les fleurs , les coquillages & les perles , font partie de leurs ornemens : ce font îes femmes (x) On peut voir, au Cabinet du Roi > une toi- lette entière d'une femme d'Otahm» 3 j 2 Supplément fur-tout qui portent les perles. Ceft u& ufage reçu pour les hommes & pour les femmes de fe peindre les felfes & le der- rière des cuifles avec des lignes noires très -ferrées, & qui repréfentent diffé- rentes figures. Les garçons & les filles au-deiTous de douze ans ne portent point ces marques. Ils fe nourrirent de cochons, de vo- lailles , de chiens 8c de poiflons qu'ils font cuire , de fruits à pain , de bananes , d'ignames & d'un autre fruit aigre qui n'eit pas bon en lui-même , mais qui donne un goût fort agréable au fruit à pain grillé , avec lequel ils le mangent fouvent. Il y a beaucoup de rats dans l'île 3 mais on ne leur en a point vu manger. Ils ont des filets pour la pêche. Les coquilles leur fervent de couteaux. Us n'ont point de vafes ni poteries qui aillent au feu. Il paroît qu'ils n'ont point d'autre boiiTon que de l'eau, *> M. de Bougainville nous a donné des coimoiifances encore plus exactes fur ces habitans de l'île d'Otahiti ou Taiti. Il pa- roît, par tout ce qu'en dit ce célèbre à VHiftoire Naturelle. 353 Voyageur , que les Taïtiens parviennent à une grande vieillerie fans aucune in- commodité 8c fans perdre la finette de leurs fens. ce Le poiîîon & les végétaux , dit- il , font leurs principales nourritures-, ils man- gent rarement de la viande -, les enfans éc les jeunes filles n'en mangent jamais , ils ne boivent que de l'eau , l'odeur du vin & de l'eau- de-vie leur donne de la répugnance-, ils en témoignent aufîipour le tabac « pour les épiceries & pour toutes les chofes fortes. Le peuple de Taïti eft compofé de deux races d'hommes très- différentes, qui ce- pendant ont la même langue, les mêmes mœurs & qui paroifient fe mêler enfem- ble fans diftinétion. La première, & c'eir, la plus nombreufe, produit des hommes de la plus grande taille, il eft ordinaire d'en voir de iïx pieds 8c plus -, ils font bien faits 8c bien proportionnés. Rien ne diftingue leurs traits de ceux des Euro- péens , 8c s'ils étoient vêtus , s'ils vivorent moins à l'air 8c au grand foleil, ils fer oient 354 Supplément aufïî blancs que nous *, en général , leurs cheveux font noirs, La féconde race eft d une taille mé- diocre avec les cheveux crépus & durs comme du crin -, la couleur & les traits peu difïérens de ceux des mulâtres*, les uns & les autres fe laifTent croître la partie inférieure de la barbe ; mais ils ont tous les mouftaches & le haut des joues raf-s -, ils laifTent auïlï toute leur longueur aux ongles , excepté à celui du doigt du milieu de la main droite. Ils ont l'habitude de s'oindre les cheveux ainfî que la barbe avec de l'huile de cocos. La plupart vont nus fans autre vêtement qu'une ceinture qui leur couvre les par- ties naturelles *, cependant les principaux s'enveloppent ordinairement dans une grande pièce d'étoile qu'ils laiiTent tom- ber jufqu'aux genoux -, ce.fi auili le feul habillement des femmes j comme elles ne vont jamais au foleil fans être couvertes, & qu'un petit chapeau de canne garni de fleurs, défend leur viiage de fes rayons» elles font beaucoup plus blanches que les hommes *, elles ont les traits allez déii- à VHiftoire Naturelle. 355 rats , mais ce qui les diftingue , c'eft la beauté de leur taille Se les contours de leur corps , qui ne font pas déformés comme en Europe par quinze ans de la torture du maillot Se des corps. Aurefte, tandis qu'en Europe les femmes fe peignent en rouge les joues, celles de Taïti fe peignent d'un bleu foncé les reins Se les feiîes •, c'en: une parure Se en même temps une marque de diftinction. Les hommes ainfï que les femmes ont les oreilles percées pour porter des perles ou des fleurs de toute efpèce j ils font de la plus grande propreté 8c fe baignent fans ce(Te. Leur unique paillon efb l'amour*, le grand nombre de femmes eft le feul luxe des riches (y). » .Voici maintenant l'extrait de la def- cription que le capitaine Cooic donne de cette même île d'O canin & de fes habi- tais*, j'en tirerai les faits qu'on doit ajou- ter aux relations du capitaine Wallis & de (y) Voyage autour du monde , par M. de Boiv gainvilie, tome ll> («"8.° yas.^ 75 & fuivantes* 3 5 6 Supplément M. de Bougainville 3 & qui les confirment au point de n'en pouvoir douter. « L'île d'Otahiti efl environnée par un récif des rochers de corail fa). Les mar- ions n'y forment pas de villages , elles font rangées à environ cinquante verges les unes des autres -, cette île , au rapport d\m naturel du pays , peut fournir fïx mille fept cens comhattans. Ces peuples font d'une taille & d'une ftature fupérieure à celle des Européens. Les hommes font grands , forrs , bien membres & bien faits. Les femmes d'un rang diftingué , font en général au-defïus de la taille moyenne de nos Européennes *, mais celles d'une clafïè inférieure fontau- delïbus , & quelques-unes même font très- petites , ce qui vient peut - être de leur commerce prématuré avec les hommes. Leur teint naturel e(l un brun-clair ou olive , il eft très-foncé dans ceux qui font (x) Cette expreiïïon , rocher de. corail, ne ligni- fie autre chofe qu'une roche rougeâtre comme le gianit. à VHijloire Naturelle. 357 expofés à l'air ou au foleil. La peau des femmes d'une datte fupérieure, eit déli- cate , douce & polie-, la forme de leur vifage effc agréable, les os des joues ne font pas élevés -, ils n ont point les yeux creux j ni le front proéminent, mais en général ils ont le nez un peu aplati-, leurs yeux , & fur-tout ceux des femmes font pleins d'expreiîlon , quelquefois étince- lans de feu, ou remplis d'une douce fen- fîbilité \ leurs dents /ont blanches & égales, & leur haleine pure. Ils ont les cheveux ordinairement roides & un peu rudes : les hommes portent leur barbe de différentes manières , cependant ils en arrachent toujours une très-grande partie , & tiennent le refte très - propre. Les deux fexes ont aufïi la coutume d'é- piler tous les poils qui croiflent fous les ailTelles. Leurs mouvemens font remplis de vigueur & d aifance , leur démarche agréable ; leurs manières nobles & gêné- reufes , & leur conduite entr'eux & en- vers les étrangers arbbîe & civile. Il femble qu'ils font d'un caractère brave , fincère 3 fans foupçon ni perfidie , & fans pen- chant à la vengeance & à la cruauté , 3 5 8 Supplément mais ils font adonnés au voî. On a vu dans cette île des perfonnes dont la peau étoit d'un blanc-mat ; ils avoient auffi les cheveux , la barbe , les fourcrîs & les cils blancs , les yeux rouges & foibîes , la vue courte , la peau tégneufe & revêtue d'une efpèce de duvet blanc , mais il paroît que ce font des malheureux indi- vidus., rendus anomales par maladies. Les flûtes & les tambours font leurs feuls inftrumens , ils font peu de cas de la chafleté : les hommes offrent aux étran- gers leurs fœurs ou leurs filles par civilité ou en forme de récompenfe. Ils porteur la licence des mœurs & de la lubricité , à un point que les autres nations dont on a parlé depuis le commencement du monde jufquà préfent, n 'avoient pas en- core atteint. Le mariage chez eux n'eft qu'une con- vention entre l'homme & la femme dont les Prêtres ne fe mêlent point. Ils ont adopté la circoncïfion (ans autre motif que celui de la propreté-, cette opération , à proprement parler, ne doit pas être ap~ pelée circoncïfion , parce qu'ils ne font pas au prépuce une amputation circulaire -, ils à V Bifloire Naturelle. 359 le fendent feulement à travers îa partie fupérieure , pour empêcher qu'il ne le recouvre fur le gland , & les Prêtres feuls peuvent faire cette opération ('aj.n Selon le même Voyageur , les habitans de File Huaheine j fîtuée à feize degrés quarante-trois minutes latitude fud & à cent cinquante degrés cinquante- deux minutes longitude oueft , relTemblenc beaucoup aux Otahitiens pour la figure , l'habillement, le langage & toutes les autres habitudes. Leurs habitations , amfi qu'à Orahiti , font compofées feulement d'un toit foutenu par des poteaux. Dans cette île , qui n'eft qu'à trente lieues d'Otahiti , les hommes fembîent être plus vigoureux & d'une ftature encore plus grande , quelques-uns ont jufqu'à fïx pieds de haut & plus -, les femmes y font très- jolies. Tous ces Infulaires fe nourrilTent de cocos, d'ignames, de volailles , de cochons qui y font en grand nombre. Et ils parlent tous la même langue, & cette (a) Voyage autour du monde, par le capitaine Cook, tome II, chapitres XVII & XV ' IIL 360 Supplément îangue des îles de la mer du fud., s'eli étendue jufquà la nouvelle Zélande. Habitans des terres Auflrales. Pour ne rien omettre de ce que Ton connoît fur les terres Auftrales, je crois devoir donner ici par extrait ce qu'il y a de plus avéré dans les découvertes des Voyageurs qui ©ntfucceffivement reconnu les côtes de ces vaftes contrées , 8c finir par ce qu'en a dit M. Cook qui , lui feul , a plus fait de découvertes que tous ïes Navigateurs qui l'ont précédé. Il paroît, par la déclaration que fit Gonneviile en 1503 à l'Amirauté (b)y que l'Auftralafîe eft divifée en petits cantons gouvernés par des Rois ablolus, qui fe font la guerre, & qui peuvent met- tre jufqu'à cinq ou iix cens hommes en campagne ^ mais Gonneviile ne donne ni la latitude, ni la longitude de cette terre dont il dècnz les habitans. Par la relation de Fernand de Quiros , (b) Hiftoire des navigations aux terres Auftrales> jpar M. de BroiVu, tome {, pages 108 6* juirantes. on voit a PHiJIoire Naturelle. 3 6 1 on voit que les Indrens de file appelée île de la belle nation par les Efpagnoîs , laquelle eft fituée à treize degrés de la- titude fud , ont à peu - près les mêmes mœurs que les Ocahitiens*, ces Infuiaires font blancs , beaux & très-bien farts ; on ne peut même trop s'étonner , dit- il, de la blancheur extrême de ce peuple dans un climat où l'air & le folerl devroient les hâler & noircir-, les femmes effaceroient nos beautés Efpagnoles fî elles étoient pa- rées -, elles font vêtues de la ceinture en bas de fine natte de palmier , Se d'un petit manteau de la même étoffe fur les épaules (c). Sur la côre orientale de la nouvelle Hollande, queFernandde Quiros appelle terre du S aint- Efprit ^ il die avoir aperçu des habitans de trois couleurs , les uns tous noirs , les autres fort blancs à che- veux Se à barbe rouges , les autres mu- lâtres, ce qui Téronna fort, & lui parut un indice de la grande étendue de cette con- trée. Fernand de Quiros avoit bien raifon , (c) Hiftoire des navigations aux terres Auftralesâ par M. de Broiïe, tome l, page ji8. Tome XL Q 3 $2, Supplément car, par les nouvelles découvertes du grand navigateur M. Cook, l'on eft main- tenant afluré que cette contrée de la nou- velle Hollande eft auiïi étendue que l'Eu- rope entière. Sur la même côte à quelque diilance , Quiros vit une autre nation de plus haute taille & d'une couleur plus grifârre , avec laquelle il ne fut pas pofiibie de conférer -, ils venoient en troupes décocher dç$ flèches fur les Es- pagnols > 8c on ne pouvoit les faire re« tjrer qu'à coups de moufquet (d). ce Abeï Tafmand trouva dans les terres voilines d'une baie dans la nouvelle Zé- îande , à quarante degrés cinquante mi- nutes latitude fud, & cent quatre-vingt- onze degrés quarante-une minutes de lon- gitude 9 des habitans qui avoient fa voix rude & la taille grolTe.. .. Ils étoient d'une couleur entre le brun & le jaune, & avoient les cheveux noirs , à peu-près auffi longs & aufîi épais que ceux des Ja- ponnois, attachés au fomrnet de la tête (d) Hiftoire des navigations aux terres A»uftraî es , j»ar M, de Srolîe. tome I, pages 325, 327 fr 33 f à VHiJloire Naturelle. 3 6 3 avec une plume longue & épaide au mi- lieu,... lis avoient îe milieu du corps couvert , ïes uns de nattes , les autres de toile de coton j mais le.reîte du corps étoit nu. »> J'ai donné, dans îe troïfième Volume de mon Ouvrage , les découvertes de Dampierre & de quelques autres Navi- gateurs , au fujet de la nouvelle Hollande Se de la nouvelle Zélande -, la première découverte de cette dernière terre Auf- trale a été faite en 1 642 , par Abel Tafman & Diemen , qui ont donné leurs noms à quelques parties des côtes, mais toutes les notions que nous en avions étoient bien incomplètes, avant la belle naviga- tion de M. Cook. ec La taille des habitans de la nouvelle Zélande, dit ce grand Voyageur, eit. en général égaie à celle des Européens les plus grands, ils ont les membres charnus, forts & bien proportionnés -, mais ils ne font pas auiTI gras que les oififs infu Jarres de la mer du fud. lis font alertes, vigou- reux & adroits des mains; leur teint eft 364 Supplément en général brun -, il y en a peu qui l'aient plus foncé que celui d'un Efpagnol qui a été expofé au foleil 3 & celui du plus grand nombre i'eit beaucoup moins. » Je dors obferver, en paflant, que la eompataifon que fait ici M. Cook des Efpagnols aux Zélandois , eft d'autant plus jufteque les uns font à très- peu-près les antipodes des autres. « Les femmes 3 continue M. Cook , n'ont pas beaucoup de déiicatefle dans les traits, néanmoins leur voix eft d'une grande douceur, c'eft par -là qu'on les distingue des hommes 3 leurs habillemens étant les mêmes : comme les femmes des autres pays , elles ont plus de gaieté 3 d'enjouement & de vivacité que les hom- mes. Les Zélandois ont les cheveux 8c la barbe noire-, leurs dents font blanches & régulières , ils jouiiTent d'une famé ro- bufte & il y en a de fort âgés. Leur prin- cipale nourriture eft de poiilon , qu'ils ne peuvent fe procurer que fur les cotes , lefquelies ne leur en fournilîent en abon- dance que pendant un certain temps. Ils a l'Hiftoire Naturelle. 5 éj n'ont ni cochons, ni chèvres, ni volailles y Se ils ne favent pas prendre les oifeauxen affèz grand nombre pour fe nourrir; ex- cepté {es chiens qu ils mangent , ils n'ont point d'autres fubiifrances que la racine de fougère , les ignames & les patates .... Us font auiïi décens & modeftes que les Iniulaires de ia mer du fud font volup- tueux & îndécens , mais ils ne font pas aulîî propres.... parce que, ne vivant pas dans un climat auffi chaud, ils ne fe baignent pas n* fouvenr, Leur habillement en: au premier coup d'œil tout-à-fait bizarre. Il efl compoféde feuilles d'une efpèce de glsyeui , qui étant coupées en trois bandes , font entrelacées les unes dans les autres , & forment une forte d'étoffe qui tient le milieu entre le réfeau & le drap-, les bouts de feuilles s'élèvent en faillie comme de la peluche ou les nattes que Ton étend fur nos ef- caliers. Deux pièces de cette étoffe font un habillement complet-, l'une efb atta- chée fur les épaules avec un cordon ôc pend jufqu'aux genoux •, au bout de ce cordon eft une aiguille d'os, qui joint en- femble les deux parties de ce vêtement. Qiij $66 Supplément Loutre pièce efi: enveloppée autour de h ceinture & pend prefque à terre. Les hommes ne portent que dans certaines occafions cet habit de de (fou s -, ils ont une ceinture à laquelle pend une petite corde deftinée à un ufage très-fingulier. Les Infulaires de îa mer du fud fe fendent le prépuce pour l'empêcher de couvrir le gland-, les Zélandois ramènenE au con- traire le prépuce fur le gland, & afin de l'empêcher de fe retirer , ils en nouent l'extrémité avec le cordon attaché à leur ceinture , & le gland eft la feule partie de leur corps qu'ils montrent avec une honte extrême. » Cet ufage plus que (îngulier , fembîe être fort contraire à la propreréj mais il a un avantage , e'eft de maintenir cette partie feniible & fraîche plus long-temps: car l'on a obfervé que tous les circoncis êc même ceux qui, fans être circoncis, ont le prépuce court, perdent dans la parrie qu'il couvre , la ienfibilité plutôt que les autres hommes. . * Au nord de la nouvelle Zélande J à VHïjloire Naturelle. 367 continue M. Cook , il y a des plantations d'ignames, de pommes de terre & dé cocos -, on n'a pas remarqué de pareilles plantations au fud , ce qui fait croire que les habitans de cette partie du fud, ne doivent vivre que de racines de fou- gère , & de poiflbn. Il paroît qu'ils n'ont pas d'autre boilïbn que de l'eau, ils jouif- fent fans interruption d'une bonne fanté, & on n'en a pas vu un feul qui parût affecté de quelque maladie. Parmi ceux qui étoient entièrement nus , on ne s'en: pas aperçu qu'aucun eût la plus légère éruption fur la peau , ni aucune trace de pullules ou de boutons -, ils ont d'ailleurs un grand nombre de vieillards parmi eux, dont aucun n'elt décrépit..., Us paroilîent faire moins de cas des fem- mes que les Infulaires de la mer du fud, cependant ils mangent avec elles, Scies Otahkiens mangent toujours feuîs -, mais les relïemblances qu'on trouve entre ce pays 8c les îles de la mer du f\id , rela- tivement aux autres ufages ,font une forte preuve que tous ces Infulaires ont la même origine .... La conformité du lan- gage parole établir ce fait d'une manière Qiy 3^8 Supplément 'ZTnt^ ' TUF'la > **» 0f«- que nous avions avec nous , fe faifoit par- faitement entendre des Zélandois (c) .» M. Coolc penfe que ces peuples ne VxnnenrpasdePA^érique.quieftrnuée ?" dg,.,c« contrées, & il dit, qu'à nioms qui! ny ait au fud un contin4ent S Tfeî lIs'e<^vra qu'ils viennent de i oucft. Néanmoins la langue eft abfo- utnent différente dans la nouvelle Hol- ande , qur eft la terre la pius voiiîne à oueft de la Zélande ;& comme cette ^rgue cTOtahiri & des autres îles de la mer Pacifique s ainfî que celle de la Zé- iande, ont plufîeurs rapports avec les langues de llnde méridionale, on peut Plumer que toutes ces petites peu- Ken "rent IeUI °"gine de rArchiPel «Aucun des habitans de la nouvelle Hollande ne porte le moindre vêtement, ajoute M. Gook; ils parloient dans un «llmTZîT^ monde' par M- Cook> à PHiJloire Naturelle. 3 6 9 îangage fi rude & fi défagréabïe , que Tupia , jeune Otahitien, n'y entendoit pas un feulmot. Ces hommes de la nou- velle Hollande paroifTent hardis*, iis font armés de lances & femblent s'occuper de la pêche. Leurs lances font de lalongueur de fix à quinze pieds , avec quatre branches dont chacune eft très-pointue & armée d'un os de poilTon... En général, ils parohTem; d'un naturel fort fauvage , puifqu'on ne put jamais les engager de fe lailTer appro- cher. Cependant on parvint pour la pre- mière fois à voir quelques naturels du pays dans les environs de la rivière d'Endéavour. Ceux-ci étoient armés de javelines & de lances, avoient les mem- bres d'une pethelïe remarquable , ils étoient cependant d'une taille ordinaire pour la hauteur ; leur peau étoit couleur de fuie ou de chocolat foncé ^ leurs che- veux étoient noirs , fans être laineux, mais coupés courts s les uns les avoient Iiïïes & les autres bouclés Les traits de leur vifage n'étoient pas dé {agréables-, ils avoient les yeux très- vifs, les dents blanches & unies , la voix douce & har- monieufe , & répétaient quelques mots fi y 3 7° Supplément qu'on leur faifoit prononcer avec beai£ coup de facilité. Tous ont un trou fait à traders îe cartilage qui fépare ïes deux narines , dans lequel ils mettent un os d'oifeau de près de ia grofïeur d'un doigt Se de cinq ou iix pouces de ïong. Ils ont aufïi des trous à leuts oreilles quoiqu'ils n'aient point de pendans, peut-être y en mettent- ils qu'on n'a pas vus .... Par après, on s'en: aperçu que leur peau n'étoit pas suffi brune qu'elle avoit paru d'abord-, ce que l'on avoit pris pour leur teint de nature , n'étoit que l'effet de la pouffière & de la fumée , dans laquelle ils font peut-être obligés de dormir, malgré la chaleur du climat, pour fe préferver des mofquites , infectes très-incommodes. Ils font entièrement nus , & paroilîent êtrg d'une activité & d'une agilité extrême. . . . Au reite, la nouvelle Hollande. . . eCb beaucoup plus grande qu'aucune autre contrée du monde connu , qui ne porte pas le nom de continent. La longueur de la côte fur laquelle on a navigué-, réduite en ligne droite, ne comprend pas moins de vingt- fept degrés-, de forte que fa furface en carré doit, être beaucoup à VHiJloire Naturelle. 3 7 r plus grande que celle de toute l'Europe. Les habitans de cette vafte terre ne paroilTent pas nombreux -, les hommes 3c les femmes y font entièrement nus .) On n'aperçoit fur leur corps aucune trace de maladie ou de plaie, mais feulement de grandes cicatrices en lignes irrégu- îières, qui fembloient être les fuites des bieiïures qu'ils s'étoient faites eux-mêmes avec un infiniment obtus. .... On n'a rien vu dans tout le pays, qui reffembiat à un village. Leurs maifons, fi toutefois on peut leur donner ce nom , font faites avec moins d'induftrie que celles de tous les autres peuples que Ton avoit vus auparavant, excepté celles des habitans de la Terre-de-Feu. Ces habitations n'ont que la hauteur qu'il faut, pour qu'un homme purlle fe tenir debout-, mais elles ne font pas afTex larges pour qu'il puilTe s'y étendre de fa longueur dans aucun fens. Elles font conftrnites en forme de four, avec des baguettes flexibles, à peu-près aufîî grolïes que le pouce *, ils enfoncent les deux extrémités de ces baguettes dans la terre , & ils les recouvrent enfuite avec Qvj 57* Supplément des feuilles de paîmier & de grands morceaux d'écorce. La porte n'efl: qu'une ouverture oppofée à l'endroit où Ton fait îe feu. Ils fe couchent fous ces han- gards en fe repliant le corps en rond, de manière que les talons de l'un tou- chent la tête de l'autre -, dans cette ponc- tion forcée une des huttes contient trois ou quatre perionnes. En avançant au nord , le climat devient plus chaud & les cabanes encore plus minces. Une horde errante condruit ces cabanes dans les endroits qui lui fournHïènt de la fubfif- tance pour un temps, & elle les aban- donne lorfqu'on ne peut plus y vivre. Dans les endroits où ils ne font que pour une nuit ou deux, ils couchent ïbus les baillons ou dans l'herbe qui a près de deux pieds de hauteur. Ils fe nourriiïent principalement de poiiïon, ils tuent quelquefois des Kan~ guros (grottes gerboi(es) & même des oifeaux Ils font griller la chair fur des charbons, ou ils la font cuire dans un trou avec des pierres chaudes , comme les Infulaires de la mer du Sud, » a VHifioire Naturelle. 373 J'ai cru devoir rapporter, par extrait, cet article de ïa relation du capitaine Cook, parce qu'il eft le premier qui ait donné une defcrrption détaillée de cette pattie du monde. La nouvelle Hollande eft donc une terre peut-être plus étendue que toute notre Europe, & fituée fous un ciel encore plus heureux -, elle ne paroît ftérile que par le défaut de population *, elle fera toujouts nulle fur le globe, tant qu'on fe bornera à la vifite des côces, & qu'on ne cherchera pas à pénétrer dans l'intérieur des terres, qui, par leur pofition, femblent promettre toutes les richelïes que la Nature a plus accumulées dans les pays chauds que dans les contrées froides ou tempérées. Par la defeription de tous ces peuples nouvellement découverts, & dont nous n'avions pu faire l'énumération dans notre caûcle des variétés de Tefpèce hu- maine (f) j il paroît que les grandes différences , c'eft-à-dire, les principales ffj Eiftoire Naturelle , volume. V, pages i & fusantes. 374 Supplément variétés dépendent entièrement dé Fin- fluence du climat -, on doit entendre par climat, non- feulement la latitude plus ou moins élevée , mais auffi la hauteur ou la dépreffion des terres, leur voifinage ou leur éloignement des mers, leur foliation par rapport aux vents, & fur tout au vent d'eft, toutes les circonftances en un mot qui concourent à former la tempé- rature de chaque contrée ; car c*eft de cette température, plus ou moins chaude ou froide, humide ou sèche, que dépend non-ieulement la couleur des hommes , mais l'exiftence même des efpèces d'ani- maux & de plantes, qui tous affectent de certaines contrées, & ne fe trouvent pas dans d'autres -, c'eft de cette même température que dépend par conféquent îa différence de ia nou triture des hom- mes, féconde caufe qui influe beaucoup fur leur tempérament, leur naturel , leut grandeur & leur force. Sur les Blafards & Nègres blancs. Mais, indépendamment des grandes variétés produites par ces caufes gêné- ci FHifioire Naturelle. 3 7 j raies, il y en a de particulières dont quelques-unes me paroifîent avoir des caractères fort bizarres, & dont nous n'avons pas encore pu faiflr toutes îes nuances. Ces hommes blafards dont nous avons parlé, & qui font difïérens des blancs, des noirs-nègres, desnoirs-carTres, des bafanés , des rouges , Sec. fe trouvent plus répandus que je ne l'ai dit -, on les connoît à Ccylan fous îe nom de Bedas , à Java fous celui de Chacrelas ou Ka- crelas, à 1'Ifthme d'Amérique fous le nom d'Albinos , dans d'autres endroits fous celui de Dondos } on îes a auffî appelés Nègres- blancs ; il s'en trouve aux Indes méridionales en Aiîe, à Mada- gafear en Afrique, à Carthagène & dans les Antilles en Amérique •,. l'on vient de voir qu'on en trouve auffi dans les îles de la mer du fud : on ieroit donc porté à croire que îes hommes de toute race & de toute couleur , produifent quel- quefois des individus blafards, Se que dans tous les climats chauds il y a des races fujettes à cette efpèee de dégra- dation -, néanmoins, par toutes îes coa* noiiFances que j'ai pu recueillir 3 il aie 3 7 6" Supplément paroît que ces blafards forment plutôt des branches ftériles de dégénération, qu'une tige ou vraie race dans l'efpèce humaine j car nous fommes, pour ainli dire, allures que les blafards mâles font inhabiles ou très-peu habiles à la généra- tion, & qu'ils ne produifent pas avec ïeurs femelles blafardes, ni même avec les négrefïes. Néanmoins on prétend que les femelles blafardes produifent 5 avec îes nègres, des enfans pies, c'enV à-dire, marqués de taches noires & blanches > grandes & très-diftinctes , quoique femées irrégulièrement. Cette dégradation de nature paroît donc être encore plus grande dans les mâles que dans îes fe- melles, & il y a pluiîeurs raifons pour croire que c'en: une efpèce de maladie ou plutôt une forte de décraction dans l'or- ganifation du corps, qu'une affection de nalure qui doive fe propager : car il eft certain qu'on n'en trouve que des indi- vidus & jamais des familles entières *, & l'on allure que quand par hafard ces individus produifent des enfans , ils fe rapprochent de la couleur primitive de laquelle les pères ou mères avoienc dé- à VHiftoire Naturelle. 377 généré. On prétend aufîî que les Dondos produifent avec les nègres des enfans noirs, & que les Albinos de l'Amérique avec les Européens produifent des mu- lâtres-, M. Schreber, dont j'ai tiré ces deux derniers fairs, ajoute qu'on peut encore mettre avec les Dondos les nègres Jaurès ou rouges qui ont des cheveux de cette même couleur, & dont on ne trouve aulTi que quelques individus*, il dit qu'on en a vu en Afrique & dans l'île de Ma- dagafcar, mais que perfonne n'a encore obfervé qu'avec le temps ils changent de couleur & deviennent noirs ou bruns (g) ; qu'enfin on les a toujours vus conltam- nient conferver leur première couleur-, mais je doute beaucoup de la réalité de tous ces faits. ce Les blafards du Darien , dit M. P. ont tant de- redemblance avec les nègres blancs de l'Afrique & de l'Aiîe , qu'on eft obligé de leur afîigner une caufe commune & confiante. Les Dondos de (g) Hiftoire Naturelle des Quadrupèdes, par M. Schreber, tvme I, pages 14 & 15. 3 7 3 Supplément Y Afrique & les Kakerlaks de l'A fie font remarquables par leur taille qui excède rarement quatre pieds cinq pouces j leur teint eft d'un blanc fade, comme celui du papier ou de la mouilèiine, fans la moindre nuance d'incarnat ou de rouge -> mais on y diftingue quelquefois de petites taches lenticulaires grifes-, leur épidémie n'eft point oléagineux. Ces blafards n'ont pas le moindre veftige de noir fur toute la furface du corps } ils naitïent blancs Se ne noirciiîent en aucun âge *, ils n'ont point de barbe, point de poil fur les parties naturelles -, leurs cheveux font lai- neux & frifés en Afrique , longs & traî- rkns en Alie, ou dîme blancheur de neige, ou d'un roux cirant fur le jaune , leurs ciîs & leurs fourcils reiTemblent aux plumes de l'édredon , ou au plus fia duvet qui revêt la gorge des cignes-, leur iris eft quelquefois d'un bleu mourant & fingulièrement pâle: d'autres fois ,& dans d'autres individus de la même efpèce, l'iris eft d'un jaune vif, rougeâtre Se comme fanguinolent. Il n'eft pas vrai que les blafards Albi- kos aient une membrane clignotante \ la à ÎHiJloire Naturelle 3 79 paupière couvre fans celle une partie de l'iris & on la croit deftituée du mufcle élévateur, ce qui ne leur laide apercevoir qu'une petite fecfcion de l'horizon. Le maintien des blafards annonce la foibleiîe & le dérangement de leur conf- titution viciée -, leurs mains font fi mal deffinées, qu'on devroit les nommer des pattes ; le jeu des mufcles de leur mâ- choire inférieure ne s'exécute auffi qu'avec difficulté -, le tilTu de leurs oreilles efl: plus mince & plus membraneux que celui de l'oreille des autres hommes -, la conque manque auffi de capacité, 6c le îobe eft alongé & pendant. Les blafards du nouveau continent ont la taille plus haute que les blafards de l'ancien ; leur tête neft pas garnie de îaine, mais de cheveux longs de fept à huit pouces, blancs 6c peu frifés*, ils ont l'épiderme chargé de poils folets depuis les pieds jufqu'à la naifîance des cheveux-, leur vifage eft velu \ leurs yeux font fi mauvais , qu'ils ne voient prefque pas en plein jour, 8c que la lumière leur occa- sionne des vertiges 6c des éblouiiîemens : ces blafards n exiftent que dans la Zone 380 Supplément torride jusqu'au dixième degré de chaque côté de l'Equateur. L'air eft très-pernicieux dans toute l'étendue de l'Ilthire du nouveau monde*, à Carthagène & à Panama les Négrefles y accouchent d'enfans blafards plus fou- vent qu'ailleurs *(h). Il exifte à Darien (dit l'Auteur, vrai- ment Philofophe , de YHiftoire philofo- pkique & politique des deux Indes), une race de petits hommes blancs donc on retrouve l'efpèce en Afrique & dans quelques îles de l'Afie *, ils font couverts d'un duvet d'une blancheur de lait écla- tante-, ils n'ont point de cheveux, mais de la laine -, ils ont ia prunelle rouge -, ils ne voient bien que la nuit ; ils font foibles , & leur inftinct paroît plus borné que celui des autres hommes (i). » Nous allons comparer à ces deferrp- tions celle que j'ai faite moi-même d'une (h) Recherches fur ïes Américains , tome I, pages 410 & pavantes. (i) Hiftoire phiïofophique & politique des deux ïndes, tome III, /âge i£i. à VHifioire Naturelle. 3 8 1 négreiTè blanche que j'ai eu occaflon d'examiner & de faire defliner d'après nature ( Voye\ planche I ). Cette fille, nommée Geneviève j étoit âgée de près de dix-huit ans, en avril 1777? lorfque je l'ai décrire \ elle efl: née de païens nègres dans l'île de la Dominique, ce qui prouve qu'il naîc des Albinos non- feulement à dix degrés de l'Equateur, mais jufqu'à feize & peut-être vingt de- grés, car on allure qu'il s'en trouve à Saint-Domingue & à Cuba, Le père & la mère de cette négreiTe blanche, avoient été amenés de la côte d'Or en Afrique 3 & tous deux étoient parfaitement noirs, Geneviève étoit blanche fur tout le corps, elle avoit quatre pieds onze pouces iix lignes de hauteur, & fon corps étoit allez hien proportionné (k) ; ceci s'ac?; (k) Circonférence du corps au-deflus des han- ches, 2 pieds 2 pouces 6 lignes ; circonférence des hanches à ia pa:tie la plus c.arnue, 2 pieds 11 pouces ; hauteur depuis le tarcn au - deikis des hanches, 3 pieds j depuis la Lanche au genou 3 l pied 9 pouces 6 lignes ; du genou au talon, 1 pied 3 poices 9 %nes ; longueur du pied, 9 pouces. 5 hines, ce qui efl une grandeur déme» fuiée en comj: araifon des. mains, 3 8 i Supplément corde avec ce que dit M. P. que les Albi- nos d'Amérique font plus grands que les blafards de l'ancien continent : mais la tête de cette négrelle blanche n étoit pas aufîî- bien proportionnée que le corps •, en la xnefurant , nous l'avons trouvée trop forte 5 & fur-tout trop longue-, elle avoir neuf pouces neuf lignes de hauteur, ce qui fait près d'un fixième de la hauteur entière du corps -, au lieu que dans un homme ou une femme bien proportion- nés , la tête ne doit avoir qu'un feptrème & demi de la hauteur totale. Le cou au contraire eft trop court &: trop gros, n'ayant que dix-fept lignes de hauteur & douze pouces trois lignes de circonférence, La longueur des bras eft de deux pieds deux pouces trois lignes-, de l'épaule au coude, onze pouces dix lignes-, du coude au poignet, neuf pouces dix lignes; du poignet à l'extrémité du doigt du milieu , iïx pouces fix lignes , & en totalité les bras font trop longs. Tous les traits de la f?œ font abfolument fembîables à ceux desnégrefles noires*, feulement les oreilles font placées trop haut > le haut du carti- lage de l'oreille s'élevant au-defius de la à VUiJloire Naturelle, 383 hauteur de l'œil , tandis que le bas du lobe ne defcend qu'à la hauteur de la moitié du nez 5 or le bas de l'oreille doit être au niveau du bas du nez , & le haut de l'oreille au niveau du deffus des yeux-, cependant ces oreilles élevées ne paroilfoient pas faire une grande diffor- mité , & elles étoient femblabies , pour la forme & pour répaiilèur, aux oreilles ordinaires : Ceci ne s'accorde donc pas avec ce que dit M. P. que le tilïu de i'oreille de ces blafards, eft plus mince ôc plus membraneux que celui de l'oreille des autres hommes *, il en eft de même de îa conque, elle ne manquoit pas de capa- cité, & le lobe n'étoit pas aïongé ni pei> dant comme il dit. Les lèvres Se îa bou- che, quoique conformées comme dans îes négrefîes noires, paroiffent finguîières par le défaut de couleur j elles font aufîi blanches que le refte de la peau S: fans aucune apparence de rouge j en général , la couleur de îa peau, tant du vifage que du corps de cette négreffe blanche, eft d'un blanc de fuif qu'on n'auroit pas encore épuré, ou, Ci l'on veut, d'un bianc- mar blaferd 8c inanimé ; cependant orj 384 Supplément voyoit une teinte légère d'incarnat fur îes joues lorfqu'elle s'approchoit du feu, ou qu'elle étoit remuée par la honte qu'elle avoit de Te faire voir nue. J'ai auiïï remarqué îur ion vifage quelques petites taches, à peine lenticulaires, de couleur rouffâtre. Les mamelles étoient grofïes, rondes 3 très- fermes & bien placées ; les mamelons d'un rouge allez vermeil ; l'aréole qui environne les mamelons a feize lignes de diamètre, & paroît femée de petits tubercules couleur de chair : cette jeune fille n'avoit point fait d'en- fant , 8c fa maîrrefïè afluroit qu'elle étoit puceile -, elle avoit très-peu de laine aux environs des parties naturelles, & point du tout fous les auTelles , mais fa tête en étoit bien garnie \ cette laine n'avoit guère qu'un pouce & demi de longueur-, elle eft rude, touffue & frifée naturelle- ment, blanche à la racine & rouflârre à l'extrémité, il n'y avoit pas d'autre laine, poil ou duvet fur aucune partie de fon corps. Les fourciîs font à peine marqués par un petit duvet blanc, & les cils font un peu plus apparens : les yeux ont un pouce d'un, angle à l'autre , & la dïftance entre à VHifioire Naturelle. 385 entre les deux yeux efb de quinze lignes, tandis que cet intervalle entre les yeux doit être égal à la grandeur de l'œil. Les yeux font remarquables par un mouvement trcs-iînguiier , les orbites pa- roillent inclinées du coté du nez-, au lieux que, dans la conformation ordinaire, les orbites font plus élevées vers le nez que vers les tempes-, dans cette négreiïè, su contraire , elles étoienc plus élevées du coté des tempes que du côté du nez , 8c le mouvement de fes yeux , que nous allons décrire , fuivoit cette direction in- clinée-, (es paupières n'étoient pas plus amples qu'elles le font ordinairement 5 elle pouvoir les fermer, mais non pasks ouvrir au point de découvrir le deiïus de la prunelle , en forte que le raufcle élé- vateur paroît avoir moins de force dans ces nègres blancs , que dans les autres hommes j aLnfi, les paupières ne font pas clignotantes , mais toujours à demi-fer- mées : le blanc de l'œil eft allez pur , îa pupiie & la prunelle aiïez larges, l'iris eft compofé à l'intérieur autour de îa pu- piie d'un cercle jaune indéterminé} & en- fuite d'un cercle mêlé de jaune & de Tome XL R 3 8 (S Supplément bleu , & enfin d un cercle d'un bleu-foncé, qui forme la circonférence de la prunelle*, en forte que , vus d'un peu loin , les yeux parohîent d'un bleu fombre. Expofée vis-à-vis du grand jour, cette négreile blanche en foutenoît la lumière fans clignotement & fans en être orïenfée , elle relïèrroit feulement l'ouverture de (es paupières, en abaiflant un peu plus celle du dellus. La portée de fa vue étoit fort courte , je m'en fuis allure par des monocles & des lorgnettes -, cependant elle voyoit diftin&ement les plus petits objets en les approchant près de les yeux à trois ou quatre pouces de dtitance*, •comme elle ne fait pas lire , on n'a pas pu en juger plus exactement : cette vue courte eft néanmoins perçante dansiobf- curiré, au point de voir piefque auiïi- bren la nuit que le jour -, mais le trait le plus remarquable dans les yeux de cette né^relfe blanche , efr un mouvement doi- cillacion ou de balancement prompt & continuel , par lequel les deux yeux s'ap- prochent ou s'éloignent régulièrement tous deux etfemble alternativement du côté du nez & du côté des tempes-, on à VHiJloire Naturelle. 3 8 7 peut eftimer à deux ou deux lignes & demie, la différence des efpaces que les yeux parcourent dans ce mouvement , dont la direction efl; un peu inclinéeen def- cendant des tempes vers le nez -, cecte fille n'eft point maîtreflè d'arrêter le mouvement de Tes yeux, même pourun moment, il eft auili prompt que celui du balancier d'une montre, en forte qu'elle doit perdre & retrouver , pour a;n!i dire , à chaque ins- tant, les objets qu'elle regarde J'ai cou- vert fuccefîïvement l'un Se l'autre de (es yeux avec mes doigrs,pour recoanoître s'ils étoieot d'inégale force , elle en avoit un plus foibie-, mais l'inégalité n'étoit pas allez grande pour produire le regard iouche, & j'ai fenri, fous mes doigts, que i'œil fermé 8c couvert , continuait de ba- lancer comme celui qui étoit découvert. Elle a les denrs bren rangées 8c du plus bel émail , l'haleine pure , point de mau- vaife odeur de tranfpiration ni d'huileux fur la peau comme les négreffes noires *, fa peau e(i au contraire trop sèche, épaifïe & dure. Les mains ne font pas mal con- formées , 8c feulement un peu grolfes ; mais elles font couvertes, ainii que le Ri) 388 Supplément poignet & une partie du bras, d'un fi grand nombre de rides , qu' en ne voyant que Tes mains , on les auroit jugées ap- partenir à une vieille décrépite de plus de quatre-vingts ans , les doigts font gros & allez longs , les ongles , quoi- qu'un peu grands , ne (ont pas difformes. Les pieds & la partie balle des jambes font aufli couverts de rides , tandis que les cuiiîes & les felïes préfentent une peau ferme & allez bien tendue. La taille eft même ronde & bien prife, & fi l'on en peut juger par l'habitude entière du corps, cette fille efl très- en état de pro- duire. L'écoulement périodique n'a paru qu'à feize ans > tandis que , dans les né- greffes noires , c'eft ordinairement à neuf, dix & onze ans. On allure qu'avec un nègre noir elle produiroit un nègre pie, tel que celui dont nous donnerons bien- tôt la defcription -, mais on prétend en même temps , qu'avec un nègre blanc qui lui relïembleroit , elle ne produiroit clen , parce qu'en général , les mâles nè- gres biancs ne font pas prolifiques. ' Au refte, les pe donnes auxquelles cette négrede blanche appartient , m'ont §L. FIIZ^Tam. Xl^E£t' M.ZFay. 3 S S. à VHijloire Naturelle. 389 aiïùré que prefque tous les nègres maies & femelles qu'on a tirés de la cote d'Or en Afrique , pour les îles de la Martini- que , de la Guadeloupe & delà Domi- nique , ont produit dans des îies des nè- gres blancs, non pas en grand nombre, mais un fur fix ou fept enfans -, légère & la mère de celle-ci n'ont eu qu'elle de blanche , & tous les autres enfans étoienc noirs. Ces nègres blancs, fur- tout les mâles , ne vivent pas bien long-temps , & la différence la plus ordinaire entre les femelles & les mâles, eu; que ceux-ci ont les yeux rouges & la peau encore plus bhhxde & plus inanimée que les femelles. Nous croyons devoir inférer de cet examen & des faits ci-deiïusexpofés, que ces blafards ne forment point une race réelle , qui , comme celle des nègres & des blancs, puHïe également fe propager , fe multiplier & conferver à perpétuité , par la génération , tous les caractères qui pourroient la diftinguer des autres races ; on doit croire au contraire, avec allez de fondement, que cette variété neft pas fpécifique , mais individuelle, & qu'elle fubit peut-être autant de changemens Riij 3 5>o Supplément qu'elle contient d'individus dirïérens, ©u tout au moins autant que les divers cli- mats ; mais ce ne fera qu'en multipliant les obfetvations qu'or pourra reconnoître les nuances & les limites de ces différen- tes variétés. Au furplus, il paroît aflez certain que îes ncgrffles blanches produifentavec îes nègres noirs , des nègres pies , c'ell- à-dire , marqués de blanc & de noir par grandes taches. Je donne ici (planche II) la fi- gure d'un de ces nègres pies né à Car- thagène en Amérique, & dont le portrait colorié m'a été envoyé par M Taverne , ancien Bourguemeftre & Subdéiégué de Dunkerque , avec les renfeignemens fui- vans , contenus dans une lettre dont voici l'extrait : te Je vous envoie, Monfieur, un por- trait qui s'eft trouvé dans une prife An- gloife , faite dans la dernière guerre, par le Corfaire la Royale j dans lequel j'étois intérefTé. C'efr, celui d'une petite fille dont la couleur eft mi -partie de noir & de blanc, les mains & les pieds font entiè- rement noirs -, la tête i'eft également , à à Vtlijïoire Naturelle. 3 9 1 l'exception du menton , jufq'jes Se com- pris la lèvre inférieure , partie du front y compris , h naiflance des cheveux ou laine au-deflfus font également blancs, avec une tache noire au milieu de la tache blanche : tout le refte du corps , bras , jambes & cuifles font marqués de taches noires plus ou moins grandes , & , fur les grandes taches noires, il s'en trouve de plus petites encore plus noires. On ne peut comparer cet enfant pour la forme des taches qu'aux chevaux gris ou tigrés, le noir & le blanc fe joignent par des teintes imperceptibles , de ia couleur des mulâtres. Je penfe, dit M. Taverne, malgré ce que porte la légende Angloife* ,qui efi: au bas du portrait de cet enfant, qu'il eft provenu de l'union d'un blanc & d'une négrefle, Se que ce n'eft que pourfauver l'honneur de la mère Se de la Société * Au-deffous du portrait de cette Négrefle- pie, on lit l'infeription fuivante : Marie Sabitia, née le 12 Octobre 1736, à Matuna, plantation apparte- nante aux Jéfuites de Carthagène en Amérique, de deux Nègres efdaves, nommés Martiniane & Padrona. R iv 3 9 2- Supplément dent elle étoit efclave, qu'on a dit cet enfant né de parens nègres (l). » Réponfe de M. DE BuFFON. Montbard, le 13 Oftobre 1772. J'ai reçu , Monfieur , le portrait de î'enfant noit & bianc que vous avez eu la bonté dem'envoyer, &j'en ai été allez émerveillé , car je n'en connoîfiois pas d'exemple dans la Nature. On ferôîc d'a- bord porté à croire avec vous;, Monheur, que cet enfant né d'une négrelïe , a eu pour père un blanc , & que de là vient la variété de fes couleurs ; maïslorfqu'on fait réflexion qu'on a mille & millions d'exemples 3 que le mélange du fang nè- gre avec le blanc n'a jamais produit que du brun 5 toujours uniformément répandu , en vient à douter de cette fuppofition , & je crois qu'en effet on feroit moins mal fondé à rapporter l'origine de cet enfant à des nègres dans lefquels il y a (i) Extrait d'une Lettre de M. Taverne. Dun~ hrque, h 10 Septembre 177a* à VHiftoire Naturelle. 393 des individus blancs ou blafards, c'eft-à- dire, d'un blanc tout différent de celui des autres hommes blancs, car ces nègres blancs dont vous avez peut-être entendu parier , Monfieur , & dont j'ai fart quelque mention dans mon livre , ont de la laine au lieu de cheveux , & tous les autres attributs des véritables nègres , à l'excep- tion de la couleur de la peau , & de la ftru&ure des yeux que ces nègres blancs ont très-foibîes. Je penferois donc que fi quelqu'un des afcendans de cet enfant pie étoit un nègre blanc, la couleur a pu reparoître en partie, & fe diirribuer comme nous la voyons fur ce portrait. Réponfe de M. Taverne; Dunkerque, le 29 Oâobre 1772. « Monsieur, l'original du portrait de l'enfant noir & blanc a été trouvé à bord du navire le Chrétien, de Londres, venant de la nouvelle Angleterre pour aller à Londres ; ce navire fut pris en 1746, par le vaifïèau nommé le ComH Rv 394 Supplément de Maurepas , de Dunkerque: commandé par le capitaine François Meyne. L'origine Se la caufe de la bigarrure de la peau de cet enfant, que vous avez la bonté de m'annoncer par la lettre dont vous m'avez honoré , paroifîent très-probables-, un pareil phénomène eft rrès-rare & peut-être unique. Il Ce peut cependant que , dans l'intérieur de l'Afri- que , où il le trouve des nègres noirs & d'autres blancs , le cas y foit plus fréquent. Il me refte néanmoins encore un doute fur ce que vous me faites l'honneur de me marquer à cet égard & malgré mille & millions d'exemples que vous citez , que le mélange du fang nègre avec le blanc , n'a jamais produit que du brun toujours uniformément répandu -, je crois qu'à l'exemple des quadrupèdes , les hommes peuvent naître , par le mélange des individus noirs & blancs , tantôt bruns comme font les mulâtres , tantôt tigrés à petites taches noires ou blanchâtres, & tantôt pies à grandes taches ou bandes comme il eft arrivé à l'enfant ci-deflus -, ce que nous voyons arriver par le me- à VHijloire Naturelle. 395 lange des races noires & blanches, parmi les chevaux, les vaches, brebis, porcs, chiens , chats , lapins , &c. pourroit éga- lement arriver parmi les hommes -, il efl même furprenant que cela n'arrive pas plus fouvent. La laine noire dont la tête de cet enfant eft garnie fur la peau noire, & les cheveux blancs qui naitfent fur les parties blanches de fon front, font préfu- mer que les parties noires proviennent d'un fang nègre , & les parties blanche* d'un fang blanc, &c. *> S'il étoit toujours vrai que la peau blanche fît naître des cheveux , & que la peau noire produisît de la laine , on pourroit croire en effet que ces nègres près proviennent du mélange d'une né* greile & d'un blanc *, mais nous ne pou- vons favoir par i'infpection du portrait s s'il y a en effet des cheveux fur les par- ties blanches & de la laine fur les parties noires , il y a au contraire toute appa- rence que les unes & les autres de ces parties font couvertes de laine -, ainfî , je fuis perfuadé que cet enfant pie doit (a naiilance à un père nègre noir & à une Rvj 3Ço ' Supplément mère négrefle blanche. Je le foupçonnoif en 1772, lorfque J'ai écrit à M. Taverne» & j'en fuis maintenant prefque allure par les informations que j'ai laites à ce fu;er. Dans îes animaux , la chaleur du climat change la laine en poil. On peut citer pour exemple les brebis du Sénégal, les bifons ou bœufs à bofiè, qui font cou- verts de laine dans les contrées froides ? & qui prennent du poil rude , comme celui de nos bœufs , dans les climats chauds , &c. Mars il arrive tout le con- traire dans refpècehumaine, les cheveux ne deviennent laineux que fur les nè- gres , ceft-à-dire, dans les contrées les plus chaudes de la terre , où, tous les ani- maux perdent leur laine. On prétend que , parmi- îes blafards des diiférens climats , les uns ont de la laine \ les autres des cheveux , & que d'autres n'ont ni laine ni cheveux, mais un (impie duvet ; que les uns ont l'iris des veux rouge , & d'autres d'un bleu foible*, que tous en général font moins vifs , moins forts & plus petits que les autres hommes 5 de quelque couleur qu'ils foient l Pi ITpay ■ 3g S- à l'Hiftoire Naturelle. 397 que quelques-uns de ces blafards ont le corps & les membres allez bien propor- tionnés *, que d'autres paroiifent difformes par la longueur des bras, Se fur-tout par les pieds 8c par les mains dont les doigts font trop gros ou trop courts*, toutes ces différences rapportées par les Voyageurs, paroifïènt indiquer qu'il y a des blafards de bien des efpèces , 8c qu'en général cette dégénération ne vient pas d'un type de nature, d'une empreinte particulière qui doive fe propager fans altération 8c former une race confiante, mais plutôt d'une déforganifation de la peau plus commune dans les pays chauds qu'elle ne l'eft ailleurs -, car les nuances du blanc au blafard, fe reconnoiflent dans les pays tempérés 8c même froids. Le blanc -mac 8c fade des blafards , fe trouve dans plu- sieurs individus de tous les climats *, il y a même en France plusieurs perfonnes des deux fexes dont la peau eft de ce blanc inanimé -, cette forte de peau ne produit jamais que des cheveux 8c des poils blancs ou jaunes. Ces blafards de notre Europe , ont ordinairement la vue foible y le tour des yeux rouge , l'iris 3 9 S Supplément bleu , la peau parfemée de taches grandes comme des lentilles, non-feulementfurîe vifage , mais même fur le corps , & cela me confirme encore dans l'idée que les blafards en général ne doivent erre re- gardés que comme des individus plus ou moins difgraciés de la Nature , dont le vice principal réfide dans la texture de la peau. Nous allons donner des exemples de ce que peut produire cette déforganifa- tion de la peau ; on a vu en Angleterre un homme auquel on avoit donné le fur- nom de porc -épie ; il eft né en 17 10 dans la province de SurTolk. Toute la peau de fon corps étoit chargée de petites excroiftànces ou verrues en forme de pi- quans gros comme une ficelle; Le vifage , la paume des mains , la plante des pieds étoient les feules parties qui n'eu lient pas de piquans -, ils étoient d'un brun rou- geâtre & en même -temps durs & élaitr- ques, au point de faire du bruit Iorfqu'on palïoit la main deifus-, ils avoient un demi- pouce de longueur dans de certains en- droits & moins dans d'autres 5 ces ex- croïffances ou piquans n'ont paru que deux à l'Hijhire Naturelle. 399 mois après fa naiilance *, ce qu'il y avoit encore de (îngulier , c'eft que ces verrues tomboient chaque hiver pour renaîrre au printemps. Cet homme au refte fe por- toit très-bien -, il a eu fîx enfans , qui tous fix ont été comme leur père couvetts de ces mêmes excroifîances. On peut voir la main d'un de ces enfans gravée dans les Glanures de M. Edwards -, planche 2T2 ; & la main du père dans les Tranfactions philo fophiqu es , volume XLIX _, page 2 1 '. Nous donnons ici (planches III & IV ) 3 ïa figure d'un enfant que j'ai fait deiïiner fous mes yeux , & qui a été vu de tout Paris dans l'année 1774. C'étoit une petite fille nommée Anne- Marie Hérig _> née le 1 r novembre 1770 à Dackftul, comté de ce nom, dans la Lor- raine-allemande à fept lieues de Trêves*, fon père, fa mère , ni aucun de fes pa- reils n'avoient détaches fur La peau, au rapport d'un oncle & d'une tante qui la conduiforent : cette petite fille avoit néan- moins tout le corps, le vifage &les mem- bres parfemés & couverts en beaucoup d'endroits de taches plus ou moins gran- des , dont la plupart étoient furmontées 400 Supplément d'un poil femblable à du poil de veau % quelques autres endroits éroienc couverts d'un poil plus court femblable à du poil de chevreuil \ ces taches étoient toutes de couleur fauve , chair Se poil j il y avoir aufïi des taches fans poil , 8c la peau dans ces endroits nus , reiTembloit à du cuir tanné ; telles étoient les petites taches rondes & autres , groffes comme des mouches que cet enfant avoit aux bras, aux jambes , fur le vifage & fur quel- ques endroits du corps : les taches velues étoient bien plus grandes -, il y en avoit fur les jambes , les cuirTes , les bras & fur le front : ces taches couvertes de beaucoup de poil étoient proéminentes , ceft-à-dire, un peu élevées au-deflfus de la peau nue. Au refte , cette petite fille étoît d'une figure très-agréable, elle avoir de fort beaux yeux , quoique furmontés de fourciîs très extraordinaires , car ils étoient mêlés de poils humains & de poil de chevreuil, la bouche petite > la phy- ilonomie gaie, les cheveux bruns. Elle n'étoit âgée que de trois ans & demi lorfque je l'obfervai au mois de Juin 1774 , & e-*e âVOlï deux pieds fept Torn-rm^-T^xi."^ PI. UTpa^ .4.00' Ta.Fm.^-Tom,.*!*'**- PI- Tf , f)ag ■ 4.1 > Orl k-/?j zrotiti/otv à VHiJloire Naturelle. 401 pouces de hauteur , ce qui eft la taille or- dinaire des filles de cet âge , feulement elle avoir le ventre un peu plus gros que les autres enfans , elle étoit très - vive & fe portoit à merveille , mais mieux en hiver qu'en été-, car la chaleur l'incom- modoit beaucoup , parce qu'indépendam- ment des taches que nous venons de dé- crire , & dont le poil lui échaurfoit la peau , elle avoit encore l'eftomac & le ventre couverts d'un poil clair a (îez long, d'une couleur fauve du côté droit, & un peu moins foncée du côté gauche *, & (on dos fembîoit être couvert d'une tunique de peau velue, qui n'étoit adhérente au corps que dans quelques endroits, Se qui éroit formée par un grand nombre de petices loupes ou tubercules très-voilîns les uns des autres , lefquelsprenoientfous les aifïelles & luicouvroient toute la par- tie du dos jufque fur les reins. Ces es- pèces de loupes ou excroiiïances d'une peau qui étoït, pour ainfi dire, étrangère au cotps de cet entant, ne lui faifoient aucun : lors même qu'on les pinç éroient de formes diffè- re itei coi tes couvertes de poil fur ua 4 o h Supplément euir grenu & ridé dans quelques endroits. Il partoit de ces rides , des poils bruns aflez clair-femés , & les intervalles entre chacune des excroiflances étoîent garnis d'un poil brun plus long que l'autre : enfin le bas des reins Se le haut des épaules , étoient furmontés d'un poil de plus de deux pouces de longueur : ces deux endroits du corps étoient les plus remarquables par la couleur 8e la quan- tité du poil j car celui du haut des fe (Tes , des épaules & de l'eftomac étoit plus court Se relïembloit à du poil de veau fin & foyeux, tandis que les longs £oils du bas des reins Se du deffus des épaules étoient rudes Se fort bruns : l'intérieur des cuiflfes , le deffous des feflTes & les parties naturelles étoient absolument fans poil Se d'une chair très -blanche, très- délicate 3 Se très -fraîche. Toutes les parties du corps qui n'étoient pas tachées , préfentoient de même une peau très-fine Se même plus belle que celle des autres enfans. Les cheveux étoient châtains bruns Se fins. Le vifage 5 quoique fort taché , ne lailïbit pas de paroîrre agréable par la régularité des traits Se par la blancheur de la peau. à VHifloire Naturelle. 403 Ce n'étoit qu'avec répugnance que cet enfant fe Iaifîort habiller-, tous les vête- mens lui étant incommodes par la grande chaleur qu'ils donnoient à Ton petit corps déjà vêtu par la Nature : auffi n'étoit-il nullement fenfibïe au froid. A l'occafion du porttait & de la def~ cription de cette petite fille , des per- fonnes dignes de foi m'ont afïiiré avoir vu à Bar une femme qui , depuis les cla- vicules jufqu'aux genoux , eft entièrement couverte d'un poil de veau fauve & tourna : cette femme a au (îi plu fleurs poils femés fur le vifage , mais on n'a pu m'en donner une meilleure defcription. Nous avons vu à Paris, dans l'année 1774,^1 Rude , dont le front & tout le vifage étoient couverts d'un poil noir comme la barbe & fes cheveux. J'ai dit qu'on trouve de ces hommes à face velue à Yeco & y dans quelques autres endroits ; mais , comme ils font en petit nombre, on doit préfumer que ce n'eft point une race par- ticulière ou variété confiante , & que ces hommes à face velue , ne font , comme les blafards , que des individus dont la peau eft organifée différemment de celle 4©4 Supplément des autres hommes -, car îe poil 8c îa couleur peuvent être regardés comme des qualités accidentelles produites par des circonftances particulières, que d'au- tres circonftances particulières & fouvent ii légères qu'on ne les devine pas , peuvent néanmoins faire varier & même changer du tout au tout. Mais , pour en revenir aux nègres , l'on fait que certaines maladies leur donnent communément une couleur jaune ou pale, & quelquefois prefqne blanche : leurs brûlures & leurs cicatrices refient même allez long-temps blanches •, les marques de leur petite vérole font d'abord jau- nâtres , & elles ne deviennent noires comme le refte de îa peau , que beau- coup de temps après. Les nègres en vieil- li (Tant perdent une partie de leur couleur noire , ils pâihTent ou jaunirent, leur tête & leur barbe grifonnent -, M. Schreber (m) prétend qu'on a trouvé parmi eux plufieurs hommes tachetés , & que même en Afri- que les mulâtres font quelquefois marqués (m) Hiftoire Naturelle des Quadrupèdes t par M. Schreber. Erlang, 1775, tome I, /«-4.0 à VHifloire Naturelle. 40 j de blanc , de brun & de jaune j enfin, que parmi ceux qui font bruns , on en voit quelques-uns qui, fur un fond de cette couleur, font marqués de taches blanches *, ce font là , dit-il , les véritables chacrelas auxquels la couleur a fait donner ce nom par la reilembiance qu'ils ont avec l'infecte du même nom*, il ajoute qu'on a vu aufîi à Toboîsk , & dans d'au- tres contrées de la Sibérie, des hommes marquetés de brun & dont les taches étoient d'une peau rude , tandis que le refte de la peau qui étoit blanche , étoit fine 8c très - douce. Un de ces hommes de Sibérie avoit même les cheveux blancs d'un côté de la tête , 8c de l'autre côté ils étoient noirs , 8c on prétend qu'ils font îes relies d'une nation qui portoit le nom de Plegaga ou Pieflra-Harda j la horde bariolée ou tigrée. Nous croyons qu'on peut rapporter ees hommes tachés de Sibétie , à l'exemple que nous venons de donner de la petite fille à poil de chevreuil *, 8c nous ajou- tons à celui des nègres qui perdent leur couleur , un fait bien certain p 8c qui 406 Supplément prouve que, dans de certaines circons- tances, la couleur des nègres peut chan- ger du noir au blanc. « La nommée Françolfc (négreffe) curiînière du Colonel Barnet , née en Virginie , âgée d'environ quarante ans , d'une très-bonne fanté , d'une conftitution forte & robufte , a eu originairement la peau toute aulîi noire que l'Africain le plus brûlé *, mais , dès l'âge de quinze ans environ , elle s'eft aperçue que les parties de fa peau qui avoilinent les ongles & les doigts, devenoient blanches. Peu de temps après, le tour de fa bouche fubit le même changement, &le blanc a depuis continué à s'étendre fur le corps , en forte que toutes les parties de fa furface fe font retiennes plus ou moins de cette altéra- tion furprenante. Dans Tétat préfent , fur les quatre cin- quièmes environ de la furface du corps , la peau eft blanche, douce & tranfparente comme celle d'une belle Européenne , & lailïe voir agréablement les ramifica- tions des vaifleaux fanguins qui font à VHifioire Naturelle. 407 deftbus. Les parties qui font reliées noires, perdent journellement leur noirceur-, en forte qu'il eft vraifemblable qu'un petit nombre d'années amènera un change- ment total. Le cou &îe dos le long des vertèbres, ont plus confervé de leur ancienne cou- leur que tout le refte , & femblent en- core , par quelques taches , rendre té- moignage de leur état primitif. La tête, îa face , la poitrine 5 le ventre , les cuifles , les jambes & les bras , ont prefque entiè- rement acquis la couleur blanche \ les parties naturelles & les ai (Telles ne font pas d'une couleur uniforme , & la peau de ces parties eft couverte de poil blanc (laine) où elle eft blanche , & de poil noir où elle eft noire. Toutes les fois qu'on a excité en elle des paflîons , telles que la colère , la honte , &c. on a vu fur-le-champ fou vifage & fa poitrine s'enflammer de rou- geur. Pareillement , lorfque ces endroits du corps ont été expofés à l'action du feu , on y a vu paroître quelques marques de rouffeur. 4c8 Supplément Cette femme n'a jamais été dans le cas de fe plaindre d'une douleur qui aie duré vingt-quatre heures de fuite j feule- ment eile a eu une couche il y a environ dix-fept ans. Elle ne fe fouvient pas que fes règles aient jamais été fupprimées , hors le temps de fa groflëfle. Jamais elle n'a été fujette à aucune maladie de ia peau , & n'a u(é d'aucun médicament ap- pliqué à Texte rieur , auquel on puiiïe at- tribuer ce changement de couleur. Comme on fait que, par la brûlure, la peau des nègres devient blanche , 6c que cette femme efl: tous les jours occupée aux travaux de la cuiiine , on pourroir peut- être fuppofer que ce changement de couleur auroit été l'effet de la chaleur -, mais il n'y a pas moyen de fe prêter à cette fuppoiition dans ce cas-ci, puifque cette femme a toujours été hien habillée > Se que le changement eft auffi remar- quable dans les parties qui font à l'abri de l'action du feu, que dans celles qui y font les plus expolées. La peau coniidérée comme émonclorre, paroi: remplir toutes fes fondions auiîi parfaitement à PHijhire Naturelle. 409 parfaitement qu'il eft podible , puifque la fueur traverfe indifféremment avec la plus grande liberté les parties noires 6c les parties blanches (n £ » Mais s'il y a des exemples de femmes ou d'hommes. noirs devenus blancs, je ne fâche pas qu'il y en ait d'hommes blancs devenus noirs*, ia couleur la plus confiante dans l'efpèce humaine eft donc le blanc» que le froid excelîîf des climats du poîe change en gris-obfcur, & que la chaleur trop forte de quelques endroits de la zone torride change en noir-, les nuances inter- médiaires, c'eft-à-dire , les teintes de ba- fané, de jaune, de rouge, d'olive ce de brun, dépendent des différentes tempéra- tures & des autres circonftançes locales de chaque contrée -, l'on ne peut donc at- tribuer qu'a ces mêmes caufes la diFé- rence dans la couleur des yeux & des cheveu:-:, fur laquelle néanmoins il y a beaucoup pîus d'uniformité que dans la couleur de ia peau : car prefque tous les hommes de l'Aile, de l'Afrique & de (n) Extrait d'une lettre de M.re Jacques Pare à M. Alexandre Wiiiiamfofl, en date du %6 hm i"/iJo. Journal étranger y nwis d'août 1760. Tome XL S 4ro Supplément l'Amérique ont les cheveux noirs ou bruns -, & , parmi les Européens , il y a peut-être encore beaucoup plus de bruns que de blonds, lefquels font auffi pres- que les feuls qui aient les yeux bleus. Sur les Monfires. A ces variétés, tant fpécifiques qu'in- dividuelles, dans l'efpèce humaine, on pourtôit ajouter les monftruoînés -, mais nous ne traitons que des faits ordinaires de la Mature Se non des accidens, néan- moins nous devons dire qu'on peut ré- duire en trois clartés tous les monftres poffibles -, îa première, eft celle des monf- tres par excès, la féconde des monftres par défaut, & la troilïeme de ceux qui le font par le renverfement ou la faufle po- iition des parties. Dans le grand nombre d'exemples qu'on a recueillis des dirié- rens monftres de l'efpèce humaine, nous n'en citerons ici qu'un feul de chacune de ces trois claiTes. Dans la première, qui comprend tous les monftres par excès, il n y en a pas de plus frappans que ceux qui ont un dou- ble corps & forment deux perfonnes. Le $6 octobre 1701, il eft né à Tzoni, en à PHifioire Naturelle. 411 Hongrie, deux filles qui tenoient enfera- ble par les reins (voye^ planche V ') ; elles ont vécu vingt - un ans ; à i âge de fept ans , on les amena en Hoilande , en Angleterre , en France , en Italie , en Ruiïïe & prefque dans toute l'Europe; âgées de neuf ans , un bon Prêtre les acheta pour les mettre au couvent à Féterfbourg , où elles font reftées jufqu'à l'âge de vingt - un ans, c'eft - à - dire , jufqu'à leur mort qui arriva le 2$ février 1 723. M. Juftus- Joannes Tortos , Docleur en médecine, a donné à la Société royale de Londres, le 3 juillet 1757, une hif- roire détaillée de ces jumelles, qu'il avoir, trouvée dans les papiers de fon beau- père , Cari. Rayger, qui étoit le Chirur- gien ordinaire du couvent où elles étoient. L'une de ces jumelles fe nommoit Hélène , & l'autre Judith ; dans l'accou- chement, Hélène parut d'abord jufqu'au nombril , & trois heures après on tira les jambes, & avec elle parut Judith. Hélène devint grande & étoit fort adroite , Judith fut plus petite & un peu bofïùe ', elles étoient attachées par les reins , & pour fe voir, elles ne pouvoient tourner que la tête. Il n'y avoit qu'un anus com* Si) 4 ï 2 Supplément m un *, à les voir chacune pardevant loriqu'elles étoient arrêtées, on ne voyoit rien de différent des autres femmes. Comme l'anus étoir commun , il n'y avoir qu'un même befoin pour aller à îa felie , mais pour le paffage des urines, cela étoir différent, chacune avoir fes De- foins , ce qui leur occafionnoiç de fré- qnentes querelles , parce que quand le befoin prenoit à la pins fo'ihle , & que l'autre ne voulcit pas s'arrêter 5 celle-ci Temportoit malgré elle -, pour tout le rede elles s'accordoient , car elles pa- roiflbient s'aimer tendrement-, à (ix ans, Judith devint perdue du côté gauche, & quoique par la fuite elle parût guérie, il lui refëa toujours une imprellion de ce mal , & l'efprit lourd & foible. Au con- traire 5 Hélène étoir belle & gaie , elle avoit de l'intelligence 6c même de îef- prit. Elles ont eu en même-temps la petiie vérole ce la rougeole •, mais toutes leurs autres maladies ou indifpoiitions leur ar- rivorenr féparément, car Judith étoir fu- jetre à une toux &: à la fièvre, au lieu que Hélène étoit d'une bonne fanté *, à feize ans, leurs règles parurent prefqu'en même temps , & ont toujours continué de pa-ç roître féparément à chacune. Comme elles a VHiJloire Naturelle. 4 î 3 âpprochoient de vingt-deux ans , Judith prit la fièvre, tomba en létargie & mou- rut le 2 $ de février -, la pauvre Hélène fuc obligée de fuivre Ton fort *, trois minutes avant la mort de Judith , elle tomba en agonie & mourut prefque en même temps. En les difféquant, on a trouvé qu'elles avoient chacune leurs entrailles bien en- tières , & même que chacune avoir un conduit féparé pour les excrémens , le- quel néanmoins aboutidoit au même anus (0). Les mohftres par défaut font moins communs que les monftres par excès ', nous ne pouvons guère en donner un exemple plus remarquable que celui de l'enfant que nous avons fait repréienter {planche VI) d'après une tête en cire qui a été faite par M.lle Biberon , dont 011 cohnoît le grand talent pour le deiTin 8c la repréfentation des fujets anatomiques. Cette tête appattient à M. Dubourg , habile Naturalifte & Médecin de la Fa- culté de Paris -, elle a été modelée d'après un enfant femelle qui eft venu au monde vivant au moisd'oàobre 1766, mais qui n'a vécu que quelques heures. Je n'en (0) Linn. Syjt. Nat. édition allemande, tome I. S iij 4 1 4 Supplément donnerai pas la defcription détaillée, parce qu'elle a été inférée dans les Journaux de ce temps , & particulièrement dans le Mercure de France. Enfin dans la troisième clâfle , qui con- tient les monftres par renverfement ou fauiïe pofîtion des parties , les exemples font encore plus rares, parce que cetre efpèce de monftruofité étant intérieure , ne fe découvre que dans les cadavres qu'on ouvre. a M. M éry fit, en 1688 , dans l'Hôtel royal des Invalides , l'ouverture du ca- davre d'un foldat qui étoit âgé de ioixante- douze ans s & il y trouva généralement toutes les parties internes de la poitrine & du bas-ventre fituées à contre -fens ; celles qui, dans l'ordre commun de la Na- ture , occupent le côté droit , étant fituées au côté gauche, & celles du côcé gauche, l'étant au droit -, le cœur étoit tranfver- faïement dans la poitrine , fa bafe tour- née du côté gauche, occupoit juftement îe milieu , tout fon corps & fa pointe s'a- vançant dans le côté droit.. .. La grande oreillette & la veine- cave étoient placées à la gauche & occupoient auffi le même coté dans le bas- ventre jufqu'à l'os facrum.... àVEiftoirc Naturelle. 415 Le poumon droit n'étoit divifé qu'en deux lobes , & le gauche en trois.^ Le foie étoit placé au coté gauche de l'eftomac -, Ton grand lobe occupant en- tièrement i'hypocondre de ce côté-là La rate étoit placée dans I'hypocondre droit j & le pancréas Te porcoit tranfver- falement de droite à gauche au duo- dénum fpj. » M. Winflow cite deux autres exemples d une pareille tranfpofition de vifcères -, la première obfervée en 1 650 , & rapportée parRiolan ( q) ; la féconde obfervée en 1657 , fur le cadavre du fieur Audran , CommifTaire du Régiment des Gardes à Paris (r); ces renverfemens ou tranlpo- fitions font peut-être plus fréquens qu'on ne l'imagine -, mais , comme ils font inte- rieurs, on ne peut les remarquer que par hafard : je penfe néanmoins qu'il en exifte quelque indication au-dehors-, par exem- ple , les hommes qui naturellement fe (p) Mémoires de l'Académie des Sciences, année i733,/>ag« 374 & 3-75- (q) Difquifitio de tranfpofitione partium natura- lium & vitalium in corpore humano. < (r) Journal de Dum Pierre de Saint - Romual. Paris* l66lé S iv 4 i 6 Supplément y &C, fervent de îa main gauche de préférence à la main droite , pourroient bien avoir ïes vifcères renverfés, ou du moins ie poumon gauche plus grand & compofé de plus de lobes que le poumon droit y car c'efb rétendue plus grande & la fu- périoriré de force dans le poumon droit, qui enï îa caufe de ce que nousnous fer- vons de la main, du bras & de h. jambe droites de préférence à la main ou à la jambe gauche. Nous finirons par obferver que quel- ques Anatomiftes préoccupés du fyftème des germes préexiilans , ont cru de bonne foi qu'il y avoir auffi des germes monf- trueux préexiftans comme les autres ger- mes, & que Dieu avoir créé ces germes monftrueux dès le commencement-, mais n'eft-ce pas ajouter une abfurdiré ridicule & indigne du Créateur , à un fy (terne mal conçu que nous avons atîez réfuté , vo- lume IV \ & qui ne peut être adopté ni foutenu dès qu'on prend la peine de l'examiner ? F I N du onzième Volume. PL. r-Fa^. 5 S: 3>e> J*eve- dr/ V.R.uawe Tai-Meu JY«£. Whwv. PUT. ^ Tcrrv.XI. PLVI.pay. 5 8 z De Jïve <&/■ Il ■■ uui— — — ■ TABLE Des Matières contenues dans les deux Volumes. Abstraction. Difficultés que les abftrac- tions produifent dans les Sciences, Volume X, page 199. . . Utilité de ces mêmes abftractions. Ibid. 203 cV [lavantes. Abyssins. Leur manière d'écrire eft plus lente que celle des Arabes. Vol. X i , 276. . . Il fe vend tous les ans à Moka 9 8c dans les autres ports de Y Arabie , plus de quatre miiie jeunes filles Abyf- fines , toutes deftinées pour les Turcs ; elles ont néanmoins la peau bafanée. Ibid. 266. Accroissement. Table de l'accroifiement fuc* ceiTif d'un jeune homme, depuis le moment de la naiifance jufqu'à l'âge de prts de dix-huit ans. Vol. XI , 84 kf fuivantes. . . L'accroiiïement du corps humain fe fait plus promptement en été qu'en hiver, fur-tout depuis l'âge de cinq ans. Ibid. 92. . . . Exemples d'accroilTement très- prompt dans quelques enfans, Ibid. & fuivantes. . Age de puberté. Voyei Puberté. Albinos , nom que l'on donne aux bïàfardi ou S v ij Table nègres blancs dans ï'Ifthme d'Amérique. Vol, %.if page 374. Amer iCâins. Difcuffion au fujet des Américains. Vol. XI, 324. . . Critique des opinions de M. P. à ce fujet. Ibid. 325 & fu'wanus. . . . Réfuta- tion par ïes faits des opinions de M. P. fur les Américains. Ibid. Amérique. L'imperfection de nature que M. P. reproche gratuitement à l'Amérique en général y rie doit porter que fur les animaux de la par- tie méridionale de ce continent . lefqueis fe font trouvés bien plus petits & tous différens de ceux des parties méridionales de l'ancien conti- nent... Parties de ce continent dans iefquelîes les hommes fe font trouvés moins robultes que les- Européens; cauies de cette différence Vol. XI, 330. . . En général , tous les habitans de l'Amé- rique feptentrionale , & ceux des terres é'evées dans la partie méridionale, telles que le Mexi- que, le Pérou, le Chili, &ç. étoient peut-être jnoins agiffans, mais wi& robuftes que les Euro- péens. Ibid. 332. Amérique. Découverte des côtes occidentales au-delà de la Caiif< nord. Vol. XI, 334. Ancienneté de l'opinion de Pexiflence des Pygmées. Voyz\ PygmÉes. A n 1 m a u x (les) paroiffcnt aimer la mulîque. Voyt\ Musique. Arabes. Kaye* Bédouins. ARABES. Defcriptioïi ces Arabes & de pîufieurs au-delà de la Californie , en montant vers le uns Ma t i èrus. iij de leurs ufages. Volume X 1 , 260 & fui van tes. . « Les Arabes font tous pafteurs, & n'ont point de travail fuivi ; néanmoins ils fouffrent la chaleur, la faim & la foif mieux que tous les autres hom- mes. Ibid. 161 . Argent. Eftimation Je la valeur de l'argent. Dans le moral , ii ne doit pas être eftimé par fa quantité , mais par les avantages qui en réfultent. Vol. X, 104. . . Eftimation de la valeur de l'ar- gent pour le pauvre & pour le riche. Ibid. 106... La manière dont les Mathématiciens ont confî- déré l'argent lorfqu'ils ont calculé les jeux de hafard doit être rectifiée ; exemple à ce fujet. Ibid. 107. . . . La quantité de l'argent, pafTé de certaines bornes, ne peut plus augmenter le bonheur de l'homme. Ibid. 118. . . Propor- tion de la valeur de l'argent, relativement aux avantages qui en réfultent. Ibid. 129 cV fuivantes.. L'Avare & le Mathématicien eftimentteus deux i'argent par fa quantité numérique, correction de cette faune eftimation. Ibid. 131. Australes. Notice fur les terres Auftraïes, par Gonneviile. Vol. XI, 360 . . ParFernand de Quiros. Ibid. 361. . . Par Abel Ta'man. Ibid. 362. . . . Par le capitaine C 00k. Ibid. cf fuiv. Aveugles. Voyei Égyptiens aveugles. B Balances de toutes efpèces. Volume X, 211 & faisantes* Barbarie. Les femmes qui habitent les villes iv Table de Barbarie font d'un blanc de marbre, qui franche trop avec ïe rouge vif de leurs joues. Volume XI, 268. Barbarins ou Barberins. Difcuffion criti- que à ce iujet. Vol. X 1 , 274. Bédouins. Les Arabes - Bédouins onc confervé leur liberté & leurs ufages anciens. ... Ils ont l'odorat très-fin, ne veulent point habiter dans les villes . . Leurs mœurs, leurs coutumes, &c. Jbid. 262. ... Le nombre de ces Arabes éta- blis dans le défert, peut monter a deux millions. Ibid. 264. Blafards. Voyei Hommes-Blafards. B L É ergoté. Vol. XI , 21. Borandiens, habitans du pays de Boranda, maintenant appelé Pctiora. Difeuffions géogra- phiques & critiques. Vol. XI, 214 b' fuiv. VxALMOUQUIîs. Voyt\ Tartar.es. Cercle. Voyei Quadrature du Cercle. Certitude. Voyei Vérités. Certitudes. La certitude phyfique , c'eft-à- drre, la certitude de toutes la plus certaine , n'efl néanmoins qu'une probabilité plus grande qu'au- cune autre probabilité. Vol. X , 70. . . Différence de la certitude morale & de ia certitude phyii- que. Ibid. 73. — Eftimation précife de la certi- tude phyfique. Ibid. 85. . . . Eitimation de la des Ma t I è RE s. V certitude morale. Volume X, 78 & fuivantes. . , I a certitude morale peut être regardée comme telle toutes les fois que la probabilité eft au- defius de dix mille. . . . Comparaifon de l'éva- luation de la certitude morale à la certitude phy- fîque. Ibid. 85 & Juif. Chaleur. L'homme peut foutenir , pendant quelque temps, un degré de chaleur fort au- deflus de la chaleur propre de fon corps; expé- rience à ce fujet. Vol. XI, 198 cV fuivantes. L'homme eft plus capable que la plupart des animaux de notre climat de fupporter un très- grand degré de chaleur. Ibid. 101. Chaleur discaux thermales. On trouve dans les eaux thermales , même les plus chaudes j des plan- tes, des infectes, & même des poiffons. Vol. XI, 203. . . . Exemple à ce fujet. Ibid. Cheval. Vieiiieffe d'un cheval. Voyez Vieillesse. Cicatricule. On doit comparer la cicatricule dans l'œuf des femelles ovipares aux corps glan- duleux des tefticules des femelles vivipares. . . . L'œuf 11 'eft qu'une matrice ; différence de cette matrice avec ceiie des vivipares. Vol. XI, n & 13. Climats. Ce que l'on doit entendre par cli- mats. Vol. XI, 374. CONNOISSANCES. L'expérience eft la bafe de nos connoiflances, & l'analogie en eft le pre- mier iriftrument Toutes deux péuyent nous donner des certitudes à-peu -près égales, Vol. X,74. vj Table Continence. La continence force'e produit quelquefois de grands maux, & particulièrement i'épilepfie ; exemple frappant à ce fujet. Volume Xl, ioojufqu'à 113 Effets de ia continence forcée dans les animaux. Jbid. 113 & fuivantes EHe ne fait aucun mai dès qu'on a paiïé Page de cinquante - cinq ou foixante ans. Ibid. 114. Continens. L'ancien & ïe nouveau Conti- nent font vraifemblablement contigus vers ie nord, du côté de l'Alie. Vol. XI, 339. Continent de ïa nouvelle Hollande. Voyez Hollande, Convenances. Le fentiment des convenances doit régner dans tout Écrit. Vol. X, 52. Corps glanduleux. Voyt\ Glan- duleux. Corps cV Maillot. Voyez Maillot. Courbes. Loix & propriétés des courbes. Ibid, 184. Courbes géométriques & Courbes méca- niques. Ibid. 1%$. D Danois. Établiiïemens des Danois fur les côtes occidentales de îa Lapponie , jusqu'au foixante-onzième & foixante - douzième degré. Vol. XI, 242. DÉriNiTiON du nombre. Voyez Nombre, v e s Matières, vij Description de l'à-e de la puberté. Voye* Puberté. Description des Groënîandois. Voyez Groenl«ndois. Désorganisation de la peau. VoyeZVBAV. Doute. Le doute eft toujours en raifon inverfe de la probabilité. Volume X , 80. Eaux thermales. VoyeZ Chaleur des eaux thermales. Échelles arithmétiques ; leur fondement & leur comparait. Ko/. X, ,64, ■ • formule générale de toutes les échelles arithmétiques. ibid. 173. Échelles logarithmiques. Vol X, 179- Écrire. Art d'écrire; principales règles de Fart d'écrire. Vol. X, \i & fuiv. Effets. Raifons pourquoi les effets naturels ne nous paroiffent pas être des merveilles Vol. x 9 72. . . . Deux manières de confidérer les effets naturels, llid. 73. EGYPTE. Ce n'eft que depuis très-peu d'années que les maifons de libertinage établies pour le fervice des Voyageurs ont été fupprimees. Vol. XI, 269. égyptiens (les) font beaucoup plus mélanco- liques & d'une humeur plus fombre que ies viij Table Arabes. Volume XI, 265. H y a une grande différence entre la taille des hommes, qui com- munément font grands & fluets , & celle des femmes, qui généralement font courtes & tra- pues ; raifon de cette différence. Ibid. 270, 271. Egyptiens aveugles. Il y a jufqu'à vingt - cinq mille aveugles dans les hôpitaux de la feule ville du Caire. Vol. XI, 270. Éloge. Utilité & abus de l'éloge. Vol X, 39 & fui van tes. Éloquence ; deux genres d'éloquence ; leur comparaifon. Vol. X, 3 & 4. Embryon. Obfervation fur l'embryon d'une négrene. Vol. X 1 , 7 1 & fuiv. Enfance. Comparaifon de ce qui arrive dans l'enfance & dans la vieillerie , relativement aux organes de la génération. Vol. Xf, 114. E N F a N s. Précaution à prendre lorfqu'on eft obligé de couper le filet de la langue aux en- fans. Vol. XI, 81. Erreurs. La plupart de nos erreurs viennent de la réalté que nous donnons à nos idées d'abf- tradion. Vol. X , 157. ESPÈCE humaine. Dans l'efpèce humaine la fé- condité dépend de l'abondance , & la difette produit la ftériiité. Démo nidation de cette vé- rité. Vol. X, 507. Estimation de la valeur de l'argent. Voye\ Argent. des Ma ti e RE s. ix Etres organifés qui n'ont pas ïa puiffance de produire leurs fembiables. Volumt XI, 27 & fui vantes. L Éc ONDITÉ dans I'efpèce humaine. Voye\ ESPÈCE humaine. FÉCONDITÉ à Londres. Voye\ LONDRES. Femmes. Plus {es climats font chauds & plus la production des femmes eft précoce , comme toutes les autres productions de la Nature. Vol. XI, 22$. FEMMES de Barbarie. Voye\ BARBARIE. Femmes & Hommes. Voyei Homme* cY Femmes. Filles& Garçons. Voyez Garçons cY Filles. FlLET des en fans. Voye\ En F AN S. Finnois. Les anciens Finnois & Finîandois ou Finnois d'aujourd'hui , forment deux différen- tes races d'hommes qu'il ne faut pas confon- dre. Vol. XI, 278 & fuiv. Fortune du jeu. Voye\ Jeu. jarçons & Filles. Il naît à Paris vingt- fept garçons & vingt -fix filles. Volume X, 514, x Ta b l je Cette proportion varie beaucoup , fur-tout clans ks provinces où ii naît quelquefois autant & même plus de filles que de garçons ; mais en prenant la chofe en général, ii naît en France plus de garçons que de filles. Volume X, 519 & fuhantts. Ga u c h e r s . Voyt\ Hommes gauchtrs. Géans. Exemples de plufieurs Géans. Vol.Xl, 121. Génération dans les vivipares & dans les ovipares. Vol. XI, çjujgu'à 17, La génération prife en générai, n'eft pas univoque. Ibii. 24 & fuiv. Génération fpontanée; comment elle s'opère. Voit XI, *4 & Jliir. Plufieurs exemples a ce i'ujet. Uid. 2 y. jufyi'à 6^. Génie d'Homère. La préfence éternelle des acleurs d'Homère fur note fcène théâtrale, démontre la puiffance immortelle Je ce premier génie fur les idées de tous les hommes. Vol. X, 63. Genre humain. Le quart du genre humain pé- rit dans les premiers onze mois de la vie ; le tiers du genre humain périt dans les vingt-trois premiers mois ; ïa moitié du genre humain pé- rit avant l'âge de huit ans & un mois ; les deux tiers du genre humain périiïent avant l'âge de ti ente-neuf ans; les trois quarts du genre humain périiTent avant l'âge de cinquante- un ans. Vol. X,24i & 242. Le quart des enians d'un an périt avant l'âge de cinq ans révolus; ie tiers avant l'âge de dix ans , la moitié avant des Ma t je r e s. x) î'age de trente-cinq ans ; les Jeux tiers avant Page de cinquante -deux ans, & {es trois quarts avant foixante-un ans révolus. Volume X , 256. Géométrie (îa) appliquée au calcul des ha- fards. Vol. X , 139. . . Prife en elle-même eft maintenant une Science complète. Ibid. 187. . . Toutes les difficultés & queftions de Géométrie ne font pas réelles, & ne dépendent que des définitions & des fuppofitions qu'on a faites. Démonftration de cette vérité. Ibid. 198 &ju'a>. Gerboise. Voyez Kanguros. Germes monftrueux préexiftans imaginés par quelques Anatomiftes. Vol. XI , 415. Glanduleux, corps glanduleux. Obfervations de M. Ambroife Bertrandi, fur les corps glan- duleux qui contiennent la liqueur féminale des femmes. Vol. XI, 1... Les corps glanduleux com- mencent a paroître dans le temps de la pu- berté ; leur végétation , leur accroiiïement, leur maturité & leur oblitération. Ibid. 3 & fuiv. . . . Réflexions fur les fondions des corps glandu- leux, & fur le travail continuel des teiticules des femelles, Ibid. 7 & fuiv. . . . Comparaiion des corps glanduleux des femelles vivipares avec ia cicatricuie de l'œuf des femelles ovipares. Ibid. 12. Groenlandois. Defcription des Groè'nîandois, leurs coutumes & leurs mœurs, Vol. X 1 , 251... Les Groenlandois reifemblent plus au Kamtf- chatkales qu'aux Lappons, & les habitans de la côte feptentrionale de l'Amérique, vis-à- vis de Kamtfchatka , reffemblent beaucoup aux Kamtfchatkales , Ibid. 254^ xi] Table H H a b i T a N s des terres Auftraïes. Voyt^ Australes. Habita ns du pays de Boranda. Voyez BORANDIENS. H A B I T A N s de la nouvelle Zéïande. Voye\ ZÉLAK'DE. Habitans de la nouvelle Zemble. Voye\ Zembliens. Hasard. Par la notion même du hafard , il eft évident qu'il n'y a nulle iiaifon , nulle dépen- dance entre fes effets, cV que par conféquent ié pafie ne peut influer en rien fur l'avenir. Vol. X , 88 & fuiv. Le réfuitat des expériences fur les effets du hafard , eft tout oppofé au réfuitat des expériences, fur les effets naturels. Jbid. & fuiv. . . . Moyens de connoître la pente du hafard. Ibid. 96. Hémisphère. L'hémifphère auftraï eft en général bien plus froid que l'hémifphère bo- réal ; raifon de cette différence. Vol. X I , 345 & 346- Hivers. Les grands hivers augmentent la mortalité. Démonstration de cette vérité. Vol. X, 507. Hollande , nouvelle Hollande ; defcription des habitans de la nouvelle Hollande , d'après ïe capitaine Gook. Vol. XI, 368 & fuiv. Hollande, continent de la nouvelle Hol- lande -, ce continent eit plus étendu que celui des Ma t i e re s. xiij de l'Europe, & il eft fitué fous un ciel en- core plus heureux; mais on n'en connoît que îes côtes. Volume XI, 373. Homère. Voye? Génie d'Homère. Homme. Les limites de la grandeur du corps de Pfiommè , y compris les Géans & les Nains , s'étendent depuis deux pieds & demi jufqu'à huit pieds. Vol. XI, 128. . . Poids du corps de l'homme, relativement à fa grandeur, laid. 120. Homme. Chaleur que l'homme & les animaux peuvent fupporter. Voyè^ Chaleur. H o M M E. Nourriture de l'homme. Vvy& Nourriture. H O M M E s d'usé groflëur extraordinaire ; quel- ques exemples à ce fujet. Vol. XI, 117. Hommes blafards (les) diffèrent de tous les autres hommes , blancs , noirs , rouges & bafane's. Vol. XI, 374. Ces Blafards forment plu- tôt dés branches ilériies de dégénération , qu'une tige ou vraie race dans l'efpèce humaine. . . Les Blafards màies font inhabiles à la généra- tien , tandis que leurs femelles Blafardes peu- vent produire avec les Nègres. Jbid. 376. . . . Il paroît qu'il y a différentes efpèces ou varié- tés dans les Blafards , fuivajit les différens climats, Hommes gauchers (les) qui naturellement fe fervent de la main gauche , de préférence h la main droite , pourroient bien avoir le pou- mon gauche plus grand , & compofé de plus 4e Lobes qui le. poumon droit. Vol, XL 416, xiv Table Hommes & Femmes. Il meurt à Paris plus d'hommes que de femmes , & les femmes vi- vent plus que les hommes , d'environ un neu- vième. Vol. X, 514. ... Il naît à Paris plus de femmes & moins d'hommes qu'il n'y en meurt , ce qui prouve qu'il arrive à Paris plus d'hommes ce moins de femmes qu'il n'en fort. Ibid. 516. Hottentotes. Le pre'tendu tablier desfemmes Hottentotes , n'exifte pas tel que les Voyageurs l'ont décrit ; mais cela eft remplacé par une autre difformité. Vol. XI, 279 & fuiv. Humain. Voye^. Genre humain. Hypocrisie. Portrait de l'bvpocrifie. Vol. X, 24. Incommensurables. Raifon des incommen- furabilités. Vol. X, 181... Les grandeurs incom- menfurabîes, ne viennent que de la différence des échelles arithmétiques & géométriques. Ibid. 200 & fuiv. ïntini. Nature de l'infini géométrique. Vol. X, i£3 & fuiv. . L'idée de l'infini nous vient de l'idée du fini, & il n'exifte point de nombres infiniment grands ou infiniment petits. Ibid. 154 & fuiv. Insulaires. Defcription des Infuîaires de la mer du Sud, d'après le Commodore Byron. Vol. XI, 3-6. . . . D'après le Capitaine Car- teret, Ibid. 348, 349. . . . D'après Samuel des Matières. xv Waïiis. Volume XI, 350, 351. . . . D'.ir-,^ M. de lîougainville. Ibid. 352. . . . Dfoptês Je Capitaine Cook. Ibid. 355 cV faiv. J Jetons. Manière Je compter avec dés jetons, & moyens de perfectionner cette manière. Vol. X, 179. J e u. La fortune du jeu marche en apparence d'un pas indifférent & incertain ; néanmoins à chaque démarche elle tend à un but certain, qui eft la ruine de ceux qui ia tente... Le jeu , par fa nature môme , eft un contrat vicieux jufque dans fon principe, un centrât nuiiihfe à chaque contraâant. . . . Démonfiration de cette vé- rité. Vol. X, 98 & fuivantes. Jeu du Franc-carreau. Vol. X, 140 6* fuivant&s, K JX amtschatka. Nouvelles découvertes faites aux environs de Kamtichatka , qui démontrent que ie continent de PAlie eft , pour ainfi dire , contigu au continent de l'Amérique fous Je cer- cle polaire. Vol. XI , 334. Kamtschatkales. Comparaifon des KamtG- chatkales avec les Gvoènîandois, les Lappons & les habitans de la côte feptentrionale de l'Amé- rique, vis-à-vis Kamtfchatka. Vol. XI , 254. Les K amtfchatkales qui habitent les terres orientales & feptentr tonales de Kamtfehatka reiiémblewt xvj Table parfaitement aux Américains des contrées fituées fous le même parallèle. Volume. XI, 335 'àf fuiv. Kangtjros, efpèce de grofle Gerboife qui' fe trouve dans les terres auilrales de la nouvelle Hollande. Vol. XI, 372. KORIAQUES & Kamtfchatkales. Defcription Je ces peuples. Vol. XI, 246 & firiP... Leurs compa- raifons avec les Sajnojèdes, les Lappons & les Groè'nlandois. Ibid. 247 & fuiv. Koriaques fédentaires , Koriaques errans ; diffé- rences remarquables dans leurs mœurs. Vol. XI , •28. X^APPONiE. Première découverte des côtes feptentrionales de la Lapponie. Vol. XI , 239 cV fuivaiitzs, . . . Établiflement des Danois fur les côtes occidentales de la Lapponie , jufqu'au foixante- onzième ou foixante- douzième degré. . . . Étabiifiement des iluiïes fur la cote orien- tale de la Lapponie , à la même hauteur de foixante -onze ou foixante- douze degré?. Ibid, 2,42 ,c? fuyantes. Lappons. Defcription des Lappons , comparaifon de leur figure & de leurs mœurs avec les autres peuples du nord. Vol. XI, 231 &fuiv. Lettres. L'empire des Lettres ne peut s'ac- croître & même fe foutenir que par la liberté. Vol. X , 49. . . . Les Lettres dans leur état aduel , ont plus befoin de concorde que de protedion. . . . Invitation aux gens de Letaes. ibid. 57 & 58, Londres, des Ma ti ères, xvij Londres. La fécondité de- cette ville ne fuffic pas au maintien de fa population. Volume X, 552 6* fuiv. On vieillit moins a Londres qu'à Paris. Ibii, 555. Louche, yeux louches. Voyez Strabisme. M jM adagascar, hommes blancs de Mada- gafcar. Voye\ QuiMOS. Maillot. Inconvéniens du maillot & des corps pour les enfans & les jeunes perfonnes. Vol. XI , 82 & fuivantes. Mariages. Les mariages font plus prolifiques en Bourgogne qu'à Paris, trois mariages y don- nent dix-huit enfans , au lieu que trois mariages à Paris , n'en donnent que douze. Volume X , 51s. Matière, fon poids fpécifique & fon poids abfolu. Vol. X, 210. Mesure universelle & invariable : c'eft la longueur du pendule qui bat les fécondes fous l'équateur. Vol. X, 189. . . Cette mefure devroit être adoptée par tous les peuples. Ibid. 192. Mesures. Tout étant relation dans l'Univers, tout eft dès-lors fufceptible de mefure. Vol. X , 158. Mesures arithmétiques. L'application de ces mefures produit toutes ies difficultés dans Tome XL T xviij Table les feiences mathématiques. . . Défaut dans Pé~ tabiilïement & la marche de ces mefures arith" métiques. Volume X, 159 & fuiv. Mesures géométriques. Vol. X, 181. Différence des mefures. lbid. 189. Modestie. Éloge de la modeftie. Vol. X, 21, Molécules organiques, elles pénètrent la, matière brute, la travaillent, la remuent dans toutes fes di mentions , & la font fervir de bafe au tiflu de l'oganifation. Volume XI, 22. Leur origine, lbid. 69 & 70. Monstres ( les ) peuvent fe réduire en trois çlauès ; ia première eft celle des monftres par excès; la féconde des monftres par défaut; & la troiiieme de ceux qui le font par le ren- verfement ou la faufie pofition des parties. Vol. X 1 , 406. . . Monftres qui ont un double corps, & forment deux perfonnes. . . Exem- ple à ce fujet. lbid. 410 cV fuivantes... Exem- ple remarquable d'un monftre par défaut, lbid» 412. . . Exemple d'un monftre par le ren- yerfement ou faufie pofition des parties, lbid. 434- Mortalité. Raifon pourquoi îâ mortalité paroît,par les tables, avoir été beaucoup plus grande à Paris, pendant les années 17 19 & 1720. Vel. X , 508. . . La mortalité moyenne de Paris eft de dix-huit mille huit cens pour chaque année, lbid, 510. On doit multiplier par 35 ce nombre 18800 pour avoir le nombre des yivans , ainli Paris contient fix cens cinquante- huit mille perfonnes vivantes» lbid, 51 j. , , p des Matières, xix Les mors de Pannée dans Iefquels il meurt le pius de monde à Paris, font Mars, Avril & Mai ; & ceux pendant Iefquels il en meurt le moins, font Juillet, Août & Septembre: ainfi , c'eft après Phiver & au commencement de la nouvelle faifon, que les hommes , comme les plantes, périflent en plus grand nombre. VoU X , 5H- Moule intérieur. Puiflance du moule in- térieur fur les molécules organiques dans tous les êtres organifés. l/ol. X 1 , 24. Mulâtres. Notices fur les Mulâtres. Vol. XI, 278. Musique. Il doit y avoir du ftyle en mufique, chaque air doit être fondé fur une idée rela- tive à quelque objet fenfibîe , & l'union de la mufique à la poè'fie , ne peut être parfaite qu'autant que le Poète & le Muticien convien- dront d'avance, de repréfenter la même idée, î'un par des mots , & l'autre par des fous. /'V.X, 47. . . . Réflexions fur lefyftème de l'harmo- nie de feu M. Rameau. Kol. XI, 187 & fuiv* Plufieurs animaux paroiffent aimer la mufique. Ibid. 193. . . Les oifeaux font trèsfufceptibles des impreffions muficales. Ibid. 195. N /Nains. Exemple de plulieurs Nains. Vol. X, 124 cV fui vantes. Nains blancs de Madagafcar. Kov^Quimos. Naissances. Les mois de Tannée dans lefquefs il naît le plus d'enfans à Paris , font les mois Tij %x Table de Janvier , Février & Mars ; & ceux pen- dant îefquels il en naît le moins, font Juin, Novembre & Décembre , d'où l'on peut inférer que îa chaleur de l'été contribue au fuccès de la génération. Volume X , 512... Le« années où il naît le plus d'enfans , font en même temps celles où il meurt moins de monde. Ibid. 513. Naissances , mariages & morts. Voyt\ Table des naiffances, mariages & morts. Naissance précoce à fix mois onze jours après la conception. Vol. X 1 , 79 & 80. Naissance tardive après treize mois de groffeffe. Vol. X 1 , 75 & fuivantes. Nègres. Il n'y a point de Nègres dans les terres élevées de l'intérieur de l'Afrique , Vol. Xi, 271 £•' pavantes. . . Développement des caufes de ia couleur des Nègres. Ibid. 283 & fuivames. Nègres blancs. Portrait & defcription exa&e d'une Négjreffe blanche. Vol. XI , 380 cV fuiv. . . Les . Négrefles blanches produifent avec les Nègres noirs des enfans pies. Ibid. 390. NE GRE -pie. Portrait & defcription d'un enfant nègre-pie. Vol. XI, 390 tV fuiv. NÉGRESSE noire. Exemple finguîier d'une Né- greffe noire devenue blanche avec l'âge. Vol. XI, 406 & fuiv. N ombre , définition du nombre. Le dernieT terme de la fuite naturelle des nombres n'exifte pas , & on peut même le fuppofer fans aller contre la définition du nombre & contre la loi générale des fuites. Volume X, 156. t>ES MATlk RE S. XX) Nourriture, différentes nourritures des hommes, fuivant les différens climats. Vol. XI, 128 & fia». Nouvelle Hollande. Vbyn Hollande, Nouvelle Zélande. Voyei Zélande. O (E V F. IÎ n'exifte point d'œuf dans les femelles vi- vipares ; elles ont , comme îes mâles , une liqueur" féminaTe , contenue dans les corps glanduleux , & cette liqueur féminale des femelles , contient, comme celle des mâles, une infinité de molé- cules organiques vivantes. Vol. XI , 10 cV juiv... Vie végétative de l'œuf, & vie végétative de la matrice dans les vivipares. Ibid. 15. . . Méprife & faux principes des Anatomiftes, au fujet de la nature de l'œuf. Ibid. 16. Oiseaux (les) font fufceptibles des impreffions muiîcales. Vol. XI, 195. Opinion en général. L'empire de l'opinion n'eft- il pas afîez vafte pour que chacun puiile y ha- biter en repos. Vol. X, 57. Origine des molécules organiques. Volume XI, 69 & 70. Ostiaques (les) diffèrent aujourd'hui des anciens Oftiaques; raifons de cette différence. Vol. XI, 256. A R 1 s. On vieillit beaucoup plus à Paris qu'3 Londres. Vol. X, 554, T ni XXlJ Table Paris, mortalité à Paris. Voyti Mortalité, Patagon. Defcription desPatagons, par M. Com- merfon, Volume XI, 301. Par M. de Bougain- ville. Ibid. 303 & fin». . . Par ïe Commodore Byron. Ibid. 307 & fuiv. . . Difcuflîon au fujet de la grandeur des Patagons. Ibid. 310 & fuiv* La différence de grandeur donnée par les Voya- geurs aux Patagons, ne vient que de ce qu'ils n'ont pas vu les mêmes hommes ni dans les mêmes contrées; &, tout étant bien comparé , ilparoît certain que, depuis le vingt-deuxième degré de latitude fud jufqu'au quarante - cin- quième, il exifte en efet une race d'hommes plus haute & plus puifîante qu'aucune autre dans l'Univers. Ibid. 323. Patati, nom que l'on a donné aux habitans d'une terre encore peu connue, entre ïe fleuve Jenifcé & le golfe Linchidolin ; cette terre du continent de PAfie s'avance jufqu'au foixante- treizième degré , & peut - être beaucoup au- delà. Vol. XI, 244 cV fuiv. Peau, déforganifation de la peau dans les Bla- fards. Vol. XI, 374 c? fuivantes... Autres exem- ples de la déforganifation de la peau. Homme qui a\oit la peau chargée de piquans comme un porc- épie. Ibid. 398. ..Portrait & defcrip- tion d'un enfant chargé de taches furmontées de poil pareil à celui du veau & du chevreuil. Ibid. 399 cV fuiv. PÉCHINIENS. Voyez PYGMÉES. Perte cV Gain. Dans tous les jeux, la perte eft toujours plus grande que le gain ; elle eft DES MATIERES. XXlij infiniment pîus grande que le gam , lorfqu'on hafarde tout fon bien ; elle eft plus grande d'une fïxième partie , lorfqu'on joue la moitié de fon bien ; & quelque petite portion de fa for- tune qu'on hafarde au jeu, H y a toujours plus de perte que de gain , & c'eft par cette raifon , qui n'étoit pas même foupçonnée, que l'on eft plus fenfible à la perte qu'au gain. Vol. X , 102 cV 103. Pesanteur; mefure de la pefanteur. Vol. X , 208.. Fefanteur fpécifique. Ibid. i\i. Peuple qui mange des fauterelies. Voye^ Sauterelles. Piété. Éloge de la piété. Vol. X , 23. Poids du corps de l'homme, relativement à fa grandeur. Volume XI, 118. Poids fpécifique de la matière. Voye% Matière. Population à Paris, (la ) ne va pas en aug- mentant autant qu'on pourroit le penfer. Paris s'eft augmenté pour la commodité & non pas par nécefiké. Volume X, 512. .. La popula- tion du royaume de France eft à-peu-près de vingt -deux millions d'habitans. Ibid. 541. Population à Philadelphie. En vingt -huit ans la population , fans fecours étrangers , s'eft dou- blée à Philadelphie dans l'Amérique fepten- trionale. Volume XI , 332. Portrait & defeription d'un enfant chargé de taches furmontées de poil , pareil à celui du -veau & du chevreuil. Voye\ Peau. Tivr / xxiv Table Portraits & descriptions d'une Negrefie-bkn- che & d'un Nègre-pie. Voyt\ Nègre-blanc & NÈGRE-PIE. Probabilités. De toutes les probabilités morales poffibles , celle qui affeâe le plus l'homme €n général , eft la crainte de la mort. On doit rapporter à cette mefure , prife pour l'unité y la mefure des autres craintes & de celle des efpérances. . . Evaluât on de ia probabilité qui produit ia «aime de la mort. Volume X,8i. Toute probabilité qui eft au-delTous de dix mille , ne doit point nous affe&er , foir en crainte , foit en efpérance. Ibid. 83. Probabilités de la vie, tirée des tables de mortalité. Volume X, 221 & fuiv. . . Pour un enfant qui vient de naître ,232. . . Pour un enfant âgé d'un an, 247. . Pour un enfanî de deux ans d'âge, 259. . Pour un enfant de trois ans d'âge , 264. . Pour un enfant de qua.- tre ans d'âge, 267. . Pour un entant de cinq ans d'âge , 27c. . Pour un enfant de fix ans d'âge , 273. . Pour un enfant de fept ans d'âge, 276. . Pour un enfant de huit ans d'âge, 279. Four un enfant de neuf ans d'âge , 282. Pour un enfant de dix ans d'âge , 285. . Pour un en- fant d'onze ans d'âge, 288. . Pour un enfant de douze ans d'âge , 290. . Pour un enfant de treize ans d'âge, 292. . Pour un enfant de quatorze ans, 295. . . Pour un entant de quinze ans, 297. . . Pour une pearfonne de feize ans, 299. . . Pour une perfonne de dix- feptans, 301. . . Pour «une perfonne de dix- . huit ans, 304. . . Pour une perfonne de dix- neuf ans, 306. . , Pour une perfonne de vingt des Matières, xxv &ns, 308. . . Pour une perfonne de vingt-un ans, 310. . . Pour une perfonne de vingt -deuix ans, 312. . . Pour une perfonne de vingt-tro s ans, 315. . . Pour une perfonne de vingc- quatre ans, 317. . . Pour une perfonne de vingt-cinq ans, 319. . . Pour une perfonne de \ingt-fix ans , 321. . . Pour une perfonne de vingt-fept ans, 323. . .Pour une perfonne de vingt-huit ans, 325. . . Pour une perfonne de vingt-neu?ans, 327. . . Pour une perfonne de trente ans, 329. . . Pour une personne de trente-un ans, 331. . . Pour une perfonne de trente-deux ans, 333. . . Pour une perfonne de trente-trois ans, 335. . . Pour une perfonne de trente-quatre ans , 337. . . Pour une per- fonne de trente- cinq ans, 339. . . Pour une perfonne de trente-fix ans, 342. . . Pour une perfonne de trente-fept ans, 344. . . Pour une perfonne de trente-huit ans, 347. . . Pour une perfonne de trente-neuf ans, 349. . . Pour une perfonne de quarante ans, 351. . . Pour une perfonne de quarante-un ans, 354. . . Pour une perfonne de quarante-deux ans, 356. . . Pour une perfonne de quarante-trois ans, 358 Pour une perfonne de quarante- quatre ans 360. . . Pour une perfonne de quarante-cinq ans, 363. . . Pour une perfonne de quarante* fix ans, 365. . . . Pour une perfonne de qua- rante-fept ans, 368. . . Pour une perfonne de quarante-huit ans, 37©. . . Pour une perfonne de quarante-neuf ans, 373. . . Pour une per- fonne de cinquante ans, 375. . . Pour une perfonne de cinquante-un ans, 378. . . Pour une perfonne de cinquante-deux ans , 380, . * Tv xxvj Table Pour une perfonne de cinquante-trois ans ? 382. . . Pour une perfonne de cinquante- quatre ans, 385. . . Pour une perfonne de cin- quante-cinq ans, 387. . . Pour une perfonne de cinquante-iix ans, 389. . . Pour une per- fonnne de cinquante - fept ans, 391. . . Pour une perfonne de cinquante - huit ans, 394. . .. Pour une perfonne de cinquante-neuf ans, %y6. . . Pour une perfonne de foixante ans, 399. . . Pour une perfonne de foixante - un ans, 401. . . Pour une perfonne de foixante- cleux ans, 404. . . Pour une perfonne de foixante- trois ans, 407. . . Pour une perfonne de foixante-quatre ans, 410. . . Four une perfonne de foixante- cinq ans, 412. . . Pour une perfonne de foixante-fix ans, 415. . . Pour une perfonne de foixante-fept ans ,417. . . Pour \me perfonne de foixante - huit ans, 42.0. . Pour une perfonne de foixante-neuf ans, 422. . Pour une perfonne de foixante - dix ans, 425. . Pour une perfonne de foixante-onze ans , 427. . Pour une perfonne de foixante - douze ans 430. . . Pour une perfonne de foixante -treize ans, 432. . . Pour une perfonne de foixante- quatorze ans, 434. . . Pour une perfonne de foixante -quinze ans, 437. . . Pour une per- fonne de ibixante-feize ans, 439-. . . Pour une perfonne de foixante- dix-fept ans, 442... Pour une perfonne de foixante-dix-huit ans , 444. . . Pour une perfonne de foixante-dix-neuf ans, 446. . . Pour une perfonne de quatre-vingts ans, 449. . . Pour une perfonne de quatre- vingt-un ans , 451. . . Pour une perfonne de quatre-vingt-deux ans, 454. . . Pour une per- des Ma ti è re s. xxvij Tonne de quatre-vingt-trois ans , 456. . . Pbur une perfonne de quatre-vingt-quatre ans , 458... Pour une perfonne de quatre- vingt- cinq ans, 460. . . Pour une perfonne de quatre-vingt- fix ans, 462. . . Pour une perfonne de quatre- vingt- fept ans, 465. . . Pour une perfonne de quatre-vingt-huit ans, 467. . . Pour une per- fonne de quatre-vingt-neuf ans, 469. . . Pour une perfonne de quatre-vingt-dix ans, 471. . . Pour une perfonne de quatre-vingt-onze ans , 473. . . Pour une perfonne de quatre-vingt- douze ans , 474. . . Pour une perfonne de quatre-vingt-treize ans, 475. . . Pour une perfonne de quatre-vingt-quatorze ans, 477. . . Pour une perfonne de quatre - vingt - quinze ans, 478. . . Pour une perfonne de quatre- vingt-feize ans, 479. . . Pour une perfonne de quatre-vingt- dix -fept ans, 480. . . Pour une perfonne de quatre-vingt-dix-huit ans, 481. . . Pour une perfonne de quatre- vingt - dix - neuf ans, 482. Production des femmes. Voyt\ Femmes. Proportion de la valeur de l'argent. Voye\ Argent. Puberté. Defcription de l'âge de la puberté. . . L'exiftence de l'homme n'eft complète que quand il peut la communiquer. Vol. X I, 98. . . Le vœu de la Nature n'eft pas de renfermer notre exiftence en nous-mêmes ; par la même loi qu'elle a fournis tous les êtres a la mort , elle les a confole's par la faculté de fe reproduire. lhii. 100. Puissance du moule intérieur. Voye^ Moule INTÉRIEUR, titxmij Table PygmÉes. L'opinion de Pexiftence des Pygmées eft très*an tienne, Se il paroît que les Pygmécs ou Péchiniens d'Ethiopie, & les Quimos de» montagnes de Madagafcar , pourroient bien être de la même race. Volume XI, 300. {Quadrature du cercle ; fon impoiïîbilité eft démontrée par les (impies définitions de la ligne droite & de la ligne courbe. Vol. X , 193. M. Panckoucke, Libraire de Paris, & homme de Lettres très-eftimabîe & très-mftruit, a pu- blié dans le Journal des Savans du mois de Décembre 1765 un Mémoire fur ce fujet, où il donne des preuves démonftratives de cette impoiTibilité de la quadrature du cercle ; ainfi , cette queftion ne fait plus un problème. Quimos. Petits hommes blancs des montagnes de Madaçafcar ; leur defeription & leurs mœurs. VoU XI, 288 & fui* R Race. Ce que Ton doit entendre par race dans î'efpèce humaine prife généralement. Vol. XI, 221. Représentations théâtrales. But & objet utile des repréfentations théâtrales. Volume X, 64, 65. Russes ; leurs étabîiflemens fur la côte orien- tale de la Lapponie, Voyez Lapïonie, des Ma tiares, xxix OAMOJÈDES, peuple du nord de l'Àfie ; now- veiles obfervations fur ce peuple. Volume XI, 223. Sauterelles, diffe'rens peuples qui mangent des fauterelles. Vol. XI, 277. Sectes. Inconvéniens des fectes. Vol. X, 5c. Spécifique, pefanteur fpécifique. Vol. X, 212. Style. Le ftyle n'eft que l'ordre & le mouve- ment qu'on met dans fes penfées. Vol. X, 4.., Principales règles du ftyîe. Ibid. 10. . .Le ton n'eft que la convenance du ftyle à ïa nature du fujet. Ibid. 14. . . Le ftyle fublime ne peut fe trouver que dans les grands fujets de la poéfie , de l'hiftoire & de lu philoïbphie. Ibid. 16 & 17. Strabisme. C'eft ïe nom qui exprime îe défaut des yeux louches. H ne confifte que dans l'é- cart de l'un des yeux. . . Différentes prétendue» caufes de cette fauife direction des yeux. Vol. XI, 151 & fuiv. . . • éritable caufe de ce défaut. Ibid. 154. Elle confifte dans l'inégalité de force ou de portée des yeux. Ibid. Raifon pour- quoi l'œil le plus foible fe détourne. Ibid. 158.. Formule qui exprime tous les cas du ftrabifme. Ibid. 159. . .Le ftrabifme eft forcé & devient un défant néceifaire, lorfque l'inégalité de force dans les yeux eft de plus de trois dixièmes. Ibid. 160. , , Réponfe aux objections contre h xxx Table caufe du ftrabifme. Vol. XI, 165 & fîùv... Raifon pourquoi il y a plus de louches parmi les enians que parmi les adultes. Ibid. 172. X A b L E des naiiTances , mariages & morts dans la ville de Paris, dans les années 1670, 1671 & 1672. . . Réflexions fur cette Table. Vol. X, 570, 571. . . Autre Table des naiiTances, ma- riages & morts dans la ville de Paris, depuis l'année ^oojufqu'à 1766 induiivement. Ibid. 483, 484. . . Autre Table plus détaillée des naiiïances , mariages & morts dans la ville de Paris , depuis l'année 1745 jufqu'à l'année 1766 inclusivement. Ibid. 485 jufqu'à 506. Table des enfans- trouvés dans la ville de Paris, depuis l'année i745Jufqu'en 1766. Vol. X, 517. Table des naiiïances, mariages & morts dans la ^ille de Montbard en Bourgogne, depuis l'année I765jufqu'en 1774 inclufivement. Vol. X, 518. Table des naiiïances, mariages & morts dans la ville de Flavigny en Bourgogne , depuis l'année 1770 jufques & compris l'année 1774. Vol. X, 524. Table des naiiïances, mariages & morts dans le bailliage de Saulieu en Bourgogne , pendant les années 1770, 1771 & 1772. Vol. X, 557 Table des naiiTances, mariages & morts dans la ville de Semur en Auxois, depuis l'année 1770 des Ma ti è r e s. xxx] jufques & compris 1774. JV«/neX, £22... Autre Table des naiffances, mariages & morts dans plufieurs bourgs & villages du bailliage de Semur en Auxois, depuis 1770 jufques & compris 1774. lbid. 528. Autre Table des naiffances, ma- riages & morts dans le bailliage entier de Semur en Auxois, depuis 1770 jufques & compris 1774. lbid. 530. . . Autre Table des lieux où il naît plus de filles que de garçons dans le même bailliage de Semur. lbid. 533 cY fuiv. Table des naiiïances, mariages & morts dans la ville de Vitteaux en Bourgogne, depuis l'an- née 1770 jufques & compris l'année 1774. Vol. X, 527. Table delà mortalité dans la ville de Paris, comparée à la mortalité dans les campagnes , jufqu'à vingt lieues de diftance de cette ville. VoL X, 543 , 544. . . Réflexion fur cette Table. lbid. 545 c? fuiv. . . Table de comparaifon de la mortalité en France, & de la mortalité à Londres. lbid. 548 & fuiv. Tablier prétendu des Hottentotes. PbyrçHOT- TENTOTES. Tar tares. Depuis que les RulTes fe font établis dans toute l'étendue de la Sibérie , & dans les contrées adjacentes, il y a eu nombre de mé- langes entre les Ruffes & les Tartares , & ces mé- langes ont prodigieufement changé la figure & les mœurs de pluiieurs de ces peuples. Vol. XI, 256. . . Le type de la race Tartare, paroît fe trouver chez les Calmouques, qui font les plus laids de tous les hommes, lbid. 259. Te et. Plante qui produit une graine dont les xxxij Table AbyffinS font du pain ; manière de faire & cuire ce pain. Volume XI, 275. Terre-de-feu. Defcription des habitans de la Terre-de-feu , au-delà du détroit de Magellan , à la pointe de l'Amérique. Vol. XI, 341 & fulv* Température de cette Terre. Ibid. 344 & fuiv. Thermales, eaux Thermales. Voyei Cha- leur des eaux Thermales. Tsuktschi & Chelati, noms que Ton a donnés aux habitans de l'extrémité orientale & feptemrionale de PAfîe; cette terre s'étend juf- qu'au foixante-treizième degré , & peut - être beaucoup au-delà vers le pôle. Vol. XI, 243 6" fui van tes. Tunguses (les) paroiffent faire la nuance entré les Samojèdes & les Turtares. Fol. XI, 259 &fuiy* V. V ariétés (les) dans l'efpèce humaine dépen- dent entièrement de l'influence du climat ; on doit entendre par climat, non feulement la lati- tude , mais auiïi la hauteur ou la dépreffon des terres, leur voifinage ou leur éloignement des mers, leur fituation par rapport aux vents, & fur-tout au vent d'Eft , &c. Vol. XI , 374. VÉRITÉS. Il y a des vérités de différens genres , des certitudes de différens ordres, & des pro- babilités de différens degrés. Toutes les vérités mathématiques fe réduifçnt à. des vérités de dé- finition. VqU X, 68. des Matières, xxxii) Vie , ce que c'eft que notre vie dans la réalité., Volume XI, 147. Vie végétative de l'œuf & vie végétative de la matrice dans les ovipares & les vivipares. Voyei Œuf. Vieillesse. Exemple de vieiHefies extraordi- naires. Vol. XI, 133 cV fuiv. . . Confoîation tirée de la Nature pour la vieillerie. . . . Lorfque l'âge eft complet, c'eft-à-dire quatre-vingts ans, la probabilité de la vie demeure ftation- naire & fixe. On a toujours trois ans de vie a efpérer légitimement , quelque vieux qu'on foit , fi l'on fe porte bien, lbid. 144 & fuiv. . . Comparaifon des jouiflances de la vieiHeiTe & de celles de la jeunerTe. Ibid. 145. . . Confoîa- tion tirée de ïa morale pour la vieillerie, Ibid. 146. Vieillesse. Exemple d'une vieiHeiTe extraor- dinaire dans l'efpèce du cheval. Vol. XI, 139 & fuiv an tes. Voix. C'eft par l'expiration que l'homme forme fa voix, au lieu que les animaux la forment par î'infpiration. . . Obfervations qui femblent le prouver. Vol. XI, 197 & fuiv. Vue diftinde & indiftincle. Limites de la vue diftin&e lorfque les yeux font inégaux en force. Vol. XI, 156 cffuiv. Explication des phénomènes de la vue diftincle & indiftincte. lbid. 163. y Y EUX. Lorfque les yeux font dirige's vers îe même objet, & qu'on le regarde des deux yeux xxxiv T A B l s , &c. à-la-fois, fi tous deux font d'égale force, î'objer paroît comme s'il étoit éclairé de treize lumières égales ; au lieu qu'en ne le regardant qu'avec un feu! œil, ce même objet ne paroît que comme s'il étoit éclairé de douze lumières. Volume X I , Yeux louches. Voyez Strabisme. Yeux louches. Moyens de redreiïer les yeux louches. Vol. XI, 172 & fu'w. .. le principal de ces moyens eft de couvrir le bon œil pendant huit ou quinze jours, & de faire agir le mau- vais œil, c'eft- à-dire le plus faible, on lui verra reprendre de la force par cet exercice forcé, lbid. Obfervations à ce fujet. lbid. 175 & fuivantes. K.aifons pourquoi les perfonnes louches tournent . îe mauvais œil du côté du nez. lbid. 180. Lorf- que l'inégalité de force dans les yeux eft excef- frve, elle ne produit pas le regard louche, lbid. 285. Zélande. Habitans de la nouvelle Zéîande , leur defcription par le Capitaine Cook. Vol. XI , 363 & fui* Zemeliens. Habitans de la nouvelle Zemble, difcuflion critique à ce fujet. Vol. XI, 211 & f. Fi N de la Table des Matières, m mS