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■•*
INSECTOLOGIE
TOME SECOND.
OEUVRES
D HI S T OI R E
N JTURELLE
E T D E
PHILOSOPHIE
DE CHARLES BONNET,
De r Académie Impériale Léopoldine^ & de
celle de St. Péter sbotirg; des académies
Royales des Sciences de Londres , de
Montpellier y de Stockholm, de Copenhague ^
de Lyon; des Acad. de rinjlitut de Bologne y
de Harlem, de Munich, de Sienne, des
Curieux de la Nature de Berlin, Cor r es-
pondant de r Académie Royale des Sciences
de Paris.
TOME SECOND.
OBSERVATIONS DIVERSES SUR LES INSECTES.
A AMSTERDAM.
Chez M A R CM I C H E L R E Y.
M D C C L X X X.
IX
PREFACE.
ÇjUJND fanmnçois en 1744, dans la
Préface de mon Traité d'Infedologie , une
fuite à'ohfervations fur les Infedtes qui devoit
compofer un troifieme Volume de cet Ouvrage ,
je nimaginois pas qu'il s"* écouler oit plus de
trente - deux ans avant que les circonftances
me permij]}nt de publier cette fuite. J'ai
même lieu de penfer que je ne Faur ois jamais
publiée , fi Timpreffon générale de mes Oeu-
vres ne m'avoit acheminé à le faire. Il nia
paru que, puifque le Libraire fe déterminoit
à raffembler tous mes Ecrits , je devois placer
immédiatement après /'Infciftologie , les Ob'
fervations qui en éîoient comme une dépen-
dance, y ai donc extrait de mes Journaux
* 3
VI PRÉFACE.
& de quelques -liîTes de mes Lettres à feu
M, de Reaumur, les faits que f ai jugés
les plus dignes de l'attention des Ohfervateurs.
Je les ai racontés dans le fiyle le plus fîmple,
& .tel à 'peu -près que celui de mon aâolefcen-
ce ou de ma première jeunejfe. J'ai pré fumé
que cette forte de cofîume ne déplairoit pas
au Public^ & qull aimeroit à me voir croître
fous fes yeux, J ai fupprimé les détails trop
minucieux: mes Journaux en fourmilloient ^
&' il y en avoit trop encore dans mes Lettres
à mon illujlre Maître; mais fa tendre amitié
pour fin jeune Difciple leportoit à les lui par-
donner^ & il vouloit bien ne fe plaindre j a.
mais de la longueur de ces détails. Je ne pou-
vois efpérer la même indulgence de la part du
Public; & peut-être aurai -je trop compté en-
PRÉFACE. vu.
core fur celle qu*il a daigné me témoigner à
regard des deux premiers Volumes de rinfec-
tologie.
Fendant le long intervalle de temps qui s'efi
écoulé depuis la publication de ce Livre, des'
Naturalifles célèbres m'ont prévenu fur quel-
ques-unes des Obfervations que je publie au-
jourd'hui, Je ne leur contejler ai point V hon-
neur des découvertes ; il n^ejî pas difficile d'en
faire en ce genre; il ne faut que des yeux
de^ la confiance & un grand deftr de décou-
vrir. Mais les dates de mes Obfervations
prouveront au moins que favois vu avant
eux les mêmes faits; & je le confirmer ois,
s* il en étoit befoin , par les originaux des
réponfes dont M. de Ke AV mu K m'avoit ho-
noré, & qui compofent un ajfez gros in-quarto.
vm. P R. E F A C E.
On ne. trouver a^ donc, pas mauvais' .que je re-
'uendique ce-^qt^js, crois p^' appartenir- On
fie nie reprochera pas non plus de n avoir.
point cité. ces. Naturalifies ^ puifqu'ils n'avoient
rien publié lorfque je falfois me{ Ohftrvations
âf que je les conjignois dans les . J<^urnaux ,
dont ce nouvel Ecrit n'ejî proprement quun
extrait. Mais ft j'avois été appelé à. les ci-
ter 9 ce n'auroit pas .été ajfurément fans Jeur
payer le tribut d'éloges- qu'ils méritent,
A Genthod près de Genève ,
le 17 de Mai 1777.
^ ^ ^
ji u i/L u /, :i .
OBSERVATION
OBSERVATIONS
DIVERSES
s U R L ES
INSECTES.
OBSERVATION PREMIERE.
Sur me Chryfalide qui monîoit £? âefcendoit
dans fa Coque»
I A A grande Chenille velue , à feïze Jambes , qui fe
transforme dans la Chryfalide dont il s'agit dans cette
Obfervation a été très«bien décrite par M. de "R eau-
mur (i). Elle efl repréfentée , Plan. XXXV,
Fig. I du Tome I de fes Mémoires. Je i'obfer-
vai pour la première fois en Mai 1737, & je vis
alors tout ce que M. deREAUMUR raconte en dé-
tail des diverfes attitudes fi remarquables , que la
Chenille fait prendre à fon corps pour donner à fa
Coque une forme à- peu-près cylindrique. Le corps
de rinfe6le efl ainfi le moule qui détermine la forme
& les proportions de la Coque.
Cette Chenille efl de celles qui favent fe fervir
de leurs propres poils pour fortifier ou épaiiîir le
tifTu foyeux & très - mince de leur Coque. La Che-
fi) Mémoires pour fervir à PHifloire des Infectes, T. I. Mira. XII,
psge 516, &c. in- 4°. Première Edition.
2(ime IL A
2 OBSERVATIONS^^
nille que j'obfervois en Mai 1737, employa quatre
jours à conftruire fort petit édifice. Lonque je le
crus à -peu -près achevé, je fus curieux de l'ouvrir
pour obferver l'état de la Chenille. Si je n'avois
pas été prévenu par la leélure du Mémoire de M.
de Reaumuii, j'aurois été bien étonné de ce qui
s'ofFrk alors à mes yeux*. Au lieu d'ufie Chenille très-
grande & très -velue, je ne vis dans la Coque
qu'une Chenille de moyenne taille & à -peu -près
rafe. Elle avoit fi bien couché les poils qu'elle s'é-
toit arrachée de defTas le corps, entre les fils ou
les mailles du tiflu foyeux , qu'ils ne formoient qu'un
tout avec • ce dernier. Ils paroiflbient diflnbués
par- tout d'une manière uniforme. L'intérieur étoic
d'un gris de fouris fort luflré.
Au mois de Jûîn 1738, une Chenille de la mê-
me Efpece, que j'avois renfermée dans un de ces
vafes de verre que les Naturalifles nomment Pou-
ârîers , [ P/. I. P. ] , y conflruifit une femblable
Coque mi- partie foie & poils. Mais cette Coque,
C, m'offrit une fingularité remarquable, & qui con-
fî'edifoit ce que M. de Reaumur rapporte dans fon
Mémoire. ,, La Coque de cette Efpece de Chenille ,
5, dît «il, nous donne occafîon de faire remarquer
3, une féconde fois , que la grandeur de la Coque
3, n'eft pas toujours propoi-tionnée h celle de la
5, Chenille j qu'il y a des Coques lî petites qu'on
5, ne conçoit pas trop comment une groffe Chenille
„ a pu fe renfermer dans une fi petite enceinte
j, qu'elle a été obligée de fe filer ; car il femble...
„ que la Chenille étant maîtreffe de prendre ce
ï, qu'elle veut de terrein , elle en doit prendre afiez
„ pour fe mettre au large. Il y en a pourtant beau-
,, coup d'EfpeeeSj & entr'autres celles dont nous
„ voulons parler , qui fe mettent trèô à l'étroit dans
SUR LES INSECTES. 3
leur Coque." Celle que ma Chenille (i) s'ëtoic
conftruke, étok pourtant fi grande, & fur -tout (i
longue, qu'elle auroit pu facilement contenir deux
Chryfalides pareilles à celle dans laquelle la Chenille
fe transforma bientôt. Elles y auroient même été
fort au large. J'ignore ce qui avoit déterminé Tln-
fefte à travailler fur de fi grandes proportions. Le
tiffu de la Coque ne difFéroit point d'ailleurs du tiflu
propre aux Coques de cette Efpece.
La Chryfalide, yj ^ dans laquelle cette Chenille
s'écoit transformée, étoit en général d'un noir lus-
tré : on voyoit feulement une teinte de rouge dans
la jon6lion des anneaux. Elle étoic de forme co-
nique.
Cette Chryfalide m'offrit des procédés cu-
rieux , & qui me paroifient dignes d'être racontés.
On fait que les Chryfalides ne fe donnent en géné-
ral que très -peu de mouvement. Pour l'ordinaire
elles ne changent point de place, & ne donnent de
figne de vie qu'en agitant un peu leur partie pos-
térieure. C'eft ce qui a donné lieu de comparer
l'état mitoyen de Chryfalide à un état de mort. Il
n'en étoit pas de même de la Chryfalide dont je
crayonne l'Hilloire. Lorfque je me mis à l'obfer-
Ci ) Il cfl diflicile de diltinguer les Efpcces de ce Genre: elles font
siTcz iKJinbrcufes. En comparant de nouveau h Di.fcription (S: la Figure
tiui: M. de Reaumur donne de la Chenille, je fuis venu à douter fi
la mienne ûwir. pr(îcifdnient de la môme Efpecc. Ce qui m'a fait naître
tè douce, ce font principalement les poils qui recouvrent le dos de \x
mienne. Ils ne s'abailîcnt pas lur les côtés , comme 'dans celle de M.
de IlEAUMUR. La grandeur de la Coque ciue ma Chenille avoit con-
ftVuite, cft un autre caractère qui paroîc la dilil^rencier; car cetre Coque
li_ grande n'«^toit pas probablement un accident: j'.ii eu depuis une autre
, appuyoit fur le côté inférieur de
la Coque.
M'ÉTANT avifé de la toucher du bout du doigt,
je fus bien ibrpris de la voir aufll-tôt quitter fa
place, & defcendre à reculons jufqua rextrémicé
inférieure de la Coque. Elle élevoit & abaiflbic
alternativement fa partie antérieure & fa partie
poftérieure , en leur faifant toucher tour à tour les
deux parois oppofées de la Coque ; & c'étoit par
de femblables mouvemens qu'elle parvenoit à fe
tranfporter d'un lieu à un aut^-e. Ce procédé ne
reflembloit pas mal à celui au moyen duquel les
Ramoneurs montent & defcendent dans le canal des
cheminées.
Q_"UoicLUE l'inclinaifon aflez confidérable delà
Coque dût aider beaucoup à la defcente de la Chry-
falide , fa marche étoit cependant lente & aflez
lourde: il lui falloit un temps aflez long pour par-
courir l'efpace vuide de la Coque. Parvenue enfin
au bout oppofé , elle fembla faire effort pour aller
plus loin. Elle s'agitoit & preflbit le bout de la
Coque de fa partie poftérieure , comme pour s'aflurer
qu'elle ne pouvoit reculer d'avantage. Après quel-
ques tentatives inutiles , elle parut fe fixer à cet en-
droit, & s'y étendit de fon long. [P/. i, b."]
Mais, qu'elle ne fut point ma furprife quelques mo-
mens après, lorfque je lavis remonter vers le haut.
SUR LE s INSECTES. 5
de la Coque avec une merveillenfe agilité, & re-.
prendre ainfi fa première pondon!
Frappé de cette agréable nouveauté , je ré-
pétai plufieurs fois la même expérience , & toujours
avec le même fuccès. Elle defcehdoit chaque foî$
aflez lourdement & avec une forte de lenteur , qui
indiquoit la répugnance avec laquelle elle abandon-
noit la place que je l'avois déterminée à quitter en la
touchant du doigt ; & c'étoit conflamment avec
tant d'agilité & de promptitude qu'elle remontoit
vers le bout fupérieur de la Coque , que je ne pou-
vois me méprendre fur le but de fa marche & la
fentiment qui la dirigeoic.
Ordinairement elle parcouroit d'une feule
traite toute la longueur de la Coque; mais, quand
il lui arrivoit de s'arrêter à moitié chemin, j'étois
toujours fur de la voir reprendre fa courfe pour
regagner la poQtion qu'elle préféroit.
J E fuivis cette finguliere Chryfalide pendant en-
viron quinze jours, c'efl- à-dire jufqu'au temps où
elle fe transforma en Papillon. J'eus donc bien des
occafions de revoir les mêmes manœuvres, & je les
revis plufieurs fois par jour. Il y avoit de temps-
en-temps quelque variété dans fes procédés. Quel-
quefois elle tardoit à reprendre fa place ordinaire :
elle demeuroit fixée au bout inférieur de la Coque
pendant un temps plus ou moins long. D'autrefois
elle remontoit vers le bout oppofé prefqu'aufli • tôt
après que je l'avois invitée h defcendre.
OBSERVATI ON S
O B S E R V A T I O N IL
Sur des œufs de Papillon qui choquoient une regk
indiquée par Malpighi.
JjyN Août 1738, on m'apporta deux Papillons
de la Chenille dont j*ai parlé dans rObfervation pré-
cédente. On les avoit furpris accouplés. Le Pa-
pillon femelle pondit une vingtaine d'œufs. Ces
œufs étoient fort jolis, de figure femblable à celle
du commun des œufs, & donc la couleur étoit un
brun marbré fort iuftré. Au bout de quelques jours
je remarquai que la plupart de ces œufs a voient
foulfert un enfoncement conlidérable : ils avoient
perdu partie de leur rondeur; ils étoienc devenus
très -concaves d'un côté; & leur couleur n'avoit
éprouvé aucun changement. Je jugeai- donc que
de tels œufs ne feroient pas féconds. Je me fondois
fur ce que dit là-deffus M. de R e au m ur , d'après
fes propres obfervations &. celles de Malpighi
„ 11 faut favoir, remarque cet iliuftre Académicien
5, ( I ) » qu'on peut diftinguer les œufs du Papillon
„ du Ver à foie qui ont été fécondés , de ceux qui
„ ne l'ont pas été, long- temps avant que le temps
„ foit arrivé où une petite Chenille doit fortir de
„ chacun des premiers. Les œufs ont d'abord une
„ couleur d'un jaune qui tire fur celui du foufre *
„ ils font arrondis ; ceux dans lefquels des embryons
5, de Chenilles ne croifFent point , ceux qui n'ont
„ point été fécondés, confervent leur premier jau-
„ ne; mais ils perdent partie de leur rondeur; il
rO Mém, pour Jcryîr à rWfloire de Inf. T. II. Mém. Il; page 84.
S-UR LES INSECT;ES. 7
,, s'y fait d'un côté un petit creux, un petit en-
„ foncement. Les œufs fécondés, au contraire,
„ confervent leur rondeur, & leur couleur jaunp
„ ne dure guer.es ; à cette couleur il en fuccede une
5, qui tire Tur le violet." Cependant de ces même^
œufs qui avoient foufFert un enfoncement iî confi-
dérable & dont la couleur n'avoit point changé,
je vis fortir de petite* Chenilles bien vivantes ;' les
œufs , au contraire , qui avoient confervé toute
leur rondeur & dont la couleur étoit devenue vio-
lette , ne produifirent rien.
Je me plus beaucoup à obferver le travail que
le donnoient mes petites Chenilles pour percer la
Coque de l'œuf & venir au jour. Elles:rongeoienc
cette Coque avec leurs dents, & j'étois'un peu fur-
pris qu'elles puflent y réuflir, dans un temps où leurs
petites dents n'avoient pas pris encore le degré de
confiflance qui eft propre à ces parties. C'étoic
à un des bouts de l'œuf qu'elles pratiquoient l'ou-
verture; & je remarquai qu'elles l'agrandiiToieni:
plus qu'il n'étoit néceflaire pour donner un libre
psflage aa corps de l'Infefte. Elles fembloient pren-
dre goût à manger la Coque de l'œuf. Elles la dc-
voroient en effet; car je ne, pys découvrir aucun
fragment de la Coquille.
. Au refle, quoique j'aie dit que les 'oeufs, dont
ceiB petites Chenilles étoienc éclofes, avoieqt con-
fervé leur preçniere couleur, cela ne doit pas être
pris tout- à-fait à la lettre: il s'y étoit bien fait un
léger changement : le brun étoit devenu un peu plus
clair, & la marbrure moins forte; mais ce chan-
gement de couleur n'étoit rien en comparaifon de
celui qui étoit furvenu aux œufs demeurés inféconds.
Pans ces derniers , la marbrure avoit entièrement
difparu, & une couleur violette lui avoit fuccédé.
A4
8 OBSERVATIONS
Comme la Coque de ces œufs avoit une forte
de tranfparence , les couleurs de la Chenille per-
çoient au travers & aidoient à la faire reconnoître,
avant qu'elle eût commencé à venir au jour. 11 étoic
aifé de s'affurer que ces couleurs n'appartenoient
point à l'œuf.
Vers la fin de Juillet 1740, j'eus occafion de
répéter la même Obfervation fur des œufs de Pa-
pillon fort femblables à ceux dont je viens de par-
ler , & qui avoient été dépofés en grand nombre les
uns auprès des autres. Tous avoient fur un de
leurs côtés un enfoncement , & il n'y eut aucun de
ces œufs dont il ne fortît une petite Chenille. J'a-
joute que ces œufs n'avoient point non plus changé
de couleur.
D'autres œufs de Papillon m'ont offert encore
les mêmes particularités. Ainfi il eft bien démontré
que la règle de Malpighi n'efl point du touc
générale.
OBSERVATION III.
Sur les Chenilles répuhlicames ^ nommées Livrées;
Ê? '^« particulier fur le procédé au moyen du-
quel elles favent retrouver leur nid, lor/qu' elles
s'en font le plus éloignées.
\^'est la diflribution des couleurs de cette Efpe-
ce de Chenille, qui n'imite pas mal celle de ces touf-
fes de rubans qu'on porte aux noces de village, qui
a déterminé M. de R eau h ur à lui donner le nom
SUR LES INSECTES. ^
de Livrée. Il a publié une hifloire de cette Chenille
dans le Mémoire III du T. II de fon Hiftoire des
Infeèles, pag. i6i & fuivantes, & la repréfentée
PI. V , Fig. 7 du T. I. Il l'a rangée parmi les
Chenilles qui ne vivent en fociété qu'une partie
de leur vie, & il remarque çw^ , depuis leur naijfancs
jufqiCau temps de leur f épuration , elles fournijjent peu
defaitsfinguliers. J'ai été plus heureux à cet égard
que cet illuftre Obfervateur, & nos Livrées m'ont
offert des particularités qui me paroiflènt mériter de
trouver place ici. D'ailleurs j'ai dû beaucoup à
ces Chenilles , & je ne me le rappelle point fans
plaifir : ce furent les Obfervations qu'elles me don-
nèrent lieu de faire en 1738, qui me mirent en
commerce de Lettres avec M. de Reaumur;
commerce fi glorieux pour moi , <& qui a duré fans
interruption pendant plus de dix -neuf ans; je veux
dire jufqu'à la mort de cet excellent Naturalifte
le modèle des Obfervateurs.
• Vers le 25 d'Avril 1738, je rencontrai un nid
de nos Chenilles Livrées , qui paroiiToit nouvelle-
ment conftruit. Il étoit formé de plufieurs couches
de foie très- minces, & qui refTembloient aux toi-
les des Araignées. Ce nid avoit été conllruit dans
les angles que quatre à cinq petites branches d'Au-
bépine formoient avec la branche principale. Les
toiles qui le compofoient étoient fî tran fparen tes ,
qu'elles ne déroboient pas à mes yeux \qs petires
Chenilles logées dans l'intérieur.
Ces Chenilles me parurent n'être éclofes que
depuis peu de jours. Elles étoient fort ]o\ïes. Vues
d'un peu loin , elles fembloient dorées ; mais, quand
on les regardoit de près , on reconnoiifoit que leur
couleur n'étoit qu'un beau jaune ou un jaune très-
vif. Obfervées de plus près encore , le jaune pa-
OBSERVATIONS
— vj ■. J
roifTok diflribué par petites raies, qui s'e'tendoient
de Ja tête, à la queue , & qui étoient féparées
par de petites rîiies noires, filles avoient çà &
]à de longs poils roux , qu'on n'appercevoit bien
qu'en les regardant décote.' Elles Iqmljloient avo^
deux icêtes, l'une à un bout du corps» Tautre au
bout oppûfé. peux petites taeb^s noires placées
près dé la tête & près de la queue pradgifoient cette
apparence. L'ii,Iufion ne durcît pas long -temps;
la tête fe faifqic bientôt diftinguer par fa groffeur^
par fon poli & fon brillant.
Je coupai la branche principale qui portoit le
nid , & j'en fichai le bout inférieur dans un des
montants d'une des fenêtres de mon cabinet. La
branche était ainfi dans une fituation horizontale ,
& au dehors de la fenêtre. Mon but étoit de laisr
fer aihfi mes petites Chenilles en pleine liberté, <^
de les fuivre comme je i'aurois fait en pleine cam-
pagne. Je confidérois , qu'en renfermant les In-
fe6lss dans des poudriers comme \es Naturalifles
ont coutume de le feire , on gênoit plus ou moins
leur manœuvre; parce qu'on les plaçoit ainfi dans
des circonftances qui les éloignaient plus ou moins
de leur genre de vie ordinaire.
Pendant la nuit, mes Chenilles fe tenoient
ordinairement dans l'intérieur du nid ; mais le jour
elles fe rendoient fur ia furface, & s'y arrangoient
les unes au • defTus des autres , comme fur une ter-
raffe pour y prendre l'air. S'il venoit à pleuvoir fur
le nid, elles favoient très -bien fe retirer fous la
furface oppofée.
Un jour qu'elles étoient attroupées au-deiTus du
nid, & gue le foleîl dardoit avec force fes rayons
fur la toile, je vis.,fe former fubitement un vuide
SUR LES INSECTES. ii
au milieu de la troupe, àplufieurs Chenilles s'en
réparèrent avec vkeffe. D'autres branloient la tête
à plufieurs reprifes ; elles en frappoienc l'air à coups
réitérés ; d'autres fe cachoient fous le nid , ou
rentroient dans fon intérieur. Le tumulte ne fut
pas de durée.
M. DE Reaumxtr avoit remarqué ces coups
de tête dont je viens de parler. „ Ce que ces
„ Chenilles , dit- il (i) , font voir de plus remarqua-
„ ble dans ce temps de repos, fur -tout lorfqu'il
5, fait chaud, & ce qui ne leur eft pas commun
5, avec beaucoup d'autres Chenilles, ce font des
„ efpeces de coup de tête , extrêmement brufques ,
„ qu'elles donnent en l'air, tantôt à droit & tantôt
j, à gauche, tantôt en-haut & tantôt en -bas; il
„ fembleroit qu'elles feroient en colère & qu'elles
„ voudroient frapper: ce n'efl pourtant que l'air
„ qu'elles frappent; la partie antérieure de leur
5, corps fe meut alors avee la tête." ;
LORSQ.UE je venois les obferver la nuit à la lu-
mière d'une bougie, elles fembloient fè réveiller
auflî - tôt , & plufieurs fe mettoient en mouvement
& commençoient à marcher. Retiroîs-je Ta bou-
gie? elles cîeflbient de fe mouvoir, & paroiffoient
fe rendormir.
Je remarquai encore qu'elles ëtoient fenfibles à
des fons un peu forts: lorfqu'on battoit la caiflè
dans la rue, celles qui étoient en marche s'arrê-
toient, & faifoient faire à leur partie antérieure
des vibrations très -promptes, comme fi ce bruit
leur eût été très -incommode.
Une Guêpe étant venue voltiger au-deflusdu
nid, toutes les Chenilles qui étoient attroupées fur
(0 Terne II, page i<6.
12 OBSERVATIONS
Ja toile , fe mirent à agiter brufquement la partie
antérieure , & , par ces coups réitérés , elles écartè-
rent le volatil dangereux.
Q^UAND je touchois du doigt la derrière d'une
de ces Chenilles , elle y portoit brufquenient la
tête comme pour me mordre.
'• ■ . ' ' ■" ■''tr <\ ~ -H
D'evx jours s'écoulèrent fans que. nos petites
républicaines s'écartafTent de leur habitation. Mais ,
le troifieme jour, j'en vis une compagnie qui avoic
commencé à fe mettre en marche , & qui montoit le
long de la fenêtre. Leur marche étoit fînguliere.
Elles alloient en procefllon à la file les unes des
autres. Les rangs n'étoient pas égaux: il y en avoic
de quatre, de trois, de deux Chenilles; & la plu-
part n'e'toient que d'une feule. Toutes marchoienc
'd'un pas égal & tranquille, en promenant la tête
alternativement à droit & à gauche. On croyoîc
voir une colonie qui àlloic chercher ailleurs un éta-
blilfement.
SouvENTla proceflîon étoit interrompue dans
fa marche par des Chenilles qui retournoient au nid,
ou par d'autres qui faifoient halte. ,
Après avoir fait un certain chemin, la proces-
fion s'arrètoit , & les Chenilles s'attroupoient ; en-
fuite, les unes retournoient au nid par le même
chemin , les autres continuoient leur route. Ainfî ,
une partie de la proceflîon montoit, & l'autre des-
cendoit, fans la moindre confufion: je veux dire
que celles qui regagnoîent le nid , pafFoient immé^
diatement à côté de. celles;|qui s'en éloignoient , fans
que la marche des unes & des autres en fïït le moins
du monde troublée. . "- ^
' Elles mar choient d'un pas afle? leiit. Ce ne
,wi: îy'4 c'-
SURLESINSECTES. 13
fut qu'environ trois à quatre heures après qu'elles
eurent commencé à forcir du nid & à défiler en pro-
ceffion , qu'elles parvinrent au haut de la fenêtre ,
où je les vis fe raflembler. Cette fenêtre avoic
fix ù fept pieds de hauteur, fur trois à quatre de
largeur, & le nid n'étoic qu'à demi -pied au- deffus
de la tablette.
Les Chenilles qui avoient gagné ainfi le haut de
k fenêtre , étoient en aflez grand nombre ; & j'ob-
fervois d'autres compagnies moins nombreufes qui
fe difpofoient à aller les joindre, & qui fuivoienn
exaélement la route des premières.
J E commençai à craindre que mes Chenilles n'a-
bandonnaflent pour toujours leur habitation , & j'a-
vois déjà regret à la liberté que je leur avois laiflee.
Mais je fus bientôt rafluré: après avoir fait une
petite flation au haut de la fenêtre, elles fe remi-
rent en marche , & reprirent le chemin du nid , en
fuivant précifément la même route qu'elles avoient
fuivie pour s'en éloigner.
J'ÉTois fort furpris de les voir fuivre fi con-
llamment & avec tant de précifion la même route ,
foit en montant, foit en defcendant. Je traçai
même une ligne parallèle à cette route, pour m'as-
furer mieux fi elles ne s'en écarteroient point. Mais
elles la fui virent toujours avec une égale confiance.
Je favois bien que les Chenilles n'étoient pas pri-
vées de la vue, je connoiflbis leurs yeux, & je les
avois obfervés à la loupe. J'avois encore remarqué
qu'elles paroiffbient fenfibles à la lumière: j'ai rap-
porté ci-deflus un fait qui paroiflbit le prouver;
mais, malgré tout cela, je n'avois p:is grande opi-
nion de la vue de nos Chenilles, &je ne pouvois
me perfuader que ce fuITent leurs yeux qui les gui*
14
OBSERVATIONS
dafTent fi bien dans leurs différentes courfes. Je
redoublai donc d'attention & de vigilance , & je
les obfervai d'aufli près qu'il étoic polîible. Enfin
j'apperçus qu'elles tiroient des fils fur leur route,
& je découvris fur le montant de la fenêtre, en y
regardant fort obliquement un petit fentier blan-
châtre d'environ une à deux lignes de largeur , que
le brillant de la foie rendoit reconnoiflable. Je
compris alors pourquoi chaque Chenille portoit la
tête à droit & à gauche, tandis qu'elle marchoit.
Elle recouvroit ainfi de foie le chemin qu'elle par-
couroit; & celles qui la fuivoient exécutant la mê-
me manœuvre, il fe formoit peu -à- peu de tous les
fils réunis une forte de ruban ou de tapis de foie ;
dont le tifTu fe fortifioit de plus en plus, & déter-
minoit toujours mieux la route.
La première route tracée par nos procefiSonnai-
res étoit la plus fréquentée : mais elles en tracèrent
d'autres plus ou moins irrégulieres, ou plus ou
moins obliques, qui aboutiffoient toutes au nid.
L E foir du même jour , je m'attendois à les voir
regagner le gîte ; mais la nuit étoic déjà affez avan-
cée, qu'elles continuoient encore à proceflionner.
Pour empêcher qu'elles ne s'écartafTent d'avantage,
je plaçai fur leur route des feuilles fraîches d'Au-
bépine: elles s'y raflTemblerent , & après en avoir
mangé , elles retournèrent au nid.
A voir nos petites Chenilles marcher toujours
en grande proceffion , on auroit jugé qu'elles n'o-
foient s'écarter feules du nid. Je vis pourtant bien
des fois une de ces Chenilles qui faifoit feule toute
la route qui avoit été tracée par une proceflion.
De petites compagnies de fix à fept Chenilles al-
loient à la quête à une grande diftance du nid.
SUR LES INSECTES. is
J E prenois quelquefois plaifir a toucher légère-
ment du doigt la Chenille ou les Chenilles qui mar-
choient à la tête d'une proceiîîon : elles fecouoienc
auffi-tôc la tête à plufieurs reprifes & rebroufToienc
chemin avec vîtefTe, fans être arrêtées dans leur
fuite par celles qui fuivoient d'un pas tranquille la
première route.
Je m'arrêtois fouvent à confidérer la petite trace
de foie qui dirigeoit mes Chenilles dans leurs diffé-
rentes courfes, & les empêchoit de s'égarer; je la
comparois au lîl d'Ariadne ; mais je ne favois pas
encore combien cette comparaifon étoit jufte. M'é-
lant avifé un jour d'enlever avec le doigt un peu de
la foie qui rapiflbit le chemin de nos proceffionnai-
res, je remarquai avec une agréable furprife que,
lorfque la Chenille qui conduifoit la proceflion fut
arrivée à l'endroit où la trace étoit interrompue,
elle rebrouHa chemin auffi-tôt, comme fi elle eût
été effrayée: celle qui la fui voit immédiatement en
fit de même , & elles furent fuivies de plufieurs
autres. Toutes fembloient fe hâter de regagner le
nid. L'effroi ne fe répandit pas cependant dans
toute la proceflîon : elle continuoit à défiler en bon
ordre d'un pas égal & tranquille: mais à mefure
que les Chenilles qui précédoient arrivoient à l'en-
droit où j'avois rompu la trace , elles interrompoient
leur marche , & paroifToient plus ou moins embar-
raffées. Je voyois , à ne pouvoir m'y méprendre ,
qu'elles n'ofoient hafarder de continuer leur route.
Elles refloient à la môme place, lâtoient de tous
côtés avec leur tête , & héfuoient toujours de
franchir le pas. Enfin, une des Chenilles, plus
hardie que les autres, ofa le franchir. Le fil qu'elle
tendit en pafTant rétablit la route. D'autres- Chenil-
les la fuivirent , qui tendirent de même de nouveaux
i6 OBSERVATIONS
fils, & au bout de quelque temps je ne vis plus
d'interruption dans la trace de foie. Je dois dire ,
néanmoins , que , jufqu'à ce que la voie eût été en-
tièrement réparée, mes Chenilles montrèrent tou-
jours quelqu'inquiétude en traverfant l'endroit où
elle avoit été rompue.
Je profitai de cette découverte pour diriger à
mon gré les courfes de nos proceflîonnaires. Quand
elles enfiloient des routes qui ne répondoient pas à
mes vues , ou qu'elles en traçoient de nouvelles en
trop grand nombre, je rompois tous ces chemins en
enlevant ça & là la foie qui les tapiflbit. Je répé-
tais donc ainfl ma première Obfervation fur l'ufage
des traces de foie , & je ne me laflbis point de la
répéter.
Un matin, c'étoit fur les fept heures, toutes
mes Chenilles fe rendirent en proceflîon au haut de
la fenêtre ; & quelque temps après je n'en décou-
vris plus, ni dans les chemins, ni dans le nid. Impa-
tient de favoir quelle nouvelle route elles avoient
enfilée, & craignant de les perdre pour toujours ,
je courus à la fenêtre voifine, & je les découvris
au haut de cette fenêtre, marchant dans le meil-
leur ordre, à la file les unes des autres, & formant
ainfi un cordon non -interrompu depuis le haut de
la fenêtre jufqu'au bas. Elles s'étoient donc frayées
une route très - nouvelle , & une route qui les éloi-
gnoit beaucoup plus de leur habitation, que toutes
celles qu'elles avoient tracées jufqu'alors.
J E balançai quelque temps entre les divers par-
tis que j'avois à prendre : je fongeai d'abord à ren-
fermer toutes mes Chenilles dans un poudrier pour
éviter de les perdre; mais enfin, je me déterminai
à les laifler à elles-mêmes, pour voir fi elles rega-
^ gneroient
SUR LES INSECTES. 17
gneroient leur nid. Elles continuèrent à s'en éloi*
gner en defcendant le long de la fenêtre. Elles
pouflerenc même jufqu'à la corniche qui féparoit le
fécond étage, où je logeois, de l'étage inférieur.
Parvenues fur la corniche, elles firent halte quelque
temps ; puis elles fe remirent en marche , ôc conti-
nuèrent à s'éloigner. J'étois fort inquiet, & j'avoîs
plus de regret que jamais à la trop grande liberté
que je leur avois laiflee. Mais je les vis enfin reve-
nir fur leurs pas, reprendre la route du nid par le
nouveau fentier qu'elles venoient de tracer , conti-
nuer leur route fans s'arrêter, & arriver toutes fur
le midi à leur habitation. Je me hâtai de leur fervir
des feuilles vertes , & je me promis bien de ne leur
permettre plus de faire de ù longs voyages. Elles
s'étoient ainfi éloignées du nid par divers détours de
plus de quarante pieds. C'étoit un bien long pèle-
rinage pour de fi jeunes Chenilles, & qui n'avoienc
guère que trois à quatre lignes de longueur.
Je ne pouvois me lafTer d'admîrer la police de
mes petites Chenilles. Il n'y avoit rien de fi jol£
que les cordons qu'elles formoient par leurs évolu-
tions diverfes. Ils paroiflToient à une certaine dis-
tance, des traits d'or tracés fur la pierre ; mais^ces
traits étoient tous en mouvement, & les uns étoienc
tirés en ligne droite , tandis que les autres repréfen-
toient des courbes à plufieurs inflexions. Ce qui
rendoit le fpe6lacle plus agréable encore, c'étoic
que le cordon d'or formé par le corps des Chenilles
placées immédiatement à ia file les unes des autres
& au nombre de plufieurs centaines , fembloit cou-
ché fur un ruban de foie d'un blanc vif & argenté ;
& l'on voit bien que ce ruban étoit ce petit fentier
tapifie de foie que les Chenilles fuivoient fi conftam-
ment, Ces Princes de l'Orient , dont les voyageurs
lùtne IL B
i3 OBSERVATIONS
nous vantent la magnificence, ne marchent -ils ja-
mais que fur des tapis de foie?
Il étoit afTez remarquable qu'un reFroidifle-
ment confidérable de l'air n'empêchât point nos
petites républicaines de fe mettre en campagne.
Un jour qu'un vent de Nord très- froid fouffloiÉ
avec force fur le nid , je les vis fe difpofer à fortir
en proceflîon; &, quoique j'eufle rompu tous les
chemins de foie qui aboutifToient au nid, elles fe
feroient probablement fore écartées, fi je les euffe
abandonnées à elles-mêmes.
Dans la première femaine de Mai, elles chan-
gèrent de peau pour la première fois. Elles fubi-
rent cette opération dans le nid. Leurs couleurs
devinrent plus vives & plus variées; leurs poils
plus nombreux & plus colorés; & elles parurent
avoir plus augmenté en grofleur qu'en longueur.
Je fupprime d'autres détails comme moins intéres-
ians.
Apres la mi -Mai, elles fe dépouillèrent pour
la féconde fois. La plupart étoient demeurées
dans le nid , pour y pafler le temps critique de la
mu'e: quelques-unes, néanmoins, qui avoient gagné
auparavant le haut de la fenêtre, y fubirent le
changement de peau , & revinrent au nid après la
mue.
Cette féconde mue les embellit encore davan-
tage que la première: leurs couleurs parurent plus
vives ou plus éclatantes, & les nouveaux poils,
plus longs que les anciens: ceux qui étoient litués
fur les côtés du corps s'abaiffbient fur les jambes
de^ façon qu'ils donnoient à la Chenille l'air d'un
Mille • pied.
SUR LES INSECTES. 19
Entre les deiix mues, mes Chenilles avoîenc
agrandi leur nid par de nouvelles toiles de foie, &
en faifant entrer dans fa conflruftion une partie des
feuilles que je leur avois données pour nourriture.
Elles avoient tendu des fiis fur ces feuilles, & en
les multipliant de plus en plus, elles s'étoient procu-
rées de nouveaux appartemens.
Dès que mes Chenilles fe" furent dépouillées
pour la féconde fois, elles n*obferverent plus h,
même difcipline. Elles ne marchèrent plus en pro-
ceflion , & ne fuivirent plus les fentiers de foie quî
avoient fervi à les diriger dans leur erifance. Elles
crroient de côté & d'autre fans aucun ordre ^ & je
3es aurois toutes perdues, fi je n'avois pris la pré-
caution de les renfermer dans un poudrier. Mais
c'étoit bien afîez de les avoir obfervées en pleine
liberté pendant environ un mois.
Dans le moïs ds Juin, elles fe renfermèrent
dans des Coques de (bie pour y fubir leur itiétamor-
phofe. M. de Reaumuk a décrit ces Coques: je
n'en dirai donc qu'un mot. Elles font de foie blan-
che ou blanchâtre. Le tifîu en eft fi foible , fî
lâche, qu'il ne fauroît dérober aux yeux la Chryfa-
lide ; mais la Chenille fcrit le rendre opaque , en in-
troduifant dans les mailles une forte de bouillie as-
fez épaiiTe, de couleur jaune, & qui en fe deffe-
chant devient une poudre friable & très - fine. Elle
poudre ainfi fa Coque, comme nous poudrons nos
perruques, mais pour une fin plus importante.
La Livrée donne à fa Coque, comme le Ver*
à- foie, une enveloppe de foie de forme irréguliere:
c'efl une efpece de bourre au milieu de laquelle la
Coque efl ^ logée. Mais j'ai vu de» Livrées quî
donnoient à cette enveloppe une forme allez régu.
20 OBSERVATIONS
2uliere, & qui imitoit celle de la Coque; enforte
qu'il fembloit qu'elles euffent filé deux Coques ren-
termées l'une dans l'autre.
;• Au refte; la Coque de nos Livrées eft beaucoup
plus alongée que celle du Ver- à -foie , & tient .un
peu de la forme d'un fufeau.
Peu de temps après s*être renfermées dans leur
Coque, mes Livrées fe changèrent en Chryfalides,
de forme conique , & qui ne m'offrirent rien de re-
marquable. Le Papillon parut au commencement
de Juillet. On peut en voir la defcription dans
M. de Reaumur. (i)
■ Cet habile Obfervatur s*efl trop étendu fur les
œufs de ce Papillon & fur l'art admirable avec le-
quel il les arrange en manière de braffelet autour
des menues branches des Arbres, pour ne médis-
penfer pas d'en parler ici. Je renvoie donc là-
deflfus à fon .intéreffante Hifloire (2).
ef ":
Çi) Mém.fur les Inf. Tom. II. pag. 92,
, (fi) Tome II. M^fti. II. pag. 95.
SUR LES INSECTES. si
OBSERVATION IV.
Sur les Chenilles nommées Communes, qui yf. Xtf*J
vent en fociétê pendant une partie de leur vie. '-y
^^ETTE Efpece de Chenille, efl en effet la plus
commune dans nos campagnes ; c*efl ce qui a porté
M. de Reaumur à lui donner le nom de Coînma-
ne. Il en a publié une hiftoire fi détaillée (i) qu'il
feroit fuperflu de m'étendre fur les Obfèrvations
qu'elle m'a donné lieu de faire : ainfi je ne touche-
rai gueres qu'aux particularités dont notre illuftre
Académicien n'a pas parlé. J'ai vu tous les faits
qu'il s'eft plu à détailler, & mon témoignage n'a-
jouterok rien à celui d'un tel Obrervateur.
Ce fut au milieu d'Avril 1738 , que je fis mes
premières obfervations fur les Chenilles Commune.':.
Je les pris dans leur état d'enfance, & je plaçai un
de leurs nids à la fenêtre de mon cabinet, comme
je l'ai raconté du nid des Chenilles Livrées dans
rObfervation précédente. Ce nid , compofé de feuil-
les recouvertes de plufieurs couches de foie blan-
che, étoit attaché à une branche de Poirier, de
tnaniere à le lailTer mobile. Les très- petites Che-
nilles qui y logeoient, paroiffoienc au premier coup
d'œil de couleur roufle; mais, regardées de près, on
appercevoit une raie jaune, formée par des points
de cette couleur, qui s'étendoit le long du milieu
du dos. Deux de ces points , plus colorés que les
fO Mém. fur Ut M. Tome I , paj, 187, PI. VI, Fig. 2 & 10.
Tciinc II , pan. 122 <5c fjivaincs.
B3
9Vr^
23
OBSERVATIONS
autres, fe montroient près des derniers anneaux.
D'autres points bruns fe faifoient auffi remarquer.
Sur Je quatrième & le cinquième anneau étoit une
élévation rouge , fort vifible , femblable à une houp-
pe , & qui fembloit compofée de poils fort courts
& fort preflës. Tout le deflus du corps étoit femé
de longs poils roux. La tête étoit noirâtre & lui-
fante. Je viens de crayonner une légère defcrip-
tion de mes petites Communes; parce que M. de
Reaumur n'a décrit cette Efpece de Chenille
que telle qu'elle fe moncre lorfqu'elle a pris tout
fon accroiiTement,
O N juge aflez , que les difFérens plis des feuil-
les dont le nid étoit compofé & hs intervalles
plus ou moins grands qu'elles lailToient entr'elles,
ëtoient pour nos petites républicaines autant de
logemens dans lefquels elles favoient fe retirer au
befoin. La toile de foie qui recouvroit les feuilles,
& qui étoit une forte de tente, étoit percée çà &
là de plufieurs trous , qui étoient comme des portes
ménagées pour l'entrée & la fortie des Chenilles.
C'étoit par ces portes que je les voyois fortir pour
venir jouir fur la toile de l'air & du foleil ; & c'é-
toit par les mêmes ouvertures que je les voyois ren-
trer dans l'intérieur du nid à l'approche de la nuit
ou du mauvais temps.
C E nid paroiflbit avoir été détaché de la bran»
che par un accident: j'ai dit qu'il étoit mobile, le
vent le faifoic balotter. Quand les balottemens
n'étoient pas trop forts, les petites Chenilles ne
fembloient pas s'en mettre en peine ; elles alloient
& venoient à leur ordinaire; mais lorfqu'ils aug-
mentoient, elles demeuroient immobiles, & ne fe
remet toient en mouvement que lorfqu'ils commen-
çoienc à diminuer. J'eus lieu néanmoins de préfu-
SUR LES INSECTES. 23
mer que ces balottemens ne leur écoient pas agréa-
bles : elles travaillèrent bientôt à affujettir le nid
plus fondement, en multipliant les liens de foie qui
l'attachoient à la branche.
Mes Chenilles fe promenoient chaque jour fur
la toile qui recouvroit le nid, & elles y prenoier.t
leur repas. Quelques-unes ne tardèrent pas à pro-
longer la promenade, & je les obfcrvai s'éloigner
du nid de toute la longueur de la branche qui le
portoit ; mais elles n*oferent poufler plus loin. Je
remarquai fur la furface de cette branche des traces
de foie femblables à celles des Livrées: nos petites
Communes fuivoient ces traces comme les Livrées ,
& ne poufToient pas la promenade au-delà de Wu-
droit où ces traces fe tern^inoient. M. de R eau-
mur, qui ignoroit que les Livrées tapifToient leur
chemin, l'avoit très -bien obfervé chez nos Com-
munes ; mais il n'avoit pas apperçu tous les ufages
de cette manœuvre. Il croyoit que les Communcj
tapifToient Jçur chemin, parce qu'il leur était plus
facile de marcher tf de fe cramponner fur des feuilles
^ fur des îi^cs tapijfées de foie , que fur des tiges ^
des feuilles nues (i). On a vu dans rObfervation
précédente que les traces de foie dont il s*agit , ren-
dent aux Chenilles républicaines des fervices plus
importans.
Mes Communes ne marchoient pas en procès-
fion comme les Livrées , & n'obfervoient pas une fi
grande police. Elles n'etoient pourtant pas fans
difcipline. Elles , ne manquoient point de rentrer
■ dans leur habitation à l'approche de la nuit , & lors-
, que le temps fe rafraîchiffoit ou qu'il venoit à pieu*
voir, alors je n'en voyois aucune hors du logis.
(0 Mém. fur les hf. T. II , pag. i^o.
B4
24 OBSERVATIONS
J'étois fi content de leur difcipline & du bon ufage
qu'elles favoient faire de leur liberté, que je m'af-
fermis de plus en plus dans la penfée de les aban-
donner ù elles-mêmes & de ne les point renfermer
dans un poudrier.
Pendant la première femaine de leur établis-
fement au dehors de la fenêtre de mon cabinet,
elles ne s'écartèrent jamais du nid que de la lon-
gueur de la branche à l'extrémité de laquelle il étoic
attaché. Tous les matins fur les fept heures, lors-
que le foleil commençoit à darder les rayons fur le
nid, elles fortoient en grand nombre, & comm en-
voient à fe promener fur la toile & le long de la
branche. Quelquefois on eût dit quelles abandon-
noient pour jamais leur nid , & pourtant elles y re-
venoient toujours. Je plaçois chaque matin fur la
toile du nid à l'extrémité du promenoir des feuilles
fraîches: elles alloient y pâturer, & après s'être
xaflafiées, elles rentroient dans le nid ou fe repo-
foient fur fa furface , & fe mettoient enfuite à tirer
de nouveaux fils qui en fortifioient 6i en agrandis-
fcient de plus en plus les enveloppes ou l'enceinte.
Cet OIT un fpe6lacle très-amufant , que de
voir ces petites Chenilles aller & venir, les unes
d'un côté, les autres d'un autre, fans confufion , &
s'entrebaifer comme les fourmis , quand elles fc
jrencontroient.
J'ÉTOIS à la campagne pendant que je faifois ces
obfervations ; obligé quelque temps après de rega-
gner la ville, je renfermai le nid de mes Communes
dans un poudrier , & les emportai avec moi. Mais,
comme je ne pou vois me procurer en ville les mê-
mes commodités pour les obferver en liberté, je
fus contraint de les laifler dans le poudrier, que je
SUR LES INSECTES. 25
, recouvris d'une plaque de verre. Ainfi plus de li-
berté ni de promenades; auffi n'obferverent- elles
plus la même difcipline. Elles ne rentroient plus
dans le nid à l'approche de la nuit , ni dans les jours
froids, comme elles faifoient auparavant. Lorfque
le foleil échaufFoit le poudrier , elles fe mettoient à
courir de côté & d'autre dans fon intérieur , cher-
chant des ouvertures pour s'échapper. Q^aelques-
unes y réuflîrent; parce que la plaque de verre ne
s'ajuftoit pas exa6lement fur les bords du poudrier.
Elles ne s'écartèrent pas néanmoins j mais elles ne
rentrèrent pas dans le vafe.
Mes Chenilles tapiflerent de foie toutes les pa-
rois du poudrier , ce qui leur donnoit plus de faci-
lité pour fe cramponner contre le verre. De temps
en temps elles s'attroupoient , & s'arrangeoient les
unes à côté des autres, de manière que la tête de
toutes étoit tournée dans le même fens. Dans cette
fituation , elles demeuroient immobiles ; mais , û je
venois à les toucher du bout du doigt , elles fe dis*
perfoient à l'inftant.
Les vapeurs qui s'exhaloient des Chenilles &
des feuilles dont je les nourriflbis, s'attachoient
aux parois du vafe , & craignant que cette humidité
ne fût nuifible à la petite famille, j'enlevai la pla-
que de verre qui couvroit le vafe. Je vis avec plai»
fir qu'elles n'abufoient pas de la liberté que je leur
îaifTois, & qu'elles fe contentoient de fe promener
autour des bords du poudrier: mais bientôt elles
tentèrent de s'échapper en defcendant le long des
côtés extérieurs du poudrier. Je les pris donc une
à une, & les remis dans le vafe; &, pour les y
retenir captives, je plongeai le pied du vafe dans
une terrine pleine d'eau, après avoir pris la pré-
caution d'enlever tous les fils de foie qui tapilToient
B 5
2(5 OBSERVATIONS
Textérieur du poudrier. Toutes ces précautions ne
furent pourtant pas fuffifantes : nos Chenilles tentè-
rent de paffer le petit lac à la nage, & plufieurs
s'y noyèrent. D'autres attachoient un fil au bord
extérieur du poudrier, fe devaloient en-bas à l'aide
de ce fil, & fe noyoient. J'ai obfervé ce même
amour pour la liberté dans les. Chenilles qui vivent
en grande fociété fur les Pins, dont je parlerai
ailleurs.
Au commencement de Mai, mes petites Com-
munes fubirent leur première mue. Elles en ac-
quirent des couleurs plus vives : leurs poils devin-
rent plus nombreux «& d'un roux plus vif. Les cô-
tés fe parèrent de deux raies blanches, formées
par de très -petites houppes de poils courts; &
deux points d'un rouge éclatant fe montrèrent fur
la partie poftérieure, dans la ligne du milieu du
corps.
Une quinzaine de jours après , nos Communes
changèrent de peau pour la féconde fois: mais je
fupprime le refte de leur hiftoire , parce qu'il n'a-
jouteroit rien à ce que M. de Reaumur en a
rapporté. Je ferai feulement mention de quelques
autres particularités que cette Efpece m'a offertes.
En Mai 1739, paflanc près d'une haie fur la-
quelle étoit un nid de Chenilles Communes, dont
les unes venoient de fubir la première mue, & dont
les autres étoient près de la fubir ; je remarquai que
le fon de ma voix paroilîbit leur être incommode,
& que tandis que je parlois elles agitoient bnifque-
menc & à plufieurs reprifes leur partie antérieure.
Je ne fuppofai pas qu'elles fuffent douées de l'orga-
ne de Touïe : je ne connoiffois aucune obfervation
qui prouvât que les Infeébes font pourvus de ce
SUR LES INSECTES. 27
fens; mais je conje6turai avec plus de fondement,
que le fon de ma voix fe communiquoit ^ ces Che-
nilles par l'organe du toucher; ce qui prouveroit
qu'elles ont le toucher très- délicat. Je fis , à-peu-
près dans le même temps , une expérience allez fem-
blable fur des Chenilles d'une autre Efpece qui vi-
vent auffi en fociété une partie de leur vie. Tandis
qu'elles étoient expofées à un foleil afTez ardent, &
qu'elles couroient avec vîtefle de côté & d'autre,
je m'avifai de faire fonner une petite cloche à une
fort petite diftance du nid: quelques-unes s'arrêtè-
rent à l'inftant , & agitèrent brufquement leur par-
tie antérieure , comme fi le fon de cette cloche leur
eût été très • défagréable.
La Chenille commune préfente une particularité
qui n'a pas échappé à fon Hiftorien, M. de Reau-
mur : elle a fur le neuvième & le dixième anneau
un petit mamelon de couleur rouge & charnu, qui
tantôt s'élève en pyramide au-deflus de la peau, &
qui tantôt rentre dans l*intérieur en revêtant la for-
me d'un très -petit entonnoir. On ignore encore
l'ufage de ces mamelons. Pour parvenir à le décou-
vrir, je fis, en Juin 1739, l'expérience de couper
ces deux mamelons à pluîieurs Communes, quelques
jours avant qu'elles conflruifiiTent leur Coque. Cette
opération ne les empêcha point de la conflruire ni
de fe métamorphofer en Chryfalides, & ces Chry-
falides ne me parurent pas différer le moins du
monde de celles des Chenilles à qui je n'avois point
fait fubir la même opération. 11 étoit forti par les
plaies une quantité confidérable de cette liqueur
verdâtre, qui tient lieu de fang aux Chenilles. J'a-
jouterai néanmoins que quelques-unes des Chenilles
que j'avois ainfi mutilées , périrent des fuites de l'o-
28 OBSERVATIONS
pération, & que celles qui y réfifterent parurent
un peu languiflantes.
L E 24 d'Août de la même année , ayant trouvé
fur une branche de Prunier fauvage un petit nid de
nos Communes, je coupai cette branche, & j'allai
l'attacher. fur un Prunier qui étoit plus à ma portée ,
& où je pouvois fuivre facilement tous les procédés
de nos jeunes républicaines. Ce nid , de forme très-
alongée, étoit compofé, comme à l'ordinaire, de
feuilles dont les Chenilles avoient rongé l'épiderme
& le parenchyme, qu'elles avoient couchées les
unes fur les autres & le long de la branche , & re-
couvertes de plufieurs toiles de foie. Ces toiles
étoient percées çà & là de petits trous oblongs , qui
étoient les portes de l'habitation.
Environ deux jours après leur établilTement
fur mon Prunier, mes petites Communes m'offri-
rent un fpeftacle très» agréable, & que je ne me
lalTois point de contempler. Elles étoient dépen-
dues en grand nombre le long de la branche qui por-
toit le nid , & elles étoient allé s'arranger les unes
à côté des autres fur le deffus d'une feuille du Pru-
nier auquel la branche étoit attachée. J'admirai le
bel ordre dans lequel elles s'étoient difpofées pour
fourrager la feuille; &, quoique j'eulTe déjà lu une
femblable Obfervation dans les Mémoires fur les Iti'
fe^es(i),]e fpeftacle ne m'en parut pas moins inté-
reflant. Toutes étoient rangées exaélement fur une
même ligne, en arc de cercle, & fi ferrées les unes
près des autres , qu'il n'y auroit pas eu de la place
entre deux Chenilles pour en recevoir une troifieme.
Toutes les tètes des petites Chenilles regardoienc
(i) Tome n. pag, 226.
SUR LESINSECTES.
2p
vers le haut de la feuille , & les dents de toutes
travailloient en même temps. Elles ne détachoient
que l'épiderme & le parenchyme compris entre les
nervures. Les dents n'étoient pas encore aflfez
fortes pour entamer la feuille par la tranche.
J'aurois pafle des heures à jouir de cet amu-
fant fpeftacle; mais il arrivoit conflaramenr. que
ma préfence décerminoit les petites Chenilles à.
abandonner la feuille qu'elles attaquoient , & à
regagner le gîte. J'évitois cependant avec grand
foin d'occafionner aucun mouvement dans les envi-
rons de leur demeure, ou dans les feuilles fur les-
quelles elles s'étoient établies.
Après qu'elles avoient rongé toute la furface
fupérieure d'une feuille, elles commençoient à ten-
dre des fils d'un bord à l'autre de la feuille. C'é-
toit une forte de tente fous laquelle elles fe repo-
foient. Je crus d'abord que c'étoit un nouveau nid
qu'elles s'écoient confirait; mais une petite pluie
qui vint à tomber, m'apprit qu'elles ne jugeoient
pas cette tente fuffifante pour les en mettre à l'abri :
je les vis fe retirer toutes dans l'ancien nid.
'-'Le hafard m'ayant fait tçmber entre les mains
un bon nombre de Coques de nos Communes donc
les Papillons n'étoient pas encore fortis , j'imaginai
de les fufpendre par des fils à un cordon tendu ho-
rizontalement dans un endroit fort éclaire', pour
tâcher de faifir le moment où les Papillons perce-
roient la Coque pour venir au jour. Je favois que
c'étoit un psrit problême à refondre, que la ma-
nière dont les Papillons percent leur Coque. M. de
Reaumur avoit conjefturé que c'étoit à l'aide
de leurs yeux à rezeau , comme à l'aide d'une
30
OBSERVATIONS
lime, que les Papillons logés dans des Coques de
foie bien clofes , parvenoienr à limer les fils & à fe
faire jour. Je jetois donc fréquemmmenc les yeux
fur les Coques fufpendues à mon cordon ; mais je ne
fus pas affez heureux pour faifir le moment fide-
firé. Cependant un Papillon que je furpris dans
î'inftant qu'il venoit de fortir, fe montra à moi
dans une attitude & une pofition qui me firent con-
je6lurer qu'il s'étoit fervi des pinces de fon derrière
pour brifer les fils de la Coque. Je ne rapporte ici
cette Obfervation que pouf exciter les Naturaliftes
à la répéter & à fe rendre plus attentifs.
Le derrière du Papillon femelle de la Commune
efl garni d'une groflTe toufie de poils très -courts
d'un roux ardent: grâces aux recherches de M. de
Reaumur (i), on fait que cette touffe de poils
lui a été accordée pour en conftruire un nid à fes
œufs, & qu'il a au derrière une efpece de petite
main très -agile au moyen de laquelle il détache fes
poils & les arrange proprement autour de chaque
œuf, dont il enveloppe tout l'amas d'une pareille
couche de poils. Enfin , après avoir pourvu avec
tant d'art & de foins à la confervation de fa chère
famille, l'induftrieux Papillon meurt collé fur fes
œufs , qu'il recouvre de fes aîles comme d'un toit.
Ci) ïomc II. l/iém. IL pag. loo & fuivantes.
SUR LES INSECTES. 31
OBSERVATION V.
Sur des Chenilles qui vivent enfociété une partie
de leur vie, S quon pourroît nommer à den-
telles.
J E fis connoifTance avec ces Chenilles le 9 de
Mai 1739. J'en trouvai un nid fur l'Aubépine.
Les Chenilles qui l'habitoienc étoient jeunes enco-
re: toutes étoient au-deflbus de la grandeur mé-
diocre.
Elles paroiflbient au premier coup - d'œil emié*
rement noires, & d'un noir qui imitoit celui de
i'encre de la Chine. Mais , loîfqu'on les regardoit
de plus près, on leur voyoit furies côtés, au-deffus
de la ligne des ftigmates , une forte de bordure très-
fine, de couleur blanche, affez femblable à une
dentelle étroite , qui s'étendoit depuis le fécond an-
neau jufqu'au derrière. Cette bordure aflez remar-
quable m'engagea à leur donner le nom de Chenilles
à dentelles , au défaut d'une défignation plus carac-
tériftique. Sur les deux premiers anneaux étoient
placées deux houppes de poils rouges fort courts,
fort femblables à celles qu'on voit à -peu- prés au
même endroit fur la Chenille commune. £Obf. IV.]
Tout leur corps étoit encore parfemé de Jongs poils
roux. Elles avoient feize jambes: les écailleufes
étoient noires, les membraneufes rougeâtres.
Je ne pus détacher le nid. Il tenoit trop aux
principales branches de l'arbriiTeau. I] fallut me
borner à en enlever les Chenilles, que je renfermai
s*
OBSERVATIONS
dans une boîte. Elles en tapiflerent de foie l'inte'-
rieur. Elles demeuroienc cramponnées fur la tapis-
ferie, leur partie antérieure courbée du côté du
ventre. Elles ne fe donnoient que peu ou point de
mouvement.
Cette fituation & leur attitude me firent juger
qu'elles allôient changer de peau; ce qu'elles firent
bientôt après.
La mue changea un peu leur extérieur. Elles
parurent beaucoup plus velues, & leurs longs poils
roux furent remplacés par des poils d'un blanc ar-
genté , mêlés avec d'autres moins longs & de cou-
leur rouge.
Dans le mois de Juin, plufieurs de mes Che-
nilles fe Gonftruifîrent des Coques que je confidéraî
avec plaifir. Elles ne reflembloient pas mal par
leur couleur, par leur forme & par leur grandeur,
à des glands de Chêne; il ne leur en manquoic
prefque que le poli ou le luifant. Le fond de leur
conftru6lion étoit de foie ; mais les adroites ouvriè-
res avoient fait pénétrer dans les mailles du tiflii
foyeux une matière graffe, d'abord jaune , mais qui
fe rembrunit peu- à- peu, & qu'elles avoient fu
étendre très -proprement fur la furface. intérieure
& extérieure du tiffu. Cette matière grafle fe des-
lechoit promptement à l'air.
Une maladie qui furvint aux autres Chenilles les
fit toutes périr.
A* PEU- PRES dans le même temps, un de mes
amis trouva un nid de Chenilles de la même Efpe-
çe , mais dont les couleurs ofFroient quelques légè-
res différences. La bordure en dentelle de celles-
ci étoit d'un jaune citron.
Le
SUR LES INSECTES.
33
Le nid étoit de pure foie. Il y avoit çà & là
des ouvertures par lefquelles les Chenilles for-
toient & rentroient à certaines heures. Elles en
fortoienc pour aller prendre leurs repas fur les
feuilles des environs , & y rentroienc après les
avoir pris.
Toutes fembloient fortir à- peu- près à la
même heure, & rentrer dans le même tems.
LoRSQ^UE le foleil dardoit fes rayons fur le
nid, elles étoient dans une grande agitation :ccption de
quatre à cinq.
Pour tâcher de m'e'cîairer fur cette maladie,
j'eus recours à la difieftion , & pour la faire avec
plus de fuccés, je lis périr dans le vinaigre quatre
des Chenilles qui me reitoient.
J'en ouvris deux du côté du dos, en dirigeant
ïa fedlion en ligne droite depuis le derrière jufqu'à
la tête. J'écartai de chaque cùié les tégumens,
& les retins en place par de petites épingles fichées
de diftance en diilance dans une planchette.
La première chofe qui fixa mes regards, fut un
amas de petits vaifTcaux de couleur jaune, entre-
îàfles les uns dans les autres à l'extrémité du canal
inteflinal. On les auroit pris pour des ovaires,
parce qu'ils paroiiToient compofés de petits grains
jaunes , femblables à des œufs. ( i ) De cet amas
4e vaiflfeaux jaunes, panoient des filets de même
couleur j qui n'étoient que des vailTeaux de même
efpece, plus déliés, dont les uns fe dirigeoient vers
la tête en traçant différentes courbes fur le canal
intefUnal, & dont les autres fe dirigeoient furies
côtés. Il étoit facile de reconnoître ces vaifleaux
pour les réfervoirs de la matierç graiffeufe dont la
Chenille enduit fa Coque. Quand je maniois avec
les doigts ces vaiiTeaux , ils devenoient bientôt
caffanSj'de fouples qu'ils étoient auparavant: c'efl
que la matière grafle qu'ils contenoient, fe deffe-
choit très- promptement à l'air.
CO Ces vaifleaux étoient ceux que Malpichi, & après lui M. de
f. E A u M u R ont nommés vaùqueux.
SUR LES INSECTES. 35
J E donnai enfuice mon attention au canal intes-
tinal ; & , pour l'obferver mieux , j'enlevai délicate-
ment les réfervoirs de la matière grafle qui le recou-
vroient dans fon extrémité inférieure. Tout l'ex-
térieur du canal me parut garni de trachées: leur
nombre étoit prodigieux: elles fe divifoient & fe
foudivifoient prefqu'à l'infini. On n'ignore pas que
les trachées font des vaifTeaux d'une ftrufture très»
particulière , qui femblent ne contenir que de l'air.
Tout le refle du corps étoit rempli & comme inon-
dé de ces trachées.
J'oBSERTAi encore avec beaucoup de pJaifir
quantité de beaux mufcles, qui recouvroient inté-
rieurement les anneaux, & qui étoient tendus fur
leur furface comme des cordelettes. Les attaches
de ces mufcles paroiflbient être dans la jonélion des
anneaux.
J'ouvris les deux autres Chenilles du côté du
ventre , en commençant la fedlion par le derrière.
Je vis là le même amas de vailTeaux jaunes que j'a-
vois obfervés du côté oppofé. J'efFayai de les dé-
vider en quelque forte; & je n'y aurois pas mal
réulîi, s'ils n'étoient toujours devenues très-cafîans
à l'air. Je ne fais comment je ne fongeai pas à les
dévider dans l'eau. On peut juger de la prodigieufe
longueur de ces vaiffeaux, par ce que j'ai dit de
l'amas qu'ils formoient, & de la multitude de plis &
de replis divers qu'ils offroient à ma vue. Mais
je viens à l'objet principal de ma recherche. Je
trouvai dans ces quatre Chenilles l'eflomac plus ou
moins diaphane en différentes portions de fon éten-
due. Après l'avoir ouvert, je découvris dans fon inté-
rieur une forte de gelée fort tranfparente. En pres-
fant le vifcere par une de fes extrémités , je faifois
C 2
3(5 OBSERVATIONS
fortir par l'autre une certaine quantité de cette
gelée.
Il ne me fut pas difficile de deviner ce qu'étoît
cette matière gélatineufe. Je favois que Its Che-
nilles doivent rejeter la membrane fine & tranfpa-
rente qui revêt intérieurement le canal inteftinal,
& que cette réjeélion étoit un des préliminaires né-
ceflaires à la transformation en Chryfalide.
J'eus donc lieu de préfumer que mes Chenilles
n'avoient pu parvenir à rejeter la membrane dont
il s'agit, que cette membrane s'étoit altérée, dis-
fbute ou réduite en cette forte de gelée que la dis-
feclion offroit à mes regards ; & (jue cette altéra-
tion fina;aliere étoit la caafe ou l'effet de la maladie
qui avoit fait périr nos Chenilles. Je favois encore
que, dans l'état naturel, cette membrane étoit tou*
jours rejetée par petits fragmens , très - aifés à re-
connoître, & qui recouvrent les excrémens folides
de rinfeàe. Or , les Chenilles dont je parle ,
avoient eu quelques jours auparavant une diarrhée ,
pendant laquelle elles- n'avoient rendu que des ex-
crémens liquides. La membrane à rejeter n'avoic
donc pu s'attacher à de tels excrémens. Je les
trouvois liquides encore dans le canal inteftinal de
celles que je difféquois.
Les nids de nos Chenilles à dentelles font ordi-
nairement de pure foie, & cette foie ell très-blan-
che. Elle femble inviter à la mettre en œuvre.
Ces nids n'afFeélent point de forme régulière. Ils
font conftruits autour des tiges ou des branches, &
font bien plus grands que ceux des Limées ou des
Communes. Auffi les Chenilles qui les habitent font-
elles plus grandes & plus grofles que les Communes,
SUR LES INSECTES. 37
C'eft dans le mois de Mai qu'il faut les chercher.
Ils ne font pas rares fur les haies.
Apres avoir tranfcrit ces Obfervations , j'ai
trouvé vers la. mi- Mai, fur une haie de Prunier fau-
vage, un très -grand nid [PI. IL N. AT.] de nos
Chenilles à Dentelles. Il étoit, comme tous ceux
que j'avois vus, de pure foie, & de form^^ allez
irréguliere. La fienne étoit déterminée par les an-
gles des branches autour defquelles il avoit été cor. -
llruit. On voyoit à fa furface cinq ouvertures
oblongues, [P/. //. 0, 0, 0, 0, 0,] d'inégale gran*
deur , & qui étoient les portes de l'habitation. L'in-
térieur du nid, fur- tout dans fa partie inférieure,
étoit plein d'excrémens de couleur noire.
Deux chemins principaux, tapiiïes d'une belle
foie blanche, partoient de ce nid, s etendoient au
loin fur la haie, & s'enfonçoient enfuite dans fon
intérieur. On croyoit voir les principales avenues
d'une bonne ville. L'un fe dirigeoit en ligne droite
en en -bas, & aboutiflbit à la grande porte du nid,
R R. L'autre, S S S, ferpentoit fur le deiTus
de la haie, s'élevoit, s'abailfoit, fe relevoit pour
s'abaifTer encore & fe plonger enfin dans l'épaifTeur
de la haie à une certaine diflance du nid.
Ces deux chemins principaux étoient fi marqués,
& leur ufage étoit fi facile à reconnoître , que je
n'ai pu réfifter au defir de les faire delîiner. La
Figure trés-exa£te que j'en préfehte ici, fervira
en même temps à faire mieux comprendre ce que
j'ai raconté des Livrées dans l'Obfervation III, &
que je n'avois pu repréfenter par une figure, parce
que je manquois de delïinateur quand j'obfervois
ces Chenilles.
C3
38 OBSERVATIONS
D'autres chemins moins marqués, plus tor-»
tueux, & qui étoient comme des chemins de tra-
verfe ou des routes détournées, venoient aboutir
à l'habitation par divers côtés. Je ne les ai pas
fait repréfenter dans la Figure, pour éviter la con-
fufion.
OBSERVATION VI. .
Sur les Chenilles qui vivent en fociété fur les
Pins,
V^N trouve une Hifloire aflez détaillée de ces
Chenilles dans le Tome fécond des Mémoires fur
les Infeftes (i). Elles vivent en grande fociété dans
]es forêts de Pins, & fe conftruifent fur ces arbres
ces nids de foie blanche, dont la grofleur égale au
moins celle d'un melon ordinaire.
Je n'avois point de Pins à ma portée dans la
campagne que j'habîtois, & j'avois un defir vif
d'ubferver ces républicaines, pour lefquelles M. de
Re AUMUR avoit fort excité ma curiofité par quel-
ques traies de leur hiftoire , qui me paroiflbient exi-
ger un nouvel examen. Je favois que les montagnes
de Savoie qui nous avoifinent abondoient en Pins:
vers la mi -Décembre 1738» je chargeai un Payfan
de ces montagnes de m'apporter de ces nids que j*é-
tois Q impatient de voir. 11 s'acquitta promptement
de ma commiiîîcn , & je me trouvai bientôt en pos-
feffioD de fix nids très- bien conditionnés. Il y en
^i) Mém. m, page 149 & fuivantes.
SUR LES INSECTES. 39
avoit d'afTez grands: d'autres étoient fort petits
encore. Tous étoient revêtus d'une belle foie blan-
che , plus épailTe dans les uns que dans les autres ,
& qui envcloppoit divers paquets de feuilles cou-
chées la plupart fuivant leur longueur, & entre les-
quels étoient des cavités plus ou moins fpacieufes ,
dans lefquelles les Chenilles fe tenoient renfermées.
On voyoit fur chaque nid une ou plufieurs ouvertu-
res qui en étoient les entrées. Leur forme n'ofifroic
rien de confiant ni de régulier.
CoMT.iE je ne voulois pas perdre de vue mes
nids , je les difhribuai en divers endroits de la cham-
bre où je couchois. Plufieurs furent placés fur ];i
tablette de la cheminée , à quelque diUance les uns
des autres.
Un jour s'étoit déjà écoulé fans que j'eufle vu
fortir des nids une feule de nos Chenilles. Le foleii
étoit fort brillant & alTez chaud pour la faifon : je
crus qu'en y expofant quelques-uns de mes nids,
j'engagerois les Chenilles à fe montrer. Un Ther-
momètre placé à côté des nids m'indiquoit que la
chaleur à laquelle je les expofois , égaloit celle de
nos Etés les plus chauds. Cependant, je ne vis
paroître qne quelques Chenilles & c'étoient de
celles qui habitoient le nid le plus petit ou le moins
fourni de foie. Elles ne fe montrèrent pas même
en entier: elles ne firent que préfenter leur tête
aux ouvertures; & bientôt je les vis rentrer dans
l'intérieur du nid. Celles que j'appercevois au tra-
vers de la toile , paroifToient fort fenfibles à la cha-
leur qu'elles éprouvoient: elles montroient beau-
coup d'émotion.
Je laifTai les nids expofés pendant deux heures
au même degré de chaleur : ce fut tièS'inutileraent ;
C 4
40
OBSERVATIONS
je ne parvins point ainfi à déterminer les Chenilles
à fortir. Je reportai donc les nids dans ma cham-
bre, & les remis à la même place. Enfin, fur les
cinq heures du foir du même jour, les Chenilles de
ces nids avoient commencé à en fortir, & elles
étoient déjà répandues en grand nombre fur la toi-
le, qu'elles épaiffilToient par de nouveaux fils qu'el-
les tendoient de côté & d'autre. Elles marchoient
fort vite , & ne s'écartoient un peu que pour aller
ronger quelques feuilles placées dans les environs.
Quelques-unes néanmoins fe dévalèrent fur la ta-
blette de la cheminée, à Taide d'un fil de foie
très -délié: mais elles fe fervirent du même fil,
comme d'une échelle, pour remonter dans le nid.
Elles n'y remontoient pas facilement , parce que le
fil étoit ù délié, que leurs jambes avoient peine à
s'y cramponner. Elles ne fe fervoient donc pas de
ce fil à la manière de ces Jrpenteufes dont M. de
Reaumur a décrit le procédé (i), & que j'ai
obfervé moi-même chez une petite Chenille du
Figuier, qui n'étoit point de la clafle des Arpen-
teufes. Ce procédé eft affuré ment très -remarqua-
ble. La Chenille qui s'eit dévalée à l'aide d'un fil
de foie extrait de fa fih'ere , remonte aflez vite &
avec une adreflTe admirable, en faififfant avec fes
premières jambes une portion plus élevée du fil qui
la tient fufpendue. Amefure qu'elle s'élève, le fil
s'entortille & s'amoncelle entre fes premières jam-
bes: ainfi lorfqu'elle s'efl élevée de quelques pou-
ces , on commence à appercevoir entre fes jambes
ecailleufes un petit amas de foie blanche comme
pelotonnée , qui n'eft autre chofe que le fil de foie ,
auparavant étendu en ligne droite, & que la Che-
(I) Mém, fur Us Inf. Tome II, lîém. IX. PI. XXXI. Fig. 1, 2,
SUR LES INSECTES. 41
nille empaquette entre fes jambes en remontant. Ce
procédé ingénieux n'étoit point celui des Chenilles
du Pin. 11 ne leur auroit pas convenu. Les fils
qu'elles tendent font autant de communications
qu'elles pratiquent. Ils doivent donc refter en pla-
ce: ils doivent demeurer tendus ; parce que, dans
l'inflitution de la Nature, ils dévoient fervir à nos
Chenilles à retrouver leur habitation , quand il leur
arriveroit de s'en écarter. Mes Chenilles reraon-
loient donc le long du fil, à -peu -près comme
elles auroient fait h long d'un plan perpendiculaire
à l'horifon. Le fil étoit en efi^et tendu perpendicu-
lairement depuis le nid à la tablette de la cheminée
& formoit ainfi une communication de l'un à l'autre.
Je voyois mes Chenilles defcendre & remonter
d'un pas égal & tranquille le long de ce fil ; d'abord
avec aflez de peine, puis avec facilité: c'eft qu'à
mefure qu'elles cheminoient le long de ce fil , elles
en augmentoient l'épaifiTeur par la nouvelle foie
dont elles le recouvroient.
Les Chenilles qui avoient commencé à fortir, ne
tardèrent pas à rentrer: elles fembloient fuir la lu-
mière de la bougie qui m'éclairoit. Mais , quoiqu'el-
les parufTent fortir plus volontiers la nuit que le
jour, & qu'elles femblaflent fuir la lumière de la
bougie , j'en vis néanmoins les jours fuivans qui for-
toient en plein jour & à toutes les heures du jour,
& s'éloignoient aflez du nid.
J E remarquai que ces Chenilles avoient deux ma-
nières de marcher très-aifées à diftinguer. L'une
que je nommerois naturelle, étoit femblable à celle
de la plupart des Chenilles à feize jambes: l'autre,
qui me frappa beaucoup , fe faifoit par petites fe-
coufles de tout le corps; & celle ci étoit plus lente
que l'autre. C'étoit fur-tout quand je les obfervoi*
C5
42 OBSERVATIONS
à la lumière d'une bougie j qu'elles me faifoient voir
cette finguliere démarche ; mais je robfervois aulîi
pendant Je jour, fans que je puflè découvrir ce qui
l'occafionnoic.
Elles marchoient comme les Livrées ^ en pro-
ceflîon, à la file les unes des autres, & dans le plus
bel ordre. Elles défiloient toutes une à une , d'un
pas très -égal & slTez lent; & les longues files qu'el-
les formoient, etoient bien plus continues encore
que celles des Livrées; je veux dire que la tête
de la Chenille qui fuivoit, touchoit le derrière de
la Chenille qui précédoit. Elles ne marchoient pas
toujours en ligne droite: fouvent elles tra^oient une
multitude de courbes différentes, & ces courbes
repréfentoient quelquefois des feftons ou des guir-
landes, dont le coup -d'œil étoit d'autant plus agré-
able , que toutes les parties de la guirlande étoient
en mouvement & changeoient fans ceffe de fituation
refpe6live, ce qui varioit d'inflanc en inftant la fi-
gure de la guirlande. En un mot, je ne faurois
dire combien le fpe(5tacîe de ces proceffions parties
de différens nids, & qui fuivoient différentes di-
reftions, étoit intérelfant. Elles s'éloignoient fou-
vent à d'affez grandes diflances du nid: les files
de Chenilles étoient alors fort longues. Tandis
qu'une procefïion fuivoit la même ligne droite,
d'autres fe détournoient en différens fens. Les
unes montoient , les autres defcendoient. Les
murs, les planchers, les meubles de ma chambre
étoient ks théâtres de leurs différentes évolutions.
Toutes les Chenilles d'une même proceffion mar-
choient d'un pas uniforme : aucune ne fe preffoic
de devancer les autres: aucune ne demeuroit en
arrière dans l'intérieur de la file. Quand celle
qui marchoit à la tête de la procefïion s'arrêtoit,
SUR LES INSECTES. 43
celle qui la fuivoit immédiatement s'arrêtoit auffi ;
puis la troifieme , la quatrième , la cinquième , &c.
& fi la file étoit fort longue , on juge bien que les
Chenilles qui en occupoient le milieu ou la queue,
cheminoient encore, tandis que celles qui en occu-
poient la tête ne cheminoient plus. 11 fe paflbit
donc ici précifément ce qui fe pafle dans des trou-
pes qui défilent en bon ordre. Chaque Chenille
gardoit fa place , & dirigeoit fa marche fur celle de
la Chenille qui la précédoit immédiatement. Elles
n'avoient pas proprement un Chef; mais la Chenille
qui marchoit à la tête de la procefTion en tenoit
lieu, & toutes les Chenilles fuivoient fes pas.
LoRSQ^iTE les premières Chenilles d'une procès-
fion faifoient halte, elles fe railembloient hs unes
auprès des autres , & les unes fur les autres en mon-
ceau, & fe renfermoient dans une efpece de poche
à claires voies , aflez femblable à un filet à prendre
le poifFon. S'il arrivoit que cette poche fût fore
fréquentée, elle devenoit en quelque forte un fé-
cond nid ; car les Chenilles l'agrandiffoient & la
fortifioient de plus en plus par de nouveaux fils.
Cette poche les empêchoit de tomber, lorfqu'elles
s'étoient fixées fur la partie inférieure d'une poutre,
d'une corniche ou de quelqu'autre appuL
L0RSQ.UE nos Proceflîonnaires revenoient au
nid, c'étoit par la même route qu'elles avoient fuivie
en s'en éloignant. Mon Lefteur devine aifément le
procédé au moyen duquel elles retrouvoient toujours
le chemin de leur habitation: les Livrées J'en ont
déjà inftruit. Comme elles, nos Procelîionnaires
du Pin tapifîent de foie tous les chemins qu'elles
parcourent. Peu - à • peu ces 'chemins deviennent
très - reconnoiflables par une trace de foie blanche
allez brillante , & qui a une ou deux lignes de iîjr-
44 OBSERVATIONS
g€ur. Un correfpondant de M. de R eau mur
avoir apperçu ce fait (i); mais il ne l'avoit pas-
obfervé avec toute l'attention qu'il méritoit.
J E remarquai une différence bien fenfible entre
la manière dont nos Ghenilles du Pin tapifToienc
leurs chemins, & celle dont les Livre'es tapiflent
les leurs. Quand ces dernières marchent proccs-
ilonnellement, elles promènent la tête à droit &
à gauche alternativement; &, pendant qu'elles exe'-
cutent ce mouvement, la filière laifle fortir le fil
qui trace la route. Il n'en étoit pas de même de
la manœuvre des Proceflionnaires du Pin : au lieu
de porter la tête alternativement à droit & à gau-
che , elles l'élevoient & l'abaiiToient alternative-
ment. Quand elles l'abaiiToient, la filière colloit
le fiî fur le plan le long duquel défiloit la proces-
fion; quand elle l'élevoit, la filière laiffoit couler le
fil , & il continuoit à couler tandis que la Chenille
faifoit quelques pas: la tête s'abaiflbit enfuite de
nouveau , & le fil étoit collé fur le plan.
On préfume bien, que je fis fouvent l'expé-
rience de rompre les chemins de nos Proceflionnai-
res , comme je l'avois pratiqué à l'égard des Li-
vrées : le fuccès en fut le même. J'arretois ainfi à
volonté la marche des proceflions. Je me fervis
même plus d'une fois de cet expédient pour les dé-
tourner de certains endroits de ma chambre , & en
particulier du lit où je couchois. J'étois pourtant
obligé de revenir afl^ez fouvent à rompre les mêmes
chemins; car il fuffifoit qu'une feule Chenille tra-
verfât d'un bord à l'autre de l'endroit rompu pour
rétablir la route. Quelquefois, au lieu de retour-
ner fur leurs pas, mes Proceflionnaires tiroient fur
CO M^n. fur les Inf. T. II. pag. 153.
SUR LES INSECTES. 45
h droite ou fur la gauche, & fe frayoient une nou-
velle route, que j'étois appelé à rompre comme la
première.
E N parlant de la foie des nids de nos Chenilles
du Pin, M. de Reaumur obferve, qu'elle de-
vient calTante dans l'eau chaude ; & que fi l'on vou-
loit efTayer „ de la mettre en œuvre, il faudroic
„ bien fe donner de garde de la faire bouillir pour
„ la teindre ; qu'il faudroit l'employer avec fa cou-
„ leur naturelle ou la teindre prefque à froid." Il
ajoute: „ il femble donc que l'eau diffolve cette
„ foie: ce qui nous invite à faire de nouvelles
„ expériences, pour voir fi dans la nature il y a
„ une foie que l'eau bouillante peut diffoudre. Une
„ pareille foie auroit peut • être des utilités pour la
„ compofition de vernis flexibles (i) , &c." Pour
entrer dans les vues pratiques de notre illuflre Na-
turalifte , je fis bouillir quelques inftans dans l'eau
commune des nids de nos Chenilles du Pin. Ils
s'enflèrent beaucoup par la dilatation de fair qui y
étoic renfermé; ils fe réduifirent enfuice en un très-
petit volume, & la foie devint caiTante.
Je tentai une autre expérience: j'efifayai d'ex-
traire du corps même de ces Chenilles la matière
foyeufe , après en avoir mis les réfervoirs à décou-
vert. Pendant l'opération, j'obferv^ai avecplaifir,
que je tirois cette matière en fils aufli longs & aufîî
déliés que je le voulois.^ Je pris aufil-tôt une feuille
de papier blanc , que j'imaginai d'enduire de cet-
te matière : j'efpérois que je la couvrirois ainfi
d'un beau vernis: mais le fuccès ne répondit pas
pleinement à mes efpérances: les endroits vernis
CO J^l'iJ Png. loi»
46 OBSERVATIONS
ne devinrent pas auffi brillans que je l'avois pré»
fumé.
Je recourus enfuite à un autre procédé, à celui
dont les Mexicains font ufage pour recirer la ma-
tière de leurs admirables vernis du corps de certains
vers, & dont M. de Reaumur avoit fait men-
tion (i): je fis bouillir dans de l'eau commune une
bonne quantité de nos Chenilles ; je les y fis cuire
en quelque forte : il en fortit une liqueur de couleur
canelle; mais qui ne me parut pas avoir de vifco*
ûié. Je fis évaporer l'eau fur le feu & en plein air ,
pour donner lieu au rapprochement des particules
foyeufes. Il me refta une forte de graifle de cou*
leur brune , qui me donna quelques efpérances,
quoiqu'elle n'eût pas une vifcoficé bien fenfible;
mais un accident imprévu brifa le vafe de verre qui
la contenoit.
Je n'indique ces expériences que pour exciter
les Naturalifles à fuivre les vues ingénieufes de
M. de Reaumur; & je regrette de n'avoir pas
pouffé moi-même ces expériences aufli loin qu'il
auroit été à defirer.
^"^.Xes nids font pleins de feuilles & d'excrémens.
lis demandent à être bien nettoyés pour qu'on puis-
fe travailler fur leur foie. Ceux que j'avois dégagés
de toute matière étrangère , & que je mettois en»
fuite fur ma peau, me faifoient éprouver une cha-
leur douce qui fembloit aller toujours en augmen-
tant. J'en conclus avec fondement, que ces nids
feroient admirables pour la fabrique des ouates»
(0 Mim, fur Ui Injl Tome I.
SUR LES INSECTES* 47
J'a I eu dans la fuite d'autres occafions d'obfer-
ver les manœuves des Chenilles du Pin; àc parce
que j'avois expérimenté qu'elles étoient de grandes
voyageufes, je plantois dans un allez grand vafe
plein de terre la branche qui portoit le nid , & je
mettois le pied du vafe dans une terrine pleine
d'eau. La marche des procédions étoit ainfi fore
circonfcrite : elles fuivoient long- temps les bords
circulaires du vafe, qui étoient bientôt recouverts
en entier d'une épailTe couche de foie; mais peu-à-
peu les Chenilles defcendoient fur les côtés du va(ë
& en gagnoient le pied. Ce vafe étoit pourtant
de terre vernifféè , & les Chenilles ne s'y crampon-
noient d'abord que difficilement: mais la foie donc
elles tapiflbient leur chemin, leur donnoit aufli tôt
la facilité de fe porter par-tout. J'étois forcé de
revenir très-fouvent à enlever toute la foie qui
tapifToit les côtés du vafe, pour les empêcher d'at-
teindre au pied. Un jour néanmoins , malgré toute
ma vigilance & mes précautions, j*en trouvai un
grand nombre qui s'étoient noyées en voulant tra-
verfer l'eau de la terrine ; plufieurs avoient même
réufîi à traverfer le petit lac , & marchoient en pro-
ceffion fur les bords de la terrine. Je fus réduit à
les prendre une à une avec la maîn & à les pofer
fur la toile du nid. Je ne m'étois pas alFez défié
de leurs poils: je fent'.s au bouc de quelque temps
une forte d'engourdiflement dans mes doigts j puis
des démangeaifons & des cuifons très -fortes qui
furent fuivies d'enflure. On fait que ce n'efî que
par leurs poils que les Chenilles font à craindre:
celles qui en font dépourvues peuvent être maniées
impunément.
Je ne parle poinc ici de mes recherches fur les
Faux'Jîigmates de ces Chenilles : on en trouvera
4S OBSERVATIONS
ailleurs le détail. Ils offroient des particularités
qui méritoient bien un examen plus approfondi.
On peut voir la fuite de l'hifloire des Chenilles
du Pin dans l'ouvrage qui j'ai cité. Elles entrent
en terre en Mars ou Avril (i), & s'y conftruifent
des Coques de pure foie, qui ne répondent pas à
ce qu'on attendoit de fi grandes fileufes.
OBSERVATION VIT.
Sur des, Chenilles qui vivent en fociété^ ê? qui
fe conftruifent des nids quon pourroit nom-
mer en pendeloques , dans le/quels elles pas-
sent T Hiver,
JlLn Oélobre 1738, un de mes amis qui aîmoîc
l'étude des Infe6tes, m'apporta une petite branche,
aux boutons de laquelle étoient fufpendus par des
fils de foie de petits paquets de feuilles. [ PL III y
Fig. /, 1L~\ La manière dont ils étoient lufpendus
l'avoit d'abord frappé. Il avoit ouvert quelques-
uns de ces paquets, & avoit trouvé conftamment
dans
Ci) Je trouve dans une de mes lettres h M. de Reaumur du 23 de
Juin 1742, que j'obfervois encore les Chenilles du Pin dans le milieu de
Mai de la même année, & que beaucoup de ces Chenilles n'avoient point
encore atteint alors leur parfait accroilTement. Il ii'eft donc point géné-
ralement vrai, que ces Chenilles n'aient plus à croître dbs le mois de
Décembre, comme î»I. de Reaumur le penfoit. La diverfitd de climat
peut devenir ici une fource de variétés.
SUR LES INSECTES. 49
dans chaque paquet deux efpeces de très-petites Co*
ques d'une foie blanchâtre adoffees l'une contre l'au-
tre , & qui renfermoient une très • petite Chenille
de couleur grife, à feize jambes. Bien fur que fon
Obfervation piqueroit ma curiofité, il s'étoit em-
prefle à mettre fous mes yeux quelques- uns de ces
nids. Je n'en fus pas moins frappé qu'il l'avoit été
lui • même. Ces paquets de feuilles écoient en effet
fufpendus à la branche par un fil de foie ; & ce fil
étoit fi bien entortillé autour du bouton de la bran-
che , qu'on n'auroit pu faire mieux-pour empêcher
que le vent n'emportât le petit nid.
J'ouvris en préfence de mon ami quelques-un»
de ces paquets de feuilles ; & j'y trouvai comme lui
de petites Coques qui renfermoient chacune une
petite Chenille grife , demi - velue & de la première
claffe. Je préfumai d'abord , que ces Chenilles s'é-
toient ainfi renfermées pour paffer plus en fureté la
mauvailè faifon. Je connoiffois les nids que d'autres
Efpeces de Chenilles fe conftruifent fur la fin de
l'Eté ou au commencement de l'Automne, pout
une femblable fin: mais je ne fais ce qui m'erapc-
cha alors de donner aux petites Chenilles dont je
parle toute l'attention qu'elles me paroiflbient mé-
riter.
Ce ne fui qu^en Janvier de Tannée fui vante,
qu'ayant rencontré par hafard de ces nids fur les
haies , je pris la réiblution de m*infl:ruire plus à fond
de l'hifloire des Chenilles. Dans cette vue, je
coupai quelques branches auxquelles pendoient de
ces paquets de feuilles. Je les emportai dans mon
cabinet, & les rangeai tous fur une même ligne,
en fichant l'extrémité des branches dans une planche
que j'avois percée à deflein. Toutes élojent ainli
Tiim9 IL O
50 O B SE R V A T I O N S
dans une fituation horifontale , de. continuellemçnc
fbus mes yeux* .
Ces nids foiït coraporés la ulqpart d'une feule
feiiiile feche, pliéeen deux. \_FllUy Fig. L N,
N, N."] Tantôt ce font des feuilles d'Aubépine,
tantôt de Pommier, de Poirier ou de Prunier. Un
fil de foie afîez fort, /,/,/» paroît tenir au pé-
dicule de. chaque feuille. Ce fil va s'entortiller au-
tour d'un des boutons de la branche. Là, il femble
plus épais; il l'eft eiFe6livement , parce que les dif-
férens tours du fil fe recouvrent en partie les uns
les autres. Quelquefois on parvient à défentortiller
le fii, & à faire delcendre le nid qu'il tient fufpen-
du; mais fouvent les difFérens tours du fil font telle-
ment collés les uns aux autres & à l'écorce de la
branche, qu'il eft impoiTible de les féparer fans rom
pre le fil. Quoiqu'on puiflTe dire de ces nids ce
qu'on dit de la vie humaine, qu'elle- ne tient qu'à
un fil; ils font cependant fi bien fufpendus , que ie
plus grand vent ne fauroit les détacher.
La façon fingulîere dont ces nids font fufpendus,
me porte à les nommer des nids en pendeloques.
J'ai dit que j'en avois rafl!emb!é un bon nombre
dans mon cabinet. Mon premier foin fut de m'as-
furer s'il n'y avoit conflamment dans chaque nid que
deux Chenilles , comme mes premières obfervations
& celles de mon ami fembloient l'indiquer. Dans
le premier que j'ouvris, au lieu de deux Coques,
j'en trouvai plus d'une douzaine. Elles étoient dis*
tribuées par paquets en difFérens endroits de Tinté»
rieur du nid. J'en trouvai à -peu -près un pareil
nombre dans un fécond nid. Je détachai ces Co-
ques, & les renfermai dans une boîte.
S,UR L-^ES IN S EC TES. 51
E N mettant à découvert l'intérieur de nos nîd«
en pendeloques, je m'étois rendu attentif à leur con-
ftru6lion) & je reconnus que je m'étois trompé fuf
une particularité elTentielle. Je remarquai que le
fil de foie qui les tenoit fufpendus , n'étoit pas fim-
.plement attaché par une de fes extrémités au pédi-
cule de la feuille , comme le premier coup-d'œil me
l'ayoit fait croire; mais qu'il pénétroit dans Tinté*
rieyr même du nid, & qu'il n*étoit ainfi qu'un pro»
longemenc de la doublure de foie qui tapiflbic lei
parois du logement.
Au bout de quelque temps, mes petites Chenil-
les commencèrent à fortir de leur nid, & à fe pro-
mener , foie fur les branches , foit aux environs. La
température douce de l'air de mon cabinet les avoie
déterminées à fortir, "bien avant le temps où les
Arbres de la campagne commencent à ouvrir leur*
boutons. Je ne pus donc leur donner de la nourri*
ture , & elles périrent enfin d'inanition. Quelques-
unes néanmoins tirèrent des fils de Ibie , depuis la
furface du nid jufqu'à la branche qui le portoit. On
auroit dit qu'elles vouloient empêcher qu'il ne fûç
(ans celFe balotté.
QuEtQ.UES Chenilles fortirent auflî des Coques
que j'avois renfermées dans une boîte, & malgré
leur extrême foiblefle, elles ne laiflerent pas de
changer de peau. La mue les fit paroître plus ve*
lues , & les nouveaux poils étoient d'un roux écla-
tant , qu'on ne voyoit pas aux anciens.
Au mois d'Avril 1739, j'apperçus un de nos
nids en pendeloque qui petidoit à une branche de
Pommier. Je coupai la branche, & j'enfichai le
bout inférieur dans un des montants de la fenêtre de
D a
5^
OBSEKVATIONS
mon cabinet* Ce nid étoit beaucoup plus gros que.
tous ceux que j'avois vus jufqu'alors. Il étoit formé
de l'afTemblage de plufieurs feuilles feches, ou lî
l'on veut , de la réunion de plufieurs nids particu-
liers. Les petites Chenilles ne tardèrent pas à for-
tir de leur nîd , & je les vis chaque jour fe prome-
ner fur la branche & aux environs. J'obfervax
qu'elles tiroîent des fils fur le terrein qu'elles par-
couroient , & ces fils leur aidoient à retrouver le
chemin de leur nid , lorfqu'elles s'en étoient un peu
éloignées. Ce procédé revient à celui des Chenilles
Livrées dont j'ai parlé dans l'Obf. III. Elles fe re-
tiroient de temps en temps dans leur habitation,
& s'y arrangeoient les unes à côté des autres , de
manière que la tête de toutes regardoit vers le
même endroit.
Elles changèrent de peau; mais des occupa-
tions qui me furvînrent ne me permirent pas alors
de continuer à les fuivre , & elles périrent faute de
nourriturei J'ouvris leur nid, ou plutôt je féparai les
petits nids particuliers dont il étoit compofé , & j'en
obfervai l'intérieur. Dans le premier que j'ouvris,
je trouvai beaucoup de très -petites dépouilles blan-
châtres 5 & je remarquai avec furprife qu'elles n'é-
toient pas complettes, comme le font ordinaire-
ment les dépouilles des Chenilles. La tête ou le
crâne manquoit à toutes: elles reflembloient à un
très-petit fourreau ouvert par un bout. Cette Ob-
fervation me rappela ce que j*avois lu dans la Pré-
face du Tome II des Mémoires de M. de Reau-
MUR, fur une Efpece de Chenille obfervée par
M. Bazin, qui fort de fa dépouille par l'ouverture
i;u'elle s'y pratique en faifant tomber le crâne.
Jignore il la Chenille de cet Obfervateur étoit de
même Efpece que celles dont je parle. Quoi qu'il
SUR LES INSECTES.
53
en foit, cette particularité me fie bien regretter de
n'avoir pu fuivxe mes Chenilles auLsnt qu'elles le
méritoient.
Un autre de mes petits nids m*ofFrit une forte
de poche ou de fac qui étoit entièrement rempli
d*excrémens ; ce qui me fie juger que mes Chenilles
avoient foin d*aller dépofer leurs excrémens dans un
lieu à part. Mon ami m'aflura qu'il avoit vu une
de ces Chenilles fortir de fa Coque , le derrière le
premier , pour jeter au dehors un grain d'excrément.
Dans tous les petits nids que j'ouvris enfuite, je
trouvai conftamment les excrémens raflemblés dans
un lieu féparé. Je trouvai encore dans l'intérieur
de ces nids de ces petites Coques de foie blanche,
dont j'ai fait mention, & qui imitoient très- bien
en petit la Coque du Ver- à- foie. Je ne connois-
fois encore aucune Efpece de Chenille qui fe filât
une Coque, pour y pafler l'Hivcr pendant fon en-
fance.
Enfin, je trouvai dans un des nids les plus vo-
lumineux une multitude d'autres Coques aulfi peti-
tes, & de la même forme; mais qui avoient été
filées par des Vers mangeurs de Chenilles. Je ren-
fermai ces Coques dans une boîte , & vers la mi-
Mai, il en fortit de petites Ichneumones ^ femblables
à celles dont M. de Reaumur a donné la des*
cription, page 243 du Tome II de fes Mémoires.
I L me vint en penfée de renfermer une de no«
Chenilles des nids en pendeloques avec ces Ichneu-
mones. Je voulois voir fi elles ne la piqueroienc
point pour dépofer leurs œufs dans fon intérieur.
Mais cette curieufe expérience ne réuffit point.
Les petites Ichneumones paffoient & repafîbient
fur le corps de la Chenille fans jamais s'y fiser;.
I>3
54
OBSERVATIONS
Peut-êtrft que les femelles n'avoient point été fé-
cpndées par les mâles. La Chenille tiroit des fils
de tous côtés : fouvent les petites Ichneumones
s'embarraflbient dans ces fils comme dans les filets
de l'Araignée, & je m'amufois à voir les efforts
qu'elles faifoient pour fe dégager.
Nos Chenilles des nids en pendeloques font du
nombre de celles qui ne vivent en fociété qu'une
partie de leur vie. Qaelque temps après la féconde
mue , elles abandonnent le nid & fe difperfent. J'en
ai vu cependant qui n'abandonnoient pas entière-
ment leur habitation , ou qui du moins ne s'en éloi-
gnoient pas beaucoup. La féconde mue apporte
divers changemens à leurs couleurs, & les rend
plus vives. Ces changemens fe font fur- tout remar-
quer dans les poils : ils deviennent d'un roux plus
ardent. Parvenues à leur parfait accroiifement, ces
Chenilles n'excèdent que peu la grandeur que M,
de Reaumuk a nommée moyenne. Le fond de la
couleur du deifus du corps efl: noir. Les poils,
qui font fort courts , tracent deux raies d'un roux
ardent, qui régnent tout du long du dos. Les cô-
tés & le delTus du ventre font d'une couleur qui
tire fur le gris de perle , & ils font parfemés de pe-
tits poils blanchâtres. La tête & les jambes écail-
leufes font noires, & les oiembraneufes de même
couleur que le ventre.
Pour fe préparer à la métamorphofe , ces Che*
nilles ne fe conftruifent point de Coque; mais elles
fe lient avec une ceinture de foie. La Chryfalide eft
angulaire. Elle oflfre une efpece d'arrêté vive qui
s'étend le long du milieu du dos , & qui eft trés-
faillante fur le corcelet. Là, elle eft bordée de
noir. Le fond de la couleur du corps eft d'un beau
jauae parfemé de points noirs,
3UR LES INSECTES. 55
Au bout d'une dixaine de jours, le Papillon a
brifé l'étui de la Chryfalide , & s'efl: mis en liberté.
Il efl prefque tope blanc , . ôi facile à reconnoître
par la coiileui* hoire qui teînt toutes les nervures de
fes ailes. C'efl encore celle de la tête, des yeux,
d^i antennes <&■, des jambes. Le corcelet & le
ventre font d'ane couleur qui tire fiir le gris de fer.
Ce Papillon, qui efl affez commun, appartient à la
première claffe des 'Papillons. diurne s, félon la divi-
îîon de M. de Reaumur.
On eft àvérrî de îa fortlç prochaine du Papillon
par le changement de couleur qui furvient à h
Chryfalide. Sa belle couleur jaune s'altère peu-à-
peu , &, fe change infenfibJement en gris de perle.
Un autre Cgne annonce encore la fortie prochaine
du Papillon: fi l'on preffe un peu la Chryfalide en^
tre deux doigts, on entendra un petit bruit fembla-
ble à celui que rendroit en pareil cas un morceau de
{)archemin: c'eft que le corps du Papillon étant
alors entièrement détaché de l'enveloppe cruftacée
de la Chryfalide, les anneaux de celle-ci frottent
légèrement les uns contre les autres.
Il ne me refle plus pour achever de faire con-
noître la Chenille dont il eft ici queftion, qu'à ajou-
ter, qu'elle efl précifément celle que M. de Reau-
mur a repréfenté, PI. II, Fig. 5, du Tome II
de fes Mémoires^ & qu'il a décrite, page 73. Mais
ce grand Obfervateur ignoroit, fans doute, que
cette Efpece vit en fociété; car il ne dit rien du
tout des procédés que je viens de raconter, & fc
born^ à la fimple defcrîption de l'InfeÊle.
D4
^
5ien démontré, qu'il Jie manquoît aux Chenilles du
Tithymale pour exercer les unes fur les autres la
plus grande cruauté , que d'en avoir des occarion^
favojables. M. deB-EAUMUR nous avoit déjà faiç^
connoître une Chenille qui dévore celles de fon
Efpece ; mais il n'avoit vu que cette feule Che-
nille à qui cette barbarie pût être reprochée. Il
faut l'entendre lui-même; rObfervation qu'il rap»
porte diffère des m.ieprie$ à pjufieurs égards.
„ La maxime fi fouvent citée contre nous, die
5, notre célèbre Obfervateur (r), qu'il n'y a que
j(V l'homme qui faffe la guerre 'à l'homme, que les
^, animaux de même Efpece s'épargnent, a affuré-'
^ ment été avancée & adoptée par gens qui n'a-
o, voient pas étudié les Infeftes. Leui* hîfloîre
j, pous fera voir en plus d'un endroit, que ceux qui
^ font çarnacier? eq mangent fort bien d'autres dé
j, leur Èfpeçe quand ils le peuvent. Mais ce qui
,, eft pijS &. particulier à quelques Chenilles, c'eft
M que , quoique faites ; ce femble , pour vivre de'
5, feuilles, quoiqu'elles les aiment & qu'elles ert
3, faflent leur nourriture ordinaire, elles trouvent'
j,, la chair de leurs compagnes un mets préférable ,-
3) elles s'entremangent quand elles le peuvent. Il
3, n'y a pourtant qu'une feule Efpece de Chenilles
,, qui vit fur le Chêne 3' qui m'ait encore donné
3, pccafion de faire cette ' remarque ; elle n'a d'ail*
5, leurs rien qui la fît juger d'^un û mauvais natii*
,, rel i elle paroît aulïi douce qu'aucune Chenille
,, que ce foit, elle n'a ni air de férocité, ni grandîi
j, ^6liyité. Elle eft à feize jambei & très-rafe:
j, (£)..v*** J'avois mis une vingtaine de Cheni>
3, les de çet^e Efpece dans un poudrier 5 on avoie
CO 'Wfl»» /"' '" ^f' T. Il , pag. 41a,
Ca) Ibid, H. }{XXIII. Fig. i.
SUR LES INSECTES, ip^
„ le même foin de les nourrir, que de nourrir celle^
j, de plufieurs autres Efpeces , c'eft • à - dire dé
„ leur donner âe$ feuilles de Chêne nouvelles, dés
,j que celles qu'elles avoient, commenç:oienç à fe
,j faner. On remarqua que Je nombre de ces Che-
j, nilks diminuoit journellement: on ne trouvoic
„ pas cependanc les cadavres des mortes. Cette
„ obfervation rendit plus attentif à les examiner , &
„ l'on vie que lorfque quelqu'une d'elles rencontroic
5, une de fes compagnes, elle tâchoit de la faifir
5, avec fes dents , vers les premiers agneaux ; qu'elle
j, lui faifoit des bleflures morteljes, fi l'attaquée né
„ fe dégageoic p^r de proA^pts eflbrts, avant que
^, d'avoir reçu des coups de dents. Les Chenille^
„ qui ont été percées quelque part périflent , &
„ fi elles ne périment pas fur- lé -champ, bientôc
j, au moins elles deviennent très-foibles; ainfi- l'at-
,j taquante, la meurtrière fe trouvoit bientôt mai-
„ trèfle de fa proie. Quand elle ne pouvoir plus
5, lui échapper, elle la fuçoit & la rongeoir rran*
„ quillement. Celles qui attaquoient, paroifr)îent
„ toujours les plus fortes, elles ne s'adrelToient
5, apparemment qu'à celles dont elles connoilfoif nt
s, l'état de foiblefle, peut-être qu'à celles qu-^ l'ap-
j, proche de la mue rendoit hnguiflantes, ■ Ce qui
5, eft de fur, c'eft que de mes vingt Chenilles &
„ plusj il pe m'en refla qu'une, qui fut dtffinée
», pendant qu'elle mangeoit la dprniere de ks ca-
5, marades. Elle y étoit Q acharnée, qu'elle le
3, laiffa tirer du poudrier fans abandonner' fa proie,
3, à laquelle elle refta attachée; elle continua de
5, fucer & de manger pendant tout le teihps qui fut
3, employé à la deffmer. ' Ce ne font pourtant que
„ les parties intérieures qu'elles mangent , elles
« laiflenir nôiv feulement la tête & ks jambes,
î, elles laiflent mcine toute la peau. Le cadavre
io5 O B E B R y A T I O N S
„ alors eft réduit à peu de chofe, & c'efl: ce
5, qui empêchoic de trouver dans le poudrier ceux
„ des Chenilles qui avoient été mangées, parce
„ qu'on croyoit devoir y trouver des Chenilles mor-
,, tes , ayant Ja forme & la grandeur des vivantes.
3, Celle qui m'étoit refiée périt fans fe transformer
3, en Chryfalide. Mademoifelle Mérian afllire
3, qu'elle a vu auffi des Chenilles à tubercules , qui
„ font celles que nous avons fait repréfenter, Tome
„ I, P. XLIX, Fig. I, ou celles de la PI. L,
3, Fig. I, qui s*entremangeoient ; mais j'ai nourri
, de ces dernières Chenilles fans les avoir vu fe
', traiter avec une pareille barbarie."
Je repris en Juillet 1739, les Obfervatîons que
Vavois commencées l'Eté précédent fur les Chenilles
du Tithymale. Je defirois fur- tout de les voir de
nouveau manger leur dépouill^. Je fis donq cher-
cher de ces Chenilles fur les Tithymales. On m'en
apporta de différentes grandeurs. ' Les unes avoient
atteint leur parfait accroiiTement; les autres enétoient
plus ou moins éloignées. Les couleurs des plus
jeunes étoient fort tendres. Un jaune très-agréable
en faifoit le fond. J'en vis plufieurs fe dépouiller
fous mes yeux, & nianger enfuite leur dépouille.
J'essayai de faire jeûner deux de ces Chenilles.
L'une n'étoit encore parvenue qu'à la moitié de fon
accroifTement: l'autre n'avoit prefque plus à croître.
Je les tins renfermées dans la même boîte vitrée :
je voulois voir fi la plus grande attaqueroit la plus
petite ; mais ce fut ce qui n'arriva point. Elles
fe bornèrent à ronger une vieille dépouille d'une
Chenille de leur Efpece qui s'étoit transformée en
Chryfalide quelque temps auparavant. J'imaginai
enfuite de leur fervir la dépouille d'une grande faus-
fe Chenille au Saule: mais elles n'y touchèrent pas.
SUR LES INSECTES. lo?
Dans le même temps, m'étant mis à diflequer
une de ces Chenilles, j'enlevai touc le canal inftefti-
nal , je veux dire, ce long fac qui contient rcefo-
phage , Teftomac & les inteftins; & après l'avoir
détaché en entier de l'intérieur , je Tétendis fur une
planchette. Je plaçai tout auprès la grande Che-
ni. le que je failois jeûner depuis quelques jours,
& je la vis dévorer tout ce vifcere. Elle le tenoît
ferré entre Tes premières jambes, pour que les dents
ne manquaient point leurs coups.
Un autre jour, je mis à part dans une boîte vÎt
trée deux autres Chenilles du 'l'itbymale qui n'a-
voienç pas encore fubi le dernier changement de
peau. Êlies ne tardèrent pas à fe dépouiller; n, & (^ue
ce fût le petit Ver éclos de fon œuf, qui parvint
à fe glifler dans la cavité. Cette fuppofition me
paroît même plus probable que la première.
C'est aufli perchant eue le Chardon végète en-
core, que la jeune Chc ui île fe loge dans la cavité.
1 2
tz^
OBSERVATIONS
Il ne lui eft pas difficile alors d'y pénétrer; elle
n'a à percer qu'une écorce molle, & qui n'oppofe
que peu de réfiftance. Elle trouve dans la fubftance
médullaire de la plante une nourriture appropriée,
& elle s'en nourrit encore lors même qu'elle s'eft
le plus deflechée. Je me fuis afluré pas une Obfer-
vation direéle de la vérité de ce que je viens de dire
du temps où les Chardons commencent à être habi-
tés par notre Chenille. Le 28 de Juillet, j'en
trouvai une très -jeune dans une tête de Chardon
qui étoit en fleur. Dans une autre tête, pareille-
ment en fl^ur, je rencontrai une Chryfalide.
M. de Reaumur, qui avoit tant approfondi
l'hiftoire des Infeftes qui vivent dans l'intérieur des
fruits, & qui nous a donné fur ce fujet un Mémoire
très • curieux , a beaucoup infifté fur un fait qui
lui a paru fort fingulier: c'efl qu'on ne trouve
jamais, ou prefque jamais, dans le même fruit qu'un
feul Ver ou une feule Chenille, quoiqu'il y ait
des fruits qui en pourroient nourrir à la fois un
alTez bon nombre. „ Les mères Papillons, demande
„ à ce fujet notre célèbre Obfervateur (*), por-
„ tent- elles l'attention jufqu'à ne laiffer qu'un feul
3, œuf fur chaque pomme? Veulent -elles donner
j, un fruit tout entier à chacun de leurs petits?
j, Craignent -elles que deux jeunes Chenilles qui
„ auroient à fe partager une pomme , ne le fifFenc
„ pas en bonnes fœurs : qu'elles ne fe fiflent la
„ guerre , ou au moins qu'elles ne s'incommodafTent
„ mutuellement? Ce n'eft pas même aflez de l'at-
„ teniion de la mère , dont nous venons de parler,
„ il faut encore celle des autres mères Papillons
„ de la même Efpece. Pourquoi une autre femelle
(•) Mém, fur les in/. Tome II, pag. 48<5.
SUR LES INSECTES. 133
,^ ne feroit-elle pas invitée par la pomme bien
„ condidonée , fur laquelle la première a laifîe un
„ œuf, à y venir placer un des fiens 7 Le Papillon
„ commence - 1 - il par examiner s'il n'y a pas déjà
„ un œuf fur cette pomme? Tout cela a pourtant
„ l'air très - vraifemblable , & je fuis bien difpofé
„ à le croire vrai, par rapport a quelques Inft6tes,
„ mais il ne l'efl pas par rapport à tous "
Notre Auteur cite à cette occafion la petite
Chenille des grains d'orge, dont j'ai dit un mot
ci-defTus; & il remarque que le Papillon laiffe fur
un leul grain d'orge un paquet de vingt à trente
œufs; & puifqu'on ne trouve dans chaque grain
qu'une feule Chenille, il faut que celle qui a pris
pofleiîîon d'un grain fâche en défendre l'entrée aux
autres. M. de Reaumur ajoute à ce fujet : „ Qu'il
3, y a grande apparence que dans certaines circon-
3, fiances il y a des guerres, & des guerres très-
5, meurtrières, pour s'aiïurer la paifible pofTelîîon
5, d'un grain d'orge, plus important pour chacune
j, de nos Chenilles , que ne le font pour nous les
5, plus riches héritages; & je puis avoir fait naître
„ beaucoup de pareilles guerres Peut-être
3, y auroit- il moyen de voir de tels combats, quel«
3, ques petits que foient les Infeftes qui fe les
3, livrent ; mais j'ai négligé de faire les Obferva.
3, tions qui auroient pu m'apprendre fi une Chenille
„ qui s'eft rendue maitreffe du grain , peut s'y
„ maintenir, ou fi une autre Chenille ne pénètre
3, pas dans fon habitation, ou ne vient pas à bouc
3, de l'y égorger."
Notre petite Chenille du Chardon efl bienda
nombre de celles qui vivent dans la plus parfaite
folitude. Parmi une quantité confidérable de têtes
de Chardons que j'ouv^ris en diJŒÎéfemes années,.
13
134 OBSERVATIONS
depuis 1738 jufqu'en Mai 1742, je n*en trouvai
pas une feule qui renfermât plus d'une Chenille.
Comme mes Obfervations fur ce fujet ne fe démen-
toient point, il me vint en penfée de tenter diverfes
expériences, qui, en m'inflruifant plus à fond du
naturel de notre Chenille, puiTmt répandre quelque
jour fur la partie la plus intér^flante de Thidoire
des Infeftes qui vivent dans l'intérieur des fruits.
Je fotihaitois de fuppléer ainfi à ce qui manquoic
aux curieufes Obfervations de M. de Reaumurj
& ce qu'il avoit négligé de faire, fut précifément
ce que je me propofai d'exécuter. J'ai encore à
demander grâce pour les nouveaux détails dans
lefquels je vais entrer.
Après avoir tracafle alTez long -temps une Che-
nille du Chardon, & l'avoir forcée plufieurs foi*
è^ forcir de fon fourreau, & à y rentrer akernaiive-
inent, je la fis tomber fur une feuille de papier
blanc. Elle y demeura quelque temps immobile,
portant feulement fa tête de côté & d'autre comme
pour chercher fon fourreau. Ses mouvemens écoienc
fort lents: on auroit dit qu'elle fe trouvoic mal.
Je la touchai légèrement près de la tête avec la
pointe d'un piquant, elle recula aulîî-tôc avec une
grande vitefle ; (Se, ce qui me parut digne de remar-
que, c'efl que ce fut en ligne droite, & précifé-
ment comme elle l'auroit fait fi elle eût été encore
dans fon fourreau. J'obfervai même que la ligne
qu'elle traça en reculant étoit à -peu -prés égale à la.
longueur du fourreau. Je répétai l'expérience , &"
le réfuitat en fut toujours le même. L'efpace que
fa Chenille parcourut chaque fois à reculons, me
parut toujours à -peu -près égal à la longueur de fa
cellule. Je la laiffai enfin à elle-même, mais fans
Û perdre de vue. Elle demeura à la même place.
SUR LES INSECTES. 13^
& porta la tête à droit & à gauche , mais avec plus
de lenteur encore que la première fois. Quand
elle eut demeuré quelque temps dans cette forte
d'inaélion , je m'avifai de placer auprès d'elle la
tête du Chardon que je l'avois forcée d'abandonner.
Je l'avois ouverte fuivant fa longueur. Elle en
reprit aufli-tôc polTeffion, & il me fut aifé de recon-
noître que je l'avois fer vie comme elle le defiroit.
Un moment avant que d'y rentrer, elle paroiflbic
fort languiflante & ne fe donnoit prefqu'aucun mou-
vement : mais dès qu'elle fut rentrée dans fa cellule,
elle fembla fe ranimer & prendre une nouvelle vie.
Tous fes mouvemens étoient incomparablement plus
vifs. Je la vis reculer dans la cavité du Chardon
avec une merveilleufè vitefle; mais elle fe donna
bien de garde d'outrepaffer l'extrémité de la cavité :
^lle ne l'eut pas fi • tôt atteinte du bout de fon der-
rière, qu'elle s'arrêta. Je la piquai alors près de
la tête pour voir fi je la déterminerois à reculer
d'avantage, & à fortir de la cavité: mais je fus
bien furpris de h voir faifir fortement avec les
dents la pointe du piquant dont je me fervois:
elle la faifit même û fortement qu'elle y demeura
fufpendue. Dans cette attitude , elle fe mit à
pirouetter en l'air , & après quelques tours de
pirouette , elle lâcha le piquant ôc retomba dans
la cavité. Je réitérai l'expérience , Ck le fuccès en
fut le même.
Cette expérience m'apprit donc ce que je
devois penfer du naturel de notre Chenille ; où elle
me montroit affez qu'elle n'étoit point endurante.
J'en inférai qu'elle ne feroit point d'humeur de
partager fon domicile avec une autre Chenille de
fon Efpece, & que, fi je tentois de faire vivre
enfemble deux ou plufieurs de ces Chenilles, j'oc-
i 4
136 OBSERVATIONS
cafîonnerois entr'elles bien des combats. Je ne
tardai pas à l'entreprendre. Il convenoit encore
de m'aflurer, (i je ne pourrois point parvenir par
des moyens appropriés, à les forcer de travailler
çn commun dans la même habitation.
Pour cet effet, je commençai par renfermer^
trois de nos Chenilles avec quelque fragment de
Chardon, dans une boîte cylindrique de verre i,
d'environ un pouce de diamètre, fur à -peu -près,
autant de profondeur, à l'ouverture de laquelle
étoit adaptée une loupe de dix à on^e lignes de
foyer , qui lui fervoit de couvercle. Mes Chenilles
tirèrent un grand nombre de fils de foie, qui alloient
d'une paroi à l'autre , & qui fe croifoient de mille
<& mille manières. De tous ces fils fe forma peu-
à-peu une forte de toile ou une façon de tente,
qui recouyroit les Chenilles. Au bout de quelques
jours, je n'en trouvai que deux qui fufTent viv^antes:
la troifieme étoit morçe, & l'on verra bientôt qu'il
Ti'y avoit pas lieu de penfer que fa mort evlt été.
îiaturelle. Son attitude étoit remarquable : elle
àvoit la tête élevée dans la toile : un fil fortoit de
fa. filière, & elle fembloit filer encore. Son corps,
s*étoit fort raccourci,, & fa couleur tiroit fur le
Jaune.
Mes deux autres Chenilles fe tenoient conflam-
ment à une certaine diflance l'une de l'autre. Les
fragmens du Chardon, qui occupoient le milieu du
logement, fembloient faire ù leur égard l'office d'un
mur de réparation. Ils ne les féparoient pourtant
j>as entièrement : elles pouvoient quelquefois fe.
lencontrer ; & lorfque cela arrivoit , je voyois une
de ces Chenilles, ou toutes les deux enfemble,
«'éloigner à reculons avec beaucoup de vitefîè. Il
R'ét^it; pas mêcie nécelTaire qu'elles parvinfTent à fe
SUR LES INSECTES.
nr-
toucher l'une l'autre pour fe fuir réciproquement.
je les voyois s'éloigner promptement , quoiqu'elles
fuflenc encore h une diftance aflez confidérable
l'une de l'autre. Les fils tendus de tous côtés les
qvertiflbient fans doute de leur approche, & les
plus légers ébranlemens de ces fils les déterminoienc
Q s'éloigner. Elles perfifterent donc à vivre fépa*
rées, & à travailler chacune à part.
J' É T 0 1 s très - attentif à obferver leurs moindrej
démarches. Un jour qu'une de mes Chenilles étoic
montée vers le haut de la boîte où elle s'occupoic
à tendre de nouveaux fils, il lui prie envie de
defcendre vers le fond. Elle ne tarda pas à ren-
contrer l'autre Chenille, qui s'y étoit établie. Cette
fois, ni l'une ni l'autre ne voulut reculer, & à
rinftant conimença un furieux combat. Je ne faurois
mieux le rendre, qu'en rappelant à l'efprit démon
Leûeur l'image de deux Chiens acharnés l'un con-
tre l'autre. Elles fe mordoient à outrance, & je
les voyois engager réciproquement leurs mâchoires
l'vine dans l'autre, & faire tous leurs efforts pour
fe porter quelque coup mortel. Elles n'y parve-
noient pas néanmoins: leur tête & leur premier
anneau étoient trop bien cuiraffés. Le combat dura
quelque temps avec le même acharnement. Elles
lâchèrent prife enfin; mais elles reflerent en pré-
fence & à la même place. Toutes deux détournoient
un peu la tête en fens oppofé , comme deux Coqs
qui font aux prifes , & qui font prêts à recommencer
le combat. Elles revinrent en effet à la charge,
& fe livrèrent plufieurs autres combats dont je fus
fpeclateur. Mais il me parut que la partie n'étoic
pas tout-à-fait égale, & que la Chenille qui occupoit
le fond de la boîce avoit ordinairement l'avantage,
quoiqu'elle ne fût pas fenfiblement plus grande que
I 5 •
ijS OBSERVATIONS
l'autre. Au bout de quelques femaines, mes deux
championnes périrent: je ne faurois dire fi ce fût
des fuites de quelqu'autre combat qu'elles fe ruQenc
livré à mon infu. Tout ce que je puis affirmer,
ç*eit qu'elles ne fe rencontroient jamais fans en
venir aux prifes, & toujours avec un nouvel achar»
nement. Je faifois ces Obfervations dans le mois
de Février,
A-PEU-PRES dans le même temps (*), je ren-
fermai une de nos Chenilles dans une petite boîte
ronde, avec une portion de fon fourreau & quel-
ques fragmens de Chardon. Elle s'établit entre les
parois de la bo^te & la portion de fourreau. Bientôt
elle affujettit celle-ci aux parois par des fils de foie
qu'elle tira de l'une à l'autre. Elle parvint ainfi
à fe faire une forte de cellule qu'elle laiflâ ouverte
aux deux bouts! Mais apparemment que ce loge-
ment lui parut trop étroit : elle fe mit à l'agrandir
en prolougeant les deux bouts de la cellule. Elle
fila donc aux deux extrémités une toile légère qui
ne cachoit l'Infeéte qu'en partie. Je fis une ouver-
ture à cette toile, par laquelle j'introduifis dans le
logement une autre Chenille de même âge. J'eus
de la peine à l'obliger à entrer dans ce logement.
Il fembloit qu'elle prévît le fort qui l'y attendoit.
Elle ne fut pas plutôt entrée , que la maitrefle de
la loge lui courut defllis & la força à regagner la
porte. Je la contraignis de rentrer en la piquant
près du derrière. J'engageai ainfi un fécond combat
entre les deux Chenilles II fut très - vif. Tandis
qu'elles étoient aux prifes à l'entrée de la loge , &
que l'habitante faifoit les plus grands efforts pour
s'en conferver la poffeflion , je piquai fi fortement
<*) Février 1739.
SUR LES INSECTES.
139
l'étrangère que je la rais dans la néceflité de franchb
le paffage & de pénétrer jufques dans l'intérieur de
l'habitation; ce qu'elle exécuta avec une prompti-
tude qui indiquoit aflez combien elle defiroit d'es-
quiver les coups de dents de fon ennemie. Celle-ci
fe retourna à l'inftant, bout par bout » pour courir
de nouveau fur l'étrangère qui étoit déjà parvenue
à l'autre extrémité de la loge, & qui cherchoit à
s'y faire jour: mais ayant été obligé de m'abfenter,
je ne pus continuer à ttiivre nos championnes. Elles
fe livrèrent fans doute un plus furieux combat;
car je trouvai le lendemain une des combattantes
morte à l'extrémité de la loge. Le genre de fa
mort ne paroifloit pas équivoque : elle avoit rejeté
par la bouche une liqueur qui avoit falî le fond de
Ja boîte, & qui prouvoit allez qu'elle avoit péri
de mort violente. Je ne pus m'aflurer fi c'étoit
l'étrangère : les deux Chenilles étoient fi femblables
qu'il n'étoit pas poffible de les diftinguer furement:
mais il y a bien de l'apparence que l'habitante avoit
égorgé l'étrangère: ce qui s'étoit pafTé fous mes
yeux dans les divers combats qu'elles s'étoient livrés
& où l'étrangère avoit eu conftamment le deflbus ,
l'indique alTez.
Je voulus obliger la Chenille qui étoit demeurée
en pofleirion de Ta cellule à fe montrer au dehors:
je la contraignis donc de forcir; & je remarquai,
que lorfqu'elle fe fat avancée près de l'endroit où
l'autre Chenille avoit été mife à mort , & qui avoit
été fali par la liqueur qui avoit été répandue, elle
s'arrêta tout d'un coup & refufa de paffer outre.
J'eus beau la piquer fortement prés du derrière:
ce fut en vain.
Je tentai enfuite deux autres expériences, dont
je jugeai que les réfukacs feroient plus décififs
x^o OBSERVATIONS
encore. J'introduids dans la tête d'un Chardon que
je favQÏs être habicée par une, de nos Chenilles, deux
autres Chenilles de Ja même Efpece. Au bout de
quelques jours, je trouvai deux de ces Chenilles
mortes à une des extrémités de la cellule. Mais,
parce qu'elles étoient toutes de mên^e taille, il ne
jne fut pas plus poflible , cette fois que l'autre , de
jn'afrurer fi c'étoit l'habitante qui étoit demeuré:^ en
pofTeflion de la cellule. Afin donc de tâcher d'y par-
venir, je lis une féconde expérience. J'avois une
tête de Chardon habitée par une jeune Chenille ;
j'introduifis dans cette tête une Chenille de même
fefpece , mais plus âgée. Quelques jours s'étant écou-
lés , j'ouvris la tête du Chardon , & je vis la jeune
Chenille privée de vie à l'extrémité de la cellule.
L'habitante ne parvient donc pas toujours à égorger
l'étrangère; & il paroît bien probable que la cellule
demeure le plus fouvent à celle qui a le plus de force
ou de vigueur. Ceci n'efl pourtant pas confiant.
J'ai vu une de nos Chenilles du Chardon , qui avoy:
■fait un long jeune, & qui fembloit très ■ afFoibiie ,
donner la chafTe à une autre beaucoup plus vigou^
reufe en apparence. Je l'obfervai même la faifir fi
fortement avec fes dents, qu'elle ne pouvoit ni avan»
cer ni reculer. Je revis le même fait dans une autre
circonflance : cette fois l'habitante faifit au corps
l'étrangère & lui fît une profonde blefTure , dont il
fortit une liqueur limpide & prefque fans couleur.
J E rapporterai encore une expérience bien propre
à faire juger du naturel infociable de notre Chenille
du Chardon. Après avoir partagé en deux fuivant
fa longueur , une tête de Chardon habicée par une
de nos Chenilles , j'introduifis dans le fourreau
une autre Chenille de même Efpece, mais beaucoup
mpins, avancée en âge. Au bout d'une heure (&
SUR LES INSECTES. 141
demie, l'habitante du fourreau Tabandonna à ma
grande furprife ; car je n'avois point du tout pré-
fumé que l'étrangère la forceroit à déloger. Le
lendemain j'obfervai que la petite Chenille qui
s'étoit emparée du fourreau , avoit pris la précaution
de le fermer de toutes parts, & qu'elle l'avoit fait
comme fi elle y eût habité toute fa vie. J'ouvris
le fourreau par un bout , & j'y fis rentrer la
Chenille qui en avoit été délogée. L'opacité du
fourreau ne me permetoit pas de voir ce qui fe
paflbit dans fon intérieur; mais fans doute que
l'étrangère livroit combat à la maîtrefîe de la cellule ;
puifque celle ci l'abandonna de nouveau. Quelques
heures après , je la furpris qui changeoit de peau.
L'ancien crâne étoit déjà tombé & la dépouille ne
tenoit plus qu'à la partie poftérîeure de la Chenille.
Je fus attentif à la fuivre : je voulois favoir fî la
Chenille du Chardon eft du nombre de celles qui
dévorent leur dépouille (*). Prefque toute la
journée fe pafla fans qu'elle pût parvenir à achever
de fe dépouiller. Enfin, elle vint à bout de fe
débarafler entièrement de fa vieille peau. Comme
elle n'y touchoit point, j'efi~ayai de la lui mettre
fous la dent; mais cette tentative fut inutile. Je
n'en conclurois pas néanmoins que cette Efpece ne
mange pas fa dépouille : celle de ma Chenille pou-
voit s'être trop deflechée.
Je ne fus donc plus furpris que l'étrangère eût
donné la chafFe à la maitrefle de la loge: la circon*
fiance de la mue privoit celle-ci de la plus grande
partie de fes forces. Lorfque je jugeai qu'elle
avoic repris fa vigueur naturelle, je la fis rentrer
dans la loge ; mais elle en refîortit encore au bout
C*) Voy. Obf. XVU.
f42 OBSERVA T I O N S
d'une heure. Quelques jours après je l'y introduifié
pour la troifieme fois. Les fuites de cette nouvelle
tentative furent différentes: la vi6loire fut très-
balancée. Les deux combattantes fortirent en partie
du fourreau; J'une par une des extrémités, l'autre
par rextrémité oppofée. Elles y rentrèrent & en
fortirent alternativement à plufieurs reprifesi Enfin ,
la viftoire fe déclara pour la maitrefle du logis ^
& l'étrangère fe vit contrainte de l'abandonner
entièrement. Je l'y fis rentrer. Elle y demeura
quelques jours pendant lefquels les deux Chenilles
travaillèrent l'une à un bout du fourreau , l'autre
au bout oppofé. La paix fembloic avoir fuccédé
à la guerre ; mais ce n'étoit qu'une trêve ; car
l'habitante du fourreau l'abandonna de nouveau à
l'étrangère.
Toutes les expériences que je vieris de rap-
poner prouvent, d'une manière bien démon (Irative^
que la Chenille du Chardon ne fauroit (oufFrir dans
fa cellule une autre Chenille de fon Efpece, ÔC
que lorfqu'une telle Chenille s'y introduit ou qu'on
l'y introduit, il eft entre les deux Chenilles une
guerre prefque perpétuelle (*). On ne peut guère
douter après cela , qu'il n'en fût de même des Che-
nilles & des Vers qui vivent folitaires dans l'inté-
. (♦) Comme je voulois faire exécuter les deffeins relatifs à l'hiftoirg
de notïe Chenille du Chardon, j'ai fait ramafler dans le Printemps de
cette année 1777, un bon nombre de têtes de Chardons, ce qui m'a
fourni plus d'une occafion de revoir des combats finguliers entre nos
Chenilles, dont l'habile Otifinateur a éré témoin oculaire; Le 4 Avril,
ayant renfermé dans la tête d'un Chardon habité par une de nos Che-
nilles, trois autres Chenitlei de fon Efpece; le 9, trois de Ces Chenilles
ne vivoient plus. L'expérience ayant été répétée encore le 12 , le fuccès
en a été précifément le même. Je n'avois introduit celte luis dans le
Chardon que deux Clieiiilles: toutes étoient d'égale grandeur; Cinq à
Ilx jours après il n'en reftoit qu'une feule de vivante. J'ai dit que
mon Deffînateur avoit été témoin oculaire des combats de nos petites
Chenilles; je pouriois ajouter auriculaire, car il eutendoit très- bien le
»li(]uciis de leurs tnâchoiies.
\
s U R L E s I N s E C T E s. 143
rieur de quantité de fruits, fi l'on tentoît fur ces
Chenilles &. fur ces vers des expériences femblablea
à celles que j'ai tentées fur la Chenille du Chardon.
De pareilles expériences ne feroient pas à négliger,
<5c pourroient offrir des réfultats imért flans qu'on
ne prévoit pas, & qui différeroient plus ou moins de
ceux que mes expériences m'ont donnés. On peut
facilement imaginer en ce genre des combinaifons
auxquelles je n'ai point fongé, & qui en plaçant
les Infeéles dont il s'agit dans des circonftances
très - éloignées de celles où la Nature les place,
donneroient lieu à des réfultats très nouveaux. Oa
ne fauroit trop varier les expériences du genre de
celles-ci, puifqu'elles font fi propres à répandre du
jour fur l'hilloire de nos petites folitaires.
Je ne m'étois pas encore aflcz inftruit du travail
de notre petite Chenille du Chardon : l'indullrie des
Infeftes étoit toujours ce qui piquoit le plus ma
curiofité. Il me vint donc dans l'efprit de tenter
quelques expériences relatives à cet objet. Après
avoir tiré de leur habitation bon nombre de Che-
nilles de cette Efpece, je les renfermai dans de
petites boîtes, en obfervant de ne mettre dans
chaque boîte qu'une feule Chenille, afin qu'elle
ne fût point troublée pendant le travail. Je don-
nai aux unes des rognures de piquans; aux autres,
des fragmens plus où moins confidérables de la tête
du Chardon ; a d'autres des portions plus ou moins
longues du fourreau qu'elles s'étoient conflruit dans
leur ancienne habitation ; enfin j'en laiiFai d'autres
dépourvues de tous matériaux.
L E travail de mes folitaires fe diverfifia en raifbn
des circonflances différentes où je les avois placées.
En général , je remarquai que les Chenilles qui
avoient à leur difpofition une portion de fourreau ,
144 OBSERVATIONS
s'étoient mifes à l'ouvrage plutôt que les autres,
& qu'elles avoient bien plus travaillé en temps égal.
On devine bien que celles que j'avois privées de
matériaux, avoient été les moins diligentes & les
moins laborieufès. Parmi ces dernières, il n'y en:
eut qu'une /èule qui parvint à fe faire un affez bon
fourreau de pure foie. Les autres fe bornèrent à
tirer des fils de côté & d'autre , qui n'ofFroient rien
qui eût le moins du, monde l'air d'un fourreau.
Plufieurs périrent : mais ce qui me parut aflez
remarquable , c'eft qu'il y en eut qui vécurent
jufqu'à la fin d'Avril , quoiqu'elles enflent été pri-
vées de toute nourriture depuis le mois de Février.
Leur taille avoit fort diminué, & pourtant elles
ne laiflbient pas de filer fans cefl!e comme les autres,
éi ne fembloient pas s'en porter moins bien.
Entre les Chenilles que j'avois renfermées dans
mes boîtes, il y en avoit une à qui j'avois livré
en entier le fourreau qu'elle s'étoit conllruit dans
la tête du Chardon dont je l'avois tirée. Ce four-
reau avoit plus d'un pouce de longueur. Je l'avois
placé précifément dans le milieu de la boîte ; enforte
qu'il étoit partout à égale diftance des parois. J'étois
fort curieux de voir comment la Chenille s'y pren-
droic pour tirer parti de ce fourreau. Il ne me
fembloit pas qu'elle pût jamais réuffir à y rentrer.
Comme il n'avoit pas de confiftance , il s'étoit
affaifle fur lui-même, & n'avoit pu conferver fa
forme de tuyau ; & , parce qu'il n'étoit point retenu
fur le fond de la boîte, il n'étoic guère poflïble que
la Chenille pût parvenir à introduire fa partie anté*
rieure dans une des ouvertures placée aux extré-
mités. Ce ne fut point non plus ce que la Chenille
entreprit: Elle fe contenta des dehors du fourreau
' fur lefqaels elle s'établit. Elle les revêtii en entier
d'une
SUR LES INSECTES. 145
à'ane tapilîerie de foie. Elle fît plus ; elle fila des
deux côtés du fourreau une toile qui rafTujeitiiToic
aux parois de la boîte. Les fils de cette toile
h*étoient pas tous dans le même plan; mais tous
étoient à- peu -pi es perpendiculaires à la longueur
du fourreau. C'étoit fur cette toile que la Chenille
fe tenoic ordinairement. Elle employa tout le mois
d'Avril à la tendre. Sur la fin de ce mois , tandis
que je l'obfèrvois avec beaucoup d'attention, je
remarquai qu'elle retiroic fa tête entre fes premières
jambes , ôt qu'en même temps elle l'appuyoit for-
tement fur la toile. Je crus pénétrer fon defiein r
je foupçonnai qu'elle vouloit exécuter fur cette toile
ce qu'elle auroit exécuté fur l'écorce du Chardon ;
je veux dire, y pratiquer un de ces trous ronds
dont j'ai beaucoup parlé. Je ne me trompois point;
& c'étoit en effet à quoi elle étoit occupée. Elle
n'eut pas grand'peine , comme on le juge bien , à
percer un tiffu auflî foible. Elle n'y eut pas fitôc
appliqué la dent, qu'il s'y fie une ouverture biea
plus grande que la Chenille ne s'étoit fans doute
propofé de la faire. Le tiflTu avait une certaine
tenfion, & le reflbrt des fils tendoit naturellement:
à agrandir l'ouverture. Mais , foit que la Chenille
trouvât trop de facilité à percer le tifTu , foit qu'elle
fût déterminée par quelqu'autre caufe à interrompre
fou opération, je la vis abandonner le deflus de la
toile, defcendire fur le fond de la boîte & aller
filer ailleurs. Après qu'elle eut ainfi abandonné
la toile, j'jpperçus nne chofe qui m'avoit d'abord
échappé: je Vis que la Chenille avoit fait dans le
tifiTu Dcàucoup d'autres ouvertures, les unes plus
grandes, les autres plus petites. Elle ne $ étoic
pai même borne . à crib!er de trous le tiflii de là
toilj ; elle en avc!- ufé de même à l'égard du tour-
teau. Elle y avtjit auflî pratiqué une multitude de
To?ne IL K
146 OBSERVATIONS
trous d'inégale grandeur. Je ferai ne'anmoins obfer-
ver qu'elle avoic épargné toute la partie de la
toile qui ne touchoit pas au fourreau. On ne peut
guère douter que ces trous n'euflent quelque rap-
port avec ceux que la Chenille pratique dans l'écor-
ce du Chardon ; & cette obferration me donne lieu
de préfumer que, fi l'on répétoit mes expériences,
on verroit la Chenille attaquer le fond même de
la boîte ou ies parois, & entreprendre de les
percer. Elle y réufllroit probablement, lî la boîte
étoit d'un bois tendre & très -mince.
QU0IQ.UE je me fufle bien affuré que la Che-
nille du Chardon ne fauroit vivre en fociété, je ne
laiflai pas, en Mars 1739, de renfermer fept à huit
Chenilles de cette Efpece dans une même boîte,
dont la capacité étoit telle qu'elles pouvoient y être
toutes très à i'aife. Je ne leur livrai que des rognu-
res de piquans. Elles filèrent beaucoup ; mais les
fils qu'elles tendirent de tous côtés ne préfentoient
lien de régulier. Il n'y en eut qu'une feule qui
réuffit à fe conflruire un fourreau de pure foie.
Toutes périrent au bout d'un temps plus ou moins
long.
Ce s t dans la cavité même de la tête du Chardon
oue notre Chenille fe transforme en Chryfalide.
J'ai eu des preuves qu'avant cette métamorphofe ,
la Chenille change au moins deux fois de peau.
Elle ne fe file pas toujours une Coque ou une enve-
loppe particulière, pour y fubir plus en fureté fa
transformation. 11 m'efl arrivé d'ouvrir un Char-
don dans lequel une Chryfalide de notre Chenille
étoit renfermée, & cette Chryfalide étoit intiére-
ment à découvert. Elle repofoit fur un lit de
moelle, & fa partie poflérieure étoit Amplement
arrêtée par quelques fils de foie tendus transverfale-
SUR LES INSECTES. 147
ment." La tête de la Chryfalide regardoit vers le
petit trou rond percé dans Técorce de la cavité. Le
fourreau n'écoit recouvert que de quelques grains
d'excrémens. La couleur de la Chryfalide [ PI IFy
Fïg, VL'] étoit un rouge aflez vif: elle paroifToic
s'êcre dépouillée récemment de la peau de Chenille.
Quand oh la tduchoic, elle agitoit fa partie pofté*
rieure avec affez de vitefTe. Je l'examinai à la lou*
pe: elle étoit conique; & je crus reconnoître que
le Papillon portoit des antennes à filets coniques^
& qu'il étoit dépourvu de trompe. Je me rappelle
d'avoir eu ce Papillon : il étoit aflez joli ; mais ja
n'en retrouve point la defcription dans mon Journal.
L E fourreau de pure foie que notre Chenille fe
conflruit dans la tête du Chardon, n'eft pas tou-
jours recouvert Amplement d'une couche plus ou
moins épaiffe d'excrémens : il eft quelquefois recou-
vert plus proprement & mieux défendu. Il l'eft
par une forte de furtout fait entièrement de la moel-
le du Chardon. Dans un fembiable fourrtau, je
trouvai, en Mai 1742, une Chenille qui avoir pris
à -peu -près tout fon accroiflement. Vers le milieu
de fa longueur, & dans fa partie inférieure, le
fourreau étoit percé d'un trou qui répondoit direc-
tement à celui que la Chenille avoit pratiqué dans
l'écorce du Chardon. Celui-ci étoit plus petit, &
l'entrée en étoit défendue, comme à l'ordinaire,
par un amas de ces petics corps cannelés , que j'ai
dit être les graines même du Chardon. Mais ici
j'obf rvii une particularité que je n'avois pas enco-
re vue: pludeurs des corps cannelés écoient rongéJB
en partie près de leur bafe.
Dans un autre fourreau , recouvert pareillement
de moelle, ôc percé ccmme le précédent d'un trou
K a
t4$ OBSERVATIONS
qui commun iquoit avec celui de l'ëcorce, je ne
rencontrai point de Chenille, quoique la doublure
de foie parût avoir été filée récemment. En -exa-
minant l'extérieur du fourreau, je découvris une
tête de Chenille.
Si un grain d'orge foffit à nourrir pendant toute
fa vie ia Chenille qui l'habite, la tête du Chardon
à bonnetier, incomparablement plus grande, doit
à plus forte raifon contenir afTez de moelle pour
entretenir toute fa vie la Chenille qui s'y renferme*
11 eft même prouvé qu'elle fe nourrit encore de la
moelle contenue dans la tige. Je n'oferois pourtant
alTurer que notre Chenille ne forte jamais du Char-
don dans lequel elle s'eft établie. J'ai ouvert des
têtes de cette plante, dont l'écorce montroit le petit
trou rond, & dont l'habitante, parvenue à -peu-
près à fon parfait accroiflement , n'avoit prefque
point travaillé. On ne voyoit même aucun vertige
de fourreau , & tout fembloit indiquer que ces têtes
n'étoient habitées que depuis peu. Je foupçonne-
rois volontiers, qu'il arrive quelquefois à la Chenille
de pafler d'un Chardon dans un autre, & qu'elle
s'y introduit par la tige comme par un canal. J'ai
rencontré un pied de Chardon qui portoit trois
têtes : la tête du milieu ëtoit placée à l'extrémité de
la principale tige: les deux autres, à l'extrémité
de deux tiges fecondaires, qui partoient de la tige
principale, ôc ces deux tiges étoient percées ou
vuidées dans toute leur longueur. Je ne me rap-
pelle pas qu'aucune de ces têtes fût actuellement
habitée.
Voila ce que j'avoîs à dire fur la petite Che-
nille qui vit dans l'intérieur de la tête du Chardon
à bonnetier. Je lailTe fon hiftoire bien imparfaite ;
SUR LES INSECTES. 14^
car, malgré l'étendue des détails dans lefquels je fuii
entré, je me perfuade facilement que je ne l'ai
que groflîérement ébauchée. Mais quel eft rinfefte
dont le Naturalifte le plus patient & le plus labo-
rieux puille fe flatter d'épuifer l'hiftoire! Ce que
nous connoifTons des produélions delà Nature, fe
réduit toujours à un certain nombre de faits plus
ou moins particuliers, <& ce nombre peut accroître
fans cefle, parce que les çombinaifons foijc diver-
fifiables 9 l'indéfini,
A y refte, notre Chenille n*e{l pas le feul Infec-»
te qui vive dans la tête du Chardon à bonnetier:
elle eft encore habitée quelquefois par un Infcfte
de genre très -différent, que je n'ai pas fuivi, mais
que je ferai connoître. Il n'efl pas plus grand
qu'une raitte. Il eft extrêmement agile. Sa couleur
eft un rouge pâle. Sa tête eft grofle proportion-
nellement au corps. Elle a de chaque côté un gros
ceil noir, du deflbus duquel part une antenne à- peu-
près conique, compofée d'une fuite de vertèbres,
& garni de poils d'un bout à l'autre. La bafe eft
formée de deux articulations en manière de boutons.
Le devant de la tête imite un peu celui de la tête
des Sauterelles ; il eft feulement moins alongé. Au
corcelet tiennent fix jambes, garnies à leur extré-
mité de deux crochets. Le corcelet fournit encore
des attaches à quatre efpeces d'ailes longuettes &
étroites , & qu'on diroit n'avoir pas encore pris
tout leur accroiflement. Elles reflemblent allez,
inais très en petit, à celles de ces nymphes aquati-
ques qui fe transforment en Demoifclles de la plus
grande efpece. Le corps eft alongé , & de forme
conique. Il eft compofé au moins de neuf anneaux.
J'ai trouvé pkfteurs de ces Imei^cs raftembiés dans
K3
jsités par des Chenilles de cette Efpece : j'en cher-
chai inutilement fur de grand Frênes.
Ces cornets ne font pas bien communs. Sur
çnviron une douzaine que je parvins à raflembler,
il y en avoit plufieurs qui étoient percés d'un trou
rond près de leur bafe. Ce trou ne doit pas être
confondu avec la porte ménagée pour le Papillon :
celle-ci eft toujours percée dans la partie de la
iPeuille qui fert de bafe au cornet. Dans ces cor-
nets ainfi percés près de leur bafe, je ne trouvai
ni Chenille ni Coque ; mais je vis feulement des
excrémens de Chenilles & quelques petits Perce-
oreilles. C'étoient probablement ces Perce- oreilles
Ci;) Mém.\ptur fervir à rifi/l, des Inf. Tom. U , Mém. V,
K s
j^^ OBSERVATIONS
qui avoient fait périr J'habitante de la cellule , ou
qui l'avoient forcée de déloger. Dans un autre
cornet je trouvai une forte de Punaife noire: dans
un autre , une petite FaufTe • Chenille verte , à
vingt- deux janibes. D'autres cornets , qui n'étoicqt
point percés , m'offrirent la petite Chenille elle-
même immobile, & qui paroifloit fur le point de
changer de peau. Un autre cornet, percé près de
]a bafe, ne renfermoit ni Inreèl;e ni excrémens. Un
autre renfermoit une Coque, dont le Papillon n'é-
toit pas encore forti. Enfin , dans un autre cornet ,
dont la petite porte ronde étoit ouverte » je trouvai
une Coque en grain d'Avoine, qui renfermoit une
Chryfalide b;en vivante. Un accident à moi in-
connu, avoit fans doute fait tomber la petite por-
te, comme on le. voit arriver quelquefois à celle
que pratique la petite Chenille des grains d'orge.
Je me propofai de reprendre l'année fuivante
mes Obfervations fur cette induflrieufe Chenille:
d'autres occupations m'en détournèrent; mais j'en
ai dit affez pour exciter la curiofité des Obfer.
vateurs.
V
SUR LESINSECTES. jss
OBSERVATION XXI.
Sur me Chenille qui^ comme la grande Chenille
à tubercules , fe conflruit une Coque en m^h
niere de Najfe de Poiffon.
O
N ne peut s'empêcher d'admirer le procédé in-
duftrieux de la grande Chenille à tubercule du Poi-
rier (i). La grofle Coque (2) qu'elle fe conftruic,
eft d'une foie très-forte , très-gommée , & d'un tilTu
ferré & fort épa.ls. Le Papillon y demeureroit in-
failliblement prifonnier, fi la Chenille ne prenoit
]a précaution de la laiffer ouverte par une de fes
extrémités. Cette extrémité eft effilée ; l'autre eft
grofle & arrondie. Si Ton regarde de prés l'extré-
mité effilée, & mieux encore, fi l'on ouvre la
Coque fuivant fa longueur (3) , on reconnoîtra que
tous les fils vont fe réunir vers l'ouverture à la ma-
nière des baguettes qui compofent les nafles dont
on fe fert pour prendre le Poiflbn. Les fils de
la Coque forment donc là une forte d'entonnoir:
ils y font plus forts , plus roides qu'ailleurs. L'a-
droite ouvrière ne fe contente pas même d'un feul
entonnoir, elle en conftruit un fécond fous le pre-
mier; & les fils de celui-là font encore plus ferrés
que les fils de celui-ci. On voit aflez l'ufage de
ces entonnoirs : ils fervent à interdire l'entrée de la
Coque aux Infeftes rôdeurs Se mal-faifans. Ils font
pour ces Infeéles ce que font les nafles pour les
(0 ^/'^w. M Us Inf, Te m: I, PI. XLVIII, Fig. i.
(a) PI. XLVin, F g. 4,
(3) Ih'ià. Fig. 6. _
,^(5 OBSERVATIONS
PoifTons qui veulent en fortir ; & ils font pour le
Papillon ce que font ces mêtneg naffes po^^ }es poisf
ions qui s'y préfentent.
Je ferai connoître ici une Chenille dont le pro-
cédé a du rapport à celui de la grande Chenille à
tubercules. Elle eft: de grandeur moyenne, demi-
velue, à feize jambes, dont les membraneufes n'ont
qu'une demi • couronne de crochets. Le fond de la
couleur du dfcflus du corps eft un violet fort pâle,
fur lequel font jetées trois raies jaunes , qui s'é-
tendent depuis l,e fécond annçau jufqu'environ le
pnzierae. Aux deux extrémités de ces raies s'ob-
ièrvent deux éminences ou tubercules charnus , d'oii
partent de longs poils : ceux qui partent des tuber-
cules antérieurs font jaunes ; ceux qui partent de«
poftérieurs , font bruns. Les tubercules antérieurs
font de même couleur que les raies; les poftérieurs,
violets comme le dos. Ces tubercules poftérieurç
n'en forment prpprenient qu'un fei^l, mais refendu,
^n quelque forte, au-deffus de fa bafe. $ur cha-
que anneau fe voient d'autres tubercules , où s'in^-
plantent de longs poils bruns: ceux qui partent des
tubercules latéraux, fonç blanchâtres. Des taches
jaunes font femées fur les côtés. La tête eft de
couleur violette. Les jambes écailleufes font d'uii
noir luifant; les membraneufes jaunes, ^ cette
couleur eft encore celle du chaperon.
Cette Chenille me fut remife dans les pre-
miers jours d'Odobre 1740: j'ignore de quelle*
feuilles elle fe nourrit. Vers le milieu du mois elle
fe conftruillt une fort jolie Coque de foie blanche,
alongée par les deux bouts, mais plus alongée par
le bout antérieur que par le poftérieur. Ce bout
antérieur reffembloit affez au bout antérieur de
la Coque de la grande Chenille à tubercules , d;
SUR LES INSECTES. 1^7
paroiiToit être fait à-peu»prcs fur le même modèle :
tous les fils alloient s'y réunir pour y former une
forte d'entonnoir ou de nafle. Cependant le tilTa
de la Coque étoit foible,& laiflbit voir la Chenille:
auflî avoit-elle pris la précaution de placer fa Coquo
fous une feuille.
Il y a lieu de préfumer que le procédé de \û
Chenille à tubercules du Poirier eft commun à plu»
fjeurs autres Efpeces de Chenilles, & qu'il n'efl
pas propre uniquement à celles qui fe filent des
Coques de foie d'un tiffu fort ferré.
OBSERVATION XXII.
Sur une Chenille qui fe conftruît une Coque dont
la forme imite celle d'un Bateau renyerjé.
X-^'historien des Infeéles, qui avoit donné
beaucoup d'attention à la Chenille dont je vais par-
ler, & s'étoit plu à nous faire admirer l'art qui brille
dans fes procédés , en trace dans fes Mémoires la
defcription fuivante (i).
„ Cette Chenille dit- il, eft de grandeur mé-
j, diocre, & a feize jambes; elle eft rafe; fa peau
„ eft d'un beau verd, fur lequel on démêle des
3, raies obliquement tranfverfales d'un verd un peu
3, plus jaunâtre. Sa partie poftérieure eft plus dé-
„ liée que fa partie antérieure. Sa tête eft fouvent
„ retirée fous les premiers anneaux , de façon
„ qu'on ne la voit point; le corps de cette Chenille
Cl) Tome I , pig. 560,
I5S OBSERVATIONS
a alors quelque chofe de celui, d'un PoiTon. C'efl:
„ même par le nom de Chenille à forme de PoiJJhn
,, que je la défignois, avant que je fufle qu'elle
5, étoit l'ouvrière de la belle Coque en bateau."
Il manque quelque chofe à cette defcription:
pour la rendre plus complette, j'ajouterai que les
jambes membraneufes font à demi-couronne de cro-
chets, & que far la partie fupérieure du fécond
anneau, on voit deux mamelons charnus, pofés fort
près l'un de l'autre , & qui fe terminent en pointe
comme deux petites cornes. Ces mamelons font
exprimés dans la figure (i) que notre illuftre Auteur
a fait graver de cette Chenille; quoiqu'il ne les ait
pas fait entrer dans fa defcription. Je dirai néan-
moins à cette ocqaQon, que cette figure n'efl pas
exaàe. J'en trouve les traits obliques à la longueur
^u corps, trop gros, trop marqués; &, la partie
antérieure m'y paroît plus large qu'elle ne Tell dans
ie naturel.
On rencontre cette Chenille fur le Chêne dans
les mois de Mai & de Juin. Ce fut le 3 de Juin
1740, que je l'obfervai pour la première fois. On
me remit alors deux Chenilles de cette Efpece qui
avoient pris tout leur accroifTement. Au premier
coup'd'œil , je les crus de la même Efpece que cette
Chenille, qui porte une corne charnue en forme d'Y
fur fa partie antérieure , & dont j'ai fait mention
dans rObfervation XIV. Je ne parvins même à
me détromper , qu'en prelîant alfcz fortement mes
deux Chenilles près de la tête: je m'allurai ainlî
qu'elles n'avoient point la corne branchue que leur
forme extérieure m'avoit paru annoncer. Je re-
connus donc qu'elles étoient bien de la même Efpece
(I) PI. XXXIX, Fig. I©.
SUR LES INSECTES. 159
que celle dont je lifoisla defcription, pag. 5(5o des
Mémoires fur les Jnfe&es. J'étois par conféquenc
préparé à leur voir conflruire une de ces Coques
de forme très -recherchée, & que l'Auteur avoit
comparée à celle d'un bateau renverfé. Et comme
il avoit témoigné des regrets de n'avoir pu faifir
l'ouvrière dans le temps qu'elle commençoit à exé-
cuter Ton ouvrage, je n'en eus que plus de defir de
faifir ce moment intérefTant & de fuivre toutes les
manœuvres de l'Infcde.
J'ai dit, que mes deux Chenilles avoient pris
tout leur accroiflement : le terme de leur transfor-
mation étoit même affez prochain : auffi ne tou-
cherent-elles point aux feuilles de Chêne que je leur
donnai. Le lendemain 4 de Juin , fur les cinq heu-
res du matin , je trouvai une de mes Chenilles fixée
contre le couvercle de la boîte dans laquelle je
l'avois renfermée. Elle étoit immobile, & fembloic
environnée depuis la tête jufqu'environ le feptieme
anneau d'un fil de foie, qui, s'il eût été prolongé
des deux côtés fuivant la même direaion , auroic
tracé un véritable ovale, dont le corps de la Che-
mlle auroit été le grand diamètre. J'eus d'abord
quelque penchant à foupçonner que c'étoit là les
préparatifs, non d'une Chenille qui vouloit fe çoa-'
IJruire une Coque; mais d'une Chenille qui vouloic
fe ceindre par un lien de foie, qui devoit l'em-
braTer a peu-pres par le milieu du corps. Il me
fembla que ma Chenille n'avoit plus qu'à faire pas-
1er le fil par deflus fon dos pour fe trouver liée à
la manière de diverfes Efpeces de Chenilles qui fe
faltnt des Ceintures pour fe métamorphofer. Mais
elle ne tarda pas à me defabuler, & à me prouver
que l'ouvrage auquel e'ie commençoit à travailler
e:oit d un tout autre Genre. Bientôt je la vis fe
^^ô OBSERVATIONS
détourner, & porter ù. tête du côté oppofé à celui
vers lequel elle étoit d'abord dirigée. Elle me pa-
rut ,alors s'occuper à fortifier le fil de foie qui l'en-
vironnoit. Ce fil ne me fembla plus un fîmple fil
deflioé fimplement à former une ceinture: je re-
connus évidemment qu'il étoit Je fondement d'une
véritable Coque, & qu'il devoit en déterminer les
contours. La Chenillle ramena en fuite fa tête vers
l'endroit du fil ou de l'enceinte fur lequel elle Ta-
voit d'abord ternie appliquée. Je m'armai d'une
loupe ; & j'obfervai diftin6lement , que ce que j'a-
vois d'abord pris pour un fîmple fil, étoit une forte
de petit mur de pure foie , que l'ouvrière s'occu-
j)oit à élever, efl y ajoutant fuccefi^ivement de nou-
veaux fils. Voici cortimènt elle s'y prenoit. Elle
appliquoit fa filière fur un point du bord fupérieur
du petit mur': elle l'éloignoit enfuite de cepoint,
& en l'en éloignant, elle tendoit à lui faire par-
courir une certaine étendue du bord fupérieur àii
mur. L'efpace parcouru pouvôit être d'environ
une ligne. Tandis que la filière parcouroit cet
efpace, elle laiflToit couler le fil de foie qu'elle étoîfe
defiiinée à mouler. Il fortoit donc de la filière un
fil d'une ligne de longueur. Après avoir tiré ce
fil , la Chenille rapprochoit fa filière du bord fupé-
rieur du mur; elle l'y appliquoit de nouveau, &
colloit à cet endroit l'extrémité du fil. Elle répé-
toit la même manœuvre de diftance en diflance,
jufques à ce qu'elle fût parvenue à l'extrémité de la
petite muraille de foie. Parvenue enfin à cet en-
droit, elle revenoit en quelque forte fur Ces pas;
elle repaflbit fur les bords du mur, & y ajoutoit
ainfi de nouveaux fils. Elle élevoit donc de plus
en plus le mur par l'addition de ces fils. Elle exé-
cutoit fes manœuvres avec une grande vitefTe : elle
fembioit preffée de finir fon ouvrage, & n'avoir pas
un
SUR LES INSECTES. i6t
un feul moment à perdre. Si pourtant quelque
mouvement fe communiquoit à la boîte , elle fufpen-
doic fon travail ; rpais elle le reprenôit un inftant
après avec une nouvelle ardeur.
Par tout ce que je viens d'expofer fur lacon-
flru6tion du petit mur de foie , on pourroit croire
qu'il n'e'toit compbfé que d'une fuite de fils coh-
c,hés parallèlement les uns aux autres & à la lon-
gueur du mur. On fe repréfente, fans doute, les
fils ou h chaîne d'une toile. Ce n*e'toit pas néan-
moins fur un femblable modèle que notre Chenille
travailloit: l'image ne feroit point du tout exafte ;
mais c'ell que je ne me fuis pas exprimé moi-mêms.
avec affez d*exa6litude : je n'ai pas encore aflez
détaillé les procédés de l'ouvrière. Chaque fois
qu'elle tiroit un fil d'un point à un autre , elle éle-
voit fa tête au-delîus du mur; elle l'éloignoit un
peu du bord fupérieur en la faifant rentrer dans
l'efpace ovale. Pendant ce mouvement , le fil con«
tinuoit à couler dé la filière; là Chenille rappro-
choit enfuite fa tête du bord du mur ; elle y appli-
quoit fa filière, & y coUoic le bout du fil. Elle
avoit donc filé ainfi une petite boucle; & c'étoit
d'une fuite de pareilles boucles qu'elle formoit fon
tiflu. On a pris à préfent une idée plus jufte de
fon travail.
Je prie qu*on fe repréfente f adroite lileufe placée,
entre deux murs de foie, qu'elle ne faifoit que com-
mencer à élever. Quand elle avoit travaillé quel»
que temps à l'un dés murs, elle paflbit à l'autre, &
revenoit enfuite au premier. Ces murs n'étoienc
pas perpendiculaires au plan de pofition: quoique
Ja Chenille ne leur eût donné encore que fort peu
d'élévation, on ne laiflbit pas d'apperçevoir qu'ils
tendoient à fe rapprocher par le haut, 6i k former
Toîiie IL h
i6z OB S E R VA T I O N S
airiïï /une forte de berceau ou de voûte. On difîin-
giiôit déjà la naiffance de la courbure qu'ils dévoient
prendre à mefure qu'ils s'éleveroient.
On fe rappelle ce que j'ai dit de la longueur de
ces mursî ils ne s'ctendoient que depuis la tête de
la Chenille jufques vers le feptieme anneau: ici.
Us étoieijt interrompus. Ils l'étoient encore à l'ex-
-trémite de l'ovale qui répondoit à la tête de Tou-
"vri'efe. On doit fe fôuvenir, que fon corps étoit
'ecéndii parallèlement au grand diamètre de l'ovale.
.B y avoit donc à rextréraité dont je parle, un in-
* ter vaHe égal à la largeur du corps de la Chenille ,
qui ri'éto'it point enceint par les murs. Je ne voy-
ois . point encore pourquoi l'ouvrière n'avoit pas
prolongé Tenceinte à cet endrqit, & pourquoi elle
y avoit , laifTé une ouverture , mais je jugeai bien
qu'elle avoit eu quelque bonne raifon pour en ufer
..^înjfl» Sa tête pafToit au - delà de cette ouverture ;
,JÎ comparant alors la longueur de la Chenille avec
/celle de l'enceinte, telle qu'elle s'ofFroit dans ce
moment à mes yeux, j'avois peine à comprendre,
^comment l'InTefte pourroit fe loger dans une Coque
^n apparence fi difproportionnée à fa taille. ^ •
Ma curiofité redoubloit, & j'étois très • attentif
à fuivre toutes les manœuvres de notre induftrieufe
ouvrière. Quand elle eut travaillé un certain temps
à, exhaufTer les murs du côté antérieur de la Coque,
elle fe retourna bout par bout pour aller travailler
au côt,é poflérieur. Ici , il s'agiflbit d'achever l'en-
ceinte & d'élever les murs qui dévoient la former.
On comprend bien , que ces murs ne dévoient être
que le prolongement de ceux qui etoient déjà éle-
vés, & qu'ils dévoient aller à la rencontre l'un de
l'autre vers le bout poflérieur de la Coque , où ils
étoient deflinés à s'unir. La Chenille continua fon
SUR LES INSECTES. iô^
travail de la même manière qu'elle l'avoit comment-
ce. Elle traça le refle de l'enceinte ou de l'efpace
ovale par des fils de foie, qui déterminoient la di-
reélion qu'elle devoit faire prendre aux murs en les
prolongeant. Ce prolongement fut exécuté par UÉ*
fuite continue de petites boucles de foie , liées les
unes aux autres & couchées les unes fur les autres>
comme je l'ai raconté.
Cependant la Chenille ne prolongea pas les
murs jufqu'à l'extrémité de la Coque : elle laifla à
cette extrémité une ouverture pareille à celle qu'el-
le avoit laifTée à l'extrémité oppofée. Sa tête pas-
foit par-delà cette ouverture, & fon derrière
par-delà l'ouverture placée à l'autre bout. La
longueur de la Coque étoit donc bien inférieure à
celle de la Chenille ; & cette dernière n'auroit pu
y être renfermée de fon long, fans être forcée de fe
contra6ler beaucoup, ôi fans être fort gênée dans
toutes fes manœuvres. Je découvris alors pourquoi
elle avoit pris la i>récaution de ne prolonger poin'ç
d'abord les murs autant qu'ils dévoient l'être pour
fermer l'enceinte, & pourquoi elle avoit ménagé
une ouvertipre afTez confidérable aux deux extrémi-
tés de l'enceinte. Elle n'avoit donc pas été appe-
lée par la Nature à travailler comme le Ver-à-foîè
& tant d'autres Cheni'les , qui font renfermées en
entier dans leur Coque tandis qu'elles la conftrui-
fent, & dont le corps contourné, tantôt en ma-
nière d'anneau, tantôt en manière d'S, devient ainfi
l'efpece de moule qui détermine la forme & les pro-
portions de la Coque. Notre Chenille fravailloiè
fur un modèle bien différent , & fans doute que h
forme aflez recherchée qu'elle devoit donner à fa
Coque, exigeoit qu'elle n*y fût pas renfermée en
entier pendant qu'elle étoit occupée à la conftruire,
L 9.
l64 OBSERVATIONS
Il arrivoit quelquefois que les mursferenverfoîenc
en dehors , par une fuite des mouvemens divers que
la Chenille étoit obligée de fe donner pendant le
travail. Elle ne manquoic point de remédier à cette
accident & de forcer les murs à fe redrefllr en les
tirant à elle avec fes dents. Elle le faifoit même
aflez rudement , & fans paroître ménager beaucoup
le tiiTu foyeux. Mais elle favoit proportionner la
force à la réfiftance qu'il s'agifToit de furmonter,
& rien n étoit dérangé dans le tiflu. Je remarquai
même dans fa manœuvre une chofe qui me frappa:
elle ne faiûflbit pas les murs par leur bord îupé-
rieur; ce qui lui auroit donné bien plus d'avantage
pour les redreffer, & auroit exigé moins de force:
elle les faifiiToit, au contraire, à une certaine dis-
tance du bord. Si elle en eût ufé autrement; fi
elle eût appliqué fes dents aux boucles qui bordoient
les murs par le haut, elles n'auroient pu réfifttrà
l'effort; elles auroient cédé, & le tiiïu en auroit
foufFert plus ou moins. Il n'en alloit pas de même
des boucles qui fe trouvoient placées dans le corps
du tiffu ; comme elles étoient étroitement liées à
toutes celles qui les environnoient immédiatement,
elles étoient plus capables de foutenii* les efforts
réitérés de la Chenille.
Notre Archite6te n'élevoît pas les murs par-
tout à la même hauteur. Depuis environ le milieu
de la longueur du petit édifice jufques prés de l'ex-
trémité pollérieure , ils alloient graduellement en
s'abaiffant. Ils étoient donc peu élevés à cette ex-
trémité; & ils l'étoient beaucoup proportionnelle-
ment vers l'extrémité oppofée. Le plan fuivanc
lequel l'Architeéle bâtiftoit, fuppofoit efTentielle-
menc ces différences de proportions. Quaad la
SUR LES INSECTES. i6s
Chenille ajoutoit de nouvelles boucles aux parties
les plus élevées du mur, Tes premières jambes étoienc
appliquées contre le mur , & accompagnoient la tête
dans tous fes mouvemens.
A MESURE que les murs prenoient plus de hau-
teur, ils tendoient à fe courber davantage ou à fe
rapprocher par leur bord fupérieur, & à former
un^ forte de voûte. On n'a pas oublié qu'ils lais-»
foient une ouverture alTcZ conOdérable à chaque
jbout de l'enceinte. Cette ouverture n'étoit que
pour un temps & ne devoit pas fubfifler. Auffi la
Chenille travailla-telle à la boucher, foit en forçant
3es murs à fe rapprocher à cet endroit , foit en y
ajoutant de nouveaux fils ou de nouvelles boucles.
Lorsque les deux murs eurent été bien réunis
au bout antérieur de la Coque, leur réunion fe
trouva marquée par une forte de cordon [P/. III,
Fig. y III y r.] qui avoit du relief, & qui defcendoic
en ligne droite, depuis l'endroit le plus élevé de
la Coque jufques fur le plan où elle repofoit. Le
cordon etoit donc perpendiculaire à ce plan. La
Coque n'étoit pas coupée quarrément à ce bout:
les murs avoient été prolongés conformément aux
contours de l'efpace ovale: le cordon en étoit la
partie la plus faillante. L'endroit le plus élevé de
la Coque ou celui qui répondoit au bout fupérieur
du cordon , étoit marquée par une petite pointe ,
0, dont la faillie étoit fenfible. Cette petite pointe
fembloit imiter ces aiguilles que nous plaçons au
fommet de nos édifices. Je l'ai déjà fait remar-
quer : les murs s'abaiflbient beaucoup en s'appro-
chant du bout poftérieur, p, de la Coque; & en
s'y réunifiant, ils donnoient à ce bout un air très-
effilé: l'ovale étoit donc là trés-alongé' & beaucoup
plus qu'il ne l'étoit à l'autre bout. '
L3
1^ OBSERVATIONS
On vient de voir que la réunion des murs fur le
devant de la Coque etoit marquée par un rebord
ou cordon faillant , qui ne permettoit pas de la mé-
çonnoître. Par-tout ailleurs cette réunion étoit in-
vifible ou à-peu-près. La Chenille Tavoit exécutée
d'une manière fort (impie & qui ne m'avoit rien
offert de particulier. Elle avoit tiré des fils de l'un à
autre mur , en promenant fa filière de l'une à l'au-
tre extrémité des deux murs : elle avoit ainfi rempli
l'intervalle par un nouveau tiflu de foie, qui ne
fo/mpit plus qu'un feul tout avec le refte de l'édifice.
Ain Si la Coque avoit pris peu-à-peu la forme
d'un bateau renverfé, (PL IIL Fig, FIIL) ou fi
l'on veut, celle d'un fabot; car je lui trouvai quel-
que reffemblance avec cette chaulFure ruftique. L'ou-
* jL^'^ _ii^ r. .,»► »«~ : j^ A I
térieurement fon tiffu par de nouvelles couches de
foie. La couleur de la Coque étoit un jaune de
tikaille i mais elle n*en avoit pas le luifant ou le poli.
i i, faut que je ramené encore mon Lefteur à cô
cordon, r, fi remarquable, placé au devant du gros
t)Out de la Coque ,& qui marque la réunion des deux
murs ou des deux grandes pièces dont la Coque eft
ïbrmée. Ln confidérant ce cordon de plus près
^ avec plus d'attention, je reconnus que la réunion
des deux murs n'y étoit pas parfaite , & qu'il étoit
çefté à cet endroit une fente fort étroite , qui ré-
cnoîc le long du cordon, & dont celui-ci déterrai-
çoit les bords. Je crus découvrir là un petit ar-.
^i,fice de Ija Chenille : je préfumai qu'elle avoit mé-
Çiagé cette fente pour faciliter la forcie du Papillon.
Ç>ii verra bientôt que je ne me trompois pas, &
^jue cette partie de la Coque renferme une parti»
s U R L E s I N s E C T E s. 10?
•ularité très - intéreflante. Mais, comme l*on pour-
roit foupçonner que je n'avois apperçii la fente
dont il s'agit que parce que la Chenille n'avoic pas
encore achevé de réunir à cet endroit les deux gran-
des pièces de la Coque, je dois ajouter que cette
ouverture fubfifta toujours. La Chenille l'avoit
donc pratiquée à deflein ; car il lui auroit été bien
facile de la fermer ; quelques fils de foie auroienc
fuffi pour un fi petit ouvrage.
Le 5 du même mois, fur le foir, mon autre Che-
nille fe mit auffi à conftruire fa Coque. Je la fuivis
comme la première, pendant le travail. Elle ne
me montra rien de nouveau. Je n'en inférerai pas
néanmoins que j*ai vu tout ce que la conftru6lion
de notre Coque en bateau a de plus curieux à nous
offrir. Mes obfervatiôns m'ont aflez appris que
les procédés des Infe6les fe diverfiHent dans le rap-
port aux nouvelles fituations dans lefquelles l'Ob-
fervateur fait les placer.
Le 30 de Juin, le Papillon fortit de fa Coque:
M. de Reaumur l'a décrit; je n'en parlerai pa?.
Il dit à cette occafion, que la Chenille^ la Chry/a-
îîde ^ le Papillon font verds. Je n'obfervai pas ce
rapport fingulier de couleur dans la Chryfalide ; car
ayant ouvert une des Coques long -temps avant la
métamorpbofe en Papillons, & dans la vue d'exa-
miner la Chryfalide, je la trouvai d'une couleur
bien différente: elle étoit blanche, & on voyoit
une affez large bande d'un beau noir , qui régnoic
le long du dos.
Cet OIT par le gros bout de la Coque que le
Papillon étoit forti, comme j'avois eu lieu de m'y
attendre : mais ce qui me furprit extrêmement &
que je n'avois point du tout prévu, c'eft qu'après
L 4
iC$ OBSERVATIONS
fa fortie la Coque paroifToit aafl[i bien clofe ou à"
peu-près qu'avant fa fortie. La fente dont j'ai parlé
etoit feulement un peu plus fenfible. [P/. ///, Fig,
VIII i 0 , r.] Il y a donc encore plus d'art qu'on ne '
le penfe dans la conftruftion de notre Cdque ert
bateau; & il lémble qu'il faille conclure du fait
dont il s'agit; que les deux murs ou les deux gran-
des pièces dont la Coque efl compof^e , font deux
efpeces de refforts façonnés de manière qu'ils fé
rapprochent d'eux-mêmes l'un de l'autre, au mo-
ment que la force qui tendoit h, les écarter ^ ceffé
d'agir.
O B S E R V A T I G N XXIIL
Particularités fur Tinduftrîe de U grande Che.^
nille à tubercule du Poirier,
J*Ai eu plu? d'une fois occafîoi; dç parler de l'in-
duftrie de cette belle Chenille. J'ai rappelé dans'
rdhfervation XXI, ce que fa Coque offre de plus'
admirable. On ne peut voir en effet, fans admi-'
ration , ces deux entonnoirs fî bien façonnés,
qu'elle fait pratiquer au bout ouvert de fa groffe
Coque, & dont l'ufage eft fî manifefte. Je rap-
pellerai ^ncore ici (^ue cette Coque efl: entièrement:
de pure foie, & d'un tiffu épais, ferré & Jullré.
_Albin avoit vu le premier l'entonnoir extérieur,"
& avoit comparé notre Coque à une naffe de Pois-
fon. Mais c'étoit à M^ de Rçaumuu qu'il avoit^
été réfervé de découvrir tout l'art qui brille dans^
îa con(lru6lio.n de cey:i? Coque : il n'avoit pas néan-^
moins furpris Thabile File^fe tandis qu'elle exécute
SUR LES INSECTES. 1^9
h partie la plus intéreflante de Ton travail ; je veuK
dire les entonnoirs. La difpofition & l'arrangement
des fils qui les compofent, ne refTemblent point du
tout à ceux des autres fils de la Coque, & fijppo-
fent manifeflement une tout autre manière d'opérer.
C'étoit cette manière qui reftoit à découvrir, &
gue j'ai tâché de pénétrer.
Mes"' premières Obfervations fur notre grande
Chenille à tubercules, datent du mois d'Août 1737:
je les repris en Juillet 1739: mais dans ces deux"
années je ne vis guère que ce que M. de R eau-
mur avoir rapporté. Je le vis feulement plus en
détail , & j'apperçus^ quelques petites particularités
dont il n'avoit pas fait mention. Je ne les indique-
rai pas ici: elles n'^uroient rien d'intéreflant pour
mon Ledeur. Maiis pendant que je compofois cet
Ecrit, le hafard m'ayant procuré une Chenille de
cette Efpece parvenue à fon parfait accroiffement ,
j'ai faifi avec empreflement cette occafion de répan-
dre quelque jour fur la conftru6lion de notre CoquQ
en entonnoir. Dans cette vue , j'ai eu recours à
«ne expérience dont les réfultats m'ont paru devoir
être inflruélifs. Voici le prçcis de ces nouvelles
Obfervations;
Ma Chenille s'etoit établie contre le couvercle
du poudrier. Ce couvercle étoit de papier. La
Coque y étoit appliquée fuivant fa longueur , & elle
y étoit retenue par de forts liens de foie très -mul-
tipliés. Elle avoit déjà acquis la forme & les pro-
portions qu'elle devoit avoir: l'entonnoir extérieur
etoit bien façonné ; & il ne reftoit plus à la Fileufe
gu'à fortifier de plus en plus fon tiflu par de nou-
yelles couches de foie; car il étoit fi mince encore,
«u'ii cédoit à une légère preffion.
' ' L5
IfO
OBSERVATIONS
Ju viens de le dire; c'écoic fur -tout la manière
dont la Chenille s*y prend pour exécucer fon en-
tonnoir, que je dtûrois le |)lus de découvrir. J'é-
tois arrivé trop tard: il étoit déjà conflruit; &je
ne pouvois plus efpérer de rien découvrir d'inté-
reffant au travers d'un tiffu devenu prefqu'entiére-
ment opaque, & qui le devenoit davantage de
moment en moment. J'ai donc eflayé de mettre
l'ouvrière dans la néceffité de conftruire fous mes
yeux un autre entonnoir. Pour cet effet , j'ai
coupé circulairement avec des cifenux le bout poin-
tu de la Coque, précifement à l'origine de l'en-
tonnoir.
Peu de momens après, j'ai vu la Chenille avan-
cer fa tête vers la brèche , la porter enfuite en avant
& hors de l'ouverture , l'appliquer contre le papier
auquel la Coque étoit aflujettie, y coller un fil de
foie, ramener fa tête en ligne droite, mais dans
une direction oblique , vers le bord de la brèche ,
& y attacher le fil qu'elle venoit de tirer. Ce fil
étoit allez gros, très • brillant , & long d'environ
cinq lignes. La Chenille avoit donc porté fa tête
à cinq lignes des bords de l'ouverture. Il étoit aifé
de reconnoître que ce premier fil déterminoit la
longueur que de voit avoir le nouvel entonnoir que
la Chenille entreprenoit de conftruire. Après avoir
tiré ce premier fil, elle en a tiré un fécond, qui
lui étoit à • peu ► près parallèle, & dont elle a collé
de même l'extrémité au bord de la brèche. L'ou-
verture de cette brèche étoit prefque circulaire ;
c'étoit à- peu -près le fommet d'un cône tronqué:
pour y pratiquer un entonnoir, ou ce qui revient
au même, pour prolonger le cône d'environ cinq
lignes , il ne s'agiffoit que de tirer du plan de poli-.
SUR LES INSECTES. i7t
tîon aux bords de l'ouverture, ou des bords de
l'ouverture au plan de pofuion, des fils dont les
plus longs euflent au moins cinq lignes, & de les
coucher en ligne droite les uns près des autres , de
manière qu'ils fe touchaflent tous, & qu'ils conver-
geaflent tous vers le même point. C'a été précifé-
ment ce que ma Chenille a exécuté Tous mes yeux.
Elle a tiré en ligne droite, & fous un certain an-
gle, une fuite de fils fort gros & fort tendus,
prefque parallèles les uns aux autres , ou du moins
peu divergens, inclinés à l'axe de la Coque, &
qui ont embraffé exaftement tous les contours de
l'ouverture. Ainfi, tous ces fils droits, femblables
à de très • petites baguettes , ont été collés par leur
extrémité inférieure tout autour des bords de la
brèche , & par l'extrémité oppofée ils l'ont été au
plan de pofition, ou les uns aux autres: on corn»
prend afîez que le plus grand nombre a dû l'être de
cette féconde manière; puifque la Coque ne tou-
choit au plan que par une affez petite portion de
fa furface. La foie de notre Chenille abonde en
fubflance gommeufe , & c'eft principalement à cette
fubftance qu'elle doit fon luftre: elle lui doit en-
core une partie de fa confiflance. Les fils de cette
foie ont donc beaucoup de difpofition k fe coller
les uns aux autres , & au plan de pofition. Ils font
de plus prefqu'auffi gros que des cheveux , & ceux
qui forment l'entonnoir font les plus gros de tous.
De là, leur aptitude à repréfenter les baguettes
qui entrent dans la conftruftion des nafles à prendre
le PoifTon.
Ici je ne puis m*empêcher de fixer l'attentîoa
de mon Lefteur fur la diverfité fi remarquable des
procédés de notre a iroite Fileufe, relativement à
la fabrique des différentes parties de fon tifi~u. Lors-
1^2 G fi S E R V A T I O N S
qu'elle jette les fondemens de la Coque , ou qu'elle
en façonne le corps, elle trace av^ic fa filière une
multitude de zigzags entrelaffés les uns dans les
autres, & formés par les plis & replis, ou parles
circonvolutions prodigieufement multipliées d'un
même fil. J'ai vu de ces zigzags tracés avec autant
de précifion & de grâce que ceux qu'une main ha-
bile traceroit fur le papier avec une plume ou un
pinceau. Mais quand elle vient à s'occuper de la
tonftru6lion des entonnoirs, elle change entière-
ment de procédé : ce ne font plus alors des ziî^zags
qu'elle trace: une pareille diPpoPition des fils ne
Conviendroit point à cette partie de l'ouvrage : elle
tire donc des fils droits, forts, affez courts & bien
tendus, qu'elle couche prefque parallèlement les
uns aux autres , <& qu'elle incline vers l'axe de la
Coque de manière qu'ils convergent tous vers le
même point.
JNToTRE ouvrière s'efl: montrée aufG diligente
qu'induftrieufe : en moins de trois quarts d'heure ,
le nouvel entonnoir étoit déjà très- reconnoilTable.
Elle l'q peçfe6tionnç de plus en plus par l'augmen-
tation du, nombre des baguettes; & bientôt j'ai vU:
un entonnoir auflS grand & auffi parfait que le pre-
mier. On juge bien qu'il ne m'a pas été poffible
çle la fuivre dans la conftruftion de l'entonnoir
intérieur: l'opacité du tiflu ne me l'a pas permis:
mais ce que j'ai dit de la conftruftion de l'entonnoic
extérieur, ne laifle rien à defijeç \çi relativemçnc
à l'efTentiel de la manœuvre.
Je ne l'ai pas dit encore ; il eft temps que je
le dife: je 'ne m'étois pas borné â enlever les en-
tonnoirs: j'aivois encore ouvert la Coque parallè-
lement à Taxe, & fur une longueur de plus d'un
pouce. Les bords de la brèche s'etoient auffi • tôt
SUR LES insectes; 173
écartes l'un de l'autre, & l'ouverture en e'toit de=<
venue bien plus grande. Elle laiffoit à découvert
une partie aiîez confidérable du corps de la Che-
nille. Après avoir tîravailJé à la récdnflruâion' de
l'entonnoir, elle s'eft occupée à réparer la grande
brèche longitudinale.. Ici encore elle a varié, ks
procédés. Elle a commencé pair tirer des fils dé
î'un à l'autre bord de la brèche. La plupart et oient
plus ou moins obliques à l'axe de la Coque: quel-
ques- uns lui étoient perpendiculaires. Les fils obli-
ques fe^ croiflbir.nt de plus en plus; & tous ten-
doient à rapprocher infenfiblement les bords oppo-
fés de l'ouverture. Je la voyois diminuer peu-à-
peu. Et comme le tiflu de la Coque n'avoit pas
pris encore toufe fa confiftance, Taétion des fils
tranfverfaux n'en étoit que plus tffi.ace. Mais j'ai
cru obfcrver que la Chenille recouroit à un moyen
beaucoup plus efficace pour forcer les deux bords
de la brèche à fe rapprocher de plus en plus: j'aî
vu aflcz diftinftement, qu'elle fiiififToic avec fes
premières jambes les fils tranfverfaux, & qu'elle
les tiroit à elle : elle fembloit pefer defîbus de tout
Je poids de Ton corps. On conçoit facilement quel
grand effet devoit produire cette nouvelle manœu-
vre. AufTi les bords de l'ouverture fe rappochoient-
ils beaucoup plus, & bien plus promptement. La
Chenille continuoic toujours à tirer des fils de l'an
à l'autre bord, & à fortifier fon tifi'u. Tout cela
a été exécuté fi vite & Ci bien, qu'au bout d'environ
deux heures, la Coque s'efl trouvée parfaitement
clofe. On ne voyoic plus il la place de la brèche
qu'un léger trait, qu'une petite rainure très -peu
profonde , qui ne régnoit pas même dans toute la
longueur de la brèche ; les deux bords avoient été
réunis avec une precifion & une propreté que js
n'ai pu me lallcr d'admirer.
,74 O B S E R V A T I O N S
OBSERVATION XXIV.
Sur une Chemlk qui fe conflruit une jolie Coque
...avec de la foie ^ fes plus petits poils ^ & um
matière graijfeufe.
JT'ARMi les Chenilles qui fe conflruifenî des Co-
ques , il en efl beaucoup qui , n'ayant pas une aflez
grande provifion de foie pour donner à leur tiflu
la confiftance & l'opacité qu'elles veulent, favent
•y fuppléer par des matières «étrangères. Les unes
întroduifent dans les mailles leurs propres poils;
d'autres y font pénétrer une matière plus ou moins
graffe; d'autres emploient à la fois une femblable
matière & leurs propres poils; d'autres enfin ren»
dent leur ouvrage plus folide encore , en y inférant
des fragmens de bois ou des grains de fable. Rien
n'eft plus propre à intéreflèr la curiofité d'un Ob-
fervateur Philofophe que ces variétés fi remarqua-
bles dans l'architefture des Infeéles de la même
dafle, & nous avons à regretter que des Naturalis-
tes célèbres fe foient plus occupés de la clalîîfi-
cation de ces petits Animaux, que de leurs mœurs
& de leur induftrie. Non - feulement on obferve
des différences frappantes dans la manière de bâtir
des Infeftes d'une même clafT- ; mais on peut en-
core en occafionher de nouvelles chez les individus
d'une même Efpece, foit en les privant des maté-
riaux dont ils ont coutume de fe fervir, foit en
leur en fubftituant qu'ils n'ont pas accoutumé de
mettre en œuvre, foit enfin en les plaçant dans
des circonftances où ils ne ie feroienc pas crouvéî
SUR LES INSECTES. 175
s'ils avoient été laifles à eux-mêmes. J'en donnerai
des exemples dans les Obfervations qui fuivronc
immédiatement celle-ci.
Le 26 de Juin I737» 3^ trouvai une grande
Chenille velue, à feize jambes, dont les poils aflez
épais ne parcoient point de tubercules. Us étoient
coures, & d'un roux un peu argenté. La féparatiôn
des anneaux étoit marquée par des raies tranfverfa-
les de couleur noire, féparées par de plus petites
taches de couleur blanche. On voyoit fur chaque
anneau fix taches noires alignées avec ordre. Quand
on touchoit cette Chenille, elle fe recourboit ou
fe replioit fur elle-même en manière de cerceau
ou en fpirale, & demeuroit long- temps dans cetfie
iicuation.
Le premier de Juillet, fur les dix heures du ma-
tin , elle commença à travailler à fa Coque. La foie
qu'elle tiroit de la filière étoit d'un blanc jaunâtre.
Tandis qu'elle mettoit cette foie en œuvre, j'ob-
fervai qu'il fortoit de fon derrière une matière grais-
ieufe un peu plus jaunâtre que la foie, qui falit la
tiffu. Mais il ne fortit qu'une très -petite quantité
de cette matière, & elle fe deflecha peu-à-peiu
Pour donner la forme h fa Coque, pour la mouler ,
fi je puis parler ainfi , la Chenille difpofoit fou
corps le plus fouvent en manière d'anneau applatî.
Cette Coque n'étoit point recoavrerte d'une forte
de bourre, comme celle du Ver- à- foie: elleétoic
parfaitement à nud. Sa grandeur ne répondoit point
du tout à celle de la Chenille, & c'eft une Obfer-
vation que bien d'autres Efpeces de Chenilles don-
nent lieu de faire (i). Ma Chenille travailloit avec
beaucoup de diligence, au bout de quelques heu*
CO Voy. robf. I.
126 OBSERVATION»
res, la Coque étoit déjà façonnée, & fon tHF«
étoit allez ferré ; mais il étoit néanmoins afîez tran-
fparent pour permettre de voir diftin6tement la Che-
nille. Une heure s'étant écoulée, quelle fut ma
furprife de voir, au lieu d'une Coque blanchâtre
& tranfparente , une Coque jaune & parfaitement
opaque! L'ouvrière y avoic répandu une abondante
dofe de fa matière graifleufe, qui avoit pénétré
"toute l'épaifTeur du tiflu, & en avoit rempli toutes
les mailles. L'extérieur de la Coque en avoit pris
;un œil luifant. A mefure que l'enduit fe deffécha.
Va couleur fe ternit, & elle fe rembrunit un peu.
Une quinzaine de jours après, je remarquai que
la Coque étoit ouverte par un de fes bouts , & qu'il
en fortoit quelque chofe de noir , que je crus d'a-
bord être le Papillon; mais l'ayant obfervée de plus
'près, je reconnus que ce que je prenois pour le
Papillon étoit la dépouille de Chenille. Je regardai
au fond de la Coque, & j'y apperçus deux petits
corps noirs, de forme fphéroïde, qui m'apprireric
que ma Chenille avoit été piquée par une Ichneu-
mone qui avoit dépofé fes œufs dans fon intérieur,
dont étoient fortis des Vers, qui s'étoient métamor-
phofés cri boule alongée ( i ) , ou dont la Nymphe
s*étoît faite une Coque de la peau même du Ver.
Dans le milieu de Juin 1739, on me remit une
•Chenille de l'Efpece de la précédente, & qui me
fournit l'occafion d'obferver mieux encore que je
ne l'avois fait, la manière dont cette Efpece con-
llruit fa Coque. Je n'avois jamais vu de Chenille
travailler avec plus d'aftivité que celle • ci. En peu
de temps, tous les contours de la Coque furent
tracés ; & déjà elle avoit pris fa forme. Elle étoic
fort
; (0 Mém.fir les Inf. T. IV, Mini. VIÎ.
SUR LES INSECTES. 177
fort tranfparente. Je voyois la tête de la Chenille
fe promener de tous côtés dans l'intérieur, la filière
s'alonger comme un bec , & lailTer couler le fil de
foie dont les circonvolutions formoient le tilTu des-
tiné à fcTvir de fondement à tout l'ouvrage. J'érois
toujours frappé de la rapidité de l'exécution: on
eût dit que la diligente ouvrière fentoit qu'elle n'a-
voit pas un feul inftant à perdre. Quand elle eue
donné à Ton tiflu un certain degré de confiftance ,
& qu'il fut devenu aflez ferré , j'apperçus de très-
jpetits poils, fort courts, qui s'élevoient fur fa fur-
face. Peu de momens après, j'obfervai que la
Chenille répandoit de tous côtés une matière grafle.
Cette matière paroiflbit fortir de la bouche , ou au
xtioins c'étoit la bouche qui la diflribuoit de tous
côtés. Elle fe répandoit dans le tiflu foyeux comme
une goutte d'eau ou d'huile dans un papitr brouil'
lard. La comparaifon n'étoit pourtant pas parfaite-
ment exacte ; notre matière graiffeufe ne fe répan-
doit pas autant en largeur que la goutte d'eau ou
d'huile: elle couloit plutôt comme un petit ruifleau
qui va en ferpt:ntant , & qui prés de fa fource, ne
fe montre que comme un filet, mais qui va toujours
en croifl^ant à proportion qu'il s'en éloigne. La
Chenille diflribuoit fa matière graifleufe avec au-
tant de célérité qu'elle f.loit : mais après qu'elle en
avoit diflribué une certaine quantité; ou qu'elle
avoit enduit une certaine portion du tifTu , elle ces-
foit d'en répandre, & je ne voyois plus fortir que
le fil de foie. Il s'écouloit un temps avant qu'elle
répandît une féconde dofe de fon enduit grais-
feux ; & je ne remarquois pas qu'elle obfervât un
certain ordre dans fa diftribuiion; qu'elle enduisît
d'abord un des bouts de la Coque, puis le bouc
oppofé, &c. : elle diflribuoit indifféremment fon
enduit de tous côtés: aufîî la Coque prit-elle bientOc
Tyme IL M
178 OBSERVATIONS
un œil marbré, qui la fit reflembler aux œufs de
quelques Oifeaux. La marbrure étoit produite par
le mélange de la couleur de la foie avec celle de
l'enduit. Mais peu -à- peu la marbrure difparut,
& la Coque devint entièrement de la couleur de
l'enduit.
Je m'attendoîs toujours à voir ma Chenille cou-
cher de leur long les petits poils qu'elle avoit fait
pénétrer dans les mailles du tilTu foyeux, & qui
s'élevoient perpendiculairement fur fa furface. J'a-
vois vu d'autres Chenilles coucher ain(î leurs poils,
èc les incorporer fî bien dans le tifTu , qu'ils com-
pofoient avec lui une forte d'étoffe affez unie , mi-
foie & poils. Mais cette pratique ne fut point
celle de notre Chenille: elle laifîa les poils dans
la fîtuation qu'ils avoient pris au moment qu'ils
avoient pénétré le tifTu: j'ai dit qu'ils étoient fort
courts ; apparemment qu'ils l'étoient trop pour
pouvoir être couchés dans les mailles, & faire corps
avec elles. Ils étoient roides & fort preffés. Lors-
que j'appliquois le doigt fur la Coque, elle y reftoit
attachée, & je la faifois ainfî changer de place à
volonté. Les poils s'engageoient dans la peau de
mon doigt, & y retenoient la Coque. Le travail
de la Chenille lui donna beaucoup de confiflance :
elle réfiiloit bien à une affez forte preffion. Sa
forme étoit agréable : elle étoit celle d'un cylindre
arrondi par les deux boucs. Elle fembloit vernie ,
tant l'enduit avoit été proprement & uniformément
diftribué j mais le vernis en étoit un peu mat.
Au relie, la Chenille dont je viens de décrire
les procédés , eit la même qui eft repréfentée N^.
98 de Goëdaert. Je n'en ai pas eu le Papillon.
SUR LES INSECTES. 17^
OBSERVATION XXV.
Sur tes Coques de foie & de poils ^ quefecons-^
truifent quelques Efpeces de Chenilles à broffes.
Coque double qu'une de ces Efpeces parott fi
confîniire,
J[l efl quelques Efpeces de Chenilles velues, de
grandeur médiocre , dont les poils font arrangés par
gros paquets en manière des brofles, ce qui leur
a fait donner le nom de Chenilles à broffes. Cet
arrangement fingulier des poils efl: bien propre à
caraftérifer ces Chenilles , & à leur attirer l'atten-
tion. D'autres poils j un peu plus longs, placés
près du derrière & raffembles de même en paquets,
imitent aiïez la forme d'un pinceau. Ces Chenilles
paroiflent ainfi fort joliment vêtues. Je ne les
décris pas; je ne fais qu'indiquer leur principal
cara6lere. Toutes appartiennent à la nombre ufe
claiFe des Chenilles à feize jambes.
Au commencement de Juin 1738, on me remît
une de ces Chenilles à brojfes , qui avoit été trou-
vée fur le Noifetier. Elle écoit de la même Efpece,
ou du moins du même Genre que celle dont M^
de Reaumuii a fait mention dans le Tome J de
fes Mémoires, page 88, & qu'il a fait repréfenter'
P). II , Fig. 1 2 du même Volume. Peu de temps
après, elie travailla à fa Coque. Elle y fit entrer
fcs propres poils; & je trourcdans mon Journal,
qu'elle fe les arracha. Elle en forma une Coque
de figure ovale, un peu renflée dans le milieu j
M 2
,30 OBSERVATIONS
mais dont le tifTu mi - foie & poils étoit fi mince ;
qu'il ne déroboit point la vue de l'intérieur. On
voyoit très -bien au travers la Chryfalide, qui étoic
d'un noir luifant. La Chenille avoit recouvert fa
Coque d'une enveloppe de foie blanche , alTez
femblable à l'enveloppe qui recouvre la Coque du
Ver • à - foie.
VebIs la mî- Juillet, le Papillon fortit de cette
Coque. Il étoit contrefait. Il portoit fes ailes en
toit arrondi. Ses deux premières jambes étoient fi
grofles & fi velues, qu'elles cachoient toute la
tête. Ses antennes étoient en plumes , & fa couleur
étoit un gris cendré. Je ne pus lui trouver de trom-
pe. C'étoit une femelle. Elle pondit des œufs de
couleur grife, de figure ronde, mais applatie, au
centre de chacun defquels on appercevoit un petit
trou ou plutôt une forte d'enfoncement. Notre
Papillon m'apprit qu'il étoit du nombre de ceux qui
prennent la précaution de recouvrir leurs œufs de
leurs propres poils.
J'eus dans la fuite d'autres Chenilles àbrrijjes^
qui conftruifirent des Coques qui fembloient faites
entièrement de poils , & dont la forme étoit auffi
ovale. Cependant, quoique le tifTu foyeux ne fe
montrât pas dans ces Coques, je ne pus douter de
fon exiftence. Tous les poils étoient 11 bien liés
les uns aux autres , qu'ils ne formoient qu'un tout ,
& ce n'étoit qu'avec peine que je parvenois à les
féparer les uns des autres. Cette petite opération
me manifefta l'exiftence du tiffu foyeux. Je m'en
affurai mieux encore en déchirant une de ces Co-
ques : elle me fie éprouver une réfiftance qui m'an-
nonça afiez que je ne féparois pas Amplement des
poils; mais que je rompois d'iflez forts li^^ns de
foie.
SUR LE;S INSECTES. i^x
La Chryfalide de ces Chenilles a une forme fin-
guliere. Elle ell bien de la clafle des coniques,
quoique fa forme femblâc devoir l'en exclure. Elle
va infenfiblement en augmentant de grofleur depuis
la tête jufque vers le cinquième anneau. Là, elle
diminue tout-à-coup de diamètre, ^ cette dimi-
nution accroît de plus en plus jufqu'au derrière.
Le fixieme & le feptieme anneau rentrent dans le
cinquième, au point de qe I^ifîer appercevoir qu'unp
très -petite portion de leur contour.
Dans le curieux Mëmoire (*) où M. de R eau-
mur traite de la conftruélîon des Coques de foie
& de poils, il donne la defcription d'une Chenille
à brojjes, qu'il avoit vu fe faire une Coque de ce
genre. „ Les poils de cette Chenille, dit -il, ont
,, une couleur de foie blanche immédiatement après
„ la mue ; enfuite ils deviennent blonds , pourtant
,, tantôt d^un blond plus blanc, & tantôt d'un
^, blond plus roux. Ceux qui font employés %
,, former les brofles, ont quelquefois leur pointe
3,, couleur de rofe. La Chenille a aufïi fur le der-
j, riere un pinceau de poils dont le bçut eft cou-
„ leur de rofe. Ces couleurs tendres, & la diftri-
„ bution des poils, font un fort joli habit de Che-
5, nille. Elle paroît encore mieux vêtue, quand
3, elle fe courbe un peu , que quand elle efl: alongée j
5, alors les intervalles, au moins de trois anneaux,
„ paroiflent; ils font du plus beau noir velouté,
„ &c." J'ai eu cette Chenille tandis que j'écrivois
ceci ; & l'attention que je lui ai donnée & <5|u'elle
méritoit, m'a valu quelcjues faits qui avpient échap-
pé à fon Hiftorien.
<♦) Mém* XII ^ page 512,
M 3
ig2 OBSERVATIONS
Je ne connois point de Chenille de cette claffe
qui foit plus tranquille que celle-ci ne m'a paru
J'étre. Elle fait peu de chemin , & fa marche efl
aflez lente. Elle fe tient ordinairement fous les
feuilles dont ell^ fe nourrit. Je l'ai nourrie de
celles du Prunier: M. de Rea umur avoit nourri
les fiennes des feuilles du Châtaignier. J'ai lieu de
croire qu'elle mange auffi celles du Charme, &
probablement celles de quelques autres arbres.
Ça été le 26 de Septembre fur les fix heures
du matin , que ma Chenille a commencé à travail-
ler à fa Coque. Ce qui m'a d'abord frappé dans
fon travail, ça été de longs fils droits, [P/. V, Fig,
I. ///.] incomparablement plu gros que les fils
ordinaires de cette Chenille, qui étoient tendus
depuis les parois du poudrier jufcju'aux bords exté-
rieurs de la Coque commencée. La Chenille avoic
tendu de femblables fils des deux côtés oppolés de
la Coque. La longueur d'un de ces fils étoit de
près d'un pouce: les autres avoient depuis trois
lignes jufqu'à fix ou fept. 11 fembloit que ce fufTent
de petits cables que l'ouvrière eût tendu pour
affermir fon petit édifice. Ils ne paroiflbient pour-
tant pas devoir produire cet effet. En examinant
l'extrémité inférieure de ces petits cables, j'ai re-
marqué qu'ils fe divifoieqt à cet endroit a, com-
me pour embrafier une plus grande étendue de ter-
rein, ou former fur le verre une forte d'empâtemenr.
Ces fils en manière de cables, m'ont rappelé ceu^
de la Moule. Dans ce même endroit où ces fils
s'attachoient au verre, on voyoit une multitude
de fils très -fins, très -ferrés, difpofés en manière
de zigzags irréguliers, qui formoient fur les parois
intérieures du vafe, de petites taches bbh blanchâ-
SUR LES INSECTES. 183
très & brillantes , d'une à deux lignes de largeur.
La divifion des gros fils à leur extrémité inférieure
indiquoic aflez qu'ils écoient formés de la réunion
de plufieurs fils. Ces efpeces de cables n'étoient
pas nombreux : il n'y en avoir guère que quatre à
cinq qui fuflent fort apparens; m^is tous écoienc
tendus en ligne droite.
J'ai été furpris de la grandeur que la Chenille
donnoit à fa Coque e e ; elle n'étoit point du tout
proportionnée à celle de fon corps. La Chenille
y étoit extrêmement au large. La forme de cette
Coque n'étoit pas bien régaliere. Elle étoit fort
large proportionnellement à fa longueur; & res-
fembloit plus à une forte de poche ou de fac qu'à
une véritable Coque. Sa largeur étoit de dix
lignes ; fa longueur de quatorze. Un de fes bouts
étoit coupé quarrément, & la ligne droite qui le
terminoit avoit une longueur de cinq lignes. Cette
Coque , ou fi l'on veut cette forte de poche , étoit
aflez applatie fur les côtés.
La Fileufe, comme on le juge bien, ne fe fer»
voit pas de fon corps comme d'un moule pour
donner la forme à fa Coque. Le moule auroit été
trop difproportionné. Elle portoit fon corps tantôt
d'un côté, tantôt d'un autre, & par -tout je la
voyois promener fa tête à droit & à gauche avec
aflez de lenteur. 11 m'étoit aifé de reconnoître
qu'elle tiroit des fils de foie de tous côtés. Sa
filière étoit fouyent en vue.
Ces fils, qui étoient d'une grande finefle, n'é-
toient pas difpofés comme le font ordinairement
ceux des Chenilles qui fe conftruifent des Coques
de foie: ils ne formoient pas des zigzags: mais
les uns traçoient des lignes droites j les autres, des
M 4
'iZ4-
OBSERVATIONS
courbes plus ou moins irrégulieres. Les fils droits
paroiflbient les plus nombreux lorfqu'on regardoif
la Coque par • dehars. On jugeoic encore de cette;
diredlion en faisant les mouvemen? de la tête,
standis que la filière laiflbit couler le fil. Ç^s fiJs
droits revenoient fouvenc fur eux-mêmes, & tra,*
çoient des lignes parallèles à la première ; mais qui,
quelquefois dïvergeoient plus ou moins. Leur cou-
leur écôît un blanc argenté tirant fur le grîfâtte. ^
Notre ouvrière ne travailloit pas avec beau-
coup d'aèlivité: elle fe reppfoit fréquemment, &
ces intervalles de repos étoient plus ou moins longs,.
Son tiflu demeuroit fi tranfparent qu'il ne déro-
lioit aucune de fès manœuvres. Je la voyois s'oc-'
cuper à le fortifier de plus en plus par rapplication
fuccefTive de nouveaux fils. Cependant il ne per-'
doit rien de fa tranfparence.
J E l'ai dit : c'étoit contre les parois du poudrier
que ma Chenille s'étoit établie: elle ne pouvoir
donc mieux fe placer pour fatisfaire l'Obfervateur,
3k4ais ce qiie je n'ai pas dit,, c'efl qu'elle avoic.
recouvert fa Coque d'une feuille de Prunier qui
s'étoit trouvée dans fon voifinage. Comme cette
feuille me déroboit une partie des manœuvres de
l'ouvrière, j'ai tenté de l'enlever délicatement, fans^'
ïien déranger dans le tiflu, &. j'y fuis parvenu.
Tous les contours delà Coque, quoiqu'un peu
îrréguliers, étoient parfaitement bien terminés, &
je ne pouvois douter qu'ils ne fuffent bien ceux
d'une Coque , & non d'une fimple enveloppe , telle
<îue celle que le Ver- à- foie' & beaucoup d'autres
Chenilles donnent à leur Coque. Cette dernière'
ipe paroilToic différer par plus d'un cara6lere de là
SUR LES IN SECTE 5. i§5
Coque que j'avois fous les î^eux. Je n'ai donc pas
été médiocrement furpris , lorfque dans l'après-midi
du même jour, j'ai apperçu les commencement
d'une féconde Coque ( PL K Fig i. f/,) beaucoup
plus petite, que la Chenille çonftruiroit dans l'inté-
rieur de la grande. Cette féconde Coque étoit de
la conilruftion la plus régulière. Sa forme étoit
ovale. Elle avoit onze ligues de longueur, fur
^inq çje largueur,-& la Chenille la condraifoit à-peu-
près au milieu de la grande Coque : un de fes bouti^
touchoit le bout quarré de celle-ci,
(^uoiQ.uE cette féconde Coque fût confidéra-
Clément plus petite que celle qui la renfermoit, la
Fileufe ne laiflbit pas d'y être aflez au large : auflï
n'étoiç-ce point en contournant fon corps , tançôç
^n manière d'S , tantôt en manière d'anneau appla-
ti , qu'elle lui donnoit la forme & les proportions
qu'elle devoit avoir. Elle alloit & venoit dans cette
féconde Coque, à -peu -prés comme elle avpit faic
d^ns la première. Quand elle avpit travaille quel-
que temps à l'un des bouts , elle palToit à l'autre :
puis elle tiavailloit fur les côtés.
J'ai remarqué qu'elle prenoit plus d'aftivité à
mefure que fon ouvrage avançoit. Les intervalles
de repos devenoient moins fréquens & moins longs.
La Coque intérieure n'étoit pas moins tranfpa-
rente que la Coque extérieure, & il n'étoit pas
moins facile d'y fuivre à l'œil tous les mouvemens
de la Chenille.
Je ne doutois pas qu'elle ne & fervît de Tes poils
pour épaiflir fon tiffu, & en diminuer la tranfpa-
rence. Je la voyois néanmoins continuer fon tra-
vail, fans qu'elle p^rût fe difpofer à y faire entrer,
les poils dont elle étoit fi bien fournis.' J'en apper-
Us
iS6 OBSERVATIONS
cevoîs bien çà & là quelques-uns qui s'e'toient
détachés du corps, & que l'ouvrière avoit couchés
de leur long dans le tiflu ; mais ils écoient fort clair-
femés; ôc je jugeois facilement, qu'elle ne fe borr
neroit pas à inférer entre les fils une fi petite quan»
tité de poils. Les autres Cnenilles à brojjes que
j'avois obfervées, m*avoient afîez appris qu'elles;
n'aiment pas que leur Coque demeure trop trans-
parente, & qu'elles tendent à la rendre plus ou
moins opaque.
J'ÉTOis extrêmement curieux de faifir le mo-
ment où la Chenille mettroit en œuvre cette grande
quantité de poils dont elh étoit vêtue, & qui me
paroiflbienf tenir aflez fortement ,â fon corps ; car
la tranfparence du tifïu me permettoit de voir dis-
tinftement les broffes, & même de les compter; <&
j'obfervois fort bien que les divers mouvemens que
la Chenille fe donnoît en promenant fon corps de
côté & d'autre, ne détachoient point les poils. Je
n'obfervois point non plus que la Chenille fe mît en
Revoir de les détacher aves l'es dents.
Pendant tout le temps que j'avois fuivî notre
ouvrière, j'avois été frappé d'une particularité que
je ne dois pas pafler fous filence. Ses jambes mem*
braneufes s'alongeoient au point , que dans certaines
circonftances , on les auroit prifes pour de petits
Vers d'Ichneumones qui fortoient du corps de la
Chenille. J'étois même obligé d'y regarder de fort
près pour n'y être point trompé ; car ces jambes ont
une couleur de chair qui accroît encore l'illufion.
Cet alongement fi confidérable des jambes merabra*
neufes de notre Chenille, eft. très-remarquable. On
n'ignore pas que , lorfque les Chenilles travaillent à
leur Coque, elles approchent fort du temps de la
roétamorphofe, & que leurs jambes men:braneufes ,
SUR LES INSECTES. jg^
bien loin de s'alonger alors , fe contra6lent toujours
plus ou moins. L'alongement des jambes membra-
neufes de notre Chenille m'a paru lui être utile. Il
lui aidoit merveilleufement à fe cramponner aux pa*
rois lupérieures de la Coque , tandis que renverfée
ainfi fur le dos, elle travailloit à en fortifier un deç
bouts.
E N F I N , le moment fi defiré eil arrivé , où la Che-
nille a commencé à fe défaire de fa fourrure , & j'ai
eu le bonheur de Je faifir. II étoit environ minuit.
Voici comment la chofe s'efl palTée,
L E procédé auquel ma Chenille a eu recours n*a
reffemblé à aucun de ceux que je connoiflbis , &
que M, de Reaumur a décrits. Quand je fuis re-
venu Tobferver & que je l'ai furprife dans l'opéra-
tion, elle étoit renverfée fur le dos, & fes jambes
étoient tournées vers le haut de la Coque. Mais
je dois faire obferver ici, que les deux Coques avoienc
été filées de manière que leur grand axe coupoit à
angles droits l'axe du poudrier: leur longueur étoit
donc parallèle à l'horifon. Le corps de la Chenille
étoit étendu en ligne droite dans la Coque intérieu-
re, & elle étoit dans une fituation renverfée, comme
je viens de le dire. Dans cette fituation , je l'ai vu
porter brufquement fon corps en avant & le retirer
auffi brufquement en arrière , & réitérer cette ma-
nœuvre à plufieurs reprifes, & dans des intervalles
de temps extrêmement courts. Elle fembloit fe tré-
mouflTer violemment ou être balottée avec vice/Te de
devant en arrière & d'arrière en avant. Cela a dure
un temps alftz long. Je m'étonnois même que la
Chenille ne Te laflât pas plutôt d'exécuter des mou*
vemens en apparence fi pénibles. 11 n'étoit pas dif-
ficile de deviner le but de ces mouvemens fingu-
liers 3 fi différens de tous ceux que la Chenille s'écoic
,g9 OBSERVi^TIONS
donnés jufqu'alors: ils tendoient manifeflement k
détacher les poils. Cependant je ne les yoyois point
encore fe détacher, quoique la Chenille eût déj^
exécuté fous mes yeux plufieurs balottemens. La
tranrparence du tiflu ne paroiffoit pas s'altérer. IVIais
enfin , après un bon nombre de pareils balottemens ,
j'ai vu des faifceaux entiers' de poils fe détacher,
les uns d'un endroit, les autres d'un autre. Bientô^t
le tiffu a perdu de fa uanfparence , & d'inflant en
înftant elle a diminué de plus en plus. Elle n'a pour^
tant pas diminué au point de me dérober entièrement
la vue de la Chenille,
A mefure que les poils étoient détachés par les
balottemens réitérés de l'Infeéle, je ne les obferr
vois point percer le tiflu & fe montrer au dehors.,
comme M. de R eau mur l'a raconté de ceux d'une
grande Chenille velue. 11 reftoit même un intervalle
fenfible entre le haut des broHes & les parois infé-
rieure? de la Coque, Je croyois voir allez diftinc-
tement, c^ue les poils ne fe détachoient que parce
qu'ils étoient fortement fecoués par les trémoufle-
mens réitérés de la Chenille. Je ne veux pas néaa-
moins laifler entendre qu'ils ne frottaflèm point con-
txe les parois de la Coque,. & que ces frotteraens ne
contribuafTent point à les détacher. Les mouvemens
que la Chenille fe donnoit étoient fi grands & fi
brufques , qu'il falloit bien que les poils renconcras-
fcnt fréquemment les parois de la Coque. Comme
Vobfervois tout cela à la lumière d'une bougie , &
que le tiflu étoit déjà devenu un peu opaque, il
étoit fjiçile que bien des petities çhofes m'échappas-
£ent.
Je m'attendois à voir rpuvriere diflribuer fes
poils à-peu-près également dans toute l'étendue du^
tiifu, les coucher de leur long, filer par deflîis, &
SUR LES INSECTES. m
en compofer ainfi une forte d'étofFe mi-foie & poils.
C'eft pourtant ce qu'elle n'a pas fait. Elle m'a pa-
Tu laifTer les poils comme le hafard les avoit place's :
aufli en remarquoit - on d'affez gros faifceaux épars
çà & là en divers endroits de la Coque, & qui étoient
plus ou moins engagés dans le tiffu. _ On juge aflez,
qu'une diftribution fi inégale des poils à dû produire
bien des inégalités dans l'opacité du tiflu; je devrois
dire plutôt , dans fa demi-tranfparence. Je n'ai pu
fuivre plus long-tems ma Chenille, parce qu'il étoit
f ord tard , & que mes yeux étoient fatigués par une
Il longue obfervation & par la lumière de la bougie.
Le lendemain matin, j'ai trouvé la Coque dans le
même état ou je l'avois laiflee: l'ouvrière n'avoic
point touclié à ces faifceaux de poils dont j'ai parlé.
Trois jours après elle s'eft changée en Cryfalide co-
nique. (P/. r. i'^/^. I. C.)
M. de R E A UMUR a fait repréfenter la Coque de
cette Chenille à broffes (i); & il a dcfigné par les
termes d'enveloppe cotonneufe {2) ce que j'ai nommé
la Coque extérieure. Mais je puis dire que cette
enveloppe ne m'a point du tout femblé cotonneufe:
la foie dont elle étoit tifTue m'a paru ne différer poinc
de celle de la Coque intérieure: &, ce qui n'eflpas
équivoque , les contours de l'enveloppe étoient aufli
bien terminés que ceux de la Coque intérieure: ils
n'en différoient qu'en ce qu'ils n'étoicnt pas aufli ré-
guliers. Je ferois donc porté à penfer que cette en-
veloppe eft moins une fimple enveloppe qu'une vé-
ritable Coque. Aufli notre illuftre Obfervateur en
parle-t-il ailleurs (3) comme d'une véritable Coque.
Quelquefois^ dit -il, le tijfu extérieur ejl ^lus ferré,
(i) Toni. I , PI. XXXIII, Fis. 6 & 7.
C'S) Ibîd. pag. 5i9.
O) md. paj. 495.
i9o
OBSERVATIONS
// cjî lui-même une première Coque qui renferme îafe^
conde: & il cite pour exemple la Coque même de
notre Chenille à brofle. J'infifte là - deflus , parce
qu'il n'efl pas indifférent pour un NaturaliUe, de
favoir qu'il e/l des Chenilles qui fe conflruifent de
doubles Coques. On connoît des faufles Chenilles
qui favent/è faire de doubles Coques plus remarqua-
bles encore , & dont je parlerai ailleurs.
Le 30 de Septembre , l'on m'a remis une Chenil-
le de la même Efpece que la précédente, & qui
avoit atteint le dernier terme de fon accroiflement.
Le lendemain matin, elle avoit gagné le haut du
poudrier, & s'étoit cramponnée contre le couver-
cle du papier qui en fermoit l'ouverture. Là, elle
eft demeurée dans l'immobilité la plus parfaite jus-
qu'au 6 06lobre. Sa partie antérieure étoit courbée
en arc, & fa tête étoit ramenée vers les premières
jambes. Cette attitude a peu varié. Cette longue
inaftion ne m'a pas. permis de douter qu'elle ne fût
malade ; j'ai foupçonné qu'elle nourrilToit dans fon
intérieur des vers d'Ichneumones ; & je n'efpérois
plus de la voir fe mettre au travail. Je me trompois
néanmoins; & je n'ai été défabufé, que lorfque j'ai
apperçu quelques fils de foie qu'elle venoit de ten-
dre. C'étoient de ces petits cables dont j'ai parlé.
J'ai donc été averti qu'elle commençoit à travaillera
fa Coque, & j'en ai été agréablement furpris. Pen-
dant la longue durée de fon inaélion , j'avois fouvent
jeté fur elle quelques regards, & j'avois toujours
été frappé de l'alongement exceffif de f^s jambes
membraneufes : il contribuoit encore à lui donner
l'air d'une Chenille qui foufFre.
Notre fileufe a tendu un plus grand nombre de
cables [/*/. /^, Fig. i.fff~\ & de cables plus longs
que la précédente. Ils m'ont oifert les mêmes par-
StJR LES INSECTES, ipr
tîcularités efTentielIes que ceux que j'aî de'crits. Ils
fe divifoient de même en plufieurs fils à leur extré-
mité inférieure , ou à celle par laquelle ils tenoient
aux parois du poudrier & aux feuilles voifines: on
obfervoit aufll à cet endroit de petites taches blan-
châtres &. brillantes , produites par des fils extrême-
ment fins, qui, vus de fort près, paroiffoient tracer
des zigzags.
Tous ces cables alloient aboutir à la circonféren-
ce de la Coque dont la fileufe venoit de tracer les
contours. C'étoit la Coque extérieure: fa forme
étoit aflez régulière , & elle étoit bien arrondie. Elle
tenoit par un bout aux parois intérieures du pou-
drier, & par un de fes grands côtés , au couvercle
de papier. Elle avoit environ dix -huit lignes de
longueur fur onze lignes de largeur. Sa fituation
étoit horifontale, comme celle de la précédente, &
fon tiffu d'une tranfparence parfaite. Il étoit par-
tout uniforme. En un mot , tous les contours en
étoient fi exaftement terminés, qu'ils repréfentoient
au mieux ceux d'une véritable Coque.
L E travail de notre Chenille ne m'a rien offert de
nouveau. Elle s'y étoit prife pour conflruîre cette
grande Coque de la même manière précifément que
celle que j'avois obfervée peu de jours auparavant.
Elle ne mgntroic pas plus d'aftivité, & fe repo-
foic fréquemment pendant un temps plus ou moins
long.
Ce que je defirois le plus de revoir, c'étoit
l'opération par hquelie elle fe déferoit de fes poils
pour les faire pafler dans fon tififj. J'en remarquois
de longs qui étoient diflemines çà Ôc là dans toute
l'étendue de la Coque : ils y étoient même en affez
grand nombre ; mais leur quantité n'étoit pas telle
1^2
•OBSERVATIONS
qu elle altérât le moins du monde k tfafparencé da
J'ai dit que k Chenille avoit commencé fou
travail le 6 d'Oélobre: c'étoit fur les fept heures
du matin. Sur les onze heures du foir, elle'n'avoic
point encore commencé à tracer les contours de la
féconde Coque ou de la Coque intérieure. Mais
je dois avertir, que dans la crainte qu'elle ne fe
défît de fes poils au milieu de la nuit & dans des
momens où je ne pourrois l'obferver, j'avois tâché
de retarder l'achèvement de l'ouvrage , en agitant de
temps en temps le poudrier lorfqu'elle fe remettoic
au travail. Ce moyen réuffiffoit toujours: la Che-
nille fufpendoit auffi-tôt fon travail, & ne le repre-
noit qu'au bout d'un temps plus ou moins long.
J'avois affez obfervé , & mes yeux commençoienc
à foufFrir : avant que de me retirer , j'ai confié ma
Chenille à mon Deffinateur, homme curieux &
intelligent, & ce n'a pas été fans lui recommander
d'interrompre le plus fouvent qu'il pourroit le tra-
vail de la fileufe, par le même moyen que j'avois
employé & qui m'avoit fi bien réuffi.
Environ demi -heure après, c'eft-à-dire fur
les onze heures & demi , la Chenille a commencé
à conflruire la féconde Coque. Alors elle à mon-
tré plus d'aftivité, & fon aftivité a redoublé de plu»
en plus: elle a paru preflee de finir fon ouvrage.
On avoit beau agiter le poudrier , on ne parvenoic
que rarement à interrompre fon travail, & quand
on l'interrompoit , ce n'étoit que pour quelques
inftans: elle reprenoit auffi-tôt le travail avec une
nouvelle ardeur.
J'a I fait remarquer , qu'il y avoit de longs poils
dilTéminés dans le tiflu de la Coque extérieure: je
n'avois
SUR LES INSECTES. 1^3
ti'ûvois pas vu comment ils y avoient été placés, <&
j'avûis fuppofé fimplement qu'ils s'étoient détachés
de la peau par quelques frottemens, & que la Che-
nille n'avoit eu qu'à les recouvrir de foie* Les
plus longs poils font ordinairement les plus expo fés
aux frottemens. Mais mon Dcflinateur , qui n'avoit
p':s perdu de vue notre fiieufe, a obfervé en C3
genre des particularités remarquables. Tandis qu'il
liHvoit au milieu de la nuit, à la lumière d'ane bou-
gie, toutes les manœuvres de la fiieufe, & qu'il
s'aidoit même du fecours d'une loupe, il l'a va
porter plufieurs fois fa tête vers l'aigrette de poils
placée fur le derrière. Cette aigrette qui, comme
Ton fait, efl compofée dts plus longs poils, étoic
alors dans l'ombre, & fObfervateur ne pouvoit
appercevoir ce que la tête faifoit piès de cette
aigrette: mais lorfque la tête étoit ramenée vers
]a lumière, il voyoit difljn élément un poil placé
entre les dents de la Chenille, & qu'elle alloic
dépofer dans le tiflii de la Coque intérieure. L'ai-
grette a difparu peu-à-peu. Il y avoit d'autres
poils répandus fur les parois intérieures & inférieu-
res de la Coque: l'Obfervateur a vu encore diftinc-
tement l'ouvrière faifir ces poils avec fes dents , &
Jes appliquer çà & là contre le tiflu foyeux.
Le 7 fur les fix heures du matin, je fuis revena
obferver. La féconde Coque étoic bien façonnée ,
& fon tilTu avoit déjà perdu un peu de fa tranfpa-
rence. Elle étoit couchée à-peu-près dans le milieu
•de la longueur de la Coque extérieure. Elle étoit
donc, comme celle ci, dans une fituation horifontale.
Elle avoit environ dix lignes de longueur fur fix
lignes de largeur. Le patient Deffinatear avoit fuivi
Touvritre pendant toute la nuit ôi, jufqu'au point
du jour.
2 orne IL N
194
O B S E R V A TI O N S
Peu de momens après, j'ai vu la Chenille fe
donner de grands mouvemens de tout fon corps,
fe balancer, en quelque forte , de devant en arrière
& d'arrière en avant. Elle fe contournoit alterna-
tivement en divers fens. Elle abaiflbit & élevoic
alternativement fa partie antérieure & lapollérieure.
Elle réitéroit cela à plufieurs reprifes. D'autrefcds
elle contournoit fon corps en manière d'S ou d'an-
neau, & lui faifoit prendre un inllant après quel-
qu'autre attitude. D'autrefois encore , elle lui
faifoit exécuter une forte de mouvement ondula-
toire. Pendant que ces divers mouvemens s'exécu-
toient, les poils des brofles fe déiachoient de plus
en plus, & le tiflu devenoit de plus en plus opaque.
Quelquefois, il fembloit que la Chenille fe renverfât
fur le dos , pour fe remettre en fuite dans fa pre-
mière pofition. Je n'oferois néanmoins l'alTurer,
parce que le temps étoit fort obfcur, & que le tifla
avoic beaucoup perdu de fa tranfparence.
La Chenille a continué à fe donner ces grands
mouvemens pendant près de trois quarts • d'heure :
mais j'ai très- bien remarqué qu'ils fe rallentifroienc
peu- à- peu: ils font enfin devenus fort lents & de
plus en plus lents. Je n'ai pu méconnoître leur
effet. La Chenille ne pouvoit exécuter de (i
grands mouvemens, fans que les poils des brofles
frottaflfent continuellement contre les parois de la
Coque. On voyoit à ne pouvoir s'y méprendre,
que les frottemens de ces poils étoient très-fréquen?.
Et, ce qui n'étoit point du tout équivoque, on
appercevoit un grand nombre de très -petits poils
qui perçoient au travers du tiiTu & qui fe mon-
troient à fa furface. Des faifceaux de plus longs
poils étoient épars çà & \k vers le bas de la Coque.
La Chenille les a laifies cù le hafard les avoit placés ,
SUR LES INSECTES.
195
& n'a point entrepris de les diflribuer uniformément
dans le tiflu. Ses forces é:oient apparemment épui-
fées par les mouvemens violons qu'elle s'étoic
donnés pour faire tomber les poils. Après leur
chute, le dos de la Chenille n'offroit plus aucua
veftige de brofles, & il étoic à-peu-près auflî ras
que celui des Chenilles rafes.
Cette Efpece de Chenille à brofles me'rîte
affurément l'attention des Obfervateurs ; & je fuis
bien éloigaé de penfer qu'elle m'ait montré touc
fon favoif - faire. On pourroit la déterminer à
changer fort fes manœuvres en la plaçant dans des
circonflances qui lui feroient fort étrangères, ou
en la dérangeant dans fon travail en lui enlevant
une partie plus ou moins confidérable de fon tilTu.
Il faudroit encore tenter de l'épiler avant qu'elle
commençât à conflruire fa Coque: il feroit curieux
de favoir, û après avoir fini la féconde Coque,
elle fe donneroic les mêmes mouvemens que le«
Chenilles de fon Efpece fe donnent pour faire toni';
feer ks poil* des brofles.
N z
iy(5 OBSERVATIONS
OBSERVATION XXVI.
Divers faits relatifs à l'art avec lequel la belle
Chenille du Bouillon -blanc conjlriiiî fa Coque,
J E défigne cette Chenille par l'ëpithete de belle,
parce que le Bouillon -blanc en nourrit une autre
quf ne lui refTemble ni par les couleurs , ni par la
taille. Le Bouillon- blanc efl très -commun le long
des grands chemins & n'eft connu des gens de la
Campagne que fous le nom de Bon-homme, Cette
Plante porte de grandes feuilles trè?» velues ou très-
cotonneufes, & pouffe une tige droite qui s'élève
fouvenc à deux ou trois pieds de hauteur. C'efl
far cette tige qu'on découvre plus facilement la
Chenille donc je vais entretenir mon lefteur. Le
fond de fa couleur ell un aflez beau gris de perle ,
fur lequel font jetées de petites taches noires,
qu'environnent d'autres taches d'un jaune tendre.
Cette Chenille a feize jambes: elle efl rafe , un
peu au-deflus de la grandeur médiocre. Elle efl:
afllz commune fur le Bouillon -blanc en Juin &
Juillet. M. de Reaumur en a donné l'Hiflioire
(i);& quoique les faits qu'il en rapporte, foient du
même genre que ceux qu'elle m'a offerts, je me
perfuade qu'on ne fera pas fâché de trouver ici le
récit de mes propres Obfervations. Je n'ai pas vu
précifément les mêmes chofes que ce grand Obfer-
vateur, & il n'avoit pas vu précifément les mêmes
chofes que moi. D'ailleurs, tout ce qui tient à
rinduflrie des Infe61:es efl bien plus propre à piquer
(O ^!<^^' f'*r let H' T. I, pag. :rG & fuiv. PI. XLIII, Tig. j, 4-
SUR LES INSECTES. 197
ia curiofité d'un amateur , que toute autre partiçu- .
larité 4e l'infeélologie.
Notre belle Chenille du Bouillon -blanc fut
une des premières Chenilles qui fixèrent mon atten-
tion, quand je commençai à m'occuper de l'étude
des Infeftes. Je connoiffbis Ces procédés indus-
trieux; mais je n'en avois pas été moi-même le fpec-
tateur, & je defirois fort de l'être. Je ne négligeai
donc pas de chercher cette Chenille fur le Bouillon-
blanc: j'en trouvai trois fur le haut de la tige de
cette plante le 6 de Juin 1737; je les renfermai
dans un poudrier avec quelques feuilles de la plante
qu'elles aimoient. Elles en mangèrent fous mes
yeux; mais ce ne fut qu'après qu'elles eurent pris
la précaution d'en écarter ie duvet cotonneux &
affez épais qui les recouvroit. 1/ n'étoit pas appa-
remment un aliment qui leur convînt.
Le 9 du même mois, je remarquai qu*une de
mes Chenilles s'étoit cachée fous, les feuilles Ôc,
qu'elle tiroit des fils de foie de tous les cotés. Je
jugeai aufTi-tôc qu'elle vouloic fe préparer à la mé-
tamorphofe. Je la fis pafTer fur le champ dans un
autre poudrier où j'avois eu foin de mettre une
certaine quantité de terre feche, prefqu'aulîi fine
que du fable ordinaire. Elle ne tarda pas à percer
cette terre & à s'y enfoncer. Au bouc d'environ
trente- fix heures, curieux de favoir fi elle avoit
beaucoup avancé fon ouvrage, j'inclinai doucement
le poudrier pour en faire fortir la terre qu'il çon-
tenoit. Je vis paroître fur le fond une coque de
terre de la figure & de la grofieur de celle du
Ver- à -foie. Elle avoic beaucoup de confiflance ;
car, quoique je la prefTafi^e aflez entre mes doigts,
je ne la fcntois pas céder à cette preffion. J'en
conclus que, fi elle n'étoit pas entièrement ache-
N 3
ïpg OBSERVATION 3.
vée, elle étoît au moins très- avancée ; & je préfa-
mai qu'elle devoit-être d'une épailTeur confidérable.
Mais cela ne fatisfaî/bit pas ma curJoHcé; je regret-
tois de n'avoir pu découvrir comment la Chenille
s'y écoit prife pour conftruire une pareille Coque.
Pans la vue de m'inllruire par moi-même de fon
art, j'eus recours au moyen que M. de Reaumur.
avoit lui ' même pratiqué. Je fis une brèche à la
Coque: je l'ouvris à un des bouts. Je mis ainft
l'intérieur à découvert. Je vis alors que la Coque
étoit un compofé de terre & de foie, très -bien
Jié dans toutes fes parties & dont l'épaifleur étoit
de plus d'une ligne. Je pofai la Coque de fon long
fur un petit tas de terre feche , & j'attendis avec
impatience ce qui réfulteroit de ma tentative.
Le bout par lequel j'avois ouvert la Coque fc
trouva répondre au derrière de la Chenille. Elle
ne pouvoit donc venir réparer la brèche qu'après
s'être retournée bout par bout. Ce fut auffi ce
qu'elle ne manqua pas de faire , & qu'elle exécuta
très- promptement. Elle étoit déjà fi raccourcie,
qu'elle n'avoit guère que la moitié de fa longueur ^
& fes jambes membraneufes étoient fi contraftées
qu elle ne pouvoit plus en faire ufage. Quand elle
eut amené fa tête à l'ouverture de la brèche, elle
la porta en avant & tâta de tous côtés. Sa partie
antérieure étoit encore fufceptible d'un certain alon-
gement. En tâtant ainfi de tous côtés elle rencon-
tra bientôt la terre fur laquelle repofoit te Coque ;
elle prit entre fes dents un grain de cette terre:
elle alla le placer contre les bords de l'ouverture ;
& pour le maintenir mieux en place , elle le preiîa
avec fa tête; elle s'efforça de le faire pénétrer entre
les grains qui compofoient les bords de l'ouverture,
auxquels elle le lia plus étroitement encore par di:$
SUR LES INSECTES. jpp
fils.de foie. Après avoir mis en place ce premier
grain , elle porta de nouveau fa tête hors de la
Coque, alongea fa partie antérieure, <5t s'avança
même fi fore au dehors de la brèche, que près de
la moitié de Ton corps étoit à découvert. Elle failic
un fécond grain, le tranfporta, le plaça, le prefla
& l'aiïujettit, comme elle avoit fait !e premier.
Elle continua fous mes yeux la même manœuvre; &
l'on voit bien qu'elle tendoit à diminuer de plus en
plus l'ouverture de Ja brèche; mais je ne fais quel
mouvement elle fe donna pendant le travail, qui
la jeta hors de fa Coque. J'efpérois qu'elle y ren-
treroit: elle ne fut pas parvenir à en enfiler l'ouver-
ture. Je pris donc le parti de la remettre moi-
même dans fa Coque, mais elle en relTurtit fans
avoir repris le travail.
Ma curiofité n'ayant pas été entièrement fatfs-
faite, je m'adrefTai à une autre Chenille qui etoic
entrée en terre , depuis aflez peu de temps. J'en-
levai avec précaution toute la terre qui recouvroic
fa Coque, & je la mis ainfi entièrement à décou-
vert. Elle n'étoit ni auffi groffe ni ajffi forte que
la précédente. Je n'eus pas befoin d'y faire une
brèche comme j'avois fait à cette dernière. En la
détachant du fond du poudrier fur lequel elle étoic
appliquée de fon long, il s'y fit une ouverture à
l'endroit qui répondoit au fond du vafe. Cette
ouverture qui occupoit le milieu de la longueur de
la Coque, n'étpit pas il grande que celle que j'a-
vois faite à un des bouts de l'autre Coque. Pour
réparer la brèche, ma Chenille ne s'y prit pas pré-
cifëment comme celle dont j'ai parlé. Elle ne porta
point fa tête hors de l'ouverture: mais elle tendit
des fils de foie, d'un bord à l'autre de cette ouver-
ture. Ces fi's fe croifoienc de mille & mille ma-
JNf 4
âoo OBSERVATIONS
lîieres , & de la réunion de tous ces fils fe forma
peu- à peu une toi/e ou une forte de voile tendu
su devant de l'ouverture, & qui ne me permettoit
plus de voir ce qui fe paiToit dans l'intérieur de la
Coque. J'obfervai feulement , que la Chenille
pouiÎDic de temps en temps la toile en dehors; mais
je ne pou vois démêler fi c'étoit pour y enchaffer
des grains de terre dont elle pouvoit avoir une
petite provifion, ou fi c'étoit pour forcer la toile
à prendre une convexité relative à la forme de la
Coque. Quoi qu'il en foit; la brèche fut parfaite-
ment rebouchée à l'aide du nouveau tiifu.
Le piaifir que j'avois goûté à fuivre de fi prqs
le trav.iil de nos 4eux Chenilles , me rendit prefque
dur à l'égard de celle dont je parle. Je n'avçis
pas vu encore tout ce que je defirois de voir. A
peine eut -elle achevé de réparer le défordre que
j'avois oçcaQoné à fofl petit bâtiment , que je li^
préparai un nouveau travail beaucoup plus confidé-
jable que le premier, en faifant une large brèche
à un des bouts de la Coque. Qaoique la diligente
ouvrière dût être déjà alfez fatiguée ôc que fa pro,-
vifion de foie dût être fort épuifée, elle ne laifla
pas de fe remettre à l'ouvrage & d'entreprendre
de réparer l'énorme brèche que je venois de fairç
^ fa Coque.
Son premier foin fut d'attacher un fil à un des
bords de l'ouverture : je la vis enfuite fe fervir de
ce fil comme d'un petit cable pour forcer le bord
à fe courber en arc & à reprendre la forme convexe
que je lui avois fait perdre en ouvrant la Coque.
Elle tira donc à elle le petit cable, & quand elle
eut donné aa bord de la Coque la convexité qu'elle
lui vouloit, elle fixa le bout du cable à une des
paroi:» intérieures, dç parvint aînfi à maintenir te
SUR LES INSECTE 5. aoi"
bord de la brèche dans la fituation que requéroit
la nature du travail. J'avois comme déchiré les
bords de l'ouverture : il y avoit donc des portions
qui failloient plus en dehors les unes que les autres:
la Chenille attacha de petits cables à toutes les por-
tions qui failloient trop, ou qui étaient trop ren-
verfées ; & à l'aide de ces cables ,. elle les redreffa
peu- à- peu, les ramena vers Taxe de la Coque,
leur fit reprendre le degré de courbure convenable,
& les maintint dans cette fituation en arrêtant les
extrémités des cables aux parois intérieures de I3
Coque. Quelquefois c'était avec fes dents qu'elle
forçoic les bords de l'ouverture à reprendre la pa-
lition & la courbure qu'exigeoit la forme de cettç
partie de Ja Coque. Par ces divers procédés, elle
parvint enfin à rendre l'ouverture afTcz exaftemenc
circulaire, d'irréguliere ou d'échancrée qu'elle étoic
auparavant^
Il lui refloit à boucher cette grande ouverture,"
& ce n'étoit pas un petit travail. Elle s'y prit d'à*
bord de la même manière que la Chenille (jont j'ai
parlé au commencement de cette Obfervation : elle
s'avança hors de fa Coque, & alongea fa partie
antérieure, tâta de tous côtés avec fa tête jufques
à ce qu'elle eût rencontré la terre feche fur laquelle
repofoit fon petit bâtiment. Elle faifit avec fes
dents un grain déterre, qu'elle alla enchafTer dans
les bords de la brèche, & après l'y avoir bien
enchalTé ou encadré, elle fila par deiTus. Elle réi-
téra plufieurs fois la même manœuvre. Enfin, com-
me fi elle fe fut lafîee de tranfporter un à un le?
grains de terre, & de les mettre en place les uns
après les autres, je la vis en lier plufieurs enfemble
avec des fils de foie, en former un paquet qu'elle
tranfport^ dans fa Coque & qu'elle appliqua aux
N 5
205 OBSERVATION S^
bords de la brèche. £!Ie l'y arrêta fpjidement à
l'aide d'un bon nombre de fils de foie ; pui$, avec
fa tête & fes dents , elle donna à ce paquet de
grains de terre h forme & le degré de courbure
recjuig. Elle tranfporta ainfî fous mes yeux & znk
en place plufieurs de ces paquets. L'ouverture de
la brèche fe rétréciflbit "de plus en plus, &'la rt^-
paration étoit déjà affez avancée, lorfque la Chç-
«nille voulut aller travailler à l'autre extrémité de
la Coque. Elle ne pouvoit y parvenir qu'en fe
retournant bout par bout & en amenant fa tête à
l'endroit où étoit auparavant fon derrière. Eiîe
l'exécuta fort heureufement. Après avoir travaillé
quelque temps vers cette extrémité de la Coque,
elle voulut revenir travailler à fermer la brèche.
Pour cet effet, elle fe contourna de manière que la
tête & le derrière fe trouvèrent tous deux dans l'ou-
verture. 31s ne dévoient pas y refier: elle retira
Je derrière dans l'intérieur de la Coque , & porta
fa tête en avant: mais ce grand mouvement ne fat
pas fans doute bien calculé: dans l'inflant où la
Chenille l'exécutoit , elle fut jetée entièrement hors
(de l'ouverture. Il en fut de cette Chenille comme
de l'autre ; elle ne fut point rentrer dans fa Coque ;
& lorfque je l'y eus moi-même replacée, elle refu-
fa d'y travailler & en reffortit. Elle préféra de
percer la terre à côté de fa Coque, de s'y enfoncer
à une certaine profondeur & d'y entreprendre un
nouvel édifice. On juge bien qu'il fe reffentit beau-
coup de la dépenfe confidérable que l'Architefte
avoit faite: auffi n'eut -il guère que la moitié de
îa grandeur du premier. Si. les parois en étoient
très - minces.
Une terre réduire en poudre très -fine ne con-
vient pis à nos Chenilles du Bouillon - blanc : jl leur
SUR LES INSECTES, "■ 203
faut une terre donc les grains aient une certainç
grofleur; & ce que je viens de raconter de leur
travail l'indiqueroit aflez: mais j'ai là-deflus une
expérience direéle : une de ces Chenilles à qui j'a-
vois fervi une terre très - pulvérifée , refufa d'y
travailler & en reflbrtit quelque temps -après s'y
«tre enfoncée.
Pour. mieux juger encore de la conflruQ:ion de
nos Coques de terre, j'en plongeai dans de l'eau
froide; je les y détrempai, & je reconnus évidem-
ment qu'elles étoient formées d'un tilTu afTez épais
& affez ferré , moitié terre & moitié foie. Chaque
grain de terre tenoit à des fils de foie, Si. tous
étoient liés les uns aux autres par de femblables fils.
En Juin 1739 , m'étant procuré un affez bon
nombre de nos Chenilles du Bouillon • blanc dans la
vue de m'aflurer fi elles étoient de celles qui man-
gent leur dépouille ( 1 ) , j'en profitai pour répéter
mes premières Obfervations fur ia conllruftion de
leur Coque & pour varier davantage mes expé-
riences fur ce fujet intéreflant. Je commençai par
renfermer plufieurs de ces Chenilles, les unes dans
des poudriers, les autres dans des boîtes, fans leur
donner de la terre ni aucuns autres matériaux. Je
voulois favoir fi elles parviendroient à fe conflruire
une Coque de pure foie. Elles n'y réuffirent point;
& après avoir tiré des fils de côté & d'autre elles
périrent.
Parmi les Chenilles que j'avois privées de tep-
re, il y en eut une qui fe trouva par liaH^rd à por-
tée de quelques rcftes de feuilles du Bouillon-blanc.
Elle efl"aya de les faire entrer dans la ccnfliru6lion
de fa Coque. Avec fes dents elle en détacha des
parcelles , & fj mit à les arranger autour^ d'elle.
Ci) Ol)''. XVTl.
204 O B S E R VA T I O N S
L'arrangement qu'elle leur donnoît n'imitoit pa$
mal celui qu'un Maçon donne aux pierres avec
lefquelles il veut élever un mur. Je remarquai que
le petit mur que ma Chenille avoic commencé à,
élever autour d'elle, fçmbloit defliné à fervir de
bafe à une force de voûte. Il me vint alors ei;
penfée de mettre auprès de l'ouvrière quelques
petits morceaux de papier & un peu de terre feclie,
pour voir fi elle entreprendroit de faire ufage de
ces différens matériaux. Elle l'entreprit en effet;
elle lia enfemble quelques-uns des morceaux de
papier, & fe Taifit de la terre dont elle tenta d'em-
ployer les grains à élever fon mur, comme elle y
avoit employé des parcelles de feuilles: mais de tou6
cela il ne réfulta rien qui eût l'air d'une véritable
Coque: elle ne réu0it proprement qu'à jeter les
premiers fondemens d'une Coque ; je veux dire ,
^ tracer l'enceinte qui dévoie en déterminer l^i
grandeur.
Une autre Chenille, que j'avois logée dans un
poudrier en partie plein de terre feche, ne s'en-
fonça point dans cette terre , pour s'y préparer à
]a métamorphofe : çlle s'établit à la furface , & con-
tre les parois du vafe. Elle travailla d'abord dix
le modèle de celle dont je viens de parler. EUç
traça autour d'elle un efpace ovale; ou , pour parler
plus exa6lcment, elle éleva autour d'elle un pet^C
mur de terre & de foie , qui formoit une enceinte
de forme ovale. Elle s'occupa enfuite à exhauffer
les murs par l'addition fuccefîlve d'un grand nom-
bre de grains de terre, que je la voyois faifir avec
fes dents, tranfporcer dans fon domicile, mettre en
place , & lier les uns aux autres avec des fils de
.foie. A mefure que les murs s'élevoient, ils pre?
noient de la courbure, 6: tendoient à former une
voûte. J'aéfite à faire l'honneur à rintelligence
SUR LES INSECTE Si 205
de TArchitefle d'une chofe qui me frappa beau-
coup; c'eft que plus elle élevoit les murs, & plus
elle retranchoit dejeur épaifleur.
J'ai dit ailleurs (i) que les Chenilles quifecons-
truifent des Coques de forme ovale, telles que celle
du Ver-à-foie, parviennent à leur donner cette for-
me en contournant leur corps en divers fens, le
plus fouvent en manière d'anneau, ou en manière
a S , & qu'il eft ainfi une forte de moule qui déter-
mine la figure & les dimenfions de la Coque. Les
Chenilles qui travaillent fur un pareil modèle, fonc
donc renfermées dans leur Coque tandis qu'elles la
conftruifent. Cette manière de bâtir efl: communa
à quantité d'Efpeces de Chenilles, & elle ell en
particulier celle de la Chenille du Bouillon-blanc:
la terre dans laquelle elle s'eft enfoncée pour s'yraé-
tamorphofer, l'environne de toutes parts, & fon
corps détermine la figure & les proportions de :Ia
Coque mi -foie ôc terre, au centre de laquelle elle
demeure renfermée. La Chenille, dont je raconte
ici les procédés , m'offrit à cet égard une particulari-
té bien remarquable : elle parvint à donner la forme
i fa Coque, fans y être renfer/née pendant qu'elle
la conflruifoit. Ordinairement fa partie poftérieure
repofoit fur la terre du poudrier: elle n'étoit donc
point renfermée dans i'cnceinte de l'édifice, tandis
que la tête s'y portoit de côté & d'autre pour y ar-
ranger & y afîujettir les matériaux. Mais îorfqu'ellc
fut fur le point d'achever fa Coque, elle s'y renfer-
ma en entier. Cette Coque, conftruite d'une ma-
nière fi nouvelle, avoit bien à- peu-près h forme &
les proportions qu'elle devoit avoir. Cependant je
ne difTimulerai pas qu'elle fe relfentoit un peu de la
façon finguliere dont elle avoit été trava.l'.ee. Elle
étoic fort mince dans le milieu ; on y appercevoit
(i) Oof. XXII,
zM- O B â Ë R V A T IONS
même un petit vuide; de plus, eJie étoit beaucoup
plus large proportionnellement à fa longueur, qu'el-
le n'auroit dû l'être. Elle reflembloit donc plutôt
à une forte de nid qu'à une véritable Coque. Elle
étoit appliquée contre les parois du vafc, comme
les nids des Mouches maçonnes le font contre les
murs de nos maifons. Il y avoit encore une ou ver*
ture dans la partie inférieure de la Coque : la tête
de la Chenille fortoit par cette ouverture, & quel-
quefois près de la moitié de fon corps. Elle péric
au bouc de quelque temps fans avoir bouché cette
ûuvertuire.
Plusieurs de mes Chenilles qui s'étoient en-
foncées en terre, s*y étoient conllruites des Coques
auxquelles rien ne manquoit. L'occafion étoit bien
favorable pour répéter mes premières expériences
fur l'art avec lequel ces Chenilles travaillent : je ne
la laiflai pas échapper. Avec des cjfeaux j'ouvris les
Coques en divers endroits. Les unes furent ouver-
tes fur le côté : les autres le furent dans une de leurs
extrémités. Toutes mes Chenilles ne réparèrent pas
la brèche de la même manière : les unes employèrent
à cette réparation -la terre & la foie : d'autres n'y
employèrent, ou ne parurent y employer que la
foie. Celles-ci fe bornèrent donc à tendre un voile
devant l'ouverture. Je ne détaillerai pas les ma-
nœuvres de ces Chenilles ; parce qu'elles ne différent
point de celles que j'ai décrites dans cette Obfer-
vation.
Je viens de dire que j'avois ouvert des Coques
par une de leurs extrémités :j'eflayai d'en ouvrir une
aux deux bouts: je crus que je ne pouvois trop
varier mes eflais: la Coque que j'avois traitée ain S
n'étoit plus qu'une forte de fourreau. La Chenille
qui s'y étoit renfermée n'entreprit point de réparer
les brèches: elle furtic du la Coque 1 ans avoir fait
SUR LES INSECTES. 207
aucun travail. Je la forçai d'y rentrer ; elle en for-
tit pour la féconde fois. Je l'obligeai encore à ren-
trer dans fon domicile; & pour l'y retenir, j'en-
fonçiii dans la terre un des bouts de la Coque : je
la plaçai ainfi dans une fituation verticale. Cette
féconde tentative fut auffi infruftueufe que la pre-
mière : la Chenille abandonna encore fon domicile
& elle fe difpofoit à s'enfoncer dans la terre , lors-
que j'imaginai de faire une troifieme tentative. Je
la fis rentrer dans fa Coque, & je couchai la Coque
de fon long dans la terre, de façon que les deux
bouts ouverts éroient bouchés par la terre. Cette
dernière tentative ne fut pas plus heureufe que les
précédentes: la Coque avoit été fans doute troa
maltraitée; la Chenille refufa conftamment dV de*
meurer & de la réparer.
Quelques-unes de mes Chenilles que j'avoîs
entièrement privées de terre, parvinrent à fe faire
dé fort bonnes Coques avec leurs excrémens & des
portions de feuilles , qu'elles lièrent les uns aux au-
tres au moyen d'un tiflu foyeux. Toutes fe trans-
formèrent enfuice en Chryfaîides, qui ne parurent
fous la forme de Papillon que dans les premiers
jours de Juin 1740. Ce fur environ fix femaines
plus tard qu'à l'ordinaire. Ce retard remarquable
avoit été occafioné par l'Hiver fi long & fi rude de
cette année. On connoît les curieufes expériences
par lefquelles M. de R eau mur a prcuvJ,(i) que
la durée de la vie des Infeéles eft toujours en rap-
port avec le degré de la température de l'air, &
qu'on peut à volonté prolonger ou abréger la vie de
ces petits Animaux, en les tenant ddm un air plus
froid ou plus chaud que celui auquel ils ont coutume
d'être expofés.
Cl) aU'jJi. fur Ut Ir.r. Tuine II . MJm. I.
^05 OBSERVATIONS
MSÊ
OBSERVATION XXVII.
Sur les Coques que diyerfes Chenilles fe confirma
fent ayes de la terre & une forte de colle.
yjn fe tromperoit beaucoup, n l'on penfoit que
toutes les Chenilles qui entrent en terre à l'approche
de la métamorphofe , s'y conftruifent des Coques
fur le modèle de celle de la belle Chenille du Bouil-
lon-blanc. Il en eft de diverfes Efpeces , qui n'a-
yant point de foie à mettre en œuvre, ne fauroient
lier enfemble les grains de terre , comme le pratique
fi habilement la Chenille que je viens de nommer*
Elles ont été réduites à n'y employer qu'une forte
de colle plus ou moins vifqueufe, & plus ou moins
abondante. Les Coques conftruites de la forte , n'ont
point pour l'ordinaire le degré de folidité qui eft
propre à celle de la Chenille du Bouillon- blanc.
Elles ne fauroient être maniées fans fe rompre , &
cèdent aux plus petits chocs. C'eit au moins ce que
j'ai vu arriver le plus fouvent. La colJe ne lie pomc
auffi bien les grains de terre que le fait la foie: d'ail-
leurs la manière dont la Chenille emploie cette colle,
ne reflemble point à celle que pratiquent les Chenil-
les qui ont de la foie à leur difpofition. J'ai parlé
ailleurs (i) d'une grande Chenille, que fon attitude
la plus ordinaire a fait nommer le tiphinx : elle eft
au nombre de celles qui bâtilTenc avec de l-i terre &
une forte de collf. Je commençai à fobferver en
Juillet i?37, & j'eus dés- lors occafion de m'inltrui-
re par moi même de fa manière de bâtir. La terre
donc
(i) Obf. XV,
SUR LES INSECTE à. 20^
idont j'avois rempli en partie le poudrier dans lequel
je l'avois renfermée, étoittrès-feche : tous lesgraini
en écoienc friables. Quand j'inclinai Je vafe pour
obferver la Coque que Ja Chenille éioit occupée à
conftraire, je fus bien étonné de trouver la terre
auffi humeélée que lî Ton y eût verfé de l'eau\ La
Chenille avoit donc répandu dans cette terre une
dofe bien abondante de fa liqueur. Le mouvement
que j'avois occafioné en inclinant le vafe, fie rompre
la Coque : il s'y fit une ouverture fur un des côtésk
J'en examinai avec foin ile dehors & le dedans , Mim, fur Us Irtf» Mém. XIlI, page 539, Pi. XXX VII, Fig. 11.
s UR LE s INSECTES. sîî
coniques ; mais au lieu d'aller en diminuant par degrés
infenflbles depuis le corceletjufqu'au derrière, elle
confervoic à -peu -près le même diamètre jufqu'aa
fixieme anneau. Elle étoit donc à- peu -près cylin-
drique dans toute cette partie de fon corps. Mais
au fixîems anneau elle diminuoit brufquement de
diamètre, & formoit un cône très -court, dont la
bafe étoit dans cet anneau , & le fommet à la queue
de la Chryfalide.
Je remarquai encore que les fix premiers anneaux
n'étoient pas conformés à la manière ordinaire: ils
n'alloient pas en recouvrement les uns fur les autres 5
& dans l'endroit de leur jonftion , on obfervoit un
rebord arrondi, qui avoit aiTez de relief, & qui imi*
toit fort bien une moulure de menuiferie. L'efpace
compris entre deux moulures étoit uni ^ & ne pré-
fentoit point cette convexité qui eft propre aux an»»
neaux, & qui les caraélérife. Les trois derniers
anneaux, ou ceux qui compofoient le petit cône
dont j'ai parlé, étoient au contraire fort peu mar-
qués: ils n'avoient point le relief des autres, <& on
diflinguoit à peine leur jonftion.
Le 26 06lobre de la même année, je trouvai
une autre Chenille de la même Efpece , qui au bout
de trois à quatre jours, fe mit à travailler à fa
Coque. Elle s'écoit établie fur un des côtés du
poudrier, à -peu -près à la moitié de fa hauteur.
Elle a voit déjà commencé à recouvrir de feuilles
fon petit édifice , lotfque je revins Tobfêrver. Je
renverfai aufli-tôt tout ce qu'elle avoit fait, pouf
l'obliger à travailler ax^eç du papier que je coupai
avec des cifeaux par petits morceaux, auxquels je
donnai toutes fortes de figures. II y en avoit
d'oblongSi de ronds, de quarrés, de triangulaires,
& d'autres figures plus ou moin^ irrégulieres, ou
plus ou moins bifarres» O s
212 OBSERVATIONS
Je viens de dire que j'avois détruit tout l'ou-
vrage 'de ma Chenille: je dois ajouter qu'il étoit
refté fur les parois du vafe de verre où je l'avoi!?
renfermée, un efpace ellyptique bordé & tapiffé
de foie, qui étoit le fondement de la Coque que
j'avois détruite. Je m'attendois à voir la Chenille
reprendre bientôt fon travail; car je favois qu'en
pareille circonftance les Infeétes ne fe découragent
pas facilement. Cependant ma Chenille abandonna
la place où elle s'étoit fixée, & ne fit quefe pro-
mener dans le vafe pendant environ une heure. Elle
revint néanmoins fe fixer au milieu de l'efpace
ovale , tapiffé de foie , & : entreprit d'élever une
nouvelle Coque fur les fondemens de l'ancienne.
L'ouvrage étoit déjà un peu avancé quand je revins
l'obferver. Elle s'étoit fervie des matériaux que je
lui avois livrés: elle avoit pofé & arrêté fur leur
tranche plufieurs des petits morceaux de papier que
j'avois jetés au fond du vafe. La hauteur de ce
vafe étoit d'environ trois pouces, & c'étoit, comme
je l'ai dit , à la moitié de cette hauteur qu'elle avoit
d'abord établi fon logement.
Elle occupoit le milieu de l'efpace ovale, &
c*étoît tout autour d'elle qu'elle avoit arrangé les
petits morceaux de papier, de manière qu'ils for-
moient une efpece de clôture. Comme ils étoient
pofés & arrêtés fur tranche, il me parut que la
Chenille n'avoit plus qu'à les rapprocher par le
haut, à les forcer de fe toucher, pour donner à
fon petit édifice la forme d'un berceau. Je ne
jugeai pas à propps de la laifîer faire: je n'avois
pas vu comment elle s'y étoit prife pour tranfporter
les matériaux depuis le fond du poudrier jufqu'au
lieu ou elle s'étoit fixée; & je voulois le voir.
J'eus donc fefpece de cruauté de détruire pour la
su R "LES INSECTES. 213
féconde fois fon travail: j'enlevai tous les morcea-jx
de papier, à Texcepuon d'un feul, qui étoit le
plus grand, & de forme triangulaire. Il étoit placé
fur un des côtés de l'efpace ovale , & en occupoic
la plus grande partie. Je laiflai en place ce mor-
ceau de papier , pour ne pas trop décourager l'in-
duftrieufe Ârchitefte. Elle me parut d'abord em-
barraflee; elle lâtoit à droit & à gauche, comme
pour chercher les morceaux de papier que \q lui
avois enlevés. Après avoir long. temps tâté^ ellft
rencontra le morceau de papier triangulaire , qui
occupoit un des grands côtés de l'efpace ovale.
Elle le faifit avec fes dents & fes premières jambe?,
& en le tirant à elle, elle le forçoit de prendre
une pofition plus avantageufe, ou pi us^ appropriée
au but de fon travail; car lorfque j'avois enlevé les
autres morceaux de papier , j'avois fait changer de
pofition à celui-ci: il étoit lié aus autres pard.s
iils de foie, & on juge aflez que je ne pouvais
enlever ces derniers, fans déranger plus ou moins
la pofition du premier. Après avoir donné à ce
morceau de papier la pofition la plus convenable ,
die fe remit à tâter de tous côtés , 6: ne découvrant;
rien, elle defcendit vers le fond du vafe, mais fans
abandonner entièrement l'efpace ovale , donc ie
grand diamètre étoit parallèle à l'axe du vafe : elle
lenoit toujours à cet efpace par fa partie poftérieu-
re ou fes dernières jambes. Elle rencontra bientôt
un des morceaux de papier qui étoient au fond du
vafe : elle s'en faifit aulTi • tôt avec Jës dents & fes
premières jambes, à la manière d'un Ecureuil. Elle
î'éleva en l'air, en fe renverfant en arrière, & en
rapprochant ainQ fa tête de fon dos: elle remonta
enfuite à reculons vers l'efpace ovale , mit en place
le morceau de papier : le fixa contre les parois du
rafe avec des fils de foie, & redefcendit comme la
03
fti4 OBSERVATIONS
première fois vers le fond du vafe pour y chercher
un autre morceau de papier , s'en failir & le mpctre
en place comme le premier.
Je fuivoîs attentivement toutes les manœuvres
de notre adroite & laborieufe ouvrière ; je reconnus
facilement qu'elle ne faifoit point un choix des
morceaux de papier qui étoient à fa portée; elle
s'eraparoit du premier qu'elle rencontroit, quelle que
fût fà figure., & alloit aûffi- tôt le pofer à côté:, ou
fort près de ceux .qui étoient déjà en place. Ainiî
elle pofoit les uns auprès des autres des matériaux
dont les fibres & les proportions n'étoient point
en rapport, ni entr elles, ni avec la place que les
matériaux occupoient: par exemple, un morceau
de papier quarré-long occupoit une place, où un
morceau de forme triangulaire auroit mieux con-
venu. Il en fut à -peu -près de même des autres
morceaux que la Chenille tranfporta fucceffivement ,
& qu'elle mit en place. On fent bien qu'il ne
pouvoit réfulter de tout cela qu'un ouvrage aflez
informe, & dont l'extérieur ne reflembloit qu'im-
parfaitement à une Coque. Mais la Chenille ne
pouvoit guère faire mieux : elle étoit forcée d'em-
ployer des matériaux, dont la nature & la forme
différoient fans doute beaucoup de celles des maté-
riaux qu'elle auroit trouvés dans la campagne. Et fî
Ton demandoit pourquoi la Chenille ne favoit pas
faire un choix entre les morceaux de papier, pour
les adapter mieux aux différentes places qu'ils dé-
voient occuper , je demanderois à mon tour , fi un
femblable choix étoit bien fait pour une tête d'In-
fedle? Quel Maçon, quel Menuifier conftruiroit
im ouvrage propre & folide avec des matériaux
choifis & taillés par un homme qui ignoreroit pro-
fondément l'arc du Ma§on , ou celui du Menuifier î
s UR L E s INSEC TSS. 2:3
Lors Q.u.E-la Chenille eut raiTemblé autour d'elle
aflez de matériau^ pour former l'enceinte de fon
logement , fon . grand travail fut de donner à ces
matériaux le degré de courbure qu'exigeoit la force
d'ouvrage qu'elle vouloic conflruire. Le papier
étoit une matière bien ingrate , & dont la roideur
oppofoit beaucoup de réfiftance à la Chenille, &
d'autant plus qu'il é^toit coupé en morceaux plus
petits. Auflî fe donnoit-elle des peines infinies pour
forcer le papier à pl^er fous fes doigts. Quand le
morceau qu'elle attaquoit étoit de forme triangu-
laire , c'étoit par l'angle oppofé à la bafe qu'elle
le faififlbit avec fes dents , comme fi elle eût connu
cette règle de mochanique , qui veut que la puifîan-
ce, pour agir avec plus d'efficace, foit le plus
éloignée qu'il efl poffible du point d'appui. Si le
morceau de papier étoit quadrilatère, elle l'attaquoit
par un des côtés. Mais il arrivoit quelquefois que
Jes efforts que la Chenille fè donnoit "pour courber
un de ces morceaux de papier, le détachoit de fa
place; alors elle prenoît le parti de le fixer de nou-
veau à la même place, ou elle alloit le fixer ail-
leurs. Si elle ne parvenoit point à fe fatisfure
par l'un ou l'autre de ces deux procédés, elle laifToic
là le morceau de papier, & alloit en, chercher ua
autre.
Enfin^ à 'force de patience, de foins & d'in-
duftrie, notre Chenille fe trouva en pofTefîion d'un
logement commode. Elle n'étoit pourtant pas par-
venue à donner aux matériaux la courbure propre
à leur faire repréfenter une Coque: mais elle les
avoit difpofés les uns à côté des autres , & les uns
fur les autres, de façon qu'ils recouvroient très-
bien le tifTu foyeux qui l'enveloppoit immédiate-
ment, & qui étoit comme le doublage de l'édifice,
O4
|ié^ OBSERVATIONS
Je remarquai que ç^étoient les plus grands mor-.
ceaux de papier qui occupoient les grands côtés de
Kédifice: tes plus petits écotent aux extrémités. La
ehenirle fut très - attentive à garnir de foie tous les-
petits vuides que les morceaux de papier laifToient
encr*eux , ^ que l'irrégularité de leurs figures ren-
doit inévitables. Elle épaiflît & fortifia de plus ea
plus le tiffu foyeux; & ce fut ainfi qu'elle réulîîc
à donner une telle folidité à tout Touvrage, qu'if
réfijfloit très-bien à une aflez forte prefljon du doigt.
Une autre Chenille, d'Efpece très- différente,
m'a offert à- peu- près les mêmes procédés. Cette
Chenille n'a pas été inconnue àM. deREAUMUR:
il l'a décrite & repréfentée ( i ) ; mais, il ne s'étoic
pa? attaché à la fuivre dans fes manœuvres. Je ïai
vu fé çonflruire auffi une Coque avec de petits
piorceaux de papier , les transporter , les mettre en
place,, les y retenir d'abord par des fils de foie peu
ferrés ^ les y aflujettir enfuite par des fils plus ferrés
Sî pjus multipliés, & donner ainfi à tout l'ouvrage
une propreté & une folidité bien remarquables.
Les différens morceaux de papier qu'elle aflembloic
^veç tant d'induftrie, étoienc même fi étroitement
Ijés les uns aux autres, qu'ils fembloient plutôt unis
9vec une colle fine , que liés avec des fils de foie*
L'aiTemblage étoit fi folide , fi parfaic , que lorfque
je youlois détacher un des morceaux de papier qui
éntroient dans la confl:ru6tion de la Coque, je réus-
fiffois mieux à le déchirer , qu'à le féparer des mor-
çeaujç avec lefquels il étoit lié. Ma Chenille ne fe
çontentok pas d'aflembler & d'unir fi proprement
çntr'eux les morceaux de papier; elle ratiffoit en-
core, avec fes dents la furfece de plufieurs: elle en
(^i) Minh fur les, Injl Tome I, page 30;, jo8, PI. XVIU, Fig. i.
SUR LES INSECTES. 217
détachoit de trjès-petits fragments qu'elle mélangeoit
avec fa foie, & donc elle garniflbic tous les vuides
de la Coque. Elle remplaça avec le même art un
des morceaux de papier que j'avois enlevé à deflein ,
& qui recouvroit une partie confidérable de la
Coque. Au lieu de lui fubftituer un autre morceau
de papier , elle boucha la brèche avec un tiflu de
foie & de fragmens de papier. Cette Chenille eft la
même dont j'ai parlé Obf. XVII, & que j'avois
vu dévorer fa dépouille.
OBSERVATION XXIX.
Irrégularités dans la conJîruStion des Coques des
Chenilles.
XL arrive quelquefois que les Infedles femblent
commettre des méprifes dans l'exécution de leurs
ouvrages; & ce fait bien reraai^quable eft un de ceux
qu'on pourroit alléguer pour prouver qu'ils ne font
pas de pures machines. L'Infeftologîe nous fournit
divers exemples de ces méprifes ou de ces fortes
d'irrégularités , qu'on croiroit des méprifes. Je
n'en indiquerai ici que deux, qui m'ont été offerts
par deux Chenilles de Genres très - différens.
En Mars 1741, j'envoyai à M. de Reaumur
une Coque que s'étoit conftruit une de ces Chenilles
à tubercules , qui donnent le Papillon qu'il a nommé
le moyen Paon ( i ). La Coque de cette Chenille
C 1 ) Mém, fur Us Inf. T. I, Mém. XIV.
O5
4i8 OBSERVATIO N S
refletnble parfaitement pour l'eflentiel à celle de la
grande Chenille du même Genre : elle eft , comme
cette dernière, façonnée en manière d'entonnoir
ou de nafle de Poiflbn. Un de fes bouts eft très-
effilé; c'eft le bout ouvert: l'autre eft gros &
arrondi. La forme de cette Coque imite donc un
peu celle de certaines Poireç. Lç tiflu en eft ferré,
très-luftré, & d'une couleur qui tire fur le brun.
La Coque dont je veux parler, & que j'envoyai à
M. de Reaumur étoit, ;au contraire, parfaite-
ment ronde , & d'un blanc argenté. On n'y décou-
, vroit aucune trace d'entonnoir , & elle étoit par-
tout exafteraent clofe. La Chenille qui avoit con-
flruit cette fmgulierç. Coq^ue, avoit fait un long
jeûne avant que- de s'y renfermer. Ce jeûne n'avoit
pas été volontaire: elle avoit manqué de nourriture.
Dans le même temps, je fis parvenir à notre
illuftre Obfervateur une Coque de Ver- à -foie,
dans laquelle trois de ces Infe6les s'étoient renfer-
més, & où ils avoient fubi heureufement la méca-
morphofe en Chryfalide & celle en Papillon. Je
difois dans ma Lettre d'envoi: „ Il faudroit voir
„ fi les couches de foie de cette Coque extraordi»
„ naire y font multipliées proportionnellement au
nombre des Vers qui ont concouru à la con- ,
ftruire.'
Je ne trouve rien dans les réponfes de M. de
Reaumur qui foit relatif à ces deux Coques. Il
étoit fouvent fi occupé , & mes Lettres contenoient
tant d'articles difFérens , qu'il ne lui étoit pas tou-
jours poflible de fatisfaire à tous.
s U R L E S I N S E C T E S. 21^
OBSERVATION XXX^
Sur une Chenille qui ayoît une forte odeur à(i
Punaife^ ^ fur m P^pi^ion qui fentoit Iq
mufc.
J'ai parlé de deux Chenilles qui, à l'approche de
la métamorphofe , avoient une odeur de Rofes très-
agréable: on fera moins furpris, fans doute, qu'il
y aie des Chenilles d'une très-mauvaife odeur. La
Clématis en nourrit une, qui roule fes feuilles, &
■qui a une odeur de Punaife, qui ne le cède point
a celle des Punaifes les plus odorantes : auffi l'avois-
je nommée la Punaife. On la trouve dans le mois
d'Août. Elle eft au - deflbus de la grandeur médio*
cre. Je n'ai eu ni fa Chryfalide, ni fon Papillon ,
& je ne trouve qu'un mot fur fon hifloire dans une
de mes Lettres à M. de Reaumuk, fous la date
du II Mars 1741. Je lui avois envoyé cette Rou-
leufe.
Je lui envoyai encore en Mai 1741, le Papillon
d'une Chenille qu'il avoit fait repréfenter PI. XVI,
Fig. 8, du Tome 1 de fes Mémoires, & qui a
quelque reflemblance avec la commune. J'avois eu
cette Chenille en Juin de l'année précédente ; elle
s'étoit conftruite alors une Coque pour s'y méta-
morphofer , & le Papillon en fortit au commence-
ment d'Août. Il avoit une affez forte odeur de
mufc. Elle fe faifoit encore fentir dans la Coque
& dans la dépouille.
J20 OBSERVATIONS
OBSERVATION XXXI.
■Nouy elles recherches fur ces Efpeces de Faux-
ftigmates, doni il a été parlé dans l'Obfer-
yation XV.
X AN DIS que je m'occupois de la compofition
de cet écrit, le hafard m*a fait tomber entre les
mains deux de ces grandes Chenilles dont j'ai fait
mention dans rObfervation XV, & fur leïquelles
j'avois découvert ces petites cicatrices en manière
de taches, que j'ai nommées des Faux-Jiigmatcs,
Je n'ai pas manqué de profiter de cette occafioa
de vérifier les Obfervations que j'avois faites trente-
fix ans SLup^r^nt far ces Faux -/ligmates. J'ai donc
eu le plaifir de les revoir au bout d'un fi long inter-
valle de temps, même fans le fecours d'un verre,
& malgré l'afibiblifTement fi confidérable de ma vue
& Textrêrae petiteflfe de ces parties. Voici le pré-
cis de mes nouvelles recherches.
Ces Faux-ftigmates (PI. IF^ Fîg. r. r.) font fi pe-
tits, fi peu apparens, qu'ils ne fauroient être ap-
perçus à la vue fimple , au moins dans les Chenilles
dont il s'agit , que par ceux qui chercheront à les
voir, & dont les yeux feront faits pour ces fortes
d'objets. Auflî ne fuis -je point étonné qu'ils n'eus,-
fent pas été apperçus par les Naturalifl:es qui m'a-
voient précédé.
Ils font placés environ trois quarts de ligne au-
deflus des vrais fl:igmates [.S]. Mais je ferai remar-
quer ici , que le faux - (ligmate qui correfpond au
SUR LES INSECTES. 221
dernier des vrais ftigmates , en efl un peu plus dis-
tant que les autres ne le font de leurs fligmates cor*
refpondans.
J*Ai dit qu'il y avoit un de ces faux-ftigmates
au-deiTus de chacun des vrais fligmates : mais en ob*
fervant avec plus d'attention , j'ai douté s'il y avoit
un faux-ftigmate au-deflus du premier des vrais; car
quelque peine que j'aie prife pour le découvrir, je
n'ai pu en venir à bout. C'a toujours été inutile-
ment que je fuis revenu à l'y chercher: je n'ai rien
pu y appercevoir qui eût bien l'air d'un faux • flig-
mate.
Ces faux-ftîgmâtes obfervés avec une loupe d'un
afTcz court foyer & beaucoup plus forte que celle
que j'avois employée dans mes premières Obferva-
lions, m'ont bien paru de forme ellyptique, & com-
me une cicatrice imprimée en creux dans la peau de
r Infecte. Je ne m'en fuis pourtant pas fié à mes
propres yeux, quoiqu'ils foient encore aflez bons
pour me les faire appercevoir diftinftement fans le
fecours des verres, & qu'ils découvrent même des
objets bien plus petits, tels, par exemple, que
ces glandules fi petites dont la furface inférieure
des feuilles de la Sauge eflparfemée: comme j'a-
vois le bonheur de pofleder chez moi un habile
Peintre (i) en miniature, doué de la plus excellen-
te vue, je lui ai montré nos faux-ftigmates, & nous
les avons obfervés enfemble, foit à la vue fimple,
foit à la loupe. Il a vu précifément les mêmes cho-
fes que moi ; mais il a apperçu le premier un poil
(PI. IV^ Fig. II.) d'un brun noir, un peu recour-
bé, qui partoit du faux-ftigmate. Au centre de ce
CO ^'' Henri Pi. ôTZ, de Pinnenberg dans le Holftein, qui joint à
«ne anif fenfibie vS: veitueufe, Iss plus rares talens pour le Dcflein & la
peinture, foie en ininjicuic:, foie cn émail.
i2i OBSERVATIONS
dernier nous av-ons diflingué une très -petite ouver-
ture. L'Artifte a defîîné fur • le - champ ce qu'iî
voyoit, & fes deffeins font d'une grande perfeftion.
Assez peu de tems après, on m'a remis deux de
ces grandes Chenilles qui fe métamorphofent dans
ce Papillon fingulier qui a été nommé à tête de mort ,
& dont j'ai parlé dans l'Obfervation XVI. J'ai cher-
ché auffi-ÉÔt fur leur extérieur ces faux-fligmates
qui venoient de m'occuper. J'ai cru d'abord en
appercevoîr quelques-uns à la vue fimplerau moins
tu je apperçu une très-petite tache au-d-^ffus de quel-
ques uns des vrais fligmates, & dont la pofition
paroifToit femblabie à celle de ces faux-ftigmates
que je cherchois à voir.
J E me fuis armé d'une affez forte loupe , & ayant
obfervé très - attentivement ces petites taches , leur
apparence m'a paru reffembler moins à celle des
faux-itigmates. Je n'ai pu ydévouvrir la très-petite
ouverture que j'avois vue dans les faux-fligmates.
Seulement ai -je apperçu un petit poil qui fortoit du
milieu d'une de ces taches. Les yeux perçans de
mon Artifte n'ont rien découvert de plus.
J E n'ai pu parvenir à appercevoir de ces taches
au-deffus de [tous les vrais fligmates: elles n'étoient
vifibles qu'au-deffus de quelques-uns. Mais ce qui
achevé de rendre probable que les taches en queflion
n'étoient pas précifément de la même nature que
celles auxquelles j'ai donné le nom de Faux -JUgma"
tes; c'ell qu'on n'en appercevoit point au-defTus
des deux derniers ftigmates ou des fligmates poflé-
rieurs. Or, j'ai remarqué ci • defTus , que les faux-
fligmates poflérieurs font les plus apparens de tous ;
& ils auroient dû l'être fur - tout dans la ChedJUe où
je les cherchois, parce que fa peau efl crè«-unie k
SUR LES INSECTES. 323
cet endroit, & qu'elle y ell encore d'une couleur
jaune très - uniforme. D'ailleurs, elle étoit une des
plus grandes Chenilles que j'euffe encore vues. Elle
avoit quatre pouces de longueur quand elle s'éten-
doic , & fa circonférence étoit de deux pouces deux
lignes. Elle pefoit un peu plus de demi. once.
Au refte, ce n'efl pas feulement fur la Chenille
que j'ai apperçu ces e/peces de faux - fligmates dont
il s'agit; je les ai découverts encore fur le Papillon;
comme on peut le voir dans une Lettre que j'écrivis
à M. de REAUMURle23 de Juin 1742, & que
j'avoîs inférée dans un Mémoire fur la refpiracion
des Chenilles, Tome V des Savans Etrangers Çi},
page 297.
OBSERVATION XXXIL
Sur un grand yaijfeau couché le long du ventre ,
qtCon a cru apperceyoir dans quelques Chenilles.
\J N connoît ce long vaifleau couché le long da
dos des Chenilles , & qui paroît faire chez ces In-
feéles les fondions de cœur. Il a des mouvemens
alternatifs de fyftoh & de dyajîole, de contraftion
& de dilatation, qui font extrêmement fenfibles
dans les Chenilles rafes, dont la peau a de la trans-
parence. Ce vaifleau efl unique : fon diamètre efl
afl"ez égal dans la plus grande partie de fon étendue ;
mais près du derrière & à la bafe de la corne chez
les Chenilles qui en font pourvues, il paroît un peu
plus large qu'ailleurs, & fes battemens y font plus
(0 Mémoires de Mat'némat'icuicf]e
l'urpatre celle de ces anguilles. Je pourrois citer à ce fujet de Irons témoi-
tnngcs, s'il en étoit belom* Dans ce moment niâme, j'ai Ibus les yeux
vne Puce ; je vois à l'œil nud les poils de lès dernières jambes ; je les
compte, & mon Deffinateur, qui a la vue excellence, ne' peut les con/pte'ri
i! vient de prendre une loupe, & il reconiioit que le nombri." diS poils 'en
vue eft bien le mûmc que j'ai a'ppcrçu. Mais il cft vi"ai que je ne TaUfoiS
lixcr quelques momens mes yeux fur un petit objet Unis éprouver une l'atigwe
plus ou moins doulourcufc. M.s yeux manquent do.ic de torce^ ■& ifs
lentent les variations de l'acmolpliere. Je ne puis non plus lire ou écrii"<î
moi-même fans éprouver bientôt un fentiment plus ou moins j>énible; &
l'on fait que prtfque tous les écrits que j'ai compofés depuis ï?'44, ont été
diclés les uns en endcr, les autres en partie. V'-'" ^^'^ autiint des Let-
tres que j'ai écrites dans l'étranger, parmi leiquelks il «n cft qui i-jv^
4lc petits voliï'Ne^s
V 9,
228 OBSERVATIONS
OBSERVATION XXXITL
Sur la grande Faujfe - Chenille de VOfier , ^ e»
particulier ,
Sur la conJîruBion de fa Coque. Coque remar-
' quahle que fe file un Ver mangeur de la Faus-
Je - Chenille,
jLj e nom de FauJJes • Chenilles parpît convenir par-
faitement à des Infeftes qui reflemblent beaucoup
aux Chenilles par leur forme , par leur ftrufture <5c
par leurs inclinations , & qui n'en différent princi-
palement que par le nombre de leurs jambes mem-
braneufes. Les Chenilles qui ont le plus de jambes
membraneufes en ont dix : celles qui en ont le moins
n'en ont que quatre. Toute Chenille doit devenir
Papillon : on connoît en général les carafteres das-
fiques des Papillons: on connoît aufîi ceux des
Mouches. La Faufle-Chenille devient une Mouche
à quatres ailes (i), très-aifée à diftinguer du com-
mun des Mouches par ceux même qui ne font pas
Obfervateurs. Elle a un air affez lourd; elle eft
peu farouche & porte fes ailes croifées fur le corps.
Le tiffu de fes ailes n'eft pas auffi lifle que celui des
ailes des autres Mouches? il femble un peu chifon-
né. Je ne parle que de la Mouche femelle. Elle
eft devenue célèbre depuis que deux grands Obfer-
vateurs (2) lui ont donné l'attention qu'elle méritoit.
CO Mém. fur les Inf. Tom. V , PI. X , Fig. 6 &C 7.
(2) Valusnieri&Reaumur.
SUR L E s IN SECTES. 229
Ce font eux qui nous ont fait connoîcre cette double
fcie (i) d'une ftruélure Ci admirable, au moyen de
laquelle l'induftrieufe Moache pratique dans les
branches de petites loges pour fes œufs (2).
Les Fauflls - Chenilles ne différent pas des Che-
nilles uniquemenc par le nombre des jambes; elles
en diff rcnt encore par la forme de la tête qui eft
plus arrondie, & par celle du corps, qui eft plus
appiaii lur K s côtés & plus relevé fur le dos. Je
me borne à c< s traits généraux: je ne fais pas l'his-
toire des FaufI(.sChcnil!cs: je ne veux que rappor-
ter les Obftrvaci.ms que j'ai eu occafion de faire fur
ces Inl' 6les. E (es me donneront lieu d'entrer un
peu plus dans le détail fur ce qui concerne leur
ftrufture.
Ce fut en Juillet 1738, que je commençai à ob-
ferver les Fauffes- Chenilles. La première Efpece
qui s'offrit à mes recherches, & celle à laquelle je
donnai le plus d'attention, efl une grande Efpece
qui vit fur rOfier. On ne la trouve point dans les
Mémoires de M. de Reaumur. Elle a environ
dix • huit lignes de longueur lorfqu'elle eft étendue,
& elle eft grofle à proportion. C'eft là une grande
taille pour des Faufles - Chenilles ; car parmi ces
Inf 6les on ne connoît aucune Efpece dont la taille
approche de celle des plus grandes Chenilles.
J'ai fous les yeux mon Journal, & je ne ferai
guère que le tranfcrire. Lorfque j'y confignois mes
Obfervations fur la grande Faufle- Chenille de l'O-
fier , le Mémoire de M. de R e a u m u r fur ce gen-
re d'Infefte n'avoit point encore paru. Ce que je
voyois étoit donc tout nouveau pour moi , & Je
CO Mém. fur les Inf. Tom. V, Pl. XV, Fig. lo, ii, 12, 13, 14.
C2; Jbid, PI. XV, Fi£. 1,2.
P3
^3o O B S E P. V A T I O N S
n'avois été préparé à le voir par aucune leéture pré-
liminaire.
Notre Faufle- Chenille de l'Ofier a vingts deux
jambes. Les membraneufes font dépourvues de
crochets: les écailleufes font par contre armées d'une
petite griffe noire fort aiguë , qui fert bien la Faus-
j^- Chenille & lui aide merveillëufemenc à fe cram-
ponner. Tout le corps ,de l'Infcdle eft jaune , ex-
cepté fur le dos où règne une raye d'un beau bleu,
îl eft divifé tranfverfalement par une multitude de
lides ou de plis circulaires , parallèles les uns aux
autres, & qu'on diroit être autant d'anneaux. Les
vrais anneaux ne font point du tout apparens.' Les
èigmates Vont noirs , & leur nombre égale celui
des' fligraates des Chenilles. Une infinité de très-
petites érainences, en forme de galles, font diffé-
BîiQées dans la ligne dgs fligmates, & font «fur le
doigt la même impreffion que le chagrin. La tête
^sft. très- arrondie , on n'y voit point comme dans
celle des Chenilles la féparation des deux calotes
écailleufes. Le crâne eft d'une feule pièce. De
chaque côté on apperçoit uii point noir, qui paroîc
^n véritable œiJ i. fa forme eft fphérique ou à - peu-
L'i^TTîTUDE la plus ordinaire de cette Faufle-Che-
Bille a de quoi frapper ceux qui n'ont pas obfervé
ce Genre d'Infe6î:es. Elle fe tient roulée fur elle-
même y, de manit re que fa tête appuie fur fon der-
rière „ & que hs jambes écailleufes le faiffiffent fi
fortement,, que leur griffe fe fiche dans la peau,
far.s néanmoins que l'infefte paroifTe en fouffrir. Si
Ton tente de le dérouler, on fentira de la refiftan-
ce , & il faudra faire un certain effort pour la vain-
cre \ alors il fera fortir de différents points de fon
coxpA des. gputceleues d'une liq^ueur limpide qu'il
SUR LES INS ECTES. 231
lancera aflez loin. Cette liqueur n'ed point de na-
ture à faire élever des ampoules fur Ja peau. 11
mefl fouvent arrivé d'en recevoir fur Je vifage, &
jamais je n'en ai éprouve' aucun mal. II eft fort or-
dinaire de trouver cette Faufle -Chenille cramponnée
à une menue branche d'Oder; & la manière dont
elle y efl: cramponnée eft encore remarquable. Elle
eft rou!ée autour de la branche comme autour d'un
axe : la branche occupe ainfi le centre du rouleau.
Si l'on entreprend de détacher de la branche la
FauflTe • Chenille , il faudra ufer de violence & l'en
arracher.
GoEDAERT a connu notre FaufTe-Chem'IIe, &
la repréfentée N^. 77 de fon Livre. Il" en parle
comme de l'Infefte Je plus admirable qu'il eue ob-
fervé. Ce qui l'avoit le plus frappé dans cette Faus-
fe- Chenille, c'étoient fa fobrieté, fon immobilité &
lî je puis parler ainfi, fon immutabilité. Il affure
avoir confervé un de ces Infeclcs vivans pendant
deux ans & vingt- quatre jours, fans lui avoir vu
prendre aucune nourriture ni l'avoir vu changer de
place. Il ajoute qu'il n'y obferva aucun change-
ment à l'exception d'une diminution fenfible de
taille. Je ne fais ce qu'on doit penfer de ce récit
de Goedaert; je fais mieux ce qu*on doit penfer
de l'Auteur. Il n'étoit point Obferf ateur : il n'étoic
que Peintre d'Infeftes; & le célèbre Lister lui
fit beaucoup d'honneur en commentant fon livre.
Je ne m'infcrirai pourtant pas en faux au fujen de
rObfervation de Goedaert: il n'étoit pas befoin
d'être grand Obfervateur , pour s'afilirer Ci un Infec-
te de ce genre vivoit ou ne vivoit pas : mai« je
puis dire que parmi les FaufTes Chenilles de cette
grande Efpece que j'ai eues en ma poflelîion, &
j'en ai eu un allez bon nombre , je n^a ai rencon"
P4
~)
532 OBSERVATIONS
tré aucune qui m'ait rien oiFert de femblable à ce
que raconte notre Amateur. Il efl vrai qu'en géné-
ral elles mangoitnc peu, ne changeoienc pas fou-
vent de place, & que lorfqu'elles fe mettoient à
marcher , elles n'alloicnt pas loin. Elles mangeoienc
comme le commun des Chenilles , en embraflant la
feui.le avec leurs jambes écailleufes , & en mainte-
nant le tranchant dans la petite coulifle de leur lè-
vre fupérieure. Quand elles marchoient, c'étoit
affez lentement ; & leur corps éioit alors moins
étendu que celui des Chenilles; la partie porté-
rieure demeuroit toujours plus ou moins recourbée
du côté du ventre,
Les premières Faufles- Chenilles de cette Efpece
que j'oblervai en 1738, avoienc été trouvées fur
roder au commencement de Juillet. Elles n'étoiens
pas éloignées du dernier terme de leur accroiiTe-
ment. Dès le 25, elles commencèrent à changer
de couleur & à fe cacher fous les feuilles. Cette
inclination à fe cacher me fit foupçonner qu'elles
ètoient du nombre des Infeftes qui percent la terre
pour s'y métamorphofer. Je me hâtai donc de met-
tre de la terre dans le poudrier j mais elles ne la
percèrent point. Elles fe contentèrent d'en creuftr
un peu la furface. Là, elles fe conflruifirent une
Coque, dont la -forme étoit celle d'un cylindre ar-
rondi par les bouts. Je de vr ois dire, que la forme
de cette Coque n'e'toit qu'à peu -près cylindrique;
car dans le milieu de fa longueur elle avoit un peu
moins de diamètre que dans les extrémités. La
couleur de cette Coque étoit un beau jaune doré
qui,avoit du brillant. J'ai vu néanmoins de ces Co-
ques d'un brun verdâtre qui étoient auflî fort lus-
trées, Apparemment que ce brun luftré tenoit au
mélange de quelque fubJlance gomraeufe avec des
SUR LES INSECTES. 233
molécules terreufes: ce qui porteroit à le préfumer,
c'eft que je n'ai vu ce brun luftré qu'à des Coques
qui avoient été conflruites fur une terre très-pulvé-
rifée. Celles qui avoient été faites par des Faufles-
Chenilles que j'avois privées de terre , étoienc d'un
jaune doré.
QUOIQ.UE ces Coques n'aient guère que Tépais-
feur d'une feuille de papier un peu grolfier, elles
font cependant d'un tifîu fi fort qu'elles plient à
peine fous les doigts. Leur extérieur n'eft pas lis-
fe: on y apperçoit des inégalités; & en quelques
endroits il relTemble aflez à Celui de la co'le forte.
Il n'a point du tout l'air d'un tiflu foyeus ; & lors
même qu'on l'obferve à la loupe, on ne parvienc
pas à s'aflurer de l'exiftence des fils qui le compo-
fent. J'ai pourtant vu nos Faufl^ÈS -Chenilles filer
en ma préfence: la foie qu'elles tiroient de leur fi-
lière étoiE même extrêmement groflQere, & rtflem-
bloit plus à de la gomme qu'à de la foie. Quoi qu'il
en foit, les Coques filées par des Faufilas -Chenilles
qui avoient été privées de terre, avoient plutôt
l'apparence de Coques de parchemin que de Coques
de foie. Aulfi leur avois-je donné le nom de Co-
ques en parchemin»
Un mouvement de curiofité me porta à ouvrir
quelques-unes de ces Coques: c'étoit en Oftobre.
Je ne fus pas médiocrement furpris de trouver dans
toutes, fans exception, une féconde Coque qui
remplifibit exaélement toute la capacité de la pre-
mière, & dont le tiflTu ne reflembJoit point du tout
à celui de la Coque extérieure. Il avoit le lullre
& le poli des plus beaux vernis. Il étoit d'une fi-
nefl^e extrême, & paroiflbit être plutôt une mem-
brane ou une pellicule foyeufe qu'un tifiu. Entre
les dçn5 Coques écoit renfcrme'e Ja dépouille de
P5
23^
OBSERVATIONS
Faufle Chenille. J'ouvris une des Coques intérieu-
res, & j'y trouvai un Ver jaune, gras & dodu,
entièrement dépourvu de jambes , & dont la tête
écailleufe étoit fort petite proportionnellement au
corps. Je ne pus douter que cette féconde Coque,
dont j'admirois le tiflu, n'eût été filée par le Ver
qui y étoit logé. La dépouille de.FauiTe- Chenille
renfermée entre les deux Coques en étoit une autre
preuve bien démonftrative. La FaufTe -Chenille avoic
donc été piquée par une Mouche Ichneumone, qui
avoi.t dépofé un œuf dans fon intérieur, dont étoit
forti le Ver que j'obfervois. Une chofe néanmoins
me furprenoit un peu ; c'étoit de trouver dans tou-
tes mes Coques en parchemin une féconde Coque de
Ver d'Ichneumone. Les piqûres des Ichneuniones
font toujours de purs accident , & de purs accidens
font rarement aufli communs. A la vérité, nos
Faufîes-Chenilles font très-rares & prefque toujours
immobiles; ce qui donne bien de la facilité aux Ich-
neumones d'exécuter leur opération. La Faufle-
Chenille a cependant un moyen naturel de les écar-
ter: je parle de cette liqueur en réfcrve fous la peau
& quelle fait jaillir quand on la touche. Mais la
Fauffe - Chenille n'a apparemment qu'une certaine
provifion de cette liqueur, & il lui faut un temps
pour réparer la perte de celle qu'elle a fait jaillir :
car j'ai obfervé que fi l'on touche la FaulTe - Che-
nille ou que même on l'irrite pour la féconde ou la
troifieme fois après qu'elle a fait jaillir fa liqueur,
elle ne peut plus en répandfe. Une Ichneumone
qui furviendroit alors auroit donc une grande facili-
té de piquer la Fauffe -Chenille : elle la trouveroic
défarmée.
Cette féconde Coque du Ver mangeur de la
Fauffe - Chenille mérite bien un examen particulier.
SUR LES INSECTES. 235
Sa couleur efl: un brun prefque noir ; mais en cer-
tains endroits, & ordinairement vers le milieu de fa
longueur, on y apperçoit un œil argenté ou cuivré.
On remarque même dans cet endroit une forte de
bande ou de plaque donc l'éclat approche de celui
de l'argent ou du cuivre. Qu'on fe repréfente un
papier marbré très -fin, trés-foyeux, très-luftré,
& on aura une idée de l'extérieur de notre Coque.
Elle imite encore le papier par le petit bruit qu'elle
fait entendre quand on pafle légèrement le doigt fur
fa furface. Cette furface n'eft pas néanmoins auffi
parfaitement unie que l'efl celle du papier auquel
nous venons de la comparer: en y regardant de
plus prés, on y apperçoit des plis longitudinaux,
qui s'étendent de l'un à l'autre bout de la Coque.
Si l'on manie la Coque, & qu'on la prefle en même
temps entre les doigts, on entendra mieux encore
le petit bruit dont j'ai parlé. Les plis longitudinaux
contribuent fans doute à le produire. La forme de
cette finguliere Coque efl celle d'un ellypfoïde très-
alongé : elle diffère donc très * fenfiblement de celle
de la Coque qui la renferme. Elle n'affefte pas plus
l'air d'un tilTu que le papier ne l'affefte: elle n'a
même guère plus de confiflance que le papier au-
quel je continue de la comparer: elle a feulement
un peu plus d'épaiffeur. Cette épaiffeur réfulte
d'une fuite de lames ou de couches foyeufes fuper-
pofées les unes aux autres comme les différentes
peaux d'un Oignon. Avec un fcalpel affez groffier
je parvins facilement a en détacher quatre ; & j'en
aurois furement détaché davantage, û j'avois eu un
meilleur inflrument, & que j'eufTe voulu exercer
ma patience far ce petit fujet. J'obfervai féparé-
ment ces quatre couches foyeufes que j'avois fép(a-
rées fî facilement; & voici ce qu'elles m'offrirent
de plus remarquable j car elles n'écoienc pas toutes
036 • OBSERVATIONS
uniformes , & il vaut la peine que je dife en quoi
elles différoient,
La première de ces couches étoit extrêmement
mince, & plus mince que le plus fin papier que
l'art peut fabriquer. Le côté intérieur ou celui qui
regardoit le dedans de la Coque, avoit beaucoup
plus d'éclat que le côté oppofé. La couleur de cette
couche étoit un olive foncé. J'ai pourtant dit que
3a Coque étoic d'un brun noir. C'étoit en effet la
couleur de la couche de foie qui fuivoit immédiate-
ment celle que j'avois détachée la première. Celle-
ci ne faifoit donc que l'office d'un verpis tranfpa-
lent, qui n'altère pas d'une manière fenfible la
couleur du corps fur lequel on l'étend. Ceci me
lappela aufli-tôt le petit artifice dont la Nature
fe fert pour dorer fi admirablement bien certaines
Chryfalides, & dont j'ai fait mention dans l'Ob-
fervation XII. Il me vint donc en penfée d'éprou-
ver, fi ma première couche foyeufe, appliquée fur
une pièce d'argent poli , ne la doreroit point. Je
tentai fur le champ l'expérience; & je vis avec
plaifir, que la pièce d'argent prenoit un œil doré
dans l'endroit que recouvroit immédiatement la cou-
che foyeufe. Cet œil doré devenoit plus fenfible
quand je mouillois un peu la pièce d'argent ; la cou-
che foyeufe s'y appliquoit alors plus exactement.
J'ai lieu de croire que la dorure auroit été plus
parfaite, & qu'elle auroit peut-être égalé celle des
Chryfalides, fi la couleur de la couche foyeufe
avoit plus approché de celle de la première peau
des Chryfalides. Ce qui me le perfuaderoit , c'efl
que la couleur jaune étoit plus vive par -tout où la
couche foyeufe tiroit fur cette couleur. J'ai fait
remarquer que notre Coque de Ver d'Ichneumone
ne paroît point tilTue, cette apparence efl trom:
SUR LES INSECTES. 237
peufe. Elle efl bien formée de fils de foie ; mais
ils font fi fins & fi ferrés , qu'ils échappent au pre-
mier coup -d'œil. Je m'en aflurai en obftrvant à la
vue fimple, vis-à-vis le grand jour, la première
couche de foie que je venois d'enlever. J'y apper-
çus çà & là comme de très - longs poils bruns dilTé-
minés fans ordre; c'étoient des fils de foie moins
fins que les autres, & qui en devenoient plus appa-
rens. L'exiflence des fils n'étoit pas douteufe,
lorfque je déchirois la couche foyeufe: je voyois
très-di(lin6lement des fils de foie fort courts qui dé-
bordoient la déchirure, & qui examinés à la loupe
paroiflToient d'inégale groffeur.
La féconde couche foyeufe paroifibit tirer un
peu plus fur le brun noir que la première; proba-
blement parce qu'elle étoit un peu plus épailTe. En
la détachant , j'avois apparemment détaché d'autres
couches qui lui étoient demeurées unies. Auffi n'y
appercevoit ■ on pas lî bien les fils en manière de
longs poils.
La troifieme couche ne différoit pas de la pre-
mière en épaiffeur, quoiqu'elle parût d'une couleur
plus foncée. Les fils en manière de poils y étoienc
fort diftinéts.
Enfin, la quatrième couche qui étoit la Coque
elle-même, montroit encore aflez d'épaifi^eur pour
me faire juger qu'elle contenoit d'autres couches,
que je ferois parvenu à détarfier en partie , fi j'a-
vois eu un infirument beaucoup plus fin. La couleur
de cette dernière couche étoit la plus foncée ; mais
je dois ajouter que toutes les couches étoient à-
peu -près également luftrées.
Dans le Tome II de fes Mémoires, pag. 4^18,
M. de Reaumuk parle d'une Coque de j Ver man-
S38 OBSERVATIONS
geur de Chenilles, qui a bien des rapports avec
celle que je viens de décrire, fi elle n'efh précife'-
ment la même, j, Après avoir ouvert , dit-il, une
„ Coque de terre de foie , très - bien conftruite par
5, une Chenille qui vit fur le Bouillon -blanc, au
„ lieu de la Chryfalide que j'y cherchois, je trou-
5, vai dedans une Coque, qui par fa couleur de
5, marron clair, par fa forme alougée & par fa
„ groffeur , avoit quelque^ air d'une Chryfalide,
„ Elle étoit faite d'une foie extrêmement fine &
„ tiffae. très* ferré; auflî cette Coque avoic elle,
„ furtout dans l'intérieur, un éclat pareil à celui
„ des vernis ; elle étoit compofée d'un nombre
„ prodigieux de couches ou de feuilles de foie
„ éconnr;mment minces, que pourtant je féparois
„ allez facilement les unes des autres."
Je ferai remarquer néanmoins, que la Coque de
mon Ver mangeur de Faufles - Chenilles étoit beau-
coup plus alongée que celle dont parle M. de
Reaumur, & qui efl repréfentée Pf. XXXV,
Fig. n du même volume.
Au commencement de Juin 1739, il fortit d'une
de mes Coques une afîez grande Ichneuraone , de
couleur canelle ; mais dont la partie inférieure du
corcelet & Textrémité du ventre étoient d'un brun
prefque noir, de même que les yeux. Je ne décris
pas cette Mouche; parce qu'elle reffembloit par-
faitement à celles que M. de Reaumur a fait
repréfenter dans la Planche que j'ai citée. Ma Mou-
che avoit une odeur très-forte & très-défagréable,
que je ne faurois comparer à aucune autre. Le fond
de 1^ Coque dont elle étoit fortie étoit plein d'une
matière graffe , qui avoit la même odeur que la
Mouche, & qui étoit fans doute le réfidu des vis-
cères du Ver. Ces vifceres n'étoicnt pas , fans
SUR LES INSECTES. 23^
doute, tombés entièrement en pourriture; car je
trouvai au milieu de la bouillie une forte de boyaii,
qui en étoit lui-même très -rempli.
D ANS les premiers jours de Juillet 171^9, je trou-
vai fur rOfier une' de nos grandes Faulîes-Chenillei
qui étoit parvenue à fon parfait accroifllment. Je
ne mis point de terre dans le vafe où je la ren-
fermai. Je m'écois aflez aflliré que ces FaulTes-
Chenilles favoient très -bien s'en paiTer; & je pré-
fumois à bon droit que je n'en ferois que mieux
placé pour obferver de plus près la conflru6lion de
leur Coque. Ma Faufle - Chenille fe mit bientôt
à l'ouvrage, & lorfque je revins l'obferver, la Co-
que avoit déjà reçu fa forme; mais elle étoit en-
core fort mince, & pour peu qu'on la preflat, elle
pliojt fous les doigts. Elle étoit d'un jaune doré.
Avec des ci féaux à pointes fines j'ouvris un des
boucs de cette Coque : j'y fis ainfi une afl'ez large
brèche. Le dos de la Faufie - Chenille fe trouva
répondre à l'ouverture. Elle étoit immobile. J'at-
tendis alfez long -temps pour voir ce qui arriveroit.
Enfin, notre ouvrière commença à fe mettre en
mouvement, mais avec une çxtrême lenteur. Elle
amena fa tête à l'ouverture de la brèche, & tira
des fils d'un bord à l'autre. C'etoit encore avec
la plus grande lenteur qu'elle tiroit ces fils. Ils
étoient fort grofliers. Leur couleur étoit un blanc
argenté , dans lequel il entroit une teinte de jaune.
JLa lente fileufe ne les attachoit pas précifément aux
bords de la brèche; elle ne forçoit pas ainfi ces
bords à s'abaiiTer pour reprendre la courbure que
je leur avois fait perdre en ouvrant la Coque. J'a-
vois obfcrvé des Chenilles qui exécutoient une
pareille manœuvre. Ma Faufle- Chenil le ne fe piqua
pas d'une pareille précifion : elle lailTa les bords
240 OBSERVATIONS
de la brèche comme leur reflbrt naturel les avoÎÊ
difpofés ; ils étoient un peu relevés : elle fila au-
deffûus une toile égale à l'ouverture, & qui la bou-
choit exaélement. Cette toile nouvellement filée
n'éioit donc pas au niveau des parties voifines : elle
ëtoit placée un peu plus bas. Tout l'art de la fileufe
fe réduifit donc à tirer au - dedans de la brèche des
fils qui fe croif'oient en difFérens fens & dont la
réi-nion forma une pièce égale, & à -peu -près
femblable à celle que j'avois enlevée. Elle ne fe
ferv'it pas plus de fes dents que de fes fils pour faire
reprendre aux bords de la brèche leur courbure
naturelle. Auffi la Coque préfentoit • elle à cet en-
droit des inégalités qui aidoient à reconnoître la
place de la brèche. Elle étoit encore reconnoiflable
par la couleur de la toile que la Faufile- Chenille
venoit de filer: elle étoit un peu plus claire que
celle du refte de la Coque.
Le i6 de Mai 1740, je trouvai dans le vafe
où étoient les Coques de mes Faufles Chenilles
d'affez grandes Mouches qui étoient provenues de
ces Faufiles -Chenilles. Elles montroient plus de
vivacité que les Mouches de cette clafle n'ont cou-
tume d'en montrer. Elles avoient de l'air des Guê-
pes ordinaires. Leurs couleurs n'étoient que du
brun & du jaune , diftribués à • peu - près comme
fur les Guêpes. Les antennes étoient entièrement
jaunes, & fe terminoient par un bouton, comme
celles de difFérens Papillons diul^Jes. La tige de
l'antenne étoit articulée, comme le font les antennes
qu'on nomme à filsts grenés. Le devant de la tête
étoit aufli de couleur jaune. Les yeux & les dents
étoient d'un brun luifant, tel que celui de l'écaillé.
Les ailes préfentoienr çà & là des taches brunes qui
diroinuoient leur tranfparence. Les fupérieures
égaloient
s U R L E s I N s E C T E s* 241
égaloient la longueur du ventre; mais les inférieii-
res écoient plus courtes d'environ un tiers. Leur
port étoit en toic un peu arrondi. Elles fe recou»
vroient, en même temps qu'elles recouvroient le
corps. A l'endroit de leur attache dans le corcelet
fe voyoient deux tâches jaunes de figure triangu*
laire, qui peuvent aider à faire reconnoître ces
Mouches. Le ventre qui étoit un peu plus applati
& moins effilé que celui des Guêpes > étoit compofé
de huit anneaux. La longueur de ces Mouches,
depuis la tête au derrière, pouroit être d'environ
im pouce. Quoique pourvues de grandes jambes
& de grandes ailes, elles ne favoient prefque pas
marcher ni voler; elles paroiiToient un peu lourdes t
mais elles étoient très - difpofées à faire ufage de
leurs dents, lorfque je venois a les prendre ou fim-
plement h les toucher. Quelquefois elles s'incli-
lîoient fjr le côté, 6c fe mettoient dans une pofbure
aiïlz plaifante: elles recourboient leur derrière com-
me fi elles euflent voulu en faire fortir un aiguillon.
Quand elles fe laiflbient tomber fur le dos, elles
ne réuflîflbient pas toujours à fe relever. Elle*
démeuroient un certain temps dans cette ficuation
fans fe donner aucun mouvement, les jambes re-
pliées fur le ventre comme fi elles eufîent été mortes.
J'y étois même trompé, & je ne parvenois à me
défabufer qu'en les touchant du doigt. Elles fai-
foient alors de nouvelles tentatives pour fe relever,
& enfin je les voyois marcher.
Pour ouvrir la Coque & le mettre en liberté,
nos Mouches avoient cerné avec leurs dents un
des bouts; elles en avoient détaché circulairem^nc
une pièce en manière de calotte. Getre pièce tenoit
encore à une des Coques par une petite portion de
fa circonférence ; elle pouvait y jouer comme te»
Tor'r.e IL Q
.41 OBSERVATIONS
couvercle à charnière; je veux dire, qu'on pou-
vait à volonté ouvrir & fermer la Coque. Ailleurs
ja pièce avoit été entièrement détachée par la Mou-
ciie. Une main d'Homme n'auroit pas mieux réuffi
à couper avec des cifeaux une telle pièce. Les
dents de nos Mouches leur avoient tenu lieu de
cet inflrument, & leur flu6lure répondoit à mer-
veille à cette fonftion. Je dois en dire un mot.
On connoît les dents des Guêpes: les dents de
nos Mouches leur refTembloient aflez. Elles fe ter-
minoient par un petit crochet fort aigu , fort fem-
blable à celui qui termine les pinces des Araignées.
Elles n'étoient pas égales en longueur; & le cro-
chet de la plus courte n'étoit pas fi bien façonné
ni n aigu que celui de la plus longue. Quand \ts
deux dents fe joignoient pour fermer l'ouverture
de la bouche, le crochet de la plus longue recou-
vroit celui de la plus courte. Ces petites particu-
larités méritent plus d'être remarquées qu'on ne
l'imagineroit d'abord. On le fentira & on admirera
avec moi cette diverfité dans la forme des deux
dents, fi Ton fait attention à la manière dont la
Mouche ouvre fa Coque. Elle efl: dans la néceffité
de percer un tilTu très • ferré , une forte de parche-
min. Elle doit emporter circulairement une pièce
confidérable de la Coque. Il faut donc qu'elle
commence par faire quelque part un petit trou dani
les parois de fa prifon : n'importe dans quel endroit :
ce point fera celui d'où elle partira pour tracer la
ligne circulaire qui déterminera l'ouverture. Mon
lefteui: a déjà deviné que le crochet de la plus
longue dent eft defliné à cette première opération :
il travaille en «dehors, tandis que le crochet de
1 autre dent travaille en -dedans; & parce que les
deux dents font d'inégale longueur, elles ne font
pas expofées à fe beuicer dans le travail. Je n'ai
SUR LES INSECTES. 243
pas farpris la mouche dans fa manœuvre: mais il
eft facile de l'imaginer quand on fait ce qu'elle fait ,
& qu'on connoît les inflrumens avec lefquels elle
le fait.
Comme je n'avois pas lu Vallisniéri lorf-
que j'obfervois ces Mouches, & que le Mémoire
de M. de R e a u m u k fur les Fauffes - Chenilles
li'avoit point encore paru , je n'avois aucune con-
roiffance de cette admirable fcie que la femelle
porte au derrière. Je ne m'avifai donc pas de l'y
chercher; mais ce feroit fur -tout dans cette Efpece
qu'il faudroit étudier la flru6lure de ce bel inflru.
ment; car la Mouche de notre Faufie - Chenille
de rOfier eft d'une taille qui furpafle fort celle
de la Mouche à fcie de la Faufle - Chenille du
Rofier.
OBSERVATION XXXIV.
Sur h JîruSîim de la grande fauffe- Chenille
de l'Ofter.
JUa taille fi avantageufe de notre faufle- Che-
nille me fie naître la penfée de la diflequer. Je
voulois favoir fi fon intérieur diiFéroit fenfiblement
de celui des Chenilles. Dans cette vue, j'en ouvris
une du côté du dos, après l'avoir fait périr daQ«
l'etprit de vin; & voici ce que j'y obfervai.
Le grand canal inteftinal étoit plus renflé propor-
tionnellement que dans les Chenilles. La membra-
ne, qui en revctoit Texte rieur j étoit comme cha-
2H OBSERVATIONS
grlnée: on y découvroit à l'œil nad, & mieux à la
loupe, une infinité de petits grains de couleur verte,
beaucoup plus petits que ceux du plus fin chagrin.
Le canal avoit deux étranglemens principaux &
très - marqués ; l'un du côcé de la tête, l'autre
du côté du derrière. Le premier déterminoit l'ex-
trémité poftérieure de rœfophage; le fécond, la
naiflance du reftum. L'œfophage étoit un conduit
beaucoup plus étroit que le relie du canal , & dont
le diamètre étoit par- tout aflez égal. Il n'en étoit
pas de même du re6lum: on voyoit dans fon milieu
un renflement ccnfidérable en manière de poche.
Je coupai le reflum près de l'anus, & j'enlevai
délicatement le canal întcflinal pour obferver les
parties qu'il recouvroit. Les premières qui s'oflr"rl-
rent à mes regards me frappèrent beaucoup: c'é-
toient de longs vailTeaux d'un jaune d'or, rangés
fur deux lignes, & dont les tours & les détours,
les plis & les replis, étoient fi nombreux & fi variés
qu'il m'étoic impoflible de les fijivre. Ces beaux
vaifleaux occupoient toute la longueur du corps.
Il me fut aifé de les reconnoître pour les vaifl^eaur
à foie. J'eflayai de les enlever fans les rompre,
& j'y réufl[îs mieux que, je ne l'avois efpéré. Je
les faifis près du derrière avec une petite pince. Là,
ils étoient beaucoup plus déliés, moins remplis de
matière foyeufe & de couleur blanche. A mefure
que je les détachois, je les voyois fç déplier , s'é-
tendre, & forcir de dedans une efpece d'enveloppe
formée par les parties voifines, & fur -tout par
les trachées. En dévidant ainfi les vaifl^eaux à feie,-
je m'aflTurai qu'ils étoient comme dans les Chenil-
les, au nombre de deux, & qu'ils repofoient pré-
cifément fur les deux plans de mufcles qui fervent
aux mouvemens des jambes. J'enlevai ks deux
SUR LES INSECTES. 245
vaifTeaux l'un après l'autre : je commençai par
cel^i de la gauche, & en l'enlevant, je reconnus
que je n'apportois aucun changement à celui de
la droite: il refla en place après l'entière extraftion
du premier. Je les mefurai & leur trouvai à chacun
environ fept pouces de longueur. Ils étoient fort
effilés près de la tête, & beaucoup plus que dans
aucun autre endroit de leur étendue, & là, ils
étoient blancs comme vers le derrière. Tous deux
étoient recouverts d'une matière graifleufe de cou-
leur blanchâtre, qui fembloit ternir la couleur propre
des vailT-aux. Après être heureufement parvenu
à détacher en entier ces vaifTeaux à foie , je les mis
dans une liqueur appropriée pour les y conferver,
J'ai dit, qu'ils étoient placés fous le canal intefti-
nal: en obfervant le côté inférieur de ce canal, j'y
remarquai une forte de rainure ou de gouttière;
& c'étoit dans cette gouttière que les vaiiTearx
à foie avoient été logés. Ils y étoient renfermes
comme dans une efpece d'étui ou de fourreau.
Après les vaifTeaux à foie, rien ne s'attira plus
mon attention que les trachées & les mufcles.
Les trachées étoient innombrables, ôi, fe répan-
doient par-tout comme chez les Chenilles. Les
mufcles étoient très- marqués & en grand nombre:
mais il n'y avoit que les deux plans tendus au- deilhs
des jambes, qui fufTcnt dirigés fuivant la longueur
du corps. Tous ceux qui fervoient aux mouvemens
des anneaux étoient tranfverfaux. Les mufcles
deftinés à mouvoir les jambes étoient beaucoup plus
marqués que les autres: ils formoient deux plans
très-diftinfts, qui répondoient exaélement aux deujç
lignes des jambes. Les mufcles appropriés aux moii-
vemens des anneaux, formoient une multitude de
petits cerceaux parelleles les uns aux autres; Se
0.3
24^ OBSERVATIONS
c*efl: apparemment cette diTpofition de ces mufcles,
qui eft caufe que nos faufles- Chenilles fe tiennent
ordinairement roulées, & qu'il ne leur arrive jansais
d'avoir le corps parfaitement étendu.
Le defir de m'inftruire me rendit cru^el à Tégard
de nos faufTes- Chenilles: j'eus la barbarie d'en ou-
vrir une toute vivante. Je lui avois fiché une épin-
gle dans le crâne, & je lui en avois fiché une autre
dans le derrière. Je l'ouvris, comme la première,
du côté du dos ; & cette féconde difleélion me valut
quelques nouvelles particularités que je vais indiquer.
Dis que j'eus commencé l'incifion, il fortit de
l'intérieur une liqueur limpide & légèrement veiv
dâtre, que je reçus fur une plaque de verre: elle
s'y figea à -peu -près comme de la gelée, &je re-
marquai qu'elle avoit précifément la même odeur
que celle que la fauffe - Chenille fait jaillir quand on
la touche. Le corps graijjcux, qui s'offrit bientôt
à ma vue , paroiflbit entièrement formé d*un amas
de très petits globules jaunes, femblables à ceux
qu'on découvre au microfcope dans la graifle des
grands Animaux. Mais ce qui étoit ici aÎTez remar-
quable , c'eft que ces globules fe diftinguoient très-
nettement à la vue fimple. M'étant avifé de mettre
fur ma langue un peu de ce corps graifleux, je lui
trouvai la douceur du fucre : mais la peau avoit un
goût de rance infupportable. Swammerdam avoit
trouvé le même goût au Ver de l'Abeille ; & c'étoit
à fon imitation que j'avois tenté de goûter de la
peau de notre fauffe • Chenille.
J'ai dit que, pour faire ma diffeftion, j'avoî$
fiché deux épingles. Tune dans la tête, l'autre dans
le derrière : j'avois enfuite dirigé la feClion dans
la ligne du milieu du, dos, en commen^^anc par le
SUR LES INSECTES. 247
derrière: & afin de tenir la peau e'carte'e des vis-
cères, je Tavois renverfée de côté & d'autre fur
ma planchette, & J'y avois encore fiché des épin-
gles, de diftance en diftance. Tout étant ainfî
difpofé , je m'étois mis à enlever en entier le canal
înteftinal, les vaifleaux à foie & la plus grande
partie des trachées: &, le croira- ton? malgré tant
& de fi énormes plaies, ma faufTe • Chenille vivoic
encore, & faifoit des efforts pour fe détacher &
marcher en avant. Bien plus ; après l'avoir coupée
tranfverfalement par le milieu du corps, la moitié
à laquelle tenoient la tête & les premières jambes ,
donnoit encore des fignes de vie, qui n'étoient
point équivoques.
OBSERVATION XXXV.
Sur me faujfe- Chenille du Poirien
JVloNsiEUR de Reaumur ne connoiflbic qu*u.
ne feule Efpece de fauffe- Chenille, à qui il eût été
donné de faire jaillir une liqueur limpide à l'attou-
chement de quelque corps. Cette fauffe -Chenille
efl celle du Chèvre -feuille. Je viens d'en faire
connoître une autre , remarquable encore par la gran-
deur de fa taille, qui offre la même particularité.
J'en joindrai ici une troifieme qui me fa offerte aulîî.
Je la trouvai fur le Poirier en Juillet 1739. Elle
efl de la claffe des fauffes-Chenilles à vingt-deux
jambes : les écailleufes fe terminent par un crochet
noir en ongle de Chat: on fait que les jambes mem-
braneufes des fauffes-Chenilles font dépourvues de
crochets: au moins ne connoiffons-nous point ea«
Q4
,48 OBSERVATIONS
cote d^Efpece dont les jambes membraneiifes en
foient pourvues. Notre faufle- Chenille du Poirier
efl de grandeur médiocre. Le fond de fa couleur
eft un blanc dans lequel paroîc entrer une légère
teinte de bleuârre. Sur ce fond font jetées des
taches irregulieres , donc une moitié eft jaunt;, l'au-
tre noire. Ces taches occupent la jonftion des an-
neaux. Elle eft encore occupée par d'autres petites^
taches noires, en manière de traits déliés. La
tête eft blanche : on lui voit de chaque côté deux
yeux noirs fort brillans, fltués l'un au-dt-fTus de
l'autre. L'inférieur, qui eft le plus petit, répond
à l'origine des mâchoires. Examiné à la loupe, il
parcît être plutôt l'ouverture d'un ftigmate ou d'une
orfille qu'un véritable œil. On y apperçoic une
cavité. Je configne ici cette Obfervation pour in-
viter les Naturaliftes à examiner plus attentivement
cette particularité que je crois nouvelle. L'autre
point noir, au contraire, préfente une convexité
très fenfible, & qu'on ne peut s'empêcher de re-
connoître pour celle d'une véritable cornée.
Cette faufle • Chenille fe tient ordinairement
roulée fur elle même comme celle de l'Ofier, & fe
çonilruit une Coque fimple , précifément femblable
à la Coque de cette dernière. Je n'ai paj eu fa
Mouche.
SUR LES INSECTES. 249
OBSERVATION XXXVL
Sur de très -petites Mouches Ichneumones qui
avoient pris leur accroijfement àans des œufs
de Papillon*
Vers la mi Juillet 1739, je trouvai fur une
feuille d'Erable des œufs de Papillon, de h forme
ordinaire , & dont la grofleur indiquoit aiTcz qu'ils
avoient été pondus par quelque grand Papillon. Ils
étoient au nombre de vingt , rangés fur trois lignes
à peu ■ près parallèles. Ils repofoient fur la feuille
par un de leurs bouts , & Ils y étoient retenus par
une forte de colle. Au bout fupérieur de cha-
que œuf, on remarquoit un point brun autour, &
a une petite diftance duquel étoit tracé un petit
* cercle de couleur un peu plus foncée que le refte
de l'œuf, qui tiroit fur la couleur de chair.
Tandis que je confidérois ces œufs à la loupe,
j'apperçus fur un d'entr*eux, près des bords du
cercle dont je viens de parler, un petit trou à peu-
près rond, par lequel fortoit la tête d'une très-
petite Mouche Ichneumone, de couleur noire. Je
n'ignorois pas que dans cette clafle nombreufe de
Mouches (i) qui alloient dépofer leurs œufs furie
corps ou dans le corps des Chenilles vivmces, il
en étoit de très -petites Efpeces qui dépofoient les
leurs dans les œufs mêmes des Papillons. On juge
quelle doit être la petitefle des Vers qui éclolenc
(i) Confultez le Mémoire XI du Tome U de l'Hiftoire dss Infe(îles
lie M, de Rbaumur.
25©
OBSERVATIONS
des œufs de ces Ichneumones, puifquils trouvent
un logement fpacieux & une abondante nourriture
dans rétroite capacité d'un œuf de Papillon.
. En même temps que j*obfervoîs une petite Ich-
neumone fortir d'un de mes œufs, je découvris
d'autre petites Ichneumones de la- même Efpece,
qui couroient avec vîtelTe fur l'amas d'œuft *, & pro-
menant ma loupe fur cet amas , je vis d'autres œufs
qui étoient percés, comme le premier, d'un trou
à'peu-près rond. Les petites Ichneumones qui cou-
roient çà & là fur l'amas d'œufs, n'avoient pas
plutôt rencontré le trou rond, qu'elles l'enfiloienc
pour aller fe cacher dans l'intérieur de l'œuf. J'en
voyois d'autres entrer & fortir alternativement par
la petite porte. Je ne faurois dire combien ce fpec-
tacle étoit amufant; je ne pouvois détacher me»
yeux de deflus cet amas d'œufs.
Apres avoir joui aflez long -temps de ce joli
fpedade, j'enlevai la feuille fur laquelle les œufs
étoient collés , & je la renfermai dans une boîte.
On préfume bien que je ne tardai pas à rouvrir
cette boîte; mais quelle ne fut point ma furprife
d'y trouver une quantité prodigieufe de ces même»
Ichneumones que j'avois vu aller & venir fur nos
œufs de Papillon, rentrer dans leur intérieur, ôc
en fortir un moment après! Je l'ai dit; mes œufs
de Papillon n' étoient qu'au nombre de vingt : il fal-
loit donc que les mères Ichneumones euflent dépofé
dans chaque œuf un bien grand nombre de leurs
propres œufs , pour fournir à cette quantité fî con-
fidérable d'Ichneumones que renfermoit ma boîte.
Quelle ne devoit donc pas être la petitefle de
ces œufs ôc celle des Vers qui en étoient fortisi
SURLESINSECTES. 251
Tous les œufs de Papillons n'étoient pas percés
près du cercle dont j'ai parlé: j'en remarquai deux
qui l'étoient fur un de leurs côtés ; mais je ne vis
qu'un feul trou fur chaque œuf. Au refte, tous
ces œufs avoient fur le côté un petit enfoncement.
OBSERVATION XXXVIL
Sur une petite Mouche Ichneumone qui perçoit
une galle du Chêne pour y dépofer fis œufs.
JT ouR peu qu'on ait étudié les Infefles , on n'ig-
nore point qu'il efl des Mouches qui piquent diffé-
rentes parties des plantes, dans lefquelles elfes in-
troduifent un ou plufieurs œufs, & qui y font naître
ainfî diverfes excroifTances, qui ont reçu le nom
de galles. Les galles du Chêne font les plus géné-
ralement connues , & il n'efl point d'arbre dans nos
contrées, qui en préfente un plus grand nombre
d'efpeces. Les Vers qui naiflent & s'élèvent au
centre de ces galles fembleroient devoir y être fort
h l'abri des entreprifes des Mouches Ichneumones,
Des Obfervations multipliées ont pourtant appris
aux Naturalifles modernes , que ces Mouches guer-
rières favent percer les galles les plus épaifTes , &
introduire dans leur cavité un ou plufieurs œufs,
d'où fortent des Vers qui vivent aux dépens de
l'habitant ou des habitans de la galle. Mai:» on n'a-
voit pu encore s'afTurer, fi les Ichneumones per-
çoient les galles qui ne faifoient que de naître , ou
fi elles perçoient des galles qui avoient déjà pris
un certain accroilTement. Les Obfervations propres
f52 OBSERVATIONS
à décider cette queftion n*étoîent pas faciles à faire,
& on ne pouvoit guère les attendre que d'un heu-
reux hafard. Ça été' auffi à un pareil hafard que j'ai
dû rObftrvation que je vais tranfcrire, & que M.
de Reaumur s'étoit plu à raconter en détail d'a-
pj^ une de mes Lettres, (r)
Le 17 de Juillet 1740, tandis que j*étois occu-
pé . à. chercher des Infâiftes fur up Çhêqe , j'apper-
çus au-deflbus d'une des feuilles de l'arbre, une
^alle de la grofleur d'un pois; & je remarquai
qu'une petite Mouche étoit pofée fur cette galle.
Gomme elle reftoit conftamment dans la même pla-
ce, je jugeai qu'elle s'acquittoit de quelque fonftion
importante: la branche étoit un peu trop élevée;
d'une main je l'abaifTai pour mettre la feuille à la
hauteur de mes yeux; je l'en approchai même autant
que je le voulus: la Mouche me laifla faire, &
toute occupée de fon opération, elle foufFrit que
je *la regardafle d'aufli près qu'il étoit néceffaire
pour la bien voir. Elle ne parut poitit du tout s'in-
quiéter de mes mouvemens, ni de ma préfence. Je
foupçonnai d'abord, & ce foupçon étoit bien na-
turel , que ma Mouche travailloit à introduire dans
îà galle un ou plufieurs œufs. Je n'en fus donc que
plus excité à obferver attentivement tout ce qui
fe paflbit. Tandis que je tenois la branche d'une
main, je tenois de l'autre une loupe d'un aflez
court foyer. J'eus le plaifir de voir que l'Ichneu-
mone tenoit fa tarière piquée dans la galle, & tout
ce qu'elle faifoit pour l'y faire pénétrer de plus en
plus. Cette petite Mouche étoit du Genre des Ich*
xieumones qui portent leur tarière couchée fous leur
ventre; mais elle tenoit alors la fienne droite: fon
étui la foutenoit & l'enveloppoit jufqu'à quelque
CO M^m. fur les JV: T. VI, Uém. IX, pag 319 & fuiv.
SUR LES INSECTES. 453
diflance de la galle: entre la furface de celle-ci &
le bout de l'étui, il y avoit toujours une portion
de l'inflrument qui demeuroit à nud. La Mouche
ëtoit pofée fur fes fîx jambes; elle avoit la tête
bafle, & les antennes tranquilles & inclinées vers
la galle: elles étoient peu diftantes l'une de l'autre,
& recourbées en crochet à leur extrémité. Tantôt
richneumone prelToit du poids de fon corps la ta-
rière pour la faire pénétrer plus profondément,
tantôt elle éloignoit un peu fon corps de la galle;
& à mefure qu'elle l'éloignoit ou qu'elle l'élevoit,
elle retiroit par conféquent un peu fa tarière en
dehors ; mais c'étoit pour l'enfoncer davantage un
infiant après, en appuyant deifus le poids de fon
corps. Notre Mouche ne fe bornoit pas à donner
alternativement à la tarière des mouvemens de bas
^n-haut & de haut en- bas, à la faire agir comme
nous faifons agir une aiguille d'acier pour percer
un corps dur, dans une direftion perpendiculaire
à l'horifon; elle lui donnoit encore deux mouve-
mens alternatifs plus remarquables* elle faifoit tour-
ner fa tarière fuccelîivement fur elle-même en deux
fens contraires ; elle lui faifoit décrire une portion
de cercle dans un fens , & en la ramenant enfuite
du côté oppofé , elle lui faifoit décrire une féconde
fois la même portion de cercle. La pofition de mes
yeux étoit telle, que la longueur d'un des côtés de
la Mouche fe préfentoit à eux en entier dans les
temps ordinaires; mais lorfque la Mouche faifoic
tourner fa tarière en tournant elle-même, la pofi-
tion du côté devenoit de plus en plus oblique par
rapport à la ligne de mes yeux, & enfin l'extrémité
feule du corps leur étoit préfentée direélement ; en
pirouettant enfuite dans un fens oppofé, la Mou-
che ramenoit le côté à être parallèle à la ligne de
mes yeux.
254
OBSERVATIONS
Malgré les divers mouvemens que je viens de
décrire , mon Ichneumone ne parvint qu'avec beau-
coup de temps à faire un trou fuffifamment profond
dans la galle; elle fembloic être pour la Mouche
un roc dur. J'avois commencé à l'obferver fur
les fix heures du foir, & j'ignorois à quelle heure
elle s'étoit mife au travail. J'étois aux bords d'un
bois , & aflez éloigné de ma demeure : à fept heu-
res trois quarts, je fus forcé de mettre fin à une
Obfervation Ci neuve & fi intéreflante : il falloit
me retirer chez moi: j'étois bien plus fatigué que
je n'auroîs pu l'être de la plus longue promenade ,
par la nécefficé où je m'étois trouvé de me tenir
fur mes jambes pendant une heure trois quarts à
la même place, ayant eu toujours une de mes mains
occupée à retenir la branche, & l'autre à tenir la
loupe. Mais avant que de partir, je crus devoir
me faifir de la petite Mouche: en ia prenant, il
me fembla fentir quelque réûflance, à mefure que
je faifois fortir fa tarière du trou dans lequel elle
étoit engagée.
J E me propofpis d'examiner à mon aife la (Iruc-
ture de l'inflrument de mon Ichneumone : mais cette
Mouche qui avoit été fi tranquille fur la galle,
parut d'une vivacité furprenante dans la boîte où
je la renfermai: elle y tenoit fes antennes dans uil
mouvement continuel : elle fut enfin s'échapper
iorfque pour la prendre <& l'obferver au microfcope,
j'ouvris la boîte où elle étoit prifonniere. Elle
n'étoic d'ailleurs remarquable ni par fa figure, ni
par fa couleur , Elle n'avoit guère plus d'une ligné
de longueur: on n'appercevoit fes ailes inférieures
qu'au travers des fupérieures. Son corps étoit court ,
de forme ovale, & terminé par une petite queue:
il étoit joint au corcelec fans aucun étranglement.
5UR LES INSECTES. 2^5
Celui. ci étoit un peu relève, comme l'efl le cor-
celet des Coufins & des Tipules. La tête étoit
tort petite, & portoit deux longues antennes for-
mées d une fuite de petites vertèbres. Les jambes
étoient d un marron clair. La couleur du refle du
corps étoit d'un noir luifant; mais celui de la tête
oc du corcelet étoit mat.
Dès que j'eus enlevé la Mouche de deflus la
galle, mon premier foin fut d'obferver l'endroit
de cette galle où j'avois vu la tarière piquée û long-
temps. Il étoit plus reconnoiifable par fa couleur
que par le diamètre d'un trou prefque impercepl
tible; il étoit brun. On préfume aiTez que je ne
partis pas fans avoir pris les précautions néceffairej
pour retrouver fur le lieu ma petite galle De
temps en temps, je retournois l'obferver & ie la
trouvois de plus en plus grofle. Je Tavois d'abord
jugée une galle en Grofeille, ou de celles dont la
grolTeur égale à- peu -près celle de ce petit fruit -
mais le 25 d'Août, elle étoit parvenue à égaler en
grolFeur une noix mufcade. Malheureufement ie
fus obligé de quitter la campagne, & de renoncer
a luivre une Obfervation qui m'intéreflbit beaucoup-
je pris donc le parti d'emporter chez moi le bout
de la branche auquel tenoit la feuille qui portoit
la galle : je plongeai le bout de la branche dans l'eau
d un vafe, que j'avois foin de renouveler de temps
à autre: mais en moins de trois femaines, la feuille
Je tana. Ce ne fut pourtant que le 24 de Novem-
bre, que j'ouvris la galle, pour voir fi fon intérieur
etoit habité. L'endroit que la Mouche avoit piqué,
etoit encore reconnoilTable par une couleur plus
brune que celle du refte de la galle ; mais il n'y
paroiïïbit aucun vertige du trou : on appercevoit
pourtant dans l'intériL'ur une trace de Ja piqûre;
55(5 OBSERVATIONS
car Je ne pouvois pas ne prendre point pour telle
une petite bmde brune, qui oénétroit en ligne
droite jufqu'à la cavité qui efl au centre de ces
forces de galles.
Ce que je cherchois fur -tout dans l'intérieur de
notre galle, c'étoit au moins un Infedle furti de
l'œuf de l'Ichneumone. Je n'en découvris point
néanmoins: je trouvai feulement la Mouche- haoi-
tante naturelle de la galle. Elle étoit fort près
de venir au jour: il ne lui refloit plus qu'à percer
une couche très-mince pour être en état de prendre
rtflbr. Mais dans la cavité du centre, je vis des
excrércens qui ne font pas laifles dans le. commun
des galles par les Vers des Mouches qui font naître
ces gaUes: je vis encore près du pédicule de la galle
dont il s'agit, deux trous ouverts à fa furface, ôc
dans lefquels des excrémens étoient reftés. On peut
donc loupçonner, qu'un ou deux Ichneumons, par-
venus à prendre des ailes dans la galle, en étoiq;it
fortis; & il faut fuppofer en conféquence, que
la Mouche qui avoit donné naifTcince à la galle,
avoit pondu plus d'un œuf, ,& que les Vers fortis
de quelques-uns de ces œufs avoient été dévorés
par les Vers de l'Ichneumone.
Q^uoi Q,u*iL en foit, il ne fauroit refîer aucun
doute fur la fin pour laquelle la petite Ichneumone
perçoit la galle; & ce qu'il y avoit ici de plus
curieux à obferver l'a été, dès qu'on efl parvenu
à furprendre l'Ichneumone occupée à percer la gal-
le, & à la fuivre dans fes principales manœuvres.
OBSERVATION
SUR LES INSECTES. 257
OBSERVATION XXXVIII.
Sur me Mouche des galles qui perçoit une feuUk
pur y dépofer fis œufs,
X^E 21 de Mai 1738, cherchant à obferver les
petites Chenilles qui plient & contournent les feuil-
les du Rofier, j'apperçus fur une des petites bran-
ches de cet arbriflcau une Mouche, [P/. />7, Fig,
I.] que je reconnus auflî-tôt pour être du Genre
de celles qui font naître les galles. Je coupai la
branche, & la piquai dans un vafe plein de cerre.
Je ne pus faire cette opération fans agiter plus o«
moins la branche fur laquelle la Mouche étoit fixées
& pourtant , je remarquai que ces divers mouve-
mens ne paroifloient point laire imprelïion fur h
Mouche. Je n'en fus que plus excité à lui donner
mon attention. Je jugeai facilement qu'elle e'toit
occupée d'un travail important. Sa couleur d'un
rouge marron, & fon venire taillé en quille de
vaiiîeau, me rappelèrent la defcription que M. de
R EAU MUR avoit fait de la Mouche des galles
en Grofeille, fi communes fur les feuilles du Chêne,
& j'en inférai que la Mouche que je venoiji de fur-
prendre, étcit occupée à pondre.
La branche que j'avois détachée portoit à fon
extrémité un paquet de fenilîles qui n'étoient pas
encore développées , Ôi c'étoit fur ces feuilles
mêmes que la Mouche s'étoit fixée. Peu de temps
après, je la vis changer de place. Elle ne paroiflbk
pas fort agile. Sa démarche étoit aflez lente; j*ai
prefque dit afTez lourde. Elle n*alloiC pas \om^ ^
Terne II. ' R
258 OBSERVATIONS
ne faifoit que quelques pas autour des feuilles;
puis elle revenoic fe fixer à la même place, ou à
peu de diflance de l'endroit où je l'avois furprife.
Quelquefois elle marchoit à reculons en tâtant du
bout de fon derrière la furface des feuilles fur les-
quelles elle palToit. Cette petite manœuvre me con-
firma dans la penfée que ma Mouche cherchoit un
lieu propre à recevoir les œufs qu'elle étoit prête
à pondre, & me porta à redoubler d'attention. Je
remarquai que, lorfqu'elle tâtoit du bout de fon
derrière la furface des feuilles y il fortoit du milieu
du deflbus de fon ventre , ou de cet endroit tailla
en arrête vive , une efpece d'aiguillon , de même
couleur que le ventre, & qui ne reffembloit pas
ma) au fabre qui termine le derrière des Sauterelles,
Il n'étoit pas néanmoins fi long, & il étoit plus
large proportionnellement. Je préfumai bien que
l'aiguillon de notre Mouche avoit beaucoup d'ana-
logie avec le fabre des Sauterelles, & qu'il étoit
deftiné à mettre les œufs en place. Elle le dirigeoit
tantôt plus, tantôt moins obliquement à la longueur
de fon corps. Quand elle le dirigeoit le moins
obliquement, il me paroiflbit s'enfoncer dans les
feuilles j je m'afiurois même qu'il s'y enfonçoit un
peu ; car je n'en découvrois plus fi bien l'extrémité.
Mais il ne demeuroit pas long-temps ainfi enfoncé:
la Mouche le retiroit bientôt, foit pour le faire
rentrer dans fon ventre , ou le coucher dans la
petite coulilTe pratiquée dans l'arrête vive, & l'y
renfermer comme une lancette dans fon étui ; foie
pour tâter d'autres endroits de la feuille. Pendant
que je faifois ces obfervations , m'étant muni d'une
loupe , j'apperçus une pointe extrêmement fine qui
fortoit de l'extrémité de ce que j'avois pris pour
l'aiguillon ; & qui n'en étoit ainfi que le fourreau.
Cette pointe fi fine ne fortoit que fort peu hors du
SUR LES INSECTES. S59
fourreau, tandis que la Mouche tâcoît la feuille.
lînfin , , après m'avoir offert ces divers procédés ,
ma Mouche fe fixa. Elle fit fortir ce que j'avois
d'abord pris pour l'aiguillon , plus qu'elle n'avoic
encore fait ; elle le dirigea prefque perpendiculai-
rement à la longueur de fon corps, & je le vis
pénétrer entre deux feuilles, qui n'étant pas encore
épanouies demeuroient appliquées l'une à l'autre.
Quand il eut pénétré fort avant entre les deux
feuilles , & qu'il fe fut écoulé un certain temps , le
ventre de la Mouche changea de forme. Au lieu
de celle qu'il avoît d'abord, il en prit une autre
[P/. VI y Fig. 2.] qui me frappa beaucoup. 11
s'élargit extraordinairement dans fa partie inférieu-
re; parce qu'à mefure que l'aiguillon s'enfonçoit
entre les deux feuilles, il tiroit fi fort à lui les
anneaux du ventre, qu'il le défiguroit entièrement»
Le derrière de la Mouche fe termînoit par une fore
petite queue [j[\ taillée en pointe : cette queue
s'éleva peu- à-peu prefque à la hauteur des ailes, âc
la partie du ventre fituée au deffous , s'élargit telle»
ment en fuivant l'aiguillon, que fa largeur vint à
furpaffer la longueur du ventre. Celui ci en prie
une forme triangulaire, ou pour parler plus exac-
tement , aflez bilarre. La partie fituée au - de/Tous
de la petite queue , n'étoit pas tirée par l'aiguillon
perpendiculairement en en - bas ; & on apperçevoic
fur le bord, & à-peu- près dans le milieu de fa lon-
gueur, une forte de renflement [r'] ou de coude»
Le côté oppofé du ventre [ji] , celui par lequel il
s'uniffoit au corcelet, ne prefentoit point de ren-
flement, & étoit terminé par une ligne droite,
qui formoit un des côtés du triangle. Quand la
Mouche faifoit pénétrer fon aiguillon le plus pro-
fondément qu'il étoit poflible, le renflement ou le
coude dont j'ai parlé, difparoilToit, & c'étoit alors
R 2
260 OBSERVATIONS
que le ventre prenoit une forme plus exa6lement
triangulaire. [Pi. FI^Fig. 3.] Je le voyois s'élargir,
je dirai mieux, s'alongcr de plus en plus par fa
partie inférieure, au point de s'enfoncer lui-même
affez avant entre les feuilles. Il s'écouloit un temps
plus ou moins long pendant lequel la Mouche con-
tinuoit à tenir fon aiguillon aulîî profondément en-
foncé entre les feuilles : elle le retiroit enfuite peu-
à-peu , & à mefure qu'elle le retiroit , le ventre fe
rapprochoit davantage de fa première forme ou de
fa forme naturelle.
Pendant toute la durée de l'opération, la
Mouche paroifToit fort tranquille; elle n'agitoit
que fes antennes, & même alfez foiblement. Sa
tête étoit inclinée & tendoit à fe rapprocher des
premières jambes. Elle étoit fi occupée de fon
travail, que quoique je tranfportafTe le vafe d'un
lieu dans un autre, elle ne ftmbloit pas s'en apper-
çtvoir j<& quand je la touchois légèrement du doigt,
elle ne faifoit que retirer un peu fon aiguillon d'en-
tre les feuilles , pour l'y replonger un moment après,
auffi profondément qu'auparavant.
Les yeux armés d'une loupe, je tâchois de dé-
couvrir les œufs à leur pafTage par le canal que
renfermoit l'aiguillon ; mais ce fut en vain. L'o-
pacité des parties ne me le permettoit pas. J'ap-
perçus feulement dans l'intérieur du ventre un cer-
tain mouvement, que je ne pouvois comparer qu'à
celui d'un fluide qui fe portoit tantôt d'un côté,
tantôt d'un autre. Ce fluide apparent étoit de cou-
leur brune, & rendoit ainfi plus opaque le côté du
ventre vers lequel il fe portoit.
Il étoit environ midi quand une Mouche com-
mença à enfoncer fon aiguillon entre ks feuilles,
SURLES INSECTES. 261
& elle étoit encore fur les deux heures, dans la
pofture que je viens de décrire. Mais bientôt je
la vis agiter Ces antennes avec vivacité , & com-
mencer a retirer Ion aiguillon. Je préfumai afîtz,
que dès qu'elle auroic achevé de le dégage; , «_!1e
m'échapperoit. En effet, elle couroit déjà fur 1,'
branche, & elle écoic fur le point de s*envoler.
lorfque je la faifis pour la renfernmer dans une boît ..
Cette Mouche n'avoit pas deux lignes de lon-
gueur. La couleur de fon ventre étoit, comme
je l'ai dit, d'un rouge marron; & cette coukur
étoit encore celle des jambes. La tête, les anten-
nes & le corcelet étoient noirs. Les antennes étoienc
aflez longues & à filets grenés. Les ailes, au nom-
bre de quatre, avoient la tranfparence ordinaire:
on appercevoit feulement dans le milieu de chacune
deux petites taches noirâtres. Les fupérieures rc«
couvroient les inférieures, & fe croifoient un peu;
leur extrémité outrepalToit un peu Je bout du der-
rière. Leur port étoic parallèle au plan de poution.
On penfe bien que je fus très-foigneux d'obfsr-
ver à la vue fimple & à la loupe, l'endroit où i'ai-
guillon de la Mouche avoit pénétré; mais je n'y
démêlai rien de particulier. Les feuilles me paru-
rent parfaitement exemptes des cicatrices. Quatre
jours après, je féparai entièrement les deux feuilles
pour les examiner plus attentivement & plus à mon
aife: mais, quelque attention que j'y apportafle, je
ne découvris ni cicatrices, ni œufs. A la vérité,
les œufs pouvoient être fi petits , que ma loupe
n'étoit pas affez forte pour me les faire apperçcvoir»
J'ai rapporté d'autant plus volontiers cette Ob»
fervation , qu'il efl très - rare qu'on parvienne à fur-
prendre les Mouches des galles tandis qu'elles font
R 3
26% OBSERVATIONS
occupées à percer les feuilles pour y loger leurs
œt'fs. M. de Reaumuk lui-même n'y étoic pas
parvenu. Je vais transcrire fa defcription de la
Mouche des galles ; elle aidera mon Lefteur à faiQr
mieux tout ce que j'ai rapporté dans cet article.
j, La tête de cette Efpece de Mouche , dit M.
j, de Reaumur (i), n'a rien de fort remarqua»
5, ble, elle porte deux antennes afll-z longues....
„ elle eft munie de deux dents. . . Le corcelet eft
5, affez grand par rapport à la longueur du corps;
„ il efl brun, mais il l'eft moins que la tête Le
„ corps efl d'un brun très-luifant. ... Il eft court,
„ mais ce qui lui donne un air qui lui eft propre,
5, une forme différente de cellt du corps des Mou-
j, ches des autres Genres, c'eft qu'il a moins de
„ diamètre d'un côté à l'autre , que du deifus au-
j, deflbus. C'eft fur- tout le deflbus du ventre, qui
„ a une forme diîlérente de celle du deiTous du
5, ventre des autres Mouches; il a en quelque forte
„ celle d'une carène de vaifleau. Imaginons le
„ vaifleau renverfé, ou ce qui eft la même chofe,
„ que nous avons mis la Mouche le ventre en haut:
J, depuis le corcelet jufques vers la moitié de la
„ longueur du corps, il y a une efpece d'arrêté ,
„ ou plutôt de tranchant ; le mot de tranchant ne
„ dit rien de trop ; car chaque anneau eft couvert
„ par une pièce d'écaillé, qui eft une efpece de
„ ceinture ou d'anneau ouvert, dont lès deux bouts
„ viennent s'appliquer l'un contre l'autre en deflbus
„ du ventre , & former par leur rencontre une ar-
„ rête aiguë. Là, les deux bouts de l'anneau
„ écailkux ne font qu'appliqués l'un contre l'autre ;
„ il eft aifé de le reconnoître ; fi on tâche de les
(y) Mém, pour fervir à i'Hifl. des Inf. Totn. Wl, Mém, XI . pag.
48a ^ fiiiv, de la preraiçre E,ditiori /n-4i,
SUR LES INSECTES. 2C3
•
„ écarter avec une pointe fiae. S'ils ne pouvoient
„ pas s'écarter de la forte» le ventre de l'Infeéte
„ ne pourroit pas fe gonfler plu? dans certains
„ temps que dans d'autres, & il lui eft néceflaire
5, de le pouvoir. Vers le milieu du ventre , cette
j, arrête manque, elle femble abattue depuis cet
„ endroit jufqu'à l'anus; c'eft- à-dire , que les deux
„ bouts de chaque écaille de l'anneau , laiffent là
„ un petit intervalle entr'eux. Là auffi, ils for-
j, ment une efpece de coulifle où font logées des
3, parties qui méritent d'être connues; favoir, une
„ efpece de tarière en forme d'aiguillon , & deux
5, picces beaucoup plus groffes, qui lui fervent
5, d'étui. Il ne faut que prefler entre deux doigts
j, le ventre de la Mouche, & augmenter douce-
„ ment les degrés de preflion, pour obliger cea
„ parties de fe mettre à découvert , & de montrer
„ d'où leur jeu dépend. Le premier degré de
preflion force feulement les deux pièces qui com-
pofent l'étui, à s'écarter l'une de l'autre, & aflez
pour permettre de diftinguer l'aiguillon qui efl
entr'elles deux, & contre lequel elles ne font
plus alors aufli exaftement appliquées qu'elles
1 étoient auparavant. Le contour de l'anus paroît
alors; il efl: circulaire & bordé de poils. Si on
prefFe enfuite davantage, on oblige l'aiguillon à
fortir de fon étui, à s'élever; on reconnoît qu'il
efl: d'une fubftance analogue à la corne & d'un
_,, brun châtain, comme le font les aiguillons ou les
„ inflrumens équivalens de beaucoup de Mouches
5, plus grofles. On voit qu'il vient de l'endroit
„ où l'arrête du ventre commence à être abattue;
„ que là , efl une pièce écailleufe qui avance un
„ peu fur la coulifl^e , & que c'efl: deJTous cette
„ pièce que paflTe l'aiguillon. Mais on ne le voit
„ pas encore dans toute fa longueur; il paroîc
R4
J»
>»
)>
3>
204. OBSERVATIONS
„. bientôt plus long, fi on prefTe le ventre davan-
„ tage ; on i'obîige de foriir du ventre dans lequel
„ il eft logé en grande partie. La preffion augmen-
„ tée contrainc au(îi J'anus à devenir plus éloigné
„ qu'il ne Tefl: dans l'état naturel , de l'endroit où
„ l'arrête commence à manquer, & où eft l'origine
„ de la coulifle. Les bouts de chacune des pièces
„ qui compofent l'étui, fe trouvent cependant tou-
„ jours à même diflance de l'anus , d'où il femble*
„ roit que ces pièces s'alongent; mais ce qui efl
„ plus vrai, & ce qui eft plus remarquable, c'eft:
„ que la tige , pour ainfi dire , de chacune de ces
„ pièces étoit dans le corps, & que la preffion l'enr
„ a fait fortir. Qu'on poufle plus lom la preffion ,
„ & jufqu'au dernier point où elle peut être por-
tée, tout cela devient plus fenfible; l'aiguillon
", paroît plus du double, & près du triple plus
j' long qu'il ne l'étoit d'abord ; l'anus s'éloigne da-
* vantage de l'origine de la coulifle , mais ce n'efl:
'* pas en ligne droite qu'il s'en éloigne , il palTe du
", côté du dos , & la partie de chacune des pièces
*,) de la coulifle qui efl: fortie du ventre, fe re-
„ courbe en arc, &ç,"
Si l'on compare cette defcription de M. de
Reaumur avec les détails que mon Obfervation
préfente, on y trouvera bien des rapports. Ce
que cet habile Obfervateur opéroit en préfixant de
plus en plus le ventre de fe Mouche , s' opéroit na-
turellement dans celle que j'avois furprife occupée
à pondre. Il eût été à fouhaiter que Malpighi,
qui avoit aufil furpris une Mouche de cette Efpece
dans la même fonftion, comme on peut l'inférer
d'un paflTage de fon Hifloire des galles, fût entré
là-deflTus dans quelque détail. 11 en feroit mieux
prouvé encore , que le ventre de la Mouche fubic
s U R L E s I N s E C T E s. 263
pendant l'opération de la ponte les divers change-
mens de formes que j'ai décrits. Au refte, je me
ferois exprimé avec plus d'exaélitude & de ciarté,
fi j'avois eu en main les Mémotees de M. de Reau-
MUR tandis que je failbis mon Obfervation.
OBSERVATION XXXIX.
Sur le Fourmilion , 6? en particulier Jur fa
ftrudture,
■ i E Fourmilion , ce petit Ver hexapode que Ton
înduftrie a rendu fi fameux, efl un des Infeàes qui
piquèrent le plus ma curiofité dans ma première jeu-
nefle. Je n'étois encore que dans ma dix-feptieme
année, lorfque je commençai à l'obferver. J'en
svois dû la première connoilTance à l'ingénieux
Auteur du SpeStacîe de la Nature , & frappé de tout
ce qu'il en racontoit fi agréablement , j'avois defiré
avec ardeur de voir par moi-même des faits que
je foupçonnois avoir été trop embellis par l'His-
torien; car je ne pouvois me perfuader encore
qu'il exifiât dans la Nature un petit Infefte fi m"
duftrieux. Je ne tardai pas à me fatisfaire , «& dés
l'année 17.^7, j'avois vu par mes propres yeux les
particularités les plus intérefi'antes de l'Iulloire du
Fourmilion , & j'avois été forcé de reconnoîcre
qu'elles n'avoient pas été exagérées par l'Abbé
P LUC HE. Cet efiimable écrivain, qui n'étoir pas
Obfervateur de profeffion, avoit puifé les maté-
riaux de fon agréable Dialogue dans un Mémoire
du favant P o u p a r t , que l'Académie des fciences
de Paris avoit publié en 1704. Je crus donc que
266 0,B SERVATIONS
je devois | confuker fur • tout ce Mémoire comme
l'Hiftoire originale du Fourmilion, & comparer
mes obfervations à celles de cet habile Académicien.
Je ne favois rien encore des obfervations de M.
de R E A u M u R ; fon hiftoire du Fourmilion ne de-
voit fe trouver que dans le fixieme volume de fes
Mémoires fur les Infectes ^ qui ne parut qu'en 1742.
Ce que je vais tranfcrire de mon Journal efl: donc
antérieur à la publication de ce volume, dans lequel
l'illuftre Auteur a bien voulu inférer plufieurs de
mes obfervations fur le Fourmilion <& les confirmer
par celles qu'il avoit faites lui-même.
Je ne donnerai pas ici la defcription détaillée du
Fourmilion: on la trouve dans le Mémoire de M.
de Reaumur: je me bornerai aux particularités
de fa ftruélure , qui avoient fait l'objet des recher-
ches de M. Pou PAR T. Ce curieux Obfervateur
s'étoit contenté de dire , que le Fourmilion file avec
fon derrière à -peu -près comme fait rjlraignée. II
eft fingulier qu'il n'eût pas cherché à voir l'organe
au moyen duquel d'Infe6te file, & qui le met en
état de revêtir l'intérieur de fa petite Coque d'une
jolie tapifl^erie de foie du plus beau gris de perle.
C'eft en effet au derrière qu'efl la filière du Four-
milion. C'eft pareillement au derrière que font
placées les filières de l'Araignée ; auffi M. Poupart
fe plaifoit-il à trouver des analogies entre les deux
Infeftes. Le derrière du Fourmilion [ Fî. VL F. 7.]
eft terminé par une pointe mouife/: en obfervanc
à la loupe cette pointe, tandis que je tenois fin-
fefte renverfé fur fon dos , j'y découvris fix petits
poils qqt fort courts, de couleur brune, piqués
les uns à côté des autres, & à égale diftance, fur
un même arc de cercle. Au - deflus de ce premier
rang de poils courts > éc à une petite diftance^ j'en
s U R L E s I N s E C T E s. 267
découvris encore quatre autres rr , rangés à-peu-près
fur une ligne droite. Ils n'étoient pas tous place's
comme les premiers, à égale diftance Jes uns des
autres; ils étoient difpofés par paires, & il refloit
un vuide entre les deux paires un peu plus grand
que celui qui féparoit les poils de chaque paire. Les
poils de la première rangée ou ceux qui étoient
difpofés en arc de cercle, & qui étoient les plus
près du derrière, fembloient y form:fr une forte
de couronne, ou plutôt de demi - couronne. Tout
devint bien plus diflinft au microfcrope [P/. VU
Fig. 7 ] : les petits poils m'y parurent fous la forme
de mamelons coniques, qq rr, fort alongés, ou fous
celle de petites quilles, de couleur rouge. Je fus
féduit par cette apparence trompeufe & je ne pus
m'empêcher de les regarder comme autant de filiè-
res. Je les comparois tacitement aux mamelons
qu'on obferve au derrière des Araignées, & qui
font bien de véritables filières. Je me trompois
néanmoins; & je ne fus défabufé que par une lettre
de M. de Reaumur, à qui j'avois fait part de
mes obfervations fur la ftruflure du Fourmilion. Il
m'aflura que cet Infe6le n' avoit qu'une feule filière
placée au bout de fon derrière/, & que cette filière
étoit precifément ce petit corps longuet & charnu
que j'avois moi-même obfervé, & dont je n'ai pas
parlé encore.^ M. de Reaumuk ajoutoit qu'il
avoit fait fortir un fil de foie de cette même filière,
& que ce fil s'alongeoit autant qu'il le vouloit.
Ç'avoit été fur un Fourmilion prêt à conftruire fa
Coque, que M. de Reaumur avoit réuflî à faire
cette petite expérience. J'appris donc de mon
illuflre maître, que j'avois vu la véritable filière
de notre Infefte fans l'avoir reconnue pour ce qu'elle
étoit. En effet, après avoir beaucoup examiné ces
petits poils que je prenois pour des filières, je
a62 OBSERVATIONS
m'étois avifé de prefler un peu fortement le der-
riere de l'Infeéte, & j'en avois fait fortir un petit
corps charnu en forme de mamelon très-alongé,
qui reflembloit fort à cette nouvelle partie que
favois découverte dans les Chenilles, & que j'ai
décrite Obf. IX, X. Ce corps longuet & charnu
étoit comporé de deux pièces qui paroifToient faites
pour s'emboîter l'une dans l'autre comme les tuyaux
d'une lunette à longue vue. Le tuyau inférieur
ou la pièce qui fervoit de bafe à l'autre, avoit une
forme approchante de la cylindrique: elle s'élar-
sifToit pourtant un peu vers le bas. Elle étoit la
plus longue. L'autre pièce , la fupérieure étoit
exa6lement cylindrique, mais fon diamètre étoit
beaucoup plus petit. Les deux pièces prifes en-
femble n'avoient pas trois quarts de ligne de lon-
gueur: aufli pour les bien voir falloit-il recourir
à la loupe. Leur couleur étoit blanchâtre. Ce fut
en vain que je prelTai le derrière d'un Fourmilion
iufqu'à le faire éclater; je ne parvins point à forcer
la filière à s'alonger davantage; mais je vis fortir
de l'extrémité fupérieure une gouttelette d'une li-
queur alfez claire qui, appliquée fur ma langue,
n'y fit aucune iraprelTion fenfible.
D u derrière du Fourmilion je remontai à fa tête.
M. F oup A R T avoit dit que cette Infefte n'a qu'un
œil placé à la bafe de chaque corne. S'il eût obfervé
plus attentivement & avec une bonne loupe, il
auroit reconnu qu'il fe trompoit. Le Fourmilion
efl: mieux partagé à cet égard ; au Heu d'un œil à
la bafe de chaque corne, il en a réellement fix,
que je n'eus pas de peine à découvrir. Cinq de
ces yeux me parurent rangés à -peu -près fur la
circonférence d'un cercle: le fixieme en occupoit
le centre. Ils étoieat d'un noir luifint & pofés
SUR LES INSECTES. 269
fur une petite élévation fort fenfible, qui failloit
aux deux côtés de la tête, à la bafe de chaque
corne. Le Fourmilion efl: donc pourvu de douze
yeux, qui m'ont paru le fervir très -bien. 11 eft
encore fingulier que M. Poupart ne les eût pas
apperçus; car il nous apprend lui-même, qu'il
avoit obfervé les cornes avec un fort microfcope :
comment donc les douze yeux lui avoient-ils échap-
pés; tandis qu'une loupe médiocre fuffic pour les
faire appercevoir?
Ces cornes , que notre Obfervateur avoit expo-
fées au foyer d'un microfcope à liqueurs, lui avoient
paru comme deux feringues ou deux corps de pom-
pe. 11 nous apprend lui-même; qu'il y avoit ap-
-perçu un corps tranfparem ^ membraneux , qui aîloit
tout du long de la cavité de la corne , qui pouvoit bien
être le pijîon de la feringue. Sans avoir eu recours
à un microfcope auffi fort que celui de notre cé-
lèbre Académicien , & en ne me fervant que d'une
fimple loupe, j'avois fouvent obfervé une elpece
de canal IPI. VI. Fig. 4. 6. pppj qui occupoit le
milieu de chaque corne , & qui régnoit dans toute
la longueur de celle-ci. Mais il me paroiflbit
au contraire opaque , & de couleur rougeâtre.
C'étoit fans doute, ce que M. Poupart avoit
pris pour le pifton de la feringue. Après l'avoir
confidéré à la loupe, je le démêlois très- bien à
la vue fimple.
Ceci m'engagea à poufler plus loin mes recher-
ches fur la (lru6ture des cornes du Fourmilion: les
inftrumens qui ont été donnés aux Infeàles pour
leur confervation , méritent bien d'occuper un Ob-
fervateur qui fe plaît à admirer ces chef- d'œuvres
de la Nature.
370 OBSERVATIONS
Les cornes du Fourmilion parvenu à fon parfait
accroiflement , n'ont guère plus d'une ligne &
demie de longueur. Elles font d'une fubftance
qui approche de celle de h corne ou de Técaille.
M. PouPART Jes avoit comparées à celles du Cerf-
volant , & cette comparaifon efl affez jufle. Elles
font en eflPet, dentées fur leur bord intérieur comme
celles de ce grand Scarabé. Les principales dents
[Fig, 4. h. ddd.'] font au nombre de trois. Elles
lont aiguës, de forme triangulaire, & inclinées
vers la pointe de la corne. Celles de chaque corne
font placées à -peu -près à égale diftance les unes
des autres, & occupent le milieu de la longueur
de la corne. Leurs dimenfions ne font pas égales :
]a dent la plus voifine de la pointe de la corne
eft la plus longue: la dent la plus voifine de la
bafe efl la plus courte. Leur extrémité eft noire.
Si la dent la plus proche du bout de la corne eft
la plus longue, c'eft probablement pour qu'elle
puifle agir avec plus d'avantage fur la proie. Les
cornes du Fourmilion ne font pas rafes & iuifantes
comme celles du Cerf- volant : elles font affez gar-
nies de poils noirs, dont quelques-uns font affez
longs. Il en eft de fort courts qui font placés
entre les dents, & qui reffemblent eux-mêmes à
de petites dents ; car ils ont une certaine -groffeur.
On peut confidérer les cornes de notre Infefte
fous deux faces principales & oppofées. Je nom-
merai l'une la face fupérieure; l'autre, l'inférieure.
On découvre celle-ci en regardant 'l'Infeéte du
côté du ventre; on découvre celle-là, en le re-
gardant du côté du dos. Sous laquelle de ces deux
faces qu'on examine les cornes du Fourmilion , on
les trouve plus larges qu'épaiffes. Elles confervenc
à -peu -près la même largeur depuis leur origine
SUR LES INSECTES. 271
jufqu'à l'endroit où elles commencent à fe courber
en crochet. Là , elles diminuent confidérablement
de largeur pour fe terminer par une pointe aiguë
& très -fine. Obfervées par la face fupérieure,
elles paroiflent allez lifles & un peu rélevées dans
le milieu ; & fi dans cette pofition on les examine
au grand jour & par tranfparence , on appercevra
dans leur intérieur, cette efpece de conduit [P/.
VI, Fîg. 4. b. pppf\ qui s'étend d'un bout à l'autre
de la corne, & que M. PouPARTa regardé com-
me le piflon de la feringue. Mais quand on vient
à -^onfidérer la corne par la face oppofée ou par
l'inférieure, on reconnoît que ce qu'on prenoit
pour un conduit intérieur, n'en efl point un, &
qu'il efl une pièce diflîndle, qui a du relief, &
qui fe montre fur cette face de Ja corne fous l'afpeél
d'une forte de cannelure. Tandis que je confidérois
attentivement cette cannelure à ia loupe, il me
parut , que fi j'efTayois d'introduire la pointe d'une
épingle \_Fig. 5. .] entre la cannelure & le trou
de la corne, je parviendrois peut-être à l'en fé-
parer, & qoe par ce moyen afiez fimpie, j'acquer-
rois de nouvelles lumières fur la conflruftion de
l'inflrument. J'en fis auffi - tôt la tentative , qui me
réuffit au-delà de ce que j'avois ofé elpérer. Je
vis avec une agréable furprife, que d'une feule
corne j'en avois fait deux; car la pièce p, qui for-
moit la cannelure , paroilîbit une féconde corne,
plus déliée que celle fur laquelle elle étoit aupara-
vant appliquée. Cette petite pièce qui imitoit fi
bien une corne , demeura unie par fa bafe à celle
dont je l'avois féparée dans le relie de fa longueur:
mais je pouvois à volonté l'en écarter à droit &
à gauche ou la remettre en place. Cette pièce, qui
s'offroit à moi comme une féconde corne, n'avoit
guère que le tiers de la iargueur de ia corne prin-
27* OBSERVATIONS
cipale, qu'elle égaloic de longueur. Il eft près-
qu inutile que j'ajoute qu'elle en éioit encore diflin-
guée par la privation de ces petites dents que j'ai
déentes.
Je pourfmVis un examen qui devenoit de plus
en plus ini^refTant, & muni d'une loupe, je me
mis à obfefver l'endroit de la corne fur lequel la
pièce que j'avois détachée avoit été auparavant
appliquée dans toute fa longueur. J'y apperçus
très • diftinftement une rainure , [ PL VL Fig. 5. e.j
une forte de gouttière, qui diminuoit de largeur
à mefure qu'elle approchoit de la pointe du la
corne. Le long des bords extérieurs de la rainure,
la corne paroiffoit fe relever ou s'arrondir en forme
de moulure. Il ne me fallut pas un grand effort
de reflexion pour pénétrer l'ufage de la gouttière :
il étoit affez évident qu'elle faîfoit partie du canal
deftiné à conduire dans l'eflomac du Fourmilion
les fucs plus ou moins déliés dont il fe nourrit. Je
n'eus pas plutôt faifi cette idée, que je portai mon
attention fur la face inférieure de la petite pièce
ou de la cannelure que j'avois détachée ; & je vis
avec admiration qu'elle étoit de' même creufée en
gouttière dans toute fa longueur. Ainfi, de la
réunion des deux gouttières réfulte un canal coni-
que, qui s'étend d'un bout à l'autre de la corne.
Telle eft donc l'admirable flrufture des cornes
du Fourmilion. Elles font manifefteraent des efpe-
ces de chalumeaux, ou pour parler plus exactement ,
de véritables trompes à l'aide defquelles l'Infefte
fe nourrit. Elles font en même temps de véritables
pinces au moyen defquelles il faifit fa proie & la
perce. Leur extrémité [Fig. 6. e.] eft Ci déliée,
que je n'ai pu parvenir à découvrir au micro fcope
l'ouverture qui y a été pratiquée pour donner entrée
aux
SUR LES INSECTES. 373
aux liqueurs nourricières dans le corps de la trom-
pe: mais au défaut d'obfervadons diredles fur ce
fujet , je rapporterai un fait qui démontre rigou-
reufement Texiftence de cette ouverture. En pres-
fant un peu fortement la tête d'un Fourmilion près
de la baie des cornes, je vis à l'inilant Ibrtir de
leur extrémité une gouttelette d'une liqueur limpi-
de, qui acquit bientôt la grolTeur d'une tête d'é-
pingle. Je la goûtai, & ne lui trouvai aucune
faveur fenfible. Cette liqueur a fans doute le même
ufage que celle de la trompe des Mouches & des
Papillons: elle rend apparemment les alimens plus
coulans. Peut-être encore qu'elle les aflaifonne,
& qu'elle prévient aufli un trop grand deiléchemeju
de la corne.
Inutilement chercheroit - on une véritable
bouche chez le Fourmilion: il n'en a point; mnis
à l'endroit de la tête où l'on croiroit qu'une bouche
devroit être placée, on voit une petite écliancrure
qui a peu de profondeur, & qu'on prendroit d'a-
bord pour l'ouverture d'une bouche. Ce n'efl: donc
réellement que par l'extrémité fi déliée de Tes cor-
nes, que le Fourmilion fuce les alimens qui lui font
appropriés; l'ouverture prefque infiniment pecite
qui ell à cette extrémité , équivaut pour lui à une
bouche. Pendant que je preffois la tête de l'Infeéle
& que j'obfervois avec attention une des cornas
par fa face inférieure, j'apperçus difl:in6tement un
mouvement dans la pièce [PI, VI, Fig, 4. 6. ppp ]
en relief ou dans la cannelure: je la voyois aller
& venir le long de la corne, & ce jeu duroit quel-
ques inflans. Mais ayant fouhaité de revoir ce
mouvement fi remarquable, je ne pus y réuffir.
Je m'étois au moins aflîiré par cette obfervaticii ,
que la pièce dont il s'agit n'étoit pas fimplement
Tome IL S
2^4 OBSERVATIONS
imprimée eri relief fur la corne; mais qu'elle en
étoic réellement diflinfle, & qu'elle étoit bien une
pièce mobile, aflemblée avec la corne de manière
qu elle pouvoit glilTer en avant & en arrière fur
celle-ci.
J E ferai encore deux ou trois remarques fur les
cornes du p'oarmilion. Elles ne font pas dans un
même plan avec le corps, je veux dire que leur
extrémité s'élève fenfiblement au-deffus du plan
de pofition: peut-être pour donner plus de facilité
à rin^'^fte de faiiîr fa proie. En ferrant un peu
entre deux doigts la tête du Fourmilion , on oblige
les cornes à s'approcher ou à s'éloigner l'une de
l'autre à volonté. On peut même les forcer à fe
croifer par leur extrémité, & d'autant plus qu'on
augmente davantage la preflion. Mais , fans y être
forcé, le Fourmilion les croife quelquefois, ouïes
éloigne plus ou moins l'une de l'autre, félon fes
befoins, M. P o u p a r t l'avoit auffi obfervé. Mais
je préfume qu'il s'étoit trompé, lorfqu'il avoit avan-
cé, fans pourtant en donner aucune preuve, que
les cornes de notre Infefte repouffent après avoir
été coupées. J'avois tenté cette expérience, &
elle ne m' avoit point réulTi. Elle n'avoit pas mieux
réuffi à M. de R E A u M u R. Je voudrois néanmoins
qu'on la répétât encore, & qu'on la variât plus que
nous ne l'avons fait. Il efl des phénomènes rares
dont la produftion dépend du concours de certaines
circonflances que l'Obfervateur doit tâcher de faire
naître.
Après m'être occupé des cornes du Fourmilion,
j'examinai fa tête. M. Poupart s'étoit contenté
de dire, quelle étoit menue 6f plate; & ce n'étoit
point aflez pour en faire connoître la forme. La
tête du Fourmilion eft affez petite proportionnelle-
s U R L E s I N s E C T E s. 275
ment à fon corps. Elle eft plus large qu'épaifle.
Sa forme tient de la quadrangulaire. Elle eft néan-
moins un peu convexe tant en deiTus qu'en deflbas ;
elle l'eft même un peu plus dans fa face inférieure,
que dans la face oppofée. Sa forme n'efl pas celle
d'un quarré parfait: elle a plus de Jargeur entre
les deux cornes que dans l'endroit où elle fe joint
au col. J'ai parlé de la petite échancrure qu'on
y obferve. lout du long du milieu de la tête,
depuis l'échancrure jufqu'au col, on apperçoit à
la vue fimple, & mieux à la loupe, une forte de
petite rainure ou de future, aiTez femblable à celle
qui marque fur le devant de la tête des Chenilles ,
la réunion des deux calottes écailleufes: mais cette
force de rainure eft moins fenfible dans la tête du
Fourmilion que dans celle des Chenilles. Elle
exifte dans l'une & l'autre face.
A l'heure que j'écris ceci , j'ai fous les yeux une
de mes Lettres à M. de Reaumur, datée du 23
de Novembre 1740, où je lis ces mots, pavois
iontinué à examiner la lêie du Fourmilion; ^ je crois
y avoir apperçu deux ouvertures ; mais dont je ri ai pu
jujquici bien majjurer ; parce que j'ai été obligé de
Jujpendre ces Objervaîions, Je ne trouve rien de
plus dans mes Lettres fur ces deux ouvertures, &
je ne faurois à prefent me rappeler ce qu'elles
étoient, ni dans quel endroit de la tête je les avois
apperçues. Trente- fix ans qui fe font écoulés dès-
lors , ont effacé de ma mémoire \qs traces de cette
Obfervation.
Immédiatement à côté des yeux font placées
les antennes, qui ne paroiffent à la vue fimple que
comme deux petits poils ; mais qui obfervées à la
loupe, paroiffent compofées d'une fuite des ver-
tèbres mifes bout à bout. Elles font rafes , & leur
S 2
2j6 OBSERVATIONS
longueur ne femble pas être la moitié de celles
des cornes.
Les Hiftoriens du Fourmilion nous ont vanté
fa patience & fa fobriété. 11 peut en effet foutenir
de très - longs jeûnes. Caché au fond de fon en-
tonnoir , il attend en chaffeur rufé & patient que
quelqu'lnfefte rôdeur tombe dans le piège ; & il fe
palTe quelquefois des femaines & même des mois
fans qu'il lui arrive de faire aucune capture. On
a vu des Fourmilions vivre plus de fix mois dans
une boîte exaélement fermée, & où ils avoient été
privés de toute nourriture. Mais cette fobriété Ci
remarquable de notre chaffeur n'efl que l'effet de
la néceffité, ëc on la voit fe démentir dès qu'on
jette dans fa foffe des Infeéles fort fucculens. On
eft alors étonné de fa gloutonnerie. Je jetai un
jour dans la foife d'un Fourmilion parvenu à fon
parfait accroiffement, une des plus greffes Arai-
gnées domeiliques, après avoir pris la précaution
de la feçouer un peu fortement pour diminuer fa
trop grande agilité. Il la faifit à finflant , l'entraîna,
fous le fable, & la fuça au point. qu'il n'y refla que
la peau. Peu de jours après , je lui fervis une autre
Araignée d'une auffi belle taille que la première ; il
j'en faifit encore , & la fuça en entier. A la fuite
de deux repas fi copieux, il devint d'une groffeur
prefque monftrueufe. Son ventre étoit fi diflendu
qu'il fembloU prêt à éclater. Il pou voit à peine
fe remuer. Il s'enfonça peu de temps après dans
le fable, & y conflruific fa Coque. J'attendois
d'un Fourmilion fi bien nourri une Demoifelle pro-
portionnée à fon énorme corpulence ; & je ne fus
pas médiocrement furpris quand je vis paroître une
Demoifelle dont la taille n'avait rien du tout de
remarquable.
SUR LES INSECTES. 277
OBSERVATION XL.
Sur le procédé mdujîrieux au moyen duquel le
Fourmilion tranfporte hors de fa fo [Je les corps
trop pefans pour être lancés au loin avec fa tête^
JL>E Fourmilion établit fa demeure fous quelqu'a-
bri, dans une terre féche & fort pulvérifée. Il
ne marche qu'à reculons: il ne peut donc aller cher-
cher fa nourriture. Il eft Carnivore , & ne ie nour-
rit que d'infedles vivans. Il eft réduit à leur tendre
un piège. Celui qu'il fait leur dreffer, eft une folTe
en manière d'entonnoir, au fond de laquelle il fe
tient en embufcade. La Fourmi eft de tous leâ
infeftes rôdeurs celui à qui il arrive le plus fouven't
de tomber dans le piège. C'eft ce qui a fait donner
à notre chafTeur le nom aflez impropre de Fourmi*
îion. Celui de Fourmi - renard lui auroit mieux Con-
venu fans doute ; mais il avoit paru trop long.
L'entonnoir que creufe le Fourmilion, eft
toujours revêtu intérieurement des grains de terre
les plus fins & les plus difpofés à glilTer fous les
pieds de l'Infeéle qui a eu le malheur d'y tomber.
Il fait fouvent de vains efforts pour regagner le
haut de l'entonnoir, la roideur de la pente & lu
terre qui s'éboule continuellement fous fes pieds >
oppofent des obftacles multipliés à fes efforts j &
le malheureux Infede retombe bientôt au fond de
I3 foffe , où il eft faifi à l'inftant par les ferres de
fon ennemi. Si pourtant il ne retombe pas d'abord^
& s'il redouble Ces efforts pour fe tirer du piège ^
le Fourmilion lance au-deilus de lui avec fà tête
273 OBSERVATIONS
& fes cornes des jets de poufîiere qui fe fùccedent
avec une grande célérité, & qui font pour l'infor-
tunée viélime, une grêle qui triomphe enfin de fon
agilité ou de fa vigueur.
On comprend par ce qui vient d'être dit , com-
bien il importe à notre rufé chafTeur que fon enton-
noir ne foit formé que d'une terre très -fine & très-
difpofée à s'ébouler. De petites pierres ou des
molécules de terre un peu groflîeres donneroient
trop de facilité à la proie pour fe tirer du préci-
pice: elles lui ferviroient d'échelons. Si l'on par-
court de l'œil les endroits qui abondent en fofles de
Fourmilions, on remarquera bien, que l'intérieur
de toutes les fofTes n'offrira qu'une terre extrême-
ment pulvérifée , & telle à - peu- près que la poudre
des clepfydres. On remarquera en même temps
autour des folTes, & fouvent fur leur bord, de
menus graviers , de petites pierres , ou d'autres
corps plus ou moins grolTiers. Quelquefois ces dif-
férens corps fe trouveront en Ci grand nombre au-
tour des foffes, qu'on n'en fera que plus étonné
de n'en voir aucun dans leur intérieur, & pour peu
qu'on ait de curiofité , on defirera de favoir com-
ment le Fourmilion réijflit û bien àdébarraffer fon
piège de ces corps étrangers. On n'aura pas à le
fuivre long- temps, pour découvrir au moins fa ma-
nœuvre la plus ordinaire. 11 fuffira de le mettre
dans une terre féche & fine, mêlée avec de menus
graviers. Tandis qu'il fera occupé à creufer dans
cette terre fon efpece d'entonnoir, on le verra
charger fa tête des menus graviers , & les projeter
d'un mouvement brufque, mais bien calculé, affez
loin de l'enceinte de l'entonnoir. 11 réitérera cette
manœuvre chaque fois qu'il rencontrera de nouveaux
graviers, & les mouvemens fubits de fa tête & de
ion col feront toujours proportionnés à la force
SUR LES INSECTES. 279
tiju^exigera le poids du corps à projeter, ou à la
hauteur à laquelle il devra être projeté.
Mais, comme je l'ai die, on voit fouvent fur
le bord des entonnoirs que les Fourmilions creuftinc
en pleine campagne, de petites pierres ou d'autres
corps plus ou moins lourds , qu'on reconnoîc avoir
été déplacés par rinfefle, & qu'on juge bien qu'il
ne lui a pas été polîible de projeter avec fa tête
& fes cornes. Dès que j'eus commencé à obferver,
c'elt-à-dire à admirer le Fourmilion, je fus ex-
trêmement curieux de favoir le moyen auquel il
avoit recours pour fortir de fon entonnoir ces corps
lourds qu'il ne pouvoit lanccr au- dehors avec fa
tête. Je ne tardai pas à le découvrir: ce fut en
1737. M. de Reaumur en informa le public dans
fon intérejGTante Hu1:oire du Fourmilion (i)„ je ne
ferai guère que tranfcrire ici ce qu'il en a rapporté
d'après une de mes Lettres, & que j'avois cru
digne de fon attention.
Quand le Fourmilion, occupé à creufer foft
entonnoir, rencontre une mafle incommode qu'il
ne peut projeter, il prend le parti de la tranfpor-
ter. On fait que pendant le travail il eft toujours
caché fous le fable : i) ne laifTe apperçevoir alors
que fes cornes & fa tête; mais lorfqu^il eft dans
l'obligation de tranfporter hors de fa fofle un corps
pefant, par exemple, une petite pierre, il fort du
fable & ne craint plus de fe montrer entièrement
à découvert. Il avance enfuite un peu à reculons ;
il fait paffcr le bout de fon derrière fous la pierre ,
& va encore un peu en arrière: en n^ême temps
qu'il exécute ces mouvemens, les anneaux en exé-
cutent qui leur correfpondent , & qui tendent à
conduire la pierre vers le milieu de fon dos, &à
Cl) Mém. far Us h/, T. VI, Mc'ni. X , pag. 351 j 35a.
S4
2io OBSERVATIONS
l'v mettre en équilibre. Mais le plus difficile eft
ici de la conferver dans cet équilibre pendant le
iranfport, en gravifTant à reculons le long d'une
pente déjà efcarpée. De moment en moment , la
charge eft prête à tomber, foie à droit foit à gau-
che , ou même à rouler par - deflus le dos de l'In-
fcéle : ce n'eft qu'en abaiiïant ou élevant à propos
certaines portions de fes anneaux, qu'il parvient à
la retenir fur Ton dos. Cependant , malgré tous fes
efforts, & malgré tout fon favoir- faire en tours
d'équilibre, la pierre lui échappe quelquefois, &
roule jufqu'au fond de l'entonnoir. Le Fourmilion
ne fe rebute point ; il reprend fon travail, fe charge
de nouveau de la pierre , redouble d'adrefTe & de
force , & parvient enfin à atteindre avec fa charge
le haut du précipice. Il ne la laiffe pas précifément
fur le bord de l'ouverture ; elle pourroit trop fa-
cilement retomber au fond du précipice : il la pous-
fe un peu plus loin , fe retourne à l'inftant , revient
à reculons dans fa fofle, &. fe remet à excaver.
O N voit alTez que la figure de la pierre ne con-
tribue pas moins que fon volume & fon poids, à
en rendre le tranfport difficile. Une pierre ou une
petite maffe quelconque, dont la figure approche
de la fphérique , eft bien plus difficile à transporter
qu'une maffe de même volume & de même poids ,
dont la forme eft applatie. Je ne faurois dire com-
bien le Fourmilion intéreffe le Speftateur tandis
qu'il eft occupé de ce pénible travail. Il vous at-
tache de plus en plus : on ne peut le perdre de vue
un inftant, & l'on a pour ce petit Syfiphe des in-
quiétudesj qui augmentent de moment en moment,
& qu*on ne s'attendoit pas à éprouver. Sa patience
dans ce rude travail ne fe fait pas moins admirer
n font éloignées. Il tn'a paru que les Fourmis
âvoient un moyen analogue pour regagner leur
Fourmilière , dont elles 's'éloignent bien plus en-
core que les "Chenilles n'e é'éldignent de leur nid.
Un jour que j'obfervois un grand nombre de petites
Fourmis ^ui montoient à la file & une à une le
long d'un mur , je remarquai qu'elles fuivoient
conftamment la même ligne. Cette ligne étoit à-
peu-près droite. En même temps qu'un grand nom-
bre de Fourmis montoient le long du mur en fui-
vant cette ligne , j'en voyois d'autres qui defcen-
doîent en fuivant auffi conftamment la même route.
Ces procefîlons de Fourmis me rappelèrent celles
des Chenilles républicaines , & il me vint fur le
champ en penfée que ces Fourmis que j'avois fous
les yeux , laiflbient , comme les Chenilles , une^
trace qui les dirigeoit dans leurs courfes. Je n'ig-
norois pas néanmoins que les Fourmis ne filent
point j mais je favois qu'elles ont une odeur aflez
pénétrante , qui pouvoit adhérer plus ou moins aux
corps qu'elles touchent, & agir enfuite fur leur
odorat. Je comparois ces traces- invifibles aux
•palfèes des bêtes fauves, qui agiflent fur l'odorat
du Chien. Il m'étoit bien facile de vérifier mon
foupçon : je n'avois qu'à m'y prendre comme je
m'y étois pris pour arrêter ou dérouter dans leur
marche les Chenilles qui vivent en fociéce. Je pas-
fai
SUR LES INSECTES. 305
fai donc le doigt rudement fur la ligne que fuivoienc
les Fourmis: je rompis ainfi le chemin fur une lar-
geur égale à celle de mon doigt ; & jo. vis préci-
Sment le même fpeélacle que celui que les Che-
nilles m'avoient offert: les Fourmis furent dérou-
tées, leur marche fut interrompue, & leur em-
barras m'amufa quelaue temps. Je répétai plufieurt
fois l'expérience avec le même fuccès ou un fuccèl
équivalent.
Je placerai ici une Obfervatîon d*un tutre genre i'
qui prouvera à quel point les Fourmis font atta*
chées 2 leurs Nourriftbns. Une Fourmi, que j'a-
vois partagée tranfverfalement par le milien du
corps, & à qui il n'étoit reflé que la tête &. le cor-
«elet , tranfporta fous mes yeux avec la plus grande
aélivité, huit ou dix Vers ou Nymphes de fon
Efpece. * --'
4— ■saagBgB— ^"^■^— ^— "S"
OBSERVATION XLIV.
Sur les Fers mineurs de la Jufquiamt^^
fBs Infeftes mineurs de feuilles (i) font pour là
plupart des animaux bien petits; car ils peuvent
le loger commodément dans Tépaifleur d'une fim-
pie feuille d'herbe ou d'arbre , fouvent très- mince.
Ils fe gliffent entre les deux membranes qui en for-
ment le deflus & le deflbus , & en décachent adroî*
tement la fubftance parenchymateufe qu'elles ren-
ferment , & dont ils fe nourrifTent. Les uns mi-
nent tout autour d'eux dans des aires plus ou moins
grandes, & ce font des yimQ\xTS en grand.: les àii-
tres creufent dans TépaifFeur de la feuille des efpe-
Ci) l^ém. fur Us Ir.f. Tome III , Wém. I.
Totne Ih V
305 O 13 S E R V A T I ON S
ces de boyaux plus ou moins longs de plus ou
moins tortueux ; & ce font des Mineurs en galerie,
Ainfi, en même temps que nos Infeéles mineurs
travaillent à fe loger , iis travaillent à fe nourrir.
La plupart des Mineurs ije fortent jamais delà
ijiine qu'ils fe foat creuiee: ils y paflent toute ieur
vie ; & beauconp. d'Efpeces y fubiflent leur trans-
formation. Ils ne faveiit pas même y rentrer Iprs-
qu*on les a forcés h en fortir: ils périflent fur la
iurface de la feuille & s'y deflechent. ;
Il n*en eft pas dç même des Mineurs de là Jus-
quîame; ils 'fortent au befoin de leur mine, .&^*eji
creufent une autre à volonté. Si on les retire d^
celle q'a'iis fe font nouvellement creufée, ils ne
tarderont pa? à fouiller dans l'épaifFeur djs la feuille^
& à fe creufcr une nouvelle retraite. -x--
*- ÏLen eftdes Infeéies mineurs de feuilles comme
des Infedles qui s'éîevejit dans l'intérieur des fruits ;
les uns & les autres vivent pour l'ordinaire élans-
la plus parfaite foHtude. On ne trouve ordinaire-
ment qu*un feul Mineur dans chaque mine. Les
Mineurs de la Jufquiame nous offrent eacore une
exception à cette forte de règle. Ils minent en
grand & très en grand ; & il n'eft point rare d'en
trouver fept à huit dans la même mine. Ils font
bien plus gros que la plupart des Mineurs de feuil-
les, & reffemblent beaucoup aux Vers de la viande.
Leur bout pollérieur efl; gros & arrondi : leur bout
antérieur efl effilé & garni de deux crochets en
manîere de pioches. C'eft avec ces crochets qu'ils
creufent dans le parenchyme de la fenille. Ils y
trouvent une fubflance très - abondante & très-fuc-
culente qui cède facilement h leurs efforts, & leur
permet de miner en très -grandes aires. On fait
SURLESINSECTES. 307
qae les feuilles de Jufquiame font grandes, épaiffes ,
moliês & charnues.
Après avoir retiré un Minsur de la Jufquïame
de l'intérieur de fa mine, je le pofai fur le deflus
d'une feuille verte de la même plante. Je voulois
voir par moi-même comment il parviendroit à fe
creufer une nouvelle mine. Je m'armai d'une loupe
pour ne rien perdre de toutes fes manœuvres. Bien-
tôt il commença à entamer la furface de la feuille.
Sa tête fe donnoit des mouvemens très r prorapts 5
die s*approchoit & s'éloignoit alternativement da
deflbus du ventre, fans abandonner la furface de
la feuille, contre laquelle les crochets agiffoierit
continuellement. On juge facilement de l'effet que
les petites pioches produifoient fur la peau tendre
de la feuille. Elles en ratiiToient la furface comme
nous la ratiflerions avec l'ongle. A mefure que
les crochets ratiflbient ainft la feuille, elle prenoit
à cet endroit une teinte de verd plus foncé ; c'cÛ.
que les crochets en enlevoient l'épiderme , & mdN
toient le parenchyme à découvert. Ce parenchyme
eft d'un beau verd, ôc l'épiderme efl Blanchâtre oii
grifâtre. Non • feulement l'endroit que les crochets
attaquoient devenoit verd , mais il paroiflbit encore
un peu humide, apparemment parce que les vais*
féaux qui étoîent déchirés par les crochets, laiffoieût
épancher le fuc qu'ils contenoient.
Mon Mineur n'eut pas befuin d'agir long- temps-
fur la furface de la feuille pour parvenir à y faire
une ouverture capable de recevoir fa partie anté*
rieure. A peine cette ouverture eut - elle été prâ»
tiquée, que je le vis introduire fa tête entre let
deux membranes de la feuille. La membrane lâ-
périeure étoit aflez tranfparente pour me permettra
d'obferver ce qui fe paflbit dans l'intérieur ^è h
V a
3o8 OBSERVATIONS
mine. Jufqu'aîors les crochets avoient agi perpen-
diculairement à la furface de la feuille; mais dès.
que le Mineur eut introduit fa tête entre les deux
msmbranes , il donna une autre direélion à Tin-
llrument ; il le dirigea parallèlement aux deux
membranes ; & tandis qu'il s'en fervoit à détacher
le parenchyme, il fe donnoit bien de garde de tou-
cher aux membranes: elles dévoient demeurer bienf
entières pour mettre le Mineur à l'abri du contaft
de l'air & lui fournir un logeaient convenable. Il
piochoit avec une extrême vitefFe: je ne 'perdis
pas un feul de fes mouvernens; car la membrane
qui le couvroit prenoit une tranfparence égale k
celle du talc. En fort peu de temps il parvint^
fe loger. Il minoit tantôt en avant, tantôt fur les
côtés ; & peu-à-peu il fe trouva en polleffion d'une
mine où il étoit logé très à Taife. j -^ -^'
En parlant des Mineurs de la Jurquiame, qui
habitent dans la même mine, quelquefois au nom-
bre de fept à huit , d'autrefois au nombre de trois
à quatre; M. de Reaumur remarque, qu*ils m
paroijfoîent ni fe chercher les uns les autres , ni crain-
dre de Je rencontrer (i): on pouvoit pourtant douter
avec quelque fondement, fi , malgré ces apparences,
ils ne fe faifoienc point la guerre quand ils venoienc
à fe rencontrer dans l'intérieur de la mine. Les
Mineurs font de petits Infeftes appelés à vivre en
folitude,, & qui ne travaillent point en commun à
fe loger. Ils reiïemblent à cet égard aux Infeftes
qui vivent dans l'intérieur des fruits, comme je
l'ai déjà fait remarquer ; & nous avons eu de bon-
nes preuves ( Obf, XIX ) que ces derniers fe livrent
de cruelles guerres, quand on veut les forcer de
vivre enfemble daàs le même logement. Il me
(O Tome III, page 13.
SUR LES INSECTES.
30^
parut donc curieux de favoir s'il en feroit de même
des Mineurs de la Jufquiame. Pour m'en aflurer,
je tentai une expérience qui ne pouvoit manquer
d'être très-décifive. J'introduifis un fécond Mineur
dans la mine que venoit de fe creufer fous mes
yeux celui dont je parlois il n'y a qu'un moment.
Ce fécond Mineur eut bientôt pénétré jufqu'à l'en-
droit où le premier étoit parvenu; mais celui-ci
ne parut point du tout fe mettre en peine de l'ar-
livée du nouvel hôte: il continua fon travail comme
auparavant , & ne fit aucune tentative pour chafler
le Mineur étranger. Ce dernier n'étoit pas furc
à fon aife: la mine où je l'avois introduit n'avoit
cté pratiquée que pour un feul Ver, & il en rem-
pliflbit prefque toute la capacité. Le Mineur
étranger tâcha de fe gliifer entre les parois de la
mine & le corps de l'autre Mineur. Mais comme
le Mineur étranger étoit fort gêné , fes crochets
ne pouvoient ag;ir commodément contre les parois
de la mine; auflî ne paroifFoient-ils pas s'élargir ,
& ce n'étoit qu'autant que Je premier Mineur
gagnoit du terrain dans l'épaifleur de la feuille, que
le fécond avançoit dans la mine. Bientôt néan-
moins il y fut entièrement à couvert ; & dès qu'il
fe fut porté un peu en avant, j'introduifis dans la
mine un troifieme Mineur , puis un quatrième. Oa
voit bien qu'ils y dévoient être tous fort mal à l'aife ;
& pourtant il ne leur arriva jamais de s'attaquer
les uns les autres. A mefure que le premier avan-
çoit , les autres le fuivoient & élargilloicnt de plus
en plus la mine, (i)
O) Je voulois placer i la fuite de cette Olifcrvation fur les Vers mi-
neurs de la Jufquiame, les Obrervations que j'avois faites en i74i.fur
l'œuf fingulier de la Mouche- /]raiqnée \ mais je dois renvoyer iur ce
fujet à l'article 324 de mes Confidémtions fur les carps ornant fis , ou
ces Obfcrvations font rapportées en détail. M. de Reaumuh en avoit
donné un précis ilans le dernier Mémoire du Tome VI de fon Hiftoirc
des Infedes.
V3
3IO OBSERVATIONS
OBSERVATION XLV.
Sur une petite Araignée qui falfoit fuir mt
Araignh dQmeJlique de la plus grande taille.
J E jetai an jour une Mouche au milieu de la
toile d'une des plus grofles Araignés. C'étoit de
de celles qu'on nomme doinefiiques. Elle ne tarda
pas à forcir de fa niche pour accourir fur la proie.
Je crus qui c'en étoic fait de la pauvre Mouche ;
lorfque je vis fortir de deflbus l'extrémité oppofée
de la toile, une autre Araignée, grofle tout au
plus comme un petit pois , qui s'avançoit à grands
pas vers celle qui alloit emporter la Mouche,
J'écois étonné du courage & de la témérité du
champion. J'avois fouvent cru remarquer que les
Araignées qui livrent caTibat à d'autres Araignées
dans leurs propres toiles, avoient de grands avan-
tages; parce que connoiiTant tous les détours de
leur labyrinthe, elles fe mettent facilement en fu-
reté par la fuite , quand le combat ne leur eft pas
avantageux , & qu'elles favent revenir enfuite par
des chemins détournés fondre fur l'ennemi, au
moment qu'il s'y attend le moins. Mais je n'avois
jamais obfervé , & je n'avois jamais lu dans aucun
livre d'Hiftoire Naturelle, qu'une petite Araignée
vînt difputer une Mouche à une autre Araignée,
beaucoup plus forte qu'elle, & jufques dans fa
propre toile. J'étois donc extrêmement curieux
de favoir comment fe termineroit un combat fi
inégal; je redoublai d'attention;
(3) Mémoires de FAcadémii Rayais des Sciences , année 17x0,'
3i6 OBSERVATIONS
mamelons. Elle y eft fi bien collée qu'elle ne s'ea
détache point , quelques mouvemens que fe donne
TAraignée, & lors même qu'elle court au milieu des
herbes les plus touffues.
.. L'e X t r ê m e attachement de notre Araignée pour
fës œufs eft ce qu'elle offre de plus intéreflant. Elle
a cet air fauvage & prefque féroce qu'on remarque
dans la plupart des Araignées. Elle court & faute
avec agilité , & l'on a de la peine à la faifir. Mais
fi on lui enlevé le précieux dépôt qu'elle porte par-
tout avec elle , on fera furpris du changement qui
s'opérera chez elle. Cette Araignée, auparavant
fi fauvage , parpîtra s'apprivoifer fur le champ : on
la verra reiter immobile à la même place, puis
fe mettre à marcher d'un pas lent, & à chercher
de tous côtés la bourfe qui lui a été enlevée. Elle
rappellera à l'efprit l'idée d'une Poule qui a perdu
fes Pouffins. Elle ne fuira pas même quand on
viendra à la toucher. Mais fi l'Obfervateur ému
de compaffion , lui ren'd le précieux fac , ou qu'il le
mette à fa portée , elle s'en faifira à l'inftant avec
fes pinces & s'enfuira aufli-tôt. Quelquefois néan-
moins elle paroîtra moins preiTée de fuir, fur -tout
fi elle n'eft point inquiétée ; & au lieu de fe borner
à faifir & à emporter le fac avec fes pinces, elle
fe donnera le temps de l'attacher folidement 3 fon
derrière; & l'opération faite, on la verra repren-
dre fon premier naturel.
Dans la vue de mettre à une épreuve nouvelle
l'attachement fîngulier de cette Araignée pour fes
œufs , il me vint un jour en penfée d'en jeter une-
des plus fauvages dans la foife d'un grand Fourmis
lion. Elle le tira bientôt du précipice & remonta
avec agilité au haut de la folTe. Je l'y précipitai
de nouveau : le Fourmilion plus lefte cette fois que
SUR LES INSECTES. $17
la première , faifît avec fes cornes le fac aux œufs,
& l'entraînoit fous le fable pour en faire curée. De
fon côté l'Araignée s'efForçoit de tirer à elle le fac
& de fenlever au ravifleur invifible qui s'en empa-
roit. L'efpece de glu qui coUoic le fac au derrière
de l'Araignée, ne put tenir contre des fecouflej
aufTi violentes: le fac fe fépara du derrière: mais
l'Araignée le reprit auflî-tôt avec fes pinces, &
redoubla fes efforts pour l'arracher au Fourmilion.
Ce fut en vain: le Fourmilion continua à entraîner
Je fac fous le fable : .l'infortunée mère pouvoit au
moins dérober fa vie à l'ennemi: elle n'avoic qu'à
lâcher le fac & à regagner le haut de la fofle. Mais
chofe étonnante ! elle préféra de fe laifler enterrer
toute vive.
Comme le fabîe me cachoit ce qui iè paflbic-
je voulus en retirer l'Araignée, pour m'aiîurer fi
elle tenoit encore le fac aux œufs: mais je m'y
pris , fans doute avec trop peu de ménagement : le
lac demeura au Fourmilion. La tendre mère pri-
vée de fes œufs, ne voulut point quitter la fofle
où elle venoit de les perdre. J'avois beau la pi-
quer à plufieurs reprifes avec le bout d'un brin de
bois pour l'obliger à fortir de la fofle , elle s'opî*
niâtroit toujours à y demeurer. Il fembloit que la
vie lui fût dévenue ù charge, & qu'il n'y eût plus
pour elle de plaifir à efpérer. Que de mères nous
pourrions renvoyer à l'école de cette Araignée!
Une autre Araignée de la même Efpece m'étant
tombée entre les mains, je la renfermai dans une
petite boîte vitrée, pour robferver plus à mon
aife. Elle étoit de la plus grande taille, & le fac
aux œufs étoit un des plus gros que j'eufle encora
vus. Je prenois fouvent plaifir à enlever le fac
à l'Araignée. Je me fervois pour cet effet d'un
3r8 o B S e:r V a T I o n s
petit bâton. Elle fe difpofojt d'abord à le foullraîre
par la fuite ; mais lorfque Je la ferrois de trop près
pour qu'elle pût s'échapper, elle mettoit tout en
ceuvre pour m'empécher de lui enlever fon fac. Elle
fe couchoit deiTus, le couvroit de fon corps, l'em-
braflbic avec feS' jambes, le. faififlbit adroitement
avec fes pincer, ^ tâchoit d'écarter le petit bâton
en le repouflpjît avec Ces pieds. Enfin, quand
j'étois le plus fort, &que je venois à bout de tirer
îefae de deffous lôs pattes de l'Araignée, & que
jff fèMtaîndis vers moi» je voyois la pauvre Arai-
ga^e ;f&ire les pltfs grands eflForts pour retirer le fac
de' fon côtéj elîe le renverfoit fur fes dernières
jambes , & fe inôttoit dans toutes les poftures qui
pouvoient lui être les plus avantageufes. Si je con-
tinupis à ufer de force; fi je me faififfois du fac,
rAfàignée deraeuroit immobife & coftfternée ; mais
revenant bientôt à elle, je la voyois rôder dans la
boîte pour y chercher ce fac qui lui étoit ficher:
]ê loi rendots-je? elle fe penchoit auffi-tét deffus,
fe {aifilToit avec fes pinces ou le colloit à fon der-
rière, & fe; mettoit à courir.
ei Je m'arrêtois fouvent à confîdérer mon Araignée
à travers les parois tranfparentes de fa prifon. Je
Ibblervois quelquefois promener fon derrière fur
la furface de la petite boule de foie. C'étoit tou-
jours après que je la lui avois enlevée, & que je
la lui avois rendue. Comme j'avois fans doute en-
dommagé ui> peu le tifTu , elle travailloit à le répa-
rer & à le fortifier par de nouveaux fils. Je voyois
la foie fortir des filières, & recouvrir de fils cer-
taines portions de la fuperficie du fac.
Mon Araignée ne fe donnoît que peu de mou-
vemens dans fa prifon. A l'ordinaire, elle demeu*
roit tranquille à la même place; & quoique j'ia-
SUR LES INSECTES.
S'P
troduiûûe dans fon domicile une Mouche vivante ,
loin de lai donner la chafle, elle fe raettoit à fuir
toutes les fois que^ la Mouche venoit à la coucher.
Toute fon occupation fembloit confifter à garder
précieofement fes œufs, à les couver en quelque
forte. !
Au bout de quelque temps*, je vis avec furprife
que l'Araignée avoit abandonné ce même fac qu'.elie
avoit défendu (l fbuvent avec tant de courage &
d'adreiTe; & qu'elle s'en teaoit éloignée. Je fus
plus furpris encore, lorfque l'ayant placé auprès
d'elle jufqu'à le lui faire toucher, je la vis s'en éloi-
gner de nouveau. Je m'apperçus en même temps,
qu'elle n'étoit plus aufli agile; elle paroilToit ma-
lade ou languiflànte. Je ne favois à quoi attribuer
i'abandcn du précieux fac, & je réHéchiflbis là*
deffus, quand je commençai à découvrir dans 'là
boîte de très- petites Araignées, dont le nombre
augmentoit par degrés. Elles étoient récemment
éclofes des œu£s dqnt l'Araignée avoit pris tara de
foin. Toutes .alloient :fe rendre auprès de leur
mère, & toutes grimpoient fijr fon corps ; les unes
fe plaçoient fur la poitrine, les autres fur le ven-
tre, d'autres fur la tête, d'autres fur les jambes,
de façon que l'Araignée en étoit toute couverte:
elle fembloit plier fous le poids. Ce n'étoit pour-
tant pas qu'elle en fût furchargée: mais, comme je
l'ai dit, elle paroifîbit depuis quelques jours aflez
languiflànte; fes jambes, au lieu d'être étendues fur
les côtés du corps, comme elles le font dans les
Araignées qui fe portent bien, étoient ramenées
vers la poitrine , comme elles le font dans les Arai-
gnées qui fouffrent ou qui font près de périr. Mon
Araignée finilToit donc fes jours après avoir donné
naiflaace à une nombreufe poUérité.
380
O B s E R VAX ION S
Les petites Araignées demeurèrent encore at-
troupées fur le cadavre de leur mère, & ne l'aban-
donnèrent qu'au bout de quelques jours. En con-
fidérant ces petites Araignées pendant qu'elles étoienc
attroupées fur leur mère „ il me vint à l'efprit un
foupçon que je n'ofe prefqu'indiquer dans la crainte
de gâter ce que j'ai raconté à la louange des mœurs
de -cette Efpece d'Araignée: je foupçonnai que les
Araignées nouvellement éclofes, ne fe reûdoient
fur le corps de leur mère: & ne s'y arrangeoient li
bien , que pour en fucer la fubftance.. On voudra
bien . me pardonner cet odieux foupçon, que je
n'indique que pour inviter les Obfervateurs à exa-
miner, la xhofe, de plus près.
A- LEUR naiflance, mes petites Araignées étoient
d'une couleur qui tiroit fur le blanchâtre; mais elles
fe rembrunirent dans la faite. Les yeux étoient
la partie qui fe faifoit le plus remarquer. Elles
tendirent- des fils de côté & d'autre,, de la boîte :
mais comme je n'ignorois pas que les Araignées fe
dévorent -les unes les autres, aflez peu de temps
après leur naiffance, je ne tentai pas d!élever ceUei
qui étoient éclofes fous mes yeux. A JiTi c », k; î)>
ém
EXPLICATION
tàmtém^
EXPLICATION
DES FIGURES.
PLANCHE l
Jl-^A Figure de cetre Planche efl repréîente'e au
natorel.
P, efl un de ces vafes de t'erre connu des Natu-
ralifles fous Je noni général de poudrier.
C, efl une grande coque de foie & de poils, que
s'éioit coniiruit une grolle Chenille velue. Ceaè
coque efl afTez tranfparente.
A, efl la Cfaryfalide dans laqueîte cette Chenille
s'étoit transformée.
a, eft la partie antérieure de cette Chryfalidei
placée au bout fupérieur de la coque.
0 , efl une ouverture qui paroifToit avoir été
irénagée à ce bout par la Chenille. La partie an-
térieure de la Chryfalide répond à cette ouverture^
p , efl la partie poflérieure de la Chryfalide qui
appuie fur la paroi inférieure de la coquev
i , efl la Figure pointillée de cette même Chiy-
fàlide XMuchée de fon long fur la par'oî inférieUirtè
de la coque, vers le bout inferitun
font repréfentéeS
un peu grolïes à la loupe.
L A Figure 3 , eft celle de la tête & du premief
anneau d'une Chenille dans laquelle fe voit cette
nouvelle partie que j'ai découverte dans plufieurs
Efpcces de ces Infeéles.
M, cette nouvelle partie qui a la forme d'uiî
mamelon un peu alongé, & qui cft placée entre la
lèvre inférieure, & la première paire des jambes
écailleufes.
/, là levre inférieure.
/, la filière, qui reflemble à un petit aiguilioii*
iïy la première paire des jambes écailleufes.
L A Figure 4 repréfente la Chenille renverféé fur
le dos, pour mettre en vue la petite fente de là*
quelle fort le mamelon charnu de la Figure 3.
/, cette fente.
La Figure 5 repréfente une autre Chenille, oii
plutôt fa tête ou fori premier anneau, renverfé fut
le dos, pour montrer les deux mamelons charnùi
que j'ai découverts dans cette Chenille.
vnn, ces manielons, moins aîongés que éelui
de la Figure 3.
La Figure 6 efl Celle du devant de la tête dé là
grande Chenille à queue fourchue du Saule, deftî-
née à faire voir la fente placée fous le premier
X 2
324 EXPLICATION
annc^aa, & dont on peut fdre fortir la nouvelle
partie.
/, cette fente bien plus alongée que celle de la
Figure 4.
La Figure 7 repréfenre les quatre mamelons qu'on
a forcés de fortir de la fente /, de la Figure 6.
m m m m , ces quatre mamelons plus longs & un
peu plus effilés que ceux des autres Figures, lis
font difpofés par paires.
L A Figure g rcprëfente au naturel une coque
de foie, dont la forme imite celle d'un bateau ren-
verfé. En r, efl: une fente oblongue, qui indique
l'ouverture ménagée pour la foriie du Papillon. 0,
efl; une petite pointe placée dans la partie la plus
élevée de la coque, p , efl la partie poflérieure de
la coque.
PLANCHE IK
Toutes les Figures de cette Planche , à l'ex-
ception de la féconde , ont été deflinécs au naturel.
L A Figure i repréfente un anneau d'une grande
Chenille rafe dont il a été parlé dans les Obferva-
tions XV, XXXI, & qui moniroic ces efpeces
de favLX ftigtnates que j'ai décrits.
A , l'anneau. »
S, le vrai ftigmate, qui efl fort apparent.
j, le faux ftîgmate qui ne paroît ici que comme
un point, pas trop facile à démêler. Le Deflina-
teur l'a repréfente tel qu'il le voyoit, & tel qu'on
le voit en eflPec; mais, pour le bienfaifir, il faut
une vue appropriée aux plus petits objets. Le faux
D E s F I G U R E s. 3^5
ftigmate fe trouve placé ici dans une raie blanchâtre
ou jaunâtre en forme de boutonnière. La Cheniik
a pludeurs de ces raies fur les côtés.
i, une des jambes membraneufes.
Z, indique le côté du derrière: A, le côté
opporé,
La Figure 2 repréfente, grolîî au microfcope,
\q faux Jtigmaîe de la Figure i.
T, ce faux fligmate. Oa appcrçoit au centre
une très -petite ouverture, d'où fort un petit poil
recourbé.
. La Figure 3 efl celle de la petite Chenille qui
vit dans l'intérieur de la tête du Chardon à bonnetier.
Elle avoit été très-mal exécutée par le Deffinaceur
de M. de Rêaumur.
La Figure 4 eft celle d'une tête de Chardon à
bonnetier ouverte fuivant fa longueur, pour en m^.e•
tre l'intérieur à découvert,
//, le fourreau que la Chenille s'ed confirmt,
& qui occupe la plus grande partie de la cavité. O.i
voit aux environs des grains d'excrémens. Le
fourreau en efl lui-même aflez fouvent entièrement
recouvert.
f, trou rond percé par la Chenille dans l'épais-
leur de l'écorce pour ménager une ilTue au Papillon.
Il faut fe repréfenter la tête du Chardon non ou-
verte, & alors on concevra que le petit trou rond
répondoit au fourreau; enforte que celui-ci corn»
muniquoit immédiatement avec la petite porte avant
qu'on eût ouvert la tête du Chardon.
X3
32Ô EXPLICATION
L A Figure 5 repréfente une tête dé Chardoti
dont on a enlevé tous les piquans pour mettre en-
tièrement à jdécoiivert les petits corps> cannelés pla-
cés au-devant de. la porte, & qui fervent à en in-
terdire l'entrée- aux Infeétes rôdeurs.
^CC, tés corps cannelés. Les petites loianges
qu'on apperçoit fur cette tête, & qui y Forment
wn travail agréable , indiquent les places des piquans
retranchés. ^ -
La Figure 6 efbcelle de la Chryfalide de la. Che-
nille du Chardon. ■:
Je n'ai pu encore me procurer le Papillon pour
le faire deiiiner. 'Je L'ai vu pliis d'une fois : il eft
fort joli^ n '■ ^ ■ ■■' '■■'
-' ■■'■ ' ^^i^2r-c^^^^,i,jA^
(i) La Figtiré ï ïe^Hrente au naturel Un pou-
drier au haut duquel une Chenille à brqffes a con«
flruit une manière de double coque de foie, dans
laquelle elle a faic entrer (qs poils^....i;^ ., ^-i.
g(? , la coque extérieure, dont la forme diffère
peu de celle d'une véritable coque.
///, &c. aflez gros fils en maniere.de petits
cables qui vont aboutir à la coque extérieure, &
qui paroiflent deftihés à la fixer aa c6rJ)S voifin.
Ils font tirés en ligne droite. La plupart vont s'at^
tacher aux parois du poudrier; mais il en eïl un
qui s'attache aux feuilles qui font au fond du vafè.
a. y endroit où le petit cable paroît divifé & for*
mer uu>e forte d'eppattement. P'autres fils^ qui
DES FIGURES.
327
ne font pas reprélehtés îcîVniontroient de pareils
empattemeiis.
ibby taches foyeufes & brillantes qu*on voyoit
fur les parois du verre, à l'endroit où les petits
cables alloient s'attacher, & qui écoient produites
.par des fils extrêmement fins repliés en zig-zag.
/, la coque intérieure, bien moins grande que
l'extérieure , & d'une forme plus régulière. Le
tiffu en eft moins tranfparent que celui de la coque
extérieure.
C, la Chryfalide, qu'on voit très-bien au travers
du tiflu.
d, la dépouille de Chenille.
La Figure 2 repréfente au naturel une grande
Chenille rafe, couchée fur le dos, pour mettre en
vue un trait brun, très -marqué, qui règne le long
du ventre, & qu'on peut conjefturer avec quelque
fondement n'être pas un fimple trait ; mais bien un
grand vaifFeau , qui efl: probablement le principal
tronc des veines.
:'vvv, ce vaifFeau qui n'efl: vifible que depuis le
derrière jufques vers la dernière paire des jambes
écailleufeg. On voit qu'il eft partout d'un diamètre
à -peu -près égal.
ii, la dernière paire des jambes écailleufes.
FLANCHE VL
Toutes les Figures de cette Planche, à Tex-
ception de la 10 , font repréfentées beaucoup plus
grandes que dans le naturel.
X4
3;^ E ^ P L, I C.A..T.I 0 N-
La Fignre. i eJl: pelle d'une Mouche au genre-
^p xrtlfes nm dépofent leurs œufs dans différentes
parfjès df's Fiantes, & dont les piqûres y occ^
fjopent diifér^n'es.prQtubériinces ou tumeurs., con-
çues la pîùfpàrf fous Je nom de Galles.
La Figure a eflt celle du ventre de cette Moiî-
che, te) q.u'i] s'offroit aux yeux de rObfervareuf-,
lorfque l'infefte eut enfoncé fa tarière ou fon ai-
guillon fort' avant entre les fepilles d,e la Plante.
ç, àéû^hQ, le. cqté 4u yent:re d.e la, Mouche qui
regarde le corcelet:
fl , ^rpece de queue , qui dans la fîtuation OTdi-
naire de la Mouche eft recourbée en bas, amoj l'. i^ sied rî A
qq^ eft la couronne de poils analogue à celle
du Fourmilion commun repréfentée dans la Figure
75 inais dans'la couronne du Fourmilion de la nôu-
véfle eîpece, les jwils font placés plus près les uns
dés autres , & ne répréfèntent pas mal par leur réu-
nion lin fiàet de Chauderonniér ; c'èfl que les poils
fèmblent réunis dans une petite plaque cortimunei ^
■.■■•-... ■■.'■; ua
La Figure 9. eft .encore celle du derrière du
iQême Fourmilion vu fous une autre face, qq, les
plaques de poils. ;i
: Les trois 'dernîçjres Figures ont été prifes dans
le(ïi)ipe VI des Mémoires de M. de il eau m uk.
"i^k Éigute îo repréfente beaucoup pîlus petit que '
le [naturel l'appareil dont j'avois fait ufage pour ob-
DES FIGURES. 331
îërver dans mon cabinet de petites 'fturmîs"qaî
s'étoient établies dans la tête d'un Chardon à bori'
nctier. » r ^
V , verre à boire pTem de terre dans laquellle
efl plantée la tige du Chardon X- ^^ ^ ^
P , grand poudrier de verre dans lequel le pied
du verre à boire efl engagé jufqu'en 0. J^*intervalle
de 0 en fl efl plein dé terre. «, èfï'^'jiartie de pou-
drier qui étoit demeurée vuide.
•«■^'.*
C, cuvette pleine d*eaù dans laquelle le pied
du poudrier efl plongé, pour que les Fourmis^i^
puilîent s'échapper. .^ :\H'3ii j
î t , ' tiges de Tithymale quj''foSi l^a ijorpihùàfcà-
Éion de la terrafTe fupérieujfè ' àveb rinférieure à.^
b , petite' boîte où j*avdis renfermé du fuçre , &
qui ell recouverte d'i^^e plaquée. .de veriTe. ,
«3 * r
"" >.nV ■♦'>.?. .1)7 .7
5*3
'■ ! f^ '"
TABLE
DES OBSERVATIONS
Contenues dans ce Volume,
f
"ÇrKFACE. Page I
Observ. I. Sur me Chryfaîide qui mont oit âf des'
cendoit dans f(i Coque» ., : i
Ob SEUV. I. 5z/r des œufs 4^ Papillon qui choquoient
:/ une règle indiquée par Malpighi. 6
Observ. IIL Sur les Chenilles républicaines nommées
Livrées; ^ en particulier [ur. le procédé au moyen
duquel elles favent retrouver leur nid^ lorf quelles
s'en font le plus éloignées, 8
Observ. IV. Sur les Chenilles nommées Communes,
qui vivent en focièté pendant une partie de leur
vie, 21
Observ, V. Sur des Chenilles qui vivent en focîété
une partie de leur vie, ^ qu'on pourvoit nommer
à dentelles. 2i
Observ. VI. Sur les Chenilles qui vivent enfociété
fur les Pins. 3 S
Observ. VIL Sur des Chenilles qui vivent en fociè-
té ^ & qui fe conjlruifent des nids quon pourvoit
nommer en pendeloques, dans Itfquels elles poffent
PHiver. 4»
TABLÉ. ^33
Observ. VIII. Suite de rhijîeire des Chenilles qui
habitent dans des nids en pendeloques. 56
Observ. IX. Découverte d'une nouvelle partie cotn-
mune à plufieurs Efpeces de Chenilles. 62
Observ. X. Continuation du même Sujet, 66
Observ. XI. Sur les .poils en forme d'épines des
Chenilles noires qui vivent en fociété fur f Ortie, ^
fur la manière dont ces poils font logés fous la veille
peau. 73
Observ. XII. Sur le temps ou la dorure de certaines
Chryfalides commence à difparoître, 7g
Observ. XIII. Sur les pirouettemens qu exécute la
Chryfalide de la Chenille mire ^ épineufe de r Ortie
pour faire tomber fa dépouille, 80
Observ. XîV. Sur une Chenille qui, comme la belle
du Fenouil, porte une sorne branchue fur fa partie
antérieure, g(J
Observ. X V. Efpeces de fauxjîigmates découverts
dans quelques Cheniiles. 89
Observ. XVI. Particularités anatomiques de la
plau de la Chenille qui donne le Papillon à tête de
mort. 96
Observ. XVI t. Sur différentes Efpeces de Chenil'
les qui dévorent leur dépouille après V avoir reje"
tée» loo
Observ. XVIII. Sur une petite Chenille qui vit
dans rinterieur des grains de Raifin. 116
Observ. XIX. li'rjloire de la petite Chenille qui
vit danr f intérieur de la tête du Chardon à bon-
netier. 120
Observ. XK. Sur une petite ChcniMe qui roule en
cornet Us feuilles du Frêne , ^ qui fe conjlruit an
334
TABLE.
: centre 4u carnet, une Coque, qu'on pourrait nommer
en grain d'Avoine. 150
pBSERV, XXI. Sur une Chenille qui, comme la
grande ChemÙe à tubercules, fe conjlruit .une Co-
2^ que en manière 4e NaJJe.de Poijfon,^^^ „ ,. i5f
Observ. XXI|. Sur une Chenille gui fe conjlruit
une Coque dont la forme imite celle d'un Bateau
renverfé. 1 57
Observ. XXIII. Particularités fur Pindujîrîe delà
grande Chenille à tubercules du Poirier. 168
Qbserv. XXIV. Sur une Chenille qui Je conjlruit
'''[une jolie Coque avec de la foie, [es plus petits poils ^
" É^ une ' matière graijfeufe, 1 74
Observ. XXV. Sur les Coques de foie ^ de poils ^
que fe cenjlruijent quelques Efpeces de Chenilles à
broffes.' 179
Coque double qu'une de ces Efpeces paroît fe con»
Jlruire.
Observ. XXVI. Divers faits relatifs à l'art avec
lequel la belle Chenille du Bouillon - blanc conjlruit
fa Coque. i()6
Observ. XX VII. Sur les Coques que diverfes
-^Chenilles fe conjiruîfent avec de la terre & une
'fmte de colle. 208
Observ. XXVIII. Sur deux Efpeces de Chenilles
'-qui fe conjirui [oient une Coque avec diffénns mor-
ceaux de papier. 210
Observ. XXIX. Irrégularités dans la conJîruSèion
des Coques des Chenilles. 217
Observ. XXX. Sur une Chenille qui avoît une forte
odeur de Punaije, (^ fur un Papillon qui femoîî le
mufc, 219
TABLE? ^25
O B s E R V. XXXI. _ Nouvelles recherches, fur ces Efpe^
ces de Faux-ftigmates,! dont il a été parlé dans
fObfervation XV, 220
Observ. XXXII. Sur un grar^d vaîffiau couché h
long du ventre, qu'on a cru appercevoir da^ns quelques
Chenilles. .- - *
Observ. XXXIII. Sur la grande Fai^e • Ch^enilU
de fOfter, 8* en particulier fur la conftrumonde
fa Coque, Coque remarquable que Je file un Fet
mangeur de la. Faujfe' Chenille, 228
^l^^^\-^^:FY' ^l^'r ^"^ fl'"'^'''^ ^^ ^^ grande
fçiujfe- Chenille de lOJîer» 243
Observ. XXXV. Sur une fauffi • Chenille du Poi-
rier, ^^- 247
Observ. XXXVI. Sur de très-petites Abouches
Ichneumones qui avaient pris leur accroiJe?nent
dans des œufs de Papillon, 240
Observ. XXXVII. Sur une petite Mouche îchnew
mone qui perçoit une galle du Chûne pour y dépofer
[es œufs. -" •" ^2^j
Observ. XXXVIII. Sur une Mouche des galles qui
perçoit une feuille pour y dépofer fes œufs, 357
Observ. XXXIX. Sur le Fourmilion, ^ en par-
ticulier fur Ja Jîru^ure, " 2{5ç
Observ. XL. Sur le procédé indujîrieux au moyen
duquel le Fourmilion tranfporîe hors de fa foffe les
corps trop pejans pour être lancés au loin avec fa
'^''' ^ 277
Observ. XLI, Sur une nouvelle Efpece de Fourmi-
lion découverte par l\t/uîeur. 282
Observ. XLII. Sur de petites Fourmis qui s' étoient
établies dans la tête d'un Chardon à bonnetier. 290
336 TABLÉ.
Observ. XLIII. Sur un procédé des Fourmis. 304.
Obseut. XLIV. Sur lès Fers mineurs de la Jus-
quiame» 305
Observ. XLV. Sur une petite Araignée qui fat/oit
fuir une Araignée domeftique de la plus grande
taille, 310
Observ. XL VI. Continuation du même fu jet, 312
Observ. XL VII. Sur V Araignée qui renferme fes
œufs dans une biiurfc de foie ^ qu'elle porte par 'tout
avec elle, 315
Explication des Figures, 321
FIN de la Table.
INSERT FOLDOUT HERE
I