. ( 2 ) Le Chapitre de la Palingénqjtc auquel je ren*' voie ici , eft le Chapitre XL des Recherchts fur k^ Preuves du Chriflianifme , de l'E'dition réparée,,pw, bllée à Genève en 1771» xvj AVERTISSEMENT. lifme & fur le 31atérialifme aux Articles XIII, XVIII , XIX de VAndyfe abrégée. Je ne préfunie pas, qu'après m'ètre expliqué fur ces matières aufîî nettement que je l'ai fait dans les E'crits que je viens de citer , il puiffe refter aucun doute raifonnable fur ma ma- nière de penfer à cet égard; & pourroit- on oublier que l'Auteur de la Pfychohgie eft auffi celui des Recherches fur les Preu- ves du Chrijlianifme ! Au refte ; ceux de mes Lecteurs qui auront comparé la Pfychologie avec les autres E'crits que j'ai publiés depuis en divers tems , auront facilement reconnu qu'elle contient les germes , à la vérité affez informes , de prefque toutes les idées fur Dieu , fur l'Univers & fur l'Homme , que j'ai développées , redifiées ou perfedionnées dans ces Écrits. Ils y auront encore apper- çu à peu près la même conformité dans le ftyle que dans les idées; & <^'a-été" cette forte de conformité qui a le plus contribué A PERTISSEMENT. xvij à déceler k Main dont partoit l'Ouvrage anonyme. Je n'ajoute plus qu'un mot fur la FfycbO" logie : je l'ai placée dans la CoUedion de mes Oeuvres philofophiques à la fuite de VEjfai analytique Se de la Palingénéfie , parce que j'ai cru qu'elle gagneroit à être relue après ces deux Écrits , qui contiennent d'ail- leurs tous les éclairciffemens & les cor- reftifs dont elle avoic befoin. Javois depuis plufieurs années dans mon Porte -feuille divers petits Écrits de Pliilo- fophie rationnelle que je n'avois jamais pu- bliés, & que l'impreffion générale de mes Oeuvres m'a appelle naturellement à revoir , à finir ou à perfecSionner. (*) Entre ces E'crits le plus eiïentiel eft celui que j'ai intitulé tHl^ LALETHE^ & où je recherche en Scepti- que raifonnable s'il eft en Philofophie quel- ques Vérités qu'un Efprit fage foit dans l'obligation de reconnoître & qui puiffent fervir de fondement à une Morale philofo- (*) Ces Ecrits font rafTcmblés dans le tom. XVIII. de cet u'it. Tome Xyil. b xyiij AFERTISSEMENT, phique. Je n*ai donc admis ici que ce que j'ai pu déduire immédiatement du Sentiment intime ou de l'Expérience, & que je ne pouvois par conféquent rejeter fans cho- quer diredement la Raifon ou le Sens com- mun. Et comme la méthode dont je faifois l'effai exigeoit que je n'allaffe à la Vérité que par la route du doute philofophique , il étoit bien dans l'efprit de cette méthode de ne prononcer point fur quelques Opi- nions célèbres , dont la fauffeté pouvoit ne paroître pas affez démontrée à un Sceptique un peu rigoureux. Je ne devois donc pas m'arrêter à combattre ces Opinions ; mais je devois tâcher de rendre mes raifonne- mens auffi indépendans de ces Opinions qu'il ctoit poffible, & n'envii^îger chaque Sujet •que dans le rapport aux principes dont je par- tois & au but particulier que je me propofois. M. Henri Meuron, Profeffeur de Bel- les-Lettres à Neuchatel & proche Parent de M. D. Meukon dont j ai parlé dans AFERTISSEMENT. xix tna Préface générale , recevra ici un témoi- gnage public de ma reconnoiffance de l'at- tention foutenue , de l'exaftitude 8c du zèle qu'il n'a ceffe d'apporter à la revifion des épreuves des deux E'ditions de mes Oeuvres. Si la vigilance du Libraire & le travail des Imprimeurs avoient mieux répondu à fes foins , je n'aurois pas à me plaindre de l'am- pleur des Errata de la petite E'dition ni de quelques autres négligences typographiques qui la déparent. Heureufement que la grande E'dition ne donne pas lieu aux mêmes re- proches & qu'elle a été à tous égards beau- coup plus foignée. J'ai fort à me féliciter d'avoir eu pour principal Revifeur un Profef- feur auffi recommandable par les qualités de fon çœûr que par fes lumières, & qui n'ayant pas moins cultivé la Philofophie que les Belles-Lettres , n'en a été que plus en état de faifir bien ma penfée & de préfider avec autant d'intelligence que d'affiduité à l'impreffion de mes E'crits. II ne falloit pas moins afîurément que fes fentimens pour b ij y V XX AVERTISSEMENT, l'Auteur , joints au defir de fervir utilement & les Soufcrivans & le Public, pour le fou- tenir dans une tâche de fi longue haleine & lui en faire fupporter les ennuis. L'Auteur a bien eu auflî fes ennuis & fes peines ; mais il s'en croira fort dédommagé , fi le nouveau travail auquel il s'eft livré pour le perfectionnement de fes Oeuvres les rend plus dignes de l'ap- probation de fes Juges. A Genthodj le i de Mai 1783. k ^^ utn m'm tan ^f f MES A M ï S. . RjElCJELVJËtZ ^ wes" chers Amis, cette légère marque de ma reconnoiffance & de mon dévouement. Fous m'avez aidé à cultiver ma Raifon ; je vous en devois b iij sxlj D E» D I C A CE, les Fruits. Puip ^ je rejferrer de plus en plus lès nœuds d'une amitié qui contribué tant au bonheur de ma vie! J? 7R JS JT -A C JET- C Et Eflai, compofé depuis plufieurS an- nées , ni'ayant paru du goût de ceux qui fe plaifent à réfléchir fur la nature de notre Etre , je me fuis déterminé à le rendre public. Les Matières que j'y ai fait entrer font intéreflantes par elles-mêmes; j'ai tâché qu'elles le fuflent encore par la manière dont elles font expoiées. Mais combien de Livres n'a -t- on pas écrit fur ces Matières! 11 femble que tout ait été dit On ne peut plus que donner aux Chofes un tour nouveau ; Se ce fera , fi Ton veut , tout ce que j'ai fait. J'ai peu lu ; j'ai plus médité. En fliit de Métaphyfique & de Morale la médita- tion eft fouvent plus utile que la lecture; elle met dans les idées plus de liaifon , plus d'harmonie, plus d'intérêt, plus de netteté. C'eft au-dedans de ioi-méme qu'il b iv xxiv P R E' F A C E. faut lire; c'eft là que font les précieux matériaux qu'il s'agit de mettre en œuvre. La méditation eft TArchitefte qui fe faifit de ces matériaux, qui leur donne une forme & ua arrangement. J'ai pofé les principes qui m'ont paru les plus vrais : je ne me fuis pas effrayé des conféquences. Ceux qui ne jugent des Chofes que par les idées communément reçues , trouveront mon Livre dangereux Se contraire aux Vérités révélées. Ils me foupçonneront de rejeter intérieurement ces Vérités , & peut-être ne fe borneront-ils pas au fimple foupçon. Je ne puis empê- cher ces jugemens , parce que je ne puis empêcher que le préjugé n'aille fon train : un Enfant ne paffe pas tout d'un coup à l'état d'un Homme fait. Je déclare néan- moins à tous les Ledeurs de cet ordre, dont je refpeâe le zèle pour la Religion, que je fais profeffion d'être Chrétien , & que j'afpire , comme eux , à cette immor- talité glorieufe que le Sauveur du Monde a mife en évidence. Je les prie de me par- donner fi j'ofe foutenir que mes idées peu- P R F F A C E. XXV vent facilement fe concilier avec les prin- cipes de la Révélation , Se qu'elles n'oiit avec ces principes qu'une oppofition ap» parente. Je le répète donc, & puis-je affez le répéter ? je fuis infiniment éloigné de cher- cher à ébranler les Fondemens de la Rêve'- LATioN. Je les crois au deflus de toute atteinte. Depuis tant de Siècles que l'Incré- dulité bat contre ce Rocher, je ne vois pas qu'elle ait produit autre chofe que de l'écume. Mon but eft , au contraire , de rendre la Re've'lation plus chère à ces Ames fortes , qui peuvent la contempler d'un œil philofophique & en embraffer le Plan. On rend un fort mauvais fervice à la Religion quand on k tourne contre la Philofophie. Elles font faites pour s'unir. C'eft contre la Théologie que la Religion doit combattre , & alors chaque combat que livrera la Reli©ion fera une victoire. Le Chriftianifme ne confifte pas dans :â(xv5 PREFACE. les idées que nous nous formons de U Liberté , mais dans le bon ufage que nous faifons de cette Liberté. Il importe fort peu à la Religion qu'il y ait des cmtingens ou que tout foit néceffaire. Les rapports qui dérivent effentiellement de la Nature des Chofes n'en fubfiftent pas moins ; les Loix qui font l'effet de ces rapports n'en font pas moins des Loix. La Vertu n'en eft pas moins fource de bien , lè vice foûrce de mal. Ce font ces rapports auxquels I'Évan- GiLE a voulu nous rappeller. La raifon les appercevoit: mais, expofée aux affauts de la paflîon & aux atteintes de l'intérêt & du préjugé , il lui falloit pour la conduire fùrement au bonheur des motifs plus puif- fans que ceux qui fe tirent de la cdnlidé- ration de ces rapports. L'Évangile les fournit ces motifs. Il annonce des récom- penfes & des peines. Il parle au Sage par la voix de la Sagdfe , au Peuple par celle du Sentiment & de l'Autorité. Les Ames grandes & généreufes peuvent fe conformer a rOrdre par amour pour l'Ordre. Les P R E' F A C E. xxvi) Ames d'une moins forte trempe peuvent être dirigées au même but par Tefpoir de la récompenfe ou par la crainte de la peine. Il eft vrai que dans le Syftême philo- fophique ces récompenfes Se ces peine^ ne font que des effets naturels de Tob- fervation ou de l'inobfervation de l'Or, dre. La Sanffion de la Loi eft naturelle & ne fuppofe rien d'arbitraire: mais quel tort cela fait-il à la Religion ? quel pré- judice cela apporte-t-il à la pratique ? Le Syfténie philo lophique n'admet-il pas au fcns le plus étroit que chacun recevra félon fes œuvres? Mais, dira -t- on, dans ce Syftême la vertu eft fans mérite: j'en conviens. Elle n'eft qu'heureufe & elle l'eft néccffairement. Un bonheur qui ne procède pas eOTentiel- lement de notre fait en eft -il moins un bonheur? ce bonheur en eft-il moins fenti? Allons plus loin: dans le Syftéme vul- gaire la vertu a-t-elle quelque m.érite qui ne dépende point des Cauies extérieures. xxvii) P R F F A C E. ou des cîrconftances danslefquelles THomme fe trouve placé ? Les Partifans de ce Syftême . ne difent-ils pas tous les jours ; la vertu eft un don de Dieu , un effet de la Grâces nous ne pouvons rien par nous-mêmes ? A quoi donc fe réduit ici le fait de l'Homme ? je fupplie qu'on y fafTe attention : ces ex- preflîons de Don^ de Grâce , de Pouvoir reçu n'acquièrent de l'exaditude que dans le Syftême philofophique. J'avoue de bonne foi qu'on a beaucoup de peine à fe familiarifer avec ce Syftême &: à le bien faifîr dans toutes fes parties. J'ai été autant que perfonne dans le cas de l'éprouver. Je ne me rappelle point fans un fecret plaifir les embarras & les diffi- cultés que j'éprouvois lorfque je commen- çois à bégayer cette Langue. Je fuis enfeî- venu à la parler , Se j'en admire l'énergie. Si quelqu'un m'objeftoit que cette Langue fe rapproche beaucoup de celle des Stoïciens ; ft l'on me reprochoit d'ad- mettre, comme eux, un DeJIin inévitable^ voici quelle feroit ma réponfe : les Def- P R E' F A C E: xxix tînées des Hommes ont été réglées de toute éternité ; mais c'efl: par I'Etre qui d'éter- nité en éternité eft le Sage & le Puissant. Vous vous trompez fi vous penfez que le Chriftianifme confifte dans quel- que idée de fpéculation ou dans quel- que notion particulière lur la Perfonne de Je'sus - Christ , fur la Grâce, la Pré- deftination , le Libre arbitre : ne voyez- vous pas que ce ne font là que difputes de mots , livrées de Partis , caraderes de Seftes. Vous êtes appelle à agir : agit fez donc ; agiflez, vous dis-je : devenez ver- tueux : foyez religieux , jufte , tempérant : devenez Epoux , Père , Ami , Citoyen , Homme. Vous ferez tout cela fi vous êtes Chrétiep : vous ferez Chrétien fi vous pra* tiquez les maximes évangéliques. Retenez ceci : tout Dogme qui n'éft pas 'lié à la Pratique n'eft point un Dogme. Dieu n'eft point l'Objet dired de la Reli- gion ; c'eft l'Homme. L'Etre essentiel- lement HEUREUX trouveroit-iL sa félicité hors de soi ? V Homme mortel apporterait' il quelque profit au Dieu fort ? La Reli- XXX P R F F A C E. eiQN a été donnée à l'Homme pour (on bonheur: mais ce bonheur eft étroitement uni: à la Pratique de fes Devoirs envers Dieu, envers lui-même, envers les au- tres Hommes. Ces Devoirs dérivent eflenti- ellement de la nature de l'Homme : ils font des Loix, parce qu'ils font l'effet né- ceffaire des rappports qu'il a avec différens Etres. La Raifon connoît ces Loix 8c les approuve. Leur obfervation la perfectionne, Téleve , l'ennoblit , Toutes les Facultés de l'Homme ont pour dernière fin la So- ciété ; elle eft l'E'tat le plus parfait de l'Homme. La Religion fe rapporte donc en dernier reffort à la Société , comme le moyen à fa fin. Des Hommes , qui fe- roient fâchés qu'on ne leur crût pas une Ame raiibnnable , penfent que la Société eft faite pour la Religion. Ils veulent , en conféquence , que l'on facrifie à la Reli- gion des biens que Dieu avoit deftinés dans SA Sagesse au bonheur de la Société. La Montre eft - elle pour le reffort ? le Vaiffeau eft -il pour les voiles? Je voudrois perfu'ader aux Hommes que le Chriftianifme eft la meilleure Phi- lofophie , parce qu'il eft la perfeâion de PREFACE. xxxj la Raifon : mais la Raifon ne fe perfedionnç que par des moyens qui lui font aflbrtis. La douceur & la tolérance font elTentielles à l'E'coNOMiE DE Grâce. Quand donc vous verrez des Gens qui fe difcnt Chrétiens & Miniftres du Dieu des Miféricordes agir précifément comme des Miniftres du Defpote le plus cruel , croyez qu'il n'y a point là de Chriftianifmc. Quelle abfur- dité ! prétendre toucher le cœur en détrui- fant les principes de la Vie ! quel op- probre pour l'Humanité ! fubfcituer à l'at- tention la crainte , au recueillement la ter- reur, au raifonnement Tappareil des fup- plices ! Mais admettez une fois que le falut du Genre humain ne peut fe trouver que dans une certaine Croyance ; la Charité s'enflam- mera auflî-tôta & pour ne pas laifler périr le Genre humain elle l'exterminera par le fer & par le feu. Que feroit devenue la Nature hu- maine fi les différentes Sedes de Philofophes avoient été animées du même efprit & armées du même pouvoir qu'une Eglife qui s'eftime Chrétienne ? Les Cerveaux s'éclairent : la Raifon s'épure: la vérité quitte le féjour du Cabinet pour fe répandre dans le Monde. En mn s'oppof^* xxxij P R E^ F A C E. roit-on à fes progrès ; ils font une fuite né- ceffaire de l'état des Chofes. Pourquoi donc tant d'écrits fur la queftion fi les Sciences font utiles ? c'eft difputer s'il convenoit que l'Homme eût un Entendement, deux Yeux & deux Oreilles ? La Science eft une fuite audi naturelle de nos Facultés que la chute des Corps l'eft de la pefanteur. L'ef- prit humain, doué d'une adivité fi merveil- leufe, tend naturellement à produire. De- manderez-vous pourquoi Dieu a fait l'Hom- me tel qu'il efl: ? je demanderai moi fi Dieu pouvoit ne pas faire l'Homme tel qu'il eft ? Cherchons le Fait : voyons ce qui en réfultc : voilà notre Philofophie. S'e'puiser en plaintes éternelles fur PEfprit , fur le Goût, fur les Mœurs, c'eft oublier que le Bœuf eft un Animal qui rumine & que TAigle n'eft pas une Colombe. Pourquoi le Bœuf rumine -t- il ? pourquoi la force de l'Aigle ? Dieu a vu que cela étoit bon. Si cet Ouvrage mérite l'approbation des Philofophes j'en ferai très-fiatté : je le ferai beaucoup plus s'il contribue aux progrès du vrai. ESSAI ESSAI n E PSYCHOLOGIE ^: ^^m^"^ -^ INTRODUCTION. ±^ Ous ne connoifTons l'Ame que par fês Facultés; nous ne conhoiîTons ces Facultés que par leurs effets, Ces effets fe manifeftent par l'intervention du Corps, Il eft ou il paroît être rinftrument univerfel des opérations de l'Ame. Ce n'eft qu'avec le fecours des Sens quel'Anle acquiert des idées, & celles qui femblent l';s plus fpirituelles n''en ont pas moins une ori-=- gme très - corporelle. Cela eft fenfible : l'Ame Tomt. XVlî A é , £ s s A ï ne forme des idées fpiritu elles qu'à l'aide des mots qui en font les figues j & ces mot prouvent la corporéité de ces idées. Nous ne favons ce qu'eft une idée confidcrée dans l'Ame , parce que nous ignorons abfolument la nature de l'Ame. Mais nous favons qu'à certains mouvemens que les Objets impriment au Cerveau répondent conftamment dans l'Ame certaines idées. Ces mouvemens font ainfi des efpeces de fignes na- turels des idées qu'ils excitent ; & une Intelli- gence qui pourroitobferver ces mouvemens dans le Cerveau y liroit comme dans un Livre. Ce n'eft pas qu'il y ait aucun rapport naturel en- tre des mouvemens & des idées , entre la Subftance fpirituelle & la Subftance corporelle j mais telle eft la Loi établie par le Créateur, telle eft cette Union merveilleufe impénétrable à l'Humanité. Non seulement îa première formation des idées etl dCie à des mouvemens j leur repro- duction paroit encore dépendre de la même caufe. A la Faculté de connoitrc l'Ame joint telle de mouvoir. Elle agit fur les divers or- ganes de fon Corps , comme ces Organes agif- fent fur elle. Elle meut les fibres des Sens j elle y excite des ébranîemens femblables à ceux que les Objets y avoient excités -, & en vertu» DEPSfCHÔLOGIE, J âe la Loi fecrere de TUnioii les imai^es ou les figues des idées attachés à ces ébranlemens fe' reproduifent auiÏÏ - tôt. Le Sentiment intérieur nous convainc de la Force motrice de l'Ame ^ & cette preuve eft d'uiie évidence queronten- teroit vainement d'afioibiir. Voila les principes généraux dont je fuis parti & que j'ai tâché d'analyfer dans ce petie Ouvrage, Si quelques-uns de mes Ledeurs trou- Volent que j'ai rendu FAme trop dépendante Ûu Corps , je les prierois de confidérer que l'Homme eft de fa nature un Etre mixte , un Etre compofé néceflairement de deux Subftances , Tune fpirituelle , Fautre corporelle* Je leur ferois remarquer que ce principe eft tellement celui de la Rl've'lation , que la Dodrine de la Réfurredion des Corps en eft la conféquence immédiate. Et loin que ce Dogme, il claire^ ment révélé, dut révolter le Déifte Philofophej il devroit, au contraire, lui paroître une pré- fomption favorable à ta Vérité de la Religion,. puifqu'il eft fi parfaitement conforme avec ce que nous connoiffons de plus certain fur la na- ture de notre Etre. L'Analyse deâ opérations de l'Ame m'a con- duit à traiter de la Liberté , fujct Ci épineux A a ^ ESSAI & pourtant fi fimple dès qu'on l'envifage d'upî œil philofuphique. Après avoir fixé la nature de cette Faculté de notre Ame & eonfidéré ce qui en ré fuite par rapport à la Morale & à la Religion , j'ai paflé à l'examen de l'origine & des effets de l'Habitude , ce puilTant relTort de l'E'ducation. J'ai enfuite confidéré l'E'duca- tioii elle-même , Tes principes les plus impor- tans & fon étonnant pouvoir. J'ai contemplé ces différens Objets d'un point de vue aiTez élevé ,qui ne m'a lailîé voir quç leurs parties les plus flappantes & qui a dé^ robe à mes regards des détails plus propres à fatiguer l'attention qu'à l'exercer agréablement. Dans l'expoUtion cfe ce fpedacle intérelTant je n'ai pas obfèrvé un ordre didadique : j'ai fuivi le fil de mes penfées. Je ne me Hatte pas que ce fil m'ait toujours conduit au vrai : je l'ai cherché fincérement , mais dans une Matière auffi ténébreufe que l'eft la Méchaniqne des idées , on eft fouvent forcé de fe contenter de ee qui n'eft qu'hypothétique. T^ E PSrCHÔLOGIE CHAPITRE L De r état de l'Ame après la conception. J_jE principe fécondant en pénétrant le Germe y fait naître une circulation qui ne finira qu'avec la vie. Le mouvement, une fois imprimé à la petite Machine , s'y conferve par les forces de {on admirable méchanique. C'eft ainfi que le mouvement imprimé dès le commencement à la grande Machine du Monde continue fuivant les Loix établies par le Premier Moteur. Les Solides mis en adion travaillent la matière ali- mentaire. Ils en extraifent les différentes li- queurb dont la circulation & le jeu conftituent les grands principes de la vie. Les efprits filtrés par le Cerveau coulent dans les nerfs &. les animent. L'Ame commence à éprouver des fen- fations , mais ce ne font encore que des fen- fations extrêmement foibles & confufes ,• des fenfations que l'Ame ne peut rapporter à aucun lieu 5 qui ne l'inftrui/ent de rien , qui ne font proprement ni agréables ni défagréables , qui n'excitent en elle aucune velléité. A mefure que le Germe fe développe , Tadlion A3 4^ ESSAI réciproque des Solides & des Fluides acquiert plus de force ou d'intenlité. Des fi'ets nerveux qui n'avoient point encore été rendus fenfibles commencent à le devenir. La réadion de l'Ame furies fibres nerveufes ou fur les Efprits ani- maux , touj(;urs proportionnelle à la o^uantitéde leur Mouve^m 'nr augmente conféquemmenc d'înte-'^firé. Lcs fenfations font moins foib es & moins rares. Les relations du Fœtus avec le Corps orgimiféqui le nourrit devcnaiit de jour en jour pius étroites , plus efficaces & plus ïiombreufes nniitiplient les fources du fenti- ment & le rendent plus adif Bientôt les On- fations acquièrent alfez de vivacité pour être accompagnées d'un certain degré de plaifir ou de douleur. L'Ame commence à avoir quelque degré de velléité. Par fa nature d'Etre fentant elle defire néceiTairementîa continuation du plaifir ,& la celîàtion de la douleur.. Mais ce defir eft encore très-foible ou trts-imparfait , parce qu il eft proportionné à la foibleiîe du lentiment qui en. eft!'ob,et laquelle elles fe rappellent réciproquement. L' AU- TEUR de notre Etre ayant voulu que toutes nos idées dépeiidifTent originairement des mou- vemens ou des vibrations qui (ont excités dans certaines parties de notre Cerveau , le rappel de ces mêmes idées dépend vraifemblablemenc d'une pareille caufe. Il eft une modification de la Force motrice de l'Ame , qui en agiflant fur les fibres ou fur les efprits y occafione des mouvemens femblables à ceux que les Objets y ont fait naître. L'Imagination , qui d'un pinceau fidèle & délicat retrace à l'Ame l'image des chofes y n'efl: de même .qu'une modification de la Force motrice qui monte les fibres ou les e{]Hits fur un certain jtQn approprié aux Objets qui doivent être repréfentés & femblable à celui que ces Objets y imprimeroient par leur préfence. Le Siège de l'Ame eft une petite Machine prodigieufement corapofée & pourtant fort fim- ple dans fa compofitiork, Ceft un abrégé très- complet de tout le Genre nerveux , une Neu- rologie en miniature. On peut fe repréfenter cet admirable Inftrument des opérations de notre Ame fous l'image d'un ClaVelfin , d'une Orgue , d'une Horloge ou fous celle de queli^ue autre fi ESSAI Machine beaucoup plus compofée encore. Ici font les reiTorts deftinéa à mouvoir la Tête : là font ceux qui font mouvoir les Extrémités : plus haut font les mouvemens des Sens : au-delTous font ceux de la refpiration & de la voix , &c. Et quel nombre, quelle harmonie, quelle variété dans les pièces qui compofent ces reiTorts & ces mouvemens î L'Ame eft le MuOcien qui exé- cute fur cette Machine dilférens airs ou qui juge de ceux qui y font exécutés & qui les répète. Chaque fibre eft une efpece de touche ou de marteau deftiné à rendre un certain ton. Soit que les touches foientmues par les Objets foit que le mouvement leur foit imprimé par la Force motrice de l'Ame le jeu eft le même; il ne peut différer qu'en durée & en intenfité. Ordinairement Fimprefiion des Objets eft plus durable & plus vive que celle de la Force mo- trice. Mais dans les fonges & dans certaines maladies, fîmagination acquiert aflcz de force pour élever fes peintures au niveau de la réalité. ID Ê P S T C H 0 l 0 G 1 Ê. ^x| CHAPITRE V. De la Réminifcence. A Réminifcence par laquelle l'Ame diftingue les perceptions qui Font déjà afFedée des per- ceptions nouvelles , paroît d'abord n'être point comme le rappel & l'Imagination , une Fa- culté , pour ainfi dire , mixte , une Faculté qui tienne autant au Corps qu'à l'Ame ou à l'exercice de la quelle le Corps concoure dî- redlement. Il femble que ce foit une Faculté purement fpirituelle ou qui n'appartienne qu'à l'Ame. On eft porté à penfer que TAme con- fervant le fentiment de toutes fes modifica- tions 5 ce fentiment eft plus ou moins vif , plus ou moins diftind fuivant que les ébran- lemens ont été plus ou moins forts ou plus ou rnoins répétés. Mais fi l'on approfondit davantage ce fujet, on reconnoîtra que la Réminifcence n'eft pas d'une autre nature que le rappel & l'Imagi- nation & que toutes ces opérations de notre Ame peuvent s'expliquer d'une faqon également méchanique. Pour le concevoir, il n'y a qu'à V4. Ê S S A ï fuppofer que l'impreffion que font fur PAitie des fibres qui font mues pour la première fois n'cft pas précifément la même que celles qu'y produifent ces fibres lorfqu'elles font mues de la même manière pour la féconde , la troi- fieme ou la quatrième fois. Le fentiment que ■produit cette diverfité d'impfeiîîon eft la Ré- minifcence. Ok imaginera, fi Ton veut, que les fibres qui n'ont point encore été mues , Se qu'on pourroit nommer des fibres vierges , font par rapport à l'Ame dars un état analogue à celui d'un membre qui feroit paralytique dès avant ]a naiifance. L'Ame n'a point le fentiment de reifet de ces fibres. Elle l'acquiert au moment ■ qu'elles font mifcs en aclion. Alors l'efpece de paralyfie ceife & l'Ame eft aifecliée d'une per- ception nouvelle. La foupleife ou la mobilité ^ de ces fibres augmente par le retour des mê- mes ébranîemens. Le fentiment attaché à cette augmentation de fouplefle ou de mobilité conf- ' titue la Réminifcence , qui acquiert d'autant plus de vîvacité que les fibres deviennent plus fouples ou plus mobiles. Des fibres , auparavant mues , mais dans îefquclles il s'opère de nouveaux mouvemeng DE P ^ r C H"0 L 0 G I E. ï^ OU une nouvelle fuite de mouvemens , font naître dans l'Ame de nouvelles perceptions. La répétition plus facile de ces mouvemens re- trace à l'Ame les mêmes perceptions & y excite la Réminifcence de ces perceptions. L'Ame efl: prefque toujours affedée à la fois de plusieurs idées. Lorfqu'une de ces idées re- paroît 5 elle réveille ordinairement quelques- unes de celles qui l'accompagnoient , & c'eft là une autre fource de la Réminifcence. s CHAPITRE VL Continuation du même fujet. O u V E N T à Toccafion d'une idée l'Ame a le fentiment confus d'une autre idée qu'elle cherche à rappeller. Pour cet effet , elle ufe de la Force motrice dont elle cft douée : elle meut différentes touches ou elle meut différemment les mêmes touches , & elle ne ceife de mouvoir qu'elle n'ait dilpofé fon Cerveau de manière à lui retracer cette idée. Plus les rapports de deux idées font prochains, plus le rappel eft prom.pt & facile. Ces rapports confident prin- cipalement d&ns une telle difpofition des fibres 3(? E S S A î OU des efprits , que la Force motrice trouve plus de facilité à s'exercer fuivant un certain fens que fuivant tout autre. Je m'explique : Tétat aducl de TOrgane de la Penfée eft un état déterminé. Le palTage de cet état à tous ceux qui peuvent lui fuccéder n'eft pas également facile. Il eft de^ tons , il eft des niouvemens qui s'excitent les uns les au- tres, parce qu'ils fe font fuccédés fréquemment. De cette fucceilion répétée nait dans la Ma- chine une difpofition habituelle à exécuter plus facilement une certaine fuite d'airs ou de mou- vemens que toute autre fuite. De là les diffé- rentes déterminations de la Force motrice dan» le rappel des idées* CHAPITRE VIL De l'Attention. O u T E s les idées qui affedent l'Ame en même tems ne l'affeclent pas avec une égale vivacité. Cette' cliver(ité d'imprefîi»n dérive principalement du plus ou du moins d'inten- fité des mouvemens communiqués aux fibres du Cerveau. Mais , TAme peut par elle - même rendre ï) E P S r C It 0 L 0 G î É. tf rendre très vive une imprefîîon très foible. Eu léagiiîant (ùr les fibres repréfeiatatives d'un cer- tain Objet , elle peut rendre plus fort ou plus durable le mouvement imprimé à ces fibres par l'Objet, & cette Faculté fe nomme i'^^- tention. CHAPITRE VIII. T)e fêtât de PAme privée de fufage de la Parole, p End A NT que l'Homme demeure privé de «e précieux avantage , la fphere de fes idées eft reflerrée dans des bornes fort étroites. Toutes fes perceptions font purement fenfibles & n'ont d'autre liaifon que les circonftances qui les ont vu naître ou que les divers rapports qui ré- fultent de la manière dont elles ont été ex- citées. Les idées ne font revêtues que de fignes natm-eh , & ces fignes font les images que les Objets tracent dans le Cerveau. L'Ame ne peut donc rappelîer une certaine idée qu'autant qu'elle eft actuellement occupée d'une idée ou d'une image qui a un rapport déterminé avec cette idée. L'Ame parcourt donc la fuite de fes idées comme une fuite de tableaux. Elle rap. Tome, XV IL B r$ ^ S S A I pelle fes perceptions dans I eur ordre naturel oîS dans un ordre qui eft à peu près le mèrne que celui dans lequel elles ont été produites. L'idée d'un Arbre réveille celle d'un bois t ridée d'un bois réveille celle d'une Maifon qui s'y trouve placée : l'idée de cette Maifon ré« veille celle des Perfonnes qui y ont été vues : l'idée de ces Perfonnes réveille celle de leurs actions : l'idée de ces adions réveille celle du plaifir ou de la douleur qu'elles ont caufé , &c. La fucceflion de ces idées n'étant dans fou origine que la fucceiîion des mouvemens im- primés aux fibres , dès que la Machine eft dé- terminée à exécuter un de ces Mouvemens , elle le trouve par cela même montée pour en exécuter toute la fuite. Ainsi , la perception ou le fentiment , îe rappel , la Rémniifcence , l'Imagination & l'At- tention paroiifent être les feules opérations dô FAme privée de l'ufage de la Parole ou des fi- gues arbitraires. La Mémoire entant qu'elle eft la Faculté qui rappelle ces fignes , le jugement & le raifonnement entant qu'ils font l'expref- fion articulée du rapport ou de Toppcfitioii qu'o ï oblerve entre deux ou plufieurs idées , la coml>inaifon arbitraire & réfléchie des idées, les abtiradiens imiverfeiks ou ces opérations DE PSTCHOLOGIE. ïç par îerqUelles on fépaie d'un Sujet ce qu'il y à de commua avec plulieurs autres Sujets pour ne retenir que ce qu'il y a de propre j toutes ces chofes ne (auroient avoir lieu dans cette enfance de TAme , parce qu'elles fuppofent né- celTairement Tufage des termes ou des ûgnes d'wJMiition. Les jugemens que TAmeporic alors fur les Objets ne font point proprement des îugemens : ils ne font que le fimple fentimenc de rimprefîion de ces Objets. Toute fenfition accompagnée de plaifir incline l'Ame vers l Ob- jet qui eft la fource de ce plaifir*. toute fen- fation accompagnée de déplaifir ou de douleur produit un effet contraire. Tout Objet douÊ rimprefîion ne détruit poijit l'équilibre de PAme efl: (implement apperqu. L'enfant qui n'a'ti- cule point encore ne compare pas entr'eux dif- férens Objets : il ne juge ^pas par cette corn- paraifon de leur convenance ou de leur dif- convenance ; mais il reçoit les impreHlons de diiférens Objets , & il cède fans réflexion à celles qui ont un certain rapport avec fon étas aduel 5 fes befoins ou fon bien-être. Il en eft à peU près de même des juge- mens qu'il forme fur les grandeurs & fur les diftances. L'Objet que fa main ou f')n œil {'ai^ CiTent en entier ne l'affede pas de îa mèm@ B % 2!ï>" ESSAI îîiatiiere que celui fur lequel fa maîii ou Ton œil fe promènent en tout fens. Du fentiment de rétendue dérive celui des diftances. Les Ob- jets interpofés peuvent produire aux yeux de rËiifant feifet d'un Corps continu. Ces per- ceptions de rétendue & de la dilbnce fe liant continuellement à de nouvelles perceptioHS & à de nouvelles fenfations , les expériences fe multiplient fans celfe & l'Imagination retraçant vivement tout cela l'Ame fe détermine en con- féquence. Au moyen de l'Attention dont l'Ame eft douée elle peut féparer la partie de fon tout , le mode de fon fujet j elle peut faire des abf- tradions partielles & des abftradions modales , comme parlent les Métaphyficiens j confidérer la main indépendamment du bras , la couleur in- dépendamment de la Bgure : mais elle ne fau- roit faire des abftractions univerj elles , parce que toutes fes Idées étant particulières ou co7U crêtes^ toutes n'étant que des images & des images d'Individus , chaque idée ne repréfent^ que l'Objet qui lui eit propre & n© fauroit fer- vir par elle - môme à repréfenter les Objets analogues , encore moins fei vir indiiféremment à repréfenter toutes fortes d'Objets- L'idée d'un Homme eft néceffairement l'idée d'an certain DE PSrCHOLOGIE, tt Homme, de certains traits, d'un certain vête- ment, d'une certaine attitude , &c. tout eft ici déterminé. Mais , une perception peut fervir à rappeller la perception d'une chofe dont l'Ame a un befoiii adluel j & alors cette perception fait en quelque forte l'office de Jigne, .. Enfin, la manière dont l'Ame privée de la Parole exprime fes fentimens , répond tout à-fait à la nature de ces fentimens ou de ces perceptions. Ce font des fons , des cris , des mouvemens , des geftes , des attitudes &c. qui paroiifentauffi liés avec les fentimens qu'ils re- préfentent , que ces fentimens le font avec les Objets qui les excitent. CHAPITRE IX. Réfiexion fur PJme des Bêtes. V>E que je viens de dire fur l'Ame humaine privée de la Parole peut s'appliquer à l'Ame des Bêtes , Principe immatériel , doué de per- ceptions, de fentiment,de Volonté , d'Adivité, de Mémoire, d'Imaginations mais qui ne ré» B 3 \% ESSAI fléchit point fur Tes opérations, qui ne gêné* ralife poi"t Tes idées , qui n'eft point fufccptU ble de Moralité. C H A P I T R £ X. Çonnvent P/hne apprend à Her fe-: ^r.jes à des [on s articulés ff)' a exprimer ces jons. SLt N eritendiint fcuvent prononcer un cer- taiii mot à la vue 'Vur. certain' Objet , PEnfint s'accouturiie infenfiblemcnt à lier l'idée .''u .liot à celle de l'Objet. Cette liai Ton une fois for- rnée, les deux idées fe rappellent réciproque- ment: le mot devient figne de l'Objet j l'Objet donne lieu de rappeiler le mot» Maïs l'Enfant ne fe borne pas à ouïr des fons articulés: bientôt il cherche à imiter ces fbns. Soit, que le principe de cette imitation dérive de quelque communication fecrete entre î'organe de fouie & celui de la voix , foit qu'il découle iimplement du plaifir que l'Ame trouve à exercer fa Force motrice & à l'exercer d'une nianiere nouvelle > foit enfin qu'il nailfe de TA- •ççimx propre inhérent à la nature de l'Anie a 8^ DE PSYCHOLOGIE, 25 en vertu duquel elle fe complaît à exécuter ce qu'elle voit exécuter à d'autres ; quelle que foit, dis-je, rorigine de ce principe, l'Enfant commence à bégayer : il rend des fons ; il répète ces fons; il les diverfifie plus ou moins. Mais ce ne font point encore des fons articu- lés : l'Enfant fent que ces fons différent de celui qu'il entend prononcer. Tl s'eiïorce d'at- teindre à une plus grande jufteife. Il fe rend attentif à tout ce qui s'oiFre à lui. Il fixe les yeux fur celui qui parle : il obferve les mou- vemens de fes lèvres : il tâche d'imiter ces mou- vemens. Il fait divers effais 5 il réitère ces eiîais. Déjà il a flnt entendre un fon qui fe rapproche beaucoup de celui qu'il veut imiter. Il fait de nouvelles tentatives qui le rapprochent de plus en plus du but. Enfin il faifit le mot. Le plaifir qu'il en reifent l'engage à le répéter plufieurs fois. Il s'atfermit ainfî dans la prononciation de ce mot Ce premier pas dans le Langage eft bientôt fuivi d'un fécond. La formation d'un mot. facilite celle de tous les mots analo- gues. Une modification conduit ici aux modi- fications les plus prochaines. Les échelons fe multiplient de jour en jour: la chaîne s'étend continuellement: le Didionnaire groiîit , & l'Enfant parvient en peu d'années à nommer tout ce qu'il voit, B4 34. ESSAI CHAPITRE XL Comment PAme apprend a lier [es idées à des cara&eres & à former ces cara&eres. c Es fons que l'oreille de l'Enfant faifit & que fa voix exprime , l'Art fait les peindre à fes yeux par le fecours de que'ques caradleres, La même Faculté qui rend TEnfant capable de lier l'idée d'un fon à celle d'u:i Objet avec lequel cette idée n'a aucun rapport néceifaire, îe met en état de lier de même l'idée d'un caradcre ou d'une figure à celle d'un ion avec lequel cette idée n'a pas un rapport plus .néceifaire ou plus naturel. L'Enfant apprend à écrire comme il ap- prend à parler. La Force motrice de l'Ame s'exerce fur les fibres mufculaires de la main & des doigts comme elle s'exerce fur celles de la voix. C'ed: par l'exercice réitéré de cette Force fur ces organes que l'Ame fe rend infen- ilblement maitreiTe de tous les mouvemens & de toutes les inflexions dont ils font fufcep- tibles. Il fe forme entre Fœil & la main une JD E PSrCHOLOGIE. sf correfpondance analogue à celle qui paroît ré- gner entre l'organe de l'ouie & celui de la voix. CHAPITRE XI I. De rétat de VAme douée de la Parole, Comment l'Ame parvient à imiverfaîifer [es idées. De la formation des idées tiuiverfelles d'Homme ^d'a- nimal^ de Corps organifé, de Corps , d'Etre. [Ln r I C h I du don précieux de la Parole , inih-uit dans l'Art ingénieux de peindre la penfée , PHomme eft à portée de jouir de tous les avantages de la Raifon. Le cercle étroit de fés idées va s'étendre de plus en plus & il embraf- fera enfin jufques aux idées les plus abftraites. A l'état moins parfait d'Etre purement Tentant fuccédera l'état plus parfait d'Etre penfant. La nature des Chofes , leurs qualités , leurs rapports, leur action , leurs çhangemens , leurs fucceffions, leurs ufages, leur durée exprimés par des ter- mes offriront au Raiionnemenc un fond d'i- dées fur lequel il s'exercera fans jamais l'épui- ier. L'Ame n'opérant plus fimplement fur les Chofes mêmes ou fur leurs images , mais encore fur ks termes qui les repréfentent , rendra chaque '26 ESSAI jour fes idées plus générales ou plus univerfelles* Ainfi en employant le terme à' Homme pour défi- gner un certain Objet déterminé , tous les Objets Semblables feront repréfentés par le même terme. Si VKme porte enfuite Ton attention fur tout ce qui eft renfermé dîns l'idée parti- culière de l'Homme qu'elle a fous les yeux» fî elle exprime par des mots tout ce qu'elle y découvre, elle parviendra à décompofer cette iàée en d'autres idées qui feront comme les élémcns de celle-là , & qui élèveront l'Ame par degrés aux notions les plus univerfelies. De'tachant donc ds l'idée particulière d'un certain Homme ce qu'elle a de propre ou d'accidentel , «& ne retenant que ce qu'e'le a de commun ou d'elfentiel , l'Ame fe formera î'iaée de l'H mme en général. Si elle ne fixe fon attention que fur la nutrition, le mouve- ment, le fentiment elle acquerra l'idée plus générale d'Animal. Si ^lle ne retient de l'idée d'Animal que i'Organifation , elle acquerra l'idée plus générale encore de Corps organifé. Laif- fant i'Organifaiion pour ne confidérer que i'E'- tendue & la Solidité , l'Ame fe formera l'idée du Corps en général. Faifant encore abftrac- tion de l'E'tendue folide & ne s'arrêtant qu'à i'exiilcnce , l'Ame acquerra l'idée la plus géné- rale 5 celle de l'Etre , <&ç. D £ PSrCHOLO^IE. «7 --- — ' '■ '■^ CHAPITRE XIII. Conthmation du même fujet. De la formation des idées de Fenfée , de Volonté , de Liberté , de vrai , de faux , de jufie &c. de bien , ^c, de Règle , de Loi, l3 I au lieu de confiJérer l'Homme principa- lement par ce qu'il a de corporel , l'Ame l'en* vifiJge fur-tout dans ce qu'il a de fpirituel , fi elle déligne d^ même par des termes tout ce que ce nouvel examen lui en fera connoître , elle acquerra des idées d'un genre fort dilFé- rent , mais qu'elle univerfalii'era comme les premières. D'une penfée, d'une volonté, d'une adion particulière elle s'élèvera par l'abftrac- tion à la Penfée , à la Volonté, à la Liberté en général. De la conformité ou de l'oppoiî- tion de la penfée avec l'état des Chofes l'Ame fe formera l'idée du vrai & du faux , de la vérité & de l'erreur. Faifant abftradion de l'Agent & ne confîdérant l'adion que dans fes rapports avec le bonheur de l'Homme ou avec celui des Etres qui lui relTemblent, elle ac- querra les idées de TUtile, de bien & de mal. £$ ESSAI de la vertu & du vice , du jufte & de Tin- jufte, de rhonuête & du déshonnête , de la perfedion & de rimperfedion , de l'ordre & du défordre , du beau moral. Par la coiiiioif- fance du bien ou du mal moral qui découle naturellement du bon ou du mauvais ufage que l'Homme fait de fes Facultés , l'Ame paivieiidra à la notion de la Règle des adions humai- nes. Confidérant enfuite cette Règle comme la Volonté d'un Souverain , l'Ame acquerra l'idée de la Loi , Sec. CHAPITRE XIV. Continuation du même fujet. De la formation des idées d'unité , de nombre > d'étendue , &c. de mouvement , de temu l3 I détournant les yeux de defTus l'Homme l'Ame les porte fur les autres Objets dont elle efi: environnée , & qu'elle continue d'exercer la Faculté qu'elle a d'abftraire , fes connoif- fances fe multiplieront eu fe diverfifiantj la Mémoire, l'Imagination & le Raifonnement ac- querront un nouveau degré de^ force & de DE PSYCHOLOGIE, î^ perfedlion. La multiplicité , l'étendue , les mou* vemens & la variété de ces Objets occupe- ront TAme tour à tour. L'Ame ne confîdérant dans chaque Objet que l'exiftence , & flulant abftradlion de toute compofition & de tout attribue , elle acquerra l'idée d'unité. La coU leclion des unités conduira l'Ame à la notion du nombre ou de la quantité numérique. Cette notion s'étendra & fe diverfifiera à l'infini fi ajoutant des unités à d'autres unités ou com- bmant des unités avec d'autres unités j l'Ame ne repréfente pas feulement par des termes, mais encore par des figures ce qui réfultera de chaque addition ou de chaque eombinai- fon. Si l'Ame confiJere chaque Objet comme un compofé de parties placées immédiatement les unes à côté des autres ou les unes hors des autres , elle acquerra la notion de l'éten* due. Si l'Ame regarde une certaine étendue ; celle de fo-n doigt ou de fon pied, par exem- ple, comme une unité, & qu'appliquant cette étendue fur une autre étendue elle recher- che combien de fois^ celle-ci ell contenue dans celle - là ou combien de fois celle - là eft contenue dans celle-ci, elle parviendra à mefurer l'étendue j & comparant fecrétement l'étendue des Objets à celle de fon Corps elle nommera grands ceux donc l'étendue lui ff, ESSAI paroîtra furpaffer beaucoup celle de cette por-» tion d-e matière à laquelle elle eft unie : elle nommera , au contraire , petits les Objets dont rétendue lui paroîtra contenue un grand nom-* bre de fois dans celle de cette même portion de Matière. Si i'.ime confidérant une éten- due comme immobile voit un Corps s'ap- pliquer fuccelTivement à difFérens points de cette étendue, elle Te formera la notion du mouvement. Si FAme obferve un Corps qui fe meut d'un mouvement uniforme dans une étendue déterminée, & qu'elle conçoive cette écf nduc partagée en parties égales ou propor- tion * elles , auxquelles elle donne les noms d'Années, de Mois, de Jours, d'Heures: &c. elle acquerra fidée du Tem,s. Comparant en- fuîte les divers mouvemens qui s'offrent à elle à ce mouvement uniforme , comme à une nelure fixe ou commune, elle jugera qu'un mouvement a plus de vîteife qu'un autre , quand il parcourt dans le même tems une plus grande étendue, &c. DE PSYCHOLOGIE. 51 CHAPITRE XV. . Continuation du même fujet. De la formation des idées de Clajjes , de Genres 3 d'Efpces, l3 I TAme contemple les variétés des Etres corporels, fi elle recherche ce qui les diftingue les uns des autres, & qu'elle exprime par des mots les diverfes particularités qui s'offriront à les reg;irds , elle fe formera bientôt des idées de Diftrioutions. 'L'Ame ne defcendant pas d'a- bord dans le détail , & ne faifant attention qu'aux trait? les plus faillans , rangera dans le même ordre tous les Etres dans iefquels elle remarquera ces mêmes traits , & cet ordre fera une CîafTe. En confidérant les Objets d'un point de vue moins éloigné & pouHant plus loin l'examen , l'Ame découvrira des particula- rités qm lui apprendront que les Etres qu'elle a rangés dans le même ordre , parce qu'elle les a cru femblables, dilFerent à bien des égards , & faifilfant les caraderes particuliers qui les différencient le plus , elle en compo- fera de nouveaux ordres fubordonnés au pre- mier , ' (Si ces ordres feront des Genres. En. 1% ESSAI jéteiidant encore davantage fcs recherches , eff obfervant jufqu'aux moindres traits , l'Ame appercevra de nouvelles variétés: elle foudivi- fera donc encore les derniers ordres en d'au- tres ordres moins généraux , & ces ordres feront des Efpeces. &c. A l'aide de femblables Diftributions & des noms que l'Ame impofera à chaque Efpece elle parviendra à ranger dans fa Mémoire fans çonfuuon les Produdions infiniment variées des trois Règnes. Les Etoiles, qui paroiifent feméts dans l'Etendue comme le fable fur ie bord de la Mer , étant de même divifées par Conftellations, & chaque Confteliation étant repréfentée par un figne ou exprimée par un mot, l'Ame parviendra à une connoiflance exade du Ciel & à nombrer ce qui lui avoit d'abord paru innombrable. CHAPITRE DEPS^CHÙlOQIE, 5^ — — — aw ■ !■ '■ ■■ I I II» iK ■!■■ Il Mil—— — w» ■«it I - ' ' I ». I. 11,1 tm CHAPITRE XV i. Continuation du même fujet. De la formation des idées ds Caufe & d'Effet» k3 I TAme s'arrête à confidércr la face de \% Nature , elle ne fera pas long-tems à s'apper- cevoir que cette face n'eft pas conftamment la même , mais qu'elle change continuellement. Elle obfervera que chaque changement eft tou- jours la fuite immédiate de quelque chofe qui a précédé. Cette obfervation conduira l'Ame k la notion de la Caufe & de l'EiFet. Conside'rant enfuite fUnivers comme ua EiFet & concevant que cet Eifet pourroit ne pas être ou être autrement , l'Ame s'élèvera à la notion de la Cause Première ou de la Raîson Suffisante de ce qui eil. Tome XVIL i^ ESSAI CHAPITRE XVÏL 'autres avantages de la Parole: qu'elle fixe les idées , qu'elle fortifie & augmente leurs Liai- fnns : qu'elle rend PAme maitrejfe de leur ar- rangement. De Ntat moral de quelques Feu- ♦ fies de V Amérique. ^' U S A G E des termes ne fe borne pas à multiplier les idées , à les univerfalifer. Il les fixe , pour ainfi dire , fous les yeux de l'Ame, il la rend maîtrelTe de les confidéuer aufîi long- tems qu'elle le veut & fous autant de faces qu'elle le veut. Il facilite meiveilleufement leur rappel en multipliant à l'infini les liens qui les uniffent. Le fimple fon , la fimple vue d'un mot fuffit pour rappeller à l'Ame une foule d'idées qui ne tiennent fouvent à ce mot que par une certaine reflemblance d'expreflions ou par des rapports encore plus légers. Enfin,, par l'ufage des termes l'Ame donne à fes idées l'arrangement que les cnxonftances exigent. Elle difpofe ainfi de fes idées comme bon lui fem- ble , elle exerce fur elles l'empire le plus defpo-- tique» DEPSrCHOLOGIE, 3f Le Langage eft tellement ce qui perfedionne toutes les Facultés de FAme , que la perfec- tion de ces Facultés répond toujours à celle du Langage. Les Langues des Nations les plus barbares font auflî les Langues les plus pauvres. Telles font celles de diverfes contrées de l'Améri- que Méridionale, [i] Ces Langues manquent abfo- lument de termes pour exprimer les idées abftrai- tes Se univerfelles. Les idées de Tems , d'Efpace « d'Etre , de Subftance^ de Matière , de Corps n'ont aucun figîie qui les repréfente. Il ny a point non plus dans ces Langues de termes propres pour les idées de vertu, de juftice, de liberté, de reconnoiffance , d'ingratitude. L'Arithmé- tique de quelques - unes de ces Contrées ne va paé au-delà du nombre de trois. L'état mo- ral de ces Nations efl; à - peu - près celui d'une enfance perpétuelle. Si le Langage donne nailTance aux Sciences &; les perfectionne j les Sciences à leur tour perfedionnent le Langage 5 foit en l'enrichiC» fant de nouveaux termes 8c de nouveaux tours , Ibit en y répandant l'ordre , la netteté , l'exac- titude & la précilîon. (l)Mr. de la ÇondamiNE, Relation des /'mazones.- C a 5^ ESSAI ^11 uMninwii— a— wiiii iiiiwi iiii i i ■ iinj.ii— i ■HHUHIJJi CHAPITRE XVII L T)e la perfe&ioiîy du génie & de rorigine dss Langues en général. JL/ 'Abondance des mots & la multitude de« jnverfions conllituent la principale richefîe d'une Langue. Moins de richefTes 8c même une forte de pauvreté peuvent être très-bien compenfés par la clarté & le naturel. Le GèniQ des Langues paroît tenir princi- palement au phylique. La flexibilité & la dé- licateile des organes , leur difpolition à rece- voir certaines imprefîions & à les retenir fem- blent imprimer à une Langue le tour ou Pair qui la caradcrife. Le moral aide au phyfique en cultivant ces difpofitions. Une Imagination vive , & G je puis m'exprimer ainlî , extrê- mement mobile iaifit tout , épuife tout. Le pinceau agit fans ceife 5 le coloris domine; mais le deiîin ell fouvent peu corred, & les pein- tures font chargées. L'Orient abonde en fem- blables tableaux. Si nous recherchons la première origine du DEPSrCHOLOGIE. |f Langage & que nous confultions la Genefe, nous la trouverons , ce femble , dans l'ordre qvQ Dieu donna à Adam de nommer tous les Animaux. Si nous ne confultons là-delTus que la Raifon & que nous fuppofions une Fa- mille fous la (Impie diredlion de îa Nature , nous croirons trouver cette origine dans les fons ou dans les cris que les premiers befoins feront poufîer aux Enfans, & qui étant remar- qués par les Parens , deviendront par la fuite figues d'iniiitution de ces mêmes befoins. L'ombre que tout Corps jette à la lumière a pu donner naiiîance à la Peinture; celle-ci à TFcriture. A mefure que Ja Raifon s'eft per- fcdionnée elle a fimpHfié les fignes & les a ren* dus capables de repréfenter un plus grand nom- bre de Chofes. Les Symboles & les Hiérogly^ phes des Peuples les plus anciens juftifient cette conjedturç. C3 'n JS s s A l ^WWWWWM— — WW— ■IIMIII ■■IIIIIIIIIIMWI I MIIMÉ'! — ' ' "."" ■ ■ ■■ ■ ■ ■' m "' CHAPITRE XIX. 'Réflexion fur le Langage des Bêtes. E s Bètes n'ont point proprement de Laii^ gage , fi l'on entend par la Faculté de parler > celle de lier fes idées à des fignes d'mftitutiona Les fons & les mouvemens par lefquels les Bètes manifeftent leurs fentimens , leurs befoins , leurs plaifirs , leurs douleurs , font des expref- fions naturelles de ces fentimens , de ces be- foins , de ces plaifirs , de ces douleurs j & ces exprefîîons font invariables dans chaque Ef- pece. La connoiffance de c^s exprefîions fait la plus belle Partie de THiftoire naturelle des Animaux; elle eft aulîî celle qui exerce le plus la Logique & la fagai:ii:é de TObfervateur. Les phrafes que le Perroquet étudie & qu'il répète fi bien ne prouvent pas plus qu'il parle , que la prononciation des mots d'une Langue ne prouve que celui qui les prononce entend cette Langue. Parler n'eft point fimplcment rendre des fons articulés ; c'eft encore lier ces fons aux idées qu'ils repréfentent. Les Bètes ne fau- rpient former ces liaifons. Telles font les bor-. DEFSTCHOLOGIE. 39 nés éternelles que le Cre'ateur a prefcrites dans fa Sagesse aux progrès de leur Intel- ligence. Si ces bornes ne fubfiftoient point , l'Homme , ce Roi des Anmiaux , clianceleroit fur fon Trône, CHAPITRE XX. £)e la variété prefqîCiyifinie de mouvement que la Parole imprime au Cerveau, Qiie la nature ^ la variété des opérations de ce vifcere nous font concevoir les plus grandes idées de fon or- ganifation, O R s Q_u E Ton réfléchit fur la part q^ne les Sens ont à la produdion des idées , & q\i^ Pon confidere qu'elle eft toujours occafionée par quelque mouvement qui fe paiTe dans le Cerveau , foit que ce mouvement dérive de i'imprelîîon adueJle des Objets fur les Sens , foit qu'il ait fa fource dans l'impreffion de la Force motrice de l'Ame , on fe perfuade avec raifon que le Langage en multipliant les idées ne fait que multiplier les mouvemens de l'Or- gane de la Penfée. Nous ne faurions penfer à <|uelque fujet que ce foit que nous ne nous- C4 40 E S S A î repréfentions les figues naturels ou artificiels des idées renfermées dans ce fujet, ou que nous île prononcions intérieurement , mais trcs-foi- blement les mots qui expriment ces idées. Or , il eft affez évident que ce font là des effets Ae la Force motrice de TAme qui s'exerce à la fois ou fucceiîivejnent fur différens points du Senforium. Ainsi , lorf:]ue l'Ame fe repréfente un Ob- jet , 8c qu'elle fe rappelle en même tems le mot qui exprime cet Objet , elle excite deux îïîouvemens dan^ TOrgane de la Penfée. Elle agit d'abord fur la partie de cet Organe qui répond aux extrémités du nerF optique 5 elle y excite des ébraniemens analogues à ceux que l'Objet y eicciteroit s'il étoit préfent. Elle agit encore fur la partie du même Organe qui cor- refpond à celui de la voix , el!e y produit uii îTiouvemcnt foible analogue à celui qu'y produi- jroit la prononciation du mot : fi l'Objet dont TÂme fe retrace l'image eft un fruit dér Hcieux 5 elle pourra fe rappeller en même tems îa lenfation que ce fruit a excitée en elle quand çde en a goûté. Ce fera donc un troifieme mou- "vement qui s'excitera dans l'Organe de la Peu- j'çe ; f Ame agira fur la partie de cet Organe ^\xi çommunitjue à celui du Goûts elle y occa» DE P S r Ç H 0 L 0 G I E: 41 fîonera un mouvement femblable 3 celui que ie fruit y auroit occafioné par Ion irapreflioii. Les Philofophes qui ont avancé que nous îie faurions nous rappelier nos feniations ont erré. Si tel étoit Tétat des chofes » les fenfations qui nous auroient afFcclés un grand nombre de fois nous paroîtroient auiïl nouvelles que fi elles ne nous euiTent jamais affedés. Il eft vrai que TAme ne fauroit donner aux feiï fi- ctions qu'elle rappelle le degré de vivacité qu'elle re<5oivcnt de leur Objet. Et c'eft là un des prin- cipaux caraderes qui diftinguent les fenfations des perceptions. Il arrive cependant quelquefois que des fenfations que l'Ame ne fait que rap- pelier Faifedcnt auiîî vivement que û elles étoîent excitées par TObjet même. C'eft ce qu'on éprouve fur- tout dans les fonges , où l'Ame n'étant point difiraite par les impreiîîoiis du dehors , fe livre toute entière à celles du dedans. Qiielqu'un qui s'exerceroit fréquemment dans le rappel des fenfations , & qui s'aideroit des moyens convenables , parviendroit peut- êtire à fe procurer dans la veille des fenfations auffi vives qu'en fonge. Mais , l'Homme rai- fonnable eft deftiné à quelque chofe de mieux quk fe rappeîler des fenfations. Occupé à en- IJchir fa Mémoire & à cultiver fon Entende- 43 ESSAI ment , il n'oublie point que les fenfations font moins un moyen de perfedion qu'un moyen de confervation. L'e'branlement que Pimpreffion des Ob- jets caufe dans les Organes des Sens ne cefle pas toujours avec cette imprelîîon. On s'en convainc lorfqu'après avoir fixé un Objet fort éclairé, on ferme incontinent les yeux j on croit voir encore cet Objet ; on reconnoît % forme & Hi couleur. Il fe palîe quelque chofe d'an^ logue dans l'Organe de l'Ouïe j on s'imagine en- tendre le Ton d'un Inftrument ou celui d'une Clo- che , quoique le Corps fonore n'afFede plus l'O- renie. L'état aduel de l'Organe & le degré d'atten- tion que i'Ame apporte à ce qu'elle éprouve» contribuent fans doute à rendre l'ébranlement plus ou moins fort, plus ou moins durable. La continuiition de cet ébralement après que la caufe qui l'a produit a ceffé d'agir indique une certaine élafticité dans les fibres ou dans les efprits. Lis idées que les Sens tranfhiettent à l'Ame & qu'elle rappelle par le fecours de la Mé- moire & de l'Imagination, ne font pas les feules dont elle eft aftedée. La Réflexion lui en pro- cure un grand nombre d'autres > en lui décou- DEPSTCHOLOGÎE, 45 vrant les rapports plus ou moins prochains qui découlent de ces premières idées. Ce font en- core de nouveaux mouvemens ou une nouvelle eombinaifon de mouvemens imprimés au Cer- veau, Si on fait attention à la multitude prefqu^in- finie d'idées, & d'idées prodigieufement vaiiév3s qui peuvent exifter dans ia Tête d'un Homme » à la clarté . à la vivacité , à la compofition de ces idées , à la manière dont elles nailTent les unes des autres, & dont elles fe confervent, à la promptitude avec laquelle elles paroiiFcot & difparoiifent fuivant le bon plaifir de l'Ame ^ il on fe rappelle ce qu'a été un Aristote , un Leibnitz, un Newton , & ce qu'eil au- jourd iiui un Fontenelle , un Montesquieu , on jugera du plaiiîr que goûtent les Anges à la vue de la petite Machine qui exécute des chofes Ci furprenantes. Apurement s'il nous étoit permis de voir jufqu'au fond dans la Mécha- nique du Cerveau , & fur-tout dans celle de cette Partie qui d\ l'Inllrument immédiat du Sentiment «& de la Penlée , nous verrions ce que la Créa- tion terreftre a de plus ravilîant. Nous ne fuf- fifons point à admirer l'appareil & le jeu des Organes deftinés à incorporer un morceau de pain à notre propre fubftance 3 qu'eft-ce pour- 44 ESSAI tant que ce fpedacle comparé à celui des Or- ganes deftinés à produire des Idées & à in- corporer à TAme le Monde entier ? Tout c$ qu'il y a de grandeur & de beauté dans le Globe du Soleil le cède , fans doute , je ne dis pas au Cerveau de THomme , je dis au Cerveau d'une Mouche. CHAPITRE XXI. Cou fédération générale fur la prodigieufe variété des perceptions ^ des finfations & fur la méchanique dejlinée à Popérer. s I toutes nos idées, même les plus fpiri- tuelles , dépendent originairement des mouve, mens qui fe font dans le Cerveau , il y a lieu de demander fi chaque idée a fa fibre parti- culière deftinée à la produire ou (i la même fibre mue diiféremment produit diiférentes idées ? Je m'arrête d'abord aux idées purement fen- fibles. Il eft inconteftable qu'il n'y a point de feiitimenc là où il n'y a point de Nerfs. Il ne Tell: pas moins que chaque Sens a une organi- fation qui lui elt propre , d'où réfultent fes DEPSTÇHOLOGIE, 4? effets. Les perceptions & les fenfations font ces effets. Quoiqu'elles aient toutes de commun d'être excitées par l'entremife des nerfs , il règne cependant entr'elles une variété inépui- fable. Confîdérées relativement aux Sens dont elles tirent leur origine on peut les ranger fous cinq genres principaux , qui renferment une multitude indéfinie d'efpeces. Quand on de- mande fî chaque idée a un inttrumcnt appro- prié à fa produdion , cela doit s'entendre des efpeces contenues fous ces genres. On demande donc Cl la faveur du falé , par exemple , eft produite par des fibres différentes de celles qui ©ccalîonent la fenfation de l'amer ? En général, les nerfs font tous de la même nature. Ils tirent tous leur origine du Cerveau. Ils font tous des Corps blanchâtres , homo- gènes , folides. Mais , examinés plus en détail , on y découvre des variétés de plufieurs genres. Les uns s'éloignent beaucoup de leur origine, & font par conféquent fort longs ; les autres s'en éloignent fort peu , & font par conféquent fort courts. Les uns font fort gros j les autres fort déliés: les uns (ont fort tendus i les autres le font moins : les uns font revêtus de deux membranes qui font un prolongement de celles 4^ ESSAI du Cerveau j la membrane extérieures plus épaifle, plus ferme , eft moins fenfible j la membrane intérieure . plus mince , plus déMciite , a plus de fenfibilitéj les autres ne font revêtus que d'une feule membrane , & cette membrane eft la plus fine. Les uns font rafTemblés par petits paquets & forment des efpeces de houpes , de pyrami- des, de mamnielons ; les autres compofent des lames plus ou moins repliées, plus ou moins étendues , plus ou moins fines , &c. Toutes ces variétés font relatives à la fin prin- cipale pour laquelle les nerfs font deftinés: cette fin confifte à tranfmettre à l'Ame l'impreffiort des Objets. Cette imprefîion fe tranfmet par le mouvement , foit de l'Objet lui même , foit des corpufcules qui en émanent. Et comme la petitefTe & le mouvement de ces corpufcules augmentent continuellement depuis ceux qui font deftinés à la fenfation du Taél, jufques à ceux qui occafionent la fenfation de la Lumière , il y a de même dans les Sens une gradation correfpondante, depuis celui du Toucher juf. qu'à celui de la Vue. Mais , y a - 1 il aifez de variétés dans les fibres nerveufes de chaque Sens pour répondre à celles qu'on obferve dans les perceptions & dans les fenfations > ou n'eft-il DEPSTCHOlOGir. 47 pas nécefTaire pour rendre raifon des faits de recourir à de telles variétés ? Voilà précilément rétat de la queftion. Commenqons par le Sens du Toucher. «ïSiî^3K'EiSÎ^«aOB^6 ESSAI peut occafîoner le friironneincnt. La caufe dé ce fpafmc n'eil: pas la même cli/^z tous les in- dividus. Tel friiîbnne à rattouchement de cer- tains Corps qui font éprouver à un autre des lenfations fort agréables. Le tempérament & Fhabitude produilent ces variétés. Le même Corps nous paroît à la fois chaud & poli. Le trémouiîemcnt que le Feu occafione dans les mammelons n'elt point incompatible avec une certaine preffion de ces mammelons, . L'Adhérence de Tépiderme aux mammc- Ions modéi'ant Timpreilion que les Corps font fur eux , le Toucher eft plus vif là où il eft plus mince, plus déiicati plus grolïier là où il eft plus épais, plus endurci. C H A PI T R E XXLIL Ds la méchanique des idées du Go In, -L^'OiiGANE du Goltt a tant de rapport avec celui du Toucher que décrire l'un c'efi: prefque décrire l'autre. Comme la peau la Langue a fes mammeloné, ihais plus failhas-, plus épanouis ^ |>lus fenfibles. I) Ë PSTCHOLOGÎÉ. |^ Les Saveurs font l'Objet du Goût. Les Sels fixes , les Souffres , les Huiles diifous & atté- nués par quelque liquide , principalement par la falive , font la caufe matérielle des Saveurs, Lès Sels par leurs pointes aiguës font trcs-^ propres à émouvoir , à irriter les fibres délicates des papilles. Les Souffres & les Huiles , par leurs parties oiidueufes & balfamiques , font propres à y produire des cilets contraires. Maïs comme les Sels n'ont pas tous la même figure eifentielle , les mêmes qualités ils n'agif* fent pas tous fur les fibres de la même, manière. Les uns les picotent j les uns les rongent) les autres les brûlent ^ d'autres les crêpent i d'au»' très les contradent ; d'autres les diden.dentj d'autres les fecouent j d'autres y Font des im- prefîions qui femblent tenir le milieu entre deux imprelfions plus déterminées. A ces différens effets des Saveurs fur l'Or* gane répondent xliiférentes fenfations. A un certain degré d'intenfité dans le mouvement des fibres répond un certain degré de vivacité dans la Senfation, Air.'si, le GoCitj non plus que le Toucher? D % ç» ESSAI ne nous offre rien qui exige que chaque fen- fation ait fa fibre particulière. CHAPITRE XXIV. De la méchanique des idées de l'Odorat, N O u S pouvons de même rendre raifon de la diverfîté des Odeurs fans recourir à une femblable fuppofition. Plus délicat que le Goût, rOdorat fent l'adion des atomes infiniment petits qui s'élèvent des Corps odoriférans. Ce que les Sels fixes , les SouiFres & les Huiles groffiers font au Goût , les Sels volatils , les Souffres & les Huiles fpiritualifés le font à l'Odorat. Les lames nerveufes qui tapiifent les feuillets ofleux placés à la partie fupérieure du Nez 5 retiennent dans leurs replis les corpuf. cules odoriférans & font pafler leur impreiîîon jufques au Siège de l'Ame. L'Adion de ces corpufcules fur le tiifu des lames fc modifie fuivant la nature des Corps dont ils émanent- Le mouvement plus ou moins grand dont ils font doués rend leur impreiîîon plus ou moins vive. La même lame , la même fibre fucceffi- vement fecouée, tiraillée, picotée, comprimée^ DEPSTCHOLOGIE. ç| relâchée, deiféchée, humedée, engourdie, '&c, ne peut que tranfmettre à TAme des fen- fations aufïî différentes cntr'elles que le font entr'eux les mouvemens qui les occafioiiçnt. CHAPITRE XXV. De la méclmniqiic des idées de VOuïe. I L y a lieu de douter qu'il en foit abfoîu- ment de TOuïe comme des trois Sens dont je viens de parler. On fait qu^une corde d'une longueur ou d'une tenfion déterminée ne ren^ jamais que le même ton fondamental quelle que foit la manière dont on la toujche. Ce ton dépend eifentiellemont du nombre de vibrations que la corde fait dans un tems donné. Le nombre des vibrations dépend lui-même de la longueur ou de la tenfion de la corde. Aîon- ge~t-on la corde en la relâchant ? elle fait moins de vibrations djans le même temsj & le ton qu'elle rend eft plus grave. Accourcit - on la Gorde en la tendant.^ elle fait plus de vibra- tions dans le même tems , & le ton eft aigu^ On fait encore que fi dans le même inftru- meiit il y a plufieurs cordes à l'uniffon ou D 3 U ESSAI qui fatTent leurs vibrations dans le même teins , {i l'on pince une cîe ces cordes, toutes celles qui feron: à Ton ton frémiront S, la fois. UAiR qui tranfmei: aux cordes à l'uniiToii & en repos ie mouvement qu'il reçoit de la corde pincée , rencontrant celîes-là à la fin de leur première vihrîitîou , dans Finftant qu'il leur communique la féconde , continue rébran- lement. Dans des cordes au contraire , qui font leurs vibrations en tems inégaux , lorfque TAir vient imprimer la féconde vibration , les unes n'ont que commencé la première, d'autres ne Font faite qu'à moitié, d'où il réfuîte entre TAir & les cordes une collifion en fens oppofé , qui étein.t de part & d'autre le mouvement. MaïS pour que TAir req'-^ive & tranTmctte les diiiérens tons que rend le Corps fonore , il faut qu'il foit lui-même à TuniiTon de tous ces toiis. C'cii: ce qui a porté à foupçonner que FAir contenoit des particules corrQfpou- 'dantes aux divers tons de )a. Alufique , des particules à l'uniiTon de Vut ^ d'autres à l'unif- {on an ré , d'.:utres à runiiK)n du mi\ &c Peut- i*tre, même .que cette fuppofition iie fuffit pas : |e$ particules .d'u^, même genre peuyert n'ètra pas i utesr coiitigues & fs trouver féparécs DE F S Y C H 0 L Q G I E. Si par àtz particules de genres différens , inca* pablcs de recevoir & de tranfmettre les tons propres à celles-là. Il femble donc qu'il faille admettre que'' cfequ'e corpiifciile d'Air eft formé d'éiérnens à PuiiiiK-Ki de tous les tons, qu'il qu'il eft une petite machine compofée de fept branches éladiques , de fept reiïorrs principaux! L'art que cett^ conjedlure' fuppofe dans les elémens de l'Air eft, fans doute , autant au- deïïbus de la réalité , que les conceptions de FArtifan le plus groiîicr font au delfous de celles de l'Artilte lé plus habile. Les mêmes vibrations que les cordes d'un Liftrumci'.t impriment à l'Air qui ies touche , celui-ci à l'Air plus éloigné , elles les commu- niquent au Corps de rïnftrument , & de cette communication dépendent la force & l'agrément des tons. Il y a donc aufîî dans rïnftrument des fibres à l'unilTon de ces toiis. Leur exif- tencc ne paroitra pas douteufe fi l'on fait atten- tion à la manière dont les Inftrumcns de Mu- fique font conftruits. Ils font formés de l'airem- blage de pludeui:^ pièces fort élaftiqucs , cou- pées & courbées Ç\ inégalement que leur lon- gueur & leur largeur différent pre/que à ch<^- que point Par là rïnftrument fe trouve pourvu de fibres dont la longueur varie comme ies D 4 Vf ESSAI tons qu'elles font cieflinées à réfléchir & .à fortifier. Ces principes admts , on ne voit pas com- ment ['Oreille tranfmettroit à PAmc Tharmonie d'un concert, (î toutes fes fibres étoient par- faitement uniformes & identiques , fi toutes étoient montées fur le même ton. L'obferva- tion paroit concourir ici avec le raifonnement pour nous perfuader le contraire. On trouve dans la pavtie intérieure de l'Oreille deux ca- vités oûeufes & tortueufes , le labyrinthe & ]e limaqon qui femblent être tout à fait ana- logues aux Corps des Inftrumens de MuGque. Les rameaux que le nerf auditif jette dans ces cavités & qui en revêtent intérieurement les parois , peuvent être comparés aux fibres qui tapilTent l'intérieur d'un Violon : ce font autant de petites cordes dont la longueur eft déter- jninée par celle de la pièce qu'elles recouvrent. Les canaux demi-circulaires du labyrinthe étant tous conftruits fous différentes proportions , le îimaqon diminuant continuellement de diamètre depuis fd bafe julques à fon fommet , font extrêmement propres à fournir l'Organe 'de fibres appropriées à tous les tons & à toutes. les nuances des tons. I)E PSYCHOLOGIE, %\ _ Les rayons fonores râiTemblés par refpece d'entonnoir que forme la partie extérieure de rOreilIe, & modérés jufqu'à un certain point par l'adion du tambour , font portés dans le labyrinthe & le limaçon. Ils communiquent îiux fibres de ces cavités les différentes impref- fions qu'ils ont reçues de l'Objet. Le nerf auditif, auquel ces fibres ahoutillent comme à leur tronc , en eft ébranlé j l'Ame appcrçoit des fons & goûte le plaifir de l'harmonie. Ces Tons variés, harmonieux qui charment rOreille & qu'elle rend à l'Ame avec tant de précifilon, la Voix les exécute avec une juf- tefTe & un agrément qui l'élevé fort au-delfus des Inftrumens de Mufique les plus parfaits. Le Larynx , cartilage compofé , placé à l'entrée de la Trachée - artère , deftiné à l'ouvrir & à la fermer eft garni intérieurement d'un grand nombre de fibres éîaftiques qu'on a prouvé être parfaitement analogues aux cordes des Inftrumens de Mufique. L'Air chaiTé pnr les Poumons eft l'archet qui met ces cordes çn jeu. Le degré de vitelïe dont il les frappe dé- termine le ton. La Glotte , cette partie du Larynx qui livre pafTage à l'Air, eft conftruite avec un tel art, que ion ouverture augmente eu diminue précifément dans la proportion du ç8 ESSAI ton qu'il s'agit de former. Ou démontre quç le diamètre de cette ouverture peut fe divifcr ainG en 1200 paities , qui font i2co tons oa nuances de tons. L'Air que les Poumons poui- feut vers la Glotte y acquiert plus ou moins de mouvemeiu ," fiiivant qu'il en trouve les lèvres plus ou moins rapprochées. Dans le premier cas, les to:is font plus ou moins aigus j dans le fécond ils font plus ou moins graves. La Voix participe donc à la fois de la na- ture des liiltrumens à cordes & de celle des ïnftrumens à vent. Si on foulïle avec force dans la Trachée de quelque Aiiimal mort, on rendra des fons qui dillereront peu de ceux que TAnimal rendoit. On obfervera les fibres de la Glotte frémir comme les cordes d'une V^iole. DE P S r € H 0 L 0 G I K 59 C H A P I T Pv E XXVI. I , Ds la méchaniqui des Idées de la V::c. i t' i J_; A Lumière eft à TOcii ce que le Son eft 1 à l'Oreille. Les couleurs répondent au:i tons. La Mufique a fcot tons principaux; POptique a iept couleurs principales. Chaque ton a fes ofcillations qui le diRinguent de tout au- tre; chaque couleur a fes vibrations & fou degré de rcfrangibi'ité. Entre un ton & un autre ton , entre une couleur & une autre cou- ieur les nuances font indéfinies. Les tons fu- péiieurs font les plus aigus 5 les couleurs fu- périeures font les plus vives. Les degrés d'élé- vation Se d'abaidement d'un même ton font relatifs aux différentes teintes d'une même cou- ÎÊur. Le Son fe propage à la ronde par un mi- lieu très rare & très-élaftique ; de grands Pni- îofophes ont penfé qu'il en efl; de même de la Lumière, & il n'eft peut-être pas impoffîble de répondre aux difficultés qu'on fait contre cette hypothele. Si nous partons de l'analogie que nous ve- nons d'obferver entre h Lumière & le Son, 6o . ESSAI nous penferons que comme l'Oreille a des libres à runifTon dee différens tous , TOeil a de même des fibres a l'unifTon des diiFérentes cou- leurs y mais , au lieu que les fibres de diffé- rens genres font diftribuées dans l'Oreille fur différentes lignes, nous luppoferons qu'elles font rafle mblées par faifceaux dans toute l'étendue de la rétine & du nerF optique. Chaque faifceau fera compofé de fept fibres principales , qui feront elles - mêmes de plus petits faifceaux formés de la réunion d'un grand nombre de fibrilles relatives aux diverfes nuances. Enfin, il en fera des corpufcules de la Lumière com- me de ceux de l'Air. Un fait feulement paroît contraire à cette fuppofition. Si on ferme les yeux après avoir regardé fixement le Soleil , on fera affedé d'une fuite de couleurs qui fe fuccéderont dans l'ordre des couleurs prifmatiques ou de celles de l'Arc- enXIel. Pourquoi cette fucceflîon , pourquoi les fept couleurs principales ne paroiffent-elles pas à la fois, s'il n'eft aucun point fur la rétine j qui n'ait des fibres repréfentatrices de toutes J ces couleurs ? Le Soleil ne peint au fond de | l'œil que du blanc, comment ce blanc fe dé- conlpofe -t-il graduellement en rouge, oran- gé, jaune, verd, &c.? Ce fait ne prouve^t-i! B E P S r C II 0 L 0 G I B, 6î pas que les fibres qui fervent immédiatement ià la Vifioa font toutes de même efpece & que la diverfîté des couleurs procède uniquement du degré de mouvement? En effet , les couleu>'s les plus hautes font eelles qui fatiguent le plus POrgane. Elles ne le fatiguent plus que parce qu'elles le fecouent plus vivement. Leblanc, le rouge, l'orangé, le jaune doivent donc paroître les premières dans l'œil qui a fixé le Soleil. Ils doivent fe fuccéder dans un ordre relatif à la promptitude des vibrations que chaque couleur exige. Le vcrd , le bleu , l'indigo , le violet n'exigeant pas un mouvement fi prompt , doivent fuivre im- médiatement les couleurs fupérieures & obfer- ver entr'eux la même loi de fucceiîfcn. Cette explication paroît d'autant plus na- turelle , que la fimple agitation ou une compref- fion un peu forte du Globe de l'œil fuifit pouc donner naiffance à des couleurs auffî vives que celles qui font produites par l'adion du Soleil fur l'Organe. Je ne fais pourtant (i l'ingénieufe hypothefe qui admet une diverfité fpéeifique dans les fibres de la Vifion doit céder au fait que j'ai % ^z 'ESSAI indique. II me femble que j'entrevois une ma- îîiere de folution y mais je me défie de fa bonté. Selon cette hypothefe les couleurs font cu- tr^elies comme les tons font entr'eux : elles fe différencient donc comme les tons par le nombre de vibrations que chacune d'elles fait en tems égal. Les couleurs les plus vives repondant .aux tons les plus élevés , elles, font celles qui font le plus de vibrations dans le même tems ,& dont le mouvement celfe par confequent \q A .plutôt : je parle du mouvement qui tft im- primé aux fibres à qu'elles confervent plus ou moins de tems à proportion de leur efpece. Un luyon folaire efi: , comme nous favons vu , Gompofc de fept rayons principaux , qui portent chacun une couleur qui lui eft propre & qui cO: invariable. Ces rayons féparés par le Prifme & réunis enfuice par une Lentille , fe pénètrent intimement & ne préfentcnt plus qu'un feu^ _rayon de couleur blanche. Lors donc qu'un femblable rayon tombe fur la rétine, il excite .dans -toutes les fibres de chaque iatlceau un ébranlement violent ; fOrgane en eO: même bleffé. Au milieu d'une telle agitation l'Ame ne dilhngue rien : les mouvemcns particuliers fe confondent & ne compofent., qu'un mouvement géîiéral dont l'impreffion dl une. Tout fe refont ainiî dans une ieuie fenlation a &, cette feufa- DEPSrCHOLOOIE. 6% doîi efl: du blanc. L'ébranlement perdant peu à peu de fa violence par l'abfcnce de la Caufe qui Ta produit , le Cahos commence à fe dé- brouiî'er, ks mouvemens particuliers devien- nent fenfibles, tout fe démêle par degré. Les mouvemens auxquels tiennent les imprefîions les plus vives , les plus Taillantes font démêlés les premiers. L'Ame apperqoit d'abord le rouge, l'orangé , le jaune. Mais ces mouvemens s'é- teignent bientôt, & lailTent appercevoir à l'Ame les mouvemens plus foibles ou plus lents , d'où réfulcent les feniiUions des couleurs baffes. L'Ame voit faillir fucceffivement le bleu , l'in- digo 5 le violet. Le noir, dans Tune & l'autre hypothefe , n'eft; que la privation de tout mouvement. 0 Suivant l'Optique Newtonienne un Corps n'ei^ blanc que parce qu'il qu'il réfléchit la Lu- mière telle qu'il la reqoit , fans la modifier , fans y occalioner aucune de ces réfradions d'où naiifent les couleurs. Pourquoi pendant que l'œil demeure fixé fur un papier blanc ou fur tout autre corps de même couleur ne fent- on point l'effet particulier des diiterens mou- vemens que les petits rayons colorés impriment jiux £bres qui leur corrc{]^oiîdent.'^ En voici. 54 E S S A î ce me fembîe , la raiToii ; les rayons de toute efpece, mais confondus-, que le papier envoie fans oefle dans l'œil , entretiennent les mou- vemens des fibres & conféquemment la con- fufion qui forme le blanc. Si les fibres , laif- fées à elles-mêmes , confervoient le mouvement, que le papier leur a communiqué , Tinégalité de ce mouvement dans chaque efpece de fibre, fa durée plus ou moins longue donneroienc lieu à la diftindion , à la fuccefîion des cou- leurs. Mais l'imprefîion que fait le papier n'eft pas aflez forte pour que les fibres continuent à fe mouvoir après qu'il a ceiîe d'agir. L'agitation ou la compreiîîon du Globe lie l'œil , une fièvre un peu violente fulïifent pour faire voir des couleurs dans robfcurité. La prefîion ou les tiraillemens que cela q^ufe dans les fibres du nerf optique les met dans ÙX état qui les rapproche de celui où 6lles fe trouvent iorfque la Lumière les agite. -^^ 4^"% CHAPITRE DE PSrCHOLÙGIÉ. 6it' CHAPITRE XXVII. CofijeBures fur la méchanique de la reproâu^îon des idées» L Es idées qui affedlenc l'Ame à roccafîon des mouvemens que les Objets extérieurs im- priment aux Organes des Sens , l'Ame a la Faculté de les reproduire fans Tintervention de CCS Objets , Si, cette Faculté porte le nom gé- néral à' imagination, II. nous a paru que la reproducftion des idées êtoic l'eiFet de la Force motrice dont TAme eft douée , de cette Force en vertu de laquelle- agiifant à fon gré fur tous les points du Cer- veau qui correfpondent avec les Sens, elle le monte fur le ton qui convient à chaque efpece de perception h de fenfadon. » E'viTANT donc de décider fur les deux: hy^ pothcfes qui nous occupent , préférant de les réunir pour mi^ux fatisFaire à tous les phéno-. menés, nous dirons que TAme reproduit les idées fenhbles , tantôt en donnant aux fibre» le mouvemejit qu'exig.e l'idée qu'elle veut rap-. TQ'ûie, XV IL E 6S ESSAI peiler , tantôt en remuant refpece de fibre ap« propriée à cette idée. Ce fera de la première de ces deux ma* nieres que l'Ame rappellera les différentes im- preflîons que le mèm.e Corps a produites fur fà Peau , fur fa Langue , fur fon Nez. Ce fera de la féconde manière qu'elle rappellera les impreiîîons de ce même Corps fur fes Oreilles 8c fur fes Yeux. Je fouhaiterois de répandre quelque clarté fur cette efpece de Théorie. Je fens que je touche à des abîmes : mais je n'ai pas la té- mérité d'entrepren-dre de les fonder : je ne veux que les regarder en me tenant à quelque appui. La Lumière Se les couleurs font la fource féconde des perceptions que nous recevons par le Sens de la Vue. En bannilfant de la Nature Fobfcurité , la confudon & l'uniformité elles impriment à chaque Objet des traits qui lui font propres & qui le caradérifent. Les formes , les grandeurs , les diflanccs l les fituations , ks niouyejmens font des genres B E p S r 0 H 0 L 0 G î E\ 6r âe perceptions vifuelles qui ont foas eux una multitude iiiombrables d'elpeces. Toutes ces perceptions TAme les reprodj't;. Le degré de force & de vivacité avec leq s?»! cette reprodudioii s'opère eft toujours pm > tionnel à rinteniité des mouvemens cotnmia qués par l'Objet, à la fi'équence des £-'p:^:^ dudionSj au tempérament des fibres. Maïs, chaque genre, chaque efpece de pec- ception vifuclle a- c- elle dans le Cerveau Ci place marquée, a-t-eHe des nbres qui lui loienc conracrées& qui ne foient coafacrces qu'à 'elle i* Ce feroit étendre rhypothefe au-delà du be. foin que de le fuppofk. On peut adm tc^s raifonnablement que la rétine eft formée d^ fibres à TuniiTon de différentes couleurs : ravs comme le mélange de la Lumière & d^ rOm )e fuHît pour repréfenter tout ce qui eft C n'ps , il fuffit de même que quelques endroits de la rétine fpient pius éclairés que d'aurres ou éa-ar- rés d'une Lumière différemment modmée , pour faire appercevoir à i'Ame différfns Obj;^t^ ou différentes parties du même Objet. Il on eft à cet égard des fibres de la Vilî -ii coTiin? des G.aj:aâ;ere« d'Imprimerie, dont la feule co^aji^ E z tè B s ^ A J îiaifon exprime une infinité de chofes & de fens , ou pour emploj^er une comparaifon qui îe rapproche plus de notre fujet , ii en eft de ces fibres comme des couleurs que le Peintre n fur fa Palette , & dont il forme à volonté une Plante , un Animal, un Païfage ou toute autre repréfentation. CHAPITRE XXVIII. Contmuation du mêm^ ftijet. p, Lus j'y réfléchis» & plus je me perfuade que pour atteindre à quelque chofe de paffa- blement clair fur h manière dont les idées font reproduites, il faut fe rendre attentif à ce qui fe paife dans TOrgane à la préfence de l'Objet. Je ne parle encore que de la Villon. Des b.m.es mmccs détaché^^s de toute la furface des Objets , ou comme s'exprimoit l'Antiquité , îès Efpsces des Objets ne viennent point s'ap- -{cliquer fur le fond de l'Oeil & ne donnent point raiffan^e aux perceptions vifuelles. Le tems a détruit ces chimères aflbrties à l'enfance de la Phyfiquc , & leur a fubftitué des vérités D E F s T € H 0 L 0 a I K S9 que rexpérience avoue. Uu Fluide plus fubtiî , plus élaftique, plus rapide que tout ce que nous connoiirons dans la Nature, fe rétléchit fans ceiFe de delfus les furfaces des Corps & va pcindt-e leur image fur îa rétine. La Lumière eft ce Fluide. Les rayons lumineux qui partent de chaque point de l'Objet & qui tendent à s'écarter Us uns des autres à m:fure qu'ils s'é- loignent de ce point, font admis dans l'œil par la prunelle. Ils en traverfent !es diHérentes humeurs qui les plient à proportion qu'elles font plus denfes. Ce pli tend à les rapprocher les uns d-es autres , à les réunir en un feui point. C'eft fur la rétine , comme fur une toi-e placée derrière les humeurs, que fe fait cette réunion. Le point lumineux qu'elle produit eft rimage parfaite de celui dont les rayons éma- nent. Ces rayons compofent aiiifi comjne une double pyramide qui va de l'Objet à TOeiL Les deux pyramides fontoppofées l'une aTautre par leur bafe^ & cette i)afe eft dans la priu nelle. La pyramide extérieure a' ion fommet dans l'Objet : la pyramide intérieure a le keii fur la rétine. D'autres pyramides , d'autres traits de Lumière réfléchis de même par d'aut» es. points de l'Objet viennent à la fois tomber fur la rétine & y tracer l'image de ces points. D^ toutes ces images particulières k forme l'image 7« E S S A î totale de l'Objet. La partie ele la rétine fur la- quelle cette peinture repofe efl; dans une agi- tution Gontinuelle. Chaque point lumineux a Ion mouvement propre , qut tranfm's jufqu'au Siège de l'Ame par les derni*re?î ramifications du neif optique, y fait naître une perception. Uamas des perceptions partielles compolc la pciecptinn totale de l'Objet: celle - ci eft la iumme de celles - là. La Lumière qui fe réfléchit de defTus un Objtt peut être corfidérée comme un Corps iolidcg ecmme un faifceau de petits dards qui sppuie par une de les extrémités fur l'Objet c^ par Fautre fur la rétine. L'Ame touche , pour ainii dire, l'Objet de l'Oeil comme elle le tou» cheroit avec le doigt ou un bâton, m/ds cett© eipccc de Toucher eft infiniment plus délicate qiie le Toucher proprement dit. QuAî^D un Objet réfléchit la Lumière de façon qu'elle fouffre une dégradation continuelle depuis le milieu de r04)jet jalqu'à fes bords, FAme a la perception d'un globe. Loîlque la Lumière fe réfléchit pnr-tout également , l'Ame a la perception d'ur.e furface plane. Mais comme la peinture d'un globe produit fur l'Oeil le mèn-te cfet qu'un globe réel, l'Anie ne peut diftin«- DEPSrCHOLOGIE, 7? guer ici l'apparence de la réalité que par le Toucher ou par la connoiffance qu'elle a des Objets enviroiiHans, Il eft d'autres illufions du même genre que TAme reconnoît par de fem- blab'es moyens. Les rayons qui partent des deux extrémités d'un Objet & qui dirigent leur marche vers la prunelle tendent à fe rapprocher l'un de l'autre à mefure qu'ils avancent. Ils s'uniffent à leur entrée dans TOeil , & continuant leur route en ligne droite vers la rétine ils fe croifent & for- ment deux angles oppofés par la pointe. L'un de ces angks embralfe dans fon ouverture l'Ob- jet, l'autre fon image. L'ouverture de ces an- gles détermine donc la grandeur apparente de l'Objet ou rétendue que cet Objet occupe fur la rétine. Sont-ils fort ouverts ? l'Objet paroît fort grand: font -il fort aigus? l'Objet paroît fort petit: font ils Ci aigus que les deux raytns coïncidenc r* l'Objet ne paroît à l'Ame que comme un point. La perception de la difïance naît de celle de la grandeur ou plutôt cette perception n'elî que celle de la grandeur elle - même. C'eft par rétendue des Corps interpoles que fe forme l'idée de la dillance qui eft entre deux Objets E 4 -' ^t E s s A ï ou entre un Obiet & Fœil. L'Ame juge encore de la diftance par la Lumière réfléchie : plu^ elle d\ foible,p'us l'Objet paroit éloigné : aug- mente-t-eHe de force? il femble fe rapprocher, L'éloignemenc ?^pparent d'une Montagne dimi- nue lorfque la neige la couvre. La (ituation d'un Objet eft un rapport aux Objets environnans. Sî ces Objets font immobiles ou conlîdérés comme tels , & que la podtion de l'Objet donc il s'agit varie à chaque inllant à leur égard, cet Objet fera jugé en mouvement. La pein- ture qui s'en formera fur la rétine s'appliquera fuccellivement fur dilîerens points de cette mem- brane , tandis que celles des autres Objets con- tinueront d'affeder les mêmes points. Un Ob- jet , quoiqu'en repos , paroitra en mouvement fi fon image change de place fur le fond de l'œil i foie que cela arrive par le tranfport in- fen(îb!c du Spedateur, (oit que l'Ame rapporte à cet Objet un mouvement qui appartient à des Objets placés derrière ou au - deifous. Le Rivage fuit aux yeux du Navigateur. Le Poiit remonte la Rivière pour le Voyageur qui fixe de l'ceii le rapide courant. DEPSrCHOLOGlE, 75 CHAPITRE XXIX. Continuation du mèmejujet. c. Omment PAme reproduit- elle les diverfes idées dont nous venons d'entrevoir ia produc- tion ? comment fe retrace- t-elle l'im^age d'un globe, fa forme, fa couleur , fa grandeur , fa diftance , fa fituation , fon mouvement ? La première production des idées eft due au jeu des Organes : leur féconde produdlion, leur reprodudlion dépendroit - elle d'une caufe totalement diiférente ? Je ne le préfume pas , & le fentiment contraire rae paroit plus probable. L'Ame fe retrace la forme d'un globe en mouvant les fibres d'un même paquet de ma- nière que le mouvement décroilfe par degré depuis le milieu du paquet jufqu'à fes bords. L'Ame colore cette image parles vibrations qu'elle excite dans les fibres appropriées à l'et pece de couleur que le globe a réfléchie. L'Ame fe repréfente la grandeur du globe 74 ESSAI en mettant en mouvement une étendue défi- bres égale à celle que l'image tracée par ce globe occupoit iur la rétine. En réveillant l'image des Corps interparés (!c environnans , PAme reproduit les idées de àid tance & de fituation. Elle reproduit la perception du mouvement en imprimant à toutes les fibres placées fur la ligne que Ffruage produite par le globe a par- courue, les mouvemens particuliers d'où réful- tent fa forme , fa couleur & fa grajideur. Al) refte j comme les qualités fenfibles qui caradérifent un Objet s'offrent à nous en même- tems & que ce n'eil que par abftradion & pour en ficilicer l'examen que nous les fcparons les unes des autres,fAme reproduit aiillî l'idée de cet Objet en entier, avec toutes fes dé- terminations & dans le même inftant indiviil- ble. Tous les mouvemens dont nous venons de parier s'excitent donc à la fois. Il en eft de la reprodudion des idées que nous recevons par le Sens du Toucher , du Goût, de l'Odorat & de l'Ouïe comme de la leproductic^n des idées que nous recevons par D £ P S r C ff 0 L 0 G I E. 7c le Sens cîe la Vue, C'eft en imprimant à cha- que Organe des mouvemen fembiables à ceux que les Objets y avoient imprimés quePAme (e rappelle les perceptions & les fenfations atta- chées à l'adion de ces Objets. Cest, par exemple, en excitant une légère contradion dans les nerfs qui aboutiiîent aux mammelons de la Peau , que PAme fe rappelle la fraîcheur qu'elle a goûté dans le bain. C'eft en produifcint une impreffion analogue fur les papilles de la Langue , que l'Ame fait renaître en elle la délieieufe faveur d'un fruit. C'ed: en touchant avec choix & mefure les fibres ner- veufes de TOreiile , que l'Ame croit entendre encore les accens qui l'ont charmée. Enfin, c'eft par la même méchaniqoe que FAme le rappelle les mouvemens de pitié , de compaffion , de crainte, de terreur. Sec. qu'elle a éprouvés à la préfenee de certains Objets. Quand un Objet agit en même tems fnr pluileurs Sens, l'Ame eft afFedée à la fois de fenfations de diiférens genres. Si elle veut fc rappeller une de ces fenfations , elle reproduira en même tems les fenfations concomitantes. Il en eft de même de la perception d'un Objet 7^ E S S A T par le feul Sens de la Vue. Cette perception eft toujours accompagnée à\\\\Q multitude d'au- tres perceptions que FAme réveille en même tems qu'elle reproduit la perception principale» JîK tâche à me rappeller le goût d'un fruit t auiS^tôt Ton odeur , fa forme , fa couleur , fa grandeur fe repréfentent à moi. Je penfe à un Animal dont la forme m'a paru finguliere : au même indant )e me rappelle le lieu où je l'ai vu & les circonftances particulières où je me rencontrois alors. Ces reproductions n'ont poiniî de fin, parce que coûtes nos idées font encbiî- ii.é£;s îes unes aux autres. T DE PSrCHOLOGIE. 77 CHAPITRE XXX. Réfieoiim fur les conje&uref précédentes. Elle eft la manière dont j'imogirie que s'opère la reprodudion des idées. On m'objec- tera peut - être rimpofTibilité où nous fommes de comprendre que TAme exécute tant de mou- vemens divers néceiîinres à cette reprodudion; qu'elle fi^che ne mouvoir précifément que les fibres dellinées à reproduire une certaine cou- leur, modifier le mouvement de ces fibres dans clés proportions exadement relatives aux de- gradations de Lumière qu'exige la repréfenta- tion d'une certaine forme , &c. Mais conce- vons^ nous mieux comment PAmc meut fou Corps , comment elle contrade tel ou tel mufcîe, comment elle proportionne la contraélîon à la féfiftance. Sec. ? Voyez Mondonville exé- cuter un de ces airs qui émeuvent toutes les pafîions: quelle célérité dans les mouvemens de fes doigts! quel accord! quelle juftefle ! quelle cadence ! quelle variété ! on dîroit qu'une Divinité préfide à' ces mouvemens ; l'Ame les produit cependant j & comment les produit-eUe? 7S ESSAI CHAPITRE XXXL Autre conjeBure fur la reproduclion des idées. A. .U lieu de fuppofer , comme J'ai fait, qu§ l'Ame reproduit les mouvemeiîs d'où naiîTent les idées , ne foupçomieroit-on point plus vo- lontiers , qu'excités une fois par lés Objets , ils fe confervent dans le Cerveau & que Fade du rappel ou de la reproduéHon des idées n'eftque l'attention que l'Ame prête à ces mouvemens ? L'Économie animale nous offre plufîeurs exemples de mouvemens qui paroiffent fe con- ferver par les feules Forces de laMéchanique : tel eft le mouvement de la circulation ; tels fonG ceux de la nutrition & de la refpiration qui en dépendent. Les mouvemens qui conftituent en quelque forte la Vie fpirituelle, ne feroient- 'ils point aufli durables que ceux qui conftituent la Vie corporelle ? Les fibres du Cerveau ne feroient-elles point des reCorts ïi parfaits , des machines d'une conftrudion ïi admirable qu'elles ne lailTent perdre aucun des mouvemens qui l«ur ont été imprimés ?^ D £ P s r C H 0 L 0 G I F. 79 Il eft vrai qu'on a de l a peine à concevoii* îa coniervation du moirvement dans une Partie aulîî molle que paroît l'être le Cerveau. On ne conçoit pas non plus facilement que le Cerveau puiife fournir à une uuiii prodigieufe fuite de lîiouvemens que l'eft celle qu'exige le nombre des idées. ' Mais nous ne connoilfons pas aiTez la nature du Cerveau & fa ftruclure pour ap- précier la Force de ces objedlions. CHAPITRE XXXIL Autre hypothefe fur la i^chanique des idées D Es Philofophes accoutumés à juger des chofes par ce qu'elles font en elles - mêmes 5c non par leur rapport avec les idées reçues , ne fe révo'teroient pas s'ifs entendoient avancer que l'Ame n'eft que fimpk fpecflatrice des mou- vemens de fon Corps; que celui-ci opère feul toute la fuite des adions qui compofe une Vie; qu'il fe meut par lui même ; que c' eft lui feul qui reproduit les idées , qui les compare , qui les arrange; qui forme les raifonnemens, ima- gine & exécute des glaus de tout geiue , &c. to ESSAI Cette hypothefe , hardie peut - être j arques à l'excès, mente néanmoins quelque explication. L'on ne fauroit nier que la Puissance in- riNiÈ ne pût créer un Automate qui nnite* roit parfaitement toutes les adions extérieures & intérieures de THomme. J'bNTENDS ici par adions extérieures tous les mouvemens qui fe palFent fous nos jeux : je nomme adions ir:érieures tous les mouve- mens qui dans Tétat naturel ne peuvent être apperqus, parce qu'ils fe font dans l'intérieur du Corps. De ce nombre font les mouvemens iie la digeftion , de la circulation, des lécré- tions 5 &c. Je mets fur -tout dans ce rang les nîouvemens qui donnent naiflance aux idées de quelque nature qu'elles foient. Dans l'Automate dont nous parlons tout fe-» roit exadement déterminé. Tout s'exécuteroit par les feules règles de la plus belle Mécha- nique. Un état (uccéderoit à un autre état , une opération conduiroit à une autre opération fui- vaut dôs Loix invariables. Le mouvement de- vien droit tour à tour caufe Se effet , effet Sz caufe. La.réadion répondroit à l'ad:ion , la re- produdion à la produdion» Construit DËPSrCHOLOGlE. %i Construit flir des rapports détermines avec l'activité des Etres qui compofent notre Monde, l'Automate en recevroit les impreiîions, &. fidèle à s'y conformer il exécuteroit une fuite correrpondante de mouvemens. Indifférent pour quelque détermination que ce fût , il céderoit également à toutes , iî les premières impreffions ne montoient, pour ainfi dire, la Machine & ne décidoient ds fes opéjations & de fa marche. La fuite de mouvemens qu'exécuteroit cet Automate le diftingueroit de toute autre Formé fur le même modèle , mais qui n'ayant pas été pbcé dans de femblables circouftances , n'au- roit pas éprouvé les mêmes impreffions ou ns les auroit pas éprouvées dans le même ordre. Les Sens de l'Automate ébranlés à la prl- fence des Objets communiqueroient leur ébran- lement au Cerveaii , principal Mobile de |a Machine. Celui-ci mettroît en adion les muf- cles des mains & des pieds en vertu de leuc liaifon fecrete avec les Sens. Ces mufcles alter- nativement contradés & dilatés approchcroient ou éloigneroient l'Automate des Objets dans le rapport quMIs auroient avec Ja confcrvatioii fc)U la deftrudlion de la Machine. Tams XVIL E %% ESSAI Les mouvemens de perception & de fenfa» lion que les Objets auroient imprimés au Cer- veau s'y conferveroient par l'énergie de fa mé- chanique. Ils deviendroienc plus vifs fui vaut l'état aduel de l'Automate , confidéré eu lui- même & relativement aux Objets. Les mots n'étant que des mouvemens im- primés à l'Organe de FOuïe ou à celui de la Voix , la diverfité de ces mouvemens , leur combinaifon , l'ordre dans lequel ils fe fuccé- deroient repréfenteroient les jugemens , les rai- fonnemens & toutes les opérations del'Efpric. Une correfpondance étroite entre les Or- ganes des Sens , foit par l'abouchement de leurs ramifications nerveufes, foit par des refforts interpofés , foit par quelqu'autre moyen que nous n'imaginons pas , établiroit une telle liai, fon dans leur jeu, qu'à l'occaiion des mouve- inens imprimés à un de ces Organes d'autres mouvemens fe réveiileroient ou deviendroient plus vifs dans quelqu'un des autres Sens. Donnez à l'x\utomate une Ame qui en con- temple les mouvemens , qui fe les applique , qui croie en être l'Auteur , qui ait diverfes volontés à l'occafion de divers mouvemens 5 DE P S Y C HO L 0 G I E. gj vous ferez un Homme dans Thypothefe dont il s'agit. , Ma I s cet Homme feroit-il libre ? Le fentî- ment de notre Liberté , ce fentiment fi clair , fi diftind , Ci vif qui nous perfuade que nous fommes Auteurs de nos adions peut-il fe con- cilier avec cette hypothefe r* Si elle levé la dilïi- culte qu'il y a à concevoir l'adlion de l'Ame fur le Corps , d'un autre côté elle lailTe fubfifter dans fon entier celle qu'on trouve à concevoir l'adlion du Corps fur l'Ame. CHAPITRE XXXIIL De l'opinion philofophiqiie qu'ail n'y a poiyit de Corps. Vy E font ces difficultés qui ont conduit un Théologien Anglois auiîî pieux que hardi à avancer qu'il n'y a point de Corps , & que l'opinion de leur exiftence eft la fource la plus féconde & la plus dangereufe de l'erreur & de l'impiété. Si fon Livre ne perfuade pas , il prouve du moins combien nos connoilfances les phis certaines peuvent être obfcurcies & à quel point i'Efprit humain eft fufceptible de doute & d'iU Fa 84 E S ^ A l lufion. Voici le précis des raifons de ce fubtil Métaphyficien. Il eft évident que les Chofes que hous ap'^ percevons ne font que nos propres idées. W n'ed pas moins évident que ces idées ne peu- vent exifter que dans un Efprit. Il eft encore très . clair que ces idées ou ces Chofes que nous appercevons exiftent , foit elles- mêmes , foit leurs Archétypes indépendtimnient de notre Ame, puifque nous fentons que nous n'en fommes point les Auteurs. Nous ne pouvons déterminer à notre volonté quelles idées particulières nous aurons en ouvrant les Yeux ou les Oreilles. Ces id-ées exiftent donc dans un autre Eiprit qui nous les préfente par un ade de fa vo- lonté. Nous difons que les Chofes que nous appercevons immédiatement , quelque nom qu'on leur donne , font des idées ou des fenfations. Or , comment une idée ou une fenfation peu- vent - elles exifter ailleurs que dans un Efprit ou être produites par quelqu'autre Caufe que par un Efprit ? La chofe eft inconcevable , & affirmer ce qui eft inconcevable , «ft - ce philo- fopher ? D'un autre côté on conçoit aifément que ces idées ou fenfations ex)ftent dans un Efprit & DEPSrCHOLOaiE. 8? font produites par un Efprit 5 puiFque c'eft là ce que nous expérimentons tous les jours en nous - mêmes. Nous avons une infinité dldées , & nous en pouvons faire naître une variété prodigieufe dans notre Imagination par un feul Ade de notre volonté. Il faut avouer cepei^. dant , que ces créatures de l'Imagination ns font ni 11 diftindes ni Ci fortes ni Ci vives ni fi permanentes que les idées que nous recevons par le moyen des Sens , & que nous nommons des Chofes réelles. De tout cela notre Auteur conclut , i®. que rexiftence de la Matière eft abiurde & contra- didoire i 2^. qu'il y a un Efprit qui nous attede à chaque inftant des impreiîions fenfibies que nous appercevans i 3^. que de la variété, de Tordre & de la manière de ces imprcifions fe déduifent la Sagesse, la Puissance & la Bonté' de leur Divin Auteur. Suivant ce fyftème finguîier, l'Univers eft donc purement ridéal. Les Corps ne font que de fimples modifications de notre Ame. Ils n'ont pas plus de réalité que n'en ont les couleurs & tout ce que nous voyons en fongc. Leur exif- tence eft d'être apperqus. Les Sens ne font que certaines idées auxquelles tient un nombre pro- F 3 ^(S E s s A î digieux de perceptions & de fenfations dilTéreiî- tes , que noiis reprefentons par des termes. J'ou- vre les yeux ; e'elt-à-dire , je fuis affedc de l'idée que j'ouvre les yeux , & aufîî-tôt un grand nom- bre de perceptions s'offre à moi. Je mange ; c'eft- à-dire , je fuis affcdé de Fidée que je prens de la nourriture , & en même tems j'ai plufieurs fen- fations que j'exprime par le terme à e faveurs eu lui joignant d'autres termes qui défignent les qualités ou l'efpece de ces faveurs. Ces percep- tions & ces fenfations ne dépendent du tout point de ma Volonté. Il n'eft point en mon pouvoir de n'être pas affzdté de certaines percep- tions ou de certaines fenfations quand je fuis affedé de l'idée que j'ouvre les yeux ou que j.e prends de la nourriture.DiEU excite en moi ces perceptions & ces fenfations fuivant les Loix que Sa Sagesse s'eft prefcrites. Mais , j« puis par un ade de ma V^olonté & avec le fecours de mou Imagination réveiller en moi ces idées. E!les. m'affcdent alors d'une manière plus foible , & je ne puis les retenir long-tems. A ce caraderç &' au fentiment intérieur qui me perfuade que je les ai excitées je diftingue ces productions de mon Efprit des perceptions & des fenfations qui me viennent du dehors ou que j'éprouve par le rniniftere des Sens. La Nature des Chofes n'eft donc que l'Ordre qu'il a pli4 à ÇiEU de mettr^ DEPSTCHOLOGIE. S? dans nos idées. Cet Ordre confifte dans la liai- fon , la fucceflîon , l'harmonie & la variété des idées. L'expérience nous inftruit de cet Ordre: elle nous appreiid que certaines idées font tou- jours accompagnées ou fuivies de certaines idées i que certaines fenfations engendrent ou peuvent engendrer certaines fenfations. C'eft là- delîus que font fondés tous nos raifonnemens & toutes nos maximes de con4u4te. Je vois du Feu; je fais que cette idée peut faire naître en moi la fenfation que je nomme chaleur , & que cette fenfation peut y exciter celle que je nom- me brûlure ; je me conduis em conféquence. Je fuis affcdé de l'idée d'une produdion de la Nature que je n'ai jamais vue : cette idée excite en moi celle de quelque chofe de curieux , d'in- térelfant,de fingulier : je me rends donc atten- tif à cette idée 5 je la confidere avec tout le foin & toute la patience dont je iuis capable: par cet acte de ma Volonté je vois naitie dans mon Efprit différentes perceptions qui en pro^ duifent elles mêmes plufieurs autres. J'acquiers ainlî une idée plus complète de cette produc- tion y & cet exercice de mon Efprit étant accoin- pagné du plaifir fecret qui eft inféparable de la recherche & de l'acquiiition dû vrai , je dcfjr& d'être affedté fouvent de femblables perceptions & ce defir me rend Qbfervateur, &c. Le déve=» F4 SS È s Si,1 I loppement des Plantes & des Animaux , les mou- vemens des Corps céleiles, il point de fophifme dans ce raifonnement ? il eft évident que les Chofes que j'apperqois ne font que mes propres idées & que ces idées ne peuvent exilfer ailleurs que dans un Efprit : donc elles ne peu- vent être pronuites que par un Efprit; donc la Mdtiei'e n'exilte point î> cfi peut - elle avoir plufieurs ? me femble dé- pendre du fens qu'on attache à ces deux mots -une & préfente, ': Nas idées étant ou fimples ou compofécs , à parler exadement , il n'y a que les premières qui foient unes. Toute idée compofée eft l'af- femblage de plufieurs autres. Ainfi, quand on a une idée compofée , on a plufieurs idées à la fois. Quand je vois une boule d'or ou qu^nd je penfe à cette boule, j'ai en môme tems l'idée de fa rondeur & celle de fa couleur. Ces idées ne font pas fucceffives dans TAme. Je ne penfe pas d'abord à la rondeur , puis ^ la couleur : car je ne faurois penfer à une boule que mon imagination ne lui prêté quelque cou- leur. L'idée de la rqndeur faus' couleur eft un(^ idée abftraite qu'on n'^tcquiert que par quelque eiîort d'Efprit, & que peut-être le commun des Hommes ne fe forme jamais par cette abf- tradtion que les Philofophes fuppofent. Une idée compofée renferme plufieurs juge- mens. Quand je penfe à la Tercié, je me figure; ûu, grand Globe eompofé de Terres & de Mers; couvert d'Habitaiis , '(Sec , & j'ai' par là même ïvVè image dâ CouUs ces'Propofidons, ja Terrs eft îio. . . \, , ']^ s s A I ronde , la Terre eft habitée v la Terre eft, corn-, polee de Mer.Si , ci'Isles & de Continetis, &c. C'eft ce que les Scholaftiques appelloient Themà compiextim propoJJùonis. En ce [eus, tout ce qui occupe à-chaque inftant uiiErprit n'eft qu'une idée, mais fort cQmpofce ou , fi l'on veut, une g^rande multitude d'idées. On ne fauroit expliquer les ju^emens parle fentiment du paifage d'une modiBcation à une autre : i*^.,; parce que le jugemenc affirmatif ii'ed pas toujours la perception de l'identité de deux idées , le nombre des proportions identiques étant fort petit j mais la perception que toutes les idées partielles de l'Attribut font comprifes dans l'idée du Sujet : 2^. parce que; le jugement négatif n'eft pjas non plus la per- ception que deux idées n'ont rien de commun , niais la co.nnoiiTance qu'il y a dans l'Attribut quelque idée qui n'cft pas couiprife dans celle du Sujet : 3^. parce que pour s'appercevoix qu'on paifc d'une idée à une autre, il faut, quand on a la fuivante , conferver quelque fen- timent de la précédente. S,an3.,pela , .piiv ne fau- roit dire Ci on a changé d'idée , ou (î on a confervé la première. Pour m'appercevoir qu'on ne me tient plus la main , il faut me rappeller & me repréfenter qu'on me h tenoit un moi DE PSrCHOLOÙIE, iïÏ ifnent auparavant : autrement je pourrois bien ;tti'apperçevoir qu'on ne me tient pas h main , -raui$ non qu'on ne me la tient plus. Aiî^si,.pour favoir fi en p enfant à j^/^mYr^ jje.'fuis modifié de la même manière qu'en pen- ^fan;t à crime, il faut. que j'aie eu deux modifi- catioifi.s enfemble : car comment fivoir qu'elles font les mêmes ou différe^tes , fi lorfque j'ai l'une , )e n'ai pas l'autre ? non plus que je ne ^QUKirç)iS; dire qu'\in Portrait reifemble à fon Qdginal , fi on fuppofe qu'en voyant le Por- trait, il, ne me refte.plus d'idée de ^'Original , ^, -qu'en, jettant les yeux fur l'Original je perds JSQXalement l'ifiée . .duy^PQrtrait. çÉI :(..^:.f. .r^ r? ?nnl' . 1)3 r ■^^ \iQ^ ïQÛéchit; fur. ;}a {Mémoire, oh.fe per- i'^a4fr3, J[aGilement^que,,5oute ..idée qpi eft une fais .enttée dans .^e Cerve;aa-, s'y Qi>n,ferve tou- jourrS,,^]quoiqa'ayec plusj^ou rjlpins. de dilHac- tioii , enforte que le Cerveau ou , fi l'on veut , rEfpnt d'un Homme d'un certain âge & d'une certaine éducation; ed i'aiiembîage ou . le rsfervoir d'un Jionibre prodigieux, d'idées , qu'on, pour- voit nommer ùae idée prodigieufement com- plexe. En effet, C fidé^ du' Roi de Francs étoit ÎI4 • ES ^ A I ■ a. abrolumeilt hors de mon Efprit lorfqiie je croîs n'y point penfer , elle me feroit aufîi étrangère que cdle du Roi de Siam. Ainfi , quand je vieii- drois à voir ces deux Princes , je ferois aifedé de ridée de l'un , comme d-e l'idée de Tautre : au lieu qu'il eft fur que je reconnoîtroîs fort bieii l'idée du Roi de France pour une idée que j'ai eue & celle du Roi de Siam pol^t Une' idée. qUe je n'ai' jamais eue^ ^-:^ : Lors donc que je dis quèjje ne péri Ï€ pas au Roi de France ou que fon idée ne m'eft pas préfente à rEfpritV'^cela veut dire feule- ment que j'y pen !c {{ Tdi'blement ' que je n'en ai pas ce feiuiment diftiifrt qu'on ^appelle conf- cience-3 que cette idée efl; , dans ce moment là, oifuiquee 5 pour ainfi-'airej par d'autres idées plus vives , plus fortes, d'ë forte que je hè l'apperqol^^' fitis alfeipour me dire à 4ivôï^- îtiè- me , dans ce nibnieht'Vj<3 -penfe.au Rdi de France.. : - . Cette Faculté détendre uiie idée qu& nous- avons , aÏÏe!2 vive pour qu'elle fe ■diftin.çue des autres que^ nous avons auffi , fe nomme VAf- teîition. Et l'uiage fondé fur ce que nous- -'rie pcnfons guère qu'à ce qui nous frappe vive- ment ,^' veut qu'on dife qu'une idée n'eft' pré- fente DE VSrCHOLOGÎË, ii^ fente à l'Efprit , que quand on lui donne at^ tention. L'Attention eft plus ou moins forte > elle a fes degrés qui font infinis. Si donc on demandoitî à combien d'idées nous pouvons faire attentioa ! à la fois ? cette queftion ne fauroit avoir de ' réponfe : j *^. parce qu'elle n'exprime pas le ' à^gcQ d'attention dont on veut parler : 2*^. par- ce qu'il y a des Efprits capables d'une plus i grande attention les uns que les autres. Prenons un exemple du Sens de la Vue: je jette les yeux fur un Païfage , & fi je les tiens fixés (ur un point ou fur un Objet, il eft vu plus diftinclcment que les autres : ceux qui en font à une petite diftance fe voient en- core avec alfez de diftindion , mais elle dmiinue pour les objets qui s'éloignent du centre da Tableau , & n'eft plus que confufion pour ceux: dont la diftance eft de 4f degrés : les Opti- ciens , fondés fur l'expérience , difent qae l'étendue d'un coup d'oeil eft bornée à l'angle droit. J'ai donc à la fois l'idée de quantité d'objets , mais avec une dégradation de clarté ou de netteté plus aifée à concevoir qu'à ex- primer, To}»e. XVIL ■' H if^ ESSAI Il en eft de même de la vue de rEfprit Une démonftration contient une fuite de pro- pofitions qu'on doit avoir préfentes à TEfprit toutes la fois , mais non pas avec une égale diftindion. L'Ame parcourt cette fuite, comme rœil parcourt le Païfage , fixant fa plus grande attention fdcceffivement aux différentes parties de la démonftration , & ainfi elle s'affure par dégrés de la certitude de chaque conféquence. Mois dans le moment qu'elle s'occupe le plus d'une d'entr'elles , elle doit avoir un fentimentr moins diftindl à la vérité , de toutes les précé- dentes. Cela fe remarque fur - tout lorfqu'on trouve par foi - même la démonftration j fans cela on n'y viendroit que par hazard ou après un nombre mfini de tentatives inutiles. Qui- conque fe rendra attentif à ce qui fe palfe au dedans de lui , îorfqu'il cherche une démonf- tration, verra qu'il ne perd jamais entièrement de vue la conféquence finale à laquelle il veut arriver & qu'il l'a toujours eue préfente àl'Efprit dés les premiers pas qu'il a faits. J AI fouvent cherché à connoitre combien d'idées je puis avoir à la fois avec affez de diftindion pour pouvoir l'appeller confcience ou appercepion. Je trouve à cet égard affez de va- riété 3 mais en général ce nombre ne palfe pas DE PSTCHOLOGIB, îî^ cinq ou Cix, Je tâche , par exemple , à me re- préfenter une figure de cinq ou (îx côtés ou amplement cinq ou fix points : je vois que j'en imagine diftindement cinq : j'ai peine à allée à fix. Il eft pourtant vrai qu'une pofition ré- gulière de ces lignes ou de ces points foulage beaucoup l'Imagination & l'aide à aller plus loin. L'Ame a (1 eflentiellerrtent plufieurs idées pré- fentes à la- fois , que c'efl: du fentiment deâ rapports de fon état préfent avec fes états an- técédens que découle la Perfonnalité. Au refte; loin que la multitude d^idées quô TAme peut avoir à la fois forme une difficulté contre fa (implicite, elle la prouve, au con- traire , avec bien de la force , comme je l'ai fait voir dans les Chap. XXXV & XXXVK LfciBNiTZ dit que la perception eft la repré- Tentation de la multitude dans l'unité , défini- tion plus vraie que claire. Je ne voudrois pas dire que l'Ame eft mo- difiée de plufieurs manières différentes à la- fois, mais que fa modification eft complexe: & renferme p'ufieurs déterminations à la fois , à peu près comme le Fêu eft en même tems H ^ 1^6 ESSAI chaud & lumineux , comme un mouvement e{fc enfemble uniforme , vite , horizontal , d'Orient en Occident . comme un Ton eft tout à la fois g^rave , fort 5 doux & plein. CHAPITRE XXXIX. Df; inoiivemens qui paroiffent purement machin naiix ^ qui dépendent néanmoins du bon piaifir de PAme. L Es mouvcmens qui paroiiTent puremcne machinaux lefont-i!s en etfet ? Si nous con- fultons là-deiTus l'expérience elle nous offrira une foule de faits qui fembleront décider affir- inativement cette queftion. Combien d'adions qfue nous Rjilbns, pour ainfi dire, machinale- ment , fans la moindre apparence d'attention , de réflexion î Notre condition préfente eft même telle que le nombre de ces adions machinales furpaiTe celui des actions réfléchies. Nous mar- chons,, eous rwangeons , nous écrivons, nous jouons fans penfer aux mouvemens des jambes , des mâchoires, des mains , des doigts. Ce mou- vement (1 naturel, mais fi admirable, par le» quel nous écartons le bras droit quand le Corpg DE P S r C H 0 L 0 a I E. iif penche du côté gauche , ne le faifons - nous pas fans nous en afjfercevoi? ? N'en eft-il pas de même du mouvement par lequel nous fer- mons Toeil à l'approche imprévue d'un Objet? Combien de mouvemens très - compafles , très- ordonnés , très - variés tout enfemble un Mu- ficien , un Danfeur , un Voltigeur n'exécutent- ils pas fans réflexion ! Que n'aurions - nous point à dire de tant de diftraçlions qui fur- prennent i' Combien de Ménalq.ues qu'on diroit n'être que des Automates fpi rituels ! Que ne nous fourniroient point les Somnam- bules, plus Automates encore? Que ne puiie- rions-nous point dans les fonges? Nous lions en dormant de longues converfations : nous adreflbns des queftions ; on nous répond î 8c nous ne nous appercevons point que c^cft nous qui didons les réponfes. Que dis -je ! nous parlons , nous raifonnons, nous méditons dans la veilfe fans réfléchir le moins du monde à tout cela. Bien plus encore j il efl: des mou- vemens que nous fommes tellement appelles à faire machinalement, que fi nous nous avifons de vouloir y apporter quelque attention , nous les exécutons mal, & même nous ne les exé- cutons point du tout. Si on cherche iur le Violon un air qu'on a fu , mais qu'on a oublié en grande partie, on le trouvera plus proiup- H 3 nt ESSAI tememt en laîflant aller fans réflexion les doigts fur rinftrument qu'en y donnant beaucoup d'at- tention. Cependant , il eft certain que toutes les 0dions que nous venons d'indiquer font volon- taires dans leur origine. Toutes reconnoiirene l'Ame pour Principe. C'eft elle qui , félon qu'elle eft déterminée par le plaifir , le befoin, la con- venance ou par quelque autre motif diftindl ou confus , imprime au Corps diiférens mouve- mens appropriés à chaque circonftance. Nous lie marchons , nous ne mangeons , nous ne jouons qu'en vertu de la volonté que nous îivons de faire ces chofes. Les organes qui les exécutent ne continuent à fe mouvoir qu'au- tant de tems que cette Volonté demeure la même. Vient - elle à changer? les mouvemens des organes changent paieillement. Le fom- mcil ne détruit point les Facultés de l'Ame ; il ne fait qu'en modifier plus ou moins l'exercice, L'Ame ne veut pas moins en.fonge que dans la veille j elle ne defire pas moins de perfé- véier dans un certain état ou d'en fortir. Maïs , lorTque l'Ame imprime au Corps une fuite déterminée de mouvemens , n'inteivient-ll ppur la prodairç qu'une feule volonté j pour 15 ^ PSrcnôLOGIE, 11$ âinfi dire , générale ; ou chaque mouvement eft-il l'effet d'une volonté particulière , d'un Ade fpécial de TAme ? Lorfqu'un Mufîcien joite un air fa liberté ne s'exerce-t-elle que dans le choix de cet air ,* ou préfide-t-elle à la forma- tion de chaque note ? Voilà précifément le nœud de la queftion. Tachons de le délier. Un Philofophe abimé dans une profonde méditation enfile un fentier long & tortueux. Ge fentier le conduit à un Bois j le Bois à une Prairie. Il les parcourt : un obftacle fe préfente ; il fe détourne. Il hâte , retarde , interrompt fa marche fuivant que les circonftances l'exigent. Il regagne le fentier ,* rentre chez lui , & n'a rien vu : encore moins fon Ame s'eft-elle a{x- perque des divers mouvemens qu'elle a imprimés à fon Corps. Cependant , qui pourroit nier qu'elle n'en ait été la Caufe immédiate ? Com- ment admettre fans la plus grande abfurdité, qu« le Corps , une fois déterminé à fc mouvoir , ait décrit feul toute cette longue courbe ? Qiiel méchanifmc a pu changer tout -à -coup fa di- redion à la rencontre d'un obftacle & le ra- mener dans le bon chemin ? Prenons y garde j ce n'eft point ici un de ces phénomènes de l'Habitude , qu'on pourroit entreprendre d'ex- pliquer par la fiicceffion réitérée des mêmes H4 120 ESSAI mo'uvcmens. Il s'agit d'une fuite toute nouvelle de mouveniens communiquée à la Machine. Dans une femblable fuite les mouvemens fub- féquens ne font point déterminés par les mou- vemens antécédens. Le premier pas n'efl: point caufc nécelTaire du fécond, le fécond du troi- fieme , &c. I! faut que le Principe foi-mouvant détermme & dirige chaque mouvement en con- féquence de certaines impreiîîons. L'Ame agit donc fans favoir qu'elle agit** ne précipitons point notre jugement. Notre Philofophe s'eft promené & n'a rien vu , avons - nous dit : cela eft ~ il exaclcment vrai F quoi ! fes Haies , les Arbres , la Ver- dure , les Pierres ; les Ruifleaux , les Montagnes, le Ciel qui s'oifroient à lui de toutes parts il île les a point apperqus ? tous ces Objers ont été par rapport à lui comme non exiftans ? ils ne Font, pas été au moms par rapport à fon Corps : Pœil iVa ceffé d'en recevoir les im- preffions & de les tranfmettre au Cerveau. L'Ame n'auroit - elle fenti aucune de ces im- preffions?Nous fommes déjà certains qu'elle a apperqu les Objets qui l'ont obligée de fe dé- tourner. Comment la vue de ces Objets a- 1 elle produit cet effet ? c'a été enfuite du jugement mp rAmq a porté fur la difconvenance de cet DE psrcHozoaiE. iti endroit de fa promenade avec fon bien - être. Elle avoiç donc porté un jugement contraire fur les endroits qui avoient précédé ? elle a donc comparé ces endroits avec celui dont il s'agit."^ elle avoit donc apperqu les Objets qui bordoient fd route & qui en faifoient partie? Que conclurons- nous de là? que TAme eft affeclée à la fois de perceptions vives & de perceptions foibîes , & qu'elle proportionne fou attention au d-^gré de force ou d'iiuérèt de chacune. Les idées que la méditation fournif- foit à notre Philofophe pendant fa promenade l'occupoient prefque tout entier : fon attenti')îi y étoit concentrée. L-es perceptions de!* Objets environnans n'ayant aucun r.ippott avec le fujet de fa méditation Se n'apportant aucun changement à l'état adtuel de l'Ame , ne fai- foient , pour ain(î dire , que gliiîer à fa fur- face. L'Âme ne les diftisiguoit point les unes des autres ; elles étoicnt toutes par rapport à elles au même niveau d'intenfité ou plutôt de foibleiTe. Il n'en a pas été de même des per- ceptions des Objets qui faifoient obilacîe : ces perceptions touchant au bien - être de flndi- vidu, ont fut fur l'Ame une impreilion un peu plus fenlible^ elles ont failli au-deifus des perceptions des autres Objets i l'attention que 122 ES S Aï TA me don n oit à Tes réflexions en a été un peu partagée : TeiFet néceflaire de ce partage a été de changer la diredion du mouvement de la Machine.- C'est ainfi qu'en lifant , nous ne iommes frappés que du fens des mots , & prefque point des lettres qui les compofent. Nous avons pour- tant la perception de celles - ci ; puifque de cette perception dépendent néceflairement & la perception des mots & celle des idées qui leur dont attachées. Mais la perception des lettres eft de la clafle des perceptions foibles , & la perception des idées attachées aux mots elt d« la clalîe des perceptions vives. La perception des lettres devient une perception vive lorf- qu'il fe rencontre dans un mot une lettre mal conformée ou hors de fa place. Ce défaut ou ce déra!igem?nt donne à cette lettre une forte de relief qui la fait faillir au - deifus des autres lettres du même mot. Il n'eft prefque point de momens dans notre exiftence où nous n'aj ijns un grand nombre de perceptions ioibles. Le feul état du Corps, ia pofition , fô i attitude , la fanté , la maladie , &c. en fournilTent une multitude. Et quand en dit qu'on ne penfe à rien , c'eft précifément LE P S r C H 0 L 0 G I E: 12) alors qu'on n'eft afïedé que de ces idées foibles qui ne donnent aucun exercice à l'attention & qui lailîcnc l'Ame dans une forte d'inadion ou de repos. Un état de l'Ame oppofé à celui dont nous parlons eft l'état où elle fe trouve loiTqu'elle fe fixe fur une même idée & qu'elle y concentre, pour ainfi dire , toutes fes forces. Cette con- tention produit une efpece d'inertie qui ne cefle que par la diminution des forces ou par le changement d'Objet. .J24 ESSAI CHAPITREXL. Continuation du même fujet. Application de quelques principes à divers cas-. A P p L 1 Q.U O N S ces principes aux faits que nous avons indiqués, Nous reconnoîtrons qu'ils font des preuves très- équivoques de cette pro- poiîdon que FÂme meut fans favoir qu'elle meut. En effet , le fentiment ou la perception que l'Ame a des mouvemens qu'elle communique à ion Corps efl; par fa nature au rang des per- ceptions les plus foibles. L'état adluel de l'Homme le comportoit ainfi. Ses idées , je veux dire , les imprcfîions qu'il reqoit dU dehors par le miniftere des Sens , les réflexions qu'il fait fur ces idées , leurs comparaifons , leur arran- ment étoient & dévoient être le principal objet de fon Attention. Cette Attention eft une Force très- limitée , parce qu'elle réfide dans un Sujet qui eft fort borné. Le partage l'afîoiblit , l'exercice la fa- tigue. Si elle fe dirige vers un Objet particulier , c'eft toujours en diminution de Fimpreffion que les autres Objets funt fur l'Ame. Mais tout a :b E PSTCHOLÔGIE. I2ç été fagement ordonné : l'Attention fe propor- tionne à l'importance des Objets & aux rap* ports plus ou moins grands qu'ils foutiennent avec la confervation ou le bien-être de l'Indi- vidu. Tant que les mouvemens du Corps ne fe rapportent pas diredement à cette double fin , l'Ame n'y fait aucune attention , parcs qu'ils n'en exigent aucune. Elle, n'a que le iGmple fentiment de ces mouvemens, & ce fentiment l'aifure que fon état demeure ie même , qu'il ne change point en mal. Cela lui fuffit. Tel eft le cas d'un Homme qui fe promené dans un chemin uni en fuivant le fil d'une mé- ditation. Rien ne détourne fon Attention. Sa marche eO: facile, négligée» uniForme. S'il ar- rive qu'elle foit tantôt plus vite , tantôt plus lente, quelquefois interrompue, ce n'eft point l'cifet de l'impreiljon des Objets extérieurs fur ^ fon Ame, elle ne s'en occupe point & ne fau- roit s'en occuper : c'eft l'eifet de la fucceflion plus ou moins rapide des idées qui s'offrent dans l'intérieur. L'mflus^nce de ces idées fiU* les mouvemens de la Machine avec lefquels elle n'ont aucun rapport , prouve que l-'Ame agît à chaque inftant pour produire ces mou- vemens ; puifqu'il n'y a que l'Ame qui puifllb kre affedée de ces idées. 126 E s s A î Passons à un autre cas. Un danger imprévd vient tout -à- coup menacer le Corps : TAdi- vité de l'Ame fe porte à Pinftant de ce côté là : un mouvement intervient; le Corps eft pré- fèrvé. Tel eft le cas de l'équilibre. Or , je dis que dans ce cas-là même l'Ame a le fentimene de fon adiouî & je crois pouvoir le démon- trer. Il eft évident que l'Ame a le fentimenc du danger : elk ne peut avoir le fenttment du danger fans fouhaiter de l'éviter : elle ne fau- roit fouhaiter de l'éviter fans agir en confé- quence : elle ne fauroit agir en conféquence fans le fentir , puifque l'adion eft un moyen pour parvenir à une fin que l'Ame connoît & qu'elle defire : le moyen eft néceifairement lié à la fin. Mais dans ces fortes de cas , l'Ame voit , juge , & agit avec tant de promptitude , que tout cela fe confond , & qu'il n'y a de diftindl que le jeu de la Machine. Il faut y regarder de bien près & décompofcr cette fen- fation pour s'alfurer du vrai. Mais l'Ame de- voit -elle juger de ces fenfations comme elle juge d'un Théorème ou d'un Fait de Phyfique ? Nous avons cité l'exemple d'un Muficien comme un des plus propres à éclaircir la quef- tion qui nous occupe : nous voyons à préfene ce qu'il faut penfer de cet exemple. Les Notes DE PSYCHOLOGIE, 127 Sont dans la Mufique ce que les mots font dans le difcours. Le ton que repréfente une Note eft ridée attachée à un mot. L'Ame a la per- ception de l'un comme elle a la perception de l'autre. Elle fait quelle corde & quel point de cette corde répond précifément à tel ou tel ton. Elle connoît la valeur propre à chaque note & le coup d'Archet qui peut l'exprimer. C'eft fur cette connoiflance qu'elle dirige les mou- vemens des doigts , & ceux du poignet. L'Ame eft donc aulîî confciente de tous ces mouve- niens qu'elle l'eft des perceptions qui les dé- terminent. L'habitude en rendant ces mouve- mcns plus faciles , moins dépendans de l'atten- tion , affoiblit, il eft vrai, le fcntiment que l'Ame a que c'eft elle - même qui les produit , mais elle ne le détruit pas. La perception des notes & le fentiment des mouvemens qui les expriment font deux idées liées eifentiellemenc l'une à l'autre & qui fe confondent. Une idée eft une modification de l'x^me ,• ik qu'eft - ce autre chofe que cette modification finon l'Aîne elle-même modifiée ou exiftant d'une certaine manière ? Eft-il un fentimsnt qui doive être plus préfent à TAme que celui de fa propre exiftence? Mais l'exiftence eft néceiTairemene déterminée dans tous fes points : on n'exifte point indéterminément : le fentiment de ces 128 ESSAI déterminations s'identifie donc avec celui de l'exilbnce ou plutôt ce n'cft qu'un même fen» liment. Là diftrndion n'eft pas toujours l'effet d'une profonde méditation-, elle e(l plus fouvent le fruit de la légèreté & de l'étourderie. Un diftrait de celte efpece n'a point l'uiage de l^'Attention, Emporté par m\ torrent rapide d'idées fnvoîes , 41 eft incapable de fe fixer fur quoi que ce foit. Le fentiment tient lieu chez lui de notions, l'apparence , de la réalité. Il voit confulément la première furface des chofes , & il fe trompe toujours furie fond. Son Ame fait qu'elle agit , & qu'elle agit en vue d'une certaine fin , mais elle fe méprend {ans celle fur cette fin. L'action n'etl prefque jamais d'accord avec la peu fée. L'Ame veut un Objet , elle en prend un autre. Son inattention perpétuelle aux perceptions qu'elle reçoit du dehors affoiblit tellement en elle l'imprw^iïîon de ces perceptions qu'elle les fent à peine. Tout fe confond à fes yeux. Les Objets les plus diiîemblables s'identifient j \qs plus difcordans fe rapprochent. Il n'eft point pour elle de nuances : les teintes les plus fortes lui échappent ou ne l'aiFedtent que légèrement. Sans DE PSrCHOLOGIE, 12? Sans être livré à la méditation & fans être étourdi il n'efl: Perfonne qui n'ait en fa vie bien des diftradions. Combien de fois n'arrive- t-il pas qu'on a fous ies yeux des Objets de la préfencc defquels on ne parole pas s'apper- cevoir î Si pourtant on eft acheminé à penfer à ces Objets on s'en retracera l'idée dans un alTez grand détail : preuve inconteftable que la diftradion ne détruit pas le fentiment des imprelîîons qu'on reçoit du dehors & qu'elle ne fait que le reiidre moins vif. Ls Somnambule n'cfl point un Automate. Tous fes mou 'emens font dirigés par une Ame qui voit très-clair : mais fa vue eil toute in- térieure : elle fe porte uniquement fur les Ob- jets que l'Imagination lui retrace avec autant de Force que d'exadicude. La vivacité & la vérité de ces images , l'impolTibilité où l'Ame fe trouve par faifoupiiTemeut des Sens de juger de ces perceptions intérieures par comparaifoii à celles du dehors , la jettent dans une illufioii donc l'effet eft néceifairement de lui perfuader qu'elle veille. Elle agit donc conféqu-emment aux idées qui l'aifedent fi fortemeat : elle exé- cute en dormant ce qu'elle exécutoit en veil- lant. Elle imprime au Corps une fuite de mou- vemens qui correfpond à eelle que la vui des Tome XVIL I Ï5Ô ESSAI Objets occafionoit pendant la veille. Semblable au Pilote qui gouverne fon VaifTeau fur Tinf- pedion d'une Carte , l'Ame dirige fon Corps fur l'infpedion de la Peinture que l'Imagination lui offre. Et comme cette Peinture eft d'une grande fidélité 5 on obferve dans les mouvcmens ]a même régularité , la même jufteife , les mê- mes fins , les mêmes rapports aux Objets ex- térieurs qu'on obferveroit dans ceux d'un Homme qui feroit ufage de fes Seus & qui fe trouveroit placé dans les mêmes circonftances. Si quelquefois l'Ame commet des méprifes , c'cft moins dans la diredion des mouvemens que dans le choix des Objets ; c'eft moins dans la fin que dans le moyen. Ordinairement ces méprifes dérivent de l'inadion totale des Sens, qui ne permet pas à l'Ame de juger de la na- ture des Objets extérieurs & de leur difcon- venance au but ou à l'ordre des perceptions intérieures qui règlent fes mouvemens. Mais quelquefois ces méprifes ont une origine con- traire : les Sens à demi aflbupis font pafTer jufqu'à l'Ame des imprefîîons foibles , qui fe mêlent avec les perceptions du dedans &-^ii troublent la fuite & la liai fon. Tous les mouvemens qui demandent à être exécutés avec promptitude , font rallentis , trou- DE P S r C H 0 L 0 Q I E, 131 blés ou interrompus lorfque F Ame leur donne une certaine attention. C'ed que Tattention de- vient alors diitradtion. L'Ame confiderc dans cliaque mouvement plus de choies qu'il n'en faut confidérer. Cela la détourne de l'OnjeC principal , & lui fait manquer l'ordre ou la liic- .cefîion précife des mouvemens. Si à cet excès d'attention fe joint la crainte de mal réulïîc , le dérangement eft extrême. CHAPITREXLL De la Faculté Je fentir & de celle de mouvoir, Qiie ces deux Fajiiliés font très - dijVm:}.'S Viine de l'autre. s Entir & agir font deux chofes diftindes. Avoir une multitude de perceptions confures à l'occafion des 'mouvemens qu'un Objet excite dans le Cerveau , c^eil fentir. Imprimer au Cer- veau de pareils mouvemens , c'eft agir. Le mou- vement qui occafione un fentiment n'eft ooint ce fentiment. Tout fentiment eft une idée ou une collection d'idées. Toute idée tient à la Fa- rulté de connnître. Tout mouvement ti?nt a la Faculté de mouvoir. La Faculté de vmloirfup- ÏÎ2 ESSAI pofe nécelïaircment la Faculté de connoitre. On ne veut point ce qu'on ne connoît point. Mais la Faculté de vouloir ne fuppofe pas toujours la Faculté de mouvoir. On peut vouloir des cîiofes auxquelles la fphere d'adivité de l'Ame ne s'étend point. Prenons garde à ceci : VAmQ toujours préfente à elle-même, s'ignore elle- même. Elle agit à chaque inftant fur différentes Parties: elle exerce cette adion le voulant & le fâchant j 8c elle ne connoit point la manière dont elle l'exerce. Elle eft unie de la manière la pîus intime à toutes les Parties de fon Corps , 8c elle n'a pas le moindre fentiment de leur méchanique & de leur jeu. Seroit-ce donc heurter de front nos Connoifïances certaines que d'avancer , que la Force motrice n'a été foumife à la dircdion de la Volonté que juf- ques à un certain point & relativement à un cer- tain ordre de mouvemens F y auroit-il de la contradidion à penfer que la Force motrice déploie fon adivité fur certaines Parties en vertu d'une Loi fecrete, qui la rend indépen- dante à cet égard de toute Volonté 8c de tout Sentiment ? Cela répugneroit- il davantage à notre manière de concevoir, que n'y répugne rUnion de deux Subftances qui n'ont entr'elles aucun rapport? non affurément. Mais, nous fommes forcés par de bons raifonneraens d'ad- DE PSrCHOtOGlE. 1^5 mettre cette Union ; & rien ne nous force (Fad- mettre cette Loi fecrete. Si cependant on ai- moit à la réalifer , comme l'ont fait quelques Pkilofophes pour expliquer par là plus facile- meat tous les Phénomènes de rE'conomie Ani- male , les Ames feroient dans les Corps orga- iiifés ce que les poids , les reflbrts & les autres puillances font dans les Machines. Les Ames préiideroient aux mouvemens admirables de la digeftion , de la circulation , des fécrétions , de TaccroilTement, des reprodudtons , &c. comme un Enfant préfide aux merveilles qu'enfante le Métier que fa main ignorance fait mouvoir. Je m'explique plus métaphyfiquement. Les Sens font l'origine de toute connoiiTance. Les idées les plus fpirituelles fortent des idées (en- iibies comme de leur matrice. Liée aux Sens par les nœuds les plus étroits , i'x\me ignore- roit pourtant à jamais leur exiftence Ç\ radlioii des Objets exccL-ieurs ne venoit la lui décou- vrir. Elle ignoreroit de même la Faculté qu'elle a de mouvoir , Çi le plaifir & la douleur ne l'en inftruifoient par le miniftere des Sens. L'Ame fent qu'elle meut ^on bras , par la réadion du bras fur le cerveau. Cette réaction affectant quelqu'un des Sens , produit dans l'Ame uit featimeac , une idée. De cette ià^Q fenfible ou 13 J34 ES S A î direde l*Ame peut déduire avec le (ecours du Langage les notions réfléchies d'Exiftence, ds Sentiment, de Volonté , d'Adivité, d'Organe, de Mouvement, de Corps, de Subftance, &c. Afin donc qiji'un mouvement foit appercu de l'Ame , il 4^ {'uJffit pas qu'elle l'exécute : ce mou- vement n'eil point lui-même une idée^ or , il n'y a qu'une idée qui puiffe être l'objet de la Faculté de fentir. Il ne peut devenir cet objet qu'autant qu'il eft réfléchi fur l'Organe du Sen- timent. Mais les mouvemens qui opcient les r^produdions , i'accroiObment , les fécrétions , ikc. ne réagiiFcnt point fur le Siège du Senti- ment, puifquc l'Ame n'en a pas la moindre idée. Ils pourroient donc être l'eiTet de la Force niotrice fans que l'Ame en eut le plus léger fentiment j la Force motrice différant autant de la Force repréfentatrice ou de la Faculté d'appercevoir 5 quun mouvement diffère d'une perception. Par une conféquence naturelle du même principe, i'Amc n'a point le fentim^ent de la înéchanique & du jeu des Organes, fur lefquels elle agit librement, par cela même qu'elle egic ibr ces Organes. Cette action n'eft point une idée: c'cil: un mouvement communiqué , un degré de Force tianfçîis. Tout ce que l'Afiie en connoîc LE PSrCHOLOGIE. i;ç & que rexpérience lui enfeigne , c'eft le point du Senforiiim vers lequel aille doit diriger fon adion. L'action des Sens fur l'Ame ne fauroit non plus lui donner le fenciment de leur ftrudure & de leur manière d'opérer. Dans l'ordre établi l'effet néceiTaire ; de cette adion eft la percep- tion d'un Objet extérieur au Sens qui en rend à l'Ame les imprelîîons. Ce n'eft que par cette perception que l'adion dont nous parlons affede la Faculté de fentir. Mais cette perception n'a rien de commun avec le mouvement qui en eft la caufe occafîonelle. Ce qu'un nlfet efl: à l'idée qu'il repréfente , ce mouvement l'eft , pour ainfi dire, à la perception qu'il fait naître. Il eft une efpece de figne employé par le Créateur pour exciter dans PAme une certaine percep- tion & pour n'y exciter que cette perception. Il fereit contradidoire à la natuie & à la fin de ee figne qu'il excitât à la fois & de la même manière deux perceptions qui non feulement n'auroient entr'ôlles aucun rapport, mais, qui s'excluroient encore mutuellement. Comment le mouvement qui donneroit à l'Ame l'idée iWwQ couleur qui eft une idée fimple, lui donneroit-il en même tems & précifément par la même voie l'idée très-compofée de l'Organe & de ion opé- ration? Il faudroit à l'Ame un autre Sens qui 14 1 3 6 E S S A î traduisit en perceptions , lî je puis m'exprimer ainii , cette méchanique & ce jeu. C'est encore par la même raifbn que TAme ne ic connoit point elle ► même. L'Ame ne cou- iioit que par l'intervention des Sens. Les Sens n'ont de rapport qu'à ce qui tient au Corps : l'Ame n'cft rien de ce qui tient au Corps. CHAPITRE X L I L De la Liber ié en gêner lîL Pv WEtte Force motrice de l'Ame, cette Adi- viié qu^elle exerce à foii gré fur Tes Organes eft la Liberté, Le Sentiment intérieur nous démontre que nous fommes doués de cette Force , comme il nous démontre (|ue nous Ibnim^s doués de la. Faculté de penfer. Nous (entons que nous pou- vons mouvoir la main ou le pied ,, confidérjer un Objet ou nous en éloigner , continuer une 'adion ou la fulpendre. Prétendre innrmer cette décifîon du Sentiment , c'eil renoiicer à toute évidence , c'elt dénaturer notre Etre. DE PSrCHQLOGIF. 137 Mais cette Force motrice de F Ame eft de fa nature indéterminée : c'eîl un iimpîe Pou- voir d'agir. Comment ce Pouvoir ell-il réduit en ade ? CHAPITRE X LUI. Des déterminations de la Liberté en générai. De la Volonté ^ de P Entendement. Des Aife^ions. ^jj JLU A raifo Ton qui détermine l'Ame à agir eft la vue du meilleur. Le meilleur eft ici tout ce que l'Ame juge être tel , foit qu'elle fe trompe dans fon juge- ment , foit qu'elle ne fe trompe point. Le meil- leur apparent a la même efficace que le meil- leur réel : tout ce que l'Ame croit lui conve- nir la détermine. La Faculté en vertu de laquelle l'Ame em- braifc le meilleur eft la Volonté. L'Ame veut effentiellement le meilleur. L'in- (iifférence au bien feroit une contradiâiion dans la Nature des Etres fentans. 138 ^SSAl Les idées que TAme a du meilleur font la rè- gle des jugemens qu'elle forme fur le meilleur, La Faculté eu vertu de laquelle TAme a des idées j compare ces idées entr'elles & voit leurs rapports & leurs oppolitions , ell rEntendemenc. Le Penchant naturel qui entraîne l'Ame vers certains Objets , qui la porte à rechercher cer- tains plaiUrs eft le principe général des Affec- tions, & ce principe tire fon origine du Tem- pérament , de l'Habitude , du Genre de vie , de i'ÉducatioH. Les idées & les Affedions de l'Ame font donc la fource de fes déterminations. DE FSrCHOLOGIË, 139 CHAPITRE XLI7. Ds la Liberté d'indijférence. D Ans la fuppofition qu'une Ame fût dégagée de fon Corps & placée entre deux Objets qui lui paroitro-enc parFaicement femblab'es , elle demeureroic en équilibre entre ces deux Ob- jets , & ne pourroiÊ le déterminer pour l'un plutôt que pour l'autre; Cette propofition eft facile à démontrer. Il n'eft point d'effet fans une raiion capable de le produire. Qiiclle feroit ici la raifon qui opéreroit la détermination de l'Ame ? Elle ne iauroit être dans la nature des Objets propofés , puifqu'on les fuppofe par- faitement femblabîes. Elle ne fîuroit être non plus dans la nature de la Volonté, puifque la Volonté ne s'exerce que fur le meiileur, & qu'il n'tlt point ici de meilleur. EîiEn , cette raifon ne fauroit être daiis la nature de la Li- berté , puifque la Liberté n'eft que le pouvoir d'agir & que ce pouvoir eft indéterminé, -■■ Mais l'Ame eft unie à un Corps : elle en éprouve à chaque inftant les imprcŒons j quoi- que toutes ces JmpreŒons ne lui foient pas 14» ^ ESSAI également fenfibles. De là il arrive aiTez fou- vent que TAme croit agir indifféremment , bien qu'elle foit mue par une raifon 5 mais cette raifon eft alors dans une certaine dirpofition du Corps dont l'Ame ne s'apperqoit pas claire- ment. Enfin , dans les cas qu'on nomme â^wdiffe- rence l'Ame e(t dans une eipece d'équilibre que la moindre Force ou la moindre raifon eft ca- pable de rompre : & cette raifon eft ordinai- rement Il petite que l'Ame n'en eft pas aff^dée d'une manière bien fenGble. Je dis d'une ma- nière bien fenfible , parce que je crois que l'Ame apperqoit toujours cette raifon , mais plus ou moins diftm dément , à proportion de l'at- tention que l'Ame apporte à la confidérer. Qiiel- ques degrés de plus d'attention dans l'inftant où l'Ame s'eft déterminée auroient transformé ces raifons fourdes en raifons diftindes : c'eft ce que tout Homme qui penfe peut éprouver chaque jour. De là découle une maxime importante : puif- que des raifons fourdes font capables de nous déterminer , ^ qu'elles peuvent devenir d'au- tant plus efficaces que nous nous en dé£ons moins , il eft d'un Homme fage de ne fouifrir BETSreHOLOGIB, 141 chez lui que le moins de ces raifons qu'il eft polFible. E'tudions - nous donc avec foin : ren- dons-nous attentifs aux nioindres principes de nos adions ,• & tâchcrns de ne nous déterminer dans les cas moraux que fur des raifons diftindes^ CHAPITRE XLV. ^ue l'expérience prouve qu'il faut a VAme des motifs pour la déterminer. L 'Exfe'rience prouve fi bien que TAme ne fauroit fe déterminer fans motif, que lorfque les Objets propofés n'en fourniifent aucun , nous voyons les petits Efprits en chercher dans des chûfes abfoîument étrangères au fujet\ par exemple , dans un certain genre de fort. Et fi vous leur faites voir que ce fort n'a aucune liaifon avec les partis propofés , ils ne man- queront pas de recourir à quelqu'autre fort ou à d'autres expédiens auffi peu raifonnables. Faites fur ces nouveaux moyens de détermination les mêmes réflexions que vous avez faites fur le premier , vous les mènerez ainfi pendant quel- que tems de forts en forts , d'expédiens en expédiens , ftns qu'ils parviennent à fe déter- 142 i E S S A î miner. Ce jeu durera d'autant plus que ies partis propofés feront plus confidérabîes. Dans ces cas là que fera le Philofophe? il laiiTera agir la Machine : il s'en remettra à la difpofition aduelle de fon Corps: il dira fair ou non ^ fuivantque fa bouche fe trouvera dif- pofée pour dire Tun ou pour dire l'autre. La marche du Philofophe différera encore plus de celle du Peuple dans les cas importans ou compofés. Souvent dans ces fortes de cas le Peuple cherche hors des partis propofés des motifs à fes déterminations. Quoique ces diifé- rens partis n'aient qu'un air de relfemblance , il fufFit pour opérer fur fon efprit reifet d'une parfaite égalité. Le Philofophe , au contraire , tourne^ & retourne plufîeurs fois les mêmes Objets : il veut les voir fous toutes leurs faces. Il pefe toutes les probabilités , compare toutes les convenances, eftime tous les avantages, & par ce fige examen il parvient à découvrir lequel de tous ces partis efl: le plus conforme à fes vrais intérêts. BEPSTCNOLOGIE, i^ CHAPITRE XLVI. Explication de ces paroles , Video meliora , pro- boque, détériora fequor. D Ans cette fituation Vkme porte alterna- tivement fa vue fur différens motifs. Le vrai bien & le bien apparent s'oîfrent à elle tour à tour. La Raifon lui confeille d'eaibralfer celui- Jà : la Paffion lui perfuade d'embralTer celui-ci. La Raifon expofe à l'Ame tous les avantages du parti qu'elle lui confeille & tous les incon- véniens de celui que la Palîion voudroit qu'elle embrafîàt. La Paffion vient enfuite , & par des Raifonnemens fubtils 8c artificieux elle tâche d'afFoiblir ceux de la Raifon & de faire prendre au bien apparent la forme du vrai bien. Pour cet effet , elle avoue que le parti que la Raifon propofe efl: le meilleur à parler en général: mais elle infinue adroitement que dans le cas particulier où l'Ame fe trouve , le parti oppofé peut être préFéré. La Raifon entreprend aufîî- tôt de diffipcr riîlufion & de faire reprendre an bien apparent fa véritable forme. Muis la Paffion redouble à l'inftant fes efforts , & aidée des Sens & de mille raifons fourdes , elle prend 144- ESSAI infenfiblement le deflus. La Raifon commence à plier j fes forces diminuent de moment eti moment, & fa voix foible & mourante par- vient à peine jufqu'à fAme. Enfin , la viéloire fe déclare entièrement: la Pafîion triomphe,* & le bien apparent devient le meilleur. Maïs le triomphe de la Paflion dure peu; & bientôt TAme revenue à elle-même recon- noît qu'elle a été trompée. Elle retourne donc fur fes pas pour tâcher de découvrir la fource de fa détermination. Et comme elle ne fauroit fe placer prccifément dans les mêmes eirconf- tances où elle étoit au m.oment de fcidion , elle fe rappelle feiïlement qu'elle a vu diftindement le vrai meilleur , & le jeu de la Paffion lui échappe en tout ou en partie. Elle vient ainfî à penfer qu'elle s'eft déterminée contre la vue diftinde du bien ,• quoiqu'il foit certain qu'au mom.ent où elle a agi le vrai meilleur avoit dif- paru & fait plafce à l'Objet de la Paffion. Un Phiiofophe qui fe trouveroit en pareil cas s'af- fureroit ailément de la vérité du fait : mais un vrai Philosophe pourroit - il fe trouver dans ce cas ? L'Ame fe détermine donc toujours pour ce qui m î) E PSrCHOLOGiE, 145 qui lui paroît le meilleur, & jamais elle n'cm- hi'àiÎQ le pire reconnu pour pire. Telle eft l'Union de PAme avec le Corps ^ qu'à Toccafion de certaines idées qui s'ofFrentî à TAme , il s'excite dans le Corps certains mouvemens qui rendent ces idées plus vives. Celles-ci , devenues telles , augmentent à leur tour la force des mouvemens -, & de cette efpece d'adion & de réadion réfulte la Pailloa qui augmente fans ceiïe. Les appétits fenfuels fe fendent plus ac'lifs & plus preflans : le fens- froid néceiTaire à la Raifon^ pour difcemer le vrai difparoit entièrement & fait place au tu- multe & à l'agitation. L'Ame cède à la force qui l'entraîne & devient la proie de la Paffion. Voulez vous donc éviter d'être fubjugués ? allez à la fource du mal : écartez foigneufement ces idées qui ont tant de force pour émouvoir les Sens : auffi - tôt qu^elles fe préfentent à vous , détournez-en la vue. Si vous les confi- dérez un inlknt j fi vous écoutez un moment ces dangereufes Syrenes , vous rifquez de périr. Fuyez donc, je vous conjure, fuyez & ne vous arrêtez point. Admirables effets de TE'vANGrLE de Tome XVIL % S4^ E S S A î Gracè ! en éclairant rEtendement fur les biens^ il fc rend maître des Affedions & ne laifle à la Volonté que des defirs légitimeSé CHAPITRE XLVIL Des fondemens éle la prévijjon. L A chaîne des idées qu'offrent l'Entende- ment, les pcnchans , les goiits, les inclina- tions , & tout ce qui eft renfermé dans le terme général à'Jfft&ions conflitue propremens ce qu'on peut nommer le Cara&ere de l'Ame. Le Caradere de l'Ame étant donné, la dif- pofition adtuelle du Corps étant déterminée , ^ deux ou plufieurs partis étant propofés , on prédira à coup fCii: quel fera celui des partis que l'Ame embraifera. La prudence humaine , & cette prudence plus relevée qu'on nomme la Folitique ^ n'ont pas d'autre fondement. L'Intelligence adorable qui par des noeuds fecrets a uni l'Ame au Corps , qui voit - ]^ E PSTCHOLOGIE. 147 les Effets dans les Caufes , les Caufts dans les Effets , qui connoît jurqu'à la moindre idée de l'Entendement Se qui fonde les coeurs & les reins'^ cette Intelligemce u*auroit elle point prévu toutes les adions des Flommes < CHAPITRE X LVIIL De la qnejîion fi les déterminations de la Lu berté font certaines ou nécejTaires, JL O u T E s nos déterminations font -elles donc néceiraires? De grands Philofophes diftin- guent ici le certain du néceiikire. Ils nomment certain , ce qui eft ^ qui pourvoit ne pas être on être autrement. Le néceiïiiire ejî ce qui ejî ^ qui ne pourroît pas ne pas être ou être autranent. Ils diihnguent enfuite trois fortes de néceifitésj la néceffité mathématique ^ la nécelfité phyfiqiie & la néceliité ynorale. Que la ligne droite foit la plus courte qu'un puiifè mener d'un point à uji autre, c'eft d'une néceiîiié mathématique: qu'ims Pierre laiifée à elle même tombe, c'eft d'une iiéceiîité phyfique : qu'un Homme de bon fens ne fe jette pas par la fenêtre, c'eft d'une né-r celîîté morale. Les deux dernières efpeçes de 148 ESSAI néceflités font , félon ces Philofoplies , des nécefîîtés hypothétiques , qui ne font telles qu'eu vertu de l'ordre qu'il a plu à Dieu d'établir. Enfin , la néceffité morale n'efl; pas proprement , félon eux , une nécejjlté , mais une parfaite certitude. Il eft certain que l'Ivrogne boira le Vm que vous lui préfentez ; mais il n'eft pas néceifaire qu'il le boive. Cependant , fi Ton prouvoit que dans toutes nos déterminations le certain coïncide avec le néceffaire , on détruiroit cette ingénieufe & fub- tile diftindion , & l'on reviendroit à quelque chofe de plus fimple. Je demande donc j tout ce qui dérive de la nature d'un Etre ne doit - il pas être dit en dériver néceifairement ? Je prends cet Etre tel qu'il eft , & je n'examine point s'il pouvoic être conititué d'une autre manière. Or, ce qui conftitue la nature de l'Ame ce ne font pas feulement fes Facultés , ce fone aufîî f s idées & ces idées font elle-même. Et comme les déterminations de l'Ame font tou- jours relatives à fes idées ou à fa nature , il fuit de là que les déterminations de l'Ame font toujours néceifaircs. DE PSTCHOLOGIK ilf Tout Agent agit d'une manière conforme à fa nature, c'eft-à-dire , neceiTairement ; mais comme il y a différentes efpeces d'Agens , il y a auffi difFcrentes efpeces de nécefîités 5 & l'Ame n'agit pas par la même néceflité qui fait tomber une Pierre laiffée à elle - même ; le Prin- cipe de l'adion eft différent 5 mais l'effet eft également iûr ou déterminé. Je ne fais pas difficulté de le dire : îa né- aelîité mathématique ou abfolue , la nécefîité phyfique & la néceffité morale me paroilfent toutes fe réduire à la nécellité hypothétique. Supposez une figure formée de trois lignes droites: une fuite nécelfaire de cette fuppofi- tion fera que les trois angles de cette figure feront égaux à deux droits. Voilà la nécelîité mathématique ou abfolue. Supposez un Corps preifé par deux Forces égales , en fens diiférens , mais non pas oppofés : une fuite nécelfaire de cette fuppofition fera que le Corps fe prêtera également à Pimpreflioii de ces deux Forces & qu'il fe mouvra fuivant la diagonale d'un quarré. Voilà la néceffité phyfique. Supposez un Homme tort enclin à h ca- K 3 if# ESSAÎ 1ère plicé dans des circonftances propres à émouvoir fa bile : une fuite neGeifaire de cette iuppafition fera que cet Homme fe livrera auiîî- tût à la colère. V^oilà la iiéceflité morale. Je fcutiens donc que le contraire d« ces trois néceffités efl également impoffible. Je crois qu'il eft suffi impoiTible que l'Homme colère ne fe livre pas à la colère , qu'il l'eft que les trois angles d'un triangle n'en égalent pas deux droits, Et ne dites pas que l'Homme colère peut devenir doux : vous venez de fiippofer un tri- angle , & vous fuppolez maintenant un quatre, Pakçe que nous ne voyons pas tout Ten^ çbiiînement des Caufes & des Etïets & la rela- tion de cet cnchiJinement avec la Cause Pre- mière^ nous difons qu'un événement cii feu- lement certain , quoiqu'il ioit néceflaire. Nous définiflbns donc le certain^ ce qui efl & qui pourvoit ne pas être ou être autrement ; & nous ne çonfidérons pas que ce qui eft, eft en verti^ d'un Otdre établi ; Ordre néceffaire 5 prod^iç? tioti d'uiif Causi Ns'cessaire. J) E PSTCH0L0&7E. içi — r ' ' ' ' ' CHAPITRE XLIX. Qîie la nécejjité nç détruit point la Liberté, y^Uoi donc, me direz-voiis, le Sentiment in- térieur ne me perfuade-t-il pas , que dans cha- que cas particulier je pouvois agir autrement que je n'ai fait ? Ne fens-je pas que je pour- rois mettre ma main dans le Feu iî je le vou'.ois ? N'cft-ce pas là une preuve que je ne fuis pas nécefîîté i* Oui , vous êtes libre. Le Sentiment inté- rieur vous convainc de votre Liberté i & ce Sentiment eft au-deffus de toute contradidion. Mais cette voix fi claire , ce cri de la Nature , qu'expriment-ils ? fai le pouvoir d'agir , je fais ce que je veux: fi je voulois autrement ^j'agii'ois autrement. Rien de plus vrai que cette expref- fion. Mais pourquoi , je vous prie , ne voulez- vous pas autrement ? Vous Ççntez que vous pour- riez mettre la main au Feu ? fans doute , vous le pouvez : mais pourquoi ne 1^ faites - vous pas ? vous voulez le meilleur ; & il eft impoiTible que cela vous paroifTe le meilleur dans l'état aduel lie votre Ame. Vous fente?; que vous pouviez Ï52 ESSAI agir autrement que vous n'avez fait dans tel ou tel cas particulier ? cela eft encore très-vrai i niais quand vous vous êtes déterminé , ne vous êtes-vous pas déterminé pour ce qui vous pa- roilToit le meilleur ? vous avez donc agi libre- meiit -i puifque vous avez fait pfage du pou- voir que vous aviez d'agir. Le Sentiment de la Liberté eft ïa Confcience que nous nous fommes déterminés volontairement , fans contrainte , en vue du meilleur. Nous fommes donc lihres toutes les fois que nous ufons à notre gré du Pouvoir que nous avons d'agir. Nous fommes contraints quand nous fom- mes privés de l'exercice de ce Pouvoir. Mais ? nous ne fommes pas proprement contraints lorfque par des menaces on nous oblige d'agir d'une manière contraire à celle dont nous aurions agi fi nous euiîions été laif- fés à nous-mêmes : car dans ce cas la Volonté ne fait que changer d'Objet : fon meilleur aduel eft alors d'éviter J'eiFet des menaces. Les déterminations libres de l'Ame viennent B E P s Y C H 0 L 0 G I E. i^ entièrement de fon propre fonds. C'eft l'Ame elle-même qui fe détermine fur certains motifs : mais elle n'eft point déterminée ou yiécejjltée par ces motifs 5 comme un Corps efl; déterminé ou nécejjité à fe mouvoir par la Force qui agit fur lui. L'Ame juge du rapport des Objets avec fon £tat préfent , & elle fe détermine fur la percep- tion de ce rapport. La Volonté ne fauroit être contrainte j parce qu'il feroit contradictoire à la nature de PEtre intelligent qu'il voulut ce qui ne lui paroîtroit pas le meilleur. C'eft ce qu'on rend en d'autres termes lorfqu'on dit , que l'Ame veut toujours avec Spontanéité ou de plein gré. CHAPITRE L. De la Liberté confidérée en DiEU. L A Liberté eft effentiellement la même dans tous les Etres inteJligens. C'eft chez tous une Force âdive, un Pouvoir d'agir inhérent à leur nature , mais ce Pouvoir eft plus étendu dans les uns & plus reilerré dans les autres. Ainfi , j'ofe dire, que la Liberté' Djvi^îe , prife dans 1Ç4 ESSAI ce feus 5 cft du rnême genre que la n6tre. Mais notre Liberté eft infiniment bornée ; & la LiBER-tE' Divine ne reconnoit point d'autres bornes que les bornes des FoJJîhles. Notre Li- berté s'exerce fouvent far le bien apparent : la Liberté' Divine s'exerce toujours fur Iç. vrai bien. CHAPITRE LL Qitefiïon y fi les Bêtes font douées de Liberté: J-i A Liberté efi; la Faculté d'agir : Ci les adions des Bètes procèdent d'un Principe immatériel capable de connoifTance , les Bètes font douées de Liberté. Mais cette Liberté eft très - impar- faite , puifqu'elle eft relTerrée dans les bornes étroites de l'Entendement qui la dirige. Cet Entendement , maintenant Ç\ refferré , s'étendra peut - être quelque jour. Vouloir que l'Ame des Bètes foit mortelle , précifément parce que la Bète n'eft pas Homme; ce feroit vou- loir que l'Ame de l'Homme fut mortelle préci- fément parce que l'Homme n'eft pas Ange. B I^ PSrCHOLOGir. içç L'Ame des Bètes & l'Ame de l'Homme font figaîemeiit îndeftrudlib'es par les Gaules fécondes. Il faut un Ade aulli pofiiif de la Divinité' pour anéantir PAme du V^cr que pour anéantir celle du Philofophe. Mais quelles preuves nous donne- 1~ on de Tanéantiflement de l'Ame des Bètes ? On nous dit qu'elles ne font pas des Etres moraux. N'y a-t-il donc que les Etres moraux qui foient capables de bonheur ? Les JEtres qui ne font point moraux ne fauroient- ils le deveuir? A quoi tient cette moralité r' à l'ufage des termes : à quoi tient cet ufage ? pro- bablement à une certaine Organilation. Faites paifer l'Ame d'une Brute dans le Cerveau d'un îîomme , je ne fais Ci elle ne parviendroit pas à y univerfaUfer fes idées. Je ne prononce point: il peut y avoir entre les Ames des diiférences relatives à celles qu'on obferve entre les Corps, Voyez cependant , quelle dtverfité le phyfique $Tiet entre les Ames humaines. Pourquoi bornez- vous le cours de la Bonté' Divine ? Elle veut fiire le plus d'Hmreux qu'il eft poITible. Souffrez qu'ELLE élevé par degrés l'Ame de l'Huitre à la fphere de celle du Singe ,• l'Anie du Singe à la fphere de celle de^ M6 ESSAI CHAPITRE LIT. De la perfe&ion de VAme m général N Ou S l'avons vu : la Volonté fuit les décidons de l'Entendement. L'Ame ne veut que fur les idées qu'elle a des Chofes ,, & l'adioii luit toujours le dernier jugement de l'Ame. La perfedion de l'Ame confiée donc dans h perfedion de l'Entendement. La perfedtion de l'Entendement confiftc eu général dans le nombre , la variété & l'univer- falité des idées & dans la conformité de ces idées avec l'état des Chofes. DE PSrCHOLOGIE. i^l CHAPITRE LUI. De P Ordre, c H A QUE Chofe a Tes qualités, les déter- minations particulières qui font qu'elle ^eit ce qu'elle eft. Ces qualités donnent naiffance aux^ rapports qu'on obferve entre les Chofes. Ces rapports eonftituent l'Ordre. L'Ordre eO: donc quelque chofe de très- réel, puifqu'il dérive de r^ifenee même des Etres, & que cette eflence a fa Raifon dans I'Entendement Divin , Source Éternelle de toute Réalité. Agir d'une manière conforme à l'Ordre , c'efl: agir d'une manière conforme aux rapports qui font entre les Chofes : c'eft en ufer à l'égard de chaque Etre relativement à fa nature * ou à- fon mérite. Traiter un Animal comme un Cail- lou , un Homme libre comme un Efclave , un Montesquieu comme un Spinosa jc'edagic d'une manière contraire à l'Ordre. lç« É s s A î L'Ame a fa nature , fes Facultés d'où déri- vent fes rapports aux Etres environnans. La Loi Naturelle eft TeiFet de ces rapports. L'Ame obferve cette Loi, ou ce qui revient au même , TOrdre , lorfqu'elle agit conformé- ment à fa nature ou à fes rapports. L'Ame a le fentiment des rapports. Le Tem- pérament , l'E'ducation , l'Habitude le rendent plus ou moins vif. Ce que quelques Philofo- phes ont nommé Inffmct moral ne fe réduiroit* il point à ce fentiment ? Mais , pourquoi l'x^me éprouve-t-elle certains fentimens à la préfence de certains Objets ? telle eft fa nature : tels font les rapports qu'elle foutient avec ces Objets. L'Ame a ces fenti- ment comme elle a la fenf\tion de la chaleur. Les idées de jufte & d'injufte , d'honnête & de déshonnête , de vertu & de vice , de bien & de mal fe réduifenc à celles d'Ordre & de défordre. £>EPSrcHOtÙGIE. ÏÇ9 CHAPITRE LI V. Du Bojiheuré X^'Amour de la Félicité eft le Principe unî- verfel des adions humaines. La Raifoii l'éclairé. Il imprime à l'Ame le mouvement. Tel eft l'état des Chofes : i'obfervation de rOrdre eft fource de bien j fon inobfervation fource de mal. La lobriété conferve la fantéj l'intempérance la décruit. Ces effets naturels de robfervation ou de rinobfervation de l'Ordrç font ce qu'on nomme fa Sarjùiion. La Volonté la plus parfaite eft celle qut obéit le plus fidellemcnt à l'Ordre. Elle veut conftamment le vrai bien , parce qu'elle veut conftamment ce qui eft conforme à fa nature. Le fentiment de la Perfedion eft toujours accompagné de plaifir : le fentiment de l'im- perfedioa eft toujours fuivi de déplaifii:. î5o ESSAI Le plaiOr qui naît de îa peiTedioii fait le bonhçur moral : le deplaifir qui naît de l'im^ perfedioii fait le malheur moral : les remords en font Texpreffion. UE'VANGîLE eil le Tableau le plus fini de la Perfedion humaine: c'eft que Celui qui- a fait ITIomme a fait auffi ce Tableau. En nous rappellanë à l'Ordre , PÉ'vangile nous rappelle à la Raifon. îl nous dit > faites bien , & vous ferez heureux : femez , & vous recueillerez. C'eil: l'expreffion fidèle éxx vrai , la relation de la Gaufe à l'Eifet : une Graine mife en terre s'y développe. Les Devoirs ne font tels , que parce qu'ils^ &nt une fuite nécelTaire de nos relations ou de" notre nature. La Créature n'adorera - t - elle pa? ion Cre'ateur? ne s'aimera-t-eiïe pas elle- même .^-Ji'aimera - t - elle .pas fes Semblables ? Aflurément , l'Ame exprimera fes fentimens y parce qu'elle les a : elle les a parce qu'ellaeil faite pour le Bonheur & qu'ils en font la prin- cipale branche. Quelle perfedion ne fuppofe pas dans. l'Ame la contemplation des , AtTRI- B.u.Ts, Divins , lAmour de loi-mème "bien or- donné, l" Amour du Prochain î Qiiei bonheur naît de cette perfedion! '"' ■ La DE PSrCHOLQGIE> i4î La Morale, qui eft le Syftême des Devoirs ou du Bonheur , n'eft donc pas arbitraire. Elle a Ion fondement dans la Nature. Ses maximes font vraies , puifqu'elles découlent de rapports certains. Elles font utiles, puifqu'elles condui- fent au Bonheur. La Morale peut fe corrompre , parce que le fentiment des rapports peut s'altérer. TAmour propre , ce puiiTant Mobile , ne ceiTe point d'agir : toujours il porte l'Ame à chercher fou Bonheur ; mais ce Bonheur revêt toutes les formes que FE'ducation . la Coutume , le Pré- jugé lui impriment. Ici l'Humanité tend vers la Nature Angélique ^ là , elle defcend au niveau de la Brute. On peut difputer fur les mots 5 les Chofes demeurent ce qu'elles font. L'Amour de la Fé- licité ne diffère point de l'Amour propre : s'ai- mer foi-mème , c'eft vouloir fon Boaheur. La Bienveuillance univerfelle n'eft que l'Amour pro- pre le plus parfait. Cet Amour fe complaît dans le fentiment d'une Perfedion qui b porte à re- garder les autres comme lui-même. Une Doctrine qui prefcrit d'aimer fon Prochain comme foi-mème 9 &. qui nommée Pro- Terne XV IL L i6% ESSAI chahi tous les Enfans d'AoAM , eft au momi la plus belle Doctrine, Son Auteur a été, fans doute, l'Ami le plus zélé du Genre hu- main. Il l'a été en effet j il eft mort pour le Genre humain. Une Dodrine qui prefcrit de ne regarder comme notre Prochain que ceux qui profeflent notre Croyance , eft au moins une Dodrine antifociabie. Ses Partifans font, fans doute, ennemis du Genre humain : ils le font en effet > ils le perfécutent. Les degrés de la perfedion morale ou du Bon- heur moral varient comme les circonftances qui concourent à leur formation. Et comme il ne naît pas deux Etres précifcment dans les mêmes circonftances, il n'eft pas deux Etres qui aient précifément le même degré de perfedion ou de Bonheur. Le Monde Phyfique eft Ç\ prodigieu- fcment nuancé î comment le Monde moral , qui lui eft iî étroitement uni, n'auroit-il pas fes nuances ? Les degrés de la perfection ou du Bonheur font donc indéfinis. L'E'chelle qu'ils compofent embraffe toutes les Sphères. Elle s'élève de l'Homme à I'Ange , de I'Ange au Se'raphin , du Se'raphin au Verbe. DE PSYCHOLOGIE. 165 CHAPITRE L V, Eéjïexions fur PExiJîence de Dr EU. j3 I l'Univers étoic le produit de la Matière & du Mouvement , pourquoi cette liairoa de l'Ordre avec le Bonheur ? pourquoi cet Ordre ? pourquoi le fentinient des rapports ? pourquoi des Etres Inteliigens? Admettez un Dieu Cause Première de tout 5 quel Océan de Lumière fe répand fur !a Nature î Mais , cet Océan a Tes E'cueils ; fâchez les éviter : il a fes Abîmes,* n'entreprenez jamais de les fonder. ^ L'Athéisme de ff^éculatlon prend fa fource dans cette Métaphyfique préfomptueufe qui ne s'arrêtant pas à la certitude des Chofes, veut en pénétrer le comment. Cette Métaphy- fique infenféc ne diftinguant point en DisiJ SA Nature de ses Attributs connus par par les Faits, en.treprend de pénétrer jufques dans cette Nature & de chercher la raifoii de la Raison même. Efprits téméraires ! la rencontre d'un Vermiifeau vous confond , & vous voulez pénétrer la Nature intime de TEtre des Etres. L 5 îH ESSAI Le vrai Phiiofophe fait s'arrêter où la Rai- fon rcfufe de le fuivre. Les preuves qui cta- blilîent la Néceiîîté d'une Première Cause ne lui paroiflcnt point afFoiblies par l'obfçuritc impénétrable qui environne TEssence de cette Cause. Il fe contente de voir ©lairement que le Monde eft fucccfSF & qu'une progreflion in- finie de Caufes eft abfurdej parce que chaque Caufe individuelle ayant fa Caufe hors de foi , la fomme de toutes ces Caufes, quelqu'infinie qu'on la fuppofe , a néceifairement fa Cauf« hors de foi. Il écoute dans les fentimens de l'admiration la plus vive & du refpedt le plus profond , cette Veix majestueuse qui répond à toutes les Intelligences , Je suis celui qui SUIS. Il fe borne à apprendre de la contem- plation des faits , que I'Etre existaîît par SOI eft néceffairement Pu issant , Sage , Bon ; c'eft-à-dire , qu'iL a toute la Puilfance, toute la Sagefle , toute la Bonté polîîbles. Il voit jaillir de ces Attributs divins les fourccs intariffables de fon Bonheur, & pénétré d'amour, de joie & de reconnoiflance il adore la Bonté ineffable qui l'a créé. Mais la curiofité du demi - Philofopho s'ir* rite facilement : elle eft accoutumée à ofer. Que faifoit TEtre nécessaire avant qu'il créât r* comment a - 1 - Il créé ? quelle eft la nature de Sa durée ? comment apperqoit-lL la fuccef. fion ? queftions auffi impertinentes que dange- rcufes & qui n'occuperont jamais un Sage. L'Athée qui nous reproche que pour ex- pliquer le Monde , nous recourons à un Etre beaucoup plus merveilleux ou plus incom- préhenfible que le Monde, a-t-il oublié que le Cerveau de l'Horloger eil beaucoup plus in- compréhenfible que la Montre ? Mais une Mon- tre qui fe formeroit par le mouvemenr fortuie de quelques morceaux d'Acier ou de Cuivre , feroit-elle plus facile à concevoir que le Cer- veau de l'Horloger? Nous avons dans l'Hor. loger la Caufe naturelle de l'exiftence de, U Montre. Il efl vrai que cette Caufe a fes obf- curités : en eft-elle moins certaine ? Et où eft la Caufe dont nous concevions nettement Tadion , la nature ? Niera - 1 - on pour cela qu'il y ait des Caufes ? ce feroit nier fa propre adlion. Nous n'accumulons point les Merveilles : il n'eft proprement ici qu'une Merveille , mais qui abforbe toute conception. La réalité de rUnivers n'a rien ajouté à l'idée de l'Univers : s'il nous étoit permis de Yoir dans I'Enten^ DEMENT de rOuvRiER, nous ne regarderions pas l'Ouvrage. h 3 \66 F. S S A '1 CHAPITRE LVI. Du Syflêîîie général. J_jA Cause Première eft une; Son EiFet eft UN » & ne peut être qu'uN : l'Univers eft cet Effet. Dieu a agi ; Il a agi en Dieu. Sa Vo- lONTÉ efficace a réalifé tout ce qui pouvoit Fètre. Un feu l Adle de cette Volonté' a pro- duit l'Univers : le même Ade le conferve. La Volonté divine eft permanente, invariables Dieu eft conftant à Son II eft ce qu'iL eft. ^ L'Entendement Divin n'a point vu plu- fieurs Univers prétendre à l'exiftence : la Sa- gesse n'a point choifi. Le choix eft le par- tage d'une Nature bornée ; I'Intelligencs SANS BORNES a VU le Bien abfolu & l'a fait. Il étoit Sa Pensée , & cette Pensée étoit cette Intelligence. L'Univers a donc toute la perfedion qu'il pouvoit; ïeççVoir d'une Cause infiniment U E P S r C M 0 l 0 C I F. -"i-Mj 'PARFAITE : ne dites pas il cft le meilleur,- il ne pou voit y en avoir d'autre. ChaqIje Chofe eft donc comme elle devoit être & où elle devoit être. Tout eft bien, & ne pouvoit être autrement. Il eft une liaifon univerfelle. L'Univers eft TAiremblage des Etres créés. Si dans eet Aiem- blage il y avoit quelque chofe qui ne tînt abfo- lument à rien, quelle feroit la raifon deTexir. tence de cette Choie ? Nous fui von s à l'œil la liaifon qui eft entre toutes les Parties de la Nature. Cette liaifon s'étend a mefure que les obfervations fe mul- tiplient. Chaque Etre eft un Syftême patticuliar qui tient à un autre Syftême particulier, une Roue qui s'cngrene dans une autre Roue. L'Alfemblage de tous les Syftêmes particuliers, de toutes les Roues conipofe le Syftême général , la grande Machine de i'JJnivers. La raifon de chaque Individu eft donc dans le Syftême général , la raifon du Syftême gé- néral dans la Raison éternelle. N'allez pas au-delè i vous tomberiez dans L4 ï^S B s s Ai rabfurde progreflîon des Caufes a Pînfinî. Né vous arrêtez pas à l'Univers; il n'a que les Caradleres d'Effet. Le Caradere ou TEfTence propre de thaque Ame étoit donc déterminée par la place que cette Ame devoit occuper dans le Syftême- Placée par la Main même de Dieu fur l'È- ehelon qu'elle occupe , il ne dépendoit pas d'elle d'ajouter ou de retrancher à fa perfection originelle. Cherchez'- vous la raîfon du cruel Néron , de l'aimable TiTE , du fage Antonin ? de- mandez - vous pourquoi le François eft policé , l'Hottentot barbare ? regardez vers le Flan gé« diéral ? ^ D E P S r C H 0 L 0 G I E, J69 CHAPITRE LVII. Qiie le fyfiême de la nécejfJJté ne détruit point la Moralité dey a&ions. I C I je vois les Théologiens s^élever contre moi. Quoi î s'écrient - ils , plus de mérite & de démérite, plus de moralité, plus d'imputa- tion , plus de peines ni de récompenfes , plus de Religion î Suspendez votre jugement , je vous fup- plie 5 & daignez m'écouter. Êtes - vous les Auteurs des avantages cor- porels dont vous jouiirez ? vous êtes - vous donné ces yeux vifs & perqans , ces oreilles fines & délicates , ce corps vigoureux & bien proportionné ? non, ces dons précieux ne font point votre ouvrage. En ètes-vous moins fen- fibles cependant au plaiGr de les pofTéder ? ces faveurs du Tout- Puissant vous en pa- roiflent - elles moins eftimables ? Eh bien ; à cette Machine fi admirable Dieu a joint une Ame capable de penfer j & il a placé cette ^mQ dans de telles cire on fende s qu'elle efl un SocRATE ou un Newton. En eftimere2-vous moins la vertu du Sage & le fa- voir du Géomètre? nullement i la vertu & le favoir demeureront toujours tels aux yeux de la Raifon. L'Homme naît libre 5 il agit fans contrainte 5c fe détermine pour ce qui lui paroît le meil- leur. Il- peut donc être regardé à jufte titre comme l'Auteur de Tes actions j ces , adions peuvent lui être imputées comme à la Caufe immédiate qui les produit. Il eft vrai qu'il n'eft pas J -Auteur des principes de fes détermina- tions j mais dans quel^Syflème prouve -t-on qu'il le foit.^ Il ufe du pouvoir qu'il a reçu d'agir 5 il en- ufe avecplaifir & connoiffance i c'en eft allez. ÏNTEB^ROGtz les.Partifans les plus zélés de la Lwe}-té d'indijféreufeiyy^^ ils conviendront tous que les cas où cette Liberté s'exerce font très- rares & peu impoîtansi & que THomme eft prefque toujours mu par ; des • raifons. Faites un pas en avant ; & dernau-dez d?où proviennent ces raifons ? vous obtiendrez bientôt des réu ponfes qui vous prouveront que- vos Adver- ilnres ant dans l'Erprit jk-s -mêmes idées quô vous. B E P S r C M 0 L 0 G 1 E. 171 Mais , n'allez point aux Philofophcs :. in- terrogez le Peuple. Demandez - lui pourquoi AuRA.sTE aime mieux céder à Tes paffions que de les combattre? il vous répondra , Adraste n'a point eu d'éducation 5 il s'eft toujours trouvé dans de mauvaifes Compagnies. Mais pourquoi Adraste n'a -t- il point eu d'édu- catio)! ? pourquoi ces mauvaifes Compagnies ? le Peuple ne va pas jufqu'à ces pourquoi; & combien de Phiiorophcs qui font ici Peuple I Adraste aime mieux céder à fes paffions que de les combattre, parce que fon Enten- dement manque du degré de perfection né- <^eiraire pour lui faire di(Hnguer le vrai bien du bien apparent, & que fes affedions & la dlf- pofition naturelle de fon Corps favorifent la décifion de l'Entendement. Mais, pourquoi cette imperfection de l'En- tendement , ces affedions , cette difpofition na- turelle du corps ^ Le manque d'éducation , le genre de vie , les préjugés & mille autres circonftaaices ont concouru à ces effets. Mais , toutes ces circonflanccs font exté- -i^i S S S A £ rieures & ne dépendent point origînairemenfc du fait d'AoRASTE. EP es dérivent d*un enchaî- nement in£ni de Caufes & d'effets , & cet en«» chaînement tient au Syftème général. L'Homme vertueux eft celui qui fe conforme à l'Ordre -, PHomme vicieux eft celui qui trouble l'Ordre. Nous eftimons l'un , nous mefeftimons l'autre : nous ferrons le Diamant , nous jetons îe Caillou. Le mérite eft vertu ou perfedlion : le démé- rite eft vice ou imperfeclion. CHAPITRE LVIIL Des Loix Divines ^ Humaines confidérées dans le Syjiême de la nécejjité. L Es diiférentcs efpeces de Loix qui font prefcrites aux Hommes font différentes fources de déterminations. Le but de la Révélation eft de nous four- nir les plus puiffans motifs powr nous porter au bien. D £ PSrCHOLOQlE. 175 , Mais, pourquoi ce Divin Flambeau n'éclai- re-t-il pas tous les Hommes ? pourquoi la crafTe ignorance 9 l'idolâtrie monftrueufe , la folle fu- perdition régnent - elles fur de très - grandes parties du Genre humain? Vous Tavea appris : le Syfteme général rea- fermoit cette diverfité de perfedion dont vous cherchez Torigine. Les Mœurs , les Coutumes , le Gouvernement , la Religion , le Climat , &c. font les Caufes naturelles 8c prochaines de ces diiïérences. Di£U a prévu ces Caufes & Il a approuvé qu'elles eulTent leur eifet , parce qu'iL a vu que le Monde où cela entroit étoit bon. Par une fuite du même Plan Dieu a voulu que la Réve'lation chre'tienne fût le moyen qui portât une partie du Genre humain au plus haut degré de perfedion morale où THumanité pùiffe parvenir. Qu'on ne me demande donc point fi la RfevE^LATiON ed née ejjaire ou fimplemcnt utile : elle eft abfolument néceffaire pour porter les Hommes au plus grand degré de la Perfec- tion ou du Bonheur. Mais il eft une infinité de dégrés de Perledion ou de Bonheur au- •leifous de celui-là. 174- ESSAI He'ros Chrétiens réjouiiTez- vous \ faites retentir les airs de chants d'allégreire î célébrez j'AuTEUR de rUnivers. Vous êtes au fommet de la Perfedion. He'ros Chrétiens , ne vous enorgueilliiTez point ! qu^aveZ'VOUs que vous ne Payiez reçu ? ^ ft vous Pavez reçu . pourquoi vous en glori- fieriez - vous comme fi vous ne Paviez point reçu ? CHAPITRE LIX. He h Prière , dans le fyfième de la Nécejfitê, l3 1 tout a été arrangé dès le commencement ; Il les événemens naiirent les uns des autres par une génération néceflàire ; (i l'Univers fe développe comme un grand Arbre i pourquoi lever les mains & les yeux vers le Ciel j pour- quoi adreli'er à la Sagesse éternelle des Prières également indifcretes & fuperflues ? Ce langage n'eft point du tout celui de la Philofophie dont j'expofe ici les grands princi- pes. La Prière eft l'hommage naturel que la De pstùholqgie. 1-75 Créature doit à fon Créateur. La Prière a été prévue. Elle cntroit dans le Plan général : elle y entît>it' comme moyen de Grâces & de Sanc- tificatioîT? File y entroit encore comme un lien deChariié, deftiné à rappelîer aux Hommes des befûins & un Père communs. CHAPITRE LX. Des Feîîies Çf? des Récompenfes ûe la Vie h ve^ mr 5 dans le Syftéme de la néceffité. \J U'entends-je! Les plaintes ameres , les cris perqans que pouffe vers le Ciel une multitude de Scélérats ou de Malheureux qui n'ont été , qui ne font , & qui ne feront tels qu'en vertu de l'Ordre préétabli. Non j ces cris ne -m'allarment point. De cette Vallée de mifere je m'élance dans le ié- }our de l'Eternité. Là , je vois tous les Hom- mes jouir du Bonheur 5 miais dans une propor, tion relative au degré de perfedion morale qu'ils ont eu ici bas. 1 ous avancent fans celfe de perfedion en perfedion. Tous font contens \ 176 ESSAI de la place qu'ils occupent , parce que taus voient diftindement que c'étoit celle qui leur convenoit, & que où qu'ils euffent été^^ placés ils auroient pu toujours ambitionner des places plus relevées i la diftance du fini à l'infini étant infinie. En un mot j les moins Heureux s'é- crient qu'ils préfèrent infiniment leur état à la non - exiftence. Il eft des Récompenfes & des Peines : il eft Hn Bonheur & un Malheur à venir. Les Récom- penfes 5 fuites naturelles de la vertu , iront fans celfe en augmentant, parce que l'Ame le perfedionnera fans celfe. Le« Peines, fuites na- turelles ûu vice , iront fans ceiTe en diminuant , parce qu'elles rapprocheront fans ceife le vicieux de l'Ordre & que DiEU veut eirentiellement le Bonheur de toutes fes Créatures : la Juftice eft dans cet Etre ai>orable la Bonté dirigée par la Sagesse. Nous ferons jugés, non fur ce qu'on fup- pofe qne nous aurions pu faire & que nous n'au- rons pas fait , mais uniquement fur ce que nous aurons fait. Et ce Jugement ou cette Imputa- tion confiftera à traiter chaque Homme relati- vement au degré de perfedion ou d'excellence qui fe trouvera en lui. Celui DE PSrcHOLOGIE. Î77 Celui-là fera jugé le plus vertueux dont la vertu aura été plus habituelle. La vertu ne confîfte pas dans un trait : elle fe forme de Tat femblage d'une multitude de traits dont la va- riété , la beauté & Paccord çompofent une Vie, Tachez donc de contrader l'habitude de h Vertu : fortifiez en vous cette habitude , & votre natUiC fera d'être vertueux. CHAPITRE LXI. De l'Habitude en géyiéraL J_^Es mouvemens que les Objets impriment au Cerveau l'Ame les reproduit ; & plus elle les reproduit, plus elle acquiert de facilité à les reproduire. Si deux ou plulîe'.irs mouveme-ns ont été excités à la fois, & que l'Ame veuille repro- duire un de ces mouvemens , il arrivera prefque toujours que les autres mouvemens fe repro- duiront en même tems. VoîLA l'Habitude. Comment fe forme - t- Tome X VIL , M ^t M s s A I elle? queftion infiniment imérelTante, & dont rcclairciflement répandrait le plus grand jour fur toutes les opérations de notre Ame. Que font , en effet , ces opérations , finon des mou- ^vemens & des répétitions de mouvemens ? L'habitude naît dans l'Enfance : elle fe for- tifie dans la Jeunefle : elle s'enracine de plus en plus dans l'Age viril ; elle eft indcftrudi- fele dans la VieilleiTc. L'habitude tient donc à l'état des fibres* Elle fe forme pendant qu'elles font aflez fouples pour fe prêter aux impreflîons qu'elles reçoi- vent. Elle fe fortifie à mefu»e que les ades fc réitèrent & que les fibres acquièrent plus de folidilé. h E PSTcHOLOGlt i^f CHAPITRE LXII. Pe la manière dont PHabiiude fe forme, A répétition fréquente du même mouvé- îîieut dans la même fibre change jufqu'à uii certain point l'état primitif de cette fibre. Les molécuîes dont elle eft conlpofée fe difpofent les unes à l'égard des autres dans un nouvel ordre relatif au genre 8c au degré de Pjmpref-^ fion reqUe. Par ce nouvel arrangement d-es mo-» îécules la fibre devient plus facile à mouvoir- dans un fens que dans tout autre. Les fucs nourriciers fe con formai! t à la poikion aduellc de ces molécules , fe placent en conféquence. La fibre croît y fa folidicé augmente , la difpo- fition contradée fe fortifie, s'enracine, & la fibre devient de jour en jour moins lufcepfeibie d'iniprelEons nouvelles* M> "î^o s s s A I CHAPITRE LXIIL Comment P Habitude s'affoMt ^fe .fortifie. |3I le mouvement imprimé à une fibre n'y cft pas répété ou qu'il ne le foit qu'au bout d'un fort long efpàce de tems, l'efficace de la difpofition primitive & des raouvemens intef- tins , fouvent contraires , elTacera peu à peu ^ans cette fibre le pîi qui avoit commencé à s'y former, & l'Habitude ne fe oontradlera point. Il en fera de même fi la fibre éprouve fuc- ceifivement. un grand nombr® d'imprefîîons dif- férentes. Ces imprefîions fe détruiront mutuel- lement, & la fibre ne retiendra aucune déter- mination particulière, Exceptez de ces cas celui où une fibre reqoit une Çi forte impreflion que l'eiFet en eft permanent & atteint jufqu'à la VieilleiTe. Il eft lin terme au-delà duquel les molécules élé- mentaires ne fauroient changer de fituation. La Force qui agit fur les élémens des Corps a fes loix. Ces loix font les réfultats néceflaires des rapports qu'a le Sujet de cette Force avec U DE PSrCHOLOGIE, r$i Sujet de la Matière, Mais Vun & l'autre nous font inconnus. Plus une fibre a de force originelle , plus elle a de capacité à retenir les impreffions qu'elle a contradées. Les molécules une fois difpofées dans un certain ordre , prennent plus difficilement de nouvelles pofitions. Ce que je viens de dire d'une fibre doit s'ap- pliquer à un Organe, à un Membre, au Corps. CHAPITRE LXIV. V Habitude , foi^ce des go lit s , des pendmns , des inclimitions , des mœurs , du Cara&ere, L A facilité avec laquelle les fibres encore tendres fe prêtent aux premières imprelîions qu'elles reçoivent, la réfiftance qu'elles appor- tent à contrader de nouveaux plis dès qu'elles fe font endurcies jufqu'à un certain point, font la vraie fource des goûts , des penchans , des inclinations, des mœurs, du Caradere , &c. UAme eft un Etre qui agit] par rintervea- M3 -fJîî ESSAI txon d'un antre Erre. Les Facultés de PAmç font modifiées par l'état du Corps. L'e'tat du Corps eft déterminé par la naifi fance & par les imprelîions du dehors. Le Corps eft une Prqdudion organique qui réfulte du concours de doux Produdions or- ganiques de même genre. Il participe aux qua- lités de Tune & de l'autre dans une certaine proportion, .Le degr» d'adivité de chaque Individu conC? pirant fixe cette proportion. Le Corps apporte donc en naiffant des dé- terminations particulières , en vertu defqu elles il efl plus ou moins fufceptilple de çej^taines imprelîions. Les mêmes Objets ne produifent donc pas les mêmes effets fur tous les Cerveaux. Cha- que Cerveau a dès la nailTance un ton , des î^pports qui Iç' diltinguent de tout autre. Le changement d^état que fubit un Cer- veau immédiatement après la iiauTance par l'im- preilîan des Objets > eft toujours en raifon f) E PSrCKOLê&IE. tu compofée de Padivité de ces Objets & de la diipofition primitive des fibres. Tout mouvement qui aiFedle le Siège de TAme change la manière d'exifter de PAme , dt ce changement eft une perception ou une fen- fation. La diverfité des perceptions Se des fenCk- tions dépend donc de la diverfité des mouve- mens que les Objets excitent dans le Siège de l'Ame. Tout changement dans Pexiftence de PAme lui eft agréable, défagréable ou indifférent. Toute manière d'exifter dont l'Ame defire la contniuation eft plaifir. Toute manière d'exifter dont PAme defire la celfation eft déplaiûr. Toute manière d'exifter dont l'Ame ne de- fire ni la continyatiou ni la ceilatioa lui eft indifférente. Le plaifir & la douleur font les effets né- «efiaires d'une loi qui veut qu'à un certaia M 4 ni ESSAI état du Cerveau reponde conftamment dans l'Ame une cercaiiie modification. ,Le fentiment qui accompagne cette modifi- •ation , le defir qu'elle excite , l'ade qui le fuit font des réfultats néceffaires de la nature de l'Ame. Comme Etre Tentant , PA.nie fe porte né^ ceiTairement vers les Objets qui font propres à lui procurer du plaifir , & fe détourne né- ceifaircment de ceux qui font propres à lui caufer de la dorleur. Comme ^tre mouvant , l'Ame agit plus fa- cilement îur des fibres encore fouples , que fur âcii fibres déjà endurcies , fur des fibres douées d'une certaine tendance au mouvement que l'Ame veut leur imprimer , que fur des fibres douées d'une tendance oppofée ou dif^ férente, UAm£ fe plait clans l'exercice facile de fes . Forces. r^a?^ CHAPITRE LXV. Du pLîiJir ^ de la douleur, .l_^E plaifîr & la douleur font de trois genres. Il eft des plaiGrs & des douleurs purement phyfiques ou corporels , qui n'affedent que la Partie inférieure & grofliere de l'Ame, la Faculté fenfitîve. Il eft des plaifirs & des douleurs fpirituels , qui afFcdent principalement la partie fupérieure de TAme, l'Entendement & la RéÔexion. Il eft des plaifirs & des douleurs qu'on peut nommer tuixtes , parce qu'ils tiennent le milieu entre ceux-là, qu'ils participent à la i^ature des uns & des autres. Les plaifirs & les douleurs de l'Imagination font la plupart de ce genre. Les plaifirs & les douleurs^du premier genre font le partage da TEnfance. Ceux du troifieme fenre affeclent fur-tout la. première Jeunefle. Î85 ESSAI Ceux du fécond genre font l'appanage de b Raifon. Nous ignorons quelle efpece de mouvement produit telle ou telle efpece de plaifir , tell« ou telle efpece de douleur phylique. Mms nous favons que tout mouvement eft fufceptible d'augmentation ,' & que le même mouvement qui , dans un certaui degré nous a caufé du plaifir , commence à nous caufer de la douleur dès qu'il paife ce degré & qu'il tend à défunir les molécules des fibres. L'INTENSITE* de la douleur eft proportion- nelle au nornbre des molécules délunies & au tems employé à les défunir. Un tems plus court fuppofe un plus grand elfort. Le plaiilr phyfique confiftera donc en gé- néral dans une douce agitation, dans un léger ébranlement , dans de petites & de très-promptes Vibrations des molécules. De cette douce agitation au mouvement qui opère la défunion il y a bien des degrés. Tous ces degrés nç compofeiit qu'une même chaîne. P M P S T 0 H 0 L 0 G I E, 187 •V,ty I -»i^»— . ■ , ' . - - ... — CHAPITRE L X V L J^çs effets qui réfultent de l'imprejjion des Objets fur les Sens de r Enfant, JLjE plaifir étant attaché de fa nature à im certain mouvement , le penchant que TAme témoigne fouvent dès l'Enfance pour certains .Qb)€ts, réfulte du mouvement que ces Objets impriment à un ou plufieurs Seps ou à diifé- rentes parties du même Sens. L'E'loignement de l'Ame pour d'autres Objets dérive d'une imprefîion contraire. - L'Aptitude ou l'inaptitude à un mouvement fuit de la Génération. Un Enfant recherche certains alimcns , il fe plait à certains tons , il fe déclare pour cer- tainêi couleurs i c'etl que les papilles de fa Langue ont avec certains Sels ou certains mé- langes des rapports 'qu'elles n'ont pas avec d'autres Sels & d'autres mê!anges : c'eft que les mouvemens des fibres de l'Ouïe & de celles de la Vue deilinées à tranfmettre à l'Ame cer- ï8S ISS Al taines vibrations de TAir & de la Lumière font plus dans la proportion nécelTaire au plaifîr, que ceux des autres fibres. Les premières impreffions de plaifir que TAme éprouve à la préfencé d'un Objet déter- minent fa manière de penfer à l'égard de cet Objet & de tous ceux qui ont avec lui quel- que rapport. La manière de penfer détermine la manière d'agir. L'Ame recherchera donc ces Objets dans leur rapport à fcs penchans les plus décidés. Là fréquence des a<5les décide le penchant. Elîe augmente la dirpofition au mouvement. Plus de mobilité facilite plus le rappel & rend les images plus vives. Pins de vivacité dans les images met plus d'adivité dans les defîrs. • -si DE P3TCHêL0&7E, iSf CHAPITRE LXVIL De r Éducation confidé^-êe dans fes effets les plus généraux. Là A force de TE^ducation modifie la force du Naturel. L'EMucation eft une féconde naiC fan ce qui imprime au Cerveau de nouvelles dé- terminations. En offrant aux Sens dans un certain ordre une fuite variée d'Objets , elle diverfiEe les mouvemens des Organes. Par la elle développe & perfedionne différentes Facultés , elle fait germer divers Talens , elle met en jeu diffé- rentes Afîcdions. Css Facultés, ces Taîens , ces AfFedions font différentes manières de goûter rexiftence, différentes fources de plaiiîr. Les modifications de l'exiftence font ce qui h càradérife & fixe fa valeur. L'E'du CATION ne crée rien j mais elle met t(^é £ S S A ï en œuvre ce qui eft créé. Elle reçoit des msâti§ de la Natufe une Maehine admirable dans fa compofition , & qui, félon qu'elle eft maniée^ produit la toile la plus grofîiere ou un Chef- d'œuvre des Gobelins. CHAPITRE LXVIIL Dé ce qui confiitué la prfeBîon âe VÈiuCation. I. 1 A perfedion de TEMucation confifte à muU tiplier les mouvemens du Senforium le plus qu'il eft poflible 5 à combiner ces mouvemens de toutes les façons afïignables & conformes à la deftination de l'Individu; à établir entre ces mouvemens une liaifon en vertu de laquelle ils fe fuccedent dans le meilleur ordre 5 enfin, à rendre habituel tout cela- DE T> S r C H 0 L 0 C I Ë, i^z CHAPITRE LXIX. Que le Naturel modifie le effets de PÈducation M A I s comme PEMucatîon ne forme point le Naturel , elle ne le détruit point non plus. Le Naturel modifie donc à fon tour PEMu- cation j & c'eft à bien connoître la Force du Naturel que confifte principalement le grand Art de diriger l'Homme. Arator plante des Chênes dans un terrein léger & graveleux : ils languiifent ; leurs jets font foibles , pâles , en petit nombre. Arator ! vous vous méprenez î le Chêne mâle & vi- goureux ne fe plait que dans une terre corn- pade & nourrilfante : mais la Vigne faura trou- ver dans ce terrein aride des fucs proportionnés à la Êneffe & à la volatilité de fon nectar. ^^t^^ J9i ESSAI CHAPITRE LXX. Des difpofîùons naturelles de PEjprit. JL E matériel de la Mémoire . de l'Imagina- tion , .de rAttention, de la Réflexion, du Gé- nie eft une certaine nature de fibres , une cer- taine difpofitioii du Cerveau» Le fpirituel de ces Facultés eft un certain exercice de la Force motrice de l'Ame, d'où lîailFent différentes idées & différentes combi- naifons d'idées j ou pour parler plus exadle- ment, c'èft l'Ame elle-même en tant qu'elle agit fur différens points du Seuforium & qu'elle modifie différemment fon action. Le degré de perfedion de chaque Faculté répond donc à l'état des fibres qui font les inftrumens de cette Faculté. L'expe'rience feule manifefte cet état. Elle apprend quels font les Objets qui agiffeut fur le Cerveau avec le plus de force ; quels font les mouvemens que les fibres contractent avec le plus de facilité. Les DE PSTCHOLOGIE. 19^ Les idées attachées à ces mouvemens feront pelles que l'Ame aimera le plus à reproduire & à combiner , parce qu'elle le fera avec moins de travail. , Il en eft des fibres qui fervent auv opéra- tions méchaniques , comme de celles qui fervenC aux opérations intelledlueiles. Elles ont , ainfî que ces dernières , leurs déterminations primi- tives , que Texpérience découvre , & en vertu defquelles le Corps eft plus ou moins propre à certains mouvemens & à certaines fuites de mouvemens. Du commerce mutuel de ces deux ordres de fibres naît l'harmonie qui règne entre les Sens & les Membres. , d@ convenance qu'elle fei$ DE f S r e H 0 L 0 ^ I Ë. ï9> tntrer dans rEntendement inftruilènt TAme du rapport qu'a un certain exercice de la Vertu avec fon Bonheur -, & l'heureufe expérience qu'elle fait de cet eserçice fortifie en elle le goût de la Vertu. CHAPITRE LXXIV. Du régime de fK'ducatîon à Végard des Tewfé" 7:mnens vicieux. JLj A Nature cft fouvent vicieufe. Les plus mauvaifes difpoCtions font un préfent de la naiffance comme les difpofitions les plus heu- reufes. Il eft des vices de tempérament comme il eft des vertus de tempéniment. La même Main a formé le Lion courageux & le Daira timide, le Porc glouton & l'Ane fobre, le Léo- pard farouche & le Chien docile , le Loup cruel & l'innocent Agneau. L'E'fâU CATION prudente n'attaque poiiit de front un Tempérament vicieux j elle ne le com- bat point à force ouverte. Les coups qu'elle lui porteroit pourroient atteindre au principe de la Vie. Elle fe conduit avec plus d'art. A.U N 4 tbé ESSAI lieu d'oppofer au Torrent l'inflexibilité de h roehe , elle ne lur* oppofe que la foupleffe de Tofier. Elle fe laifle pénétrer jufqu'à un cer- tain point î elle cède avec mefure : elle prend un peu du mouvement a£n d'en faire perdre. Elle détourne à propos tout ce qui pourroic augmenter l'effort du courant & groffir Tes eaux. E'ie parvient ainfi peu-à-peu à furmonter fa vio- lence , à empêcher fes débordemens , à modérer fa pente, à changer la diredlion. Ce Torrent qui menaqoit les Campagnes , ne coule plus que pour les embellir & les fertilifer. Ses eaux terribles maniées par cet excellent Ingénieur vont rendre à la Société des fervices de tout genre. Elles vont remplacer une multitude de Bras , animer une infinité de Machines. Ce n'eft donc pas tant à détruire le Tem- pérament vicieux , qu'à le contenir dans cer- taines limites & à faire une jufte application de cette Force , que rE'ducation déploie fon Génie. Elle veut du mouvement: il eft l'Ame du Mon- de. Elle redoute un repos , une inadion qui conduiroit à une funefte Léthargie, Mais, elle ne redoute pas moins un trop grand mouve- ment , un mouvement qui tendroit à per- vertir , à détruire l'Individu. Elle écartera donc avec le plus grand foin coût ce qui pourroit DEPSTCHOLOGIE, 201 exciter un femblable mouvement dans des fi. bres difpofées à le recevoir. L'eiFet qu'il y produiroit ne feroit pas abfolument momentané. L'état aduel des molécules élémentaires des Êbres, leur arrangement, leur pofîtion reipec-. tive s'en reiTentiroient plus ou moins 5 & ce changement , quelque léger qu'il fût , feroit tou- jours un nouveau degré de propenfion ajouté à ceux que les fibres polTéderoient déjà. Cet eiFet feroit encore plus dangereux s'il étoit accompagné de fenfations agréables & un peu vives. L'Imagination s'y trouveroit inté- reifée. Elle reproduiroit ces fenfations; & en les reproduifant elle augmenteroit la difpofition des organes à les tranfmettre. Elles acquerroient ainfi plus de vivacité & folliciteroient l'Ame plus fortement. 2ût 1 S S A ï CHAPITRE LXXV. Pe h îiaifon qui eft entre les Talens ^ de celle qui eft entre les Vertus, Qtie P /éducation s'ap- plique à connoitre ces liaifons , a les forti- fier^ à les étendre. u N Talent fe lie à un autre Talent , une Vertu à une autre Vertu , une Habitude à une autre Habitude. Il n'eft rien d'abfolument ifolé. Une même chaîne réunit tout ; pénètre le Phyiique & le Moral j embrafle tous les mou- vemens du Corps , toutes les Idées de TEf- prit, tous les fentimens du Cœur. L'E'DUCâTiON fuit le fil de cette chaîne: fes yeux perqans le démêlent lorfqu'il eft pref- qu'imperceptiblc : ils découvrent des liaifons qui échappent au commun des Hommes. L'E*- dlucation s'applique à fortifier ces liaifons , à les étendre , à les multiplier. Elle voit quels Talens , quelles Vertus peuvent germer du Talent domi- nant, de la Vertu principale j & c^eft à procurer le développement de ces Boutons précieux qu'elle met fes foins. DE PSrCHOLOGIÊ. so) Elle hâte lentement cet important ouvrage. Scrupuleufe imitatrice de la fage Nature , elle ne va point par fauts. Elle ne précipite point fon œuvre. Elle n'entreprend point de faire développer un nouveau Bouton que le Rameau qui doit le nourrir n'ait acquis une certaine €onfill:ance. Elle ne multiplie point les Branches aux dépens du Tronc. La confervation & Taccroif- fement de celui- ci forment toujours le grand objet de fon travail ; & elle eft aulîi févere à retrancher tout ce qui pourroit l'épuifer , qu'in- telligente à cultiver fes Produdions les plus utiles. En chercliant à multiplier les Talens dans le même Individu , à y développer de nouvelles Qualités , elle fe donne bien de garde d'affoi- blir le Talent dominant, la Vertu diftindive. Elle fait que e'eft dans ce Talent , dans cette Vertu que fe trouve la plus grande perfedion du Sujet , la fource la plus fûre 8c la plus féconde des fervices que la Société peut en retirer. L'E'- ducation eft donc très-attentive à conferver au Sujet ce qui conilitue , en quelque forte , fon Eifence morale. Elle travaille à renforcer de plus en plus les traits qui le çarajflérifent , à les rendre ineiFaqables. I 204 E s s A î CHAPITRE LXXVL De lunlverfalité des Talens. I L apparoît de tems en tems de ces Cerveaux heureux , de ces Prodiges du Monde moral qui offrent aux yeux étonnés des lemences de pref- que tous les Talens. La Nacure femble s'être plue à leur à leur prodiguer fes Dons les plus rares , à y concentrer des Richeiles qu'elle a coutume de partager très - inégalement entre un grand nombre d'Individus. Mémoire , Ima- gination 5 Jugement , Attention , Génie , per- fedion des Sens , difpofition des Organes , tout paroît concourir à rendre ces Cerveaux des laf- trumens univerfels des Sciences & des Arts. L'Ame qui poiTede un tel Cerveau peut ha- biter indifféremment toutes les Régions du vafte Empire des Sciences. Elle a les Qualités , l'efpece de Tempérament qui conviennent à chaque Climat, ^%t^ DEPSrCHOLOGIE, z^q CHAPITRE LXXVIL J)s la conduite de PE'ducatmt a Ngard de fît- niverfalité des Talens, c 'Ette abondance extraordinaire , cette éton- nante profufion n'exige pas moins d'art dans l'E'ducation qu'une trifte ftérilitc. Ces Talens n'ont pas tous la même énergie: ils ne tendent pas tous avec la même force à fe développer. Ils font les réfultats néceiïaires d'une Organi- fation très - compliquée : dans Une femblable Or- ganifation une parfaite égalité de tendance fe- roit prefqu'impoflible. L'E'ducation s'attachera donc à découvrir de quel côté la Nature in- cline le plus , afin de fortifier ces penchans naiiîans. Un Jardinier expérimenté & intelli- gent (iiit démêler les Boutons qui promettent le plus & leur conferver l'avantage qu'ils tien- nent de la Nature. Il détermine habilement la fève à fe porter vers eux en plus grande abondance. Il prévient à tems des dérivations qui pourroient leur dérober une nourriture nécefîlnre à l'entretien & à , l'augmentation de leurs forces. ao(î ESSAI La Démocratie dans les Talens n'efl: pas fujette à de moindres imperfedions que celles qui l'accompagnent dans PE'tat civil. Une Mo- narchie bien réglée a conltamment plus d'adi- vité , de nerf, de vigueur. Elle tend plus di- redlement à fon but , & ce but ell une gloire plus lolide. Elle pcnfe plus fortement & plus en grand. Elle exécute avec plus de fureté & de promptitude. Elle favorife plus efficace- ment le Commerce , les Sciences , les Arts. Elle ne pouffe pas néanmoins également toutes les Branches de fon Commerce j elle ne cultive pas avec le même foin toutes les Sciences & tous les Arts. Cela ne la conduiroit qu'à une certaine médiocrité en tout genre. Mais elle étend davantage les Branches de fon Commerce dont elle a heu d'efpérer de plus fûrs profits , des richelTes plus durables : elle donne de plus puilfans encouragemens aux Sciences & aux Arts auxquels fes Sujets font le plus propres. Par là elle atteint dans certains Genres à une perfedion qui lui acquiert fur fes Voilins un empire plus glorieux que celui qui nait de la conquête. L'Activité de TAme efl: bornée: c'eft un Feu qui ne peut embrafer qu'une certaine quantité de matière. Le trop divifer, c'eft l'af- foiblir; le concentrei" fur un petit nombre de corps , c'eft l'entretenir & l'augmenter. Réu- niiftiz donc ces rayons trop divergens , & ils produiront les plus grands effets. Ils jetteront au loin la plus vive lumière. Ils pénétrerone les tiiTus les plus ferrés , décompoferont les corps les plus durs. Mais, fi l'E'ducation ne fe laiife point en- traîner aux appas féduifans de Tuniverfalité des Talens , d'un autre côté elle eft éloignée d'é- touifer des difpofitions qui peuvent être culti- vées avec avantage. Telles font celles qui par leur liaifon avec le Talent dominant tendent à lui donner plus de luftre , à l'élever à uns plus grande perfedion. Ces Talens fecondaires font chers à l'E'ducation. Ce font de petits Ruifleaux dellinés à grolïîr une Source , de pe- tites Forces qui confpirent avec la Force prin- cipale. Les rapports qui lient ces Talens ren- dent leur développement plus facile. La nour- riture que reçoit une Branche fe communique bientôt aux autres. La germination de tous ces -petits Talens répand dans le Cerveau une variété féconde en grands eifets. Pour former d'agréables accords, le ton principal doit être accompagné de tous fes harmoniques. . zo8 ESSAI CHAPITRE LXXVIII. Des Taîem purement curieux , ^ de Part avec lequel PE^ducation fait les rendre utiles. I L eft des Talens , il e{t des Goûts purement curieiiX', & qu'on admire à-peu-près comme certains Inlçdes à caufe de leur fingTîîarité ou de leur indullrie. L'E'ducation , qui ramené tout à Tutile, imite ces Phyficiens ingénieux & zélés pour le Kîen public, qui en étutlianfc ces Infedes cherchent à y découvrir quelque >itilité cachée. Bon , attiré par l'éclat & la variété des cou-' leurs de certaines Araignées , fixe fur elles des regards curieux. Il obfervc qu'elles renferment leurs œufs dans une efpece de Bourfe ou de Coque d'une foie très «fine & très- luftrée. Il contemple avec un fecret plailir la manière in- dullrieufe donc cette Coque eft conftruite , ar- rêtée , défendue. Mais il n'eu demeure pas là ; le curieux eft entre les mains du Sage le fil qui conduit à l'utile : Bon imagine de faire travailler ces araignées pour l'ufage de l'Homme, il raifembie un giaiid nombre de ces Infedes i DE PSTCHOLOGIE, 209 il recueille avec foin leurs Coques jufques là inconnues ou négligées , & après avoir donné à la foie qui les compofe les préparations con- venables , il en forme des Tiifus d'une beauté parfaite , des Tiifus fupérieurg à tout ce qu'on voit eu ce genre. Il entreprend encore de tirée de cette foie des Gouttes pareilles à celles que la Chymie fait extraire de la foie des Vers , & le mérite des nouvelles Gouttes l'emporte à quelques égards fur celui des anciennes. Re'aumur fui vaut avec fa fagacité ordinaire les Teignes domelHques , admire la faqon ingé- nieule de leurs Fourreaux , l'art avec lequel elles fivent les fixer, les alonger, les élargir, l La même matière qui fert à vêtir l'Infecte fert à le nourrir. Re'aumur obferve avec furprife que les excrémens des Teignes ont précifément U couleur du drap qu'elles ont rongé. L'adioii de leur ellomac n'a altéré en rien la vivacité de la teinte. Cette obfervatiun qui feroit demeu- rée (lérile dans tout autre Cerveau , prend daiîs celui de Re'aumur une forme utile* Il hii vient en penfee de propofer aux Peintres de s'affbrtir de poudres colorées auprès des Teigiies , en leur faifant ronger des draps de toutes cou- leurs & de toutes nuances de couleur. Tmie XVII. O s,iè ESSAI Le jeune Ornithophile eft paffionné des Ôifeaux & fur-tout des Oifeaux de Proie. Il en remplit fes appartemens , & il lui refte à peine de la place pour loger fa propre Perfonne. Il n'a de commerce qu'avec «ux ,• ils lui tiennent lieu de tout. Il paffe des journées cntitres à con- templer leur bec crochu , leurs ferres tranchan- tes , leurs couleurs nuées , ondées , tranchées. Il fait le nombre de leurs groffes plumes, & H n'eft pas une écaille de leurs jambes qui ne l'ait occupé quelques heures. Le feu de leurs yeux, la fierté do leur contenance , leur force , leui' rapacité Fenchantent, le tranfportent. Il tref- faille de joie quand ils accourent au leurre & qu'ils déchirent la viande qu'il leur préfente. Il déplore alors le fort de ceux qui font infenfibles à ces plaifirs ; leur indifférence Pétonne , & il ne conçoit pas qu'on puiflc vivre heureux fans quelque connoilfancc . des Oifeaux de Proie. L'E'ducation fourit de Fcnthoufiafme d'ÛRNi- THOPHiLE, & appcrcevant fous cette écorce fin- guUcrc les germes d'un Obfervateur & d'un NaturaUfte , elle projette de les développer. Elle conduit Ornitho»hile dans une Bibliothèque. Là , elle lui met en mains un Traité d'Orni- thologie 5 ©ù elle lui montre fes chers Favoris peints d'après le naturel. Ornithophile, qui a l'Imagination pleine des Originaux , déjcouvrc DE P S r C H 0 L 0 G I E. aix bientôt des défauts dans les Copies : ici , c'eft un bec trop recourbé j là , c'eit un œil qui n'eit pas aflez ouvert ou une tète trop applatie : ail- leurs, c'eft un Corfage trop effilé , de$ couleurs mal rendues, une queue trop courte ou trop fermée , des doigts mal prop<:)rtionnçs , Sec, Toutes ces remarques font juftes , & TE'duca- tion ne manque point de les approuver. Elle propofe enfuite à Ornithophile de jeter un coup d'œil fur THiftoire particulière de chaqus Oifeau. Il n'en trouve pas les defcriptiois moins dcfeclueufes que les Figures, &: il indique bien des particularités qu'il a obfervées & qui ont été omife^j. L'E'ducation applaudit au Natura- îifte naidaiiÈ, & Eattant adroitemeiu fon Amouc propre, elle Pinvite à écrire fes obrervatioiis & à les petfedionner , afin de les communiquer aux Maîtres de TAr-t. Ornithophile le liîife aifément perfuad«r : i\ fe met à écrire i les dé- couvertes fe multiplient j rEfpirit d'obfervadQii fe développe, & rE'ducation n'a plus qu'à le porter fur d'autres fujets d'Hiftoire naturçlie ou de Phyfique. Phidj AS a un taknt p^tùmim. jpfÇ^iii: imitcc en pàtc tout ce (]^u'il ypit. l^'t^'dj^ç^iioa iubf- tuue à cette pÀt€ wue Fj?erre moûç j elle uiing g -4 2ÎZ ESSAI les mains de Phidias d'un Cifeaui elle en fait un Sculpteur. A'RCHYTAS , encore Enfant, ne peut déta- cher fes yeux de delTus un Moulin j & il a à peine Tufage bien libre des doigts qu'il fe meÊ à contrefaire la Machine. L'E'ducation feint d'admirer beaucoup fa petite invention ; & en lui en indiquant cependant d'une manière in- dired^ les défauts les plus fenfibles , elle l'in- vite à la corriger. Encouragé par ces éloges » excité par fon goût naturel Arcfîytas conf- truit un grand nombre de Moulins, & le der- nier conftruit a toujours quelque degré de fupé- riorité fur le précédent. Archytas acquiert ainfi une certaine adrefle des doigts , un certain fentiment des proportions méchaniques dont l'E'ducation prévoit alfez les fuites & qu'elle fe propofe de cultiver. Dans cette vue , elle oifre fuccefîlvement aux yeux d'ARCHYTAS des Mou. lins de différentes conftrudions plus compofés les uns que ΣS autres. Le jeune Artifte furpris de cette variété à laquelle il ne s'attendoit pas , fent redoubler en lui le goût de l'imitation. A ces Moulins l'E'ducation fait fuccéder les Machi- nes qui s'en rapprochent le plus, à celles-ci d'autres Machines plus compolées & plus cu- rieufes. Archytas que ces nouveautés cnflani- "tETSrCHOLOGIE. 215 ment de plus en plus , atteint en peu de tems à une dextérité finguliere & à un degré d'intel- ligence peu commun à fon âge. Il eft déjà Mc- chanicien par goût & par pratique ; mais la Théorie lui manque , & fans elle il ne fauroit aller bien loin. L'E'ducation , qui connoît fes befoitis , travaille incelTamment à lui inculque-ic les principes d'une Science pour laquelle il té- moigne tant de vocation. Elle fuit dans fes inf- \ trudions Théorétiques la même méthode qu'elle a à fuivre dans les inftruclions pratiques : elle conduit Archytas du fimple au compofé , du connu à l'inconnu. Elle irrite fa curiofité ; elle aiguife fa pénétration. Enfin , elle lui dévoile les myfteres les plus profonds de cette belle Science. Par ces foins éclairés 5 par cette heu- reufe culture Archytas devient le plus célèbre Méchanicien de fon Siècle. 11 a commencé par des imitations groffieres des Machines les plus communes ; il finit par l'invention de MètiertJ qui exécutent feuls les plus belles E'toiîcs. *:^' 03 2 j j M s s A. T CHAPITRE LXXIX. Du Joln qtCn TE^dumtion d^exercer agréahk^- ment les Forces de tEpprit, V/ U ELLE que Toit la nature du plaifir , il eft certain ^tt'il ne fe trouve point dans un exercice trop pénible des Facultés. Il faut tou- jours qu'il y ait une proportion entre la puif- fance & là réfiftance , entre la dépenle que FAme fait de fes Forces & racquifition qui ré- fuîte de cette dépenfe. Si la réfitonce furmonte trop la puiflance 5 fi rArtte ^sferpenfê beaucoup pour ne rien acqué- rir oii pom* acquérir très - peu , e-llc ne fentira <^ti^ les effoits , ^ oe fentirrtent fera un fenti- ment défagréàlik ,.une pure fetigue. Si 5 au contraire , la réfiftance efl: telle qu'elle code graduellement aux efforts de la puiiTance, FAme aura du plaifir, & elle en aura d'autan^ plus, que cesricbefTes croîtront davantage dans \m tenis donné, & qu'elle pourra juger de fes progrès par une comparaifon plus cxade & plus fuivie. B E fSTCHÙLê&IE, 21^ E'tudiez donc la portée adudle desErprits^ des Talens, des Facultés ; & vous entretiendrez; conftamment entre la puiffiince & la réfilbnca cette proportion admirable qui tend les ref- forts de TAme fans les aglViblir. Ces refïbrts une fois fautîés par un^e réfiftance trop opi- niâtre , perdroient leur adivité , qu'il feroit en- fuite difficile 4e rétablir. E'cARTEZ le dégoût : il eïjc inféparable de la parefTe qui éteint toutes les facultés. Imitez la nature : elle parvient par la voie du plaifir à une fin néceffaire. Eile a attaché la conferva- tion de l'Individu & celle de rEfpece à des fen- fations très * agréables. Qiiand vous conduirez l'Ame à la perfedion par la route du plaifir , vous la conduirez fûrement. Combien de Génies qu'une méthode contraire a fait avorter? com- bien de Talens étouiîes ou dégénérés dès leur nailTance par une culture mal entendue! Non; les irruptions des Barbares n'ont pas -fait à la Société des maux plus réels que ceux qu'elle éprouve chaoue jour d'une fembiable culture. 04 ÏJ6 ESSAI CHAPITRE LXXX. Des progrès de PEfprit ou de la gradation qiCon ohferve dans P acqiiifition de fes Connoijfances, ^Esprit vcgete comme le Corps. Il efl; une gradation néceflairc dans Facquifltion de nos Connolifances & dans le développement de nos Talens , comme il en efl: une dans i'accroiife- ment de nos Membres. Il n'cfl: point en notre pouvoir de doubler , de tripler dans un inftant le degré d'un Talent, de pafler fans milieu d'une vérité d'un genre à une vérité d'un autre genre ; de découvrir du premier coup tout ce que renferme un fujet. Cela eft d'une évidence parfliite. Les moyens par lefquels nous acquérons des idées & ceux par lefquels nous opérons entraînent par eux-^ niêmes la fucceffion. L'œil, l'oreille, la main font des inftrumens qui n'agiffent que ÇucccÇ- fivcment. Le cerveau ne reçoit que de la même nuniere leurs imprefTions. La lecture , la cou- vcrfciion , l'expérJeiice , la r'méditation funt in- t^rauables de la luccciïioiL L'Ame ne fauroiç B B PSrCHOLOGIE. «i? faifir tout d'un coup les rapports qui lient deux vérités un peu éloignées. Elle n'y parvient que par Pintervention d'idées moyennes , & toute la Théorie du Raifonnement repofe fur ce prin- cipe. Les Génies les plus pénétrans , les plus profonds ne fe diftinguent des autres Hommes que psirce qu'ils emploient un plus petit nom- bre de milieux. Leur vue plus étendue laifit des rapports plus éloignés. Ils ne marchent pas , ils volent j mais toujours leur vol eft il fuc- ceffif. Parcourez toutes les Sciences & tous les Arts j fuivez toutes les découvertes , toutes les inventions & vous verrez qu'il n'en eft point qui n'ait fon échelle , fes gradations , fon mou- vement. Tantôt l'échelle fe trouvera compofée d'un très - grand nombre d'échelons diftribués irrégulièrement 5 tantôt le nombre des échelons fera fort petit ^ leur diftribution régulière ; tantôt la Hgne parcourue fera une ligne droite, tantôt ce fera une courbe très - compofée , très- bifarre. Les circonftances , la nature du fujet , la lenteur ou la rapidité des Efprics.ia difettc ou l'abondance des Génies détermineront [ces variétés. Ce feroife affurément un Ouvrage bien inté- il» TISSAI reffant que ceîui qui expoferoit fous nos yeu^ ^ clans une fuite de Tableaux les découvertes leg plus utiles, ks plus brillantes, & la véritable marche des Inventeurs. Un pareil Ouvrage fe- roiç la meilleure Introdudion à PHiftoire de i'Erprit humain. Les Mémoires que les Phy- fidens & les Naturaliftes publient en feroient d'excellens Matériaux. L'Efprit d'obfervation qi.îi %'y montre par- tout eft i'Efprit univerfel des Sciences & des Arts. C'eft cet Efprit qui va à la découverte des Faits par la route la plus fLire,& qui voit toujours naître fous fes pas des vérités nouvelles. Mais quelle eft îa Science où ks progreffions de cet Elprit foienfc éî^pdmées par une fuite de degrés plus nom- breufe , plu$ étendue , plus liée que dans la Géométrie ! Nous la voyons cette Science , au- jDordlnai il fublime , naître comme un Ver des fanges an Nil , tracer en rampant ie« bornes ètt Podfeifions , fe fortifier peu à peu , pren- dt^ des ailes , s élever au fommet des Mon- -ragmss , m4:^f«r^r d'un vol hàvâ les Plaines cé- leftes 3 percer enêu dans iù R-egioa de ilnfini. L'E'otJCÂTîGîî dreïïèra donc fon plan d'Inf- truction fur la génération la plus naturelles des idées. Eîlc'choifira dans chaque fujet celles qui feront les pins lumineufes , les plus intéreifan- DE PSrcHOLOGIF. zijr tes , les plus capit:3les. Elle les cîiftribuçra fui- vaut leurs rapports les plus prochains. Elle en compofera des fuites qui reprefenteront ficîeîle- ment la marche de rEfprit dans la recherche du vrai. Elle confervcra tous les milieux né- ceflaires , & ne fupprimcra que ceux qui pour* roient caufer de Tçnnui & du dégoût. Elle tâchera de faire du Cerveau confié à fes Ç naturel , élégant. Elle y ménagera des avenue^i faciles , agréables. Elle fuivra dznn les proportions , les ornemens , les ameubletp-ens la loi révère que lui impofera la deftination de l'E'dificc. Elle ne confondra point l'économie d'un Temple avec cdiç d'un Palais , rordon- nancô d'un Théâtre avec celle d'un x^rfenaL Lorf- qu'Urt mouvement conduit à un autre mo^ïve- ment ; iof Fque les idées naiiTent \ts uum d^s autr-es , que les comparaifons , i^s imiages* ks tranfitions n« fervent qu^à y répandre plus de darté , à lier plus fôrtecn^U tous les chaînons de la chaîfi-e, l'Ame retient mieux ce que l'on veut qu'elle retienne, elle exerce toutes [es Facultés avec une aifance, un agrément qui en aifurent les progrès. 22» ESSAI CHAPITRE LXXXI. Réflexions générales fur les Méthodes d'injlrn&ion. l3l nous jugeons fur les principes que nous venons de pofer du mérite des Ouvrages qui ont pour objet l'inftrudion de la JeunefTe, & qui s'annoncent fous les diiféreus Titres à^Elémens , êiUîîtrodii&mis , à' Abrégés , à' Entretiens , de Ca- iéchifmes ^ 8ic, quels feront les réfoltats d'un femblable examen r* Cet enchaînement naturel des vérités qui contribue tant à les graver dans la Mémoire y fera - t - il bien obfervé ? Les Forces de l'Ame y feront, elles ménagées avec cet art qui les entretient & les augmente r* La Curiofité , tou- jours Cl agiifante , y reoevra-t-elle la nourri- ture propre à aiguifer fon appétit ? L'agréable y conduira- t-il toujours à l'utile? Des fleurs, mélangées & diftribuées avec goût, y cache- ront -elles des épines qu'il feroit dangereux de laiffer appercevoir? L'Efprit y embellira -t - il la Raifon ,* la Raifon y ennoblira- 1- elle l'Ef- prit ? Au lieu de la vivacité, de la délicateife & du badiiiagç léger du Dialogue , n'y épi'ou- ï> E PSrCffOLOGIE, 2^1 Verons - nous point le froid , la pefanteur & le férieux d'une Difîertation f* N'y verrons - nous point avec furprife FArchitedure Gothique du onzième Siècle mife en œuvre dans des EMi- fices du dix-feptieme ? N'y remarquerons- nous point des Colonnes énormes employées à fou- tenir un fîmple Dais , & de petits Pilaftres ap- pelles à porter le poids immenfe d'une Voûte ? Les diftributions n'y offriront - elles point d'em- barras Si d'obfcurité ? Les Avenues n'y feront- elles point des Labyrinthes ? CHAPITRE LXXXIL De la manière d'enfeigner les premiers Frmci^^ pes de la Religion. J'Ouvre un Catéchifme à l'ufage des En- fans , qu'on dit fait par un habile Homme : j'y vois à la tète cette Queftion ,• qu'elt - ce que Dieu? LaRéponfe eft auffi fenfée que la De- mande; Dieu eft un Efprit infini & tout par- fait , éternel , tout puiifant , préfent par - tout. Quoi donc ! un feul de ces Attributs fuffiroit pour abfû.rber le Philofophe le plus profond , & ?,2i B S ^ A I vofis VQulex m faire entrer çaute la colleclioii dans la Tête d'un Enfjant î Sans doute, que vo^is nie préteiidcïç \nç qv'il comprenne ces ter- mes ? 8^ ^iijiYqam , je vous prie , chargez - vous fi iujuùl^meiit Ta Mcmoire ? Que diriez - vous d'un Ti^ite d^ Géo«>étcie Eléiaientaire qui com- mencerait par le« proprictés de h Parabole ou par les Suites in&*>iÊé ? Si vous voulez parler de ÔiBU à l'Enfant , tWt^s - le lui couijoître fous ks images fenfibks d'un Perc , d'un Ami , d'un Bienfaiteur abfent q^i ]m envoie clwque jour de quoi fournir a fes befoins & à fes plaifirs. Je continue à feuilleter ce Catéchifme ; & je trouve dèç la feconde ou la troifieme Sedion la Dodrine des Anges fidèles & des Anges rebel- les j Satan Efpnt malin , arguçâUeux , artifi- cieux, tentateur df nos premiers Parens, enne* mi naturel de l'Homme , &c. A quoi bon cela , je le demande j qu'à jeter dans TAme de FEn- l^ant des terreurs paniques , que les difcours ■d'un Dorneflique ignorant à fuper^itieux ne manqueront pas de fortifier? Je tonfeife ingé- nument que je ne coTirsois point t'utitftc de ces inftruélious ; & je fouhaiterots ardemment que toute cette Dodrine des Démons eût été relé- guée pour toujours 'hn$ h Phiio&plîîe Oriea- DE PSYCHOLOGIE. 2z% La manière de préfentcr les Dogmes de la Religion aux Eufans n'eft gUere moins ab- furde. On diroit qu'©n n'ait pour but que d'exercer leur Mémoire ou plutôt de Taccabler par cet aiTemblage de termes obfcurs, métaphy. fiques & quelquefois contradidtoires. Eft - ce là cette Religion annoncée aux Simples & faitfc pour éclairer l'Entendement & toucher le Cœur? ou n'eft -ce point plutôt un Extrait de Théo- logie Scholaftique? Que diroMS-nous encore de la Morale, déjà fi fcche par elle - même , & qu'on pread loin iie rendre encore plus rebutante par cette eiv nuycufe cathegorie de vertus & de vices i* Pour moi, fi j'avois à dire ma penfée fur rinftrudion des Enfans , fujet fi important « fi rebattu , m.ais fijr lequel on ne faui*oit trop rebattre , j'avouerois que tous jios CatéchUrmÊS me paroiflcnt inutiles ou même nuifibl&s à cette fin. Je voudrois ne parler de Dieu & de k Religion à l'Enfant que lorfque fa Raifon au- roit atteint une certaine maturité. Il me fem- ble que l'idée aflez claire & toujours «prélêntc du Pouvoir paternel fuffit pour diriger cet âge tendre , fans qu'il foit befoin d'y faire interve- nir la notign pfvchologique d'un Eiiprit llifeii ?.%i. B s h A l vous VQuIsx gn fuire entrer taute ia coUeclioii daos la ïéte d'un £nfiant î Sans doute, que VD-tis m préteudcîî pa^ qu'il comprenne ces ter- me*'"^ h pétrie Eléïïientaire qui corn- mençeroît par le« propriétés de h Parabole ou par les Suites iD&è>iÊ& ? Si vous voulex parler de î)iEU à i'Eufant , faites - le lui couaokre fous ks images fenfibks d'un Père , d'un Ami , d'un Bienfaiteur abfent qm lui envoie chaque jour de quoi fournir a fes beîoins & à fes plaifîrs. Je continue à feuilleter ce Catéchifme ; & je trouve dè§ la feconde ou la troifieme Sedion la Dodrine des Anges fidèles & des Anges rebeU les j Satan Efprit malin , arguçiilleux , artifi- cieux, tentateur df nos premiers Parens, enne- mi naturel de l'Homme , &c. A quoi bon cela, je le demande , qu'a jeter dans l'Ame de l'En- font des terreurs paniques , que les difcours d'un Dorneflique ignorant & fuper^itieux ne manqueront pas de fortifier? Je eonfeife ingé- nument que je ne coTir.eis point î'uciRtc de ces inftmdions ; & je fouhaiterois ardemment que toute cette Dodrine des Démons eOt été relé- guée pour toujours dnris h Philofofliîe Orieii- taie. DE F S r C H Q L 0 g î E. 2z% La manière de préfenter les Dogmes de la Religion aux Enfans n'eft gUere moins ab- furde. On diroit qu'©n n'ait pour but que d'exercer leur Mémoire ou plutôt de Paccabler par cet afTemblage de termes obfcurs , métaphy. fiques & quelquefois contradidtoires. Eft-cc là cette Religion annoncée aux Simples & faitfc pour éclairer TEnten dément & toucher le Cœur? ou n'eft -ce point plutôt un Extrait de Théo- logie Scholaftique? Que diro»s - nous encore de la Morale , dé)a Ç\ fcche par elle - même , & qu'on pi'ewd loin iie rendre encore plus rebutante par cette eiv nuycufe cathegorie de vertus & de vices i' Pour moi, fi j'avois à dire ma penfée fur i'Inftrudion des Enfans , fujet Çi important « fi rebattu , m.ais fur lequel on ne faui*oit trop rebattre , j'avouerois que tous nos Ckitéchlifm&s me paroiiîcnt inutiles ou même nuifibl&s à i^ette fin. Je voudrois ne parler de Dieu & de la Religion à l'Enfant que lorfque fa Raifon ad- roit atteint une certaine maturité. Il me fem- ble que l'idée aflez elaire & toujours ;prélêntc du Pouvoir paternel fufRt pour diriger cet âge tendre , fans qu'il foit befoin ^'y faire interve- nir la notiqu pfvchologique êCmx Ei^prit Infcii 225 ESSAI le même amour, & s'il étoit pofîible un amour plus vif, que celui qil'il reiTentiroit pour Tes Pareils les plus chers. Je me ferois une efpece de devoir de ne parler jamais de Dieu qu'avec iiii air de recueillement «Se eu accompagnant la prononciation de ce nom augufte de geftes propres à faire fur l'Efprit de l'Enfant une im- pieflion mê'ée de joie Se de refped. Je lui moii- trerois ce tendre Pere preiTé (ans ceife du f in de fes Créatures , leur donnant à toutes la pâ- ture , le vêtement & le domicile. Un Gâteau d'Abeilles, la Coque d'un Ver à foie, le Nid d'un Oifeau feroient mes démonftrations. Le ramenant enfuite à lui même , je lui ferois re- marquer le nombre & l'excellence des biens par ]cfque!s DîEU a voulu diltinguer l'Homme de tous les Animaux. Je lui découvrirois enhn dans la Rédemption le trait le plus touchant de la Bonté divine. Je lui produirois Jésus-Christ fous la relation fimple »Sc tout -à-fait intelligible d'un Envoyé , dont la Million a pour objet prin- cipal d'annoncer le pardon au Pécheur qui fe repent & de mettre en évidence la Vie & Plm- laiortalité. J^ipplanirois à fes yeux la route du Salut. Je ferois des Loix du Seigneur un jotig facile & tin fardeau léger. J'accoutumerois le jeune Homme à envifagor la Religion comme ce -qui doit égayer toutes fes occupations , affiû- DE p S Y € H 0 L 0 G I E. 527 fonner tous fes plaifirs , embellir autour de iui toute la Nature. Je voudroi's quei.cette idée riante , je ferai éternellement heureux , llaccom- pagnâc par-tout , qu'elle afîiltàc à fon coucher & a fon levers qu'elle le fuivît dans la compagnie & jdau8 -la folitude , qu'elle diiîîpâc ou ad£)Ucic tol|S'^ies,; chagrins qui pourroienc s'élerer daiis fon Ame. Je ferois louvent retentir à fes oreij- les ce Chant d'allégreiie , paix fur la Terre ^ ionne- -Volonté envers les Hommgs, CHAPITRE LXXXIIL Du cara&ere. \^Uand un Talent s'eît développé jufqu'à un certain point i quand une Vertu ou un Vice ont pouiré dQS racines aflez profondes , ils devien- nent , pour akifi dire , un centre d'attradion qui exerce fa puifïance fur tout ce qui l'envi- ronne. Toutes les Facultés fpirituelles & corpo- relles fe relTentent plus ou moins de l'énergie de cette Force. Le Cerveau fe modelant fur fou imprefîion , façonne en conféquence les fucs nourriciers , & leur donne un arrangement re-. latif au ton dominant. Pi? ■■z:z^ ESSAI De là naît leCaradere, qui n'eft que Yen2 femble ou le réfuliat des difpofitions habi* tuelles. Chaque Talent , chaque Profeiîîon , chaque E'tat a fon Caradere que rObfervateur attentif découvre, que le Moralifte étudie, que le Lé* gislateur confulte. La multiplicité des Talens, des Vertus on des Vices dans le même Sujet rend le Caradere plus compliqué, d'une décompofition plus dif- ficile. On a dit que c'eft un Caradere bien fade que de n'en avoir aucun. Ces termes expri- ment afTez bien cette extrême médiocrité en tout genre, ce parfait unilTon de plufieurs riens, de pluiîeurs qualités manquées , qui laillent un Homme dans une indétermination fi complète qu'on ne fait à quelle clafTe il appartient ni quelle valeur lui alligner. Un tel Homme n'a proprement ni talent ni vertu ni vice. Il en cft de ces Caraderes indéterminés , comme de ces Vifages qui n'ont peint de phyfionomiea parce qu'ils n'ont aucun trait qui faille. Il faut que l'Éducation s'induftde beaucoup lÊ E T S T 6 S 0 L 0 G T El ztf pour trouver dans un Fond auffi ingrat quelque difpofîtion qui mérite d'être cultivée par préfé- rence. Elle ne doit cependant pas dérefpérer de fes foins. Souvent la Nature fe piait à cacher des Dons eftimables fous des apparences qui promettent peu. Elle veut être follicitce à fe produire ; & elle ne fe découvre qu'à ceux qui favent l'interroger. CHAPITRE LXXXIV. Du pouvoir de VE'dtication. c 'Est un grand pouvoir que celui de l'E'ducation : l'Univers eft plein de fes eifets. La Génération peut mettre entre les Habitans d'un même Lieu des différences marquées ,* elle peut accorder aux uns des difpofitions qu'elle refufe aux autres ; mais ces difpofitions que deviendroient-elles fi TE'ducation ne s'en faifif- foit pour les faire valoir? C'eft elle qui rend affez fouvent les Membres d'une même Famille auffi diiférens entr'eux que le font les Habitans de Climats éloignés. C'eft elle qui fait fleurir aujourd'hui fur les bords de la Seine & fur ceux de la Tamife un Peuple de Savans , à la place P l 2^é Ê $ S  1 duquel on ne vit autrefois qu'une Nation de B'arbares. Ceft elle qui conferve à la Chine de- puis près de trois mille ans fa Religion , fes Loix, fes Mœurs, fes Sciences & fes Arts. Ceft elle enfin qui tranfportera quelque jour fur les Rives fauvages de l'Amazone les Sciences Eu''o- péennes, & qui transformera rAméricain ftu- pide en Métaphyficien profond. D'OU vient la diftance énorme qui fépare rimmortel Newton du Pâtre grolîîer ? La Na- ture n'auroit- elle pas pétri leurs Cerveaux du même limon; auroit-elle mis dans l'un des parties qui ne fe trouveroient point dans l'au- tre 5 ou auroit- elle arrangé dans l'un certaines parties tout autrement qu'elle ne les auroit ar- rangées dans l'autre ? Non j le Cerveau du Pâtre a eifentiellement les mêmes organes , la même ftruclure, le même tiflu que celui du Philofo- phe ; & fi ce dernier a quelque avantage qui n'ait pas été donné à fautre , cet avantage n'eft pas tel qu'il eût fait de Newton , placé dans les Orcades , le Nev/ton qu'on a vu briller à Londres. L'Éducation a opéré ce prodige dont nous cherchons la caufe prochaine: elle a élevé le Philofophe au fein de la Lumière; elle a laifTé ramper le Pitre dan§ l'épaiffe nuit. DE FSrCHOLOGIE. I23Ï CHAPITRE LXXXV. Continuation du même fi^jet, JL;E pouvoir de TEMucation ne fe borne point à cette Vie : il perce au - delà du tombeau , & porte fes heureufes influences jufqiies dans l'E'ternité. Apres s'être développé par degrés infenfi. blés , l'Homme atteint Tâge de maturité. Dans cet âge il déploie toutes fes Forces , il exerce, toute fon Adivité , il goûte la plénitude de l'e- xiftence. Mais ce Solftice de la Vie humaine dure peu- Bientôt l'Homme déchoit ,* Tes Forces s'afFoibîifTent 5 Ton Adivité diminue 5 & cet afîoi- bliirement graduel le conduit infenliblement à la vieillefle , qui eft fuivie de la mort. L'Homme , cet Etre excellent , dans lequel nous découvrons tant de traits d'une origine célefte , ne vivroit-il donc que la vis de TE'- phemere? Tant de vertus, tant de lumières, tant de capacités à acquérir n'auroie*t - elles pour fin que d'embellir un infiant le tableau • P4 eliangeant Ae rHumanité , eti rendant à ^ Société des feryices nécelTaires? La Ra^ll^n peut élever ces doutes , parce qu'elle peut craindre d'être privée pour toujours d'un Bonheur qu'elle dcfireroit qui ne fimU ppint , & qu'ignorant le P'an de l'Univers , elle ignore fi ce deiir s'accorde avec ce Plan. Mai^ lorfqu'elle réfléchit profondément fur la fimpli- cité de TAme & fur les Perfections divines s elle y découvre des motifs (uffifans pour fe per- fuader que l'Ame continuera d'exifter après la deftrudtion du Corps grolîier qu'elle anime au-, jourd'hui. S'il reftc là - delTus quelques inquié- tudes à la Raifon s c'eft fur le befoin que l'Ame a d'un Corps pour exercer fes Facultés. La Ré- vélation vient dilîîpçr ces inquiétudes en en- feignant aux Hommes le Dogme important de la RÉSURRECTION, Dogme G. confolant, & en même tems lî conforme aux notions les plus faines de la Philofophie. La souveraine Sa- gesse a donc de grandes vues fur l'Homme. Elle a placé au -dedans de lui le Germe d'une Immortalité glorieufe. Elle a femé fur la Terre le Grain qui renferme ce Germe précieux ; elle a voulu qu'il y prît fes premiers accroiifemens ^ qu'il y portât fes premiers fruits -, & elle s'etl propofée de le tranfplante» un jour dans un DE P S Y C H 0 L 0 G I B. a^l Terrein plus fertile , où il recevra la culture propre à donner à fes productions toute la ptr^ fedion qu'elles font capables d'acquérir, L'Éducation commence ici bas ce grand ouvrage. Elle prépare le Cœur & l'Entendement pour ctt Etat futur : elle les rend propres à habiier le Séjour de la Vertu & de la Lumière. Mais, qu'eft-ce que ce Germe qui doii fe développer un jour avec tant d'éclat ? Un voile épais le dérobe à nos foibles yeux & ne laiiTe à notre curiofité avide que la reflburce des con-. jedures. Ce Germe feroit-il un Corps organi^ que de matière éthérée ou d'une matière ana- logue à celle de la Luqriicre ? Seroit-il le véri- table Siège de l'Ame? Le Corps calleux n'eu feroit-il que l'enveloppe grofliere? Les efprits animaux , deftinés à tranfraettre à ce Corps éthé- xé les ébranlemens des Objets , y produiroient- ils des impreflîons durables , fource de la Fer- formalité ? Les efprits animaux eux - mêmes fe- roient-ils d'une nature analogue à celle de la Lumière ou de la Matière électrique ? L'action des Vifceres n'auroit-elle pour but que de fépa- rer ce Feu élémentaire des alimens dans lefquels on fait qu'il efl: renfermé ? Les nerls ne feroient- ils que les cordons dellinés à la tranfmiffion de i-U' ESSAI cette Matière dont la rapidité é\ fi merveit. îeufe .* Le Corps étkéré contiendroit - il en petit tous les Organes du Corps glorieux que la Foi efpere & que S.Paul nomme Corps fpirintel y par oppofition au Corps animal f* La Réfurrec- tion ne fcroit-elle que le développement pro- digieufement accéléré de tous ces Organes '^ Une Lumière célefte , infiniment plus adive que la liqueur qui opère le développement du Germe groiîier , opéreroit - elle le développement du Germe immortel? Tout n'eft que changement & que dévelop- pement. Contenus originairement en petit dans des Germes les Corps organifés ne font que fe développer, & Finltant où ce développement commence eft ce que nous nommons impropre- ment Génération. La Nature prépare de loin Tes Produdions j elle les fait palfer fuccelîîvement par différentes formes pour les élever enfin au dernier terme de leur perfedion. Quelle dif- tance entre la Plante renfermée encore dans la Graine & cette même Plante parvenue à fon parfait ^ccroiiTement î Quelle différence entre la Chenille & le Papillon qui en doit naître, entre ce Ver hériffé de poils qui rampe pefam- nient fur la terre & qui ne fe nourrit que d'a'i- mens groiTiers, Se cet Animal iparc des plus DE PSTCHOLOGIK "zj^ riches couleurs , qui fend l'air d'un vol léger & qui ne vit que de rofée ! Cependant , la Che- nille eft un véritable Papillon fous une forme empruntée. La main lavante & délicate d'un SwAMMERDAM OU d'un Réaumur fait faire tomber ce Mafque & produire à nos yeux fur- pris les parties propres au Papillon. L'Homme ne paroît point non plus ici bas iôus fa véritable forme : ce n'eft point lui que nous voyons ; ce n'eft que cette Enveloppe ter- reftre qu'il doit rejeter. La mort , Ci redoutable au Vulgaire , n'eft pour une Ame philofophi- que que la mue qui doit précéder une heu- reufe transformation. F I N. PHILOSOPHIQ^UES s U R L A CAUSE PREMIERE ET SUR SON EFFET. Et vidit Deus cunda ^ux fecerat , & crant valdè bona. Genef, i , v , 3 r. ^ '-•- ■ \^ JO iOgOJïH À îBifp &ûms^ «yaC ( 2?9 ) fimmmimmiaaBaÊtaïamammÊmmt» riiiMiiiinni umumtim'wmÊammÊimfmmÊÊmm - .,. I-.. M . . I ... - . . i ■ . I I I .1.1 nf^ DISCOURS F RE' LIMINAIRE Sur Futilité de h Métaphydque & fur fon accord avec les Vérités eirentielles de la Religion. r, OUS les Etres ont leurs rapports. Les con- féqiiences de ces rapports font des Loix, La Mé~ taphyfique confidere ces rapports : elle en ohferve r enchaînement & les effets. V Homme, le plus parfait des Etres terrejhes , efl aiijjï celui dont les rapports font les plus étendus , les plus fé^ conds , les plus variés. V Homme tient n toute la Nature , Çf? /^J^ Nature tient à /Tïre des Etres. V UTILITE' de la Métaphyfîque^eft donc pro~ portionnée à la grandeur des Objets dont elle s'occupe. Elle part modeflement du fait : elle re- cherche ce qui efl , ^ en généralifant les idées , elle s'élève par degrés à la Première Raison" des Chofes. LA Métiïphyfique voit la Religion comme fine maitrefje Roue dans une Machine. Les effets ds cette Roue font . déterminés par fe s rapports a4oDISCOURS PR E'LIMIN AIRE. wr-— ■ •■■■ ■ aux Pièces dans lefqtielles elle s'engrène. La RELI- GION parle d'une Alliance, d'un MÉDIATEUR, de récompenfes Ê? as peines à venir. Ces ter- mes puifés dans le langage des Hommes ^ pour des Hommes expriment: figurément l'Ordre étoL- hli. Les rapports de l'état atiiiel de l'Humanité à un état futur font des rapports certains. Ceux de la vertu au bonheur , du vice au malheur 7te font pas moins certains , ^ ils fe manifejîent déjà ici bas» AINSI, foit que l'on admette une nécejpité proprement dite dans les a&ions morales j foît (jiie l'on nie cette nécejflté , rien ne change : la Religion efi toujours le Tréjbr de la Grâce. La vertu & le vice deyneureut ce qu'ils font : leurs conféquences font infaillibles i elles dérivent de lot Nature des Lhofes. DIEU voit l'Homme Je bien gff le Méchant comme IL voit le Froment ^" PTvraie. Ce font dijftrsns- degrus de f E'çhelle terrefre. DIEU a vouIh l'ep/tence de ces degrés parce qu'ils en^ troient dans la cotnpoftion de ce AJondo i \h a voulu Pexijience de ce Monde , parce qu'il en^ îroit dans Ja cvmpojition de /' Univers : \L a voulu l Univ&rs , p-urce que l' Unii^ers étoit Bon. DIMU .Tje ïéçiinipQnie dune poinl > il ne punit poz;;^ » à Discours PRE'LiMiNAiRE. 24? à parler métaphvfiqiiement : mais IL a établi un Ordre en conféqiience duquel la vertu ejl fourcs du bien , le vice fource du mai CE fer oit donc en vain que le Vicieux vou^ droit s^autorifer dhin Enchaînement néceffuire : il n'en fsra pas moins vrai qu^il éprouvera tin mal proportionné au degré de [on imperfe&ion, Mais le Vicieux peut cejjer de l'être: il cejjera de Vétre dès qiCil le voudra : il le voudra dès. qu^il aura été placé dans des arconjiances prOn. près à li faire dijiinguer fkremeyit k meilleur réel du meilleur apparent, TELLE efi l'idée que la Réfon fe forme de la fin principale des pemes : elles font le moysn qui ramènera à l Ordre tous les Etres qui ail^ ront eu le malheur de s^en écarter. CAtne efi une Force dirigée cirentiellement vers le bien : un degré de perfe&ion acquis conduit à un autre degré, bAN^ ce Syflîmie la difficulté fe réduit donc à demander i pourquoi DiEU a créé un Monde dcms lequel le mal devient pour un certain no-n- brg d'Etres le véhicule au bien F La folution de cette quefiion efi dans /'Essence de / ENTi:.N- Tome KVlL Q. 242 DISCOURS préliminaire: DEMENT DIVIN. La Métaphyfique 7j' entreprend point de fonder ces profondeurs : elle Je borne à découvrir que /' Univers eft la Produ&ion de /'Etre SUFFISANT a soi, ^ Jow^ /ey Perfec- tions n^ ont point d'autres bornes que SA Na- ture. EN approfondijfant la Méchanique de notre Etre , la Métapbyfique apperçoit dans /'Amour- propre le Principe de toutes nos A&ions \ & ce Principe n'ejî pas plus oppofé à la RELIGION" ^ue celui de la 7iécejfité. V Amour - propre efl i"" Amour du bonheur \ & qui pourroit douter que l'Amour du bonheur ne foit le rejfort qui meut les Hommes i* La Religion en leur an- Tionçant des réconipenfes & des peines , fait-elle autre cbofe que tendre davantage ce rejfort ? V Amour - propre ejî dans une belle Ame la four ce de la Bieyiveuillance univerfelle , parce que le Jentiment de la perfe&ion ejl inféparable de celui du bonheur. L'Entendement peut s' ohfcurcir^ fe méprendre dans le difcernement des biens & des maux. Mais l Amour - propre ne perd point de fon aBivité : l Homme ne ceffe point de fentir^ de vouloir fon bonheur, ÉCLAIREZ donc l'Homme fur h bonheur ; enl î) ï 'S C OURS P R E' L I Ml N Aï R E. 243 feîgmz-hii qiCH l^ trouvera dans ceiui de [es Semblables ^ dans robfirvation des rcippatrs qtl^ii ffyntîent ti^ec mix\ tmjfez à' Vexf^risnce à le Wfyvmnere de ia vériti • ^^ ces pincifts , >^ 'ifous en ferez nn Agent -montL JE rai dit dans mei Préface -, je le répète ki : la RELIGION confidérée fous fon vrai foinp de vue y petit s'allier aux idées les plus philofo^ phiques : amis ceux qui manient la RELIGION Il ont pas toujours ajjez de Philofophie dans l Ef^ prit. Us s'' imaginent que tout ejî perdu lorfqu'on donne a un mot un fens différent de celui quils adoptent. Ils jugent dhm principe par fes confé^ quences j ^ au lieu de s^affurer de la vérité du principe* r ^s examinent ce qui en réfdteroit ^'il vtoit adnùs. -Cefi uinfi que fans y p enfer ils qjfer" viffent l'a raifon à l'opinion , la Rkligion ait préjugé , ^ qu^ils fourniffent à l'incrédule les armes les plus dangereufes» VOUS donc qui vous intéreffez fmcérement aux progrès de /r? Religion , qui efî la Vérité , ne vous jcandalifez pomt lorfqu'un Fhilofophe ofe vous dire que Plloinme efi une Machine pbyfco- morale conjïruite pour exé^ute^- une certaine fuite «44 DISCOURS PRFLIMINAIRE de mouvemens. Maïs fi vous êtes appelles par état à gouverner cette Machine , faehez quel en eft le Mobile, étudiez la manière de le mettre en jeu , ^ vous dirigerez à votre gré les opé- rations de la Machina PRINCIPES PHILOSOPHIQUES. INTRODUCTION. J 'Al donné dans les Confidérations précédentes des principes fur rE'conomie de notre Etre : je reprends ici quelques-uns de ces principes: je les lie à d'autres principes plus généraux ou relatifs. Je tâche d'en compofer une fuite où ils foient expofés avec netteté & précifion. Je vais à ce qui me paroît le plus certain , & je ne me détermine point par les conféquences. Ce qui eft, eft. Les détails n'entrent point dans mon plan: je veux faJiîr les grolTes Branches & non les Rameaux. Philosophes qui êtes au-deiTus du préjugé & qui recherchez le fond d^s Chofes ! c'eft à vous que j'adreiïe ces principes : jugez 5 & dites- moi fi je fuis dans l'erreur. Peuple des Philofophes ! Théologiens paf- CL5 'tj^l^^P R î :^ C I P ES P H T X. Pûs't;. L Honnes ! je n'écris point pour vous : condam- îiez moi ; votre improbatiôii fera rtïôn éloge. FsFRîTS jufl:es ! Cœurs vertueux! étudiez îY»es principes : ils vous rendront piusr juftes & plus vertueux encore. EspRiTs faux î Cœurs vicieux! ne tne lifez point: vous deviendriez plus faux & plus vi- cieux encore. ( Î+-7 ) PREMIERE PARTIE. ■ Il I I m i I I ■ M" DELA CAUSE PREMIERE- CHAPITRE L Xe Monde fticceJJJf^ preuve dhme Cause NÉ-. CESSAIRE. I ^E Monde eft fucccffif : fon état adueî eft l'eiFet immédiat de fon état antécédent. \5\\q Génération fuccede à une autre Génération . une forme à une autre forme , un mouvement à un autre mouvement. La fuite de ces états divers n'eft pas in- finie. Chaque état a néceffairement fa Gaule hors de foi : la fomme de toutes ces Gaules individuelles a donc néceffairement sa Cause hors de foi. Cettç Causç extérieure à la Chaîne iuv 0.4 snenfc qui forme l'Univers ; cette Cause qi^i a en SOI la raifon de SON Exiftence ; cette Cause fans lacl'^elle rien n'cxilteroit eft la Cause NE'ctssAiRE. CHAPITRE H. Des Attributs [de k Cause ^e'cessaire* \/UELsfont les attributs de cette Cause .^ îï-LE a àgii obfervons ses Eifets ; ils nous mamfefteront ses atti^ibuts. L'Univers exifte : la Cause qui l'a produit cfl donc puissante. L'Univers eft un Syftème de rapports ; la Cause qui l'a produit eft donc intelligente. L'Univers renferme des Etres heureux: la CAUSE qui l'a produit eft doue bienfaisante. PIIILOSOPHJJ^UES, Part L 249 CHAPITRE III, De rillimitation Je/ Attributs divins. M Al S, ces ATTRIBUTS ADORABLES réfi- dejit dans Tetre existant par soi : ils n'ont donc aucune raifon extérieure de liniication. ils font nécefTairement ce qu'iLS font. Ils ne le font pas dans un certain degré : ils le font ahfolîiment^ L'être NicESSAiRE a donc toute la Puis- sance 9 toute la sagesse , toute la bonté poiEbles. Il eft Tetre absolument parfait. %^ ^-^-^ — -^-^ — ^:^r- — ^is .^p^ — ^s^î >-3« — =n^?r^ — ^^î*.-;^ SECONDE PARTIE. ymKÊÊmmmmmmmmmmmmBmmmmmmmimmÊmma^mmammmmmmmmmmm^ rUMIVERS UN ET BIEN, CHAPITRE L De la Bonté de r Univers. \ TEffet répond à fa Caufe. L'Univers eft l'Ef- fet de la Cause ne'cessairement parfaite: il a donc toute la perfedion qu'il pouvoit re- cevoir. Il eft bien. CHAPITRE II. De l Unité de l Univers. ij'UNlVERs eft un; parce qu'il eft tout et qui pouvoit être La Cause première a produit le plus grand effet poflibie. Dieu a voulu & a P R I N C I P E s F m L. Part. IL t%t Votil» e» D>EU. SiW VOLONTE' efficace a rentra aduel tout ce qui étoit pofîible. DiEU continue à vouloir ce qu'iL a voulu, parce qu'iL. eft eiTen- tiellement ce qu'iL a été & ce'qu'iL fera. C H A P I T R E IlL Continuation du même fujet, X-j'Univers eft un encore dans les rapports des Parties au Tout & des moyens à Ja fin. Cette fin eft le bonheur des Etres fentans & in- telligens. Les moyens font les rapports de c^s, Etres entr'eux & aux Objets environnans. CHAPITRE IV. Motif de la Création. D lEUa créé parce qu'iL étoit DIEU. Ses Perfections vouloient des Etres qui goûtaf- fent Texiftence. DIEU a créé ces Etres. En les créant, il a fatisfait à sot. Il les aime, parce qu'iL s'aime LUI-MEME de l'Amour le plu* parfait. 'Z^z PRINCIPES CHAPITRE V. De la Providence. I -jA Volonté' qui a crée & qui conferve eft la Providence. DIEU eft préfent à toutes les Parties de TU- ni vers : il l'a fait. Il connoît les Loix des Etres matériels & des Etres intelligens : il a ordonné ces Loix; il a formé ces Etres. Il ne prévoit pas; il voit. L'avenir eil pour lui comme le préfent, un Monde qui fe dévelop- pera comme ce Monde développé. Il découvre les Effets dans leurs Cauies. Que dis - je ! il n'y a qu'une Caufe , qu'un EiFçt j Dieu, l'U- nivers, CHAPITRE VI. Un fenl Univers et oit pojjihle. L Entendement divin n'a point vu dif- iérens Univers afpircr à rexiftence. La Sagesse PHILOSOPHIQ^UMS. Part. IL 2s> n'a point choifî entre ces Univers le meilleur. Un feul Univers étoit poflible : c'étoit celui dont Dieu a dit qu'il étoit bon. Il ctoit bon , parce qu'il répondoic aux Perfections de la Cause. Il étoit le Plan de la Sagesse , TObjet de la PuissAîs^CE qui n'a point d'autres bor- nes que la Nature des Chofes. CHAPITRE V 1 1. De V Origine du Mal. ïs i f j , \ IJE Mal entroit - il donc comme Mal dans "iè Plan de l'Univers ? IL" étoit l'Effet nécelfaire des limites naturelles de la Création. L'Univers eft auffi bon qu'il pouvoir l'être. Il' n'eft pas auffi bon que fa Cause: il n'eft pas FEtrk EXISTANT PAR SOI. '"*^Lts^détêftiiMâ?ibns de chaque Eitè-c?n(rléuVs avantages & léuirs ïJi'dàrîVéniens. On Men ex- clut un autre bien; une propriété s'oppofea une autre propriété ; un ^arrangement répugne à un autre arrangement vtîné Force à une autre Force, un degré à un ^ autre degré. Le divin Ge'ometrl a vu le maximum ^leminimumde 2Ç4 P R I 7^ C I T E S tout' cela, & rUnivers çft la fol uti on d'un Problème digne de sa profonde SA^GhSSK. uX: HA P i T R E VI M. E'taf de la qnejiion. p OuRQU'Oi Dieu im détruit -il pas le Mal à fa naiiîance , la grêle dans la nuée ? Dieu agit par les Caufes fécondes. Il a voulu que ces Caufes produiûiTent leurs Effets , \Sc que ces' EiFets devinifent Caufes à leur tour. Voila le faic. Tel eft le fondement le plus fo- Ude de nûs jugemetis fiir TE'tat des Chofes & k fuite des Jl'véaemens. . "^ ; /'V La queftion fe réduit donc à celîe-ci : pour- quoi DiEJU préfère- t- IL d'agir .par les, Caufes iecondjes à agir imméj^ktpient ? PHILOSOPHIQUES, Part, IL sç^ I II ■■■■MMMMMIBMB— ■ Il ■_IHgbr C H A P I T R E . I X. Réponfe à la quejîion. c, 'Ette queftion eft irréfoluble : elle tient à des ConnoilTances qui ne font peut - être don- nées à aucune Créature; parce que ces Con- iioiiTances touchent à la nature intime de i'ETRE DES ETRES. Renfermons - nous donc fagement dans cette propofition : Dieu agit par les Caufes fécondes: cela étoic conforme à sa sagesses cela étoit bon. 2^6 PRINCIPE S CHAPITRE X. Des Miracles. JL;Orsque le cours de la Nature paroît tout à coup changé ou interrompu , on nomme cela un Miracle, & on croit qu'il ett TEiFet de TAdliori immédiate de Dr tu- Ce jugement peut être faux & le Miracle reifortir encore des Caufes fécondes ou d'un arrangement préétabli. La gran- deur du Bien qui dcvoit en réfulter cxigcoit cet arrangement ou cette exception aux Loix or- dinaires Mai^. s'il eftdes Miracles qui dépendent de FAïéiion immédiate de Dieu , cette Adion en- troit dans le Plan comme moyen néceifaire de bonheur. Dans Tun 8i l'autre cas Teifet aft ie même pour la Foi. TROISIEME ( i'il ) TROISIEME PARTIE. DES L O î X. ^ - — ^c— ^'^ CHAPITRE L Notion générale des Loix> *Ës Loix font les réfultats d^s rapports qui font entre les Etres. Chaque Etre a Ton EjRence qui le dîftingue de tout autre; ik cette ElTence eft le fonde- ment de feis rapports^ Lès Loix fe différencient donc comme les Etres. Chaque Etre a fes Loix. tome XVIL M ^■S PRINCIPES PHIL. Part lît CHAPITRE IL T>e l'mvayiaUlité des Loix, L 'Essence des Etres efl: invariable : ils fons ce qu'ils font. Les Loix des Etres , fondées fur leur Ef- fcnce , font donc invariables. Le Fer fe ports vers l'Aimant , le Tigre fe jette fur le Daim , le Voluptueux pourfuit le plaifir , le Séraphin brûle pour Dieu de Tamour le plus ardent g en vertu des Loix établies. Ces Loix très - dif- férentes encre elles font également coudantes. Les Forces phyfiques & les Forces intellec- tuelles font également déterminées à produire leurs Effets. Ces Effets font nécelTaires : ils dé- coulent de rapports immuables. Chaque Etre décrit ià courbe : celle de l'Araignée , beaucoup moins compofée que celle du Singe ,reft beau- coup plus que celle du Polype. Toutes ces courbes ne font que des portions infîniment petites de la Courbe p^-odigieufement variée qui compole l'CInivers. L'Intelligence su- prême connoit SEULE l'équation de cette Courbe, ( ^19 > au A TRIE M É PARTIE, DES LO IX DE L" HOMME* CHAPITRE I, V Homme , Etre mixte» J_j'HoMME efl: un Etremixte.il tient par foil Corps auK Subftances matérielles > par fon Amç aux Subftances fpidtuelles. L'Homme fent qu'il exifte , & la fimpliçité de ce fentmient tout -à- fait inexplicable pac les propriétés de la Matière , nous conduit i penfer qu'il eft une modification d'une Subf- tance qui n'eft point Matière. ^,«* o^^ R 5? c,6o PRI'MCTPES Mil 1 umutmntnuimti^maÊiÊamÊmBmmmmmmÊÊmmmÊmKÊmm CHAPITRE II. VHomme , Etre corporel. E) ^N vertu des rapports que l'Homme fou- tient avec la Matière , il eft fournis aux Loix du Mouvement & à Tadivité des Forces phy- fiques; ÎL fe nourrit ; il clïange en fa propre Subs- tance des particules étrangères : il croît par l'in- tuflufception de ces particules : il engendre des Etres femblables à lui. > L'Action réciproque & continuée des So- lides & des Fluides & i'impreiîîon variée des tElémens confervent , altèrent ou détruifent cette admirable Machine dans le rapport de fa Conf- titution à l'adivité des Gaufes qui agiffent fur elle. PHILOSOP HI^ UESf. Part. IV. z^ji C H A P I T R E IIL V Homme , Etre fpritueL c Omme Etre fpirituel rHomme fent , ap^ perqoit, juge» veut, agit. Ces diiFérentes opérations font FeiFet de Fa- cultés qui ont l'Ame pour Sujet. Elles font des manières d'être de ce Sujet. c CHAPITRE IV. Dff r Union de fAme & du Corps. 'Es modifications ont une Caufe extérieure & prochaine: cette Caufe eft la Machine or- g.inifée à laquelle l'Ame eft unie par des nœud$ qui ne font vraifemblablement connus que de la Sagesse qui les a formés, La. Loi fondamentale de cette union eft qu'à i'occafion des mcuvemens qui s'excitent dans le Corps l'Ame eft modifiée , & qu'à I'occafion des modifications de l'Ame k Corps eft mii. R3 55s ' PRiytîPÊS CHAPITRE V. t)es déterminations & de la gradation du Senti-^ ment» I L ïi'eft point e!e modification de l'Ame qui lui foit indifférente. Toutes font accompagneps de fentimens agréables ou défagréables. Les mo- difications de la Faculté de fentir font deter- ininées comme celles de toute autre Faculté. Il efturte gradation dans les fentimens comme il en eft une dans toutes les Productions de la Nature. L'Inftrument qui mefureroit les fen- timens auroit , comme celui qui mefure la cha- leur i un point d'où l'on commenceroit à comp- ter : au-deflus de ce point feroient les degré§ dt^ plaifir 5 aii-deirous ceux de la douleiir. '% » t^HILÙSOPHÎOVES, Part, m tè^ I ______ CHAPITRE VL De f Amour - fropve, X-i'Ame le plaît aux modification* agréables; elle fe déplaît aux modifications déiagréables. Elle efl: un Etre Tentant : elle veut le Bon^ heur: e41e s'aime elle-même. Cet Amour eft le Princfpe fécond des at* tions de THonirne , h Loi fuprôme des vo- lontés. CHAPITRE VIL Vtî^Ie, fource de plaiJJr ^ des déterminations de l^ Amour - propre, JLj'Ame apperqoit- les rapports des Chofes è fon Bonheur 5 & cette perception produit un feu* feiment ageéabî^. L'utile efl fource de plaifir. Tout ce qui efl: foyrêe de plaifir moxHfie la feculté de fentir en wùc^ R4 Ui p à ï is c ï p E s- compofée du caradere de 1 Ame & du nom^. bre, de refpecs ou de Pintcnfité des pl^ilrs. CHAPITRE VIII. Bes premiers Principes du Beau. h i'Ame fe plaît dans l'exercice facile de fes Facultés: e'ie til un Etreaçflifj mais fon Ac tivité efl: bornée. L\Ame aime donc à faifir des rapports ,* mais, elle n'aime " pas des rapports trop compliqués. Le Beau lui plait, parce qu'il e:ftun & variée il offre des rapports faciles à faifir. Le Beau paroîtra donc à l'Ame d'autant plus beau qu'il offrira un plus grand nombre de rapports <^ de rapports faciles à faifir , ou qu'il réveillera en elle un plus grand nombre de fentimens agréables ou des fentimens plus vifs. Les rap- ports des moyens à la fin font une fource de beauté. L'importance de la fin & la fimplieité des moyens font une plus grande beauté encoie. L'Homme eft beau : un Monde eft plus beau : l'Univers eft fouyerainement beau ; il eft le Syftèiiie général du Boaheiir. PHILOSOPHIUITES, ParL IV, '^H CHAPITRE IX, pu Cara&ere ds l'Ame , ^ des fources de fe$ vanéiés. /'Ame juge des rapports comme elle a été appellée à en juger. La place qu'elle occupe dans le Syftême détermine Ta manière de peu* fer : fa manière de penfer détermine fes voli- lions : fes volitions déterminent fes adions, L'Eskimaut raifonnera-t-ii comme le Franqois? Alexandre pouvoit-il penfer comme Dioge- NE 5 Mais il falloit des Eskimauts & des François, pu Alexandre & un Diogene. Le Caradere de TAme eft ce qui îa difHn- gue. Les idées & les volontés le fixent. Il ex- prime la valeur de l'Ame. Dans un Monde fucceflîf& varié il ne naît pas deux Etres précifément femblables. La Loi des développemens s'y oppoferoit. Elle ne per- met pas qu'un Corps organifé demeure le même lin inttaiit. Les effets d'une Cauie toujours changeante fout néceffairement variés. La corn- ^^(^ PRINCIPES binaifoli des Caufes morales avec les CaufeS phyfiques augmente encore la variété. CHAPITRE X. Ik l^ Perfe&ion morale. E Bonheor fe diverfifie donc comme les Efprits. L'échelle du Bonheur eft celle des Etres fentans & hitçlligens. Elle eft celle de la Per~ fedion. A la tête de cette échelle eft la Perfe<5liom / mt)rale. Elle confifte dans le nombre , la géné- ralité & la vérité des notions & dans Pobfer^ vation de l'Ordre ou des rapports. CHAPITRE XL JD^ Porigine du plaifir attaché à la Ferfe&ion, JL'Ame le complaît d'autant plus dans la Per- fedtion morale qu'elle faifit plus fortement les rapports qui en fout les fondemens. PHILOSOPHIdUES. Partir. 167 Ces rapports font ceux que THomme fou- tient par fa nature avec les Etres qui Tcnvi- rounent. CHAPITRE XI I. De la Loi Katurelle ^ des Maximes inor^i/es, jLjA Loi Naturelle eft îe réfultat de ces rap- ports. Les Maximes de la Morale en font Tex- prcilîon. L'Ame juge de îa beauté de ces Maximes par leur utilité. Elle les approuve comme des moyens de Bonheur. Elle acquiert d'autant plus de facilité à les pratiquer qu'elle les pratique plus fôuvent. L'habitude à s'y conformer la rend vert^ueufe. La Vertu eft cette habitude: elle efl: un Tempérament de l'Ame. CHAPITRE XIII. Du Tempérament vertue^cx. L ^'Ame qui a ce Tempérament fait le bien fenj y léâéchir : oJle ne fauroi; faire autrement; 26^ P R I 1:7 0 ï P E 8 fa nature eft de faire le bien : elle eft un AufeW mate bienfaifant. Elle ne fe détermine pas paie la vue dilHnde des motifs ou des rapports :. elle agit par fentiment ; & ce fentiment eft le^ produit des perceptions diftindes qui l'ont fou- vent affedée.Il eft, à proprement parler , une multitude de perceptions confufes qui viennent frapper PAme lubitement & à la fois , & qu'elle ne démêle point. La Réflexion analyfe le fen- timent : elle en découvre l'origine & la forma- tion : elle eft le prifme qui décompofe ce faif- ccau d'idées. C H A P I T R E XIV. U Amour propre , Principe des Devoirs. ij E s Devoirs naifTent de l'Amour propre comme de leur Tronc : ils en font les Bran- ches & les Rameaux, ou plutôt c'eft l'Ame elle même répandue dans le Tronc & jufques dans les moindres Rameaux. Et comme il y a plus de vie là où il y a plus de vaiifeaux , le fentiment eft auffi plus vif dans le Tronc que dans les Branches j dans les Branches que dans les Rameaux. Les Devoirs dont fobfer- PHILOSOPHIE VES, Part. IV. z^ vation emporte une plus grande utilité font icux qui excitent le plus TAmour propre. Les principes qui fuppoient une plus grande per- fedion dans l'Intel! igen ce qui les fdifît & qui les pratique font ceux qui agilfent fur l'Ame le plus fortement. Le plaifîr qui naît de la Perfedion eft proportionné au degré de la Per- fedion. CHAPITRE XV. Des Devoirs envers Dieu. A, Insi , la contemplation des attributs di- vins émeut puiflamment l'Ame qui s'en occupe. Les Devoirs qui découlent de cette contem- plation lui paroilFent les plus importans. L'Ame ne demeure pas froide à la vue des Biens par- ticuliers ; la vue du souverain bien ne Tem* braferoit - elle point ? L'Ame fe complaît dans le fentiment de fon excellence : ce fentiment n'eft jamais plus vif que lorfqu'elle s'élève le plus : elle ne s'élève jamais plus que lorrqu'elie remoiite de TUravers a fon Auteur. 70 P RI lî C I P E S CHAPITRE X V 1. Des Devoirs envers h Prochain, JLi'HoMME nait pour îa Société. Ses FacuL tés corporelles & fpiritueUes font les moyens relatifs à cette fin. L'Homme trouvera donc fon Bonheur dans l'application des moyens à la fin. L'Homme aimera Tes Semblables parce qu'ils lui font utiles. Il les aimera d'autant plus qu'ils lui feront plus utiles. De ce principe découle là gradation des Devoirs. CHAPITRE XV IL VA^nour propre , Jource de Ut générojtté ^ de la bénéjioence. X-^'HOMME n'agit qu'en vue de- fon Bonheur. Il ne ceife point de s'aimer ; & il ne s'aime jamais plus que lorfqu'il fait les plus grands facrifiees. Le plaide attaché à la bénéficence eft PffïLOSOPH IJlUES Part. if. 271 un plaifir réel. Il eO: d'autant plus plaifir que TAme qui le goûté eft plus parfaite. Reflbrt ad- mirable dans fa ilmplicité & dans fes effets ! Loi merveilleufe qui lie le Bien général au Bien particulier ! C H A P I T RE XVIII. Des LoiXi Caufes des déterminations de t Antour J^ropte, J_j E s Loix civiles & politiques font différend moyens de modiSer l'Amour propre. Leur but eft de le diriger au Bien. Elles doivent donc être alTorties au Caradere des Etres à diriger , aux circonftances où ils fe trouvent placés, à la Nature des Chofes. Les Loix pénales ne font donc telles , qu'au- tant qu'elles ont pour objet de corriger l'A- tnour propre ou d'en prévenir la corruption. La Loi parfaite eft celle qui réunit tous ces avantages au plus haut degré. La Loi Chré- tienne eft cette Loi. Elle dirige fan« celïç 272 KR I 2^ C I P È ^ l'Amour - propre vers fa véritable fin , & ceiié fin ell un Bonheur permanent. CHAPITRE XIX. De la FoL A Raifori juge du Moyen Se de la Fiii E'vangéliques. L'affentiment qu'elle leur donné Gonftitue la Foi* La Foi efl: donc raifonnable* C'efl: la Raifori elle-même opérant furies Ve'rite's salutat-* RES , & la Raifon eft le bon ufage de nos Fa- cultés. Le mérite de la Foi ne confîfte donc pas à croire^ mais à rechercher ce qu'il faut croire* 11 ne dépend pas de nous de voir rouge ce qui eft bleu ; mais il dépend de nous de diftin». guer le rouge du bleu. CHAPITRE i^H ILÔSOPHIQ^UEZ Part. IV. iyf BaSHMOH Jt GHAPITRE XX. be la Vérité & du Eut de la Re'vf/latioî^.' J_jA certitude de la Rë'veYatîon eft fondée en dernier relTort fur ce qu'une multitude d'Hommes qui avoient des Yeux & de§ Oreilles , du bon Sens & un Cœur droit n'a pu ni tromper ni être trompée en matière de Faits renfermés dans la fpheredes notions communes^ L'Utilité' de la Re've'lation n'eft point ime preuve de la Vérité : mais fa Vérité proU- veroit fon Utilité, fi la Raifon avoit befoin de preuves en ce genre. Les Martyrs prouvent Amplement qu'il eft des Ames capables de foulfrir la mort en fa- veur d'une Opinion ; mais ils ne prouvent point la vérité de cette Opinion. Quelle Opi- nion n'a pas eu Tes Martyrs? Quelle foule de prodiges n'otfrent point en ce genre les bords du Gange ou du St. Laurent.^ Le Christianisme exifte : un Homme qui fe nommoit Christ le fonda , & cet Homme relfulcitoit les iViorts. lomsXVlL S ^74 PRl'N^IP^S THIL. Port IK Le But de la Miflîon de cet Envoyé' ce'- LESTE eft d'élever une Partie du Genre hu- îiiain au plus haut degré de la Perfcdion ou du Bonheur. Ceft ce que TE^criture nomme en fa langue le Salut. Mais Dieu ne veut pas que tous les Hommes parviennent à ce degré, comme il ne veut pas que tous las Hommes fuient Philofophes & que tous les Animaux foient Singes. Ne dites donc pas , la Re've'lation eft iiécejjaire : le Fait vous démentiroit , & le Fait eft Texpreffion de la Volonté' divine. Elle laifle le Chinois facrifier à Fohé ^ le Canadien à Micbapeus. Le Chinois & le Canadien font heureux : ils le font moins que le Chrétien ; mais le Chrétien l'eft moins que TAnge , celui- ci moins que le Che'rubin. Dieu ne devoit- IL donc créer que des Chérubins ! Mais il eft encore des degrés entre les Chérubins ; un Chérubin n'eft pas tout autre Chérubin. Chacune de ces Intelligciices a fes détermina- tions , fa manière d'être. Apprenez donc que la Nature des Chofes vouloit des Gradations , & que Dieu veut la Nature des Chofes. C IN aui EM E PARTIE. DES LOIX BES ANIIHAIJ3LL CHAPITRE I. -'^ ^'^''"^ Les Animaux , lires inixtes. i3 I des Effets femblables fuppofent les mêmes Caufes , les x\nimaux font des Etres mixtes. Ils tiennent , comme l'Homme , aux Subftances corporelles & aux Subltances fpirituelles. Comme THomme , ils fe nourriflènt, ils çroit fent , ils multiplient. Comme l'Homme , ils Tentent , ils apperqoi- vent , ils veulent , ils agilTent. S2 Si76 P R I 1<^ G î P E S / CHAPITRE IL 2>iffermce eJJ'entklle entre PHûjnme ^ les A^iU maux. M Aïs, les Ammaux ne jugent pas pro- prement : ils ne généralifenf point leurs idées : ils n'ont que des notions particulières , parce qu'ils ne font point doués de la Parole 5 & c'eft là ce qui paroît les diftingucr eflentiellement de PHomnve. CHAPITRE III. De t Union des deux Suhflances dans les AiHv niMix, D Ans l'Animal , comme dans l'Homme , rUnion de l'Aïaié & du Corps fuit la même Loi fondamentale : le Corps mù par les Ob- jets modifie l'Ame j l'Ame modifiée meut le Corps. I PHILo SOPHlj^UES. Paft: V. ^ C H A P I T R E IV. 3es moâîfimtions de PA^ne de la Brute , Je leuri Califes & de leurs e£ets. '"^ :".... :;^^ Es modificatians' de rÀme de la Brute lui font agréables ou défagréableSa, Elle eft un Etre fentant, *" Tout ce qui eft caufe de modifications agréa-' blés détermine TAdlivité de l'Animal en raifon oompofée de fa Naturfe & de l'efficace dés Cau, fes qui agiflent fur lui. L'Animal veu.t néceiiai. rement fon Bien - être ; il s'aime comme tous les Etres fsntans. 'S^'l -;■ - :;rnq /J CHAPITRE V. Del Senîirnens dans la Brute & de leur rappel ^ M j 'Animal eft aifedé par les rapports des Chofes à fon Bien - être , & cette i^ipreffion produit un Sentiment agréable, S 3 ,H %¥^jp;^<^/>k* Lis S^îitimens ïe réveilkm ks «us ht -au-? très dans PAme de la Brute. La loi de leur rap^ pel eft foiîdée fût tcuï analogie & leur iiu tenfité. , C H A P I T R E VL "^^'^ ''^^ - B^ Vlnjîin&. A Faculté en veïtu de laquelle PAnimaî faifit ce qui convient à fa nature eft ce qu'on nomme Ço^lnjlm&y & cet In ftin 61 parait n'ètr^ que le Sentiment qui nait des rapports établis-, La portée de l'Inftind fe mefure par le nombre & la qualité des rapports que l'Anmial foutient avec les Etres environnans. Les Sens font la principale Source de ces rapports. ^ L'E'ducation perfedionne rinftînâ: comme elle perfedionne la Raifon. En plaçant FAnimal dans des circonftances où il n'eut point été placé par la Nature, elle alonge la chaîne de fes fenfations , elle multiplie fes rapports , elle lui imprime de nouveaux mouvemens. Elle *a ?.ltént Çon but lorfqu'elle a rendu tout cela PHILOSOPHÎ/lUES, ParL V. \r^ auffi propre à l'Animal art V, s.%% p?us les n-o^ds qui le lient « la Société fe ref- feri^flit. De 14 , la Gonfevatioii de cette Société, Le ;^aîRl- -eft la voix de la Nature : toiat Etre featant obéit à <;ettô voix : c'elt elle qui rap- pelle l'Abeille à fa Ruche , la Fourmi à fa Four- niilliere , le Caftor à fa Cabane. CHAPITRE IX. t>e la Mémoire des Animaux. Al n'eft pour les Animaux ni pafTé ni futur,- ils ne fentent que le préfcnt ; les notions de paifé «Se de futur tiennent à des comparaifons qui fuppofent évidemment Tufagc des termes. Les Animaux ont de la Mémoire : mais cette Mémoire diffère eifentiellement de la nôtre» Nous nous rappdlans q>ue nous a^'ons exifté dans un certain tems avec certaines idées : nous fentons que le Moi qui penfoit alors eif le moi qui penfe aduellement , '& ce Sentiment conlH- tue la Ferfonmiité. Il n'eft point de Moi , de Per-^ foiinaiité chez les Animaux. Leur Cet veau re- tient comme le nôtre , & peut- être mieux que le nôtre , les impreflîons des Objets. Les idées î§4 PRINCIPEJS^ t ou les fentîmens attachés à ces imprcflîons ft réveillent les uns les autres par un enchaîne- ment ph>fique : mais leur rappel n'eft point aecom pagne de Réfmnifcence. Ils afFedent l'Ani- mal ilmplcment comme adluels 5 & c'eft comme tels qu'ils déterminent fcs mouvemens. Les careifes que le Clîien fait à fon Maître après une abfence , font l'expreffion du Rapport qui efl entre l'Objet' & les fenfations agréables qu'il a fait éprouver au Chien. Le. rappel de ces fenfations par l'Objet monte la Machine; elle joue. Nous nous plaifons à trouver dans cettç Scène les traits les plus touchans : nous fubfti- tuons fans y penfer l'Homme au Chien. C H A P I T R E X. De rA&îVîté de VAme des Animaux. c, Es mouvemens qui s'excitent dans l'Ani- mal à Toccafion d'une fenlation ou du rappel d'une fenfition , dépendent- ils , comme je l'ai fuppofé , de l'adlion de l'Ame fur les Membres,? ou font - ils l'effet d'une correfpondance feaete VHILOSOPHIQVES Par^ V. sgç. qui foit cntrç le Siège du Sentiment & les Membres? Dans cette dernière fuppofition TAme feuoit iGmple fpcdatrice des mouveniens de fon Corps j mais non une fpecftatrice indifFérente : fon adi- vité fe borneroît à la perception , an fenti- ment. Nous ne ibmmes alFurés qu'il w^qw eft pas de même de notre Ame , que par le Senti- ment intérieur; ce Sentiment fuffic à nous convaincre de notre Liberté. L'analogie con- duit à attribuer la Liberté aux Animaux , mais une Liberté limitée par le nombre & le genre des fenfations. Spirituelle , intelligente, libre, l'Ame hu- maine n'en a pas moins, comme le Corps, ia méchanique, & les adlions où elle intervient aveo le plus de connoiiTance peuvent être con- fidérées comme phyfiques fans détruire leur mé)ralité. Il eft un fens dans lequel on peut: dire que l'Homme eft un Automate moral. La Brute eft un Automate [entant. Son Adivité ou fa Liberté fc déploie par le miniftere des fen- fations. Les fenfations réfultent du rapport qui eft entre les Objets <& la Conftitution animale. 2%6 PRINCIPES Soumis à la diredion des fciifarions , 8c unu quement à cette diredion , rAnimal remplit fa fin fans s'égarer : la Nature ert fbn guide , il en fuit fide'ement les Loix. Soumis à la di- redion des fenfation» & à celle des notione générales PHomme s'égare fouvent, lïiais fes erreurs mêmes , il efl: vrai , fervent à le rame- ner au but. L'Homme s'égare, parce qu'il eft Animal raifonnable j l'Animal ne s'égare pas parce qu'il n'eft qu'Animal. Les fenfations balancent les fenfations : le repos naît de l'équilibre, l'adion de la rupture de cet Cjuilibre. CHAPITRE XL Continuation du tnême fujet, 131 Torganifation feule ne fuffit pas à entrer tenir la vie dans les Corps animés j fi cet effet dépend encore d'un Principe diftind du Corps , d'un Principe qui agilfe à chaque inftant fur les reflbrts de la Machine & qui en modifie les mouvemeirs fuivant les circonftances y nous trouverons ce Principe dans l'Ame , & cette WHlLOSOfUl^UES. Part. V, %%^ forte d'Adivité fera commune à toutes les Ames unies à des Corps organifés : cet exercice de la Force motrice des Ames fera indépendant du Sentiment : elles agiront fans favoir qu'elles agiflent i elles feront les Mobiles des Syftêmes vitaux 5 & elles l'ignoreront. Dans les mouve- mens les plus volontaires l'Ame a-t-elle le moin- dre fentiment du comment de fon adion ? C'eft que mouvoir & fentir font deux chofes eflen- tiellement différentes. CHAPITRE XII. Du Travail des Animaux qui vivent en S«- 6iété. De la durée de ces Sociétés. X-jE Travail de différentes Efpeces d'Animaux qui vivent en Société ne prouve point qu'il y ait entre les Membres de ces Sociétés un ac- cord proprement dit; un femblable accord fup- poferoit des conventions qui n'entrent point dans la fphere de l'Inilind des Animaux. Ce Travail prouve feulement que chaque Individu eft une Machine montée pour exécuter certains mouvemens ou certaines fuites de mouvcmens , sg8 P R i N C i P È S & qui les exécute. L'Ouvrage fe forme p'àr lé concours des mouvemens de toutes ces Macbi- fies : il eft le réfultat de ces mouvemens , Tex- prelFion de toutes ces Forces particulières, Aiissi, les Nids des Chenilles qui vivent en Société réfultent des fils que fournit chaque Individu. Il les fournit , parce que fa Conttitu- tucion h porte à filer & à fikr fouvent. Il file fur tous les Corps qu'il parcourt : de tous ces fils fe forme un fentier de foie que les Che- nilles fuivent affez conftamment, & qui les ra- mené à leur Nid lorfqu'elles s'en font le plus écartées. Penda-nt qu'elles font encore fort jeu- nes elles s'écartent peu : elles filent alors au- tour d'une feuille ou de l'extrémité d'unô branche , & ces fils (ont le fondement du Nid. Les Chenilles font détt^rminées à fe fixer fur cette fêuille ou fur cette branche , parce que c'eft là ou fort près de là que le Papillon avoit dépofé les œufs dont elles font fortieS. Les plaifirs ou les befoins qui tiennent pJu- fieurs Individus réunis en Société fonfe ou à tems ou à vie ; de là des Sociétés à tems & des Sociétés à vie. SIXIEME < ^89 ) SIXIEME PARTIE. DELA LOI DES GRADATIONS E T D E V ÉCHELLE DES ETRES. CHAPITRE L. Idée générale de la Ferfe&ion, jL Out Etre eft parfait en foi : ii a ce qiii eonvenoit à fa fin. CoNsiDÉRè relativement à d'autres Etres i tout Etrg eft plus ou moins parfait. Lorsque différentes Parties confpir.$rit au îTième but , ou dit du Tout qu'elles formant: qu'il eft parfait. Tome XVIL % sfo P R I N C^ I P E s La niefure de la Perfedion des Parties efiî donc dans leurs rapports au Tout. Celles - là font les plus parfaites , dont les rapports au Tout font plus étcndus^ ou plus variés. La mefure de la Perfedion du Tout eft dans là fin 5 celle de la fin dans le bien qu'elle ren- ferme ; celle du bien dans le nombre & la qua- lité des Etres cjoi en font les Objets^ CHAPITRE IL Deux fortes Je Perfe&iom. I L efl: deux gehres de Perfedion ; la Perfec- tion qui eft propre aux Corps i la Perfedion qui eft propre aux Ames. CHAPITRE lïl. Du plus haut degré de la Perfe&ion corporelle. E plus haut degré de la Perfedion corpo- relle eft dans rOrganiilition & dans une Or- gauifatiou telle que d'un nombre de Parties i PËilÙSOVËI^TIES, VartVL 291 ?^uffî petit qu'il eft poiîible rcfulte un plus grand eiîet. Tel eft entre les Etres terrefttes le Corps liutnain. Un Organe eft tin aiTetriHage de parties foli- des différemment conftruites , qui concourent enfemble à produire un certain effet, ou c'eft u>n Compofé de différens vaiiTerrix qui contien- nent, préparent ou font circuler une ou plu- {leurs efpeccs de liqueurs. C H A P I T R E î Y. Du plus bas degré de la Ferfe&ion corporelle. JLi (E plus bas degré de la Perfedion corpo- relle eft de n'être pas compofé. Telle eft h Far^ ticule élémentaire. T3 ;92 piii:^eiPEs CHAPITRE V. Du plus haut degré de la Perfe&ion fpîrituelle. E plus haut degré de la Perfedlion fpiri- tuellc eft dans la généralifation des idées. Tel eft le caractère qui élevé TAme humaine au- deffus de l'Ame des Brutes. GÉNÉRALISER fes idées , c'eft abftraire d'un fujet ce qu'il a de commun avec d'autres. De ces abftradlions naiifent les Attributs & les Modes , qui ne font que le Sujet confidéré fous diflférens rapports. Les attributs auxquels l'idée du Sujet eft attachée conftituent fon EfTence nominale. Le Principe ou la Raifon de ces Attributs eft l'Ef- fence réelle du Sujet. Ainsi, plus un Génjç a de profondeur, plus il décompofe un Sujet. Le nombre de ces décompofitions^ peut fer- vir de principe à la graduation de TEchelle des Intelligences. PHILOSOFHIUVES^ ParL VI. ^^% L'Intelligence pour qui la décompofitiotiL fe réduit à l'Unité eft I'Intelligence CRÉA- IKICE. CHAPITRE VI. Du plus bas degré de la PerfeEHon fpîntueUe^. JLj E plus bas degré de laPcrfedion fpirituelle eft dans le fentiment confus de l'exiftence ou des fondions vitales. Telle eft peut-être la Per- fection de l'Ame de PHuitre. C H A P I T R E V I L Be la Per-fe&ioîî mixte, A Perfedion corporelle S: la Perfecllon rpi-r rituelle font réunies dans chaque Sujst organifé animé , & Tune répond à l'autre. La réunion d:s deux Perfedions forme la Perfedion mixte , & celle-ci répond à la Place que l'Etre occupe dans le Plan, T 5 * Ï94 PRINCIPE.^ CHAPITRE VIIL De la Vie* D U jeu des Organes ou de leur adion fut les liqueurs qu'ils renferment refaite la Vie« La Nutrition & rAccroiHement qui en oit PeiFet 5 caradérifent la Vie» CHAPITRE IX, Ik la Nutrition. î •^^ A Nutrition e{{ cette Opération par laquelle l'Etre organifé change en fa propre fubftaîice ou s'afîimile les matières étrangères qu'il admet dans fon intérieur» Ce tte affîmilation dérive en dernier reffort de 1 arrangement & de la dégradation des vaif- feaux ou des filtres par lefquels les matières alimentaires palfenc fucceffivement. PHILOSOPÊIQ^UES, Part Vl. 29? ■t« ■ ' ' ""* ^^ l'i — ' '""^ CHAPITRE X. De PAccro^emeut. l'AcCROissEMENT eft le développement «ta rexteniion graduelle des Parties en tout fens , produite par l'intromiffion des Sucs nourriciers dans les mailles de leur Tilîu. La Loi du développement eft renfermée dans cette propofition fondamentale, la Nature ne va foint far fauts ,* & cette propofition revient à l'axiome , // n'efi point d'effet fans raijon fuffifante. L'E'tat aduel d'un Corps organifé a nécef- fairement fa Raifon dans l'état qui a précédé immédiatement. Et comme dans un Corps organifé il règne ini mouvement perpétuel , tantôt accéléré , tan- tôt retardé , d'où réfulte un changement con- tinuel dans fes parties j il fuit qu'un Corps or- ganifé ne demeure pas le môme deux inftans ; mais qu'il palTe à chaque inftant d'un état à un autre état, , T4 «^6-' PRINCIPES Nous ne faifilTons que les paffages ies pW fîappans. L'imper Fccf tien de nos Initrumeus & les bornes de nos Facîultés ne nous permet- tent pas de fuivre toute la fiiccelfion. Les Hor- îfOges groffieres indiquent les Heures , des Hor- loges plus parfaites laiiiqueat les Tierces. '••*^»wi»«*!«'wtaBeî(>ji CHAPITRE XL Métamorphofes. Génération^ I L n'efl donc point de Métamorpîiofes pro- prement dites ; mais des Parties qui étoient \'Oi!ées ou emboitées dans d'autres Parties oom- rnencent à paroîtrë. La Génératicvi n'eil donc poin! nue Fro- dudion y mais les Parties du Corps orgaiiifé preexiftantês en petit- dans un Germe com- mencent à fc développer ou à devenir len- iibie«. P H ILOSOFHIOUES. Part. VI. 2^7 CHAPITRE XII. Des Germes, L 'Existence des Germes eft fondée fuf rimpoffibilicé où nous fommes d'expliquer inéchaiiiquenienc la formation des Corps or- ganifés. Pire que cette formation eft due à cer- taines Forces de rapports , en vertu defquelles les élémens tendent à fe rapprocher & à s'u- nir, c'eft ftibftituer des qualités occultes à des notions afiez claires. Mais on aime à fe pafîec de TEtre ordinateur. Combattre Texiftence des Germes par des calculs fans fin , c'eft n'effrayer que l'Imagi- nation. Les derniers termes de la divifion de la Matière nous font inconnus. Le Phi'ofophe mettra -t> il ici les Sens à la place de l'En- tendement ? Oublieroit - il que Dieu a pu renfermer un Monde dans un Globule d'Air if %%ê\ 298 FRî:SfCIPES CHAPITRE XII L Idées fur la Génération. L ik manière de la Génération nous eft in- connue : (i cependant les Corps organifés exif- tenc originairement en petit dans des Germes, leur Génération apparente eft PetTet d'une nu- trition particulière qui développe leurs Parties infiniment petites. Cette nutrition s'opère par une liqueur dont rénergie , la fubtilité & la compofitioii font relatives à la finelTe des mailles du Germe & à la nature de leurs élémens. Cette liqueur fécondante imprime le mou- vement aux Organes. Elle ouvre les mailles des fibres & les difpofe à recevoir des nour- ritures plus fortes qui achèveront de les dé- velopper. L'incorporation des fucs nourriciers dans les fibres elt due à une Force qui nous eil injui.iiue, (k qui ^ pci/r-t:ue quelque analogie PHIL OSOPffIdUES.rart. VJ. 299 jâvec celle en vertu de laquelle divers Corps , foit liquides foit folides , tendeiit à s'unir ou à le pinétrer réciproquement. Le degré de dudilité ou d'extenfibilité des fibres détermine la mefure de i'accroiircment du Corps organifé. L'extensibilité des fibres eft elle-même déterminée par la nature de leurs élémens & par Tadivité d&s fucs qui agiflent fur eux. De la figurç & de la combinaifon des élé- mens réfultent Tefpece du Corps organifé & Tordre dans lequel les atomes nourriciers s'in- corporent à fes Parties. Le mouvement une fois imprimé à la Ma^ chine organique s'y conjerve , foit par la feule énergie de fa conftrudion , foit par l'eF- ficiice ^du Principe immatériel qui lui eft uni. 300 PRINCIPES CHAPITRE XIV. Trois fines de Vies dans les Etres terrefires. o N didingiie dans les Etres terreftres trois fortes de Vies, la Vie végétative , la Vie fenii- tivQ , kî Vie réfléa:hie, LORSQJJË dans un Etre organifé Tadion des Organes n'eft point accompagnée du fentiment de cette action , l'Etre n'a que la Vie végé- tative. Lorfque le fentiment eft joint à cette adion , TEtre pofTede la Vie fenfitive. Lorfque la réflexion fur le fentiment accompagne le fentiment , l'Etre poffede la Vie réfléchie. Les Plantes pofiedent la première efpece de Vie 3 les Animaux la féconde , f Homme la troifieme» CHAPITRE XV. Idées fur le développement de l^Ame, L E Principe du Sentiment Se de la Réflexion eft dans ia Subftance immatérielle qui anime PHILOSOPHIQUES. Part. VI. 501 le Corps org[aniré. Celui-ci donne lieu à Texer- cice de ce Piincipe. Il n'eft pas lui - même ce Principe : le Sentiment eft un s le Corps eft multiple. L'Ame unie au Corps & agiiTant par lui, fe développe donc comme lui. Le pliyfique de ce développement eft dans la fucceffion des mouvemens variés que les Objets excitent dans la Partie du Corps qui eft le Siège immédiat des opérations de l'Ame. Cette Partie , quelle qu'elle foit , tient à toute la Machine ; puifqu'il n'eft aucun Point de cette Machine qui ne puilîe devenir l'Organe d'un fentiment. De l'imprelîîon des Objets fur le Siège de l'Ame réfulte un changement dan^ l'état pri- mitif de fes fibres. De ce cîiajigement naît une tendance à cer- tains mouvemens dt à une certaine fuite de mouvemens» De là l'Habjtude. Les fentimens s'excitent les uns les autres. Les fibxes deftinées à la produdion des fen- f 502 PRINCIPES timens communiquent donc les unes avec \èê autres. Le comment de cette communication nous eO: inconnu : nous n'en voyons que' les effets. L'Aime efl: douée d'Adlivîté ; mais cette Ac^ tîvité cft de fa nature irjdétermmée. C'eft uns tendance à agir, & non une certaine adion^ L'Ame demeureroit donc dans un repos éter- nel , fi une Caufe extérieure ne venoit Pets tirer. Cette Caufe eft dans les mouvement que les Objets impriment aux Organes des Sens. La raifon des déterminations de l'Adivitl de l'Ame eft donc ariginairement dans les im« preffions du dehors. En vertu de la méchanique de l'Uniorî PAme reproduit les mouvemens qui l'on-t un« fois affectée , & avec eux \es fentimens qui en dérivent. Elle les combine : àe là les no- tions réfléchies. Mais ces combinaifons font toujours fondées en dernier reiTort fur les impreifions des Objets. Elles font, le fond fur lequel l'Ame opère ; & comme il n'eft pomt d'Obj,et ifolé , il n'eft point auffi d'idées ilb*. PHILOSOPHIQUES. Part VL joj ié&s : uii mouvetneiit excité en réveille d'au- tres. Les Objets fe peignent dans le Cerveau tels qu'ils font au -dehors. Il retient ces images & les retrace à l'Ame avec autant de fidélité que de promptitude. Ce font des peintures exquifes , des Tableaux mouvans infiniment Supérieurs aux Chef-d'œuvres des Raphaels & des SÉBASTIENS. L'E'ducation arrange & mu'tiplie ces ima- ges : elle en compofe des fuites qui repré- fentent des Parties plus ou moins étendues de l'Univers. L'Ame parcourt ces peintures,- elle en di- rige à fon gré les mouvemens. Plus elle opère fur ces images , plus fon A^divité fe développe. 504 F K î N C r P E S CHAPITRE XVI. Eéjlexibn fur les Forces. N O u S ignorons profondémeHt ce que c'eft qu*e Fo7'ce , A&ivité , Mouvement. Nous avons inventé ces termes pour exprimer de certains effets ; & tout notre fa voir fe borne à con- noître ces effets. Notre propre Force , cette Force que nous exerçons à chaque inftant fur notre Corps , & par notre Corps fur tant d'Objets divers ; cette Force qui eft nous- mêmes , nous eft auffi inconnue que toute autre Force. Si nous favions ce que c'eft que Force ^ qu'A%;z l'Univers fe dévoileroit à nos yeux: nous verrions les Eiicts dans leur Principe. Les Intelligences qui connoiifent ce Myf- tere voient les eff3rts que fait un d'ALEMBERT, un EuLER pour fe traîner d'une vérité à une autre , comme nous voyons les efforts de la Fourmi dans le tranfport d'une paille. CHAPITRE PHILOSOP HIGUES Pan. VL ;oç CHAPITRE XVII. Conféqitences de la Théorie du développement da PAme, A I N s I , le développement de PÂme ed: la fuite de Tes modifications variées j & ces mo- difications font reitet néce^îaire dit jeu des Organes & des circonltances qui le détec* minent. Le nombre , la variété , refpece des modifi- cations déterminent le degré de Perfeclion à^ FAme. Le Langage en multipliant les mouvt^meli:^ & les combinaifons des mouvemens , en les aiTujettifTrint à un certain ordre eft ce qui per- fedionne le plus TAdivité de l'Ame. L'Extrême pauvreté des Langues Améri- caines annonce l'impert^edlion des Peuples qui les parlent. Ces Peuples ont des fignes natu-* rels & des Tymboles & fort peu de termes. Le Cdhimet leur tient lieu des meilleures for- muies : c'ell que comme ils n'ont que peu ToniQ XVIL V d'idées 5c la pîupart fenfibles, ces figues ^ ces iymboles fuffifent à les exprimer. Quelle eft donc la difFérence eflentielfe de riroquois à Leibnitz ? Dans l'un les fibres ■intelle&uelies font prefque toutes demeurées paralytiques 5 dans l'autre toutes ont été niifes en jeu, & leurs mouvemens infiniment variés fe font fuccédés dans le plus bel ordre. CHAPIT RE XVIII. Continuation du même fujet, E grand Art de la Culture de l'Erprit confifte donc à varier le plus qu'il eft poffible les mouvemens de l'Organe intelleduel & à établir entre ce€ mouvemens une gradation telle qu'ils fe reproduifent mutuellement. L'Inf- trudtion doit faire du Cerveau un kxhvQidéaly une Carte idéale où chaque idée ait fa place déterminée. Les Méthodes , 8c fur - tout les Méthodes géométriques , ne font fi utiles que parce quelles produifent infailliblement Feifet dont PHÎIQBOPHIÙXÎES, Part Vt i^ je parle. Elles font d'autant plus parflûtes, qu'elles répondent mieux à l'ordre de la gé- nération de nos idées ftir chaque fujet. Les figries & les figures atdp^^ m^n'efU leufement TETprit; tant il efl: décidé que plus nos idées font corns , foruies , mouvemens ,• plus elles nous afTcdent , plus elles font dans la dépendance de notre Ame. Si rions favons tant de Chofes imparfaite- îïient 5 Çi nous avons tant d'u^é ^s; confufcf , ce n'eft pas toujours que !ts Objets de ces idées ne foient pas aiTez à ta portée de notre Efprit; c'ert pour l'or din aire parce que ces Objets ne 1 nous- ont pas été préfentés dans un ordre convenable. On a excité prefque tout d'un cou:3 dans notre Cerveau beaucoup de mouve- ni'"^".s très- variés j on a remué bien des fibres, %L de tout cela il n'a réfulté que des liaifons imparfates; les rapports n'ont été que peu lentis y quelquefois point du tout^ ÏL ne fa'loit pas remuer tant de fibres à la fois y r Activité de l'Ame en a été trop parta- gée. Il h'Ioit exciter d'abord des mouveme s tïes-iimpies , l'Ame en auroit mieux faiîi f efîlt . ... Va >o3 F R I N V I P È S des mouvemens compofés , par leur liaifoii na- turelle avec ceux-là. Je l'ai dit: l'Âme fe pîait aux gradations j «lie aime à comparer , & il n'eft point de com- paraiFon où il n'eft point de rapports appcrqus. Les Sciences & les Arts tournent fur ce pivot. L'Ame efi: Ci bien faite pour comparer , qu'elle ne fauroit demeurer long-tems fur le même Objet fans en affoiblir l'impreÏÏîon : c'cft <|u'elle vient à ne comparer plus. La première imprefîion eft ce qui la frappe, à caufe de fa liaifon avec une imprefîion précédente qui en diiféroit plus ou moins : il faut à l'Ame des pallages , ils font changemens. Ceci tient à une infinité de faits. La Méditation eft un excellent corredif des premières études & le meilleur moyen de per- fedionner celles de l'Age mur. Elle change l'ordonnance défedueufe du Cerveau & le re- monte 5 pour ainfl dire , en donnant aux idées Tarrangement , la forme , la liaifon qui en fonô nos véritables richeifes. La Méditation fixe , compare , analyfe , dL gère , iact)rpore , dévefcppe. Elk tend l'Atten- 1 PHILOSOPHIQUES. Part, VI. Jcç. tion ; & combien ce reiTort eft-il puiiTant! Je n'exprime pas aflezj il décide de tout. Mais, ne vous y trompez point t la Méditation ne produit tous ces grands eftets que lorfqu'eu méditant on revêt fes idées des termes les p^us propres. Vous en avez compris la raifon 5 ces termes font à FAme ce que le pinceau & les couleurs font au Peintre. ' Je ne fais plus qu'une réflexion fur cefujet,, & je le quitte : ce que je vais dire regarde fur-tout la Compofition, Réduifcz vos idées par la Méditation à leurs plus petits termes: écar- tez tout ce qui n'eft qu'accelfoire , & l'idée principale dégagés de ces brouillards brillera d'un éclat nouveau. Un mot l'exprimera ; or ce mot quels charmes n'aura-t-il point pour l'Amour-propre , flatté de découvrir là- deflbus tant de rapports ! Voilà l'Art des grands Maî- tres ; en voici le Modèle » MaNTESCiUiEU \ je le répète Montesquieu. ^^•^'^^ V A CHAPITRE XIX. Cmtin'Mîtiun du même fujet T. O XJ T eâ âo^ic aufïî déterminé dans rHom- p^e que dans les Etres purement matériels. lî cil une Machine phylico-niorale q^ii joue en çonféqaeriCô des rapports qu'elle foutient avec différens Objets. Les mouvemens donnent lieu aux perceptions j les per*:eptions engendrent les. volontés î les volontés déterminent la Liberté. Les mouvemens , les perceptions , les vo- lontés , les adions font enchaînés les uns aux autres par des nœuds nécelTaires qui les ren- dent tour-à-tour caufes & effets , effets & cau- fes. Il eft une adion & une léadion perpé- tuelle du Cerveau liir l'Ame & de l'Ame iur le Cerveau j & voilà ce qui conftitue la Vie dai^S les Erres mixtes, L'exercice de la Liberté dépend donc ort=; ginairement d'un enchaînement de caufes phy- fiques , & cet enchaînement ne dépQaà poinÊ crigîi;àiremsiiB de l'Agent, PHILOSOfHIH UES. Part VL jïi CHAPITRE XX. Eéfexion fiw la Théorie An Jévekfpfmeni de fAme. PPROFONDissEZ cette Théorie , & dites-moi ce que font le mérite & le démérite. Ç^fTayez, fi vous le pouvez , de la conciHeravec une Éternité malheureufe. CHAPITRE XXL Héfexion fur la Prophétie & fur la Grâce. »3 0iT que Dieu agiffe immédiatement fur les fibres repréfentatrices des Objets & qu'iL leur imprime des mouvemens propres à exprimer ou à repréfenter à TAme une fuite d'événemens futurs 5 foit que DlEU ait créé dès le commencement des Cerveaux dont les, fibres exécuteront par elles-mêmes dans un tems déterminé de femblables repréfentatimis j l'Ame lira dans l'avenir : ce fera un ÉsAÏE , un Je- RÉJiiE, un Daniel. V4 ^12 P R I -^ C I P E S , ^__ I» Ce fera un Suint, un Martyr fi les moii- ■vernens reprélentatifs des Objets de la Foi TcmportciU en intei.fité fur ceux que produit riiitprllion des Objets de la Chair. La Prière en jTjontant le Cerveau fur un certain ton opère phyfiquement ces vidoires. Le Sauveur du Monde qui pofTcdoit , fans doute , la Mé- cliaiîîque de notre Conftitution , nous invite iiulli û prier jans cejje, L'EvANGiLE cil donc la Source de la Grâce , puifqu'il fait entrer dans TEntendement les idées les plus propres à fur- moncer l'eii'et des Objets fenfibles. Les Sacre-' meus font encore un moyen de Grâce par leur inSuence fur les Sens. Jugez fur ces prin- cipes de l'utilité & de la manière du Culte public ik privé. CHAPITRE X X I L Conjîdé) 'al ion irnpo riante. c Eux qui reprochent à la Revi^ation CHK ETIENNE de n'avoir pas mis dan^ un aiîez grand jour les Objets de la Foi favent - ils d la choie étoic polTible ? Sont -ils certains que CCS Objets ne diilerent pss sfïez àoà Objets PHILOSOrHIOUES Part VL 31? terreftres pour ne pouvoir pas être faifis par des Hommes ? Notre manière aduelle de con- iioitre tient à notre Conftitution préfente , & nous ignorons les rapports de cette Confti- tution à celle qui doit lui fuccéder. Nous n'a- vons des idées que par les Sens : c'cft en com- parant entr'elles les idées fcnfibles , c'eft en généralifaut que nous acquérons des notions de différens genres. Notre capacité de con- noître eft donc limitée par nos Sens; nos Sens le font par leur ftrudure 5 celle-ci l'eft par la place que nous occupons. Nous connoifTons , fans douce , de la Vie à venir tout ce que nous en pouvions connoître ici-bas: pour nous donner plus de lumière fur cet État futur il eût fallu apparemment changer notre État aduel. Le tems n'eft pas venu où ce changement doit s'opérer: nous marchons encore par la Foi ^ von par li vue : l'Animal ftupide qui broute l'herbe abilrairoit-il ? il diftingue une touife de gazon d'une motte de terre , & cette connoif- fance fufîit à fon État préfent. Il acquerroit des connoiifances plus relevées , il atcenidroit à nos Sciences & à nos Arts Ci la conformation eflentielle de fes Organes venoit à changer 5 mais alors ce ne feroit plus cet Animal. Fe- rez-vous entrer dans le Cerveau d'un Enfant la Théorie fublime de l'infini ? Ce Cerveau 514 I R I K C I P E S contient aduellement toutes les fibres nécelTaî- res à Tacquitition de cette Théorie; mais vous ne pouvez encore les mettre en adion. Tout fe fait par degrés dans la Nature : un développement plus ou moins lent con» duit tous les Etres à la Perfedion qui leur eft propre. Notre Ame ne fait que commencer à fe développer: mais cette Plante (i foible dans les principes , (1 lente dans fes progrès étendra fes racines & fes branches dans 1 Éternité. Cest aflurément un trait de la fageffe de îa Révélation que fou illence fur la nature de notre État futur. L'Homme divin qui enfeigna à des Hommes moi tels la liéfurre&ion ^ étoïc trop bon Philofophe pour parier de mu- iique à des Sourds , de couleurs à des Aveu- gles. PH TLOSOPHIQ^UÊS, Part VI. ji^ âj.. ' I ' . ■ i.i-i --^ CHAPITRE XXIII. Du développement 4^ l'Ame des Animaux, X Armi les Animaux dont PAme eft capable d'extenfion ou de développement , & il faut mettre fur-tout dans ce genre les Animaux do- nielfiques, ce développement découle des mêmes fources que celui de l'Ame humaine. Mais F £'- chelle qui exprime le Développement de TAme 4e la Brute renferme bien moins de dej^rés que celle qui exprime le développement de TAme de Homme. Les mouvemens font moins variés, moins combinés dans le Cerveau de la Brute, Et comme l'ufage des fignes d'inftitu- tion fuppofe des fibres repréfentatrices de ceb fignes , il y a lieu de penfer , ou , que ces fibres manquent dans le Cerveau de la Brute 5 ou , que celles qui le cûfnpofent ne ibnc pas rufceptibîcs des mêmes mouvemens & des mô. mes fu;ies de mouvemens que celles du Cer- veau de^ i'Iiomme. 3^6 PRIl^CÏFSg CHAPITRE XXIV. Des Songes, JL; O R s Q_u E l'Ame a la perception ov !^ fentimenc ié^édii de li fuite de ica modui eations , elle veule. Li rf^u. l'Ain?^ r: r.^uv ; une fuite de modifications fur fléchir qu'elle les éprouve, f.c. .■«.tu j^ê;, pit;.S ou le moins d'intenfite dans les moav^mciis paroît différencier ces deux états. La méchanique des repréfentations du Cer- veau efï eifeatielleracnt la même dans k fom- meil & dans la veille. Chaque Cerveau eft une Machine organique montée pour exécuter de certaines fuites de mouvemens qui le dif- tinguent de tout autre Cerveau. Une fibre de cette Machine eft-elle ébranlée? toutes les fibres à Tuniifon le font fucceffivement j & cette ef- pece de développement continue jufqu'à ce qu'une caufe eX'Jrieure ou intérieure l'inter- rompe ou en change la direction. De ce chan- gement nait une autre fuite qui s'exécute comme la première. P IHLOSO PHI riUES. Part. VL 317 Les Songes des Animaux s'opèrent par la même niéchaaique que ceux de l'Homme. Mais les Animaux diftuiguens^ils la veille du fom- nieil ? ils ne réfléchiirent point j ils n'ont point ce fentiment de leur Etre "qu'on nomme conf- cievce. Si .l'Ame a préexifté, dans un .Gei:ine, elle a pu tbnger dans ce Germe. Mais Textrème fbioieiîe des mouvemews, ne lui a p^is permis de conferver aucun fouvenir de cet écat pri- mitif. La mort la; ramené pput être à un état analogue. La Réfurredion fera fuccéder à cet état celui d'une veille éterneMe. SEPTIEME PARTIE. SUITE' DES GRADATIONS. ^- '—^ •- <' •■ -'.■»■■ -'-^ — 4» CHAPITRE I. Qîie leï degrés de Ict Ferfe&ion font pour imns' bidéfinis, bnmenfité de fE'chelle qu'ils covifo-*- fent. E N T R E les extrêmes de la Perfedioit corporelle &' entre ceux de la Perfedion fpi- rituelle il eft un nombre indéfini de moyens ou de degrés intermédiaires. La raifon de ces degrés ell: dans la com- paGtion du Monde, d'où réfulte la dépendance' réciproque des Etres , effet néceffaire de leurs rapports. VHILO^OFHJHUES. Fart. VIL 51^9 La Coîledion ou la Suite de ces degrés compofe l'E'chelle des Etres. Cette E'chelle traverfe tous les Mondes &. Va fe perdre près du Trône de DiEC. CHAPITRE IL Bornes & hnperfeLlions de nos CQWiQijfanses fur f E'chelle des ttres. N O u S n'entrevoyons encore de cette Chaîne immenfe qu'un très-petit nombre de Chaînons. Nous ne les apperccvons que mal liés, interrompus & dans un ordre qui diffère, fans doute, beaucoup de Tordre naturel. La place où nous Tommes. , la foibleffe de notre vue , i'imperfedion de nos Inftrumens oppo- fent à notre cunofité avide des obitacles qu'elle ne fauroit franchir. La Taupe contempieroic- elle de fa demeure obfcure le Firmament: & toutes les Produdions qui embelliiîent rHabi- tation de PHomme. Mais fl nos Connoiflances fur l'E^chelle de» ^to P R I 2Î C I P E s Etres font extrêmement bornées , elles fufFifcnt nu moins pour nous faire concevoir les plus grandes idées de cette magnifique Gradauon & de la prodigieufe variété qui règne dans rUnivcrs. CHAPITRE III. Nuances dans la Nature, Efpeces mitoyennes. O u T eO: donc gradué ou nuancé dans la Nature : il n'eft point d'Etre qui n'en ait au-deiTus ou au-delfous de lui qui lui reifem- blent par quelques caradtsres & qui en différent par d'autres. Entre les caractères qui différencient les Etres terreftres la Raifon en confîdere de plus ou de moins généraux qui conviennent à plus ou moins de Sujets. De là les Diftriburians qu'elle fait de ces Etres en Clalfes , en Genres , en Efpeces. Les limites d'une ClalTe ou d'un Genre ne font pas celles de la Clalfe ou du Genre le plus voiûn : il eft entre deux des Produdions , pour PHILO SOPHIQ^UES, l'art VU, pr |)ôur aînfî dire , mitoyennes qui font comme (autant de liaifons ou de points de paiTage. Ces Produdlions ont des qualités qui font communes aux Clalfes ou aux Genres entre lefquels elles fe trouvent placées , & elles en ont qui leur font propres & qui les excluent de ces Claffes ou de ces Genres. Les Ëitumes « les Soufres lient les Terres aux Métaux, Les Vitriols iiniffent les Métaux aux Sels. Les CryftalJifations tiennent aux Sels & aux Pierres. Les Amianthes , les Litophy- tes forment une forte de liaifon entre les Picr^ res & les Plantes, Le Polype unit les Plantes aux Infedes. Le Ver à tuyau femble conduire des Infcdes aux Coquillages. La Limace touche aux Coquillages & aux Reptiles. Le Serpent d'eau , l'Anguille forment un paifage des Rep- tiles aux Poiflbns. Le Poiflfon volant, la Mi- creufs font des milieux entre les Poiîfons & les Oifeaux. La Chauve-fouris , rE'cureuil volant enchaînent les Oifeaux avec les Quadrupèdes. Le Singe donne la main aux Quadrupèdes & à l'Homme. ^^ Tome XVII. X 512 P il IN C I P E S tiiiirtanN^in'w**'*»!!»»?!»!!^!!!!!!!!!!!!»!!^* iinm iiniiii » i III il» «lui II I I Tt 'frfiiiTirfiirwrm <»IWf— KILM—I ■! I i-.-..»...... ..—_■-» .^ ,...i.ii..» ii.l » I „ CHAPITRE IV. Réf.exiotl. I L y a lieu de penfer que toutes les corn- binaiFons qui ont pu s'exésuter avec les mê- mes particules de la matière ont été exécu- tées & ont produit autant d'Efpeces diffé- rentes. D'autres particules jointes à celles-là ont donné nai(îanee à de nouvelles combinai- fons & conféquemnient à de nouvelles Efpe- ces. Par-là tous les vuides ont été remplis , toutes les places ont été occupées. CHAPITRE V. Idée de f Etendue de l'Échelle des Etres terrejîres. o N peut concevoir dans l'E'chelle dc^ Etres terreftres autant d'E'chelons qu'on con- noît d'Efpeces de ces Etres. Ainfi , les vingt ou vingt-cinq mille Efpeces de Plantes qui compo- fent un Herbier moderne font vingt ou vingt- cinq mille E'chelons d^ l'E'olielle de notre Globe, PHILOSOPHIj^XÏE!^. Part V^U. ff^ Entre toutes ces Plantes il n'en eft poinc qui ne nournlFe une ou plufieurs Efpeces d'A- nimaux. Et parmi les Animaux combi.î:n en eft- il qui font des Mondes où habittnc des Ani- maux plus petits ? Combien en eft -il de ce? derniers qui fervent- à leur tour de -domÎGile ou de pâture à d'autres Animaux plus petits encore ? Q].ii fait où cette dégradation fe termine? CHAPITRE V L Cenféquences des Graâaïiom, M Aïs, s'il n'eft aucuiie interruption dans îa Suite des. Etres ; fi la Chaîne eft par-tout continue , nos diftributions en ChiTes, en Gen- res , en Efpeces font des Diftributions pura- ment nominales , alforties à nos befoins & re- latives aux bornes étroites de nos Connoilfin- ces & de nos Facultés. Il n'exifte dans la Nature que des Individus; & entre deux In- dividus que nous ran<^'3ons dans la même EC pece , parce qu'ils nou^s paroiJÎent femblabîes > il y a peut-être autant de différence que nous- en pouvons deGouvdr entre deux Individus de X * Genres éloignés. Nous ne voyons que la pre* niiere écorce des Chofes ; nous n'apperceVons que les traits ks plus faillans. Un Spedateur placé dans les couches fupérieures de TAtmof- phere dirtingueroit-il un Noyer d'un Orme 5 ïin Bœuf d'un Rhinocéros ? Purs donc qu'il n'exifte que des Individus & des Individus variés , chaque Individu cft lui-même un E'chelon. Ainfi , l'E'chelle de notre Globe eft compofée d'autant d'E'chelons qu'il y a d'Individus. Il en eft de même de l'E'- chelle de chaque Monde , & toutes ces E'chelleS particulières ne compofent qu'une même Suite , qui a pour premier Terme la Particule élé- mentaire & pour dernier Terme la parole. 1 CHAPITRE VII. De la pluralité des Mondes. D E s Globes qui égalent ou furpaflent même de beaucoup en grandeur notre Monde,- des Globes qui tournent autour du Soleil & fur eux - mêmes ; des Globes qui font le Centre des révolutions de plufieurs Lunes > des Globes pifiLosbpjîiQ^UEs pcwt m i^Ç dans lefquels on découvre des Parties fembla- bles ou analogues à celles qu'on obferve lue la Terre; ces Globes, dis- je, je le demande à la Raifon , feroient-ils fans Habitans ? CHAPITRE VIIÏ, Variétés âss Mondes, X Lu s on étudie la Nature y plus on fe par- fuade que tout eft varié. La Métaphyfique qui entreprend de démontrer ce principe ajoute peu aux preuves de fait. S'il n'exifte pas deux Individus précifément femblables , cela eft vrai fuE^tout d'Individus très-coinpofés. Il eft incom- parablement plus diflFicile que deux Hommes 4« rciTèmbleiit , que deux Vers , deux Oignons , deux Cryitaux. Que doit-ce donc être de deux Mondes, de deux Syrtêm^es, de deux Tour- billons ? AiTurément TAflemblage d'Etres qui compofe un Monde ne fe rencjontre dans au- cun autre. Chaque Monde a fon E'^cheilc, fory E'conomie , fes Loix. Il eft peut-être des Mondes dont les rapport! szé P R 1 N C I i' £ S à notre Terre font comme ceux du Singe au Caftar ou comme ceux de l'Homme au Singe. D'autres Mondes peuvent être entre eux en raifon du Quadrupède à TOiIeau ou de rinfede à la Plante. Enfin, il exiile peut-être des Mondes dont les rapports au nôtre font comme ceux de l'Orang-outang à l'Ortie de Mer ou comme ceux de l'Homme à la Moule. Quelle eH donc la Perfedion de la Cité dt? Dieu, où Fange ell le moindre des Etres animés ^ I PHILOSOPHIQ^UES. Part- Vil. l^i CHAPITRE IX. Des Natures ce'lestes. I A Cûlleaion des Mondes femés dans PEf- pace comme le fable fur les bords de la Mer , eft pour les Natures célestes ce que font pour nous les Cabinets d'Hiftoire naturelle» Parmi ces Natures supérieures les unes ne lavent peut-être qu'un Monde 5 d'autres en favent pluGeurs. QLiels font ceux qui échap. peut à retendue de TON 1NTEL»L1GENCE, Fils UNiauE du Père, Roi des Hommes &< des Anges ! Verbe incarné î Premier ^k entre les Créatures î Çi tu les furpaires toutes en ex- cellence, que font Tes Perfections compa- rées à CELLES de TEtre suffisant a soi 5 devant Qj^i tant de milliers de Mondes ne font que comme des gouttes de roféeî X 4 ( î:8 ) HUITIEME PARTIE. )E LHARMONIE D £ V V R I V E 11 S. ^à» CHAPITRE L Frbicipss généraux fur la liaifen univerjelie, JL^E propre de rintelîigence eft d'établir err^ are les Chofes des rapports en vertu, defquelsr elles confpirent au même but;. Plus les rapports font liés, variés, éten- dus, plus le but eit utile, noble, élevé, & plus il y a de Perfcdion dans rintelîigence. L'UNiViKS, Produdion de PIntelligence SAîJS BORNES, eft donc un Syftème de rap- ports parfaits. Sa fin eft iubiime : c'eft le Bonheurs toui le Bonheur polfiblei le Bonheur général. Principes p h i l. Part, viil iz^ *— ■ . , ■■ — , — p CHAPITRE IL Continuation du même [ujet. T O u T eft donc lié dans PUnivers ; tout y eft rapport j tout y confpire au même but. Il n'eft pas jufqu'au moindre atome du Monde phyfique & jufqu'à la moindre idée du Monde intclleduel .qui n'aient leur liaifon avec tout le Syftème. Retranchez cette idée ou cet atome, vous détruifez PUnivers. Quelle leroit , en effet , la raifon de l'e^iftence de cet atome ou de cette idée, s'ils ne tenoicnt abfolument à rien ? Or , dès qu'ils ont une liaifon avec quelques Parties du Syftème, ils en ont une avec le Tout. Vf |o'^^'^-^ .- .p ji j 2^1 O I P E S *" ' ■■ I. I ..I . I . 1 I 11 1^- C'h A P IT R E II I.. Du Syfl'ème gêner aL / E S, .diiîérf n? Jtr^s qui; cç)mpofen-t chaque Monde peuvent être rei^ardés con]me autant de Syftèmes particuliers qui tiennent à un Syftènie-prinGfpal pardi^ferfes relations. Celui- ci eft. lié lui-raêaie à jd'autres Syftèmes plus étendûsî;,al&i]Uxaus tisiiiient au Syftème gé- néral. i'^>o xodoi .. • -TovinU^i ......... AiNsf chaque Etre a fa Sphère dont l'adi- vi té ed proportionnée à la- force du Mobile. Cette Sphère- eft renrernié-e elle - même dans -une airtre Sphère ; celle-ci dans une autre encore 5 & les circonFérenGes s'étendant conti- nuellement , cette étonnante Progreiîîon s'élève par degrés des infiniment petits aux Infini- ment grands , de la Sphère de l'atome à cell-e du Soleil , de k Sphère du Polype à celle du CHÉRbBIN. Esprit adorable , préfcnt à FUniverfalité des Etres! fi ton immensité n'était ta VHILOSO PHI £ UE s. Vart. VIII. 1 3 ï TOUTE Puissance & ta toute Science, je dirois que TA SPHcRE a [on Centre far -tout ^ [a circonférence nulle part. CHAPITRE IV. Rapports généraux. I L efl: donc une correfpondance mutuelle entre toutes les Parties de l'Univers : aucune de ces Parties n'ell ifolée. >^ Un Corps tient à un autre Corps, une fi- gure à une autre figure, un mouvement à un autre mouvement , un Efprit à un autre Efprit , une idée à un^ autre idé€, &c. Le Feu, l'Air, l'Eau, la Terre a giflent ré- ciproquement les uns fur les autres iuivanc certains rapports , & ces rapports ibnt la bafe de leurs liaifons avec le4» Foiîiles , les Végétaux, les Animaux, l'Homme... Les Etres bruts ou non-organifés fe rap. portant aux Etres organifés comme à leur centre. Les Etreb^ ergaiiiTés Ïqïii les uns pour les autres. 332 PRINCIPES Les Plantes tiennent aux Plantes; les kmi maux tiennent aux Animaux ks Animaux i.& les; fiantes font enchaînés par des fervice^ mutuel^,. L'Homme comme k principal Mobile , exerce fou Adivité fur tout le GJobe. La multiplication eft en raifon de la deftruc- tîon ; la défenfc eft proportionnelle à l'attaque; la rufe s'oppofe à b rufe > la force combat la forc' 'r la vie balance la mort î les Efpeces fc ^onfervent. Les Efpeces & les Individus répondent en dernier reifort au volume & à la malfe de la Terre, Le volume & la raaffe de la Terre ré- pondent à la place qu'elle occupe dans le Syf* tème folaire. Celui - ci répond à la place qu'il occupe entre les Syftêmes voifiiis. Le Soleil agit fur les P'anetes j les Planètes agilTent fur le Soleil & les unes fur les autres. ^===^ ^5=^ J^HILOSOPHIOVES. Part. VIIL 33^ CHAPITRE V. Autres rapports généraux. Rapports des Objets, des Sens & de PAme. Conféquence de ces rapports, JLiE phyfique répond au moral : le moral ré* pond au phyfique. L'AME eft unie au Corps : le Corps tient par fon Organifation aux Objets extérieurs : tes Objets tiennent à PAme , & y font naître des fentimens. Ces fentimens font agréables ou défagréa- bles dans la relation du degré de rébranlcment à lia nature de l'Ame. Les Machines organiques font conftruites fur des rapports déterminés aux Objets qui agiflent fur elles : le nombre des ébranlemens modérés , d'où naît le plaifir, l'emporte de beau- coup fur celui des ébranlemens violens d'où naît la douleur. 11 eft plus de fentimens agréa- bles que de fentimens défagréabîes , plus de bien que de mal. 554- P Tyl 1^ C J V E S CHAPITRE VL Lîaîfon du Tempérament çf? du Caraclere, Effets qui en réfultent. Es Penchans , les Affedions , les Mœurs , le Génie dérivent du Tempérament. Le Tem- pérament eft lié au Climat , aux nourritures , au genre de vie. De là le Caradere des Nations : de là encore les diverfes Formes de Gouvernement qui font les réfultats naturels de ce Caradere. Les rapports des Caraderes entr'eux, les rdatio.ns des Forces , des befoins , des intérêts conilltuent l'Harmonie politique de notre Monde. Toutes ces forces particulières agiifent les unes fur les autres en raifon de leur adivité & cette adivité varie dans chaque force. Les Corps politiques qui réfultent de Pag- grenat de ces forces natifent, croiifent , durent, s^affoibliffent, s'a'tei-ent, périifent ou fe décom- PHILOSOPHIflUES, Part. VIII. ^ç. pofent ,. & de leurs débris ou de leurs éléraens fe forment de Jiouvcaux Corps , appelles aux mêmes révolutions que les premiers. D'autres Forces fe Gombinant avec les For- ces politiques en modifient Les effets. Ces For- ées font les Religions , 8c leur énergie efl: un inaximiim qu'on ne fauroit déterminer. Ce développement & cette fucceffion des Monarchies , des Républiques , des Religions *, les transformations des Monarchies en Répu- bliques, des Républiques en Monarchies font pafTer rpîumanité par tous les degrés de la Perfecl:ion terreltre , & font la principale Dé- coration de notre Planète. CHAPITRE VII. BJjiexion fiir l'Enchaînement wiiverfel. A I N S I , une même Chahie embraife le phyfique & le moral , lie Le patié au préfent , îe préfent à l'avenir, l'avenir à l'E'ternité. La Sagesse aui a ordonné l'exiftencc de cette Chaiiie a , lans douce , voulu chacun des 5?6 PRINCIPES Chaînons qui la compofent. Un Calïgula. eK ert un de ces Chaînons , & ce Chaînon eft de fer: un Marc-Aurele eft un autre Chaînon, & ce Chaînon eft d'or. L'un & l'autre font des Parties néceiTaires d'un Tout qui ne pou- voit pas ne pas être. Dieu s'irriteroit-il donc à la vue du Chaînon de fer ? quelle abfurdité î Dieu eftime ce Chaînon ce qu'il vaut. Il le voit dans fa Caufe, & il approuve cette Caufe parce qu'elle eft bonne. Dieu voit les Monftres moraux comme il voit les Monftres phyfiques. Heureux le Chaînon d'or î plus heureux encore s'il fait qu'il n'eft qu^heureux î II a atteint le plus haut degré de la Perfedion morale , & il ne s'en enorgueillit point , parce qu'il fait que ce qu'il eft , eft le réfultat nécelfairc de la pla- ce qu'il devoit occuper dans la Chaîne. L'E'vANGTLE eft l'Expofition allégorique de ce Syftèmej la comparaifoii du Fotier ca eft le précis. ■^^ CHAPITRE PHILOSOPHIj^UEX Part. VIII. n? ■mi llimi—BIIIIWIIP II llliaiWBBgl5&mi»JgWahJ&3»Ë3{E5^K^ CHAPITRE VIIL Continuation du même fujet. JL Ou RQ.U o I voBS aigrir à la vue des dé- fauts de votre Prochain ** Vous aigrilTez - vous à l'afpedl d'une Ronce ou d'un Scorpion ? Son- gez donc que l'AuTEUR du Scorpion eft auffi PAuTEUR de ce Prochain qui vous aigrit. — — , ^ CHAPITRE IX. De la Beauté de P Univers. A Beauté de chaque Monde a fou fonde- ment dans- la diverfite harmonique des Etres qui le compofent & dans la fomme de Bonheur qui réfulte de cette diverfite. L'Assemblage des fommes de Bonheur dif- tribuées aux diiFérens Mondes forme le Bon- heur géne'ral 5 qui renferme toutes les dé- terminations poflibles de l'Exiftence S tî^ tan te & Intelligente. Tome XVII. Y )}« PRINCIPES CHAPITRE X. ^ Vue* métaphyfique de l'Univers fenfible, 13 1 cette magnifique Décoration qui charme nos Sens n'eft réellement qu'une Décoration ; fi le Monde n'eft qu'un phénomène, une ap- parence; Çi rE'tendue, la Solidité, la Force d'inertie, la Pefanteur, le Mouvement, &c. ne font que les réfultats de TAdlivité d'Etres fiiiîples 'y fi les Loix fuivant lefquelles cette Ac- tivité , variée dans chaque Etre , fe développe & fe modifie , couftituent les Corps particuliers de TalTemblage defquels réfulte l'Univers /é-w- fihle\ cet Univers n'en eft pas moins beau; mais les yeux de la Chair ne fauroicnt le voir fous ce point de vue. CHAPITRE XL Somme des Vérités métaphyjtques fur DiEU £J le Monde. J E fens , donc ; je fuis. Ce qui eft en moi qui fent eft un. J'ai des idées qui fe fuccedent dans un certain ordre; il eft entre elles une harmonie , des rapports indépendans de ma PHILOSOPRÎQ^UJSS Part VIIL ^9 Volonté ; elles modifient agréablement mon cyiftence j donc , il eft hors de moi une Cause e'ternelle de ces idées j donc cette Cause eft Puissante, intelligente, bienfai- sante. CHAPITRE XII. De r Unité de la Cause PREMIERE. ('Harmonie de l'Univers prouve I'In- TELLIGENCE de fa Cause j elle indique encore que cette Cause eft Une. L'Unité du deiTein conduit à l'Unité du Principe. Il n'y a pas même lieu de foppofer plufîeurs Principes lorfp. qu'un feul Principe a en foi la raifon fuffifante de ce qui eft. Le Polythéifme eft au moins ua pléonafme en Métaphyfiquc : il n'en eft *pas abfolument un en Théologie \ c'eft que la Théo- logie n'cft pas la Science des notions communes. Ya V -^2^^ ^253'^ ^53v ^S3< ^^^ ^^s CONCLUSION. jgSfe' . . JX'M 'U ■■■ -M. ^, rsoÊm^ Vg/ U ELLE que foit notre manière de pen- lei lur Dieu & fur TUnivers , une chofe de- meure certaine , c'cft que THomme n'cft pas un Quadrupède & qu'un Quadrupède n'eft pas un Champignon, Il fuit de cette Obfervation importante, que le moyen d'être heureux c'eft de f« conformer à rOrdre ou aux rapports qui font entre les Chofes. L'Athée de fpccuîation peut donc être heu- reux ou honnête Homme , parce qu'il peut con- noirre l'Ordre Se le fuivre : mais l'honnête Homme qui croit un Dieu & une Vie à venit a tout ie bonheur de l'Athée & des efpéran- ces que TAthée ne fauroit avoir. Si je pouvois cefler un inftant de penfer qu'il y a une Pre- mière Caufe , je dirois encore comme Marc- Aurele 5 agis d'une manière cojxforvie à la NAturt. CONCLUSION, Hi Lorsque j'ai dit que l'Amour propre eft le Principe des Devoirs , j'ai entendu néceflaire- ment un Amour propre fournis aux Loix de l'Ordre ; puifque fa-ns cette foumifîîon il n'eft point de Devoirs & confcquemment de vrai bonheur. Quand j*ai parlé de l'utile, j^ai compris fous ce mot tout ce qui eft propre à nous pro- curer du plaifîr : mais il eft des plaifirs fen- fuels que l'Amour propre bien ordonné n'ef. time que ce qu'ils valent, & des plaifirs fpiri- tuels ou réfléchis que l'Amour propre bien or- donné recherche par préférence. Il eft un in- térêt groflîer qui annonce l'imperfedion , & un intérêt noble qui caradlérife la perfedion. Cet intérêt eft le mobile du Sage, & le Sage poC fede le Bonheur le plus réel qui foit ici bas. Lorsque j'ai avancé que tout eft nécefTaire, j'ai avancé que la Cause nécessaire ne pou- voit pas ne pas agir ni agir autrement : cela revient à dire que la Cause nécessaire eft ce qu'EiLE eft. FI K Y 3 ,s£/ a.^3L JB ^ JEt' Avertissement. EPITRE dédicatoiye. PRÉFACE. ESSAI DE PSYCHOLOGIE. INTRODUCTION. pag. i Chap. L De rétat de fAme afrès la concept tion, f II. De Vétat de Mme à la naijfance. 8 III. De rétat de PAme après la naijfance'. 9 IV. Continuation du même Sujet. De la liai/on des idées ^ de leur rappel. *» IQ V. De la Rèminifcence. VlJ VI. Continuation du même fujet. if VIL De P Attention. l^G VIII. De Pétat de PAme privée de Pufage de la parole, 17 IX. Réflexion fur PAme des Bêtes. 21 X. Comment PAme apprend à lier [es idées à des fons articulés ^ à exprimer cesfons. ZZ XI. Comment PAme apprend à lier fes idées À des cara&eres & à former ces cara&eres. 24 XII. De Pétat de PAme douée de la parole. Comment PAme parvient à tcniverfalifer fes idées. De la formation des idées univerfelles d"* Homme , d'Animal^ de Corps organifé , de Corps, d'Etre. 2f XIII. Continuation du même Sujet. De la formation des idées de Fenféey de Volonté ^ D E s C H A P I T R E s. S43 dâ Liberté , de vrai , de faux , de jufte , ^c, de bien &c, de Règle , de Loi. Pag. 27 Ch. XIV. Contiyiiiation du même Sujet. De la for-^ mation des idées dunité , de nombre , détendue, Ç^c. de mouvement , de tems, 28 XV. Continuation du même Sujet, De la forma^ tion des idées de Claffes, de Genres,d£fpeces, 31 XVI. Contimiation du même Sujet, De la for- mation des idées de Caufe ^ d'Ffet. 33 XVIL Autres avantages de la Parole: qu'elle fxe les idées, qu'elle fortifie & augmente leurs liaifons : qiCelle rend tAme maîtrejje de leur arrangement. De Ntat moral de quel- ques Peuples de l'Amérique. 34 XVm. De la Ferfe&ion.du génie & de l'ori- gine des Langues en général. 3^ XIX. Réflexion fur le Langage des Bêtes. 38 XX. De la variété prefqu'infinie de mouvemens que la Parole imprime au Cerveau, Que la nature & la variété des opérations de ce vij^ cere nous font concevoir les plus grandes idées de fan organifation, 39 XXI. Confidération générale fur la prodi* gieufe variété des perceptions & des fenjatiom & fur la méchanique deftinée a t opérer. 44 XXII. De la méchanique des idées du Tou- cher, 47 XXIII. De la méchanique des idées du Goût. 50 XXIV. De la méchanique des idées de P Odorat, 52 XXV. De la méchanique des idées de P Ouïe, 53 XXVI. De la méchanique des idées de la Vue, 59 Y4 344 TABLE Ch. XXVII. Conje&ures fur la méehanique de la reprodutltion des idées, Pag. 6f XXVIII. Continuation du même Sujet, ^8 XXIX. Continuation du même Sujet, 7} XXX. Réflexion fur les conje&ures précédentes. 77 XXXI. Autre conje&ure fur la reprodu&ion des idées, 7g XXXII. Autre hypôthefefur la méchanique des idées, 79 XXXIII. Be r opinion philofophique qu'il tîy a point de Corps. 83 XXXIV. Réflexions fur la diverfité des opinions des Fhilofqphes touchçint la nature de notre Etre. 9Z XXXV. De la /implicite ou de P immatérialité de l'Ame 53 XXXV I. Continuation du même Sujet, Ré- ponfe À quelques ohje&ions, lO^ XXX VÏI. De la queflion fi PAme efi purement paf- five lorfqu'elle apperçoit ou qu'elle fent. 106 XXXVIII. Examen de la queflion fi l'Ame a pliifieiirs idées préfenres à la fois ou dans le même inflant indivifihle. 107 XXXIX. Des mouvemens qui paroijfent pure^ ment machinaux ^ qui dépendent néanmoins du bon plaijir de lAme, Iî6 XL. Continuation du même Sujet, Applica-^ tion de quelques principes k divers cas 1 24 XLI. De la faculté de fentir ^ de celle de mouvoir. Que ces deux facultés font très-dif tin&es l'une de l'autre, 131 DES CHAPITRE^;. Ht Chap. XLII. De la Liberté en générai P. 1^6 XLIII. Des déterminations de la Liberté en gé^ néral. De la Volonté & de l'Entendement^ Des afe&ions. 137 XLIV. De la Liberté d'indifférence, I39 XLV. Que l'expérience prouve qu'il faut à l'Ame des motifs pour la déterminer, 14 1 XLVI. Explication de ces paroles , Video me- . liora , proboque , détériora fcquor. 143 XL VII. Des f on démens de la prévifion, 14^ XLV III. De la quejlion [t les déterminations de Liberté font certaines ou nécejfaires. 147 XL IX. Que la nécejjïté ne détruit point la Lu herté, ISI L. De la Liberté coyjfidérée en DIEU, 1^3 LI. Qiiejîion \ fi les Bêtes font douées de Liberté. I V4 LU. De la perfe&ion de l'Ame en général. I^^ LUI. De l'Ordre, .I5'7 LIV. Du Bonheur. 1^9 LV. Réflexions fur ^Exiflence de DIEU. i^3 LVI. Du Syftème général. 166 LVII. Qiie le Syftêtne de la nécefflté ne détruit point la Moralité des a&ions. 169 LVIII. Des Loix Divines & Humaines confidé^ ré es dans le Syftê^ne de la nécejjité, 17Z LIX. De la Friere , dans le Syjiême de la né- ceJjfJté. 174 LX. I Des Peines ^ des Récompenfes de la Vie à venir , dans le Syftème de la nécejjité JJSé- LXL De P Habitude en général. 177 LXII. De la fnaniere dont l'Habitude fe forme, 179 34^ TABLE Chap. LXni. Comment t Habitude s'afofblit ^ fe fortifie, Pag. i8o LXIV. VHahitude, Source des go/éts , des penchans , des inclinations , des mœurs , du Cara&ere. 1 8 1 LXV. Du piaijir & de la douleur, i8f LXVI. Des effets qui réfultent de timpreJJiQn des Objets fur les ^ns de P Enfant, 187 LXVII. £)f l'Education confidérées dans f es effets les plus généraux, i g9 LXV 111. De ce qui confiitue la perfe&ion de PÉ- ducation, 19a LXIX. Que le naturel modifie les effets de PE'^ ducation, . 191 LXX. Des difpofitions îiatur elles de fEfprit, 192 LXXI. Eyt quoi conftjle principalement la fagejfe de l'Éducation dans la manière dont elle démêle les difpofitions naturelles de l' Efprit ^ dont elle les met en œuvre. 19^ LXXIL Des difpofitions naturelles du Cœur, 1^6 LXX III. Comment tE^ ducat ion cultive & enno- hlit les difpofitions naturelles du Cœur, 198 LXXIV. Du régime de PE' ducation a P égard des Te?npéramens vicieux, 199 LXXV. De la liai f on qui ejî entre les Talens ^ de celle qui eJî entre les Vertus. Qiie /'£'- ducation s"* applique à connoitre ces liaifoni , à les fortifier , a les étendre. 202 LXXVI. D^ Puniverfalité des Talens, 204 LXXVII. De la conduite de l'Education à />- gcird de hmiverfalité des Talens, 20 f LXXVUI, Ds^ Talens purement curieux , ^ de D E s C H A P I T R E s. 347 Part avec lequel PE'ducathn fait les i^dre utiles. Page 20% Chap. LXXIX. Du foin qu'a PE^ducation d'exercer agréablement les Forces de PEfprif, 214 LXXX. Des progrès de PEfprit ou de la gra^ dation qu^on ohjerve dans Pacquijîtion de fet Connoijfances. 21^ LXXXl. Réflexions générales fur les Méthodes d'InflruBion. 2 20 J.XXXII. De la manière d'enfeigner tes premiers Frincipes de la Religion, 221 LXXXIII. Du Caractère, S 27 LXXXIV. Du pouvoir de PE'ducation. 229 LXXXV. Continuation du même fujet. 23 ï FRINCIPES Fhilofophiques fur la Caufi - première ^ fur fon effet. DISCOURS préliminaire fur Putilité de la Mé-, taphyfique &,fur fon accord avec les vérités effentieUes de la RELIGION. 239 INTRODUCTION, 24f PREMIERE PARTIE. De la Caufe Première. I. Le Monde fuccijjif , preuve d'une CAUSE NE-- CESSA IRE. 247 IL Des ATTRIBUTS delà CAUSE NE' CES. SA IRE. 248 III. DePillimitation des ATTRIBUTS DIVINS. 249 548 TABLE SECONDE PARTIE. .^ L'Univers Un & Bien. Chap. L De la Bonté de V Univers. Page. 2^0 IL De P Unité de P Univers, ihià. IIL Continuation du même Sujet, 2.^1 IV. Motif de la Création, , ibid. V. Delà PROVIDENCE. 2SZ VL Un fenl Univers étoit foJJJhle. ibid. VIL De P origine du Mal. 253 VIIL E'tat de la quejîion. 254 IX. Réponfe à la Quejlion. 2S^ X. Des Miracles. 2^6 TROISIEME PARTIE. Des Loix. I. Notion générale des Loix. 2^7 IL De P invariabilité des Loix. 25*8 du A T R I E M E PAR T I E. Des Loix de THommc. L U Homme, Etre .mixte. 259 IL L'Homme , Etre corporel. 260 m. V Homme , Etre fpirituel. 2^1 IV. De P Union de PAme ^ du Corps, ibid. V. Des déterminations & de la gradation du Sentime^it. 26 Z VL De P Amour -propre. 263 VIL V Utile , fource de plaijtr & des âétermi^ nations de P Amour-propre. ibid* / / DES chapitres: 3491 Ch. VIIL Des premiers Principes du Beau. P. 2^4 IX. Du Cara&ere de l'Ame , & des four- ces de fes variétés, 26 f X. De la Perfe&ion morale. 266 XL De l'origine du plaifir attaché à h Ter* fe^ioH. ibid. XII. De la Loi Naturelle & des Maximes mo- rales, 267 XIII. Du Tempérament vertueux. ibid. XIV. U Amour propre , principe des Devoirs. 268 XV". Des devoirs envers DIEU. 269 XVI. Des devoirs envers le Prochain. 270 XVII. V Amour-propre , fource de là générofité \^ de la bénéficence. ibid. XVIII. Des Loix , caufes des déterminations de r Amour 'propre. 27 r XIX. De la Foi. 272 XX. De la Vérité & du But de la RE'VÉLA^ TION. 273 CINQUIEME PARTIE. Des Loix des Animaux. I. Les Animaux , Etres mixtes. 27 f IL Différence ejjentielle entre PHomme & les Animaux. 276 IIL. De r Union des deux Suhfiances dans les Animaux. ibid. IV. Des modifications de PAme de la Brute , de leurs Caufes & de leurs effets. 277 V. Des Sentimens dans la Brute & de leur rap- pek ibid fi^o TABLE Chap. VL DePinftin^. Page. 278 VIL Du Principe des aBions des Brutes. 279 X^IIL Réflexions, Exemples. 28o IX. De la Mémoire des Animaux. 283 X. De PA&ivité de l'Âme des Animaux. 284 XL Continuation du même fujet. 2%6 XIL Du travail des Animaux qui vivent en Société. De la durée de ces Sociétés. 287 SIXIEME PARTIE. De la loi des gradations & de rE'chelle 4^s Êtres. I. Idée générale de la Perfe&ion. 289 IL Deux fortes de Verfe&iom. 290 III. Du plus haut degré de lu Ferfe&ion cor^ poreUe. ibid. IV. Du plus bas degré de la Ferfe&ion corporelle. W. Du plus haut degré de la Ferfe&ion Spi- rituelle. 292 VL Du plus bas degré de la Perfe&ion Spiri- tuelle. 293 VIL De la perfe&îon mixte. ibid. VIIL De la Vie. 294 IX. De k Nutrition. ibid. X. De lAccrolJjement. 29 f XL Métamorpbofes. Génération, 296 XIL Des Germes. 297 XIIL idées fur la Génération. 298 XIV. Trois fortes de.. Vies dans les Etres terref- très. 300 DES CHAPITRES. îfi XV. Idées fur le développement de l'Ame. 300 XVI. Réflexion fur les Forces. 3<54 XVII. Conféquences de la Théorie du développe^ ment de PAme, 3QT XVIII. Continuation du même Sujet, 30^ XIX. Continuation du même Sujet, 3ï<5 XX. Réflexion fur la Théorie du développement de rAme, 311 XXL Réflexion fur la Prophétie & fur la Grâce. ibid. XXII. Confidératien importante. 31% XXIII. Dh développement de PAme des Ani" maux. 3 ^ f XXIV. Des Songes, ^ï6 SEPTIEME PARTIE, Suite des Gradations. Chap. I. Que les degrés de la Perfe&ion font pour nous indéflnis. hmnenfité de P Echelle qu'ils com^ pofent. Page. 318 II. bornes & imperfeSion de nos Connoijfances fur P Echelle des Etres. 319 III. Nuances dans la Nature, Efpèces 7nitoyen* nés. 320 IV. Réflexion. ^ZZ V. Idée de P Etendue de PE'chelle des Etres ter-. reflres. ibidi^ VI. Conféquences des Gradations, 323 VII. De la pluralité des Mondes, 324 VIII. Variétés des Mondes, 32 > IX. Des NATURES CELESTES. 327 3îa TABLE DES CHAPITRES: HUITIEME PARTIE. De rHarmonie de l'Univers. I. Principes généraux fur la liaifon univerfelle. 328 IL Continuation du même Sujet, 329 III. Du Syjiême général. 330 IV. Mafforts généraux, 331 y. Autres rapports généraux. Rapports des Ob^ jets des Sens & de PAme. Conféqiience de ces rapports. 33^ VL Liaifon du Tempérament & du Cara&ére. Effets qui en réfultent. 334 VIL Réflexion fur PEnchainement nniverfel, 33V VIII. Continuation du même Sujet, 357 ÏX.; De la Beauté de rUnivers.< ibid. X. Vue mètaphyfique de f Univers fenfible. 338 XL Somme des Vérités métaphyfiques fur DIEU ^ le Monde, ibid. XIL De r Unité de la CAUSE PREMIERE 339 CONCLUSION. 340 FIN de la Table. ERRATA. Tome XVII. Page 2 : lîgn. 14 , des ; lif. des. 42 : lign. 18, ébralement ', \i£. ébranlement. : çç : lign. 5 & 6 , qu'il qu'il ; effacez un de (?es mots.' 60 : lign. 2 , ^oî« ; lif. tons. 75 : lign. 2 , mowvemen i lif. mouvemens, 8Ç : lign. 21 , ridéal; lif. idéal. 96 ; lign. 4 & Ç , Reref entez; lif. Repréfentez. 109 • lign. i6,/««; ; lif. fans. Ibid : lign. 19 , ;)«r ce^^e ; liC dans cette. H4 : lign. 4, toutes la fois', lif. toutes à la fois. 132 : lign. 2Ç , conecvoir ; lif. concevoir. 504 : lign. ç , à leur cl leuri effacez un à leur. 214 : lign. 16 , ces lif. fes. 327 '^lign. 19 , moins ; lif. moins. 23c : lign. ^ , fait faire ; lif. fait faire. 26s : lign. 7&8, DIOGENE ^ mettez un point înterro- gant après DIOGENE ? 273 : lign. 8 , de la vérité i lif. de fa vérité. 328 : lign. 1 & 2 , emre, lif. entre. 332 : Hgn. 2 , aux Animaux, les Animaux ^ Çef les } lif. aux Animaux j les Animaux & les.