Hs PPATENR à 0 PAC MNEN RUN de D Nat 6 L Ha ho AS BCE ATERENPE ART a L nl © 4 THE FIELD MUSEUM LIBRARY MANN « 3 5711 00017 0473 mx S a 007 4 Ve Ta se Ma ET TA s = +, V | &i er: ÿ ! 0 ee SO NUL ! a PA DOS TD ARR Sr | E E ne: LS ET 2% = de PE? NS y L< > ; D 7. < CA 2°, Museum of ,Ÿ C2 | AC s : > Natural History_} Es D TE une, g CÆGronemenn-. 72 d Me ; * * ‘ v + 1. ORNITHOLÔGIE À “ 4 » L Le ‘à % : ui d ” Le DE LA SAVOIE Air 14 Le + à * « EU NN | g g #& 4 à a92 PET) ie” “ ' e = a A * " dj & 1] » Le k ; ® # _ CS, à # . ÆÆOME IL. " : u ; | "2 LS PA v L] + # - Ÿ ’ » ï # | 2 à « L1 Ÿ M + % t Le oi) ù « & r Li è à é + y . LA Ÿ # ; # \ 12 à " L1 * v “ 1 » w » 1] * HE « Ld # % …“« 5 L 2 æ we * . . a n., + . . * e ë : ; p* e LL ‘ : - LL L' \ v” e - Ve | 4 | —0 0 5 : | 2 u à 7 » IMPRIMÉ CHEZ BONAVENTURE ET DUCESSOIS, _ Paris, 55, quai des Augustins. “ a 7 O——— ORNITHOLOGIE E LA SAVOIE où HISTOIRE DES OISEAUX QUI VIVENT EN SAVOIE A L'ÉTAT SAUVAGE SOIT CONSTAMMENT, SOIT PASSAGÈREMENT LD A 2 J. - B, BAILELY Conservateur d’Ornithologie au Muséum d'Histoire Naturelle de Savoie, ————0-<— 0-—— TOME DEUXIÈME PARIS J-B. CLAREY, LIBRAIRE-ÉDITEUR rue Serpente-St-André, 26. CHAMBERY J. PERRIN, LIBRAIRE. 1853 LISTE DES NOUVEAUX SOUSCRIPTEURS RECUEILLIE PENDANT L'IMPRESSION DE CE SECOND VOLUME. Messieurs : BicLier (Balthazard), avocat, à Chambéry. BIDOGNET, libraire, à la Chaux-de-Fond. BLANCHARD, propriétaire, à Saint-Innocent. Bot£ro (Albert), propriétaire, CHEVALIER (Georges), limonadier, Costa DE MONGEx (comtesse de), CHERBULIEZ, libraire, à Genève. DEGRANDE (Étienne), régent du bureau de la conservation des hypothèques de Chambéry. DELAHAYS, libraire, à Paris. DEsroGrs (Mmes, libraires, à Genève. DucLos (Eugène), commissionnaire, à Chambéry, Duraxp, libraire, à Paris. FARROLLIET (Jean), maître d'hôtel, à Chambéry. FossERET (Gaspard-Gabriel), vice-président du tribunal de pre- mière instance de Chambéry. GRUMEL (Joseph), substitut-greffier au même tribunal. GUILLERMIN (Charles), avocat. "a À GuINCHET (Joseph), substitut-procureur, ja CHRIUer à Chambéry. HuGuENIN (Joseph), employé de la direction des douanes et ga- belles de Chambéry. MarcHAND (Henri), notaire, à Chambéry. MarEscxaL (Laurent), chevalier, conseiller de la cour d'appel de Savoie. MarTin (Laurent), rentier, MarTin (Louis), négociant, à Chambéry. Maure (André), procureur, MERMILLOD, supérieur du collége national de Chambéry. MicxauD, docteur-médecin, à (Chambéry. MyÉpAN, supérieur du collége de Moûtiers. NOE, ingénieur, PAQUET (Jean-Marie), négociant, à Chambéry. PETiT (François), rentier, PErir (Hilaire), curé de Champagneux. Prenter (Louis, de), propriét. rentier, à Saint-Pierre-d’Albigny. RaymonD (Claude-Melchior), avocat et professeur de droit, Ravymonp (J. M.). professeur de mathématiques, à Chambéry. SAINT-MARTIN (Michel), professeur de physique, SAINT-SULPICE (de), chanoine, SALVAYy (Alphonse), secrétaire de la direction de l'insinuation et des domaines, à Chambéry. SÉLYS-LONGCHAMPS (Edmond, baron de), membre de plusieurs sociétés savantes, à Liége. SIMON, éditeur du Dictionnaire Bescherelle. STEINER, libraire, à Genève. VAanon (Jean), avocat, VissoL (Jean), rentier, à Chambéry. VuILLERMET, professeur de grammaire latine, TABLEAU MÉTHODIQUE DE LA DEUXIÈME PARTIE. Ve ORDRE... | Passereaux, Passeres. 10e famille ç Laniadées, Laniadæ. — Genre : 19, Pie-Grièche, ARE à ÿ Lanius. { Muscicapidées, Muscicapidæ. — Genre : 20e, Gobe- brie | Mouche, Muscicapa. | Bombycivoridées, Bombycivoridæ. — Genre : 21e, Ja- 12e famille... .... seur, Bombycivora. $ Coraciadées, Coraciadæ.— Genre : 22e, Rollier, Co- 13e famille... ea Corvidées, Corvidæ.—(Genres : 23e, Corbeau, Corvus; 24e, Pie, Paca; 25e, Geai, Garrulus ; 26e, Nucifrage, 14e famille... Nucifraga; 27e, Crave, Fregilus; 28e, Choquard, Pyrrhocorax. 15e famille... | Oriolidées, Oriolidæ.—Grenre : 29e, Loriot, Oriolus. Sturnusidées, Sturnusidæ.—Genre : 30e, Etourneau, 16e famille... LG nus. Cinclusidées, Cinclusidæ.—(Genre : 31e, Cincle, Cin- 17e famille. ... clus. Turdusidées, Turdusid».—(Genre : 32e, Merle, Turdus. lre section : Sylvicoles, Sylvicolæ, 18e famille...... 2e section : Rupicoles, Rupicolæ. PE AT Sazxicolidæ.—Genre: 33e, Traquet, Saxi- 19e famille. .….. cola. Sylviadées, Sylviadæ.—Genres : 34e,Accenteur,A ccen- tor; 35e, Rubiette, Ruticilla; 36e, Fauvette, Sylvia; 20e famille. ..... 37e, Rousserole, Calamoherpe ; 38e, Pouillot, Phyl- lopneuste; 39e, Roitelet, Regulus ; 40e, Troglo- dyte, Troglodytes. 21e famille... ... | Upupidées, Upupidæ.—Genre : 41e, Huppe, Upupa. Certhiadées, Certhiadæ.—Genre : 42e, Grimpereau, 22e famille... À Certhia. Nora. L'Ordre des Passereaux sera continué dans la troisième partie. ORNITHOLOGIE DE LA SAVOIE RAP 0000000000000000000000000000000000000 FPT CINQUIÈME ORDRE PASSEREAUX | PASSERES). ne mu Il n'existe pas d'ordre en Ornithologie qui pré- sente, dans les espèces appelées à le former, des nuances et des caractères si variés, des mœurs et des habitudes si différentes que celui des Passe- reaux. Je réunis sous cette dénomination les Om- nivores, les Insectivores, les Granivores et les Anisodactyles du Manuel de M. Temminck; consé- quemment tous les oiseaux sylvains qui me restent à décrire, ou plutôt qui ne font partie ni des Gal- linacées, ni des Échassiers, ni des Palmipèdes. En les examinant et en les comparant entre eux , on a peine à trouver d’autres caractères extérieurs, propres à les faire distinguer des oiseaux des autres ordres, que leurs tarses courts, ou médiocres et an- 8 ORNITHOLOGIE nelés ; leurs doigts rangés par. trois en avant, un en arrière; leur doigt antérieur externe uni au médian par une membrane plus ou moins longue, suivant les familles et les genres, et le pouce articulé au bas du tarse sur le même plan que les autres doigts. Les ongles sont très-variables, mais en général grêles et un peu crochus. Le bec prend aussi toutes les formes et ne peut en conséquence établir dans cet ordre aucun signe caractéristique. Tantôt il est allongé, mais le plus souvent court, lantôt droit et pointu, quelquefois légèrement courbé à l’extré- mité etassezsouvent gros, conique et fort. Leurs yeux sont latéraux et fixés à fleur de tête. Leur queue est ordinairement composée de douze rectrices. ‘Les Passereaux se nourrissent d'insectes, de lar- ves, de chenilles, de vers, de graines, de baïes, de fruits, de bourgeons, etc., etc. Les plus grandes espèces, notamment les Pies-Grièches et Les’ Cor- beaux, vivent aussi de proies vivantes, de petits oiseaux , de souris, de campagnols et se repais- sent encore de cadavres. Les fruits fondants , les larves, les chenilles, les insectes mous sont presque l’unique ressource alimentaire dés volatiles à bec grêle ; et ceux-ci sont en général les plus recher- chés pour les variations et la mélodie de leur chant. Les graines, les baies, les bourgeons servent au contraire de nourriture principale aux espèces dont le bec est gros, fort et conique. | DE LA SAVOIE, 9 Les Passereaux sont répandus partout. On les rencontre dans les- champs et les prairies , dans les bois de la plaine et des montagnes, dans les ro- chers, sur le bord des eaux, jusqu’à l’intérieur des villes, sous les toits et dans les murailles des habita- tions. Les bosquets, les lieux arrosés et boisés dela plaine, sont le rendez-vous de la plupart des oiseaux chanteurs : c’est là du reste qu’ils trouvent avec abondance leurs aliments de prédilection , qu'ils respirent une agréable fraicheur pendant les jours de chaleur excessive et jouissent d’une douce tranquil- lité durant leurs amours. Ceux dont le ramage est le plus simple, se font remarquer, à part quelques rares exceptions, spécialement dans les forêts et les champs des pays montagneux, qu’ils abandonnent, suivant les espèces, au commencement de l'automne ou seulement aux premiers froids, soit pour émi- grer, soit pour se fixer en plaine ou dans des vallées inférieures à leur premier séjour. Plusieurs ne sont que passagers pendant la période des nichées : tels sont les sujets dont le genre de vie exige des cha- leurs continuelles pour faire éclore et: pour entre- tenir sans cesse les insectes destinés à les nour- rir. Quelques -uns sont nomades et se livrent par troupes à des voyages pendant l'automne ou à l'approche du printemps. Les espèces que nous possédons toute l’année dans nos climats , comme celles qui y arrivent tous les ans avant les rigueurs 10 ORNITHOLOGIE de l'hiver, se réunissent ordinairement par bandes innombrables et hantent les champs, les bois pour y chercher leur subsistance. Les Passereaux donnent généralement avec faci- lité dans les piéges. Des oiseleurs les y attirent au moyen de l’appeau, ou bien en contrefaisant leur voix et leurs cris de ralliement ; d’autres (les pipeurs) se servent à cet eflet d’un ou de deux rapaces nocturnes qu’ils font agiter continuellement, ou dont ils imitent les cris et les soufflements lugu- bres; d’autres enfin façconnent pendant les chaleurs un abreuvoir au milieu de leurs engins, en y ame- nant, par exemple, un filet d’eau du ruisseau le plus voisin, ou bien 1ls y répandent seulement des plantes ou des rameaux d’arbustes dont les graines ou les baies forment la base de la nourriture des volatiles qu’ils cherchent à capturer. Plusieurs espèces, surtout parmi les Fringillées, se plaisent si bien à l’état de domesticité que parfois elles s’y propagent avec succès. Elles y apprennent même à chanter ou à siffler des airs , à contrefaire la.voix ou les cris des animaux domestiques qu’elles ont l’habitude d'entendre de près. Bien plus, quelques- unes se montrent capables d’un attachement durable envers les personnes qui ont pris soin de leur édu- cation : elles semblent même leur témoigner, chaque fois qu’elles les revoient ou que celles-ci leur font du bien, leur gratitude par des chants successifs, DE LA SAVOIE. 1 par des gestes ou par un trémoussement diAHEs propres à toucher. Les Passereaux sont monogames. Ils nichent, les uns à terre, dans un creux ou parmi les pierres, les racines et les herbes, les autres dans les buis- sons ou sur les taillis et les arbres ; d’autres occu- pent à cette intention les rochers et leurs excava- tions, les bords des eaux, quelquefois les fentes ou les cavités d'arbres et de murs. Les nids, chez quel- ques - uns , sont de vrais chefs-d'œuvre que la main de l’homme, même du plus habile, ne saurait imiter, tandis qu’ils n’offrent chez le plus grand nombre, surtout chez les espèces qui se reprodui- sent à terre ou dans des trous d’arbres, de rocs et de murailles, qu’un appareil des plus simples. Les espèces les plus petites et les plus communes font deux ou trois couvées par an; les plus grandes n’en font qu’une. Si on la leur ravit, elles ont pres- que toujours l’habitude d'en entreprendre une nouvelle. Les mâles de la presque généralité des couples soulagent les femelles dans les fatigues de l’incubation en ÿ prenant eux-mêmes part. Les petits naissent nus avec les yeux fermés ; mais ils se couvrent en trois ou quatre jours d’un duvet clair, très-doux et très-long , auquel suc- cèdent bientôt après les premières plumes. Ils sont nourris alternativement par le père et la mère qui veillent constamment sur eux. Ils ne s’éloignent 12 ORNITHOLOGIE jamais beaucoup à la fois de leur progéniture , même pour lui chercher quelque nourriture : ils la:trouvent en eflet sans peine aux alentours ; puis- qu’elle se compose d’une infinité d’aliments que lon rencontre ordinairement partout. Les sexes se ressemblent souvent par le plumage ; mais en général les femelles sont un peu moins grandes que les mâles. Quand elles sont de la même di- mension, c’est avec peine qu’on parvient à les en distinguer : cependant , au printemps, on recon- naîtra toujours les mâles à l'anus qui cest alors si chargé qu’il paraît comme gonflé et protubé- rant, Dixième Famille. LANIADÉES (Laniadæ ). Ces oiseaux ont le bec robuste, garni à sa base de poils rudes et dirigés en avant, crochu, denté vers l'extrémité de la mandibule supérieure , et re- levé à la pointe de l’inférieure, Si cet organe leur donne par la dent qui l'arme de chaque côté quel- que. analogie avec les Oiseaux de Proie, spéciale- ment avec les Faucons, leur pouce grêle, leursongles médiocres, nonrétractiles, qui les obligent par con- - DE LA SAVOIE. 13 séquent de saisir et de transporter dans le bec leurs proies, lesen éloignent assez pour ne m'être pas dé- cidé à les classer, comme l'ont fait des auteurs, immédiatement après l'ordre des Rapaces. Leurs habitudes ont bien une certaine férocité qui les rap- proche de ces derniers, mais leur genre de vie est plutôt insectivore que carnivore. Quoique la plus grande des espèces de nos contrées fasse quelque- fois la guerre aux petits oiseaux, même aux Grives, aux Merles pris dans des lacets, qu’elle étouffe en les pressant de ses serres avec force pendant qu’elle leur crève à coups de bec la tête pour en manger là cervelle , et les dépèce ensuite pour se repaître de leurs chairs palpitantes, il n’est pas moins vrai qu'elle a toujours, comme ses compagnes, de l'appétit pour les insectes. Cette famille ne possède que le genre suivant. XIXe Genre : PIE-GRIÈCHE /Lanius). Les Pies-Grièches, généralement connues en Sa- voie sous le nom de Renégat et en patois Reineya, sont reconnaissables par leur bec fort, médiocre , comprimé latéralement, triangulaire, nu à sa base et garni à la commissure de quelques poils roides ; par la mandibule supérieure qui est inclinée, dentée et crochue vers le bout ; par l’inférieure qui est aiguë 14 ORNITHOLOGIE et retroussée vers sa pointe, Leurs narines sont la- térales, un peu arrondies et à moitié fermées par une membrane. Leurs tarses nus et plus longs que le médian ou le doigt intermédiaire. Leurs doigts sont divisés. Leurs ailes courtes. La queue est composée de douze rectrices, quelquefois étagées, Elles se trouvent répandues dans toutes nos con- trées, mais principalement dans celles de la plaine. Elles y sont toutes, hormis une seule espèce, de pas- sage pendant la belle saison. C’est sur la fin d'avril, en même temps que les Rossignols et la plupart des Fauvettes qu’elles arrivent, puis elles repartent en- semble dès le mois de septembre. Elles construisent leurs nids sur les arbres, oudanslestaillis etles buis- sons les plus épineux du voisinage des champs et des prairies marécageuses. Quelques espèces, entre au- tres les plus petites, font deux couvées par an. Les mâles en général se prêtent de temps en temps à l’incubation et soulagent ainsi leurs compagnes dans cette peine. Les petits, surtout ceux de la seconde nichée, quand elle a eu lieu, continuent après leur éducation à vivre avec leurs parents. On observe alors ces familles qui se divertissent et chassent en parfaite harmonie sur la lisière des bois de haute- futaie, dans les fourrés, dans les bois champêtres, le long des broussailles et des arbustes qui bordent les marécages. Bien plus, il paraît qu’elles ne se dés- unissent pas même pendant leurs migrations, et DE LA SAVOIE. 15 qu’elles chassent ensemble en se réfugiant vers les pays chauds, leur séjour d'hiver. Les Pies-Grièches se nourrissent de fruits, d’in- sectes, notamment de coléoptères, de limaçons, de petits reptiles, de faibles grenouilles, de souris, de musaraignes , de volatiles, etc., etc. Quand elles sont repues, elles accrochent aux épines des ar- brisseaux les proies qui leur restent afin de les retrouver plus tard. Il est aisé de s'assurer de la réalité de cette singulière précaution , en visitant les buissons épineux, aux abords de chaque bois où l’on remarque le plus de ces oiseaux. Si deux ou trois paires y séjournent avec leur progéniture, il est rare qu’on ne parvienne pas, pour peu que l’on s’en donne la peine, à découvrir quelques pro- visions de coléoptères ou d’orthoptères fixés aux épines ou aux petites branches les plus aiguës des buissons , et que les pères et mères viennent à chaque instant prendre pour les porter à leurs petits ou pour s’en nourrir eux-mêmes. Plusieurs, par- ticulièrement les plus grandes espèces, sont douées d’un courage et d’une intrépidité qui les font même redouter des oiseaux bien plus gros et plus forts qu'elles, tels que des Buses, des Corbeaux, des Pies et des Geais. Elles les poursuivent à outrance . spécialement à l’époque des nichées, et les chassent de leur canton. C’est leur naturel sauvage et surtout leur humeur querelleuse qui ont donné lieu à un Lee nn RS à Éd Sn RS in dE 2 de. cn nt dé Hide do té Éd SDS dar) ct RS GS NS nd nn mn Om me en + md en ppp nc ie im + h—+ 16 | ORNITHOLOGIE ancien proverbe dont on se sert encore de nos jours pour désigner une personne méchante et acariâtre. Leur vol est irrégulier. Elles montent et. descendent alternativement en volant. Quelque- fois, elles restent fixes et comme suspendues en l'air, en battant des ailes, à peu près comme le Faucon Crécerelle, pour épier leur proie sur le sol; mais jamais elles ne planent pour cela comme les oiseaux de rapine. Leur queue remue pres- que toujours, même pendant le repos : elles lui font le plus souvent exécuter un balancement ou un mouvement de haut en bas plus ou mois brusque. Leurs cris sont en général aigres et monotones. [Il est cependant digne de remarque que quelques espèces, les plus petites, ont la fa- culté de contrefaire le chant, les cris de plusieurs oiseaux qui habitent les mêmes lieux qu'elles; qu’elles essayent aussi d’imiter les cris ou le bêle- ment de quelques animaux domestiques que l’on mène pâturer autour des bois qu’elles fréquen- tent. Leur chair, même celle des jeunes, quoique ordinairement grasse sur la fin de l'été, est un manger médiocre. Leur mue est simple ou dou- ble, selon les espèces. | Le mâle et la femelle, dans la même espèce, ne sont pas habituellement très-distinctsl’un de l’autre. Les jeunes, au contraire, diffèrent souvent beau- coup des vieux durant leur première année : ils _ Nb. af CEA ÉSS Li 2) % Li AT d Lai Pr : Le DA Va ANT FR * NE DPI ORNITHOLOCGIE DE LA SAVOIE. Passereanx. Laniedees. TL 24 | | LUN ORRINENS Lith.JE Perrin HEAR Chambéry. dé. VE NT J-Werner del. étlith. 1). L , , L / 1 Pie-Grièche Grise, eve en automne, % rare M 9 Zuf de l'espere: gTTal 3 Pie-Grièche R nt le p.06 3 Jie-briéche Mose,/724/% au printemps, oral, V.20, À » Jéte d'un June suyel au SorÛr d'a nid. Korn » 36 Zu/s de lespece; or rat. DE LA SAVOIE. 17 leur ressemblent ensuite après leur deuxième mue. Quatre espèces de Pies-Grièches se trouvent en Savoie. Quelques contrées méridionales de la France, de l'Italie, etle midi de l'Espagne en possèdent deux autres : la Pie-Grièche Méridionale (Lanius Meri- dionalis), et la Pie-Grièche à Capuchon (Lanius Cucullatus, Temm.). 55.—wie-Grièche Grise /Lanius Excubitor). Noms vulgaires : Pigrèche, Pie ou Jaquette Bütarde, à cause des pennes de la queue qui sont étagées, comme chez la Pie. La Pie-Grièche Grise (Buff.). — La Pie-Grièche Grise (Lanius Excubitor), Vieill.. Temm. — Pie-Grièche Vigilante (Lanius Excubitor), Selys-Longch., Faune Belge. Averla Maggiore , Savi. Cette Pie-Grièche est la plus grande et la plus méchante de toutes. Sa taille est de 24-95 centi- mètres. Les vieux mâles sont d’un beau cendré clair sur la tête, la nuque et le dos ; d’un blanc pur sur les parties inférieures. Une bande noire se rend de la commissure du bec à l’oreille, en passant sur l'œil : au-dessus de cette bande, est une raie presque effacée et blanchâtre. Les pennes alairessont courtes, noires et blanches à l’origine des quinze premières, ce qui forme une double bande de cette couleur, quand l’aile est ployée. Les scapulaires et l’extré- inité des pennes secondaires del’aile sont également blanches. La queue est très-étagée, noire, bor- dée et terminée de blanc sur les rectrices laté- rales. T. Ts | 2 18 ORNITHOLOGIE Le bec et les pieds sont noirs ; l'iris est noirâtre. Les vieilles femelles ont un centimètre de moins que les mâles. Elles sont d’un cendré plus foncé en dessus, d’un blanc moins pur et même teinté de gris sur la poitrine et le ventre. Les jeunes, après la sortie du nid, ont principa- lement ces deux dernières parties marquetées de raies transversales et d’un gris foncé, et toutes les autres couleurs moins pures que chez les vieux. Les raies s’effacent en grande partie à la première mue et ne subsistent plus que faiblement sur la poi- trine et sur le haut du ventre ; puis elles dispa- raissent en entier, surtout chez les mâles, par l'effet de la mue ruptile *, au printemps suivant. A l'approche de cette période, les vieux mäles pren- nent sur la poitrine et le haut du ventre une couche de rose excessivement légère et qui se perd à la mue de l'automne. La Pie-Grièche Grise, qu'il est facile de recon- naître au vol par la bande blanche qui traverse ses ailes noires, n’est pas communément répandue en Savoie : elle est la seule espèce de son genre qui y passe l'hiver; du reste c’est la plus carnivore de 4 La mue ruptile est celle qui a lieu à la proximité du printemps, et qui s’opère par de légères usures au bord externe des plumes. Ces bordures; ordinairement d’une teinte claire, font voir en disparaissant la couleur plus foncée et plus vive du centre de ces plumes qui crois- sent en outre progressivement à mesure que leur extrémité tombe, DE LA SAVOIE. 19 toutes : aussi lui faut-il ordinairement des proies vivantes qu’elle se procure d’ailleurs en tout temps par la ruse, la force et la guerre à la manière des Oiseaux de Proie. C’est sur les mulots, les souris, les campagnols , les grenouilles, les lézards, lés petits oiseaux, les gros coléoptères et orthoptères qu'elle exerce le plus fréquemment ses ravages. Elle se tient en toute saison dans les bois de haute futaie, dans les taillis, dans les lieux plantés de grands arbres et avoisinant les champs, les prai- ries , les marais et les habitations rurales. Elle ne niche en Savoie qu’en très-petit nombre et presque seulement dans les contrées le plus situées au nord du territoire. On la voit se reproduire dans le haut Faucigny, d’où j'ai effectivement reçu son nid et ses œufs, mais si rarement ailleurs que je la considère comme l’un des oiseaux les plus rares de la Savoie pendant la belle saison. Plusieurs chas- seurs et quelques amateurs d'histoire naturelle s’imaginent à tort que cette Pie-Grièche est la même qui se propage chaque année sur les peupliers qui bordent la plupart de nos champs et de nos prairies marécageuses; cette localité appartient exclusivement chez nous à la Pie-Grièche Rose que je vais décrire à l’article suivant , aussi exactement que possible , pour ne plus laisser subsister cette erreur dans mon pays. Le mâle et la femelle qui ont été uné fois appa- 20 ORNITHOLOGIE riés ne se quittent pas habituellement pendant le reste de l’année. Ils voyagent ensemble : s'ils s’é- loignent de temps en temps l’un de l’autre, ce n’est qu'à de faibles distances et seulement dans les lieux où ils sont sûrs de se retrouver aux pre- miers cris de ralliement, lesquels sont toujours très- forts et perçants; ils articulent distinctement les mots trruii, trruii. Ils rentrent en amour sur la fin de mars. Les jeunes mâles, qui ont généralement vécu solitaires depuis leur éducation, commencent aussi à s’apparier vers cette époque. Mais ils se voient forcés de se disputer quelquefois les femelles dans les cantons où elles se trouvent les moins nom- breuses. Ils se livrent alors de petits combats singuliers, des assauts corps à corps ou se battent même plusieurs ensemble. Après la lutte, on voit la femelle , qui y assistait retirée à l'écart et prête à devenir la récompense du vainqueur, voler avec lui ou plutôt avec celui qu’elle préfère, à la décou- verte d’un district propre à leurs amours. Ils vont ensemble le choisir le plus souvent à l’intérieur des bois champêtres ou des collines. Quand ils y sont établis, on les voit, surtout le matin, se manifester leur affection réciproque en s’élevant dans les airs, en folâtrant et en traçant des élan- cements, des ondulations successives, des demi- cercles qu'ils interrompent de temps à autre pour se poursuivre, s’agaçant jJoyeusement en faisant D'E'LA SAVOTE. 21 entendre leurs cris d'amour dont l’ensemble ne forme qu’une espèce de gazouillement très-mono- tone. Ils travaillent de concert, au commencement de mai, à la construction de leur nid, et le lient avec des toiles d'araignées ou bien à l’aide des plus petits rameaux des branches voisines qu’ils tordent en les réunissant, à l’enfourchure des branches comme dans les parties les plus feuillées des peupliers, des noyers et des châtaigniers. Ils se servent, pour en former l’extérieur, de lichens, de mousses, d’herbes sèches et de racines fibreuses entrelacées ; pour le dedans, ils emploient la laine, les brins d’herbes et d’autres matières mollettes. La femelle y dépose ensuite quatre ou cinq œufs allongés, blanchâtres ou d’un blanc très-légèrement teint de vert et par- semés de petites taches, de points cendrés et brun olivâtre, toujours plus répandus autour du gros bout. Leur longueur a 2 cent. 6-7 millim. et leur largeur À cent. 7-8 millim. Pendant les seize ou dix-sept jours que dure l’incubation, le mâle se tient fréquemment auprès de sa compagne : il nela quitte alors que pour aller à la recherche de leurs communs aliments. À l’éclosion, el pour nourrir leurs pe- tits, ils chassent l’un et l’autre sans relâche, tantôt ensemble, tantôt dans des directions opposées, mais jamais loin de leur nichée, et viennent tour à tour leur distribuer des chenilles et de petits insectes, puis des vers et des fruits doucereux. L’attache- RE 22 ORNITHOLOGIE ment qu’ils ont pour eux leur donne un grand cou- rage pour les défendre , quand ils les voient me- nacés de devenir la proie de quelque mammifère rongeur ou de quelque oiseau de rapine. Ils re- poussent également loin d’eux les Corbeaux, les Geais et les Pies qui viennent rôder dans leur voisi- nage. Dès qu’ils les aperçoivent, ils s’élancent dans l’espace au-dessus de leur ennemi, et le mettent en fuite en redescendant rapidement comme pour le frapper. [ls ne font qu'une seule couvée par an, et vivent avec leur petite famille jusqu’à la fin de l’été dans les prairies, dans les prés voisins des grands bois ou des arbres où ils se retirent le jour pour se reposer après leur chasse, et le soir pour y dormir. Le père et la mère, afin d'inspirer à chacun de leurs petits le goût pour la chair encore palpitante et leur former un naturel sanguinaire , attaquent souvent devant eux les Alouettes, les Fauvettes , les Bergeronnettes , les Fringillées , les tuent à coups de bec, les dépècent et leur en partagent les lambeaux. C’est habituellement dans la dernière quinzaine d'août que les familles se séparent. Dès lors, on ne remarque plus les jeunes en Savoie que solitaires ; mais les pères et mères continuent en général à vivre par paires jusqu'au renouvellement de l'amour. Plusieurs, même la plus grande partie des sujets que nous rencontrons dans notre pays, DE LA SAVOIE. ; 23 depuis le commencement de l’automne jusqu’à la fin de l’hiver, nous viennent des contrées septentrio- nales, où ils rentrent ensuite au printemps. Pendant leur séjour en Savoie, ils habitent, comme ceux qui y ont passé l'été, l’intérieur des champs plantés d'arbres, les bois, les lieux hérissés de broussailles, ainsi que les prairies et les marécages qui les en- tourent. Ils aiment à se percher sur les branches les plus hautes et les moins feuillées : de Ià ils épient leur proie et s’abattent sur elle lorsqu'ils la découvrent : aussi les voit-on fondre de temps en temps sur les terres en labour pour y saisir les curtilières, les campagnols et les grillons que le soc de la charrue vient de mettre à découvert, puis sur les champs ensemencés afin d'y enlever les souris , les musaraignes qu’ils voient y faire des provisions. Ils n’épargnent pas davantage les petits oiseaux, surtout les Pipis, les Aloueites, les Bruants, etc. qu'ils découvrent à leur portée. Ils partent alors de leur poste d'observation avec la rapidité d’un trait et tombent sur eux d’aplomb ou en décrivant une ligne horizontale, Ils les sai- sissent à terre, les étouffent en les pressant de leurs serres et les achèvent à coups de bec; ensuite ils les plument et les déchirent pour se repaître de leur chair. Quelquefois ils ne font que s’en emparer sur le sol et les transportent afin de les dépecer à l’en- droit même d'où ils les avaient guettés. Leur vora- b——— 24 - ORNITHOLOGIE cité ou plutôt leur goût très- prononcé pour les proies vivantes les entraîne jusque dans les filets des oiseleurs pour y enlever les appeaux ou les danseurs. Réussit-on à fermer les piéges sur eux, c’est toujours avec peine qu’on parvient à les en dé- gager, sion veut les conserver vivants : car ils se couchent à la renverse pour mieux se mettre en défense et présentent à qui se prépare à les prendre leurs serres etleur bec tout ouverts, avec lesquelslui feraient de graves blessures sil’on n’y prenaitgarde. La Pie-Grièche Grise n’épie pas toujours sa proie des arbres, ni des buissons, mais encore au vol, en restant comme suspendue en l’air et en agitant ses ailes aussi précipitamment que si elle continuait de voler. Alors elle cherche à la découvrir sur le sol ou parmi les moissons et les broussailles , comme on le reconnaît par sa tête qu’elle tourne de tous les côtés pendant qu’elle demeure ainsi fixée à la même place. Quand elle laperçoit, elle s’abaisse peu à peu, en remuant toujours ses ailes avec viva- cité et en les secondant dans leur impulsion par les divers mouvements qu’elle fait faire à sa queue constamment étalée, et finit par se précipiter sur elle quand elle lui paraît sûre. Elle se laisse assez diffici- lement approcher jusqu’à la portée du fusil. Il m'est fréquemment arrivé de la rencontrer le long des arbres qui bordent nos rivières et nos fossés marécageux. Je l’y ai vue, lassée de fuir à mesure DE LA SA VOTE. 25 que j’avançais vers elle, se cacher dans une touffe de petites branches où elle restait blottie pour y faire moins de volume pendant que je pas- sais. Si je m'arrêtais alors pour l’observer, je la voyais tout occupée à me regarder, à examiner mes gestes; puis sitôt que je lui inspirais quelques craintes en faisant, par exemple, le simulacre de : l’ajuster, elle partait brusquement. Ses cris sont bruyants et s'entendent de loin. Elle les pousse prin- cipalement du haut des arbres en les accompagnant, surtout dans la saison de l’accouplement , de plu- sieurs battements d’ailes et d’un balancement de queue de haut en bas très-marqué. Son vol est assez irrégulier, sans doute à cause de la brièveté des ailes : il suit tantôt une ligne directe, tantôt une ligne oblique, mais toujours avec des ondulations et des élancements successifs. Ses rectrices longues etétagées sont destinées à suppléer à la brièveté des pennes alaires , à favoriser en se dirigeant à droite et à gauche, selon les circonstances et le vent qui règne, l'oiseau dans ses impulsions aériennes. La Pie-Grièche Grise conserve jusque dans la captivité son naturel farouche et ses mouvements brusques et emportés. Il faut toujours éviter de la renfermer en volière avec des volatiles, car elle leur crève la tête à coups de bec pour se repaître ensuite de leur cervelle et de leur chair. Chaque fois qu'on veut l’agacer ou l’inquiéter, elle cherche à se 26 ORNITHOLOGIE défendre. Si on la met dans une vaste cage, elle exprime d’abord sa satisfaction par une espèce de babil très-simple et toujours très-monotone. Je crois qu’en la traitant convenablement, on pourrait par- venir à l’apprivoiser, et lui apprendre à prononcer quelques mots bizarres. Sa chair estcoriace, par con- séquent un manger très-médiocre. Celle des jeunes est un peu moins à dédaigner que celle des vieux. 56.—Pie-Grièche Rose /Lanius Roseus). Noms vulgaires : Gros Renégat, Renégat Gris. Grous Reineya. Griêche à Front Noir (Lans nor, MiellPle-Griêche à Voirie Rate (Lanius Minor), Temm. Averla Cenerina , Savi, Cette espèce a 21 cent. de taille. Elle est consé- quemment un peu plus petite que la précédente avec laquelle les chasseurs la confondent. Le mâle, à son relour au printemps, porte un large bandeau noir sur le front : ce caractère ser- vira toujours à faire distinguer de prime abord cette espèce de la Pie-Grièche Grise, qui est totalement privée de cette couleur sur les plumes du front. Ce bandeau se réunit à un autre, également noir, qui prend naissance à la racine du bec, passe sur l’œil et s'étend sur l'oreille. Il est d’un cendré bleuâtre sur l’occiput , la nuque et le dos. Sa poitrine et ses flancs sont d’une couleur rosée, plus claire chez les sujets de nos contrées que chez ceux des régions du midi de l’Europe. Les autres parties infé- rieures sont blanches, Un miroir de cette même cou- DE LA SAVOIE. 27 leur se faitremarquer sur les rémiges quisont noires, Les quatre pennes du milieu de la queue sont aussi noires ; mais les autres portent du blanc sur leur partie inférieure. Le bec et l'iris sont noirâtres ; les pieds bruns. | La femelle diffère du mâle par le rose chez elle plus terne ; par son noir tirant sur le brun; par la : bande du front et des oreilles qui est moins étendue, Dès la mue de la fin de l'été, qui s’opère en Savoie au commencement d'août, le rose devient moins pur et la bande frontale disparaît en tout ou en partie, suivant les individus ; maïs elle reste ordi- rairement marquée chez les mâles par un peu de brun foncé ou de noirâtre. Les jeunes de l’an n’ont pas de noir sur le front: ils n’acquièrent cette couleur que par la mue du printemps, ainsi que le rose de la poitrine et des flancs. Depuis leur sortie du nid jusqu’à la mue du mois d'août , ils sont d’un cendré pâle, bordé d’un grisâtre clair sur les parties supérieures. Ils ont une seule tache noirâtre qui part du bec et s’étend sur l'orifice de l'oreille. La poitrine est d’un blanc terne, même un peu roussâtre, de même que les flancs. Leur bec est couleur de corne plus foncée sur la mandibule supérieure, et leurs pieds approchent du bleuâtre. Après la première mue de l'automne la bordure grisâtre des parties supérieures s’efface et le cendré y devient plus foncé. Le roux clair de la 28 ORNITHOLOGIE poitrine et des flancs subsiste encore, mais il est moins répandu ; au premier printemps, ilse change enrose, en même tempsquela bande frontale paraît. La Pie-Grièche Rose n’est pas tout à fait rare en Savoie. Elle se trouve bien plus commune dans les contrées du midi de la France, en Italie et en Es- pagne. Elle nous arrive par paires dès le 20 ou le 25 avril de chaque année et se montre de suite à son retour dans les lieux où elle doit se reproduire et passer la belle saison. Pour cela elle choisit les lisières des bois frais et arrosés de la plaine et des monts qui l’avoisinent, les bords des routes plantés de grands arbres, les parcs, enfin les lieux couverts de taillis ou de buissons épineux, comme linté- rieur des champs cultivés et des marécages qui se trouvent parsemés d'arbres de haute futaie. Vers la mi-mai, elle se met à construire son nid qu’elle pose sur les arbres et rarement, chez nous, dans les buissons même les plus élevés. Ce n’est qu’en très- petite quantité qu’elle se propage dans les environs de Saint-Jean-de-Maurienne, de Bonneville, de la Roche et dans le bas Faucigny. On la remarque au contraire en plus grand nombre le long des peu- pliers qui bordent les prairies et les marais de Challes, de la Boise, de Bissy, de la Motte-Ser- volex, du Bourget, de Sainte-Hélène-du-Lac, des Mollettes; enfin le long des-arbres élevés de la plu- part des localités marécageuses des environs de DE LA SAVOIE. 29 Chambéry. Si elle a quelque rapport avec la Pie- Grièche Grise, parce qu’elle se plaît comme elle à donner la chasse aux Pies , aux Cresserelles et aux autres Rapaces qu’elle rencontre dans son canton et à proximité de sa progéniture, elle en diffère par- ticulièrementen ce qu’elle est moins méfiante, et plus sociable. Cette espèce se remarque effectivement même au temps de l’accouplement, époque à laquelle presque tous les oiseaux monogames de nos climats fuient la société de leurs semblables pour vivre seuls avec leurs compagnes, par bandes de cinq, six et même davantage qui se divertissent entre eux , s’a- gacent, se poursuivent, se becquètent réciproque- ment, mais sans se blesser,et se reposent après leurs jeux, tous ensemble sur la cime du même arbre. Le mâle et la femelle vont en même temps à la recherche des matériaux nécessaires à la confec- tion de leur nid. Comme ils les choisissent parmi les herbes, les plantes sèches et la mousse des prés ou des marais , il leur arrive souvent de se former un nid presque entièrement composé de plantes odorifé- rantes, surtout de menthes, que lient entre elles des toiles d'araignées, des racines fibreuses et même des tiges de plantes glutineuses. La ponte qui n’est jamais double en Savoie, à moins que la première ne soit ravie, se compose de cinq ou six œufs oblongs, ayant 2 cent. 5-6 mill. de longueur, sur 1 cent. 6-7 mill. de diam. Ils sont en outre d’un vert 30 ORNITHOLOGIE blanchâtre clair, avec de larges taches brunes ou d'un gris olivâtre , mêlées à d’autres cendrées ou un peu violâtres : ces taches forment quelque- fois, en se réunissant vers le centre ou sur le gros bout, une zone plus ou moins parfaite. Il ne paraît pas que le mâle participe à l’incubation, ou du moins, s’il couve quelquefois, ce ne doit être qu'à de courts intervalles et lorsque la femelle quitte ses œufs pour aller chercher sa vie ou se ré— créer un moment avec ses compaghes du même canton. Mais à l’éclosion, il travaille comme elle avec beaucoup de zèle pour nourrir leurs petits qu’ils élèvent avec un soin particulier et sur lesquels ils veillent avec sollicitude, Ils leur procurent pour premiers aliments des coléoptères et des orthoptères dont ils broient les substances dures avant de leur en faire le partage, des vers, des sangsues, des che- nilles rases, des müres, des cerises et d’autres fruits doux et à pulpe charnue. Si quelqu'un approche de leur nid, ils voltigent au-dessus delui en criant et le suivent encore à quelque distance du lieu de leur couvée, tant qu'ils le croient à portée de lui nuire. Les Pies-Grièches Roses vivent en familles jusqu’à leur départ de nos contrées, c’est-à-dire, pour les unes, jusque versle milieu d'août, et pourles autres, surtout pour les nichées retardées, jusqu’aux pre- miers jours de septembre. Les membres de chaque couvée, après l'éducation , chassentet vivent ensem- DE LA SAVOIE. 31 ble en très-bon accord dans nos prairies, dans nos marais et sur la lisière des bois qui les environnent. On voitmême quelques-unes de ces couvées se mêler à celles dela Pie-Grièche à Tête Rousse et de l’Écor- cheur, et chercheravec elles leur vie en parfaite har- monie. Leur nourriture la plus ordinaire se compose de scarabées, de jeunes taupes, de souris et de mu- saraignes mortes ou vivantes, de grillons, de sau- terelles, de chenilles, de vers, de fruits et rarement de très-petits oiseaux qu'elles prennent dans les nids ou qu’ellestrouvent abandonnés parmiles herbes.On les remarque souvent à terre, ou posées tantôt sur une pierre, tantôt sur une motte ou sur toute autre petite élévation ; c’est de là qu’elles attendent aussi les insectes sur lesquels elles se jettent à chaque in- stant et qu’elles poursuivent même en sautillant quand ils fuient. On les revoit encore volliger avec lenteur, ou rester en battant des ailes comme sus- pendues en l'air, au-dessus des herbes et des mois- sons pour chercher à y découvrir quelque proie, puis se laisser tomber tout à coup sur elle en l’a- percevant. Pour se percher sur les arbres, elles choisissent de préférence les branches sèches et lés plus élevées ; mais une fois juchées, elles restent longtemps à la même place. On ne les y voit de temps à autre que tourner la tête avec indolence et garder pendant plusieurs minutes de suite l'œil fixé sur le même objet. Cependant, si les chasseurs 32 ORNITHOLOGIE les approchent, elles s’empressent de fuir avant qu'ils soient à la portée du fusil. Elles se laissent au contraire approcher plus facilement quand elles sont à terre. Il y à encore des temps où l’on peut les tirer de près; d’abord à leur retour au prin- temps et pendant les matinées fraîches du mois d'août, lorsque, pour jouir des premiers rayons solaires , elles se fixent , par petites bandes, sur le bout des peupliers et des saules des champs ou des prairies. Leur vol est assez rapide , ordinai- rement droit, souple et élevé. Leurs cris sont par- fois aigres et chevrotants, quand elles sont im- portunées dans leur canton et lorsqu'elles voient leur progéniture en danger. C’est alors qu’elles semblent articuler les mots mirrr, mirrr, mairri. Mais sitôt qu'on les poursuit dans l'intention de les tirer et chaque fois qu'elles partent, elles prononcent les syllabes, kia, kia, kia, qu’elles terminent sou- vent par quelques notes aiguës de leurs cris ordi- naires. Leur chair, quoique d’une saveur médiocre, est préférable à celle de la Pie-Grièche Grise. 53.—Pie-Grièche à Tête mousse /Lanius Ruficapillus|. Noms vulgaires : Renégat, Renégat Roux et Blanc, Matagasse. La Pie-Grièche Rousse (Buff., Cuv.).— La Pie-Grièche Rousse (Lanius Rutilus), Vieill. -- Pie-Grièche Rousse (Lanius Rufus), Temm. Averla Capi- rOCCa , Savi. Cette espèce n’est pas encore la plus petite des Pies-Grièches de nos contrées : sa taille a 19-20 cent. ; et sa mue est double. Le vieux mâle porte sur les plumes du frbt un DE LA SAVOIE. 33 peu de blanc que suit une large bande noire, qui descend sur les yeux, puis sur les oreilles et les côtés du cou. Un roux vif couvre l’occiput, la nuque et le dessus du cou. Un noir plus ou moins profond, selon l’âge , règne sur le dos et les pennes alaires : à la base des rémiges, cette dernière couleur est coupée par un miroir blanc. Les scapulaires sont également blanches, ainsi que la bordure et l’ex- trémité des pennes moyennes ; les couvertures su- périeures de la queue blanchâtres ; les pennes cau- dales faiblement arrondies, noires et tachetées de blanc sur le bord interne et au bout de chaque rec- trice, sauf des deux intermédiaires, qui sont tota- lement noires. Les parties inférieures sont blanches, à l'exception des flancs qui se trouvent colorés de roux clair. Le bec, l'iris et les tarses sont noi- râtres. La vieille femelle à le noir de sa livrée rembruni; le roux de la tête et du cou moins vif que le mâle ; le blanc de la poitrine terne, traversé par des raies très-fines et brunes ; enfin les flancs plus rous- sâtres que ce dernier. En sortant du nid jusqu'à la première mue, qui a lieu sur la fin d'août , les jeunes sont reconnaissa- bles par le roux terne qu’ils portent sur les parties supérieures, sauf sur la tête, qui est seulement mé- langée de blanc et de grisâtre, et sur le croupion où le roux est cendré et marqué de brun; par le blanc T, II. 3 .34 ORNITHOLOGIE sale, avec des croissants grisâtres que l’on remarque sur leurs parties inférieures. Après leur première mue, le dessus de la tête, du cou et les scapulaires sont variés de blanc, de roux, de brun ou de noirâtre. Le dos est brunâtre ; le croupion d’un blanc grisâtre, rayé transversale- ment de noirâtre. Chez le mâle, le miroir de l'aile est d’un blanchâtre ombré de roussâtre. Les rec- trices sont brunâtres et terminées de blanc ou de roussâtre. Les parties inférieures sont presque semblables à celles des jeunes de la livrée précé- dente. Les mâles de l’an prennent au premier printemps le noir et le roux sur la tête, sur le dessus du cou, et portent encore habituellement une légère bor- dure de roux obscur sur les plumes noires du dos. Le blanc du dessous du corps est presque totale- ment lavé de roux clair, quelquefois, suivant les sujels, marqué en travers sur la poitrine de raies grisâtres presque imperceptibles. Ces raies, les bordures rousses du dos, les traits transversaux et bruns que l’on observe aussi sur le roux de la tête de quelques mâles et des femelles en général, s’effa- cent à la mue suivante, c'est-à-dire à celle du mois d'août. La Pie-Grièche à Tête Rousse est répandue, non-seulement dans tous les pays de l’Europe, mais encore dans une grande partie du nord de l’Afrique. DE LA SAVOIE. 39 Elle est, tous les ans, commune en Suisse et en Savoie, où elle ne vient que pour y séjourner, comme l'espèce précédente et la suivante, durant les quatre plus beaux mois de l’année. On la remarque par paires vers le 20 ou le 95 avril, sur la lisière des bois de nos collines et dans les lieux garnis de taillis, dans les bois de châtaigniers, de novyers, le” long des peupliers et des saules qui bordent les routes et les prairies, à l'intérieur des champs plantés d'arbres, enfin dans les parcs et les ver- gers. C’est aussi dans ces diverses localités qu’elle se reproduit et continue à vivre tout le temps qu’elle reste dans nos climats. Mais si, pour nicher, elle recherche avec moins de prédilection que la Pie- Grièche Rose les grands arbres du bord ou de l’intérieur des marais, elle n’en conserve pas moins l'habitude de se rendre en famille dès la fin de juillet, dans les marécages, où elle lie quel- quefois société avec elle jusqu'à son départ. Dans chaque couple, le mâle et la femelle s’oc- cupent à construire leur nid. Le mâle transporte de préférence seul les matériaux; et la femelle, qui reste dans le nid , les emploie à leur destination, à mesure qu’ils lui sont remis. Elle cède aussi sa place au mâle pour aller à son tour les chercher : alors elle les apporte à ce dernier qui les attend et les met en ordre en les recevant. Ils attachent avec des toiles d'araignées ou des herbes filamenteuses, 36 ORNITHOLOGIE au milieu des touffes de feuillages, entre les bifur- cations de branches d’arbres ou de taillis, leur tra- vail qui est fait en dehors avec des racines, des lichens, des mousses, de petites branches liées entre elles avec d’autres filaments. L'intérieur estcomposé de crin et de brins d'herbes très-fines, mêlées à quel- ques morceaux de laine. Vers le 15 mai, la femelle vient y déposer quatre ou cinq œufs d’un vert blan- châtre, très-rarement d’un blanc tirant sur l’olive ou sur le roussâtre, et parsemés de grandes et de petites taches cendrées, verdâtres et grisâtres, tou- jours plus répandues sur le gros bout ou vers le centre, où elles forment souvent une espèce de zone. Leur longueur est de 2 centim. 1-3 mill., sur A centim. 5-6 mill. de largeur. En couvant, la fe- melle reçoit de temps en temps du mâleet pour ses aliments, tantôt deslombrics, tantôt un petit reptile, tantôt une becquée de petits insectes. Elle couve avec tant de zèle, qu’elle se laisse parfois prendre à la main sur les œufs". Deux jours après l’éclosion, on voit le mâle et la femelle qui apportent tour à tour à leurs petits des vers, de petits limaçons, des chenilles rases et velues. Le premier arrivé les réchauffe dans ses plumes jusqu’au retour de l’autre, qui en fait autant de son côté, après leur avoir 4 J'en ai vu prendre ainsi deux. L’on m’en a apporté deux autres et un mâle qui s’étaient également laissé prendre en couvant. DE LA SAVOIE. 37 donné la becquée. Mais leurs allées et leurs venues continuelles, ainsi que leur manque de défiance pendant cette époque, sont souvent cause que leur progéniture devient la proie des dénicheurs, sur- tout des bergers : ceux-ci ont en effet l'habitude de marquer, pendant la saison des couvées, tous les arbres , tous les buissons où ils voient s'arrêter des oiseaux, pour venir ensuite les visiter en tout sens, afin de s'assurer s’ils ne renferment point de petites familles à enlever. Après l'éducation, le mâle et la femelle fontencore bande avec leur famille jusqu’à leur migration, qui commence vers le 25 août, pour les cou- vées les plus avancées , et du 1° au 15 septem- bre pour les autres. Avant cette période, on voit les familles, qui ne se sont pas encore désu- nies, suivre d’un vol court les haies, les arbres qui servent de bordure aux chemins, aux riviè- res et aux prairies, se percher de temps à autre sur le sommet des branches sèches ou les plus isolées, d’où elles font entendre quelques cris rauques et brefs; elles se répandent ensuite, pour quêter leur subsistance , dans les champs culti- vés, dans les marécages, le long des broussailles qui entourent les fossés , et y font la guerre aux orthoptères, aux coléoptères, aux chenilles, aux larves, aux grenouilles, aux très-petits lézards, aux souris et très-rarement aux volatiles, même 38 ORNITHOLOGIE aux plus faibles. Quand ces aliments leur manquent, elles recourent aux fruits , notamment à ceux du cerisier, du merisier, du müûrier, du prunier et du figuier. HO | La Pie-Grièche à Tête Rousse est comme ses con- génères d’une humeur querelleuse. On lobserve souvent , quand elle est en troupe ou par famille , se poursuivre , se frapper du bec , se faire crier et même se disputer une proie ou un point élevé pour se reposer. Au contraire de la Pie-Grièche Grise quise laisse seulement prendre aux filets, lorsqu'elle s'y jette pour s'emparer des danseurs qu'elle voit se débattre , elle s’y empêtre aussi bien à la vue de ces derniers qu’en y suivant quelques volati- les avec lesquels elle cherche alors à faire société, quand elle a perdu celle de ses semblables. Elle se plaît bien moins qu'elle à l’état de captivité et y périt souvent à l’époque des premiers frimas , lorsque ses congénères ont déjà fui de nos contrées. En liberté, et pendant la saison des nichées, elle a une espèce de bahbil assez singulier ; il se compose habituellement de cris, de quelques parties du ra- mage de divers petits oiseaux qui vivent dans les mêmes lieux qu’elle , même des cris de ralliement de la Perdrix Grise et de la Perdrix Rouge qu’elle s’applique aussi à contrefaire. Elle va jusqu’à imiter -en partie le bêlement de la chèvre, de la brebis et la voix de quelques autres animaux qu'elle entend ORNITHOLOCGIE DE LA SAVOIE Passereaux. Laniadées TI 22 L. ER Lith.P Perrin Libr Mdit à Chambery. J Werner Lith. 1 Pie-Grieche à Tête Rousse 272% av PT es; 22272 p.392: 9 us de le Spece, oT.rtl. 3 Pie-Griéche Eco Foi eur. Ze au pri eInps; % gr ral. p.59 q » 72 de femelle ad Île; D 01° z2a£.; 3-6 Al de l'es “pere; DL 1tAl. DE LA SAVOIE. 39 autour d’elle. Sa chair, surtout celle des jeunes, est préférable à celle des deux premières es- pèces. 58.—Pie-Grièche Écorcheur /Lanius Collurio); ViexLor. Noms vulgaires : Renégat, Reneya, Matagasse. L'Écorcheur (Buff., Cuv.). — La Pie-Grièche Écorcheur (Lanius Collurio), Temm. Averla Piccola, Savi. Cette espèce de Pie-Grièche est la plus petite de celles de l’Europe. Sa taille est de 17 à 18 cent. Les mâles de l'an, à leur retour au printemps en Europe, ressemblent aux vieux. IIS ont un trait noir très-étroit sur le front, qui se réunit à une” bande de même couleur, qui prend naïssance à la base du bec, entoure l’œil et descend jusqu’à l'oreille, Le dessus de la tête, le croupion, sont d’un cendré bleuâtre , toujours plus pur chez les vieux que chez les adultes; ceux-ci y portent habituelle- ment au premier printemps une légère nuance de roux. Le manteau, les couvertures alaires sont d’un roux marron. Les rémiges noires, bordées du même roux ; les pennes caudales, de la première couleur et blanches jusqu'aux deux tiers de leur longueur, sauf les quatre intermédiaires qui sont entièrement noires. Un blanc plus ou moins pur, selon l’âge, règne sur la gorge et l’abdomen. La poitrine, le ventre et les flancs sont colorés d’un blanc rosé très- 40 ORNITHOLOGIE légèrement lavé de roux. Le bec est noir; l’iris brunâtre ; les tarses sont noirâtres. La femelle est très-diflérente du mdle. Elle est d’un roux terne sur le dessus du corps, un peu cen- drée sur la nuque et le croupion. Les parties infé- rieures sont d'un blanc plus ou moins pur, finement rayé de brun sur la poitrine, sur les côtés du cou et les flancs. Buffon a décrit cette femelle comme étant la femelle de la Pre-Grièche à Tête Rousse (pl. enl. 31, fig. 1). Brisson et d’autres auteurs ont commis la même erreur. Les jeunes de l’année ressemblent beaucoup aux femelles. Ils sont d’un brun roussâtre, rayé de brun sur les parties supérieures , blanchâtres sur le dessous du corps , avec des arcs anguleux noirâtres sur les côtés du cou , la poitrine et les flancs. Les pennes caudales sont roussâtres , terminées d’un blanc roux; les deux intermédiaires entière- ment roussâtres, et la plus extérieure est bordée de blanc. Les jeunes, au sortir du nid jusqu’à la mue d’au- tomne, sont encore plus tachetés sur le dessus et le le dessous du Corps que les précédents , ce qui les fait paraître presque tout grisâtres. C’est vers le milieu d’avril que cette Pie-Grièche commence à paraître en Savoie. On l’y trouve par- tout plus commune encore que la précédente ; dans les pays de plaine comme dans ceux de montagne, DE LA SAVOIE. 4l et toujours de-préférence aux abords des bois, le long des haies, dans les endroits les plus couverts de buissons épineux et en même temps voisins des champs ou des marais. Quoiqu’elle nous arrive habituellement par paires, il n’est pourtant pas rare de la voir sur la fin d’avrilet au commencement de mai, réunie par bandes de cinq à huit sujets, dont les mâles se livrent alors de petits combats pour se disputer la propriété d’une ou de deux femelles qui se trouvent parmi eux. Ge sont sans doute les jeunes non encore appariés, qui sont les principaux moteurs de ces luttes, qui ne deviennent du reste jamais funestes aux combattants. J’ai en effet sur- pris ces bandes dans nos bois; j’ai même abattu les mâles qui me paraissaient les plus acharnés au combat, et je ne suis alors parvenu qu'à me pro- curer des jeunes de l’année précédente. Cette espèce niche dans les buissons épais et les plus épineux, sur les arbustes touflus, quelquefois dans les bois de haute futaie. Elle fait son nid en dehors avec les mêmes matériaux que la Pie- Grièche à T'éte Rousse et emploie à l’intérieur beau- coup de matières duveteuses. Le mâle et la femelle le construisent également ensemble et y couvent tour à tour. La ponte est de cinq, six ou sept œufs, sujets à plusieurs variétés de forme et de couleur. [ls ont en longueur 2 cent. 1-3 mill., et en largeur, 1 cent. 5-6 mill. Ils 49 ORNITHOLOGIE sont tantôt arrondis, tantôt oblongs,: tantôt pointus au petit bout et d’un blanc rose avec des taches rougeâtres ou jaunâtres, mêlées à quelques autres d’une nuance cendrée, ou d’un blanc roux, mar- queté de brun rougeâtre et de roussâtre, ou d’un blanc verdâtre ou bien simplement d’un blanchâtre avec des taches cendrées, brunâtres et olivâtres. Ces taches sont ordinairement plus répandues autour du centre ou vers le gros bout où elles imitent quelque- fois par léur disposition une espèce de couronne. L'Écorcheur vit en famille jusque dans ses mi- grations, Comme il fait habituellement deux ni- chées par an, on observe que durant la construc- tion du second nid et la ponte qui s’ensuit , le mâle prend encore soin des petits tant que sa compagne ne réclame pas son concours pour la nouvelle 1neu- bation. Mais sitôt qu’elle se remet à couver, cette première famille se sépare pour vivre isolément ou avec d’autres sujets de leur espèce. Quant à la se- conde, elle reste unie avéc ses auteurs, même pen dant le voyage vers les pays chauds. Ces dernières couvées, quand elles sont privées de leurs chefs, ne se montrent pas plus craintives que les premières ; si l’on en rencontre une ainsi abandonnée, on peut sans peine fusiller tous les individus qui la compo- sent l’un après l’autre dans le même canton. Mais autant les petits sont peu défiants lorsqu'ils sont délaissés, autant les vieux ou leurs pères et mères n pm meta go m —… DE LA SAVOIE. 43 sonts rusés :-ils perchent à la cime des arbres ou des arbustes et fuient de loin les chasseurs qui lés approchent. Quand ils sont avec leur fa- mille , ils donnent l’alarme chaque fois qu'ils la voient menacée, et l’emmènent avec eux dans un autre séjour. ri Après l'éducation, les Écorcheurs se tiennent principalement dans les plaines et y chassent par petites troupes, quelquefois én compagnie de la Pie-Grièche à Téte Rousse et en bonne intelligence. ls se plaisent alors le long des champs de maïs, parmi les buissons, sur les arbustes où ils se posent de préférence sur les branches sèches et les plus isolées pour mieux guetter leur proie. Alors ils se rabattent sur les petits reptiles, sur les grillons, les sauterelles, les mouches, les hannetons et sur d’au- tres insectes ailés qu’ils poursuivent et attrapent aussi au vol. Ils sont voraces, ou plutôt cruels; c’est sans doute à la manie de détruire souvent sans nécéssité les êtres qui forment la base de leur nourriture qu’ils doivent leur dénomination. L'on remarque qu'après avoir bien chassé et s’être bien repus, ils chassent par instinct de prévoyance, et qu'alors loin de manger leur proie ils la percent aux épines des buissons. Ils ont en effet plus que leurs congénères l'habitude de fixer ainsi les gril- lons, les sauterelles , les petits réptiles aux buis- sons épineux des lieux qu'ils hantent, Ils les y 44 ORNITHOLOGIE fixent souvent tout vivants; quelquefois ils en dévorent la moitié et laissent l’autre à l’épine pour venir s’en repaître quelques moments après. Ils sont d’un naturel assez paresseux. On les remarque effectivement pendant de grands quarts d’heure tou- jours juchés sur la même branche : on les y voit seulement tourner de temps en temps la tête avec lenteur de droite à gauche et fixer pendant plusieurs minutes le même objet. Si on les approche alors de trop près, ils ne donnent guère le temps d’aller à eux jusqu'à la portée du fusil, ils partent et rasent la terre jusqu’à ce qu'ils rencontrent une plante, un buisson élevé, à la cime desquels ils se reposent encore. Leur voix est désagréable : elle ne produit du reste que des sons aigres et plaintifs. Pourtant dans la saison de l’amour et durant l’incubation, on entend souvent les mâles quise plaisent, cachés dans l'épaisseur du feuillage, à contrefaire les cris de plu- sieurs petits oiseaux, même le ramage des Fauvettes, le bêlement du chevreau, de la brebis. Quelques naturalistes ont imaginé que ce talent leur a été donné par la nature pour tromper les oiseaux, afin de les attirer près d’eux et d’en faire par là même plus facilement leur proie. Si cette idée peut avoir quelque apparence de vérité par rapport aux petits oiseaux, elle est bien loin d’en avoir relativement aux animaux dont ils cherchent aussi à imiter la voix, Comment en effet supposer de pareils appétits | DE LA SAVOIE. 45 dans des oiseaux d’aussi petite dimension ? L'on n’est pas plus fondé à les supposer encore dans la Pie- Grièche à Téte Rousse, ni même dans le Geai Glan- divore, qui possède aussi ce talent imitateur. En admettant en réalité qu’ils n’ont ce pouvoir qu’à l’époque de l’accouplement et pendant l'incubation, il s'ensuit qu'ils sont à mème de tromper seulement au printemps les oiseaux ou les animaux: ilsne man- geraient donc de la chair qu’à cette saison? De semblables raisonnements ne sont pas supposables. | Ünzième Famille, MUSCICAPIDÉES (Muscicapidæ). Signes caractéristiques : Bec court, garni à sa base de quelques poils roides, plus ou moins large, un peu crochu vers la pointe. Narines couvertes en partie et à claire-voie par des poils diri- gés en avant. Tarses courts. Yeux grands. Les Muscicapidées sont des oiseaux d’un naturel solitaire et parfois querelleur. Ils ont généralement dans leurs habitudes un air de stupidité et de tris- tesse très-remarquable. Leurs cris sont aigus et s’entendent de loin. Ils conservent dans presque tous leurs mouvements, même en criant, une espèce de balancement de queue accompagné d’un batte- ment d’ailes brusque. Ils nichent sur les arbres, comme dans les buissons élevés ou les cavités d’ar- bres et de murs. Ilsne font en général, à part quel- ques exceptions, qu’une ponte par an en Savoie. 46 ORNITHOLOGIE Gette famille renferme un seul genre. XXe Genre : GOBE-MOUCHE (Zuscicapa). Signes caractéristiques : Bec court, déprimé horizontalement, dur à 4 Poule à le bat D Re ere ce PE MR TU ad He dote ré très-arqué. Les Gobe-Mouches vivent, comme l'indique leur nom, de mouches, de cousins et d’autres insectes ailés qu’ils épient sans relâche, poursuivent et attra- pent au vol avec une vivacité remarquable. Pour les guetter durant les beaux jours, ils se perchent habituellement à la sommité des arbres et destaillis, où ils recherchent les branches les plus hautes et les moins touflues. Dans les temps de pluie, au con- traire, ils s'arrêtent aux branches les plus basses, par la raison que les insectes se tiennent alors de préférence vers le sol. Ils sont généralement peu farouches. On les remarque pendant leur séjour au pays et durant leurs voyages jusque dans les jardins les plus voisins des habitations. Quand ils ne trouvent pas l’occasion de chasser au vol, ils se mettent à sautiller de branche en branche, et sai- sissent alors sur les feuilles, sur l'écorce ou le bois, les insectes, les chenilles et les petites chrysalides. [Is ne descendent que rarement à terre ; ils n’y arri- vent d’ailleurs que pour se saisir d’une proie qu’ils vont même souvent, après l’avoir capturée, dévorer DE LA SAVOIE. 47 sur l'arbre d’où ils l'ont aperçue. Leur mue est simple, bien que les mâles de quelques espèces changent périodiquement de livrée. En automne, ils prennent celles des femelles ou des jeunes, et se parent, au printemps, par l’eflet de la mue ruptile, de couleurs plus foncées et plus vives, Nous avons en Savoie trois espèces de Gobe- Mouches. Une espèce de plus se trouve en Europe, notamment en Allemagne, dans les environs de Vienne et en Hongrie : c’est le (robe-Mouche Rou- gedtre ( Muscicapa Parva, Bechst). Cet oiseau a quelque ressemblance avec le Rouge-Gorge ; il porte bien comme lui, dans un âge avancé, du rouge vif sur la gorge, sur le devant du cou et la poitrine, mais il en diffère constamment par sa taille qui est plus petite d'environ 4 centimètres, ainsi que par le blanc pur de l’origine et du centre de ses pennes caudales. Je décris ici les signes distinctifs de ces deux volatiles , afin de prévenir toute erreur que pourrait occasionner leur ressemblance, si par la suite ce Gobe-Mouche venait à se montrer soit en Suisse, soit en Savoie. M. Edmond Fairmaire, de Paris, a enrichi, en 1850, ma collection de trois sujets de celte espèce, tous trois de difiérents âges. 48 ORNITHOLOGIE &59.-Gobe-Mouche Grisâtre /Muscicapa Grisola). Noms vulgaires : Pique-Mouche, Croque-Mouche, Thiit. Piqua-Moucet, Piqua-Ravaz. Le Gobe-Mouche proprement dit (Buff.).—Le Gobe-Mouche Gris {(Mus- cicapa Grisola), Temm. Bocca Lepre , Savi. La taille de cette espèce est de 15 centimètres. Le mâle et la femelle se ressemblent à tout âge. Ils sont d’un brun cendré sur les parties supé- rieures, d’un blanc approchant du gris roussâtre sur les flancs, et mouchetés de brun cendré sur les côtés du cou, sur la poitrine et les flancs. Les rémiges et les rectrices sont noirâtres. La bordure externe des pennes alaires est blanche. La partie antérieure du dessus de la tête se trouve rayée longitudinale- ment de blanc et de noirâtre. Le bec et les pieds sont noirs. L'iris est brunâtre. Les jeunes de l’année sont reconnaissables par le dessous de l’aile qui est, chez eux, blanc ou blan- châtre au lieu d’être d’un gris roussâtre , comme chez les adultes et les vieux. Ils ont en outre les pennes des ailes bordées d’un blanc roussâtre. Ce Gobe- Mouche varie accidentellement d’un blanc pur, ou d’un blanc roussâätre plus ou moins clair, sur lequel les couleurs ordinaires sombres sont marquées par des nuances plus tranchées. Je possède dans ma collection un sujet de cette der- nière livrée, que j'ai tué, en octobre 18/46, à la Boise, près de Chambéry. Le Gobe-Mouche Grisâtre arrive en Savoie des contrées du sud où il sejourne pendant l'hiver sur DE LA SAVOTE. 49 la fin d'avril, et seulement au commencement de mal quand le printemps se trouve retardé, comme on l’a remarqué en 1847 et en 1853. On le trouve pendant l'été assez communément répandu dans la plupart des bois frais et très-ombragés de la plaine, des collines et même des montagnes. Dans ce der- nier séjour, il s'établit de préférence dans les forêts de sapins les plus arrosées et autour desquelles pâture habituellement le bétail, qui y attire alors une infinité de mouches et de moucherons que cet oiseau aime à l’excès. On le rencontre également dans les vergers et les jardins ; sur les arbres qui bordent les promenades publiques ou qui avoi- sinent des fermes et des maisons de campagne. C’est là qu’il peut aussi se procurer toujours avec abon- dance les insectes ailés dont il se nourrit exclusi- vement. Partout il est facile de le reconnaître aux cris forts et aigus (thi, thit) qu’il laisse de temps en temps échapper, et au battement fréquent de ses ailes qu'accompagne toujours un balancement des pennes caudales. Il niche, suivant les lieux où il se trouve, tantôt sur les arbres, tantôt dans les buissons ou sur les arbustes, tantôt enfin dans une fente ou une cavité de branche cariée. Bien plus, s’il a fixé sa demeure auprès d’une ferme où il trouve la tranquillité et l’a- bondance des mouches, il va jusqu’à s’y reproduire à la manière des moineauæ, sous le toit ou dans un T. Il. # 50 ORNITHOLOGIE creux de mur. Pour construire son nid, ce qu’il fait par habitude sans goût, il emploie pour l’extérieur la mousse sèche, les lichens, les racines fibreuses et la paille qu’il lie quelquefois avec des toiles d’arai- gnées ou d’autres filaments. Il réserve ensuite pour l’intérieur les plumes, le crin, les poils, la laine et le duvet des arbres ou des fleurs qu’il trouve dans son canton. La femelle y pond vers le milieu de mai, ou seulement au commencement de juin, quatre ou cinq œufs de 4 cent. 7-9 mill. de longueur, sur 4 cent. 3-h mill, de diamètre. Leur couleur est d’un blanc sale, ou d’un blanc bleuâtre couvert de points et de taches rousses ou rougeâtres, très- rapprochées autour du gros bout. Le mâle couve un peu le matin et le soir, quand la femelle quitte le nid pour aller à la recherche de sa nourriture. Après l'éducation, les petits vivent encore avec leurs parents et ne s’éloignent guère des lieux qui les ont vus naître et élever que pour émigrer. Si leurs père et mère eéntreprennent une nouvelle couvée, ce qui est toujours rare dans notre pays, sauf cependant chez les couples dont la première nichée a été très-avancée, ils laissent leurs petits aussitôt qu’ils se mettent en devoir d’y travailler; dans le cas contraire, ils restent généralement tantôt avec leur famille, tantôt séparés d'elle, mais dans le même arrondissement, jusqu’à leur migration qui commence en septembre et finit toujours avant DE LA SAVOIE. 51 le 10 octobre. Cette nouvelle ponte, qui se composé de trois ou quatre œufs, n’a guère lieu avant la mi- juillet. | | Après que les couvées sont terminées, les Gobe- Mouches Grisâtres continuent de vivredans les bois, les parcs et les vergers, le long des haies et des arbres qui bordent les rivières, les ruisseaux ou les champs. Si le temps est au beau, on les voit sur la cime des arbres et presque toujours à l'extrémité des branches, d’où ils s’élancent à chaque instant pour poursuivre et Saisir au vol les mouches qui passent à leur portée. Ils reviennent ensuite très souvent manger leur proiesur la branche même d’où ils sont partis : en se reposant, ils ont l’habitudede jeter un cri, de battre des ailes brusquement, en im- primant à la fois une secousse vive à leur queue. Ils exécutent encore ces mouvements presque toutes les fois qu'ils crient, qu’ils s’entr’appellent et se préparent à passer d'un arbre à l’autre, ou bien à s’élancer à la poursuite d’une proie. Dans les temps de pluie ou de brouillard, on les observe principa- lement sur les branches les plus basses dés arbres: de là ils descendent de temps à autre sur le sol pour s'emparer d’un insecte ailé qu'ils emportent, pareil- lement pour le dévorer, sur l'arbre ou le taillis qu’ils occupaient avant. Ils reviennent encore les jours de disette à terre pour y chercher non-seulement les insectes mais aussi les vers, les fourmis et leurs 92 ORNITHOLOGIE larves : c’est alors qu'ils vont jusqu’à s’accrocher par les pieds contre de vieux murs, afin d’y faire la guerre aux araignées et aux mouches qui s’y re- tirent dans les fentes. Ils ont dans plusieurs de leurs mouvements un air de tristesse et de stupidité qui les fait bien vite distinguer des autres volatiles qui vivent dans les mêmes lieux. On les approche tou- jours de près sans difficulté : ils sont en effet si peu craintifs, qu'ils viennent souvent enlever jusque devant les chasseurs ou leurs chiens les mouches qui les incommodent pendant leur repos dans les bois. Ils ne vivent que très-difficilement en capti- vité : on ne peut du reste leur procurer qu'avec beaucoup d'embarras le genre de nourriture qui leur convient. Leur chair est d’un goût médiocre et sujette à se corrompre d’une heure à l’autre pen- dant les chaleurs , sans doute à cause du choix de leurs aliments. 60.—-Gobe-Mouche à Collier /Muscicapa Albicollis), TEMMINCK. Le Gobe-Mouche à Collier de Lorraine (Buff.).—Le Gobe-Mouche à Colliér (Muscicapa Streptophora), Vieill. Balia, Savi. Ce Gobe-Mouche que le vulgaire en Savoie prend tantôt pour une mésange, tantôt pour une fauvette, est très-facile à confondre dans le jeune âge ainsi qu’en livrée d'automne, avec l’espèce sui- vante. Voici la description des vieux mâles en plu- mage de noces, à leur retour dans notre pays, au mois d'avril: c’est la seule livrée qui les fasse du ORNITHOLOGIE DE LA SAVOIE. Passereaux. Muscic api dees. | TL 2Z | Lith J Perrin Libr Ldit Chambéry J.Werner del. 1 Gobe-Mouche Grisätre, adulle, 5.07 Tale P. 46. 9 Gobe-Mouche a Collier, reurmafe au priitenps;/s 07.14; P. 59. Y î , A , 3 Gobe-Mouche Becfi gue, Vieux 1714 Le au PTIT LEPS, 75,07: zal:P.58. _ h » » Lemelle au printemps, /5or.nat; / £ DE LA SAVOIE. 33 premier coup d’æil distinguer des mâles de l’autre espèce. Ils l’acquièrent à l'approche du printemps par l'effet de la mue ruptile; elle se trouve parfaite chez les sujets qui atteignent leur seconde année. Taille : 14 cent. Haut de la tête, joues, dos, toutes les pennes de la queue, les petites couvertures alai- res, d’un beau noir ; cette même couleur est'variée de blanc sur le croupion. Front; un large demi- collier autour de la partie supérieure du cou; un miroir à l’origine des rémiges ; moyennes et gran- des couvertures alaires; parties inférieures du corps d’un blanc pur. Le reste des pennes des ailes est noir, ainsi que les barbes intérieures de leurs gran- des tectrices. Iris, bec et tarses également noirs. À la même époque, lies mâles d'un an portent sur le noir qu’ils viennent d'acquérir aux parties supérieures quelques plumes en partie ou totale- ment grises, qu'ils conservent de leur plumage d’hi- ver ; chez plusieurs, ces taches disparaissent avant le milieu de l’été et laissent alors pur le noir de ces parties, qui redevient gris un mois après. Le collier de la nuque est indiqué par un espace de gris cen- dré, et la tache blanche du front est moins étendue que chez les vieux. Ils ont le miroir de l’aile faible- ment marqué, le blanc des couvertures alaires moins large. Les deux pennes les plus latérales de la queue sont bordées de blanc: un ou deux mois après leur retour, quelques sujets perdent par l’u- bn 54 ORNITHOLOGIE sure du bord externe des pennes ce liséré blanc sur l’une des deux rectrices, ordinairement sur la moins extérieure; puis il n’en reste plus trace au second printemps. Les autres pennes caudales sont noires, et les parties inférieures d’un blanc moins pur que chez les vieux. La: vieille femelle en plumage de noces est re- connaissable par le cendré blanchâtre du front; par le gris cendré un peu teinté de brun olivâtre des parties supérieures; par son collier qui se trouve légèrement indiqué par un espace de cendré plus clair que celui du dessus du corps ; enfin par la bor- dure blanche qu’elle porte sur les deux pennes la- térales de la queue. Le reste de son plumage est assez semblable à celui des mâles d’un an, au prin- temps. 5a taille est la même que chez les vieux môûles, Après la mue d'août et en automne les adultes et les vieux mâles ressemblent tellement aux femelles, qu’il est réellement difficile de les distinguer en- tre eux extérieurement, Les jeunes alors en diffèrent peu. Ils n’ont pas du cendré blanchâtre sur le front, ni marque de collier sur le dessus du cou : c’est au premier prin- temps que ces signes commencent à se montrer. Les jeunes des deux sexes sont encore différents des vieux en automne et en hiver par les taches blanches de leurs ailes qui sont lavées de roussâtre ; DE LA SAVOIE. 55 par le blanc des parties inférieures qui est sale et nuancé de cendré sur les flancs, sur la poitrine et les côtés du cou. Ils ressemblent dans cette livrée, jusqu’à s’y méprendre, aux jeunes de l'espèce suivante. Îl paraît qu’on peut les en distinguer en remarquant léur bec qui est plus large à la base et à arête plus vive que dans cette dernière, Jé signale ici ces deux caractères que j’observe sur trois sujets de divers âges, de ma collection, mais sans les garantir pour constants, car je les retrouve moins marqués chez un quatrième qui est adulte, Le Gobe-Mouche à Collier est bien moins com. mun en Sayoie que le Gobe-Mouche Becfique, même à lépoque de ses deux passages, qui ont lieu chaque année, l’un au printemps, dès le 8 ou le 45 avril, l’autre sur la fin d’août et au commence- ment de septembre : c’est à ce dernier qu’il est habituellement le plus abondant , surtout si la saison est accompagnée de quelques pluies chau- des. Il resté alors pendant un peu plus de temps qu’à l'ordinaire dans nos climats , sans doute à cause de la quantité d'insectes que ces sortes de pluies entretiennent ou font éclore, et dont il a be- soin pour vivre. Il nous arrive au printemps plutôt par paires que seul ou un à un comme sur la fin de l’été. Quelques couples se reproduisent au nord de notre territoire, notamment dans quelques parties arrosées des forêts épaisses du Chamonix, de la 56 ORNITHOLOGIE Maurienne, de la Tarentaise et des environs d’Al- bert-Ville. Le mâle et la femelle se mettent d’un commun accord à travailler à la confection de leur nid vers le milieu de mai. Ils le font avec de la mousse, des lichens, des brins d'herbes et de paille, avec des _ racines très-déliées qu’ils recouvrent à l’intérieur de poils, d'herbes fines, de plumes et de duvet. Ce nid dont la. forme est toujours très-négligée se trouve posé dans un arbre perforé, dans une cavité abandonnée de Pic ou de Mésange et dont le couple est souvent obligé de disputer la propriété à d’au- tres oiseaux, surtout aux Sitelles et aux Torcous. La femelle, qui ne fait qu’une seule ponte, y dépose quatre ou cinq œufs, et rarement six ; ils sont parfois presque ronds, mais ordinairement terminés en pointe, et d’un bleuâtre uniforme, ou tantôt lavé de vert, tantôt de brun verdâtre clair. Leur lon- gueur est de 1 cent. 6 ou 7 millim., et leur largeur de 1 cent. 2-4 millim. Pour alimenter leur progé- niture, le père et la mère quêtent sans relâche les petits insectes ailés et lui apportent l’un après l’au- tre la becquée. Ils ne s’éloignent jamais beaucoup du lieu qui la possède : aussi sont-ils toujours prêts, l’un ou l’autre, à fondre sur les volatiles qui viennent rôder auprès d’elle. Après sa sortie du nid, ils la soignent encore; ils la dressent à la chasse des mouches et nel’abandonnent pas avant DE LA SAVOIE. 37 qu’elle soit parfaitement en état de vivre sans leur concours. Dès lors chaque petit vit isolé par les bois; mais les paires ne se dissolvent pas chez nous : il paraît qu’elles émigrent généralement ensemble. Le Gobe-Mouche à Collier ne se tient pas aussi fréquemment que le Gobe-Mouche Grisâtre à la cime des arbres, même durant les beaux jours. Il préfère, pour vivre, visiter tantôtle centre ou le pied des arbres et des arbustes, tantôt les broussailles, les saussaies sur les bords des fossés et des rivières, où les insectes se retirent en grand nombre pendant la chaleur du jour. Dans les temps pluvieux, ilne se tient que sur les branches basses pour être plus à même de s’élancer sur les insectes qu’il voit pas- ser devant lui ou qui s'arrêtent et se divertissent sur le sol, où il les saisit au vol avec la même dex- térité que dans l'air. Il ne se plaît pas à terre, et lorsqu'il est obligé d’y descendre pour se nourrir, il reste sur le bout d’une pierre, ou sur toute autre élévation, et attend sa proie. Il a dans les ailes et la queue un battement plus fréquent et plus prompt encore que celui du Gobe-Mouche Grisâtre , mais il en conserve dans ses gestes le même air de stupi- dité et de mélancolie. Comme lui, il se laisse ap- procher toujours de très-près et voltige d’un arbre à l’autre ou de buisson en buisson devant le chasseur qui pour cela le respecte souvent. Son cri ordinaire est aussi très-difiérent : il est plus fort, plus aigu et 38 ORNITHOLOGIE semble articuler les mots pitt, pitt. Pendant l’amour et jusqu’à l'éducation des petits, le mâle fait enten- dre une espèce de ramage aussi bref que celui du Gobe-Mouche Becfique composé également de notes aiguës ; ce chant n’est pas tout à fait dé- pourvu d'agrément. Sa chair n’est point à dédai- gner en automne, quand elle est grasse; d’ailleurs à cette époque, l'oiseau $e nourrit encore de fruits, notamment de ceux du mûrier et du figuier. Tous les Gobe-Mouches à Collier nous quittent avant lé mois d'octobre, à part quelques jeunes su- jets, toujours très-rares, que nous remarquons jus- que vers le 8 ou le 12 du même mois. Chaque an- née, én septémbre, les bords boisés de l’Albanne jusqu’à sa jonction au lac du Bourget possèdent quelques-uns de ces oiseaux. On les y trouve par- fois mêlés avec l'espèce suivante, quise plaît aussi à l’excès dans cette localité, où abondent du reste, les mouches, les moucherons qui composent leur principale nourriture. 61.—Gobe-Mouche Becfigue / Muscicapa Luctuosa), Ta. Nom vulgaire : L'abbé, Le Flit, à cause de son cri de rappel. Le Becfigue (Buff.). — Gobe-Mouche Noir ( Muscicapa Atricapilla }, Vieill. Balia Nera, Savi. Ce Gobe-Mouche est très-semblable au précé- dent. Il en diffère seulement, dans un âge avancé, par l’absence du demi-collier blanc qui ceint la nuque de ce dernier. Son nom de Becfigue lui 7 DE LA SAVOIE. 39 est venu de l'habitude qu'il a, surtout dans les contrées méridionales, de chercher quelquefois les mouches et les insectes ailés sur les f#guiers, dont il becquète alors le fruit qui sert aussi à sa nourri- ture. Il ne faudrait pourtant pas le confondre en Savoie avec le Becfigue de nos chasseurs , par con- séquent avec leur Vinette ou Veinette : celui-ci, qui est toujours très-recherché en automne à cause de la délicatesse de sa chair, est le Papi des Buissons (Anthus Arboreus),. La taille du Becfigue est la même que celle du Gobe-Mouche à Collier. Sa mue s’opère aussi de la même manière. Les vieux mâles, au printemps, de même que les adultes dès leur seconde année, sont d’un noir pro- fond sur les parties supérieures du corps et sur les pennes de la queue. Ils portent du blanc sur le front seul, puis sur les moyennes et les grandes couver- tures des ailes , comme le précédent, Ils ont même à la base des dernières rémiges un commencement de miroir blanc, qui n’est visible qu’en déployant l'aile, Toutes les parties inférieures sont d’un blanc de neige. Le bec, l'iris et les pieds sont noirs. La femelle, en livrée de noces, est d’un cendré brun uniforme sur le dessus du corps, sauf le front, qui est blanchâtre, et les couvertures des ailes de la même couleur que chez le mâle. Le blanc des par- ties inférieures est comme sali sur les côtés du cou né 60 ORNITHOLOGIE et sur les flancs. Les trois pennes latérales de la queue sont bordées de blanc : cette couleur s’efface dans le weil âge sur la penne la moins extérieure des trois, ou bien il n’en reste plus qu’un liséré presque imperceptible qui finit aussi par s’effacer avec l’âge. C’est donc un caractère à peu près nul pour distinguer la vieille femelle dans cette espèce de celle qui précède. : Les jeunes de l’année, après la première mue d'au- tomne , ressemblent exactement aux femelles. Ils n’ont cependant pas encore de blanchâtre sur le front. Au printemps suivant, ils commencent à acqué- rir du noir sur le dessus du corps; cette couleur, quir’est complète qu’au printemps de la seconde an- née, est parsemée, à la première période, de plumes grisâtres, propres à la livrée d'hiver. Ils ont alors, surtout dès le mois de mar et en juin, suivant les individus, une ou deux pennes extérieures de la queue bordées de blanc, et assez rarement trois. Le Gobe-Mouche Becfigue se montre en Suisse et en Savoie en même temps que le Gobe-Mouche à Collier. Mais il est beaucoup plus commun que lui, soit à son arrivée au printemps, soit à l’époque de ses migrations de la fin de l'été. Il revient au pays par couples, ou bien seul et quelquefois par petites sociétés de trois, cinq et six sujets se suivant alors de près. C’est ainsi qu’on le remarque sur DE LA SAVOIE. 61. la plupart des lisières des bois inférieurs , le long des avenues bordées d’arbres ou de hauts buissons et jusque dans les jardins et les vergers. Partout il se montre très-peu méfiant; partout la présence de l’homme l’effraye si peu qu’il vient gober les mou- ches jusqu’autour de lui. Cet oiseau souffre, comme le précédent , beau- coup du froid qui survient parfois à l’époque de son retour dans nos climats, et surtout de la disparition des insectes appelés alors à le nourrir, qui en est une conséquence. La neige tombée le 11 avril 1843 et les deux jours de gelée qui la suivirent, devinrent funestes aux Gobe-Mouches qui étaient déjà ren- trés dans le pays. Ne sachant plus où se rendre pour trouver quelque aliment durant les tristes ma- tinées des 11, 12 et 13 de ce mois, ces malheureux se trainaient auprès des habitations et des fermes. Plusieurs s’y laissèrent même prendre à la main, tant ils étaient affaiblis par le froid et la faim. Bien plus, on m’apporta, pendant ces journées de cala- mité, trois Gobe-Mouches Becfigues et deux Gobe- Mouches à Collier qui avaient expiré sur les bords de l’Albanne, tout près de Chambéry, preuve évi- dente qu'il a dû y en périr de misère beaucoup parmi ceux qui s'étaient alors devancés. … Il n'y a pas de contrées en Savoie où le Gobe- Mouche Becfigue soit aussi commun , pendant la période des nichées, que dans la basse Tarentaise 62 ORNITHOLOGIE et aux environs d’Albert-Ville. Il n’est pas de bois ni de vergers qui ne le possèdent alors à Brides-Laperrière, à Salins, à Villarlurin, à Hau- tecourt, à Montfort, à Hauteluce, etc., etc. On le retrouve bien encore dans le Chamonix et le Cha- blais, mais jamais en aussi grande quantité. Il est toujours én très-petit nombre dans le bassin de Chambéry, sauf à l’époque de ses passages où il est en certaines années, et notamment en septembre, excessivement commun, Il construit son nid au commencement de mai et le place, comme le pré- cédent, dans les trous dés vieux arbres ou dans des cavités qui ont déjà servi les années précédentes aux Mésanges, aux Sitelles, ou à quelques faibles mammifères rongeurs; quelquefois il le pose au milieu des rameaux entrelacés de deux arbres très: rapprochés. Il a pour cela recours au même genre de matériaux que son plus proche congénère. La femelle pond quatre, cinq ou six œufs d’un bleuâtre ou d’un bleu verdâtre clair, paraissant parfois un peu sali de brun très-clair. Leur forme est ordinairement oblongue, et ils ont À cent. 7-8 m. de long, sur 1 cent, 2-3 millim. de large. Pendant l'incubation, le mâle apporte de temps en temps là becquée à sa compagne, et prend aussi place sur les œufs, quand elle les laisse pour aller se récréer quelqués instants. Dans tout autre moment il ne cesse de faire entendre son ramage : il est ani- DE LA SAVOIE. 63 mé, mais assez bref et presque tout composé de syl- labes aiguës qui semblent prononcer : zit, fliri ri fi fi flit Son cri de rappel et celui d'automne sont une com- position des mêmes notes, avec cette différence que l’oiseau ne les pousse alors qu’une à une et après une pause de quelques secondes. Le Gobe-Mouche Becfigue élève sa petite fa- mille avec autant de soin que le précédent, dont il à la plupart des habitudes, les mêmes mouve- ments brusques dans les ailes et la queue. Il dis- paraît de nos contrées avant le 10 octobre. Chaque année, sur la fin de septembre, on le remarque communément à Chambéry, sur les tilleuls de la promenade du Verney, le long des saules et des taillis qui bordent l’Albanne, le torrent de Laisse, et les fossés circonvoisins, depuis la Boise jusqu’au Bourget. Sa chair est excellente en automne. Pen- dant cette saison, il se nourrit non-seulement des diverses espèces d'insectes volants, mais encore des fruits ou des baies du sureau, de la ronce, du mürier et du figuier. 64 ORNITHOLOGIE Douzième Famille. BOMBYCIVORIDEES (Bombycivoridæ). Signes caractéristiques : Bec court, trigone à sa base, bombé en dessus et en dessous, échancré et recourbé à l’extrémité de la mandibule supérieure. Narines basales, ovoïdes, cachées sous de petites plumes pileuses, dirigées en avant.Tarses courts et anne- lés. Trois doigts devant et un derrière : l’externe soudé au mé- dian. Ailes médiocres. Queue courte. Ces oiseaux vivent en troupes. Nous n’en con- naissons en Europe qu’une espèce. Elle se livre à des excursions qui ont lieu chaque année dans de certaines contrées, notamment dans les régions orientales de l’Europe, et très-rarement dans d’au- tres. C’est aussi très-accidentellement et par inter- valles de plusieurs années qu'elle se montre en Savoie. XXE Genre : JASEUR /Bombycivora). Voyez les caractères et les habitudes dans l’article de la famille. 6?.—3Saseur d'Europe (Bombycivora Europæa)- Le Jaseur de Bohême (Buff.). — Grand Jaseur (Bombycivora Garrula), Sat — Jaseur d'Europe (Bombycivora Garrula), Vieill. — Beccofrusone avi). Cet oiseau a en petit quelques traits de ressem- blance avec le Geai Glandivore : c’est pour cela sans doute qu’on le nomme Geai de Bohéme dans quelques contrées du nord. Sa taille est de 20 centimètres. Le mâle a les plumes du sommet de la tête lon- gues et susceptibles de se relever en forme de huppe. Ces plumes, ainsi que celles des parties supérieures DRNITHOLOCGIE DE LA SAVOIE. Passereaux. Muscicapidées, Bombycivoridées. Lith J. Perrin Libr Edit à Chambéry. 1,9 Œufs de Gobe-Mouche Grisâtre:; U7". Hal. — PR PR J. Werner del, ,» 5,h Œufs deGobe-Mouche à Collier; grral 5,6 Œufs de Gobe-Mouche Becfidue; 27:7427 T Jaseur d'Europe, 47; 5 gra, P.64. DE LA SAVOIE. 65 et inférieures du corps sont d’un cendré rougeâtre, à teinte vineuse, et plus foncé en dessus. Un noir profond, comme velouté, couvre les plumes des na- rines, le dessus des yeux et la gorge. Les rémiges sont noires et terminées par une tache jaune et blan- che. Les sept ou huit des pennes secondaires por- tent. à leur extrémité une tache blanche, avec des lames plates et d’un rouge vif. Les pennes caudales sont noires , marquées au bout de jaune , et leurs couvertures inférieures totalement de couleur marron; l’abdomen est blanchâtre ; le bec et les pieds sont noirs. | | La femelle diffère du mâle par le noir de la gorge, qui est chez elle moins étendu; par ses pennes secondaires, dont quatre ou cinq seulement sont terminées de rouge, Les jeunes, avant leur première ue, n’ont, sui- vant M: Temminck, aucune espèce d’appendice aux pénnes secondaires des ailes. Le Jaseur d'Europe habite pendant l'été les ré- sions du cercle arctique, où l’on présume qu'il niche dans les crevasses des rochers. Son arrivée en Savoie , comme dans les pays tempérés et même dans plusieurs contrées septentrionales de l'Europe, est toujours accidentelle. Cependant il abandonne, dit-on, chaque année par troupes, vers le milieu de l’automne, les régions boréales pour aller passer l’hiver dans des pays moins froids. Mais Tin J 66 ORNITHOLOGIE si ses migrations sont annuelles, ses excursions paraissent au contraire très-irrégulières., C’est à l'extrême difficulté de vivre, pendant les rigueurs de. l'hiver, dans sa “raie: patrie, ainsi que dans d’autres climats qu’il visite alors périodiquement, que nous devons attribuer la cause de ses voyages; sa nourriture consiste d’ailleurs en insectes , en larves, en fruits et en diverses espèces de baies. … En novembre 1816, cet oiseau s’est montré par troupes dans la plupart des forêts de nos montagnes. Il y est encore reparu sur là fin d'octobre et en no- vembre 1833, mais principalement dans les bois dés énvirons du Pont-Beauvoisin et dans les forêts de la Grande-Chartreuse. Je possède dans ma col: lection un mâle de ce dernier passage : je me ré- serve d’en donner la figure dans l’atlas qui suivra la publication du texte de cet ouvrage. Soit par stupidité, soit à cause des fatigues du voyage, ces bandes de Jaseurs qui vinrent nous visiter à ces deux époques, fuyaient si peu l’ap- proche de l’homme, que plusieurs sujets se lais- sèrent massacrer à coups de pierre et de bâton. Nos montagnards, Qui n'avaient jamais vu de tels oi- seaux,étaient avides de s’en procurer vivants. [ls leur tendaient pour cela des piéges, surtout des lacets où ils mettaient pour appât un grain de raisin, un fruit, une noix ou noisette. Chaque jour ils en prehaient et les renfermaient en cage où ils se mon DE LA SAVOIE 67 traient toujours fort peu farouches, même dès le premier jour de leur captivité. Ils y mangeaient beaucoup et de tout ce qu’on leur donnait, spé- cialement les baies du genévrier ét de divers rosiers sauvages. | | On rapporte que les Jaseurs d'Europe, une fois appariés, sont très-affectionnés l’un à l’autre ; qu’ils ne se perdent jamais de vue, même durant leurs voyages ; qu’ils se donnent tour à tour à manger et que parfois les mâles, sans doute pendant l’amour et l’incubation, sont chargés de pourvoir à la sub= sistance de leurs compagnes. On ajoute que, dans les moments de repos, on les voit l’un à côté de l’autre se prodiguer des caresses. Treisème Famille CORACIADÉES (Coraciadæ). Signes caractéristiques : Bec de moyenne longueur, robuste, large à sa base qui est garnie de quelques poils rudes et dirigés en avant, comprimé par les côtés, tranchant sur les bords, droit jusque près de la pointe de la mandibule supérieure ; celle-ci se recourbant un peu sur la mandibule inférieure qui est plus courte. Narines latérales, oblongues, percées obliquement au bord des plumes de la base du bec. Tarses courts et annelés : trois doigts devant, un derrière, entièrement divisés.Ailes allon- gées. Queue longue, ayant à l'extérieur, suivant les sexes, des réctrices plus longues que les intérieures et les mtermédiaires. .… Les Coraciadées vivent exclusivement d'insectes, de vers et accessoirement de fruits et de baies. Leur plumage est lustré, et teinté de couleurs vives et 68 ORNITHOLOGIE variées. Leurs plumes sont généralement rudes au toucher et comme pileuses, surtout sur la tête et le cou, Cette famille ne possède en Europe qu’une seule espèce qui passe chaque année dans nos contrées, au printemps et en automne : elle appartient au genre suivant. XXHEe Genre : ROLLIER (Coracias). Voyez pour les caractères de ce genre les mêmes que dans l’article pré- cédent. Les Rolliers ont le plumage, dans l’espèce euro- péenne comme chez la plupart des exotiques , le plus souvent teinté de vert et de bleu, sujets à plusieurs nuances et plus ou moins foncés , selon l’âge et les parties du corps des individus. Les vieux mâles sont toujours remarquables par leurs couleurs plus vives et plus pures que chez les jeunes et les femelles. Ce sont des oiseaux habituellement farouches et peu sociables, qui habitent le plus souvent les grandes forêts, où ils se cachent dans l'épaisseur des branches et dans des cavités d’arbres, 6æ%—HMollier d'Europe /Coracias Garrula|. Le Rollier (Buff.) —Le Rollier Commun (Cuv.).—Le Rollier Vulgaire (Co- racius Garrula) Temm. — Le Rollier d'Europe (Corracias Garrula), Vieill. Ghiandaja Marina, Savi. : Le Kollier d'Europe, que j'ai entendu nommer quelquefois par nos chasseurs Geai-Perroquet et (reai d'Afrique , à cause-du mélange des couleurs Ë DE LA SAVOIE. 69 bleues et vertes de son plumage , a 32-33 centim. de longueur. ( - Le mâle est très-reconnaissable par le bleu clair et par le vert d’aigue-marine qui dominent sur sa livrée. Il à les plumes des scapulaires et du dos fauves, les petites couvertures supérieures des ailes d'un bleu violet très-éclatant, plus foncé sur les rémiges. Les pennes de la queue sont nuancées de bleu et de vert sombre à la base, et d’un blanc bleuâtre mêlé de bleu clair dans le reste, sauf les deux intermédiaires qui sont d’un gris foncé, coloré de verdâtreen dessus. La rectrice latérale de chaque côté dépasse les autres de 6 mill. et se trouve mar- quée à l'extrémité de gris verdâtre. Le bec est noi- râtre, presque brun à l’origine. L’iris a deux cercles ; l’un est brun, l’autre gris. Les tarses sont jaunâtres. | | La femelle adulte diffère un peu du mâle, en ce qu’elle porte sur ses plumes une teinte grise tirant sur le fauve ; mais dans un âge très-avancé , elle acquiert les mêmes nuances que le mâle. Les jeunes des deux sexes, pendant leur pre- mière année, se ressemblent. Ils sont d’un gris glacé de bleu vert sur la tête, la poitrine et le ventre ; d’un brun terne sur le dos et les scapulaires. Leur queue est en grande partie d’un vert noirâtre lavé de bleu : la penne extérieure de chaque côté n'excède pas les autres. ete = | 70 ORNITHOLOGIE | Le Rollier se fait remarquer pendant l'été, et notamment à l’époque de ses voyages du printemps et de l'automne, dans presque tous les pays de l’Eu- rope. Il en émigre chaque année à l’approche du | froid pour se réfugier avant l'hiver dans des climats | | plus doux et principalement en Afrique. Il se | montre tous les ans en Savoie à deux époques dif- férentes : au printemps, dès le commencement d’avril jusque vers le milieu de mai, quand il rentre en Europe, puis sur la fin de l’été et en automne, c’est-à-dire, depuis la fin d’août jusqu'aux premiers (Il jours d'octobre, lorsqu'il retourne vers ses quar- | tiers d'hiver. Ce dernier passage ne nous amène 1 guère que des jeunes de l’année. Les adultes et les | vieux sont alors excessivement rares. | (1 Cet oiseau paraît en Savoie le plus souvent seul ou un à un, ce qui l'y fait considérer comme un oiseau égaré et particulier à l'Afrique. On l’a quel- quefois rencontré deux à deux soit par couples au printemps, mais toujours accidentellement , même Il en automne, par petites bandes. En septembre 1843 et 18h45, quelques sociétés de quatre, cinq | et six sujets Se sont montrées pendant trois jours con- | sécutifs aux abords des bois de haute futaie des en- virons de Chambéry : quelques-uns s’y sont laissé tuer dans les prairies de Bissy, de la Motte-Ser- volex et du Bourget. J’en conserve encore deux dans ma collection, tous deux jeunes de l’année. Pendant | | DE LA SAVOIE. 71 son passage au printemps, le Rollier d'Europe se tient très-souvent en Savoie le long des grands arbres et des saussaies qui bordent ou avoisinent des lacs, des étangs, des rivières et des marécages. Pour se percher, il recherche de préférence les branches les plus élevées, et reste , surtout s'il ne fait que d'arriver , longtemps en repos sur la même branche. S’il en descend ensuite , c’est pour s’abattre dans les champs fraichement labourés, dans les prairies, comme dans les broussailles qui les entourent. On l'y voit chasser à terre aux vers, aux sauterelles, aux grillons, aux limaçons et aux petites grenouilles. Au contraire, en automne, on le découvre plutôt à l'intérieur des bois épais et les moins fréquentés des coteaux et des basses montagnes , ainsi qu'en plaine, dans ceux de haute futaie. Il s’y nourrit de larves, de chenilles, de diverses sortes d'insectes, de fruits charnus et de baies. [Il en sort chaque fois qu’il n’y trouve pas abondamment sa subsistance, surtout durant les matinées fraîches : alors il se répand autour des bois ou des rangées d’arbres situées à proximité des marais, des prairies etdes champs, où les sauterel- les, les grillons, les vers ne lui manquent jamais. On l’approche toujours assez difficilement, sauf parfois à son arrivée au printemps, quand il se trouve pro- bablement fatigué. Dans toute autre circonstance, il fuit à l’approche du chasseur et va se jucher sur 72 ORNITHOLOGIE l’une des branches les plus isolées du premier arbre ou du premier taillis qu'il rencontre, comme pour être mieux en état desurveiller son ennemi. Il crie si rarement à l’époque de ses voyages que les per- sonnes qui l’ont tué et observé en Savoie n’ont pu me dire quelle était sa voix. M. Vieillot dit qu’elle est sonore. Dans tous les cas, le nom latin Garrula que lui a donné Linné, indiquerait que cet oiseau est babillard. Sa chair, quoique souvent grasse en automne , est un manger médiocre. Le Rollier se retire pour se reproduire dans plu- sieurs contrées méridionales de l'Europe. Il con- struit son nid avec des herbages secs et le pose, suivant les localités, dans des cavités d’arbres, dans des fentes de rochers ou dans des creux de vieilles constructions en ruine. Sa ponte est de quatre ou cinq œufs d’un blanc lustré et sans taches. Leur longueur est de 3 cent. 3-4 mill., sur 2 cent. 5-6 mill. de diam. | Quatorzième Famille. CORVIDÉES (Corvidæ ). Signes caractéristiques : Bec médiocre ou allongé, fort, plus ou moins comprimé, droit à la commissure du bec, un peu culiri- rostre et plus ou moins échancré à sa pointe. Narines recouver- tes par des plumes sétacées, couchées en avant. Tarses nus et annelés. Trois doigts devant, un derrière : celui-ci articulé sur le même plan que les antérieurs. Ongles forts et crochus. Pennes alaires le plus souvent terminées en pointe. Queue quelquefois étagée. 110 | :-Les Corvidées sont les:omnivores par excéllence, DE LA SAVOIE. 13 ou ceux des Passereaux dont le genre de nourriture se compose de toutes sortes de substances : de graines, de fruits mürs et pourris, d'insectes, de vers, de reptiles et d’autres animaux de faible taille, vivants ou morts, et même en état de putréfaction. Ils sont généralement nomades et se réunissent en troupes pour se livrer à des voyages périodiques. Ils les entreprennent en automne et les font durer jusqu'à l'approche du printemps, c’est-à-dire qu’ils voya- gent le temps de l’année, durant lequel plusieurs d’entreeux ne vivraient que difficilement, s'ils conti- nuaient d’habiter alors leur séjour dela bellesaison. Ils sont communément répandus sur presque tous les points du globe. On les remarque dans les bois, dans les champs ou dans les prés voisins des rochers ou des forêts, et partout leur finesse extrême leur fait éviter la plupart des embüches qu'on leur tend. Doués d’une grande intelligence , plusieurs s’apprivoisent aisément et deviennent très-fami- llers avec les personnes-qui prennent soin d'eux. Quelques-uns ont même la faculté d'apprendre à articuler des mots, à contrefaire les cris de cer- tains animaux domestiques qu’ils ont l'habitude d'entendre. Bien plus, d’autres, le plus grand nombre, se plaisent à cacher, non-seulement le surplus de leurs aliments, mais encore les objets qu'ils voient briller et qu’ils peuvent emporter dans le bec. = EE ES ETES De HE TE LM 74 ORNITHOLOGIE Les Corvidées sont monogames. Ils se repro- duisent sur la cime des plus hauts arbres, ou dans les vieilles masures et les anfractuosités desrochers: les mâles et les femelles, dans la plupart des es- pèces, couvent alternativement. Leur voracitéexces- sive les porte parfois à attaquer les petits oiseaux, les plus faibles des mammifères, et à pratiquer à l’aide de leur bec, dans les champs fraîchement ense- mencés, des creux pour extraire de terreles graines céréales ou les larves dont ils sont si avides. C’est ainsi qu’ils font dans lescampagnes des dégâts consi- dérables, surtout pendantlessemailles del’automne, qui est d’ailleurs l’époque à laquelle ils se livrent à leurs excursions habituelles par bandes: souvent innombrables. Leur vol est ordinairement élevé et de longue haleine. Leur voix est très-discordante et produit chez plusieurs des cris croassanis plus ou moins prolongés. Leur mue est simple. Les sexes ne diffèrent presque pas entre eux à l’exté- rieur. Leur chair est en général d’un goût désa- gréable. Cette famille contient les six genres : Corbeau (Corvus), Geai (Garrulus), Pie (Pica), Nucifrage (Nucifraga), Crave (Fregilus), Choquard (Pyrrho- coraæ). DE LA SAVOTE. 75 XXII Genre: CORBEAU (Corvus). Signes caractéristiques : Bec long, gros, robuste, droit à sa racine, tran- chant sur les bords, arrondi en dessus, comprimé sur les côtés, garni à sa base de plumes roides , un peu fléchi et ordinairement échancré yers la pointe, Narines basales, cachées par des plumes roïdes, dirigées en avant. Doigt intermédiaire soudé avec l’externe à la base; l'interne totalement libre, Àiles à pennes acuminées à l'extrémité. Queue composée de douze rectrices. Les Corbeaux sont les plus gros oiseaux de l’or- dre des Passereaux, que nous ayons en Europe. On les reconnaît toujours aux couleurs noires ou som- bres de leur livrée, surtout à leurs cris rauques et discordants qu’on nomme croassement. La finesse de leur odorat ainsi que leur défiance extrême leur fait presque partout esquiver les piéges qui leur sont tendus. Ils sont très-voraces, et leur genre de vie est parfois carnassier. Toutes sortes d'aliments, même les cadavres et les immondices, conviennent à leur goût. Quelques-uns recherchent les œufs des oiseaux et dévalisent alors beaucoup de couvées de Tétras, de Perdriæ, de Grives et deMerles : y trou- vent-ils des petits, ils les assomment à coups de bec l’un après l’autre pour s’en repaître eux-mêmes ou pour les transporter à leur progéniture. Les dé- gâts qu'ils ont si souvent l'habitude de commettre dans les plaines cultivées font que les habitants des campagnes, dans plusieurs localités, leur donnent continuellement la chasse, ce qui contribue à les rendre de plus en plus sauvages. Is vivent, suivant les espèces et les saisons, par paires, par familles, par troupes ou solitaires, et se jettent dans les plaines, dans les prairies, le long 76 ORNITHOLOGIE des eaux pour y chercher leur vie. On remarque souvent dans les champs et les prés qu’ils hantent des trous coniques qu'ils font avec le bec dans la terre pour y saisir les vers, les larves et les grains de blé commençant à germer. Quelques - uns sont sédentaires; mais la plupart se plaisent à émi- _grer annuellement par familles ou par bandes nombreuses. Ceux qui se propagent au pays vont s'établir sur la fin de l'hiver dans les contrées mon- tagneuses les plus boisées. Ils y travaillent en mars ou en avril à la confection de leurs nids qu’ils pla- cent tantôt sur les sommités des grands arbres, tantôt dans des crevasses de rochers impraticables, ou dans des creux de vieilles constructions aban- données. Ils ne font qu'une seule couvée par an, et leur ponte se compose de trois à six œufs que les mâles en général couvent tour à tour avec les fe- melles. Après l’éducation, les familles se réunissent à d’autres familles de leur espèce, forment avec elles des troupes plus ou moins nombreuses qui se livrent à des excursions et ne se dissolvent qu’à la saison de l’amour. Le Corbeau Croassant ne s’at- troupe pas ainsi ; il préfère vivre en famille, seul ou apparié jusqu’à la période prochaine. Les Corbeaux ont été de tout temps l’objet de divers présages superstitieux. Il suffit encore de nos jours, dans quelques contrées, qu'un Corbeau, ou une Corneille, vienne croasser tout près d’une ha- Es dm dl ne id cl. . de mnt. ace Étui dl Ré EEE ut. RÉ : ORNITHOLOCIE DE LA SAVOIE. ) ee 1: Pascereaux. Cotacadée : Corvidees. J. Werner del. Lith, PONT PART APRES ÿ Rollier dEur ope, nale a dulle, % gr.nat., P. 66. 9 ul de l'esprce OTITIGE 3 Corbe au Crouss ie , 4H a le a dalle ;' Yu or. ral. ; # Cul de l'espoce c4Y. Hé. : 5 Jele de Corbeau Corbine ; or. nat.; P.67, E7#7 pren DE LA SAVOIE. Ti bitation pour que certaines gens y voient matière à sinistres présages, à d'imminents malheurs, ou tout au moins à quelque brouille au sein d’un mé- nage ou entre amoureux du même canton. Les Corbeaux muent une seule fois par an. Leur intelligence est si développée qu'on vient à bout de les rendre très-familiers, de leur apprendre à articuler quelques mots bizarres, surtout des plus difficiles à prononcer. Leur démarche est grave et _ posée ; leur chair très-coriace et mauvaise. Cinq espèces de Corbeaux se trouvent en Suisse et en Savoie. | 64.—Corbeau Croassant /Corvus Coraz). Noms vulgaires : Grand Corbeau, Corbeau: en patois : Grous Corbaz; Corbaz, Couar. Le Corbeau (Buff., Cuv.).—Le Corbeau proprement dit (Corvus Corax), Vieill.—Le Corbeau Noir (Corvus Corax), Temm. Corvo imperiale, Savi. Ce Corbeau a 60-62 cent. de taille. C’est le plus grand de ceux de l’Europe. Le mâle, dès l’âge adulte, est d’un beau noir lustré, avec des reflets pourprés et bleuâtres sur le dessus du corps. Les plumes du cou, de la poitrine sont al- longées et acuminées ; celles de la tête, de la nuque, soyeuses-et comme décomposées. La queue est ar- rondie et noire. Le bec a 8 cent. de long ; il est éga- lement noir de même que les tarses ; l’iris est brun, entouré d’un cercle gris blanc. La femelle dont la taille est à peine de 10 cent. de moins que chez le mâle, a également le plumage 18 ORNITHOLOGIE moins lustré : celui des jeunes est encore plus terne. Les jeunes mâles prennent, après la première mue, sur le dessus du corps, des reflets qui deviennent, au printemps suivant, presque aussi éclatants que chez. les individus âgés de deux ans. | Le Corbeau Croassant ést sujet à plusieurs va- riétés qui proviennent de l’âge et d’autres causes accidentelles. On en remarque qui sont presque en- tièrement blancs ou d’un blanc roussâtre, ou tache- tés de ces couleurs sur le noir de la livrée ordinaire. Ce Corbeau est l’un des oiseaux les plus détestés à cause de la dépravation de ses goûts pour la chair corrompue. On le rencontre dans toute l’Europe et dans des températures très-opposées; puis on le retrouve en Afrique, dans l'Amérique septentrio- nale et au Japon. En Savoie, où il est sédentaire et assez commun, il habite pendant l'été les vastes fo- rêts de montagnes ou les rochers les plus escarpés. Il ne descend alors dans la plaine et les vallées in- férieures que pour chercher sa nourriture et celle de ses petits le long des fleuves et des rivières, à l’intérieur des champs et des marais. Les rats, les taupes, les volatiles encore dans le nid, les oiseaux qu’il trouve pris dans des lacets, les œufs de diver- ses,espèces , spécialement des Grives, des Perdriæ et des Bartavelles, les fruits mûrs et gâtés, ceux à coque ligneuse, les glands, les châtaignes, les grains, les insectes, les vers, les reptiles et les cadavres sont DE , LA SAVOIE. 79 les aliments qu'il recherche avec le plus d’avidité,. Il caëse les noix en les frappant à terre à coups de bec redoublés.ou bien en les laissant, dit -on au pays; tomber sur les pierres d’une certaine hauteur. Le mâle, dans cette espèce, asa femelle qu’il ne quitte qu’à la mort. Il entre avec elle en amour sur la fin de l'hiver. Fls aiment alors à tracer ensem- ble dans l'air des cercles Jusqu'à une grande élé- vation, puis à s’agacer réciproquement, à fondre l'un après l’autre sur quelque point isolé de leur canton, où ils se donnent rendez-vous. Ils s’accou- plent tantôt dans les bois, tantôt au milieu des champs ou des prés, tantôt à l’entrée d’une caverne de rocher. Avant Paccouplement, ils se saisissent par le bec et poussent de temps en temps l’un et l’autre, en se tenant ainsi, des croassements ou des cris gémissants qui finissent par devenir très-rau- ques et presque étouffés , pendant que la paire est dans l’accès. Les Corbeaux et les Corbines, qui les entendent du voisinage s’avertissent et viennent à l’envi croasser auprès du couple, comme pour l’insulter. Ils finissent toujours par se précipiter. sur Jui, par le frapper du bec en se ruant sur lui, au point qu'ils engagent souvent entre eux un combat, dans lequel le couple surpris , qui essaye aussi dé se défendre, est ordinairement vaincu et contraint de fuir honteusement devant les assail- lants, En examinant de pareils assauts , on ne peut z — = _ mm ee = — Eds LE 80 ORNITHOLOGÏE qu'être tenté de croire que le couple qui'se laisse surprendre dans cette action lascive est un objet de honte ou d'envie pour ceux de ses semblables ou de ses congénères qui parviennent à le découvrir : de honte, si l’on en juge par les cris confus et insul- tants que poussent ces derniers avant de l’attaquer'; d'envie, comme semble l’établir de préférence le combat qu'ils se livrent ensuite avec tant d’achar- nement, qu’on les croirait alors dans lintention de se disputer la propriété momentanée de la fe- melle de cette paire. Le mâle et la femelle construisent de concert leur nid dès la fin de février ou la mi-mars ou bien aux premiers jours d'avril suivant qu'ils habitent des lieux plus ou moins reculés, Ils le bâtissent sur les plus hauts arbres des forêts ou dans les anfrac- tuosités des rochers, quelquefois dans des cre- vasses de vieux murs de forteresses isolées , de châteaux abandonnés et toujours dans des posi- tions inaccessibles. De petites branches, des bû- chettes et beaucoup de menues racines, de mousses, defeuilles sèches et des herbages réunis ensemble par une espèce de mortier fait avec de la boue ou de la terre glaise, quelquefois mêlées avec de là bouse ou du crottin, forment l'extérieur de leur nid, Le dedans, au contraire , est garni de mor- ceaux de laine , de linge, de foin et de pailles fines. Chaque couple reste atlaché au même nid plusieurs RL Se, ET I k rie nt à DE LA SAVOIE. 81 années consécutives, s’il ne se voit importuné pen- dant l’incubation et la nutrition des petits ; mais avant de s’en servir à chaque période, il en renou- velle les matériaux de l’intérieur et des bords. La femelle pond, suivant son âge, trois, quatre ou cinq œufs le plus souvent très-allongés et terminés en pointe; d’un verdâtre clair, ou d’un vert pâle tirant sur le bleuâtre, et ondés ou tachetés et rayés de brun foncé, de gris verdâtre ou de verdâtre ob- scur. Ils ont 4 cent. 8-9 mill., ou 5 cent. 1-3 mill., de long et 3 cent. 1-4 mill. de diam. , à part quel- ques œufs toujours rares qui ont 2-{ mill. de moins tant en longueur qu’en largeur. L’incubation dure vingt ou vingt-deux jours. Pendant que la femelle s’y livre, le mâle lui apporte de temps à autre dans le bec un reptle, une taupe, un rat ou des restes de cadavres. Il prend ensuite place sur les œufs, lorsqu'elle les quitte pour aller faire à son tour quelque excursion dans le voisinage. Les petits éclosent nus avec les veux fermés. Mais ils ne tardent pas à se revêtir d'une sorte de duvet sombre qui disparaît à mesure qu’ils acquièrent des plumes. Pendant leur nudité, la femelle les ré- chauffe et laisse au mâle presque tout le soin de quêter leur nourriture. Quelques jours après ils se mettent à la rechercher tous les deux ensemble ou séparément, et se remplissent le jabot de matières alimentaires qu’ils dégorgent ensuite à volonté TU, 6 82 ORNITHOLOGIE pour les distribuer à leurs petits. Plus tard enfin, ils leur apportent dans le bec de gros orthoptères, de petits mammifères , els que souris, musarai- gnes et campagnols , puis des serpents, des gre- nouilles , des crapauds et des débris de cadavres. Il est alors aisé de s'assurer de l’attachement qu'ils ont pour leur progéniture : sitôt que le père ou la mère découvrent auprès d’elle une Æuse, un Milan ou tout autre rapace , ils s’élancent sur eux et prennent immédiatement le dessus; puis, se rabattant sur leur ennemi, ils essayent de le frap- per du bec et des ailes. Si l’oiseau de proie veut re- gagner le dessus, le Corbeau de son côté s’efforce de s’y maintenir ; alors on les voit l’un et l’autre s’éle- ver si haut en luttant qu’on les perd souvent de vue. Après l'éducation, le mâle et la femelle conti- nuent de vivre avec leur famille dans le même canton, etils s’y font encore remarquer ensemble pendant tout le reste de l’année, à moins qu’il ne soit situé sur une montagne; dans ce cas, ils l’abandonnent aux premières neiges, afin de se rapprocher de la plaine ou des vallées inférieures, surtout de celles qui possèdent des fleuves, des rivières et des marais: c’est là en effet qu’ils trouvent toujours plus facile- ment que partout ailleurs l’occasion de se repaître de cadavres et d’immondices qu’ils ne dédaignent jamais et à plus forte raison durant le cours de Phiver. Les sujets que l’on découvre seuls ou deux DE LA SAVOIE. 83 à deux sont indubitablement ceux qui restent des couples ou des familles que la mort a désunis, ou bien encore les paires auxquelles on a enlevé dans le nid leur progéniture. Quand une famille qui à continué de vivre réunie dans le même arrondis- A sement se prépare à la pariade, les chefs s’en éloignent les premiers, afin de retourner prendre possession de leur ancienne demeure. Si leurs petits les suivent et cherchent à s’apparier et à s'é- tablir dans le même district, ils les en chassent chaque fois qu’ils viennent s’y montrer, ils ne leur permettent encore que difficilement de se fixer dans le voisinage de leur canton, lorsqu'ils sont eux- mêmes forcés d'en visiter chaque jour les alen- tours, pour y pouvoir vivre et alimenter leur nou- velle couvée. C’est aussi à cette intention que quel- ques Corbeaux descendent des montagnes et se rabattent jusqu’à la plaine, le long des eaux et dans les marais, où les attirent les reptiles de tous genres, les cadavres qu’ils ont la faculté d’éventer. Ils y cherchent leur subsistance et celle de leurs petits, puis retournent à leur nichée avec de fortes becquées : y trouvent-ils en abondance les aliments qui leur conviennent , ils y arrivent de nouveau le lendemain à la même heure, et souvent ils ÿ repa- raissent quelques moments après. Pendant les rigueurs du froid, les habitants des campagnes se plaisent à tendre aux Corbeaux des ue ESS UE she Ha ce = = ss — Em + 84 ORNITHOLOGIE piéges de diverse nature où , de temps à autre, pressés par la faim, ils s’empêtrent à la vue de la proie qui leur sert d’appât. Pour cela, on fait quelquefois usage de gros lacets où l’on fixe un fruit ou un morceaude viande. Mais il est assez rare que le Corbeau Croassant s’y laisse prendre : il paraît que la manière dont ces engins sont con- struits, comme les liens qui les fixent en terre ou qui les attachent autour des pierres ou de l’arbre le plus voisin, ne servent guère qu’à lui inspirer de la crainte et lui faire même prévoir le danger qui le menace, s’il vient à toucher à l’appât. On le voit, en effet, quand 1l rencontre ces sortes de piéges , tourner deux ou trois fois de suite autour d’eux et se contenter seulement d’en regarder l’a- morce ; puis aussitôt 1l s’en éloigne d’un pas grave. On se sert encore et souvent avec plus de succès, pour prendre les Corbeaux vivants, de certains cornets de papier dont on a soin d’engluer un peu les bords à l’intérieur et au fond desquels on place un morceau de viande crue. Cette chasse est sans contredit la plus curieuse de toutes. Lorsque les Cor- beaux trouvent ces cornets répandus sur le sol ou bien posés longitudinalement dans des creux qu’on pratique pour cela dans la terre ou lesable, ils y in- troduisent la tête pour s’approprier la proie qu'ils voient au fond : au même instant les bords s’atta- chent aux plumes du cou; en vain cherchent-ils à / DE LA SAVOIE. 85 les en dépêtrer en frappant de la tête contre terre et se débattant en tout sens : ils s’irritent, bondissent à diverses reprises et finissent par s'élever du sol. Ils tracent d’abord quelques petits vols très-irré- guliers et montent ensuite perpendiculairement dans les airs jusqu’à une hauteur prodigieuse : c’est de là qu’épuisés de fatigue et cédant à une suffo- cation loujours inévitable dans une pareille circon- stance, ils se laissent retomber sur le sol, la tête toujours enveloppée dans le cornet. Mais , en gé- néral, pour prendre les Corbeaux , on fait une préparation de petites boulettes de viande mêlées de poudre de noix vomique que l’on jette sur les fumiers, dans les champs et dans les autres lieux où ces oiseaux se rendent habituellement pendant la neige pour y chercher leur nourriture. Après s’en être repus , et dès qu’ils commencent à se res- sentir de l'effet du poison, ils prennent leur vol avec leur vigueur ordinaire ; puis ils le ralentissent tout à coup et finissent par chanceler et tomber à terre où ils expirent. Le Corbeau Croassant se retire à l'approche de la nuit dans de sombres forêts ou dans des rochers es- carpés. Il s’y cherche un asile, tantôt sous une voûte formée par l’avancement d’une roche supérieure, tantôt parmi les plus épais buissons qui croissent entre les fentes , ou bien encore sur les plus hauts arbres qui les hérissent, Son vol est ordinairement 86 ORNITHOLOGIE élevé etrapide. Sa démarche est lente et mesurée : elle ne s'exécute par saut, comme chez les Pies, que lorsque l'oiseau est occupé à poursuivre une proie, un reptile, par exemple , ou un campagnol qu’il voit fuir devant lui. De tout temps il a été regardé comme un oiseau de mauvais augure. Chez les anciens, un combat de Corbeaux avec des Oi- seaux de Proie était déjà le présage d’une guerre cruelle. Quelques personnes, de nos jours, ont en- core tant de répugnance pour ces oiseaux, qu’elles se créent des inquiétudes au point de se croire me- nacées de quelque malheur chaque fois qu’un Cor- beau vient à s'arrêter et croasser près d'elles ou de leur habitation. Cependant les Corbeaux s’élè- vent et s’apprivoisent toujours avec facilité. Ils se rendent même très-familiers avec les gens de la maison où ils ont été nourris et sont capables d’un attachement personnel et durable. Ils apprennent encore à prononcer quelques mots, à contrefaire la voix des chats et des chiens, qu’ils se plaisent, en outre, à provoquer, à poursuivre et à faire fuir de- vant eux. En liberté, ils ont aussi l'habitude d’aga- cer, de poursuivre en croassant les chiens et les renards qu’ils voient errer dans les bois ou les champs. Ils essayent même, quand ils sont plusieurs ensemble, de les combattre. Pour cela, ils les cer- nent de si près pendant leurs assauts, qu’on croi- rait qu’ils veulent, en voltigeant autour de l’animal / DE LA SAVOIE. 87 qui fuit, se poser jusque sur lui pour le frapper. Mais à la moindre résistance que ce dernier leur oppose, ils se retirent et le laissent aller librement. Ils ont, comme les espèces suivantes et la Pre, la manie de cacher, non-seulement le surplus de leurs aliments, mais encore tout ce qui reluit et qu'ils peu- vent transporter dans le bec. Concluons delà que si les Corbeaux ont jusqu’à présent inspiré tant de dé- goût et d'horreur, ils en sont redevables à leur plu- mage lugubre, à leurs cris rauques et discordants, à leur port indolent, à leur regard farouche, à leur voracité sans bornes, qui les porte à se nourrir à l’état domestique jusque dans les égouts et sur les fu- miers, à l'infection qui s’exhale souvent de tout leur corps, enfin à la vermine qui parfois leur garnit la tête et le cou. GS5.—Corheau Corbine /Corvus Corone). ons vulgaires : Corbeau, Petit Corbeau, Corbasse, Graille, Corneille, Couds. Corene), Vi.Comellle Noire (Cor Carene), Feu Comagchla Ner Cette espèce et la précédente se ressemblent beau- coup par leur conformation et leur parure : c’est pourquoi plusieurs de nos chasseurs les confondent très-aisément. Mais comme celle de cet article est constamment plus petite, et sa voix toujours moins rauque, moins prolongéeque chez lapremière, quelques-uns supposent qu’elle en est la femelle. Ils la nomment, en conséquence, Corneille, déno- 88 ORNITHOLOGIE mination que l’on croit, dans plusieurs localités de la Savoie, uniquement réservée pour désignerune femelle de Corbeau. Il est temps que toutes ces vieilles erreurs disparaissent. Je vais, à cette inten- tion, décrire aussi exactement qu’il m'est possible,les différences les plus tranchées de ces deux espèces. Le Corbeau Corbine se distingue du Corbeau Croassant par sa taille, qui n’est que de 49 à 50 centim., et principalement par plusieurs de ses habitudes naturelles. Le mâle a le plumage entièrement noir, mais à reflets violets et légèrement verdâtres en dessus. Les plumes de la poitrine ne sont pas allongées ni terminées en pointe, comme chez le Corbeau Croas- ‘ sant, mais larges et arrondies. Le bec, qui a près de à centim. de moins en longueur que dans ce dernier, est également noir, ainsi que les tarses. L’iris est brunâtre. La femelle est un peu plus petite que le mâle : elle est en outre moins refletée sur les parties supé- rieures. Les jeunes, avant la première mue, ont le noir de leur livrée terne. Après lu mue, les jeunes mâles ressemblent aux femelles, jusqu’à l’approche du printemps, époque à laquelle ils prennent des reflets aussi brillants que les adultes. On remarque dans celte espèce des variétés acci- dentelles blanches, ou bigarrées de roux clair. de DE LA SAVOIE. 89 gris et de blanc sur un fond noir. Ces dernières sont souvent des métis qui proviennent de l'alliance de cette espèce avec le Corbeau Mantelé. 11 est d’ailleurs reconnu que ces deux espèces s’accou- plent et se reproduisent ensemble. M. Temminck explique dans son Manuel, page 109, 2° édition, que ces deux espèces s’allient dans les contrées mé- ridionales et orientales de l’Europe, où les Corbines sont rares, et qu’on ne trouve point d'exemple de cel accouplement dans les pays où ces deux oiseaux sont communs. Le Corbeau Corbine est tout à fait nomade, et pourtant sédentaire en Suisse et en Savoie : quoi- qu’en effet il se livre tous les ans à des migrations qui commencent en automne et se terminent à l’ap- proche du printemps, il n’èn reste pas moins un grand nombre dans nos climats, pendant l'hiver. Sa nourriture la plus habituelle consiste, comme celle du Corbeau Croassant, en cadavres, en insectes, en reptiles, en grains et en fruits, en œufs d'oiseaux et en volatiles qu’il trouve pris dans des lacets ou qu’il enlève dans les nids. Il s’accouple aussi de la même manière que ce dernier, et en occasionnant quelquefois le même tumulte. Son cri ordinaire est moins un croassement qu’une espèce d’aboie- ment : il articule clovv , clovv , clovv, qu'il répète trois ou quatre fois de suite, au lieu de crahau, crahau, comme celui du précédent. 90 ORNITHOLOGIE Pour se reproduire, il se retire avec sa compa- gne, dès le mois de février, dansles régions de mon- tagnes les plus hérissées de forêts. Quelques couples se fixent aussi, mais en très-petit nombre, dans des rochers à la proximité des bois, ainsi que dans les crevasses des plus hauts murs des bâtiments en ruine et situés sur quelque élévation. Chaque paire a son canton, dans lequel une autre ne peut venir s'établir sans én être aussitôt repoussée par celle qui l’occupe. Le mâle et la femelle bâtissent leur nid au mois de mars. Ils le posent sur la cime ou seulement vers le centre des grands arbres, notam- ment des sapins, des mélèzes et des chênes, ou bien encore, suivant les lieux qu'ils ont choisis, dans un creux de rocher ou au milieu d’une large fente dans une vieille construction abandonnée, Le fond et l'extérieur du nid sont composés de petites bran- ches de hêtre et de sapin, de petits rameaux de buissons épineux, de racines fibreuses, mastiqués avec de la terre, de la boue ou des excréments d’a- nimaux : l’intérieur est matelassé avec de petites racines très-déliées, avec la mousse chevelue des vieux sapins, avec des herbes sèches mêlées à quel- ques morceaux de laine et de poil que le couple trouve fixés aux épines, aux branches des taillis et des arbrisseaux dans les lieux où l’on mène pâturer le bétail. La ponte est de quatre ou cinq œufs, ordi- nairement longiformes , d’un verdâtre clair, ou DE LA SAVOIE. 91 d’un bleuâtre teint de vert et marquetés de taches, de traits plus ou moins rapprochés d’un ton oli- vâtre obscur, gris verdâtre, et brunâtre. Leur lon- sueur, en moyenne, est de 4 centim. 1-4 mill., sur un diamètre de 2 cent. 7-9 mill. L’incubation, à la- quelle prennent part tour à tour le mâle et la femelle dure de dix-neuf à vingt-un jours. Lors- qu’un oiseau de proie vient rôder près de la nichée, premier des deux qui l’aperçoit s’élance à sa pour- suite ; si le rapace fait résistance, l’autre accourt, et, en réunissant tous deux leurs efforts, ils parvien- nent presque toujours à le chasser du canton. En éclosant, les petits ont le bout du bec, les coins de chaque mandibule et les ongles blanchàä- tres ; le reste du bec, les tarses et les doigts sont de couleur de chair rougeâtre. Deux jours après leur naissance , ils commencent à se garnir d’un duvet noirâtre très-long , qu’ils perdent à mesure que les premières plumés se développent. Leurs pà- rents les nourrissent de la même manière et les élèvent avec le même attachement que le Corbeau Croassant.Parviennent-ils à conserver cette nichée, ils n’en entreprennent pas d’autre pour la même année; et après son éducation, ils vivent avec elle dans le même canton qui l’a vu élever. S'ils aban- donnent quelquefois pendant le jour leur district, c'est pour aller ensemble à la recherche de leurs aliments dans les champs, dans les prairies ou sur 92 ORNITHOLOGIE la lisière des bois des alentours. Mais ils reviennent tous les soirs pour y passer la nuit sur les arbres les plus touffus, ou dans des cavités de rochers. Au contraire , leur première couvée devient -elle la proie des dénicheurs, ils en commencent une autre dans le mois qui suit l'enlèvement : celle-ci ne se compose guère que de trois ou quatre œufs. C’est principalement vers le mois d’octobre, sur- tout aux premiers frimas, que ces Corbeaux se réunissent par bandes quelquefois innombrables, et s’éloignent des montagnes pour errer dans les pays de plaines jusqu'à la fin de l'hiver, à la quête de leur nourriture. Quelques troupes se livrent alors à des voyages qu'elles étendent jusque dans les contrées méridionales. Les sujets de la même bande volent tantôt l’un après l’autre, tantôt de si près, qu’on les voit, quand leur troupe est très- nombreuse, défiler pendant près d’une heure sans interruption. Alors pour se réunir dans l’air, comme encore pour se délasser des fatigues de leur vol suivi, et reprendre la direction des vents favorables à leur voyage, les premiers de la bande se mettent de temps à autre à dessiner des cercles quetracent aussi avec eux les retardataires à mesure qu’ils arrivent au point de ralliement. Quand ils sont tous réu- nis , ils s'élèvent encore quelques instants en for- mant des ronds ; puis, parvenus à une grande hauteur, ils continuent leur route en suivant la DE LA SAVOIE. 93 ligne du vent qu’ils reconnaissent pour le plus pro- pice à les conduire dans les climats qu’ils recher- chent. C’est donc pour cela qu’on observe , pen- dant la contrariété des airs, des bandes qui pren- nent, après avoir fait pendant près d’une heure leur manége habituel , une direction tout opposée à celle qu’elles suivaient auparavant. Avant de se reposer dans les champs ou dans les bois qu’elles découvrent, ces troupes ont aussi lhabi- tude de tracer des cercles au-dessus du lieu où elles désirent s'arrêter ; et, comme si elles craignaient de descendre dans un endroit dangereux pour leur conservation, on les voit arriver peu à peu et toujours avec défiance jusqu'à terre ou sur les arbres. Ces troupes voyageuses de Corbines errent ainsi de pays en pays depuis le mois d'octobre jus- qu’en février ; à cette époque , rentrées pour la plupart dans leur premier séjour, elles se dissol- vent pour la pariade et la reproduction de leur espèce. Leurs passages en Suisse et en Savoie sont toujours plus nombreux en automne, surtout aux premières neiges qui tombent dans les montagnes, que durant l'hiver et à l’approche du printemps. Les sujets qui restent chez nous pendant l'hiver forment aussi ensemble des volées plus ou moins nombreuses, suivant les localités. Ils se tiennent à terre presque tout le jour, errant quelquefois pêle-mêle avec le gros bétail, ou cherchant à 94 ORNITHOLOGIE la suite de la charrue les vers, les taupes, les cur- tilières, que le soc met à découvert. Ils dévorent en outre les graines céréales que l’agriculteur vient de semer, et déterrent même celles qui commencent germer. Quelques - uns vivent pourtant isolés ou par paires, et dans les mêmes lieux : ceux-ci se montrent ordinairement moins timides que quand ils se trouvent en bande. Ils s’approchent des habi- tations rurales; ils pénètrent jusque dans les granges retirées pour y dérober des grains de fro- ment et de maïs qu’ils avalent sur place, des chà- taignes , des noix qu’ils emportent à quelque dis- tance des maisons pour les casser à terre à coups de bec en les tenant dans leurs doigts. Chassés de ces lieux, ils vont se joindre aux troupes de leurs semblables qui vivent dans le voisinage, hantent avec elles les champs, les bois de noyers, de châtaigniers, de chênes, et y cherchent à terre, même sous les feuilles qu’ils retournent avec le bec, les fruits de ces arbres. Lorsque la terre est cou- verte de neige, ils se répandent tantôt sur les bords des lacs, des étangs et des rivières, où ils trouvent souvent des cadavres à dévorer, tantôt dans les marécages et le long des fossés, afin de s’y repaitre d’immondices, de grenouilles, de reptiles, de pois- sons morts et vivants qu’ils vont jusqu’à enlever dans leur bec à la surface de l’eau. D’autres se traînent sur les grandes routes , sur les chemins ORNITHOLOGIE DE LA SAVOIE. Corvidees. Passereaux. Lit, J4 Perrin Libz. Edit. à Chambéry: 19 Œufs de Corbeau Corbine; 7.4/0. & JWerner del etLilh. 5 Corbeau M antelé,zra/e; "4 gr lual., EE h5 Zuls de l'espéce; 07. nal. DE LA SAVOIE. 95 les plus fréquentés par les bêtes de somme, et y cher- chent jusque dans les fientes de ces animaux les grains qui n’ont point été digérés. C’est alors qu'ils donnent assez facilement dans la plupart des piéges qu’on leur tend. Mais ils ne tombent jamais dans tous ; il y en a que la ruse et sans doute la finesse de l’odorat leur font éviter, comme chez le Corbeau Croassant. Du reste, on les chasse l’un et l’autre partout de la même manière et avec les mêmes engins. | Le Corbeau Corbine se plaît à l’état domestique. Tout lui convient pour ses aliments ; grains, fruits mürs et pourris, vers, poissons, viande fraiche ou corrompue, ete., etc. Si on le laisse manquer de vivres, il va se nourrir dans les balayures, sur les fumiers et autour des écuries. Sa chair, comme celle du précédent , est toujours très-dure et d’un mau- vais goût. On la mange cependant dans les cam- pagnes pendant les rigueurs de l'hiver, après lavoir toutefois laissée geler pendant une ou deux nuits consécutives. 66.-Corhbeau Mantelé /Corvus Cornix). La Corneille Mantelée (Buff., Cuv.).—Corneille Mantelée (Corvus Cornix), Temm.—Corbeau Mantele (Vieill.). Cornacchia Bigia, Savi. On nomme vulgairement ce Corbeau dans quel- ques contrées de la France Jacobine, Religieuse, Meunière, à cause de la disposition des couleurs grises et noires de son plumage. C’est à lui que se 96 ORNITHOLOGIE rapportent les dénominations de Corbeau Blanc, Corbeau Cendré, Corbeau Jailloté qu’on donne dans nos campagnes à tous les Corbeaux qui ne sont pas entièrement noirs, soit espèces , soit va- riétés. Ici le mâle a 9 cent. de taille. 1] a la tête, la gorge, le devant du cou, les ailes, la queue d’un beau noir à reflets bleuâtres. Le dessus du cou, le dos, le ventre et le reste du plumage sont d’un gris cendré, avec la baguette de chaque plume presque noirâtre. Le bec etles pieds sont noirs. L'iris est brun. La femelle est un peu plus petite que le mâle. Elle en diffère encore par le noir de sa gorge qui est moins étendu sur la poitrine; par ses reflets qui sont partout moins vifs et par le gris cendré du corps qui se trouve chez elle faiblement nuancé de roussâtre. Les jeunes ressemblent aux femelles. C’est à leur première mue que les reflets commencent à se dé- velopper sur le noir de leur livrée. Le mâle et la femelle sont sujets à varier comme les deux premières espèces. (Voyez aussi la remar- que faite à l'article du Corbeau Corbine sur les variétés bigarrées de blanc ou de gris sur le noir or- dinaire du plumage.) | | Le Corbeau Mantelé est toujours rare en Savoie pendant ses deux passages, qui ont lieu, l’un en au- tomne, l’autre à l'approche du printemps. Ilse plaît de préférence, surtout l’été , dans les contrées du DE LA SAVOIE. 97 nord de l’Europe, notamment en Suède et en Norvége. Il s’y propage et construit son nid sur les arbres. Sa ponte est de quatre, cinq ou six œufs quelquefois semblables à ceux des Corbines ; ils sont tantôt d’un vert clair, tantôt d’un bleu vert plus ou moins pâle, tantôt verdâtres, avec des ta- ches, des raies, des points d’un brun verdâtre que divisent parfois quelques mouchetures cendrées, Leur longueur est de 4 cent. 1-3 millim., et leur largeur de à cent. 1-2 millim., ou seulement de 2 cent. 9 millim., dans les œufs les plus allongés 1, Ce Corbeau ne se reproduit pas dans nos Alpes, bien qu'on y remarque des paires jusque vers le commencement d'avril; celles-ci les abandonnent toujours avant le mois de mai pour retourner dans le nord. C’est en octobre, en même temps que les bandes de Corbines, de Freux et de Choucas traversent no- tre pays, que le Corbeau Mantelé vient également s'y montrer. Mais il nous quitte avant le froid pour se rendre dans le midi, sauf quelques sujets tou- jours très-rares, que l’on rencontre ordinairement réunis aux troupes de Corbines le long de nos principales rivières, à l’intérieur de nos marais et principalement sur les bords du Rhône et de l’Isère, ou dans les prairies qui les avoisinent; ces derniers 1 J’ai pris ces dimensions sur divers exemplaires que je tiens de l’obligeance de mes correspondants du nord. T. I. 7 98 ORNITHOLOGIE y passent encore l'hiver en compagnie des Corbines, et vivent avec elles en parfaite harmonie. Il repa- raît ensuite dès le mois de février et en mars, mais il est aussi rare de le remarquer par troupes en Savoie à cette période que durant ses voyages d'automne. C’est le plus souvent seul ou bien par paire, ou par bandes de trois, de cinq ou six sujets qu'il revient chaque année visiter nos climats. A son arrivée, en automne, s’il est solitaire ou par petites compagnies, il fréquente pendant tout le temps qu’il reste au pays, les prairies les plus arrosées, les bords des lacs, des étangs et des ri- vières plantés de peupliers qui lui servent alors de refuge pour la nuit, ainsi que les champs cultivés ou fraîchement labourés. Là, il s’alimente avec des vers , des grillons, des larves et des grains; dans les prairies , comme dans les marécages et sur le bord des eaux, on le voit aller à pas comp- tés à la recherche de sa nourriture, [Il recueille d’abord les limaçons qu’il découvre devant lui ; puis ilse met à chasser aux musaraignes, aux jeunes cam- pagnols, enfin à pêcher aux salamandres, aux gre- nouilles, au menu poisson qu’il saisit avec le bec à la surface de l’eau. À chaque capture, il se retire sur une pierre ou sur un petit monticule, et y meten pièces sa proie en la tenant dans ses serres, afin de s’en repaître partie par partie. Il ne dédai- RS ORNITHOLOGIE DE LA SAVOIF. Passereaux. Corvidees. | — rr" F1}; FE .11;, Lith. J' Perrin Libr. Edit. à Chambéry. J.Werner deletLith. L | A 1 Corbeau Freux, z4/e adulle ; #4 gr. nat; V9. ÿ » ) Jete de J'une de l'année, ZT 18 + 2 LA 3,4 Bufs de l'espece; gr. ral. 5 Corbeau Choucas, jeune male; 91 .11at; P.104.. 6 4 We l'espace, 01. 14, law] DE LA SAVOIE. 99 gne jamais de recourir , pour vivre dans les temps de disette , aux cadavres de reptiles ou de poissons, ni même à ceux des animaux domestiques qu’on jette à la voirie dans les lieux qu’il fré- quente. Mais s’il y a dans le même séjour des Cor- beaux Croassants, c’est après que ceux-ci en sont eux-mêmes bien repus, qu'on le voit aller prendre sa part dans les débris qu'ils n’ont pu dévorer; d’ailleurs, ces oiseaux ne souffrent guère que toute autre espèce de leur genre vienne pendant leurs repas chercher à butiner parmi eux. Le Corbeau Mantelé a le même port que le pré- cédent ; il est habituellement moins défiant, surtout à son passage de printemps, époque à laquelle on l'approche facilement dans nos contrées jusqu'à la portée du fusil. Il m'est arrivé de le rencontrer alors réuni à des bandes de Corbines et de chercher à le tirer ; celles-ci partaient de loin en m’aperce- vant : le Corbeau Mantelé, au contraire, continuait à quêter sa subsistance dans le même poste, sans s'inquiéter beaucoup de leur fuite, ni de mon ap- proche. Sa chair est forte et mauvaise à manger. 6%.-—-Corbeau Freux /Corvus Frugilegus). Noms vulgaires : Sdve, Graille, Graillard, Couds, Guleux. Le Freux ou Frayonne (Buff.).—Freux (Corvus Frugilegus), Temm.—Cor- beau Freux (Vieill.). Corxo Nero, Sawvi. Ce Corbeau est très-reconnaissable depuis l’âge adulte par sa nudité de Ja base du bec, du devant == ge ne — » CEST RE TS > nm AI CE ne nt RER EEE = Fes De fe PRÉ DRR PRNE ES RES Ch de LE Te oi PRESS ES LR O2 am qe dd D eu TS à Cu ‘100 ORNITHOLOGIE. de la tête et de la gorge; c’est de là que lui ont été donnés les noms de Corbeau Chauve et de Cor- beau Galeux dont on se sert encore aujourd’hui dans quelques-uns de nos pays de plaines, pour le désigner. Les naturalistes sont généralement d’avis d’at- tribuer la cause de ces parties nues de la tête à l’ha- bitude qu’a ce Corbeau de fouiller avec le bec les terres labourées, particulièrement celles qui sont composées d'argile, afin d’y chercher les vers, les larves et les grains qu’il aime à l’excès. Le Corbeau lreux a 47-18 cent. de longueur. Le mâle , à l’âge adulte, est d’un noir brillant, avec des reflets pourprés, moins éclatants sur les parties inférieures que sur le dessus du corps, et verts sur les pennes alaires et caudales. Les plumes de la tête, du cou, sont soyeuses et étroites ; celles de la poitrine larges et arrondies à leur extrémité. Le bec est noir, plus droit, plus effilé et moins ro- buste que celui des deux espèces précédentes, mais commodément approprié à la manière de vivre de l'oiseau. La partie antérieure de la tête jusqu'aux yeux, et le devant de la gorge, sont dénués de plu- mes et garnis d’une peau blanchâtre, comme fari- neuse. Les tarses sont noirs; l'iris est d’un noir bleuâtre. La femelle a la taille plus petite et le plumage moins brillant que le mâle. DE LA SAVOIE. 101 Les jeunes de l’année diffèrent des adultes et des vieux par les parties de la tête qui, loin d’être chauves comme chez ces derniers, sont au contraire couvertes de plumes, ce qui leur donne alors une grande ressemblance avec les Corbines. On ne peut guère du reste les en distinguer que par la forme du bec et des plumes de la gorge. Mais à force d’enfoncer le bec dans la terre ou l'argile pour en extraire des vers et des larves, ils finissent par user tellement ces plumes qu'elles disparaissent déjà à la première année ; quelquefois il n’en reste plus, après six ou sept mois, que la racine. Le Freux varie très-rarement comme les espèces précédentes. Il passe en Savoie, chaque année, en automne, depuis le commencement d'octobre jusqu'aux pre- miers froids, par troupes nombreuses, souventsiser- rées que l’air en est obscurcipendant qu'ellesdéfilent. Ces bandes, avec lesquelles s'associent de temps en temps celles des Corbines et des Choucas, se dirigent alors vers les pays de plaines de très-grande éten- due, et ne s'arrêtent guère chez nous que pour y prendre des aliments ou quelques moments de re- pos. On les voit pour cela s’abattre dans les prairies et dans les plaines, où elles recherchent de préfé- rence les pâturages etles terres tout récemment en- semencées : c’est d’ailleurs dans ces lieux qu’elles trouvent avec facilité la nourriture qui leur con- 102 ORNITHOLOGIE vient le mieux : les grains, les vers, les insectes et leurs larves. En se répandant sur les champs , ces troupes ne manquent pas d'y causer des dégâts con- sidérables qui les font proscrire dans plusieurs pays ; en effet, non contentes de dévorer les grains qu’elles trouvent sur la terre, elles déracinent encore ceux qui gernent ou qui sont à l’état laiteux. Mais, d’un autre côté, comme si elles devaient dédommager le cultivateur des pertes qu’elles lui occasionnent , elles s’appliquent à trouver les vers, les larves des insectes, notamment des hannetons et d’autres non moins nuisibles à l’agriculture. Quand elles recon- naissent, sans doute par l’odorat, les places que ces insectes occupent en terre, elles y enfoncent le bec pour se les approprier et pratiquent ordinai- rement des creux coniques qu’on est toujours sûr de rencontrer dans les lieux où ces bandes se sont arrêtées pour vivre. Pendant l’hiver, les Freux sont tout à fait rares en Savoie. On ne les découvre plus alors qu'isolés ou mêlés aux bandes de Corbines. Plusieurs re- passent sur la fin de février ou en mars et s’éloi- gnent généralement de nos contrées avant la saison des nichées qu’ils vont passer dans le nord. Ge qu’il y a de remarquable dans ces oiseaux, c’est qu’ils recherchent la compagnie de leurs semblables aussi bien pendant le temps de l'amour que durant leurs migrations. DE LA SAVOIE. 103 « Vers la fin de mars, dit M. de Selys-Long- champs, dans sa Faune Belge, page 69, les Freux se réunissent par milliers dans certaines localités, soit un petit bois au milieu des campagnes, soit une prairie entourée d'arbres près d’un village, et con- struisent souvent jusqu’à quarante nids sur le même peuplier blanc ; on voit quelquefois une demi-dou- zaine de Freux travailler au même nid. Ces oiseaux semblent former une véritable république; rien de plus remarquable que leur persévérance ; les nids une fois établis, il est presque inutile de chercher à les déloger. Ils reconstruisent sans cesse ceux que l’on abat, sans même s’inquiéter des coups de fusil. Ils connaissent parfaitement cette arme et ne s’éloi- gnent qu'un instant jusqu'à ce qu’on ait cessé de les guetter, tandis qu’une personne munie d’un bâ- ton peut faire le simulacre de les ajuster sans les faire fuir. Mais c’est un grand préjugé que de croire qu'ils sentent la poudre, car la vue d’un fusil non chargé les fait également envoler. » La ponte a lieu en avril. Elle se compose de qua- tre ou cinq œufs qui varient beaucoup par la distri- bution de leurs couleurs. Ils ont pour longueur h cent. , ou 4 cent. 1-8 millim. et pour largeur 2 cent. 6-8 millim. Ils sont d’un vert clair, ou d’un vert obscur , et rayés ou tachetés de brun , de cendré olivâtre, ou de brunâtre et de verdâtre : ces taches sont parfois si rapprochées que la couleur du fond RER — — ps - : PR —— “= ins = LR IRR———- = Re EL FES 104 ORNITHOLOGIE ne s’aperçoit qu'avec peine ; d’autres fois elles sont clair-semées , ou seulement répandues vers l’un des deux bouts. 6S,.—Corbeau Choueas /Corvus Monedula). Noms vulgaires : Graille, Grolle, Savaz, Corneille à Tête Grise. Le Choucas(Buff.).—Le Choucas ou Petite Corneille des Clochers (Cuv.).— La Corneille Choucas et Corbeau Choucas (Vieill.). Faccola, Savi. Le Choucas a 37-38 cent. de taille. Le mâle adulte a le sommet de la tête d’un noir se changeant en reflets violets, suivant l’incidence de la lumière. Il porte du gris cendré sur l’occiput et les parties supérieures du cou : tout le reste du dessus du corps est d’un noir lustré de violet et de verdâtre sur les rémiges et les rectrices. Les parties inférieures sont d’un noir foncé. Le bec est court et noir, ainsi que les tarses; l'iris est blanchâtre ou d’un gris pâle. La femelle adulte et les jeunes mâles de l’an sont nuancés de gris sur le noir des parties inférieures et même, dans ces derniers, sur le noir du dos. Leurs reflets sont moins sensibles et le gris cendré du cou est moins étendu que dans les mâles adultes. Le Corbeau Choucas se trouve répandu dans toute l’Europe. 11 est sédentaire dans de certaines con- trées et seulement de passage dans d’autres. La so- ciété a pour lui, aussi bien: que pour le Freux , le plus grand attrait : il vit effectivement en bandes nombreuses et niche, comme lui, en compagnie de DE LA SAVOIE. 105 ses semblables, dans les villes où abondent les édi- fices, les tours, les églises et les forteresses. Il couve dans les creux et les fissures de leurs murs, et il n’est pas rare de compter jusqu’à dix nids placésles uns près des autres dans le même corps de bâti- ment. Lorsqu'il vit éloigné des villes, dans les lieux où les édifices et les rochers lui manquent, il bâtit son nid sur les arbres : c’est dans ce cas qu’il se donne réellement la peine de le construire. Aussi, une fois achevé, son travail ressemble, par sa soli- dité, à celui du Freux ou de la Corbine. Au con- traire, quand il a adopté une cavité dans une con- struction ou dans un rocher, il se contente d’y appor- ter quelques brins de bois, de paille, et d'herbes pour en tapisser seulement le fond. La femelle vient ensuite y déposer cinq ou six œufs d’un blanc bleuâtre, ou d’un blanc verdâtre , et mouchetés ou picotés de brun et de noirâtre. Ils ont à cent. 9-6 millim. de long, sur 2 cent. 2-h millim. de large. Le Choucas ne se reproduit pas habituellement en Savoie. On ne cite qu'un ou deux couples qui se propageaient , il y a déjà plusieurs années , autour des ruines du fort de Miolans. C’est en au- tomne, depuis le 410 octobre jusqu’au froid, et aux premiers beaux jours de février ou de mars que ce petit Corbeau se montre le plus communément dans nos climats. 11 nous arrive comme le Freux par bandes plus ou moins nombreuses, et notamment mate re er er = SE EE 106 ORNITHOLOGIE les jours où règne le vent du sud-ouest, S'il souffle avec violence, ces troupes de Choucas viennent bas et volent près de terre quand elles ont à traverser des monticules, des vallées où ce vent, par rapport à leur situation, est alors plus impétueux que dans les autres lieux par où elles passent aussi. Lorsque le temps est calme, elles arrivent ordinairement haut, parce qu'elles ne se trouvent pas, comme au premier cas, dans la nécessité de lutter en volant contre le vent. Sitôt qu’elles ont l’intention de se poser à terre, ou sur les arbres et le sommet des bâtiments publics, elles se mettent à dessiner des cercles au-dessus du lieu qu’elles doivent occuper instantanément ; puis , toute la société réunie, on voit les Choucas qui la composent descen- dre insensiblement jusqu'au poste qu'ils viennent de choisir. Après quelques moments de repos, ils reprennent leur vol tous ensemble etcontinuent leur route vers d’autres régions plus en état que les nô- tres de les nourrir pendant la triste saison. Il leur arrive aussi de se réunir quelquefois aux bandes de Corbines et de Freux qu'ils rencontrent en voya- geant et de former ensemble des troupes considé- rables : mais il est toujours facile de les reconnaître, parmi ces grandes volées, à leur grosseur qui est plus petite de la moitié, et surtout à leurs cris ai- gres et perçants (tÿan, tian, tian) qu'ils ne cessent de répéter et qui contrastent singulièrement avec LIT DE LA SAVOIE. 107 la voix grave de leurs compagnons de voyage. Pour se nourrir, le Choucas recherche les terres récemment labourées , les champs ensemencés de grains qui n’ont pas encore germé, les prés, les lieux couverts de taillis où l’on mène habituelle- ment paître des troupeaux de chèvres et de mou- tons, enfin les endroits qui peuvent toujours lui fournir abondamment les vers, les larves, les coléo- ptères, les orthoptères, les graines, les baies et les fruits qui servent à sa nourriture la plus habituelle, Il n’est pas pluscarnivore quele Freux; ets’il serabat quelquefois sur les cadavres, sur les objets immon- des, c’est quand il souffre de la faim et n’a pas d’au- tre ressource pour vivre. On l'élève, on l’apprivoise avec facilité; on peut même réussir à lui appren- dre à articuler quelques mots. Mais il faut, quand on le laisse errer librement en domesticité, qu'on lesurveille de près, car non-seulement il cache les aliments qu’il ne peut consommer sur le moment, mais il dérobe aussi, comme les espèces précé- dentes et surtout la Pie, les pièces de monnaie et tout ce qui reluit à ses yeux. XXIVe Genre : PIE /Pica). Signes caractéristiques : Bec médiocre, à bords tranchants, couvert à sa base de plumes couchées en avant qui cachent les narines : mandibule supe- rieure un peu fléchie en arc; l’inférieure droite. Queue longue et étagée. Les Pies sont aussi omnivores et s’attachent, 1 (l | | UE ht hi nl l Û] | a ul in | Rd 1# ho er CE — DÉS RU un ge NN de Le ue 108 ORNITHOLOGIE pour la plupart, au pays où elles se sont une fois propagées. Elles sont toutes bien caractérisées par la longueur de leurs pennes caudales, constamment étagées : c’est encore par là qu’elles diffèrent es- sentiellement des Corbeaux. Leur démarche aussi est différente : aulieu d’être grave et posée, comme ces derniers , elle s'exécute au moyen de plu- sieurs sauts rapprochés. Leur voix est criarde, Leurs mouvements sont brusques et toujours plus prompts que ceux des Corbeaux. Une seule espèce de Pie se trouve en Savoie : elle y est généralement connue de tout le monde. 69.—Pie à Longue Queue /Pica Caudata)]. Noms vulgaires : Jaquette, Zaquetlaz, Margot, Ragasse, Dams-agusse. La Pie (Buff.).—La Pie d'Europe (Cuv.).—La Pie (Corvus Pica et Garrulus Picus), Temm. — La Pie à Ventre Blanc (Corvus Albiventris), Vieill. — La Pie à Longue Queue {Pica Caudata), S-Longch., Faune Belge. Gazzera, Savi. La Pie adulte est de 49-50 centim. de taille. Le mâle est d’un blanc pur sur le bas de la poi- trine, sur le ventre et les scapulaires. Le reste du plumage est d’un beau noir velouté, à reflets pour- prés, bleus et dorés, sauf la queue qui est toujours très-étagée et d’un noir verdâtre, avec des reflets bronzés. Les pennes alaires sont courtes et mar- quées de blanc à l’intérieur. Le bec est noir, de même que l'iris et les tarses. La femelle a les couleurs générales de sa livrée, surtout les reflets, moins brillants que ceux du mâle. Sa taille est un peu plus courte. DE LA SAVOIE. 109 * Les jeunes sont tout à fait. ternes avant la pre- mière mue ; après cette crise, les mâles ressemblent aux femelles adultes , sauf par leurs rectrices qui sont encore un peu plus petites : d’ailleurs elles n’ac- quièrent toute leur longueur qu’à la seconde mue. Onrencontre dans la Pie des variétés accidentelles totalement blanches, avec l'iris rougeâtre, le bec et les tarses de couleur de chair ; d’autres sont isa- belle, spécialement où le noir règne d'habitude; d’autres enfin se trouvent bigarrées de blanc, de gris ou de roux clair sur le fond du plumage ordi- naire. Mais toutes ces variétés sont excessivement rares dans nos climats. Cetoiseau ne mue qu’une fois par an, à l'approche de l'automne. Sa têtealors, surtout chez lesjeunes, se dépouille de ses plumes tout àla fois, ce qui la fait pa- raître presque chauve pendant une dizaine de jours. La Pie est répandue sur toute la surface de l’Europe, même en Amérique et au Japon. Elle est sédentaire et assez commune en Savoie, dans la plupart des pays de plaine, mais elle ne se trouve qu'accidentellement hors du climat propre à la culture du noyer" ; je dis accidentellement, parce 1 C’est ce qu'il est facile de vérifier dans quelques-unes de nos con- trées où l’on n’a jamais pu réussir à cultiver le noyer : en Maurienne, par exemple, surtout depuis les environs de Saint-Michel jusqu’au delà de la pente méridionale du mont Cenis. On ne remarque jamais la Pie, même durant l’été, dans cet espace de terrain, tandis qu’elle est assez commune avant et après. Il y a pourtant des exceptions qu’il convient 110 ORNITHOLOGIE | qu'il m'est toujours arrivé très-rarement d’en ren- contrer en été des couples plus haut que cette région et jusqu’à celle des sapins. M. l’abbé Caire vient de me faire part qu’il y a aussi dans les basses Alpes des Pies qui nichent sur des mélèzes à 1800 mètres au-dessus du niveau de la mer, tandis qu’en général ces oiseaux nes’ y élèvent pas au delà du climat où viennent les noyers. 11 ajoute qu'il a eu l’occasion d'examiner les œufs d’une de ces couvées et qu'ils lui ont paru plus blancs, à taches plus étroites et plus clair-semées que ceux des couples qui se propagent vers la plaine. Je pos- sède effectivement deux œufs qui me proviennent d’un nid pris en 4849 dans une forêt de sapins de la cime de Saint-Cassin, près de Chambéry ; je les trouve non-seulement plus blancs et moins tachetés, mais encore plus petits de 2-3 mill. et moins larges de 1-2 mill. que plusieurs autres récoltés en plaine ou sur les coteaux qui l’avoisinent. Les individus de signaler : en Tarentaise, notamment aux environs de Moûtiers et d’Aime, le noyer croît avec prospérité, et la Pie qui était répandue dans ces deux dernières localités, il y a, dit-on, quarante ou cinquante ans, ne s’y trouve plus aujourd’hui. L’on attribue son éloignement à l’abatis successif , que l’on à fait sur plusieurs points de ces régions, des grands arbres, surtout des peupliers, à la cime desquels cet oiseau se plaisait à nicher. On la revoit encore de temps à autre à Aigue- blanche , et certainement, dans quelques années, on ne la reverra plus dans ces vallées qu’auprès d’Albert-Ville. Sa disparition a aussi donné lieu dans les contrées que je viens de désigner à des contes ridicules qui seraient déplacés dans cet ouvrage. l | | | | | | DE LA SAVOIE. 111 des lieux montagneux m'ont, d’ailleurs, paru un peu moins gros et moins refletés sur le noir de leur plumage que ceux des localités inférieures. La tem- pérature, toujours plus rafraichie de ces lieux, etle mode d'alimentation sont, à mon avis, pour beau- coup dans l'explication de ces variétés, du resie, à peine sensibles. La Pie aime les prairies, les champs, les PE les chemins bordés de grands arbres, les avenues, les parcs et les bois inférieurs de haute futaie. Elle y vit à la manière des Corbeaux et des Geaïs. Comme les premiers, elle est voleuse mème à l’état domestique et se trouve, en liberté, plus souvent à terre que sur les arbres pour chercher ses aliments ; comme les derniers, elle hante les bois, où elle est sans cesse occupée à monter de branche en bran- che jusqu’au sommet des arbres et à secouer brus- quement sa longue queue. Elle a comme eux la pré- voyance de faire en automne desapprovisionnements de fruits pour passer l'hiver dans son canton, ainsi que leur voix criarde , leur démarche sautillante, quoique ordinairement un peu plus précipitée. Mais son babil continuel lui est particulier. Il a donné lieu, comme son instinct pour levol, à plusieurs ex- pressions triviales qu’on entend redire chaque jour dans les villes. Elle se prive toujours très-aisément et apprend à contrefaire la voix de quelques ani- maux domestiques , surtout des chats, des chiens 112 ORNITHOLOGIE et des brebis. Mais elle s'attache à prononcer si fréquemment les mots qu’on s’est donné la peine de lui apprendre, qu’elle devient en peu de jours très-bavarde, ensuite criailleuse jusqu’à importuner ses maîtres : dame-agasse, ragasse et margot sont les mots qu’on parvient le plus vite à lui faire arti- culer : aussi ces noms lui ont-ils été imposés. Pour développer le talent qu’elle a de prononcer des mots et rendre des sons, on a l’habitude de lui couper la bride fibreuse qui assujettit la base de la langue, vulgairement appelée le filet; et pour augmenter son naturel jaloux et querelleur, on a soin de Îla tenir renfermée dans une cage assez spacieuse pour qu’elle puisse s’y remuer, se débattre, hausser et rebaisser sa grande queue. En captivité, elle mange de tout ; le pain, le fromage, la viande crueet cuite, les fruits de toute sorte. Si on lui jette une pièce de monnaie, elle la considère d’abord en faisant quel- quefois entendre un petit cri qui indique que cet objet l’affecte ; puis elle tourne autour, la becquète, la prend dans le bec et l'emporte à l’écart pour la cacher dans quelque trou en terre, ou dans le bois ou sous des pierres. Pour cela, elle la pose près de l’ouverture du trou qu’elle a choisi et la fait glisser dedans, ou bien elle l’y enfonce à coups de bec. Une autre fois, elle se contente, après l’avoir becquetée à plusieurs reprises , prise et gardée dans le bec, de l’abandonner au hasard comme DE LA SAVOIE. 113 une chose qui ne peut lui être d'aucune utilité. La Pie entre en amour sur la fin de l'hiver. Le mâle et la femelle une fois alliés sont très-attachés l’un à l’autre et leur union dure autant que leur vie. Pour s’apparier, les jeunes mâles comme les vieux qui ont perdu pendant l'hiver leurs compagnes, sont quelquefois réduits à se disputer les femelles dans des cantons où celles-ci sont moins nombreuses; ils se livrent pour cela, chaque matin, dès la fin de fé- vrier jusqu’à la mi-mars, sur la lisière des bois, ou le long des arbres qui bordent les champs, les prairies et les chemins, de petits combats qui ne sont pourtant jamais funestes aux vaincus, pas même aux plus faibles d’entre eux. Dès qu’un mâle s’est approprié une compagne, il l’'emmène avec lui à la découverte d’un lieu favorable à leur multiplication. Quand ils l'ont trouvé, ils s’y tiennent constam- ment et font l’un ou l’autre sentinelle, afin d’être toujours prêts à en chasser les paires qui vien- draient après eux chercher à s’y établir. La Pie se met en devoir de bâtir son nid dès les premiers jours de mars. Elle va le fixer principale- ment au sommet des plus hauts arbres, surtout des noyers, des tilleuls, des peupliers qui longent les grandes routes, les promenades publiques, les champs, les marais ou qui avoisinent des habita- tions. Le mâle et la femelle y travaillent ensemble; ils le construisent avec art et solidité au milieu d’une LATE 8 ET an ar 5. pe Sr error ct End UN ae Lee 114 ORNITHOLOGIE fourche, d’un embranchement ou d’une multipli- cité dé petites branches qui toutes servent à le supporter, au point qu’il y paraît accroché comme un panier. L’extérieur est fortifié de racines, de bûüchettes flexibles, plus ou moins longues et ci- mentées avec de la boue ou de la terre gâchée : une espèce de dôme voûté fait à claire-voie avec de pe- tites branches épineuses artistement entrelacées le recouvre et sert à préserver la couvée des intem- péries du printemps. L'ouverture est habituelle- ment pratiquée sur le côté le moins défendu et en même temps le moins exposé au vent le plus froid qui règne ordinairement dans le pays : elle est cir- culaire, si étroite que l'oiseau ne peut y entrer et en sortir qu’en s’accroupissant et sans se retourner. Une couche de duvet mou et chaud de fleurs et d'arbres, de plumes, de petites racines très-déliées et de débris de plantes extrêmement flexibles, gar- nit l’intérieur du nid. La femelle pond cinq, six ou sept œufs oblongs, d’un vert bleuâtre plus ou moins clair et parsemés de petites taches brunes, mêlées à d’autres qui tirent sur le cendré!. Leur longueur en moyenne est de à cent. 1-3 mill., sur 2 cent. 1-2 mil. de diam. Le mâle participe aux peines de l’incubation et pourvoit encore à la subsistance de Sa compagne , pendant qu’elle couve. Les petits 1 Voyez en outre la variété signalée au commencement de l’article, DE EX SAVOIE. 115 naissent vers le dix-huitième jour de couvaison nus, avec les yeux fermés. La sollicitude de leurs pa- rents pendant leur nutrition et leur éducation après l’abandon du nid est grande : aussi les défendent-ils avec acharnement jusque contre les attaques des Corbeaux, des Buses, des Cresserelles et autres oiseaux non moins redoutables. Durant les premiers jours, ils les alimentent avec des vers, des larves, des coléoptères, des fruits pulpeux et des œufs de vola- tiles qu'ils vont enlever dans les nids : plus tard, s’ils ÿ trouvent des petits, ils les tuent à coups de bec, les emportent pour les mettre en pièces eten donnent ensuite les lambeaux à leur progéniture. Quand on la déniche, l'agitation du père et de la mère est au comble : ils se démènent en tout sens; voltigent autour du ravisseur; criaillent, et vont jusqu’à se poster sur le dôme de leur nid, comme pour défier leur ennemi d’y arriver ou pour exciter les petits à se sauver, quand ils ont déjà les ailes fortes, avant l’arrivée du dénicheur. Après leur sortie du nid, ils restent encore réunis pendant plus de deux mois avec leurs parents : ils sont en effet très-longs à pouvoir suffire d'eux-mêmes à leurs besoins : c’est pour cela que la Pie, qui niche pourtant de bonne heure après l'hiver, ne peut faire plus d’une cou- vée par an. Les Pies vivent, dès la fin de l’été, tantôt par petites troupes, tantôt par paires (les = EX EE RE TT — —— RE —— ———— LE — = ER _ es == — D —— ue "UE = ns ; + — —— EE ——— Re = EE = EE — = 116 ORNITHOLOGIE vieilles), tantôt solitaires (les jeunes), et continuent à fréquenter pendant le reste de l’année les prai- ries, les marécages, les champs plantés de grands arbres, les bois les plus frais, et les parcs les plus rapprochés des habitations. Elles s’y nourrissent de grenouilles, de petits lézards, de souris, de cam- pagnols, de gros insectes, surtout de coléoptères, de vers, de larves, même de pommes de terre, de fruits à pulpe charnue et à coque ligneuse. Il est assez rare delesrencontrer un instant en repos : lors- qu’elles sont perchées, elles sautent encore presque sans relâche de branche en branche, en secouant à chaque pause, à chaque élan, leur longue queue par un mouvement brusque de hauten bas; en marchant, elles la relèvent et l’abaissent aussi presque conti- nuellement. Quoiqu’ellesse plaisent à venir chercher leur vie jusque dans les lieux les plus voisins de l’homme, elles s’y montrent cependant toujours dé- fiantes : un rien les met en émoi; un rien les fait fuir en toute hâte. Mais c’est un grand préjugé que de croire qu'elles ont la faculté de sentir la poudre, car la vue d’un fusil non chargé ou celle d’un bâton avec lequel on fait le simulacre de les ajuster, les fait également fuir de loin. Leurs cris aigres et discor- dants, particulièrement ceux qu'elles poussent quand elles sont affectées ou lorsqu'elles babillent sur les arbres, finissent toujours par étourdir. La Pie est un oiseau très-prévoyant : on la voit UMA SAVOIE: 117 chaque année dans les champs et le voisinage de l’homme, faire dès la fin de septembre des provi- sions de noix, de noisettes, de châtaignes et de glands pour passer plus agréablement que la plu- part des autres oiseaux sédentaires les plus tristes moments de l'hiver : elle transporte ces fruits un à un au bout du bec et les cache dans des cavités d'arbres de haute futaie. Les Pies qui n’ont pas eu la même précaution, c’est-à-dire les jeunes de l’année, dévorent alors tout ce qu'elles peuvent trouver : tantôt elles se rabattent avec les Corbeaux sur les cadavres, tantôt elles cherchent le long des haies les lacets où elles se repaissent des vola- tiles qu’elles y trouvent pris. D’autres se montrent plus entreprenantes : elles vont jusqu’à s’introduire dans les galetas, dans les granges un peu retirées pour s’y nourrir de grains ou de fruits. Au moindre bruit, elles en sortent avec précipitation en empor- tant presque toujours quelque chose avec elles : si, en fuyant, elles lâchent leur proie, elles ont soin de remarquer la place où elles l’ont vue tomber pour revenir quelques instants après la reprendre. XXVe Genre : GEAI (Garrulus). Signes caractéristiques : Plumes du sommet de la tête longues et suscep- tibles de former une espèce de huppe. Bec médiocre, garni à sa base de peti- tes plumes dirigées en avant, droit jusqu’à la pointe de la mandibule supé- rieure, où il se courbe brusquement et tranchant sur les bords. Pennes caudales coupées carrément, ou légèrement arrondies à l'extrémité. Les Geais vivent de fruits, de baies, de grains, ns us a RE ns mm D ne er | | 118 ORNITHOLOGIE de larves et d'insectes. Ils habitent les bois et se li vrent chaque année, en automne, à des excursions. Ils sont naturellement vifs, curieux, défiants et criards. La Savoie n’en possède qu’une espèce. 30.—Geai Glandivore (Garrulus Glandivorus). Noms vulgaires : Le Jéque, Zäquet, Generez, le (reai, le Gaz. Le Geai (Buff.).—Le Geai Glandivore (Garrulus Glandarius), Vieill.— Le Geai Glandivore (Corvus Glandarius et Garrulus Glandarius), Temm. —Ghiandaja (Savi). Le Geai Glandivore a 35-36 cent. de taille. Sa mue est simple. | Le mâle adulte est d’un gris cendré vineux plus foncé sur les parties supérieures que sur le dessous du corps. La tête est couverte de plumes eïfilées que l’oiseau relève et abaisse en huppe à volonté : elles sont plus ou moins bordées de noir, suivant l’âge des sujets : chaque côté du bec porte une large bande noire et longitudinale en forme de mousta- che. La gorge et le bas-ventre sont blanchâtres ; le croupion, les couvertures de la queue d’un blanc plus pur. Sur le pli antérieur de l’aile, on remarque deux rangs de plumes d’un joli bleu d’azur traversé par des raies noires. Les pennes primaires sont noi- râtres, bordées de gris; les secondaires noires et blanches. Les pennes caudales sont cendrées à l’o- rigine, noires dans le reste de leur longueur. Le bec est couleur de corne très-foncée ; l'iris bleuâtre. Les tarses sont d’un brun livide; les jambes fortes et ner- ORNITHOLOGIE DE LA SAVOIE. Passereaux. Lith. on a Chambéry. J. Werner deiet Lith. 1,9 (Lufs de Pie à Longue (lucue ec; 1.14 1 106. 3,4 Lufs Re Geai Clartdirore, gr. so A 116. 5 Nucilra ge Casse-Noix mâle; gr zat.; P.130 ( p ) J'une au Sortir du nr #4 07. na. 7,6 Guls de lespce;, 1. nat. 9 Ze de Wcrlraga Prat tr hyrt chos; #5 or.nat.; P199. Corvidées. C26 DE LA SAVOIE. 119 veuses au point que, si l’oiseau tombe à terre blessé, il fait encore quelquefois, en tombant sur les pieds, un bond de un mètre environ de hauteur. Les femelles et les jeunes ne diffèrent guère des mâles que par les couleurs vineuses qu’elles ont moins vives. Les jeunes cependant portent plus de noir que les adultes sur le bord des plumes allon- gées de la tête : quelques-uns en ont tellement pen- dant leur première année, qu’on croirait de prime abord reconnaître en eux le Geaï à Calotte Noire (Garrulus Melanocephalus) que M, Géné a le pre- mier indiqué et figuré dans les Annales de l’Aca- démie des Sciences de Turin, vol. XXXVIT. La fi- gure qu'ilen donne est basée sur les deux sujets que possède le musée de Turin, tués aux environs de Balbek, au mont Liban, Avant la mue, les jeunes ont du bleu à la base des pennes de la queue et sur les bordures des ailes. Le Geai Glandivore varie d’un blanc pur, avec le bec, les pieds de couleur de Chair rougeâtre et l’œil rouge entouré d’un cercle cendré : je possède un sujet de cette variété, tué en octobre 1851, à Montagnole, près de Chambéry. Il prend aussi ac- cidentellement le plumage de couleur isabelle, avec les moustaches rougeâtres. On rencontre le Geai dans la plupart des contrées de l’Europe. En Savoie, il est commun et séden- taire : il y habite principalement les bois des colli- : 120 ORNITHOLOGIE nes, des montagnes de moyenne élévation où les fruits, spécialement les noix, les noisettes, les fai- nes, les châtaignes et les glands forment la base de sa nourriture. Les forêts de nos Alpes le possèdent en petite quantité ; 1l n’y trouve d’ailleurs que diffi- cilement les fruits qu’il recherche si avidement dans les localités inférieures. Maisil y est remplacé en été par le Nucifrage Casse- Noix que je décris à l’article suivant, c’est-à-dire par l’oiseau que quelques chas- seurs connaissent sous le nom de Geai de Montagne. Les Geais Glandivores s’apparient en mars, et dès le mois d'avril, lemâle et la femelle travaillent ensemble à la construction de leur nid. Ils le posent à l'insertion des plus grosses branches des arbres touffus, surtout des chênes, des sapins et des hêtres, quelquefois sur des troncs recouverts de jeunes pousses ou dans de larges cavités, lorsque les ar- bres qu’ils ont choisis, tels que noyers et châtai- gniers, ne sont pas à cette époque revêtus de leurs feuilles. Ce nid, auquel ils donnent une forme demi- sphérique, fait beaucoup moins de volume que ce- lui de la Pie; il n’a d’ailleurs jamais comme lui de couvercle propre à garantir la nichée des intempé- ries de l’air ; il est en outre moins solide, et nulle- ment cimenté à l'extérieur, mais seulement formé à claire-voie avec de très-petites branches en de- hors, avec des racines fibreuses de buissons ou de plantes en dedans, ce qui laisse souvent voir le jour DE LA SAVOIE. 121 à travers ce nid. Cette habitude de le construire ainsi fait également présumer chez ces oiseaux une prévoyance que l’on ne saurait trop admirer, si elle leur était constante ; celle de vouloir préserver leur couvée des pluies ordinairement si fréquentes au printemps : en effet, avec une telle structure, les gouttes, en tombant sur les matériaux du nid, doi- vent en distiller de suite; et on croirait volontiers que c’est pour en faciliter la distillation que ce Geai a si souvent l'habitude de faire encore pencher son travail légèrement vers le sol et du côté le plus garni de branches ou de rameaux, contre lesquels il ap- puie le bord de la partie inclinée. Aussitôt que le nid est achevé, la femelle y pond chaque jour un œuf, au nombre de quatre ou cinq; ils sont d’un gris vert pâle et couverts de très-petites taches d’un brun clair, le plus souvent répandues en plus grand nombre autour du gros bout, ou d’un cendré ver- dâtre, sans taches ni traits apparents, ou si faible- ment marquetés que chaque œuf paraît plutôt sali par des causes étrangères. Leur longueur est de 3 cent. 1-2 millim., sur un diamètre de 2 cent. 1 ou 2 millim. L’incubation, à laquelle prend aussi part le mâle, se termine vers le dix-septième jour, et les petits éclosent nus, avec les yeux fermés. Leurs parents les nourrissent avec force vers, larves, fruits tendres et avec une espèce de pâte de noyaux ou de semences farineuses qu'ils laissent 122 ORNITHOLOGIE préparer dans leur jabot, comme je l’ai reconnu en disséquant des sujets capturés à l’époque des cou- vées, et d’où ils la font regorger pour la distribuer à leurs petits. Le Geai ne fait en Savoie qu’une nichée par an, à moins qu'elle ne lui soit ravie : dans ce cas, il en recommence une autre dans les quinze jours sui- vants. Après l’éducation, il vit encore en famille jus- qu’à l’automne; à cette période, on le remarque plutôt par troupes ou par bandes de quatre, six ou huit individus que seul ou par paires. Il des- cend des montagnes pour se rapprocher des bois de la plaine et des coteaux : c’est alors que pour vivre il fait des excursions pendant lesquelles on le voit presque sans cesse occupé à se chercher des aliments, surtout des noix, des noisettes, des glands, des châtaignes, des faînes, des baies, des insectes, des larves, des chrysalides et des graines de diverse nature. Il serépand jusque dans les vignobles et les champs plantés de vignes liées aux arbres, pour se nourrir de raisins, de figues et de pêches : quelquefois, il se plaît à suivre les grandes volées de Linoittes, de Pinsons, de Pinsons des Ardennes et à s’abattre avec elles sur les champs ensemencés de sarrasin dont il avale le grain sans le broyer. En quittant les bois et les champs, il se jette dans les parcs, les vergers et les jardins, où il ne manque pas de causer des dégâts, comme la Pue, DE LA SAVOTE. 123 sur les arbres qui portent encore leurs fruits. Si on l'en chasse, il emporte presque toujours avec lui quelque proie, tantôt au bout du bec, tantôt à l'in- térieur ou bien en la logeant, suivant la grosseur de l’objet volé, dans son gosier d’ailleurs assez dilatable. | C’est aussi en automne, à l’époque de la matu- rité du raisin, que nous voyons en Savoie passer à de certaines heures de la journée, surtout le matin et le soir, deux ou trois heures avant la nuit quand le temps est au beau, et durant tout le jour lorsque le temps est à la pluie, des troupes de Geais de quinze, vingt et même plus d'individus. Ils volent l’un après l’autre ou deux ensemble, ce qui fait qu’une même troupe, quand elle est nombreuse, reste pendant près d’une heure pour défiler, et suivent constamment la route que tracent les pre- miers de la bande, en s’entr'appelant à chaque moment par des cris. Avant de s’abattre dans un bois, les chefs ont soin de jeter un long eri d’aver- tissement, auquel les autres, même les plus éloi- gnés de la troupe, répondent tour à tour : ce sont principalement les bois de noyers, de châtaigniers et de chênes que ces sociétés convoitent, et sitôt qu'elles y sont répandues, elles se hâtent après de longues et confuses criailleries de quêter leur sub- sistance. Pour cela, les uns descendent à terre et y retournent brusquement avec le bec les feuilles RE re OT 124 ORNITHOLOGIE afin de trouver les noix, les châtaignes et les glands qu'elles recouvrent: les autres visitent soigneuse- ment les branches et y cherchent à leur extrémité, comme dans les fentes et parmi la mousse ces mêmes fruits, ainsi que des larves et des chrysa- lides. Quelques instants après, et au premier signal donné, ils remontent tous sur les arbres et de branche en branche ils gagnent leur cime d’où, au nouveau signal, qui est un cri plus prompt que le cri ordinaire, ils repartent l’un après l’autre ou deux à deux en jetant encore un cri destiné à avertir les autres qui doivent les suivre. Toutes ces bandes de Geais nous viennent de loin, spécialement du Nord, et se dirigent vers les contrées tempérées et méridionales de l’Europe, d’où elles s’éloignent à la fin de l'hiver pour rentrer dans leur patrie où les rappelle alors le devoir de la reproduction. Il ne se passe pourtant pas d'hiver sans que le Geai soit commun en Savoie. Ceux qu’on remarque alors tantôt seuls ou par paires, tantôt par faibles bandes, dans nos bois inférieurs et les plus près des habitations, sont des Geaiïis acclimatés dans le pays. Ils se nourrissent de petits fruits secs, de baies, de glands et de noix qu'ils ouvrent avec la pointe de leur bec, qui est pour cela plus que dans toute autre saison échancré vers le bout des deux mandibules. Quelques-uns, no- tamment des vieux, ayant eu la précaution de DE LA SAVOIE. 125 s’approvisionner pendant l’automne, passent seuls le plus fort de l'hiver, cachés dans des arbres creux, au milieu des provisions de glands, de faines, et de graines céréales qu’ils y ont amas- sées : 1ls n’en sortent que de temps à autre et pen- dant les jours de dégel : c’est aussi cet instinct qui les porte, en domesticité, à dérober et cacher le surplus de leur nourriture où même les objets qui ne peuvent leur convenir comme aliments, surtout ceux qu'ils voient briller. Dans les temps de neige, ils se tiennent sur les grands arbres qui avoisinent les villages, les hameaux, et là ils épient le moment où l’on jette la nourriture aux pigeons, aux poules et aux canards, afin d’y venir aussi prendre leur part, quand ils ne découvrent pas de gardien dis- posé à les chasser. [Ils vont jusqu’à pénétrer dans les galetas où l’on retire les grains et les fruits : ils y dévorent les graines, mais, quant aux fruits à coque ligneuse, ils les emportent pour les casser, comme s'ils prévoyaient que le bruit qu’ils seraient forcés de faire pour en venir à bout dût avertir les pro- priétaires du larcin qu’ils font dans leurs greniers, Dans plusieurs localités, les campagnards savent tirer parti de cette ruse et tendent des trappes dans le galetas où ils ont une fois découvert des Geais; ils y mettent pour appât un noyau, un morceau de poire, des grains de maïs ou du raisin. Ces oiseaux s’y laissent prendre si facilement que, lorsqu'on RSS SAS RES 126 ORNITHOLOGIE sait la peine qu’ils donnent, quand on veut les tirer de près dans les bois, on est réellement tenté de croire qu’il n’y a que la faim qui puisse leur faire oublier si complaisamment le danger!. | Le Geai Glandivore n’est ni aussi rusé, ni aussi défiant que la Pie à Longue-Queue; mais il est plus curieux : le moindre bruit que l’on fait dans un bois suffit pour attirer tous ceux qui y sont répandus. [ls arrivent d’abord en silence et en voletant d’un arbre à l’autre, comme pour s’as- surer de l’origine et du but du bruit qu’ils ont en- tendu : le jugent-ils redoutable, ils prennent la fuite en criant et retournent au poste qu'ils occu- paient auparavant. [ls viennent également, en ré- pondant au pipeur qui imite leur voix, s'arrêter jusque sur l’arbre au pied duquel ce dernier les attend pour les fusiller ou les attirer sur ses gluaux en faisant à cette intention agiter un rapace noc- turne, fixé tout près d’eux et que les Geais se plai- sent à venir insulter. Si une bande découvre dans un bois un chien, un renard ou tout autre animal de rapine, le premier de la troupe qui l’apercçoit pousse de toutes ses forces le cri d'alarme ; aussi- tôt tous les autres lui répondent et se réunissent 4 J'ai vu aux environs de Chambéry, le 24 décembre 1844, prendre dans un vieux grenier, entouré de hauts arbres et avec des ouvertures sur la partie supérieure de ses murs, huit Geais dans l’espace de deux beures, DE LA SAVOIE. 127 en jetant de grands cris comme s’ils avaient l’in- tention d'imposer à cet ennemi par leur nombre et en faisant beaucoup de fracas; puis ils l’en- tourent et l’accompagnent en criaillant jusqu’à la sortie du bois, Le Geai s’apprivoise aussi aisément que la Pie : mais la captivité en cage l’impatiente tellement, il fait sans cesse des mouvements si brusques, si désordonnés, que son plumage est d’abord en- tièrement gâté. C’est la queue qui commence à s’user la première; les ailes et les plumes de la tête se cassent ensuite. Sa voix ordinaire est désa- gréable, mais il a le talent de la rendre parfois plus supportable, en s’étudiant à contrefaire les cris de plusieurs oiseaux, de quelques quadrupèdes, ou en redisant les mots qu’il entend habituelle- ment ou qu'on veut lui faire articuler; ainsi il croasse à peu près comme la Corneille Noire, il miaule comme le chat, il bêle comme une brebis ou une chèvre, il aboie comme un roquet et pro- nonce les noms les plus bizarres, les plus durs à l'oreille qu’il entend répéter autour de lui. Pour lui faciliter cette imitation, on lui fait, comme à la Pie, quand il est tout jeune, une coupure à la bride fibreuse de la base de la langue. Sa chair est un mets bien médiocre : cependant beaucoup de per- sonnes la mangent bouillie. LA 128 ORNITHOLOGIE XXVIe Genre : NUCIFRAGE /Wucifraga). Signes caractéristiques : Bec variable dans sa grosseur et surtout dans sa longueur, tranchant sur les bords, robuste, droit et garni à sa base de plumes sétacées qui laissent quelquefois l'arête un peu découverte sur le front : man- dibule supérieure un peu plus longue que l'inférieure, rarement presque égale; mais toutes deux ordinairement terminées en pointe obtuse, et droites ou légèrement arquées dans leur milieu. Narines rondes et cachées sous les plumes pileuses qui partent de la base du bec et se couchent en avant. Ailes longues et acuminées. Queue faiblement étagée, langue bifide. Les Nucifrages ou Casse-Noix sont des oiseaux peu rusés et fort peu sauvages : leurs mœurs, jeurs habitudes tiennent beaucoup de celles des Corbeaux et des (reais. Ils sont comme ces derniers babillards et leurs cris naturels sont également dé- sagréables. Chaque année, en automne, ils se livrent chez nous à des excursions jusqu’à l'approche du printemps. Les forêts les plus épaisses de nos monta- gnes, surtout celles du pin à pignons (pinus cembra), sont le séjour qu’ils préfèrent pendant toute la belle saison. Leur principale nourriture consiste en fruits à coque ligneuse, en baies, en semences d’arbresal- pestres, en insectes et en larves. Ils ne grimpent jamais sur les arbres à la manière des Pacs pour chercher leurs aliments, comme l’ont avancé plu- sieurs auteurs, et ils nichent sur les arbres comme le Geai Glandivore. La Suisse et la Savoie en possèdent une seule es- pèce; elle forme deux races qui ne varient guère entre elles à l’extérieur que par leur bec plus ou moins épais et qui se ressemblent par leurs habitudes et la disposition de leurs couleurs. M. Klein est le DE LA SAVOIE. 129 premier qui ait parlé de deux races distinctes dans ce genre. Le pasteur Brehm en fit deux espèces, à l’une il donna le nom de Nucifraga Brachyrhynchos, en lui attribuant pour carac- tères : bec fort, court, épais à la pointe. L'autre est son Mucifraga Macrorkynchos, qui a pour signes distinctifs : bec long, mince, très-bas à la pointe. M. de Selys-Longchamps adopta ces deux espèces dans une {Vote sur une migration de Casse- Noix : Académie royale de Bruxelles, tom. XI, 10 des bulletins. L'espèce ou race nommée Bra- chyrhynchos est particulière au Nord, à la Suède, à la Laponie, d’où elle émigre et se répand dans quelques autres contrées de l’Europe. Elle arrive quelquefois durant l’automne en Suisse et en Sa- voie; mais elle ne se reproduit pas dans leurs Alpes. L'autre, le Nucifraga Macrorhynchos ou le N. Ca- ryocatactes des auteurs, est celle qui se trouve gé- néralement répandue dans les montagnes de l’Eu- rope centrale. Il sera toujours assez difficile de distinguer entre eux les sujets de ces deux races, tant que l’on n'aura pas d’autres signes caractéristiques à signaler que ceuxqui sont tirés de la conformation du bec; car cet organe varie beaucoup chez eux dans sa longueur, comme dans sa largeur et sa hauteur. Il est même probable que ces races s’al- lient ensemble et produisent par celte union des individus qui tiennent des deux par la forme du bec, T. II. 9 130 ORNITHOLOGIE ce que j'ai cru reconnaître sur quelques sujets, rares il est vrai, capturés en Savoie pendant leurs excursions d'automne. 21. — Nucifrage Casse-Noix (Nucifraga Caryocatactes). Noms vulgaires : Geai de Montagne, Casse-Noix, Casse-Noisette, Besacier, à cause de $a poche buccale, semblable à une besace, où il introduit les fruits dont il veut s’approvisionner. En patois de Tarentaise : A/ognier (Noisetier). En Bauges : Cass’alognoz (Casse-Noïisette). Corvus Caryocatactes (Linn.). — Le Casse-Noix (Buff.). — Le Casse-Noix _ Ordinäire (Quv.}.--Le Casse-Noix Moucheté. (Nucifraga Guttata et N. Ca- ryocatactes), Vieill.—Le Casse-Noix (Nucifraga Caryocatactes), Temm.— Nocciolaja (Savi). La taille de cet oiseau estde 32-33 cent. Sa muë est simple et a lieu en août et septembre, suivant l’âge. | Le mâle à le corps d’un brun fuligineux, sans taches sur le sommet de la tête et une partie de la nuque, mais il est remarquable par le grand nombre de mouchetures blanches, en forme de gouttes ou de larmes, qu’il porte sur lés plumes des joues, de la gorge, des côtés du cou, de la poitrine, du ven- tre, des scapulaires et du dos. Les pennes alaires, grandes et petites, et celles de la queue, sont d’un brun noirâtre, un peu reflété de verdâtre: l'extrémité de ces dernières est marquée de blanc, sauf parfois les deux ou les quatre intermédiaires, qui perdent par l’usure et avec l’âge le blanc, et deviennent uni- colores. Les couvertures sous-caudales sont blan- chés ; le bec et les tarses noirâtres. L'iris est brun. La femelle est seulement reconnaissable par le brun de sa livrée qui est nuancé de roussâtre. ex DE LA SAVOIE. 131 - Les jeunes, en sortant du nid, ont déjà le plumage moucheté de blanc comme les adultes : cette couleur est pourtant moins pure, et le bec, jusqu’à leur première mue, est également plus court, plus épais à la pointe des deux mandibules. On rencontre quelquefois en automne dans nos bois des Casse- Noix presque entièrement blanes sur les parties inférieures ; d’autres ont les mouchetu- res plutôt grises que blanches et parfois teintées de couleur de rouille plus ou moins foncée sur la gorge et la poitrine, ou seulement sur l’une des deux par- ties. M. de Selys-Longchamps, dans la note citée à l’article du genre, Signale aussi parmi les carac- tères accessoires du Nucifraga Brachyrhynchos cette nuance sur les mêmes parties inférieures. Ge carac- tère deviendrait nul puisqu'on le rencontre, quoique plus rarement, dans le Nucifraga Caryocatactes : d’ailleurs M. de Selys-Longehamps rapporte qu’il a trouvé les mouchetures lavées de cette couleur de rouille chez trois exemplaires, et b'anches chez un quatrième, apparemment jeune. _ Le Nucifrage Gasse-Noïx n’est pasrare, pendant la belle saison, dans les grandes forêts, surtout dans celles de hêtres, de pins et de sapins de la Suisse et de la Savoie. Il n’estsans contredit, nulle part plus répandu chez nous que dans les plus sombres forêts de la haute Tarentaise et dé la Maurienne, où il recherche partout de préférence celles du pin à 132 ORNITHOLOGIE pignons (pinus cembra) de l’amande duquel il est très-avide. On le remarque aussi, mais principale- ment en automne, à l’époque de ses excursions, par troupes ou par petites bandes, dans les bois de noyers, de noisetiers, de chênes et de hêtres de nos montagnes de moyenne élévation, de nos collines et jusque dans ceux de la plaine. Partout il recher- che avec avidité les semences de ces divers arbres, les fruits et les baies, et accessoirement les insectes, les vers et les larves. Il épluche les petites noisettes sauvages de manière à les dégager de leurs invo- lucres foliacés et les avale tout entières avec leurs enveloppes ligneuses pour les loger dans une espèce de poche à parois très-minces qu’il porte dans la partie supérieure de l’œsophage et du cou. La coque y reçoit un premier degré de macération; puis à mesure que l'oiseau errant par les bois veut se nourrir du noyau, il s’accroupit, baisse la tête et dégorge une noisette, successivement une autre qu’il parvient alors à casser sans peine, à l’aide seule des bords tranchants de son bec!. Cette poche, ou plu- tôt ce sac qui se trouve placé au-devant du cou de l'oiseau, s’ouvre immédiatement sous la langue où il occupe toute la base de la cavité buccale; 1l est 1 Je fus témoin de ce fait le 11 octobre 1851, dans la forêt de sapins de Margériaz où j’abattis le jour même plusieurs de ces oiseaux chargés de petites noisettes : ils en étaient en effet si gorgés qu’ils paraissaient énormément goitreux et très-génés dans leurs mouvements : aussi se laissaient-ils tous tirer de très-près. DE LA SAVOIE. 133 susceptible d’une telle dilatation qu’il n’est pas rare de trouver dans les Casse-Noix qu’on capture jus- qu’à douze, quinze et vingt petites noisettes entières ou une égale quantité d'amandes de pin à pignons. C’est principalement à l’époque de leurs voyages d'automne que l’on est à même de faire cette re- marque ; car ils prennent alors dans cet organe, en cas de disette pendant les excursions qu’ils vont entreprendre, des aliments pour plusieurs jours consécutifs. Les sujets destinés à passer l'hiver en Suisse et en Savoie se servent aussi très-avanta- sgeusement de ce sac, de même que de leur œsophage que j'ai reconnu également très-dilatable, pour s’ap- provisionner de fruits avant que la neige envahisse les lieux qui leur en fournissent le plus. Quand ils sont chargés, ils regagnent le canton qu’ils ont adopté pour leur séjour d'hiver et déposent leurs provisions dans des creux d’arbres. Les Casse-Noix se livrent à leurs excursions an- nuelles en même temps que la Grive de Vignes et la Bécasse. Ils se réunissent par troupes ou par petites bandes, ou bien ils restent en famille et vont jusqu’à se répandre, en errant de bois en bois à la manière des Geais, dans des contrées tempérées de l'Europe, qu’ils abandonnent vers la fin de février pour revenir à leur premier séjour. | Plusieurs bandes nous arrivent des régions alpestres qui nous avoisinent, même du Nord, et te EP CPE 2 RESTE 134 ORNITHOLOGIE s’associent parfois avec celles qu’elles rencontrent en visitant nos bois. Mais leurs migrations des con- trées les plus septentrionales de l'Europe ! jusque dans notre pays sont assez irrégulières, ou tout au moins sont-elles plus abondantes de certaines an- nées que d’autres, ce qui fait croire qu’elles sont dues, quand elles ont lieu en plus grand nombre que d'habitude, à une disette des aliments auxquels ces oiseaux recourent ordinairement pour vivre dans leur pays natal. En arrivant, ces bandes sont habituellement si fatiguées qu’elles ne prennent au- çun soin pour leur propre conservation; elles s’em- pêtrent très-facilement dans les piéges tendus pour les Grives, et se laissent approcher de si près qu’on parvient toujours, quand elles sont rapprochées, à en abattre plusieurs d’un seul coup de fusil : on cite | même des lieux chez nous où des montagnards sont parvenus à en assommer plusieurs à coups de bâton. Si, à force d’être poursuivies et tirées, ces bandes se dissolvent et se perdent, les sujets qui survivent se fixent dans les bois de hêtres, de chênes et de sapins | d’où ils se répandent de temps à autre un à un ou deux ou trois ensemble jusque dans ceux de noyers, de châtaigniers et même dans les vignes où ils se nourrissent aussi de raisin, ouvrent les pommes | et les poires pour en avoir les pepins. Mais, à TILL 2Z Lith. J! Perrin Libr.E dit. Chambéry. J. Werner del # Lith. 1 Cincle Ce male adulle, Sgrnat, P.176. 9 » cure au sortir du 114 # gTnal. 3,4 ufr de Pie g1° Zi l. 5 Grive Draine , 40e adulte; #5 gr. nat. V. 109. 6 Grive Lilorne , #4 adulie;fs grnal.; P.194. DE LA SAVOIE. 179 Le mâle adulte est d’un brun baï sur la tête et le dessus du cou jusqu'aux épaules; d’un brun foncé teint d’un cendré approchant légèrement de l’ardoise sur les pennes des ailes, sur le dos et le eroupion, où l’on remarque des bordures noirâtres sur chaque plume. Un blanc pur envahit la gorge, le devant du cou et la poitrine ; le ventre est d’un brun roux, et l’abdomen d'un brun très-foncé. Les tarses sont couleur de corne. Le bec est noirâtre; l'iris couleur de noisette. Les paupières sont blanches. Quelques sujets des deux sexes conservent en- core au printemps, même après la mue ruptile, les parties supérieures, le roux et le brun du des- sous du corps un peu plus clairs que chez ia plupart des autres individus à la même période. Quelques-uns ont aussi, avec le plumage ordi- paire, les pennes caudales plus longues de 3-5 mill. que d'habitude : ce sont-là les seules variétés indi- viduelles que j’ai pu me procurer en Savoie. | La femelle adulte est plus teintée de cendrée en dessus que le mâle; elle porte moins de blanc sur la poitrine, mais plus de roux sur le ventre. Chez les vieux mâles, les couleurs des parties su- périeures sont un peu plus foncées que chez les adul- les; ils prennent encore, dans un âge très-avancé, un peu de noir ou du noirâtre sur les plumes du milieu du ventre et de l’abdomen : c’est alors qu’il 180 ORNITHOLOGIE est aisé de les confondre avec le Cincle à Ventre Noir du pasteur Brehm, cité à l’article du genre. Les jeunes, depuis la sortie du nid jusqu’à la mue de l’automne, sont très-différents : ils sont gris sur la tête et la nuque, avec une bordure plus foncée à l'extrémité de chaque plume ; celles du dos et du croupion sont frangées de noirâtre. Les ailes por- tent un liséré blanc au bout de chaque penne. La couleur blanche des parties inférieures se trouve finement bordée de brun clair sur toutes les plumes et s’étend jusque sur l'abdomen. Le Cingle Plongeur est sédentaire en Suisse et en Savoie : 1l y fréquente presque tous les lieux qui lui offrent des rivières, des ruisseaux d’eau limpide et coulant sur du gravier. On le ren- contre habituellement seul, et par paires depuis la saison des noces jusqu’après l’éducation : alors le mâle et la femelle appariés vivent retirés auprès des chutes des cascades, des torrents rapides, le long des eaux courantes dont le lit est entrecoupé de pierres. À peine y sont-ils établis qu’ils s'occupent de la construction de leur nid. Ils le bâtissent vers la fin de mars ou dans les premiers jours d'avril, et le cachent avec soin dans un creux ou dans une fente de roc dont le pied est souvent baigné par le courant, ou bien dans un enfoncement pratiqué dansune berge sablonneuse qui borde l’eau, sous les voûtes d’un pont, autour d’une usine ou d’un moulin construit DE LA SAVOIE. 181 sur un ruisseau, enfin parmi les barrages d’un tor- rent ou d’une rivière. Le fond et l’extérieur du nid sont faits avec des feuilles sèches, de la mousse, des racines et des brins d’herbes liés ensemble : une espèce de dôme voûté recouvre la partie supérieure et lui donne l’apparence d’un petit four ; l'ouverture, qui est par conséquent latérale, se trouve garnie sur ses bords de mousses ou de lichens très-serrés. Du duvet d’arbres et de fleurs, des morceaux de crin, des plumes et du foin matelassent l’intérieur où la femelle pond cinq ou six œufs oblongs, presque poin- tus à la petite extrémité et d’un blanc de lait sans taches; ils ont 2 centim. 4-6 mill. de longueur, sur 1 centim. 8-9 mill. de diam. On parvient assez fa- cilement à prendre dans le nid la femelle quand elle couve, à cause du bruit des eaux dans leur chute ou leur cours rapide, qui l'empêche de s’apercevoir à temps de l’arrivée des dénicheurs : du reste, ceux- ci, pour réussir plus vite à se l’approprier, pren- nent déjà la précaution de venir de biais et aussi clandestinement que possible jusqu’à la nichée, puis se hâtent, quand ils sont tout près de l'ouverture, d’y appliquer la main ou bien une toile de filet. Pendant l’incubation, qui dure dix-sept ou dix- huit jours, le mâle se tient, la plus grande partie du jour, blotti près de la couvée, sur le haut d’un rocher, d’une grosse pierre, ou bien parmi les ra- cines des arbustes qui l’avoisinent; il accompagne 182 ORNITHOLOGIE ensuite la femelle chaque fois qu’elle quitte les œufs pour aller se chercher des aliments. Aussitôt que les petits sont en état de faire quelques courtes vo- lées, leurs parents leur font abandonner le nid et leur assignent, à tous séparément, parmi les pierres en- tassées sur le bord de l’eau, parmi les broussailles ou leurs racines qui éffleurent le courant, des postes qu'ils gardent exactement tant qu’ils ne sont pas capables de se pourvoir d'eux-mêmes à leurs be- soins : ils y reçoivent l’un après l’autre et à chaque moment la becquée de leurs père et mère. Cette petite famille vit dans cet isolement pendant les huit ou dix jours qui suivent sa première sortie ; elle se met ensuite à voler après ses parents qui lui ensei- gnent alors l’art de flotter sur l’eau et d’y plonger pour aller chercher jusqu’au fond sa nourriture. Mais sitôt qu’elle est parfaitement élevée, elle se dis- perse et vit dès lors, comme ses auteurs, dans la solitude jusqu’à la reproduction prochaine. C’est au commencement de lautomne que les Cincles qui se sont propagés dans nos pays monta- gneux se rapprochent de la plaine. Ils y reviennent s'établir sur les bords des lacs, hérissés de rochers, le long des ruisseaux d’eau très-limpide et recou- verts de taillis, à la source des rivières, ou bien au- près des fontaines et des chutes d’eau. On les voit dans ces lieux se promener sur la grève, y cueillir des aliments, puis monter sur les pierres qui s’élè- AL A D he D Den ri ne CE DE LA SAVOIE. 183 vent au milieu de l’eau ou se retirer parmi les ra- cines des buissons pour attendre leurs proies au passage. Quoique l’organisation de leurs pieds soit contraire à celle des oïseaux aquatiques, ils n’en n'ont pas moins le plumage serré et comme imprégné d’une couche huileuse qui le rend impé- nétrable à l’eau, pendant qu’ils flottent sur cet élément et s’y plongent, suivant les aliments qu’ils gonvoitent. Les petits coquillages, les lar- ves de libellules, les libellules elles-mêmes, les vers, les très-petits poissons, le frai de la truite et les insectes d’eau servent le plus à leur nourriture. Pour se les approprier dans l’eau, ils y descendent d’abord jusqu'aux plumes du ventre, ensuite ils laissent pendre leurs ailes qu’ils agitent durant l’im- mersion, et continuent de marcher la tête haute jusqu’au fond ; là ils se promènent, vont et revien- nént sur leurs pas, en se prenant néanmoins au gra vier avec leurs ongles forts et recourbés, et tout en capturant des larves, de très-petits mollusques, des vermisseaux avec la même aisance que sur la grève : c'est dans cet état que leur plumage déjà comme imprégné d'huile parait quelquefois entouré de bulles d’air produites aussi par le mouvement de trépidation que les ailes impriment pendant l’im- mersion et qui le font paraître presque tout brillant, D’autres fois, ils sé contentent de passer comme un rat à la surface de l’eau d’un bord à l’autre, ou d’y 184 ORNITHOLOGIE flotter pendant un moment avec les ailes étendues et se laisser aller au courant en JPARUEE néanmoins les insectes ou le menu poisson. Quand on les contraint à prendre le vol, ils par- tent ordinairement en rasant l’eau et poussent en même temps un petit cri bref, moins aigu que celui du Martin-Pécheur Alcyon. On voit donc que le Cincle Plongeur ne se plaît qu’auprès des eaux claires dont le cours est préci- pité et les fonds de gravier ; qu’il y possède presque toujours sur les bords, dans une enfonçure de terre ou de roc, ou bien parmi les buissons ou les pierres amoncelées un refuge propre à le cacher le jour et la nuit pendant ses moments de repos. Si on l’ob- serve le long des eaux troubles el des fossés vaseux, c’est dans les temps des grandes pluies, lorsque la plupart des eaux, même celles qu’il fréquente par habitude deviennent bourbeuses. Il est toujours fa- cile de reconnaître les lieux qu’il hante aux fientes larges et blanchâtres qu’il y laisse presque chaque fois qu’il prend l'essor. Sa chair est préférable à celle du Martin-Pécheur Alcyon; elle tient un peu du goût de celle des Canards d’eau douce. Dic-huitème Famille. TURDUSIDÉES (Turdusidæ). Ces oiseaux forment une famille des plus nom- Les Ce 0 se DL DE LA SAVOIE. 185 breuses de l’ordre des Passereaux. On les distingue à leur plumage grivelé (les Grives), ou bien à leurs couleurs uniformes, ou distribuées par grandes pla- ques (les Merles); à leur bec médiocre, arrondi en dessus, aussi large que haut à sa base où se font remarquer des poils isolés, tranchant sur les bords, et échancré à la pointe de la mandibule supérieure ; celle-ci est en outre légèrement recourbée. Leursna- rines sont ovoides, percées vers l’origine du bec et en partie couvertes d’une membrane nue; les tarses. allongés et annelés. Leur mue est simple. Ils entreprennent des voyages chaque année, à des époques fixes, et certaines espèces émigrent de leur séjour d'été par bandes souvent nombreuses : pourtant quelques sujets restent sédentaires dans le pays qui les a vus naître et où ils ont été élevés. Les bois de la plaine et des montagnes, les bocages, les endroits rocailleux sont, suivant les espèces, leur demeure habituelle. Ils s’y reprodui- sent dans les buissons, et sur les arbres, au milieu du feuillage, ou bien dans les bifurcations de bran- ches, et quelquefois dans les cavités de roc. Leur chant est chez la plupart animé et agréa- blement varié : c’est de la cime des arbres ou de l'extrémité des rochers qu’ils le font entendre. Les . insectes, les vers, les larves, les chrysalides, les baies sauvages, les fruits à pulpe charnue et les semences composent leur principale nourriture. Ils sont na- 186 ORNITHOLOGIE turellement sauvages et méfiants jusqu’au point de ne se laisser guère approcher à la portée du fusil - que par surprise, même durant le temps de l’amour, Mais ils donnent au contraire assez facilement, pen- dant l’automne et l'hiver, surtout à l’époque de leurs excursions, dans les piéges que les bracon- niers leur tendent à l’entrée des bois, où ils ont l'habitude de se rendre en grand nombre, soit pour se nourrir, soit pour passer la nuit, Leur chair, spécialement celle de quelques Grives, est souvent en automne, dans plusieurs localités, parfumée du goût des baies de genièvre, ce qui la fait alors beaucoup rechercher. Ils se plaisent généralement à l’état de captivité, et on peut les entretenir dans l’aisance sans beaucoup de frais; car toute rour- riture leur convient : fruits, viande, mies de pain, insectes, larves de vers à soie. Ils y apprennent assez tôt à siffler les airs qu'on s'applique à leur faire entendre : mais pour leur faciliter ce ta- lent, il est toujours bon de leur couper, quand ils sont très-jeunes, la bride fibreuse qui assujettit la base de la langue. DE LA SAVOIE. 187 XXXII Genre : MERLE /Turdus). Signes caractéristiques : Bec de moyenne longueur, glabre ou emplumé à la base, convexe en dessus, comprimé sur les côtés, garni à l'ouverture de quélques poils : mandibule supérieure un peu arquée et échancrée vers la pointe; l’inférieure droite et entière ; toutes deux à bords tranchants. Nari- nés basales, latérales, ovales ,à demi fermées par une membrane. Tarses longs, nus et annelés. Doist extérieur soudé à la base avec celui du milieu. Ailes mé- diocres. Queue tantôt longue, tantôt composée de pennes courtes. Les Merles diffèrent insensiblement des Grives, parce que leur bec est un peu moins raccourci et qu’il rentre un peu plus dans les plumes du front ; mais leur plumage uniforme, ou distribué par larges plaques de la même couleur, au lieu d’être, comme chez ‘elles, moucheté ou marqué de taches lan- céolées, noires ou brunes, sur un fond de couleur variable, les fera toujours reconnaître au premier coup d'œil. À l’état de liberté, leurs mouvements sont encore plus brusques, leur vol plus court et d'ordinaire moins élevé que celui des Grives : ils ont de plus qu’elles dans la queue un battement fréquent de bas en haut, qu'ils accompagnent d’un petit trémoussement d'ailes, d’un cri bref et coupé. Ces caractères ont engagé quelques naturalistes à en former deux genres séparés ; mais plusieurs, entre autres, MM. Vieillot et Temminck, n’ont pas été de leur avis et les ont groupés dans un seul genre. Je partage leur opinion, en conservant néan- moins le nom de Grive pour les espèces dont le plumage est habituellement grivelé ou marqueté de taches et de traits plus ou moins réguliers ; celui de Merle pour celles dont les couleurs sont uniformes, 188 ORNITHOLOGIE ou répandues par masses. Je les divise également en deux sections ; l’une est réservée aux sujets qui fréquentent les bois, l’autre à ceux qui habitent exclusivement les rochers. Ces derniers ont encore des caractères qui les font de prime abord distin- guer des premiers : on les trouvera signalés en tête de leur section... Premiére Section, SYLVICOLES [(SYLVICOLÆ\,. Ces Merles habitent les bois, les lieux couverts de taillis, et préfèrent toutefois dans nos con- trées, pendant la belle saison, les régions mon- tagneuses à celles de Îa plaine. Ils s’alimentent principalement avec des baies ou des fruits sau- vages, et recourent aux insectes, spécialement au printemps, quand ils ont des petits à nourrir. Leurs nids sont construits tantôt sur les arbres, tantôt dans les endroits fourrés, et rarement dans des arbres creux, tantôt à terre au pied des buis- sons, ou bien encore au revers des fossés. Plusieurs espèces émigrent par troupes à l'approche de l’hi- ver. Quelques-unes restent sédentaires dans le même pays; elles se réfugient, pour vivre dans les temps de neige, le long des haies ou dans les bois circon- voisins des habitations. Les mâles et les femelles, dans tout âge, diffèrent habituellement peu lesuns des autres. Les jeunes ressemblent parfois aux fe- DE LA SAVOIE. 189 melles, durant leur première année, quand celles-ci sont distinctes des mâles, comme on le remarque particulièrement chez les Werles proprement dits. Cette section possède en Savoie six espèces. 29.— Grive Draine (Turdus Viscivorus). Noms vulgaires : Grosse Grive, la Criarde, la Trd-Tré, Crezeniere, Vil- iettaz À. La Draine (Buff.).—Grive Draine (Vieill.).—Merle Draine (Turdus Visci- vorus), Temm.—Tordela (Savi). A On a donné à cette Grive le nom de Draine en français, de Schnarrer en allemand, parce qu’elle ne cesse de crier dre, dre, dre ou trrrée, trrrée, lorsqu'on approche de sa couvée et quand elle fuit les chasseurs ou l'oiseau de. proie. On l’a aussi ap- pelée Grive de Gui, parce qu’elle se nourrit de la graine de gui qui, dit-on, donne quelquefois à sa chair un léger goût d’amertume. La Grive Draine est la plus grande de toutes cel- les de l’Europe : sa taille est de 30-31 centim. Les adultes et les vieux mâles ont le sommet de la tête et les autres parties supérieures d’un brun cendré olivätre : cette couleur prend sur le crou- pion une faible teinte roussâtre. Les couvertures alaires et les pennes extérieures de la queue sont bordées de blanc. Le lorum, ou l’espace situé entre le bec et l’œil porte du gris blanchâtre. Un blanc 1 Ce nomest tiré du mot patois vi/lion, qui signifie gui, espèce de plante parasite qui s’attache à plusieurs arbres et dont les baies servent à alimenter cet oiseau. et les doigts sont jaunâtres; les ongles noirs. La femelle diffère du mâle seulement parce qu’elle a le blanc des parties inférieures plus lavé de rous- sâtre que lui. Les jeunes, en sortant du nid, sont tachetés d’un brun jaunâtre sur le dessus du corps, où l’on remar- que en outre quelques traits longitudinaux d’un blanc teinté de roux; après la première mue, ils ressemblent aux femelles. La Draine varie d’un blanc plus ou moins pur ; d’un roux cendré ou de couleur isabelle, avec quel- ques taches brunes, Elle est sédentaire en Savoie, quoiqu'un certain nombre en émigre chaque année, sur la fin de l’au- tomne, par familles ou par petites troupes : à cette époque, on en voit passer quelques bandes peu nombreuses qui nous viennent en général du Nord, en même temps que les Litornes et les Mauvis. Cette Grive est un des oiseaux qui s’apparient bien avant l’équinoxe du printemps. Le mâle re- cherche sa compagne dès le mois de février ; et le couple aussitôt formé se retire dans un bois de 190 ORNITHOLOGIE lavé de roussâtre, avec des traits bruns, lancéolés sur la gorge et le devant du cou, mais ovales sur le ventre, envahit toutes les parties inférieures. L bec est brun à son origine, noirâtre vers la pu et quelquefois très-recourbé à l'extrémité de la mandibule supérieure ; l’iris noirâtre. Les tarses DE LA SAVOIE. 191 châtaigniers, de noyers, de sapins, ou bien dans un pare et un verger. Le mâle et la femelle travaillent en mars à la construction du nid qui doit servir de berceau à leur future famille ; ils le fixent ordinai- rement à la bifurcation des plus grosses branches des arbres, quelquefois près de terre, au bout d’une sou- che taillée en forme de fourche. Comme ils le bâtis- sent detrès-bonne heure et longtempsavant la pousse des arbres, il arrive souvent que leur nichée, même après l’éclosion, est encore exposée à toutes les intempéries de l'air, ce qui en occasionne parfois la perte, surtout à l’époque des pluies et des der- nières neiges de mars. Le fond et le dehors du nid sont faits avec dela mousse, des racines, de la paille, de petits rameaux mélangés et réunis assez fréquem- ment par une espèce de mastic boueux que le mâle et la femelle apprêtent auprès des eaux, transpor- tent ensuite tour à tour et posent avec le bec. Ces _ matières sont ensuite recouvertes sur les bords et à l'intérieur d'herbes très-fines, de crin ou de mor- ceaux de laine, selon les localités. Ge nid, lorsqu'il est construit dans les forêts supérieures où l’on remarque aussi celui du Merle à Collier, lui res- semble quelquefois tellement par sa forme et la na- ture de ses matériaux, qu’on ne peut l’en distinguer, après la ponte, qu’à la couleur des œufs : ils diffè- rent en effet dans les deux espèces. La Draine pond quatre ou cinq œufs, un peu 192 _ORNITHOLOGIE plus gros que ceux du Merle Noir et d’un vert pâle, ou d’un blanchâtre mêlé de roux, et parsemés de taches d’un violet terne, d’un brun ou d’un roussà- tre plus ou moins foncé. Ces taches sont ordinaire- nent répandues tantôt sur le gros, tantôt sur le petit bout, ou bien sur toute la coquille. Les œufs varient en outre beaucoup dans leurs dimensions : les uns ont 2 centim. 7-9 mill., d’autres à centim. 1-2 mill. de long, sur un diamètre de 2 cent. 1-2 mill., ou seulement de 4 centim. 8-9 mill. Habituellement quelques paires font dans les pays de montagnes, vers le commencement de juin, une seconde couvée de trois ou quatre œufs. Le mâle vient assez rare- ment pendant l’incubation visiter la femelle, soit pour la soulager de ses peines, en y prenant lui- même part, soit pour lui apporter des aliments : aussi est-elle réduite à quitter de temps à autre les œufs, à fin d'aller se chercher quelque nourri- ture. Quand elle revient couver, elle s'occupe de ce devoir avec tant de zèle, qu’elle se laisse souvent prendre sur sa nichée. Mais dès l’éclosion le mâle lui devient d’un grand secours ; 1l ne cesse de courir avec elle à la recherche des vers, des larves et des fruits mous pour alimenter leur progéniture : la voient-ils menacée, ils se hâtent de l’en avertir par des cris; si le danger estimminent, ils criaillent avec plus de force, avec plus de célérité ; ils vont jusqu’à s’élancer au-devant des petits pour les engager du [4 | 1 | L 1 LR 1 DE LA SAVOIE. 193 bord du nid à se sauver. Ceux-ci, quoique seulement revêtus de quelques plumes, cèdent fréquemment aux sollicitations de leurs parents; ils quittent le nid, courent à la hâte le long des branches et mon- tent souvent jusqu’au sommet de l’arbre, où ils se cachent ensuite parmi les rameaux ou les feuilles. Après l’éducation, la Grive Draine vit encore par familles dans plusieurs localités de nos montagnes. Elle hante les bois, les vergers, où elle trouve habi- tuellement les fruits, les baies qui lui conviennent, surtout les graines de gui, d’arbousier et de gené- vrier ; puis les prés, les pâturages, où on la remar- que. à terre occupée à se chercher des vers, des limaçons et des insectes. En hiver, on la rencontre souvent seule, ou par paires, ou bien encore par petites bandes de quatre ou cinq sujets : ceux-ci se suivent pendant tout le jour lorsqu'ils cherchent leur nourriture et se réclament à chaque instant par leurs cris habituels dre, dre, rre-rre-rre, ou trrrée, trrrée, qu’ils répètent aussi bien en volant qu'étant perchés, et chaque fois qu’ils se trouvent émus ou qu’ils ont à s’avertir d'un danger ou de l’arrivée de l'oiseau de proie. Ils sont sauvages au point de ne se laisser approcher que difficilement de près. Au nord de notre pays, les braconniers les chassent avec des lacets ou des nœuds coulants, et avec de grands filets qu'ils tendent aux abords des bois, où | PR: À 13 194 ORNITHOLOGIE ils se donnent d'habitude rendez-vous pour vivre ou se chercher un refuge pour la nuit. Ils en font fréquemment carnage, surtout à l’époque de leurs passages d'automne ; c’est ce qu’atteste d’ailleurs la grande quantité de Draines que l’on vend chaque année, en octobre et novembre, sur nos marchés. Sa chair, quoique recherchée, l’est pourtant moins que celle de la Grive de Vignes ou Chanteuse. Certains gourmands lui trouvent un goût d'amertume qu’elle conserve, disent-ils, tant que cette Grive n’est pas à la portée, dansles lieux qu’elle visite, de s’alimenter avec des baies de genévrier ; car alors elle recourt, selon leur avis, Spécialement à celles de gui. 28. — Grive Litorne (Turdus Pilaris). Noms vulgaires : Grive à Pattes Noires, la Grive de Montagne, la Piapiasse, Grive des Sapins ou la Sapinettras. La Litorne (Buff.).—La Grive Litorne (Turdus Pilaris), Vieill.—Le Merle Litorne (Turdus Pilaris), Temm.—Cesena (Savi). Cette Grive a 28 centim. de taille. Le mâle porte du noir sur l’espace entre le bec et l’œil ou le lorum. Il a la tête, la nuque, la partie inférieure du dos cendrées ; le haut du dos et les couvertures alaires châtains, Un roux clair occupe la gorge et la poitrine, avec des taches longitudi- nales, noires au centre des plumes, et plus nom- breuses sur les côtés du cou. Les plumes des flanes sont tachetées de noiret bordées de blanc : le ventre est aussi blanc, Les pennescaudalessont noires; les pieds et l'iris noirâtres, Le bec est d’un brun foncé, LA +264 jhel C4 UNE Er Dig. CR PP A DE LA SAVOIE. 195 La femelle a la tête un peu moins grosse, le roux de la gorge plus clair et le cendré de la tête plus foncé que le mâle. Les sewes, dans cette espèce, sont sujets à varier accidentellement de la même manière que la pré- cédente. | La Grive Litorne fréquénte pendant l'été tous les pays du nord de l’Europe. Elle y niche, dit-on, en societé et de préférence dans les forêts noires ; puis elle s’en éloigne à l’approche des premiers frimas pour se répandre par bandes plus ou moins nombreuses, souvent de plusieurs cents, dans les contrées méridionales et centrales. Il est assez rare que ses premiers passages, surtout quand ils sont abondants dans nos vallées inférieures, ne soient pas accompagnés ou suivis dès le lendemain qu’ils ont eu lieu, de neige ou d’une série de jours froids, comme aussi son séjour dans les mêmes régions jusqu’à la fin de mars indique encore des iraïcheurs ou des gelées imminentes : c’est ce qu’on a été à même de vérifier plusieurs fois dans nos contrées, notamment les dix premiers jours d'avril 1853, époque à la- quelle cette Grive vivait encore par troupes autour de nos prairies marécageuses. Nos campagnards tirent aussi de l’époque de son arrivée, comme du nombre plus ou moins considérable de ses volées, des présages météorologiques qu'ils sont fiers de voir se réaliser quelquefois : ils annoncent un hiver 196 ORNITHOLOGIE long et rigoureux lorsque ses troupes arrivent en grande quantité et quelques jours avant leur période ordinaire; au contraire, ils promettent une saison plus douce, quand cet oiseau paraît tardivement et par petites compagnies. rellatrt C’est vers la fin d'octobre et Sade en novembre que cette Grive revient chaque année en Savoie. Elle commence d’abord par se montrer dans les hautes vallées de nos Alpes qu’elle habite jusqu’à ce que la neige vienne l’en chasser : alors elle s’abat souvent par bandes innombrables dans des régions inférieures, autour des bois, des pâtura- ges et des champs, où les vers, les insectes, les larves, les baies, les semences forment leur prin- cipale nourriture. Ges sociétés sont ordinairement moins sauvages, surtout en arrivant pour la pre- mière fois dans un district, que celles de la Draine : aussi parvient-on facilement à les tirer et en abattre plusieurs d’un seul coup de feu. Si on les chasse du lieu où elles semblent se plaire, elles ne s’en éloignent que pour quelques instants : elles vont se percher sur les plus hauts arbres des environs et retournent bientôt après tantôt par pelotons, tantôt d’une seule volée à leur premier séjour. Elles don- nent encore fréquemment dans les piéges et les lacets que les habitants des campagnes leur ten- dent dans les lieux où elles viennent par habitude en quantité chercher leur vie : ils y mettent pour DE LA SAVOIE. 197 appât des touffes de baies de genévrier et d’alisier dont elles sont en effet très-avides. Lorsqu'une com- pagnie se repaît, il est rare qu’on ne remarque pas quelques sentinelles placées sur la cime des arbres les plus voisins : leur devoir est d’avertir du moin- dre danger leurs compagnes occupées à se nourrir, en poussant les cris : kid, kià, kià, kià, qui ser- vent aussi à les rallier. Celles-ci les ont à peine en- tendus qu’elles prennent leur vol en leur répondant du même cri et vont se loger avec elles un peu plus loin, sur les arbres les plus élevés de l'endroit, Quand en décembre ou janvier le froid devient très-vif dans nos contrées, les Litornes les abandon- nent en grand nombre pour aller passer le reste de la triste saison dans celles du midi de l’Europe ; mais elles y reparaissent encore par troupes à la fin de février. C’est alors qu’elles se répandent de pré- férence le long des taillis, des rangées d'arbres qui bordent les prairies et les marécages où les vers, les fruits secs, les larves, les chenilles qu’elles trou- vent engourdies dans leurs soies, le frai des gre- nouilles et des crapauds servent le plus à les nourrir. Elles gagnent ensuite au commencement de mars les bois qui garnissent le pied de nos montagnes où elles vivent encore pendant quelques jours auprès des ceintures de neige. De là, elles s'élèvent plus haut à mesure que la saison avance et la neige se retire ; puis ensuite on ne les remarque plus dès la se ee er mt ete 5 2 srcmtmee.ca er © AT ————— =. PE e is Le 198 ORNITHOLOGIE fin de mars, à moins que des froids ne surviennent encore que dans les forêts alpestres d’où elles se dirigent toutes et en peu de jours vers les contrées septentrionales de l’Europe pourse reproduire. Elles s’y apparient aussitôt arrivées et construisent leurs nids sur de grands arbres. Leur ponte est de quatre ou cinq œufs : on les dit d’un vert de mer et pointillés de roux brun. 29.—Grive de Vignes ou Chanteuse (Turdus Musicus). EE Noms vulgaires : Grive, Grivaz, Grive des Vignes, la Vendangette, la Thiettaz, à cause de son cri. La Grive (Buff.).—Grive de Vignes (Turdus Musicus), Vieill.=_Merle Grive (Turdus Musicus), Temm.—Tordo Botaccio (Sarvi). DR La taille du mâle adulte dans cette Grive est de 23 centim. 5 mill, Ge dernier a le haut de la tête et les autres parties supérieures du corps d’un brun oli- vâtre:les couvertures alaires seules portent une bor- dure de jaune roussâtre. Le lorum est jaunâtre ; la gorge blanche. Les côtés du cou et la poitrine sont d’un jaune roussâtre, moucheté de noirâtre en forme de lance dont la pointe est dirigée en haut; le ven- tre, les flancs sont blancs, avec des taches ovoïdes de la dernière couleur, Le bec est brun; l'iris noir; les tarses sont d’un gris jaunâtre. La femelle est plus petite de 4 millim. Elle est en outre reconnaissable par les teintes du jaune roussâ- tre qui sont chez elle partout plus pâles et moins éten- dues sur les couvertures des aïles que dans le mâle, = Re CPE ES =... 1403 = ORNITHOLOCGIE DE LA SAVOIE - Passereaux. Tur dusidées. T1, 4 Lith. J* Perrin Chambéry, JWerner del à Lin [l Grive de Vignes ou Chanteuse ,2nàä1e adulte 75 gr.nal., P 196. | 9 Grive Mauvis, 41e adulte; 75 prnat, 1.903. 3,4 Zufs de Grive Draine, grnat-3 uls de Grive Literne; gr nat. 7,6 Bu de Grive de lignes; gr nat- NW Œufs de brie Mauvis.:or. nat DE LA SAVOIE. 199 On se procure assez facilement dans cette espèce des variétés avec la tête et le cou d’un blanc pur, ou avec tout le corps de cette même couleur, ou bien de couleur isabelle. Quelquelois elles sont tapissées de blanc sur la livrée ordinaire où cependant les taches sont alors rares. Les jeunes ont dans le premier âge le plumage grivelé en dessous comme les adultes et les vieux, mais les teintes sont partout moins foncées. Après la première mue, ils ne diffèrent point de ces derniers. La Grive de Vignes est commune en Suisse et en Savoie pendant toute la belle saison. Elle émigre vers le Midi aussitôt après les vendanges et en même temps que les Bécasses commencent à nous arriver du Nord, sauf quelques sujets, toujours très-rares, qui passent isolément l'hiver chez nous, dans les bois les plus fourrés et les plus arrosés de la plaine ou des coteaux voisins. Elle revient seule ou deux à deux vers la fin de février et mieux encore durant les quinze premiers jours de mars : à cette époque, tous nos bois inférieurs, toutes les haies qui bordent des champs ou des pâturages, et la généralité des lieux couverts de broussailles la possèdent, Elle s’y montre encore moins sauvage que pendant l'automne; car elle se lève de devant les passants, et va sans se défier d'eux se reposer sur l’arbre le plus près ; un instant après elle en des- | Il nn tn = se ns — mm : 200 ORNITHOLOGIE cend pour se remettre à chercher s& vie sur le sol en piétinant; puis aux premiers beaux jours, on l’entend le matin, dès que le soleil paraît à l'horizon, gazouiller du sommet des arbres. Elle vit ainsi dans ces lieux en attendant que la neige se soit un peu reculée dans les régions montagneuses où elle se donne habituellement rendez-vous pour l’époque des nichées. Elle y parvient chez nous avant le milieu d'avril et s'établit de préférence dans les forêts de sapins. Les paires qui se reproduisent aussi dans les bois des coteaux et des collines, où elles couvent déjà au commencement d’avril, rega- gnent en général avant la fin de mai, avec leur petite famille, les pays de montagnes : au contraire, celles qui sont appelées à se propager dans ces der- nières localités ne s’occupent guère de ce devoir avant le 25 avril, ou les premiers jours de mai. Le mâle, durant le temps de l'amour, se place sur le sommet d’un arbre touffu et fait, pendant des heures entières, retentir les alentours de son chant sonore et très-varié : de temps en temps il l’entremêle de sifflements qui résonnent au loin dans la forêt. On l’approche alors si aisément qu’on parvient à l’examiner jusque du pied de l’arbre sur lequel il chante, sans que pour cela il paraisse se méfier de celui qui l’observe de si près. Cette Grive niche sur les arbres, quelquefois à l'extrémité des buissons épais et parmi les bran- DE LA SAVOIE 201 ches des arbres nains, à six ou sept pieds du sol. Le mâle et la femelle travaillent ensemble leur nid et le forment avec plus d’art que les deux espèces précédentes. Ils le font à l'extérieur avec des mousses et des lichens qu’ils ramassent souvent sur le même arbre où ils le construisent, avec des raci- nes, de minces morceaux de branches, des herbes etdes feuilles sèches. L'intérieur est revêtu d’une es- pèce de carton composé de poudre de bois vermoulu que le mâle et la femelle détrempent seulement, ou gächent avec un peu de terre ou de boue le long des torrents, ou auprès des sources, et apportent tour à tour dans le nid, où ils l’appliquent pendant qu’il est encore tout imbibé d’eau. Il est à peine achevé et sec qué la femelle vient y pondre quatre, cinq ou six œufs ovales, de 2 centim. 6-8 mill. de longueur, sur À centim. 9 mill., ou 2 centim. de largeur, et d’un bleu céleste, avec quelques taches noires, quelquefois éparses seulement autour du gros bout. Elle fait souvent deux pontes par an, et la seconde, qu’elle n’opère que vers la mi-juin, se compose or- dinairement de trois ou quatre œufs. Le mâle partage avec elle les peines de l’incubation et prend place sur les œufs chaque fois qu’elle les laisse pour aller se récréer, ou chercher sa subsistance; bien plus, il la lui apporte encore lui-même de temps à autre lorsqu'il vient la visiter et la remplacer dans le nid. On trouve assez fréquemment en mai, dans les 202 ORNITHOLOGIE bois de montagnes, des nids de cette Grive aban- donnés et les œufs cassés, ou simplement collés à l’intérieur. Il m’est résulté de diverses remarques faites pour découvrir la cause de la perte de tant de couvées, que c’est au gâchis, sur lequel se fait la ponte, qu'il faut l’attribuer. Les matériaux qui le composent, quoique secs, sont encore suscepti- bles de se détremper pendant les pluies abondantes, surtout quand la femelle néglige d’abriter elle- même l’intérieur du nid, parce qu’elle n’y à pas encore commencé ou achevé sa ponte : mais s’ils viennent ensuite à sécher de nouveau par un soleil brûlant, c’est alors que les œufs qui ont été déposés pendant l’humidité du nid en dedans restent sou- vent pris au mastic qui l’enduit, puis se fendent ou se cassent à mesure que ce dernier se resserre tou- jours plus en durcissant. Le père et la mère nourrissent leurs petits avec des chrysalides, des chenilles, des vers et des coléo- ptères. Loin de les tenir, durant les premiers jours après leur sortie du nid, réunis tous ensemble dans un même lieu, ils leur fixent, au contraire, à chacun séparément un poste, où ils viennent tour à tour les revoir à chaque instant pour leur donner la bec- quée. Mais sitôt qu’ils sont en état de les suivre, ils les emmènent avec eux par les bois pendant quel- ques jours, et ils ne les laissent jamais avant qu'ils soient capables de se procurer d'eux-mêmes des he 0 ven Ve = D DE LA SAVOIE. 203 aliments : dès lors chaque petit vit isolément, ou par trois ou quatre à la fois et même davantage ré- pandus dans le même canton où ils attendent, ainsi que les vieux, l’automne pour se mettre à voyager. C’est principalement à l’époque des vendanges, c’est-à-dire dans la première quinzaine d'octobre, que cés Grives quittent leur séjour de montagnes pour descendre une à une, ou par trois, cinq ou six ensemble, dans les vignobles et les bois inférieurs, Pendant tout le temps qu’elles y réstent, on les rencontre encore solitaires, comme par paires, où bien par petites bandes dont chaque sujet se suit à distance et jamais par pelotons serrés, comme chez l'espèce précédente ou la suivante, À cette pé- riode, chaque soir, au déclin du jour, les chas- seurs des localités où elles sont communes vont les attendre dans les bois circonvoisins des lieux qu’elles fréquentent le jour pour vivre. Elles y arrivent en effet de tous les côtés un instant après le coucher du soleil en s’entr’appelant par leurs petits cris aigus : z1p, zip, ou that : on lés imite facilement avec l’appeau, ou en plaçant le bout du doigt dans la bouche d’où on le retire prompte- ment en le serrant des lèvres avec force. Mais cette chasse n’est jamais d’un grand produit; d’ailleurs, pour se reposer; ces oiseaux ont ha- bituellement soin de se jeter brusquement dans les branches les plus touffues des arbres d’où 204 ORNITHOLOGIE A on les aperçoit ensuite avec d'autant plus de diffi- culté qu’ils y restent souvent, après s’être posés, immobiles à la même place pendant quelques minu- tes. Alors, pour les tirer, on est obligé de chercher à les découvrir parmi les branches ou les feuilles, en tournant lentement autour des arbres sur lesquels on les a vus s'arrêter. Cette ressource est bien en- core infructueuse : elle est du reste souvent bonne à leur donner l’éveil et à les faire fuir avant qu’on ait eu même le temps de les ajuster. La chasse qui leur est le plus nuisible est celle qui se pratique au moven des lacets, des nœuds coulants faits avec le long crin du cheval, ou des grands filets que l’on tend autour des taillis comme à l’entrée des bois où ces grives ont l'habitude de se réunir soit pour vi- vre, soit pour y passer la nuit. On en fait de cer- taines années, quand l’espèce est très-commune durant ses excursions d'automne, de véritables mas- sacres que confirment d’ailleurs les quantités de ces oiseaux qui se consomment alors dans les villes. La Grive de Vignes se nourrit de vers, d’insec- tes, de larves, de baies, principalement de celles de sorbier, de myrtille, de framboisier et de genévrier, de fruits fondants, surtout de raisins, et accessoi- rement de semences et de bourgeons d’arbres. Elle émigre de nos contrées aussitôt après les vendanges et en même temps que commencent les premiers passages de Bécasses. Elle se rend avant le froid DE LA SAVOIE. 205 dans les pays méridionaux d’où elle s'éloigne avant la fin de l'hiver. Sa chair est délicate et très-esti- mée en automne, quand elle se ressent du goût des baies de genièvre. SO. — Grive Mauvis /Turdus Iliacus)]. Noms vulgaires : Quilet, Quilon, Mauviette. Le Mauvis (Buff. Cuv.}.—Le Merle Mauvis (Turdus Iliacus), Témm.—La Grive Mauvis (Turdus Iliacus), Vieill.—Tordo Sassello (Savi). Le Mauvis est la plus petite des Grives qui vien- nent chaque année, en automne, visiter nos con- trées : sa taille n’a que 21 cent. 5-7 mill. J’ai cepen- dant rencontré dans les paquets de cette Grive qui se vendent en novembre, sur nos marchés, des sugets des deux sexes, jeunes et vieux, qui ont seulement 20 centim. de longueur, le bec plus comprimé et la couleur brune olivâtre des parties supérieures du corps un peu plus foncée que le plus grand nom- bre de ceux que nous remarquons à la même épo- que en Suisse et en Savoie. J’en ai comparé avec des Mauvis de même dimension, rapportés de Rus- sie, et je les ai trouvés absolument semblables à ces derniers. Le mâle porte au-dessus de chaque œil un trait longitudinal blanc roussâtre. Il est complétement d’un brun foncé légèrement lavé d’olivâtre sur les parties supérieures, sauf sur les barbes extérieu- res des pennes alaires, où il se trouve un peu taché de roussâtre obscur. Le cou et la poitrine sont d’un 206 ORNITHOLOGIE blanc nuancé de roussâtre et marquetés de taches noirâtres, oblongues, au lieu d’être lancéolées comme dans la Grive de Vignes, et plus ré- pandues sur les côtés du cou : le ventre est blanc et également tacheté en long de noirâtre sur les côtés. Mais ce qui servira toujours à faire distin- guer le Mauvis de la Grive de Vignes, c’est le roux vif qu'il porte sur les couvertures inférieures des ailes et sur les flancs, où cette dernière est blanche avec des taches ovoïdes et d’un jaune chamois en dessous de l'aile. Le bec est noirâtre et moins foncé à la base de la mandibule inférieure. Les tarses sont d’un gris brun. L'iris est presque noir. La femelle a les couleurs générales du plumage moins vives, mais les taches de la poitrine et des côtés du ventre plus étendues et brunes. Les jeunes mâles, après la mue de l'automne, res- semblent aux femelles jusqu’à l'approche du prin- temps suivant. Le Mauvis varie de la même manière que les espèces précédentes. On ne le remarque jamais en Savoie pendant la période des nichées : c’est très-avant dans le nord de l’Europe qu'il se retire au printemps pour se livrer à l’acte de la reproduction. M. Temminck dit qu’il y place son nid dans les toufles de sureau et de sorbier dont il mange les baies, ainsi que dans les buissons de bouleaux et d’aunes, Sa ponte se com- - Le Hors à TL DE LA SAVOIE. 207 pose de quatre à six œufs d’un bleu teinté de verdâtre et tachetés de noir ou de noirâtre, à la manière de ceux de la Grive de Vignes; ils ont 2 centim. 3-h mill. de long, sur 2 centim., ou seulement 1 centim. 9 mill. de diamètre. La Grive Mauvis nous arrive tous les ans par troupes comme la Litorne, mais un peu plus tôt qu'elle. On l’observe en effet vers le 15 ou le 25 oc- tobre, lorsque la Grive de Vignes achève ses mi- grations : c’est pourquoi certains chasseurs s’ima- ginent que celle-ci attend son arrivée dans nos climats pour en partir elle-même afin d’aller se réfugier dans les régions du midi de l’Europe, tout comme, selon leur idée, le second passage des Mau- vis, qui a lieu sur la fin de l’hiver, annonce le re- tour des Grives de Vignes dans peu de jours. En arrivant, soit qu’elle se trouve en petites sociétés, soit en troupes nombreuses, soit même seule ou ap- pariée, la Grive Mauvis s’abai sur la lisière des bois de haute futaie de la plaine ou des montagnes, dans les lieux couverts de buissons et avoisinant des pâtu- rages ou des marais, le long des grandes haies et dans les vignes. Elle s’y nourrit de vers, de raisins, de fruits, de différentes espèces de baies, surtout de celles du sureau, du lierre, de la ronce et du genévrier, Quand plusieurs habitent ensemble une forêt, c'est dans les prés et parmi les broussailles qui l’environnent qu’elles se donnent de préférence 208 ORNITHOLOGIE rendez-vous le matin et le soir, une ou deux heures avant le coucher du soleil, pour y chercher leur sub- sistance. À mesure qu’on les approche pour les guet- ter et les tirer de près, elles s'élèvent brusquement de terre l’une après l’autre comme la Grive de Vignes, et se jettent dans le bois le plus rapproché, où elles se logent de suite dans les arbres les plus épais. Si on les poursuit, elles se cachent dans les touffes de petites branches ou de feuilles, et y restent immobi- les pendant qu’on cherche à les découvrir d’une por- tée de fusil ; leur arrive-t-il en changeant de place de s'arrêter un peu à découvert, elles s’empres- sent aussitôt posées de courir le long de la branche jusqu’à l'épaisseur du feuillage pour s’y cacher en- core : c’est cette ruse qui les rend aussi difficiles à apercevoir sur les arbres touffus que les Grives de Vi- gnes qui ont en effet la même habitude quand on les chasse. Lorsque attroupées elles découvrent un re- nard ou tout autre mammifère nuisible, elles se met- tent à le suivre jusqu'à l'issue du bois : pour cela elles voltigent d'arbre en arbre et répètent sans cesse de petits cris tantôt aigus, tantôt monotones et qui finis- sent souvent par attirer les Geais, les Casse-Noix, les Mésanges et les Rouges-Gorges du même canton : alors ceux-ci se joignent à eux et accompagnent aussi cet ennemi en criaillant de toutes leurs forces. Les Mauvis nous quittent toujours avant les ri- gueurs du froid pour aller se répandre dans les bois DE LA SAVOIE. 209 et les champs d’oliviers des contrées méridionales. Plusieurs reviennent se montrer chez nous en fé- vrier, quand ils s’éloignent du Midi pour rentrer dans leur patrie. Cependant on en rencontre de temps à autre pendant le fort de l'hiver, qui vivent alors en plaine, dans des lieux boisés et très-arrosés, où ils trouvent encore suffisamment des semences, des baïes et des fruits secs. Ils restent altachés au district qui peut ainsi les alimenter : si on les en chasse, ils ne s’en éloignent qu’à de faibles distan- ces, et y reviennent bientôt après un à un et le plus secrètement possible. Cette Grive a, pendant ses passages en Savoie, deux cris très-différents : l’un serait assez sembla- ble au cri de ralliement de la Grive de Vignes, s’il n’était un peu plus aigu et plus traïiné : il peut setra- duire par les deux syllabes ziip ; l’autre est plus grave, 1l semble prononcer les mots Lau, kau, kau. Onassureque, dansson séjour d'été, lemâle, pendant l'amour, fait entendre un ramage agréable : je suis d'autant plus porté à le croire qu'aux premiers beaux jours de février ou au commencement de mars on entend dans nos bois cette Grive gazouiller avec expression, quoique encore très-doucement. Sa chair est souvent sèche et pour cela moins estimée que celle de l’espèce précédente ; mais on peut fa- cilement en améliorer la saveur, en l’assaisonnant, par exemple, de quelques grains de genièvre. PE 0 {4 210 ORNITHOLOGIE 84. — Merle à Plastron /Turdus Torquatus). Noms vulgaires : Grive Genévrière de Maurienne, Merle des Montagnes, Merle Collaret, le Collarin, Grivaz Collarettaz. Dans quelques contrées de la France : Merle de Savoie. Merle à Plastron Blanc (Buff.).—Merle à Plastron (Turdus Torquatus), Cuv. Vieill., Temm.—Merlo col Petio Bianco (Savi). Ce Merle, qui est en automne très-recherché à cause de la délicatesse de sa chair, sous le nom de Grive des (renièvres ou Grive Genévrière de Mau- rienne, est un peu plus fort de taille que le Merle Noir : sa longueur est de 30 centim. Le mâle est très-reconnaissable par le large plas- tron blanc qui lui ceint le haut de la poitrine ; mais cette couleur est toujours plus pure chez les vieux que chez les adultes. Le reste du plumage est, en élé, noirâtre, d’un brun noirâtre en hiver, par conséquent d’une teinte toujours moins foncée que chez le Merle Noir. Chaque plume des parties supé- rieures est bordée d’un brun grisâtre (cette nuance devient souvent imperceptible, après la mue ruptile du printemps) sur la tête, le dessus du cou et le dos, et d’un gris blanc, toujours très-apparent, sur les pennes alaires. Les plumes du ventre, des flancs, de l'abdomen, ainsi que les couvertures inférieures de la queue sont également bordées de blanc ou de gris blanc, suivant l’âge. Le bec est noirâtre en hiver : au printemps, 1l tire sur le jaune dans un tiers de sa longueur ; mais il est , en toute saison , jaune en dedans et à son ouverture. L’'iris est cou- leur noisette. Les tarses sont bruns. ORNITHOLOGIE DE LA SAVOIE. Passereaux. Turdusidées: TH, 2Z Lith. JF Perrin Libr.E dit. Chambéry. J. Werner del & Lite 1 Merle à Plastron, z244 adulte, 75 gr nat. P. 910. 9 » » June male de lan, apres la mue d'aout. 3 » » : June au sortir du 7LZA 75 dr.nal. 456 Zuls de l'esprce; pr. nat. 7,69 Culs de Morte Noir; of. nat; P. 17, DE LA SAVOIE. 211 La femelle a le plastron de la poitrine moins étendu que dans le mâle ; elle y est en outre souvent teintée de gris ou d’un roussâtre très-clair. Elle est encore plus marquée de gris ou de grisâtre sur le dessus du corps et de blanc ou de blanchâtre en dessous que le müle. | | * En quitlant le nid, les jeunes des deux sexes ont la gorge d’un blanc lavé de jaunâtre, avec quelques mouchetures noirâtres. [ls n’ont point encore d’in- dice de plastron sur la poitrine, ce qui les rend très- - semblables aux jeunes du Merle Noir : cette partie est largement tachetée de brun noirâtre vers l’ori- gine et à l'extrémité de chaque plume, dont le cen- tre est alors de la même nuance que la gorge. Le ventre, les flancs et l’abdomen sont aussi de cette dernière couleur, avec la différence que les taches y scnt plutôt grisètres que noirâtres comme sur la gorge et la poitrine. Mais la large bordure grise et rousse des pennes alaires, et le trait longitudinal blanc roux qui suit la direction des baguettes des plumes du dos et des couvertures des ailes serviront toujours à faire distinguer, dans cet âge, les jeunes de cette espèce de ceux de la suivante. C'est après la mue d'août que les jeunes mâles acquièrent le plastron : celui-ci est d’une couleur blanchâtre légèrement roussâtre, avec une bordure grise à chaque plume, ou d’un blanc rembruni, suivant les individus, conséquemment assez peu + RE sep neue mar dnnar en ing mn se 212 ORNITHOLOGIE distinct des couleurs des autres parties inférieures. Les jeunes femelles l’ont encore moins apparent que les mâles; mais ils sont, les uns et les autres, abon- damment tachetés de grisâtre sur le dessus du corps, et en dessous d’un blanchâtre qui prend quelquefois une teinte roussâtre. Au premier printemps et après la mue ruptile, les jeunes mâles ressemblent presque aux vieux, si ce n’est que le plastron conserve encore ordi- nairement jusqu'à l’âge de deux ans une très- légère couche de roux ou de brun clair, suivant les sujels. On remarque dans ce Merle des variétés presque totalement blanches ou très-tachetées de blanc sur les ailes, sur tout le dessous du corps et quelque- fois sans plastron sur la poitrine. Le Merle à Plastron habite pendant l’été les fo- rêts de sapins de nos montagnes, ainsi que leurs environs rocailleux et couverts de broussailles. Il est commun dans les bois du Nivolet, de la cime d’Apremont, de Margériaz, de toute la haute Maurienne, de la Tarantaise, du Faucigny et de la Suisse. Îl ne se montre que rarement en plaine et seulement à l’époque de ses voyages en automne ou de son retour dans le pays sur la fin de l'hiver. C’estaux premières gelées blanches, et en même temps que la Grive de Vignes, que ce Merle aban- donne nos contrées montagneuses pour se livrer par . DE LA SAVOIE. 213 petites troupes, ou par paires, ou bien encore troisou quatre ensemble, à des excursions dans les régions centrales et méridionales de l’Europe:il nousenreste toujours un très-petit nombre pendant les rigueurs du froid dans les bois les plus arrosés de nos colli- nes et le long de leurs torrents. On le voit reparai- tre dès le commencement de mars dans nos bois inférieurs, dans les haies et même sur les saules qui bordent les champs ou les marais; mais il ne s'arrête guère dans ces lieux que pour prendre quelque aliment, et bientôt après il regagne les bois des montagnes. En arrivant dans les régions encore couvertes de neige, 1l est forcé pour vivre de rechercher les endroits les plus humides ; il y remue la terre avec le bec et éparpille la mousse qui recou- vre le pied des arbres, le bord des sources et des fossés afin de se procurer des vers ou des larves. Quand cette nourriture lui manque, il recourt aux bourgeons, aux semences des arbres résineux, aux baies sèches de myrtille et des rosiers sauvages. Le Merle à Plastron niche en Savoie, suivant qu’il habite des lieux plus ou moins reculés, à la mi-avril ou au commencement de mai. Il se loge pour cela tantôt à une petite distance de terre, soit sur un roc couvert d’arbrisseaux, soit au milieu ou au pied d’un buisson très-fourré, tantôt sur les ar- bres et particulièrement sur les sapins, où il préfère le plus souvent le centre des branches horizontales et er pu YYTT,ÇTÇ<«T;QoQOUOUONONUNUNUNUNUNUNUNUÙUÙUYUYUV”,.S<.-FvFvJvn—___RSs ns ex - RES D ART FPS em etage ie rm I CS s 0 , RS Dee RS M RS oo D ee ee Se xre = tee he te D, PUS oo RE 214 ORNITHOLOGIE les touffes de gui. Pour y construire leur nid, le mâle et là femelle vont ensemble ou l’un après l’autre re- chercher danslevoisinageles matériaux nécessaires. Ils commencent parse procurer beaucoup demousses qu'ils ramassent dans les lieux les plus arrosés, des racines terreuses, de très-petits rameaux, des feuil- les sèches qu'ils entassent sans ordre et enduisent, pour consolider leur travail, d’un peu d’argile ou de boue ; ensuite ils en recouvrent le contour à l’ex- térieur d'herbes, de filaments de racines, de paille ou de lichens, et en dedans de foin ; c’est là que la femelle vient pondre, suivant son âge, trois, quatre ou cinq œufs qui varient beaucoup dans leurs dimensions : ils ont en moyenne 2 centim. 7-9 mill. de longueur, et À centim. 7-9 mill., et même jusqu'à 2 centim. de diamètre. La couleur du fond est d’un beau vert bleu, surtout lorsque les œufs sont frais, ou d’un vert bleuâtre pâle, et par- semée, dans les deux cas, de taches d’un brun rou- geàtre, toujours plus larges mais plus rares que dans les œufs du Merle Noir. Pendant que la femelle couve, le mälese tient près d’ellesurla cime d’un ar- bre d’où il ne cesse, surtout le matin, de faire enten- dre pendant des heures entières un ramage moins agréable, moins varié que celui de ce dernier : loin d’être composé de notes ou d’airs sifflés, ce chant ne rend guère que des sons forts qui commencent ou finissent presque toujours par les syllabes arr, arr, DE LA SAVOIE. 215 arr,ouerr,err, err, suivant lesindvidus. Lorsque la femelle quitte ses œufs pour aller chercher sa subsis- tance, le mâle l'accompagne, l’aide à trouver des ali- ments et lui donne par becquées ceux qu'il trouve lui- même; puis 1lla ramène couveretse remet à chanter. A l’éclosion, c’est lé mâle qui est presque seul chargé de pourvoir à la nourriture des petits durant les cinq ou six premiers jours, lors que sa compa- gne est occupée à les réchauffer sous ses plumes. Il ne chante plus qu’un peu le matin : le reste du jour, il court presque sans relâche à la quête des ali- ments, et apporte à la femelle de grosses becquées de vers, de larves et d'insectes tendres qu’elle dis- tribue ensuite à sa progéniture. Plus tard, aidé de sa compagne dans ses recherches, il recommence à chanter un peu plus fréquemment. Le couple alors associe à là première nourriture de leurs pe- tits des baies et des fruits fondants. Cette famille, quoique parfaitement élevée, continue de vivre réu- nie pendant environ deux mois après l’abandon du nid ; puis elle se joint à d’autres familles du même arrondissement et forme ainsi, dans plusieurs de nos contrées alpestres, des troupes quihantent, jus- qu’à l’époque de leurs voyages, les bois et princi- palement les localités où elles peuvent se procurer abondamiment les baies de myrülle et de genièvre dont elles sont toujours très-avides. C’est alors que, dans quelques contrées de la Maurienne, on fait tous 216 ORNITHOLOGIE les ans un vrai carnage de ces Merles. Plusieurs braconniers en font même souvent, surtout les an- nées où les nichées n’ont rien souffert des intem- péries du printemps, un commerce lucratif dès les premiers jours de septembre jusqu'à la fin d’octo- bre’. Pour les capturer, ils tendent une infinité de lacets ou de collets de crin sur les touffes de genévrier ou de myrtille, ainsi que le long des petits sentiers qui y conduisent, comme dans chaque vide qui existe entre un arbrisseau et l’autre, dans les lieux où leurs bandes se rendent habituellement le jour pour vivre. Les uns s’y prennent par le cou et s’étouffent à force de resserrer en se débattant le nœud coulant qui les retient; d’autres par les pieds ; d’autres enfin, mais toujours rarement, par les ailes. On les prend aussi avec de grands filets que l’on dresse à l’entrée des bois touffus quand, chaque soir, au coucher du soleil, ils s’y retirent en foule pour se chercher un abri pourla nuit, ainsi que le matin, au point du jour, lorsqu'ils en sortent pour se répandre dans les alentours. Le Merle à Plastron n’est ni aussi rusé, ni aussi méfiant que le Merle Noir : on l’approche assez facilement jusqu’à la portée du fusil. Il se plaît assez 1 Ce Merle se vend ordinairement sur les marchés de Chambéry 50 centimes la pièce, et 60 ou 70 centimics dans les saisons où l’espèce est moins abondante, Pris sur les lieux mêmes où on le chasse, on l’obtient ordinairement pour 35 ou 40 centimes, et pour 45 ou 50 cen- times lorsqu’il se trouve moins commun que d’habitude. DE LA SAVOIE. 217 à l’état de captivité où d’ailleurs on le nourrit aussi aisément que ce dernier. Quoique ses cris soient durs à l'oreille, je crois qu’en le soignant et en lui coupant en partie, quand il est très-jeune, la bride fibreuse de la base de la langue, l’on parvien- drait à rendre son chant naturel plus agréable, en le restreignant, par exemple, à des sons ou plutôt à des airs qu'on s’appliquerait à répéter devant l'oiseau. S2. — Merle Noir /Turdus Merula). Noms vulgaires : Merle, Merloz. En montagne : Mele et Marlot. Le Merle (Buff.).— Merle Commun (Cuv.). — Merle Noir (Turdus Merula), Vieill., Temm. — Merlo (Savi). Ce Merle, qui est sans contredit le plus commun de tous, a 27 centim. 5-6 mill. de taille. Le mâle, depuis l’âge de deux ans, à le plumage d’un noir profond dans toutes ses parties, et sans reflets. Le bec, le tour des yeux sont jaunes; les tarses, les ongles et l’iris presque noirs. La femelle, que l’on nomme dans nos contrées Merlasse, est difiérente; elle a le bec et les pieds brunâtres; les parties supérieures d’un brun plus ou moins noirâtre, suivant son âge, et même fuli- gineux quand elle est wieille. La gorge est ordi- nairement variée de gris, de brun et de roussà- tre ; la poitrine est d’un brun roux moucheté de noirâtre ; le ventre d’un cendré noirâtre, avec quel- ques traits longitudinaux blanchâtres sur les ba- guettes des plumes. EE Z TT RE T7 OoYIJIYIYTOOC/O/O/O/Y/ZYC/ aquel Tarier ,2näle au printemps, #4 gr. rat. 254. 6,18 Luls de lespece,; pr.nal. 9 Tra quet Pubicole, 2244 adulte à u printemps 13 grnat.V. 064, 10 0 > jeuncméleenautomne grnat-W5 Œuf de l'espece; gr. nal. $ | DE LA SAVOIE. 265 Les mâles adultes, à la même époque, ne difièrent des vieux que parce qu'ils sont plus lisérés qu’eux de roux pâle sur le dos, lanuque, et même sur la tête. La femelle est alors très-différente du mâle. Elle est brun noirâtre où ce dernier se trouve marqué de noir ; chaque plume est en outre bordée de roux jau- nâtre, comme le sont également les ailes et la queue; sa gorge est bien aussi noire, mais cette couleur est variée de taches blanchâtres ou roussâtres. Le roux de la poitrine se trouve pareïllement moins foncé, et l’espace blanc des côtés du cou et du haut de l'aile est moins étendu. | Après la mue de la fin de l’été, les mâles prennent sur le noir de la gorge, de la tête et du dos de lar- ges bordures rousses qu’ils perdent à l’approche du printemps par l'effet de la mue ruptile. Le roux de la poitrine est moins vif qu’en été et le reste des parties inférieures d’un isabelle clair; des lisérés plus larges se font aussi remarquer sur les pennes alaires. Les jeunes, au sortir du nid, ont le dessus du corps d'un brun grisâtre et chaque plume terminée par une petite tache blanchâtre ; mais ils ressem- blent par le reste de leur livréc aux femelles, seulement, le blanc des côtés du cou est indiqué chez eux par une tache roussâtre; celui du haut de l’aile est au contraire presque aussi pur que chez les vieux. | | RS SE en CS ns De ue 0 re me Be Ge m— me D de © te due pl Br à ER 7 + ms hi 16.8 2 moe 266 ORNITHOLOGIE Après la mue, les jeunes mâles ressemblent aux femelles en livrée de nocés; au printemps suivant, après la mue ruptile, ils sont semblables aux adultes décrits plus haut. J’ai quelquefois capturé dans nos montagnes re mâles en plumage d’été dont le ventre et l’abdomen étaient d’un blanc un peu terni, au lieu de blanc roussâtre comme d'ordinaire. Le Traquet Rubicole habite presque toute l’Eu- rope; quoique assez répandu dans nos contrées | il s’en faut beaucoup qu’il le soit autant que le Tarier. D'un naturel plus sauvage. plus vif et plus gaï, il est encore plus difficile à tirer que lui : il sau- tille, s'élève en l'air et retombe ensuite sur le bout des branches les plus isolées des arbres, des buis sons et des plantes ; aussitôt reposé il balance la queue, ou l’agite brusquement de bas en haut, en battant des ailes et en accompagnant ces divers mouvements de ses cris ordinaires : ouis, tra-tra ; tra, tra, tra; ouis-tra-ira. T0! Les lieux secs, incultes, pierreux ou sablonneux et en même temps couverts de bruyères ou de broussailles sont le séjour habituel de ce Traquet dans notre pays : néanmoins il préfère à la plaine les régions montagneuses, les revers des collines ou les sommités des monts, et il y vit pendant tout l’été par couples solitaires. C’est lui le premier des Traquets qui nous arrive DE LA SAVOIE, 267 chaque année après le froid ; c’est lui aussi le der- nier qui nous quitte en automne. On le voit déjà reparaître apparié aux premiers jours de mars. Pourtant quelques sujets, surtout des jeunes de l'an= née, bravent chez nous les rigueurs de l'hiver; ils se rapprochent dans les temps de neige ou de froid excessif des routes ou des chemins les plus fréquen- tés, comme encore des habitations, et se tiennent le long des haies ou des taillis qui les avoisinent. Ils viennent aussi visiter les cours, les jardins pour y chercher leur vie parmi les légumes entassés, au pied des murs, dans le bois fagoté : sur les rou- tes, ils éparpillent le crottin, et y saisissent les grains qui n’ont pas été digérés afin de s’en nour- rir. Pendant toute cette période, ils paraissent con- stamment tristes ; ils sont presque muets, et n’agi- tent pas aussi fréquemment leurs ailes n1leur queue que dans les autres saisons; 1ls sont encore très- peu sauvages etse laissent approcher de si près que certains êtres malfaisants, profitant de leur misère, s'amusent à les chasser avec des pierres ; enfin ils donnent alors dans tous les piéges qu’ils trouvent tendus avec des appâts. Le mâle et la femelle travaillent à leur nid quel- ques jours après leur retour. On les voit pour cela l’un et l’autre transporter des matériaux dès le 20 mars sur les collines ou les monts circonvoi- sins de la plaine, et vers le 10 ou le 45 avril dans 268 ORNITHOLOGIE les montagnes de moyenne élévation. Placé à terre dans un petit creux entre des racines, ou bien au pied d’un buisson, et composé en dehors de mousses sèches, de foin, de brins de paille, et ma- telassé en dedans avec du crin, du poil, de la laine ou des plumes, ce nid renferme cinq ou six œufs, d’un vert bleuâtre constamment plus pâle que chez le Traquet Tarier, mais pointillés d’un roussâtre plus apparent : ils ont en longueur 1 cent. 5-6 mill., sur un diamètre de À cent. 2-3 mill. La femelle fait deux pontes par an, même trois, quand elle est restée dans le pays avec son mâle pendant l'hiver ; d’ailleurs il n’est pas rare, lorsque la fin de février s’est passée en beaux jours, de trouver des nids de ce Saxicole avec des petits prêts à prendre leur pre- mier essor dans les derniers jours de mars, alors que les couples qui ont voyagé durant l’hiver s’ap- prêtent seulement à nicher. De ce que ces couvées ont lieu en mars, les campagnards leur donnent le nom de marcellin , dénomination qu’ils donnent aussi à celles du Merle Noir qu’ils trouvent à la même époque. L'incubation, dans cette espèce, se termine au seizième jour. Pendant que la femelle s’y adonne, le mâle lui apporte sa nourriture, puis il se perche près du nid, à l'extrémité d’un buisson ou d'un arbre, d’où on le voit de temps en temps s'élever droit en l’air, à la manière de ses congénères, en DE LA SAVOIE. 269 faisant entendre un chant assez gai, quoique bref et peu varié. Le père et la mère, afin de n’être pas aperçus pendant la nutrition des petits, n’entrent dans le nid pour leur donner la becquée qu'avec beaucoup de précaution ; ils feignent même, comme le Tarier, lorsqu'ils découvrent quelqu'un, d’entrer dans un buisson étranger à leur progéuiture, pour en sortir aussitôt après d’un vol ras et rapide, afin de regagner, sans être vus, celui qui la renferme. S'ils font comme lui sortir du nid les petits avant qu’ils soient capables de voler suffisamment pour les suivre, ils les cachent parmi les broussailles les plus épaisses et viennent les revoir chacun à leur tour pour leur distribuer des aliments. Parvient-on à les y découvrir, leurs parents entrent dans une agita- tion extrême ; ils arrivent au-devant de l’ennemi en jetant des cris précipités (trac, trac, trac), vol- tigent un instant au-dessus de sa tête et vont se poser à la cime des buissons ou des arbustes, comme pour mieux l’observer ; ensuite ils descendent près de terre, volètent d’un arbrisseau à l’autre et feignent d’être eux-mêmes blessés pour se faire poursuivre afin de donner alors à chaque petit le temps de se chercher un refuge dans les buissons ou parmi les pierres. Dès que les petits commencent à manger seuls, le père et la mère les laissent pour travailler à la seconde couvée qui ne se compose plus que de quatre œufs et rarement de cinq. Gepen- a Ja De ee om eng RS re RE ee EE : + — = _ = 270 ORNITHOLOGIE. dant le mâle les revoit encore de temps à autre, il les rallie même par quelques cris, comme pour les reconnaître ; mais sitôt que sa compagne s’adonne de nouveau à l’incubation, 1l se tient auprès d’elle aussi assidûment que durant la première nichée. Ce Traquet vit plus de temps avec la dernière couvée, car l’on rencontre souvent des familles en- core au complet jusqu’au commencement de l’au- tomne. Dès lors onle voit par paire, mâleetfemelle, quelquefois par petites bandes, et il serapproche de la plaine : on l'y remarque dans les champs ense- mencés de maïs, Le long des lignes de petits mûriers, des haies qui les entourent et jusque dans les vigno- bles. Il est réellement difficile de l’observer un ins- tant en repos; il voltige toujours, remuant et agitant ses ailes etsa queue d’un mouvement presque conti- nuel; il poursuit les mouches au vol et retombe en- suite sur l’extrémité d’un arbre ou d’un buisson; il descend à terre pour chasser aux sauterelles qu'il poursuit en sautillant comme elles, et pour chercher les vers, les larves et les chrysalides dans la mousse qui recouvre le pied des arbres; après chaque proie, il s’élance, fait une pause, va detertre en tertre et tout en gobant des insectes aussi lestement en l'air que sur le sol. Sa chair est aussi bonne à manger en automne que celle du T'arier. 4 | ! ; | DE LA SAVOIE. 271 Vingtième Famille, SYLVIADÉES (Sylriadæ). Signes caractéristiques : Bec droit, grêle, garni de quelques soies sur ses angles, aussi ou plus large que haut à sa base, selon les genres, ensuite étroit et°se terminant en pointe acérée; mandi- bule supérieure sensiblement arquée à l'extrémité qui est quel- quefois échancrée; mandibule inférieure entière et droite. Narines latérales, ovoïdes, à demi fermées par une membrane. Tarses plus longs que le doigt du milieu, nus et annelés. Trois doigts devant, un derrière. Cette famille possède les plus petits oiseaux de l’ordre des Passereaux. Ils sont répandus, les uns dans les bocages et les bois qu’ils animent et égayent par la mélodie de leurs chants, et même, à défaut de ramage, par leurs gestes ou leur présence, les autres dans les jardins, le long des haies, dans les taillis qui bordent les eaux ; d’autres ne se plaisent que dans les herbes ou les jonchées épaisses des marais ou du voisinage des lacs et des étangs ; enfin quelques espèces recherchent de préférence les terrains rocailleux, les rochers ou les vieilles con- structions en ruine; c’est bien aussi dans ces mêmes lieux que tous ces volatiles se donnent annuelle- ment rendez-vous pour pondre etélever leur petite famille. Leurs nids, qui sont chez plusieurs con- Struits avec art, se trouvent tantôt suspendus ou accrochés aux rameaux des arbres et des buissons, aux tiges de deux ou trois plantes très-rapprochées, ou bien aux cannes des joncs et des roseaux, tantôt ‘posés à terre dans un creux, ou près de terre parmi 21e ORNITHOLOGIE les racines et les arbrisseaux, tantôt enfin dans des cavités de rochers ou de vieux murs, sous des débris de rocs amoncelés, ou bien encore dans des arbres naturellement creusés. Plusieurs espèces, les plus communes, font deux et quelquefois trois nichées par an, tandis que d’autres, spécialement celles qui se propagent dans les régions alpestres, ne pondent qu’une seule fois. Le nombre de leurs œufs varie considérablement, suivant les espèces, mais il est, chez la plupart, de quatre à six, que les mâles couvent souvent tour à tour avec les femelles. À. l’éclosion, tous les mâles, sans distinction, aident avec ardeur leurs compagnes dansleur nutrition et l'éducation de la progéniture. Les Sylviadées sont en très-grande partie de passage dans notre pays pendant le cours de la belle saison. Ils y arrivent seuls ou appariés au printemps, et en partent déjà à la fin de l'été, ou bien au commencement de l’automne. Leur nour- riture la plus ordinaire se compose de vers, de lar- ves, de très-petites chenilles, de chrysalides, d’in- sectes de divers genres, surtout de mouches qu’ils enlèvent adroitement au vol en s’élançant sur elles quand ils les voient passer à leur portée. Quelques- uns se nourrisseut aussi de baies, de fruits sauva- ges, de graines et d’autres semences qu'ils trouvent le long des haies, dans les jardins, aux abords DE LA SAVOIE. 273 ou à l’intérieur des bois qu'ils hantent toujours avec vivacité. Ceux qui font séjour pendant l’hiver dans nos contrées se retirent très-souvent, pour pouvoir vivre durant l'intensité du froid, sur les bords boisés des rivières qui charrient le plus d’im- mondices, ainsi que des fossés boueux ou dans les bois champêtres arrosés d’eau de source; ils y font leur nourriture de tout ce qu’ils découvrent à terre ou saisissent à la surface de l’eau, et qui peut se manger. Cette famille renferme les sept genres suivants : Accenteur (Accentor), Rubiette (Ruticila), Fauvette (Sylvia), Rousserolle (Calamoherpe), Pouillot (Phyllopreuste), Roitelet (Regulus) et Troglodyte (Troglodytes). ,: XXXEVe Genre : ACCENTEUR /Accentior). Signes caractéristiques : Bec médiocre, plus haut que large à sa base, droit, fort, pointu, à bords recourbés en dedans : mandibule supérieure échan- crée et un peu arquée vers le bout; l'inférieure droite à la pointe. Narines basales et percées dans une membrane. Ailes médiocres. Doigts extérieurs soudés à leur origine ; l’externe libre. Queue composée de douze rectrices. Les Accenteurs sont des oiseaux sédentaires en Sa- voie, et qui n’aiment, pendant l'été, que la tempé- rature refroidie des montagnes ; ils s’y plaisent tan- tôt dans les lieux très-pierreux ou les rochers dont les fentes et les cavernes leur servent alors de refuge pour nicher, tantôt dans les forêts et les lieux cou- verts d’épais buissons, où ils posent leurs nids sur les arbres où dans les broussailles, A l’approche de ï, tt. 18 . UT 274 ORNITHOLOGIE l'hiver, ou plutôt lorsqu'une neige précoce, par un trop long séjour dans les lieux qu'ils n'ont cessé d’'habiter depuis la pariade, les prive de toute espèce d’aliments, ils descendent en plaine ou seu- lement sur les collines et les monts qui l’avoisi- nent. Îls se nourrissent de vers, de chenilles, de larves, d'insectes, de petits fruits, de graines et de semences de plusieurs plantes. C’est à la conforma- tion de leur bec robuste et dont les bords sont re- courbés à l’intérieur qu'ils doivent la faculté de manger des grains; cette particularité les dispense encore d’émigrer, comme le font les autres vola- tiles qui ne vivent que d'insectes et de fruits fon- dants, dès qu’en automne ils commencent à se ressentir de la disparition des insectes qui forment, durant l’été, leur principale nourriture. Les mâles et les femelles ne diffèrent presque pas entre eux à l'extérieur. Les jeunes, après leur mue, ressem- blent aux vieux : celle-ci ne s’opère qu’une fois l’an, sur la fin de l'été. L'Europe a fourni jusqu'à présent quatre espè- ces d’Accenteurs ; deux d’entre elles se trouvent en Suisse et en Savoie. 30.—Accenteur des Alpes / Accentor Alpinus). Noms vulgaires : Alpin, Montagnard, Mauriennais, Terrasse, Carcasse, Cässe ou Cässaz. La Fauvette des Alpes (Buff.).—Le Pégot des Alpes (Cuv.).—Pégot des Alpes (Accenior Alpinus), Vieill.—Accenteur Pégot ou des Alpes (Temm.).— Sordone (Savi). Explication des noms vulgaires de l'espèce. Quel- ORNITAOLOCGIE DE LA SAVOIE. Passereaux. Sylviadees TM, 2ZZ pos MN Lith, J? ’errin, Chambery. Jvweri.er ael.K Li { Accenteur des Alpes, male adulte , ; 13 gr.nal.; P.974. 9 y » jeune au sortir du nid. — 3,4 Cul; de lespocers gr nat. 5 Accenteur Mouchet. ile adulte; 78 DT nat: P9283.— 6, Fi 0 ul del Ro. or. at 9 Kubiette Rouge- Gorge, anale A #8 9r-ral; P. 991. 10-19 Z/ de lespece; grnal. DE LA SAVOIE. 275 ques oiseleurs des environs de Chambéry nomment cet Accenteur Mauriennais, parce qu’il habite en grand nombre, pendant l'été, les Alpes de la Maurienne ; d’autres l’appellent du même nom parce que, en quittant, à l’approche de l'hiver, ces régions afin de se rapprocher des vallées inférieures, il devient, selon eux, le précurseur de plusieurs Mauriennais qui émigrent à la même époque. Son habitude de nicher parfois à terre sous des pierres, sous des débris de rocs entassés, lui à valu dans quelques-unes de nos montagnesses dénominations de Terrasse et Carcasse. Gelle de Câsse ou Câssaz est particulière au Mont-Cenis et à quelques, contrées de la Haute-Maurienne; elle lui a été imposée pour la même cause que j'ai signalée à l’article du Crave d'Europe (voyez page 140 de ce tome). L’Accenteur des Alpes a 18 cent. de taille. Il ne mue qu'une fois par année. | L'adulte et le vieux mâle sont d’un gris cendré depuis le haut de la tête jusqu’au croupion, et va- rés de mèches brunes. Îls ont les pennes alaires d’un brun noirâtre, et lisérées de gris cendré : celles de la queue sont d’une teinte moins foncée, mais terminées de blanchâtre. Les petites etles moyennes couvertures des ailes sont du même que les rémiges ; elles portent à leur extrémité une tache blanche, ce qui forme sur chaoue aile deux petites bandes 276 ORNITHOLOGIE transversales. La gorge est blanche avec des taches brunes et en forme d’écailles ; le bas du cou, la poi- trine, le milieu du ventre sont d’un gris cendré; les flancs et une partie du ventre d’un roux vif, mélangé de gris et de blanc. Le bec est jaune à sa base inférieure, noir dans le reste; l’iris d’un brun rougeâtre de même que les tarses. Les ongles sont bruns. La femelle ressemble au mâle dans tous les 1 âges. Ses couleurs sont seulement un peu plus À pâles. _ Les jeunes, dès la sortie du nid jusqu'à la mue qui s’opère chez eux sur la fin d’août ou seulement en septembre; n’ont point de roux sur le ventre ni sur les flancs, ni même la gorge blanche et émaillée de brun comme les adultes et les vieux. Toutes leurs parties inférieures sont variées de gris noirâ— tre et d’un blanchâtre qui prend çà et là une légère couche de roussâätre. Le dessus du corps est à peu prés le même, sauf qu'il se trouve un peu plus marqué de roussâtre sur le dos et les scapulaires. Les ailes sont bordées d’un gris roux, et les pennes caudales tachées de blanc roussâtre à leur extré- mité. Les petites et les moyennes couvertures des ailes sont, comme chez les précédents, terminées de blanc, mais d’un blanc sale. Aussitôt après leur mue, ils ne diffèrent guère des vieux que par un léger liséré gris roussâtre qu'ils DE LA SAVOIE. 277 portent sur les plumes du dos et sur les scapulaires, et qui disparaît au printemps suivant par la mue ruptile. Cet oiseau est commun, pendant la période des nichées, dans toutes les Alpes de la Maurienne, du Mont-Cenis et du Chamonix ; on l’y rencontre jus- qu’à larégion des glaces éternelles. Il habite encore, mais en plus faible quantité, quelques parties rocailleuses des Alpes de la Tarentaise, surtout le voisinage des glaciers des Allues, puis les hautes montagnes des Bauges, entre autres celles de Mar- sérlaz, de Rozannas et du Tréloz; enfin on le revoit aussi au Grand-Son, à l’Arpétaz, au Mont- Grenier, etc., etc. Il niche dans des creux ou des cavernes de ro- chers souvent inaccessibles, ou bien à l’intérieur des x entonnoirs ‘ et des glaciers, quelquefois à terre parmi des tas de pierres, sous des débris de rocs amoncelés et très-rarement dans des cavi- tés de vieux pins ou sapins situés à la cime des rocs ou tout près des glaciers qu'ils fréquen- tent, ainsi que sous les toits des chalets, quoique bâtis à proximité des rochers ou des pierrailles qu'ils aiment beaucoup à parcourir. Pour con- struire le nid, le mâle et la femelle vont ensemble à la recherche des matériaux et viennent l’un après 4 Voyez, pour l’explication de ce mot, la note insérée à l’article du Crave d'Europe, page 141 de ce tome. En me C ess Le res Ramin sé ESS sure. —— = 2 — a — — ——— . -— = - .. mA — - = RER PRES TR ES = PERS Lez CRE EE Te >. 278 ORNITHOLOGIE l'autre pourvus de grosses becquées de mousses, d'herbes sèches et de racines de plantes, avec les- quelles ils forment le fond et le dehors du nid; ils transportent ensuite, pour en tapisser le dedans, des poils, des plumes, du duvet de fleurs et du foin. Ce travail, quand il est tout achevé, fait tout autant de volume que celui du Merle de Roche, dont il a du reste la forme. J'ai parfois trouvé des nids pres- que entièrement composés de paille d'avoine, de seigle où de froment, mais je n’ai pas eu de peine à me rendre compte de cette singularité dans des régions aussi éloignées de tout lieu cul- tivé que celles où je les remarquais ; ils étaient dans les glaciers de Margériaz que des gens vont chaque jour exploiter pendant l’été pour pourvoir aux rafraichissements qui se consomment à Cham- béry et à Aix-les-Bains. Ces derniers ont l'habitude d'y porter avec eux des fagots de paille dont ils enveloppent les glaçons qu'ils en retirent, et leurs débris servent ensuite aux Accenteurs qui s’appré- tent à couver aux alentours. La femelle pond vers la mi-mai quatre ou cinq œufs oblongs, d’un bleu nuancé de verdâtre et sans taches; ils sont en outre polis et de2 cent. 2-3 mill. de longueur, sur 4 cent. 5-6 mill. de diamètre. Elle fait souvent une seconde ponte de trois ou quatre œufs à la fin de juin, ou vers le 410 ou le 15 juillet, . dans des régions supérieures à celle où eut lieu la DE LA SAVOIE. 279 première. On peut facilement faire cette remarque au Mont-Cenis où cet oiseau se reproduit, d’abord dans les rocailles de la base de Rivers et de Ronche, par exemple, puis ensuite à proximité des glaces perpétuelles de ces mêmes localités. Au temps de la pariade qui commence à la fonte des neiges, sur les hauteurs où cette espèce est ap- pelée à se propager, on découvrele mâle qui, de la cime d'une grosse pierre ou d’un roc, ou bien du sommet d’un pin ou sapin étêté, rappelle à chaque instant sa compagne par des cris assez semblables à ceux de la Bergeronnette Grise, mais constam- ment plus forts et plus traînés. À peine se rend-elle à ses désirs qu’il vole au-devant d’elle en rama- geant pour la recevoir; alors il s'élève avec elle dans l’air, ou bien tous deux ensemble ils se met- tent à voltiger à la manière d’un couple d’Alouettes le long des rochers qui vont être témoins de leurs amours. Pendant l’incubation, si c’est la femelle qui s’y livre, le mâle est tout près d’elle occupé à rôder par les rocailles pour y chercher sa subsis- tance et celle de sa compagne; il vient en effet la lui apporter à toute heure du jour, et se retire en- suite sur le bout d’une pierre voisine où il se met à chanter un peu ; c’est de là aussi qu’il attend qu’elle sorte du nid pour aller couver à son tour; après quelques minutes de couvaison, la femelle reparaît et succède au mâle sur les œufs. x CR = æ ER Rene nee ses a —— = £ == CEE ee - — — = —- SES — Ti ——_——_—— 280 ORNITHOLOGIE Le père et la mère nourrissent leurs petits avec j des vers, de petites chenilles rases et des insectes très-mous. Lorsqu'ils sont déjà forts, ils ajoutent à ces aliments des semences de plantes alpines qu’ils | broijent avant de leur en faire la distribution; c’est ce dont je me suis assuré en examinant, le 18 juillet . 1851, au Mont-Cenis, des jeunes qui venaient de d recevoir, dans le nid, la becquée. Quand ils les ont fait sortir du nid, ils les gardent encore avec eux pendant quelques jours, parmi les pierres ou | les petits buissons du canton qui les a vus naître, jusqu’à ce qu’ils puissent bien voler. Plus tard, À on les observe tous ensemble dans les prés ou les terrains pierreux du même district; on les y voit déjà chercher leur vie d'eux-mêmes tout en rece- M vant encore de leurs parents des aliments. Ceux-ci, quoique sur le point de couver de nouveau, conti- nuent à rester avec eux, et ne les quittent que lorsque la nature les rappelle à la seconde nichée. J'ai en effet tiré, le 8 juillet 1848, à Margériaz, une femelle qui se trouvait avec quatre de ses petits, tous forts et volant parfaitement, et auxquels pourtant le mâle et elle donnaient encore la bec- quée : en la disséquant, j'ai trouvé dans son ovaire un œuf entre autres qu’elle aurait infailliblement pondu le jour même. C’est à la fin du mois d'août que les dernières couvées se séparent pour vivre par petites ban- DIE, LA SAVOIE. 281 des, par deux ou trois sujets ensemble ou quel- quefois solitairement dans les mêmes lieux où elles ont été élevées. Aux premières neiges qui y - tombent, ces oiseaux descendent dans les mon- tagnes inférieures ; si la neige, par un long sé- jour, vient ensuite les chasser de ces régions, ils arrivent sur les collines ou jusqu’au pied des mon- tagnes et v fréquentent encore les rochers, les lieux arides et très-pierreux. Les carrières de Lémenc, les rochers de Saint-Saturnin, les coteaux incultes des Charmettes, près de Chambéry, possèdent tous les ans quelques petites sociétés ou seulement quel- ques couples de ces oiseaux. Dans les jours de grand froid, ils viennent se montrer jusqu’en plaine, le long ÿ | des routes les plus fréquentées, sur les murs de clô- | ture des jardins, dans les basses-cours où ils vivent parmi les poules, les canards et les pigeons : quel- | ques-uns émigrent alors de notre pays par petites | bandes, mais on les y voit rentrer en février. | Les Accenteurs des Alpes se nourrissent d’insec- l tes, de chenilles, de larves, de baies, de fruits et de | semences; en automne et en hiver, ils mangent | aussi les feuilles et les semences du serpolet (thy- | mus serpyllum, Linné), de l’airelle ponctuée (vacci- nium vüilis idea, Linn. ), etc., etc. Ils cherchent | | leur subsistance principalement à terre parmi les pierres,(les rocs et les arbrisseaux. Ils vont pour cela les uns à la file des autres, s'ils sont plusieurs es me —— e—— TS AT SET PERS rehi Eté = re INSEE TT enr eeeeares M mn RE . œ = _ RSR SEE 7 = SEE = EPS = = ee es 282 ORNITHOLOGIE ensemble, et, en se rappelant à chaque instant par de petits cris (guia-ia-ia, trrûi, quia, quia); ils pénètrent dans la plupart des cavités qu’ils rencon- trent, sous les pierres entassées et en sortent aussitôt après. Dans les beaux jours de juillet et d’août, on les voit dans nos Alpes courir avec vivacité sur les espaces où la neige est restée, y ramasser les insectes qui y tombent et qu’ils découvrent plus facilement que partout ailleurs. En° cherchant leur vie, Comme en parcourant les rocailles, ils se font aisément reconnaître par leurs cris derappel et par leur queue qu'ils ne cessent d’agiter, quoique faiblement, de bas en haut. Ils ne sont guère plus sauvages que l’Accenteur Mouchet; aussi les appro- che-t-on facilement. En les tirant on peut quel- quefois les perdre tout en les atteignant; car s'ils ne sont que blessés, ils se sauvent à la course et se cachent au fond des trous de rocs, souvent très- profonds, ou sous des tas de pierres. Leur vol irré- gulier, à peu près comme celui des À louettes, les rend toujours difficiles à tirer au lever. En hiver, ils donnent dans tous les piéges qu’on leur tend. Leur chair est quelquefois en automne parfumée de Fodeur du serpolet ou du thvm dont ces oiseaux s’alimentent comme je viens de le dire. Les gour- mands, qui lui connaissent cette saveur, la recher- chent alors avidement et la payent aussi cher que celle du Gros-Bec ou Fringille Niverolle, qui est DE LA SAVOIE. 283 également parfumée de la même manière en au- tomne et en hiver. 91.—Accenteur Mouchet [Accentor Modularis je Noms vulgaires : Tirit, à cause de son cri; Gratte-Païlle, V’erdasse, Pique- it d'Hiver, Rousselette. Le Traine- Boon ou Mouchet, ou Fauvette d'Hiver (Buff.).— __ Traîne- Buisson (Motacilla Modularis), Cury. — Pégot-Mouchet (Sylvia Modularis), Vieill. : Faune Française, page 195.—Accenteur Mouchet (Accentor Modula- ris), Temm.—Passera Scopagola (Savi). Cet oiseau a 14 cent. 5-6 mill. de longueur. Le mâle adulte est cendré avec des taches bru- nes, oblongues sur le sommet de la tête, arrondies et plus rares sur le cou et la nuque. Il a les plumes _ du dos, les couvertures alaires, grandes et petites, noirâtres et largement bordées d’un roussâtre ob- scur : l'extrémité des moyennes couvertures porte une petite tache d’un jaunâtre pâle. Le croupion et les flancs sont d’un gris roussâtre ; les côtés du cou, là gorge, la poitrine d’un cendré ardoisé. Le ventre est blanc ; la queue d'un brun terne; les couver- tures inférieures de cette dernière partie sont bru- nes au centre et blanches sur les bords. Le bec est noirâtre; l'iris d’un brun roux. Les tarses tirent sur le jaunâtre. La femelle est seulement plus tachetée de brun sur la têteet le cou; ses autres couleurs sont en outre généralement plus ternes que chez le mâle. Il en est de même de la livrée des jeunes de l’an après ’ = — — — = = ni — RSS EE DS — = = = — er derbeee RSR Are = ar = Æ CEE > es 284 ORNITHOLOGIE leur mue qui se termine au commencement de l’automne. a. Avant cette crise, on reconnaît les jeunes à leur gorge d’un gris blanc, faiblement tacheté de noirà- tre; au roussâtre qu'ils portent sur le devant du cou et la poitrine avec des taches d’un brun foncé ; enfin au blanchâtre du milieu du ventre. Cet Accenteur habite presque toutes les contrées tempérées de l’Europe et très-avant dans le Nord pendant l'été. Il est sédentaire et commun en Suisse et en Savoie : dès le printemps jusqu’à l’automne, il vit dans nos pays montagneux. L'intérieur ou la lisière des forêts de pins et de sapins, les lieux cou- verts de broussailles et implantés d'arbres de haute futaie, ou seulement remplis d’arbustes ou de plan- tes élevées, telles que fougères, rosages (rhodo- dendron ferrugineum, VLinné), auréoles (daphne laureola, Linn.), sont les endroits qu’il recherchent avec prédilection. Le mâle et la femelle ne s’occu- pent guère, chez nous, avant la fin d'avril ou les premiers jours de mai, de la construction du ber- ceau de leur race future : ils le placent sur les ar- bres, soit au centre soit sur les branches les plus basses, mais le plus souvent dans les buissons les plus fourrés, surtout dans les charmiiles, quelque- fois dans des fagots de branchages, ou bien encore au milieu d’une touffe de plusieurs plantes très- rapprochées, quand ils habitent dans les Alpes des — 2 Eee à «0 DE LA SAVOIE. 285 régions où ils ne trouvent ni arbre n1 arbuste en état de recevoir leur couvée. C’est spécialement la mousse plus ou moins sèche et assez négligemment entassée sur quelques petits morceaux de bois for- mant d'habitude la base du nid, qui compose leur travail à l'extérieur : des poils, du crin, des brins de racines très-déliées, du duvet de fleurs, surtout d’ai- grettes de chardons et de tussilages, en matelassent l'intérieur. Celui-ci est très-étroit à proportion de l'épaisseur des bords ou du double contour; aussi vu, par exemple, du pied de l'arbre qui le porte, ce nid ressemble par la masse de mousse qui le recou- vre en dehors plutôt à un nid de Merle ou de Grive qu’à celui d’un volatile. La ponte est de quatre ou cinq œufs, d’un bleu d’azur et sans taches : ils ont en longueur À cent. 7:-9 mill., et en largeur À cent. 2-8 mill. Le mâle prend quelquefois part à l’incu- bation et passe le reste du temps que sa compagne couve à parcourir les buissons des alentours. De temps à autre 1l se montre un instant à la cime d’un arbre ou d’un taillis ; c’est alors qu’il fait ordinai- rement entendre son ramage assez agréable, quoi- que bref et peu varié; souvent il le termine ou le fait précéder de quelques cris plaintifs, tremblants (tit, birit, trit) et plusieurs fois répétés. Sitôt qu’il a chanté, il disparaît et rentre dans l’épaisseur des broussailles. Si l’on fait partir le mâle ou la femelle du nid, quand il renferme seulement des œufs, ils 3 —" TS med 2e Ci 286 ORNITHOLOGIE fuient en rasant la terre et se jettent dans le premier buisson qu'ils rencontrent, où ils se mettent de suite à chercher des aliments, sans paraître s’inquiéter de leur couvée; mais s'ils ont des petits dans le nid, ils se désolent un peu dans les iaillis qui en sont le plus près. Leur progéniture naît revêtue d’un du- vet noirâtre, long mais très-clair. Les petits sortent de leur nid vers le dix-hui- tième jour de léclosion. Alors les uns se jettent à terre, les autres sautillent ou volètent d’un buis- son à l’autre et suiventleurs père et mère qui leur donnent encore pendant quelques jours de fréquen- tes becquées. Quelqu'un vient-il à les surprendre avant qu'ils soient capables de voler assez pour se soustraire à ses poursuites, aux premiers cris de leurs parents, ils se cachent à terre dans des creux, sous des pierres, ou bien dans des tas de feuilles ou de branches, et y restent tapis tant qu’ils enten- dent du bruit ou leurs parents se désoler pour eux ; ils s’y laissent même prendre à la main, sans qu’ils paraissent essayer de fuir; mais si l’on n’y prend garde, on peut les perdre aisément ; car, pour peu qu'ils s’agitent, ils échappent des doigts, tombent à terre et se hâtent de courir, en s’aidant des ailes jusqu'à ce qu’ils rencontrent des pierres ou des broussailles pour s’y cacher de nouveau. L'éducation des petits est toujours achevée avant DE LA SAVOTE. 287 le mois de juillet. Quelques paires se reproduisent alors une seconde fois; cette ponte n’est que de trois ou quatre œufs, et les jeunes qui en naissent muent seulement en octobre. Les nichées terminées, ces oiseaux vivent deux à deux, quelquefois par petites sociétés, et très- souvent solitaires. C’est alors qu’ils quittent les régions alpines pour descendre dans les bois ou les broussailles des montagnes de hauteur moyenne ; ils laissent encore vers la mi-septembre ces lieux en même temps que leurs compagnons qui les ont habités pendant tout l'été, et, se traînant de buisson en buisson, d’une haie à l’autre, ils se rapprochent des bois des collines et de la plaine. A cette épo- que, quelques sujets émigrent de notre pays : ce sont ceux que l’on voit passer de très-grand matin, un peu avant où pendant le lever du soleil, un à un ou deux ou quatre à la fois et volant à la file l’un de l’autre ; ils sont toujours aisés à reconnaître parleur vol lent, qui paraît même un peu gêné dans son impulsion, sans doute à cause de la brièveté de leurs ailes, et par leurs cris traînés et plaintifs ( dit, té, rit, tirit). D'autres nous arrivent des pays qui nous avoisinent, surtout de la Suisse, et augmen- tent le nombre des individus qui doivent passer l'hiver chez nous. Pour vivre pendant cette saison, ces Accenteurs sont continuellement occupés à parcourir les abords RSR sr = a _— - _ — œ ses 288 ORNITHOLOGIE des bois, les endroits garnis de taillis ou d’arbustes, et qui avoisinent l’eau, les champs ou les prés arro- sés. C’est principalement pendant le froid ou les jours de neige qu’on les observe le long des haies, auprès des habitations rurales, et jusque dans les jardins : ils y vivent de vermisseaux, de chrysalides, de larves et d’insectes engourdis qu’ils trouvent parmi les racines, autour du pied des arbres vermoulus, dans des tas de bois, de paille, de feuilles sèches ou de fumier. En visitant les taillis, ils recourent aux œufs de papillons, aux baies, aux fruits secs et aux graines de diverses plantes. Par moment, surtout le matin, ils se montrent au bout d’une branche d’où ils poussent quelques cris en imprimant à leur queue un mouvement toujours peu apparent de bas en haut, assez semblable à celui du Gros-Bec ou Fringille Friquet, puis tout à coup ils rentrent dans les buis- sons ; ils remettent aussi leur queue en mouvement chaque fois qu’ils courent à terre à la recherche de leur nourriture. Ils sont excessivement confiants ; on les aborde de si près qu’on les conduit pas à pas de- vant soi parmi les broussailles jusque dans les pié- ses qu’on vient de leur tendre. Ils se cachent pour- tant quelquefois au pied d’un arbuste ou sous une pierre, et attendent pour se faire revoir que l’on soit passé. C'est vers le milieu de mars que l’Accenteur Mou- 24 Se à 2. - à DE LA SAVOIE. 289 chets’apparie dans nos contrées. Le mâle commence alors à gazouiller de temps à autre le matin, et son ramage, quoique composé de plusieurs sons plain- tifs, charme dans cette saison où la plupart des oiseaux chanteurs sont presque encore muets. Ilre- gagne ensuite avant la fin d'avril, avec sa com- pagne, les régions montagneuses où les rappelle l'amour ; ils ÿy parviennent en suivant, dès la plaine ou les coteaux, toutesles haies, les abords de chaque bois qu’ils rencontrent, et font presque dans tous un séjour de quelques heures. XXXVe Genre : RUBIETEE (Æuticilla). Les espèces qui forment ce genre sont toutes comprises dans la deuxième section du genre Bec- Fin (Sylvia) du Manuel de M. Temminck, et dans les Fauvettes (Sylvia) de la Faune Française de M. Vieillot. Elles ont toutes du roux à la gorge, à la poitrine, ou bien à la queue : celle-ci est longue, horizontale, à pennes égales ou très-légèrement fourchues. La tête est arrondie en dessus et les yeux sont le plus souvent grands. Leurs tarses sont allongés et dé- liés ; les ongles menus, mais ordinairement forts. Le bec est droit, avec quelques poils soyeux sur les angles, aigu, un peu arqué à la pointe de la man- dibule supérieure qui est en outre échancrée. ÿ. 1 19 og ORNITHOLOGIE Les bois, les bocages, les endroits très-pierreux, les rochers et les bâtiments déserts ou en ruine sont les lieux qu’elles préfèrent ; elles y nichent, selon les espèces, tantôt à terre au pied des arbres, ou fort près du sol dans des buissons, tantôt sous des pierres ou dans des cavités d’arbres, de rocs et de murs. Leurs œufs sont généralement unicolores. Elles vivent de vers, de chenilles et d'insectes, et le plus grand nombre associe à ces aliments des fruits charnus ou des baies. Quelques-unes ont dans la queue un trémoussement horizontal de droite à gauche presque continuel, tandis que d’autres n’ont qu'une secousse brusque de haut en bas, toujours plus marquée pendant le temps des nichées que dans toute autre saison, Leur mue n’a lieu qu’une fois dans l’année, vers la fin de juillet, ou bien en août, avant leur migration vers les pays chauds, et encore elle ne donne pas toujours des couleurs différentes de celles de la livrée qui l’a précédée ; seulement, dans quelques espèces, les mâles les ont plus vives au prin- temps, par le moyen de la mue ruptile. A cette pé- riode, ces derniers éprouvent encore un gonflement à l’anus, qui rend cette partie souvent très-saillante, de manière à les faire distinguer des femelles qui n’ont point ce caractère, quand leur livrée est la même. Avant leur première mue, les jeunes sont gé- néralement mouchetés de brun ou de roussâtre sur les parties inférieures, et même sur le dessus du DE LA SAVOIE. 291 corps ; après, ils ressemblent souvent, jusqu’à s’y méprendre, aux adultes et aux vieux ; mais ils ne commencent guère à chanter avant l’approche du printemps. Certaines espèces, entre autres le Ros- signol, ont la voix forte et des plus mélodieuses ; d’autres, au contraire, n’ont qu’un ramage peu varié et en même temps très-peu étendu. Ce genre possède sept espèces dans nos climats. 92.—Rubiette Rouge-Gorge /Ruticilla Rubecula). Noms vulgaires : Gorge-Rouge, Petro-Rozo, Liôde-Rozo (Claude-Rouge). En Piémont et en Italie, Petti-Rosso. Motacilla Rubecula (Linn.). — Te Rouge-Gorge (Buff.). — La Rubiette Rouge-Gorge (Cuv.). — Fauvette Rouge-Gorge (Sylvia Rubecula), Vieill. — Bec-Fin Rouge-Gorge (Sylvia Rubecula), Temm. — Petti Rosso (Savi). — Rubiette Rouge-Gorge (Ruticilla Rubecula), de S.-Longch. : Faune Belge. Cette Rubiette, à l’âge adulte, a 15 cent. 5 mil]. de taille. L’adulte etle vieux mâle ne sont pas distincts l’un de l’autre. Ils sont d’un beau roux orangé sur le front, le tour des veux, la gorge et la poitrine. Un joli gris cendré leur borde les plumes de chaque côté du cou; un autre cendré, mais teint d’olivâtre, règne sur les flancs, et un blanc pur occupe le ventre. Le haut de la tête, le dos, le croupion sont d'un brun nuancé d’olivâtre; les pennes alaires d’un brun foncé, et bordées d’olivâtre ; celles de la queue d’un gris brun, à peine lavées de roux,et fine- ment bordées à l'extérieur de brun olivâtre. Les grandes couvertures des ailes portent habituelle- ment une tache jaunâtre à l'extrémité de chaque Te SSL RE vw 29e ORNITHOLOGIE plume. Le bec et les tarses sont noirâtres; la plante des pieds est jaunâtre. Les yeux sont grands, et l'iris d’un beau noir brillant, Chez les femelles le roux orangé est plus pâle que dans les mâles et descend moins bas sur la poi- trine ; le brun des parties supérieures est en outre teint d’un cendré, mais toujours peu apparent. Les jeunes, avant leur première mue, ont quel- que analogie avec ceux du Rossignol ; aussi beau- coup de gens s’y laissent tromper, et élèvent sou- vent de très-jeunes couvées de Rouges-Gorges pour celles de ce dernier. Ils sont d’un gris olivâtre sur le dessus du corps, avec de petites raies et des taches triangulaires d’un roux sale à l’extrémité des plumes. Ils ont la gorge, le devant du cou et la poitrine variés de petites raies d’un brun olivätre sur un fond blanchâtre un peu nuancé de roussâtre ; le ventre est d’un blanc sale, ondé de gris olivâtre. Les jeunes de la première couvée commencent à se revêtir du roux orangé sur le front, la gorge et la poitrine vers la fin de juillet ; ceux de la seconde ne l’acquièrent guère avant le commencement de septembre, et ceux de la troisième, aux premiers jours d'octobre. Après leur mue, on ne les distin- gue presque plus des vieux. Le Rouge-Gorge varie accidentellement d’un blanc pur au blanc mélangé des couleurs ordinai- DE LA SAVOIE. 293 res ; quelquefois, la tête seule est blanche et le reste du corps comme d'habitude, ou bien les ailes sont roussâtres ainsi que la queue avec tout le corps blanc ou blanchätre. Cet oiseau est remarquable par sa propension paturelle à des habitudes de domesticité, par son aimable vivacité, par la douceur de son regard, par les agréments de son ramage dont les modula- tions sont parfois douces et mélodieuses. Mais sa trop grande confiance, sa curiosité excessive laveuglent dans le danger et le font périr très- souvent dans des piéges qui n’ont point été pré- parés pour lui. 1! est en Savoie le plus commun de son genre, surtout pendant la belle saison, car il émigre dès l'automne en grande partie vers des climats plus doux. C’est lui le plus matinal des volatiles : le premier éveillé dans les forêts, il commence à se faire entendre dès l’aube du jour. Il est aussi le dernier le soir à chanter : on l'entend encore de nuit et on le voit aux mêmes heures voltiger aux abords des bois. Il recherche les endroits couverts de broussailles, les bosquets, les bois frais et humides et y passe tout l'été ; mais il préfère toujours pour se reproduire ceux des collines ou des régions montueuses à ceux de la plaine; aussi est-il aisé de remarquer que nos bois inférieurs, quoique très-ombragés, 294 ORNITHOLOGIE renferment seulement quelques paires qui n’y font souvent que leur première couvée et ga- gnent, après l'éducation, les bois ou les forêts des contrées montagneuses pour s’y propager de nou- veau. À Le Rouge-Gorge pond deux ou trois fois par an en Suisse et en Savoie. Le mâle et la femelle s’y ap- parient vers la mi-mars et nichent en plaine ou sur les monts qui la dominent dans les quinze premiers jours d’avril, seulement vers le 8 ou le 12 mai dans les pays de montagnes. Ils construisent leur nid assez grossièrement en dehors avec des feuilles sèches, notamment de chêne, de hêtre et de fou- gères, s'ils sont à la portée de s’en procurer, ou bien avec de la mousse et des herbes entremêlées de racines fibreuses ou de paille ; ensuite, ils le tapis- sent en dedans avec de la bourre, du erin, des poils, des plumes et des brins d'herbes sèches. Ce nid se trouve posé à terre ou très-près de terre, au milieu d’un tas de feuilles, dans un buisson épais, au pied d’un arbre ou parmi ses racines, ou bien sur lerevers d’un fossé, dans des touffes de lierre qui tapissent de vieux murs, tout comme dans des cavités d'arbres, dans des fentes de murailles, dans les poutres creu- ses des hangards, des granges ou des galetas des maisons rustiques. À la première ponte, il renferme cinq ou six œufs blanchâtres, ou d’un blanc tirant sur le roussätre, marquetés de taches et de points DE LA SAVOIE. 295 rougeâtres, ou plutôt briquetés, et souvent très-rap- prochés vers le gros bout. [ls ont pour longueur 4 cent. 8-9 mill., rarement 2 cent., et pour lar- geur À cent. 4-5 mill. La femelle est bonne cou- veuse : elle remplit ce devoir avec tant de sollici- tude qu’elle ne prend alors aucun soin de sa propre conservation, et se laisse très-souvent capturer sur le nid. Le mâle, pendant l’incubation, se tient tout près d'elle à l’ombre, si la chaleur l’incom- mode, et fait résonner les alentours des accents de sa mélodie : c’est un ramage agréable, animé par les modulations les plus vives, coupé par les accents les plus gracieux, les plus touchants et qui semble parfois rappeler certaines inflexions du chant du Rossignol. Voit-il quelque autre petit oiseau s’approcher de sa nichée, il cesse de chanter, s’é- lance sur l’importun et le chasse de son domaine. Il va par intervalle chercher la nourriture de sa compagne, et la lui donne du bord du nid; il couve ensuite lui-même pendant qu’elle va à son tour se récréer, ou bien à la découverte de quelque aliment, puis il lui rend sa place sur les œufs aus- sitôt qu'elle reparaît. Le père et la mère nourrissent leurs petits avec des chenilles, des vermisseaux et de menus in- sectes mous. S’approche-t-on un instant d’elle, on les entend d’abord pousser quelques cris plaintifs (ti-1, li-1), mais ces cris deviennent plus vifs et plus 296 ORNITHOLOGIE précipités (tiritititi, tireli, trit), s'ils la voient me- nacée de quelque danger. Les parents vivent avec leur petite famille tant qu’elle n’est pas en état de pourvoir par elle-même à tous ses besoins, et quand ils la laissent, c’est pour songer à la seconde couvée : dès lors chaque petit vit isolément par les bois. Si cette nouvelle ponte n’a pas un heureux succès, ils s'apprêtent à la troisième nichée, à laquelle pour- tant plusieurs paires, surtout de celles qui ont pondu dès le commencement d’avril, travaillent habituel- lement malgré la réussite des deux premières ; aussi trouve-t-on encore vers le 6 ou le 10 août des nids de cette Rubiette avec les œufs. Dès les premiers jours d'automne le Rouge-Gorge se tient le long des haïes, sur la lisière des bois hu- mides qui possèdent dans leur intérieur des sources ou des mares; il s’y nourrit de petits fruits, entre autres de ceux de la ronce, puis de vers, de larves et d'insectes qu’il cherche dans les terrains très- mouillés, sous les feuilles sèches qu’il retourne avec le bec, dans la mousse ou les lichens qui recouvrent le pied des arbres. Dès que, posé sur une branche d’arbuste, il vient à découvrir à terre quelque in- secte, il s’y laisse tomber d’aplomb, suit sa proie en sautillant, fond brusquement sur elle en battant des ailes et avec la queue constamment relevée; après l’avoir gobée, on le voit courir avec vivacité sur le sol pendant quelques instants haussant et DE LA SAVOTE. 297 rebaissant presque sans cesse la queue, et battant même un peu des ailes qui pendent alors légère- ment, puis s'arrêter tout à coup, comme s’il parais- sait ému, et se remettre à sautiller, à poursuivre les insectes. Pendant la chaleur, il se rapproche destor- rents ou des fontaines, s’y baigne ou s’y désaltère, et s'applique ensuite à trouver sur leurs bords des vermisseaux pour sa subsistance. Sur la fin de septembre, il cherche à s'établir auprès des habi- tations : pour cela, il commence à se montrer dans les haies, dans les taillis qui bordent ou avoisinent les prés, les champs et les jardins. C’està cette époque que plusieurs Rouges-Gorges émigrent de notre pays. La majeure partie de ceux qui y bravent les rigueurs du froid se trouve compo- sée de mâles ; les femelles sont alors rares. Les pre- miers demeurent autour des maisons, jusqu’à l'in- térieur des villes et des villages les plus populeux; ils y ont tous un refuge dans une des expositions les plus abritées du vent du nord. Pendant l’in- tensité du froid, ils se montrent très-hardis; ils viennent même regarder aux vitres des fenêtres, | comme pour demander l'hospitalité ou des aliments. 1! D'autres se logent sous les voûtes des caves, dans in les serres, dans les hangards ou les galetas, et v A AIT! deviennent souvent si familiers que les gens de la 1 campagne, loin de leur nuire, se plaisent au coniraire à leur procurer quelque nourriture pen- fil 298 ORNITHOLOGIE dant la durée de l'hiver. Ceux qui passent cétte saison à l'intérieur des bois se réfugient jusque dans les cabanes des bûücherons ou des charbon- niers dont ils sont alors les fidèles compagnons. J’en ai vu s'approcher des charbonnières et se ju- cher sur une petite éminence éloignée de huit à dix pas du foyer, puis étendre mollement leurs ailes afin de les réchauffer, s’égayer ensuite et courir après les mies de pain qu’on leur jetait. Les Rouges-Gorges qui nous quittent avant le froid pour se réfugier dans des contrées méridio- nales, ne partent pas par troupes, mais seuls, ou bien plusieurs à la file les uns des autres. Le jour, ils volent de buisson en buisson, et y cherchent en passant les mouches, les chrysalides, les insectes et les fruits pulpeux ; à l'approche de la nuit, ils re- prennent leur vol un peu plus haut et font alors beau- coup plus de chemin. Ceux qui passent chez nous et qui viennent en assez grand nombre des régions les plus froides de la Suisse, arrivent de nuit ou à l'aube du jour dans nos bois, et repartent quelques instants après; ils reviennent ou repassent aussi aux mêmes heures dans nos bois, sur la fin de l’hi- ver, et principalement aux premiers jours de mars quand ils retournent dans leur patrie. Le Rouge-Gorge, comme je viens de le dire, est fort peu défiant, mais curieux jusqu’à l'excès, Il est l’un des volatiles les plus faciles à attirer dans des DE LA SAVOIE. 299 piéges. Il donne aussi dans ceux que l’on tend pour d’autres oiseaux bien plus importants que lui; en effet, combien de fois n’arrive-t-il pas aux bracon- niers de trouver, en devançant le jour, des Rouges- Gorges empêtrés dans les engins qu'ils avaient tendus la veille pour prendre des Bécasses ou des Grives? La même chose n’arrive-t-elle pas aussi fré- quemment aux oiseleurs qui laissent au printemps, dans les bois, des trébuchets pour y capturer des Ros- signols? Get oiseau répond au cri de la Chouette et du Hibou ; on peut encore l’attirer à soi, ou plutôt dans ses filets, en tâchant d’imiter, par le moyen de ses doigts que l’on suce fort, les cris ou les souffle- ments de ces derniers, tout commeen faisant criailler quelque petit oiseau, ou bien une Pie, un Greai appri- voisés, Il vient alors voltiger autour du lieu d’où on l'attend caché dans le feuillage, et il cherche, touten ne pousse que quand il est ému, à découvrir la cause du bruit qu’il vient d'entendre. Pour cela, il s’agite vivement , il volète d’un buisson à l’autre, en rasant toujours la terre ou les taillis, et finit presque tou- | 4 jours par tomber dans les piéges ou s’engluer aux pif arbrets préparés à cette intention. Cependant il | arrive quelquefois qu'en apercevant l’oiseleur pen- (j} dant son agitation et en le voyant de très-près faire [I quelque mouvement qui lui dénote sans doute d’où Qi 300 ORNITHOLOGIE partent les faux cris des Rapaces Nocturnes, il jette son cri de dépit (ti-2, ti-1) et rentre ensuite dans l'épaisseur du bois pour ne plus revenir à un pareil appeau. Le Rouge-Gorge accourt encore au moindre bruit qui se fait dans le bois qu'il habite : une bran- che qui s’abat, soit par un coup de vent, soit sous la hache du bücheron, suffit pour l’atürer. Il se rend aussi au moindre cri d'alarme de tout autre oiseau, même aux paroles des voyageurs qui traversent une forêt, et ses cris précipités mettent alors en émoi tous les Pinsons, les Mésanges, les Roitelets, les Fauvettes du voisinage. Rencontre-t-il un chas- seur, ou ses chiens, il les suit de près et ne les quitte souvent qu’à la sortie du bois. Il est très- facile à nourrir en volière : mie de pain un peu détrempée, noix, noisetles, amandes douces, graines de chanvre et de millet bien écrasées, presque tout lui est bon; seulement il convient toujours de mêler avec ces aliments quelques fruits fondants, entre autres ceux de Ia ronce, du fram- boisier, du mürier et du cerisier, puis des vers, des insectes, des larves de vers à soie et de petits morceaux de viande très-fraîche. En automne, sa chair est souvent couverte de graisse et est d’un goût non moins exquis que celle de la Grive de Vignes; d’ailleurs, à cette période, le Rouge- Gorge se nourrit presque des mêmes fruits que DE LA SAVOIE. 301 cette dernière, fruits qui lui donnent une saveur toujours agréable. 93. Rubiette Gorge-Bleue /Ruticilla Cyanecula). Noms vulgaires : Petto Blu, la Gorge-Bleue. La Gorge-Bleue (Buff.).—Sylvia Cyanecula (Meyer).—La Rubiette Gorge- Bleue (Cuv.). — Fauvette Gorge-Bleue (Sylvia Suecica), Vieill. — Bec-Fin Gorge-Bleue (Sylvia Suecica), Temm.— Pett Azzurro (Savi). — Rubiette Gorge-Bleue (Ruticillu Cyanecula), de S.-Longch. : Faune Belge. Cette Rubiette a la taille plus svelte, les tarses plus élevés et la tête un peu plus allongée que le Rouge-Gorge. 1 Sa longueur, dans l’âge adulte, est de 16 cent. Le mâle adulte, en plumage de noces, à son retour au printemps dans nos climats, est réellement l’un des volatiles les plus riches en couleurs. Il a la gorge, le devant du cou d’un bleu d’azur qui lui a valu sa dénomination: au centre de cette couleur est une tache d’un blanc pur et brillant, puis, au-dessous du bleu, soit sur le haut de la poitrine, s'étend une bande arquée, d’un noir mat; vient ensuite une étroite bande blanche, qui manque quelquefois; elle est suivie d’une autre plus large, d’un roux orangé. Le ventre, l'abdomen sont blancs ; les parties supé- rieures d’un brun foncé, teinté de cendré sur le bord des plumes; les joues du même et mêlées d’un peu de roussâtre ; les sourcils d’un blanc sale; les pen- nes des ailes d’un brun noirâtre, bordées de gris brun; celles de la queue d’un roux vif sur les deux EEE = 302 ORNITHOLOGIE tiers de sa partie supérieure et noirâtres à l’extré- mité, sauf les deux pennes du milieu qui sont tota- lement de la dernière couleur. Le bec, l'iris et les pieds sont noirâtres. Les vieux mâles, à la même période, ont la bande rousse de la poitrine plus vive et plus étendue ; ils sont, en général, privés de la tache blanche qui brille chez les adultes, au milieu de la gorge : cet état d’âge se trouve assez facilement chaque année en Suisse et en Savoie. La femelle adulte cst'faiblement teintée de rous- sätre sur le brun des parties supérieures, spéciale- ment sur les couvertures alaires ; elle porte de cha- que côté du cou une bande longitudinale, d’un noir approchant un peu du bleu. La gorge, chez elle, est d’un blanc sale, et l’espace qu’'occupe dans le mâle la tache blanche et argentée, se trouve rem- placé par la continuation du blanc de la gorge qui est quelquefois teint très-légèrement de roux sur cette partie ; le reste de la poitrine est successive- ment traversé par des zones irrégulières de bleu, de noir, de blanc et de roux. Les jeunes, au sortir du nid, ont déjà le roux sur les pennes caudales ; mais la gorge, le devant du cou et la poitrine sont blanchâtres et mouchetés de brunâtre ; les sourcils et les joues nuancés de roussatre. Après la mue qui s'effectue au commencement ET L __— . re DE LA SAVOIE. 303 d'août, les jeunes mâles prennent un peu de bleu de chaque côté de la gorge et sur la poitrine ; ils ressem- blent beaucoup par le reste du plumage aux femelles adultes. On parviendra pourtant à les en distinguer facilement par le liséré blanc qu'ils portent à l’ex- trémité des plumes formant la bande transversale bleue et noire de la poitrine, et par les mouchetu- res grisâtres ou noirâtres que l’on remarque sur la bande rousse qui suit les deux premières. Les femelles du méme âge varient beaucoup : les unes ne prennent, après leur première mue, sur la poitrine, qu'une seule bande noirâtre et à peine un peu de roux en dessous ; les autres acquièrent sur cette partie, d’abord une large bande noire qui tire quelquefois, à l’origine des plumes, sur le bleuâtre, ensuite une autre bande blanche assez étroite, puis une troisième d'un roux bordé de blanchâtre ou de brun foncé, suivant les sujets ; d’autres enfin n’ont qu’une bande d’un noir cendré sur le haut de la poitrine et le reste de cette partie tacheté longi- tudinalement de la même couleur. Cette Rubiette n’est pas rare en Savoie à l’épo- que de ses passages du printemps et de l’automne. Cependant beaucoup de chasseurs ne la connaissent pas, et d’autres la croient excessivement rare ; c’est d’ailleurs un oiseau difficile à remarquer, parce qu'il reste silencieux pendant la plus grande partie de la journée et se tient presque continuellement à — pes DS s z z ER En EE SA ls à ———_—_—_————— tee —_— - : à = CNRS CCE 7 . 304 ORNITHOLOGIE terre dans les fourrés. Il niche en très-petit nom- bre au pays : habituellement deux, trois ou quatre paires au plus se reproduisent tous les ans dans les broussailles qui bordent le torrent de Laisse, aux environs des marécages de Bissy et de la Motte-. Ser volex. J’en ai également remarqué, en été, dans quelques régions boisées et très-humides des mon- tagnes qui avoisinent Chambéry, surtout à Apre- mont et Entremont, auprès du hameau de Coche. Le Gorge-Bleue nous arrive ordinairement seul ou un à un dès le 25 mars, ou bien aux premiers jours d'avril, selon que le printemps est plus ou moins retardé. Le mâle paraît d'habitude le premier et quelques jours avant la femelle. On est toujours sûr de le rencontrer sur la lisière de la plupart de nos bois inférieurs, et principalement le long des haies épaisses, dans les oseraies et les broussailles qui recouvrent les bords desrivières, des ruisseaux, des prairies où il se répand en outre jusque dans les herbes qui entourent des amas d’eau dormante. 11 s’y montre commele Rouge-Gorge d'un natu- rel solitaire, et très-familier. Presque toujours à terre occupé à se nourrir, il se laisse approcher de très-près. Vient-on à passer dans le lieu qu’il hante, on le voit courir devant soi avec légèreté, rele- vant et étalant ses pennes caudales ; par moment il s’arrêle tout à coup dans sa course, regarde brus- quement en arrière pour voir venir son monde, et DE LA SAVOIE. 305 se remet à courir dès qu’il l’apercoit à quelques pas de lui. Il lui arrive souvent de parcourir de cette manière, quelquefois aussi en s’aidant des ailes qu’il tient alors entr'ouvertes, un long es- pace de terrain; il ne revient guère sur ses traces que lorsqu'il se voit déjà éloigné du lieu de son - canton où il se plaît le mieux; mais auparavant, il a ordinairement soin de se tenir caché au pied d’un buisson fourré pendant que l’on passe devant lui. On remarque, vers le 15 avril, les Gorges-Bleues plutôt appariés que solitaires, car les femelles , qui passent les dernières chez nous, y sont à cette époque aussi communes que les mâles. Cependant, à la fin du mois, ils ont presque tous abandonné notre pays, il n’y reste pius alors que quelques paires qui se cherchent, dans des endroits boisés et maré- cageux, un lieu propice à leurs amours. Elles y sont à peine établies que les mâles perchés à l’extré- mité d’un rameau, font entendre dès l’aube et à l’approche de la nuit, un ramage doux, mais qui n’a rien de remarquable. Pour s’ébattre alors, et pour charmer leurs compagnes , ils s’élèvent presque verticalement en l’air en chantant et se laissent retomber d’aplomb, quelquefois en faisant une pirouette, jusqu’à terre ou sur le buisson | | d’où ils ont pris l’essor. Si lorsqu'ils sont sur le | sol occupés à prendre nourriture, ils entendent [AI leurs femelles qui les rappellent, ils s'arrêtent 1 HT UE. 20 1 + 306 ORNITHOLOGIE à l'instant même, écoutent afin de reconnaître le lieu d’où vient le cri de ralliement et y courent précipitamment, les pennes de la queue étalées en éventail, très-relevées sur le dos, et quelquefois en poussant un faible cri (thuit). Le mâle et la femelle, dans cette espèce, travail- lent à la construction de leur nid vers le 8 ou le 12 mai; ils le composent assez grossièrement en dehors avec des feuilles, des herbes sèches, de la mousse et des racines flexibles, qu’ils recouvrent, avec plus de soin en dedans, de brins d'herbes, de paille très-fine, de poils et de plumes. Posé à terre, comme celui du Rouge-Gorge, parmi les racines, au pied de quelques broussailles, ou bien au milieu d’une louffe d'herbes ou de jeunes pousses de saules, ou même dans des arbres creux ou sur de vieux troncs moussus abrités par quelques feuilles, ce nid renferme cinq ou six œufs, d’un bleu tendre, quelquefois d’un bleu verdâtre, surtout pendant leur fraîcheur dans les collections, et toujours sans taches. Ils ont 1 cent. 6-7 mill. de longueur sur A cent. 3 mill. de diamètre. Le mâle, sans doute pour plaire à sa compagne qui couve, chante près d'elle, le matin au bout d’une branche et à l’ombre pendant la chaleur du jour. Lorsqu'elle quitte les œufs pour se distraire un instant ou se procurer quelque aliment, il l'accompagne, se tient ordinai- rement à quelques pas derrière elle, pendant qu’elle DE LA SAVOIE. 307 cherche sa nourriture sur le sol , puis il la ramène à sa couvée. | | Vers le 15 juillet, les petits de cette Rubiette vivent déjà seuls et du produit de leur chasse ; répandus dans les broussailles, dans les herbes, sur les abords des bois humides qui avoisinent le lieu de la nichée , ils courent à terre aussi vite que de petits rats, et portent alors, comme les vieux de leur espèce, la queue relevée. Les vers, les chenilles sans poils, les insectes tendres, les mou-. ches, les gros moucherons forment leurs princi- paux aliments. Au mois d'août, les Gorges-Bleues se répandent de préférence dans les champs, surtout dans les avoines, les maïs, les sarrasins et les luzernes, comme dans les vignobles, Ils restent encore à terre pendant tout le jour occupés à chercher, à pour- suivre les insectes, et boivent, pour se désaltérer, les gouttes de rosée ou de pluie qui pendent aux feuilles. De temps à autre, le matin et le soir, ils viennent se montrer au sommet d’un arbrisseau, d’un arbre nain ou d’une plante, et y font entendre quelques eris assez semblables à ceux de la Rubiette Phénicure (luit, tuit) et qu’ils accompagnent d’un autre cri rauque (tac, lac ou tee, tec, selon les indi- vidus) ; ensuite ils se laissent retomber tout à coup sur le sol, ou bien ils passent d’un vol bas et filé au champ ensemencé le plus près. En parcourant les 308 ORNITHOLOGIE champs et les prairies, ils laissent après eux un fumet qui fait quêter vivement les chiens de chasse peu exercés ; aussi leurs maîtres eux-mêmes sont- ils souvent surpris de voir partir à l’arrêt de leurs chiens d’aussi faibles proies. | Le Gorge-Bleue aime beaucoup à se baigner pen- dant les chaleurs; quelquefois il se mouille telle- ment que s'il n’était aussi habile coureur, il lui serait impossible d'échapper à celui qui viendrait alors à le surprendre : c’est ce que j’ai été à même de vérifier plusieurs fois sur les bords du torrent de Laisse, près de Chambéry. Aussi peu défiant que le Rouge-Gorge, il donne comme lui dans toute espèce de piéges. Il m'est arrivé de le prendre vivant dans des engins que j'avais tendus pour d’autres volatiles et de le rendre incontinent à la liberté ; mais quelques instants après, il revenait à son premier canton et s’empêtrait encore dans le même piége. Je puis citer entre autres un jeune mâle qui s’est laissé prendre trois fois consécutives dans un trébuchet où je mettais pour appât des lar- ves d'insectes rongeurs : la même chose m'est arrivée au sujet d’un Rouge-Gorge. On le conserve assez difficilement en cage, par la raison qu’il est plus insectivore que ce dernier, mais parvient-on à l'y garder, qu’on le voit perdre en peu de temps l'éclat de son beau plumage. En automne, sa chair est très-estimée des gourmets, DE LA SAVOIE. 309 Cet oiseau émigre de la Savoie dès le 8 ou le 10 de septembre; alors et quelquefois sur la fin d'août, plusigurs nous arrivent du Nord et se répan- dent dans les champs, sur la lisière des bois les plus arrosés , ou le long des haies qui bordent des vergers ou des pâturages. Ceux-cine viennent jamais par troupes, mais seuls ou deux à deux, ou à la suite les uns des autres. Ils restent d’ordinaire quelques jours dans nos contrées et en disparais- sent insensiblement de très-grand matin ou bien à l'approche de la nuit, pour se réfugier avant le froid dans le Midi. On y trouve encore quelques sujets, jusqu’au 10 octobre, spécialement des jeunes de l’an, sans doute retardés par la mue ; mais il est toujours rare qu’ils s’y laissent surprendre par les gelées blanches, à moins qu'elles ne soient très-précoces. | 94.—Rubiette Suédoise /Ruticilla Suecica). Noms vulgaires : les mêmes que chez la Rubiette Gorge-Bleue. Bec-Fin Gorge-Bleue à Miroir Roux (Temm.), 2e édit., p. 143. — Bec-Fin Gorge-Bleue à Miroir Roux (Motacilla Suecica, Sylvia Suecica), Crespon. — Motacilla Suecica (Linn.). Il est encore douteux si cette Rubiette forme une espèce distincte de la précédente, ou bien seulement une race ou une variété constante propre au nord de l’Europe. M. Temminck est d’avis de l’en dis- traire comme variété locale constante, en lui laissant le nom de Sylvia Suecica, et de donner à l’autre, 310 ORNITHOLOGIE c’est-à-dire à la Rubiette Gorge-Bleue, le nom de Sylvia Cyanecula, proposé par M. Meyer. Son plumage est semblable à celui de l’espèce précédente sur toutes les parties supérieures du corps ; seulement, le roux de la queue , sur les deux sujets de ma collection, me paraît plus vif, et le noir de la même partie un peu plus profond. Au centre du bleu d’azur de la gorge et du devant du cou est un grand espace d’un roux ardent, au lieu d’un blanc pur et brillant comme chez le Gorge-Bleue : c'est en quoi consiste la principale différence entre ces deux volatiles. La partie supérieure de la poi- trine est d’un bleu noir qu’une étroite bande blan- che, qui disparaît souvent au printemps par la mue ruptile, sépare du roux foncé du bas de la poitrine. Le reste du plumage est en tout semblable à celui du Gorge-Bleue. La taille est aussi la même. M. Temminck dit qu'il paraît que les vieux mâles de cette race perdent le miroir roux de la gorge, absolument comme l’autré perd le miroir blanc. Si ce fait est certain, il me semble presque impossible de pouvoir distinguer dans cet état d'âge les mâles des deux races. Il est probable que l’on doit rapporter à celle de cet article quelques jeunes Gorges-Bleues qui por- tent, à l’époque de leur passage d'automne dans notre pays, un peu de roussâtre clair jusqu'au centre des plumes de la gorge, et précisément à la place ORNITHULOGIE DE LA SAVOIE. Passereaux. Sylviadées, T1, 27% Lait 57 2 LerTuun, vidinineLy TRTE LE abs mltats | Rubielle Gorge Bleue, véeuximéale AU AAIRRE V3 or nal.: P 301. 9 ] » anale adulle au jprtnilemyprs. _) V2 née en automne, /4 ETTE 4 ) » Jeune lemelle en automne. — b, 6 Zufs del espere; or. nat. 7 Rubielte Suédoise, 222/° adulte aupriulenps, 73 07. ral. T 309. —— DE LA SAVOIE. 311 même que doit occuper, au printemps suivant, le miroir ou la grande tache blanche ou rousse, pla- cée au milieu de la gorge des mâles. Cette Rubiette habite le Nord, notamment la Suède et la Norvége, ets’ y propage à la manière du vrai Gorge-Bleue dans nos climats. On la croyait restreinte aux contrées septentrionales, mais diver- ses captures et remarques faites assez récemment sur plusieurs points de la France, de la Suisse et de la Savoie démontrent qu'elle en émigre plus régu- lièrement qu’on ne le supposait autrefois. C'est sur la fin d'août et en septembre qu’elle vient se montrer en Savoie ; elle y est ordinairement rare; du reste, elle n’y paraît guère que solitaire et par intervalle de trois, cinq ou six ans. Je n’ai pas un seul exemple à signaler pour établir son apparition dans nos contrées au printemps, à l’é- poque du premier passage du Gorge-Bleue. Elle se plait dans les mêmes lieux que lui, soit dans les champs ensemencés soit dans les fourrés qui bor- dent les prairies ou les marécages, et s’y nourrit également à terre et des mêmes aliments, Son cri de rappel est encore le même : thuit, quelque- fois répété à plusieurs reprises, comme chez la Rubiette Phénicure, Je n’entrerai pas dans d’autres détails pour décrire les mœurs et les habitudes de cet oiseau , car elles m'ont toujours paru analogues à celles de l'espèce précédente, . TR 2% 20 m7 2 Lin “A GR EST : 2 te 312 ORNITHOLOGIE 95.—Rubiette Houge-Queue /Ruticilla Tithys). Noms vulgaires : Pethiou Passeraz Solisière (Petit Moineau Solitaire), Queue- Kousse Noire, Cavaroux, Charbonnier, Ramoneur. Au Mont-Cenis : Cdsse ou Cdssaz, pour le même motif signalé à l’article du Crave d'Europe et de l'Ac- centeur des Alpes, pag. 140 et 275 de ce tome. | Le Rouge-Queue (Buff.). — La Rubiette Rouge-Queue (Cuv.). — Fauvette Tithys (Sylvia Tithys), Vieill.—Bec-Fin Rouge-Queue (Sylvia Tithys), Temm. — Codirosso Spazzacammino (Savi). — Rubiette Rouge-Queue (Ruticilla Tüthys), de S.-Longch., Faune Belge. Il ne faut pas confondre cette espèce, à laquelle on a donné le nom de Rouge-Queue, avec la Rubiette Phénicure que je décris au n° 97, et qui est la vraie Oueue-Rousse des chasseurs. Celle de cet article, qu’on nomme vulgairement Charbonnier et Ramo-— neur, parce qu’elle se tient, quand elle se trouve dans les villes, au bout des cheminées où elle se plaît à ramager, et qu’elle se loge, dans la cam- pagne, auprès des fours à chaux et des cabanes des charbonniers, esttrès-facile à reconnaître, du moins le mâle, par le noir qui lui couvre les joues, le de- vant du cou et la poitrine. Sa taille est de 15 cent. 4-5 mill. Le mâle adulte, en été, est cendré bleuâtre sur les parties supérieures, sauf sur le dos et les scapu- laires, où cette couleur se trouve assez fréquemment mélangée d’un peu de noir. Le bord extérieur des pennes secondaires de l’aile est blanc ; le croupion d’un roux vif, de même que la queue, dont les deux pennes intermédiaires sont entièrement brunes. Un noir pur et profond occupe le front, le lorum, les joues, la gorge, le devant et les côtés du cou, ainsi Passereaux. Sylviadée T11:2% Dith,J' Peyrin à Chambéry. TWéerner del et Lith# 1 Rubiette Rou ge-Qu eue, zeste adulte en ele. 2 CAL P 319 é D, » Véle d'un vteuxmate en cle. 5 On » Lemelle adulte au frénlernps,; “3g1:nal- 4,5,6 Bali de les DE 77e 7 Pubiette Caire, wa/e adulte en Cl, /8.07. ral. : P.390. 8 » » Zmelleen de - UM Z/ de lespere; gr: nat. DE LA SAVOIE. 313 que la poitrine; un cendré bleuâtre règne sur les autres parties inférieures, mais il devient clair sur le milieu du ventre, et passe au blanchâtre sur l’ab- domen ; les sous-caudales sont d’un roux moins vif que les rectrices. Le bec, l’iris et les tarses sont noirs. Les vieux mâles, à la même époque, ont après le bandeau noir du front un petit espace de blanc ou d’un blanc un peu mêlé de cendré sur le sinciput. On ne remarque guère chez nous que sur les plus hautes montagnes les sujets revêtus de cette livrée : j'en ai fréquemment rencontré à la cime d’Hauteran. Les femelles n’ont point de noir au front, ni au cou, ni à la poitrine : elles en ont seulement une petite tache sur le lorum ou l’espace entre le bec et l’œil. Elles sont d’un cendré terne sur les parties supé- rieures : cette couleur est légèrement nuancée de roux dans leur première année. Un cendré plus clair couvre les parties inférieures; il est, comme celui du dessus du corps, faiblement lavé de roux ou de roussâtre, suivant l’âge , et devient blanchätre en arrivant vers la queue. Les sous-caudales sont d’un roux pâle; le croupion et les pennes de la queue, d’un roux moins vif que dans les mâles ; les pennes des ailes et leurs couvertures sont bordées de gris clair. Après la mue de la fin de l'été, les mâles sont très- légèrement frangés de gris roussàtre sur les parties 314 ORNITHOLOGIE supérieures et de blanchâtre sur le noir de la tête, du cou et de la poitrine : ces franges disparaissent à l'approche du printemps par la mue ruptile, et laissent voir alors le noir et le cendré dans toute leur pureté. Les jeunes des deux sexes, au sortir du nid et jus- qu'à la mue, ont l'extrémité des plumes du cou et de la poitrine d’une teinte plus foncée que le centre; ce qui donne à ces dernières parties, à l’aide des nuances qui s’y trouvent déjà, un mélange de gris obscur, de roussâtre et de noirâtre. La bordure des ailes et celle de leurs couvertures sont d’un gris roussâire. Après la mue, ils ressemblent beaucoup, jus- qu'au printemps , aux femelles adultes ; mais on les reconnait toujours aux plumes de la gorge et dé la poitrine lesquelles sont noires dans la moitié de leur longueur, puis frangées de gris roussâtre. La Rubiette Rouge-Queue habite pendant l'été principalement les rochers, les décombres, les lieux remplis de pierres dans nos régions montueuses et nos Alpes. Elle ne reste en Savoie que durant la belle saison; mais on a l'avantage de l'y voir plus longtemps que la plupart de ses congénères : elle y arrive aux premiers beaux jours de mars et s’en éloigne seulement en octobre pour aller passer l’hi- ver dans des climats plus chauds. On la remarque encore, de certaines années, jusqu'aux premiers DE LA SAVOIE. 315 froids, dans le voisinage des habitations, à l’inté- rieur des villes ou le long des rochers inférieurs et les plus exposés au midi : bien plus, quelques su- jets; toujours très-rares, y bravent les rigueurs du froid, comme je me réserve de le signaler encore plus bas. Cet oiseau est assez commun chez nous. Il arrive ordinairement tout apparié des pays méridionaux, ets’ilse montre seul dans un canton, only remarque bientôt avec une compagne, c’est-à-dire deux ou trois jours après qu'il s’y est fixé. Il se reproduit dans les pierrailles, dans les endroits garnis de dé- bris de rocs amoncelés, dans les hauts rochers de nos contrées alpestres, quelquefois aussi dans les gypses et les rocs, désagrégés qui sont sur la limite des glaces perpétuelles de nos Alpes. Quelques cou- ples qui s’établissent en plaine ou sur les monts, se propagent sous les toits des hangards retirés , des granges peu fréquentées, dans les fissures des vieux murs, dans les carrières et sur le revers des tor- rents, Le mâle, avant de se livrer à ses ébats amou- reux, semble inviter sa compagne à y préndre part: il laisse échapper, d’abord avec retenue et d’un ac- cent timide, quelques cris faibles et pleins de dou- ceur, puis, preñant bientôt de l’assurance, il les répète avec plus d'expression et de vivacité, tandis qu'il salue à plusieurs reprises la femelle, en fléchis- sant simultanément devant elle ses tarses et en im- 316 ORNITHOLOGIE primant à sa queue, qu'il tient horizontale, un A mouvement de droite à gauche. Il renouvelle en outre ces salutations chaque fois que, pendant l’in- cubation, il lui apporte la becquée sur les bords du nid, tout comme en la revoyant après quelques heures d'absence. Le mâle et la femelle font leur nid à l’extérieur avec des feuilles tombées des arbres, avec de la mousse, des racines, de la paille et des morceaux de laine ou de linge; ils en matelassent le de- dans avec des cheveux, des plumes, des poils ou des brins d’herbes très-fines. La femelle pond vers le 15 oule 20 avril en plaine et sur les collines, seulement en mai dans les régions montagneuses, quatre à six œufs d’un blanc pur et lustré. Leur longueur en moyenne à À cent. 75-9 mill., sur un diamètre de 1 cent. 3 mill. Pendant qu’elle les couve; le mâle, perché près d'elle sur l’extrémité d’une pierre ou d’une roche, quelquefois au sommet d’une branche sèche, ne cesse de redire son ramage : c’est une espèce de chant simple, composé de notes aiguës et mêlé d’accents tristes; il imite un peu le bruit que font de très-petites pierres en rou- lant du haut d’un roc ( fitfitzitisizaxé). Son cri le plus ordinaire, qui est aussi celui de ralliement, ne consiste qu’en un petit son sifflé (suat, suit) : dans les moments de colère, l'oiseau change de ton et prononce souvent ft qua, fil qua qua. DE LA SAVOIE. 317 Le Rouge-Queue fait habituellement deux pontes par an, sauf dans les Alpes, où il se borne le plus souvent à une seule nichée; d’ailleurs, il s’y pro- page toujours un mois plus tard que dansles régions inférieures, à cause de la neige qui les recouvre encore au printemps, quand il y parvient avec sa compagne. S'il cherche à se reproduire dans le même canton où s’est faite sa première couvée, il en chasse , dès qu'il rentre en amour, tous ses petits qui commencent à manger seuls, et dix jours après leur expulsion, la femelle y couve de nou- veau. Au contraire, quand :l se retire pour sa deuxième ponte dans une région plus élevée que la précédente, il les laisse tous dans le premier dis- trict; on les y retrouve en effet de temps en temps réunis ensemble, surtout le matin, lorsqu'ils cher- chent leur subsistance. Au mois d'août, les Rouges-Queues se font re- marquer dans nos montagnes de hauteur moyenne ainsi que dans nos Alpes, tantôt par couples, ou tout à fait solitaires, tantôt par petites bandes de cinq, six ou huit sujets, et même davantage. Dans ce cas, ils volent à la file les uns des autres parmi les rocail- les et les taillis qui les avoisinent, s’y nourrissant d'insectes, de petits vers qu’ils vont aussi chercher sur le revers des torrents et des chemins, auprès des mares et dans les clairières, de mouches et de gros moucherons qu’ils poursuivent et attrapent — + — EE © RÉCRET SE nt he tp tte — 318 ORNITHOLOGIE au vol, ou de très-petiis orthoptères qu'ils gobent à terre dans les prés. De temps en temps, ils recou- rent aux baies de mvyrtille et de framboisier, aux fruits sauvages sur la lisière des bois; ils vont même s’accrocher par les pieds contre les rocs ou les grosses pierres pour en extraire les larves, les chry- salides et les insectes qui logent dans leurs fentes. . C’est au commencement de septembre que cette Rubiette descend des montagnes et arrive sur les collines. Elle y recherche encore les rocailles, les lieux très-pierreux et parsemés d’arbrisseaux, ainsi que le voisinage des ruisseaux, des cascades ou des sources, où elle trouve d’ailleurs facilement l’occa- sion de s’alimenter avec des vers ou des vermis- seaux, dont elle est toujours avide. On la voit paraître le matin dans la plaine, principalement sur les ter- res fraîchement labourées où l’attirent encore les vers ; de là, volant de buisson en buisson ou d’un champ à l’autre, elle retourne avant la chaleur sur les monts ou les collines. Rencontre-t-elle, en visi- tant quelque lieu, un tertre, un brin de chaume droit ou une verge, elle se pose à son extrémité en don- nant à sa queue, qu'elle porte horizontalement, une légère secousse de droite à gauche, qu’elle répète deux ou trois fois de suite en se rebaissant et se relevant tour à tour avant de reprendre son vol. Les Rouges -Queues émigrent de notre pays vers la mi-septembre, et seulement aux premiers DE LA SAVOIE. 319 jours d'octobre quand le mois de septembre a été beau. Il se fait alors chez nous un passage de ces oiseaux toujours plus abondant que celui du prin- temps. Les premiers qui nous quittent ont sou- vent l'habitude de se réunir par petites sociétés quelques moments avant leur départ ; tels sont ceux qu'on rencontre le jour répandus çà et là le long des haies ou sur la lisière des bois, comme dans les terrains pierreux et couverts detaillis, où on les voit jusqu'au soir, deux ou trois heures avant le coucher du soleil, se suivre de près en volant d’un arbuste ou d'un petit monticule à l’autre. Ils pren- nent ensuite leur vol jusqu’à la nuit, qu'ils passent dans les fourrés ou les rochers, selon les localités où ils sont alors forcés de s’abattre. Les autres partent seuls ou deux ou trois ensemble. Quelques-uns res- tent pendant l'hiver chez nous, et ne s’écartent guère des lieux habités ni de la proximité des fours à chaux et des charbonnières; on les y retrouve effectivement encore solitaires ou par paires, mâle et femelle, à la fin de l'hiver. Mais pour qu'ils puissent se plaire dans ces lieux, il faut qu'ils y trouvent la tranquillité et des aliments. Quand on ne cherche pas à leur nuire dans leur canton habi- tuel, on les y observe tout le jour, A l'approche de la nuit, ils se retirent sous les toits, dans des pou- tres creuses, dans des cavités de murs et dans les cheminées. Le lendemain, au point du jour, on les 320 ORNITHOLOGIE voit déjà chercher leur vie à terre auprès des écuries et dans les balayures, sous les hangards voisins des chantiers où ils se nourrissent avec les débris que les ouvriers laissent après leur repas ; par- fois ils chassent aux araignées le long des murs et se repaissent même des mouches et des mou- cherons séchés qu'ils trouvent dans leurs toiles. Quoiqu'ils habitent souvent, même en été, le voisi- nage de l’homme, ils se laissent assez difficilement approcher, si ce n’est dans les temps de neige ou par un froid très-vif, Leur chair, quand elle est grasse en automne, est un bon manger. 96G.—Rubiette Caire /Ruticilla Cairü), DEGLAND. Noms vulgaires . comme chez l'espèce précédente, avec laquelle elle est confondue. C’est à M. Caire, observateur consciencieux et plein de zèle, que nous devons la connaissance de cette Rubiette, que M. Degland lui dédia à juste titre. | | Le mâle, dans l’âge adulte, diffère beaucoup de celui du Rouge-Queue décrit à l’article précédent ; mais les femelles des deux espèces sont très-faciles à confondre. La taille de la Rubiette Caire est, dans les deux sexes, de 14 cent. 3-5 millim., par conséquent de 8 à 10 millim. de moins que chez le Rouge- Queue. Le mâle, à tout âge et dans toute saison, n'a DE LA SAVOIE. 321 jamais du noir au front ni à la gorge et à la poi- trine comme ce dernier ; il est un peu blanchâtre à la gorgerette ainsi qu’autour des yeux. Toutes les parties supérieures sont d’un gris terne mêlé d’un peu de cendré ; les rémiges brunes, bordées de cen- dré, de même que leurs couvertures. Il a la gorge, le devant du couet toute la poitrine d’un gris cendré moins foncé que celui du dessus du corps ; le milieu du ventre et de l’abdomen d’un blanc sale; les couvertures inférieures de la queue d’un roux blanc, mais les supérieures et les pennes caudales d’un roux aussi vif que chez le précédent. Le bec, l'iris et les tarses sont également noirs. La femelle a les couleurs des parties inférieures, des sous-caudales, des pennes de la queue d’une teinte plus pâle, et le liséré des ailes et des tec- trices moins apparent que dans le mâle. Les jeunes mâles, après leur mue de la fin de l’été, sont entièrement gris sur la gorge et la poi- trine; c’est par là qu’ils diffèrent essentiellement des jeunes de l'espèce précédente qui ont les plumes de ces parties largement frangées de gris roussâtre, et noires dans la moitié de leur longueur. | La Rubiette Caire habite les basses Alpes, où M. Caire en fit la découverte, quelques parties alpestres du Dauphiné et de la Savoie. Elle est chez nous partout plus rare que la Rubieite Rouge- Queue avec laquelle on l’y confond encore : pres- PU 21 om _ - — _— - D — a ES SET 5 = —_——— Le nn ei 7 ee —- der en à RE ET 322 ORNITHOLOGIE que tous les oiseleurs la prennent en effet pour le jeune ou pour la femelle de cette dernière. Elle nous arrive dans le mois de mars une à une ou déjà ap- pariée; mais comme les neiges envahissent encoreles régions moyennes de nos montagnes où elle se plaît d'ordinaire, elle se fixe alors dans les villes et les bourgs, dans les décombres, les carrières et les rocs qui les avoisinent, pour y faire sa première couvée. Habituellement quelques paires se reproduisent cha- que année à Chambéry dans des creux de vieux murs, dans ceux surtout dû Grand Séminaire et des maisons les plus élevées de la rue Croix-d’Or, puis autour des rocailles de l’ancien fort de Montmélian, dans lés ruines de l’antique château du Bourget, dans les pierrailles de la base du Mont-du-Chat, dans les carrières de Lémenc, etc. , etc. La femelle y pond au commencement d'avril; mais sitôt après l’édu- cation des petits de la première nichée, soit vers la mi-juin, le couple gagne des régions plus élevées, où il choisit encore pour demeure les endroits habités, l'extérieur des murailles des plus hautes maisons des villages, les clochers ainsi que les rochers qui en sont rapprochés : à peine s’y trouve-t-il établi qu’il se livre de nouveau à l’acte de la reproduction. Le mâle et la femelle se servent pour la construction de leur nid des mêmes matériaux que le Rouge- Queue, et lui donnent en l’achevant une forme tout aussi grossière. La ponte se compose de cinq ou six DE LA SAVOIE. 323 œufs à la première couvée, de quatre ou cinq à la seconde : ils sont constamment moins gros que chez ce dernier, tantôt presque arrondis, tantôt obtus aux deux extrémités et entièrement d’un blanc pur et luisant. Leur longueur est de À cent. 7 millim., sur À cent. 2-3 millim. de diamètre. Cette Rubiette a la plupart des habitudes de la précédente , et se nourrit comme elle de vers, de larves, de chenilles, d'insectes et de petits fruits sauvages. Elle à son cri de rappel, son chant mé- lancolique d’été et ses cris de colère ; mais sa voix est habituellement plus faible. Elle a aussi dans la queue le même mouvement horizontal de droite à gauche. Pour chanter l'amour pendant son séjour dans les lieux habités, elle se fixe sur le comble d’un édifice ou d’une tour, sur la croix du clo- cher le plus près de sa demeure, ou bien au bout d'une girouette ou d’une cheminée. Elle paraît toujours moins timide, moins sauvage dans le voi- sinage de l’homme, que dans les localités où elle en vit éloignée, Elle émigre de nos contrées en même temps que le Rouge-Queue ; mais un petit nombre, composé spécialement de jeunes de l’an- née, reste habituellement chez nous pendant l’hi- ver : on les rencontre le plus souvent solitaires et logés dans de vieilles constructions, ou bien auprès des usines, des grandes fermes et des basses- cours, où ils cherchent leur vie jusque dans les 324 ORNITHOLOGIE égouts, sur les fumiers et dans les lieux où l’on dépose la nourriture des volailles et des animaux domestiques. Quoiqu’ils habitent souvent la même localité que le Rouge-Queue, on ne les y voit jamais faire société ensemble : ils ont chacun leur refuge à part; ils y passent toute la nuit et une grande partie de la journée, et encore se voient- ils fréquemment obligés d’en défendre l’entrée aux Moineaux qui s’obstinent à venir s’y présenter chaque soir pour y loger à leur tour. 93.—Rubiette Phénicure /Ruticilla Phœænicurus). Noms vulgaires : Queue-Rousse, Cavaroux, Cavarosse. Le Rossignol de Murailles (Buff.).—La Fauvette Rossignol de Murailles, ou Gorge-Noire (Cuv.).—Fauvette dite Rossignol de Murailles (Sylvia Phœni- curus), Vieill.— Bec-Fin de Murailles (Sylvia Phæœnicurus), Temm.—Codirosso (Savi). — Rubiette Phénicure (Ruticilla Phœnicurus), de S.-Lougch. Faune Belge. Cette Rubiette, dont la femelle est la vraie Queue- Rousse des oiïseleurs, à 14 cent. 5-6 mill. de taille, Le mâle est très-différent de la femelle ; c’est pour cela que plusieurs de nos chasseurs ne les croient pas de la même espèce. En plumage de noces, il a le front et les sourcils blancs, la racine du bec, les joues, les lorums, la gorge, les côtés et le devant du cou d’un noir profond. Il est d’un cendré bleuâtre foncé sur la tête et le dessus du corps; d’un roux vif sur la poi- trine, les flancs, le croupion et les rectrices, excepté Passereaux. Lath. T4 Perrin lib E dit, à Chambery. S J.Werner da. Lib 1 Aubiette Phe nicure, z74/e en Lirree denoces; 7 o7-raË. ; P 394. , RER Lemelle adnlle en le: 4 grnal — 34,5 À uls del espece, ral 6 Rubiette Rossignol, 2224 edule, 4 or.nat., V.333. 7,69 Bufs de lespere 97. na. 19 Rubielle Philomele,r747/e,/4 27 nétl. 544 -N ul de l'espece:; 97 nat 40 DE LA SAVOIE. 329 sur les deux intermédiaires qui sont entièrement brunes, de même que les pennes alaires. Le milieu du ventre est blanc, et les couvertures inférieures de la queue sont d’un roux clair. Le bec est noir, jaune à sa commissure. L’iris et les tarses sont noi- râtres. La femelle adulte à 2 mill. de moins de taille que. le mâle ; elle ne porte ni du blanc sur le front ni du noir sur la gorge et le devant du cou comme lui. Elle a les parties supérieures d’un gris nuancé de roux clair , avec les grandes couvertures des ailes bordées de roussâtre ; la poitrine, les flancs sont aussi roussàtres ; la gorge et le ventre blanchâtres. . 1 paraît que dans un âge très-avancé -elle se colore d'un peu de noirâtre sur la gorge, qui se trouve alors tachetée de roussâtre. Après la mue de la fin de l'été, les mâles ont le noir de la gorge et du cou, le roux de la poitrine et des flancs, striés de blanchâtre; le cendré bleuâ- tre des parties supérieures est frangé de gris roussâtre ; les ailes sont bordées de roussâtre, et le blanc du front ne s'aperçoit qu'avec peine ; mais au printemps, toutes ces franges tombent par l'effet de la mue ruptile et laissent pures les couleurs de ces différentes parties du corps. Les jeunes, au sortir du nid, jusqu'à la mue du mois d'août, sont mouchetés d’un gris sale et de roussätre , sur le dessus comme sur le dessous du RE 326 ORNITHOLOGIE corps. Ils ont sur l’abdomen un espace de jaunâtre qui se fonce en arrivant vers la queue. Après la mue, les jeunes mâles ressemblent aux adultes à la même époque ; mais ils sont générale- ment plus maculés de blanchâtre sur le noir et le roux de leur livrée, et ils ne portent point encore du blanc au front : c’est au printemps suivant qu'ils acquièrent cette couleur en perdant, comme ces derniers, leurs franges blanchâtres et roussâtres. Cet oiseau est commun dans presque toute l'Eu- rope. Il commence à paraître en Savoie, où il se trouve tous les ans plus abondant que le Rouge- Queue, vers le 20 ou le 25 mars. Il n’y arrive ja- mais par troupes, mais seul ou l’un après l’autre et quelquefois deux à deux, c’est-à-dire appariés. Ce sont les mâles qui semontrent ordinairement les pre- miers sur la lisière des bois, dans les lieux fourrés et humides, le long des haies qui bordent les routes, les champs, les vergers, et dans les jardins. Les petits fruits secs restés sur plante, les baies de lierre, les œufs de papillons déposés sur l’écorce des bran- ches, et les petites chenilles encore engourdies dans leurs soies forment, dans ces lieux, leur principale nourriture, Ils sont alors très-maigres et bien diflé- rents de leur état d'automne qui les fait souvent rechercher comme un mets succulent , que l’on ré- serve pour la fin du repas. Cette Rubiette se plaît pendant l’été spécialement DE LA SAVOIE. 321 au nord de notre territoire et à des hauteurs moyennes où elle trouve pour habitation des ro- chers ou des terrains rocailleux ,de petits bois ou des châteaux déserts, Quelques couples restent ce- pendant au printemps près de nous, en ville et à la campagne , eb y établissent leur demeure dans de _ vieux bâtiments, préférant néanmoins ceux qui sont inhabités, dans de grands murs qui tombent en ruine et dans les clochers ; quelquefois aussi ils se logent sous les toits des hangards élevés, sous le chaume qui recouvre les habitations rustiques et les fermes, ou bien encore dans des creux d’arbres fruitiers. Dans ces dernières localités, cette Rubiette niche vers le 10 ou le 15 avril, époque à laquelle le Rossignol nous arrive et commence à égayer nos bocages par ses chants mélodieux. Au contraire, dans les contrées montagneuses, elle ne s’occupe guère de la nidification avant les premiers jours de mai, ou le 15 ou le 20 seulement , suivant qu’elle y habite des régions plus ou moins recu- lées. Le mâle chante le matin au lever du soleil, et se tait lorsque la chaleur l’oblige à rechercher l'ombre ; il recommence ensuite le soir jusqu'au moment où le soleil disparaît de l’horizon : pour cela, il se retire tantôt sur le haut d’une cheminée, ou bien au comble d’une tour , tantôt à l’extré- | mité d’un roc escarpé ou à la cime d’un arbre. Son QE ramage , qu'il répète tant que dure la période des Win 328 ORNITHOLOGIE amours pendant des heures entières, est fort et mé- lancolique; il linterrompt par intervalle de son cri habituel fhuit, qu’il répète également, mais avec plus de vivacité chaque fois que quelque objet Vaflecte dans son canton, par exemple lorsqu'il voit sa progéniture en danger : il n’est pas rare alors qu'il fasse suivre ou précéder ce cri de quel- ques notes rauques et précipitées (fac, tac, ou tec, tec). C’est dans les cavités, les fentes de murs et de rochers, dans les poutres creuses des toits ou des galetas aérés, dans des arbres naturellement creu- sés que cet oiseau se plait à poser le berceau de sa race future. Formé grossièrement à l’extérieur avec de la mousse, des herbes et des feuilles sèches, et tapissé en dedans avec des plumes, des poils, du crin, de la bourre et de la laine, ce nid con- tient cinq ou six œufs allongés, ordinairement pointus au petit bout, et d’un bleu brillant très- légèrement teint de verdâtre et sans taches. En longueur, ils ont 1 cent. 8-9 mill., sur un diamètre de 1 cent. 3 mill. Par leur couleur, ces œufs se rap- prochent tellement de ceux de l’Accenteur Mouchet, qu’il est réellement difficile de pouvoir les distinguer entre eux, lorsqu'une fois ils sont mêlés ; cepen- dant, ceux de la dernière espèce sont coñstamment moins allongés, plus obtus à l’une des extrémités et moins lustrés. La femelle les couve pendant DE LA SAVOIE. 329 seize ou dix-sept jours, tout en recevant du mâle, presque à chaque heure de la journée, des aliments. Celui-ci, pour la charmer, ou plutôt la désennuyer pendant les longues heures de l’incubation, chante près d'elle; de moment en moment il part du lieu élevé d’où il se fait entendre, vient voltiger avec grace devant elle et en ramageant avec un peu plus de volubilité que quand il était posé. Lors- qu’en apportant à leur nid les matériaux néces- saires à sa confection, le mâle et la femelle s’aper- çoivent de quelques visites importunes, ils cessent d'y travailler; et, comme s'ils prévoyaient déjà le sort de leur petite famille quand elle sera en état de faire envie aux dénicheurs, ils quittent en outre le canton et vont s’en chercher un autre dans une contrée plus sûre. Les petits sortent souvent du nid avant d’être en état de voler assez pour suivre leurs parents ; mais alors ils restent dispersés par les rochers ou à la cime des murailles qui menacent ruine, ou bien encore dans les broussailles, et y atten- dent leurs père et mère qui viennent l’un après l’autre leur donner la becquée. À peine sont-ils capables de voler à leur suite, qu’ils vont avec eux se répandre dans les fourrés, le long des grandes haies et sur la lisière des bois de leur arrondisse- ment. On les rencontre ensemble dans nos mon- tagnes jusqu'au commencement de juillet; dès lors Ts MIT 330 5 ORNITHOLOGIE ils se quittent pour vivre, les uns dans la solitude, les autres par deux, par trois ou quatre à la fois dans un même bois où ils se rallient fréquemment, surtout le matin, pour se livrer, tout en quêétant leur subsistance, à quelques excursions aux abords des forêts du canton. Il est cependant à remarquer que les paires qui ont niché en plaine, ou bien à l’intérieur des villes, comme dans les villages situés au pied des montagnes, gagnent aussitôt après l'éducation, qui se termine quelques jours avant celle des familles des couples qui nichent plus tard dans les pays montagneux, les régions alpestres où souvent elles s’adonnent de nouveau, sur Ja fin de juin, à l'acte de la reproduction. La Rubiette Phénicure descend des montagnes dès la première semaine de septembre, quelquefois dès le 15 ou le 20 août, suivant que les fraicheurs sont plus ou moins précoces dans le pays. On la trouve alors partout : dans les champs, surtout dans les maïs où elle se cache pendant le fort de la cha- leur du jour, sur les lisières des bois, dans les vignes et les haies, le long des fossés recouverts de broussailles, dans les parcs, les vergers et les jar- dins. Dans ces diverses localités, elle s'arrête de préférence dans les positions les plus ombragées ou les plus boisées, et en même temps les plus humides ; elle y trouve d’ailleurs facilement sa nourriture, qui se compose de mouches, de che- DE LA SAVOIE. 331 nilles, de chrysalides, de vers, d'araignées et de petits fruits doux et fondants, tels que ceux du mürier, du sureau et de la ronce, Elle s’arrête aussi à terre sur les labeurs frais, ainsi qu'aux bords des mares et des fossés, afin d’y faire la chasse aux petits orthoptères et chercher, en fouillant au pied des arbres dans les fourmilières, les larves des fourmis ; c’est alors que sa chair se couvre de graisse et devient un morceau délicat. Vers le 10 ou le 12 septembre ces oiseaux sont tout à fait communs dans notre pays. Le nombre de ceux qui sont nés chez nous ou qui y ont séjourné pendant la belle saison se grossit alors considéra- blement par l’arrivée ou le passage de plusieurs de leurs semblables qui traversent en quelques jours nos contrées pour aller se réfugier avant l'hiver dans des climats chauds. On en découvre souvent plusieurs le long d’une haïe ou dans un même bois, etjamais on ne parvient à les rencontrer en troupe, mais volant de buisson en buisson, ou d’une haie à l’autre, à la file les uns des autres : leur naturel solitaire ne se dément pas plus en plaine qu’en montagne, car on leur voit toujours laisser entre eux quelque distance; et lorsqu'ils partent, c’est encore seuls, ou l’un après l’autre, comme ils sont arrivés au printemps, Ils nous quittent presque tous avant le 15 octobre. Dès cette époque on ne remarque plus en Savoie que quelques sujets, \ 332 ORNITHOLOGIE spécialement des jeunes des couvées tardives, que la mue ou toute autre crise, quelquefois une masse de graisse, ont empêchés d’émigrer en même temps que les autres : ces derniers partent encore avant les premières gelées, et l’on n’en voit plus pendant l'hiver , comme chez les deux espèces précédentes. Cette Rubiette n’est pas plus familière que le Rouge-Queue ou que la Rubiette Caire. Quoiqu’elle fréquente aussi le voisinage de l’homme, et se re- produise quelquefois comme elles jusque sous le toit de son habitation, elle ne sait ni le reconnaître ni lui manifester cet air de familiarité que l’on ad- mire dans le Rouge-Gorge, ni lui témoigner sa sa- tisfaction par des chants successifs, ou seulement par des mouvements gracieux, comme plusieurs Fauvettes qui se fixent auprès de lui dans les bo- cages. Bien plus, elle paraît toujours triste, même en volière, et si elle chante l’amour, elle le fait en- core avec mélancolie. Pour se percher, elle recher- che d’ordinaire la branche la plus haute, ou bien la plus sèche et la moins feuillée d’un arbre ou d’un taillis : en s’y posant, elle fait souvent entendre son petit cri flûté (thuit), et secoue à chaque instant sa queue horizontalement de droite à gauche. Lors- qu’elle est irritée, ou qu’elle aperçoit un oiseau de proie, elle ajoute à ce cri un autre cri enroué, plus fort et- plus prompt, qui articule les mots tee, Lec, dits à égal intervalle. | DE LA SAVOIE. 333 98. — Rubiette Rossignol /Ruticilla Luscinia). Noms vulgaires : Rossignol, Rassignol, Ranssignolle. Le Rossignol (Buff.).—La Fauvette Rossignol (Cuv.). — Fauvette Rossignol (Sylvia Luscinia), Vieill. — Bec-Fin Rossignol (Sylvia Luscinia), Temm. — Russignolo (Savi). — Rubiette Rossignol (Ruticilla Luscinia), de S.-Longch. Faune Belge. . La taille du Rossignol est de 17 cent. ; sa mue est simple. ë Le mâle est d’un brun roux sur les parties supé- rieures, mais cette couleur est plus vive sur les pennes de la queue. Il à la gorge et le ventre blan- châtres, la poitrine et les flancs d’un gris blanc assez chargé, et les couvertures inférieures de la queue d’un blanc roussâtre. Les tarses sont longs et couleur de chair. Le bec est brun sur la mandi- bule supérieure, d’une teinte plus claire sur l’infé- rieure. Les yeux sont grands et noirâtres. La femelle ressemble au mâle ; elle a pourtant la queue moins touffue, moins large, lorsqu'elle la déploie, et le roux brun de cette partie moins vif On peut encore, à l’époque des noces, la distinguer du mâle, en observant que ce dernier a l’anus très- chargé et proéminent, et par d’autres caractères non moins tranchés, que je me réserve de faire connaître à la fin de cet article. En quittant le nid, les jeunes des deux sexes res- semblent beaucoup aux jeunes du Rouge-Gorge jusqu’à la mue : ils sont comme eux mouchetés de roussâtre sur le dessus du corps, de brunâtre sur 334 ORNITHOLOGIE le devant du cou et la poitrine ; mais cependant on les reconnaît par leurs plus fortes dimensions, et par le brun roux de leur queue. Quoique cette cou- leur soit encore moins vive que chez les adultes de leur espèce, ils n’en ont pas moins déjà une nuance rousse que l’on ne trouve pas sur la queue des Rou- ges-Gorges : c’est à quoi beaucoup de personnes qui élèvent des Rossignolsne font point attention; aussi, nourrissent-elles souvent de très-jeunes Rouyes- Gorges pour des Rossignols, ne s’apercevant guère de leur méprise qu’à la période de la mue, quand ils commencent à prendre du roux sur la gorge et le haut de la poitrine. Il faut convenir que ce qui contribue le plus à induire en erreur, c’est que le Rouge-Gorge niche quelquefois à terre, au milieu des tas de feuilles sèches, comme le Rossignol, et que son nid est souvent construit avec les mêmes matériaux. La Rubiette Rossignol habite la plus grande partie de l’Europe ; mais elle n’y est que de passage durant le cours de la belle saison, et va hiverner dans les régions chaudes de l'Afrique. Partout elle est très-recherchée pour la mélodie de ses chants , et ce qui charme le plus en elle, c'est qu’elle ne se répète pas comme les autres chantres de nos bois; elle crée à chaque reprise des airs nouveaux: si elle redit quelque passage, c’est avec une nouvelle accentuation, ou bien avec DE LA SAVOIE. -339 plus de force, plus de volubilité et d'agrément. Cet oiseau, le coryphée de nos bois, est d’un naturel très-solitaire; il part seul en automne, voyage et arrive encore seul au printemps. On le voit reparaître dans nos climats vers le 6, le 8 ou le 12 avril, quand la fin de mars a eu une série de beaux jours, et seulement vers le 16, le 20 ou le 22 du même mois , lorsqu'il a fait froid en com- mençant. Habituellement les mâles reviennent avant les femelles, et rôdent pour se choisir un canton qui convienne à leur genre de vie, si toutefois ils ne reprennent possession de celui qu'ils habitaient le printemps précédent. Il est d’ailleurs bien rare qu'un Rossignol ne vienne pas s'établir dans le même lieu que lui ou un autre Rossignol avait précédemment choisi pour y passer la saison de l'amour. Ils affectionnent les endroits frais et boisés de la plaine et des coteaux circonvoisins, notamment les taillis, les fourrés des bords des lacs, des étangs, des torrents et des ruisseaux, comme l’intérieur des bois ou leurs li- sières arrosées, les bosquets, les parcs, les haies touffues qui servent de clôture aux jardins et aux vergers, enfin tous les lieux où l’on respire une agréable fraîcheur, et qui sont de nature à leur procurer abondamment des vers, des vermis- seaux et des larves, à les faire vivre dans la paix et la tranquillité durant leurs amours. Ils s’y { il HU 4! R | "4 11 fl | ail WIR di! NA H | AU il { MA | IBf dE (l [| | 11 [AI n |! (| # || (4 RE ul [A | k 1 : 12 | W i 4 | (ne { 4 le 1 | (l! | ee ET TE OT ne [ = = === Le ee a og ei —— - — + — — = = = rs RQ = RTE SRNNS Ter Me IPS ss : en rar = = RER. ne = RE 2 Vs RCE ER de rié tr omer ind ienmtct SON RER en pee NES na pe Le ns" 336 ORNITHOLOGIE mettent souvent à chanter le lendemain même de leur arrivée, pourvu que le temps soit au beau, et qu'ils ne se ressentent pas trop des fatigues du voyage. Une fois qu'ils ont commencé à ramager dans un lieu, ils ne cessent de s’y faire entendre le jour et la nuit; c’est aussi là qu'ils attendent qu’une femelle, attirée par leurs chants successifs, vienne répondre à leurs désirs. Ils commencent, comme l'explique Buffon, par un prélude timide, par des sons faibles et indécis, comme s’ils vou- laient mettre à l'épreuve leur instrument; mais bientôt, prenant de l'assurance, ils s’animent et déploient toutes les ressources de leur inimitable sosier. On les entend alors à une distance fort éloi- œnée, et la raison pour laquelle leur chant est si estimé et produit tant d'effet, c’est qu’en chantant la nuit, qui est le temps le plus favorable, et en chantant seuls, leur voix a tout son éclat et n’est troublée par aucune autre voix. Ce chant conserve toute sa force, toute son aimable variété jusqu’a- près l’éclosion des petits de la première couvée, c’est-à-dire jusqu'aux dix premiers jours de juin, puis il diminue tous les jours insensiblement jusqu’à la fin du mois : alors quelques mâles se taisent, mais le plus grand nombre gazouille encore jus- qu’au 8 ou {2 juillet; c’est d’ailleurs à cette époque qu’ils commencent à muer, et leurs femelles qui muent en même temps mettent en outre, en pondant : } SL: DE LA SAVOIE. 337 ou bien en couvant pour la seconde fois, fin à leurs amours. Pour toute voix ils ne possèdent plus jus- qu'au printemps prochain qu’un cri d'inquiétude, rauque et traîné (carrr ou crrre), que le mâle et la femelle jettent en outre tour à tour pendant l'été en voyant leur famille en danger; ils ont aussi un autre cri un peu flûté, mais plus bref que le premier et qui à beaucoup de rapport avec celui de la Rubiette précédente : il articule les syllabes wip, uip, répétées à égal intervalle, un peu vite dans le danger, et en traïnant sur la voyelle « qui est presque sifflée ; mais ce cri est toujours précédé ou suivi du premier, ou seulement entremêlé de quel- ques sons qui en approchent. C’est du 25 avril au 6 mai que le Rossignol se met ordinairement à travailler à la construction de son nid. Il le place très-souvent à terre tout près de l’eau, au pied d’une haie ou d’un buisson, ou parmi ses racines, quelquefois sur les rameaux inférieurs d’un arbuste encore recouverts de quel- ques feuilles sèches tombées en automne, ou bien encore au milieu d’une touffe d'herbes, ou parmi les orties et des feuilles entassées. Avant de poser son travail sur le sol, il se prépare, en grattant la terre ou le sable avec le bec, un petit creux de 4 à 5 cent. de profondeur, puis ensuite il y apporte les premiers matériaux, c’est-à-dire les feuilles sèches, surtout de chêne, de frêne et de tilleul, des herbes gros- d'ER 2 L 22 (1 h s De MR IT 338 ORNITHOLOGIE sièrés et des tiges de plantes qui forment tout l’ex- térieur du nid : le dedans est au contraire garni avec de petites racines fibreuses, avec de là paille fine et du crin. La ponte se compose habituellement de cinq œufs à la première couvée, de quatre à la seconde; leur couleur est d’un vert olivâtre foncé, ou d’un brun verdâtre, sans taches; dans ce der- nier cas, le brun domine souvent aux deux extrémi- tés ou seulement sur le gros bout, et le verdâtre au centre ou bien à la petite extrémité. Ils ont pour longueur À tent. 8-9 millim., quelquefois 2 cent., et pour largeur 1 cent. 4-5 millim. La femelle reste seule chargée de l’incubation et refuse de couver l’œuf du Coucou. Elle quitte deux ou trois fois le jour ses œufs pour aller à la hâte se chercher aux alentours quelque aliment. Pendant son absence de quelques instants, le mâle surveille la couvée d’un arbre voisin. Dès qu’elle revient sur le nid, il se remet à chanter à l'ombre, dans le plus épais feuil- lage, et la soulage dans les peines de l’incubation par ses chants successifs et très-variés. Les petits éclosent le seizième ou le dix-septième jour de couvaison, et le nombre des mâles est, en général, dans toute couvée plus grand que celui des femelles, Le mâle aide sa compagne à les nour- rir et dès lors ne chante plus aussi fréquemment ; ses instants sont du reste absorbés par les soins qu'il apporte à trouver leur subsistance : il leur DE LA SAVOIE. 339 donne en effet tour à tour avec la femelle beaucoup d'œufs de fourmis, de petits vers de terre, des larves, de petits insectes très-tendres. Si quel- que importun s’approche d’eux , le mâle se trahit bientôt par ses cris ; 1l le suit en volant d’un arbuste à l’autre, ou bien à terre à la course ; mais souvent il sait user de ruse : 1l vole en avant du déni- cheur et du côté opposé à sa couvée, en criant avec force afin de l’attirer vers lui, et sitôt qu’il s’aper- çoit que son ennemi prend une autre direction que celle qu’il lui trace lui-même, il redouble par in- tervalles ses cris enroués carrr ou crrre, pour fixer encore son attention et le détourner de sa nichée ; enfin, il ne le perd pas un seul moment de vue tant qu'il le voit occupé à chercher sa progéniture, et quand il se retire il l'accompagne encore, en se plaignant, à quelque distance de son district. C’est du dix-huitième au vingtième jour de leur éclosion que les petits abandonnent leur première demeure; aussi doit-on choisir vers le douzième ou le quatorzième jour ceux d’entre eux que l’on désire élever pour jouir plus tard de leur mélodie. Il faut en les nourrissant leur prodiguer les soins les plus minutieux, et encore ne réussit-on que rarement à les conserver. Les aliments qui leur conviennent alors le mieux, et qu’il importe de leur offrir par petites becquées au bout d’une brochette, sont les 340 ORNITHOLOGTE larves, les vers de farines, les très-petites chenilles dénuées de poils, les œufs de fourmis, la viande fraiche finement hachée et mêlée avec des mies de pain, puis certains fruits, tels que figues et cerises bien mûres. Il est toujours mieux de préférer les petits de la première nichée, car l’on peut encore profiter de quelques jours de chant qui restent aux vieux Rossignols, les plus habikes chanteurs d’une volière ou d'un bosquet très-rapproché du lieu où l’on soigne la petite famille, et lui donner ces ne phées pour premiers instituteurs. Le Rossignol fait d'ordinaire deux couvées par an en Savoie : la seconde, à laquelle il s'apprête aussitôt que les petits de la première sont en état de se nourrir d'eux-mêmes, à lieu vers le 24 juin ou dans les six premiers jours de juillet. I] la fait encore très-souvent dans le même canton que la précédente, mais jamais dans le même nid dont il ne s'éloigne pourtantguère, à moins qu’il ne se soit déjà vu fréquemment inquiété dans ce lieu. Dès lors, il ne permet plus que ses petits viennent rôder auprès de sa nouvelle demeure; il les en chasse chaque fois qu'ils s’y montrent. Ceux-ci vivent alors solitaires par les bois et les broussailles des lieux les plus humides. Au mois d'août, lorsque les jeunes de la seconde couvée peuvent voler, leurs père et mère quittent avec eux la solitude des bois afin de se rapprocher DE LA SAVOIE. 341 des haies, des bords boisés des rivières, des prai- ries et des marécages ; c’est là qu’ils trouvent alors en abondance des vers, des insectes de tout genre soit pour leur nourriture, soit pour celle de leur famille, ainsi que des sources, des mares pour se baigner pendant le fort de la chaleur. Vers le 20 ou le 24 août, on les rencontre seuls ou bien encore deux à deux, c’est-à-dire par paires; mais plus tard, et surtout dès les premiers jours de septembre, on ne les revoit plus guère que solitaires jusqu'à leur départ, qui commence chez nous vers le 8 de ce mois, et finit avant celui d’octobre. Ils partent de nuit ou de très-grand matin. Ceux que l’on tient alors en cage s’agitent beaucoup la nuit ou à laube du jour, comme on le remarque encore au prin- temps, à l’époque de leur retour en Europe. Quoique timides, les Rossignols sont cependant peu défiants; aussi parvient-on facilement à les capturer dans divers piéges. On les prend aux gluaux, à la pipée, au trébuchet, sous des regin- glettes que l’on place avec appât sur le sol à l’en- droit où 1ls chantent, après avoir remué fraîchement la terre en dessous. Il importe beaucoup que ces regingleties soient faites avec du tafletas, et non avec du fil ou du crin, de crainte qu’en s’y débat- tant lorsqu'ils sont pris, ils n’y perdent leurs plumes, ce qui les empêcherait de chanter. Comme il est difficile de distinguer la femelle d'avec le mâle, et 342 ORNITHOLOGIE qu’il est encore fâcheux de se donner la peine de les soigner l’un pour l’autre, je crois utile d’indiquer ici les caractères extérieurs les plus tranchés, au moyen desquels on peut encore facilement distin- guer les sexes. Les mâles, comme je l’ai déjà dit, se reconnaissent par leurs veux plus grands et leur tête plus arrondie, par conséquent moins effilée que chez les femelles; par le bec sensiblement plus long et plus large à sa base; par leur plumage plus vif en couleurs; par leurs pennes caudales plus touflues et plus larges lorsqu'elles sont déployées; enfin, par l’anus qu’ils ont, seulement à l’époque de l’amour, si gonflé, que parfois il est très-proéminent. Les Rossignols, réduits à la captivité, aiment à se baigner fréquemment après avoir chanté; aussi ne doit-on jamais les laisser manquer d’eau , sur- tout pendant les chaleurs , lorsque la vermine les accable quelquefois. Ils aiment à l’excès les vers de farines et leurs larves, et ceux de fumier : ces aliments, ainsi que d’autres non moins échauffants, même l’odeur des parfums, des viandes rôties à la broche, sur le gril ou à la poêle, les engagent a chanter. Les araignées passent pour être un purgatif pour eux ; du reste, l’on peut sans danger essayer tous les ans, au printemps, de leur donner ce purgatif à la dose de trois pour le premier jour, de quatre ou cinq pour le second. S'ils ont de la | répugnance à les manger, on peut les mêler avec | DE LA SAVOIE. 343 d’autres aliments; par exemple, avec de la viande hachée très-finement, avec de la pâte ou des œufs durs , mais alors il convient de doubler la dose : quelques brins de feuilles de chicorée broyées et mélangées avec ces divers aliments ne peuvent aussi que leur être salubres. Mais tout ce qui est salé leur devient nuisible. Pour bien les fairechanter, il faut d’abord lesenvironner de feuillage ou d’un taf- fetas vert jusque près dela moitié inférieure de leur cage, étendre sous leurs pieds de la mousse fraiche que l’on renouvelle souvent, et éloigner d’eux toutes visites trop importunes, Si ce sont des mâles pris à leur retour au mois d'avril, trois jours suffisent, moyennant des soins, pour les faire chanter, et quel- quefois ils chantent dès le soir même ou le lende- main de leur captivité. S'ils ont été pris dans le nid et élevés soigneusement à la brochette, il n’est pas rare de les entendre gazouiller un mois après qu'ils mangent seuls; c’est alors le moment de leur donner, comme je viens de le dire, d’habiles insti- tuteurs ; car tous les jours ils s’exercent un peu, sauf pendant la mue et l'intensité du froid. Est-on parvenu à les rapprocher à temps de quelque autre habile rossignol, et a-t-on pris soin d’écarter alors de leurs oreilles, tous les chants, tous les cris des autres oiseaux qui auraient pu confusément les frapper en vain, on peut s'attendre à les enten- dre chanter au premier printemps avec modulation, 344 ORNITHOLOGIE avec des inflexions de voix très-variées. Ils sont encore susceptibles de s'attacher à la personne qui les à élevés, et qui continue de les soigner; bien plus, ils la distinguent à son pas, et annoncent avant de lavoir vue son arrivée par leur chant, ou bien par la vivacité de leurs mouvements et en trémous- sant des ailes, haussant et rebaissant successive- ment la queue, qu’ils tiennent alors tout étalée. N. B. La Rubiette Philomèle (Ruticilla Philomela ) habite quel- ques régions basses de la Suisse, où on la confond avec le Ros- signol. Il est vrai que je n’ai pas encore réussi à la rencontrer en Savoie; cependant je présume qu’elle peut se trouver quelque- fois aux abords du Rhône, surtout à la fin de l’été, lorsqu'elle s'éloigne de la Suisse pour aller à la découverte des climats chauds, où elle passe l'hiver; aussi vais-je la décrire suffisam- ment pour la faire reconnaître, au cas où l’on viendrait à la remarquer dans notre pays. Sa taille est de 18 cent. dans les deux sexes. Le mâle et la femelle se ressemblent : ils sont d’un gris brun sur les parties supérieures du corps; leur gorge est blanche, mais chaque plume bordée de gris foncé ; la poitrine, les flancs sont grisâtres et nuancés de couleur plus foncée. La queue est arrondie, d’un roux terne, conséquemment moins vif que chez le Rossignol, et les rémiges sont plus grandes. Le Philomèle recherche dans les pays qu’il ha- bite les lieux bas et humides, surtout le voisinage des ruisseaux, des marécages où croissent en outre 2 — he ESS Re == |£ 1 Bec-Fin Philomèle, Temm. La Fauvette Grand Rossignol, Sylvia Philomela, Vieill, DE LA SAVOIE. 345 d’épais buissons. Il y niche à la manière du Rossi- gnol, son plus proche congénère, et ses œufs, dont le nombre est de quatre ou cinq par couvée, sont d’un brun-olive teint de brun foncé : ils ressemblent tellement à ceux de ce dernier qu’on ne peut guère les en distinguer, quand ils sont mêlés, si ce n’est par leurs dimensions, qui sont plus grandes ; ha- bituellement ils ont À mill. environ de plus soit en longueur, soit en largeur. Sa voix est encore plus forte, plus éclatante : chaque phrase qu’il fait en- tendre en chantant est en effet prolongée près du double de celles du Rossignol. Mais ses habitudes sont analogues aux siennes, et il se nourrit comme lui d'insectes ailés, de vers de terre , de larves et de petites baies. XXXVIe Genre : FAUVETTE /Sylvia). Les Fauvettes ont le bec droit, grêle, comprimé à la pointe qui est aiguë et insensiblement arquée, et la langue lacérée à son extrémité. Leurs tarses sont un peu moins allongés que chez les Rubiettes, mais généralement plus épais dans toute la longueur; leur corps est en outre plus svelte ; la queue, qu’elles portent d'habitude horizontalement, est longue, assez large, quand elle se trouve déployée, et composée de pennes égales ou presque égales. Elles fréquentent principalement les endroits frais et boisés, les bocages et les jardins qu’elles ani- 346 ORNITHOLOGIE ment soit par leur présence ou par la prestesse de leurs mouvements, soit par leurs accents doux et harmonieux ; aussi les trouve-t-on rarement en re- pos. Elles volent presque sans relâche d’un buisson à l’autre et sautillent avec grâce de branche en branche, tout en saisissant avec une dextérité re- marquable sur l'écorce, sur les feuilles, qu’elles visitent en tous sens, les petites chenilles, les chry- salides, les insectes mous qui forment la base de leur nourriture : quelques-unes recherchent en outre les baies sauvages, les fruits doux et charnus. Leurs nids, qu’elles posent le plus souvent fort près de terre dans les buissons les plus touffus, rare- ment sur les arbres, sont, en général, travailiés avec un peu plus de soin que ceux des Rubaeltes, mais avec moins d’art que ceux des Rousserolles. Ils possèdent de quatre à six œufs que plusieurs mâles couvent alternativement avec leurs femelles. Certaines espèces, entre autres la Fauvette à Téte- Noire et la Fauvette Grisette, couvent l'œuf du Coucou et élèvent le jeune qui en nait. . Ce genre compte en Savoie neuf espèces, qui y font toutes leur séjour pendant l'été seulement. C'est parmi elles que se trouvent plusieurs des chantres par excellence de nos bosquets : toutes, en effet, ont un chant agréable et souvent des plus variés. Leur mue est simple et commence, surtout chez les vieux sujets, vers la mi-juillet, époque à laquelle DE LA SAVOIE. 347 le plus grand nombre cesse de chanter. Les femelles diffèrent quelquefois à peine des mâles; mais, en général, leurs nuances sont moins vives. 99.—-Fauvette Orphée /Sylvia Orphea). Noms vulgaires : Groussa Téta-Neira (Grosse Tèête-Noire), Grous Capo- négro ; à Bordeau, sur le lac du Bourget : Caravasse. La Fauvette {Buff.), planche 579, une femelle assez mal representee.—Fau- vette proprement dite (Cuv.). — Bec-Fin Orphée (Sylvia Orphea), Temm. — Fauvette Grise (Sylvia Grisea), Vieill.—Bigia Grossa (Savi). En désignant cette Fauvette par les noms patois Groussa Téta-Neira et Grous Caponégro, nos cam- pagnards veulent la distinguer de la Fauvelte à Téle- Noire qu’ils nomment simplement Teta-Neira ou Caponegro, à cause de la couleur noire de sa tête, qui lui donne en effet quelque analogie avec celle de cet article; mais celle-ci est plus grande : sa taille est de 17 cent. 4-5 mill., plus forte encore que chez le Rossignol. _Le mâle adulte et vieux a le dessus de la tête, le tour des yeux et les joues noirâtres : dès l’occiput, cette couleur se change en gris cendré, qui est aussi celle des autres parties supérieures. Les ailes sont noirâtres et frangées de cendré brun, même sur les couvertures. La penne de chaque côté de la queue est blanche, mais noire sur la baguette ; les autres sont marquées de blanc à leur extrémité, noirâtres dans le reste, sauf les quatre intermédiaires qui sont entièrement de cette dernière couleur. Un beau blanc pur règne sur la gorge et le ventre ; un rose ms EL RE ER En SE En RS TR S Re pee ee UT D =. PRE GE Eee I D ND LE Vry NTIE ST: 4 MS Cher = Zu” Es. TE = TETE ET » +2 AE > s Te Lee 34 ORNTTHOLOGIE pâle se dessine sur la poitrine ; un roux clair couvre les flancs, l’abdomen et les régions de l’anus. Le bec est fort, jaune à la racine de la mandibule infé- rieure, noir sur la supérieure qui est en outre sou- vent très-échancrée vers la pointe; l’iris d’un jaune tendre. Les tarses tirent sur le bleuâtre, quand ils sont en état de fraîcheur. La femelle est légèrement teintée de roussâtre sur le gris cendré des parties supérieures. Le rose de la poitrine est chez elle remplacé par une faible nuance de roux. Elle n’a pas, comme le mâle, du noirâtre sur la tête, mais du gris à peine plus foncé que celui du dessus du corps ; elle porte seulement un peu de noir entre l'œil et le bec, et la bordure des couvertures alaires, des moyennes surtout, est plus étendue que chez ce dernier. Les jeunes, à la sortie du nid, ont déjà les cou- leurs distribuées de la même manière que les femelles, mais ils sont toujours plus lavés de rous- sâtre sur les parties supérieures. Après leur mue, qui se termine vers la fin d'août, les jeunes mâles prennent un peu de gris noirâtre sur la tête. Cette Fauvette se fait remarquer principalement dansles contrées méridionales de l’Europe; en Italie, en Piémont, en Provence et dans les départements méridionaux qui bordent la Méditerranée, En Sa- voie, elle n’est nulle part aussi répandue à son re- tour, au printemps, que dans les taillis qui croissent LA DE LA SAVOIE. 349 le long du lac du Bourget, depuis Bordeau jusqu’à l’abbaye d’Hautecombe. On la retrouve aussi en égale quantité dans les broussailles qui recouvrent les lieux pierreux depuis la base du Mont-du-Chat jusque tout près de la région des Sapins, où elle ne s'élève jamais pendant son séjour dans cette localité. Quelques bosquets des Charmettes, près de Cham- béry, quelques bois de chênes encore de petite futaie, situés au pied ou à hauteur moyenne du Ni- | volet, ainsi qu'à Apremont, avant les forêts de sapins, et quelques taillis avoisinants des lacs, des torrents, ou des ruisseaux sur divers autres points du bassin de Chambéry, des environs d'Annecy, de Bonneville et de Genève la possèdent encore à la même époque, mais par couples assez rares. Elle arrive dans notre pays du 8 au 20 avril. | C’est ordinairement le mâle qui se montre le pre- mier, et quelques jours avant la femelle. Aussitôt arrivé, et silé temps est beau, il se met à ramager. Son chant, quoique étendu, l’est un peu moins que | celui du Rossignol : il est doux à l'oreille, et sujet à quelques variétés qui ne laissent pas d’avoir aussi | leur agrément. Composé en grande partie de sons | | flûtés, bien liés ensemble, il imite parfois ceux de | | la Fauvette à Tête-Noire, de la Grive de Vignes ou (LL Chanteuse et du Merle de Roche qui souvent habi- | | | tent dans le voisinage de cette Fauvette. Quoique qjl | entendu de près, ce chant paraît quelquefois venir [IH LE | 14: OR = — = SR SPS CHATELET ER RTE IPS + RE CETTE eve DS TT RE I RTE EE LA RESTE ps ne n s 2m …. en e mn de “ion PR . PF, D 1 KZ DER Eee 5 350 ORNITHOLOGIE d’un lieu opposé et bien plus éloigné, ce qui trompe fréquemment les naturalistes qui vont à la poursuite de cet oiseau en se guidant par son ramage. Il perd déjà beaucoup de sa force dès le 15 ou le 20 juin, et dès lors il diminue insensiblement jusqu’à la mi-juillet; à cette époque le mâle le discontinue. En chantant, ce qu’il fait presque toute la matinée et le soir jusqu’au coucher du soleil, tantôt dans les buissons ou à l’extrémité de leurs branches, tantôt sur les arbres, il trémousse presque de tout son corps, en enflant simultanément les plumes noires du sommet de la tête, celles de la gorge, et en laissant pendre la queue, à peu près comme chez le Rossignol. ( Il est réellement beau de voir le mâle une fois apparié s'engager avec sa compagne dans le feuil- lage : sortir des buissons et y rentrer tout à coup, s’agacer réciproquement, se poursuivre et se livrer d’innocents combats , presque toujours accompa- gnés de quelques douces modulations , tels sont les jeux auxquels ce couple heureux se plait à se livrer à chaque instant pendant l'amour. Il tra- vaille son nid au premier jour de mai : tantôt il le construit près de terre dans un épais buisson ou dans des touffes de rameaux d'arbres naïns, tantôt sur les petits chênes, les acacias, les jeunes hêtres et dans les grands buissons d’aubépines et de houx; quelquefois il le fait dans les lierres ou les ét tutti. Dom à ns ou à DE LA SAVOIE. 391 arbustes rampants qui recouvrent des rocs ou des masures. Le dehors du nid est assez grossièrement composé avec de la paille, des herbes sèches, de la mousse et des racines flexibles ; au contraire, le dedans est matelassé d’une manière plus élégante _avec du crin, des poils, quelques brins de laine et de paille très-fine ; une fois achevé, ce nid paraît aussi volumineux que celui de la Pie-Grièche à Tête Rousse et de l’Écorcheur. La femelle y dépose quatre ou cinq œufs, rarement six, de la grosseur à peu près de ceux du Rossignol ; ils sont blancs, _ quelquefois d’un blanc sale ou tirant légèrement sur le roussâtre, et marquetés, surtout à la grosse ex- trémité, de points bruns ou noirâtres et cendrés ou bleuâtres, mêlés à des taches jaunâtres ou d’un brun clair. Ils ont en longueur 1 cent. 8+ ou 9 mill., sur À cent. à ou 4 mill. au plus de diamètre. S’aper- coit-elle de quelques visites importunes et succes- sives, elle abandonne souvent son nid tant qu’il ne renferme pas des petits ni des œufs près d’éclore, Pendant l’incubation, le mâle chante auprès d’elle, ou bien il se plaît à visiter, tout en se faisant égale- ment entendre, les buissons ou la lisière des bois les plus voisins de la couvée. En se tenant près de sa compagne, il se loge, pour chanter, dans l’épaisseur des buissons, dans des touffes de feuilles d'arbres, où ilne se montre que pour un instant sur les bords, ou sur une branche à découvert, et rentre aussitôt après Le = Eu" 6 SENS rés LICE a FES D LE DT NL OETS LCR DT IE ne LR SE ME Te - = « ETS & x CSS 2 . = - Me TE ? s R y - mn ER EEE RER er ne rs ss —— 4 L 4 re - = : = _— _—_—— ms —7 = +— : -— es qe ms 2e = ss rm _ = - = : - = 2 : ner Sn ee de x ER LR SRI RETIRE PETER ÊTES ET Ra ES LISTE AS RE nn ee ne ue F- = - 2 -- - — - - E:-22 52 z x 2 2 = o « — CRE - E— = = = 356 ORNITHOLOGIE montrer dès les premiers beaux jours de mars dans nos vergers et nos jardins; mais alors il ne chante pas encore, il court, au contraire, de tous côtés pour se chercher des aliments, et comme les insectes , qu'il ne trouve à cette époque qu’en petite quantité, sont loin de pouvoir satisfaire son appétit, ilrecher- che en outre avec avidité les baies de lierre, de su- reau, et du daphné lauréole. Quand elles manquent aussi, 1l va parmi les branches des arbres ou des arbustes attaquer les chenilies qui ont passé l’hiver enveloppées dans leurs soies, puis chercher dans la mousse qui tapisse certains arbres, les saules sur- tout, les larves etles vers qui y sont encore engour- dis. Il commence à gazouiller dès qu’il trouve un peu plus abondamment la nourriture qui lui plaît le plus, c’est-à-dire les petits insectes mous, les chenilles dénuées de poils, les vermisseaux que les premières pluies douces et le vent du midi raniment ou font éclore. Sa voix n’a rien de gêné; elle est douce, pure et légère, sujette à d’agréables moduiations, peu étendues, mais toujours bien mesurées. Elle s'accroît tous les jours un peu dans la première quinzaine d'avril; on en jouit encore à la fin de juillet dans nos bois inférieurs, et au commen- cement d’août dans ceux des montagnes, où d’ail- leurs l'oiseau se fait entendre deux semaines au moins plus tard qu’en plaine et sur les collines. Le mâle cherche sa femelle aux premiers jours ET à ét . DE LA SAVOTE: 397 d'avril. Aussitôt apparié, il se montre très-jaloux et par moment d’une humeur querelleuse ; il suit par- tout sa compagne, et toujours il est prêt à assaillir ou combattre tout autre mâle qui s'approche d’elle ou qui cherche à lui plaire. Pour se reproduire, le cou- ple choisit un lieu frais et ombragé, et souvent un bosquet ou un jardin au sein d’une ville. 11 s'occupe de la nidification dès le 45 ou le 20 avril, quand son canton se trouve en plaine ou sur un coteau qui la domine, et vers le 20 ou le 25 mai, suivant qu’il est plus ou moins reculé dans les montagnes. C’est le plus souvent un petit buisson, surtout une aubépine, une ronce, un églantier ou un groseillier, quelquefois encore un arbre nain ou un taillis qui possèdent son nid. Le mâle et la femelle le composent à l’exté- rieur de mousses et d'herbes sèches, le garnis- sent en dedans de crin et de paille fine, et lui don- nent en l’achevant une forme sphérique de petite profondeur. La première couvée est ordinairement de cinq œufs, la seconde de quatre. Ils sont obtus, quelquefois presque arrondis et très-gros compara- tivement à l'oiseau; leur couleur est tantôt d’un blanc sale, tantôt d’un blanc roussâtre ou même rougeâtre, et marbrée ou maculée de gris, de brun jaunâtre, et ponctuée de brun foncé. On trouve encore, mais très-rarement, des œufs d’un blanc presque pur et sans taches, ou bien impercepti- blement piquetés de brun clair sur la grosse extré- 358 ORNITHOLOGIE mité". Pour longueur, ils ont À cent. 8-9 mill., rarement 2 cent., et pour largeur diamétrale À cent. 9-4 mill. Le mâle a pour sa femelle les soins les plus tendres ; il lui apporte non-seulement des vers, des chenilles quand elle couve, mais il la soulage encore des incommodités de l’incubation, en venant y prendre part avec elle alternativement, Les petits éclosent le quinzième ou le seizième jour de couvaison , et le père et la mère les nour- rissent sans jamais se lasser. Si l’on vient à les tou- cher, ils sautent à bas du nid pour peu qu'ils aient déjà quelques plumes. C’est alors que leurs parents se dévouent pour les sauver : ils se jettent au-devant de leur ennemi en poussant des cris plaintifs, se trainent à terre sur les ailes devant lui en feignant d’être eux-mêmes grièvement blessés, afin d'attirer sur eux seuls les poursuites du ravisseur et donner, au moyen de cette ruse, le temps à chacun de leurs petits de se trouver une cachette parmi les fourrés. Ils vivent avec eux tant qu'ils ne sont pas en état de se procurer leurs aliments, et sitôt qu'ils peuvent voler, ils les emmènent à leur suite et leur donnent tour à tour la becquée à chaque instant. Quand ils les abandonnent, c’est pour se livrer de nouveau à l'acte de la reproduction ; dès lors les petits vivent isolés dans les bois ou le long des haies, quelquefois ils 1 J'ai remarqué ces deux variétés dans un méme nid, en juin 1851, au jardin Botanique de Chambéry. DE LA SAVOTE. 999 s'associent avec ceux de la Fauvette des Jardins et vivent ensemble en bonne intelligence jusqu’à l’épo- que de leur départ de nos climats. Après leur mue, ils font entendre de temps en temps, le matin sur- tout, une espèce de gazouillement très-simple, très- doux et qui est aussi particulier aux vieux mâles à la même période. | | Les nichées terminées, le mâle et la femelle qui se sont reproduits ensemble continuent de vivre appariés pendant quelque temps. Plusieurs d’entre eux ne se séparent que pour émigrer, et d’autres émigrent à la fois. Les jeunes de l’année partent seuls après avoir mué ; ceux des couvées tardives ne nous quittent guère avant le commencement d'octobre, et même plus tard ; en effet, il n’est pas 4 très-rare d'en remarquer encore, notamment des mâles, dans nos bois inférieurs, pendant les pre- miers jours de novembre : ceux-ci vivent alors prin- cipalement avec des baies ou de petits fruits sau- vages, comme leurs semblables qui nous arrivent des premiers au mois de mars. La Fauvette à Tête Noire est souvent très-grasse au commencement de l’automne, époque à laquelle elle préfère aux insectes les baies de sureau, de mürier et diverses semences oléagineuses. On l'élève assez facilement en cage; elle y devient même très-aimable. Elle à pour son bienfaiteur une | affection vraiment touchante; à son approche, elle fl RG on 360 ORNITHOLOGIE le salue avant de le voir par un accent tout parti- culier, et, pendant la mue ou l'intensité du froid, alors qu'elle est presque muette, elle exprime sa gratitude par un léger trémoussement des ailes accompagné de petits cris, et propre à exciter la pitié. On peut la nourrir comme le Rossignol, en l’habituant à la viande crue finement hachée avec de la pâte ou des mies de pain, ou bien aux graines de chanvre, de pavot, de millet, pilées et mélangées avec la mie de pain, des œufs durs et un peu de persil. On peut aussi lui donner sans risque, au printemps, le même purgatif que j'ai indiqué à l’article de ce dernier. En captivité, elle s’agite vi- vement dans sa cage pendant la nuit vers le 15 sep- tembre, qui est la période la plus marquée de ses migrations de nos contrées, tout comme au prin- temps, à son retour au pays, et quelques jours avant l’acte de la reproduction, Plusieurs de ces volatiles périssent alors dans les volières à ces deux époques; car changer de climat à l'approche de l’hiver et obéir à la nécessité de la propagation est pour eux un be- soin si pressant, si utile, qu’ils deviennent victimes de la mort, faute de ne pouvoir le satisfaire. 101.—Fauvette des Jardins /Sylvia Hortensis). Noms vulgaires : Pique-Rave, Piquaravaz. La Petite Fauvette (Buff.).—Fauvette Ædonie ou Bretonne (Sylvia Ædonia), Vieill.—Bec-Fin Fauvette (Sylvia Hortensis), Temm.—Bigonia (Savi).- Cette espèce a 15 cent. 1-2 mill, de taille. DE LA SAVOIE. 361 Le mâle est d’un gris brun teint d’olivâtre sur toutes les parties supérieures du corps, sauf sur les pennes alaires et caudales, qui sont brunâtres et bordées extérieurement de la première couleur : sur ja partie latérale du bas du cou, est un espace de brun cendré. Le blanchâtre occupe la gorge, le tour des yeux, et le gris roussâtre la poitrine, les flancs, les couvertures inférieures de la queue ; le ventre et le milieu de l'abdomen sont blancs. Le bec est brun, un peu jaunâtre seulement à la base de la mandibule inférieure, et couleur de chair à l’intérieur ; l’iris brun foncé. Les tarses, pendant leur fraîcheur, tirent sur le bleuâtre ; ils deviennent bruns en séchant dans les collections. La femelle est semblable au mâle; du reste, elle n’en diffère que par le gris roussâtre de la poitrine et des flancs, qui est chez elle un peu moins foncé, et par la teinte olivâtre de dessus du corps, moins prononcée que dans le mâle. Les jeunes, en sortant du nid, ressemblent beau- coup aux femelles : un mois après, c’est-à-dire après leur première mue, ils ne diffèrent plus des vieux. Cette espèce habite spécialement les contrées méridionales et tempérées de l’Europe. Elle est, avec la précédente et la suivante, l’un des sylvains les plus communs de la Savoie durant les quatre plus beaux mois de l’année; mais elle se trouve assez rarement au nord du territoire; elle ne s’é Eee nn RS ET CS ee qq pe mr qu JL dE 4 | ne SSSR ES LT | rer = par, £° = l-+ LP LI PE CUT a. D. _ ri CS CE = és 362 ORNITHOLOGIE lève chez nous qu’accidentellement plus haut qu’à 1400-1500 mètres au-dessus du niveau de la mer. Ge sont les mâles qui arrivent les premiers sur la fin d'avril, ou seulement au commencement de mai quand le printemps ne règne que depuis peu de jours; ies femelles paraissent cinq ou six jours plus tard. Sitôt appariés, ils se répandent, les uns dans les jardins, le long des haies épaisses et dans les bosquets, les autres choisissent les abords ou l’intérieur des bois, les endroits couverts d’arbris- seaux et qui sont voisins de l’eau; en un mot, ils remplissent de leurs paires la plupart deslieux humi- des etombragés de nos campagnes, qu’ils raniment par leur chant. Leur voix, qui est douce et agréa- blement variée, a bien quelque analogie avec celle de la Fauvette à Tête Noire, mais ses accents sont moins éclatants. C’est cachés dans le feuillage des arbres ou des taillis qu’ils se plaisent à la faire en- tendre; ils l’accompagnent presque toujours de quelques mouvements lents, mais pleins de grâce. On n’en jouit dans toute sa force que depuis le 15 ou le 20 mai jusqu’à la fin de juin ; dès lors, leur chant perd tous les jours un peu de sa mélodie, et aux premiers jours d’août, on ne l’entend plus ni en plaine ni en montagne. Cette Fauvette construit son nid dès la mi-mai. Elle aime, quand plusieurs paires de l'espèce se trouvent réunies dans un bois, se propager en so- DE LA SAVOIE. 363 ciété: aussi trouve-t-on facilement dans le même bois jusqu’à quatre, six nids et même davantage, tous rapprochés les uns des autres. C’est dans les taillis qui hérissent les bords du Rhône et du torrent de Laisse, où cet oiseau se rend en quantité chaque année au printemps, que l’on est toujours à même de faire cette remarque. Le mâle et la femelle, qui travaillent de concert au nid, le composent assez grossièrement d'herbes sèches en dehors, et de pailles très-fines mélangées avec un peu de crin ou de poils en dedans. Ils le _ posent au milieu des herbes épaisses, et plus parti- culièrement sur les branches les plus basses des buissons épineux, des charmilles, dans les ramées de fèves et de pois, dansles groseilliers, les rosiers, quelquefois sur les arbres fruitiers ou ceux des pro- menades. La femelle pond quatre ou cinq œufs dont un ou deux sont assez fréquemment atteints d’infé- condité : il m'est arrivé, mais une seule fois, d’en trouver trois sur cinq dans un md. La couleur de ces œufs est d’un blanc sale qui porte souvent deux espèces de taches larges : les unes brunes verdâtres, les autres d’un brun plus ou moins foncé, et entre- coupées de petits traits ou de quelques zigzags noirs ou noirâtres ; quelquefois aussi ces teintes sont rem- placées par deux autres très-différentes : la pre- mière est ordinairement grisâtre ou d un gris violà- tre, la seconde d’un roussâtre clair, avec des traits QUE SOU SR EU TU MED SE Aer Dee de EUR en id = EE SEL ES ES LC DS ST 364 ORNITHOLOGIE également rares et d’une nuance plus foncée. Ces œufs ont en moyenne 1 cent. 7: ou 8-9 millim. de longueur sur À cent. 8-4 millim. de diamètre. Le mâle, pendant que sa compagne s’adonne à l'incu- bation, ramage près d’elle perché au plus épais d’un arbre ou d’un buisson. Il se tait durant le fort de la chaleur de la journée et reste caché à l'ombre; par moment, il descend au bord de l’eau et s’y baigne, puis quelques minutes après, il se remet à chanter. On approche toujours de très- près la femelle occupée à soigner sa progéniture; la fait-on partir du nid, elle pousse des cris préci- pités (ep, fiep, hiep, tiep, tiep) qu’elle entremêle, comme la précédente, de quelques sons de voix traînés et plaintifs (mée, ée). Le mâle, en l’enten- dant se désoler, accourt et joint ses cris de détresse à ceux de sa compagne. Quand elle revient ensuite couver, elle se plaint encore pendant un instant en revoyant la nichée, enfin elle ne calme son afflic- tion qu’en se replaçant sur les œufs. Mais si on l’in- quiète trop fréquemment, elle abandonne son nid, à moins qu'il ne renferme des œufs près d’éclore ou des petits. Ceux-ci sont à peine élevés et capables de vivre seuls et du produit de leurs chasses, que le père et la mère s'apprêtent à une seconde couvée; elle a lieu à la fin de juin et se compose ordinairement de trois ou quatre œufs. Cependant il est digne de | | ‘ DE, LA, SAVOIE. 365 remarque que l’on trouve encore, dans nos bois inférieurs, des nids de cette Fauvette avec le même nombre d'œufs jusque dans les premiers jours d'août, ce qui prouve sans doute que parfois elle fait une troisième nichée. Je suis pourtant d'avis qu’elle ne l’entreprend que lorsque l’une des deux premières, surtout la seconde, lui a été ravie ou est devenue la proie d’un rapace ou d’un mammifère nuisible ; d’ailleurs, en pondant pour la seconde fois sur la fin de juin, et ne couvant que dans la première semaine de juillet, il est évident qu’elle ne peut avoir le temps d'élever convenablement ses petits avant le commencement d'août, pour être encore aiors en état de couver. La Fauvette des Jardins se nourrit en été d’in- sectes et de leurs larves, de chenilles et de vermis- seaux ; à la fin de cette saison et en automne, elle fait une grande consommation de baies, de celles surtout du mürier, de la ronce et du sureau; elle les cherche dans les haies et les jardins, le long des fossés ombragés par des saules et des taillis, et sur la lisière des bois. On l’y voit tantôt seule, tantôt deux à la fois, tantôt enfin par petites compagnies, et quelquefois mêlée avec celles de la Fauveite à Téte Noire. Pour chercher ses aliments, elle sautille comme elle presque sans relâche de branche en branche, mais avec moins de vivacité que la Fau- velle Grisette ; elle saisit une baie en passant et la .…. “ ss — — Le re 7 ra 366 ORNITHOLOGITE mange en poursuivant ses recherches. De temps à autre, elle se montre un instant à la cime d’un arbre ou sur le bord d’un buisson, et tout à coup elle y rentre ; ou bien de là elle s’élance sur le pre- mier insecte ailé qui vient à passer à sa portée, le saisit au vol et revient pour l’avaler sur l’arbre ou le taillis d’où elle a pris l'essor. Ce Sylvain commence à émigrer de notre pays sur la fin d'août. Les jeunes de l’an ne partent qu'après avoir mué, c’est-à-dire vers la mi-sep- tembre, et ceux des nichées tardives au commen- cement d'octobre. Tous, en général, se trouvent éloignés de nos climats à l’époque des premières gelées blanches qui tombent en. plein pays : ils vont hiverner en Asie et en Afrique. 410?.—Fauvette Grisette /Sylvia Cinerea)]. Noms vulgaires : Fauvette des Haies, Fovetta Dellelt Cixet, la Bocharde, la Gorgette, à cause de son habitude d’enfler les plumes de sa gorge à chaque fois qu'elle se trouve irritee ou affectée. ve Grsene (Syia Ciuerl, Vicll… dec fin Gricrie (Sylois Oinoreah Temm.—Sterpazzola (Savi). Cette Fauvette a la même taille que la précé- dente, mais elle est plus effilée. Le mâle adulte, à son retour au printemps, est d’un gris cendré sur la tête et le lorum, et d’un gris roussâtre sur les autres parties supérieures ; il a les ailes noirâtres, largement bordées de roux vif sur les couvertures et lisérées de la même couleur sur les rémiges, si ce n’est la plus extérieure qui est Passereaux Svlviadees. T1,222 LAlh, Je LerTin,,L'hambrery j.VWerinet déi & Laithe 1 Fauvetle des Jardins 247: 75 pr.nat; P300.— 9-4 245 de lespece.vr rn4l. 5 lauvette Grisette 72/6 à u pre lermps; 73. 9r.nat.; P. 366. 6-6 Zu/r del espece, PATES 9 l'auvette Babillarde, z7% adulte, 3 grinat P.315. 10-149 Zuf de l'esp ere gr ral. ? —— FRS ptet À 7 li DE LA SAVOIE. 367 frangée de blanc. Les pennes de la queue sont d’un brun foncé, bordées finement de gris roussâtre ; la première, ou celle de chaque côté, est plus courte que les autres, blanche à l'extérieur, d’un gris blanc le long de la baguette en dedans, ensuite d’un gris brun bordé de blanc jusqu’à la pointe; la suivante est un peu plus longue et terminée par une tache blanchâtre. La gorge, le milieu du ven- tre sont d’un blanc pur; la poitrine est légèrement teintée de rose: les flancs, l'abdomen colorés de gris roussâtre. Le bec est brun foncé en dessus, un peu plus clair en dessous. L’œil petit, mais très-vif; l'iris le plus souvent isabelle, quelquefois, selon l’âge et les individus, brun plus ou moins clair, ou presque de couleur orange; les paupières sont entourées de cils blancs. Les tarses tirent un peu sur le jau- nâtre, Le mâle, après la mue de la fin de l’été, a le rose de la poitrine presque tout effacé ; ses parties supérieures sont en outre plus chargées de roussä- tre que pendant l'été. La femelle n’a point de gris cendré sur la tête : cette couleur est remplacée par le gris roussâtre qui règne déjà sur les autres parties supérieures de son Corps ; sa poitrine, quoique au printemps, n’est pas d’un rose tendre comme chez le mâle, mais lavée d’un roux très-clair, Elle ressemble à celui-ci 368 ORNITHOLOGIE par le reste de sa livrée, sauf par le blanc des parties inférieures, qui est un peu terne. Les jeunes sont encore plus colorés de roux que la femelle, mais après leur première mue, les mâles lui ressemblent complétement jusqu’au retour du printemps. La Fauvette Grisette est la plus répandue de toutes ; elle habite pendant l’été toute l’Europe, jusque très-avant dans le Nord. Très-commune chaque année en Suisse et en Savoie, elle s’y fait remarquer partout, en plaine comme en montagne, dans les lieux humides les plus fourrés, les haies, les bois, les champs et les jardins. Partout pleine de confiance, elle ne redoute jamais le voisinage de l’homme; si elle vit dans la solitude, on dirait qu’elle cherche à en bannir la tristesse ou la mono- tonie par ses chants successifs : ceux-ci, quoique peu variés et fréquemment répétés sur le même ton, plaisent toujours par leur volubilité. Elle nous arrive une à une presque en même temps que les premiers Rossignols, c’est-à-dire vers le 40 ou le 15 avril, puis elle s’apparie avant la fin du mois. Aussitôt réunie par couple, elle se montre sur les bords des chemins, le long des haies, sur la lisière des petits bois, dans les endroits incultes ou couverts de broussailles, en un mot, dans tous les lieux où elle est appelée à se repro- duire. On l’y voit sautiller presque tout le jour avec DE LA SAVOIE. 369 agilité d’un rameau à l’autre, ou voltiger de buis- son en buisson avec grâce et célérité, et par moment folâtrer avec sa compagne : pour cela, elles commencent à s’agacer réciproquement, puis se poursuivent avec ardeur, se becquètent avec passion, mais sans se blesser. Le mâle, en ter- minant ces jeux pleins d’innocence, s'élève droit en l'air en chantant de gaieté de cœur, fait une pirouette et se laisse retomber presque ver- ticalement sur le buisson dans lequel l'attend I sa compagne, et sans cesser de ramager. Tantôt nn) il s'arrête à l’extrémité d’un petit rameau, tantôt ALL il se jette dans l’épaisseur du taillis, où il finit de qi chanter. À chaque reprise de chant, il se livre à ail quelques mouvements brusques, mais qui font plai- | sir, en se remuant de diverses manières, en tour- at nant la tête de côté et d’autre ou en balançant tout le corps à la fois de gauche à droite. Pour peu qu’un objet l’affecte, tel que la vue d’un oiseau de {| proie, d’un chat ou de tout autre mammifère de ra- pine, il se met légèrement en colère; alors il hérisse curieusement les plumes du sommet de la tête, enfle \i aussi celles de la gorge et pousse de l’épaisseur des | buissons une sorte de petit cri grave que l’on peut ! exprimer par les mots : bjie, bjie; quelquefois il fil le fait précéder, ou bien il l’entremêle d’un autre il cri plus éclatant (thuint, thuint, thuint) qu’il redit plusieurs fois de suite avec plus où moins de rapi- T. Il. 24 de 370 ORNITHOLOGIE dité, selon qu'il se trouve ému ou que le danger lui paraît imminent. Ce sylvain niche dans les haies, les broussailles qui bordent les rivières et les fossés, dans les herbes ou les plantes qui se développent autour du pied des arbres ou des buissons, dans les légumes et les moissons, notamment dans les champs de colza, de luzerne, de fèves, de vesces et de pois. Le mâle et la femelle vont l’un et l’autre à la quête des matériaux nécessaires à la confection du nid; ils le travaillent d'habitude très-près de terre, el souvent ils le cachent soigneusement. Quand il est achevé, ce nid est ordinairement profond et fait en forme de coupe : composé en dehors avec des morceaux de paille et d'herbes sèches, et recouvert en dedans de crin, de quelques petits flocons de laine, de soies de chenilles ou d'araignées, et de duvet de saule ou de peuplier, il contient, dans les”premiers jours de mai, le plus souvent cinq œufs ; ils sont d’un blanc sale passant souvent au verdâire, quelquefois au grisâtre, avec de petites taches d’un gris jaunâ- tre et d’autres plus grandes brunes verdâtres où d’un noir cendré, spécialement réunies vers le gros bout, où souvent elles forment une espèce de cou- ronne, Pour longueur, ils ont 4 cent. 61-7 mill., et pour diamètre 1 cent, 2-8 mill. Le mâle couve à son tour lorsque sa compagne quitte le nid pour se récréer, et comme il ne couve Jamais aussi long- DE LA SAVOIE. 371 temps qu’elle, il lui apporte encore la becquée d'heure en heure pendant le jour. Ils soignent l’œuf du Coucou Cendré et en élèvent le petit avec autant de tendresse que s’il venait d’eux. L’éclosion commence au quinzième jour de | l’incubation et s’achève le seizième. Dès lors et | pendant tout le jour, ils ne cessent de chercher des vermisseaux, de petites chenilles sans poils et d’in- | sectes tendres qu'ils viennent tour à tour distribuer | par minces becquées à leurs petits. Le père, pour | mieux remplir son devoir, cesse un peu de chanter, ! | ou plutôt, il ramage moins fréquemment que durant | 1 | l’incubation, S’il vient à manquer, la mère n’aban- Hi donne pas pour cela la progéniture; elle se dé- jte | voue au contraire pour la nourrir elle seule avec le ki produit de ses chasses tant que l’âge des petits, ou | | | plutôt leur faiblesse réclame son assistance. Hu | Après l’éducation, les petits se séparent de leurs dll parents et serépandent dans les bois ou dans les lieux il il | remplis de broussailles, où ils vivent isolés. Néan- il | moins, sur la fin de l'été, on les remarque souvent Al l trois, quatre ou six ensemble le long d’une haie et nl | aux abords d’un bois, où les attirent alors, de même | l | que les vieux, les baies et les petits fruits sauvages ll L de plusieurs sortes d’arbustes, qui donnent à leur il | chair un goût exquis. sl | Cette Fauvette fait d'habitude une seconde ponte | | | vers la fin de juin. Celle-ci, qui est la dernière, se jh | (4 | AE | p di 312 ORNITHOLOGIE compose de quatre œufs, rarement de cinq. Les jeunes qui en naissent se trouvent déjà élevés avant le 15 août ; aussi ne le rencontre-t-on plus à cette époque avec leurs parents, mais seuls, ou deux ou trois ensemble, suivant les localités. C’est vers le 10 septembre que les Grisettes com- mencent à devenir un peu plus rares dans nos con- trées ; elles en émigrent, du reste, dès les premiers jours du mois pour aller hiverner dans les pays chauds. Plus tard, nous ne possédons plus que les jeunes des nichées tardives, qui sont alors en mue. Ils partent après cette crise, et dès lors on n’en observe plus qu’accidentellement, en Savoie, jusqu'aux pre- miers frimas d'octobre. Les premiers sujets qui se disposent à voyager ont assez souvent l'habitude de se réunir la veille quelques-uns ensemble dans un petit bois où ils passent la nuit tout près l’un de l’autre ; le lendemain, au lever de l'aurore, ils pren- nent l’essor. Leur vol est un peu élevé tant qu'ils se trouvent au milieu des terres qui ne leur offrent ni bosquets ni broussailles à visiter un instant en pas- sant ; dans le cas contraire, ils volent d’un bois à l’autre, ou bien ils suivent les haies ou les taillis le long des routes, des fleuves et des rivières, pen- dant qu’ils en trouvent sur leur passage. DE LA SAVOIE. 319 1063.—Fauvette Babillarde /Sylvia Curruca). Noms vulgaires : Fauvette Grise, et jamais Fauvelte Babillarde. Ce nom s'applique en Savoie à la Fauvette Polyglotte, que l'on nomme aussi vulgai- rement la Jardinière : c'est elle, ainsi que l’Ictérine , qui a en effet le talent de contrefaire les cris ou le ramage de plusieurs autres oiseaux. Je les dé- cris l’une et l’autre ci-après, aux nos 106 et 107. La Fauvette Babillarde (Bufñf.). — Motacilla Garrula (Linn.). — Fauvette Babillarde (Sylvia Curruca), Temm.—Bigiarella (Savi). C’est son babil presque continuel qui a valu à cette Fauvette son nom de Babillarde ; il est bien reconnu qu’elle n’a point la faculté d’imiter, comme la Fau- velte Ictérine et la Polyglotte, le chant de plusieurs volatiles qui habitent les mêmes lieux qu’elle. Sa taille est de 13 cent. 6-8 mill. Le mâle a le dessus de la tête d’un gris tirant sur le bleuâtre, et d’une teinte un peu plus foncée sur le lorum et les plumes qui recouvrent l’orifice des oreilles. Cette couleur, à peine mélangée de brun, règne encore sur la nuque, le manteau et le crou- pion. Un blanc lavé de roux clair occupe les par- ties inférieures, à l’exception de la gorge, du mi- lieu du ventre qui sont d’un blanc pur, des côtés de la poitrine et des flancs qui se trouvent nuancés de grisätre. Les ailes sont brunes, bordées de grisâtre. La queue est presque noirâtre, sauf la penne exté- rieure de chaque côté qui est cendrée, frangée et terminée de blanc; les deux suivantes sont seule- ment tachées de cette dernière couleur à leur extré- mité. Le bec est noir: l'iris couleur de noisette. Les tarses sont d’un gris couleur de plomb. 314 ORNITHOLOGIE La femelle à le dessus de la tête d’un gris pur, et la poitrine d’un blanc qui se rapproche du gris; le reste est comme chez le mâle. _ Les jeunes de l’année sont plus colorés de blanc en dessous que les vieux; ils sont d’un gris clair sur les flancs et d’un gris cendré sur tout le dessus du corps. Cette petite Fauvette est moins répandue en Europe que la Fauvette des Jardins et la Grisette ; elle habite spécialement les contrées tempérées, et M. Temminck dit qu’elle ne se répand guère plus avant dans le Nord que la Suède. Peu connue en Suisse et en Savoie, comme, du reste, tout volatile qui vit éloigné des habitations, elle ne se plait, pendant la période des nichées, que dañs lés bois ou les lieux garnis de broussailles des montagnes de moyenne élévation ; quelquefois elle s’établit, mais en petite quantité, au delà des régions des sapins, jusqu’à 1800-2000 mètres au-dessus du niveau de la mer; on le remarque en effet à ces hauteurs au Mont-Cenis et au sommet de la pente méridionale de cette partie de nos Alpes. Elle nous arrive une à une dès là mi-avril ; mais comme la neige envahit encore la plupart de nos montagnes, elle reste en plaine ou sur les coteaux circonvoisins pendant quelques jours, ordinaire- ment jusqu'aux premiers jours de mai. Pendant tout ce temps, elle ne s'éloigne point des haies ni DE LA SAVOIE. 379 des saussaies ni des fourrés du canton qu'elle fré- quente ; elle s’y apparie et gagne ensuite les pays montueux. Pour nicher, elle aime à l’excès les en- droits couverts de buissons et parsemés d'arbres, surtout les taillis de chênes et de hêtres, ainsi que les forêts de mélèzes et de sapins, où elle trouve le plus de clairières. Je l’ai toujours remarquée communément dans les bois ou les forêts des Bau- ses, du Nivolet, du Mont-Grenier, de la Tarentaise et de la Haute-Maurienne ; au contraire, elle est rare dans nos pays de plaine, dé même que sur nos collines qui les avoisinent, si ce n’est à l’époque de Son arrivéé et de son départ. Ce sylvaih est continuellement alerte; aussi est-il difficile de l’observer un moment tranquille. Il parcourt à la hâte tous les taillis, tous les arbres qu’il rencontre, afin d’y trouver des chenilles, dés larvés ou des insectes pour sa nourriture ; dé temps à autre il en sort et rentré précipitamment dans d’autres; il s'élève aussi, comme la Fauvetlé Gri- selte, droit au-dessus des buissons, pirouette en l'air et retombe en faisait éntendré un petit ramage très-vif et gai, quoiqué monotone. Il se répète à chaque instant dans le fourré dés broussailles et des branches d’arbres ; à chaque reprise, il enfle un peu les plumes de la gorge et du sommet de la tête én se remuant en tout sens, Quand il est à la quête dé ses aliments, il a soin de visiter en sautillant de { ts ol A ge à ot mmtes ei A ns TL Pen FE 376 ORNITHOLOGIE branche en branche chaque arbre, chaque taillis l’un après l’autre, qu'il découvre sur son passage, et saisit sa proie avec tant de prestesse qu’on n’a pas le temps de s’en apercevoir ; puis à mesure qu’il arrive au bout ou bien à l’extrémité de l’une des branches, il se plaît à ramager pendant un in- stant. Il s’alimente principalement avec des mou- ches, de gros moucherons qu’il poursuit parfois au vol, en les voyant passer près de lui, avec des che- nilles rases, des œufs de papillons, des chrysalides et des larves : les fruits sauvages et les baies sont pour lui une nourriture accessoire. C'est vers la mi-mai ou les premiers jours de juin, selon que cette Fauvette habite dés régions plus ou moins élevées, qu’elle se met à nicher en Savoie. Elle place son nid dans les charmilles, les petits hêtres et sur les premières branches des mé- lèzes ou des sapins ; il est fait avec des brins de paille ou des tiges de petites plantes sèches, surtout de lin, que recouvrent en dedans d’autres mor- ceaux de paille ou d'herbes très-déliées, ainsi que des crins ou des poils. La femelle, qui ne fait d’ha- bitude chez nous qu’une ponte, y dépose cinq ou six œufs blanchâtres, souvent lavés d’un gris très- clair, et pointillés ou tachetés de noir, de cendré foncé, d’olivätre, quelquefois aussi de gris. Ces taches sont ordinairement très-rapprochées vers la grosse extrémité, où elles tracent assez fréquemment L # « : Ÿ 4 DE LA SAVOIE. 377 une sorte de collier. Leur longueur est de À cent. 5-6 millim., et leur largeur de 12-13 millim. Le mâle, tandis que la femelle couve, se plaît à par- courir les buissons du voisinage de la nichée et de temps en temps il vient la revoir sur le nid pour lui donner des aliments. Quitte-t-elle les œufs pour un moment, il l'accompagne et lui cherche en- core sa subsistance, puis il la ramène à la couvée. Pour nourrir leur petite famille, le père et la mère vont à la recherche des chenilles sans poils dans les herbes ou les arbustes dont ils visitent soigneuse- ment les feuilles d’un côté et de l’autre. Quand ils ont des insectes à leur donner, ils les broient avant de leur eù faire la distribution, ou bien encore ils tâchent, en les secouant vivement à l’aide du bec, ou en les frappant à plusieurs reprises sur une branche, de les dépouiller de leurs substances in- digestes. À la fin de juillet, on remarque encore les jeunes réunis avec leurs parents; mais aux premiers jours d'août, 1ls ne se trouvent plus que seuls, ou deux ou trois ensemble, le matin surtout, lorsqu'ils cherchent à se nourrir. Vers le 15 du mois, ils com- mencent, de même que les vieux, à se rapprocher des collines ou des broussailles qui garnissent le pied des montagnes ; quelques-uns descendent en plaine et hantent jusqu'à leur départ les parcs, les bosquets et les haies. C’est dès le mois de septem- En er er ed TES VE Sea ee DS TS F Re RCE — 27 z ET z 25% ange eme Z + “= 378 ORNITHOLOGIE bre, et après la mue, qu’ils émigrent de nos con- trées: ils les quittent tous avant le froid. 204.—Fauvette à Lunettes /Sylvia Conspicillata). Bec-Fin à Lunettes (Sylvia Conspicillata), de La Marmora, Temm.—Sler- pazzola di Sardegna (Savi). Cette jolie petite Fauvette, dont on doit la con- naissancé à M. le chevalier de La Marmora, a 12 cent. de taille. Elle se distingue dé la Grisette, avec laquelle elle à quelque ressemblance, par ses cou- leurs plus vives et plus pures, par les plumés noires qu’elle porte en forme de lunettes autour du cercle blanc des yeux, d’où lui est venue sa dénomination, enfin par $a petite taille. Le vieux mâle, au printemps, est d’un beau cendré pur, approchant du bleuâtre, sur le haut de la tête et les joues : chez les sujeis qui n’ont pas encore changé entièrement de livrée, surtout chez les mâles adultes , cette couleur est çà et là, sur le front et la nuque, frangée d’un peu de roussâtre à l'extrémité des plumes ; mais ces franges, qui res- tent de la livrée d'automne, disparaissent à mesure que la saison avance. Il a le lorum, ou l’espace entrée le bec et l'œil, noir ; la même couleur entoure lé cercle blanc des yeux qui lui a valu son nom de Fauvette à Lunettes ; il a de plus uné petite nudité ophthalmique, qu’on remarque dans tous ses âges et pendant toute saison. Le manteau et le dos sont cendrés, légèrement tein- ORNITHOLOGIE DE LA SAVOIE. Passereaux. Sylvia dées. ; : TA, 223. sig mt ef PS en > por 0 du Lith.J} Perrin, Libr.E dit. Chambéry. J. Werner del À Lith. { Fauvelte à Lunettes, vzeux male au printemps, #5 grnal, Pa76 2-4 Zufs de l'espèce, gr.ral 5 Fauvette Passerinelte, 44 adulte en plumage de noces, 4 grnat,V.381. 6 y D Lemelle_ »dulle en cle; 15.grnal-TA Gus de lespece:gr nat. "M 1 DE LA SAVOIE. 379 (ll tés de roussâtre; les ailes noirâtres, avec toutes ji leurs couvertures bordées de roux vif. Un blanc pur il règne sur la gorge et les côtés du cou, et un cen- Lil dré bleuâtre sur le devant du cou; les autres par- ii ties inférieures sont d’une teinte vineuse, toujours il | plus claire sur le milieu du ventre; sur les flancs, il | elle se change en roussâtre. La queue est noirâtre ; il | la penne la plus extérieure de chaque côté presque jh, l totalement blanche, la deuxième terminée par une il | grande tache de la même couleur et la troisième Li: | par une autre, mais plus petite. Le bec est noir sur à la mandibule supérieure, avec ses bords jaunes ji jusqu'aux deux tiers de sa longueur ; il est aussi Lis jaune à la base de l’inférieure, mais noir à la pointe. L'iris est d’un brun clair. Les pieds sont jaunà- nil tres. 11] La wieille femelle, à la même époque, est nuancée i 1 de roussâtre sur le front, grise sur le lorum et les LE joues, et d’un cendré moins pur sur le sommet de li la tête que le mâle ;: elle est, en outre, d’un cendré nuancé de roux sur la nuque, le cou ét le dos. Sa gorge est blanche, mais la couleur vineuse des parties inférieures moins pure que chez ce dernier ; le milieu du ventre est blanchâtre, et elle ressemble au mâle par le reste de sa livrée. d i Dans le jeune âge, elle est privée de la nudité il ophthalmique. Les jeunes de l’année, après la mue de la fin de 380 ORNITHOLOGIE | l’élé, ont les parties supérieures, même le sommet de la tête, d’un cendré roussâtre : cette dernière nuance occupe le bout des plumes et ne disparaît qu’au printemps suivant, par la mue ruptile. Ils sont d’un isabelle clair sur la poitrine et les flancs; le milieu du ventre est aussi de la même couleur, mais d’une teinte encore plus claire. Le reste de leur plumage est presque semblable à celui de la femelle telle que je viens de la décrire. Cette espèce habite la Sardaigne, quelques par- ties de l’Italie et la Provence. Elle très-rare en Sa- vole; seulement quelques paires viennent se repro- duire dans les lieux très-pierreux et remplis de broussailles de la base du Mont-du-Chat ainsi que du revers méridional de la petite colline dont le pied est baigné par le lac du Bourget, immédiate- ment après le château de Bordeau, presqu’en face du port de Puer. | Elle y arrive à la fin d'avril, quelques jours après la Fauvette Passerinette qui est chaque année com- mune dans les mêmes localités. Vive et pétulante quand elle cherche sa vie, cette Fauvetie ne reste pas un seul instant à la même place ; elle court à terre avec agilité parmi les herbes, les bruyères ou les cailloux, et si elle se montre sur une pierre, à l'extrémité d’un arbrisseau, c’est pour en dis- paraître aussitôt, ou plutôt, pour se jeter à terre ou replonger dans un buisson. DE LA SAVOIE. 381 Pendant l’amour, le mâle à un petit chant sim- ple et très-doux, qu'il se plaît à redire perché dans les taillis, sur des plantes, de petits Trocs où un amas de pierres; quelquefois aussi, à l'exemple de la Grisette et de la Passerinette, il le fait entendre en montant droit en l'air, où 1l se soutient aussi quel- ques instants au moyen de petits battements d'ailes, puis il plonge tout à coup dans les buissons. À peine est-il reposé, qu'il pousse souvent un autre cri grave, qui semble prononcer crrer, crrer, plusieurs fois de suite; d'habitude 1l accompagne d’un fré- quent mouvement de queue de bas en haut. Ce cri est aussi propre à la femelle, pendant toute saison ; l’un et l’autre le jettent à coups précipités, chaque fois que la vue d’un objet les affecte ou quand ils voient leur progéniture en danger. La Fauvette à Lunettes niche très-près de terre au pied des buissons de buis et de ronces, ou au milieu des touffes de bruyères et de genêts dans les loca- lités que je viens de désigner; quelquefois elle s’ap- proprie aussi l’un des arbrisseaux touffus qui en- tourent un amas de terre, de graviers ou de pierres. Son nid est construit avec de petits brins d’herbes sècheset garni à l’intérieur, qui est souvent profond, de tiges très-déliées de graminées ou, suivant les lieux, de laine, de crin ou de poils. Il renferme vers la mi-mai cinq œufs obtus, blanchâtres ou d’un blanc teint de grisätre, avec de nombreux points ou 382 ORNITHOLOGIE de petites taches brunes et verdâtres, quelquefois en forme de zone vers le gros bout de la coque; ils ont À cent. 3-4 mill. de long, sur 11-12 mill. de diamètre; ils éclosent le quatorzième ou le quin- zième jour de couvaison. Cet oiseau se nourrit en Savoie avec de très- petits scarabées, des mouches, de gros mouche- rons qu’il poursuit par moment au vol et attrape adroitement, avec des vermisseaux qu'il trouve sur le sol, ou bien au pied des arbustes et des plantes qu’il visite pour cela en tout sens. Il re- court aussi aux petites chenilles et à leurs chrysa- lides, enfin aux baies de ronce et de sorbier. Il quitte nos contrées à la fin du mois d'août, presque en même temps que la Passerinette : le mâle, un mois avant son départ, discontinue de chanter. 105.-Fauvette Passerinette /Sylvia Passerina). Nora, Ce Bec-Fin n’a pas, que je sache, en Savoie de nom vulgaire, comme du reste la plupart des oiseaux qui y sont rares ou seulement particuliers à une localité. La Passerinette (Buff.). — Fauvette Passerinette ou Bretonne (Cuv.). — Fauvette Passerinette (Sylvia Passerina), Vieill.—Bec-Fin Passerinette (Syl- fa Passerina), Temm., 2e édition, 3e partie, page 138. — Sterpazzohina Savi). Cette jolie espèce a 13 cent. de long. Le mâle, en plumage de noces, est d’un cendré couleur de plomb, inclinant un peu au bleu, sur le haut de la tête, les joues, la nuque, le manteau, les scapulaires, le croupion et les couvertures supé- rieures de la queue. La gorge, la poitrine, les flancs, DE LA SAVOIE. 383 la région anale et les cuisses sont d’un rouge bri- que légèrement nuancé de violet; le ventre et le milieu de l'abdomen d’un blanc plus ou moins pur, selon l’âge. Deux traits blancs, en forme de mous- taches, partent de la base de la mandibule infé- rieure du bec et descendent de chaque côté jusque près de la moitié du cou. Les rémiges sont noi- râtres, bordées de brun clair; le bord externe du poignet de l’aile, de même que les couvertures alaires inférieures, d’un blanc pur. La queue est aussi noirâtre, avec la penne latérale blanche sur les barbes extérieures, ainsi que sur le tiers des intérieures ; la deuxième et la troisième portent seulement une tache à l’extrémité de la penne; souvent elles la perdent par la mue ruptle du printemps. Le contour des yeux est d’un rouge de brique ; l'iris jaune; le bec noir et couleur de chair à la base de la mandibule inférieure. Les tarses - aussi sont couleur de chair, mais ils approchent plutôt du jaunûtre. La femelle, à la méme période, a le dessus du corps d’un cendré très-légèrement teint d’olivâtre, et les parties inférieures d’un gris jaunâtre ou rous- sâtre très-clair ; elle a la bande longitudinale blan- che de chaque côté du cou à peine distincte, et le tour des yeux d’un blanc roux. Le mâle se revêt de la livrée d'automne dès la fin de juillet; alors il prend une couche de gris oli- ne dm 384 ORNITHOLOGIE vâtre sur le cendré de toutes les parties supérieures, et en même temps de fines bordures blanchâtres à l'extrémité des plumes rousses de la gorge et de la poitrine ; le roux des flancs devient également plus clair ou moins nuancé de vineux, mais les deux pe- tites bandes à la commissure du bec restent d’un blanc pur. Les jeune mâles, après la mue, ressemblent sou- vent, jusqu’à s’y méprendre, aux vieilles femelles en livrée d'automne. Ils sont alors gris sur les parties supérieures, avec de larges bordures cendrées et oli- vâtres au bout de chaque plume; celles de la gorge, du devant du cou et de la poitrine ont également de larges franges d’un blanc terne sur un fond de cou- leur grise roussâtre, ou d’un isabelle clair. Ils pren- nent, par l'effet de la mue ruptile, au premier prin- temps, le rouge brique sur les parties inférieures ; quelques-uns y conservent jusqu’en juin, quelque- fois jusqu'à la mue, de très-fines bordures d’un ton blanchâtre au bout des plumes du bas du cou et de la poitrine surtout. On a jusqu’à présent rencontré cette Fauvette dans l'Italie, en Sardaigne, aux environs de Turin, dans plusieurs contrées du midi de la France, en Provence, en Égypte, etc., etc. Tous les ans, du 12 au 20 avril, on la trouve commune dans quel- ques-unes de nos localités méridionales, notamment dans les lieux incultes, rocailleux et couverts de DE LA SAVOIE. 389 buissons épineux de la base du Mont-du-Chat, de Bordeau, sur le lac du Bourget, et de Brizon-Saint- Innocent. Je soupçonne qu’elle se trouve encore dans les fourrés qui longent le cours du Rhône, du côté de France, en face d’'Yenne, jusqu’au pont de la Balme : j'avoue que je n’ai pu l’y observer d’assez près pour éclaircir mon doute à cet égard, cette localité étant sur tous ses points d’un accès très- difficile. | La Passerinette tient des habitudes de la Fauvette Grisette ; elle a le même régime qu’elle et que la Fauvette à Lunettes. Quoique presque continuelle- ment cachée au milieu des rameaux touffus des buissons ou des arbres, surtout des petits chênes, elle n’en est pourtant pas moins vive; elle ne fait que sautiller de branche en branche, et passer d’un taillis à l’autre, qu'elle visite aussi soigneusement que le précédent. De moment en moment elle se fait voir un instant à découvert, et en un clin d’œil elle disparaît dans les touffes d’un arbuste, Son chant est agréable, assez doux à l'oreille, mais plus faible que celui de la Grisette ; il est même entremêlé de quelques notes proférées d’un ton aigre. C’est aussi caché dans l'endroit le plus fourré des taillis ou des petits arbres que le mâle se plaît à le répéter, A l’époque des amours, il s'élève, comme cette der- nière, à quelques pieds de hauteur et là chante en voletant ou bien en se tenant, au moyen d’un bat- T. I. 95 386 ORNITHOLOGIE tement d’ailes continuel, comme suspendu à la même place, au-dessus du buisson d’où il a pris son essor ; puis il retombe d'aplomb sur l’arbuste, d'où sa compagne le contemple dans ses chants d'allégresse, En arrivant auprés d'elle, il la comble de caresses, et à l'instant même il se remet à ra- mager ; mais sl quelque chose vient à l’effrayer, il cesse de chanter et pousse des cris qui sem- blent prononcer les syllabes : ket, ket, ket, répétées à plusieurs reprises, La femelle, en l’entendant, s’ empresse de lui répondre aussi par le même cri, Ce Bec-Fin aime à vivre en société avec la Fau- vette Griselte. Je les ai vus effectivement l’un et l’autre, au printemps, folâtrer ensemble et se pour- suivre avec ardeur autour d’un taillis, où ils finis- saient par $ atteindre à l’intérieur ou sur les bords et s'y becqueter : avec amour. J'ai vuen outre deux mâles, sortis du même buisson, s "élever d’un com- mun accord verticalement # l'air, s’y soutenir pendant quelques instants, l’un à côté de l’autre, par de fréquents battements « d'ailes et en ramageant avec émulation, et plonger encore à la fois dans le buisson d’où he s'étaient élancés. Il y à plus, il n'est pas rare de trouver très-rapprochés les nids de ces deux sylvains, et de voir r les sexes de FFE paire L 1€: 5% 1259 “Le nid dela Passerinette est Eaneee s ent ROSÉ DE LA SAVOIE. 387 très-près de terre, au milieu d’un arbrisseau ou d’un buisson fourré. Le mâle et la femelle, qui le tra- vaillent de concert, le lient fréquemment à plu- sieurs rameaux frès-minces ayec des filaments d’herbes, de plantes ou de-toiles d'araignées ; il est presque entièrement composé de brins d'herbes l'intérieur, qui est souvent profond, quelques poils, du crin ou des morceaux de laine. Vers le 8 mai, il contient cinq œufs arrondis, blanchâtres ou d’un blanc inclinant au verdâtre, avec des taches et des points d’un brun tirant sur le violâtre, mêlés avec quelques autres d’un cendré roux, et très-rappro- chés sur le gros bout, où la couleur du fond s’aper- çoit à peine. Ils ont en longueur 1 cent. 5-6 mill. et 1 cent. 3 mill. de diamêtre. Cette Fauvette ne fait qu’une nichée par an en Savoie, Elle en émigre dès la fin d’août, et vers le 15 septembre on ne la remarque plus qu'acciden- tellement dans nos climats, Le mâle cesse de chanter à la mijuillet, époque à laquelle il commence à muer, Les jeunes de l'an sont seulement en pleine mue vers le 45 et le 20 août; ils partent aussitôt après cette crise. Lt LA ee SES SES FE VE EE ae: CEE : - > nai de Se — dire ee Pants 2 En : o — - - ——— » oo mo mm 388 ORNITHOLOGIE 106.—-Fauvette Polyglotte /Sylvia Polyglotta). Noms vulgaires : Fauvette Babillarde, la Babillarde, la Jardinière.(Voir la note mise en tête de l’article de la Fauvette Babillarde, n°0 103.) Motacilla Hippolaïs (Linn.), — Fauvette Lusciniole (Sylvia Polyglotta), Vieill. —Bec-Fin à Poitrine Jaune (Sylvia Hippolaïs), Temm. — Beccafco Canapino (Savi). . Gette espèce a 13 cent. 5-6 mill. de taille, Le mâle a toutes les parties supérieures du corps d’un cendré nuancé de verdâtre, sauf les couvertures alaires et les rémiges, qui sont d’un brun foncé et bordées de blanchâtre ; les pennes caudales, cou- pées carrément, sont brunes et lisérées de gris ver- dâtre. Il à le lorum, les sourcils, le tour des yeux, la gorge et toutes les autres parties inférieures , d’un jaune pâle sans taches, tendant au gris sur les flancs. Le bec a 12 mill. de longueur ; il est large et aplati dès sa base jusque près du milieu, brun foncé à la mandibule supérieure dont l'extrémité se courbe tout à coup et d’un blanc jaunâtre sur l’inférieure. L'iris est brun et les tarses d’un brun jaunâtre. La première rémige de l'aile est aussi longue que la cinquième , les deuxième, troisième, quatrième étant les plus longues et presque d’égale dimension. La femelle est seulement un peu plus pâle en dessous du corps, et plus terne en dessus que le mâle ; la bordure extérieure de ses ailes et de leurs couvertures est en outre moins large et d’une teinte blonde. Les jeunes de l'an, avant la mue, sont d’un blanc | 7 2 | ORNITHOLOCIE IDE LA SAVOIE. Passereaux, Sylviadees ù TH: 274 Lith.J% Perrin, Libr, Ldit Chambéry. J Warner dei & Lilh. 1 fJ'auvette Polyglotte, male adulle en été ; 73 gr ral. P.368. 9-4 Gus de lespere; QT.r0à l 5 l'auvette [ctérine, 224 adulte en ete; #3 gr.nal. -P394. 6-6 Zuls de espece 41 Hal. 9 Rousserolle Turdoide 244, 4grnat, V. 398-1049 Za/s de lespece,.gr nat. DE LA SAVOIE. 389 nuancé de jaune sur les parties inférieures et res- semblent pour le reste à la femelle; après la mue, ils n’en diffèrent point extérieurement. La Polyglotte est la dernière des Fauvettes qui nous arrivent au printemps, et la première à nous quitter vers la fin de l’été. Elle ne vient en Savoie que pour y rester pendant les quatre plus beaux mois de l’année, Ce n’est guêre avant les huit ou dix pre- miers jours de mai qu’elle paraît dans nos bosquets, nos pépinières, nos Jardins, ou dans les petits bois humides qui les environnent, de même que dans les lieux sablonneux garnis de touffes de saules et de peupliers, sur les arbres des promenades publiques et dans les pierrailles parsemées de hauts taillis qui garnissent le pied ou le milieu des montagnes, dans des expositions méridionales : tous ces lieux lui plaisent tellement pendant son séjour au pays qu’elle ne les abandonne qu’à la fin d'août, pour aller hiverner dans les climats chauds. Le mâle, qui arrive presque en même temps que la femelle, commence à se faire entendre dès le 12 ou le 15 mai. Son chant d'amour est très-doux et d'autant plus varié, que cet oiseau a le don de con- trefaire le cri ou le ramage de plusieurs volatiles qui habitent dans son voisinage ; il s’approprie certaines inflexions de voix de la Fauvette des Jardins, de la Grisetle, de la Rousserolle des Marais, de la Mésange Charbonnière, de l’ Hirondelle des Cheminées ; puis 4 390 ORNITHOLOGIE les cris de rappel dé la Pie-Grièche Écorcheur, du Pinsôn, du Verdier, de Hirondelle citée, enfin les cris de colère du Moinéaü : grre, grre;rerérérere, äfticulés plusieurs fois de Suite d’üne voix aigre. Souvent il commence à chanter de cette rnanière, quelquefois il débuté pär les syllabes tra, érï, trür, ou tirliät, tirhüt, tirhüt, où bien éncore pat cellés- i: treû, treû, treû et tren, tfén, tren, les mêmes que che là Roussérolle des Roseaux ; êlles sont eñsuité suiviés de sons qu'on peut traduire par les mots : thireñ pliro thiroua pliri ptiret ptiren, longuement ét três-vivement répétés sur des tons différents. On a le pläisif d'entendre ce chant dans fños contrées jusqu’à la ti-juillet ; dès lors il perd ses cliärmes et se réduit à des cris monotones qui semblent ex- primer les Syllabes : bré, bré, où gre, gre, re re re ré re re, qui sont aussi les cris dé colère et de ‘crainte du mâle et de la femelle, ävec cétte diffé- rence qu'ils les poussent, quandils Sont émuüs, comme un roulement ou plutôt Comme un grincement. Aüssitôt appariée, la Faüvetté Polyglotté se cher- che uñ petit Cahton pour ÿ passér la saison dé l’a- our. Qüañd ellé le possèdé, elle ne souffre guère qu’un aütre couple de l'espèce viehhe s'établir près d’élle ; éllé lé chasse, à chäque fois qu’il S'y pré- sente, jusqu’à l’une des extrémités de son bosquet Ou de sün district, où seulement élle lui permet de s'établir, RE des Res DÈ LA SÂVOÏE. 391 C'est vers le 20 mai que le mâle ét la femielle 8e metiént eh dévoir de cohstruiré leur hid ; tantôt il l’assujettisséht à l’anglé dés branches des buissons où des petits ärbres, täntôt ils fe liënt solidement 4Vec dés loilés d'araignées ét d'autres matiéres filainenteu- sés à he bifurcätioù de branche ou à plusiéurs raz Méaux très-rapprochés ; ce qui oblige süuveñt les naturalistés qui veulent le prendre säñs l’endomthä: ser de Couper toutes les petites branches qui le re- tiénneñt. Eñ déhors, il est cornposé de brins de paille, d'herbes sèches, de tiges de plantes très- flexibles, réunies ensémblé avé aït et liées entre éllés ävéc les mêmes matéridux qui fikent déjà lé nid aux brañches ; l’intérieur est Fevêtü dë fibres dé plänies, de quelques crins, et à leur défaut, au duvét Cotonheux des saules et dés tussilages, 6ù d’aigrettes de Chardons. Ce nid, dont les bords sont ordinäitement épais ét le dedans profoñd, Comme celui de l4 Roussérollé des Roseaux, se trouve le plus souvént sûr les orangefs et les rosièrs, dans les ramées dé fèves ôù de Bois, dans les touffes de lilas ét de cyprès, quelquefois Sur les arbres ffui- tiérs, däns lés abricotiers él les vignes én éspalier. La femelle, qui ne fait qu'uné 6oüvée paf ah chez nous, y dépose quatré où cinq œufs; d’urie Cou- léur dé chair téintée dé violet, ou d’un rouge lilas, ét Märqués dé taches ét de raies noifes ou d’un rouge fioir; quelquefois lés taches Sont rarés et à HE l f ñ LA J1! 4 (lt M ! 1N 14 h “ 1m | Pl M {I HER 18 Lin | . | h, 1: il , ‘ N 4 fl : « , d : ' + 392 ORNITHOLOGIE peine apparentes. Les œufs ont en longueur 1 cent. 6-7 mill. et en largeur 1 cent. 2 ou 3 mill. Tandis qu’elle est occupée à les couver, le mâle, du fond d’un buisson ou du bout d’une branche, ou bien caché dans un petit arbre voisin, se plaît à dévelop- per pendant des heures entières, et notamment le matin, toute la mélodie de sa voix. Il ne cesse pourtant d’avoir l’œil au guet, car au moindre bruit qui se fait près de lui il discontinue de chanter, il écoute et regarde le buisson de la cou- vée pour s'assurer si elle n’est point menacée; dé- couvre-t-il quelqu’un près d’elle, il se hâte de jeter ses cris d'inquiétude (gre re re re re re); ensuite il monte à l'extrémité du taillis qui le cachait, ou bien d’un autre plus près encore de sa progéniture, afin de mieux reconnaître le danger; quelque- fois aussi il descend de la branche, se poste devant son ennemi et le suit en le harcelant par ses cris. S’il lui ravit sa nichée, il l'accompagne encore avec la femelle à quelque distance du canton, et tous deux ils se vengent en l’insultant à l’envi. A l’éclosion, le père et la mère vont ensemble à la découverte des petites chenilles rases, des mou- ches, des vermisseaux pour alimenter leur famille ; ils ne s’éloignent guère d’elle, car, sitôt qu’en leur absence on vient la visiter dans le nid , on est sûr de les voir arriver à l'instant et se désoler. Celle-ci est à peine capable de les suivre, qu'ils lemméènent DE LA SAVOIE. 393 avec eux dans des fourrés ou des bois de haute futaie pour achever son éducation. Quelques jours après, ils se mettent à parcourir avec elle les gran- des haies, les saussaies, les vergers et les bois de leur arrondissement, où ils trouvent en abondance les insectes ailés et les chenilles dont ils sont si avides ; ils hantent aussi les lieux plantés de müû- riers et se nourrissent accessoirement de fruits. De temps à autre ils descendent à terre, ou bien ils s'arrêtent seulement autour du pied desarbres et des buissons, ou parmi leurs racines, afin d’y chercher des vers, des larves et des chrysalides; de là, ils montent de branche en branche jusque dans le plus fourré des arbres ou des taillis dont ils visitent en- suite avec soin les feuilles de tous les côtés pour trouver les mouches ou les petits insectes qui s’y .attachent ; s’ils voient alors passer à leur portée une mouche, un gros moucheron, ils s’élancent sur eux, les saisissent et reviennent les manger à leur première place. Cette Fauvette vit ainsi en famille, et toujours dansla plus parfaiteintelligence, jusqu’à l'approche de son départ de nos contrées. Cepen- dant plusieurs couvées émigrent ensemble; aussi en voit-on passer chez nous, dans les premiers jours de septembre, qui ne se séparent pas même pour un seul instant pendant leur séjour de quel- ques heures dans nos bois. Au contraire, comme si elles craignaient de se perdre, elles s’entr’appellent ns — er steps D reset RTE % Em mg 394 ORNITHOLOGIE à Chaque moment et s’avertissent encore récipro- quement du moindre danger que l’üne de leür bañde court. On élève avec peine cette Fauvelte, à cause dé la difficulté de lui tenir toujours prête [à nourritüté qui lui convient. Si l’on parvient à là conserver, il faut avoir Soin de là tenir rénfermée dépuis Îles fraicheurs d'octobre jusqu’à la fin dé l'hiver, dañs un liéu chaud : autrement on $’expose à la pérdré d’üne heure à l’aütre : elle ést d’ailleurs très-fri- leusé. Je présuine qu’on peut lhabituer eti volière au iñême génie d'aliments qui plaisent aü Rosst- jhol et à là Fauvetie à Tête Nôtre réduits à là même condition. 410%.—Fauvette Ictérine /Sylvia Icterina). Noms vulgaires : Les mêmes que chez l'espèce précédente. Fauvette Ictérine (Sylvia Icterina), Vieïill. — Z. Gerbe, Revue Zoologique décembre 1846, page 433:= De Selys-Longchiämps, mème Revue; avril 1847: L’Ictérine est trés-fâcilé à éonfondre &vêc l& Poly glolié: Ellé n’en diffère d’ailleurs que paf Sa taillé ün peu plüs forte; pär Son béc Sensiblémient plus écurt: par sés ailes plüs lotigués, dont la première rémige ésf à peine plus éourté qüe là quatrièine, les deuxième ét trôisièmé étant les plüs longues, et {a cinquième plus petite que là prémière ; éhifin par $4 queué, faiblérnént fourchue au centre, aü liet d’être céupée carrément, Coitimé chez là Polyglôllé. Sa taille ést dé 14 cent. DE LA SAVOIE: 395 Le müle adulte, en été, est d’un gris olivâtre in- clinant un peu au vérdairé, sur les parties supé- rieures : il à les ailes d’un gris brun, bordées en dehors d’ olivâtre clair et largement frangéés de blanc jaunâtre à l'extérieur dés pennes sécondaires, les plus proches du dos. La queue est longue, four- chuë au miliëu dônt les deux pennes sont plus cour- tes que les latérales : celles-ci el les autres sont de là même couleur que les ailes, et frangées de là Même manière: Un pêtit trait jaune prénd naissance de chaque côté de la base du front, s'étend au- -dessus des | ts et un PÊi au à délè; les FR A és j joues, que tés fañes ét les autres parties fiféricuréé, sont d’ün jaune clair ; les couvertures subalaires d’un blanc lavé de jaune. Le béc est brün clair en-dessüus, jaunâtrée en-dessous: il est très-féndu, un peu plus large que haut à sa base, ensuite aussi haut que large ét ün pêu arrondi vers la pointe ; il ressemble beaucoup aussi, éolme chez la Polglotté, à celui des Gobe-Moôüches, mais il est uñ peu plus déprimé. L'ifis est noirâtre. Les tärées, en état de fraîcheur, sont d'üñé couleur de plomb assez claire. La féinelle a la couleur jauné des parties inifé- riéures plus pâlé qué celle du mâle. Les jéunes mà- lés, après là hé, lüi reéssémblent. Cêtte Fauvette est, d’après M. de Selÿs-Long- Champs, três-commune dans les plainés de la Belgi- bi 396 ORNITHOLOGIE que, surtout dans les provinces de Liège et du Brabant, où elle porte les noms de Moqueu et Con- trefaisant. On l’y trouve encore commune sur les collinés sèches et rapides des environs de Liège, qui sont plantées de vignobles et d'arbres frui- tiers. | Elle est très-rare en Savoie à l’époque de ses voyages du printemps et pendant les nichées, mais un peu plus abondante dès la mi-août jusqu'aux premiers jours de septembre, lorsqu'elle retourne dans les climats chauds pour y hiverner : alors on l’observe seule ou deux ensemble, et spécialement le long des saules et des peupliers qui avoisinent les bords de l'Isère, les prairies ou les marécages du Bourget et de la Motte-Servolex. On l’y voit sans cesse en mouvement et presque toujours occupée à se chercher des aliments, notamment les mouches qui restent collées aux feuilles ou aux branches, et à saisir au vol les insectes qui passent à sa portée. L’Ictérine arrive au printemps dans nos contrées en même temps que la Fauvette Polyglotte ; comme elle, elle choisit les pépinières, les bosquets, l’inté- rieur des vergers, des jardins de la plaine et des collines à pente méridionale, ainsi que les petits bois rapprochés de l’eau; comme elle, elle fait une chasse continuelle aux petits scarabées, aux mou- ches, aux moucherons, aux petites chenilles; comme elle enfin, elle recourt accessoirement aux baies du DE LA SAVOIE. 397 mürier etaux fruits doux. Le mâle esttrès-tranquille en chantant; il se tient pour cela tout près de sa nichée, sur une branche élevée : la même lui sert d'habitude pendant tout le temps qu'il reste dans le canton. Son chant est vif et gai; il est en outre très- varié et susceptible de contrefaire aussi le ramage ou les cris des mêmes volatiles cités à l’article pré- cédent; mais ses coups de gosier sont plus forts que ceux de la Polyglotte. Le nid de cette Fauvette est fait artistement et composé des mêmes matériaux que celui de cette dernière. On le trouve dans les mêmes localités, tantôt dans un buisson ou un arbuste, tantôt sur un arbre fruitier. M. de Selys-Longchamps remarque qu'en Belgique il ressemble à celui de la Fauvelte à Téte-Noire, mais, ajoute-t-il, il est beaucoup mieux fait et garni d’une grande quantité de plu- mes. Les œufs, au nombre de quatre ou cinq, sont semblables à ceux de la Polyglotte et sensiblement plus gros. XXXVIIe Genre : ROUSSEROLLE / Calamoherpe). Les oiseaux de ce genre, qui sont compris dans les Becs-Fins Riverains du Manuel de M. Temminck, sont nettement caractérisés par le sommet de leur tête déprimé; par leurs ailes courtes et très-arron- dies; par la queue qui est longue, étagée, horizon- tale ou rabattue, 398 ORBNITHOLOGIE Leurs formes sont plus sveltes que chez les Fau- vettes ; leur tête est plus petite, plus effilée, et le bec un peu plus allongé, mais moins arqué et plus large à sa base. Îls fréquentent les bords des eaux garnis de buissons, d’ herbes, de j joncs ou de roseaux dont ils escaladent les cannes avec agilité : les vermisseaux, les mouches, les cousins, les libellules et les petits insectes ne \ forment la base de leurs ali- ments, Ils nichent dans les broussailles qui croissent le long de l’eau, dans les touffes de joncs ou de plantes épaisses, ou bien au milieude troisou quatre cannes de roseaux. Leurs nids sont ordinairement travaillés avec art et liés, au moyen de plusieurs anneaux, aux branches ou aux tiges qui l'entourent. Leur voix ést rauque, quelquefois aigre, et leur chant entrecoupé, suivant les espèces et les cir- constances, de sifflements, ce qui le rend d’habi- tude peu agréable. Les sexes se ressemblent beau- coup à l’extérieur. Ce genre renferme en Savoie six espèces qui sont toutes de passage pendant la belle saison. 108.—Bousserolle Æurdoide /Calamoherpe Turdoides). Noms vulgaires : Rossignol des Marais, Carasse, Racasse. Turdus Arundinaceus (Linn.).—La Rousserolle (Buff., Cux.).—Grive Rous- A re (Turdus Arundinaceus), Vieill.— Merle Rousserolle (Turdus Arundi- çeus), Roux.—Bec-Fin Rousserolle (Sylvia Turdoides), Tem .—Calamo- ñ The 'Turdoides, dé S. -Longch., Faune Belge. — Cannaréocione Savi). Cette Rousserolle est la plus grande de toutes the CE Le TT ET Po — mi DE LA SAVOIE. 399 celles connues en Europe : sa taille est de 19- 20 cent. Le mâle a toutes les parties supérieures ( du corps, même la queue, d’un brun roux et uniforme; les pennes des ailes d’un brun foncé, mais bordées « de la dernière couleur. Il porte, au-dessus de chaque œil, une bande blanche jaunâtre. Sa gorge est blanchâtre, un peu mêlée de jaunâtre à la partie inférieure ; mais cette teinte devient plus vive sur les flancs et à mesure qu'elle se rapproche des parties postérieures et anales ; quelquefois, surtout avant la mue ruptile du printemps € et dans un âge peu avancé, le bas du cou se trouve varié de quel- ques petits traits longitudinaux bruns. Le bec est fort, brun à sa pointe ou sur toute la mandibule supérieure, jaune ou jaunâtre à sa racine, ou seu lement : à la base de la mandibule inférieure; l'iris brun ; les tarses sont couleur de noisette. La femelle, à laquelle les jeunes mâles de l’année ressemblent beaucoup apres leur première mue, diffère extérieurement du mâle adulle par ses cou- leurs, notamment celles des parties inférieures, qui sont un peu plus ternes. | Get oiseau est en petit nombre répandu chaque année en Suisse ei en Dayoie, Gies! vers JE 20 avril jours plus tôt que | la nelle. Comme à à cette époque nos marais, les bords de nos lacs et de nos étangs, 400 ORNITHOLOGIE qu'il préfère pendant l’été à toute autre localité, ne sont point encore garnis de joncs ni de roseaux, il se répand dans les saussaies et les fourrés qui les entourent, ou dans ceux qui bordent les fleuves et les rivières. Son chant, qu'il commence dès les premiers jours de mai à faire entendre du milieu de quelque touffe de jeunes pousses d’un petit saule ou de quel- que arbuste, et plus tard, du bout ou du centre d’un jonc ou d’un roseau, est rauque et éclatant. Il débute ordinairement par les syllabes crra, cra, cara, cara, dites lentement, à distance égale et d’un ton enroué ; ensuite, il continue par celles-ci : crret, tret, tren, hüy, répétées avec un peu plusde vivacité. Il chante jusqu’au commencement de juillet pendant la plus grande partie de la matinée , puis le soir après le fort de la chaleur, et même durant la nuit; à chaque reprise, il trémousee de tout son corps, et tient la queue rabattue. La Rousserolle Turdoide se fait tous les ans re- marquer sur les bords du Rhône, et notamment dans les environs de la Chautagne, puis dans les îlots de l'Isère, sur les bords du lac du Bourget et de celui des Marches. Pour se reproduire dans ces lieux, elle choisit les points les plus chargés de roseaux. On l'y voit grimper avec prestesse le long de leurs cannes ou des fortes tiges de plantes, saisir en même temps les insectes qu’elle y découvre et pour- suivre au vol les mouches et les libellules qui vien- KE Al [LE Un LL y ER LL Fax | 4 k i, ñ He LE \N | Fi UE je | d ( l |. I | 1 IN (Il j UL. Lo \d x X LE [LP 4 {L DE LA SAVOIE. 401 nent se divertir autour d’elle. Quand on l’aborde, elle ne part jamais que lorsqu'on est fort près d’elle; alors elle s'élève au-dessus des herbes, fait un petit vol, quelquefois seulement un bond, et se laisse retomber à terre, ou bien elle s'arrête à À ou 9 pieds au-dessus de l’eau parmi les roseaux ou les jones; à terre, elle court avec vitesse, et quand elle s’y voit poursuivie par les chiens de chasse, qui quêtent en eflet sa trace avec ardeur, elle se cache souvent dans une toufle d'herbes; parfois elle gagne une canne de roseau et y reste accrochée par les pieds , tandis que, sans s’émouvoir, elle les voit à plusieurs reprises passer devant elle; puis elle revient tranquillement sur ses pas en cherchant sa subsistance. | Le mâle et la femelle ne travaillent guère à la confection de leur nid avant le 15 ou le 20 mai. Ils ramassent alors une grande quantité de tiges et de feuilles sèches de plantes aquatiques, surtout de petits joncs et roseaux, dont ils composent tout leur ouvrage à l’extérieur. Néanmoins ils les entortillent autour de trois, quatre ou cinq cannes très-rappro- chées de la dernière plante, de sorte que le nid se trouve assujetti à peu près dans toute sa hauteur, et placé au milieu d’elles, tantôt à 2 ou 3 pieds au- dessus de l’eau, tantôt presque sur la vase ou la mousse des marécages. L'intérieur est garni avec des têtes ou panicules sèches de roseaux; rare- 26 ne 402 ORNITHOLOGIE ment y ajoutent-ils des plumes, du crin ou des poils ; quelquefois, suivant les lieux, ils le recouvrent presque entièrement de duvet satiné de saules et de peupliers, Ce nid, quand il est achevé, a ordi- nairement 13-14 cent. de hauteur, sur à cent; à-h mill, d'épaisseur sur les bords, et 9 cent, de diamètre. La femelle pond quatre ou cinq œufs obtus, ayant tantôt 20, tantôt 21 ou 22 mill. en longueur, sur 14-15 de largeur diamétrale; ils sont d’un fond blanc verdâtre ou bleuâtre, maculés et ponctués de cendré, de noir ou noirâtre, de gri- sâtre ou de brun. Ces taches se trouvent le plus souvent rapprochées entre elles et parfois assez rares sur toute la surface de l’œuf. Les petits, en sortant du nid, grimpent déjà pres- que aussi agilement que les vieux le long des joncs et d’autres plantes aquatiques capables de résister à leur poids. [ls continuent de vivre en famille dans le lieu qui les à vus naître ou élever, jusqu’à ce que l’on y fasse la coupe des roseaux. C’est alors que ces Rousserolles se répandent, comme à leur arrivée au printemps, dans les broussailles, dans les saus- saies des abords des fleuves, des rivières, des étangs où elles vivent solitaires ou par deux ou trois à la fois. Dans les temps de pluie, elles hantent aussi les champs, surtout ceux ensemencés de maïs et qui sont dans le voisinage des lieux humides qu’elles visitent régulièrement dans tout autre moment. Après la CRNITHOLOGIE DE LA SAVOIE. Passereaux. Sylviadees. a E : Ci PIS | Lith, J5 Perrin Lihr.L dit. Ch ambéry. J. Werner del 4 Lih. { Rousserolle des Mara LS, 2aale au ptites; 73 À.Hal., P.403. 24 ufs de lespece;:grnat 5 Rousserolle des Roseaux,z2/4 enete RL) grreat.; PAU-(8 Culs delesp; grnat 9 Rousserolle Locustelle 224 dalte en ete, 28 or. rat; VE. 1049 Zv/r de l'espvce, 227 Ds. DE LA SAVOIE, 403 mue de la fin de l'été, leur chair se couvre de graisse et devient d’un goût exquis, qui ne le cède en rien à celui de la Poule d'Eau Poussin (vulgai- rement Poulette); du reste, cette Rousserolle se nourrit comme elle dans les marais de beaucoup de petits insectes aquatiques et de vermisseaux. Elle part de nos contrées sur la fin d'août, et il se fait un petit passage de l'espèce dans les dix premiers jours de septembre. 109.—Rousserolle des Marais / Calamoherpe Palustris}. Noms vulgaires : Rassignollet, Ranssignollet, Colibri. Calamoherpe Palustris (Bechst.).—Fauvette Verderolle (Sylvia Palustris), Roux. — Bec-Fin Verderolle (Sylvia Palustris), Temm.—Rousserolle des Marais (Calamoherpe Palustris), de S.-Longch. Cette espèce ressemble beaucoup à la Rousserolle des Roseaux, avec laquelle plusieurs auteurs l'ont confondue ; elle a en effet sa taille (44 cent.), son aspect, sa forme, moins celle du bec, et à peu près son plumage; mais elle en diffère essentiellement par sés habitudes, par son chant et la manière dont elle construit son nid. Son bec, loin d'être comprimé, plus haut que large à la base et jJaunâtre à l’intérieur, comme celui de cette dernière, est déprimé, plus large que haut et d’une couleur orange assez vive en dedans, comme chez la Fauvette Polyglotte, dont elle diffère par ses pieds forts et d’une teinte verdâtre, ainsi que par sa livrée plus rembrunie en dessus du 404 ORNITHOLOGIE corps, blanchâtre et teintée de roussâtre en dessous. Le mâle de cette Rousserolle a les parties supé- rieures d’une couleur olivâtre uniforme et très- légèrement nuancée de verdâtre ; les ailes et les pennes caudales brunes, et bordées d’un cendré roussâtre. Une bande étroite, d’un blanc jaunâtre, prend naissance à la racine du bec et s’étend au- dessus des yeux. La gorge est blanche ; les autres parties inférieures d’un blanc sale, teint de rous- sâtre sur les côtés de la poitrine et les flancs. Le bec est brunâtre en dessus, jaunâtre en dessous ; l'iris brun; les pieds d’un brun clair, tirant sur le verdâtre ; le dessous des doigts jaunâtre. La femelle à seulement les couleurs du plumage un peu moins foncées que le mâle. Les jeunes de l'an lui ressemblent. La Rousserolle des Marais est commune le long du PG et dans quelques parties de l'Allemagne et de la Suisse; elle est à peu près aussi abondante en Savoie que celle des Roseaux, décrite à l’article sui- vant. C’est spécialement les bords des eaux et des marécages couverts de buissons, de petits saules et de touffes de peupliers, ainsi que les champs de chanvre, de maïs, de seigle quiles avoisinent qu’elle choisit pour y fixer sa demeure pendant son séjour dans nos contrées. On l’observe très-rarement pen- dant les nichées à l’intérieur de nos grands marais, tout comme dans les jonchaies et les roseaux qui DE LA SAVOIE. 405 recouvrent les bords de nos lacs, de nos étangs, où l'espèce suivante, sa plus proche congénère, est très-commune. Je l’ai fréquemment rencontrée, en été, dans les lieux les plus humides de nos Alpes, et notamment au Mont-Cenis, à la base de Rivers, sur les bords boisés du lac et la colline qui le do- mine (1900-2000 mètres au-dessus du niveau de la mer); puis dans les prairies en pente et parse- mées de quelques taillis, que l’on rencontre depuis le pont de Lans-le-Bourg jusqu’à la Ramasse; dans les champs ensemencés et les prés arrosés de Saint- Michel, de Modane et de Termignon, dans les buissons rampants des bords de l’Arc et de l'Isère; enfin dans plusieurs régions alpestres de la Taren- taise, etc., etc. Elle arrive en Savoie en même temps que la sui- vante, dès la mi-avril, mais elle en part un peu plus tard ; car on la trouve encore dans les prairies, les vignobles et les dernières récoltes jusqu’au 10 oc- tobre, époque à laquelle celle-ci est toujours éloi- gnée de nos climats. Le mâle est très-babillard ; depuis le mois de mai jusque vers le 20 juillet, en plaine, et le commencement d'août, dans les Alpes, il ne cesse de ramager pendant presque toute la matinée et le soir. Pour cela, il se tient quelquefois à découvert au bout d’un rameau, ou bien à la sommité d’une plante, mais le plus souvent caché dans le plus épais des buissons, tantôt au 406 ORNITHOLOGIE centre, tantôt à la base ou dans ‘une touffe de feuillés. Son chant , qu’il modifie de plusieurs ma- nières, est plus varié que chez l'espèce suivante ; d’ailleurs, cet oiseau imite en partie le ramage ou les cris de plusieurs volatiles qu’il est à même d’en- tendre ; il contrefait parfois, jusqu’à s’y méprendre, le chant de la Rousserolle des Roseaux, quelques phrases de celui de la Fauveite Polyglotte, qui, de son côté, imite aussi le sien, le cri de rappel de la Poulé d'Eau Marouette (vulgairement Girardine) pendant l’amour, celui de la Pie-Grièche Rose, de l'Écorcheur, etc. etc. ; et dans les Alpes, il s'attache à contrefaire ceux du Gros-Bec ou Fringille Nive- rolle (vulg. Alpin), de l’Accenteur des Alpes et du Traquet Motteuæ, comme je m’en suis assuré par mes propres observations au Mont-Cenis. Avant de se mettre à chanter, le mâle commence par lâcher quelques cris faibles et indécis qu’il pro- fèré sur uné séule note {frou, ferou, ou bien, fret, feret), comme un oiseau timide qui n'ose déployer tout à coup les charmés de son ramage dans toute leur étendue ; ensuite il continue d’articuler les mê- mes syllabes sur une note un peu plus élevée et finit par babiller longuement, eten se répétant sou- Vent. Mais sitôt que quelque chose l’affecte, il se tait un instant et pousse ensuite ses cris d’inquié- tude qui exprimént lés mots : fec, éec, ou trrec, lrrec, toujours vivement répétés dans le danger. DE LA SAVOIE. 407 Ce n’est que sur le milieu ou la fin de mai que cette Roussérolle s'occupe de nidification dans nos pays de plaine, et seulement en juin dans les Alpes. Elle donne à son travail une forme sphé- rique, semblable à celle du nid de la Fauvette à Téte-Notre, en le plaçant très-près de terre, au milieu d’un buisson épais ou d’un arbrisseau, ou bien parmi les racines des saules et des peupliers qui bor- dent l’eau, quelquefois dans les moissons et les touffes d'herbes ou de plantes élevéeset fortes, dans des lieux humides. Elle lé compose extérieure- ment de pailles fines, de tiges d'herbes sèches et de racines fibreuses que recouvrent en dedans quelques parcellés de crin, des poils ét dés brins d'herbes très-mincés, ou, suivant les lieux, le duvet des tus- silagés, les aigrettes des chardons ou le coton des saules. Ge nid reçoit cinq où six œufs, d’un gris où d’un céndré clair, ét parsemés de taches d’un brun inclinant au verdâtre, lesquelles se trouvent mêlées avec d’autres d’un cendré bleuâtre ou d’un cendré seulement un peu plus foncé que le fond de la coquille. Ils ônt pour longueur 1 cént. 6 ou 6 mill. ;, sur À cent. à mill. de largeur. La Rousserolle des Marais vit en famille jus- qu'au commencement d'août ; dès lors on l’observe solitaire dans les prairies, dans les champs et les broussailles du voisinage de l’eau. Elle se tient presque continuellement cachée dans lés herbes ou md 408 ORNITHOLOGIE les moissons, ou bien à terre parmi les buissons. Se montre-t-elle un instant à découvert, c’est pour jeter quelques cris enroués, ou pour s’apprêter à passer d’un champ ou d’un taillis à un autre, ce qu’elle fait d’un vol ras et rapide. Cependant, le matin, quand la rosée est abondante, on la remar- que régulièrement dans les clairières, le long des saules ou des broussailles qui garnissent les bords des marécages, des rivières et des ruisseaux; elle y attend que lesoleil ait en partie dissipé !a rosée avant dese répandre dansles herbes oules champs. Partout elle recherche pour sa subsistance les chenilles, les petits insectes aiïlés qui s’attachent aux feuilles des plantes ou des buissons ; mais les larves, les vers, les vermisseaux conviennent plus particulièrement à son goût: aussi, elle en fait, sur la fin de l’été, une consommation si forte qu’elle se couvre de graisse, prend du fumet et devient un manger excellent. Les chiens peu dressés à la chasse quêtent sa trace avec autant d’ardeur que celle de la Poule d’Eau de (Grenét (vulgairement Roi de Cailles); du reste cette Rousserolle court avec la plus grande activité de- vant eux pendant qu'ils cherchent à la découvrir ; par moment, elle prend son vol au-dessus des herbes ou des buissons et y replonge presque aussitôt pour se mettre à courir sur le sol, ou bien à sautiller d’une tige de plante ou d’un rameau à l’autre, tandis que les chiens se lassent de la suivre à la piste. Quand DE LA SAVOIE. 409 ni] elle est tranquillement occupée à chercher sa nour- riture, on la voit grimper le long des plantes ou des branches d’arbustes jusqu’au sommet, d’où quelquefois elle descend ensuite jusqu’à leur ori- gine ; puis de là, elle saute souvent à terre où elle fouille la mousse humectée, ou bien celle qui tapisse le pied des arbres et des buissons. C’est là qu’elle trouve en abondance de petites larves, des vermisseaux surtout, et, le long des plantes ou des rameaux , des mouches et d’autres insectes ailés qui s’y fixent, soit pour s’y nourrir eux-mêmes, soit pour y jouir des rayons du soleil. 4110. Rousserolle des Roseaux / Calamoherpe Arundinacea)]. Noms vulgaires : Rossignol d'Eau, Cra-Cra, Carasset, Ranssignollet. Fauvette de Roseaux (Buff.), mais non la planche enl. 581, fig. 2, qui repre- sente la Fauvette Polyglotte.—Fauvette Effarvatte (Sylvia Strepera), Vieill. — Bec-Fin des Roseaux ou Effarvatte (Sylvia Arundinacea), Temm.— Calamo- herpe À rundinacea (de S.-Longch.).—Beccafico di Padule (Savi). Cette Rousserolle est de la même taille que la précédente. Le mâle est marqué d’une petite bande d’un blanc jaunâtre, qui part de la base du bec et s'étend au-dessus des yeux ; il est d’un brun roussâtre uni- forme sur les parties supérieures du corps, si ce n’est sur les ailes et la queue qui sont brunes et bordées de brun olivâtre. La gorge est blanche; les autres parties inférieures d’un blanc lavé de jaunâtre, mais approchant du roussâtre sur les flancs et les côtés de la poitrine. La queue est longue et arrondie ; le 410 ORNITHOLOGIE bec comprimé à la base, brunâtre sur la mandibule supérieure et jaunâtre sur l’inférieure: l'iris brun clair ; les pieds d’un jaunâtre tirant au verdätre. La femelle a le dessous du corps plus nuancé de blanc, et la bande du dessus de l'œil plus pâle que dans le mâle. Les jeunes, avant la mue, ont le blanc dés parties inférieures plus chargé de roussâtre que les vieux et les adultes; ils sont alors privés du trait jaunâtre au-dessus des veux. Cet oiseau est le plus commun dé son genre dans nos contrées. On l’y rencontre dès la mi-avril jusqu’à la fin de septembre, époque de son départ, sur tous les bords boisés des rivières, dans les jonchaies, les roseaux de tous les marécages, lacs, étangs et mares. Aussitôt apparié, le mâle s’y fait entendre la plus grande partie de la journée et pen- dant la nuit. Son chant d'amour, qu’il discontinue à la fin de juillet, est une composition des syllabes t l'an, tran, trin, trin, tri, tire, huys, huys; il les entremêle parfois d’une espèce de sifflement aigu qui lui a valu chez nous son nom de Rossignol d'Eau. On dirait à l'entendre siffler ainsi qu'il s’apprète à chanter avec mélodie, mais tout à coup il cesse de siffler, reprend son aécent aigre ou enroué et redit : tran, tran, tran, trin, trin, tiri, tiri : huys : huys. DE LA SAVOTE. 1 qu'il n’interrompt pas même quañd on s'approche de lui, et si on le force à changer de place, il est à péine posé qu'il recommence à chanter. Pendant tout l’été, on voit ce petit oiseau grim- per presque sans relâche le long des tiges des ro- seaux, y rester parfois accroché pendant un instant pour gober les insectes qu’il y découvre, puis, par: venu à leur sommité, s’élancer, ou plutôt faire un bond en l’air pour attraper au vol une mouche, une libellule ou un cousin qui voltigent au-dessus de lui. [l ne cesse en même temps de ramager ; c’est du reste l’un des volatiles les plus babillards de no- tre pays. Il chasse du lieu qu’il s'est choisi pour nicher tous les autres pétits oiseaux qui s’en appro- chent ; il veut dominer seul dans son petit canton : l'on ne remarque effectivement pas d’autres nids que le sien dans le poste qu'il a adopté, ni même ceux de ses congénères qui fréquentent comime lui lé bord des eaux. Si deux ou trois paires de son espècé habitent les mêmes roseaux, elles ont cha- cune des limites qu’elles ne peuvent franchir sans se voir poursuivre vivément par celui du couple dont elles viennent violer la propriété. Il niche vers le milieu dé mai, quelquefois seule- ment dans les premiers jours de juin. Le mâle et la femelle travaillent d’un commun accord à leur nid qu’ils placent habituellement au milieu des roseaux, rarement dans les buissons, quoiqu’ils croissent le 412 ORNITHOLOGIE pied dans l’eau : c’est un vrai petit chef-d'œuvre fait en dehors avec des brins d’herbes ou de pailles dé- liées, mêlées avec des feuilles et des pelures sèches deroseau, et matelassé à l’intérieur avec les sommi- tés de cette plante, ou bien avec de la paille exces- sivement fine ; 1l se trouve lié, comme celui de la Rousserolle Turdoide, n° 108, à trois, quatre ou cinq cannes de roseaux très-rapprochées, au moyen de petits anneaux composés defilaments de plantes ou de racines fibreuses et qui reçoivent souvent, dans leur construction, les feuilles même non détachées des roseaux ou des rameaux qui soutiennent le nid. Quand il est complétement achevé, il ressemble à un petit panier allongé, ayant 10 ou 11 cent. de hauteur, sur 7-8 de largeur. La femelle y dépose quatre ou cinq œufs, d’un blanc presque toujours lavé de verdâtre, quelquefois d’olivâtre, avec des taches cendrées, mais rares, et d’autres brunes et verdâtres, très-épaisses vers le gros bout; ils ont 4 cent. 6 ou 7 mill. de long, sur un diamètre de 12-13 mill. L’incubation dure quinze jours. Le mâle ne s'éloigne jamais beaucoup de sa compagne tandis qu’elle couve ; tranquille alors à l'extrémité d’un jonc ou d’un roseau très-proche de la nichée, ou bien escaladant l’un après l’autre tous ceux de son petit arrondissement, il chante presque tout le jour et même une bonne partie de la nuit, et toujours il se trouve prêt à accompagner la femelle, DE LA SAVOIE. 413 quand elle quitte le nid pour aller se chercher des aliments. À l’éclosion, le mâle chante un peu moins fré- quemment que pendant l’incubation; il est alors appelé à aider sa compagne dans la nutrition des petits. Ceux-ci, quoiqu'à peine revêtus de leurs premières plumes, sautent à bas du nid, sans s’in- quiéter s’ils vont tomber sur terre ou sur eau, aus- sitôt qu'on vient à les y toucher ou seulement les regarder de très-près : cette habitude est aussi par- ticulière aux jeunes de la plupart des volatiles, des Fauvettes surtout, qui nichent près du sol. Après la sortie du nid, le père et la mère gardent avec eux, dans les mêmes roseaux où a eu lieu la couvée, leur petite famille qu'ils nourrissent et élè- vent avec attachement ; ils continuent de la soigner encore quelques jours après qu’elle est devenue ca- pable de chercher et saisir elle-même sa subsis- tance; mais sitôt que l’on vient, par la coupe des jones et des roseaux, à raser leur demeure habi- tuelle, ils se quittent, jeunes et vieux, et se répan- dent dans les broussailles, dans les saussaies ou les herbes hautes de la proximité des rivières, des fos- sés ou des lieux marécageux. Quelques-uns s’éta- blissent dans les champs de millet, de petits maïs destinés à servir de pâture au gros bétail, de chan- vre, de sarrasin les plus rapprochés des canaux ou des prairies. Îls vivent dans ces diverses locali- 414 ORNITHOLOGIE tés de la même manière que dans les roseaux, en grimpant avec prestesse le long des tiges de plantes, où ils Saisissent simultanément, comme en dessous des feuilles, les chenilles, les insectes tendres, les mouches, les gros moucherons qui s’y fixent. Ce- pendant ils descendent aussi à à terre, notamment dans les terrains humides, et y cherchent avec avi- dité les petits vers. Leur chair est en automne couverte de graisse, et d’une saveur agréable. 444.—Rousserolle Locustelle /Calamoherpe Locustella). L'Alouette Locustelle (Buff.), pl. enl. 581, fig. 3, sous le nom de Fauwvetie Tachetée.—Fauvette Locustelle (Syl via Locustelia), Vieill. —Bec-Fin Locustelle (Sylvia Locustella), Temm.—Rousserolle Locustelle (Calamoherpe Locustella), de S.-Longch.—Forapaglie Macchiottato (Savi). Cette Rousserolle, qui est du nombre des vola- tiles que nos chasseurs de marais nomment Colibri, a 1h cent. 2-3 mill. de taille. Sa tête est un peu effilée ; son bec fortement en alêne ; sa queue aussi longue que le corps et étagée. Le mâle adulte, en été, a le dessus de la tête, le cou, le dos et les couvertures alaires d’un olivâtre nuancé de brun, avec des taches ovoïdes, noirâtres aucen tre des plumes, et plus petites sur la tête et le cou que sur les autres parties supérieures. [l a les rémiges d'un brun foncé, et bordées d’olivâtre ; le dessous de chaque aile d’un gris légèrement teint de roux ; la queue, qui est très-ample et très-étagée, d'un brun lavé d’olivâtre, surtout sur les bords des pennes; enfin, les couvertures sous-caudales d’un DE LA SAVOTE. 415 blanc roussâtre, avec une grande tache brune et oblongue au milieu de chaque plume. Au-dessus des yeux, il porte un petit trait blanchâtre, puis du grisätre sur le lorum. La gorge, le devant du cou et le milieu du ventre sont blancs; la poitrine et les flancs colorés d’un gris olivâtre, à peine lavé de jaunâtre : une auréole de très-petites taches brunes se fait remarquer sous la gorge. Le bec est brun foncé en dessus, de couleur de chair en dessous ; l'iris brun ; les pieds d’un gris jaunûâtre. La femelle à les petites taches brunes du dessous de la gorge moins distinctement marquées, et la livrée moins vive que chez le mâle. - Les jeunes de l'an, avant la mue, ne portent point au bas de la gorge de petites taches, et, après leur première mue, elles y sont à peine visibles. En autymne, le blanc des parties inférieures est, dans tout âge, nuancé de jaunûâtre. L’habitude qu'a cet oiseau de se tenir presque continuellement caché à terre dans les moissons et les herbes, ou parmi les fourrés les plus épais des buissons, le fait presque partout où il habite consi- dérer comme une espèce plus rare qu’il n’est. C’est le plus souvent son cri de rappel qui nous avertit de sa présence dans un lieu. Ge cri, qui est particulier au mâle et à la femelle, est clair, aigu et prolongé ; il semble exprimer srr, srr, srr, srr, srr, et M. Vieillot le trouve pareil au bruit que le grain 416 ORNITHOLOGIE fait sous la meule. D’autres naturalistes, Buffon entre autres, le comparent avec raison au bruisse- ment d’une Cigale ou de certaines Sauterelles ; aussi, c’est par suite de ce rapprochement qu’on a donné à cet oiseau le nom de Locustelle (du latin Locusta : Sauterelle). Le mâle, pendant l’amour, possède en outre un petit ramage qu’il redit fré- quemment le jour en mai et juin, mais plus rare- ment pendant la nuit que l’espèce précédente. Cette Rousserolle arrive en Savoie seule ou une à une. Elle commence à s’y faire voir vers le 410 ou le 42 avril, et à la fin du mois on la rencontre par couples. Les bords de nos rivières, de nos marais les plus garnis de buissons, la lisière de nos bois inférieurs les plus humides, les herbes déjà hautes de nos prairies artificielles, sont les lieux où elle se plaît le mieux à l’époque de son retour au printemps. Chaque année, on la rencontre fréquemment le long du torrent de Laisse, sur les bords boisés de l'Arc, surtout aux environs d’Aïguebelle; sur ceux de l’Isère, près de Montmélian et de Cruet, etc., etc. Elle se reproduit dans ces mêmes localités, quel- quefois aussi dans les touffes de plantes ou d’herbes qui sv développent dans le voisinage de l’eau ou des roseaux. C’est vers le commencement de mai que le mâle et la femelle travaillent à la construction de leur nid. Ils le posent toujours à peu de distance de terre, tantôt au milieu de quelques plantes fortes et DE LA SAVOTE. 417 très-rapprochées entre elles, tantôt dans un arbris- seau ou parmi les racines des saules qui servent de bordure aux fossés déjà ombragés par des brous- sailles, Pour le former à l'extérieur, ils emploient beaucoup de tiges de petites plantes ou de brins de paille qu’ils entrelacent assez grossièrement ; ensuite ils le tapissent en dedans avec le duvet cotonneux des saules et des peupliers, ou bien avec de la paille très-déliée, mélangée avec quelques petits flocons de laine ou de soie de chenilles. La femelle y pond quatre ou cinq œufs d'un gris rose et couverts de points ou de très-petites taches d’une nuance plus foncée, ou bien d’un rougeâtre, parfois d’un jaunâ- tre assez prononcé; 1ls ont pour longueur 1 cent, 6 ou 7 et très-rarement 8 mill. Dans ce dernier cas, ils se trouvent allongés et n’ont que 1 cent. 2 mill. de large ; dans le premier, ils ont À mill. de plus. Après les nichées terminées, cet oiseau continue de vivre dans les fourrés qui recouvrent les bords des rivières ou des marécages; il se répand aussi dans les champs ensemencés, surtout dans les luzernes, les pélagraz et les maïs, comme dans les vignobles, les bois champêtres et les terres nouvel- lement défrichées ; quelquefois il se retire dans les joncs et les roseaux. Il se tient presque tout le jour caché à terre ou fort près du sol et y ramasse, de même que le long des tiges de plantes et sur les feuilles, pour sa subsistance, les petits limaçons, PAU 27 418 ORNITHOLOGIE les libellules (Demoiselles), les mouches, les cou- sins et les vermisseaux. Vient-on à le surprendre tandis qu’il cherche sa nourriture, il se laisse toujours approcher de très-près; souvent on a de la peine à le faire sortir des buissons ou des herbes qui le récèlent; il court devant nous aussi vite qu'un petit rat, s'arrête dans la première touffe qu’il rencontre et n’en sort que quand il nous revoit devant lui pour se remettre à courir. Si on le force de s'envoler, il part en rasant la terre de près et s’enfonce encore dans un massif de plantes à quelques pas du lieu qu’on vient de lui faire quitter. Il a en automne, époque à laquelle il est ordinairement trés-gras, tellement de fumet, que les jeunes chiens de chasse l’arrêtent ou suivent sa trace avec ardeur. Il part de nos contrées en sep- tembre, et, sur la fin de ce mois, il s’y fait régu- liérement un passage assez abondant de cette espêce. C’est alors qu'on la rencontre partout : dans les vignes, les champs, les bois, les marais, et jusque dans les liéux les plus arides, quoique très-éloignés de la plaine ou des marais. A12.—ousséroile Aquatique /Calamoherpe Aquatica)]. Noms vulgaires : Colibri, Fauvette des Marais: Fauvette des Marais (Sylvia Paludicola), Vieill.—Bec-Fin Aquatique (Syliia Agualica), Temm.—Rousserolle Aquatique (Calamoherpe Aquatica), de S.- Loüngch.—Pagliarolo (Savi). Cette espèce est, comme la suivante, du nombre de ces petits oiseaux remplis de fumet, connus DE LA SAVOIE, 419 de nos chasseurs sous le nom de Colibri, et qui ont le talent de lasser jusqu’à l'excès les chiens de chasse portés à les suivre à la trace. On la confond en Savoie avec la Rousserolle Phragmite, n° 113 ; mais l’on peut facilement éviter cette méprise, en remarquant que celle de cet article porte, au milieu du sommet de la tête, une bande d’un blanc roux, puis des taches longitudinales sur le centre des plumes des flancs et de la poitrine, deux carac- tères étrangers à l’autre espèce. Sa taille est de 12 cent, 3-4 mill. Le mâle, en été, est reconnaissable par la bande d’un blanc roux, qui prend naissance à la base du bec et s'étend sur le milieu du dessus de la tête, el par de larges sourcils de la même couleur : les es- paces qui existent entre ces deux bandes sont de chaque côté noirâtres, un peu mêlés de roux à l'extrémité des plumes. Il a le dessus du cou, le haut du dos, les scapulaires d’un gris roussâtre, avec des taches longitudinales d'un brun noir sur le centre de chaque plume, plus petites sur la nuque que sur les autres parties. Le croupion est roussâtre également tacheté de la même nuance, et la queue composée de pennes étagées, acuminées, au lieu d'être arrondies au bout, comme chez l'espèce sui- vante : elles sont d’un brun noirâtre dans le milieu, d’un gris roussâtre sur les bords. Un blanchâtre très-faiblement teint de roux envahit la gorge et le 420 ORNITHOLOGIE milieu du ventre, mais la poitrine, les flancs sont lavés d’un roussâtre plus ou moins foncé, suivant l’âge, et marqués de petits traits longitudinaux noirâtres : ces traits sont souvent à peine visibles sur la poitrine, et ils n’existent plus dans un âge avancé. Le bec est noirâtre en dessus, jaunâtre en dessous, et jaune à l’intérieur ; l’iris brun foncé; les tarses jaunâtres. | La femelle ressemble au mâle : ses couleurs sont pourtant plus claires, et sa poitrine, ses flancs plus marquetés de petits traits. En automne, les deux sexes sont seulement plus nuancés de roux ou de roussâtre sur leur livrée que pendant l’été. Cette nuance, qui se trouve spéciale- ment à l'extrémité ou sur les bords des plumes, dis- paraît en partie à l’approche du printemps par l’ef- fet de la mue ruptle; quelquefois elle s’efface tellement sur la bande médiane de la tête que celle-ci paraît totalement blanchâtre. Cette Rousserolle habite communément l'Italie, le Piémont et quelques contrées du midi de la France ; elle est rare en Allemagne, un peu plus abondante en Suisse , et assez commune en Savoie, aux périodes de ses passages du printemps et de l'automne. Nous la voyons paraître dès les premiers jours d'avril sur les bords boisés de toutes nos rivières, à l’intérieur de nos grands marais, dans les jon- DE LA SAVOIE. 421 chaies et les roseaux (rosières) qui recouvrent les abords des lacs et des étangs. Elle y vit solitaire jusque sur la fin du mois, époque de sa pariade. Le mâle et la femelle s’apprêtent, vers la mi- mai, à l’acte de la reproduction. Leur nid qu’ils entrelacent aux petits rameaux des buissons les plus épais qui bordent l’eau, ou bien aux tiges et aux feuilles des plantes aquatiques, est presque aussi artistement travaillé que celui de la Rous- serolle des Roseaux : formé des mêmes matières, soit en dehors soit en dedans, il reçoit vers le 20 ou le 25 de mai, quatre ou cinq œufs, parfois très-semblables à ceux de la Bergeronnette Prin- tanière : ils sont d’un cendré jaunâtre avec de très- fines taches, à peine visibles et d’un gris olivâtre, Leur longueur est de À cent. 6 mill., sur 1 cent. 2-3 mill. de diamètre. Pendant que la femelle les couve, le mâle vient de temps à autre chanter près d'elle dans un buisson ou une touffe d’herbes : son ramage, qui est assez prolongé, a beaucoup d’analogie avec celui de la Rousserolle des Ro- seauæ ; mais sa voix est plus faible. Son cri de rap- pel est semblable à celui de l'espèce suivante. Après l'éducation, toute la famille, y compris le père et la mère, se quittent habituellement pour vivre isolés le long des eaux ou dans les marais. Par moment, le matin surtout, on les découvre sur les saules ou les petits peupliers qui bordent les RE TE 422 ORNITHOLOUGIE terres marécageuses et les rivières. On les y voit très-alertes et presque sans cesse occupés à se nour- rir de chenilles, de mouches et d’autres insectes ailés qu'ils saisissent sur les feuilles ou l'écorce des branches, qu'ils visitent pour cela avec soin d’un côté et de l’autre. Maïs c’est à terre, dans les fourrés épais des broussailles qui recouvrent des lieux hu- mides, ou parmi les herbes, les joncs et les roseaux qu’ils se répandent de préférence pour se chercher des aliments, notamment des vers, des vermisseaux, de petites sangsues et des limaçons. Ils grimpent en se tenant de travers, et avec la même agilité que la Rousserolle des Roseaux, le long des tiges des plantes aquatiques ; parvenus à leurs sommités, ils en descendent quelquefois presque la tête la pre- mière, jusque près de terre, pour s'approprier une proie qu’ils mangent souvent en remontant le long de la même tige. Lorsqu'on les rencontre à l'inté- rieur des marais, ils ne prennent leur vol que quand ils nous voient fort près d'eux; ils font de courtes volées cet se laissent retomber tout à coup, comme s'ils étaient emportés par leur propre poids, à terre, où ils se cachent pendant un instant et se mettent ensuite à courir ; puis ils revolent un peu plus loin, dès qu’ils nous revoient encore devant eux. Cette Rousserolle s'éloigne de nos contrées dès la mi-septembre. C’est pourtant alors qu’elle y est si. \ CRNITHOLOGIE DE LA SAVOIE. Sylviadees. Passereaux. TM;226. J. Werner del EL. Lith. Jh Perrin Lib. Chambery. 1 Rousserolle Aqualique, mieux mile enéle, 73 gr nat; P.6-9- 4 Gus deleypgr.nat 5 Pousserolle P ha mile, mäle en Gvrée lartnae : 72 or.nal. Fu 495 = 6-6 Zuls de lespere; gr.nat 9 Pouillot Sy lvicole. mäleauprintenys ; 13 grnal., P497—10-19 Z7/x delesp;s or: nat 13 Pouillot Vluce ,näle a dalle; 14.2 anal P 4 391446 Zufs de lespece; gr.nat. DE LEA SAVOTE. 425 _le plus commune, car plusieurs arrivent des pays qui nous avoisinent et restent quelques jours dans nos marécages ; mais elles les quittent toutes avant le milieu d'octobre pour émigtrer vers le Midi. Leur chair est à cette période couverte de graisse et d'un goût exquis. 143.—Rousserolle Phragmite /Calamoherpe Phragmitis). Noms vulgaires : comme chez l'espèce précédente. Fauvette des Joncs (Sylvia Schœnobænus), Vieill. — Bec-Fin Phragmite (Sylvia Phragmitis), Temm. — Rousserolle Phragmite (Calamoherpe Phrag- milis), de S.-Longch.—Forapaglie (Savi). Cette espèce à la taille de la précédente. Le mâle, pendant le temps qu’il reste en Savoie, a le sommet de la tête, la nuque, le dos, les scapu- laires d’un gris olivâtre marqué d’une tache brune sur le centre de chaque plume : ces taches sont lar- ges et noirätres sur le dessus de la tête, presque effacées sur la nuque et le dos. Il ale croupion, les couvertures supérieures de la queue d’une couleur de tan plus ou moins foncée, selon l’âge, et sans taches ; puis de larges sourcils d’un blanc jaunâtre, qui s'étendent jusque vers la nuque et se trouvent surmontés d’une bande noire. La gorge est pres- que blanche; la poitrine et les autres parties infé- rieures d'un blanc teinté de jaunâtre, qui se nuance de roussâtre sur les flancs ; mais ceux-ci ne portent jamais de taches, comme dans la Rousserolle Aqua- hique. La queue est composée de pennes un peu arrondies à l'extrémité, au lieu d'être acuminées 424 ORNITHOLOGIE comme chez cette dernière, brunes au centre et d’une nuance plus claire sur les bords. Les rémiges sont d’un brun très-foncé et frangées de roussâtre. Le bec est brun en dessus, presque jaunâtre en des- sous; les tarses de la dernière couleur ; l'iris brun. La femelle ressemble au mâle : seulement elle est un peu moins lavée de jaunâtre sur les parties inférieures. Elle porte souvent, au printemps de sa première année, quelques restes des taches trian- gulaires brunes, qu’elle conserve de sa livrée d’hi- ver, sur les plumes du devant du cou : ces taches sont noirâtres et plus prononcées chez tous les jeunes de l’année, après la mue. Avant cette crise, ils ont l'extrémité des plumes de la gorge et de la poitrine marquetée de brunâtre. Cet oiseau est peu répandu dans les départe- ments méridionaux de France ; il est un peu plus abondant en Suisse et en Savoie que la Rousserolle Aquatique. Il y arrive et en part en même temps qu’elle : comme elle, il se plaît dans les marais et le long des lacs, des étangs, des rivières bordés de broussailles, de joncs ou de roseaux ; comme elle, il ne se fait guère remarquer dans les champs que durant ses voyages d’automne ou de la fin de l’été. C’est aussi dans les premiers lieux qu’il niche. Le mâle et la femelle construisent leur nid en maï; ils le font avec les mêmes matériaux que l’espèce pré- cédente, et lui donnent la forme d’un très-petit DE LA SAVOIE. 425 . panier ; ils le fixent, suivant les localités, près de terre ou de l’eau, tantôt au centre des petits buis- sons, tantôt parmi leurs racines ou celles des saules et des peupliers, tantôt enfin au milieu d’un massif de petits roseaux, de joncs et d’autres plantes aqua- tiques, La ponte se compose de quatre ou cinq œufs, d’un jaunâtre assez semblable à celui des œufs de l’espèce précédente, ou bien d’un cendré tirant sur le fauve, avec de très-petites taches ou des points bruns ou seulement d’une nuance un peu plus foncée que celle du fond, et ordinairement très- rapprochés entre eux, surtout vers le gros bout. Ils ont pour longueur À cent. 6 ou 7 mill. et pour largeur 1 cent. 2 mill. <. Cette espèce se nourrit de la même manière que la Rousserolle Aquatique dont elle a en outre la plu- part des habitudes. Son ramage approche beaucoup de celui de la Rousserolle des Roseaux, et son cri de rappel, qui lui sert aussi dans les moments de crainte ou de surprise, avec la différence qu'il est alors plus précipité que d’ordinaire, s’exprime par les mots : crre, crre, ou cré-crre, cré-crre, à peu près comme celui de la Poule d'Eau de Genét (vul- gairement Roi de Cailles). Sa chair est aussi un bon manger. SR 4 I EE + 426 ORNITHOLOGIE XXXVIII Genre : POULLLOZX /FPhyllopneuste. Signes caractéristiques : Bec petit, faible, droit et effilé. Aïles longues, aboutissant un peu au delà de la moitié de la queue : celle-ci légèrement fourchue. Taille svelte; du jaune sur plusieurs parties du corps, notamment à la gorge ou à la poitrine, de même que sur le pli de l’aile et sur les genoux. Les Pouillots ! sont, avec les Troglodytes et les Rottelets, les plus petits oiseaux denos contrées. De ce qu’ils ont tous un petit cri sifflé (thüit ou thûi), qu'ils font entendre, soit pour se rappeler soit afin de s’avertir réciproquement d’un danger ou des craintes qu’ils peuvent éprouver, nos campagnards les désignent par les noms de Thuy, Thievi, Thouvy, Püy. Agiles et légers dans leurs mouvements qu’ils accompagnent tous d’un balancement de queue de haut en bas, ils visitent presque sans cesse les tail- lis, les arbres, même les plus élevés et ceux qui sont situés au sein des villes ; ils y vivent de petits insectes, notamment de mouches et de cousins qu’ils poursuivent et attrapent au vol, ou saisis- sent sur les feuilles, le bois et l'écorce, Ils sont partout presque sans défiance, et se laissent très- facilement approcher. Hargneux par moment, ils s’acharnent à chercher querelle aux volatiles et jus- qu'à leurs congénères, quand ils les rencontrent sur les arbres, puis à les poursuivre, à les faire fuir devant eux. Leur ramage, qui n’a rien de mé- lodieux , est très-différent dans chaque espèce. Leurs nids, en général, se ressemblent par leur 1 Du latin pullus el pusillus, qui indiquent la petitesse de ces oiseaux. DE LA SAVOTE. 497 forme et la nature de leurs matériaux ; ils se trou- vent ordinairement à terre, au pied d’un arbre, ou dans les buissons à peu de distance du sol. Leur mue s'opère dans les premiers jours de juillet ; elle n'apporte pas à sa fin des nuances bien différentes de celles de la livrée qui l’a précédée. Les mâles et les femelles se ressemblent beaucoup. Ils émigrent presque tous de nos contrées avant le froid. Ce genre contient en Suisse et en Savoie quatre espèces. Il4.—Pouillot Sylvicole /Phyllopneuste Sylvicola). Noms vulgaires : Thievi, Tuy. Sylvia Sylvicola (Lath.).— Fauvette Sylvicole (Syvia Sylvicola), Vieill.— Bec-Fin Siffleur (Sylvia Sibilatrix). Temm.—Lui Verde (Savi). — Pouillot Siffleur (Mill.}.— Pouillot Sylvicole {Phyllopneuste Sylvicola), de S.-Longch. Ce volatile a 19 cent. 5 mill. de longueur. Le mâle ales sourcils qui sejoignent sur le devant du front, où ils prennent naissance, et qui s'étendent jusqu'aux tempes, d’un jaune pur : la même couleur couvre encore la gorge, les joues, les côtés et le devant du cou, le haut de la poitrine, l'insertion des ailes et les cuisses. Un vert jaune, d’une nuance agréable, règne sur les parties supérieures, sauf sur les pennes alaires et caudales qui sont d’un brun noirâtre, et bordées de vert clair; la queue estun péu fouréhue et dépasse le bout des ailes de 2 cent. 1-2 mill. ; ses couvertures inférieures, de même que l’abdomen et le ventre sont d’un blanc pur. Le à bec est brun au-dessus, jaunâtre à sa base infe- 428 ORNITHOLOGIE rieure et sur ses bords; l'iris noirâtre ; les tarses d’un brun jaunâtre. La femelle est un peu pius petite que le mâle : on la reconnaît encore par le vert inclinant à l’olive de ses parties supérieures, par le jaune pâle de la gorge et du devant du cou. En automne, la couleur jaune des parties infé- rieures se colore, vers le bout des plumes, d’une nuance très-légère de blanc grisâtre qui disparaît au printemps par l'effet de la mue ruptile. Ce Pouillot, le plus grand du genre, est peu ré- pandu en Savoie et tout à fait rare au nord du ter- ritoire. Il arrive au printemps seul ou l’un après l’autre, quelquefois par paire, mâle et femelle ; il ne part pas autrement sur la fin de l’été. Dès le 40 ou le 15 avril, on le trouve dans les lieux boisés et les plus humides de la plaine ou des coteaux, dans les bois de haute futaie, le long des haïes épaisses et des saussaies, à l’intérieur des parcs et des vergers par- semés d'arbres fleuris, propres à attirer alors les mouches et les autres petits insectes ailés qui forment la base de sa nourriture. On est sûr de le rencontrer chaque année aux environs de Chambéry, notam- ment à Bissy, à la Motte-Servolex, à Saint-Sulpice et Candie ; puis à Cusy, près d’Albens, à Saint-Genix- d'Aoste, etc. D’une mobilité extrême, il ne cesse de sautiller d’une branche à l’autre ; s’arrête-t-il un instant, c’est pour chercher sa vie sur les feuilles et DE LA SAVOIE. 429 parmi les rameaux, ou bien pour gober un insecte, une petite chenille qu’il vient de découvrir. Par moment il part d’un vol rapide, poursuit une proie qu’il saisit ordinairement en faisant craquer son bec, et revient se loger dans un arbre. Quelquelois, sur- tout pendant la période de l’amour, il monte pres- que droit au-dessus de l'arbre qu'il visite et qui recèle sa compagne, se soutient en l’air avec aban- don pendant quelques secondes et en faisant enten- dre un petit ramage assez vif, assez cadencé ; puis tout à coup il se laisse retomber sur une branche des plus élevées. À peine reposé, il redit encore son chant avec la même volubilité; à chaque phrase musicale, il étend un peu les ailes et trémousse de tout le corps à la fois. Ce chant, qui est particulier au mâle pendant la belle saison, est une espèce de bruissement prolongé qui semble exprimer : s1- si-si-ri-r1-fi-fi-fi-fi-fi-f ; mais le cri ordinaire, qui est aussi le cri de rappel, de crainte ou d'inquiétude, commun aux deux sexes durant toute l’année, est une sorte de sifflement qui a quelque analogie avec celui du Bouvreuil Vulgaire (vulg. Pivoine ), quoi- que proféré d’un ton plus aigu. On peut l’imiter en sifflant les mots : frü ou fdi ; c'est de ce cri que quelques auteurs lui ont donné le nom de Siffleur. Cette espèce niche dans les grands bois humides et garnis de broussailles de la plaine et des co- teaux. Son nid, qu’elle travaille vers la mi-mai, est 430 ORNITHOLOGIE posé soit à terre dans un petit creux pratiqué au pied d’un arbre, ou parmi les racines des arbres, soit près de terre au milieu d’un petit buisson, quelque- fois au revers d’un fossé et sous un taillis ou une pierre qui sert alors à l’abriter de la pluie. Il a la forme d’un petit four ; l’ouverture, qui est par consé- quent pratiquée sur l’un des côtés, ordinairement le moins exposé au vent qui domine d'habitude dans le canton, penche suffisamment vers le sol pour préser- ‘ver encore sa couvée des intempéries. Les feuilles sèches, la mousse, la paille le composent à l’exté- rieur ; les plumes, les poils, le crin et les brins d’her- bes en tapissent le dedans : celui-ci reçoit cinq, six ou sept œufs oblongs, blancs ou d’un blanc lavé de rose, surtout pendant leur fraîcheur, et couverts de taches et de points d’un brun roux ourougeâtre plus ou moins foncé, et constamment irès-rapprochés, particulièrement vers le gros bout, où ils sont en outre plus larges et souvent disposés en forme de collier : quelquefois parmi ces taches, l’on en dé- couvre d’autres d’un cendré terne ou d’une teinte un peu plus foncée que le fond. Ges œufs ont pour longueur 1 cent, 5-6 mill, sur {1 où 12 mill. de diamètre. Pendant l’incubation, le mâle vient de temps en temps donner une becquée à la femelle qui s’y adonne ; après, il l’emmène souvent avec lui dans le voisinage de la nichée, où il consacre quelques DE LA SAVOIE. 451 instants à la distraire par de fréquentes agaceries ; il l'accompagne ensuite jusqu’au nid, quand elle s’y rend pour continuer de couver. Le père et la mère ont pour leurs petits dans le nid un attachement tout particulier; quelqu'un s’ap- proche:t-il du lieu qui les recèle, ils arrivent tous les deux à la fois, se mettent à l'instant à voltiger au- tour ou un peu en avant de cet importun en criant d’une voix sifflée et presque tremblante ; puis ils ne cessent, tandis qu'ils sont dans la désolation, de battre des ailes ou de les agiter d’un mouvement de irépidation remarquable. Ils restent avec eux, après l’abandon du nid, pendant plus de temps qu’il ne leur en faut pour être assez forts, assez exercés pour vivre seuls et du produit de leurs chasses. Quelques jours avant le départ de ces oiseaux de nos contrées, on les rencontre tous, jeunes et vieux, solitaires ou par couples, mâle et femelle ; ils par- courent alôrs les mêmes localités qu’à leur arrivée au printemps, s’y nourrissant encore de mouches, de moucherons, de cousins, de chenilles rases et de petites chrysalides. C’est à la fin d'août, et durant les premiers jours de septembre, qu’ils commencent à abandonner notre climat pour aller hiverner dans des régions très-méridionales. Leur chair, qui est du poids d’une grosse cerise, est douée d’une sa- veur exquise, 432 ORNITHOLOGIE FaxS.—Pouillot Véloce /Phyllopneuste Rufa). Noms vulgaires : Tuit-Tuit, Tuit, Püi. La petite Fauvette Rousse (Buff.). — Fauvette Collybite (Sylvia Collybita), Vieill.—Bec-Fin Véloce (Sylvia Rufa), Temm.—Pouillot Rousset (Phyllop- neusle Rufa), de S.-Longch.— Lui Piccolo (Savi). Ce Pouillot, qui doit son nom de Véloce à la célé- rité avec laquelle il parcourt les arbres ou les buis- sons en y cherchant sa subsistance, a 12 centim. de taille. Le mâle adulte est d’un gris brun nuancé d’oli- vâtre, sur toutes les parties supérieures du corps, à l'exception des ailes et de la queue quisont brunes noirâtres, et bordées d’olivâtre : cette dernière partie est composée de pennes presque d’égale longueur au centre. Il a du blanc à peine teint de jaunâtre à la gorge, puis une étroite raie jaunâtre au-dessus des yeux ; les côtés de la tête et l'insertion des ailes d’un gris brun clair. Le devant du cou, la poitrine, le ventre sont d’un blanc jaunâtre, marqués cà et là de petits coups de pinceaux d’un beau jaune; les flancs et les côtés de la poitrine d’une nuance plus foncée que les autres parties inférieures , et teintés de roussâtre: les couvertures subalaires d’un jaune clair, de même que les sous-caudales, et le milieu du ventre jusqu’à l’anus d’un blanc plus ou moins pur. Le bec est brunâtre en dessus, un peu moins foncé en dessous; il est un peu élargi à sa base, ensuite fin et en alêne vers sa pointe. L’iris pres- que noir. Les pieds sont brunâtres, quelquefois noi- DE LA SAVOIE. 433 râtres, en hiver surtout, mais toujours jaunâtres à la plante. Les vieux mâles ont toutes les parties inférieures, y compris le milieu du ventre, d’un Jaune lavé de roussâtre. J’en possède deux qui ont en outre le hout de la queue traversé par une large bande de couleur plus foncée que le reste des pennes. La femelle et les jeunes de l'an se ressemblent : ils ont le dessous du corps d’un blanchâtre teint de jaunâtre, où le mâle adulte est d’un jaune plus pro- noncé. Les jeunes sont encore plus nuancés d’oli- vâtre sur les parties supérieures que les vieux. Cette espèce est principalement commune en Savoie pendant l’automne ; à cette époque plusieurs individus nous arrivent et ne nous quittent qu’un peu avant les premiers froids, afin de se réfugier dans le midi. Cependant tous ne partent pas; car il n’est pas rare d'en rencontrer pendant l’hiver, même par un froid très-vif, sur les saules ou les buissons des bords des eaux qui charrient le plus de choses immondes, notamment le long de l’Al- banne, près de Chambéry. On les y voit épier à chaque instant, de l'extrémité d’une branche ou posés à terre sur le gravier ou la boue, le moment du passage de quelque objet qui puisse les ali- menter. Ils se jettent quelquefois plusieurs ensem- ble sur la même prole; se trouve-t-elle considé- rable, ils s’y posent et se laissent entraîner avec : PS LP 28 434 ORNITHOLOGIE elle par le courant de l’eau, tandis qu’ils la becquè- tent à l’envi et sans relâche, jusqu’à ce qu’ils aient puen arracher quelques petits morceaux, qu’ils vien- nent ensuite dévorer sur les bords. À l’approche de la nuit, ils se cachent dans les cavités des vieux ar- bres ou des digues; mais ce qu'il y à de curieux, c'est qu'on en trouve parfois plusieurs blottis dans le même trou, où ils se serrent l’un contre l’autre pour mieux se garantir du froid. Le Pouillot Véloce hante les grands bois, les lieux garnis de taillis et parsemés d'arbres de haute futaie; en automne, il s'approche des habitations, vit dans les vergers, les jardins et le long des haies qui leur servent de clôtures, et se plaît aussi sur les arbres des promenades publiques. Comme le précédent, il est sans cesse en mouvement ; il parcourt successivement tous les arbres, tous les buissons qu'il trouve sur son passage, les visite aussi soigneusement que lui pour y trouver, soit sur le bois et l’écorce, ou sur la mousse qui les tapisse, soit en dessus et en dessous des feuilles, sa subsis- tance. Par moment, il s’élance avec la rapidité du trait sur les mouches qu’il voit passer à sa portée, les saisit au vol très-lestement et revient souvent sur le même arbre d’où il est parti, pour continuer ses recherches. De temps à autre il lâche quelques petits cris Sifflés (thüi, thâi), répétés à distance égale et qu'il a de commun avec le Pouillot suivant, DE LA SAVOIE. 435 de même qu'une petite secousse brusque et hori— zontale, dans la queue. Le mâle a un gazouille- ment qu’il fait entendre d’une voix entrecoupée et pénétrante, depuis la fin de l’hiver jusqu'en sep- tembre; mais il le redit toujours plus fréquemment pendant la durée de son amour pour sa compagne, c’est-à-dire en avril, mai et juin : en hiver, quand il fait beau, il s'applique encore à en répéter quel- ques syllabes. Ce ramage, par lequel il semble pro- férer les mots : Zip, zip, zap, z3ap, zeup, zeup, zeup-Seup-zeup, est ordinairement précédé d’un petit bruissement, frûi, früi, articulé deux où trois fois de suite d’une voix très-basse : les quatre ou cinq premières syllabes du chant sont habituelle- ment plus fortes, plus aiguës que les autres, surtout les trois dernières qui sont un peu flütées et précipi- tées à la fin. Mais une faculté bien remarquable que cet oiseau possède, c’est de pouvoir, comme le fait observer M. Millet dans la Faune de Maine-et-Loire, page 243, modifier sa voix à la manière des ven- triloques, de façon à faire croire qu’il chante très- éloigné de vous, tandis qu'il est au-dessus de votre tête, et vice versü. Vers la mi-avril, ce Pouillot s’apparie et retourne avec la compagne qu’il a choisie, dans les bois ou les lieux humides, et remplis de broussailles, ou bien éncore dans les haies épaisses garnies de chênes ou de saules. Il construit son nid à terre 436 ORNITHOLOGIE tantôt sous un buisson touffu ou parmi ses racines, tantôt au pied d’un arbre ; quelquefois, il le pose au milieu d’un arbrisseau à peu de distance de terre, ou dans un tas de feuilles sèches qu’entourent des taillis. 11 lui donne la forme sphérique avec une ouverture latérale, toujours dirigée vers l’endroit le moins ombragé. Ce sont également les feuilles d’ar- bres ou de plantes, les herbes sèches et la mousse qui le forment à l'extérieur; les plumes, les poils, les cheveux, la laine, le matelassent en dedans. La fe- melle y dépose, vers le commencement de mai, cinq ou six œufs blancs, avec de petites taches ou des points de différentes grosseurs, d’un rouge foncé ou d’un brun rougeâtre, dispersés çà et là sur les côtés, et toujours plus rapprochés vers le gros bout, où parfois ils tracent une espèce de couronne. Ils ont 4 cent. 4-5 mill. de long, et À cent. À mill. au plus de large. Chaque paire fait ordinairement deux pontes par an en Savoie : la seconde a lieu vers la fin de juin et se compose le plus souvent de qua- tre ou cinq œufs. Après les nichées, ce Pouillot vit solitaire. Alors il se trouve répandu dans les champs ensemencés, dans tous les bois, et plus particulièrement sur les bords des rivières et dans les saussaies qui avoisi- nent la plaine ou les marais. Il se nourrit dans ces lieux avec des mouches et des moucherons, avec de petites araignées, des œufs de papillons, des . ORNITHOLOGIE BE LA SAVOIE. Passereaux. Svlviadées. Lith. J4 Perein Libr.lidil. Chambéry. J. Werner del & Lith. 1 Pouillot Fitis,z24/e adulte; 28 grnat;PA3T—9-4 als de lespéce; grnat 5 Pouillot Natterer, z224e adulte; 4 drnat;P.AM— 6-8 Gus de l'esp; gr.nat. 9 Roitelet Huppé, 44e zut; 3 gr nat: P44T—1019 Œuls de l'esp. 97 reat. 1 Roitelet Triple-Bande au 74/6 adulte; 15 gr nat; PAS 34-16 Œufs dedesp. gr nat. D'LA "S'AVOTE. 437 chenilles rases et des larves de petits insectes. 416.--Pouillot Fitis /Phyllopneuste Trochilus). Noms vulgaires : Thian-Thiera, Püi, Tuil-Tuit, Maréchal. Le Pouillot ou le Chantre (Buff.).—Molacilla Trochilus (Gmel.).—Fauvette Fitis (Sylvia Fitis), Vieill. — Bec-Fin Pouillot (Sylvia Trochilus) Temm. — Lui Grosso (Savi).—Pouillot Fitis (Phyllopneuste Trochilus), de S.-Longch. Cette espèce a 12 cent. de taille : dans un âge avancé, elle à 1-2 mill. de plus. Le mâle à les parties supérieures d’un gris ver- dâtre ; les ailes et la queue d’un gris brun, et bordées d’olivâtre : la dernière est faiblement fourchue au centre. Ses sourcils sont d’un jaunâtre plus ou moins foncé, suivant l’âge des individus; ils prennent naissance à la racine du bec et s’étendent jusqu'aux tempes. Le dessous du corps est d’un jaune pâle qui se nuance en blanchâtre sous le ventre, et en gris olivâtre sur les côtés de la poitrine et les flancs ; mais le milieu du véntre et les couvertures infé- rieures de la queue sont blancs. Le bec est d’un brun jaunâtre, avec sa base inférieure d’une nuance plus claire; l'iris brun foncé; les pieds sont dé la même couleur que le bec. La femelle a toutes les couleurs moins vives que le mâle. Les jeunes de l’année sont d’un verdâtre un peu rembruni sur le dessus du corps; d’un blanc sale en dessous, sauf à la gorge, aux couvertures infé- rieures des ailes et le long de la ligne médiane 438 ORNITHOLOGIE -du ventre, où ils sont un peu colorés de jaune. Le mâle, dans un âge très-avancé, prend du jaune sur toutes les parties inférieures, même au milieu du ventre. Le Pouillot Fitis se trouve dans presque toute l'Europe ; il est commun pendant l’été dans toutes nos contrées, soit en plaine soit en montagne. Il nous arrive des pays méridionaux, où il sere- tire pour passer l'hiver, dès les premiers jours de mars; quelquefois, nous le voyons déjà reparaître sur la fin de février. C’est toujours sur les saules, sur les peupliers qui bordent les fleuves, les ri- vières et les lieux marécageux que nous commen- cons à l’apercevoir : de là, il se répand dans les bois, les taillis, les haies et les vergers, où il vit à la manière du Pouillot Sylvicole. Quel- ques jours après son retour, le mâle fait entendre du bout des arbres, et souvent sans changer de place, son chant mélancolique qu’il discontinue seulement à la fin de juillet ; il commence à s’expri- meï par un petit grognement qu’il entrecoupe par une suite de sons clairs et tous détachés : thiu, thiv, thiv, thiev, thiev,thia, thia, za, zia; il prononceles trois ou quatre premières notes avec assez de viva- cité, les autres un peu plus lentement, et la dernière d’une voix plaintive et qu’il finit comme s’il était hors d’haleine d’avoir chanté, mais toutes, à partir de la deuxième ou de la troisième, en descendant DE LA SAVOIE. 439 comme diatoniquement. C'est de ce ramage que nos campagnards ont tiré son nom vulgaire de Thian-Thiera : on lui donne aussi, aux environs de Chambéry, celui de Maréchal, parce qu’on croit trouver dans la manière dont il chante, une imita- tion des sons argentins et détachés que rendent les coups de marteau sur l’enclume. . Le mâle et la femelle travaillent à la construction de leur nid vers le 10 ou le 15 avril dans les bois de la plaine et des collines, seulement vers la fin de mai dans ceux des montagnes; ils le forment avec des feuilles tombées des arbres et des brins d’her- bes sèches, qu'ils recouvrent à l’intérieur de petits flocons de laine, de crin et de beaucoup de plumes. Quand il est achevé, il se trouve presque aussi rond qu’une boule, et l'oiseau y pénètre par une petite ouverture latérale, pratiquée près du sommet et habituellement dirigée vers l’endroit le plus dé- couvert. Placé presque à terre dans les buissons épineux, les houx, les buis et parmi les feuilles sèches ou la mousse qui en recouvrent le pied, ce nid contient ordinairement six œufs à la première couvée, et quatre ou cinq à la seconde; ils sont blancs, marqués de petites taches d’un rouge très- foncé et d’un rouge pourpré, et constamment plus nombreuses vers la grosse extrémité, où il n’est pas rare de les trouver disposées en forme de collier, mais isolées sur le reste de la coquille. Leur lon- 440 ORNITHOLOGIE gueur est de 1 cent. 4 mill. 1/2, sur 10 ou 11 mill. de diamètre. Vers le milieu d’août, ce Pouillot commence à se rapprocher des jardins, des champs et des haies qui les bordent ; à cette époque , il n’a pour toute voix qu'un petit cri sifflé (chûit, chûu), et prononcé d’un ton plaintif : cependant, le mâle fait encore entendre de temps à autre, durant les beaux jours de septembre, quelques phrases courtes, ou interrompues, de son ramage d'été. On le voit, ainsi que la femelle, toujours plein d'activité; il va sans relâche de buisson en buisson, d’arbre en arbre, et les visite en tous sens , jusqu’en dessous des feuilles et sur la mousse qu'il éparpille ensuite, afin de découvrir les petites larves, les chenilles rases, les petits insectes qui s’y cachent et qui sont ses aliments de prédilection. À chaque instant il donne à sa queue une secousse assez vive et hori- zontale , qu’il accompagne, dans ses mouvements de colère, de surprise et d’amour, d’un léger trémoussement des ailes. C’est à la fin de septembre que ces Pouillots émi- grent de notre pays. Quelques jours auparavant, nous voyons arriver en plaine ou sur les coteaux cir- convoisins, ceux de l’espèce qui ont passé l'été dans nos régions alpestres. Pour partir, quand ils se trouvent plusieurs dans une localité, ils ont souvent habitude de se réunir la veille ; et le lendemain, DE'LA SAVOIE. AA4T dès que le jour commence à poindre, ils prennent ensemble l’essor vers leur séjour d'hiver. Cepen- dant, un très-petit nombre d'individus osent braver les rigueurs de l'hiver en Savoie ; ceux-ci hantent pendant l'intensité du froid, les mêmes lieux que le Pouillot Véloce. 419.-—Pouillot Natterer / Phyllopneusle Nattereri. Noms vulgaires : Toui, Touvi, Reneviez, surtout à Montagnole, près de Chambéry. Fauvette Bonelli (Sylvia Bonelli), Vieill.—_Bec-Fin Natterer (Sylvia Nat- tererü), Temm. — Lui Bianco (Savi). — Pouillot Bonelli (Phyllopneuste Bo- nelli), de S.-Longch.—Pouillot Natterer / Sylvia Nattereri), Mill. Cette espèce, la plus petite du genre, n’a que 11 cent. 4-5 mill. de taille ; elle est facile à distin- guer de ses congénères par le blanc de ses parties inférieures, où ces derniers sont plus ou moins teintés de jaune. Le mâle adulte a le sommet de la tête, les côtés et le dessus du cou, d’un cendré brun très-légère- ment teint d’olivâtre : cette nuance est un peu plus foncée sur le dos et les petites couvertures des ailes; elle se change en jaune olivâtre sur le croupion et le haut des couvertures supérieures de la queue, leur partie inférieure étant d’un gris jaunâtre. Il est d’un blanc pur sur le dessous du corps, et gri- sâtre sur les joues; les sourcils qui s’étendent de- puis la naissance du bec jusque derrière l'œil, sont d’un blanc à peine lavé de jaunâtre ; les pennes alaires et caudales d’un cendré noirâtre, et frangées 442 ORNITHOLOGIE de jaune olivâtre sur le bord externe; les premières couvertures du dessous des ailes jaunes, les autres blanches ; les plumes des jambes d’un gris nuancé de jaune. Le bec est brun sur la mandibule supé- rieure, d’un gris blanchâtre à la base de l’infé- rieure ; l’iris noirâtre ; les tarses brunûâtres. Après la mue de l'automne, qui commence vers le 15 juillet, le blanc des parties inférieures perd un peu de sa pureté, surtout vers la poitrine où 1l se teint presque de grisâtre, La femelle et les jeunes de l’an ont le blanc du dessous du corps un peu terni, et la couleur des par- ties supérieures d’ une nuance plus claire que chez _ le mâle adulte. On trouve cette espèce spécialement dans le midi et le centre de l’Europe; elle est pourtant chaque année commune en Savoie, durant la belle saison. Elle commence à paraître dans nos contrées vers le 8, le 10 ou le 12 avril; alors elle fréquente, comme ses congénères, les lieux humides et boisés de la plaine, les saussaies, les touffes de peupliers etles broussailles qui recouvrent les bords des eaux, des champs et des marécages. Vive et agile, elle parcourt sans relâche tous les arbres, chaque taiilis qu'elle rencontre, et parvient, en sautillant de branche en branche, jusqu’au bout, tout en sai- sissant les insectes et les larves sur les feuilles DE, LA SAVOIE. 443 ou dans les gerçures de l’écorce ; arrivée à l’ex- irémité d’une branche, elle s’élance par moment sur une mouche qu’elle voit passer devant elle, la saisit adroitement et retourne ensuite dans le feuil- lage. Le Pouillot Natterer séjourne en plaine ou surles coteaux qui en sont proches, jusque vers le 20 ou le 25 avril; ensuite, il gagne ordinairement par paire, les taillis de chênes, les endroits les plus fourrés et parsemés de hêtres, de mélèzes et de sapins dans les collines, ou bien à la base et au milieu des mon- tagnes : néanmoins, quelques individus s'élèvent, dans le courant de mai, jusque dans les régions de nos Alpes où les forêts finissent, ets’y propagent. Les lieux les plus garnis de broussailles de Montagnole, de Saint-Cassin, d’Apremont, les bois du Nivolet, de la base du Mont-du-Chat et de Joigny sont, aux environs de Chambéry, les localités où l’on est tou- jours sûr de rencontrer ce volatile en abondance. Il est très-facile à reconnaître par son chant qu'il répète à chaque instant depuis la fin d'avril jusque vers la mi-juillet : on peut le traduire par les syl- même ton, et sans interruption ; seulement l’oiseau le varie au moyen d’un petit cri sifflé à la manière des espèces précédentes ; 1l prononce alors le mot thür, en appuyant sur la voyelle & qu’il fait en outre plus longue que ses congénères : ceux-ci ont du 444 ORNITHOLOGIE reste, comme l’on vient de le voir, presque le même cri pour s'appeler ou pour s’avertir du danger qui les menace et des craintes qu’ils éprouvent. Le mâle et la femelle, suivant qu’ils habitent des lieux plus ou mois reculés dans nos contrées mon- tueuses, se mettent en devoir de travailler à la con- fection de leur nid, vers le 10, le 20 ou le 25 mai. Ils le posent, comme les Pouillots précédents, à terre ou à très-peu de distance du sol, quelquefois sur des tas de pierres que recouvrent des feuilles tombées des arbres ou quelques plantes rampantes. Leur nid a aussi la forme d’une sphère et son entrée parle côté. En dehors, il est composé de feuilles et d’her- bes sèches entrelacées ; le dedans est, au contraire, garni de plumes, de crin et de brins de paille très- déliés. La femelle pond d'habitude six œufs, rare- ment sept; ils sont globuleux, blancs et couverts de points et de petites taches de même couleur que ceux du Pouillot Sylvicole, n° 114. Leur longueur est de 4 cent. 4 ou 4 mill. 1/2, sur 11 mill. de lar- geur. Au mois d'août, on remarque ces oiseaux dans plusieurs des localités où ils se sont acquittés de l'acte de la reproduction, par petites sociétés de quatre, cinq ou six individus : ils se plaisent alors à se suivre, à fureter ensemble dans le feuillage afin d'y trouver les petites chenilles, les mouches, les insectes tendres, les petites araignées et les chry- DE LA SAVOIE. 445 salides, qu’ils recherchent avec le plus d’avidité. Au cri d'appel ordinaire (thûi), qui est propre aux deux sexes, ils joignent alors un autre cri plus faible, et qu’on n’est à même d'entendre que lorsqu'on se trouve très-rapproché d'eux; par ce cri, ils semblent prononcer thi ou {si, qu’ils répètent fréquemment en parcourant les arbres. Avant de s'éloigner de notre pays, plusieurs re- viennent des régions montagneuses visiter nos bois inférieurs, notamment les lieux plantés de sau- les ou les bosquets qui avoisinent l’eau. On les y observe jusque vers le milieu de septembre, et sou- vent mêlés avec quelques-uns de leurs congénères, surtout avec le Pouillot Véloce ; 1ls s'associent en- core avec lui pendant leur voyage : ces deux espé- ces ont du reste les mêmes habitudes. XXXIXe Genre : ROITELET (Fregules). Les Roitelets sont les plus petits des oiseaux d'Europe. C’est l’espèce de couronne de couleur de feu ou aurore qui leur pare le sommet de la tête, et leur petite taille, qui leur ont valu ie nom qu’ils por- tent : on le donne en Savoie de préférence au Tro- glodyte que je décris ci-après, au n° 120, tandis que l’on est très-porté à prendre les espèces de cet ar- ticle pour de petites Fauvettes ou des Mésanges. 11 convient de se défaire de cette vieille erreur, et pour #46 ORNITHOLOGÏÎE Ÿ contribuer, je vais, en décrivant ces deux genres d’oiséaux et leurs espèces, faire ressortir les prin- Cipales différences qui les distinguent les unes des autres, non-seulement dans leurs signes caractéris- tiques, mais encore dars leur parure et leurs habi- tudes. Les Roitelets ont le bec très-grêle, court, très- droit et comprimé partout ; la mandibule supérieure très-finement entaillée vers le bout, un peu concave Sur les côtés, mais se terminant en pointe très-aigué. Les narines sont ovales, couvertes par deux petites plumes décomposées et couchées en avant. Les pieds très-grêles ; le doigt intermédiaire réuni par la base avec l’externe ; le postérieur, le plus fort de tous: Les haies, les bois de chênes, de hêtres et surtout les forêts de pins ou de sapins sont la demeure ha- bituelle de ces oiseaux. On les trouve dans nos con- trées toute l’année, même par des froids très-rigou- reux. Aussi vifs, aussi agiles, que les Mésanges, lés Fauvettes et les Poullots, ils ne cessent de fure- ter dans les arbres ou les buissons pour rencontrer dans les fissures du bois et de l'écorce, ainsi que sur les feuilles, dans les replis de la mousse et des lichens, les très-petits insectes, notamment les inou- cherons et les poux des bois, dont ils se nourrissent. Comme les Mésanges, ils s’accrochent et se suspen- dent par les pieds aux branches, aux rameaux les plus déliés , et y prennent toutes les positions que DELA SAVOIE. APE leur nécessitent les places qu’occupent, dans le boïs Ou sur les feuilles, les insectes qu’ils convoitent ; quelquefois, ils tiennent alors la tête renversée. Ils sont très-familiers, au point même de se laisser abat- tre avec une verge ou par le moyen de la sarbacane, et capturef avec un filet à papillons. Ils nichent dans les arbres très-touffus. Leurs nids, qui sont faits avec art, se trouvent attachés à l’extrémité de plusieurs petits rameaux, très-rapprochés entre eux, des branches horizontales des sapins. Leurs cris sont faibles et composés de notes aiguës. La mue est Simple. Les mâles et les femelles se ressemblent beaucoup : celles-ci ont seulement les couleurs en général moins vives que les premiers. Nous avons en Savoie deux espèces de Roitelets qui se plaisent à vivre par bandes ou par familles, et à se livrer, en automne, à quelques excursions dans nos contrées. Un petit nombre en émigre alors. 118S.—-Roiteleé Huppé /Regulus Cristalus). Noms vulgaires : Zizi, Chichi, Peyro-Dian (Poire-Jean). . Le Roitelet (Buff., Cuv.).—Roitelet Commun /Regulus Cristatus), Vieili.— Roitelet Ordinaire (Régulus Cristatus), Temm.—Regolo (Savi). Ce Roitelet à 10 cent. de taille. Le mâle est remarquable par le haut de la tête que couronne une belle huppe d’un jaune orange et bordée en devant et sur les côtés de plumes soyeu- ses, effilées, noires à l'extérieur des barbes, d’un 448 ORNITHOLOGIE jaune citron à l’intérieur, et susceptibles d’érec- tion en même temps que celles de la huppe. Il a le derrière de la tête et les autres parties supérieures d'un olivâtre nuancé de jaunâtre, surtout vers le croupion; les pennes alaires et caudales brunes, frangées d’un vert jaunâtre sur le bord externe et de blanchâtre sur l’interne : sur chaque aile, on re- marque deux bandes transversales blanches que forme l'extrémité des couvertures, et vers le milieu, une petite tache noire carrée. Les plumes de la base du front, du tour des veux, des côtés du cou et toutes les parties inférieures sont d’un cendré légèrement teint de roux olivâtre. Le bec est noir ; l'iris brun très-foncé, et les pieds noirâtres. La femelle se distingue du mâle par sa huppe qui est d’un jaune citron ; par la bande noire qui l’en- cadre, qui est moins large et nuancée de cendré; enfin par ses couleurs qui sont généralement plus päles. | Les jeunes des deux sexes ont, avant la mue, les parties latérales de la huppe d'un vert olivâtre, et celle-ci d’une couleur citrine. Il est alors très-diffi- cile de distinguer les mâles d'avec les femelles ; mais après la première mue, ils ne diffèrent plus des adultes, et les sexes sont faciles à reconnaitre. Le Roitelet Huppé est commun en Suisse et en Savoie pendant toutes les saisons. 11 se retire au printemps dans les forêts de mélèzes, de pins et de DE, LA SAVOTLE. 448 sapins de nos régions montagneuses, et s’y adonne à l’acte de la reproduction. Au mois d’octobre, il en descend par familles ou par bandes de huit à douze sujets, et même davantage : quelques-unes de ces bandes émigrent vers les contrées méridio- nales, où elles passent l’hiver seulement ; mais pres- que toutes s’abattent à l’époque des premiers fri- mas, dans les bois champêtres, ainsi que dans ceux des collines ou des coteaux; et plusieurs se livrent dans notre pays et ceux qui lui confinent, à des excursions continuelles jusqu’à l'approche du prin- temps. Les individus de ces petites troupes se suivent constamment de très-près et en s’entr'appelant par les. petits cris perçants : 31, 231, 31, Z1, zi, Ou zi-zi-21-21-21. En quittant les grands bois et Îles taillis, 1ls viennent de temps en temps se montrer quelques moments dans les jardins, les parcs, les vergers et les haies qui les bordent. Ils sont si vifs, si remuants, qu’il est réellement difficile de les rencontrer un seul instant à la même place. On les voit parcourir toutés les branches, s’y tenir suspen- dus par les pieds et prendre en un moment des po- sitions très-variées ; puis visiter chaque feuille d’un côté et de l’autre, y chercher, comme dans Îles mousses et les lichens, sur le bois, l’écorce et dans les gerçures, les petits insectes très-tendres, leurs larves et celles des araignées, qui forment leurs prin- ju2 29 450 ORNITHOLOGIE cipaux aliments. On les approche alors si aisément qu'il n’est pas rare de réussir à en abattre à coups de verge ou de pierre. Quand une troupe vient de per- dre quelques-uns de ses sujets, ceux qui se trouvent encore réunis ne cessent de les rappeler de toutes leurs forces à l'endroit même où ils s’aperçoivent de leur absence. et souvent ils retournent les cher- cher dans les lieux qu'ils viennent de parcourir. Aux premiers beaux jours de mars, ce Roiïtelet regagne de bois en bois ceux des régions montueu- ses. Il y entre en amour au mois d'avril; alors ses bandes se dissolvent pour former des liaisons plus intimes. Mais avant la pariade, on voit fréquem- ment dans des localités, sans doute celles où les femelles sont moins nombreuses que les mâles, plu- sieurs de ces derniers se disputer ensemble, le matin et le soir à l’approche de la nuit, la propriété d’une ou de deux femelles qui se trouvent avec eux. Les plus acharnés d’entre eux se poursuivent vivement dans l’air ou parmi les branches, et se becquètent, en s’atteignant, jusqu’au point de s’arracher l’un à l’autre des cris. ; Aussitôt apparié, le mâle se retire avec sa com- pagne; ils vont alors tous les deux ensemble se cher- cher un canton pour y passer la période des nichées. Quelques couples le choisissent dans les bois de sapins des collines, ou ceux qui garnissent le pied des montagnes; mais le plus grand nombre leur DE LA SAVOIE. 451 préfère les forêts sombres d’arbres résineux des régions alpestres. Pendant le temps de l'amour, le mâle se plaît à donner fréquemment à sa compagne la becquée; puis à tout instant il fait entendre, du sommet des arbres, un chant agréable, presque tout composé des syllabes 31, zit, zwilz, vuz, witz, répé- tées avec vivacité et sur des tons différents : à cha- que reprise, il trémousse notamment des ailes, et de tout le corps à la fois lorsqu’en chantant l’amour, il voit sa compagne qui l'approche pour le combler de caresses, Vers le commencement ou le milieu de mai, le mâle et la femelle construisent de concert le berceau de leur future famille. Ils l’attachent au moyen de petits flocons de laine, de soies de chenilles et de toiles d'araignées, à l'extrémité de plusieurs ra- meaux très-minces d’une branche horizontale, quel- quefois pendante, de pin ou de sapin, et rarement en Savoie, d’autres arbres ; ils se servent aussi des mêmes filaments pour en affermir la mousse, les lichens qui composent leur travail à l'extérieur et sur les bords. La femelle pond sur une couche de duvet, de poils et de plumes qui garnit l’intérieur du nid, six, sept ou huit œufs, d’un blanc rose ou d’un blanc inclinant au jaunâtre ; ils sont le plus souvent marqués de petites taches d’un rougeûtre si pâle que cette couleur se confond presque avec celle du fond de la coquille, ce qui la fait alors pa- 452 ORNITHOLOGTIE raître comme ondée d’une teinte un peu plus fon- cée. Pour longueur, ils ont 12 mill., rarement 13, sur 9-10 mill. de diamètre. Le père et la mère nourrissent leur progéniture avec de petites mouches, des moucherons et d’au- tres menus insectes qui s’attachent aux feuilles ou à l'écorce; souvent ils les gobent au vol en les voyant passer ou voltiger autour des branches qu’ils parcourent. [ls vivent encore en famille après l'éducation ; c’est alors qu’ils hantent sans relâche, pendant tout le jour, et souvent à la suite de plu- sieurs petites Mésanges, notamment de la Petite Charbonnière, tous les bois, tous les taillis de ché- nes et de hêtres de leur arrondissement, jusqu’à l’époque où les uns se livrent à leurs excursions ha- bituelles, et les autres se rapprochent de la plaine. Le Roitelet Huppé est très-peu sanvage. Quand on le surprend occupé à chercher sa subsistance dans un buisson ou le long d’une haie, on est toujours sûr de pouvoir l’examiner de très-près ; il continue de se livrer devant nous à tous ses ébats ordinaires sans se défier de rien ; s’il prend le vol, c’est pour aller se reposer à une faible distance, quoiqu’on l’ait effrayé. Son vol est très-léger et seu- lement élevé lorsqu’en voyageant, il traverse des lieux dans lesquels il ne trouve ni arbre ni taillis à visiter. C’est dommage qu’il ne soit pas possible de conserver cet oiseau vivant en Volière pendant DE LA SAVOLE. 453 plus de quelques jours, à cause de la difficulté de lui procurer les aliments qui lui conviennent; car il charmerait, autant par son aimable vivacité que par sa familiarité extraordinaire, les personnes qui prendraient soin de son existence. 419. Roitelet Eriple-Bandeau /Regulus Ignicapillus |. Noms Vulgaires : Les mêmes que chez le précédent. Le Roitelet (Buff.).— Sylvia Ignicapilla (Brehm.).—Roitelet à Moustaches D TE mertaneins Sans | à Triple Bandeau /Regulus Ignica- C'est à M. Brehm, naturaliste saxon, que la science est redevable de la découverte de cette es- pèce ; elle avait toujours été confondue comme une simple variété de la précédente. Sa taille n’est que de 9 cent. 2-3 mill. Le plu- mage du mâle est à peu près le même que celui du Roitelet Huppe. | Ce qui l'en fait pourtant distinguer de prime abord, c’est une bande blanche longitudinale, située de chaque côté de la tête, au-dessous de la bande noire qui encadre la huppe qui est d’un orangé cou- leur de feu: les plumes de cette bande noire sont effilées et bordées intérieurement d’une ligne paral- lèle et étroite, d’un jaune capucine. Un petit trait noir part du bec et traverse l'iris : en dessous de cette partie, se trouve encore une bande blanche, moins longue que la première; et de chaque côté du haut de la gorge se dessine une moustache noire, très-étroite, qui prend naissance à la base du bec. 5 M — — 454 ORNITHOLOGIE Le front est traversé par une bande roussâtre. Les parties supérieures, d’un vert olivätre, sont plus colorées de jaune que chez le Rotelet Huppé; mais les autres parties du corps sont teintées de la même nuance. La femelle a le blanc des bandes de la tête moins pur ; la couleur orange de la huppe moins vive et le noir qui la borde de chaque côté plus terne que chez le mâle ; toutes les autres couleurs sont aussi moins pures. Le Roitelet Triple-Bandeau est, en Savoie, par- ticulièrement commun pendant l’automne, surtout à l’époque des premiers frimas, et durant l'hiver : c’est alors que plusieurs nous arrivent de la Suisse, où l’espèce est plus abondante en été que dans no- tre climat. Ils viennent par couples, mâle et fe- melle, ou par trois et quatre à la fois, et fréquem- ment par sociétés de huit à douze individus (tous ceux d'une même nichée sans doute). En voya- seant, Ces oiseaux s associent souvent aux bandes de la première espèce ; comme elles, ils s’approchent des habitations, fréquentent les jardins, les parcs et les vergers, parcourent les arbres, les buissons, les touffes de plantes, et s’y nourrissent de la même manière. Leur petit cri de ralliement est aussi le même. Pendant les jours très-froids, ils ont l'habi- tude d’enfler leurs plumes jusqu’au point de paraître une fois plus gros qu’ils ne sont. Le mâle et la fe- DE LA SAVOIE. 455 melle qui voyagent ensemble, sont très-attachés l’un à l’autre : sitôt que l'un perd de vue un instant l’au- tre, il s’empresse de le rappeler jusqu’à ce qu'il l'ait revu ou entendu; mais si ce dernier ne se hâte de lui répondre dès ses premiers cris, il se tourmente, il monte à l'extrémité d’une branche d’où il rappelle encore de toutes ses forces son compagnon égaré. Vers la fin de mars, ce Roïtelet quitte en grande quantité notre pays; il se retire alors dans Îles forêts de sapins de la Suisse et de quelques contrées de l'Allemagne pour se reproduire. Cependant plu- sieurs paires nichent dans nos montagnes et dans les mêmes bois que le Roitelet Huppé, mais leur nombre est partout bien inférieur à celui de cette espèce. Elles construisent leurs nids en même temps et à l’aide des mêmes matériaux, et l’attachent aussi solidement qu’elle aux petits rameaux des grosses branches horizontales des pins ou des sapins. La femelle qui est un peu plus féconde que la pre- mière, pond sept à dix œufs ; ils sont habituellement plus petits que les précédents, de 11-12 mill. de long sur 8-9 mill. de large, blancs ou presque ro- sés, avec de petites taches d’un rouge très-pâle, principalement répandues vers la grosse extré- mité. Après l'éducation des petits, ce Roitelet vit encore en famille pendant quelque temps dans le plus fourré de nos forêts alpestres, surtout de celles d'arbres +96 ORNITHOLOGIE verts. On l’y trouve souvent mêlé avec le précédent, ainsi qu'avec les petites Wésanges qui habitent les mêmes localités. A l'approche du froid, il descend vers la plaine ou sur les collines qui l’entourent ; il y vit deux à deux, soitpar paire, mâle et femelle, ou bien il forme de petites compagnies, comme ses semblables qui viennent alors hiverner dans nos bois, ou qui tra- versent notre pays pour se réfugier, avant l’intensilé du froid, dans le centre ou le midi de l’Europe. Pour le surplus, le Roitelet Triple-Bandeau a les mêmes habitudes que son congénère : son régime est aussi le même. XLe Genre : TROGLODETZ / Trogylodyles). Signes caractérisliques : Bec très-grèle, fin, sans eéchancrures, pointu, très- faiblement arqué : mandibules égales. Narines ovales, à demi fermees par une membrane nue. Tarses scutelles, longs et grèles. Doigtintermédiaire soude a sa base à l’externe et totalement séparé de l’interne, Aïles courtes, concaves et arrondies. Queue susceptible de rester relevée. Les anciens naturalistes furent heureux dans le choix de la dénomination de ce petit genre d’oi- seaux : celle de Troglodyte, en grec Tpoylodurnc, qu'ils adoptèrent, explique en effet parfaitement l'habitude qu'ont ces volatiles de se tenir, soit pour vivre soit pour se reproduire, dans les cavernes, les masures, les piles de bois, le long des revers des fossés ombragés, en un mot, dans les endroits les plus sombres. L'Europe n’en possède encore qu'une espèce ; elle est dans plusieurs pays l’objet | : ; ORNITHOLOGIE DE LA SAVOIE. Passereaux. Sylviadees; Upupidees : Certhiadees., “ Ti, P 24. : IL mn n ‘ Lath, J7 POT£27 harbory. J Wern er delk Lit. I Troglodyte d'Lurope, mäle, Bgrnat; 1457 4 Zubr del'espece, ornal 5 Huppe Puput, zôle a dalle ; 4.9r. nat; -P 466 — 6, 7 Œubs de l'e espece gr nat. 6 Grimpereau J'amilier ps 2 AT 6 grnat;P 478-9 A1 Zur de lesp sp; pr. ral. 12 Grimpereau Costa a adulte; /39r nat; .P.485-15-16 abs de l'esp; gr nat. DE LA SAVOIE. 457 de contes ridicules. Quoique toujours alerte, elle se montre rarement à découvert sur les arbres ou les buissons. Son nid diffère tout à fait par sa forme de ceux des Roitelets: il est très-gros, comparative- ment à l'oiseau qui le travaille, clos de tous les côtés, à ouverture latérale et spécialement composé de mousse. Sa nourriture consiste en petits insectes, araignées, vermisseaux, mouches et moucherons. Le mâle et la femelle diffèrent peu l’un de l’autre. Leur mue est simple. 12@.—Troglodyte d'Europe /Troglodytes Europæus). Noms vulgaires : Roïitelet, Ratelel, le Petit Roi, le Roi des Oiseaux, Cret- cret, à cause de son cri, Pet de Boux (Pet de Bœuf), Pey de Boux (Poil de Bœuf), Rapatin, Ratillon, Trouspet. Le Troglodyte, vulgairement Roitelet (Buff.).—Troglodyte d'Europe (Tro- ghdutes Europæus), Cuv. — Troglodyte d'Europe (Troglodytes Europæa), Se — Troglodyte Ordinaire (Troglodytes Vulgaris), Temm. — Sericciola {Savi Ce tout petit oiseau est remarquable par le port de sa queue constamment relevée, el par son plu- mage qui à une singulière analogie avec celui de la Bécasse Ordinaire. Le mâle à 10 cent. 2-8 mill. de taille. 11 porte au-dessus des yeux, en forme de sourcils, une étroite bande blanchâtre. Sur les parties supé- rieures, il est d’un brun un peu mêlé de roux, et marqué par de petites lignes transversales noirâtres sur le dos, les ailes et la queue. Les rémiges sont alternativement rayées de noir et de roussâtre, à peu près comme chez la Bécasse, sur leurs barbes exté- 458 ORNITHOLOGIE rieures. Un blanc roussâtre, sans taches, couvre la gorge et la poitrine : la même couleur, mais d’une teinte un peu plus foncée et avec des raies noi- râtres, règne sur les flancs, le ventre et les cuisses. Les sous-caudales sont d’un brun roussâtre, rayées de noir et terminées de blanc. Le bec est brunâtre en dessus, un peu plus pâle en dessous ; l'iris brun foncé; les pieds livides. La femelle est sensiblement plus petite que le mâle. Son plumage est aussi plus mélangé de roux sur les parties supérieures, et les raies qui le tra- vérsent sont moins prononcées, sur. le. dos .sur- tout. Le Troglodyte est répandu dans toute l’Europe, mais plus abondamment dans le Nord que dans le Midi. On le trouve communément en Suisse et en Savoie pendant toute l’année. 11 y habite de pré- férence, durant l’été et une bonne partie de l’au- tomne, les bois sombres et humides des collines, des montagnes, ainsi que le long de leurs torrents, de leurs ruisseaux ombragés ou bordés de rochers. Il aime aussi à se tenir à la base des rocs couverts de mousses et qu’arrosent des sources ou avoi- sine une cascade, comme autour des vieilles con- structions en ruine et à l'intérieur des villages. Seulement un petit nombre d'individus restent alors en plaine dans des lieux remplis de broussailles, auprès des moulins, des fabriques et des maisons QUES DE LA SAVOIE. 459 rurales, où la vue de l’homme ne les effraye nulle- ment. Cet oiseau niche en plaine et sur les coteaux qui l'entourent dès le 25 mars ou les premiers jours d'avril, et seulement à la fin de ce mois, ou bien encore en mai, suivant qu'il habite daus les mon- tagnes des régions plus ou moins élevées. Il paraît très-difficile dans le choix d’un canton; aussi, lui arrive-t-il souvent de commencer, dans différents endroits, jusqu’à trois, quatre nids et même da- vantage; puis 1l les abandonne après leur confec- tion à l’extérieur ou les laisse à moitié faits, dès que les lieux qui les possèdent ne lui paraissent ni sûrs ni en état de le nourrir convenablement avec sa compagne, et à plus forte raison lorsqu'il aura des petits. Mais sitôt que le couple trouve un poste avantageux, il y travaille sans se lasser à l’achè- vement du nid. C’est souvent dans une enfoncure à l’entrée ou à l’intérieur d’une grotte qu'il le fixe; ou bien sous les voûtes d’un pont, sous un hangar, à" un roc ou sous l'avancement de la rive d’un ruisseau. Il l’assujettit encore près de terre ou de l’eau parmi les racines des arbres ou des buis- sons, parmi le lierre qui tapisse des murailles, au milieu de deux troncs très-rapprochés et garnis de mousse, sur une vieille souche, entre des toufïes de petites branches, dans une cavité d'arbre, de A et te VOS ae à ou uergee À cry 460 ORNITHOLOGIE mur ou sous un toit de chaume, et le plus souvent dans les lieux où abondent la mousse et les lichens. L’extérieur du nid est fait avec de la mousse ordi- nairement mélangée avec quelques morceaux de racines, de paille ou de bois qui contribuent à la raflermir. Le dedans est aussi tapissé de mousse, mais garni dans le fond, où se fait la ponte, de poils, de cheveux, de crin, de plumes ou de tiges d'herbes très-minces. Ce nid, quoique d’une masse informe en apparence, est pourtant construit avec art; il est arrondi de tous les côtés, sauf sur le devant où il se trouve un peu aplati. L'ouverture y est pratiquée vers le haut et souvent tournée du côté le moins ombragé ou le moins exposé aux vents qui règnent d'habitude dans le canton; elle est étroite, mais plus solide sur ses bords que les au- tres parties du travail; car le couple à soin en l’a- chevant d’y tresser la mousse, ou bien de l’entou- rer de petits morceaux de bois, de paille ou de racines fibreuses qui servent alors à la retenir, pendant tout le temps de la nichée, comme une petite voûte au-dessus de l'entrée. Elle penche en outre légèrement vers le sol; et la voûte, ou plutôt le couvercle du nid, qui s’avance toujours un peu plus qu’elle en dehors, sert à préserver la couvée des intempéries de la saison. Le nid est toujours très-propre à l’intérieur mème après l’éclosion : le père et la mère le net- DE LA SAVOIE. 461 toient en effet non-seulement des excréments de leurs petits, mais encore ils le purgent des insectes propres à les incommoder. La femelle pond de cinq à huit œufs d’un blanc terne, et pointillés de rou- geûtre, surtout vers la grosse extrémité ; quelquefois ils sont presque totalement blancs ou marquetés, sur un fond de cette couleur, de points d’un rou- seâtre à peine visible. Pour longueur, ils ont 45 ou 16 mill. sur 11 à 12 de diamètre. Pendant l’incubation, le mâle perché, tantôt sur un tronc tantôt sur une branche à découvert, ou bien, suivant les lieux, du bout d’un toit ou d’un roc, ne cesse de redire, le malin surtout et dès l’aube du jour, un ramage sonore, clair et plein de viva- cité. [l imprime alors à tout son corps, et notam- ment à sa queue, un petit mouvement de droite à gauche. Voit-il quelqu'un rôder dans le voisi- nage de son nid, tantôt il le suit, tantôt il le pré- cède enchantantavec force ; mais à peine l’aperçoit- il devant sa couvée, qu'il change brusquement de ton. C’est alors qu’il pousse de petits cris qui sem- blent exprimer :trre, trre, tre, terit, tirit, prononcés gravement ; plus le danger est imminent, plus les syllabes sont articulées vite et souvent comme un roulement. Ces mêmes cris servent encore de rap- pel entre le mâle et la femelle, ou les jeunes, pen- dant toutes les saisons. Ces derniers quittent souvent leur première de- Se PE I NN PET CU DS SU CE SON UE 162 ORNITHOLOGIE meure avant d’être en état de voler. Ils sautent alors l’un après l’autre à terre et s’empressent de s'y cacher dans les feuilles tombées des arbres ou parmi les racines; quelquefois ils s’enfoncent, en se voyant poursuivis, dans des creux très-pro- fonds. Cependant chaque soir, leurs parents les rallient pour les faire passer la nuit ensemble dans un buisson touflu, et tous rangés de front sur la même branche. Après leur éducation, le père et la mère s'apprêtent à leur seconde nichée : celle-ci, qui est chez nous la dernière, se compose de cinq ou six œufs. Les petits se dispersent alors pour vivre solitaires jusqu'à la pariade prochaine; mais les paires, qui se sont reproduites ensemble, restent souvent réunies pendant le reste de l’année. Le Troglodyte se rapproche de la plaine et plus particulièrement des habitations rurales dès les pre- miers frimas. Plein de confiance, il vient alors visi- ter les jardins, les vergers, les murs ou les haïes qui les entourent. Sa gaieté , sa pétulance continuelle le rendent très-intéressant. On le voit parcourir à la hâte tous les coins des lieux qu’il fréquente; pour cela, sautiller de branche en branche et des- cendre sur le sol, s’arrêter au pied d’un arbre ou courir le long d’un mur, et fouiller dans la moindre cavité qu’il rencontre, jusque dans les puits, les amas de feuilles et de légumes, dans les. piles de bois , sur les fumiers, sous les hangars pour y DE LA SAVOIE. 463 trouver les petits insectes, les araignées, les larves, les vermisseaux qui sont ses aliments de prédilec- tion. C’est presque partout son petit cri trre, ou tre, tre, tre, à chaque instant répété, et avec pré- Cipitation lorsque quelque objet l’affecte, qui le décèle ; car sa petitesse extrême, jointe à la célérité de ses mouvements et à son habitude de se tenir presque continuellement caché, né le laisse guère apercevoir. Durant le fort de l’hiver, il ne craint jamais de venir se chercher un refuge dans les caves, les büchers, les serres et les galetas. A chaque bruit qu’il entend, il en sort précipitam- ment en jetant souvent son petit cri habituel, ou bien il y reste blotti dans le bois entassé, ou dans une cavité de poutre. Quoique en hiver, il ne perd rien de sa gaieté, rien de sa vivacité : 1l fait même entendre de temps à autre durant les beaux jours de cette saison, du bout d’un toit, d'un mur où d'une cheminée, quelques phrases de son chant d'été. Cet oiseau se plait à l’état domestique quand on a soin de lui tenir toujours prête la nourriture qui lui convient le mieux. Si on le laisse libre dans une chambre ou une serre soigneusement fermée, on a l’avantage d'observer tous ses mouvements qui sont si curieux; de le voir poursuivre d’un vol ra- pide et tournoyant les mouches, fureter dans toutes les fentes pour y Saisir des araignées et leur EE 464 ORNITHOLOGIE ravir ensuite les proies qu’il trouve engagées dans leurs toiles. J’en ai gardé un pendant quelques jours; connaissant son goût pour les vers de farine et les larves perforeuses, j’en conservais quelques- unes au fond d’une bouteille constamment ouverte, et Je les lui donnais de temps en temps par deux à la fois. Mais il sut bientôt me dispenser de cet embarras : à force de fouiller partout, il ne tarda pas de découvrir ce secret. Il parvint à s’y introduire une fois, puis une autre, et prit enfin l'habitude d'y entrer si fréquemment que presque chaque fois que je venais le voir, je le trouvais au fond de la bouteille, occupé à se choisir les ali- ments. Sitôt qu'il m’apercevait, il en sortait en toute hâte, et sans aucune difficulté, quoique l’ouverture de la bouteille ne fût que de deux centi- mètres de largeur. Vingt el uoième Famille. UPUPIBÉES (Upupidæ ). Signes caractéristiques : Bec très-long, faiblement fléchi en arc, grêle, triangulaire à la base, comprimé, presque obtus : mandibule supérieure plus longue que l'inférieure. Nari- nes latérales situées à la base du bec, ovoïdes, ouvertes et surmontées par les plumes du front. Trois doigis devant dont l'extérieur est soudé à celui du milieu jusqu'à la première articu- lation ; un derrière. Queue carrée, composée de dix pennes.Ailes médiocres ; quatrième et cinquième rémiges les plus longues. Les oiseaux de cette famille sont remarquables DE LA SAVOIE. | 16 par les deux rangées de longues plumes qui s'élèvent sur le sommet de leur tête, en forme de huppe. Ils sont nomades et ne passent que les cinq ou six plus beaux mois de l’anneé en Europe. Un petit nombre d'individus se propagent en Suisse et en Savoie; mais 1]S y sont plus abondants à l’époque de leurs passages du printemps et de la fin de l’été. Ils vivent de vers, de larves, surtout de celles des fourmis et des hannetons, qu’ils déterrent en fouillant dans les champs et les prairies, puis de petites limaces, d’a- beilles, de sauterelles et d’autres insectes très-ten- dres, qu'ils quêtent de préférence à terre, sur le sable, ou parmi les herbes et les moissons. [ls cher- chent très-rarement sur les arbres leur subsistance ; et pendant qu'ils s’y trouvent, ils aiment beaucoup à se suspendre aux branches, afin de saisir les mou- ches et les autres insectes qui s’attachent au-dessous des feuilles. [ls nichent dans lescrevasses des rochers ou des masures, de même que dans des cavités d'arbres, ou des creux naturellement pratiqués dans lPavancement des rives escarpées d’un fleuve ou d’une rivière. Leur naturel est solitaire ; leur démar- che grave et d’un mouvement uniforme. Leurs cris sont langoureux. Ils ne muent qu’une fois par an, sur la fin de l’été. Les sexes diffèrent peu l’un de l’autre. Les jeunes de l’année ont seulement le bec un peu plus court et moins arqué, la huppe moins touffue et moins allongée que les wiruæ. T. Il 30 466 ORNITHOLOGIE Cette famille ne contient que le genre suivant. XLIe Genre : HUPPE (Upupa). l | Voir pour les caractères et les habitudes des oiseaux de ce genre les mêmes | que dans l’article de la famille qui précède. | Ce genre ne possède en Europe qu’une seule espèce | qui est de passage périodique : c’est celle que je décris à l’article suivant. Quelques naturalistes font | dériver son nom de la grande et belle huppe qui lui | pare la tête; mais plusieurs sont d’avis que la dénomi- nation de Huppe, tirant son origine du mot latin upupa, est due de préférence à l’expression du cri | ordinaire de cet oiseau : il articule en effet, suivant les circonstances, pupupu ou poou, et bou, bou, bou, répétés sur le même ton jusqu'à trois ou quatre fois de suite. 421.—Huppe Puput /Upupa Epops). Noms vulgaires : le Boubou et le Poupou, à cause de son cri habituel; Dame, Petite Poule ou Poulet Sauvage, de ce qu’elle est élégamment huppée. La Huppe (Buïf., Cuv.). — Puput d'Europe (Upupa Epops), Vieill. — La Huppe et Huppe Puput (Upupa Epops|, Temm.—Bubola (Savi). Cet oiseau était chez les anciens l'emblème de la piêté filiale. Ils croyaient que les jeunes prenaient soin des vieux caducs, qu’ils les réchauffaient sous leurs ailes, soufflaient sur leurs yeux et y appli- quaient des herbes salutaires. Ils avaient en outre sur cet oiseau un grand nombre d’idées supersti— tieuses. Ils lui attribuaient la connaissance d’her- DE LA SAVOIE. 467 bes propres à détruire l'effet de la fascination, à rendre la vue aux aveugles, etc., etc. Cértaines par- ties de son corps, notamment le cœur ou le foie, mangées avec des formules superstitieuses, pas- saient pour avoir la vertu de guérir la migraine, de rétablir la mémoire, de procurer le sommeil et de donner des songes agréables ou terribles. En l’en- tendant chanter avant la saison de la culture de la vigne, on augurait de bonnes vendanges... Son appatition au printemps en Égypte annonce encore de nos jours la retraité du Nil et la saison des se- mailles. Le vieux mâle a 29 cent. A-5 mill. de longueur. Il porte sur la tête une longue huppe arquée qu'il relève ou abaisse à volonté; elle est formée de deux rangs de plumes allongées, d’un roux vif, et terminées de noir : quelques-unes de celles du milieu sont marquées d’un peu de blanc entre ces deux couleurs. Le reste de la tête, le haut du dos, la poitrine et le ventre sont d’un roussâtre vineux, sans taches ; l'abdomen est blanc, de même que les cou- vertures inférieures de la queue, et les flancs tache- tés longitudinalement de noir. Des bandes blanches et des bandes noires traversent successivement le dos et les ailes : un blanc pur couvre le croupion. La queue est noire, avec une large bande transver- sale blanche, qui forme un croissant vers le milieu, lorsque les pennes s’épanouissent. Le bec aussi est 468 ORNITHOLOGIE noir, sauf à la base, où il est brunâtre en dessus et couleur de chair en dessous; l'iris brun ; les pieds brunâtres. La femelle est un peu plus petite que le mâle. Sa huppe est plus courte, et les couleurs du plumage sont moins pures. Les jeunes, à la sortie du nid, ont le bec court, presque droit, large à sa base et un peu cylindrique vers la pointe. Les plumes de la huppe sont encore plus courtes que chez la femelle adulte, et leur livrée est lavée de cendré. Les taches oblongues des flancs et des côtés du ventre sont plus nombreuses que dans les vieux. Une nuance jaunâtre se remar- que sur les bandes blanches des ailes. Après la première mue, les jeunes mâles res- semblent à la femelle décrite plushaut ; mais, à l’ap- proche du printemps, leur aigrette devient aussi longue, presque aussi belle que celle des vieux, et leur plumage se pare de couleurs également vives. La Huppe se trouve, à l’époque de ses voyages, répandue dans toute l'Europe; mais elle est tou- jours plus commune dans le Midi que dans le Nord. On se la procure assez facilement en Suisse et en Sa- voie à deux périodes : au printemps quand elle re- vient d'Afrique, où elle se réfugie pendant l'hiver ; puis sur la fin de l’été, ou bien au commencement de l’automne lorsqu'elle se livre à ses excursions habituelles, et émigre vers les climats chauds. Elle DE LA SAVOIE. 469 est, au contraire, rare dans notre pays durant la saison des nichées. C’est en avril, quelquefois dès la fin de mars que ce joli oiseau fait son premier passage en Savoie. On l’observe alors plutôt par couple, mâle et fe- melle, que seul comme le plus grand nombre des individus qui arrivent en automne. Les petits bois frais et humides. les lieux sablonneux, les pâtu- rages, les fourrés des terres basses et arrosées, les saussaies, les abords des bois champêtres sont les endroits où la Huppe s’arrête de préférence. Elle se tient presque continuellement à terre, marchant d’un pas grave et uniforme comme les poules. Pour se nourrir, tantôt elle court après les saute- relles, les grillons qui fuient devant elle, et les gobe ainsi que les mouches et les gros moucherons qui passent ou se divertissent à la portée de son bec; tantôt elle saisit brusquement sur les tiges ou les feuilles basses des plantes les limaçons, les chenilles et les insectes qui s’y attachent. Elle s’arrête aussi auprès des fourmilières et y fait brèche au moyen de son long bec; puis ensuite elle enfonce cet or- gane dans l’ouverture qu’elle vient d’achever, et lv remue à plusieurs reprises, soit pour en faire sortir les fourmis, soit pour la sonder jusqu’à l'endroit qui récèle leurs œufs qu'elle aime aussi à l’excès. Elle fouille en outre la terre et la mousse d’où elle retire à chaque instant des vers, deslarves et des insectes 470 ORNITHOLOGIE qu'elle avale aussitôt. Trouve-t-elle alors un trou trop étroit pour être fouillé profondément, elle s’em- presse de l’élargir, en y enfonçant plusieurs fois de suite le bec jusque près de la commissure ; c’est de cette manière qu’elle parvient presque toujours à déterrer des vermisseaux, des insectes qui s’engen- drent dans les terrains humides, et à s'approprier en outre beaucoup de curtilières et de larves de hanne- tons : aussi, sous ce rapport, mérite-t-elle la pro- tection de l’agriculteur. Tandis que la Huppe est occupée à chercher sa nourriture, elle tient son aigrette couchée en ar- rière sur la tête. Elle lui conserve encore cette attitude lorsque, pendant son repos, elle n’est agi- tée par aucune émotion, mais au moindre bruit, et sitôt qu’elle est surprise par quelque mouvement de frayeur, de colère et d'amour, elle la relève et la déploie dans toute sa longueur. Elle la baisse encore à chaque fois qu’elle prend l'essor, ce qu’elle fait en battant des ailes à peu près comme le Vanneau Huppé. Son vol est ensuite sinueux, peu rapide et accompagné jusqu’à la fin du même battement d’ailes qu’en commençant. Quoiqu’on l'approche souvent de près, elle n’est cependant pas dépourvue de finesse ; aussi, est-ce toujours en vain que je lui ai tendu des piéges dans l’espoir de la capturer vivante. Il est assez rare que la Huppe se perçhe sur les DE LA SAVOIE. 471 arbres, si ce n’est lorsqu'on la poursuit pour la tirer, et durant le temps de l’amour ; et encore préfère- t-elle, pour se reposer ou se cacher, les taillis et les petits arbres aux grands. Quand elle fréquente des lieux très-boisés, on la remarque quelquefois accro- chée par les pieds à de vieilles souches, ou suspendue aux petites branches en se balançant, tandis qu’elle saisit sa proie sur l’écorce ou dans la mousse et les feuilles, ou qu’elle retire d’une fissure des chrysali- des, des larves et des insectes. Elle s'accroche aussi contre les fentes de roc ou de mur à la manière des Tichodromes; mais jamais elle ne les escalade comme eux pour y chercher sa subsistance. Lorsqu'elle veut se désaltérer, elle arrive d’une seule volée jusqu’au bord d’une mare ou d’un ruisseau, plonge subitement le bec dans l’eau et boit tout d’un trait. La Huppe niche en petit nombre en Savoie. Pour cela, elle choisit d'habitude les bois humides de la plaine ou des coteaux, et les moins fréquentés. Ceux de Bissy et de Saint-Sulpice, près de Cham- béry, de Saint-Simon, de Méry et d’autres localités circonvoisines d’Aix-les-Bains, de Saint-Genix- d'Aoste et des environs du Pont-Beauvoisin pos- sèdent assez régulièrement quelques paires durant la période des couvées. Le mâle, pendant l'amour, se tient sur un petit arbre d’où il fait entendre, fréquemment le jour, son chant: il semble exprimer pupupu ou poouou, et bou, bou, bou, ordinairement #72 ORNITHOLOGIE répétés trois fois de suite sur le même ton, d’une voix forte et langoureuse. Mais au commencement de juillet, époque à laquelle sa nichée est ter- minée, il devient, ainsi que sa compagne, tellement silencieux qu’on les croit l’un et l’autre frappés de mutisme complet pendant le reste de l’année. Chaque fois qu’il chante, il fait un signe de tête qui ramène son bec vers la poitrine ; et son aigrette est alors bien relevée. C’est aux premiers jours de mai que la Huppe s’occupe en Savoie de nidification. Elle s’approprie à cette intention une cavité d’arbre vermoulu, sou- vent abandonnée par un fac, une Sitelle ou une Mésange ; ou bien elle choisit, suivant les lieux, une crevasse de masure, un creux de rocher ou de terre le long de l’eau. C’est la mousse, les herbes et les feuilles sèches, grossièrement entrelacées, qui com- posent tout le nid. Quelquefois le couple tire parti des vieux matériaux qui restent au fond du trou délaissé qu’il adopte pour lui; il les remue quelques jours avant la ponte pour les disposer en forme de nid, et les recouvre enfin, à l’intérieur, de nou- velles matières. La femelle y dépose quatre à six œufs, d’un blanc grisätre, avec des nuances un peu plus foncées, ce qui fait paraître la première cou- leur comme salie par des causes étrangères. Ils ont 2 centim. 3-5 mill. de long, sur un diamètre de 1 cent. 6-7 mill. , DEPLA SAVOIE. 473 Il s’exhale habituellement du nid, pendant la nutrition des petits, une odeur forte de faux musc, que ceux-ci conservent encore sur eux quelques jours après leur sortie. Cette odeur n’est point due, comme le prétendaient les anciens naturalistes et le croient encore dans plusieurs pays les gens dela cam- pagne, aux immondices, surtout aux excréments de chien, de cheval ou de vache que le couple mélan- serait, selon eux, avec les autres matériaux du nid ; mais certainement elle est produite par les déjec- tions des petits, par les aliments qu'ils perdent pendant qu’ils leur sont distribués par grosses bec- quées, et qui se putréfient autour d'eux, mêlés avec les débris des insectes qui ont déjà servi à leur nourriture : c’est de ce préjugé que vient en- core la réputation de saleté chez la Huppe, qui est passée en proverbe. Le mâle apporte de temps en temps le jour les aliments à sa compagne qui couve. Après l’éclosion, ils viennent à chaque instant l’un après l’autre don- ner à leur progéniture des becquées de vers, de chenilles, de frai de grenouilles et d'insectes ten- dres. Sitôt qu’elle est en état de trouver par elle- même sa subsistance, elle laisse ses parents pour vivre solitaire : ceux-ci, au contraire, n’ont guère l'habitude de se séparer ; ils partent même souvent ensemble de nos climats. Dès la fin de juillet, la Huppe se rapproche des 474 ORNITHOLOGIE parcs, des bosquets et des vergers. Elle y attaque souvent autour des ruches les abeilles et en con- somme parfois une grande quantité : elle fait subir le même sort à celles qu’elle trouve logées dans des ruches naturelles dans les bois qu’elle visite, En s'éloignant des premiers lieux, elle se répand au- près des mares, des fossés, dans les clairières et les pâturages, où elle se nourrit principalement de vers, de sauterelles, de larves et d'insectes de di- vers genres. Sa chair se couvre alors de graisse et devient un bon manger; elle a même un fumet dont quelques personnes font autant de cas que de celui d’une Bécassine ou d’une Poule d'Eau. Mais elle est sujette à se corrompre vite; aussi, doit-on toujours l’assaisonner pendant sa frai- cheur. Dès le commencement de septembre, ces oiseaux émigrent de notre pays. Plusieurs nous arrivent alors seuls (les jeunes) ou par paires (les vieux, mâle et femelle), et rarement par sociétés de trois à cinq individus. Ils s'arrêtent, en général, pendant quelques jours dans nos régions basses et maréca- geuses. Les vieux font leur passage les premiers, et assez régulièrement dix ou quinze jours avant les jeunes de l’année : ces derniers passent en eflet le plus communément vers le 15 ou le 20 septembre. Ils sont toujours rares du À” au 10 octobre ; plus tard, on n’en remarque plus qu'accidentellement DE LA SAVOIE. ; 475 jusqu'aux gelées blanches de la fin de ce mois. La Huppe se plaît bien à l’état de captivité ; mais c’est dommage qu’il soit difficile de lui procurer une nourriture qui convienne à ses goûts; aussi, est-ce toujours avec regret qu'on la voit dépérir de jour en jour. Cependant on peut la conserver aisé- ment, en lui donnant de la viande fraîche, coupée par petites tranches, et des larves de vers à soie, de menus poissons et de très-petites grenouilles. Ces aliments lui tiennent lieu en volière de scarabées, de vers, de larves qu’elle préfère, pendant sa li- berté, à toute autre nourriture. Quand on l’aborde, elle fait brusquement craquer son bec en faisant des signes de tête. Gétte habitude lui est aussi naturelle pendant qu'elle vit en hberté ; son bec craque en eflet à chaque mouche qu'elle saisit au vol, quand elle pique la terre pour en faire sortir des insectes et des vers, ou les feuilles des arbres et des plantes pour en détacher une chenille ou toute autre proie. 476 ORNITHOLOGIE Vingt-deuxième Famille. CERTHIADÉES ( Certhiadæ ). Signes caractéristiques : Bec de moyenne longueur, grêle, arqué et presque droit dans le jeune âge, triangulaire, comprimé par les côtés, effilé et aigu. Narines basales percées dans une rainure, à moitié fermées par une membrane voütée. Trois doigts devant, l’extérieur soudé à sa base au doigt du milieu ; un doigt derrière; Ongles très-recourbés, celui du pouce le plus long de tous. Ailes médiocres ; première rémige la plus courte, les deuxième et troi- sième plus courtes que la quatrième, qui estla pluslongue.Queue composée de douze rectrices étagées, à baguettes roides et pi- quantes à leur extrémité, comme celles des Pics. Langue cartila- gineuse, aiguë et non susceptible d'extension hors du bec. Ces oiseaux sont aisés à reconnaître par leurs mœurs et leurs habitudes qui tiennent beaucoup de celles des Pics. Ils ont en effet la faculté de grim- per sur les arbres et les murs, en s’appuyant comme eux sur les pennes de la queue dont lestiges ou ba- guettes sont proportionnément aussi roides et termi- nées par des piquants. Il ne leur manque, pour être de vrais grimpeurs, que la forme du bec et les doigts rangés par paires, ou deux en avant et deux en arrière ; mais lesleurs sont tout autrement disposés, comme on vient de le voir par l’énumération des signes caractéristiques. [ls ont aussi de grands rapports avec les Ticho- dromes ; cependant leur bec et leur queue les en fe- ront toujours distinguer de prime abord : ces der- niers ont effectivement le bec très-long, déprimé à la pointe, et la queue formée de pennes courtes, égales et à barbes et baguettes faibles, DE LA SAVOIE. 477 Leur principale nourriture consiste en petits in- sectes, punaises de bois, larves, fourmis et arai- gnées, qu'ils capturent lelong des arbres, dans leurs gerçures et parmi la mousse. Ils nichent dans les fentes ou les petits trous d'arbres, et fréquemment sous les plaques d’écorce soulevées et en partie détachées du bois. Leurs nids sont faits sans goût, Leur voix est faible et aiguë. Ils ne muent qu'une fois par an. Les sexes se res- semblent, et les jeunes, après leur première mue, ne diffèrent point des vieux. Un seul genre appartient à cette famille. XLILIe Genre : GRIMPEREAU (Certhia). Voyez pour les caractères de ce genre ceux qui sont décrits dans l’article de la famille qui précède. La dénomination de ce genre vient de ce que Îles oiseaux qui le forment, escaladent les arbres comme les véritables grimpeurs, en se servant des pennes fortes et élastiques de leur queue pour point d’ap- pui. Il renferme actuellement deux espèces en Eu- rope. La seconde que j'ai découverte en 1841, et publiée en 1847, vivait auparavant ignorée des na- turalistes dans les forêts de mélèzes et de sapins des régions alpestres des Basses-Alpes, du Dau- phiné, de la Suisse et de la Savoie, 478 ORNITHOLOGITE 122.—Grimpereau Familier /Certhia Familiaris). Noms vulgaires : Rapette, Rapillon, Rapatin, Grimpelet, Piochet, Ratalel, Rampa. Le Gfimpereau (Buff.).—Grimpereau Familier (Certhia Famiharis), Vieill. Grimpereau d'Europe (Cuv.).—Le Grimpereau et Grimpereau Familier (Cer- thia Familiaris), Temm.—Rompichino (Savi). Le mâle adulte de cette espèce a 15 cent. de taille. Il à au-dessus des yeux, en forme de sourcils, une bande blanchätre; les plumes des parties su- périeures marquées long'tudinalement de blanchä- tre au centre, et bordées de noirâtre sur un côté, de jaunâtre sur l’autre; celles du croupion et les sous-caudales rousses. Les pennes des ailes sont d’un brun foncé et terminées par une tache blan- châtre; leur milieu, à partir de la quatrième rémige, est traversé par une bande d’un jaune roussâtre clair ; et le bord externe de chaque aile, depuis le poignet jusqu'à l'insertion des pennes digitales, est varié de blanchâtre, de brun roux etde noirâtre. La deuxième rémige est plus longue que la huitième de À mill, au moins. Un blanc pur cou- vre la gorge et le haut de la poitrine : le bas de cette partie et le ventre sont d’un blanc sale ; et les flancs colorés d’un brun roussâtre pâle. Un blanc roussâ- tre envahit l’abdomen, la région anale et les sous- caudales. Les pennes de la queue sont d’un brun nuancé de roux, comme usées par le bout et ter- minées en piquants. Le bec est noirâtre sur la mandibule supérieure, DE LA SAVOIE. 479 couleur de chair sur l’inférieure, surtout à la base, pendant sa fraicheur ; il varie beaucoup dans sa longueur d’après l’âge des sujets, mais il n’est guère moindre de 15-16 mill. L'iris est noisette. Les tar- ses sont d’un gris tirant sur le brun et sur le jaunä- tre pendant l’été. L’ongle du pouce est plus court que le doigt, rarement aussi long. La femelle est un peu plus petite que le mâle : sa taille n’ést que de 14 cent. Elle a aussi les teintes plus pâles; la bande médiane des ailes blanchâire, à peine lavée de jaunâtre, ét le blanc des parties inférieures moins pur sur la gorge et la poitrine. Les jeunes, à la sortie du nid et pendant tout le premier mois, ont le bec plus court de près de la moitié que celui des adultes, et entièrement droit, sauf à la pointe qui est seulement un peu recourbée. Ils sont finement lisérés de brunâtre sur le blanc de la gorge et de la poitrine surtout; mais après la mue, ils ne diffèrent point des adultes. Le Grimpereau Familier fréquente la plus grande partie de l’Europe. Il est seulement de passage dans quelques contrées, et sédentaire dans les autres. On le rencontre communément en Suisse et en Savoie pendant toutes les saisons. Ce sont nos vallées, tous nos pays de plaine boi- sés, surtout les petits bois frais et humides dans le voisinage des habitations, les parcs, les vergers, les rangées de vieux arbres, notamment les saules qui 480 ORNITHOLOGIE bordent les rivières, el les chênes sur la lisière des bois inférieurs que ce Grimpereau habite durant toute l’année. Dès la mi-mars, le mâle et la femelle y travaillent à la confection de leur nid. Ils le font dans un petit trou, dans une fente d'arbre, ou sous l'écorce qui sesépare en partie du bois et quelquefois sous le toit des fermes couvertes de chaume, Habi- tuellement ils préfèrent les refuges situés à quel- ques pieds de terre, et plus particulièrement ceux qu'ils trouvent dans les arbres fruitiers, dans les saules garnis de mousse ou de lichens. Pour le former, ils commencent par y transpor- ter quelques très-petits morceaux de branches sè- ches, sur lesquelles ils déposent beaucoup de mousse mélangée avec des herbes ou de la paille fine ; en- suite ils garnissent le dedans de matières mollettes, telles que duvet d'arbres ou de fleurs, plumes, poils et bourre. Ce nid, qui est toujours fait grossière- ment, reçoit, pour la première ponte, qui a lieu vers le 20 ou le 25 mars, ordinairement cinq œufs. Leur couleur est d’un blanc terne, parsemé de larges et nombreuses taches rouges ou rougeâtres, mêlées quelquefois à d’autres plus petites inclinant au vio- lâtre : ces taches sont ordinairement très-rappro- chées et presque confondues entre elles vers le gros bout. Les œufs ont pour longueur 14-15 mill., sur 101/2 ou 11 de diamètre. Pendant l’incubation, le mâle cherche la nourri- DE LA SAVOIE. 181 ture de la femelle, et la lui apporte dans le nid à chaque heure de la journée. Elle en sort deux ou trois fois le jour, le matin et régulièrement tous les soirs un peu avant le coucher du soleil, pour quelques minutes seulement : elle les emploie à se chercher, en compagnie du mâle, quelque aliment ; ensuite, elle va boire, puis elle retourne d'habitude à son nid sans faire de pause, et en ne cessant de pousser jusqu’à la couvée les faibles cris : tiri, tiri, ou z4, zi, ziri, zir1. C’est toujours avec sollicitude qu’elle se livre à l’incubation ; aussi, n’abandonne-t-elle ses œufs qu’à la dernière extrémité, et souvent elle se laisse prendre en couvant. L’éclosion s'achève au quinzième jour de couvai- son. Les petits qui sont nourris avec attachement, quittent leur première demeure du dix-septième au dix-neuvième jour de leur naissance. Comme ils ne peuvent encore voler suffisamment pour se sous- traire aux poursuites de leurs ennemis, ils ne s’écar- tent jamais des arbres qui avoisinent de très-près celui qui les a reçus dans son sein ; ils s’y occupent presque tout le jour à grimper; mais souvent ils passent le premier et le second jour de leur sortie sur le même arbre. On les voit alors cramponnés pendant des heures entières à la même place, atten- dant la becquée de leurs père et mère. Après l’avoir reçue, ils se mettent à grimper un instant et s’ar- rêtent dans la première touffe de branches ou de Te 31 482 ORNITHOLOGIE feuilles qu’ils rencontrent. À peine sont-ils capables de voler à l’aise et de sé nourrir seuls, que leurs parents s’apprêtent à une seconde couvée. Dès lors, ils ne les voient plus qu’avéc indifférence ; et sitôt qu’ils recommencent à travailler au nid , ils ne leur permettent plus de lés suivre ni de venir rôder près de leur nouvelle demeure. Les petits vivent alors solitaires; quelquefois on les remarque deux à quatre ensemble. Le Grimpereau Familier fait deux ou trois pontes par an. La seconde a lieu vers la mi-mai; elle se compose de quatre ou cinq œufs. La troisième se fait dans les premiers jours de juillet, mais elle n’est guère que de trois œufs, Après les nichées, les mâles et les femelles qui se sont reproduits ensemble continuent en général de vivre appariés jusqu’à la période prochaine. Cet oiseau est vif, agile et surtout très-familier. Il se laisse approcher de si près qu’on le voit aisé- ment se livrer le long des arbres à tous ses petits exercices. Cependant il n’est pas tout à fait sans ruse; il sait fort bien se soustraire, comme les Pics, aux gens qui cherchent à le tirer, en tour- nant autour d’un tronc ou d’une branche, et en $e tenant au côté opposé. Son vol est ondulatoire, pres- que continuellement accompagné de quelques pe- tits cris aigus : fire, téri, ti, ti, sit, sit. Ces cris sont aussi les mêmes qu’il fait entendre tandis qu’il esca- mt 2 DE LA SAVOIE. 483 lade les arbres. Pourtant, ils sont parfois plus forts que d'habitude, surtout quand l’oiseau éprouve un mouvement de surprise, de frayeur ou d’amour. Le chant du mâle, durant toute la belle saison, est très-animé; il Se compose de plusieurs notes égale- ment aiguës ét dont les dernièressontles plus fortes. Le Grimpereau Familier grimpe par petits bonds et en s’aidant toujours de sa queué qui lui sert de point d'appui. [l va dans toutes les directions : il monte perpendiculairement ou en spirale, redes- cend en tournant autour du tronc, et par moment avec la tête la première ; où bien, dès qu'il arrive vers la cime d’un arbre, il plonge vers des bran- ches plus basses, où il se remet à grimper. Il furète alors partout et sonde avec son bec toutes les fentes et les gerçures qu’il remarque dans le bois ou l’é- corce, afin d’y trouver les petits scarabées, les pu- naises, les araignées et leurs œufs dont il à besoin pour vivre. [l éparpille aussi la mousse, les lichens qui recouvrent les vieux arbres, et pénètre jusque sous l'écorce qui se sépare de leurs troncs; il y trouve en effet de petites chenilles cachées, dés chry- salides et des larves d’insectes. De temps à autre on le remarque à terre au pied des arbres, où il marche en sautillant et traînant la queue sur le sol comme les Pacs : c’est là qu'il chasse en outre aux vermisseaux et aux fourmis qu'il ne craint ja- mais d'attaquer jusque dans leurs refuges. A l’ap- 484 ORNITHOLOGIE proche de la nuit, il se retire dans un trou d’arbre et en sort de grand matin pour se livrer aux mé- mes exercices que la veille. Pendant les rigueurs de l'hiver, ces Grimpe- reaux hantent sans relâche les parcs, les ver- sers, les jardins et les lisières des bois qui les envi- ronnent. Ils sont alors très-communs; aussi, je présume que plusieurs nous arrivent des contrées septentrionales qui nous avoisinent. On les observe en général sur les arbres fruitiers , où ils trou- vent d’ailleurs, comme les Sitelles et les Mésan- ges, beaucoup d'œufs de papillons déposés sur l’écorce ou le bois. Ils viennent encore grimper le long des murailles des maisons de campagne, parmi le lierre qui les tapisse et s’y nourrissent d’arai- enées ainsi que des débris de mouches qu'ils trou- vent engagées dans leurs toiles. Dans les temps de disette, ils recourent aux semences des petits arbres et des plantes oléagineuses surtout, en grimpant le long des arbres dans les jardins ou le long des murs qui leur servent de clôture; ils se réfugient dans les chanvres que l’on entasse dans les champs et que l’on couvre de lacets afin de prendre les Mésanges ou les Fringilles, qui viennent se nour- rir de leurs graines; ils s'y empêtrent parfois en voulant s'emparer en outre des noyaux d’a- mande ou de noix, qui en sont l’appât. DE LA SAVOIE. Ex ei 4 1253. Grimpereau Costa /Cerlhia Costz). Noms vulgaires : comme chez le précédent. n] J’ai dédié, en 1847, cette espèce à M. le mar- quis Costa de Beauregard, alors président et le fon- dateur de la collection ornithologique de la Société d'Histoire Naturelle de Savoie. Quelques années plus tard, M. l’abbé Caire rencontrait, dans les Basses-Alpes, près de Barcelonnette, cette même espèce. C'est à l’appui des renseignements transmis par ce naturaliste consciencieux et mes précédentes descriptions ‘, que M. Gerbe publia sur ce Grimpe- reau, dans la Revue Zoologique de France (avril 1852, page 162), une notice exactement détaillée, qu’il est important de lire. Le mâle adulte du Grimpereau Costa a 16 cent. de taille. Il est varié de blanc jaunâtre, de blanchâtre, de roux et de brun foncé sur la tête. le cou, le dos et la région parotique : le blanc jaunâtre forme, sur le milieu de chaque plume de la tête et du cou, une tache longitudinale, bordée d’un côté par le roux, de l’autre par le brun. Cette dernière couleur do- mine sur ces deux parties; aussi, sont-elles plus foncées que le dos, où le blanchâire, disposé 4 Observations sur les mœurs et les habitudes des oiseaux de la Savoie : description d’une nouvelle espèce de Grimpereau, 1847; et notice supplémentaire sur le Grimpereau Costa (Bulletin de la Société d’His- loire Naturelle de Savoie, janvier 1852). 486 GRNITHOLOGIE de la même manière, et le roux prédominent. Il a les couvertures supérieures de la queue et le croupion d’un roux jaunâtre clair, et marqués d’un trait blanchâtre vers le centre de quelques plumes : ces traits sont plus prononcés chez les individus de l'année que chez les vieux. Un blanc pur et lustré envahit la gorge, le devant du cou et la poitrine; le même blanc, mais à peine lustré, couvre encore le ventre et les flancs. Les régions crurales sont fai- blement lavées de brun roussâtre à l’extrémité des plumes, et blanches dans le reste ; les sous-caudales et l'abdomen sont d’un blanc légèrement teinté de roussâtre. De larges sourcils blancs prennent naiïs- sance aux fosses nasales et vont se confondre avec les taches blanchâtres du dessus du cou. Le bord externe de l’aile, les plumes axillaires et les tectrices alaires inférieures sont d’un blanc pur ; les rémiges d’un brun gris, avec une tache blanchâtre à la pointe ; les cinq ou six premières pennes lisérées entièrement de gris clair; les suivantes largement bordées de roussâtre dans leur tiers supérieur. Elles se trouvent toutes, à l'exception des trois ou quatre premières, marquées, vers le centre, d’une bande transversale d’un blanc jaunâtre, circonscrite par deux autres bandes d’un brun noir : la deuxième rémige est plus courte que la huitième de { milliro. environ. Les couvertures supérieures des ailes sont d’un brun très-foncé, et tachées à leur pointe, les DOREA SAVOIE 487 unes de jaunâtre, les autres de blanc. Les pennes caudales qui ont ordinairement, suivant leur degré d'usure au bout, 5 ou 6 millim. de plus en longueur que chez lespèce précédente, sont en dessous d’un cendré brun, et en dessus d’un brun légèrement lavé de roussâtre ; puis elles se trouvent frangées de oris roussâtre extérieurement et à l'extrémité, enfin marquées, le long des baguettes, surtout de celles des rectrices médianes, de sortes de zones plus fon- cées que la couleur dominante et plus ou moins apparentes, suivant les sujeis : ces baguettes sont fréquemment d’un roux clair. Le bec est très-variable dans sa longueur ; tantôt il à 14 ou 15 mill., tantôt 16, 16 1/2 et 17 mill. ;il est brun foncé sur toute la mandibule supérieure, cou- leur de chair sur l’inférieure qui est brune à la pointe. Les tarses et les pieds sont d’un blanchâtre inclhinant au jaunâtre, surtout pendant la période de l’amour, et d’un gris brun clair chez plusieurs, du- rant l'automne et l'hiver ; les ongles presque blancs, un peu tachés de brun vers le bout, et constamment plus longs que chez le précédent ; celui du pouce est plus long que ce doigt. L'iris est brun foncé. Les vieux mâles ne diffèrent des adultes qu’en ce qu'ils sont un peu plus qu'eux chargés de blanc et de roux sur les parties supérieures. La femelle a le même plumage que le mâle; pour- tant les teintes rousses et jaunâtres sont chez elle 138 ORNITHOLOGIE un peu plus pâles ; sa taille est plus petite de près d’un centimètre. Les jeunes, en sortant du nid, ont le bec court et totalement droit, à l’exception de la pointe de la mandibule supérieure qui est légèrement fléchie. Ils portent jusqu'à la première mue, quelques traits grisätres, à peine visibles, sur l'extrémité des plu- mes de la gorge, du devant et des côtés du cou, et de la poitrine jusque près du ventre. Les taches blanchâtres ou blanc jaunâtre de leurs parties supérieures sont aussi jusqu'à la mue arrondies, et non oblongues comme chez les adultes et les vieux. Les pennes de la queue, les latérales surtout, sont frangées de blanchâtre en dehors. Le croupion est roussâtre, finement rayé de brun ou de noirâtre, sui- vant les individus, à l’extrémité de chaque plume. Ils ressemblent tellement dans cet état aux jeunes de la première espèce, qu’il serait presque ‘mpossible de les en distinguer, s'ils n’avaient pas déjà le bord externe de l’aile blanc, et les plumes du dessus du cou et du dos plus chargées qu'eux de blanchâtre. Après la mue, les jeunes prennent la livrée de l’adulte décrite plus haut. Le Grimpereau Familier fréquente, comme on vient de le voir, les vallées et les pays de plaine boi- sés, les parcs, les vergers et les rangées d’arbres, de saules surtout, qui bordent les rivières : le Grim- pereau Costa, au contraire, habite essentiellement DE LA SAVOIE. 489 les forêts et les bois de mélèzes, de pins et de sapins, mais spécialement ces derniers, ceux surtout qui recouvrent les flancs septentrionaux des régions moyennes de nos montagnes. Dès 18/1 je le remar- que chaque année aux environs de Chambéry, dans les forêts de sapins d’Apremont, de Joigny et des Déserts ; en Bauges, dans celles de Margériaz et de la base de Rozannaz. Il est commun dans les mé- lèzes et les sapins de la Tarentaise, notamment à Notre-Dame-du-Pré, Montfort, Fessons-sur- Salins, Hautecourt, etc., localités que j'ai visitées en mai et Juin 1852, de concert avec M. Thabuis, naturaliste à Moûtiers. Les bois de mélèzes de la pente méridionale du Mont-Cenis, entre autres ceux de Bard et du Mollaret, le possèdent aussi, mais en faible quantité : j’eus la satisfaction de parcourir, pendant deux jours consécutifs (28 et 29 juin 4852), ces régions des Alpes avec M. André Songeon, qui s’y adonnait à des recherches de botanique. On retrouve le Grimpereau Costa dans le Cha- monix et aux environs de Bonneville; j’ai du reste reçu, de la première localité, de M. Venance-Ar- thur Payot, et de la seconde, de la part de M. Fran- çois Dumont, professeur d'histoire naturelle", des 1 M. Dumont publie à Chambéry, de concert avec M. Gabriel Mor- tillet, l'Histoire des moliusques terrestres et d’eau douce, vivants, et les fossiles de la Savoie et du bassin du Léman. La première livraison est déjà paru ; la seconde est sous presse. 490 ORNITHOLOGIE. œufs de l’espèce récoltés par eux-mêmes. Il habite encore les grandes forêts de sapins de la Suisse, des régions alpestres du Dauphiné, qui avoisinent notre sol; enfin celles des Basses-Alpes, dans les environs de Barcelonnette, où M. Caire la signalé le premier. Des recherches ultérieures fe- ront sans doute découvrir, comme en est aussi persuadé M. Gerbe, ce volatile dans tout le grand système de montagnes qui sépare à l’est la France de l'Italie, mais là surtout où s'élèvent de vastes forêts de mélèzes et de sapins. Ce Grimpereau à les mêmes habitudes que le Grimpereau Familier. Comme lui, il ne cesse de grimper par petits sauts et avec une extrême agillté le long des arbres, en s'appuyant sur les pennes de sa queue; comme lui, il visite en tout sens le tronc et les branches, avec la plus grande activité; comme lui enfin, il s’élève en grimpant, tantôt perpendiculairement , tantôt en spirale, et quelquefois il descend de la même manière jusque près du sol en cherchant sa nourriture. Les petits insectes et leurs larves, les araignées, les fourmis et leurs œufs, les punaises des sapins et plusieurs autres menus insectes qui s’attachent au bois, aux feuilles, ou qui se logent dans les gerçures de l’é- corce, composent ses principaux aliments. Pour se les procurer, il furète sans relâche, il fouille avec son bec la mousse et les lichens, et sonde DE LA SAVOIE. 491 chaque fissure - qu’il découvre dans le bois ou l'écorce de l'arbre qu'il escalade; de temps à autre il s’élance sur les mouches, sur les gros mou- cherons et les petits papillons qui viennent à passer devant lui, les attrape au vol très-adroitement et revient les manger sur l'arbre. A terre, où il ne descend guère que dans l'intention de se repaître, au pied des vieilles souches, de fourmis, de vers et de larves, il marche comme le précédent, en sau- üllant et la queue traînante. Mais son naturel est plus méfiant, plus sauvage. Sitôt que quelqu'un cherche à le tirer, il monte avec empressement et en se tenant le plus souvent du côté opposé, jus- qu’au sommet d’un sapin, où il est presque impos- sible de le découvrir. Son vol est onduleux comme celui de ce dernier; mais son cri de rappel est constamment moins aigu et plus doux; il est le même en été qu’en hiver, et il semble articuler tantôt zri, zri, tantôt zar, zur ou zit, zat. Ces cris, qui ont parfois quelque ressemblance avec ceux de rappel du Roitelet Huppé (Requlus Cristatus), sont ordinairement si faibles qu'il faut être au pied de l’arbre d’où l’oiseau les pousse pour bien les en- tendre. Au printemps, le mâle acquiert un ramage plus bref, plus doux encore que celui de son con- génère, mais du reste proféré de la même ma- nière; il le possède jusqu'au commencement de l'automne. 492 ORNITHOLOGIE Le Grimpereau Costa niche aussi dans les petits trous naturels des vieux arbres, mais plus particu— lièrement sous les plaques d’écorce soulevées et en partie séparées du tronc, ainsi qu’au milieu des fentes naturellement pratiquées dans de vieilles souches qui tombent en vermoulure. C’est à la fin d'avril ou dans les premiers jours de mai qu'il tra- vaille à la construction de son nid dans les régions moyennes des montagnes, seulement vers la fin de mai et plus souvent encore au commencement de juin dans les dernières forêts de nos Alpes. Il fait régulièrement deux ponies par an dans le premier séjour, une seule dans le second : je rectifie en cette partie la première description que je fis de cet o1- seau, en 1847, et dans laquelle j’ai dit qu'ol ne fait jamais qu’une seule ponte par an, à moins qu'elle ne lui scit ravie. Des brins d'herbes sèches, de mousses et de lichens, des soies d’araignées et de cocons, mélangés grossièrement et posés sur quel- ques débris de très-petites branches, forment le nid à l'extérieur et sur les bords ; le dedans est garni de plumes, de poils, d’aigrettes de chardons et de tussilages, et de fibres de plantes hachés. La pre- mière ponte est de cinq ou six œufs ; la seconde, qui a lieu vers le 20 ou le 25 juin, époque ordinaire de l’éclosion de la plupart des couvées des régions su- périeures, se compose de trois ou quatre œufs. Ils sont d’un blanc assez pur et un peu brillant, puis DE LA SAVOIE. 493 ponctués ou tachetés, particulièrement au gros bout, et très-rarement au petit !, de brun rougeâtre qui y forme souvent une espèce de couronne; mais leurs taches sont constamment moins larges, moins nombreuses et d’une teinte un peu plus foncée que celles des œufs de la première espèce. [ls va- rient considérablement dans leur longueur ; les uns ont en effet 14 i/2 ou 15 millim., les autres 15 1/2 ou 146, sur 11-12 mill. de diamètre, dans tous les Cas. Après les nichées, ces Grimpereaux vivent pen- dant quelque temps en famille ; et, durant le reste de l’année, on les voit habituellement par cou- ples, mâle et femelle, quelquefois par sociétés de trois à six sujets. On les observe rarement soli- taires, mais assez souvent mêlés aux compagnies des Mésanges et des Rottelets, qui habitent comme eux les forêts de sapins. En général, ils continuent de vivre dans les bois de nos montagnes, même du- rant l'intensité du froid. Quelques couples seule- ment abandonnent ces locaïtés dès que les grandes neiges les envahissent, et descendent de bois en bois jusque dans les bois d'arbres verts de nos collines, ou qui garnissent le pied des montagnes. Par moment ils se montrent sur leur lisière, cherchant leur subsistance avec le Grimpereau 1 Je possède trois œufs sur lesquels les taches sont disposées en zone vers la petite extrémité, 494) ORNITHOLOGIE DE LA SAVOIE. Familier et la Mésange Petite Charbonnière. Cha- que année en décembre, janvier et février, on en rencontre dans les bois de sapins de Saint- Cassin, de Saint-Sulpice, de Candie, et jusque dans le parc de M. le marquis Costa de Beaure- gard, à la Motte-Servolex, près de Chambéry. Mais ils regagnent tous dès le mois de mars les forêts alpestres, où les rappelle le devoir de la pro- pagation. | FIN DU TOME SECOND. TABLE DES MATIÈRES DU TOME II. | | Pages Tableau méthodique de la Deuxième Partie.......... . 5 5e ORDRE...Passereaux (Passeres). ...... NE LR TEn OL à 7 10 PANTE DE Pamadées (Lamadæ)...L......... he, 12 Genre XX... Pie-Grièche (Lamus)........: soc ce « 13 Pie-Grièche Grise (Lanius Excubitor)....... 11 Pie-Grièche Rose (Lanius Roseus).......... 26 Pie-Grièche à Tête Rousse (Lanius Rufica- DAS) RER Ale CARE RME AUS) AE NP Len Pie-Grièche Écorcheur (Lanius Collurio)... 39 11° FAMILLE..Muscicapidées (Muscicapidæ)............... 45 GENRE XX..... Gobe-Mouche (Muscicapa)..,............... 46 Note sur le Gobe-Mouche Rougeâtre (Mus- GC) 0 à Je AM OM AE 47 Gobe-Mouche Grisâtre (Muscicapa Grisola). 48 Gobe-Mouche à Collier (Muscicapa Albicollis). 52 Gobe-Mouche Becfigue ( Muscicapa Luc- ÉUOSC NS EU PART NE 7e Re EN a à à 58 496 TABLE DES MATIÈRES. l Pages 12° FAMILLE..Bombycivoridées (Bombycivoridæ) ......... 64 GENRE XXI....Jaseur (Bombucivong) 22%... Er222000200 64 GENRE XX VI. ; GENRE XX VII. GENRE XX VIII. Jaseur d'Europe (Bombycivora Europæa).... 64 13° FAMILLE. .Coraciadées (Coraciadæ)................... 67 GENRE XXII..-Rollier (Coracias)...../2........... 68 Rollier d'Europe (Coracias Garrula)........ 68 14e FAMILLE. .Corvidées (Corvidæ)....................... 72 GENRE XII Corbeau, (Corus ne CPE RP PEUEPE 75 Corbeau Croassant (Corvus Corax)......... FE] Corbeau Corbine (C'orvus Corone)........... 81 Corbeau Mantelé (Corvus Cornix).......... 95 Corbeau Freux (Corvus Frugilequs)......... 99 Corbeau Choucas (C'orvus Monedula)........ 104 GENRE ATV. Pier PCA). HE AE URSS Ne Ce 107 Pie à Longue Queue (Pica C'audata)........ 108 DRE X XV. Coca. 0 EURE 117 Geai Glandivore (Garrulus Glandivorus).... 118 Nucifrage NE NAIG) ARR NOERR EE CEE 128 Nucifrage Casse-Noix (Nucifraga C'aryoca- lactes) ses 2 SRE MONTRE TEE ORNE OL 130 1Crave (PF regus) es SC RRONE PA D ANRNEIRERRE 139 Crave d'Europe (Fregilus Europæus)....... .. 140 Choquard (Pyrrhocoraæ) ................... 146 Choquard des Alpes (Pyrrhocorax Alpinus).. 147 15° FAMILLE... Oriolidées (Oriolidæ)....................... 153 GENRE XXIX.:. Loriot (Onmolus) ir TAROT RO E RC CCE COTE 154 Loriot d'Europe (Oriolus Galbula)........... 154 16° FAMILLE. .Sturnusidées (Siurnusidæ)............. APR Genre XXX..:Rtournean (SUMMAUS Ce IR ONE 163 Étourneau vulgaire (Sturnus Vulgaris)...... 164 Note sur le Martin Roselin (Pastor Roseus).. 174 < TABLE DES MATIÈRES. 497 Pages IHFAMIELE .-Cinclusidées (Cinclusidæ).................. 175 CENROr -OimelentCanclus) ie. ie ue. ue. LT Cinecle Plongeur (Cinclus Aquaticus)........ 178 18- FAMILLE..Turdusidées (Turdusidæ)................... 184 GENRE Merle (Tandis). Hd, 2e. 187 LrSérone ee Sylmienles (Suylbicolæ)...........1.:..0.4."1 188 Grive Draine (Turdus Viscivorus)........... 189 Grive Litorne (Turdus Pailaris).............. 194 Grive de Vignes ou Chanteuse (Turdus Mu- SUCRES AC le PR a ne lnlalete ete ee aispdie à nie ee ee 198 Grive Mauvis (Turdus Iliacus).............. 205 Merle à Plastron (Turdus Torquatus)....... 210 Merle Noir (Turdus Merula)................ 217 De S'echtomi.- Rupicoles (Ruwpicolp uen. à. 224 Merle Bleu (Turdus Cyaneus)............... 225 Merle de Roche (Turdus Saæxatilis) ......... 231 TO FAMIEER".-Saucoldées (Saxicolhid;e).-..........%0. 2. 236 GENRE XXE Traquen(S amie ole) ee OR En. ie 238 Note sur le Traquet Rieur (Saxicola Ca- RC CON SE SPORE NOR EC 239 Traquet Motteux (Saxicola Œnanthe)....... 240 Traquet Stapazin (Saæicola Stapazina)...... 248 Traquet Oreillard (Saxicola Aurita)......... 252 Traquet Tarier (Saxicola Rubetra).......... 254 _ Traquet Rubicole (Saæicola Rubicola)....... 264 JO FAMILLE. .Sylriadées,(Suyluigdæ).............11,..... 271 GENRE XX XIV Accenteur (Accentan. set se ms Rs seen 9273 GENRE XXXV.. Accenteur des Alpes (Accentor Alpinus).. .. 274 Accenteur Mouchet (Accentor Modularis)... 283 Rubibtet Ruelle... ue) ee 289 Rubiette Rouge-Gorge (Ruticilla Rubecula) . 291 32 498 Note sur la Rubiette Philomèle (Ruticilla GENRE XXXVI. GENRE XXX VII. TABLE DES MATIÈRES. Rubiette Gorge-Bleue (Ruticilla Cyanecula). Rubiette Suédoise (Ruthailla Suecica)........ Rubiette Rouge-Queue (Ruticilla Tithys).... Rubiette Caire(Ruticilla Cairu)............. Rubiette Phénicure (Ruticilla Phœnicurus)... Rubiette Rossignol (Ruticilla Luscinia)...... Phalomeld) FAP RRETERAEMER EL LEE Fauvemte (Suite) ER eNE RP RERRE Re 2Ee Fauvette Orphée (SylwiatOrpheu} Fauvette à Tète Noire (Sylvia Atricapilla)... Fauvette des Jardins {Svylvia Hortensis)..... Fauvette Grisette (Sylvia Cinerea) ._s....... Fauvette Babillarde (Sylria C'urruca) Fauvette à Lunettes (Srluia C'onspicillata)... Fauvette Passerinette (Sylvia Passerina).... 382 Fauvette Polyglotte (Sylvia Polyglotta).... 388 Fauvette Ictérine (Sylvia Icterina)........ ROUE Rousserolle (Calamoherpe)................. 397 Rousserolle Turdoide (Calamoherpe Turdoi- Rousserolle des Marais (C'alamoherpe Palus- POS) AMEL re ANSE ERREUR LERPERRE 403 Rousserolle des Roseaux (Calamoherpe Arun- RACLETTE es anse ER TERRE 409 Rousserolle Locustelle (C'alamoherpe Locus- tele LS er NE Es. EL. CCC EEEE A14 Rousserolle Aquatique (C'alamoherpe Aqua- WC) és Me Fe à NP RE DC ER 418 Rousserolle Phragmite (Calamoherpe Phrag- inilis) Mu 0 TABLE DES MATIÈRES 499 À Pages GENRE XX XVIII. Pouillot (Phyllopneuste)................... 426 Pouillot Sylvicole (Phyllopneuste Sylvicola).. 421 Pouillot Véloce (Phyllopneuste Rufa)....... 432 Pouillot Fitis (Phyllopneuste Trochilus)...... 437 Pouillot Natterer (phyllopneuste N'attereru).. 441 GENRE XXXIX.Roitelet (Regulus)......... SRE Dre 445 Roitelet Huppé (Regulus Crislatus).......... A47 Roitelet Triple-Bandeau (Regulus Ignicapil- DS) ARRET ASE EN A ANR PAT +: 453 ChENREX IE Mroslodyte Hioqglodutes) ete eee 456 Troglodyte d'Europe (Troglodytes Europæus). 457 OTARAMERMEE"" Upupidées (Upupidæ). 4." UT 464 GENRE XLI..... ÉD Der CT DUO) Mans VAR teens ee rare 466 HOUPheÆUPUuU(ULUpAarE Dos) 466 92e FAMILLE. .Certhiadées (Certhiadæ).................... 476 CENREAN PE M Grimpereaut(C'en ha) eee Re 2. 477 Grimpereau familier (Certhia Familiaris).... 478 Grimpereau Costa (Certhia Costæ). ........ 485 FIN DE LA TABLE DU TOME II. Paris.—Imprimerie Bonaventure et Ducessois, 55, quai des Augustins.