OPINION DÉ P» P* B AIGJNTOUX , Député à l’assemblée nationale, S u ii les conséquences qui pourraient résulter de l alienation des Forets , considérée dans son rapport avec d Économie Politique ^ la Marine et la situation générale des Finances . Messieurs 9 TT * j*_i ST-CE un avantage pouf la Nation ? d aliéner les bois et forêts en totalité ? Convient- il de n’en aliéner qu’une partie ? Faur il ne pas fen aliéner âu-delà de ce qui a été décrété paf 1 Assemblée Constituante ? Voua trois questions qu il est important de r.e pas confondre. L ordre de la discussion exige pour chacune d elles un examen particulier, "a 3HENEWBSERÏ S-, U3RARY i Car , les raisonnemens qu’on peut faire contre la vente totale , ne sont pas applicables à la vente partielle. Il ne faut même que réfléchir un mo- ment sur les avantages ou sur les inconvémens qui peuvent résulter de la vente , en général pour s’appercevoir que les motifs puissans qui déter- minent à la conservation des grandes forêts, sont favorables à l’aliénation des petites Masses de bois. Je vais donc examiner séparément ces trois questions , dans le rapport qu elles ont né- cessairement avec 1 économie politique. Je les considérerai ensuite dans le rapport quelles doivent avoir avec la situation actuelle de nos finances. I. Tremïere question * convient - il d aliéner les Forets en totalité ? Quoique je sois bien convaincu qu en principe de bonne économie politique , une grande na- tion ne doive rien posséder parce qu elle ne peut rien administrer utilement , parce qu elle est toujours trompée par les agens qui régissent pour elle , parce qu’enfin , elle ne peut et ne ( 3 ) doit être riche que dos propriétés particulières; j’avoue cependant que la possession des forêts est d’une nature qui semble exiger en sa faveur, une exception à la règle générale , parce qu’en l'envisageant sous le point de vue polidque , el e tient essentiellement à l’entretien de la Marine , et par conséquent a l’une des parties la plus importante du commerce et de iafoice publique. Or 5 d u’est personne qui puisse contester que , si la jouissance des forêts est une fois reconnue nécessaire à la sûreté de l’état , ce nest pas sous le seul rapport du produit annuel , ce n’est plus comme formant une branche de revenu, ou , si l’on veut, comme présentant une grande ressource pour l'acquitte- ment de la dette publique qu’il faut l’examiner, mais seulement comme un ob jet d'utilité politi- que , essentiel à la sûreté intérieure, qu’une puissance maritime trouve nécessairement dans 1* conservation de ses grandes forêts, est , Messieurs , de ces questions impor- tantes , où la grande majorité des opinions s énonce d abord d'une manière si positive , que la discussion semble moins faite pour é- clairer , que pour caractériser la deliberation, A â La question de l’alienation des forêts nationales est cfè ce genre. On est d’abord saisi de cette vérité:» que tout commande impérieusement le respect du législateur pour une propriété si précieuse ; parce qu’on ne peut l’envisager, que sous des rapports généraux, qui se lient naturellement à l’agriculture , à la marine mi- litaire et marchande, aux manufactures, aux grands étabiis::emens nationaux , et aux ouvra- ges d’art de toute nature. Je sais q’uon peut répondre , qu'en vendant la totalité des forêts , la nation trouveroit tou- jours les mêmes ressources. i° Parce qu’elle obligerait les acquéreurs aconserver lat nature du fond 3 s>° Parce qu’en établissant une police fo- restière , ta leâ ^réviendroit les abus , régleroit les coupes # ordonnerait le repeuplement des terre ins dévastés, déterminerait de nouveaux aménagemens , et subordonneroic toutes les conditions de la vente, à l’intérêt général. Je sais qu’on peut encore ajouter , que la nation en aliénant conditionellement ses forêts, - gagreroit d’une part 2 millions qu'elle seroit forcée de saerher pour les frais d administra- tion 3 que de l’autre , elle perce vroit les con- (5) tributlons foncières sur le produit , indepen* damment de l’immense bénéfice qu'ell* feroit sur la vente , et de l’avantage qu'elle tfoaveroit en aliénant un capital d'un milliard et d crr.i , qui éteindroit un intérêt de 75 millions ;qu’en- fin elle conserveroit toujours sur son territoire , les bois propres au soutien de son commerce , de sa marine , de ses forges et de son agri- culture. Ces raisonnemens sont spécieux , je l’avoue , pour les partisans de l’aliénation qui ne les en- visageant d’abord que sous le point de vue d’une théorie générale , y appliquent toutes les com^ binaisons favorables à leur système , sans les balancer par une multitude de conséquences dangereuses et de réfiültats * funestes qui dé- couvrent le vice de l'opération * et lui font , perdre bientôt ce qu’elle présentoir d’avanta- geux ou de séduisant. D’abord il est évident que si l'aliénation des forêts est accompagnée d’une loi qui im- pose aux acquéreurs * telles ou telles conditions, telles ou telles réserves , le prix de la vente sera beaucoup inférieur à leur valeur réelle ; car les acquéreurs feront entrer la réserve ou la condition dans leur calcul» (6) D’adîeurs les précautions et les mesure® législatives atteindroient-elles jamais le but que se seroit proposé le législateur ? D’un autre côté qu'elle concurrence pourroit-on attendre en nJoffrant aux acquéreurs qu’une propriété entravée par une surveillance active et conti- nuelle , par une administration héréditaire , attachée au soi aliéné , et portant avec elle tous les caractères de la servitude? Ce raisonnement démontre assez que la spéculation de la rentrée d’un milliard et demi par la vente des forets est chimérique ; que l’aliénati n ne produiront qu’un léger avan- t?4ge , et qu’au contraire la conservation of~ friroit une précieuse richesse considérée sous le point de vue politique , et sous tous le* rapports qui intéressent la sûreté de l’empire. J’entrevois un autre inconvénient dans la vente des grandes masses de bois , et cet inconvé- nient là „ dérive de la nature meme de l’objet qu’on veut aliéner. SI les grandes forets, ou même les masses de bois de 4 à 5 mi les arpens étoient faci- lement divisibles , sans doute on pourroit es- pérer un grand produit en multipliant les ad- judications partielles , en favorisant la chaleur ( 7 ) des enchères par la concurrence des enchéris- seurs en divisant ainsi cette immense pro- priété , et en substituant l'intérêt personel , toujours plus actif et plus industrieux r à l’ad- ministration publique qui ne peut jamais le remplacer. Mais comme en général les grandes masses de bois ne sont pas susceptibles de division ^ et qu’elles ne pourraient être aliénées que dans leur ensemble , la nation serait forcée alors si elle décrétoit la vente des forêts 5 de livrer cette belle propriété entre les mains des ca- pitalistes du royaume , ou des étrangers qui viendraient spéculer sur la dernière ressource qui nous reste encore. Or les spéculations des capitalistes ne se porteroient d’abord que sur la superficie du fonds : ils compteroient pour rien ou pour très peu de chose la valeur de la terre qu’ils abandonnèrent à l'inculture ou à la stérilité. Le prix du bois se formeroit alors , non plus en raison de la quantité de cette denrée , mais en raison du petit nombre des vendeurs qui nécessairement se coaliseraient contre les consommateurs, et contre la nation , .elle-mê- me , puisque l’aliénation les auroit bientôt ren* dus maîtres d’une marchandise > ? î I Je dis d’abord que tous les raison neme ns qu’on peut faire contre l’aliénation des grandes masses de bois, ne peuvent s’appliquer â la vente des petites parties de bois éparses , et isolées des grandes forêts ; qu’au contraire même iis sont presque tous à son avantage. Dans le premier cas, le raisonnement porte sur l’importance d’assurer à la nation une pro* ( 10 ) priëré qui la garantisse contre toutes les crain- tes qu’elle pourroit concevoir sur les besoins annuels de sa marine et de son commerce ; et alors le grand objet politique est rempli. Dans le second cas au contraire , il ne s’agit que de prouver , que les petites masses de bois ne sont pas d’une indispensable nécessité, si les grandes forêts suffisent aux besoins de l’état ; 2° que les bois-taillis qui ne sont pas susceptibles d’un aménagement applicable aux bois de futaye seroient onéreux à la nation, qui n’en retireroit qu’un produit beaucoup inférieur aux frais immenses qu’entraineroit leur conser- vation ; que livrés à une administration générale qui ne pourroit s’étendre à toutes les mesures que c.tte conservation exigeroit , iis seroient ou frappés d’une sorte de stérilité , ou dévas- tés , comme iis l’ont toujours été jusqu’ici , tandisque divisés entre une multitude de pro- priétaires, ils se fertiiiseroient , et fourniroient un nouvel aliment à l’industrie , par la vigi- lance et l'activité journalière des acquéreurs ; activité dont une administration nationale n’est pas susceptible. On voit par là qu’il ne faut pas trop gé- néraliser le principe de l’inaliénabilté des bois. ( I1 ) ni le pousser â l'extrême , car en voulant trop l’étendre , on l’a-ffoiblit , on le dénature ,* et pour vouloir trop prouver on ne prouve rien. Je vais développer cette idée : On a vu que toutes les ob ections qui ont été faites jusqu’ici contre la vente dus grandes forêts nationales se réduisent à trois principales ; i° la privation des ressources et des grands avantages que la marine , le commerce , et l’Agriculture retirent des forêts. 2° La crainte que la communication pour les approvisionnemens que nous fournissent les pays étrangers ne fût interceptée en tems deguerre. 30 Le d anger de livrer nos iorêts à des compagnies de capitalistes qui mettro: fc? art. 2- . Personne n ignore que les Boquetaux et Massifs de taillis , exposés trop souvent aux dé- gâts des bestiaux et aux délits de tout genre par leur voisinage des propriétés particulières , ne peuvent produire un revenu proportionnel aux frais de garde qu’ils exigeroient , 'et aux dé- penses considérables qu’ii faudroit faire pour leur répeuplement. JLa plupart sont dans un état de dégrada- tion manifeste. Dans les uns , les arbres ont ete mal abattus 5 dans d’autres , on ne voit plus que des landes , ou des places vagues à la place des bois qui couvroient ces terreins précieux. Dans beaucoup d’endroirs , le sol a été envahi par des usurpateurs. Enfin dans ces parties de bois isolées qui ne peuvent être surveillées comme les grandes forêts, il existe mille causes de dévastation sans cesse renais- ( I3 ) santés, attachées à îa nature de cette propri- été , mais qui disparoîtroient , si vous en di- visiez la vente entre une multitude d’agri- culteurs , qui deviendroient intéressés à les rétablir. Au contraire , en les conservant toujours comme propriété nationale , ou il faudra malheureusement se résoudre à les laisser dépérir entièrement ou multiplier precqu’à l’infini le nombre des gardes qui absorberons beaucoup au-delà de leur produit. Mais en prenant ce dernier parti , il faut considérer encore que l’insuffisance du traitement de ces gardes, introduirait nécessairement les moyens de rendre leurs fonctions plus lucratives pr?r les bénéfices qu’ils pourroiert faire journelle- ment en tolérant les abus. Il seroit donc à craindre alors que ceux mêmes qu’on enver- roit pour empêcher les délits ne fussent les premiers à les favori er ou même à le? com- mettre eux-mêmes. l’Aincienne administration forestière nous offroit ces exemples, et quel- que parfaite que fut la nouve lle organisation qu’on voudroit établir et substituer à l’ancienne , il n’est pas présumable qu’elle put éviter ou re- primer assez tous ces abus de détail , qui échap- ( *4 ) pent toujours à !a vigilance d’une grande ad- ministration. Mais si d’apres les renseignemens et lescon- noissances que vous auront procuré les dépar- temens , vous décrétez l’aliénation des petites masses de taillis si facilement divisibles et par- conséquent si propres à satisfaire les convenances des proprietaires riverains , alors vous obtenez un grand avantage , en les confiant par ce moyen à une administration domestique dont la sur- veillance journalière se lie sensiblement avec l’intérêt national; les nouveaux acquéreurs in- téressés à conserver leurs propriétés à les amé- liorer par tous les moyens qui seront en leur pouvoir sauront en garantir les invasions de tout genre , feront faire des clôtures , repeupleront les terreins dévastés , régleront les aménage- mens, en marqueront les divisions, détermineront les coupes de manière à ne pas laisser l’ac- croissement au de là du terme que la nature du sol aura déterminé ^ enfin ils prendront toutes les précautions et rempliront toutes les vûes d’utilité et de conservation qu’une ad- ministration publique , trop occupée déjà de la surveillance des grandes forêts , ne pourroit jamais erqbrasser. ( *5 ) Ajoutez Messieurs à ces considérations que ces parties isolées de bois taillis presque toutes naturellement disposées a présenter la facilite ‘des annexes aux propriétés d une certaine étendue 9 et aux domaines nationaux de;â ven- dus , trouveront des acquéreurs qui calculeront toujours beaucoup plus sur l’attrait de la con- venance', que sur le prix des enchères. Car la convenance tient plus à l’opinion qu’à l’intérêt, et le désir de posséder des bois est l’effet na- turel d’une certaine passion , qui agit sur les grands propriétaires qui se livrent à 1 agricul- ture autant par goût que par intérêt. Ainsi une nation qui calcule tout , doit compter snr le double avantage de vendre avec bénéfice certain et de percevoir la con- tribution sur des fonds qui , dans ses mains , ne lui auroient été que très onéreux. Vous voyez. Messieurs que toutes les ob- jections qui peuvent être faites contre la vente générale des bois , tombent d’elles-mêmes , lorsqu’on restraint l’aliénation aux petites mas- ses de bois éparses , ou éloignées a une cer- taine distance des grandes forêts. Ainsi en adoptant le projet du comité , vous avez beaucoup d’avantage à espérer de la ( îfi ) vente des portions de bois , qui ne pourrdient eue vous être à charge * puisque le produit de cette vente vous servira à couvrir une partie de la dette exigible* D’un autre côté „ vous n’aurez à redouter aucun des inconvéniens qu’entraînéroit néces^ sairement l’aliénation des grandes forêts* Je dis i° que vous n’aurez point à craindre que des compagnies se rendent adjudicataires des petites masses isolées des bois - taillis > puisqu’elles présenteront à la convenance des propriétaires voisins , des propriétés partielles > extrêmement divisibles , et qu’en même temps elles procureront une grande concurrence dans la chaleur des enchères. 2.0. Les consommateurs trouveront un avan* tage dans l’aliénation ; car le nombre des propriétaires avec lesquels ils auront à traiter * sera, nécessairement plus considérable , lorsque ]es adjudications auront été très- multipliées et les bois taillis partagés entre une multitude d’agriculteurs de chaque département. Alors les acaparemens deviendront moins possibles i cette denrée si nécessaire circulera plus facile- ment : lesApéculations auront des limites 5 et jes citoyens des villes et des campagnes seront rassures t l7 ) rassurés contre ïa crainte raisonnablement fondée? de voir une provision de la première nécessité , à la discrétion de quelques capitalistes dont la cupidité nVuroit pas de bornes. Voilà ? Messieurs , des vérités qui doivent fixer votre opinion sur un sujet aussi important. Si vous considérez sur - tout qu’un des points essentiels de F économie politique ^ c’est de parvenir à faire , des richesses particulières la richesse nationale , en associant pour la partie des bois , dont la conservation n’est pas utile , l’intérêt particulier, à l’intérêt public. Il est inutile d’en dire d'avantage , pour faire sentir qn’autant il seroit dangereux et impolitique d’aliéner les grandes forêts , autant il est avan- tageux de mettre en vente les petites masses de bois isolées ; envisageons la question sous un rapport non moins important , c’est-à-dire , celui qu’elle peut avoir avec l’état actuel des finances, et le remboursement de la dette exigible, I I I. Je prends pour base le rapport qui vous a été fait par vos comités réunis de l’Ordinaire B iB et de l’Extraordinaire , de la situation des fi- nances au premier avril 1792. Tous les articles de ce rapport ont été dis- cutés séparément à l’assemblée nationale. Ils l’avoient d’abord été par vos comités réunis qui , pour ne pas vous présenter des calculs hypotétiques , se sont non-seulement procuré tous les renseignemens qu’un travail de cette nature exigeolt , mais encore n’ont établi leurs bases que sur des états qu’ils se sont fait re- présenter par tous les agens responsables dont le caractère public pouvoit garantir officielle- ment l’exactitude et la fidélité. # Il ne peut donc pas exister des différences bien considérables dans les estimations ; et , à moins d’évènemens extraordinaires qui né- cessitent des dépenses absolument imprevues y il y a d’an côté des économies à espérer sur les évaluations relatives aux besoins ; et de l’autre des rentrées sur quelques articles des ressources qui n’ont pas ete rigoureusement portées à leur valeur. Suivant ce rapport , les ressources excédent les besoins de la somme de. . 422, 1 5 2, 126 l* i9 Mais il faut observer que les biens dont la vente a été ajournée par la loi du io décembre 1790 , tels que ceux dont jouissoient les con- grégations , les collèges , les séminaires et autres établissemens de cette nature n’ont été compris dans le rapport de vos" comités réu- nis que pour mémoire . Cet article est un objet, dans le chapitre des ressources , de 400 mil- lions , somme à laquelle il doit être estimé , d’après les états qui ont été fournis au com- missaire du roi à la caisse de l’Extraordiuaire par les directoires de districts. Quoique vos comités vous aient proposé de laisser subsister l’ajournement de la vente de ces biens , il est néanmoins très-facile de se persuader. Messieurs, que, dans les circons- tances où nous nous trouvons , il seroit împo- litiqus et contraire aux principes de l’économie politique de prolonger davantage les délais de cet ajournement. Il seroit préjudiciable à l’in- térêt de la nation de ne pas comprendre dans la vente générale une masse de biens fonds qui dépériroient nécessairement , si vous en abandonniez la régie â des agens qui seraient^ payés par l’état, Ê 2 20 Car i°. dans quelles mains en remettriez* vous l'administration ? La confieriez -vous aux administrateurs de districts ou bien à des administrateurs parti- culiers ? Dans le premier cas , il est évidemment démontré que les directoires de district ne pourroient se livrer utilement aux soins mul- tipliés qu’exigeroit une semblable régie. L ex- périence prouve que ceux des biens nationaux, dont l’administration leur a été confiée jus- qu'au moment des adjudications , ont ete con- tinuellement exposés aux déprédations de toute espèce , et que , sans 1 activité des corps ad- ministratifs , qui sentoient combien il étoit important d'accélérer la vente des propriétés nationales , pour les garantir des dévastations dont elles étoient menacées , ces propriétés auroient à peine produit à Tetat la moitié de leur valeur présumée. Dans le second cas, il est encore évident que les administrations particulières absorbe- roient une partie du produit par les frais d® la régie. Car , quelque parfaite que l’on pût supposer l’administration des biens ajournés. 31 elle n’offriroit certainement pas à la nation un plus grand produit que les propriétés commu- nes dont le revenu n’excède pas trois pour cent de la valeur du fonds ; tandis que , si l’a- liénation en étoit ordonnée , ils produiroient cinq pour cent du prix de la vente. Il est donc avantageux à la nation de se désaisir de la propriété des biens dont la vente est ajournée ; et si rassemblée en décrétoit la vente , il faudroit ajouter à la somme de nos ressources, celle de 400 millions , somme à laquelle ces biens sont estimés , d’après les états fournis au commissaire du roi à la caisse de l'extraordinaire , ci. 4©°> oco, 000. Mais , dira-t-on , comment payerez«vous vos hôpitaux et les fonctionnaires destinés â l’instruction publique , si vous aliénez les pro- priétés , dont les revenus sont spécialement affectés , et doivent être uniquement consacrés à un établissement d’une si grande importance ? Je réponds d’abord que les frais relatifs aux hôpitaux et à l’instruction publique doivent faire partie des dépenses ordinaires. Je dis que si vous voulez donner une constitution à vos finances , il f*ut nécessairement que vous trou- 22. viez dans vos re:sources et vos recettes ordi- naires les moyens de suffire aux dépenses an- nuelles- Or , dans la supposition , où les frais relatifs à I nstruction publique seroient portés au tableau des besoins annnels , a 30 millions , il vous sera facile de faire face a cette dépense par l’établissement d’une contribution indirecte qui , ne frappant que sur les capitalistes et les gens aisés qui éludent l’impôt , et qu il est difficile d’atteindre par la contribution no- biliaire , se concilierait avec le principe de la justice distributive qui veut que l’impôt frappe sur les richesses de toute nature. C’est à ce but, sans lequel il n’exhtera jamais d’égalité proportionnelle dans la répartition générale , que la législature actuelle doit tendre conti- nuellement. (*) (*) J’ai c! é j à proposé à l’Assemblée Nationale rétablissement d’un droit sur les successions colla- térales au-dessus de cinq cens livres. 11 seroi t pos&jbl© d’étendre le droit d’enregistrement aux billets au por- teur , d’établir une taxe sur les objets de luxe , et sur les choses de consommation qui ue sont pas d’usage ordinaire. D’un autre çô.é , on a lieu d’espérer que le droit d’earégistremont s'accroîtra sensiblement a / Je réponds encore que ce n’est pas seule- ment sur l’état actuel ni sur les circonstances du moment qu’il faut fixer nos idées. La cons- îution que vous voulez donner aux finances , exige que vous étendiez vos vues sur un ave- nir bien plus consolant , et . que vous raisonniez d’après un ordre de choses bien different de celui que présentent aujourd’hui toutes les parties d’un gouvernement qui n’est pas en- core affermi. Notre premier besoin , c’est du calme , c’est la réunion de tous les partis , c’est de la sagesse , de la stabilité dans l’ad- ministration , c’est une marche active et ré- gulière dans les pouvoirs constitués pour l’e- lorsque la vente des domaines nationaux sera terminée. Ainsi j neus avons encore une infinité de ressources , pour porter les revenus du trésor public à la somme de ses besoins 5 et comme ce ne sera prss la tâche la plug difficile que l’assemblée ait à remplir , il seroil impolitique et contraire à l’intérêt national , de laisser à la charge de l’administration publique , les biens ajournés qui ne produiraient pas six millions de revenus à l’état , tandis qu’ils augmenteraient actuellement nos ressources d’un capital dt 4o© millions ÿ si l’aliéna- tion en étoit décrétée. 24 xecution des loix. Nous ne pourrons jouir des bienfaits de notre constitution , ou plutôt nous n’aurons jamais de constitution , que lorsque nous serons arrivés à ce terme heureux , où se réunissent tous les vœux et toutes les es- pérances des bons citoyens. C’est alors que rendus à nos soins domestiques , notre armée réduite à de justes proportions , le traitement de nos fonctionnaires publics modéré , l’ad- ministration intérieure perfectionnée ; c’est alors, disons- nous que les recouvremens se feront sans obstacles , que les difficultés qui environnent toujours l’exécution d’un nouveau système d’impositions , seront applanies , que la marche administrative des municipalités sera simplifiée , et qu’enhn la perception ren- due *J)lus exacte par l’effet d’un régime salu- taire , ne laissera plus un vuide à remplir , pour porter la recette au niveau de la dé- pense. Après avoir démontré la nécessité de mettre en vente les biens ajournés qni seraient oné- reux à la nation , si elle se chargeoit de leur administration ; mais qui présenteroient entre les mains des particuliers 9 une nouvelle source s5 de richesses , je conclus qu’il faut ajouter à nos moyens 4 OQ millions , montant de leur estimation , suivant les états fournis par les administrations de districts. . 400,000,000 1. Maintenant il me reste à faire une obser- vation sur l’article des droits casuels , dont Tassemblee constituante avoit autorisé le ra- chat. Ces cjroits , dont la majeure partie con- siste dans le droit attaché aux mutations , sont un objet immense pour la caisse de l’extraor- dinaire , aujourd’hui que la nation possède la mouvance entière des anciens domaines de la couronne et du clergé. Cependant vos comités réunis n’ont porte la totalité de ces droits qu^à 208 millions. Il est certain que cette évaluation est très- inferieure à la réalité. Le recouvrement de ces droits , tant en revenus qu’en prix de ra- chat , est monté pendant les trois premiers mois de 1792 à 5,468,152 1. Or, comme leur produit a toujours été jusqu’ici en aug- mentant j et qu’on commence à peine de suivre la rentrée des droits de sous-rachat à rembourser par les ci-devant seigneurs qui se trouvent dans la mouvance nationale , on / j.G peut raisonnablement espérer que cette res- source produira facilement 500 millions. D Ira-t-on qu’il importe d’anëantir tout-à- COup les restes d’un régime odieux qui pèse sur le peuple , et qu’à côté du principe de l’égalité , toute considération de finances doit disparoître. Oui sans doute , shl s’agissoit d’une servi- tude personnelle , et alors toute opinion con- traire seroit l’apothéose des préjugés, la pros- cription de la raison , et l'apologie du despo- tisme et de l’esclavage. Mais les droits , dont il s’agit ici , ne sont autre chose qu’une val ur numérique. Je ne vois d’une part qu’un débiteur et de l’autre qu’un créancier. Ce n’est pas l’homme qui doit , c^est la terre. Enfin il n’y a point de seigneur là où il n’y a point de servitude personnehe. Ces droits d’ailleurs sont une concession nationale; puisque, depuis deux ans, le tré- sor public reçoit journellement des rachats considérables. Or seroit-il possible de ne pas re/utuer à ceux qui ont eu la confiance dans V la loi * et d’accorder gratuitement un avantage à ceux qui n’ont pas voulu s’y soumettre ? Enfin le respect et l’inviolabilité que nous devons à la propriété sur laquelle repose la la constitution et qui forme le premier lien du contrat social , n’excluent ils pas toute discussion , tout raisonnement en faveur de la suppression des droits incorporels sans in- demnité. Je sais qu’il ne faut pas s’environner d’une grande érudition pour prouver que les droits incorporels ont été usurpés dans l'origine. On ne voit , ni dans Montesquieu , ni dans Mably* ni meme dans M. l’abbé Dubos , l’acquisition légale de ces droits. Mais, que faut- il en con- clure ? Si vous remontez à l’origine de toutes les propriétés , il sera facile de vous prouver aussi qu’elles dérivent de l’usurpation. Or , voyez où va vous conduire , comme législateurs la con- séquence d’une telle recherche ? . Quand les droits incorporels seroient une usurpation dans leur origine , ceux qui en jouissent depuis un temps immémorial , n’en ont- ils pas fait l’acquisition légale ? Ne les ont-ils pas possédés sous la sauve-garde de la loi ? Si vous sup- primez les droits casuels , il frudra bien aussi que vous supprimiez les dixmes inféodées , car elles dérivent de la même origine. On vous dit qu’il faut affranchir toutes les propriétés. Oui sans doute ; mais , il faut que cet affranchisse- ment ne viole pas les principes; or , celui qu’on vous propose , seroit évidemment un acte in-* juste, puisque vous ôteriez à l’un sa propriété actuelle pour la donner à l’autre , qui n’a voit aucun droit sur cette propriété. Ce seroit donc violer la déclaration des droits qui fait la base de la constitution. Ne supprimez pas sans in- demnité , mais facilitez l’affranchissement par tous les moyens possibles , et en autorisant les rachats partiels. CONCLUSION. i° Les comités réunis ont trouvé un excédent de ressources sur les besoins, de 422,1 5 <$9%iô 1. Mais comme ils ont compris dans le chapitre des ressources ^ la totalité des bois estimés par apperçu 1 400,000^000. Il en résulte que si la nation se les réservoir , nos moyens se trouveroient être alors au-des^s de nos besoins de ?77>844>774 1* 2° Mais j’ai prouvé qu’autant il ssroit im- politique , dangereux et contraire à l’intérêt national d’aliéner les grandes forêts , autant il seroit avantageux et conforme aux principes a9 de l’économie publique , de mettre en vente les petites masses de bois- taillis éloignés dus forêts d’une certaine distance. Or le produit que la nation pourront retirer de la vente de ces bois- taillis peut etre estime sans exage- ration 500,000,000 1. 3° Les bois ajournés sont estimés ...... 400,000,000 4° Les droits incorporels qui ne sont portés dans le compte rendu par vos co- mités réunis qu’à 208 mil- lions ^ forment un objet de 500 millions ; il convient donc de porter pour excé- dent 292,000,000 Total des ressources à substituer au produit de la vente présumée des forêts. 1,192,000,000 Ce tableau démontre qu’en conservant les forêts , nous pouvons facilement avec les res- sources qui nous restent encore , acquitter la dette exigible qui n’excède pas 950 millions , si l’on n’y comprend pas la dette à terme : car celle-ci n’a droit qu’à des payemens aux é- poques déterminées par les emprunts. La nation n’est pas tenue d’en solder la totalité ; il lui 3° suffit d’en faire annuellement les fonds cor- respondans aux remboursemens progressifs, et comme ils ne se terminent qu’en 1820 , on doit les classer parmi les dépenses constantes. Qu’on ajoute à ces Considérations deux ob- servations importantes sur la dette exigible : La première , c’est que le liquidateur gene- ral en évaluant les office^ de iudicature a 800 millions dans le mémoire qu il a fait impri- mer , au mois de novembre dernier , avGue lui-même, que n’ayant aucune base pour pré- ciser l’évaluation , il a pensé que Vexageration dans son calcul seroit moins coupable que la réticence. Or il est vraisemblable que la dé- pense qu’occasionnera la liquidation des offices, ne présentera pas en dernier résultat une som- me aussi considérable. Cette observation acquiert un plus grand degré d’intérêt encore , si l’on considère que le terme de decheant qui a été décrété, frappe. a particulièrement contre les titulaires d’offices d s ci-devant parlemens et cours supérieures , qui dans leur chimérique espoir de retour de l'ancien, gouvernement, refusent de se sou- mettre à' la loi , et conservent leurs titres comme une propriété qui satisfait leur orgueil et nourrit leur folle attente. La seconde observation qui reste à faire c'est que dans le chapitre de la dette non constituée* il existe une multitude d’objets, qui ne sont pas impérieusem-nt exigibles ÿ tels que les dîmes inféodées, et les charges de la maison du roi. Si l’assemblée se détsrminoit lorsqu’il sera question d’établir un mode de remboursement, à séparer de la dette tout ce qui n’est pas im- périeusement exigible , quant à présent, et à la diviser en remboursa mens graduels calculés sur les mêmes bases qui ont été adoptées pour la dette à terme , il seroit facile de trouver un fonds d’amortissement dans le bénéfice qui résultera chaque année * de l’extinction des rentes viagères , des pensions et des traitemens des ecclésiastiques. Je conclus , Messieurs , à ce que l’assemblée nationale décrète : i°. Qu’il n’y a pas lieu à délibérer sur l’aliéna* tion d. s grandes masses de bois et forêts. 2°. A ce qu’il soit vendu jusqu’à concurrence de 500 millions de bois taillis , dont l’inutilité pour le service de la Marine reconnue et sera constatée. 5°. Qu'aussi-tôt la promulgation du présent décret , les directoires de département se feront remettre , par les directoires de district , et les municipalités, des tableaux qui constateront la situation , la nature , la contenance et l’estima- tion des bois dont ils proposeront l’aliénation comme avantageuse à la chose publique. 4°. Que ces tableaux seront adressés dans le délai de deux mois au pouvoir exécutif , qui les transmettra au corps législatif . 5°. Que le comité des domaines sera charge de présenter à rassemblée nationale , sous trois jours un projet d’instruction pour l'exécution du présent décret, et dans le délai d’un mois, un projet de décret pour la réformation de la loi , concernant l’établissement d une nouvehe administration forestière.