l1#f*«

(L^

■^A^-

ŒUVRES

DE MONSIEUR

HOUDAR DE LA MOTTE,

Vttn des Quarante de P Académie Frarjfoifè^

TOME SEPTIÈME.

A P A R I S5

CfeC2 P R A u L T Taîné , Quaî Contt , a la: àkCctntc «Tu Pont-Neuf > à la Charités.

M. D C C. L I V.

3.1 ?, i'^ O M Ha

PO

..^J-

^.LTc

TABLE

DES PIECES

Comenues dans le Tome feptiéme.

ZA Vénitienne i Comédie - Ballet y, page I jilcîcne , Tragédie. 47

IJfé y Paftorale Héraique, 89

Semé , Tragédie. 145

Scander Berg , Tragédie, 195

Les u4jges , Comédie^ Ballet. 251

La Fées , Comédie-Ballet. 29 $

i

L A

VENITIENNE.

COMED lErSA LLET,

Repréfentée par l'Académie Royale d^ Mufique, Tan 170J.

La Miijiquc de M. P^ ^A BAEEJg.

Tor»? Vh

ACTEURS DU PROLOGUE.

WOMUS.

PUTERPE, Mufe de la Muiî<iue,

UN PLAISIR.

Suite de M o M V $•

$uùe d'E u T E R P

Troufe Comédiens Italiettff

Il I '

DIVERTISSEMENT PU Prologue.

lES COMEDIENS ITJ LIENS.

ARLEQUIN.

PANTALON.

LE DOCTEUR.

SPESAFFERE.

SCARAMOUCHE.

POLICHINELLE.

P I E R O T.

PLAISIRS.

SUIVANTES P'EUTERPE.

t^

-«-•à- »- « nk « «H^ n- m- » ù- » ifs- *• »• )!»-«- « -jjt- * -^--jjf

PROLOGUE.

£(? Théâtre re^réfeme le Palaîs & Uf Jardins de M o M U S. Les Comédiens Italiens y faroijfent en Statues.

MO MU S & fa fuites M o M u

V.

o u s , qui fous de libres portraits ; Fainez voir des Humains les foiblefles extrêmes | Et qui , par d'agréables traits , Les forciez à rire d'eux-mêmes ; Vous avez abufé des droits Qu'on laifToit prendre i votre badînage,' Et bien-tôt d'équitables loix De Tos fens indifcrets vous ravirent Tufàge*

Pour quelque temps je vais vous ranimer* Qu'à rire avec vous , tout s*apprête %

Mais fongez , dans les jeux que vous allez former^ Que Momus préfide à la fefle,

{Les Statues s* animent , & forment le premier DivertiJJement, On entend une Symphonie qui annonce Euterpe»]

§ LA VENIT lENNEj

M O M u s. Quelle clarté fe répand dans les airs ? Quels ^ns harmonieux ici fe font entendre ! Que nous annoncent ces concerts î Çuterpe en ces lieux va defcendre.

C H OE UR.

OêiTcendez , defcendez , favorable DéefTe 5 Que vos accords vainqueurs Faffent naître ici la tendrefîe : yeiiez enchanter tous les cœurs.

EuTERPÉ.

Ceft toi , Momus , que j'implore en ce jour; Viens à mes chants fîatteurs prêter de nouveaux

charmes ; Ils ont fait mille fois verfêr de douces larmes : Mais je veui; que les Ris me fuivent à leur tour,

Pour plaire au fils d'un Roi , ^ue Momus mcm^ admire ,

J'ai médité de nouveaux jeux ; J'en efpere un fuccès heureux , Si tu veux féconder le zélé qui m'infpire»

Momus.

Ce defTein eft trop beau pour le défavouer. Offrons à ce Héros une fête nouvelle ; Tout me paroît aifé pour lui marquer mon réle^ J)t i'apprendrois mcme à louer.

P R O L O G U Ei a

E U TE R P £•

Eiïayeï ici tous vos cliarmès i Venez , doux Plaiiîrs , venez tous i Que dans ces lieux TAmour vienne rire avec VOUS? Donnez-iui de nouvelles armes. Enfemble. Amour , que tous les cœurs foient contents fous ta loi,

N*allume que d'heureufes flammes ;

Régne , mais avec toi ; Fais régner la paix dans les âmes.

[ Lf X Jeux , les Tlaifirs & les Suivantes d*EuHrpe forment le fécond Divertijfement*'}

Un Plaisir, Jeunes Beautés , aimez qui vous adore ; Ne craignez point de vous Taiiïer charmer. Que de plaifirs un Infenfiblé ignore ? Ceft l'Amour feul qui peut nous animer. Avant d'aimer , on ne vit pas encore ; On ne vit plus , dès qu'on ceiTe d'aimsr. C H OE u R. Chantons tous , unifTons nos voix ; Chantons les doux Plaiiîrs dont nous fuivons lC3 loix

Fin du Trologuu

m

^ACTEURS

'j>jL LA CoM£ DIX'' Ballet*

LÉONORE. OCTAVE.

ISABELLE, Amante d'Oaave.

S P I N E T T E , Suivante dlfabeUe,

ISMÉNIDE, Devinerefle*

ISMÉNOR, Devin.

Z E R B I N , Valet d^Odave.

UN BARQUAROLLE.

UNE BARQUAROLLE,

Trouve de Barquarolht,

Trouve de Devins & de Devinerejfes»

Troupe de Mafquet»

UN MASQUE chantant un air Italien»

t,a Scm ffi a Ventfe.

L A

^VENITIENNE,

COMEDIE-BALLET.

ACTE PREMIER.

Le Théâtre ref réfente des Jardins ; & dans Véloignement , la Place Saint Marc.

SCENE PREMIERE.

L É O N O R E.

E N D R E s Plaifîrs » charmails Amours,

Ah ! que n iii-je plutôt fenfi votre puîlTance ! Deviez-vous dans rindifférence LailTer couler mes plus beaux joufi J

i LA VENITIENNE^

Du ftioîns gardons-nous bien d'éteindre tes feux que dans mon cœur l'amour daigne allu- mer :

Au lieu de m'en laifler charmer, Falloit-il perdre, hélas ! tant de tems à les craindre \

Tendres Plaifîrs , charmans Amours , Ah ! que n*ai-je plutôt fenti votre puifTance ! Deviez-vous dans l'indifférence LaifTer couler mes plus beaux jours ?

SCENE IL

LÉONORE, ISABELLE, SPINETTE,

Isabelle.

V^ Uoî ! vous me trahiiïez , ingrate Léonore , De la tendre amitié vous brifez tous les nœuds !

L'Amant qui m'aimoit vous adore 5 Et votre cœur reçoit fes infidèles vœux \

L E o N o R E.

L'Amitié n'a point à fe plaindre , Votre Amant , fous mes loix , ne fauroit être

heureux. Et vous verrez bien-tot mourir Tes nouveaux feux,

Si le pjépris peut les éteindre.

CQMEDIE^BALLEn |

Isabelle*

'Quoi ! les jeux qUe l'ingrat vous offre çbaju j jour . .

L E o N o k E#

Quand il me les offrit , j'ignorois Con amouf i

tsABELLÉ.

Mais vous n*en doutez plus , & les fouffrez ett^

core : La fcte qu'il vous donne aujourd'hui mar(iu€i

bien .

L E o N 0 R È«

CefTez d'accu fer Léonore. Pour calmer votre cœur, connoifTez tout le mîeJt^ Ç'eft dans les premiers j eux que me fit voir O dave^

Que la paix fortit de mon cœur ;

De l'amour il devint l'efclave «

Un inconnu fut mon vainqueur*'

Ses yeux furent les feules armes Dont l'Amour fe fervit pour dompter ma fierté ; D'un feul de Tes regards mon cœur fut enchanté. Le mafque me cacha le refte de fes charmes.

Il me parle à ces jeux que vous me reprochez ;

Le bal même aujourd'hui me promet fa préfence.

Et je me livre à l'efpérance

D'y voir enfiji fes traits qu'il m'a toujours cachez.

Ay

j|jl Ç* VENITIENNE^

Isabelle*

Ceft afTez > mon Amant n*a point touché votfç gme.

Mes Ibupçons ne m'agitent plus.

L E o N o R E. Je tais encor par de nouveaux refus 9 Seivii votre amour & ma âamme»

SCENE II L

ISABELLE, SPINETTE,

L

Sp INETTE.

*Amour répond à fes (buhaié ^ 5on bonheur eft extrême. Isabelle» Juge (es plaîfîrs peuvent être parfaits , Je C\û$ cet inconnu qu'elle aime»

SpINETTE»

Que dites-vous ?

Isabelle. Lorfque de mon Amant 5, Je vis l*inconftance fatale , Je le fuivis par tout , fous un déguifèment Qui m*a livré le cœur de ma rivale»

L'higrat trouve en moi-même un obflacle à Cts

COMEDlÊ-ÊALtÉT. tt

Spinettk.

Sa tralûfon pour vous en eft moins rigoureufèt Isabelle* L*infîdelle n'eft point heureux i Mais en fuis-je moins malheureuse ? Non , TAmour ne veut pas que Ton goûte à la foî * Les doux plaifirs d'aimer & d'être aimée. Tant que Tes feux ne m'ont point enflammée i L'inconftant que je pleure a fléchi fous mes loix ; Mais l'ingrat m'a trahie aufli-tôt que charmée. Non , l'Amour ne veut pas que Ton goûte à la fois Les doux plaifîrs d'aimer & d*étre aimée»

Redoublons cependant nos foins « Pour ramener l'ingrat fous mon empire : Qu'ici de tous fes pas tes yeux foient les témoins 3

Obferve tout pour m'en inftruire*

SCENE IV.

SPINETTE/^«/f.

DE mille Amans envain nous recevons les voeux , On les perd fans rétour en terminant leurs peineé; Les perfides brifent leurs nœuds , Dès qu'ils ont formé notre chaîne.

A^

[15 LA VENITIENNE,

On ne foupire long-temps Que pour des beautés cruelles : Les peines font les cœurs conftans > Les plaifirs font les infidelles»

îCachons-nous > obfervons Odave que j'entends,

SCENE V.

Octave , léonore, spinette cacUe,

Octave & Leonore enfembU* OcT. TW^T On , ne redoutez plus TAmour: Léon» «L ^ Non , ne me parlez plus d'amour. Octave. Votre fierté s'accroît fans ceiïe. Leonore. Vos transports importuns redoublent chaque jour. Octave. A votre tour cédez à la tendrefTe.

Leonore, Triomphez-en à votre tour.

Octave & Leonore enfembkm OdT. Non , ne redoutez plus l'Amour : Léon. Non , ne me parlez plus d'amour.

Leonore. Pourriei-vou§ oublier charmes ^J'Ifabelleî

COMEDIE-BALLET, if

Octave.

Je VOUS Yoi înille attraits plus brillans & plus doux. Le o N o R E. Vous devez n'aimer qu'elle*

Octave. Je ne puis aimer que vous. Le o N o R E, Après mille lêrmens , feriez-vous infidelle ?

Octave. Le jour que Je vous vis , je les oubliai tous»

Le o NORE.

Vous me verrez toujours infenfîble & cruelle»

Octave. Je vous aimerai , même avec votre courroux,

L E o N o R e.

J'éieindraî vos ardeurs par mon indifférence.

Octave. Je vaincrai vos mépris par ma perféverancet

L E o N o R E,

Ceiïez de m'aimer dès ce jour.

O C T AV E.

Commencez d'aimer dès ce jour. Non , ne redoutez plus l'Amour,

L E o N o R E. Non , ne me parlez plus d'amour,

Octave &Leonore enfemblc* OcT. Non , ne redoutez plus l'Amour : Léon. Non , ne me parlez plus d'amour. l Ô» entend um Symphonie, ]

<4 LA VENITIENNE»^

L £ O N O R £•

D'où viennent ces concerts i Quel fpeéhde s^ap*

prête î Vous voulez perdre ençor quelque nouvelle fcte«

SCENE V L

OCTAVE , ISABELLE , SPINETTE cache'e,

TROUPE DE BARQUAROLLES,

Z £ R B I N conduifant la fête»

Z E R B I N,

\^ Ue pour Cythere ,' Chacun vienne s'embarquef ;| Pour être heureux il faut ri(quer|

Quand on fait plaire , Jamais le vent n*eft contraire f Jeunes cœurs , venez tous , Il n'eft point d'écueiis pour vous. [ Les BarquarolUs forment le divertijfement, J Un Barquarolle & une Barquarolle»

L'Amour nous prefTe,

Suivons-le fans cefTe ,

Tout doit s'enflammer.

C H OE u R.

L*Amour nous prefTe^ Suivons-le iàn$ celle y

COMEDIE-BALLET. t%

Tout doit s*enflammer. La Barquarolle.

Ton feu trop tendre

Me force à me rendre ,

Je m'en fens charmer. Le Barquarojlle.

Tes yeux l'ont fait naître j

Ils le font accroître. Enfemble,

Un coeur peut-il être

Heureux fans aimer î

C H OE u R,

L'Amour nous prede^

Suivons-le (ans cefle ,

Tout doit s'enflammer. Le Barquarol l c,

Qu*en vain le vent grondée y

Qu'il foulevc Tonde, Enfemble»

Pourquoi s*allarmer? La Barquarolle,

Amour, tu nous meines. Le Barquarolle,

Nos craintes font vaines* Enfemble,

Tu fçais les calmer,

C H OE UR,

L*Amour nous preflcy Suiyons-l« fans cefTe

[t? LA VENITIENNE,^

Tout doit s'emflammer,

[ On danfe, J Le Barquarolle , & la Barquarqlle i à Léonore» Au plus aimable voyage L'Amour veut vous etigagâr; Ce Dieu commande à l'orage j Vous voguerez fans danger.

Il efl cent douceurs qu'on goûte Dans rcfpoir d'un plus doux fort f Et les plaifirs de la route Valent prefjue ceux du port,

[ On danfe, j

C H OE U R.

Donnez-nous des jours fortunés; Régnez tendres Zéphirs , régnez feuls fur les ondes ;

Que dans leurs cavernes profondes tTws les vents orageux demeurent «nchaîné?^

COMEDIE-BALLET. \f

SCENE VIL

Octave, léonore, zerbin,

s P I N E T T E cachée.

Octave. /^ Uoî ! toujours de l'Amour , roulez -voû5 ^^ vous défendre ?

Vous voyez tous les cœurs charmés de Ces appa?» Tout vous preiïe de vous rendre.

Le O N O RE.

Mon cœur ne m'en preiïe pas.

Ke tentez plus de nouvelles conquêtes i Rendez-vous à l'objet dont vous fûtes épris i Je ne puis vous donner que ce (încere avis ^ Pour le prix de toutes vos fêtes.

SCENE VIII.

OCTAVE , ZERBLM , SPINETTE cachée.

Octave, 'Ingrate !

Zerbin. En vain pour rgus j'ordonne mille jcujcj

L

fi LA VENITIENNE^

Nous perdons tous nos foins. Octave.

Quel mépris rigoureux? Suîs-môî , Zerbin , je veux confuUer Ifinénide i

Elle habite près de ces lieux ; On dit que Tavenir eft fans voile à Ces yeux j Sur le fort de ma flame il faut qu'elle décide^ Viens,

SCENE IX,

SPINETTE fiu(e.

A

Lions révéler le deffein du perfide,' Qu*îl ne trouve de paix que dans Css premieif nœuds.

Amour , puni les cœurs volages i Fais refufer tous leurs hommages f Et qu'ils ne foîent jamais contens» On verroitplus d*Amans fidellet. Si tous les Amans inconftans Ke rencontroient que des cruellesa

Fin du premier aCÎÇt

m

COMEDIE-BALLEt. i>

'"^^^^ 'i'M^^^h '^Mk^. ACTE II.

Le Théâtre ref réfente une Cave,

SCENE PREMIERE.

OCTAVE déguifé en Valet , ZERBIN déguifé en Noble Vénitien»

T

Octave. E s pas font incertains , ^t te fait chance- 1er.'

Z E R B I »•

Pui^je entrer ici fans trembler?

Pour braver les périls , ou votre amour m'engage^ Xai voulu de Bacchus emprunter le fecours : Dans (a liqueur j*ai cherché du courage. Mais je fens bien que j'en manque toujours» Octave. C*eft m^ofFenfer que de rien craindre , RafTure-toi , Zerbin , & fonge à te contraindre j Il faut de nos Devins efTayer le pouvoir; De ton déguifement foutiens bien rapparencc ^ Par nous allons bien-tdt voif

io LA VENITIENNE;

Ce que je dois fonder d'efpoir fur leur puiffancei

Je vais les avertir. Demeure,

Z E R B 1 N,

Quoi ? fans vous l Je ne puis-

O e T A V

Obéi , il tu crains mon courrouxî

SCENE il

Z E R B I N Jeul.

c

lel ! il me laifîe , il m'abandonne | Que je vais payer cher fes nouvelles amours ! fuis-je! Malheureux! je tremble , jèfriflbnne. Quoi ! Bacchus , ai-je en vain imploré ton fecoursl Ne fçaurois-tu bannir le trouble qui m'étonne l

Quels funeftes objets s'offrent â mes regards î Je croi voir s*élever mille fpedres terribles ; Des monftres fous mes pas naiffent de toutes parts* Quel bruit affreux ! Quels cris ! Quels heurlemens horribles !

Fuyons ; mais par m*échaper ? La frayeur pour fortir me cache le palTagc;

;?

COMEDIE-BALLET. %f

Ciel ! quelle main m'arrête , & quelle aÉTreufij

image ! Quel géant furieux efl prêt sl me fraper ?

Lâche , fu ne vois rîen , rougi de tes allarmes^ Bacchus , viens difïîper les erreurs de mes fens ^ Ne m*as-tu donc prêté que d'impuiflantes armes i Ah ! je te reconnoîs au calme que je fens.

livrons-nous au fommeil ce Dieu nous convie; Enchantons mes frayeurs fous fes charmans pavots^ Que le fort des mortels eft peu digne d'envie ! hes plus doux plaifirs de la vie , Sont de n'en point fentir les maux.

SCENE II L

ISABELLE, ZERBIN endormh

Isabelle.

J'Ai fçu que mon Amant doit fe rendre en ce^ lieux , Mon dépit m'engage à l'y fliivre; Je brûle de punir fon amour odieux: Mais que vois-je! C'eft lui que le fommeil me livrtf,

'Tu peux dormir, ingrat , & tu trahis mes feux ! 1-e repos entre-t'il dans le cœur d'un perfide }

ni LA VENITIENNE.'

Ah ! vangeons-nous , rangeons le mépris de

vœux ; VAmoutgétDkcn yiûn,la Colère décide*

Régnez Haine, Fureur, triomphez aujourd'hui. Kon , non , ne fouffrez pas ^ue mon cœur s'atten*

drifTe; L*ingrat ne m*aime plus ; qu'il meure, qu'il périffè» Et je Taime encor , périflbns après lui. Régnez haine , fureur , triomphez aujourd'hui» £ Elle va pour lui oter fin poignard , if l'en frapper, ]

Z £ K. B I K réveillant» Ah!

Isabelle* Quelle eft cette voix !

Ze RB IN.

O di^race nouvelle? Que voîs-je! Que croirai-je ! Etes-vous Ifabelle ? Ou ne feriez-vous point plutôt quelque Démon ,

Qui fous les traits de cette Belle , Vient effrayer mes fens , & troubler ma raifon î Isabelle» Qu*entens-je ? Ce n'eft point Oâave^ Sous ce déguifement , qui te peut amener i jParle.

^ E R B I

L'Amour , dont mon Maître eft refclavp j

COMEDIE-BALLET, i|

Eft Tunique raifon que j*aye à vous donner. I^ais Ciel ! Efl-ce bien vous î Ma frayeur fe rc« (double.

Vous me voyez tout interdit :

Ah ! vous êtes un Efprit , DiiparoifTcz de grâce , & diflipez mon trouble*

Isabelle lui touchant l'épauh»

Tout E/prît que je fuis, n*en conçois point de peur<i

ZzK^i a fuyant. Je fuis mort.

I s A BEL LE.

Je ne veux que punir un perfide» Que fait ton Maître?

Z E R B I

Hélas ! il consulte Ifménidei Pour apprendre le Con de fa nouvelle ardeur^

Isabelle. Cielî

Z E R B I N tremhîantp De <on changement Tinjudice eft extrcnfc; 3*ai cent fois condamné fes volages amours. Je lui vante Isabelle , & je la fers toujours , Comme Ci c'étoit pour moi-même^

Isabelle. On vient. Je veux les écouter, Peur difcours m'apprendra ce ,que je dois tput^lf

i4 Ï^A VENITIENNE;

SCENE IV;

OGTAVE, ISMENIDE Devinerejfe i ISMENOR Devin, ZERBIN, Trou^et

as Devins & de Deviner ejfes , ISABELLE les obfervant fans être vue.

Octave.

VOus pour qui l'avenir n'a rien d'impénitra-. ble. Qui des plus fombres cœurs percés tous les détours^ Vous fçavez qui de nous cherche votre fecours \

Sur l'ennui fecret qui l'accable , Prononcez-lui du Sort l'arrêt irrévocable.-

IsMENiDE.

Vous croyez me furprendre, en me cachant voc vœux.

Octave. Votre art découvre tout, c'eft à nous de nous tair^ï IsMENiDE à fart. N'importe , malgré leur myftére,' En les intimidant , tâchons à juger d'eux*

[ Elle obferve leur mouvement, ]f Les Démons à ma voix vont paroître en ces lieux^ l^ourrcz-vous foutenir leur terrible préfence |

O C T A VE|

Parlez , je ne crains rien»

COMEDIE-BALLET. i^

Z E R B I N.

Moi 5 je crains tout , 6 Dieuxl Octave.

Préfentez , s*il le faut , tout l'Enfer à nos yeux i Et répondez à fon impatience,

IsMENIDE,

Je pénétre au fond de vos cœurs. En vain vous vous cachez fous ces dehors trom^ peurs ;

Je Jie r^aurois vous méconnoître.

[ à OéJave» ] Vous me cherchez vous feul. Et vous êtes (on Maître.

Octave. Vous fc^avez quel defTein en ce lieu me conduit î

Ismenide embarrajjeeg Souvent t l'Amour « . .

Z E R B I N.

Ciel! quel Démon Tinflniit! Ismenide. L'Amour vous fait fentir fes plus rudes atteîntest

Z E R E I N.

Chaque mot redouble mes craintes» Octave. Apprenez-moi quel fort il réferve à mes feux;

Ismenide. LaifTez-nous célébrer nos myftéres affreux»

O vous qui vivez fous mes Loîx,' Twie VU B

itf LA VENITIENNE,^

De mes enchantemens Miniflres redoutables ^ faites tout retentir de vos cris effroyables , f pntraignez, le Deftin de répondre à ma voixa

C H CE u R. j

Que tout tremble , que tout.frémifle , Que de nos voix tout retemifle. f Lf/ Devins font huïs Cérémonies magiques*]

IsMENIDE,

Noir Souverain des ténébreux abîmes j pu Deftin à nos yeux dévoile les fecrets :

Pour prix de tes bienfaits , puiiTe par tout la Mort t'immoler des vidimesf

IsMENORC^IsMENIDE.

Que la Guerre en cent lieux répande la terreur^ jS^ue la Rage cruelle empojfonne fes armes^

Que les cris , le fang , & les larmes

Signalent par tout fa fureur.

C H OE u R,

Que la Guerre en cent lieux répande la terreur 5 Que la Rage cruelle empoifonne fes armes.

Que les cris , le fang , & les larmçs

Signalent par tout fureur,

Z E R B I N, ^

Ne fuis-Je pas déjà dans les fombres Royaumes ? J^ai ber.u fermer les yeux, je voi mille fantômes!

ISMENIDE,

Cette fombre lueur nuit encore à nos charmes. Que ces flambeaux éteints laiiTent régner la nuit,

COMEDIE-BALLET. igf

[ à Odave, ] Bien-tôt pour prix de vos allarmes De votre fort vous allez êne inftruit.

[ On éteint la lampe qui éclairoh la cave, J Isabelle. Avançons , la clarté ne me fait plus d'obftacle » Profitons de la nuit, & prononçons l'Oracle.

Tremble , Oâave , écoute ma voix.

IsMENiDEjd^ tous les autret ACîeurs effrayés» Ciel! O Ciel! Je frémis.

Isabelle*

Gardez tous le iîlence.

Ismenide & Le Choeur,

Quelle furprife ! O Dieux ! Quelle puifîance Vient ici nous donner des loix î. Is abelle. Obéiiïez, ou craignez ma vengeance.

Perfide , romps tes nouveaux fers r Si ce jour ne te voit fous les loix d'Ifabelle, Je tiens le fer levé fur ton cœur infidelle , Cette nuit avec moi , je t'entraîne aux enfers.

Ismenide C^le Choeur.

Quelle horreur ! Quel prodige ! O Dieux!

Fuyons, fuyons de ces funeftes lieux.

Bij

i%.

LA VENITIENNEi

I Isabelle feule»

CToi qui m'as infpirée j achève ton ouvrage ; Amour , ç'eft à toi feul de me rendre un vdage.

fin du fécond ade*

C O M E D I E- B A L L E T. 2> *;

ACTE III.

Le T7jéatre re-pré fente un ^ppartemeni. préparé pour un BaL

SCENE PREMIERE.

L É o N o R È.

V^ U À N b je rèvoi TObjet <îé nies amours , Le temps s'enfuit d'une vîtefTe extrême;

Mais hélas ! Il fufpend Ton cours ,

Quand je ne voi plus ce que j'aime.

O Temps , fervez mieux nos defirs , Reparez de l'Amour les rigueurs inhumaines, Arrêtez- vous, pour fixer Tes plai(îrs ,

Volez, pour abréger Tes peines.

SCENE II.

LÉONORE, OCTAVE^

V

Octave.

Ous rêviez feule en ce rëjour J

La folitudc invite à ramoureufe flâme ;

B ïi{

LA VENITIENNE^

Ne craîgnex-vous point queTAmour Ne pierne ces momens pour furprendre votre aine?

Le O N ORE.

Il me livre de vains combats , Avec Votre fecours , c'eft en vain qu'il me prefTe j Mon cœur brave tous fes appas , Et je ne crains point qu'il me bleflc.

Octave.

Craignez , craignez qu*il ne vous bleffe pas»

L'Amour feul peut nous fàtîsfaire , Sans lui rien ne peut nous charmer: Le premier plaifir eft d'aimer. Et le plus feniîble eft de plaire.

Le o N o RE.

L*Amour coûte trop de foupîrs. On Ce plaint , on languit dans fes plus douces chaînes ,

11 n'efl jamais fans defirs. Et les de/îrs font des peines. Octave. CefTez , cefTez de craindre , aimez à votre tour. Les defirs des Amans font plus doux qo'on ne penfe;

Les plaifîrs de l'indifférence . j ., Ne valent pas les peines de l'amour»

COMEDIE-BALLÈT* i%

L E O N O II E.

t^ourquoi donc en m'aimant, vous plaignez-VOliS

fans cefle ? Vous êtes trop heureux de fouffrir fous ma loi 2 Vous aimez, je fuis la tendrefTe , Vous ne devez plaindre que moi. Octave, Vous inftiltez , cruelle , aux maux que vous lllâL faites ;

N'importe , Ingrate que vous ètes^ Connoiiïez de TAmour quel eft tout le pouvoîfé

En vain vous m'outragez fans cefTe, Je fens que vos rigueurs irritent ma tendre Ife i Je fais tout mon bonheur du plaifir de vous voir: Je ne puis vaincre ma foiblefle ^ Je ne puis même le vouloir. [Isabelle mafquée , paroit avec une Trouât de Mafques, ] Leonore à farté L'objet qui m'a charmé vient de fraper mes yeux. Éloignons un moment fon rival de ces lieux*

[ à Oôîave, ] 0<flave , allez vous-même avertir Ifabelle.

Octave. Eh ! Pourquoi voulez-vous qu'elle foit de ces jeuxj Leonore, Allez , vous dis-je j je le veux^

Et ne revenez pas fans elle.

Biiij

5îk LA VENITIENNE,

Octave à part. Quels foupçons viennent m*agiter f Demeurons , & fçachons s'il s*y faut arrêter.

SCENE III.

ISABELLE mafquée & déguifée en Vénitien , LEONORE, OCTAVE.

J Isabelle.

E vous revois enfin , aimable Léonore. Que de nouveaux attraits ! Que mes yeux font charmés !

L E G N O R E.

Hélas ! Vous m'aflurez toujours que vous m'ai- mez,

Et je n*ai pu vous voir encore. Isabelle. Je per(^rois votre cœur, pour contenter vos yeux ; Vous m'en aimeriez moins , vous me voyiez mieux.

L E o N o R E,

Qu3 dîtff-vous, ingrat, ces injufles nllarmes Vous obligent à vous cacher î Isabelle. 3'auroîs en vain les plus aimables charmes. Ils pourroieht ne vous pas toucher.

COMEDIE -BALLET. jj

Ceil par ma feule ardeur ^ue je prétens vous plaire.

L E o N o R E.

Vos refus ne font voir qu'une ardeur bien légerCj

Isabelle.

Mon cœur brûle de mille feux ,

confiance & l'amour y triomphent enfemble;

Non , dans tout l'Empire amoureux , Vous ne trouverez point d'Amant qui me relTemr ble.

Mais fi mon Cœur eft tendre , îl n'ell pas moins jaloux. Je crains qu'Oclave un jour ne vous iléchire; Il vous rend mille foins . . i

L £ O k G K £«

Je les méprîfe tous:- Isabelle. N'importe » (on amour m'efl un cruel fupplice.

Ah ! Cachez à fes yeux les beautés que Je voî ;

Eteignez fon amour, pour bannir mes allarmes : Moins il vous trouvera de charmes , Et plus vous en aurez pour moi.

L E o N o R E.

1^'étes-vous pas le feul de qui Tardeur m'en- chante î

Tout autre amour m*eft odieux.

Je voudrois être encor mille fois plus charmante ,

B y

34 LA VENITIENNE^

JWaîs je Youdroîs ne l'être qu*à vos yeux. Enfemble, Suivons TAmour qui nous appelle; j(Ju*il enchaînée nos coeurs de fes nœuds les plus beaux. Que notre ardeur foit éternelle. Et nos plaifîrs toujours nouveaux» Octave. 'Ah! Cen eu trop, je cède à cette ofFenfe* [tf Léomre.'S Inhumaine , quel prix reçois- je de mes vœux? C*eft donc cette indifférence Que vous oppofiea à mes feux. Malheureux , quelle erreur avoit fcduitmoname? Je preiTois votre cœur de fe laifTer charmer , Tandis que le cruel qui dédaignoit ma fidme^ Ne fçavoit que^irop bien aimer.

L £ G N G R E.

Vous voyexune ardeur que je vouloîs vous taire ;

La raifon doit vous dégager.

Octave.

Ah U* Amour dans mon cœur fait place à la colère;

Je ne vous perdrai pas du moins fans m*en venger.

Isabelle.

Calmez la fureur qui vous guide ; Peut-être qu'Ifabelle eft cachée en ces lieux. >Ie rougiriez- vous point de montrer à Tes yeux^ Ce défefpoir perfide l

CÔMEDlE-ÈALtET, 3^-

Octave,

Quoi ! Mon rival ofe encor m*infiiltef l Isabelle, Crain que je n'ofe davantage.

Octave. 0 Ciel !

Leonore à Ifabilk* CefTez de l'irriter. Isabelle. Won i fes feux me font trop d'outrage.

Octave dr Isabelle.

Tremble, crain TAmour en courroux» Tremble , crain ma jaloufe rage.

L E O N O R E,

Cruels ! A quels tranfports vous abandonnez-voui?

Octave, Ingrate , e'efl lui feul qui caufe vos allarmes$ C*eft pour lui que coulent ces larmes. Ah ! vengeons-nous y brifons un funefte lien ; De Ton fang odieux voyez rougir mes armes. Et pleurez fon trépas , ou jouiflez du mien,

Isabelle 6 tant [on mafque d'une main , & de l'autre tirant fon poignard,

Connoîs-moi donc, perfide, & frape fi tu VoCçs,

Leonore C^Octave.

Que Yois-je l

B y'i

R LA VENITIENNE,

L E O N O R E.

Amour , à ^uels maux tu m'expofes ?

i Elle fort,}

^

SCENE IV.

OCTAVE, ISABELLE.

^,p^ Isabelle.

Jl^ Ui te retient , ingrat , fuis ton refTentiment,

Sois mon vainqueur , ou ma vi<fHmc ;

Que l'un de nouî périfTe en ce moment:

Perfide , vien combler ton crime ,

pu recevoir ton châtiment. Octave. Je ne puis revenir de mon étonnement. Isabelle.

J'ai touché l'objet qui t'enchante ; îôus ce déguifement j'ai traverfé tes voeux ; IVTais je fens , malgré moi , ma colère mourante; CefTe de m'ofFenfer, reprens tes premiers nœuds; Ne vois en moi qu'une fidèle Amante ,

N'y vois plus de Rival heureux.

Laiffe-toi vaincre à ma confiance; LaîfTe à mes tendres feux rallumer ton ardeur: Mes larmes, mes foupirs font toute ma vengeance; yoi l'Amour ^pis mes- yeux rejen^ander tçn çaûTi

C O M E t) I E - B À L L E t. 3 >f

Qu'au moins la pitié t'attendrifTe ; JVIais hélas ! Ton mépris comble encor mes malr heurs ! Quoi ! Se peut- il que rien ne te fléchifle l Tu me plains un regard f

Octave»

Je vous cache mes pleurs*

Tant d'amour touche enfin mon ame; Plus charmé que jamais , je tombe à vos genouxs Accordez le pardon d'une infidèle flâme , A celle que mon cœur fent renaître pour vousa Isabelle. Cher Oaave !

Octave. Ifabelle ! Enftmble,

Hélas ! îuis-je espérer que vous m'aimiez encore?

Isabelle. CherOaave!

Octave. Ifabelle? Enfemble

Hélas! Tout vous dit que je vous adofôv

IsABELLEf

Wes larmc5 >

38 tA VENITIENNE^.

Octave.

Mes regrets >

Isabelle.

T Mesfoupîrs» Octave.

Vos appas; Enfemhîe, Tout vous dit que je vous adore. Octave. 3*ai fçû que dans cet antre ma conduit ma

flâme. Votre voix m*a tantôt rappelle fous vos loîx ; Ce qu*a commeneé votre voix. Vos yeux Tachevent dans mon ame^ Isabelle. On vient. Que cette Fête aura d'attraits pour moîl Je lui dois le bonheur de vous voir fous ma loi.

SCENE DERNIERE.

OCTAVE, ISABELLE, ZERBINé SPINETTE, Trouve de Mafques,

L

C M OE U R-

i Oin de nos Jeux , importune Sageiïe^ Ne troublez point un fi beau jour^ Accourez I aimable JeuneiTe |

COMEDÏE-ÊALLET* 0^

Amenez les Ris & l'Amonr.

[ On danfe, ]; Isabelle.

D'un infidèle enfin , j'ai rallumé la flâme , Et jamais le bonheur de régner dans fon ame

hTavoit tant flaté mes defirs. Amour , s*il eût été plus confiant dans mes chaînes^ J'ignorerois encortes plus cruelles peines; Mais mon cœur n*auroit pas goûté tous tes plaifirs»

SpiNETTE & ZeRBIN,

Notre jeunefTe S'enfuit fans cefTe , N'en perdons pas les précieux inflans ^ N'aimons que pour rire. Point de martire. Dans nos liens foyons toujours contenso- Des traits de l'Amour ne craignons point Tat* teinte ,

Mais qu'il nous les laifTe choiiîr. Fuyons la contrainte, La jaloufe crainte, Vn cœur doit n'aimer que pour fon plaiiîf»

AIR ITALIEN.

Farfalletta fcnza core ,

Vo girando intorno^ allume p

fer amor cke rrCinjïammom

^Amor c»l deke'ardore ^

LA VENITIENNE , COM. BALLETé

Col m'accete il rnio bel Numcj Che la pace rninvolo, jDa Capo.

1 1 n;

ALCIONE,

TRAGEDIE,

Repréfentée par l'Académie Rop!e de

Mufique , pour la première fois ,

le jeudi i8 février 1705.

Cette Edition efi conforme à la nouvelle rem'ifsw

ACTEURS DU PROLOGUE.

ï M O L E. APOLLON. LES MUSES* PAN.

Troupe de Faune: & de Dryadefi

Troupe de Bergers , de Bergeret & de Pajlreu

Une Bergère*

4i PROLOGUE.

Le 'théâtre rtf réfente le Mont Tmole. Dei Fleuves 0- des Noyades appuyées fur leurs Urnes , occupent la Montagne , df forment une efpéce de cafcade.

A

TMOLE.

PoLLON & le Dieu <îes BofS Vont difputer ici pour le prix de la voix.

Les Nayades viennent s'y rendre r Ty voi déjà couler mille nouvelles eaux ; Des Forets d'alentour les amoureux oifeaux

S'y raiTemblent pour les entendre.

Echo , tu fais déjà tous les chants de ces Dieux ; Pour les entendre encor , cache-toi dans ces lieux.

Choeur des Fleuves.

Echo , tu fais déjà tous les chants de ces Dieux ; Pour les entendre encor , cache-toi dans ces lieux,r

[Pan vient d'un côté avec une Troupe de Faunes t^ de Dryades , qui vont fe placer en dati" fant au bas de la montagne, ApolloH vient de l'autre coté avec les Mufet^ J

44 A L C I O N E ,^

T M O L £•

Commencez un combat à jamais mémorable. Je dois , par votre choix , couronner le vainqueur ;

Je vais mériter cet honneur.

Par un jugement équitabk.

Pan commence la difpttte & chante la Guerre»

tuyez , Mortels , fuyez un indigne repos : Kon , ne vous plaignez plus des horreurs de la futrre.

Elle vous donne les Héros ^ Elle fait les Dieux de la terreè

Courez affronter le trépas ,

Allez jouir de la viâoire ; Sur Ton front couronné , qu'elle étale d'appas ! L*affreufe Mort qui vole au-devant de fes pas >

Fait naître l'immortelle gloire^

Apollon chante la faix & l'Echo réfond à fis chants.

Aimable paix, c*cft toi que célèbrent mes chants ? Defcend , vien triompher du fier Dieu de la

Thrace ; Tout rit à ton retour, tout brille dans nos champs. Dès que tu difparois , tout l'éclat s*eri efface»

Kégrte , fille du ciel , mets la Difcorde aux fers '

I

j

PROLOGUE. $f

Que le bruît des jjmbours dont la terre s'allarme »

Ne trouble plus nos doux concerts. Heureux, heureux cent fois le vainqueur qui ne yarme

Que pour te rendre à Tunivers.

Les Muses , les Fleuves & les Nayades;

Régne , fille du ckl , mets la Difcorde aux fers ; Heuriîux , heureux cent fois le vainqueur qui ije s*arme

Que pour te rendre à Tunivers.

T M G L E à Fan, A .vos chants immortels , quel cœur n'eft pas Ceti'*

Mais les {leas plus puiiTans ^ m'ont encor plus ^tté :

J*aî cru Pan invincible. Tant qu* Apollon n'a pas chanté. Pan. , Puiïqu*à Gl foible voix vous vous laiffez fùrpren«« dre : Hon , vous n'entendrez plus mes chants harmo«; meux:

Je vais chercher ailleurs des Dieux Qui foient plus dignes de m*entendre«

[ I/yè retire avec fes Faunes ^ ] Apollon, Accourez ^hâbixans de c^s prochains bcccages.

4^ A L C I O N E ,

Bien-tôt la paix va revoir ce féjoui:; Venez- en goûter les préfages. Et préparez ici vos jeux pour fon retour.

l Une Trouve de Bergers & de Bergères témoignent hur joye de ce que leur prédit Apollon, ]

Une Bergère. Le doux Printemps ne paroît point fans Flore , L'aimable paix ne vient point fans TAmour. Dans ce beau jour. Que d'ardeurs vont éclore ! L'Anîour & la Paix Se prêtent mille attraits.

[ On danfe, ]

La Bergère & le Choeur ahernativementi

Pour nos hameaux quitte Cythere , Charmant Amour , garde-nous tes faveurs , Fai-nous aimer de qui faura nous plaire , D'un feul trait bleffe toujours deux cœurs»

Apollon.

Qu'un rpe«flacle charmant fignale ma vidoire i Mufes , des Alcions renouveliez l'hiftoire.

A Tonde (bulevée , ils rendent le repos,' Et des vents en fureur ils teJrminent la guerre t Puifle régner fur la terre La paix qu'ils rendent aux flots#

PROLOGUE, I

Le C h oe u r,

A Tonde foulevée ils rendent le repos , ^t des vents en fureur ils terminent la guerre | PuifTe régner fur la terre La paix qu'ils rendent aux flots»

fi» du Prologue*

ACtEURS DE LA TRAGEDIE.

CEIX, Roi de Trachims» ALClONEy file d'Eole» PELÉE, ami de Ceix. P H O R B A S , Magicien, ï S M E N E , Ma^cienne»

CÉPHISE S confidentes d Alaonei^

f^e Grand Prêtre de l'Hymen»

Une Matelotte,

La Prêtrejfe de Jtmon,

Le Sommeil,

PHOSPHORE, ^ere de C«x.

NEPTUNE.

Suite de Ceix & d'Alciçne,

Un Suivant de Ceix,

Suite du Prêtre de l'Hymen,

Troupe de Magiciens & de Magiciennefa

Troupe de Matelots,

Troupe de Zéphirs & de Songes»

'troupe de Divinités de la Mer»

La SccnQ cfl à Trachîncj^

I

ALCIONE,;

ALCIONE>

TRAGEDIE.

f^«^{«i {^i^f^ £^(^£4^ f^f^e^

ACTE PREMIER.

Le Théâtre re^ré fente une Gallerîe du Fa-^ lais de C E i x , terminée far un endroit du Valais consacré au:>ç Dieux»

SCENE PREMIERE;

PELÉE, PHORBAS.

F H O R B A s.

O u S voyez le Palais l'hymcil

d'Alcione Va combler les de/îrs de votre heui

reux rival :

Déjà la pompe s*en ordonne » Tome VI, C

f^ A L C I O N E i

gt le moment approche . . . Pele*e.

Ah ! Quel moment fatal !

P H G RB A s,

Seîgneuif , îl faut troubler cette odieufe fête-: Tout l'Enfer conjuré m'a promis fon fecour^ ; Et ce jour qu'ils ont crû le plus beau de leurs jours. Va bien-tot devenir . .

P E L E*E,

Arrête. Tu fais ce que je dois au Roi. Banni de ma Patrie , Se teint du fang d'un frère,

Funefte objet des fureurs d'une mère ; lui feul à vengeance il s'expofa pour moi.

Sa Cour fut mon unîqus azile ; Aleîone à Tes jours alloit unir Ton fort. Dieux ! Je ne pus la voir avec un coeur tranquile. Vertu , gloire , raifon , tout me fut inutile ; Mon amour combattu n*en devint que plus fort.

Un monftre que la mer vomit , contre mon crimO Sulpendit cet hymen dont j'étois jaloux ; Et ce peuple en feroit encore la vidime , S'il n'étoit tombé fous mes coups.

P H OR B A s,

LailTez-moî ranimer ce monftre redoutable; Qu'il rompe encor de funeftes nœuds,

I

TRAGEDIE. f i]

P E L e'e.

Non , ne me rens point plus coupable $ Non, laifTe-moi mourir, laifTe-les vivre heureux» Abandonne mon cœur au feu qui le confume. D'un hymen que je crains, pourquoi me garentitJ C'efl par moi qu'aujourd'hui fon flambeau Ce raU lume.

Je ne veux point m'en repentir.

Amour , cède à mes pleurs , & refpeÛe ma gloire J

Ah ! laifle-moi brifer mes fers. C'eft trop à la vertu difputer la vidoire ; Contente-toi , cruel , des maux que j'ai roufferts*;

Amour , cède à mes pleurs , & refpeâe ma gloire j Ah ! laifTe-moi brifer mes fers,

P H O R B A s.

C'eft aflez répandre de larmes , Et votre cœur n*a que trop combattu ; Ifmene & moi, nous allons par nos charmes^ Secourir votre amour contre votre vertu. I Pele'e.

Arrête ... On vient, O Ciel ! A quoi me réduise

tVLÎ

Ci/

5r2 A L C I O N E ;

I

I ' ' Il

SCENE II.

ilLCIONE, CE IX, Trouve d'ÉoLiEKEîi

& de Suivant deCEix, PELÉE»

CÉPHISE.DORIS,

A

C H OE U R,

Imez , aimez-vous fans allarmes i jÇJue vos feux fpnt charmans , ^ue vps liens font ,

doux! L'Hymenée & l'Amour vous prodiguent leurs] charmes. Tendres Amans , foyez heureux Époux, Alcione & Ceix. Aimons, aimons-nous (ans allarmes , Que nos feux font charmans , ^ae nos liens font doux!

C H 0E u

L*Hymenée & l'Amour vous prodiguent leurs charmes , Tendres Amans , foyez heureux Époux,

C E I x Pelée» À

Partage, cher ami , les transports de mon ame; L*Hymen va me livrer l'Objet de tous mes foins î Et rien ne manque au bonheur de ma fiâme , Puif9.ue tes yepx en font témoins,

TRAGEDIE. t%

Que ne puis- je te voir plus heureux ^ue moi- même !

Pe le'e,

Eft-il un fort plus doux ? Alcione vous aime*

A L C I O N E.

Du plus ardent amour mon cœur eft enflammé |

Je me plais à brûler des feux qu'il a fait naître y

Il n'eft point d'Amant plus aimé ,

N'y d'Amant plus digne de l'être,

F JE le'e.

Infortuné !

C E I X,

D'où naiiTent ces foupîrs ?

P E L e'e.

Que les maux qu'en ces lieux a caufés ma préfence,"

Ont coûté cher à vos defirs ! Que vous avez fouffert d'une injufte vengeance!

Alcione & Ceix. Oubliez nos malheurs, partagez nos plai(îrs. C E I x à Pelée, Ah ! Que ton cœur n'eft-il plus tendre , Pour juger du bonheur qui va combler mes vœux î C'eft l'Amour feul qui peut faire comprendre Les plaifirs d'un Amant heureux. Alcione, Ceix & Pele*e. Que rien ne trouble plus une flame fi belle.

a!Ïc. ^^' 5"' l 7^1 1 chaîne a d'amùsS

c«ii

^4 A L C I O N E i

Qu'elle dure à jamais,

Pele*e# rvous-). ,1 . n «

. , ^ Et > <iemble toujours nouvelle! A.aC. c nous 5

A L C I O N E.

Chantez^ chantez, faites entendre Les accords les plus doux , les fons les plus tour eh ans ;

Par vos plus tendres chants , Célébrez l'amour le plus tendre» Le c h oe u r réféte^ Que rîen ne trouble , &c.

[ Lej Eolîennes & les Suivant de CeJJi _ forment le Dhertijfement.'} m

U^ Suivant de Ceix alternativement

avec le Chœur, Que vos defîrs PuifTent toujours renaître !

Par les plaifîrs , Votre flâme doit croître*.

Qu*à nos amours L'Hymen feroit à craindre >

Si Ton fècours Servoit à les éteindre.

Serrez les nœuds D'une chaîne fi belle; Que l'amour heureux N'en foit ^ue plus fidelle.

TRAGEDIE. ?f

Cjîephise (jrDoRis, à qui le Chœur réponde Dans ces lieux , Amour , tu nous raménei Les Plaifirs , les Grâces & les Ris.

Ceft après des rigueurs inhumaines ^ Que tes dons font cent fois plus chéris $ Qu*il eft doux d'avoir fouffert tes peines i Quand tu viens nous en donner le prix !

SCENE III.

ALCIONE, PELÉE, CEIX; LE GRAND PRESTREif l'Hymen, qui faroU avec fa Suite , portant des flambeaux ornés de guirlandes,

C E I X.

ON approche. Ceflez , & qu*un profond fî- lence Des Prêtres de l'Hymen honore la préfencc. P E L e' E à part Ciel ! Leur hymen va s'achever! De ce fpedacle affreux , 6 Mort , vien me fàuyer !

Le Grand Prestre. Le flambeau de l'Amour n'a fait naître en votre ame

Que refpérance & les defîrs. Le flambenu de l'Hymen va par fa douce fldme,'

y faire régner les plaifirs.

Cm]

ftf A L G î O N E ,

Venez , venez, au nom de la Troupe immortelle, Vous jurer Tun a l'autre une ardeur éternelle.

Alcione Ù Ceix. Ecoutez nos fermens , Arbitre des humains. Vous , qui pour punir le parjure. Tenez, la foudre dans vos mains ; Vous , qu'en tremblant adore la Nature ,' Maître ^qî, Dieux . . .

Alcione , Ceix & le Grand Prestre,

Quel bruit ! Quels terribles éclats !

L*air s'allume ! Le Ciel fait gronder Ton tonnerre !

Quel goufire affreux s'eft ouvert fous nos pas!

■Tout l'Enfer en couroux fort du fein de la terre !

[ Des Furies fortent des Enfers , faifijfent en volant les flambeaux de l'Hymen dans les mains des Prêtres , & embrafent tout le Valais, ]

Le Grand Prestre. Fuyez. A votre hymen le Ciel ne confent pas.

C H OE u R.

Quel embrâfement! Quel ravage! Dieux! injuftes Dieux! Quelle horreur! Laiflez-nous du moins un pafTîige ; Laiffez-nous fuir votre fureur,

P E L e'e.

Cet Autel , ce Palais dévore par la flame. Malgré-moi , flatte mon ardeur :

TRAGEDIE.

n

Mais , je ne Cens qu*avec horreur Le perfide plaifir qui renaît dans naon am^J Dieux ! jufles Dieux ! vengez-les , vengez-rous J LanceZ)lancez vos traits , je me livre à vo? coup?^

Fin dtê ^nmiçr A^€»

it

A L C I O N Ei

ACTE II.

Le Théâtre re^réfente une Solitude affreiife , & Ventrée de r Antre de Thorbas

& eïIsMENE.

SCENE PREMIERE.

PHORBAS, ISMENE.

L

I S M E N E.

E Roi dans ces lieux va fe rendre ; Il a crû que le Ciel traverfait fon bonheur ; Et c'eil par nous qu'il veut apprendre S*il ne peut de fon fort adoucir la rigueur,

P H o R B A s. Pour le troubler encor , unifTons-nous , Ifmene ; C'eft moi qui vous appris monartmyfterieux: Il faut fervir Pelée , il faut fervir ma haine , Contre un Prince qui règne regnoient mes ayeux.

Pour attirer confiance , J'ai feint, fans murmurer, de recevoir fes voeux : Mais , je (èns trop que ma naiflance M'appelloit au Trône des Rois,

T R A Û E £) î É. r9

Rcfervons-nous du moins le plus doux de leurs droits :

Regnons par la vengeance» Enfemhle, Phorb. Regnons par la vengeance. IsMENE. Régnez par la vengeance.

^

SCENE II.

C E I X fans appercevoir Vhorbas & Ifmenc*

C E I X.

Dieux cruels , puniiîez ma rage & mes mur- mures ; Frapez, Dieux inhumains, comblez votre rigueur^

Vous plaifez-vous à voir dans mes injures. L'excès du défefpoir vous livrez mon cœur?

Je touchois au moment la Beauté que j*aime ,

M'eût rendu plus heureux que vous. D'un extrême bonheur. Dieux, vous étiez jaloux! Et vous vous en vengez par un fupplice extré ne; Mes maux font aufli grands , que mon elpoir fut doux.

Dieux cruels , punifTex ma rage & mes murmures;

Frapez, Dieux inhumains, comblez votre rigueur i

Vous plaifez-vous â voir dans mes injures ,

Cvi

li A L C I O N E ,

L'excès du défefpoir vous livrez mon cœur ? [ il apperçott Phorbas & Ifmene qui s* approchent»']

L*injufte Ciel à mes maux m'abandonne ; J'ai recours aux enfers , daignez les confulter.

Phorbas. Que ne renoncez-vous à l'hymen d'Alcione ? Le Ciel vous le défend , pourquoi lui réfifter ?

Ce IX. Les Dieux ont vainement troublé mon efpérance , Je Cens à chaque infiant mon amour s'augmenter j Et cet amour les ofFenfe , Je me plais à les irriter.

I s M E N E.

Quittez de trop cruelles chaînes. Ne formez que d'heureux deiîrs. 'C*eft ofFenfer l'Amour , que d'en chercher les peines :

Il ne veut fervîr qu'aux plaîfîrs,

C E I X.

Ne vous oppofez point à mon impatience. Cruels , par votre réfiftance Voulez-vous auffi me trahir î Phorbas C^Ismene.

Vous êtes notre Roi , c'efl à nous d'obéir.

Vous , dont les myfteres affreux , Pour foumettre l'Enfer, font d'invincibles armes, Quittez vos antres ténébreux , YesiQZ vous unir à nos charmes^

TRAGEDIE. »i|

Accourez , hatez-vous ,

Notre voix vous appelle ; Accourez , fignalez pour nous^ Votre pouvoir & votre zélé.

SCENE III.

PHORBAS , ISMENE, MAGICIENS,

MAGICIENNES , ChœuP de Magiciens

& de Magiciennes,

Choeur de Magiciens & de Magigieknes,

E

Prouvez notre ardeur fidèle ; Parlez , commandez-nous , Nous allons fignalerpour vous Notre pouvoir & notre zélé.

P H O R B A s.

Pour fervîr votre Roi , redoublez votre effort* Forcez , forcez TEnfer à m'apprendre Ion fort.

C H CE UR.

Sortez , Démon , fortez ; que tout ici refTente L'horreur & l'épouvante. P H o R B A s. Tran/portez l'Enfer en ces lieux," Offrez-nous-en du moins la terrible apparence; A nos fens effrayés , faites voir tous-les Dieux , Dont nous vouions implorer rafTiflançe.

ei A L C î O N Ê ,

[ Le Chœur répète lesfix derniers ver:,"}

£ Le Théâtre devient une image de P Enfer ; on y voit au fond Plut on & Troferpne ajjîsfur leur Trône : d^un coté les Fleuves des Enfers <ip- jiuyésfur leurs urnes ^ ^ de l'autre les Par^ ques,"] £ Les Magiciens commencent leurs cérémordes^l

P M o R B A s. Sévère Fille de Cérès , Et toi, des fombres bords formidable Monarque,

Vous à qui la fatale barque Amène à chaque inftant mille nouveaux llijets.

Écoutez-nous , Dieux redoutables ; Que nos voeux , que nos cris vous trouvent favo- fables !

Phorbas, Ismene & LE Choeur. Fleuves affreux , qui par vos noirs f orrens Défendei le retour des Royaumes funèbres , Par les Mânes plaintifs fur vos rives errans ,

Par vos éternelles ténèbres , P* les fermens des Dieux , dont vous êtes garans.

Ecoutez-nous , Dieux redoutables ; Que nos vœux, que nos cris vous trouvent favo- rables !

£ Les Magiciens & les Magiciennes continuent leurs Cérémonies. ]

Phorbas,

Nos vœux font écoutés dans les Royaumes fonir bres^

TRAGEDIE. é$

Chantons, chantons le Dieu des Ombres* Le C h oe u r. Que Ton terrible nom foit par tout célébré. Tremblez , Mortels , tremblez fous fon pouvoir fuprcme :

Qu'il foit plus craint, plus révéré Que celui de Jupiter même, [ Les Magiciens & les Magiciennes témoignent y far de nouvelles danfes , leur joie de ce que tEnfer les écoute, ].

P H o R B A s dans Vantoujîafine* Une fureur Soudaine a fài/î mes e/prits. Refpedez le transport qui de mon cœur s'empare* L'Aveair fe dévoile à mes regards Airpris ; Le fecret du Sort fe déclare.

Que vois-je! fuis-fe ! O Ciel ! Quels effroya^ blés cris !

[ à Ceix, ] Infortuné , tu perds l'Objet que tu chéris. Rien ne fléchit la Parque trop barbare. t'entraîne Tamour ? Arrête . . tu péris» Ceix. Qu'entens-je ! Quel funefte Oracle !

P H o R B A s. Hâte-toî , cours chercher du fecours à Claros ,' Apollon à ton fort , peut encor mettre obftacle; Il n'eft permis qu'à lui d'aflurer ton repos.

?4

A L C I O N E i

Ce IX*

Dieu puîiTant , fauve au moins la PrincelTe ^uO i*aime !

P H o R B A s, pars , & cours Timplorer pour elle , & pour toU même*

ICeixforf.} Phorbasà Ifmene, J'ai vu Ton fort ; fon départ va hâtet Les malheurs qu*il croit éviter»

Fin au fécond ACîç*

TRAGEDIE. éf

9J9 <$7> 4^ 4J^ ^r» cijp ojp . djb djo 3Tp 3jp djb JrSp 3np ^Qp 4jp

ACTE III.

L^ Théâtre rc]^réfente le Port de TrachîneSy & un Vaijfeau prêt à partir»

SCENE PREMIERE.

PELÉE.

A s T E Empire , les vents exercent leurs ravages , Tu n'es pas le plus dangereux.

V

w ravages ,

Tu vois dans l'horreur àts naufrages Expirer mille malheureux : Hélas ! Dans les cœurs amoureux , L* Amour élevé encor de plus cruels orages ,' Son calme efl plus trompeur , fon couroux plus affreux.

Vafte Empire , oii les vents exercent leurs rava*

Tu n*es pas le plus dangereux.

/

U A L C î O N E i

SCENE II.

PELÉE, PHORBAS.

P M O RB A s.

I*Amour vient de vous faire une faveur nou-» J velle. Vous verrez Alcione à vos vœux moins rebelle ji J'écarte le Rival dont Ton cœur eft charméâ Pe lê'ê. Hélas ! Pour être éloigné d'elle ,' Il n'en fera que plus aimé.

L'abfence d'un Rival flate peu mes delîrf ;

Rien ne rendra mon fort moins déplorable; Les maux de ce Rival m'arrachent des foupirs; Je ne puis à la fois être heureux & coupable.

Non , pour un cœur que le remors accable. Les faveurs de l'Amour ne font plus des plaifîrs# [ Von entend un bruit de Fête Marine, ] P H o R B A s. Contraignez-vous , on vient. Cette troupe s'ap- prête Pour conduire Ceix au Temple de Claros , Et vient ici par une fête , Implorer la faveur du Souverain des flots.

I

TRAGEDIE. éf

SCENE III.

PELÉE, LE CHEF DES MATELOTS, Troupe de Matelots*

R

C H OE U R,

Egnez,Zéphirs,regnez fur la liquide plaîncj Qu'en Ces prifons Éole enchaîne Les terribles Tyrans des airs !

[ On danfe» 2 Un Matelot. Amans malheureux , Si mille écueils fâcheux Troublent vos voeux , Le défefpoir eil le plus dangereux.

Quelque vent qui gronde, L* Amour calme l'onde : Peut- on perdre l'efpoir. Quand on connoît Ton pouvoir ? «

[ On danfe, ] Une Matelote. Pourquoi craignons-nous Que l'Amour ne nous engage ? Si c'efl un orage , Le calme eft moins doux.

5J8 A L C I O N E ^

Suivons nos de/îrs : Après quelques foupirs , On arrive aux plailirs»

Pourquoi perdre un jour f

Mettons à la voile : Nous avons pour étoile ^ Le flambeau de l'Amour.

[ On danfe, ]

[ Let Matelots montent fur le Vaijfeatt, ]

SCENE IV.

ALCIONE, CEIX, PELÉE,

^^ A L C I 0 N E.

V^ Uoi! Les foupirs & les pleurs d'AIcion^ Ne pourront-ils vous arrêter? Vous partez !

C E IX.

L'Amour me l'ordonne, A L c I o N E. Quoi! Vous m'aimez, & vous m'allez quitter?

r I

C E I "

Je tremble pour vos jours , & mon unique envîe Eft d'écarter les maux qu'on m'a fait redouter.

I

TRAGEDIE. ?ji

A L C I O N £•

Hélas ! Vous tremblez pour ma vîe ; Cl par votre départ , vous allez me Toter.

Mon Cœur à chaque infiant vous croira la vîdim« Des flots & des vents en courroux: Je connois l'ardeur qui m'anime \

Je mourrai des dangers que je craindrai pouï

VQUS,

C E I X.

Ah ! Plus dans cet amour mon cœur trouve de

charmes , Et plus je fens pour vous redoubler mes frayeurs, LaifTez-moi fur vos jours dilîiper mes allarmes , fit ne craignez pour moi que vos propres mal*?

heuis»

A L c I o N £•

Confêntez donc que je vous fuîve# Si je cefle de voir l'objet de mon amour. Comment voulez-vous que je vive î

C E I X.

Vivez avec Te/poir d'un doux & prompt retour.

A L c I o N E. Vous partez donc, cruel ! Dieux, je frémis , je

tremble ! Eft-ce ainfî qu'à mes pleurs s'attendrit un Epoux,' LaifTez-moi , par pitié, m'expofer avec vous ; Du moins , s'il faut foufïirir , nous fouffrirons en*

femble.

A L C I O N E ,

C E I X.

Quoi ! Je pourrois offrir au Sort Ce moyen d'attenter à votre belle vie ? Au nom des Dieux , perdez cette barbare enyîe;

A L c I o N E. Au nom de mon amour , ne hâtez point ma mort»

Ce I X, Amour infortuné !

A L c I o N E,

TendrefTe déplorable! Enfemble, Qu'eft devenu l'efpoir qui féduifoit nos cœurs?

C E I X.

Dieux cruels !

A L c I o N E.

Ciel impitoyable!

Enfemble, Ah! Devîez-vous troubler de fi tendres ardeurs?

C E I X ^ Pelée, Approche , cher ami ; tu vois qu*un fort barbare. De l'Objet de mes vœux aujourd'hui me Tépare* Je confie en tes mains ce dépôt précieux»

A L c I o N E,

Vous me délêfperez !

C E I X ^ Pele'e.

Confole ce que j'aime. Flate (on cœur tremblant de la faveur des Dieux, Et parle-lui fur tout de mon amour extrême» Adieu , cherc Alcione,

TRAGEDIE. f t.

A L C 10 KE.

O funeftes adieux! Vous m'abandonnez ?

C E I X.)

Dans ces lieux Je vous laifle un autre moi-même,

[ à Pelée, ] Prens foin d'adoucir i^Q^ tourmens. Je t*en conjure encor par mes embrafTemens. [ Qeix monte fur le Vaijfeau, & ^art,'^

SCENE V,

ALCIONE, PELÉE,

A L c I o N E.

IL fuît... il craint mes pleurs. Ah ! Cher Epoux, arrête . . Ciel ! Il ne m'entend plus > Ton vailTeau fend les mers.

Neptune , écarte la tempête ; Toi , mon père , retien tous les vents dans les fers,

Hélas ! De ce vaifTeau que la fuite eft fbudaine ! (Jue fon éloignement irrite mes douleurs ! Déjà mes yeux l'apperçoivent à peine ; Je ceffe de le voir ... je meurs,

[ Elle (omh évanouk, ]

"fi A L C I O N E ;

P E L E* E.

Que voîs-Je ? De Ces Cens elle a perdu rufàge* Dieux! N'eft-ce pas alTez d'avoir vu fon amour? Me condamneriez-vous à foufFrir davantage l

Doîs-je lui voir perdre le jour ! M

Alcione ! Alcione ! ... En vain ma voix Tappelle." Alcione!..t Mes foins ne peuvent rien pour elle» . O trop heureux Rival ! Revien la fecourir ; Revien , ^uand j'en devrois mourir. Alcione !

Alcione reprenant fes fens ^ croyant entendre Ceix» Ceix,

P E L £*£♦

Ah ! Vous croyez encore Entendre cette voix chère à votre amour !

Alcione»

Je ne Tentens donc plus cet Amant que j'adore i

Eh ! Pourquoi donc me rappeller au jour?

Pele'e dr Alcione,

Que j'éprouve un fupplice horrible !

Ciel ! Ne nous donnez-vous

Un cœur tendre & fenfible ,

Que pour le mieux percer de vos funefles coupsi

Fin du troifiéme A£le*

ACTE

TRAGEDIE. 7J'

ACTE IV.

Le Tljcatre ref réfente le Temple de JuNOif.

ti^.^— »»— ^^— ^— ■—?— ' » ^ -^ igaa— .JB lu h II I ur-rwasi— I

SCENE PREMIERE,

ALCIONE. DORIS.

A L C I O N E.

AMour , cruel Amour , fois touchç cîe mes peines , Ecoute mes foupirs & voî couler mes pleurs. Depuis que je fuis dans tes chaînes , Tu m*as fait éprouver les plus affreux malheurs î Le départ d'un amant a comblé mes douleurs ; Mais, malgré tant de maux , fi tu me le ramenés," Je te pardonne iqs rigueurs.

Amour, cruel Amour, fois touché de mes peines» Ecoute mes foupirs & voi couler mes pleurs, D o K I s. A fervir vos vœux tout s^emprefle ; Je vois , avec fa fuite , approcher la Prétrefle;

Tome VU D

74 A L C I O N E ,

SCENE II,

ALCIONE,CEPHISE,DORIS,

).A PRESTRESSE DE JUNON,

la fuite de la Frêtrejfe,

La Pre stre s se.

OToi 5 qui de l'hymen défends les facrés nœuds ! O Junon , puifTante DéefTe ? Reçoi notre encens & nos vœux , Et que jufqu'à ton trône ils s'élèvent fans ceiTe,

Le C h ce u r. O toi 5 qui de l'hymen défends les facrés nœuds ! O Junon , puifTante DéefTe ! Reçoi notre encens & nos vœux , Et que jufqu'à ton trône ils s'élèvent fans celTe.

[ Les Prêtrejfes danfent autour de l'Autel ^ Ô' y jettent V encens dans le feu,'\ 1, La Prestresse. Reine des Dieux , exauce nos (buhaiîs, Alcione aujourd'hui t'implore ; Daigne afTurer les jours d'un époux qu'elle adore. Le c h oe u r. Reine des Dieux, exauce nos fouhaî^s, La Prestresse. Conimence leurs plaifirs , & termine leurs peine; :

TRAGEDIE. yj

Aux maux qu'ils ont foufFerts égale tes bienfaits |

Unis des plus aimables chaînes , Qu'ils jouilTent par toi d'une éternelle paix. Le C h oe u r. Reine des Dieux , exauce nos (buhaîts; [ On entend une fym^honie fort douce, } Le C h oe u r. Quels fons charmans ! Un Dieu dans ces lieux va fe rendre !

A L c I O N £•

Le Sommeil femble ici verfertous les pavots: Ma douleur ne peut m'en défendre^

Le c h oe u r. Cédez aux charmes du repos. A L c I o N E s'ajfiedfur les degrés de V Autel, Un Dieu même me force à m*en laifler furprendre» Le c h OE u r. Cédez aux charmes du repos» [ Le Sommeil accompagné des Songes , par oît fur. un lit de pavots environné de vapeurs, J Le Sommeil aux Vrêtrejfes^ Eloignez-vous , & lailTez Alcione ; Je vais exécuter ce que Junon m'ordonne.

Dii

A L C I O N E ,

SCENE III.

LE SOMMEIL , LES SONGES , ALCIONE.

Le Sommeil»

VOIez , Songes , volez ; faites -lui voie Torage > Qui dans ce même înftant lui ravit Ton époux. De l'onde foulevée , imitez le couroux , Et des vents déchaînés l'impitoyable rage.

I

Toi , qui fais des mortels emprunter tous les

traits , Morphée , à Tes efprits , offre une vaine image ; Préfente-lui Ceix dans l'horreur du naufrage, Et qu'elle entende fes regrets»

Qu*en lui montrant fon fort , ce fonge afl&eu^

l'engage A ne plus perdre ici ^tî, vœux & fon hommage.

[ Le/ Songes volent aux deux cotés Théâtre , don$ le fond fe change en une Mer orageufe , un Vaiffeau fait naufrage ; les Songes prennent la forme de Matelots qui fértffent , ou qui , four fefauver , s* attachent à des débris ou à des rO" chers, Morphée faroU avec eux fous la fgv.rç de Ceix* }

TRAGÉDIE. 77

Choeur de Matelots* Ciel ! O ciel ! Quel affreux orage ! Rien ne peut plus nous fecourir. Ah , quel défefpoir ! Quelle rage ! Malheureux ! Nous allons périr.

M o R P H E*E,

Ah , je vous perds , chère Alcione ! Hélas ! Qu'allez-vous devenir ? Le C h oe u r. ta Mer eft en fureur , Tair mugit , le ciel tonne ? Grands Dieux ! Quelles frayeurs ! O Mort , vie:i les finir !

M o rp H e'e. Ah , je vous perds , chère Alcione !

Le C h de u r. Malheureux ! Nous périffons tous !

[ La Mer difparott , & l'en revoit le Temple de Jimon, ]

SCENE IV.

ALCIONE s' éveillant en fur faut,

OU fuis-je ? Et qu*ai-je vu ? Je perds ce que }*adore ! Tous les vents à mes yeux ont foulevé les Mers ;

Ceix efl englouti fous les flots entr'ouverts ,

Dii]

78 A L C I O N E,

Je l'ai vu., je le vois encore !

DéeTe , c'eft donc toi qui m'offres cette image ; Tu viens m'avertir de mon fort : bien , pour prix de mon hommage, Achevé , donne-moi la mort.

Fin du quatrième aCïe,

I-RAGEDIË. l'^

ACTE V.

he Théâtre couvert des omhres de la nuU i

re^réfente un endroit des Jardins

de Ce IX , terminé ^ar la Mer.

TT"— ■' *— ■■»-^-

SCENE PREMIERE.

PELÉE.

o

Nuit ! redouble tes téncbres ^ Délivre mes regards des horreurs que je voi ! L'ombre de mon ami s'élève contre moi : je voi couler Tes pleurs, j'entends fes cris fur ébres. Hélas ! mon crime même eft mon pljs grand effroi,

O nuit ! redouble tes ténèbres , Délivre mes regards des horreurs que je voi !

Qu'?.i-je fait , malheureux ! Quelle eft ma bar- barie ! De tout ce que j'aimois , j'ai caufé le malheur. C'eft du flambeau d'une furie ,

Que l'Amour s'cft fervi pour embra fer mon cœur,

Diiij

80 A L C I O N Ei

Si I 'ii.i.i....if i»i...l.— B— .

SCENE II.

ALCIONE, PELÉE, CEPHISE.

BA L G I O N E. Arbares , laifTez-moi , votre pitié m'offenfe , Vous m*arrachez des mains le poifon & le fer ; LaifTez-moi , qu'à l'afpeifl de la eruelîe Mer , J'aille chercher la mort , mon unique efpérance.

Pe L e'e. Non , non , n'en croyez point cet aveugle tranf-

port : Modérez , Alcîone , une douleur trop vive. Souffrez encor le jour.

Alcîone.

Hélas ! Ceix efl mort ! Vous voulez qu'Alcione vive î P E le'e. Le plus facré devoir vous y doit engager : Vivez , vivez pour le venger. Alcîone. Et de qui le venger f C'efl le ciel qui l'opprime,

P E L e'e. Non , je fâî qu'un perfide a caufé Ton malheur. Son ombre errante ici , demande une viclime»

Je vous livre l'auteur du crime , Si vous me répondez de lui percer le cœur.

TRAGEDIE. $t

A L C I O N £•

I Fiez-vous-en à ma douleur;

5mbre de mon Epoux , c*eft par toi que je Juf éi»

Quel ferment plus fâcré pour moi! De tes mânes plaintifs appaife le murmure | 'e brûle de verfer le fàng que je t# dor.

Dmbre de mon Epoux , c*eîl par toi que Je jure# Quel ferment plus fàcré pour moi i

I

ledoutez-vous encor une pitié timide t

1 Pelé' F.

ih bien! Prenez ce fer , & frappez le perfide;

A L c I o K £•

I Vous !

Pe L E*E«

Malgré moi , j*adorois vos appas;

i '

•Jn malheureux amour avoît féduît mon amej

Et malgré moi , Phorbas a fervi cette flâme.

C'cft lui qui de Ceix a caufé le trépas.

Frappez , frappez; percez ce cœur qui vous adore^ C'eft l'unique faveur que mon amour implore.

A L c I o N E arrachant l*é^ée de Pelée. Eh bien ! Si vous m*aimez , ma mort va vouf? funirt

Ut

8x A L C I O N E ,

Cephise la défarmam. Arrêtez , arrêtez.

A L c I o N £• Pourquoi me retenir? Alcione & Pel e*e. Contentez ma plus chère envie ; Dieux, lancez votre foudre, & terminez mon fort. Hélas ! Je détefte la vie , £t ne puis obtenir la mort.

SCENE III.

PHOSPHORE dans fort Etoile , ALCIONE, PELÉE, CEPHISE, DORIS.

Pele'e.

QUel Dieu defcend ici î Quel Ailre nous éclaire î

Alcione. Du malheureux Ceix , je reconnois le père. Phosphore â Alcione, Ce que le fort m'apprend doit calmer tes allarmes; Alcione , le Ciel va te rendre mon fils ; Aujourd'hui , pour prix de tes larmes. Vous devez (lir ces bords être à jamais unis,

[ Thoffhore remonte au Ciel , (y Us ombres 4s la nuitfe dijf^em,}

I

I

ï R A G E t> t Ê. «5

SCENE IV.

ALCIONE, PELÉE, CEPHISE, D O R I S.

A L C I O N E.

f\ U'ai-je entendu ? Grands Dieux ! Croiraî-je ^^ cet Oracle ?

Pe lk*e.

I^'Hymen , pour vous unir , n'attend plus que le

jour.

Vous allez être heureux , & ce cruel fpetlacle Va me punir de mon amour.

Maïs non, ne voyons plus des lieux Ton m'a- bhorre. Fuyons. Pardonnez-moi le feu qui me dévore i Je vais loin de vos yeux expier mes de/îrs; Je vais percer ce coeur qui vous adore , Et je meurs ; trop heureux encore ; Si ïe Ciel à mes maux égale vos plaifirs.

l 11 fort, ^

A L c I o NE.

Ceft Taml de Ceix; Ciel! Pour lui je t'implore.

Pvj

84 A L C I O N E ,

SCENE V.

ALCIONE,CEPHISE,DORIS.

R

A L C I O N £•

Egnez, Aurore, à votre tour; Des cieux qu'elle a voilés, chafTez la nuit afFreufe ; Hâtez-vous d'amener le jour Qui doit me rendre heureufCé

Je vois dans ces jardins mille riantes fleurs Eclore de vos larmes ; Et c*eft ainfi que de mes pleurs, JJAmouT va faire naître un bonheur plein de charmes.

Régnez , Aurore , à votre tour ; Des cieux qu'elle a voilés, chafTez la nuit ailreufè; Hâtez-vous d'amener le jour Qui doit me rendre heureufe. [ V Aurore éclaire enfin tout le Théâtre , ^ laijfe voir Ceix , que les flots ont poujfé fur un gazon, ]

A L c I o N E. Mais , quel funefle objet a frappé mes regards? Quel eft ce malheureux , vi<îlime du naufrage ! y^us couriez les m^me§ hazards |

TRAGEDIE. f J

Cher Epoux, mais les Dieux ont détourné Torage*

[ Elle approche , & reconnoU Qeix* 3 Ciel ! Que vois-je l C'eft lui !

£ Elle tombe entre les bras de fes Confidentes» J Cephise & DoRIS.

Que devient-elle , hélas ! Ses maux vont lui coûter la vie.

A L C I O NE.

Non j ma douleur encor ne me Ta pas ravie t Par pitié , hâtez mon trépas.

Eft-ce ce bonheur que je devoîs attendre i Et dont les Dieux m'étoient garans ? Vous me rendez Ceix. Ah ! barbares Tyrans^ Dieux cruels , eft-ce ain/î qu'il falloit me le ten* dtel

Vous plaifez-vous aux maux des fidèles Amans î Quel trouble ! . . . Ma raifon s'égare :

Je me crois derôendue aux rives du Tenare ;

Viens, chère Ombre. joui de mes embraflc- mens. Hélas ! Egarement funefte !

Mon cœur refpire encor, malgré tous fts tOVifr. mens.

I Je vis , & d'un Epoux , voilà le trifte refte !

I Mais , que vois-je ! ... Ah ! Je touche à mes der- niers momens ! . . lElle prend lépée de Çeix , ^ s\n frappe* ]

26 A L C I O N Ei

Cëphise & DoRis* Ciel!

A L C I O N E.

Cen eft fait , je ne crains plus d*obflaclé j L*Amour a pour jamais difpofé de mon fort ; Le Ciel n'a pas en vain prononcé Ton Oracle ^ Nous voilà , cher Epoux , réunis par la mort#

SCENE VI.

NEPTUNE fort de la Mer avec toute fa Coure

JN E P T U NE, E viens vous affranchir de la parque cruelle ; Vivez, heureux Amans , d'une vie immortelle : Rien ne peut plus vous féparer; Les Dieux , touchés d'une flâme belle , N*ont permis vos malheurs , que pour les réparer. Vous chafTerez les vents de l'Empire de TOnde, Et vous rendrez le calme à mes flots foule vés.

Les Alcions naiffans vont être aux yeux du monde. Un gage du pouvoir que vous en recevez.

£ Ceix & Alcione revivent ; des Alcions naijfent

dufang d'' Alcione , Ô" vont fe placer fur U

Trône de Neptune, ] Du coupable Phorbas j'ai terminé les jours: Il n*eft plus Air ces bords ^u*une roche eflfrayaiitç.

â

TRAGEDIE. S?

Des Matelots tremblans, il fera rcpouvante9 Et vous en ferez, le fecours.

A L C I O N E.

Quoi î Je l'CYois Ceix !

C E I X.

Je revois Alcîone! Neptune. Aimez-vous, aimez-vous toujours.

Alcîone & Ceix. L'immortalité qu'on nous donne Doit éternifer nos amours.

Neptune, Aimez-vous, aimez- vous toujours»

Alcione & Ceix. Aimons-nous , aimons-nous toujours» Neptune, Chantez , chantez , Divinités de l'Onde^ Formez mille concerts charmans ; Que vos voix annoncent au monde Le Triomphe de ces Amans. £ Lex Dieux de la mer célèbrent l'A^othéofi de Ceix & d* Alcione, ] C H OE u R. Chantons , qu*à nos chants tout réponde. Formons mille concerts charmans; Que nos voix annoncent au monde Le Triomphe de ces Amans.

F I N.

I s s É,

PASTORALE HEROÏQUE ,

Représentée

DEVANT SA MAJESTÉ

à Trianon^ le 17 Décembre i6p7.

' tjfR lACjIDEMIE K0Yy4LE DE MuSKlUE^

Remife au Théâtre ,

'Augmentée de deuxACles en OCîohre 1708,

Vt Paftor Macarelda luferit Iflèn. Ex Met, lib, 6i

Mujîque de M. Destouche $•

A MONSEIGNEUR

LE DUC DE BOURGOGNE-

D

IgseJîIs de LOUIS, Py-nce formé des Dieùst Pour ilîuftrer encor le nom de tes Ayeux ; Toi, qui de mille exploits l'honneur d'un nouvel d^Cj Fais lire dans tes yeux l'infaillible préface ; Qui d*un cœur héroïque , en naijfant j revêtu ,

\ 1*es fropofé d^unir la Gloire & la Vertu ; Souffre que mon génie ofe , fous tes aufpices , D'un travail, foi ble encor, confacrer les frémiceSt Qiie ne ^eut-il bientôt , ^lus ami des Beaux Arts , T offrir d'autres fuj et s dignes de tes regards ; Teindre avec des traits d'or, om LOUIS, ou tonPere^

! Et pour toi , jeune Achile , écrire en jeune Homère ! Qîie ne fuis-je déjà, dans des Vers immortels. Conduire Adélaïde au pied de nos Autels ,

I Y chanter ton Hymen triomphant de la Guerre ,

' V époque Ù le foutien du bonheur de la Terre ! Mais encor ^ loin d'atteindre à défi hauts fujets j Il faut a mafoibleffe affortir mes projets, "Permets que m' élevant de matière en matière ^

, Js m'injiruife à fournir une nobU carrière^

Ê P I s T R E.

"^ant que de te fuivre au milieu des danger: , Souffre que ni'occupam à chanter des Bergers 3 Par degrés , Jufqu^à toi je conduife monjîile» Tel jadis , tu te fais , te célèbre Virgile Avant que de chanter Enée &fes exploits , Fifjfitr des chalumeaux , l'épreuve de fa voix» Heureux /Ji dans l'efpoir d'un plus parfait Ouvrage^ Ïm daignois à ma Mufe avancer ton fuffrage ; Peut-être qu'animé par ce fuccès flatteur y Je hâterais de l'Art l'ordinaire lenteur ; Mon génie élevé par V ardeur qui le guide , En prendrait chaque jour un efforplus rapide , Et peut-être mes Vers chez nos derniers neveux $ A Paide de tçn Nom rendraient h mienfamswi

i I ' ' r

A^ E Prologue eft une Allégorie dont ^^ il eft aifé de découvrir les rapport^* Le Jardin ^es Hefperides repréfente TA-» bondance ; le Dragon qui en défend ren- trée , y lignifie la Guerre, qui , fufpendant le commerce, ferme aux peuples qu'elle divife la voye de TAbondance : enfin Hercule , qui , par la défaite du Dragon i rend ce Jardin acceflîble à tout le monde a cft Timage exacte du Roi , qui n'a vaincu tant de fois , que pour pouvoir terminer la Guerre , & rendre à fes peuples ôc à fe^ yoifins l'Abondance qu'ils fouhaiioient.

ACTEURS DU PROLOGUE.

LAPREMIERE HESPERIDE,

HERCULE.

JUPITER.

C P (E U R €>* Trouve d'Hef^eridei^

Trouve de Teu^hh

I

9i

PROLOGUE.

£^ Théâtre ref réfente le Jardin des Heffe^ rides ; les arbres font chargés de fruits d'or : Von découvre dans le fonds , Ven^ trée de ce Jardin défendue -par un Dra^ gon qui vomit incejfamment des flammes.

SCENE PREMIERE,

LES HESPERIDES,

La PREMIERE HeSPERIDE.

NOUS jouiffbnj ici d'une douceur pro- fonde; Uabondance en ces lieux régne de toutes parts 5 Nos Bois & nos Vergers offrent à nos regards ,

Les feuls biens qu-adore le Monde. Leurs Fruits font enviés du refte des Humains; Mais nous ne craignons rien du defir qui les preiïe ;

Et ce Dragon veille fans cefTe, Pour fauver nos tréfors de leurs prophancs mains.

Que de nos plus doux chants ces Jardins retep-» tiiïenî j

PROLOGUE.

Célébrons l'heureux fort qui comble nos deiîrs.' Pour goûter de nouveaux plaifîrs , Chantons ceux dont nos cœurs jouiflent.

C H OE u R.

Que de nos plus doux chants ces Jardins reten-

tilTent ; Célébrons Theureux fort qui comble nos delîrs; Pour goûter de nouveaux plaifîrs, Chantons ceux dont nos cœurs jouiffent.

[ On danfe, 1 La PREMiEE Hesperide. De ce féjour Nous chafTons l'Amour ; î^otre paix eft certaine :

De ce féjour Nous chafTons TAmour,' On n*y craint point chaîna ;

Les Jeux viennent tous S*y rafTembler pour nous.

Nous y goûtons un fort plein d'appas. Il n'eft point de peine l'Amour n'eft pas»

De ce féjour, &c«

SCENE

P R O L O G U Ë, >7

t ' I ... TB

SCENE IL

HERCULE, LES HESPERIDES.

Un bruit de Guerre interrompt les Jeux des Hejpe-^.

rides , Ô* l'on découvre Hercule qui

approche du Monjlre,

La PREMIERE HesPERIDE.

/^ Uels fons ! Quel bruit fbudain ! Ciel ! Quel

^ Audacieux

Vient chercher la mort en ces lieux l

C Hercule combat le monjlre. ]

Monftre, ferve?. notre colère;

Tombe notre Ennemi fous vos coups redoublez;

Hâtez-vous , hatez-vous ; frapez , percez , brûlez ,

Immolez-nous ce téméraire,

Ch.oeur des Hesperides,

Dieux ! Quel malheur ! Le Monftre perd la vie*

Notre Ennemi triomphe , évitons (a furie.

He R c u j;. E.

Craîgnez-vous que mon bras vienne vous alTervîrg

Et faire de vos fruits un injufte pillage l

Non , je ne viens point les ravir ;

Mais je veux que le Monde avec vous les partage^

Après avoir fignalé tant de fois ,

Et ma jufuce & ma puiiTance , kt Tome VU E

5>|5 PROLOGUE.

Je ne pouvois pas mieux couronner mes exploits. Qu'en donnant aux Mortels , la paix & rabon^^ dance*

Mais quel éclat frape mes yeux ? C'eft Jupiter qui defcend en ces lieux.

SCENE III,

JUPITER^ HERCULE, LES HESPERIDES,

Jupiter. /^ Ue ton bras fe repofe ain/î que mon ton- ^^ nerre.

Mon Fils , termine tes travaux ;

Joui toi-même du repos Que ta valeur donne à la Terre^

Venez Peuples , accourez tous, JouifTez de la Paix , célébrez fa vidoire ; Les fruits en font pour vous , Il n'en veut que la gloire.

PROLOGUE, >^

SCENE IV.

JUPITER , HERCULE , LES HESPERIDES, Trouve de Peuples,

A

C H OE UR«

Lions , allons, accourons tous,' Jouiiïbns de la Paix, célébrons û^vidoire; Les fruits en font pour nous. Il n'en veut que la gloire,

[ On danfe, ]

La PREMIERE HesPERIDE.

Que ces lieux font d'heureux afyles,' Les Amours nous y fuivent tous. Les plaifirs , pour être faciles, N*en ont pas des charmes moins doux#

[ On danfe, J

La PREMIERE HeSPERIDE.

Beaux lieux , brillez d'une beauté nouvelle. Que les Ris & les Jeux augmentent vos attraits. Amour , viens y régner , vien t'y joindre a. la Paix, L'Abondance en ces lieux t'appelle,

[O» danfe,'\

C H OE u R,

Charmans Hautbois, douces Mufettesj Célébrez le repos qu'on rend à nos defirs»

Eij

lOO

PROLOGUE^

Battez , Tambours ; Tonnez , Tr ompettesf N'annoncez plus la Guerre , annoncez les Plainr?.

Fin du Prologue^

ACTEURS

DE LA PASTORALE. APOLLON, déguifé en Berger fous le nom

de P H I L E M o K,

PAN, déguifé en Berger, confident d'Apollon,

H I L A S , Berger.

I S S É , Nymphe , fille de Macarée«

D O R I S , fœur d'IiTé.

SUITE d'Hilas repréfentant les Plai/îrs.

TROUPE de Bergers , de Bergères , de Paftres & de Païfannes.

UN BERGER.

DEUX BERGERES.

LE GRAND PRESTRE ^e la Foret cftT

Dodone.

T R O U P E de Miniftres. L'ORACLE.

TROUPE de Faunes , de Criades , de Sil- vains & de Satyres.

UNE DRIADE. LE SOMMEIL.

Eii|

{I«2

TROUPE de Zéphîrs & de Nymphes, TROUPE d'Européens & d'Européennes. UNE EUROPÉENNE. TROUPE d'Américains & d'Amériquainw» T R O U P E 4e Chinois & de ChinoiTef,

I s s E,

PASTORALE HEROÏQUE. ACTE PREMIER.

Le Théâtre rej^réfente un Hameau,

SCENE PREMIERE.

APOLLON àégm^é en Berger , fous le nom de F H I L E M o N.

LTand on a fouffert une fois L'amoureux efclavage. Ah ! Devroit-on s'expofer davantage A gémir fous les mêmes loix ï

La cruelle Daphnc dédaigna ma tendrcffe :

E iiij

104 I S S £ ,

De mes ardens foupirs , de mes foîns eftiprefles Mon cœur ne recueillit qu'une affreufe triftefle. Faut-il aimer encor.' Et n'eft-ce pas afîes D'une malheureufe foiblefle î

Quand on a fouffert une fois , &c.

SCENE II.

PAN déguifé en Berger , A P O L L O N.

Pan.

A Qui vous plaignez-vous de vos nouvelles chaînes ?

Apollon. Pan , tu vois les témoins de mes tendres tourmem.

Les Prés , les Bois & les Fontaines i Sont les favoris des Amans.

On pafîe ici d'heureux momens, Même en s'y plaigaant de Ces peines*

Les Prés , les Bois & les Fontaines ,

Sont les favoris des Amans, Pan. Ne feront-ils témoins que de votre mariire î Entendront-ils toujours vos languiflans regrets î

PASTORALE HEROÏQUE. lof

Appollon n'aura-t'il jamais

De plus doux fecrets à leur dire ?

Apollon. J'efpere d'être plus heureux , Mon malheur n'eft pas invincible. Lçs yeux charmais d'Iiïe m'ont demandé mes

vœux. Ah ! Ne ferai-je pas le plus content des Dieux , Si fon cœur fenfîble Eft d'accord avec Tes yeux!

P AN..,

Pourquoi lui dcguiler votre rang glorieux? Apollon.

Je veux , fans le feccurs de ma grandeur fuprénie, Eflayer de plaire en ce jour. Qu'il eft doux d'avoir ce qu'on aime y Par les feules mains de l'Amour!

Maïs , je Tois la Nymphe paroître ; fl faut contraindre encor mes tendres mouvemens. Cachons-nous àfes yeux, & tachons deconnoîtro

Quels font fes fecrets fentimens.

è«

^o6 I S S É ;

SCENE II L

I s s É feule;

X X Eureufe paix , tranquille indifférence ; Faut-il que pour jamais vous fortiez de mon coeurî

Je fens que ma fierté me laifTe fans défenfe ; Rien ne peut me fauver d'un trop cl?armant Vain-»

queur ; L*Amour j le tendre Amour force ma réfiflancCt

Heureufe paix , tranquille indifférence ; Faut-il que pour jamais vous fortiez de mon cœur?

Je force encor mes regards au fîlence ; Je cache à tous les yeux ma nouvelle langueur j Mais , que fert cette violence î L'Amour en a plus de rigueur, ^t n*en a pas moins de puilTance»

Hcureufe paix , tranquille indifférence ; Faut-il gue pour jamais vous Portiez de mon cœur?

PASTORALE HEROÏQUE. 107

SCENE IV.

DORIS, ISSÉ.

JD O R I s. *Aime à vous voir en ce lieu folîtaîre ," 11 offre mille attraits à des cœurs amoureux ; Vous y venez rêver ; c*eft un préfage heureux; Qu'enfin Hilas a fçu vous plaire.

Votre cœur cîès long-temps fe devoît à Tes feux* On n'a jamais brûlé d'une ardeur plus fidelle;

Bien-tôt par d'agréables jeux Il vous en donne encor une preuve nouvelle*

I s s E*.

Hélas?

D o R r s. Avant cet heureux four. Votre înfènfible cœur ignoroit ce langage; Et ce foupir eft le premier hommage , Que je vous vois rendre à l'Amour*

I s SE*.

Que ne puis-je encor fuir fon funefte efclavaget

Mes jours couloient dans les plaifirs y

Je goutois à la fois la paix & l'innocence ,

£t raon cœur Satisfait de fon indifférence ,

Vivoit fans crainte & fans defirs i

Ev|

liot I s s É ,

Mais depuis que 1* Amour l'a rendu trop fenfible 9 Les plaifirs Font abandonné. Quel changement! O Ciel! Eft-il poflîble? Non , ce n'eft plus ce cœur fi content, fi paifible; C'eft un cœur tout nouveau que l'Amour m'a donné.

D o R I s. Se peut-il que votre cœur tremble y Quand il ne tient qu'à lui d'être heureux dès ce

jour? Il faut qu'avec Hilas un beau nœud vous affemble; L'Hjmen, pour vous unir, n'attendoit que l'A- mour,

Quand un doux penchant nous entraîne i Pourquoi combattre nos defirs? JEft-il une plus rude peine Que de réfifter aux plaifirs ?

[ On entend unefymphome» }

I s s £*•

Mais qii*annoncent ces fons ! Quel Ipeâacle s^ap- préte ?

D o R I s. Pourquoi feindre de l'ignorer ? Ces Concerts font pour vous ; c'eft la nouvellt Fête Qu'Hilas vous a fait préparer»

i

PASTORALE HEROÏQUE, itf'

SCENE V.

ISSÉ, DORIS/HILAS.

%iite tTHilas , fous la forme de Néréides & d& Nymphes de Diane j conduites par les Plaifirs,

NH I L A s à Ijfé, Ymphe , jugez ici de ma flâme fidelle ; Souffrez que , par d'aimstbles jeux , Mon hommage fe renouvelle y Et n'oppofez point à mes feux. Une indifférence éternelle. I s s E*. La feule indifférence affure un fort heureux»

H I L A

L'Amour a tout fournis à fes loix fbuveraîncs ; Il fait fentir fes feux dans l'humide féjour; Il bleffe de fes traits , il charge de fes chaînes

La fiere Diane & £à Cour. Maïs , il n'eft pas en cor content de fa TÎdoîre y Le cœur d'Ifle manque à fa gloire. Aimez , aimez , ne foyez plus rebelle A de tendres defirs , Suivez l'Amour qui vous appelle. Par la voix des plaifirs.

C H OE u R.

Aimez > aimez , ne foyez plus rebeller

110 I s s E 9

A de tendres defîrs , Suivez l'Amour qui vous appelle. Par la voix des plaifirs.

[ On danfe, J C H CE UR.

Au Dieu d'Amour daignez rendre les armes» Rien n'eft fi doux que les tendres foupirs. Pour d'autres cœurs il garde fes allarmes. Et Ces faveurs fuivront tous vos defirs. Non , non , il faut fe rendre , C'eft trop attendre ; L*Amour pour vous , réferve fes plaifirs.

Deux Nymphes. Les doux plaifirs habitent ce Boccage ; Des plus longs jours ils nous font des momensr Les Roflîgnols par leurs concerts charmans , Le bruit àes eaux , le Zéphire & l'ombrage , Tout fert ici l'Amour & les Amans.

[ On danfe» j Hl L A s. Sans fuccès , belle IfTé , quitterai-je ces lieux ? Pouvez-vous plus long-temps réfifter à ma flame? Quoi ! L'Amour a-t'il mis tous lès traits dans vos yeux?

N*cna-t*il point gardé pourfoumettrevotreame? Vous ne répondez rien ? Hélas ! Quelle rigueur î- Jl ièmble qu'avec ma langueur y

PASTORALE HEROÏQUE, m

Votre injufte fierté s'augmente.

Ne verrai-je jamais la fin de mon malheur?

Rendrez -vous chaque jour ma chaîne plus pe-

fante ? Mais , c'efl trop vous lafler d*une vaine douleur ,

Je vous laifTe , Nymphe charmante :

Songez du moins que votre cœur

Ne peut être le prix d'une ardeur plus confiante»

I s s £*•

Autant que je le puis je réfifte aux Amours, De leurs traits dangereux je redoute ratteititeî:

Heureufe , fi ma crainte

M'en défendoit toujours !

C H OE UR,

i^imez y aimez , ne foyez plus rebelle A de tendres defirs : Suivez TAmour qui vous appelle Par la voix des Plaifirs.

¥m du premier A^€,

îT£ î S S É »

ACTE II.

Le Théâtre repréfente le Palais (ÏIsse^^ & fes Jardins,

SCENE PREMIERE.

I s S É , D o R r s.

A

I S S E*.

±\. MouR , laifTe mon cœur en paix,'

Mille autres fe feront un plaifir de fe rendre. Ne te plais-tu , cruel , à blefTer de iQs traits ,

Que ceux qui veulent s*en défendre ? Mille autres fe feront un plaifir de fe rendre.

Amour , laiiïe mon cœur en paix, D G R I s.

Je voi Philemon qui s'avance ; Cet aimable étranger cherche par tout vos yeux 5 Sans doute c'eft l'Amour qui l'amène en ces lieux»- I s s E*.

U faut éviter fa préfence/

PASTORALE HEROÏQUE, irj

SCENE II.

ISSÉ,DORïS, APOLLON, PAN,

dégîtifés en Bergers»

Apollon.

BEUe Nymphe , arrêtez. D'où vient cette rigueur ?

Quelle injufte fierté vous guide ? Hélas ! Par vos mépris , n'abattez point un cœur Qui n'efl déjà que trop timide.

I s s E*.

De quoi vous plaignez-vous , & pourquoi m*ar- réter ?

Berger , qu*avez-vous à me dire ?

Apollon. Hélas ! Pouvez-vous en douter ? Vous entendez que je foupire.

Vous lifez dans mes yeux le (ecfet de mon cœur. Je ne puis plus cacher le trouble de mon ame ; Et mon défordre & ma langueur. Tout vous fait Taveu de ma flamme. Quel filence ! Quel trouble ! Ah ! vous aimez Hilas !

I s s E*.

Quand mon cœur Taimeroit , je n'en rougirois pas.

ÏI4 i S S É,

A P O L L O N,

Vous l'aimez donc ? O ciel ! Quel rigoufeui

fupplice ! £n quels maux cet aveu vient-il de me jetter ! Vous l'aimez , c*en efl fait , il faut que je périfîe ; Mes jours ne tenoient plus qu'au plaifîr d'erf

douter.

I s s E*. Que vois-je ! A quelle erreur vous laiiTez vouf

réduire ? Non, non , vous n'avez point de rivaux fatisfaits* Je n*aime point Hilas , c'eft envain qu'il foupir» s Non , je ne l'aimerai jamais.

Ah ! que ne puîs-je auflî bien me défendre D'un trait plus doux dont je me fens frapper î Mais , que dis-je ? Je crains de vous en trop ap- prendre ^

Mon funefte fecret eft prêt à m'échapper. Apollon. Achevez , belle Ifle , rendez-vous à mes larmes ; Banniiïez d'un feul mot mes cruelles albrmes.

Pour qui font ces tendres foupirs ? Ah ! Ne fulpendez plus mes maux ou mes plai/îrst I s s e'. CefTez , ceflez une ardeur preflante ,

Je ne veux plus vous écouter. \

Apollon. P

Arrêtez , Nymphe trop charmante»

PASTORALE HEROÏQUE. 115

I s s E*#

Non , laifTez-moi vous éviter*

Apollon. Vous me fuyez , & je vous aime#

I s s e\ Je fuis TAmour , quand Je vous fuis*

Apollon. Diillpez le trouble je fuis*

I s s £*•

N'augmentez pas celui qui m*agite mcî-mémf « Apollon.

Rendez-vous à mes feux.

I s s £*•

Ne tentez plus mon cœur* Apollon. Pourquoi craindre d'aimer ?

I 8 s E*«

On doit craindre un vainqueur»

SCENE II L

PAN, D O R I S.

N

Pan,

E fongez point à m* éviter, Doris , que leur amour fafTe naître le nôtre.

Si vous voulez les imiter , Mon cœur eft prêt , & n'attend que le votre.

D O R I s. Les Bergers offrent leur coeiît

A la première Bergère ; Ce n*eft pas pour eux une affaire

De rifquer un peu d'ardeur : Mais pour nous , le choix d'un vainqueur Eft plus dangereux à faire. Pan. Avant de nous mieux engager , Efïàyez mon cœur accommode le votre :

S'ils ne font pas faits l'un pour l'autre^ Il eft bien aifé de changer,

D o R I Vous parlez déjà d'inconftance î C'eft le moyen de m'allarmer. Pan. Par ma /încérité je veux me faire aimer » Et je parle comme je penfe.

Je ne réponds jamais aux belles De la conftance de ma foi : Mais ceux qui promettroient des ardeur^ éter- nelles ,

Seroient moins (încéres que moi > Et ne feroient pas plus fidèles. D o R I s. L'Amour n'eft point charmant pour de foiblc»

défîrs : Vous ignorez le poids de Tes plus douces chaînej^r

PASTORALE HEROÏQUE. l'i;^,

Pan.

Je me prive des grands plaîfirs , Pour m'exempter des grandes peines, Pa.n & DoRis enfembU»

P A N. Il faut traiter l'Amour de jeu.

Do RI s. Pourquoi traiter l'Amour de jeu ?

P A N-. Autrement il eft trop à craindre.

DoR, Quels tourmens Tes nœuds font-ils craindre ! On ne doit point brûler d'un feu

ÇiM'ilCoh^/'^ff, |d»éteindre. ^^ C trop facile ^

Pan. O vous ! qu'on entend chaque Jour Célébrer en ces lieux <juelque nouvelle amour » Pabitans fortunés de ces prochains boccages , Venez prendre part à mon choix ; Et que Doris apprenne par vos voix. Qu'il n'eft d'heureux amans que les amans vo- lages.

SCENE IV.

PAN, DORIS, Troupe de Bergers , de Bergères ^ de Pajlres»

c

C H CE u R.

Rangeons toujours Dans nos amours ;

tit I s s É,^

Heureux un cœur volage ! Changeons toujours Dans nos amours , Nous aurons de beaux Jours. L* Amour veut qu'on s'engage t Que faire du bel âge , Sans fon fecours ?

[ On danfe, J Un Berger alternativement avec

le Chœur» Former les plus doux nœuds %

Aimez (ans peine; Formez les plus doux nœuds i Vivez heureux. Qui fouffre trop d'une inhumain^ Doit aufli-tôt changer ; C'eft en brifànt fa chaîne Qu'il faut s'en venger.

Formez les plus doux nœuds ^

Aimez fans peine ; Formez les plus doux nœuds ,

Vivez heureux.

Vous , jeunes cœurs, qu'Amour entraîne^ Fuyez les pleurs , Les foins & les langueurs. Allez le plai/ii vous méne«

PASTORALE HEROÏQUE, ii^

Formez les plus doux nœuds , &c.

£ On danfe, }

D 0 R I s.

Des Oyfeaux de ces lieux charmans Le tendre Echo redit les chants ;

L'aimable Flore ^

Y fait éclore Ses nouveaux préfens.

De ces eaux , de ces bois naifTans , Le doux murmure , Et la verdure Y charment nos fêns. Tout nous plaît , l'Amour fuit nos pas ; Ces lieux tranquilles , Sont les afyles Des jeux pleins d'appas. Momens aimables » Soyez durables. Ne finifTez pas.

Fin du fécond a^fe^ 1^.

uxm I S S E ;

ACTE III.

Le Théâtre rej^réfente la Forêt de Dodone,

■■«^■atiigiwiiM

SCENE PREMIERE,

APOLLON, PAN.

L

Apollon. A Nymphe eft fenfible à mes vœux J Mais , le dirai-je ? Et le pourras-tu croire i Malgré cette douce vi.doire. Je ne fuis pas encor heureux. Pan. Quoi, vous avez fléchi l'objet qui fçaît vous plaîftf,; Et vous ofez former d'autres vœux en ce jour! Apollon croit-il que l'Amour N'ait que lui feul à fatisfaire ?

Apollon. Je ne borne point mes defirs A l'imparfait bonheur d'une flâme vulgaire. Achevé, achevé, Amour, de combler mes plaiiîrsj Tu f^ais ce qui te refte à faire.

Et toi , Pan , regarde ces lieux

PASTORALE HEROÏQUE. lii

Ils doivem difljper le trouble qui t'étonne. Pan. Je yoi la fameufe Dodone, Dont les Chcnes myftérieux Annoncent aux Mortels la volonté des Dieux: Quel fruit en pouvez-vous attendre ?

Apollon. liïc les confulte en ce jour : Et par rOracle qu'ils vont rendre i Je fçaurai fi fon cœur mérite mon amour. Mais j'apper^ois Hflas.

Pan. Il vient ici Ce plaindre; LaifTons un libre cours à fes juftes douleurs » C*efl afTez de caufer Tes pleurs , Sans vouloir encor les contraindre.

s

SCENE IL

H I L A s fettl.

Ombres DéfertSjtémoins de mes tri fies regretS| Rien ne manque plus à ma peine.

Mes cris ont fait cent fois retentir ces Forets

De la froideur d'une Inhumaine.

Hélas ! Que n*eft-ce encor le fujet qui m'amène 5

L'Ingrate de l'Amour relTent enfin les traits; lame V L F

tri I S S É ;

Un perfide penchant rentraîne.

Sombre Déferts , témoins de mes trifles regrets , Rien ne manque plus à ma peine.

Dieux ? Qui Taméne ici ! Les Amours font Ces

guides y

yen fens croître mon déferpoir. Je porte fur Tes yeux mille regards timides ; Ils ont encor fut moi leur rigoureux pouvoir ; Et tout trakres qu'ils font , tout ingrats , tout per- fides.

Je me plais encor à les voir.

SCENE III.

HILAS, ISSÉ, DORIS.

CH I L A s. Ruelle , vous fouffrez ici de ma préfence ; De mes tendres regards vous détournez vos yeuxt

I s s E*.

Je ne m*attendois pas de vous voir en ces lieux.

H I L A s. On évite toujours un Amant qu*on offenfe.

I s s E*.

Je vians ici pour confulter les Dieux , Ne vous oppofèz point à mon impatience*

PASTORALE HEROÏQUE, ity

H I L A s.

Inhumaine , arrêtez; que craignez-vous? Hélas! Mes foupirs & mes pleurs font toute ma ven* geance.

I s s e'- Oubliez une Ingrate , & ne la pleurez pas;

H I L A s.

Qui vous forçoît de Tctre à ma perfévérancc l

I s s E*,

Accufez-en l'Amour qui m'a fait violence.

H I L A s. Non , cruelle, c*e{l vous qui voulez mon trépas;

Ceft votre foible réfiftance ; Vous bravez la raifon qui prenoit ma défenCe»

I s s E*.

Quand on fuit l'amoureufe loi , Eft-ce par raifbn qu'on aime ?

Vous m*aimez malgré vous-même; J*en aime un autre malgré moi.

Quand on fuit l'amoureufe loi , Eft-ce par raifon qu'on aime ? , ^ H I L A s. Cen eft donc fait , Ingrate ? O fort infortune ? A quels aftreux malheurs me vois-je condamné! Dieux cruels , Dieux impitoyables , Que ne refufez-vous le jour ,

A tous ceux que l'Amour

Fij

124 I s s É ,'

Doû rendre miférables» I s s E*, Dans quel cruel chagrin vous lailTez-vous plon- ger ?

H I L A s. La pitié que vous voulez feindre. Ne fert encor qu'à m*outrager. C*eft une cruauté de plaindre , Ucs maux que Ton peutfoulager. I s s e'. Je vois avec douleur le tourment qui vous prefTe; Un. autre fentiment n'eft pas en mon pouvoir.

H I L A s.

Ne me plaignez, donc point , votre pitié me blefTe; C'e.fi: un mépris pour moi , puifqu'elie ell fans ten? dreflè.

I s s e\ Je vais vous épargner le chagrin de la voir, H I L A s. Non , non , Ingrate que vous êtes , Vous n'échaperez point à mes juftes regretSg Ne croyez pas que je vous laifTe en paix Jouir des maux que vous me faites. J'aurai du moins , malgré vos mépris odieux, Le funefte plaifi^ de m'en plaindre à vos yeux,

PASTORALE HEROÏQUE. ii<?

SCENE IV.

PAN, DO RI S.

D

Pak. Oris , je vous cherclïe en tous iîeux , Sans cefTe mon amour accroît violence. Mon cœur trop épris de vos yeux , N'efif content qu*cn votre préfence,

D o R I s. Il fembleroit en ce moment Que votre amour feroit extrême. Il s*eft augmenté promptement, Mais il s'affoiblira de même. Pan. Ah ! Pourquoi prenez-vous cet injufte détour ? Faut-il dans l'avenir me chercher une offèn£è ? Ingrate , en voyant mon amour , Pourquoi prévoir mon inconftance ?

D o R I 8,

Non , je ne veux Jamais partager vos defîrs ,

Mon cœur craint trop de faire un infidèle;

La peine qui fuit les plaiiîrs

N'en eft que plus cruelle»

Pan.

Vous vous confoleriez dans une amour nouvelle

De la perte de mes foupirs.

r iij

fîi* î s s É,

Le moment qui nous engfagtf Eft un agréable moment;

Mais celui qui nous dégage Ne laiiTe pas d'être charmant. Croyez-moi , bannifTez une crainte inquiète ^ Doris , laiflez-moi vivre heureux fous votre loî»

D O R I Sg

Voulez- vous que j'accepte une volage foi , Moi qui brûlai toujours d'une flâme parfaite? Pan. bien , vous ferez avec moi L'eiTai d'une douce amourette.

I/amour n*aura pour nous que de charmans appas, Nous briferons nos fers quand nous en ferons las.

D o R I s# Hc bien , à votre amour je ne fuis plus rebelle. Et je confens enfin à m'engager.

Voyons dans notre ardeur nouvelle. Si vous m'apprendrez à changer. Ou je vous rendrai fidèle.

Ensemble, Cédons à nos tendres de/îrs , Qu'un heureux penchant nous entraîne ; Et que l'Amour lai/fe aux Plai/irs Le foin de ferrer notre chaîne. Pan. AIaÎs on vient en ces lieux,fuff endons nos foupirs*

PASTORALE KF.nOIQUE. I17

SCENE V.

ISSÉ, LE GRAND PRESTRE, Trouve de Prêtres Ù' de Prétrejfes de Dodone,

M

Le Grand Prestre.

Iniftres révérés de ces lieux fbliiaîres , Vous , qu une fainte ardeur retient dans ce féjour. Commencez avec moi nos auguflcs Myfteres, Qu'IiTé fâche le Tort que lui garde l'Amour»

C H u

Commen(;on8 nos Myfteres ;

Qu'IiTc iâche le fort que lui garde l'Amour.

Le Grand Prestrb.

Arbres facrcs , Rameaux myftérieux.

Troncs célèbres , par qui lavenirre révèle.

Temple, que la nature élevé jufqu'aux Cieux,

A qui le Printenris donne une beauté nouvelle,;

Chênes divins , parlez tous ;

Dodone , répondez-nous.

C H OE u

Chênes divins , parlez tous ;

Dodone » répondez-nous.

Le Grand Prestre.

Mais déjà chaque branche agite fa verdure.

Les arbres femblent s'ébranler :

Chaque feuille murmure,

F iiij

HM I S S É ,

L Oracle va parler,

L'O R A C LE.

Jje doù s'enflammer de l'ardeur la fins belle y Apollon veut être aimé d'elle^ I s s E* à ^art, O Ciel! Quel oracle pour moi. Que d'affreux malheurs je prévoi! Le Grand Prestre. Driades & Silvains , venez lui rendre hommage ; Honorez Apollon dans celle qui l'engage.

^SSmm

SCENE VI.

ISSÉ, LE GRAND PRESTRE,

Troupe de Tr êtres & de Trêtrejfes de Dodone ^ Troupes de Faunes, de Satyres & de Driades»

C H OE U R.

C Hantons , chantons liTé , chantons Ces traÎÉ* vainqueurs; Célébrons Tes beaux yeux , maîtres de tous les cœurs,

[ On danfe» ] UneDriade. Ici les tendres oifeaux Goûtent cent douceurs (ecrettes,' Et Ton entend ces coteaux Retentir des chanfonnettes

PASTORALE HEROÏQUE. 119 Qu'ils apprennent aux Echos.

Sur ce gazon , les ruîfTeaux Murmurent leurs amourettes ; Et l'on voit jufqu'aux ormeaux , Pour embraiïer les fleurettes , Pencher leurs jeunes rameaux.

[ On danfe, ] Une Driade â Jffé, Cédez & remportez une douce viâ:oire ; Joignez aux charmes de la gloire , Le plaifir touchant de l'amour. Rendez votre triomphe auffi doux que durable. Vous enchaînez le Dieu le plus aimable , Qu'il vous enchaîne à votre tour.

Fin du troifiéme aCie^

Fv

i^of ï s s t. ^

ACTE IV.

Le Théâtre re^réfente une Grotte,

SCENE PREMIERE.

ISSÉ.

F.

Uneste amour, 6 tendrefîe inhumaine* î'ourquoi vous infpirois-je au cœur d'un Dieu ja- loux ?

J'auroîs mieux aimé Ton couroux , Je craignoîs cent fois moins fa haine# Quel deflin pour moi! Quelle peine ! \ On entend une efpéce d'écho qui lui répond. 3 Qu'entens-je ? Quelle voix fe mcle à mes fanglots? Qui me répond ici .' Seroient-ce les Echos ? Hélas ! Ne celTcz point de partager ma plainte ,

Plaignez l'état je me vois ; Soupirez des tourmens dont je me fens atteinte, £t gémiffez du fort qui s'oppofe â mon choix.

Vainement , Apollon , votre grandeur fupréme Fera luire à mes yeux ce qu'elle a de plus douxj

Je ne changerai pas pour vous ,

Le fidèle Berger que j'aimc#

B

PASTORALE HEROÏQUE. î,i

Mais , quel concert harmonieux , . Vient troubler le filence & la paix de ces lieux!

SCENE II.

ISSÉ, LE SOMMEIL accompagné de Songes , de Zéphirs & de Nymphes,

C H CE u R.

Elle liïe, (ufpenclez vos plaintes; Goûtez les charmes du repos. Le Sommeil, pour calmer vos craintes ^ Vous offre fes plus doux pavots.

I s s E*.

Qui vous intcreffe à ma peine ? Apprenez-moi du moins quel ordre vous amené ? Quel Dieu propice eft touché de mes maux î

C H OE UR,

Belle IfTé , &c.

I s s e'.

C'en eft fait , le repos va fufpendfe mes larmes. En vain la douleur que je fens , Veut me défendre de Tes charmes ;

Le fommeil malgré moi s'empare de mes fens. Le Sommeil,

Songes , pour Apollon , (îgnalez votre zélé ;

ji veut de cette Nymphe éprouver tout l'amour^

F vj

'13a ISSÉ,

Tracez à Tes efprits une image fidèle De la gloire du Dieu du jour.

SCENE II i.

HILAS, ISSÉ endormk»

^^ H I L A s.

V^ Ue vois- je ? Ceft IlTé qui repofe en ces lieux?

J'y venois pour plaindre ma peine : JWais mes cris troubleroîent fon repos précieux; Renfermons dans mon cœur une triflefle vaine.

Vous, ruifTeaux amoureux de cette aimable plaine. Coulez fi lentesnent , & murmurez û bas , Qu'Ifle ne vous entende pas,

Zéphirs , rempliiïez l'air d'une fraîcheur nouvelle; Et vous j Echos , dormez comme elle.

Que cf attraits! Que d*appas ! Contentez-vous mes mes yeux ,

Parcourez tous Tes charmes ; Payez-vous , s'il fe peut , des larmes Que vous avez verfé pour eux^

î s s E* fe réveillant, Qu'ai-je penfc ! Quel fonge eft venu me féduire ? J*ai crû voir Apollon quitter les Cieuxpour moi;

PASTORALE HEROÏQUE, jjj

Je me trouvois fenfible à. l'ardeur qui rinfpire; m Un mutuel amour engageoit notre foi.

Héias ? Cher Philemon , pour qui feu! je fbupire^ Ne me reproche?: point ces fonges impuilTans ; Mon cœur n*a point de part a l'erreur de mes fens»

H I L A s.

Ciel ! Qu'entens-je & le puîs-je croire ? Quoi ? le tendre Apollon qui veut vous engager,' Ne peut à mon Rival arracher la vi<Soire. Quand vous charmez un Dieu j vous aimez un

Berger ? Et j'ai contre ma flâme & l'Amour & la Gloire»

C*en eft trop. Il faut fuir vos funefles attraits. Je vais traîner ailleurs une mourante vie. L'Amour ne m'offre ici que de cruels objets. Vos feux , mon défepoir , ma confiance trahi e y Cruelle , tout m'engage à ne vous voir jamais.

I s s E* Que je plains les malheurs dont fa flamme c^ fui vie !

Ï34 î S S É 5

S C E N E I V.

PAN, ISSÉ,

Pan.

j/Hilémon, belle Ifle, fouffre un fort rîgoureujfj L*Oracle l'étonné & Tallarme : Il craint qu'infidelle à Tes vœux , Ce qui l'afflige ne vous charme.

I s s E*.

pourrai-je le rencontrer ? Je brûle de détruire un foup^on qui m'outrage^ Pan. Je l'ai laiffé dans le'|)rochain boccage. I s s e'. Vole, Amour, fui mes pas, & vien le raiïlirer*

Fin du quatrième a6îe*

1

PASTORALE HEROÏQUE. 13^

ACTE V.

Le 'ïhéatre i'ep'éfente une Solitude,

SCENE PREMIERE.

DORIS.

C Hantez , oifèaux , chantez ; que votre fori efl doux ! Vous ne brûlez jamais que d'ardeurs mutuelles ; Vous êtes amoureux , & n'êtes point jaloux.

Chantez , oifeaux , chantez ; que votre fort eB doux !

Le feul plaifir vous rend fidèles ; On n'eft heureux , qu'en aimant comme vous»

Chantez, oifeaux , chantez ; que votre fort eft ^oux !

13^

I S S É ,

SCENE II.

PAN, D O R I $•

^'A Pan.

V^ Uel fujet a conduit Doris en ce boccage l

D O R I Stf

J*y viens rêver à votre humeur voïage ; Vous vous laiïez bierl-tôt d'être dans mes liens :

Un nouvel objet vous engage , Et vous cherchez déjà d'autres yeux que les miensr Pan. Surquoî prenez-vous ces allarmes ?

D O RI s.

Non , je n'en doute point , vous aimez d'autres charmes :

Je vous ai vu fuivre les pas

De la jeune Témire : Si vous la trouviez fans appas , Qu'aviez-vous à lui dire i Pan. Je lui difois que pour nous aimer bien , Il faut bannir le reproche & la crainte. Un cœur jaloux n*eft pas fait pour le mien , Et je veux aimer fans contrainte. Mais , vous qui vous troublez par d'injufles foucis ,

PASTORALE HEROÏQUE, i^y

Que diiîez-vous au jeune Iphis ?

D o R I s. Je lui difois qu'un Coeur volage Ne pourra jamais m*engager. ! que ferois-je d'un Berger , De qui la flamme fe partage l Pan. Vous m'avez entendu , Doris , je vous entends» bien , n'aflfe<flons point une confiance vaine. Nos cœurs ne font pas faits pour une même

chaîne , ChoifiiTons d'autres fers dont ils foient plus con- tens«

Enfemble, Nos coeurs ne font pas faits pour une mémo

chaîne , Choifîâbns d'autres fers dont ils fblent plus con« tens.

Pan. Heureufe mille fois , heureufe Tinconflancc ! Le plus charmant amour Eft celui qui commence Et finit en un jour. Heureufe mille fois , heureufe l'inconflanoe !

Mais j*apperçois la Nymple , & Philemon s'a- vance*

13Ô ï S S ti

SCENE I I L

APOLLON, ISSÉ.

^T Apollon. ^ On , je ne puis me rafTuref î Par vos fermens & par vos larmes , Vous dchez vainement de bannir mes aliarmej s Non , je ne faurois efpérer Que vous vouliez me préférer Au Dieu puiiTant qui Ce tend â vos charmes*

l s SE*m

Croirai- je , ingrat , qvte vous m'aimez ^ Sx vous refufez de me croire / Apollon. , Le« nœuds que l'Amour a formés « Vont être brifés par la Gloire,

Pardonnez mes tranfports Jaloux ; J*aî tout à redouter , puirqu*elle eft ma rivale*

l s s e\ 3e ne la connois point cette Gloire fatale ;

Mon cœur ne reconnoit que vous*

Je le difois à cette folitude ;

Elle fait mes tourmens fecrets : Que ne peut-^llc , hélas ! répéter mes regrets ,

PASTORALE HEROÏQUE, i^f

Pour vous tirer d'inquiétude !

C'eft moi qui vous aime

Le plus tendrement.

Enfembie

C'eft moi qui vous aime

Le plus tendrement.

Si vous m'aimiez de même , Mon fort feroit charmant.

C'eft moi qui vous aime Le plus tendrement. Apollon. Non , non , vous m'oubliiez potir la grandeur iùpréme.

I s s e'. Que vos foupçons me font fbufFrir. Ciel ! Ne puis-je vous en guérir î

Apollon , en ces lieux , hâtçz-vous de paroltre s Par des attraits pompeux , tâchez de m'attendrir. Ce Berger de mon cœur fera toujours le maître ; Et les vœux éclatans que vous viendrez m'ofîrir. Ne ferviront .... Hélas ! Qu'ofai-je dire ? Mes tranfports indifcrets preiïent votre malheur.

Ce Dieu qu'un vain amour infpire « Se vengera fur vous du refus de mon cœur.

Mais > que vois-je ! Quelle puifTance ,

ito I s s É ,

En un palais fuperbe a change ce féjour !

[ Le Théâtre change & repréfeme un palais ma^ gnijique : Cii voit les Heuret qui defcendenf àti ciel fur des nuages, ]

A ? o L L o Je vois les Heures ; leur préfence Nous annonce le Dieu du jour,

i s s £*•

Ah ! Fuyons , cher amant ! Qui pourroit nous défendre

De la fureur d*un Dieu jaloux î Apollon. Non ) je veux le âéchir ou mourir fous Ces coups»

I s s E*.

Par quel frivole efpoir vous laiiïex-vous (lirpren- dre?

Fuyons , dérobons - nous tous deux à Ton cou- roux.

Apollon.

Nos pleurs l'attendriront.

I s s E*#

Je tremble , je friiTonncr Apollon. Croyez-en mon efpoir , plutôt que votre effroi.

I s s E*.

Ingrat , veux-tu périr ?

Apollon.

Que rien ne vous étomne.

PASTORALE HEROÏQUE, m

I s s E*.

Ote-moî donc l'amour dont je brûle pour toî. Je ne me connojs plus , la raifon m'abandonne; Joui , cruel , joui du trouble tu me vois. Un délefpoir affreux de mes efprits s'empare. Ciel ! fuis-je ! Que vois-je ! Arrêtez , Dieu barbare.

portez- vous votre injufle fureur ? Epargnez mon amant , percez plutôt mon cœurMλ

Apollon. /fh ! C'eft trop , belle IHé, voyez couler des lar^

mes^ Que je verfe à la fois de joye & de douleur; Je fuis ce Dieu cruel qui caufe vos allarmes. Et ce tendre Berger Ci cher à votre cœur.

I s s E*.

Vous î

Apollon.

Nymphe trop fidelle , Iffé, pardonnez-moi cette épreuve cruelle*

I s s e'. Vous , Apollon ? Malgré les maux que j*ai fouf-

ferts , Si vous m* en aîmej^ mieux, que ces maux me font chers!

Enfemble. Quel triomphe ! Quelle tiâ;oîre !

r l'Objet -^ L'Amour met fous nies loix 5 i j^- (1^ P^"*

charmant»

ji4^ I S S Ë 9

Que nos cœufs à jamais Ce difputent la gloire De s'aimer le plus tendrement.

Quel triomphe ! Quelle Ti<ftoire ! &c» Apollon,

Heures , marquez l'inftant de ma félicité. Vous , Mortels , accourez , célébrez la Bdauté

La plus tendre & la plus fidelle. L*Amour forme pour nous une chaîne étemelle. Venez , applaudiflez à mes heureux foupirs ; Pour prix de mes bienfaits , célébrez mes plaifîrc»

SCENE DERNIERE.

APOLLON, ISSÉ, LES HEURES,;

Troupe d'Européens , d'Européennes , de Chinois,

d* Amériquains , d'Amériquaineu C H OE u R.

Ç\ Ue tes plaifirs font doux ! Que ta gloire cft

^^ extrême ?

Que ta félicité dure autant que toi-même.

[ On danfe. "] Une Europ e*e n n e , alternative*' ment avec le Chœur 0 Ah ! Que d'attraits Suivront votre tendreiïeî Que de plaifirs naîtront de vos amours !

Aimez fans ce/Teij

PASTORALE HEROÏQUE, h|

Tout vous en prelTe ; Que vos fœux redoublent toujours! Aimez (ans ceiTc , Tout vous en prefTe ;

Sans amours, Eft-il de beaux jours.

[ On danfe, J

C H OE U R.

Que tes plaifîrs font doux ! Que ta gloire cft ex?

trcme ! Que ta félicité dure autant ^ue toî-mcmfi»

F I N.

SEMELÉy

s E M E L E ,

TRAGÉDIE,

Repréfentée pour la première fois , par

TAcadémie Royale de Mufique ,

le Mardi 9 Avril i/cpo

Muflfie de M. Mu^r^ïs,

7Qme VU G

ACTEURS DU PROLOGUE.

LE GRAND PRESTRE, LA PRESTRESSE. APOLLON,

147

îi'^ëk^ 4•^^•^ '^MxM^. PRO L O GUE.

LES BACCHANALES.

Le Tljéatre repréfente dans le fonds un Sa-' crifice ci Bacchus ; & fur le de^ vant des Berceaux , ou des Silvams , des jEgjpans & des Bacchantes font placés %in vafe & une coupe à la main : au def fus , entre les feuillages , paroijfent des Sdtjres jouant du Haut-bois,

A

CHŒUR.

CcouRoNs , pour un Dieu nouveau Inventons des Fêtes nouvelles ; Signalons un jour fi beau. Par nos chanfons les plus belles, \ Marche des JEgypans & des Bacchantes , con- duits par un Prêtre & une Prêtrejfe de Bacchus,"]

Le PrESTRE & LA PRESTRESSE,

Le fils du Maître du tonnerre ,

Bacchus s*éleve au rang des Dieux;

Il Fut le bonheur de la terre ,

I Ifera la gloire des Cieux,

Gij

148 PROLOGUE.

C H OE U R.

Le fHs du Maître du tonnerre, Bacchus s*éleve au rang des Dieyx; Il fut le boniieur de la terre , Il fera la gloire des Cieux. [ Le Prêtre & la Prêtrejfe , accompagnés par Î4 Trompette &par la Flutte, ] Le Prestre, Chantons fes glorieux exploits^

La Prestresse, Chantons fa jeunefTe & Ces charmes.

Le Prestre. H mît rOrient fous fes loix. La Prestresse. D*Arîane trahie, il elTuya les larmes. Qu'il charme ,

Le Près tre# Qu'il triomphe, Enfemble,

Et qu'il goûte à la fois La douceur des plaiiîrs, & la gloire des armes.

{^Danfe des Menades,} La Pre stresse. Goûtons ici les plus doux charmes; Amour , rafTemble tes attraits , Vole, n'apporte point tes armes, Ce nedar tient lieu de tes traits.

Bacchus , défend à la trifleflTe

PROLOGUE. 145»

Detcpandre ici fbnpoifon; '

Régne , & que ta charmante yvrefTe Nous aide à bannir la raifon.

Goûtons ici les plus doux charmes ; Amour, rafîemble tes attraits. Vole , n'apporte point tes armes ,

ICe nedar tient lieu de tes traits, i [ Danfe des AUnades, J

p LePrestre.

O Ciel ! Quel eft l'efïet de ce nedar charmant f

IQue vois-je ! fuis-je ! Je m'égare, Bacchus de mes efprits s*empare , lui réfifte vainement. Partagez mes tranfports , Bacchus vous le com- mande ; C*eft l'honneur qu'il veut qu'on lui rende»

C H OE u

Courons les bois & les campagnes; RemplifTons les airs de nos cris ;

Du nom du Dieu qui trouble nos efprits y Faifons retentir les montagnes,

[ Danfe des JEgyfans & des Bacchantes en fu- reur , a^rès laquelle on entend une fym^ho' nie tendre, ]

La Prestresse. Quel bruit nouveau fe fait entendre? Ces aimables concerts , ces Tons harmonieux.

Ramènent le calme en ces lieux ;

Gii]

tS4 P R O L O G U E.

C'eft Apollon qui va defcendre» Apollon. J'aîme à voir pour Bacchus éclater votre amouf* C*eft peu qu'au même fang nofis devions la nail^

fance. Il me fait des Sujets ^ il étend ma puiiTance^ Il anime les Arts qui compofent ma Cour;

Et je veux par reconnoilTance , Redoubler à vos yeux la pompe de ce jour.

Mufes , marquez-lui votte léle i Confàcrez à fa gloire une fête nouvelle ;

Retracez-nous dans ce féjour. Le grand événement qui lui donna le jour*

C H OE u R.

Le fils du Maître du tonnerre , Bacchus s'élève au rang des Dieux; Il fut le bonheur'de la Terre , Il fera la gloire des Cieux,

Fin du PrologHe*

Ml

ACTEURS

£)£ Ly^ TRAGEDIE.

C A D M U S , Roi de Thébes.

S E M E L É , fille de Cadmus.

JUPITER fous le nom i'Io as»

A D R A S T E , Prince Thébain.

JUNON.

D O R I N E , Confidente de Sercelé.

M E R C U R E /o«x le nom (i Arb a ie.

UNE BERGERE.

DEUX BERGERES.

Chœurs de Guerriers,

Chœurs de Dieux des Forêts,

Chœurs de Déejfes des Eaux,

Chœurs de Démons,

Chœurs de Bergers»

G iiij

Ï5»

Ckxurs de Bergère:,

Chœurs de Thébains, Chœurs de Thébaines»

La Scène eil à Thébesr

s E ME L E,

TRAGEDIE. ACTE PREMIER.

,e Théâtre re^réfente le Temple de Jnfiter.

SCENE PREMIERE,

ADMtJS, SEMELÉ, DORINE*

C A D M U

A fille , la Viâoire a nommé votre

époux,

Adrafte a fournis les Rebelles ;

Il revieflt Couronné de palmes immortelles ,'

Et digne enfin de TEmpire & de vous.

Dans ce Temple , au Maître du Monde

li 7a bien-tôt offrir les arme? àes mutins ;

Gy

î^4 S E M E L Ê ,-

Il faut à Tes defîrs que votre cœur réponde ; Et m'acquitte envers lui de nos heureux deftinji

Certain de votre obéiflande , Pour vous à Jupiter je vais offrir mes vœux ;

Le Ciel doit protéger des nœuds Formés par la vi<ftoire & la reconnoifTance.

[ Cadmuf entre dans le Temple,'}

SCENE II.

SEMELÉ, DORINE;

^^ Semble'.

V^ Ue vais- je devenir ! Ah ! Ma cherc Dorînc ;

Ru fort de Semelé conçois-tu la rigueur î

Tu vois l'Epoux qu'on me deftine , Et tu connois l'Amant que s'eft choifi mon cœur*

D o R I N E.

Vous ne vous rendrez point à cette loi barbare ?

Semble*. C'en eft fait , cher Idas , le devoir nous fépare#

D o R I N E.

Votre cœur ju(ques-là pourroit-il fe trahir l

Semble*. j€ fens que j'en mourrai ; mais il faut obéir.

D o R I N E.

Non , non , c'eft trop d'obéiflance , Malgré le fier devoir, notre caur a Tes droits j

TRAGEDIE. tçç

Quand ce Tyran nous fait de trop feveres loix , L'Amour nous en difpenfêé

S E M E L E*.

Tu gémis vainement. Fui, trop indigne Amour ^ N'ufurpe plus un cœur qui n*eft qu'à la Gloire»

Ai-je donc perdu la mémoire De cet augufte fàng dont j'ai reçu le jour ? fÇe n'eft plus fur mon fort , l'Amour que j'en veux croire >

Que ma fierté régne à fon tour. Recevons un Epoux des mains de la Vi<^oire#

Tu gémis vainement. Fui , trop indigne Amouf j [K'ufurpe plus un cœur qui n'eft qu'à la Gloire,

D O R I N E.

Idas a pour vous plaire oublié fes Etats. ^ Inconnu dans ces lieux , il vous y fuit (ans cefTe; Rien n'eft égal à l'amour qui le prefTe.

S E M E L E*.

Crois-tu donc que le mien ne le ïurpafle pas l

D o RI N E.

Quoi , vous croyez furpafTer fàtendrefTe^ Et vous allez lui donner le trépas t Quelle preuve d'amour!

S E JVI E L e\

o trop aimable Idas! O trop malheureufe PrincelTe !

D o R I N E.

Vous pouvez changer votre fort.

Gvj

1^6 S E M E L É,

Pourquoi voulez-vous fuivre une loi rigoureulef Ah ! S'il faut vous faire un effort , Faites-le pour vous rendre heureufe.

Allez à votre Père avouer votre choix* Semble*. Je mourroîs plutôt mille fois*

Que vous caufez un trouble extrême ,' 'Amour^ charmant Amour, devoir trop rigoureux! Hélas ! Qu*un cœur eft malheureux, . Quand vous l'armez contre lui-même l

Enfemble, Que vous caufez un trouble extrême , Aflionr, charmant Amour, devoir trop rigoureux! Hélas ! Qu'un cœur eft malheureux. Quand vous l'armez contre lui-même ? [ On entend un bruit de Trompettes» }

D G R I N E.

Ce bruit annonce Adi afte , il s'avance en ces lieux» Fuyez, évitez fa préfence. S E M E L e'. Non , non , il faut fe faire un effort glorieux. Et payer à la fois gloire & fa confiance»

TRAGEDIE. i}r

SCENE III.

A D R A S T E , Troupe de Guerriers portant hj

dépouilles des Rebelles , S E M E ,

DORINE.

VAdR A STE. Ous voyez les Mutins captifs , humiliés ; Dans mes exploits connoifTez votre ouvrage 7 PrincefTe , c'eft à vous qui me les ordonniez. Que j'en rens le premier hommage. Le Roi flatte mes vœux du bonheur le plus doux; Mais il confent en vain que THymen nous unifTe, Ce bien , tout grand qu'il eft , deviendrwt mon fupplice ,

Si je ne le tenois de vous. Semble'.

[ à part, ] Prince , vous favez trop . . O Ciel ! Que vais-je faire !

Ad R A s T E. Parlez , belle Princefle , impofez-moi vos loixt

S E M E L E*.

Prince, vous favez trop que la gloire m'eft chère 5 Elle décide de mon choix. Et je me rens à vos exploit?, Autajit qu'à l'ordre de mon père»

ij8 SEMELÉj

A D R A s TE.

O fort charmant ! Trop heureux Jour! Je j'ouîs d'un bonheur qu'à peine j'ofe croire.

Je dois ma gloire à mon amour; Et l'Objet que j'adore eft le prix de ma gloire.

Que mon triomphe eft glorieux. Chantez, rendez-en grâce au Souverain des Dieux»

L E C H.OE u R.

Que ce triomphe eft glorieux. Chantons, rendons-én grâce au Souverain des Dieux,

C A D M u s fortant du Temple

avec les Prêtres^

Tout tremble , Dieu puiflant , fous ton pouvoir

flipreme ; Les Rois en fremiffant reconnoifTent ta loi ; Un (èul de tes regards remplit le Ciel d'eftroi; Et tout le pouvoir des Dieux même y N'eft que foiblefTe devant toi.

[ On danfe, ] A D R A s T E. Maître des Héros & des Rois , C'eft à ta faveur que je dois L'éclat de ma gloire nouvelle.

Souvent la Vi^oîre rebelle.

Se refufe aux plus grands exploits y

En vain le courage l'appelle ,

TRAGEDIE. i^i;

Elle vole à ton ordre & ne fuit que tes loîx.

C A D M U s,

UnifTez vos cœurs & vos voîx , RemplifTez de vos chants le Ciel , la Terre 5c

l'Onde ; Que tout en retentifTe & que tout nous réponde^ Que toute la nature applaudifle à la fois A Taugufte Maître du monde.

Le C h ce u r- Uniflbns nos cœurs & nos voîx, RemplifTons de nos chants le Ciel , la Terré &

rOnde; Que tout en retentîjSe & que tout nous réponde. Que toute la nature applaudifle à la fois A l'augufte Maître du monde»

A D R A s T E*

Allons , pour mériter des vidoires nouvelles , Offrons à Jupiter les armes des Rebelles.

[ Le Temple fe ferme , & des Furies vien*

tient enlever les Trophées, ] Mais le Templ* fe ferme : O Cieux! Cadmus & LE Choeur. Sous nos pas s*ébranle la terre , > L*Enfer eft déchaîné ! Quels éclats de tonnerre ! Fu)ons , fuyons la colère àts Dieux,

160 S E M E L Éi

SCENE IV.

ADRASTE, SEMELÉi

A DR A s TE.

M Es premiers vœux , & mon premîcï honiî hommage Dans ces lieux ont été pour vouij Et fans doute c'eft l'outrage Dont Ce venge le Ciel jaloux. Je le fléchirai par mon zélé; Mais fi votre cœur m*eft fidèle , Je fuis incapable d'effroi.

S E M E L eV

FléchilTez Jupiter , & j'obéis au Roî« Fin du premier ACfi»

TRAGEDIE. lét

ACTE II.

Le Théâtre repréfente un Bots , coupé de Rochers,

SCENE PREMIERE.

MERCURE/ow//eKom(fARBATE, DO RI NE.

JLJI

Mercure. A Princeffe abandonne Idas! Dorine , eft-il bien vrai .' Je n'ofe encor le croire.

DORI NE.

Arbate , il eft trop vrai : TAmour n*y confent pas , Mais Ton cœur Timmole à la Gloire.

Mercure. Tu me fais trembler pour mes feux; Ton cœur fera-t'il plus fîdelle ? Que je crains qu*en de nouveaux nœuds La Gloire à ton tour ne t'appelle ! Dorine.

La Gloire peut régner au cœur d'une Prîncefle ;

Pour le plus grand Héros il doit garder fa foi. Mais le mien a plus de foiblefTe,

Et l'Amant le plus cendre, eft le héros pour moî.

jst s E M E L É>

Mercure. Si TAmant le plus tendre a feul droit de te plaîrc, Il n*eft point de Rival qui doive m'allarmer;

Mon amour eft ma feule affaire , Et mon unique gloire eft de me faire aimer» D o R IN E. C'eft une afîez belle viâoire , Que de m'avoir réduite à t* aimer à mon tour» Ce que ton cœur donneroit à la Gloire » Seroit autant de perdu pour TAmour, Mercure & Dorine. Faifons notre bonheur fupréme , Des plaifîrs qu'on goûte en aimant» Le triomphe le plus charmant , Ceft de régner fur ce qu'on aime. Mercure. La PrincefTe en ces lieux s'avance avec Idas ; Eloignons-nous & ne les troublons pas.

ë

SCENE II.

SEMELÉ , JUPITER fous le nom d'IoAS , MERCURE, DORINE.

^f^ Jupiter.

V^ Uoi ! Vous pouvez brifer, cruelle» Le lien le plus doux que l'Amour ait formé J Adrallc me ravit votre cœur, inlidelle \

TRAGEDIE. fn

Semble'* Ingrat , le croyez-vous aîmé ? Jupiter. Ouï , Je le crois , Barbare. En vain vous voulez feindre, Vous vous plaifez à caufef mon trépas» S E M E L e\ Accufez le Deftiii , plaignez-vous cher Idas ; Mais croyez-moi la plus a plaindre»

Malgré moi je brife mes fers. Je fens en vous voyant à quels maux je me livré ; Mais pour me confoler du bonheur que je perds «

J'ai refpoir de n'y pas furvivre.

J u P I TE R.

Vous foupirez , vous répandez des pleurs! Vous me trompez encor par ces perfides larmes.

S £ M E L E*.

1 Kon , jamais votre amour n'eut pour moî tant de charmes.

Jupiter. Et cependant , c'eft par vous que je meur?»

S E M E L E*.

Que vous ébranlez ma confiance! i Ah! Je devois toujours éviter de vous voir.

LaifTez-moi fuir . . votre préfencc

I Me feroit repentir d'avoir fait mon devoir.

Jupiter.

I Demeurez. Pourquoi fuivre un devoir trop bar^ bare^

't^4 S E M E L É ^

Le Ciel vous fait une autre loi ; Il vient de condamner un nœud qui nous (Ifpareî Et je n'ai <jue vous contre moi»

S E M E L e'.

Qui moi ! Cruel ! Quelle injufliee! Non , de notre bonheur les Dieux feuls font ja- loux, Adrafte en ce moment leur offre un facrifice ; Peut-être a-t'il déjà défarmé leur couroiix, Jupiter. Vous aimez du moins à le croire ?

S E M E L E*.

Hélas! Pourquoi dois-je à la Gloire Un coeur que TAmour fit pour tous f Jupiter. C*en eft donc fait. Malgré la douleur qui me ' prefTe^

Vous me condamnez à la mort»

S e M E L £*•

Malgré mon défefpoir , je tiendrai ma promeilè ; Heureufe , fi je meurs de ce cruel effort, CeiTez de m*attendrir , je ne veux rien entendre. Adieu , cher Prince .

Jupiter»

Ingrate , il faut Ce déclarer $ J*y vais perdre un plaifir bien cher pour un c«ur

tendre , Et le plus grand bonheur je puffe afpirer»

TRAGEDIE. tiff

Je me flattois d'être aimé pour moi-même; Sous le faux nom d'îdas , Je vous cachois mon rang fuprcme ; IVTais puif'que fous ce nom je ne vous luflis pas ,; Connoilîez Jupicer charmé de vos appas,

S E M E L E'

Vous , Jupiter ?

Jupiter,

Oui , c*eft lui qui vous aime; Cruelle ^ en eft-ce afîez. pour votre gloire î

$E ME le'.

Hélas I Jupiter- Suivez le tranfport qui vous prefïè ; Allez, allez choilîr Adrafte dès ce JQur.

S E M E L E*,

Ah! Loin de me troubler, rafTurez ma foiblelTe; La frayeur un moment a fufpendu l'amour. Ciel ! Quel eft l'heureux fort dont ma crainte eft fuivie ! Vous avez vu le trouble de mon cœur; Pourquoi différiez- vous de me (àuver la vie. En accordant ma gloire & mon ardeur? Jupiter, JouifTez de votre conquête, Q}xt ces lieux à ma voix brillent de mille attraits» Et ^ue la pl^s aimable fête<^

U^ s E M E L É j

y raflemble les Dieux des Eaux & des Forêts;

£ Le Théâtre change , & repréfente un Valait çrné de cafcades, ]

SCENE II L

JUPITER , SEMELÉ , Troupe de Faunes , Troupes de Nymphes & de Nayades^

A

Jupiter, Ccourez , venez rendre hommage A l'Objet qui comble mes vœux. Par vos chants les plus amoureux , - Redoublez, s'il Ce peut, le transport qui m'engage j Ce n*eft qu'en l'aimant davantage. Que je puis être plus heureux. Le C h oe u r. Secondez-nous , oyfeaux de ces Boccages; Joignez à nos concerts la douceur de vos fons : L'Amour anime vos ramages , Çu'il anin^e aufïj nos chanfons.

[ On danfe, ]

TRAGEDIE. Uf

f ' I

SCENE IV.

ADRASTE, JUPITER , SEMBLÉ.

Q

A D R A S T

Uel fpedacle vient me Cutptenàre î Quels Chants ! Quels Jeux ! Ingrate , ah ! Voua metrahiiTez?

Semble* Prince ) un moment daignez m'entendre^

Je vous ûcrifîois la flâme la plus tendre.

Vous alliez voir vos vœux recompenfés , Contre tout mon amour j*aurois su vous défendre^ Je vous l'avois promis , & c'en étoit alTez. IVIais un Dieu m'aime, un Dieu dégage ma pro*

meâè; Refpe^ez Ton amour, c*efl à vous de cêder«

A D R A s T E*

Ua Dieu! Le croyez-vous? Quelle indigne foi^^

blefîe! Par cette vaine erreur croît-on m'intimiderî

Jupiter»

Téméraire Mortel, crain que ton cœur n'éprouve

Le pouvoir que tu veux braver»

A DR A s TE»

bien ; fi c'eft un Dieu , que mon trépas |e prouve ;

VSS s E M E L É i

Mais s*il n'eft ^\i*un Mortel , fa mort va le prousei. [ Il veut attaquer Jufîter* ] SEMBLE* l' arrêtant* Jucher, ^ Ah! Barbare , arrêtez. . . J*oubliois qui vous ctes* [U« «r<^5^ s* élève au-devant d'AdraJIe, & lui cache toute la Scène»'}

^ss

11^

SCENE V.

A D R A s T E feul.

c

lel ! Tout difparôît à mes yeuK ; Un nuage foudain a couvert ces retraites , Mon transport impuiflant en eft plus furieux.

Achevé, Dieu cruel, viens me réduire en poudrej Puni mon affreux défefpoir ; ^orce-moi , par un coup de foudre | A reconnoître ton pouvoir.

Fin du fécond aCfç»

ACTE

TRAGEDIE. t69

ACTE III.

Le Théâtre reprcfente les Jardins de C A D M u s.

SCENE PREMIERE,

A D R A s T E,

NO N , je ne doute plus du malheur de mes feux ; Le jaloux Jupiter eft le Dieu qui m'outrage ; C'eft lui qui dans le Temple a rejette mes vœux , Ceft lui qui m'a couvert de ce nuage affreux , Dont il infultoit à ma rage,

Defcend , fiére Junon ; que fais- tu dans les cieux î Livres-tu ton époux à l'ingrate qu'il aime ? Hâte-toi; contre lui fouleve tous les Dieux,

Vicn me venger , vien te venger toi-même. Que le dépit vengeur , que la haine cruelle , De leurs traits arment ton couroux> Raiïemble contre un infidèle , Tout ce que peut l'Amour jaloux» [ Junon defcend, ]

Tomç VI. H

i7d S E M E L É ,

SCENE II.

JUNON, ADRASTBï

N

J U N O N.

E doute point de ta vengeance » Ceft à moi de brifer de funeftes liens ; Je ne te flatte point d'une vaine efpérance : Ce jour verra venger tes tourmens & les miens.

Enfemble, Que le dépît vengeur , que la haine cruelle ,

Deleurs traits arment s | couroux

RafTemblons ? r t m

Tout ce que peut l'Amour jaloux.

A D R A s TE.

Enlevez -lui l'objet qu'il vous préfère. Et par l'hymen qui devoit hous unir « «

J u N o N.

LailTe-moi , va , fut ma colère , Repofe-toi du foin de le punir.

TRAGEDIE. 171

SCENE III.

JUNON/fa/?.

T.

Remble des maux qu*on te prépare, Ambitieufe Semelé : Je me ferai connoître au coup barbare Dont ton cœur doit être immolé. Le plus affreux tourment va luivre ton audace :

Le terrible deftin d'Lfîs , Le fort de Califlo , mourant des mains d*un fils » N'égalent point encor le fort qui te menace.

Volez , Zéphirs , allez enlever Beroé ;

Je vais prendre Ces traits pour perdre Semelé.

[ Les Zéphtrs exécutent les ordres de Junon, ]

Cachons-nous , elle vient ; fon malheur me l'a- mène: Que fa beauté redouble encor mahaîne !

Kii

17^ 5 E M E L É;

SCENE IV,

SEMBLÉ, JUNON cachée.

A

S E M E L E*.

Mour , régnez en paix , régnez charmant vainqueur. Mon ame à vos feux s*abandonne ; Lamcez tous vos traits dans mon cœur ^ La Gloire vous l'ordonne.

UnifTez-moi d'un éternel lien Au Dieu du Ciel & de la Terre. Le fort de Junon même eft moins beau que lo

mien; J'ai foumis à mes lojx le maître du tonnerre.

Amour , régnez en paix , &c, I

J u N o N fous la forme de Bercé, nourrice de Semelé,

Quoi ! Jupiter vous aime & vous me le cachiez ?

Dorine feule a votre ccfrifidence. PrincelTe , eft-ce le prix que vous me réierviez

Pes foins que j'eus de votre enfance ? Semble*.

Je çraîgnois tes yeux pour témoins 5

TRAGEDIE. î75

J'ai long-temps ignoré quelle étoit ma vî«floîre : Tu m'as appris à n'aimer que la gloire , J'aurois rougi de démentir tes foins*

J U N O N.

Un Dieu puifTant vous rend les armeâ ," Mcprifez déformais les foupirs des mortels ; L'encens eft le tribut que Ton doit à vos charmes ; C'étoit trop peu d'un trône , il vous faut des autels»

S E M E L E*.

Ma chère Beroé , que j*aime à voir ton zélé ! J u N o N,

Autant que vous , je reflens vos plaifîrs.

S E M E L e'.

Ciel ! Une conquête fi belle A paiïe mon efpoir & même mes defîrs.

J u N o N,

Je ne le cèle point ; cette gloire eft extrême , Mais j'ofe à peine m'en flatter,

S E M E L e'.

N'en doute point , c*eft Jupiter qui m'aims. J u N o N. Je le fouhaite affez pour en douter.

S E M E L e'.

Je fuis témoin de fa puifTance ,

D'un mot il embellit les plus fauvages lieux ;

Il foumet la nature , & j*ai vu tous les Dieux

Lui marquer leur obéiifance.

Hiij

174 S E M E L É ,

J U N O N.

Par une trompeufe apparence i Peut-être un enchanteur a-t'il féduit vos yeux.

Mais , que fais - je ? Pourquoi clouter de votre gloire ?

Votre beauté me fait tout croire.

S E M E L E%

Tu croîs tout. Cependant on a pu me tromper. Ciel ! De quel coup vien-tu de me frapper! Quelle honte pour moi ! Que faut-il que je penfe ? Mes yeux n'auroient - ils vu que des fantômes

vains ? Croirai-je que les Dieux permettent aux humains D'imiter fi bien leur puifTance î J u N o N. N'en doutez point , il eft un art myflérieux Qui fait donner des loix aux Dieux* Autrefois dans la ThefTalie, Moi-même , j'en appris les myfléres puilTans,

Semble*. Fai-moi voir s'il efl vrai , tout ce qu.'on en publie,

J u N o N, .Vos yeux foutiendroient-ils les enfers menaçans ?

S E M E L e'.

Mon doute eft plus cruel , contente mon envie, J u N o N. Je crains trop d'effrayer vos fêns.

f;

T R A G E D î E. i/î

S E M E L t\

Ne me rcfîfte point , il y va de ma vie,

J U N O N.

Terrible Roi des pâles ombres ^ Vous , Fleuves redoutés qui fur les rives fombres, Roulez, avec horreur vos ténébreufes eaux > Et vous , Déefl'es implacables , Dont les ferpens & les flambeaux Tourmentent les cœurs des coupables , Répondez à mes cris ; mon trouble , ma terreur Sont riîommage & l'encens que vous oïi-e mon cœur.

[ On entvnd un bruit foâterraîn. ] Le charme eft fait ; ce bruit & ces flammes ter- ribles , Nous annoncent Taveu de l'infernale cour. Venez , venez Démons , fous des for. nés hor- ribles : En un fpedacle affreux transformez ce fijour. Soleil fui de ces lieux ; venez , fœurs inflexibles , Et que vos feuls flambeaux y répandent le jour.

Hiiii

175 S E M E L É j

IIM Iflt

, SCENE V.

he 'Théâtre change & repréfeme les Enfers. J U N O N , Chœur de Furies & de Démons^

o

C H OE u R, R'ionne, nous t'obéiflbns; Des plus grands criminels nous fufpendons les peines :

Confole-nous par. des loix inhumaines. Du repos nous les laifTons. J u N o N aux Furies, Vous iifez dans mon cœur , comblez mon efpé-

rance , Montrez à Semelé jufqu'où va ma puifTance» Le Choeur, Qu'un affreux ravage Marque nos fureurs ; Et de notre rage ^ Troublons tous les cœurs ; Que l'affreufe haine , Les foupçons jaloux , La rage inhumaine y Le cruel couroux , Le trouble &• la peine Régnent avec nous»

I

TRAGEDIE. 177,

SCENE VI.

SEMELÉ, JUNON.

CS E M E L e\ Efle , je ne puis plus réfifter à mon trouble; Le plus cruel foupçon efl entré dans mon cœur, A chaque inftant je le fens qui redouble,

IEt qui m'annonce mon malheur, Je brûle d'éclaircir ma crainte : Comment faurai-je dès ce jour De quel trait mon ame eft atteinte^ Et fi c'eft Jupiter qui caufe mon amour l

J U N O N.

Exigez qu'aux Thebains lui-même il vienne apprendre

Un choix pour vous fi glorieux ; Qu'armé de Ton tonnerre il fe montre à vos yeux;

Que par le Stix il jure de defcendre Avec tout l'appareil du fouverain des Dieux ; Tel qu'aux yeux de Junon il paroît dans les cieux.

S E M E L E*.

Ah ! Tu me rends le jour par cet avis fidèle ;

Que mille embraiTemens foient le prix de ton

zélé»

f>'« du trotfiémç A£ie»

178 S E M E L ti

ACTE IV.

Le T'héatre re^ré fente une Grotte.

SCENE PREMIERE/

MERCURE, DORINE.

Mercure.

APpre N quel eft le Dieu qui t'offre fa ten- dreffe. Ma puiïïance bien-tôt va paroître à tes yeux : Jupiter m'a chargé de donner en ces lieux De nouveaux jeux à la PrincefTe.

D o R 1 N E.

Ce n*eft donc plus Arbate que je voi ? C'eft Mercure à préfent qui m'offre fon hom- mage.

Mercure. Le fils de Jupiter fe foumet à ta loi ; Tu dois m'en aimer davantage.

D o R 1 N E.

Si vous êtes un Dieu , je vous en aime moins i

Ou plutôt je romps notre chaîne : Mon cœur n'afpiroit pas à de nobles foins J

I

TRAGEDIE. I7P

Trop d'inégalité me géne^

Mercure. Connoi mieux le lien charmant le cœur d'un Dieu te convie : Nous aimons plus en un moment Qu*un mortel en toute vie.

D o R I N E.

Si vous (entez plus de tendrefle ,' Vous en avez plutôt épuifé vos defirs ; Et j'aime mieux que mes plaifirs Soient moins grands & durent fans cefTeg

Mercure.

De quel foupçon ton cœur eft-il troublé l Je t'aimerai d'un amour éternel.

D o R I N E,

Non , vous ne me feriez fidèle , Qu'autant que Jupiter doit l'être à Semelé.

On fait trop que rien ne l'arrête.

Après de courts plaifîrs , il laiiïe un long ennuî.

Il va bien-tôt voler à quelqu'autre conquête ,

Et vous changeriez avec lui.

Mercure.

S'ii Ce plaît à brûler d'une flamme nouvelle.

De mon cœur , par le fien , pourquoi veux-ta

juger f

Il fait fon plaifîr de changer ,

Je fais le mien d'ctre iideile.

Hvj

:ï8o s E m E L É ;

D O R I N E.

Jupiter en promet autant , En n'en aime pas davantage. Plus un cœur Ce connoît volage y Plus il jure d'être conftant. Mercure. Je le vois trop , Dorine , il faut que je prévienne ,Ton changement caché fous ces reproches vains. Mon inconftance que tu crains , N'eft qu'une excufe pour la tienne; Enfemble, yole , Amour , en mon cœur lance de nouveaux feux :

Je veux prévenir ) ^^^ ? volage.

Vole , Amour ; mais ne me dégage Que pour de plus aimables nœuds. Mercure. Jupiter en ces lieux vient avec la PrincefTe. Par de nouveaux plaifirs, ranimons leur tendrefle; Que ce féjour fe change en paifîbles hameaux.

[ Le Théâtre change & repréfente un Hameau, 3 Vous , Bergers , accourez , venez fous ces or- meaux

Célébrer vos ardeurs fidelles. Mêlez à la voix de vos belles Le doux Con de vos chalumeaux*

TRAGEDIE. i8t

SCENE II.

JUPITER, SEMELÉ, MERCURE,' DORINE , Chœur de Bergers & de Bergères,

Les Bergères.

VEnez , tendres Bergers de ces belles re- traites.

Les Bergers. Venez, Jeunes beautés dont nous fuivons les Ioîx« m LesBergeres.

Animez nos chanfons par vos douces mufettes.

kLEs Bergers, Animez nos fbns par vos voix. Jupiter à Semelê, Ces jeux répondent mal à ma grandeur fuprême; Mais je vous la dérobe exprès en ce moment. Jaloux d'être aimé pour moi-même , Je vous cache le Dieu ; ne voyez que l'amant.

Que ma gloire , belle Princeffe ; N'ait point de part à votre ardeur. Comme moi, dans ces jeux, oubliez ma grandeur. Et ne fongez (ju'à ma tendrefTe.

[ danfe, ] JJne Bergère avec le Choeur, Ici chacun s'engage

iga S E M E L É ^

Pour ne jamais changer^ Point de beauté volage. Ni d'indifcret Berger,

L'amant le plus fincére Y fait le mieux charmer : Notre gloire eft de plaire , Notre plaifîr d'aimer.

Jamais ardeur légère N*a profané ces lieux ; Qui plait à fa Bergère , Veut lui plaire encor mieux.

De nos amours parfaites , L*ardeur croît en aimant : On aime en ces retraites , Pour aimer feulement. Deux Bergères avec le Choeur. Amoureux oi féaux ,

Célébrez le retour de Flore , Par vos chants nouveaux ,

Réveillez nos doux chalumeaux.

Ici les beaux jours Deviennent plus charmans encore ; Mais ftns vous , Amours , Que faire des beaux jours l

fr

TRAGEDIE. t^

Que nos champs font beaux ! Le Printemps y tient Ton empire ;

Le doux bruit des eaux S'accorde aux concerts des oyfeaux.

Dans ces lieux charmans. Tout refTent l'amour , ou l'inlpire : Profitez Amans , De ces heureux momens*

SCENE II L

JUPITER, SEMELÉ.

Jupiter.

AH , Semelé ! C'eft trop allatmer ma teti' dreiïe. Au milieu de ces jeux , quelle fbmbre triftefle Vous arrache encor des foupirs î

S E M E L E*.

Il le faut avouer ; le foupçon qui me preiïe Empoifonne tous ces plaifîrs.

Jupiter. Qu*entends-je , ma chère PrincefTe?

S E M E L E*.

Ne trompez- vous point mes de/îrs l

^§4 S E M E L Ëv

Voîs-je le Souverain de toute la nature ?

N'eft-ce qu'un enchanteur paré de ce grand nomî Ah ! Je mourrois de rimpofture, Et je meurs même du foupçon,

Jupiter.

Quoi! Je ne faurois donc éteindre dans totre ame

Ce vaiii amour de la grandeur ? Ingrate , mon rang feul caufe-t'il votre flamme ?

S E M E L e'.

Non , non , vous le favez , Idas eût tout mon cœur.

Mais , qui s'eft dit le Dieu que Tu ni vers adore;

S*il ne l'eft pas , eft indigne de moi. Cruel ! Je rougirois de vous aimer encore , Si vous aviez abufé de ma foi. Jupiter. , furquoi fe peut-il que votre cœur s'allarme ? N'ai-je pas à vos yeux fîgnalé mon pouvoir î

S E M E L e'.

Tout ce que vous m'avez fait voir , Peut n'être que l'effet d'un charme. Jupiter. Quel foupçon ! Jufques-là , pouvez-vous m'of- fenfer ï

S E M e L e'. Plus vous le combattez , plus je fens ^u*il re* double.

TRAGEDIE. i8y

Jupiter. ff BannifTez cet injufte trouble.

S E M E L E*.

Déjà , fi vous m*aîmiez , vous l'auriez fait cefîer*

Jupiter. Je brûle Je détruire un foupc^on qui m*ofFenfè ;

Parlez , je n'attends que vos lolx î Trop heureux , fi je puis vous prouver à la fois , Et mon amour & ma puiiïance ! Se M E L e*. Je demanderai trop , & je crains vos refus. Jupiter. Ecoutez-moi , pour ne les plus craindre.

Sulpend pour m'écouter tes ondes redoutables ^ Stix , 6 Stix ! Qui défends l'empire de Pluton ; De mes fermens atteftés par ton nom , Fai-moi des loix irrévocables.

Je jure de tout accorder Aux vœux de la beauté que j'aime ; Et ce fera pour moi l'arrêt du deftin même > Que ce qu'elle va demander.

S e M E L e'.

bien , fi vous m*aimez , déclarez ma vitfloîre

A mon père , à tous les Thebains. FaroiiTez à mes yeux dans toute votre gloire , Avec tout cet éclat , interdit aux humains. Qu'à moi , tel qu'à Junon , Jupiter fe préfente ^

î8<J S E M E L É,

Qu'aux honneurs de l'époufe il élevé Tamante»

Jupiter, Ciel ! Que demandez- vous î Qu*ai-j(î promis ?

Hélas ! Mon amour mVt'il fait jurer votre trépas ?

S E M E L E*.

Ce que j'ai demandé pafTe votre puifTance ; Ce trouble me le fait trop voir» Jupiter. Ah ! Je tremblerois moins avec moins de pou- voir.

Ne me faites point violence i Au nom de notre amour, formez d'autres deHrsi

Semble'. Non , je n'en croirai point ces perfides foupîrst Faites briller ici la grandeur fouveraine Qui doit juftifier mon cœur : Mais fi mon efpérance eft vaine i Je ne vois plus en vous qu'un barbare impofteufj A qui je dois toute ma haine, Jupiter. O deftin ! Sauve-la de fa propre fureur*

I

TRAGEDIE. 187

SCENE IV.

JUPITER /ra/.

F

Aut-il voir périr ce que j*aime ! O fort ! Impitoyable fort ! Quoi ! Pour miniftre de fa mort. As-tu choifi fon amant même î

Ceft donc trop peu que tes rigueurs ) A ton gré défolent la terre ? Tu répands dans les deux le trouble & les dou- leurs : Des yeux de Jupiter tu fais couler des pleurs , Sort cruel ! Dans mes mains n'as-tu mis le ton- nerre

Que pour fervir à mes malheurs ?

Faut-il voir périr ce que j*aîme ! O fort ! Impitoyable fort ! Quoi ! Pour miniftre de (a mort , As-tu choifi fon amant même î

Fin du quatrième aCîe»

s E M E L É >

ACTE V.

Le Théâtre repréfente le Palais de Cadmvs*

SCÈNE PREMIERE,

SEMBLÉ.

I

D

Es CENDEZ , cher Amant , quittez les deux pour moi ; Venez , venez jouir de Tardeur qui m*anime»

Tout l'Univers vous rend un refped légitime \ Un fentiment plus doux me tient fous votre loi»

Defcendez , cher Amant , quittez les Cieux pour

moi; Venez , venez jouir de l'ardeur qui m'anime.

Si j'ai foupçonné votre foi , Pardonnez à l'Amour , lui feul a fait le crime.

Defcendez, cher Amant , quittez les Cieux pour

moi ; Venez , venez jouir de l'ardeur qui m'anime.

TRAGEDIE. 185»

SCENE II.

ADRASTE, SEMBLÉ.

A D R A s T E fans voir Semelé^

C' En efl donc fait ! Mercure eft venu l'an-» noncer. Ces lieux de mon Rival attendent la préfence !

Que t'a fervi, Junon, de menacer? Ta Rivale triomphe & brave ta vengeance.

S E ME L e',

Faut-il qu'Adrafle feul de ma gloire s^offenfe ?

AdR A STE.

Vous triomphez , Cruelle , & le fort a comblé Votre efpérance ambitieufe.

Semble'. Je ferois encor plus heureufe. Si vous en étiez moins troublé»

AdRA STE.

Ne croyez pas que je me flatte Be mcler quelque trouble à vos heureux de/îrs l Mes maux & mon trépas , Ingrate, Mettront le comble à vos plaifîrs.

Toi barbare Tyran , dont la flâme m'outrage , Qui te plais à troubler le bonheur des Mortels | Je voudroif pouvoir dans ma rage

1^0 s E M E L E i

Détruire tes honneurs , renverfer tes Auteli.

Que ne puis- je forcer la terre D*enfanter des Géants nouveaux. Qui jufques dans les Cieux t*arrachent ton ton* nerre , Et te puniiïent de nos maux !

S E M E L E*.

Vous cherchez un affreux fupplice ; Je frémis de votre danger,

AdRA STE,

Que ne puis-je aflez l'outrager. Pour mériter <ju'il m*en punifle !

SCENE III.

CADMUS, ADRASTE, SEMELÉ,

Trouve de Thébains & de Thébaines,

C A D M u s à Aàrajîe,

LE Souverain des Rois en ces lieux va del^ cendre ; J'ignore quel defTein l'amène parmi nous ; Mais il n'eft point de bien que je n'ofè en attendre;

Trop heureux qu'il veuille défendre "Vn Trône qu'aujourd'hui je partage avec vous»

A D R A s TE.

Goûtez les biens qu'ici fa faveur va répandre.

TRAGEDIE. i^t

[ à part, ] Mais fur moi > Dieu barbare , épuife ton couroiix,

C A DM u s. Qu*à mon zélé ici tout réponde: Que vos voix , que vos chants pénétrent jurqu*au:ç Cieux,

Et rendez , s*il Ce peut , ces lieux Dignes du Souverain du monde.

C H OE u R.

Protège , Dieu puilTant , un Peuple qui t'implore » Qu'il régne , qu'il commande à l'Univers jaloux. Qu'il étende Ces loix du Couchant à l'Aurore , Et fur Tes ennemis fai tonner ton couroux.

[ On danfe. J Cadmus & Semele*. Defcendez , Dieu puiflant , comblez notre eipé-s»

rance 9 Faites régner ici la Viéloire ou la Paix ; Et n'y faites jamais Sentir votre puiffànce. Que par vos plus rares bienfaits.

£ On entend un tremblement de terre» ] Le c h oe u r. Ciel ! Quel bruit fouterrain ! Quel affreux trem-, blement !

Semele'. Peuples , raffurez-vous , Jupiter va paroître ; Déjà par ce fremifTement JLa terre reconnoît Ton maître^

]i9i S E M E L É,'

ILes Tonnerres & les Eclairs fuccedem an tremblement & embrafent le Théâtre, ]

Cadmus & LE Choeur.

Quels éclairs menaçans! Quels terribles éclats! La foudre gronde, l'air s'allume, Dieu redoutable , ah ! Ne paroifTez pas j Votre préfence nous confume.

[ Tout fuit & fe dérobe à l'incendie. 1

SCENE VI,

SEMELÉ, ADRASTEi JUPITER caché dans des nuages de feu»

^^ A DR A s TE#

v^ U'attendez-vous ici ? Qui peut vous (ecourîr? Ab ! Princeffe , fuyez, s'il en eft temps encore j

Fuyez , au feu qui me dévore ,

Je fens que vous allez périr. Semble*.

En vain la fiâme dévorante

Exerce fur moi fon pouvoir; Aux yeux de Jupiter, je périrai contente^ £t je ne crains encor que de ne le pas voir. A D R A s T e.

Evitez une mort cruelle , Je fçnç à chaque infiant s'accroître ces ardeurs;

TRAGEDIE. f^j

S E M E L E*.

Puîs-je craindre une mort fi belle ?

[ Jupiter faroît, }

Se MELE* & Adraste.

Ah ! Je vois Jupiter , je meurs.

£ On emporte Airafte mourant , & Semdé tombe fur unfiége, ]

Jupiter,

Vivez, PrincefTe trop charmante; Ma puifîance pour vous a modéré ces feux.

S £ M E L £*•

Il n'eft plus temps , vous me voyez mourantéj^ Je defcends pour jamais furies bords ténébreux^

Je vois les Parques inflexibles Qui tranchent le fil de mes jours. Qu'à mes yeux , cher Amante les Enfers font ter* ribles !

Ils nous réparent pour toujours,

Jupiter,

Non , les Enfers n'ont point de droit fur ce qu6 j'aime.

Volez , Zéphîrs , volez, portez-la dans les Cieux ; Qu'elle 7 partage , aux yeux de Junon même » Tome VU l

1^4 SEMELÉ, TRAGEDIE.

L'éternelle gloire des Dieux#

[ On enlevé Jupiter & Semelé, tandis qu*une pluye de feu achevé de détruire le Palais de Cadmus, ]

F I N.

SCANDERBERG>

T R A G E D I E.

Repréfentée , pour la première fois , par

TAcadémie Royale de Mufique , le

Jeudi vingt-fept Oélobre 1735.

Mufique de MM* Kebel &Francoevr.

>J

ACTEURS CHANTANS

du Prologue^

MELPOMENE, Mufe de la Tragédie,

POLIMNIE, Mufe de la Mufique.

L'AMOUR.

LA MAGIE.

Suite ds Meipmcnef de Poltmme & de P Amour i

i97

PROLOGUE.

Le Théâtre repréfente tin Bois confacré aux Mufes 3 le Farnajfe dans t éloïgmment.

^

SCENE PREMIERE.

MELPOMENE, POLIMNIE,

Suite des deux Mufes^

»

D

Melpomene, E l'antiquité mémorable J'ai chanté les Héros fameux ; Un temps moins reculé m'offre un fujet heureux» Qui par vos Tons touchans peut devenir aimable.

PoLiMNiE.

Vous réglez tous mes mouvemens. Vous m'infpirez le tendre & le terrible j Je ne faurois être fenfible, Qu*en imitant vos fentimens.

i Bruit fouterrain.^

liij

»>>« PROLOGUE.

SCENE II.

LA MAGIE & les Adeurt de la Scène frécéd(ntet

MeL?OM£KE«

Maïs , quel bruit !.. La Magie à nos yeux fe préfente.

La Magie* Mu Tes , je viens encor, prête à remplir vos voeux, Faire fervir mon art à l'éclat de vos jeux.

Melpomene. Non , Je voudrois en vain répondre â votre attente Dans le projet que j'entreprens. La m a g I F. Eh ! Sans moi , pouvez-vous enfanter ces miracles. Qui dans vos liriques Spedacles Enchantent le cœur & les fens ?

J'obfcurcis le Soleil , je fais trembler la Terrci Je déchaîne les Vents, je fouleve les Mers: J'emprunte du Ciel le tonnerre. Pour effrayer, pour punir l'Univers.

J'évoque du fonds àes Enfers Les ombres pâles & plaintives ; Pour leur faire quitter les téncbreufes rives y

PROLOGUE. 1^9

Je force leurs prifons , & je brife leurs fers#

J'imite de TAmour le rcduifant langage ; De ce Tyran des coeurs j'égale le pouvoir » Et je fais comme lui , fucceder à l'efpoir Les regrecs , les pleurs & la rage. Melpomene. Je veux moins efïlrayer, qulntérefler les cœurj.

Des noirs enchantemens, des preAîges trompeurs, L'Art terrible en ce jour ne m*eft point néccfTaire; La iîmple vérité , par Tes attraits vainqueurs , Peut furprendre y faifir & plaire.

[ La Magie fe retire» ] Melpomene à Polimnie, Mais , dois- je m'en flatter , fi l'Amour ne m'é- claire : Que pouvons-nous fans fbn fecours .' Amour , c'eft à toi lèul que nous avons recours.

Melpomene & Polimnik. En tra<^ant de tes feux la naïve peinture^

Nous rendons tQs traits plus puiiTans ; Pourprix de nos eÔbrts, viens embellir nos chante.

Melpomene* Anime notre lyre.

IF- POLIMNIE.

Attendri nos accens.

Enfemble»

Sois Tame de nos jeux comme de la nature,

I iiij

200 PROLOGUE.

SCENE III.

L'AMOUR, MELPOMENE, P O L I M N I E,

M

L' A M O U R.

Ufes , jem'intérefTe auxfùccès de vos JcuXt

Chanter les douceurs que j'infpire , C'efl préparer les cœurs à relTentir mes feux; C'eft leur apprendre à devenir heureux, C'eft les foumettre à mon Empire,

Troupe légère à mes ordres fbumife. Vous qui Tuivez toujours mes pas , Pour féconder notre entreprife. Faites briller tous vos appas, [ Lf j- Jeux 5 h s Tlaijîrs ^ les Grâces paroijfem, ] L* A M o u R alternativement avec le Choeur»

Heureux qui toujours Amant , i

Chérit un tendre efclavage; '

S'il languit quelque moment. Quel plaifîr l'en dédommage ! J

Jeunes coeurs j d'un feu confiant Connoiflez tout l'avantage ;. ]j

ii

PROLOGUE, Ao|l

Votre hommage

Eft le gage

Du bonheur qui vous attend;

Hàtez-en l'heureux inftant »

Que le prix vous encourage,'

L'Amour même vous en eft garant-

Heureux un cœur qui s*engage«

L* A M o u R,

Loin de vos cœurs

Les triftes plaintes.

Les vives craintes ,

Et les langueurs :

Que dans ces lieux

Tout s'emprefTe,

Chantez fans cefTer

Mes traits & mes feux î

Suivez, le Dieu qui vous in /pire;

Ne craignez point un doux martyre f

Non ^ non ,point de foupirs 9

Sous mon empire ,

Les maux font plaifîrs,

Melpomene à l'Amouri

Retraçons les premiers ans

De ce Héros célèbre dans THiftoire,

Qui fut depuis la terreur des Sultans r

Il te confacra les momens

Qu'un efelavn^e obfcur dcroboit à la gloire r

Qu'importe que le fort ait trahi Tes defîrs ?

Tu régnes par les pleurs , comme par les plaifirs»

1 V

20S PROLOGUE,

C H U

UnifTons-nous pour notre gloire. Qu'un même zélé anime nos efforts ; Sur les cœurs attendris remportons la viftoire^ Far nos chants & par nos accords»

Fm au Trologuu

20j

ACTEURS DE LA Tragédie^

A M U R A T , Empereur des Turcs.

R O X A N E , Sultane favorite,

SCANDERBERG, Prince d'Albanie.

S E R V I L I E , PrincelTe , fille du Defpote de Servie.

OSMAN, Boftangi Bafchi.

LEMUPHTI.

Troupe de Sultanes,

UNE SULTANE.

Troupe de Bojlangis,

Troupe de Grecs & de Greques de la fuite de 5fr- vilie»

UNE GREQUE.

Troupe de Janijfaires,

L'AGA DES JANISSAIRES.

Troupe d'Efdaves de dijférentes Nations , de l'un & de l'autre Sexe,

VliE ASIATIQUE.

204

UNE ITALIEN E/

Trouve de Peuples, Troupe d'Odaliqiies. UNE ODALIQUE. Troupe d'Imans de la fuite du Muphtu

Li Scène eft à Andrinople».

SCANDERBERG>

TRAGEDIE. l ACTE PREMIER.

LeHoéatre ref réfente ime partie des Jardins du Sérail , avec une Grotte,

I

SCENE PREMIERE.

SCANDERBERG, OSMAN.

SCANDERBERG.

N F I N , Ofman ,-le jour qui commencer

à nous luire , Sera-t-il le dernier tîe ma captivité l

O s 51 A N,

Prince , à vos deïïeins tout conspire; su hâter l'inftant de votre liberté.

Ce peuple que l'erreur enchaîne ^

âo5 SCANDERBERG, •]

Croit qu*aujourd'hui fes loix defcendirent des deux.

Les fêtes que ce jour ramène , Le tumulte & la pompe occupent tous les yeux; Cette nuit même , ici venez vous rendre; Maître de ces jardins, je puis tout entreprendre | Vous pourrez fuir de ce féjour,

ScANDERBERG.

O fluit ! Hâte-toi donc de triompher du jour, J*entens la Gloire qui m'appelle : Ah ! Qu'elle a de brillans appas !

La Vidoire vole autour d'elle ; Je vois la Renommée attachée à Tes pas : Pour mériter leur faveur immortelle ,

J'irai braver mille trépas.

J'entens la Gloire qui m'appelle ?

Ah ! Qu'elle a de brillans appas !

Osman.

Vous pouviez borner votre gloire A voir ici l'Amour combler tous vos de/îrs ; -Mais votre cœur dédaigne une douce vi«floire

Qui ne coûte que des foupirs.

ScANDERBERG.

Ah ! Connois , cher Ofman , le Prince d'Albnnîe», Je rougis d'un repos dont ma gloire eft ternie: En vain , fur moi , répandant fcs bienfaits j Araurat attend -t'il de ma rcconnolifance

TRAGEDIE. 207

L*iinpimité de Tes forfaits*

Mes frères immolés me demandent vengeance ; L'Amour même en mon cœur ranime le couroux.

Osman. L'Amour ! ! Quel objet a su toucher votre ame?

Pourriez-vous partager la flamme Que Roxane reffent pour vous î

SCANDERBERG.

'A des yeux plus puiiTans mon ame eft aiïervîe» Cette illuftre Princeffe , à qui le fang me lie , Diipofe de mon cœur & doit armer mon bras» Osman. Quoi ! La PrincefTe de Servie î Scanderberg, De l'heureux Amurat , j'accompagnois les pas y Lorfque de la PrincefTe il attaqua le père ; Je la vis , je l'aimai , je fus même lui plaire s Aujourd'hui qu'Amurat défoie fes Etats , Je cours la fecourir , ou chercher le trépas,

Osman. Jufqu'à la nuit , vous devez encor feindre ; Je vous réponds de tout , fongez à vous coor traindre*

iôg SCANDERBERG;

SCENE IL

SCANDERBERG.

A

H ! Je jouis déjà de ces heureux inflan?,' Dont le fidelle Ofman vient de flatter ma flame. Qu'avec plaifir je les attens î '

Le calme renaît dans mon ame.

Que ce jour efl charmant, & que ces lieux font- beaux { L*e(poir qui m*a flatté les embellit encore»

Le chant des amoureux oifêaux , La fraîcheur des zcphirs , les fleurs qu'ils font

éclore , Le murmure flatteur de ces riantes eaux , Tout femble ici rendre hommage à TAurore.

Que ce jour eft charmant , & que ces lieux fo Air '

beaux ? X'efpoir qui m'a flatté les embellit encore»^

TRAGEDIE. 20^

SCENE I I ï.

ROXANE, SCANDERBERG.

[ R O X A N E.

JE vous cherche toujours , je céHe à ma foi- blefle , D'une vaine fierté , je ne fuis plus maîtrefle : Je viens vous confier mes déplaifirs feerets : Mais , jun^u'à ce moment , fongez que ma ten- dreife

N'a parlé que par mes bienfaits. Vos jours étoient profcrits , & j*ai su les défendre. De mon amant , pour vous , j*ai fléchi la rigueur; Et mes foupirs & ma langueur , Si vous aviez voulu m*entendre , Vous ont trop dit le prix qu'en demandoît mon cœur.

SCANDERBERG»

L* Amour doit-il fur nous obtenir la yiàoite ? De plus dignes objets demandent tous nos vœux;

Et mes malheurs & votre gloire Doivent nous garantir du pouvoir de fes feux»

R o X A N E.

Cefiez de prendre pour foibleffe

Le plaifir d'une tendre ardeur :

Le péril en ces lieux l'accompagne fans cefle.

iiô SCANDERBERG,

Et le rend digne d'un grand coeur.

SCANDERBERG.

Du jaloux Amurat , vous trahiiTez la flamme. . , ,

R O X A NE.

Je l'ai trahie , ingrat > en te fauvant le jour ; II alloit par ta mort prévenir mon amour i Il alloit afTurer le repos de mon ame.

Que dis-je ? Malheureufe , hélas ?

Ou m'emporte ma barbarie î Non , Prince , je ne puis vouloir votre trépas ;

Ma pitié vous fauva la vie : Dufrie2>vous me haïr , je ne m'en repens pas.

SCANDERBERG.

Non , je ne hais que moi d'avoir trop su vow plaire.

Pour prix du jour que je vous doi , Faut-il vous expofer à toute la colère.

R o X A N E.

Ingrat , fois plus fenfible , & tremble moins pour moi*

Que ton rival inftruît du tranfport qui me guide y

Revienne ici venger fa foi ;

Qu'il plonge dans mon fein perfide Le fer qu'il a levé fur toi ; Sous le glaive mortel tu me verrois contente , Si de mon cœur mourant , le tien étoit le prix.

1

TRAGEDIE. iti

Non , cruel , ce n*eft point la mort qui m'épou- vante ,

Et je ne crains que tes mépris, ^ [ Les Sultanes faroijfent, ]

R O X A N E.

Des beautés de ces lieux la troupe ici s*avance,

SCANDERBERG.

Le devoir m'avertit de quitter ce féjour.

R o X A N E.

Voyez nos jeux ; tout ici vous diipenfe Des dures loîx de cette Cour : La faveur d'Amurat , mon pouvoir, Ton abfence , Prince, puifient nos jeux vous rendre tout l'amour Que fait naître votre préfence.

SCENE IV.

ROXANE, SCANDERBERG, LES SULTANES.

^^ R o X A NE.

V^ Ue cette Grotte s'embellifîc , Que l'onde captive y jailliiTe , Qu'elle en forme les ornemens ; Pour les rendre encor plus charmans. Qu'à nos concerts l'écho s'unifTe : Fakbns tout retentir du doux bruit de nos chants.

;2ia SCANDERBEîlG,

Choeur de Sultanes* Que cette Grotte s'embellifle , Que Tonde captive y jailliiîè , Qu'elle en forme les ornemers ; Pour les rendre encor plus charmans. Qu'à nos concerts l'écho s'unifie : Faifons tout retentir du doux bruit de nos chants* [ On ouvre les Fontaines , & la Grotts

■parott un Valais d'eau, ] Une Sultane.

Les ris , les jeux ,

Le doux Zéphire ,

Dans ces beaux lieux Fixent leur empire.

On eft heureux

Dès qu'on foupîrej

Tout y refpire

L'Amour & lès feux.

On goûte ici mille plaifirs f

Tout luit nos defirs , ;)

Tout baniij t nos peines , C'eft le fëjour de h beauté. Non , la liberté , Ne vaut pas nos chaînes»

Les ris , les jeux , &c«

UneSultane. Brillez. , charmante Aurore* «

I

TRAGEDIE. eiy

C H OE U R.

I Régnez , Zéphirs délicieux.

La Sultane, Riantes Fleurs , empreffez-vous d'éclow, C H OE u R.

Oifeaux , rempliflez l'air d'un bruit harmonieux» La Sultane. Glaires eaux, que votre murmure Rende encor nos concerts plus doux,

C H OE u R,

Qu*à Tenvi toute la Nature Célèbre ce jour avec nous.

I * I '■ ...i

SCENE V.

ROXANE , SCANDERBERG , OSMAN 5 SULTANES, BOSTANGIS,

Osman fuivi des Bojîangîs,

OJJittez , quittez ces jeux , mille chants d'allé» grelTe Retentiflent dans ce féjour , £t du Sultan vainqueur annoncent le retour» R o X A N E à fart* JufleCiel!

ScANDERBERGfl favtt

Ah! PrincefTe! Quel lèra ton deflin ! Que devient mon cfpoir !

tîi SCANDERBËRG,

Osman,

Déjà , pour lui marquer Ton zélé , Le Peuple loin des murs l'eft allé recevoir. Je vous lai£e, & je vole mon devoir m*appelle, R o X A N E en s'en allant Que je crains fes transports jaloux! Cherchons à prévenir un trop jufte couroux. Choeur des Bostangis & DES Sultanes» Qu'il revienne comblé de gloire , L'Amour Tattend dans ce féjour; Content des dons de la Vidoire, Qu'il goûte ici ceux de l'Amour.

Fin dit premier A£îe,

TRAGEDIE. ii^

ACTE IL

Le Théâtre re^ré fente une Cour extérieure du Sérail , ornée j^our recevoir le Sultan.

SCENE PREMIERE.

SCANDERBERG.

AU X portes du Sérail , Amurat vient fe ren- dre, Amurat , en ce lieu m'ordonne de l'attendre ; Quel trouble affreux faifit mon cœur !

Fatal Triomphe, odieufe Vi<5loîre, Chants importuns d'allégreïïe & de gloire, Que vous me préfagez d'horreur!

Qu'étes-vous devenu , cher objet que j'adore î Votre père gémit fous les loix du vainqueur; Et pour comble de maux , j'ignore Si vous vivez, vous m'aimez encore. Hélas ! Je veux en vain douter de mon malheur»

Fatal Triomphe , &c^

zi6 SCANDERBERGi

SCENE IL

SCANDERBERG , SERVILIE , OSMAN.

QSCANDERBERG. Ue vois- je ! Quel objet !

Servilie conduite par Ofman» fuis- je! Juftes Cieux! Ah ! Cher Prince , eft-ce vous l

S C A N D E R B E R

Efl-ce vous , ma Prîncefleî Ah ! Quel bonheur pour ma tendrclTeî

EnfembU, Moflxœur n*ofe en croire mes yeux»

ScANDERBERG,

Vous gémiiïez ici fous une dure chaîne.

Servilie. Non , le Sultan touché de mes foibles attraits i Veut de ces lieux me rendre Souveraine, Et mon père à ce prix vient d'obtenir la paix.

ScANDERBERG,

O Ciel ! C'en eu donc fait , je vous perds pouï

jamais.

Servilie,

Le croyez-vous , qu'on puifTe me contraindi'iî

A vous manquer jamais de foi l

Scandeîlberg*

ï^ous n'en ferons que plus à plaindre.

Sery iLiE;ii

TRAGEDIE. 117

Servilie# Non , je ne fuivrai point une barbare loî :

Si vous m'aimez, que puis-je craindre î

ScANDERBERG.

Le cruel Amurat punira vos mépris» Servilie, La mort même, la mort n'éteindra pas ma ûima

Scanderberg. Le bonheur de vous plaire eft trop cher à ce prix»

Servilie. A ce prix , il m'eft doux de régner dans votre ame,?

Enfembîe, Promettons-nous cent fois d'éternelles amours ^ Ceft pour vous que mon cœur foupire,

Servilie.

On va nous ravir pour toujours Le doux plaifir de nous le dire.

» Scanderberg.

J'ofe encor efpérer un deftin plus heureux; Nous pouvons du Sultan prévenir la vengeance jj Différez feulement un hymen odieux ; Et, par l'appas trompeur d'une vaine efpérance,' Ménageons les momens d'échapper de ces lieux*

Servilie. Qu*il m'en coûtera cher ! Mais il faut me con- traindre ,

Ménagez bien tous les inftans ; Tome VU ^

un SCANDERBERG,

Si j*aime alTez pour vouloir feindre , Je fens que j'aime trop , pour le pouvoir long- temps.

SCENE III,

SCANDERBERG , SERVILIE , AMURAT,

V

A M u R A T ^ Servilicm Oye?:, charmante Servilie, Quels font mes premiers foins en entrant dans c«5

lieux; J'ai permis qu'un Héros à qui le fang vous lie , Affranchi de nos loix , y parût à vos yeux.

[i Scanderherg,"] J'élève la Prînceiïe à la grandeur fupréme.

Tu dois partager fon bonheur : X^ dois être flatté d'apprendre d'elle-même , Et fon triomphe , & mon ardeur,

ScANDERBERG,

Quel cœur à tant d'appas ne rendroit pas les armes !

A M u R A T# Ma flâme a pris naifîance au milieu des allarmes , Dans le fein de la pajx elle croît chaque jour , Jamais à mes regards n'ont brillé tant de charmes , Ht jamais dans un cœur n'a régné tant d'amour, Que me fort ce tribut , que l'Europe & l'Afie Offrent H^ns cejTe À mes plaifjrs {

i

TRAGEDIE. ii>

De? plus rares beautés cette troupe choîfîe » Dont l'orgueil Te nourrit de mes moindres defirj.

Ne mérite plus mes foupirs ,

Ni l'honneur de ma jaloufîe : Je ne veux plus aimer , ni voir que Servilîe.

Mais , un Ci tendre amour éclate-t'il en vain ? Serez-vous infenfible à l'ardeur qui m'enflamme î

Servilie. L'intérêt de mon père a réglé mon deflin.

A M U R A T.

Ne devraî-je qu'à lui le don de votre main ? Et ne puis-je efpérer de régner dans votre amef

Aimez , partagez les defirs D'un cœur fidèle.

C'efl pour une ardeur mutuelle , Qu'Amour garde tous Tes plaifirs»

Aimez , partagez les plaifîrs D'un cœur fidèle. Servilie, Vous ordonnez , Seigneur ; que pourrois-je op-

pofer ? Mais malgré cette ardeur que vous faîtes paroître; Dans un hymen fi prompt je vois l'ordre d'un Maître ,

Que l'orgueil de mon fang ne peut me dcguifer.

Kij

t20 SCANDERBERG,'

Soyez plus généreux , refpeftez ma naiffançe f

Souftrez que ma reconnoifTance, FaiTe enfin dans mon cœur naître un jufte retour.

A M U R A T.

Quoi ! Je pourrojs devoir mon bonheur à l'A- mour ! Qu'au gré de vos defirs notre hymen fe diffère , Tout dépendra de vous , c'eft affez que j'efpere^

[ à Scanderberg. ] Conçois-tu le bonheur qu'on promet à mes feujç f PuifTe l'Amour combler auflTi tes vœux! De tous les cœurs il exige l'hommage. Tout heureux que je fuis en obtenant fa foi , Je le deviendrai davantage Si tu peu^ l'iêtre autant que moi.

Venez , accourez tous , vous qui fuivez ma loi.

SCENE IV.

SCANDERBERG , SERVIUE , AMURAT.

les Offciers de la Vorte , le Peuple , les Grecques de la fuite de Servilie,

D

C H OE u R,

E nos Sultaas Obfcurcis la mémoire «

ï R A G E i) I È. Ui

Par ta gloire Fais nous compter tes inftans. Heureux Vainqueur ! Jouis de ta victoire.

Un tendre cœur AfTure ton bonheur; Que confiance Récompenfe Ton ardeur,

Redifons cent & cent fois : Il s'eft donné par Ton choix Le prix de Ces exploits. Sans foupirs & fans larmes i Sans allarmes Que les charmes^ Que les doux plaifîrs s'afTemblent dans fd Cour» Triomphe Amour; Que font nos âmes Sans tes fiâmes ?

A M U R A T*

Uuiifez , unifiez vos voix ; Chantez mes feux , chantez la gloire de mes ait mes : L*Amour couronne mes exploits » Célébrez à jamais Ces charmes.

G H OE u R.

UniiTons , unifTons nos voix;

Kiij

m SCANDERBERG^

Chantons Tes feux , chantons la gloire de fes ar- mes : L*Amour couronne Tes exploits. Célébrons à jamais Tes charmes.

Une Cke c çiv e de tafnhe de

Servtlie,

Après tant d*allarmes.

Succède un beau jour; Tout vous rend les armes. Cédez à TAmour, [ Le Chœur répe'te ces quatre Vers, ] La Grecque, Recevez TEmpire Des mains du Vainqueur; Le Vainqueur foupire , Recevez fon cœur ; Tout confpire A combler votre bonheur.

C H OE u R.

Apres tant d'allarmes. Succède un beau jour; Tout vous rend les armes , Cédez à l'Amour. Choeur des Grecques. A (es coups Livrons-nous, Que de charmes! La Grecque. Pourquoi le craignez-vous ?

TRAGEDIE*

i23

C M OE U R.

Après tant d'allarmes , &c,

A M u R A T à Serviîie, Venez dans mon Palais , adorable PrincelTc ; Que de nouveaux honneurs fîgnalent ma ten- drelTe,

Le C h ce u r. De nos Sultans ,d^c*

Fin du fécond ACie»

Kiiij

>ix4 SCANDERBERG,

ACTE III.

Le Théâtre re-^réfente une coitr intérieure dît Sérail.

SCENE PREMIERE. R O X A N E.

T

O UT eftprêt^ le Vizir féconde mon envie; Tremble , Amurat ; la mort va punir ton forfait.

Non que , fenfible à ma flâme trahie , Je regrette des vœux dont un autre eft l'objet; Perfide comme toi , mon eceur te juftifie ; Mais , quand tu me ravis ce rang & ce pouvoir ,

Que ton amour dcftine à Servilie , Won orgueil qui s'irrite , arme mon délèfpoîr.

Connois-toi mieux, foibleRoxane! Si le Sultan périt , TAmour Teul le condamne : Cédons à nos deftins , immolons Amurat, Du Ciel qui le permet , fuivons l'Arrêt fupréme, Heureufe ! Si je puis attendrir un Ingrat , Quand j'ofè tout tenter pour le venger lui-même.

Fureur, Amour,

TRAGEDIE. 4ig

Secondez mon impatience ;

Fureur, Amour, Régnez dans mon cœur tour â tour;

Qu*importe quels motifs animent ma vengeance^ Si les traits qu'elle lance Servent mon efpoir en ce jour.

Fureur , Amour , Secondez mon impatience ;

Fureur , Amour , Régnez dans mon cœur tour à tour; Frappez d'intelligence.

SCENE IL

ROXANE, SCANDERBERG.

JR O X A N E. E vais vous délivrer d'un Tyran furieux. Prince j je vais venger vos frères. De nos loix, les Dépofîtaires Ne fauroient approuver un hymen odieux. Et déjà le Vifir armé les JanilHiires. Ce jour mcme Amurat expire dans ces lieux.

S C A N D F. R B E R G.

Le Vizir fert votre verigeange?

Kv

2i6 SCANDERBERG,

R O X A N E.

Quand il implora mon appui , Et ^uepour fa grandeur j'employai ma puifTance» Il me promit la récompenfe Qu'il va m'en donner aujourd'hui»

SCANDEREERG.

Vous voulez qu'Amurat périfle. Lui dont l'amour vous fit des jours G. fortunés!

R o X A N E.

Ç'eft à vous quç mon cœur en fait le fàcrifice," Et c'eft vous qui me condamnez !

'Attendrai-je , qu inftruit des feux que dans mon

ame

L'Amour a fait naître pour vous , Il éteigne en mon fang une coupable flame, Que vous - même a mes yeux expiriez fous Ces

coups ?

Je connois fes fureurs ; & fon bras parricide Contre des jours fi chers déjà me femble armé. Quelquefois il fait grâce à l'Amante perfide ,

Mais jamais au Rival aimé. Non , vous ne mourrez point, qu'il foit notre vic- time. Meure avec le Cruel , l'Objet de (es amours»

ScANDERBERG,

O Ciel ! Que dites-vous î

TRAGEDIE. 217

R O X A N £•

Dans l'ardeur qui m*anîme ^ Perdre tout TUnivers pour conferver vos jours Ne me paroîtroit pas un crime,

SCANDERBERG,

Ce ne font point mes jours que vous voulez lau-é

ver. Le choix d'une Rivale arme votre colère.

R o X A N E.

Ah ! Si la grandeur peut me plaire Je n'en veuji que pour t'élever.

Par le trépas qu'a juré ma vengeance. Je vais te préparer des deftins éclatans. Allons dans tes Etats chercher des combattans j Arme-toi ; ta valeur te permet refpérance

De renverfer le Trône des Sultans.

ScANDERBERG.

Non , plutôt d'Amurat j'entreprens la défenfe.

R o X A N E.

Quoi ! Prince , auriezrvous donc cefTé de le hair?

ScANDERBERG.

Ma haine efl généreufe , & ne fait point trahir. Il commande aux Sujets dont je fuis le Maître. J'ai vu dans Ton Palais mes frères égorgés ;

Mais , s'il faut les venger en traître ,

Ils ne feront jamais vengés.

Quittez , quittez vous-même un defTein C\ barbare ,

Kvj

tt5.i: SCANDERBERG,

Craignez que le Sultan jaloux, ïnflruit de vos projets , ne prévienne les coups

Que votre haine lui prépare. Rien ne vous fauveroit d'un trop jufte couroux ; trait que vous lancez retomberoit fur vous.

R O X A N E.

La frayeur d'une mort cruelle N'arrête point ici les grands projets î A force de la voir de près , Nous perdons notre horreur pour elle*

ScANDERBERG.

Tremblez du moins , fi vous m'aimez ; En vain contre Amurat mille bras font armés. .

R o X A N E.

Qu'il meure , le Cruel ! Cette feule efpérance Peut confoler mon cœur du refus de ta foi»

ScANDERBERG»

C'eft par moi qu'il faudra que leur fureur com- mence.

R o X A N E.

Je faurai mourir après toi.

ScANDERBERG.

Ah ! Quelle fureur vous entraîne ? N'écoutez en ce jour ni l'Amour ni la Haine.

R o X A N E.

Ah î Quelle fureur vous entraîne ? partagez en ce jour mon amour & ma haine.

TRAGEDIE. iî^

Enfemble*

Ah ! Quelle fureur vous entraîne f

ScANDERB, N*écoutez en ce jour ni l'Amour

ni la Haine. R 0 X A N Ei Je n'écoute en ce jour que l'Amour & la Haine.

[ Rcxane fort, ])

SCENE III.

SCANDERBERG feut.

c

Ontre une trahifon noire , C*eft à moi d'oppofer un fecours généreux.

Si Roxane obtient la vi(5loire, Elle immole Amurat & l'Objet de mes feux. Qu'importe que j'écoute ou l'Amour ou la Gloire^ C*eft afTez de favoir que je les fers tous deux.

Choeur derrière le Théâtre* Immolons Amurat , immolons Servilie. 5ignalons-nous par des coups éclatans ; L'hymen eH un crime aux Sultans.

[ Scand^rberg fort, ]

ii3a SCANDERBERGi

s C E N E I V.

CHŒUR DE JANISSAIRES^ .

ILe Visirà leur tête» Mmolons Amurat , immolons Servilie. Signalons-nous par des coups éclatans ; L'hymen eft un crime aux Sultans- ScANDERBERG entre le fabre à la maîn^ [ au Vizir. ] Rebelle ! Ceft à toi de trembler pour ta vie,

f Combat des Officiers du Sérail contre les Ja^ nijfaires, ]

[ Scanderberg derrière le Théâtre , j^ourfuit h Vizir, ]

SCENE V.

AMURAT, & les Aâîeurs de la Scène

précédente.

P

Amurat. Erfides , vene2-vous dans ce facré Palais Vous fignaler par des forfaits î

Si vous bravez ma menace ,

I

l

TRAGEDIE. 231:

Dans mon fang ofez vous plonger. Frappez , confommez votre audace y Forcez la foudre à me venger.

C H OE u R,

O ! De la Majeflé trop invincible charme : Le refped nous abat , le remord nous défarme»

A M u R A T.

Vous fremifTez d'un projet odieux. Un fi prompt repentir naît de votre impuiiïance.

Tout votre fang verfé par mon ordre à mes yeux^ A peine fuffiroit pour laver votre offenfe.

C H OE u R.

Tu tiens dans tes mains notre fort.

A M u R A T, Rendez grâces à ma clémence,' Ne craignez plus une honteufe mort ; Mais immolez-moi ma vidime ; Méritez votre grâce en fervant ma fureur : Par la mort du Vizir expiez votre crime,

ScANDERBERG entrant» Il a perdu le jour ; vous voyez fon vainqueur.

A M u R A T. Ah ! Ceft par toi que je refpire ; Je te dois la vie & l'empire. Avec toi déformais je veux le partager.

Que tout fléchiiïe ici fous ta grandeur nouvelle; Je t'éleve au rang du rébelle

2ji SCANDERBERG,

Dont ton bras vient de me venger»

ScANDERBERG.

Ma récompenfe eft afîez belle ; Vos jours ne font plus en danger i Mais la Princeiïe. O ciel !

A M U R A T.

Ne crains plus rien pour ell^4 Je Taî contrainte à fuir ce fpedacle odieux , Et je te dois encor des jours fi précieux.

Triomphe ; je veux que ta gloire Signale à jamais ce grand jour ; Et j'aime à dérober , pour prix de ta vidoire i Quelques momens à mon amour, L'Aga des Janissaires alterr.ativemenù

avec U Chœurm Le Sultan dans tes mains a remis fon tonnerre ; Sous fes loix 5 fais trembler la terre.

Le C h oe u r. Le Sultan dans tes mains , &C.

L* A G a. Vole a de brillans exploits ; Que ta valeur enchaîne la Viâoîre. ' En fuivant ton exemple , en écoutant ta voix p Nous aurons part à ta gloire.

rin du tmfîémç aHe,

TRAGEDIE. zjj

€-00©©-@0 © © © Q ©è©0 ACTE IV.

Lt Théâtre rep'é fente une partie des Jardins du Sérail , terminée par un CanaL

SCENE PREMIERE.

SERVI LIE.

HE L A s ! Tout gène ici ma haîne & ma tendreiïe , *<Zontre un vainqueur cruel , je n'ofe murmurer» Je dévore mes pleurs ; & du trait qui me blefTe ,

A peine j'ofe foupirer. Mes yeux même , mes yeux craignent de ren- contrer

Ce que je voudrois voir fans ceïïe.

Ceft ici qu'Amurat , pour féduire mon cœur , Doit emprunter l'éclat d'une fcte nouvelle ; Il va bien-tôt m'ofFrir la fuprême grandeur :

Ah ! Quelle contrainte mortelle ! Que dis- je f En recevant un tel excès d'honneur.

Je me trouve prefque infidelle. Mais ton danger m'impofe une loi fi cruelle ;

àH SCANDERBERGi

Cher Prince , ton falut dépend de fon erreur*

Je renferme au fond de mon ame Tout l'amour qui m*a su toucher ^ Et je fèns augmenter ma flamme De mes efforts pour la cacher.

SCENE II.

SERVILIE, SCANDERBERG.

AServilie# H ! Venez difliper le trouble qui m*agîtei

ScANDEREERG.

Cette nuit même » Ofman répond de notre fuite*

Qu'Amour exauce nos foupîrs ^ Qu'il rende vos allarmes vaines » Et qu'il comble tous nos defirs# Je ne puis dans nos tendres chaînes Eflre heureux que par vos plaifirs , Ni malheureux que par vos peines»

Enfemble, Dure à jamais ce doux moment ! Je vous vois , vous m*aimez , mon fort efl troj ckarmant.

I

TRAGEDIE; sjf

SCENE III.

SERVILIE , SCANDERBERG , ROXANE. ScANDERBERG appercevatît Roxanst

o

Ciel!

R o X A N £•

I Je viens d'entendrC

Et tes (èrmens & tes foupirs ; Tu feignois de braver les amoureux defîrs ,

Cruel ! Ton cœur n^eft que trop temlrCi

ScANDERBERG.

Ce coeur ne pouvoit fe donner ; Il n'étoit plus en ma puifTance : Pardonnez à notre confiance.

R o X A N E.

, Ingrat ! Je t*aime trop pour te la pardonner.

j Tu trahis donc mon efpérance l

\ Hélas ! Je t'ai cru généreux ;

Et j'attendois de ta reconnoiiïance

Un deftin plus heureux. Mais , ne crois pas éviter ma colère Crains tout d'un cœur jaloux > Qu'un cruel mépris défefpere.

ScANDERBERG.

Je me livre à votre couroux :

'ityè sgandërberg,

Epuifez fur moi feul cette fureur extrême^

Servilie. Faites grâce à l'objet dont vos yeux font eharmésé

SCANDERBERG.

Epargnez ce que ^'airne,

Servilie. Epargnez ce que vous aimez»

R O X A N E.

Une frayeur tendre eft un nouvel outrage*

Servilie. LaifTez-vous attendrir,

R o X A N £•

Souffrez autant ^ue moi.

ScANDERBERG.

Ah ! Quel fupplice ! Quel effroi !

R o X A N

Ah ! Quel défefpoir ! Quelle rage !

ift— ■" ' '^'. ■' " ' """— T-nw

SCENE IV.

SERVILIE, SCANDERBERG,

Servilie. tI

Ciel ! Quel trouble affreux s'empare

o

mon ame :

ScANDERBERG.

Redoutez moins un impuiffant couroux ; -Maître de Ton fecret , je fufpendrai Tes coups , Et je puis défier le eouroux qui Tenflâmç,

TRAGEDIE i^f

S E R V I L I E.

Ah ! Que c'efl un cruel tourment De trembler pour ce que l'on aime! Un Cœur eil trop heureux de n'avoir en aimant , Rien à craindre que pour lui-mcme.

SCENE V.

SERVILIE , AMURAT , SCANDERBERG,

Efdaves de différentes Nations,

\7 A M U R A T.

Oyez, belle PrincefTe, embellir ces rivages; Par mes foupirs , par mes hommages , Je veux compter tous mes momens,

>•

Vous , dont le deftin m*a fait maître , Paroiflez fous les ornemens Des peuples qui vous ont vu naître r J'aflemble dans ma Cour mille peuples divers : ConnoifTez. quel vainqueur vous a reçdu les armes. En me foumettant à vos charmes , Je vous foumets tout Tunivers.

C H OE u R.

Régnez , heureux vainqueur , que tout cède à vos coups ,

Qu'à vos loix tout réponde ; Triomphez, triomphez du monde , La bcuUté feule a droit de trior^pher de vousi

138 SCANDERBERGi

UneAsiatique ahernafîvement avec

h Qhœur* Ici la beauté , Efclave & fans armes, Dompte la âerté.

Ici la beauté

Venge par Tes charmes»

Sa captivité.

Ici quelquefois , Le pouvoir fiiprême Çéde à d'autres loixt

Ici quelquefois ,

De nos maîtres même ,

Nos yeux font les rois.

Une Italienne»

S^lendete luci belle ,

Dilette Jîelle , D'amor ftete la face ,

Régna chi fiacç»

Un bel vifo,

J)' un fol rifo i

V^un fol fguardo j Scherfando > vince Çfii vince il monda^

TRAGEDIE. 2355

SCENE VI.

R O X A N E , & les Aâsurs de la Scénç précédente»

R O X A NE.

Sultan ; connois l'objet dont ton cœur eft charmé. Ce Prince efl ton rival. Ce rival eft aimé,

A M u R A T.

i Ah ! Quelle perfidie !

" R o X A N £•

Ils fuyoiem cette nuit,

A M u R A T.

Le Vizir , Servîlie. « Quoi ! Tous deux interdits ! Et leurs regards timides. , Vous vous aimez. , perfides. Votre fecret échappe , & je vous l'ai furprîsf

Tremblez , vous recevrez le prij; D*une coupable intelligence , Et c'eft à mes bienfaits trahis , Que j'égalerai ma vengeance, [ En montrant Scanderberg, ] Qu*on le charge de fers, & que bien-tôt la mor^, , ^

t'4ê SCANDERBERGi

Servilie. D'ayoîr fauve vos jours , efl-ce la récottipenfc l

A M U R A T.

Ah ! crains pour toi le même Tort, Tu m'irrites encor en prenant fa défenfè* Sortez,

A M u R A T feul. Régnez , haine , fureur ^ Régnez , jaloufê rage ; Perçons ", perçons le cœur D'un ingrat qui m'outrage.

PérifTe qui m'ofe offenfer , Quelqu'amitié qui le défende; Quel fang doit coûter à verfer ^ Quand l'Amour jaloux le demande 5

Régnez , haine , fureur ,' Régnez, jaloufe rage; Perçons , perçons le cœur D'un ingrat qui m*outrage« Quoi ! Mon foible couroux Semble fe refufer à de fi juftes coups ? Tu triomphes encor , cruelle Servilie l Je crains d'immoler un rival. Que dis -je f Mon cœur mcme en ce moment fatal ,

Se déguife leur perfidie»

I

TRAGEDIE.

Mi

Maïs je cède , peut-être , à d'injufles foupçous ; EclaircifTons le trouble qui me prefTe.

L'Amour , pour t'excufer , invente des raîfons J Ah ! Profite du moins d'un refle de foibleiTe

Dont ma fierté s*indigne malgré moi ; Accepte dans ce jour & mon trône & ma foi ; Ou fi ton cœur dédaigne un G. flatteur hommage j Je fl€ me connois plus , je fuis tout à la rage.

Fin du quatrième aCîe»

Tome Vh

Ci

î4t SCANDERBERG,

ACTE V.

Le Théâtre re^réfente la grande Mofquée,

SCENE PREMIERE.

CHŒUR DE PEUPLES.

\J Jour heureux! O jour de gloire ? Qu'à jamais dans nos cœurs en dure la mémoire.

s c E N E I I. I

AMURAT, BACHAS, PEUPLES.

JA M U R A T. E partage les vœux ^ue ce jour vous infpire ; Rendez grâces au Ciel , foutien de cet Empire.

Chaque inftant marque fes bienfaits ; Il vous comble de gloire , il vous donne la paix»

Je vais pour l'aftermir m'unir à la PrinceiTe. Ses pleurs & fes attraits ont calmé ma fureur ; Doit-elle d.o nos loix redouter la rigueur l

I

I

TRAGEDIE. Z4j

A cet hymen , l'Empire s'intéreiïe ;

Et ce jour folemnel en accroît la (plendeur.

Elle vient ; à Tenvi marquez-lui votre s^élc»

SCENE I I !•

AMURAT , SERVILIE , ODALIQUES 4 EUNUQUES.

R

I

C H DE U R.

Egnez , régnez , heureux Epoux! Que votre régne foit pour nous Une fcte éternelle. A M u R A T.

Princefle, leurs tranfports annoncent leurs plai^

firs . Et je jouis déjà des douceurs que j'efpere; Vous daignez combler mes defirs. Je borne tous mes vœux au bonheur de vou^ plaire « Rien ne troublera nos foupîrs-

Déjà pour prévenir mon couroux légitime ^

De Tes propres fureurs Roxane eft la viâime.

Du Vizir , qu'on bri/e les fers ,

Vous craignez pour Tes jours, &fes jours me font

ehers#

Lij

i44 S C A N D E R B E R G ,

Du bonheur de ma flâme Faites retentir les airs. Et que rheureux Objet qui régne dans mon amc Anime vos concerts.

C H CE u R.

Du bonheur de fa flâme Faifons retentir les airs , Et que rheureux Objet qui régne dans fon ame Anime nos concerts. Une Odalique^ Servilie, Triomphez, triomphez du Sultan & de nous ; Eft-il un triomphe plus doux!

C H OE u R,

Triomphez» &ç»

L* O D A L I Q u E,

Recevez , recevez dans une paix profonde , Les tributs éclatans qu'on rend à vos beaux yeux; Mais pour vous le plus précieux, Ceft l'amour du Maître du Monde. C H OE u R. Triomphez , triomphez du Sultan & de nous ! Eft-il un triomphe plus doux!

TRAGEDIE. 24^

SCENE IV.

Les portes de la Mofqiiée s'ouvrent.

LE M U P H T Y fuivî de: Jmans , & kiA^curs de la Scène précédente,

PL E M u p H T y, Euples , Sultan , écoutez-moi,

Rnppellons-nous cette nuit redoutable. des Cieux defcendit la Loi Qui rend des Othomans le Trône inébranlable.

Contre nos ennemis déployant fon couroux, Par un gage facré le Ciel s*unit à vous.

Qu'à Tes bienfaits votre hommage réponde i Célébrez cette nuit en prodiges féconde,

C H OE u R.

Célébrons cette nuit en prodiges féconde.

Par un gage facré le Ciel s'unit à nous.

A M u R A T au Muphty,

Des ordres du Prophète, Interprète fidèle.

Qu'un autre foin partage votre zèle.

Serrez les doux liens

Qui vont m'unir à Servilie ;

Témoin de Tes fermens, foyez garant des mienï.

L iij

Hié SCANDERBERG,

Le Muphty. Jufques-là ta fierté s'oublie ! Un Sultan par l'hymen ofe engager fa foi ! Ce feioit te trahir que de l'unir à toi, A M u R A T.

Qu'entens-je ! Quelle audace ! Le Muphty. Préviens la foudre qui menace.

A M u R A T.

Quoi ! Tu m'ofes braver ? Tout tremble dcrant moi.

Le Muphty. L'Univers i'€^ fournis ; mais tu l'es à la loi#

A M u R A T.

Je ne puis écouter que l'ardeur qui me guide ;

PrincefTe , votre aveu décide , AlTurez votre gloire & ma félicité.

Servilie. Quel temps pour un hymen ! Le Prophète irrité.tt

A M u R A T. Je faurai le calmer , fi cet hymen roffenjfè.

Servilie. N'attirez p"oînt fur vous le célefte couroux*

A M u R A T. . Venez , c'eft trop de réfiftance. Servilie. Laiflez en paix un cœur qui ne peut ctre à vous. A M u R A T.

Vous m'auriez donc flatte d'une vaine efpéraicej

T n A G E D 1 H. 24?

LeJon Je votre main fufpendoit feul les coups Que contre mon Rival prcparoii ma vengeance*

S È R V I L I £.

Je croyoîs fur moi-même avoir plus de puilTancc»

A M u R A T.

bien , il périra , ce trop heureux Amam^ Et vouf ordonnez- Ton /upplicc* Il vient. ••

3

SCENE V.

SCANDERBERG, & les Adeurs de (4 Scène précédente,

Servili£«

j

UfteCiel? A M u R A T i Servtlie, Tu frémis# Affure mon bonheur ; fa grâce eft à ce prix.

SCANDERBERG*

Non , que plutôt mille fois je périfTe,

Servilie^ Scanderberg» Que t'ai-je fait, Cruel ! Et par quelle injuftice; Veux-tu que de ta mort , mes yeux foient les té- moins.

ScANDERBERG.

Si je vous pers , en périrai-je moins?

L iiij

248 SCANDERBERG,

Que fur moi le Cruel épuife fa furie. Vous plaindrez mon deftin , il n'en jouira pas. Vos mépris, fes remords ^ vengeront mon trépas.

A M u R A T.

Je cède à la fureur dont mon ame eft faifîe. Qu'il meure.

Se R V 1 L lE.

Arrêtez . , . Quel effroi! Je promets . . ,

SCANDERBERG,

Vous allez trabir qui vous adore* Servilie. Ke me reproche rien , je fais ce que je doi.

A M u R A T.

Venez donc & jurez.. , Vous balancez cneore? Servilie en fe frappant* Je ne balance plus. Je meurs.

Scanderberc. O Ciel!

A M u R a T.

Cruelle Servilie. Servilie. Je te venge de mes rigueurs i A fes yeux je me juflifie. Je pers pour toi l'Amant pour qui je pers la vie. Hélas! Il te fut cher, j'ai défuni vos coeurs; Contre votre repos j'armai la jaloufîe.

TRAGEDIE. 245

Oubliez tous deux vos fureurs : Que ma mort vous réconcilie. [ Le Muphty ô" les Imans rentrent dans la Mofquée, ]

Scande rberg. Non , je ne puis furvivre à fon deftin fatal,

[ à Amtirat, ] Affouvis-toi , Cruel , du fang de ton rival.

[ Jl veut fe percer, j A M u R A T faifijfant le fer. Arrête . . . Es-tu content, barbare ! Je ne puis foutenir ce fpedacle d'horreur. Loin de moi , va pleurer notre commun malheur; Que s'il fe peut , la gloire le répare,

F I N.

It

LES AGES,

COMEDIE-BALLET,

ivi

ACTEURS DU PROLOGUE.

PROMETHÉE. L*AMOUR. STATUES animée f. Suite de Fromethée»

l

^13 PROLOGUE.

i^ Tloéatre ref réfente le Palais de Prome-^,

(bée , onié de Statues d' Hommes & de

Femmes , en différentes attitudes*

PROMETHÉE.

J J Ieux, ne connoifTez-vous d'autre félicité. Qu'une éternelle indifférence i Votre honteufe oifîveté Déshonore votre puifTance.

Faifons de leur repos rougir les Immortels. Du feu 6es Cieux je me fuis rendu maître. C'eft par moi que Thomme va naître. C'eft à moi feul <ju'il devra des autels.

Volez , volez Efprits , fournis à mon Empire ; Que ce Peuple impuiiïant s'anime par vos feux;

Qu'aujourd'hui l'argille refpire; Volez, volez ; foyezaufïi prompts que mes voeux* £ Les Efpriis de la ff hère du feu volent de toutes farts , & fecouent leurs flambeaux fw ht Statues y qui s^ animent,

P R O M E T H e' E.

Ouvrez les yeux, connoilTez-vous,

114 PROLOGUE.

Chantez humains , goutet votre nouveau partage^ Que les Dieux vont être jaloux De la beauté de leur image !

Les Statues animée f. Quelle clarté brille à nos yeux ! Et quel feu divin nous enflamme! Quelle main nous a faits ! Que Tommes -nous 3

ô Cieux ! Les defîrs & l'efpoir naîffent avec notre ame«

P R o M E T H e'e. Habitans fortunés de la fphére brûlante. Vous dont l'obéifTance a rempli mes fouhaits^ Venez , qu*une fête briWante Célèbre nos propres bienfaits, [ Les Efprùs du feu forment le Divertijfemem. J [ On entend une fym^konie tendre. J Promethe'e. Quel nuage éclatant! Quels fons harmonieux! C'eft l'Amour qui vient en ces lieux. l V Amour y accompagné des Grâces , defcend dans un nuage, ]

L' A M o u R à Prométhée, Lorfque des Elémens j'ai terminé la guerre , Tout l'Univers efl de mon commandement* Mais en vain du cahos j'avois tiré la terre ; Il t'étoit réfervé d'en former rornemcnt,

Hégne^ régne à jamais une race Ci belle, C'efl à l'amour, c'eft aux tendres deiîrsj^

PROLOGUE. 155

C'efl aux grâces , c'eft aux plaifirs De h rendre immortelle. Fromethe*£ C^ le Choeur répètent ces quatre

derniers vers» Régne , régne , &c,

£ Les Grâces fe mêlent aux Ef^rhs dufeit,'} , L* A M o u R. Apprens ce qu*en ce jour le Deflin me révèle

De la fortune des humains. Allez , Efprits , prenez une forme nouvelle 5

Faites-lui voir dans un tableau fidèle. Ce ^ue doit devenir Touvrage de fes mains.

Fin du Trologue»

1^6

ACTEURS

DE L^ CoMEDlE-hjLlET*

^ ■■<

PREMIERE ENTRÉE.

A D A M A s.

T I R C I S , amant d'Irîs.

IRIS.

Un Berger & une Bergère,

SECONDE ENTREE.

DORT s.

C É L I M E N Ê.

L I S I S.

DEUX CHASSERESSES.

TROISIEME ENTRÉE.

A ME ST RI s.

DIRCÈ.

ID AS.

C H R I S I L E.

QUATRIEME ENTRÉE.

M É N O P H I s. B A R S I N E. M I s I s.

Soldats de Méno^hîs,

1

LES AGES,

COMEDIE-BALLET.

PREMIERE ENTREE, \ L'ÂGE D'OR.

Le Théâtre repréfente im Temple champs^

tre. V Hymen & V Amour font fur

V Autel y & fe donnent la main.

SCENE PREMIERE.

T I R C I s.

O u s que l'Hymen attend en ce lieu folitaire , Heureux Amans qui devenez Epoux,

258 LÈS A S G Ë Si

Pourquoi le jour qui nous éeldire , Ne m'annonce- t'il pas un triomphe auiTi doux f

S'il ne fàlloit quVimer pour plaire 9 Je ferois plus heureux ^ue voui*

VotM que lHymen attend en ce Heu Colitéte 1 Heureux Amani qui devenez Epoux, Pourquoi le jour qui nous éclaire, Ne m'annonce-t*îi pas un triomphe aufli doux f

SCENE IL

TIRCIS, ADAMAS.

^^ A n A M A

V^ Uoi! Tircis devance la F£'tc ? Qui peut l'amener feul en ce Temple facrc f T I R c r s. J'y conduirois un objet adoré , Si j'en arois fait la conquête»

A D A M A s.

Quelle fiere beauté refufe vos foupîrs î

T IRCI 5#

Celle que j'aime ignore mes defîrs#

Iris m'infpire en vain une tendreiïe extrême. Je n'ofe lui jurer que je fuis Tous fa loi.

COMEDIE-BALLET. i^p

Miniftrc Je l'Amour, de grâce apprenez moi, Pourquoi Ton craint tant ce qu'on aime? A t) A M A s. Plus d'une belle on fe fent enchanté , Plus fd colère nous allarme. Ceft que la beauté qui nous charme « Devient notre Divinité* T I RC xs. C'ed Iris que j'adore ; $c je crains ik colère !

Ad AM A s. Vous l'attirez peut-être à force de vous taire»

T IRC I s. Non , Jamais Ces fbupîrs ne répondront aux mîens! Chaque jour fes dédains m'irritent. Mes yeux cherchent toujours les iîens > Et fans celTe les iîens m'évitent»

A D A M A s#

Vous en êtes trop allarmé , Tircîs pourroit bien être aimé.

T I R c I s. L'autre jour du chant le plus tendre i Je di/putois le prix contre Silvandre ; Iris devoir déclarer le vainqueur : Mes chants qu'elle animoit, mérîtoient la viéloîre»

Hélas ! Quelle fut fa rigueur! Iris entre nous deux en partagea la gloire,

A D A M A s. Vous en êtes trop allarmé , Tircis pourroit bie« être aimé.

ii>éQ LES A S G ES i

T I R C I s.

On célébroit ici la fête de Cibelle , Iris étoit l'honneur des jeux : Tous nos Bergers danferent avec elle# Quelle fclicité pour eux ?

Je me flattai long-temps d'une efpérance vaine ; Mais je fus le feul malheureux. Le feul qu'oublia l'inhumaine.

A D A M A s.

Vous en êtes trop allarmé , Tircis pourroit bien être aimé#

Iris s'arme contre elle-même , Et combat un penchant trop doux : Mais puifqu'elle ne craint que vous , N'en doutez point, c'eft vous qu'elle aime, Tircis. Non , d'un fi doux retour Je ne puis former refpêrance* Hélas ! Plus j'ai d'amour. Moins j'ai de confiance. Ecoutez la chanfon , dont fouvent en ces boîs J'ai plaint mon amoureux martyre. Je la répète mille fois ; A ce que j'aime , Echo j puifTe-tu la redire !

Mon cœur , percé de mille traits , Eft aufli timide que tendre : Iris, n'entendrez-YOUs jamais

I

COMEDIE-BALLET. i6t

Ce que je n'ofe vous apprendre!

Que vois-je! C'eft Iris qui s*avance en ces lieux!

A D A M A s.

Pour connoître Ton cœur , cachez-vous à Tes yeux !

i SCENE III.

IRIS; TIRCIS & AD AMAS éloignés.

B

Iris, Eaux lieux, féjour chéri du Berger qui m*en« chaîne ,

Vous renfermez tous mes plaîfîrs, Paifibles témoins de fa peine , Ecoutez auffi mes foupirs.

Il vient ici chanter flâme : Sans paroître , j'y viens jouir de fes regrets : Ils ont fait fentir à mon ame Un trouble plus doux que la paix.

Beaux lieux , féjour chéri du Berger qui m*enr chaîne ,

Vous renfermez tous mes plaîfîrs. Paifibles témoins de ft peine. Ecoutez auffi mes foupirs»

I6i LES A S G £ S I

Otte aimable chanfon qu*anîme ùl mufètte J

Soulage fouvent mon ennui ; En ces lieux mille fois fa bouche la répète. Et mon cœur mille fois la répète après lui»

Mon cœur percé de mille traits i Eft aufli timide que tendre ; Tircis , n'entendrez-vous jamais Ce que je n'ofe vous apprendre»

S C E N E I Vj

TIRCIS, IRIS,

T I R C I s,

OCiel ! Qu*avez-vous dit ! Et que vîens-jtf d'entendre ! Vous vous trompez , Iris , vous me nommez. Iris.

Hcks! Si c'étoit me méprendre , Je ne rougirois pas, T I R c I s. Vous céderiez à mon ardeur ? Quoi ! C'eft pour moi qu'Iris (bupirej Redites-le toujours , pour ra/Turer mon çeeur.

1

C O M E D I E - B A L L E T. léf

Iris, Me taire , c'eft vous le redire.

Tir c I s.

Que mon triomphe eft glorieux?

Ce trouble encor vous rend plus adorable»

Que de momens perdus , 6 Dieux !

Jufqu'à cet aveu favorable !

Iris,

Ils ne font pas perdus , Ci vous m'en aimez mieux»

Une fierté timide entretenoît ma crainte :

Je vous cachois mes feux , vous les avez fûrprîs»

Amour , tu me devois ce prix

D'une Cl pénible contrainte.

Enfemble,

Une fierté timide ^

_^ . ., - „> entretenoît ma cramte;

Un timide reipea J

Je vous cachois mes feux, vous les avez furpris»

Amour , tu me devois ce prix

D'une fi pénible contrainte»

%64 LES A S G E S i

SCENE V.

ÎRIS, TIRCIS, ADAMAS.

T IR C I £.

MIniftre de l'Amour , venez combler nos vœux : Le cœur d'Iris eft ma conquête. Si la plus tendre ardeur peut honorer nos jeux % Nous ferons Thonneur de la fête, '^ A D A M A s.

Vos plaintes m*apprenoient que vous étiez heu- reux.

J'entens déjà le bruit de nos mufettes y J'apperçois les Bergers ; joignez-vous avec eux^ Ils en vont être plus heureux , D'apprendre que vous l'êtes. Iris^Tircis. Chantez, Bergers , chantez notre commun VaînW queur.

L'Amour nous unit l'un 2 l'autre. Ce jour luit pour votre bonheur; Mais il brille aufli pour le notre.

Le C h oe u Chantons notre commun vainqueur;

L*Amour nous unit l'un à l'autre.

Ce

C O M E D I E - B A L L E T. iSi

Ce jour luît pour votre bonheur; Mais il brille auRl pour le nôtre.

Iris & Tircis devant le Mk

nijîre. Ma chaîne eft éternelle, & ma flâme eft extrême } Rien ne peut affbiblir de fi tendres amours : Dire une fois qu'on aime , C'eft un ferment d'aimer toujours; Le C h oe u r. Ma chaîne eft éternell^^ , & ma flâme eft extrême^ Rien ne peut aftbiblir de d tendres amours ; Dire une fois qu'on aime , C'eft un ferment d'aimer toujours.

[O/i danfi^l Un Berger & une Bergère. Rien ne trouble nos doux loifirs; Avec nos innocens defirs : Notre bonheur renaît fans cefle. Nos troupeaux font notre richeflèj Et nos amours font nos plaifîrs.

A D A M A s.

Dirine Aftrée , aimable fouveraine , Ton régne dure à jamais ! Qu'au plaifîr le plaifir s'enctaîne» Régne, Tes loix pour nous font autant de bîenf^ts^

Le c h oe u r. Régne, Tes loix pour nous font autant de bien^

faits.

[ On danfe» ] Tome Vli M

x66' LES ASGESi

Adamas & LE Choeur,

Soleil , répans ici ta clarté la plus pure. Oifèaux , formez encore un ramage plus doux * RuifTeaux ^ faites entendre un plus touchant mur- xnure.

Qu'ici tout célèbre avec nous j.es douces loix de la nature.

Fin de la première Entrée»

COMEDIE-BALLET, i^r

j^x^ i'^k. ^>^fc à'Xk A'Xi'- Jà^t ^^k ^^k iMfk iiXk j*H:fc jàV't jiVfe

''fs^ -«^^ ^^df %^ ^-^v^ ^'Af' 'h/ï' %fr ^i^ %^%i^%t^%^

SECONDE ENTRÉEy L'ÂGE D'ARGENT.

Z^ T'héatre rep'éfente un Palais Ô* des Jardins,

*^ . I ~~— ■^"— ~^— ■^—

SCENE PREMIERE.

DORIS,CÉLIMENE.

C H OE u R derrière le Théâtre^

c

O u R 0 N s & perçons les forets , Courons , fignalons nos traits.

Ce L I M E N E.

Déjà du bruit des cors ces jardins retentiffent ;

Mille amans vont pour vous fîgnaler leur valeur t

Les beautés de ces lieux à la ehaiTe s'unifient ,

Lt plus d*une voudroit vous y ravir un cœur.

D o R I s.

Leur defTein caufe mes allarmes ,

Leur fuccès pourroit m'affliger.

Celimene.

Belle Doris , c'efl contre ce danger

M if

i6S; LES A S G E S ,

Que vous avez pris foin de redoubler vos charmes.

Que d*ornemens & que de fleurs Arrangés par la main des Grâces ! Ce ^uris 5 ces regards vainqueurs Vont fixer T Amour fur vos traces.

D o RI s. Que ces préfages fo;^ flateurs 5

Eft-il pour une belle une plus douce affaire , Que de voir fous (es loix tout un peuple enchanté î Notre force eft notre beauté , Notre empire eft de plaire. Celimene. Dans le plaifîr de bien aimer , Je Éouve une douceur mille fois plus parfaite, D o R I s. Quand on aime , on devient ftijette. Pour être fouveraine , il ne faut que charmer.

Celimene. Mais entre tous les cœurs qui vous rendent hom- mage, N*en eft-il point , Doris , qui vous foii précieux î

D o R I s. Si mon cœur de l'hymen ne craignoit l'efclavage, Lifîs eft le vainqueur qui me plairoit le mieux.

Celimene. Quoi ! De tous vos amans , Lifis , le plus volage , Lui , qui pour vos appas s'eft le moins déclaré !

C O M E D I E - B A L LE T. 2.(?5,

D O R I s. C'eft Tamant le moins afTuré,' Qui m'intérefle davantage»

Un cœur prêt à nous échaper ,' Nou5 occupe toujours du foin de notte gloire; Et quand on peut nous occuper. On n'eft pas loin de la viâoire#

L $ C H OE u R

Courons & perçons les forêts , Courons , fignalons nos traits.

D o R I s. Vous m'avez caufé trop d'allarmes r Je rejoins les chafTeurs , c*efl affez m* arrêter. Vous , Grâces , prêtez moi vos armes ; C'eft Lifis que je veux dompter.

SCENE II.

c É L I M E N E feule.

jfVH ! Quelle imprudence fatale!

Contre moi j*arme ma rivale ! En difant qu'un volage échape à fes attraits , J'excite fon orgueil à reflérrer fes chaînes.

Amour , cher auteur de mes peines ,'

Vien , vole à ma défenfe , & prête-moi tes traits»

Que ma rivale eft redoutable !

Mil]

S70 LES ASGES,

Son rang peut d*un amant flater la vanifé ; Et pour plaire , elle ajoute encor à la beauté L'art de la rendre plus aimable.

Amour , contre Ton rang , fon art & Tes attraits , Vien , vole à ma défenfe , & préte-moi tes traits»

Mais j'apperçois Lifis. Pour favoir ce qu*il penfe, ParoifTons du fommeil reflentir le pouvoir. Peut-être il va , fans le vouloir , JVIe rendre ou m'ôter Tefpérance.

L

SCENE III.

LISIS.CÉLIMENE feignant de dormir.

P

L I S I S, Rofîtons d'un temps précieux. Pour éviter Doris , j'abandonne la chafle. Je cherche ce que j'aime. O Ciel ! Je te ren| i?race !

C'eft elle qui s'offre à mes yeux.

Régnez , Sommeil, régnez fur Célimene , Volez , Zéphirs , volez , rafraîchiflez ces lieux , Rendez encor par votre douce haleine , Son repos plus délicieux.

COMEDIE-BALLET* 171

Songes heureux , flattez l'objet cîe ma tendrefl^e , Echos , refpedez Ton fommeil: Ne lui dites qu'à Ton réveil , Le ferment que je fais de l'adorer fans cefl"e.

C E L I M E N E fà^nant de s^ éveiller » O Ciel ! Que dois- je croire ? Et quel fonge fîateuc M'afTure que Lifîs m'adore ! L I s I s. Vous m'avez entendu. Je fais tout mon bonheur De le jurer encore.

C E L I M E N E.

Efperez-vous que ce difcous m*abu(e , Vous qui rendez hommage à tant d'autres appas ? A tout engagement votre cœur fe refufe : L'Amour ne vous attache pas \ Il vous amufè. L I SI s. Si par quelque éloge fiateur. De cent beautés j'ai vanté la puiiTance , Vous ne me devez pas reproc'ier d'inconflance : Je n'ai jamais brûlé d'une fincere ardeur, Jufques dans l'offre de mon cœur » On fentoit mon indifférence.

Enfin ce cœur pour jamais eft charmé. Lifez dans mes regards ce changement extrême. Jene fens que trop bien, en vous jurant que j'aime. Que je n'avois jamais aimé.

Miiij

>7i LES A S G E S i

C E L I M E N £•

Je n'ai *jue trop de penchant à vous croire ; D*un hommage fi doux je voudrois me flater. Faut-il , hélas ! Que le foin de ma gloire , Me force d'en douter î L I s I s. N*en doutez point, aimable Célimener Si ce n'eft point afTez d'en a«efter les Dieux , Je jure par vos yeux De ne jamais brifer ma chaîne* Celimene. Que je crains votre cœur & m^s foibles appas ! L I SI Que vous m'offenfez de les craindre ! Celimene, Vous le pouvez encor , Lîfîs , ne n'aimez pas » Si votre flamme doit s'éteindre.

L I s I $• Mes feux ne s'éteindront jamais ; L'Amour m'a fait un cœur fidelle. S'il vous blefTe des mêmes traits , Kous brûlerons d'une flamme éternelles

1

C O M E D I E . B A L L E T. z 75

SCENE IV-

LISIS,CELIMENE,DORIS,^

OD O R I 9. Dkux ! O Dieux * Quelle honte pour moi ! Uiîs m'évite , & c'efi: vous qu'il préfère S Celimene, R vient de m'engager fa foû L I s I s à Dorîs* Je voulois être aimé , vous ne voulez ^[ue plaire»

Ce LIME N E*

J'ai charmé l'objet que j'aJore. Pour un coeur il fufïit d'un cœur. Si vous voulez , Doris , jouir d'un vrai bonheur> Mille amans vous refient encore j laitez-moi > choififfez un vainqueur.

Doris regardant Lijïs ^un9 mankreflateufe,r Ce que vous venez de m'apprendre , D'un trifte engagement va m'épargner l'ennui Je fêns , fi j'avois pu me rendre,. Que ce n'auroit été qu'à lui*

Celimene,. Vous ne l'en fîatez aujourd'hui i Qaepour tâcher encor de le furprendrei

ta joye auprès dfi nous ramène îfes cfiafieuiy^

274 LES A S G E S ;

Prenons part à leurs jeux vainqueurs.

C H OE u R.

Cors brillans animez nos chanfons & nos pasi îSur les hôtes des bois chantons notre vidoire. Nous ne connoiflbns pas D'autres combats , ni d'autre gloire.

Lisisc^Celimene. Afin de les mieux fatisfaire , Diane irrite nos deiirs ; Comme elle le Dieu de Cythere i Dans l'efpoir a mis les plaifirs. Deux Chasseresses. L'Amour eft ChafTeur , Il rufe fans ceiTe : Le piège qu'il drefTe Eft toujours flateur. Heureux ceux qu'il prefTe ! Heureux ceux qu'il bieffe De Tes traits vainqueurs ! Heureufe l'adrelTe Qui furprend les coeurs !

Le C h oe u Cors brillans animez nos chanfons & nos pas. Sur les hétes des bois chantons notre viâoire» Nous ne connoiiFons pas D'autres combats , ni d'autre gloire;

[ Deris pendant U fête tache de regagner Ltjït farfei coquçtsrUs ; çllç danfe ^ attira fOHf ht

COMEDIE-BAL LET. 27^

amans des autres autour d'elle , danfe avec iui , ù" ils s'éloignent enfcmhle» ]

Celimene allarmée* Je ne vois plus Doris ; Lifis eft avec elle : Ah ! Que je crains (qs dangereux projets ! Amour , protège un cœur fidelle , Vien , vole à ma défenie & prcte-moi iQs traita*

L I s I s revenant. Ne craignez rien. L'Amour près de vous me rap- pelle : Dans les yeux de Doris j'ai vu Ton vain efpoirj

Pour Ten punir , je veux lui faire voir Que vous feule inipirez une flamme éternelle»

Fin de la féconde Entrée*

M vj

^5

LES A S G E S ,

TROISIEME ENTREE, L'AGE D^MRAIN.

%e Théâtre repréfente un Port de Mer , Cè" des Vaijfeaux agités par une tempête.

SCENE PREMIERE.

C

AMESTRIS.

I E L ! O Ciel ! QuelalFreux orage 3' Tous Tes vents déchaînés ont déployé leur rage ,,

Les flots s'élèvent jufqu*aux Cieux , JLcs aîfs font embrafés par Thorrible tempête. Sauvez ce que j*aime , gîsnds Dieux ! Ou que la foudre éclate fur ma tête.

SCENE II.

AMESTRIS, D I R C É.

,^ D I R G E*.

\^ pourroît à vos cris ne fe pas attendrîi»^ D'où naiiTeiu donc de H vives alian^fisii

i

C O M E D I E - B A L L E T. 177

A ME s TRI s,

Pardonnez mes cris & mes larmes > Ce que j'aime eft prêt à périr.

D I R c E*.

Dé]z des aquilons s'appaife la furie r

Prenez , prenez un doux efpoir.

[ La tempête diminue', } Amestris. Ah ! Si je dois ne le plus voir,. Quel tourment pour moi que la vie î' [ Feinture du calme qui revient tout-à-fait,'] D I r c e\ L'orage fe difllpe , & kiifTe en paix les airs. Rien ne menace plus l'objet de votre flâme^

Le calme revient fur les mers , Laifl^, laiffez rentrer le repos dans votre amct Amestris. Hélas ! Jugez de mon effroi : Déjà loin de ces lieux ce mortel que j'adore », Par une autre tempête auroit péri fans moi. Ce fouvenir m'effraye encore.

La Parque de û vie alloît trancher le cours t Je Tiappercjus mourant, au moment que l'ora^e^ L'avoit jeué £ùr le rivage.

Les foins que je pris de fès jours^

Ont fait naître fa flâme : Xaiidis que mon propre fecouxî? j,

^75 ï- E S A S G E S S

Le rendoit maître de mon ame«

Des projets importans l'éloignerent de moî; Cefl ici qu'il voulut que je viniïe l'attendre s Par un fidèle avis j'ai su qu'il va s'y rendre. Et ce jour fortuné va m'aiïurer fa foi.

D I R c E*.

Formez la plus aimable chaîne 9 Un Amant emprefle vient combler votre eCpolï ? Moins heureufe que vous , je tremble de revoir

L'Amant que ce jour me ramène.

Quand , malgré nos tendres amours > Un autre foin me ravit fa préfence. Je jurai de l'aimer toujours ; Mais j'ignorois alors le pouvoir de l'abfence»

Vains projets ! Sermens fuperflus ! I3as , que diras- tu de me voir infidèle !

Amestris. Quoi ! Vous aimiez Idas !

D I R c E*.

Mes liens font rompusi Amestris. Idas vous adoroit ! O difgrace cruelle! Eft-il bien vrai du moins que vous ne l'aimitz plus î

D I R c e'. Si c'eft Idas qui vous engage ,

C O M E D I E-B A L L E T. 27^?

Mon Coeur de Ton retour cefle d'être allarmé. Je rens grâce à vos yeux, d'avoir fait un volage D*un Amant qui n*eft plus aimé» Amestris, Quelle furprife extrême ! Et que vous m'infpirez d'effroi ! Si rinconftant a pu vous oublier pour moî , Peut-être pour une autre il m'oubliera de méme^

On vient : éloignons-nous. Ceft Idas que je yo'u Une étrangère avec l'ingrat s'avance. Mon cœur frémit à fa préfence : Le perfide auroit-il encor trahi fa foi !

SCENE II L

IDASs CHRISELE ; AMESTRIS & DIRCÉ

éloignés»

j

Idas & Chrisele enfembh^

OuifTons enfin d'un beau Jour, Neptune nous rend au rivage : Ceft en vain que grondoit l'orage, Nous étions guides par l'amour. Chrisele. Un foupçon, malgré moi , trouble mon allégrefi(?# Par mon hymen , une immenfe riçhcfle

Î.80 LES A S G E S ^

Va tomber en votre pouvoir. Je crains que cet indigne eipoir Ne vous tienne lieu de tendrejSb ; Et c'efl à Tamour feul que je veux vous devoir.

Id A s.

BannifTez , banniiïez cette crainte importune: L*Am^ur feul par vos yeux m?a lancé tous ijS&

traits : Son bandeau m'a toujours caché votre fortune j Je n ai pu voir que vos attraits.- C H R I s R. X. E,

J'éprouve encor d'autres allarmes^ Bien-tôt votre d"épart troublera mon amour. Au mépris de mes feux &■ de mes foibles charmes^ Vous me laiiïerez feule en ce trifle féjoui^

Il faudra toujours dans les larmes ^

Soupirer pour votre ret jur,

I D A s*

Ah ? Quand de votre cœur vous me rendez îè maître ,

Quel de/Tcin puis-je encor former?'

Non,, vous ne me laiflez connoître D'autre bien que de vous aimer,

iDAsér Chrisele enpmhU* Jouilïbns enfin d'un beau jjour ,, Neptune nous rend au rivage : C*eft en vain que grondoit Torage ^ Kous édons guidés gar l'Amour*.

COMEDIE-BALLET. iSi

wnrtammKmBmaura

SCENE IV.

IDAS, CHRISELE, AMESTRIS.

Q

Amestris. Uoi, pexfickl

I D A s.

Que vois-je! O Ciel! C'eft Ameflrîs !

A M E s T R I s. Quoi , perfide l Tu me trahis !

De mes foins , pour fauver ta vie. Barbare , c*eft donc le prix que je reçoi ! Spnge > ingrat , qu*à fes yeux ton cœur ne facrifîe

Que des jours que tu tiens de moi !

Mais que fert une plainte vaine ! Mes malheurs font certains , ton crime eft ac- compli ; PuifTe un cruel remord me vanger de ma peine-! Je voudrois te jurer un éternel oubli , Mais je ne puis encor te jurer que ma haine^.

lit LES A S G E S;

il f =

SCENE V.

CHRISELE, IDA S.

S

Gh R I s e l e. Es plaintes m'ont porté les plus feniîblis coups : Idas n'eft donc qu'un infidélCt

I D A s .

Mon infidélité pour elle « , Èft un facrifice pour vous.

SCENE VI.

CHRISELE, IDAS, DIR CE.

D I R c e\

COnnoiiïez donc fiir lui toute votre puiA fance.

Idas. Jufte Ciel ! C'eft Dircé ! l'importune préfence ?

D I R G e'.

Vous vous troublez , Idas ! RafTurez-vous , Je ne vous ferai point de reprodies jaloux. Quand l'amour des tréfors prolongeoit votre ab* fence ,

COMEDIE-BALLET. 283

Mon cœur s'^toit vangé de vos nouveaux tranl^ ports,

Jouîiïbns de notre inconftance. Oubliez-moi (ans trouble; & je vais fans remords fuivre un penchant qui devient ma vengeance»

SCENE VIL

CHRISELE, IDAS,

I D A s.

VOyez combien de nœuds vous m'avez faÎÊ brirer.

ChR I s fe L £•

N'efpérez plus de m'abufer : Je vois de votre amour ce qu'il faut que je penfe ; Mais je veux vous fervir, au lieu de vous punir.

Pour vous fauver une inconftance^

Ceft à moi de vous prévenir,

I D A s.

Pourriez-vous fans pitié m'oter toute efpérance !

C H R I s E L E.

Je dois fuir un embarquement , Qui m'expoferoit au naufrage. Votre amour n*eft que le préfagc De votre changement».

2^4 LES A S G E S f

SCENE VII L

I D A s fettl.

V^ Ue de dilgraces en un jour ! Je n*ai recours qu*à toi , favorable Neptune ^ Rembarquons-nous , & forçons la Fortune De me fervir mieux que T Amonr. Venez , chers Compagnons ; chantez le Dieu de TonJe , Qu*à vos accords , qu*à vos voix tout léponde» Le C h oe u r. Chantons , chantons le Dieu de TonJé^; Qu'à nos accords , qu*à nos voix tout répondcé I D A s. O Neptune ! Reçoi nos vœux , C'eft ta faveur qui lie Tous les Peuples entr'eux. Par toi tout l'Univers devient notre patrie. Dans les divers climats naît & meurt le jour jj Tu nous ouvres d'heureux paiïages»

Souvent la Fortune & l'Amour , Vont nous attendre aux plus lointaks rivages* Un Matelot.

Sans peur du naufrage. Que chacun s*engage

t

COMEDIE-BALLET, i^f

Et tente le fort. Le fâcheux préfagc Qu'une onde qui dort! C*eft fouvent Torage Qui nous mène au port. Une Matelote. Un beau jour s'apprcte ; Et le calme arrête Les flots inconftans : Bien-tôt fur nos têtes Vont gronder les vents : Souvent les texnpctes Naiflent du beau tems#

I D A 5,

Fuyez , fiers aquilons ; que Neptune vous chafTe ! Régrttz , Zéphirs , régnez au gré de nos fouhai%»

Dieu des mers , notre audace

Mérite vos bienfaits.

L E C H OE U R,

Fuyez , ^ç.

Fin de la tro^éme Entrée»

ilé LES A S G E S ;

QU^TKIÉME ENTRÉE, L'AGE DE FER.

Le Théâtre re^réfente le. Temple de Jupiter Olympien.

SCENE PREMIERE.

BARSINE, CHCEUR.

C H OE u R derriet e h Théâtre*

TROMPETTES ) éclatez , fîgnalez notre gloire : Cefl vous qui fur nos pas appeliez la Vidoîre»

B A R s I N E.

Que ces fons m'infpirent d'efFroî !

Quels accens funèbres pour moi ! Le C h oe u r. Trompettes , éclatez , fîgnalez notre gloire t C'eft vous qui fur nos pas appeliez la ViâoîrCa

B A r s I N £•

Dieux inhumains ! Deftins cruels ! fiélas ! Vous épuifez fur moi votre colère ! J'ai vu tomber fous les coups de fon frerc^f

COMEDIE-BALLET. iH Le plus aimable des mortels*

En vain nous avons fui ù rage ; II s'eft enfin vengé d'un malheureux amour s Mais parmi tant de maux ma fureur me foulage t

Je vais me venger à mon tour. Oui , chère ombre , crois -en le transport qui

m* anime ; Crois-en ces tendres feux qui te furent Ci chers ^

Je vais te conduire aux enfers ,

Et ton amante & ta viâime.

»■»— ^— «^ I . ■««

U', " ■■ ^^

SCENE IL

B A R SI N E , M I s I s,

Mi s I s.

C*En efl fait; Menophis vous obtient aujouf»» d'hui : Avec ce trifte hymen , Ton triomphe s*appréte^

B AR s I N E.

Tattens ce barbare ; & je fuis plus que Impatiente de la fête.

Il m*a déjà vue aux Autels , Prête à lui prononcer ces fermens folemnels ^

Dont je fentois frémir mon ame. Ce moment eut été l'arrêt de mon trépas ^

2t8 LES ASGESi

Si Ton frère , l'objet d'une éternelle flaraiïîC ^ Ne m'eût arf aché de Ces bras.

Mi s 1 s. il n*a pas su votre inconftance. B A R s I N E. Les cliarmes de fon frère auroient réclaîrer. M I s I s. Envain de cette violence , Votre amant sût vous délivrer ; Nul azile depuis n'a pu vous affurer. Menophis fur vos pas fit voler la vengeance^ B A R s I N E. Fuyant de climats en climats , Ces murs, à fon couroux, nous déroboient enCOrCt Vain azile ! Ce que j*adore , Vient d'y recevoir le trépas.

M I s I s. i

Et vous ^OHfentez d'être à fon vainqueur !

B A R s I N £•

Héks! '

C'eft cet hymen que contre lui j'implore. Celui que troubla fon rival , Ne fût pas pour lui Ci fatal.

Mânes , qui gémiffez fîir Tinfernale rive ^ Suspendez votre voix plaintive , Vous allez être fatisfaits.

J^Ji attefle le Stix & les Royaumes fombr^ff.

(j' Amour en fureur n'a jamais *;

Si

COMEDIE-BALLET. /lê^iJ Si bien venge les ombres.

Mânes , qui gcmifTez (ur rinfernale rive n Sufpendez votre voix plaintive , Vous allez être fàtisfaits,

M I s I s. Ah ! Du choix de votre vidinif ; Quels malheurs vont être les fruits !

B A R s I N E.

Ne combats point la fureur qui m*animc# ISiy livrer fans rien craindre eft tout ce que je puî$^

Non , il n*eft plus de crime Dans le trouble mi je fuis, M I s I s. Mais on vient. Menophis s*avance«

B A R 3*1 N E.

En dcguiûnt mon cœur, affurons ma vengeance.

SCENE III.

BARSINE, MENOPHIS.

B Menophis.

Elle Princeife , enfin cet heureux jour Comble mes plaifîrs & ma gloire : Ah ! Qu'il eft doux de vaincre, quand l'Amouf

Donne le prix de la Vidoire I Tome VU N

ipo LES ASGES,

J'ai mis mon rival au tombeau , Le perfide n'eft plus à craindre ; Et l'hymen va pour nous rallumer le flambeau Que rage entreprit d'éteindre,

B A R s I N E.

J'aime à revoir vos premiers vœux , Tant de confiance m'intcrefTe ; Et dans l'intérêt qui me preiTe , Je mefure ma joye à l'ardeur de vos feux,

AT E N o P H I s. Tout vous les a prouvés , trop charmante Pria=- cefTe,

En pourfuivant un cruel ravifTeur, J'ai porté partout le ravage. Parmi le fang & le carnage ,

Ma jaloufe fureur , Jufqu'à vous m'ouvroit un pafTage.

Dans les plus forts remparts , Mars m*a fait péné- trer :

La Viéloire elle-même a daigne me conduire. En cherchant à vous délivrer , Je vous ai conquis un Empire,

Mille peuples nouveaux vont fléchir fous vos loixt

B A R s I N E.

Un Dieu plus puiiTant que Bellone; L'Amour a fervi vos exploits.

T.

C O M E D I E - B A L L E T. ii> i.

Il eft tems qu'avec lui notre hymen les couronne*

Menophis. Qu'ici tout applaudilTe à mes vœux fatîsfaits ; Que mon triomphe brille aux yeux de ma Prliir cefle.

Recevez avec ma tendrefle Les fujets qu'elle vous a faits.

SCENE IV.

MÉNOPHIS, BARSINE , les Soldatt de Menophis avec les Captifs qu'ils amènent,

[ Le triomphe arrive dans toute fa fplendeur* 1

CM E N o P H I s. Aptifs infortunés , prenez part à la fête J Que tout refTente ici le bonheur de mes, feux. Mon cœur charmé de la conquête , Ne peut fouftrir de malheureux.

Chantez , célébrez votre Reine ,

Rendez grâce aux appas qui brifent votre chaîne*

Le Choeur.

Chantons , célébrons notre Reine ,

Rendons grâce aux appas qui brifent notre chaîne;

[ Danfe des Captifs délivrés» ]

Menophis,

Prêtre de Jupiter , venez , préfentez nous

Nij

g,i^ LES A S G E S ;

La coupe nuptiale. Achevez d'unir deux époux Qu'unifToit une flamme égale,

ÎVIenqpîji? , i-A Princesse & le Choeur^

Achevez d*unir deux époux Qu'unilToit une flamme égale,

[ Menophis ^ Barfine boivent dans la coupe , ^ l'on emend aujft-tôt gronder le tonnerre, ]

Menophis.

Quel prodige foudain ! Quels foudr.es ! Quel?

éclairs ! La terre fous nos pas ouvre un profond abrme ! Qui menacez-vous donc , maître de l'univers? Cet hymen feroit-il un crime î

B A R s I N E .

Oui , c'en eft un. J'ai de ma main Empoifonné cette coupe fatale. Je te punis d'un trépas inhumain. Aux dépens de mes jours , mon amour fe /îgnale î Je reporte à ton frère & mon cœur & ma foi. Qu'en tunébre appareil ton triomphe fe change^

Je meurs plus heureufe que toi ; Ombre chérie , applaudi-moi ; Je te rejoins & je te venge.

COMEDIE-BALLET. i^i Menophis & LE Choeur.

Quelles horreurs ! O Ciel ! Souffre- tu les for- faits !

I)leux eruels! Vous tonnez, quand les crimes font faits !

F I N.

Nïîj

BALLET

DES FÉES,

COMEDIE-BALLET.

K i»j

'%96

l< I ^■«W— M > m I mamamtimmmaÊ^Èm

ACTEURS

BE LA COMEDIE-BALLET, PREMIERE ENTRÉE.

C L A R I M O N D.

L I N D O R.

CHŒUR DE Fées et de Démons.

C L A R I N D E.

SECONDE ENTRÉE.

A s T R A T E.

A R B A S.

î S M E N I E.

LES PEUPLES.

LENOUVEAUROÏ.

LE CHŒUR.

TROISIEME ENTRÉE.

I D A s.

T E L A M O N.

CHŒUR DE Peuples.

C É P H I S E.

PLUTONa

i

BALLET

DES FÉES>

COMEDIE-BALLET.

PREMIERE ENTRÉE. LA BEAUTÉ.

SCENE PREMIERE.

CLARIMOND, LINDOR,

Enfemble,

SI

U E vous avez de char-»

mes :

Gloire Amour. l^By rien ne coûte aux cœurs épris de vos apa?»

>^8 BALLET DES FÉES,

Pour triompher, vous nous prêtez des armes. Et pour nous couronner, vous volez fur nos pas#

L I N D o R.

N*aîmerez-vous jamais qu'une ftérile gloire? EiTayez la douceur des amoureux foupirs ;

L* éclat d'une illuftre mémoire , Doit-il d*un cœur fenfible épuifer les de/îrs f

Clarim ond. Et quel bien cherchez- vous , vous de qui le cou- rage S*obftine à partager Thonneur de mes exploits ?

L I N D o R.

Je cherche des lauriers , mais pour en faire hom- mage

A l'objet dont je fuis les loix. Son cœur de mes travaux m'a promis le falaire: Mon courage s'accroît d'un efpoir fi charmant.

En combattant , je ne fonge qu'à plaire ; Et le Héros en moi n*agit que pour TAmant.

Clarimond,

Quoi ! La gloire à vos yeux n'efl donc pas afTei

belle f L'amour feul à la fuivre à pu vous animer î Allez , elle rejette un encens infidèle : On n'eft pas digne de l'aimer , Dès qu'on ne l'aime pas pour elle» L I N D o R.

Non , je ne puis aimer que toi}

C O M E D I E - È A L L E T. 199-

Cher objec de mes vœux , c*eft toi feul que j'im- plore. Si mes travaux un jour me méritent ta foi , Je confens qu*à jamais l'univers les ignore : L'univers ne m'eft rien; ton cœur eft tout pour mor«

Cher objet de mes vœux , c'eft toi feul que j'imr plore.

Non , je ne puis aimer que toi.

ClARIMONU & LiNDOR.

. ' ? que vouy avez de charmes !

Amour, 3

Non , rien ne coûte aux cœurs épris de vos apas!

Pour triompher , vous nous prêtez des armes ;

Et pour nous couronner, vous volez fur nos pas.-

Clarimond.

fommes-nous f Quelle eft cette retraite obft

cure !

Et que difent ces mots formes

En caracftéres enframmés î

Hélas \ Tout nous préfage une illuftre aventurer

L I N r> 0 R lit l'Iufcriptiotj,

J'ai puni la beauté qui dédaigna mes feux ,

Dans on fommeil profond tous Tes charmes lan-*

guiiTent ;

Il faut, pour l'en tirer, que deux Héros s'uniflênf.

Le plus indiftcrent & le plus amoureux.

^ Clarimond.

Allons , Prince , le Ciel nous choisît Tun & l'autre

Nvj

^00 BALLET DES FÉES,

Pour rompre cet enchantement ; Mon courage a befoin du vôtre, Puîrqu*il nous faut ici le fecours d'un Amant.

Si

SCENE IL

CLARIMOND, LI N D O R,

Qhceur invifible de Fées & de Démont,

SD E M o N s. Ortez , forcez monftres terribles, PunifTez ces audacieux,

F e'e s. Combattez, Héros invincibles. Méritez un prix glorieux. Démons, Enfer, répands ici l'horreur &le ravage; .Volez, Démons des airs , fervez notre fureuî»» F e'e s. Triomphez , la vaine terreur Ke peut rien contre le courage, Clartmond. Le charme eft difTipé. Mais que vois-je , grand»

Dieux! Mon coeur eft pénétré d'une (ubîte flâme !

L I N D o R. Ciel ! Devant la beauté qui frape ici mes yeux^ Celle que j'adorois s'efiàce de mon ame !

COMEDIE -BALLE T. joî

ClARIMOND & LiNDOR.

Non , je ne connois plus mon cœur. ÎAh! Ne puis-J£ dompter cette nouvelle ardeur? Clarinde,

Je rens grâce à votre courage. Un fommeil enchanteur habitoit ce féjour.

Princes , vous me rendez le jour ,

Dont il me raviilbit l'ufàge.

L I N D o R.

Un charme plus puilTant habite encor ces lieux Les coeurs font embraies de l'air qu'on y refpire î- Mcs foupirs feuls ofent vous dire ,- hes prodiges que font vos yeux. Clarimond. Mes jours couloient dans une paix profonde-g, Jignorois de l'amour le? traniports enflammés !- Pouvoit-on aimer dans le monde ! Hélas ! Vos yeux étoient fermés,

C L A r I N D E,

Princes y c*eft du Deftin une loi fouveraine. Que mon libérateur devienne mon Epoux: J'avoue , en rougiflant, le penchant qui l'entraîne^ iVlais mon cœur, malgré moi , le choifit entre- vous,

L I N D o R.

Songez que j'ai brifé la chaîne la plus belle,

Clarimond. Jongez au feul defir que mon cœur ait former

joi BALLET DES FÉES^

L I N D O R.

Sans vous j'aurois été fidèle,

Clarimond, Sans vous je n'aurois point aimé.

L I N D o R. C'eft le triomphe d'une belle , Que de forcer un cœur à l'infidélité. Un amant doit orner le char d'une beauté Des chaînes qu'il bYife pour elle,

C L A R I M o N D.

L'hommage d'un cœur inconfiant.. D'une beauté prouve mal la puiffance. Son pouvoir le plus éclatant, Eil d'enflammer l'indifférence.

ClaRIMOND & LiND OR*

Daignez enfin nous révéler, Quel eft l'heureux vainqueur pour qui rAmouï' vous blefTe.

C L A R I N D E.

Mes regards , mes foupirs que je retiens fans cefTCf Ne pourroiein long-tems le celer,

IVlais avant que ce cœur trop tendre & trop fen- fible , Ofe s'expliquer par ma voix, Jurez, & qu'un ferment terrible Vous engage tous deux à rcTpecler mon choi<.

ClARIMOND & LiNDOR.

Obéiflons à de fi chères loixt

C O M E D I E - B A L L E T. 30J

Dieux puifTans , Dieux vengeurs , c'eft vous qu»

j'en attefte , Dût le choix que j attens me devenir funeflcj Mon cœur jure d'y confentir. Que le Ciel tonne & que la foudre M'embrafe , me rcduife en poudre , SI le moindre murmure ofe me démentir, Clarinde. ConnoifTez donc toute mon ame. J'aime pour la première fois. L'Amant qui m'offre une première flâmey Eft le feul di^ne de mon choix.

o ClaRIMOND & LiNDOR.

« T^. i ^ i -j bonheur! Juftes Dieux! Quel ^_^^j^^^^,

Clarimond.

o fort digne d'envie ï De quels ardens plaifirs je me Cens pénétrer !

L I N D o R.

De peur d'en murmurer. Je m'arrache la vie. U N E F e'e.- Non ,tu ne mourras point ; & pour te rendre heu--

reux. De /es yeux trop puiiïans je t'pte la mémoire.

L'Amour te rend tes premiers feux ; Du coeur de la PrincefTe il va payer ta gloire.- [ à clarimond ô* à Cîarinde, ] Tendres Amans , quand vouts vîtes le jour .^

304 BALLET DES FÉES,

C'eil ma main qui fur vous répandit tant de char- mes.

Pour vous blefler tous deux, e'étoient de syrcs armes

Que je préparois à rAmour,

Aimez , aimez- vous (ans allarmes ^ l'uiflfiez-vous ne porter que des chaînes de fleursî

La tendrefTe heureufe a Tes larmes ,

Ne verfez jafnais d'autres pleurs. [ Tous trois répètent, ]

Aimez, aimez-vous fans allarmes, l^uifTiez-vous ne porter que des chaînes d'e fleure

La tendrefTe heureufe a Tes larmes ,

Ne verfex jamais d'autres pleurs. L A F e-'e. Volez , volez Amours , amenez-nous les Gracey^!

Que les plai/îrs fuivent vos traces ;• Célébrez la Beauté , chantez Tes traits vainqueursj

Célébrez la reine des cœur?.-

Fin de la fremiere Entréc<f

COMEDIE- BALLET. 30?

SECONDE ENTREE. L' E S P R I T.

SCENE PREMIERE.

ASTRATE, ARBAS,

c

A R B A s.

*EsT ici qu*un peuple fauvage^ Va d'un ufurpateur reconnoître la loi , Et par un facrilége hommage , Il ofe dépouiller la fille de Ton Roi. Etranger dans ces lieux , vous aimez la PrinceflCtf De quel œil verrez-vous fa honte & fa douleur î A s T R A T É . Elle a pour elle dans mon coeur Et la juftice & la tendrefTe : Je faurai , s'il fe peut , prévenir Ton malheur. A R B A s. Quoi f Formez-vous quelque deiïein pour elle ?

A s TR A T E,

Quoi ! M'as-tu fait l'outrage d'en douter ? Tu m'as vu d'abord arrêter L'impatiente ardeur de ce peuple infidelle^

to6 BALLET DES FÉÉS",-

Quancî la Parque eut frappé Ton Roi , ïl voulut (îans Tiriftant Ce faire un nouveau maîtrCo Je nomntai la Princeiïe , & j'atteftai leur foi f

Qu'elle feule avoit droit de l'être.

Mais je pus alors ramener les efprits : Je fufpendis leur choix , & les preflai de rendre Les honneurs que leur Prince attendoit pour fz

cendre. Pour ce trifte devoir , dix jours furent prefcrits ; Moi-même je marquai le jour la Couronne Devoit ceindre le front du nouveau Souverain. Ce jour marqué nous luit. Il Tattend de ma main s

Mais j'ofe , avant que je la donne , Me promettre du Ciel un miracle certain, A R B A s. Quentens-je ! Et quel profond myftere!

A s TR A T E.

Regarde ; voi Taftre qui nous éclaire , Il ne luit que pour mon fecours.

Des long-tems je m'inftruîs à mefûrer Ton cours i Je fais des autres corps la route néceiïaire. Mon art qui dans les cieux les obferve toujours f Saura bien fe fervif d'un inftant ^lutaire.

Regarde ; voi Taftre qui nous éclaire y Il ne luit que pour mon fecourg.

I

COMEDIE- BALLET. 307

A R B A s.

J'efpere plus que je ne puis comprendre. 3*attens tout de l'elprit que fur votre berceau 9 Une Fée autrefois a pris foin de répandre.

A s TR A T E.

Déefle , à tes préfens , joins un (ècours nouveau. Mais la Princeiïe vient. Va , laiiïe-moi l'entendre. Et que le peuple ici Ce hâte de Ce rendre.

SCENE II.

ISMENIE , ASTRATE,

I s M E N I E.

FOrtune , ne crois pas avoir part à mes lar- mes ; L'Amour feul caufe mon malheur. Le trône que je perds n'avoit pour moi de char- mes , Que pour en faire hommage à mon vainqueur.

Qu'il eût été doux à mon cœur De lui prouver , en lui rendant les armes , Qu'il m'étoit mille fois plus cher que ma grandeur !

Fortune , ne crois pas avoir part a mes larmes 'p L*Amour feul caufe mon malheur.

A s T R A T E. Vous foupirei ici de l'injudice

50& BALLET DÈS FÉES, ^ Que vous font aujourd'hui d'infidèles fujets.

I s M E N I E.

Ils ignorent , héla:s ! Tous les maux qu'ils nr/ont

faits ] Tout fauvages qu'ils font , s'ils voyoient mon

fupplice ,

Peut-être en feroîént-rls touchés ? Mais au fond de mon cœur mes tourmens font

cachés.

A s T R A T E.

Non , votre voix vient de me les apprendre j Vous me les cachez vainement. Je fais que votre cœur trop tendre Gémit de ne pouvoir couronner un amant. Hélas ! Tout mon amour n'a pu toucher votre

ame ! De quel heureux rival partagez-vous la flammé î

I s M E N I E.

Laiffez-moi mon fecret. Pourquoi vous obftinec

A m'arracher l'aveu de ma foibleffe ? Je ne dois plus fonger qu'à vaincre une tendrefTe Qui n'a plus de fceptre à donner.

A s T R A T E.

Ah ! PuifTe-t'il toujours ignorer tant de gloire , Ge trop heureux rival qui m'ote votre cœur! Amour , cache lui fa viéloire : Je te pardonne mon malheur.

I s M E N 1 E.

Je me tairai toujours ; la gloire me Voréor\ne :

COMEDIE-BALLET. 50^

jy contraindrai ce cœur qui fe cache à regret» L'offre feule de ma couronne Devoit déclarer mon fecret.

A s T R A T E. Walgrc TOUS , malgré moi , je vais donc le coity noitre

Ce fecret dont je dois périr. Tout jaloux que j'en fuis , dans un infiant , peut- être , Je vous mets en état de me le découvrir. On. vient. Demeurez. Ciel ! Daigne me fecourîr!

SCENE II L

'ISMENIE, ASTRATE, LES PEUPLES^ LE NOUVEAU ROI.

Les Peuples.

VEnez , Prince , venez , notre choix vous çppelle; Venez, venez régner fur nous ; Et que l'Empire le plus doux , Soit l'heureux prix de notre zélé !

A s T R A T E,

Sufpendsz , fufpendez ces perfides hommagcso Votre choix va du Ciel attirer le couroux. Déjà mon cœur fent les préfages Dej traits vengeurs prêts à tomber fur vous.

|io BALLET DES FÉES,

Connoiiïez votre Souveraine. Le Choeur, Son fexe n'eft pas fait pour nous donner laloî«

A s T R A T E.

Le fang l'a nommé votre Reine»

Le C h oe u r. Notre gloire demande un Roi.

A s T R AT E.

bien , éprouvez donc la colère céleftç ^ Que le flambeau du jour refufe d'éclairec IJa facrilége qu'il détefte. Il m'écoute ; il va vous livrer Aux horreurs d'une nuit funefte.

Voyez déjà cet Aftre pâliiTant. Chaque inftant robfcurcit ; il eft prêt à s'éteindre J Et vous allez fubir ce couroux tout puifTant ,

Que vous n'avez pas voulu craindre* Le C h oe ur.

Ciel ! O Ciel ! Quel prodige affreux? La nuit couvre ces lieux de Tes voiles funèbres ! Revien, flambeau du jour , revien , rens-nous tes feux ,

Chafl^e ces horribles ténèbres. Le nouveau Roi.

C'eft moi qui caufe ces horreurs: Je ne veux pas régner fous un noir aufpice. Couronnez la PrincefTe ; & par cette juflice Pes Dieux trop irrités appaifez les fureurs.

COMEDIE-BALLET. jit

Le Choeur p'ojlerné. Ciel ! Pardonne-nous notre crime. Venez, , digne fang de nos Rois ; Nous vous jurons d'obéir à vos loix. Soleil , viens éclairer un régne légitime, A s T R A T E.

Le couroux des Dieux va ceiïer : Votre Reine, pour vous, défarme leur vengeance^

I s M E N I E.

Puiiïe le Ciel vous exaucer : PuiiTe votre bonheur naître de ma puiffancct

A s T R A T E,

' Cefl: en comblant votre efpérancc ,

Que Ton régne va commencer.

Le C h oe u r. Ciel ! Pardonne-nous notre crime.

Soleil , viens éclairer un régne légitime,

A s T R A T E.

La lumière paroît ; bénifTez fon retour. Le C h oe u r. Reine , vous nous rendez le jour,

I s M E N I E.

Si la puifTance fouveraine

Eft un fardeau trop grand pour moi »

Ce mortel va m'aider à vous donner la loi. Vous reconnoifîez votre Reine , Souffrez qu'elle vous donne un Roi ;

Qu'il partage mon trône en recevant ma foû

îit BALLET DES FÉESi

Le Choeur,

Ah ! Que ce choix eft beau ! La puiflànce fuprcmi.

Ne fut jamais en de fi dignes mains.

Qu'il va rendre nos jours fereins !

Ce choix eft plus heureux pour nous ^ue pour

lui-même,

A s T R A T E.

L^ croirai-je , Grands Dieux ! Ceft donc fecret Que mon cœur a tremblé d'entendre l

I s M E N I E. Je vous le cachois à regret : Mais , en vous couronnant , ijue j^aime à YOU| l'apprendre !

IsMENIE & AsTRATE.

Goûtons les plaifirs les plus doux.

Que ce peuple à jamais foit heureux comme nousi

Le C h oe u r.

Goûtez les plaifirs les plus doux, T

Puiflfions-nous à jamais être heureux comme vous»

Min de la féconde Entrée*

1

TROISIEME

COMEDIE-BALLET. ];t|

TROISIÈME ENTRÉE. LA VERTU.

Le Théâtre repréfeme une Caverne affreujà^ ^ar ou Von defc/snd aux Enfers»

SCENE PREMIERE.

IDAS, TELAMON.

VT E L A M O N. I c T I M E du couroux célefle^ Tout Paphos de la mort fubit la dure loi, L*air qui nous environne eft un poifon funeflej

Nous ne (aurions refpirer (ans effroi. D'un peuple malheureux le déplorable refte; Au Temple d'Apollon vient de fuivre fon Roî# Que n'allez - vous au Dieu préfenter votce of* frande l

I D A s. Que veux-tu que je lui demande ? Des jours qui m'étoient chers s*e(l éteint le flam- beau ,

Ma Céphire a cefTé de vivre ; 7ms VU Q

^14 BALLET DES FÉES,

yout ce que j'adorois defcend dans le tombeau s Il faut l'en tirer ou l'y fuivre. Tu fais quand je reçus le jour, Que rOracle a prédit qu'une fois mon courage Fléchiioit rinfernale Cour. Cet a«tre affreux efl le pafTage Qui conduit au fomb^e féjour. Je vàîs tenter mon fort , & du fatal rivage ," îlameiier , s'il fe peut , Tobjet de mon amour#

Le Choeur^w Peuples der^ riere le Jhéatrçp Hélas! Hélas!

I D A s.

Quels cris ! Quelle clameur funèbre! Le C h oe u r. Hélas! Hélas! Dieux ! Grands Dieux ! Quels malheurs nous fauvent du trépas!

I D A s.

Quels cris ! Quelle clameur funèbre ! Le C h oe u *• Monarque généreux , Prince à jamais célèbre » Non , nous ne te furvivrons pas. I D A s. Le Peuple vient ici. Ses plaintes , fes allarmes

M arrachent de nouvelles larmeSf Peuples , qui pleurez-vous ?

L E C H OE u R.

Nous pleurons Stenelus»

CCriVïEDIt-BALL £ Té- ^if

I D A

a Dieux? Quel coup barbare a terminé fa vîeï Le C h oe u r. Sa propre main fe Teft ravie«

Idas & Le Choeur,

Giel ! O Ciel ! Notre Roi n eft plusé

Idas.

Quel Dieu demandoit donc cette grande vidime î

Le C h ce u r.

Sa vertu , fon amour pour nous*

Idas. Vertu cruelle & magnanime !

Le c h oe u r*

t\ a voulu mourir pour nous délivrer touî*

Un Homme & une Femme du Choeur;

Lui-même au Dieu du jourofFroit un facrifice^

L*encens avec nos cris s'élevoit jusqu'aux Gieax;.

Mais loin d'en devenir propice ,

Le Dieu lançoit fur rvous des regards furieux»

bien ^ a dit le Roi , fouveraine colère ^

C'eft donc à moi de te calmef.

Reçoi le fang de leur Roi , de leur père,

Il va couler pour eux; laifTe-toi défarmer ,

Trop heureux qu'aujourd'hui ma mortpût te iUf»

fire!

A ces mots généreux il fe frape , il expire.

Idas.

Et le Ciel a fouffert cet héroïque eflR>rt.

Oij

^Yô EALLET DES FÉES,^

L*HoMME & LA Femme du Choeur,

Soudain un coup de foudre applaudit à fa mort ^■ Et le Dieu, malgré nous, fignalant fa clémence, A prononcé Varrét de notre délivrance»

Le C h oe u Q clémence inutile ! O bienfait? ftiperfîus ! Ciel ! O Ciel! Notre Roin*eft plus.

Les deux du Choeur,

Vous qui devez fléchir la parque, [Allez au Dieu des morts demander ce Héros ; Qu*£l nous rende notre Monarque, Et qu'il nous rende tous nos maux.

Le C h oe ur. Qu'il nous rende notre Monarque f Et qu'il nous rende tous nos maux, I D A s. bien , je vais franchir ce pafrage,ter.rible ;: Je brate fans effroi les monfïres & les feux. Mai» , hélas , que je crains que l'Enfer inflexible Ne remplifîe pas tous mes vœux ! Le C h oe u r. Allez , brave Héros , defcendez au Tenare»

Le petit Choeur. jDTrouvez quelque pitié dans ce féjour barbare»

Le c h oe ur. Cerbère , devant lui retien tes hurlemens» Le petit Choeur. Noires Sœurs > foyez attendries»

COMEDÎE-6ALLËT, jiî

Tout le Choeur.

Terribles ferpens des furies , Sufpendez , fufpendez vos affreux fiflemens. [ Le Ihéatre repréfente Us avinues du Palais

de Plutort, ]

L' Ombre de Cephisb.

Jufques dans cet afile fombre 9 Le plus doux fouvenir vient toujours me charmera

En vain je ne Tuis plus qu'une ombre, Idas , je t'aime encore ; & c'eft vivre qu'aimer»

Vous qui d'un coup impitoyable. Dans la fleur de mes ans m*avez ravi le jour , Parques , filez pour lui le fort le plus durable;

Qu'il vive autant que mon amour*

SCENE I L

IDAS, CEPHISE.

Idas.

OU'ai-je entendu , grands Dieux ! Ceû rom- bre de Céphife. Elle foupire encore pour moi. Ce p H I s E. Que vois-je ! Ceft Idas. Ciel ! Quelle eft ma fiwTr

prife ! Cher Amant, de la mort as-tu fubi la loi !

Oiij

|Ji3 BALLET DES FÉE S y

r D A s,

yous me voyez vivant. Le Ciel nous^favorifc»

L*^Aniour vient de m*ouvrir Un paffage au royaume fombre ; Mais û je n'avois pu le trouver fans mourir , ia mort me Teût ouvert, & vous verriez moa- ^nbre»

C E P H I SE".

Eh quoi ! Par quel enchantement (Avez- vous pu franchir ce terrible paflage ? Id as.

Je n'avois befoin de courage ^

Que pour le tenter feulement. ,Sur les rives du Stix les ombres m'ont fait place f Devant le fier Caron mes vœux ont trouve gracc^ Cerbère carefTanta fufpendu Ces ciis :

Sur la tête des Eumenides

J'ai va les ferpens attendris ^ Et la Parque fur moi fixant des yeux furpris y 'A laiflTé repofer fes cifeaux- homicides. X'Amour guidoit mes pas; il voloit devant moiy^ Et je n'ai ni fenti , ni répandu d'effroi»- G E p H I s

Ah r Le? prodiges que vous faîtes» Faflentmon efpérance & même mes defirs- Ce n'eft que d'aujourd'hui que ces froides retraites

Connoifieut de grands plaifirs.

1

C QM EDIE-BALLET. 315

I D A s.

Mais, CéphiTe , d'où vient qu*îci le fort vous placel J'ai cru ^e l'Elirée étoit votre féjouK

C E P H I s E.

Je ne Thabite point. Idas vc'eft uni? grâce Que le Dieu des enfers accorde à mon amour<.- Vos feux feroient fortis de ma mémoire Si j*avois paffé le Léthé; Et dans fes eaux j'ai craint de boire L'oubli de ma félicité. Proferpine a daigné me garder auprès d'elle :: Elle a voulu me dirpenfèr D'une loi pour moi trop cruelle j. Mon Elifée eft de penfer Que vous m'êtes fidèle* Idas. O Ciel ! De quel ardent traniport €et aveu pénétre mon ame !

C E P H I s E,

I/Ialgré les glaces de la mort. Que votre tendrefle m^enflamme !' Goûtons de fi charmans apas«^

I D A S.^

Goûtons l'heureux prix de nos peînes.- Enfemble, Ju%ies dan^ les Enfers vien reflerrer nos chaîne»; yole Amour > vole Aoiour > ttigmphe du trép^ascr-

|io BALLET DES FÉES,

SCENE I I I.

PLUTON fans fuhe , IDAS, C E P H I S E.

C E P H I s £•

Maïs Pluton viem. Son front me paroît moins févcre.

I D A

Puîfîe-t'il remplir tous mes vceux !

P L U T O

Mortel , applaudi toi de me voir fans colère ; Tout refpede avec moi ton effort généreux.

I D A s.

Prononcez le fuccès d'une jufte entreprifè, Pluton y prenez pitié d'un grand peuple & de moïâ Rendez-moi ma Céphife; Et rendez lui Ton Roi. Pluton. On ne retourne point de la demeure fottihte ] Dès qu'on y descend une fois.

Pour toi le Sort veut bien en violer les loix ; Mais il ne me permet de t'accorder qu'une onibrt; Choi/î , je la rens à ton choix, I D A s. Jufte Ciel , quel arrêt ! Et quelle peine extrême {

COMEDIE- BALLET. yu

Do quel cloute mortel mes efprits font troubles ! Oublirai-je pour moi des peuples défolés ! Pour eux , m*oublirai-je moi-même?

Pluton , dans ta bonté je connois ta rigueur; Je ne reverrai point la lumière célefte. Hélas ! Dans ce combat funefle ,- Je vais expirer de douleur. Pluton. Ciioiii y Idas j choiiî.

Ida s.

Dieu des enfers, pardonne^ Mon amour tremble , & ma vertu s* étonne. Piêiix ! Quel choix puis- je faire !

P I, U T O N.

Il faut te déclarer. Idas. Dfivoîr, facré devoir, il faut te préférer. Céphife , vous feriez le bonheur de ma vie; Mais Stenelus rendra mille peuples heureux.

Souffrez que je me facrifie ; Qu*au moins par ma vertu je mérite vos feux. Souverain Dieu des morts , renvoie à la lumière Un Roi , l'amour de l'univers ; Mais exauce une autre prière , RjÊtien-moi près d'elle aux enfers. Pluton.

Non, Ta vertu remporte une viâoire pleine , Je t'accorde Céphife j & je vais rendre un Rot

3 il BALLET DES FÉES , COMER

Auxpeuples défolés dont tu plaignoîs la peineîf

Ida s. Stenelos va revivf é î

P L U t O N.

H va revivre en tou Stenelus va goûter les vrais biens qui l'attendent § L'Elifée eft le prix d'un effort généreux ; C*eil de toi déformais que Ces Sujets dépendent* Ta vertu va les rendre heureux. Tu te facrifiois pour eus&v Et c'ell U le Roi qu'ils demandent*

Habitons des plaines heureufei?, Ortibres faintes , chantez fa gloire & fon amotir|

Que vos lyres harmonieufes , Que vos chants les plus doux lignaient ce grandi

jour.

Fin du Tme fixiéfMm

La Bibliothèque niversité d'Ottawa Echéonce

The Library

University of Ottawa

Dote due

^

nnnBlBStfiTLiff'rjr^Ç^

;V

«i «.

^*^

^'é-\

►*»

1^

':?

J-ç*

in

= o

^ cr>

-00

N

\= CD

\= LO

\= ^

^ co

^ ^

I— E

= £

CO

C\J

o

S

FIBER-GLASS

2

60INCH

5

6

7

yuj

0)^

N

00 ^

00

o =

CD

Je

O o

m

00

M 1

0) ^

N)

Tl

fNJ

ik

•Ni

o

en

00

K)

o

00

O

T

7

N)

>

CD

CO

O

'^f">jraP^>.^'.WJ_ -