QH4-S WVU - Médical Center Library Locked Cage QH 45 B64o cl v.7 WVMJ Oeuvres d'histoire naturelle et de / Bonnet, Char 3 0802 000023928 4 m ii? MAY 3.1 1955 1LD BOOKS QHit5 B6ifo V.7 1781 ^ ■ ' ï Digitized by the Internet Archive in 2009 witii funding from Lyrasis IVIembers and Sloan Foundation Iittp://www.archive.org/details/oeuvresdhistoire07bonn COLLECTION COMPLETE DES ŒUVRES DE CHARLES BONNET. TOME VII. # ŒUVRES V HISTOIRE NATURELLE ET DE jF jarxx os o :jp:3b:xjei DE CH. BONNET, De lAcaâ, Imp, Léopold, ^ de celle de St. Pétersh^ des Acad. Roy. des Set. de Londres , de Montpel, de Lyon , de Gottingiie , de Stockolm , de Cop- fenhagJis , Honoraire de celle des Beaux-Arts de la même Ville y des Acad, de rinftittit de Bologne, de Harlem , de Munich , de Sienne , de Cajjel j Aes Curieux de la Nature de Berlin s Correfpon" dant de PAcad. Roy, des Sci, de Paris» TOME VIL CONTEMPLATfON DE LA NaTURE. A NEUCHATEL, De rimprimerie de Samuel Fauchk, Libraire du Roi. ^ ^' — ^-^^-^ M, D. ce. LXXXL I t/. 7 CONTEMPLATION D E LA NATURE. Tome VIL ( lii y AVERTISSEMENT. SLi a Contemplation de la Nature étoit dd tous les Écrits celui qui demandoit le plus à être corrigé & perfedionné. Lorfque je la publiai pour la première fois en 17 6*4, je ne diffimulai point dans la Préface les im- perfedions de divers genres que j'y decou- vrois ; & ce que je difois à ce fujet , je le fen- tois fortement. J'étois donc alors bien éloigné de prévoir Taccudl dont le Public honore-* roit ce petit Ouvrage, Se je prévoyois bien moins encore les Éditions aflez nonioreufes & les Tradudions en diveries iani^ues , qu'oïl en publieroit dans un aOTez court efpace de temps. Je n'avois pas non plus foupçonné que des Hommes célèbres feroient à mon Livre l'honneur de le commenter, & qu'en joignant à leurs excellentes Traductions des Notes inftructives , ils me donneroient lei preuve la moins équivoque du cas qu'ils vou-* loient bien faire de mon travail ( i \ ( I ) En 1765 Mr. Titius , Profefiour de Phyfiqiîe à Wit-* tcmberg , publia une Traduélion allemande de la ConfcwpLiiiof^ a 7, IV AVERTISSE M EJ^ T. Appelle moi-même au commencement de 1779 , à m'occuper de nouveau de cette Produdion , je n'ai pas cru que les fufFrages qu'eiie avoit obtenus , fuffent un titre fuffi- fant pour me dilpenfer d'y faire les amélio- rations qu'elle me paroffoit exiger : je n'en ai été , au contraire , que plus excité à la rendre plus digne de Papprobation des Con- lîoifieurs. Je fouhaitois fur - tout de l'enrichir d'une multitude de découvertes intéreffantes qui avoient été faites depuis fa première pu- blication. Je voulois encore y développer un peu plus des faits & des principes que la trop grande brièveté de mon Texte ne mettoit pas affez à la portée de la plupart des Lec- de la i^^ature ^ à laquelle il joignit quelques Notes. Cette Tra- tluAion fut réimprime'c l'année fuivante^Le favant Trathic- teur y avoit ajouté quelques figures qui u'avoicnt pas été bien exécutées par le Graveur. En 1769 Mr. l'Abbé Spallan- ZANi, Profeffeur d'Hiiloire naturelle dans TUniverfité de Pavie , voulut bien auiïi publier m\Q Traduction italienne du même Ouvrage , qu'il orna d'une favante Préface & de Notes intéreffantes^ & cinq ans après, en 1774, il en parut une Traduélion hollandoiie , en trois Volumes , exécutée par Mr. CooPMANS jProfeiT^ur de Cliymie dansTUnlverfité de Franc- ker, que fon digne Ccliegne, Mr. van Swinden , Profef- feur de Philofophie dans la même Uuiverfité , enrichit, d'ua très -grand nombre de Notes très -propres à faciliter l'intelli- gence du Livre. J'omettois uue Tx^àw&^ion angloife , publié? par un Anonyme çu 1766, AVERTISSEMENT. V teurs. Je defirois enfin de fuppléer h quantité d-oniifîions plus ou moins effentielles que je remarquois dans plufieurs Parties. Mais la manière de remplir ces différentes vues me jettoit dans le plus grand embarras : je ne pouvois refondre mon Ouvrage en en- tier : une pareille tâche auroit été au-defiUs de mes forces. Je ne pouvois non plus y faire ^à & là des additions ou des interpolations un peu confidérables ; car je n'aurois pu les amalgamer fi bien avec le Texte , que l'har- monie de l'enfemble n'en eût fouflfert. Il ne me reftoit donc à choifîr qu'entre des Sup- plémens ou des Notes. J'ai préféré des Notes , parce que plus rapprochées du Texte , elles fe lient mieux avec lui, & qu'elles n'exigent ni avant- propos ni préambules. Mais, en donnant la préférence à cette voie de per- fedionnement , je n'imaginois pas que mes Notes accroîtroient & fe multiplieroient au point de former un Volume plus gros que l'ouvrage même. C'eft pourtant ce quim'ell:. arrivé, & c'eft en grande partie ce qui a occafioné ces retards de la féconde livrai- fon de mes Oeuvres , dont les Soufcrivans & les Libraires Étrangers fe font plaints biea a 3 Vï AVERTISSEMENT. des fois à mes Éditeurs. J'efpere qu'ils me les pardonneront quand ils verront tout ce que J'ai tâché de faii e pour rendre mon travail plus utile & plu^ agréable à eux-mêmes & au Public. Le g'^nre de ce travail , la délica^ U([q de ma lanté , Se d'autres obftacles que je né détaillerai pas, ne me permettoient pas d'aller bien vite dans une carrière plus pénible pour moi qu'on ne le penfe ^ Se que j'ai mis plus de deux ans à parcourir. Je n'ai fait dans le Texte aucun change-» ment effentiel; car ce ne font pas des chan- gemens eifentiels que deux à trois lignes ajoutées en deux ou trois endroits , & quel- ques expreffions fubftituées ça & là à d'au- tres expreffions moins propres ou moins correftes. Je dois avertir néanmoins , que j'ai ajouté a l'Ouvrage douze nouveaux Cha- pitres dont les fujets ne peuvent manquer d'intérefTer la curioiké d'un Ami de la Na- ture, J'en aurois ajouté volontiers un plus grand nombre en transformant en Chapitres certaines Notes 5 (î j'avois trouvé des facilités à le faire. J'ai eu foin d'indiquer ces nou- veaux Chapitres, foit dans la Table des Ad- ditions , foit^par le figue ff qui les précède. AVERTISSE M El^ T. vu J'ai fait en forte que le ftyle des Notes ne contraftât pas trop avec celui du Texte : on juge bien qu'il ne devoit pas être par- tout auflî concis, & qu'il fuffifoit qu'il ne fût jamais ni lâche ni aride. Quelques-unes de mes Notes ont une ampleur que jecraindrois qu'on ne me repro- chât , fi je n'avois lieu d'efpérer que la nou- veauté ou l'intérêt des fujets me la feront aiféniint pardonner. Je n'ai pourtant pas dit dans ces Notes tout ce que j'aurois pu dire ; mais j'ai dit au moins ce que j'ai jugé le plus propre à fixer l'attention d'un Ledleur curieux & intelligent. J'ai confulté fur chaque fujet les meilleu- res fources , & n'ai rien négligé pour rendre avec autant d'exaflitude que de clarté tout ce que j'y puifois. Je n'ai rien eu à defirer à cet égard , lorfque j'ai traité de l'induftrie 8c des mœurs des Quadrupèdes & des Oifeaux: l'immortel Ouvrage de Mr. le Comte de BuFFON m'a procuré en ce genre les plus grands fecours. Se j'en ai profité avec re- connoiffance, Je ne pouvois ni le copier tou- jours ni peindre comme lui, mais je pouvcis a 4 VIII AVBRTISSEMEl^T, l'abréger : je me fuis donc réduit à de légères efquiffes de les admirables tableaux, que j'ai appropriées de mon mieux au but & au genre de mon Ecrit. Je me fuis aidé encore des îavantes Notes de MM. Spallanzani & van SWINDEN. Je finis ce court Avertiflement en con- feillant au Ledeur de lire d'abord chaque Chapitre en entier. Il paffera enfuite aux Notes 5 en fe bornant à jetter un coup-d'œil fur les endroits correfpondans du Texte. Il en faifîra mieux ainfi l'ordre & l'enchaîne- ment des matières. Le 2 y Septembre 1781. ( IX ) AMES ILLUSTRES AMIS M. le Baron DE HALLER (/^ Gou^ pioens, Coiifeiller au CoJifeil Souverain de la République de Berne , Fréfident perpétuel de la Société Royale de Gottingue, de t Académie Royale des Sciences , des Académies d'Aile- tnagne , d'Angleterre , de Friiffe , de Suéde , de Bavière , de l'inflitut de Bologne , çffc. /^.DUHAMEL DU MONCEAU, de l'Académie Royale des Sciences , de la Sg^ mté Royale de Londres , de V Académie Im- périale de Pétersbourg , des Académies , de Palerme & de Befanqon , honoraire de la So- ciété d' Edimbourg & de r Académie de Marine ;, Infpe&eur-général de la Marine, (x) iW. T R E M B L E Y , ConfeiUer au grand Coîifeil de la République de Genève , de la Société Royale d'Angleterre , Correfpondant de l'Académie Royale des Sciences. M. ALLAMAND, Profeffeur de Phi^ hfophie da77s l'Univerfité de Leyde ^ des Aca^ démies d'Angleterre & de Hollande, Comme une foible marque des fentimens l de la gravide ejiiîne , & du tendre & invio^ lable attachement que leur a voué , Juin 17^4. L'AUTEUR. ( XI ) S«^ 2« amaSSâljrtBt fT=T.i%i''%Trrd înaS^V-r aajjiAS^i^Jb^agwgjStLgiÇ^-ga fe^»y«ntil g Î?^J6 .53*^ % .T2" ^"^ :?3« ^^ ^?3^ '^'^^ ^^' ^^'^'^ PRÉFACE i)£ Z^ PREMIERE EDITION. Voici cette Contemplation de la Nature', dont je parlois dans la Préface de mes Co;/- fidérations fur les Corps organifés ( i ) , & qui étoit l'Ouvrage de ma jeuneiïe. Je Pa- vois comme oubliée au fond de ma Biblio- thèque , lorfque je fus appelle à en déta- cher les huit Chapitres , qui font à la tête de mes Conjidérations. Je ne répéterai point ici comment ils avoient été compofés; mais il faut bien que je dife , qu'ayant relu à cette occafion ma Contemplation de la Nature, & ne l'ayant pas trouvée tout-à-fait indigne de l'attention du Public, je fus d'abord tenté (i) Conjidérations fur les Corps organifés ^ ou Von traite de leur origine , de leur développement , de leur reproducîion, &c. ^ où. Von a rajjemblé en abrégé tout ce que CHiftoire naturelle offre déplus certain 8f '^c plus intérefjantfur ce f /jet. A Amfterdam , chez Marc- Michel }ley , 2 Vol. grand in-Oclavo. Seconde édition, 1768» XII PREFACE. de la laiffer paroître. Je careffai quelque tems cette idée ; je me diiois, qu'on publioit tous les jours des Ouvrages qui n'étoient ni auffi intéreffans ni auffi utiles , & qui pourtant étoient très - accueillis. Paflfant enfuite à un examen plus févere , je trouvai tant d'im^ perfections dans mon travail, tant de vuides à remplir , tant de chofes à reclifier & à dé- velopper , que je changeai tout-à-coup d'idée. Se que je pris la réfolution de fupprimer mon Livre. Je m'affermis de plus en plus dans cette réfolution, en comparant ce Livre à mes derniers Ouvrages: il me parut leur être trop inférieur , & mon amour-propre choqué de cette différence , condamna au feu l'Ou- vrage infortuné. Je voulois me mettre pour toujours à l'abri de la tentation de le pu- bHer , Se je m'applaudiffois de cette forte de courage. J'allois exécuter la fentence , lorf- qu'un Ami (2) éclairé & )jâdicieux entra dans mon Cabinet ; j'eus la foibleffe de lui com- (2) M. Renneile , Pafteur à Genève , dont la mo- detlie, je dirai mieux, rhumilité vraiment Chrétienne m'interdit jufqu'à l'apparence de réloge. Mon cœur fe tait donc à regret fur les vertus de cet excellent Ami ; mais le Public iaura au moins que la tendre & ancienne amitié qui nous unit , fait une des douceurs de ma vie» jP R E E A C Ë. XIII muniquer mon defTcin , peut-être par un reite d'amour paternel. Il en appella à un examen moins rigoureux, & me repréfenta, qu'après avoir écrit pour les Savans , je pouvois bien écrire pour ceux qui ne l'étoient pas , & à qui je fouhaitois d'infpirer le defir de le devenir. 11 avoit lu plufieurs fois mon Manufcrit avec plaifir/^il exigea ma parole que je ne le brùlerois point. Il obtint plus encore ; car que pouvois-je refuier à une amitié telle que la Tienne \ il m'engagea à revoir cette Produdion, & à la perfection- ner. Je venois d'achever mes Conjïdérations fur les Corps organifés:, j'entrepris donc ce nouveau travail. A mefure que j'avançois dans ma revifîon , je me reprochois plus forte- ment d'avoir cédé. Chaque page , chaque pa- ragraphe m'ofFroit des changemens ou des additions à faire , & le Manufcrit me tom- boit des mains. Je ne me fentois pas la force de tout refondre ; ma faute ne me l'auroit pas permis ; mes autres Ouvrages Pavoient altérée, <& l'état de mes yeux étoit encore un obftacle contre lequel je ne devois pas lutter. Il fallut donc me réfoudre à fouffrir dans mon travail mille défauts que je fentois vivement ^ & auxquels je ne pouvois re- XIV PREFACE, médier à mon gré. Après avoir revu ainfi un tiers du Manufcrit,je fournis cet échaii« tillon au jugement de deux Hommes illuftres, que je crus plus féveres que mon Ami. Leur avis fut néanmoins le même que le fien , & ils me prefTerent fort d'achever ma tâche. C'en étoit une , en effet , & plus encore que je ne Pavois penfé : bientôt je fus entraîné à compofer à neuf de grands morceaux. Il s'agiflbit fur-tout de remplacer ces huit Chapitres que j'avois détachés 8c publiés. C'eft ce que j'ai exécuté dans la Partie VIL Je n'ai pas fait de moindres Additions dans les Parties VJII, IX , XI & XII; mais j'ai évité avec foin d'entrer dans des détails qui auroient trop contrafté avec le titre & le but de l'Ouvrage. Je l'adreffe uniquement à ceux qui , fans avoir fait une étude parti-* cuUere de la Nature , ne font pas infenfibles aux beautés de tout genre qu'elle renferme. Je m'ertimerois très-récompenfé de mon travail, fi je leur faifois naître le defir de voir de plus près ces Produdions admi- rables , que je n'ai qu'elquiiîees. Je ferois beaucoup plus fatisfait encore , il j'élevois leur efprit & leur cœur à cette Sagesse ado- rable dont nous ne faurions trop nous oc-^ cuper. T R É F A C E. 3^V Telle eft l'hiftoire de cet Ouvrage , & telles ont été mes vues en le compofant Puis-je me flatter que le Public éclairé vou- dra bien mefurer fon jugement fur ces vues , & me pardonner des imperfeélions que la folbleffe de ma fanté rend plus exculables ? Quand je voulois fupprinier ce Livre, ce n'étoit point , comme on Ta vu , par mo- deftie ; c'étoit par un pur effet de mon amour - propre : je facrifie aujourd'hui cet amour - propre a Tefpérance d'être de quel- qu'utilité à un plus grand nombre de Lec- teurs. Je n'ai & ne puis avoir ici aucune autre prétention. Je ne publie que la foible ébauche d'un Ouvrage dont j'avois conçu affez jeune le plan, (S: que des Ouvrages moins légers ne m'ont pas permis de rem- pHr dans toute fon étendue. J'ai fur-tout regret à la maigreur des quatre premières Parties: elles demandoient à être plus nour- ries; mais , fi j'avois entrepris de les étoffer davantage , j'aurois fait un troifieme Vol- ume , & je ne fais même s'il auroit fufîî. En crayonnant l'Echelle des Etres , je n'ai nullement prétendu fixer les gradations de la Nature ; je l'ai dit affez : ce n'etf qu'une map^iere d'envifager les Etres &; de les par- XVI PREFACE. courir. Il y a fans doute des gradations dans la Nature : les Anciens l'avoient remarqué ; nous en découvrons à l'œil quelques-unes , qui nous paroiffent fort caradérifées. Mais l'efpece , l'ordre ou renchaînement de ces gradations ne nous font connus que très- imparfaitement. On verra peut-être avec plai- fir dans la Partie VIll , ce que j'ai expofé fur ce fujet & fur quelques autres qui lui font relatifs & qui ne font pas moins inté- reffans. Les trois Chapitres qui terminent cette Partie, peuvent être regardés , fi l'on veut , comme un Effai de Logique à l'ufage du Contemplateur de la Nature. J'ai repris dans les Parties Vil & IX mes principes fur la génération & fur la repro- dudion des Corps organifés. J'ai fait enforte de les préfenter très en abrégé , Se fous un point de vue un peu différent de celui fous lequel je les avois préfentés dans mes Con^ jîdérations. Je devois éviter de me copier , j'ai donc retravaillé cette belle Matière dans un autre goût, & je me fuis fort refferré (3). (0 tt Ici » l'Auteur a retranché dans cette nouvelle Edition , VAnalyfe labré^ée , & le Tableau des Con- jldérations qwi fe trouvoient dans la Préface des pre- J'auraï PREFACE. XVII J'aurai peut-être trop exercé l'attention du Ledeur dans cette Contemplation de la Nature , que je me hafarde aujourd'hui à publier. Elle n'eft guère néanmoins qu'une fuite de Tableaux, où j'ai préfenté très en raccourci quelques Parties de ce grand Tout, dont la plus petite abibrberoit le Naturalifte qui voudroit en faire l'unique objet de fes recherches. Je n'ai donc confidéré que de loin & d'une vue rapide , cette foule d'objets intérefians que nous offre notre demeure. Il en eft quelques-uns auxquels je me fuis arrêté par préférence ; mais , en les crayon- nant j j'ai dû encore me fouvenir que je n'étois que fimple Contemplateur. On ne me jugera donc pas ici en qualité de Na- turaHrte,& l'on ne s'attendra pas à trouver dans cet Ouvrage les mêmes détails , le même enchaînement , la même anah/fe que j'ai tâché de mettre dans mes derniers Ou- vrages. J'ai plus cherché dans celui - ci à exciter la curiofité , qu'à la fatisfaire. Oa le regardera , fi l'on veut , comme une ef- pece d'abrégé de mes autres Ecrits , ou inieres Editions , & qui fe retrouveront à la tête de la nouvelle Edition de la Palinqcm'fie Pliilofophiqiœ , qui compofera les Tomes XV & XVIde fes Oeuvres. Tome VIL b XViu P R E F A C S^ comme une forte d'Introdudion à leur lec- ture. Si je n'ai pas cité au bas des pages les divers Auteurs que j'ai extraits à ma manière (4) , on ne me foupçonnera pas d'avoir voulu me parer de leurs dépouilles : je les ai cités* avec la plus grande exaélitude dans mes Confidéraiions fur les Corps orga^ nifés , & ce font les mêmes dont j'ai fait un fréquent ufage dans cette Contemplation. Je déclare donc ici fans détour , que ce qu'il y a de plus intéreffant dans ce Livre, eft du à ces Auteurs célèbres. Je n'en ex- cepte pas l'éloquent Auteur de l'Hiftoire Naturelle (5), que j'ai critiqué à regret. Se dont j'admire fincérement les rares talens & le génie fublime. Je n'ai pas elTayé d'imi- ter fon pinceau; je n'y aurois pas réuffi; mais j'ai puifé dans fon bel Ouvrage divers traits qui entr oient naturellement dans mon plan. Je n'ai pas cité non plus mes pro- (4.) Je veux dire , en rendant leurs Obfervations ou leurs idées dans mon propre ftyle , & non en les tranf^ crivant çà & là mot à mot & fans guillemets , comme font trop fouvent les Compilateurs en tout genre , pour fe difpenfer d'un travail plus pénible , & pourtant eOeo- tiel à l'unité ou à l'hamionie du difcours. (s) Mr. deBuFFOM. DE U OUVRAGE. xxvii faits que j'ai décrits , // en efi que je n'avois point encore publiés. Il ejl facile d'exciter l'ad- miration , quand on raconte les procédés ingé* nieux des Animaux ; ^imagination s'échauffe ai-. féme?7tfur ces agréables nouveautés : ce qui n' ejl pas aujfi facile , c'eji de faire enforte que l'ad^ miration foit toujours éclairée , ^ qu'elle ne faijijfe jainais fon objet que par le coté philo- sophique. Des Ecrivains , d'ailleurs très-eJUma- blés yfe font plus d'une fois laijfé féduire par l'amour du merveilleux , ^ il leur ejl arrivé dans plus d'une occajion de transformer la Brute m Homme , le Cajîor en Inghtieur , t Abeille en Géomètre. Je me fuis donc appliqué à pré- munir mes LeUeurs contre de telles féduBions ^ ê? je leur ai offert en ce genre des idées qui me paroiffent plus philofophiques que celles qu'on adopte trop légèrement. D'autres Auteurs avaient embraffé une opinion bien différente , ^ avoient tout réduit au pur méchanifme. J'ai fait affez fentir que cet autre extrême n^ejl pas moins vicieux que le premier. Il ejl ici un mi- lieu 5 2^ c'ejl ce milieu que j'aifouhaité defai- Xxviii COURTE NOTICE DE L'OUVRAGE.^ fit\ Je m'étois expliqué ailleurs fur cette belle Matière (4). J'entre ici un peu plus dans le détail & f applique mes principes à un plus grand nombre de cas. (4) L'Auteur l'avoit fait dans k Chapitre XXV de YFJJai analytique. CONTEx^IPLATlON CONTEMPLATION DELA , /; A T U R E» •<5' '«^vV?^^- ^^^aj/i^-^^ "Tr/^^^rr^' ^^■j''^:,^^^^ PREMIERE PARTIE. DE DIEU ET DE V UNIVERS EN GÉNÉRAL, JS^:^ ii^SZi^'. J INTRODUCTION. -^ £ m'élève à la Raison Éternelle , j'étudie fes Loix & je l'adore. Je contemple l'Univers d'un œil philofophique. Je cherche les rapports qui font de cette Chaîne immenfe, un feul Tout ; Tome VIL A t3 CONTEMPLAT 10 K Je m'arrête à en confidérer quelques Chaînons l Se frappé des traits de puifFance , de fagelTe & de grandeur que j'y découvre , j'eiTaye de les crayonner fans les affoiblir. CHAPITRE!. La CAUSE PREMIERE. E Tre par foi , pouvoir tout, & vouloir avec une fageife infinie , font les Perfedions adora- bles de la Ca-Use Première. L'Univers émane eflentiellement de cette Cause. En vain chercherions-nous ailleurs la rai- fon de ce qui eft : nous obferverons par-tout de {'ordre & des /;// j mais cet ordre & ces fins font un effet : quel en efl le principe ? Faire l'Univers éternel , c'efl admetre une fuccefîîon infinie d'Etres finis. Recourir à l'éternité du mouvement, c'efl pofer un effet éternel. Avancer que l'intelligence eft le produit de DE LA NATURE. L Part. i la matière & du mouvement, c'efl: avancer que rop//^«e de Newton cft l'ouvrage d'un Aveu- gle né. Disons donc, que puifque l'Univers exifte^ il eft hors de l'Univers une Raison Eternelle de fon exiftence. CHAPITREIL La Création. %^ Uelle Intelligence fondera les profondeurs de ce Gouifre ? Quelle penfée exprimera la Puissance qui appelle les chofes qui Tte font point l comme fi elles étoient? DiEU veut que l'Univers foitj l'Univers eft. Cette Vertu divine , cette Force incompré- henfible peut-elle être communiquée ? Et fi elle peut être communiquée, quelles font les Lois de cette communication ? Verbe Incarne , Tremier né entre les Créa^ iures , fi cette Force a pu fe tranfmettre , Tu l'as reque , & les fiecles ont été faits par TÛL Az $ CONTEMFLATIOK CHAPITRE II L Unité ^ bouté de V Univers, L- i'UnitÉ du deflein nous conduit à l'unité de riiiteliigence qui l'a conqu. L'harmonie de l'U- nivers , ou les rapports qu'ont entr'elles les di- verfes Parties de ce vafte Edifice , prouvent que fa Causé eft UNE. L'Eiïet de cette Cause eft un aufTi : l'Univers eft cet EiFet. Il eft tout ce qui eft , & tout ce qui pou-*' voit être. Le pojjlhîe n'eft pas ici ce qui l'eft en foi , ou dans les idées qui le confti tuent ; maïs ce qui l'eft relativement à la colledtion des Attributs de la Caufe ordonnatrice. L'objet de la Puilîance étoit auilî celui de la SagelTe. La Volonté efficace a donc réalifé tout ce qui pouvoit l'être. Un feul ade de cette Volonté a produit l'Univers : le même acT;e le conferve. Dieu eft ce qu'il a été , & ce qu'il fera : ce qu'il a voulu > il le veut encore. L'intelligence qui faifit à la fois toutes les combinaifons des Pofîibles , a vu de toute éternité le Vrai Bon , & n'a jamais délibéré. Elle DE LA NATURE. L Faril l à agi ; Elle a déployé fa fouveraine Liberté i & rUnivers a reçu l'être. Ainsi l'Univers a toute la prfedion qu'il pouvoit obtenir d'une Cause dont un des pre- miers Attributs eft la Sagesse , Se en qui la Bonté eft Sagesse encore. Il n'y a donc point dans l'Univers de mal abfolu, parce qu'il ne renferme rien qui ne puiflc être l'effet ou la caufe de quelque bien , qui ii'auroit pas exiité fans cette chofe que nous nommons mal. Si tout avoit été ifolé , il n'y auroit point eu d'harmonie. Si quelque chof© avoit été fupprimée , il y auroit eu un vuide dans la Chaîne , & de l'enchahiement univerfel réfultoit la fubordinatiou des Etres , à leurs relations à i'efpace & au tems. Le Pignon d'une Machine fe plaindra-t-il qu'il n'en foit pas la maitrelfe Roue ? Celle-ci , devenue Pignon , formeroit la même plainte , & pour anéantir ces plaintes infenfées , il fau- droit anéantir la Machine elle-même. Vous dites ; pourquoi l'Homme n'eft-il pas auffi parfait que l'Ange ? vous voulez dire fans cioute 5 pourquoi l'Homime n'eft-il pas Ange ? A3 (È CONTEMPLATION Demandez donc auflî pourquoi le Cerf n'eft pas Homme ? Mais Pexiftence du Cerf fuppofoic celle des Herbes qui dévoient le nourrir. Voudriez- vous donc encore que ces Herbes eulTent été autant de petits Hommes ? Leur confervatiou 3c leur multiplication auroient dépendu de la terre , de l'eau , de Pair , du feu : oferiez-vous infifter & demander enfin , pourquoi les Parties conftituantes de ces Elémens ne font pas des Jiomoîicules ? Avouez votre erreur, & reconnoiffez que cliaqu'Etre a la perfedion qui convenoit à fa fin. Il cefferoit de la remplir , s'il celfoit d'être ce qu'il eft. En changeant de nature , il chan- geroit de place , & celle qu'il auroit occupée dans rHi«rarcîiie univerfelle , devroit l'être en- core par un Etre femblable à lui , ou l'harmonie feroit détruite. Ne jugeons donc point des Etres confidérés en eux-mêmes j mais apprécions-les dans le rapport à la place qu'ils dévoient tenir dans le Syftême. Ce tains réfultats de leur nature font des maux : pour empêcher que ces maux n'exiftalfent , il auroit fallu lailTer ces Etres dans le néant , ou créer un autre Univers. De l'adion réciproque des Solides & des fluides s réfulte la Vie i & DELA NATURE, I. Fart. ? cette adioii même continuée , eft la caufe na- turelle de la 7nort. L'immortalité auroit donc fuppofé un autre plan ; car notre Planète n'é- toit pas en rapport avec des Etres immortels. L'ensemble de tous les Ordres de perfec- tions relatives , compofe la perfecflion ahfoliie de ce Tout , dont Dieu a dit qu'il étoit bon. Ce Syftème immenfe d'Etres coexiftans , & d'Etres fuccefîifs , n'eft pas moins un dans la iucceilîon que dans la coordination , puifque le premier Chaînon eft lié au dernier par les Chaînons intermédiaires. Les événemens aduels préparent les plus éloignés. Le Germe qui fe développa dans le fein de Sara , préparoit l'exit tence d'un grand Peuple & le falut des Nations. gS?: - = '^^g:^' — ■ = ' .:?^ CHAPITRE IV. L' Univers confidéré dans [es grandes Parties. L iOrsque la fombre nuit a étendu fon voile fur les plaines azurées , le Firmament étale à nos yeux fa grandeur. Les Points étincellans dont il eft femé , font les Soleils que le Toux A4 s CONTEMPLATION Puissant a fufpenclus dans l'efpace , pour éclairer & échauffer les Mondes qui roulent au- tour d'eux. Les Cieuxracontent la Gloire du CRÉATEUR^ ^ r Etendue fait connoitre l'Ouvrage de [es Mains, Le Génie fublime, qui s'énonqoit avec tant de iioblelTe , ignoroit cependant que les Aftres qu'il contemploit, fuRent des Soleils. Il dévan- çoit les tems , & entonnoit le premier l'Hymne majeftueuie , que les fiecles futurs , plus éclai- rés, dévoient chanter après lui à la louange du Maître des Mondes. L'i\ssEMBLAGE de ces grands Corps fe di- vife en diffé ens Syftèmej, dont le nombre fur- pafTe peut-être celui des grains de fable que la Mer jette fur fes bords. 4 Chaque Syftème a donc à fon centre ou à fon foyer , une Etoile ou un Soleil , qui brille d'une lumière propre , & autour duquel circu- lent différens ordres de Globes opaques , qui téfléchiffent avec plus ou moins d'éclat , la lu- mière qu'ils empruntent de lui , & qui nous les rend vifîbles. Ces Globes , qui paroiflent errer dans l'armée DE LA NAT U R F. L Tart. 9 ^es Cieux , font les Planètes , dont les princi- pales ont le Soleil pour centre commun de leurs révolutions périodiques , & dont les autres , qu'on nomme fécondaires , tournent autour d'une Planète principale , qu'elles accompagnent, comme des Satellites , dans fa révolution an- nuelle. VÉNUS & la Terre ont chacune leur Satel- lite (i). Un jour 5 fans doute , l'on en décou- CO tt On a élevé bien des doutes fur l'exiftence du Sa- tellite de Vénus : on a foupqonné que ce qui en avoit été rapporté par différens Obfervateurs , tenoit principalement à quelqu'illufion d'Optique. Mais fi l'on prend la peine de con- fulter l'article l/énus du Supplément à V Encyclopédie de Paris, Tome XVII , on ne doutera gucres de Texiftcnce du Satel- lite dont il s'agit. On y verra l'obfervatîon du grand Cas- siNi de i6%6, celles de Mr. Short rie 1740, de Mr. Mon- taigne de 1761, du P. la Grange de la même année , de Mr. de Montbaron de lyCi. Ç'avoit été fous la forme d'un petit CroifiTant que le Satellite s'étoit montré aux trois premiers Obfervateurs que je viens de citer. Mr. Short avoit été fi touché de fa propre découverte, qu'il l'avoit fait graver fur fon Cachet avec cette devife , tandem upparuit. Le célèbre Lambert , qui a comparé entr'elles toutes les obfervations de ce Satellite , a montré leur accord. Jifai d'une Théorie du Satellite de Vénus ; nouveaux Mémoires de V Acn, demie de Berlin, an. 177?. Suivant les calculs de cet Aftro- nome , la révolution de ce Satellite autour de Vénus , feroit 3 -peu -près de onze jours. Il avoit cru qu'on pourroit l'ap* io COKTEMTLATT 0 ]St couvrira à Mars. Jupiter en a quatre , Saturne cinq, & un Anneau ou Athmofphere lumi- iieufe (2) , qui femble faire la fondion d'un percevoir fur le difque du Soleil, le i. de Juin 1777, parce que Vénus devoit pafîer alors très - près de cet Aftre j mais on ne l'y a pas découvert. Mr. de Mairan , qui ne paroîf- foit pas douter de l'exiftence de ce petit Aftre , avoit indiqué les caufes de la rareté de fes apparitions. Mém. de VAcad^ de Paris , 1753. - (2) tt C'efi; un grand fpeâ:acle taux yeux de l'Aftronome, que celui de Saturne , environné de fes cinq Lunes & de foii Anneau. On connoît les phafes de cet Anneau merveilleux .• mais il n'eft point une fimple Atmofphere , comme je le difois ici , avant que d'être mieux inftruit. Il eft de bonnes raifons de penfer , qu'il eft un Corps folide & opaque. Lorfque le Soleil éclaire la furface de cet Anneau , qui nous eft oppofée , l'Anneau difparoît à nos yeux. Si donc il n'étoit qu'une At- mofphere , nous devrions appercevoir alors quelque clarté , fur - tout fi nous réfléchiflbns fur le peu d'épaifîeur de l'An- neau j car les dernières obfervations de fes difparitions & de fes réapparitions femblent indiquer qu'il n'a pas trois lieues d'épaiffeur. Il y a plus ,* l'infatigable Mr. Mes s 1ER a ob- fervé dans la même circonftance des points lumineux femés fur les anfes de l'Anneau : la lumiere^dont ces points brilloient étoit vive , blanchâtre , fcintillantc & femblable à celle des plus petites Etoiles , vues aux meilleurs inftrumens. Il a obfervé de ces points qui rcndoient moins de lumière , & d'autres qui paroîffoient féparés de ceux qui les avoifinoient. Tout cela paroît prouver, que l'Anneau de [Saturne eft un Corps opa- que , dont la furface inégale comme celle de la Lune , pro- duit dans fes Q.uadratures les mêmes effets eflentiels. DELA NATV R Ê. I. fart. \i smas de petites Lunes : placé à près de trois cens millions de lieues du Soleil , il en auroit rcqu une lumière trop foible , il fes Satellites & fon Anneau ne l'euiTent augmentée en la réfléchiflant. Nous connoilTons dix-fept Planètes qui en- trent dans la compofition de notre Syftème fo- lairej mais nous ne femmes pas afTurés qu'il n'y en ait pas davantage. Leur nombre s'eft fort accru par l'invention des Télefcopes : des Int trumens plus parfaits , des Obfervateurs plus affidus ou plus heureux , l'accroîtront peut-être encore. Ce Satellite de Vénus , entrevu dans le dernier fiecle, & revu depuis peu, préfage à l'Aftronomie de nouvelles conquêtes. Non feulement il étoit réfervé à l'Aftronomie moderne d'enrichir notre Ciel de nouvelles Planè- tes s il lui étoit encore donné de reculer les bornes de notre Syftème folaire. Les Comètes , que leurs apparences trompeufes , leur queue , leur chevelure , leur diredion quelquefois oppofée à celle des Planètes , & très-fouvent différente , leurs apparitions & leurs difparitions , faifoienc regarder comme des Météores allumés dans l'air par une puiiiànce irritée , font devenues des Corps planétaires , dont nos Aftronomes cal- culent les longues routes , prédifent les retours 1rs COKTEMFLATIOI^ éloignés , & déterminent le lieu , les apparcn-^ ces & les écarts. Plus de 30 (3) de ces Corps reconnoîlTent aujourd'hui Pcmpire de notre So- leil , 8c les Orbites que quelques-uns tracent au- tour de cet Aftre , font fi alongées qu'ils n'a- chèvent de les parcourir qu'au bout d'une lon- gue fuite d'années ou même de plufîeurs fic- elés (4). Enfin , c'étoit encore l'Allronomie moderne qui devoit apprendre aux Hommes , que les Etoiles font réellement innombrables , & que ' (5) tt C'eft le nombre de Comètes qu'on avoit calculées quand j'e'crivois ceci. Aujourd'hui l'on en a calculé tfg. (4) tt La Théorie des Comètes n'eft point encore aflTez per- feftionnée , pour que l'Aflronome puifle en calculer les routes à un grand nombre d'années près , lorfqu'il ne les a obfervées que pendant une feule apparition. Il n'y en a encore que trois dont les tems périodiques fuient bien connus : celle de 126^ & ï$66 , dont la révolution eft de 292 ans : celle de 1552 & de i66-^ , dont la révolution eft de 192 ans; & celle de HÇiî, ï5?ïî ><>37ï i<^82, 1759 > dont la période eft de 75 ans. Le grand Halley croyoit, que la fameufe Comète de 1(580 , étoit la même qui avoit paru à la mort de Cesar, reparu en 552 & iio5, & que fa révolution étoit ainfi de 574 ans. Suivant les calculs de l'illuftre Euler , la période de la belle Comète qui parut en Août 1769 , feroit entre 449 & 519 ans, en ne fuppofant qu'une erreur d'une minute dans les obTervatioDS* r>E LA NATVRE. LFarf. 13 des Conftellations où TAiitiquitc n'en comptoit qu'un petit nombre , en renferment des miU liers. Le Ciel des Thales & des Hiparq^ue ctoit bien pauvre en comparaifon de celui que les HuYGENS 5 les Cassini , les Halley , nous ont dévoilé. Le diamètre du grand orbe que notre Pla- nète décrit autour du Soleil , eft de plus de foixante millions de lieues (Os & cette vafte circonférence s'évanouit & devient un point , lorfque TAftronome veut s'en fervir à mefurer l'éloignement des Etoiles fixes. Quelle eft donc la mafle réelle de ces Points lumineux , pour être encore fenfibles à cette énorme diftance? Le Soleil eft environ un mil- lion (é) de fois plus grand que la Terre , & (f ) f f La diftance moyenne du Soleil à la Terre , calculée d'après le dernier pafTage de Vénus fur le difque dg cet Aftre, ell de ^4 millions fept cent foixante -un mille fix «ent quatre -vingt lieues î ce qui donne pouf le diamètre du grand orbe 69 millions cinq cent vingt - trois mille trois cent ibixante lieues. ((5) tt Le Soleil eft un million quatre cent trente-cinq mille fois plus gros que la Terre, & cinq cent Icptante & une fois plus gros que toutes les Planètes prifes enfcmble. iMais «n ne doit pas coafondrç cette grandeur aves la maffe ou J4 CONTEMPLATION cent & dix fois plus grand que toutes les Pla- nètes prifes enfembie. Si les Etoiles font des Soleils , comme leur éclat le perfuade, beaucoup peuvent furpaffer le nôtre en grandeur ou du moins l'égaler. Mortel orgueilleux 8c ignorant! levé main- tenant les yeux au Ciel & réponds moi : quand on retrancheroit quelques - uns de ces Lumi- naires qui penden»t à la voûte étoilée , tes nuits en deviendroient - elles plus obfcures ? Ne dis donc pas , les étoiles font faites pour moi , c'efi: pour moi que le Firmament brille de cet éclat majeftueux. Infenfé ! tu n'étois point le premier objet des libéralités du Créateur , lorfqu'lL ordonnoit Syrms 8c qu'iL en compalfoit les fpheres. Tandis que les Pknetes exécutent autour du Soleil ces révolutions périodiques , qui règlent' le cours de leurs années , elles en exécutent une autre fur elles-mêmes , qui détermine les alter- natives de leurs jours 8c de leurs nuits (7). quantité de matière. La mafife du Soleil efi: cinq cent quatre- Tîngt fois plus grande que celle de toutes les Planètes en- fembie. (7) tt 0" ignore fi Mercure & Saturne tournent fut eux- DE LA NATURE. L Pan. if Mais comment ces grands Corps demeurenN ils fufpendus dans l'Efpace ? Quel pouvoir fe« cret les retient dans leurs orbites, & les fait mêmes ; maïs l'analogie porte à le préfumer. Vénus tourne fur fon axe en 25 heures ou environ î la Terre en 24 5 Mars en 2$ ; Jupiter en 10 ou environ. A l'égard des révolutions pério^ques ou annuelles des Pla- nètes , leur durée eft d'autant plus longue qu'elles font plus éloignées du centre ou du foyer du Syftême. Mercure, la plus petite des Planètes principales , & qui n'eft qu'à environ treize millions de lieues du Soleil , fait fa révolution autour de cet Aftre en trois mois : fcs années ne font donc que le quart des nôtres. Vénus, placée à plus de 2Ç millions de lieues du Soleil , achevé fa révolution en 8 mois. Mars , éloigné de cet Aftre d'environ jj millions de lieues , fait fa révolu- tion en 2 ans ou environ. Jupiter , qui en eft diftant d'en- viron igo millions de lieues , met à -peu -près 13 ans à ache- ver fa révolution. Enfin , Saturne , la plus reculée des Pla- nètes principales , puifqu'elle eft à plus de 300 millions de lieues du foyer commun de toutes les révolutions , n'achevé fon cours qu'au bout d'environ 50 ans : une année de Sa- turne équivaut donc à - peu - près à 50 des nôtres. Mais que font les années de cette grande Planète en comparaifon de celles de ces Comètes qui n'achèvent leur révolution qu'au bout de plufieurs fiecles î Ces révolution périodiques des Pla- nètes s'exécutent d'occideut en orient , dans des orbites qui différent peu du cercle, & qui font toutes à -peu -près dans le même plan. Les Satellites circulent de même d'occident en orient autour de la Planète principale ; & cette uniformiti de direftion annonce alTea aH vrai Philgfophe , qu'elle n'eft pas l'effet du hafarj. j6 contemplation circuler avec tant de régularité & d'harmonie ? La Pefanteur , cet agent puiflant , eft le prin- cipe univeriel de cet équilibre & de ces mou- vemen'-:. Elle pénètre intimement tous les Corps. En vertu de cette Force , ils tendent les uns Vers les autres , dans une proportion relative à leur diftance & à leur maiTe (8>). Ainfi les Pla- nètes tendent vers le Centre commun du Syf- tème , & elles s'y feroient enfin précipitées , fi le Créateur , en les formant^ ne leur eut im- primé un mouvement projedile ou centrifuge, qui tend continuellement à les éloigner du Cen- tre. Chaque Planète , obéiifant à la fois à ces deux Forces , décrit une courbe qui en eft le pro- duit. Cette courbe eft une ellypfe plus ou moins alongée , à un des foyers de laquelle eft placé le Soleil ou une Planète principale. C'eft ainfi que la même Force qui détermine la chute d'une pierre , devient le principe fécond des mou- vemens céleftes : méchanique admirable , dont (8) tt C'eft ici cette belle Loi, cette Loi divine qui exerce fbn empire dans toute Tétendiie de h création , & que le Gband Architecte de l'Univers a révélée aux mortels par lo miniilere de cet Homme incomparable , qui devoit être le Fondateur de la Phyfique célefte. En vertu de cette Loi , tous les Globes pefent les uns fur les autres en raifon direfte de leur maUe , Si. en raifon inverfe du quarré de leirr 4iîlance. BE LA NATtJRK IPan: fj la fimplicité & l'énergie nous inftruifent fang cefTe de la Profonde Sagesse de fon Auteur. La Terre ^ fi vafte aux yeux des Fourmis qui l'habitent, & dont la circonférence eft de neuf mille lieues , elt environ mille fois plus petite que Jupiter , qui ne paroît à l'œil nud que comme un Atonie brillant (9). Deux troupes d'Académiciens , nouveaux Ar- gonautes , ont eu dans ces derniers tems , la gloire de déterminer la véritable figure de notre" Planète , & de démontrer qu'elle elt iin Sphéroïde^ applati aux Pôles , & élevé à l'Equateur (io)j mais Newton eut une plus grande gloire (11), celle (9) tt Jupiter eft quatorze cent feptaiite - neuf fois plus gros^que la Terre : Satnrne, mille trente fois .-Mars , les trois dixièmes: Vénus , les onze douzièmes; Mercure, les fept cen- tièmes. C'eft ïe dernier païïage de Vénus fur le difque du Soleil, le J de Juin 17(^9 , qui a mîs les Agronomes en ctaè de donner A ces mefures le degré d'exaftitude ou de préci- fic/n qui leur manquoit. (i©) ft La figure de la Terre eft donc à- peu- près celle tViine orange. Le petit diamètre eft au grand, comme 17S à 179. fil) tt L'illuftre HuYGENS partage cette gloire avec lé grand Newton. Il a-wyt déduit l'applatilTement de h Terrî aux Pôles , de la Théorie tles forces centrifuges. Tome VIL ' B 18 C 0 M T E M F t A T I 0 K de le découvrir du fond de fon cabinet , & par îa feule farce de fon génie. Cette figure eft en-, core TeiFet de la Pefanteur, combinée avec la Force centrifuge , & ces deux Forces agiifant fous différentes proportions dans différens Af- tres , varient leur figure , & les rendent des Sphéroïdes plus ou moins applatis , comme elles rendent leurs orbes plus ou moins alongés. Le Globe de la Terre , divifé extérieurement en Terres & en Mers , prefqu'égales en furfaces , eft formé intérieurement, du moins jufqu'à une certaine profondeur, de Lits à-peu-près paral- lèles de matières hétérogènes, plus ou moins denfes , & d'un grain plus ou moins fin (i2% La furface des Terres préfente de grandes inégalités. Ici , ce font de valles plaines , entre- coupées de collines & de vallons. Là, ce font de longues chaînes de Montagnes , qui portent Ci 2) it Les couches de la Terre foiit bien en général pa- rallèles entr'elles : elles le f&nt encore à l'horizon ou à peu- près,* comme on le reconnoît quand on >ette les yeux fur U coupe (les côteauîE & des montagnes fubaltcrnes. Mais il arrive quelquefois que ces couches parallèles , au lieu d'affeder la «lireftion horizontale , fe ployent ou fe courbent en difFércn.> fens^, comme fi de violentes impulfions avoient ch^njé leoff direftion primitive. DE LA KATVRE, L l^art. 19 (âatis les nues leurs fommets glacés , & entre lefquelles régnent de profondes vallées (i 3). ■ O3) tt Les Cordelières , les plus hautes montagnes de notre Globe , ont plus de trois mille toifes d'élévation au deflfus de la Mer lUi Sud. Le Mont -blanc en Savoye , eft après les Cordelières, une des plus hautes éminences de notre Planète: il a plus de deux mille quatre ceats toifes au deffus de la Méditerranée. Le Pic de TenerifFe , fi renommé par fa hau- teur , n'égale pas le Mont-Blanc : il n'a gueres que dix-neuf cents toifes. Aujourd'hui on porte par-tout l'efprit de méthode ,• c'ell qu'il tient à l'efprit d'obfervation auquel rien n'échappe Nos Géologues modernes diftinguent trois, ordres de xMontngnes , les Montagnes pr«mieres ou primitives , les féconduires & les tertiaires. Ce n'eft point uniquement du plus ou du moins d'é- lévation des Montagnes , que cette d-vifion dérive ; c'eft prin- cipalement de la nature des matériaux dont elles font com- fofées , & de l'arrangement qu'ils y afFeftent. Ce font toujours des matières vitrijîables , & pour l'ordi- naire des Granits , qui compofent les Montagnes primitives. Ces matières n'y font pas difpofées par couches , fembla- blés à celles des Montagnes fubalternes j & ce qui n'eft pas moins caraftériftique , on n'y rencontre point de dépôts marins. C'eft dans l'ordre des Montagnes primitives , que fe trouvent les plus hautes Montagnes de notre Planète : elles en font les filles aînées , & leur naiflance a fins doute précède celle du • règne organique. C'cft fur l'antique & majeilueus: fommet de ces Monts fourcilleuxj c'eft dans ces foîitudes éter- nelles , que le temps a gravé de fa main d'airaia le Calen- drier de la Nature , ce Calendrier où les Ciecles prenn?r: Î5 B 2.^ 1Z0 C 0 N T E M F L A T î 0 M Du fein des Montagnes nailTcnt les Fleuves y qui ■, après avoir arrofé diverfes Contrées^ & pro* place des jaiirs ; cat la Nature , Fille de l'éternité , ne comjJtc 4ue par fiecies & par milliers de fiecles. Bien différentes de ces Montagnes du premier ordre . les Montagnes du fécond ordre font formées de matières calcaires , difporées par couches parallèles , & dont la diredion cft à^ peu-près horizontale. Ce parallélifme & cette diredion des couches des montagnes fécondaires, décèlent déjà le fecret de leur origine , & annoncent allez qu'elles font l'ouvrage de& eaux. Mais ce qui ne permet plus d'en douter, c'eft le grand nombre de dépôts marins qu'on y découvre. L'odl pénétrant & attentif du Géologue apperqoift dans ces dépouilles de la Mer , une pofition aflez conftante , qui prouve qu'elles ne font point! dues à un bouleverfement, ni à des inondations fubites. La plupart de ces dépouilles appartiennent à la clafle 4es coquillages , & les Coquilles fofîîles , qu'on rencontre en fi grande quantité dans les couches des Montagnes , y affec- tent la même pofition que leurs analogues vivans aftedent au fond des Mers. Les Montagnes tertiaires où du troifieme ordre, n'offrenfl pas la même régularité dans leur compofition : elles femblent n'être formées que d'un entaffement de fable, de grès, ds cailloux roulés, &g. On n'y rencontre pas de ces amas im- menfes de corps marias , difpofés par couches parallèles , que préfentent les Montaj;nes fécondaires ,- mais on y rencontre fréquemment , avec différens corps marins épnrs qâ & là , des dépouilles d'Animaux & de Végétaux terreflres. Ici font les Archives de ce Déluge dé-crit par le plus ancien & le plus refpeélable de tous les Hifroriens , & qu'on retrouve dai«s les monumens de tant «ie isations. DE LA NATURE, L Fart SI ^uit qà êc là par réLirgifTement de leur lit, des Etangs & des Lacs , vont décharger leurs eaux dans la Mer, & lui rendre ce que l'évapora- tion lui avoit enlevé (14). Les Montagnes , dont les fervices font fi multipliés , & qui font une fi grande décoration de! notre Planète, n'ont pas été répandues au hafard fur fa furface. Elles foutiennent entr'el- les des rapports de fituation ,'que rObfervateur parvient à dé- mêler, & à la lueur dcfquels il tente de découvriras loix fecretes qui ont préfidé à leur formation. En général , les grandes Chaînes des Montagnes vont rayonner vers un cen- tre commun. Là , eft un Mont principal , qui fend les Cieux de fa tête altiere , & devant lequel on voit toutes les Chaînes s'a- baifler de plus en plus. Des Chaînes principales nailfent des Chaînes fécondaires , qui donnent à leur tour naiflance à des autres Chaînes fuoordonnées. Et que dirois-jc des Montagnes volcaniques , de ces énor- mes bouches à feu , qui projettent dans les airs , des ama^ immenfes de pierres , de fcories & de cendres , & dont les larges flancs , entr'ouverts par la violence du feu , vomiffenife des torrens de laves ou de verrp fondu , qui s'étendent quel- quefois en largeur fur u"e efpace de deux lieues , parcourent de grandes contrées , détruifent les villes , ravagent les Cam- pagnes, les ftérilifent pour une longue fuite de fiecles , 6^ répandent par tout la cenfternation & l'épouvante ! Tenterois- je de peindre le majeftueux & terrible Etna , enfantant de nouvelles Montagnes, & vomifTant avec elles du torrens fi prodigieux de matières enflammées , qu'ils forment de nou- veaux promontoires , &. forcent 1? Mer à abandonner fon an- cien lit. Ch) tt Eh coiîYoniiffnt de glaces éternelles les fommets B 3 22 CONTEMPLATION La Mer nous offre fcs Isles , éparfes de tou« côtés , fes Bancs , fes Ecueils , fes Courans , fes Gouffres , fes tempêtes , & ce mouvement fi ré- gulier & fi admirable , qui élevé & abaiffe fes eaux deux fois en vingt-quatre heures. Par-tout , les Terres 8^ les Mers font peu- plées de Plantes & d'Animaux , dont les cf- peces infiniment variées affortilfent à chaque lieu. Les Hommes , divifés en corps de Nations , décharnés des hautes Montagnes , la Nature a préparc les ré* fervoirs inépuifables qui dévoient fournir fans ceffe à t'entre- tien des grands fleuves, & leur faire braver les plus lon- gues féckerefles. Sufpendus en quelque forte , dans les cou- ches fupérieures de rAtmofphere, ces immenfes glaciers y font hors de l'atteinte des caufes qui échauffent les couches infé- rieures, & qui précipiteroient la fonte de leurs glaces pen- dant les ardeurs de la canicule. Ces glaces ne fondent ainfi que lentement & par degrés : des millions de filçts d'eau dif- tillent peu à-peu de leur furface extérieure, échauffée par le Soleil; & raflemblés en ruifleaux, ils fe précipitent de ro- chers en rochers pour aller nourrir les Fleuves & ^fertilifer les Campagnes. Dans les jeurs froids , au contraire , ce ne foHt plus ks couches extérieures des glaciers , qui fournif- fent le plus abondamment à l'entretien des Fleuves j ce f»nt les couches intérieures ou fouterraines. La chaleur inhérente an Globe, qui agit en tout temps fur ces couches, en détache de toutes parts des filets d'eau , qui fe rendent par mille canaux fouterrains dans les fources dçs Fleuves , ^ préviennent leur ^ujfçqiçrîf^ DE LA NATURE, h VeiYt. 25 en Peuplades , en Familles , couvrent la furface du Globe. Ils la modifient & renrichiflent par îeurs travaux divers , & fc conftruifent de l'un à l'autre Pôle , des Habitations qui répondent à leurs mœurs , à leur gk\\\Q , au ^ terr ein , au climat, &c. Une fubftance rare , tranfparente , élaftique, environne la Terre de toutes parts jufqu'à une certaine hauteur : cette fubftance eft PAtmof. phere , féjour des vents , réfervoir immenfe de vapeurs & d'exhalaifons , qui tantôt raflemblées en nuages , plus ou moins épais , embelliflent notre Ciel par leurs figures & par leurs coii- leurs 5 ou nous étonnent par leurs feux & par leurs éclats > & qui tantôt fe réfolvant en ro- fées 5 en brouillards , en pluies , en neige? , en grêle , &c. rendent à la Terre ce qui s'en étoit exhalé. La Lune , de toutes les Planètes la plus voi- fine de la Terre (if), eftaufli celle que nous connoiifons le mieux. Son Globe environ qua- rante cinq fois, plus petit (i^) que le nôtre, (tç) tt La luHe n'eft éloignée de la Terre que d'enviro-n quatre-vingt fix mille lieues. (lO tt Cinquante fbis ou eu^'iwn. B4 94 CONTEMPLATION nous préfente toujours la même face , parée qu'il tourne fur lui-même précifément dans le même efpace de temps qu'il employé à tourner autour de la Terre, dont il eft le Satellite (17). Il a fes phafes , ou fes aceroilTemens & fes décroiifemens graduels & périodiques de lumière, iuivant qu'il fe trouve placé relativement au So- leil qui réclaire , & à la Terre vers laquelle il réfléchit la lumière de cet Aftre. Le Difque de la Lune fe divife extérieure- ment en parties lumineufes , & en parties obf- cures. Les premières femblent analogues aux Terres de notre Globe j les fécondes paroîfTent répondre à nos Mers, On obferve dans les parties lumineufes , des ejidroits plus éclairés que le rcfte, qui jettent de côté une ombre que l'on mefure , & dont on fiiit la rqarche. Ces endroits font des Monîêipus , plus hautes que les nôtres , proportionnellement à la grandeur de la Lune , & dont on voit le Soleil dorer les cimes lors que la Planète eft en (17) If Ce n'eîl qu'à-peurprès que la Lune nous préfente toujours la même face : fon mouvement de balancement ou île libration exige cet à-peu-pns que j'ajoute ici. La réyoltî» r-on de ce Satellite; eH d'environ 27 jours. DE LA NATVRRl.Vart. t$ quartier : la lumière defcendant peu-à-peu vers le pied de ces Montagnes , elles paroîflent enfin en- tièrement éclairées. Les unes font ifolées , les au- très compofent de très-longues chaînes. On apperqoit encore c;^ Scia, dans les parties îumineufes des efpeces de puits où règne une profonde obfcurité. Le fond de quelques-uns de ces puits , paroît quelquefois traverfé de traits lumineux. Les parties obfcures de la Lune paroîflent en général très-unies , & telles à~peu-près que paroî- troient nos Mers vues de la Lune. On y remar- que cependant des efpeces d'inégalités , des en- jlroits moins obfcurs , qu'on foupqonneroit des Isles ou des bas-fonds. Mais n'étendons pas trop ces rapports : il l'AuTEUR de la Nature a varié ici bas les moindres Individus , quelle ne doit pas être la variété dgs traits par lefquels II a différencié un Monde d'un autre Monde (i 8)? (is) tt On voit afiez par '"cette réflexion, que J2 l'oulois empêcher que mon LcJleur ne fe prefiat de croire aux Mers de la Luncî & cette réfiexion s'étend à toutes les induclions que nous tirons trop légèrement de notre Terre, relative- ment aux autres Mondes planétaires. La Logique de l'illullrc HuYGENS étoit bien peu févere fur ce point, comme on fQ\At le voir dans fon Traite des Mondes. Il eft plus que dgi;- 2(S eONTEMPLATION VÉNUS a , comme la Lune , fcs phafes , fejs taches , Tes Montagnes : c'eft même à ces Mon- tagnes , plus hautes & plus nombreufes encore que celles de la Lune, & très-propres à réflé- chir fortement la lumière du Soleil , que Vénus doit fon principal éclat. Le Télefcopc nous découvre encore des taches dans Mars & dans Jupiter. Celles de Jupiter corn- pofent de larges Bandes qui ont de grands mou- vemens , à-peu-près comme fi l'Océan fe répan- doit fur les Terres , & les lailToit enfuite à fec en fc retirant. Mercure & Saturne nous font peu connus ; le premier , parce qu'il eft trop près du Soleil ^ le fécond , parce qu'il en eft trop éloigné. Enfin , le Soleil lui-même a fes taches qui paroifTent fe mouvoir régulièrement , & dont le teux qu'il y ait des Mers dans la Lune; puifqu'il ne s'en élevé jimais de vapeurs. D'ailleurs oh découvre quelquefois le fond «îe ces prétendues Mers, ce qui n'arriveroit pas, fi les taches dont il s'agit étoient de vrais amas d'eau. Un célèbre Aftro- îiome Anglois les croyoit de$ Cavernes. Le perfeftionnement des Lunettes acromatiques fixera peut-être un jour les idées des Aftronomes fur cet objet, & fur bien d'autres particularités jque nous offrent les Corps céleftes. DE LA NATURE. I. Paru, 1? %^olame égale & furpafle même aflez fouverit celui des plus grandes Planètes (19)- Cet Allre efî: encore pourvu d'une Atmof- fhere , qui s'étend au moins julqu'à notre Pla^ nete, & qui paroit, après fon coucher (zo) , comme un nuage blanchâtre & tranfparent , en forme de lance , couchée obliquement fur le Zo- (19) tt Les taches du Soleil font quelquefois en affez grand nombre. Leurs apparences , leur lien , leur durée varient beaucoup. Les plus permanentes ont appris aux Aftronomes une vérité intérelTante/ c'eft que le Soleil , cette maffe épou- vantable de lumière & de feu , tourne fur fon axe dans l'efpace d'environ sj jours. On n'a pas formé moins de conjectures fur les taches du Soleil que fur celles de la Lune, & les unes comme les au- tres font également hafardées. Les Aftronomes des Planètes pénètrent- ils mieux les apparences fous lefqueiles potre Pla- nète s'offre à leurs regards ? Soupqonnent - ils nos Mers , nos nuages, notre neige, nos Aureres -boréales , &c. ? Ils jugent des apparences de notre Planète , comme nous jugeons des apparences des leurs. Un Savant Anglois , qui s'eft fort oc- cupé des taches du Soleil , les croit des excavations. Il a même donné une méthode pour mefiirer la profondeur de ces cavités ; & c'eft ainfi qu'il a jugé qu'une tache qui paroîflbit fur le Difque du Soleil en Décembre 176^, avoit au moins quinze cents lieues de profondeur, (20) Sur la fin de l'hiver & au commeiKement du prin- tems , ou en automne , avant l'aurore. 2:S COHTEMFLATION diaqtie ^ 8c qui en a pris le nom de Liimkre zodiacale, La matière de cette Atmofphere , attirée for- tement par la Terre , & chalTée vers les Pôles par la force centrifuge , fe précipite dans les couches fupérieures de PAir j & n'y donne-t-elle point naiffance ^ux Aurores boréales (2l), dont les colonnes bizarrement 'groupées , les jets lu- mineux , les arcs diverfement colorés éclairent & cmbellifTent les longues nuits de l'Habitant du Pôle? (21) tj C'eft la belle hypothefe du fage & refpeaable Mai- EAN , qu'il a prouvé quadrer fi bien avec les obfervations aftronomiques qui lui fervent de bafe. On lui fnbftitue au- jourd'hui une autre hypothefe , fondée fur h Doftrine de VEleâîriciié , &. on veut que les Aurores boréales ne foient que des phénomenos éledriques. Nos Eleftrifeurs font plus encore ; ils entreprennent d'imiter la Nature dans leur Cff- fainet, & de produire des Aurores fcoréalçs dans des balq^s purgés d'air. ^f.-^ ^'%. DE LA NATURE, L Pari. t9 CHAPITRE V. Pluralité des Mondes. f des Globes dont la grandeur égale ou fur-» palîe même de beaucoup celle de notre Planète 5 fi des Globes qui tournent, comme la Terre , autour du Soleil & fur eux-mêmes j fi des Globes qui font le centre comnlun des révolutions d'une ou de plufieurs Lunes 5 fi des Globes où Ton appercoit diverfes chofes îfemblables ou analo- gues à ce que l'on voit fur la Terre , fi ces Globes , dis-je , étoient fans Habitans , quell© feroit leur deftination , leur fin (i)? CO tt Je m'étonne qu'un Homme de genre ait répondu de nos jours à cette queftion par un je n'en fais rien. Je ne fuis pas moins furpris des doutes qu'il élevé contre la pluralité des Mondes , & qui ne repofent que fur la difficulté de con- cevoir que des Habitanâ puiflent vivre dans des Planètes qui n'ont point d'Atmofphere , ou dans une Planète aui2 chan- geante que Jupiter , ou dans des Planètes qui , comme les Comètes , font expofées aux degrés les pins extrêmes du froid & du chaud j comme fi l'AuTEUR. des Mondes n'avoit pas eu dans fa Sageflfe, mille moyens d'approprier des Habitans aujç différentes Planètes , & même à celles qui , comme les Co- mètes , nous paroîflent les plus difgraciées. La difficulté n« vient que de ce qu'on a toujours dans k tête les Ko;rm?s Si ao COKtËMFLATlOK Que l'Univers paroîtroit chétif & peu digne de la Majesté Adorable du Créateur , s'ii les Animaux île notre Terre. Mais pourquoi vouloir à toute force placer les Hommes & les Animaux de notre Terre dans les Planètes ? Si nous n^euffions jamais vu d'Animaux aqua- tiques, concevrions -nous plus fecilement , nous autres Ha» bitans de l'air, comment les eaux auroient pu être peuplées? Jugeons doric par la prodigieufe variété qui règne entre les Habitalis de notre Globe, de celle que la Souveraine In- telligence a pu mettre entre le^ Habitans des différens Mondes planétaires. Q.ue de degrés intermédiaires entre l'Homme & le Polype ! Euffions - nous deviné l'exiftenee de tant d'Etres animés , dont la forme & h ftrufture font fi éloignées des modèles, qui nous étoient les plus connus? Euffions -ïlous deviné encore ceâ Animalcules, fi délicats en apparence, qui réfiftent pourtant à la chaleur de l'eau bouil- lante; & ceux qui, non moins délicats, refirent à un froiil fort fupérieur à celui de nos plus rudes hivers. Euffions-noiis deviné enfin, ces Animalcules beaucoup plus étranges , qui, enfevelis dans la pouffiere pendant une longue fuite d'années, fans aucune apparence de vie ni de mouvement, peuvent être reflTufcités à volonté , au moyen d'une goutte d'eau* Combien nos conceptions font- elles bornées! Et nous voudrions juger par ces chétives conceptions , de l'immcnfué & de la variété des Oeuvres du Tout - PussaNt ! Je me borne à ces confulérations générales, & je me crois très - difpenfé de montrer, comment Jupiter, malgré les grands jnouvemens de fcs bandes j & les Comètes, malgré la grande excentricité de leurs orbites, peuvent être habités. S'il eft des Obfervateurs dans h Lune , dans cette petite Planète où paroît icgnsr un calme fi conilant ; j'allois ajouter un repes éternel. DE LA NATURE. l.FatL 3t ctoit refTerrc dans les bornes étroites de ce petit amas de boue fur lequel nous rampons î Agran- dilTons notre Efprit en reculant les limites de rUnivers. Les Etoiles , vues au Télefcope , font innombrables : leur fcintillement prouve qu'elles brillent d'une lumière qui leur eft propre , & .puifqu'elles font encore vifibles à des diftances incomparablement plus grandes que celle de Sa- turne, nous pouvons en inférer qu'elles font autant de Soleils (2), Notre Soleil , vu d'une Etoile 5 ne paroitroit lui-même qu'une Etoile, & fi ces Obfervateiirs jugent de notre Terre , comme le Phî- lofophe dont je parlois , juge de Jupiter j ils n'ont 'garde , fans doute , de foupqonner , qu'une Planète dont i'afpeél leur pa- roît auffi changeant, feit habitée; car nos nuages pourroient bien produire à leur égard des apparences analogues à celles des bandes de Jupiter. Il Faut admirer ces Anciens qui, fans avoir nos counoif- fcnces aftronomiques, ont eu aflez de génie pour croire à la pluralité des Mondes. On fait que l'Ecole de Pythagork êc celle d'EpicuRE profeflToient cette opinion philofophique ; & on ne lit point fans furprife dans Plutarque , ce mot fi remarquable d'un Pythagoricien que je me plais à oppofer à nos Détradeurs modernes de la population des Planètes : il ferait aiijjï abfurde de ne mettre qu'un feul Monde dans le Fuide infini , que de dire qu'il ne pouvait croître qu'un feul éfi de BleA dans une vu/le Campagne, (3) tt Les Aftronomes préfument, que la diftancc de l'E- toile- fixe la plus voifine de notre Terre, eft «inq csnt niiHe fois IsL diftarce de cette dçrniei« au Soleil. SZ COKTEMTLATlOli Il exifte donc un nombre innombrable de Sa- îeils : & quelle feroit leur utilité , s'il n'y avoit point d'Etres qui participafTent aux avantages de leur lumière & de leur chaleur ? N'eft-il donc pas naturel de penfer qu'ils éclairenfe d'autres mondes, que leur prodigieux éloignement nous dérobe , & qui ont , comme le nôtre , leurs Pro- dudions & leurs Habitans ? L'Imagination fuccombe fur le poids de la Création. Elle cherche la Terre & ne la démêle plus : elle fe perd dans cet amas immenfe de Corps céleftes , comme un grain de poulfiere dans une haute Montagne. Qlu fait pourtant, fi au centre de chacun de ces Mondes, il n'y a pas encore un Syftème , qui a fon Soleil , fes Planètes , fes Satellites , fes Habitans? Qiû fait, (î au centre de chacune de ces petites Planètes i il n'y a pas encore un Syftème proportionnel ? Qui fait enfin , le terme où cette dégradation expire ? Mais élevons-nous plus haut , & portés fur les ailes majeftueufes de la Re've'lation , tra-^ ver fon s ces myriades de Mondes , & approchons nous du Ciel ou Dieu habite. Parvis refplendiffansde la GloïKE Céleste, Demeures DE LA NATURE.LFm, %i Demeures étemelles des Esprits Bienheureux:, Saint des Suints de la Création , Lumière inoïc^ cejjthie'. Trône Augufte de Celui qui est , un VermilTeau pourroit-il vous décrire (3) î ^5) tt Pour concevoir les plus hautes idées de l'e'tendue & de la population de l'Univers , il faut lire & méditer l'ad- mirable Syjlhne du Monde, du profond Lambert; Ouvra"-» qu'on croiroit plutôt celui d'une Intelligence célefte que les Corps ^ Subflances étendues & foUdes 3 les Etres tnixtes , formés de Tuiiion d'une de Soleils , de Corps centraux , fubordonnés les uns aux au- tres , & enchaînés par une Loi unique , Is font en dernier reffort au Corps central, le plus puilTant de tous , au Centre des Centres , au Centre univerfel de h Création. Il nous a donc été révélé dans ces derniers temps , que l'Univers eft réellement un Ouvrage immenfe de Méchani- lE a Hé (ï étroitement toutes les Parties de SON Ouvrage , qu'il n'en eft aucune qui n'ait des rapports avec tout le Syftème. Un Cham- pignon , une Mitte y entroient auffi effentiek lement que le Cèdre ou l'Eléphant. Ainsi ces petites produdlions de la Nature, que les Hommes qui ne penfent point , jugent inutiles , ne font pas des grains de poulîiere fur les Roues de la Machine du Monde i ce font de petites Roues , qui s'engraînent dans de plus grandes. Les dilFérens Etres propres à chaque Monde peuvent donc être envifagés comme autant de DE LA NATURE. L Part. 3^ Syftèmes particuliers , liés à un Syftème prin- cipal, par divers rapports; & ce Syftème eft enchaîné lui-même à d'autres Syftèmes pîus étendus, dont l'enfemble compofe le Syftème général. Il n'eft donc rien d'ifolé. Chaque Etre a Ion adivité propre , dont la Sphère a été déterminée par le rang qu'il devoit tenir dans PUiiivers. Une Mitte eft un très-petit Mobile , qui conf- pire avec des Mobiles dont i'adlivité s'étend à de plus grandes diftances. Les Sphères s'élargif- faut ainfi de plus en plus , cette merveilleufe progreflîon s'élève par degrés , du Tourbillon de l'Ambre au Tourbillon folaire , de la Sphère de îa Mitte à celle de l'Ange. Les Elémens agiflent réciproquement les uns fur les autres fuivant certaines loix qui réfultent de leurs rapports ; & ces rapports les lient aux Minéraux , aux Plantes , aux Animaux , à l'Homme. Celui-ci , comme le principal Tronc, étend fes Branches fur tout le Globe. Les efpeces & les individus ont du rapport à la grandeur & à la folidité de la Terre. La gran- deur & la folidité de la Terre ont du rapport à îa place qu'elle occupe dans le Syftème Planétaire. C4 40 C 0 N T E M P L A T I 0 K Le Soleil pefe fur les Planètes ; les Planètes pefent fur le Soleil , & les unes fur les autres. Tous pefent fur les Syftèmcs voifinsi ceux-ci, fur des Syftèmcs plus éloignés ; & la Balance de l'Univers demeure en équilibre dans la Main de r.iNciEN des Jours. Le Phyflque correfpond au Moral , le Moral tu Phyfique. L'un & l'autre ont pour dernière fin le bonheur des Etres Litelligens. La raifon méconnoitra-t-elle les rapports de Tœil à la lumière , de l'oreille à l'air , de h langue aux fels.^* L'Ame humaine, unie à un Corps organifé, eft par ce Corps en commerce avec toute la Nature. De ces principes généraux découle l'enchaî- îiement de^ caufes & des efïets , des effets Se des. caufes. De là découle encore cette liaifon indifTo- luble 3 qui fait du paffé , du préfeiit , de l'avenir ^ de Féternité une feule Exiftence , ua feiil Tout individuel. T>E LA NATURE. L Fart. 41 Des rapports qui exiftent entre toutes les parties d'un Monde , & en vertu defquels elles coufpirent à un but général , ré fuite l'Harmoiiie de ce Monde. Les rapports qui lient entr'eux tous les Mon^ des 5 conftituent l'Harmonie de l'Univers. La beauté d'un Monde a fon fondement dans la diverfité harmonique des Etres qui le com- pofent , dans le nombre , dans l'étendue , dans la qualité de leurs effets , & dans la lomme de bonheur qui réfultc de tout cela. 4l C 0 N T E M F L A T 1 0 K SECONDE PARTIE. JD^* LA PERFECTION RELATIVE DES ETRES, CHAPITRE L Dijïrwution générale des Etres terreftres. Les E„„ .„„,,„, Vienne., fe ™„e. „». turellement fous quatre ClafTes générales. I. Les Etres bruts ou in-organifés. IL Les Etres organîfés 8c in-animés. IIL Les Etres organîfés Se animés, IV. Les Etres organîfés , animés & raifou" nahlçs. DE LA 2-1 A TU RE. IL Part. 45 CHAPITRE II. De lu Ferfecïion en général ^^ de [es efpeces, JL Ou s les Etres font parfaits , confidérés en eux-mêmes : tous répondent à une fin. Les dé^ terminations ou les qualités propres à chaque Etre , font les moyens relatifs à cette fin. Si ces déterminations changeoient , elles ne feroient plus en rapport avec la fin , & il n'y auroit plus de fageife. Mais à une fin plus noble répondent des moyens plus relevés. L'Etre appelle à remplir cette fin , eft enrichi de Facultés qui lui font aflorties. Conside're*s fous ce point de vue , les Etres nous offrent différens degrés de Perfedion re- lative. La mefure de cette Perfection eft dans les rapports que chaque Etre foutient avec le Tout. L'Etre , dont les rapports au Tout font plus variés , plus multipliés , plus féconds 5 polîede une perfedion plus relevée. 44 COKTEMTLATIOK Comme il eft deux clafles générales de Subf^ tances, les Corps & les Ames , il eft auiîî deux clafles générales de Perfections ; la Perfediou corporelle ou celle qui eft propre aux Corps , la Perfedion fpiritiielle ou celle qui eft propre aux Ames. Ces deux Perfedions font réunies dans cha- que Etre organifé-animé ^ & elles correfpondent Tune à l'autre. De leur réunion réfulte la PerFedion r,ùxte^ qui répond au rang que l'Etre tient dans le Syftème. CHAPITRE ! 1 I. De la Perfe&ion corporelle. D, E toutes les modifications de la Matière :, la plus excellente eft Vorganifation. L'organisation la plus parfaite eft celle qui opère le plus d'effets avec un nombre égal ou plus petit de parties diiîimilaires. Tel eft a entre les Etres terreftres , le Corps humain. DE LA NATURE. Il Fart. 4T Un organe eft un fyftème de folides ^ dont la ftrudure , l'arrangement & le jeu ont pour der- nière fin le mouvement , foit inteftin , foic loco-motif 5 ou le fentiment. L'Etre qui n^eft formé que de la répétition de parties femblables ou fimilaires , ou même dans lequel on ne peut concevoir des parties diftincles que par une opération de PEfprit , jie poflede que le plus bas degré de la Perfec- tion corporelle. Tel eft probablement Witome ou la particule éléinentaire CHAPITRE IV. De la FerfeBîon fpirituelle. JLjA Faculté de géyiéralifer fes idées, ou d'abt traire d'un fujet ce qu'il a de commun avec d'autres, & de l'exprimer par des fignes arhi- traires , conft tue le plus haut degré de la Per- fection fpirituelle , & ce degré différencie VAme humaine de l'Ame des Brutes. L'AiME qui n'efl: douée que du fimple fenti-- nient des fondions vitubs, occupe le plus bas 4^ CONTEMPLATION degré de l'Echelle. Telle eft , peut-être , la Per- fedion de l'Ame de la Moule, ^=— -«-^^^^^ — ■ — s£:i(r ' TzW^ CHAPITRE V. La Vie terrejîre & fes efpeces. h {'Action réciproque des folides & des fluides ^ eft le fondement de la Vie terreftre. Se nourrir ou changer dans fa propre fubf- tance des matières étrangères , croître par l'in- tus-fufception de ces matières , engendrer des Individus de fon Efpece , font les principaux réfultats de la Vie terreftre. Si l'adlion des organes n'eft point accom- pagnée du fentiment de cette aélion , l'Etre or- ganifé ne pofTede que la Vie végétative. Tel eft 3 au moins en apparence , le cas de la Plante. Si l'adlion des organes eft liée au fentiment de cette adlion , l'Etre organifé jouit de la Vie végétative &; fenjitive. Telle eft la condition de !a Brute. DELA NA TURE. IL Part 47 Enfin , (1 la réflexion eft jointe au fentimenc , TEtre poirede à la fois la Vie végétative , fe^u fitive & réfléchie. V Homme fcul , fur la Terre, réunit en foi ces trois fortes de Vies. CHAPITRE VI. s Variétés des Mondes. i Il n'exifte pas deux feuilles préciféineue femblables , il n'exifte pas , à plus forte raifon , deux Choux , deux Chenilles , deux Hommes parfaitement femblables. Que fera-ce donc de deux Planètes , de deux Syftèmes planétaires , de deux Syftèmes folaires F L'alTortiment d'Etres, qui eft propre à notre Monde, ne fe reiicontre vraifemblablement dans aucun autre. Chaque Gbbe a fon économie particulière , fes loix , fes produdions. Il eft peut-être des Mondes fî imparfaits , relativement au nôtre , qu'il ne s'y trouve que des Etres des clafles inférieures. D'autres Mondes peuvent être au contraire fi parfaits , qu'il n'y ait que des Etres propres 48 CONTEMPLATION aux Gaffes fupérieures. Dans ces derniers Mou-- des , les Rochers font organifés , tes Plantes Tentent , les Animaux raifonnent , les Hommes font Anges. Quelle eft donc l'excellence de la Je'ru-- SALEM Ce'leste , où PAnge eft le moindre des Etres Intelligens ? CHAPITRE VIL Idée de la Souveraine TerfeBion mixte, JLiEs Facultés corporelles & intelleduelles peu^ vent être portées à un Çi haut point de per^ feclion dans l'Ordre le plus élevé des Etres inixtes ^ que nous ne Saurions nous en faire que de foibles idées. Se tranfporter d'uii lieu dans un autre avec une viteffe égale , ou fupérieure à celle de la lumière j fe confcrver par la feule force de fa nature , & fins le fecours d'aucun Etre créé 5 être abfolunient exempte de toute efpece d'al- tération ; pofféder une puiffance capable de dé- placer les Corps céieftes , ou de changer le cours DE LA NATURE. IL FarL 49 coufs de la Nature 5 être douée de feus les plus exquis & les plus étendus , avoir des per- ceptions diftindes de tous les attributs de la Matière , & de toutes fes modifications , décou- vrir les eiFets dans leurs caufesj s'élever du vol le plus rapide aux principes les plus gé- néraux y voir d'un coup-d'œil toutes les confé- quences de ces principes j polTéder une puif- fance & une intelligence capables d'organifer la Matière , de former une Plante , un Animal ^ un Monde j avoir à la fois & fans confulîon 4 un nombre prefque infini d'idées 5 voir le palfé aulîi diftinclement que le préfent ^ & percer dans l'avenir le plus reculé > exercer toutes ces facultés fans fatigue ; ce font les divers traits par lefqucls une Main mortelle ofe crayonner le Tableau de la Souveraine Perfection Mixte. CHAPITRE V I I ï. Les Ef prit s -purs, JLiEs Efprits - purs ^ dont nous concevons au moins la poffibilité, exiftent-ils? S'ils exiftent , font -ils préfens à une îll« Tome VIL D 50 CONTEMPLATIOK gion particulière , ou font - ils répandus dans tous les Mondes ? Leur nature eft-elle fupérieure à celle des Etres mixtes i ou y en a - 1 - il parmi eux , qui leur foient inférieurs dans la proportion de l'Ame de la Moule à celle de THomme ? Si les Efprits purs font fupérieurs aux Etres niixtes , cette fupédorité vient - elle en partie de ce qu'ils font privés de Corps ? QUELLEÎ5 idées les Efprits purs ont -ils de la Matière & de fes modifications , de refpace , de la durée , du mouvement ? CoMMEî^T fe communiquent - ils leurs pen- fées ? Ont -ils quelque commerce avec les Ames unies à des Corps ? Mais modérons une vaine curiofité ; l'Etre mixte , qui n'appcrçoit qu'à l'aide d'un Corps ^ & qu'une paille confond, atteindra - 1 - il aux Intelligences Pures ? DE LA NATURE. ILPart ^i ^^:^ -= • r=e^^:m~^ =■ . 'r= :^ CHAPITRE IX. Immenfité de la Chaîne des Etres» E Ntre le degré le plus bas'^& le degré le plus élevé de la Ferfedlion corporelle ou fpiri- tuelle , il eft un nombre prerqu'infini de de- grés intermédiaires. La fuite de ces degrés com- pcfe la Chaîne iiniverfelle. Elle unit tous les Etres , lie tous les Mondes , embrafTe toutes les Sphères. Un Seul Etre eft hors de cette Chaîne , & c'eft Celui qui Fa faite* Un nuage épais nous dérobe les plus belles parties de cette Chaîne immenfe , & ne nous en laifle entrevoir que quelques Chaînons mal liés , interrompus , & dans un ordre très-diifé- rent, fans doute, de l'ordre naturel. Nous la voyons ferpenter fur la furfice de notre Globe , percer dans fes entrailles , péné- trer dans les abîmes de la Mer, s'éîancer dans l'Atmofphere , à s'enfoncer dans les Efpaces céleftes , où nous ne la découvrons plus que par les traits de feu qu'elle jette qn & là. D 2 52 CONTEMPLATION Mais , fi nos coniioiflances fur la Chaîne des Etres font très-imparfaites , elles fufEfent au moins pour nous donner les plus hautes idées de cette magnifique progreiîîon , & de la va- riété qui règne dans l'Univers. CHAPITRE X. Sjpeces moyennes. JLl n-efl: point de fauts dans la Nature 5 tout y eft gradué , nuancé. Si entre deux Etres quelconques , il exidoit un vuide , quelle feroit la raifun du palTagc de Tun à l'autre ? Il n'eft donc point d'Etre au delTus ou au delTous du- quel il nV en ait qui s'en rapprochent par quel- ques caraderes , & qui s'en éloignent par d'autres. Entre ces caradleres qui diftinguent les Etres , nous en découvrons de plus ou de moins généraux. De là, nos diftributions en clalîes , en genres , en efpeces. Ces diftributions ne fauroient trancher. Il eft toujours entre deux clafles ou entre deux genres voifîns , des Productions moyennes^ qui BE LA NATURE. IL Pm-t st femblent n'appartenir pas plus à l'un qu'à l'au- tre, & les lier. Le Polype enchaîne le Végétal à l'Animal. UEcureuil-volant unit l'Oifeau au Quadrupède. Le Singe touche au Qiiadrupede & à l'Homme. g^v - ^^ •^^^^:.i^ -=:^ CHAPITRE XL Conféquence;. IvJL.^ls , fî rien ne tranche dans la Nature , il eft évident que nos diftributions ne font pas les fiennes. Celles que nous formons font purement nominales, 8c nous ne 'devons les i^egarder que comme des moyens relatifs à nos befoins & aux bornes de nos connoilîluiccs. Des Litelligences qui nous font fupérieures , découvrent peut-être entre deux Lidividus que nous rangeons dans la même efpcce, plus de variétés que nous n'en découvrons entre deux Lidividus de genres éloignés. AlKSi ces Intelligences voyent dans l'Echelle de notre Monde autant d'Echellons qu'il y a d'Individus. Il en ell de même de l'Echelle de. D 3 f4 CONTEMPLATION chaque Monde , & toutes ne compofent qu'un© feule fuite , qui a pour premier terme l'Atome , 8c pour dernier terme , le plus élevé des Ché- rubins. CHAPITRE XII. Idée du nombre des degrés de P Echelle, In! Ous pouvons donc fuppofer dans l'Echelle de notre Globe autant d'Eehellons que nous connoiifons d'Efpeces. Les dix-huit à vingt mille Efpeces de Plantes qui conipofent nos Her- biers , font donc dix-huit à vingt mille Echek Ions de l'Echelle terreftre (ij. Et parmi ces Plantes , il n'en eft peut-être aucune , qui ne nourrilTe une ou plufieurs Efpeces d'Animaux, Çe§ Animaux en logent (i) ft UînFatigable & courageux Commerson , ce martyr de THiftoire Naturelle , qui avoit fait le tour du Moiid^ pour nous iuftruire , avoit à lui leul vingt-cinq mille Ef- peces de Plantes , & il étoit perfuadé qu'il en exiftoit au ïuoius quatre à cinq fois autant fur notre Glohe. Et com- bien d'autres Efpeces cachées dans les abîmes des Eaux, & f|ui ae prîrviendrpnt jamais à h connoiffance du Botaniftç., T>E LA NATURE. IL T art, ^Ç ou en nourrilTent d'autres à leur tour. Ce font autant de petits Mondes , qui renferment d'au- tres Mondes plus petits encore. CHAPITRE XIII. Frincipe fur la confiriiElion de l'Echelle, JLjE fimple produit le compofé : la molécule forme la fibre , la fibre le vaiifeau , le vaiffeau l'organe , l'organe le Corps. L'Echelle de la Nature fe conftruit donc en paffant du compofant au compofé , du moins parfait au plus parfait. Mais , en l'envifageant ainfi , & d'une vue très-générale , n'oublions point que notre ma- nière de concevoir n'eft pas la règle des chofes;. Nous ne ferons que jetter un coup-d'œil fur l'extérieur des Etres , nous n'en parcourrons que la première furface : le Contemplateur do la Nature fe borne a contempler , & il n'en- treprend pas de difiéquer. Peut-être donnerons- nous un peu plus d'attention aux Efpeces moins connues ou plus négligées. D4 S$ CONTEMPLATION TROISIEME PARTIE- VVE GÉNÉRALE DE LA PROGRESSION GRADUELLE DES ÊTRES. CHAPITRE I. Les rJémens. jLJ'E rinvariabilité des Efpeces au milieu tîiî mouvement perpétuel qui règne dans l'Univers , fe déduit Pindivifibilite des premiers Principes des Corps ; & l'indivifibilité de ces Principes démontreroit la (implicite de leur nature , fi Dieu n'avoit pu rendre iadeftrudibles des cor- pufcules très-compofçs. La nature des Atomes élémentaires, leurs formes , leurs proportions relatives , la manière dont ils opèrent la formation des Corps , foun des connoiifances qui paflent la portée adueile de rEfprifc humain^ DELA NATURE. IIL Part. Ç7 Ainsi nous ignorons s'il y a autant d'efpeces d'Èlémens qu'il y a d'efpeces de Corps ; ou fi les mêmes particules élémentaires, combinées diverfement , ne donnent pas naiirance à dif« férentes efpeces de compofés. Nous ignorons encore ce qui diftingue eileii- tiellement un Corps de tout autre : ce que nous nommons caraBeres ejjentiels , ne font que les derniers réfultats des premiers Prin- cipes CO- CO tt Les Chymiftes donnent le nom A'Elê.mm c« de principes à ces Subftances fimples, inaltérables, auxquelles ils ne connoiflent point de parties conftituantes. Le Feu, l'Air, l'Eau , la Terre , leur ont paru pofTéder ces caradleres. Ils les ont retrouvés conftammcnt dans toutes leurs Analyfes '■> ils en ont toujours été les derniers réfultats} & ils en ont con- clu, que de la comliinaifon de ces quatre Subftances élémen- taires , de leurs proportions différentes , de leur arrangement particulier , réfultoient tous les compofés de la Nature. Il eft, fans doute, «ne progrcffion dans la formation des Compofés ; mais le Chymifte ne fait que l'entrevoir. Les Com- pofés qu'il juge les plus fimples , font pour lui des Compofés .du premier ordre ; les Compofés un peu moins fimples font des Compofés du fécond ordre h des Compofés moins fimples encore, font des Compofés du troificme ordre, (S:c. Le Chymifte Philofophe ne prononce pas néanmoins fur la fimplicité abfolue de ces Subftances auxquelles il donne le nom d'Elémens, parce qu'il les retrouve dans tous les Corps fufceptibles d'analyfe , & qu'elles font toujours les derniers ^8 CONTEMPLATION O î que le fpeclacle feroit intéreflant ; ô ! que notre cuiiofité feroit agréablement flattée, s'il nous écoit permis de pénétrer jufques à ces Principes. Un nouveau Monde fe dévoileroit à nos yeux ; la Nature , devenue tranfparente , ne céleroit plus fa marche : fes attelicrs & fes laboratoires feroient ouverts. Ici nous la ver- rions affembler les principes du Métal. Là nous la verrions préparer l'incarnat de la Rofe. Plus loin nous fuivrions fon jeu dans les merveilles de la Lumière ou de l'Eledricité. Ailleurs nous Tobferverions tracer les premiers traits d'une Plante ou d'un Animal. Etonnés à la vue de cet admirable ouvrage , nous ne nous laffe- rions point de contempler la diverfité infinie de préparations , de combinaifons , & de mou- vemens par lefquels il eft conduit infenflble- nient à fi perfedlion. Esprits Célestes , qui avez affifté à la création de notre Monde , vous jouifl'ez de ces plaifirs î Nous vous les envions i vous ne nous enviez point les nôtres : plus favorifés que nous réfuUats de fes analyfes. L'étonnante tlécompofition de la L'î- miere , que l'art a fu opérer dans ces derniers temps, lui infpire fur ce fnjet ténébreux une fagc défiance , &, lui fait concevoir la poffibilité que ces Subftances, il finiples en ap- parence , foient elles - mêmes des Compofés?. DE LA NATU R E. IIL Tart. ^9 du Maître de la Nature , vous pénétrez ce qui nous échappe , 8c vous voyez tes efforts que nous faifons pour ramper d'une vérité à une autre , comme nous voyons ceux que fait un Singe pour imiter l'Homme. g^; r-^Ci^'. CHAPITRE IL Trois Genres de comfofition dans les Corj)s, j Observe trois Genres principaux de com- pofition dans les Corps terreftres. Le premier eft celui des Fluides, Le fécond , celui des So- lides bruts ou non-organifés. Le troifieme , ce- lui des Solides organifés. Le premier Genre , qui eft le plus fimple , paroît confifter dans un fimple contadl de par- ticules homogènes , qui tendent ^à fe rappro^ cher les unes des autres ; mais que la moindre force divife. Le fécond Genre, plus compofé, eft formé de Paggrégat ou de la réunion de différentes particules dans une maffc folide. ^o CONTEMPLATION Le troifieme Genre, plus compofé encore que le fécond , eft formé de Pentrelacement d'un nombre prelque infini de parties , les unes flui- des , les autres folides. Ce Genre porte le nom de Tijfu, C H A P I T R E I I I. Des Fluides en général , & de quelques Fhiides en particulier, JLiE peu de réfiftance que les Fluides appor- tent aux forces qui les divifent , leur difpofî- tion à garder le' niveau , la -promptitude & h facilite avec lefquelles ils fe meuvent , péné^ trent & divifent les folides , indiquent qu'ils font de tous les Corps les plus fimples, les plus fubtils & les plus adlifs (i). (i) ff Un Phyficien célèbre définit le Fluide, un Corps dont les parties ne font pas liées enfemble , qui cède aifé,. ment 'au toucher , qui réfifte peu à la divifion , & qui fe répand comme de lui-même. Il remarque, que parmi les Fluides, les uns , comu^e l'Air, fe Irépandent par leur poids & par leur reflbrt : d'autres , comme le Sable, par leur poids feulement, fans fe mettre de ni- veau; qu'il en eft d'autres , comme l'Eau, qui fe répandent par leur poids & par le mouvement inteftin de leurs mo« T^E LA NATURE, IIL Fart €î A fes divers eiFets . le Feu paroît être un des Corps qui réuniiient ces qualités dans le degré le plus eminent. Il réfulte de plufîeurs expériences , &: en particulier de celles fur TEledricité (2) , que le Feu eft un Fluide répandu dans tous les Corps 5 fuivant une proportion relative à leur nature. Tantôt il ne fait que remplir fimplement leurs porcs. Tantôt il s'unit intimement à leurs parties coniiituantes , & compofe alors les ma- tieres inflammables (3). lécules. Ceux - ci fe mettent de niveau , & on les nommé proprement tics Liquides. Ainfi on peut dire d'un liquide , ' qu'il eft plus fuide qu'un autre Liquide. Divers faits prouvent le mouvement inteftin des Liquides ; par exemple révaporation, les di Ablutions , % COKTËMTLATIOK L'Air & PEaix entrent auflî dans la eompa-^ ijtion d'un très-grand nombre de matières de diiîérens genres. fluidité; car c'cftàlui que toiis lés Liquides doivent lia leur. L'Eau , privée de fon Feu , devient folide ; le Métal , pénétré de Feu , devient liquide ; il fe volatilife fi la force du Feu augmente. Elle pourroit accroître auipoint de diffiper les Corps les plus durs ou les plus fixes. Puis donc que le Feu pénètre les Corps les plus denfes, àl faut que fes particules intégrantes foient d'une petiteffe prodigieufe ', & puifqu'il y produit de fi grands effets ^ il faut qu'il foit fufceptible du mouvement le plus rapide. Il eft ainfi le plus puiffant Agent de la Nature , & le diffolvant uni- verfel. Mais cet Etre étonnant, qui produit fous nos yeux tanÊ & de fi grandes chofcs , qui eft, en quelque forte, l'Ame du Monde, le Principe de la Vie, eft de tous les Etres phyfi- ques celui dont nous pénétrons le moins la nature. Tous les Liquides lui doivent leur fluidité , & nous ne favons pas ïr.éme d'où lui vient la ficnne. De l'union du Feu élémentaire avec une certaine Subftance qui ne nous eft pas mieux connue, réfulte un Compofé célèbre en Chymie , & connu fous le nom de FhhgîJIique. C'eft ce Phlogiftique qui eft devenu de nos JQurs l'objet des plus profondes recherches du Chymifte. Il le définit, un Principe fécondaire , fec, volatil, très- fufceptible de contracter le mou- vement igné, qui peut fe combiner avec la Terre & l'Eau, entrer dans la compoRtion d'une ^multitude de Corps, les rendre plus ou moins inflammables , pafler fans altération d'un Compofé dans un autre , fans ceffer d'être le même dans tous les Compofés. DE LA NATURE, IIL Farf, 6^ Souvent ils femblent changer de nature , & fubir diftérente? efpeces de transformations 5 mais ces transformations ne font qu'apparentes. Us reprennent leur ctat primitif dès que les caufes qui les déguifoient ceflent d'agir (4). Le Phlogillique eft donc le Principe de rinflamm.ibilité des Corps combuftibles. Ils ne brûlent & ne s'enflamment que par le Phlogiftique qui entre dans leur compofition. Ils ne fe réduifent en cendres que par l'épuifemcnt de ce Principe. G'eft dans les Subftances organifées que réfide originaire, incnt le Principe inflammable ou le phlogiftique. Les organes infiniment déliés des Végétaux & des animaux , font les la- boratoires ovi la Nature combine fecrétement le Feu élémen- taire avec cet autre Principe , à nous inconnu , pour en for- mer le Phlogiftique , qu'elle diftribae enfuite fous différentes proportions dans une infinité d'autres Corps. (4) tt On connoît h belle Analyfe de l'Air, de lilluftre Hales. Ce grand Phyficien avoit bien étonné le Monde en lui apprenant que quantité de Corps , même très-compadles , ne font en grande partie que de l'Air métamorphofé dans leur tiffu en fubftance folide. L'Air peut donc devenir partie conftituante des Corps. Se» molécules s'ifolent alors , & il perd fou élafticité. Il la re- couvre par le dégagement de fes molécules. Il rentre alors dans l'état d'aggrégation. Jufqu'ici les Chymiftts avoient regardé l'Air comme un véritable Elément , parce qu'ils n'étoient jamais parvenus à le décompofer. Des expériences très-modernes ont infpiré plus que des doutes fur cette opinion : on comprend gue je parle des nouvelles découvertes fur l'Air, qui occupent tant aujour- H CONTEMPLATION CHAPITRE IV. T>e quelques Solides bruts ou non-organifés* L A Terre pure eft la bafe ou le fond de k compofitioii des Solides. Le Chymifte la re- trouve dans tous les Corps dont il fait Panalyfe* tl'hui les plus habiles Chymiftes , & fur les réfuîtats defqueîles ils ne font pas près de s'accorder. L'Eau , que l'art n'cft point encore parvenu à décompofer, entre, comme l'Air, dans la compofition d'une itiuititude de Corps. Elle concourt fur-tout à la formation des Subftances falines , des Subilances calcaires & des Subftarices organifées î mais t)n ne la retrouve point dans les Subftanccs vitrifiables , jîi dans les Subfiances métalliques. Elle eft le dilfolvant d'un grand nombre de Corps. On peut juger par la folidité du mortier & de certains ciments, du degré de ténacité que l'Eau peut contrader par fon union intime avec certains Corps. Cells qu'elle contraéle par fa converfion en glace, n'eft pas moins remarquable, quoi- que d'un genre très-différent. Q.uan(l les molécules de l'EaU s'uniïïent intimement aux parties conftituantes des différens Compofés , elljs s'ifalent probablement , comme celles de l'Air. Mais dans la converfion de l'Eau en glace , elles ne s'ifolent pas proprement,* elles ne font que revêtir les unes à regard des autres , de nouvelles pofitions ^ en vertu defqueîles elles s'arrangent en contaft , fuivant un certain ordre plus ou moins ré^'uîier. On pourroit foupc^onner néaa- Fixe y DE LA NATURE. III ?art. '6^ Fixé , inaltérable , elle réfifte au feu le plus violent j & cette inaltérabilité de la Terre élé- mentaire , eii nous prouvant la finiplicité de fa nature , nous indique quel eft le premier écheU Ion de TEchelle des Solides bruts (i). moins qu'il eft des cas très- diffe'rens de celui de la congélation, où les molécules de l'Eau s'arrangent d'une manière relative. (0 tt La Terre élémentaire^ que les Chymiftes nomment aufîî Terre primitive ou vitrifuihle ^ eft la pins fixe de toutes les fubftances folides & leur dernier réfidu. Elle fe combina d'une infinité de manières dans les fubftances organifees , comme les autres Elémens , & revêt ainfi de nouvelles ap. parences qui la déguifent plus ou moins j mais qui n'altèrent point fa nature primitive. Le Chymifte n'eft donc jamais fur de pofTéder la Terre élémentaire dans fa pureté originelle , & il en eft à cet égard de la Terre , comme de l'Air & de l'Eau. La Terre qui fait la bafe du Cryftal de roche , & fur- tout celle du Diamant, eft regardée comme urte des plus pures j & qui approche le plus de la Terre primitive. Nous ignorons fi les Elémens peuvent fe combiner immé- diatement les uns avec les autres. Mais nous voyons dans les Corps organifés des inftrumens admirables , à l'aide def- quels la Nature opère dans le plus profond fecret une mul- titude de ces cnmbinaifons élémentaires , que l'art ne fauroit imiter , & qui répandent une fi merveilleufe variété dans les trois règnes. Au refte, la Chymie n'eft point encore nflez perfectionnée 5 pour que nous puilfions nous affurer de la marche progreflîve de la Nature dans fes pafiages d'un Mixte à un autre Mixte. Ses premières combinaifons nous font inconnues , Si parmi Tome VIL E 66 CONTEMPLATION De l'union de la Terre pure aux Huiles g aux Soufres , aux Sels , &c. , naiireiit différentes efpeces de Terres plus ou moins compofées , qui font la nourriture propre d'une partie des Corps organifés (2). celles que nous connoiflbns un peu , nous ne découvrons pas ties carafteres qui fuffifent à déterminer Tordre des' échellons. Il refte toujours ici beaucoup d'arbitraire , qui diminuera peu -à -peu à mefure que nos connoiflances chymiques ac- querront plus de préeifion. Mais il me femble toujours, que l'Echelle de lu Nature doit fe conftriiirc , comme je le difois , en paSant du fimple au compofé , des Siibftances moins altérables aux Subftnnces plus altérables j & c'eft la Taifcn pour laquelle j'avois placé ici les Métaux parfaits au deflbus des Métaux imparfaits. L'Or , par fa fixité ou fon indeftfudibilité paroît fe rapprocher des natures élémentaires. (2) If La Terre pure ou élémentaire fe combine de mille manières avec les autres élémens, dans l'intérieur des ma- chines organiques , & de ces combinaifons dérivent une mul- titude fie fubftances plus ou moins compofées. Elle fe com- bine fur -tout dans les Corps marins avec l'Air & l'Eau, & de cette combinaifon particulière naît la Terre calcuîve , fi généralement répandue dans les couches de notre Globe, & dont les Montagnes fécondaires font pricipalement formées. Ainfi, la produftion de ces Montagnes, dont les Chaînes font fouvent fi étendues , tient en dernier refibrt à de trèâ-petits Infcftes , qui naiffent , croiiïent & périflent au fond des Mers. On cemprend que je parle de ces nombreufes Familles de Polypes, connus fous les noms de Coraux, de Coralîines , de Madrépores , &c. On fait que i'envelopne ou le fourreau DE LA KATVRË. lïL Pari, ê^ Les Bitumes & les Soufres , formés princi- palement (3) de Matière inflammable & de de ces petits Etres, qui fait corps avec eux , efl formé d*nne, matière crétacée , que la nutritioii incorpore dans le tinTu pa- renchimateux de l'Animal. C'eft cette matière crétacée qui conftitue le fond de la Terre calcaire des Montagnes fécon- daires. Les Familles non moins nombreufes ries Coquillages ajoutent beaucoup à ce foml. Des milliards de géaéi'ations dô ces Corps marins qui tapiffent le fond dt;s Eaux , entaffées les unes fur les autres , par l'entafTement des fiecles , ont produit enfin ces maifes énormes que la Mor a laiffées a dé- couvert en fe retirant. Il eft des Montagnes qui femblent n*ttre compofées que de coquilles ou de fragmens de co- quilles , & la loupe en fait découvrir dans des endroits ou l'on n'en foupqonnoit point. La Terre calcaire a donc une origine animale : elle fe combine à fon tour avec différens Sels , & donne ainfi naiflance à diverfes Productions fciliuû" terreiifes', telles que les Sélénites , les GypSj &c. (5) tt La place que j'aflîgnois ici aux Bitumes, ne leur convient point. J'adoptois l'opinion de quelques Natiiraîiftes qui les croyent des Subftances vraiment minéraies ; & cette opinion eft une erreur. Les Bitumes font des Subftances huileufes , qui appartiennent originairement au Règne orga- nique. Ce font fur-tout des Subftances végétales , enfouies dans la Terre , & pénétrées d'un Acide minéral , qui donnent naif- fance aux Bitumes,- & ce qui achevé de le prouver, c'eft que l'Art peut former une forte de Bitume , par le mélange d'un acide minéral avec des Subftances végétales. D'ailleurs on ne connoît point de Subftance vraiment minérale, qui contienne de l'Huile. Le Jaytt, le Succin , font dss efpecei de Eiîiinies. E ^ ^3 CONTEMPLATION . Terre , femblent nous conduire de la Terre pure aux Subltances métalliques , dans lei^ quelles on découvre les mêmes principes eiTen- tiels , mais dilîéremment combinés (4). Ces immcnfes lits de Charbon foffile, qu'on trouve enfevelis fi profondément en terre, 11e font autre chofe que Mes débris de Végétaux plus ou moins décompofés , ou minéralifés par 3'acide qui en a pénétré la fubftance. A regard du Soufre , formé de la combinaiTon d'un Acide minéral avec le Principe inflimmable , il paroît avoir bien de l'affinité avec les Subftances métalliciues , auxquelles il s'unit étroitement. (4) ft De toutes les Subftp.nces de notre Globe , le*; Mé- taux font i\ la fois les plus pefantes, hs plus denfes , les plus fixes , les plus opaques , les plus brillantes , les plus duftiles. M'.is tous ne poffedent pas ces propriétés au même degré. L'Or & l'Argent les pofiedent dans le degré le plus éminent, & c'eîl ce qui leur a mérité la qualiHcation «le Mé- taux pnyfaits. Les autres Métaux ont été nommés mparfuits^ parce qu'ils ne pofiedent ces propriétés que dans un degré très inférieur. Les Subdanccs métalliques qui n'ont ni fixité ni dudilité , portent le nom général de demi- Met aux. Tels font l'Antimoine, le Rifmuth , le Zinc , &c. Il eft aujourd'hui bien démontré, que le iMétal réfultc d'une combinaifon fecrete de la Terre avec le Principe inflamma- ble , & cette démonftration eft une des plus belles de la Chymie moderne. Ce font fur -tout les Métaux imparfaits ^ qui mettent cette vérité dans le plus grand jour. Ils brû- lent à l'air libre & fe calcinent. Par cette calcination , le Mé- tal fe convertit en une véritable Terre , qui a reçu le nom BE LA NATURE. IIL Part. 69 L'Inaltérabilité de l'Or au feu le plus violent , fa mulléabilitc & fa dudilité prodi- Je Chaux métallique , & qui ponflce au feu , fe fond & fe vitrifie. Cette Chaux ne reffemble point du tout au Métal j elle n'eu a point les admirables propriétés ; mais , fi on la traite avec une Matière inflammable quelconque , on verra un grand prodige : cette Terre redeviendra un vrai Métal, & ce qu'elle aura enlevé du Principe inflammable à la Matière étrangère , égalera préciCément ce que celle - ci en aura perdu. Il eft donc vrai, que l'Art peut jufqu'à un certain point aéoompofer & recompofer le Métal; & il eft bien remarqua- ble qu'il ait déjà pénétré fi avant dans le fecret de la for- mation de cette Subftance. Mais , que de chofes intérefiantes , «[ui reftent encore à découvrir dans ce beau fujet ! que de merveilles , qui échappent ici aux recherches du Chyinifte , & qui excitent autant fon induftrie que celle de l'Alchymifie eft excitée par le defir infeufé de faire de l'Or ! Comment un Principe aufli fubtil , aufli léger, aufîî fugitif que l'eft le Principe inflammable, donne -t -il au Métal fa denfité, fun opacité, fa couleur , fon éclac , & fur- tout fa duélilité mer- veillcufc ? Par quel Art profond la Nature unit- elle dans rOr , l«s Parties intégrantes du Feu aux Parties intégrantes ^c la Terre , de manière qu'elles forment une Mafl^e fi liée , que la continuité des Parties ne cefle pas , lors même que cette Maffb , fuppofée du poids d'une once , eft tirée en un fil de piufieurs centaines de lieues de longueur ? On voit bien en général que cette merveille tient en dernier reATort à la forme & à l'arrangement des Parties ; mais ce font pré- cifémcnt cette furme & cet arrangement qui fe refufent à Hotre E 3 70 eONTIMFLATIOK gieufe 5 prouvent également l'homogénéité de fes parties , leur extrême finefTe , & leur étroite union (f). Au defTus de FOr fe rangent les autres Mé^ taux dans Pordre de leur compofition , ou re- lativement à la combinaifon & à l'union plus ou moins forte de leurs principes. L'Argent fuit l'Or immédiatement. Il réfifte ciiriofité. On a peine à revenir de .fa furprife , quand on fonge qu'un morceau d'Or n'eft en grande partie que du Feu combiné avec de la Terre, Et quelle foule de réflexions s'oE- frent à l'Efprit fur les rapports cachés qui lient les Etres, lorfque remontant à la première origine du Principe inflam- mable, on vient a découvrir que c'eft par la végétation que la Nature prépare de loin les matériaux de la métallifation ! (î) -ff Non- feulement 'rOr pur en mafle réfifte au Feu de verrerie le pins violent, fans y rien perdre de fen poids i mais il a paru réfifter encore à l'adion de ces puiflTantes Len- tilles de nouvelle conftruflion , qui fondent en demi -minute tous les métaux , & même le Fer forgé. Il ne cède point îion plus à l'adlion des Acides fimples les plus cauftiques , & n'eft point fnrceptible de rouille. On fait qu'il eft le plus pcfant de tous les Corps qiîe nous connoifTons : il ne perd dans l'eau que ~ ou -^ de fon poids. Sa dudilité eft telle «ju'une feule once de ce Métal peut s'étendre au point de /ournir un fil de quatre cent quarante-quatre lieues de lon- gueur, I DE LA NA T URE. IIL Vart, 71 comme lui à i'adioii du feu ; mais il efl: moins malléable , moins dudile , & diflbluble par un plus grand nombre de diflblvans (6). A la fuite de l'Argent paroît le Cuivre, qui a avec ce Métal une grande affinité. Il cft lui- même fuivi de l'Etairi , du Plomb , du Fer (7). (^6) ff II femble qu'il faille placer aujourd'hui entre l'Or & l'Argent un iMétal parfait , nouvellement découvert , connu fous le nom de Platine ou à'Or-bUmc ^ & qui a plus d'analogie avee l'Or qu'aucun autre Métal. Sa couleur blanchâtre ou grifâtre a peu d'éclat. Sa pefanteur égale prefque celle de l'Or, & fa dureté approche de celle du Fer. Il n'a, comme les Métaux parfaits , ni odeur ni faveur. Il ne fe rouille point, refifte au feu le plus violent & le plas long-temps continué , & n'eft fiifible que par le Miroir ardent. Il réfifte comme rOr, à l'adlion des DilTulvans fimples les plus puiiTans , & ne cède qu'à celle de certains Dififolvans compofés. L'Argent eft après l'Or &; la Platine , le Métal le plus fixe ou le plus indeftrudible par le feu , & par l'adion combi- née de l'air & de l'Eau ,* mais il ne réfifte pas , comme eux , à la puiOancc des Diffulvans fimples. (7) tt Tous les Métaux impcirfuîts ont de l'odeur & de la faveur , & perdent plus ou moins de leur principe inflam- mable par l'adlion combinée de l'Air & de l'Eau. Cette forte de décorrpcfition des Métaux imparfaits eft ce qu'on nomme leur rouille. Dans ces fubftances métalliques , le principe in- flammable eft donc uni iiioîns étroitement avec le principe terreux , qu'il ne l'eft dans les Métaux farfuits. Auffi les E4 7a CONTEMPLATION Des Çompofés qui ne différent des Métaux qu'en ce quils ne font pas malléables, s'en Métaux imparfaits font - ils dinblubles par une multitude dç menftrues. Ils font encore très - eombiiftibles & très-cal- çinables. Le Plomb eft après l'Or , la Platine & le Mercure, le plus pefant des Métaux : il ne perd dans l'Eau que ~ ^^ ^^" P°^'^^ *" il eft donc plus pefant que l'Argent qui y perd ^^. L'Etain , qui eft le moins pefant des Métaux , perd dans l'Eau juf- qu'ài «le fon poids. Si l'on penfoit que les Métaux les moins fixes font auffi les moins tenaces, on fe tromperoit. Le Fer, le plus deftruc- tible des Métaux , poffede une ténacité qui fe rapproche beaucoup de celle de l'Or. Un fil de Fer, d'un dixième de pouce de diamètre , foutient fans fe rompre un poids de quatre cent cinquante livres. Un fil d'Or, de même diamètre, en porte cinq cents : un fil de Plomb n'en porte que trente. Le Mercure, cet Etre fi fingulier , à la fois fi denfe &n Tolatil , femble former feul une claffe féparée dans l'oriire des fubftanccs métalliques. Sa couleur & fon éclat , qui imitent fi bien la couleur & Nclat de l'Argent, & fur- tout fa pe- fanteur , qui farpaffe celle du Plomb , avoient déjà porté les Çhymiftes à le ranger parmi les Métaux: mais la fluidité qui fembloit lui être effentielle , les embarraflbit. Une expérience imprévue a difTipé les ténèbres qui couvroient ce fujet , & démontré que le Mercure ett un vrai Métal On eft parvenu à le fixer, en quelque forte, à l'aide d'un énorme froid ar- tificiel , & dans cet état fi nouveau de congélation , on l'a vu avec étonnement s'étendre fous le marteau fans fe fendre ni fe gercer. Le Mercure eft; donc un Métal .habituellement en DE LA NATURE, IIL Vart. 7^ rapprochent beaucoup , & Te nomment aufli des Aemi-Métaux. Tels font l'Antimoine , ie Bif- muth , le Zinc , &c. (8). Les Vitriols, produits par l'union de par- ticules métalliques à un Acide coagulé fous une forme fixe & rhomboïdale , paroîffent être le paifage des Subftances métalliques aux Sels (9). fufion , & qui n'a befoîn pour perfévérer dans cet état, que d'une très - petite quantité de Feu» (8) tt Ce n'eft pas feulement par le défaut de malléabilité qviQ les Demi-Métaux différent des Métaux ,• ils en différent encore par le déf3i;t àe fixité h mais ils s'en rapprochent par leur pefanteur , par leur opacité , par leur éclat, C9) tt L'Arfenic paroît être le vrai pafTage des Subftances jnétalliques aux Sels •■> & comme l'a fort bien remarqué un Chymifte célèbre , cette Subftance mixte eft très propre à confirmer la gradation que le Philofephe croit découvrir en- tre toutes les produdlions de la Nature. L'Arfenic tient réellement le milieu entre les Métaux & les Sels ; puifqu'il eft à la fois métallique & falin. La Chymie démontre , qu'il eft proprement une Terre métallique , d'une nature très-par- ticnliere , très - différente des Chaux métalliques , unie fi in- timement à un principe falin & acide , que l'Art ne parvient point à l'en féparer. A l'cç,ard des Vitriols , il en eft de bien des efpeces 5 mais tous font formés de la combinaifon de l'acide vitrioliqne avec yne fubftance métallique. Ainfi , de la combinaifon de cet 74 CONTEMPLATION Les Sels , affedant toujours des figures dé- terminées & conftantes , femblent nous infinuer par - là , Tinvariabilité & la (implicite de leurs principes , dont le fond font l'Eau & la Terre (îoj. acide avec le Fer, réfiilte le Vitriol {le Murs. De Tunion du même acide avec le Cuivre, naît le Vitriol-bîane ^ &c. On voit donc que tous les Sels vitrioliqucs à bafe métallique, peuvent être nomme's des Vitriols. On dira donc le VitrioU d'Or y le VitrioUà' Argent , &c. ; car il eft des procéde's par îefquels l'Acide vitriolique peut fe combiner avec TOr Se l'Argent. (îo) tt Cette opinion fur les parties conftituantes des Sels, cft celle de ia plupart des Chymiftes. Mais le célèbre Baume* a rendu très - probable , que les Sels réfultent de la combi- raifon des quatre Elémens , & que les différentes efpeces de Sels dépendent originairement de la diverfité des combinai- fons des Elémens , ou de leurs proportions refpeftives. Ses profondes réflexions fur cette ténébreufe matière font aflez fentir, que c'ell principalement au Feu que les Sels doivent leurs faveurs , & que c'eft encore à cet Elément , le plus fubtil & le plus aftif de tous les Elémens , que certains Acides doivent leur-caufticité & leurs propriété.^ les plus ca- raftériftiques. Comment , en effet , concevoir clairement la fingulierc énergie de ces Sels , 'Jquand on admettra avec la plupart des Chymift.s , qu'ils ne fout compor^s que d'Eau & de Terre ? D'nilleurs , que de rapports ne découvre- 1- ou point entre les effets de ces Acides fur les fubftances qu'ils attaquent, & ceux que le Feu produit fur ces mêmes fubf- DE LA NATURE. III. Part, 7Ç Dissous par l'Eau, ou volatilifé'i par PAir , ils deviennent le principe des faveurs , & une tances ! Mais le Feu peut fe combiner de bien des manières différentes avec les antres Elémens pour former les Sels,& de cette diverfité de combinaifons réfulte la diverfité des Sels. Lorfque la Terre domine , le Feu eil plus bridé dans fou adlion , & le Gompofé e(l moins falin. Le contraire a lieu lorque l'Eau domine dans la combinaifon ; le Feu eu eft moins bridé , & le Compofc falin eu devient plus aclif ou plus corrofif. Cependant un excellent Chymifte ( M. Macq^uer. ) op- pofe à cette Doctrine des expériences qui ne lui femblent pas favorables, & qui paroiiïent prouver que la caufticité des Sels, eft due uniquement à la puiflante attra^flion qu'ils exer- cent fur les divers Compofés des trois Règnes , ou fur les principes conftituans de ces Compofés. On peut efpérer que la vérité jaillira un jour du choc des opinions de ces deux célèbres Chymiftes. Le nombre des Sels eft très- grand. On connoît la divifion la plus générale des Sels en Acides & en Alkalis. Les premiers font plus inaltérables & plus aftif^. Tous ont de commun, d'affeéler Torgane du goût , & d'être diffolubles par l'Eau, Mais il ne faut pas croire qu'il y ait réellement autant d'ef- peces de Sels , qu'il y a de fubftances qui nous offrent le caradere falin: la plupart ne nous paroîflent falines que pat leur union à des fubftances <{\i\ le font enfentiellement ou par elles-mêmes; (S: un grand Homme a penfé ave: quelque fon- dement , qu'il n'y a qu'une feule efpece de Sel, qui, par fe-î combinaifons variées avec une multitude de Corps , pro- duit toutes les efpeces de Sels que nous obfervons dans la Kature, Ce Sel univetfel eft, félon lui , l'Acide vitriolique. 7^ CONTEMPLATION des principales caufes de raecroiffement des Vé- gétaux , s'ils ne font encore le principe de leur folidité (il) , & de celle de tous les Com- pofés 3 comme ils le font des fermentations 3 dont les effets font Ci variés , & fi étendus. La régularité & l'uniformité des différens genres de Cryftallifations , indiquent affez qu'ils les doivent aux Sels , qui , diifous h charriés par un liquide , & unis à quelques matières étrangères , compofent ces raalfes pyramida- les (12), (ïi) tt J^ "e me rappelle pas aujourd'hui ce qui fn'avoit porté autrefois à attribuer aux Sels la folidité des Corps, mais on fait que la dureté ou la ténacité du mortier eft due principalement à l'union de la matière ialino -terreufe de la Chaux , avec l'Eau & Iç Sable. C12) ff II n'eft point du tout néceffaire de recourir aux Sels , pour rendre raifon de ces différentes cryftallifations. Il fuffit d'admettre , que les molécules intégrantes des fubf- tances qui fe cryftallifent , ont originairement des figures plus ou moins régulières, en vertu defquelles elles font propres à former par leur réunion des Touts plus ou moins régu- liers. On nomme Affinité cette force fecrete, qui tend à réunir les molécules de même genre ou des genres les plus voi- fins ; Si, cette Force eft la même qui régit le Syftême des Cieux, La figure des molécules influe peut - être fur les effets de l'attraélion au contad. La cryftallifation des Sels eux- mêmes dépend de ces caufes. DE LA NATURE. IIL PavL 77 Les Pierres , dont les efpeces font fi iiom- breufes , nous oiFrent des mafles de toutes fortes défigures, de couleurs, de grandeurs , z%f réformés ; nuis ils fe forment journellement. Cette belle M.iticre a égaré des Nataraliftes célèbres : j'en traite ailleurs alfez au long. -78 CONTEMPLATION félon que leurs principes font plus ou moins hétérogènes , plus ou moins mélangés (13). Ci 3) If Les Pierres ne font proprement que des Terres en maflei elles peuvent donc fe ilivifer, comme les Terres, en vitrifiables , calcaires, argilleiifes, &c. Les Pierres vitri- fiables foni les plus dures & les plus pefantes j elles rendent de la lumière par leur frottement réciproque , & font feu avec TAcier. Toutes font indiïTolubies par les Acides , & ne fe fendent pas fans addition. Les Pierres qu'on nomme précieîifes , occupent le premier rang parmi les Pierres vitrifiables ; & leur cryftallifation eft très -apparente. Le Di:imant, la plus précieufe de ces Pierres , eft la plus pure, la plus diaphane, la plus dure de toutes , (Sm'eft pourtant pas celle qui réfifte le plus à l'adion du Feu. On l'avoit cru apyre, & l'on s'étoit trompe'. Des expériences très- modernes & bien faites , ont paru prouver que le Diamant eft combuftible , qu'il s'enflamme & fe difîipe , & qu'il fem- ble participer à la fois de la nature pierreufe & de la nature métallique. C'eft au moins le fentiment d'unChymifte célèbre, Mr. Baume'. Le Rubis , la Topaze , l'Hyacinthe , le Saphir , le Grenat , &c. , font d'autres Pierres précieufes , différemment colorées ; qui approchent plus ou moins du Diamant par leur dureté; Le Cryftal de Roche, dont on trouve des nrafies du poids de plufieurs quintaux , eft la plus commune des Pierres précieu- fes, & la moins dure de toutes. Il affefte ordinaiî-ement la figure d'une pyramide à fix côtés. Le vrai Diamant ou le Diamant le plus dur préfente un oclaedre. C'eft par le mélange de matières métalliques ou minérales avec la fubftance cryftalline , que la Nature pare les Pierres précieufes des plus riches couleurs. DE LA NATVRE IIL Part. 79 CHAPITRE V. Fqffagc des Solides bruts , ou non-organifés , ausi Solides organifés. Les Fièvres feuilletées. Les Fièvres fihreiifes* L 'Organisation apparente des Pierres /^?/i/- ktées , ou divifées par couches , telles que les Parmi les Pierres vitrifiables ou ignefcentes , communes, on compte la Roche proprement dite , le caillou , le Grès , le Jafpe , l'Agathe, le Qiiartz, le Porphyre, &c. Le profond Bergman, qui a plus creufé qu'aucun Chy- mifle dans l'analyfe des Pierres précieufes & des Cryftaux , a trouvé, que leurs principes prochains e'toient la Terre ar. glileufe , la Terre vitrjfîable, la Terre calcaire Sz le Fer. Les deux premiers principes font les plus alondans , & ceux qui varient le plus. Le Fer eft le principe des couleurs, & c'eft par fon phlogiftique qu'il colore. Le Cryftal & les au- tres Pierres analogues, telles que le Grenat, le Q.uartz,&c. ne différent des Pierres précieufes, que par la proportion plus ou moins grande de la Terre vitrihable. Mais le Diamant en diffère par un carafterc beaucoup plus frappant , & qu'on n'avoit pas foupçonné. Quoique le plus dur de tous les Corps que nous connoiffons , il eft deftrudible à un feu médiocre . É LÀ N Air tfRR ÏÏL Part. 8? ^: =■ ^^:m' — -^ — '-- -^/^ CHAPITRE VI. ï)eux clajfes de Solides organifés. Difficultés dé dijlingîier ces deux clajjes. L. lEs Solides organifés fe divifent en deux claiTes générales : celle des Végétaux , & celle des Animaux. Il n'eft pas facile de dire précifément ce qui diftingue ces deux clafTes. On ne voit pas net^ tement où finit le Végétal , & où commencé rAnimal. Et c'eft là une fuite de la gradation que PAuTEUR de la Nature a obfervée dans les Ouvrages. Ni le plus ou lé moins de fimp-licité dans Forganifation ; ni la manière de naître , de fe nourrir , de croître & de multiplier 3 ni la fa- culté loco-motive ne fourniliènt des caraderes fuffifans pour différencier ces deux ordres d'Etreà. Il y a des Animaux dont la ftrudure paroîl aufîî fimple que celle des Plantes. F 2 84 CONTEMPLATION Ce que la Graine & le Germe font à la Plante , l'Oeuf & l'Embryon le font à l'Animal. La Plante & l'Animal croîiTent également par un développement infenfible, que la nutri- tion opère. Les matières reques dans l'une & dans l'au- tre par intus-fufception , y fubiifent des pré- parations analogues. Une partie revêt la nature de la Plante ou de l'Animal , le refte efl évacué. Il efl: chez les Plantes comme chez les Ani- maux, une diftindion de fexes 5 & cette dif- tindion y eft fuivie des mêmes effets eifen- tiels qui l'accompagnent dans ces derniers. Plusieurs Efpeces d'Animaux multiplient de bouture & par rejettons. Enfin on en connoît qui , comme les Plantes , palfent toute leur vie , fixés à la même place. S'il efl: un caradere qui paroî(fe propre à l'Animal , c'efl: d'être pourvu de nerfs. Mais , quelque difl:incW que femble ce caradere , on DE LA NATURE. IIL Part 8r lie fauroit affirmer fans témérité , qu'il foit exempt d'exception (r). CHAPITRE AMI. De quelques Efpeces de Fiantes , dont la forme s'^ éloigne beaucoup de celle qui ejî propre aux Fiantes les plus connues. L A. Plante qui paroit occupei* réclicllon le plus bas des Végétaux , eft une petite mafTe informe , où l'œil n'appercoic qu'une forte de marbrure , fans aucune partie diftinde. Cette Plante eft la Truffe , dont le microfcope dé^ couvre les Graines (i). (i) ft C'efl: qu'il ponrroit fe trouver dans la Plante des parties qui , fans être femblables aux nerfs des Animaux , feroient néanmoins capables de fondlions analogues. Je traite ailleurs plus h fond de la queftion , fi les Plantes font iii- fenfibles. J'ajoute , qu'on ne découvre pas des nerfs dans tous les Animaux ; on n'en découvre point , par exemple , dans les nombreufes familles des Polypes , & pourtant les Polypes font de vrais Animaux. Mais fans doute qu'ils ont des or- ganes analogues aux nerfs , &. appropriés comme ces derniers , au fentiment. ([) tt Le Byjfus dans lequel on ne découvre ni racines ni F ^ se COKTEMPLATIOM A peu de diftance , eft la nombreufe famille des Champignons & des Agarics , qu'on prendroiç feuilles ni fleurs ni graines , & qui ne fe montre qne fous la forme de filets très-déliés, tantôt fiinples, tantôt ramifiés, & fouvent articulés , paroît bien plus dégradé encore que la Truffe , & tenir de plus près aux Minéraux. Ce que foQ intérieur offre de plus remarquable , confifte dans un alTem» blage de véficules qui femblent difpofées avec une forte de îégularitc. On fait que cette Plante fi fiiiguliere eft aquatique, & qu'elle fe reproduit par la réparation ou la divifion natu- relle de fes filets ou articulations. On peut la multiplier pa? art , de la même manière. Ces filets , confervés au fec pendant çles mois ou des annçes , ne perdent point la facilité de végéter , & l'efpece de réfurredion de cette Plante a bien du rapport avec celle des Anguilles du Bled racliitique , & du Rotifere. Ce] tapis verd qui recouvre fouvent le baffin des fontaines , &. le fond lies marres & des étangs , n'eft qu'un amas im- menle de filamens de Byflfus , entrelacés de mille & mille manières , & qui s'élèvent enfuite à la furface de l'eau qnMls ïscouvrcnt de même d'un tapis verd. On peut juger par-U de la prodigieufe multiplication de cette Plante. La Tremelle appartient au genre des Byifus. Mais les niouvemens en ap- parence fpontanés , que préfenteiît fes filets rompus , donnent îieu de foupqonner qu'elle appartient plus au Règne animal qu'au Règne végétal. Elle unirpit donc plutôt le Végétal à l'Animal, que le Végétal au Minéral. La Truffe, cette Plante fi bien déguifée , qui naît, croît & fruclifie dans la terre fans jamais en fortir, ne préfente qu'une tête arrondie , où l'on ne découvre aucun des carac- tères par lefqucls les Plantes nous font counues. Cet étrange yéget.U , ç|ui n'a ni racines ni tig*e ni feuilles ; & qu'on pren- DE LA NATURE. III. Part. 87 pour difFéreiis genres d'excroiflances , fi Toeil armé d'un verre ne découvroit fur leur exté- rieur, dans leurs lames , ou dans leurs cavités, des fleurs & des graines (2). <,lroit pour une petite motte lie terre , eft recouvert d'une £Corce grofîlere , raboteuCe &: comme mamelonnée. Il eft in- térieureaient chirnu , marbré ou veiné, & garni de petites capfules véficulaires , qui renferment trois à fjuatre grains ovoïdes, qui font les graines de la Plante. Ces capfnlcs des graines font difféminées dans la partie brune de la mar- ferure. L'intérieur de la Truffe eft d'abord entièrement blanc; la marbrure ne naît que par degré. Geofroy foupqonnoit que les veines blanches étoient des vaifleaux. (2) tt Les graines des Cahmpignons font bien prouvées : on en découvre dans prefque toutes les Efpeces de Cham^ pignons. Elles font attackées à leurs feuillets ou aux mailles de leur réfeau , ou logées dans leurs cavités tubulaires. Mais l'exiftenûe des fleurs n'eft point aufli certaine , malgré les alfertions de Michel!. De grands Botaniftes , tels que les JussiEU & les Haller , ne croyent point à ces fleurs re- préfcntées & décrites avec complaifance par le Botanifte Ita- lien, & qui ont échappé à toutes leurs recherches. Cepenr dant , puifqu'il eft très -certain que les Champignons f(»ni; pourvus de graines , il fenibleroit probable qu'ils ne font pas entièrement dépourvus de fleurs , ou d'organes analogues aux fleurs. La Famille des Champignons eft fort nombreufe , & prç- fente une multitude de variétés que le Naturalifte Philofophe regrette de ne pouvoir approfondir autant qu'elles demande- raient à l'être. Il en eft de très-jolis, qui ne reflemblcnt pas F4 ^8 CONTEMPLATION Les Lichens , non moins nombreux en e£. peces que les Champignons , les touchent de fort près. Ils rampent fur la furface des pierres , des bois fecs , des Arbres , Sec. tantôt fous la forme de taches brunes , tantôt fous celle de plaques circulaires , de couleur grife ou jaune , çompofées de petites écailles ou de petites gaU les 5 ou découpées en manière de franges , de dentelles, &c. De petites capfules renferment niai à de très -petits verres à boire, & qui font connus des Botaniftes fous le nom Latin de Pejizae , qui multiplient prodigieufenient. Ce font eux qui ornent la terre dans les Automnes pluvieufes. Ils femblent naître de la deftruétion des feuilles & des fruits. Ils parent la furface Aqs terreins pa^ la vivacité de leurs couleurs, & par la variété de leur ftruc- ture. Les couleurs dont ils brillent ne le cèdent point à celles des véritables Fleurs , & offrent des nuances qui leur font propres , & qui font encore relevées par le duvet ve- louté & très - agréable , qui couvre la furface du Chani- pignon. D'autrts Champignons , de la famille des Clavairci , offrent im petit fpedacle très-amufant : ils lancent au loin des jets; paraboliques d'une pouffiere très - fine , qui eJR; probablement leur graine; ee font en quelque fortç de très- petits mortiers qiîi projettent à la fois une multitude de bombes aflbrties ^ leur pctiteffe. Il eft même des Champignons , qu'on a nom- Sîiés Champignons à tnortier , parce que dans les temps humi- des ou pluvieux, leur tête s'ouvre & projette de petites balle^ lyec îin bruit p,rçil à celui ou abreuvées d'un fuc amer , ou garnies d une bourre très-fine. Les formes extérieures des fruits & des graines n'oifrent pas moins de variétés que celles des feuilles & des fleurs : il n'eft prefque a^cun genre de figures , dont ils ne fourniifent des exemples. ^ ., fg - ==^2ii:y ■-^-^^. CHAPITRE X. Vtie de rintérieiir des Fiantes Uatre ordre de vailTeaux compofent l'in- térieur des Plantes j les fibres ligneufes , les utricules , les vafes propres , & les trachées (i), CO tt Je ne voulois pas dire qu'il n'y a dans les Plantes qne ces quatre ordres de vatffeaux , ou d'organes deftinés à Tome VIL G 98 CONTEMPLATION Les fibres ligneufes font des canaux trèsJ fins 5 couchés fuivant la longueur de la Plante ^ & compofés de petits tuyaux mis bout à bout. Tantôt ces vaifleaux marchent parallèles y tan- tôt ils s'écartent , & lailTent entr'eux des in- tervalles ou aires oblongues (2). Ces aires font remplies par les utricules , efpeces de véfîcules membraneufes , pofées ho- rizontalement, & qui communiquent entr'elles. Les vafes propres font un genre de fibres ligneufes , qui différent principalement des au- tres par leur fuc , qui ell plus coloré ou plus épais Cs)- recevoir , à diftribuer & à préparer les fiics nourriciers. L'in- térieur de la Plante peut renfermer bien d'autres organes relatifs à ces différentes fins, & que les Botaniiles ne font pas encore parvenus à découvrir. L'Anatomie des Plantes n'a pas encore été auffi perfedionnée que celle des Animaux. (2) tt Les fibres iigneufcs ou vaifieaux lymphatiques , qui s'obfervent à l'œil nud dans le corps de II Plante , font des faifceaux de taiffeaux plus déliés , qu'on parvient à fé- parer au microfcope. (5) tf Les vaîjfciiiix propres font ordinairement plus gros, & moins nombreux que les vaiifeaux lymphatiques , <& ar- rangés circulairement autour de l'axe de la tige & des bran- DE LA NATURE. lîLVart. 99 Au milieu ou autour • d'un faifceau de fibres ligneufes, s'obfervent des vaifleaux moins étroits, formés d'une lame argentée & élaftique , rou,- lée en fpirale , à la manière d'un reflort à bou- din y ce font les trachées. Elles ne contiennenc ■pour l'ordinaire que de Tair. CHAPITRE XL C: Des couches concentriques des Flaiitei'J^^^^'^ Es quatre ordres de vaifTeaux répandus dans toutes les parties du Végétal , proportionnelle- ment à la-jnature ou aux fondions de chacune/ compofent , du moins dans les Arbres & les Arbriffeaux 5 trois couches principales & coii^ centriques , l'écorce , le bois & la moelle. ches. Le fuc coloré , odorant , favour^ux , & plus ou moins épais , qu'ils laiflent épancher quand on les coupe , les fait aifément reconnoître. Ce fuc, blanc dans le Figuier , rouge dans l'Artichaut , jaune dans l'Eclairé , gommeux dans le Cerifier, réfineux dans le Pin, &c. eft plus abondant dans récorce que dans le bois ; de là les propriétés ou les vertus qui caradérifcnt fouvent celle - là. Il eft même bien pro- bable, que c'çft de la nature particulière de es fuc prspre ^ analogue au chyle ou au fang , que les qualités de chaque Plante dépendent originairement. G 2 tCO CÔNT£MPLATIOK L'ÉCORCE 5 enveloppe extérieure des Plantes,' unie 5 rafe , luifante dans les unes , raboteufe , cannelée , velue , ou épineufe dans les autres , eft formée des fibres les plus larges , les moins preflees , & qui laiiTent entr'elles de plus grandes aires. Le bois , placé au defïbus de l'écorce , a , au contraire , fes conduits plus étroits , plus rap- prochés , fes aires plus petites , fes utricules moins abondans , ou moins dilatés , & il a feul des trachées. La moelle , fituée au cœur de la Plante , n'eft prefque qu'un amas d'utricules , plus grands ou plus renflés que ceux de l'écorce'^& du bois. Ils diminuent ; fe delféchent ou s'elïacent à me- fure que la Plante avance en âge. DE LA NATURE, ni. l'art. loî CHAPITRE XI L Effets qtd réfultent de P orgmnfation des fiantes", J-iA fimplicité de l'organifatioii des végétaux eft apparemment la principale fource des phé- nomènes que nous offrent leurs diverfes ma- nières de multiplier. Une Plante poufle de tous les points de fd furface , des bourgeons : ces bourgeons font eux-mêmes des Plantes : coupés & mis en terre , ils y prennent racine , & deviennent des Touts , tels que celui dont ils faifoient auparavant partie. Le moindre rameau , la moindre feuille , peuvent donner naiifance à de pareils Touts, Des rejettons de différentes Plantes , inférés dans la tige ou dans les branches d'une autre Plante , s'y incorporent , & ne forment plus avec elle qu'un même Corps organique (i). CO tt ^e n'efl: pis iiniquemeit à la fimplicité de l'orga- liijiation lies Plante-î , q l'J Lut rapporter les effets que jiî G 3 T02 CONTEMPLATION CHAPITRE XIII. 'FaJJage des Végétaux aux Animaux. La Senfi- tive : le Polype à bras. h \ timide Senfitive fuit la main qui rap- proche y elle fe replie promptement fur elle- même 5 & ce mouvement , fî relTemblant à ce quifepaffe alors chez les Animaux, paroît faire de cette Plante un des liens qui uniiTent le Règne végétal au Règne animal (0* viens d'indiquer : ils dépendent encore de la forte d'unifor- mité de cette organifation. Chez les Plantes , comme chez ces Animaux qui multiplient de bouture & par rejetions , les parties effentielles à la vie font répandues prefque unifor- mément dans tous le fyftême organique , & Ton retrouve en petit dans un rameau ou dans une fimple feuille , les mêmes vaifTcaux , les mêmes enveloppes qu'on obferve dans la tige & dans les branches. Ce rameau , cette feuille , peuvent donc faire par eux-mêmes de nouvelles produdions. (i) ff Les feuilles de la Senfitive font compofées ou for- mées lie plufieurs folioles. Elles s'ouvrent pendant le jour , i& fe ferment à l'approche de la nuit. La tige poufle de me» nus rameaux , qui en pouffent eux-mêmes de plus petits. Les mouvemens de contradion s'obfervent dans les ra- în^aijx , pomme dans les feuilles» Un rameau jîeut fe plier DE LA NATURE. UI. Part. 103 Un peu au delfLis de ia Senficive , j'apperqois dans une efpece de calice , au fond de Peau , indépendamment d'un autre , & une foliole inde'pendamment de fes voifines. Mais fi la commotion qu'on excite dans la Senfitive eft un peu forte , tous les rameaux & toutes les feuilles y participent , & fe contradlent auffi-tôt Ceci rap- pelle à l'efprit les mouvemens analogues de la Mere-polype & de fes nombreux rejettons. L'illuftre Duhamel a expe'rimente' , que les feuilles d'un Pied de Senfitive , renfermées dans- une malle de cuir, re- couverte d'épailTes couvertures de laine, ne laifîbient pas de s'ouvrir pendant le jour, & de fe fermer à l'approche de la nuit. Q.nelle n'eft donc pas la fenfibilité mervcilleufe de cette Plante ? L'Obfervateur a beaucoup varié fes expériences fui ce Vé- gétal prefqu'Animal. En voici quelques réfultats. Une fecouGTe , une irritation produit plus d'effet qu'une incifion , ou même qu'une fedion. Une légère irritation n'agit que fur la partis ^ju'elle affecle direftement , & fur les parties les plus voifines. Une forte irritation porte plus loin fes influences , & d'autant plus loin qu'elle eft plus forte. Tout ce qui peut produire quelqu'effet fur les organes des Animaux , agit fur la Senfitive ; une fecoufîc , une égrî- ti.'înurc, la chaleur, le froid , les odeurs pénétrantes, &c. ; toutes ces chofes agifiVnt fur la Senfitive. La fubmerfion de cette Plante, ainfi que le vuide ne font que diminuer fa vigueur ou rallentir fes mouvemens 5 mars ils ne fufpcndent pas entièrement fa fenfibiîité ; & l'on y obferve encore le jeu des rameaux Sz des feuilles. Q.uand la Plante fe replie , ce n'eft point du tout par une G 4 Ï04 CONTEMPLATION un petit Corps tout femblable à une fleur. Il fe retire , & difparolt entièrement lorfque je forte de défaillance; car elle eft alors dans un état de contrac- tion , aifé à reconnoître : elle fe raidit môme de faqon que fi on tentoit de la remettre dans fon premier état en lui fai- fant violence, en la romproit. Ceft dans les articulations des rameaux , & dans celles des feuilles & des folioles , que la fenfibilité paroît avoir fon principal fiege. Elle fe manifefte fur-tout dans un point blanc , qu'on apperqoit à l'endroit de l'articulation. On trouve dans l'Amérique feptentrionale , une forte de Senfitive bien plus admirable encore que celle de nos climats: caria Plante dont je veux parler fe faifit des Infeétes vivans , précifément comme le feroit un Animal qui vit de proye, UAtirappe-tnauche ou la I)ionaea.mvfcipul(i ^ c'eft le nom de cette Plante devenue célèbre depuis quelques années , fe plaît dans les lieux frais & humides , & ne frudtifie que vers le trente-cinquième degré de latitude nord. Ses feuilles, longues de trois pouces fur un & demi de largeur , diftribuées cir- culairement autour du collet , recourbées & charnues , font formées de deux pièces principales, qui femblent. articulées l'une avec l'autre. La pièce inférieure eft une forte de pe'- dicules applati , dont la forme imite celle d'un cœur fort alongé. A l'extrémité de ce pédicule eft la féconde pièce ou Ja feuille proprement dite; & c'eft cette pièce qui excite le plus l'attention de l'obfervateur. Elle eft formée de deiax lobes flexibles, faqonnés en manière de palette ovale, & bordés d'un rang d'épines roides , affez longues , & qui vont à h. rencontre les unes des autres quand les lobes ou les palettes fe rapprochent. Au centre de chacune font trois pe- f:,i^ aiguilipnç, qui s'élèvent pçrpendiciilairement fur le plao DE LA NATURE. III. Fart. lOf veux le toucher. Il fort de fort calice , & s'é- panouit lorfque je le laiiTe à lui-même, & que je m'en éloigne. de la palette. Enfin, celle-ci efi; parferae'e d'une multitude de petites glandes rouges , qui filtrent un fuc mielleux , très- propre à attirer les Mouches. Je viens d'ébaucher la defcription des organes les plus re- marquables de la Dionaea : il fr.ut maintenant les obrerver en adlion , & l'on croira voir un Animal qui chaffe aux Infec- tes. A peine une Mouche s'eft-elle pofe'e fur une feuille , que les palettes fe rapprochent à l'inftant , faififlent le malheu- reux volatil , le ferrent de plus en plus , le tranfpercent de îeurs épines , tandis que les aiguillons place's au centre des palettes , s'oppofent encore aux efforts qu'il fait pour fe dé- gnger. L'Attrape- mouche ne lâche point prife. La feuille, femblable à une bouche armée de longues dents pointues , demeure exaftement fermée pendant que l'Infede y eft captif, & fi l'on vouloît la forcer à s'ouvrir pour remlre fa proye, elle fe romproit plutôt que de céder. Mais fi l'on parvient à la lui enlever, fans lui faire trop de violence , les palettes s'écarteront auffi-tôt l'une de l'autre , & reprendront leur pre- mière fituation. Je ne dois pss néanmoins le difîîmuler : cette repréfenta- tion (i parfaite d'un Animal Carnivore , n'eft au vrai qu'une pure repréfentation. LWttrape-moucbe faifit de la même ma- nière tous les petits Corps qui viennent à la toucher , & les retient auffi opiniâtrement. On voit bien que les mouvemens ^ en apparence fpontanés de cette Plante, ont, comme ceux de la Seiifiiive, quelqu'analogie fecrcte avec les phénomènes de Viryjtahilitê; mais c'eft à l'expérience à nous éclairer davan- tage ifur un fujet qui tient de plus près qu'on ne pcnfe , loé CONTEMPLATION Incertain fur ce que je dois penfer de la nature de cette produdion , je découvre à aux parties les plus effentîelles de l'hiftoire de la végétatioa. duantité de Plantes herbacées & de Plantes ligneufes , font à quelques égards des efpeces de Senfitives. Leurs feuilles s'ouvrent pendant le jour , & fe ferment à l'approche de la nuit. On voit le même jeu ou un jeu analogue dans diffé- rentes Fleurs. Prefque toutes les Plantes femblent chercher la lumière, languiffent, & fe déforment quand elles en font privées. Il en eft même qui fuivent le cours du Soleil. Les tiges & les racines exécutent auffi des mnuvemens qui ne femblent pas moins fpontanés que ceux des feuilles. Les unes & les autres affeftent des direftions confiantes , relatives à leurs fondions particulières , & lorfqu'un accident vient à changer cette diredion , elles favcnt la reprendre pnr u:î mauvement qui leur eft propre, & qui a longtems exercé la curiofité d'un Obfervateur. Les parties fexuelles de ài- verfes Plantes n'offrent pas en ce genre des particularités moins frappantes 5 & parmi ces particularités, il en eft qui fe rapprochent plus encore de ce qui fe pafle chez les Ani- maux. Mais il eft un Etre aquatique , que les Botaniftes rangent dans la claffe des Végétaux , & qui a des rapports beaucoup plus marqués svcc l'Animal ; c'eft ia Tremelle , dont j'ai déjà dit un mot. Ses filets, divifés en filets plus petits , fe plient & fe replient d'eux-mêmes en divers fens , s'entortillent les lins dans les autres, fe féparent enfuite, pour fe rejoindre encore ; & ce qui eft moins équivoque , on les voit marcher €n avant ou en î.rriere , s'arrêter , reprendre leur courfe , ramper fur le champ du microfcope , à la manière de certains vers , & chercher la lumière comme las Polypes à bras. DE LA NATURE. III. Part. ïo^ côté , un autre Corps de même forme , mais plus grand , & qui n'eft point logé dans un fourreau. Il efl; porté fur une petite tige^ dont l'extrémité inférieure tient aune Plante, & dont l'autre , inclinée vers le bas , fe divife en plu- iieurs petits rameaux. Je me perfuade facilement que c'eft là une Plante parafite : & pour achever de m'en con- vaincre, je la taille à la moitié de fa longueur. Elle repoulTe bientôt, à paroît telle qu'elle étoit auparavant. Je m'arrête à la confidérer. Je vois les petits rameaux s'agiter , & s'étendre au point d'atteindre à plufieurs pouces de dif- tance. Ils font d'une fineife extrême , & s'écar- tent de tous côtés. Un vermifleau vient à pafTer , & touche lé- gèrement un de ces rameaux : auffi-tôt ce ra- meau s'entortille autour du VermiiTeau, & en fe raccourciifant il le conduit vers l'extrémité fupérieure de la tige. Là , je découvre une petite ouverture qui s'agrandit pour recevoir le VermiiTeau. Il entre dans une longue cavité que renferme la tige : il y eft diiTous & digéré fous mes yeux , & je vois le réfidu rcirortir par la même ouverture. to8 CONTEMPLATION Un moment après, cette Produdlioii fiiigu- liere fe détache de la Plante , & fe met à mar- cher. Les rameaux après avoir fait la fondioii de bras , font encore celle de jambes. A tous ces traits , je ne puis m'empècher de reconnoître , que ce que je prenois pour une Plante parafite , eft un véritable Animal. Je vais obferver la portion que j'en ai retranchée . & je vois avec furprife , qu'elle a crû , & qu'elle eft devenue un Tout femblable à l'autre. Mais ma furprife augmente beaucoup , lorf- qu'au bout de quelques femaines , je trouve ces Animaux transformés en deux petits Arbres fort touiFus. Du tronc , que je reconnois pour le corps de l'Animal, font forties de part & i d'autre plufieurs" branches : ces branches en ont pouifô de plus petites,- celles-ci, de plus petites en- core. Toutes s'agitent en divers fens , & alon- gent leurs rameaux, pendant que le tronc de- meure fixé à un appui. Cet aflemblage furpre- liant ne forme qu'un feul corps ; & la nourri- ture que prend une des parties , fe communi- que fucceffivement à toutes les autres. Enfin » JOE LA NATURE. IILTan\ ioc> cet aflemblagc fe décompofe; chaque branche fe fépare, & va vivre en fon particulier., Plein de ces merveilles, je partage un de ces Animaux félon fa longueur , jufques vers le milieu du corps. Bientôt , j'ai un Monftre à deux tètes. Je réitère l'opération un grand nombre de fois, fur le même fujet ; & je donne ainfî naifl fance à une Hydre , plus étonnante encore que celle de Lerne. Je partage plufieurs de ces Animaux tranf- verfalement , & j'en mets les portions bout à bout. Elles fe greffent ou s'unilfent les unes aux autres, & ne compofent plus qu'un feul Animal. A ce prodige , j'en vois fuccéder un nouveau. Je tourne un de ces Infectes , comme on feroit un gant -, je mets le dehors dedans , & le de- dans dehors. Il ne lui eft furvenu aucun chan- gement : il vit 3 croît & multiplie. Ces Animaux qui multiplient de bouture 8c par rejettons j ces Animaux qu'on greife Se ^10 CONTEMPLATION qu'on retourne , font les Polypes , s'il eft be- foin de les nommer. Les Efpeces en font fort diverfifiées. Beau- coup ne changent jamais de place. Il en ell qui fe partagent d'elles-mêmes , félon leur lon- gueur 5 & qui forment ainfî de fort jolis bou- quets 5 dont les fleurs font en cloche. CHAPITRE XIV. Réjîexmis fur les Machines animales. I L règne une merveilleufe variété dans la conf- trudion des Machines animales. On en voit dans lefquelles le nombre des pièces eft fort petit : d'autres , au contraire , font fort compofées. On ne trouve dans les unes que deux ou trois pièces femblables : d'autres en préfentent un plus grand nombre. Ici 5 les pièces font travaillées fur un mo^ dele , là ce font d'autres modèles & d'autres proportions. DE LA NATURE.III. Pari, ni Enfin , les mêmes pièces font arrangées ou combinées diiféremment en différentes Ma-, chines. La perfection dans les Machines de la Na« tiire , fe melure , comme dans celles de l'Art, par le nombre des pièces , & par la diverfité des effets. Celle-là eft la plus parfaite , qui avec le moins de pièces 3 produit un plus grand nombre d'effets. Mais il eft, par rapport à nous , une diffé- rence confidérable entre les Machines naturelles Se les Machines artificielles ; c'eft qu'au lieu que nous pouvons juger de celles-ci , par une com- paraifon exade des forces & des produits , nous ne pouvons gueres juger de celles-là que par les réfultats. Ainsi nous jugeons plus de la perfedlion du Corps humain , par la diverfité & par l'étendue des opérations de l'Homme , que par l'infpec- tion des organes , que nous n'entrevoyons qu'en partie. Et Cl la perfedion corporelle répond à la perfedion fpirituelle, comme il y a lieu de le penfer, l'Homme l'emportant fur tous les Ani- HZ CONTEMPLATION maux par rintelligence , remportera aulîî par l'organifatioii. D'OU l'on peut conclure, que les Animaux dont la ftrudure fe rapprochera le pkis de celle de l'Homme, doivent être les plus élevés dans récheUe. ^: - ■'- -^^^^ — • :'^' CHAPITRE XV. Réf exions fur le Polype. E tous les Animaux connus , le Polype eft celui dont la flrudure paroit devoir être la plus fîmple 5 & fe rapprocher le plus de celle des Plantes *, c'eft du moins ce qu'indiquent les propriétés qui lui font communes avec cette clafTe d'Etres organifés. Cet Animal fingulier femble être tout efto- mac. Son corps & fes bras font formés d'un même boyau , dont le tilTu eft par-tout d'une grande uniformité. Les meilleurs microfcopes îi'y découvrent qu'une infinité de petits grains, qui fe teignent des matières dont l'Animal fe nourrit. Ces DE LA NATVUE. IILPcù'£ tîi Ces grains feroient-ils des efpeces d'utricules t tecevroient.-ils ies alimens par des conduits^ immédiats , les prépareroient-ils , 8c les tranf^ mettroient-ils à d'autres vaifTeaux , qui les por^ teroient dans les voies de la circulation ? Y a^t-il même une circulation chez le Polype ? Les divers genres de vaiiTeaux que la pre- mière conjedure fuppofe , & que leur fineifô ou leur tranfparence peuvent nous rendre in- Vifibles, doivent être logés dans TépaiiTcur dii tillu dont le Polype efl: formé. j^Jous fommes conduits à le peiifer par rexpériênce du retour^ neiuent , qui en Enfant de l'intérieur de TAni- jnal, l'extérieur, n'apporte cependant aucun chan- gement aux fondions vitales. Mais de quel avantage peut être au P'olypé Une propriété dont il ne fauroit faire ufagé fans leTecours de l'Homme ? je veux parler dfe l'opération du retoimiemeni. Je réponds que cette propriété fait partie des réfultats d'une organifation néceffaire à fa place que le Polype devoit occuper. L'x'VuTEUR: de la Nature ne s'étoit pas propofé de faire uii Animal qui pût être tourné comme ùri gant 5 înais II s'étoit propofé de faire un Animal donfe Tome VIL H 114 COKTEMfLATîOm les principaux vifceres fufleiit logés dans répaif- feur de la peau , & qui put réfifter jufqu'à uiî certain point aux divers accidcns auxquels fou genre de vie devoit Pexpofer. Or , une fuite naturelle de cette organifation étoit de pouvoir être retourné fans cefTer de vivre & de mul- tiplier. C H A P I T R E X V I. Des Vers qui peuvent être nmîtipliés de bouture. De. ^s Animaux dont la ftrudure paroit moins fîmple que celle du Polype , multiplient comme lui, de bouture. Ces Animaux , du genre des Vers , noug offrent un eftomac , des inteftins , un cœur , des artères , des veines , des Poumons , des organes de la génération. Nous y fuivons à l'œil , la circulation du fang, & nous la voyons continuer avec la même régularité dans toutes les parties qui ont été féparées par la feclion. Ces Vers nous conduifent aux Infe&es. 3E LA KAttJRE.IILParL lîf CHAPITRE XVI L l)es irife&es en générai iCi eft l'entrée (îe l'Empire des Animaux , le plus étendu , le plus riche ^ & le plus diverfifié de ceux qui partagent notre Globe. La Province de ce vafte Empire, qui s'oiFr^ la première au fortir de celui des Végétaux ^ peut intérelTer la curiofité du Voyageur , foie par le nombre prodigieux de fes Habitans , foie par la fingularité & la diverfité de leurs figures. Ce lont des Pymées , la plupart fi petits j qu'on ne fauroit les voir diftindement fans le' fecours du microfcope. Ils portent le nom général à'Infe&es , & ce iiom leur a été donné à caufe des inciftons plus ou moins profondes , dont le corps de plu- fieurs eft comme partagé. Le caractère qui paroit diftinguer eirentiel- lement les Infedes des autres Animaux , eft qu'ils n'ont point d'os. Les parties analogues , H:^ ii6 CONTEMPLATION dont quelques Efpeces dliifectes font pout-^ vues 5 s'y trouvent placées à Pextérieur du corps » au lieu que dans les autres Animaux , les os occupent conftamment Fintérieur, La Vie , chez les Infecles , ne réfulte pas •d'une méchanique auffi comporée que chez les grands Animaux. Dans ceux-là , le nombre des différens genres d'organes eft plus petit : mais quelques-uns de ces organes femblent y avoir été plus multipliés. Considérés dans leur forme extérieure , les Infedes peuvent fe divifer en deux claifes> La première comprend les Infedes impropre- ment ainfe nommés , ou dont le corps ell: cou- tiniii & ces Infedes portent le nom général de Vers. La féconde clafTe comprend les Infecles pro- prévient dits , ou dont le corps elt partagé par des efpeces d'incifions ou d'étrangleniensv Dans la plupart des Infedes de cette claffe, les incifions divifent le corps en trois parties principales , la tète , k coVcelet & le ventre î JDE LA JS[ A T U R È, III Fctrf. ii? lîivifîon qui a beaucoup de rapports avec celle qui s'obferve dans les grands Animaux. Parmi les Infedes de la première clafle , les uns n'ont point de jambes , les autres en font pourvus. Tous les Infedes de la féconde clafle ont àes jambes ^ mais les uns font ailés , les autres jion aîlés. Il règne dans les Infedes , une telle variété ^ qu'on peut douter s'ils ne raffemblent pas toutes celles qui font répandues dans toutes les autres parties du Monde animal Et ce qui rend cette variété encore plus furprenante , elt, qu'elle ne s'étend pas feule- ment aux Efpeces , mais encore aux Individus. Le même Infede a dans un temps , des organes qu'on ne- lui trouve plus dans un autre. Le même Individu qui , dans {"cL jeuneffe , appar- tenoit à la première cîaiîe , appartient à la fé- conde dans un âge plus avancé. De là , les difficultés d'une bonne diftribiï^ ^ion de ces petits Animaux. H 3 318 CONTEMTLATIOK CHAPITRE XVII I. L'extérieur des Infe&es. L E corps de prefque tous les Infedes eft formé d'une fuite d'anneaux , emboîtés les uns dans les autres , qui en fe contradant ou fe dilatant , ou en s'alongeant & fe raccourcif^ fant , ou en s'éloignant & fe rapprochant les uns des autres, concourent à tous les mouve- mens de l'Animal La tête 9 dans beaucoup d'Efpeces , change de forme à chaque inftant. Elle fe contrade & fe dilate , elle s'alonge & fe raccourcit , elle pa- yoît & difparoît au gré de Tlnfede. La flexibiv lité de fes enveloppes lui permet ces mouve- jncns. Dans les autres Efpeces , la tête a une forme coi|ftante j elle fe rapproche encore de celle des grands Animaux par la dureté de fes envelop- pes 5 qui fpnt écailleufcs. La bouche n'efl: quelquefois qu'une fimple ouverture circulaire j mais ordinairement ellq DE LA NATURE. III. Vart. 115 eft garnie de crochets ou d'efpeces de pioche? j de dents , ou de deux écailles dentelées c^ui jouent horizontalement j d'une trompe , iailru- ment fort compofé , qui fert à extraire , à li- quéfier & à élever les fues alimentaires s pu d'un aiguillon , organe analogue à la trompe , Si chargé des mêmes fondions elTentieiles (i). Plusieurs Efpeces réunirent deux de ces inftrumens , tantôt les dents & la trompe , tantôt la trompe & l'aiguillon. Diverses Efpeces d'Infccftes font privées de (0 tt Jfi voulois donner ici une idée ile la ftriufture des trompes & des aiguillons chez les Infedes , pour faire juger de la complaifauce avec laquelle la Nature a organifc ces petits Etres , fi méprifés du commun des Hommes , & fi juf- tement admirés de rObfervateur qui fait penfer; mais j'ai fenti que je ne ferois pas entendu fans recourir à des figures. J'invite donc mon Lefteur à confulter celles que rilluftre Reaumur nous a données de la trompe de la Mouche com- mune , de celle de l'Abeille , & de l'aiguillon du Coufiii. En pénétrant avec cet excellent Naturalifte dans les détails- fi multipliés de la conftruclion de ces beaux inftrumens , ou s'étonnera du nombre , de la variété , de la compofition & de l'arrangement des différentes pièces , foit écailleufes , foifc membraneufes , qui entrent dans leur couRruftion 5 -Se Von y reconnoîtra par-tout l'empreinte indélébile de cette Intel- ligence ADORABLE, qui ctayonna de la même Main THoni^ aie & la Mouche. H4 Ï20 CONTEMPLATION Tufage de la vue. Chez elles le toucher oi; quelqu'autre feus fupplée au défaut des yeux-. Les yeux des Infedes font de deux genres , les liiTes , toujours peu nombreux j les chagri- nés 5 ordinairement au nombre de plufieurs niille , & réunis fur les côtés de la têts , fous la forme de deux mafles hémilphériques. Les uns & les autres font abfolument im- mobiles , & apparemment que le nombre com- penfe en partie le défaut de mobilité : il eft donc moins un figne de perfedion , qu'un figne d'imperfedipn. Beaucoup d'Efpeces ont à la fois des yeu^ç îiiTes & des yeux chagrinés (2). (2) ff Les yeux des Infedes font de toiiies le? parties que préfente leur exte'rieur , celles qui s'emparent le plus fortement de notre admiration : les Efprits mêmes les moins jfàitsf pour admirer la Nature , ne demeurent point infenfi- bles à la vue de l'appareil merveilleux , qui règne dans la ftructure de ces organes. Les Infeéles réalifent les plus grands prodiges de la Fable, & ce que l'imagination féconde des Poètes n'avoit pas même ofe' feindre , la Nature s'eft plue à l'exécuter che? ces petits Animaux. La Fable n'avoit donne ^ug cent yeux à fon Argus j la Nature en a réellement donne j.ks milliers aux petits Argus de Ton invention. De chaque côté de 1^ té|e d'un Papillon > d'une Mouçhg > DELA NATURE. IIL Fart I2I ^'iin Scarabé, eft un corps proéminent, arromli en portion de fphere , qui, obfcrvé avec une loupe médiocre, paroît comme chagriné. Ce chagrin , extrêmement fin , n'eft point ce qu'il paroît être : il eft tout autre chofe , & une très belle chofe. Chaque corps arrondi eft une véritable cornée , for- îiiée elle-même de l'aCcmblage d'une multitude de très-petites cornées, encadrées dans les mailles à quatre ou à lix côtés, tl'un réfeau de même matière que la cornée , & tranfpareni comme elle. Ce font les petites cornées qui donnent à l'amas entier l'air du chagrin. Les cornées des Infe^îles font toujours colorées h mais leurs couleurs varient en différentes Efpeccs. Il en eft de noires, tie brunes, de grifes, de cuivrées, &c. Les unes ont l'éclat de l'or , les autres brillent des riches couleurs de l'arc en- ciel } & ce qui eft plus digne d'être connu, il eft de grands Papillons dont les cornées font de vrais phofphores , qui lui- fent comme des charbons dans l'obfcurité. J'ai dit que chacune des grandes cornées eft formée d'une multitude de très-petites cornées, ou fi l'on veut, de très- petites lentilles ; je ne veux pas lailTer penfcr à mon leéteur que ce ne font ici que de fimples cornées, & que l'aflTem- bla^e entier n'eft, en quelque forte, qu'un verre taillé à ficettes. Je dois lui faire concevoir de plus grandes idées de la ftrudure de ces organes. Chacune des petites cornées eft xin véritable œil , qui a fou nerf optique , & toutes les par- ties efientieiles à la forte de vifion dont l'Infecle jouit. De bons Obfervateurs fe font avifés de dénombrer ces petits yeux, & ils en ont compté fix mille trois cent foixante-deuic fur la tête d'un Scarabé , feize mille fur la tête d'une Mou- che, & trente-quatre mille fix cent cinquante fur celle d'un Papillon. Si après avoir vuidé une des grandes cornées, on l'adapte 4» foyer d'un microfcopç. Si qu'on pointe l'inlfirument vers 122 CONTEMPLATION tin Chêne ou un Soldat , on verra une forêt de Chêne en mî- 2iiature , ou une armée de pygmées. C'cft fur-tout dans Swammeedau , qu'il faut contempler l'étonnante fabrique des yeux des Infeéles. On connoît les uierveilles de fon Scalpel. Je ne parlerai que d'après lui. La corne'e des Infeftes peut être comparée à un réfeau : à «haqiie msilie de. ce réfeau répond par defTous , une petite pyramide exagone, qui va en s'élargiffant à mefure qu'elle approche de la maille , & qui fe rétrécit , au contraire , de plus en ph]*; , à mefure qu'elle s*enfonce dans l'intérieur de la tête. La maille paroît s'adapter à tous les contours de la pyramide : elle a donc le même nombre de côtés que celle- ci j & il y a ainfi autant de petites pyramides qu'il y a d'yeux ou de petites cornées dans le réfeau. Une multitude tle tra- chées infiniment petites rampent le long des pyramides, & ces dernières vont toutes aboutir à une membrane blanche , iibreufê , fine , tranfparente , parfemée , de même , de trachées , & dont la forme convexe imite celle de la grande cornée. Au defTous de cette membrane en efl; une autre , plus fine & plus tranfparente , liée à la première par des trachées qui rampent de l'une à l'autre , & fur laquelle font couchées des fibres tranfverfes, moins nombreufes , moins déliées que les pyramides, & fur lefquelles appuie la pointe de celles-ci. Les fibres tranfverfes tirent leur origine du cerveau î & leur Cubftance femble être la même que celle qu'on a nommé corticale. C'eft fur les yeux de l'Abeille, que Swammerdam a fait «es belles obfervations, dont on ne fauroit prendre une idée bien exadle fans eonfulter les admirables figures qu'il y a jointes. Les yeux de la Mouche nommée Bemoifdle , qui font des plus apparens , différent de ceux de l'Abeille & de bien d'autres Mouches, par diverfes particularités. Les facettes Qui occupent la partie fupérîeure de la cornée , font fenft* DE LA NATURE. III. Part 12$ blement plus grandes que celles qui en occupent la partie inférieure , & les pyramides qui appartiennent à ces facettes fupérieures , font auffi proportionnellement plus grofles. L'Obfervateur remarque , qu'il n'a poiut trouvé dans les yeux des Infeftes les trois humeurs qui entrent dans la cora- pofition de ceux de l'Homme & des grands Animaux. Il en infère , que la vifion s'opère chez les Infetles fuivant deK loix très-diffc'rentes de celles que l'Optique nous a fait eon- noître. Il penfe que les rayons de lumière qui traverfent les petites corne'es, ébranlent les pyramides, 8c que l'ébranle- ment fe communique aux membranes placées au deffous ,* de celles-ci aux fibres tranfverfes; & de ces dernières au prin- cipe des nerfs. Il cft tenté de comparer cette forte de vifion à ce qui fe pafle chez ces Aveugles-nés, qui diftinguent les couleurs par le taél. Mais combien eft-il ici de chofes inté- reCfintes qui échappent aux recherches les plus profondes de l'Anatomifte ! C'eft déjà beaucoup qu'il fait parvenu à dé- montrer les parties les plus efientielles de l'organe de la vifion dans des Animaux fi petits, & conftruits fur des mo- dèles fi difFérens de ceux qui nous font les plus familiers. Outre les yeux chagrinés ou à réfeau , divers Infeiles , tek que les Sauterelles , les Mouches , quelques Papillons , &c. , en ont encore de lijes , placés fur le deffus de la tête , & beaucoup plus petits & incomparablement moins nombreux que les yeux chagrinés. Ces petits yeux liflcs font des cor- nées fimples , ou qui ne font point formées de l'afTemblase de cornées plus petites. Au refte, les deux fortes d'yeux ne fe voyent chez l'Infefte que lorfqu'rl a pris fa dernière for- me. Le Papillon , qui a plufieurs milliers d'yeux , n'en avoit que iix de chaque côté de la tête, fous fa première forme de Chenille , & ces yeux étoient lifles. L'étonnant Anato- mifte de la Chenille du Saule nous apprend j que cea yeux iilTes ont h forme d'un y,^£e ou d'une coupe , & que la cor- 124 CONTEMPLATION L'ouïe paroît avoir été refufée aux Infedtes: du moins l'exiftence de ce feus eft-elle ehe^ eux très-équivoque (3). Il n'en eft pas de même de l'odorat. Divers Infedes l'ont exquis , mais on en ignore le fiege. née, qui efi: comme le couvercle du vafc, eft fort tranfpa- rente. H a vu diftinélement un véritable nerf optique qui fe rend à chacun de ces petits yeux , & qui n'eft que le prolongement d'un tronc principal , divifé ainfi en fix bran- ches. Une trachée accompagne ce tronc principal , & fc dî- •vife comme lui , en fix branches qui aboutiflent aux fix yeux. Le célèbre Obfervateur n'a pas encore publié l'Anatomie de fon Papillon, & il eft fort à defirer qu'il la publie: mais en touchant par occafion aux yeux chagrinés de ces Infedes , qui font , fuivant lui, au nombre de plus de vingt- deux mille , il avance 5 que chaque ail ejl probablement un Télefcopt è trois lentilles pour le moins. (3) tt Les Infedles qui, comme les Cigales, les Grillons, certaines Sauterelle , ont été mis en état de rendre des fous , que nous préférerions qu'ils ne rendifient point, fembleroient îic devoir pas être entièrement privés de rotne; mais ce fens peut être fi déguifé ou fi finguliérement placé chez eux, que les Naturaliftcs n'ont pu encore parvenir à l'y découvrir. Il ne faut cependant défefpérer de rien en matière de recher- ches phifiologiques. On a bien découvert dans les Infeftes des organes peut- être aufli bien déguiCés : auroit-on foup- ^onué, par exemple, qu'il fallût chercher les parties fexueî- hs de l'Araignée dans fes antennes ? DE LA NATURE, III. Part. 125 Seroit-il dans ces deux petites cornes mo- biles , qui portent le nom à'antennes , dont oit ne connoît point encore l'uflige , & dont les formes font fi diverfifiées? Les jambes des Infedes font écailleufes ou mcmbraneufes. Celles-là jouent à l aide de plu- fieurs articulations: celles-ci, plus flexibles en- tcore , fe ployent en tous fens. Souvent ces deux fortes de jambes fonô réunies dans le même Ver, Plusieurs ont des centaines de jambes * &' n'en marchent pas plus vite que d^àutres 3 qui n'en ont que fix. Au corcelet tiennent les aîles , au nombre de deux ou de quatre , tantôt formées d'une fîmple gaze plus ou moins tranfparen te , tantôt couvertes de petites écailles diverfement figu- rées , tantôt faites de plumes , comme celles des Oifeaux , tantôt découvertes , tantôt logées dans des étuis (4). (4) tt Les ailes des Mouches font formées d'une forte lît gaze fine, tranfparente & fans couleurs. Les aîles des Papil- lons, beaucoup plus amples que celles des Mouches, t'i ft agréablement colorées , font opaques & recouvertes d'une n6 C 0 N f E M F L A T î 0 M Dans pludeurs efpeces , le Mâle eft ailé , & la Femelle non-ailée. pouffiere fine qui s'attache aux doigts. Avant rinvention des verres on étoit bien éloigné de deviner ce qu'eft cette pouf* fiere, & tout ce qu'elle vaut aux yeux de la Raifon. Ort la prenoit pour un amas de particules irrégulieres , raffem- î)lées au hafard fur l'aîle du Papillon. Mais on fait aujour- d'hui, que les grains de cette prétendue pouffiere, font def petits corps réguliers , des efpeces d'écaillcs , façonnées à lat manière de celles des Poiffons , & dont les formes extrême- ment variées fixent agréablement l'attention de l'Obfervateur. Il en eft de rondes , d'oblongues , de triangulaires y &c. : les unes font toutes planes , les autres cannelées. Les unes ont leurs bords tout unis ; les autres les ont ondes , échancrés ou dentelés. Les dentelures font plus ou moins nombreufes en différentes écailles ; elles font cncoTe plus ou moins pra- fondes , ci: il en eft de fi profondes , qu'elles donnent à ré- caille l'air d'une petite main. Enfin , il eft de ces jolies écail- les, qui femblent imiter la forme des plumes des Oifeanx oit celle des poils des Quadrupèdes. Aflez fouvent une feule aîle de Papillon fournit des exemples de toutes ces variétés y & de bien d'autres encore. Ce n'eft pas tout : chaque écaille a un court pédicule,? tantôt fimple , tantôt double, ou multi-^ pie , qui s'implante dans la fubftance de l'aîle , entre deux membranes cruftacées & tranfparentes , dont elle eft formé©. C'eft aux milliers ou plutôt aux millions d'écaillés dont les ailes des Papillons font recouvertes , qu'elles doivent leurs riches couleurs , & la diftributîon li variée, & fouvent fi bien entendue, de ces couleurs. Toutes les couleurs & toutes les nuances des couleurs qui brillent dans les fleurs de nos Parterre», fe retreuven-t daas nos petites écailles î &. DELA KATUMRIILParL 127 Sur les côtés ou aux extrémités du corps ^ font de petites ouvertures ovales , façonnées à la manière de la prunelle, & fufceptibles des mêmes mouvemens. Ce font autant de bouches qui fervent à la refpiration. Elles portent le nom àQ Jiigmates. g^: - = ^^^:m ^=^-f — :^ CHAPITRE XIX. Vintérieur des Infe&es. L 'Intérieur des Infedes renferme quatre vifceres principaux ; la moelle fpinale , le fac inteftinal, le cœur & les trachées. c'eït en les combinant & en les arrangeant de mille 8e. mille manières fur les aîles des Papillons , que la Nature leur donne cette agréable parure qui les fait rechercher des curieux. Lorfqu'on dépouille entièrement l'aîle de ces écailles , on ne voit plus qu'une membrane tranfparente , parfcmée de petits trous allignés régulièrement, & divifée dans fa longueur par des nervures qui imitent celles des feuilles des Plantes. Ces petits trous qu'on apperqoit fur la membrane , indiquent les endroits où les écailles étoient implantées. Au refte , toutes les écailles font placées en recouvrement les unes fnr le» autres , comme les tuiles de nos toîts. Elles ne fcnt donc uas iettées au hafard fur les aîles du Papillon. laS CONTE AI PLATîOn Un cordon blanchâtre , couché le long dil ventre , depuis la tète jurqu'au derrière , 8c noué de diftance en diftance , eft la moelle fpinaîe des Infeéles, ou le principal tronc des nerfs. Les nœuds placés d'efpace en efpace , ont été regardés comme autant de cerveaux par* ticuliers , chargés de diftribuer aux parties voi- fines les filets nerveux, du jeu defquels réful» tent le fentiment & le mouvement. Le premier de ces nœuds conftitue ici le' cerveau , proprement ainfi nommé. Sur le cordon médullaire eft placé le faC* inteftinal, qu'il égale en longueur. Il eft, comme le défigne le nom qu'il porte , un long boyau , dans lequel font contenus l'œfophage , l'efto- mac & les inteftins , diftingués feulement les uns des autres par le plus ou le moins de dia- mètre du boyau en différens points. Le long dii dos , & parallèlement au fac in*- teftinal , court un long vailfeau , aifez délié , dans lequel on apperqoit, à travers la peau de Flnfede y des contrarions & des dilatations al- terna tives. De la nature, ni. part 129 ternatives. C'eft le cœur, ou la partie qui en fait les fondions. Les trachées des Infedles reiTemblent parfai- tement à celles des Plantes. C'eft de part & d'autre , même ftrudure , même couleur, même élalticité , même deftination , même dirperfioii dans tout le corps. Une telle analogie dans un point fî elTentiel de l'organifation , fuppole » fans doute, bien d'autres rapports. Il n'eft aucune partie dans les ïnfedes , qui n'ait fes trachées. On les retrouve jufques dans le cerveau , & même dans les yeux. De petits rameaux fe réunllfent , & en for- ment de plus grands j ceux-ci de plus grands encore j & tous vont aboutir à plufieurs troncs ou paquets communs, qui font comme autant de poumons , à chacun defquels répond un Itjgmate (0. (0 tt Les Ecrits immortels trun Leuwenmoéck, d'im Malpighi , & fur-tout d'un Swammeedam, nous avoient déjà donné de bien grandes idées de l'organifation «les liu fecles ; & Ton n'imaginoit pas que l'art de difléquer ces pe- tits Animaux pût être porté fort au delà du point oi^i Swam- WERDAM étoit parvenu. Sa Bible de la Nature montroit eu ce genre, des chcfs-d'œuvres qui fembioient être le dernier Tome VIL I i^o C 0 K T E M F L A T î 0 K CHAPITRE XX. Fajfage des Infe&es aux Coquillages, Les Vers û tuyaux. Réflexions fur ce fajftige. L Es Vers dont le corps efl logé dans un tuyau cruftacé ou pierreux , femblent lier les Infectes avec les Coquillages. terme de l'induftrie humaine. On fait qu'il dineqnoit les In- fectes avec des inftrumens fi tius, qu'il falJoit les aiguifer atr microfcope. On fait encore , qu'il employa envir^iï deux mois à difféquer les feuls inteftins de l'Abeille ; & l'on a vu d-deiTus le précis de fon admirable diffedion des yeux de cette Mouche laborieufe. Mais il avoit été réfervé à notre fiecle de produire un Naturalifte autant fupérieur à Swammerdam, dans l'art fi difficile de diflféquer les plus petites parties des Infedes , que ce dernier l'étoit aux Anatomiftes de fon temps , & des temps qui l'avoient précédé. Mon Lefteur a déjà nom- mé le célèbre Lyonet , & fon fameux Traité anatomique de la Chenille du Saule. Je vais détacher de cet Ouvrage quelques particularités , qui feront fentir plus fortement en- core tout ce que l'organifation des Infeftes renferme de m^Tveilleux , & combien elle eft digne d'occuper un Etre penfant, Qiir.îqu'il ne s'agiffe ici que de celle de la Che- nille , ce que j'en dirai cynviîmira j-afqu'îV un certain point t DELA NATURRIIL Tart. m Il elt cependant des Animaux à coquilles ^ dont la ftrudure parojt le difputer pour M limplicité 5 H celle même du Polype. à beaucoup d'autres Infeftes , dont la ftruclure fe rapproche plus ou moins de celle de la Chenille. G'eft à l'aide des difFérens ordres de mufclcs , dont les divers organes de la Chenille font richement pourvus , qu'ils exécutent les mouvemens , foit volontaires , foit involontai- res , fjui leur font propres. Ces mufcies ne reffemblent point à ceux des grands Animaux. Ce font des paquets de fibres molles, flexibles, & d'une tr.anfparence qui imite celle d'une gelée. La plupart n'ont point de ventre ou ne font point renflés dans le milieu de leur longueur. Ils ne fe montrent que fous rafpedl de petites bandelettes on de petits -rubans > dont l'épaifl^fur & la largeur, font par-tout affer égales. Chaque bandelette eft formée elle-même d'une multitude dç fibres parallèles les unes aux autres. Il eft même des obfer- varions qui femblent indiquer , que chaque fibre mufculaire eft compofée de deux fubftances , de confiftance inégale. La moins molle forme un fil tourné en fpirnle, & qui donne à la fibre mufrulaire l'air d'une cordelette. C'eft par leurs extrémités que les mufcies s'attachent à la peau ou aux par- ties écailleufes ou membraneufes qu'ils font fleftinés à mou- voir. On eft étonné que la patrence de l'Obfervateur ait fuffi è faire le dénombrement de h totalité de ces mufcies, Se l'on n'apprend point fins furprife , qu'il en a compté deux cent vingt-huit dans la tête, feize cent quarante-fept dans le corps, deux mille cent foixante-fix dans le canal inteftinal ; en touî quatre mille quarante-un , tandis que les Anatomiftes n'«a comptent que quelques centaines dans l'Homme. I a 132 CONTEMPLATION De ce nombre eft la Moule des étangs , dans laquelle on ne découvre ni moelle fpinale, ni artères , ni veines , ni poumons. La moelle fpinaîe de la Chemlle diffère par des carafteres bien faillans de celle de l'Homme & des grands Animaux^ Dans ceux-ci, elle eft placée du côté du dos, & logée dans m tuyau ofîeux. Dans h Chenille, qui n'a rien d'ofleux, elle eft entièrement à nud, &. couchée le long du ventre. Elle offre de diftance en diftance , des efpeces de nœnds d'où par- tent différens troncs de nerfs. On compte treize de ces nœuds» Le premier , qui eft le plus confidéralle , conftitue le cer- veau proprement ainfi nommé. On y diftingue deux parties convexes par deOTus , qui femblent être deux lobes, & qui donnent naifiance à huit paires de nerfs , & à deux nerfs folitaires. Ce cerveau eft fi petit , qu'il ne fait pas la cin« quantième partie de la tête. Les donze autres nœuds pour- roient être regardés comme autant de cerveaux fubordon- aés. Le premier de ces nœuds produit quatre paires de nerfs- les onze autres en produiTent chacun deux paires. Il en part encore dix autres paires des nœuds & du cordon médullairer Tous ces nerfs appropriés au fentiment & au mouvement ^ fe divifent & fe fous -divifcnt en un nombre prefqu'infini de branches €i de rameaux , qui fe diftribucnt à toutes les parties. On découvre au microfcope fur chaque nœud eu fur cha- que cerveau , un lacis admirable de trachées , d'une finefle extrême , qui leur donne une couleur de girafol ou d'ua gris bleuâtre , & qui paroît leur former une enveloppe ana» logue à la dure -mère. Au defluus de celle ci en eft une au- tre beaucoup plus fin^ , qu'on fercit tenté de comparer à la pic - mcre. L'étonnant Anatomifte de la Chenille a pénétré plus avant encore ; il croit avoir appercu dans les cerveaux «S» DE LA NATURE. IIL Part, 135 L'Echelle de la Nature fe ramificroit- elle «Il s'clevant ^ dans la moelle épiniere, deux fubftances diftinfles , l'une cor- ticale , l'autre me'Jullaire. Cette dernière paroinToit plus dé- licate & plus tranfparente que l'autre ; & la malFe entière fcmbloit compofe'e d'une multitude de petits grains opaques. L'efpece de cordon que forme la moelle fpinale, & qui s'étend d'un bout à l'autre du corps , fe divife qk & l."i eu deux ou plufieurs cordons plus petits , qui lainbiit entr'eux des intervalles fenfibles. On ne voit point fur le cordon mé- dullaire ce lacis de trachées, qui fe fait tant admirer dans les nœuds. Ainfi le patient Obfervateur a compté dans Ti Chenille quarante-cinq paires de nerfs & deux nerfs ians paire. La Chenille a donc quatre-vingt douze troncs de nerfs , dont les ramifications fout innombrables. Les mufcles font de toutes les parties celles où les nerfs abondent le plus. Les trachées ne fe ramifient pas moins que les nerfs. II en eft deux principales, par-tout à- peu -près cylindriques , étendues en ligne droite le long des cotés de la Chenille , &, à la hauteur des ftigmates ou des bouches deftinées à intro- duire l'air dans l'intérieur de l'Infetle. Vis- à -vis de chacune de ces bouches, qui font au nombre de neuf de chaque côté, la trachée principale fournit un paquet de trschées fuhor- données , qui ont recii le nom de bronches ^ S: qui en fe divi- fant & fe fous-divifant fans celTe , fourniflent des rameaux à toutes les parties, & même aux plus petites. Le diamètre de ces bronches diminue graduellen-rcnt ,3 niefure qu'elles s'é- loignent de leur origine ; elles font donc des tuyaux coni- ques. Les trachées oin un brillaat argenté, qui les fait aifémeut I 3 154 CONTEMriATIOK Les Infejfles à les Coquillages feroient - ils deux branches latérales & parallèles de ce grand Tronc ? ïeconnoître , & qui ajoute beaucoup au grand fpeélacle qu'elles offrent au microfcope. Leur ftrudure eft très-fmguliere. Elles font formées d'une lame elaftique , très - fine , tournée eu fpi.- ïale à la manière d'un l'eîTort à boudin „ & dont les tours font plus ou moins ferrés. Deux membranes dent Y^ne eft vaf- culeufe , recouvrent la lame élarcique , & en maintiennent en place les tours de fpirale. La confiftance cartilagineufe & le î-effort de la lame^ défendent le tuyau contre les preffions , & le tiennent toujours ouvert. Nous ignorons quelle forte de refpiration s'opère dans la Chenille : nous favons feulement qu'elle ne fiurojt refpirer à la manière des grands Animaux ; puifque les parties qui Jont chez elle l'office de poumons, font répandues dans toutç l'habitude du corps, & jufques dajis le cerveau. ïl eft au iiioins certain que l'air eft néceflaire à fa vje, car lorfqu'on bouche les iligmates a^ec un enduit graiifeux, l'Infefte périÇ prefque fur le champ. Si l'op ne bouche in'un ou deux ftigmates, les mufçles les plus voifins tomberont en parai y- fie. 11 fomble donc qu'on pourrait en inférer que l'air influe dans la Chenille fur les mouvemens mufculaires. Mais com- bien nos connoiflTances fur ^économie vitale de cet Inf*(fte fonfc. elles encore imparfaites, malgré l'étonnant travail de fon profond Hiftorie.n. Je voudioir, l'extraire , & je fens quç je reftropie; ipon Ledeur çonfultera lc5 Planches deffinées & gravées par lyi-même, & à la vue de ces chefs - d'oeuvres , vraiment uniques en leur genre, fon admiration fe portersj tour à tour fur la Nature & fur fon Interprête. CeÈ tlojîimç extr^ordinaifç, qui a décrit, deCiné & dénqm- DE LA N A T U R E. m Part. 15^ bré les quatre mille mnfcles , & les quatre-vingt-douze troncs lie nerfs Je la Chenille, & leurs principales ramifications, B'a pas manque' d'exécuter fur les trachées le même travail; & il nous apprend que les deux maîtreiTes trachées fournif- fent deux cent trente-fix tiges , qui donnent elles-mêmes naif- fance à treize cent trente-fix branches, auxquelies il faut ajouter deux cent trente-deux bronches détachées. Le cceur de la Chenille diffère plus encore de celui des grands Animaux , que fes trachées ne différent de leurs pou- mons ; ou plutôt la Chenille n'a pas proprement un cccuf. La partie qui paroît en faire chez elle les fondions , eft un vaiffeau couché le long du dos, qui s'étend en ligne' droite , de la tête à l'anus, & dont les battemens alternatifs s'ob- fervent facilement au travers de la peau, dans les efpcccsqui l'ont un peu tranfparente. L'origine ou le principe des bat- temens eft près de l'anus. Là, ils font plus fenfibles que par- tout ailleurs , parce que c'eft à cet endroit que le voif- feau a le pins de diamètre. Il fe rétrécit infenfiblement à mefure qu'il approche de la tête ; & quand il y pénètre , ii n'ett plus qu'un fil extrêmement délié. De part & d'autre de ce long vaiffeau s'obfervent de diftan.ce en diftance, des pa- quets de beaux mufcles, en forme d'aîlerons, qui préfidentà ces mouvemens. Ces ailerons font beaucoup plus grands à la partie poftérieure du vaiffeau , c'eft-à-dire , à celle oii les bat- temens font plus forts. Il s'y trouve auffi un beaucoup plus grand nombre de trachées. Ce vaiffeau , dont la belle ftrufture eft fi appropriée à Tes fonftions , pouffe continuellement , du derrière vers la tête, ua<2 liqueur limpide, un peu gommeufe, foiblement colorée en vert ou en orangé, & qu'on croit tenir lieu de fang à Vin. fefte. Examinée au microfcope , on la trouve pleine d'une multitude de globules tranfparens , trois millions de foispUis petits qw'un grain de fable, 14 136 CONTEMPLATION Ce grand vaifleau, le plus remarquable de tous par fes mou-» vemens perpétuels de contraftioii & de dilatation , fenible donc être plutôt une maîtrefle artère qu'un véritable Icœur. Aufli lui a t-on donné le nom de grande artère, qui lui convient inieux que ceiui de cœur. Mais une maîtrefîe artère fuppofe des artères fubordonnées : celles-ci fuppofent des rame-.ux de veines auxquelles elles aillent aboutir , & ces rameaux fup- pofent pireillement un principal tronc ou une maîtrefle veine. Il doit donc paroitre bien étrange que notre grand An^tomifte 31'sit rien apperqn de tout cela dans fa Chenille , lui qui y avoit dénombré tant de centaines de nerfs Sz de bronches , beau- coup plus petits que ne devi oient l'être des vaifleaux fanguins, toujours plus apparensque les nerfs dans l'Animal. Ça même été très-inutilement qu'il a injefté la grande artère avec des Jiqueurs colorées : jamns il n'a pu parvenir à y découvrit aucune ramification. L'inutilité de toutes fes tentatives lui a fait naître une conjecture finguliere , que nous ne nouspreC ferons pas d'adopter. Il foupqonne que la nutrition des par- ties ne s'opère point da^is la Chenille par aucune forte de circulation. Mais, comme toutes les parties comniuniquent par une multitude de fibres &de fibrilles, avec un amas de gvailT? généralement répandu dans l'intérieur, & quia requ le nom de corps grc.iftux , il préfume que cette fubftance grafie efr À toutes les parties, ce que la terre eft arx Plantes qui y croîflfent , & en tirent leur nourriture. Mais, puif- gu'il çH; inconteftabîe que la grande artère chafTe du derrière vers la tête une liqueur analogue au fang, il faut bien, ce femble, que cette liqueur lui foi^ apportée par des vaiffeaux: an-îlcgues aux veines, &, que leur prodi-^ieufe finefic a dé- To!;és aux recht-Tches de i'Obferva'eur. î! eft même de bonnes ïaifnns de préfumer qu'à i'oppofite de la grande artère , & le îong du ventre, il Y a une maîtrclTe veine, qu'on croit IVQîr a^^perçu da^s ^ce^ues Chenilles , § d^ns certîiias In-^ DE LA NATURE, ni. Fart, n? La Grenouille & le Lézard , Ci voifîns deg înfecles , en feroient-ils une ramification ( ) ? L'EcREVissE & le Crabe feroient-ils pareilT. lement u.j rameau des Coquillages ? Nous ne pouvons encore fatisfaire à ces quef- tiens. Telle ell la nature de la gradation qui qui ell: entre le^ Etres , qu'ils ne différent fou- vent les uns des autres que par de légères nuan-^ feftes qui leur reflsmblent beaucoup. Ici , la Nature s'eii" fonce tians des profon leurs im'îe'ne'trables; & tous les efforts de l'art humain n'jboiitiffent qu'à nous faire mieux fentir qu'elle eft dans le petit comme dans le grand, l'expreffion fublime des PEiiFECTioNS adorables de fon Auteur. (•) tt La Grenouille, le Lézard, h Salamindre femble^ ïoient devoir être place's à h fuite des R.ptiîes, avec lef-. quels ils ont divers rapports de conformation &;, de ftruclure , en particulier par les organes de la vue & de l'ouic , & par ceux de la circulation. Il eft même des Nomenclateurs qui les ont placés parmi les (Quadrupèdes, à caufe du nombre & de la conformation de leurs pieds & de leurs doigts. Ils ont en conféquence rangé le terrible Crocodile parmi les Lézards ^ auxquels il reiTemhle aflez par £i forme extérieure , & pnr fa manière de multiplier. Le Seps leur a paru faire la Huance entre les Serpens & les Lézards. Ses jambes font fi courtes &. fi petites , qu'il faut y regarder de près pour les apper- cevoir. fj.les font de plus difpofées de manière ^uc les aa« téiicuriiS font très- éloignée s ilçs pofîérkures. Î38 COKTEMFLATIOK ces ; & telles font les bornes étroites de nos facultés, que nous ne parvenons à faifir que ies teintes un peu fortes. CHAPITRE XXI. Les Coquillages. L ES figures agréablement diverfifiées des Co^^ quilles , nous aident à juger de la variété qui rogne dans Forganifation des Anirnaux qui en ipnt les habitans &iles architedes. Les unes font d'une feule pièce : d'autres en ont deux ou davantage. Il y en a qui imitent la forme d'une trom- pette , d'une vis , d'une thiarre , d'un cadran. D'autres relfemblent à un cafque , à une malTue, à une araignée, à un peigne. Ici , c'eftuneef^ pece d'étui à charnière j là , c'eft un navire dont le Matelot eft à la fois le gouvernail , le mât , & la voile, Les Animaux à coquilles , Se ies Infedes à éc;iillcs femblent fe rapprocher par un caractère TiE LA NATURE, 111. Part I39 commun : les uns & les autres ont leurs os pla- cés à l'extérieur (î). Gn pourroit en eiFet , regarder la coquille comme Pos de l'Animal qui l'occupe j puifqu'il l'apporte en nailTant j & qu'il y adherç par clif- ferens mufcles. (0 tt Ls coquille croît avec rAiiimil. Dans les Lîma^ qons où elle eft toinuée en hélice, les tours de fpirale lunt d'autant plus nombreux qu2 le Coquillage eft plus âgé. Il eft fingulier qu'il y ait un beaucoup plus grand nombre de coquilles, dont les tours de fpirale montent de droite à gau- che , que de celles dont les tours montent en fens contraire- Le Limaçon ne quitte point fa coquille. Il fait corps avec elle , & la coquille croît avec lui &. par lui. Elle eft, eu. quelque forte , au Limaçon ce que les os font aux Animaux qui en font pourvus. Mais la Nature nous offre ici une fm- gularité qui n'a encore été obfervée que dans une feule ef- pece de Limaçon terrcftre , du genre des Turbinites alon^ês. Q.uand ce Limaçon fort de l'oeuf, fa coquille n'a que trois tours de fpirale. Parvenue à fon parfait accroilfement , elle devroit en avoir treize fur une longueur d'environ deux pou- ces ; mais un inftinfl: particulier porte l'Animal à occafioner de temps en temps , un retranchement à fa coquille ; peut être parce qu'elle deviendroit pour lui un fardeau trop pefant. Il en calTe le fommet , & lui enlevé ainfi un, deux ou troi§ tours de fpirale. Cette opération fe répète jufqu'à cinq foi^ ptnilnnt le cours de la vie du Limaçon, & la coquille fe trouve conftamment réduite à n'avoir que quatre fpires & de^ mie , fur une longueur d^cnviron treize ù quatorze ligues. 14^ CONTE ÀfPLATION Mais il eft très-fûr qu'il y a des coquilles , qui eroifleiit par juxtapofition j elles fe forment des fucs pierreux qui tranirudent des pores de rAnimal 5 ion corps en eft réellement le moule (2)* Les os , au contraire , ainfi que Pécaille des Infedes , croîllent toujours par intus-fiifception , & font nourris par des vaiiTeaux qui traver- fent leur fubftance. Les Animaux à coquille font charnus inté- {2) f-f II n'eft point vrai qu'il y ait des coquilles qui croîffent comme les pierres , par juxtapsiîtion : c'cfi: une erreur qui a «lû fon origine à des expériences trompeufes ou équivoques. La coquille eft bien réellement analogue aux os, comme je le difois dans le paragraphe précédent. Un habile Anatomifte Ta démontré. Un appendice membraneux ou paren- chymateux du coquillage s'incrufte peu-à-peu, ainfi que les os, d'une matière terreufe ou crétacée, qui donne à la co- quille fa dureté , fes couleurs Se fon luftre. La coquille eft donc formée de deux Subftances très différentes entr'elles , & l'on n'imagineroit pas que celle qui fait le fond ou la bafe des coquilles , même les plus dures , elt molle , délicate & toute charnue. L'organifation particulière de la fubftance pa- xenchymateufe dans chaque efpece,la dipofition de fes fibres , de fes vaiffeaiix , de fes bandelettes , de fes poiîs foyeux , &c. la manière dont le tifiTa primordial eft étendu ou pliHe , déterminent l'arrangement des molécules crétacées & coloran- tes, & influent plus eu moins fur les jeux varias de Ia îumiçre. DELA NATURE. 111 Eart. 141 tieu rement : mais la Nature , toujours variée dans fes produdions , nous montre un coquil- lage dont tout le corps efl; compofé extérieure- ment & intérieurement de petits cryftaux (3), Les coquillages compofent deux grandes fa- milles 5 celle des Conques , dont la coquille eft formée de deux ou de plufieurs pièces -, & celle C5) tt Ce Coquillage, fi célébré parSvvAMMERDAXf , n'eft peut-être pas auffi merveilleux qu'il lui avoit paru l'être, ou plutôt il n en avoit pas connu le vrai merveilleux. Dans les autres Coquillages il n'y a que l'appendice membraneux on parencbymateux tles ligsmens par lefquels l'Animal adbere à la coquille, qui s'incrufte de la matière crétacée; mais , dans le Coquillage dont il s'agit , il fe fait une forte* d'incruftation générale de toutes les parties de l'intérieur, & elle s'étend même jufqu'aux Petits qui ne font pas encore fortis du ven- tre de leur Mère. Telle eft l'origine de ees petite eryftaus tranfpareiîs & brillans, qui avoient tant excité l'admiration de rObfervateur Holiandois , & qui ne font autre chofe que «les molécules cryftalllfécs de cette même mjitiere crétacée, qui incrufte la fubftauce animale ou parcnchymatcufe de toutes îes coquilles. On fait que cette matière fait effervercence avec les Ticidesi & notre Obfervatenr nous apprend qu'il en cft «le même des petits cryftaux de fon Coquillage ; preuve évi« «lente qu'ils ont la même origine que la fubflance terreufe de la coquille. Ainfi , ce qui furvie/it accidentellement à uns artère ou à une membrane du corps humain, qui s'offifie ou fe pétrifie, s'opère habituellement & fuivant des luix conftan- tes Uans le Coquillage vivi^ure-cyyJIcUlhi ds notre Auteur, 142 COKTEMVLATIOK des Limaçons , dont la coquille eft d'une feule pièce 5 tournée ordinairement en fpirale. La ftruclure des premières paroit beaucoup plus fimpie que celle de^ det^iiers. Les Con- ques n'ont ni tête, ni cornes, ni mâchoires: on ne leur voit que des trachées, des ouies j une bouche 5 un anus & quelquefois une forte de pied. La plupart des Limaçons, au contraire, ont il ne tète , des cornes , des yeux , une bouche , un anus, un pied/ La tète 5 ronde & charnue , fe préfente à la partie antérieure & fupérieure de l'Animal, Elle renferme un cerveau compofé de deux petits globes , dont tout l'appareil eft Ç\ mobile qu'il le porte de devant en arrière , au gré du Li- maçon (4)» (4) ft II faut voir dans les belles Pînnches de la Êîhli.aé la Nature^ l'appareil merveilleux des mufcles au moy^îfdcf- qiiels le Litnaqon porte fa tête en avant, déployé fes cornes , &' retire le tout dans fon inte'rieur qunml il lui plait. Le eerveau de ce Coquillage ©ffre une grande fingularitd : il eft réellement mobile j & l'Animal peut , à velouté , le retirer tout entier dans fon ventre & l'en faire reflbrtir. De ceii étronge cerveau part une- moelle épinkre, qui a de Fans* DE LA NATURE. IIL Fart i^t Les cornes au nombre de deux' ou de qua- tre , placées fur les côtés de la tète , font dci? efpeces de tuyaux , fufceptibles de mouvemens variés , & que l'Animal peut faire rentrer dans l'intérieur de fa tête, à l'aide d'un mufcle qu'un grand Obfervateur a chargé de s'acquitter en- core des fonctions de nerf optique , & dont il nous fait admirer le jeu. Cest à l'extrémité des cornes , comme au bout d'un tuyau de lunettes , que f^ trouvent les yeux chez plufieurs Efpeces de Limaçons. Dans d'autres , c'eft à la bafe ou vers le milieu. Ils font noirs & brilians , & ont aifez la forme d'un très-petit oignon. On ne leur découvre que la tunique qu'on nomme hivée s mais ils onÉ les trois humeurs de notre œil (j), ïogie avec celle de la Chenille. Cette moelle , ainfi que le cerveau , donne naiffance à différentes paires de nerfs qui fe diftribuent à toutes les parties ,& leur communiquent le fen. riment & îe mouvement. (ç) tt Les yeux du Limaqon terrefrrc , connu fous le nom d'Efcargot^ font placés au fommet de fes grandes cornes ; les petites cil font dépourvues. Ils fe montrent fous Tafpcd d'un point noir & brillant. Il eft faux que le nerf qui aboutit à ce point brillant, s'acquitte à la fois des fondions de nerf opti- que , & de celles de mufcle. Nous avons là-deflu'; le témoi- ^nnje du plus '^rand Hilîorien du Limaçon: Swammep.dam, Ï44 CONTEMPLATIOM La bouche , qui n'eft à Pordinaire qu'une petite fente en manière de filon, eit garnie qui avoît tant approfondi la ftrnfèure fi remarquable de ce Coquillage, a décrit & repiéleuté le nerf optique , & le muf- de principal qui préfuie aux divers mouvemens delà corne ^ logés tous deux dans celle-ci , comme dans un tuyau creuXo? On vient de voir que le cerveau du fJmaqon eft mobile, & qu'il peut le retirer tout entier dans fon ventre ; les cornes l'y fuivent, & fe retournent alors comme les doigts d'un gant. Dans cette cîrconftance toutes les parties intérieures dé la tête font fituées à l'envers , & préfentent un fpeftaclc intéreffant , qui ne peut être bien admiré que par \\n Anatomifte. Il faut le contempler dans les deffins fi habilement exécutés deTHif- iorien. Tout ce retournement fi admirable , s'opère avec beau- coup de promptitude à l'aide de plufieurs beaux mufcles, 6c c'eft le principal mufcle des grandes cornes , féconde par plu- fieurs mufcles annulaires , qui exécute le retournement parti- culier de ces organes. Le nerf optique , qui part immédia- tement du cerveau , paroît alors contourné en fpirale à îi manière d'un tire-bourre ; mars il s'étend à mefure que la corne fe déretourne on fe déployé pour reparoitre au dehors..- Les cornes , ainfi qu'une grande partie du corps du Lima- çon , font garnies extérieurement d'une multitude de petits? grains blanchâtres , qui ne font pas de fimples inégalités de îa peau , comme on pourroit le croire : ce font de vraies- glandules, deflinées à féparer la matière vifqueufe qui en- duit fes différentes parties , & qui eft d'un fi ^rand ufage à l'Animal. On apperqoit les vaiffeaux qui fe rendent à ces pe- tites glandes, & qui fe montrent fous l'apparence de filions blanchâtres. îl fâlloit :oiUe la dextérité de Swammeïldam pour dccoH- dans DELA KA TU RE. IIL Part. 14^ dans beaucoup d'Efpeces , de deux mâchoires cartilagineufes , pofécs l'une fur l'autre , & dont les inégalités ou découpures font l'office de dents, fi même quelques Efpeces n'ont de véritables dents 5 femblables à celles du Chien de mer, & d'une petitelTe extrême. Les Coquillages privés de mâchoires ont un tuyau charnu & mufculeux, qui fait la fonc- tion de trompe (6). vrir dans l'œil du Limaqon, qui n'eft qu'un point, les trois humeurs de l'œil humain. Lecryftallin eft un globule un peu applati, fort tranfparent, & que l'Obfervatcur a trouvé recou- vert , comme le nôtre , de cette membrane que fon extrême fineffe a fait nommer aracbioïde. Vîwée, de couleur noire, communique cette couleur à la goutte d'eau dnns laquelle on la fait macérer, & le mierofcope fait appercevoir les fibres ou les vaiflfeaux par lefquels cette tunique tient aux parties voifines. (6) tt Les Limaqons les plus généralement connus font frugivores ou herbivores : tels font les Limaçons de nos Cam- pagnes. Mais il eft des Limaqons de mer , qui font carni- vores , qui percent ou taraudent l'çnveloppe cruftacée dedif- férensa Coquillages vivans,pt>ur fe nourrir de leur fubftance. Ils y parviennent au moyen d'une trompe charnue , plus ou moins longue , percée à fon extrémité d'un trou rond , & bor- dée à cet endroit d'une membrane cartilagineufe & dentée. Le Coquillage carnacier retire cette trompe dans fon intérieur, & l'en fait fortir à volonté. Towe VIL K 146 e 0 K T E M ? L A T 1 0 n Les Limaçons n^ont pas des pieds , mais ils ont un pied d'une forme particulière , & qui n'eft qu'un aflemblage d'un grand nombre de iTiufcles , dont les mouvemens imitent ceux des flots de la mer. Une membrane aflez mince tapifTe l'intérieur de la coquille , & quelquefois l'extérieur. C'eft une efpece de manteau , garni de trachées qui réparent l'air de l'eau , & à l'origine defquelles on apperqoit de petites oiiies deftinées aux mê- mes ufages. Le cœur , placé vers la furface du corps dans les Limaçons , a un mouvi^ment fenfible , par lequel il s'élève & s'abaifTe alternative- ment (7). Il eft fous l'eftomac dans les Con- (7) ft Lorfqu'en parcourant d'un œil rapide , comme je le fais ici , l'imnienfe Echelle de la Nature , on arrive par de- grés aux Coquillages , on commence à s'appercevoir d'un ac- croiffement afTez fenfible dans la perfeftion organique. L'or- ganifanon du Limaqon paroît déjà le rapprocher bien plus de l'organifation :de l'Homme, que celle de Plnfeéle, du Ver, & fur-tout de la Plante. Les yeux de l'Efeargot nous en ont fourni un exemple frappant ; les organes de la circulation vont nous en fournir un autre, plus frappant encore. Dans les Infères ni dans les Vers , on ne trouve point de cœur proprement dit: ils n'ont qu'une grande artère , qui pa- luit en faire les funétions. Dans l'Efeargot on trouve un ve'- BE LA NATURE. IIL Part. 147 ques. Celui-cL... mais ne pénétrons pas plus avant dans l'intérieur des Coquillages ; notre marche en feroit trop retardée : nous n'avons pas même contemplé tout leur extérieur , le corps con-. ritable cœur, dont, la forme eft affez fcmbhble à celle du cœur de l'Homme & des grands Animaux ; c'eft une petite mafTe charnue, pyramidale ou reffemblante à une poire , placée vers le milieu du corps, alTez près de fa furfice , & dont les battemens fe font appereevoir au travers des mem- branes demi-tranfparentes qui la recouvrent. Ce cœur a , comme celui de l'Homme , un péricarde qui renferme une li- queur féreufe. Mais il n'a qu'une oreillette & qu'un ventri- cule, & on découvre dans l'une & dans l'autre ces inéga- Ihés, ces amas de fibres mufculaires, & ces petites colcnnes qui fe font remarquer dans le cœur des Animaux les plus parfaits. De la pointe de la petite pyramide paroît fortir une maîtrefle artère , analogue à l'aorte î de l'oreillette f.jrt une maîtrefle veine , analogue à la veine-cave. Ces deux vailTeanx principaux jettent de tous côtés des branches & des rameaux , quife diftribuentà toutes les parties de l'Animal. Une liqueur bleuâtre , un peu vifqueufe , circule perpétuellement dans ces vaifTeaux. En fe contractant , le cœur la chaflfe dans l'aorte , qui la pouffe vers les extrémités , où elle enfile les dernières ramifications de la veine cave, qui la portent dansie trutic , d'où elle pafle dans l'oreillette , pour rentrer dans le cœur qui fe dilate à l'inftant, & pour êtrechaffée de nouveau dans l'aerte & continuer à circuler. Et afin qu'il ne manquât rien d'eflentiel à cette ébauche delà circulation , il eft à l'entrée du cœur, près de l'oreillette, deux valvules fémi-lunaires , qui s'acquittent des mêmes fonE LA NATVRE. 111, Van. 163 Souvenons-nous feulement que le grand Se le petit n'entrent point ici en confidéracion. Dans cet ordre , les Oifeaux aquatiques fe rangeront immédiatement au delFus du Poiiîbn^ volant . Les Oifeaux amphibies ou qui habitent éga- lement Teau & la terre , occuperont l'échellon qui fuit, & feront ainfi la communication des Contrées aquatiques aux Contrées terrellres & aériennes (7). (7) tf Les Oifeaux aquatiques n'habitent pas les eaux h la manière des Poiflfons : leur organifadon eft bien difFe'rcnte de celle de ces derniers 5 mais ils trouvent , comme ces der- niers , leur nourriture dans les eaux. Je nomme donc ici Oi~ féaux aquatiques , ces Oifeaux plongeurs qui , comme h Ma- creufe, le Grèbe, le Plongeon , &c. ne quittent gueres l'can, & dont les pieds femblent plus faits pour nager que pour marcher; & je nomme Oifeaux amphibies ^ ces Oifeaux qui , comme le Cygne , l'Oye , le Canard , fe tiennent égalem.ent frr l'eau & hors de l'eau. On voit donc que ces dénominations à'aquatiques & d'amphibies , ne doivent pns être prifes ici dans un fens rigoureux. Les Methodiftcs nous offrent fur ce fôjet des de'tails qui n'entrent pas dans mon plan. L 3 j64 C 0 N T E M F L A T I 0 J? CHAPITRE XXVII. Les Oifeaiix. A Ce nouveau féjour répond une nouvelle dév^cration. Aux écailles fuccedent.des plumes , plus corci-. pofées & plus variées j un bec prend la place des dents : des ailes & des pieds viennent rem- placer les nageoires : des poumons intérieurs Se d'une autre ftruclure , font difparoitre les ouies : un chant mélodieux fuccede à un filence profond (i). (i) ff La vue piroît être le fens dominant dans les Oi- féaux ^ ils l'ont exquife. L'Oifeaii de proye voit de vingt fois plus loin qu'un Homme ou qu'un Qjiiadrupede. Le Milan , qui s'élève à plus de deux mille toifes , découvre du haut des airs, le Lézard ou le Mulot qui rampent fur la terre, & dont il ne dédaigne p^s de faire fa pâture. Les yeux font proportionnellement plus grands chez les Oifeauxi & ils of- frent des parties qui femblent leur être propres : telle eft cettei efpece de paupière intérieure, tranfparente & très mobile, deltinée à nett< yer la cornée & à modérer l'excès de la lu- mière : telle cft encore cette membrane particulière , placée au fond de l'œil, qui, fournie par un épanouifieinent du iicif optique, acjroit merveilleuferaenfe la fcuftbilité de Tor- DE LA NATURE, lîLTart, i^^ Du Cormoran à THi rondelle ; de la Perdrix au Vautour j du Colibri à TAutruche ; du Hi- bou au Paon 5 du Corbeau auRolîignol, quelle Surprenante variété de ftrudture , de proportion , de couleur & de chant î gane. Doué de cette vue exonlfe , rOifenn découvre des ré- gions fupérieures de ratniofphere , ii.Oi; irrîmenfc ptrfpeûive, & la rapidité de fon vol lui donnant la facilité de fe iranC- porter en peu de tems d'un climat dans un antre, la perf- peftive change fans ceiTe , augmente proportioanellensent le nombre des images qui fe tracent dans le cerveau , & con- féquemment celui des perceptions vifuclles, dont la variét* n'augmente pas moins. L'ouie eft après la vue le fens le pins parfait chez les Oi- feaux. Ils forment un grand Peuple de muficiens, & leur voix , fi étonnamment diverfifiée dnns les différentes Efpc- ces, & qui l'eft fi agréablement dans un grand nombre, in- dique affez que l'organe de l'ouie y eft très- perfectionné. Oix peut l'inférer encore de la facilité <&: delà précifion aveclef- «iuelles divers Oifeaux apprennent «S: répètent différens airs ; & combien eft-on plus frappé encore de ces ETpeces , dont le talent s'élève jufqu'à imiter la parole ! Mais l'Anatomie nous donne fur ce fujet des notions plus précifes. Elle nous dé- montre dans l'organe de l'ouie des Oifeaux, un conduit au- ditif, un tambour , une cain'e > trois canaux demi-circulaires; mais «lie nous apprend en même tems que cet organe n'a chez les Oifeaux, comme chez les Reptiles, qu'un feul cffelet terminé en plaque, & qu'il manque abfolument de cette par- tie qu'on iiomiTiQ \ç limaçon. L'odnrat , qui joue le premier rôle & un fi grand rôle chez beaucoup de Quadrupèdes , tels que le Chien , le Renard s L 3 J66 COKTEMTLATIOK g^: ■ , ==^Ci^ .- —:W^ CHAPITRE XXVII I. Tajfage des Oïfeaux aux Qiiadrupedes. La Chaiive-foiirîs ^ P EcureuiUvolant ^ l'Autruche. ILJ'iis Oifeaux velus, dont les oreilles font faillantes , la bouche garnie de dents , le corps &c. n'efi: qu'en fous-orcîre dans la plupart des Oifeanx. Il en cft même qui n'ont point de narines , & qui ne reçoivent rimpreflînn des odeurs que par l'intérienr de h bouche. On remarque encore que les nerfs olfadifs font en général affez petits dans cette claffe d'Animaux. Le goût paroit encore plus dégradé que Todorat dans un grand nombre d'Oifeaux , furtout chez les granivores: leur langue , prefque cartilagineufe , ne femble pas devoir être bien fcnfible. Ces Oifeaux avalent fans mâcher & nefavou- rent rien. Mais chez les Oifeaux deproye, dont la langue eft molle & flexible, le goût eft, fans doute, moins obtus. Enfin , le toucher eft peut-être moins obtus dans l'Oifeau que le goût & l'odorat : car il fait un aflfez grand ufa^^e de fts doigts, & la peau qui les recouvre n'eft pas par- tout cnllcufe. Il eft dans la Nature , des fins que la Raifon ne fauroit néconnoître. Mais c'eft fur tout dans la ftruclure des Ani- maux qu'on découvre le plus de fins particulières 8c frappan- tes. La Fhyfiologie eft, en quelque forte , la fcience des fins. Il ne ftut, par exemple , que jetter un coup - d'oeil fur la forme du corps & des nageoires des Poiflons , pour être frappé DE LA NATURE. III. Fart. \^j porté fur quatre pattes armées de grifTes , font- ils de véritables Oifeaux ? lie leur admirable approiniation à l'élément qu'habitent ces Animaux. Le corps & les aîles des Oifeaux ne font pas moins en rapport avec cet élément léger qu'ils fendent d'un vol.fi hardi, & où ilsfc foutienncnt à des hauteurs fi confuié. râbles. Des Naturaliftes vraiment Philoft.phes , qui fc font plus à recueillir ces traits précieux d'une Sagesse opdcn- NATJlICE , nous font remarquer, que les mufcles pectorai:x de rOifeau font beaucoup plus forts que ceux de tout au!:re Animal; que le volume des aîles eft plus grandi & leur mailè plus légère, proportionnellement au volume Sz. au poids da corps; que celui-ci renferme deux grandes cavités pleines d'air, qui diminuent fi pefanteur fpéciSque ,• & que les os qui eu compofent la charpente, font minces, creux, & pour l'ordi- iiair? peu revêtus de chairs. Mais un autre Naturalille, non moins Philofophc , ^plus favorifé encore de la Nature, a pénétré bien plus av::nt dans la favante me^dianique qui a préfidé à la formation de l'Oi- feau. Non - feulement il s'eft alTurépar des obfcrvations exac- tes , que les os des Oifeaux qui s'élèvent le plus dans les airs , font minces , creux & dépourvus de moelle, mais des ob- fervations plus .fines lui ont encore découvert dans ces os, des cavités particulières , habilement ménagées qui communi- quent avec les poumons , & au moyen defquelles' les os re- çoivent un air plus ou moins chiud, qui accroît leur légè- reté. Telle efi: l'admirable ftruilure des os de l'Aigle qui fe perd dans la nue,- telle eft celle des os de l'Alouette qui , tandis qu'elle s'élève fi haut dans les airs , nous fait enten- dre une fi agréable mélodie. Et ce qui achevé de démontrer ici la réalité de la fin , c'eft que dans les Oifeaux qui ne vo- L4 î^8 CONTEMPLATION Des Quadrupèdes qui volent à l'aide de gran- des ajles mcmbraneufes , font-ils de vrais Qua- drupe des ? lent ni haut ni long-tems , comme le Dindon , li Poule , le Jvloineau , les os font plus remplis de moelle, & n'ont point nvec la poitrine ces communications fecrétes que nous ve- nons d'admirer. Plus on étudie la ftrufture de l'Oifeau , &plus on recoii- noît que la Nature l'a fait pour être habitant de l'air , & pour rendre des fons plus ou moins forts & plus ou moins variés. Ses poumons re font pas feulement plus amples que ceux du Qu'-idrupede j ils font encore garnis de plufieurs appendices qui font autant de réfervoirs d'air. La trachée artère a aulïi plus de confiftance & d'étendue , Se fa conformation ofFre des particularités intéreffantes , qui font propres à l'Oifeau, De ce nombre eft une forte de hrinx interne, placé à la par- tie inférieure de la trachée, compofé de différentes membra- nes , dont la forme &. la pofition fervent à fortifier & à mo- «lifier la voix. Les organes de la digeftion font fort compofés dans VOi— ÏQîiu granivore. Il a deux eftomacs : le premier, qu'on nom- me le jabot ^ eft purement membraneux; le fécond, nommé Je ^éjîer , eft tout mufculeux , & doué d'une force fi pro- i'igieufe qu'il triture des corps très-durs & raie profondément le métal. L'Oifeau granivore a encore un double cœcum. Il n'y a pas le même appareil dp.ns l'Oifeau Carnivore. Ses in- teftins font bien moins étendus que ceux du granivore. Il îî'a ni lin double cœcum ni cette forte de meule deftinée p. triturer, & dont il n'avoit au€un befoin; mais fon efto- jnac eft pourvu d'organes fecrétoires particuliers , qui filtrent ^vcç ^bopdance un fuc très-diffolvant, DE LA NATURE. JIL Fm-t. 169 La Chauve-fourts (i) & l'Ecureuil volant (2) font ces Animaivc bizarres., fi propres à confir- Je paffe fous filence les antres vifceres de l'Oifeau : je lie dis rien de fon cœur à deux ventricules , de fes vaiffeaux , de fon cerveau divifé en deux lobes, & des nerfs qu'il dif- tribue aux fcns , de la moelle e'piniere & des nerfs qui en- partent, des reins très - alonge's & formés de pîufieurs lobes, des organes de la génération , qui différent à tant d'égards ^,c cçux du (Quadrupède, & dont la ftructiire à la fois fi com- pofée & fi fimple , excite l'admiration de l'AHatomifte: tous ces détails de Phyfiologie me meneroient trop loin , &. j'en TA dit allez pour faire juger de la perfection organique qui brille dans cet Ordre déjà fi relevé d'Etres vivans. Ci) -f-f La Chauve-fouris , dont les membres bizarrement découpés , font fi difproportinniiés avec le corps , & forment avec lui un tout fi étrange & fi difforme , eft beaucoup plus (Quadrupède qu'Oifeau. Elle a tous les vifceres des (Quadru- pèdes , & leur ftrudure eft elTentiellement la même que dans ceux-ci. Elle produit , comme eux , des petits vivans & les allaite. La partie fexuelle du mâle a même une reffemblance très.marqi'ée avec celle de l'Homme & du Singe. Ce n'eit donc que par la faculté de voler que la Chauve-fouris fe rap- proche de l'Oifeau; auffi a-t-elle, comme lui, les mufclcs pe-floraux beaucoup plus forts que ceux du (^.iiadrupede. (2) tt L'Ecureuil - volant , qui a de' grands rapports avec l'Ecureuil co'nmnn , fe rapproche beaucoup moins de l'Oi- feau par la faculté de voler , que la Chauve-fonris. Il n'a pas proprement des ailes membraneufes, comme celle-ei j mais ia peau lâche & plifTée fur les côtés du corps , eft fufcepti- ble d'une alTez grande cxtenfion , qui accroît le volume de I70 CONTEMPLATION nier la gradation qui eft entre toutes les pro- dudions de la Nature. L'Autruche , aux pieds de Chameau , qui court plutôt qu'elle ne vole, paroit un autre chaînon , qui unit les Oifeaux aux Qiiadrupe- des (3). l'Animal , le foutient en l'air & lui donne une plus grande facilité pour s'élancer d'un arbre à un autre. (5) tt L'Autruche qui effc , en quelque forte, aux Oifeaux ce que l'Eléphant eft aux Quadrupèdes , eft fi bien privée de la^ puifiance de voler , qu'elle n'a point proprement d'ailes , & que les efpeces d'aîlerons qui en tiennent la place , font plutôt des bras que des ailerons. Au lieu d'être garnis de plu- mes femblables à celles des Oifeaux , ils font revêtus de longs filamens foyeux, détachés les uns des autres, & qui n'étant point réunis dans une même maffe, ne peuvent frapper l'air avec avantage. La queue eft garnie de pareilles foies , dont la pofition & l'arrangement ne font point du tout propres à former une forte de gouvernail. L'Autruche eft encore atta- chée à la terre par la pefanteur de fa maffe , dont le poids moyen pourroit être évalué à quatre-vingt livres. Cet Oifeau coloflal eft un de ces Etres finguliers & mî- toyens , qui fetr.blent faits pour mettre en évidence la grada- tion qui eft entre toutes les produftions de la Nature. Il a plutôt des poils que des plumes, & fa tête & fes flancs fonfe prcfque nuds. Ses cuifles , très-grofies & très-mufculeufes , s'articulent à des jambes proportionnées , & fes grands pieds ner- veux & chvn-nrs , qui n'ont que ôqu-x. doigts fitués en avant, refTeniblent fort à ceux du Chameau. Ses yeux, qui imitent JDE LA NATURE, Part. III. 171 CHAPITRE XXIX. Des Qtuxdrupedes. JLjA clalTe des Quadrupèdes ne le cède point en variété à celle des Oileaux. Ce font deux perfpedives d'un goût différent , mais qui ont quelques points de vue analogues (i). ceux de l'Homme, peuvent fe diriger enfemble vers le mêir.c objet. L'Autruche qui, par fon extérieur, foutient des rapports fi marqués avec le Q.iiadrupede , s'en rapproche plus encore par fon intérieur: Son Squelette préfente une multitude d'analogies avec celui du (Quadrupède , & les parties molles en préfen- tent de plus nombreufes & de plus frappantes encore. En un mot , on peut dire avec l'Hiftorieri de la Nature , que \ l'Au- truche eft mi-parti Oifeau & Quadrupède. (i) tt Les Q.nadrupedes font bien moins nombreux en Ef- peces, que les Oifeaux. On ne connoit gueres que deux cents Efpeces de (Quadrupèdes , dont plus du tiers appartiennent à nos Contrées, & il cxifte environ douze ou quinze cents Ef- peces d'Oileaux. Il y a plus , chez les Oifeaux , le Mâle & la Femelle' difForent beaucoup plus par les proportions & les couleurs, que chez les (Quadrupèdes. La génération accroît en- core les variétés dans les Oifeaux ; car \mvs Mulets ou Métifs font féconds , & s'accouplent , foit çntr'eux , foit avec les races principales dont ils dérivent. 172 CONTEMPLATION Les Quadrupèdes carnaciers répondent aux Oi féaux de proye. Les Quadrupèdes qui vivent d'herbes ou de grains , répondent aux Oifeaux qui fe nournf- fent de femblables alimens. Le Chat-huant elt aux Oifeaux , ce que le Chat eft aux Animaux à quatre pieds. La Loutre femble répondre au Canard [2]. (2) tf Le grand Peintre de h Nature , fi habile à faifir les analogies de ce geni'e , s'eft plu à les rafTembler dans un même tableau , que je me fais un plaifir de placer ici fous les yeux de mon Leftenr. „ Le naturel & les mceurs , dit- 3, il, dépendent beaucoup des appétits: en comparant donc 5, à cet égard les Oiseaux aux (Quadrupèdes, il me paroît ^ que l'Aigle, noble Si généreux, eft le Lion j que le Vau- 3, tour, cruel , infatiable , eft le Tigre 5 le Milan, la Bufe , 35 le Corbeau qui ne cherche que les vuidanges & les chairs 3, corrompues, font les Hyennes, les Loups & les Chacals; 3, les Faucons, les Eperviers, les Autours & les autres Oi- „ fenux chaffeurs , font les Chien:> , les Renards, les O.ices „ & les Linx 5 les Chouettes , qui ne voyent & ne chaf- „ fent que la nuit, feront les chats; les Hérons, les Cor- ,, murans qui vivent de Poiflons , feront les Caftors Sz les „ Loutres ; les Pics feront les Fourmiliers , puifqu'ils fe 9, nourriflent de même en tirant également la langue pour la „ charger de Fourmis. Les Paons, les Coqs, les Dindons, „ tous les Oifeaux à jabot , repréfentent Us Bœufs , lesiChc- 1T>E LA NATURE. IlI.Pm't: i?^ Les Qiiadrupedes peuvent fe divifer en deux clafTes principales : La première comprend les Quadrupèdes dont le pied foiide eft formé d'une feule pièce , ou refendu en deux ou plufîeurs pièces. La féconde comprend les Quadrupèdes dont le pied eft pourvu de grifes ou de doigts. Parmi les Quadrupèdes de la première clafTe, depuis le Cheval jufqu'au Porc, parmi ceux de la féconde , depuis le Lion jufqu'à la Souris 5 quelle diverfité de modèles, de grandeurs & & de mouvemens [3] î „ vres & les autres Animaux ruminans ; de manière qu'en o établilTant une échelle des appe'tits , & préfentant le ta- „ blcau des différentes façons de vivre, on retrouvera dans ,, les Oifeaux les mêmes rapports & les mêmes différences „ que nous avons obfer^'ées dans les (Quadrupèdes , &, même 5, les nuances en feront peut-être plus variées. " (,) tt Js parfois ici de l'ancienne divifion , ou de la df- vifion commune des Quadrupèdes , en Solipedes , en Pic.ls-four' ehus & ea FiJJtpedes j mais je ne faifois qu'indiquer les féconds , auxquels (e rapportent le Cerf, le RœuF, le Bélier , &c. H eft de meilleures divifions , quoique toutes fo^'ent nécslTaire- inent impai fuites j & ces divifions qui paroîfient préférables , font celles de nos modernes, dont les partitions font plus 174" CONTEMPLATION CHAPITREXXX. Pajjage des Qtiadriipeâes à l'Homme Le SiiiFS. P Ar quel degré la Nature s'élevera-t-elle juf- qu'à rhomme ? Comment applatira-t-elîe ce mu- feau faillant , & lui imprimera-t-elle les traits de la face humaine ? Comment redrefTera-t-ells cette tète inclinée vers la terre? Comment chan- gera-t»elle ces patres en des bras flexibles ? Comment transformera-t-elle ces pieds crochus Cil des mains fouples & adroites ? Comment élargira-t-eile cette poitrine rétrécie? Comment y placera-t-elle des mammelles, & leur don- ncra-t-elle de la rondeur ? multipliées & les caracleres plus particiilarife's ; mais j'aiafiez répété que la nomenclature proprement dite n'entre pas dans le plan de mon Livre. Il ne faut que parcourir les Planches de la belle HiFtoire des duadrupcdes de l'illuHre BuFFONt pour voir comment la Nature palTe d'une clafle à une autre , ou d'un genre à un autre genre par des degrés plus ou moins marqués , & quelquefois par des nuances affez légères j & ce font ces degrés ou ces nuances qui fe refufent] à ces ordres fyftêmatiques, auxquels on s'efforce de les aflujettir. DELA NATURKULPart: î7f I^E Singe eft cette ébauche de l'homme : ébauche grofliere ; portrait imparfait , mais pourtant relTemblant , & qui achevé de mettre dans fon jour l'admirable progreffion des Oeu- vres de Dieu (i). (i) ff Le grand intervalle qui fépare THomme des varie diiadrupedes cft rempli par les Singes &*par les Animaux qui fe rapprochent le plus des Singes, dont les efpeces afiez îiombreufes font très-nuancées. En partant de celles qui avoi. finent le plus les (Quadrupèdes proprement dits , on monte comme par autant d'échellons , vers une Efpece fupérieure & principale , qui touche de fi près à l'homme , qu'elle en a requ le nom tVOran^-Out'mg ou iVHonwîe Sauvage. C'cft fur-toufe ici qu'on ne peut me'connoitre la progreffion gradue'e des Etres , & que fe vérifie l'axiome fameux du Plato>î de la Germa- nie , que la N'attire ne vct point par fauts. Q_uelle énorme dif* tance fépare l'Homme du Chien! Et pourtant, entre l'Homme & le Chien, la chaîne eîl prefque continue; & en remontant !e long de cette chaîne , le contemplateur de la Nature arrive avec furprife à un Etre fi reffemblant à l'Homme , que les caradleres qui l'en diftinguent femblent moins des caraftercs fnécifiijues, que de fin pies variétés. Q.ue penfer , en effet , d'un Etre qui r.'efi: point propre^ ment un homme , & qui a pourtant la taille , le port , les membres & la force de l'homme 5 qui marche toujours comme l'Homme, fur deux pieds, la tête élevée j qui entièrement dépourvu de queue , s'alfied comme lui , fur fon derrière j qui a comme lui des mollets, des cheveux fur la tête, de la barhe au meton , «n vrai vifage, des mains, des pieds, (les ongles femblahles à ceux de l'Homme; qui fait s'armer de Pierres & tle bâtons , pour attaquer & pour fe défendre 5 lyt^ CONTEMPLATION qui eft aufîî ardent pour les Femmes que pour les Femelles de fon Efpece j enfin , qui eft fufeeptibîe d'éducation au point de s'acquitter des fervices d'un adroit valet- de-chambre , & de contraéter des habitudes, des manières, & même une forte de politelTe qui fembleroit ne convenir qu'à l'Homme? Confuléré dans fon intérieur , cet Etre fi fingulier ne pa:- roît pas fe rapprocher moins de la Nature humaine que par fon extérieur ; & fi l'on parcourt les principaux traits de refîemblance & de diflemblance que l'Anatomie y découvre , on s'étonnera que les diffemblances foient fi légères & en fi petit nombre , & les refiemblances fi marquées & fi nora- breufes. Q.u'ajouterois-je, enfin! le cerveau de V Orang-outang a la forme & les proportions ,de celui de l'Homme ; & il n'y a pas jufqu'aux dents , à la langue & aux organes de la voix , qui ne foient femblables encore_ii ceux de l'Homme. QUATRIEME DE LA N AT VA E. IV, Fart ijj QUATRIEME PARTIE s UlTE DE LA FR 0 GRES SI ON GRAD UELLE DES ETRES. }^:^ ^ ' - ^g::^^ > = -■ :W^ CHAPITRE ï. Des Animaux conjidérés comme Etres-mixtQs, Supériorité qtie la faculté de fentir donne a lA-^ nimal fur la Planté, L, lEs relations de la Plante avec les Etres qui' l'environnent, & dont elle tire fa fubfiftance , font des relations purement corporelles , ou ren-^' fermées , entièrement dans la fphere des pro- priétés des Corps. L'Animal , plus excelle^nt, tient encore à la Nature par d'autres liens ,' & par des liens d'uri genre plus relevé. Comme la Plante, il végète: comme elle 3 il reçoit du dehors l'aliment qui le fait croître: comme elle , il multiplie. Mais à ces différentes Tome VIL M 178 CONTEMPLATION adions , fe joint chez lui le fentiment ou la perception de ce qui fe palFe dans fon intéiieur Ce fentiment tient à plufieurs autres , qui naiffent par différentes voies ; & tous font ac- compagnés de plaiiîr ou de douleur. Les fentimens agréables inftruifcnt l'Animal eu rapport qu'ont certains Corps avec fa con« fervation ou fon bien être : les fentimens dé- fagréables ou douloureux l'avertiflent des qua- lités contraires , qui fe trouvent dans d'autres Corps. Il eft ainG le centre où vont rayonner di- vers objets : il s'approche des^uns, il s'éloigne des autres , fuivant la nature des relations qu'il foutient avec eux. L'Organe immédiat du fentiment font les nerfs , ou ces aifemblages de petites fibres blan- châtres , qui du cerveau, s'étendent, comme des cordelettes (i), à toutes les parties. (i) tt II ne faudroit pas inférer de cette expreffioii , que les nerfs font tendus comme les cordes d'un inftrument de mufique : ils ne le font point 5 Se il eft prouvé par des ob- fervations direftes, que la propagation des fenfations ne s'o- père pas par des vibrations qui s'exécutent dans les parties BE LA NATURE. IK Part. 179 CHAPITRE II. Réfsxion fur Pinfenfibilité qu'on attribue au)Q Fiantes. L Es Plantes n'ont point de nerfs , ni aucune partie qui paroîlfe en faire les fondions. De là , on conclut qu'elles font privées de fentiment 5 & cette conclufion fembls aflez légitime. Mais quel efi: précifément l'échelloii où le fentiment commence à fe manifefter ? Du Polype ou de la Moule à une Plante , b diftance paroît bien petite. La folution de cette queftion tient à des con^ noilîànces , que nous ne fommes pas prêts d'ac* quérir (i).4 fo'i.'es (les nerFs. Mais cette propagation pafoît s'opérer paf le niînillcre d'mi fluide très-fubtil , connu fous le nom de /«/d*- nerveux^ & qui remplit les cavités invifibles des nerfs. CO tt Je traite ailleurs delà qucftion , s'il eft prouvé qu9 les Plantes foient abfolument infenfibles, & je montre c&m- M 2 l8o CONTEMPLATIOJst Contentons - nous de pofer es principe comme une vérité : c'eft que les Etres fent-ans ont été multipliés, autant que le plan de la Création a pu le permettre. Faisons-nous donc un' plaifir de penfer , que fi ces Machines organifées , que nous nom- 3^ons des Végétaux , ont pu être unies à des S ubftances capables de lentimcnt, cette union* a eu lieu. Mais fi les Plantes Tentent , la Truffe fent , 8c de la Truffe à rAmianthe ou au Talc , la diftance ne paroît pas grande. Arrêtons-nous, & n'étendons point nos conféquences au delà de leurs juftes bornes : lïous dénatureTions les Subftances , & nous fe- rions un Monde imaginaire (2). bien nos jugemens fur cette qiieftion , font précipités ou peu réflé<;his. (2) it On verra dans le Chap, XVII de la Part. VIIÎ, la différence effcntielle qui eft entre la cryftallifation & l'or- ganifation; chofes que des Hommes célèbres fe font plus ta confondre. BE LA N A TU RE. IV. Fart. Ht hautes Montagnes de IMadagnfcar, qui forment, dit-oiJ^ un Peuple de vrais ryg- N 3 f§ j C 6 N T E M F L A T 1 0 K Géant des Terres Magellaniques. (3). Que l'A-, fricaiîi au vilage plat , au teint noir & aux cheveux de laine, falTe place à PEuropéen , dont les traits réguliers font encore relevés par la blancheur de fou teint , & par la beauté de fa chevelure. A la nialproprecé du Hottentot op- pofez la propreté du Hollandois (4}. Du cruel inées , fort courageux , aHez bien proportionnes lînns leur petite tailie , mais dont les bras fout déraéfiirément longs 5 car tout ce qu'on en rapporte n'eîl point affez conftaté. Si Ton en croit les récits de leurs voifins , ils feroient bien plus petits que les Lappons, & n'auroient gueres que trois pieds tle hauteur. ^ Il efi: un autre Peuple de Pygmécs , plus petits encore que les C^uimcs, ù dont rcxiftence n'efl; pas mieux confntée que celle de ces derniers : je parle des Nains des rilont^gnas dq Tucuman dans l'Amérique méridionale , auxquels les Elpagnols PC donnent que trente-uu pouces de ftature- , (5) tf On comprend que je parle des l'ai.izoTis , fur la haute ftature defqutls ks Voyageurs font fi peu d'accord. On, n'avoit pas moins exagéré leur grandeur que la petiteiTe l'es Lap- pons-. Il efi; des lelatiens où on leur danne jufqu'à doiîze pu treize pieds de hauteur, mais les Voyageurs les plus mo- ^lernes & les plus éclairés, ne portent pas leur llaturc à p'US de fiX à fcpt pieds. îîs font gros à proportiijn, alTcz bien fjjts, & leur vifage, quoiqu'un peu plat , préfeme des traits afllss réguliers. (4) tt L'Hottentot eH: auCl hu\ que dégoùtmt. „ la tête 3^' couverts de cheveux hérilTés ou d'une lain: crépue j U face BE LA N AT U RE, IV. Fart. 199 Aiitropophage pafiez rapidement au François hu- maiji. Placez le llupide Huron vis-à-vis le pro- fond Anglois. Montez du Payfan dEcoHe au grand Newton. Dcfcendez de Pharmonie do Rameau aux chants ruftiques du Berger. Met- tez dans la balance le Serrurier qui conitruit un tourne-broche, à Vaucanson créant fes automates. Comptez combien il y a d'échellons du Forgeron qui fait gémir fenclume , à Reau- MUR anatomifant le fer. Toutes ces variétés qui nous furprennent •dans la pcrfeclion fpirituellc de rHomnie , dé-< „ voilée par une longue barbe , furmontée de deux croifiTans „ de poils encore plus greffiers, qui par leur Inrgeur &leui* „ fiiiUie raccourciflent le front, & lui font perdre fon carac- „ tere augufte , & non feulement mettent les yeux dans l'om- „ bre, mais les enfoncent & les arrondiflent comme ceux des ,, Animaux ; les lèvres épaifles & avancées 5 le nez appiati , „ le regard ftupide ou fu-ouche i les oreilles , le corps Se ,, les membres velus ; la peau dure comme un cuir noir ou „ tanné 5 les on;.^lcs longs, épais & crochus 5 une femelle cal. „ leufe en forme de corne fous la plante des pieds 5 & pour ,, attributs du fexe , des mam.mellcs longues & molles, la „ peau du ventre pendante juf'|ues fur Lies genoux, les Eiî- ,, fans fe vautrnnt dans Tordur* Se fe traînant à quatre, le „ Tere & la Mcrc affis fur leurs talons, tous hideux, ton „ couverts d'une crafle empeftce. Et cette efquiîTc tirée d'a- „ près le S^'jvage Hottentot, eft encore un portrait Ratté " . Mon Lcdcciir rcconnoit le "Peiatî'e qiû a cravo-nne' ce portrait» ■ ■ N4 200 CONTEMPLATION pendent-elles en partie d'une différence réelle^ qui foit entre les Ames humaines , indépendam- ment de celle que peut produire l'organifation ? Nous ne le penferons pas , G nous faifons attention au pouvoir de la faute & de la ma- ladie , du tempéramment 5 du genre de vie, du climat , de l'éducation , &c. Voyez quelle multitude de conféquences un Mathématicien tire d'un principe fort fimple , mettez ce même principe entre les mains d'un Homme du peuple j il y demeurera ftérile & il n'en uaitra pas la plus petite vérité. Le nombre des conféquences jufte^ que dif- féiens Efprits tirent du même principe , ne pourroit-il pas fervir de fondement à la conf- trudion d'un Ffychometre 3 & ne peut - on pas préfumer qu'un jour on mefurera les Efprits comme q\\ mefure les Corps (f). CO tt •>-) Si on lit avec attention les Ourrdges des Hom- 5, mes lie génie, dit un Homme qui en a beaucoup, un y ,, trouvera qu'ils ne font que l'application d'un ou deux prin- », cipes très étendus, le développement ô.'^^nQ ou deux graii- 5, des îde'es , que ces Hommes de génie ont trouvées , & dont ,, ils ont fenti toute retendue; comme on a obfervé qu'en l, général prer(|ue toqtes les machines d'un mm-x JVlichani- DE LA NATURE. ÎV. Part. 2ot CHAPITRE XL Gradations des Mondes, UiTTONS la Terre , &; tranfportoîis-nQiis dans ces Mondes qui roulent fur nos têtes. Nouvelles gradations / nouveaux aflbrti- mens î nouvelles décorations î nouvetlcs facultés ! Mais un voile impénétrable noojs cache ce magnifique fpeclacle , & tout ce que notre Rai- fon peut opérer , cft de nous convaincre de' rexiftence de ces Mondes , & de nous faire eii- vifager leurs diverfes Produc1;ioHS comme au- tant de chaînons d'une même Chaîne. En fuivant le fil des gradations , nous fôm- mes conduits à penfer qu'il cit dans PUnivers un Monde, dont les rapports à notre Terre, font comme ceux de PHonime au Singe. D'autres Mondes peuvent être entr'euxeu „ cîcii , quelque variées qu'cîîçs paroîîTQr.t , foiit fcndée* fur 5, ua même principe ". » ftos CONTEMPLATION raifoii du QiJadrupede à POifeau , ou de l'In- fecla à la Piante. Enfin , il y a peut-être des Mondes , donf les rapports à la Terre font comme ceux de THomme à un globule d'Air (i). g^ = ■ =^:s(^-- CHAPITRE XII. Les HIÉRARCHIES CÉLESTES. -VJLAis l'Echelle de la Création ne fe termina point au plus élevé des Mondes planétaires. Là (0 tt Le Letleur intelligent a pénétré ma penfée. Je coh. qois que les Mondes phnétaires n'ont pas été moins tliverfi- liés , moins nuancés que les Prodnctions de notre Globe. Nous avons vu la perfcftion corporelle croître par degrés , depuis TA tome brut jufqu'à l'Etre le plus parfait de notre Planète :. nous avons contemplé rapidement la progreffioiî toujours croifiante de la pcrfeclion organique, depuis la Truffe & le Champignon jufcafà TOrang-outang & à Hiom- me : je fiippofe donc qu'il eft une progreffion analogue dans les pcrfeélions refpeclives de cette férié prefqu'infinie deMon.- tlcs fen-.cs dans Timmenfité de l'efpace. Ainfi parmi ces Mon- des innombrables , il peut & il doit même s*en trouver un dent réconuo:n'e Ce rapproche autant de celle de notre Pla- neLe, que réconomie du Singe fe rapproche de celle de l'Homme, S:c. Une plus longue explication feroit fuperEiiC'^ Cuniuluz la première Note du Chap. V de la Part. X. Ï>E LA NATURE. IV. Part, 203 commence un autre Univers , dont l'étendue eft peut-être à celle de l'Univers des Fixes , ce qu'eft refpace du Syftème folaire à la capacité d'une noix (i). La , comme des Astres refplendiirans , briL lent les Hiérarchies Célestes. La rayonnent de toutes part les Anges , les Archanges , les Séraphins , les Chéru- bins , les Trônes , les Vertus , les Prin^ CO tt Je m'étois rencontre ici, fans le favGÎr, avcclegrand Leibnitz; mon Lcdeur aimoia que je le I.iiffe parler lui-même. ,, Il n'y a nulle raifon , lîit-iî, qui porte à croire qu'il y „ a des Etoiles par-tout; ne fe peut-il point qu'il y ait un ,, grand eTpace au delà de h Rc'gion des Etoiles? que ce fait ,, le Ciel empyre'e ou non, toujours ce^ erpace imincnre, ,, qui environne toute cette région , pourroit être rempli de i, bonheur & de gloire. Il pourroit être conçu comme TOcéan, „ oii fe rendent les fleuves de toutes les Créatures bicnheureu- „ fi's, quand elles feront venues à leur psrficlion dans le ,, Syftême des Etoiles". Suivant l'admirable Syfi'è:r.c du MarJe , du groFon ! Penfcur de Miilliaufen, le Cenire desCcnfc-ei ferait le Chef lieu de îa Création univerfelle ou la Capitale (ie l'Univers. Il feroit anfli le féjour fortuné des L^J telligenceg Supe'rieures , «S: le Lieu oii le Grand Etre manifcfleroit fa pre'sen'ce adc^ KARLE pnr les fymboles les plus auguTtes. Confultcz la Note ^ui cfl à la iin du Chap. V de la Part. I. ^o^ C 0 N T E M F L A T 1 0 n ciPAUTES 5 les Dominations , les Puîs« SANCES. Au centre de ces Augustes Sphères , éclate le Soleil de Justice , I'Orient d'ENHAUT, dont tous les autres Astres empruntent leur lumière & leur fplendeur. Mondes planétaires. Célestes hiérar-^ chies ! vous vous anéantifTez en la préfence de J'Éternel : votre exittence eft par Lui , TÉ- TERNEL eft par Son il esl celui qui est : IL poiTede Seul la plénitude de PEtre , & vous n'en pofledez que l'ombre. Vos perfedions font des Ruifleaux; L'Etre Infiniment Parfait eft un Océan , un Abîme dans lequel le Ché- rubin n'ofe regarder. g^: ■- -- ^Ci^ ^ =, . .:^ CHAPITRE X ni. Réflexiorif, I nous goûtons un pîaifir extrême à voir raf- lemblées , dans un même lieu , les principales Produdions, da la Nature , quel n'cil: pas le ra.- DE LA NATURE, IV. Varf. aoy viîTement des Esprits Célestes , lorfqu'ils par- courent les Mondes que Dieu a femés dans ré- tendue , & qu'ils y contemplent l'immenfité de fts Oeuvres ! O î la délicieufe occupation , que ceiîe de ces Intelligences SuPERiEURES,quand elles com- parent les différentes économies de tous ces Mondes , & qu'elles pefent à la balance de la Kaifon , chacun de ces Globes î Mais toutes les Intelligences Ce'lestes ne jouiffent pas, fans doute , de ces avantages au même degré. Il en eft , peut-être , à qui il n'a été donné que de connoitre un feul Monde : d'autres en connoiflent plulieurs : d'autres en cmbralTent une plus grande fuite (i). CO tt Je me plais à envifager la multitude innombrable des Mondes , comme autant de Livres dont la colleftion coin- pofe l'immenfe Bibliothe(]ue de l'Univers , ou la vraie Ency- clopédie univerfelle. Je conçois que la gradation merveilleufc qui e(t entre ces difte'rens Mondes, facilite aux Inteligen- CES Sup£'iiitU£ES à qui il a été' donne de les parcourir ou. plutôt de les lire, l'acquifition des vérités de tout genre, qu'ils renferment , & met daas leurs connoifiances , eet or- dre & cet enchaîneïoent qui en font h principale beauté , & f:ms lef^uels il n'eft point de vraie fcience. Mais ces Ency- CLOpEDiSTES Ce'les TES ne poffedeiit pas tous au même «ît^ré l'Encyclopédie de TUiiivers :k$ uns n'en poffcdentquc ^cê CONTÉ M P L A T I 0 M Quelle Intelligence que eelle qui erti- TbralTe d'une feule vue la totalité des Etres , & & aux mouvemens mufcu* laires. LiNSTANtANÉiré de cette propagation , & quelques autres phénomènes indiquent , qu'il eft une certaine analogie entre le fluide nerveux & la matière du feu ou celle de la lumière (4)* On fait que tous les Corps font imprégnés de feu. Il abonde dans le^ aiimens. Il en cft C4)tl Oîi fait par 4es obfèrvàtîons tliredles, qtie lalumîcrô ^'employé que fept à huit minutes à parcouriir Tintervalle d'en- tiron trente quatre millions de lieuos , qui noua fépare du Soi* leil. On connoît auffi la pro(!igieufe rapidité du fluide éîeftrt- ^ue , qui Ini fait parcourir en un inftant plufieurà'millicrs de fieds, le long d'un coliduéleur métallique. Et combien dô faits qui concourent à pteuver la préfence du fluide élcûri- que dans le corps animal ! Perfoniie n'ignore aujourd'hui les Phénomènes électriques que ptéfcntent la Torpille & l'An» guille de Surinam, Au refte, je prie qu*on Remarqué, que je ne dis point, que Je fluide nerveux foit précifément de la même nature que Lt kimiere oti le fluide éleélriqUei je dis feulement que divers phénomènes de Tanimalité femblent indi(|Her , qu'il eft ting certaine analogie entre le fluide nerveux ou les efprits animau?^ & la matière de la lumière oh cclk de l'tltdlricitq. Toms VIL O ira C 0 N T E M P L A T I 0 R extrait par le cerveau , d'où il pafle dans les nerfs. Le fiege de l'Ame , organe immédiat du fen- timent & de la penfée, pourroit n'être qu'un compofé de ce feu vital. Le corps calleux , que nous voyons & que nous palpons , ne feroit ainfî que l'étui ou l'enveloppe de la petite ma- chine éthérée qui conftitueroit le véritable fiege de l'Ame (5). Elle feroît encore le germe de ce Corps fpi^ rituel ^glorieux, que la RÉVÉLATION oppofe au Corps animal ^ ahje&, (s) tt I^ ïî'y ^ atTurément aucune impoffibilité à concevoir que le Grand Ouvrier ait conftruit une petite machine or- ganique, avec les élémens du feu , de la lumière ou de l'étherj qu'il ait uni dès le commencement à cette machine une Ame capable de fentir & de penfer, & qu'il ait renfermé dans la même machine les élémens de ce corps futur & glorieux que la Foi efpere, & qu'une Raifon éclairée eft fi difpoféeà admettre. Cette petite machine éthérée, placée originairement dans cette partie du cerveau qu'on regarde comme l'inftrument principal des opérations de l'Ame, & unie avec elle par dif- férens liens que la mort (îétruit , feroit le véritable fiege de l'Ame. Et dès qu'on fuppofera avec moi, qu'elle eft formée des élémens de la lumière ou de l'éther, ou comprendra fans peine, que la mort qui détruit l'enveloppe , ne fauroit dé- truire la Machine éthérée ou le Germe du coqjs futur. J'ai fort développé ailleurs cette petite Hypothefe, i^e LÀ K A TV RE. IV. Pm^L Ht Lès impreffions plus ou moins durables , que les nerfs & les efprits produifent fur la petite iiiachine , & qui font l'origine des fenfations , de la réminifcence & de la mémoire , devien- nent le fondement de la Perjomuflitéy & lient' rétat fréfent à l'état futur (6). La réfîirreciion ne feroit donc que le devé-î loppement prodigieufement accéléré de ce germe i caché actuellement dans le corps calleux. L'Auteur de la Nature , qui a préordin^ dès le commencement tous les Etres, quiarenw fermé originairement la Plante dans la graine , le Papillon dans la Chenille, les Générations futures dans les Générations aduelles , n'auroit- il pu renfermer le corps fpirituel dans le corps animai La Révélation nous apprend qu'il Ta fait i (fi) f f On fait que la reyfomtalifé re^o^Q efrentiellement fur la mémoire ou la réminifcence. Ce n'eft qu'en comparant» le fen- timent de fon état' préfent avecle fou venir de fes états pafles, que l'Etre penfant juge qu'il eftia même Ferfoiine ou le mém& Moi: je veux dire que le Moi qui éprouvé aétuelleiïientune certaîiîi: perception , fertt qu'il eft le même qui avoit éprouve autrefois cette même perception , & bcaucoup'd'autres peK eeptions dont la mémoire retrace le fouvenir. O 3 212 CONTEMPLATIOy & la parabole du grain eft Temblême le plus ex- preiTiF & le plus philofophi^ue de cette mer- veilleufe préordination. Le Corps animal n'eft en rapport qu'avec notre Terre. Le Germe du Corps fpirituel a des rapports avec notre Terre, & il en a de plus nombreux & de plus direds avec le monde que nous habiterons un jour. Il en a peut-être encore avec différens Mondes planétaires. Les fens font le fondement des rapports que le Corps animal foutient avec les Etres terref- très. Le ÇiQgQ de l'Ame, ou la petite machine cthérée qui le conftitue , a des parties qui cor* refpondent aux fens greffiers , puifqu'elle en re- i^oit les ébranlemens & qu'elle les tranfmet à l'Ame. Ces parties acquerront par le développement du Germe , un degré ai perfedion , que n« comportoit point Tétat préfent de l'Homme* Mois ce Germe peut renfermer encore de nou- veaux/ew; 5 qui fe développeront en même temps4, & qui en multipliant prefqu'à l'infini les rap- ports de l'Homme à l'Univers , agrandiront fa fphere, & l'égaleront à celle des IntelligeîJ- cEs Supérieures* -DE LA NATURRIK Part. 213 Un Corps organifé , formé d'élémens analo- gues à ceux de la lumière ou de l'éther , n'exige , fans doute , aucune réparation. Le Corps fpirU tiiel fe confervcra donc par la feule énergie de fa méchanique. Et fi la lumière ou Tétlier ne pefent point , rplomme glorifié fe tranfportera au gré de fa volonté dans tous les points de refpace , Si vo- lera de Planètes en Planètes , de Syftèmes en SyftèmeSj avec la rapidité de l'éclair. Enrichi de facultés fpirituelles & corpareî- \cSy qui le rendront propre à habiter également différens Mondes , il pourra en contempler les diverfes produdions , & meubler fon cerveau de toutes les connoiifances qui ornent celui des Habitans du Ciel. Les fens 5 fournis alors à l'empire de l'Ame, ne la maitriferont plus. Séparée pour jamais d'3 la chair & du fang ^ il ne lui reftera aucuns des affeclions terreftrcs dont ils étoient les prin- cipes. Tranfporté dans le féjour de la lumière , l'entendement humain ne préfentera à la vo- lonté que les idées du vrai bien. L'Ame n'aura plus que des dcfirs légitimes , Se Dieu fera le terme conftant de fes defirs. Elle l'aimera par O 3 Îti4 C 0 N T E M F LA T 1 OH reconnoiflaiice , elle le craindra par amour ; elle Fadorera comme TEtre Souverainement Ai- mable , & comme !a Source Eternelle de la vie , de la pertédipn & du bonheur. Chrétiens qui favourez cette doddne de vie , redout'^nez- vous ia mort ? Votre Ame immor- tel ic tient encore à l'immortalité par des liens phyfiques , & ces liens font indifFolubles. Unie dès à préfent à un Germe impériiTable, elle ne voit dans la mort qu'une heureufe transforma^ tion , qui , en débarraifant le grain de Ton en- veloppe , donnera à la Plante un nouvel être, 0 mort ok ejî ton aigidilûn ! 0 fé^ulchre oh ejf- ta vicïoirs / DE LA NATURE, K Fart. 2U CINQUIEME PARTIE. DE DIVERS RAPPORTS DES ETRES TER^ RESTRES. CHAPITRE!. Réflexion prélunmaire. N, Ous l'avons vu , tout eft rapport dans PU- iiivers : mais cette vérité féconde , nous ne Pa- vons encore confidérée que dans Péloignement. Nous pouvons maintenant nous en approcher, & donner notre attention aux détails les plus intérelTans. Ne portons point nos regards fur cette har- monie majeftueufe, qui, en balançant les Aftres par les Aftres , anime les Cieux. Laissons les jeux profonds de la pefanteur, les loix du choc des Corps & les différentes forces répandues dans PQnivers. Observons des rapports , (bnt les effets 04 Ôî6 CONTEMFLATIOK foient liés à des idées plus connues ou moin» compliquées. jg^v'^ ;•■ ^g:^» CHAPITRE IL VUniati des Ames à des Corps or^anîfês. C: Ette union eft la fource de l'harmonie la flus féconde & la plus merveilleufe qui foi| dans h Nature. Une fubftance fans étendue , fans folidité , Tans figure, eft unie à une fubftance étendue, folide 5 figurée. Une fubftance qui penfe , & qui a en foi un principe d'adlion , eft unie à unç fubftance qui ne penfe point , & qui eft indif- férente de fa nature au mouvement & au repos. De cette furprenante liaifon naît entre les deux lubftances un commerce réciproque, une forte d'adion & de réadion , qui eft la vie des Etre;# organifés-aniniés. Les nerrfs , différemment ébranlés par les ob- jets 5 communiquent leurs ébranlemens au cer- veau , & à ces impulfions répondent dans TAme Jes perceptions & les fenfations , totalerpent diftincles de la caufe qui parolt les occafiouer- r)E LA NATURE, K Part. 21? CHAPITRE III. Les percevions & les fenfations Jl-iLLES ont la même origine, <^ ne différent que par le degré de l'ébranlement. Les rayons -qui partent d'un objet, frappent mon nerf opti- que ; j'ai une perception qui m'annonce la pre- fence de l'objet. Ils ébranlent trop fortement ce nerf j j'ai une fenfation , que j'exprime par les termes de douleur ou de déplaifir. La diverfité des fens par lefquels l'Ame re- çoit les iniprelîîons des objets , produit dans fes perceptions & dans fes fenfations une di- vcrfité relative. • Les fentimens occafionés par l'ébranlement des nerfs de la vue , différent abfolument de xeux que produit Tébranlement des nerfs de l'ouïe. Le fentiment du toucher n'a aucun rap- port à celui du goût. Ce font autant de dif- férentes, modifications de l'Ame , qui correfpon- dent à différentes qualités des objets. Mais comment les nerfs, qui ne paroîiTcnt fZTî contemplation: fufceptibles que de plus ou de moins de grof- feur, déplus ou de moins de longueur, de plus ou de moins de compofition , de plus ou de moins de fenfibilitc , de vibrations plus ou moins promptes , peuvent-ils cependant occafioner dans l'Ame une auflî prodigieufe variété de percep- tions 5 que celle que nous éprouvons ? Y a-t-il un tel rapport entre PAme & la Ma- cliine , organique à laquelle elle eft unie , qu'à des îierfs d'une grofTeur , d'une ftrudure & ^'unc fenfibilité déterminées , répondent conf- tamment certaines perceptions ? Y a-t-il dans chaque fens des nerfs appro- priés aux diiFérens corpufcules , à rimpreilîotx defquels différentes perceptions ont été atta- chées ? La forme pyramidale des papilles du goût 8k du toucher , les cavités tortueufes de l'oreille, la ditférente réfrangibilité des rayons de la lu- miere , feroient-elles autant de preuves de la vérité de cette conjedure ? Quoiqu'il en foit , on comprend afTcz que la même fibre fenfible ne fauroit fe prêter , à la fois , à une multitude d'imprefîions diverfes. Mais cette fibre n'eft pas feulement deftinée à tranfmettre à l'Ame l'impreffion de l'objet i elle DE LA NATURE. F. Part. 2i^ doit encore lui en retracer le fouvenir 5 car mille faits prouvent que la Mémoire tient au cerveau: comment donc concevoir que la même fibre retienne à la fois une multitude de détermina- tions diverfes? Notre curio(îté n'en demeure pas là : com- ment deux fubitances auiîi différentes que le font l'Ame & le Corps , peuvent-elles agir ré- ciproquement l'une fur l'autre? A cette queftion , baiffons humblement les yeux 5 & reconnoilfons que c'eft ici un des plus grands myfteres de la Création, & qu'il ne nous a pas été donné de connoitre. Les différentes tentatives que les plus profonds Philofophes ont faites en divers temps pour tâcher de l'ex- pliquer , font autant de monumens élevés à la force & à la foibleffe de l'Efprit humain. ^gSfe: - \ • €i^^ '.^ r^ ',W^ CHAPITRE IV. Les PaJJfions. Xj'Ame, différemment modifiée par des im- preflions plus ou moins fortes : réagit à fon tour 220 t 0 K T E M T L A t I 0 n fur le genre nerveux, y entretient les ébran4 lemens , & les rend plus vifs ou plus durables. De là nailTent les pafîions , ces mouvemens îhipétueux , ces penchans adifs , ces inclina- tions fecretes , ces appétits inquiets , ces defirs preiïàns , qui rompent l'équilibre de TAme , & la pouflent vers certains objets. Admirables inftrumens , mis en œuvre par le Sage Auteur de la Nature jheureufes paf- fiorïs , qui , femblables à des vents bienfaifans , faites flotter les Machines animées fur l'Océan des objets fenfîbles ,* c'eft vous qui , en portant les deux Sexes à fe rapprocher, préfidez à la confervation des Efpeces: c'eft vous qui par des nœuds fecrets , attachez les Pères &les Mères à leurs Enfans , les Enfans à leurs Pères & à leurs Mères : c'eft vous qui excitez l'induftrie des Animaux, & celle de THomme même: c'eft vous, en un mot, qui êtes l'Ame du Monde fentant. "Passions impétueufes , ouragans terribles & deftructeurs î c'eft vous qui caufez les tempêtes qui fubmergent les Ames : c'eft vous qui détrilî- fez les Individus en voulant conferver lesEf. pq#€s: c'eft vous qui armez les Pères contre I>E LA NATURE. V. Parti 22% leurs Eiifans, les Enfans contre leurs Pères: c'efl: vous qui changez Tinduftrie en rapine , en férocité , en brigandage : c'eft vous , en un mot, qui bouleverfez le Monde Tentant. La réadion de l'Ame fur le genre nerveux ^ paroît être encore la principale fource de ^divers fentimens que nous éprouvons, ^ dont plu- fieurs reviennent à ce qu'on nomme hijiinà ou Sens moraL Si certains plexus ou certains entrelacemens de nerfs fouiirent un ébranlement par l'impref- fîon d'objets propres à exciter la pitié , la ter- reur ou quelqu'autre fentiment , ne feroit-il pas poflible que l'Ame , à la vue ou à la fim.ple penfée de ces objets , remuât précifémcnt les mêmes plexus ou les mômes paquets de nerfs , Se qu'elle changeât ainfi la perception en fenfation , ou qu'elle rendit la fenfation plus forte & plus dnirable ? Ceux qui en voyant fubir une opération douloureufe , s'imaginent fentir quelque chofe d'analogue à ce que fouffre le Patient , ne confir- ment-ils pas ce foupqon ? Les fongesiie femblejiit:* ils pas encore le fortifier ? 1223 C 0 N T ir M P L AT 1 G N t^-j , _-« ^giSiiS"' ■ i. . ' -;^ CHAPITRE V. Le tempérament Li lEs ODjets île frappent pas immédiatement fuf l'Ame. Elle n'en reçoit les impreiîions que par des Jiniieux interpofés. Les fens font ces milieux. L'Adion des objets en eft donc modifiée dans un rapport déterminé à la nature , ou à la conf^ titution de chaque milieu. Et comme les milieux: ne fauroient être pre- ciféraent femblables en diiférens Individus, il s'enfuit que diiférens Individu^ï ne fauroient- éprouver précifément les mêmes cliofes .à la pré-- fence des mêmes objets* L'Aptitude plus ou moins grande des fîbreè fenfiblcs à céder aux imprefTions du dehors,» les tranfmettre à l'Ame , & à lui en retracer le fouvenir ,- la qualité & l'abondance des hu- jneurs , conftituent en général le tempérament,- Chez les Animaux, le tempérament réglé tout. Chez l'Homme , la Raifon règle le tem- pérament , & le tempérament réglé , flicilite y à fon tour , l'exercice de la Raifon. BE LA NATURE. V. Part 223 Pourquoi les paffions,qui ont leur fource dans le tempérament , font - elles fi difficiles à maîtrifer ? Elles tiennent fortement à la Ma^ chine , & par la Machine à l'Ame. Les pafîîons fe nourriffent donc , croîflent ,' fe fortifient comme les fibres qui eu font le fiege(i). CoNNOissEZ donc votre tempérament: s'il cft vicieux , vous le corrigerez , non en vous eiforqant de le détruire 5 vous détruiriez la Ma- chine elle-même -, mais en détournant habile- ment fon cours , & en évitant avec foin tout (i) ft Ce que je dis ici des paffions , ne paroîtra pas exa- géré à ceux qui auront médité fur l'économie de notre Etre. Il cft afîez prouvé par une multitude de faits, que les paf- lions ont dans le Corps un fiege phyfique, comme toutes nos afFeclions & toutes nos idées. Ce fiege eft un aHemblage de parties organiques, qui ont reçu de la génération & de l'é- ducation, des (lifpofitions ou des déterminations particulières , qu'elles retiennent par une fuite de l'art merveilleux & fecret, «jui a préfidé à leur conftruclion. C'eft en vertu de cet art impénétrable à toutes nos recherches, que ces parties organi- «(ues s'affimilent les fucs alimentaires , dans un rapport déter- miné aux déterminations reqnes. Ainfi elles fe nonrriîTent, croîflent & fe fortifient , fans perdre les déterminations ae- quifes ou la capacité de reproduire dans l'Ame certains i^utimens. 224 CONTEMPLATION ce qui pourroit lui prêter de nouvelles forces « 8c groffir les eaux d'un torrent iî dangereux:. î^ — r .r^ ^^:^^==^^ -I ^.;^ CHAPITRE VI. La mémoire È? l'imaginatioiu JLiEs fens , deftinés à tranfmettre à PAme les imprefîions du dehors , ont été conftruits fur des rapports directs à la manière d'agfr des di- vers objets auxquels ils ont été appropriés. L'œil a des rapports avec la lumière , l'oreille avec le fon. Mais les diiTérens objets quî peuvent afïedef le môme fens , n'agiiîent pas tous de la même ma- nière : il faut donc que l'organe qui reqoit & tranfmet toutes ces imprelîîons, foit en rap- port avec toutes. Il eft entre les rayons colorés ime diverOté fpécifique , que le prifme nous découvre , & qui paroît en fuppofer une aiia- iogue entre les fibres de la vue. Il eft pareil- lement une diiîérence fpécifique entre les rayons fonores, qui fuppofe quelque chofe d'analogue dans l'organe de l'ouïe. Chaqjje DELA NATURE V. Tarte. 2li Chaque feus renferme donc probalement des fibres fpccifiquemcnt différentes. Ce font autant de pctics feis particuliers , qui ont e ur ma- nière propre d'agir , & dont la fin eft d'ex- citer dans l'Ame des perceptions correfpondan- tes à leur jeu. Ces inftrumens fi délicats ne fervent pas feu-^ lement à exciter dans l'Ame des perceptions de tout genre, ils lui en retracent encore le fou- venir. Une perception préfente à la mémoire, ne diffère point effentieltement de celle que l'objet excite. Celui-ci ne produit la perception que par le miniilere des fibres fenfibles qui ■ui font appropriées, & fur lefqueîles fon action fe déployé. Le rappel de la perception dépend donc encore d'un mouvement qui s'opère dans ces mêmes fibres , indépendamment de l'objet. Car, foit que l'organe reçoive fon mouvement de caufes inteftincs, ou qu'il le reçoive de l'objet , l'effet eft le même par rapport à l'Ame , (S; la perception lui eft auiîi-tôt préfente. L'expérience prouve que G une fuite quel- conque de perceptions affecle le cerveau pen- dant un certain temps , il en contrarie l'habi- tude de la reproduire dans le même ordre. L'ex- périence prouve encore , que cette habitude tient Tome VII. P 226 CONTFMPLATION au cerveau & non à PAme. Une fièvre ardente^ un coup de Soleil , une violente commotion peuvent la détruire , & de telles caufes n'in- fiuent que fur la Machine (0. Toutes les perceptions tirent leur origine des fens , & les fens portent au fiege de PA- me les impreffions qu'ils ^reqoivent des objets. Mais les objets u'agiiTent fur l'organe que par impulfion. Ils impriment donc certains mou- vemens aux fibres fenfibles. Ainsi une perception 3 ou une fuite quel- conque de perceptions , tiennent à un ou plu- iîeurs mouvemens qui s'opèrent fucceffivement dans différentes fibres. (i) tt Les Annales de la Médecine font pleines de ce» accidens purement phyfiques, qui ont afFoibli ou même en- tièrement détruit la mémoire. Et ce qui n'cft pas moins pro- pi-e à confirmer la vérité dont il s'agit, il.jcft des accidens de même genre , qui loin d'afFoiblir la mémoire, lui ont donné une nouvelle force. C'eft ainfi que le> plus nobles facultés de notre Etre ont été attachées à quelques portion- cules de Matière j & cette réflexion un peu humiliante ng porte point le vrai Philofophe à douter de l'immatérialité de l'Ame j parce qu'il fait que l'Homme eft elTentiellement nn Etre.mixti ^ & ^u'il n'çft pas plus tout Matière que tout JKfprit. DELA nAtllKl. V. Part^ i2f £t puirque la réitération des mêmes mcu< Vemens dans les mêmes fibres, y fait naîtra une difpofition habituelle à les reproduire dan$ un ordre conftant , nous pouvons en infcre^ que les fibres ienfibles ont été conftruites fur de tels rapports avec la manière d'agir des objets , qu'ils y produifent des changemens où des déterminations plus ou moins durables , qui conftituent le précieux fond de la mémoire & de fimagination* Nous ignorons eu quoi confiftent ces éè* terminations , parce que la méchanique des fi^ bres fenfibles nous eft inconnue. Mais nous fa- çons au moins , que l'adion des objets ne tend pas à les tranfporter d'un lieu dans un autres elle n'y excite que des mouvemens partiels. Noua favons encore que les fibres fenfibles ne peu-- vent fe prêter à ces mouvemens , fans que les élémens , dont elles font compofées , ne fe dif^ pofent les uns à l'égard des autres dans uit certain rapport à l'exécution du mouvement. C'est donc de la compofition , de la forme } des proportions & de l'arrangement reipeclif des élémens , que réfulte l'aptitude des fibres à ïecevoir, à tranfraetlre & à retenir telles oij? è28 COKTEMTLATÎOK telles déterminatiens , carre {pondantes à telles ou telles impreffions , à telle ou telle fuite or- donnée d'ébranlemens. Mais les fibres fenfibles fe nourrifTent comme toutes les autres parties du Corps : elles s' ajji7mlent ou s'incorporent les matières alimentaires j elles croiifent ,* & tandis qu'elles fe nourrifTent & qu'el- les croilTent, elles continuent à s'acquitter de leurs fonctions propres^ elles demeurent efTentiellemenC ce qu'elles font. Leur méchanique eft donc telle, qu'elles s'incorporent les matières alimentaires dans un rapport dired à leur ftrudure & à leurs déterminations acquifes. Ainfi la nutrition tend à conferver aux fibres ces déterminations & à les y enraciner j car à mefure que les fibres croilfent, elles prennent plus de confiftance , & je crois entrevoir ici l'origine de l'habitude , cette puilfante Reine du Monde fentant <^ in- telligent. La mémoire, en confervant & en rappel- lant à l'Ame les figues des perceptions , en l'af- furant de l'identité des perceptions rappellées & de celles qui l'ont déjà afieclée , en liant les perceptions préfentes aux perceptions antécé- dentes , produit la Perfommiité , 8c fait du cer- DE LA NATURE. IV. Fart. 229 veau un magafiii de connoilTances , dont la ri- chelTe augmente chaque jour. L'blAGlNATlON , infiniment fupéricure aux Michel Ange, & aux Raphaels , retrace à l'Ame l'image fidelle des objets : & des divers tableaux qu'elle compole , fe forme dans le cer- veau un cabinet de peintures , dont toutes les pièces fe meuvent & fe combinent avec uug célérité &; une variété inexprimables. Les divers cerveaux peuvent donc être re- gardés comme autant de miroirs , où diiféren- tes portions de l'Univers vont fe peindre en raccourci. Parmi ces miroirs , les uns ne ren- dent qu'un fort petit nombre d'objets. Dau- tres embraifent un plus grand champ. D'autres repréfentent prefque toute la Nature. Qj.iel efl le rapport du miroir de la Taupe à celui d'un Newton ou d'un Leibnitz ? Quelles images que celles du cerveau d'un Homère , d'un Vir- gile ou d'un MiLTON ! Qiielle méchanique que celle qui exécute ces décorations merveil- leufes î L'intelligence qui auroit lu dans le cer- veau d'HoMERE , y auroit vu l'Iliade repréfen- tée par les jeux variés d'un million de Ébres. P3 Sid € 0 N T E M F L A T I 0 K CHAPITRE VIL I^es fonges. L] lEs fibres fenfibles fiir lefquelles les objets agifTent pendant la veille , en reçoivent une ten- dance aux mouvemens imprimés. Si quelqii'im- pulfion inteftine les ébranle pendant le fom- îneil , elles fe mettront au(îî-tôt en mouvement , éc retraceront à TAme les idées de la veille, L'aifociation & la fuccefîion de ces idées cor-< ïefpondront à Tefpece des fibres ébranlées , au.^ Haifons qu'elles auront contradées entr'elles , & à Tordre fuivant lequel les mouvemens ten- dront à s'y propager. Il en naîtra un fonge plus ou moins compofé , & dans lequel il y aura plus ou moins d'enchaînement ou de fuite. Pourquoi les perceptions qui aiFedent FA- fiie pendant le fommeil , font- elles Çi vives P pourquoi les fenfations font-elles rappellées alors fi fortement ? D où viennent ce§ illufions qui féduifent l'Ame ? N'en cberchons point la caufe ailleurs qua ^ans Iç fiiencç des fens. Pendant la vaille , les I DE LA NATURE, V. Fart. 231 fens fe mêlent, jufqu'à un certain point, à toutes les opérations de l'Ame. C'eft la percep- tion plus ou moins diftindle des objets envi- ronnans , & celle du rapport de leur état ac- tuel avec leur état' antécédent, qui perfuade k l'Ame qu'elle veille. Ces perceptions du dehors Tiennent-elles à s'aiïbiblir ? les perceptions du dedans en deviennent plus vives 5 l'attention en eft moins partagée. Enfin , les fens s'alfoti* piflent-ils entièrement ? c'ed un fonge , une yifion , une extafe. ' 1' Il arrive néanmoins aiïez fouvent, que les perceptions du dehors , quoique foibles , fe lient 5 dans un fommeil peu profond , aux per- ceptions du dedans, beaucoup plus vives; ce qui produit dans les fonges des fingularités qui furprennent. Puisque les fonges ne font ordinairement que la repréfentation des objets qui nous ont occupé dans la veille , tâchons de régler (i bien notre imigination , que nous n^iyions que des ibnges , pour ainfi dire j raifonnables. Ce f;- roit-là une man.iere de prolonger la durée de notre Etre penfint. L'ÉTAT de PAme féparée du Corps grofïïcr ^ P4 2^ CONTEMPLATION feroit-il celui d'un fonge perpétuel , agréable pour les Bons , défagrcable pour les Médians ? CHAPITRE VIII. Réfexion^ BsERVONS ici deux traits de la Sagesse qui a préfidé à la formation de l'Homme. Nous nous rappelions les fenfations beau"" coup moins vivement que les perceptions. Sen- fiblcs , comme nous le l'ommes , quels progrès aurions-nous fait dans les perceptions, fource de nos connoiilemces, fî les fenfations euffent été autant en notre pouvoir que les perceptions ? Des intelligences plus raifonnables que nous, difpofent peut être à leur gré > de leurs fen- fations. Par un eiïort de méditation , nous pouvons fufpendre, en quelque forte , l'adion des fens : mais nous ne faurions nous aliéner tellement de notre Corps , qu'il ne nous affecl:e toujours par quel qu'endroit. Comme euffions-iious pourvu autrement à h coufetvation? D E LA NATURE, V. Part. 23^ Il eft peut être des clafles d'Etres mixtes y où l'Ame fe fépare du Corps à volonté , & où elle revêt différentes efpeces de Corps pouc différentes fins. ,gSfe; - ^:s^ ■ '^ -;^ CHAPITRE IX. La vue. £- tous les fens, la vue eft celui qui four- nit à l'Ame, des perceptions plus promptes, plus étendues, plus variées. Il eft la fource fé- conde des plus riches tréfors de l'imagination , 8c c'eft à lui principalement que l'Ame doit les idées du beau , de cette unité variée , qui la ravit. Aveugles infortunés , qu'un fort trop ri- goureux a privés , dès ia naiifance , de fufage de cet incomparable fens î je ne puis aifez m'at- tendrir fur votre malheur. HÉLAS î le plus benu jour ne diffère point pour vous , de la nuit la plus fombre. La lu- mière ne porta jamais la joie dans vos cœurs» Vous ne la voyez point fe jouer dans le bril- lant émail d'un parterre, dans le plumage varié â|4 CONTEMPLAT lOM d'un Oifeau , ou dans un arc-en-ciel majeftueux. Vous no contemplez point du haut des Mon- tagnes les coteaux couronnés de pampres ver- doyans, les champs vêtus de moiiTons dorées, 'les prairies couvertes d'une riante verdure , arrofées de rivières qui fuyent en ferpentant. Se les habitations des Hommes , difperfées c^ &; là dans ce grand tableau. Vous ne prome- nez point vos regards fur Pimmenfe Océan ; vous n'admirez point les flots entafles qu'il élevé jufqu'aux nues , & qui viennent expirer vers la ligne que le Doigt de Dieu leur a tracé fur le fable. Vous ne goûtez point la délicieufe fa^ tisfadion de découvrir chaque jour dans les Ouvrages du Créateur , de nouveaux fujets d'exalter fa Puissance & fa Sagesse. L'Op- tique ne prodigue point pour vous fes mira- cles. Le fpedacle intéreflant des Machines or-- ganifées vous eft inconnu. Les Légions innom- brables de l'Armée des Cieux ne s'oiFrent point; à votre imagination étonnée. Vous ne com- paiïez point leur marche dans des orbes tracés par vos mains. Les plus belles productions de la Méchanique &~ des Arts ne percent point fins s'altérer, l'épailîe obfcurité qui vous environne* Eniin , vous ne pouvez jouir de la contempla- tion de l'Homme , & couddérer en lui ce qu^ DE LA NAT URE. V. Tart, 237 la Nature a de plus grand, ou ce que [vous avez de plus cher. 1Am$ la pitié me fait illufion : on ne délire point ce que Ton ne connoit point ; & roii n'eft pas malheureux par la privation abfoluc c^c biens qu'on ignore. Nous ne nous affli- geons point de n'avoir pas un fixieme fens , qui a été peut-être accordé à d'autres Etres. Si vous avez un fens de moins que nous , vous êtes , d'un autre côté , dans l'nnpolîibilité d'ap- précier cette privation j & cette imperfedion de votre Etre eft compenfée d'ailleurs par divers avantages. La multitude & la variété des per- ceptions que nous recevons à chaque inftant par le fens de la vue, nous rendent diFtraits, &: enlèvent aux autres fens une partie de cette fidivité qu'ils confervent chez vous toute en- tière. Le toucher, Ci obtus , fi incertain pour le commun des Hoinmes , devient pour vous fî exquis, fî fur, qu'il iemble ilippléer, en quelque ibrte, au défaut de la vue (i). (l) ft Ceci rappelle \i refprit oes Aveugles qui (lifiinr:iient les couleurs au toucher ^ c'eflque les eûiiîcurs , con.wie ijoas \q verrons bientôt , ne funt dans les corps qu'un certain ar- rangement ou une certaine (lifporition des particules qui com- pofent leur furface , en vertu de laquelle Us rtflc'ciiiilcnt tels eu tels rayons particuliersi tl6 C 0 N T E M T L A T î 0 n Mais de plus grands dédommagemens voui font réfervés dans l'avenir: un jour vos ténè- bres feront changées en lumière j & devenus Habitans du Ciel , vous porterez vos regards perqans dans toutes les parties de TUnivers. Je m'adreffe aufîî à vous , Hommes ftudieux , en qui une. trop forte application ou quelqu'ac- cident ont aifoibli le fens précieux dont je parle- Vous vous en affligez? Hélas! une trifte ex^ périence ne m'a que trop appris , combien le fujet de votre afflidlion eft légitime : fongee cependant à ce que vous avez déjà acquis , & confidérez que cette vue débile deviendra ua jour fupérieure à celle de l'Aigle. îg^; ^ ^s^:m ' ' — :^ CHAPITRE X. La méchaniqne de la viJioH. L A nuit a retiré peu-à-peu fon voile lugubre de deil'us la face de la Terre ; la riante aurore nous annonce le lever de FAlhe du jour: il paroit , 8c la Nature femble créée de nouveau. Quelle maje(]:é î quel éclat ! quelle lumière l quelles couleuri» î DE LA NATURE. V. Fart. 237 Mais, par quelle fecrete méchaniqiie mes yeux ont-ils été rendus capables de me commu- niquer des perceptions fî vives , fi variées , fî abondantes ? Comment découvre^je avec tant de facilité & de promptitude tout ce qui m'en- vironne ? Trois humeurs de différente denfité , lo- gées chacune dans une capfule tranfparente , partagent l'intérieur du globe de l'œil en trois parties. Sur le fond q[\ tendue une efpece de toile 5 ou de membrane très-fine , qui n'eft que i'expanfion d'un nerf, dont l'extrémité aboutit immédiatement au cerveau. Une peau noire ta- piife intérieurement tout le globe. A fa partie antérieure , eit une ouverture ronde , qui fe contracte ou fe dilate, fuivant que la lumière eft plus ou moins forte. Six mufcles placés à l'extérieur du globe , le meuvent en divers fens, & la rapidité de ces mouvemens eft extrême. Pourquoi ces humeurs, cette toile, cette ta- pifferie , cette ouverture qui fe contrade &: fe dilate ? La lumière vient en igné droite des Aftres à nous ; mais fes rayons fe courbent ou fe plient , ■238 C 0 N T E M P L A T î 0 fl lorfque la denfité des milieux qu'ils traverfentj augmente ou diminue. Si le milieu eft plus àenCe , les rayons fe eoui*- bent en s'approchant de la perpendiculaire qu'oit fuppore abaiflee fur fa furfice. Ils s'éloignent ^ ■au contraire , de cette perpendiculaire , il ie mi- lieu eft plus rare. Ceta fe nomme la réfra&ioH de la lumière (i). Ainsi deux rayons qui tombent parallèles fur une lentille de verre ^^ changent de direc- tion , & tendent à fe réunir en un point derrière la lentille. Là , eft une image diftinde du Soleil. De-là ou de-qà ce point , l'image eft CO ifOnnommo utilieux en langage d'Optique, les Corps tranfparens , folid'^s ou liquides, que la lumière traverfej & l'on die, qu'un milieu eft çlus denfe qu'un autre , îorfqu'il contient plus de matière fous un même volume. Ainfi , le Cryftal eft plus denfe que l'Eau ,- celle-ci , plus que l'air. Xa lumière fouffre doitc une plus grande réFraéliorî en paf- fant de l'Air dans le Cryftal , qu'en paffant de l'air dans^ l'Eau. Mais il ne fuffit pas ici d'avoir égard à la denfité des •milieux 5 il faut avoir e'gard encore à la direélion du rayon. Un rayon qui tombe perpendiculairement d'un milieu plu& îare dans un milieu plus denfe , ne s'y rompt point ou ne change point de direftion. La réfraclion n'a lieu que iQïfque le rayon tombe obliquement j & elle eft d'autant plus grande' 9; %ue l'incidence eft plus obliq,ue & le milieu plus denfe^. DE LA NATURE. V. Fart. 33^ confufe. Elle le devient pareillement. Ci l'on fabftitue à la lentille un verre plus ou moins convexe, ou un corps tranfparenta plus ou moins denfe que le verre. A la propriété de fe réfra&er , la lumière joint celle de fe réfléchir de c^fTus les corps qu'elle éclaire. Il part donc de* tous les points des objets , des traits lumineux , qui portent l'image de ces points. Ces traits tendent à s'écarter les uns des autres , mais ils fe rapprochent dès qu'ils rencontrent des înilieiix plus denfes ou plus convexes j & leur réunion fe fait d'autanc plus promptement que ces miUeux ont plus da denfité ou de convexité. Placez une lentille de verre à l'ouverture ménagée dans le volet d'une chambre obfcure : préfentez un carton à cette lentille ; vous aurez fur le champ un tableau , où tous les objets du dehors feront peints dans la plus grande pré- cifion , & fuivant toutes les règles de la pert pective la plus exade : ce fera même un tableau mouvant , fi ces objets fe meuvent. Vous / verrez les ruiffeaux fc précipiter du fommetdes montagnes , & ferpenter dans les plaines j les Oifeaux planer dans les airs > les Poilfons fe jouer à la fuiface de l'eau s les Troupeaux 240 CONTEMPLATION bondir dans les prairie?. Tantôt vous y fuivres la manœuvre d'une Flotte qui cingle à pleines voiles , ou qui f& prépare au combat. Tantôt vous y obferverez les différentes évolutions d'un Corps d'Armée. Tantôt vous y jouirez du fpedacle d'une Foire , d'une courfe de Chevaux ou d'une tempête. Substituez à la lentille un œil de Bœuf naturel , dépouillé fraîchement de fes envelop- pes : vous verrez fur la toile qui en couvre le fond, un tableau femblable au précédent, mais dont toutes les figures feront peintes beaucoup plus en petit. Vous ne vous lafferez point d'ad- mirer la délicateffe extrême de cette miniature, & vous ne pourrez revenir de votre étonne- ment de voir une Campagne de cinq à ilx lieues quarrées , exprimée en détail fur un veliii de quelques lignes. La. {Irudure de l'œil du Bœuf efi: la mème^ pour l'elfentiel , que celle de nos yeux : ainfi, vous pénétrez déjà la méchanique de la vi- fion. Les humeurs de l'œil font la lentille de la chambre obfcurej la toile ou la rélme en font le carton. La peau noire qui tapiffe l'in- térieur du globe , fait l'office du volet qui écarte le jour , elle éteint les rayons dont la reflexion rendroit DE LA NATURE. V. Part 24t rendroit l'image moins diftinde j la prunelle en fe contr; clant eu fe dilatant fuivant que la lumiè- re eft plus où moins forte , ûiodere Tadlion des rayons iur la rétine ; le nerf placé derrière celle- ci communique au cerveau les divers ébranle* meus qu'elle reçoit , auxquels répondent diverfes perceptions (2). (-) tt Je ne Hoiinois ici qu*uhe idée bien împarf.iite âé l'admirable ftrucliire lio l'œil humain, en le comparant à unà chambre obfcure, a laquelle il eft il fiipérieur. On verra dans le Chapitre fuivant, que les rayûns colorés qui entrent dans la compofition d'un rayon folaire , font ine'galemenf! î-e'frangibles. Lors donc qu'ils font réfraftés par une lentille de verre , ils ne fauroient fe réunir précifément dans le même foyer ou dans lé même point. De plus , les rayons qui tombent fur les bords de la lentille , ne fe réuniflTent pas dans le même point que ceux qui paflent par le centre de Cette lentille: fi donc notre œil n'eût renfermé qu'une feul« humeur, faqonnée comme cette lentille, notre vifion , qui eft fi diftinfte, auroit été très-confufe j car la petfeélion de lâ vifion dépend effentiellemcnt de la réunion des rayons dans un même point de la rétine. Le grand Euler , l'égal de' Newton en mathématiques, & auffi religieux que lui, fait^ à ce fujet des réflexions que je tranfcrirai ici, d'autant plus -volontiers qu'elles prouvent mieux qu'on eft plus religieux; à proportioîi qu'on eiî: plus Philofophe. ,, L'œil, dit-il, qu^ „ leCBE'ATEURa fait, n'a aucune des imperféclions de no§ 5, infrrumens d'Optique. En le comparant avec nos inftriw 5, mens , on comprend la véritable raifon , pourquoi îa Sa* „ GESSE Divine a employé différentes matières tranfparente? „ à la formation dC l'ceil humain > c'eft pour raffranchtr 4^ Tome VU. Q. 242 CONTEMPLATION g^=~-«~^= - . - . •^:<^—. ■ ■ -^ CHAPITRE XL Les couleurs. T, Els font les admirables rapports que la Sa- gesse a mis entre nos yeux & la lumière : ceux qu'elle a établis entre la lumière & les furfaces „ toutes les imperfections qui carailérifent les ouvrages des „ Hommes. Qiiel beau fujet d'admiration j & que le Pfal- „ mille a bien raifon de nous conduire à cette importante „ demande! celui qui a fait l'œil ne verroit-zl point 1 L'œil „ humain eft un chef-d'œuvre qui furpafie toutes nos con- ,, ceptionsj & quelle fublime idée ne devons-nous pas nous „ former de celui qui a pourvu non-feulement les Hom- 5, mes, mais auffi les Animaux, & même les plus vils In- „ fedles de ce merveilleux préfent , & cela au plus haut „ degré de perfection !.. . . L'oeil de l'Homme furpaffedonc „ infiniment toutes les machines que radreffe humaine eft „ capable de produire. Les diverfes matières tranfparentcs ,, dont il eft compofé , ont non-feulement un degré de denfiti^ „ capable de caufer des réfrailions différentes j mais leur „ figure eft auffi déterminée, enforte que tous les rayons „ fortis d'un point de l'objet font cxadement réunis dans un 5, même point , quoique l'objet foit plus ou moins éloigné, „ fitué devant l'œil diredement ou obliquement, & que fes „ rayons fouffrent une différente réfradlion. Aux moindres „ changemens qu'on feroit dans la nature & la figure des 3, matières tranfparsntes , l'œil perdroit d'abord tous les avan- js tages que nous venons d'admirer. Cependant les Athées QÉ LA n AT VUE. V. Part. U3 Lies ditféreiis Corps , d'où naifTent les couleurs ^ ne méritent pas moins notre attention. Un rayon qui tombe obliquement fur un priCme de verre, s'y rompt, & s'y divife etx lept rayons principaux , qui portent chacun leur couleur propre. L'image oblongue que produit cette forte de réFradion , préfente donc fept bandes colorées , diftribuées dans un ordre Gonftant. La première bande , en comptant dé la partie fupérieure de l'image , cftr rouge i Ja féconde, orangée ; la troifieme, jauncj la qua- trième, verte; la cinquième , bleue ; la fixieme^ indigo j la feptieme , violette : ces bandes n^ tranchent point: malis i'œil palfe des unes au:§ autres par gradations ou par nuances. Les rayons qui portent les couleurs les p't^ hautes , comme le rouge , l'orangé , le jaune , font ceux qui fe rompent ou fe courbent le moins dans le prifme. Ils font aufîi ceux qui fe' réfléchiifent les derniers , lorfqu'on incline i'infr trument. , ont la hardieffe de foiitenir que les yeux , aiiffi bien que , le Monde tout entier , ne font que rouvr.-igc d'un pnf , hafard. . . . Tant eft vrai ce que dit encore le i^falmiRe y , que ce ne font [que les Ivfenfù , qui dijent dans leur cerur ^' , qu'il n'y a point de DlEU '\ Q.3 è44 CONTEMFLATION Il fuit de - là , que chaque rayon a fon ef-. fence ou fon degré de réfrangihilité. Faites paC fer en même teaips, par plufîeurs prifmes , un de ces rayons : il ne vous donnera pas de nou- velles couleurs j mais il confervera conftamment fa couleur primitive i preuve invincible de fon immutabilité. Aux fept rayons divifés par le prifme , pre- fentez une lentille ; vous les réunirez de nou- veau en un feul rayon , qui vous offrira une image ronde , d'un blanc éclatant. Ne prenez avec la lentille , que cinq à Çix de ces rayons : vous n'aurez qu'un blanc fale. RÉUNISSEZ, feulement deux rayons : vous fe- rez une couleur qui tiendra de l'un & de l'autre. Un trait de lumière eft donc un faifceau de fept rayons dont la réunion forme le blanc , & dont la divifion produit fept couleurs principa- les & immuables. Quelle eft maintenant la fource de cette diverfité infinie de couleurs , qui différencie les Corps , & qui embellit toutes ks parties de notre. Demeure ? DE LA NATURE, V, Fayf, 24^ Les lamelles ou les particules qui compofent !a furface des Corps , font autant de petits prif. mes , différemment inclinés , qui rompent la lumière & réfléchilfent différentes couleurs (i). L'or , divifé en lames très-minces , parok bleu , oppofé au grand jour. Les matières qui rongent & qui divifent le tiffu des parties , changent leurs teintes. Le plus ou le moins d'épailfeur des lamelles contribue donc aufîi k là diverfité des couleurs (2). D'où vient ce bel azur qui teint la Voûte célefte ? Le fond du Ciel efi; noir ,• ce fond , vu au travers de la couche d'air qui nous environne , doit nous paroître bleu par tranfmifîîon (3). Ci)tf-Le nombre, îa grandeur, la direélion & la confi- guration des pores dont tous les Corps font criblés , &. la nature, plus ou moins réfringente, du fluide difleminé^ dans ces pores , peuvent encore influer fur ces modifications dç la lumière, qui donnent naiflance aux couleurs, C2) tt L:i teinture de rofe devient d'un rou^e vif fi l'on j verfe quelques gouttes d'efprit- de- Vitriol : elle verdit il l'on yîvcrfeenfuite de l'eTprit-dc-Sel ammoniac , & elle reprerut fa couleur rouge fi l'on y verfe de-nouveau de refprit-dc-ViîrioI. On comprend que ces différentes combinaifons produifent dans les particules réfléchiîT.uites , des modifications particulières; d'où naiflcnt différentes couleurs. (^) tt De grands Phyficieus affignent'une autre caiife ?, 0.3 54^ COKTEMI'LATION D'où procède cette riante verdure qui pare îios campagnes , & réjouit nos yeux P' Les la- melles de la furface des Fiantes , ont été faites 8c difpofées de manière qu'elles ne renvoyent que les rayons verds , tandis qu'elles donnenfc lin libre pafTage aux autres rayons. Si le verd réjouit notre vue , c'eil qu'il tient préciiément le milieu entre les fept couleurs principales. Mais qui pourroit demeurer infenfible au foin que la Nature a pris d'écarter ici l'unifor- îiiité , en multipliant fi fort les nuances du yerd ? Vous admirez cet arc-en-ciel fuperbe , qui vous retrace en grand les couleurs du prifme 2 la beauté & la vivacité de ces nuances vous ravilfent : vous foupconnez que la Nature a du fciire une grande dépenfe pour compo- fer cette riche ceinture , quelques gouttes d'eau , où la lumière va fe rompre & fe ré- fléchir fous différens angles , en font l'unique fond. Tazur di? Ciel: ils penfenfc, que Tair a fa couleur propre ^ & que cette couleur eft l'azur. Le Ciel à tous les gram^s objets fitués dans le lointain , devront donc paroitre d'au- tant plus azurés oue la couche d'air în,terpofée, fera plus çc'î^dérabîç, DE LA NATURE, V. TarL 247 Vous êtes frappé de la dorure éclatante de quelques Iiifedes : les riches écailles des Poil/'bns fixent vos regards : la Nature , toujours ma- gnifique dans le deflein & économe dans Texé- cutioii , opère ces brillantes décorations à peu de fraix : elle ne fait qu'appliquer une peau. brune aflez déliée fur une fubftance blanchâ< tre: cette peau fait l'office du vernis de nos cuirs dorés j elle modifie les rayons qui par- tent de la fubftance qu'elle recouvre. Le verd luftré des feuilles des Plantes tient au même art , & de très-petits Infedes nous aident à le découvrir. On les a nommés Mi^ neurs de feuilles , parce qu'ils minent une feuil- le, à-peu-près comme nos Mineurs minent la terre. lis favent détacher adroitement l'épiderme du parenchyme qu'il recouvre , & fe loger en- tre deux. Si l'on enlevé entièrement avec la pointe d'un cure-dent, cette portion de l'épi- derme, qui fert de couverture à l'Infecle , l'oii- mettra à découvert le parenchyme , qui paroitra d'un verd très-mat , mais plus foncé ou d'une toute autre teinte que celui du rcfte de la feuille. Si l'on replace enfuite l'épiderme fur le parenchyme, & qu'on l'y applique exacliement, on rendra à cet endroit de la feuille fou luihe & fa teinte primitifs» 0.4 ^48 COKTEMPLATÎON On peut , fans le fecours des Mineurs , ré- péter cette petite expérience fur les feuilles de quantité d'Efpeces de Fiantes , foit herbacées , foit ligneufes. Il ne faut pour cela qu'enlever de petits lambeaux de l'épiderme flans toucher au parenchyme , qu'il recouvre immédiatement. On reconnoîtra par tout que les feuilles doivent leur luftre «Se leurs nuances à une membrane fine , liHe , tranfparente , luftrée & blanchâtre , qui revêt une fubllance parenchymateufe , d u^^ verd toujours mat , & d'une teinte plus ou moins forte. Ccft ce verd, vu à travers l'épi- derme , & modifié par cette membrane , qui conftitue la couleur propre aux feuilles de cha- que Efpece. It en eft apparemment de même de l'email des fleurs , & peut-être encore du coloris des fruits. C'eft ici une nouvelle branche d'optique , qui , fi elle étoit approfondie, comme elle mé-, riteroit de l'être , nous donneroit des réfultats intérelfans. En Phyfique , les plus petits faits deviennent féconds en grandes conféquenccs j & il n'eft point ici da fujet qu'on pullfe fe flatter d'épuifer. La lumière diredo du Soleil , ou feulement eelie du jour ^ colore le parenchyme des feuilles ^ TiE LA KATVREV. Pari. 249 comme elle colore celui des fruits. Les feuilles, renfermées encore dans le bouton , font blan- châtres ou jaunâtres. Elles confcrvent cette cou- leur , fi on les force à croître dans un tube de papier bîeu , où Pair Si la chaleur ont un libre sccès. La Plante s'étiole alors , comme parlent les Jardiniers; elle poulfe une tige exccflivement longue & menue , & les feuil'es ne fe déve- loppent qu'imparfaitement. La lumière eft dans un mouvement continuel & très-rapide : elle agit f^ns celfe fur les furfaces des Corps, qu'elle pénètre plus ou moins. Par fes petits chocs réitérés fur le parenchyme des feuilles , elle eu modifie peu à- peu la furface , & la difpofe in- jenfiblement à réfléchir la couleur verte. Mais la lumière tombe fur tous les Corps , & tous les Corps ne font pas verds : le parenchyme des feuilles a donc avec elle des rapports que ji'ont pas les autres Corps , & de ces rapports rélultent , dans les lamelles du parenchyme , des changemens ou des modifications qui les rendent propres à réfléchir le verd (4). C4) tt Toutes les expcdences concourent bien à étaWfr que Vétioleinent des Plantes dépend en dernier reffort de îa privation de h lumière ,■ mnis elles ne nous éclairent point affez fur le comment de ce petit phénomène botanique , connu depuis fi long temps , qui n'nvoit point été étudié f^ ^ui tnéritoit tnnt de l'être. Il y auroit des raifons de douter 5fo COKTEMILATIOK L'air colore de même certains Corps. Je ne parle pas de cette coloration du fang, qu'oa croît s'opérer par le mélange de l'air dans le poumon : j'ai dans l'efprit un fait plus avéré (f). de l'adiofl immédiate de la lumière fur les parties infenîî- blés des Plantes,* mais on entrevoit qu'elle pourroit fc com- biner avec elles , & même encore avec quclqu'autre principe caché , & chanî^er ainfi la dirpofition de ces parties. (Quoiqu'il en foit de la manière d'agir de la lumière , il eft aujourd'hui bien prouvé par les expériences les plus direc» tes , que ce ne font pas feulement les Plantes qu'elle colore , mais qu'elle colore encore une multitude de corps de nature très différente, on qu'elle change les couleurs'primitives de ces corps , & quelquefois dans un efpace de temps fort court. Des papiers bleus, par exemple, font convertis en peu d'heures par Tadion de h lumière, & de la lumière feule, en papiers d'un beau verd. Je dis de la lumière feule, parce que l'expérience a démontré que l'air ni la chaleur n'iufiuoient point fur le phénomène. Une pareille obfervation ne demeu- rera pas ftérile dans la main de nos Phyficiens, & ils fauront en tirer des conféquences relativement à la confervation des étoffes , des meubles , des peintures , &c. (5) tt Si l'on fait deux ligatures, à quelque diftance l'une de l'autre, à une veine principale d'un Animal vivant » qu'on évacue le fang contenu entre les deux ligatures,- qu'on lut fubftitae de l'air, & qu'on enlevé enfuite une des ligatures pour mêler cet air avec le fang,- on verra celui-ci fe colorer fur le champ d'un rouge très-vif. Il eft donc bien avéré que l'air peut colorer le fang ,• & on fait d'ailleurs que le fang de^ vient d'un rouge plu: \iï par fon pafiage à travers les oog?* DE LA NATVRE.V.Vart. 2')T Les Anciens ne connoifloient point de cou- leur plus riche que le pourpre : ils le tiroienî d'un Coquillage qui ne nous cft pas bien connu. !Mais nos Naturalirtes en ont découvert une Efpece , qui donne précifément la même cou- leur. Tandis que la liqueur colorante eft en- core contenue dans les vaiiTeaux qui la prépa- rent & qui la fournilTent , elle n'cft qu'une forte de lymphe d'un blanc jaimâtre. La toile blanche fur laquelle on en répand , n'en ert d'abord que falie : mais l'air libre lait prendre bientôt à cette liqueur une nuance de pourpre trts-vive & très-durable (6)- nions. Il ferait poffible néanmoins que l'air n'agit pas fcul ilani cette coloration, (5) -ft C'étoit d'un Coçruillpge marin , dn genre des Buccins €U Trompettes ^ que les Anciens tiroient leur beau porrprc j (& c'cft encore d'un Coquillage du même genre qu'on trouve fur les Côtes du Poitou , que l'illuftre Reaumue. avoit tiré le pourpre dont je parle ici. Il avoit retrouvé cette riche couleur dans de petits Corps ronds , qui p aroiiToient être des CEufs de Poiffuns. La liqueur d'un blanc jaunâtre , extraite de ces œuFs ou du réfervoir du Buccin , fe coloroit de même en pourpre par l'aftion du Soleil & par celle du feu. Mais IVIr. Duhamel ayant voulu répéter cette expérience, ellç \\Q lui a re'ufîi qu'A la lumière dirçfle du SolciU «fZ CONTEMPLATIOy CHAPITRE XII. Conféqtiences, L, îEs couleurs ne font donc dans la lumière & dans les objets qu'une certaine nature & ua certain arrangement de parties , totalement dif- tinds des perceptions qu'ils font naître dans notre Ame. C'eft donc par un jugement erroné que nous tranfportons à la lumière & aux objets , les couleurs que nous voyons. Ces cou- leurs font en nous , elles font des modifications de notre Ame, & il en eft de même de toutes nos perceptions & de toutes nos fenfations. Les fons , Tes odeurs , les faveurs , ne font pas plus dans les objets que les couleurs. Toutes ces fources de rapports nailfent de la diverfité des inftrumens par lefquels l'Ame juge des objets. Ces inftrumens font les fens : en nous préfen- tant les Corps fous plufieurs faces , ils nous en manifeftent différentes qualités , & à ces qualité^^ répondent dans l'Ame différentes idées. Concluons de là, que les mêmes objets n'affedlent pas d'une égale manière tous les Etres fentans, , des perceptions de genres tout dif^ férens i' Enfin , ces Méthaphyliciens des Régions éthérées fe plairoient-ils fur-tout à méditer fur le nombre infini de combinaifons , qui réfulte- roient de femblables Unités, contemplées pat les Intelligences de toutes les Sphères (i) ? CO tt On voit bien que je parle des fameufes Monades du grand Leibnitz , fi combattues par pliifieiirs Phtlofo- pbes , fi exaltées par d'autres , & qui n'ont dû leur origine qu'à l'impuifTance où nous fommes de rendre raifon de 1'/-» tendue matérielle. Mais , fi l'exiftence des Monades n'eft point aulîi certaine que le penfoit Leibnitz , elles n'en feront pas moins un monument durable de l'originalité & de la pro- fondeur de ce Génie immortel. DE LA NATURE V.. Parti Sff CHAPITRE XII L Le Feu, L E Feu , répandu dans toute la Nature , nous offre une infinité de rapports : bornons-nous à parcourir les plus intéreflans. Fluide, fubtil, 'élaftique, abondant, fans ceffe agité , le Feu pénètre tous les Corps. Il les échauffe, les dilate, les brûle, les fond, les calcine, les vitrifie, les volatilife, les dilîipe , fuivant Tefpece de leur compofé ou de leurs principes (i). CO tt Confultez fiir le Feu & fur le Phlogiftique la troî- Seme Note du Chap. III de la Part. III. Les grands effets E LA NATURE. K TarL 2^f union ,' qu'il fe rend fenfiblc dans les cxperien-»' c€s électriques , tantôt fous la forme d'aigrettes lumincufes , tantôt fous celle de couronnes ., d'éclairs, d'étincelles, Sec. 8c qu'il détonne, éclate 5 frappe , perce , brûle , enflamme Qs)* pades, aiiIB pefantes que les bois & les métaux? C'eft bLen ici que la Nature fe cache dans l'abîme le plus profontl. Tout ce qu'il nous eu permis d'entrevoir, c'eft que les Vé-, gétaux en ijllciîit Us Eléinens, les dépouillent des propriétés par lefquelles ils nous font connus , & donnent lieu ainil aux différentes combinaifons dont les divers compofés réfultent» Au refte, ce phlogiftique , qui joue un fi grand rôle dans la Nature, paraît réfulter lui-même de la combinaifon du Feu pur ou élémentaire avec la terre vitritiable ou primitive» C'eft au moins l'opinion du favant Baume'. (5) tt Ou fait qiîe no'î Phyficiens, au moyen de leurs macîiiues électriques, enflitnment l'efprit de-vin , fondent en - un inftant un fil de fer, fondent de même l'or en feuille, & lui donnent une couleur purpurine 5 & ce qui ell plus- remarquable encore, )vrfz & faire développer le Poulet dans l'œuf. (7) tt I' y 3 pî"s de deux mille ans que les enfans s'a- mufoient à attirer des pailles avec un morceau d'ambre: eût- on deviné que d'un pareil amufeinent fortiroit cette foule de dé- couvertes, qui ont tant enrichi la Phyfique moderne, &: offert à 110s Sages tant n eft qui le vicient plus ou moins^ Il Teft fur- tout par ces émanations phlogiftiques que fournlifent la pu* tréfadiion , la refpiration , la combuftion des fubfcances graf* les , &c. j & c'eft à l'Air commun ainfi vicié , que les Chy- miftes donnent le nom à'Air phlcgifciqué. Toutes ces émanations phlogiftiques diminuent l'Air com* mun , le rendent plus léger , & l'altèrent au point qu'il eu ilevient uuilible à la rgf^îirstion. Mais il reprend fa falubrité voiles iyE LA NATURE. V. Part. 275 Voiles de nos vailTeaux , Se pou'^^e vers nos Contrées ces riches flottes defthécs a y faire par une longue agitation dans l'eau que rébullition a purgée tVAir. Une maffe d'Air commun , que la putréfadlion ou la ref- piration a très-phlogiftiqiiée, peut encore recouvrer fa falu- brité par un moyen naturel , qu'on n'avoit pas devine' & qu'on aime à connoître. Les Plantes s'accommodent très-bien d'un Air phlogiftiqué de h forte ; elles y végètent même avec plus de force , & c'eft précifément cette vége'tation qui purifie la mafie d'Air que les émanations phlogiftiques avoient viciées. Il s'exhale du fond des mines , des égoiits , des marais , &c. une vapeur d'un genre particulier, qui a reçu le nom â'Mir infiammahle, & qui fcmble n'être que l'Air commun, com- biné avec le phlogiftiqué & un acide, de manière qu'il fait explofion lorfqu'il fe trouve en contaft avec un corps enflammé. L'Air inflammable peut encore être produit Cpar une dîf" Solution de zinc , de fer ou d'ét^in par l'acide vitriolique ou marin. Cet air ou ceti-e vapeur âëriforme cft beaucoup plus légère que l'air commun ; puifqu'un volume donné d'air inflamma- ble ne pefe que la dixième d'un pareil volume d'air or- dinal e. Cet air inflammable tue les animaux , & ne peut être cor- lige par la végétation ,• mais il fe mêle avec l'eau qui le dé" pouille de fon phlogiftiqué & de fon acide, & lui rend fa faliibrité. Quand on diflbut des métiux dans l'cfprit-de-nitre , il s'ca élevé une vapeur qui, en fe combinant avec l'air commun' prcdnife ce qu'on nomme rAir tiitreux; Tome VIL S î^74 CONTEMPLATION: régner l'abondance. Devenu impétueux , il caufe des tempêtes & des ouragans -, mais Cette forte d'air fait une forte efîervefcence avec l'air com- îiiun , & le mélange prend une couleur rouge. L'Air nitreux abforbe l'Air commun, 8c en abforbe d'autant plus, que l'air commun eft plus pur; & c'eft ainfi que l'in- génieux Priestley eft parvenu à mefurer le degré de fa- lubrité de'l'air de difFérens lieux. II a trouvé, par exemple, que l'air d'une ville bien peuplée eft moins abforbe par l'air nitreux , que l'air de la campagne : celui-ci eft donc plus pur. Se feroit-on attendu à voir fortir d'une diffolution mé- tallique par l'acide nitreux , une mefure certaine de la falu- lirité de l'air athmofphérique? Admirons les progrès de l'art, & n'oublions point que ce n'eft que depuis hier que nous avons commencé à combiner les Etres. C'eft encore par l'ablorption ou la diminution de l'air commun , opérée par l'air nitreux qu'on a découvert un fait qu'on étoit bien éloigné de foupçonner ; c'eft que l'air des hautes Montagnes eft moins pur ou plus chargé de particu- les inflammables ou de phlogiftique , que l'air des plaines» Mr. de Saussure, qui fait fi bien expérimenter s'en eft affuré par des expériences faites avec des précautions & des foins vraiment fcrupuleux. L'air phlogiftique, beaucoup plus léger que celui des plaines, doit gagner les hautes régions^ & s'y accumuler plus ou moins. De là peuvent naître di- vers météores ignés , & différentes maladies propres aux ha- titans de ces régions. L'air nitreux poOede dans un? plus haut degré que Vair fxe^ la propriété antijeptique j mais fa caufticité en reml l'ap- plication dangerenfe en Médecine. Si l'on verfe de Tefprit-de-nitre fur des terres très-déphlo- giftiqaéés, & qu'on ks place au foyer d'une lentille dans un DELA KA T URE. F. Part. S7Ç cette impétuofîté même a fon utilité : Fair fe dépouille aiiifi des vapeurs nuifibles , Se les vafe de verre , il s'en dégagera un air très-fingiilier , troîà fois meilleur ^ue l'air commun pour la rerpiration. Cet air , que l'air nitreux abforbe en beaucoup plus grande quantité que l'ail commun, n'eft pas abforbé par l'eau; & fi on le mêle avec parties égales d'air phlogiftiqué, il devient un aie entièrement fembhble à l'air commun ou athmofphérique. Il paroît donc que cet air qui a été nommé air déphlogijl tiqué , n'eft proprement que l'air athmofphérique dépouillé par l'adlion de la chaleur & de l'acide nitreux , du phlogif- tiqué &. des diverfes impuretés qui le vicient plus ou moins. Nous avons admiré comment la Nature fait corriger par li végétation des Plantes , l'air athmofphérique que certaines émanations ont trop phlogiftiqué. Le nouvel Analifte de l'air ^ l'habile P^iestley , vient de découvrir encore dans laî vé- gétation une autre manière dont h N:îture épure l'athmof- phere. Non-fculemcnt les Végétaux abforbent le phlogiftiqué qui y furaboii-le , mais ils convertijjent encore l'Air commun en Air iléphlogi/irqué : ce font les propres termes de l'Inven- teur. La végétation lui a plus offert encore •' il s'eft aiTure qu'il eft des Plantes qui produifent fpontanément un air dé- phlogiftiqué , dont il a recueilli luie quantité affezl confidérable* On peut juger par ces expériences, de la multitude & de la diverfité des combinaifons dont l'air commun eft fufcepti- ble : ce font autant de nouvelles formes qu'il revêt, & qui le déguifant plus ou moins aux yeux du Chymifte , le por- teroient à préfumer qu'il y a autant d'efpeces d'air qu'il ap- perqoit de métamorphofes dans TAir commun. Mais le Chy^ mifte Philofophe fait fufpendre fon jugement , & attendre de l'expérience , des lumières auxquelles le raifoKnemcnt ne fauroit fuppléer. Mr. Baume' l'a très-bien remarqué j il eu s 2i S7^ CONTEMPLAT lOK ertux 5 agitées violemment par fon foufflejfont préfcivées d'une corruption fatale. efl de l'nir comme de l'eau : en fe dégrtgeanfc des fubftnnces dans lefquelles l'un & l'autre s'étoicnt incorporés , ils retien- nent plus ou moins des principes conftitunns de ces fubllan- ces. L'Art peut néanmoins les en dépouiller jufqu'à un certain point , & c'clfc ainfi qu'ici parvient à les puriHer de plus en plus , ou à les rapprocher de leur état primitif iVElanenf. Comme l'eau tient en difTolution bien ûqs fubîlances diffé- rentes , il peut en être de même de l'air ; il efl: à h nnni-^ere un mmfiriie , qui dirTout pUifieur^ fubftanccs de divers gen- res , & contrai3:e avec leurs particules conSituantes une union plus ou moins intime. L'Air ne fe combine pas feulement avec les fubîlances ter- rcufes ou falines, végétales ou animales,- il paroît fe com- biner encore avec les fubflances métalliques. On connoifioit depuis long-temps l'augmentation de poids que les métaux acquièrent quand ils font calcinés dans des vaifieaux clos ; mais on ne favoit pas précifément à quoi on devoit attribuer cette augmentation de poids , & on avoit formé fur ce fu- jet plus d'une hypothefe. Ln Chymifte, (Mr. Lavoisier) aiifli fage qu'habile, & qui n'a point imaginé d'hypothefe, mais qui a fu interro.çer la Nature comme elle demandoit à rêtrc, en a obtenu une réponfe plus inftrudlive. Elle lui a appris que l'augmentation de poids du métal cft toujours égc^le ou à peu-près à la diminution de celui de l'air contenu dans le vaiffeau , euforte que fi le poids du métal augmente d'un vingtième , le poids de Tair diminue de la même quan. tité. Une partie de l'air du vaifTeau pafTc donc dans le métal pendant fa calcination , & s'incorpore avec lui On ne peut même douter que l'air ne contribue à h calcination j puif- DE LA NATURE, V. Tart. 277 Enfin , l'Air cft le véhicule du fon & des odeurs; & fous ces nouvelles relations, il tienc eiîenticllenient à deux de nos fens. Les vibrations partielles, que la commotion excite dans le Corps fonore , fe communiquent à tous les globules d'Air qui environnent im- médiatement ce Corps. Ces globules excitent de femblables vibrations dans ceux qui leur font contigus ,• & ce jeu continue de la même ma- nière jufques H des diftances qu'on ne fliuroic déterminer. Une membrane Ene & élaflique , tendue au fond de l'oreille , comme la peau d'un tambour , re<;oit ces ébranlemens , & les fait pafler à trois olTelets , mis bout à bout , qui les communiquent à leur tour , à des cavités oifeu- igu'elle eft toujours proportionnelle à la capacité tUi vaifTcau .ou à la maiïc d'air qu'il contient : la portion «le métal qui fe calcine , eft conftamment d'autant plqs grande que le vaif- fcau a plus de capacité. | Mais comme l'air eft un fluide très-mélangé , il rcftoît à déterminer, quelle eft parmi les fubftances qui flottent dans l'athmofphere , ou, fi l'on veut, qui entrent dans fa compo* fition , celle qui fe combine avec les métaux lorfqu'ils le calcinent, & c'eft ce que notre adepte a tâché de découvrir par de nouvelles recherches. Il eu a réfulté que Tair qui eft abforbé pendant la calcination eft Vcâi- dé^hlogijliqué ou ' comme il l'appelle , un air éminemment ptr/. s 3 â78 CONTEMPLATION fes & tortueufes , tapilTées intérieurement de filets nerveux , qui aboutilTent par un tronc commun au cerveau (3). Le plus ou le moins ^5) ff L'ouïe, ce fens précieux qui nous met en corn, merce avec le Monde moral, eft après le fens de la vue, celui dont l'organifation prcfente le plus de ces rapports f)appans,qni annoncent fl l'Etre penfant une Intelligence Souveraine. L'oreille humaine eft une machine acoulHque, dj la plus favantc compofition , & dont l'Anatomie moderne démontre les diflpérentes Pièces dans un détail qui étonne- îoit le Philofophe, fl le Philofophe n'étoit toujours préparée découvrir des merveilles dès qu'il applique fa Raifon à l'exa- men des moindres Predudions du SUPREME ARTISTE. Je ne ferai ici qu'efquiffer grofliérement l'oreille & fon mécha- nifme,- mais je rappellerai à mon Lecteur, qu'elle a fourni feule à l'infatigable Du Verney, la matière d'un Livre en forme. Trois cavités principales partagent l'oreille : ce font autant de chambres qui ont requ différentes dénominations ; celle qui fe préfente la première eil une forte de conque ou d'en- tonnoir , dont l'ouverture eft à l'extérieur de roreilJe : la fé- conde ou la cavité moyenne , de forme tubulaire , fe nomme la caijfe : la troifieme ou la plus intérieure porte le nom de labyrinthe. Au fond de la conque eft placée cette fine membrane, qu*on a nommée le tympan ou le tumhow. Elle y eft difpnfée obli- quement pour être moins en butte aux fortes commotions de l'Air. Un petit mufcle couché fur fa face poftérieure, la tend ou la relâche au befoin. Dans la cavité moyenne ou la cft/^/r , font renfermas trois. «(Tdsts f^ue leur figure a f^iit nommer le marteau yVendwm , 3E L A N AT URE. V. Part. 279 Ae promptitude dans les vibrations , produit fept tons principaux, analogues aux couleurs Tétrier. Le manche du marteau tient à la membrane du tam, bour par ce petit mufcle qui eft chargé de la tendre ou de la relâcher; la tête du marteau s'articule avec l'enclume i & «elle-ci, qni a deux jambes inégales, appuyé par la plus longue fur la tête de l'e'trier. Un conduit ou une forte de trompe f[\n, d'un côté s'ouvre dans la bouche, & de l'autre ilans la caifTe , renouvelle fans ceflfe l'Air de celle-ci. La troifieme cavité , qui par fes routes tortueufes ne ref- femble pas mal à un labyrinthe, préfente une manière de w/- tibule , trois canaux demi circulaires , & une partie tournée en fpirale , nommée le limaçon , divifée en deux rampes , l'une fupérieure , l'autre inférieure. Toutes ces parties , de coii- .fiftance dure, font tapiffées intérieurement de filets nerveux» qui partent d'un tronc commun , connu fous le nom de ^lerf- Telles font les pièces principales qui compofent l'oreille humaine : arrêtons-nous un moment à contempler leur jeu. L'Air , véhicule du fon , rafîemblé par la conque ou l'en- tonnoir, frappe le tambour & lui communique les ébranle- mens qu'il a reçus lui-même du corps fonore. Ces ébranlemens font tranfmis par deux voies au labyrinthe; l'une eft la por- tion d'Air contenu dans la cailTe , qui, frappée parle tam- bour , communique fes propres ébranlemens à une fine mem- brane, appliquée à une petite ouverture qu'on nomme la fenêtre ronde , qui répond à la rampe inférieure du Limaqon. Les filets nerveux dont cette rampe eft garnie font pafler les ébranlemens jufqu'au nerf auditif. L'autre voie par laquelle les ébranlemens du tambour fe communiquent au labyrinthe » ftft dans les offelets. Le marteau, mû par le petit mufcle diï s 4. %îo CONTEMPLATION j)rimitives, Du rapport combiné des différens tons, naît l'harmonie. tambour , frappe fur l'enclume ,• celle-ci fur l'étrier. La bafé de ce dernier communique Tébranlement dans le veftibule , à l'aille d'une membrane fur laquelle elle appuie , & qui bou- che une petite ouverture nommée la fenêtre ovale. Cette fe- nêtre, qui s'ouvre dans le veftîbule , forme la communica- tion avec les canaux demi- circulaires & la rampe fupérieure du Limaqon. Les filets nerveux dont cette rampe & ces canaux font tapiffés , tranlraettent les impreiïions fonores au tronc principal, & par lui jufqu'au fiege de l'Ame, On n'a pu encore déterminer d'une manière bien précife , le degré d'importance de chacune des nièces qui entrent dans la conftruélion de l'oreille humaine: mais on ne fauroit dou- ter que , de îa réunion de toutes ces pièces ne réfulte la plus grande perfection de l'organe. Si nouslpartons à cet égard de l'ingénieufe comparaifon qu'un habile Anatomifte , Mr. ViC(i- p'AzYR, a inftituée récemment entre l'oreille de l'Homme & celle d'Animaux de claiTes très-diiTe'reutes , nous en con^ durons avec lui j que fi les ofielets ne font pas abfolKraent effentiels , ils font rai moins d'une grande utilité pour la per-r teption des fons , puifqu'on les retrouve , fans aucune excep- tion , dans tous les Animaux , depuis le Reptile jufqu'à l'Homme. Mais l'obfervation prouve en même temps , qu'il ri'eît pas nécclTaire qu'il y ait plufieurs ofTelets ,• car un feul fuffit au Reptile & à l'Oifeau. Il paroit réfuîter encore du parallèle de notre Anatomifte , que les canaux demi-circulaires font des parties effentielles à l'organe de l'ouïe , puifqu'ils exiilent dans tous les Animaujç ou cet organe a été reconnu. Un autre réfultat bien remarquable , c'ell que le Limaçon çH parîieulier à l'Homme & aux (Quadrupèdes , & que les DE LA NATURE. V. Fart: 28t Les corpufcules infiniment déliés , qui fe dé- tachent continuellement de la furface des Corps odoriférans , nagent dans l'Air , qui les tranf- porte par-tout, & les applique aux membranes iierveufes répandues dans les cavités ofTeufes de l'intérieur du nez. Les ébranlemens que ces corpufcules y occafionent , paiTent enfuite au cerveau par le prolongement des filets nerveux. Oifeaux qui entemleut pourtant fi bien , en font entièrement dépourvus. Le célèbre Phyfiologifte incline à penfer que le limaqon compofe avec les canaux demi-circulaires , un double inftru. ment , formé de deux parties diftinéles , dans lefquelles l'im- preffion des fons fe fait féparément, mais fuivant des rap- ports déterminés; ce qui ne contribue pns peu à accroître la fenfibilité ou la perfedlion de l'organe. On ne peut au moins méconnoître les rapports 11 dire£ls qui lient la lame fpirale du limaqon aux tons & aux accords. Il falloit , en effet, que l'organe deftiné à traafmettre à l'A- me tous les tons & tous les accords , fût exadement appro- prié à la diverfité des vibrations d'où réfultent ces tons & €cs accords. De là , cette ftrtidlure fi recherchée da limaqoii qu'on admire dès qu'on en ccnnoît la fin. On voit aflez , que par cette ftiuftnre, l'inftrument fe trouve fourni de fibres acouftiques , appropriées à tous les tons & à tous les degrés (k tons ,• car on conçoit facilement que le limaçon qui va en s'élargiffant depuis fon fommet jufqu'à fa bafe , doit con- tenir des fibres & des fibrilles de toute ^rolTeur & de toute lonc;ueur. Les fibres qui tapifientla bafe de la pyramide , font donc appropriées aux fons graves ; celles qui en garniirent Iç lux fons aigus , &c. 12.^2 C 0 N T E M I L A T I 0 n CHAPITRE XV. l^ajfpropriation des Animaux a divers Climats r à divers Lieux , à diverfes Matières, T. Ous les Climats ont leurs produdions t toutes les parties de la Terre ont leurs Habi- tans. Depuis les Régions glacées de TOurfe , jufques aux Sables brûlans de la Torride , tout eft animé. Depuis le fommet des montagnes , jufques au fond des vallées , tout végète & refpire. Les Eaux & l'Air font peuplés d'un nombre infini d'Habitans. Les Plantes & les Animaux font eux-mêmes de petits Mondes, qui nourriflent une multitude de Peuples , auffi diiférens les u'is des autres par leur figure & par leurs inclinations, que le font les grands Peuples répandis fur la iurface de notre Globe. Que dis-je ! la monide molécule, la plus petite goutte de liqueur , font habitées: harmonie merveilleufe , admirables rapport- , qui en af. fortilfant ainfî différentes produélions à diifé- rens lieux , n'Qïi laiifent aucun abfolument défert/ DE LA NATURE. V. Fart, 283 CHAPITRE XV I. La liaifon des Etres terrejlres far leurs fervices mutuels. v. N commerce réciproque lie tous les Etres terreftres. Les Etres non-organifés fe rapportent aux Etres organiiés comme à leur centre. Ceux-ci font les uns pour les autres. Les Plantes tiennent aux Plantes. Les Ani- maux- tiennent aux Animaux. Les Animaux & les Plantes s'enchaînent par des fervices mutuels. Voyez ce jeune Lierre s'unir étroitement avec ce Chêne majeftueux. Il en tire fa fubfif- tances & fa vie dépend de celle de f)n bien- faiteur. Grands de la Terre , vous êtes ce Chêne ; ne refufez point votre appui aux foibles qui le recherchent ; fouiîrez qu'ils vous approchent , & qu'ils puifent chez vous de quoi fubvenir à leur foiblelTe & à leurs nécelïités. Considérez cette Chenille hériflee de poils,- 284 COKTEMPLATIOj^ les Oifeaux n'oferoient y toucher : elle ferè pourtant à leur nourriture : comment cela ? Une Mouche pique la Chenille vivante : elle dépofe fes œuFs dans fon corps : la Chenille continue de vivre : les œufs éclofent : les Petits croîlîent aux dépends de la Chenille , & fe changent enfuite en Mouches , qui fervent de pâture aux Oifeaux. Il eft entre les Animaux des guerres éter- nelies , mais les chofes ont été combinées fi fagement , que la deftrudion des uns fait la confervation des autres , & que la fécondité des Efpeces eft toujours proportionnelle aux dan- gers qui menacent les Individus. L'orgueil humain dit que tous les Etres terreftres font créés pour luij mais le Tsenia que nous nourrilfons malgré nous , & le Monf- tre qui vit ignoré au fond de la Mer, s'é- ievent contre cette prétention & la détruifent. Voici donc le fait : PHomme a requ la Raifon , & par elle il jouit de toutes les Productions de la Terre. ^fV. <^tr^. DELA NATURE. V: Part. 285: CHAPITRE XVII. Les transformations que fuhijfent divcrfes Ma- tiei'es, fur-tout par Pa&ion des ALuhines or- ganiques, JL OuT n'eft que métamorphofe dans îe Mon- de phyfique. Les formes changent fans cefTe , la quantité de la Matière eft feule invariable (i). (i) -j-f II règne par.toiit dans la Nature nn équilibre ailmî- rable. Par-tout il eft des répatatiom qui compenfent les def- truftions. Ce qui eft détruit par nne eaufe efl: rcftitué par une autre caufe. Ce qui fc confume d'un fluide pour lacom- pofitiou de certains corps , eft rendu à la maffe de ce fluide, par la décompofition de ces mêmes corps ou par celle de corps analogues. C'eft ainfi, par exemple, que l'Air corpo- rifié dans les Subftances , s'en dégage pendant leur de'com- pofition pour rentrer dans la maiTe atmofphérique. C'eft ainfi encore, que ces effroyables torrens de laves , que vominentles Volcans, & qui ont quelquefois plus de deux mille toifcs de largeur fur cent cinquante ou deux cents pieds de pro- fondeur , fe convertirent peu-à peu en terre végétale , fuit par rinterjrede de l'eau , fuit par les débris accumulés d'une multitude de générations de menus Végétaux qui y naîlTent & s'y décompofent les premiers, & qui accroificnt inrendble- ment la fomme delà partie terreufe des laves, dont Ir. con- verfion eft commencée. D'autres générations de Vtgétn:x plus grands, , qui leur fucceiiei;t & périîlent à leur tour , ai.^- n^ CONTEMPLATIOK La même fubftance paffe fucceiîîvement danf les trois Règnes : le même compofé devient tour-à-tour Minéral , Plante , Infede , Reptile , Poiiron , Oifeau , Quadrupède , Homme. Les machines organifées font les principau:^ Agents de ces transformations. Elles changent ou décompofent toutes les Matières qui entrent dans leur intérieur , & qui font expofées à l'ac- tion de leurs reiforts. Eiles convertiifent les unes en leur propre fubftance j elles évacuent les autres fous diverfes formes , qui rendent ces matières propres à entrer dans la compofi- tion de différens Corps (2). mentent de pins en plus la raaiïe terretife, & c'efl par de femblables procédés que la Nature, toujours aâivc & toujours iiuluftrieufe , répare au bout d'un certain nombre de fiecles , les ravages des Volcans , & fertilife de ncuvenu ces Cam- pagnes qu'ils avoient «ondamnées a une longue ftérilité. (2) f f Ce que je ne faifois ici qu'entrevoir , Mr. Baume* a fu le voir , & le rendre bien plus intérefTant par fes Con- Hdérations aiiffi originales que profondes , fur Vor^urAfation de notre Globe, Il y a rafîemblé une multitude de réfleJcions in. génieufes , qui tendent toutes à prouver, que les Corp? or* ganifés ont été chargés par la Nature t!e combiner immédia- tement entr'cux les quatre Elémens , & de procurer ainfi H formation des divers compofés répandus fur la fur face & dans l'intérieur du Globe. Il montre, que c'eft en particulier D E LA NATURE. V. Part aï? Ainsi les Animaux qui multiplient prodigieu- fement, comme quelques Efpeces d'Infedes, aux Corps organifés que font dues les matières combuftibles, & que c'eft ainfi que l'exiftence des Volcans a e'té enchaînée par des nœuds fecrets à celle des nombreufes familles des Etres vivans. Il fait voir encore , que c'eft principalement aux Etres organifés que font dûs ces lits immenfes de terre calcaire, fi univerfellement répandus, & qui ne font la plu- part que les débris entaifés de cette foule de corps marins qui éclofent, croiffent, multiplient & fe décompofent au fond des Eaux. Les Végétaux & les Animaux font donc les grands Com- binateurs des Subftances élémentiires; & Ton peut conjedturec avec fondement , qu'il eft dans les combinaifons de cesSubf- tances , une progreffion correfpondante à l'accroiflement du ealibre des vaiflcaux ou des mailles des tiffus. Les vaiffeaux les plus fins, les mailles les plus ferrées opèrent apparem- ment les combinaifons des élémens les plus fubtils. Ce feront^ fi l'on veut, des combinaifons du premier ordre, qui ne s'exécuteront qu'entre deux Elémens ou peut-être entre diffé- rentes molécules du même Elément,* car il eft permis de douter que les Subftances qu'on nomme élémentaires , foient aufîi fimples ou auffi homogènes qu'elles. ont paru l'être. Des vailTcaux moins fins , des tiffii?; moins ferrés combinent les produits des premières combinaifons , foit entr'eux , foitayec les molécules des autres Elémens , d'oii réfultent de nouveaux ordres de combinaifnn*;, & conféquemment de nouveaux Com- pofés. Ce font autant de matériaux différens, dont la Nature varie l'emploi prefqu'à l'infini dans l'économie des trois Règnes. J'ai eu occaiion ailleurs de développer des idées Uès-analogues à celle-ci, en traitant de la ténébreufe matière 288 CONTEMPLATIOJti ont peut-être , pour principale fin , de meta- morphofer une quantité confidérable de matière à Tufage de différens compofés. C'est- par là , que les Matières les plus viles donnent naiiTance aux plus riches productions , tle l'affimilation (feilerjccroiflement. Palhtg. Tom, I , Part. XL Mais les Végétaux ne font pas feulement les Combinateurs des Subftances qui ne peuvent fe combiner immédiatement entr'elles 5 ils font encore les grands Dépurateurs de cette maffe d'Air qui environne notre Globe. Nous l'avons vu dans une des Notes précédentes. Une Plante faine qui végète dans un lieu renfermé , ne vicie point ou prefque point l'air de ce lieu 5 & l'Animal qu'on y renferme ne fouffie point de cet air que la Plante a en quelque forte refpiré. Il y a plus , une Plante renfermée dans wn lieu dont l'air a été corrompu par la combuftion d'une chandelle, par la réf. piration d'un Animal, ou par d'autres émanations phlogiftiques ou putrides , y végète avec plus de vigueur , & purifie fi bien cet air infeélé, qu'elle le rend auffi propre que tout autre à la refpiration de l'Animal. Nous avons vu encore, ciéphlogiftiqué que les végétaux purifient l'Atmofphere par l'air déphlogiftiqué qu'ils y répandent. C'eft ainfi que toutes les Pièces de la grande Machine de notre Monde, s'engrainant les unes dans les autres, opèrent par leurs jeux divers , ces effets merveilleux qui entretiennent la vie & le mouvement dans toutes les parties du Syftême organique,- car c'eft à ce Syftême, comme au plus important, que fe rapportent en dernier relTort tous les autres Syftêmes particuliers, dont l'enfemble forme le Syftême général. BE LA NATURE. V Fart 2Î9 & que du fein de la pourriture fort la plus belle fleur ou le fruit le plus exquis. L'Auteur de la Nature n'a rien laifle d'i- nutile. Ce qui fe confume de pouflîeres des ctamines dans la génération des Plantes , eft fort peu de chofe , comparé à ce que chaque fieur en fournit. La Sagesse a donc créé Tin- duftrieufe Abeille , qui employé le fuperflu de cette poufîiere avec un art & une économie , qui ne fiuroient être bien admirés que des plus habiles Géomètres (3). La Terre nous enrichit chaque jour de nou- veaux biens i & elle s'épuiferoit enfin , fî ce qu'elle donne ne lui étoit rendu. ^ Par une loi à laquelle nous ne faifons pas aiTez attention , tous les Corps organifés fe dé- compofent, & fe changent infenfiblement en terre. Pendant qu'ils fubilfent cette efpece de diffolution , leurs parties les plus volatiles paf- fent dans l'Air, qui les tranfporte par -tout. Ainfi les Animaux font enfevelis dans l'Atmof- (?) tt C'eft encore ainfi, que les liqueurs féminales, def- tinées à procurer la confervation des Efpeces , ont été peo- plées d'une multitude innombrable de VermiflTeaux qui y trouvent leur fubfiftauce. Tom, VIL X 350 CONTEMFLATIOK phere , comme ils le font dans la Terre ou dans l'Eau : on peut même douter Ci la partie que l'Air reqoit , n'eft pas la plus confidérable par fa maffe. Toutes ces particules difperfées r^à & là rentrent bientôt dans de nouveaux Touts or- ganiques , appelles aux mêmes révolutions qu» les premiers : & cette circulation qui continue depuis le commencement du Monde , ne finira qu'avec lui. DE LA NATURE. VI Part, 291 SIXIEME PARTIE. DE VÉCONOMIE VÉGÉTALE CHAPITRE I. Introâu&ion, Il n'eft point de fource de rapports phyfi. ques , qui foit plus^ abondante que l'Économie des Corps organifés. Jettons un coup-d'œil fur ce qu'elle nous offie de plus elTentiel ou de plus intéreiTant. Notre plan né nous con- duit point à creufer un fujet qui épuife la fa. gacité du Phyficien. CHAPITRE IL De V Economie organique en général JLi'ÉcONoivîiE organique, prife dans lefensîe plus étendu, eft le fyftème des loi^, fuivant 293 CONTEMPLATION lefquelles les fondions vitales s'opèrent dans les Corps organifés. Considérée fous un point de vue moins général, rÉconomie organique préfénte deux daffes d'objets. La première comprend la ftruc- ture, l'arrangement & le jeu des différentes parties du Corps organifé. La féconde embraflTe les effets divers qui réfultent de Torganifation j la nutrition > raccroiffement , la propagation , &c» ^:-.: ' g;^:^ =:^ CHAPITREIII. Nutrition des Fiantes far les racines & far les feuilles. JLiA Plante végète; elle fe nourrit ^ croît & multiplie. Le limon fubtil , ondueux & falin , que l'eau détache de la terre groffiere, & qu'elle tient en diifolution , eft la principale nourriture deg Végétaux. Les différentes efpeces d'engrais ne contribuent à la fertilité des terres , qu'en y in- DE LA NATURE, VI Part. 295 troduifant beaucoup d'une poudre fpongieufe ou d'un fel adif (i). Ci) 1t Je faifois ici ufage des principes contenus dans tjne Lijfertation fit^r les caufes de la fertilité des Terres , qu* avoit été couronnée par l'Académie des Sciences de Bordeaux. UAuteur entreprenoit d'y démontrer , que les Terres doivent principalement leur fertilité à une partie grafîe , fpongieufe ou limoneufè, mêlée dans une certaine dofe à une partie falinei & que des différentes proportions du mélange réful- toit le plus ou le moins de fertilité des Terres. Il en con- cluoit, que les terreins ou la partie tcrrcufe domine trop doivent être bonifiés par des ejigrais falins j & que les ter- reins où la partie faline furabonde doivent être traités avee <îes engrais terreux. Perfonne ce s'avife de douter de l'efficace des fumiers & (.tes engrais ; tout le monde convient des bons effets qui ré- fiiltent du mélange des terres. On fait combien les Cultiva- teurs fe font exercés en ce genres & les Livres d'Agriculture ^ fi multipliés de nos jours, & qui ne font la plupart que des échos les uns des a-iitres , regorgent de ces procédés relatifs à la fertilifation A^s Terres. On regarde générale- ment comme une cbofe démontrée; que la terre eft la prin- cipale nourriture des Plantes, qu'elle s'introduit par les racines dans leur intérieur, & s'incorpore avec elles. On croit com- munément, que les engrais ne font fi favorables à la végé- tation , que parce qu'ils introduifeiit dans le corps de la Plante beaucoup de fubftance nourricière. En un mot, on fe per- fuavle facilement que la terre & les engrais , diffbus , atténués & charriés par l'eau , fourniflent abondamment de leur propre fubftance à la nutrition des Végétaux ; & qur.nd ceux-ci fe i-'jduifeut en terre par \\ pourriture, on s'imagine que cette I 2t94 CONTEMPLATION Si le Phyficien réulllt à élever des Plantes , & à leur faire porter des fleurs & des fruits dans d'autres matières que la terre , par exem- terre n'eft que le réfidu de celle que la Plante avoit tirée du fol & qu'elle s'étoit appropriée. Toutes ces opinions qui femblent fi plaufibles, n'en font pcnirtant pas plus vraies. La Nature fe cache ici fous des apparences qui trompent de^ Hommes peu inftruits , & qui ne réfléchifTent gueres. Le fimple Cultivateur n'eft pas faifc pour foulever un coin du voile qui dérobe à fes yeux les myfteres delà végétation,- & il fe mocqueroit d'un^Phyficien qui lui diroit , que le principal ufage de la terre n'eft peut- être que de fervir de point d'appui aux Plantes qui y croîf- fent. Cependant nous avons là-delTus des expériences quipa- roîfTent décifives , & dont les réfultats font bien finguliers. BoYLE , ce grand fcrutateur de la Nature , aynnt fait fécher au four une certaine quantité de terre végétale, & l'ayant pefée aprè<; le defféchement , y fema de la graine de courge ; & quoique cette terre n'eût été arrofée que d'eau de pluie ou de. fource , elle prodyifit dans une première expérience , une Plante de Courge qui pefoit environ trois livres ; &; dans une féconde expérience , une Plante qui 'en pefoit qua- torze. Le préfumeroit-on néanmoins ? La terre defféchée & pefée de nouveau n'a voit pas foufFert de diminution fenfible. Vanhelmont, dont je n'oferois citer ici le témoignage, s'il n'étoit fortifié de celui de Boyle , rapporte une expé- rience plus frappante encore. Il planta un Saule du poids de cinquante livres dans un vafe qui contenoit cent livres de terre. Il eut foin de n'arrofer cette terre qu'avec de à'eau diflillée ou de l'eau de pluie ; & il eut attention de fermer le vafe avec un couvercle d'étaln pour en interdire DE LA NATURE. VI Fart. 29Î pie dans de la pouffiere de bois pourri , dans de la fciure de Sapin , dans du fable très-pur , dans de la moufle , dans du coton , dans du l'entrée aux matières étrangères. Cinq ans après, ayant perd de nouveau foiî Saule garni de toutes fes) feuilles, il en trouva le poids augmenté de cent dix-neuf livres trois onces,- quoi- que la terre n'eût perdu que deux onces de fon premier poids, La végétation des Plantes terrcftres dans l'eau pure, va k l'appui de ces réfultats fi remarquables. Je ne m'arrêterai pas néanmoins à ces Oig-uons de différentes efpeces , qu'on fait végéter dans l'eau , & qui y font d'auifi belles productions que dans la meilleure terre : j'ai des faits plus fingulicrs à effrir à mon Lefteur. L'illuftre Auteur de la Phyl'.que det Arbres avoit fait germer dans des Eponges humeftées , des marrons , des amandes , des glands , & avoit élevé dans l'eau pure les petits Arbres provenus de ces femences. 'Bous y avoient fait pendant les premières années d'auflî grands pro- grès ^ue s'ils euffent été en pleine terre. Un jeune Chêne en particulier , fubfifta ainfi pcrtdant huit ans. „ Il avoit „ alors quatre à cinq branches, qui.partoient d^une tige de „ dix-neuf à vingt lignes de circonférence , & de plus fds „ dîx-huit pouces de hauteur. Le bois&irécoree en étoient ,, bien formés ; & chaque année ce petit Arbre fc couvroit „ de belles feuilles, qui, ajoute l'Auteur , ne pouvoient être „ formées que de la fnbftance de l'eau la plus claire & la ,, plus pure j car il n'avoit employé dans cette expérience „ que de l'eau de la Seine, filtrée dans le fable, & con- „ fervée des mois entiers dans des cruches de grès j en* „ forte qu'elle étoitauffi limpide qu'il eft poffib le d'en avoir." Il y a plus encore: tous ces petits Arbres élevés dans \\n\ pure, donuerent par i'analyfe chymique les mémeslprjn- T 4 / 29^ CONTEMPLATION papier,, dans des éponges, &c c'eft que p^u^ Heurs de ces matières, ou fe changent infenfible- ment en terre , ou contiennent aduellerrjent des cîpes que d'autres petits Arbres, de même âge & de même erpece, qui avoient été élevés en pleine terre. Le plus habile Chymifte ne retireroit pas de l'eau pure précifément les mêmes principes qu'il retire des Plantes qui y ont été élevées ; mais , quand on fait que le corps de la Plante eft une forte de laboratoire où la Nature combine dans le plus profond fecret les divers Elémens , on n'eft plus étonné des réfultats des différentes expériences que je viens àe rapporter. On conçoit auffitôt , que les organes de la Plante font des inftrumens que nous ne faurions imiter , &qui exécu- tent des opérations chymiques , infiniment fupérieures à toutes les forces de l'art humain. On tombe alors dans un étonnement plus profond à ïavuede ces MafTes organiques , d'une gran- deur & d'un poids énormes , qui ne font pourtant que les réful- tats de la combinaifon , & de l'incorporation des fubflanccs les plus fubtiles , delà lumière, du Feu , de l'Air , &c. & l'on fe fent pénétré d'amiration & de refpeft pour la Main in- vifible , qui opère de fi grandes chofes par des :moyens en apparence fi difproportionnés. On croît encore , que chaqae Efpece de Plante tire de la terre des fucs appropriés à fon Efpece: cette opinion n'eft pas plus vraie que cent autres que le Peuple des Agricoles admet fans examen. Si chaqu'Efpece de Plante ne tiroit de la terre que les fucs qui lui font propres , différentes Efpe- cesde Plantes , élevées dans le même terrein, ne s'affameroient pas les unes les autres ; car chaque Efpece ne tirant que la nourriture qui lui eft appropriée , laiiferoit aux autres celle qui leur conviendrait. DELA N A TV RE. VI Tart. 297 parties terreufes , ou que Peau dont on les arrofe eft elle - même chargée de ces particu- les, que les organes extraifent , préparent & s'affimilent (2) La greffe démontre plus rîgoiircufement encore la faufleté de l'opinion dont je parle. Un très-petit citren greffé fur un Oranger, y prend tout fon accroiffement , en confervant tou- jours les qualités propres au citron , fans participer le moins «lu monde à celles de l'orange. Voici donc le fecret de la Nature: ce ne font pas les nour- ritures qui ont été diverfifiéesj ce font les organes qui les préparent, les élaborent & les combinent dans chaqu*Ëfpece. Le Citronnier a une organifation qui n'eft pas précifément la même que celle de l'Oranger ; il travaille donc les fucs nour- riciers & les combine autrement ({ue l'Oranger. Peut-être ne faurons - nous jamais ici bas en quoi confifte cette différence tVorganifation , d'où réfultent des effets fi remarquables & fi confiants. Il doit nous fuffire d'entrevoir , qu'elle dépend en dernier reffort du nombre , de l'efpece &: de la contexture des vaiffeaux , des proporti'ons fuivant lefquelles ils font ca- librés , du repliement & de l'inclinaifon de leurs branches , & probablement encore de la nature des Elémens qui en- trent dans leur compofition. Les différentes fortes d'engrais ne fertilifent donc les terres qu'en y introduifant beaucoup de ces principes fubtils &riftifs^ ^ue chaque Plante combine & s'affimile dans un rapport ^ired à fon Efpece. (2) tt On vient de voir dans la Note précédente , ce qu'il faut penfer de ces préparations & de ces affimilations. Il eft biofî fur ^ue l'eau la plus yure coiUicnt beaucoup de partf- 298 CONTEMPLATION ailles étrangères, & principalement^ des particules terreufcs mnis l'eau la plus pure ne contient pas adueîlement Varo' mare de la Menthe, le fucre de la fève, la glu du Maron- nier ,' le fuc âpre du Chêne, &c : & pourtant tous ces Végé- taux peuvent croître dans l'eau pure , & y acquérir les mêmes qualités qu'en pleine terre. Ce n'eft donc pas principalement dans le fluide nourricier qu'il faut chercher l'origine de ces qualités fi différentes entr'elles ; c'eft dans les organes qu* préparent & élaborent ce fluide . & l'aflTimilent à rEfpece du Végétal. La terre , leau , l'air, le feu , la lumière, &c. ne nous offrent rien de femblable à ce que nos fens découvrent dans un Arbre qui végète 5 mais cet Arbre qui végète, s'appro- prie ces divers élémens , les combine & les arrange à fa Kîaniere. Ce que je viens de dire de l'origine des qualités des dif- férentes Efpeces de Végétaux , s'applique facilement à cellç des qualités de différentes parties du même Végétal. Dans beaucoup de Végétaux l'écorce a des qualités très-différentes de celles du bois , & celles des fleurs & des fruits différent plus encore. Le mtme fuc qui nourrit le Pêcher , fournit l*amertume du noyau de la pêche , le jus délicieux qui abreuve fon parenchyme , & le parfum des feuilles & des fleurs. La manière dont les organes ont été divcrfifiés dans les diffé- rentes parties du Végétai, produit cette diverfité de qualités qu'on remarque dans chaque partie. Comme les Plantes terreftres peuvent végéter dans l'eau pure , il eft bien naturel qu'elles végètent aufli dans des ma- tières propres à retenir l'eau, telles que les éponges, le coton, la monîTe , Sec. Mais il s'en faut de beaucoup que les Plantes terreftres, & fur-tout les Plantes ligneufes , réuf- fiflTent dans l'eau pure comme dans la mouffe qu'on a foin de tenir humcélée. On n'a vu encore aucun Arbre fleurir & friic- fîfisr daijs l'eau feule i & j'ai eu le plaiilr d'élever dans h DE LA NATURE VI Parf. 299 Après avoir été admis dant le corps de la racine pae l'extrémité du chevelu (3) , le fuo moiifTe pure un Poirier , un Prunier & un Ct'rifier , qui m'ont donné de très-bons fruits. Les progrès que quantité de Plantes terreftres , foit her- bacées, foit ligneufes ont fait, fous mes yeux, dansla moufle. Ont été étonnans , & ont même furpaffé ceux que de fem- biables Plantes avoient fait en temps égal dans la terre. J'aî vu entr'autres une Tubereufe, s'élever dans la moufle après de quatre pieds de hauteur, & s'y garnir de quarante clo» ches , d'une beauté & d'un parfum admirables. Je puis dire plus ; j'ai vu une bouture de Vigne blanche , devenue dans la mouflTe un vrai fep , poufier dans l'efpace de quelques mois dés jets de plus"de dix pieds de longueur, chargés de fept à huit grofles grnppes , d'un goût excellent; 8f ce qui n'ajoute pas peu à la merveille , c'eft que la caifle qui renfermoit 1$ moufle , n'avoit que quinze pouces en quarré. Je ne m'étendrai pas ici fur ces expériences: je dois ren- voyer à mes Mémoires fur ce fu jet. Oeuvresl, Tom. III. Mais je ne faurois pafier fous filence des boutures de Grofeiller q«i , plantées dans un Livre , y étoient devenues des Arbuftes fur lefquelsje cueillis des fruits très-bien conditionnés. Concluons de tout ceci , que la végétation eft un art très- profond dont nous n'entrevoyons que quelques fecrets, & dont nous ne tenons encore que quelques principes plus ou moins généraux , qui ne fuSIifent point pour fonder une vraie tliéorie. fj) En fiiifant tirer à certaines Plantes herbacées des lî- q.a.eurs colorées, je me fuis aiTuré que c'eft par l'extrémité des racines ou par celle du chevelu, que le fuc nourricier 300 CONTEMPLATION nourricier s'élève dans les fibres ligneufes (4) du tronc ou de la tige , & pafle dans les utri- cules qui leur font adhérentes. Il s'y prépare & s'y digère. Il entre enfui te dans les vafes propres, fous la forme d'un fluide coloré, plus ou moins épaiffi , qu'on peut foupqonner être à la Plante , ce que le chyle ou le fang eft à l'Animal. Filtré par des tuyaux plus fins ou. plus repliés , il eft enfin conduit à toutes les par- ties, auxquelles il s'unit & dont il augmente lamalTe (^). s'introduit dans le corps de la Plante. Ceft là que fe trou- vent les ouvertures des tubes capillaires ou des vaifTeaux féveuxî & cette extrémité, la plus ténue des racines, eit coHftamment la partie qui fe colore le plus. C4) On voudr? bien confuîterle Chap. X de la troifieme Partie. (5) tt C^ ^"c j'expofois ici fur la route du fuc nourricier n'cft en partie que conjeélurel. Il eft feulement bien prouvé qu'il s'élève par les vailTeaux ligneux de la racine & de la tige, qui le conduifent dans les boutons & dans les feuilles, d'oùilpafle dans les! vaiffeaux de l'e'corce pour defcendre vers la racine. Ge font les injeftions colorées qui nous ont appris ces vérités importantes,- mais il s'en faut bien que ce nou- veau genre li intérelTant d'expériences ait été pouffé affez loin pour nous manifefter toutes les routes par lefquelles la Nature fait pafler le fuc nourricier , avant que de l'introduirejdans ces orga- nes beaucoup plus cachés , delliiiés à le modifier , & h prépnrer I^E LA NATURE. VI Fart 301 L'extrême fincfle des conduits féveux,qui les rend en quelque forte des tuyaux capillai- res 5 l'adion de l'air fur la lame élaftique* des trachées , & l'imprefïion de celles-ci fur les fi- bres ligneufes qu'elles embralTent ou dont el!es font embralTées , la chal&ur qui raréfie la fève, &; fur-tout celle qui agiffant fur la furface des feuilles , y attire le fuperflu du fuc nourricier. Se en occafione l'évaporation , paroiffent être les principales caufes de i'afcenfion de ce fluide lians les Plantes (6). de loin cette admirable affimilation qui eft la dernière & principale fin vers laquelle elle tend. Le fuc propre , ce fuc toujours plus on moins Icoloré & plus ou moins épais, (V. la jme. Note du Chap. X de la Part. III. ) eft fi différent de la fève crue , qu'on voit bien qu'il doit être le réfultat de quantité d'opérations préliminaires dont plufieurs s'exécutent apparemment dans les feuilles. Mais ce fuc doit fubir lui-même une multitude de préparations avant que d'être rendu propre à faire corps avec la Plante „ & ces préparations nous font ©ncore inconnues. (6) tt II eft fans doute, dans la Plante, comme dans l'A- nimal, une puiflance vitale qui imprime le mouvement aux folides & aux fluides, & qui conftitue la vie organique. Chez l'Animal, cette puiflfaBce réfide dans le cerveau & dans le cœur ou dans les parties qui en tiennent lieu. Mais nous ne connoiflbns rien dans la Plante, qui refiemble le moins du monde au cerveau & au cœur. Cependant la fève fe meut daas la Plante avec une très-grande fores , & elle s'élevç goa CONTEMPLATîOK La quantité de nourriture qu'une branche tire de la terre , eft proportionnelle au nom- alTez rapîJement jufqu'au fommet des pîus grands Arbres. L'illullre Hales , qui avoit tant approfondi l'iiiftoire de la végétation , regardoit les feuilles comme des puiflances ména- oées par la Nature pour aider à rafcenfion de la fève par cette tranfpiration fi abondante dont elles font l'organe. Mais , à l'approche du Printems , lorfque les Arbres n'ont point en- core de feuilles , la fève ne laiffe pas de s'y mouvoir avec la plus grande force , & c'eft même par cette forte impiilfioa qu'elle ouvre les boutons, développe les premières feuilles, & pare les Arbres de cette brillante verdure qui en fait le principal ornement de nos Campagnes, Et qui ne connoîtt point les pleurs de la Vigne , ces pleurs fi abondantes , qui s'élèvent avec tant de force, qu'elles foutiennent le mercute à une hauteur fort fnpérieure à celle à laquelle il s'élève dans le Baromètre par la preffion de l'Atmofphere ? Les feuilles ne font donc que des puilTances fécondaires , & point du tout la puiffance principale. On ne peut douter néanmoins , que la fève ne s'élève dans les Plantes par un jeu fecret des vaifleaux , que l'obfervation ne nous a point encore découvert. Des tiges & des feuilles feches n'admettent point des liqueurs colorées , qui s'intro- duifent fi facilement dans des tiges & des feuilles vertes. Ce n'eft point , comme on pourroit le foupçonner , pires que le defiëchement refferre les vaifieaux: des rofeaux fecs où l'on découvre à l'œil nud les ouvertures des vaiffeaux fé- veux, n'admettent point non plus les liqueurs colorées. Il y a donc lieu de préfumer que les vaiffeaux d'une Plante qui végète actuellement , exercent fur les liqueurs qui s'y in- tiûduifent , une adion fccrete qui les chalTe de place en BE LA NATVRE VL fart. 505 bre & à la grandeur de fes feuilles: elle en tire moins 'i\ fes feuilles font plus petites , ou en plus petit nombre (7). place, & conftitne ce qu'on peut nommer la vit dans \% Végétal. Ce n'eft pas même par fon propre poids que la fève redef, eend vers la racine. On fait, que fi l'on fait une incifioii circulaire ou fimplement une forte ligature à une branche verticale qui végète , il fe formera au deîTus de la ligature ou del'incifion, un bourlet très-apparent: or ce bourlet ne laiflera pas de fe former , fi l'on retient la branche inclinée verticalement en embas. La fève a donc un mouvement indé- pendant de l'aftion de la pefanteur , & qui peut s'exercer en fens contraire. Les trachées font une autre puifTance qui influe proba^ l)lemeut fur le jeu des vaiffeaux. L'air qu'elles contiennent, dilaté par la chaleur, prefle les vaifleaux & par eux les li- queurs qu'ils contiennent. Mais l'écorce n'a point de tra- chées, & la fève s'y meut en tout fens. ilinfi nous femmes encore fort peu éclairés fur ce qui conf- titue proprement la puijfance vitale dans le Végétal. Mais il cft une autre puiflance dont je pariétal ailleurs , qui joue un grand rôle dans l'Animal , & qu'on croit avoir apperçue dans le Végétal. Il eft peut-être ici un petit fait que nous avons tous les jours fous les yeux, qui nous donneroit la folution du problême , fi nous parvenions à l'analyfer. Ce faij feroit alors pour le Phyficien Botanifte , ce que la bulle de favon fut autrefois pour l'Analyfte de la Lumière. (7^ tt II réfulte des ingénieufes expériences de H a les ; i» que la tranfpiratitn des Plantes eft en raifon des furfaces 304 CONTFMPLATION La nutrition des Végétaux s'opère encore d'une manière immédiate par leurs feuilles. Elles ne fervent pas feulement à élever la fève , à la préparer , & à la décharger de fon fuperflu ; elles font de plus , des efpeces de racines qui pompent dans l'air, des fucs qu'elles tranfmet- tent aux parties voiilnes (8). tranfpîrantes , & que plus une Plante a de feuilles ou de gran- des feuilles , & plus ellt tranfpire. 2«. Qiie la tranfpiration eft d'autant plus grande que l'aîr ambiant eft plus chaud , & d'autant moindre qu'il eft plus froid ou plus humide. 50. due plus une plante eft vigoureufe & plus elle tranfpire. 4**. Q.ue la matière de la tranfpiration eft une eau limpide, ordinairement inodore & infipide , & à- peu -près la même dans toutes les efpeces. 5». Que les Arbres toujours verds tranfpirent moins en tems égal, que ceux qui fe de'pouillent . Le favant Guettard s'eft afiuré, que (>ans les branches de différentes efpeces, la tranfpirationja égalé en vingt-quatre heures le poids de fes branches , & que dans certaines efpeces, elle a été du double de ce poids. Il s'eft affuré encore, que la tranfpiration des Plantes en Odlobre , eft à celle qui fe fait en Août , comme 2 1 à 9. Les fleurs , fuivant ce célèbre Naturalifte, tranfpirent moins, à volume égal, que les feuilles. (8) tt L'Anatomie des feuilles démontre qu'elles contîen- i?ent en raccourci les mêmes enveloppes & iç« mêmes vaiL La DE LA RATURE VL FarL 30? La rofée , qui s'élève de la terre , eft le prin- cipal fond de cette nourriture aérienne. Les féaux qu'on obferve en grand dans la tige & dans les bran- ches. On a même fort bien dit, que les feuilles ne font en quelque forte , que des branches très-applaties. Les feuilles font , en effet , un prolongement des branches j & leur pé- dicule peut être envifagé comme une branche en miniature : les différens paquets de fibres ou de vaiflfeaux qui y font raffemblés en un corps, fe féparent à l'extrémité fupe'rieure , en différentes nervures principales qui fe ramifient, fe divi- fent & fe fous - divifent prefqu'à l'infini dans l'une & l'autre furface des feuilles. Ces divifions & fous-divifions, plus ou moins multipliées dans les différentes efpeces , & auxquelles les feuilles doivent leur figure, font toujours accompagnées d'une multitude iX nnajlomofes ou d'abouchemens , qui produi- fent fur la feuille ce beau travail qu'on démêle à l'œil nud, & qui fe fait fur-tout admirer lorfque certains procédés de l'Art ou qu'une longue macération dans l'eau , l'ont rendu plus apparent encore. Cette feule infpeftion des feuilles fufHroit prefque pour faire juger d'une de leurs principales fondions. Nous avons vu, que le fluide nourricier, après s'être introduit par l'ex- trémité du chevelu dans les vaiiïeaux féveux de la racine , & s'être élevé dans ceux de la tige & des branches , qui n'en font qu'une continuation , paffe immédiatement dans les feuilles, qui le tranfmettent aux vaifîeaux de l'écorce , des branches Si de la tige, qui le ramènent vers la racine. Il y a donc lieu de préfumer , que les divifions, les entrelace- mens & les abouchemcns fi multipliés des vailTeaux des feuilles ont principalement pour but d'opérer les premières prépara- tions du fluide nourricier. En le faifant paffer ainfi par \\\\^ Tome VIL V 306 C 0 N T EM P L A T I 0 H feuilles lui préfentent leur furface inférieure ; infinité- de couloirs dont les diamètres diminuent gradueîle- nient, & dont les directions ou les inclinaifons varient fans eelTe, la Nature opère les difFe'rentes fe'crétions d'où naiflent' les premières modificatioîis du fluide. Les molécules d'une certaine efpece , que des vaiffeaux très-fins ont féparées , fe joignent aux molécules d'une autre efpece, extraites par des vaiffeaux d'un autre ordre, qui s'anaftomofent ou s'abouchent avec les premiers , & de cette réunion de différentes molé- cules naît une première combinaifon , qui eft bien-tôt fuivle (le plufieurs autres, qu'opèrent des moyens femblables on analogues. Mais une anatomie plus délicate & plus réfléchie des feuilles, nous donne de bien plus grandes idées encore de kur ftrudure , & du rôle qu'elles jouent dans le fyftême de la végétation. Cette forte d'épiderrae ou cette fine menu brane dont je parlois , Chap. XI. Part. V, & qui recouvre les deux, fnrfaces des feuilles, n'eu point auflTi fimple qu'elle avoit paru l'être. Un excellent Obfervateur , M, De Saus- sure, a découvert, que cette enveloppe fi mince n'eft point fimplement un épidcrme : mais qu'elle eft une vraie écorce , qui a fon épiderme , fon tifl'u réticulaire & fes glaïkles. Rien de. plus iWgne de l'attention du Naturalifte que ces glandes. Elles font d'une grande petitefle , tantôt rondes , tantôt ovales , toujours tranfparentes dans les feuilles faines , & femées en fi grand nombre dans le tiCfu réticulaire , qu'elles en ont pris le nom de glandes mîliiaires. A un petit vaifleau tranC parent, qui enceint leur bafe , vont s'aboucher d'autres vaif- feaux qui partent de difFérens points. Dans les Arbres & Ar- buftes , ces glandules ne fe voyent qu'à la furface inférieure d«s feuilles j mais dans les Herbes on en veit à Tune & à £É LÀ nATVRE. Vl Part.^of garnie d'une infinité de petits tuyaux toujours' l'autre furface,- un peu moins cependant à la furface fupé- rieure. Cette obfervation n'eft pas indiflFérente : en le fentira bientôt. Le tifTu réticulaire , forme de vaiflTeaux extrêmement d-eliés, & dont les mailles font très-ferrées, recouvre immédiatement un autre reTeau, nommé yarenchynmtfux , & il eft recouvert lui-même d'un épiderme très- fin , auquel il adhère plus for- tement qu'au tilTu parenchymateux Celui-c: elV formé de vaif- fenux moins déliés & plus droits que ceux du réleau cortical, & fes maillés font mofns ferrées. Dans les réfcaux & dans le pctrenchytr.es'obferve' une mul- titude innombrable de points brillans , qu'il ne faudroit paé p'teudre pour des glaftdules d'une prodigicufe petiteffe ; ils n'en' font point ,• cardes glanduJes ne réfift'eroient pas à l'eau bouiU knte , à l'efprit-de-vîn , à Tacide vitriolioiiie ; & les points bril- lans dont je parle , y demeurent fnaltérahfes. Ils réfiftent de même an plus grand defféchement. Q.ue font donc ces fingn- îiérs corpufcules ? Nous l'ignorons ericorea On peut juger par éette légère efquiffe de l'anitomie des feriilks , qu'elles font des organes d'une ftruélure très-recher- chée: mais nous ne fommes point encore parvenus au temps o\x l'on pourra afligner avec pr^cifibn les ufages de chacune des pièces qiri entrent dans la' conftruétion de ces machines organique:?. Nous voyorts bien , ou plutôt uous entrevoyons affez , que les feuilles ont été orgnnifécs de manière à préparer le fluide nourricier , à le dépouiller des matières étrangères ou fupei'flnes , à pomper dans l'Air différentes fubftances , $c à les introduire dans le corps du VégétaV. II eft même des- expériences dont je parlerai bientôt, qui prouvent diret^e'ment' ee^te triple fondion des feuilles. J*en ai déj.l indique' qx\Sf çues-unes dans la Note précédente» V 9 ao8 C 0 N T E M F L A T I 0 N p^rèts à l'abforber (9). Et afin que les feuillé!& ne fe nuififTent pas dans Texercice de cette fonc- tion , elles ont été arrangées fur la tige & fur les branches , avec un tel art , que celles qui précèdent immédiatement ne recouvrent pas celles qui fuivent. Tantôt elles font p'acées al- ternativement , fur deux lignes oppofées & pa- rallèles. Tantôt elles font diftribuées par paires ., qui fe croifent à angles droits. Tantôt elles font pofées fur les angles de polygones circons- crits aux branches , & arrangés de manière que (9) tt Je raifonnois ici d'après les curieufes expériences «lu célèbre du Fay fur la rofée , qui avaient , en (quelque forte , fervi de bafe à mon travail fur les Feuilles des Plantes,. On fait qu'il avoit prouvé, qu'il eft au moins une efpeee de rofée qui s'élève lerïtement delà terre, au coucher du Soleil & qui s'attache fous la forme de gouttelettes à tous les corp» qu'elle rencontre. Mais je ne dois pas biffer penfer, que cette efpeee ile rofée foit le feul fond de cette nourriture , plus ou moins abondante, que les feuilles pompent ihn& l'Air. L'Atmofphere recelé toujours daivs fou fein une certaine quantité de particules aqueufes , qu'elle tient en diffolution , & qu'elle laiffe échapper dès qu'elle fe rafraîchit. Elles tom- bent alors fur la terre où elle fe raffemblent en gouttes plus ou moins fenfibles. C'eft une autre forte de rofee qu'on peut nommer defcendante , par oppofîtion à la première qui eft qfcendante. L'une & l'autre ne font point du tout de l'eau pure : elles contiennent une multitude de particules hétéro- gènes , qi'i accroiffent le fond de cette nourriture aèrien»e^ qiuejles feuilles abforbtnt, & qu'elles préparent. DELA NA TU RE. VU Tart, 30^ les angles du polygone inférieur répondent aux côtés du polygone iupérieur. D'autrefois elles montent ie long de la tige ou des branches'^ fur une ou pluiîeurs ipirales parallèles (10).^ Sceptiques , qui refufez de reconnoître âiQ% (ïo) tt J'efquiffois ici nie» propres obfcrvati«ns fur \i & l'on fait aujourd'hui quelle multitude de combinaifons & de formes ces Elémens fubtils peuvent revêtir dans le corps du Végétal. La tranfpiration infenfible qui diminue la niaffe des liquides , donne lieu au rapprochement des molécules éîé- aaeiuaires. Il eft une autre forte de tranfpiration qui s'opère par les feuilles , & qu'on peut nommer fefijihle par opnofition à celle dont j'ai parlé, qui eft beaucoup plus abondante. On connoît 'a réfme , la gomme , la manne , le fuc mielleux , qui ex- fiîde des feuilles de pLufieurs efpeces de Plantes. Des organes v»avticiiliers font appropriés à ces excrétions ;& on ne fauroit /^.outer que ces organes ne foient des dépendances des vaif-' DE LANATURE. VI Part. 313 îiiïe, moins luftree, & d'une couleur plus pâle que la furface oppofée. C°tte différence frap^ pante entre les deux côtés de la feuille , in^ dique affez qu'ils ont des ufages diiférens. g^; . ' = e^:^' ■ . ':^ C H A P T R E IV. Dire&ioît des feuilles , leur retournement > Je re- pliement de la tige. jL Ar une méchanique fans doute fort (împle 9- h\ racine s'enfonce en terre , la tige s'élève dans l'air , les branches s'élancent de côté , les feuilles préfentent à l'air libre leur furface fu- périeure , & à la terre ou à Pintérieur de la Plante , leur furface inférieure. Semez une graine à contre-fens ; vous ob- ferverez la radicule & la petite tige fe recoure ber 5 celle-là , pour gagner la terre , celle-ci pour gagner l'air. Retenez inclinée ufiie jeune tige j fon ex- trémité fe redreffera. C:Oy.p.BEZ les rameaux de toutes fortes de 314 CONTEMPLATION Plantes : faites que la furface inférieure de leurs feuilles foit tournée vers le ciel : vous verrez bientôt toutes ces feuilles fe retourner , & re- prendre leur première pofition : mouvement qui s'exécutera avec d'autant plus de promptitude que le Soleil fera plus ardent , & que les feuilles auront plus de fouplelfc. Semez différentes fortes de graines dans un cabinet ou dans une cave : porte2-y de petites branches , dont l'extrémité foit plongée dans des vafes pleins d'eau. Les feuilles des jeunes Plantes, & celles des branches préfenteront leur furface fupérieure aux fenêtres ou aux fûupiraux. Considérez les feuilles de diverfes efpeces de Plantes herbacées , de la Mauve , par exem- ple j vous remarquerez qu'elles fuivent le cours du Soleil : le matin , vous les verrez préfenter leur furface fupérieure au levant ,• vers le mi- lieu du jour, cette furface regardera le ^ midi; le foir , elle fera tournée au couchant. Pen- dant la nuit ou en temps pluvieux , ces feuilles feront horifon taies j leur furface inférieure re- gardera la terre. Suivez encore les feuilles de l'Acacia 5 lorf- 1 BE LA NATURE. VI. Part 51Î f^ue le Soleil viendra à les échauffer , vous ob^ ferverez que toutes leurs folioles tendront à fe rapprocher par leur furFace fupérieure. Elles for- meront alors une efpece de gouttière tournée vers le Soleil. Pendant la nuit ou dans un temps humide , vous verre^î les folioles (e renverfer en iens contraire , & fe rapprocher par leur fur- face inférieure. Elles formeront alors une gout- tière qui regardera 1-i terre ( i ). Tous ces mouvemens , qu'on diroit fponta^ nés , ont , fans doute , une caufe purement mé^ chanique , mais qui nous eft encore inconnue. Pour elTayer de les expliquer, on pourroit re- courir à une conjecture qui a quelqu'air de vrai- femblance» Supposez que les vaifleaux de la furface fu^ périeure des feuilles, ainfi que ceux de la tige , {ont analogues aux cordes de boyau , qui fe ( I ) tt Le redrefTement des tiges & le retournement des feuilles s'exécutent dans l'eau comme dans l'Air, foit qu'elles tiennent à leur Sujet , foit qu'elles en foient détache'es. Ces mouvemens s-operent avec la même ftcilité dans des vafcs pleins d'eau, dont on interdit l'accès à l'Air extérieur par uneépaiflTe «ouche d'huile. (Quelquefois même on les voit s'opérer avec affez de promptitude dans (Jss ciroonllances qu'on jngeroit leur être très-peu favorabifs. ai^ CONTEMPLATION contractent à la chaleur. Suppofez , au contraire i que les vaifleaux de la furface inférieure , comme ceux de la radicule , font de la nature des cordes de chanvre , qui fe contradent à l'humi- dité; & Tous expliquerez aiTez heureufement tous ces phénomènes qui vous furprennent (2). Les trachées , dont la lame eft fî él aftique , paroîflent bien propres à produire Teiïct des cordes de boyau. Les fibres ligneufes Se les (s) tt Mr. De Saussure a adopté cette conjefture quj lui a paru s'accorder avec les reTultats de fcs expériences fur les feuilles . Il s'eft aCTure' que le reTeau cortical des deux fur- faces des feuilles eft doué d'une élafticité très-fenfible , & quç ces deux furfaces tendent toujours à fe rouler en fens contraire. Lors donc que le reflbrt de l'une l'emporte fur le relTort de l'autre , la feuille devient concave du côté le plus foible. En général, il réfulte de mes nombreufe« expériences fur le redreffement des ticjes , & fur le retournement des feuilles » que la chalôur , & fur-tout la chaleur direfte du Soleil , font les principales caufes de ces phénomènes végétaux , qui n'ont point encore été approfondis autant qu'ils demandoient à l'être. C'efl; par ces mouvemens , en apparence fi fpontanés , que les Plantes femblent fe rapprocher le plus des Animaux , & pourvoir comme eux à leur différens befoins. Prefquc toutes font ainfi des efpeces de Senjîtives , dont la fenfibilité fe ma- «ifefte par des traits plus ou moins variés & plus ou moins frappans : mais nous nous occuperons ailleurs plus en détail tje cette finguliere analogie de la Plante avec rAuimal. DELA NATURE. VL Fart. 317 Xîtriculcs ne le paroiflent gueres moins à pro- duire celui des cordes de Chanvre. CHAPITRE V. Efqtdjje de la Théorie des mouvement de la Sève, iSH £ cherchez point de circulation dans les Plan- tes : plus fimples que les Animaux , tout s'exé- cute chez elles avec moins d'appareil (i). (i) tt L'analogie eft une manière tleraifonner , fi commode , fi facile , qu'il eft tout naturel qu'on en abufe fouvent , & qu'on rétende au delà des limites qu'une faine Logique prefcrit. On a bientôt fait un petit raifortnement analogique 3 •n n'a pas fi-tôt fait les expériences qui peuvent le confirmer ou le détruire. 11 eft entre la Plante & l'Animal , une mul- titude de rapports qui fautent aux yeux les moins exercés à voir ; tels font ceux que préfentent leur manière de croître Se lie multiplier , les maladies qui les attaquent , les accidens auxquels ils font fujets , &c. Il n'en falloit pas tant pour per- fuader que la Plante fe rapprochoit encore de l'Animal , par la manière dont les fucs nourriciers étoient préparés dans fon intérieur. Ainfi , parce qu'on voyoit le fang circuler dans l'A. nimal , l'on en avoit inféré que la fève circuloit aulTi dans la Plante. On avoit même prétendu le prouver par divers faits qu'on ne jugeoit point équivoques, parce qu'on ctoît trop fortement prévenu en faveur de l'opinion dont il s'agit. Et il faut bien que je le dife , puifque les erreurs mêmes des fa- 318 COKTEMTLATlOlt Pendant le jour, l'adioii de la chaleur fur les feuilles y attire abondamment le fuc nourrie . vans peuvent devenir inftruftives : des Hommes inflrujts avoieiit été fédiiits par Tanalogie au point de fuppofer dans la Plante uni eftomac , des inteftins , des veines ladtécs , un' cœur , des artères , des ^eine's , 8zc. Il eft pourtant très fur que la plus fine anatomie de h Plante ne montre rien dans fon intérieur , qu'on piiiffe le moins du nronde comparer ^ ce qui conftitue dans l'Animal, le fyftéme de la circulation. La Plante ne poflede pas plus un cœur, des artères & des vei- nes , qu'elles ne poffede un cerveau , une moelle fpinalié 8: des nerfs* Mais fi ces Hommes qiiç l'analogie féduifoît, avoient ft* quMl eft de vrais Animaux dans lelquels, à l'aide des meil- leurs microfcopes , on ne découvre rien du tout d'anslogue aux organes de la circulation ni à ceux du fentiraeut & du' mouvement, ils auroient fenti aufiftot combien leur manière de raifonner fur la Plante étoit déceptrice , & ils auroient compris que la Nature peut, quand elle le veut, préparer les matières alimentaires à bien moins de- fraix qu'ils ne Ta-' voient préfumé. Un fait très-connu & très-conftaté fuffifoit néanmoins potir renverfer toute cette théorie de la circulation de la fève. Un" Arbre planté à contre-fens, la racine en cnhaut, la tête en embas , ne laifie pas de vé^jéter, de croître & de multiplier.' De la racine fortent des br.inches,- des feuilles, des fleurs & des fruits i de la tête fortent des racines , des radicules & un chevelu plus ou moins abondant Penfe-ton qu'un pireil fait pût fe concilier avec ce cœur, ces artères, ces' veines & ces valvules qw'on fuppofoit fi gratuitement dans la Plante? Comment encore concilier cette fuppofition avec les bou- tures & les greffes de tout genre ? jDE la nature. VL Fart. 319 cier. Les petits organes excrétoires dont elles iont garnies , & qui s'y montrent fous les dif- férentes formes de globules , de pyramides , de filamens , &c. féparent les parties les plus aqueufes ou les plus grojffieres du fuc qui s'é- lève de la racine. L'air renfermé dans les tra- chées de la tige & des branches , fe dilatant de plus en plus , preiTe les fibres ligneufes , & accélère ainfi la marche de la fève en même temps qu'il la fait pénétrer dans les parties voi- fines (2). Mais, s'il n'y a point de vraie circulation de la fève, on, ce qui revient au même , fi la fève ne circule point comme îe fang , il ne s'en fuit point du tout qu'il n'y ait pas dans le corps de la Plante des vaiiTeaux afcendans & des vaiffeaux defcendaus , un fuc qui s'élcve par les premiers jufqu'aux feuilles , & qui defcend par les féconds jufqu'aux racines. Ce fera fi l'on veut , une forte de circulation alTortie k Tefpeee de l'Etre organifé; car il faut bien admettre dans la fève un mouvemeat qui l'élabore & la difpofe peu-à-p^u à revêtir la Rature propre du Ve'gétal. (2) tt duoique rexpérîence ait démontré aux Phyficiens Botaniftes, que toutes les parties d'un Arbre communiquent les unes avec les autres, puifqu'elles peuvent être nourries les unes par les autres ,- il n'en eft pas moins certain que les unes peuvent végéter indépendamment des autres; c'cft qu'un rameau on un fimple bouton peut être envifagé comme un arbre en miniature , appelle à fe Jévelopper fur le grand Arbre. L'Arbre e* miniature a tout ce qu'il faut pour végctcr par lui même 5 320 COKTEMFLATlOn A rapproche de la nuit , la furface inférieur' ire des feuilles commence à s'acquitter d'une dé fes principales fondions. Les petites bouches dont elle eft pourvue , s'ouvrent , & reçoivent avec avidité , les vapeurs & les exhalaifons qui il a enfentiellement en petit tous les organes que l'Arbre qui le porte , offie en grand. Si donc ce bouton recevoit feiil au retour du Printemps l'aftion du Soleil , il fe développeroifc feul , tandis que les autres parties de l'Arbre ne feroient au- cun progrès. Il arriveroit la même chofe , fi Ton fubftitueit à l'adion du Soleil celle d'une ferre chaude. L'excellent Au- teur de la Phyjîqui des Arbres s'en eft afiiiré par une expérience décifive. Il avoit mis dans une pareille ferre, un vafe où étoit planté un Sep de Vigne > ce Sep fe garnit de feuilles ; mais l'extrémité d'un farment qui fortoit hors de la ferre , ae végéta point. La faifon qui étoit froide encore , ne le permet- toit pas. Il vit arriver précifément le contraire , quand il mit ie vafe hors de la ferre & le bout du farment dans la ferre. Ce bout végéta & fe garnit de feuilles , & toute la partie du Sep qui étoit en plein Air , ne donna aucun figne de végétation. On fcnt tien , que le peu de fève qui pouvoit être dans les boutons & dans les vaifleaux les plus voifins des bou- tons , neîuffifoit pas pour fournir aune telle végétation. Les boutons tiroient , fans doute , de la terre Jdu vafe une nour- riture plus abondante ; mais cela même prouve, que les vaiiïeaux féveux établifleat une communication direfte entre les bou- tons & les racines 5 enforte que chaque bouton a fcs propres vaiflTeaux, qui fe rendent direftement de la racine dans fôiS Intérieur, en parcourant toute la longueur de la tige. âottens DE LA NATURE. Vl. Fart. iU flottent dans rAtmofpherei L'air des trachées fe reflerre : elles diminuent de diamètre : les fibres ligneufes , moins preflees , s'élargiiTent & admettent les fucs que les feuilles leur envoyent. Ces fucs fe joignent au réfîdu de celui qui étoit monté pendant le jour 5 & toute la maffe tend vers les racines. Voila précifément à quoi femble fe réduire la méchanique des mouvemens de la fève. Vous voyez maintenant dans un plus grand jour le but de la diredtion des feuilles & de leur ad- mirable retournement. La furface inférieure étant principalement deftinée à pomper la rofée , devoit regarder la Terre , d'où cette vapeur s'é- lève lentement au coucher du Soleil. Mais quand je dis , que la principale fondion de cette fur- face , au moins dans les Arbres & Arbuftes i eft de pomper la rofée, je ne prétends pas que la furface oppofée en foit abfolument incapable } elle abforbe peut-être des vapeurs plus déliées. Des expériences bien faites paroîfTent établir que la furface inférieure des feuilles des Arbres fert encore à la tranfpiration infenfible. Des fjuilles dans lefquelles cette furface avoit été en- duite d'une matière impénétrable à l'eau , ontf beaucoup moins tiré Se tranfpiré , en temps égal Tome VIL X 3.22 CONTEMTLATIon & à la même température , que dies feuilles éga- les & fembîables , dont la furface inférieure n'avoit point été enduite d'un tel vernis. lia paru réfulter des mêmes expériences , qu'il fe fait peu de tranfpiration par la furface fupérieure. L'on peut en inférer qu'une de fes principales fcndlions eft ds fervir d'abri ou de défenfe à la furface inférieure ; & c'eft-là , fans doute a Fufage de ce vernis naturel & fî luftré , que Ton remarque fur la furface fupérieure. Tout cela s'accorde admirablement bien avec la diredion & les mouvemens prefque fpontanés des feuil- les, & avec leur diftribution fymmétrique au- tour des tiges & des branches (3). (5) f f Des expériences direftes ont paru prouver , que îa rurtace inférieure des feuilles des Arbres ne fauroit réfifter comme la furface liipsrieure, à l'aélion continuée du Soleil: elle en eft altérée à la longue j elle y prend un œil livide , .s;: femble fe deffécher. Il y a donc bien de l'apparence que la furface fupérieure n'a été enduite d'un fi beau vernis , que pour la mettre plus en état de fervir de défenfe à la furface qui lui eft oppofée , & dans laquelle fe trouvent les prinoi- faux organes àt la fuccion & de la. tranfpiration.. bE LÀ NATÎJRÈ. Vï, FarL gaa gS^;-- ^^;::i£^ V :W^ CHAPITRE VL La germination & Paccroijjemenf. L ^. Plante , renfermée très-en petit dans le fruit ou dans la graine , y eft environnée d'un amas de flirine (i) , qui délayée par l'eau qui a pénétré les enveloppes, fermente avec elle, & fournit au germe fa première nourriture (2), (l) tt L'analyfe du grain de Froment préfenfe deux £uh*> fiances très-caradérifées : la première eft muqueufe , nutritive, fermentefcible, & connue fous le nom iVumidjn, la féconde , qui e(t très- finguliere , paroît tenir de la nature animale: elle eft vifqueufe , alkaline & très - putrefcïble. 6n peut la nommer la fubftance gltUincufe. En pouffant plus loin l'analyfe, on découvî'e que la fub- îlance glutineufe recelé une réfme & une gomme , & que Tamiilon renferme un fel cffjutiel fitcré, uni à un principe terreux , prefqu'auffi abondant que ce fel, Ainfi , la farine eft en dernière analyfe un compofé de terre , d'eau , d'air , de différentes fortes d'huiles les unes ténues , les autres épaifies , & de difFerens fels , l'un eflîntiel , l'au- tre alkali volatil , & d'une très petite portion d'acide. (;?) tf Une fève de Haricot fe partage facilement par î« milieu, fuivant fa longueur, en deux parties égales Si Um» jalables : c« font les hbei. Ils s'ouvrent oa fe fépaieut luturel- X a 324 CONTEMPLATION Abreuve' de ce laie délicat , proportionné à fa foibieiTe , il croit de jour en jour. Bientôt fes lan- lement l'un de l'autre dans la germination , & demeurent ad- hérens à la jeune Plante pendant fes premiers accroiffemens ; mais ils le defiechent pen-à-peu & tombent enfin. Entre les lobes eft logée la Plantule, dont l'œil nud dé-» mêle facilement la petite tige , les premières feuilles & la ra- dicule. Elle tient aux lobes par deux maîtres vaiflfeaux, qu'on a très bien nommés vaiil'eaux mammaires ; car les lobes peuvent être comparés à des mamelles. Tout leur intérieur eft plein d'une fubftance farineufe, dans la quelle les vailTeaux mammaires jettent une multitude de ramifications. On s'af- fure de l'exiftence de ces ramifications en faifant tirer à la radicule une teinture d'encre. Cette teinture paffe bientôt »1ans le tronc des vaifTeaux mammaires , & s'infînue peu à peu dans toutes leurs divifions. Si l'on coupe alors les lobes en différens fens , on appercevra fur l'aire de la coupe , une in- finité de petits traks noirs , qui ne font autre chofe que ks 'ramifications des vailTeaux mammaires que l'injedion rend plus apparens. T'humidité qui pénètre les tégumens de la graine , eft pom- pée par les dernières ramifications des vaifTeaux des lobes : la fubftance farineufe que cette humidité délaye & avec la- quelle elle fermente , s'introduit dans les rameaux capillai- res des vaiffeaux , qui la portent dans le tronc où ils vont fe réunir h & c'eft ainfi que cette nourriture délicate , cette for- te de lait, préparé] des mains de la Nature, eft verfé dan« le corps de la Plantule pour y opérer les premiers développe- mens. On a comparé les lobes à des mamelles , & cette compa- îaifon eft bien jufte. Une expérience cuneufe le démontra. DE LA NATURE, VL Part. 3^? g^s lui deviennent incommodes : il fait effort pour s'en débarraffer , & pouffe au dehors une petite Au moyen d'une petite priparatioH & d'un peu d'adrelTe dans la main , ou parvient à détacher la Plantule d'entre les lobes fans l'ofFeiifer. On enfonce auffi-tôt la radicule dans une terre légère & humeclée, & on met la jeune Plante à l'abri du Soleil. Elle languit quelque temps dans ce terrein fi peu af- forti à fa délicateffe aduelle ; mais enfin , elW y prend rapine & y fait de nouvelles productions. On la voit développer fes feuilles, prolonger fi tige , & même fleurir. C'cft une vraie curiofité qu'une pareille Plante privée ainfi à fa naiifance, des mamelles qui dévoient lui fournir fa première nourriture. Elle reile toute fa vie fi petite, fi dégraJée que le Botanifte le plus exercé auroit peine à reconnoître i'Efpece dans uae telle miniature. C'eft la radicule qui eft deftinée à fournir à la jeune Plante des nourritures plus fortes, qui opéreront les premiers dévelop- pemens de la tige & .des feuilles. Il étoit donc d.ins l'ordre de la Nature , que la radicule fe développât avant la plunmle ou la petite ti^e ; auffi la fu'oftance laiceufe eli elle portée d'a- bord par ks vailTeaux mammaires dans le corps de la radictjle. Elle pafle enfui te dans la plumule , ^ commence à la foire développer Mais ces premiers développemens font très-foibles encere , & ils ne deviennent confiilérables que îorfque la rn- dicule s'efl: prolongée dans la terre , & que les premières feuilles fe font épanouies. Les premières feuilles, qu'on nomme féwhtaies , & qui dif- férent beaucoup des autres par leur tifiTu & par lenr forme , , ne font pas moins utiles que les lobes à l'accroiflement de la jeune Plante. Si on les retranche Iorfque h petite tige com- mence »i pou fier , la Plante ne prendra que Ho foiblcs accroif- X3 52â CONTEMPLATION racine, qui va chercher dans la terre des fucs plus nourriflans. La petite tige paroît à Ton tour, Deftinée à habiter l'air, elle perce la terre, & s'élance perpendiculairement dans ce fluide. Quelquefois elle entraîne avec elle les reftes des tégumens qui Penyeloppoient dans l'état de Ger- me. D'autrefois , deux feuilles , fort différentes des feuilles de l'âge mûr, l'accompagnent: ce font les feuilles féminales , dont le prnicipal ufa- ge eft probablement d'épurer la fève. Quoique hors des langes , la jeune Plante îi'eft pas cependant en pleine liberté. Il ne con- venoit pas qu'elle fut expofée fi-tôt aux imprefl fions de l'Air & du Soleil. Toutes fes parties demeurent donc repliées ou couchées les unes fur les autres, à-peu-près comme elles l'étoient dans la graine. Mais la racnie en s'étendant & femens, & fera toute fa vie à l'égard des Plantes de foa Efpece , ce qu'eft un petit Nain à l'égard d'un énorme Géant. . Le tiiïii ou la confiftance des feuilles féminales fembleroit indiquer qu'elles font principalement deftinées à donner aux fucs pompés par la racine, une préparation néceflaire,- & peut-être encore à faciliter l'afcenfion du fluide nourricier. Le très-petit Arbre logé dans un bouton , n'a ni lobes nî- feuillçs féminales : c'eft qu'il doit tirer fa nourriture du grand Arbre dans lequel il eft implapté, & dont il eft «ne partie intégrante. B E LA NA T UR E. VI. fart. 327 en fe ramifiant de plus en plus , envoyé dans les vaifTeaux une abondance de fève , qui déployé bientôt tous les organes. Dans ces premiers commencemens , la Plante eft prefque gélatineufe. Elle prend peu -à- peu plus de confiftance par l'incorporation des fu es qui^ affluent de toutes parts. La partie de la tige, qui touche à la racine, eft celle qui grofîit , s'étend & s'endurcit h première. A mefure que l'endurciifement aug- mente , l'extenfion diminue. Elle celTe enfin entièrement dans cette partie , & continue dans celle qui la fuit immédiatement. Telle eft Tef- pece de progreffion qui s'obferve dans toutâ la Plante. Le bois 5 dont la dureté égale quelquefjîs eelle de la pierre , eft formé d'une fuite de couches concentriques, détachées d'année ea année de l'intérieur de l'écorcc , & endurcie^ paç fucceffion de temps. X4 V 328 CONTEMPLATION CHAPITRE VIL Multiplication par la graine, Dijlin&ion de Sexes. L, lEs Végétaux multiplient de graine ^ par rejettons & de bouture. Le piftil & les étamines font aux Plantes ce que les organes de la génération font aux Animaux. Le premier renferme la graine; les pouffieres de celles-ci la fécondent. Ordinairement les deux Sexes font réunie dans le même fujet; & les Efpeces où cette réunion a lieu , font de véritables Hermaphro- dites. D'autres portent fur une branche 'ie piflil & fur une autre branche les étamines. Ce lont des Hermaphrodites d'un aucre genre (r). (l) it Ces deux genres d'Hermaphrodites font d'autant plus fiuguliers qu'ils peuvent fe féconder eux • mêmes. Il eft 3ufli de vrais Hermaphrodites dans le règne Animal ; mais nous n'en connoilTuns point encore Deux fortes de Figuiers croifient dans l'Ar- chipel , des Figuiers mâles , nommés Figuiers fauvages ou CapriJïgiiîeYs , & des Figuiers femelles , appelles Figuiers do^ wejliques. Dans les fruits fauvages du Caprifignier s'élevènt des efpeces de Moucherons que les gens de la Campagne ont grand foin de tranfporter dans le tems de la fleuraifon fur les Figuiers domeftiques , & par cette opération ils obtiennent .des récoltes de figues , beaucoup plus abondantes , & des figues beaucoup plus groffes & d'un meilleur goût. On devine bien le petit myftere de cette pratique : les pouffieres dont les Moucherons fe font chargés , fécondent les figues domeftiques Sz opèrent ainfi la multiplication & le pcrfeétionneraent de ces fruits, finéceflaires à la fubfiilance des Habitans delfArchipel. Au refte , les Botaniftes diftinguent les fleurs en complètes & en incomplètes. Les premières font ces fleurs hermaphrodites qui réuiiiffent les parties propres aux deux fexes. Le Lys , la Tulipe, le Pécher ^ le Cerifier , &c. portent des fleurs her- înaphrodites ou des fleurs pourvues à h fgis de piftils & d'é- DE LA NATURE. VI Fart. 333 Le pillil eft toujours difpofé de manière à recevoir la poufîîere des étamines (4). Son fommetefl: percé de trous proportionnés au diamètre des grains de cetce pouffiere , & Ton intérieur eft partagé en plufieurs canaux ou trompes , dont le diamètre diminue à mefure qu'elles approchent du fond. A la bafe du piftil eft placée la graine. Chaque grain de la poufîîere des étamines tamines. D'autres Efpeces , telles que le Melon , le Chanvre, le Noyer, le Noifettier , &c. portent des fieurs incomplétts ou dont les unes n'ont que le piftil , & les autres les éta- mines. 11 y a donc en général de trois fortes de Heurs , des mâles, des femelles & des hermaphrodites. Ces dernières font les plus communes. (4) tt II arrive fouvent que dans les fleurs hermaphrotor dites , les parties fexuelles ont une difpofition qui paroît d'abord choquer le vœu de la Nature ou s'oppofer à la féconda- tion. Tantôt le piftil eft plus élevé que le fommet des étamines s tantôt la fleur , inclinée en embas , ne permettroit pas aux pouf- fieres de tomber fur le piftil : mais dans le premier cas la véficule qui renferme la poufîîere fécondante , la lance avec force jufqu'au l)iftil , ou bien celui-ci fe courbe pour atteindra à la véficule. Dans le fécond cas , la fleur fe relevé au temps de la fécon- dation, & le piftil reqoit ainfi la poufîîere qui doit féconder les graines. Dans les fleurs en grappes ou en épis, les fleurs inférieures font fécondées par les fupérie^r.s , &c. 334 CONTEMPLATION eft une boîte où nage dans une efpece de vapeut très-déliée, une multitude innombrable d'autres grains d'une petrteiTe extrême. Cette boîte s'ouvre à l'humidité. Se laifTe échapper le petit nuage chargé de globules ou de grains. Le rétrécifTement des tronipes indique que les globules contenans n'atteignent pas au fond du piftil , mais les globules ou grains contenus font mis en liberté par l'adion de l'humidité qui abreuve la trompe , & qui ouvrant la petite boîte où ils font renfermés , leur permet aiiafi de pénétrer jufq^u'à l'ovaire (5), Cî) tt C'eft principalement au célèbre NeVdham, que nous devons ces découvertes, fi propres à nous faire juger -de l'art qui brille jufques dans les plus petites produftions de la Nature. Cette pouffiere des fleurs , que le vulgaire prend pour un amas de grains informes, & que Tournefort, ce grand Législateur en Botanique , prenoit pour un excrément de la Plante, eft réellement un affemblage de petits corps très-rcguliers & très-organifés , qui tiennent par un pellicule propre à l'intérieur de la capfule de rétamine; & qui ren- ferment une multitude de corpufcules incomparablement plus petits , qui font lancés vers l'ovaire dans l'inftant de la fécon- dation. Ces corpufcules nagent dans une forte de vapeur éthérée qui eft probalement le principe fécondant. L'obfervateur Anglois avoit conjeéluré , que ces corpufcules DE LA NATURE. VI ï^art: 337 ftoieiit autant tie Germes de la Plante, qui, portés dans l'ovaire , y prenoient leurs premiers accroiflemens. Mais il cft des preuves décifives de la préexiftence des Germes à la iecondatiori dans le règne végétal , comme dans le règne animal. J'y toucherai ailleurs. Notre ingénieux Obfervateur , dont je crayonnois dans mon texte la découverte , croyoit encore s'être afluré que certains mamelons qu'on obferve à la tête ou au ftîgntate du piftil , étoient percés d'un trou proportionné à la grofleur d'un grain de la poulfiere , & qu'à ce trou répondoit un canal très-délic en forme d'entonnoir , dont l'extrémité aboutifibit à l'ovaire. Et comme il avoit obfervé avec une agréable furprife , que lorfqu'il humeiitoit légèrement un grain de la pouffiere, il s'ouvroit à Tinftant par un mouvement de relTort , & projettoit auffi-tét la vapeur éthérée chargée de fes corpufcules , il en avoit conclu , que le rétrécifiement des trompes] du piftil ne permet- tant pas aux grains de la pouffiere de parvenir j'nfqu'à l'o-a vaire, ce n'étoit pas ces grains eux-mêmes qui opéroîent \t fécondation j mais qu'elle étoit opérée par le nuage qui s'en échnppoit dès que l'humidité qui abreuve la trompe avoit procuré l'ouverture de la petite boîte ou d'un grain de la pouffiere. L'habile Naturaliftel nous repréfente les canaux ou trompes au piftil comme fi déliés , qu'ils ne peuvent être bien tité qu'à l'aide d'un bon mierofcope. Il les compare à des poils. J'avois cru long-temps à l'exiftence de ces trompes microfco- piques, & à celle des petits trous des mamelons dont le ftigmate eft garni. Mais je n'en fentois pas moins les diffi- cultés fans nombre que préfentoit l'intromiffion de la pouf- fiere dans ces trous , & leur route dans le canal fi étroiti, & fouvent fi long qui doit les approcher plus ou moins de l'ovaire. Ces difficultés ne me paroiffbient .'pas f entièrement applanies par la ' découverte de la vapeur éthérée , & des «orpufcules in&mm«nt petits qui y nagent. Mais un large 33^ CONTEMPLATION 1^: : — ^- '^:m uiL_===^;^ CHAPITRE VII L \ Multiplication par rejetions, A-iEs Végétaux multiplient par rejettons. Ils poufleiit des environs de la racine plufieurs jets , qui deviennent eux - mêmes des Plantes j 8c propagent ainfi rEfpece. Les branches & les plus petits rameaux peu- vent encore être regardés comme de véritables Plantes, entées, pour ainfi dire, fur la Plante principale , & qui font corps avec elle. Les Germes répandus dans l'intérieur de la Plante , s'y développent fans fécondation fen- fible , & gagnent la furface de l'écorce. Ils s'y 'entonnoir que j'ai apperqu dans le piftil de quelques Efpeces , & très- différent des trompes microfcopiques de Mr. Ne'e'dham, - a fait difparoître à mes yeux tontes les difficultés. Les trois lobes de la tête du piftil que notre Obfervateur croyoit ne laijfer aucune ouverture entr'eux , font en quelque forte , les lèvres d'une grande bouche qui s'ouvre dans le tems de la fé- condation. C'eit ce que j'ai expofé en détail dans un autre écrit. montrent DE LA NATURE. VL Tarf. 337 inontrent fous la forme d'un petit corps oblong & arrondi , compofé de plufîeurs pièces arran- gées fort proprement , & façonnées en manière de tuyau, d^ coquilles, d'écaillés , &c. Ce petic corps eft le bouton , qui renferme , comme ]a graine , fous plufieurs enveloppes , la jeune Plante, dont toutes les parties font repliées avec beaucoup d'art, La petite tige pouffe à Ton extrémité fupeJ rieure un femblable bouton. Ce bouton éclôt & produit une féconde tige , entée fur la pre- mière , & qui la prolonge. Cette nouvelle tige en produit une troifîemej celle-ci; une quatrième, & ainii fucceiîivement. Parvenu enfin à fou parfait accroiffement , l'Arbre fe trouve dono compofé d'une fuite de petits Arbres , mis bouc à bout. Il en va de même des branches & des rameaux , & tout cela n'a que la même vie , & ne forme qu'un feul Tout organique. Les Plantes à oîgnoyi pouffent au lieu de rejet- tons , des cayeux. L'oignon , formé de plufieurs membranes ou de plufieurs écailles pofées les unes fur les autres, renferme comme la graine & le bouto;i, une Plante en raccourci. Le cayeu eft un petit oignon qui pouffe fur les eôtés de l'oignon principal, ^ qui eft deftiné Tom. VIL X 338 CONTEMPLATIOJti a lui fuccéder ou à le remplacer. Quelquefaîsr ce remplacemene fe fait avec une promptitude &z des cireonflaiices qui furprennent Pendant; qyc Foigiion principal fe confume , le cayeu groffit & s'ctend , & bientôt il devient oignon principal (i). On peut regarder l'oignon comme une efpece de terre , qui s'épuife pour fournir à la jeune plante des fucs convenables. On peut encore Tenvifager comme un placenta , %ui filtre & prépare le lue nourricier. Les feuilles de quelques Plantes herbacées compofent des mafles fphériques affcz compadessr ^ui femblent faire l'office d'un oignon. (i) -ff lorrque îa Tulrppe pouffe au Printemps, on voîîr îs tige fortir dn eentre & de la pointe de l'oignon. Mais quand on arrache en Eté l'oignon , on eft bien furpris du déplacement fmgulier de la tige , & on ne comprend pas coni- »rent il a pu fe faire. Cette tige , qui fortoit auparavant dit cœur de l'oignon , fe trouve appliquée à fon extérieur , & femble partir immédiatement de la racine. Il a fallu un peu «l'attention pour percer ce petit myftere. La chofe eft pourtant i'ort fimplc , & fe réduit à une fubftitution clandcftine qu'on ne de\'inç pas d'abord. L'oignon d'où la tige fort au Printemps , lî'eft point celui çu'oh arrache en Eté. Un autre oignon fuc* eeiie au premier qui a péri peu- à- peu , & c'cft contre le nouvel oignon que la tige fc trouve alors appliquée. t>t LA NATURE. Vî Fart. 33^ La pomme du Chou s'épuife & fe confume pour fournir au développemeat de la petite tige qu'elle renferme. Placez une de ces pommes iiir un vafe plein d*eauj elle vous offrira les twêmes phénomènes qu'un oignon de fleur. CHAPITRE IX* Multiplication de bouture , ^ la grejfe» JLEs branches que certains Arbres laifTent pendre vers la Terre, y prennent racine ^ & deviennent elles-mêmes des Arbres (i). L'industrie humaine étend beaucoup cette efpece de multiplication. D'une feule branche ^ d'une feule racine qu'elle partage en pîufieurg parties, elles fait autant de Plantes individu- elles. Que dis-je î du moindre brin , d'une feule \j\) ft De ce nombre efl: rénorme Baobab au Sénégal, dont le tronc a jar^u'à foixante & quinze ou quatre-vingts jpiccls de circonférence, & dont les maîtrefles branches , qui en ont plus de foixante de loiigue'ur , s*incîinaiit de plus eo pins vers la terre par leur propre poids j y prennent enfîa racine. Ceft de la forte, que d'un feul Baobab il naît a» feout de quelques iîecles une forêt» ^4© CONTEMFLATIon feuille , elle fait un Arbre ( 2 ). Telle eft U Hiultiplication de bouture. Les organes effentiels à la vie , étant répandus dans tout le corps du Sujet , la bouture qu'on en détache , & que Ton plante en terre , peut iaire par elle-même de nouvelles produdions: elle a tout ce qui eft néceflaire au développe- ment des radicules & des bourgeons. C'eft aind qu'une fimple feuille pouffe des racines & végète par fes propres forces. Il eft une autre forte de multiplication très- remarquable , qui confifte à planter une ou plu- iîeurs boutures , non dans la terre , mais dans le tronc ou dans les branches d'un Arbre vivant, Ceft la greffe , dont la première idée eft due peut-être à l'union accidentelle de deux branches ou de deux fruits. La caufe prochaine de l'union de la greifer avec fon Sujet eft dans l'abouchement des vaif- (2) tt J'ai vu des feuilles de Chou & de Haricot, (î©nft le pédicule étoit plongé dans l'eau , y pouffer un grand nombre» de racines & de radicules , & végéter ainfrcomme des Plantes complètes. Agblicola avoit raconté bien d'autres prodiges d* ce genre ; mais qu'on regrette qui n'ayent pas été vus pait ks yeux d'uQ P^iofephe. DE LA N AT UEE. VI fart. 341 Teaux féveux de Tune & de l'autre , & cet abou- chement dépend en dernier refTort du rappx)rt «les calibres , & fur-tout de celui des tiflus & des liqueurs. À l'aide de la greffe , le Jardinier oblige le Sauvageon à donner les plus beaux fruits. Par cet art ingénieux , il rajeunit les Arbres , & cueille fur l'Amandier la Prune , & fur le Frènc la Poire. La filtration & la préparation des fucs du Sujet par les vaiffeaux de la greffe, doni>ent naiffance à ces produdions. Le bourlet qui fe forme toujours à Vinfertion , & qui eft compofé de l'entrelacement d'un nombre prodigieux de fibres , eft un des principaux inftrumens de ces préparations (3). L'analogie plus ou moins (?) tt Cette idée fur le principal iifage du bourlet dont il s'agit, a un grand air de vraifemblance,- &rilluftTe Duhamel» «juin tant enrichi la Phyfiqiie des Plantes, y infifte beaucoup. Ce bourlet feroit ainfi une forte de glande végétale, qui fil. treroit les fucs propres à la greffe, Mais j'ai tenté une expéri- ence qui ne fembie pas favorable h cette idée ; j'ai fait tirer 3U Sujet une teinture d'encre, & cette teinture a paifé au travers du bourlet jufques dans la greffe , fans altération fen- fible. Au relie, c'eft du pro' jugement des vaiffeaux du Sujet .& de ceux de la greffe, que naît peu- à -peu le bourlet qui Y3 142 CONTEMPLATION parfaite des fucs propres au Sujet avec ceus qui fon t propres à la greffe , favorife plus ou moins le développement de celle-ci. Le rap- port plus ou moins procJiain entre le temps où la Sujet eft en fève , & celui où la greffe a coutume de l'être , contribue auiE plus ou moins à la réuiEte de l'opération. JS^;= CHAPITRE X. Régénération des Végétaux, E corps de la Plante eft dans un travail continuel (i). Toujours il tend à produire î L fe forme là Tinfertion. Ces vaîfîeaux vont à la rencontre !es uns des autres , changent fans ceCTe de dire(ftion , & s'a» bonchent en une infinité de points. O) tt Prenez ceci an pîed de la lettre. Les Biutons qu! ont cclos en Eté , perfeftionnent lentement leur fruit pendant les jours les plus froids de l'Automne, & Blême pendant ÏHivcr. Remarquez que les branches des Arbres ne fe defle- chent point ou ne maigriffcnt point pendant les plus grands froids. Elles reçoivent donc alors aflTcz de fève pour les main«i Éenir ou à-peu-près dans l'état où la belle faifon les a laiflees. Cette fève n'efl pas abfftlument oifive dans les boutons; ell« «n'y abonde pas , il eft vrai , comme au Printemps , & foa Sïouvement eft fort ralenti: mais ce ralentiffcmentî même JOE LA NATURE. VI Part. 343 tantôt une écorce * tantôt un bouton , tantôt une racine , &c. Faites une plaie à un Arbre i elle fe cicatrifera. Un bourlet verdàtre le mon- trera bientôt au haut de ia plaie ; puis fur ici côtés ; & enfin vers le bas. Ce bourlet elt une nouvelle écorce , qui va recouvrir le bois, fans s'unir à lui. Donnez votre attention à ce qui fe paffe fur celui - ci : vous y appercevrez de petits mamelons ifolés & gélatineux 5 de petites taches rougeatres , fémées çà & là , que vous recon^ iioîtrez pour une écorce nailfante. Une matière demi-tranfparente 5 blanchâtre, mutilagineufe, paroitra fouiever cette écorce. Toutes ces pro- dudions gélacineufcs s'épaiifiront , fe prolonge* ront, fe fortifieront , & peu-à-peu ce qui n'étoit d'abord que gélatineux , deviendra herbacé , cortical, ligneux. La cicatrice achèvera de fe former, & rétablira la communication entre tous les vaiffeaux. Le bois ne diffère pas feulement de l'écorce par fa denfité , il a encore des organes qu'on ne trouve pas à cette dernière. Il paroit poiieder |)eut être utile au perfcftîonnement des boutons & do la petite Plante qu'ils renferment. La diminution confidérablc de poids , qu'éprouvent en Hiver les branches détachées de leur Sujet» achevé de démontrer la vérité dont il s'agit. Y4 344 C 0 K T E M F L A T 1 Q N feul des trachées (2). Lors donc qu'une nou- velle écorce femble fe convertir en bois , cette converfion n'eft qu'apparente, La Nature ne crée pas plus des trachées , qu'elle ne crée une Plante toute entière. Mais une multitude de fibres appellées à devenir bois , préexiftent fous la nouvelle écorce , & fe développent avec elle & par elle , comme nous verrons le Papillon fe développer dans la Chenille & par la Chenille. Tandis que le bois n'eft encore qu'une goutte delmucilage , il n'eft pas moins bois que lorfque , transformé en colonne , il portera le poids énorme d'un édifice. (î) ft Puîfque je parle encore des trachées de» Plantes, je dirai un mot d'une expérience remarquable du Savant Keichel. On fait que Malpighi avoit cru que les trachées ne contenoient jamais que de l'Air ; mais que Grew avoît aflfuré qu'elles contenoient quelquefois des liqueurs. En faifant tirer une infufion de bois de Fernambouc à différentes Plantes , foit herbacées , foit ligneufes , Mr. Reichel a vu que les trachées admettoient l'infofioH , & qu'elles fe csloroient in- térieurement. Cette expérience mériteroit bien d'être répétée. Si rObfervateur ne s'eft point trompé , elle prouverait qua les trachées ont plus d'un nfage. Il y auroit encore «ne autre obfervation curfeufe à répéter fur ces vaiffeaux fpiraux,, fi artiftement conftruits ; c'eft celle de ce mouvement ondulatoire que Malpighi dit ylsvoir [ad- miré en Hiverr ^ I)E LA NATVRK VL Vart, 34^ Dans runion de la greffe avec fon Sujet, «11 voit de même une fubftance gélatineufe naître de l'une & de l'autre , fe répandre, fe ramifier, fe pelottonner dans tous deux , devenir par degrés herbacée , corticale , ligneufe , & former" au deffus de Finfertion, un bourlet qui la recou- vre entièrement. Ainsi tout le corps de la Plante eft garni intérieurement de petites fibres , de petits vaif- feaux invifibles , qui n'attendent pour fe déve- lopper que des circonftances favorables. Une plaie, une incifion, une fimple ligature font de pareilles circonftances. Ces fibres font les «lémens de couches corticales ou ligneufcs, qui en s'étendant en tout fens , fourniront aux réparations nécelfaires. La plaie , rincifion , la ligature occafionant une dérivation des fucs nourriciers vers ces fibres invifibles , les déve- loppent , & nous les rendent fenfibles. Ce que ces fibres opèrent dans la régénération de récorce ou du bois , les Germes l'opèrent dans la reproduction d'une branche ou d un rejetton. Les fibres de fécorce ou du bois ne fe réunilfent pas en paquet pour compofer un bouton ou une branche en miniature. Cette branche eft déjà toute formée dans fon Germe > 34^ CONTEMPLATION elle y poflede les élément de toutes les couches i foit corticales , foit ligneufes, qu'elle oiFrira jdans la fuite fous d'autres proportions. Nous nous occuperons des Germes dans les Parties qui fuivront ; nous ne [faifons à préfent que les effleurer. < 347 ) TABLE Contenus dans ce Tome. PREMIERE PARTIE. DE DIEU ET DE VUNIVERS EK GÉNÉRAL. Introduction. Page i CHAPITRli I. La cause Première a CHAP. IL La Création. 3 CHAP. ÏIL Unité & bonté ^e P Univers. 4 CHAP. IV. L Univers conftdéré dans f es grandes Parties, 7 CHAP. V. Pluralité des Mondes. 29 CHAP. VI. Divifian générale des Etres, 34 CHAP. VIL Enchaînement univerfel ou Phar-. monie ûs P Univers. 3^ SECONDE PARTIE. DE LA PERFECTION RELATIVE DES ETRES. CHAP, I. Dijîribution générale des Etres ter-^ rejires» 4^ C 348 ) CflAP. IL Be la perfe&ion en général^ ^ Hé fes efpeces. 43 CHAP. m. De la perfe&ion corporelle. 44 CHAP. IV. De la perfe&ion fpirituelle. 4f CHAP. V. La vie terrefire & fes efpeces. 4^ CHAP. VL Variétés des Mondes, 47 CHAP, VIL Idée de la Souveraine Ferfe&ion mixte, 48 CHAP. VIII. Les Ffprits purs, 49 CHAP. IX. Inimenfité de la chaine des Etres, 51 CHAP. X. Efpeces moyennes. 5^ CHAP. XL Conféquences, 5 3 CHAP. XII. Idée du nombre des degrés de l'E- chelle, 54 CHAP. XIII. Trincipe fur la conJîruBion de PE^ chelle. S f TROISIEME PARTIE. VUE GÉNÉRALE DE LA FROGRESnON GRADUELLE DESETRES. CHAP. L Des Elémens. f^ CHAP. IL Trois Genres de compojition dans les Corps, 59 CHAP. III. Des Fluides en général , ^ de queL ques Fluides en particulier, 60 CHAP. IV. De quelques Solides bruts ou non- organifés. 6^ CHAP. V. Faffage des Solides bruts ou twn^ organifés aux Solides organifés. '(349) "Les Pierres feuilletées. Les Pierres jibreu^ fes. Page 79 CHAP. VI. Deux Clajjes de Solides organifés. Difficnltés de dijîingîier ces deux Claffes, 83 CHAP. VII. De quelques Efpe ces de Plantes ^ doiTt la forme s'éloigne beaucoup de celle qui eft propre aux Plantes les plus connues, %^ CHAP. VIII. Des Plantes en général. 9Z CHAP. IX. Vue de l'extérieur des Plantes. 9î CHAP. X. Vue de l'intérieur des Plantes. 97 CHAP. XI. Des couches conceyitriques des Plaji^ tes. 99 CHAP. XII. Effets, qui réfultent deVorganifation des Plantes. 10 ï CHAP. XIII. Paffage des Végétaux aux Ani-^ maux, La SenJJtive. Le Polype io2 CHAP. XIV. Réflexions fur les machines anima^ les. lïO CHAP. XV. Réflexions fur le Polype. iiî CHAP. XVI. Des Vers qui peuvent être multi- ■ plies de hoJiture. I14 CHAP. XVII. Des Infères en général. 1 1 % CHAP. XVIII. L'extérieur des Infères. iig CHAP. XIX. L'intérieur des Infe&es. 127 CHAP. XX. Paffage des Infe&es aux Coquillages. Les Vers à tuyaux. Réflexions fur ce paffage. I ?o CHAP. XXI. Les Coquillages. 13S CHAP. XXII. Paffage des Coquillages aux Reptiles. La Limace. 148 CHAP. XXIII, Les Reptiles., 149 CHAP. XXIV, Pajpige des Reptiles aux Tolffons. Le Serpent deau , les Foijfons rampans , Mnguille, Page 15 î CHAP. XXV. Les Foijfons. ibid, CHAP. XXVL Fujjage des PoiJJons aux Oifeaux. Le Foijfon volant : les Oifeaux aquatiques 3 les Oifeaux amphibies, i^§ CHAP. XXVIL Les Oifeaux. 164, CHAP. XXVIII. Fajfage des Oifeaux aux Oîiadru-^ pedes, La Chauve fotiris : r Ecureuil valant > PAu^ t ruche, 1 6^ CHAP. XXIX. Les Qtiadrupedes, 171 CHAP. XXX. Fajfuge des Quadrupèdes à PHennme, Le Singe. 174 (QUATRIEME PARTIE. SUITE DE LA FROGRESSIOM GRADUELLE DES ETRES. CHAP. I. Des Animaux confîdérés comme Etres mixtes. Supériorité que la faculté de fentir donne à lAninial fur h Fiante. 177 CHAP. IL Réflexion fur Pinfenjîhlité qu'oîi attribue aux Fiantes. 1^9 CHAP. IIÏ. Difficulté fur la conflru&ion de l Echelle aitimale. Réponfe à cette difficulté. 1 8 ï CHAP. IV. De la portée de l'injiinci des Animaux^ Manière d'en juger, I S4 < 3fi ) CHAP. V. Queflionfur les Ames. Page i8$ CHAP. VI. L Homme conjïdéré comme Etre cor-^ porel. i87 CHAP. VII. U Homme doué de raifon, cultivant les fciences & les Arts, 1 90 CHAP. VIIÏ. V Homme en Société, 19 5 CHAP. IX. VHomme en commerce avec Dieu par la Peligion» 194 CHAP. X. Gradations de l'humanité. 195 CHAP. XL Gradations des Mondes. 201 CHAP. XII. LES HIÉRARCHIES CÈLES. TES. 20Z CHAP. XIII. Réflexions. 204 CINQUIEME PARTIE. DE DIVERS RAPPORTS DES ETRES TERRESTRES. C\{K?,\, B^ flexion préliminaire. 21^ CHAP. II. L'union des Ames a des Corps or- ganifés. 2 1 6 CHAP. III. Les Perceptions & les fenfations. 217 CHAP. IV. Les payions. 219 CHAP. V. Le Tempérament. 222 CHAP. VI. La Mémoire ^ V Imagination. 224 CHAP. VIL Les Songes. 230 CHAP. Vni. Réflexion. 23 ^ CHAP. IX. La vue. 233 CHAP. X. La jnéchanique delavijjon, 23^ ( 3f2 y CHAP. XL Les Couleurs, Page 2^Z CHAP. XII. Conféquences. 2SZ CHAP. Xlil. Le Feu. 25 f CHAP. XIV. VJir. 269 CHAP. XV. V appropriation des Animaux à di^ vers Climats , à divers Lieux » â diverfes Matières, 2%Z CHAP. XVI. La Haifon des Êtres terrefires par leurs fer vices mutuels, 283 CHAP. XVIL Les transformations que fuhijjenâ diverfes matières ,furtout par l'ac^ tion des Machines organiques. 28? SIXIEME PARTIE. DE VÉCONOMIE VÉGÉTALE, CHAP. I. Introduction. 291 CH A?. II. De P Economie organique en général Àhid CHAP. III. Nutrition des Plantes par les racines & par les feuilles. 29Z CHAP. IV. Dire&ion des Feuilles ; leur retourne- ment , le repliement de la tige. 313 CHAP. V. tfquiffe de la Théorie des mouvemens de la fève. 3^7 CHAP. VI. La Germination^ l'Accroiffement. 323 CHAP. VII. Multiplication par la graine. Dijiinc- tion de fexes. 328 CHAP. Vlll. Multiplication par rejettons. 33^ CHAP. IX. Multiplication de bouture ^<§ la Grefe. 339 CHAP. X. Régénération des Végétmioq^ 345 Des nouveaux Chapitres & des Notes princi- pales ajoutées par l'Auteur à cette nouvelle Edition. PREMIERE PARTIE, CHAPITRE IV. i^ OTE I. Sur le Satellite de Vénus. Page 9 Note 2. Sur P Anneau de Saturne. 10 Note 4. Sîir les c ometes. ï 2, Note 7. Sur les révolutions diurnes ^annuelles des Planètes, 14 Note 12. Sur les Couches de la Terre, 18 Note 13. i^ur les divers ordres de Montagnes ^ fur les matières dont elles font formées , & leur arrangement. ^9 Note 14. Sur les glaciers. 2r Note 18. Réflexion fur l'analogie des Planètes av^c la Terre. ^T Note 19. Stir les Taches du Soleil. îiy CHAPITRE V. Note i. Confidératim^ ftr la pluralité des Mondes. ^9 To7ne VJJ» , Z 3f4 INDICATION NotE 3. Légère efqiiijje du Syftème du Momïa du célèbre Laimbert. Page 33 TROISIEME PARTIE, CHAPITRE PREMIER. In OTE I. Sur les Elémens. Page f 7 CHAPITRE III. Note i. Sur les Fluides en général. 60 Note 3. Sur le Feu £^ le phlogijiique. 6i Note 4. Sur l'Air £ff fur l'Eau, 63 CHAPITRE IV. Note i. Sur la Terre élémentaire , ^ Note 2. Sur le fiege de fAme, 207 Note ^. Sur la petite machine éthérée que PAu-. tettr fuppofe conjiitiier le vrai fiege de l'Ame» 210 Note 6. Sur la Perfonnalité. 2II CINQUIEME PARTIE. CHAPITRE V. Note i. Sur le Fhyfjque des Fajjlons. 22^ CHAPITRE VI. Note r. Sur le phyJJque de la Mémoire, 22^ CHAPITRE X. Note i. Sur les milieux en Optique. 23g. Note 2. rerfe&ion de l'organe de la vue dans l'Homme. 341 CHAPITRE XL Note 4. Sur létiolement ^ fur les altérations que la lumière produit dans les couleurs de dijfé^ rens corps. 249 Note 5, Expérience qui prouve que Pair colore /a ^ 4 l6o INDICATION fang. Page 2f^é Note 6. Sur le Coquillage qtd donne une couleur pourpre. 2^1 CHAPITRE X II I. Note 2. Le Feu ou le Phlogijlique confidéré comme le principe de la couleur ^ de la du&ilité des Métaux , ^«? comme le principe des couleurs , dds faveurs , '^c. Conjedure Jur la jiature du Phlogijlique. 256 Note 3. De quelques effets fmguliers du fluide éle&rique. 257 Note 4. Ijfcts furprenans de Pa&ion des Miroirs plans. 2^9 NOTK S ' Sur NleBricité de la Torpille '^ de T An^ guille de Surinam. Analogie du fluide éle&ri" que avec le fluide nerveux. 260 Note 6. Sur l électricité médicale. 263 Note 7. Sur i^dle&ricité aérienne , & fin analogie avec le Tonnerre. 265" CHAPITRE XIV. Note i. VAthmofphere etivifagée cojmne le ré- f ceptacle de tous les corps. ^70 Note 2. Légère ejquijje des nouvelles découvertes fur les différentes fortes d'Airs , ^ fur la comhinaifon de Pair commun avec différens Corps. 271 Note 5- idée de P organe de Pouie dans P Homme, Variétés de cet organe en différens Ani- maux, 278 ES NOUVEAUX CHAPITRES , Sec. ^^t CHAPITRE XVI I. Note. r. Sur Nqiii libre qui règne entre toutes les parties de notre Monde. Page 28^ Note 2. Sur les Corps organifés confidérés ^nimc les grands comhinateurs des Eléniens : que les Végétaux font encore les grands Dépurateurs de l'Athmofphere. ^ 28^ SIXIEME PARTIE. CHAPITRE III. Note. I- Diféi-entes confidérations fur la nourri- ture des liantes. Expériences qui démontrent qu'il n entre que fort peu de terre végétale dans cette nourriture. Réflexions fur la vé- gétation des Plantes dans l'eau pure. Obfer- vations qui prouvent que chaque Efpece de Tlante ne fe nourrit pas de fucs qui lui fons appropriés. Moyens dont la Nature fe fert pour affhniler la même noiirriture à diffé- rentes Efpeces de Fiantes. 295 Î^OTE 2. Autres confidérations fur l'aJJJvnlation des fucs nourriciers dans les Plantes. Précis de diverfes expériences fur la végétation "des Plantes dans la Mouffe , &? dans d'autres matières que la terre. Réflexions fir l'igno- rance profonde ok nous fommes encore des rayjleres de la végétation, 2^7 $6Ci INDICATION Note 3. Expérience pour déterminer V endroit dei racines par lequel leftic nourricier s^introdtiii dans le corps de la Fiante. Page 299 Note 5. Sur la route de la fève dans P intérieur • la Fiante. 300 Note 6. Réflexions fur ce qui conflitue la puif- fance vitale dans les Fiantes. 501 jNote 7. Réfultats de différentes expériences fur la tranfpiration des Fiantes. 303i Note 8- Ohfervations fur Panatomie des feuilles des Fiantes. 304 Note 9. Remarques fur la rofée. 308 Note 10. De la dijlribution fymmétrique des feuilles autour de la tige ^ des branches ^ & fur la catife finale de cette difiribution. ^ ^09 oNOTE IT. Expérience qui prouve combien la fur- face inférieure des feuilles des Arbres ejl plus propre à -pomper l'immidité que la furface op- pofée. 3 r^ f^OTE 1 2. Confédérations fur les ufages des glandes corticales des feuilles des Fiantes , & fur les tifages des feuilles en général. 311 CHAPITRE IV. Note I. Des mouvemens en apparence fpontanés des tiges & des fuilles. Circonfances remar- quables dans lefquelles ils ne laiffent pas de s"" exécuter. 3^1^ Note 2. De la méchanique fecrete qui préfide au jeu des tiges ^ des feuilles. 31S DES NOUVEAUX CHAPITRES , Sec. ^^^ C H A P I T R E V. Note i. De la fanmife qiieftion fi la fève circule dans les Plaiites connue le [ang dans les Ani- maux. Page 517 NoT£ 2. EjYet de la chaleur fur le développsmsM des boutons qui y font feuls expofés. 5 ^ 9 Note 3. Expériences qui prouvent qi(e la fur face inférieure des feuilles efi moins propre à ré- fijier à l'a&ion dire&e du Soleil , que la fur^ face fupérieure. Caufe de cette difcrence. ^IZ CHAPITRE VI. Note i. Féfidtats de l'analyfe chynilqne de la farine de Froment. 3^3 Note 2. Sur les lobes & fur les feuilles fé mina les & leurs ufages. Ibid. CHAPITRE VIL Note 2. Fleu.rs hermaphrodites , £^ fsurs fe- vieiies quife rencontrent à la fois fur le même Individu. ' 3-9 Note 3. De la fécondation artificielle des Val- miers ^ des Thérébinthes. Réjîexions à ce fujet. De la caprification. Différentes fortes de fleurs. Ibid. Note 4. Difpofitions particulières des parties fexuelles des Plantes , qui femblejit choquer le vœu de la Nature : moyens qui y remédient, 335 Note 5. Rapports de la ftructure des parties fexuelles à la fécondation. 334 ^^4 ï N D I C A T I O N,&S! CHAPITRE VII L Î^OTE I. Singularité de l'oignon de la Tulipe} Page 338 CHAPITRE IX. Note i. Le Baobab du Sénégal. 339 Note 2, Veuilles qui poujfbient des racines. 3 40 Note 3. Remarque fur le principal ufage du hourlet qui fe forme à l'infertion de la greffe avec foyi fujet. 34£ CHAPITRE X. Note i. Qiie la fève eji dans un travail contî-- nuel^ même en Hiver. 34^ Note 2. Obfervation qui prouve que les trachéen des Plantes contiennent quelquefois des li^ queurs. 344 Fin de la Table. ERRATA. TOME FIL AVERTISSEMENT. Page m , lig. 3 , ks Écrits, lif. mes Ecrits. Ihiâ. page iv , farojjoit , lif. paroilToit. Page 9 5 dans la noce , lig. 14 , tandem apparuit} lif. tandem aperuit. 12, note 4, lig. 7, 192 ans^Ur. 129 ans. 72 5 lig. 2 s & 2(î , dans la note , énorme fraiâ artificiel y ajoutez de 1 8 <^ degrés du thermomètre de Reaumur. 131 ,lig. 2^, dans lanote, 2165; lif. 218^. îhid. lig. 26 , 4041 ; 4061. 175 5 lig. I 5 dans la note , varie y lif. vrais. 189 3 lig. I 5 /wie> lif. fluide. 19 1 , lig. 13 , dans la note, édittationi lif. éducation. 196 5 lig. 8, dans la note , du climat y ajouter, & dês caufes locales. 199 , lig. 14. 5 dans la note , ton i lif. tous. 231 , iig. 21 , imigination-y lif. imagination. 23^ 5 lig- 3 5 dans la note ,font -, lif font. S37 5 lig. 23 ,z^we;lif ligne. 271 , lig. 20 , dans la note, il devenu , lif. il eft devenu. 288 5 lig- 165 dans la note, effacez déphlch gijiiqué^ T 0 ME F J I L Page 12 , lig. 22 de la note , Poutre ,• lif. Taiitre. 37 , lig. ï , tiraverfe ; lif. traverfe. 40 5 lig. ^ , ordte : lif. ordre. 46, lig. 10 de "la note , partticidiere y lifez particulière. 53 , lig. 17 , z7/^ i;();Vi lif. il voit. 61 , lig. s '>faifi Hf. taits. 62, lig. IS , redejje^ lif. redreffe. ^4 , Hg. 1 8 de la noce, Phypotefe i lif. l'îiypo- thefe. 74 9 lig- ^ î prétendre -, lif. prétendra. 94, lig. 2 de la note, Poulet; lif. Poules. i i^, lig. 13 de la note , Chenilles , lif. Che'^ nilles. 132, lig. T^ , /^j lif. les. 136 , lig. 1 5 de la notQ, font y lif. fort. 1375 I^g- S, plue y lif. plu. 151, lig. 1 3 .JJngulier ; lif. finguliere. 161 , après la dernière ligne Towe VU; lif* Tome VIII. 171 , lig. 15 , vdorceaux , lif. morceau. 182, lig. 1 3 5 r/fj veines nerfs , lif.' des veines, des nerfs. ï88 3 lig- 2, découvrirons 5 Hf découvririons. 213 , pénultième de la note, non^ lif. nous. • 250, lig. S de la note ^jimple j lif. (impie, 2^3, Jig. 4 , ^f/z^cm j lif deîiin. S9<î. lig. 9. (?/#iUf. Claire. p" ^^^ mr m Wâ m '^^I^^^^Bb''^ m 1 lUBé^j^^k. \. m ^ ^ ^'^ é^ .^^ / mkû "^^^ ^;ia(^