I l 51' 1783 t 'mm pS^SPi^j^Jj^ WVU - Médical Center Library Locked Cage QH 45 B64o cl v.l6 WVMJ Oeuvres d'histoire naturelle et de / Bonnet, Char 3 0802 000023937 3 m:^ i ^^A ! Digitized by the Internet Archive in 2009 witii funding from Lyrasis IVIembers and Sloan Foundation littp://www.arcliive.org/details/oeuvresdliistoire16bonn COLLECTION COMPLETE DES ŒUVRES DE CHARLES BONNET. jg^: = gcsr.. . =■ —^W^ TOME SEIZIEME. ŒUVRES DHISTOIRE NATURELLE E T D E DE CHARLES BONNET, De VJcadcmie Roy ah des Sciences de Paris ,• de FA^ cadéinie Impériale Léopoldine ^ de celle de St. P/r- tershourg ,• des Sociétés Royales de Londres , de Mont- pellier , de Gottingue^ £«f de celle de Médecine de Fariss des Académies Royales des Sciences de Lyon , de Stockholm , de Coppenhague ,• Honoraire de celle des Beaux- Arts de la même faille ,• des Académies de tlnf^ titut des Sciences de Bologne , de Padoue , de Harlem , de Munich^ de Sienne^ de CaJJel , ^ de celle des Curieux de la l^ature de Berlin. TOME SEIZIEME. e^ -- ^ii:^ z'WS La PaLINGÉnÉSII PHlLOSOPHIQ.UE.PflyjJ. XII -XXII. A NEVCHATEL, Chc2 Samuel FAUCHE, Père & fils , Imprimeurs & Libraires du ROL M. DCC. LXXXIII. T^ (I ) FAONGÉNÉSïE P HILOS OPH IQUF. DOUZIEME PARTIE.. ' IBI PERFECTION iîr BORNES NATURELLES- DE NOS CONNOISSANCES. CHAPITRE I •é qtCeJi tin Aniniid aux yeux de PAntetity Réflexions à ce fujet. O^I Ton a bien fuivi le fil de mes méditat^'ons fur la perfection organique , ( i ) on 3ura concti de hautes idées de la ftructure de TAnimal , Se l'on fe fera , en quelque forte , pénétré de la a I ) Parties ÎX & X de cet Ecrit Johie Xyi. A grandeur du Sujet. J'en fuis moi même fî for- tement pénétré , que je ne ferai pas difficulté (ic dire, que Ci une Intelligence céleste iiousrdévoiloit en entier la méchanique d'une fimple fibre & tous les réfultats immédiats 8c médiats de cette méchanique , nous acquerrions par ce feul trait des connoifTances plus relevées de rorganifation de TAnimal , que par toutes les découvertes de la Phyliologie moderne. C'eft que Textrème étonnement que lions cauferoic la favante conftrudion de cette fibre Ci fimple , Cl peu organifée en apparence , nous feroit ai- fémcnt juger de celui où nous jeteroit la vue diftinde & complète d'un vifcere , d'un organe , & furtout celle de renfemblc de tous les or- ganes ou du {yftéme entier de l'Animal. Cependant , quand nous connoitrionsàfond tout ce grand appareil d'organes relatif à l'état aclnel de notre Monde, je me perfuade que nous ne connoitrion^ encore que l'écorce ou les enve'oppes de l'Animal. Prenez ce mot d'f;i- vdoppe dans fcn fens propre & phyfiologique ; car , luivant mes idées , tout cela ne feroit point YAniinaL II ne feroit pas plus l'Animal , que la Chenille n'efl: le Papillon. ( 2 ) (2) Efui anal. Parag. rU , 7^5, 716, &c. Ccnfd.fim PHILOSOPHIQUE. Part Xlî. f J'ai allez montré dans les premières Parties fie cet Ecrit combien il eft vraifcmblable que les Animaux font appelles à revêtir un jour un aucre cc:^t q,ui perfedionnera & ennobHra toutes leurs F.icuîtcs. J\û allez Riit fentir que les moyens phyfiques de ce perfedionnement peuvent exifter adiuellem.cnt dans TAnimai & qu'ils op.t pu y exifter dès le conlmencement des chofes. ( 3 ) On comprend que je veux parler dz ce Germe impériilable auquel je conqoib que TAme e(1: unie, & qu'elle ne doit point aban- donner. C'eft cette Ame unie de tout tems à ce Corps iiivifîble , qui conftituc, dans mon liypothefe, la véritable P^ryb;/;^f de l'Animab Tout le refte n'en ed donc que Técorce, l'en- veloppe ou le mafque. Ainsi , un Chien , un Cheval, un Cerf , 8 A L I N a E" N ]^ s î B Afin donc que nous puffions acquérir une notion complète de TAnimal , il faudroit que I'Intelligence , dont je parlois il n'y a qu'un moment, fît tomber le mafque & qu'il nous montrât à découvert l'Etre que la Nature a fi tien déguifé. Quels ne feroient poinr alors notre furprife & notre ravilTement î Combien cette mé^ tamorphofe nous paroîtroit-elle plus étonnar^te que toutes celles de la Fable ! Mais , très-proba- blement notre furprife feroit muettes non-feu- lement parce qu'el'e feroit extrême ; mais fur- tout parce que nous manquerions de termes pour exprimer ce qui s'offriroit à notre vue. Nous ferions à peu près dans le cas d'un Homme qui feroit tranfporté dans le Monde de Vénus: quand cet Homme poiféderoit tout le Didion- naire Encyclopédique , il eiï bien probable qu'il feroit encore dans l'impuiflance de décrire ce qu'il découvriroit dans ce Monde - là. Que feroit-ce enfin, fi I'Intelligence quç je fuppofe nous dévoiloit en même tems tous les rapports fecrets du Corps auparavant invi- fible de l'Animal avec fon Corps groifier , 8c s'il nous manifeftoit encore tous les rapports du premier avec Tétat futur de notre Monde ! La tête d'un Moucheron deviendr(>it ainfi pour nous une BibUotht^(iue où nous linons inÊniment plus PHILOSOP HIH UE, Part XII f ie chofes & de chofes incomparablement plus intéretTantes & plus relevées que tout ce que renferment les plus riches Colledlions de Philcu fophie Se d'Hiftoire naturelle. CHAPITRE IL Confidératioyis générales Jur limperfeBion des connoijjances humâmes, Uejîexions au fujet de ms Bibliothèques & d^ nos Encyclopédies. Uand je confidere que le lieu que noug OLCupons n'efl: qu'un point dans PEfpace ; que notre Vie n'cft qu'un inftant dans la Durée j quand je réfléchis profondément fur les bornes étroites de nos Facultés , fur l'imperfedion de nos Méthodes & de nos Inftrumens , fur la len- teur de nos mouvemens & de toutes les opéra- tions foit de notre Corps , foit de notre Efprit , fur la petiteflTc , le Heu ou Péloignement d'un nombre prefqu'infini d'objets qui iont ainfi hois de la portée de nos Sens & de nos meil- ^ FAI I:N G E^ N F S l E leurs Inflrumens j Tur la nature, la multiplicité & la complication des rapports qui lient tous ces Objets j quand, dis-je , je réfléchis profon- dément fur toutes ces Chofes & fur une niuU titude d'autres Choies qui en dépendent 5 je ne puis m'empècher de penfer que ce Monde que îious habitons n'a pas été fait principalement pour nous, li me paroit plus philofophique de. préfumer que notre Terre eft un Livre que le GRAND tTRE a donné à lire à des Intelli- gences qui nous fort fort fupérieures, & oii_ elles étudieiVc à fond les Traits infiniment mul- tipliés & variés de fon ADORABLE SAGESSE. Je coj'ç^ois qu'il ell d'autres Intelligences bernicr.up plus élevées qui poiicJent à fond des Livres incomparablement plus étendus «Se plus difficiles, & dont celui-là n'ed qu'une pa^eou^ plutôt Kiw paragraphe. : JE; n'entreprendrai pas ici de montrer en dé- tail combien nos? Connoiirdnces de tout genre, font iniparfiifes : ce feiôit la matière duntrè^- grand Ouvrage & d'un Ouvrage trop au-delTus dç tiKS forces. Tl fuffiroit , ce me fcmbîe , pour, fe eoiiVciincre de l'extrême imperfection de toutes n(?^., Sciences & de tous nos Arts de parcourir cc^'ïVaftes Compilations qu'on publie de tems çuiteno^' fous les divçrs Titres de Bibliothèques:, PHlLOSaPHTQ^VE. Part. XI L \ de Di&ionnaires , d'Encyclopédie , &c. On. n'i- maginera pas, fans doute, que des Ouvrages fi volumineux ne foient pleins que de vérités , mais on ptiifera qu'ils contiennent ave.çje petit nombre de nos ConnoilTances ceiia!nès""& de nos Connoifliuices probables , le grand nombre des opinions & des rêves de tous ks tems Se de tous les lieux. Si quelque chofe peut faire pardonner aux Auteurs d'avoir confacré â^j^ leurs Recueils ces favantes chimères , q'eii: 'l.i cop.fidération qu'elles pcuventfçrvir à PHiftoire de TEfprit humain. Il nous manque un Bili^n exadl de nos ConnoiiTances: le Livre qui. le donneroît feroit le plus préciiDux de tous les Livres j il feroit auiîi le plus difficile à exéçmer. Il faut une prodigieufe jufteiîe d'Efprit pour donner à chaque chofe fon jufte prix, & fur- tout pour apprécier les probabilités en towt genre. A4 PALIVaiË^VE' s I B CHAPITRE III. Divers traits de Pimperfe&ion de nos connoijfances. Les Forces :les Elémens : (r^c. Es Corps agiflent les uns fur les autres par différentes Forces. Ces Forces ne nous font connues que par quelques-uns de leurs effets. Le Phyfîcien obferve ces effets & le Mathéma- ticien les calcule j mais ni Tun ni l'autre ne con- îioiffent le moins du mende les Caufes qui opè- rent ces effets. . Le Phyficien obferve une infinité de mou- vemens dans la Nature : il connoît les Loix gé- nérales du mouvement j il connoît encore les Loix particulières des mouvemens de certains Corps : le Mathématicien élevé fur ces Loix des Théories qui embralTent depuis les molécules de l'Air ou de la Lumière jufqu'à Saturne & fci, Lunes. Mais ni le Phylicien ni le Mathé- maticien ne favent le moins du monde ce que ÎG mouvement eil eu foi. THILOSOrniHVE. Tan. Xil. 9 Il n'eft pas doutoux que le Magnétifimc , FEledricité , Ja Chaleur ne tiennent à des flui- des très-fubtils : une foule de faits nous aifu- renc de Texiftence de ces fluides & nous en dé- couvrent les Loix : une multitude d'expériences nous en manifcftent les opérations & les jeux divers 5 & pourtant que connoilFons-nous de la nature intime de ces Fluides ? rien du tout. Nous favons que les Cerps font formés d'E- léniens ou de Particules primitives : nous fa- vons encore qu'il eft dilTérens ordres d'Elémens: nous favons enfin, au moins par le raifonne- ment , que de la nature , de l'arrangement ou de la combinaifon des Elémens réfultent les di- vers Compofés dont les Nomenclatures nous donnent le faftueux Catalogue: mais, que cun- jioiiîbns-nous de la nature intime des Elémens, de leur arrangement ou de leurs combmaiibns? rien du tout. ïo F J L I N G E' N È' s ï £ C ÎI A P î T R E IV. Aiitrss traits de rîmpeyfe&ioji de nos Conmif^ Jhices. tes mixtes que le Cbymijh tente \de décontpofer les recherchas du Phyficien fur la Lumière , l'Air, nau, ^6-: PAnatomie des Fiantes ^ des Animaux, Uelle n'efl: donc point Timperfedion de nùL> Connolifànces fur les Compofés , tandis que nous ignorons profontiémenî; le fecret de leur formation/ Le Cliymifte fe vanteroit-il de le connoitre ? il croit décompofer les mixtes ; il ne fait que les divifer grofficrement : il démolit: un Bâtiment , & nous montre un tas de ruines. A- t-il percé jufqucs dans Tintérieur, dans lafubftan- ce même de ces xMatériauxentiuIés ? Et combien de ces Matériaux qui échappent à fes Sens iSc à fes Inftrumens ! Combien en elr-il qu'il mécon- nolt entièrement parce qu'ils font trop déguiiés!; On a dilléqué les Plantes , les Animaux , & fi l'on veut , ia Lumière : on a analyfé l'Air ; en connoiiraii^-noiis mieux la ihudure intimi^ PIIILOSOPHIQ^UE. l'art. XIL ji des Plantes & des Animaux ? En favons-nou3 mieux ce qu'un globule de Lumière , une mo-« iécule d'Air lonc en eux-mêmes 'i en poirédons- nous mieux le véritable fecret delà compoficion d'un rayon lolaire ? le plus habile Phyficîeii pourroit-il nous dire précifémerit; pourquoi un rayon rouge cil moins refrangiblc qu'un rayon violet i* pourroit-il nous dire encore comment; les fepc rayons colorés Te réuniiîent pour For- mer un rayon principal ? pourroit-il nous dire enfin , quel cil: le Principe de cettQ prndi^ieufc célérité de la Lumière , qui lui fait parcourir plus de trente-quatre millions de lieues en fept ou huit minutes? Et combien de quciiions par- ticulières qui font enveloppées dans ces quei- tions générales ,& que la Phyfiquc moderne ne réfout point î L'excellent Analyfte de l'Air [ i ) connoil- foit-il mieux le fond de la méchanique de ce Fluide que le grand Analyfte de la Lumière ne connoilîbit le fecret delà compofition d'un rayon coloré ? Si on avoit demandé à ce profond Ana- lyse de l'Air comment font faites les particules intégrantes de ce fluide>d'où lui vient ce pro- digieux relfort, comment il perd fou élafticité, ( î ) Le célèbre Hal£S : A^iaîyfe de l'aîu commenç il la recouvre, comment il tranfmfè tous les tons ? que penfe-t-on qu'il auroit ré- pondu à toutes ces queftions? Interrogez cet excellent Phyficien [ a ] qui sVfl plu à approfondir la formation de la Glace , & à étudier les jeux de la Nature dans ce phé- nomène Cl commun & (î intéreflant : demaii- dez-lui G fes profondes recherches lui ont dé- couvert le véritable fecret de cette formation, & s'il fait précifément pourquoi les filets de la Glace tendent à s'afTembler fous un angle de ^o degrés? Il vous répondra modcftemciit qu'il n'a Jà-delfus que de pures conjectures , &; que cette tendance finguiiere dépend , fans doute , Je la JiruBurg intime des particules in- tégrantes de l'Eau ^ de la Matière éthérée élajii'» que qui les pénètre. Il finira par vous dire , qu'il fait profeflion d'ignorer comment eft faite une molécule d'Eau ou une paiticule d'Ether. Lat Phyfique moderne, cette Phyfiquc qui nous paroît fi peifeétionnée , ne peut donc pas même nous apprendre comment fe forme un fimple filet de Glace ni comment deux de ces filets^ fe réuniffent fous un certain angle. Nous ap- C 2 ] M. 4e Mairan : Difntation fur lit Glace. P^J^ 1749. Chap. XII , Fa^. 178* PHI LOSOPHI^UE. Part. XlL 15 |>rend-ellc mieux comment fe forme un Selr, un Cryftal ? Les Malpighi, îcs GrewJcs Swammer- DAM, les MoRGAGNi, îes Haller ne nous ont montré que la première fuperncie des Plan^ îes & des Animaux ; & cette fuperficie exi- geoit pourtant tous les talens & toute la fagacité de ces grands Maîtres pour être bien ¥ue ; qiielle intelligence, quelle capacité , quels moyens leroient donc nécelFaires pour atteindre à la féconde fuperficie î & ce ne feroit encore qu'une fuperficie ! Nous autres Anarmnifies , ^u foit avec autant d'efprit que de vérité un des meilleurs S.crutateurs de la Nature j ( 3 ) nous fommes comme les Crocheteurs de Paris , qui en €OWioiJpnt toutes les rues jufqiCaux plus petites Çf? aux plus écartées j rnais qui ne favent pas es qui fe pajje dans les Maifons. Cet habile homme avoit raifon : l'Anato- mille voit des vaiifeaux , des nerfs , des glandes, des mu (clés , des vifceres , &c. & il ne fait pas feulement comment eft faite une fimple ( 3 ) M. Mer y : Eloge de cet Académicien; Oeuvres de FoNTENELLK} ToKi. VI, Pag. 175 & i'/^ dd VEdiu de. PtiriSj 1742, fibre/ A force de recherches & d'expériences il parvient à s'aflTurer de l'exiftence d'une Puiflance invifible qui anime tout le fyfiènie mufculairc >• il nomme cette Puiilancc V Irritabilité y il fait que c'eft par elle que la fibre mufculaire le contrade,- 8i c'cll là tout ce qu'il en cr>nnoît de certain,^ Il ignore donc aufTi profondément ce que cette Puiirance cil en foi , que l'Aflronome ignore ce que TAttraclion dï en elle-iiiême. Demandez au plus favant des Anatomitles s'il fait précifément comment s'opèrent les fé- crétior.s? comment lont faits les organes qui les exécutent? comment fe forme un globule de fang , une goutte de bile , de lait ou de lymphe ? Si cet Anatomitle eit auffi modeile que favant, il répondra par un je n'en fais rien. Lui demanderez- vous après cela , s'il fait ee que font proprement les efprits-animaux '{ quelle eft la {Irudure intime des organes qui les pré- parent ou qui les filtrent? commen-t ils font préparés ou filtrés ? comment ils agiifent ? com- ment font coniiruîts les canaux infininient dé- liés qui les condun'ent aux diiiérentes parties du Corps? comment ils y font conduits avec tant de célérité , de juReife & de force ? à toutes ces queltions Cs. à mille autres femblables PHILO SOPHIUUE, Part XIL ïç îe fage Anatomift-j rcpondroit encore par un je w'ew fais rien. ces divers ordres d'infinis , toujours décroifTans , abîmés les uns dans les autres , & qu'un déve- loppement plus ou moins lent tend continuelle- ment à rapprocher des frontières du Monde vifible ? Savons - nous comment s'opèrent les premiers accroiffemens de ces Points vivans & quelle eft la progreiîîon que fuivent ces accroif- femens dans les diiférens ordres de ces Points organiques ? &6 PJLlN^FNîrSIÊ CHAPITRE VIII. Conféquence générale : ppie U terre ri a pas été faite frincipaîement pour l'Hemmie, J E m'arrête ; j'en ai dit aflez pour le but que^ je m'étois propofé : maintenant je prie moii Ledeur de pefer toutes ces réflexions, d'anaiyfeK toutes ces queftions autant qu'il eu fera capable , & de me dire après cela s'il efi: probable que ce Monde ait été fait principalement pour nous ? Je veux néanmoins Tuppoler pour quelques mo- mens que nous fommes les principaux Objets de la Création terreftre. Dans cette fuppoiition, retranchons l'Homme de deiTus la Terre : il n'y a plus de Contemplateur des Oeuvres du Tout- Puissant : c'eft en vain qlie les trois Règnes étalent ces Tréfors de Sagesse & de Bonté que notre Contemplateur admiroit , «^ qui éle- voient fon Ame à la Source éternelle de toute Perrcclion. Les Animaux dans lefquels le fentiment cil; le plus développé, jouiiîent ,• il cft vrai , du bienfait de la Création 5 mais lU, PHILOSOPHIQUE. Part. XIL 27 41C peuvent réfléchir fur ce bienfait & remonter à l'AuTtUR du bîenfait. Toute la Nature eft un Temple , & il xCy a plus d'Adorateur daws ce Temple : les Animaux , conime les Plantes , n'eu font que de purj» orncme,ns ; la Divinité y eft fans celfe préfente , & il ny a plus de Sacrificateur qui lui porte les hommages de toutes les Créatures, RÉTABLISSONS THarmonie terrep-e; refli- tuons à ia Clvàn'ie fon makre Chaînon , ren- dons THomme à notre Monde , & il s'y trou- vera des Yeux pour en contempler les beau- tés , un Cœur pour les fentir & une Bouche pour les célébrer. Mais, ces beautés que l'Homme peut conJ tcmpier & qu'il contemple daiis les fentimens profonds d'admiration , de refped & de grati- tude qu'elles lui infpirent , ne font que la plus petite partie de celles que notre Monde renfer- me. L'Homme n'habite que dans les Parvis les plus extérieurs de ce Temple où il adore le Grand - Etre. II ne lui eli: point permis de pénétrer dans le Sanduaire , bien moins encore dans le Suint des Saints. Que font néanmoins les beautés que renferment les Parvis , en com- ^araifou de celle!» qui éclatent de toutes part^ z$ rJLINGîS'NrSIE dans le Sanduairé & fur-tout dans le Saint dc^ Saints ! Je puis dire , avec vérité , que l'Homme eft à l'égard de ces Parties fi cachées de la Créa- tion terreftre, ce que les Animaux font à l'é- gard des Parties qu'il lui eft permis de con- templer. Quoi donc! iin'7 aiiroit point de Spéculateur pour contempler les plus belles Parties de la Création terreftre , pour en admirer la magnifi- que ordonnance, pour en étudier les rapports divers, en faifir Tenfemble, la progrefîîon , la convergence & s'élever par cette échelle de mer- veilles jufqu'au Trône de Celui qui est ? Assurément notre Monde a été fait principale- ment pour des Iktelli©ences d'un Ordre très- élevo & dont les Facultés fublimes peuvent en embraiTcr l'Economie entière & les faire jouir de la Présence auguste de l'ÉTERNELo C'eft à de telles Intelligences qu'il a été don- ne de contempler les révolutions de notre Globe beaucoup mieux que nous ne contemplons dans i'Hiftoire les révolutions des Empires. Ce font ces Intelligences qui parcourent fans s'éga- rer les ténébreux Dédales de la Nature, & qui s'entoncant dans fes Abîmes les plus profonds . y puifent &ns c^^q de nouvelles vérités Se de PHILOSOPHIQ^UE. Part, Xîl. 29 nouveaux motifs d'exalter les Perfections ADORABLES de TETRE DES ETRES. Tandis qu'un Leibnitz tente de deviner l'Harmonie Hniverfelle ou qu'un Haller elîaie de pénétrer les myfteres de l'organiiation , ces Intelli- gences fourient & ne voient dans ces grands Philofophes que des Hottentots doués de quel- ques talens qui tentenC de découvrir ie fecret d'une JM outre. (3o) ■V; T^-z-. 7J-YT ^rr-ï^r— ;t«-;^ rr^ — , ''?. TREIZIEME PARTIE. SUITE D U MEME SUJET. ■>'"• I . ' ' '' • ' "■'" ■ '■■" '■■'-■* C H A P I T R E I. Eéjïexmis fur ce que PEfprit: htnnpàn peut oïL ne peut en matière de découvertes. A toutes les réSexions que j'ai prefeiitécs dans la Partie précédente , on m'objcdera , (lins doute , qu'il n'eft pas irnpofTible que Tlnteili- gcnce humaine fe pcrFedioi-ine alFcz dans la fuite des Ages pour percer enfin ces na^lleres qui nous paroifrent aujourd'hui impénétrabics. PHILOSOPHIj^UE, Part XîU. ^i On me renverra à ce que j'ai dit moî-mème dans les Lonfi dération s , ( i ) lorfque méditant fur les progrès de l'Efprit humain , je m'énoncois ainfi. " Voyez les progrès de la Phyfique «5c 35 de THiftoire naturelle depuis la renailTance 3, des Lettres 5 combien de vérités inconnues „ aux Anciens h de conféquences sdres à dé- „ duire de ces vérités î On ne fauroit dire quelles ,3 font les bornes de Plntelligence humaine ,3 en matière d'expérience & d'obfervation 5 ,3 parce qu'on ne lauroit dire ce que l'Efprit 5, d'invention peut ou ne peut pas. L'Antiquité 5, pouvoit-elle deviner l'Anneau de Saturne > „ les merveilles de l'Eledricité , celles de la „ Lumière, les Animalcules des infufions , &c. ? ,3 L'mvention de quelques Inftrumens no.us a 3, valu toutes ces vérités: & ne pourra-t-on „ pas un jour les perfedlionner 3 ces Inftru^ 3, mens , & en inventer de nouveaux qui por- „ teront nos connoiflances fort au-delà du terme „ où nous les voyons aujourd'hui? j. Je répète encore à prdfent ce que je difois alors : je fuis même perfuadé que nous touchons à des découvertes dont nous ne faurions nous faire aucune idée & qui reculeront beaucoup ( I ) Cor^s organ. Art. CCXI, 3» V A L l y G E N tJ SIR les limites de nos Connoiilkiices aduelles. Qiie ne pouvons-nous pas nous promettre de ces Lunettes acromatiques qui exeicent depuis quel- que tems les plus favans Phyficiens & les plus habiles Artiftesî Combien d'autres Inftrumens lie pourra-t-on point perfedionner î Combien de nouvelles Machines , de nouveaux procédés, de nouvelles combinaifons ne pourra-t-on point inventer qui lailferont nos plus grands Phyfi- ciens bien loin derrière ceux qui auront le bon- heur de découvrir ces moyens nouveaux que nous ne foupqonnons pas même ! L'Antiquité pouvoit-elle mieux deviner nos Verres de toute efpece que les merveilles de tout genre qu'ils nous ont découvert ? pouvoit-elîe foupqonner ces Liftruraens de Méchanique & dé Chymie auxquels nous avons dû tant de vérités qui lui écoient inconnues ? pouvoit- elle deviner ce grand nombre de procédés & de combinaifons qui ont (i fort accru de nos jours la fomme de ces vérités r* Le tems n'étoit pas venu où rAit: d'obferver & d'expérimenter devoit éclairer le Monde & prendre la place de cette vaine Sco- îaftique qui dominoit trop dans ces Siècles de' ténèbres. Mais, combien de myfteres qu'il eft très- évident que nous ne parviendrons jamais ici- bas rniLOSOPHIQ^UE. Part, XÏÎL \i bas à pénétrer , parce qu'ils n'ont aucune pro- portion avec l'état préfent de nos Facultés î Je liois développer ma penfée par quelques exemples. u CHAPITRE IL Autre exemple de Pmperfe&ion de nos Comioijfances : la vraie ?iature de t Etendue matérielle. T N Corps quelconque eft un compofé de parties. Ces parties font elles-mêmes des com- pcfés de parties plus petites r celles-ci font for- mées de parties plus petites encore , & nous ignorons où cela fe termine. Il eft néanmoins très-certain qu'il y a un terme à cette dégradation. Nos Microfcopes ont prodigieufement multip'îé ici les termes ou les degrés j & nous concevons à merveille la poC- fibilité d'une beaucoup plus grande perFedioii de ces Inftrumens , & par là un accroiifement très-confidérable dans le nombre des termes ou des degi'és dont nous parlons. lom, XV L C ^4 PALINGFNrSIE Supposons maintenant que nos Microfcopcs aient acquis toute la perfedion qu'iis peuvent recevoir : en verrions - nous mieux ces derniers Elémens dans iefquels tous les Corps vont en- fin fe refondre? N'eftil pas apparent que ces Elémens doivent être des Subftane'^s iîmples , & des Subftances iîmples peuvent-elles jamais devenir l'objet de notre connoilîance intuitive? Quand on dit que les Corps font formés d'Atomes infécables , dit-on plus que des mots ? car lorfqu'il s'agit de rendre raifon de l'Eten- due matérielle, eft-il permis en bonne Philo- fophie de fe borner à des Atomes ? ces Atomes ne font-ils pas eux-mêmes de l'étendue maté- rielle? la raifon de cette étendue feroit donc ainfî dans l'étendue 5 ce qui n'expliqueroit rien du tout. Et ne feroit-ce pas choquer autant la bonne Philofophie que de foutenir que Dieu a créé des Atomes infécables dont II a formé les corps ? Puifque DiEV n'a pu adualifer que ce qui étoit pofTibîe ; il faudroit donc toujours rendre raifon pourquoi l'Etendue matérielle étoit pot fible. Si l'on prend la peine de méditer ces pria- PHILOSOPHIi^UE. Part XTïL ^ç^ cipes généraux, ne fera t-on point t-^nté de croire avec l'Inventeur des Bimeufes Monades^ que TEtendue mutérielle n'eft qu'un pur phétiomene, une fimple apparence relative à notre manière d'appercevoii ? ^ Il s'enfuivroit ainfi de ces Principes , que nous ne fommes point faits pour appercevoir les Corps tels qu'ils font en eux-mêmes ou dans leur réalité. Si nous pouvions poulfer Tanalyfe 'jufqu'aux Elemens premiers, le phénomène de l'Etendue difparoîtroit entièrement pour nous & nous n'appercevrions plus que des Etres fim- ples, fi des Etres fimples peuvent être apperqus. Toute la Nature ne feroit donc pour nous qu'un grand & magnifique phénomène , un jeu admirable d'Optique , un Syftème régulier d'ap- parences 5 car ces apparences feroient détermi- nées par les Loix les plus fages, & ce feroit uniquement ces Loix qu'il nous feroit donné de connoître <& fur lefquelles nous formerions ces belles Théories qui co'^ftituert le fond le plus précieux de nos ConnoiiTances naturelles (i) ( I ) tt J'ÉBAUCHOïs ici le Syftême de Lçibnitz fur les Monades, contre lequel les EuLER & les T.ambert ont tlevé des obieftions très-fortes qui n'empêchent pas d'admirej: le Ge'nie auffi original que profond de l'Inrenteur. C !Z Ce qu'il y a au moins de plus évident , c'effi que nous n'appercevons que les derniers réfuU tats des premiers Principes. Tout ce qui eftau- ddà de ces réfultats cft couvert des plus cpaifTes ténèbres. Il nous eft permis de contempler les Décorations ; mais la vue des Machines nous eft interdite» Mam CHAPITRE III. Autres exemples de l imper fe&ion de nos Connoijfances : les Particules élémentaires des Compofés , &c. s Ans remonter néanmoins aux Principes premiers des Corps , à ces Principes qu'on peut nommer métapbyfiqiies , je me bornerai à demander , (1 nous pouvons efpérer de dé- couvrir jamais à l'aide de nos meilleurs Ver- tes les particules primitives ou les Elémens phyfiques de ces Compofés y que nous jugeons les plus fîmples ou les plus homogènes. Ver- rons-nous jamais au Microfcope les particules élémentaires d'une molécule de Terre , d'un, grain de Sel , d'une lamelle d'Or , d'une goutte PHILOSOPHIQUE. Part XIII 37 «I^Eau , &c. ? Parviendrons-nous jamais à obfer- ver auffi dillindement la forme , les propor- tions, l'arrangement & les combinaifons diver- fes de ces Particules élémentaires , que nous obfervons les Compofés qui en font les der- niers réfultats. Je le demande encore 5 parviendrons- nous jamais à contempler les Particules conftituantes de ces Fluides qui font les principaux Agens de la Nature? nos Inftrumens feront -ils un jour aflez perfedionnés pour nous dévoiler le fe* cret de la compofition du Fluide magnétique , du Fluide éledrique , de l'Air , du Feu élémentai- re ? La Lumière , qui joue un Ci grand rôle dans notre Monde , Se fans la^quelle il exilteroit à peine pour nous ; la Lumière , qui pénétre intimement tous les Corps & qui s'unit pro- bablement à leurs particules intégrantes j la Lumière qui met notre Ame en commerce avec toute la Nature j cette Lumière , dis-je , qui nous éclaire fans celfe , la verrons-nous jamais elle même ? nous fera-t-il jamais acccordé ici bas de découvrir les particules intégrantes d'un rayon rouge & d'appercevoir ce qui les diftin- gue de celles d'un rayon violet ? Contemplerons- nous jamais ici-bas les jeux variés de la Lu- Oiierc comme nous contemplons ceux d'une 5S palîngfnPsie gerbe d'eau ou d'une cafcade ? Qui ne fent poit't que pour voir la Lumière elle-même, il faudroit qu'il exiftàt un Fluide qui fît à fon égard ce qu'el e fait à l'égard des Corps grof- fiers quand elle nous les rend vifibles ? 'Il ne fuffiroit pas même qu'il exiftât un tel Fluide; il faudroit encore que nous euflions des orga- nes qui lui fuifent appropriés & qui fuf- fent allez fenfiies pour nous en tranfmettre les impreffionsj caries Êbres les plus délicates de noue œil feroienr à fégard de ce Fluide d'énormes cables qui n'en fentiroient pas le moins du monde l'adion. Pour que nous appercevions les Objets, il ne iuffit point qu'ils nous réfléchilTent la Lu- mière ; il faut encore qu'ils nous la réfléchie, fent en alTez grande quantité our faire fur nos yeux une imprelîion fenfible. Nos verres en ralTemblant un plus grand nombre de rayons & en les railemblant feus un certain angle ,• fuppléent jufqu'à un certain point à la foi- blefle de notre vue. Mais , s'il exifte des Corps d'une fi effroyable petitelîe qu'ils ne puilTent réfléchir à la fois qu'un feul rayon , comment les Microfcopes les plus parfaits pourroient - ilsr nous les faire découvrir? THlLOSOPHiaVE. Part XIII. Yj, Telle eft apparemment la raifon pourquoi les Particules primitives oii élémentatres des Corapofés nous demeureront toujours inconnues ici-bas. Telles font les bornes naturelles , qui ont été prefcrites dans ce Monde à notre Con- noiflancc intuitive , & au^tîelà defqueUes le rai- sonnement tenteroie vainement de percer. CHAPITRE IV. Borîies naturelles affignées à notre Faculté ds connoHre , & qtù réfultent de notre Confii" tution ^h;^fique. JLi/V foiblelTe ou plutôt la groffiéreté de nos Sens & les impe fedions néceflaires de nos Inf- trumens ne font pas les feules bornes natu- relles qui aient été prefcrites fur la Terre à no- tre Connoiflance intuitive. Notre Conftitution phyfique en renferme d'autres qu'il ne nous eft pas plus permis de franchir. Je m'explique. Je difois (i) que l'intérieur de notre Globe [I] Veyez le Chap. Vide la Partie XII. C4 4«> PALINGJE^T^E'SIE ne nous efi: point ou prefque point connu» & je l'ai aiTez fait fentir. Quand il y auroit quelque part une large route qui conduiroit dans fes entrailles les plus profondes & jufques dans fon Centre , pourrions - nous profiter de cette route & y pénétrer un peu profondément pour y étudier à notre aife la ftrudlare interne de ce Globe ? Refpirerions-nous librement à une lieue de profondeur, & ne ferions nous pas étouffés fî nous entreprenions de pouffer un peu plus loin f Se que feroit cette profon- deur relativement au rayon entier ? une quin- ze-centième. Nos poumons ayant été conftruits fur des rapports déterminés à une certaine denfité de Tair 5 nous fommes néceffairement renfermés dans les limites de cette denfité , & ces limitas font fort étroites. Il ne nous eft donc pas plus poflible de con- noitre l'intérieur de notre Pianete , qu'il ne nous l'eft de connoître à fond l'intérieur de la moin- dre des Productions qui couvrent fa fur Face. Nous rencontrons par -tout des Abîmes, & nous ignojrons quels font les plus profonds : nous ne pouvons pas plus fonder le Ciron que le Globe de la Terre. Ofercns-nous pré- fumer encore que nous fomm'S les premiers Objets de la Création terreftre ? PHILOSOPHIQUE. Part. XUL 41 CHAPITRE V. Iiiiperfecîion de nos Connoijjimces fur le Mo:: Je moral : exemple pris de PHiJîoire moderne. No„ S contemplons dans l'Hiftoire la naid fance , l'élévation & la chute de ces anciens Empires qui n'exiftent plus que dans ces Mo- numens qu'elle nous conferve : nous nous pîaifons à fuivre afîidument dans des Feuilles hebdomaires les divers changemens qui furviea- nent aux dirferens Etats qui partagent notre Europe : nous goûtons un fecret plaifir à ob Ter- ver du fond de notre Cabinet les intrigues des Cours, les négociations des Miniftres, les mar- ches des Généraux, les révolutions du Commer- ce, les progrès des Sciences & des Arts, & pour ainli dire , TaccroiiTement de l'Êfprit humain : nous formons fur tout cela une fuite de ré- flexions que nous généralifons plus ou moins, fur laqueile nou9 repafTons de tems en tems avec complàifance , & que nous ferions tentés de regard Qc comme des Mémoires pour fervir à 42 V d L I J^ G E' V E s I Ë riîiftoire de rEfprit liumaiti : mais , ces Mé- moires contieiinent-ils des Connoiirances pins parfaites que celles que nous avons de la ftruc- ture de notre Giobe & de Ils Piodudions /' Que découvrcns-nous de ce grand fpedacle qu'olïre le Monde moral? Connoiirons - nous mieux les Caufes qui déterminent les mouve- mens du Cœur & de TËfprit , que nous ne con- noliFons celles qui déterminent les mouvemsns des Corps? en un mot^; le Monde moral nous cft-il mieux connu que le Monde phyfique ? Demandez au Moralifte le plus profond s'il fait précifément comment le Cœur humain eft fiiit ? ce que font les niclinations. les aftedions , les paiîions? cequi les diftingue elfentiellement les unes des autres? comaient elles fe déve- loppent, fe nourrillent , fe fortifient, fe com- battent, fe répriment, s'entr'aident ? comment elles agiifent fur la V^oîonté dans chaque cas particulier? comment le tempérament , les ali- niens, le genre de vie, le chaud , le froid ,1e fec, l'humide influent (ur PAme ? comment telle ou telle circonftance donnée ajoute à cette influ- ence , la diminue ou la modifie ? comment l'Ef- prit apperqoic , juge, raifonne, agit? comment l'Entendement détermine la Volonté , celle - ci PHILOSOPHIQUE. Part. XIII. 4^ la Liberté ? d'où vient queTHomme eft fouvent (] différent de lui-même, fi plein de contra- didions, iî petit , fi grand , fî foible , fi fort ? ce qu'ert cette forte d'Iiiftind: que l'Homme fem- b!e partager avec la Brute? comment il fe com- bine avec la Raifon & diverfifie fes effets ? Si ce Moralifte , comme je le fuppofe , a beaucoup approfondi fon Sujet , & s'il eft auffi fage que profond , il avouera fans peine qu'il n'a fur tout cela que des à peu près ou des conjec* tures plus ou moins probables , & il ajoutera , que la Science de l'Homme eft , à fon avis, la plus imparfaite de toutes. Combien ce judicieux Philofophe auroit-il raifon ! eft-il dans la Nature un Labyrinthe -plus tortueux & plus obfcur que le Cœur Ku- rfiain ? eft-il un Abîme plus profond ? qui peut parcourir fans s'égarer les nombreux détours de ce Labyrinthe? qui peut fonder ces pro- fondeurs? " qui peut féparer ces lumières Se „ ces - ombres réunies dans notre Cahos ? le 5, Dieu qui eft en nous, j» [ i ] Voyez combien d'excellens Traités nous pof- fédons en matière de Phyfique , d'Hiftoire na- (i) Pope, EJfai fur l'Homme. Londres, 1736, Epit. II, pas- 43. 44» PALÎT^GFVE^SIE turelle, d'Economie, d'Arts , &c. & nous n'avons point encore de Syftème tant foit peu complet de Morale. " Peut-il , cet Homme qui enfeigne 5, aux Planètes les cercles qu'elles doivent dé- a, crire, qui marque leurs points d'élévation 55 & d'abaifFement ', peut - il décrire ou fixer 55 un feul mouvement de l'Ame ? Hélas î quel 55 prodige ! la partie fupérieure de l'Homme peut „ s'élever fans obftacle , & empiéter d'Art en 5, Art y mais , quand l'Homme travaille à fon 5» propre ouvrage & qu'il s'occupe de lui-même,! „ à peine a-til commencé, qu'il s'égare j & 5, telle elt fa Raifon qu'elle s'égare également 5, pour penfer trop & pourpenfertrop peu. „ [2] L'Espèce humaine , confidérée dans fes gran- des Parties , paioit aifez conftante & uniforme ; mais dès qu'on defcend dans le détail , les va- riétés fe multiplient préfque à l'infini, & on vient bientôt à penfer que pour avoir un Syf- tème un peu c< mplet de Morale, il faudroit 5 en quelque forte , avoir la Morale de chaque Individu , comparer entr'elles toutes ces Mora- les particulières , & en déduire des réfultats plus ou moins généraux qui feroient comme lea premiers élémens du Syltème. [î] PoFE, pag. 28, 31* Philosophique. Part. xiii. 4^ Qu'OBSERVO]NS NOUS dans nos Semblables? quelques-unes de leurs adlions extérieures : & ces adions , que font - elles ? de fimples effets. Pouvons-nous aiîigner les véritables Caufes de ces effets? Lorfque nous plaqens ces Caufes dans l'ambition, dans l'amour de la Gloire ou dansquelqu'autre paiîion , remontons-nous aux premiers Principes de ces effets moraux ? ce ne font encore que des effets que nous prenons pour des Caufes. Et ces effets , fommes - nous affez habiles pour en faire une analyfe exacle Sz les décompofer jufques dans leurs derniers élémens ? Lorsque Belle- isle projette de dépouiller VHÉRiTiERE magnanime des Césars , & que l'ambition d'un feul Hom.me embrafe l'Europe entière , nous-nous étonnons qu'une li petite Caufe puiffe produire de fi grands effets > nous fuivons le plus loin qu'il nous eft pofîible la chaîne de ces effets j nous admirons cette étrange concaténation d'événemens qui naiffant les uns des autres remplilfent fans interruption cette fcene tragique , & nous finilTons par de longs raifonnemens fur ce qu'une petite pafîlon d'un très-petit Individu peut dans le Monde politi- que. Mais remontons-nous affez haut dans nos iuvantes fpéculations ? qu'il y a loin encore di^ 46 P A L I :i^i G ]ff Is E S I E point où nous nous arrêtons à celui où il fau* droit atteindre pour faifir le premier chainoii de cette longue & malheureufe chaîne ! Quel- ques fibres plus délices que la cent millionième partie d'un cheveu , qui Te font ébranlées un peu trop fortement dans le Cerveau de Belle-ISLE, lont ce premier chaînon que nous n'apperce- Vons pas y &: combien de chaînons intermédiaires que nous n'apperccvons pas non plus ! [ 3 3 Voila néanmoins ce qu'il faudroit i;ozV pour jouir pleinement du grand fpedacle que pré- fente le Monde moral. Je ne dis pas alfez ; il faudroit voir encore ce qui a mis ces fibres en mouvement, & ici commence une autre chaîne imperceptible, qui fe pliant & fe repliant fans cefie fur elle-même , fe prolonge à l'indéfini. Sommes-nous faits pour jouir ainfî de ce fpec- tacle ? nous qui en faifiifons à peine les parties les plus Taillantes & qui nous perdons fi faci- lement dans la foule des détails! (s) Voyez ci-delTiis ce que j'ai dit fur la produftion & fur l'afibciation des ide'es , dans l'Ecrit intitulé Applictition des Principes pfychologiques. Confultcz encore les Art. XV , XVI XVir, XVIU ihVAmlyfe abrégée. P HILOSOPHIUUE. Pan, XIîL 47 C H A-P I T R'E VI. Conféquence : que t Homme n\ipperçoit que les dehors ciu Monde moral. [ l'Homme ne peut pénétrer le fond de ^o\\ Etre y s'il ne connoit pas mieux Tes S^ mbiables qu'il ne fe connoît lui-mèinpj quel fera donc le Spedlateur des iMerveilles les plus cachées de rHumanité ? La plrs belle, la plus riche, la plus étonnante Partie du Monde moral feroit- çUe donc fans Contemplateur ? La souveraine ^NTELL1GE^'CE étaleroit - ELLE dans ce Saint des Saints de la Création terreftre les immenfes Tréfors de son adorable Sagesse , tandis qu'il n'y auroit point d'Yeux pour les admirer 8c dlntelligence capable de faifir l'Enfcmble de ce merveilleux Syftème P Nous contemplons les fecoufTes du Monde politique comme nous contemplons celles du Monde phyfique. Nous voyons des matières •Gombuftibles s'enflammer , des gouffres s'ouvrir, des Volcans vomir des torrens de flammes , des 48 P A L I N G E' N'F S I E Villes s'écrouler fur leurs foncîemens , la Mer fe répandre fur les Terres , des Ifles fortir de fon fein , de vaîtes Contuiens s'ébranler , le Globe entier frémir, &nous n'appercevons point la première étincelle qui allume dans les en- trailles de la Terre ces prodigieux embrâfemens; nous ne découvrons point le petit caillou qui en fe détachant d'une voûte fouterraine pro- duit cette étincelle 5 nous ignorons la caufe qui détache ce caillou , la caufe de cette caufe , & que n'ignorons-nous point encore ! Ces intel- ligences à qui il a été donné de découvrir le jeu fecret des Ebres les plus déliées d'un Cer- veau , voient partir cette étincelle ; que dis-ie !. découvrent le petit caillou & toute la chaîne dont le caillou & l'étincelle ne font que deux chaînons. I ES fenfations , les idées , les affedions , les paflions font les éiémens du Monde moral j "on les éiémens premiers, mais les éiémens dérivés; & nous ne connoiifons pas mieux ces éiémens que nous ne connoiifons ceux du Monde phyfi- que. Je parle ici d'une connoillance complète , & point du tout de ces à peu près qui ne lau- roient jamais conftituer une véritable Science. CHAPIfRE PHILOSOPHIQUE, Part. XUÎ. 49 CHAPITRE VIL Notions générales de Cofmoîogie. Ce que: feroit la Science parfaite. s ÏL eH: en Cofmologie (r) un principe aufîî fécond que certain , c'eft celui de cette liaifoii univerfeUe qui enchaîne toutes les Parties de la N.iture. Plus on entre dans le détail , & plus on découvre de ces chaînons qui unifTent tous les Etres. Là Cofmologie eft la Science du Monde. Elle eir h Repréfentation fymbolique du Monde. La Cofmologie parfaite feroit donc celle qui repré- fenteroit exadement toutes les Parties de la Nature & leurs rapports divers dans un détail qui ne iaitîeroit rien échapper. Maïs, puifque toutes les Parties de la Nar- ture font enchaînées enfemble , & que celles C I ) tt î^A Cofmologie eft cette Science qui s'occupe principalement de renchaînement ou de THarmoaie de toutes k'? Parties de l'Univers. Jome XVL D qui nous paroiflent les plus ifolées tiennent à d'autres par des rapports fecrets ; il s'enfuit que la Cofmologie parfaite feroit celle qui con tien- droit une Méthode néceffaire; je veux dire, une Méthode telle qu'on pafTeroit toujours d'une Production à une autre par un enchaînement il exadement correfpondant à celui de la Natu- re , que tout autre enchaînement ne la repré- fenteroit pas avec la même fidélité. J'iMAGîNE donc, que comme dans la Géo- métrie, on conçoit que le point produit par fou mouvement la ligne, celle-ci la furface , cette dernière le folide j il y a de même dans la Na- ture une Méthode cachée qui exprime exacte- ment fa marche & qui en eft la repréfentation idéale. C'est cette Méthode que faififTent ces Intel- ligences SUPÉRIEURES pour qui principale- ment notre Monde a été fait. Elles découvrent ainfi la raifon prochaine de la manière , du Heu & du tems de chaque Etre. Qui ne voit que nos Méthodes les plus par- faites ne fauroient approcher de celle-là, & que VHILOSOP HI^UE. Part XIIL ^t toutes font pleines de lacunes, défauts, d'iii- Verfions ? ( 2 ) Mais , notre Monde tient à tout le Syftêms Planétaire dont il tait partie ; ce Syftèrne tient aux Syflèmes voilîns 5 ceux-ci foi^t liés à des Syftèin ;s plus éloignés , (. 3 ) & le même en- chaî.iement que nous appercevons entre les Etres terreft-res régne auili dans toute retendue de l'Univers. Il eft donc une Méthode nécefllaire univer- verfelle qui repréfente au naturel l'Univers en- tier , & qui en eft comme l'EquiiTe fymbolique. " Ainsi la ceinture que fe file une Chenille ^ a fes rapports à l'Univers comme l'Anneau de •3 Saturne. Mais, combien de Pièces différentes „ interpofées entre la ceinture & l'Anneau, & „ entre Saturne & les Mondes de Syrius ! Si j, l'Univers eft un Tout , & comment en douter „ après tant 8c de Ci belles preuves d'un enchaî- „ nement univerfel? la ceinture de la Chenille ( 2 ) Voy. Cont. de la mt. Part. I , Chap. Ht, VU Part. II, Chap. Il , X , XI, xm , Part. VIII, Chap. XVI ' XVII. ( 3 ) Confiiltez la Part. VI de cette Falingénéjtt. iz P A L I N G r N rS I E 9, tiendra donc aufîî aux Mondes de Syrius. „ Quelle Intelligence que celle qui faiiit 5, d'une feule vue cette chaîne immenfe de rap- 5, ports divers «Se qui les voit Te réfoudre tous 5, dans VUnké & lUnité dans fa Cause ! >, (4 ) " Un même DefTein général embraffe toutes y, les Parties de la Création. Un Globule de lu- 3, miere , une molécule de terre , un grain "de 3, Sel, une MoifiiTure , un Polype, un CoquiU 3, lage , un Oifeau , un Quadrupède , THom- 3, me ne font que difFérens traits de ce Def- 3, fein , qui repréfente toutes les modifications 3, poffibles de la Matière de notre Globe. Mon 5, expreffion eft trop au deiTous de la réalité : 3, ces Productions diverfes ne font pas diffé- 3, rens traits du même DefTein; elles ne font 3, que différens points d'un trait unique, qui 3, par fes circonvolutions infiniment variées 3, trace aux yeux du Chérubin étonné les for- 5, mes, les proportions & l'enchaînement de ., tous les Etres terreftres. Ce trait unique 3, crayonne tous les Mondes , le Chérubin lui. 3, même n'en eft qu'un point , & la main ado- [ 4 ] Contemplatian de la Nature , Partie XII, Cha- j^itre XVI. ' PHI LOSOPHIUVE, Fart. XlII. ç 5 s» RABLE qui rraqa ce trait , poirede feule h 5, nîaniere de le décrire. " ( f ) Si ces Intelligences auxciuelles il a été donné de connoicre notre Monde , ne connoif- i'eiit que ce feul Monde, il cft évident, que malgré la grande fupériorité de leurs Facultés, ii eft une multitude de Chofes dont la raiibo leur échappe: c'eli: que la raifon de ces Chofes eu dans le Syltème général qu'elles ne peuvent embralTer. Mais , (1 ces Intelligences conn.oiiTent en- core d'autres Mondes , & fi ces Mondes font ceux qui ont le plus de rapports avec le nôtre; elles peuvent découvrir ainil ia raifon d'un beau- coup plus grand nom'bre d'Etrts particuliers. Cea divers Mondes font autant de Livres qui lervent à l'explication les uns des autres, & qui font partie de cette immenfe Bibliothèque de l'Univers que le premier des Chérubins ne fe flatte pas d'épuifer. Les connoiiTances de tout genre ne fe per-- fedtionnent que par les coraparaifons que TEf- [ ç ] Contemplatioji de U Nature. Partie VIII , Cha- pitre XVII. D3 ç4 ' P A L I N G F N E' S I E prit établit entr'elles. Plus l'Efprit connoît, plus il compare. Plus Tes connoiiTances font parfai- tes, plus Tes comparaifois font exades. Les ConnoiiTances réfléchies léiivent originairement des Connoiiîances mtuitives. Plus les Connoif- lances intuitives font claires , complètes , éten- dues , plus les ConnoiiTances réfléchies font dif^ tindes , adéquates ^ -univerfelies. Puis donc que le raifonnement repofe ef- fentieilemment fur Tobfervation , quelle ne doit pas être la perfedion de la Méthaphyfi- que & de la Logique des IKTELLlGE^CES,qui lifent notre Monde & l'interprètent par les Mondes auxquels il a le plus de rapports. PHILO SOPHIOUE, Part. Xlll. Ç5 CHAPITRE VI IL Vraie deflinathn dç r Homme fur la Terre : appropriation de fes Facultés à [on état préfent.. E St-il néceflaire je le faffe remarquer? tout ce que je viens d'expofer fur l'imperfecliou & fur les bornes naturelles de nos Connoil- fances ne tend point à favorifer un Scepticif- me univerfel qui feroit la deftrudion de toute Philofophie. Je n'ai voulu qu'uidiqusr quelles font les Conoil^ances auxquelles nous ne fau- rions efpérer d'atteindre ici-bas. En approfondifTant la nature de nos FacuK tés , on reconnoît qu'elles ont un rapport plus direct à nos befoins phyfiques & moraux qu'à nos plaidrs intelleduels. Elles paroifTent plus faites pour nous conduire à ce degré de bonheur auquel nous pouvons efpérer de par- venir fur la Terre , que pour fatisfaire cette infatiabîe & ardente curiofité qui nous prelTe fans ceife. Ce que nous connoiffuns des Etres corpo- D 4 56 P A L 1 N G F N F S I E rels fuffic à nos befoins phyfiqucs : ce que nous connoiiTons des Etres-mixtes Tuffit à nos btlbins moraux, je ne parle que du iiécel- faire : le fuperflu nous ièra accordé un jour. Quand nous connoitnons à fond la natwre de ^certains Corps en retirerions-nous de pkis grands fervices dans les divers cas où nous es appliquons avec le plus de (ucces i' Qliaiîd nous connoîtrions à fond la manière d'agk de la Rhubarbe en feroit-ell-e un tonique plus puiiiant pour notre efiomac ? Qiiand nous fau- rions à fond comment font faites les molécu- les du fluide magnétique , nos boulîbles nous eonduiroient-elles plus fùreraeut d'un bout du "Monde à Tautre ? Ne connoi/fons-nous' pas afTêz des autres Hommes pour en tirer les fervices le plus ef- fentiels & pour leur rendre, tous ceiix dont nous fommes capables? Je le demande enco- re ; une connoiiîante plus parfaite du Cœwr humain fcroic-elle pimr nous \\n bien réc' ? ne nous feroit-eile point éprouver beaucoup plus de peines que de plaifirs ? Je me borne à quelques exemples pour faire entendre ma penlée : je touche à un .Sujet "inépuiiabie j je dois craindre de m'anguger PHILOSOPHIQUE. Part. XII L 5 7 trop avant. Je fais que fi nous poiTéciions une Théorie parfaite , notre Pratique le feroit auffi. Mais, prenons garde que nous ne ferions plus alors des Hommes ; nous ierions des Etres d'un ordre plus ^ievé , & la souveraine Sagesse a voulu placer fur la Terre des Etres tels que nous. Elle a voulu y placer des Hommes & non des Anges : mais elle a préordo \né dès le commencement les moyens qui éicveroiît iu\ jour l'Homme à la fphere de ces Intelligen- ces CÉLESTES. Tout eft harmonique dans chaque Mo'ide : rUnivers entier eft lui-même tout hirmcjâie. Les Facultés corporelles & les Facultés fpirituel'es de l'Homme foiit en rapport direcl: avec ce Monde où il devoir palier les premiers inl'cans de fa durée. La perFedion de fcs Facultés fi-)irituelics dépend en dernier relfort de la per-, f^-xlion de fes facultés corporelles. Puur accroî- tre la perfedion des premières , il faudroic accroître la perfection des dernières. Mais , fi les Facultés corporelles de f Homme étoient^ perfedionnées fins que rien changeât dans TEconomie prcîente de notre Monde , cet accroiiîement de perFedion ds-viendroit un lupplice pour rH.jmme. 58 PJLï'NGE'NFSin Ecoutons avec quelle nobiefTe 8c quelle précifioii le Poète phiiorophe ( t ) à fu expri- primer cette vérité " cofmologique. "" Le boii- 3, heur de THomme (que Torgueil ne le crùt- 3, il ainfî î ) n'eft pas de pcnfer ou d'agir au- 5, delà de THomme même, d'avoir des puif- 35 fances de Corps & d'Efprii au-delà de ce 33 qui convient à fa nature & à fou état. 3, Pourquoi l'Homme n'a-t-il point un œil mi- 3, crofcopique ? en voici une raifon claire : 33 l'Homme n'eft pas une Mouche. Et quel en 3, feroit l'ufage , (î l'Homme pouvoit confidérer 35 un Cirou , & que fa vue ne put s'éten- 3, dre jufqu'aux Cieux ? Quel feroit l'ufage 3, d'un toucher plus délicat, fi , fpnfibles & 3, tremblotans de tout, les dou'eurs & les ago- 33 nies s'iutroduifoient par chaque pore ? d'un 55 odorat plus raffisié , (ï les parties volatiles 3, d'une rofe par leurs vibrations dans le cer- 3, veau nous faifoient mourir de peines aro- „ matiques? d'une oreille plus fine? la Na- 3, ture tonneroit toujours & nous érourdiroit 5, par la mufique de fes Sphères roulantes. O „ Cv-^mbien nous regretterions alors que le 3, Ciel nous eut piivé du doux bruit des „ zé^^hirs & du murmure des ruilfeaux î Qui ( I ) Pope , Efaî fur l'Homme : Ep. î. PHILOSOPHIQUE. Part. XIII. çe^ 5, peut ne pes reconnoitre la bonté & la fa- ,, gefle de la Providence également & dans 5, ce qu'elle donne & dans ce qu'elle refu- sa fe ? „ . . . . . . „ Cefle donc , Se ne taxe 5, point cet ordre d'imperfedion. Notre bon- 5, heur dépend de ce que nous blâmons. 5, Connois ton être , ton point. Le Ciel t'a 5, donné un jufte , un heureux degré d'aveu- ,j glcment & de foiblelTe. Soumets- toi, fur 5, d'être aufîî heureux que tu peux l'être dans ,, cette Sphère ou dans quelqu'autre Sphère 5, que ce foit 5 & fur , foit dans l'heure de „ ta naiffance , foit dans celle de ta mort , „ de trouver ton falut entre les mains de CE- „ LUI QUI difpofe de tout. „ Notre deftinée aduelle eft de ne voir que la fuperficie des Etres , de ramper d'un fait à un autre fait , d'analyfer ces faits , de les comparer entr'eux & d'en tirer quelques réful- tats plus ou moins immédiats : voilà notre vé- ritable Science. Ce que nous pouvons connoî- tre le mieux ce font les elfets : ils étoient auilî ce qu'il nous importoit le plus de connoître. Les eiïets font ieb Loix de. la Nature , & c'eft 6o P yi L I N G L' N F S I E fur ces Loix que nous fondons nos raifonne- mens les plus folides. Sî nous ne connoifTons pas la nature intime de cette Force fecrcte ( 2 ) qui eil le principe du mouvement perpétuel du coeur; nous fa- vons au moins que le cœur fe meut , que le fang circule , & l'Art de guérir repofe fur ce fiit. Si nous ignorons ce que la Pefanteur eO; en foi , nous connoilfons au moins quelques- uns de fes principaux eficts ,& les plus belles Parties de notre Phyfique s'élèvent fur cette bafe. ÏL ne Faut qu'avoir un peu étudié la Na- ture pour être convaincu que la moindre de fes Froduc1:ions pourroit confumer en entier la vie du Naturalifte le plus laborieux. Swammerdam a fait un hi-Folio fur le Fou , & il penfoit ne l'a- voir qu'efqu ifé. Le Ver-de-terre va fournir à l'E- mule [ ?] de rOblcrvateur Hollandois îa matière d'un arlez gros Volume, je le tiifois ailleurs : l'Au- (2) VlYrhahilité. Voyez le Chap. XXXÎII de la Par- tie X de la Cont. de la Nature. (3) M. TAbbe Spallanzanï. îI a repéré avec le plus grand fuccès mes premières expériences fur la régénération du Ver- (le- terre, & ;i été incomparablement plus loin que moi. (>uanj ion Ouvrage fur les Reprediidioni- animiiles naroîtra il éton- neia les phyficierrs. PHI LOSOPHIQ^UE. Part. XIII. 6 1 TEUR de la Nature a marqué du fceau de fou IMMENSITÉ toutes l'es Oeuvres. Nous fommes fur-tout appelles à être ver- tueux , parce que nous fommes appelles à être heureux &, qu'il n'eft point de bonheur folide fans la vertu. Mais la vertu fuppofe cifenticlîe- meiit la connoilTance : nous avons donc reçu le jufte àQg}:é de connoilTance qui correfpondoit à la grande fin de notre Etre. Sachons jouir avec reconnoiiTance du peu que nous connoif- fons : nous en favons alfez pour être fages & point aifcz pour être vains. „ Homme fois donc humble daîis tes efpé- 53 rances & ne prends d'clTor qu'avec crainte. 33 Attends ce grand Maître , la mort , & adore 53 Dieu. Il ne te fait point connoître quel fera 33 ton bonheur à venir , mais il te donne Tef- 33 péranee pour être ton bonheur préfent. Une 33 efpérance éternelle fleurit dans le cœur de 33 l'Homme : il ii'eft jamais heureux , il doit tou- 33 jours Pètre. L'Ame inquiète & renfermée en 33 elle-même, fe repofe & fe promené dans la 53 vie à venir. ,, (4) C 4) P0P£ , £f(ii fur V Homme : Ep. I, ( ^2 ) e^: ^^^rrrrrrr^S^r^iC^..^. -^- 1^^^ oc::)ûoc:>oocixiocDoo<3>ooc:2ooc:x>cc:xtKc:>ocKZDooc^ (QUATORZIEME PARTIE. PRINCIPES ET CONJECTURES SUR LA LIAISON ET LA NATURE D ES DEUX ECONOMIES CHEZ LES ANIMAUX. CHAPITRE I. NotîQTis préliminaires fur la liaifoh des deux E'conomies chez les Animaux. JL Enserons NOUS donc à préfent que nous ^eonnoiflions l'Animal , cstte Partie la plus iii- téreflante de la Création tcrreftre i nous , qui PHILOSOPHIQUE. Part. XIV, 65 €©nnoiiTonsà peine les groiTes pièces de (ii char- pente? Nous lie découvrons de Ion Economie terreftre que ce qui eft en proportion avec nos Facultés & nos Inftrumens , & Ion E'conomie fu- ture nous eft entiéremenc voilée. Cest quelque chofe cependant que la Raî- fon conçoive au moins la polîibilité de cette Difpenfation future , & que les conféqucnces légitimes qu'elle tire des Perfections divi- nes rendent cette Difpenfation probable. Un trait de lumière jaillit du fein de ces ténèbres & la Raifon fe plait à le recueillir , parce qu'elle faifit avidement tout ce qui tend à agrandir fes vues & à lui donner de plus hautes idées de la Création & de la bonté Suprême. Mais , cet attribut adorable que nous nommons bonté dans la Cause première , eft proprement cette souveraene Sagesse qui a tout préordonné pou j le plus grand bonheur des Etres fentans & des Etres intelligens. La Sagesse agit par dg* Loi:? conformes à SA nature. Ces Loix font les Règles immua- bles de SA Volonté. Une de ces Loix exige que rétat antécédent d'un Etre détermine fou état fubféquent: c'eft que il l'état fubféquent 64 P A L I y G r N F S I E d'un Etre n'étoic pas déterminé pnr l'éti.t qui a précédé immédiatement , il iry auroit aucune raifon iuffiiante [ i ] de l'ex'iftencc de cet état fubréqu^nt. La Volonté Divine ne fauroit être Elle- même cette rdifoii Iuffiiante , parce qu'fl eft con- tre la nature de la Volonté de fe déterminer fans motif. [2] Or, comment la Volonté Divine pou- voit - ELLE être déterminée à faire iuccéder fétat B à l'état A , fi rétat A ne renfermoit rien qui déterminât par lui-même l'exiftence de l'état B? Si tout autre état avoit pu être également choilî, comment lia Vûlonlé Divine auroit - elle pu fe déterminer entre tant d'états divers qui , dans cette fuppofition , pouvoient également fuccéder à l'état A ? Je ne fais que rappeller ces principes géné- raux fur la nature de la Volonté : je les ai fuf- fifamment développés dans un autre Ecrit (3}. ( I ) ConCiiItez la Partie VII de cette Palingénéfie. ( £ ) Confultez l'Art. XII & rAr^icle XIÎI de VAnalyfe abrégée. ConCiiltez encore la partie VIII d^ cette Falitigénéjie. ' r 3 ) Ejfai anal. Chap. XII , XIX. Il PHILOSOP HlQ^UE. Part XIK *^ Il fuit donc de ees principes que l'Etat pré- fent des Animaux renferme des chofes qui déterminerbnt par elles-mêmes leur Etat futur. Ainsi , chaque inftant de la durée des Ani- maux eft déterminé par Tinftant qui précède. L'inftant aduel détermine à fon toUr i'inllant qui fuit. Cette chaîne fe prolonge de la môme manière au-delà de ce terme que nous nommons improprement la mort , & la Perfonnalité fe confervant toujours par les moyens phyliques préordonnés , forme cette forte d'Unité per^ manente qui conlfituc le moi de l'Individu [4] Le changement qui furviendra aux Animaux dans l'Economie future fera donc qu'ils retien- dront plus ou moins de l'Economie précédente. Les deux Economies font liées des à préfeiit par des nœuds qui nous font inconnus , -& il n'y n'y aura point proprement de faut danslepaf- fage de fune à r«Jtre. La Conftitution actuelle de rAnimal ; je dis fa Conditution organique & pfychologique , ren- ferme donc des particularités fecreces qui font le fondement de la liaifon de cette Conllitution avec celle qui doit lui fuccéder. ( 4 ) Confultez la Part. III de cet Ecrit. Tome XVI. «éf TALIVGFl^FSIB CHAPITRE IL Remarques pfychologiques fur la Ferfonnaliîé, iJ I la Bonté Suprême a voulu le plus grand bonheur pofîîble de tous les Etres vivans , elle a voulu apparemment que chaqu'Etre vivant pût lentir l'accroiffement de fon bonheur; car, comme je le difois ailleurs , ( i ) c'eft être plus heureux encore que de fentir qu'on l'a été moins & qu'on l'efl: davantage. L'Etre vivant qui paf- feroit à un état plus heureux fans conferver aucun iouvenir de fon écat précédent , ne fe- roit point par rapport à lui le même Etre , parce qu'il ne feroit point par rapport à lui la même Perlonne. La Perfonnalité dans chaque Individu tient cflentiellement a la mémoire des états antécé- dens. ]^ parle toujours de la Perionnalité re- lativement au fentmicnt que chaque liidividu a de foi Moi (2). La Mémoire tient elle- ( I ) Ejfai anal. §. 72 Ç. Voyez encore la Part. III lîc «ette Falingé7iéjle. ( 2 ) Coiifultez VEfui and. , §. 793 , 704 , 70 Ç , 706^ 7C7, &c. PHILOSOPHIQ^ UE. Part, XIV. *? ïiiême aux déterminations que certaines fibres du Cerveau contradent & qu'elles confervent. [3] Afin donc que chaque Etre -mixte conferve dans un autre état, par des voies naturelles, le fentiment de fa propre Perfonnalité , il faut néceifaircment que fon Ame demeure unie à une Machine organique qui conferve les im- prellions des états antécédens ou au moins quel- ques-unes de ces inipreffions. Il faut donc encore par une conféquence lé- gitime, que cette Machine organique à laquelle TArae demeure unie après la mort , retienne , quelques-uns de ces rapports qu'elle foutenoit avec l'ancienne Machine dont elle eft féparée. Ces rapports doivent être d'autant plus mul- tipliés & diverfifiés , que l'Animal poifede un plus grand nombre de Sens & de Sens plus ex- quis, & que ces Sens ont été affectés plus fou- vent , plus fortement par plus d'Objets dilférens. Cs ) Efai anal. §. 57, Chap. XXII. Analyfe ah\ Article IX, X, XX, l'alin^, V^rt. IL v^*^=l Eî H P A L I N G £:" N r $ I É C PI A P I T R E IIP. ÇonjeBures fur V aceroijjement de f Indtifiris des Animaux dans l Economie future. Sources de la perfe&ion de VAnimaL Ma.. NTENANT je prie mon Lcdeur de fe retracer à lui-même ces traits frappans d'iiiduf- triej j'ai prefque dit d'Intelligence que nous offrent les Animaux , & que j'ai crayonnés dans la Contemplation de la Nature. J'ai montré com- bien ces procédés ingénieux dépendent de Por^ ganifation. J'ai conficiéré le Corps de l'Animal comme une forte d'Initrument ou de Métier deftiné à exécuter avec précifîon & du premier coup les divers procédés relatifs à la confervatioii de l'Individu ou à celle de l'Efpece. Mais , j'ai fciit voir en même- tems qu'il eft probable qu'une Ame ell préfente à ce Métier, qu'elle éprouve par fon miniftere des ienfations plus ou moin^ variées , plus ou moins agréables qui influent à leur tour fur les mouvernens de la Machine, [i] ( I ) Cont. Part. XI, Chap. XXV, XXVII, Part. XII > Chap. XXVIII , XXXIII. Ejfai mal. § 774, 775, 77^ , 777- i^HlLOSOPHIUUE. Part :^IV. 6f Ces procédés qui nous furprennent tant dani les Animaux , ces procédés que nous racon- tons avec tant de complaifance , que nous em- bellilTons peut-être trap , & qui nous femblenc fuppofer un rayon de cette Lumière qui brille dans l'Homme ; ces procédés , dis-je, bien mé- dités par le Philofophe , peuvent lui aider à ju- ger des chofes étonnantes que chaque Efpece pourroit exécuter dans des genres plus ou moins analogues , fî toutes les Facultés propres à TEf^ pece acquéroienc un plus grand degré de per- fcdiou. On voit aflez que je ne veux point du tout infinuer ici , que ce que chaque Efpece e^^écute dans l'Économie préfente , elle l'exécutera encore flans l'Economie à venir. Je ne veux point in- finuer, par exemple, que l'Araignée, l'Abeille, le Caftor exécuteront fous la nouvelle Econo- mie les mêmes Ouvrages que nous admirons aujourd'hui. Si l'on a bien faifî les idées que j'ai expofées dans les premières Parties de cette Pn;- îingénéfie ^ on comprendra que je fuis fort éloi- gné de fuppofer d'auffi grands rapports entre les deux Economies. Je veux fimplement infinuer que îa Confti-^ lytion aduelle de ces Aniin.aux induftrieux rente? 70^: P A L I 2r G F 7^ F S I B ferme des chofes que nous ne pouvons devi- ner , & qui ont des rapports plus direds à PE- conomie future qu'à PEconomie préfente. Ce font ces préordinations fecretes qui fe manifefteront dans un autre état qui donneront nailfance à de nouveaux procédés fort fupérieurs à ceux qui étonnent le Naturalifte. Ces nouveaux pro- cédés ne relTembleront, fans doute, pas plus aux anciens, que les Inventions furprenantes de Sébastien (2) nont reiiémblé à celles de fon enfance. Je conçois donc , comme je le difois ail- leurs , ( 3 ) qu'il eft dans chaque Animal un fond préordonné d'organifation d'où naîtra un jour le perfedionnement de toutes fes FacuU tés , & qui détermine dès à préfent la place qu'il occupera dans la nouvelle Economie. Ne préfumons pas néanmoins que l'adroite 6c vigilante Araignée fera placée dans cette ( 2 ) Le Père Sebastien Truchet Carme , de l'Aca- démie des Sciences , célèbre Méchanicien. Il n'étoit encore qu'Enfant, qu'il exécutoit déjà tk petites Machines qui an- nonqoient ce qu'il feroit un jour. 11 exécuta enfuite des Ta- bleaux moiivans de la plus favante compofition & qu'on ne fe laffoit point d'admirer. Veyez [on Eloge ]p^v FontenellJE. -f:3) Fart, i, ir, m de cette Faling. PHTL OSOPfflQ^VS. Part XIV. 71 Economie au - delFus de TAne qui nous pa- roît (î ttupide. " Ne nous méprenons point : 55 les traits brillans d'intelligence que quelques 53 Infedcs nous offrent nous furprennent , 33 parce que nous ne nous attendions pas à „ les trouver dans des Animaux que nous ju- „ gions à peine capables de fentir. Notre ima- 53 gination s'échauffe airément fur ces agréa- 33 blés nouveautés , & nous donn?ns bientôt 53 à ces Infédes plus de génie qu'ils n'en ont 53 'réellement. Nous exigeons, au contraire, 55 beaucoup des grands Animaux , apparem* 53 ment parce que nous leur voyons une ftruc- 55 ture plus reffemblante à la nôtre : auffi ,3 fommes - nous fort portés à les dégrader dès 53 qu'ils ne rempliiTent pas notre attente. Il 53 en eft cependant dont l'efprit ne fe mani- 53 fefte pas par des traits , pour ainfi dire , fail- .3 lans, mais par un grand nombre de petits 53 traits peu fenfibles , qui réunis forment une 53 fomme d'Intelligence fupérieure à celle de 53 rinfede le plus induftrieux. „ (4) L'Ane eft placé dans l'Economie préfente fort au-deflus de l'Araignée, 8c il confervera ^ans un autre état la prééminence qu'il a £4] Cont. de h Nut, Part. IV, Chap. m. - E4 1i PJîLiNGrNFSIE fur elle. La perfedlion de l'Animal doit fe me^ furer par le nombre & la perfedion de ies Sens : la portée de l'Iiiftind dépend °en der-* nier reifort de ces deux conditions. L'x^*ne a les mêmes Sens que THomme ^ S: fi fon Tou- cher paroit fort obtus , il en eft probablement dédommagé par les qualités plus éminentes de fes autres Sens. C'eft par fes Sens que l'Ani- mal eft en commerce avec la Nature. Plus 1q nombre de fes Sens eft grand 5 plus fes Sems. font exquis^ & plus il connoit d'Objets & de qualités de chaque Objet. Plus les Sens. d'un Animal fe rapprochent de ceux de l'Hom-: me, & plus les fenfations de cet Animal font; nombreufes '& diverfifiées, Plus l'Anmial a de. fenfations & de fenfations diverfes , & plus, il compare. Plus il compare & plus fon Inf- tmcl; s'étend & fe pertedionne. L'Ane a donc un plus grand nombre de fenfations & des fenfations plus diverfes que l'Araignée. 11 con- ngtt bien plus d'Objets , il compare davantage 5 il tient à la Nature par plus de liens, Les Fa- cultés de fon Ame, déjà plus étendues, plus développées fe perfedionneront proportionnel- lement dans l'Economie future, (s ) [ ç ] Confilîtez ici ce que j'ai exp ofé fur VA^ocîation des iàées chez les Anmw.ux dans TEerit qui a pour titre Af^li-' ^Htion Aes principes fjychologiq^ues , ç^c. PHILOSOPHIQUE, Part. XIV. 71 l'iMi II. —..j I ,i.ji»^.i .. ij 1». 1111 ■!■ g" n»iii II....» ■i-i.»iMirm>y CHAPITRE IV. Continuation du même Sujet. Comment le Naturel de r Animal pourra être changé dans rjlconomie future. B Eaucoup des procédés les plus iiiduftrieux: des Animaux ont aujourd'hui pour principalç fin la coufervation de rEfpece. Si les x^nimaux ne doivent point propager dans TEconomie à vefiir, il cil bien évid^t que leur Conftitutioii organique ne renfermera alors aucune de ces déterminations relatives à la propagation de rEfpece. ( I ) Mais aux procédés dont il s'agit fuccéderont d'autres protédés qui feront en rapport diredl avec le nouvel état des Animaux: & avec l'état correfpondant du (Jiobe. Le grand Tableau de l'Animalité fera changé &. préfentera des fcenes bien plus intéreilantes que toutes celles que nos Naturaliftes y con- templent à prefent, Je reprendrai ici un principe qui ne me fera Ç I ] Voyez la fiii de U Part. I de cette Paling,, •24- j^ALIl^GFNFrSIE pas contefté par ceux qui ont beaucoup méditi fur les Perfections de l'ETRE SUPREME: c'eft que SA Volonté tend elieniiellement au bien & au plus grand bien. Cette Sagesse ado- BABLE QUI a appelle à Texiltence rUniverfa- lité des Etres , parce qu'il ctoit de sa Na- ture de faire des Heureux & le plus d'Heu-' reux qu'il étoit poUible -, cette Sagej^se a vou- lu , iiins doute , la plus grande perfedion pof- jlble de toutes Tes Créatures. Et fi son Plan exi- geoit que les Etres fciuans qui habitent une certaine Planète paiîalîent fucccffivement par divers degrés fubordonnés de perfcdion , elle a préétabli dès le commencement les moyens deftinés à accroître de p!us en plus la fomme de leur perfedion & à lui donner en£n toute Textenfion que leur Nature peut comporter. De ce principe fi confolant 8i fi fécond non cœur fe plait à tirer une conféquence qui paroit en découler naturellement : ccïï qu>^ les Animaux parvenus à une autre' Economie dépouilleront leurs Qualités rnalfairantes & ne retiendront de leur aficienne Economie que les Qualités dont le perfectionnement s'accordera avec cet état plus relevé pour lequel ils aïK ront été originairement faits. PHILOSOPHimVE, Part XIV. 7c Non 5 dans les vues de cette immense Bon- té QUI SE manifefte à nous par des traits fî variés, Ci nombreux. Ci touchans , la d?r^ niere dell:ination du Tigre n'étoit point de s'abr€uver de fang & de vivre de carnage. Sa cruauté cH: , pour ainfi dire , étrangère à ce qui conflitue proprement le fond de ion Etre : elle tient uniquement à fon tempéra- ment aduel ou à cette enveloppe groil^cre qu'il doit dépouiller , & qui n'eft en rapport dired qu'avec l'état préfent de notre Globe (r) Mais , l'Ame du Tigre a des PuifTances ou des Facultés qui touchent d'aifez près à Plntclli- gence, & qui ne font pas liées indifTohîble- ment à fes Qualités mal - faidintes. Son Iniiind: eft déjà fort développé : fes Sens lui donnent une multitude de perceptions & de fenfations d'iverfes qu'il compare pltis ou moins. L'évolu- tion futnre du petit Corps organique auquel je fuppofe que fon Ame demeure unie, dé- ploiera -toutes ces Puiflances qui font à-préfent comme concentrées ou enveloppées & élèvera le Tigre au rang des Etres penfans; Le redoutable Animal fera ainfi métamorphofé , & après cette métamorphofe paroitra un nouvel Animal qui reflemblera moins encore au premier que le Papillon ne reflemble à la Chenille. [ 2 ] Confiî!te2 les prcniicres Parties de cette Fcdifiz'. & en particulier ic premier Chap. de la Part, xii. 16 PALINGE'T^Ê'SIE CHAPITRE V. Fenfées fur rAme des Bétes ^ fur le Matéy^idlifme* J 'Ai dit dans l'Avant propos de cet Ouvrage qu& le dogme philofophique de l'exiftence de l'Ame des Bêtes repofoit principalement fur l'analogie, & j'ai indiqué en quoi confifte ici Panalogie. Je me perfuade de plus en plus que fî Pon n'a- voit point intéreiré la Religion dans cette ma- tière purement philofophique , on auroit cédé plus volontiers aux preuves analogiques & à celles de fentiment , & on ne fe feroit pas élevé avec tant de chaleur contre la furvivance de rArne des Bètes. Il eft même aifez fingulier que des Philofb- phes qui n'étoient point Cartéfiens & qui ad- mettoient Texidence de l'Ame des Bètes, aient foutenu que cette Ame périifoit à la mort de l'Animal 5 préciiément parce que cette Amen'éw toit pas une Ame humaine. Je ne puis trop le dire : ce qui feroit démon- tHïLOSOPHIdUS. Part XW. il tré vrai en bonne Philofopliie , feroit démon- tré vrai en bonne Théologie. J'entends par la bonne Théologie cette Religion auguste qui eft elle-même la Philofophie la plus lublime & la mieux appropriée aux befoins de l'Homme. Si lesBètes ontune Ame, cette Ame eft aufTi indivifible , aufïî indeftrudible par les Cnufes fé- condes que celle de l'Homme: c eft qu'une Subf- tance fîmple ne peut être ni divilee ni décom- pofée. L'Ame des Bètes ne peut donc périr que par l'anéantifTement j & je ne vois pas que la Religion annonce en termes exprès cet anéari- tilîlment : mais je vois qu'elle exalte les immen- fes Tréfors de la Bonté divine. Les preuves analogiques de l'exiftence de l'A- me des Bêtes paroifTent d'autant plus fortes qu'on ies approfondit davantage. Il ne faut pas s'en tenir ici à quelques traits ; il faut en rafTembler & en comparer le plus qu'il eft poiîible. Si une faine Philofophie établit folidement que la Ma- tière ne peut pcnfer , ( i ) l'Homme n'eft pas tout Matière j il eft un Etre - mixte ; il eft le Réfultat de l'Union de deux Subftances. Les Animaux dont l'organisation fe rapproche tant de celle de l'Homme 5 les Animaux dont les pro- (i) Voyez U Préface de VEjfc.i cjic.L •78 P J L I N G E' 2^ ir S I B cédés imitent fi bien certains procédés de THom- jiic, ne leroient-ils donc que de purs Automa- tes r* Les Philofophes , qui par des motifs louables ont fouteiiu Tautomatilhie des Brutes n'avoient- ils point à craindre qu'on ne fe fervît de leurs argumens fubtils pour défendre rautomatifme de l'Homme i* Ce n'cft point du tout que je croie que fi Ton pouvoir démontrer rautomatiTme de l'Homme , la Rlligion feroit en péril: je n'ai pas fait dif- ficulté de le dire, (2) je ne me fais aucune peine de le répéter: quand il feroit vrai que l'Homme tout entier n'cft que Matière , ii n'en feroit pas moins appelle à ètie heureux ou mal- heureux dans une autre vie relativement à la nature de fes adioiis. L'Auteur de l'Univers , QUI conferve l'Univers lui-même, cette grande Machine fi ptodigieufement compofée , man- queroit-il de moyens pour conferver l'Homme purement matériel? Mais, les Philofophes dont je parle ont été bien éloignés de comprendre ceci , & il en eft encore qui croiroient que tout feroit perdu , Ci on démontroit une fois l'auto- matifme de l'Homme ou ce qui revier.t au mèmQ que tout l'Homme n'cft que pur orgaiildne. P HILOSOFHIOUE. Fart. XIV. «j 9 Om a donc pris la queftion par le côté le moins phi'.ofophiqiie : on a fait dépendre les elpérances de THomme d'une chofe dont elles ne dépendoiciit point C3). On a foutenu l'exif- tence de l'Ame humaine , parce que FHomme efl: un Etre moral , & qu'un Etre moral doit être récompenfé ou puni. Il falloit admettre l'exif- teiice de l'Ame humaine, parce qu'en bonne Phiîofophie on ne Hiuroit rendre raifon fans elle de tous les phénomènes de l'Homme , & en par- ticulier du fentimcnt fi clair & fi fimple qu'il a de ion Moi. Il flilloit prouver l'exiftcnce de l'Ame humaine par les confidérations frappan- tes que préfentent les Propriétés de la Matière comparées avec les Facultés de l'Homme, Voilà ce que j'ai eir'iyé de faire dans la Préface de VEjJdi anaJy tique & en d'autres endroits du Livre 5 (4) & \^oilà ce qui devoit empêcher de me ranger parmi les Matériaîiftes. Mais la plupart des Lcdeurs lifent du pouce y ils ont vu que je parlois fouvcnt de £bres & de mouve- mens de fibres ; il r,e leur en a pas fallu da- vantage pour être perfuadés qu-e j'étois Matéria- lifte. Je leur pardonne de tout mow cœur la [[3] Ccnfultcz la Partie vin de cette Faling. (4) Voy. h Note i tle l'Art. Xïx: d- V4-mL zLég, ' eo P A L I 2^ G E' N ff s I s précipitation de leur jugement & je me borné à les renvoyer encore à mon Livre. Les Ecrivains qui ont beaucoup loué Texcel- lent Locke fur ce qu'il n'avoit point ofé déci- der que la Matière ne pût pas penier, n'avoient- ils dans refprit & dans le cœur que de célé- brer la modefte réferve du Sage ? Le doute de cet Homme illuftre ne ftattoit-il point en fecres une des opinions favorites de ces Ecrivains ? & cette opinion Font-ils envifagée fous le mê- me point de vue que l'Auteur de VE[f.n analyti^ que ? Les Philofophes doivent être les Bienfai- teurs du Genre- humain j ils le font toutes les fois qu'ils détruifent des préjugés dangereux. Mais , feroit-ce un préjugé dangereux que de croire que la Matière ne peut peiifer ? Ne fe- roit-il point d'une trop malheureufe facilité d'a- bufer du fentiment contraire? Lorfque les Phi- lofophes entreprennent de détruire ce qu'ils nomment des préjugés , il feroit très-convenable qu'ils leur fubftitualîent des chofes d'une utilité équivalente. 11 ne faut pas que le Philofophe reifemble à la Mort qu'on peint armée d'une faulx : mais , fi le Philofophe peut quelquefois être repréfenté armé d'une faulx , il doit au moins porter dans l'autre main une truelle. PHILOSOPHIQUE, Part XIV, S^i. j£ ne fais Ci l'on ne pourroit point prouver par un argument aiTcz dired Texiftence de TAme des Bètcs : cet argument repofe eir^titiellement fur la proportion que nous obfervons entre les eifets & les caufes. Ce n'cft pas ici le lieu d'a- natomifer la queftion métaphyfique s'il eft des Caufes. Qiielque fentiment qu'on embralfe là- dcffus il demeurera toujours vrai qu'il eft dans la Nature un ordre en vertu duquel certaines Chofes préœdent conftamment d'aucres Chof-s, Nous donnons le nom de Canfis à ces Chofes qui précèdent, & nous nommons ejfets c^Ues dont elles font immédiatement (uives. J'admets cet f)rdre de la Nature comme une Loi univerfelle dont j'ignore profondément le comment , & je regarde cette Loi comme univerfelle , parce qu'el- le ne fe dément Jamais ou que du moms on ne l'a jamais vu fe démentir. Voici donc l'argument qui s'offre adueîle- Hient à mon Efprit en faveur de l'Ame des Bê- tes. Si je me fuis fervi plufieurs fois d'un cer- tain bâton pour frapper un Chien , il arrivera que Cl je le lui montre, même d'aiTcz loin , il s'enfuira en courant & qu'il parcourra un très- grand terrain pour éviter le coup qu'il croit le menacer. Or , quelle proportion y a-t-il entre les rayons qui, partis du bâton, vont frapper la Tom. XV L F tt P A L I }^<:^ r N E' s I E rétine du Chien , & les mouvemens fî confide- Tables •& fi long-tems continués qu'il fe donne pour éviter le coup ? Un certain mot que j'au- ïois prononcé avec une certaine inflexion de voix auroit produit fur l'Animal des efFets analogues. Je n'ignore pas que les Partifans de l'au- tomatifme des Brutes répliqueront que la Ma- chine a été coi.ftruite avec un tel art, que la plus petite impulfion dans une de fes parties peut fuffire pour exciter dans d'autres parties les plus grands mouvemens. Mais combien cette réponfe ell-elle fubtile ! combien eft- elle vague? combien eft-elle peu propre à perfuader cet automatifme qu'on s'obftineroit vainement à défendre ! combien l'hypothefe d'un principe fentant & adif , diftind de la Matière , expli- que-t- elle plus iimplement ou plus heureu- fement tous les phénomènes ! combien eft-elle par cela même plus pliilofophiquc î j'ai donc 4it plus probable^ < 83 ) *iïtin:rsin:s2rrsE::3Er2iicr3ic3ani2c#: -^lE3i:r21Ii:2ÎIIZZIÎ5ZII3iriIIÏÎIIIIÎEZI2î2IIli:.*; (QUINZIEME PARTIE. ESSAI D'A PPLI CATION DE i: IRR ITABILITE AUX POLYPES, &c. NOUVEAUX ETRES MI CROSCOPIQ^UES, DU DROIT DE L'HOMME SUR LES Animaux. CHAPITRE I. Dijjicultés d'expliquer les phénomènes du Polype^ Referions fur les tentatives de V Auteur a ce Jujet. 1^^ Polype a paru d'abord favorifer beaucoup ropiiiioii de rautomadfmc des Brutes. Un Aninul F 2 «4 TALiylGFlJESIE dont chaque morceau devient lui-même un Animal pareil au premier ne femble pas devoir appartenir à la Clafle des Etres mixtes. Com- ment TAme d'un tel Animal pourroit-elle être di- vifée r' comment pourroit-elle fe retrouver en- tière dans chaque morceau ? comment ces morceaux 5 encore informes ou dans lelquels k régénération n'a pas achevé de fe faire , mon- trent-ils ks mêmes inclinations que TAnimal entier ? Le Polype peut être greffé fur lui-même ou fur un Polype de fon efpece. Peut-on gref- fer des Ames ? que devient donc l'Ame du Su- jet ou celle de la Greffe ? quel eft ici le fiege de la Perfonnalité ? En refendant le Polype d'une certaine ma- nière on en fait une Hydre à plufieurs têtes : ya-t-il une Ame individuelle dans chacune de ces tètes ? y a-t-il ici autant de Perfonnes diftinc- tes que de tètes ? ( i ) Toutes ces queftions & une foule d'autres ( I ) Confultez fur tout ceci le Chap. xi du T. I, & le Chap. II du Tom. Il des Conjïà. fur les Cerp* organ. ou les Chap. IX & XV de la Part, vin, & le Chap. i de la Par^ tie IX d€ la Coîit. de la Nature, fHI LOSOP Hî,(l UE. Part. XV. U que le Polype fait naître paroiiïent au pre- mier coup-d'œil autant d'énigmes indéchiffra- bles. Je n'ai pas la prefomption de prétendre les avoir déchiffrées. Mais , j'ai effayé de po- fer quelques principes phyfiques & pfychologi- ques qui m'ont femb!é propres à répandre une foible lueur dans ces épaiiTes ténèbres. (2)- Peut " être aurois - je mieux fait de ne point tenter de fonder ces profonds myfteres ; mais j'avouerai ingénument que mon but étoit prin-' cipalcment de montrer au moins que la décou-' verte du Polype ne favorife pas le moins du monde le matérialifme. Si Ton veut bien mé- diter mes principes & fe rendre attentif à leur enchaînement & à leurs coaféquences na- turelles , je me flatte qu'on ne jugera pas que que j'aie déraifonné fur cette ténébreufe ma- tière. Je ne fais, même il on ne fera pas un peu furpris que j'aie pu me rendre allez clâ;r pour faire entendre facilement ma penfee. Je n'ai eu ici d'autre guide que mes propres mé- ditations , & tout mon mérite n'a confifté qu'à ne point abandonner le fil , à la vérité fort délié 5 que j'avois en main. [ 2 ] On peut voir rexpofition de ces principes «S; leur application aux cas les plus embarraflans , Chap. m T. II des CoY^s org, F3 $^ r v^ i ^ 2S^ (? F if £* -S' / i^ J'aurois pu facilement donner des explical "lions purement méchaniques de tous ces phé-. nomenes auffi nouveaux qu'embarraiTans : je me ferois même débarrafle ainfl de plus grandes dif- ficultés. Mais j'aurois cru choquer d'autres phé- nomènes qui femblcnt attefter que le Polype n'eft pas une lîmple machina organique. Cependant pour montrer à mon Leâeur que j'ai envifagé mon Su}et fous le plus de faces qu'il m'a été poffible , je hafardcrai ici une fo- lution méchanique : je ne la donne que comme une (impie conjedure ou plutôt comme un fimple doute. WHILOSOPHIj^UE. Fart. XK S 7» wsmBmmBmasaaamÊBBÊÊmaamm CHAPITRE IL Explication des phénomènes du Polype par la feule Irritabilité Réflexions fur la Vitalité, 'Ai raconté dans la Partie II. de mon Traité- d^ Infe&ologie , Obf. xiv, les mouvemens fi re- marquables que fe donnoient des morceaux de certains Vers d'eau douce que j'ai multipliés de boutur«. ( I ) J'ai dit , que des Vers de cette Efpece , auxquels favnis coupé la tête , alloient en avant d peu près comme fi rien ne leur eut man- qué ; qiCile fembloient chercher à fe cacher , qu^ih favoient fe détourner à la rencontre de quelque ohftacle , ^c. En rappellant ce fait dans l'Article ecxxxv des Confidérations fur les Corps orga- nifés , j'ai ajouté ce qui fuit. " Ceux de mes Ledeurs qui ont lu les beau^ç „ Mémoires de Mr. de Haller fur Vlrritahi^ 55 lité entrevoient déjà ce qu'on peut dire pour Voyez la. Contemplation de la Nature •-, Part. VII i, Cliiîp^ X , mi je Homie ime légère idé«i de la ftrudure de- ces V«n5' F 4 îâ r A L I 2Î G E" 2,^ E" s I B " 55 tâcher de léfoudre la difficulté dont il s'agît ,5 ici. On fait que 1 Irritabilité eft cette Proprié- 5, té de la fibre mufculaire en vertu de laquelle 35 elle fe contrade d'elle-même à l'attouchemene 5, de tout corps , foit folide foit fluide. CVft 5, par elle que le cœur détaché de la poitrine „ -continue quelque tems à battre. Ceft par elle 5, que les inttftins féparés du bas- ventre <^ par- 5, tagés en plufieurs portions comme nos Vers, 5, continuent pendant un tems à exercer leur 53 mouvement périltalrique. Ceft par elle enfin , 3, que les membres de quantité d'Animaux con- ,5 tinuent à fe mouvoir après avoir été iéparés ,5 de leur tronc. Dira- ton que ces portions d'in- 5, teRins qu'on voit ramper lur une table com- 55 me des Vers font mifes en mouvement par 5, une Ame qui réiide dans leurs membranes 2 5, Admettra-t-on sulU une Ame dans la queue 5, du Lézard pour rendre raiion des raouve-* „ mens fi vifs & fi durables qu'on y obferve 35 après qu'on l'a coupée/' Voudra-t«on encore a, que ce foit une Ame logée dans Paiguilîon de 55 la Guêpe, qui le darde au dehors aiicz loiig- 5, tems après que le Ventre a été léparé du 5, corfelet? Aiîurémcnt ces fûts iont bien auili 5, finguliers & aufii embarralfans que ceux que 55 j'ai rapportés dans le paiTage cité ci-detlbs ; Fil îLOSOPHt dUE. Part. Xir. ^t) „ qui ne voit pourtant que les uns & les autres 5, ne font que les réfuttats d'une tnéchanique 5, fecrete ? Mr. de Haller a prouvé que le cœur ,, féparé de la poitrine ceife de battre dès qu'on „ purge les ventricules du peu de fang qu'ils 3, renferinoient encore : l'Irritabilité , cette For- 5, ce dont la nature nous eft inconnue , n'agit ,, p'us alors; rien ne l'excite. C'tft donc par 5, les contradions que l'attouchement d'un corps ,5 étranger produit dans les fibres mufculaircs „ de nos Vers, dans celles des portions d'in- ,j teftins , dans celles de la queue du Lézard, 5, &c. que s'opèrent ces mouvemens qui nous 5, paroilient volontaires & qui ne font pour- „ tant que purement machinaux. La Machine 5, eft montée pour les exécuter & elle les exé- ,/ cute dès qu'elle eft mife enjeu. „ Je fuppofe à préfent qu'on n'a pas oublié que le Corps du Polype a la forme d'un petit boyau. ( 2 ) Q^iand on partage ce boyau tranfverfale- ti'iem dans le milieu de fa longueur, la moitié poilérieure e(i un boyau plus court. Ce boyau eft aveugle ; je veux dire , qu'il n'eft ouvert que par fou bout antérieur. Si l'on préfence à ( 2 ) Ccrrps org. Art. CCV. CoJitemfuition , Partie IX, Chap. i. ce bout antérieur quelque Proie ; par exemple^ un petit Ver vivant , le boyau fera effort pour l'engloutir , & il y parviendra peu à peu , &c. Voila donc une moitié de Polype , non-ré- générée , qui paroît avoir les mêmes inclina- tions qu un Polype parfait & s'acquitter d'une de fes fondions les plus elTentielles. Que fautai donc penfer de l'Ame du Polype & du Siège qu'elle y occupe ? ne diroit-on pas que cette Ame réfide univerfellement dans tout le Corps ? Je conviens flms peîne que la difficulté efi: très-grande: mais efl-elle abfolument irrcfoluble? l'Irritabilité ne fourniroit-elle point un moyen de la réfoudre? Il efl démontré que tout le Corps du Polype efl: très-irritable. Cette moitié de Polype qui dévore des Proies, **& qui n'elt exadement que la moitié infcrieu:e d'un petit fac charnu ou plutôt gélatineux j cette moitié , dis-je, ne feroit-elle point irritée par l'attoucbe- ment & par l'agitation de la Proie ? les mouve- mens que cette irritation occafioneroit dans les bords de l'ouverture du fac ne conduiroient-ils point par une fuite naturelle du jeu des parties à cette opération que nous nommons la déglu-^ THILOSOPHIUVE. Part. Xr. 91 ihîon ? A regard de la digeftion elle n'a rien du tout d'embarraifaiu & Ton voie atfez qu'elle peut fe réduire, comme bleu d'autres fondions vitales, à un pur ntéchanifmc. CfcST donc proprement la déglutition qui eft ici le point le plus difficile à expliquer. Mais, qu'on y prenne garde \ il n'eft lûrement pas plus difficile à expliquer que les mouvemens du cœur d'un grand Animal après que ce mufcle fî irritable a été fépare de la Poitrine. L'efpece de Faculté loco-motive dont jouifTent des morceaux d'inteftins coupés récemment , femble bien plus embarralTante encore, & s'explique pourtant de la manière la plus heureufe par le feul fecours de l'Irritabilité. (3) J'invite mon Ledeur à relire avec attention ce paifage du Livre des Corp^ organifés que je tranfccivois il n'y a qu'un moment. Il ne Faut pas accroître les difficultés en accroiflant le merveilleux. Il ne feroit pas même impoflîble que le Po- lype tout entier ne fut qu'un Corps organifc (implement irritable. L'extenfion Ç\ confidéra4)le de fes bras pourroit n'être qu'un relâchement C 3 ] Confultez fur Vlrritahiliti le Chap. XXXIH de la Paît. X de la Covlempl. 9t VALIl^GE'NFSIE extrême de ces parties L'attouchement des Proies"- pourroit y exciter des contradions au moyen defquelles ces bras ou ces fils fi déliés s'entor- tilleroient autour de la Proie , fe raccourciroienc de plus en plus & porteroient cette Proie à la bouche. Celle - ci éprouveroit des contradions ou des mouvemens analogues. La Proie feroitr engloutie , digérée , & le réfidu rejeté par ie" même niéchanifme. Cette application de Tlrritabilité au Polype^ ne fait naître quelques réflexions fur la Vitalité, s^ous obfervons des gradations dans les trois .'cgnes : ( 4) la Nature ne pafîeroit - elle ponit des Etres organifés inanimés aux Etres organi^ lés animés , par des Etres fimplemeat vitaux 5 je veux dire , par des Etres organifés fîmple- ment irritables ? Dans ces Etres mitoyens l'Ir- ritabilité conftitueroit feule le Principe de la vie. L'adion continuelle des, liquides fur les fo- îides irritables imprimeroit à ces derniers les di- vers mouvemens qui carac^ériferoient cette forte de vie. Ce feroit de cette vie dont le Polype jouiroit au moins tandis qu'il demeureroit mu- tilé. Elle appartiendroit peut-être encore à quan- tité d'autres Efpeces de Polypes qui paroîifent [4] Part. II, m, IV de la CenievtfL PHILOSOP HÏQ^UE, ParL XV. 95 des x^nimaux beaucoup plus déguifés; tels que les Polypes.^ bouquet^ (0 les ^oly^QS en najfe-y (6) ceux en entonnoir , (7J ceux des infufions , (,8) & bien d'autres Etres organifés microfco- piques. [ 5 3 Corps organisés 5 Art. CXCIX , CCI , CCCXIX , CCXX. Contempl. Part. VIII , Chap, XI. L 6 ] Corit. Part. VIII , Chap. XIII. (^ 7 ) Corps organifés ; Article CC. Contemplation , Partie VIII, Chap. XII. ( 8 ) Voyez la curieufe Dijfertation de M. WRISBERG , FrefelTeiir d'Anatomie dans l'Académie de Gottingiie & ha- bile Obfervateur. Cette Differtation , qui eft toute entière fur les Animalcules des infufions , préfente bien des particularités intérelBintes , qui prouvent la fagacité de l' Obier vateur. 94 P A L I N G F N E' S I E CHAPITRE II I. Réf exions fur le Monde microfcopique. V/UoiQUE le monde microfcopique ne nous {oit pas plus connu que les Terres auftrales de notre Globe , nous en connoifTons cependant allez pour concevoir les plus grandes idées des merveilles qu'il recelé , & pour être profondé- ment étotfinés de la variété prefqu'infinie des Modèles fur lefquels PAnimalité a été travaillée. Les Voyageurs qui ont côtoyé les rives de ce Monde microfcopique y ont découvert des Ha- bitans dont les figures , les habillemens & les procédés ne reffemblent à rien de tout ce qui nous étoit connu. Ils n'ont pas même toujours trouvé des termes pour exprimer clairement ce qu'ils appercevoient au bout de leurs Lunettes. Il leur eft arrivé , en quelque forte , ce qui ar- riveroit à un Habitant de la Terre qui feroit tranfporté dans la Lune: comme il manqueroit d'idées analogues , il feroit privé de ces termes de comparailbn qui aident à peindre les Objets. Le Polype à bras nous avoit déjà beaucoup VHILOSOPHIUUE. Part XV. 9c -étonné par fes reflemblances avec la Plante & par la fingularité de fa ftrudure. Nous n'imagi- nions pas qu'il exiftoit bien d'autres Animaux de la même ClafTe beaucoup plus traveftis en- core , & dont nous n'aurions jamais deviné les formes & la multiplication. Les Polypes dont je parle font un des grands prodiges du Monde microfcopique : ils ont été nommés des Poly- pes À honi^uet , & cette dénomination rend heu- reufement leurs apparences extérieures. Je les ai décrits fort au long dans mes deux derniers Ouvrages d'après le fage & célèbre Obferva- teur qui nous les a fuit connoître ( i ). J'ai encore décrit d'après lui , d'autres Efpeces de Polypes microfcopiques , qui n'offrent pas des particularités moins étranges {z^ ni moins pro- pres à perFedionner la Logique du Naturalifte. Si cet excellent Obfcrvateur qui a enrichi l'Hiftcire naturelle de vérités fi neuves & fi im- prévues , cédoit enEn aux prelfantes invitations que je ne ceif3 de lui fiire de publier la fuite de fes découvertes , le Public y trouveroic de ( I ) Contentpl. Part, VIII , Chap. XI. [2] Les Polypes en eutomioù- , & les Polypes eu mijff^ CmiemplaiiûK j Çart. VIII, Chap. XII & XIIL 9(5 P A L I N G r 2^ E' S I E nouveaux fujets d'admirer la prodigieufe fccon- dite des voies de la Nature & d'applaudir à la fagacité & à la marche judicieufe de fon Hifto- rien. Il ne regardera pas comme un trahi fon (î je faifis VozccCion qui fe préfente de faire con- noître aux Naturalises un des Habitans les plus finguliers de ce Monde microfcopique où notre Obfervateur a fait des voyages fi heureux & fi inftrudifs. J'ai eu même la fatisfadion de faire avec ce nouvel Argonaute un de ces Voyages dont )e tranfcrirai ici la Relation, telle que je Tai écrite immédiatement après mon retour : on la tiouvera dans le Chapitre fuivant. Chapitre VHILOSOPHIflUE, Part. XV, 57 CHAPITRE IV. Nouveaux Etres microfcopîques : Les Tubiformes , les Txnia , les NavettesJ JLjEs RuifTeaux , les Mares , les Etangs four- millent dans certains tems d'une multitude d'Ef peces diiférentes de très-petits Polypes & d'Etres microfcopiques qui n'ont point encore de nom. Une feuille , un brin d'Herbe , un fragment de bois pourri tiré au hafard du fond d'un Ruif- feau & rais dans un Poudrier ( r ) plein d'eau, eft un petit Monde pour l'Obfervateur qui fait le voir. Mr. Trembley m'a montré au Microf- cope le 12 de Novembre 176^, un de ces Etres invifîbles à l'œil nud & fans nom, dontjeviis tâcher de donner une idée d'après ce que j'ai [ I ] Les Naturaliftes donnent le nom de Poudriers à c" taiiis vaies d'un Verre blanc, dans lefqueés ils renfermant les Infeftcs peur les étudier plus commodément. Ces pots de verre blanc, de figure cylindrique, 011 l'on rcnFerme à^s con- fitures , font des efpeccs de Poudriers. Tome XV L G yu moi-même ( 2) & d'après ce que Mr. TrêM- BLEY m'en a rapporté. Cet Etre microfcopique ne relTemble pas mal à un très-petit Tube , & je lui donnerois vo- lontiers le nom de Tubiforme, Il eft fort tranf- parent. A l'ordinaire il eft fixé par une de fes extrémités fur quelqu'appui. L'autre extrémité fe termine quelquefois en pointe moufle 5 d'au- trefois elle femble coupée net> on croit même y appercevoir une ouverture , comme feroit celle d'un Tube eapillaire. Cet Etre (îngulier eft ordinairement immo- bile y il lui arrive cependant de tems en tems de fe balancer ou de vibrer ailez lentement. Il fait plus i il vient à fe détacher de l'appui & à nager de côté & d'autre , tantôt dans une po- licion verticale , tantôt plus ou moins oblique à THorizon , quelquefois horizontale , fans qu'on [ 2 ] Il y avûit bien long-tems que je n'avois eu le plaifir 4àQ Hxer l'œil à un microfcopc : j'ai dit ailleurs combien cet Inftrumexit avoit fatigué & affoibli ma vue : c'e'toit, en quel- que forte , pour moi une renailTance que de me retrouver cloue à un Microfcope; J'ajouterai néanmoins, que malgré tout le mal qu'il m'a fait j'ai encore la vue affez bonne de près pour compter les œufs d'une Puee fans le fecours d'aucuQ: verre. PHIieSOFHIUVE. Fart. XV. 99 fuiffe découvrir comment il exécute de pareils mouvemens. S'il rencontre dans fa courfe le tran- chant d^une feuille ou quelque fil, même très- délié , on le voit avec furprije s'y fixer par une de fes extrémités, s'y implanter comme une quille. Son adhérence à l'appui., dont la ma-^ niere nous eft inconnue , eft aflez forte pour qu'il foit en état de réfiifer aux mouvemens qu'on imprime à l'appui ou à l'eau. Mr. Trembley qui avoit obfervé ces Tu- hiforwes il y avoit plus de 20 ans , mais qui n'avoit pu alors les étudier , a découvert dans l'Automne de I7<5> une de leurs manières ds multiplier , & je l'ai obfervée moi-même à fon Microfcope. Voici en abrégé comment la choft^ fe paffb. On apperqoit d'abord le long du Tubiforme un trait fort délié , qui fembîe le partager par le milieu fuivanc fa longueur. Ce trait fe ren- force de plus en plus j il paroit plus profond, plus tranché -, enfin , il paroît double. On re- connoit que cette apparence d'un double trait eft produite par la divifion adluelle de deux moi- tiés longitudinales du Tubiforme. On s'en aîTare en continuant d'obferver : on voit les deux moi-^ tics tendre continuelîemerit à fe Iccarer.; l'unç G 2 300 PALlNGrNTSIE fie l'autre. Tandis qu'elles font encore parallèles ou appliquées Tune à l'autre , le Tubiforme pa- roît amplifié j fon diamètre eft double ou à-peu- près de celui d'un Tubiforme qui ne multiplie pas aduellement. Bientôt le parallélifme celTe ; les deux moitiés commencent à s'écarter l'une de l'autre , tantôt par l'extrémité fupérieure , tantôt par l'inférieure. La réparation s^accroit peu à peu , & le Tubiforme femble s'ouvrir comme un Compas. Lorfqu'il eft entièrement ouvert 5 on voit deux Tubiformes inclinés l'un à l'autre comme les jambes d'un Compas , «Se qui font encore unis par une de leurs extrémités. Cette divifion naturelle s'achève au bout de quel- ques heures. Si l'on compare cette manière de multiplier des Tubiformes avec celle des Polypes à bou- quet 5 ( 3 ) on leur trouvera de grands rapports. Mais, la première diffère delà féconde par une particularité effentielle -, le Polype à bouquet fc contradle avant que de fe partager; & le Tu- biforme ne paroît point du tout fe contracter avant que de fe divifer. On comprend bien que chaque moitié du ( 3 ) Confultez le Chap. XI de la Part. VIII de la Cax- templation de U Nature. fHILOSOPMIUUE, Part. XV. lex Tubiforme qui vient de fe partager, &; qui eft devenue elle-même un Tubiforme parfait , peut fe partager à fon tour , & elle fe partage en effet. De ces divifions naturelles & fuccefîives naif- fent des Grouppes plus ou moins nombreux de Tubiformes : auffi ces. Etres finguliers font-ils fort multipliés dans les Eaux. Parmi ces Tubiformes on en remarque de beaucoup plus courts les uns que les autres ; \ ce qui porteroit à foupqonner qu'ils fe divifent encore tranfverfalement. J'ajouterai que les Grouppes qu'ils com- pofent m'ont paru réveiller dans l'Efprit l'image de certaines Concrétions falines ou cryftallines. Mr. Trembley m'a montré au Microfcope d'autres Etres aquatiques dont la figure imite extrêmement en petit celle du Tœnia, J'ai dif- tingué aifez nettement deux Efpeces de ces Etres: peut-être néanmoins ne font-ce là que de pures variétés. Quoi qu'il en foit ; la première Ef- pece , qui m'a paru fort longue , alloit en s'ef- filant vers une de fes extrémités. J'y apperce- vois çà & là des traits tranfverfaux alfez efpacés, ii qui ne reffembloicnt pas mal aux incifions G3 ïoz P A L I N G F N F s I E annulaires de cette Efpece de Taenia que j'ai nom- mée /? anneaux longs. [4) Je n'ai remarqué au- cun mouvement dans cette forte de Tiznia rnir çrofcopiqtte. L'autre Efpece m'a paru fort courte, & beaucoup plus applatie. Les traits tranfver- laux étoient (1 ferrés , Ci rapprochés les uns des autres , qu'ils fembloienç^fe confondre. Ces Etres ii'avoient qu'une demi tranfparence j & on juge bien qu'on ne découvroit point entre ks traits tranfverfaux cette forte de travail qui fe fait beaucoup remarquer dans cette Efpece de T^nia donc j'ai donné la defcription. Ou pou.rroit con- jeciurer avec quelque vraifemblanceque le Taenia microfcopique fe multiplie en fe divifant tranf- verfalement ou par anneaux. J'ai dit en parlant des Tubi formes , qu'il^ fe parMgent fans fe contraEler, Mr. Trembley a obfervé uiî autre Etre microfcopique qui mul- tiplie en fe partageant de la même manière. Il .ïclTemble aûTez à la navette d'un Tifîe.ran. Il eft -Ç4) Difcriatian fuy h Tania ^ &c. Oeuvres^ Tom. III gTrb. Daus.Ia queftioii III de cette Qiffertation j'ai indiqué ks camcieres qui m'ont paru- propres à diilinguer deux Ef- peces dûTcenra. Un^de ces carafteres coniiftc dans là longueur r^fpedivc; des anneaux. J'ai donc nommé une des Efpeces ïe TiDtia "à anneaux lo /g-s : l'autre le Tcenia à nnmaitx c ourts. FHILOSOPHIQ^UE. Part. Xr. ac$ porté fur un pédicule comme les Cloches d'un Polype à bouquet. Il fe divife par le milieu fuivant fa longueur j en forte qu'après cette di- vifion naturelle on voit deux Navettes fur un même pédicule.. Chaque Navette abandonne en- fuite le pédicule & va s'établir ailleurs. Tous ces Etres microfcopiques font d'une petitelie qui ne nous permet guère que de nous aifurer de leur exiftence & qui nous laifle dans de profondes ténèbres fur leur véritable nature. Nous ne fommes un peu fondés à les juger des Animalcules que fur l'analogie de leur mul- tiplication aves celle des plus grands Polypes à bouquet. ^ A PROPOS des Polypes à bouquet, Mr. Trem- BLEY m'en a fait voir au Microfcope qui m'ont paru d'une pëtiteffe prodigieufe : on pourrait les comparer à un amas de très-petits grains de Cryftal. Ils en ont tout l'éclat. Quelle foule de merveilles ne recèlent donc point une Mare ou un Ruilfeau , & conibieai FEchelle des Etres organifés eft-elle étendue ! Combien nos connoiffances fur le P^egne animi^l & en général fur le Syftême organique fgnl^ G4 : 104 PAtl2^ai!'N]?SIJS elles imparfaites î Je ne l'ai pas dit encore aflez (O- Combien eft-il utile que nous nous pénétrions fortement du fentiment de notre ignorance pour être plus réfervés à prononcer fur les voies de l'AuTEUR de la Nature (6)1 CHAPITRE V. Tenfées au fiijet des Êtres microfcopiques. \^UanD' on n'a pas obfervé foi-même la Na- ture, onfe livre facilement aux premières idées qui s'offrent à TEfprit fur certaines Productions quiparoilfent s'éloigner beaucoup de celles qu'on connoit le plus. C'ett ainfi qu'un Phyficien qui n'auroît jamais vu de Polypes ni aocun de ces Etres microfcopiques dont je viens de parler ad- mettroit aifémentqueces Etres font Amplement irritables ou vitaux. Cette hypothefe lui plai- roit même d'autant plus qu'elle lui paroitroit ( ç ) Voyez fur- tout la Partie XII de cette Falingénêje. (6) Confultez encore les Chap. XVI, XVH de la Par- tie VIII de la ContempL PMILOSOPHIQ^UE. Pan. Xv. ,oç plus commode. Mais, fi ce Phyficieii venoit unz fois à obferver ces ditFérens Etres & tous ceux qui leur font analogues j s'il les étudioic long^ tems-, s'il fuivoit avec foin les procédés oc les mouvemens divers par Icfquels ils fcmblciu pour- voir à leur confervation ; je doute qu'il hélitût beaucoup à les ranger parmi les Animaux, (i) [ I ] Les Animalcules des infiihons font bien propres h confirmer ceci. Il faut lire dans l'excellente Dijjeriation Ita- lienne de M. l'Abbé Spallanzani fur ces Animalcules, publiée en 176?, ce qu'il raconte de leur lèrudure , de leur mouvemens , de leur inftindl. Il en a découvert de plniieurs Efpeccs , toutes aiTez caraftérifées. La plupart ont une figure arrondie & applatie. Ils ont une forte de bec plus ou moin? alofigé. Ils font tranfparcns, & leur tranfparence permet de décDUvrir dans leur intérieur un amas de très-petits globules qiu dans quelques -ims.femblcnt arrangés avec art. D'autres Animalcules ont des figures fort alongées & qui tiennent pliB ou moins de celle d'un très-petit Ver. On apnerçoit dan.s leur intérieur une forte de cftnal qu'on foupçonncroit analogue à J'eftomac & aux intcftins. A l'égard de leurs mouvemens & de leur infliiicl, je ne faunis mieux faire que de tranfcrire ici ce que l'iiabile Ob- ferviteur en rapporte lui-même dans fan fesanJ Chapitre. " Le propre de ces Animaux étoit de s'élancer avec avi- „ dite fur les petites parcelles qui fe détachent lentement 5, des femences dans les infufions. Mais on remarque outre „ cda une parcicularité qui ii'eft p^l^ à négliger : c'cft que %q6 PALINGE'NE'^IE Je ne protioticerai point néanmoins fur la tiature de ces Etres microfcopiques & fur celle de quantité d'autres Etres qui paroilfent s''ea rapprocher plus ou moins. Le terme très-géné- 55 ces Animaux favent fe détourner avec beaucoup d'adreffc 55 des obftacles qu'ils rencontrent, & même s'éviter entr'eux* ,3 J'en ai vu des centaines , renfermés dans le plus petit ef- 5, pacc-, fe mouvoir à l'ordinaire , & ne jamais fe heurter l'un 5, l'autre en marchant. Souvent même il leur arrivoit de chan - „ "ger brufquement de diredion ou d'en prendre une diamé- 5, tralemcnt oppoféeà celle qu'ils avoientprife d'abord j cepen- 35 dant je ne me fuis jamais apperqu , du moins d'une manière 55 fenfiblc , qu'ils aient été d^onner de la tête contre les corp^ 35 qui fe trouvoient fur leur route. J'ai plié la petite lame de ^y verre qui foutient la goutte d'eau de l'infufion , afin de 35 faire defcendre la liqueur cjans cette courbure; & je les 35 ai vu alors defcendre vers le fond , mais fans être plus gê- ^5 nés dans leurs mouvemens que les FoiflTons qui najent 35 contre le courant de Feau. „ ,5 . . . Lorfque la liqueur efl fur le point de s'étapcrer 3, entiéicment , on a beaucoup de pUifir à voir ces petits Etres 35 & fur -tout les plus robuftes d'eiitr'eux , fe tourmenter^ 5, faire des culbutes fur la tête, s'agiter en rond, rallmtii; 35 leur agitation par degrés , & enEu fe trouvant à fec , ;'ar^ 55 rêter fur le champ & expirer. 5, Le judicieux Auteur conclut de la manière ^ui fuit. '* On ,5 devroit, je crois, conclure de toutes les Obfervations que 35 j'ai faites juî'^u'ici , que les mo-uvemeus ordiixiires de iioi^. PH ILOSOPHIQ^UE. Part, XV. iq7 rai à' Etres par lequel je les déflgne , indique aifez que je ne veux point décider de ce qu ils font ou ne font pas. Mais, j'avouerai que j'au- rois plus de penchant à les regarder comme de véritables Animaux. Nous ne faurions afîigner le point précis où finit l'Echelle de TAnimalité. Nous avons vu dans 5, Animalcules aquatiques ne font point purement méchani- 5, ques , mais vraiment réguliers, produits par im principe 5, intérieur & fpontané , & qu'il faut placer ces Etres dans », la Claffe des Animaux vivans , non pas apurement d'une „ manière impropre & figurée 3 mais en parlant rigoureufe- ,, ment & dans le vrai. „ *' En effet , cette manière de s'obferver avec l'œil, de be©- ,, quêter doucement les parcelles des Végétaux difpeîfés dan „ l'infiifion , de fe réunir lorfque le fluide fe defTeche , de „ s'attrouper dans les endroits oii l'évaporation eft plus lente ' ,, de paffer du repos à un mouvement rapide fans y être dé- „ terminés par aucune impulfion étrangère , de nager contre ,, l'effort du courant , de favoir adroitement éviter les obf- „ tacles & s'éviter eux-mêmes en marchant , enfin , cette „ faculté de changer brufquement de diredion & d'en prendre „ même une toute oppofée, font autantde fignes évidens & ^, inconteftabks d'un tel principe. „ Voyez dans le Chap. XIX de la Part. VIII de la Contcm- plcitiou les nouvelles obfcrvations de l'Auteur fur le-^ Animal- fuies dont il s'agit. I08 Pj^LINGFNFSIE la Partie IV de cette Palingénéfie , qu'il n'ed point du tout démontré que les Plantes foient abfolument infenfibles : lî elles ne l'étoient point en effet, FEchelle de TAnimalité fe prolongeroit fort au-delà du point où nous préfuniions qu'elle finiflbit. La Nature eft comme cette image que; préfente le Prifme : tout y eft nuancé à l'indé- fini. " Mous traçons des lignes fur cette iniage , „ difois^je en terminant mon Parallèle des Plan- 5, tes & des Anhnaiix ; ( 2 ) & nous appelions „ cela faire des Genres & des ClciJJes. Nous n'ap- „ percevons que les teintes dominantes , & les 5, nuances délicates nous échappent. Les Plan- 55 tes 8c les Animaux ne foiiK que des modifica- 55 tions de la Matière organifée. Ils participent „ tous à une môme eflence , & FAttribut dif- 55 tindif nous eft inconnu. " En effet j pour que mous puflions affignerlc point précis où rEchelle de l'Animalité expire , il faudroic que nous puilions prouver qu'il exifte une organifation qui répugne eifentiellement à toute Union avec une Ame ou un Principe im- matériel & fentant. Et pour que nous pulTions ( 2 ) Contemplation de la Nature , Part. X. FHILOSOPHIUUE. Part, XV, i»9 prouver cela, il faudroit que nous connuffions a fond toutes les modifications de la Subftance matérielle organique & toutes celles de la Subf- tance immatérielle fentante. Je ne dis pasaiTezi i^ faudroit encore que nous connufîions la na« turc intmie des deux Subftanccs. Supposons qu'un habile Naturalise prétende avoir découvert un caractère diftindif de ia Plan- te & de rAnimal : fiippofons que ce caradere cft très marqué '. ne refteroit-il pas toujours la plus £:rande nicertitude fur fon univerfalité. Ne fau* droit-il pas que ce Natiiralifte eût fait le dé- nombrement le plus exr'd de toutes les Efiie- ces de Plantes & de toutes les Eu^eccs d'Ani- maux , pour qu'il put être fur de la réalité de ce caracleï*c? & où feroic le Naturalille aulli fage qu'inllruit , qui oferoit fe flatter de connoltie toutes les Efpeces des Etres organilés ? Nous ne fa vous pas mieux où finit POrgani- fation que nous ne favons où finit l'Aiîima- lité. Nous ne connoilfons point la hmite qui répare raccroiilcment pour iiituirufception de l'accroiâement par appolicion. M:iis , nous en- trevoyons allez qu'une forte d'appoution inter- vient dans le premier, puif^u'il refaite cHen- tiellcment de Tappiicatiou fuccelîive de matières étrangères à un fond primordial. ( 3 ) Ces deui manières de croître ont donc quelque chofe de commun : elle ne font donc pas fort éloignées Tune de faatrê. Le Végétal paroiifoit bien aufîî éloigné de l'Animal , lorfque le Polype eft venu les rap-procher. Eft-il impoiTible qu'on découvre un jour quelque Produdion qui rapprochera de même le Végétal du Miuéral, l'incuflufception de l'appoiition ? Je ne veux ni organifer tout ni animalifer tout : mais , je ne veux pas qu'on s^imagine que ce qui ne paroît point organifé n'eft point du tout organifé, & que ce qui ne paroit poinc Animal n'eit point du tout Animal. Si donc nous ne découvrons aucune raifon philofophique de borner l'Echelle de l'Animalité à telle ou telle Produdion 5 s'il eft très-raifon- nable de ne prétendre point renfermer la Natu- re dans l'étroite capacité de notre Cervelet j s'il eft au(fi fatisfaifant que raifonnablc de penfcr que les Etres fentans ont été le plus multipliés qu'il étoit poffib^e j nous préférerons d'admettre que tous ces Etres mouvans qui peuplent le Monde microfcopique font doués de vie & de ( I ) Coiîfultez ici la Part. XI de cette Falm;^. ? Ht LOSOTHjq^VÈ, Fart XV. m fentiment. Et fi nous admettons encore , au moins comme probable , que la main adorable Q.UI les a formés, les deftine à une beaucoup plus grande perfedlion , le Tableau de l'Animalité s'embellira de plus en plus & notis offrira la Perfpedive la plus raviflante & la mieux propor- tionnée aux idées fublimes que nous devons nous former de la sUpreme bienfaisance. Comment un Philofophe dont le Cœur eft auffi bien fait que TEfprit , ne fe plairoit-il poinc à confidérer ces nombreufes Familles d'Animaux répandues dans toutes les Parties de notre Globe , comme autant d'ordres diiférens d'Intelligences fubalternes , déguifées pour un tems fous des formes très-diiïérentes de celles qu'elles revêti- ront un jour , & fous lefquelles elles déploieront ces admirables Facultés dont elles ne nous don- nent à préfent que de foibles indices ? Le moin- dre des Etres microfcopiques devient ainlî à mes yeux un Etre prefque refpeétable : ma Raifon fe plait à percer cette écorce qui cache fa véri- table nature , & à contempler dans cet Etre , fî chétif en apparence , les libéralités infinies de i'ETRE des ETRES. ^X^i9 HZ PALIl^BE'VFSIE CHAPITRE. VL Le Droit de Ici Nature. U Homme moral. 1_jOrsqu'on étudie la nature de rHomme <>. on ne tarde pas à découvrir que cet Etre li ex~ cellent a des rapports de divers genres avec tous les Etres qui l'environnent. De ces rapports , comme d'une Source fécon- de , découle rimport;:înte Théorie des Loix 'na- tureMes de PHomme. Lt.s Loix naturelles font donc les réfultats des rapports que PHôrame foutient avec les di-^ vers Etres : ( i ) définition plus philolbphique que celles de la plupart des Jurifconfultes & des Moralîftcs. L'Homme parvient par fa Raifon à la cônnoif. fan ce de ces rapports divers. C'efl: en étudiant ( I ) Ejfai anal, fur les Facidtés de VAme. §. 40 , âfî. Fart. VIII de cette Fuling. fa PHILOSOPHIQUE. Part. XV. iij fa propre nature Se celle des Etres qui Penvr roiinent , qu'il démêle les liaifons qu'il a avec ces Etres & que ces Etres ont avec lui. Cette connoiflance eft celle qu'il lui importe le plus d'acquérir , parce que c'eft uiiiquemeiit fur elle que repofe fon véritable bonheur. Ce feroit la chofe la plus contraire à la Na- ture , que l'Homme pût être véritablement heu- reux en violant les Loix du Monde qu'il habi- te : c'eft que ce font ces Loix mêmes qui peu- vent feules conferver & perfedionner fon Etre. L'Homme aflujetti à ces Loix par fon CRE'A- TEUR , afpireroit-il donc en infenfé au privi- lège d'être intempérant impunément, & préten- droit-il changer les rapports établis entre fon eftomac & les aUmens néceifaires à fa coti- fervation ? Il y a donc dans la Nature un Ordre 'pré- établi , dont la fin eft le pus grand bonheur poffible des Etres fentans & des Etres intelligens, L'Etre intelligent & moral connoît cet or- dre & s'y conforme. Il le connoit d'autant mieux Tome XVI. H ti4 Pu^LINCeî^E'SIM qu'il efl: plus intelligent. Il s'y conforme aves^ il'autant plus d'exaditude qu'il ell plus moral. La moralité cbnfifte donc eflentiellement dans la conformité des jugemens & des adions de l'Homme avec l'Ordre établi ou ce qui revient au même , avec l'Etat des Chofes. L'Etat des Chofes eft proprement leur natur» particulière & leurs relations. L^HoMME moral en ufera donc à l'égard de chaque Etre relativement à la nature propre de cet Etre & à fes rapports. L'Homme choqueroit donc la moralité s'il traitoit un Etre fentant comme un Etre infen- flble 5 un Animal comme un caillou. Le Droit naturel , qui eft le Syfteme des Loix de h Nature, s'étend donc à tous les Etres avec lefquels l'Homme a des rapports. • Ce Droit embralTe donc dans fa fphere les Subftances inanimées comme les Subftances am- inées. Il ne laiffe aucune adion de l'Homme dans une indétermination proprement dite. Il les ré- git toutes. Il ne règle pas moins la conduite df PHTLOSOPHIQ^UE, Part, XK ,,^ l'Homme à ]'i;^ard d'un Atome vivant qu'à l'é- gard de [on Semblable. L'Homme vraiment moral tâchera donc de ne rien taire dont il ne puilFe fe rendre raifon à lui-mêm?. Toutes Tes adions feront p!us ou moins réfléchies. Moms l'Homme eft intelligent & moral & plus il produit de ces adions qu'il lui plait de nommer indifférences. Concevons donc que plus un Etre intelli^ gent eft parfait , & moins il produit de ces adions qu'o!i peut nommer indifférentes. Il y a , fans doute, quelque part dans MJnivers des Etres inteiligens (i parfaits 5 je dirai Ci réBéchis, que leurs moindres adions ont un but & le meiU leur but. Voila une foibîe efquiffe d'un Droit de la Nature qui n'eft pas précifément celui qu'on a coutume d'enfeigner dans les Ecoles : mais pour- quoi rcfter au-deifous de fon Sujet, & limiter l'Etre de l'Homme , dont la fphere enveloppe la Nature entière ? Si ce D>o/V lie l'Homme aux moindres Subfkn- ces, comme à lui-même &z à les Semblables, quelle multitude de liaifons n'établit, i! point H z n^ PALI}JGE*NE'SIE entre l'Homme & fon CRÉATEUR ! Combien cesliaifons annoncent-elies l'excellence de FHom- me & fa fuprème élévation fur tous les Ani- maux ! L'Homme, enrichi de la ConnoifTancedes la Nature C z ] «& de celle de fon divin Auteur , puifera dans ces Connollfances fublimes des principes invariables de conduite qui dirigeront toutes fes adions au but le plus raifonnable & le plus noble. L'Homme , appelle par la prééminence de fes Facultés à dominer fur tous les Etres ter^ reftres , ne violera point les Loix fondamenta- les de fon Empire. Il refpedera les droits & les privilèges de chaque Etre. Il fera du bien à tou& quand il ne fera forcé de faire du mal à aucun. Il ne fera jamais Tyran 5 il fera toujours Mo- narque. Le fceptre du Dominateur des Etres terref- ( 2 ) Ce que je dis ici de la Connoifiance de la Nature , ;i'eft point oppofé à ce que j'ai dit dans les Parties xii & XIII, de rimperfeftion & des bonies de cette Connoiflance- J'ai montré à la fin de la Part. Xlii , que notre Coimoiflance cft proportionne'g à nos vrais befoins, & j'ai indiqué quels font ces befoins. Parce que nous ignorons beaucoup , il ne s'enfuit pas que nous n'en fâchions poiiit aifez pour être heu» reHx , c'eft-à-dire, vertueux. PHILOSOPHIQ^UE. Part XK iiy très fera donc un fceptre de juftice & d'équité. Il exercera en Monarque fon droit de vie & de mort fur les Animaux. Il ne les fera point fouf- frir fans raifon & abrégera leurs fouffrance& lorfqu'il fera obligé de les immoler à fes befoins, à fa fureté ou à fon inftruclion. Humain 8c bienfaifant par principes autant que par fenti- ment, il adoucira leur fervitude , modérera leur travail , foulagera leurs maux , & n'endurcira jamais fon cœur à la voix touchante de la com- palîion. Il ne regardera point comme une adioîi purement indifférente d'écrafer un Moucheron qui ne lui fait & ne peut lui faire aucun mal. Comme il fait que ce Moucheron eft un Etre fenfible qui goûte à f\ manière les douceurs de Texiftence , il ne le privera point de la vie par plaifir , par caprice ou fans réflexion : il refpec- tera en lui la main ciui l'a formé , & n'abufera point de fa fupériorité fur un Etre que fou fouffle pourroit détruire. H 3 |ï| P A L 1 N G Ê" 2^ F s I E CHAPITRE VII. Suite du même fujet. 'Du Droit de l'Homme fur les Animaux, Je l'ai dit, l'Homme intelligent & moral fe conforme à la nature & aux relations des Etres. Il ne les confond point quand il peut les diftin- guer , & il s'applique à les diftingqer. Ainfi , dès que l'expérience & le raifonnement lui rendent probable que tel ou tel Etre eft doué de Sentiment, il en agit à l'égard de cet Etre conformément aux rapports naturels que la SenGbilité met entre l'Homme & tous les Etres qui participent , comme lui , à cette noble prérogative. Il efi; Homme; tout ce qui refpire. peut intércircr Ion humanité. Il eft un Etre mo- ral ; les jugemens de fa Raifon éclairée font pour lui des Loi^, parce qu'ils font les Réfultats de la connoiillmce qu'il a de l'Ordie établi. Il eft ainfi à lui-même {à propre Loi : & quand il n'au- roit point de Supérieur, il n'en demeureroit pas moins fournis aux Loix de la Raifon. J]p le difûis encore y l'Homme moral ne fe PHILOSOPHIQ^UE. Part, Xr, ii^ permet que le moins d'aclions indifTéreutes ou machinales qu'il efl: pofTible. Il agit le p'us fou- veut eu vue de quelque motif, & ce motif cft toujours aiTorti à lanoblelfe de fou être. Lap'u- part de fes adions font réôéchies , parce qu'il les compare fans ceife aux Loix de l'Ordre. Il ne fe fait point une récréation de détruire des Etres organifés 5 il n'arrache pas une feuille, ua brin d'Herbe fans quelque motif que fa Raifoii approuve. C'eil ainfi apparemment qu'en ufoic cet Etre fi moral, Tetimiable des Rillettes. „ Le Bien Public, l'Ordre , dit fon illuftre ( i ) 53 Hiftorien , toujours facrifiés ians fcrupule, 35 & même violés par une mauvaife gloire, 3.5 ctoient pour lui des objets d'une paffion vive j3 & délicate. Il la portoit à tel point , & en 55 même tems cette forte de pafiion efl: (i rare , ( I ) Fontenelle; Eloge de M. des Bîllettes. Je ne puis laifTcr échapper cette occafion de payer à rilluftre Hiftoriographe de l'Académie le l:ribut de reconnoiflar.ce que je lui dois & que j'aime à lui devoir. Ses excellens Eloges font peut- être ce qui a le plus contribué à développer chez îTioi le goût des bonnes Chofes , & à m'infpirer un defir vif de bien faire. C'cft que les exemples difent plus que les préceptes , & qu'ils difent l>icn davantage encore quand ils font préfentés par un Peintre qiii fait erâbcllir & animer tout^ mettre chaque Objet à fa place, & rendre avec art fa forme & fes couleurs. Ces Eloges inimitables ont été la lecture fa- vorite de ma jcuneiTe & ils font encore celle de mon â^o viril. H4, 'iZ9 PALINGI^NTSIE 53 qu'il eft peut - être dangereux d'expofer au 55 Public, que qua d il pairoit fur les marches 33 du Pont-neuf, il en prenoit les bouts qui 33 ctoicnt moins ufés , i.£n que le milieu qui 33 l'eft toujours dava'^tnge , ne devint pas trop 33 tôt un glacis, " Un tel homme ne Te jouoit point , fans doute , de h. Vie de l'innocent Mou- cheron. Combien ne feroit i' pas à louhoiter, «jouterai-je avec ^'Hiftorien . que l'Ordre ou le Bien général fût toujours aimé avec h même fuperftition î Lts Animaux font des Livres admirables où le Gfaisd Etre a raiicmblé les traits les plus frappans de sa souveraine Intelligence. L'Anatomifte doit ouvrir ces Livres pour les étu- dier & connoitre mieux fa propre ftrudure : mais, s'il eft doué de cette Senfibiiité délicate & raifonnée qui carrdérife l'Homme m.oral il ne s'imaginera point en les feuilletant qu'il feuil- lette une Ardoife. Jamais il ne mukipliera les Victimes maiheurt-uies de fon inftrudion Se ne prolongera leurs fouifrances au-delà du but le plus raifonnable de fes recherches. Jamais il n'oubliera un infiant que tout ce qui eft doué de vie & de fenfibilité a droit à fa commifération, Jfc propoferai ici pour modèle à tous les Ana- PHILOSOVHI^UE. Part. XV. ui tomiftes , ce célèbre Scrutateur de la Nature à la fagacité & au burin duquel nous devons le merveilleux Traité Anatojnique de la Chenille y (2) Ouvrage immortel donc nous n'avions pas même foupqonné la pofTibilité , & que je regarde comme la plus belle preuve de fait de TExiftence d'une Première Cause Intelligente. Avec quel plaiiîr & quel étonnemcnt ne lit-on point ces mots à la page xiii ds la Préface! "' Com- 53 me je ne me fuis propofé de publier qu'un 5, fimple Traité d'Anatomie , l'on ne doit pas s'at- 53 tendre à trouver ici de grands détails phyfio- 53 logiques; cette partie , Ci pleine d'incertitu- 55 des , pour être expofée comme il faut , auroit 5, exigé nombre d'expériences, que la répugnan- 53 ce que j'ai à faire fouffrir les Animaux ne 53 m'a pas permis de tenter ; répugnance , qui 53 ett même allée fî loin , que j'ai ufé de la plus 53 grande épargne par rapport à mes Sujets, & 53 que je ne crois point que tout ce Traité ait 35 coûté la vie à plus de huit ou neuf Chenilles. 55 Encore ai- je eu toujours foin de les noyer 53 dans de l'eau avant que de les ouvrir. " Si GELOi^Jiipidoit pour VHiimayiité (5) quand il in- ( :^ ) Voyez l'Art. XIV du Tableau des Conjiii. ( 3 ) M0NTESQ.UIEU , Ef;prit des loix. JZ2 PALIl^GF'NFSIE ^ terdifoit aux Carthaginois vaincus les Sacrifice^ humains; Lyonet ftipuioit pour l'Animalité^ quand il tracoit ainfi les devoirs de l'Anatomifte en fe peignant fi naïvement lui-même. Cktte qualité de PAme que nous nommons Ja Seijfibiiité i eft un des plus puilîans reiTorts de l'Etre focial. C'eft elle qui rend à la Société univerfelle les fervices les plus prompts , les plus sûrs , les plus néceflaires. Elle devance la réflexion , toujours un peu tardive , & fupplée à propos à la lenteur de celle-ci. L'Homme, de tous les Etres terreftres le plus. focial , a donc un giand intérêt à cultiver la Senfibilité , puisqu'elle fait partie de ce bel afTortiment de qualités qui conftitue l'Etre mo- ral. Mais , iî ne permettra point qu'elle dégé». père en foibielTe & qu'elle dégrade fon Etre. L'Homme rifqueroit de corrompre bientôt fes, mœurs s'il fe familiarifoit trop avec les fouE. franccs & le fang des Animaux. Cette vérité morale eli: Ci Taillante qu'il feroit fuperflu de \à développer : ceux qui font chargés par état de du-iger les Hommes ne la perdront jamais de vue» je rcgarderois l'opinion de l'automatifme des Bel- les comme une forte d'héréfie philofophiqus , qui PHILOSOPHIi^UE, Part XV, 125 dcviendroit dangereufe pour la Société fi tous fcs Membres en etoicnt fortement imbus. Mais, il n'eO: pas à craindre qu'une opinion qui fait violence au Sentiment & qui contredit fans çeiîe la voix de la Nature, puiiTe être générale- ment adoptée. Celui qui a fait l'Homme pour dominer furies Animaux, femble avoir voulu prévenir par cette voix fecrete l'abus éiiorme de fa PuilTance, & avoir ménagé aux malheu- reux Sujets un accès au cœur du Monarque, lorfqu'il eft fur le point de devenir Defpote. Si mon hypothefe eft vraie, la Souveraine Bonté auroit beaucoup plus fait encore pour ces innocentes Vidimes des befoins toujours renaiifans d'un Maître fouvent dur & ingrat. Elle leur auroit réfervé les plus grands dédom- magemens dans cet Etat futur dont la proba- bilité paroit accroître à mefure qu'on appro- fondit les confidérations philofophiques fur lef^ quelles elle repole & que je me fuis plu à expofer en détail dans cet E'crit. La bienveuil- îance univerfelle me l'a diclé , & je m'eftime- rois heureux (1 j'avois réulFi , au gré de mes defirs , à infpirer à tous mes Leâeurs cette bienveuillaace. (124 ; SEIZIEME PARTIE. IDÉES s U R TETAT FUTUR DE L'HOMME. CHAPITRE I. Frincipes préliminaires fur la nature de r Homme, i3 1 les Animaux paroiflent appelles à jouir dans un autre état d'une perfedtion plus re- levée, quelle ne doit pas être celle qui eft réfervés dans une autre Vie à cet Etre qui n'eft Animal que par fon Corps , & qui par fon Intelligence touche aux Natures supé- rieures î PHIL OSO P Hl Q^UE. Part. Xri, laç L'Homme eft un Etre- mixte : il réfulte de rUnioii de deux Subftauces. L'efpece parti- culière de ces deux Subftances , ik ti Ton veut encore , la manière dont elles font uaies conf- tituent la nature propre de cet Etre qui a re- çu le nom à'Hmnme , & le diftinguent de tous les autres Etres. Les modifications ( i ) qui furviennent aux deux Subrtances par une fuite des diverfes cir- eonllances où l'Etre fe trouve placé , conf- tituent le Caradere propre de chaque Individu de l'Humanité. L'Homme a donc fon effence ( 2^ comme tout ce qui eft ou peut être. Il étoit de toute Eternité dans les Idées de I'Entendement DIVIN ce qu'il a été lorfque la Volonté ef ( I ) Ce mot exprime en général tous les changemens qui furviennent ou peuvent furvenir à un Etre. Ainfi les tlifFérentes figures qu'un Corps revêt , font lUiFér entes modi- fications de ce Cerps. Il en eft de même des idées de l'Ame; elles font uufîi des modifications de l'Ame. ( 2 ) L'Essence d'une chofe eft ce qui fait qu'elle eft ce qu'elle ei^ , ou fi l'on veut , qu'elle nous paroît être ce qu'elle eft. Ainfi, nous difons ({UQÏ Eteniue & la Solidité conf- ûtwQxvt V EJfence du Corps; parce que le Corps nous paroît toujours étendu & folide & que nous n& faurwns h©us U re^ préientcr fens étendue éSç ims folidité. iii P  L I 7J G r V K s î È FiCACE Ta appelle de l'état de fimple poffibîe à l'Etre. Les EfTcnces font immuables. Chaque Chofe efl; ce qu'elle eft. Si elle changeoit elfentielle- ment , elle ne feroit plus cette Chofe : elle fe- roit une autre Chofe elientieliement différente. L'Entendement divin cft la Région éter- nelle des EiTences. Dieu ne peut changer ses Idées , parce qu'il ne peut changer sa ^ATURE. Si les Etîences dépendoient de sa volonté , la même Chofe pourroit être cette Chofe & n'être pas cette Chofe. Tout ce qui eft ou qui pouvoit être exif- toit donc d'une manière déterm.inée dans I'En- tendement divTn. L'Adion par laquelle Dieu à liduaîifé les Poifibles ne pouvoit rien chan- ger oux déterminations eifentielies & idéales (3) des Poflibles. ( 3 ) Les déterihinations idéales d'un Être font ici fes Qiialités efrenneiles , les Attributs coniidérés dans les idées de I'Entendement divin. Leibnitz avoit dit; que I'en- TENDEiMENT DIVIN étoit la Région éternelle des Ejjences'-, parce que tout ce qui exifte exiftoit de toute éternité comme poffiblc ou en idée daus Tentendement de Dieu. J'ex- primerai cette vérité fublimc en d'autres termes : le Plan en tier de l'Univers exiftoit de toute çternité dans I'entende* PHILOSOPHIQ^UR Part. XVL iz^ Il exiftoit donc de toute éternité dans I'En- TENDEMENT DIVIN un certain Etre pofTible , donc les déterminations eflentielles confticuoient ce que nous nommons la Nature humaine. Si , dans les idées de Dieu , cet Etre étoit appelle à durera û fon exiftence fe prolongeoit à l'infini au-delà du tombeau, ce feroit tou- jours eflentiellement le même Etre qui dure- roit ou cet Etre feroit détruit & un autre lui fuccéderoiti ce qui feroit contre la fuppofition. Afin donc que ce foit IHomme & non un autre Etre qui dure , il faut que l'Homme con- ferve fa propre nature & tout ce qui le dif- férencie effentiellement des autres Etres-mixtes. Mais, l'EiTence de l'Homme eft fufceptible d'un nombre indéfini de modiEcacions diverfes» & aucune de ces modifications ne peut chan- ger rEiîencc. Newton encore enfant écoit ef- MENT du SUPREME ARCHITECTE. Toiitcs les Parties de l'Univers & jufqu'au moindre Atome étoient iklTuiés dans ce Plan. Tous les changemens qui dévoient fiirvenir aux diiTi- rentes Pièces de ce Tout immenfe y avouent auffi leurs Rc- préfentations. Chaque Etre y étoit figuré par fes Carafteres propres i & l'Afte par lequel la SOUVERAINE Puissance a réalifé ce Plan , eil ce que nous nommons la Crtation. 128 PALiNGFNrSIE fentiellemeiit le même Etre qui calcula depuis la route des Planètes. De tous les Etres terreftrcs l'Homme eft in- conteftdblement le plus perfedible. L'Hotten- tot paroît une Brute , Newton un Ange. L'Hotteiitot participe pourtant à la même Ef- fence que Newton j Se placé dans d'autres circo'^ftances , THottentot auroit pu devenir lui-même un Newton. Si la Gonfïdération des Attributs divins & en particulier de la Bonté suprême four- nit des raifons plaufîbles en faveur de la con- fervation & du perfedionnement futurs des Animaux , (4) combien ces raifons acquièrent- elles plus de force quand on les applique à l'Homme , cet Etre intelligent , dont les Fa- cultés éminentes font déjà ù développées ici- bas & fufceptibles d'un fi grand aceroifTement ; à l'Homme enfin, cet Etre moral qui a requ des Loix , qui peut le« connoître , les ob- ferver ou les violer ! Mais , puifque cet Etre qui paroît fi mani- feftement appelle à durer & à accroître en per- ( 4 ) On peiit confiilter les trois premières Parties de cette Faling, & la Part. XIV du même Ouvrage. fedion Pti IL0S0PHÎ2US. Part. XVÎ. n '^ ftdion, cft elTentiellement un Etre - mixte, il faut que fon Ame demeure unie à un Corps : 11 cela n'écoit point , ce ne feroit pas un Ltre^ mixte, ce ne feroit pas l'Homme qui dureroic & qui feroit perfedionné. La permanence de FAme ne feroit pas la permanence de l'Hom- me : l'Ame n'eft pas tout l'Homme , le Corps lie l'eft pas non plus : L'Homme ré fuite ef- fentiellertlent de l'Union d'une certaine Ame à un certain Corps. L'Homme feroit- il decompole à la Mort pour être récompofé enfuite Z' L'Ame fe lepareroit-elle entièrement du Corps ( 5 ) pour être unie eu-^ fuite à un autre Corps? Comment concilieroit» on cette opinion commune avec le Dogme Ci philofophique & il fublime qui fuppofe que \n Volonté' efficace a créé tout & conferve tout par un Ade unique? [6] Si les obfervations les plus sûres & les mieux faites concourent à é tablir que cette Volonté ADORABLE a préformé les Etres organifés ; H nous découvrons à l'œil une preformation Lhns [ ç ] On le croit eommiiuément & fans aucunt: prer.v?.- Je reviendrai ailleurs à ceci. ( 6 ) Confultez la Partie VI île cette Falin^. Tome XVIi t pluGeurs Efpeces 5(7) n'eft-il pas probable que l'Homme a été préformé de manière que la mort ne détruit point fon Etre & que fon Ame n» cefle point d'être unie à un Corps organifé ? Comment admettre en bonne Métaphyfique des Adles fuccefîîFs dans la Volonté immua- ble ? Comment fuppofér que cette Volonté qui a pu péordonner tout par un feul Adle , intervient fans celfe & immédiatement dans FEf- pace & dans le Tems? Crée-t-elle d'abord la Chenille , puis la Chryfalide, enfuite le Papillon ? Crée^t-elîe à chaque inftant de nouveaux Ger- mes? Infufe-t-elle à chaque inftant de nouvelles Ames dans ces Germes ? En un mot ; la grande Machine du Monde ne va-t-elle qu'au doigt 8c à l'œil ? Si un Artifte nous paroît d'autant plus in- ( 7 ) Les obfervHtions des meilleurs Naturaliftes prouvent que la Plante préexifte dans la graine , le Papillon dans la Chenille , le Poulet dans l'œuf, &c. Ceux qui defireront des détails fur ces faits intéreflans pourront confulter les Chap, IX , X , XII du Tom. I des Conjid. fur les Corps or g. les €hap. VIII , IX , X , XI , XII de la Part. VII de la Cont. de la Nat. ainfi que les Chap. I, II , VI, VII, X , XI, Xïl^ XIV de la Part. IX du même Ouvrage. Ils pourront fe bor- ner , s'ils le veulent , à parcourir ce Tableau des Con/îd. que j'ai inféré dans cette Fding, ou les Part. X & XI du même Livre. Philosophique. Pan. xvi, i;t telligent , qu'il a fu faire une Machine qui fe conferve & Te meut plus long - tems par elle- même ou par les feules forces de fa méchani- que , pourquoi refuferionsnous à l'Ouvrage du Suprême Artiste une prérogative quiannon- ceroit (i hautement.& fa Puissance & fon In- telligence INFINIES ? CornBiEN eft il évident que TAuteUR de l'U- nivers a pu exécuter un peu en grand pour l'Homme, ce qu'iL a exécuté Ç\ en petit pour îe Papillon [8 1 & pûur une multitude d'autres Etres organifés , qu'iL a jugé à propos de faire palfer par une fuite de métamorphofes apparentes, qui dévoient les conduire à leur état de perfec- tion terreflre ? Combien eft - il manifefte que la Souyerainb Puissance a pu unir dès le commencement l'A- me humaine à une Machine invifible & indef- trudible par les Caufes fécondes & unir cetce Machine à ce Corps groffier fur lequel feul la more exerce fon Empire ! Sr Ton ne peut refufer raifonnablement de ( 8 ) Avec beaucoup île cîexte'rité & d'attention l'on çar- Yîcnt à démêler dans la Chenille le«; Parties propres/ au Pa« gillon, & même aflez long-tems avant la niétamor^ofc> la reconnoitre la poffibiiité d'une telle préordinatîoity je ne verrois pas pourquoi on préféreroit d'admec- treque Djeu intervient immédiatement dans le tems cj[u'îl crce un nouveau Corps organifé, p(>u^ remplacer celui que la mort détruit & conferver ainfî à l'Homme fa nature d'Etre=* mixte. Il ne fuffiroit pas même que Dieu créât un nouveau Corps , il Faudroit encore que le nou- veau Cerveau qu'iL eréeroit contînt les mêmes déterminations ( 9 ) qui conftituoient dans l'an- cien le Siège de la Perfonnalité ; autrement ce ne feroit plus le même Etre qui feroit confervé .ou reftitué. La Perfonnalité tient effentiellement à b Mémoire: celle-ei tient au Cerveau ou à cer- taines déterminations que les fibres fendbles contradent & qu'elles confervent. Je crois l'a- voir allez prouvé dans Pl^Jfai analytique , (10) ^ ùciiijiVAnalyJe abrégée [il] de l'Ouvrage. Qu'oa ( 9 ) Les mêmes conditions ph^/îques ou matérielles aux- quelles la Mémoire a été attachée. ( 10 ) Chap. VIÎj §r. 57, Clnp. XXII ; §. 62c, 6s6 , 627 , & fuiv. (II ) Au\ IX , X, Xî, XV, XYÎ, XVIÎ, XVIÎI. H PHIIOSOPHIQ^UE. Part. XVI. i^ prenne la peine de réfléchir un peu fur ces preuves , & je me perfuade qu'on Icç trouvera folides. Je dois être dipenfé de reproduire fans cefTe les mêmes preuves: je puis fuppofer que mes Ledeurs ne les ont pas totalement ou- bliées. Puis donc que la Mémoire tient an Cerveau & que fans elle il n'y auroit point pour l'Hom- me de Perfonnalité , il eft très-évident qu'afin que l'Homme conferve fa propre Perfonnalité ou le fouvenir de fes états paffés , il faut , comme je le difois , [12] qu'il intervienne fun ou l'autre de ces trois moyens : " Ou une adion immédiate de Dieu fur 4, l'Ame ; je veux dire 3 une Révélation inté- ,, rieure : '' Ou la création d'un nouveau Corps dont le fnfnroit de favoir que certains accidens purement phyriques afFoiblilTent & détriiifent même la Mémoire, pour qu'on ne pût douter qu'elle ne dépende dç l'état cUi Cerveau. Telle eft ici-bas la condition de l'Homme , que l'altération des or- ganes groffiers trouble ou interrompt le Jeu de rinftriimc:^t ^élié auquel l'Ame eft immédiatement unie. (12 ) E fui anal, §. 73q^ îH p A L I y G 2* .Y r & I E ^ Cerveau contiew droit des fibres propres à re^ î, tracer a TAme îe, fouvenir dont il s'agit : " Ou une telle préordinatioii que le Cerveau 3, aduel en contint un autre fur lequel le 5, premier fit des imprcfîîons durables , & qui fut ,5 dediné à fe développer dguis uue autre vie. ^-^ Je laifle au Ledeur phîlofôphe à choifir entre ces trois moyens : je m'aifure , qu'il n'héfitera pas à préférer le dernier , parce qu'il lui paroiti a plus conforme à la maiclie de la Nature , qui prépare de loin toutes fes produdions & les amené par un développement plus ou moins accéléré à leur état de perfedion. CHAPITRE II. ConfirUratïons fur le Siège fhyfiqiie de la Terfomitilité & fur les orgams du Sent'mient* Conféqiience générale, /'Ame humaine, unie à un Corps organifé , devoir recevoir par l'intervention ou à Toccafioiî de ce Corps une multitude d'impreiïions diver- PHiLQSOPHTdUE. Part, XVL ij? feb\ Elle devoit fur-touc être avertie par queU que fentiment intérieur de ce qui fe palTeroit dans différentes parties de fon Corps : comment au- roit-elle pu autrement pourvoir à la conferva- don de celui-ci ? Il falloit donc qu'il y eût dans les différentes parties du Corps des organes très-déliés & très- fenfibles quiallaflent rayonner dans le Cerveau, où l Ame devoit être préfente à fa manière , (i> & qui l'avertiflent de ce qui furviendroit à la partie à laquelle ils appartiendroient. Les nerfs font ces organes: on comioit leur délicateffe & leur fenfibilité. On fait qu'ils tirent leur origine du Cerveau. Il y a donc quelque part dans le Cerveau un Organe univerfel, qui réunit, en quelque forte, toutes les imprefîîons des différentes parties du Corps, & par le miniftere duquel fÂme agit ou paroît agir fur différentes parties du Corps. ( I ) Je dis à fa inaniereh parce que TAine étant imma- térielle ne peiit être préfente à im lien à îa manière d'un- Corps. Il ne nous eft point donné dé pénétrer ce Myftere. Il doit nous fuffire que l'exifteiîce de l'Ame foit prouvée par- ies Arzumeus folides. I 4 î5^ PALINÙÉ^T^FSIE Cet Organe univerfel eft donc proprement l^ Siège de l'Ame, Il ell: indiffèrent au Sujet qui nous occupe que le Siège de PAme foit daps le Corps caL leux , dans la Moelle alongée ou dans toute autre p3rtie du Cerveau. Je le faifois reniarquer dans l'Ecrit fur. le Rappel des Idées par les Mots : (2) 3, il eft bien évident que tout le Cerveau n'eft „ pas plus le Siège du Sentiment , que tout 5, rOeil n'eft le fiege de la vifion,.. Il importe 3, fort peu à mes principes de déterminer pré- 5, ciiément quelle eft la Partie du Cerveau qui 35 conftitue proprement le Siège de l'Ame. lî 3, fuffit d'admettre avec rnoi qu'il eft dans le 3, Cerveau un lieu où l'Ame reçoit les impref- 3, fions de tous les Sens & où elle déploie fon 55 Adivité. 5, Quelle que foit donc la Partie du Cerveau que l'Anatomie envifage comme le Siège de rArae, il demeurera toujours très-probable que cette Partie qu'on peut voir & toucher n'eft que l'ex- térieur, récorce ou l'enveloppe dii véritable Siège de l'Ame. I>es dernières extrémités des: filets nerveux , la manière dont ces filets font ( 2 ) Voyez 1 Ecrit intitulé EJai d'Apflka^ion des Frln^ ^ij^cs ffychclogiciues de V4uteur. PHILOSOPHÎQ^UE, Part XVL i;? difporés & dont ils agiflent dans cet Organe univerfel , ne font pas des choies qui puiflent tomber fous les 5'ens de l'Anatoniifte & deve- nir l'objet de fes obfervations ou de fes expé^ riences. Ainsi , cette Partie du Cerveau que PAna- tomie regarde comme le Siège de l'Ame , elle ne la connoît à peu près point, & il n'y a pas la moindre apparence qu'elle la connoiife jamais ici-bas. ( 3 ) Ceft cette Partie qui pourroit ren- fermer le Germe de ce nouveau Corps deftiné dès l'Origine des Chofes à perfedionner toutes les Facultés de l'Homme dans une autre vie. Ceft ce Germe enveloppé dans des tégumens périifables quiferoitle véritable Siège de l'Ame humaine , & qui conftitueroit proprement ce qu'on peut nommer la Terfoyim de l'Homme. Ce Corps grofîier & terreftre , que nous voyons & que nous palpons, n'en feroit que l'étui 5 l'enveloppe ou la dépouille. Ce Germe , préformé pour un Etat futur , feroit impériflable ou indeftrudible par les Caufes . (^i) 1 1 Confukez fur rintérelTante queftion du Siège de l'Amç !a Note ^ que j'ai ajoutée à l'Ecrit intitulé Suite du rappe l des idées par les mots , qui fe trouve au-devaiit de cette PoT fingéfié/te. îî8 1' 4 L r 2^ G if N F: S I E qui opèrent la diiTolutioii du Corps terrellrs. Par combien de moyens di\^ers & naturels l'Au- TEUR de l'Homme n*ii-t-ïL pus pu rendre im- périliabie ce Germe de vie ? N'entrevoyons-nous pas allez clairement que la matière dont ce Ger- me a pu être formé & l'art iîiHni avec lequel elie a pu être organifée ^ font des caufes na- turelles & fuffirantes de confervation ? La célérité prodigieufe des penfées & des mouvemens de l'Ame, la célérité des mouve- vemens correfpondans des organes & des mem- bres paroiffent indiquer que Tlnftrument immé- diat de lapenfée & de Tadidn elt compofé d\inQ matière dont la fubtilité & la mobilité égalent tout ce que nous connoilTons ou que nous con- cevons de plus fubtil & de plus adif dans la Nwtture. Nous ne connoifTons ou nous ne concevons rien de plus fubtil ni de plus adif que i'Ether, ie Feu élémentaire ou la Lumière. Etoit-il im- polfible à r Auteur de l'Homme de conftruire inie machine organique avec les élémens de l'E- rher ou de la Lumière & d'unir pour toujours 'A cette Machine une Ame humaine ? Alfuré- ineut aucun Philofophe ne fiuroit difconvenir de la poiîibilicS de la chofe : fa probabilité ïq^ PHILOSOPHIQUE. Pan. XVI. 1^9 pofe pruici paiement , comme je viens de le dire, f':v: la célérité prodigieufe des opérations de TAme & fur celle des mouvemens correfpondans du Corps. Les impreflîons des Objets fe propagent en m\ inftant indiviiible des extrémités du Corps au Cerveau par le miniftere des nerfs. On a cru pendant long-tcms que les nerfs vibroient (4) comme les cordes d'un Inftrument de Muli- que , (& on expliquoic par ces vibrations la pro- pagation inftantanée des impreilîons. Mais , l'ap- titude à vibrer fuppofe l'élaiticité , & on are- connu que les nerfs ne font point élalHques. Il y a plus 5 il eft prouvé que tous les Corps organifés font gélatineux avant que d'être foli- des : les Arbres les plus durs, les os les plus pierreux n'ont été d'abord qu'un peu de gelée épailîie : on conqoi^ même un tems où ils pou- voient être prefque fluides. Quantité d'Animaux reftent purement gélatineux pendant toute leur Vie : les Polypes de différentes Clalfes en font des exemples , & tous ces Polypes font d'une fenfibilicé exquife. Comment admettre des cor- des élaftiques dans des Animaux (i mois ? (4) C'eft-à-dire , faifoicnt des vibrations ou execiitoicnt des TTionvemeus analogues à ceux d'un Fendille, mais incompara- blement plus prompts. ï4<> P A L Z :S' a F N £" S I E Puis donc que les nerfs ne font point ékûu ques 8c qu'il cH: des Animaux qui font toujours d'une molleife extrême, il faut que la propaga-. tion inftantanéc des imprefîions s'opère par l'in- tervention d'un fluide extrêmement fubtil & adif , qui réfîde dans les nerfs & qui concoure avec eux à la production de tous les phénomènes de la Senfibilité & de l'Adivicé de l'Animal. r^ C'est ce fluide qui a requ le nom de pdde jter-' veux ou à^efprits - animaux & que le Cerveau eft deftiné à féparer de la maîTe des humeurs. Je le difois d'après mon illuftre Ami , le Pli- îîE {s) de la Suifre:"le Cerveau du Poulet 5, n'eft le huitième jour qu'une eau tranfparente „ & fans doute organifée. Cependant le Fœtus. „ gouverne déjà fes membres y preuve nou-» „ velle & bien fenfible de l'exiftence des ef- 3, prits - animaux , car comment fuppofer des 55 cordes élaftiques [ 6 ] dans une Eau tranf- 5, parente.^ „ ( ç ) M, de HallÎ* , Corjid. fwr les Corp org. Article CXLIII. ( s j'ai def- PHILOSOPHIQ^UE. Part.XVI. isî fein d'afFoiblir ici les preuves que la Raifoii nous donne de i'exiftence d'une autre Vie. Je veux Cmplement faire fencir fortement que ces preu- ves , quoique très - fortes , ne fauroient nous conduire dans cette matière à ce qu'on nomme en bonne Logique la certitude morale. Qui efi; plus difporé que je le fuis à failir &, à faire valoir ce.s belles preuves , moi qui ai ofé en employer quelques-unes pour efTayer de montrer qu'il n'eli: pas improbable que les Animaux mêmes foient appelles à une autre Économie! [i] Je dirai plus ; ces préfomptions en faveur d'une E'conomie future des Animaux rendent plus frappantes encore les preuves que la Raifoa nous donne d'un Etat futur de l'Homme. Si le Plan de la Sagesse divine embraife jufqu'à la reftitution & au perfedionnement futurs du VermiiVeau , que ne doit-il point renfermer pour cet Etre qui domine avec tant de fupériorité & de grandeur fur tous les Animaux J Supposons qu'il nous fut permis de voir juCl qu'au fond dans la tète d'un Animal & d'y dé- mêler nettement les élemens de ce nouveau Corps dont nous concevons Ci clairement la poliibilité : ( I ) P^irt. I, II, III , XIV- IÇ4 PALINGFNrSIE fuppofons que nous découvriflîons diflindemenè dans ce nouveau Corps bien des chofes qni ne nous paruflent point du tout relatives à TEcono- mie préfente de l'Animal ni à l'Etat préfent de notre Globe j ne ferions-nous pas très-fondés à en déduire la certitude ou au moins la très- grande probabilité d'un Etat futur de l'Animal? Se ce grand accroiifement de probabilité à l'é- gard de l'Animal n'en feroit-il pas un plus con- fidérable encore en faveur de l'Etat futur de l'Homme ? Nous aurions donc ou à peu près cette cer^ titude morale qui nous manque & que nous dédirons , fi notre ConnoifTance intuitive pou-, voit percer le fond de l'organifation de notre Etre & nous manifefter clairement fes Rapports divers à un Etat futur. Mais , n'eft - il pas évi- dent que dans l'Etat préfent des Chofes , notre Connoiffance intuitive ne fauroit pénétrer jul- ques-là ? A£n donc que notre manière naturelle de connoitre par intuition [ 2 ] pût nous dé- voiler ce grand myftere , il feroit nécelfaire que nous acquifîions de nouveaux Organes ou de nouvelles Facultés. Et lî notre Connoiffance in- tuitive changeoic à un tel point , nous ne fe<^ { 2 ] Par le mihiftere des Sens. PHILOSOP HIHUE. Part. XVI. i^ rions plus précifémentces mêmes Hommes que Dieu a voulu placer fur la Terre ; nous ferions des Etres fort fupérieurs , & nous celferions d'ê- tre en rapport avec TEtat adluel de notre Globe. je fuis encore obligé de renvoyer ici à ce que j'ai dit des bornes naturelles de nos ConnoiiTances dans la Partie xiii de cet Ouvrage. L'Auteur de notre Etre ne pouvoit-iLdonc nous donner cette certitude morale , le grand objet de nos plus 'chers defirs , fans changer notre Conliitution préfente? La SUPREME Sa- gesse auroit-ELLE manqué de moyens pour nous apprendre ce que nous avons tant d'intérêt à fa- voir & à favoir avec certitude? Je conqoi'; fa- cilement qu'ELLE a pu laiflTer ignorer aux Ani- maux leur Deftination future : ils n'auroient plus été des Animaux s'ils avoient connu ou fim- plement foupqonné cette Deftination : ils au- roient été des Etres d'un ordre plus relevé , & le Plan de la Sagesse exigeoit qu'il y eût fur la Terre des Etres vivans qui fulfent bor- nés aux pures fenfations & qui ne puifent s'é- lever aux notions abftraite?. Mats , l'Homme , cet Etre intelligent «amo- ral , étoit fait pour porter fes regards au-delà çiu tems , pour s'éicver jufqu'à Fetre des êtres jç/î P A L I N G F N E* s I E & y puifer les plus hautes efpérances. La Sam GESSE ne pouvoit - elle se prêter aux efforts & aux defirs les plus nobles de la Raifon hu- maine , & fupplèer par quelque moyen à la foi- blefle de Tes Lumières ? Ne pouvoit - elle faire tomber fur l'Homme mortel un rayon de cette Lumière céleste qui éclaire les Intelligen- ces SUPÉRIEURES? Cette belle recherche , la plus importante de toutes celles qui peuvent occuper un Philo- fophe , fera Tobjet des Parties luivantes. C 157 ) D 1 X-S E P T I E M E PARTIE.! SUITE DES IDÉES SUR UE'TAT FUTUR DE LTIOMME. RECHERCHES SUR LE CHRlSTIANIS.lfE. LES MIRACLES. CHAPITRE I. Introduction aux Recherches fur le Christianisme. XL me femble que j'ai alTcz prouvé dans la Partie précédente, que not e ConnoifTance na- turelle ne fauroit nous conduire à !a certitudj 1^8 r A t I N G E" 2^ E" s ï B morale fur l'Etat futur de l'Homme. C'eO: tou.* jours en vertu du rapport ou de la proportion d'un Objet avec nos Facultés que nous par^ venons à faifir cet Objet & à opérer fur les idées qu'il fait naître. Si cette ptoportion n'exifte point, l'Objet eft hors de la fphere de nos Facultés , & il ne fauroit parvenir naturellement à riotrô connoiffance. Si l'Objet ne foutient avec nos Facultés que des rapports éloignés où indirèds, nous ne fautions acquérir de cet Objet qu'une Connoiflance plus ou moins probable : elle fera d'autant plus probable que les rapports feront moins éloignés ou moins indireds. Il faut tou- jours pour appercevoir un Objet qu'il y ait une certaine proportion entre la lumière qu'il réflé- ciîit & rOeii qui raiîemble cette lumière. Maintenant je me demande à moi-même, fi fans changer les Facultés de l'Homme , il étoit impofîible à l'AuTEUR de l'Homme de lui donner une Certitude morale de i^à deftinatioii future ? Je teconhois d'abord que je ferois de la plus abfurde témérité ii je décidois de l'impofîibilité de la chofe; car il feroit de la plus grande ab- furdité qu'un Etre auffi borné , auffi chétif que PHILOSOPHIQUE, Part XVIL 199 je le fuis ofât prononcer fur ce que la Puis- sance ABSOLUE peut ou ne peut pas. Mais, jufqu'ici je n'ai fait proprement que fuppofer rExiftence de ce premier être au- quel j'attribue la création de l'Univers. Il s'a- git à préfent de me convaincre moi-même de cette Exiitence, puifque c'efl: fur elle que repofe effentiellement tout ce que je puis af- firmer de la Deftination de l'Homme. Je ne crains point "de m'engager dans cette haute recherche : fi ce Grand Etre que je fuppofe exifte en efîct ; Çï je fuie son Ouvrage j s'il veut mon bonheur, comment douterois-je qu'iL ne m'ait donné des moyens de m'alTurer de son Exif- tence? comment préfumerois-je que la plus im- portante & la plus confolante de toutes les vé- rités ne foit point lufceptibîe de preuve ? Je fuis doué de Fvaifon : par elle je parviens à la connoiffance des Chofes , & par el!e je com- munique cette connoilfance à mes Semblables. Cette Raifon , qui me donne tant de fupério- rité fur tous les i\nimaux, eft apparemment le moyen que l'AuTEUR de mon Être m'a fourni pour m'élever jufqu'à lui & me convaincre qu'iL exilte. Je vais donc appliquer ma Raifon à l'examen de cette grande & fublime Vérité , dont toutes les Vérités que je connois décou- lent comme de leur premier principe. CHAPITRE IL Dieu Cre'ateùr et Le'gislateur. Preuves de Vexifience de cet Et RE SupreMé* E toutes ies vérités la plus évidente poui' moi eft que j'exifte. Si donc je ne puis révc* quer en doute ma propre exiftence , je puis af- firmer que quelque Chofe exifte* Je n'ai pas la même certitude qu'il exifte hors de moi un Univers précifément tel que celui dont j'ai les idées: mais, j'ai la certitude la plus parfaite de l'exiftence de mes idées , des différences qui font entr'elles & de l'ordre dans lequel elles fe préfentent à moi. Je ne fuis môme certain que j'exifte que parce que j'ai des idées ou que je penfe. Ainsi, foit qu'il exiftehors de moi un Uni- vers tel que celui dont j'ai les idées , foit que* cet Univers n'ait qu'une exiftence purement idéale ou qu'il n'exiite que dans mes propres idées 5 je fuis toujours aliuré que certaines chofes exidcî^t PIHLOSOPHIOUE. PartXVtL j6Î exiftent & qu'il cft un certain ordre entre ces C ho Tes. Tout ce qui exifte doit avoir une rai Ton pour- quoi il exirte & pourquoi il exifte d'une ma- nière plutôt que d'une autre. Ceci revient à dire que )e fuis conftitué de façon que je ne puis concevoir que le néant, produife quelque chofç* Si donc je me repréfente un tems où rien n'exif. toit, i! me feraimpoifibie de concevoir que quel- que chofe ait pu commencer d'être. Il y a donc une raifon pourquoi je fuis Se pourquoi je fuis d'une m^miere plutôt que d'une autre. Cette raifon efl: en moi ou hors de moi. Si elle eft en moi , j'exifte par la feule force de ma nature. J'ai donc toujours été & je ne puis celTer d'être : car s'il y avoir eu un tems où je n'étois point, je n'aurois jamais pu commencer d'être. Je ne puis donc ceffer d'être , puifque fi j'.it en moi la railon de mon exiftence , ma nature cft d'exifter. Si , au contraire, la raifon de mon exigence eft hors de moi , je n'exifte point par la feule force de ma nature j j'ai commencé d'être & Tomç XVL L i6z P A L I N G E' N E* S I Ê je puis celTer d'être. La Caufe de mon exiftence aura donc exifté avant moi ; car la Caufe eft antérieure à l'effet. Un Etre qui exifte par fa propre nature ou dont l'Efïence eft d'exifter , eft un Etre qui exifte nécejfairement, La non-exiftence d'un tel Etre fe- roit donc une contradidion. Un Etre qui exifte nécejfairement , eft donc un Etre qui ne peut pas ne point exifter n\ exifter autrement. La Métaphyfîque définit , en effet Je nécejfaire, ce qui eft & qui ne peut pas ne point être ni être autrement : ce qu'elle rend en d'autres ter- mes quand elle dit ; que îe NéceJJaire eft ce dont le contraire implique conîradi&ion on eft impojjl-^ Me en foi. Le nécejfaire eft donc tel par fa propre na- ture : il n'eft déterminable que d'une feule ma- nière : il eft effentiellement tout ce qu'il eft. Si le néceifdire étoit déterminable de plufieurs ma- nières , aucune de ces manières ne lui feroit eflentielle : il pourroit donc changer de manière d'être : il h impliqucroit donc plus contradidion qu'il pût être autrement : il ne feroit donc pluà PHILOSOPHIQ^UE. Part. XVÎl léi le nécsjjaire rigoureux ou métaphyfiquc , fuivaiic la définition du terme. Ainsi, dans la rigueur métapViyfique il ne fuffit point pour qu'un Etre foit nécejjaire , qu'il ne change point -, il faut encore qu'il ne puiife ' changer: il ne fuffit point que les Attributs de cet Etre demeurent conftamment les mêmes ; il faut encore que la nature d'un tel Etre exclue par elle-même jufqu'à la pofllbilité du changement de fes Attributs. Un Etre qui ne changeroic jamais , mais qui pourroit toujours changer ne feroit donc pas un Etre nécejfaire au fens mé- taphyfique. Tout Etre exifte d'une manière déterminée: il elt ce qu'il eft. La même Chofe ne peut pas être & n'être pas en même tems j être à la fois de plufieurs manières différentes. L'Etre néceffaire exifte donc d'une manière déterminée : & parce que fa manière détermi- née d'exifter eft inféparable de fon exiftence , fa manière déterminée d'exiltcr eu aufli nécef- faire que fou exiltence. Il eft donc ejjeiitielleïr.snt ce qu'il eft , puifque s'il p0uv9.it être autrement, il nç ferai t pas 7îéceifah'e, L % Ceci eft d'une évidence parfaite : TEtre don$ VEjfence cil d'exifter , exiftc avec certaines dé- terminations ou certains Attributs qui conCli- ,tuent fa nature ou en vertu defquels il eft ce qu'il eft. Or j puifque ces déterminations ou ces Attributs conftituent rEifence de cet Etre, & que cette Eiience eft d'exifter 5 il s'eniiiit que les déterminations ou les Attributs de cet Etre ne peuvent changer j car ils font cet Etre lui-même. Les déterminations ou les Attributs de l'Etre îiécejfaire font donc immuables. Ainsi , je nomme conthwenf tout Etre qui feut exifter ou ne pas exifier ou qui peut exijier d'une autre manière. J'ai la plus parfaite certitude que je change à chaque inftant. L'état où j'étois il n'y a qu'un moment n'eft plus celui où je fuis dans le mo- ment préfent. La raifon démon exiftence n'eft donc pas en moi; je n'exifte donc pas par ma propre nature ; je ne fuis donc pas un Etre jîécejjaire 'y mes déterminations font variables i j'ai un fentiment très-clair des changemens qui me fui viennent : je fuis donc un Etre contingenta Si j'applique ce raifonnement à TUnivers , tel que je le conçois hors de moi , j'aurai b JP H IL 0 S OP Hl 0 UE. Part XVII i ^^ înème réfultat elTentiel. Il fera vrai encore que rUnivers porte tous les caraderes de la co}i^ thîgence. J'entends par VUmvers , cet AiTëmblage- d'E- tres que je me repréfente comme exiftans hars de moi. Cette repréfentation eft très - réelle , , quoique 1 Objer puiifc être très différene des 'idées que je m'en forme. Je -r^i recdnno 5 }e' iie fuis pas plus fur que j'exifte , que je le fuis que j'ai des idées. Gr , mes idées me repréfentenc un Univers comme exiftant hors de moi , & cette repréCentation efl indépendante de ma Volonté. Je raifonne donc fur cet Univers , comme fi j'étois alfuré qu'il exifte hors de mon Entende- ment de la même manière que je mti le £gure ou au moins d'une manière analogue. Si mes con- féquences repofent fur des principes certains ; fi elles découlent immédiatement c^e ccs.'princî- pes j ma conclufion générale n'en demeurera pas moins vraie , foit que l'Univers exifte réelle- ment hors de moi, foit qu'il n'exiftc que dans mes idées. ( i ) [i] Le célèbre RulfingeR , quia Tr bien mérité de la Philofophie, avoit débuté comme moi dans fri. Démo:ill:rations. ^e l'Exiftcnce de Dieu. Je l'ignorois quand je compofois ceci', un Ami vient de m'en avertir , & je me félicite d'autant ^Uis de m'êtrc, rencontré avec ce i^g'^ & profond Métapliyfir 166 PALINGPNFSIE Tous les Etres qui m'environnent ou donc j'ai les idées font dans un changement eonti- nuel. Je n'en connois aucun dont je puifle lé- gitimement afifirmer qu'il eft le mêvne deux inf- tans. Je fuis aufîi affuré de ces changemens que je le fuis que j'ai les idées de ces Etres. Des Etres qui changent continuellement ne font donc pas des Etres nécejjaires au fens que j'ai attaché à ce mot. Les Etres qui m'environnent ou que je me reprcfente comme cxiftans hors de moi font donc des Etres contingens, La non-exittence de ces Etres ne feroit donc pas une contradic- tion i puifque leur manière d'exifter changeant continut'Wement ils n'ont rien en eux-mêmes qui les détermine à cxifter d'une manière plu- tôt que d'une autre. Leur Eifence n'eft donc pas d'exifter : ils ne font pas ejfentiellement tout ce qu'ils font: car fi leur Eifence étoit d'exifter» leur manière d'être dans un inftant donné fe- roit telle qu'il impHqueroit contradidion qu'elle lie fût point ou qu'elle pût celfer d'être. La chofe eft évidente: dans un Etre dont l'Eilence cft d'exifter , tout ce qui le fait être comme il eft ne peut ni celfer d'être ni être autrement : la raifon en cft que ce qui le fait être comme il eft, eft foa Eifence elle-même , & cette Eifence cien , que j'en fuis plus fur d'avoir fuivi luie bonne route pofiir parvenir à établir folideraent la grande vérité dont il s'agit. VHILOSOf HIHUE, Part XFIL 1^7 étant d'exifter , ce qui le fait être comme il eft ne peut ni cefler d'être ni être autrement. Ces Etres que je me repréfente commqexif-. tans hors de moi forment cet Aflemblage que je nomme F Univers. Si dona ces Etres chan- gent fans cefTe, TAfTemblage qu'ils compofent doit changer auflî 5 car cet AiTcmblage n'eft que ces Etres eux - mêmes confidérés dans leur En- femhle. L'Univers n'a donc pas une exiftencç plus néceffaire que les Etres qui le compofent: il eft donc contingent. J'observe encore que cet Aflemblage que je déCignc par le mot d' Univers n'eft qu'une no- tion très - générale fous laquelle je me repré- fente une multitude prefqu'infinie d'Etres divers. L'Univers n'eft donc proprement qu'une abftrac- tion de mon Efprit : il n'eft pas un Etre réel ; mais il eft la Collection d'un nombre prefqu'infini d'Etres particuliers. Ce font donc ces Etres dont je confidere l'exiftence comme quelque chofe de réel , & Ci cette exiftcnce eft contingente , il faut bien que l'Enfemble qui en réfulte foit contingent auiîî. Une autre confidération s'offre à mon Efprit : tous les Etres ç^ui tombent fous mes Sens font L4 1^8 ' P A L I N G F N r S I F^ compofés. Jy découvre des parties diftindles & dans ces parties d'autres encore: je parviens, jnème à m'aifurer que je ne faorois atteindre au dernier ternie de cette compofition. Des Etres^ compofés peuvent donc èt'e décompofés , & j'en vois un grajid nombre qui le font en effet. Tous peuvent l'être par la penfée. Or , des Etres, qui réiiiltentde l'af^grégat d'une multitude d'au- tres Etres ne peuvent poOéder unç exiftence ?;e- cejfaire ; puifque la feuie pojpTibilité de h ur dé- compolition fuffiroit pour que leur non - exif- tence ne fut pas une contradidiou. Si je conqois les Compofés divifés jufques^ dans leurs dernières parties , je pourrai nommer ces parties les éiémens ( 2 ) des Compofés \ dé- ÇignQï en fuite ces élémcns eux-mêmes par le mot plus général de Matière, & donner aux dilfé- rens aggrégaj^ de la Matière le nom général de Corps. Si je viens à confidércr les différens Corps, qui tombent fous mes Sens , je reconnoîtrai [-3 Je prenik ici le mot à' éiémens dans le fens iifité en Fhyjique , & point du tout dans celui de Leibnitz & de. ies Dirçiplcs.,.Ott voit afTcz. quç racception que je ^ipnae ici â ce mot eil relative au point de vue fous lequel j'envifage moix Sujet & au but particuHer que je me propofeo V HIL OSO PH ï HUE. Part. XVII. 159 l)ientôt qu'ils ont tous que^ue chofe de commun ; que tous Ibnt étendus , impénétrables , réiillans; & parce que ces propriétés font abfolument in- féparables de Tidée qwî j'ai du Corps , je les nommerai les Froprietés e^entieîles- des Corps. Poussant enfuite plus loin mon examen , je remarquerai que ÏEtendtte eft toujours figurée [ij puifqu'il eft très-évident que le contraire de ce que je penfe qui arrivera eft toujours poflibie. Mais , cette (impie pofTibi- lité ne fauroit le moins du monde contrebalan- cer dans mon Efprit ce nombre fi confidérable d'expériences conftantes qui fondent ici ma croyance analogique. Il me femble que je choqucrois le Sens com- mun Cl je refufois de prendre l'analogie pour guide dans des Chofes de cette nature. Je me- nerois la vie la plus miJerable s je ne pourrois même pourvoir à ma confervation : car Ci ce que je connois des alimens dont je me fuis toujours nourri , ne fuffifoit point pour fonder la certi- tude où je fuis que ces alimens ne fe cwwer- [i] Lorsque j'ai examiné en détail un certain nombre de Chofes & que j'ai trouvé conftamment dans toutes les mêmes Propriétés effentiellps , je crois être fendéà en inférer que les Chofes qui me paroiflfent précifémcnt femblables à celles-là, mais que je n'ai pas examin.'es dans le même déUil , font aufli douées des mêmes Propriétés. Cette minière de juger eft ce que ^cs Lo^-i^^iens norçment V analogie. M 3 182 PALINGFNFSIE tiiont pas tout d'un coup & à propos de rien en véritables poifons , comment pourrois-je ha-- farder d'en manger encore ? Je fuis donc dans l'obligation très - raifon- nable d'admettre qu'il eft dans la Nature un certain Ordre confiant fur lequel je puis établir des jugemens , qui (ims être des démonftrations , font d'une telle probabilité qu'elle fuffit à mes befoins. Mes Sens me manifeftent cet Ordre; ma Fa- culté de réfléchir m'en découvre les réfultats les plus efîentiels. U Ordre de la Nature eft donc à mes yeux le réfultat général des rapports [ 2 ] que j'apper- qois entre les Etres. Je regarde ces rapports comme invariables ^ parce que je ne les ai jamais vu & qu'on ne les a jamais vu varier naturellement. Je déduis raifonnablement de la contempla- tion de ces rapports l'Intelligence de la Cause [ 2 ] " J'ENTENDS en général par ces rapports , ces Pro- 5, priétés, CCS Déterminations en vertu defquelles différens 5, Etres confpireafc aa mémo but ou concourent à produire uiv 5j certain efiet. ^' Ejlfi cinulyt. para^\ 49. THlLOSOPHlÇiVE. Vart.XVU. i%% KÉCESSAIRE: c'eft que plus il y a dans un Tout de Parties & de Parties variées qui con- courent à une fin commune , & plus il e(t pro- bable que ce Tout n'cft point l'Ouvrage d'une Caufe aveugle : c'eft que m'étant démontré à moi-même que la Matière cft contingente & que le Mouvement ne lui eft point ejjentiel , je ne puis placer dans la Matière & le Mouvement la raifon fuffifante de ce qui eft : c'eft qu'afligner la raifon fuffifante d'une Chofe n'eft pas fimple- ment donner une Caufe à cette Chofe; c'eft afîîgner un Principe par lequel on puiiTc conce- voir clairement pourquoi cette Chofe eft oc pour- quoi elle eft comme elle eft & non autrement : or, ce n'eft que dans I'Intelligence néces- saire que je trouve lu raifon iufïîfante de la manière d'être de l'Univers ; comme ce n'eft que dans la Puissance nécessaire que je trouve la raifon fuffifante de l'exiftence ou de fadualité de l'Univers. Si les Loix de la Nature réfuîtent efTentieîle- tiellement des rapports qui font entre les Etres v [ 3 ] fi ces rapports , confidérés en eux-mêmes, ne font pas néoelfaires , il me paroît que Je puis ( 3 ) "Les Loix de la mture font en génér??les réfuîtaU 5, ou les confequ>;iices des rapports qui font c^<^'^ les Etres. ,? £fiii atinlyt. §. 40. M 4 184 P A L I 1^ G F J^ F S I E en déduire légitimement que la Nature a ujei LÉGISLATEUR. La Lumière ne s'efl; pas donné à elle - même fes propriétés , & les loix de fa réfradiom & de fa réflexion réfultent des rap- ports qu'elle (butient avec diiférens Corps foit liquides , foit folides. T 4 ) Je m'exprimerois donc d^une manière fort peu exadte , fi je difois , que les Loix de la Naj titre ont approprié les moyens /? la fin : [ ^ ] c'eft que les Loix de la Nature ne font que de fimples effets 5 & que dans mes idées, des effets fuppo- fent une Caufe ou pour m^exprimer en d'autres termes, l'exiftence aduelle d'une Chofe fuppofe l'exiftence relative d'une autre Chofe , que je i'egarde comrne la raifpn de l'adualité de h première. St la Nature a requ des Loix , Celui qui les lui a impofées a , fans doute , le pouvoir r4] La Lumière fe propage en ligne droite. Sa réfradion eft settt propriété en vertu de laquelle fes rayons fe plient ou fe ^rourbent en pafTant d'un milieu .dans un milieu d'efpece diffé- rente j par exemple , de l'Air dans l'Eau eu de l'Eau dans l'Air. l,^ réflexion delà Lumière eft cette propriété par laquelle elle ré- JiMlit ou paraît réjaillir de dcffus les Corps. L'expérience découvre ^"es proprifc^is & leurs loix j la Géométrie les calcule. ' S 1 E-ncyclopéii^ de Paris, au mot Feuilles d^s Platiteso PHILOSOPHIflUE. Part. XVIL i8s de les fufpeildre, de les modifier ou de les di- riger comime II lui plait. Mais, fi le Législateur de la Nature e(l aufîî Sage que Puissant, il ne fufpeiidra ou ne modifiera Tes Loix , que lorfqu'elles ne pourront fuffire par elles - mêmes à remplir les vue de SA Sagesse : c'eft que la Sagefle ne confifte pas moins à ne pas multiplier fans né- ceffité les moyens qu'à choifir toujours les meil- leurs moyens pour parvenir à la meilleure fin. Je ne puis douter de la Sagesse du Légis- lateur de la Nature , parce que je rie puis douter de I'Intelligence de ce Législa- teur. J'obferve que plus les lumières de l'Hom- me s'accroi/Tent , & plus il découvre dans l'U- nivers de traits d'une Intelligence forma- trice. Je remarque même avec étonnement que cette Intelligence ne brille pas avec moins d'éclat dans la ftrudure du Pou ou du Ver-de-terre , que dans celle de l'Homme ou dans la difpofition & les mouvemens des Corps céleftes. Je conçois donc que I'Intelligence aui a été capable de former le Flan immenfe de VU- 18^ PALITrCJ^NFSlE ni vers eft au moins la plus Parfatte des Ih- TELLIGENCES. Maïs, cette Intelligence réfide dans un Etre Nécessaire: un Etre née ejjaire efl: non feulement celui qui ne peut pas ne pas être ; il cft encore celui qui ne peut pas être autremento Or , un Etre dont les Feriedions feroient fufcep- tibîes d'accroilfement , ne feroit pas un Etre véceffaire , puifqa'il pourroit être autrement. J'inFere donc de ce raifonnement , que les Per- fections de I'Etre NÉCESSAIRE ne font pas fufceptiblcs d'accroiifenient & qu'ELLES font abfolument ce qu'sLLES font. Je dis abfolumeni ^ parce que je ne puis concevoir des degrés dans les Perfections de TEtre Néccssaire/ Je vois très - clairement, qu^un Etre borné peue être déterminé de plufieurs manières , puifquc je conçois très-clairement le changement poiîible de fes bornes. Si TEtre Nécessaire poiTede une Intel- ligence fans bornes, ii poiTédera auffi une Sagesse fans bornes ; car la Sagelfe n'eli: propre- ment ici que l'Iritelligence elle-même , en tant qu'elle fe propofe uns fin & des moyens rela-. tit's à cstte fin. FHILOSOP HlflVE, ParLXVïL 187 L'Intelligence Créatrice n'aura donc rien fait qu'avec SageiTe : elle se fera propolé dans la création de chaqu'Etre la meilleure fin polUble & aura prédéterminé les meilleurs moyens pour parvenir à cette fin. CHAPITRE IV. Vamoiir du bonheur fondement: des Loix naturelles de P Homme, Conféquence en faveur de la perfe&ion du Syjiéme moral. Les Loix de la Nature Langage du . Législateur. Je fuis un Etre Tentant & intellii^ent : il eft dans la nature de tout Etre Tentant & intelli- gent de vouloir fentir ou exifter agréablement , & vouloir cela c'eft s'aimer foi-même. L'amour de foi~mèmc ne diffère donc pas de l'amour du bonheur . Je ne puis me diilimuler que l'amour du bonheur ne foit le principe univerfel de mes sciions. ïS8 VALI^GFVFSIE Le bonheur ell; donc la grande fin de nioiî Etre. Je ne me fuis pas fait moi-même ; Je ne me fuis pas donné à moi-même ce principe uni- verfel d'a-âion : I'Auteur de mon Etre ciui a mis en moi ce puiflant reflbrt m'a donc créé pour le bonheur. J'entends en général par le bonheur , toufe ce qui peut contribuer à la confervation & au perfedionnement de mon Etre. Parce que les Objets fenfibles font fur moi une forte imprefîîon , & que mon Intelligence efl: très-bornée , il m'arrive fréquemment de me méprendre fur le bonheur & de préférer un bonheur apparent à un bonheur réel. Mon expé- rience journalière & les réflexions qu'elle me fait naître me découvrent mes méprifes. Je recon- iiois donc évidemment que pour obtenir la fin de mon Etre, je fuis dans l'obligation étroite d'ob- fervcr les Loix de mon Etre. Je regarde donc ces Loix comme les moyens naturels que I'Auteur de rnon Etre a choi- fis pour me conduire au bonheur, (f) Comme elles réfultent effentiellement des rapports que ( I ) Voyez Part. XV, Chap. VI. Voyez encore Part. Vllf ? Chap, III. ' PHILOSOPHIQ^UE. Part. XVII. 139 je foutiens avec ditîérens Etres & que je ne fuis poilit le maître de changer ces rapports , je Yois naanifeftement que je ne puis violer plus ou moins les Loix de ma Nature particu- lière 5 fans m'éloigner plus ou moins de ma véritable fin. L'expérience me démontre que toutes mes Facultés font renfermées dans certaines limites naturelles & qu'il eO: un terme où finit le plaifîr 8c où commence la douleur. J'apprends ainfi de l'expérience que je dois régler l'e- xercice de toutes mes Facultés fur leur por- tée naturelle. Je fuis donc dans l'obligation philofophi- que de reconnoître qu'il eft une fandion na- turelle des Loix de mon Etre , puifque j'é- prouve un mal lorfque je les viole. Parce que je m'aime moi-même & que je ne puis pas ne point defirer d'être heureux , je ne puis pas ne point deiîrer de conti- nuer d'être. Je retrouve ces defirs dans mes Semblables , & H quelques-uns paroiffent fou- haiter la ceifation de leur Etre j c'eft plutôt le changement de leur Etre que l'Auéantiife- nient qij'ils fuuhaitent. if)o PALINGFNFSIE Ma Raifon me rend au moins très -proba- ble que la mort ne fera pas le terme de Ise durée de mon Etre. Elle me fait entrevoir des moyens phyllques préordonnés qui peu- vent prolonger rMon Humanité au-delà du tom- beau. Elle m'alTure que je fuis un Etre per- fedible à l'indéfini : elle me fait juger par les progrès continuels que je puis faire vers le bon & le vrai dans mon état préfcnt . de ceux que je pourrois faire dans un. autre état où toutes mes Facultés feroient perfcdionnées. Er.fin i elle puife dans les notions les plus phi- lolopliiques qu'elle fe forme des Attributs DIVINS & des Loix naturelles de nouvelles confidérations qui accroiifent beaucoup ces dif- férentes probabilités. Mais , ma raifon me découvre en même tems , qu'il n'ell point du tout dans Tordre de mes Facultés iiduelles que j'aie fur la fur- vivance de mon Etre , plus que de fimples probabilités. (2) Cependant , ma Raifon elle-même me fait fentir foitement combien il importeroit à mon bonheur , que j'euiie lur mon Etat futur plus ( 2 ) Voyez ce que j'ai dit là-deffus dans le Chap. II dek^ Fait. XVI. PHILOSOPHIQUE. JPart. XVIL 19I que de (impies probabilités ou au moins une fomme de probabilités telle qu'elle fût équivalente à ce que je nomme la certitude morale. Ma raifon me fournit les meilleures preu- ves delà Souveraine Intelligence de l'Au- TLUR démon Etre: elle déduit très -légitime- ment de cette Intelligence la Souveraine Sagelie du vtRand Etre. (^) Sa Bonté fera cette Sagesse elle-même occupée à pro- curer le plus grand bien de tous les Etres fen- tans & de tous les Etres intelligens. Cette Sagesse Adorable ayant fait entrer dans Son Plan le Syftême de l'Humanité a voulu, fant doute , tout ce qui pouvoit contribuer à la plus graande perfection de ce Syftème. Rien n'étoit affurément plus propre à pro- curer la plus grande perfedion de ce Syftème que de donner aux Etres qui le^ compofent , une certitude morale de leur Etat future & de leur faire envifager le bonheur dont ils joui- ront dans cet Etat comme la fuite ou la conféquence de la perfedion morale qu'ils au- ront taché d'acquérir dans l'Etat préfent. [5 J Voyez dans le Chap. III ce «juc j'ai ex^ofé fur ce fiijet. i^i F A L I N G F N E' S î É Et puifque l'Etat aduel de rHumanité rië comportoit point qu'elle pût parvenir à fe convaincre par les feules forces de la Rai- fon de la certitude d'un Etat futur , il étott , fans contredit , dans l'ordre de la Sagesse , de lui donner par quelqu'autre voie une alfu- rance fî iiéceifaire à la perfedion du Syftême moral. Maïs , parce le Plan de la Sagesse exigeoit apparemment qu'il y eût fur la Terre des Etres intclligens , mais très-bornés , tels qtre les Hommes; elle ne pouvoit pas changer les Facultés de ces Etres pour leur donnet une certitude fiiffifante de leur Deftinatiuii future. Il falloit donc que la Sagesse employât dans cette vue un moyen tel que fans être ren- fermé dans la fphere adueile des Facultés de l'Homme , il fût cependant (î bien approprié à la nature & à l'exercice le plus raifonnable de fes Facultés , que l'Homme pût acquérir par ce moyen nouveau le degré de certitude qui lui manquoit & qu'il dcllroit fi vivement. L'Homme ne pouvoit donc tenir cette cer- titude fi defirable que de la Main même de l'AuTEUR de fon Etre, Mais , par quelle vaie particulière PHILOSOPJilHUE. Part. XVÎL 19^ J)articuliere la Sagesse pouvoic-ELLE convainc cre l'Homme raiionnable des grandes vues qii'cLLE avuit formées fur lui? A quel fii^iiG l'Homme railbnnable pouvoit-il s'aiTurer que la Sagesse elle-même parloit ? J'ai reconnu que la Nature a un Légis- lateur , & reconnokre cela c'eft reconnoitre en même tems que ce Législateur peut fufpendre ou modifier a fou gré les Loix qu'il a données à la Nature. Ces Loix font djnc , en quelque forte , le Langage de l'AuTEUR de lu Nature ou l'ex- prellion phyfique de sa Volonté. Je conçois donc Facilement que PAutlUR de la Nature a pu fe feuvir de ce Langage pour faire connokre aux Hommes avec certitude ce qu'il leur importoit le plus de fi- voir & de favou* bien, & que la Raifoii feule ne faifoit guère que leur indiquer. Ainsi , parce que je vois évidemment qu'il n'y a que le LÉGii^LATEUR de la Nature qui pui.^e en modifier les Loix , je me crois fondé xaifonnablement à admettre qu'il a parié , lori- que je puis m'alTurer raifonnablemcnt que cer- Tome Xyi. N i9Ï "PALIVGFlsBSIE taines modifications frappantes de ces Loi3B ont eu lieu & que je puis découvrir avec évi- dence le but de ces modifications. Ces modifications feront donc pour moi des pgnes particuliers de la Volonté de I'AuteUR de la Nature à l'égard de l'Homme. Je puis donner un nom à ces fortes de inodifications , ne fût ce que pour indiquer les changemcns qu'elles ont apporté à la marche ordinaire de la Nature : je puis les nommer des Miracles ^ & rechercher enfuite quelles idées je dois me flûre des Miracles. CHAPITRE V. Les Miracles : idées fur leur nature, J E fais aflez qu'on a coutume de regarder vin Miracle comme l'effet d'un A de immédiat de la Toute-Puissance , opéré dans le Tems , ^ relativement à un certain but moraU PHIL OSOPHÎQ^UE. Pwt. XVIL 19c Je fais encore qu'on recourt communément à cette interve ntion immédiate de la Toute- Puissance , parce qu'on ne juge pas qu'un Miracle puilFe être re n fermé dans la fphere des Loix de la Nature. Mais , s'il eft dans la nature de la SagelTê •le ne point multiplier les ades fins nécefîité y Ci la Volonté efficace a pu produire ou pré- ordonner par un ade unique toutes ces modi- cations des Loix de la Nature que je nom- îïie des Miracles , ne fera-t-il pas au moins très-probable qu'elle l'aura fait ? ÎSi la Sagesse éternelle qvi n'a aucune relation au Tems , a pu produiie hors du Tems rUniverfalité des Chofes , elt-il à préfumer qu'elle fe foit réfervé d agir dans le Tems Ik de mettre la main à la Machine comme" l'Ouvrier le plus borné ? Parce que je ne découvre point comment un Miracle peut être renfermé dans la fphere des Loix de la Nature , ferois-je bien fondé à en conclure, qu'il n'y eft point du tout ren- fermé? Puis -je me perfuader un iiiftant que je coni:ioilfe à fond les Loix de la Nature? ne vois je pas évidemment que je ne connois N % qu'une très - petite partie de ces Loix & que même cette partie li petite je ne la connoiâ qu'imparfaitement t* Comment donc oferois- prononcer fur ce que les Loix de la Nature ont pu ou n'ont pas pu opérer dans la main du Législateur, Il me femble que je puis fans témérité aller un peu plus loin : quoique je fois un Etre ex- trêmement borné 5 je ne lailfe pas d'entrevoir ici la polîibilité d'une préordination relative à ce que je nomme des Miracles, Des méditations alfez profondes fur les Fa- cultés de mon Ame m'ont convaincu que l'exer- cice de toutes ces Facultés dépend plus ou moins de l'état & du jeu des organes. 11 eft même peu de vérités qui foient plus générale- ment reconnues. J'ai affez prouvé dans un autre Ouvrage ( i J que les perceptions , l'At- tention , l'Imagination , la Mémoire , &c. tien- nent eifentiellement aux mouvemens des fibres fenfibles & aux déterminatio>is particulières que î'aélion des Objets leur imprmie , qu'elles con- fervent pendant un tems plus ou moins long, (i) V EJf ai A'tiulytiqiie fur k s Facultés de l'Ame, publié eâ 4760. THILOSOPMl^TfK Tort. XVII, Î97* & en vertu defquellcs ces fibres peuvent re- tracer à r/Vme les idées ou les images des Ob- jets. (2) Cest une Loi fondamentale de l'Union de^ TAme & du Corps que lorfque certaines fibres fenfibles font ébranlées , TAme éprouve certaines l'en rations : rien au monde n'eft plus conftant, plus invariable que cet effet. Il a toujours lieu, foit que l'ébranlement des fibres provienne de Fadion même des Objets , foit qu'il provienne de quelque mouvement qui s'opère dans la Partie du Cerveau qui eft le fiege de toutes, les opérations de TAme. Si une foule d'expériences (3) démontre: [ 2 ] Il ne faudroit pas in objefter qu'il feroit pofllble que TAme /jchT^c^ fans Corps. J'accorderai, fi l'on veut, cette pof- fibilité : mais, je demanderai fi Ton fait tant foit peu ce que feroit une Ame humaine féparée de tout corps ? On ne con- noît uu peu l'Ame humaine que par fon union avec le Corps : . de cette union réfulte effentiellement un Etre-mixée c{in porte le nom d'Homme , & qui eft appelle à durer toujours. Si donc l'Homme doit durer toujours, fon Ame penfera toujours par le miniftere d'un Corps. Voyez Part. XVI , Chap. I. Ainfi , à quoi bon élever la queftion , fi l'Ame peut pe;z/>r fans Corps ?, l'Homme n'eft point un Efprit-pur & ne le fera jamais. Je lenvoie ceux qui defireront plus de détails fur cette queftion aux Articles XVI, XVIII, XIX de mon Anulyfe abrégée. [3] Les Livres de Médecine & ds Pbyfique font plciii^., ■ N 3 ï9g P A L I N G F N E" S î S ' que rimagination & la Mémoire dépendent âû l'organifation du Cerveau, il eft par cela même démontré que la repiodudion ou le rappel dç telle ou de telle idée dépend de la reproduc- tion des mouvemens dans les fibres fenfibleS; appropriées à ces idées. Nous repréfentons toutes nos idées par des fignes d'iiiditutioa, qui affedent Fœil ou l'i-rcille. Ces fignes font des caraderes ou des, mots. Ces mots font lus ou prononcés : ils s'im- priment donc dans le Cerveau par des fibres de la Vue ou par des fibres de l'Ouie. Ainfi, foit que le mouvement fe reproduife dans des fibres de la Vue ou dans des fibres de l'Ouie, les mots attachés au jeu de ces fibres feront également rappelles à l'Ame , & par ces mots, les idées qu'ils font dcftinés à repréfenter. Je ne puis raifonnablement préfuppofer que. tous mes Ledeurs pc^redeut auiîî bien que moi mes principes pTychoiogiques 5 (4) je fuis d'obfervaduns qui prouvent que des accidcns purement phyfi- ques affoibliirent , altc'rent ou détruifent même eutiéremeut l'Imagination & la Mémoire. Rien de mieux conftatc ;& révo- quer en doute de pareils faits ce feroit renoncer à toute certi- tude, hiitorique. 1^ [4] La Ffychologis "qH la, Science de l'Ame. Les prigcipes PH ILOSOPHIUUE, Part.XVlT. 199^ donc obligé de renvoyer ceux qui ne les pcf- fedent pas aflez aux divers Ecrits dans lefquels je les ai expofés en détail. Ils feront bien fur-tout de relire avec attention l'Ecrit fur le Rappel des idées par les Mots & fur tAjfociation des idées en général. DÈS que je me fins une fois convaincu par l'eXr périence & par le raifonnement que la pror dudion & la reproduction de toutes mes idée$ tiennent au jeu fecret de certaines fibres de mon Cerveau , je conçois avec la plus grande facilité que la Sagesse supkeme a pu pré- organifer au commencement des Chofcs cci- tains Cerveaux de manière qu^il s'y trouveroit des fibres dont les déterminations ( 5 ) <^ ^^^ mouvemens particuliers répondroient dans un tems marqué aux Vues de cette Sagesse aDO- KABLE. Qpi pourroit douter un inftant que n nous étions les maîtres d'ébranler à notre gré ctï- «[u'on puife dans cette Science font donc des principes pfycho- logiques. [ S ] Mot qui exprime certaines conditions phyfiqucs dcfri- «ées à rappeller à l'Ains t^l ou tel %no , & par ce figne teU^- •u telle idée. N4 %09 PALIl^iarNFSIE taines fibres du Cerveau de nos Semblables 5^ par exemple , les fibres appropriées aux mots^ nous ne rappelhifions à volonté dans leur Ame telle ou telle fuite de mots & par cette fuite une fuite correfpondante d'idées ? Répé- terai-)e encore que la Mémoire des mots tient au Cerveau , & que mille accidens qui ne peu- vent affecter que le Cerveau , aifoibliffent & détruifent même en entier la Mémoire des mots ? Rappellerai - je ce Vieillard refpeda- blc , dont j'ai parlé dans VEJfaî analytique^ §. 676 . qui avoit en pleine veille des fuites nom- breufes & variées de vifions abfolument indé- pendantes de fa Volonté , & qui^ie troubîoient janidis fi Ruifon ? Répéterai-je que le Cerveau de ce Vieillard étoit une forte de Machine d'Optique qui exécutoit d'elle-même fous les yeux de l'Ame toutes fortes de décorations & de pcrmudives 1 On ne s'a vi fera pas non plus de clouter que Dieu ne puifl'e ébranler au gré de sa Volonté les fibres de tel ou de tel Cerveau , de manière qu'elles traceront , à point nommé, à l'Anie une fu te déterminée d'idées ou de mots & une telle ccmbiiiaifon ucs unes & des autres , que cette çombinaifou lepréfentera plus ou moins figu» PHILOSOPHIflUK Pan. XVH. t9ï rément une fuite d'événemcns cachés encore dans l'abîme de l'avenir ? Ce que l'on conçoit Ç\ clairement que DiElj pourroit exécuter par son Aclion immédiate fur un Cerveau particulier , n'auroit il pu le prédéternwier dès le commencement ? Ne con- çoit - on pas à peu près aufîi clairement , que Dieu a pu préordonner dans tel ou tel Cerveau & hors de ce Cerveau des caufes purement phyfiques , qui déployant leur adion dans un tems marqué par la Sagesse , produiront pré- cifément les mêmes effets que produiroit l'Ac* tion immédiate du PR£?,îiER Moteur ? C'ÉTOIT ce que j'avois voulu donner à en^ tendre en terminant ce paragraphe 67^ de 1'^^ fai analytique^ auquel je viens de renvoyer: mais , je doute qu'on ait foit attention à cet en- droit de l'Ouvrage. " Si les Vidons prophéti- sa ques , difois - je dans cet endroit , ont une „ caufe m.atérielle, Ton en trouveroit ici une „ explication bien fimple & qui ne fuppoferoic 35 aucun Miracle '. (^ 6 ) Ton conçoit alfez que 55 Dieu a pu préparer de loin dans le cerveau „ des Prophètes des caufes phyfiques propres [ 6] Je prenois ici le mot de Miracle dans le feus qu'a» attache commun e'ment à ce mot. io% PALIN&irNFSIS ,5 à en ébranler dans un tems déterminé les 6w 55 bres fenfibles ftiivant un ordre relatif aux „ événemens futurs qu'il s'agilfoit derepréfen- j5 ter à leur Efprit. „ L'auteur de VEffai de Ffychologie (7) qui n'a pas été mieux lu ni mieux entendu que moi par la plupart des Ledeurs , & qui a tâché de renfermer dans un aifez petit Volume tant de principes & de grands principes , a eu la mèms idée que j'expore ici. Dans le Chapitre XXI de la Partie vi de fes Principes Fhiiofophiques s il s'exprime ainfi : 53 Soit que Dieu agilTé immédiatement fur 55 les fibres repréfentatrices des objets , & qu'il 55 leur imprime des mouvemetis propres à exj- 55 primer ou à repréfenter à l'Ame une fuite 55 d'événemens futurs 5 Toit que DiEU ait créé 55 dès le commencement des Cerveaux dont les 3j fibres exécuteront par elles-mêmes dans un 55 tems déterminé de femblables Repréfentations j ^ l'Ame lira dans l'avenir: ce fera un EsAÏEs,. 35 un JÉRÉMîE , un Daniel. „ Les fignes d'inftitution (8) par lefquelsnous [ 7 ] lElfin de Pfychologîe ou ConfiAévutions fur les Opérations ^c l' Ame ^ fur r Habitude çff -fur L' Education ^ çffc. Londres r75Ç. [ 8 ] Les caraderes , les lettre s , les mots & en général toute?. rHILOSOPHIUUE. Fart XVII, 2o| repréfentons nos idées de tout genre , font des objets qui tombent Tous les Sens , & qui , comme je le difois , frappent l'œil ou Toreille & par eux le Cerveau. La Mémoire fe charge du dépôc des m.ots , «Se la Réflexion les combine. OviqÏï étonné quand on fonge au nombre confidéra- ble de Langues mortes & de Langues vivantes qu'un même Homme peut apprendre & parler. Il eft pourtant une Mémoire purement organi- que où les mots de toutes ces langues vont s'im^ primer & qui les préfente à l'Ame au befoin avec autant de célérité que de précifion & d'a- bondance. On n'eft pas moins étonné , quand on penfe à d'autres prodiges que nous offre la Mémoire &; l'imagination. Scaliger apprit par cœur tout Homère en vingt - un jours , & dans quatre mois tous les Poètes Grecs. Wallis ex- traifoit de tête la racine quarrée d'un nombre de cinquante- trois figures. ( 9 ) Combien d'autres faits de même genre ne pourrois - je pas indi- quer ] Qu'on prenne la peine de réfléchir fur les grandes idées que ces phénomènes merveil- leux de la Mémoire nous donnent de l'organi- le^ manières dont les Hommes font convenus d'exprimer leurs idées. [ 9 ] Haller 5 Fhxfîologis . Toiji, V , Liv. }iVH ,;4rt. VI, se4 TALINÙFNE'SIE fation de cette Partie du Cerveau qui eft te ficge de l'Ame Se rinftiument immédiat de toutes, ies opérations ; & l'on conviendra , je n)'airure, que cet ïnftrument , le Chef-d'œuvre de la Créa- tion tcrreftre , eft d'une ftrudure fort fupérieure à tout ce qu'il nous eft permis d'imaginer ou de concevoir. Ce qu'un Savant exécute fur fon Cerveau par un travail plus ou moins long & par une Méthode dppropriée , Dieu pourroit , fans doute, l'exécuter par un Ade immédiat de SA Puis- sance. Mais 5 IL pourroit aulîî avoir établi dès. le commencement dans un certain Cerveau une telle préorganifation que ce Cerveau fe trouve- roit dans un tems prédéterminé monté à -peu- près comme celui du Savant, & capable des mêmes opérations & d'opérations plus étonnan^ tes encore. Supposons donc que Dieu eût créé au com- mencement un certain nombre de Germes hu- mains, dont IL eut piéorganifé les Cerveaux de manière , qu'à un certain jour marqué , ils dé- voient fournir à l'Ame ralfortiment complet des mots d'une multitude de Langues diverfesj les Hommes auxquels de pareils Cerveaux auront 'appartenus , fe feront trouvés ai niî transfoi:^ PHILOSOPHIQUE. Part XVII. 20^ ttiés , prefque tout d'un coup , en Polygloies (lo) vivantes. Je prie ceux de mes Ledteurs qui ne com- prendront pas bien ceci de reiire attentivement les Articles xiv , xv , xvi, xvii, xviii , de VAmlyfe Abrégée , & les endroits relatifs de VEf^ fui Analytique: Les idées qtie je préfente dans ce Chapitre font fi éloignées de celles qu'on s'é- toit faites jufqu'ici fur les Sujets qui m'occu- pent , que je ne puis revenir trop fouvent à prier mon Ledeur de ne me juger qu'après m'a- voir bien faifi & bien médité. Je n'efpere pas d'obtenir la grâce que je demande : je fais que le nombre des bons Ledeurs eft fort petit & que celui des vrais Philofophes l'efl: encore da- vantage. Mais , s'il arrive qu'on m'entende mal , je n'aurai au moins rien négligé pourpiivcnir les méprifes de mes Juges. Au refteiil n'y a pas la moindre difficulté à concevoir que ces Germes préordonnés qui dévoient être un jour des Polyglottes vivantes , avoient été placé' dans l'ordre des Générations fucceflives , fuivant un rapport dired à ce lems précis marqué par la Sagesse* [10] Terme pris ici au figuré , & qui exprime des Dic- lioimaires en pluficurs Langues. àU PÀLIl^GFNE'SIS Tl n'y a pas plus de difficulté à concevotif dans certains Cerveaux la polfibilité d'une pré-* organifation telle , que les fibres appropriées aux mots de diverfes Langues , ne dévoient déployer leur adion que lorfqu'une certaine circonihnc© alfociée furviendroit. J'pNTREVOis donc par cet exemple fi frap- pant ce qu'il feroit pofîible que fulibnt ces évé- nemens extraordinaires que je nomme des Mi- racles. Je commence ainii à comprendre que la fphere des Loix de la Nature peut s'étendre beaucoup plus loin qu'an ne l'imagine. Je vois allez clairement que ce qu'on prend communé- ment pour une fiijpenfion de ces Loix , pour- roit n'écre qu'une difpenfation ou une direction particulière de ces mêmes Loix, Ceci eft d'une vraifembîance qui me frappe'c* Je penfe & je parle à l'aide des mots dont je revêts mes idées. Ces mots font des ÇigwQS pu- rement matériels. Ils font attachés au jeu de certaines fibres de mon Cerveau. Ces fibres ne peuvent être ébranlées que mon Ame n'ait auffi- tôt les perceptions du ces mots & par eux les idées qu'ils repréfentent. Voila les Loix de la Nature relatives à mon PHILOSOPIÎIQ^UE. Vaft. XVIi tof Etre particulier. Il me feroit impolîible de for- Kier aucune notion générale fans le fecours de quelques fignes d'inftitution : il n'y a que ceux qui n'ont jamais médité fur l'Economie de l'Hom- me qui puiiTenc douter de cette vérité pfycho- logique. Je découvre donc que les Loix de la Na- ture relatives à la formation des idées dans l'Hom- me , à la repréfentation , au rappel & à la com- binaifon de ces idées par des fignes arbitraires, (il) ont pu être modifiées d'une infinité de manières particulières, & produire ainfi,dans un certain tems , des événemens Çi extraordi- naires qu'on ne les juge point renfermés dans la fpliere d'adivité de ces Loix de la Nature. J'APPERqois ainfi , que le GRAND ouvrier pourroit avoir caché dès le commencement dans la Machine de notre Monde certanies pièces & certains refforts qui ne dévoient jouer qu'au moment que certaines circonftances correfpon- dantes l'exigeroient. Je reconnois donc qu'il fe- [ II] Les mots des Langues ou leur lignification font des ehofes arbitraires ou de pure convention. Les mots n'ont aucun raj^port néceffaire nvec les Objets dont ib font \Q^Jig7ies ou les repréfentations. Auffi le même Objet eft-il repréfenté par diffe. rcns mots en différentes Lajigues. so8 PALÎNGiri^rSIÉ roit pofTibîe que ceux qui excluent les Miraclei de la fphere des Loix de la Nature fufTent dans le cas d'un Ignorant en Méchanique , qui nci pouvant deviner la raifon de certi^ins jeux d'une belie iVîachinc recourroit pour les expliquer à ime forte de Magie ou à des moyens furnacurels» Un autre exemple trè^-frappant m'afFereiie dans ma penfce j j'ai vu aiiez diftindcment qu'il feroit poiiîble que cet Etat futur de l'Homme que ma Kaifon me rend (i probable, fut la fuite? naturelle d'une préordination phyfique auffi an- cienne que l'Homme. (12). J'ai même entrevu qu'il feroit polfible encore qu'une préordmatioiî analogue s'éteiidit à tous les Ktres fentans ds notre Globe. (13) [12] Efai Analytique , Chap. XXÏV, §. 726, 727, &©. Contemplation de la Nature ^ Part. IV, Chap. XIII. [13 ] Part. I . II , m , IV , V, VI de cette Falijigénéjt. '^^^ë^ CHAPITRE PHILOSOP HIQ^UE. Part XVIL 209 Continuation du même Sujet* Deux Syjîêmes poJJJhles des Loix de la Nature» CaraBeres ^ but des Miracles» Je fuis ainfi conduit par une marche qui rue paroît trè^ - philorgphîque 5 à adn;iettre qu'il eft deux Syllèmes des Loix de la Nature, que je. puis dillinguer exadement. Le premier de ces Syftèmes eft celui qui dé- termine ce que je nomme le Cours ordinaire de la Nature. Le fécond Syfteme eft celui qui donne tiaif- fanee à ces événemens extraordinaires que je nomme des Miracles. Mais , parce que les Loix de la Nature oat toujours pour premier fondement les Propriétés elfentielles des Corps , & que (î l'EfTencc des Chofes changeoit , les Chofes feroient détruites à %omeXVTt O , %id P J L 1 N G E* N F/ S I Ê ( r) je fuis obligé de fuppofer comme certain ^ qu'il n'y a rien dans le fccoiid Syftème qui cho- que les Piopriétés- eflTentielîes des Corps. Ec ce que je dis ici des Corps doit s'entendre encore des Ames qui leur Tont unies. J'ai appris d'une Philofophie fubiime que les Effences des Chofes font immuables & indépendantes de la VOLON- TÉ CRÉATRICE, [z] Ce ne font donc que les modes ou les Qiialités variables -des Corps & des Ames qui ont pu entrer dans la compolicion du Syftème dont je parle , ^& produire cette combinaifon particulière de Chofes d'où peuvent naître les événcaiens miraculeux. P^R^^çxemple; je conçois facilement qu'eue vertu d'une certaine préJétcrmination phyfique» C ryVo-féi lé commencement du Chap. I de la Partie ( 2 ) VEjfence des Chofes étr^nt ce qui fait qu'elles font •e qu'elles font j DlJÉu lie po^rfoit changer les Eifences fans détruire les.Çiofes .: ç^t il feroit contradiiloire que i'Eflencc changeât & qye la Chofe relKit la mêmp. Une Chofe ne peut pas être S^,cn miîme teins n'être pas. C'cft ce que les Me'ta- yhyfioieiis "expriment quand ils difvnt V^^' Içs' EJfençes font ifiâ* PHI LOSOPHÎdtJÈ. Part. XVÎh tiî la denfîté ( 3 ) de tel ou de tel Corps a pu aug- îTienter ou diminue^ prodigieufemenc dans uii tems marqué 5 la Gravitation n'agir plus fur un autre Corps; (4) la Matière éledrique s'accu- muler extraordinairement autour d'une certaine Perfonne & la transfigurer 5(5 ) les mouvemens vitaux renaître dans un Corps où ils étoient éteints & le rappeller à la vie 3 [ ort déterminé à l'action des Caiifes phyfiqnes & fecretcs qui dévoient les ou- vrir dans un certain tcms & dans un certain lieu. Je me plais à contempler le Germe de cet Aveugle , cache' depuis quatre mille ans dans h grande Chaîne & prépare: de fi, loin pour les befoius de l'Humanité. ( J ) REMARQ.UEZ que je répète fouvent dans cet Ecrit PU IL 0 S 0 PHI QUE. PcNt. XVIL 217 âe la certitude de fon Erac futur , cette preuve a dû être revêtue de carac'tcrcs qui ne permif- fcnt pas à la Raifoii d'en méconnoîtrç la nature & la fin. J'observe d'abord , que les Faits renfermés dans cette E'conomie , comme dans leur Piiu- cipe phydque préordonné, ont dû être tels qu'il parut manifaftement quHîs ne reifortoient pas de FE'conomie ordniaire des Loix de la Nature : s'il y avoit eu fur ce point quelqu'équivoque, comment auroit-il été manifefie que le Le'gisla- TEUR parlait '< Il n'y aura peint eu d'équivoque s'il a été manifefte qu'il n'y avoit point de proportion ou d'analogie entre les Faits dont il s'agit & les Cauf§« apparentes de ces Faits, Le fens - com- mun apprend affez qu'un Aveugle-né ne recouvre point la Vue par un attouchement extérieur & momentané ; qu'un Moit ne relfufcite point à la feule parole d'un Homme , &c. De pareils Faits, le mot de raifonnable : c'eft que je fuppofe par-tout que THom- me qui recherche les fonderaens d'un bonheur à venir , fait de fa Raifon le meilleur emploi poffible , & qu'occupé de Texa- mea de la plus importante de toutes les vérités, il ne cherche point â fe la déguifer à lui-même & aux aiitres par de vaines fubtilitss , qui ne proureroient que l'abus de fa Raiftu. «18 PALIT^GFTNFSTE font aifés à difti liguer de ces prodiges de la Phylique , qui fuppofent toujours des prépara- tions ou des Inftrumens. Dans ces fortes de pro- diges i'Efprit peut toujours découvrir une cer- taine proportion , une certaine analogie entre PeiFet & ia caufe ; & lors-mème qu'il ne la dé- couvre pas intuitivement il peut au moins la concevoir. Or , le moyen de concevoir queî- qu'analogie entre la prononciation de certains mots & la réfurredion d'un Mort? La pronon- ciation de ces mots ne fera donc ici qu'une cir- conftance concomitante , [9I abfolument étran- gère à la Caufe fecrete du Faits mais propre à rendre les Spedateurs plus attentifs , Pobéiifance de la Nature plus frappante & la Million dg FEnvoye' plus authentique. Lazare fors de^ hors ! ^ il f ortie. Au refte ; je ne ferois pas entrer dans Tef- fence du Miracle Ton opération inftantanée. Si un certain Aîiracle ofFroit des gradations fenfibles ,. il ne m'en parokioit pas moins un Miracle lorfque je découvrirois toujours une difpropor- tion évidente, entre relfet & la caufe apparente ou fymbolique. [ 10] Ces gradations me fem- ( 9 ) Une c-'iTonilnncc qui accf)iupx^;ne le Miracle. (10) C'EST-A-DiBE, que la Caufe apparente ii'cll ici qu'us, Jigne qui annonce l'effet ou y prt'parc le Spedateur. PH I LOSOPHI OUE. Part.XVIl. it^ bicroicnt même propres à indiquer à des Yeux philofophes un Agent pliyfique & trè^-diiTérenc du {^'mibolique. [il] Les gradations décèlent toujours U!i Ordre phyfique , [f2] h elles font {ufceptibles d'une accélération à Tindéfîni. (13) [11] JeH-cux dire très -différent de la Caufe apparente, [ 12 ] C'est que la Nature ne va point par fauts, [ 13 ] Je dois tranfcrire ici ce que je difois de mon hypo, tbefc fur les Miracles dans la Préface de la première Edition des Recherches fur le Chrijlianifms , publiée en 1770; car il faut bien que je continue à prévenir les faux jugemen9 qu'on pourroit porter de ma manière de penfer fur cette hypothefc & du but que je me fuis propofé en la développant. " Ceux, difois-je, qui polfedent les principes dont je fuis j? parti jiw^eront de cette hypothefe. Mais , je crois devoir dé- ^ clarcr ici de la manière la plus expreflTe , que je n'ai point pré- 3, tendu combattre le Sentiment qui eft le plus eénéralement 5, avlmis fur les Miracles. Le Lecteur éclairé préférera celle des 55 deux opinions qui lui paroîti'a la plus conforme à la Raifoii 55 & à la RÉVÉLATION. Je nai point cherché à. faire des 5, Profélytes à mes petites opinions : l'on ne fait pas combien 5, j'y fuis peu attaché & combien je ferai toujours difpofé à 5, avouer publiquement mes erieurs dès qu'on me les aura fait 5, appercevoir. J'ai dit naïvement & clairement ce qui m'avoit „ paru le plus probable ou le plus harmonique avec les«prin- 3, cipes fondamentaux & fi lumineux de la Théologie natu- 5, relie & de la Cofmoloçie. Il me femble toujours , que ft 3, l'on y regarde de fort près, on reconnoîtra que tout fe ré- „ d;iit ici à examiner s'il eft poffible que Dieu ait tout préor- ^ do2iné par un Aclc unique de fa Volonté : ear fi cette 220 r J L I N G F N r S I E Je remarque eu fécond lieu, que ce Langa- 5, préordination univerfclle eft poffible , il devra parottre trcs- 5, indifférent au grand but des Miracles qne Difu foit inter- ,5 venu immédiatcKient dans un certain tems & dans un cer- 5, tain lieu pour les produire , ou qu'iL ait préparé dès 1« 55 commencement les Caiifes qui dévoient les opérer. Ainfi, 5, foit que Dieu agifle dans le tems par des Volontés parti- 5j culieres, foit qu'il ait agi hors du tems par une Volonté gé- 5, nérale qui a embraffé la multitude infinie des effets particu- 5, liers , la Chofc ne revient-elle pas précifément au même & 33 dans la Nature & dans la Grâce ? Si le phyfique a pu être 5, enchaîné avec l-e moral; fi les Prières ont pu être prévues 5j par riNTELLiGENCE ADORABLE auX yCUX de LAQ^UELLE „ tout eft à nud dans la Création h fi cette Prévifion tout-à- 5, fait extérieure à la Liberté humaine ne détruit point cette 5, Liberté , pourquoi rejetteroit-on comme abfurde ou commç, 5, dangereufc une hypothcfe qui s'accorde fi bien avec les prin- 55 cipes d'une faine Philofophie & qui donne de fi hautes idées 5, du Grand Auteur de l'Univers ? „ J'ajouterai encore ici, que lorfque cette Hypothcfe fur les Miracles s'offrit pour la première fois à mon Efprit il y a bien des années , je n'avois pas lu le Livre intitulé la Reli- gion Chrétienne prouvée far les Faits , de l'Abbé Houtte- ville. Je viens de lire le Chap. VI du Tome II dans le- quel l'éloquent Auteur, entreprend de prouver que les Miracles font fojjïblcs, fy ai vu qu'il s'étoit formé fur la Nature des Miracles à-peu-près la même idée que moi. Mais , cette idée fi philolophique il ne la développe pas par une forte d'Ana- lyfc comme j'ai tâche de le faire. Il n'indique pas précifément la manière dont on peut concevoir la chofe. Il fe borne à mon- trer qu'il y a dans la Nature une multitude de phénomènes -dont les Caufes nous font inconnues, & qui refforte-nt pour- tant des^Loix générales^du mouvement : pag. si & fuivantc« PHJLOSOPHIQ^UE. Part. XVU, 221 ge désignes LI4] ^ ^"^i être multiplié & varié & former, pour ainfi dire , un difcours fuivi, dont toutes les Parties fulîent harmoniques en- tr'elles & s'appuyiiflent les unes les autres: car plus le Le'gislateur aura développé ses de l'Etlit. Je iy-6's. Il en conclut q^iie les Miracles poiirroient avoir été ejweloppés dans l'Ordre géfiéral çff être entrés conmie le rejle .dans V Economie des dejjtins de DIEU : pag. ^3 , 57-, Il combattoit par cette fiippolition le fameux Spinosa, qui avoit dit que les Miracles étaient impojjïhlet , parce qu'ils étaient contraires aux Loix de la Nature , £5* qu'ils fuppnfoient de lot variation dans les Décrets de DIEU. L'Abbé HoUTTEVILLE entreprend donc de prouver ici, qu'il n'y a point de 'varia- tion d^îis les Décrets de Dieu, & qu'un feul ^ même Décret a pu embrajfer tout, &c. Si l'on prend la peine de comparer mes principes & ma marche avec ceux de l'x^uteur on reconnoîtra facilement q^iie je ne l'ai point copié. Nous fnivions l'un & l'autre des routes très -différente?. Nous n'avions pas le m&me but particulier. Je ne fongeois point à Spinosa : je cherchois uniquement; à développer un de mes principes pfychologiques , & j'efTayois de l'appliquer à la Dodrine des Miracles. Il n'en demeure pas moins vrai que l'Abbé Houtteville m'avoit prévenu fur l'idée générale : je me fais un devoir étroit de le ree-onnoîtçe i mais j'efpere qn'on me rendra la juftice de penfer que je n'ai point eu l'intention de m'appropriet ce qui appartenoit à cet Ecrivain eftimable : perfonne an monde ji'eft plus ennemi que moi du plagiat. {14) Les Miracles. U2 PALÎ^Off-NèStÈ Vues , multiplié & varié ses Expreffions , & plus il aura été certain qu'iL par hit. Maïs, s'il a voulu parler à des Hommes de tout ordre , au3f IgQofans comme :iux Savails, IL aura parlé aux. Sens , & n'aura employé que les Signes les plus palpables, & que le fimpl© bon-fens pût facilement faifir. Et comme le but de ce Langage de Signes étoit de confirmer à la Raifon la vérité de ces gramîs principes qu'elle s'étoit déjà formés fur les Devoirs & fur la Deftitiation future de l'Hom- me , riNTERPRETE [ i^J de ce Langage a dû annoncer au Genre-humain une Dodlrine qui fût prccifément conforme à ces principes les plus épurés & les plus nobles de la Raifon , & don- ner dans fa Perfonne le Modèle le plus accompli de la Perfedion humaine. , D'UN autre côté, ^^ la Miffion de I'EnvoyÉ avoit été bornée à annoncer au Genre-humain cette Doctrine fublîme; fi en même tems qu'il rannonx;oit, le Maître de la Niiture n'avoit point parlé aux Sens ce Langage nouveau fî propre à les frapper, il ell: de la plus grande [is] L'Envoyé de Dieu* P HILÔSOPHIJl JJE. l'art XV IL ia ^ évidence que la Dodrine n'auroit pu accroître atiez par elle - même la probabilité de cet Etat futur qu'il s'agilToit de confirmer aux Hommes: c'eft qu'bii né {liuroit dire précifément ce que la Raifon humaine peut ou ne peut pas en ma- tière de Dodrine , comme on peut dire ce que le Cours orduiaire de la Nature peut ou ne peut pas relativement à certains Faits palpables , nombreux, divers. [i6] [ 18 ] On voit aflez que cet argument repofe fur cette vérité fi évidente , que la Raifon humaine eft fufceptible d'un accroiffement à l'indéfini. Socrate avoit entrevu la Théorie de l'Hnmme moral & l'Immortalité de l'Ame. Si dix à douze SoCRATES avoient fuccédé au premier dans la durée des i\^s, qui fait fi le dernier, aidé des lumières de fes Prédé- ceffeurs & des fiennes propres , ne fe feroit point élevé en- fin jufqu'à la fublime Morale dont il s'agit? On conviendra ^u moins que l'impoffibiiité de la ch®fe n'eft point du tout démontrée. Ici l'Efprit découvre toujours une certaine proportion entre les vérités acquifes & celles qu'on peut acquérir par de nou- velles méditatious : il eft, en effet, très - manifefte , que les vérités morales font enveloppées les unes dans les autres & que la méditation parvient toc ou tard à les extraire les unes des autres. Il n'en va pas de même des Faits miraculeux. Le fimple bon-fjns fuffit pour s'affurer qu'un Aveugle - ne ne peut re- couvrer la vue prcfque fiihiteai:;nt par un attouchement ex- térieur & momentané •■, qu'un Homme réellement mort ne réf- fufcite point à la fimple parole d'un autre Homme j qu'une z%/^ P A L I :t7 G B N E" s I E^^^ Troupe d'isnorans ne vient pas tout d'un coup à parler dey Langues étrangères ; &c. Ici rEfpjit ne découvre aucune proportion entre les effets & les caufes apparentes , aucune analogie entre ce qui pré- cède & ce qui fuit. Il voit d'abord que ces effets ne réfultent point du Cours ordinaire de la Nature , &c. Ce feroit donc choquer les règles d'une faine Logique que de réduire à la feule Doctrine toutes les preuve* de la MiflAon de TEnvoyÉ. DIX-HUITIEME ( 22T ) DIX- HUITIEME PARTIJ^ SUITE DES IDÉES s U R LETAT FUTUR DE L'HOMME. CONTINUATION DES RECHERCHES SUR LE CHRISTIANISME. LE TE'MOIGNAGE. CHAPITRE 1. Nature & fondemens du Témoignage. Vordre mord, vy N E grande queftion s'offre ici à mon exa- jneu : comment pirfs - je ra'alTurôr raifonnable- %(}me XVL P ment que le Le'gislateur de la Nature ^parlêf Je ne demaiulerni pas pourquoi le Le'gisla- TEUR Tte m\i f as parlé n moi même F J'apperqois trop clairement que tous les Individus de l'Hu- manité ayant un droit égal à cette flweur, il auroit fallu pour fatisFaire aux defirs de tous multiplier & varier les Sigyies extf aordinaires dans une proportion relative à ces defirs. Mais par cette multip'icacion excelîive des Signes extraor- dinaires ils auroient perdu leur qualité de iV^weXj & ce qui dans l'Ordre de la Sageffe devoit de- meurer extraordinaire feroit devenu ordinaire. Je fuis oblige de reconnoitre encore que je fuis fait pour être conduit par les Sens & parla Réflexion : une Révélation intérieure qui me donneroit fans ceffe la plus forte perfualion de la certitude d'un Ecat futur, ne feroit donc pas dans l'analogie de mon Etre. Je ne pouvois exifter à la fois dans tous les tems & dans tous les lieux. Je ne pouvois palper, voir , entendre , examiner tout par mes propres Sens. 11 eft néanmoins une foule de Chofcs dont je fuis intéreffé à connoître la certitude ois au moins la probabilité, & qui fe font paflée& PhÎLÔSÔPHIQ^UE, Part. XVIIl. 2a j long - tems avant moi ou dans des lieux forg éloignés. L'intention de FAuteur de mon Etre eft donc que je m'en rapporte fur ces Choies à la dépofition de ceux qui en ont été les témoins & qui m'ont tranfrais leur témoignage de vive- Voix ou par écrit. Ma conduite à l'égard de ces Chofes repofd fur une confidération qui me fembîe très-raiion» nable : c'eft que je dois fuppofer dans mes Sem- blables les mêmes Facultés elîentielles que je' découvre chez moi. Cette fuppofition eft , à \^ vérité , purement analogique ; mais il m.'eft facile de m'aiïïirer que l'analogie a ici la même force que dans tous les cas qui font du relTort de l'ex-r périence îa plus commune & la plus confian- te. Eft-il befoin-que j'examine à fond mes Sem- blîibles pour être certain qu'ils ont tous les mème^ Sens & les mêmes Facultés que je pofiede? Je tire donc de ceci une conféquence que je juge très-légitime: c'eft que ces.Chofcs que j'au- rois vues, ouies, palpées, examinées C\ j'avois- été placé dans un certain tems & dans un cer- tain Heu , ont pu l'être par ceux qui exilbicnfr ^ans ce tems & dans ce heu. P Z 22S 1> /t L I N G F }^ F S I E Il faut bien que j'admette encore qu'elles l'ont été en effet , fi ces Chofes étoient de nature à intéreffer beaucoup ceux qui en étoient les Spec- tateurs : car je dois raifonnablement fuppofer que des Etres qui me font femblables fe font conduits dans certaines circonftances importan- tes comme j'aurois fait moi-même û j'avois été placé dans les mêmes circonftances , & qu'ils fe font déterminés par les mêmes motifs qui m'auroient déterminé en cas pareil. Je choquerois , ce me fembîe , les règles les plus fines de l'analogie ( i ) fi je jugeois autre- ment. Remarquez que je ne parle ici que de Chofes qui n'exigent pour être bien connues que des yeux , des oreilles &, un jugement fain. Parce que le témoignage eft fondé fur l'ana- logie 5 il ne peut me donner comme eUe qu'une certitude morale. Il ne peut y avoir d'enchaîne- ment néceffaire entre la manière dont j'aurois été afFedé ou dont j'aurois agi en telles ou telles circonftances & celle dont des Etres que j.e crois m'ètre femblables ont été aifedés ou ont agi dans les mêmes circonftances. Les circonftances elles-mêmes ne pcuVent jamais être parfaitement ( I ) Voyez U Note i du Chap. Hl de la Part. XV^J. PHILOSOPHIQ^UE, Part. XVJIL 2^9 femblables ; les 5'ujets font trop compliqués. Il Y a pîus,* le jugement que je porte fur le rapport de reflemblance de ces Etres avec moi n'eft encore qu'analogique. Mai^ , fi je me réfoî- vois à ne croire que les feules chofes dont j'au- rois été le Témoin , il faudroic en mème-tems me réfoudre à mener la vie la plus trille & me condamner moi-même à fignorance la plus pro- fonde fur une infinité de chofes qui intérelfent mon bonheur. D'ailleurs , l'expérience & la réflexion me tourniifant des règles pour jugée fainement de la vaHdité du Témoignage, j'ap- prends de l'une & de l'aui;re qu'il eft une îfoule de cas où je puis adhérer au Témoigujge fana courir le rifque d'être trompé. Ainsi , les mêmes raifons qui me portent à admettre un certain Ordre dans le Monde phy^ fique (z) doivent me porter à admettre auffi un certain Ordre dans le Monde moral. Cet Ordre moral réfulte elfentiellement de la nature des Facultés humaines & des rapports qu'elles foutiennent avec les chofes qui en déterrainenti l'exercice^ Les jugemens que je fonde fur l'Ordre moral [ 2 3 Voyez l& Chap. III de l^ Part. XVII. PS 2^0 PâLI2^GE'NFSIE ne fauroient être d'une parfaite certitude , parc^ que datîs chaque détermination particulière de la Volonté le contraire eft toujours poffible; puifque Padivité de la Voiouté peut s'étendr© à un nombre indéfini de cas. Mais , quand je fuppofe un Homme de bon- fens , je fuis obligé de fuppoler en mème-tems, qu'il ne fe conduira pas comme un Fou dans tel ou tel cas particulier, quoiqu'il ait toujours le pouvoir phyfique de le faire. Il n'eft donc que probable qu'il ne le fera pas 5 & je dois conve- nir que cette probabilité eft afiez grande pour^ fonder un jugement folide & ailbrti aux befoins, de ma condition préfente. Ces chofes que je n'ai pu palper , voir , en- tendre & examiner par moi même , parce que. l'éloignement des tems ou des lieux m'en fépa- roit , feront' donc pour moi d'autant plus. pro« bables qu'elles me feront atteftées par un plus, grand nombre de Témoins 8c par des Témoins. plus dignes de foi , & que leurs dépoiàtions çront pi us circonftanciées , plus harmoniqu,e% fntr'elles a fans être précifément femblables. ^^y^ VHILOSOPHIOUE, ParLXVIiT. z^i, CHAPITRE IL De la crédibilité du Témoignage : fes conditioîif ejfentieîîes. Application aux Témoins de /"EvANGlLE. s [ j'envifage la certitude comme nii tout. Se Il je divife par la penfée ce tout en parties ou degrés, ces parties qu degrés feront des parties €U des degrés de la certitude. Je nomme prohahilités ces divifions idéales de ta certitude. Je connoitrai donc le degré de la certitude quand je pourrai affigiier le rapport de la partie au tout. Je ne dirai pas que la probabilité d'une chofe croît précifément comme le nombre des Témoins qui mel'atteftent : mais, je dirai que la probabi- lité d'une chofe augmente par le nombre des Témoins fuivant une certaine proportion que le Mathématicien tente de ramener au calcul. j£ jugerai du mérite des Témoins par deu^ P 4 5 3 2 VALTNGE'NE'SIB conditions générales & efTentieiies 5 par leur capacité & par leur intégrité. L'Etat des Facultés corporelles & des Fa- cultés intelleduelles déterminera la première de ces conditions : le degré de orobité & de défia- térciiement déterminera la féconde. -L'Expérience ou cette réitération d'ades 8c de certains ades par lefquels je parviens à connoitre le caradere moral , l'expérience , dis - je , déci- dera en dernier refTort de tout cela^ J'appliquerai les mêmes principes fonda- mentaux à la Tradition orale & à la Tradition écrite. Je verrai d'abord que celle-ci a beaucoup plus de force que celle-là. Je verrai encore que cette force doit accroître par le concours de dif- férentes Copies de la même Dépofition. Je con- fidércrai ces différentes Copies conime autant de Chaînons d'une même Chaîne. Et Ci j'ap- prends qu'il exifte pluileurs fuites différentes de Copies , je regarderai ces différentes fuites com- me autant de chaînes collatérales qui accroîtront tellement la probabilité de cette Tradition écrite qu'elle approchera indéfiniment de la certitude 8c furpaifera celle que peut donner le Témoignage de plufieurs Témoins oculaires. PHILO SOPHII^UE. Fart. XVlll. 2^ DiEU eft l'AuTEUR de l'Ordre moral corn nie IL eft l'AuTEUR de POrdre phyfique. J'ai re- connu deux fortes de Dirpenfations dans l'Ordre phyfique. (i) La première eft celle qui détermine ce que j'ai nommé le Cours ordinaire de la Na- ture. La féconde efl: celle qui détermine ces éve- il emens extrmrdinfiires que j'ai nommés des Miracles, La première Difpenfation a pour fin le boa^ heur de tous les Etres fcntans de notre Globe. La féconde a pour fin le bonheur de l'Homme feul j parce que l'Horame eft le feul Etre fur la Terre qui puilTe juger de cette Difpenfation , en r.econnoitre la fin , fe l'approprier & dirigo-r fcs adion* relativement à cette fin. Cette Difpenfauon particulière a donc dû être calculée fur la Nature des Facultés de l'Homme & fur les diiférentes manières donc il peut les exercer ici-bas & juger des Chofes. C'est à l'Homme que le Maître du Monde a voulu parler : il a denc approprié son Lan- gage à la Nature de cet Etre que sa Bonté (i) Confultez les Chap. v & vi de la Part. xvil. ^H PALIVGBl^E'SIE vouloitinftruire. Le Plan de sa Sagesse ne corn- portoic pas qu'iL changeât la nature de ces Etre & qu'iL lui donnât fur la Terre les Facultés: de TAnge. Mais , la Sagesse avoit préordonna des moyens, qui fans faire de l'Homme un Ange , dévoient lui donner une certitude rai- fonnable de ce qu'il lui impartoit le plus de^ favoir. L'Homme eft enrichi de diverfes Facultés intel- îedluelles : l'Enfemble de ces Facultés conftitue ce qu'on nomme la i?r/;yo;2. Si Dieu ne vouloie pas forcer l'Homme à croire : s'il ne vouloit que parler à fa Riiifon y IL en aura ufé à l'égard de l'Homme comiiie à l'égard d'un Etre intelligent. Il lui aura lait: entendre un Langage approprié à fa Raifon , & IL aura voulu qu'il appliquât fa Raifon à la recherche de ce Langage comme à la plus belle recherche dont il pût jamais s'occupei:. La nature de ce Langage étant telle qu'il ne pouvoit s'adreiïef diredlementà chaque Lidividu. de THumanité , (2) il falloit bien que le LÉGis- LATEUK l'adaptât aux moyens naturels par lefquels la Raifon humaine parvient à fe con- vaincre de la certitude morale des événeme.ns ( 2: ) Voyez le commencement du Chapitre i de cettg- Partie. PHILOSOPHIQUE. Part. XVUI. 25? pafles & à s'afTurer de l'ordre ou de refpecc de ees évéïiemens. Ces moyens naturels font ceux que renfer^ ment le Témoignage : mais !e Témoignage fup- pofe toujours des faits \ le Langage du Le'gis- LATEUR a donc été un Langage de faits & de certains faits. Mais le Témoignage cit fournis à à des règles que la Raifon établit & fur lefquelles elle jugei le Langage du Le'gislateur a donc été fubordonné à ces règles* Le fondement de îa Croyance de l'Homme fur fa Deftination future a donc été réduit ainfi par le sage Auteur de l'Homme à des preuves Refait , à des preuves palpables & à la portée de rLitelligence la plus bornée, Parce que le Témoignage fuppofe des Faits , il fuppofe des Sens qui apperqoivent ces Faits & les tranfmettent à TAme fans altération. Les Sens fuppofent eux-mêmes un Entende- ment qui juge des Faits; car les Sens, pure- ment matériels , ne jugent point. Je nomme Faits palpables ceux dont le fimple î:sQii-fens peut juger ou à l'égard defquels il peut 2^6 1' J L I N G B N F S I E s'aiTurer facilement qu'il n'y a point de méprife. Le bon fens ou le fens commun fera donc ce degré d'Intelligence qui fuffit pour juger de fem- blables Faits. Mais , parce que les Faits les plus palpables peuvent être altérés ou déguifés par l'impofture ou par l'intérêt , le Témoignage fuppofe encore dans ceux qui rapportent ces Faits une probité & un définiéreiTement reconnus. Et puifque la probabilité de quelque Fait que ce foit accroît par le nombre des Dépofants , le Témoignage Qxige encore un nombre de Dé- pofants tel que la Raifon l'eftime fuffifant. Enfin ; parce qu'un Fait n'eft jamais mieux connu que lorfqu'il eft plus circonftancié , & qu'un concert fecret entre les Dépofants n'eft jamais moins préfumable que lorfque les Dépo- rtions embralTent les circonftances effentieUes du Fait fans fe relTembler dans la manière ni dans les termes , le Témoignage veut des Dépo- fitions circonftanciées , convergentes entr'elles, & variées néanmoins dans la forme & dan^ les expreilions. PHILOSOPHIQUE^ Part. XVIIi. 257 S'il fe trouvoit encore que certains Faits qui fne feroient atteftés par divers Témoins oculaires, choquatrent leurs préjugés les plus anciens , leg plus enracinés , les plus chéris , je ferois d'autant plus alTuré de la fidélité de leurs Dépofitions , que je ferois plus certain qu'ils écoient forte- ment imbus de ces préjugés : c'eft qu'il arrive facilement aux Hommes de croire légèrement ce qui favorife leurs préjugés , & qu'ils ne croient que difficilement ce qui détruit ces préjugés. S'il fe rencontroit après cela que ces mêmes Témoins réuniffent aux conditions les plus eifen- tielles du Témoignage des qualités tranfcen- dantes qu'on ne trouve point dans les Témoins ordinaires ; fi à un Sens droit & à des mœurs irréprochables ils joignoient des vertus éminen- tes, une bienveuillance la plus univerfelle, la plus foutenue, la plus adive ; fi leurs adver- faires mêmes n'avoient jamais contredit tout cela ; fi la Nature obéiiToit à la voix de ces Témoins comme à celle de leur Maître ,* ^1 enfin , ils avoient perfévéré avec une conftance héroïque dan« leur Témoignage & l'avoient même fcellé de leur fang ; il me paroîtroit que ce témoignage auroit toute la force dont un Témoignage humain peut être fufceptible. Si donc les témoins que I'EnvoyÉ auroït choiii réuniflbient dans leur Perfonne tant de conditions ordinaires Se extraordinaires , il me fembleroit que je ne pourrois rejeter leurs Dépolltions fans choquer la Raifon. CHAPITRE III. Ohje&ions contre le Témoignage tirées de toppo»' fition des Miracles avec le Cours de la Nature ou du Confiitl entre P Expérience ^ les Té- tnoignages rendus aux Faits miraculeux. RéponfeSi I I je me demande à moi-même (i un Té- moignage humain , quelque certain & quelque partait que je veuille le fuppofer , ftiffit pour établir la certitude ou/ au moins la probabilité de Faits qui choquent eux-mêmes les Loix ordi-i naircs de la Nature? . J'APPERqois au premier coup d'œil qu'un Fait que je nomme miraculeux n'en eft pas moins uji Fait feniible , palpable. Je reconnois PHÏLOSOP IIÎOVÈ, PartXVIIL 3»;9 ïîième qu'il étoit dans TOrdre de la Sagesse qu'il fut très-fenfible , très- palpable. Un pareil Fait étoit donc du reffort des Sens : il pouvoit donc être l'Objet du Témoi^ynige, Je vois évidemment qu'il ne faut que des Sens pour s'alTurer Çi un certain Homme eft vivant , s'il eft tombé malade , fi fa maladie augmente j s'il fe meurt , s'il eft mort , s'il rend une odeur cadavéreufe. Je vois encore qu'il ne faut non plus que des Sens pour s^alTurer fi cet Homme qui étoit mort eft reiîufcité , s'il marche, parle , mange, boit, &c. Tous ces Faits fi fenfibles , fi palpables peu- vent donc être aufîi bien l'Objet du Témoignage que tout autre Fait de Phyfique ou d'Hiftoire. Sr donc les Témoins dont je parle fe bornent à m'attefter ces Faits, je ne pourrai rejeter leurs Dépofitions fans choquer les règles du Témoi- gnage que j'ai m.oi même pofécs & que la plus faine Logique prefcrit. Mais , Ci ces Témoins ne fe bornoient point à m'attcfter finip!cmc«t ers Faits j s'ils préten- doient m'actefter encore la manière fccrete dont le Miracle a été opéré > s'ils m'aiiuioient qu'il 240 P A L I N G F N È'' S I E a dépendu d'une prédétermination (phyfique leur Témoignage fur ce point de Col'mologie (i) me paroîtroit perdre beaucoup de fà force. Pourquoi cela? c'cft que cette prédétermi- nation que ces Témoins m'attefteroi-ent n'étant pas du reflbrt des Sens , ne pourroit être l'Objet direc't de leur Témoignage. Je crois l'avoir prouvé dans le Chapitre III de lu Parc. XVI. Ces Témoins pourroient , à la vérité , m'at- tefter qu'elle leur a été révélée par le Légis- lateur LUI - même: mais , afin que je puiTe être moralement certain qu'ils auroient eu une telle Révélation , il me faudroit toujours des Miracles ; c'e(t-à-dire , des Faits qui ne relTor- tir(>ient point du Cours ordinaire de la Nature & qui touiberoient fous les Sens. [2] Je découvre donc qu'il y a dans un Miracle deux chofes effentiellement différentes] & que je dois foigneufement diftinguer j le Fait & la Manière du Fait. [ I ] Partie de la Philoibphie qui traite des Loix générales & de l'Harmonie de l'Uiiivers. [s] Coiifultez ie Châp. VI de la Part. XVII. La f>Hîlà^X)PliïOUE, Part. XFIlt m^ La première de ces chofes a un rapport diredt kux Facultés de THomme : la féconde n'efl: ea rapport dired qu'avec les Facultés de ces Intsl- LICENCES qui con noi firent le fccret de l'Econo- mie de notre Monde. [ 3 ] Si toutefois les Témoins rapportoîeiit à Tnc-. tion de Dieu les Faits extraordinaire^ qu'ils m'attefteroient, ce jugement particulier des Témoins n'infirmcroic point à mes yeux leur Témoignage 5 parce qu'il feroit fort naturel qu'ils rapporta(fent à l'intervention immédiate de la Toute-Puissance des Faits dont la Caufe pro- chaine & efficiente leur feroit voilée ou ne leuc auroit pas été révélée. Maïs , la première condition du Témoignage eil , fans doute , que les Faits atteftés ne fcient pas phyiiquement impollibles -, je veux dire ? qu'ils ne foient pas contraires aux Loix de la Nature, C'est l'Expérience qui nous découvre ces Loix & le Raifonncment en déduit des conféquences théorétiques & pratiques doiat la Colledion iyRé- matique (4) conltitue la Sciencô humaine. [3] 0» peut confultcr ici les Parties XII & Xïil. [4] L'AfTemblaje méthoiliqiic. 'loj/ie XI''!, CL ^^z Ï*ALIVGFNE'S LE Or, l'Expérience la plus conftante de tous les tems & de tous les lieux dépofe contre la poiîibilité phyfique de la réfurredion d'un Mort. Cependant, des Témoins que je fuppofe les plus dignes de foi m'atteftent qu'un Mort cft reiTufcité ; ils font unanimes dans leurDépo- (ition , & cette Dépoiition eft très-claire & très- circonltanciéè. Me voilà donc placé eritre deux Témoignage» diredement oppofés , & fi je les fuppofois d'égale force , je demeurerois en équilibre & je fufpen- drois mon jugement. Je ne le rufpendrois pas apparemment Ci TA- tTiéifme étoit démontré vrai : la Nature n'auroit point alors de Législateur : elle feroit à elle- même fon propre Législateur , & l'Expérience la plus confiante de tous les tems & de tous les lieux Icroit fon meilleur Interprète. Mais, s'il eft prouvé qwe la Nature a un LÉGiSLAThUR , il eft prouvc par cela même que ce LÉ.GiSLATEUR peut en modifier les Loix. (5) f [ ç ] C^nhÀ^Qz les Chapitres III , IV & VI d« la Partie XVil. PHILOSOPHIQUE, Part XVIII. J4> Si ces modifications font des Faits palpables, elles pourront être l'objet dired du Témoignage. Si ce Témoignage réunit au plus haut degré toutes les conditions que la Raiion exige pour la validité (J2. quelque Témoignage que ce foit , û même il en réunit que la Raifon n'exige pas dans les Témoignages ordinaires, il fera , es me femble , moralement certain que le Le'gis- LATEUR çim^ parié. Cette certitude morale me paroltra a^coîtrs fî je puis découvrir avec évidence le but que le Le'gislateur s'eft propofé en modifiant ainfi les Loix de la Nature. (6) [ 6 ] Coiifultez le Chapitre VI delà Fart. XVIÏ. a^ 544 P A L I 2T G F N F S I Ê CHAPITRE IV. ( Suite des Ohje&iom contre la preuve tejim^* maie relativement aux Faits mraculèux, Réponfes, Confi dérations générales fur ï* Ordre phyfiqiie & fur P Ordre moral. m .On fcepticifme (i) ne doit pas en demeu- rer là: les Faits que je nomme miraculeux [ont une violation de TOrdre phyfique : rimpofture cft une violation de l'Ordre moral quand elle a lieu dans des Témoins qui paroiflent reunir au plus haut point toutes les conditions eiTentielles au Témoignage. Seroit-il donc moins probable que de pareils Témoins atteftaflent des Faits faux, qu'il ne Feft qu'un Mort foit reflufcité ? Je rappelle ici à mon Ëfprit ce que j'ai expofc [ l ] Mot qui exprime ici le doute vraiment philofophiqiie j^ point du tout ce doute univerfel qui feroit le tombeau dï- tGiitçs les vérités. PHILOSOP HT ^VE, Tart XTIil. 245 fur rOrdre phyfique dans les Chapitres v & vi de la Part. xvii. Si j'ai reconnu aflez clairement que les Miracles ont pu reflbrtir d'une prédcter- niination phyfique , ils ne feront pas des viola- tions de rOrdre phyfique 5 mais j ils feront des difpenfations particulières de cet Ordre renfer- mées dans cette grande Chaîne qui lie le pafle au préfent, le préfent à l'avenir ^ l'avenir st l'éternité. Il n'en cft donc pas^ de l'Ordre phyfique pré- cifément comme de l'ordre moral. Le premier tient aux modifications pofllîbles des Corps : le ftcond tient aux modifications poflibles de l'Ame, L'ensemble de certaines modifications de l'Ame conftitue ce que je nomme un Caractère, moral, L'ESPECE , la multiplicité & la variété des ades par lefquels un Caradere moral fe fait con- îîoître à moi fondent le jugement que je porte de ce Caradtere. [ 2 ] Mon jugement approchera donc d'autant plus de la certitude que je connoîtrai un plus grand [ 2 ] Voyez ce c^uc |!ai 4it là-deffiis Chap. II de la Paitici XVIIL t^6 PALiriGÉH^E'SlE' namhrc de ces ades & qu'ils feront plus divers. Si ces ades étoient marqués au coin deJa plus folide vertu \ s'ils tendoient vers un but commun 5 Çi ce but étoit le plus grand bonheur des Hommes , ce caradere moral me paroîtroit éminemment- vertueux. Il me femb^e donc qu'il eCl moins, probable i^u'un Téfijoin éminemment vertueux attefte pour vrai un Fait extraordmaire qu^il iauroit être faux, qu'il ne l'eft qu'un Corps fubiife une mo- dification contraire au Cours ordinaire de la Nature : e'eft que je découvre clairement une PREMIERE Cause & un but de cette modifica- tion : c'eft que je ne découvre aucune confa- didion entre cette modification & ce que je nomme VLjfence [ J ] du Corps : c'eft que loin de découvrir aucune raifon fuffifante pourquoi un tel Témoin me tromperoit, je découvre , au contraire , divers motifs très-puiffans qui pour- voient l'engager à taire le Fait , fi l'amour de la vérité n'étoit chez lui prédominant. Et (1 pîufieurs Témoins de cet ordre concou- rent à atteltcr le même Fait miraculeux, s'ils ( 3 ) Voyez far ce Mot îa Note 3 du Chap. I de h F«rt. XVÎ PHILOSOPHIQUE, Part. XrilZ «47 perféverent conftamment dans leurs dépofitions ; Cl en y perfevérant ils s^expofent éviderameiifc aux plus grandes calamités & à la mort même , je dirois que l'impofture de pareils Témoins feroic une violation de l'Ordre moral que je ne pourrois préfumer fans choquer les notions du Sens-commun. Il me femble que je cîioqucrois encore ces Notions Cl je préfumois que ces Témoins fe font eux mêmes trompés : car j'ai fuppofé qu'ils attef- toient un Fait très palpable , dont les Sens pou- voient aulîi bien juger que de tout autre Fait; un Fait enfin , dont les Témoins étoient forte- ment intéreifés à s'alTurer. Une chofe au moins que je ne puis contefter c'eft que ce Fuit m'auroit paru indubitable fi j'en avois été le Témoin, Cependant il ne m'en auroit pas paru moins oppofé à V Expérience ou au Cours ordinaire de la Nature. Or , ce que j'aurois pu voir & palper fi j'avois été dans le tems & dans le lieu où le Fait s'eft paffé , nierai- je qu'il ait pu être vu & palpé par des Hommes qui poiTédoient les mêmes Facultés que moi ? (4) (4) Confiiltez ce que j'ai dit fur ce point en pofHntîlç;^- FonJcmens analogiques tlii Temoii^nage dans ie Chapitre I de la Part. XVIII. CL4 Z^t F A L i N a E" N ^ s I B Il me paroît donc que je fuis raifonnablei nient obligé de reconnoître que la preuve que^ je tirais de l'Ordre phyfique ne fauroit être oppofée à celle que me fournit l'Ordre morah: l9. parce que ces preuves font d'un genre très- diiférent, & que la certitude morale n'eft pas: la certitude phyfique : %^. parce que je n'ai pas, même ici une certitude phyfique que je puiif& légitimement oppofer à la certitude morale , puif- que j'ai admis que l'Ordre phyfique étoit fournis, à une Intelligence qjji a pu le modifier dans, un rapport diredl à un certain but , 5c q^ue j'ap^, perçois diftindement ce but. [ 5 ] Ainsi 5 je ne faurois tirer en bonne Logiqu^e- une conclufion générale de l'Expérience ou dc; FOrdre phyfique contre le Témoignage : cette conclufion s'étendroit au - delà des prémiiTes. (6). Je puis bien tirer cette conclufion particulière, que fuivant le Cours ordinaire de la Nature les Morts ne reffufcitent point : mais je ne faurois affirmer logiquement qu'il n'y a aucune Difpen,^ fation fecrete de l'Ordre phyfique dont la ré- iurredlion des Morts puilfe réfulter. Je choquer ( s ) Confultcz l€ Chap. VI de la Part» XVII. ( 6 ) Voyfez fur ce Mot la. Note z du Chap» III Je 1» Part. XVL PHIIOS^OFIIIOUE, PartXVIlL 349 tois bien plus encore la faine Logique fi Vaffir, mois çn général l'impoffibilité de lu réiurrec- tion des Morts. Au refte , quand il feroit démontré que les Miracles ne peuvent refTortir que d'une Action immédiate de la Toute - Puissance, ils n'en feroient pas plus une violation de l'Ordre phy^ fîque. C'eftque IcLe^gislateur de la Nature ne viole point ses Loix lorfqu'iL les lufpend ou les modifie. Il ne le fait pas même par une nouvelle Volonté : son Intelligence dé- couvroit d'un coup d'œil toute la Suite des Chofes , & les Miracles entroient de toute Eter- nité dans cette Suite comme condition du plus grand bien. [7 ] L'auteur de VÈffai de Pfychologte (8) a rendu çQci aflez clairement , quorque fon Style , fouvent trop concis, ne le mette pas à la por- tée de tous les Le(fleurs. " Lorfque le Cours ;, de la Nature , dit - il , paroit tout à coup [ 7 ] Je prie qu'on reliie ce que j'ai dit fur les Miracles , Kotc 13 , Part. XVI, Ch:ip. VL Jq ne vondrois pas que l'on ^înaginât que je regarde mon hypotlicfe comme vraie. (8) Efai cïj Pfychalogic^ Principes philofophiques : Part. 2^0 PJLI'F&È'T^FSIÊ 5, changé ou interrompu , on nomme cela un s. Miracle , & on croit qu'il eft l'Effet de TA©»- 5, tion immédiate de Dieu. Ce jugement peut „ être faux & le Miracle reffortir encore des 9) Caufes fécondes ou d'un arrangement prééta- 5, bli. La grandeur du bien qui devoit en ré- 5, fulter exigeoit cet arrangement ou cette ex- 35 ception aux Loix ordinaires. Mais, s'il eft 5, des Miracles qui dépendent de l'Adion im- „ médiate de Dieu, cette Adlion entroit dans s, le Pian comme moyen nécelfaire du bonheur. 5, Dans l'un & l'autre cas l'effet eft le même sj pour la Foi. „ CHAPITRE V. 5'// ejlprohahle que les Témobis de ^EVANGILE ont été trompeurs ou trompés, J 'AI fuppofé que les Témoins dont il s'agit lie pouvoient ni tromper ni être trompés. La première fuppofition m'a paru fondée principal- élément fur leur intégrité 3 la féconde fur lapai- pabilité des Faits. PHILOSOPHIQ^UE. Part XVlIi. 2^1 La probabilité de la pren>iere fuppofidon me fembleroit accroître beaucoup {1 les Faits atteftés ctoient de nature à ne pouvoir être crus par des Hommes de bon-fens fi c&s Faits n'avoient été vrais. Je conçois à merveille qu'une fauffe Dodrine peut facilemeiit s'accréditer. Ceft à l'Entende- ment à juger d'une Doctrine, & l'Entende- ment n'eft pas toujours pourvu des notions qui peuvent aider à difcerner le faux on certains genres. Mais, s'il «ft queftion de Chofes qui tom- bent fous tous les Sens , de Chofes de noto- riété publique , de Chofes qui fe paiTent dans un tems & dans un lieu féconds en Contradic- teurs -, ^\ enfin ces Chofes combattent des pré- juges nationaux, des préjugés politiques & re- ligieux , comment des Impofteurs qui n'auront pas tout-à-fait perdu le fens pourront-ils fe flatter un inftant d'accréditer de pareilles Chofes ? Au moiiïs ne s'aviferont - ils pas de vouloir perfuader à leurs Compatriotes & à leurs Con- temporains , qu'un Homme connu de tout le monde & qui e(l mort en public eft reiiufcité ; %u à la mort de cet Homme il y a eu pendant 2ç* JP A L I n G F J^ F S I R plufieurs heures des Ténèbres fur tout le Pays^^. que la Terre a tremblé, &c. Si ces Impofteurs. font des Gens fans Lettres & du plus bas ar- dre , ils s'aviferont bien moins encore de pré- tendre parler des Langues étrangères , &n%ont pas faire à une Société entière & nombreufe le reproche abfurde qu'elle abufe de ce même Don extraordinaire qu'elle n'auroit pourtant point reçu. Je ne fais fi je me trompe 5 mais il me fem- ble que de pareils Faits n'auroient jamais pu être admis s'ils avoient été faux. Ceci me pa^ loîtroit plus improbable encore , Ci ceux qui fai- foient profeiïlon publique de croire ces Faits. & qui les répanduient s'expofoient volontaire- ment à tout ce que le-s Hommes red4)Utent le plus , & fi néanmoins je n'appercevois dans, leurs Dépofitions aucune trace de fanatifme. Enfin; l'improbabilité de la chofe me fem- bleroit augmenter bien davantage , fi le Témoi- gnage public rendu à de pareils Faits avoit pro- duit dans le Monde une Révolution beaucoup plus étonnante que celles que les plus fameux Conquérans y ont jamais produit. Que les Témoins dont je parb , n'aient pi^ VHIL OSOPH IQ^UR Part, XVIIT. zs5 être trompés, c'eft ce qui m'a paru fe déduire légitimement de la palpabilité des Faits. Com- ment pourrois - je mettre en doute fî les Sens fuffifént pour s'affurér qu'un Paralytique mar- che , qu'un Aveugle voit , qu'un Jlort reirul- €îte , &c. ? S'il s'agilToit en particulier de la réfurredioii d'un Homme avec lequel les Témoins euffeuB vécu Familièrement pendant p'ufieurs années s fi cet Homme avoit été condamné à mort par un Jugement fouverain i s'il avoit expiré ea public par un fupplice très- douloureux; fi ce fupplice avoit lailîe fur fon Corps des cicatri- ces ; Çi après fa réfurredîon cet Homme s'éto:t montré plufieurs fois à ces mêmes Témoins j s'ils avoient converfé & mangé plus d'une Fois avec lui ; s'ils avoient reconnu ou vifité fes cicatrices; fî enfin, ils avoient fortement douté de cette réfurredion ; s'ils ne s'étoient rendus qu'au r témoignages réitérés & réunis de leurs yeux, de leurs oreilles, de leur toucher j h, dis-je j tous ces Faits étoient fuppofés vrais , je n'i» maginerois point comment les Témoins auroient pu être trompés. Mais , fi encore les Miracles att:ftés for- iç4 PALINGFN£:*SïS moient , comme je le difois , ( i ) une cliaiiie continue , dont tous les anneaux fuflent étroi- tement liés les uns aux autres j (i ces Miracles compofoient, pour ainfî dire , un difcours fuivi , dont toutes les parties futfent dépendantes les unes des autres & s^étayafTent les unes les autres 5 fi le Don de parler des Langues étrangères fuppofoit néceffairement la réfurredion d\m certain Homme & fon Afcenfion dans le CieU fi les Miracles que cette Homme auroit pré- tendu faire avant fa mort & qui me feroient at- teftés par les Témoins oculaires tenoient in- •diffolublement à ceux - là jfi ces miracles étoient très- nombreux & très - diverfifiés j s'ils avoient été opérés pendant plufieurs années 5 Ci, dis -je, tout cela étoit vrai , comme je le fuppofe , il me.feroit impofTiblede comprendre que les Té- moins dont il s'agit euffent pu être trompés fur tant de Faits fi palpables, Ci fimples , iî divers. Il me femble au rnoins que s'il avoit été poffible qu'ils fe fuffent trompés fur quelques- uns de ces Faits extraordinaires , il auroit été phyfiquement impoflible qu'ils fe fufîent trom- pés fur tous. [ I ] Confultcz le Chap. VI de la Part. XVIÎ, PHILOSOPHIQ^UE. Part. XVlii. açç Comment concevrois- je fur- tout, que ces Témoins puiTent s'être trompés fur les Mira- cles ni moins nombreux ni moins divers que je fuppofe qu'ils croy oient opérer eux - mêmes l CHAPITRE VI. Antres Ohje&ions contre le Témoignage th'é»f' de ildéalifrae & des iîlufions des Sens. Réponfes, J E ne me jeterai pas ici dans des difcufflons de la plus fubtile Métaphyfique fur la réalité des Objets de nos fenfluions , fur les iliufions des Sens , fur l'exiftence des Corps. Ces fubti- Htés métaphyfiques n'entreroient pas elfentielle- ment dans l'examen de mon Sujet. Je n'ai point refufé de les difcuter dans plufieurs de mes Ecrits précédens , & j'ai dit là - deifus tout ce que la meilleure Philofophie m'avoit enfeigné. Je fai^ auiîî bien que perfonne que les Objets de nos fenlations ne fauroient être en eux- ftièmes ce qu'ils nous paroiifent être. Je vois 2ç5 PAL1NC£:2^E'SI£ des Objets que je nomme matériels : je déduis des Propriétés efTentielles de ces Objets la no* tion générale de la Mraierè. " Je n'affirmerai 33 pas , difois-je ailleurs ( i ) que les Attributs 33 par lefquels la Matière ni'eft connue foient 33 en effet ce qu'ils me paroilTent être. C'eft 33 mon Ame qui les apperqoit : ils ont donc du 33 rapport avec la manière dont mon Ame ap- 33 perçoit : ils peuvent donc n'être pfis précifé- 55 ment ce qu'ils me paroilTent être. Mais af- 33 furément ce qu'ils me paroiftent être réfulte 33 néceffairement de ce qu'ils font en eux-mêmes 3, & de ce que je fuis par rapport à eux. Gomme 5, donc je puis affirmer du cercle l'égalité de 5, Ces rayons, je puis affirmer de la Matière 5, qu'elle eft étendue & folide ; ou pour parler 5, plus exadement , qu'il eft Hors de moi quel- 5« que chofe qui me donne l'idée de l'Etendue 3, fohde. Les Attributs à moi connus de la Ma- ,, tiere font donc des effets , j'obferve ces effets „ & j'en ignore les Caufes. Il peut y avoir bien „ d'autres effets dont je ne foupqonne pas le 5, moins du monde l'exiftenoej un Aveugleloup- „ çonne-t-il l'ufage d'un Prifme ? (2) Mais, [ I ] Préface de VEjfui Mialytique. [2] Verre dont les Fhyricier.s Ce fervent dans leurs ex- périences fur la Lîirtikrc & les Coiileui:». l>ni LOSOPKI^UF. Pan, XVm. 2Ç7 -t, je fuis au tnoins très aiîuré que ces effets 5, qui me iont inconnus ne font point oppoiés ,, à ceux que je connois. „ Jai aflcz fait entrevoir dans la Partie XITI^' Chap. U, que les Objets matériels ne font aux yeux d'une Philofophie tranfcendaate ( 3 j que de purs phénomènes , de fimples apparences fon-^ dées en partie fur notre manière de voir & de -concevoir , mais , ces phénomènes n'en font pas moins réels, moins permanens , moins invaria- bles. Ils n'en réfuitent pas mains des Loix im- muables de notre Btr^. Ils n'en fourniflent donc pas un fondement urToins folide à nos raifon- nemens. Ainsi , parce que les Objets de nos fenlà- ^ions ne font point en eux-mêmes ce qu'ils nous paroiffent être, il ne s'enfuit point du tout que nous ne puiflions pas raifonner for ces Objets comme s'ils étoient réellement ce qu'ils nous femblent «tre. ïl doit nous fuSirp que les apparences ne changent jamais, i Je pourrois dire beaucoup plus : quand le pur lâéalifme ( 4 ) feroit rigoureufement dé- [5] La Philofophîe de Leibnitz. Tome XV L R 2SS P A L ï 7^ G E* h^ E" S I S^ montré , rien ne cîiangeroit encore dans l'or- dre de nos idées fenfibles & dans les jugemens que nous portons fur ces idées. L'Univers, devenu purement idéal , n'en exifteroit pas moins 'pour chaque Anic individuelle : il n'olFriroit pas rPioins à chaque Ame les mêmes chofes , les mêmes combinaifons & les mêmes fucceflîons de chofes que nous contemplons à préfent. On "îi'ignore pas que le pieux & favant Prélat (0 'qui s'étôit déclaré Ci ouvertement & fi vive- 'ment le défenfeur de ce fyltême fingulier , fou- tenoit qu'il écoit de tous les fyftômes le plus favorable à cette Religion à laquelle il avoit conOicré fes travaux & fes biens. Si donc je prétendois que notre ignorance fur la nature particulière des Ob ets de nos fen* fations pût infirmer le Témoignage rendu aux Taits miraculeux il faudroit néceifairement me ré- foudre à donterdetous les Faits delà Phyfique, "de l'Hi-ftoire naturelle & en général de tous les TStlfs- hîftoriques. Un Pyrrhonifme ( 5 ) fi uni- dans la Nature, & qui r«dnit tout aux feules idées. On trouve ^ne|e;Mporitio.n afTez claire de cette finguliere Dodrine , Cha- pitl-e XXXlll de VEfai de Ffychologie. ['ç ] Bep.kley , Evéque de Cloyne en Irlande. -; 1^6 J Mot, ({lû exprime un doute miverfsL Les Pyyrho^ PHltÙSOPHÏ ri XÎE. Part. "^VÎÎL l^i Verfel feroic il bien conforme à la Raifon f ja devrois dire feulement au Sens commu. Je ne dirai rien des illufions des Sens ; patcâ ijuè j'ai ruppcfé qUeîes Eaits niiracuteux étoiénfi palpables , nomJDreux, divers y tels ,.en un mot, i|ue leur certitude ne potivoft être doùteufe* 11 feroit d'ailleurs fort peu raïf jnnable que j'ar^ gumcntaile des illufions des Sens loriqu'il s'agifi' de Faits qui ont pu être examinés par plufieuri Sens & que je fuppoie l'avoir été en eîfet. iiiens foutenoient qu'il n'y avoii, rien de certaini , PYRRHoi# fut dans la Grèce' le priiicipul Inftituteur de cette monR;riieiirè Philofophie & donnîr fon nom à cette.Seé^e dé f%i4f'loplië& qui en faifoient prcfcffiôn. Il vivoiî environ trois Sieëlg* avant ùotré Ere» "W .:i;"::,'j7.w:' %% %€! I I ■ ^ CHAPITRE VIL Oppojtt'wn de l^ Expérience avec elle- même W)uvelk Ohje&ion contre la preuve teji moniale, Répunfe. N. 'Al -JE pas trop donné au Témoignage? ne s'eft-il point glifle d'erreur dans mes rai- fonnemens r* ai -je aflez douté? Je ne fuis afluré de la véracité ( î ) des Hom- mes que par la connoilTance que j'ai des Hom- mes: cette connoilTance repofe elle - même fur l'Expérience, & c'eft l'Expérience elle-même qui dépofe contre la pofiîbilité pliyfique des Mi- racles. Voila donc l'Expérience'er conSid avec PEx- [ I ] La véracité eft en général la :onformité de la parole avec la penCée ou fi l'eu veut, l'attachement le plus eonilanî à la virité. pirfLosopHTQ^ùÉ. Part. :^vnL iéi périence : comment décider entre- deux Expé- riences Cl oppolées? J'APPERqois ici des diftindHons qui naifTent du fond du fujet , & que je veux effiayer de me développer un peu à moi-même. Pre'cisément parce que je ne pouvoir exiftér d'ans tous les tems & dans tous dans tous les- lieux mon Expérience perfonnelle eft nécefTai» rement très - reflerrée , & il en eft de même de celle ce mes Semblables. - Toute Expérience que je n'ai pu faire moi- même ne fauroit donc m'etre connue que par le Témoignage. Quand je dis que TExpérience de tous les tems & de tous les lieux dépofe que les Morts ne refllifcitent point , je ne dis autre chofe finon que le Témoignage de tous les tems & de tous les lieux attelle que les Morts ne refTufcitent point. Si donc, il fe trouve des Témoignages , que je fuppofe très-valides , qui atteftenc que des Morts font refTufcités , il y aura conflidi entre les Témoignages. R3 Hz ? A L l 17 G r 27 F S I E Jç di$ que ces Témoignages ne feront point proprement contradictoires ; c'ett que les Té^ moignages qui atteftent que les Morts ne relTuf- citent point , n'atteLÎ:ent pas qu'il e(l impoffible Çue h^ Morts reiîii (citent. Les Témoignages qui paroiffent ici en oppo- (îtion font donc îimplement diiférens. Or , fi les Témoins qui atteftent que des Morts font rejjîifàtés :, ont toutes les qualités rcquifcs pour raériter mon aiîcntiment, je ne pourrai raiionnabieraent le leur refufer : î^, parce que les Témoignages différens na peuvent prouver nmppiljbilité de cette réfur- re(5lion ; ^^. parce que je n'ai aucune, preuve que rOrdre phyfiqiîe ne renferme point des Difpen- fations iecretcs dont cette réfurredion ait pu i'éfuker t, ^^. parce qu'en mème-tems que les Tçmoins m'attellent cette réfurrcclion , je découvre évi-. gemment le but moral du Miracle. AîNSip il n'y a point propreinent âo. con^ PHILOSOPHIQ^VE, Part XVflt s ^ tradidion entre les Expériences j mais il y a diveriicé entre Hes Témoignages. Cest bien l'Expérience qui me fait connoître l'Ordre phylique : c'eft bien encore l'Expérience qui me fait connoître TOrdre moral : mais ces deux Expériences ne font .pas précifément du même genre & ne fauroient être balancées l'une par l'autre. Je puis déduire légitimement de l'expérience du premier genre que fuivant le Cours ordinaire de la Nature les Morts ne relTufcitent point j mais je ne puis en déduire légitimement qu'il efl; phyfiquement impoiîible que les Morts reiFuf- citent. Je puis déduire légitimement de l'expérience du fécond genre que des Hommes qui polfedcnt les m.èmes Facultés que moi ont pu voir & palper des Chofes que j'aurois vues- & palpées moi- même fi j'avois été placé dans le même tems & dans le même lieu. Je puis déduire encore de cette forte d'Expé- rience que ces Hommes ont vu & palpé ces Chofes fi j'ai des preuves morales fufnfantes de la validité de leur Témoignage. R4 aU TA £ I 2sr ê J^ V K* S i ff L'Ini>ien qui décide qu'il' eil: phyfîquenient irrw poffibk que l'eau cie vienne un corps dur n'eft pas Logicien : fa conclufion va plus loin que les pro- poiicions fur lefquelles il la fonde. Il devroit fe borner à dire , qu'il n'a jamais vu 8c qu'on n^a ja- mais vu l'eau devenir dans fon Pays un corps dur. Et parce que cet Iiidien n'auroit jamais vu cela , Se qu'il feroit très-fur que fes Compatriotes ne Pauroient jamais vu, il feroit très-juft« qw'il & rendit fort difficile fur les Témoignages qui lui feroient rendus de ce fait. Si je ne devois partir en Phylîque qi^ deç feuls Faits connus, il auruît fallu que j'euife lejetté fans examen les murvcilles de rEledricité, les prodiges des Polypes & une mu'titude cï'au- tres Faits de même genre j car quelle analogie pouvois-je découvrir entre ces prodiges & ce qui m'ctoit connu ? Je les ai crus néanmoins, ces prodiges: i®. parce que les Témoignages m'ont paru fuihfans: 2^. parce qu'en bonne Logique mon ignorance des fecrets de la Nature ne pouvoit être un titre fuffiiant à oppofer à des Témoignages valides. ■de Mais, comme il faut un plus grand nombre preuves morales pour rendre probable uit PHfLOSO^PHIOUÈ. Part. XFIir 2<ç Fait miraculeux que poi>L' rendre probable un prodige de Phyfique» je ccois découvrir auffî dans les Témoignages qui lUpofent en faveur des Faits miraculeux des caraéleres pro-portionués à la nature de ces Faits. J'ai indiqué ce qui m'a paru différencier le Miracle du prodige. (2) Ji n'ai pas nomné les Miracles des Faits fnrnaPiirel> 5 j'avois aifez entrevu qu'ils pouvoient redbrtir d'un arra ige- Fnent préétabli : je les ai donc nommés fîmple- meiu des Faits extraordhmi es , par oppoficion aux Faits rcntcirmès dans le Cours ordinaire de la Nature* Afin donc qu'il y eût ici une contradiflion réelle entre les Témoignages, il faudroit que ces Témoins qui ra'atteftenc la réfurredion d'un Mort , m'atteftailcnt en même tems qu'elle s'eO: opérée fuivaiit le Cours ordinaire de la Nature. Or, je fais très-bien que loin d'atteft^r cela, ils ont toujours rapporté le Miracle à l'inter- vention de la Toute-Puissance. Ainsi , je ne puis argumenter logiquement de l'uniformité du Cours de la Nature contre le Témoignage qui attefte que cette uniformité C 2 ] Part. XVII , Chap. vi. %66 PALIITCE'NE'SIÉ n'eft pas confiante : car, encore une fois,l'Ex* périence qui attefte runiformité du Cours de la Nature ne prouve p(jnt du tout que ce Cours ne puiiîe être changé ou modifié. ( 3 ) CHAPITRE VIII. Eéflexions fur la certitude morale. Je reconnois donc de plus en plus que je ne dois pas confondre la certitude morale avec la certitude phyfique. Celle-ci peut être ramenée à un calcul exadl lorfque tous les cas poflîbles font connus, comme dans les jeux de hazard , &c. ou à des approximations ( i ) lorfque tous les cas poflîbles ti'^ font ^as connus ou que les expé- riences n'ont pus été aflez multipliées , comme [ 5 ] Conrultez la Tradn(ft. Franqoife de l'Ecrit de Mr. Gampbell fur les Miracles^ & lur-tout les Notes du Tra- dudeur. [l] Mot emprunté des Mr.thémntiques , & qui exprime une opération par laqueik on approche de plus en plus de la l'Tilenr d'une Qiiantité qu'on cherche , fans cependant parvenir jamais à une précifion parfaite. VHIIOSOV HIHVE. Ta^f, XTITr. 2^7 dans les chofes qui concernent îa durée & les acckiens de la Vie humaine , &c. • Mais , les Chofes qu'on nomme vwrales ne fauroieut être ramenées au calcul. Ici le nombre des inconnues eft trop grand proportionnellement au nombre des connues. Le moral ell: fondu avec le phyfique dans la compofition de l'Homme : de là naît une beaucoup plus grande compli- cation. L'FIomme e(l de tous les Etres terreftres le plus compliqué. Comment donc donner l'ex- prelîîon algébrique d'un Caradere moral! Con- noit - on aiïez l'Ame ? connoît-on alTez le Corps ? connoit-A le myftere de leur Union .^ peut-on évaluer avec quelque précifion les effets divers de tant de circonltanccs qui agilfent fans ceife fur cet Etre fi compofé ? peut-on Mais , il vaut mieux que je prie mon Lecteur de relire ce que j'ai dit de i'imperfeclion de notre Morale dans ku Chap. v & vi de la Part. xiii. Conclura i-jE néanmoins de tout cela qu'il n'y a point de certitude morale ? parce que j'i- gnore le fecret de la compofition de l'Homme , en déduirai-je , que je ne connois rien du tout de 3'Hommer' parce que je ne fais point comment l'ébranlement de quelques fibres du Cerveau eft accompagné de certaines idées , nierai-je l'exif- ■ia^ F A LIN a F N F S r Ê tence de ees iuees ? ce feroit nier rexiftencîfe d» mes propres idées : parce que je ne vois point ces Ebres infiniment déliées dont les jeux divers influent fur l'exercice de TEntendement & de Ja ^^olonté, mettrai-je en doute s'il eft un En- tendement & une \^o!onté F ce feroit douter fi j'ai un Entendement Se une Volonté , &c. &c. Je connojs très-bien certains réfuitats géné- raux de la Conftitution de l'Homme , & je vois clairement que c'eft fur ces réfuitats que la cer- titude morale eft fondée. Je fais alfez ce que les Sens peuvent ou ne peuvent pas en matière de Faits pour être très-fûr que certains Faits ont pu être vus & palpés. Je connois affez les Facultés <& les Affedions de l'Homme pour être morale- ment certain que dans telles ou telles circonf- tances données des Témoins auront attefté la V élite. Je fuis même forcé d'avouer , que Ci je refu- fois d'adhérer à ces principes , je renoncerois •ê^UK maximes les plus communes de la Raifon & je m'éleVerois contre l'Ordre civil de tous les Siècles & de toutes les Nations. Sx donc je cherche la vérité de bonne foi, je ne fubtiliferai point une queftion aflez fimple PHILOSOPHIOUE. Pan. XFUi. z6^ & de la plus haute importance: je tâcherai de la ramener à fes véritables termes : je convien- drai que le Témoignage peut prouver les Mira- cles ,* mais j'examinerai avec foin fi ce Témoi- gnage réunit des conditions telles qu'elles ruffifent pour établir de pareils Faits ou du moins pour les rendre très-probables. C H A P I T R E I X. Confiâérations particulières fur les Miracles & fur les circonftances qui dévoient les accom* fagner cf? les cara&érifer. J'Ai fait entrer dans les caraderes des Miracles une condition qui m'a paru elTentielle ; c'eft qu'ils foient toujours accompagnés de circonf- tances propres par elles-mêmes à en déterminer évidemment le but. ( i ) Ces circonftances peuvent être fort étrange- res à la Caufe fecrete & efficiente du Miracle. Quelques mots qu'un Homme profère à haute £ I ] CoivCultez le Chap, VI 4e la Part- XVE[. 2?o PALÏ1^Q£'77E^SÎÉ voix ne font pas la Caufê efRciçnte de la réfur-i redion d'un Mort : mais , û la Nature obéit à î inftant à cette Voix , il fera vrai que le Mai-' TRE de la Nature aura parié. Il fuit donc des principes que j'ai cherché à me faire fur les Miracles , qu'ils ie ieroient opérés lors même qu'il n'y auroit eu ni Envoyé' ni Témoins qîn paruiTent commLinder à la Nature. Les Miracles tenoient dans mes prin- cipes à cet Enchaînement univerfel qui prédé- termine le ttms & la manière de Tapparitiou des chofes. (z ) [a] Mais, xjârce que clans mon hypothefe les Miracles TCÎTortoicnt d'un Syftême particulier des Loix de la Nature , & cju'ils faifoicnt ainfi partie de la grande Chaîne qui lie tous les événemens , on ne feroit point du tout fondé à en inférer, comme l'a fait un Critique , que dans mon hypothefe , les Mi- racles ne différent pas des événemens les fins ordinaires j êc que conféquemmcnt , Ils tie f auraient en aucune fago-a fcrvir de p-euve d'une MiJJion extraordinaire. Sans doute , que les Mi- racles ne différeroicnt pas eflentieliement des événemens Us flus ordinaires pour des Intelligences qui connoîtroient à fond le fecret de la Compofition du Monde t^ forite l'étendue cfe la Sphère d'aétivité des Loix qui régiffent les Etres naturels ou toutes les combinàifons dont ces Loix étoient fufceptibles. Si donc Dieu vouloit parler à de telles Intelligences 5 s'il vgh- loit SE révéler à elles pour leur enfei^ner quelque chofe qui ne fût point renfermé dans la iphcre aftuelle de leurs Facultés, il cft bien évident qu'il, ne pourroit fe fervir de ce Langage des Loix (|e b Nature d©iit il wif ici qu.ej[lioii , Si "dôirt jef PÏIILOSOPHI^UE- Parf.XVIIL 271 Mais, s'il n'y avoit eu ni Envoyé ni Té- moins qui interprécaiTent aux Hommes cetts Dirpenfaiion extraordinaire & en développairent le but , ( 3 ) elle feroit demeurée ftérile & n'au- roic été qu'un objet de pure curiofité & de vaines fpéculations. Les Miracles auroient pu paroitre alors ren- trer dans le Cours ordinaire de la Nature ou dépendre de quelques circonftances très -rares, &c. Ils n'auroient plus été que de fimplcs pro- me fuis beaucoup occupé dans les Chapitres IV , V , VI de la Part. XVII. Des Faculte's d'un autre Ordre exigeroient des Re- ve'lations d'un autre Ordre. Or, qui ne voit qu'il n'en va p^-S «les Hammes comme de ces Intelligences ? CLui ne voit que la Réfiirreftion d'un Mort qui s'opère fur le champ à la feule parole d'un Envoyé , peut être pour des Hommes une bonne preuve dQla.MiJ/ion extraordinaire de cet ENVOYE ? Les Leéleurs înteîligens & attentifs qui auront bien faifi mes principes fur les Miracles n'auront pas de peine à fe tirer des objections qu'ils peuvent faire naître, & ces principes ne font faits que pour des Lecteurs de cet ordre. Il ne leur paroitra donc pas ? eorrime au Critique que je relevé, qu'il fait J difficile de fou- ■ tenir la p-euve des Miracles par des raifonnentens fhilofophiques. C 3 ] L'Envoyé ne fe feroit dune pas conformé au but des Miracles c'il eût révélé aux Spectateurs le comment de fes Miracles ou le fecret de leur exécution. Il fuffifo't pour ia perfuafion & pour rinftrudtion des Spectateurs que les Faits dont il s'agit ne fuifent point renfermés dans le cours ordi_ mire des événemens &' que la Kacwre parût obéii à rinîlanfc à la voix de I'Exvoye'. tl2 IP J £ I 1^ G' F y r S I £^ diges, fur ^Cque-ls ks Sa vans auroi-ent enfanté bien des Syfièmcs, & que les î^norans auroient attribués à quelque F uiflaiice invifiblc , &c. Plusieurs de ces Miracles n'auroient pu même s'opérer, parce que leur exécution tenoic à des circonftances extérieures qui dévoient être préparées par i'Eîs^vOY'É ou par fes Miniftrês. Mais, dans le Plan delà Sagesse tout étoit enchaîné & harmonique. Les Miracles étoieiu en rapport avec un certain point de la durée & de l'elpace : leur apparition étoit liée à celle de ces Perfbnnages qui devroient fignifier à la Nature les Ordres du Législateur ik aux Hommes les DcJeins de sa Bonté. Ce feroit donc principalement ici que je cher- cherois oe Parajiéîifme -f 4 de la Nature & de la Grâce, fi propre à annoncer nux Etres peu- fans cette SuprEx^ie In'telligence Q.UI »- tout préordonné par un feul ade. (0 [4] Cet accord ou cette cotréfpondiince. [ ç ] On entenilroit fort mal mes ^îrincipcs fur cette Préor- dinution, fi l'on prétcndoit qu'ils dttruifent h Liberté hu- maine. Le<5 adions libres ont été prévues, parce qu'elles {"iip- pofoient cffentiellcment des motifs , & que les .motiî5 ont été prévus par celui qui fende les Ceurs ^ les Msins* prévoir Si PHÎLOSOP HIQ^UE. Part.XVIÎL s-^j Si PEnvoye & les minières ont prie pouc obtenir des Guénfons extraordinaires ou d'au- tres Evéiiemens miracu'eux , leurs prières en- croient , comme tout le refte , dans la grands Chaîne : elles avoient' été prévues de toute éternité par celui qui tient la Chaîne dans SA MAIN, & IL avoir coordonné. les Caufjs de tel ou tel miracle à telles ou telles prières. .'^ une action libre n'eft pas l'opérer 5 la permettre n'eft .pas îa produire. La Prévlfion eft toujours relative à la nature da l'action ^ à celle de l'ugent. Prévoir eft donc ici connoître avec ceftitmte l'inflaence des Caufes & la flature particulière de l'Etre-mixte fur, lequel ces Caufes açiiTent ou. à l'occarion defquelles cet Etre fe détermine. L'Au t eu b. de l'Homme ne fciiiro'it - IL -point comme7it V Homme eft fait ? L'Auteur du iVlonde ignorerDÎt -il le fecret de la Compofition du Monde? L'Ouvrier ne connoîtroit-lL point fon Ouvrage ? It pàr-ce que l'AuTEUR de^lHomme hi\ro\t comment rHomme e^/tfait , s'enfuivioit- il que l'Homme n'auroit ni Volonté ni Liberté ? Dieu ne pouvoit-lL connoitrela nature intime Ties Etreslibres fa«s que cette csnnoiffance détruisît la Liberté de ces Etres ? Si la Connoiirance fuppofe toujours un Objet, elle fera ce?' taine ou infaillible lorfque l'Objet fera parfaitement eonnu' Et û cet Objet a des rapports naturels avec d'autres Objets deux-ci avec d'autres encore , &c , & qu'il doive réfulter de ces rapports certains effets , ces effets feront exaé^ement prévi- fiblcs fi CCS divers rapports font exactement connus. Les effets dévoient être fubordonnés aux Caufes j celles-ci dévoient l'être es unes aux autres,- autrement il n'y auroit eu ni Ordro ui Harmonie. De cette fubordination naiffoit la Piévifion.- L'In- TELLiGENCE ADORABLE pour Q:UI tout eft à nud dans l'U- ni vcfs i qui découvre les Effets dans leurs Caufes, ces Caufes 4ans ELLE-mêraeî q_ui a vu de toute étern-ité les pku petit«^ Tome XVI. S S74 PALI2^G£;yE'SIg ^mmKmmmmmmBmammmmÊmmmmmamÊmÊmÊÊBMmmimmtmm I CHAPITRE X. Doute finguîier. Examen de ce doute. L me refte un doute fur le Témoignage qui mé- rite de m'occuper quelques momens. J'ai admis , au moins comme- très-probable ^ -^ue ces Témoins qui m'atteftent des Faits mu laculeux , n'avoient été ni trompeurs ni trompés : mais 5 feroit-il moralement impollihle qu'ils eul- fent été des Impoileurs d'une efpece très-nou- velle & d'un ordre fort relevé ? je m'ex- plique. «ianœuvres de laFonrmi comme les Prodiges du Che'jlubin', «ette Intelligence, dis-je , ne prévoit i>^s proprement les aftions libres j elle les voit; car l'avenir elt pour ellk c«mme le préfent. & tous les Siècles ne font devant elle que comme un inftant indiviiible. Je ne m'étendrai pas davantage ici fur un Sujet fi haut & Il contentieux. Je prie qu'on veuille bien lire avec attention « que j'aiexpofé fur la Liberté dans les Articles xii & XIII de VAnalyfe abrégée , & j'efpere qu'on rcconnoîtra que ni«« principes fur cette Matière «e eonduifcnt point du tout au Fa- »lifmc. P H IL OSOP H^HÙE. Part XVlTL ^^i Je fuppofe des Hommes pleins de l'amour le plus ardent pour le Genre humain, & qui connoiflant la beauté & Tutilité d'une Dodrine qu'ils auroient dcfiré paffionnémént d'ac* créditer , suroient très-bien compris que des Miracles étoient abfclument néceflaires à leur but. J3 fuppoic que ces Hommes auroient en conféqiicnce feiiit des Miracles & fe fe- roicnt produits n'jiî) comme des Envoyés du Tkes-Haut. je fuppofe enfin , qu'infpirés le foutenus par un genre d'héroïfme fi nou- veau , ik fe feroient dévoués volontairement aux foulfranccg & à la mort pour foutenir une impofture qu'ils auroient jugée fi utile au bonheur du Grme humain. VoiL.\ déjà un grand entalTement de fuppo- Étions toutes très-finguliercs. Là-deiTus je me demande d'abord à moi-même , fi un pareil héroïfme eft lien dans l'analogie de l'Ordre moral r' je dois éviter fur-tout de choquer Is iens commun. Des Hommes fimpîcs à illettrés inventeront- ils une femb'able Dodrine .^ formeront^ils u.i tel projet ? le metttorit-ils en exécudon ? le eonfommcront-i's ? ^•j6 P A L I N G £!* N F S I E DlS Hommes qui font profeffion de cœur &; d'efprit de croire une Vie à venir 8c un Dieu vengeur de rimpoflure, efpéreront-ils d'alier à la félicité par la route de rimpcilure ? DïS Hommes qui , loin d'être allures que Dieu approuvera leur impofture , ont, au con- traire, des raifons très-fortes de craindre qu'iL ne la condamne , s'expoferont-i's aux p(us gran- des calamités , aux plus grands périls , à la mort pour défendre & propager cette impofture ? Des Hommes qui afpirent au glorieux titre de Bienfaiteurs du Genre humain expoferont-iî^ leurs Semblables aux plus cruelles épreuves , fans avoir aucune certitude des dédommagemens qu'ils leur promettent ? Des Hommes qui fe réunilTent pour exécu- ter un projet (î étrange. Ci compofé, Ci dan- gereux , feront-ils bien fûrs les uns des autres ? fe flatteront-ils de n'être jamais trahis ? ne le feront-ils jamais en effet ? Des Hommes qui n'entreprennent pas feu- lement de perfuader à leurs Contemporains la vérité & l'utilité d'une certaine Dodrine; mais qui entreprennent encore de Içur perfuader la PHILOSOPHIflUE. Part.XVIJT. »7-; réalité de faits incroyables de leur nature 5 de faits publics , nombreux , divers , circonftun- ciés , récens , ePpéreront-^ils d'obtenir la moin- dre créance fi tous ces faits font de pures in- ventions? pourront-ils fe flatter raifonnablement de n'être jamais confondus ? ne le feront-ils en elTet jamais? Des Hommes ... je fuis accablé fous le poids des objedlions, & je fuis forcé d'aban- donner des fuppofitions qui choquent Ci forte- ment toutes les notions du Sens commun. A peine pourrois-je concevoir qu'un héroïfme fi fingulier eût pu fe gliifer dans une feule Tète: comment eoncevrois-je qu'il fe fut emparé de plufieurs Tètes & qu'il eût agi dans toutes avec la même force , la même confiance , la même unité ? . Et ce qui me paroit fi improbable à l'égaré de ce genre d'héroïfrae , ne me le paroîtroit pas moins quand il ne s'agiroit que de l'amour de la gloire ou de la renommée. Si des confidérations foîides m'ont couvain^ eu qu'il eft un Ordre moral 5 ( i ) fi les juge- ( i) Toyez le Ckap. I de U Part. :^VIH, S 3 »7S PALINOFNJ^SIM îïiefls que je porte des Hommes repo^fent efleiu tielleraent fur cet Ordre moral ; je ne fau- rois raifonnablement admettre des fuppofitions qui n'ont aucune analogie avec cet Ordre & qui me paroiiTent même lui ctre direderaent oppofées. CHAPITRE XL • Autres doutes. L^ Amour du merveilleux, i 'i les faux Miracles : hs Martyrs de l'erreur ou de ropimm% Réflexions fur tout cela, JLCI un doute en engendre promptement un autre. Le Sujet que je manie eft auffi compofé qu'important. Il prcfende une multitude de fa- ces : je ne pouvois entreprendre de les confi- dérer toutes : j'aurai au moins fixé les prin, cipales. , Les Annales rcligieufcs de prefque tous IP^IlOSOPHrUVE, TaH.XVIiT. 27^ les Peuples font pleines d'apparitions , de mira- cles, de prodiges , &c. Il n*eft prefqu'aucun* opinion rcligieufe qui ne produifc en fa faveur de€ miracles & même des Martyrs. L'esprit humain fe plaît au merveilleux : il a une forte de goût inné pour tout ce qui cft extraordinaire ou nouveau : on le 'frappe toujours en lui racontant des prodiges ; il leur prête au moins une oreille attentive , & il les croit fouvent fans examen. Il femble même n'être pas trop fait pour douter: il aime plus à croire : le doute philofophique fuppofe des efforts qui , pour l'ordinaire , lui coûtent trop. Ces difpofitions naturelles de rEfprit humain, font très-propres à accroître la défiance d'un Philofophe fur tout ce qui a l'air de Miracle, & doivent l'engager à fe rendre très-difficile fur les preuves qu'on lui produit en ce genre. Mais > les vifions de l'Alchymie porteront- ^les un Philofophe à rejeter les vérités de la Chymie ? Parce que quantité de livres de Phyfî- que & d'Hiftoire fourmillent d'obfervations trom- peufes & de faits controuvés ou hafardés , \n\ Philofophe qui faura douter en tirera-t-il unt S4 2^Q: P A L î 2s' G £' N F S I E conclufion générale contre tous les Livres de rhyfique & d'Hiftoire ? étendra-^t-il fa conclu- lion indiftindement à toutes les obfervations , à tous les faits ? Si beaucoup d'jopinions reîigieufes ont em- prunté l'appui des Miracles , cela même me paroîtroit prouver que dans tous les tems & dans tous les lieux les miracles ont été regar^ dés comme le Langage le plus expreflif que la DIVINITÉ pût adreifer aux Hommes , & comme le Sceau le plus caradériftique qu'ELLE pût appofcr à la Miiîîon de fes Envoyés. ( i ) [ I ] Aussi TEnvoyÉ en appelle-til fréquemment à cette preuve comme à la plus convaincante. Les Oeuvres que mon F ERE m'a donné le pouvoir de fane rendent ce témoignage de moi que f ai été envoyé par mon PERE. . . Si je n'avois fait de-vant eux des Oeuvres que nul autre n'a fuites. . . Si vou^ re croyez pas à mes Paroles , croyez au moins aux Oeuvres qiœ je fais. . . Tyr ^ Sidon s'élcrjeront au jour du Jugement contre cette Nation j car ^fî les Miracles qui ont été faits de" vunt elle avaient été faits devant Tyr tîf Sidon , elles fe fe" voient converties. Lei Miracles étoient , eir effet , un des principaux Carac- tère; auxquels cette Nation penfoit qu'on reconnoîtroit le Mes- sie ouïe Christ ; quand le Messie viendra fera- 1 -il de plus grands Miracles que cet Homme ? Et fi l'on î rctcndoit que le Ckrist lui-même a voulu in- firmer cette grande preuve, lorfqu'iL a dit eu termes formels r H IL OSO P H l Q^UE. Part. XXnU. zgi Je defcends enfuite dans le détail : je com- pare les Faits aux Faits, les Miracles aux Mi- racles : j'oppofe les Témoignages aux Témoi, gnages , & je fuis frappé d'étonnement à la vue de rénorme différence que je découvre entre les Miracles que m'atteftent les Témoins dont j'ai parlé , & les faits qu'on me produit en fiveur de certaines opinions religieufes. Les il s'élèvera de faux Chrîjts ^ de faux Prophètes qui feroîtt dt's chofes Jî mer-veilleufes çff Jî prodigieufes , que , s'il était fc'JJtble ^ les Elus mêmes en feraient féduits'-, fi,dis-je, l'on pré- teiidoit que le Christ a voulu montrer par ces paroles le peu de fond qu'il y a à faire fur les Miracles , on choqueroit m.inifeftement les règles de la plus faine Critique : car s'il étoit bien prouvé par l'Hiftoire que la Nation dont il s'agit dans ce paflage étoit alors^ fort adonnée à la Magie & aux Enchantemens ; s'il étoit l)ien prouvé encore par l'Hilloire de cette Nation qu'il s'éleva peu de tems après la venue du Christ de faux-Prophetes qui recouroient aux Arts magiques pour féduire le Peuple î fi cette féduftion étoit d'autaiit plus facile , que la Nation entière faifoit profeffion d'attendre alors la venue du Messie , il feroit de la plus grande évidence qne le Christ n'aiiroit voulu par ces paroles que prémunir fes Difciples contre les preftiges de ces faux - Chrijls qui abu_ feroient de la crédulité du Peuple eiî lui perfuadant qu'ils étoient eux-mêmes ce Christ dont les anciens Oracles an- iionqoient la venue. Un fage Médecin palTeroit - il pour avoir voulu décréditer la Médecine , parce qu'il auroit pris foin de prémunir le Public contre les fédudions des Charlatans ? Mais , les vrais Médecins ne fe laiflfcnt pas féduire par les Charla- tans ; auffi le Christ ajoute- 1 -il, que s'il e'toit pos- CIBLE les E'ius mêmes en feroient féduît-s. premiers me paroiiTcnt fi fupérieurs foit à l'é- gard de Pefpece , du nombre , de la diverfité , de l'enchaînement , àe la durée , de ia publi- cité j de l'utilité diredle ou particulière > ( 2 ) foit fur-tout à l'égard de l'importance du but général , de la grandeur des fuites , de la force des Témoignages; (3) que je ne puis raifon- (2) Ces Miracles ne font point faftueux: ils ne font point une vaine oftentation de PuiiTance : ils font la plupart des. Oeuvres de miféricarde, des aftes de fcienfaifance. [ 3 ] Je prie inftamment le Lcfteur qui fait douter , de pefer un à un à la balance de la Raifon les divers carafteret Cjue je viens d'indiquer & qui me paroifTent réunis dans les Miracles de I'Evangile. Je le prie encore d'î»ppliquer un à un tous ces caraéteres aux faits foit anciens , foit modernes qu'on produit comme miraculeux, & de fe demander à lui- raême dans le filence du Cabinet, fi ces faits foutiennent bien le parallèle. Il remarquera le dénombrement que je fais ici des caractères que j'aurois pu facilement pouffer plus loin & développer beaucoup fi le genre de mon travail me l'avoit per- mis : 10. Tefpece , 2°. le nombre , S'', la diverfité, 4^. Pen- fhaînement, $". la durée, 6 <^. la publicité , 7°. l'utilité di- refte ou particulière , 8°. l'importance du but général , 90. U grandeur des fuites, 10*^. la force des Témoiijuages. ïl efi: facile de trouver dans l'Hifloire ancienne S: moderne ^es faits attelles , même juridiquement comme miraculeux , & qui pourtant n'étoient que de pures inventions, des luper- chéries ou des effets naturels , mais frappans de diverfes ei»-- conflances phyfiques ou morales. Notre Siècle en a offert & en offre encore pluficurs exemples. Le Le(ftcur vraiment Lo- gicien & bon Critique appliquera donc à ws fait* le« divers VUÎLOSOVHIQ^VE. TcwL XVIU. 285 nablement ne les pas admettre au moins comme très-probables ; tandis que je ne puis pas rai- fcnnablement ne point rejeter les autres comme des inventions auffi ridicules en elles-mêmes qu'indignes de la Sagesse & de la Majesté du Maître du Monde. Hésiter Ai-JE donc à prononcer entre les preftiges , les tours d'adcelle d'un Alexandre carafteres que préfentent les Miracles de I'Evangile. Il ne fe bornera point à des comparaifons générales 5 il defcendra dans le détail & dans le plus grand détail. W ne s'arrêtera point aux grands traits , aux traits les plus faillans •■, il voudra analyfer encore les plus petits traits & pouffer ranalyfe juf' ques dans fes derniers élémens. Prcfnmera-t-on qu'après un pareil examen, le Lcfteur que je fuppofe foit fort porté à ranger dans la même catégorie & les Miracles de TE'VAN- eiLE & tous les faits donnés pour miraculeux par difFérens Partis. Je n'ai jamais dit , parce que je nz l'ai jamais penfé , qu'il fuffife qu'un fait foit attefte comme miraculeux , pour qu'il faille le croire miraculeux : mais , j'ai fort inûfté fur les dif- fe'rens carafteres que doivent avoir les Mirat-les & les Té- moignuges qui les atteftent , pour obtenir racquiefccment de la Raifon. Je ne demaiide qu'une grâce i c'eft de me.lire avec l'attention & le recueillement qu'exiî^c la nature de mon travail j de ne juger point par quelques paragraphes de la Caufe que je traite i mais d'en juger par l'a chaîne entière des paragra- phes , je veux dire par la collcftion de toutes les preuves que je ralTembie. ou que^ j'iiidique. 2$4 r /î L [ 7^' G F 2J F S I E (4J du Pont ou d'un Apollonius (^) cle Thyane & les Miracles qui me font atteftés par les Témoins dont il s'agit ? Demeurerai je en fufpcns entre Tautorité d'un Philostrate (6) & celle de ces Témoins F Peferai-je dans la même balance la Fable & l'Hiftoire ? (7) Si ii;i Hîfl:orien[8] d'un grand poids me rapporte qu'un Empereur Romain a rendu la vue à^ un Aveugle & guéd un Boiteux, j'exa- minerai Cl cet Hiilorien , que je fais très - bien ( 4 ) Impofteur fameux. ( ç ) Autre Impofteur fameux du tems de Ne'eon. Hie'rocles , Philofophe Payen, qui vivoit au commence- ment ilu qi^atrieme Siècle , avoit compofé un Ouvrage intitulé Ibilaiethes , dans lequel il comparoit les pre'tendus Miracles d'ApoLLONius à ceux de I'Envoye' de Dieu. (6) Auteur du Roman d'Al^OLLONius, & qui le com- Jcfa pour faire fa cour à jCaracalla , Prince fuperftitieux & fort adonné à la Magie. (7) On fent aflex que la nature de cet Ecrit ne me per- met point d'entrer dans des de'tails hiftbriques & critiques qui contrafteroient trop avec une fimple Efquiffe. On les trou- vera , CCS détails, dans pvefque tous les Livres qui ont été publiés en faveur de la Vérité qui m'occupe. On peut fe bor- ner h, confulterles favantes Notes del'eftiraable M. SeignEUX de CoEREVONT fur l'Ouvrage du célèbre AppiSSON. C 8 ) Tacite fur Vespasien. VHîLOSOPHIdUE. Part. XVJJL 2Sç n'être point crëiîule , fe donne pour le Témoin oculaire de ces faits 5 fi je lis dans fes Annales ^ qu'il ne les rapporte que comme un bruit po^ pulaire: ( 9) s'il infinue lui-même aifz clai- rement que c'étoit là une petite invention def- tinée à favorifer la caufe de l'Empereur : ( 10) s'il parle de cette invention comme d'une flat- terie , [ 1 1 J je ne pourrai inférer du récit de cet Hiftorien que la réalité d'un bruit populaire. Si dans le Siècle le plus éclairé qui fut ja- mais & dans la Capitale d'un grand Royaume on a prétendu que des miracles s'opéroient par des convulfions j Ç\ un Homme en place a con- figné ces prétendus Miracles dans un gros Li- vre j s'il a tâché de les étayer de divers Té- moignages 5 fi une Société nombreufe a donne ces faits comme des preuves de la vérité de fou opinion fur un paiTage d'un Traité de Théo- logie,- je ne verrai dans tout cela qu'une in- vention burlefque, & j'y contemplerai à regret (9) Utrumque fro Conciom tentavit, née eventus defuit. (10) jQueis cale (lis favor ^ ^ qucedam in Vef^ajîmum ift* clinatio numinum ojlenderetur, (II ) y^cibHS adakntiuni in fpm induçff 2^6 P A L I 2s' a E* N r s î E les monfti-iîeux icarts de la Raifon humaine. (12) (12) Le LecT:eur judicieux me clifpenfe, fans doute, de m'étendrc davantage fur un éve'nement qui fait fi peu d'hon- neur à notre Siècle. Je ferois même tenté de reprocher à quel- ques Ecrivains célèbres le tems qu'ils ont confumé à difcuter de pareils ftiits, fi je ne connoifTois les motifs très - louables qui les ont portés à y infiftcr avec tant de force. Combien la Vérité qu'ils défendoient étoit-elle à l'abri de ces foibles traits qu'ils s'cfforqoient de repouft'er ! Le Maître de la Nature en fufpendra-t-IL les Loix pour décider la ridicule queftion fi quel- ques mots font ou ne font pas dans un certain Livre ou pour iixer le fens de quelques paroles d'un vieux Dofteur? Et il ne faudroit pas ohjeder que dans un cas pareil ,■ îc Maître de la Nature pourrait en fufpendre les Loix ponr confirmer la Religion ou la Dodrine quadmettroit le Dodeiir ou la Société dont il feroit membre : car s'il étoit évident aux yeux de la Raifon que les paroles de ce Dofteur ne pou- , voient influer fenfiblementfnr le bonheur du Genre - humain ; feroit -il le moins du monde préfnmable que la Sagesse eût choifi une femblable occafion pour aiitorifer par des Miracles une certaine Croyance? Après cela , il refteroit toujours à faire l'examen critique des Miracles qu'on allégueroit en preuve de la vérité de cette Croyance , & à faire encore l'examen de la Croyance. Voyez fui? ce fujet la Note 3. Ceci s'applique de foi -même à tous les événemens du genre de celui qui donne lieu à cette Note. Ce feroit donc une wb- jedlion bien frivole contre les Miracles de I'Evangile qus ' celte qu'on s'obftineroit à tirer de certains faits qui ont été prii bonnement pour miraculeux par des Particuliers ou même p»< des Sociétés, & publiés comme tels; car il faudfoit que c-e» lui qui entrepreiidToit de faire valoir '4:;èt4c ''^bjedîon moHtrà* cIaLireraen:& folidcmeut que la crédibilité cft dei'art& d'autre PHILOSOPHIJlUR Paru, XVUl aS7 Parce que l'erreur a eu fes Martyrs comme la vérité, je ne puis point regarder les Martyrs €omme des Preuves de fait de la vérité d'uae opinion. Mais , fi des Hommes vertueux & d'un Sens droit fouffrent le martyre en faveur d'une opinion , j'en conclurai légitimement qu'ils ctoicnt au moins très - perfuadés de la vérité de cette opinion. Je rechercherai donc les fon- démens de leur opinion , & fi je vois que ce font des Faits fi palpables , ù nombreux , fi divers , fi enchaînés les uns aux autres , Çi liés à la plus importante En qu'il ait été morale- ment impoflible que ces Hommes fe foient trom» pés fur ces Faits , je regarderai leur martyre com- me le dernier fceau de leur Témoignage. égale ou à-peu-prcs. 11 faudroit ttonc qu'il fît en Losicieii & «n Critique le Parallèle dott je parlois dans la Notes. C'eft qu'il ne s'enfuivra jamais en bonne Logique que les Miracles de l'EvANGiLE ne foient pas vrais, précifément parce qu'im affez grand nombre de Gens de tout ordie & de tout fexj? «nt pris & publié comaie vrais des Miracles faux. ^MiS^ 2S8 P A L I N G ^ N h' S I E Avmx des Adverfaires. \3l après avoir ouï ces Témoins qui ont fceilé de leur fang Je Témoignage qu'ils ont rendu à des Faits miraculeux, j'apprends que leurs Ennemis les plus déclarés , leurs propres Com- patriotes & leurs Contemporains ont attribué la plupart de ces Faits à la Magie j cette ac- cuTation de Magie me paroîtra un aveu indi- redl de la réalité de ces Faits. ' Cet aveu me femblera acquérir une grande force, (\ ces Ennemis des Témoins font en même tems leurs Supérieurs naturels & légi- times, & fi ayant en main tous les moyens que la PuifTance & FAutorité peuvent donner pour conftater une impofture préiumée , ils ne l'ont jamais conftatée. Que penferai. je donc fi j'apprends encore que ces Témons que leurs propres Magiftrats n'ont pu confondre , ont perfévéré conftamment à charger leurs Magiftrats du plus grand des cnmes , PHILGSOFHIOUE. Part. XVnj. 2S9 crimes, & ^^''^^s ont même ofe déférer une pa- reille accufiitio^ 4 ces Magitlrats eux-u)èî;iies ? Si je vie^DS enfuite i (Jico.yLvrir qvie d'autrcç Enuerïïi€ de>; TéaiQios oiu auilî aw:ribii,é aux Arcs niigjqu.^S le? Fîiits rniraç^ule^fc que ces derniers attefloien,: > fi j,e ^is m''^irj[jixer que ces Eiiu,e,i^is^ étQJeuf auffi éclairée q^ye le Siècle le Ipermeico^l x auij adroit^ , aj^i fubtils , aullî vigilans q.u'acharnés j il jç faiç. qus 1,^ plyparc vivoient d«\ns des tems peu éloigaés de ce.ux: des Témoins 3 fi je fais enfin, qu'un de ces Ennemis le plus (ubtil , le plus adroit , le plus obltiné de tous & aflis fur un des premiers Trônes du Monde a avoué plulicurs de ces Faits miraculeux, po.urrai-je en bonne Criti- que ne point regarder ces aveux comme de for- tes préfompcions de la réalité des Faits dont il s^agit ? ( I ) [i] Je le répète.: înoa Hajû i?>'ii^dît les de'tails hiftori- ques & critiques : jjt ^Q pi^ qj^)'iïii^(j[i*eJC les plus elTentiels. Il faut voir dans le* e;jj^|dyteaK IPraité^ d'jun Grotius , CCww DirroN, d'un Verne r, d'miBERGiER, dimBuLLET , &c. ces aveux des Gelse , des Porphyre, des Julien & des autres A.lverfaires des Témoins. Peut-être néajimoins pourroit-on re- procher avec fondement à quelques-uns des meilleurs Apolo- 5, aies des Té'moins de s'être plus attachés à nombrer les ar- ^umens qu'à les pefer. Tome XVL T ^* P A L J If G E' N É'S I E Si pourtant je cherchois à iiiErmer ces aveux par la confidératioii de la croyance à la Magic qui étoit alors généralement répandue , il n'en demcureroit pas moins probable que ces Faits que les Adverfaires attribuoient à la Magie , ctoient vrais ou qu'au moins ces Adverfaires les rcconnoiflbient pour vrais : car on n'attribue pa€ une caufe à des faits qu'on croit faux : mais on nie de« faits qu'on croit faux, Se on en prouve la fauffeté fx l'on a les moyens de l« C 291 ) 1^^: ^^'^^g:;; '^y^ D I X-N EUVIEME PARTIE. SUITE DES IDÉES s U R L'E'TAT FUTUR DE L'HOMME. aaÊtÊmmmmmÊÊmÊÊmmammÊsamaiataÊiauimaÊÊamaBÊÊBÊHmtmmiitmfm^ CONTINUATION DES RECHERCHES SUR LE CHRISTIANISME. LA DEPOSITION E'CRITE. CHAPITRE I. Car a& ère de la dépofition écrite ^ celui des Témoins, OAns doute, quî les Témoins des Faits mira- chIcux ont confign^ dans quelqu'Ecrit le Témoù T z ^^^ VA LÏ^GE^^^E'SIE gnage qu'ils ont rendu Ci publiquement, fi cont tamment, Ci unanimement à ces Faits ? on me produit, en effet, un Livre qu'on me donne pour la Dépofition fidèle des Témoins. J'examine ce Livre avec toute l'attention dont je iuis capable , & j'avoue que plus je i'ex'î?mine 6<. plus je fuis frappé des caraderes de vraifemblance , d'originalité & de grandeur que j'y découvre , & qui me paroilTent -en faire un Livré unique & abfolument inimitable. L'E'tE'VATiON des penfées & la majeftueufc fimpHcité de l'expreffion , la beauté , la pureté , je dirois volontiers l'homogénéité [ i ] de la Dodrine , l'importance , l'uni verfalité & le petit nombre des préceptes , leur a^Jmirable appro- priation à la nature & aux befoins de l'Homme, l'ardente charité qui en prefTe fi généreufemcnt l'obfervation , l'ondion , la force & la gravité du Difcours, le fens caché & vraiment phi- lofophique que j'y apperqois; voilà ce qui fixe le plus mon attention dans le Livre que j'exa- \_i'] Une maffe d'Or eft dite honoprene , quand toutes Ie|é particules qui la compofent font rft même nature ou d'Or pur. Oh voit donc ce que je veux exprimer ici par le mot ê^ hoffw^éiîêi t^ ptîs ^n'fisixré.'L'Mrér(sénéitéefk le contraire 4$ PHILOSOPHI,(lUE. Part:XrX. 29J mine , & ce que je ne trouve point au même degré dans aucune Produdioa de l'Efprit hu- inain. Je fuis très -frappé encore de îa candeur» de l'ingénuité , de la modelHe , je devrois dire de l'humilité des Ecrivains , à de cet oubli fin- gulier & perpétuel d'eux - mêmes qui ne leur permet jamais de mêler leurs propres réflexiohs ni même le monidre éloge au récit des a je fens la probabilité s'accroître en faveur des Faits que le Témoin attefte. Je trouve encore dans le même Hidorien d'autres Difcours de ce Témoin qui me paroif- fent des Chpfs - d'œuvres de Raifon 8c d'Élo- quence, fi néanmoins le mot trop prodigué d'Elo- quence peut convenir à des Difcours de cet ordre. Je n'oferois donc ajouter qu'il en eft qui font pleins d'efprit ; ce mot œntrafteroit bien davantage encore avec un fi grand Homme oc de Cl grandes Chofes. Athéniens f je remarqits qu'en toutes Chofes vous êtes , pour ainfi dire , dévots jufqu^à t excès : car ayant regardé , eyi paf- fiuit 5 les Objets dç votre Culte , j'ai trouvé ynètm mi Autel 5 fur lequel il y a cette Infcription , AU Dieu inconnu. Cefl donc ce Dieu , que vous adorez fans le connoitre^ que je vous annonce. [ ^ ] Parmi ces Difcours , il en eft de fi touchans que je ne puis me défendre de Timpreflion qu'ils me font éprouver. Des chaînes & des cifflic" tio?ts m'attendent : mais vienne me fait de la peine pourvu que j'achève avec joie ma courfe ^ le Minifier e que fai reçu //« Seigi^EUR J' fais au refie , qu'aucun de vous ... ne verra plus mon vifage Je n'ai defiré ni P argent ni for ni les vêtemens de perfonne : ^ vousfavez voM* Cs ] Ad. XYII. 22 ,'a3. y 3 4lS fALiVGE'NB'SIE mêmes , que ces mains que vous voyez ont fourni a tout ce qui m^ et oit n'écejjaire & a ceux qui éioient avec tuoi. Je vous ai 7nontré qu' il faut fou- lager ainfi les Infirmes en travaillant , ^ fe fon^ venir de ces paroles du Seigneur; qu^ily a plus de bonheur à donner qu'à recevoir. [6] Mon vifage .... ces mains que vous voye^z» ... Je fuis étonné du nombre , du genre , de la grandeur , de la durée des travaux & des épreu- ves de ce Perfonnage extraordinaire : 8c Ci h gloire doit fe mefurer par l'importance des vues , par la nobleife des motifs & par les Obftacles à furmonter , je ne puis pas ne le regarder point comme un véritable Héros, Mais, ce Héros a lui-même écrit: j'étudif donc fes Productions , & je fuis frappé de l'ex- trême dédntérelfement , de la douceur, de la finguliere ondion , & fur - tout de la fublime bienveillance qui éclatent dans tous fes £'crits. Le Genre-humain entier nef point à l'étroit dans fou Cœur, Il n'eft aucune branche de la Morale qui ne végète & ne frudifie chez lui. Il eft lui- même une Morale qui vit , relpire & agit fans [6] Ad. XX. 23, 24, 2î, 33, 34, SS?. riIILOSOPHI^VE. Part.XlX^ ).ii ceffe. Il donne à la fois l'exemple & le précepte ; 8c quels préceptes! QUEvotre Charité foit fmcers. Ayez en horreur le malç^ attachez-vous forter^ent au bien. Aimez- vous réciproquement d'une ajfeciion fraternelle. Prévenez-vous les uns les autres par honnêteté. Ne foyez point parejjeux à rendre \ey vice. Réjouif- fez-vous dans Pefpérance, Soyez patiens dans Pajpi&ion. Eîuprejjez-vous à exercer la hienfaifançe & l" Hofpit alité. Bénijfez ceux qui vous perjécu^ tent 5 hénijjez-les , ^ ne les maudijfez point. Ré- jouijjez-vous avec ceux qui font dans la joie .Ç5? pleurez avec ceux qui pleurent. N'ayez tous en- femhle qu'un même efprit, Conduifez-vous par des penfées modeftes & ne préfumez pas de vous- mêmes. [ 7 ] Comment une Morale fi élevée, fi pure, il aiTortie . aux befoins de la Société univer- felle a-t-elle pu être didée par ce même Homms qui ne refpiroit que menaces & que carnage Se qui mettoit Ton plaifir Se fa gloire dans les tor- tures de fes Semblables? Comment fur-tout un tel Homme eft-il parvenu tout d'un coup à pra- tiquer lui-même une Morale fi parfaite/* Celw [ 7 ] Rom. XII. V4 qui «toit venu rappeller les Hommes à ces gratî^ des maximes lui avoit donc parlé ? Que dirai-ie encore de cet admirable Tableau de la Charité , fî plein de chaleur & de vie , que je ne me lafle point de contempler dans un autre Ecrit [ 8 ] de cet excellent Moralifteî Ce n'eft pourtant pas ce Tableau lui - même qui fixe le plus mon attention 5 c'eft Toccafion qui le fait naître. De tous les Dons que les Hom- mes peuvent obtenir & exercer , il n'en eft point, fans contredit, de plus propres à âatter la vanité que les Dons miraculeux. Des Hom- mes fans Lettres & du commun Peuple qui viennent tout d'un coup à parler des Langues étrangères , font bien tentés de faire parade d'un Don fi extraordinaire & d'en oublier la fin. Une Société nombreufe ds nouveaux Néo- phytes fondée par cet Homme illuftreabufe donc bientôt de ce Don : il fe hâte de lui écrire & de la rappeller fortement au véritable emploi des Miracles : il n'héfite point à préférer haute- ment à tous les Dons miraculeux cette bicn- veuillance fubiime qu'il nomme îa charité , Se qui eft, félon lui , l'cnfemble le plus parfait de f 8 1 I. Cor- XHï, rniLosoPHidUE, Pcn.xix. m ^toutes les vertus fociales. Qiianâ je p.irkrois les Langues des Hommes & celles des Anges mêmes , fî je n'ai point la Charité je ne fuis que comme fAi^ rain qui réjonne ou comme une Cymbale qui reteiu îi. Et quand j'aurais le don de Prophétie ,* que j'aurois la connoijjance de tous les Myfteres '& k Science de toutes chofes i quand j' aurois aiiffi toute la Foijufqu'n tranfporter les Montagnes , Jîjeuai point la charité je }ie fuis rien. Comment ce Sage a-t-il appris à faire un (î jufte difcerHement des ChoCbs? Comment n'eîU il point ébloui lui-même des Dons éminens qu^il poflede ou que du moins il croit pofleder ? i]\\ Impofteur en uferoit-il ainfi? Qui lui a de- couvert que les Miracles ne font que de fimples Signes four ceux qui ne croient point encore ? Qui avoit enfeigné au Perfécuteur fanatique à préférer i' Amour du Genre - humain aux D^ns les plus éclatans ? Pourrois-je méconnoître aux enfeignemens & aux vertus du Difciple la voix toujours efficace de ce Maître qui s'eft facriné lui-même pour le Genre-humain ? ^^'è^^^ ÎH P A L r 2f G F N F S I E CHAPITRE V, V Aveugle- né. V-/E font toujours les Interrogatoires conte- nus dans la Dépofition des Témoins qui exci- tent le plus mon attention. C'eft là principale- ment que je dois chercher les fources de la probabilité des faits atteftés. Si, comme je Is remarquois , ces Interrogatoires n'ont jamais été formellement contredits par ceux qui avoient le plus grand intérêt à le fiire . je ne pourra, raifonnablemeiflt me refufer aux conféi][uenccs qui en découlent naturellement. Entre ces Interrogatoires il en ell: un fur- tout que je ne lis point 11ms un fecret plaiiir : c'eft celui qui a pour objet un Aveugle-né guéri par TEnvoyÊ. [i] Ce Miracle étonne beaucoup tous ceux qui avoient connu cet Aveugle : ils ne favent qu'en penfer & fe partagent là-defTus. Ils le conduifent aux Docteurs : ceux-ci l'interro- gent & lui demandent connu eut il a reçu la vus? (i) Jean. i\. PHÏ LOSOPHIQ^UE, Part. ^JX. 51 » Il m'a mis de la houe fur les yeux ^ leur répond- il 5 je me fuis lavé È? je vois. Les Dodeurs ne fe preiTent point de croire le Fait. I!s doutent & fe divifent. Us veulent fixer leurs tlou-tcs , & foupqonnant que cet Hom- me n\ivoit pas été aveugle , ils font venir fon F ère ^ fa Mère. Ef~ce là votre Fils , que vous dites être né aveugle , leur demandent-ils ? com- ment donc voit-il maintenant ? "LE Père Çff la Mère répdndeiit ; nous favons que c*efl là notre Fils ^ qiiil ejî né aveugle ; mais nous ne favons comment il voit maintenant. Nous ne favons pas non plus qui lui a ouvert les yeux. Il a ajfez d'âge , interrogez-le ; il parlera lui- même fur ce qui le regarde, Lfs Dovfleurs interrogent donc de nouveau cet Homme fini avoit été aveugle de naijfance : ils le font venir pour la féconde fois par devant eux ^ lui difent y donne gloire à DIEU: nous favons que Celui que ru dis qui t'a ouvert les yeux , efl un méch mt. Si c'ejl un Homme méchanti Homme , réplique-t-il , je n'en fais rien : je fais feulement que j'étois aveugle ^ que je vois. A cette réponfe (î ingénue les Dodeurs revien- ^i^ T A L 1 1^ G :Er rrn' s I É lient à leur première queition : que fa^t-îlfait^ lui demandent-ils encore : contment fa-tM ouvert les yeux? Je vous l'ai déjà dit, répond cet Homme auflî ferme qu'ingénu , pourquoi voulez- vous l'entendre de nouveau ? avez - vons _ aujjl tjtvie d'être de [es Difciples ? Cette rplique irrite lesDodcurs zihlechar- gmt d'injures, . . . Nous ne favons , difent - ils , de ici part de qui vient Celui dont tu parles. Cejî quelque chofe de furprenant que vous igno- riez de quelle part il vient 5 ofe répliquer encore cet Homme plein de candeur & de bon fens > & pourtant il m* a ouvert les yeux , &c. Quelle naïveté ! quel n:atiirel 5 quelle préci- fibn! quel intérêt! quelle fuite! Si la vérité ii'efl: point faite ainfi , me dis-je à moi-même, à quels caraderes pourrai-je donc la reconnoitrc? De CHAPITRE VI. La Réfurreciion du Fondateur, toutes les Procédures que renferme îà Dépofition qui m'occupe , il n'en cil point , fans PHILOSOPHIQ^UE, Part, XIX, ^if doute , de plus importante que celle qui concerne la Perfonne même de TEnvoyÉ. Elle eft auffi la plus circonftanciée, la plus répétée , & cclls à laquelle tous les Témoins font des allufions plus direc'les & plus fréquentes. Elle eft toujours le centre de leur Témoignage. Je la retrouve dans les principales Pièces de la Dépofition , & en comparant ces Pièces entr'elles fur ce poiné fi elTentiel , elles me paroiifent très-harmoniques. L'Envoyé eft faifi , examiné , interrogé par les Magiftrats de fa Nation : ils le fcmnient de déclarer qui il eft ; il le déclare : fa réponfc eft prife pour un blafphème : on lui fufcite de fau^: Témoins qui jouent fur une équivoque 5 il eft condamné : on le traduit devant un Tribunal fupérieur & étranger: il y eft de nouveau in- terrogé ', il fait à peu près les mêmes réponfes : le Juge convaincu de fon innocence veut le relâcher ; les Magiftrats qui l'ont condamné per- fiftent à demander fa mort : i's intimident le Juge fupérieur; il le leur abandonne: il eft crucifié, enféveli: les Magiftrats fcellent k Sé- pulcre ; il y placent leurs propres Gardes , & peu de tem5; après les Témoins atteireiiC dans la Capitale & devant les Magiftrats eux-mê.'neî, que Celui qui a été cmcijié eji rejjnfçité. 518 P^LINGE'NE'SIS Je viens de rapprocher les Faits les plus elTentiels : je les compare , je les analyfe , & je ne découvre que deux hvpothefes qui'puiiTcnt Satisfaire au dénouement : ou les Témoins ont enlevé le Corps j ou I'Envoyé cil réellement reirufcïté. Il faut que je me décide entre ces deux hypothéfcs ; car je ne parviens point à en découvrir une troidcme. Je confidere d'abord les opinions particuliè- res , Içs préjugés , le caradere des Témoins 5 j^obferve leur conduite , leurs circonftances , h (îtuation de leur Efpiit & de leur Coeur avant & après la mort de leur Maître. J'examine cnfuite lespréju^s , le caradere, la conduite & les allégués de leutï Adverfaires. Il me fuffiroit de connoitre la Patrie des Té- moins pour favoir en général leurs opinions, leurs préiu<;és. Je n'ignore pas que leur Nation fait profeiîîon d'attendre un Libérateur tempo- rel , & qu'il eft le plus cher Objet des vœux & des efpérances de cette Nation. Les Témoins attendent donc aufîi ce Libérateur; & je trouve dans leurs Ecrits une multitude de traits qui me le conbrment v% qui me prouvent qu'ils font psrfuadés que Celui qu'ils nomment leur Maître PHILOS OPHIUUE. Part XIX. 519 doit être ce Libérateur temporel. En vain ce M'iîTRE tâche-t-il de fpiritualifer leurs idées 3 ils ne parviennent point à dépouiller le préjugé national dont ils font Ci fortement imbus : nom efpérions que ce ferait Lui qui délivreroit notre Nation. [ I ] Ces Hommes dont les idées ne s'cîevent pas au-deffus des Cliofes fenfibles , font d'une fim- plicité & d'une timidité qu'ils ne difîîmulcnt point eux-mêmes. A tout moment ils fe mépren- nent fui le fens des Difcours de leur Maître , '& lorfqu'il cft faifî , ils s'enfuient. Le plus zélé d'entr'eux nie par trois fois & même avec im- précation de l'avoir connu , & je vois cette hon- teufe lâcheté décrite en détail dans quatre des principales Pièces de la DépoiJtion. Je ne puis douter un inftant qu'ils ne fuiTent très-perfuadés de la réalité des Miracles opérés par le«r MaItre : j'en ai pefé les raifons , & elles m'ont paru de la plus grande force. [ 2 J Je ne puis douter non pfus qu'ils ne fe fuffent attachés à ce Maître par une fuite des idées qu'ils s'étoient formées du but de fa Million. [ I ] Luc. XXIV, 21. , £ z ] Confulte^ les Chapi.rjs ÎI , lîl, V , de h Part. XVIIÎ. S20 9ALI1^GE'VE'SIE L'attachement desPIommes a toujours un fonde- ment , & il falîoit bien que les Hommes dont je parle efpéraflent quelque chofe de Celui au fort duquel ils avoient lié le leur. ILS efpér oient donc au moins qu'il délivrer oit leur Nation d'un joug étranger : mais , ce Maître dont ils attendoient cette grande déli- vrance 5 eft trahi , livré , abandonné , condam- né, cruciEé, enféveli, & avec lui s'évanouif- lent toutes leurs efpérances temporelles. Celui qui fauvoit les autres n^a 'pu fe fauver lui-même : fes Ennemis triomphent , & fes Amis font hu- miliés , conilernés , confondus. Sera-CE dans des circonftances fi défefpé- rantes que les Témoins enfanteront l'extrava- gant projet d'enlever le Corps de leur Maître ? Me perfuaderai-je facilement qu'un pareil pro- jet puifîé monter à la tète de Gens aufîi fim- ples , aufli groiîîers, auffi dépourvus d'intrigue, auflî timides? Quoi! ces mêmes Hommes qui viennent d'abandonner Ci lâchement leur Maî- tre formeront tout à coup l'étrange réfolutioii d'enlever fon Corps au Bras féculier î ils s'ex- poferont évidemment aux plus grands périls! ils affronteront une mort certaine 5c cruelle î & dans quelles vues /* Ou '^ PHttdSOPÎÎtQ^UÉ, Part.xm Ut Ou ils font perfuadés que leur Maître veÙ fufcitera ; ou ils ne le font pas : fi c'eft Ig premier, il eft évident qu'i's abandonneront foiî Corps à îa Puissance divine: fi c'ed le der^ nier, toutes leurs efpérances temporelles doi^ Vent être anéanties. Que fe propoferoient - il^ donc en enlevant ce Corps ? de publier qu il eft reirufcité F mais , des Hommes faits Gommd ceux-ci , des Hommes fans crédit , fans fortune % fans autorité efpéreront-ils d'accréditer jamaiâ une aulîirmonltrueufè impofture ? Encore Ci Penlévement étoit facile; t rHaiil le Sépulcre eft fcellé: des Gardes renvironnent^ & ces Gardes ont été choifis & placés par ceux^ mêmes qui avoient le p'us grand intérêt à pré-* Venir fimpotture. Combien de telles précaution^ font-elles propres à écarter de Tefprit des ti-- mides Pêcheurs toute idée d'enlèvement ! Des Geus qui n'oJit ni argent ni or entreprendront-- ils de corrompre ces Gardes^ des Gens qui s'en- fuient au premier danger entreprendront -ilâ de les combattre? de Gens haïs ou méprifés' du Gouvernement trouveront -ils des Hommeë hardis qui veuillent leur prêter la main r* fe flat-» teront-ils que ces " Hommes ne les trahiront point? &c. Mais, fuis-je bicn'uTuré que le Sépulcre â Tome XV. é X V iit FJLI77GFNE'SIE été fcellé 8c qu'on y a placé des Gardes P J'obierve que cette circonftance Ci importante^ fî décifive ne fe trouve que dans une feul® Pièce ( 3 ) de la défpofition , & je m'en étonne un peu. Je recherche donc avec foin fi cette circonftance Ci elTentielle de la Narra- tion n'a point été contredite par ceux qu'elle intérefloit le plus diredement, & je parviens à m'alFurer qu'elle ne l'a jamais été. Il faut donc que je convienne que le Récit du Té- moin demeure dans toute fa forc^ «^^ que le fimplc filence des autres .Auteurs de la Dépofi- tion écrite ne fauroit le moins du monde in- firmer fon Témoignage fur ce point. Indépendamment d'un Témoignage fi ex- près, combien eft-il probable en foi que des Magiftrats qui ont à redouter beaucoup une impofture & qui ont en main tous les moyens de la prévenir, n'auront pas négligé de faire ufage de ces moyens ! & s'ils n'en avoient point fait ufage, quelles raifons en affignerois- je.^. Il me paroîtra plus probable encore que ces Magiftrats ont pris toutes les précautions né- çeiîaires , fi j'ai une preuve qu'ils ont fongé à tems aux moyens de s'oppofer k fimpofture : [ 5 ] Matthieu, xxviIj 66, PHILOSOPHIQUE, Part XIX. j^J Seigneur ! nous nous forâmes fouvenus que ce Se- du&eur a dit , lorjqu'il vivoii ; je rejjufcherai dans trois jours. Commandez donc que le Se- puio'e foi f gardé Jurement jufqu'au troifieme jour y de peur que fes Difciples ne viemient la nuit en- lever fon Corps , ^ ne dij'ent au Peuple qu'il ejl reffujcité. Cette dernière impojîure Jeroit pire que la première. (4) Sr donc les Chefs du Peuple cunt pris les précai^ions que la chofe exigeoit , ne fe font>ils pas ôtés à eux-mêmes tout moyen de fuppo-"^ fer un enlèvement? Cependant ils ofent le lup- pofer : ils donnent une fomme d\irgent aux Gar^ des , qui à leur inftigation répandent dans le Public que les Difciples font venus de nuit, ^ qu^ils ont enlevé le corps , pendant que les Gar-^ des dormoienf^ ( 5 ) Je n'infifte point fui^ la finguliere abfurdité de ce rapport fuggérélaux Gar».^es. Elle faute aux yeux : comment ces Gardes pouvoient ils (iépofer fur ce qui s'etoit pafTé pendant qu'ils dormoient ? Eft-il d'ailleurs bien probabJe qu« [ 4 ] Matthieu, xxvii , 63 , 64, [ 5 ] Ibiii. xxviii , 12, 13. Xa 324 P 4 L [ N G F N E' s I E des Gardes affidés & choifis tout exprès pour s'oppofer à rimpofture la plus dangereufe fe foient livrés au fommeil ? Je fais un raifonnemeiu qui me frnppe beau- coup plus : il me paroit de la plus grande évidence que les Magiftrats ne peuvent ignorer la vérité. S'ils font convaincus de la réalité de Teniéve- ment , pourquoi ne font -ils point le Procès aux Gardes ? pourquoi ne publient- ils point ce procès ? quoi de plus démonttratif & ât plus propre à arrêter les progrès de Fimpoilure & à confondre les Inipoftcurs I . ^' Ces Magiftrats , fî fortement intéreiTés à con- fondre l'impofture, ne prennent pourtant point une route fi dircdte, fi lumineufcAfi juridique. Ils ne s'alfurent pas même de la rerfonne des Impofteurs : ils ne les confrontent point avec les Gardes : ils ne puniflent ni les Impoil; urs ni les Gardes : ils ne publient aucune Procédure : ils n'éclairent point le Public : leurs Defcen- dans ne l'éclairent pas davantage, & fe bornent, comme leurs Pères , à affirmer Timpodure. Il y a plus : lorfque ces mêmes Magiftrats mandent bientôt après par devant eux deux des principaux Difciples à i'occafioa d'une Guéri- VIIILOSOP H I Q^UF. Pan. XIX. 529 fon qui fait bruit , ( 6 ) & que ces Difciplec ofeut leur reprocher eu face un griuKÎ crime & attefter en leur prcfence la Réfnrre&ion de Celui qu'ils ont crucifié-, que font ces Magitlrats? ils fe contei'.t?nt ^e menacer ces deux Difciples & de leur défendre d'enfeigner. [ 7 ] Ces me- naces n'intimident point les Témoins > ils con- tinuent à publier hautement dans le lieu même & fous les yeux de la Police la Réfur- reclion du Crucifié. Ih font mandés de nou- veau par devant les Magiftrats ils comparoiffent & perfiftent avec la même hardieife dans leur Dépofition : le Dieu de nos F ers s a rejp'fcité celui que vous avez fait mourir : . . . . nous en fouîmes les Témoins. [S] Que font encore ces ALîgiftrats ? ils font fouetter les Témoins , leur renoui: client la première défsnfe ^ les laijfent aller . . [ 9 ] . . . /ej iiiffent aller ! Le Lec- teur judicieux ne me demande pas de nouvel- les oblèrvations : il a tout vu & tout fenti, [ 6 ] l^'oyez le Chap. III de cette Farèic. C7]Aa. IV, 18, 21. [8] Aft. V. 30, 32. [ 9 ] IbU\. 40. Xî i%6 PALTlîQFNrJIÈ CHAPITRE VIL Conféqiiences du Vait. Remarques : ohje&ions ? Réponfes, V, OTLA des Faits circonftanciés , des Faite qui n'ont jamais été contredits , des Faits at-^ telles coiiftammcnt & nnanimemeni par des Témoins que j'ai recor'u pofTéder tout'^s les qualités qui fondent en bonne Lo^^ique ia crédîbi'ué d^un TémoigOcge. (k) Dn'ai-je pour in£rmer de tels Faus . que la crainte du Peuple empèchoit les Magillrats de faire des Informations , de pourfuivre juridique- ment & de punir les Témoins comme Impof- teurs , de publier des Procédures authentiques, [î] Voyez le Chapitre II de la Part. XVIII. Je dois éyU ter ici de tomber dans ocs répétitions trop fréquentes , même chez; les meilleurs Auteurs. Je ne reviens donc plus à ce que je penle avoir affcz bien établi. C'eil au Leéteur à retenir la liaifoii fies fiiits & de leurs Conféquences les plus immédiates. C'eft à lui encore à s'approprier mes principes & à en faire l'applica- iltton au befoin. PHILOSOPHIQUE. Part. XIX, ^z^ &c. ? Mais , fi le Crucifie n'avoit rien fait pen- dant fa vie qui eût excité l'admiration & la vé- nération du Peuple j s'il n'avoit fait aucun Miracle j Ci le Peuple n'avoit point béni Dieu à fon occafion d'avoir donné aux hommes mi tel FoHvoir '^ Ci la dodrine 8c la manière d'en- feigner du Crucifié n'avoient point paru au Peuple l'emporter de beaucoup fur tout ce qu'il entendoit dire à fes Dodeurs ; s'il n'avoit point tenu pour vrai que jamais Homme n'a- voit parlé comme celui-là ; pourquoi les Magif- trats auroient-ils eu à craindre ce Peuple en pourfuivant juridiquement les Difciples abjeds d'un Impofl-eur , aulfi Impofteurs eux-mèm js que leur Maître ? Comment les Magiftrats au- roient-ils eu à redouter un Peup-e prévenu fi fortement & depuis Ci long-tems en leur faveur , s'ils avoient pu lui prouver par des Procédures légales & publiques que la Guéri- de l'Aveugle-né , la réfurredion de Lazare la guérifon du Boiteux, le Don des langues' &c. n'écoient que de pures fupercheries ? Corn, bien leur avoic-il été facile de prendre des in- formations fur de pareils faits î combien leur étoit-il aifé en particulier de prouver rigoureu- fement que les Témoins ne parloient que leur Li^ngue maternelle ! Comment encore les Ma- giftrats auroient-ils eu à craindre le peuple^ X4 s'ils avoient pu lui démontrer juridiquement que les Difciples avoient enlevé le Corps de leur. Maître ? & ceci étoit-il plus duTicile à cons- tater que le refte ? &c. Puis JE douter à préfent de l'extrême impro- babilité de la première hypothcfc ou de celle qui fuppofe un enlèvement ? puis-je raifonnable- nient refufer de convenir que la féconde hypo^. thefe a au moins un degré de probabilité égal à celui de quelque Fait hiftorique que ce Toit , pris dans l'Hiftoire du même Siècle ou des Siècles qui Tout fuivi immédiatement ? Tbac^rat-je ici i'aifreufe peinture du carac- tère des principaux Adver£,iires ? puiferai-je cette peiiiture dans leur propre Kiftorien ? [ 2 ] oppoferai - je ce caradere à celui des Té- snoins, le vice à la vertu, la fureur a la mo- dération 5 l'hypocrifie à la fincérité , le men^ fonge à la vérité ? J'oublierois que je ne ftis qu'une efquiire & point; du tout un Traitç,- DïRAi-JE encore que la refurreciion de TEn- VOTÉ n'eft poînç ua f^it ifolé i [3] mais qu'il [s] J05f,PHE. [^J Voyez le CU'-îtie VI tk l^ ]Pâîtiç JCVH &U Cha^i 5>i^rç V Uc la Farfcie XyilL THILOSOPHîflVE. Part XIX, %i^ t?i le maître Chaînon d'une Chaîne de Faits de même genre & d'une multitude d'auires Faits de tout genre , qui deviendroient tous abfo- lument inexplicables u le premier Fait étoit fuppofé faux ? Si en quelque matière que ce foit , une hypothefe eft d'autant plus probable qu'elle explique plus heureufement un plus grand nombre de Faits ou un plus grand nombre de particularités eifentielles d'un même Fait; ne fe- rai-je pas dans l'obligation logique de convenir que la première hypothefe n'explique rien & que la féconde explique tout & de la manière la plus heuteufe ou la plus naturelle ? Si une certaine hypothefe me conduit nécelfaire- ment à des confcquences qui choquent maniFef- tcBient ce que je nomme V Ordre morale (4) pourrois-je recevoir cette hypothefe & la pré- férer à celle qui auroit fon fondement dans i'Ordre moral même ? AjouTERAi-jE que fi PEnvoye' n'eft point rçfîufcité , il a été lui-même un infigfte ïmpof- teur ? car du propre aveu des Témoins il avoit prédit fa mort & fd réfurrcdion & établi un Mémorial de Tune & de l'autre. Si donc il n'eft point relTufcité , fes Difciplcs ont dû p enfer [4] Confultez ce que j'ai dit de V Ordre moral y dans le ÇhApItre I a? 1h Part. XNUL Î50 TALî-NGF^rSIE qu'il les avoit trompés fur ce point le plus important ,> & s'ils Tont penfé , comment ont ils pu fander fur une Réfurredion qui ne s'étoit point opérée les efpéranccs fi relevées d'un bon- heur à venir ? Comment ont-ils pu annoncer eu fon Nom au Genre-humain , ce bonheur à venir ? Comment ontils pu s'expofer pendant fî long-tems à tant de contradidions , à de fi cruel- les épreuves, à la mort même pour foutenirune Dodrine qui repofoit toute entière fur un Fait faux, & dontJa fautlété leur étoit Çi évidemment connue ? Comment des Hommes qui faifoient une profefîion fi publique , fi c©nftante » & en ap- parence Ç\ fincere de l'amour le plus délicat & le plus noble du Genre humain , ont-ils été affez dénaturés pour tromper tant de milliers de leurs Semblables & les précipiter avec eux dans un abime de malheurs ? Comment à''mïi- gnes Impofteuis ont ils pu efpérer d'être dédom- magés dans une autre Vie des fouffrances qu'ils enduroient dans celle-ci î Comment de fembla- bles Impofteurs ont-ils pu enfeigner aux Hom- mes la Dodrine la plus épurée , la plus fubli- nie , la mieux appropriée aux befoiiis de la grande Société ? Com^ment encore .... mais j'ai déjà aflez infifté f 5 ) fur ces monftrueufe^ ( ç ) Voyez le Chapitre X de la Fart, XVIII. FHI LOSOP HId UE, Part. XIX. 3 5 1 oppofîtions à l'Ordre moral : elles s'ofirent ici en Ç\ grand nombre , elles font ïi frappantes qu'il me fuffit d'y réfléchir quelques momens pour fentir de quel côté eft la plus grande pro- babilité. Objecterai-je que la Réfurredion de I'En- voye' n'a pas été alfez publique , & qu'il au- roit dû fe montrer à la Capitale & fur-tout à fes Juges après fa réfurredion ? Je verrai d'abord que la queftion n'eft point du tout de fivoir ce que Dieu auroit pu faire, mais qu'elle gît uniquement à favoir ce qu'iL a fait. C'é- toit à l'Homme intelligent , à l'Homme moral que Dieu vouloit parler: il ne vouloit pas le forcer à croire & lailfer ainfi l'intelligence fans exercice. Il s'agit donc uniquement de m'alfurer (1 la réfurredion de l'EiSfVOYÈ' à été acconipagnée de circonftances alfez décifives, précédée & fuivie de Faits affez frappans pour convaincre l'Homme raifonnable de la Million extraordinaire de I'Envoye'. Or, quand je rap- proche toutes les circonftances & tous les Faits j quand je les pelé à la balance de ma Raifon , je ne puis me diiîîmuler à moi-même que Dieu n'ait fait tout ce qui étoit fuffifant pour don- ner à l'Homme raifonnable cette certitude mo- |:ale qui lui naan^uoit , qu'il dciîroit avec ar. 452 PALINGE'NFSIX dciir, Se qui «toit fi bien alTortie à fa con- dition pré fente. Je reconnoitrois encore que mon obiedion fur le défaut de publicité de la Réfurredlion de Î'EnvoyÉ envelopperoit une grande abfurdité j puifqu'en développant cette objedion j'apperce- ▼rois auiîî-tôt que chaqu'lndividu de l'Hutna- mté pourroit requérir auili que PEnvoyÉ: iui" apparût, ( 6 ) &c. ( 6 ) Voyez le fécond paragraphe du Chapitre I de la Part- XVIII. II y avoit eu fous rancienne Economie des Miracles ou des Signes d'une très-grande publicité. Je crois entrevoir des raifons de cette publicité : je ne ferai que les indiquer. la Nation qui vivoit fous cette Economie n'étoit proprement qu'une feule grande Famille, qui ne devoit jamais fe mêler aux Peuples voifins , pour n'altérer point le grand Dépôt qui lui étort confié. Le Gouvernement de cette Famille étoit une Théocratie. Il étoit fort dans l'efprit de cette Théocratie , que le Miniftre du Monarque fût accrédité par le Monarque LUl-même auprès de la Famille affemblée en Corps de Na- tion. Il rétoit encore que la Loi publiée par ce Miniftre au Nem du Monarque fût autorifée parles Signes les plus cclatans & les plus impofans , par des Signes qui peigniffeiit la Majesté' redoutable i\\\ Monarque , & dont la Famille entière fût fpedatrice. Une autre raifon encore paroiffoit exiger cette Bifpcnfation : le Miniftre de l'ancienne Econo- jnie n'avoit point été anuonc? de loin a là Nation par des Ora- cles qui le cr. radu' ri fa ITcnt aîTcz clairement pour qu'il ne pût eu être niifonaablcmQnt méconnu. Il falloit dune que la grande PHILOSOPHIUUE. Part, XIX. ^ ÎL n« faut point que je dife cela efl fage ^ donc Dieu Ta fait «u a du le faire , mais je dois dire Dieu Pa fait , donc cela etl fage. Eft^. piililicité des Miracles ou des Signes deftitiés à antorifer la Mifîion du Miniftre , fupple'ât au défaut d'Oracles. Le carac* }ere de la Nation & fes circonftances particulières entroient ^ fans doute, aufll dans les vues de cette Difpenfation : on dé- mêle affez quelles idées ces mots de caraHeres & de circonf- tances réveillent dans mon Efprit, & il n'eft pas befoin que je les énonce. Le Plan ie la nouvelle Economie étoit bien différent. Elle ne devoit point être appropriée à une feule Famille. Toutef les Nations de la Terre dévoient y participer dans la longue durée des Siècles. Comment eût -il été poflible de raffimbler dans un même lieu toutes les dations pour accréditer auprès d'elles par des Signes extraordinaires le Ministre de cette nouvelle Economie , deftinée à fuccéder à l'ancienne , à l'uni- verfalifer & à la pcrfeétionner? Mais , fi la Miflion de ce Mi- NisrsE a voit été annoncée en divers teins & en diverfes ma- nicr.'s par des Oracles afîez nombreux , affea circonflanciés , afffz clairs pour que le tcms de fa veaue , les caractères 'de fa i-'erfonne , fes Fonctions , &c , ne pufTcnt être raifonna- bicment méconnus par le Peuple auquel il devoit d'abord s'a- ôr-ifTcrj fi les autres Peuples pouvoient acquérir la connoif- fince de ces Oracles j fi le Ministre de la nouvelle Eco- nomie devoit être revêtu d'une Puiffimce & d'une SagefTc fur- naturelles j s'il devoit faire des Oeuvres que nul autre 'a'avoit fuites j Jî jamais Homme Jt' a voit parlé comme Celui-ci devoit parler y s'il devoit donner à d'autres Hommes le Pouvoir de faire de femblables Oeuvres q^ même de plus grandes encore ,• s'il devoit les envoyer à toutes les Nations pour les éclairer & leur fignifier la bonne Volonté de leur PERE commun; fi çn coaféquence il devoit revêtir ces Envoyés d'un Don ex- J34 PALINGE'NFSIÊ ce à un Etre auffi profondément ignorant que je le fuis à prononcer fur les Voies de la Sagesse ' ELLE-même ? La feule chofe qui foit ici propor- tionnée à mes petites Facultés eft d'étudier les Voies de cette Sagesse adorable & de fentir le prix de Son Bienfait. traordinaire au moyen duquel ils comoiiiniqneroient leufs Pen- fées à ces Nations & en feroient entendus ; fi ... . mais , le Leéteur intelligent & ami du vrai m'a déjà faifi ; j'abandonne ces confidérations à fon jugement. Il eft une autre chofe fur laquelle il voudra bien réfléchir' encore. Ces Miracles de l'ancienne Economie qui avoient été opérés aux yeux d'une Nation entière ne fe font pas perpé- tués d'âge en âge chez cette Nation. Toutes les Générations qui fe font fuccédées de '^ede en Siècle jufqu'à nos jours n'ont pas vu de leurs propres yeux la grande Apparition du M0NARQ_UE : toutes ont été pourtant très - attachées à leur Loi ; toutes ont été très - peafuadées de la certitude de cette Apparition & de la Divinité de la Million du pre- mier Législateur. Qiiel a donc été le fondement logique de cette forte & confiante perfuafion? comment la Génération qui exifte r.ujoiird'hui perfévere-t-elle dans la croyance des Gé- "iiérations qui l'ont précédée? Ce fondement logique repofe , fans doute , dans la Tradition écrite & dans la Traditron orale : les preuves des Miracles de < l'ancienne Economie tiennen- donc effenticllement , comme celles des Miracles de la nou- velle Economie, aux règles du Témoignage. '.' Ainfi, la qucftioii fe réduit à examiner fi les Témoignages fur ieiqusls repofe la MiiTion du fécond LÉ G l slateur font infé- rieurs en force à ceux qui fonden.t la Mifliou du premier Lé- gislateur. Cet examen important regarde , en particulier, les Sages de cette Nation difperfée aujourd'hui parmi tous les PHILOSOPHIQUE. Pnn.XlX. JK CHAPITRE VII L Oppofitions entre les Pièces de la Dépo- fition. Réflexions fur ce fujet, 'AI dit que toutes les Pièces; le la Dépofition m'avoienc paru tres-harmoniques ou très - con« vergentes. J'y découvre néanmoins bien des variétés Toit dans la forme , foit dans la matière. J'y apperqois même c^k & là des oppofitions au moins apparentes. J'y vois des difficultés qui tombent fur certains points de Généalogie , fur certains Lieux, fur certaines Perfonnes , fur cer- tains Faits, &c. & je ne trouve pas d'abord la folution de ces difficultés. Comme je n'ai aucun intérêt fecret à croire ses diiiicultés infoiubles , je ne commence point par imaginer qu'elles le font. J'ai étudié la Lo- Peuples & qui continus à rejetter la Miffion de ce fécond Lé- gislateur, que le premier avoit annonce lui-même afTjz clairement , & qui l'avoit été d'une Manière plus claire & flm précife par les Oracles poftérieurs gique ( X ) du Cœur & celle de rEfprit : je me mets uiî peu au fait d^ cette autre Science qu'on nomme la Critique ( 2 ) & qu'il ne m'ell; point permis d'ignorer entièrement. Je rapproche les palTagcs parallèles , [ 3 ] je les confronte, je les anatomife & j'emprunte le fecours des meilleurs Interprètes. Bientôt je vois les difficultés s'sip- pîanir , la lumière s'accroître d'inftant en inftant, fe répandre àç^ proche en proche , fe rénécîiir de tous côtés (& jclairer les parties les plus obfciî-^ res de robjefe. Si cependant il efl des recuins que cette lumière n'éclaire pss aiTez à mon çré j s'il reilc encore des ombres que je ne puis achever de diffiper, il ne me vient pas dans PElprir & bien mioins dans le Cœur d'en tirer des conféquenceS contre l'enfemble de la Dépofition : c'clf que ces ombres légères n'éteignent point à m.es yeux la lumière que réSéchiilent il fortement les grandes parties du Tableau. [ I ] La Logi(iue eft l'Art de penfer on lîe raifonner. [ 2 ] I,A Science ou l'Art qui enfeigne les règles par lef* quelles on doit juger des Livres & de leurs Auteurs. [3] Passages qui ont à peu près le même fcns ou qui tendent à éteblir la même vérité. Il PBILOSOPHIUUÉ, Part XÎX. 5;^ Il m'cft bien permis de douter : le doute pliilofophique eft lui-même le fentier de la vérité; mais il ne m'ell point permis de manquer de bonne foi , parce que iâ vraie Philofophie eft abfolument incompatible avec la mauvaife foi. Se qu'on eft Philofophe par le Cœur beaucoup plus encore que par ia Tète. Si dans l'examen critique de quelqu'Autcur que ce foit , je me conduis toujours par les règles les plus fûres & les plus communes de l'Interprétation > fi une de ces règles mê prcfcrit de juçer fur l'enfembie des chofes -, Ci une autre règle m'en- feigne que de lég'?res difficultés ne peuvent jamais infirmer cet enfemble , quand d'ailleurs il porte avec lui les caradleres les plus eifentieh de la vérité ou du moins de la probabilité, pourquoi refuferois-je d'appliquer ces règles à l'examen de la Dépofition qui m'occupe , & pour- quoi ne jugerois-jc pas auiîi d« cette Dépofition parTon enfemble ? Ces oppodtions apparehites elles-mêmes, ces efpeces Ôl antinomies , [4] ces difficultés de divers genres ne m'indiquent - elles pas d'une manière alfez claire que les Auteurs des différentes Pièces - [ 4 ] Mot qui dans fon fens 'propre exprime des contra- diftioiis on des oppoTitions entre deux ou pliifieurs Loix. Tome XVL ^ Y 55^ P A L I N G E' 7^' i: S 1 E de la pépofitioii ne fe font pas copiés les uns les autres , & que chacun d'eux a rapporté ce qu'il tenoit du Témoignage de fes propres Sens ou ce qu'il avoit appris des Témoins oculaires ? Si ces différentes Pièces de la Dépofition avoicnt été plus femblables entr'ellesj je ne dis pas feulement dans la forme, je dis encore dans la matière , n'aurois-je point eu lieu de Toupçonner qu'elles partoient toutes de ia même main ou qu'elles avoient été copiées les unes fur les autres ? & ce foupcon , aufîi légitime que naturel , n'auroit-il pas infirmé à mes yeux la validité de la Dépofition? Ne fuis je pas plus fatisfait quand je vois un de ces Auteurs commencer ainfi Ton Récit ? ( ^O Comme pîufieurs ont entrepris d'écrire THif- toire des chofes dont la vérité a été comme partni nous avec îine entière certitude , par le rtuy- port^ que nous en ont fait ceicx qui les ont vues eux-mêmes dès le (ommencement ^' qui ont été les Minijîres de la Parole y fai cru aujji que js devois vojis les écrire avec ordre , après ni* en être eosaclernent informé dés leur origine j afn que vous reconnoijfiez la certitude des récits que Pon vous [ç] Luc. 1,1,2,3,4. FMlLOSOFHJ^Jjm Pari. XIX. n9 a faits. Ne fen's-je pas ma latisfadiou s'accroître lorfque je lis dans le principal Ecrit d'un des, premiers Témoins j (6) Celui qui l'a vu en a rendu témoignage , ^ fon témoignage ejl véri- table , ^ il fait qiCil Ait la vérité , afin que vous la croyiez f" ou que je lis dans un autre Ecrit de ce même Témoin? [7] ce que nous avons oui\ ce que nous avons vu de nos yeux , ce ^ue nous avons contemplé ^ que Jios mains ont touché concernant la Farole de Fie 3 nous vous l'annonçons. [6] Jean-, xix. 3^. £7] I. Ep. I, I, 3. T:j { 340 ] ^:'~^-^ ^^^ * - • '^ t^ VINGTIEME PARTIE. SUITE DES IDÉES SUR L'ETAT FUTUR DE L'HOMME. CONTINUATION DES RECHERCHES SUR LE CHRISTIANISME, L'AUTHENTICITE' DE LA DE'POSÎTION. Les Prophéties CHAPITRE PREMIER. VAiitheyiticité de la Dépofition écrite, j E pourfuis mou examen ; je n'ai pas cnviUigé toutes les faces de mon Sujet: il en préfentc FHTLOSOPHIj^UE, Part. XX. %/^i tin grand nombre : je dois me borner aux principales. Comment puis-je m'alTinrer de P Authenticité des Pièces les plus importantes de la Dépofition ? J'APPERqois d'abord que je ne dois point «onfondre l'Authenticité de la Dépofition avec fa Vérité. Je fixe donc le fens des termes & j'évite toute équivoque. J'entends, par V Authenticité d'une Pièce ds la Dépofition , ce degré de certitude qui m'aiTure que cette Pièce eft bien de l'Auteur dont elle porte le Nom. La Vérité d'une Pièce de la Dépofition fera fa conformité avec les Faits» J'apprends donc de cette diftindion logique ^ue la vérité hiftorique ne dépend pas de l'Au- thenticité de l'Hiftoire : car je conçois facilement ^u'un Ecrit peut être très - conforme aux Faits , & porter un Nom fuppofé ou n'en point porter du tout. Mais h je fuis certain de l'Authenticité i-e l'Hiftoire , & Çi THiftorien m'eft connu pour trés-véridique , l'Authenticité de l'Hiftoire m'en • Y 5 34^ JP'AlINGF'NirSIE perfuadera la Vérité ou du moins me la rendra très-probable. Le Livre que j'examine n'eft pas tombé du Ciel : il a été écrit par des Hommes comme tous les Livres que je connois. Je puis donc juger de TAuthenticité de ce Livre comme de celle de tous les Livres que je connois. Comment fais-je que l'Hiftoire de Thucy- dide , [ n celle de Polybe , (2) celle de Tacite , &c, [32 font bien des Auteurs dont elles por- tent les Noms .^ c'eft de la Tradition que je l'apprends. Je remonte de Siècle en Siècle ; je confulte les Monumens des différcns Ages ; je les compare avec ces Hiftoires elles-mêmes , & le réfultat général de mes recherches eft qu'on a [ I ] Historien Grec , qm vivoit environ quatre Siècles avant notre Ere. Il écrivit une Hiftoire de la Guerre du Pé* loponnefe. [ t] Autre HiftoTien Grec, qui nflquit environ deux Siècles avant notre Ere. Il compola une Hiftoire militaire de Rome. [3 ] Historien Latin, qui fleuriffoit dans le premier Siècle de notre Ere , & qui écrivit des Annales de Rome. Ce n'eft point ici le lieu de f^ire l'éloge de ces grands. Modèle^ dans l'Art ii difficile d'écrire l'Hiftoire : je ne puis c|iic les noinmer. PHILOSOPHIUUE. Part. XX, ut attribué conftamment ces Hiftoires aux Auteurs dont elles portent aujourd'hui les Noms. Je ne puis rai fonnable ment fufpeder la fidé- lité de cette Tradition : elle eft trop ancienne , trop confiante , trop uniforme , êc jamais elle n'a été démentie. Je fuis donc la même méthode dans mes recherches fur l'Authenticité de la Dépofitioa dont il s'agit, & j'ai le même réfultat général & effentieL Mais, parce qu'il s'en faut beaucoup que FHiftoire du Péloponnefe [4J intéreiTat autant les Grecs que THiftoire de I'Envoye' intéref- foit fes premiers Sénateurs , je ne puis douter que ceux-ci n'aient apporté bien plus de foin à s'afTurer de l'Authenticité de cette Hiftoire que les Grecs n'en prirent pour s'aifurer de l'Au- thenticité de celle de Thucydide. Une Société qui étoit fortement perfuadée que le Livre dont je parle contenoit les alTuran- ccs d'une Félicité éternelle ; une Société afRigée , méprifée , perfécutée, qui puifoit fans celTe dans ce Livre les confolations & les fecours que [ 4 ] Prefqu'Ilc qui tient à la Grèce par un Iflhme. On la iiommc aujourd'hui la Jlorés. Y4 Y^4 T A L I V G E 1^ E SIM Tes épreuves lui rendoient (î néceffaires j cette Société, dis-je, s'en feroit-elLe laifTé impofer fur ^Authenticité d'une Dépofition qui lui devenoil ^Q jour en jour plus précieufe ? Une Société 5 au milieu de laquelle les Au- teurs mêmes de la Dépofition avoient vécu ,, qu'ils avoient eux-mêmes gouvernée pendant bien des années , auroit - elle manqué de moyens pour s'alTurer de l'Authenticité des E'crits de ces Auteurs? auroit- elle été d'une inditîérence parfaite fur l'emploi de ces moyens ? E'toit - il plus difficile à cette Société de fe convaincre de l'Authenticité de ces E'crits , qu'il ne l'eft à quç'que Société que ce foit de s'aiuirer de l'Authenticité d'un E'crit attribué à un Perfon-, nage très -connu ou qui en porte le Nom? Des Sociétés particulières ( ^ ) & nombreu-. fes auxquelles les premiers Témoins avoient adrelTé divers E'crits, pouvoient- elles fe mé- prendre fur l'Authenticité de pareils E'crits ? pouvoient - elles douter le moisis du monde (î ces Témoins leur avoient écrit , s'ils avoient îépondu à diverfes queftions qu'elles leur avoient propofées , Ci ces Témoins avoient féjoyrné au milieu d'elles , &c ? [ ç ] Les Eglifes fondées par les Ap6.tb.es,. PHILOSOPHIQUE. Part. XX. 54? Je me rapproche le plus qu'il m'eft pofîilîîe du premier Age de cette grancc Société fondée par les Témoins: je ccnfulte les Monumeus les plus anciens, & je découvre que prefqu'à la naillance de cette Société Tes Membres fe divi- ferent fur divers points de Dodiine. Je re- cherche ce qui ie pailoic alors dans les diffé- rens Partis, & J3 vois que ceux qu'on nom- moit Novateurs [6] en appelloient, comme les autres , à la Dépofition des premiers Té- moins & qu'ils en reconnoiflbientrAuthenticité. Je découvre encore que des Adverfaires (7) [ 6 ] tt On les nommoit RuiTi Hérétiques j mais il feut ofc- ferver à cet égard qu'on a foiivent donné le nom d'Hérétiques à des Philofophes Orientaux qui n'étoient point nés dans le iein de l'Eglife , & qui à proprement parler n'étoient pas Chrétiens. Ces Philofophes afibcioient divers Dogmes du Chrif- tianifme à ceux de la Philofophie orientale ou de cette Philo- fophie dont Zoroastre paflfoit pour le principal Auteur. La Seft^" fàmeufe des Gnojiiques, divifce en tant de brandies dif- férentes, n'étoit point du tout une Sede Chrétiemie ; elie çtoit une Seft; philofophique qui allioit les Dogmes des Mages à ceux de I'EnvoyÉ qu'elle ait.^roit plus ou moins. On peut voir les preuves de ceci da ns le dernier Volume de l'excellent Traité de la Vérité ie la Religion Chrétienne de mon célèbre Compatriote, M. Vernet. [ 7 ] Les Auteurs Payens des premiers Siècles 5 Cels* > PoRPiiV&s , Julien, &c. 34^ ï" A L I 2^ G E* N ^ S I B de tous ces Partis , des Adverfaires éclairés Ss xalTez peu éloignés de ce premier Age ne coi^- teftoient point l'Authenticité des principales Pie- ces de la Dépofition. Je trouve cette Dépofition citée fréqucm^ ment par des E'crivains [8j d'un grand poids, qui touchoient à ce premier Age & qui faî- foient profellion d'enreconnoître l'Authenticité, [ s ] Les Pères Apoftoliques & les Pères qni leur onfc fuc- cédé immédiatement. Je poir/rois citer ici des paffages formels de Justin, d'iRENÉE^ de Tertullienj de Clément à'Alexa?idrie, d'ORiGENE, de Cyprikn, &c , qui prouve- roient que t©us ces Pères n'ont reconnu pour authentiques que les- mêmes Evangiles qui compofent aujourd'hui notre Code facré. JMaiSjde pareils détails choqueroient l'efprit de pjon travail, & toute cette Eruditian feroit lort déplacée dans des rveeherchcs du genre de celles-ci. Je ne veux pr^fenter à mes Lcdeurs que les rélultats les plus effentiels & les plus faillans. Il doit me fuffire que je puilTe toujours fournir les preuves de détail fi on me les demande. Je m.e bornerai donc dans cette Note au feul Origene , qui s'exprimoit ainû : Je fais far une Tradition confiante ^ que les quatre Evangiles de '^lA.T- THIEU, de Marc , de Luc, de Jean font les feuls qui m;oie?:t été re conduis fa^ts aucune contejhition dam tci'te V Eglife de DIEU^ qui efi fous le Ciel. Ceux de mes Lecteurs qui délireront plus de détails fur V Authenticité des Evangiles,, confultcront en particulier le Difcours fi folidement penfé & fi fagemcnt écrit de M. de BeauSOBSe; Hifioire du Mani- chéif.ne , Tom. I, & l'excellent Ecrit de M. Bergier inti- tulé la Certitude des Preuves du Chrifrianifnie. On trouvera encore des Chofcs intéreflantes fur cette importante Matière daBs les favantcs Notes de M. Seigneux fur Addisson. I^HILOSOPHIH XI E, Part, XX. 347 comme ils faifoient profefîion de reconnoître la validité du Témoignage rendu par les premiers Témoins aux Faits miraculeux. Je compare ces citations avec ia Dépofition que j'ai en main y & je ne puis m'en diffimuler ia conformité. En continuant mes recherches, je m'aiTure qu'allez peu de tems après la naiflance de la Société dont je parle , il Te répandit dans le Monde une foufe de fauiTes Dépoficions , donc quelques-unes étoient citées comme vraies par des Dodeurs de cette Société qui étoient fort refpectés. Je fuis d'abord porté à en inférer qu'il n'étojt donc pas aufîî' dii^ciie que je !e penfois d'en impofer a cette Société , & même à fes principaux Conducteurs. Ceci excite mon atten- tion autant que ma défiance , & j'examine de fort près ce point délicat. Je ne tarde pas à m'appercevoir que c'cft ici Is lieu de faire ulage de ma diflindion logniU3 entre l' Authenticité d'un E'crit ^ fa l'évité. Si un E'crit peut être vrai finis être authentique , les fauiTes Dépofitions dont il cit quelfion pou- voient être vraies quoiqu'elles ne fulîent point du tout authentiques. Ces Docteurs contempo- rains qui les citoient favoicnt bien apparemment fi elles étoient conformes aux Fjiis e;rentie!?. 54S P A L I 27 G E" }7 E' S I E & je fais moi - même qu'on a de bonnes preiï*^ ves qu'elles y étoient conformes. Elles étoient donc plutôt des Hidoires inauthentiques que de faulTes Iliftoires ou des Romans. Je vois d'ailleurs que les Dodeurs dont je parle citoient rarement ces Hiftoires inauthen- tiques , tandis qu'ils citoient fréquemment les Hiftoires authentiques. Je découvre même qu'il y avoit de ces Hiftoires inauthentiques qui n'é- toient que l'Hiftoire authentique elle-même modifiée ou interpolée çà & là. Je ne puis m'étonner du grand nombre de ces Hiftoires inauthentiques qui fe répandirent alors dans Monde : je m'étonnerois plutôt qu'ii n'y en ait pas eu davantage. C9] Je conçois [ 9 ] Le favant Fabricius , dans fa Notice des Evangiles Apocryphes , compte jufqirà cinquante de ces faux Evangiles : il fait remarquer néanmoins qu'U s'en trouve pUifieiirs qui îie différent que \s^tVintituliition. L'iliuftre Beausbore dans fon excellente Hijïoire du Manichéifine , Tom. 1 , Fag. 4Ç3 , s\attache à montrer qu'un bon nombre de ces Evangiles ^p(3- cryphes n'étokut au fond que l'Evangile de St. MATTHlElf plus ou moins rdtéré ou changé. Tels étoient cntr'autrcs les Evangiles félon les Htbrcux , félon les Egyptiens , félon les Ehionites ^ félon S. BarthÉlemi , /fc/o?î S. BARNABE, &e. Cet habile Critique diftingue foigneufcment les Ecrits apo- cryphes ou inauthentiques qui parurent dans le premier Siècle de ceux ^ui parurent dans' les Siècles fuivans : oes derniers PHILOSOgiJifIdUE. ParL XX, ^5 â merveille -que des Difciples zèles des princi- etoicnt beaucoup moins exafts que les premiers , foit à l'éj^ard lie la Doélrine , foit à l'égard des Faits. Il a'eft pas difficile d'en affignerla raifon. Les faufTes Doétrines ne commencèrent à fe multiplier qu'après la mort des premiers Témoins 5 & \\ étoit fort naturel que des Hommes qui s'éloignoient plus ou moins de la Doftrine requc , altérafTent plus ou moins la vé- rité dans leurs E'crits. Le Témoiçjnage formel que de pareils E'crivains ne laiffoient pas de rendre aux Faits les plus effen- iiels n'en eft donc que plus remarquable & plus convaincant» An relie , fi l'on prétendoit que les E'crits apocryphes dé- truifent l'Autorité des Ecrits Canoniques , je répond rcis avec notre judicieux Critique, Pag. 462 , qu'il vaudroit autant dire,, qu'il 5, n'y a point d'Actes certains, parce qu'on en a fnppofé quan- „ tité de faux j qu'il n'y a point d'Hiftoires véritables , par- ^ ce qu'il y en a de fabuleufes ; qu'il n'y a point de bonne 35 Monnoie ; parce qu'il y en a de fauffe & de contrefaite. *' Si l'on recherche, dit encore cet E'crivain , en quoi Icg „ E'vangiles apocryphes du premier Siècle difFéroient des vé- .5, ritables, on verra que tout conliftoit dans quelques parti „ cularités de la vi^ de notre Seigneur qui étoient ou retran^ 5, chées ou ajoutées; dans quelques paroles, dans quelques „ fentences attribuées à I'Envoye' , <& omifes par nos Evan_ „ gélifies. Tel eft, par exemple, ce mot du Sauveur, ii 55 eji plus heureux de donner que de recevoir. Euthalius rap- 55 porte , qu'il fe trouvoit dans le Livre intitulé la Doiirine 59 Aes Apôtres. . . Ces fentences étoient prifes de quelques 55 Livres requs parmi les Chrétiens ou s'étoient confervées par „ la Tradition. De là auiTi pîufieurs pafiages que les Copiftes „ inférèrent dans les Evangiles, & que S. Je'rome en re- 55 trancha lorfqu'il réforma les Exemplaires de fon èems fiw •5, les plus anciens Manufwrits. „ Pag. 462. no P A L I N G E' N F s I Ê paux Témoins purent être portés tout natiî^^ Tellement à écrire ce qu'ils avoient ouï -dire à leur Maître , & à donner à leur Narration (lo) un 7V/re fembîable à celui des Pièces authen- tiques. De pareilles Hiftoires pouvoient facile- ment être très •conformes aux Faits efTentiels; puifque leurs Auteurs les tenoient de la bou- che des premiers Témoins ou du moins de çelie de leurs premiers Difciples. [il] Jr trouve qre différens Sedaires avoient auffî îeufs Hiftoires, [ 12 ] & qui s'éloignoient plus [10] Les E'-vungiles apocryphes connus fons les titres d'^l vangile de S. Jaoues , \X'E'vangiU de S. THOMAS, &c. [ II ] ,, La Vie du SEIGNEUR' etoit fi belle, fon Garac- ^ tere fi fublime & fi divin, fa Doftrine fi excellente, les „ Miracles , par lefquels il l'avoit confirmée, fi éclatans & 5j en fi grand nombre , qu'il n'étoit pas pofTible que plufieurs „ Ecrivains n'entrepriiTent d'en compofer des Mémoires. Cela „ produifit plutieurs Hiftoires de notre Seigneur , plus ou 5, moins exaftes les unes que les autres. ... S. Luc, qui 5, parle des Relations ou des Evangiles qui avoient précédé 55 le fien , infmue bien qu'ils étoient déFectueux, mais il ne 5, les condamne pas comme des Livres fabuleux ou mauvais, „ Beausorbe : Difc. fur l' Authenticité , &c. Hifi. du Juani^ chéifmc , ^Tom. I . Pag. 449. [ 12 J Tous les faux- E'vangiles de ces difiPérens Sedaires u'étoieut pas des E'crits purement hiiloriques ; il y eu avoit FH I LOS 0 P HI Q^UE. Part. XX. 351 ou moins de l'Hiftoire authentique , mais , il ne ni'ert pas difficile de m'alfurer que ces Hif- toires malicieufcment fuppofees contenoient la plupart des Faits cirentiels qui avoient été at- telles par les principaux Témoins. (13 ) Plu- ^ui n'étoient giieres que dogmatiques , & dans lefquels cer- taines Sectes raflfembloient , comme en un Corps, leurs opi- nions particulières. Telétoit, par exemple, VEi^angile rie Va- le NT in ou des rdentinicns , auquel ces Sedaires avoient donné le nom à' Evangile de Vérité. Tel étoit encore l'E'crit que les Philorophes Orientaux connus fous le nom de Gnof^ tiques , avoient intitulé V Evangile de Eerfeciion. Ihià. P. 454 Voy. la Not. 6. C 13 ] Je veux dire, les Miracles , la KeTurredion feTAf- cenfion'du Fondateur. Il cft vrai qu'il y avoît des' Sec- taires qui nioient qu'iL eût \\\\ Corps femblable au nôtre, & qui prétendoient que fa Mort & fa Réfiirreclion n'avoient été que de pures apparences 5 mais, cette finguliere imagination qui choque fi direftement l'efprit & la lettre du Texte facré , prouve elle-même que ces Sectaires reconnoiffoient la validité des Témoignages rendus a la Réfiirreciion du Fondateur; puifque leur erreur ne confiiioit pas à nier cette Réfurrecl:ion » mais qu'elle confiftoit à l'expliquer par des apparefwes. Ils avouoient donc le Fait ; & parce que Vlncar-nation ne s'accor- doit pas avec les idées qu'ils s'étoicnt formées de la Ferfonne du Fondateur ; ils forgeoient un Syftéme iVai'^arences pour concilier leurs idées avec les Témoignages. Ainfi, dans ces premiers tems on ne s'avifoit pas de mettre en queftion fi le Fondateur avoit fait des Miracles, s'il é^oi-: refrulcité , s'il é'oit niûité au Ciel : les Témoignages rendus :i tes Faiti etoient tio^ réc.iis , trop nombreux , trop isz P A L I N G r N E^S î É CieuYs de ces Scdlaires me paroifTent fort animer contre le Parti qui leur étoit contraire , & puii- qu'iîs inféroient dans leurs Hiftoires les mêmes Faits eflentiels que ce Parti flùfoit»proFe(îionde croire, je ne puis point ne pas envifager une telle conformité entre des Partis fi oppofés , comme la plus forte prcfomption en faveur de TAuthenticité & de la vérité de la Dépoiitioii que jVii fous les yeux. J'OBSEt^vE encore que la Société dépofitaire Êclele de la Dodrine & des E'crits des Témoins ne cefibit , ainfi que fes Dodeurs , de réciamer contre les Sedaires & contre leurs E'crits & d'en valide;, & la Tradition trop certaine pour qu'on pût raifon- niblement Ici; révoquer en doute. Ces Faits étoicnt donc avoués par les Sedaires comme par les Orthodoxes; & on ne diipu- t:oit que fur certains points de Doétrine. Aujourd'hui on difpute & fur la Doftrinc & fur les Faits ; & an bout de dix-fept Siècles on le met à entafTer objeftions fur objcftions, doutes fur doutes contre des Faits que les Contemporains de tous les Partis , plus intéreffés encore à s'aflurer du vrai & plus à portée de le faire, n'avoient ni contredit ni pu contredire. Je conviens néanmoins qu'il eft fort dans l'efprit d'un Siècle q-ii porte le beau nom de philojopbique , de ne croire aux Miracles que d'après l'examen le plus logique & le plus cri- tique. Je demande feulement, s'il feroit vraiment philofophique de rejetter les Miracles de I'Evangile fans un pareil examen? Je demande encore s'il feroit pofiible en bonne Fhilofophie àii les rcjetter après un pareil examen ? - appcJiei* PHILOSOPHIQ^UE, Fart XX. 3c; appcller conftamment aux E*crit« authentiques comme au Juge fuprême & commun de toutes les controverfes. J'apprends même de THiftoire de cette Société , ( 14) qu'elle avoit grand foia de lire chaque femaine ces E'crit», dans fes Aflemblées , & qu'ils étoient précilément ctux qu'on me donne sujourd'hui pour la Dépofi- don authentique des Téipoins. Je ne puis donc fuppofer, en bonne Criti- que , que cette Société s'en laiiToic facilement impofer fur l'Authenticité des nombreux E'crits répandus dans fou feia. (lO S'^^ ^- reftoit ( 14 ) VHiJloire Eccléjîafciqut , ( iç ) Les ancien* Pères avoieot trois moyens prlK«ipaiix de difcerner les Ecrits apocryphes qui fe répaiidoient dans la Société Chrétienne. Le premier ctoit la PrédicafcioH des pre- miers Témoins & de leurs fuccelTeurs immidiats , qui fc coa- ijervoit & fe perpétuait dans chaque Saciété particulière. 1,2 i««ond ctoit le Témoignage coHftant, perpétuel, uniforme que la Société primitive univerielle avoit rendu aux E'crits des pre- miers Témoins & à ceux de leurs premiers Difciples : Té- moignage que les Percs truuvoient can%né dans les Ecrits des Condudcurs dt U Société Chrétienne, & qu'ils recueil, loient encore de la Tradition , for laquelle ils pouvoient d'au- lai^ plus compter , que ia Chaîne des Témoins étoit plus courte & que 1«E Témoins eux-mêmes étoient d'un plus grand poids. Le troifieme moyen enfin , confiiloit dans la comparaifon que lex Pères ue manqnoient pouat de faire des E'crits apocryphes >vec Its E'crits aathentiques , dont les Oxi^inAux ouf au moins 2ow* X'/I. Z yf4 \ P A L 1 N G E* N T S I E fur ce point efTentiel quelque doute raifonna- bic , il feroit difîîpé par un Fait remarquable que je découvre: c'eft que cette Société étoit 11 éloignée d'admettre légèrement pour authen- tiques des E'erits qui ne 1 étoient point , qu'il lui étoit arrivé de fufpedcr long - tems TAu- thenticîté de divers E'erits qu'un examen con^» tinué & réBéchi lui apprit enfin qui partoient de la Main des Témoins. (16) l?s copies les plus Originales exiftoienk encore : eft - il \m tîioyeiT plus sûr de juger de faux-Aftes que de les comparer à des Aéles dent l'Authenticité eft bien conftatée ? f 16 ] Ce Fait eft apurement un de ceux qui prouvent le mieux que les Pères ne recevoient pas fans examen tous les E'erits (jui circuloient dans l'E'glife. Ce qui en eft eneorc une bonne confirmation, c'eft le foin qu'ils prenoient de les dif- tribuer en diff"érente8 ClaflTcs , relativcmejit à leur degré d'^«- tbtnticité. L'infatigable & profond OilGENE , qui vivoit dans le troifiemc Siècle , faifoit trois de ces Clafifes, Il plaqbit dans ja première les E'«rits 'vraiment authentiqués : il mettoit dans la fetonde les E'erits Apocryfhesi & il corapofoit la troifiemc des E'erits mixtes ou douteux. C'étoit dans cette dernière ClalTe qu'il rangeoit entr'autres la féconde Epître de S. Pieree, la féconde & la troiûeme de S. Jean, l'Epître de S. Jude j (Sic. Le Père de l'Hiftoire eccléûaftique , le judicieux & do(^ EusEBE , qui fleurilToit dans le Sieelc fuivant , faifoit une Divifion affez fcmblable. Confultez l'excellent Difcours de Mr. de Beau SOBRE fur Y Authenticité des Ecrits Bvangéliques ; Mijîoire du Manichéifme , Tom. I, pag. 438 & fuiv. Dck 'Hommes qui favoien» faire des diftindidns auflfi logiques & miLOSOPHIUUE, Part XX. îîî Un autre Fait plas remarquable encore vient à Tappui de celui - ci : je lis dans THiftoire du Tcms que les Membres de U Société dont je parie s'expofoient aux plus grands fupplices , plutôt que de livrer à leurs perf^cuteurs ces Livres qu'elle réputoit authentique!5-& facrés Se que ces irdens Perlécuteurs deftinoient aux flammes. (17) Préfumerai-je que les plus zélés P irtiians de la Gloire des Grecs fe fuffent fa- crifiés pour fauver les E'crits de THUCYDIDE t)U de PoLYBi ? Si je jette cnfuite les yeux fur les njeilleures àiiîTi critiques ne reeevoient donc pas fans difcernemeiit tous les E'crits qui tomboient entre leurs mains. [ 17-] On fe msprendroit beaucoup fi l'on s'imaginoît que je cfonnc ce Fait r«marqiiable pour preuve de l'Authenticité Si de la Vérité de la Dépoûtion. Un Turc pourroit fe faire brûler pour fon Aie or an ', mais un Ture qui fe feroit brûler pour l'Alcoran ne prouveroit ni l'Authenticité ni la Vérité de î'Alcoran. l\ ns faut pas être un bien fin Critique pour fentir cela. Mais , d'un autre côté , il faudroit être bien déraifoM- Hahlc pour ne pas conrenir qu'un Turc qui fe feroit brûler pour l'Alcoran «e pourroit donner une plus forte preuve de la fmcérité de fa Croyance & de fon attachement à cette Croyance. Refteroit enfuite à comparer les preuves que ce Turc auroit de la vérité de fon opinion avec celles que les premiers Chrétiens avoient de l'Authenticité & de la Vérité de leurs Livres facrés j & ce font ces preuves que j'ai tâché de raiTembler en abrégé flans ces Recherches, zz ^S6 ¥ALIN&L*NE'SIE Notices des Manufcrits de la Dépofition , je ra'af- furerai que les principales Pièces de cette Dé- pofition portent dans ces Manufcrits les Noms des mêmes Auteurs auxquels la Société dont je parle les avoit toujours attribués. Cette preuve me paroitra d'autant plus convaincante qu'il fera plus probable que quelques-uns de ces Manufcrits remontent à une plus huute haute antiquité, (rg) J'ai donc en fliveur de l'Authenticité de la Dépofition qui m'occupe le Témoignage !e plus ancien , le plus confiant , îe pljis uniforraô de la Société qui en eft la dépofitaire j & j'ai en- core le Témoignage des plus anciens Nova- teurs , celui des plus anciens Adverfaircs & l'au- torité des Manufcrits les plus originaux. CoMiMENT m'élcverois - je à préfent contre tant de Témoignages réunis & d'an Ci grand poids ? Serois-je mieux placé que les premiers Novateurs ouïes premiers Adverfcures pour con- tredire le Témoignage fi invariable , fi unanime de Id Société primitive? Connois - je aucua Li- vre du même Tems dont l'Authenticité foit éta^ [I8 ] Entr'autres le Mamifciit du Vatican âc celui d'l4, lexandrie, eftimés du quatrième oivciiifiiiicms Siccl?. THILOSOPHIQ^VE. Part. XX, 3^-7. blie fur des preuves auflî folides , aufîî fingu- lieres , auffi frappantes & de genres fi divers ? CHAPITRE II. Si lu Dépofition écrite a été altérée dans fes Parties ejfentielles ou fuppofée. J E n'infifterai pas beaucoup avec moi - même fur la pofîîbilitéde certaines altérations du Texte authentique : je ne dirai point que ce Texte a pu être falfifié. Je vois tout d'un coup com- bien il feroit improbable qu'il eût pu l'être pen- dant la vie des Auteurs: (i) leur oppofition& leur autorité allroient confondu bientôt les Fauf- faires. Il me fembleroit tout aulîî improbable que de pareilles falfifications euifent pu être exécu- tées avec quelque fuccès immédiatement après la mort des Auteurs : leur Enfeignemens & l«urs E'crics étoient trop récents & déjà trop répandus. [ i ] Les Apôties. Z3 t^S P  L î :^ Ù É Nl^ s I £^ L'Improbabilité me paroîtroit accroître à rindcfini pour les Ages Tuivans ; car il me pa- roîtroit très-évident qu'elle accroîtroit en rai- fan direde de ce nombre prodigieux de Copies & de cette multitude de Verfions qu on iis ceiToit de faire du Texte authentique, & qui voloient dans toutes les Parties da Monde connu. Comment falfifier à la fois tant de Copies & tant de Verfions? Je ne dis point aifez , com- ment la feule penfée de le faire feroit-c le mon- tée à la Tète de Perfonne ? Je lais d'ailleurs, qu'il ed bien prauvé par THiftoirc du Tems que les premiers Novateurs ne commencèrent à écrire qu'après la mort des premiers Témoins. Si ces Nevateurs , pour fa* vorifer leurs opinions particulières , avoient en- trepris de falfifier les E'crits des Témoins ou ceux de leurs plus illuftres Difciplcs ,1a Société ( 2 ) nombreufc &; vigilante qui en étoit la gar- dienne ne s'y fcroit - elle pai d'abord fortement oppolée ? Ec fi cette Société elle - même , pour réfuter avec plus d'avantage les Novateurs, iivoit ufé falfifier le Texte authentique , ces Novateurs qui en appelloient eux-mêmes à ce Texte , auroient - ils gardé le filence fur de lemblabies impoftures ? C 2 ] li'Sglife Chrétienne. FH^ILOSOPmflUE. Part XX. 5f> Cici t'applique de foi - même aux fuppofi- tion«. Il ne me femble pas moins improbable qu'on ait pu dans aucun tems Tuppolcr des E'crits- aux Témoins , qu'il ne me le paroît qu'on ait pu dans aucun tems falfifier leurs pro- pres E'crits. En y regardant de près , il m'eft Riciîe ds reconnoitrc que les Divifions continuelles &fi miikipîiées de la Société fondée par les Témoins > ont du naturellement conferver le Texct authen. tique dans fa première intégrité. Si ces divifions dégénérèrent enfuite en guer- res ouvertes & acharnées ; fi les Parties belli- gérentes en appelloient toujours au Texte au- thentique comme à l'Arbitre irréfragable de leurs querelles ; Çi l'on vint enfin à découvrir un moyen nouveau ( 3 ) de multiplier à l'inEni & avec autant de préciSon que de promptitude les Copies du Texte authentique, ne fcrai-je pas dans l'obligation la plus raifonnable de con- venir que 11 crédibilité de la Dépofition écrite n'a rien perdu par le laps du tems, & que ces E'crits qu'on me donne aujourd'hui pour ceux £3] L'Imprimerie, 2 + $69 TALINOE'N^SIÊ des Témoins , font bien les mêmes qui leur ont toujours été attribués? (4) ( 4 ) Je me reflerre beaucoup : confultez la I^ote que le Traducteur du célèbre Ditton a mife au bas de la page 46 du Tome II. 1728. Voici le précis des raifonnemens de ce Traduftenr , quiétoit, comme ron fait, un habile Critique. „ Il s'agit de favoir li le Témoignage écrit que nous avons 55 à cette heure , eft le même que celui que les Apôtres pré- „ cherent & écrivirent. Certaines Gens tâchent d'en afFoibiir 5, la certitude ou par des calculs de probabilité qui dépérit 5, tous les jours , ou par le nombre des Variantes qui fon- 3, dent, à leur avis, le foupqon que les Livres facrés d'au- 5, jourd'hui ne font pas ceux des Apôtres. Il me paroît que 35 ces calculs & ces foupqons tombent à terre , fi Ton partage 55 les Siècles de l'Eglife en quatre Fériodes ou quatre Géné^ 3j rations périodiques, 5, La première eft depuis les Apôtres jufqu'au Règne dô 55 Constantin. La féconde eft depuis ce Prince jufquM la „ Domination temporelle des Papes. La troifieme eft depuis 3, le commencement de l'Empire Papal jufqu'au Sietle de „ l'Imprimerie, qui fut, ou peu s'en faut, celui de la Ré- 35 formation. „ Or , je trouve qu'à bien prendre les chofes , la certitude „ du Témoignage écrit a été dans ces quatre Générations en ,5 croiffant au lieu de diminuer. Dans la première qui fut un „ tems continuel de perfécution ou de dégoût pour les Chré- ,5 tiens , on ne peut nier que cette certitmle ne fût bien vive 3, pour infpirer tant de courage & de fermeté aux Chrétiens.. PHILOSOPHIQUE. Part, XX, '^Sr CHAPITRE III. Les Variantes : folation de quelques âijficultés qti elles font naître. I j A DépoGtioii imprimée que j'ai en main me rcpréfente donc ies meilleurs Manufcnts 55 La féconde fut un tems d'orage dans rE'glife. Il n'y eut „ que difputes cruelles fur la Religion , & fi les Livres auxquels 5, tous les Partis appelloient eulTent été falfifiés ou fuppofés 5, dans la Gén«ration précédente; le myftere dut naturellement „ éclater dans celle-ci. „ . . . Lorfqu'enfuite fous la troiiieme Génération , retablilTement du pouvoir temporel des Papes eut fait naître dans l'Eglife de nouvelles difputes , on ju^e av fément que Y Authenticité des E'CRITS Apo/loliques devenoi!: d'autont pliK certaine , que les Partis contendaas réclamoieut également l'Autorité de ces E'CRiTS & que l'un des Partis paroiilbit h l'autre s'éloigner davantage de l'efprit ou de la lettre du Texte sacre'. Enfin; fous la quatrième Généra- tion arriva la fameufe découverte de l'ImpriiTieric , & prefqu'en même tems le grand Schifme qui divifa l'Ejîiire Sz la divife encore. . . Le refte du Raifonnemcnt faute aux yeux ; & il n'eit pas befoin que je l'achevé. Alnfi par une difpenûition particulière de la Providence , les Divifions de la Société Chrétienne ont contribué à cooft"^- vcr dans f«n intégrité primitive la Chartre vénérable de rimmortalité. ^62 PJLIT^GE'N^SiM de cette Dépofition qui foicnt parvenus jufqu'à moi 5 & ces Manwfcnts me repréfcntent eux- mêmes les Manufcrits plus anciens ou plus ori- ginaux , dont ils font les Copies. Mais , combiep. d'altérations de genres dif- férens ont pu fui venir à ces Manufcrits par riniurc des Temsipar les révolutions des E'tats v% des Sociétés , par la négligence , par l'inatten- tion , par riftipéritie des Copiftes! Se combien d'autres fources d'altération que je découvre en- core î 11 ne faut point que je me diflimule ceci i puis-je maintenant me flatter que la Dépofition authentique des Témoins foit parvenue jufqu'à moi dans fa pureté originelle, à travers dix- fept Siècles , & après avoir pafle par tant de milliers de Mains la plupart imbécilles ou igno- rantes ? J'approfondis ce point important de Cri- tique, & j5 fui!: eiFrayé du nombre prodigieux des Variantes. [ i ] Je vois un habile Criti- que [ 2 ] en compter plus de troite mille , & n I 3 On nomme Variuntes les différentes manières dont le même paffage eft écrit dans différentes Copies du même Livre. Ces différentes manières portent encore le nom ëc leçons, [ 2 3 Le Dodeur Mill, PHILOSOPHIflWZ Tart^XX, ^i% ce Critique fe flatte pourtant d'avoir donné It meilleure Copie de laDépofition des Témoins, 8i afTure l'avoir faite fur plus de uonante Ma- nufcrits , recueillis de toutes parts & collationnés ixadement. J'ai peine à revenir de mon étonnement: mais , ce n'eft point pendant qu'on eft (î étonné qu'on peut réfléchir. Je dois me défier beau- coup de ces premières impreffions & rechercher nvec plus de foin & dans le fens froid du Cabinet les foHrces de ce nombre prodigieux de Variantes. Les réflexions s'offrent ici en foule à mon Efprit: je m'arrête aux plus eflentielles. je ne connois , il eft vrai, aucun Livre ancien qui préfente ni à beaucoup près un au(îi grand nombre de leçons diverfes que celui dont je fais l'examen. Ceci a-t-il néanmoins de quoi me fur- pi endre beaucoup ? Depuis qu'ii eft des Livres dans le Monde , en eft-il aucun qui ait tlû être lu, copi^ , traduit, commenté aulîi fouvent, en autant de lieux & par autant de Ledteurs , d? Copiftes , de Traducteurs » d'Interprètes que celui-ci ? Un Savant laborieux confumcroit fes veilles à lire & à collationncr les nombreufes Verfions qui ont été faites de ce Livre en diffé- rentes Langues & dès les premiers tems de fa 3^4 PALTl^airjS'rSIE publication: Je Tai déjà remarque : -un Livre qui contient les Gages d*un bonheur éternel pouvoit-il ne pas paroître le plu» important de tous les Livres à cette grande Société à laquelle il avoit été confié , qui en reconnoiflbit i'Au- tlienticité & la Vérité, & qui en a tranfmis d'AgQ en Age le précieux Dépôt ? Je ne fuis donc plus û étonné de ces trentr mile Variantes. Il eft bien dans la nature de la Chofê que plus les Copies d'un Livre fe mul- tiplient, & plus les Variantes de ce Livre foicnt nombreufes. Mon étonnement fe diffipe même en entier, lorfque retournant au Savant Criti- que , j'apprends de lui - même que ces trente mille Variantes ont été puifées , non feulement dans les Copies du T^xte original ; mais encore dans celles de toutes les Verfîons , &;c. Je parcours ces Variantes , & je me con- vaincs par mes propres yeux , qu'elles ne por- tent point fur des chofes effentielles , fur des chofcs qui affedsnt le fond ou l'enfemble de la Dépofition. Ici je trouve un mot fubftitué à un autre : là , un ou plufieurs mots tranfporés ou omis: ailleurs quelques mots plus remarqua- bles , qui paroiifent avoir paifé de la marge dans PHILOSOPHIOUE. Pojt. XX. 56^ le Texte, & que je ne rentontre point dans les Manufaits les plus originaux, &c. [ ^] Si malgré les Variantes aflcz nombreufes des E'crits de Cjcéron , d'HoRAÇE, de Virgile les plus fcvercs Critiques penfent néanmoins pofTéder le Texte authentique de ces Auteurs , pourquoi ne croirai-je pas poOeder aullî le Texte authentique de la Dépofition dont il s'agit? Si les Variantes de cette Dépofition étoient un ti- tre fuffifant pour me la faire rejeter , ne i'au- droit-il pas que je rejetalTe pareillement tous les Livres de l'Antiquité? Cette remarque me ramené aux réflexions de même genre que je faiiois dans le Chapitrc- [ 3 ] Personne n'ignare qiie les E'pîtres de S. Paul contiennent tout l'eficiitiel des E'vangiles. L'Authenticité de treize de ces E^pîtres n'a jamais été conteftJe ; on n a doiité que de rAuthenticité de l'Epitre anx Hébreux, Se Ton s:!à^ii réimi eiafiiite à l'attribuer à cet Apôïi e , au nîoins poj?v la «u- tiere. Les Critiquer obfervcnt qu'il y a beaucoup mains de Va- riantes dans ce» E'pîtres que dans l« E'vaiigiles : " ç'eil; qne » les Copiftes en écrivant des Hiftoires ou des Difcmirs pa- „ ralîeles & ayant dans î'Eiprifc les cxprciiions d'un autre E'van- „ géiifte, pouvoient facilement les mettre dans caiui qu'ils co- 55 pioient. Ils feaiblent même quelquefois l'avoir fait à dclTein T^ |iour éclaircir un endroit par l'autre. Cela ell fort peu ar' „ rivé dans les E'pîtrete de S. Paul, cepen- dimt il n'a point ouvert la bouthe-, il a été con^ duit û la mort connne un Agneau ^ comme une Brebis qui efi muette devant celui qui la tond. . . IL a été tiré de topprejjlon ^j? de la cojidam- nation j & qîti pourra expriyner fa durée ? Il a éié retranché de la Terre des Vivans , mai^ âefî Cl canfe des péchés de mon Peuple qu'il a été frappé. ON avoit ordonné fon fépulcre avec les Mé- dians , ^ il a été avec le Riche dans fa mort ; car il n'aicit point commis de violence Çff il n^y avoit point eu de fraude dans fa bouche, ..... après qCil aura donné fa vie en fa- crifice pour le péché , il je verra de la Pojîérité ^ f(s jours feront prolongés , '& le bon plaifir de l'i^^ TEBMEL profpérera entre fes mains. PHILOSOPHIQ^UE, Fart, XX. 57c IL verra le fruit de fes peines ; il en fera fatisfait , g? ce Jujh jujlifiera un grand nont^ h'e d'Hommes far la connoiffance qu'ils auront Ae lui C EST pour cela que l'FTER>^EL lui don^ vera fa portion parmi les grands ,• // partagera le butin avec le Fuijfans ,* parce qu'il fe fera offert lui ynême à la mort , qu'ail aura été mis au rang des criminels , qu^il aura porté les péchés de plufieurs êf? ^i^^il ^^i^^ intercédé pour les Cou- pables, IL (<)) fera haut ^ puijfant. Comme il a été pour plufieurs un fujet d'étonné- ment , tant il a paru ahjecl Çf? inférieur mèrae aux plus petits des Hommes ; ainfi fera-t-on frappé d'étonnement quand il répandra fa lumière fur plufieurs Nations Celui q.ui pcignoic ainfi aux Siècles futurs POrient d'enhaut , leur auroitii déiigné encore le teais de fou Lever ? J'ai peine à en croire mes propres yeux , lorfque je lis dans un autre E'crit [ 6 ] du même Livre [5] LU. [6] Daniel ix: le dernier tics quatre grands Frofbetes Aa 4 ^7^ 2' A L I 2^ a E' N rS I E cet Oracle admirable qu'on prendroit pour une Chronologie compofée après l'E'véncment. îl naquît environ l'an 6i6 avant notre Ere. Il fut emmené Captif à Ecibyloiie environ l'an 6o6 , & inftniit dfins toutes Jes Sciences des ChaUléens. On fait comment il fut élevé aux premières Dignités de l'Empire. Il mourut vers la fin du re- gîie de Çye-VS , âgé de prés de vo ans. On fait encore que les Prophéties de Daniel font celles qui exercent le plus la fagacité & le faroir des plus habiles Interprètes; je pourrois ajouter des plus profonds Aftronomes • jcàr j'en connois un dont je regretterai toujours la mort pré_ înaturée, qui avoit fait danfj ces admirables Prophéties de^ Découvertes aftronomiqxies qiû avoient é*-onné deux des pre„ i)îiers Agronomes de notre Siècle, Mrs, de Maîran & Cas^ SINI. Je parle de feu Mr. de Çhe'seaux , mort à 33 ans, en Ï7ÇI , & dont les rares & nombreufes Connoiirances étolent relevées par une moileftic, une candeur & une piété plus rares encore. Vo^ez X AvertiJJhnent de fes Mémoires pof^ thumes fur dh'crs fiijcts d'Afironomie çSf de Mathématiques : Laufannc 17 Ç4, in 4''., ouvrage profond, trop peu connu & fi digne de Tètre ; maii qui ne fauroit être entendu que des glavans les plus initiés dans les fecrcts de la haute Aftronomie^ "^ 21 n y et -pas moyen, de difconvenir des Vérités Sf des Bécou^ fiertés oui font prouvées dans 'votre Dijri.:'tation ^ écriv.oit l'il- ïuili-s Maîran au jeune Aitronome : Tnais je ne fuis com- frendre comment ^ pourquoi elles font uuffi réellement ren^ fermées dans /'E'CKITUKE Sainte, Ewt-on loupyonne que i'çïud? iVnn Prophète enrichiroit rAftronomic & qu'elle nous XTjudî-pit ixjr certains points très-difficiles de cette belle Science îin degré de précifipn fupévieur à celui ^ue le calcul d.Yqi^. FHIZOSOPHIQ^UE. Vart. XX. 577 IL y a feptantt Semmres âétermuiéss Jtir ton Teuple Çff jur ta fainte Ville pour abolir l'znjidé' lits , confianer le péché , faire propïticitioyi four riniquité , pour amener la J^'fiice des Siècles , pour metti'e le Sceau à la l'ifion '^ à la Pro- phétie 5 kS pour oindre le Saint des Saints. TU [auras donc ^ tu entendras , que depuis la f ortie de la Parole portant qu'on s'en rff- tourne & qu'on rehjtijje la ViHe , jufqu'au Christ le Conducteur , il y a fept Semaines & foixante- deux Semaines ET après ces foixarite-deux Semaines le ChrisT fera retranché , mais non pas pour foi ET il confirmera P Alliance à plujieurs dans une Semaine , '^ a la moitié de cette femaine il fera cejfer le Sacrifice & rohlation Je fais que ces Semaines de TOracle font des Semaines à^ Années , chacune de fept Ans. Il s'a- f j. Le Lefteiir qui dcfircra «l'avoir une idée des décou- vertes de Chroiuilogie & d'Artroncmie que M. de ChÉseaux avoit faites dans les Oracles de Daniel , en trouvera un Pré- cis très-net à la fia du Tom. III de I'Addisson Uc Ai. COR-, i£VON, ijnpriraé à Grcueve en 1771. 37J TALI7^^E':^FSIB git donc ici d'un événement <^ui ne doit arri- ver qu'au b.out de 490 Ans. Je fais par l'Hifloire le Tems de la venue de ce Christ que l'Oracle annonce. Je remonte donc de ce Christ jufqu'à 490 Ans, car l'E'- vénement doit être l'interprète le plus fur de rOracle. J'arrive' ainG au règne de ce Prince [7] [7] Artaxerxes /oK^Ke-??îtw/j environ la some. année lie fon Règne , félon quelques Chronolegiftes , & la 7me. félon Prideaux. Ce ce'lebre E'crivain a montré, en effet, que fi l'on compte les 70 Semaines en partant de la 7me. année du Règne d'ARTAXERXES longue-main ou de l'E'dit que ce Prince accorda à Esdras , on trouve précifément 70 Semaines on 490 ans , mois par mois , jufqu'à la mort du Christ : pré- cifion étonnante ! accord merveilleux avec l'événement ! L» hafard opéreroit-il ainfi' un Efprit judicieux & impartial fc refufera - 1 - il à de femblables preuves? Voyez VHiJloire des Juifs du dode Anglois j Tom. II , Pag. lo & fuiv. de l'E'dit. •le 1722. ■}• t M. de ChÉseaux s'étoit auffi occupé des 70 Semaines de Daniel & avoit embraffé l'opinion de Prideaux comme celle qui cadre le mieux & avec l'Hiftoire & avec la manière la plus sûre de calculer les Tems de l'Oracle. Confultez là- deflfus le court E'crit de l'Aftronome de Laufaane, inféré Tom. III de l'ADDlssoNde M. deCoRREVON ,P. 332. Vous 7 trouverez précifément le même réfultat chronologique que dans l'Hillorien Anglois. PHILOSOPHIQUE. Part XX. 379 dont fort en effet la dernière [ 8 ] Parole pour le rétahlijenieni de cette Nation captive dans les Etats de ce Prince 5 6c c'eft de la main de cette Nation elle-même que je tiens cet Ora- cle qiii la trahit & la confond. Douterai -JE de l'Authenticité des Ecrits où ces étonnans Oracles font conQgnés ? mais , la Nation qui en a toujours été la Dépolitai- re n'en a jamais douté : qu'oppoferois-je à un Témoigiiage fi ancien, fi conftant, Çi uniforme? Je n'imaginerai pas que cette Nation a fuppofé de pareils E'crits : combien cette imagination ferolt-elie abfurde î les Oracles eux-mêmes ne la démentiroicnt-ils pas f" ne feroit-elle pas démentie encore par tant d'autres endroits des mêmes E'crits qui couvrent cette Nation d'igno- minie & qui lui reprochent Çi fortement fes dé- fordres & fes crimes ? elle n'a donc rien fup- pofé , rien altéré , rien retranché , puifqu'elle a lailfé fubfifter des Titres fi humilians pour elle & Ç\ favorables à la grande Société qui re- connoît le Christ pour fon Fondateur. [ 8 ] IL y avoJt eu deux E'dîts antérieurs : le premier avoit été accordé par Cyrus , la première année de fon Règne à Babylone , environ l'an 5,^7 avant le Christ. Le fécond E'dit avoit été donné par DaPvIUS, Fils d'HvSTASPE, en- firoii l'an %i^ avant k CKiiiSTo 5So PALTNGE'T^Ê'SIB Recourrai -JE à l'étrange fuppofition que Faccord des Ivéïiemens avec les Oracles eft ie fruit du hafard ? mais , trouverai je dans la ccïiicidence de tant de traits & de traits^ Ci di- vers l'empreinte d'une caufe aveugle? (9) Un doute plus raifonnable s'élève dans mon Efprit : puis-je me démontrer à moi-même que ces Oracles dont je fuis (î frappé ont bien pré- cédé de cinq à fix iiecles les événemens qu'ils annonçoient en termes û exprès & (î clairs ? connois - je des monumens contemporains qui m'atteftent que les Auteurs des E'crits dont je^ parle ont bien vécu cinq à fix Siècles avant le Christ ? Je ne m'engage point dans cette fa- vante & laborieufe recherche : j'apperc-ois une route plus courte, plus facile, plus fùre & qui doit me conduire à un réfultat plus décifif. J'ai appris de THiftoire , que fous un Roi d'E'gypte ( 10 ) on ât une Verfion Grecque des E*crits dont il eft queftion. Je con fuite cette fmieufe Veriion , & j'y retrouve ces mêmes Oracles que me préfente le Texte original. Cette Verfion , exécutée par des Interprètes ( 9 ) Voyez le Chap. IV de la Part. XVI. (10) Vro-LQ-ii^L'E Fhilidehhe. PHILOSOP HI^ UF. Part XX, ^U f 1 1 ) de cette même Nation Dépofitaire du Texte original , avoit précédé de près de trois Siècles [12] la nailfance du Christ. Je fuis donc certain que les Oracles qui m'occupent ont précédé d'environ trois Siècles les événe- mens qu'ils annonçoient. Je ne ferois pas le moins du monde fondé à foupqonner que des Membres de la Société fondée par le Christ ont interpolé [ 13 ] dans cette Verfion ces Oracles qui leur étoient fi favorables. La Nation gardienne du Texte ori- ginal n'auroit- elle pas réclamé d'abord contre une telle impofture ? D'ailleurs n'auroit - il pas [11] Les lxx Interprêtes. On lira, fi l'on veuè, dans VHiJîoire des Juifs du favant Prideaux tout ce qu'on a dé- bité fur ces Interprètes & fur leur Verfion d'après le faux Ariste'e. Il refte toujours très - certain , que cette ce'lebre Verfion fut faite par des Juifs d'Alexandrie , à l'ufage de ceux de leur Nation qui vivoient parrai les Grecs ou qui parloient la lanv^je Grecque. On trouvera un Prs^cis de cette Difciiffioa critique dans l'excellente Préface générale du N. T. de Berlin , Pag. CL VI & CL VII de l'E'dit. de 1741. [12] La Verfion des lxx fut faite 271 ans avant notre Ere. [ l.-^ ] Ce Mot de'figne les Additions qu'une Main etrangcre iaferc furtivement dans un Manufcnt. 3Sa P^LI'tîCH'l^E'SÎE fallu interpoler encore tous les E'erits des Doc- teurs de cette Nation qui font mention de ces Oracles & qui n'hefitent point à les appliquer à cet Envoyé qui devoit venir ? Si pour donner au Genre-humain un plus grand nombre de preuves de fa Deftination future , TAuiEUR du Genre -humain a voulu joindre au Langage de Signes, (14) déjà fi perfua* fit , le Langage prophétique ou typique , il n'aura pas donné à ce Langage des caractères moins exprefîîfs qu'à celui de Signes. Il l'aura telle- ment approprié aux événemens futurs qu'il s'a- giffoit de reprélenter, qu'il n'aura pu s'appli* quer exadtement ou d'une manière complète qu'à ces feuls événemens. Il l'aura fait enten» dre dans un tems & dans des circonftances tels qu'il fat impoffible àl'Efprit humain de déduire naturellement de ce tems & de ces circonftances l'exiftence future de ces événemens. Et parce que il ce Langage avoit été de la clarté la plus parfaite , les Hommes auroient pu s'oppofer à la nailfance des événemens, il aura été mêlé d'ombres & de lumière : il y aura eu aflez de lumière pour qu'on pût reconnoître à la naif- [ 14 ] Les Miracles ; voyez les Cbap. IV , YI de la parti* XVII. PHILûSOFÎIïaVÊ. Part.XX: m fance desévénemens que le Législateur avoit parlé , & il n'y en aura point eu aflez pour exciter les pafîîons criminelles des Hommes. Je découvre tous ces caraderes dans les Ora» eles que j'ai fous les yeux. Je vois dans le même Livre beaucoup d'autres Oracles femés qà & là & qui ne ne font gueres moins fignihcatifs. Us ont percé mes mains Ils ont partagé eU" tr'etix mes vêtemens ç^ jette ma robe au fort , (i 0 &c. Quel autre que Celui pour qui tous le$ Siècles font comme un inftant pouvoit dévoi- ler aux Hommes cet Avenir (i reculé & appeL 1er les Cliofes qui ne font point comme fi elles étoient î [15] Pfeaume XXI. Je me ferois étendu davantage fiif les Prophéties, & je les aurois préfentées fous lui autre point lie vue fi j'avois adrefTé ces Recherches a ce Peuple illuftre , l'an- cien & fidèle Gardien de ces Oracles facrés. Peut- être néan. moins en ai -je dit alTez pour faire fentir à un Ledleur judi- cieux & exempt de préjugés combien les deux principaux Oracles auxquels je me fuis borné font décififs en faveur du Messie que les Chrétiens reconnoiffent. Je ne vois pas que les Dofteurs modernes de ce Peuple infortuné réufTiffLnt mieux que leurs PrédécclTcurs a infirmer les conféquences que le Chrétien tire fi lésitimcment de ces admirables Pruphétics. Divers Apolosiftos du Christianisme ont approfondi ce- î§4 PALÏITGE'I^FSÎÊ grand Sujet : on ne conrultcra , fi l'on veut , que les exceî* leiisE'crits d'un Abbadie & & d'un jAQ.UELOr, qui font entre les mains de tout le monde. Je renvoie encore fur ma manière de traiter ici les Prophéties à la Note 7^ du Char, pitre m de cette Partie. VINGT- ^-^•^is=^=^^fe^i^^^=^^fe^^'^1 VINGT-UNIEME PARTIE. SUITE DES IDÉES L'ETAT FUTUR DE L^HOMME. Î^IN DES RECHERCHES SUR LE CHRISTIANISME. LA DOCTRINE. LES SUCCÈS DU TÉMOIGNAGE. CHAPITRE PREMIER. La Docirins du Fondateur. O IL efl: bien vrai que la Sagesse ELLE-mèrtief aie daigné defcendre far la Terre pour éclai- ler des Hommes mortels, je dois, fans doues ^ TotneXVL B t» 53^ PALI1^GE'N£^SIE retrouver dans la Dodrinc de son Envoyï l'empreinte indélébile de cette Sagesse ado- EABLE. Je médite profondément es grand Sujet : je commence par me tracer à moi-même les caractères que cette Dodlrine devroit avoir pour me paroitre conforme aux lumières les plus pures de la Raifon & pour ajouter à ces lu- mières ce que les befoins de THumaiiité exu geoient & qu'elles ne peuvent fournir. ( i ) Je ne puis difeonvenir que l'Homme ne foit un Etre fociabîe & que pîufieurs de fes prin- cipales Facultés n'aient pour Objet died fê- tât de Société. Le Don feul de la Parole fuf- firoit pour m'en convaincre. La Dodrine d'un Envoyé Ce'leste devroit donc repofer efTen- tiellemeiit fur les grands principes de h focia- bilicé. Elle devroit tendre Je plus diredcaient k perfedionner & à ennoblir tous les fenti- mens naturels qui lient l'Homme à fes Sem- blables : elle devroit multiplier &. prolonger à fin- défini les cordages de fHumanité : elle devroit pré- fenter à l'Homme f amour de fes Semblables com- me la fource la plus féconde & la plus pure de fon bonheur préfent & de fon bonheur £ I ] Confultez le Chap. III de la Part. XVI. PHILOSOP IQ^UE. rm, xxh ni à Venir. Efl:-il un principe de Sociabilité pluâ épuré , plus noble j plus adif , plus fécond que cette bienveuillance fi relevée qui porte dans la Dodrine de TEnvoye' le nom Çi peu ufiré [2] & fi cxprelFif de Charités* Je vous donne un comjnande}nent hoiivean , c'efl de vous a'wiet les uns les autres, .... L>'eli à ceci quoH reconnoîtra que vous êtes mes Difciples fi vous avc:^ de P amour les uns pour les Autres. . . . llnefi point de plus grand amour que de donner fa vis pour [es Amis. . . . Et qui étoient les y^;;^// de TEnvoye' 'i les Hommes de tous les Siècles & àû tous les Lieux : il eft mort pour le Genre humain* A ces préceptes fi réitérés d'amour fraternel à cette Loi fub'ime de Li Charité méconnoîtrai-* je le- Fondateur & le Le'g slateur. de la Société univerfelle f' à ce grand exemple da bienfailsnce , à ce Sacrifice Ci volontaire méconnoitrai-je l'AMr des Hommes le plus vrai & le p'us généieux .^ [2] Je lîe dis pas.y? ncuveau ^ qViOique je le puiTe khn^ lin certain Cens. CicÉron avoit dit ànn^ ce beau pciTla-^^j qu'on lit dans fon Livre des Fins V, 23 ,• in oinni antem hoj ncjio , 7iihil eft tam illnflre , nec ifnodlafiûs pateàt , qtta-.n ce;w juncHo inter homines homi'imm ^ £?' quajî (\rurdain Scciecas Ssf edifiummcutio utilitutum , £57" ipfa caritas Generis humani : ç^fc^ Ce Sa^^e faifoit entendre à fon Siècle les premiers acceus de 14 Charité, B b a 388 V A L J V B £' h' L' S I Ê C'est toujours le Cœur qu'il s'agit de per* fedionner : il ert le Principe univerfel de tou- tes les afîcdions : une Doctrine ce'lests ne fe borneroit point à régler les adions ex- térieures de THomme : elle voudroit porter encore fes heureufes influences jufques dans les plus profonde replis du Creur. Vous avez ou^' dire i vons 71e commettrez point d'adultère : mais , y}ioi je vous dis , que celui qui regarde une l'emme avec dss yeux de convoltife a déjà coraniis Cadidtere dans fou Cœur. Qiiclle eft donc cette nouvelle Doctrine qui condamne le crime penfé comme le crmie commis? c'efl: la Doctrine de ce Philoroplie par excellence qui favoit bien comment l'Homme eft fait , & que telle eft la conftitution de Ton Etre qu'un mouvement imprimé trop fortement à certai- nes parties du Cerveau pouvoit le conduire in- fenGblement au cnme. Un Piycbologue [ 3 ] ne doit pas avoir de la peine à comprendre ceci. Le Voluptueux infenfe le fcntiroit au moins s'il pouvoit appercevoir Ton Cœur à tra- vers les immondices de fun Imagination. Afais vioi je vous dis -, c'eft un Maître qui parle , & quel. Maître Î il parloit comme ayajit autorité, [ 3 ] La Pfychohgic eft h Science de l'Ame & de fes opé- rations Le Ffychoht^ue elT: le Philorophe qui s'attache particu- liiéi-cment à cette Science. THILOSOr H TQ^UK Part. XXL ^%9 'Vhomme de hien tire àe bonnes chofes du bon tréfor de [on Cœur i ^ le méchant Hoîiime tire de mmivaifes chofes de fou mauvais tréfor : que de fimpiicité dans ces exprefîîons ! que de vé- rité dans la penlëe ! que la chofe eft bien faite comme; cela î V Homme de bien. ... ce n'eft pas le grsiid Homme -, c'eil: mieux encore. . . fon bon tréfor. , . fon Cœur, . . k Cœur de l'Hoinme de bien. Il n'y a pas de padion plus antipatiquc avec l'Efprit focial que la vengeance : il n'en. cft: point non plus qui tyrannife plus cruelle- ment le Cœur qui a le malheur d'en être poi- fédé. Une Doctrine Ce'leste ne fe borne- roit donc pas à réproHver un fentiment (1 dan- gereux & fi indigne de l'Etre focial : elle ne fe borneroit pas même à exiger de lui le facriâce de Tes propres relîentimens ; bien moins encore lui killeroit-elle la peine du Talion-. [4] elle voudroitîui infpirer le genre d'Héroïfme le plus relevé & lui enfeigner à punir par fes bienfaits rOffenfeur. Vous avez appris qu'il a été dit; ml pour œil & dent pour dent : çf? moi je vous dis -, . . . aimez vos Ennemis -, béniffez ceux, ^ui vous haijfent , priez pour ceux qui vous [4] Punition pareille à rofFcnTc : ai i four œil ^ &«, Bb 3 ^19^ PAIINGFTNFSIX Vudtnntent ^ qinvouf perfécntent. , . car fi vous n'aimez que vos Frères, que faites ^uoiis d'extraor^ dirume.f' [ij Et quel motif préfente ici l'AuTEUiv d'une UOCTRINE Ci propre à ennoblir le Cœur de l'Etre focial ? ajm que voiisfoyiez, les infans de vo-^ treFEKtiCt'LEyrEqm fait lever fon foleil fur les ip^chaîis C9' fi^^ l^^ Gens de bien , ^ qui répand l(ï pluie fur ks Jnjies^ & fur les Injtijies. L'Etre vraiment iocial répand donc fes bienfaits comme Ja Providence répand les fiens. Il Fait du bien à tous & s'il agit par des principes généraux , les exceptions à ces principes font encore de§ bienfaits & de plus grands bienfaits. Dirpenfateur judicieux des Biens de la Providencs , il fait ^ quand il le feut , les proportionner à Texcellence des Etres auxquels il les diftribue. Il tend fans; çeile vers la plus grande pcrfedion , parce qu'il fert nn M ki'if^^ parfait. . . Soyez parfaits. , . Une Doctrine qui profcrit jufqu'à l'idée de vengeance & qui ne laiifeauCœur que le choix d^s bienfaits prefcrira , fans doute , la réconci- lia ion & le pardon des injures perfonnelles, L'ËÇï"^ via nunt focial cil trop grand pour C Ç 3 Je (kb que ces helîes paroles , ainfi f[ue pliifieurs aiir- très Je cet ^tiuiirable Dilco'irs , s'adrclToient plus diredemen^ ftui Diicipies ihi MaîTRK qu'au Peuple qui l'ccoutoit. Mais , (^ixi vl^noru qito ia DoCfi;iN2î de ce Maîtse exige eus hçu-. sreufcs dirpolîtio^is d? tous ceuK qui la proïcITci^t ? riIILOSOPMIQ^UE. Part. XXI, 591 être jamais iiiacceflible à la réconciliation & au pardo!!. Lors donc que vous préfenterez votre Ojfrauue pour être mife fur l'Autel , fi vous vous foiivenez que votre Frère n quelque chofg contre vous , laijjez votre Ojp'amJe devant l'Au^ tel ^ allez premièrement vous réconcilier avec votre Frère ' oprès cela , venez '^ préfentez vo- tre ijjfrande. C ell cncouc que le Dieu de paix qui eft le Dieu de la Société univerfeile , veut des Sacrincateurs de la paix. . . . fur l'Autel. . . . elle le proFc^neroit. . . . devant PAutel. . . . elle n'y demeurera qu'un moment. Combien de fois pardonnerai-] e à mon Frère ? fera-ce jufqu'à fept fois f demande ce Di(ciple dont FAme n'é- toit pas encore aiTez ennoblie : jufquà feptante fosfeptfois, répond CELUI qui pardonne tou- jours , parce qu'il a toujours à pardonner. Une Docïrike qui ne refpiicroit que Cha. rué feioit apparemm^ent de la Tolérance uiie des premières Loix de l'Etre focial : car il fe- roit contre la natuie de la Chofe qu'un Etre focial fut intolérant. Des Hommes encore char^ nels voudroient difpofcr du Feu du Ciel : ils voudroient Seigneur ! voulez- vous que répond TAmi des Hom- mes à cette demande auiîi inhumaine qu'ui- fenfés ? vous ne favez de quel tfprit vous ètss Bb 4 19^ PALINGFNFSIE finhnés : je ?ie fuis pas venu pour perdre les Hommes , mais je fuis venu pour les fauver* Des Hommes qui (e difent les Difciples de ce bon Maître pouriliivront-ils donc leurs Sembla- bles parce qu'ils ont le malheur de ne pas attachei^ à quelques mots les mêmes idées qu eux ? Em- ploieront -|i'S le fer & le feu pour je ne puis achever. , . . je frémis d'hor^ reur. . . , cette affreufe nuit commence à fe difïîper, . . .un rayon de lumière y pénètre. . . . puiffe le Soleil pe Justice y pénétrer enfin ! Une Doctrine Ce'leste devroit éclairer PHomme fur les vr^is Biens. Il eft un Etre fen-. fible : il a des afFecl:ions ; 11 faut des Objets à fa faculté de dedrer: il en faut à fon Cœur, Mais, quels Objets une telle Doctrine pré- fenteroit-elle à un Etre qui n'eft fur la Terre que pour quelques momens & dont la vraie Patrie cft le Ciel ? Cet Etre dont TAme immortelle en-, gioutit le Tems & faiiit TE'ternité , attacheroit- H fon Cœur à des Objets que le Tems dévo- re r" Cet Etre doué d'un fi grand difcernement , prendroit-il les couleurs changeantes des gout- tes de la rofée pour l'cclac des Rubis ? Ne vous ^majjez pas d:s Tréfors fur la Terre oh les Vers ^ /fl ïQuilis ks çonjum^m ^ oh Iss Voleurs FHILOSOPHIUUE. Part XXL 595 percent & dérobent. Mais , amajfez-vous des Trsfors dans le Ciel ok les Vers £5* Lx rouille ne gâtent rien Jf? oh les Voleurs ne percent ni ne dérobent : car ok fera votre Tréfor , là mtjji fera votre Ccenr. Qiioi de plus vrai & quoi de plus fenti par celui qui eft allez heureux pour fe faire un femblable Tréfor î Son Ci£ur y eji tout entier. Cet Homme cft déjà affJs dans les Lieux céleftes. Il efi affamé ^ ait t ré. de la Juf tice , ^ il fera rajfajié. > CHAPITRE IL . Continuation du même Sujet. Objection : Réponfe, 01 une Doctrine Céleste prefcrîvoit un Culte, il feroit en rapport diredl avec la na- ture de l'Intelligence &; aulfi approprié à la no- bl«iTe de l'Etre moral qu'à la Majesté' & la Spiritualité de I'Etre des Etres. Apprenez ce que fignifent ces Paroles j je veux raiféricords £f? non point facrifce. . . rnifédcorde, h chofc fgnijUe & non le figue. Le teray vient 594 T A L 1 V G E V F S î E ^ il efi même déjà venu , que les vrais Aâo^ rateurs adoreront DIEU en Efprit ^ en Véri- té y car ce font là les Adorateurs qiCîL demande, DIEU eft un ESPRIT, ^ il faut que ceux qui r adorent , f adorent en Ejprit & en Vérité. . , en Efprit. . . en Vérité. , . ces deux mots cpuifent tout & ne peuvent être épuifés ; mais ils peuvent être oubliés : Taveugle fuperftitiou ne les connut jamais. En Efprit. . . en Vé- rité : que ces deux mots caradérifent bien en- core cette Religion univerfeile , oppolée ici à cette Religion locale, donnée à une feule Famille pour être ainfi la Dépofitaire de ces grandes & éternelles Vérités utiles à tous les Siècles & à toutes les Nations î [ i ] ( i) Les Vérités les phis importantes de la Religion natu- relle. Reprocherai-je à îa Famille qui en a été la Dépolitairc fon ignorance dans les Sciences de Raifonnement ? Si elle avoit été un peu dialefticienne n'auroit-elle point altéré le Depot ou n'auroit-elle point paîTé pour l'avoir elle-même enfanté? Je médite avecplaifir fur cette conduite de la Providence. lime paroit affez remarquable que le meilleur, le plus court & le plus ancien Abrégé des Loix naturelles nous foit produit par cette Famille qui le poQTede depuis plus de 32 Siècles, & dont le Législateur n'inventa ni la Métaphyfique ni la Logique. Quelles hautes idées encore ce Législateur ne donne - t - il point de la Cause première ! Qiiel Volume à commenter dans tous les Mondes, dans le Tenis & dans l'E'tenîité, que le feul Je suis celui oui suis ! Penree prodigieufe & qui jie pouvoit venir que de celui à q.ui feul il appartient de THÎLOSOPHlflVF. Part. XXI. 59c Ma is , paroe que THomme elt un Etre fenfible, & qauue Religion qui réduiroic tout au pur SpiritualiTme pourroit ne point convenir alfez à un tel Etre ; il i^eroit fort dans le caradere d'une Doctrine céleste de frapper les Sens par quelque chofc d'extérieur. Cette DocTRI^E ét;îbliroit done un Culte extérieur ; elle inftitue- roit des Céiénionies, [2] mais en petit nom- bre , & dont la noble (implicite & l'expreffion feroient exactement appropriées au but particu- lier de rinititution & au fpiritualirme du Cuke intérieur. De même encore j parce qu'un des effets naturels de la Prière eft de retracer Fortement à l'Homm.e fes CoibîefTes , fes miferes , fes befoins; parce qu'un autre effet naturel de cet Ade reli- gieux eft d'imprimer au Cerveau les difpofitions les plus propres à furmonter la trop forte impref. fion des Objets fenfibles; enfin, parce que la Prière eft une partie effentielle de cet hommage raifonnable que la Créature intelligente doit à fon Créateur, une Dogtine céleste rappel- tlire ce qn'iL est ! Le premier Législateur annoiiqoit le JÉ- KOVA, 1 Eternel des arme'es; le fécond Le'gislateuk a anncncé rUNIQ.UE BON , U DiEU des MiSi'illCO&DES. ^ 2 ) Les Sccrciiiens. leroit l'Homme à la Prière , & lui en feroit un devoir. Elle lui en prefcriroic même un Formu- laire 5 [ 3 ] & l'exhorteroit à rnifer point de vaines redites. Et comme l'Ame ne fauroit demeu- rer long-tems dans ce profond recueillement que la Prière exige , le Formulaire prefcric feroit très- court, & ne conticndroit que les chofes les plus nécelTaires , exprimées en termes énergi- ques & d'une fignification très étendue. Il feroit bien encore dans l'efprit d'une Doctrine ce'leste de redrelTer les jugemens des Hommes fur le défordre moral , .fur la con- fufîon des Méchans avec les Bons , & en géné- ral fur la conduite de la Providence. La Phi- lofophie moderne s'élève bien haut ici , & n'at- teint pas encore à la hauteur de cette Philo- sophie populaire qui cache fous des images familières les Vérités les plus tranfcendantes. SEIGNEUR n'avez-voiis pas femé du hou Grain dans votre Champ ? d'où vient donc qu'il y a de r Tvi'aie "^ . . . Voulez -vous que nous allions la cueillir ? Non , dit-il ,* de peur qu'en cueillant PTvraie vous 71' arrachiez anjji le bon Grain, Laijfez croître l'un ^ l'autre jufqu'à la Mmjjon^ ^ au tems de la Moijjon je dirai aux MoiJoU" [ 2 ] L'Oraifon Do-.ninicale. pniLOSOPHlOUE. Part, XXL 59? neurs ^ cueillez premièrement PTvraie ç^ liez- la en bottes ,* . . . fnais amajjsz le bon Grain dans 7non Grenier. Des Ignorans en Agriculture vou- droient devancer la Saifon & nettoyer le Champ avant le tems. Ils ne le voudroient plus, s'il leur étoit permis de lire dans le Grand Livre in Maître du Champ. Si l'Amour de foi-même efl: le Principe uni- verfel des adions de PHomme; fi THomme ne peut jamais être dirigé plus fùrement au bien que par refpoir des récompenles ou par la crainte des peines; Ci une Doctrine céleste doit étayer la Morale de motifs capables d'influer fur des Hommes de tout Ordre s une telle Doc- trine annoncera, fans doute, au Genre hu- main un État futur de bonheur ou de malheur relatif à la nature des aclions morales. Elle donnera les plus magnifiques idées du bonheur à venir , & peindra des couleurs les plus effrayan- tes le malheur futur. Et comme ces Objets font de nature à ne pouvoir être repréfentés à des Hommes que par des comparaifons tirées de chofes qui leur foient très-connues , la Doc- TKINE dont je parle recourra fréquemment à de femblabl-cs comparaifons. Ce feront des fejiins, des Noces^ des Couronnes , des raffafiemens de joie, àtsfieuves de délices , &c. ou ce feront des pleurs y J9S PALI2s'QE'NrSIE des p'incemens de dents , des ténèbres , un vef rongeant i un feu dévorant, àc. Enfin j parcs que les menaces ne fauroient être trop répriman- tes, puifqu'il arrive tous les jours que Icà Hom- mes s'cxpofent volontairement pour un plaifir d'un moment à des années de milere &. de dou- leur j il feroit fort dans Pefprit de la chofe que la Doctrine dont il s'agit repréfentàt les peines comme éternelles où du moins comme un mal- heur d'une durée indéfinie. Mais, efi ouvrant cet épouvantable abîme aux yeux des Hommes feifuels, cette Doctrine de vie exalteroit en même tems les compaffions du Fere commun dts Hommes & permettroit d'entrevoir fur le bord de l'abime une main bienfaifante qui . . . Si dans TEtre Suprême la Justice eft h Bonté dirigée par la Sagesse fi la Sou- veraine Bienfaisance veut eiïentieliement le perfedionnement de tous les Etres ientans & de tous les Etres intelligeiis ii les peines pouvoicnt être un moyen naturel de perfcc^ tionnement. , , . . Ci elles étoient dans l'Écono^ mie morale ce que les Remèdes font dans PE^co* nomie phyfique s'il y a p'us de joie au Ciel pour un Pécheur qui fe repent fi ton aime beaucoup , parce qu'il a été beaucoup par-^ donné, .... mon Cœur trelfaille je fuis dans PIIÎLOSOPHIQ^UE, Paré. X:^t f^^ l'admiration quelle merveilleufe Chaîne qui unit les compafîions du seul bon font infinies Il ne veut point la mort dit Fécheiir-y mais IL veut fa converfion ^ fa vie., . IL veut & veut-iL en vain? Mais, une Doctrine qui prendroit les Hommes par Tiniérêt feroit-elle une Doctrine CÉLESTE? Ne devroit-elle pas, au contraire, diriger les Hommes au bien par Tamour pur & déiintérelTé du bien? Une Ame qui aime la per- fcdlion peut être facilement féduite par une idée fublime de perfedion. N'ai-je point à me défier ici de cette forte d'illufion ? Une Dodrine qui lie préfenteroit point d'autre motiFaux Hommes que la coîifidération toute philorophique de la fati-^fadion attachée à la pratique du bien , feroit elle une Dodrine aiTez univerfelle , aflez effi- cace ? Le plaifir attaché à la perfedion intellec- tuelle & morale feroit-il bien fait pour être fenti par toutes les Ames ? Ce plaifîr Ci délicat , fî pur, fi angélique fuffiroit-il dans tous les cas & principalement dans ceux où les paiTions & les appétits tyrannifent ou follicitent l'Ame fi puiiHimment ? Que dis-je î l'Homme eft- il un Ange ? fon Corps eft-il d'une fubftance cthé- rée ? la chair ^ le fang n'entrent-ils point dans fa compofition? Celui q.ui a fait l'Homme 400 ?Âtî'NGI^l!(j^SÎÈ connoiiToit mieux ce qu'il lui falîoit que le Phi- lofophe trop épris d'une petfedion imaginaire. L'Auteur d jI L I N a ]^ N E' s I E comme ailleurs , raccord merveilleux de la Nature & de la grâce , & recoiinoicroit dans t-on de bonnes preuves qu'il foit néceffaire que VAvie fe fé^ pare entièrement de tout Corps pour qu'il y ait une moyi pyopremetit dite! La Re've'lation nous apprend -elle que l'Ame de Lazare fe fépara de fon Corps poiu* s'y réunir quatre jours après ? La rupture de toute efpece de com- merce entre le Corps incorruptible que je luppoCe & le CorpS groffier ou terreftre , la cefîation abfolue des mouvemens vi- taux de celui-ci ne pourroient-elles fuffire à conftituer la /wr^^ proprement dite? Dans la rigueur philofophique & môme théo^ logique la réjurreclion exigeroit - elle indifpenfablemcnt qug l'Ame allât fe réunir à un Corps qu'elle auroit entièrement abandonné , & ne fuffiroit - il pas que le Corps incorruptible auquel elle auroit été unie dès le commencement & qu'elle n'auroit point dépouillé fe développât pour prendre une nou^ vellc vie? Convient -il de prefler ces expreffions de la Re'- VE'lATIONT, que ceux qui font dans les Sépulcres en fortiront y ^c. ? La Re've'lation devoit-elle parler au Peuple une Xangue toute philofophique ? Josue' auroit -il été entendu s'il avoit dit; Terre , arrête -toi? Combien eft-il dans les E'CRiTURES de ces expreffions dont il ne faut prendre que l'efprit? celles de la belle Parabole du Grain femé en terre ne font -elles pas de ee nombre? Si le grand but de la Re've'- lation étoit d'annoncer au Genre humain que l'Homme tout entier étoit appelle à jouir d'une vie éternelle, étoit -il né- celfaire qu'elle s'exprimât plus exadlcmenc fur la mort & far la réfurredion ? Falloit - il qu'elle nous enfeignât le fecret de l'Union des deux Corps ; car c'eft là qu'ell cachée la Science de la. hiort ? Ce n'eft pas ici le lieu de pouffer plus loin ces queftions : j'en accumulerois facilement un grand nombre d'autres ; j'y reviendrai peut-être ailleurs. Oa comparera mon opinion avec PHILOSOPHIQUE, Part. XXI. 405 cette Dodtrine Célefle la perfedlioii ou le com- plément de la vraie philofophie. Le tems vien^ dra oh ceux qui font dans les fépulcres enten^ dront la voix du Fils de DieU , '§3 en for^ tirant , les uns en réfurre&ion de vie , les autres en réfurre&ion de condamnation réfur-- reïHon de vie Heureufe immortalité ! ce r.e fera donc pas l'Ame feule qui jouira de cette félicité : ce fera tout THomme. Je fuis la réfur- rection çff la vie paroles étonnantes! ianira^c oue Toreille n'avoic jamais entendu î e^cpreffions dont la majellé annonqoit le Prince de la Vie! . . . Je fuis la réfurre&ion. . . . Il commande à la Mort & arrache au tiépukre fa Victoire. Que n'.rurois-je point à dire encore? car ce grand Sujet eft inépuifable , 3c je n'ai fait que l'effleurer. Une Doctrine qui viendroit du Ci EL devroit être dans une harmonie fi parfaite flvec la Nature de l'Homme & fes relations diverfcs , que l'expérience qu-e l'Homme f3ioit des préceptes & des maximes de cette Doctrine lui en prouvât elle-même 1|^ vé- rité. Celui qui auroic annoncé Une pareille celle qui eft plus géneralemeiit admife, & on] jugera de la pré- férence que la mienac peut me'citejr. Confultei la Note $ «ia Cliap. Il de U Part. XVI. Ce 2 Dodlrine n'auroit donc pas craint d'en appcller à l'expérience : VHomme qui voudra faire lu Volonté de mon PERE conyioïtra fi ma Do&rine vient de LUI ou fi je parle de mon chef, Qiie de vérités pratiques je découvre dans ce peu de mots !.. • la Volonté de mon PERE. . . . l'amour de l'ordre , robfervation des rapports qui lient l'Homme à fes femblables & à tous les Etres La Volofité de 'mon PERE y ce qu'^ IL veut ejl bon , agréable ^ parfait. • . . . De mon chef : cet Envoyé , qui en appelle ailleurs à fes Oeuvres , n'en appelle ici qu'à l'expérience journalière de chaque indivi- du : c'eft que le Précepteur de l'Homme connoiiToit l'Homme : c'eft qu'iLilivoit que la Confcience parleroit un langage alTez clair : c'efl qu'en obfervant les Loix de la Raifon THomrae re- connoîtroit que la Raison E'terxelle parloit: il comioiîra fi ma Do&rine vient de DIEU. [8j [s] Que le Letreiir qui a une Ame faite pour fentir, pour favourer, pour palper le vrai, le boa, le beau, le pa- thétique, le fublime , life , relife, rclife encore les Chapitres XIV, f V, XVI, XVII de l'E'vangile du Difcipie chéri de TEnvoye'j & qu'il fe demande à lui-même, dans la d( rc émotion qu'il éprouvera , fi ces admirables Difcours ont pn^ ï^ntxv de la bouche d'un fimple Mortel ? je n'ajoute pas d'un Impofteur; car le Lecteur que je fuppofc feroit trop émuc- trop attendri, trop étonné jour que l'odieux Rupçon d'inr VniL 0 SO IPHI^VE. Part XXL 40S CHAPITRE m. La Do^rine des premiers Difciples du Fondateur. Parallèle de ces Difdples & des Sages du Faganifme, L^I après avoir ouï la Sagesse elle -même, j'écoute ces Hommes extraordinaires qu'ELLE infpiroit , je croirai rentendre encore ; c'efl: qu'EL- lE parlera encore. Je ne me demanderai donc plus à moi-même comment de fimples Pécheurs pofture pût s'élever un iiifhnt dans fon Ame. Combien re- •retté-je que mon Plan ne me conduife pas à efifayer d'ana- lyfer ces tkrniers Entretiens du meilleur & du plus refpec- feible des Maîtres , «le ce Maître qui alloit domier fa vie four fes Amis, & qui en confacroit les derniers momcns ^ les inftruire & à les confoler ! mais que dis-je ! l'admiration m'ég-are & m'ôte jnfqu'au fentiment de mon incapacité : de pareils Entretiens ne ponvoient être analyfés que par ceux auxquels le Maître difoit qu'// ne leur donnait f lus le nom de Serviteurs , çffc. 0 que je plains l'Homme affez dépourvu de Sentiment ou d'Intelligence ou affez dominé par fes préjugés pour demeurer froid a des Entretiens où le Bienfaiteur de l'Humanité fe peignoit Lui-même avec une vérité & uns ÊmpUcité li tsuchaiites & Ti raajellueufec î C c 2 46 T A L I V 0 V N r S I E vut pu didlcr au Gciire humai. i des Cabiert de Morale fort fupéricurs à tout ce que la rai (on avoit conçu jufqu'alorsj des CrJiiers qui épui- fent tous les Devoirs; qui les rappellent tous à leur véritable Source ; qui font des différentes Socic^-és répandues fur le G!obe une feule Fa- mille ; qui lient étroitement entr'eux tous les I^lembres de cette Famille i qui enchaînent cette Famille à la grande Finilie des Intlligen- CKS CE'LESTESi Si qui donnent pour PERE à ces Familles cfllï dont la Bonté' embrafTe de- puis le Paifereau jufqu'au Che'hubin? Je re- connoitrai facilement qu'une fi haute Philofo- pliie n'cfl: point fortie des fanges du Jourdain & qu'une Lumière (î éclatante n'a point jailli des épaifles ténèbres de la Synagogue. Je m'affermirai de plus en plus dans cette penfée , fi j'ai la patience ou l'cfpece de cou- rage de parcourir les E'crits des plus fameux Dodeurs ( i ) de cette fanatique & orgueillcufc [ I ] Les Rahbws 8l les Thalmudîjles : les anciens Docteurs de la Nation. ThabnuA fignifie Docfrine. Le Thixîmud cft le J^ecueil Je toutes les Traditiojis fur la Doctrine, fur la Police» •Jiir les Cérémonies. Deux de ces Recueils portent le nom de Thabmd i l'un cft celui qu'on nomme de Jérufalem^ qui eftlc plus ancien ; l'autre eft celui de Bahylonne , qu'on croit avoir été compilé dans le cinquième Siècle de notre Ere. PHILOSOPH 7£ UE. Part XXL 407 Synagogue, & C\ je con)pare ces E'critsàceux de ces Hommes qu'elle perfécutoit avec tant de fureur, parce que leurs vertus i^affligeoient & Pirritoieiit. QiJeîs moiiilrueux amas de rêves & de viiîonsr que d'abfurdités entaffées iùr Les plus Sages entre les Do fleurs modernes de la Nation font bien éloignes d'adopter les révt^s des anciens ThalmuAifles y & tâchent d'épurer de plus en plus la Doélrine en la répa- rant du vil alliage que la barbarie ou l'ignorance des Siècles de ténèbres y avoit introduit. On peut voir dans quelques Apo- logiftes du Christianisme, & en pa.ticulier dans Hout- TEViLLE, T.I. P. 188, de l'Édit. de i^6s , divers traits de la Doélrine des anciens Thalmudijles. Je ferai néanmoins obferver ; qne quelque? efForts qiie piiiflent faire les Sages de cette Nation pour épurer & perfectionner leur Doftrine 5 ils n'y parvieniiront pas en entier , s'ils n'y joignent point le Complément néceff.ire & naturel qne lui fournit le Christianisme, Se qu'elle fuppofe fi évi^eni. ment. Ils ne fauroient dérober aux yeux du Speftateur clair- voyant ees nombreufes Pierres d'attente que I'Architecte LUi-méme a laillées cà & la dans cet Édifice majeftueux que sa Main éîevoit il y a. 3000 ans. Je n'ofe efpdrer que mou ioible Travail fur le Christianisme engagera quelques-un^ de ces Sages à examiner de plus près & avec l'impartialité la plus foutenue une Doctrine qui ciuroit pour eux les Fro, inejfes de la ^Vie préfente & des Promeffes. plus exprefles de celle qui ejl à 'venir : mais , mon cœur m'infpire ici des voeux dans lefquels il fe complaira toujours & qu'ils defireroit ar. Uemment qui fuflTcnt exaucés par le F ERE des Lumières cjf L'A UTE CIR de tout Don parfait. Ce 4 4©* P A L I 7T G E' 27 E" S I B d'autres abfurdités ! quel abus de l'interpréta- tion 5 quel étrange oubli de la Raifon ! quelles infultes au bon-fens î &c. Je tente de fouiller dans ce Marais ; (a profondeur m'étonne ,* je fouille encore , & j'en tire un Livre ( 2 ) pré- cieux tout défiguré & que j'ai peine à recon- noître. Je me tourne enfuite vers les Sages du Pa- ganifme : j'ouvre les E'crics immortels d'un Platon , d'un Xénophon , d'un Cicéron , &c. & mes yeux font réjouis par ces premiers traits de l'Aurore de la Raifon. Mais , que ces traits font foibles , mélangés , incertains * que de nuages ils ont à percer ! la Nuit finit à peines le Jour n'a pas commencé; I'Okient d'EN-HâUT n'a pas paru encore ; mais les Sa- ges efperent fon lever & l'attendent. ( S ) , £ 2 ] Le vieux Teftameut. [ 3 ] Voyez le fecmd Alcihiade de Platqn. f f C'eft dans cet intéreffant Dialogue que Platon fait dire à So- CRATE : // faut attendre qu'il vienne un Ferfonnage ^ui nous apprenne comment on doit fe conduire envers la Divinité Sff envers les Hojnmes. jQuand viendra ce tems-là, dit alors Al- CIBIADE, c9' qui fera celui qui m'injlruira? Ce fera celui qui prend foin de vous, répond Socrate. Et dans le Fhédon : pour favoir ces chofes avec certitude dans cette vie , c^Jl ce qui ejl impojjihle ou très'dijficile^ à moins \ THÎLOSOPHI^VE, Part. XXL 409 Je ne rèfufe point mon admiration à ces beaux 'Génies. Ils confoloient la Nature hu- maine des outrages qu'elle recevoit de la fu- perftition & de la Barbarie, llaécoient, en quel- que forte , les Précurfeurs de cette Raison qui de voit mettre en évidence la Vie ^ P Inu tnortaiité. Je leur appliquerois ; G je roiois , ce qu'un E'crivain , qui étoit mieux encore qu'un beau Génie , difoit des Prophètes ; ils étaient des Lampes qui luifoient dans un lieu obfcur. Mais plus j'étudie ces Sages du Paganifme, & plus je reconnois qu'ils n'avoient point at- teint à cette plénitude de Doddne que je dé- couvre dans les Ouvrages des Bêcheurs & dans ceux du Faifeur de Tentes. Tout n'eft point homogène [4] dans les Sages du Paganifme, tout n'y eft point du môme prix , & j'y ap- perqois quelquefois la perle fur le fumier. Ils difent des chofes admirables & qui femblent quon n'y puijfe parvenir par un moyen plus ajfuré, comme qîicl^ fite Révélation divine. Dans un autre endroit encore de VE'pinomlde , le Sage Payen , parlant du Culte de la Divinité' , s'énonce ainfi : qui fera en état de nous Venfeigner Ji DIEU ne lui fert de Guide ? [4] Voyez U Note i du Chap. I delà Part. XIX. 4îo r A L I y G ^ 7s^ F S T E tenir de rinfpiration ; mais-, je ne fais; ces chofcs ne vont point autant à mon Cœur que celles que je lis dans les E'crits de ces Hommes que la Philofophie humaine n'avait point éclai- rés. Je trouve «dans ceux-ci un genre de pa- thétilnie , une ondion ^ une gravité , une force de fentiment & de penfée ; j'ai prefque dit 5 une force de nerfs & de tnufeles que je ne trouve point dans les autres, Les^ pre-- iTsiers atteignent aux moelles de mon Ame; les féconds à celles de mon Efprit. Et combien ceux- là me perfuadent - ils davantage que ceux-ci î c'eft qu'ils font plus perfuadés i ils ont vu ,. ouï & touché. Je découvre bien d'autres caraderes qui me paroiiîent différencier beaucoup les Difci^les de TEnvoyé de ceux de Socrate [ ^ & fur-tout des Dilciples de Ze'non. (6) Je m'arrête à [ ç ] Le pîns fage des Philofophes Grées. Il ilhiftroit la Grèce plus i!s quatre Siècles avant notre Ere. On fait que Cice'RON difoit de lui qu'il wooit fait defcendre du Ciel la. Fhilofophie pour rintroànire dans les Villes ^ dans les Mai" fonsj çS^c. il s'étoit confacrc tout entier à la Morale, &c. Platon fe Xe'nophon furent les plus illuftres Difciples de ce graad Maître. [ 6 ] AuTHE Philofophe Grec, Fondateur de la Sede des Stoïciens. Ce nom fut donné à cette Sede de celui d'imPor- vin LOSOPHJUVE, Part XXL 41? eonfidérer ces différences . & celles qui me frap- pent le plus font cet entier oubli de ioi-même qui ne laifTe à l'Ame d'autre fentimenc que ce- lui de l'importance & de la grandeur de fon Objet, & au Cœur (l'autre defir que celui de j emplir fidèlement fa deftination & de faire du bien aux Hommes 5 cette patience réfléchie qui fait fupporter les épreuves delà vie ^ non point feulement parce qu'il eft grand & philofophi- que de les fupporter ; mais , parce qu'elles font ("es Difpenfations d'une PROViDENCii sage , aux yeux de laquelle la rélignation ett le plus bel hommage j cette hauteur de penfées & de vues , cette grandeur de courage qui ren- dent fAme fupérieure à tous les événemens, parée qu'elles la rendent fupérieure à elle-même; cette conrtance dans le vrai & le bon que rien ne peut ébranler, parce que ce vrai & ce bon îie tiennent pas à l'opinion, mais qu'ils repo- sent fur une démonfiration â''Efprit ^ de FtiiJ' Jhice y cette jufte appréciation des Chofes . . . , tinue oïl Ze'non enfeignoit. Il fairoit confifter le Souverain Bien à vivre d'une manière conforme à ce qu'il nommoit lu Nature & à fiiivre les confeils de la Raifon. 11 fleuriffoit plus de deux Siècles avant notre Ere. La Sefte des Stoïciens eft de toutes les Sedtes de l'Antiquité celle qui a produit les plus grands Hommes. Si je pouvais cejfer un injlant de f enfer que je fuis Chrétien , je voudrais être Stoïcien , difoit l'Auteur de VEfprit des Loix. 4IS • PALINGE'TJE'SIE mais , combien de tels Hommes font - ils aiî^ defTiis de mes foibles éloges! ils fe font peints eux-mêmes dans leurs E'crits : c'eft là qu'ils veulent être contemplés 5 & quel parallèle pour- rois -je faire entre les E'ieves de la Sagesse DIVINE 8c ceux de la Sageife humaine ? CHAPITRE IV. VE^glifd p'imiiive : fes ^principes : [es mœurs. Aveux lacites ou exprès des Adverfaires. c Es Sages du Paganifme qui difoient de Çi belles chofes & qui en faifoient tant penfer aux Adeptes, avoient- ils enlevé au Peuple un feui de fes préjugés & abattu la moindre Idole? SOCRATE, que je nommerois l'Inftituteur de la Morale naturelle & qui fut dans le Paganifme le premier Martyr de la Raifon; le prodigieux SocRATE avoit-il changé le Culte d'Athènes & opéré la plus légère révolution dans les mueur& de fon Pays i' PHILOSOPHIQUE, Part XXL 415 Peu de tems après la Mort deTENVOYÉje vois fe former dans im coin obfcur de la Terre une Société dont les Sages du Paganifme n'a- voient pas même entrevu la poiîîbilité. Cette Société n'eft prefque compofée que de SoCRA- TES & d'Epi CTETES. ( I ) Tous fes Membres font unis étroitement par les liens de l'amour fraternel & de la bienveuiliance la plus pure 8i la plus agiifante. Ils n'ont tous qu'un même Efprit , & cet Efprit eft celui de leur Fonda- teur. Tous adorent le Gra^d Etre en Efprit. ^ en Vérité, & la Religion de tous confijîe à vifiter les Orphelins ^ les Veuves aans leurs giffli&ions , & à fe pré fer ver des impuretés du biecle Us prennent leurs repas avec joie ^<^ fnnplicité de cœur. ... // ri' eft point de Pauvres parmi eux , parce que tous ceux qui poffedent des Ponds de Terre ou des Maifov.s les vendent ^ en apportent le prix aux Condu&eurs de la So- [ I ] Epictete , Philofophe Grec , & l'un de ceux qui ont le plus honoré la Secte des Stoïciens. Il vivoit dans le premier Siècle. Il fut Efciave d\m Officier de Ne'ron qui le traitoit durement. Il mourut dans une extrême viellefle. On a dit de lui qu'il étoit de tous les anciens Philofophes celui dont la Doftrine fe rapprochoit le plus du Chriftianifme. Ses mœurs e'toient plus douces & plus fociables que celles de la plupart des Stoïciens. Il difoit que toute la Philofophie étoit renFermée en ces deux mot-, fupportez & abiJenez --yoics. Il f'-it toujours un Exemple vivant de cette admi'-^ble Philofophie pr^iti'^ue. 414 P ^'I L I N G £r ^^ F S r R ciété. En un mot-, je crois contempler un nou. veau Paradis terreftre ; mais dont tous les Ar-> bres font des Arbres de Vie, Quelle efl: donc la Caiife fècrete d'un fi grand Phénomène moral ? par quel prodige in- connu à tous les Siècles qui ont précédé, vois- je naître au fein de la corruption & du fana. tifme une Société dont le principe efl: Tamour des Hommes, la fin leur bonheur, le rriobile Papprobation du Souverain Juge ,l'Erpérance ia Vie éternelle ? M'abuserois-je ? le premier Hiflorien [2] de cette Société en auroit-il exagéré les vertus, les mœurs , les adioiis ? Mais , les Hommes dont il parloit n'avoient guère tardé à le faire connoitrc dans le Monde : ils étoient environ- nés , preifés, obfervés , perfécutés par une foule d'ennemis & d'envieux i & Il l'advcrfué maiii- fefte le caradere des Pîommes , je dois conve- nir que jamais Hommes ne purent être mieux connus que ceux-ci. Si donc leur Hiilarien avoic €xagéré ou dégulfé les Faits, elt - il à croire qu'il n'eut pouit été relevé par des Contempo- [t] Luc, Aà. PHILOSO P H 1 fl UE. Pur:. XXI. 4 1 ^ rains foiipqonneux, vigilans , prévenus & qui n'écoient point aiiimés du même intérêt i* Au moins ne pourrai -je furpedler avec fon- dement le Témoignage que ie lis clans cette fameufe Lettre d\:\-\ MagiPtrat [ 3 ] également éckité «S: vertueux , chargé par un grand Prince { 4) de veiller iur la conduite de ces Hommes nouveaux que la Police furvcilie par-tout. Ce Témoignage fi remarquable ed celui que ren- doient à la nouvelle Société ceux mêmes qui l'abandonnoieKt & la tiaîiiiioient î & c'ell ce mèm eTémoignage , que ie jVIagiftrat ne contre- dit point, qu'il met fous les yeux du Prince. "Ils alîuroient que toute leur erreur ou leur „ faute avoit été renfermée dans ces points: [3] Pline le jeune : Lettre 97 , Liv. X. Trailiict. de Sac Y, On fait que Plinï étoit Confulaire & Gouverneur de la Bitiiynie & au Pont- [ 4 ] Trajan, 1 1 Ce grand Prince qui n'aimoit pas la nouvelle Société, par ce qu'il en redoutoit les progrès, fut pourtant fi frappé du rapport de Pline, qu'il interdit l'o- dieufe voie des délations fecretes & anonymes contre les Membres préfumés de cette Société , & ne voulut pas mèm^ permettre une Inquifition de Police. // we faut -pas en faire ferquijition, répondoit-il à PlINïj fnuis s'ils font accufù i'f convaincus , il faut les fu7iir. 41-5 pjîlincfnfsîje: j, qu'à un jour marqué ils s'aircmbloient avant 5, le lever du Soleil , & chantoient tout-à-tour 5, des vers à la louange du Christ, comme „ s'il eût 'été Dieu i qu'ils s'engageoient par 35 ferment, non à quelque crime, mais à ne 35 point commettre de vol ni d'adultère , à ne ,, point manquer à leur prom elTe , à ne point 55 nier un dépôt -, qu'après cela ils avoient cou- ,5 tume de fe féparer,& en fuite de fe raflem- „ bler pour manger en commun des mets in- „ nocens. „ Il me femble que je n'ai point cliangé de leclure & que ye lis encore rHiftorien de cette Société extraordinaire. Ceux qui rendoient un Témoignage Ci avantageux à fes principes & à les mœurs , étoient pourtant des Hommes (0 qui, aifurés de la protccl:ion du Prince & de fes Miniftres , auroient pu la calomnier impu- nément. Le Magiftrat ne combat point ce Té- moignaee ; il n'a donc rien à lui oppofer ? il avoue donc tacitement ces principes &. ces mœurs ? Bft'Ce le nom feu! qtte Von punit en eux , dit - il , Oïl font - ce les crimes attachés à ce nom 'i il iii- [ Ç ] 1 1 C'e'toient des Apoftats qui abjnroicnt le Chrif- tianifme & rctonrnoient au Paganifme pour fe fouftraire aux châtimens ou pour conferver ou obtenir des avantagées tem- porels. finue PHILOSOPHIflUE. Part. XXL 417 fiiiue donc très-clairement que c'écoit un nom qtC^n punijfoit ^ plutôt que des crhms t* Quel accord fingulier entre deux E'crivains dont leâ opinions religieufcs & les vues étoient Ci ditfé- rentes î quel monument î quel éloge î Le Ma- giftrat eft contemporain de FHiftorien : tous deux voient les mêmes Objets & prefque de la même manière. Seroit-il polîible que la vérité ne fut point là ? Mais , le Magiftrat fiiit un reproche à cette Société d'Homms de bien, & quel eft ce re- proche ? une opiniâtreté ^ tme injlexihle ohfti^ iicition qui lui paroijjent pimijfnbles, J^ai ju^é 5 ajoute-t-il ; qu'il étoit nécejjaire d'arracher la vé* rite par la force des tourmens .... Je n\ii dé^ couvert qiCune- mauvaife fuperjîition portée a r excès. Ici le Magiftrat ne voit plus comme l'Hifto- rien ; mauvaife fuperjîition : c'eft que ce ne font plus des faits , des mœurs que le Magiftrat voit i c'eft une Dodtrine -, & pour être bien vue , cette Dodrine demandoit des yeux plus exercés dans ce genre d'obfervation. Je fais d'ail- leurs beaucoup d'attention à l'heureufe oppo- fition qui fe rencontre ici entre les deux E'cri- vains : elle me paroit concouiir , comme le refte Tome XVI. D d 4it P A L I 2^ G r 2^ r S I M à mettre la vérité dans tout fou jour. Ce n'efi point comme un Partifan fecret de la nouYeîle Sede que le Magiftrat en juge; c'eft au tra- vers de tous fes préjugés de nailTance , d'édu- cation 5 de Philorophie , de Politique , de Re- ligion , Sec. J'aime à apprendre de lui cette inflexible ohftînamn: quel eft donc le fujet d'une ohftmation qui réfifte à la force des tourmens ? Seroit-ce quelqu'opinion particulière ? non ; ce font des Faits & des Faits donc tous les Sens ont pu juger. f f Je trouve en faveur de la nouvelle So- ciété un autre Témoignage qui ne me frappe guère moins que celui du Gouverneur de la Bithynie ; je parle du Témoignage du mordant & ingénieux Lucien, [6] un des meilleurs Écrivains & des plus beaux -Efprits du même Siècle , & qui exerça auffi une des principales Magiftratures dans une grande Province de l'Empire. " Le Législateur des Chrétiens , dit- 3> il,( 7) leur perfuade qu'ils font tous Frères... [ 6 ] Il naquit fous l'Empire de Trajan, & mourut dins lin âge très-avancé fous celui de MARC- AUB.ELE (jui l'avoit «levé à la Préfeélure d'E'gy^te. [f] De Mm-tc Feregrini. PHILOSOPHIQUE. Part. XXL 419 b, ils fe réparent de nous i ils renient les Dieux „ des Grecs ; ils adorent leur Dodleur cruci* 55 fié , «Se conforment leur vie à fes Loix. Ils „ méprifent les richefTes ; tout eft commun en- j, tr'eux , & ils font conftans dans leur Foi...* 5, Jufqu'à ce jour , ils adorent ce grand Homme 5, crucifié dans la Paleftine. „ Je m'arrête fur- tout à ce mot fi remarquable, leur ferfuad^ qu'ils font tous Frères , & je me rappelle aufîî- tôt ces belles paroles du Maître , c'efl a ceci qiCon reconnoitra que vous êtes mes Difciples , fi V014S avez de Pmnoiir les uns pour les autres. Ainfi , Tamour fraternel étoit bien la livrée des premiers Sedateurs de cette Religion douce qui fait de l'aimable Charité une de fes prin- cipales Loix , & c'eft des E'crivains mêmes du Paganifme que je tiens la confirmation d'un faic qui dépofe Ç\ clairement en faveur de l'Origine célefte de cette admirable Docftrine. C 8 ) [8] Si le Genre de cet E'crit le comportoit je citerois bien d'autres Témoignages avantageux que les Auteurs Payens ont rendus aux vertus & aux mœurs des premiers Chre'tiens» On en trouvera un bon nombre dans la plupart des Apolo- giftes. On fe bornera à confulter là-deffusles fg.vans E'crit^ ë un CoLONiA ou d'un Bullet. 420 VALINGFNÊ'SIB CHAPITRE V. Les fuccês du Témoignage, Remarque fur les Martyrs, fA Société naiflante fe fortifie de jour en jour; elle s'étend de proche en proche, & par- tout où elle s'établit je vois la corruption , le fanatifme, la fuperftition , les préjugés , l'idolâ- trie tomber au pied de la Croix du Fon- dateur. Bientôt la Capitale du Monde fe peuple de ces Néophytes ; elle en regorge : multitudo in^ gens. ( I ) Ils inondent les plus grandes Provin- ces de l'Empire , & c'eft encore de ce même Magiftrac , (2) l'ornement de fon Pays & de fon Siècle que je l'apprends. Il étoit Gouver- neur de d?ux grandes Provinces , la Bithynic & le Pont. Il écrit à fon Prince : " l'afFaire „ "^ m'a paru digne de vos réflexions par la mul- [ I ] Tacite fur Ne'ron. [ 2 ] Pline le jeune, dans U même Lettre. rniLOSOPHIQ^UE. Fart, XXL ^ti 55 titude de ceux qui font enveloppés dans ce 55 péril ; car un très-grand nombre de Pcrfon- 55 nés de tout Age , de tout Ordre , de tout 3^ Sexe , font & feront tous les jours impli- 55 quées dans cette accufation. Ce mal conta- 5, gieux n'a pas feulement infedé les Villes ; il 55 a gagné les Villages & la Campagne.. . . Ce 55 qu'il y a de certain , c'c ft que les Temples 55 étoient prefque déferts , les Sacrifices négligés 55 & les Vidimes prefque fans Acheteurs. 55 CORINTHE , Ephefe , ThcfTalonique , Philip- pes , Coloifes & quantité d'autres Villes plus ou moins confidérablcs m'offrent une foule de Citoyens qui embralfent la nouvelle Dodrine. Je trouve l'Hiftoire de la Fondation de ces So- ciétés particulières , non feulement dans l'Hif- torien de la grande Société dont elles faifoienfi partie , mais encore dans les Lettres de ce Dif- ciple infatigable qui les a fondées. Je vois la Tradition orale s'unir ici à la Tra- dition écrite «& concourir avec elle à conferver & à fortifier le Témoignage. Je vois les Difci- ples du fécond Siècle donner la main à ceu^ du premier, un Ire'ne'e [3] recevoir d'un Po- [3] L'UN de« plus favans Pères Grecs. Il naquit dans k Dd3 42i V A L l V G F y r S 2 E LY CARPE [ 4] ce que celui - ci avoit lui - même reçu d'un des premiers Témoins oculaires, [ 5 ] Grèce félon les uns, l'an 97 5" félon d'autres, l'an lao , on 140. Il uvoit cté dans fa jeunefTe Difciple de Polycarpe. Il fut Evêque de Lyon, On place fa mort à l'an 502. „ La jj Tradition des Apôtres , difoit ce Père , s'eft répandue danç 5, t(uit l'Univers, & tous ceux qui chprchent la vérité dan» 53 fa fource trouveront cette Tradition confacrée dans chaque j, E'glife. Nous pourrions faire un dénombrement de to^g 3, ceux que les Apôtres ont conftitués E'vêques dans ces E'gli- 3j fes & de tous leurs fucceîTcurs juiqii'à nos jours. . . C'eft ^ par une telle fucceffion non interrompue que nous avcu^ „ requ la Tradition qui fubfifte aftnellcment dans l'Eglife , s, de même que la Do(ilfhie de la Vérité , telle qu'elle a éié 35 prêchée par les Apôtres. „ Vo^'ez la îsote 15 du Chap. i 3, de la Part. XX. [4] EvEQtiE de Smyrne & Condudeur des E'gîifcs d'Afie. ïl avbit été Difciple de S. Jean, & il fe plaifoit a ïacoiitcr loi Difcours qu'il avoit ouïs de la bouche de cet Apôtre ? 5, Polycarpe , écrivoit Ire'ne'e , cnfeigne les mêmes chofes 3p qu'ont enfcigné les Apôtres ; il a converfé avec plufieuFS j, de ceux qui ont vu le Christ. . . Je l'ai vu iUm m.a „ jeuneïïe , car il a vécu lonç-tems, & a fouffcrt le pluî» 3j glorieux Martyre dans une très -grande vielleffe. „ [ç] " Je pourrois , dit encore îre'ne's , marquer îa „ place où Polycarpe enfeignoit : je por.rrois décrire fa 5, faqon de vivre & tout ce qui caraftérifoit fa Perfonne. J» 3, pourrois encore rendre les Difcdirs qu'il tcnoit au Feuplç 5, 8c tout ce qu'il racontoit de fcs convcrfations avec Jean" 5, & avec d'autres qui avoient vu le Seigneur. Tout ce 55 qu'il difoit de ia Fcrfannc, de fcs Miracles & de fa poc. THILOSOPHIdVE. Part. XXL 42? & cette Chaîne de Témoignages traditiomiels fe prolonger fans interruption dans les Ages fuivans, &c. Les Princes & leurs Miniftres exercent d« tems en tems fur l'innocente Société des cruautés inconnues aux nations les plus barbares qu'ils ne font plus les feuls Objets des Grâ- ces extraordinaires de la Providence , & que toutes les Nations de la Terre fgnt appellées à y participer ? &c. Comment des Pêcheurs abattront-ils ces verres à facettes [4] qui font fur les yeux du grof- Cer Polytbéifte , & qui lui font voir prefque autant de Dieux qu'il y a d'Objets dans la Nature? Comment parviendront- ils à fpiri- tualifer fes idées , à Iç détacher de cette Ma- tière morte à laquelle il eft incorporé , & à le convertir au Dieu vivant?! Comment l'arra- cheront-ils aux plaifirs féduifans des Sens, aux [ 4 ] Verres qui multiplient Iss images des objets. \ 43© P A L I N G F N E' S I K voluptés de tout genre ? ( O Comment puri* fieront-ils & ennobliront-il toutes Tes aifcdions ? Comment en feront-ils un Snge & plus qu'un Sage r* Comment retiendront-ils fon cœur au- tant que fa main ? Comment fur-tout lui per- fuaderont-ils de rendre fes hommages à un hom- me flétri par un fuppîice ignominieux, & con- vertiront-ils aux yeux du Polythéifte la folie de la Croix en fagejje ? Comment les Hérauts du Cruàjié porteront- ils leurs nouveaux Seétateurs à renoncer à leurs intérêts temporels les plus chers , à vivre dans Je mépris, dans l'humiliation , dans l'opprobre. à braver tous les genres de douleurs & de fuppliccs , à réfifter à toutes les tentations & à perfévérer jufqu'à la mort dans une Doc- trine qui ne leur promet de dédommagement que dans une autre vie ? Par quels moyens eft-il donc arrivé que les i 5 ] Q.UAND on confidere l'afFreilx tableau que l'Apôtre des Gentils trace des mœurs des Payens , Fi.ùm. i , on fcroît |€nté de croire qu'il a trop noirci ce tableau : mais lorfqu'on vient à confulter les Hiftoriens contemporains , un Tacite, im Suétone, on y retrouve les mêmes peintures, & on eu trouve de plus afFreufes encore dans les Poètes du même Siècle. Voyez Fleury M^un des Chrétiens; pag. 27, E'dition de Bruxelles, 1753. Î^HILOSOPHIQ^UE. PdTt. XXI. 4K Pécheurs de Poiflbns font devenus des Pécheurs d'Hommes ? comment a-t-il été poffible qu'en moins d'un demi -Siècle tant de Peuples divers aient embrailé la nouvelle Doctrine ? Com- ment le grain de Sénevé efi~il devenu un grand Arbre ? comment cet Arbre a-t-il ombragé de (î grandes contrées ? Je fais qu'en général les Hommes ne font pas ennemis de la févérité en Morale ; c'efl: qu'elle fuppofe un plus grand elFort ; c'cft que les Hommes ont un goût naturel pour la per- fedion j ce n'eft point qu'ils la cherchent tou- jours; mais, ils l'aiment toujours au moins dans la fpéculation. Une pauvreté volontaire , un grand défintéreiTement » un genre de vie pénible , laborieux s'attirent facilement l'attention & l'ef- time des Hommes. Ils admireront volontiers tous cela pourvu qu'on ne les oblige point à le pratiquer. Si donc cette nouvelle Doctrine qai eft annoncée au Monde étoit purement fpéculative ^ je concevrois fans beaucoup de peine qu'elle au- roit pu obtenir l'eftime & même l'admiration de quelques Peuples. Ils l'au'-oient regardée eoni- me une noureile Sedle de philofophic , & ceu.t 452 PALÎNGFNFSIE qui la profeflbient auroieiit pu leur paroître des Sages d'un Ordre très-particulier. Mais , cette Doctrine ne confifte point en pures fpéculations -, elle ell toute pratique y elle l'eft eflentielkment & au fens le plus étroit: elle eft le Genre le plus relevé de l'Héroïfme pratique : elle fuppofe le renoncement le plus entîcr à foi- même , combat toute les paffions, enchaîne tous les penchans , réprime tous les dé- fi rs , ne lailTe au cœur quePAmour de Dieu & du Prochain , exige des facrifices continuels Se les plus grands facrifices , & ne propofe jamais que des l'écompenfes que l'œil ne voit point & que la main ne palpe point. §Ë conçois encore que les charmes de l'élo- quence , Tappas des richeifes , l'éclat des Di- gnités, l'influence du Pouvoir accréditeront fa- cilement une Dodiine & lui concilieront bien des Partifan-s. Mais , la Dodrine du Crucifié eft annon- cée par des Hommes fimples & pauvres dont l'éloquence conilfte plus dans les chofes que dans les mots; par des Hommes qui publient des chofes qui choquent toutes les opinions 'reçues; par des Hommes du plus bas Ordre & qui ne promettent PHILOSOP HÎH VE Part. XKL 45 1 promettent dans cette Vie à leurs Sectateurs que des fouffiances , des tortures & des croix. Ec ce font pourtant ces Hommes qui triomphent de la Chair & du Sang & convertiiTent l'U- nivers. L'Effet eft prodigieux , tnpide , durable;' il exifte encore : je ne découvre aucune Caufe na- turelle capable de le produire : il doit néanmoins avoir une Caufe & quelque grande Caufe : quelle eO: donc cette Caufe f au nom du Crucifié /e-f Boi^ teiix marchent , les Lépreux font rendus nets , leç Eonrds entendent , les Aveugles voient , les Morts rejfitfcitent. Je ne cherche plus ; tout eft expli- qué : le problême eft réfolu. Le Législateur. de la Nature a parlé : les Nations l'ont écouté , & rUnivers a reconnu fon Maître. [6] Celui qui [6] S'il y avoit une Loi Divine qiu ordonnât expref- fement à une Nation de croire aHx Miracles que des Prophètes opéreroient au milieu d'elle; il faudroit que cette Loi repo- rt cils-même fur quelque grand Miracle ; autrement elle ne feroit pas d'obligation dhnne , au fens rigoureux, puifqu'il ne feroit pas prouvé que Dieu lut -même auroit parlé. Mais» parce que les Miracles ne fauroicnt être perpétuels & uni- verfels , il feudroit encore que ceux qui obéiroient aujour- d'hui Ji cette Loi comme divine, la crulTent telle fur les Té- moi-na-es qui auroient été rendus de vive voix & par écrit aux Mi'racles dont fa publication auroit été accompagnée. II me femble donc que celui qui feroit né fous cette Lo£ ne feroit pas fondé à dire aujeuTd'huij ce n'ejl ^as fur des Mi-> Tome XVL ^ ^ 4^4 P A L J N G E' N FS I F voyoit dans le grain de Sénevé le grand Arbre étoit donc I'Envoyé de ce Maître Q}}\ avoit choift les chofes foibles du Monde four con- fondre les fortes, j t LES Chofes foihles du Monde, ... ici l'invite le Ledleur qui fait fe placer à une cer- taine hauteur pour contempler de ce Sommes élevé la Marche de la Providence , à reflé- chir avec moi fur les Voies admirables de sâ Sagesse dans rétabliffement du Christia- nisme. Une Religîon dont Tuniverfalité embraf- foit tous les Siècles, tous les Lieux, toutes les Nations , toutes les Conditions , tous les E'cats de la Vie , une Religion qui étoit donnée fur la Tête des Rois comme fur celle du moi^idre raclts ^ maïs c'efî fur la Législaticn que repofe ma Foi a une Révélation : car il faiidroit toujours que cette Législation eût été autorifée par des Miracles , pour être réputée di'vine par celui qui y feroit fournis 5 & s'il n'avoit pas vu lui - même ces Miraehs , fi fcs Contemporaim ne les avoient pas vus non plus , s'ils p.voient été opérés un grand nombre de Siècles avant lui , il feroit à cet égard dans le même cas que ceux qui croient à la Miffion du Chîiist fur les Témoignages rendus aux Miracles deftiné^ à la confirmer. Je prie mon Lefteur de relire attentivement la Note 6 du Chap. VIT de a Part, X'IX , à laquelle cellt-ei fe rapporte : il en démâ- l'era mieuîv 1- objet partitiùier de ces réfie-sions.. PHILOSOPHIUUE, Part. XXL 45^ de leurs Sujets 5 une Religion qui devoit fans ceiTe détacher le Creur des chofes terrettres , ennoblir , épurer , fubliraifer toutes les peii- fées , toutes les atfedions de THomme , le rem- plir, le pénétrer de la dignité de fou Etre & de la grandeur de fa fin, porter fes efpéran- ces jufques dans rE'ternité & TafTocier ainfî aux Intelligences Supérieures \ une Reli^ gion qui donnoit tout à l'Efprit & rien à la Chair , qui appelloit fes premiers Seclateurs aux plus grands Sacrifices , parce qu'il n'eft point de facrinces que ne puilTent faire des Hommes qu'elle inltruit à ne craindre que Dieu ; que dirai-je enfin , pour concentrer mes fpibles peii- fées fur une fi haute Matière î une Religion qui étoit la Perfedion ou le Complément delà Loi na- turelle , la Science des vrais Sages, la relfource des petits & la confolation des Malheureux j une Religion fi majeftueufe dans fa fini, phcité, fi fublime dans fes Enfdgnemens , fi grande dans fa ^i\ , ïî étonnante dans les Eifets, une telle Religion , dis-je, ne dévoie point être donnée aux hommes par un Er^- VOYE' revêtu de la Ma^' (lé & de la pompe des Rois : il falloit que Celui qui devoit comman- der aux Elémens & a la Mort n'e it pis un ùeH oh rej}o[er fa Tète, qu'il le délignàt li^-meme par fnumoie titic ue Hîs de i'Ho^n '^ , qu'il E e 3 436 I^ A L I N G r N F S I E vînt pour fervir ^ non pour être fervi , ^ qtCil lavtit les pieds de ceux qui Pappe liaient leur Maî- tre ^ leur Seigneur. LES Chofes faibles du Mo?ide fi cet Envoyé' devoit avoir un Précurfeur , il étoit encore dans l'Ordre de cette Economie fubli- me que ce Précurfeur vécût dans la pauvreté & dans la frugalité , que fes mœurs fuflent auf- teres , fes adions irréprochables , qu'il précé- dât fous des vètemens groiliers le Prince de la Vie caché lui-même fous le voile d'une Chair infirme : il falloit encore que ce Précurfeur rappellât les Hommes aux Devoirs les p!us eflentiels de l'Humanité > & qu'il leur enfei- gnât une Dodrine qui fat comme une prépa- ration àja Dodrine plus complète & plus re- levée du Souverain Docteur : ilfalloitenfin , qu'il annonçât & qu'il caradérifât par des traits frappans celui qui venait après lui. LES chofes faibles du Mande.' .... par une fuite de ces mêmes Vues Ci fupérieures à tou- tes les Vues humaines , I'EnvoyÉ; du Très- Haut devoit naître d'une Vierge , dans une Famille obfcure , mais iflue d'un Sang illufke & auquel d'anciens Oracles avoient fait les plus magnifiques promeiTes : cette naiifance de- PHILOSOPHIQUE. Part. XXL 437^ voit être annoncée à de fimples Bergers , & les HÉRAUTS CÉLESTES chargés de la célébrer pac leurs Hymnes dévoient inllruire ces Bergers de l'objet & de l'étendue de la Miiîion du Christ 5 paix fur la Terre & Bienveuillance envers les Notâmes : Bienveuillance non point en- vers une feule Nation , mais envers toutes les Nations ; Bienveuillance. .... non point envers une feule Génération , mais envers toutes les Générations : la Bienveuillance du Très Bon embralTe le Genre humain entier, c'eft que le Tres-Bon eft le Père du Genre-humain. LES chofes fnhles du Monde que de traits ne découvré-je point encore dans cette Difpenfation mervciîleufe de la Providence , qui tendent tous à détourner les regards des Hommes des Grandeurs humaines pour les con- centrer fur la véritable Grandeur! cet Enfant, le defiré des Nations , naît dans une hôtellerie ; il a pour berceau une crèche & paffe pour le fils d'un Charpentier : mais Celui aux pieds du- quel tous les Trônes dévoient un jour s'abaif- fer , devoit-il emprunter fa Gloire de féclat des Trônes? celui qui devoit commander à la Na- ture & aux Efprits , devoit-iL être armé de la PuiiTance des Rois ? & parce qu'iL pouvoir confé- rer à fes Miniftres le Pouvoir de commandes: Ee 3 45^ PALIh'CFN^SIE comme lui à la Nature & aux Efprits, il de^ Vuit choifir fes Miniftres parmi les Pécheurs & les Péagers & donner à de tels Hommes la charge d'enfeigner les Nations & de réformer î'Univers. CHAPITRE VIL Difficultés générales. Que la Lumière de /'E'VANGILÉ né Péjl pOîn0 autant répandue que la grandeur de fa Fin paroijjoit l'exiger , ^a Que la plupart des Chrétiens font peu de progrès^ dans la vertu^ N, RépQnfes, E précipite-je point mon Jugement F ne me prefTé-je point trop de croire & d'admirer? l'univers a-t-il reconnu fon MaiTRE ? cette Doctrine falutaire a-t-elle réformé l'Univers' entier ? Je jette les yeux fur le Globe , & }e VOIS avec étonnement que cette Lumière CÉ- Î.ESTE n'éclaire qu'une petite Partie de la Terre ^ & que tout le relie eft couvert d'épaiiîes ténè- bres. Et encore dans les Portions éclairées com>^ bien découvré-je de Taches l PHILOSOPHIQUE, Part. XXI. 4^9 Cette difficulté ne me paroît pas conlî- ^érable. Si cette Dodriiie de vie doit durer autant que TEtat préfent de notre Globe , que font dix-fept Siècles relativement à la durée totale ? peut-être ce que dix-fept jours ou dix- fept heures font à dix-fept Siècles. Jugerai -je delà durée de cette Religion comme de celle des Empires ? tout Empire efi comme PHerhc Çf? toute la gloire des Empires comme la fleur de rherbe y Pherhe feche , fa fleur tombe , mais la Religion ^^ Seigneur demeure : elle furvi- Tra à tous les Empires : fon Chef doit régner jufqu''à ce que DIEU ait mis tous fes Ennemis Jousfes pieds. Le dernier Ennemi qui fera détruit c'efl la Mort, J'examine de plus près la difficulté, & je m^apperçois qu'elle revient precifément à celle que je pourrois élever fur la diftribution lî inégale de tous les dons & de tous les biens foit de l'efprit , foit du Corps. Cette féconde difficulté bien approfondie me conduit à une abfurdicé palpable. Les dons de TEfprit , comme ceux du Corps , tiennent à une foule de circonftances phyfiques enchaînées les unes aux autres , & cette chaîne remonte Ee 4 440 P A L I N G r N F S I E jufqu'au premier indant de la Création. Afîiî donc que tous les Hommes euileiit poiïédé les mêmes dons & au même degré , il aiiroit taliu en premier lieu qu'iis ne fuiîent poinc nés les uns des autres ; car combien la génération ne modifie-t-elle pas l'organifation primitive des Germes î I) atiroit fallu en fécond lieu que tous les Hommes fulfent nés dans le môme Climat , fe fuiiént nourris des mêmes alimens, qu'ils euifent eu le même Genre de vie , la même E'àLK:ation , le même Gouvernement j &c. car pourrois-jc nier que toutes ces chofes n'influent plus ou moins fur TEfprit r* Ici la plus légère cauie porte fes influences fort au-delà de ce que je puis penfer. Ainsi , pour opérer cette égalité parfiite de dons entre tous les Individus de THiima- rn^nité, il auroit fallu que tous ces Individus euf- fent été jetés dans le même moule ,* que h Terre eût été éclairée & échauffée par-tout également ', que fes Produdions euHent été les mêmes par-tout ; qu'elle n'eût point eu de Mon- tagnes , de Vallées, &c , &c. Je ne finirois point 11 je voulois épuifer tout cela. Combien de pareilles difficultés qui faifiC- fent d'abord un Efprit peu pénétrant, & dont il verroit ibitir une foule d'abfurdités s'il étoit PHILOSOPHipjrE. Part XXL 441 capable de les analyfer! L'Efprit fc tient vo- lontiers à la furPace des Chofôs j il n'aime pas à les creufer , parce qu'il redoute le travail & la penie. Quelquefois il redoute plus encore la Vérité» Si donc l'Etat des chofes ne comportoit point que tous les Hommes participaiTent aux mêmes dons &; à la même mefure de dons , pourquoi m'étonnerois-ie qu'ils n'aient pas tous la même Croyance ? Combien la Croyance elle - même eft-elle \\qq à l'enfèmble des circonftances phy- fiques «Se des circoiiftances morales î Mais cette Religion Sainte qui me paroit fi bornée dans Tes progrès & qu'un Cœur bienfaifant voudroit qui éclairât le Monde en- tier , doit-elle demeurer renfermée dans fes li- mites aduelles comme dans des bornes éternd' les ? Que de moyens divers la Providence ne peut-ELLE point s'être refervés pour lui faire franchir un jour & avec éclat ces limites étroi- tes où eft elle renfermée! Qiie de Monumens frap- pons , que de Docuniens démonftratifs enféve- jis encore dans les entrailles de la Terre ou fous des ruines & qu'ELLE faura en tirer dans le tcms marqué par fa Sagesse ! Qiie de révo- lutions futures dans les grands Corps politiques 44S PALINGE'NrSIE qui partagent notre Monde, dont elle a préordon- né le tems & la manière dans des Vues dignes d» SA Souveraine Bonté' ! Ce Peuple, le plus an- cien & le plus fingulier de tous les Peuples ; ce Peuple difperfé & comme diiréminé depuis dix-fept Siècles dans la Mafle des Peuples y fans s'incorporer jamais avec elle , fans former ja- mais lui-même une Maife diftindes ce Peupls Dépofitaire fidèle des plus anciens Oracles , Monument perpétuel & vivant de la Vérité des. nouveaux Oracles -, ce Peuple , dis-je , ne fera- t-il point un jour dans la Main de la Provi- dence un des grands Infîrumens de ses def- feins en faveur de cette Religion qu'il mé- connoit encore? [i] Cette Chaîne des événe- ( I ) Puisse ce Peuple fi vénérable jrar fon antiquité St duquel vient le Salut de tous les Peuples, ouvrir bientôt les yeux à la Lumière, & célébrer avec les Chrétiens le Saint iVIfra'él , le Chef çSf le Consommateub. de la Foi ! Puifle V Olivier fanvage n'oublier jamais qu'il a été enté fur l'Olivier frane ! PuifTent tous les Enfans du Christ ne fermer plus leur cœur à ce Peuple infortuné que Dieu a aimé, qu'iL aime encore, qu'iL femble avoir confié à leurs foins , mis fous leur fauve -garde, & dont la canverfion fera un jour leur confolation & leur joie ! Qiie ne puis- je hâter par mes defirs ce moment heureux , & prouver aux nombreux defcendans d' Abraham toute la vivacité des vœux que mon cœur forme pour leur rétabliifemeut ! Sont-ils tombés fans reffourcc ? point du totit : mais leur chute a domié occq/ion au Salut des Gentils y. ctfin que le bonheur des Gentils leur donnk de Vémulatian. Et PHILOSOP IQ^UE, Part. XXL 4^3 mens qui contenoit qa & là les Principes fecrets des Eiïets miraculeux , ne renfermeroit-elle point i!e femblables Principes dans d'autres Portions de fon étendue , dans ces portions que h nuit de Tavenir nous dérobe j & fes principes en le développant ne produiront -ils point un jour fur le Genre humain des changemens plus con- fidérables encore que ceux qui furent opérés il y a dix-fept Siècles ? (2) Si la Doctrine dont je parle ne produit pas de plus grands effets moraux chez la plu- part de ceux qui la profeiTent , l'attribuerai je à fon imperfedion ou au défaut de motifs fuffilans.^ Mais , connois-je aucune Doctrine donc les principes tendent plus diredement au bon- heur de la Société univerfeîle & à celui de fe^ Membres ? En eft-il aucune qui préfente des motifs plus propres à influer fur l'Efprit & fur ie Cotur ? Elle élevé l'Homme mortel jufqu'au Jï leur chute a fait lu richejfe du Momie , - . . que ne fera ■pas la voTfûerJion du Peuple eittier ! . . . car Ji Itur réjeciion a été la réconciliation Au Monde , que fera leur rappel , Jïiion un retour à la Vie ? Rom. XI, il, 12, 1$. ( 2 ) Confuîtez ce que j'ai expoJe fur les Miracles dans les Chapitres Iv, f, VI, P^trtie XYll, Chap. ix , Partie XVi II. 444- V A L 1 N G £' N E' S I B Trône de Dieu , 8c porte fes efpérances juf-' ques dans rE'ternicé. Mais , en publiant cette Loi fublime , îe Le'- GîsLATEUR de l'Univers n'a pas transformé en pures Machines les Etres intelligens aux- quels Il la donnoit. Il leur a laiifé le Pouvoir phyfique de la fuivre ou de la violer. Il a mis ainfi dans leur main la déciCion de leur fort. Il a mis devant eux le bien & le mal , le bon- heur & le malheur. Objecter contre îa Doctrine du Fonda- teur que tous ceux qui la profelfent ne iont pas Saints, c'eft objedler contre la Philofophie que tous ceux qui la profeiTent ne font pas Philofophes. Hélas ! pourquoi cela encore eft- il fi vrai ! S'enfuit-il néanmoins que la Philofo- phie ne foit pas propre à faire des Philofophes? Ju- gerois-je d'une Dodrine uniquement par fes ef- fets ? ne ferai-je pas plus équitable fi j'en juge par fes principes , par fes maximes, par fes motifs & par l'appropriation de toutes ces chofes au but que je découvre dans cette Doctrine? Si malgré Pexcellence de cette Dodrine , fi malgré fon ap- propriation à fon but , je fuis forcé de recon- noître qu'elle n'atteint pas toujours ce but , j'en conclurai feulement que les préjugés, les pat PH IL OSOPHIQ^UE. Part. XXL 44s fions , le tempérament affoibliïrent ou detrui- fent fouvent Pimprellion que cette Dodrine tend à produire fur les Ames. Je n'en ferai point du tout furprisj parce que je concevrai facile- ment qu'un Etre in.telligent & libre no peut être contraint par des motifs , & que des rai- fons ne font jamais des caufes nécejjitantes , des poids, des leviers, des relforts. J'obferverai en- core que tous ceux qui profeifent extérieure- ment une Dodrine ne font pas intimement convaincus de fa vérité. Et s'il réfultoit de tout cela dans mon Ed prit , que le nombre des vrais Sages qu'une certaine Dodlrine peut produire eft très-petit, je ne m'en étonnerois pas davantage ; parce que je comprendrois qu'une grande perfedion en quelque genre que ce foit , ne iauroit jamais être fort commune , & qu'elle doit l'être bien moins eneore dans le genre de la vertu que dans tout autre. Mais , je comprendrois auiîî qu'une vertu moins parfaite n'en feroit pas moins vertu, comme l'Or n'en eft pas moins Or quoique mêlé à des Matières qui ne font point Or. Comme je voudrois être toujours équitable , je tiendrois compte à cette Dodrine des plus petits biens qu'elle produiroit Se de tous les maux qu'elle prévien droit. Et s'il s'agiifoit en particu- 44« P A L I N G E' N £" S î E lier d'une DocTiNE qui prefcrivît de faire lé hieu fans éclat, de faire de honnées œuvres plu- tôt que de helies œuvres 5 (î elle exïgeoit qne la main gauche ne fut pas alors ce que ferait la main droite^ j'en inférerois l'impoflibilité de calculer tout le bien dont la Société pourroit être rede- vable à une telle Doctrine. CHAPITRE VIII. . 'Autre difficulté générale % que les preuves du Christianisme ne font pfis MJfez> à la portée de tous les Hommes. Réponfe. Précis des raifcnnejnens de r Auteur furies Mi' racUs ^ fur le Témoignagi, U: Ne autre difficulté s'offre à mon examen. Une Doctrine qui devoit être annoncée à tous les Peuples de la Terre; un« DaCTKiNE qui devok donner au Genre huuii'vii. entier les Gages de Plmoioptalité ; jjn€ DôCTRiNE q*itt PHILOSOPHIQUE. ¥art. XXL 447 cmanoic de la Sagesse ELLS-mème, ne de» voit-elle pas repofer fur des preuves que tous les Hommes de tous les tems & de tous les lieux puiTent faifir avec une égale facilité , & fur lefquelles ils ne puffent élever aucun doute raifonnabler' Cependant, combien deConnoif- fances de divers genres ne font point iiécef- faires pour recueillir , pour entendre & pour apprécier ces preuves î Combien de recherches profondes , pénibles , épineufes ces Connoilfances ne fuppofent-elles point ! combien le nombre de ceux qui peuvent s'y appliquer avec luccès eft-il petit! que de talens, que de fagacité , que de difcernement ne faut-il point pour com- parer les preuves entr'elles , pour eftimer le degré de probabilité de chacune , pour juger de la fomme des probabilités réunies , pour balancer les preuves par les objedions , pour fixer la valeur des objedions relatives à chaque genre de preuves, pour réfoudre ces objedions & former de tout cela des réfultats qui engen- drent la certitude î Une Doctrine qui fuppo- foit tant de qualités rares de PEfprit & du Cœur, tant de Connoiifances , tant de recherches étoit- elle bien appropriée à tous les Individus de l'Humanité ? étoit-elle bien propre à leur fournir des ?alurances railonnables d'un Bonheur i venir? pouvoit - elle difîîper leurs iiciiitt::s , fortifier & 448 f" A L I N G B' N E' S I E accroître les efpérances de h K^nfon , meftfe en évidence la Vie & P Immortalité ? Je ne ma déguife point cette difficulté ,• je ne cherche point à i'aiîoiblir à mes propres yeux i je me la préfente à moi-même dans toute fa force,- feroit^il poifible qu'elle fôt infoluble ? je veux m'en affurer ; je vais donc l'examiner de fort près & i'analyfer Çi je le puis J'Ai reconnu avec évidence, (i) que l'Homme ne fauroit s'aiTurer par les feules lumières de fa Raifon de la certitude d'un État futur. Il ne pouvoit donc être conduit à cette certitude que par des Voies extraordinaires. Je conçois fans peine que l'acquifition de nouvelles Fa- cultés ou feulement peut-être un grand accroif- fement de perfedion dans fes Facultés aduel- les auroit pu mettre cet E'tat futur à la portée de fa Connoiffance intuitive , & lui permettre de le contempler, en quelque forte, comme il contemple fon E'tat aduel. Je conçois encore qu'une Révélation intérieure ou des Miracles ex- térieurs pouvoient donnera l'Homme eette cer- titude Cl néceflaire à fon bonheur & fuppléer ainfi à l'imperfeélion de fes Facultés aduelles. 1 1 ] Chap. III de la Part. XVI. Mais mil OSO PHIUVE. ParV. XXL ^49 MaiSj l'acquifition de nouvelles Facultés ou feulement un grand accroilTement de perfedioii dans les Facultés aduelies de l'Homme auroic fait de l'Homme un Etre tres-diliérent de celui que nous connohTons fous le nom d'Homw?. £c comme toutes les Parties de notre Mande fonc en rapport entr'elles & avec le Syftèm.e entier, il eft très-évident que fi l'Homme , le principal Etre de notre Planète , avoit été changé , ii n'auroit p:us été en rapport avec cette Pianete où il de voit paifer les premiers inftans de fa durée. Une Vue beaucoup plus perçante , uix Toucher incomparablement plus délicat, &c. Tauroient expofé à des tourmens continuels. Il anroit donc Fallu changer aufîi l'E'conomie ds la Pianete elle-même, pour la mettre en rap- port avec la nouvelle E'conomie de l'Homme. J'APPERcors donc que la difficulté, confî- dérée fous ce point de vue , ne tend pas à moins qu'a demander pourquoi Dieu n'a pas lait une autre Terre? & demander cela, c'eft deman- der pourquoi Dieu n'a pas créé un autre Uni- vers f' car la Terre eft liée à l'Univers , comme l'Homme l'eft à la Terre. L'Univers eil TEii- fcmble de tous les Etres créés. Cet Enfcmble eft fyftématique ou harmonique. Il ne s'y trouve pas une feule Pièce qui n'ait fi raifon dans loiue Xri. F f 4Ç^ P A L I N G r N r S I E le Tout. Prétendrois-je que dans l'Ouvrage de riNTELLiGENCE SuPREME il y ait quelqu© chofe qui foit fans aucune liaifon avec l'Ouvrage » -& qui pourtant en faiTe partie ? Si malgré l'ex* trème foiblelTe de mes talens Se de mes lumiè- res ^ il malgré la grande imperfedion de mes Inftrumens je ne laiiTe pas de découvrir tant de liaifons , de rapports , d'harmonie entre les di- verfes parties du Monde que j'habite ; fi ces liaifons fe multiplient , fe combinent , fe diver-> fifient à mefure que je multiplie , que je com- bine & que jedivetfifie mes obfervations & mes expériences ; combien eft-il probable que Ci mes Facultés & mes Inftrumens étoient incompa- rablement plus parfaits, je decouvrirois par- tout & jufques dans les moindres Parties , les mêmes liaifons , les mêmes rapports , la même harmonie ! Et cela devroit bien être , puifque les plus grandes Pièces font toujours formées de Pièces plus petites i celles - ci de plus pe- tites encore i &c. & qu'un Tout quelconque dépend eifentiellement de l'ordre & des propor- tions des Parties qui le compofent. Il ne feroit donc point du tout philofophique de vouloir que I'Auteur de l'Univers eût changé FE^conomie de l'Homme pour lui procurer plus àc certitude fur fon E'tat à venir. Il ne le PHILOSOPHIUUE, Part XXL <çi feroic pas plus de vouloir qu'une Révélation intérieure lui eu eut donné Paliurance : car un© pareille Révélation auroit dû être univerfelle ou s'étendre à tous les Individus de l'Huma- nité : puifqu'il n'en étoit aucun à qui la cer- titude d'un Bonheur à venir ne fût également îiécelîaire. Mais , je l'ai déjà remarqué au com- mencement du Chapitre I de la Part. XVIIi : il étoit dans l'analogie de l'E'conomie de l'Hom- me d'être conduit par les Sens & par la Réfle- xion : une Révélation intérieure & univerfelle qui fe feroit perpétuée d'â^e en âge auroit- elle été en rapport avec la Conftitutioii préfente de l'Homme? Et (î le bonheur dont il ievoit jouir dans fon E'tat futur avoit été lié dès l'O- rigine des Choies à l'application qu'il dévoie faire de fa Raifon à la recherche des fondemens de ce bonheur, comment auroit-il pu appliquer fa Raifon à cette belle recherche dès qu'une Révélation intérieure & irréfiftible auroit rendu inutile cet exercice de fon Intelligence ? Il reftoit une autre Voie extraordinaire qui pouvoit conduire l'Homme à cette certitude fi defirable que la Raifon feule ne pouvoit lui four- nir. Cette Voie étoit celle de Miracies palpa^ blés, éclatants, nombreux, divers, cnv'^.ii.és les uns aux autreg & liés indilfoiub'ement ù des Ff2 412 PALlNGi:'NL''SIE circonftaiices qui les caradérifaiFent & eu dé- terminailcnt la fin. Il ell bien manitefte que cette Vo'iQ extraordinaire étoit la feule, à nous connue, qui ne changeât rien à la Conftitudoii préfente de THomme & quilaiirât un libre exer- cic-e à toutes Tes Facultés. Maïs, Cl les Miracles étoient dedinés à ma- nifeiter aux Hommes les V^olontés du grand ETRE 5 s'ils étoient en quelque forte, Texpref- iion ph}'fique de ces Volontés , tous les Hommes avoien.t un droit égal à cette faveur extraordi- naire 5 tous pouvoient afpirer à voir des Mira- cles i & fi pour fatisfaire, comme je le difois, (2) aux befoins ou aux dedrs de chaque Individu de l'Humanité , les Miracies avoieiu été uni- verfels & perpétuels , comment auroient- fs pu conferver leur qualité de Signes extraordi^ îiaires /'comment auroient- ils été di (lingues du Cours ordinaire de la Nature r* ( 3 ) Il étoit donc dans la nature même des Mi- racles qu'ils fuifenc opérés dans un certain lieu ( 2 ) Au commencement du Chap. I de la Part. XVIII. ( 3 ) Je pne qu'on relife ce que j'ai dit fur ce beau Sh^ j|t ddus ics Chap. IV, V, VI de la Part. XVII. VHl L OSOfHIQ^VE. Part XXL 45? & dans u;i certain tems. Or , cette relation au lieu & au tems ,• cette relation néceflPaire fup- pofoit évidemment le Témoignage ou !a Tradi- tion orale & la Tradition écrite. La Traditiou ruppoToic elle-même u;ie certaine Langue qui fût entendue de ceux auxquels cette Tradi- tion étoit tranfmife. Cette Langue ne pouvoit être univerfelle, perpétuelle, inaltérable: une telle Langue n'étoit pas plus dans l'E'conomie de notre Planète qu'une reHemblance parfliite, foit phyfique, foit morale, entre tous les Li« dividus du Genre humain. Ainsi, c'étoit une fuite naturelle de lavi- ciiTitude des Chofes humaines que la Langue dans laquelle les Témoins des Faits miraculeux îivoient publié leur Dépofition devînt un jour une Langue morte & qui ne fût plus entendue que des Savans. C'étoit encore une fuite de cette même viciifitude des Chofes de ce bas Mon- de que les Originaux de la Dépoficion fe perdif- fent j que les premières Copies de ces Originaux fs perdiifent auiïi y que les Copies poftcrieures prifentaffent un grand nombre de variojites; qu'une multitude de petits Faits , de petites circonftances , trè^-connus des Contemporains, & propres à répandre du jour fur certains paf- fages du Tejite fuiîent inconnus à leurs Def- FF3 4^4 VALIl^GrVl^SlE cendatis; que bien d'autres contioiflances plus ou moins utiles leur fufTent inconnues encore i &c. &c. C'étoit enfin une fuite naturelle de TE'tat des Chofes & de la nature des Facultés de l'Homme qu'on inventât un Art ( 4 ) qui eût pour objet dired l'interprétation du plus important de tous les Livres. Ce bel Art devoit donc naître 5 il devoit éclairer les Sages, diffiper ou aiFoihIir les ombres qui obfcurciflbient cer- taines vérités , & les Sages dévoient éclairer & conduire le Peuple. Je ne reviendrai pas à obiecfler que Dieu auroit pu prévenir par une intervention extra- ordinaire la chute de la Langue dans laquelle la Dépofition avoit été écrite , qu'iL auroit pu prévenir par le même moyen la perte des Ori- ginaux de la Dépofition , les oppofitions , les altérations , les variantes du Texte : j'ai vu affez ( 5: ) combien une pareille objedion fe- roit peu raifonnable , puifqu'elle fuppoferoit encore des Miracles continuels &e. J'ai reconnu auiîî que ces oppofitions, ces altérations, ces ( 4 ) La Critique qu'on poiirroit appeller la Logique de^ Littérateurs ou des Commentateurs. Vôy. la Note 2 du Cha- pitre VIII de la Partie XIX. C Ç ) Confifltez le Chap. III de la Part. XX. PHILOSOPHIQUE, Tart XXt 4ç^ variantes du Texte ne portent point fur le fond ou l'enfemble de la Dépofition , & qu'il n'eft même jamais impoffible de concilier les paifages d'une manière fatisfaifante. ( ^ ) Je me rapproche de plus près de la difficulté que j'examine. Dès que la certitude d'un E'tat futur ne pouvoit repofer que fur des preuves de fait j dès que la nature & le but des Mi- racles exigeoient qu'ils fuffent opérés dans un certain lieu & dans un certain tems , il en ré- fultoit néceffairement que les preuves d'un E'tac à venir dévoient être foumifes à l'examen de la raifon , comme toutes les autres preuves de fait. Les preuves d'un E'tac à venir dévoient donc être autant du relfort de la Critique que tout autre fait hiftorique : elles devenoient donc ainfi l'objet le plus important des recherches des Savansj & il entroic dans le Plan de la Pro- vidence que les Savans recueilleroient ces preuves , les didribueroient dans un certain or- dre , les développeroient, les éclairciroient, ré- foudroient les objedions qu'elles feroient naître, •ompoferoient de tout cela des Traités particu- liers , & qu'ils feroient auprès du Peuple les ( 6 ) Voyez le Chap. VIÎI de la Paçt. XIX , & les Clia- jiitres II & m de la Part. XX Ff4. 4ç5 P y1 L I }^^ C E' N V S I JS Interprètes de cette DépoGtioii où étoient ren- fermées les Paroles de la Vie éternelle. Je voiidrois concentrer mes raîfonncniens., L'Homme a deux moyens de connoitre ,* les Sens & la Réflexion. Ni l'un ni l'autre de ces moyens ni tous les deux enfemble ne pouvoient le con^ duire à une certitude morale fur fon E'tat à venir : i's étoient trop dtfproportionnés avec la nature des Chofes qui failbient l'Objet de cette certitude. Je Tai montré. ( 7 ) l'Homme ne pcuvoit donc être conduit à cette certitude que par quelque moyen extraordinaire. Mais , c'étoit un certain Etre intelligent & moral qu'il s'agiiToit d'y conduire ; c'étoit l'Homme > c'eft- à-dire, un Etre mixte doué de certaines Facul- tés, & dont les Facultés étoient renfermées 6ans certaines limites aduelles. Si donc le moyen extraordinaire dont je parle avoit con.ijfré à donner à l'Homme de nouvelles Facultés ou à chan|:cr la portée aduelle de fcs Facultés, ce n'auroit point été l'Homme qui auroit été conduit h. cette certitude dont il eii: qucftion 5 r';'uroit été un Etre très- différent de l'Homme r.duel. Il étoit donc nécelïaire que ce moyen ç>ctraordinaire fut dans un tel rapport avec h ( y ) Cbap. III ^îe la Part. X\^|, PHIL0S0PH7QUK Part. XXI. 497 Confticution prcfente de l'Homme , que fîins y apporter aucun changement , il put fuFnre à convaincre !a Railon de la certitude d'un E'tat futur. Les Miracles étoient ce inoyen j car rien n'étoit plus propre que des Miracles à prouver aux Hommes que le Maître de la Nature /^m-- loit. ( 8 ) xMais, il les Miracles avoient été opè- res en tout lieu Se en tout tems , ils feroicnt rentrés dans le Cours ordinaire de la Nature, & il n'auroît plus été poffible de s\airurer que le Ma1t?,e delà Nature parloit. Il falloit donc que les Miracles FuiTent opérés dans un ceîtaia lieu & danç un certain tems. lis dévoient donc être fournis aux règles du Témoignage comme tous les autres faits. La Raifon devoit donc leur appliquer ces règles «Se juger par cette ap- plication de la réalité de ces Faits. Et parce que ces Faits étoient miraculeux , & que des Faits miraculeux exigent pour être crus un plus grand nombre de Témoignages 8c des Témoi- gnages d'un plus grand poids , il étoit dans l'ordre de cette forte de preuve qu'elle fût don- née par des Témoins qui réuniffent au plus haut degré les conditions qui fondent aux yenx de la Raifon la crédibilité de quelque Fait que ( 8 ) Voyez les Cliap. IV, V, VII île la Part. XVII & le CJwj). Il de la Part. XVIII, 4^-S PAL^NGE'NFSIE ce foit. ( 9 ) Je dis de quelque Tait que'ce foîtl parce qu'il me paroît très-évident que les Mira- cles n'eu font pas moins des Faits , quoique ces Faits ne foient point renfermés dans la fphere des Loix communes de la Nature. Je Tai déjà remarqué ailleurs: [ lo J la raifon ac* quiefcera donc aux preuves de fait que les Mi- racles lui fournilTent, (î en appliquant à ces preuves les règles de la plus faine Critique & celles d'une Logique exade , ces preuves lui paroiffent folidement établies. Je n'ajoute plus qu'une réflexion, & j'aurai fatisfait , je penfe , à la difficulté que je me fuis propofée au commencement de ce Chapitre. N'ai-je point exagéré beaucoup cette difficulté.^ faut-il, en effet, de fi grands talens & des con- lîoilfances Çi diverfes & Ç\ relevées pour juger iainement des preuves de cette RÉVÉLATION que les bcfoins de l'Homme follicitoient auprès de la Bonté Suprême.^ Un bon Elprit , un Efprit impartial & dégagé des préjugés d'une fauiTe Philofophie, un Cœur droit, une Ame ( 9 ) Voyez le Chap. II de la Part. XVIII. ( lo ) Je prie qu'on relif« avec attention le Chap. lîl de la Part. XVIII. " PHIL0S0PHIQ,UE. ParL XXL 4S9 honnête , un degré affez médiocre d'attention ne fuffifent- ils point pour apprécier des preu- ves palpables , raiTemblàes par les meilleurs Gé- nies avec autant d'ordre que de clarté dans des Livres qu^ils ont fu mettre à la portée de tout le Monde? Afin qu^un Ledeur fenfé puilTe ju- ger de la vérité d'une certaine Hiftoire & d'une certaine Dodrine, eft-il rigoureufement néccU faire qu'il pofTede tous les talens & toutes^ les ComwilTances des Auteurs qui ont ralfemblé les preuves de cette Hiftoire & de cette Duftrin- ? La décifion de quelque Procès que ce foit exige- t.elle indifpenfablement que tous les Juges aient la même mefure de connoiflances , les mêmes connoilTances & les mêmes talens que les Rap- porteurs ? N'arrive-t-il pas tous les jours qu'')n cft obligé de s'en rapporter aux Experts ou aux Maîtres de l'Art fur je ne fais combien de Chofes plus ou moins néceifaires ? Pourquoi donc le Peuple ne s en rapporreroit-il pas aux Savans fur le choix & fur l'appréciation des preuves de cette Révélation dont ils tâchent de mctcrt la certitude à fa portée? D'ailleurs, parmi ces preuves n'en eft-il pas qui peuvent être faiiies facilement par les Efprits les plus bornés ? Corn- bien l'excellence de la Morale du Fondateur eft-elle propre à frapper fortement les Ames 46o PALITTOE'NrSIE honnêtes & fenfibles ! Combien le Caradere du Fondateur lui même excite-t-il l'admira- tion & la vénération d'un Ami flncere de la vérité & de la vertu / Combien ce Caradere s'eft-il empreint dant celui de les premiers DiC ciples î quelle vie ! quelles mœurs ! quels exem- ples î quelle Bienveuiilance ! quelle Charité! Le Peuple ne fauroit-il failîr de telles Chofes , & demeureroic - il froid à tout cela ? Il ne croira pas , fi l'on veut , fur autant de preuves réu- nies qu'un Dodleur j mais il croira fur les preuves qui feront le plus à fa portée , & fa croyance n'en fera ni moins raifonnable ni moins prati- que ni moins confolante. CHAPITRE IX. Antre difficulté générale tirée de la Liberté humaine- T Réponfe. OuRNERÂi >jE contr-e h Doctrine du Fondateur la nécejjlté morale des adions hu- maines ? Précendrai-jt que cette forte de né- Pli'l LOSOPHld UB. Part. XXL Adt «édité exclut toute imputation , & conféquem- nient toute Loi, toute Religion? Neverrai-je pas clairement que la néceflité morale n'ell point du tout une vraie néceflité ; qu'elle n'eft au fond que la certitude confidérée dans les adions li- bres ? Parce que THomme ne peut pas ne point s'aimer lui - même j parce qu'il ne peut pas ne fe déterminer point pour ce que Ton Entende- ment a jugé le plus, convenable ; parce que fa Volonté tend efTentiellement au bien réel ou ap- parent , ç'enfuit-il que l'Homme agifîe comme une pure Machine ? s'enfuit- il que les Loix ne puilî'ent point le diriger à fa véritable fin ^ qu'il ne puiiTe point les obferver ; qu'il n'ait point un Entendement , une Volonté , une Libertés que fes adions ne puiiTent point lui être im- putées dans aucun fens j qu'il ne foit point iufceptible de bonheur & de malheurs qu'il ne puiiie point rechercher l'un Se éviter l'au- tre j qu'il ne loit point, en un mot , un Etre moral ? Je regrette que la pauvreté de la Lan- gue ait introduit dans la Philo fophie ce mal- heureux mot de Jîécejfité morale , fi impropre en foi , & qui caufe tant de confufion dars une ch(.fe très-fimple & qui ne iaurcit être expofée avec trop de précifion 8c de clarté, (i) ( I ) Voyez ce que j'ai dit fur la \'olontc «S: fur la LU berté dans les Chap, XII & XIX de VEfai anal, fur les Fa^ tîdtéf âe i-y^we.. Je n'ai rien négligé pour y ramener la qiief- tion k fes termes les plus fimpl^g & les plus vrais. Voyez en- core les Art. XII , XIII de VAnalyfe abrégée de cet Ouvrage. Les mouvemens des Corps font d'une néceflité ^Jbyy^^/Ke ,• par- ce qfu'ils réfuUent des Propriétés eflentielles de la Matière. Un Corps eft mû & il meut. Il ne peut ni n'être pas mk ni ne pas mouvoir» / Les déterminations des Efprits Tont d'une néceffité morale i parce qu'elles dépendent des Facultés de l'Efprit. Un Efprit n'eft pas déterminé à agir , comme un Corps eft déterminé à fe mouvoir. Un Efprit fe détermine & n'eft jamais déterminé. Il fe détermine fur la vue plus ou moins diftinéle des motifs. Ces motifs font des idées préfentes à riïitelligence. Il juge du rapport ou de l'oppofition des motifs avec les idées qu'il a du bonheur. Ce j,ug-ement eft le principe moral de fa dé- reiminPttion. Cette déterm'nation tient effcntiellement à la Jiature de l'Inteiifgence & tie la Volonté. Elle eft d'une né- ceflîté wora/e , parce qu'il feroit contradiftoire à la nature d'un Etre moral ou doué d'Intelligence & de Volonté qu'il ne fe déterminât pas pour ce qui lui paroîtroit le plus conforme à fon bonheur. La détermination eft l'effet d'Une Force qui eft propre à l'Efprit , & qui n'eft point mife en aftion par les motifs, comme la Force motrice des Corps l'cft par l'impul- lion. Comme l'Agent eft très - différent, le Principe de l'ac- tion ne l'eft pas moins. Enfin î l'Etre moral a toujours le Pouvoir phyfique de fe déterminer autrement dans chaque cas particulier. Mais , parce qu'il fe détermine conformément aux Loix de Li Sagefle , feroit -eji fondé à dire que fes dé- terminations font -l"':ne nécQ^ité fatale > Ne feroit -ce pas confondre volontairement des ChofiîS très - diftinâ:es & qu'il pHILOSOPinoUK Peut. XXL 4(^5 CHAPITRE X Suite des difficultés générales. Qjie /â; Doctrine E'vange'liqjue ne paroH pas favorable au Fatriotifme. QtCeîle a produit de grands maux fur la Terre, Réponfes. o BjECTERAi-jE que la Doctrine de TEn- VOYÉ n'eft point favorable au Fatriotifme,'^ qu'elle n'efl propre qu'A faire des Efclaves ? Ne ferois-je pas démenti fur le Champ par PHiftoire £dele de fon établiflement & de fes progrès? E'toit-il des Sujets plus fournis, des Citoyens plus vertueux , des Ames plus généreufes , des Soldats plus intrépides que ces Hommes nou- veaux répandus par-tout dans TE'tat , perfécutés par-tout , toujours humains , toujours bienfai- fans, toujours fidèles au Prince & à fes Mi- iiiftres ? Si la fource la plus pure de la gran- deur d'Ame eft dans le fentiment vif& profond ^6^. P j1 L I 2Ï G r N E' S r Ë de la nobîelTe de Ton Etre , quelle ne fera p2vs la grandeur d'Ame 8i réléviuion des penfées d'un Etre dont les vues ne km point renfer- mées dans les limites du terils. RÉPÉTERAI JE que de véritables Difciples de VElsVO^^ ne formeraient pas un E'taî qui pUt fuhfijhr ? " Pourquoi r^on , léposid un vrai Sirge [ I j qui favoiî apprécier les Chofes & qui ne peut être foupqo'.uié ds crédulité ni de par- tialité j ,, pourquoi non? ce feroient des Ci- ,, toyens infiniment éclairés fur leurs Devoirs , „ & qui auroient un très grand zèle pour les 55 remplir i ils fentiroient très-bien les Droits 55 de la défenie natuielie ,• pi lis ils croiroient „ devoir à la Religion , plus ils penferoient de- 5, voir à la Patrie. Les principes de cette Re- i, ligion bien gravés dans le Cœur feroient m- ,5 hniment pluy forts que ce faux honneur des 5, Monarchies , ces vertus humâmes des Répu- 35 bîiques & cette crainte fervile des Etats Dei- i; potiques. ,> Me plairai-je à exagérer les maux que cette Doctrine a occafionés dans le Monde , les ( 1 ) MoNrES(iUiËu : Ffprit tics Loix j Liv. XXÏV, Chap. VI. Guerres THîLOSOPîtl^VB. Part. X.^!. 4^^ Guerres cruelles qu'elle a fait naître , le fan^ qu'elle a fait répandre , les injuftices atroces qu'elle a fait commettre , les calamités de tout genre qui l'accompagnoient dans les premiers Sie-^ des & qui fe font reproduites dans des Siècles fort podérieurs , &c ? Mais , confondrai-je ja- mais l'abus ou les fuites accidentelles , & fi Ton veut , nécefTaires d'une Chofe excellents avec cette Chofe même? Quoi donc! étoit-c2 bien une Doctrine qui ne refpire que dou-^ ceur, miféricorde , charité qui ordonnoit ces hor«r reurs ? E'toit - ce une bien Doctrine fi pure, fi fainte qui prefcrivoit ces crimes î* E'toit - ce bien la Parole du Prince de la Paix qui armoic des Frères contre des Frères & qui leur enfei- gnoit l'art infernal de raffiner tous les genres de ftîpplices ? E'toit - ce bien la Tolérance elle-même qui aiguifoit les poignards, prépar- roit les tortures , drelfoit les E'chaiFauds , alîu- moit les bûchers ? Non 5 je ne confondrai point les ténèbres avec la lumière , le Fanatifme fu* rieux avec Paim?.ble Charité. Je fais que la C/^^- rité ejl patiente çf? pleine de bonté y qiûelle n'eji point envienfe ni vaine ni injulente ,• qiCelle ne f enfle point d'ùrguùil , ne fait rien de nialbonnête, 7ie cherche point [on intérêt particulier ; ne s"* irrite points ne fotipçonne point le mal ^ ne fe réjivdû puint de rinjîijiice', mais fe plaît à // droiture. Tome XVI. G s j^6^ P A L I 17 G £" N j^: S I E excufe tmit , efpere tout , fupporte tout. Non 9. CELUI qui alloit de lieu en Heu faifant du bien 31'avoit point armé d'un glaive homicide la main de fes Enfans & ne leur avoit point didé un Code d'intolérance. Le plus doux , le plus corn- patiiTant & le plus jufte des Homnies n'avoir ^o'mt foujfé (2) dans le cœur de fes Difciples l'eTprit de perfécution j mais il l'avoit e7nbrajé(^^) du Feu divin de la Charité. AvANCFR , dit encore ce grand Homme [ 4 ] que j'ai déjà cité & que je voudrois citer cou- jours j " avancer que la Religion n'eit pas un 9, motif réprimant parce qu'elle ne réprime pas 35 toujours , c'eil: avancer que les Loix Civiles „ ne font pas un motiF réprimant non plus. 3, C'eft mal railbnner contre la Religion que 3, de raffembler dans un grand Ouvrage une 55 longue énumération des maux qu'elle a pro- „ duits 5 fi l'on ne fait de même celle des biens ( 2 ) Il fouffla fur eux, Sec. Jean XX,22.Aâ:ion {ymb^- Uqii~' , mais trts-figinficative. ( 5 ) Ne îious fentio7îs-nous fas le cmir embrufé , £îfc. LuCi XXIV, 32. ( 4 ) MoNTESouJEU : Efprit des Làix ; Lîv. XXIV^ Chap. II. PHÏLOSOP HIQ^ITE. Part. XXI. ^6j „■ qu'elle a faits. Si je voulois raconter tous les ,, maux qu'ont produit dans le Monde les Loix 3, Civiles , la Monarchie , le Gouvernemert Rc- „ publicain, je dirois des chofes eifroyublcs. „ Quand il (eroit inutile que les Sujets euiTent 5, une Religion , il ne le feroit pas que les' 5, Princes en euilent , & qu'ils blanchiiïent d'é- ,5 eu nie le feul frein que ceux qui ne crai- „ gnent pas les loix humaiaes puiilent avoir. ,, Un Prince qui aime la Religion & qui la craint „ eft un Lion q:û cède à la main qui le flatte 3, ou à la voix qui l'appaife: celui qui craint la „ Religion & qui la hait eft comme les Bêtes ,, iiiuvagcs qui mordent la chriine qui les em- „ pèche de fe jeter fur les PafTans : celui qui ^, n'a point du tout de Religion eft cet Animal „ terrible qui ne fent la hberté que lorfqu'il „ déchire & dévore. „ Que j'aime à voir cet E'crivain fi profonde fi humain , ce Précepteur des Rois & des Na- tions tracer de (a main immortelle l'éloge de cette Religion qu'un bon Efprit admire d'au- tant plus qu'il eft plus Philofophe j je pourrois njoutcr , plus Métaphyiicien : car il faut l'écre pour généralifer fes idées , & voir en grand. ( ^ ) ( ç ) M0NTÎSQ.UIEU : E/prit des Lcix', Liv. XXIV , Ggz 46% PdLI^Î&F'NÊ'SIE j, Que Ton fe mette devant les yeux d'nfli 5, côté les malTacres continuels des Rois & des 5, Chefs Grecs Se Romains , & de l'autre la 5j deftrudion des Peuples & des Villes par ces mêmes Chefs 5 Timur (6) & Gengiskan [7) qui ont dévaftérAfiej & nous verrons que nous devons à la Religion , & dans 5, le Gouvernement un certain Droit politique & dans la Guerre un certain Droit des Gens 5, que la Nature humaine ne fauroit aflez re- ,, coanoître. ,> " C'est ce Droit des Gens qui fait que 3, parmi nous la vidoirc laiiTe aux Peuples vain- cs eus ces grandes chofes , la vie , la liberté , 5, les Loix 5 les biens , & toujours la Religion 3, lorfqu'on ne s'aveugle pas foi-même. „ ( 6 ) Timur -BEC ou Tamerlan, Empereur des Tar^ tares, & l'un des plus fameux Gonquérans, mort en 14IÇ, âgé de 71 ans. Il remporta diverfcs viéloires fur les Pcrfes , fubjugua les Partlies , fournit la plus grande partie des Indes , s'affiijettit la Méfopotaiaie & l'Egypte; triompha de Baja^ ZET I, Empereur des Turcs, & domina ainfi fur les troi« Parties du Monde. [ 7 ] Gengiskan, l'un des plus ilîuftres Gonquérans, vainqueur des Mogois & des Tartares & Fondateur d'un des ]^lii& grands Empires du Monde. Il mourut en 1226 à 72 aiis. THILOSQ-PHIUVE. Tort. XXL 465 Combien de vertus domeftiques , combien d'œuvres de mifericorde exercées dans le fecret des cœurs cette Doctrine de vie n'a-t elle pas produit & ne produit-elle pas encore î Com- bien de SOCRATES & d'E'PlCTETES déguifés fous rhabit de vils Artifans î fi toutefois un hon- nête Artifan peut j.imnis être un Homme vil. Combien cet x\rtiran en lait il plus furies De- voirs &,rur la Deftination future de l'Homme que n'en furenc Socrate & E'picteteî A Dieu ne plaife que je fois niinjufte ni in- grat î je compterai fur mes doigts les bienfaits de la Religion , & je reconnoîtrai que la vraie Philofophie elle-même lui doit fa nailTance , fes progrès & fi perfedlion. Oferois.je bien aiTu- rer, que fi le Pere des lumières n'avoit point daigné éclairer les Hommes , je ne ferois pas moi-même Idolâtre/' Né peut-être au Jein des plus profondes ténèbres & de la plus monilrueufs fuperftition , j'aurois croupi dans la f^mge de mes préjugés i jo n'aurois appeiqu dans la Na- ture & dans mon propre Etre qu'un Cahos. Et fi j'fivois été alTez heureux ou allez malheureux pour m'élever jufqu'au doute furl'AuTEUR des Chofes , fur ma Deftination prcfente , fur ma DeftiaatiQU future , &c. ce douce auront été per-- G§ 3 :4.70 PALTNGFNFTSI^ pétuel^ je ne feroîs point parvenu à le fixer J & il auroife fait; peut-être le tourment de ma vie. La vraie Philofophie pourroit-elle donc mé- connoître tout ce qu'elle doit a la Religion ? Mettroit - elle fa gloire à lui porter des coups qu'elle fauroit qui retomberoieat infailliblement fur elle-même ? La vraie Religion s'éîeveroit- elle à fon tour contre la Philofophie & ou- blieroit-elie les fervices importans qu'elle peut en retirer ? CHAPITRE XL Fin des difficultés générales, l Vohfcurïté des Dogmes ^ leur oppofitiôn apparente avec la Raifon. Réponfe, E, 'Nfin ', attaquerai-je la Religion de I'En- VOYe' par fcs Dogmes? Argumenterai- je de f es Myileres , de leur incomprchenfibilicé , de leur PHILOSOPHIdUE.Part, XXL 471. ♦ppofitioii, au moins apparente, avec la Rai- fon ? Mais , quel droit aurots-je de prétendre que tout foit lumière dans la Nature & dans la Grâce ? Combien la Nature a-t-elle de Myfteres que je ne puis percer! combien m'en fuis -je occupé dans les Parties xii & x;ii de cet Ou- vrage ! combien le catalogue que j'en drelfois eft-il incomplet î combien me feroit-il facile de rétendre Ci je le voulois ! Serois-je bien fondé après cela à m'étonner de robfcurité qui enve- loppe certains Dogmes de la Religion ? cette obicurité elle-même n'empruiite-t-elle pas de nouvelles ombres de celle qui couvre certains myfteres de la Nature? Seroit il bien philofo- phique de me plaindre que Dieu ne m'ait pas donné les yeux & l'InteHigenoe d'un Ange pour voir jufqu'au fond dans les fecrets de la Nature & dans ceux delà Grâce ?Vûudrois- je donc que pour (atisfaire à mon impertinente curiofité Dieu eût renverfé l'Harmonie univer- felle , & qu'iL m'eût placé fur un E'chelon plus élevé de l'Echelle immenfe des Etres ? N'ai-je pas aiTez de lumières pour me conduire fûre- ment dans la route qui m'eft tracée, aifez dt motifs pour y affermir mes pas , aflez d'efpe- rauce pour animer mes efforts & m'exciter à Gg 4 47S P^LINGFT^rSÏE remplir ma deftinée ? La P.cligion naturelle T cette Religion que je crois .tenir des main« de îpa Raifon êc dont elle fe glorifie , la Religion îiiiturelle , ce Syllème qui me paroit il harmo- nique , fi lié dans toutes fes Parties, fi elTen- tifcllement phiiofophique, combien a-t-il de myf- teres impénétrables! Combien la feule idée de I'Etre ne'çes1)Aire, dePETRE exista-st par SOI renferme - t- elle d'abimes que I'Archange même ne peut fonder î Et fans remonter juf-" qu'à ce PR^PïïîER Etre q.ui engloutit comms un Gouffre 5 toutes les conceptions des ÏNTEL- ILiGENÇES créées, mon Ame elle-même, cette Ame dont la Religion naturelle me fait efpérer Tim mortalité , que de queftions interminables l)e m>ifre-t-elle point ! <&c. Mais, ces Dogmes delà Religion de PEn- VOTÉ qui paroiifent au premier coup - d'çeil Ci incompréhenfibles , & même Ci oppofés à la Raifon, le font -ils, en effet, autant qu'ils paroiifent Pètre ? Des Hommes trop prévenus vem être en faveur de leurs propres idées ou trep préoccupés de la penfée qu'il y a tou- jours du mérite à croire & que ce mérite aug- mente en raifon du nombre & de Pefpece des Chwfes qu'on croit , n^auroient - ils point mêlé ^e iayff^s întcrprétatioiit» aux images t^mbiém^i- PHILOSOPHJOUE. VartXK.7, 471 tiques & aux paroles métaphoriques du Fonda- teur & de Tes pruTnicrs D'.^ciplcs ?N'auroient- ils poinc altéré & mu'tiplié ainli les Dogmes? Ne prends - je point ces interprétations pour les Dogmes mêmes ? Je vais à la Source la plus pure de toute Vérité dogmatique : j'étudie ce Livre admirable qui fortifie k accroît mes ef- pérances : je tâche de l'interpréter par lui- même, & non par les fonges iE ed déinontrée : (14J cette expret fion admife & répétée avec trop de complai- fance par les meilleurs Apo:ogili:es feroit aiiuré- [ 13 ] Confultez fur ceci le Chap. I de la Part. XVIII. [ 14 ] On voit alTcz que je prenais ici ce met dans fou fens propre ou littéral. Ceux qui fe choqucroient de mon ex- preiTion n'entreroient guère dans les vues de mon Travail. J'écris pour des Lcdeiîrs qui aiment 1' exadlitr.de , & je l'aime auffi. Je fais très -bien & je l'ai répété pius d'une fois, que dans les Chofes morales l'évidence morale produit fur les Ef. prits judicieux les mêmes eiFets elTcnticlc que l'évidence ma- thématique : mais il ne me paroit pas convenable de tranf- porter à 1 évidence morale une exprclïion qui n'cft propre qu'à révLi',=nce maciitmAtique. 4$d PALÎl^GFT^ÈSÏE ment impropre. Mais , je dirai fimpîement , que les Faits qui fondent la crédibilité du Chris- tianisme me paroiiTent d'une telle probabilité ^ que (î je les rejetois , je croirois choq^ier les règles les plu« ftires de la Logique & renon- cer aux maximes les plus communes de la Raifoii. J'ai tâché de pénétrer dans le fond démon Cœur , & comme je n'y ai découvert aucun motif fecret qui puilTe me porter à rejeter une Doctrine fi propre à fuppléer à la foiblelîe de ma Raifon , à me confoler dans mes épreuves , à perfedionner mon Etre , je reçois cette Doc- trine comme le plus grand bienfait que Dieu pût accorder aux Hommes , & je la recevrois encore quand je ne la confidérerois que comme le meilleur Syftême de Philofophie pratique. VINGT- C 4Bt ) <^ =-===^^^^==^-- >^ ï=g^ VINGT-DEUXIEME PARTIE. ■^^-" • ■■ ^^^:^' •^— — ^«:^ FIN DES IDE' ES SUR rPTAT FUTUR DE V HOMME. LE'GERES CONJECTURES SU& LES EIEÎ^S A VENIR. CHAPITRE L Accord des idées de V Auteur fur la ReftituttQi% future de rHo?nme avec les déclarations ks flus exprejfes de la RÉVÉLATION. Réf exions à ce Sujet, kjl un Etre formé efTentiellement de TUniori de deux Subftances étoit appelle à durer, il Tome XVL H h 4S2 T A L ^'N G E* N F S I E dureroit comme Etre-mixte ou il ne feroit p!uf le même Etre. Je l'ai prouvé, [i] Le Dogme de la Réfurredion eft donc une conféquence immédiate de la nature de l'Homme. Il e{k donc un Dogme très - philofophique. Ceux qui veulent tout ramener à l'Ame oublient l'Homme. " Si l'Ame humaine pou voit exercer fes Fa- cultés fans le fccours d'un Corps ; û la nature de notre Etre comportoit que nous puiîions fans ce fecours jouir du bonheur, concevroit- on pourquoi l'AuTEUR de la Re've'Lation QUI eft CELUI de notre Etre, auroit en- feigne aux Hommes le Dogme de la Réfur- redion? „ [ :^ ] L'Homme eft doué de Mémoire , Se cette Mémoire tient au Cerveau. [ 3 1 Elle eft le fon- [ I ] Relisez la Part. VIII & confultez le commencement de la Part. XVI de eette Palîngénéfie. Le nombre des Lec- teurs'qui favent lire eft fi petit, que je fuis obligé de reeourij: fréquemment aux renvois. [ s ] Ep.i anal. Parag. 727. [ 3 ] Ihii Chap. VII, XXII. And. abréger, XV, XVI; XVIi,' XVIII.- PHTLOSOPHIQ^UE, Part XXîL 48Î demert de la Perfonnalité de Tlrloinme & ie Tré- for de fes Conaoiiîàiices. S ï la même Perfonne eft .appel'écî à durer , elle devra conlerver la Mémoire des Chufes paiFées & retenir un ceruin fond d'idées acquifes. Il faut donc qu'il y ait dans THomme un Sie£;e phvfique de la Perfonnalité qui ne loit point fournis aux Caufes deftrudives de la Vïq fréfente. La Re've'lation annonce un Corps fpirinisl qui doit fuccéder au Corps animal. L'oppodcion du mot fpiritiiel au mot animal montre aifez que le Corps futur fera formé d'une fubftance très - déliée. C'ell «.e que prouvent encore ces cxprelîions remarquables que i'Apôtre Philofophe ne préfente point au figuré : tout ce que j'ai dit fui la Réiurredion , revient à ceci que la Chair ^ le San^ ne peuvent pojféder le Royaume ds Dieu, ^ que la Corruption ne jouira point ds V Incorruptibilité. \^/^^ La comparaifon fi pliilofophique du Grain ds * [ 4 ] I- Cor. XV, so. 4U PALIT^GE'yVSlE Bled que TApôtre emploie indique encore que la Réfurrediôn na fera que le développement plus ou moins rapide du Corps fpirituel logé dès le corrmiencement dans le Corps animal , comme la Fiante dans fa Graine, Mais ^ quelqu'un dira; comment les Morts peuvent-ils rejjiifciter F ^ avec quel Corps viendront-ils ? Infenfés ! ce que vous femsz ne reprend point de vie s^ihte 7neurt, . . [S] Ce Corps/^/V/Vï/e/ deftiné à fuccéder au Corps itnimal n'en différera , fans doute , pas moins par fon organifation que par la matière dont il fera formé. A un Séjour très-diiférent répondront apparemment des Organes très-diiférens. Tous les Organes du Corps animal qui ne font en rapport qu'avec la Vie préfente feront, fans doute, fupprimés. La Raifon feule conduit à le préfumer, &la RÉVÉLATION fupplée ici, comme ailleurs , aux efforts de la Raifon. Quand la Re'- VE'lation va jufqu'ànous déchver que P EJIomac fera détruit , que les Sexes feront abolis^ elle nous fait concevoir les plus grands changemens dans la Partie matérielle de l'Homme : car dans un X %! L'ENVELOPPE Avi Gr^m meurt i le Germe fubfifte, fe développe , frii6tifie ; &c. Rien de plus fignificatif que cette Parabole dont il eft û fa«ile de faifir l'efprit. l. Cor. XV, I V HILOSOP HI^UE. Part, XXIL 4g,ç Tout organique dont toutes les Parties font fi enchaînées , quel prodigieux changement ne iup- pofe point la fuppreflion des Organes de la Nu- trition & de la Génération l Il faut lire dans le Chapitre XXÏV de PEJfai Analytique , l'expofition philofophique du Dogme de la Réfurredion , & Ton conviendra , je m'af- fure , que mes principes pfychologiques fur l'État préfent de l'Homme Se fur fon E'tat futur s'accordent exadement avec les déclarations les plus exprelfes & les plus claires de la Re've'- LATION. ÎL faut relire encore ce que j'ai expofé fur FE'tat futur des Animaux (6) dans les cinq pre- [ 6 ] Mon Libraire fr.ifoit imprimer la Part» XVI de cet Ouvrajçc lorfque j'ai requ la première Partie du Tom. XXIX. ck la Bibliothèque des Sciences ^ des Beaux -Arts , frevriier Trimeftre de 1768. Je me fuis rais d'abord à parcoîmr les Nouvellci littéraires , & ce n'a point été fans quelque lurprife que j'ai vu à l'Artiele de la Grar/ de- Bretagne , l'annonce d'un Livre Anglois en deux petits Volumes , fous ce Titre : Aw Ejfai , &c , c'eft-à-dire , Effai fur la Vie future des Animaux bruts, par M. Dean, Vicaire de Miiileton 1768 , ches KElRSLy. Comme je n'ai point vu encore cet Ouvrage, dont j'igno- CMS Texiftçnce , je ae puis donnei: à mes Lefteurs une idéç H h } 4S(^ PALlNGFNi:SIE mieres Parties de cette Valm-'éyipne Se clans fa Partie XÎV , & appliquer à THomme toutes celles de ces analogies qui peuvent lui convenir. des Princînes & de la marche de l'Auteur ni comparer (an travail avec le mien. Je me bornerai donc à trûalcrire ici la Notice que les Savana Jonrnalilks ont inrérée aux pajes 209 & 2Î0 du Trùnejhe que j'ai cite. La voici. " Cet Ouvrage fans être fupéricurcment écrit , ne îailTe pas 3, de fe faire lire avec plaifir. M. Dean tâche d'y établir j, les propoiidoas fuivantes. 5, I. L'E'criture Sainte infimie en divers endroits que leS 35 Brutes exiileront dans un état à venir. 55 2. La Doftrine de leur exiftence future a été foutenue 33, par divers Savans Juifs & par quelques Pères de l'E'glife, 5., 3. La Raifon en nous apprenant que les Bêtes ont une 55 Ame, nous enfeigne par cela même qu'elles exifteront dans 5, un état à venir, îj 4. Toutes les Notions que nous avons d'une Ame, nous S5 condr.ifent à croire qu'elle doit être immortelle & exiiler 33 toujours. M Ç, Le Syl!;ême de oeux qui croient que Dieu anéantit l> l'Ame des Bêtes n'cft appuyé fur aucun fondement folide. „ 6. Les Objections que l'on tire de TE'critnre Saintç j, contre rexifïLuc.3 future des Brutes font frivoles & ne I3 viçnijçut que de ce qu'on ^ mal entendu les paffkges cités» VUILOSOPHIUUE, VarL XXII, 48? . On voudra bien que je ne ralenti/Te pas ma mar- che par des répétitions fuperllues. 55 7. Les autres objeftions font également foibles , & ue 5, font didldes que par l'orgueil des Hommes. 5, Au reP-e, ces idées de M. Dean ne font rien moins que 5, nouvelles. Divers Savans du premier ordre , fans prcntlre 5, un ton aiifïi affirmatif que lui , ont cru qu'il étoit vraifcm- j, blable que l'Ame des Bêtes exifterôit quelque part après „ qu'elle auroit ceffé d'animer le corps qui lui étoit alTigné , 5, & qu'elle feroit dédommagée des maux qu'elle auroit fouf- „ ferts dans ce Monde. On peut voir entr'autres ce que dit 5, là- dciTus le célèbre M. Dittoîs^ à l'endroit que nous ci- 55 tons à la marge. „ Il paroît par cette Notice que M. Dean s'cfi: uniquement attaché dans cet Ouvrage à prouver l'immortalité de l'zlme des Brutes , & qu'il en a déduit la probabilité de leur Vie fu- ture. Peut - être mcme qu'il n'a point prétendu fe borner fimplemcnt p. rendre probable cetèe Vie future , & qu'oubliait les règles d'une Logique exacte, iî-s'efl; perfuadé trop faci- lement d'avoir porté la chofe jufqu'à la démonllration. C'clè au moins ce que je puis inférer légitimement du reproche que lui font les Journaliftcs , d'avoir pris un ton trop crrir- mutif. J'ofe efpérer qu'il ne leur paroitra pas que je mérite le même reproche. Au refte , la Notice que je viens de tranfcrire m'apprend alTez que mes principes & ma marche différent be-aucoup des principes & de la marche de l'Auteur Anglois. Ce n'eft pas uniquement V immortalité de l'Ame CiQ^ Brutes que j'ai eifayé de prouver : la chofe étoit certes bien facile : mais , j'ai tenté de rendre probable ViinmortQlkédQ leur Etre , en les confi- H h 4 AU P  L I N G ï; N r s T E Consïde'ration importante^ dit très - bie« dérant comme des Etres ntlxtes. J'ai fort développé mes idées fur ce Sujet aiiffi nouveau qu*intéreiraiit : je les ai envifagées fous divers rapports plus ou moins nombreux & plus ou moins étendus. J'ai ouvert an Lefteur Philofophe dans les Part. î , II , III , IV , V , VI , XIV une vafte & a-feajble pcrfpcdive J'ai enchaîné tout cela à l'étrjt futur de THamme^ & j'ai taché d'accroître ainfi la fomme des probabilités qu& la Lumière naturelle nous fournit en faveur de l'imuiortalité de notre Etre, &q. Ce n'étoit non plus que Vimmortalité on la -pcYuuviience de l'Ame des Brutes, que U célèbre Ditton avoit eu vue? dans le paflage auquel les Journalifte:; renvoient.. Scdt, VÎII de la Dijfertatton qui termine fon Livre fur la Vérité de In Kemgîon Chrétienne. On en jugera par la Icftiire. de ce padage même , que je me fais un dçvoir de placer ici. „ Comme je ne connois ni toutes les fins que Dieu i 3, s'elc propofées en créant les Eétes ni tous les ufages qu'ij ,, en fait dans l'Univers, je ne fais pas non plus de quelle y, manière il difpofe de leurs Ames quand elles cclTcr.t d? ,^ vivre. „ Ceux qui difent qu'elles n'cxillent point ou qu'elles ne ,, cor.fcrvent point leur individualité, ne peuvent non plus 5, prouver ce qu'ils affirment que ceux qui difent h contraire» j, D'autre part ceux qui fuppofcnt qu'elles paîTent fixcef* „ fivcment en d'autres Corps & qu'elles fubiffent pluficurs ^, révolutions dans la Na ture ne font pas fondés, à mon avis •> 3, fur un plus grand degré de certitude que les Perfonnes qui ,. „ ri^jcttaiit la Tranfinigratiou. , lUffcnt les Ames dans \\n. PHILOSOPJIIOUE. Vart.XXIL 489 un Anonyme [7] qui a beaucoup penfé & qui vouloit faire penfer; "ceux qui reprochent à la ,5 Re>e'lation de n'avoir pas mis dans un ,5 affez grand jour les Objets de la Foi, favent- 5;j ils (î la chofe etoit pofliblc '' Sont-ils certains 5-, que ces Objets ne différent pas uiTez d^s Objets .3 cerreftres pour ne pouvoir pas être faifis par ,, état inconnu aux Hommes , mais où elles peuvent répondre „ aux vues de Dieu & à lu perfeftion de TUnivcrs d'une 5, manière plus efficace, qu'elles ne le font à préfent dans le „ vil rang où elles font placées. „ Encore im coup, je confefle ici mon ignorance. Tout cela „ eft couvert pour moi d'épailfes ténèbres. Tout ce qui me „ paroît de très-fiir, c'eft que les Bêtes ne font point de pures „ Machines, Cz ce qui me paroît de-la même évidence , c'eft „ que "ces Ames ne font point conduites par une Ame com- „ mune. „ Je l'ai dit ailleurs : dès qu'on admet que les Bêtes ont m\cAme\,i\ eft très -évident qu'on^ doit admettre que cette Ame , Subftance fmiple, indivifible ne périt pas par les caufes qui détruifent le Corps grojjter. On doit convenir encore que la Raifon ne découvre aucun motif pourquoi Dieu anéantiroit cette Ame , &c. Il ne faut donc qu'y réfléchir un inftant pour 'e perfuader la furvivance de cette Ame, &c. Mais, je nie fuis affez expliqué fur ce point de Pfychologie en divers éiidioits de cet Ouvrage. [ 7 ] Ejfai de r/ychohgie ; Princ. Phil. Part. VI, Cha. pitre XXII. ' 49©: PÀLIN(^Ê'N£:'SIE ,j des Hommes ? Notre manière aéluelle de con- 53 noître tient à notre Conftitution préfente, & 35 nous ignorons les rapports de cette Conftitu- 35 tion à celte qui doit lui fuccéder. Nous n'a- 53 vons des idées que par les Sens : c'eft en corn- ai parant entr'eiles les idées fenfibles , c'eft en gé- 35 néralifantque nous acquérons des notions de „ différens genres. Notre capacité de connoirre ^ cil: donc limitée par nos Sens ; nos Sens le font 35 par leur flrudure ; celle-ci Fefl; par la place 33 que nous occupons. Nous connoiiTons, fans 3.3 doute , de la Vie à venir tout ce que nous 33 en pouvions connoitre ici - bas : pour nous „ donner plus de lumière fur cet E'tat futur, il 33 eut fallu apparemment changer notre Etat 33 aduel. Le tems n'efi: pas venu où ce chinge- 33 ment doit s'opé.'cr : Nous ma^'-chons encore par 33 la Foi ^ non par la Vue : l'Animal fiupide 53 qui broute i'herbe abftrairoit-il ? Il dùlingue 33 mie touiFe de gazon d'une m,otte de terre, 33 & cette connoilTance fuffit à fon Etat pré- 5, fent. Il acquerroit des connoiiTances plus re- 3, levées , il atteindroit à nés Sciences & à nos ,3 Arts C la conformation eiTentielle de fes Or- ,3 ganes venoit h changer j mais alors ce ne fe- 33 roi: plus cet Animal. Ferez-vous entrer dans 33 le Cerveau d'un Enfant la Théorie fubiime de PHILOSOPIIÏQ^UE. Part XXTI, 49» 55 l'Infini ? Ce Cerveau contient adluellement „ toutes les fibres néceflaires à Tacquifition de 55 cette Théorie , mais vous ne pouvez encore 55 les mettre en adion. „ Tout fe Fait par degrés dans la Nature : 5> un développement plus ou moins lent conduit 55 tous les Êtres à la perfedion qui leur efl 55 propre. Notre Ame ne fait que commencer 55 à fe développer : mais cette Plante h foible 55 dans fes principes, Ci lente dans fes progrès ,, étendra fes racines & fes branches dans l'E- 55 ternité. < ,5 C'est afTurément un trait de la fagefTe de 55 la RéveYatiON que fon filence fur la na- 53 ture de notre État futur. L'Homme Divin 5, qui enfeigna à des Hommes mortels la Réfur- 55 redion, étoittrop bon Philofophe pour parler 5, de Mufique à des Sourds, de couleurs à des 35 Aveugles. „ Je profiterai de l'avis judicieux de cet Anony*» me : je n'oubHerai pas que je {msaveii^^ie & fourd, & je ne prononcerai point fur les couleurs ni fur les fons. Oublierois-je néanmoins ma Condition préiente lî je hafardois fur les Biens à venir 4'9» P A L I N G F N JET S I E quelques légères conjedures que jedéduiroisdes. Chofes qui me font connues ? Cl que l'Anonyme vient d*expofer fur Tim- polfibilité où nous fommes de nous repréfenter les Biens à venir, eft de la meilleure Logique. Quand il dit 5 V Animal ftupide qui broute Iherhe ahjhairoit - il ? il fait bien fentir par cette com- paraifon phiiofophique que l'Homme ne fauroit pas plus le repréfenter la véritable nature des Biens à venir , que l'Animal ne peut fe repré- fenter les plaifirs intelleduels de THomme. L'^- 7nmal Jiupide qui Broute Pherhe devineroit-il nos Sciences & nos Arts? L'Homme, qui ignore tant de Chofes [ 8 ] c^^^ appartiennent au Monde qu'il habite , devineroit-il les Chofes qui appar- tiennent à ce Monde qu'il habitera un jour? Je penfe donc, comme notre Pfychoîogue, que 7Î0US connoijjons de hi Vie à venir tout ce que nous en pouvions coimoHre ici - bas y ^ que pour VOUS donner plus de lumière fur cet État futur il aiiroit fallu apparemment changer notre État a&ueL Ceci eft bien fîmple : comment parviendrions* [ %U Voyez les Part XII & XIIL PHILOSOPHIQUE. Part. XXU. 495 nous à coimoitre des Objets qui , non feulement n'ont aucune prop07'tidn avec nos Facultés aduel- les, mais qui fuppofenc, fans doute, encore d'autres Facultés pour être faifis ou conçus ? L'Homme le plus éclairé & le plus pénétrant qui feroJt privé de l'Ouïe devineroit- il l'ufage d'une Trompette ? Sr cependant un voile épais dérobe à nos regards avides ces Biens à venir après lefquels notre Cœur foupire , nous pouvons au moins entrevoir quelques-unes des principales Sources dont ils découleront. CHAPITRE II. ' Confîâérations fur les Facultés de P Homme envifagées dans le rapport à fon état futur. Moyens par lefquels ces Facultés pourront fe perfectionner à Pindéjini, jL'Hom ME pQfTede trois Facultés ému 494. PALJNGE'NFSIS nentes ; la Facultés de comiokre , la Faculté d'aimer & celle d'agir. Nous concevons très-clairement que ces Fa- cultés font perfedlibles à l'indéfini. Nous fui- vons à Pœil leur développement, leurs progrès, leurs effets divers. Nous contemplons avec étonnement les Inventions admirables auxquel- les elles donnent nailfance , & qui démontrent d'une manière fi éclatante la fuprème élévation de l'Homme fur tous les Etres terreftres. Il eft , ce fenible , dans la Nature de la Eonte' autant que dans celle de la SageîsSE de perfedionncr tout ce qui peut l'être. 11 l'eft fur-tout de perfec1:ionner des Etres qui , doués de Sentiment & d'Intelligence , peuvent goûter le plailîr attaché à l'accroiifement de leur per- fedlion. En étudiant avec quelque foin les Facultés de l'Homme , en oblèrvant leur dépendance mu- tuelle ou cette fubordination qui les alTujettit les unes aux autres & à l'adion de leurs ob- jets , nous parvenons facilement à découvrir quels font les moyens naturels par lefqueis elles fe développent & fe perfedionncnt ici - bas. Nous pouvons donc concevoir des moyens âna- PHILOSOPHIQ^UE, Part XXÎI, 49c logues plus, efficaces qui porteroîcnt ces Facul- tés à un plus haut degré de perfedlion. Le degré de perfedion auquel l'Homme peut atteindre fur la Terre eft en rapport uiredl avec les moyens qui lui font donnés de con- noître & d'agir. Ces moyens font eux-mêmes en rapport dircd avec le Monde qu'il habite adueliement. Un E'tat plus relevé des Facultés humai- nes n'auroit donc pas été en" rapport avec ce Monde dans lequel l'Homme devoit paiTer les premiers momens de fon exiftcrce. (i) Mais, ces Facultés iont indéfiiiiment perfedibles , & nous concevons fort bien que quelques - uns des moyens naturels qui les perfcdionneront un jour peuvent exifter dès à p:éfent dans THomme. (2) Ainsi , puifque l'Homme ctoit appelle à ha- biter fucceilîvement deux Mondes diiférens , fa conftitution originelle devoit renfermer des cho- [ I ] Il faut confiilter ce que j'ai dit là - dcfTus dans la Part. XIII , Chan. VIII. [ c ] Qn'on prenne la peine de relire le Chap. I de U Part. XVÏ. 4^5 VALIVGE'VE'SÎË fes reîativea à ces deux Mondes. Le Corps animal dévoie être en rapport dired: avec k premier Monde ^ le Corps fpirituei avec le fécond. Deux Moyens principaux pourront perfec- tionner dans le Monde à venir toutes les Fa- cultés de l'Homme : des Sens plus exquis & de nouveaux Sens. Les Sens font la première Source de toutes nos connoiffances. Nos idées les plus réfléchies, les plus abftraites dérivent toujours de nos idées fenfibles. L'efprit ne crée rien ; C3) mais il opère fans ceffe fur cette multitude prefqu'in- finie de perceptions diverfes qu'il acquiert par le miniftere des Sens. (4) De ces opérations de rEfprit qui font tou- jours des Gomparaifons , des combinaifons , des abftradions naiifent par une génération natu« relie toutes les Sciences & tous les Arts. r[ 3 1 Voyez VEJfai anal. Parag. çag , Ç29, Ç3o Se {% Note que j'ai mife à la fin de la Partie VU de cette Falin- généfie. l 4 ] C«»nfulte2 le Chap. XV de VEJfai anaU Les PHILOSÔPHIOUK Part.XXÎI. 49 f Les Sens , deftinés à tranfmettre à l'ErpriC les imprelîîons des Objets , font ea rapport; avec les Objets. L'Oeil ell: en rapport avec la Lumière i l'Oreille avec le Son ,* &c. Plus les rapports que les Sens foutienneill^ avec leurs Objets font parfaits , nombreux , di- vers , 8c plus ils maniteilent à l'Efprit de qua- lités des Objets j & plus encore les percep-^ tions de ces qualités font claires , vives , com-r pietés. Plus l'idée fenfible que l'Efprit acquiert d'uri Objet efi: vive , complète , & plus l'idée réfié« chie qu'il s'en forme eft diftincle. Nous concevons fans peine que nos Senâ actuels font fufceptibles d'un degré de perfec- tion fort fupérieur à celui que nous leurconnoit fons ici-bas & qui nous étonne dans certains Sujets. Nous pouvons même nous fiire une idée aifez nette de cet accroilfement d* pcrfec-^ tion par les effets prodigieux des Inftrumeiî3 d'Optique & d'Acouftique. Qu'ONfe figure, comme moi. Art stote obfer« vant une Mitte avec nos Microfcopes ou contem- plant avec nos Télefcopes Jupiter & fes Lu- Tome XVI. I i ' 4.9t PALI^rGE'NS'SIM nés • quels n'eulïènt point été fa furprife È fou ravifrement ! quels ne feront donc point auilî les nôtres iorfque revêtus de notre Corps fpirituel nos Sens auront acquis toute la per- fedion qu'ils pouvoient recevoir de TAuteur Bienfaisant de notre Etre î Gisr imaginera , (1 Ton veut , que nos Yeux réuniront alors les avantages des Micro fcopes & des Télefcopes , & qu'ils fe proportionnerons: cxadement à toutes les diftances. Et combien lés Verres de ces nouvelles Lunettes feront-ils fupérieurs à ceux dont l'Art fe glorifie ! On doit appliquer aux autres Sens ce que 3e viens de dire de la Vue. Peut-être néan- moins que le Goût , qui a un rapport fî au xtdi à la Nutrition , fera fupprimé ou converti en un autre Sens d'un ufage plus étendu & plus relevé. Quels ne feroient point les rapides progrès ^e nos Sciences phyfico - mathématiques s'il nous étoit donné de découvrir les premiers prin- cipes des Corps , foit fluides , foit folides î Nous verrions alors par intuition ce que nous tentons de deviner a l'aide de raifjunemens •u de calculs d'autant plus iiîcertaias qu« no- PHILOSOPHIQUE Pari. XXlî. 499 tre ConnoiiTance diredlc eft plus imparfaite» Qiielie multitude innombrable de rapports nous échappe , précifément parce que nous ne pou- vons appércevoir la figure , les proportioîis , l'arrangement de ces Corpufcules infiniment petits (ur lefquels pourtant rcpoie tout le grand E'difice de la Naîure ! Il ne nous efl: pas non plus fort difficile de concevoir que le Germe du Corps fpiritiiel peut Contenir dès à préfent les Elémens organiques de nouveaux Sens qui ne le développeront qu'à la Réfurredion. 33 Ces nouveaux Sens nous nianifef^eront ^ dans les Corps des Propriétés qui nous feroni; „ toujours inconnues ici b.is. Combien de qua- 33 licés Tenfibles que nous ignorons encore , & ,3 que nous ne découvririons point fans étoii- j3 nement! Nous ne connoiirons les dilFérenres 33 Forces répandues dans la Nature , que daiis 33 le rapport aux difFérens Sens fur lefqueîs 33 elles déploient leur action. Combien ell-il de 53 Forces dont nous ne foupqonnons pas même ^j l'exidence , parce qu'il n'eft aucun rapport ^ encre les idées que nous acquérons par nos ïi % 500 PALINOE'NE'SIÊ 55 cinq Sens & celles que nous pourrons ac^^ 55 quérir par d^autres Sens î „ (5) Qu'on fe repréfente un Homme qui naîtroit avec une paralyfie complète fur trois ou qua_ tre des principaux Sens , & qu'on fuppofe des caufes naturelles qui rendiflent la vie & le mou- vement à ces Sens & les mifTent tous en va- leur : quelle foule de perceptions nouvelles , va- riées, imprévues cet Homme n'acquerroit^l ponit en peu de tems î quel prodigieux accroiffement de perfedion n'en réfuiteroit-il point pour tou- tes fes Facultés &c î Je rappelle ici mon Lec« teur à cette Statue que j'eiTayois d'animer dans VEjfai Analytique. Nous ne fommes encore que des Statues qui ne jouilfent, pour ainfî dire, que d'un feul Sens , mais dont les autres Sens fe déploieront dans ce Monde que la Railoii entrevoit & que la Foi contemple. Ces Sens nouveaux , renfermés infiniment en petit dans le Sie^e de l'Ame , font donc en rapport dired avec ce Monde à venir qui eft notre vraie Patrie. Ils peuvent avoir encore des rapports particuliers avec d'autres Mondes qu'il nous fera permis de vifiter & 011 nous puife- [ [ ^ ] Efai antiU §. 779. PH ILOSOPHTHUE. Part. XXII. s oi rons fans ce (Te de nouvelles Connoiflances & de nouveaux Témoignages des Libe'ralite's Infinies du Bienfaiteur de l'Univers. C tî A P I T R E III. PerfeBionnement que la Faculté de counoHre pourra recevoir dans l'état futur de P Homme far une vue p'ns parfaite ^ plus étendue des Mondes Pianétiures. Enchaînement ^ variétés de tous ces Mondes. E Levons nos regards vers la Voûte étoilce : contemplons cette Colledion immenfe de Soleils &. de Mondes diiréminés dans l'Efpace , & ad- mirons que ce Vermiifeau qui porte le nom d'Homme ait une raifon capable de pénétrer J'exirtence de ces Mondes & de s'élancer ainiî jufqu'aux extrémités de la Création. Mais , cette Raifon dont h vue eft fi per- çante , la curiofité fi adive & dont les defirs font fi étendus , fi relevés , fi aifortis à la nQ« li 3 1)1 elfe de fon Etre auroit-elle été renfermée pour toujours dans les limites étroites d'un Télefcope/* Ce Di EU fi Bienfaisant qui a daigne fe révé^ 1er à elle par les Merveilles du Monde qu'elle habite , ne lui auroit-il point réfervc de piusr hautes Révélations dans ces Mondes où Sa Puis- sance Si Sa Sagesse éclatent avçc plus de lîiagnificence encore , & où elles fe peignent par des Traits toujours nouveaux , toujours va- riés 3 toujours inépuifables r"- Si notre Connoiflance réfléchie dérive eflen- tieliement de notre Connoiifance intuitive j fi îios richeffes intelleduelles s'accroifTent ipA^ les conioaraifons que nous formons entre nos idées ienfibles de tout genre, fi nous comparons d'au- taiU plus que nous connoitTons davantage ; fi erfiH) notre Intelligence fe développe & fe per- fedionne à proportion que nos comparaifons s'étendent, fc diverfifient , fe multiplient, quels île feront point PaccroiiTement & le perfedlion- V^ement de nos Connoi/Tance naturelles lorfque nous ne ferons plus bornés à comparer les In- dividus aux Individus , les Efi^eces aux Elpeces » ies Règnes aux Règnes , Se qu'il nous fera donné de cornparer les Mondes aux Mondes î Si la SypREBiE Intelligence a vatié iqu PHILOSOPHIQUE. Part. XXIL çoj bas toutes ses Oeuvres ; ù une progreffion har- monique règne entre tous les Etres terreftres j fî une même Chaîne les cmbraiFe tous , ( i ) combien eft - il probable que cette Chaîne mer veilleufe fe prolonge dans tous les Mondes Planétaires , qu'elle les unit tous , & qu'ils ne- iont ainfi que des Parties confti tuantes & in- finitéfimales de la même Série ! [ 2 ] Nous ne découvrons à préfent de cette grande Chaîne que quelques Anneaux : nous ne fommes pas même fùrs de les obferver dans leur Ordre naturel : nous ne fuivons cette progreflîon admirable que très - imparfaitement & à travers mille & mille détours : nous y rencontrons des interruptions fréquentes -, mais, nous Tentons toujours que ces lacunes font bien moins celles de la Chaîne que celles de nos Connoiflances, Lorsqu'il nous aura été accordé de eon templer cette Chaîne comme j'ai fuppofé que la contemplent ces Intelligences pour lef^ [ I ] Confultez la Cône, de la Nat. Part. I, Cljap. VU ïart. II, Chap. IX, X, XI, XII, XIII. C il ] CQ7it. i.\e la mt. Part. IV , Cliap. XI. li 4 Ç04 PALÏNGE'NFSÎE quelles notre Monde a été principalement fait 5(3) lorfque nous pourrons , comme elles , en fuivre les prolongemens dans d'autres Mondes, alors & feulement alors nous connoî- trons rOrdre naturel des Chaînons, leur dé- pendance réciproque , leurs relations fecretes , la raifon prochaine de chaque Chaînon & nous rions élèverons ainfi par une E'chelle de per- fections relatives jufqu'aux Vérités les pljjs trant ccndantes & les plus lumineiifes. CHAQ.UE Monde Planétaire a, donc Ton Fco- 3icmie particulière , fes Loix , fes Productions , fes Habitans, Se rien de toyt cela ne fe re- trouve de la même manière ni dans le même Ordre dans aucune autre Planète. La répétition des mêmes Modèles en différens Mondes feroit vn indice de (téiilité , & comment concevoir pu terme à la fécondité de TIntelligence in- FiHiE ? Si une Méthaphyfique relevée nous per- liiade qu'il n'eft pas fur la Terre deux Indi- vidu? précifément fembîablesj Ci des obfcrva- pons délicates poufîées fort loin paroilîent con- firmer la même vérité, quels ne doivent point être kç Çaraderes qui différencient un Monde d'un loi Vj>yez îes Part. XJÎ 5 Xîîï, îldifez for ^ ttnfc le PHI LOSOFHIQ,ïïE. Part. XXII. ^ot; autre Monde & même deux Mondes les plus voifins ! Ainfi , chaque iVIonde c(t un Syftème particulier, un Enfemble de Chofes qui ne fe rencontre dans aucun autre Point de i'Efpace , & ce Syftème particulier eO; au Syrtème gêne- rai ce qu'eft un pignon ou un.e roue dans une Machine , ou mieux encore , ce qu'eft une £bre , line glande dans un Tout organique. De quels fentimcns notre Ams ne fern-t-elle donc point inondée lorfqu'après avoir étudié à fond l'E'conomie d'un Monde, nous volerons vers un autre, & que nous comparerons en- tr'elles ces deux E'conomies î Qiicî^e ne fera point alors la perfecTiion de notre Cofmologie î Qj.iels ne feront point la généralifation & la fécondité de nos principes, renchaînement , la multitude & la jufteire de nos confequences! quelle lumière réjaiîhra de tant d'Objets d'vers fur les autres Branches de nos ConnoilTances , fur notre Phyfique , fur notre Géométrie , fur r.otre Affcronomie , fur nos Sciences rationnelles & principalement fur cette Science divine qui s'occupe de I'Etre des Etres. Toutes les vérités font enchaînées 8c les plus éloignées tiennent les unes aux autres par des nœuds cachée. Le propre de rEntendcment ço5 PALINGE'I^E'SIS efl: de découvrir ces nœuds. Newton s'appîau- diffoit , fans; doute , d'avoir fu démêler les rap- ports fecrets de la chute d'une Pierre au mou- vement d'une Planète : transformé un jour en Intelligence Ce'leste, il fou rira de ce jeu d'Enfant, & fa haute Géométrie ne fera plus pour lui que le« premiers E'iémens d'un autre Infini. CHAPITRE IV. Excellence ^ fuhlimité des Connoijfances que r Homme acquerra dans fin E'^tat futur par la contemplation des Merveilles de , la Cité de DIEU. L iA Raifon de THomme perce encore au delà de tous les Mondes Planétaires : elle s'élève jufqu'au Ciel où DiEU habite : elle contemple le Ti ône augufte de I'Ancien des Jours : elle voit toutes les Sphères rouler fous fes Pieds & obéir à l'Impulfion que Sa Main Puissante leur a imprimée : elle entend les acclamations de toutes les Intelligences > & mèlaiic fes I PIIILOSOPHIJIUE. Part XXIT- 507 «dorations & fcs louanges aux Chants majef- tueux de ces Hiérarchies, elle s'écrie dans le fe miment profond de Ton néant, Saint , Saint, Saint eft Celui qui est! TE'TERNtL eft I9 Seul Bon Î gloire foit à DIEU dans les Lieux Célejîes j Bienvetiillance envers l'Homme ! BîENVEVîLLdU^E envers l'Homme f Opro^ fondeur des richeffes de la BONTE' DIVINE] Elle ne s'eft point bornée à SE manifcfter à l'Homme fur la Terre par les Traits les plus mu tipiiés, les plus divers , les plus touchans i Elle veut encore l'introduire un jour dans les Demeures Célcftes 8c l'abreuver au -Fleuve de délices. Il y a phifieurs demeures dms la Mai- fin de notre F ERE', fi cela n'étoit pas , SoN Envoyé nous Pauroit dit; Il y eft allé pour nous y préparer une place. ., , . . // en reviendra 5 & 710US prendra avec Lui , afin que nous fiyions oU Il fera oÀ // fet^a i non dans les Par vis ^ lion dans le San&uaire de la Création Univer- feile j mais , dans le Saint des Saints o4 il fen^. y où fera le Roi des Anges & des Hom?nes^ le Me'diateur de la nouvelle Alliance ; le Chef & le Consommateur delà foi , Celui qui nous a frayé le chemin nouveau qi/i mène à la Vie 3 qui nous a donné la liberp^d'. entrer dans / lilv PHILOS'OPH 7£ UE. Part XXH. ç 1 1 ^hfciir y mais alors nous verrons face à face^ ^notis comioitrons , en quelque forte, connue nous avons été connus. Enfin ; parce que nous aurons des ConnoiiTances incomparablement plus complètes & plus dirtindes de l'Ouvrage , nous en ac* querrons auili de beaucoup plus profondes des Perfections de ['Ouvrier. Et combien cette Science , la plus fublime , la plus vafte , la plus delirable de toutes ou plutôt la feule Science fe perfedionnera-t- elle fans ceife par un com- merce plus intime avec la Source e'ternlle de toute Perfedion ! je n'exprime point aifezi je ne fais que bégayer,* les termes me manquentj je voudrois emprunter la Langue des AngeS : s'il étoit poifîble qu'une Intelligence finie épui/àt jamais l'Univers , elle puiferoit encore d'E'ternité en E'ternité dans la Contemplation de fon Au- teur de nouveaux Tréfbrs de Vérités 5 & après mille myriades de Siècles con fumés dans cette Méditation , elle n'auroit qu'effleuré cette Science dont la plus élevée des Intelli- gences ne pofîede peut-être que les premiers Rudimens. Il n'y a de vraie Réalité que dans Cii.LUi QUI EST i Car tout ce qui eft, eft par LUI & exiftoit de toute E'ternité en lui avant que d être hors de LUI. ( 4 ) l\n'r ( 4 ) Cûiifultex le Chap. i de ia Fart. xvl. çiî P J L I :t^ G E' N E' s I :ê a qu'une feule Existence parce qu'il n'y a qu'un fenl Etre dont i'EssENCE foie â'exijîer & tout ce qui porte le nom impropre d'Etre étoit renfermé duns I'Existence ne'cessaire comme la conféquence dans fon principe. CHAPITRE V. Réflexions fur notre Faculté- d'aimer : fes ir.iperfé&ions aclttelles : :orriment elle fe perfe&iowiera dans ttn aiUrs féjour. \^i ^0;.iB lEN notre Faculté d'aimer ell-eîie adueU kmenc bornée, imparfaite , aveugle , groilié- rem.entintéreiiée î Combien toutes nos Aiîedions participent-elles à la Chair & au Sang / Combien notre Cœur eft-il étroit s combien a-t-il de peine à s'élargir & à embraifer la Totalité des Hom- mes î Combien , encore une fois , le phyfique de notre Conftitution s'oppoie-t-il à Tépure- ment & à l'exaltation de notre Faculté d'aimer/ Combiea PHÎLOSOrMIOïïE. Part XXIL fif Combien lui eft-il difficile de fe concentrer un f peu fortement dans TEtre SOUVERainemen'Ç AIMABLE ! Nos befoins toujours renaifans nous liens aux Objets qui peuvent les fatisfaire. Le cercle de nos Affedions ne s'étend guère au-delà de! ces Objets. Il femble qu'il ne nous refte poinc aflez de Capacité d'aimer pour aimei; encore ce qui ne fe rapporte pas d'une manière diredte à notre Individu. Notre Amour propre ne cher^ che que lui-même, ne voit & ne fcntqueluî* même dans tout ce qui l'environne. Il fe re^ produit dans tout ce qui le flatte, à il eft ra-f rement alfez élevé pour n'être fortem.ent tou^ ché que du plaiGr de faire des Heureux. Il y s, toujours je ne fais quoi de terreftre qui fe mêle à nos Sentimens les plus délicats 8c k nos adions les plus généreufes. Il faut toujours que les Ames les plus fenûbles , les plus nobles retiennent quelque chofe delà Partie matérielle de notre Etre. Et combien fur-tout tien re- tient point cette Paffion fi douce & Ci terrible dans fes effets , qui fait fentir fon pouvoir à tous les Individus , & fans laquelle i'Efpece ne feroit plus î Telle eil fiir la Terre notre Faculté d'ai- lome KVI. K k ^14 P A L ï N G £^ N JE" S I E ' mer: tdles font fes limites , fcs imperfedions J fes taches. Mais cette PuilTance excellente . cette PuilTance fi impulfivc , fi féconde en effets di- vers , Cl expanfible , embarrail'ée à préfent dans les liens de la chair en fera un jour dégagée ,• & CELUI QUI nous a faits pour L'aimer & pour aimer nos Semblables faura ennoblir , épurer, fublimifer tous nos defirs 8c faire con- verger toutes nos Affecftions vers la plus grande êi la plus noble En. Lorsque nous aurons été revêtus de ce Corps fpiritiieî & glorieux que la Foi efpere , notre Volonté perfectionnée dans le rapport à iiocre Connoiiïiince n'aura plus que des defirs aflbrtis à la haute élévation de notre nouvel Etre. Elle tendra fans celfe à tout bien , au vrai bien , au plus grand bien. Toutes fes dé- terminations auront un but & le meilleur but. [ I ] L'Ordre fera la règle immuable de fes defirs 5 & FAUTEUR de l'Ordre le Centre de toutes fes Aiicdions. Com.me elle fera fort ré- fléchie , parce que la Connoiifance fera fort diftindle & fort étendue , fes inclinations fe pro- portionneront conftanament à la Nature des ( I ) Voyez daiss le Chap. vi de la Part. XV le TablcRp i^ue je crayoniiois cie VJîowine montl. PHILOSOP HIQ^UE, V art. XXI L ^'îf Chofes & elle aimera dans un rapport diredl k la Pjrfedioii de chaqu'Etre. La ConnoiiTancs aifignera à chaqu'Etre fon jufte prix : elle dref- fera rE'cbelle cxade des valeurs relatives i & la Volonté éclairée par la Connoiirance ne fe mé-t prendra plus fur le prix des Çhofes & ne con^ fondra plus le bien apparent avec le bien réeU Dê'pouille's pour toujours de la Partie corruptible de notre Etre , revêtus de Hncor-^ ruptiiiblité , unis à la Lumière, [2] nos S en ^ ne dégraderont plus nos Affections j notre Ima- gina tion ne corrompra plus notre Cœur ^ les grandes & magniftijues images qu'elle liri offrira fans ceffe vivifieront & échaufferont tous fes Sentimens j notre Puiifance d'ain?er s'exaU tera & fe déploiera de plus en p^us , & I3 fphere de fon adivité s'o^randilfant à l'index fini embralfera les Intelligences de tous les Ordres & fe concentrera dvins I'Etre souve- BAiNEMENT BIENFAISANT. Notre bonheur s'accroîtra par le fentiment vif & pur du bon-- f" 2 ] DANS mon hypothefe, le Corps fpTritud dorît parle la Re've'lation fera formé d'une Matière femWable om Analogue à celle de l'Ether ou de la Lumière, Voyez en pai« ticirlier le .Cha]i. ii de h Fart, xvj. 51^ P yl L I N G F 2v^ i: S I Ê heur de nos Semblables Se de celui de tous les Etres fentans & de tous !es Etres inteîligens. Il recevra de plus grands accroilTemens encore par le fentiment délicieux & toujours préfent de l'approbation & de Tamour de celui qui fera tout en tous. Notre Cœur brûlera éternel- îement du beau Feu de la Charité , de cette Charité' Ce'leste , qui après avoir jeté fur la Terre quelques étincelles , éclatera de toutes parts dans le féjour de l'Innocence &; de la Paix. La Charité ne finira jamais» CHAPITRE VI. Remarques fur yiotrs Faculté d'agir : fes limitations a&uelles & ce qui en réfulte % fou ferfeBionnemeut dans l'Etat futur. JL; A force 5 comme la portée de nos Organes, cfl; ici bas très-limitée. Nous ne faurions les exercer pendant un tems un peu long fans éprou- ver bientôt ce fentiment incommode & pénible PHILOSOPHIUUE. Part. XXIL ^ 17 lu Nut. Part. V, 'Çhsp. V|. Anal, iibrég. YII, \nil . IX, X, XI, %, PHILOSOPHIUUE. Part XXIL ^zt nous donner que de très foibles images. PrécU renient parce que nous verrons les Chofes d'une manière incomparablement plus parfaite , nous les exprimerons auiîi d'une manière incompara- blement plus parfaite. Nous obfervons ici bas que la perfeclion des Langues correfpond à celle de rEfprit , & que plus l'Efprit connoît plus il exprime : nous obfervons encore que le Lan- gage perfedionne à fon tour la ConnoiiTance ; & la Langue favantc des Ciéometres , cette belle Langue où réfide à un fi haut point l^expref. lion fymholiqîie i peut nous aider à concevoir la poffibilité d'une Langue vraiment tiniverfelle que nous polféderons un jour & qui eft apparem- ment celle des Lntelligences Supérieures» Lb Corps animal renferme quantité de Cho- fes qui n'ont de rapports direds qu'à la con- fervation de l'Individu ou à celle de l'P^fpece, ' Le Corps ffiritiiel ne contiendra que des Chofes relatives à l'accroiiTement de notre perfedion intellectuelle & morale. Ll fera, en quelque forte, un Organe univerfelde Connoilfance & de Sen* timent. Il fera encore un Inftrument univer* fel au moyen duquel nous exécuterons une in- êni^é de Chofes dont i:ious ne faurions nous S22 PAL2NGFNFSIB faire à préfent que des idées très-vagues & trcs- confufes. ( J ) Si ce Corps animal &terrefi:re, que la mort détruit, renferme de G grandes beautés; fila moindre de fes parties peut confumer toute Fintelligence & toute la fagacité du plus habile Anatomifte 5 (4) quelles ne feront point les Beautés de ce Corps fpiritiiel & célefte qui fuccédera au Corps périlTable ! Quelle Anatomie que celle qui s'occupera de rE'conomie de ce Corps glorieux \ qui pénétrera la méchanique , le jeu & la fin de toutes fes Parties ,* qui fci- fira les rapports phyfiques de la nouvelle E'co- nomie avec l'ancienne , & les rapports bien plus nombreux & bien plus compliqués des nou- veaux Organes aux Objets de la V^ie à venir ! C 3 ) Voyez ce que j'ai bégayé fur la Souvsrame Terfec^ iton mixte dans le Chap. VU de la Part. Il de la Content]^, de la Nui. [ 4 ] Confultez ce que j'ai dit de l'excellence de; Ma- cliines organiques , fart. IX , Chap. I. Confnîtez encore ce que j'ai expofé fur l'Animal , Part. XII , Chap. I , & fur ï'impyfccïion de notre Anatomie actuelle , Chap. IV. PlîILOSOPHIOUE. Pan. XXII. ?j} CHAPITRE VII. T)ëgrés de perfe&ion on de gloire qui dijîlngue^ vont les hidividiis de l'Humanité dans VKtdit futur , Ff? qui correfpondront aux degrés de perfei'^ioji qu'ils auront acquis fur la Terre, Progrès de tov.s ces Individus vers une plks haute perfe&ion. I I y a fur la Terre parmi les Hommes une diveruté prefqu'infinie de dons , de talens , de coiinoiirances , d'inclinations, &c. L'Echelle de FHumanité s'élève par une fuite innombrable ArE'chelons de l'Homme brut] à l'Homme peiî- fant. ( I ) Cette progreilion continuera , lans doute , dans la Vie à venir Se y confervera les mêmes rapports efTentiels ,• je veux dire , que les progrès que nous aurons faits ici bas dans la connoiflance & dans la vertu détermineiont le point d'où nous commencerons à partir dans ( I ) Voyez ce que j'ai dit des Grc.datîor.s de VIlLmanité ûmis le CIup. X de la Part. IV de la Cont. de lu 2{cUuvc. 5^4 PALINGE'NE'SIE l'autre Vie ou la place que nous y occuperons* Quel puiiîant motif pour nous exciter à accroî- tre fans ceft notre connoifTance & notre vertu î Tous les momens de notre exiftence indi- viduelle font indiifolublement lies les uns aux autres. Nous ne paifons point d'un état à un autre état fans une raifon fuffifante. Il n'y a jamais de faut proprement dit. L'état fubféquent a toujours fa raifon fuffifante dans l'état qui l'a précédé immédiatement. ( 2 ) La mort n'efl: point une lacune dans cette Chaîne ; elle cft le chaînon qui lie les deux Vies ou les deux Parties de la Chaîne. Le jugement que le Sou- verain Juge portera de nous aura fon fon- dement dans le degré de perfcdion intellec-i tuelle & morale que nous aurons acquis fur la Terre ou ce qui revient au même , dans l'em- ploi que nous aurons fu faire de nos Facultés & des Talens qui rions auront été confiés, A ce- lui à qui il aura heav.coup été donné ^ il fera heau- coup redemandé , ^ on donnera h celui qui aura. Ce qui eft, eft : la Volonté' DîviNE ne change point la Nature des Cliofes , ♦Se dans le Piait [ .t ] Je dois renvoyer ici mon Ledeiu* an Chap. I de h Part. XIV , & k pri^i [de inc'.Utci un peu fur^^cet cairoit xie rOuvrage. ' PH1L0S:0P}II!IUF, Part XXIî, Ç2î qu'ELLE a réalifé le vice ne pouvoit obtenir les avantages de la vertu. ( 3 ) Il fuit donc de ces principes que la Raifon fe forme à elle-même, que le degré de perfec- tion acquife déterminera dans la Vie à venir le degré de bonheur ou de gloire dont jouira chaque Individu. La RÉVÉLATION donne en- core fa fandlion à ces principes iî philofophi- ques. Elle établit expreflement cette Echelle de bonheur ou de gloire que la Philofophie ne le lafTe point de contempler. Il y a des Corps ce- Uftes £5? des Corps terrefires -, mais il y a de la dijjerence entre l éclat des Corps célejîes ^ celui des Corps terrefires : autre efi Péclat du Soleil , antre celui de la Luns & autre celui des Etoiles : r éclat mèine d'une Étoile eft dijjérent de l'éclat d'une autre Étoile . Il en ftra de même à la Ré- furreclion. [ 4 ] Et fi Ton vou!oit que ces paroles remarquables ne fufTent pas fufccptibles de l'in- ' rerprétation que je leur donne, cette Déclara- [ 3 ] Voyez la Fart. VÎII où ceci cît plus développé. [ 4 ] Je Tais que quelques Commentateurs donnent à ce pî^îTage un fens plus direct & plus littéral ; on ne prendra donc , fi Ton veut , mon- interprétation que comme un.c ap- plication indireéte & qui a fou fondement dans d'autres paf- fcï«S des E'CJSLITURES. tion fi formelle & fi répétée des E'criturES à (pie Dieu rendra h chacun félon fes Oeuvres y. ne fuffiroit - elle pas pour prouver que les degrés du bonheur à venir Jeront auffi variés que l'au- ront été les degrés de la vertu ? Ôr , combien les degrés delà vertu diiierent-ils fur la Terre.' Combien la vertu du même Individu s'accroît- elle par de nouveaux efforts ou par des ades réitérés fréquemment/ La vertu eft une habi- tude : elle eft Thabitude au bien. Il y aura donc un Fiux perpétuel de tous les Individus de FHuraanité vers une plus grande perfeciion ou un plus grand bonheur , car un degré de perfeclbn acquis concfuira par lui- même à un autre degré. Et parce que la àx^- tince du Créé a riNCRÉÉ, du Fini à FInfinî eft infinie, ils tendront continuellement vers la Suprême perfection fans jamais y at- teindre. ( Î27 5 CONCLU SÏOH TOUT L'OUVRAGE. o QUE la Contemplation de ce magnifique, de cet iinmenfe, de ce ravilTant Système de BiENVEUTLLANCE QUI cmbralTe tout ce qui penfe, fent ou refpire eft propre à élever, à agrandir notre Ame , à balancer , à adoucir toutes les épreuves de cette Vie ni«)^t°lle , à foutenir ;à aug- menter notre patience , notre réiignation , notre courage , à nourrir , à exaiter tous nos fentimens de reconnoiiiiince ^ d'amour , de vénération pour cette Bonté adorable c^yr nous a ouvert par Son Envoyé les portes de cette E'ternité heureufe, le grand, le perpétuel Objet de i;os defifs & pour laquelle nous fommes faits. Déjà ELLE nous met en poiTeffion de ce Royaume qiCuLh^ nous avait préparé avant la fondation des Siècles déjà ELLE place fur notre Tète la Couronne immarcefcib'e de Gloire .... déjà nous fmnmes ajjis dans les lieux célejles .1 I ^ le Sépulcre a rendu fa Proie la Mort efi engloutie pour toujours .... Pincorruptihle a fuc- cédé au corruptihk , le Jpirituel à l'animal:, le glo- rieux à tabjeB , ... les plus longues révolutions des Aftres entaffées les unes fur les autres ne peu- vent p!us mefurcr notre durée.. .. il n'ett plus de Tems . .• . l'E'ternité commence & avec elle une Félicité qui ne doit point finir, mais qui doit toujours accroître Tranfportés de joie , de gratitude Se d'admiration nous nous profternons au pied du Trône de notre Bien- faiteur nous nous écrions notre Ps-. BE / notre Père / . . ... nous. .... SAISISSEZ LA VIE FTERNËLLE. A Gentliodprès de Génère , le 17 de Mai 1769. F I A^. TABLE ( 529 ) «e— ' " — — — — a: ^ OB JL K' PALINGE'xNE SI E PHILOSOPHIQUE. DOUZIEME PARTIE. Imperfecflion & bornes naturelles de nos Con« noiflances. Chap. I. Ce qu'ejl un Animal aux yeux de VAu^ teur. Réflexions à ce fujet. Page. I IL Confidérations générales fur rimperfeBim des Connoijfances humnines. Réflexions au fujét de nos Bibliothèques '^ de nos Encyclopédies. S III. Divers traits de PimperfeBion de nos Con- noijfances. Les Forces: les Élémem , ^c. 8 IV. Autres traits de timperfe^ion de nos Con- noijfances. Les mixtes que le Chymîfte tente de décompofer : leS recherches du Phyficien fur la Lumière, PAir, PEau, &c. tAnatomis des Fiantes & des Animaux, îO V. Autre trait fuir le même fujet : t Union de PAme ET du Corps. I^ VI. ImperfeBion de nos Connoiffmces fur la Jlruc^ ture ^ les révolutions de notre Glohe. i8 VII. Imperfe'Bîon dé nos connoiffances fur le Monde mi crofco pique. ^^ VIII. Conféquence gé?iérale : que la Terre 71 a pas été faite principalement pour l'Homme. 2^ Tome XVL L ^ 530 TABLE TREIZIEME PARTIE. Suite du même fujet. Chap. I. Réfexions fur ce que PEfprit humain peut ou ne peut pas en matière de découvertes. Page. 30 II. Autre exemple de V imperfection de nos Con- noijfances : la vraie nature de l^Ètendue maté- rielle. 33 lïl. Autres exemples de Pimperfe&ion de nos Con- noiffancesi les Particules élémentaires des Corn- pofés , '&C, 3^ IV. Bornes naturelles ajjignées à notre Vacuité de connoitre Es? q^ti réfultent de notre Conf- titution phyfique. 39 V. Imperfe&ion de nos Connoijfancesjur le Monde îuoral: exemple pris de P Hiftoire moderne, 41 VI. Conféqueuce : que P Homme n^apperçoit que les dehors du Monde moral, 47 Vil. Notions générales de Cofmologie, Ce que feroit la fcience parfaite. 49 VllI. Vraie dejlination de P Homme fur la Terre: appropriation de fis Facultés à fon état pré" fin t. 55 QUATORZIEME PARTIE. Principes & conjedures fur la liaifon & la . nature des de.yx économies chez les Animaux. X DES CHAPITRES. 53î Chap. 1. Notions préliminaires fur la Uàifon lies deux Économies chez les Animaux. Page. 6z II. Remarques pfychologiques fur la Perfonnilité.66 III. Conje&ures fur P accroiffement de lindujine des Animaux dans l'Économie future. Sources de Ia perfe&ion de l'Animal. 68 IV. Continuation du même fujet. Comment le naturel de l Animal pourra être changé dans VE^c nomie future, 73 V. Penfees fur l'Ame des Bétes & fur le Ma^ Sériuliftne. 7^ QUINZIEME PARTIE. EfTai d'application de Tirritabilité aux Polypes^ &c. Nouveaux Etres microfcopiques, Dii Droit de l'Homme fur les Aniniaux. L Difficulté d'expliquer les phénomènes du Fô^ type. Réflexions fur les tentatives de l'Auteut à ce fujet. 83 II. Explication des phénomènes du Polype pay" la feule Irritabilité. Réflexions fur la Vitalité. 8? IlL Réflexions fur le Monde microfcopique. 94 IV. Nouveaux Etres microfcopiques. Les Tubi- formes , les Tscnia , les Navettes. 97 V. Penfées au fujet des Etres microfcopiques. io^i VI. Le Droit de la Nature. V Homme moral. I \ 2 Vil, Suite du même fujet. Du Droit ds l'Homme Jur les AnimauXé I3g L 1 à ^3Z TABLE SEIZIEME PARTIE. Idées fur l'E'tac futur de l'Homme. Chap. I, Principes préliminaires fur la nature dé f Homme, Page. 124 Il Coufidérations fur le Siège phyfique de la Ferfonnalité & fur les Orga?ies du Sentiment* Conféquence géjiérale. 134 III. De la qusjlion fi l'Homme peut s'affurer par les feules Lumières de fa Raifon de la certi^ ttide d'un E'tat futur, 144 ÎV. Continuation du 7nême fujet. Réflexions fur les homes naturelles de notre Connoijfance re- lativemenî à l'État futur de l'Homme, 152 DIX -SEPTIEME PARTIE. Suite de Idées fur PE'tat futur de THommc. Recherches fur le Christianisme. Les Miracles. L întroduBion aux Recherches fur U CHRIS- TIANISME. 157 IL DIEU CRE'ATEUR ET LE'GISLATEUR. Preuves de l'Exijîence de cet ETRE SU* FRtME. J60 III. Satte du même fujet. Ordre de la Nature & fes Loix. Les ATTRIBUTS de la CAUSE FRtMIERE. , 178 IV. L'dînour du bonheur , fondemeyit des Lcix DES CHAPITRES. sn naturelles de rHomme. Conféquence en faveur de la perfe&ion du fyfléme moral. Les Loioc de la Nature, Langage du LE'GISLATEUR. Page. 187 Chap. V. Les Miracles : idées fur leur nature. 194 VI. Co7ttinuation du même fujet. Deux Syjîêmes fojjihles des Loix de la Nature. Cara&eres & but des Miracles. 209 DIX-HUITIEME PARTIE. Suite des idées fur PE'tat futur de l'Homme, Continuation des Recherches fur le Christia- rnSME. Le TÉMOIGNAGE. I. Nature ^ fondemens du Témoignage. Vor- dre moral. 2 2 5" II. De la crédibilité du Témoignage : fes condi- tions effentieUes : Application aux Témoins de P F VAN G ILE. 235 III. ObjeBhns contre le Témoignage , tirées de toppojïtion des Miracles avec le Cours de la Nature ou du confliB entre l'Expérience & les Témoignages rendus aux Faits miraculeux. Ré- ponfes. 2^8 IV. Suite des ohje&ions contre la preuve tejlimo^ niale relativement aux Faits miraculeux. Eé- ponfes. Çonfidérations générales fur l'Ordre Ll 3 Î34 TABLE phyfique ^ fur P Ordre moral. Page. 244. Chap. V. iS'i/ ejî frohahie que les Témoins de Pt'VANGILE ont été trompeurs ou trompés. 2 0 VI. Autres ohje&tons contre le Témoignage , ti- rées de /'Idéalirme ^ des illufions des Sens. Réponfes, 2Sf VIL (jppofition de P Expérience avec elle - même : nouvelle obje&ion contre la preuve teftimoniale. Réponfe. 260 VIÎI. Réflexions fur la certitude morale. ^6& IX. Confidérations particulières fur les Miracles ^ fur les circonjîances qui dévoient les ac- compagner & les cara&érifer. 26^ X. Doute fingulier : Examen de ce doute. 274 XL Autres doutes, L^ Amour du merveilleux: les faux Miracles : les Martyrs de l'erreur ou de r opinion. Réflexions fur tout cela. 278 XÎL Aveux des Adverfiires. 288 DIX - NEUVIEME PARTIE. Suite des idées fur l'E'tat futur de l'Homme. Continuation des Recherches fur le Christia-- NisMg. La Dépofition écrite. J. Cara&ere de la Dépofition écrite & celui des Témoins. 29 1 ÎI. Réjiexion fur la Dépofition des Témoins : moh DES CHAPITRES. fSi? 7tiere dofjt elle efi circofifiandée. Si ele a étl formellement contredite par des DépofitiQns de même force ^ du même tems. Page. 2$6 Chap III. Ls Baiteùx de naijfance» 300 W. SAINF^PAUL 30T V. V Aveugle né. 3 H VI. La Réfurre&ion du FONDATEUR, ^l6 VII. Conféquences du Fait. Remarques : ohje&ioMS. Réponfes. ^26 VI IL Oppojitions entre les Fie ces de la Dépnfi. tioyi. Réflexions fur ce fît jet. 33t VINGTIEME PARTIE. Suite des idées fuu TE'tat futur de THomme. Continuation des recherches fur le Christia- nisme. L'authenticité de la Dépofition. Les Prophéties. vv L L'Authenticité de la Dépofition écrite. 340 IL Si la Dépofition écrite a été altérée dans fes Parties effentielles ou fuppofée. 3T7 IIL Les V'dYia.ntes:folution de quelques difficultés qu'elles font naître. 3^1 IV. La vérité de la Dépofition écrite, 3^9 V. Les Prophéties. 371 VINGT -UNIEME PARTIE. Suite des idées fur rÉ'tat futur de PHomme. f3« TABLE Fin des Recherches fur le Christianisme. La Dodrine. Les Succès du Témoignage. Chap L LaDo&rine du FONDATEUR. Pag. 38f IL Continuation du même fujet. Obje&ioH. Ré- ponfe. 393 IIL La Do&rine des premiers Difcipks du FOM-^ DATEUR, Parallèle de ces Difcipks & des Sages du Paganifme, 40^ IV. VEglife primitive : fes principes : fes mmtrs* Aveux tacites ou exprès des Adverfaires, 41 Z V. Les fuccès du Témoignage, Remarques fur les Martyrs, 420 VL Continuation du même fujet, Foihlejfe ap^ parente des Caufes : grandeur , rapidité , durée de PEffet. Ohflacles à vaincre : moyens qui en triomphent. Voies de la PROVIDENCE dans N^ahlijfement du CHRISTIANISME. 42 Ç VII. Diffcultés générales. Qjté la Lumière de rÈVANGlLE ne s'ejl point autant répandue que la grandeur de Ja Fin paroiffoit l'exiger, ^c. Qiie la plupart des Chrétiens font peu de progrès dans la vertu, Réponfes. 438 VIIL Autre difficulté générale : que les preuves du CHRISTIANISME m font pas afj'ez n la portée de tous les Hommes, Réponfe. Précis des raifonnemens de P Auteur fur les Mira- (les ^ fur le Témoignage, 44.6^ DES CHAPITRES. T37 Chap. IX. Autre difficulté gémrale tirée de la Liberté humaine. Rép&nfe, Page. 460 X. Suite des difficultés générales. Que la Dodride Evangélique ne paroit pas favorable au Fa^ triotifme. Qu'elle a produit de grands maux: fur la Ten-e, Réponfes, 4^3 XL Fin des difficultés générales. Vobfcurité des Dogt?ies & leur oppofition apparente avec la Raijon. Réponfe. 47^ XII. Co7îfîdérations générales fur la liaifon ^ fur la nature des preuves. Conclufton des re^ cherches fur le CHRISTIANISME, 474 VINGT - DEUXIEME PARTIE. Fin des idées fur l'Etat futur de PHomme. Légères conjedures fur les Biens à venir, I. Accord des idées de l'Auteur fur la Rejîitu^ tion future de P Homme avec les déclarations les plus expreffes de la RÉVÉLATION. Réjle^ xrons à ce fujet. 48 1 IL Confiderations fur les Facultés de l'Homms envifagées dans le rapport a fon E'tat futur» Moyens par lefqueU ces Facultés pourront ft perfeBionner à f indéfini, 495 111. Perfe&ionnement que la faculté de connoHre pourra recevoir dans l' E'tat futur de l'Homme pAr mis VHS plus parfaire S? plus étendue des Î38 TABLÉ Mondes Planétaires, E'nchalnement ^ variétés de tous ces Mondes, Page. 5 01 Chap.IV. Excellence & fuhiimité des Connoif- fances que P Homme acquerra dans fin E'tat futur par la contemplation des Merveilles de la €ité de DIEU. <)06 V. Réflexions fur notre faculté d'aimer : fes im^ perfe&ions a&ueUes : comment eUe fe perfe&ion* nera dans un autre féjour. 51^ V;L Remm-ques fur notre Faculté d'agir : fes limitations a&uelleS & ce qui en réfulte : fon perfe&ionnement dans Pt'tat futur, ^i^ VIL Degrés de perfe&ion ou de gloire qui dif tingueront les Individus de l'Humanité dans PE'tat futur , ^ qui correfpondront aux de- grés de perfe&ion qu'ils auront acquis fur la Terre, Frogrés de tous ces Individus vers une plus haute perfe&ion. 523 Conclufion de tout l'Ouvrage, p7 Fin de la Table du Tome XVI ERRA TA. Page 4 : lig. 4. qu''il', Kfez qu'elle. Ibid : lig. 23. s'il; lif. fi elle. 9 : lig. I , doutouxi lif. douteux. I ç : lig. Ç , w i lif. les. 17 : lig. li, go«^e ^a/;>f; lif. goûte, palpé. go : lig. 2 , de l'intitulation : peut en 5 lif. peut pas en. 39 : lig.- 4, (/wi lif. qui. f ç : lig. dernière que nous ; lif. Ce que nous. 56 : lig. % ^ esi, lif. les. Ibid : lig. 17 , le i lif. les. 6ç : lig. 14, rfo«c qi^ils', lif. donc tels qu'ils. 87': lig. Il, qiiile-, lif. qu'ils. 107 : lig. 8, de la Note: dan; lif. dam. 109 : lig. 22 , /»om-j lif. par, 1 1 6 : lig. ç des la ; de la. 148 : lig. 20, dépendant; lif. de'pendent. 149 : lig. Il, encourt; lif. concourt. 152 : lig. 10 , J; lif. Je- 159 : lig. pénultième & dernière; découent ; lif. découleîii- 174 : lig. 3 , de la Notej paopre; lif. propre. 196 : lig. 2, fera; lif. fera. 196 : lig. 4, oferois-:\\L oferois-je. 197 : lig. 4, de !a Noter/eroîY; lif. feroit. Ibid : lig. ç , icu; lif. un 5123 : lig. 4 , de la Note: VHumme: lif. l'Homme. 258 : lig. 16 Ob Gts; lif. Objets. ilS9 : lig. 2 , commu; lif. commun. Ibid : hg. 4 ; EuUs; lif. faits. 261 : lig. 7 , dans tous dans tous; effacez un dans tous, 370 : li^-. 6 , tes; iif. les. 272 : li":- 12. devroicnt; lif. dévoient. 273 • lig. 21 de la Kote: es; lif. les. S74 : lig. dernière, de la Note Taalifme ; lif. Fataiifme. 288 : lig. 17; Témons; lif. Témoins. 301 : ii/. 9, vou ; lif. vo'is 305 : lig. il, rl^ w; lif. de moi de. ac. 307 314 31$ 316 327 372 373 37$ 376 384 .393 396 401 402 (404 406 407 413 427 432 434 443 46 ç 470 îbid. 478 4S6 496 iig. dernière XFFI -, lif. Lxxvr. !'§• 9% pourra '■, lit. pourrais lig. aï, retranchez Homme 8c lif. tnéchint Homme lig. 7 , rpliquej lif réplique, lig. 4, liefpo/itîon; lif. dépofition lig. 17, /ewr; lif. leur, lig. 19, Guéri-', lif. guérifon. lig. 2, éclarnta', lif. éclatante, lig. Ig. atirrât, lif. attirât, lig. 7 , le-, lif- les. lig. s , de la Note : CriSCTi'; lif. Cyrus. lig. 2 , retranchez un ^. lig. 16 , 17: « lafpirhualitéiXK. & à la fpiritualité . lig. au renvois ( 2 ) lif. (3 ) lig. ç , enfigneroit ; lif. enfeigneroît. lig. 6, de la Note: incorruptible; lif< incorruptible, lig. pénultième de la Note , émue ; lif. ému lig. pénultième de la Note : Babylonne } lif, Babylone. lig. 1 ç , de la Note : qu'ils ; lif. qu'il lig. 4 , de la Note viellejfe j lif. vieillefTe. lig. 7 & 8 , /« effacez un de ces mots lig. 8 ■> toutes î lif. toutes lig. pénultième de la Note : a ; lif. la lig. s , Ses; lif. ces lig. 12, Etait -ce une bien lif. Etoit- ce bien une. lig. 2 , vie lif. vie. lig. 4, de la Note 10 : eîle-ini'.ns y lif. elle-mêms, lig. 3 , hir lif. fur. lig. 1 8 de la Note ceux : lif. ceux, lig. I , rslatîvea lif. relative-*. m ïï .VfJ